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Audition des mémoires sur le projet de loi no 1
:
Charte de la langue française au
Québec
(Dix heures dix minutes)
Le Président (M. Cardinal: A l'ordre, madame et
messieurs!
Je demanderais aux députés de regagner leurs fauteuils
pour que nous puissions commencer.
C'est une nouvelle séance de la commission de l'éducation,
des affaires culturelles et des communications pour étudier le projet de
loi 1 après la première lecture. Je fais l'appel des membres et
on voudra bien m'indiquer les modifications. MM. Alfred (Papineau), Bertrand
(Vanier), Bisaillon (Sainte-Marie) remplacé par Charbonneau
(Verchères); Chevrette (Joliette-Montcalm), Ciaccia (Mont-Royal), de
Bellefeuille (Deux-Montagnes), Dussault (Châteauguay), Godin (Mercier),
Grenier (Mégantic-Compton), Guay (Taschereau), Lalonde
(Marguerite-Bourgeoys), Laplante (Bourassa), Laurin (Bourget), Mme Lavoie-Roux
(L'Acadie), MM. Le Moignan (Gaspé), Paquette (Rosemont), Roy
(Beauce-Sud), Saint-Germain (Jacques-Cartier), Samson (Rouyn-Noranda).
Quant à l'ordre du jour, je voudrais souligner qu'il y a des
problèmes. Nous n'avons pas terminé hier soir ce qui avait
été prévu pour la journée. Il y a eu convocation
d'un bon nombre d'organismes et j'ai reçu avis, de la part de
l'Opposition officielle, qu'il y aurait ce soir des motions qui seraient
présentées devant la commission. C'est pourquoi je vais faire
l'appel de ceux qui devraient comparaître devant nous en leur indiquant
tout de suite qu'il faudra quand même s'en tenir aux contraintes que nous
imposent les travaux de l'Assemblée nationale. D'autre part, selon une
entente entre les leaders parlementaires, nous allons siéger uniquement
jusqu'à midi et, comme c'est mercredi, je devrai suspendre les travaux
d'office pour cette raison, c'est-à-dire qu'il y a entente pour
permettre aux divers partis de se réunir et aussi à la suite de
directives que j'ai déjà rendues.
Nous reprendrons après les affaires courantes de
l'Assemblée nationale et le mercredi, habituellement, c'est un peu plus
long que d'habitude, c'est la journée des députés;
ça veut dire certainement après 16 heures. Il y aura ajournement
ou suspension à 18 heures, les travaux reprendront à 20 heures
jusqu'à 23 heures.
Voici nos invités: Conseil des hommes d'affaires
québécois; vous êtes ici? Merci. Mémoire no 4.
Barreau du Québec? Merci; mémoire no 31. Protestant School Board
of Greater Montreal? Merci; mémoire no 23. Bourse de Montréal?
Merci. Mémoire 243. Fédération des groupes ethniques du
Québec Inc.? Merci. Confédération des syndicats nationaux?
Merci. Mémoire 37. Provincial Associa- tion of Protestant Teachers?
Merci. Mémoire 176. Association québécoise des professeurs
de français? Merci. Mémoire 150.
Je souhaite bonne chance à tout le monde et j'appelle
immédiatement les premiers invités, le Conseil des hommes
d'affaires québécois, Me André-J. Bélanger,
mémoire no 4.
Me Bélanger, vous n'êtes pas obligé d'identifier
votre groupe, ni de vous identifier, vous l'avez déjà fait hier
soir. Vous savez que vous avez vingt minutes pour présenter votre
mémoire, à la suite de quoi les députés ont 70
minutes pour vous interroger.
M. Fox (Marcel): Puis-je invoquer une question de
privilège?
Le Président (M. Cardinal): Non, monsieur, c'est
impossible, pour deux raisons: la première raison, c'est qu'en vertu
d'une décision rendue le 8 mars 1976, il n'y a pas de question de
privilège en commission parlementaire. La deuxième raison, c'est
que vous n'êtes pas encore devant la commission. Je regrette, mais...
Oui, M. le député de Verchères.
M. Charbonneau: J'ai cru comprendre qu'il y aurait plusieurs
mémoires aujourd'hui. Il y a plusieurs groupes qui sont ici. Est-ce
qu'on ne pourrait pas permettre à ce monsieur de nous demander si... Il
a peut-être un problème, on pourrait peut-être le
régler. Je pense que ce serait assez malheureux de faire attendre des
gens et de les indisposer aujourd'hui, avec le nombre de mémoires et
l'attitude de l'Opposition officielle qui veut nous...
Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le
député de Verchères, si la commission m'accorde un
consentement unanime, j'entendrai M. Fox immédiatement. Est-ce que ce
consentement est accordé?
M. Ciaccia: Consentement accordé, M. le Président.
Vous avez énuméré à peu près sept ou huit
mémoires. La Fédération des groupes ethniques a
été convoquée, mais je crois que cela a été
annulé également.
Le Président (M. Cardinal): Oui. M. Ciaccia: Alors,
c'est cela qui...
Le Président (M. Cardinal): Justement, il y a ce matin une
ambigîiité. Remarquez qu'avec le consentement de la commission, on
peut permettre à M. Fox de s'expliquer devant nous.
Vous vous rappelez qu'hier soir, j'ai reçu cet avis du
député de Marguerite-Bourgeoys. Nous avons tenté, au
niveau du secrétariat de la commission, de rejoindre les groupes qui
étaient déjà convoqués en vertu de l'avis de sept
jours. Il
s'est avéré que, malgré les
télégrammes qui ont été émis, des groupes se
sont présentés quand même. Mais des
télégrammes avaient été envoyés. Je donne
cette explication additionnelle.
M. Fox, si vous voulez vous approcher d'un micro, s'il vous plaît,
nous pourrons vous entendre.
M. Fox: La question que j'aimerais poser, c'est pourquoi l'ordre
de présentation a été changé pour nous alors qu'il
a été maintenu pour le Conseil des hommes d'affaires
québécois. Nous étions en... hier nous devions venir
après le Conseil des hommes d'affaires québécois, donc, il
serait logique qu'aujourd'hui nous suivions le Conseil des hommes d'affaires
québécois et nous avons été placés
après le Barreau. C'est la question que j'aimerais poser.
Le Président (M. Cardinal): Remarquez que,
personnellement, je n'aurais pas d'objection et que cet ordre qui a
été établi m'a été indiqué, hier, en
fin de soirée, après que nous avons appris que le Conseil des
hommes d'affaires québécois ne pouvait pas présenter son
mémoire, sans quoi l'ordre aurait été différent...
Il n'y a aucune raison pour laquelle vous avez été placés
à cet endroit, sinon que l'on me l'a indiqué sur une liste. Ce
n'est même pas une décision de la présidence. Je vais
demander à la commission quelle est son attitude. Je sais, quand
même, je le dis, que chacun des groupes qui sont ici aujourd'hui, du
moins pour ce matin, m'a prévenu qu'il voulait être entendu
à 10 heures. J'ai déjà indiqué que,
malheureusement, il n'y avait pas de rendez-vous à une commission
parlementaire pas plus que devant un tribunal. Messieurs du Barreau savent que
les convocations se font aussi à la cour à 10 heures du matin,
même s'il y a remise.
Je donne la parole au ministre d'Etat au développement culturel
et nous allons régler cette question immédiatement avant de
continuer.
M. Laurin: Oui, étant donné qu'on veut entendre le
PSBGM après le Conseil des hommes d'affaires québécois, je
pense qu'on devrait reprendre l'ordre qui avait été
indiqué hier.
Le Président (M. Cardinal): Je sais que,
évidemment, le Barreau ne sera pas heureux et je demande l'avis de la
commission.
M. Lalonde: M. le Président, non seulement c'est une chose
difficile de faire indiquer les préférences, je pense qu'on
voudrait entendre tout le monde en même temps, il y a quand même,
dans la question de M. Fox, une pertinence inéluctable, c'est pourquoi
l'ordre avait été changé, la question a été
posée, la réponse est donnée et on compte... on veut
revenir à l'ordre qui a été établi avant, je pense
que cela serait tout à fait logique et simplement poli à
l'égard de ces gens.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Si vous me
permettez, c'est volontairement que j'ai fait l'appel des invités ce
matin. Je n'avais pas recommencé ceci depuis plusieurs jours et suite
à la décision de la commission, l'ordre de présentation
des mémoires sera le suivant: Le Conseil des hommes d'affaires
québécois, le Protestant School Board of Greater Montreal, le
Barreau du Québec, Bourse de Montréal, etc.
M. Fox: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je voudrais quand même poser une question
à ce stade-ci étant donné qu'il est passé 10 h 15
et que la moyenne du temps qui a été pris pour chacune des
interventions, c'est au moins 1 h 30. Je n'ai pas de statistiques, mais...
Le Président (M. Cardinal): Cela dépasse 1 h
30.
M. Lalonde: En moyenne, sûrement. Qu'on ajourne à
midi, qu'on reprenne vous l'avez indiqué vous-même
sûrement après 16 heures, la période des questions
étant de 45 minutes maintenant, et le mercredi, c'est la journée
des députés et qu'on ajourne à 18 heures. Ce soir, il va
sûrement y avoir des motions, je ne sais pas combien de temps cela va
prendre, c'est comme je vous ai dit hier. On a déjà des
invités, je ne sais pas combien, cinq, six ou sept...
Le Président (M. Cardinal): Un, deux, trois, quatre, cinq,
six, sept, huit.
M. Lalonde: Huit. Alors, le minimum de politesse à leur
égard, ce serait d'indiquer, de façon assez claire, à
quelques-uns d'entre eux, que c'est impossible qu'ils passent aujourd'hui.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le
député de Marguerite-Bourgeoys, vous comprendrez que comme
président, je ne puis préjuger du temps qu'emploiera un organisme
ou du temps qu'utiliseront les députés. Je ne puis non plus
préjuger du temps que le parti de l'Opposition officielle utilisera pour
des motions, vous-même l'avez indiqué. Ce que je vais faire quand
même je prends votre intervention comme suggestion c'est
qu'à l'ajournement de midi, je verrai à ce que le
secrétariat de la commission ou le cabinet du ministre indique aux
personnes convoquées qu'il sera impossible de les entendre aujourd'hui.
Vous êtes d'accord?
M. Lalonde: Cela me va. Maintenant, si cela vous prend un
consentement, j'invite le gouvernement aussi à concourir dans le
même...
Le Président (M. Cardinal): Je verrai à midi.
Merci. Alors, Me Bélanger, vous avez la parole pour 20 minutes, à
10 h 20.
Conseil des hommes d'affaires
québécois
M. Charbonneau (André): M. le Président, je
voudrais d'abord vous annoncer que Me Bélanger,
président du Conseil des hommes d'affaires
québécois, a été dans l'impossibilité de se
présenter ce matin. Je vais faire lecture d'une lettre qui vous est
adressée. "M. le Président, il m'a été impossible
de me libérer des obligations professionnelles que je dois assumer
aujourd'hui et je ne pourrai, en conséquence, être présent
à la commission parlementaire. Je vous prierai de m'excuser
auprès des membres de la commission. J'autorise cependant M.
André Charbonneau (moi-même) à me remplacer à la
direction de la délégation du conseil. Il sera assisté de
MM. André Auclair, à ma droite, et Richard Wingender. Veuillez
agréer, M. le Président, l'expression de mes sentiments les
meilleurs, André J. Bélanger, président du Conseil des
hommes d'affaires québécois.
Le Président (M. Cardinal): Merci. Cela rétablit
les faits qui n'étaient pas encore connus par la commission. Maintenant,
à 10 h 22, vous pouvez commencer.
M. Charbonneau (André): Maintenant, M. le
Président, j'aimerais vous présenter le Conseil des hommes
d'affaires québécois afin de prévenir des questions en ce
sens.
Le Président (M. Cardinal): D'accord.
M. Charbonneau (André): Le Conseil des hommes d'affaires
québécois est une association groupant plus de 600 hommes
d'affaires des diverses régions du Québec et appartenant à
la petite et moyenne entreprise, cette petite et moyenne entreprise, cette PME,
de qui les organismes se réclament de plus en plus, parce qu'il s'agit
là d'entreprises qui nous appartiennent, au Québec, et que c'est
par elles que nous pourrons intervenir pour reprendre nos affaires en main.
Au nombre de 118 000, ce qui n'est pas un facteur négligeable,
elles emploient 53% de la main-d'oeuvre du Québec et contribuent
à plus de 50% du produit national brut du Québec.
De 1961 à 1971, pour donner un exemple de l'importance de ces
petites et moyennes entreprises, elles furent le siège de 98% de
l'augmentation des emplois dans le secteur manufacturier au Québec.
C'est donc au nom du Conseil des hommes d'affaires québécois et
de 600 membres qui appartiennent à la PME que nous vous adressons ce
mémoire.
Nous avons l'intention de procéder de la façon suivante:
M. Auclair introduira le sujet en faisant lecture de l'introduction du
mémoire qui vous a été soumis, dont nous demandons, M. le
Président, que l'ensemble soit porté au journal des Débats
et, d'autre part, nous interviendrons hors texte pour donner des explications
et, par la suite, répondre aux questions, ainsi que proposer certains
amendements à des articles de la loi.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Votre mémoire
sera déposé en annexe au journal des Débats et tout ce qui
sera dit à cette commission sera évidemment confiné au
journal.
M. Charbonneau (André): Je vous remercie, M. le
Président, et je cède la parole à M. André
Auclair.
M. Auclair (André): M. le Président, le Conseil des
hommes d'affaires québécois, qui regroupe des gens d'affaires,
des chefs d'entreprises et des professionnels oeuvrant dans ce monde des
affaires et de l'entreprise du Québec, tient à souligner, et de
façon solennelle, son appui le plus entier à ce projet historique
de la loi 1, concernant la langue française au Québec.
Déjà, en juin 1974, lors de la tenue de la commission
parlementaire au sujet de la loi 22, nous proposions que le Québec
devienne unilin-gue français.
Après avoir analysé l'aberration de l'ensemble de la
situation linguistique impartie à la majorité des citoyens du
Québec par une sorte de distorsion engendrée par le chevauchement
de deux langues, ce qui amène fatalement l'assimilation de l'une par
l'autre, nous avions établi les points suivants: -le mythe du
bilinguisme; jamais un peuple n'a pu, dans son ensemble, parler deux langues;
-l'intégration des "nôtres" dans les entreprises des "autres";
-persistance voire accélération de la relation colonisé
colonisateur; -le colonisé allant même jusqu'à copier et
à admirer son colonisateur; -drainage des nôtres vers
l'école anglaise; -asservissement de notre économie par
l'aliénation des nôtres, leur absence dans les centres de
décisions économiques, leur mimétisme en affaires
engendré par la perte de leur génie créateur
fonctionnant à l'anglaise, ils en viennent à n'être que les
vassaux des autres; -"succursalisation" des entreprises
québécoises.
Et en conclusion, nous établissions:
Voilà pourquoi le Conseil des hommes d'affaires
québécois Inc. c'était en 1974 souhaite dans
les plus brefs délais une vigoureuse législation
décrétant le français seule langue officielle du peuple
québécois, seule langue d'enseignement et seule langue de
travail. Mais, préalablement et pour que cette législation prenne
tout son sens, c'est l'abrogation pure et simple de l'article 133 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique que le gouvernement devra
réclamer.
Depuis lors, à l'occasion de nos congrès nationaux,
à l'occasion de diverses autres manifestations (colloques,
conférences de presse, etc.,), nous avons toujours soutenu cette
position.
Voilà pourquoi, en tenant compte de la réalité
politique d'aujourd'hui, nous reconnaissons que le projet de loi no 1,
même s'il ne semble pas aller aussi loin que nous pouvions le souhaiter,
traduit dans son ensemble une volonté politique bien
arrêtée de faire du Québec un Etat français.
Cette charte de la langue française atteste une fois pour toutes
l'essence et la nature de notre au-thentiGité nationale en confirmant
que la langue est non seulement un moyen de communication,
non seulement une manifestation culturelle, mais qu'elle est un bien et
un lien collectifs et qu'elle est véritablement l'âme de la
nation.
Enfin notre peuple sait qui il est et sait qu'il est: il se dit, il se
nomme.
Il pourrait surprendre que des gens dont la quotidienneté
consiste à faire du négoce ou à conseiller ceux qui en
font, ne se contentent pas d'appuyer cette Charte de la langue française
simplement par le biais économique.
Nous considérons, au contraire, que le domaine culturel, que le
domaine social, que le domaine économique sont étroitement
interreliés, mais qu'ils ne pourront connaître leur pleine et
entière dimension que lorsque nous assumerons notre pleine et
entière souveraineté politique.
De plus, nous considérons que l'adoption de la loi 1 demeure la
première étape et la plus significative dans l'accession de notre
peuple à son devenir économique.
Nous nous rendons bien compte, en effet, que la "minorisation" de notre
langue, surtout dans le monde des affaires et de l'entreprise, véhicule
le processus d'assimilation et nous condamne à être presque des
étrangers dans notre propre pays du Québec.
Ce même processus d'assimilation "inféoda-lise" notre
économie et accélère notre vassalité et notre
appartenance à des étrangers, à des "ailleurs".
Il s'ensuit une dichotomie de notre être propre qui
elle-même engendre une stérilisation de notre génie
créateur.
Nous sommes un organisme qui regroupe, dans toutes les régions du
Québec, des gens d'affaires bien enracinés dans leur appartenance
d'ici et qui sont désireux de contribuer à favoriser et à
promouvoir un développement économique qui soit d'abord issu de
"l'intérieur", et d'abord à l'avantage des nôtres. Nous
croyons cependant que ce développement économique ne saurait se
réaliser pleinement sans que d'abord ne soit proclamée la Charte
de la langue française au Québec qui consacre enfin, après
217 années, notre véritable authenticité.
Car une nation pas plus qu'un individu ne saurait être
continuellement fragmentée. Il s'agit de l'unicité de
l'être.
C'est donc dire que la langue de travail, la langue de l'enseignement,
la langue de l'affichage (publicité sous toutes ses formes, indications
routières, etc.) sont en constantes interrelations et doivent donc
être exprimées en français. Et être fragmenté,
c'est aussi laisser durer dans le monde du travail, surtout de la grande
entreprise ou de la technologie avancée, cette obligation de fonctionner
en algnais ou d'être continuellement écartelé entre une
langue, celle du soir et des activités sociales, et une autre, celle du
jour et du succès en affaires.
Une telle situation a engendré chez nous un homme d'affaires
quelque peu hybride, qui n'est ni anglais ni français, et qui,
forcément, demeure beaucoup plus près de parler la langue des
"ail- leurs" et à défendre leurs intérêts.
LaFontaine l'aurait caricaturé ainsi: "Un paon muait; "Un geai prit son
plumage".
Plus encore, cette tendance, si elle ne devait être
renversée, contribuerait et cette fois, avec une force
décuplée et une rapidité accélérée,
à détruire et à tout jamais notre génie
créateur et inventif. Dans le maintenant, notre gouvernement doit faire
adopter cette loi dans son entier et consacrer ainsi le fait de notre
maturité.
Ce sera aussi un signe d'espérance pour tous et chacun des
habitants de ce pays du Québec et dans tous les champs d'activité
où il se retrouve et notamment dans le monde du travail, des affaires,
des entreprises.
M. Charbonneau (André): On nous a souvent reproché
nos positions sur la langue en prétendant que les affaires se font en
anglais en Amérique et que, de toute manière, il ne s'agit pas
là de préoccupations d'hommes d'affaires. Nous prétendons
le contraire. En effet, tous acceptent le fait que les Québécois
francophones sont dominés économiquement et cette domination ou
cette colonisation, c'est une exploitation socio-économique qui implique
automatiquement une contrepartie culturelle. L'homme dominé veut
ressembler à son dominant et tente de l'imiter. Il tente de s'assimiler
au groupe dominant et d'adhérer à sa culture.
C'est un modèle bien connu. De là la
nécessité d'une intervention énergique de l'Etat sur les
trois plans d'activité de la population:
Sur le plan de la culture, afin de nous libérer de nos complexes
de colonisés, en favorisant une production culturelle originale et
authentiquement québécoise; dans ce sens, la loi 1 est une
intervention fondamentale;
Sur le plan social, de façon à assurer la participation de
tous les groupes de notre société dans l'élaboration de la
société québécoise de demain et le sommet
économique était un effort dans ce sens;
Sur le plan économique enfin, pour nous assurer une participation
de plus en plus importante à la gestion de nos propres affaires,
l'intervention optimale étant le rapatriement de tous les outils
d'orientation du développement économique, y compris les
politiques monétaires et fiscales.
En résumé, pour nous, la politique, l'économique,
le social et le culturel sont étroitement liés. Voilà
pourquoi la charte de la langue est un élément si essentiel de
notre devenir collectif. Nous notons cependant que, dans le contexte actuel, ce
projet de loi demeure malheureusement incomplet. Il est sans effet sur la
fonction publique fédérale et sur toutes les corporations
publiques et pa-rapubliques fédérales, ainsi que sur les
entreprises dites d'intérêt national, tel Bell Canada, par
exemple.
Seul le plein contenu de notre souveraineté pourra régler
ce problème. Avant de traiter des points particuliers des amendements
que nous
demandons à la loi, avant que cet objectif de la
souveraineté soit atteint, nous demandons cependant au gouvernement de
lutter pour le rapatriement de tous nos pouvoirs en matière de
communication, car les media demeurent actuellement le véhicule par
excellence de la langue et de la culture des autres en Amérique. M.
Wingender.
M. Wingender (Richard): Les amendements suggérés
par le Conseil des hommes d'affaires québécois sont de deux
ordres. Les premiers sont suggérés pour des motifs de forme et
ils touchent plus particulièrement les articles 2, 3, 12, 13, 26, 33,
39, 41, 44 et 45. Pour ces motifs de forme, nous nous étonnons de
retrouver dans le chapitre II relatif aux droits fondamentaux, ainsi que dans
les règles générales réparties dans les autres
chapitres du projet de loi, une phraséologie qui, à notre avis,
détermine, pour les Québécois francophones, un rôle
qui n'est pas nouveau, de quémandeurs, de revendicateurs, une
phraséologie qui semble créer le droit de réclamer des
institutions et des entreprises qu'elles communiquent avec eux dans leur
langue.
Pourquoi affirmer dans cette charte l'existence du droit d'être
enfin respectés en matière linguistique, alors qu'en pratique, ce
droit a toujours existé sur le plan historique et que ce droit a
toujours existé, de manière implicite, sur le plan juridique et
constitutionnel?
C'est plutôt de l'exercice de ce droit que les
Québécois se sont vus empêchés, à cause de
contraintes coloniales qui nous ont tenus dans un état d'asservissement
plus ou moins subtil à des valeurs et à une langue qui nous ont
toujours été étrangères. Il nous apparaît
normal que l'on rétablisse l'exercice du droit de se voir communiquer en
français, non pas en aspergeant de permissions ceux qui subissent ces
contraintes, mais en imposant avec souplesse des règles adéquates
aux intéressés.
Par exemple, l'article 2 devrait se lire comme suit: L'administration,
les services de santé et les services sociaux, les entreprises
d'utilité publique, les ordres professionnels, les associations de
salariés et les diverses entreprises exerçant au Québec,
doivent communiquer en français, avec les résidants du
Québec. De même, l'article 26: Les services de santé, les
services sociaux et les entreprises d'utilité publique doivent
émettre, dans la langue officielle les avis, communications, formulaires
et imprimés destinés au public. Le présent article
s'applique également aux titres de transport. De même
également, l'article 41, qui devrait se lire comme suit: Les
consommateurs doivent être informés en français dans tous
les cas suivants: Désignation des biens et services, offres,
présentations, publicité écrite ou parlée, modes
d'emplois, étendues et conditions de garanties. Les mêmes
dispositions s'appliquent aux catalogues, dépliants et brochures, aux
étiquettes et inscriptions de caractère permanent, ainsi
qu'à tout texte accompagnant les biens offerts au public, le
troisième paragraphe se lisant toujours de la même
façon.
Ainsi, ces amendements, pour des motifs de forme, devraient s'appliquer
aux articles que je vous ai cités au tout début,
c'est-à-dire envisager, de façon active, l'exercice d'un droit,
en imposant avec souplesse et non mollesse, les règles que devront
suivre les institutions et les entreprises.
Quant aux autres amendements, il y a l'article 3 qui devrait se lire
comme suit: "Toute assemblée délibérante doit se
dérouler en français au Québec."
L'article 10 devrait être rayé parce qu'il
entraînerait, à notre avis, des coûts inutiles et
peut-être, de façon transitoire, pourrait-on permettre à
ceux qui désirent des traductions anglaises de ces textes d'en
défrayer le coût.
Nous sommes d'accord avec l'article 11, car il nous apparaît
normal de s'adresser aux tribunaux en français dans un pays
français. C'est la même chose dans toutes les autres provinces du
Canada: on s'adresse aux tribunaux en anglais.
L'article 12 devrait je me reporte aux motifs de forme se
lire de la façon suivante: "Les citations, sommations, mises en demeure
et assignations décernées par les tribunaux et les organismes
exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires, ou
expédiées par les avocats exerçant devant eux, doivent
être rédigées en français."
L'article 13, de la même façon: "Les jugements rendus au
Québec par les tribunaux et les organismes exerçant des fonctions
judiciaires ou quasi judiciaires doivent être rédigés en
français." Quant au reste du paragraphe de l'article 13, il devrait se
lire comme suit: "Dans le cas de l'application de l'exception prévue
à l'article 11, une version anglaise pourra accompagner le texte
français aux frais de celui qui la requiert."
On devrait ajouter, à la fin de l'article 23, les mots suivants:
"et doivent se conformer aux articles 3, et 14 à 22 de la charte".
L'article 33 devrait subir une modification par l'ajout d'un
deuxième paragraphe qui devrait se lire comme suit: "Toute entreprise de
plus de cinquante employés doit communiquer en français avec ses
salariés."
A l'article 35, nous suggérons de rayer: "ou être
accompagnée d'une version française dûment
anthentifiée", en ajoutant "une version anglaise peut être obtenue
aux frais de celui qui la requiert."
Le Président (M. Dussault): M. le témoin, en vertu
de nos règles de fonctionnement, je dois vous prévenir que je
vous laisse quelques secondes pour conclure.
M. Charbonneau (André): M. le Président, nous
allons interrompre la lecture des modifications que nous suggérons pour
certains articles. Permettez-moi, cependant, d'ajouter une chose qui nous
apparaît très fondamentale. Le Conseil des hommes d'affaires
québécois, lors de sa comparution en 1974, en ce qui concerne
l'école et la langue d'enseignement, avait demandé, en substance,
que l'école publique anglophone soit abolie sur une période de
cinq ans, que pendant
une période de dix années successives à ces cinq
ans, les écoles privées anglophones soient subventionnées,
mais qu'après cette période de quinze ans, les écoles
privées anglophones soient aux frais des anglophones.
Nous sommes prêts à nous rallier aux articles 51 et 52 de
la présente loi, mais, à notre avis, il s'agit là d'une
concession ultime et nous ne croyons pas que les anglophones d'autres parties
du monde, que ce soit d'autres provinces du Canada ou d'autres pays
anglophones, puissent immigrer au Québec et bénéficier de
statuts particuliers que d'autres immigrants à d'autres endroits du
monde n'ont pas. C'est là-dessus que nous allons conclure et nous sommes
prêts à répondre à vos questions.
Le Président (M. Dussault): Messieurs, merci. M. le
ministre.
M. Laurin: Je veux d'abord remercier le Conseil des hommes
d'affaires québécois pour le mémoire très
intéressant qu'il nous a présenté. Je sais que les
représentants n'ont pas eu le temps de lire même la plus grande
partie de leur mémoire.
Je l'ai pourtant lu et relu et il contient des observations très
pertinentes qui seront versées, évidemment, au journal des
Débats, et que chacun pourra lire. Je regrette que le temps qui vous est
imparti ne vous ait pas permis de nous donner cet éclairage,
éclairage particulièrement judicieux, en ce sens qu'il nous
permettait de comprendre les raisons de la faiblesse économique que
d'aucuns déplorent de la majorité francophone au Québec.
Je pense que les explications que vous donnez dans votre texte, même si
elles peuvent être contestables sur certains points, sont très
intéressantes. Elles font apparaître, en tout cas, que cette
faiblesse économique n'est pas le fruit d'une génération
spontanée. Elles marquent en même temps que malgré cette
faiblesse, cette infériorité, il y a sans doute des moyens que la
majorité francophone, que le gouvernement du Québec sont en
mesure de prendre pour corriger ces causes majeures de notre faiblesse
actuelle.
Je suis également très reconnaissant de toutes les
suggestions que vous nous faites. Je pense qu'on aura l'occasion de les
discuter, une après l'autre. J'aimerais d'abord commencer par des
considérations générales. Vous vous présentez comme
un groupe d'hommes d'affaires, mais au premier abord, votre langage
étonne, car nos oreilles n'y sont pas habituées. C'est
sûrement le premier groupe d'hommes d'affaires qui appuie
inconditionnellement la Charte du français au Québec, et
même trouve qu'elle ne va pas assez loin. C'est tellement étonnant
que cela nous fait penser au canard noir ou au canard blanc qui se trouverait
dans une portée de couleur tout à fait différente.
M. Charbonneau (André): Nous souhaitons être le
blanc en l'occurrence, M. le Président.
M. Laurin: Evidemment, on pourra dire que votre témoignage
est peut-être moins puissant que celui des autres hommes d'affaires,
étant donné que les entreprises que vous représentez n'ont
pas la taille, la puissance, le capital-actions que l'on est accoutumé
de voir dans la majeure partie des associations ou groupes qui se sont
présentés à notre commission. On pourrait peut-être,
en vertu de cela, mettre en doute vos témoignages, comme
témoignant soit d'une connaissance insuffisante ou imparfaite du milieu
des affaires ou des affaires ou des contraintes qui sont les siennes, ou
encore, taxer votre association d'un esprit revendicateur, émotionnel,
partisan qui colore vos opinions, vos conceptions et qui les rend à
caution, oubliant sans doute, par le fait même, que d'autres positions de
supériorité peuvent également colorer les vues et les
conceptions des opinions de ceux qui les énoncent.
Ma première question serait donc justement celle-là. Etant
donné le type d'hommes d'affaires que vous représentez, est-ce
qu'on peut dire que votre conception, vos opinions sont indûment
colorées par le secteur particulier de l'économie dans lequel
vous oeuvrez? Jusqu'à quel point peut-on considérer vos vues
comme objectives, comme impartiales, comme lucides, raisonnables, en
l'occurrence dans les jugements que vous portez, soit sur la nature de notre
situation économique, soit sur les faiblesses que vous y constatez, soit
sur les remèdes que vous suggérez?
M. Charbonneau (André): Si vous me permettez de
répondre maintenant à cette question, je pense qu'il est normal
que notre langage étonne, puisque nous partons d'une conception de la
société québécoise qui est très
différente de celle, par exemple, du Conseil du patronat ou de la
Chambre de commerce.
Si on veut nous taxer d'émotivité, il faudrait alors
trouver une expression plus puissante pour le mémoire qui a
été déposé par la Chambre de commerce, qui vous
prédit un cataclysme de $1 milliard de perte de revenus, de 30 000
emplois qui disparaîtront, étude qui repose sur des demandes
formulées auprès des sièges sociaux d'entreprises
anglophones et qu'on a extrapolées tout en disant bien Marcel
Côté se faisant le porte-parole de ces corps qu'il s'agit
là de chiffres qu'on croit être bons, qui sont des conceptions
personnelles.
Nous pensons que, ne prévoyant aucun cataclysme du genre, notre
émotivité ne saurait être mise en cause. D'autre part, en
ce qui concerne les entreprises que nous représentons, il faut
comprendre que la PME implique, tel que le gouvernement l'a définie dans
son projet de réglementation qui permettra d'aider ces entreprises, des
entreprises qui vont jusqu'à 200 employés, qui ont un chiffre
d'affaires ou un avoir-net qui va jusqu'à $7,5 millions. Je cite de
mémoire.
Donc, il s'agit là d'entreprises qui jouent un rôle
extrêmement important et, comme je l'ai dit tout à l'heure dans
mon introduction, extrêmement vivant dans l'économie
québécoise: 53% de la main-d'oeuvre, 50% du produit national brut
du Québec. C'est beaucoup plus important que ce
que toute entreprise privée pourra venir établir ici comme
chiffres devant cette assemblée.
Bien entendu, nous ne pouvons prétendre parler au nom de toutes
ces 118 000 PME au Québec, mais nous pouvons prétendre parler au
nom de 600 d'entre elles. Les positions que nous avons soumises à cette
assemblée ont été acceptées, ont été
ratifiées en congrès, il y a de cela trois ans. Ces positions
sont demeurées stables depuis. Il ne s'agit pas d'improvisation
survenant à quelques mois de la présentation d'un mémoire
ici.
D'autre part, puisqu'on parle des autres groupes d'hommes d'affaires, si
on regarde le mémoire du Conseil du patronat et le mémoire de
certains autres organismes du type qui ont été
déposés ici, je suis surpris de voir qu'en principe, très
émotivement peut-être, on se prononce en faveur de la loi. Mais,
cependant, par la suite, on trouve l'occasion de n'accepter aucun des articles
pertinents de la loi, de parler de l'utilisation du mot
"Québécois" de manière raciste, ce que nous n'avons vu en
aucun endroit de la loi. Peut-être à l'article 112 devrait-on
ajouter, quand on parle d'un phénomène normal de revendication,
c'est-à-dire que les cadres francophones aient accès davantage
aux postes de commande dans les entreprises qui font affaires sur notre sol,
peut-être devrait-on dire "Québécois francophones". C'est
le seul endroit, à notre connaissance, où, peut-être le mot
"Québécois" est utilisé de façon moins
heureuse.
Si nous regardons encore le rapport du Conseil du patronat, on souligne
à cette assemblée toute une série de données que
nous pourrions interpréter continuellement en sens inverse du sens qui
est donné ici.
Hier, nous avons eu l'avantage d'entendre le dépôt de Bell
Canada, qui prévoit la nécessité, le danger du
départ des sièges sociaux, etc. A cela, nous répondons:
C'est un leurre. Il est possible. Il est possible, je dis bien, que des emplois
soient perdus au moment de l'application de la loi, si cette application se
faisait de façon intransigeante. Il est possible. Rien ne le prouve. Il
est possible. Cependant, le règlement qui a été
publié nous apparaît très sobre.
En aucun endroit, dans la loi on n'aménage des obligations qui
sont illogiques; on est même prêt à étendre le
délai d'application de l'objectif de 1983, par exemple, pour les
institutions anglophones.
Je pense qu'il faut accepter un fait. Les hommes d'affaires vont de plus
en plus penser en termes et c'est à leur profit du
Québec parce qu'il est bien visible que c'est notre patrimoine. Ce trou
économique se trouve au niveau de ces PME et c'est par elles que nous
reprendrons en main notre économie. 14% seulement entre 14% et
20% pour être précis de la valeur ajoutée, seulement
dans le secteur manufacturier, sont la contribution d'entreprises à
propriété francophone.
Dans le secteur minier, plus de 90% du contrôle des entreprises
échappe aux Québécois. Nous avons déjà
déposé d'autres mémoires au gouvernement concernant les
matières économiques. Par exemple, nous réclamons que le
gou- vernement intervienne, de façon précise, et selon les
suggestions formulées par le rapport Descô-teaux, par des mesures
incitatives, ce qui est commencé et on en félicite le
gouvernement, mais aussi par des mesures de développement sectoriel en
utilisant les entreprises d'Etat pour développer, créer de
l'emploi, créer des retombées économiques pour les PME
québécoises.
Nous avons aussi déposé un mémoire suggérant
des actions conjointes entre des PME et des entreprises d'Etat et
suggérant des actions conjointes entre des entreprises d'Etat et des
entreprises étrangères afin de pouvoir participer, obtenir ces
connaissances techniques qui sont actuellement nous l'admettons, tel que
le rapport Gray l'indique propriétés de multinationales
étrangères.
On soulevait ici la question des laboratoires de recherche. Je regrette,
mais, au Québec, les laboratoires de recherche sont rares. Il s'agit de
laboratoires d'application d'inventions obtenues d'ailleurs.
Le rapport Gray cite aussi cette lacune de l'économie canadienne
et québécoise. Quant aux laboratoires de recherche, le
gouvernement devrait, vraisemblablement, en subventionner davantage les
activités sur le sol québécois afin qu'on en arrive
finalement à de la recherche fondamentale plus importante sur le sol
québécois.
C'est ainsi que nous pouvons, quand c'est nécessaire, employer le
langage des affaires, mais, quand il s'agit de traiter d'une chose comme le
patrimoine culturel... Et nous avons exposé la nécessité
pour un peuple d'être maître de sa culture s'il veut être
capable d'une unité suffisante pour revendiquer ses libertés sur
le plan économique.
Je pense que tout cela forme un ensemble qui est évident et que
notre langage dans la circonstance est très sobre, s'appuie sur des
données claires et nous apparaît, si vous me permettez d'employer
l'expression, aussi objectif que tout autre langage qui a pu être tenu
devant cette assemblée.
M. Laurin: Plusieurs mémoires ont fait valoir les
arguments suivants: l'économie québécoise est
intégrée à l'économie canadienne et
nord-américaine, la langue nationale et internationale des affaires, du
commerce, de la science, de la technologie est l'anglais; les grandes
entreprises du Québec, qui appartiennent aux clubs des ligues majeures
alors que les PME appartiennent aux ligues mineures, sont celles qui
détiennent la clé des investissements, qui détiennent les
capitaux de risque qui sont nécessaires au dynamisme d'une
économie.
Etant donné ces arguments qu'on nous a présentés,
faut-il en conclure, comme ces mémoires en concluent, que le
gouvernement doit respecter le bilinguisme actuel, favoriser même une
bilingui-sation plus marquée que celle qui existe actuellement ou, au
contraire, faut-il quand même tenir à l'argument qui forme la base
du projet de loi, c'est-à-dire que la francisation, en raison même
de ces facteurs, doit non seulement être maintenue, mais progresser et
particulièrement dans le do-
maine des affaires à tous les niveaux de l'entreprise.
M. Charbonneau (André): M. le Président, nous
allons répondre à la question formulée par le
député de Bourget en deux étapes: premièrement,
ligue majeure et ligue mineure dans le domaine économique.
Il faut bien comprendre que les entreprises font de l'argent avec
l'argent des autres. Ainsi, cas célèbre, l'établissement
d'ITT sur la Côte-Nord s'est fait avec l'argent des
Québécois et des Canadiens, par le processus des subventions
gouvernementales, si bien que ITT-Rayonier n'a eu qu'à investir le fonds
de roulement pour commencer les opérations. Ligue majeure, ligue
mineure, est-ce en fonction des subventions obtenues par les entreprises?
D'autre part, de plus en plus, l'Etat joue un rôle fondamental dans
l'économie et je pense que les entreprises d'Etat opérant dans
les différents secteurs économiques, REXFOR, SOQUEM, SOQUIP et
tant d'autres, jouent un rôle fondamental et permettront de créer
des entreprises nationales, des entreprises québécoises, des
entreprises qui nous appartiennent, qui pourront concurrencer les entreprises
multinationales fortement étrangères. D'autre part, en ce qui
concerne le bilinguisme des opérations de ces entreprises, je vais
laisser M. Auclair vous répondre.
M. Auclair (André): M. le Président, lorsqu'en 1969
et 1970 la commission Gendron étudiait le problème de la langue
et de la bilinguisation qui nous était imposée au Québec,
on arrivait à analyser ce facteur de l'obligation de la traduction. On
disait, par exemple, que, pour un administrateur dans une entreprise, c'est
déjà tellement difficile d'exprimer à la table d'un
conseil d'administration, une idée clairement, de synthétiser sa
pensée, c'est déjà traduire sa pensée que de la
dire, d'être encore obligé de la traduire, cela créait une
lenteur, cette lenteur caractérisait nos administrateurs dans les
entreprises anglophones, dans les entreprises des autres, où ils
siégeaient souvent permettez l'expression comme des
"valets-services". La commission Gendron a pu prouver, par une étude
approfondie, que cette lenteur était due au processus de traduction.
Deuxièmement, la commission Gendron, par les études de
Charles Castonguay, disait que, dès que dans une agglomération
donnée, dans un groupe donné, il y a 4% d'anglophones, la force
d'attraction de l'anglais est tellement grande que ces 4% en gagnent
continuellement. Je n'ai pas besoin de préciser davantage.
Rappelons-nous chacune de nos expériences en famille, en
société, dans des petits groupes, dans des grands groupes.
J'accélère. Quand, vers 1962, les Québécois ont
décidé de nationaliser l'Hydro-Québec, on nous
prédisait des années de grande noirceur; pourtant,
l'Hydro-Québec, en 1977, d'après non pas nos propres
évaluations, mais des évaluations américaines, d'experts
en la matière, établit qu'elle est un modèle du genre.
Nous devions mettre l'Hydro-Québec en faillite parce qu'on la
nationalisait. Il y a autre chose que charrie la nationalisa- tion de
l'Hydro-Québec, c'est le fait que nos gens, nos spécialistes, nos
techniciens, qui étaient obligés de traduire jusque là,
ont commencé à créer en français et à
créer tout un vocabulaire qui est un modèle actuellement et qu'on
pourrait utiliser. Ceci prouve hors de tout doute que nous pouvons
libérer un génie créateur extraordinaire lorsque nous
fonctionnons à partir de ce que nous sommes. Nous prétendons
encore une fois que le compagnonnage "être et langage" est une seule et
même chose et qu'enfin on doit, dans le monde des affaires, arrêter
de nous obliger à traduire et à interpréter la
pensée des autres, mais interpréter la nôtre et
créer.
Ce processus de création va évidemment jouer
énormément au niveau économique.
M. Laurin: Donc, vous pensez que l'avenir peut être
différent de ce qu'a été le passé à
condition que certaines mesures et certaines attitudes soient établies
et encouragées.
M. Charbonneau (André): Nous croyons que c'est absolument
essentiel que certaines mesures et certaines législations soient
votées justement pour que l'avenir soit différent du
passé.
M. Laurin: Quant à vos recommandations
particulières, elles sont nombreuses et plusieurs débordent le
cadre de la présente loi, même si elles demeurent très
intéressantes pour d'autres ministères. Je ne voudrais
m'arrêter qu'à l'une d'elles qui m'apparaît la plus
importante de toutes, celle qui apparaît au no 10 de votre mémoire
écrit où vous suggérez d'inverser la phraséologie
de plusieurs articles. Vous dites que les articles dont vous faites mention
parlent de droit, mais n'imposent pas d'obligation.
Par exemple, vous dites que dans tous les articles de la charte
où le cas se présente, vous voudriez que le gouvernement inverse
la phraséologie aux articles 2, 26, 41, 12 et ainsi de suite, de
manière à imposer à tous ceux qui font affaires avec le
public québécois, l'obligation de traiter en français avec
les francophones plutôt que de reconnaître simplement, comme c'est
le cas à plusieurs articles, le droit des francophones à
être servis en français.
Evidemment, le sens d'une charte est un peu le même que celui des
déclarations de droit. Cela impose une obligation morale. C'est une
sorte de déclaration constitutionnelle, fondamentale et c'est
peut-être la raison pour laquelle le gouvernement a choisi cette
façon de présenter les choses. Mais je suis quand même
très sensible à l'argument que vous présentez, à
savoir que ceci peut nous exposer à certains risques ou à
certains dangers. Si je comprends bien, c'est la raison principale pour
laquelle vous nous suggérez d'inverser la phraséologie afin d'en
faire une obligation.
Ma question serait la suivante: Quels sont les risques que vous voyez
à maintenir la phraséologie actuelle du projet de loi et,
deuxièmement, à qui voudriez-vous faire une obligation?
Voudriez-vous la faire en général pour qu'elle s'applique
aux corps intéressés, pertinents, ou voudriez-vous la
faire à des groupes précis ou à des organismes
précis dans des secteurs précis?
M. Charbonneau (André): Voici. Tel que nous en avons
traité dans notre présentation verbale, nous avons
suggéré des amendements à dix articles concernant ce
sujet. Nous avons montré qu'il était possible de changer la forme
du passif à l'actif sans pourtant en arriver à des articles
intempestifs ou à des mesures qui puissent paraître celles d'une
conquête ou une d'une attitude revancharde, comme on a souvent
traité ce genre de revendications qui ont été faites
devant cette assemblée.
Nous croyons que l'ensemble des institutions et des entreprises du
Québec doivent s'adresser aux Québécois dans la langue de
la majorité et que ce soit normal. D'autre part, pour les articles qui
touchent des relations comme celles du patron avec son employé, nous
avons prévu des modalités. Par exemple, il est bien
évident qu'il serait futile de demander au patron d'une PME
constituée de six employés anglophones de traiter en
français avec ces personnes.
D'autre part, nous prévoyons, aussitôt qu'il s'agit d'une
entreprise de plus de 50 employés, qu'il appartient au patron de faire
ses communiqués officiels dans la langue française.
M. Wingender peut vous relire certains articles reformulés,
s'adressant particulièrement aux entreprises.
M. Wingender: Ainsi, à l'article 37, au chapitre sur la
langue du travail, le Conseil des hommes d'affaires québécois
manifeste son approbation à cet article, tel que formulé, car il
nous apparaît extrêmement important de laisser à l'employeur
le fardeau de prouver que la connaissance de l'autre langue est
nécessaire. Car, à notre avis, cela a été le motif
utilisé pour permettre très souvent aux patrons de s'adresser en
anglais à ses employés.
Toujours dans le même chapitre, à l'article 39, nous
pensons que cet article devrait se lire comme suit: Les associations de plus de
50 salariés doivent s'adresser à leurs membres dans la langue
officielle.
Pour passer au chapitre sur la langue du commerce et des affaires, nous
comprenons mal le troisième paragraphe de l'article 50 et c'est la
raison pour laquelle nous demandons qu'il soit carrément radié.
Nous comprenons mal le sens de cet article. M. le Président, si
quelqu'un de la commission pouvait nous éclairer sur la signification de
ce troisième paragraphe, nous serions prêt à l'entendre et
peut-être à donner notre opinion ensuite.
Pour continuer dans le chapitre de la langue du commerce et des
affaires, il y a évidemment l'article 41 que je citais au début
et qui devrait adopter cette phraséologie active. Il y a l'article 44
qui devrait, à notre avis, se lire comme suit, toujours pour des motifs
de forme: "Les contrats d'adhésion, les contrats aux figures des clauses
types imprimées, les formulaires de demande d'emploi, ainsi que les
documents s'y rattachant doivent être rédigés en
français".
Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse. Il est possible
que quelqu'un enregistre dans cette salle présentement. Je l'ai fait
avertir privément. Je l'avertis publiquement, que son appareil doit
être retiré de cette salle immédiatement. Veuillez
continuer, s'il vous plaît.
M. Wingender: Je continue. Je reprends l'article. "Les contrats
d'adhésion, les contrats aux figures des clauses types imprimées,
les formulaires de demande d'emploi ainsi que les documents s'y rattachant
doivent être rédigés en français. Toutefois, pour
les formulaires de demande d'emploi, du consentement des parties, ils pourront
être rédigés dans une autre langue".
Dans le cas de l'article 45, nous suggérons qu'il se lise de la
façon suivante: "Doivent être rédigés en
français, les bons de commande, factures, reçus et quittances
présentés à toute personne. Il en est de même pour
les menus et cartes des vins. Toutefois une traduction en une autre langue
pourra être ajoutée conditionnellement à ce que ce texte
n'y figure pas plus avantageusement que le texte français".
M. Charbonneau (André): Je pense qu'il ne s'agit pas
là d'articles que nous suggérons d'intégrer tels quels
dans la loi. Nous ne faisons qu'exposer une façon de voir afin de rendre
cette loi ou ces obligations plus actives, du côté de ceux qui ont
posé des contraintes dans le passé, plutôt que de garder
nos Québécois dans cette attitude mentale continuelle de
revendication.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Merci M. le Président. Je veux remercier le
Conseil des hommes d'affaires québécois de son mémoire qui
est très clair. Je pense qu'on ne peut pas le taxer
d'ambiguïté, même si on peut ne pas partager la même
conception de la question linguistique au Québec.
Je voudrais aussi faire simplement une remarque à propos de ce
que vous avez dit à l'égard d'un autre mémoire. Je ne me
souviens pas si c'était le Conseil du patronat ou un autre groupe, en ce
sens que des gens viennent ici et disent: On est d'accord avec le projet de loi
no 1, mais on veut changer tels et tels articles. Permettez-moi de souligner
que c'est exactement ce que vous avez fait. Vous êtes d'accord avec le
projet de loi no 1, mais...
M. Charbonneau (André): Si vous me permettez...
M. Lalonde: ...vous suggérez des changements.
M. Charbonneau (André):... de vous répondre
là-dessus, nous n'avons pas suggéré de changer
des articles qui changent la loi dans son sens; nous n'avons
demandé que des aménagements qui, d'après nous,
conviennent davantage au type de volonté québécoise que
l'on veut exprimer par le bill 1.
M. Lalonde: Ne prenez pas ma remarque comme un reproche, au
contraire, c'était simplement pour vous indiquer...
M. Charbonneau (André): Non, je vous réponds sur un
ton très serein.
M. Lalonde: ... dans quelle mesure c'est difficile de discuter
publiquement ou même privément d'un tel projet de loi, parce que
c'est une question de mesure, une question de choix de moyens et si tous sont
d'accord sur... L'accord de chacun n'est pas exprimé d'ailleurs de la
même façon. Un dira: Nous sommes d'accord pour que le
français soit la langue principale au Québec. Un autre dira: Nous
sommes d'accord pour que la prééminence du français soit
clairement établie, etc., mais les objectifs, je pense, qui sont
poursuivis par la loi et qui sont d'ailleurs, d'une autre façon
qui n'a pas non plus acquis l'accord de tous les Québécois
poursuivis par la loi actuelle, la loi qui fait du français la langue
officielle au Québec, la Loi sur la langue officielle adoptée en
1974 et actuellement en vigueur, c'est donc une question de mesure.
Je voudrais... dans votre mémoire, pour être bien sûr
de vous comprendre, vous demander si vous avez changé d'idée,
lorsque vous dites qu'en 1974, vous souhaitiez, dans les plus brefs
délais, une vigoureuse législation décrétant le
français seule langue officielle du peuple québécois,
seule langue d'enseignement et seule langue de travail. Cela ne me semble pas
ce que le projet de loi no 1 fait, à moins que vous ayez changé
d'idée ou que je vous aie mal compris. Est-ce que vous pourriez vous
expliquer là-dessus?
M. Charbonneau (André): Je pense que je vais d'abord
répondre à la première partie de votre question concernant
les organismes qui sont venus devant cette commission et
particulièrement le Conseil du patronat. Ce que nous en disions, c'est
qu'il est très joli, en principe, d'être pour le bien
général, mais quand il s'agit d'arriver à la pratique
les articles de loi sont ces aménagements de la pratique
quotidienne de l'application d'un principe on retient donc à ce
moment-là le "respire" de la loi et je vous donne un exemple. "Parler du
fait c'est à la page 4 que les francophones seront
désavantagés parce qu'ils seront moins bilingues que les
anglophones éventuellement", j'appelle cela un puissant charriage, parce
que nos Québécois, pour l'instant, ont prouvé qu'ils
étaient très conscients des nécessités du
bilinguisme en ce qui a trait à certaines catégories d'emplois et
à certaines fonctions à occuper et, nos Québécois
les statistiques le prouvent ont été les premiers
à faire les pas dans ce sens.
Il est entendu que nous vivons dans un contexte nord-américain et
que cette chose doit être présente à l'esprit de tous et
chacun.
D'autre part, en ce qui concerne le mémoire et la
différence par rapport au mémoire de 1974, je vous fais remarquer
ceci: en 1974, nous demandions, si ma mémoire est bonne, la modification
de 28 des 55 premiers articles de la loi. Nous considérions que cette
loi était extrêmement ambiguë, qu'elle ne permettait pas
d'établir véritablement le français comme langue
officielle du Québec et créait un statut à une autre
langue, en l'occurence l'anglais. Je crois que la présente loi est
très claire à cet effet, et qu'elle établit vraiment que
le français est la langue que l'on parle au Québec.
M. Lalonde: Vous pensez que la loi no 1 peut permettre à
la société québécoise d'atteindre l'état que
vous souhaitez, tel que je l'ai décrit tantôt?
M. Charbonneau (André): Tel que nous l'avons
expliqué, il s'agit là d'une étape. Nous avons
expliqué...
M. Lalonde: Vous pensez qu'il faudrait aller encore plus loin, un
peu plus tard?
M. Charbonneau (André): Encore plus loin, vous savez.
Chaque année, dans notre vie, nous allons encore plus loin. Nous
vieillissons d'une année.
M. Lalonde: Revenons à maintenant...
M. Charbonneau (André): Non, je termine, si vous me
permettez.
M. Lalonde: Ah bon! D'accord, allez!
M. Charbonneau (André): Encore plus loin pour un peuple,
c'est peut-être, à un moment donné, de prendre en main,
tout en étant prêt à s'aménager des solutions avec
d'autres, mais prêt à prendre en main ses destinées. En
matière économique, par exemple, même si on demandait au
gouvernement actuel d'établir un plan de développement, est-ce
que vous croyez que l'absence des outils d'administration monétaire et
fiscale, de planification monétaire et fiscale, peut permettre à
un gouvernement d'opérer réellement adéquatement, en
tenant compte des empiétements qui surviennent dans ce domaine? C'est
pour cela que nous croyons que la loi 1 est un pas qui devra être suivi
de beaucoup d'autres pas?
M. Lalonde: Excusez-moi de vous interrompre, ce n'est pas parce
que ce n'est pas intéressant, ce que vous dites, c'est qu'on est
limité à 20 minutes seulement pour l'Opposition officielle, et
j'ai d'autres questions à vous poser. D'ailleurs, le président ou
la présidence, enfin, avait décrété lors d'une
réunion antérieure, qu'il était illégal de parler
de séparation et d'indépendance ici, à cette
commission.
M. Charbonneau (André): A ma connaissance, je n'ai pas
utilisé ce mot. C'est vous qui l'avez fait.
M. Lalonde: Non. Dans votre mémoire, vous le faites. Je
n'ai pas soulevé le point de règlement, parce que, vous savez, un
écart...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! Je n'ai pas dit que
c'était illégal. J'ai simplement indiqué que l'article
140, dernière ligne, ne permettait pas de parler d'autres sujets. Nous
n'étions pas ici sur la question du référendum...
M. Lalonde: A ce moment, le témoin parlait du
séparatisme.
M. Charbonneau (André): M. le Président, nous
étions en train de parler...
Le Président (M. Cardinal): D'accord. C'est pourquoi je
n'ai pas interrompu le témoin. Cependant, je me permettrai une remarque.
Comme nous sommes limités dans le temps et qu'on sait qu'il y a beaucoup
d'invités et que je dois, évidemment, calculer ce temps, je
demanderais au témoin de raccourcir un peu ses interventions, sans quoi,
ce sont les députés qui devront cesser de vous interroger
après que la période prévue sera terminée.
M. Charbonneau (André): Si vous me permettez une remarque,
je pensais que monsieur désirait que nous répondions à ses
questions, mais je vais essayer de le faire le plus pleinement possible.
Le Président (M. Cardinal): Ecoutez, je ne porte pas un
jugement de valeur sur les réponses. Je dis simplement qu'il faut quand
même tenir l'audition dans un temps très limité à
cause d'une motion qui nous lie tous. Le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je me réfère à la page 4 de
votre mémoire. Je vous cite: "Car une nation, pas plus qu'un individu,
ne saurait être continuellement fragmentée, il s'agit de
l'unicité de l'être." Est-ce que cette proposition admet le
pluralisme dans une société, le pluralisme au niveau culturel et
linguistique?
M. Auclair (André): Monsieur, une société
peut être pluraliste quant à sa perception de la
société, mais quant à son fonctionnement, une
société ne peut pas être continuellement fragmentée
comme nous le sommes. Actuellement, les causes deviennent des effets et les
effets deviennent des causes.
M. Lalonde: C'est bien ce que vous voulez dire, que dans son
fonctionnement, une société ne peut pas être
pluraliste.
M. Auclair: Non.
M. Lalonde: Bon. A ce moment, est-ce que vous reconnaîtriez
dans votre conception de la société des droits à ceux qui
ne font pas partie de la majorité?
M. Auclair: Bien sûr.
M. Lalonde: Alors, vous admettez le pluralisme? Vous admettez la
minorité?
M. Auclair: Nous acceptons cette pluralité de
pensée, c'est-à-dire que, dans le monde aujourd'hui, on ne peut
pas, pas plus qu'avant, vivre en vase clos.
Mais à la fin, et c'est ce qui transcende tout notre rapport,
nous ne disons pas "imposer par la loi de la majorité". La
majorité, nous l'avons toujours été au Québec.
Autrefois, en 1841, comme on le dit en page 9, 8% de la population voulaient
nous imposer la langue anglaise au Québec. A la fin de notre rapport,
nous disons: C'est le fait de notre maturité. Or, un être qui a de
la maturité doit d'abord s'accepter lui-même et communiquer avec
lui-même et être lui-même. Si c'est vrai pour un individu,
c'est vrai pour une société. Plus la société et
l'être sont communicatifs, sont eux-mêmes, plus ils sont
eux-mêmes avec les autres et collaborateurs avec les autres.
M. Lalonde: Est-ce que vous admettez la proposition de la
commission des droits et libertés de la personne voulant que les droits
des minorités et des individus qui les composent devraient être
définis dans le projet de loi no 1?
M. Charbonneau (André): Là-dessus, nous rejoignons
la FTQ. Nous avons eu la surprise de voir cette chose pendant sa
déposition, hier. Nous croyons qu'à l'intérieur de la
Charte des droits de la personne, devraient être prévus les
aménagements nécessaires pour que l'application de la loi 1 ne
soit pas considérée comme une mesure de ségrégation
pour quelque groupe de personnes que ce soit dans la société.
D'autre part, nous tenons cependant à insister sur un point. Vous savez,
il est normal qu'on accorde des droits à des individus dans une
société. Mais il est aussi normal et autrement plus important
qu'on accorde des droits à une collectivité. Je pense que la
collectivité québécoise, qui forme une nation, a le droit
d'imposer, d'établir plutôt ses règles du jeu sur le sol
québécois. C'est un devoir vis-à-vis
d'elle-même.
M. Lalonde: Merci. Je m'excuse. J'ai peut-être dit
tantôt que la "commission des droits" suggérait de définir
les droits des minorités dans la Charte de la langue. Ce n'est pas
exact. Il s'agit de la charte des droits, oui. C'est ce que je voulais dire et
je voulais vous corriger.
Vous avez fait une remarque...
M. Paquette: Pourquoi ne l'avez-vous pas fait à ce
moment-là?
M. Lalonde: C'est au gouvernement actuel de prendre ses
responsabilités.
Vous avez fait des remarques sur la façon dont certains articles
de la loi créent des droits, et vous avez suggéré de
renverser l'ordre de la rédaction, de façon à créer
des devoirs. Permettez-moi de vous dire que cela avait été
plus... Enfin, vos remarques se rapprochent de la conception qui a
présidé à la rédaction de la loi 22, qui utilise le
mot "doit", beaucoup plus souvent... En fait, je pense que ce n'est presque
jamais utilisé dans le projet de loi no 1.
M. Charbonneau (André): ...avec vous. Ah bon! Pardon!
M. Lalonde: Oui... Je pense que votre position est valide,
surtout du point de vue juridique. On sait cela a été
publié dans les journaux que le directeur du contentieux de la
Régie de la langue française a même exprimé des
doutes quant à l'efficacité d'une loi qui serait
rédigée de la façon actuelle, parce que, en plus de
créer un droit, il faudrait créer une obligation correspondante
et identifier la personne qui va quand même devoir exécuter
l'obligation. Dans ce sens, c'est peut-être une des raisons pour
lesquelles un grand nombre de personnes n'ont pas compris complètement
certains articles du projet de loi no 1, parce qu'il y a une certaine
ambiguïté dans la création de l'obligation et, à ce
point de vue, je préférerais votre approche dans cette
rédaction: Qui doit faire quoi?
M. Charbonneau (André): Maintenant, concernant votre
position sur l'ancienne loi 22, peut-être est-ce que le système de
rédaction des premiers articles était, en effet, d'une formule
plus active et, cependant, cela avait été notre position
c'étaient les articles subséquents qui gâchaient
l'effort des premiers articles, à notre sens.
M. Lalonde: Je ne m'adresse pas au fond des articles. Je parle
seulement de la façon...
M. Charbonneau (André): Ah bon! Pardon!
M. Lalonde: ...de rédiger et de régler, comme
rédacteur de loi.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): D'accord!
M. le député de Gaspé.
M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Avant de commencer,
je voudrais vous demander de répondre très brièvement
à ma première question. Plusieurs groupes qui sont venus ici nous
ont donné les noms de leurs filiales, de ce qui était
rattaché un peu à leurs centres d'affaires. Pourriez-vous me
nommer sept ou huit des petites et moyennes entreprises que vous
représentez, simplement quelques principales?
M. Charbonneau (André): Je pourrais, en effet, mentionner
des noms d'entreprise, mais je ne crois pas, puisque nous avons choisi de ne
pas le faire, qu'il soit nécessaire de le faire devant cette commission.
C'est public. Il y a eu des déclarations fréquentes à cet
effet et ce serait pour moi de l'improvisation et privilégier certains
membres plutôt que d'autres que de donner des noms d'entreprise, d'une
part.
D'autre part, je tiens à préciser et j'essaie de
répondre le plus rapidement possible à votre question que
ce ne sont pas des entreprises qui sont membres du Conseil des hommes
d'affaires québécois, mais des individus, des individus qui se
définissent comme suit: Tout travailleur autonome, tout cadre
d'entreprise ou tout professionnel oeuvrant dans le domaine des affaires. Ces
gens, évidemment, font partie d'entreprises.
M. Le Moignan: Oui. Je n'avais pas l'intention de vous comparer
à Bell Canada et juger de la valeur de votre mémoire
d'après les milliards exposés hier soir. Ce n'était pas
mon intention.
A la fin de votre mémoire, vous dites: Plus les
Québécois seront eux-mêmes, plus ils seront ouverts les uns
aux autres et plus, également, ils seront ouverts à tous les
autres et à toutes les autres nations. Je trouve cette conclusion
admirable. Vous dites au début qu'il est impossible pour un peuple de
parler deux langues. Ce n'est pas mon intention de prétendre que tous
les Canadiens français ici vont parler l'anglais, mais quand on regarde
la Suisse, on sait qu'il y a quatre langues c'est un petit pays
et trois langues officielles... Du côté des compagnies, il y a eu
un certain effort je ne suis pas le défenseur des compagnies
mais on nous a donné des exemples. J'en connais dans ma
région, la Gaspésie. Nous avions des multinationales où,
jadis, tout se faisait en anglais et, samedi, nous avons tenu une
réunion où tout s'est fait en français. Il y a aussi des
Canadiens français qui occupent là-bas les principaux postes.
Comme M. le ministre apportait certaines réserves, je vois que
vous allez beaucoup plus loin que le projet de loi no 1 et comme l'a dit le
député de Marguerite-Bourgeoys, je ne suis pas ici pour vous
faire des reproches, ce sont simplement des constatations. Peut-être que
tout à l'heure, vous pourrez me dire si vous n'êtes pas
d'accord...
Je vois que vous êtes un peu ultranationaliste. C'est votre
privilège. Vous mettez fortement en lumière ce que je penserais
être un certain nationalisme exacerbé et qui semble vous animer.
Votre mémoire est marqué au coin d'une certaine
intolérance. Je vois, par exemple, à la page 15, un certain
moment de lucidité comprenez bien le sens de mon mot quand
vous dites que le nationalisme n'est qu'un outil, non pas une fin en soi.
Là-dessus, nous sommes totalement d'accord.
En ce qui concerne l'ensemble de votre mémoire, je suis d'accord,
de même que l'Union Nationale sur plusieurs points de votre
mémoire, quoique pour certains, je trouve que vous allez peut-être
un peu vite. Lorsqu'on regarde l'intervention que notre chef a faite lorsqu'il
a parlé de cette société à redéfinir, il
nous avait bien dit à ce moment: Nous ne la voulons pas fermée et
méfiante, toute à la dévotion d'une ethnie vouée
à
un culte passionné, mais bien ouverte, hospitalière et
progressiste où il fera bon vivre, où, sans exclusion, tous les
Québécois sentiront que c'est là qu'il faut vivre et
qu'ensemble, fièrement, ils y vivront.
M. Lalonde: C'est le chef ou le confrère qui a
écrit cela?
M. Charbonneau (André): Vous avez touché plusieurs
points et j'aurais horreur de ne pas répondre à vos questions, ce
qui serait fort impoli de ma part.
Alors, je vais commencer tout de suite. Vous parlez du bilinguisme des
institutions et du bilinguisme des individus. Je crois qu'il faut absolument
établir la différence entre l'un et l'autre. Nous avons dit que
le bilinguisme des individus était nécessaire et souhaitable dans
certains cas. Nous avons dit que d'être plus soi-même permettait
une meilleure communication avec les autres.
Quand vous citez l'exemple de la Suisse, je pense que vous
interprétez un peu, parce qu'à ma connaissance, sauf dans deux
cantons suisses, on n'assiste pas à un bilinguisme des institutions. On
connaît notre propre expérience ici, canadienne, le bilinguisme
des institutions, merci beaucoup. D'autre part, quand vous nous assimilez, dans
votre esprit, à des ultra-nationalistes, je pense que le ton du
mémoire est très serein et que l'interprétation qui en est
faite n'est pas juste. Mais vous savez, dans une société comme la
nôtre, il y a beaucoup de mythes qui doivent être
dénoncés. Par exemple, quand on parle de colonisation, il faut
bien comprendre que très souvent les plus ardents défenseurs des
droits des autres sont des individus de notre propre groupe ethnique qui en
sont arrivés, à un certain moment, à concevoir les autres
d'une façon tellement appréciable qu'ils désirent leur
ressembler. Lors d'une rencontre récente, votre chef et le chef de
l'Opposition, devant Rallye-Canada, s'adressant à ces gens, ont dit:
Après avoir invité les gens à ne pas paniquer en cette
période troublée, M. Biron a supplié son auditoire et le
PLQ et le reste du Canada de ne pas laisser aux Québécois le seul
choix entre le statu quo constitutionnel et l'indépendance lors du
référendum. Je pense que d'appeler les autres à notre
sauvegarde, c'est un exemple involontaire, de bonne foi, de ce genre de
complexe de colonisation que nous vivons tous à un degré ou
à un autre.
M. Le Moignan: Mais, tout de même, notre chef a bien
invoqué, a bien précisé qu'il est pour une refonte de la
constitution canadienne où le Québec pourrait
récupérer tous les droits qu'il a perdus.
Si je continue, en regardant votre mémoire, vous parlez des
Anglais, de la conquête des armes, mais il reste tout de même que
nous les francophones, nous avons conquis les Américains
également alors qu'ils étaient propriétaires de leur sol,
mais on ne discute pas ces points-là.
M. Charbonneau (André): On pourrait retourner à
l'histoire grecque!
M. Le Moignan: J'aurais une petite question. Vous parlez en page
16 de la minorité à l'intérieur des frontières du
Québec et vous dites qu'elle possède les moyens financiers,
intellectuels, juridiques, de faire respecter ce que sont ses vrais droits.
Brièvement, d'après vous, comment pourriez-vous nous situer les
vrais droits des anglophones du Québec?
M. Charbonneau (André): Nous avons parlé, je pense,
des droits des francophones. M. Auclair va vous répondre sur cette
question.
M. Auclair: Pour commencer, j'aimerais vous dire que si vous
percevez notre mémoire comme un mémoire de nationalistes
exacerbés, nous avons beaucoup de regrets. C'est donc que nous en sommes
à ce point obligés de nous défendre dans notre pays, que,
par les propres nôtres, on est accusés d'être extravagants.
M. le député, je vous ferai remarquer que le nationalisme a
toujours servi toutes les nations et tous les pays comme un moyen. Les
Américains l'utilisent, les Canadians l'utilisent, mais lorsque nous,
pour protéger, comme on le dit à la page 14, nos
intérêts économiques, nous voulons l'utiliser, là
nous devenons exacerbés, nous devenons outranciers. J'aimerais encore
rappeler LaFontaine. LaFon-taine disait, en parlant du rat des villes et du rat
des champs: Si le seul endroit où nous sommes chez nous, chez nous...
Nous sommes chez nous au Québec, mais le seul endroit où nous
sommes "chez nous chez nous", c'est à la campagne. Il n'y a pas de
problème encore de francisation au Québec, à la campagne.
C'est le rat des champs. Mais lorsqu'il arrive en ville, il se heurte à
des problèmes passablement graves. Reconnaître le fait que nous
sommes majoritairement Québécois de langue française,
majoritairement, ce n'est pas un signe de nationalisme exacerbé, c'est
un signe de maturité. Encore une fois, nous avons toujours
été majoritaires. A un autre endroit aussi, nous disons que le
Canada lui-même, lors du traité de Helsinki, ne reconnaît
plus une victoire par les armes. Donc, nous ne reconnaissons aux Anglais aucun
droit du fait de la conquête. Les seuls droits que nous leur
reconnaissons, ce sont des droits de propriété sur les
écoles et les institutions qu'ils ont payés.
Il y a moyen de s'accommoder avec ça et ça, la loi le
départit très bien. La loi, qui est le propre du
législateur, qui doit débroussailler les aspirations des gens,
fait la part des choses. Mais nous ne reconnaissons pas, pas plus le Canada ne
le reconnaît, une victoire obtenue par les armes. C'est à partir
de là que nous avons basé notre mémoire sur l'histoire, et
l'histoire du conditionnement de notre peuple. Enfin, on ne devrait plus parler
d'être des gens exacerbés.
M. Le Moignan: Non, je vous avais prévenu au
début...
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Gaspé, je dois vous dire, malheureusement, que le temps de l'Union
Nationale est écoulé. Nous devons maintenant passer au
député de Mont-Royal, pendant sept minutes.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. le
Président, le député de Gaspé s'est un peu
référé à une question d'intolérance possible
dans le mémoire. Une autre façon d'y référer serait
que c'est une différente perception de l'esprit humanitaire et d'un
esprit de tolérance qu'on pourrait tirer de ce mémoire. Vous
parlez de la conquête et, après 200 ans, quelqu'un qui
écoute ça se demande pourquoi on se réfère toujours
à cela. Je crois bien que les minorités... Ce n'est pas parce
qu'il y a eu une conquête en 1763, je pense bien que ce serait un peu
odieux de prétendre avoir des droits à cause de cela. Mais il y a
la question de la tolérance et le fait que ces gens sont ici, ils
existent, et il y a des usages et coutumes; peut-être que mon esprit
d'humanité et de tolérance est différent du
vôtre.
Au début, vous avez donné des explications et le ministre
s'est référé aux faiblesses économiques du
Québec. Naturellement, il semble y avoir deux perceptions
différentes. Il y a votre perception et je dirais la perception de
certains qui cherchent des excuses, qui approchent ça dans un esprit un
peu défaitiste. Il y a ceux qui, comme dans les différents
mémoires que nous avons eus des autres hommes d'affaire, approchent
ça dans un esprit de confiance. Un mémoire nous a
été présenté au début de nos séances
qui disait, et je voudrais demander vos commentaires: "La loi ne détruit
pas les complexes." Est-ce que vous pourriez commenter? C'était un
mémoire par un Canadien français...
M. Charbonneau (André): Probablement qu'il en avait
beaucoup.
M. Ciaccia: ... qui se décrivait comme un citoyen
québécois du monde.
M. Charbonneau (André): C'est probablement parce qu'il en
avait beaucoup. Je n'ai pas eu la fortune de le rencontrer. Vous faites
allusion à notre mémoire concernant la conquête. Vous
savez, je comprends que, pour vous, ce soit un phénomène un peu
embêtant.
Pour nous, ce n'est pas une manière d'exacerber notre
cristallisation comme peuple, mais c'est une façon aussi de bien se
rappeler ce qui s'est produit parce que très souvent, on pourrait se
poser la question: Pourquoi sommes-nous dans une position économique
inférieure par rapport aux autres groupes à travers la
fédération canadienne et même au Québec? On peut en
déduire que c'est parce que nous sommes un groupe de cabochons et nous
sommes contre cette interprétation. Nous n'avons pas eu...
M. Ciaccia: Ce n'est pas cette interprétation. Excusez,
quand j'ai dit un "défaitisme", je ne vou- lais pas faire allusion
à cela du tout. Je ne veux pas que ce soit mal
interprété.
M. Charbonneau (André): Si vous me permettez de terminer
sur ce point. Nous croyons que les Québécois, sachant ce qui
s'est passé en arrière, doivent regarder en avant et prendre en
main l'ensemble des outils nécessaires pour se tailler une place dans ce
bassin de 250 millions d'anglophones en Amérique. Cette place, le peuple
québécois, tant sur ses activités économiques que
dans d'autres domaines comme celui de la production culturelle, a prouvé
qu'il valait la peine de le faire.
Croyez-moi bien. Nous ne cherchons pas d'excuses à ce que nous
soyons dans une position d'infériorité économique. Nous la
constatons pour demander au gouvernement de contribuer à changer les
règles du jeu dans ce domaine, pour que le peuple
québécois ait, lui aussi, peu à peu accès aux
leviers économiques qui sont nécessaires pour participer à
sa vie économique, comme aux autres domaines de ses activités
humaines.
M. Ciaccia: Mais ne trouvez-vous pas que ceux qui viennent
apporter des changements ou des propositions de changements au projet de loi,
et qui ont fait un succès considérable dans le domaine
économique, des francophones, et qui disent: Si on vetu le succès
économique, il faut faire tel et tel changement... vous ne portez aucune
attention à ce groupe de témoins?
M. Charbonneau (André): C'est leur position. Nous sommes
capables de l'interpréter. Cela pourrait ne pas être flatteur. Il
est bien entendu...
M. Ciaccia: C'est eux qui ont démontré des
succès considérables.
Une Voix: Des mauvais Québécois, probablement.
M. Charbonneau (André): II est bien entendu que des
entreprises qui, avec des fonds canadiens ou des fonds d'ailleurs...
Le Président (M. Dussault): A l'ordre s'il vous
plaît. Continuez.
M. Charbonneau (André): ...se sont bien établis
économiquement... il ne faut pas se leurrer, vous savez. Une entreprise,
c'est, dans une certaine mesure, un facteur très important de croissance
économique, de création d'emplois, mais c'est aussi, de par un
droit qu'accorde l'Etat, et qui s'appelle une charte, un droit de faire de
l'argent, d'une manière un peu privilégiée. Il est
évident que ces entreprises qui jouissent de position financière
plus particulièrement intéressante sont portées à
demander le statu quo.
Quand nous parlons au nom de la petite et de la moyenne entreprise, il
est bien normal que nous le fassions dans une position revendicatrice.
M. Ciaccia: Je ne veux pas vous interrompre,
mais vous dites qu'elles demandent le statu quo. C'est absolument faux.
Elles ne demandent pas le statu quo. M. le Président, je veux bien
donner l'occasion de répondre aux questions, mais j'aurais deux autres
questions et je ne voudrais pas perdre mon droit aux questions, parce que les
réponses sont un peu longues. Est-ce que je pourrais demander une
directive de la présidence?
Le Président (M. Dussault): Je demanderais aux
témoins d'être plus courts, si possible. Il vous reste quand
même seulement trente secondes, M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: J'avais deux autres questions. S'il vous plaît,
je voudrais poser mes deux questions, M. le Président.
Le Président (M. Dussault): Je ne peux pas vous le
permettre pour le moment. Allez-y, peut-être. Commencez par la
première.
M. Ciaccia: Les deux questions que je voulais poser sont
celles-ci: Premièrement, vous avez dit qu'en 1974 vous avez
demandé que les écoles anglophones soient abolies dans cinq ans,
etc., et les écoles privées dans quinze ans. Maintenant, vous
vous ralliez à la position du bill 1. Est-ce parce que l'objectif du
bill 1 vraiment va avoir le même effet que votre position en 1974 et,
deuxièmement, vous parlez de la souveraineté dans votre
mémoire. Ce que je crains peut-être que cela va venir comme
surprise aux députés ministériels ce n'est non
l'idée du séparatisme, mais l'esprit d'intolérance que
ceux qui prônent le séparatisme semblent avoir. Je demanderais vos
commentaires. Est-ce nécessaire d'être si intolérant envers
les autres pour arriver au séparatisme et qu'offririez-vous pour les
minorités dans votre perception de la société
québécoise?
Le Président (M. Dussault): Très brièvement,
s'il vous plaît.
M. Charbonneau (André): Très brièvement, en
ce qui concerne 1974, il s'est passé trois ans depuis et il était
normal que nos positions puissent évoluer en fonction d'une
rédaction qui est très différente de celle de 1974.
En 1974, la loi ne comportait pas des articles aussi clairs que les
articles 51 et 52 maintenant et elle prévoyait que c'était par le
biais d'examens qui ont d'ailleurs été très
contestés qu'on déterminerait qui aurait accès à
quoi, etc.
Pour être très bref, notre position a évolué,
parce que le projet de loi 1 est venu éclaircir cette
chose-là.
D'autre part, quand vous parlez d'intolérance en ce qui nous
concerne, je pense bien que les faits révèlent qu'au
Québec ce ne sont pas les Québécois qui ont
été intolérants, les Québécois
francophones.
M. Ciaccia: Question de règlement, ce ne sont pas les
Québécois que j'ai accusés d'être
intolérants, j'ai demandé...
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Mont-Royal, il n'y a pas de question de règlement sur cette
question.
M. Ciaccia: Non, il m'a imputé des motifs, M. le
Président.
M. Lalonde: M. le Président, laissez-le terminer sa
question.
Le Président (M. Dussault): II n'y a pas de question de
privilège non plus.
M. Ciaccia: Ce n'est pas un privilège, il m'a
imputé des paroles que je n'ai pas dites. Je n'ai pas accusé les
Québécois d'être intolérants. Je me suis
référé à son mémoire et à ses paroles
à lui.
Le Président (M. Dussault): Ce n'est pas
l'interprétation que j'ai faite des paroles de M. le témoin et je
vous demanderais, s'il vous plaît, de conclure, le plus vite
possible.
M. Charbonneau (André): J'ai conclu.
Le Président (M. Dussault): Je vous remercie. Il reste
maintenant sept minutes au parti ministériel.
M. Alfred: M. le Président, je vous remercie, chers hommes
d'affaires québécois, qui avez décidé de prendre en
main nos affaires québécoises. Il était temps que nous,
comme Québécois, nous décidions de prendre en main non
seulement notre culture, mais aussi notre économique, parce que prendre
tout en main, c'est prendre tout dans sa globalité.
Vous avez employé un concept ici qui me plaît
énormément. C'est le concept de maturité. Les vingt
recommandations que vous nous faites témoignent de cette
maturité. Je vous remercie pour votre mémoire écrit dans
un français impeccable, ce français qui fait honneur au peuple
québécois, ce français standard qui fait de nous non pas
un petit peuple de "pilgrims" mais un peuple qui fait partie de la haute
francophonie mondiale.
J'ai bien apprécié aussi les pages de 6 à 13 qui
ont démontré le pourquoi de notre infériorité
économique.
Les deux concepts que vous avez décrits, les concepts de
conditionnement, l'histoire de ce conditionnement, et aussi les
conséquences de cela, j'invite l'Opposition officielle à les lire
et à les méditer.
Cependant, j'ai quatre questions à vous poser, chers hommes
d'affaires québécois. La première, considérez-vous
que la loi no 1 aura un effet quelconque dans le secteur économique?
M. Charbonneau (André): Comme nous l'avons
déjà exposé...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! Un instant!
M. Alfred: Je vous respecte, M. le député...
Le Président (M. Cardinal): II reste six minutes. J'aurai
quelques remarques à faire avant l'ajournement de ce midi. Je prie donc
tous les membres de la commission de s'en tenir au sujet et d'éviter les
débats. Vous pouvez répondre.
M. Charbonneau (André): Pour répondre à
votre question, je pense que, dans notre exposé verbal, nous avons bien
établi que tout ce qui a trait à l'attaque du modèle de la
domination est un apport sur le plan de la vie des individus du peuple
québécois. En ce sens, c'est un apport dans le domaine culturel,
dans le domaine social, dans le domaine économique en même temps,
parce que, plus il y aura de Québécois débarrassés
de l'idée que nous sommes nés pour un petit pain, plus il y aura
d'entrepreneurs québécois, plus le génie inventif de nos
Québécois, qui est extrêmement créateur, sera
exploité par des Québécois, plutôt que vendu sous
forme de brevet à des entreprises étrangères.
M. Alfred: Par exemple, il y a d'autres mythes qui circulent. Je
vous pose une autre question: Considérez-vous que la loi no 1 pourrait
avoir des effets néfastes quant à la participation des
Québécois d'expression française aux postes de cadres dans
les entreprises?
M. Charbonneau (André): Je pense que la loi a pour effet
de désirer l'article 112 particulièrement l'effet
inverse. D'ailleurs, je cite une coupure du journal La Presse du 15 juin: "Les
diplômés des HEC en grande demande depuis l'introduction du projet
de loi sur le français à l'Assemblée nationale du
Québec. Les compagnies se précipitent sur les
diplômés de l'Ecole des hautes études commerciales de
Montréal". J'ai gradué moi-même aux HEC, et ce
n'était pas le cas il y a quatre ou cinq ans.
Les entreprises, vous savez, réagissent très souvent
beaucoup plus rapidement que des individus dans d'autres sphères. Les
entreprises, quand elles comprennent ce qui est demandé d'elles,
réagissent très rapidement. Je pense qu'il y aura beaucoup de
postes ouverts à des francophones au niveau des entreprises anglophones
faisant affaires au Québec.
M. Alfred: Je vous assure que les Américains en Haïti
parlent créole. Troisième question...
Une Voix: ... l'ajournement...
M. Alfred: Et, il y aura encore beaucoup de chantage.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Alfred: II y a beaucoup de chantage, bien sûr,
concernant l'exode de sièges sociaux, parce qu'on dit: A ce
niveau-là, il faut parler anglais.
Une Voix: Les Américains.
M. Alfred: Considérez-vous que l'adoption de la loi no 1
pourra avoir un impact négatif en matière de sièges
sociaux établis au Québec? Est-ce que vous êtes capable de
détruire ce mythe véhiculé par les défenseurs, bien
sûr, du statu quo?
M. Charbonneau (André): Sincèrement, nous aimerions
qu'on nous établisse ici ce qu'il y a comme sièges sociaux,
quelle est l'importance des sièges sociaux et qu'on définisse
devant cette assemblée ce que l'on veut introduire par l'idée
d'un déménagement des sièges sociaux en d'autres parties
du Canada. Nous croyons qu'il est possible que des entreprises
s'inquiètent, dans des circonstances injustifiées. Vous savez
comment, pour un motif ou un autre, les actions boursières augmentent de
valeur ou en perdent. C'est entendu que certaines entreprises je pense
moins américaines et moins multinationales que canadiennes et
anglophones s'énervent, pensent à établir leurs
sièges sociaux ailleurs, nomment comme président des gens qui
habitent le Québec depuis 32 ans et ne parlent pas encore
français. Ce sont des choses possibles, mais je crois qu'une
période d'adaptation normale va suivre la mise en vigueur de la loi 1,
et je crois qu'au contraire nous allons assister à rétablissement
au Québec de sièges d'entreprises fonctionnant au Québec
en français, comme il est normal que les choses se passent, tout en
gardant le droit de communiquer avec leurs sièges sociaux, qui sont
très souvent établis aux Etats-Unis, dans une autre langue.
M. Alfred: Ma dernière question...
Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous
plaît! Une question de règlement, M. le député de
Mont-Royal, brièvement, s'il vous plaît.
M. Ciaccia: D'après les règlements adoptés
par cette commission, le côté ministériel a 30 minutes et
nous en avons 20. Nous avons tenté, de notre mieux, d'obtenir plus de
temps. On nous l'a refusé. Maintenant, je remarque que la façon
dont le temps est calculé semble être un peu différente. Je
ne parle pas de vous, M. le Président. Je parle de la présidence
lorsqu'elle est occupée par le député de
Châteauguay. On compte les réponses et les questions pour
l'Opposition officielle dans le même temps, tandis que le
côté ministériel a déjà eu au moins 40
minutes et plus pour poser ses questions.
Alors, je demanderais une directive. Nous sommes déjà
pénalisés par le peu de temps que nous avons. Nous ne devrions
pas être pénalisés doublement, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît. Je reviendrai sur ce sujet cet après-midi, à cause
de l'heure présente.
Je voudrais faire quelques remarques. Tout d'abord, je veux remercier M.
Charbonneau, M. Auclair et M. Wingender pour la présentation de leur
mémoire et pour les réponses qu'ils ont données aux
députés. J'indique tout de suite que la commission va ajourner
ses travaux à cet après-
midi selon l'avis du leader parlementaire, c'est-à-dire
certainement après 16 heures.
J'ai deux ou trois remarques très importantes.
Premièrement, suite à la proposition du député de
Marguerite-Bourgeoys, j'ai entrepris dois-je employer le terme
négociation? des démarches avec un certain nombre de
représentants des organismes prévus pour aujourd'hui, de
façon à en venir à une entente à l'amiable.
Il y a eu déjà un certain succès et je ferai
rapport en temps et lieu à cette commission. D'autre part, j'indique
à ceux que je n'ai pas encore eu le temps de voir, parce qu'il faut que
je sois souvent ici, que si certains désirent me rencontrer au cours de
l'après-midi, je leur accorderai la même attention.
Je souligne de plus aux membres de la commission que cet
après-midi, nous commencerons une nouvelle séance qui se
continuera ce soir. Comme on m'a informé qu'il y aura des motions et
qu'il peut y avoir un vote, les membres de la commission seront appelés
dès le début de la séance de cet après-midi et s'il
n'y a pas de remplacements qui me sont indiqués, seuls les membres de la
commission dûment enregistrés à ce moment pourront voter ce
soir, tous les autres députés pouvant parler suite à la
motion que nous avons adoptée.
M. Laplante: Une directive, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Le député de
Bourassa.
M. Laplante: Cela voudrait-il dire qu'un membre faisant partie de
la commission, au moment où vous ouvrirez le débat et que vous
ferez l'appel des membres, s'il n'est pas présent ne pourra pas voter
sur la motion?
Le Président (M. Cardinal): Non. Cela veut dire que s'il
se fait remplacer jusqu'à l'ajournement des travaux de ce soir à
23 heures...
M. Laplante: Cela compte seulement pour les remplacements.
Le Président (M. Cardinal): Exactement.
M. Laplante: II peut venir à n'importe quel moment,
même si...
Le Président (M. Cardinal): C'est exact. M. Laplante:
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Vanier.
M. Bertrand: M. le Président, normalement, après la
période de questions de cet après-midi, on entend un groupe?
Le Président (M. Cardinal): Justement, j'y arrive. C'est
le Protestant School Board of Greater Montreal, mémoire 23.
M. Bertrand: Quels sont les deux organismes qui sont
prévus pour ce soir?
Le Président (M. Cardinal): C'est la même liste que
celle de ce matin. C'est le Barreau du Québec, la Bourse de
Montréal, la Fédération des groupes ethniques du
Québec Inc., etc., mais je dis tout de suite que j'ai déjà
rencontré le représentant du Barreau du Québec, le
représentant de la Bourse de Montréal, le représentant de
la Confédération des syndicats nationaux, que j'entends
rencontrer le représentant de la Fédération des groupes
ethniques du Québec Inc., de façon à savoir quels seront
les travaux pour la journée et pour demain.
M. Bertrand: Mais ces gens-là sont présents ici
aujourd'hui.
Le Président (M. Cardinal): Ils étaient tous
présents à l'appel ce matin. Personne d'entre eux n'a perdu son
tour; c'est pourquoi j'ai fait cet appel ce matin pour que, techniquement, tous
ces organismes soient présents devant la commission et ne perdent pas
leur tour en vertu du règlement. Donc, les travaux de la commission sont
ajournés jusqu'à cet après-midi, suivant l'avis que
donnera, en Chambre, le leader du gouvernement.
(Fin de la séance à 12 h 2)
Reprise de la séance à 16 h 46
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, madame et
messieurs!
Je demanderais à tous de regagner leurs fauteuils d'autant plus
que, comme je l'ai indiqué à l'ajournement des travaux à
midi, je veux être sûr, avec précision, quels sont les
membres de la commission pour le reste de la journée.
Je fais donc cet appel des membres et j'espère qu'on m'indiquera
en temps et lieu les modifications.
A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Alfred (Papineau), M. Bertrand (Vanier), M. Bisaillon (Sainte-Marie)
remplacé par M. Charbonneau (Verchères); M. Chevrette
(Joliette-Montcalm) remplacé par M. Dussault (Châteauguay); M.
Ciaccia (Mont-Royal)...
M. Ciaccia: Je suis remplacé par M. Goldbloom. Je ne serai
pas ici ce soir.
Mme Lavoie-Roux: Le député de D'Arcy Mc-Gee.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. ... M. Goldbloom
(D'Arcy McGee). Merci. M. de Belle-feuille (Deux-Montagnes), M. Dussault
(Châteauguay) est un membre de la commission. Il ne peut pas remplacer
quelqu'un.
Mme Lavoie-Roux: C'est le "dispatcher" du parti.
M. Laplante: C'est parce qu'il sera ici ce soir, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse. Je reviens
à M. Chevrette...
Mme Lavoie-Roux: Le "dispatcher"...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît. ... (Joliette-Montcalm). Est-ce oui ou non remplacé?
M. Laplante: II n'est pas remplacé, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Donc, M. Dussault
(Châteauguay), M. Godin (Mercier), M. Grenier (Mégantic-Compton)
est remplacé par M. Biron (Lotbinière); M. Guay (Taschereau), M.
Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Laplante (Bourassa), M. Laurin (Bourget),
Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Le Moignan (Gaspé), M. Paquette
(Rosemont), M. Roy (Beauce-Sud), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Samson
(Rouyn-Noranda).
Je m'excuse parce qu'il y a eu des mélanges. Je veux être
parfaitement sûr.
Je reprends: M. Alfred (Papineau), M. Bertrand (Vanier), M. Bisaillon
(Sainte-Marie) remplacé par M. Charbonneau (Verchères); M.
Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Ciaccia (Mont-Royal) rem- placé par M.
Goldbloom (D'Arcy McGee); M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Dussault
(Châteauguay), M. Godin (Mercier), M. Grenier (Mégantic-Compton)
remplacé par M. Biron (Lotbinière), M. Guay (Taschereau), M.
Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Laplante (Bourassa), M. Laurin (Bourget),
Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Le Moignan (Gaspé), M. Paquette
(Rosemont), M. Roy (Beauce-Sud), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Samson
(Rouyn-Noranda). Tels sont les membres de la commission jusqu'à
l'ajournement de ce soir vers 23 heures.
Je n'ai pas à faire un nouvel appel des organismes qui sont
invités. J'ai déjà mentionné que j'ai
commencé des démarches avec les porte-parole de ces organismes et
c'est pourquoi j'invite immédiatement le porte-parole du Protestant
School Board of Greater Montreal, mémoire 23, à bien vouloir
s'identifier comme organisme et à identifier les représentants de
cet organisme.
Protestant School Board of Greater Montreal
M. Fox (Marcel): M. le Président, membres de la commission
et du public, les représentants du Bureau des écoles protestantes
du grand Montréal ici présents sont le Dr John Simms,
président sortant, Mme Joan Dougherty, vice-présidente sortante,
M. Tom Blacklock, directeur adjoint des services de l'enseignement et
moi-même, Marcel Fox, directeur général du Protestant
School Board.
Le Président (M. Cardinal): Alors, vous connaissez les
règles, vous avez 20 minutes pour exposer votre mémoire ou en
faire un résumé. Ce mémoire est assez volumineux. Il y
aura peut-être lieu qu'il y ait des dépôts en annexe au
journal des Débats, si tel est votre désir.
M. Fox: Oui, il a l'air un peu volumineux parce qu'il est dans
les deux langues.
Le Bureau des écoles protestantes du grand Montréal, comme
vous le savez, est la deuxième commission scolaire en importance au
Québec avec quelque 50 000 élèves. Il est, encore de nos
jours, considéré dans bien des milieux comme étant un
bastion de l'anglicisation, ce qui n'est plus vrai car bien des changements se
sont instaurés au cours des dix dernières années.
Le mémoire que nous présentons aujourd'hui se veut positif
et nous estimons que les recommandations qui en découlent en font foi.
Le mémoire indique aussi notre attachement au Québec. En tant que
Québécois, nous tenons à vivre dans une
société québécoise qui se respecte. Nous nous
élevons vigoureusement contre la relégation de l'anglais au rang
de langue non officielle.
Nous ne pensons pas que l'existence au sein du Québec d'une
minorité de langue anglaise représente une menace et que, pour
permettre à la majorité de survivre, il faille que l'anglais soit
banni de la vie publique. Il nous semble même que, de ce point de vue, le
projet de loi no 1 reflète un manque de confiance total et non
fondé dans la vitalité du Québec francophone.
Une langue qui requiert une loi pour survivre est une langue qui se
meurt. Le français, lui, est bien vivant, il ne risque point de mourir
ou de disparaître. Le projet de loi no 1 a tendance à vouloir
isoler le Québec en insistant que toute autre culture représente
une menace ou du moins un danger de contamination, alors que la future loi
devrait vraiment mener vers une collaboration saine entre la majorité et
la minorité ou les minorités pour le bien commun du
Québec, le projet de loi no 1 offre des sanctions à la place de
récompenses et encourage même l'opposition d'une communauté
envers l'autre. Elle impose et toute imposition rigoureuse a tendance,
malheureusement à engendrer une opposition vigoureuse.
Une fois ancrée l'idée selon laquelle la survie de la
majorité exige la réduction ou la disparition de la
minorité, une véritable étape fatale dans le domaine des
relations humaines est franchie. La présente loi est pourtant d'une
importance capitale, car c'est elle qui établira d'une façon
déterminante la configuration même de notre société
pour les années à venir. De ce fait, notre mémoire
s'adresse plutôt à l'intention de base qu'aux articles purement
dits du projet de loi no 1.
Nous regrettons que ce projet de loi propose d'abolir les garanties dont
jouissent l'anglais et le français en vertu de l'article 133 de l'Acte
de l'Amérique du Nord britannique. Nous exigeons que la future loi
définisse sans ambiguïté le statut légal et sans
restriction de l'anglais comme langue d'enseignement et qu'elle
établisse le droit fondamental de l'admission des élèves
dans les écoles anglaises sans permettre que ce droit reste à
l'avenir à la merci d'un règlement quelconque.
Dans le Québec de l'avenir, nous envisageons une minorité
de langue anglaise parfaitement intégrée, ce qui implique entre
autres, que les Québécois de langue anglaise pourront, de par
leur éducation, parler, lire et écrire couramment leur propre
langue et celle de la majorité.
Nous acceptons l'intégration, mais rejetons avec vigueur la
suppression. Pour la communauté anglophone, l'intégration n'est
pas synonyme d'assimilation, mais de participation. Selon nous, la
communauté de langue anglaise fait partie intégrante de la
communauté québécoise.
Alors que nous avons reproché à la loi 22 d'être
ambiguë, nous reprochons au projet de loi no 1 d'être trop rigide.
Il ne semble plus être question d'un Québec bilingue et cette
attitude ignore la réalité fondamentale actuelle et risque
d'élever des barrières artificielles empêchant toute
interaction valable entre le Québec et le reste de l'Amérique du
Nord.
De ce point de vue, une approche coopérative sans sanctions ni
contraintes s'avérerait bien plus avantageuse dans le domaine social et
permettrait de construire un Canada prospère, avec une culture dynamique
de langue française dans nombre de régions.
Malgré tous les obstacles et toutes les difficultés qui
existent encore, nous persistons à croire en un Canada bilingue uni.
Nous avons foi aussi en notre constitution et aux garanties qu'elle accorde
à tous. Sous bien des rapports, le projet de loi no 1 nous semble
contraire à l'esprit même de la constitution, d'une part, et
à l'esprit même de la déclaration universelle des droits de
l'homme, d'autre part.
L'article 26 de cette déclaration stipule que les parents ont le
droit prioritaire de choisir pour leurs enfants le genre d'éducation qui
leur sied le mieux. Compte tenu des garanties réelles que la
constitution du Canada accorde à tous et compte tenu des stipulations de
la déclaration universelle des droits de l'homme, nous persistons
à croire au libre choix des parents en ce qui concerne
l'éducation de leurs enfants.
Ce concept de libre choix va d'ailleurs de pair avec le concept
d'éducation bilingue que nous préconisons en tant que commission
scolaire. Le projet de loi no 1 nie implicitement ces droits et va à
l'encontre même de cette tendance universelle vers les droits de l'homme
mieux définis et plus étendus.
Il nous semble aussi que le projet de loi n'offre rien à la
majorité de langue française de la province qu'elle ne
possède déjà. Au contraire elle lui enlève
plutôt certains avantages pratiques.
Pour le Bureau des écoles protestantes du Grand Montréal,
le projet de loi no 1 aura des répercussions directes certaines et
recherchées à dessein sans doute. Il réduit l'inscription
des élèves, car même les enfants d'origine canadienne de
langue anglaise provenant d'une autre province ne peuvent être admis
à l'école anglaise. Cet article à lui seul, s'il reste tel
qu'il est, créera deux classes distinctes de citoyens canadiens.
En plus, le projet de loi stipule que la langue française est la
langue de communication des organismes municipaux et scolaires, même si
la majorité des administrés sont de langue anglaise. Au sein d'un
système scolaire de langue anglaise reconnu, il s'agit là d'une
anomalie légale qui ne peut se justifier, ni pédagogiquement, ni
rationnellement.
En plus, ces exigences entraîneront des débours financiers
appréciables qu'il faudra assumer d'une façon ou d'une autre.
Loin de former une menace, tel qu'on persiste à le croire, le
secteur d'éducation de langue anglaise se trouvera réduit en
importance dans l'offre de 58% à 80% dans les dix années à
venir. Nos statistiques en annexe A en font foi et celles publiées dans
le mémoire de l'Université McGill le confirment. Même si,
comme on nous le reproche, un grand nombre d'élèves venant de
l'extérieur de la province ont, par tradition, fréquenté
nos écoles, le pourcentage des anglophones est en général
resté relativement stable.
Notre sommaire du mouvement des élèves vers le
Québec et hors du Québec, en annexe B de notre mémoire,
illustre cette tendance. Alors que certaines données
démographiques erronées sur lesquelles se base le projet de loi
no 1 laissent craindre le pire, la réalité veut que la menace que
représente la minorité de langue anglaise soit loin d'être
aussi terrible qu'on prétend.
Le projet de loi no 1 ne tient d'ailleurs nullement compte du changement
d'attitude, au sein de la communauté anglophone, à l'égard
de la
question linguistique, surtout au cours des dix dernières
années. Le développement des cours d'immersion en langue
française a été spectaculaire et la participation
intégrale et volontaire du milieu a assuré le succès
indéniable de ces programmes. Ce sont les parents anglophones
eux-mêmes qui ont insisté pour que leurs enfants apprennent le
français d'une façon intensive afin qu'ils puissent
s'intégrer mieux au milieu dans lequel ils vivent et qu'ils puissent
continuer à prospérer au Québec.
Notre thèse veut que l'apprentissage poussé de la langue
seconde stimule l'habileté de nos enfants et les enrichisse du point de
vue culturel. Ceci leur permet de vivre heureux et d'évoluer à
l'aise au milieu de leurs voisins de langue française.
Nous maintenons aussi que cette expérience linguistique renforce
en plus la connaissance de base de la langue maternelle elle-même,
d'où enrichissement culturel général. Alors que dans le
domaine du développement de l'enseignement, de l'apprentissage et de la
reconnaissance des langues officielles du Canada, il y a progression certaine
au sein du Québec et au sein de plusieurs autres provinces du Canada, le
projet de loi no 1 risque d'instaurer une certaine régression. Quel
dommage! Par ces mesures strictes de francisation, la Charte de la langue
française du Québec va plus loin que toute mesure légale
jamais adoptée dans d'autres provinces et risque, de ce fait, d'avoir
pour effet, de freiner cet élan vers le bilinguisme qui est sur le point
de se généraliser. Ce serait vraiment regrettable. Nous doutons
qu'une intervention gouvernementale aussi rigoureuse soit vraiment
nécessaire. La langue française a su prouver à travers les
âges qu'elle n'a que faire de telle protection légale. La culture
française est en plein épanouissement au Québec, et
à travers le Canada, elle est perçue comme une force vibrante et
dynamique. Pourquoi veut-on, à tout prix, l'enchaîner, lui imposer
un carcan légal?
Les écoles anglaises, ici même, au Québec,
produisent, en leur sein, la génération d'élèves
les plus bilingues de toute leur histoire, par suite de la reconnaissance
implicite du fait français et de son importance. Pourquoi, dans ce cas,
le gouvernement veut-il, à tout prix, imposer des restrictions qui
risquent de nous diviser, de nous séparer, de rétablir les deux
solitudes d'antan qui viennent à peine de se résoudre ou
étaient sur le point de l'être?
Nous pouvons vous assurer que nous, les membres de la communauté
de langue anglaise, voulons continuer à contribuer d'une façon
valable à la qualité de vie et au bien-être
général du Québec, qui est aussi notre province. Les
restrictions qu'on est sur le point de nous imposer, risquent pourtant de nous
isoler une fois de plus par la force des choses. Evitons de le faire. Dans un
esprit de conciliation et avec toute notre bonne volonté, nous offrons
les suggestions et recommandations ci-contre formulées sans
prétention quelconque, et dans les meilleures des intentions.
Que la future Charte de la langue française au Québec
établisse la primauté de la langue fran- çaise au
Québec dans le domaine socio-économique, le domaine de la
main-d'oeuvre et des relations de travail, le domaine du commerce et de
l'industrie, le domaine juridique, le domaine des arts et des métiers,
le domaine de l'éducation, par diverses méthodes incitatives
plutôt que coer-citives.
Qu'elle reconnaisse à l'anglais le statut de langue
officielle.
Qu'elle respecte scrupuleusement la constitution du Canada, à
savoir l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, avec toutes les
garanties que cette constitution accorde.
Qu'elle encourage le développement d'une société
bilingue tout en consolidant le statut de la langue française.
Qu'elle accorde à cette fin, dans le domaine de
l'éducation, la possibilité aux parents de choisir pour leurs
enfants le genre d'éducation qui leur sied le mieux, conformément
à l'esprit même du préambule de la loi du ministère
de l'Education du Québec entrée en vigueur par proclamation le 13
mai 1964.
Qu'elle incite les universités du Québec et toutes leurs
facultés, mais surtout les facultés des sciences de
l'éducation, à développer des programmes bilingues de
haute qualité.
Qu'elle exige qu'une connaissance approfondie de la langue seconde et
une maîtrise quasi absolue de la langue première soient les
prérequis inévitables à l'admission à une
faculté des sciences de l'éducation pour fins
d'études.
Qu'elle requière et impose un délai de dix ans
après l'entrée en vigueur de la loi pour que tout candidat
à un poste dans l'enseignement à n'importe quel niveau et dans
n'importe quel domaine soit au moins bilingue et dûment reconnu comme
tel.
Qu'elle envisage des délais de francisation plus réalistes
dans le domaine de l'administration du secteur public et parapublic, afin de
permettre une adaptation progressive à la situation.
Qu'elle attribue à cette fin, aux administrations en cause, les
fonds nécessaires pour mener à bonne fin un programme de
francisation valable et durable.
Nous reconnaissons que votre tâche est ardue et que votre choix
sera difficile, espérant pourtant qu'en dépit de tout, vos
décisions seront sages.
Merci.
Le Président (M. Cardinal): Merci beaucoup à M.
Fox, qui a pris moins que le temps prévu. Alors, la parole est aux
membres de la commission.
M. le ministre d'Etat au développement culturel.
M. Laurin: Je veux d'abord remercier le PSBGM pour le
mémoire qu'il vient de nous présenter.
D'une manière générale, le PSBGM ne semble
guère avoir évolué depuis juillet 1974. En effet, il
semble rejeter aussi catégoriquement et avec autant de vigueur le projet
de loi no 1 qu'il avait rejeté la loi 22.
Il est d'ailleurs le seul organisme qui s'est
présenté devant nous à préconiser la
reconnaissance à l'anglais du statut de langue officielle avec un autre
organisme scolaire qui s'est présenté devant nous.
Il veut également assurer la bilinguisation intégrale du
Québec, et particulièrement dans le secteur de l'éducation
où il veut que tous les professeurs deviennent bilingues. Evidemment, ce
n'est pas là la volonté du gouvernement actuel qui a
rejeté le bilinguisme institutionnel et qui est d'accord avec l'ancien
gouvernement pour faire du français la langue officielle.
Le PSBGM voudrait aussi des détails plus réalistes pour
une francisation et je me demande si elle correspond véritablement
à ses intentions. Il n'a pas fixé de période de temps
comme délai plus réaliste, mais on peut penser que ce
délai, dans l'esprit du PSBGM, doit être très long et, par
ailleurs, les frais de cette francisation, selon le PSBGM, devraient être
assumés entièrement par l'Etat, ce qui ne nous semble pas logique
dans les circonstances.
Dans son mémoire, le PSBGM rejette le projet de loi comme
s'opposant à un prétendu dynanisme de la culture française
qu'il aurait constaté et tout de suite, dans la suite, le PSBGM
prétend que le projet de loi veut isoler le Québec et faire du
Québec une société close.
Pour ma part, je vois une certaine antinomie entre les deux termes car
si, véritablement, la culture française est dynamique, elle ne
voudra sûrement pas s'isoler et vivre en vase clos. Il me semble que la
caractéristique d'une culture dynamique est au contraire de s'ouvrir au
monde et de se développer à même des contacts nombreux,
fréquents et profonds avec les autres cultures mondiales.
A notre avis, même si nous reconnaissons le dynamisme et
même l'effervescence de la culture française au Québec,
cela n'empêche pas le gouvernement de vouloir légiférer en
la matière.
Le PSBGM prétend qu'une langue qui a besoin d'une
législation pour s'affirmer, pour survivre est une langue qui se meurt
et, pourtant, toutes les autres provinces du Canada ont
légiféré à ce sujet et, parfois, depuis plusieurs
années. C'est en 1890 que le Manitoba a légiféré
pour abolir le français et pour affirmer l'anglais et je ne sache pas
que, depuis 100 ans, l'anglais au Manitoba soit une langue qui se meurt.
Il y a aussi beaucoup d'autres pays qui ont cru opportun de
légiférer. Même la France a cru opportun de
légiférer et je ne sache pas que la culture et la langue
française en France soient une langue et une culture qui se meurent.
Non, légiférer en pareil domaine n'est pas
témoigner d'un manque de confiance, mais simplement prendre conscience
de certains problèmes qui se posent et tenter de les régler de la
meilleure façon possible.
Bien sûr, nous sommes d'accord avec le PSBGM qu'idéalement,
une approche coopérative où tous les citoyens seraient sur le
même pied de façon à édifier un Canada
prospère avec une culture de la langue française qui serait
encouragée, soutenue par les autres provinces, serait souhai- table,
mais ce n'est quand même pas ce qui s'est passé dans l'histoire du
Canada. Je dirais même que la seule province du Canada qui a
légiféré pour protéger la langue de la
minorité anglaise d'une façon efficace et complète, c'est
encore le Québec et je n'en veux pour preuve que le rapport très
élaboré qu'a fait paraître récemment la
Fédération des francophones hors du Québec dans lequel on
voit, en conclusion du chapitre sur l'éducation la phrase suivante:
"Nulle part au Canada, sauf au Québec, la communauté francophone
jouit de droits scolaires inaliénables. Dans deux provinces, la
Colombie-Britannique et Terre-Neuve, le français comme langue
d'enseignement ne possède aucun statut. Dans quatre autres provinces,
soit l'Alberta, la Saskatchewan, I'lle-du-Prince-Edouard et la Nouvelle-Ecosse,
l'accès à un enseignement français est régi par une
série de pouvoirs discrétionnaires faisant de cet enseignement un
privilège. Dans aucune de ces provinces, la survie des écoles
françaises n'est assurée par des règlements. Dans aucune
de ces provinces, la communauté francophone ne possède les
mêmes services administratifs jugés essentiels par la
communauté anglophone à l'épanouissement d'un
réseau scolaire anglophone complet et permanent. Dans les trois
provinces qui reconnaissent le statut officiel de la langue française
comme langue d'enseignement, il en existe encore une, le Nouveau-Brunswick,
où ce statut n'a pas force de loi. Aucune province ne possède une
véritable politique d'éducation française. Donc,
aujourd'hui, dans aucune province à l'extérieur du Québec,
on ne peut parler d'égalité scolaire et en sus, la
Fédération des francophones hors Québec affirme que dans
toutes les autres provinces du Canada il y a une politiques boiteuse en
matière d'éducation, de nombreux conflits scolaires qui ne se
règlent pas et il y a peu ou pas de système scolaire pour les
francophones, ce qui amène la fédération à conclure
que la triste réalité est que la situation qui est faite aux
minorités francophones en dehors du Québec est lamentable et il
importe que les provinces, avec ou non l'appui du fédéral,
interviennent au plus tôt pour corriger cette situation.
Donc, cette approche coopérative, toute idéale qu'elle
soit dans la pratique, demande à s'édifier sur des bases
concrètes et je serais porté à dire, comme dans une fable
française, soeur Anne, est-ce que tu vois venir quelque chose? Pour le
moment, il n'y a guère d'annonce réjouissante pour nous
encourager à voir, dans un avenir prochain, s'édifier les bases
de cette approche coopérative.
Dans son mémoire, le PSBGM fait allusion aussi à la
disparition du groupe anglophone. Evidemment, nous ne partageons pas cette
vision pessimiste. Je ne veux pas reprendre ici tous les arguments qui ont
été opposés à cette thèse par les neuf
démographes qui ont répondu, dans le Devoir, à
Réjean Lachapelle, mais je pense qu'on peut renvoyer le PSBGM à
cette réponse très élaborée et
circonstanciée. On pourrait aussi le renvoyer au mémoire que nous
a présenté ici même l'Association des démographes
qui était d'avis que
la minorité anglophone au Québec n'était aucunement
en danger en raison de sa vitalité, en raison du primat de sa position
économique et en vertu de beaucoup d'autres raisons. Serait-il vrai
alors que la minorité anglophone est menacée au Québec de
réduction et de compression comme se plait à le dire le
mémoire? Je pense qu'il faut ici faire une distinction.
Est-ce que le PSBGM parle de cette réduction et de cette
compression de façon absolue ou de façon relative? Si l'on parle
de façon absolue, la réduction ou la compression de la
minorité anglophone au Québec semble très improbable. Il y
a eu des études démographiques intéressantes parues
déjà à cet effet. L'étude de M. Henripin, par
exemple, prouve qu'en chiffres absolus, la minorité anglophone va
s'accroître de façon marquée d'ici l'an 2000. D'autres
études ont été publiées aussi et d'autres sont
promises dans un avenir prochain. Donc, cette réduction et cette
compression nous semble très improbable.
Maintenant, est-ce qu'il y aura une réduction relative de la
minorité anglophone? La réponse est probablement positive. Mais
jusqu'ici, les statistiques nous montrent que c'est plutôt la population
francophone qui diminue, d'un recensement à l'autre. Par exemple, en
1951, la population francophone comptait au Québec 82% de la population,
alors qu'en 1971, elle n'était plus que de 79,2%. Et pourtant, en
chiffres absolus, la population francophone a sûrement augmenté au
cours de ces vingt années, même si elle a diminué en
chiffres relatifs.
Il y a donc un redressement à effectuer en faveur de la
population francophone et ce redressement à effectuer, on l'a
souligné dans plusieurs quartiers, ne peut être effectué
que par l'arrêt de ce processus absolument anormal qui a voulu que tous
les immigrants ou les nouveaux venus au Québec dans leur
quasi-totalité s'intègrent au secteur anglophone, et en
particulier à l'école anglophone.
C'était là le but que poursuivait jusqu'à un
certain point la loi 22 et c'est aussi le but que poursuit le projet de loi no
1, ce qui constitue d'ailleurs un phénomène tout à fait
légitime et normal pour un peuple.
Il reste cependant que cette réduction relative ne sera pas aussi
considérable que veut le faire croire le PSBGM. On peut peut-être
s'attendre à une réduction relative de 5%, même si en
chiffres absolus, encore une fois, il est probable que le nombre d'anglophones
augmentera. D'ailleurs, quand on regarde les dispositions de la loi 1 qui sont
respectueuses à l'endroit de la minorité anglophone en
particulier, et même généreuses, certains groupes nous
l'ont assez dit ici en commission, je pense que les pronostics ne pourraient
être aussi pessimistes que ceux que nous fait aujourd'hui le PSBGM.
Si on regarde, par exemple, l'article 52 qui permet à tous ceux
qui sont à l'école anglaise d'y continuer leurs études,
ainsi que leurs frères et soeurs, si on pense que ce privilège
est étendu à tous leurs descendants, si on pense à la
vitalité également de la minorité anglophone au
Québec, à l'appui qu'elle a de l'establishment économique,
je pense qu'on peut dire que cette perspective de diminution a
été gonflée dans le mémoire que nous venons
d'entendre.
Mais j'ai l'impression quand même que le PSBGM base ses
prévisions surtout sur des données démographiques dont
elle nous parle amplement à la page 12. Elle prévoit en effet une
diminution importante des effectifs scolaires au secteur anglais.
Je pense qu'à ce moment, il est important de faire une mise au
point objective sur la situation de la clientèle scolaire du PSBGM. Par
exemple, en 1975-1976, il y avait, au PSBGM, 52 154 élèves. En
1976-1977, si on comprend les élèves de la prématernelle,
il y en aura 50 059. La diminution des effectifs scolaires au cours des cinq
dernières années, au PSBGM, a été de 14,5%, soit
8400 élèves. Mais il ne faut pas oublier que dans le même
temps, au secteur catholique, sur le même territoire couvert par la
PSBGM, donc surtout francophone, il y a eu une diminution de 28,4%,
c'est-à-dire 60 000 élèves approximativement. Donc, je
pense que cette diminution a été beaucoup plus marquée,
encore une fois, du côté francophone que du côté
anglophone, et en particulier du PSBGM.
Si on regarde maintenant les prévisions en fonction de la loi 22
qui nous régit actuellement, les compilations que l'on peut faire nous
donnent à peu près les résultats suivants: il y aurait une
diminution au cours de ces cinq prochaines années, dans le secteur du
PSBGM, de 24,6%, c'est-à-dire de 12 240 élèves alors que,
encore une fois, dans le secteur catholique, couvrant le même territoire,
il y aurait une diminution de 32,3%, c'est-à-dire de 48 000
élèves.
Il est donc opportun de comparer constamment les deux secteurs, si l'on
veut se faire une idée juste de la réduction des effectifs
scolaires.
Pendant que j'y suis, je pense qu'il peut être intéressant
également de voir le nombre d'élèves au sein du PSBGM qui
sont inscrits dans les classes d'immersion. Au niveau de la maternelle, il y a
785 élèves, soit 25% des effectifs totaux; à
l'élémentaire, il y en a 3020, soit 13,2% des effectifs totaux;
et, au niveau secondaire, 1638, soit 7,3% des effectifs totaux, et non pas 50%
comme certains mémoires ont prétendu le dire devant cette
commission.
Il est aussi intéressant de noter qu'au PSBGM, il n'y a pas que
des élèves protestants. Il y a, par exemple, en 1976-1977, 5%
d'élèves catholiques; il y a 41% d'élèves qui
appartiennent à une autre confession et il y a seulement 51% qui disent
qu'ils appartiennent à la confession protestante.
Donc, je pense que c'est important de partir des données
véritables pour évaluer les craintes du PSBGM en ce qui concerne
l'avenir. Y aura-t-il diminution importante des effectifs scolaires au secteur
anglais? Oui, c'est probable, mais elle est inévitable, mais dans les
deux secteurs, cependant, aussi bien catholique que protestant. Je pense que
cette baisse est très forte en raison d'une très forte baisse de
la fécondité qui affecte les deux populations. Je dirais
même que cette
baisse de la fécondité a affecté davantage et
affectera davantage le secteur français que le secteur anglophone.
De toute façon, les prévisions pour le PSBGM, au cours de
diminutions pour les cinq prochaines années, ne nous apparaissent pas
aussi marquées que le mémoire le prétend. Pour 1981-1982,
nous prévoyons une diminution des effectifs de 24,6% pour la PSBGM, avec
la loi 22 actuelle, alors que, pour le secteur français, cette
diminution serait de 32,3%.
Si nous abordons maintenant les cinq autres années qui suivent,
avec la loi 22, toujours, cette diminution serait de 39%, c'est-à-dire
réduirait les effectifs scolaires du PSBGM à 30 500. Je fais
remarquer tout de suite au PSBGM que cette diminution serait probablement
moindre si le PSBGM développait davantage son secteur français.
J'ai l'impression qu'il y a des Français assez nombreux qui sont
protestants, et tous les protestants ne sont pas anglais. Actuellement, au sein
du PSBGM, je pense qu'il y a des classes françaises, mais il n'y a pas
d'écoles françaises. La commission est unifiée et les
protestants français sont envoyés dans des classes et non pas
dans des écoles. Je pense que cela serait là une façon de
diminuer les pertes subies, en raison de la baisse de la
fécondité ou de la baisse des lois.
Encore une fois, ce chiffre de 58,80% nous apparaît
exagéré. D'ailleurs, je me pose la question: Pourquoi le PSBGM
laisse-t-il un si large écart entre ces deux chiffres? Est-ce que les
statistiques sont imprécises à ce point qu'on ne peut choisir
entre 60% et 80%? C'est peut-être ce qui explique, étant
donné la basse statistique un peu faible, qu'on en arrive à des
chiffres, à des résultats finaux qui laissent voir un très
grand écart.
De toute façon, même avec le projet actuel, le projet de
loi no 1, nos prévisions sont que, pour l'ensemble du Québec, la
baisse des effectifs scolaires dans le secteur anglophone ne pourrait
dépasser, dans la "pire" des hypothèses, le pourcentage de 34% et
non pas 58% ou 80%. Et, encore une fois, cette baisse serait surtout
attribuable à la diminution de la fécondité et non pas
à l'impact législatif, soit de la loi 22, comme je le disais tout
à l'heure, ou de la loi 1.
En page 13 aussi, le PSBGM parle beaucoup des migrations hors
Québec, de la mobilité qui enlève au PSBGM plusieurs
élèves. Je me demande, pour ma part, comment le PSBGM a pu
chiffrer le taux de migration de ses élèves en dehors de ses
écoles, et surtout le lieu de leur émigration. Est-ce que c'est
à la suite d'études ou d'enquêtes, parce que cela est
difficile?
Par exemple, je soumets au PSBGM cette hypothèse que
peut-être les élèves qu'a perdus le PSBGM sont allés
dans d'autres commissions scolaires anglophones, des commissions scolaires de
banlieue, par exemple et, par ailleurs, les statistiques que nous avons
étudiées du PSBGM révèlent que les taux de passage,
d'une année à l'autre, de la 3e à la 4e année et de
la 4e à la 5e année, etc., révèlent que ces taux de
passage sont positifs, c'est-à-dire qu'il y a un maintien ou une
augmentation d'une année à l'autre.
Si, vraiment, il y a eu une telle mobilité, une telle migration,
il n'y a qu'une seule explication possible, c'est que les trous, les pertes ont
été compensés par des transferts linguistiques aussi
importants, c'est-à-dire de gens qui passaient à la langue
anglaise, ou par l'arrivée de migrants qui ne viennent pas des autres
provinces ou par des immigrants qui viennent des autres pays.
A l'appui de cette "démonstration", le PSBGM apporte l'exemple de
la Gaspésie. Je pense, pour ma part, que cet exemple est très mal
choisi. D'abord, il n'y a jamais eu 80% d'anglophones en Gaspésie. C'est
un chiffre qui vient du National Geographic Magazine, qui n'a jamais
été reconnu pour la qualité scientifique de ses articles.
En fait, Joy, dans son livre Languages in Conflict, à la page 98, disait
que, même en 1871, il n'y avait en Gaspésie que 36% d'anglophones,
c'est-à-dire 11 000 anglophones.
D'ailleurs, le chiffre d'anglophones n'a pas diminué en
Gaspésie. En 1961, il y en a 14 000, donc une augmentation de 3000. Ils
ne forment plus alors que 13% de la population, mais c'est parce que la
Gaspésie a été colonisée, a été
peuplée, développée surtout par l'élément
francophone. C'est donc une diminution relative, mais une augmentation en
chiffre absolu.
C'est la raison, M. le Président, pour laquelle je vous dis que
lorsque le PSBGM prétend que notre projet de loi est basé sur des
données démographiques erronées, j'attendrais une
meilleure démonstration de sa part. J'ai plutôt l'impression que
le mémoire qu'il nous présente est basé sur des
données démographiques erronées ou incomplètes. Si
j'examine d'un peu près l'annexe A qu'il nous présente, je peux
lui demander sur quelles données s'est basé le PSBGM pour
affirmer que la clientèle des écoles anglaises passera de 21 000,
en 1984, à 8000 ou 10 000, en 1987. Pour nous, ces chiffres sont
très exagérés, sont gonflés. Je l'ai d'ailleurs
prouvé tout à l'heure à l'aide des statistiques objectives
et complètes que j'ai données, mais, sur ce problème,
comme sur d'autres, étant donné que le PSBGM est la commission
scolaire la plus importante, j'aimerais passer la parole à mon
collègue, le ministre de l'Education, qui veut entraîner sur un
autre sujet.
M. Morin: M. le Président, à moins que M. Fox ne
veuille immédiatement réagir aux propos du ministre d'Etat au
développement culturel, j'aurais quelques questions à lui poser
sur certains points précis de son mémoire ou du mémoire,
du moins, du PSBGM.
M. Fox: J'aurais une certaine réponse à donner aux
questions soulevées. Nous citons les exemples des autres provinces,
à la page 15 et à la page 16, où l'amélioration du
statut du français est indéniable. En Ontario, les écoles
de langue française ont un statut officiel par les projets de loi 140 et
141. On a établi, à cet effet, un Conseil des écoles de
langue française dont le président, lui-même de langue
française, a rang de sous-ministre adjoint de l'Education. C'est un fait
qui est acquis et notre sous-ministre adjoint ou asso-
cié reste confessionnel et n'a plus de pouvoirs linguistiques
comme jadis il en avait.
C'est donc un droit indéniable qui a été
accordé et c'est un droit qui leur revient aux
francophones de l'Ontario. L'Assemblée législative du Manitoba a
sanctionné le projet de loi 113, qui reconnaît le français
ainsi que l'anglais comme les deux langues officielles d'enseignement dans les
écoles, et le gouvernement fédéral lui-même a
entrepris de déclarer la Loi sur la langue qui était, dans le
temps, instaurée, comme indiquant que seul l'anglais est la langue
officielle et de le traduire en justice pour des épreuves de
constitu-tionnalité.
Au Nouveau-Brunswick, à partir du 1er juillet, l'anglais et le
français seront reconnus comme les deux langues officielles de la
province. Les deux langues jouissent des mêmes droits et des mêmes
privilèges. Donc, c'est là un des avantages que nous voulons
citer en réponse.
Les tendances dans la province, vous le verrez aussi dans la diminution
des anglophones... D'après le démographe John de Vries, de
McGill, dans l'annexe A du mémoire de cette université, il est
indiqué que dans les Cantons de l'Est, en 1971, l'élément
anglophone formait 39,6%, alors que l'élément francophone ne
formait que 13,9%. En 1977, cet élément anglophone est
réduit à 29%, alors que l'élément francophone a
augmenté à 32%. Naturellement, il serait vain de citer d'autres
statistiques. Il est, néanmoins, indiqué que de 1967 à
1977, le PSBGM lui-même a perdu 17 500 élèves. Il passera
de 64 500 à 47 800, selon les prédictions pour 1978-1979. Dans
l'annexe A, les prédictions sont surtout basées sur les
règlements du projet de loi no 1. Nous avons une école
française, l'école secondaire de Roberval, qui est une
école française et protestante de son plein droit. Nos autres
écoles sont des écoles à deux branches, comme
l'école Bicentennial, l'école Victoria et l'école de
Maisonneuve. A Bicentennial, le secteur francophone, langue première,
dépasse de loin le secteur anglophone.
En ce qui concerne les indications, je ne crois pas que nous n'ayons
jamais dit que nous avons 50% de nos élèves dans l'immersion.
Nous avons, et j'ai toujours dit cela, à peu près un
cinquième de nos élèves dans l'immersion. Il n'y a qu'un
seul secteur où cette erreur a pu être commise, c'est dans le
cours d'immersion de la septième année où il y a 45% de
nos effectifs qui sont inscrits dans ce cours. Donc, là, c'est une
erreur. Je crois que, moi-même, je n'ai jamais cité que nous
ayons... Ce serait miraculeux si nous avions eu cela de ce point de vue.
Le Président (M. Dussault): II reste cinq minutes au parti
ministériel.
M. Morin (Sauvé): Je vais être très bref, M.
le Président. J'aurais eu toute une série de questions. Je vais
essayer de m'en tenir au plus important.
A la page 19 du mémoire, M. Fox, vous engagez le gouvernement
à respecter scrupuleusement le British North America Act, avec toutes
les ga- ranties que cette constitution accorde. J'imagine que vous faites
allusion à l'article 93. Je voudrais vous demander si, dans votre
esprit, le gouvernement s'en prend, dans son projet de loi actuel, au
caractère confessionnel de vos écoles, puisque l'article 93
protège depuis 1867 le caractère confessionnel des écoles.
Vous avez mentionné dans votre intervention, à la suite de
l'exposé de mon collègue, que vous aviez, effectivement, une
école et des classes françaises. Je me demande pourquoi vous
n'avez pas mis l'accent sur ce fait, puisque jamais ne vous a été
nié le droit d'avoir des écoles et des classes protestantes
françaises. Il se peut même que ces classes et ces écoles
connaissent un certain développement, toujours à
l'intérieur des structures scolaires protestantes. Alors, je ne vois pas
très bien exactement à quoi vous vous référez dans
ce passage à la page 19. Est-ce que vous insinuez par là que nous
ne respectons par l'article 93?
M. Fox: D'accord. Nous entrons dans la question
constitutionnelle. Je crois que nous n'aurons pas le temps de régler
cette question entre nous.
Vous avez entièrement raison en disant que, du point de vue
confessionnel, le droit du système protestant a toujours
été respecté et que nous avons été libres,
jusqu'à présent, au sein de notre système, d'organiser des
classes francophones et des classes anglophones. Mais il y a naturellement une
interprétation large des garanties constitutionnelles de l'article 93
qui veut que...
M. Morin (Sauvé): Vous avez raison de sourire, M. Fox.
M. Fox: ...d'accord, mais je sais que là, nous allons
soulever bien des controverses... qui veut que ce qui était
considéré comme protestant était presque automatiquement
considéré comme anglophone et que ce qui était
considéré comme catholique, à l'époque de la
Confédération, était considéré comme
francophone. Si, d'un côté, les catholiques ont tenu pour acquis
qu'ils pouvaient organiser leurs écoles sur la base francophone, les
protestants avaient tenu pour acquis que leurs écoles pouvaient
être organisées dans la langue anglaise et il est à noter
que, même aujourd'hui, au Conseil supérieur de l'éducation,
le comité protestant est encore un comité qui fonctionne
entièrement en anglais. C'est le seul, d'ailleurs, dans la structure du
gouvernement.
Naturellement, je vous cite ici une interprétation légale
de la part de nos avocats, de notre contentieux et, d'un autre
côté, vous savez tout autant que moi que, si vous réunissez
six avocats, vous avez douze opinions, tout comme, si vous réunissez
trois linguistes, vous pouvez avoir cinq opinions différentes, et je ne
crois pas que nous pourrons régler cette question ici.
M. Morin (Sauvé): Bien! J'y faisais allusion puisque
vous-même, vous y faites allusion dans votre mémoire, quoique plus
brièvement que dans le mémoire que vous aviez soumis sur le
projet de loi no 22, lequel avait prêté quelque peu à
discussion à l'époque, si vous vous en souvenez bien.
M. Fox: Oui, très bien.
M. Morin (Sauvé): Je veux vous poser deux questions pour
terminer. La première est celle-ci...
Le Président (M. Dussault): Je m'excuse. Je devrai vous
arrêter ici immédiatement, le temps étant
écoulé pour la partie ministérielle.
M. Morin (Sauvé): Mais ça ne fait pas tout à
fait cinq minutes, M. le Président. Il me restait au moins le temps de
poser ma question. Elle est assez importante. Je croyais que ça faisait
trois minutes que vous m'aviez averti.
Le Président (M. Dussault): Je vois que l'Opposition n'y
fait pas opposition. Alors, brièvement, s'il vous plaît.
M. Morin (Sauvé): Vous êtes bien aimables. Ce sera
une question.
M. Ciaccia: M. le Président, on sait qu'il a
dépassé son temps, mais on ne veut jamais, dans l'Opposition
officielle, brimer le droit de parole d'un député, surtout un
député ministériel. Alors, il peut poser sa question
additionnelle.
M. Morin (Sauvé): Je suis profondément
touché par le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: J'espère qu'il aura la même attitude
quand nous en viendrons à poser nos questions.
M. Morin (Sauvé): Bien! J'ai deux questions très
brèves. La première est celle-ci: Le PSBGM est-il prêt
à développer ses écoles et ses classes françaises
dans l'application du projet de loi no 1? Première question, et la
deuxième est celle-ci: C'est votre droit le plus démocratique,
messieurs du PSBGM, de rejeter ce projet de loi, et nous reconnaissons ce
droit. Il ne vous sera jamais contesté. Mais ceci m'amène
à vous poser une question peut-être délicate, mais une
question tout de même très réelle.
Iriez-vous jusqu'à dire que le PSBGM ne devrait pas respecter la
charte et devrait admettre des enfants illégalement dans ses
écoles, pour le cas où ce projet entrerait en vigueur?
M. Fox: Je ne crois pas. Je vous donne ici mon opinion
personnelle, mais je crois que cette opinion est partagée par les
membres présents du Board. Nous avons toujours dit que nous
respecterons, dans la mesure du possible, les exigences légales
imposées. Nous sommes prêts à développer notre
secteur francophone, dans la mesure du possible, dans la mesure où les
règlements seront à temps pour nous permettre d'organiser ces
classes. Cette année, nous venons de recevoir votre règlement
qui, d'ailleurs, respecte, en gros, les dispositions indiquées dans
l'article 52, d'après ce que j'ai déjà vu. Si j'avais
été entendu hier, comme c'était prévu, je serais
à une réunion maintenant avec M. Halley pour discuter de
l'application pratique.
Nous sommes prêts à développer le secteur
francophone et nous avons toujours dit à nos ressortissants francophones
protestants: Donnez-nous les élèves et nous vous donnerons les
classes.
M. Morin (Sauvé): Et les écoles? M. Fox: Et
les écoles... M. Morin (Sauvé): Bien.
M. Fox: ...si nous avons le nombre suffisant pour les ouvrir.
M. Morin (Sauvé): Vous êtes conscient que vous
pourrez faire cela sous l'empire du projet de loi actuel?
M. Fox: Oui. Nous aurons des difficultés à trouver
le personnel. Il y aura des difficultés administratives, peut-être
même des difficultés syndicales, etc, mais nous sommes prêts
à développer le secteur francophone et tous les commissaires du
Protestant School Board, et les ex-commissaires du Patronat School Board
étaient de cet avis et je ne vois en rien comment les nouveaux
commissaires vont changer d'idée à ce sujet.
M. Morin (Sauvé): II y a une dernière question qui
découle de la réponse que vous venez de me donner, M. Fox. Quand
vous dites que vous respecterez la loi dans la mesure du possible, qu'est-ce
que cela signifie exactement? Voulez-vous dire le respect intégral de la
loi ou un respect partiel de la loi et dans quelles conditions pourriez-vous
être amené à ne pas respecter la loi, dans la mesure du
possible?
M. Fox: Vous me tendez un petit piège qui...
M. Morin (Sauvé): J'avoue que la réponse que vous
m'avez donnée était peut-être piégée.
M. Fox: Non. Aussi longtemps qu'il nous sera possible
d'interpréter et les règlements et la loi elle-même d'une
façon claire et précise, nous suivrons cette loi de cette
façon.
M. Morin (Sauvé): Alors, la loi et les règlements
seront clairs et précis, M. Fox.
Le Président (M. Dussault): Merci. Mme le
député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. On se sent
tellement coincé avec le minutage comme on l'a depuis quelques jours...
j'avais tout à fait raison de voter contre la motion de départ
voulant qu'on se limite aux 20 ou 25 minutes...
Le Président (M. Dussault): A l'ordre, Mme le
député, s'il vous plaît!
Mme Lavoie-Roux: J'aurais beaucoup de remarques à faire
sur l'intervention du ministre
d'Etat au développement culturel. Par exemple, tous les groupes
anglophones qui sont venus ici et qui ne saluent pas d'emblée son
projet, le ministre les accuse toujours de ne pas avoir
évolué.
Parfois, je me demande si le ministre d'Etat au développement
culturel, à part d'être allé faire une ronde des
communautés anglaises pour vendre son projet de loi no 1 a d'autres
occasions de communiquer avec la communauté anglophone.
Je sais qu'il aime beaucoup les statistiques et il nous a cité
ses démographes et il dit par exemple, que la baisse de natalité
si j'ai bien compris, tout à l'heure affectera davantage
probablement les francophones que les anglophones et je dois dire que les
honorables démographes qui sont venus l'autre jour nous ont dit que cela
affectait davantage les anglophones que les francophones.
C'est une question et il n'a pas la réponse et je ne l'ai pas.
Quand on fait des statistiques comparées entre la baisse des populations
scolaires des anglophones et des francophones dans l'île de
Montréal, les chiffres que le ministre d'Etat au développement
culturel a avancés sont exacts. La baisse a été,
certainement, plus forte dans le secteur francophone que dans le secteur
anglophone, mais j'aimerais savoir et je pense que personne ne peut donner la
réponse ici... il en vaudrait la peine de l'examiner: Dans les
projections qu'on fait, est-ce que la mobilité de la population
francophone vers l'extérieur de l'île de Montréal est plus
grande ou moindre que celle des anglophones? Je serais portée à
croire que cette mobilité des francophones à l'extérieur
de l'île de Montréal est plus grande que celle des anglophones,
mais cela demeure un point d'interrogation, mais cela permettrait
peut-être de nuancer ces statistiques. Voulez-vous commenter ce
point?
M. Fox: Je vais vous dire une chose. Quand vous parlez de secteur
anglophone, n'oubliez pas que nous ne sommes pas le seul secteur anglophone.
Nous sommes le secteur anglophone protestant, alors que vous avez le secteur
anglophone catholique. Votre secteur anglophone catholique est beaucoup plus
stable que notre secteur anglophone protestant. La mobilité du secteur
protestant est beaucoup plus grande et a toujours été beaucoup
plus grande que la mobilité du secteur catholique anglophone.
Mme Lavoie-Roux: A l'autre question, je n'attendrai pas tout de
suite de réponse du ministre d'Etat au développement culturel. Ce
sont les projections de la population scolaire d'ici 1983. Je ne sais pas s'il
se réfère aux projections qui ont été faites lors
de l'étude du comité sur la restructuration de l'île de
Montréal, mais il a peut-être d'autres statistiques que je ne
connais pas, mais celles-là étaient les seules que nous avions
à ce moment-là, à notre portée, et elles faisaient
exclusion de l'effet de la loi 22. Je vais quand même passer
immédiatement aux questions pour ne pas perdre de temps. Il y a un point
qui a toujours été litigieux entre moi et mes bons amis du PSBGM,
c'est votre façon d'envisager la communauté
québécoise comme une communauté étant bilingue et
devant demeurer bilingue. Là, je voudrais vous référer
à la page 11. Vous dites: Elle lui enlève en parlant de la
communauté francophone l'occasion d'offrir à ses enfants
une éducation biculturelle. Pouvez-vous expliquer ce mot "biculturel"?
Si biculturel comme je suis portée à le déduire de vos
recommandations de la page 19, est synonyme de bilinguisme intégral je
ne suis pas du tout sûre que ce soit le souhait de la majorité
francophone. Je voudrais que vous soyez spécifiques
là-dessus.
M. Fox: D'ailleurs, je dois dire que nous avons
rédigé notre mémoire de façon très
hâtive, comme presque tous ceux qui ont soumis des mémoires et
j'ai hésité à traduire le mot "bicultural" par
"biculturel". Je crois que nous voulons surtout insister sur le fait que ce
serait un bilinguisme avancé ou la culture découle de la langue
et elle se vit. Dans la langue seconde, cette intensité de la vie
culturelle dépend de l'intensité avec laquelle
l'élève en question ou la personne en question a reçu
l'enseignement de la langue seconde. J'estime que nos élèves des
cours d'immersion des classes maternelles jusqu'en onzième année
auront une meilleure base biculturelle que nos élèves qui ne
commencent leur immersion qu'en septième année. Vous voyez ce que
je veux dire? Il y a des nuances. Il y aura toujours bilinguisme. Le
bilinguisme ne veut pas dire l'assimilation, parce qu'il y aura toujours une
langue dominante, mais ce n'est pas forcément la langue maternelle qui
sera la langue dominante si, pour des raisons personnelles, la personne qui a
étudié cette langue entre dans cette communauté, il se
peut très bien que ce soit la langue seconde qui devienne la langue
dominante. Mais aussi longtemps que nous aurons les deux systèmes
scolaires, la langue dominante dans l'un sera le français, la langue
dominante dans l'autre sera l'anglais, mais, pour autant que nous
développions de la façon la plus parfaite possible l'enseignement
de la langue seconde.
Mme Lavoie-Roux: II est important qu'on fasse la
différence entre le désir chez les francophones de faire
l'acquisition d'une langue seconde et ce que vous avez, peut-être par
manque de temps, interprété comme étant du bilinguisme
intégral.
Evidemment, personne ne peut prétendre qu'il interprète la
majorité des autres membres de la communauté ou de la
collectivité, mais j'ai l'impression que les francophones ne visent pas
à un bilinguisme intégral. En tout cas, je ne veux pas retarder
la discussion là-dessus.
En page 12, vous faites allusion à la langue de communication
dans l'administration. Sur ce point, personnellement, je suis d'accord avec
vous dans le sens d'obliger les commissions scolaires qui sont majoritairement
anglaises à faire les communications, au niveau de l'administration,
parce que les écoles sont aussi partie de l'administration, entre
l'administration et votre administration centrale, en français; bien
qu'elles peuvent le faire dans les deux langues, selon que l'usager est un
usager de l'école française ou de l'école anglaise.
Mais qu'on le fasse d'une façon législative, tel qu'il est
prévu dans la loi, ça me semble vraiment ne pas tenir compte
d'une réalité et respecter, à mon point de vue, les
institutions qu'on dit vouloir survivre. D'ailleurs, c'est assez
intéressant là-dessus qu'au moment de l'étude des
crédits du ministère de l'Education, il nous est arrivé,
dans le domaine des communications, de relever le fait que parmi les nombreuses
publications du ministère de l'Education, il y en a une qui s'appelle
Mecnews et qui est la seule publication qui, pour la première fois,
était publiée à l'intention de la population anglophone.
Déjà, dans ce même rapport qu'on nous soumettait, on se
demandait, compte tenu de la politique linguistique, s'il y aurait lieu de
poursuivre cette initiative. J'ai essayé d'obtenir des précisions
du ministre de l'Education à ce sujet, parce que je pense que c'est une
revue, qui, quand même, supporte les institutions scolaires; or, il n'a
pas voulu se compromettre.
Enfin, il faudrait peut-être que je relise attentivement le
journal des Débats. Mais ça aussi, c'est un autre signe que vos
appréhensions ont un fondement basé sur la
réalité.
Je voudrais vous poser quelques questions. La CEQ est venue non
pas la semaine dernière, les journées sont longues, c'est
peut-être seulement hier ou avant-hier parler des classes
d'immersion. Elle a posé un jugement un peu cavalier sur les
réalisations des commissions scolaires anglaises quant à
l'enseignement de la langue seconde par le biais des classes d'immersion,
également, sur les méfaits, ou enfin ce n'est pas le terme
qu'elle a utilisé sur les inconvénients d'enseigner une
langue seconde en plus bas âge, c'est-à-dire dans les
premières années de l'élémentaire. Je comprends et
je l'admets au départ, que la situation des francophones en
Amérique du Nord est différente de celle des anglophones, mais
ceci mis à part, c'est un jugement, non pas politique, mais un jugement
pédagogique que je voudrais avoir de votre part. Avez-vous
évalué la répercussion sur le plan des apprentissages sur
le rendement scolaire des élèves qui sont dans les classes
d'immersion?
M. Fox: Nous avons évalué cette question d'une
façon très systématique et nous avons des dossiers que je
pourrais vous envoyer car nous avons une équipe de recherchistes qui
font des tests régulièrement.
La seule chose que je pourrais vous dire, c'est de vous inviter tous, si
vous voulez, à entrer dans certaines de ces classes d'immersion en bas
âge et vous serez tout aussi enthousiasmés que le sont nos
professeurs ou nos enseignants canadiens-français, qui sont venus
enseigner dans ces classes.
Je suis un peu d'accord avec la CEQ, parce que, personnellement,
pédagogiquement, je ne préconiserais pas des cours d'immersion en
anglais du côté francophone, parce que le français, ici,
est déjà assez immergé dans une mer anglophone de 250
millions, alors que nos jeunes élèves anglais ont moins de danger
de perdre cette am- biance anglaise qui existe quand même dans le
contexte de Montréal.
Mme Lavoie-Roux: M. Fox, excusez-moi. Le temps court, je vous
interroge. Je suis portée à être d'accord sur ce jugement
que vous venez de porter quant à la formule des classes d'immersion,
particulièrement chez des enfants en bas âge.
Le point particulier sur lequel je voudrais avoir votre opinion, c'est
sur l'apprentissage d'une langue seconde, et non pas sur les classes
d'immersion, selon les méthodes habituelles.
M. Fox: Comme je vous l'ai dit, vous avez deux linguistes, vous
aurez quatre opinions. Mais je vous dis franchement que l'apprentissage bien
fait d'une langue seconde n'entrave en rien la connaissance de la langue
première; au contraire. Cet apprentissage consolide la langue
première, parce que ce que l'enfant, instinctivement, dit dans sa langue
maternelle, il commence à le comprendre et à se l'expliquer quand
il apprend la langue seconde. Je suis convaincu de cela et, Mme Lavoie-Roux,
j'ai enseigné les langues pendant plus de 19 ans, en français,
anglais et allemand. Je suis convaincu de ce que j'avance.
Les rapports de recherche que nous avons prouvent que nos
élèves dans les classes d'immersion n'ont rien perdu de leur
anglais. Ils ont eu des hésitations à un moment, mais ces
hésitations se sont vite rattrapées, une fois qu'ils sont
entrés dans le courant même. C'est quand ils ont changé de
90% de français à 40% d'anglais qu'il y a eu des
hésitations, mais cela s'est tout de suite résolu.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'il y aurait possibilité que ces
données que vous avez soient mises à la disposition de la
commission?
M. Fox: Ils sont d'ailleurs la propriété indirecte
du ministère de l'Education, puisque c'est le ministère de
l'Education qui nous donne les fonds nécessaires pour continuer cette
recherche.
Mme Lavoie-Roux: Je voudrais poser une dernière question
au Dr Simms. Je voudrais lui demander: Have you studied the criteria for
admission to English schools and do you foresee any difficulty of
application?
M. Simms (John): I think that there will be some difficulties
throughout the province in finding the affidavits. Some school boards have been
absorbed into regional boards, some schools have burned down. There will
certainly be difficulties as there have been for people who have sought the old
age pensions and passports and so on. I think that we have not gone into this
in any detail, but there certainly will be difficulties in getting the
affidavits.
Mme Lavoie-Roux: Merci, Dr. Simms, merci, M. Fox.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Lotbinière.
M. Biron: Merci, M. le Président. Merci, M. Simms, M. Fox.
J'ai apprécié votre mémoire à son juste
mérite. Vous nous parlez souvent de bilinguisme dans votre
mémoire. Cela m'a aussi frappé. Moi aussi j'y crois au
bilinguisme, mais je crois beaucoup plus à un bilinguisme d'individu.
Théoriquement, je voudrais que chaque individu au Québec ait
l'opportunité, la chance et même le privilège d'être
bilingue, mais, je crois que la société doit être
essentiellement française. Cela n'empêche quand même pas les
gens d'être bilingues à l'intérieur de cette
société. Je crois aussi que la société
québécoise doit avoir la prééminence du
français, bien sûr, mais doit aussi respecter la
collectivité et la communauté anglophone du Québec.
On vous a posé beaucoup de questions sur l'instruction et
l'éducation. Je vais vous en poser en particulier sur un sujet qui m'a
frappé. A la page 19, vous dites: II faut reconnaître à
l'anglais le statut de langue officielle. Considérant ce que je vous ai
dit tout à l'heure, en fait, que nous voulons que cette
société québécoise soit essentiellement
française, mais d'un autre côté qu'elle respecte les
anglophones, la collectivité anglophone, comment voyez-vous
l'application pratique de cette langue anglaise comme langue officielle,
après la langue française?
M. Fox: Vous me posez là une question très
difficile, parce que, déjà, cela a été
soulevé pour le bill 22 ce qu'est une langue prioritaire, une langue
officielle.
Nous considérons, au PSBGM, dans le contexte canadien, que les
deux langues, le français et l'anglais, sont les langues officielles du
pays. Tout ce que nous demandons, c'est que l'anglais soit aussi reconnu comme
une langue officielle. Nous reconnaissons et nous comprenons le souci, et c'est
cela qui nous met dans de mauvais draps, puisque, d'un côté, nous
paraissons prêcher une chose et pratiquer l'autre, et ce n'est pas vrai.
Nous reconnaissons que la priorité et toute la communauté
anglaise vous reconnaîtra cela, que la priorité devra être
donnée au français dans tous les domaines et que l'apprentissage
du français devra se développer beaucoup plus intensivement
encore dans nos écoles. Nous avons encore beaucoup à faire, parce
que nous parlons d'immersion surtout, mais des autres. Je crois que la langue
française devrait être la langue première du Québec,
en général, mais non pas aux dépens de la langue
anglaise.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. Fox. A l'ordre, s'il
vous plaît! Oui, M. le député de Lotbinière.
M. Biron: M. le Président, question de règlement.
Jusqu'à maintenant, je crois que j'ai toujours donné la
permission pour aller quelques minutes au-delà de l'heure, quand
c'était nécessaire. Nous avons même permis au ministre de
l'Education de questionner tout à l'heure, mais pas au détriment
de nos minutes à nous. Alors, je demande la permission...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Lotbinière, ce n'est pas vous que j'interromps. Il ne reste
présentement au parti ministériel aucun temps, au parti de
l'Opposition officielle, sept minutes, et j'ajouterai trois minutes pour
équilibrer les choses avec les cinq minutes qui ont été
utilisées par le parti ministériel. A l'Union Nationale,
présentement, il vous reste huit minutes et j'ajouterai deux minutes en
plus. Mais comme nous sommes à mercredi et qu'il est 18 heures, je dois
suspendre sans autre forme de procédure.
M. Biron: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Lotbinière.
M. Biron: Je n'ai pas besoin de votre cadeau de deux minutes. Je
voudrais tout simplement terminer, maintenant qu'on a nos témoins
ici.
Le Président (M. Cardinal): Je dois suspendre, M. le
député de Lotbinière, parce que, sans cela...
M. Laplante: Est-ce qu'on peut vous faire une suggestion, vu que
le parti de l'Opposition a donné une très belle
coopération, c'est que le temps qui se prendra, passé 18 heures,
soit repris à 20 h 15. Si cela finit à 18 h 15, qu'on aille
à 20 h 15 pour la reprise des travaux.
Le Président (M. Cardinal): Je regrette pour les membres
de la commission, pour les députés, les gens qui sont devant nous
ont fait un travail important. Ils ont droit d'avoir les questions des
députés. Il reste au moins encore une possibilité de 20
minutes que je dois leur accorder. Je ne peux pas le mercredi, même si
nous avons une séance ce soir, faire autre chose que d'office, suspendre
immédiatement les travaux jusqu'à 20 heures. J'incite tous nos
invités et tous les membres de la commission à se
représenter.
M. Biron: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Lotbinière.
M. Biron: ...de bonne foi, tout à l'heure, j'ai permis au
ministre de l'Education de continuer, de prendre sur notre temps avant 18
heures. Moi, j'ai un autre rendez-vous ce soir déjà fixé.
Ecoutez! Je demande la collaboration pour ça. Jusqu'à
maintenant...
Le Président (M. Cardinal): II faudrait un consentement
unanime de la commission.
M. Laplante: On peut donner le consentement unanime, pour autant
que le temps soit prolongé dans l'ajournement.
Une Voix: On ne le donne pas.
Le Président (M. Cardinal): Ecoutez! Je vou-
drais savoir, de la part de tous les membres de la commission.... Je
suis lié par le règlement, vous le savez. Je l'ai toujours
appliqué. Ce n'est pas dirigé contre le député de
Lotbinière. Je ne savais pas qu'il avait un rendez-vous. Je sais que
d'autres membres de la commission ont des rendez-vous à 18 heures,
et...
M. Paquette: M. le Président, on a même un caucus
à 18 heures.
Le Président (M. Cardinal): Alors, je comprends qu'il n'y
a pas de consentement. M. le député de Lotbinière,
je...
M. Biron: II n'y aura pas de consentement non plus pour moi,
à l'avenir.
Le Président (M. Cardinal): Vous avez le droit. C'est
votre droit strict. Je le regrette. Ne le prenez pas de la part de la
présidence, s'il vous plaît. J'ai trop de respect pour les chefs
de partis.
M. Biron: Non, mais j'ai demandé le consentement de la
commission.
Le Président (M. Cardinal): II n'est pas
accordé.
Alors, les travaux de la commission sont suspendus jusqu'à 20
heures, et j'incite fortement tous les invités et tous les membres de la
commission à revenir.
(Suspension de la séance à 18 h 2)
Reprise de la séance à 20 h 7
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, madame et
messieurs!
Je demanderais immédiatement aux députés de
regagner leurs sièges.
M. Guay: Le leader parlementaire par intérim de l'Union
Nationale nous honore de sa présence.
Le Président (M. Cardinal): Oui, mais il n'est pas membre
de la commission. Il a le droit de parole, mais il n'a pas le droit de
vote.
M. Brochu: ... sans droit de vote.
Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse. A l'ordre, s'il
vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît!
Je rappelle que j'ai la liste des membres de la commission devant moi.
Ceci est la suite d'une séance et nous avons nos invités devant
nous. Le député de Mont-Royal n'est pas là?
M. Lalonde: II a été remplacé cet
après-midi par le député de D'Arcy McGee.
Le Président (M. Cardinal): Le député de
Jacques-Cartier. Il reste sept minutes et j'ajouterai trois minutes, ce qui
fait dix minutes au parti de l'Opposition officielle.
M. Saint-Germain: Merci.
M. Le Moignan: M. le Président, combien reste-t-il de
minutes à l'Union Nationale?
Le Président (M. Cardinal): II reste à l'Union
Nationale huit minutes plus deux de grâce.
M. Le Moignan: Merci.
M. Lalonde: C'est la générosité du
président. C'est excellent.
Une Voix: Magnanime!
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Bertrand: De quel parti êtes-vous? M. Lalonde: Du
parti pris.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Jacques-Cartier.
M. Saint-Germain: M. le Président, mes premières
paroles seront pour dire aux invités que, personnellement, je comprends
très bien la réticence qu'ils ont devant ce projet de loi et je
dois les assurer qu'il ne faut pas nécessairement être anglophone
pour avoir de telles réticences, car je ne crois pas que ce projet de
loi corresponde à la volonté profonde de l'ensemble des
Québécois.
Ceci dit, vous auriez pu être privilégié par la
présence du ministre cet après-midi. Nous ne
l'avons pas souvent avec nous. Malheureusement le ministre de
l'Education, lorsqu'il vient ici, ne semble pas s'intéresser trop trop
aux problèmes éducationnels que sous-tend le projet de loi no 1.
ll semble bien plus agir comme chef du contentieux...
M. Guay: J'invoque l'article 99, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Oui. Qu'est-ce que vous
invoquez?
M. Guay: Le député de Jacques-Cartier impute des
motifs au ministre de l'Education. Il me semble qu'il devrait s'en tenir
à ce qui fait l'objet du débat plutôt que d'attaquer la
conduite ou d'imputer des motifs aux autres députés.
Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. le
député de Taschereau, mais je préférerais qu'on
s'en tienne au débat plutôt qu'aux questions de
règlement.
M. le député de Jacques-Cartier.
M. Saint-Germain: M. le Président, je dois vous dire
respectueusement que je n'impute de motif à personne, je constate
simplement des faits. Je disais que le ministre de l'Education, lorsqu'il est
parmi nous, agit beaucoup plus comme s'il était le chef du contentieux
du gouvernement, que comme ministre de l'Education. Et c'est réellement
dommage. C'est un spécialiste en droit constitutionnel, me dit-on, et il
ne semble pas, même comme ministre de l'Education, où les charges
sont extrêmement pesantes et considérables, l'oublier pour tout
cela.
La première question que j'aurais à vous adresser est la
suivante. J'ai cru m'apercevoir, au niveau de mon comté, qu'à la
commission scolaire que vous représentez, on attache une importance
fondamentale à l'enseignement du français. Il m'a semblé,
l'année dernière, je ne sais pas si c'est encore la situation qui
existe, qu'on manquait de fonds pour enseigner convenablement le
français, en ce sens que si on a un spécialiste de l'enseignement
du français, on doit nécessairement faire le sacrifice d'un autre
spécialiste qui enseignerait une autre matière. Alors, je vous
demande si cette situation existe encore et, si oui, quelles sont les
représentations que vous avez faites au gouvernement concernant ce
problème et quelle réponse vous a-t-on donnée.
M. Fox: La situation, malheureusement, existe encore. C'est vrai.
Vous savez que selon la distribution des spécialistes, c'est aux
commissions scolaires de décider des priorités et, pour nous, la
priorité, comme il va de soi, est l'enseignement du français,
langue seconde. Parce que, si en tant que communauté nous voulons
survivre, il faut que nous développions cet enseignement, parce qu'il
faut que nous soyons bilingues afin de respecter les voeux de notre
communauté. Nous avons dû sacrifier, sous bien des rapports, des
spécialistes de musique, des spécialistes d'arts et
métiers, c'est-à-dire de travaux pratiques, et aussi nous avons
maintenu nos spécialistes d'éducation physique, mais même
là nous avons eu des difficultés. Nous avons fait à
maintes fois des représentations, mais il s'agit surtout d'une question
budgétaire. Il va de soi que la réponse que nous avons toujours
obtenue, c'est que les priorités sont celles choisies par les
commissions scolaires et les normes doivent s'appliquer à toutes les
commissions scolaires.
Nous avons aussi fait une demande, celle surtout que nous avons toujours
faite, c'est d'inclure le spécialiste de langue seconde et je
précise: pas le spécialiste de français langue seconde,
mais le spécialiste de langue seconde, à la fois pour les
commissions scolaires catholiques et pour les commissions scolaires
protestantes; et ce spécialiste de langue seconde, le mettre hors normes
de façon à avoir plus de flexibilité. Mais ça ne
nous a jamais été accordé.
Il y a une autre chose que nous avons toujours soulignée, c'est
que, dans les méthodes modernes d'enseignement des langues secondes, le
rapport direct, basé sur l'approche audiovisuelle entre les
élèves, est extrêmement important, parce qu'il faut de la
pratique orale et plus le nombre des élèves est restreint,
meilleur est l'enseignement. Il est naturel, avec une classe de 30 ou de 27
élèves, que l'enseignant ait moins de temps, dans une
période de trente minutes, pour s'occuper de 27 élèves que
s'il n'en avait que 15, un ratio que nous avons demandé ce qui n'a
jamais été accordé, logiquement, pour des raisons
budgétaires, mais que nous aimerions aussi souligner ici. Nous aimerions
que cela se développe davantage et que peut-être les fonds
fédéraux qui sont donnés pour l'enseignement ou le
développement de l'enseignement des langues secondes puissent
peut-être être attribués à cette fin.
M. Saint-Germain: A ce point de vue, je dois dire que vous faites
corps avec l'ensemble de la province, parce que les sondages aussi nous ont
maintes fois prouvé que les francophones de cette province
désirent ardemment que la langue seconde soit enseignée au niveau
des écoles françaises. Nous savons aussi pertinemment que, trop
de fois, je vous laisse le soin d'analyser les motivations, ces programmes sont
sabotés. De toute façon, la population se rend bien compte que,
dans l'ensemble de la province, la langue seconde, au niveau des francophones,
est réellement mal enseignée.
C'est dommage que le ministre ne soit plus ici, j'espère bien
qu'il entendra notre message.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député de Papineau, sur une question de
règlement.
M. Alfred: Je pense que le ministre de l'Education a longuement
exposé sa préoccupation sur l'enseignement de la langue
seconde.
M. Saint-Germain: M. le Président, il n'y a pas de
règlement là-dedans.
Le Président (M. Cardinal): Non, je m'excuse...
Mme Lavoie-Roux: Article 54...
Le Président (M. Cardinal): Non. Je m'excuse.
M. Saint-Germain: C'est une question d'opinion.
Le Président (M. Cardinal): N'invoquez pas 54, s'il vous
plaît. 32 est suffisant. M. le député de Papineau, je ne
peux recevoir votre question de règlement. Je redonne la parole au
député de Jacques-Cartier.
M. Saint-Germain: Avant de recevoir votre mémoire, je veux
mentionner que nous avons aussi reçu, à cette commission, le
mémoire du groupe d'origine italienne et du groupe d'origine grecque.
Ces groupes n'ont pas semblé exiger que les étrangers, ceux qui
ne vivent pas actuellement au Québec quand je parle
d'étrangers, je ne parle pas de ceux qui demeurent au Canada, je parle
de ceux qui demeurent en dehors du pays ils n'ont pas semblé
exiger, dis-je, que les nouveaux arrivants au Québec, soit de
Grèce ou d'Italie.. ils ne semblent pas s'opposer à ce que ces
nouveaux venus au Québec s'intègrent au système
francophone.
Si j'ai bien interprété votre mémoire, vous
êtes, je crois, pour la liberté de choix totale. Ai-je raison
d'interpréter votre mémoire comme cela?
M. Fox: Comme je l'ai indiqué, dans notre mémoire,
nous sommes pour la liberté de choix dans le domaine de l'enseignement,
puisque nous sommes pour le bilinguisme. Si nous voulons être logiques,
il faudra bien se dire qu'une certaine liberté de choix doit exister
pour celui qui veut être vraiment bilingue, de façon que
quiconque, veut apprendre le français à fond, puisse aller
à l'école française et quiconque, veut apprendre l'anglais
à fond, puisse aller à l'école anglaise.
M. Saint-Germain: Comme je représente, vous le savez, un
comté où les minorités sont largement
représentées, j'avoue que c'est une situation qui me rend
peut-être mal à l'aise, constatant que la minorité
italienne n'exige pas que les nouveaux arrivants aient la liberté de
choix que vous préconisez. La communauté grecque ne la demande
pas non plus, ne l'exige pas, et vous, vous l'exigez. Il y a une discordance,
surtout si je considère que votre groupe, qui est représentatif
de ceux qui sont de culture anglaise depuis toujours et qui a cette
liberté de choix, l'exige pour des gens qui ne la demandent pas.
M. Fox: Puisque nous exigeons la liberté de choix, nous ne
pouvons pas l'imposer et les gens qui ne le veulent pas n'ont pas besoin de le
prendre. D'un autre côté, cette liberté de choix, nous
avons maintenu notre position depuis de longues années. Ce sont les
éléments que vous avez cités qui ont changé de
position depuis et je comprends leur position.
Le Président (M. Cardinal): Avec...
M. Saint-Germain: M. le Président, je vais noter le temps
qu'il reste à mon collègue de gauche.
Le Président (M. Cardinal): II n'en reste pas, il est
même dépassé, mais avec... Beaucoup plus de 10 minutes,
exactement 12 minutes et 30 secondes.
Si vous permettez... à l'ordre s'il vous plaît! Quand
même, je vais manifester de la générosité,
malgré certains reproches qui ont été adressés
à la présidence. J'accorde une minute au député de
D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: Je pose alors une seule question, M. le
Président. Elle concerne les statistiques que vous avez avancées,
M. Fox. Vous n'êtes pas le premier organisme à recevoir, de la
part du ministre d'Etat au développement culturel, des critiques quant
à la valeur de vos statistiques. Il me semble que les seules
statistiques qui, a ses yeux, sont bonnes sont celles qui appuient sa
thèse; toutes les autres ne sont pas bonnes.
Vous avez fait des projections en vertu des effets que vous
prévoyez par l'application de cette loi. Ce sont alors, dans une
certaine mesure, des hypothèses. J'aimerais que vous explicitiez un peu
davantage les bases, la façon dont vos statistiques ont
été produites. J'aimerais vous demander en même temps si,
pour vous, c'est l'élément essentiel de votre thèse ou si
c'est un élément secondaire.
M. Fox: Oui, Mme Dougherty voudrait répondre à
votre question. J'aimerais vous dire simplement une chose. Personnellement, je
ne voulais pas inclure de statistiques du tout, mais la commission scolaire a
insisté pour qu'on introduise des statistiques. Quant aux statistiques,
on me dit toujours les chiffres ne mentent pas, mais je peux bien
répondre que les chiffres disent ce qu'on veut leur faire dire.
Nos statistiques ne sont pas parfaites, loin de là, parce que les
données de base ne sont pas assez scientifiques, à mon avis, pour
être citées. Il y a des erreurs. Dans toutes les statistiques que
nous avons trouvées jusqu'à présent, il y a certaines
erreurs. Mme...
Le Président (M. Cardinal): S'il vous plaît.
Mme Dougherty (Joan): C'est évident que les statistiques
du gouvernement et celles de la commission sont inadéquates.
On peut discuter des statistiques et de la langue française heure
après heure, mais, à mon sens, l'issue fondamentale n'est pas la
langue, n'est pas les statistiques, c'est le pouvoir économique. Donc,
c'est important de souligner que, même si tous les anglophones
étaient bilingues, pour que 100% des francophones puissent travail-
ler en français, l'équilibre du pouvoir économique
ne serait pas réglé. Je suggérerais qu'il soit
réglé par une amélioration au niveau général
pour que tout le monde puisse être en concurrence dans le contexte
nord-américain. Il faut reconnaître qu'être bilingue est un
des prérequis, une des conditions nécessaires, parce qu'on entend
dire que les anglophones quittent la province. Ce ne sont pas uniquement les
Anglais qui quittent la province. Il y a beaucoup de francophones qui quittent
la province. Ce n'est pas une question de langue, ni de statistiques, parce que
je crois qu'en fin de compte, on va décourager les Français ainsi
que les Anglais, parce qu'une multitude de règles et de restrictions
sont contre la liberté de déterminer soi-même sa propre
destinée. C'est à mon sens la question de fond que nous devons
discuter.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Gaspé. Auparavant, cependant, il reste huit minutes au parti de l'Union
Nationale. M. le député de Lotbinière, à qui j'ai
offert deux minutes de plus cet après-midi, m'a dit qu'il n'acceptait
pas de cadeau. Vous déciderez vous-même si vous acceptez le cadeau
de deux minutes de plus. Vous avez la parole, M. le député de
Gaspé.
M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Le
député de Lotbinière vous demandait seulement trois
minutes parce qu'il devait s'absenter ce soir. Si vous m'en donnez huit, c'est
encore beaucoup plus généreux.
Le Président (M. Cardinal): C'est la commission qui en a
décidé, et non pas la présidence.
M. Le Moignan: Ah! la commission, et la présidence
approuve.
Le Président (M. Cardinal): La présidence est le
serviteur de la commission.
M. Le Moignan: Maintenant, on parle de statistiques. Je ne veux
pas faire de procès de statistiques avec M. le ministre.
Il a dit, cet après-midi que la Gaspésie, il y a 50 ans
passés, était anglophone à 80% et, aujourd'hui,
francophone à 80%... Non. Vous avez cité le mémoire,
excusez. Vous avez entièrement.
Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse. Je pense que ce
qu'a dit le ministre n'est pas enregistré au journal des Débats.
J'aimerais bien que chacun s'exprime dans son micro. Je m'excuse, M. le
ministre d'Etat. Le vôtre est très loin.
M. Le Moignan: Non, le ministre avait entièrement raison
cet après-midi de citer le mémoire. Mais comme j'avais
été consulté par le National Geographic Magazine, que
j'avais vu M. Young et qu'on m'avait envoyé les épreuves pour
vérification, je me suis référé tout à
l'heure au texte anglais du mémoire, et le texte anglais est tout
à fait différent. Le député de Deux-Montagnes
pourra citer une locution italienne, mais il va comprendre très bien.
Voici ce que dit dans le texte anglais: "Many anglophone communities such as
those in Sherbrooke, Québec and Gaspé have practically
disappeared over the past 50 years."
Evidemment, il s'agissait de Gaspé, de la ville, de la baie de
Gaspé. A ce moment-là, les chiffres cités en anglais sont
véridiques puisque, dans la paroisse de Gaspé, il n'y avait que
412 francophones à ce moment-là, alors que toute la baie de
Gaspé était anglophone et même plus qu'à 80%. Donc,
M. le ministre a entièrement raison dans l'interprétation qu'il a
faite du texte français. Mais quand j'ai regardé votre texte
anglais, j'ai vu que ça ne correspondait pas, puisque j'avais
déjà vu les épreuves du National Geographic Magazine. Cet
incident est clos, je pense bien. Est-ce que ça répond à
votre intervention?
M. Fox: J'en prends la responsabilité. C'est moi qui ai
traduit la Gaspésie au lieu de traduire Gaspé.
M. Le Moignan: Non, ça m'a étonné, parce
qu'il n'y avait pas 80%.
M. Biron en était, au moment de la suspension de la séance
à 18 heures, à poser sa question. Si j'ai bien compris le sens de
la question qu'il voulait vous poser, sur le petit bout de papier qu'il m'a
laissé, il voulait demander quelle distinction vous voyez entre un
bilinguisme collectif, c'est-à-dire, dans les termes que vous employez,
"une société bilingue" et le bilinguisme individuel qui, lui, est
conciliable avec l'objectif d'une société essentiellement
francophone? Comment voyez-vous le problème à ce
moment-là?
M. Fox: La question de bilinguisme collectif n'existe pas. Il ne
faut pas se leurrer. Toute la nation ne deviendra jamais bilingue. Il n'y a que
certaines personnes qui le deviendront parfaitement. Il y en a d'autres qui le
deviendront partiellement, c'est-à-dire qui vous comprendront quand vous
parlerez votre langue et qui vous répondront dans la leur et vice versa,
et il y en a d'autres qui ne le feront jamais. Il n'y a aucun doute, parce
qu'il faut une certaine motivation individuelle pour apprendre la langue
à fond. Il n'y a aucune incompatibilité à dire que
l'anglais soit aussi reconnu comme langue officielle, bien que le
français ait primauté sur l'anglais au Québec.
La chose se passe couramment en Suisse où, à mon avis, et
à ma connaissance, il n'y a pas de loi sur la langue officielle dans
chaque canton ou dans chaque district. Mais, la langue dominante de ce canton
est celle qui se parle librement, alors que les autres langues sont elles aussi
reconnues comme officielles. Dans certains cas, si le nombre, le terme, et la
demande est là, une école peut s'ouvrir dans cette autre langue;
mais, d'un autre côté, il ne faut pas oublier que dans chaque
canton ou dans chaque école, l'enseignement de la langue seconde de
qualité se donne.
M. Le Moignan: Justement dans votre mémoire, vous
mentionnez les deux langues, l'anglais et le français, comme langues
officielles.
Cette question faisait partie également du programme de l'Union
Nationale, parce que notre objectif, premièrement, était un
Québec francophone. Reconnaissez-vous dans la pratique, dans
l'application que le français doit être considéré
comme langue officielle, c'est-à-dire langue privilégiée
sur l'anglais...
M. Fox: Oui, au Québec.
M. Le Moignan: ...prééminence sur l'anglais. A ce
moment, vous vouliez également que l'anglais soit
considéré comme langue officielle.
M. Fox: Oui, nous regardons c'est là qu'il y a une
certaine distinction toujours le tout dans la perspective canadienne,
alors que dans certains cas, on le considère seulement dans la
perspective provinciale. Pour nous, dans la perspective canadienne, les deux
langues sont officielles. Dans la perspective provinciale, dans certaines
provinces, l'anglais a primauté. Dans d'autres provinces et surtout au
Québec, le français a primauté. Dans d'autres provinces,
comme par exemple, le Nouveau-Brunswick où les deux sont presque sur le
même pied d'égalité, les deux ont la même importance.
Mais, c'est la qualité de la langue, l'enseignement et la pratique de la
qualité de la langue qui s'imposera d'elle-même et c'est notre
première recommandation, soit qu'on reconnaisse au français la
primauté et ceci, dans tous les domaines. La communauté
anglophone est prête à l'accepter, à s'y faire. La preuve
est le développement du français, langue seconde.
Il est naturel que nous devons, par la force des choses, opter pour le
bilinguisme. Si nous n'optons pas pour le bilinguisme, nous nous
anéantissons.
M. Le Moignan: C'est ma dernière question. On a
parlé, tout à l'heure, de la liberté de choix. Si en
théorie, il est difficile d'être contre la liberté de
choix, quand on regarde les choses dans la pratique, dans le contexte
spécifique du Québec actuel, pensez-vous qu'on puisse surseoir
cinq, dix ou quinze ans en attendant que la situation se rétablisse
vraiment du côté francophone pour l'application d'un tel
principe?
M. Fox: Quand je regarde le concept de la liberté de
choix, c'est l'anglais, c'est l'élève anglophone de pure souche
qui a tous les avantages dans ce domaine. Il peut choisir, à n'importe
quel moment de sa carrière, de fréquenter l'école
française pour parfaire sa connaissance de la langue
française.
Aucun élève canadien-français ne peut se permettre
ce luxe, même s'il le veut.
M. Le Moignan: Vous reconnaissez qu'en pratique, au cours des
années à venir, l'anglophone, puisque déjà il
apprend le français, peut posséder à fond les deux
langues, alors que le Canadien français, le Québécois,
dans bien des cas, ne parlera pas l'anglais.
M. Fox: Mais je précise de nouveau. Ce ne seront pas tous
les Anglais qui connaîtront à fond les deux langues, comme ce ne
sont pas tous les Français qui connaîtront à fond les deux
langues.
M. Le Moignan: Je vous remercie. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): Merci. Comme il reste environ
deux minutes, pour la fin de cette audition, M. Fox, je le dis très
précisément, je ne vous accorde pas un droit de réplique,
mais un droit de commentaire pour terminer cette audition.
M. Fox: Je vous remercie beaucoup, au nom de la commission
scolaire protestante du grand Montréal, de nous avoir accueillis et de
nous avoir donné la possibilité de nous exprimer librement. Je
trouve que les questions que vous avez posées étaient très
franches et ouvertes et j'espère que les réponses que vous avez
reçues, vous les interprétez dans le sens dans lequel nous les
avons données, c'est-à-dire dans la meilleure des intentions, de
façon à pouvoir résoudre ce problème, si vraie
solution ou solution au problème il y a.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. Fox. Au nom de tous
les membres de la commission, je vous remercie ainsi que vos
collègues... Oui, Mme le député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je vais vous laisser finir votre phrase,
excusez-moi.
Le Président (M. Cardinal): Je vous en prie. ...ainsi
qu'évidemment le Protestant School Board of Greater Montreal, de votre
mémoire, de votre patience et, au nom de tous, merci d'avoir
été avec nous jusqu'à ce moment.
M. Fox: Si nous revenons demain, ne soyez pas effrayés,
c'est peut-être qu'on n'a pas pu rentrer.
Le Président (M. Cardinal): II y a peu de choses qui nous
effraient et vous êtes toujours les bienvenus dans cette salle
d'audience, sauf que, demain, il faudra un laissez-passer particulier si vous
êtes des invités non prévus au programme, mais vous serez
les bienvenus. Merci.
M. Fox: Merci beaucoup.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Oui, Mme le
député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Nous vous avions fait part hier soir que nous
avions l'intention de présenter des motions ce soir. Est-ce le moment de
procéder?
Le Président (M. Cardinal): C'est toujours le moment.
Evidemment, techniquement je dois
quand même appeler un autre groupe, ce qui ne veut pas dire qu'il
sera entendu. Je pense que tout le monde a compris qu'il y aurait des motions.
Je ne sais pas si les représentants de la Bourse de Montréal sont
ici?
M. Lalonde: M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Vous venez de dire qu'il faut que vous appeliez
l'autre groupe. Vous le faites sûrement en fonction d'un
règlement.
Le Président (M. Cardinal): En fonction du mandat de la
commission.
M. Lalonde: Qui dit que...
Le Président (M. Cardinal): Qui dit que nous sommes dans
une commission qui, après déférence, à la suite
d'une première lecture, étudie des mémoires, ce qui, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys, n'empêche pas les
députés de tous les partis de faire des motions, pourvu qu'elles
soient acceptables.
M. Lalonde: Oui, mais, M. le Président, je ne pense pas
que le fait d'écouter les députés sur des motions qu'ils
pourraient faire actuellement avant d'appeler un autre groupe constituerait un
hiatus au mandat de la commission. Je voudrais simplement que vous
considériez la possibilité d'écouter le
député de L'Acadie sur la motion qu'elle a l'intention de
proposer avant d'appeler un autre groupe. C'est simplement pour ne pas inviter
inutilement des gens à s'asseoir à la table et ensuite attendre
je ne sais pas combien de temps, cela va dépendre de la capacité
du gouvernement de nous écouter, d'approuver et d'accepter nos
propositions. C'est simplement une question de forme plutôt que de fond,
M. le Président, et je vous le suggère.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, je veux souligner deux faits. J'ai mentionné que
le mandat de la commission est d'entendre, et je l'ai dit dès le tout
début, dès le premier mardi, des organismes ou des personnes qui
présentent des mémoires, ce qui, je l'ai dit tantôt,
n'empêche pas des motions et nous l'avons vu le premier mardi.
Deuxièmement, je veux souligner que je n'ai pas coupé la
parole à Mme le député de L'Acadie. Au contraire, elle a
pu s'exprimer et c'est vous qui avez demandé la parole. J'ai simplement
appelé le prochain organisme prévu, je ne lui ai pas
demandé de se présenter à cette table. Par
conséquent, je donne la parole au député de Taschereau
qui, lui aussi, invoquait une question de règlement.
M. Guay: M. le Président, c'était simplement pour
savoir, pour mon propre bénéfice et celui des membres de la
commission, quel était effectivement le prochain organisme que nous
devions entendre ce soir, étant donné que nous sommes tous
pressés, comme toujours, d'entendre les mémoires des
intervenants, puisque c'est le but même de la commission.
Le Président (M. Cardinal): D'accord, et sur ce, Mme le
député de L'Acadie, M. le député de
Marguerite-Bourgeoys et M. le député de Taschereau, je
répète une chose déjà dite, évidemment,
quand on répète une chose, c'est parce qu'on l'a
déjà dite. Je ne puis préjuger, ni du temps employé
pour les motions, ni de leur recevabilité, ni du débat qui
s'ensuivra et, par conséquent, je dois appeler un autre groupe, ce qui
est dans le mandat de la commission. Je ne leur demande pas d'être
patient ou impatient, mais il désire entendre ce qui va suivre, c'est
son droit. Si nous terminons la ou les motions avant l'ajournement et qu'il est
encore là, nous l'entendons, sinon nous passerons à un groupe
suivant. J'espère que ceci répond aux questions de tous les
membres de la commission.
Cela dit, Mme le député de L'Acadie.
M. Guay: M. le Président, les groupes que nous devons
entendre...
Le Président (M. Cardinal): Je le répète,
Bourse de Montréal, mémoire no 243.
M. Guay: Et après le mémoire de la Bourse de
Montréal, étant donné qu'il est possible,
théoriquement, que nous entendions le début d'un autre
mémoire, pouvez-vous me dire qui nous devons entendre ce soir
également?
Le Président (M. Cardinal): The Provincial Association of
Protestant Teachers, mémoire no 176.
M. Lalonde: M. le Président, si cela allait encore plus
rapidement, quel serait le troisième?
Le Président (M. Cardinal): Association
québécoise des professeurs de français, mémoire no
150.
M. Lalonde: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Et demain matin, si vous allez
plus loin, Barreau du Québec, mémoire no 31,
Fédération des groupes ethniques de Québec, mémoire
no 96, Confédération des syndicats nationaux, mémoire no
37. Est-ce que vous voulez savoir le programme à l'affiche pour toute la
semaine?
M. Lalonde: Je pense que ça va très bien pour ce
soir, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Oui. Alors, Mme le
député de L'Acadie.
Motions de l'Opposition
Audition du Conseil supérieur de
l'éducation
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président.
Cela fait déjà plus de deux semaines que nous entendons
des mémoires et comme nous l'avons signalé hier soir, nous nous
sommes abstenus, dès la deuxième journée, de
présenter d'autres motions, même si nous l'avions indiqué
à ce moment-là, pour justement permettre la poursuite des travaux
et tenter d'assurer le meilleur fonctionnement possible de la commission. Je
pense que...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Taschereau, sur une question de règlement.
M. Guay: Vous avez donné la parole au député
de L'Acadie qui a annoncé une motion. Il me semble qu'une motion doit
être présentée sans préambule aucun.
M. Goldbloom: Au contraire.
M. Lalonde: M. le Président, le député de
Taschereau a beaucoup à apprendre, mais on va lui laisser le temps.
M. Guay: Vous êtes trop aimable, M. le député
de Marguerite-Bourgeoys. A l'exemple...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît. A l'ordre, s'il vous plaît. En commission parlementaire, il
n'est pas besoin d'avis pour une motion.
M. Guay: Je n'ai pas parlé d'avis.
Le Président (M. Cardinal): Non, si vous permettez.
D'ailleurs, un avis a été donné, ce qui est
déjà superfétatoire et, d'autre part, le préambule
de Mme le député de L'Acadie n'est pas déjà
tellement long que je doive l'interrompre.
M. Bertrand: M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Vanier.
M. Blank: Sur la question de règlement.
Le Président (M. Cardinal): Un instant. M. le
député de Vanier et ensuite, M. le député de
Saint-Louis.
M. Bertrand: C'était simplement pour mentionner que je
pense que le député de Taschereau était dans son droit.
L'article 62 du règlement, que vous connaissez par coeur, d'ailleurs,
dit: Une motion écrite doit contenir uniquement la proposition faite
à l'assemblée et ne peut être précédée
d'un exposé de motifs.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Vanier, j'attendais quelques secondes, quelques minutes, pour demander que,
s'il y avait une motion, elle soit par écrit. Je l'ai d'ailleurs
déjà indiqué dès la première séance
de cette commission.
M. le député de Saint-Louis.
M. Blank: Ce qu'on lit dans l'article 62, c'est que le
préambule vient avant la motion. Je veux dire au député de
Taschereau qu'avant de faire une motion, on doit donner des raisons. Suivant la
tradition parlementaire, c'est toujours après avoir fait la motion qu'on
doit arrêter de parler. On doit donner les raisons, les motifs en faveur
de la motion et, ensuite, on fait la motion. On ne fait pas cela à
l'envers.
Le Président (M. Cardinal): Un à la fois. M. le
député de Taschereau sur la question de règlement.
M. Guay: Malgré le respect que js porte à la vive
intelligence du député de Saint-Louis, je dois remarquer que
l'article 62 dit: "ne peut être précédée d'un
exposé de motifs". Or, nous sommes en train d'entendre les motifs pour
lesquels le député de L'Acadie n'a pas présenté de
motion jusqu'à ce soir.
M. Lalonde: M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Si vous le permettez, M. le
député de Taschereau. M. le député de
Marguerite-Bourgeoys sur une question de règlement.
M. Lalonde: Oui, sur cette question de règlement, M. le
Président, le député de Taschereau, sans le savoir, a
raison, malgré sa courte expérience.
M. Guay: Très bien, M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: II a totalement raison et il va s'apercevoir, par le
libellé de notre motion, de la motion du député de
L'Acadie, qu'il n'y a pas d'attendus, qu'il n'y a pas de préambule. Mais
ce règlement ne s'applique qu'au libellé de la motion et non pas
à la présentation de la motion.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le
député de Marguerite-Bourgeoys, je redonne la parole au
député de L'Acadie et j'espère que, malgré les
motions, ce qui est un droit strict des membres de cette commission, nous ne
nous en-fargerons pas dans des questions de règlement pendant des
minutes et des minutes. Mme le député de L'Acadie, si vous voulez
bien, s'il vous plaît, en venir à votre motion.
Mme Lavoie-Roux: Vous me permettez, M. le Président, quand
même quelques mots. Je voulais simplement faire remarquer ce qui me
motive ce soir à présenter cette motion. C'est qu'il y a deux
semaines et demie d'écoulées et que la très grande
majorité des organismes qui se sont présentés devant nous
ont apporté, ont accordé une très grande importance au
chapitre touchant la langue d'enseignement.
Depuis ce temps, il y a environ une semaine, le Conseil supérieur
de l'éducation a rendu un avis
sur le projet de loi no 1 et c'est la motion suivante que je veux
présenter:
Que cette commission entende le Conseil supérieur de
l'éducation le 30 juin 1977, à dix heures, afin que la
présente commission soit pleinement informée de la portée
du projet de loi no 1 touchant en particulier la langue d'enseignement au
Québec.
Le Président (M. Cardinal): Madame, vous avez la copie de
votre motion? D'accord.
Madame et messieurs, la motion se lit comme suit, je la
répète:
Que cette commission entende le Conseil supérieur de
l'éducation le 30 juin 1977, à dix heures, afin que la
présente commission soit pleinement informée de la portée
du projet de loi no 1 touchant en particulier la langue d'enseignement au
Québec.
Je pourrais, dès ce moment, suspendre et réfléchir
longuement sur la recevabilité de cette motion. Comme il a
été fait depuis...
M. Blank: M. le Président, sur la question de la
recevabilité, ne pensez-vous pas qu'on doit discuter de la
recevabilité avant que vous rendiez votre décision?
Le Président (M. Cardinal): Je n'ai pas encore rendu ma
décision, M. le député de Saint-Louis. Si vous aviez
été présent le premier mardi, j'ai indiqué qu'avant
de rendre une décision sur la recevabilité, je demanderais
toujours l'opinion des membres de la commission.
M. Blank: Excusez-moi, je n'étais pas présent.
Le Président (M. Cardinal): Vous permettrez que je fasse
un préambule moi aussi. Cette motion...
M. Lalonde: J'espère que le député de
Taschereau va l'accepter.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! Cette motion étant lue, il me serait facile de suspendre et
d'y réfléchir. C'est ce que je disais au député de
Saint-Louis. Il m'a demandé la parole. Cependant, je procéderai
de la même façon qu'au tout début de cette commission. Je
permettrai, non pas un débat, mais de très courts exposés
de chacun des partis sur la recevabilité de cette motion, et quand je
dis très court, je ne permettrai pas... Là, il n'y a pas
d'intervenant, il n'y a pas de témoin, il n'y a pas d'invité. Le
temps sera coupé à la seconde.
Le premier que je reconnais, c'est M. le député de
Bourassa. Je vous en prie, Mme et MM. les membres de cette commission, de vous
en tenir non pas au fond, mais à la recevabilité de cette motion.
M. le député de Bourassa, s'il vous plaît.
Adoption de la motion
M. Laplante: Je crois que, pour notre groupe, cela nous
paraît une motion raisonnable et nous l'acceptons sans discussion.
M. Guay: Pouvons-nous entendre la Bourse de Montréal
maintenant, M. le Président?
Le Président (M. Cardinal): Dois-je comprendre que la
commission accorde son consentement unanime pour que cette motion soit
adoptée?
M. Guay: Absolument.
M. Laplante: Certainement.
Une Voix: Adopté.
Le Président (M. Cardinal): La motion est adoptée.
Je relis cette motion, le ministre en tiendra compte: "Que cette commission
entende le Conseil supérieur de l'éducation
j'espère qu'il sera libre ce jour-là le 30 juin 1977
à 10 heures, afin que la présente commission soit pleinement
informée de la portée du projet de loi no 1 touchant en
particulier la langue d'enseignement au Québec.
M. Guay: Peut-on entendre la Bourse de Montréal
maintenant, M. le Président?
Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous
plaît! Le président a signé pour indiquer que la motion est
adoptée. Mme le député de l'Acadie.
Comparution du ministre de l'Education M. Jacques-Yvan
Morin
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, j'aurais une
deuxième motion à présenter. Je le fais, parce que je juge
que, dans le débat qui a lieu présentement, nous avons
été privés trop longtemps de la présence, de
l'éclairage et des opinions du ministre de l'Education sur un chapitre
en particulier extrêmement important du projet de loi no 1. Je pense bien
que tout le monde aura compris que je parle du chapitre de la langue
d'enseignement qui va demeurer tout le monde le sent bien
après l'adoption de la loi, ce que je présume... D'ailleurs, le
ministre d'Etat au développement culturel avait déjà dit,
au tout début, qu'il avait une majorité en chambre et qu'il ne
faisait pas de doute que cette loi serait adoptée.
Le chapitre sur la langue d'enseignement, sur ce qui touche
également la qualité de la langue française,
l'enseignement de la langue seconde sont autant de points qui seront les points
névralgiques plus tard dans l'application de cette loi. C'est pourquoi
je fais la motion suivante: "Que cette commission est d'avis que M.
Jacques-Yvan Morin, député de Sauvé, en sa qualité
de ministre de l'Education et, en conséquence, responsable de
l'application du chapitre de la langue d'enseignement, soit invité
à comparaître devant cette commission le 30 juin 1977 à 16
heures.
Le Président (M. Cardinal): Merci, madame. M. le
député de Taschereau, à quel sujet?
M. Guay: Sur la recevabilité de la motion, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): D'accord, vous
permettez...
M. Guay: Je vous en prie.
Le Président (M. Cardinal): Comme je l'ai fait
tantôt, simplement quelques mots. Je pense qu'il n'est pas
nécessaire de relire la motion ayant pour but qu'un ministre soit
convoqué devant une commission parlementaire élue et permanente.
Je ne me prononce pas immédiatement sur la recevabilité et,
encore une fois, je demanderai aux membres de la commission,
c'est-à-dire à chacun des partis, pas plus, leur opinion sur la
recevabilité. M. le député de Taschereau.
M. Guay: II me paraît bien évident, M. le
Président, que cette motion est absolument irrecevable. Le
député de L'Acadie confond visiblement la nature du régime
parlementaire britannique avec un régime présidentiel à
l'américaine.
Dans un régime de type présidentiel, il est évident
qu'une commission du Congrès, fut-elle sénatoriale ou de la
Chambre des représentants, dans le cas des Etats-Unis, par exemple, peut
possiblement encore là, ce n'est pas certain convoquer un
secrétaire du président et des secrétaires d'Etat. Encore
là, la jurisprudence, à ce sujet, n'est pas unanime. Mais il est
bien évident qu'en régime parlementaire britannique, une
commission parlementaire ne peut pas convoquer un ministre à
comparaître devant elle. Cela me semble être tout à fait
contraire. Un ministre, lorsqu'il siège en commission, siège du
côté du gouvernement soit pour débattre d'une question,
soit entendre des mémoires, comme le ministre de l'Education,
d'ailleurs, l'a fait cet après-midi. Mais il est absolument
invraisemblable qu'en régime parlementaire britannique, on puisse en
arriver avec une motion aussi frivole à sa face même que celle de
convoquer un ministre pour qu'il vienne comparaître à la table des
témoins ou des invités, alors que le ministre lui-même fait
partie de l'Assemblée, et, conséquemment, fait partie de la
commission.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le leader de
l'Opposition officielle.
M. Lavoie: M. le Président, je ne ferai pas de comparaison
avec le système présidentiel américain, mais je vais m'en
tenir strictement au règlement actuel, et, si nécessaire,
à l'esprit et à la philosophie de notre droit parlementaire. Dans
le nouveau règlement, il est bien dit, à l'article 154: "En
commission plénière ou élue, après la
deuxième lecture, on ne peut discuter que des détails d'un projet
de loi et il ne peut y avoir audition publique que devant une commission
élue pourvu que celle-ci y consente". Je voudrais me
référer également à la Loi de la
Législature.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Laval.
M. Lavoie: Merci. Est-ce que je dois arrêter le
plaidoyer...
Le Président (M. Cardinal): Pas sur l'article 154, mais
sur la Loi de la Législature.
M. Lavoie: Bon! La Loi de la Législature également,
parce qu'il est bien dit au début de notre règlement, je crois
que c'est au tout début des articles, premier, deuxième et
troisième, qu'on est régi en premier lieu par les lois, il y a
même une préséance des lois sur notre règlement en
ce qui concerne la procédure. Les lois sont même
considérées à un ni veau supérieur que même
le règlement de l'Assemblée. La Loi de la Législature,
à l'article 63, au chapitre intitulé: Des immunités et
privilèges de l'Assemblée, dit: "L'Assemblée nationale
peut assigner et contraindre toute personne, sans aucune exclusion, à
comparaître devant elle, ou une de ses commissions, ou à y
produire toute pièce qu'elle juge nécessaire à ses actes
ou délibérations". Même si la personne est convoquée
à la suite d'une motion, d'une décision d'une commission, il peut
même y avoir des mandats d'émis sous l'autorité du
président de l'Assemblée nationale. L'article 91 également
de la Loi de la Législature dit: "Toute commission de l'Assemblée
nationale, siégeant dans l'exercice de ses fonctions, peut interroger
les témoins sous serment, sur toute matière relative à
l'affaire dont elle est saisie. A cette fin, le président ou tout membre
de la commission peut faire prêter le serment, etc.
Il est sûr qu'en vertu de notre règlement, lorsqu'il a
été fait, on n'a pas voulu réécrire un
règlement aussi complet que le précédent, qui avait
au-delà de 700 articles. Il s'est établi une coutume voulant que,
lorsqu'il n'y a pas d'ambiguïté ou absence, si la rédaction
du nouveau règlement n'est pas complète pour couvrir tous les
aspects, on se réfère à l'ancien règlement. Je
pense que cela fait partie des traditions et de l'usage que nous avons. C'est
l'article 4 du nouveau règlement qui le dit, d'ailleurs: "Dans un cas
non prévu par les règles de procédure ou dans un cas de
divergence d'opinions sur l'interprétation d'une règle de
procédure, le président décide en tenant compte des usages
de l'Assemblée depuis son origine". Ce qui est plus fort même que
les usages depuis son origine, c'est bien l'ancien règlement. Il y a un
chapitre tout à fait...
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Laval.
M. Lavoie: Pardon?
Le Président (M. Cardinal): J'ai dit: Oui, M. le
député de Laval.
M. Lavoie: Merci, M. le Président. Il y a au titre XIV de
l'ancien règlement, un chapitre qui traite...
Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, M. le
député de Laval. C'est une question de règlement. M. le
député de Rosemont.
M. Paquette: Oui, c'est une directive que je voudrais vous
demander. Est-ce que vous considérez que l'article 160, qui limite
l'intervention d'un député à 20 minutes, s'applique
présentement?
Le Président (M. Cardinal): II s'applique
présentement, oui.
M. Paquette: D'accord.
Le Président (M. Cardinal): Oui, sans aucun doute.
M. Lavoie: J'espère que je ne prendrai pas mes 20
minutes.
Le Président (M. Cardinal): Si vous me permettez, à
l'occasion de cette demande de directive, comme nous n'entendons plus de
témoins présentement ou d'invités, l'article 160s'applique
entièrement et dans sa totalité. M. le député de
Laval.
M. Lavoie: Je retourne à l'ancien règlement,
Geoffrion, titre XIV des témoins. Je vais vous lire deux ou trois
articles: De l'assignation des témoins, article 708: La Chambre peut, au
moyen d'ordres signés par l'orateur ou par le greffier, assigner des
personnes à venir déposer devant elle ou devant un de ses
comités on a francisé le mot comité par commission
maintenant et les requérir d'y apporter des livres, des
pièces et des dossiers. 709: "Tout comité ou commission
autorisé à envoyer quérir des personnes, des
pièces et des dossiers, peut assigner des témoins au moyen
d'ordres signés par le président de ce comité et les
requérir d'y apporter des livres..." 711: "Tout ordre d'assignation est
voté sur une motion non annoncée ce qui s'est fait
d'ailleurs et doit indiquer le nom du témoin assigné, le
lieu, le jour et l'heure où il devra comparaître, et, s'il y a
lieu, une désignation spécifique des livres, des pièces et
des dossiers qu'il devra apporter."
Là, je voudrais bien, M. le Président, que vous reteniez,
d'une manière tout à fait particulière, l'article 713. Je
disais qu'il n'y avait aucune exception, même pour un ministre ou un
député. L'article 713, de l'ancien règlement: "Quand un
comité ou commission autorisé à envoyer
quérir des personnes, des pièces et des dossiers désire
interroger un député je pense que le titre premier de tout
ministre: Celui de député avant tout le président
écrit à ce député etc...." Si c'est le voeu de la
commission, après un vote. Si le voeu est positif, mais le
président devra écrire au député de Sauvé
pour l'inviter à comparaître. "Quand un député
consent de déposer, il ne peut ensuite refuser de répondre
à des questions régulières."
Je pense bien que dans toute l'économie même, il n'y a
aucune exclusion. Sans aller au fond de la question... je pense que je peux y
aller très brièvement. Je voudrais quand même limiter mon
propos à la recevabilité. Je crois qu'il n'y a aucun statut
privilégié pour quelque ministre. Loin de là, je crois que
le ministre de l'Education est la personne souhaitable et
privilégiée qui pourrait éclairer cette commission dans
son mandat. En ce qui concerne le mandat, je ne voudrais pas qu'il soit
limité uniquement à l'audition des témoins, parce que je
voudrais faire un aparté ici. Avant qu'on intercale dans notre
règlement l'article 118a, qui a intégré à notre
règlement des règles de pratique qui avaient été
adoptées en 1971, toujours dans notre esprit de concision d'avoir un
règlement le plus fonctionnel même, par contre, bref
également, laissant la place à des décisions, à des
précédents, à la jurisprudence et tout, cela a
été l'esprit qui a animé la conception du nouveau
règlement... je vous ramène aux règles de pratique qui
disaient bien: ...lorsqu'un projet de loi est envoyé à une
commission élue après la première lecture, c'est
bien notre cas pour une étude globale... ce n'est pas restrictif
à l'audition de témoins. C'est pour étude globale. Je
pense bien que l'Assemblée, par le démembrement que nous sommes
ici, de la commission... nous sommes ici pour faire une étude la plus
vaste possible pour la bonification de cette loi.
Je pourrais vous mentionner une autre note dans cet esprit de
l'étude globale, qui est également le mandat de cette commission.
Si on désire entendre des personnes qui veulent se faire entendre, vous
savez qu'une commission parlementaire se transpose un peu comme un tribunal
dans la philosophie de notre loi parlementaire et c'est une enquête que
nous faisons. D'ailleurs, je cite une note qui est au bas de l'article 708 de
notre ancien règlement où il est dit: Les enquêtes
c'est, en somme, une enquête que nous faisons sur le projet de loi no 1
sont de trois sortes. Premièrement, celles où la Chambre
ou une commission fait des investigations sur une question ou une
matière d'intérêt public, en vue d'adopter une loi
générale je pense bien que c'est le cas ou quelque
mesure d'intérêt général. C'est encore doublement le
cas.
Mon intervention se limite à ça, M. le Président,
pour vous dire que, dans mon opinion, je pense bien que le mandat que
l'Assemblée a confié à cette commission, c'est d'explorer
au maximum tous les aspects de cette loi d'intérêt
général, surtout une loi qui s'appelle la Charte de la langue
française au Québec.
Le Président (M. Cardinal): D'accord! Merci, M. le
député de Laval.
Vous me permettrez, sans me prononcer sur la recevabilité, de
répondre immédiatment à chacun de vos arguments.
Vous avez invoqué la Loi de la législature, ce à
quoi je vous ai dit que vous aviez parfaitement raison avant même que
vous ne citiez l'article 63.
Je n'ai pas l'avantage d'avoir devant moi la Loi de la
Législature, mais si je prends tous les arguments que vous avez
invoqués, et ceci dit sans prétention, mon cher confrère
notaire, je sais que j'ai les pouvoirs d'un juge et, d'ailleurs, dans certains
articles de journaux, on a été surpris de certaines
réactions de cette commission.
Je sais fort bien que j'ai le droit de convoquer des témoins
devant cette commission, avec la même obligation qu'un subpoena devant
une cour. Je sais bien que ceux qui ne se présenteraient pas pourraient
être punis de ne pas l'avoir fait. Je sais bien que sous l'ancien
règlement, on pouvait réunir cet ancien comité des droits
et privilèges de l'Assemblée pour quelqu'un, même
député, qui n'aurait pas répondu à cette
invitation, mais en vertu du même raisonnement, à partir du moment
où on invoque la Loi de la Législature, l'ancien
règlement, et que l'on convoque ou que l'on convoquerait le
député de Sauvé, ministre de l'Education et vice-premier
ministre, il faudrait aussi référer à cet autre article de
la Loi de la Législature qui dit que, pendant la session, vingt jours
avant la session et vingt jours après la session, un ministre ou un
député, un membre de la Législature, peut refuser de
comparaître devant un tribunal.
M. Lavoie: Un tribunal de droit commun.
Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse. Je prends
l'analogie à la limite. Si nous avions l'ancien comité des droits
et privilèges, je serais entièrement d'accord pour que nous
puissions, avec avis écrit, convoquer un député, soit-il
ministre, mais, M. le député de Laval, je veux simplement
apporter ces commentaires et ne pas me prononcer immédiatement sur la
recevabilité de cette motion.
Je préfère être éclairé davantage par
d'autres membres de la commission, s'il y en a qui veulent le faire.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, je pense que cette motion est
recevable. Nous avons entendu les arguments de l'ancien président de la
Chambre, maintenant leader de l'Opposition officielle.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, pourquoi l'appelez-vous l'ancien? C'est plutôt
l'ex-président!
M. Lalonde: II n'est pas très ancien. Je suis d'accord
avec vous, M. le Président. Je ne sais pas s'il a votre âge ou si
vous avez son âge, mais je parle du député de Laval et
à toute son expérience. Je pense que ses arguments doivent
être considérés avec beaucoup d'attention.
Naturellement, si un autre député, sans expérience
on en a entendu ici à cette commission depuis quelques semaines
et je n'en regarde aucun avait fait un plaidoyer semblable, vous
pourriez peut-être conserver certains doutes quant à la
validité de ses arguments, mais je sais que le député de
Laval a mis derrière ses arguments, son expérience, sa
connaissance du règlement, sa connaissance de la tradition parlementaire
et de tous les auteurs et des autorités qui ont présidé
jusqu'à maintenant à la bonne tenue de nos travaux
parlementaires, soit à l'Assemblée nationale ou dans les
commissions parlementaires.
Je ne vois aucun hiatus à notre droit parlementaire qu'un
député soit invité. Naturellement, à ce
moment-là, l'ancien règlement employait un langage plutôt
amical, plutôt doux, alors que les autres témoins, il les
assignait. Est-ce qu'on doit y voir une certaine discrimination?
Peut-être plutôt une certaine courtoisie à l'endroit des
membres de cette assemblée. De toute façon, un membre,
d'après l'ancien règlement, qu'on doit prendre en
considération dans l'interprétation du règlement actuel...
Je ne vois aucune difficulté, aucune raison pour laquelle un membre de
cette assemblée ne serait pas invité par une commission
parlementaire. On sait que la commission parlementaire est l'extension et la
créature, en fait, de l'Assemblée nationale. Elle prend la source
de son autorité dans le même règlement, elle répond
aux mêmes règles et elle doit aussi profiter de la même
autorité. Si l'ancien règlement prévoyait de façon
tout à fait explicite, parce que c'était la forme à ce
moment-là qu'on avait adoptée, une forme très
détaillée...
Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys. Me permettez-vous, je dois pour
une raison personnelle m'absenter pour environ deux minutes. Je vais me faire
remplacer par le député de Châteauguay, mais c'est moi qui
rendrai la décision. Vous avez encore la parole. De toute façon,
en vertu de l'article 160, vous avez...
M. Lalonde: Je n'ai aucune objection, M. le Président,
sauf un peu de regret de vous voir partir.
Le Président (M. Cardinal): Non, je ne partirai pas, je
serai dans cette salle.
M. Lalonde: Alors, M. le Président, puisque la
présidence est unique, je disais donc que la commission parlementaire
doit avoir la même autorité que l'Assemblée nationale et
doit profiter des mêmes règles qui permettent à
l'Assemblée nationale et ce, par extension de l'ancien règlement,
d'inviter un député à témoigner sur quoi que ce
soit, sur une question naturellement qui a été
décidée d'intérêt par l'Assemblée nationale
ou par une commission parlementaire. J'aimerais, si on recherche des sources
plus anciennes à cette institution qui permet ainsi d'inviter un
député à la barre, vous citer un auteur qui est reconnu
même dans les rangs du parti ministériel. On l'a vu au cours du
débat sur l'amendement au règlement concernant la période
des questions. C'est le député de Frontenac, je pense, qui avait
fait état de sa grande connaissance des autorités en droit
parlementaire et il avait cité Erskine May: Parliamentary Practice, dans
l'édition 19ième, qui, à la page 686 dit ceci, et je vous
cite dans le meilleur accent que je peux avoir dans la langue de Shakespeare.
Le titre est: Attendance of Members House Secured. "If the evidence of a Member
is desired by the House, or a committee of the whole House cela
ressemble un peu à une commission
parlementaire he is ordered to attend in his place on a certain
day..." Je vous ferai remarquer, M. le Président, que la motion du
député de L'Acadie mentionne bien une date précise. "But
when the attendance of a Member as a witness is required before a select
committee, the Chairman sends to him a written request for his attendance."
M. le Président, si on fait l'analogie entre cette commission
parlementaire, soit avec le Committee of the whole House ou bien avec un select
committee, de toute façon, soit qu'il reçoive un ordre dans un
cas ou une invitation dans un autre, le résultat est le même.
"Pursuant to the resolution of 16th March 1688, if any member of the House
refuse upon being sent to to come to give evidence or information as a witness
to a committee, the committee ought to acquaint the House therewith and not
someone such member to attend the committee. There has been no instance of a
member persisting in a refusal to give evidence".
Le Président (M. Cardinal): II y a une question de
règlement pour le député de Taschereau.
M. Guay: J'ai mal compris; est-ce que c'est "comedy"? J'ai mal
compris le mot.
M. Lalonde: Committee. M. Guay: Comédie.
M. Lalonde: Non, ça...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lalonde: Les bouffons ne sont pas de ce
côté-ci.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît. M. le député de Marguerite-Bourgeoys, vous pouvez
poursuivre. Quoique je préside cette commission sur le projet de loi no
1, j'entends et je comprends l'anglais.
M. Lalonde: "But members have been ordered by the House to attend
select committees. In 1731 on retourne un peu en arrière, M. le
Président, ça peut peut-être aider l'expérience du
député de Taschereau...
M. Guay: Ainsi que du député de L'Acadie.
M. Lalonde: ...qui n'aime pas mon accent, je le regrette.
Mme Lavoie-Roux: Je ne suis pas assez bilingue pour eux.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lalonde: II faudrait peut-être que je sois aussi
bilingue que la majorité des membres du gouvernement.
M. Guay: That would be a good idea.
M. Lalonde: "In 1731, Sir Archibald Grant, a member, was
committed to the custody of the Sergeant at Arms in order to his forecoming to
abide the orders of the House and was, afterwards, ordered ot be brought before
a committee pas comédie, committee from time to time". On
pourrait demander au ministre de l'Education, au député de
Sauvé, de se tenir prêt à revenir de temps à
autre.
M. Guay: ...recevabilité.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lalonde: Je poursuis. "In the custody of the Sergeant, on 28,
June 1842, a committee ça va, M. le député de
Taschereau?...
M. Guay: Oui, merci, et vous?
M. Lalonde: ... "reported to a member had declined to comply with
their request for his attendance. A motion was made for ordering him to attend
the committee M. le député de Taschereau and give
evidence, but the member having at last expressed his willingness to attend,
the motion was withdrawn".
Naturellement, M. le Président, j'ai terminé la citation.
Si le...
Mme Lavoie-Roux: ...le traduire.
M. Lalonde: Si le député de Sauvé voulait,
comme cela a été le cas le 28 juin 1842, se déclarer
disponible auprès de la commission, nous pourrions considérer le
retrait de notre motion. Alors, je pense que, vu le règlement actuel, vu
toute l'économie de notre droit parlementaire et vu la pertinence de
l'ancien règlement qui doit avoir son influence sur
l'interprétation du règlement actuel, étant donné
les autorités je n'en ai mentionné qu'une; je suis
sûr que d'autres collègues en trouveront d'autres je pense
que cette motion est recevable, que la présidence devrait, en toute
sagesse et pour améliorer la qualité des travaux de cette
commission, car le président en est le serviteur, vous l'avez dit, M. le
Président, et il est sûrement intéressé à ce
que la qualité des travaux de cette commission soit
améliorée... La présidence devrait accepter que nous ayons
ici devant nous, qui se succèdent, les témoins les plus aptes
à éclairer les membres de cette commission.
Alors, M. le Président, je pense que cette motion est recevable
et que vous devriez la déclarer comme telle.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député... Un instant s'il vous plaît. D'accord, M. le
député de Laval.
M. Lavoie: Avant que vous ne rendiez votre décision,
j'aurais juste quelques mots à ajouter. Je vais procéder de la
même façon que vous. Vous m'avez dit...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, messieurs! Vous
savez qu'il faut prendre la parole d'un député.
M. Lavoie: Ce n'est pas mon genre. Je préfère le
côté pratique au côté procédurier. Quand j'ai
rendu des décisions, je n'ai jamais rendu des décisions de huit
ou dix pages, comme certains de mes prédécesseurs.
Le meilleur moyen, si on ne veut pas faire de la procédure,
messieurs, pourquoi ne nous donnez-vous pas votre consentement à ce que
la motion soit recevable, au lieu de vous y opposer? Votez contre. On va
intervenir sur la motion. Votez contre. On ne fera pas de procédure. Le
député de L'Acadie, le député de
Marguerite-Bourgeoys, le député de Jacques-Cartier, le
député de l'Union Nationale vont dire pourquoi ils
désirent avoir le ministre de l'Education. Ce n'est pas parce que la
motion est recevable qu'il va être obligé de venir. Avec votre
majorité, vous pourrez voter contre, mais arrêtons de faire de la
procédure.
M. Bertrand: Ah! bien, bon Dieu!
M. Lavoie: Le député de Taschereau s'est
opposé à la recevabilité de la motion.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lavoie: Arrêtez de faire de la comédie, quand
même.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député de Laval. M. le député de
Laval et leader de l'Opposition officielle, on me reprocherait de participer au
débat... A l'ordre, s'il vous plaît! On me reprocherait de
participer au débat, s'il ne s'agissait pas d'une question de
procédure où j'ai à rendre jugement.
Un instant, s'il vous plaît! Je n'ai pas encore
déclaré recevable ou irrecevable la motion du
député de L'Acadie. Je n'ai qu'appliqué ce qui a
été dit au début de cette commission. Mme le
député de L'Acadie elle-même a failli, il y a quelques
jours, faire une motion dans le même sens et j'ai failli la
déclarer irrecevable. Mais comme...
Mme Lavoie-Roux: Recevable ou irrecevable?
Le Président (M. Cardinal): Irrecevable. Mais comme cela a
été simplement un incident de procédure, je ne m'en tiens
pas à ce précédent qui n'en est pas un. Vous parlez de la
qualité des travaux, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
Je pense bien que les membres de cette commission, au nombre de 19, si on
exclut le président, sont déjà la garantie d'une
très excellente qualité de ces travaux. Je vous laisse le soin
d'en juger.
Avant de rendre une décision ou de n'en point rendre, je demande
s'il y a d'autres intervenants. M. le député de D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: M. le Président, d'abord, j'aimerais dire en
toute simplicité qu'au cours de ma
Le Président (M. Cardinal): Je ne demande qu'à
être éclairé.
M. Lavoie: ... tout à l'heure qu'avant de répondre
à mon argumentation... Je vais me permettre le même honneur de
répondre également à votre argumentation. Lorsque vous
avez mentionné qu'il existe un privilège, un accroc au
droit...
Le Président (M. Cardinal): ...de procédure,
à moins que je ne me trompe.
M. Lavoie: ...de quel statut ou...
Le Président (M. Cardinal): De la Loi de la
législature exactement.
M. Lavoie: De la Loi de la Législature, exactement, qui
est un accroc. On appelle cela un privilège des parlementaires, c'est un
accroc au droil commun. Il est vrai qu'un député, en vertu de
notre Loi de la législature, 20 jours avant, pendant Is session, et 20
jours après, ne peut être assigné comme témoin,
devant les tribunaux civils, et peut-être criminels, je ne suis pas
sûr.
Le Président (M. Cardinal): Exactement. Je l'affirme.
M. Lavoie: II est vrai également qu'en vertu de la Loi de
la Législature, il est même libéré d'être
juré. C'est un autre privilège ou un autre accroc, car tous les
citoyens sont appelés normalement. S'ils sont convoqués ils sont
obligés d'y aller. Ce sont des privilèges.
Mais comment voulez-vous interpréter? Ce privilège date
depuis des siècles. Pourquoi? Parce qu'on considère que le
rôle premier des parlementaires est d'être au Parlement et de
légiférer et d'agir, et qu'on ne peut pas, par des moyens, les
sortir du Parlement. C'est la base de ces deux accrocs, de ces deux
privilèges. Mais comment voulez-vous...? Vous ne pouvez pas. Vous pouvez
l'interpréter pour les tribunaux de droit commun, mais non pas pour
l'Assemblée. Comment établir ou comment aurait-on pu inclure dans
l'ancien règlement, qui existe depuis également des
siècles, que les articles 713, où il est dit que quand un
comité autorisé à envoyer quérir des personnes, des
pièces et des dossiers désire interroger un
député... cela serait contradictoire si cela s'appliquait
à l'Assemblée nationale. Pourquoi cela serait-il dans l'ancien
règlement, où il y a un article qui dit que si un comité
désire entendre un député... C'est pour cela que je vous
dis que votre argumentation se limite uniquement dans les tribunaux de droit
commun ou d'exemption de jury et non pas à l'endroit premier où
il doit travailler, qui est à l'Assemblée nationale. Or, on sait
que le ministre de l'Education est sur place.
Je ne ferai pas de la procédurite. J'ai été
président et je n'étais pas né pour faire de la
procédure, soyez assuré de cela. Dans ma
personnalité...
M. Charbonneau: En toute humilité.
participation à cette commission, comme observateur et comme
opinant, j'ai été continuellement impressionné par votre
sens de justice et par votre objectivité.
Je dis cela parce que je voudrais très respectueusement vous
suggérer que, tout à l'heure, vous avez effectivement
participé au débat. Vous avez avancé une hypothèse,
hypothèse de l'assimilation de cette assemblée, donc de cette
commission, à la notion de tribunal.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
D'Arcy McGee, vous remarquerez que je viens de dire que je n'aimerais pas que
l'on considère que j'ai participé au débat, parce que ce
n'est pas un débat de fond. J'ai simplement repris une argumentation du
député de Laval et j'ai fait une analogie. Je dis tout de suite
que ceci n'est pas porté au dossier quant à ma décision
sur la recevabilité ou la non-recevabilité. Je m'excuse, mais je
voulais apporter cette précision.
M. Goldbloom: C'était sans reproche que j'ai fait ce
commentaire, mais je voulais enchaîner dans cette argumentation. Je n'ai
pas l'avantage d'être avocat ou notaire. Je n'ai pas...
M. Bertrand: Vous vous sentez si démuni.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Goldbloom: ... au bout des doigts, des éléments
de loi et de tradition pour pouvoir les offrir dans cette argumentation; mais
il me semble que quand une chose est exprimée de façon positive,
le fait que le règlement, dans sa forme actuelle, soit muet sur cette
question doive vous influencer à vous pencher du côté de la
recevabilité de cette motion.
Il y a effectivement ce besoin pour un député d'être
ici. Il y a des pénalités qui lui sont imposées. La
tradition a toujours voulu que ces pénalités ne soient pas
appliquées, mais si un député est absent, il y a
diminution de son traitement en conséquence. Il y a donc ce principe
fondamental que le député doit être ici quand la Chambre
siège et donc les commissions. C'est pour cette raison que je me
permets, très respectueusement, de ne pas être d'accord avec
l'hypothèse que la commission équivaut à un tribunal et
que l'on ne pourrait, en vertu de cette exclusion qui existe dans la loi,
convoquer un député.
Il me semble, M. le Président je ne vais pas au fond de la
question; j'avance simplement une hypothèse que, pour des raisons
qui lui seraient propres, un député, même ministre,
pourrait bouder une commission parlementaire. Nous avons déjà vu,
quand j'ai siégé dans l'Opposition, un ministre refuser de
répondre aux questions lors du débat sur ses crédits. Je
ne citerai pas de nom, mais peut-être que vous vous le rappellerez, M. le
Président. Je pense que vous siégiez à
l'époque.
Il me semble que si un député voulait bouder tout
simplement le travail de la Chambre ou de la commission je ne
prête point d'intentions au député de Sauvé, au
contraire, je suis convaincu qu'il répondrait favorablement à une
invitation que vous lui enverriez au nom de cette commission qui
n'aurait pas le même sens des responsabilités, il faudrait qu'il y
ait un mécanisme quelconque. Nous avons vu des ministres arrogants dans
l'histoire du Québec. Il me semble qu'il faut qu'il y ait un
mécanisme. Je suis convaincu, avec les précédents qui ne
se trouvent pas dans le texte actuel de notre règlement, mais qui se
trouvent chez d'autres autorités et qui se trouvent dans une version
antérieure du règlement qui dirige les travaux de
l'Assemblée nationale du Québec, il me semble qu'il y a une
tradition qui équivaut à la recevabilité de la motion qui
a été présentée par l'honorable
député de L'Acadie.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député de D'Arcy McGee. Je vais permettre encore une ou deux
interventions, après quoi, je pense que je devrai me déclarer
suffisamment informé.
M. Lalonde: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Vous avez dit que vous allez permettre une ou deux
interventions. Est-ce que je vous ai mal compris tantôt quand vous auriez
à mon avis je m'excuse, si je vous ai mal
interprété indiqué que l'article 160 s'applique aux
débats sur la recevabilité. Si c'était le cas, à ce
moment, chaque député aurait le droit de s'exprimer.
Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys. Il ne faut quand même pas
abuser de la procédure. Remarquez qu'il est vrai que j'ai dit que
l'article 160 s'appliquait en dehors de l'audition des témoins. Je
pourrais là-dessus rendre une directive qui serait assez longue, mais je
ne veux pas retarder ces travaux. D'autre part, c'est purement volontaire de ma
part que je demande à cette commission, comme je l'ai indiqué au
tout début de ces travaux, son opinion sur la recevabilité d'une
motion. Je pense, avec tout le respect que je dois à chacun des membres
de cette commission et au public qui est devant nous, que je peux, à un
moment donné, considérer que la contribution des
députés a suffisamment informé et formé mon
jugement pour que je rende une décision que je n'aurais pu d'ailleurs
rendre en aucun moment depuis le début du dépôt de cette
motion. Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, je voudrais bien comprendre.
Il semble que, dans une certaine mesure, mais assujetti à une certaine
discrétion de la part du président, le droit de parole d'un
député pourrait être reconnu en vertu de l'article 160. Si
on interprète la conclusion de vos propos, c'est le
droit qui est naturellement reconnu et qui est créé par le
règlement, règlement qui est notre maître à nous
tous, y compris le président. Ce droit de parole reconnu par l'article
160 ne serait pas reconnu lors des interventions concernant la
recevabilité d'une motion? Est-ce que je vous ai bien compris?
Le Président (M. Cardinal): Non. D'accord, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Si vous me permettez, je vais citer l'article 160,
qui dit que, lorsqu'une commission étudie un projet de loi c'est
ce qu'on fait ou des crédits, un député peut
prendre la parole sur le même point aussi souvent qu'il lui plaît,
à condition de ne pas parler plus de 20 minutes en tout sur un
même article, un même paragraphe, une même motion ou une
même question d'ordre ou de règlement. Alors, je pense que lorsque
nous discutons de la recevabilité d'une motion, nous parlons sur une
question de règlement, autrement dit, à savoir en vertu du
règlement, si la motion est recevable ou non. A cet effet, votre
décision est extrêmement importante. Elle pourra même avoir
un caractère de précédent. C'est pour cela que je me
permets d'insister que l'article 160 préside aux débats
actuellement sur la recevabilité, et que c'est le droit absolu
même si le président se pense, à bon droit, assez
informé de chaque député de recourir à
l'article 160 pour tenter de faire valoir son point de vue.
Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys. Je vais rendre la directive, elle
sera très brève. Vous avez parfaitement raison. Un instant, s'il
vous plaît! L'article 160 s'applique présentement. Dans mon
intervention précédente, je n'ai eu l'intention de brimer le
droit de parole d'aucun député. J'en ai simplement appelé
à la commission pour que nous ne continuions pas à discuter
uniquement de la recevabilité pendant toute une soirée. Je sais
fort bien que 107 députés pourraient, en vertu de l'article 160,
parler chacun 20 minutes sur la recevabilité, je l'admets.
Je veux simplement vous indiquer je regrette si l'expression de
ma pensée n'a pas été claire que j'aurais
souhaité qu'après une ou deux interventions, on me permette de
rendre ma décision. Si les membres de cette commission veulent continuer
à discuter de la recevabilité de cette motion à laquelle
on semble, d'après le proposeur et ceux qui l'appuient, apporter une
grande importance, je suis, d'une certaine façon, pris dans un dilemme.
On peut discuter ce soir et demain de cette recevabilité et, pendant
tout ce temps-là, le président n'aura pas rendu sa
décision et le député de Sauvé, ministre de
l'Education, n'aura pas été convoqué. C'est tout ce que
j'ai voulu dire. Rien de moins, rien de plus.
M. le député de Châteauguay, sur la question de la
recevabilité. Non?
Mme le député de L'Acadie, sur la question de la
recevabilité.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais simplement
dire que, quand j'ai fait cette motion, c'était vraiment dans le but
d'atteindre le mieux possible les objectifs de cette commission
parlementaire.
Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, Mme le
député de L'Acadie. Si on veut invoquer les articles... au fond,
est-ce que vous exercez la réplique en vertu de 101?
M. Lalonde: M. le Président, question de
règlement.
Mme Lavoie-Roux: Sur la recevabilité. M. Bertrand:
94.
M. Lalonde: C'est la question de la recevabilité. A ce
moment-là, est-ce que les règles de droit de réplique
s'appliquent, M. le Président?
Le Président (M. Cardinal): Pas nécessairement,
justement. C'est pourquoi je n'ai pas rendu une directive. J'ai posé une
question.
M. Lalonde: C'est pour ça, M. le Président, que je
n'ai pas perçu, quant à moi, le désir du
député de L'Acadie d'exercer son droit de réplique.
Le Président (M. Cardinal): D'accord, j'ai ma
réponse. Mme le député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je pense, M. le Président, qu'il n'y a
pas de précédent qui ne soit créé ici si je me
réfère aux opinions qui ont été exprimées
par mes aînés, sinon par l'âge, du moins à titre de
membres de l'Assemblée nationale. Il n'y a pas de
précédent. Si on se reporte par exemple, à ce que le
député de Laval a dit quant à la Loi de la
Législature et aux règlements auxquels il s'est
référé... Le député de Marguerite-Bourgeoys
a également cité des exemples qu'il a pris, je pense, dans
l'expérience du Parlement britannique. Ce qui est encore plus important,
c'est se rappeler que l'objectif d'une commission parlementaire est vraiment de
permettre à tous les membres d'être le mieux
éclairés possible, compte tenu des décisions que,
éventuellement, et dans un délai relativement court, ils seront
appelés à prendre. Je m'explique mal si on se
réfère aux objectifs de ce que doit être une commission
parlementaire, qu'on puisse empêcher, par la non-recevabilité
d'une motion, que des membres extrêmement importants, et que nous
devrions entendre, soient invités.
Je pense que, normalement, le député de Sauvé est
membre de la commission de l'éducation, des affaires culturelles et des
communications. Il s'est fait remplacer pour des raisons qui sont certainement
jusitifées, mais qui, quand même, privent non seulement les
membres de cette commission, mais également le public qui vient se faire
entendre ici, d'opinions qui pourraient éclairer...
Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous
plaît! M. le député de Taschereau invoque le
règlement.
M. Guay: M. le Président, nous sommes en train de discuter
de la recevabilité de la motion, non pas du fond de la question.
Le député de L'Acadie, il me semble, est en train de
discuter abondamment du fond de la question et en aucune façon, à
savoir si la motion est recevable ou irrecevable.
M. Lalonde: M. le Président, sur la question de
règlement.
Le Président (M. Cardinal): Oui. M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Les considérations apportées par le
député de L'Acadie ont quand même une certaine pertinence
parce qu'il se pourrait et je ne veux pas préjuger,
naturellement, de la décision que vous allez rendre, ni l'influencer de
façon indue que dans une décision sur la
recevabilité, le président soit influencé dans une
certaine mesure par l'aspect totalement exagéré, ou farfelu d'une
motion, alors que le député de L'Acadie ne fait qu'effacer, si
jamais il y avait un doute dans votre esprit à ce propos, cette
possibilité en le faisant d'ailleurs d'une façon tout à
fait courte le député de L'Acadie a eu à peine le
temps de dire quelques mots là-dessus en insistant sur le
sérieux de sa motion. Je pense que c'est tout à fait
pertinent.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Taschereau et M. le député de Marguerite-Bourgeoys, je ne veux
pas rendre de décision sur un sujet semblable. Je veux simplement
indiquer que... Je demanderais à Mme le député de L'Acadie
justement de faire attention, à ne pas aller au fond de la question,
à s'en tenir à la recevabilité, s'il vous plaît.
Mme le député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je vais conclure à ce moment-ci en
rappelant tout simplement les références de ceux qui ont
parlé avant moi, et qui m'apparaissent pertinentes. Il serait superflu
de tes répéter dans le détail. Je veux simplement dans le
sens du député de D'Arcy McGee et sans vouloir exercer
d'influence indue, je suis certaine, compte tenu de la façon dont vous
avez procédé jusqu'à maintenant et de votre grand souci
que tous les membres de cette commission et que le public aient l'occasion non
seulement de s'exprimer, mais aussi, en certaines occasions, d'avoir le
sentiment des membres du gouvernement et des membres de l'Opposition, que la
décision que vous rendrez sera certainement dans ce même sens que
devant un projet de loi aussi important que celui qui est présentement
débattu, est assuré que tous et chacun la décision sera
rendue dans leur meilleur intérêt... je vous remercie, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): C'est moi qui vous remercie,
Mme le député de L'Acadie. Comme le député de
Marguerite-Bourgeoys a invoqué l'article 160, je donne la parole tout
d'abord au député de Châteauguay et ensuite, au
député de Laval.
M. Dussault: Merci, M. le Président. Je pense que la
motion est irrecevable et c'est dans la nature même du mandat de cette
commission que nous devons trouver l'irrecevabilité de cette motion.
Le mandat est d'informer les députés de l'Assemblée
nationale dans le cadre de cette commission parlementaire. L'on sait tous,
depuis le début de cette commission et l'Opposition le savait aussi, que
tous les députés de l'Assemblée nationale peuvent
être présents à cette commission parlementaire. Ils peuvent
prendre la parole. Ils peuvent demander d'être informés par les
témoins assignés ici.
Or, le député de Sauvé est susceptible de faire
partie de cette commission et d'ailleurs, il en a fait partie à une
couple de reprises pour demander d'être informé sur la question.
Mettre le ministre de l'Education ici en face de nous comme témoin,
c'est le mettre en conflit et on ne peut pas demander actuellement au ministre
de nous servir de té-' moin alors qu'il est un de ceux qui demandent et
qui exigent et qui tiennent encore à être informés.
C'est la raison pour laquelle, je pense, M. le Président, que
vous devez déclarer cette motion irrecevable.
Le Président (M. Cardinal): Merci. M. le
député de Laval et ensuite, M. le député de
Saint-Louis.
Vous cédez votre droit de parole, M. le député de
Saint-Louis? M. le député de Saint-Louis, M. le
député de Laval, M. le député de D'Arcy McGee.
M. Blank: C'est sur la question du mandat que le
député de Châteauguay a mentionné.
Selon lui le mandat de cette commission, ce n'est pas seulement
d'entendre des témoins, mais de faire une étude globale. Si on
s'est référé à d'anciens règlements de
commissions élues, même si ces règlements sont abolis,
c'est une question de faire une étude globale pour renseigner la
commission avant la deuxième lecture sur tous les aspects de la loi. Le
député de Châteauguay a mentionné que le
député de Sauvé peut faire partie de cette commission.
C'est vrai, mais comme vous le savez, nos règlements ne nous permettent
pas qu'un député puisse questionner un autre
député. Ici, la motion du député de L'Acadie veut
que le ministre comparaisse devant à la barre, comme témoin,
où on pourra le questionner. S'il est membre de cette commission, on
n'aura pas le droit de le questionner. Cette commission a même
créé un précédent. Vous avez adopté la
motion du député de L'Acadie pour que le président du
Conseil supérieur de l'éducation vienne ici pour
témoigner. C'est exactement la même chose.
Nos règlements disent que n'importe quelle personne peut venir
ici comme témoin. Le député
de Sauvé est une personne qu'on peut faire venir comme
témoin suivant le précédent qui a été
annoncé ici, et le seul moyen qu'on a de questionner cette personne,
c'est qu'elle vienne ici comme témoin, pas comme député.
Comme député vous n'avez pas le droit de la questionner. A part
cela, il n'est pas le parrain du bill. On veut connaître ses opinions,
son expérience dans l'éducation en ce qui concerne les articles
de cette loi sur l'enseignement. Pour moi, c'est clair. On a déjà
créé le précédent. On a voté unanimement. On
peut faire venir un témoin et lui poser des questions! mais le
député de Sauvé est comme n'importe quel autre
témoin. Le fait qu'il soit député ou ministre ne change
rien. Nos règlements, nos lois, nos précédents disent que
n'importe quelle personne peut venir ici. On a des précédents qui
ont été cités, je pense, par le député de
Marguerite-Bourgeoys. On peut le forcer même à venir ici, mais le
seul moyen de lui poser des questions, c'est lorsqu'il est ici comme
témoin, pas comme député. Je dis que l'argument du
député de Châteauguay n'a aucune force.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Laval.
M. Lavoie: Etant donné qu'il n'y a pas de consentement
unanime à ce que la motion soit re-cevable, je pense que je vais vous
poser une question, M. le Président, et j'espère que votre
réponse sera l'argument, peut-être, qui pèsera dans la
balance pour accepter cette motion. Vous savez que, dans notre droit
parlementaire, dans nos institutions parlementaires, un député ou
un ministre peut être membre du Cabinet sans même être
député.
Le Président (M. Cardinal): C'est un argument ad hominem,
monsieur.
M. Blank: M. Marier.
M. Lavoie: Laissez-moi terminer. C'est arrivé, je me le
rappelle. M. Wagner, je crois, avait été choisi, avait
été assermenté comme ministre et devait aller, dans les
mois suivants, devant l'élec-torat. M y a quelques années
passées, et même dans notre droit constitutionnel et
parlementaire, un membre du Conseil législatif ou du Sénat
canadien a pu être membre et souvent a été membre du
Cabinet, sans être député. C'est reconnu. D'ailleurs notre
ancien règlement prévoyait je n'ai pas lu l'article
à l'article 715 qu'il était permis de convoquer un membre du
Conseil législatif à témoigner devant une commission de
l'Assemblée nationale. Il y avait une procédure polie. Il fallait
qu'un message soit envoyé au Conseil et tout. Prenons cette
hypothèse, et pour vous prouver qu'un ministre ne peut pas être
à l'abri d'une telle requête ou d'un tel désir d'une
commission, prenons un membre du Conseil législatif ou une personne qui
ne serait même pas député, mais qui occuperait un poste
exécutif, membre du cabinet, disons en l'occurrence le ministre de
l'Education, quelque chose comme cela. Nous serions à la période
de la défense des crédits du ministère de l'Education, et
qui pourrait défendre ces crédits, si ce personnage ne voulait
pas se présenter à la commission pour défendre les
crédits du ministère de l'Education? Certainement pas un adjoint
parlementaire, qui n'est pas membre de l'Exécutif, certainement pas des
sous-ministres ou des membres de la fonction publique. C'est la raison pour
laquelle un comité... si cette personne ne voulait pas comparaître
pour défendre ses crédits, il faut qu'un moyen existe aux
élus du peuple pour convoquer cette personne. C'est pourquoi
j'espère que votre réponse à ma question fera peser dans
la balance qu'un ministre ne peut pas être à l'abri d'un tel voeu
d'une commission.
Le Président (M. Cardinal): Je n'ai pas encore
répondu à cette question, M. le député de Laval et,
devant votre hypothèse de travail, je rappellerai que, dans une
situation semblable, un ministre de l'Education, à l'occasion de la
défense de ses crédits, avait dû faire face à une
motion du leader de l'Opposition officielle à savoir qu'il ne devait pas
répondre de ses crédits.
M. Lavoie: Parce qu'il était présent, je crois.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: M. le Président, c'est la question que je
voulais vous poser.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le
député de Jacques-Cartier.
M. Saint-Germain: M. le Président, c'est avec beaucoup
d'attention que j'ai écouté le député de Laval et
le député de Marguerite-Bourgeoys argumenter sur la
recevabilité de cette motion. Je dois dire aussi que j'ai
été, comme vous probablement, impressionné par
l'argumentation du député de D'Arcy McGee qui a soutenu sa
thèse en se servant de l'économie de notre loi. Il me semble que
dans l'économie de notre loi, on voit des traditions, on voit dans son
essence même que si cette motion n'était pas recevable, il serait
difficile pour une commission élue de l'Assemblée, comme la
nôtre, de faire face aux obligations qui nous ont été
données par l'Assemblée nationale.
On pourrait faire la preuve par l'absurde. On pourrait avoir, par
exemple, un ministre qui refuserait de répondre aux questions que nous
lui posons en Chambre. On pourrait avoir un ministre qui déposerait des
projets de loi et qui refuserait de prendre avantage de son droit de parole en
deuxième lecture; qui pourrait, à la rigueur, refuser de
répondre en comité plénier, lorsque nous étudions
une loi article par article; qui pourrait se priver de son droit de
réplique, en troisième lecture; qui pourrait refuser de
répondre lors de l'étude, en commission, de ses crédits;
qui pourrait refuser toute relation ou communication avec la presse; qui
pourrait se limiter à faire partie du
cabinet sans jamais accepter de responsabilité envers la
Chambre.
Si l'économie de notre règlement ne permettait pas
à un tel ministre de se présenter devant une commission, soit
plénière ou élue de la Chambre, on pourrait être
privé, dans l'étude des lois, d'un apport absolument
indispensable. M. le Président, il semblerait inconcevable qu'un
ministre puisse agir de la sorte sans être forcé d'une
façon ou d'une autre de se décharger de ses obligations
vis-à-vis de la Chambre et, par ricochet, vis-à-vis du public
puisque nous sommes, à titre d'élus, représentants du
public et qu'un député ou un ministre qui refuserait de
renseigner la Chambre, refuserait par le fait même de renseigner le
public.
Je vous ai fait une caricature extrême d'une situation qui
pourrait, d'une façon hypothétique, exister. Mais à titre
de membre de cette commission, lorsque nous parlons de la situation qui existe
actuellement, ce n'est pas une hypothèse, c'est une situation de fait
qui existe. En ce sens que vous avez très bien remarqué, M. le
Président, que même si le ministre est membre de cette commission,
même s'il a été présent à cette commission,
il s'est d'une façon constante refusé à prendre part aux
débats sur la question de l'éducation, question fondamentale et
question sur laquelle il n'a jamais pris la parole.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! Deux remarques,
vous êtes presque rendu au fond de la question et d'autre part, je vous
soulignerai qu'il n'y a pas de débat à cette commission, sauf un
débat comme celui-ci. Lorsqu'il y a des témoins, nous les
entendons et les interrogeons. Alors, le ministre n'a pas à participer
à des débats, il n'y en a pas eu.
Alors, il n'a pas...
M. Lalonde: M. le Président, sur la question de
règlement.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je suis sûr que vous avez compris que le
député de Jacques-Cartier voulait se référer aux
travaux plutôt qu'aux délibérations.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Je n'ai
apporté cette précision que pour le bon entendement de tous les
membres de la commission. Ce n'est pas un reproche. Dans aucun cas, je n'en
fais, d'ailleurs.
M. Saint-Germain: Je m'excuse de ce lapsus, M. le
Président. Je dirais que le ministre nous a privés de
renseignements qui nous permettraient d'étudier à fond la
législation que l'Assemblée nationale ne nous a pas
obligés à discuter, mais sur laquelle elle nous a obligés
à prendre les renseignements pertinents des témoins, relativement
à cette loi.
Cette présence, M. le Président, est indispen- sable,
parce que vous savez pertinemment que, dans cette loi que nous étudions,
il y a des chapitres complets qui se rapportent à l'éducation. Si
cette loi était adoptée sans ces renseignements, il pourrait
arriver que des personnes, des citoyens soient privés du choix d'une
école.
Pour connaître cette loi à fond, il va falloir se
renseigner et savoir qui aura le droit à l'école
française, qui aura le droit à l'école anglaise...
Le Président (M. Cardinal):... de la question.
M. Saint-Germain: J'essaie, M. le Président, de
répondre au député de Châteauguay, qui a
argumenté tout à l'heure que le ministre était membre de
cette commission et qu'à ce titre, on ne pouvait pas le faire
comparaître comme témoin. J'essaie de bien vous démontrer.
M. le Président, que même si le ministre a été
membre de cette commission, il n'a pas pris part aux travaux, qu'il ne nous a
pas livré les renseignements qu'il aurait dû nous livrer et
j'essaie de démontrer, contrairement à ce que le
député de Châteauguay a essayé de faire, qu'il nous
est absolument indispensable d'avoir des opinions du ministre, de savoir
comment cette loi, au niveau scolaire, va être appliquée et, pour
ce faire, j'essaie présentement de vous démontrer que, dans cette
loi, pour l'étudier d'une façon logique, il nous faut absolument
comme témoin le ministre de l'Education.
Vous n'êtes pas sans savoir, par exemple, que beaucoup de gens se
sont présentés ici en attachant une importance primordiale
à la langue seconde. Que ce soient les gens de langue anglaise qui se
sont plaints, même cet après-midi, de ne pas être
capables...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! Là, vraiment, vous entrez dans une question qui est tout
à fait irrégulière quant à la recevabilité
de la motion. Je vous prierais de revenir au sujet.
M. Saint-Germain: Je ne vous donne pas d'opinion, M. le
Président. J'essaie...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Jacques-Cartier, je dis simplement que quand vous parlez des
délibérations de cette commission, vous débordez te cadre
des raisons pour lesquelles le président devrait déclarer cette
motion recevable ou irrecevable.
M. Saint-Germain: J'essaie, M. le Président, de soutenir,
comme membre de cette commission, il m'est extrêmement difficile de me
décharger de mes obligations sans écouter le ministre de
l'Education. J'essaie de vous démontrer que, par la teneur même de
la loi que nous avons, qui concerne les renseignements que nous devons obtenir,
que la présence du ministre est absolument indispensable, parce que
c'est le ministre de l'Education qui, en plus de nous renseigner, devra mettre
cette loi en application au niveau scolaire. C'est lui qui sera responsable de
l'administration de parties excessivement importantes de cette loi.
A titre de membre de cette commission, je trouve déraisonnable de
ne pas avoir les éclaircissements du ministre, et comme je sais que
l'économie de notre règlement veut que chaque
député puisse être renseigné adéquatement sur
une législation donnée, j'essaie de vous démontrer par
l'économie de la loi, la nécessité d'avoir les opinions du
ministre et que la motion du député de L'Acadie est
recevable.
Si nous ne pouvions pas, par l'économie de notre loi entendre les
explications du ministre, si nous ne pouvions pas lui poser de questions et si
l'économie de notre loi ne nous permettait pas de l'obliger à
répondre, nous serions, à titre de membres de la commission, dans
un cul-de-sac. Je crois que ce serait une atteinte à nos
privilèges de députés. D'après l'économie de
notre loi, vu que le ministre a extrêmement de responsabilités
administratives, en plus d'être député, il a ses
obligations de ministre, qui donne à la présence d'un tel
témoin un surcroît d'importance...
Sa présence est alors indispensable et c'est la raison que
j'essaie d'invoquer. J'essaie de vous faire ressentir que si l'économie
de notre loi ne nous permettait pas une telle motion, on pourrait facilement
placer un député dans une incapacité d'agir, de prendre
ses responsabilités, et de connaître exactement ce qu'il y a dans
la loi et, par ricochet, ce même député serait totalement
impuissant à expliquer à la population la teneur de la loi dans
ses moindres détails. Je crois que la population a le droit, par
l'entremise de ses députés, d'être renseignée. C'est
à la base de notre démocratie que de renseigner la population.
C'est élémentaire.
Il est impossible, à mon avis, de juger si l'économie de
notre loi ne permet pas à cette commission d'avoir une procédure
par laquelle on n'obligerait pas un témoin, soit le ministre de
l'Education, à nous remettre les explications que nous sommes absolument
en droit d'avoir pour nous acquitter des responsabilités que
l'Assemblée nationale a bien voulu nous remettre.
Je crois que je me conforme complètement au règlement,
parce que, si je ne m'abuse, M. le Président, le député du
comté de Châteauguay a essayé, par la même
argumentation que je fais en ce moment, de vous prouver le contraire. C'est la
raison pour laquelle j'ai abordé la question du règlement sous
cet angle.
Peut-être que je reviendrai, mais, entre temps, M. le
Président, j'aimerais bien laisser la chance à mes
collègues de dire un mot, si le besoin s'en fait sentir.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Laplante: Par manque de vocabulaire.
M. Lalonde: M. le Président, je ne sais pas dans quel
ordre les interventions sont faites. Je pense que c'est quand même assez
important, pour que je tente de vous convaincre du caractère essentiel
de votre décision. Il est peut-être inusité qu'un membre de
cette Assemblée, par surcroît ministre, soit invité
à une commission parlementaire. Je ne sais pas s'il y a des
précédents. J'en ai évoqué dans notre droit
parlementaire, dans le droit parlementaire qui a précédé
le nôtre, et je pense que ces précédents sont valides.
Il reste toutefois, M. le Président, que je n'ai entendu aucun
argument, sauf celui du député de Châteauguay qui
était, je m'excuse à son égard, tout à fait faible.
C'est le mot le plus gentil que j'ai trouvé.
M. Paquette: Un bel effort.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lalonde: C'est parce que le député de
Châteauguay est un voisin de comté. Il faut quand même avoir
une...
Le Président (M. Cardinal): Veuillez poursuivre votre
sujet, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
Votre langage n'est ni violent, ni virulent, ni blessant.
M. Lalonde: M. le Président, pourquoi est-ce qu'on
m'interrompt?
Le Président (M. Cardinal): C'est pourquoi j'invoquerais
l'article 100. Tant qu'un député a la parole, aucun
député ne doit l'interrompre. Je vous prie de continuer.
M. Lalonde: Merci, M. le Président. Je sais qu'on peut
toujours compter sur vous pour protéger nos privilèges. Je pense
que c'est extrêmement sérieux. Le député de L'Acadie
a fait cette motion qui a une importance capitale sur nos travaux. Sa
recevabilité, naturellement, est le seul sujet auquel vous devez vous
attacher actuellement. Même quant à sa recevabilité, je
dois insister sur le fait que le parti ministériel qui est tout à
fait muet, sauf pour le député de Châteauguay mais
je l'ai mentionné tantôt n'a pas porté d'argument
à l'encontre de la recevabilité. Vous avez entendu une kyrielle
d'arguments de notre part. Je vous invite donc à décider en
faveur de la recevabilité de cette motion.
Recevabilité de la motion prise en
délibéré
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys. Vous me permettrez, comme je l'ai
permis aux membres de la commission, un bref préambule avant d'en
arriver à la conclusion, s'il en est une, de ce débat.
L'on peut toujours, évidemment, soutenir, comme l'a fait,
d'ailleurs, le président aujourd'hui, lorsqu'il a rendu une directive,
lorsqu'il a donné une directive, concernant l'amendement à
l'article qui régit la période des questions, que
l'exécutif doit répondre devant le législatif. Cela peut
se
faire, cependant, au moment de la période des questions à
l'Assemblée nationale. Cela étant dit, je ne veux pas prendre
trop de temps, mais quand même vous indiquer quelle est ma position
présentement vis-à-vis de la motion de Mme le
député de L'Acadie. Je pourrais déclarer, dès ce
moment, irrecevable cette motion. Le débat serait terminé, mais
j'aurais l'impression d'avoir fait un petit accroc à ce que j'ai
appelé un exercice de démocratie dans cette commission
parlementaire.
Je pourrais suspendre et aller réfléchir pendant le temps
nécessaire avant de rendre cette décision. Ce serait utiliser
autant de temps de cette commission parlementaire plutôt que d'entendre
nos invités, visiteurs ou témoins. Je pourrais déclarer
immédiatement cette motion recevable, mais je pense qu'on m'en
excusera les remarques pertinentes que j'ai entendues, les retours au
passé, qu'ils soient il y a deux siècles ou il y a dix ans, me
font m'interroger beaucoup. Comme l'a dit lui-même le
député de Marguerite-Bourgeoys, il subsiste un doute dans mon
esprit. Le député de Marguerite-Bourgeoys a invoqué ce
doute possible. C'est pourquoi, sans suspendre, sans déclarer la motion
recevable, sans déclarer la motion irrecevable, je prends la question en
délibéré, et ma réponse sera donnée avant la
fin de la journée de demain.
Mme Lavoie-Roux: C'est presque comme Salomon.
M. Guay: M. le Président, est-ce qu'on peut entendre le
prochain groupe qui est ici et qui attend depuis longtemps pour se faire
entendre?
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Richmond.
M. Brochu: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Sur quelle question?
M. Brochu: Simplement une remarque, j'aimerais aussi passer la
parole à mon collègue, autre représentant de l'Union
Nationale. Nous aimerions, à ce moment, peut-être faire une rapide
motion.
Le Président (M. Cardinal): Un instant. Seuls les membres
de la commission peuvent présenter des motions.
Je l'ai indiqué ce matin. Or, M. Biron était membre de la
commission en remplacement de M. Grenier et, de votre parti, il y a M. Le
Moignan, de Gaspé, qui est d'office, à la suite de la motion de
la commission de l'Assemblée nationale, membre de cette commission.
M. le député de Gaspé.
M. Russell: M. le Président, simplement une directive.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de...
M. Russell: Est-ce que chaque député peut parler
sur une motion, même s'il n'est pas membre de la commission?
Le Président (M. Cardinal): Je vais rendre la directive
immédiatement. Nous sommes dans une situation à l'ordre,
s'il vous plaît où ayant, de consentement unanime,
accepté que tous les membres de l'Assemblée nationale aient le
droit de parole à cette commission, en étant soumis quand
même à toutes les règles prévues dans nos lois et
règlements, les membres de l'Assemblée nationale qui ne sont pas
membres de cette commission ont le droit de parole. Ils n'ont pas le droit de
vote, ne peuvent pas présenter de motion, ne sont pas membres de la
commission. Ils ont simplement le droit limité de parole. Est-ce que
ça répond à votre question?
M. le député de Gaspé.
M. Brochu: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Richmond.
M. Brochu: ...j'aimerais quand même vous demander
également une directive. Est-ce que, dans les circonstances, il ne me
serait pas possible quand même, étant donné que j'ai droit
de parole à la commission, de faire un bref commentaire avant la
présentation de la motion...
Le Président (M. Cardinal): Non, je regrette...
M. Brochu: ...et que la motion soit, par la suite,
présentée...
Le Président (M. Cardinal): ...je vous arrête tout
de suite. Il n'y a pas de motion devant nous sur cette table en U. Quand il y
aura une motion, vous aurez le droit de faire des commentaires.
M. Brochu: D'accord.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Gaspé.
M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Peut-être
pour être fidèle à l'adage "jamais deux sans trois",
j'apporte donc cette troisième motion. Cela va être très
bref et je sais qu'elle va être acceptée de façon
unanime.
Le Président (M. Cardinal): Ne présumez pas de la
décision, s'il vous plaît.
M. Le Moignan: Je ne présume pas de la décision du
président, je présume de l'unanimité de la commission.
Le Président (M. Cardinal): Ah! D'accord, ça, c'est
autre chose.
M. Le Moignan: Jusqu'à maintenant, on s'aperçoit
que le temps passe très vite; nous avons écouté beaucoup
de mémoires et, quand on lit
certains journaux, on nous dit que, peut-être la semaine
prochaine, le gouvernement ou les responsables de la commission vont
interrompre l'audition des mémoires. Je crois que ceci nous pose
certains points d'interrogation...
Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, M. le
député de Gaspé. Ceci est une hypothèse. En vertu
de 118-A ou de l'article 156, je ne puis l'accepter comme hypothèse de
travail ce soir. Rien ne me laisse croire que soit le ministre, soit le leader
parlementaire, soit le président réunissant les leaders des
différents partis, ait pris de semblables décisions.
M. Le Moignan: Alors, est-ce que je peux vous lire ma motion?
Le Président (M. Cardinal): Oui, certainement.
Critères pour mettre fin aux séances de
la commission
M. Le Moignan: Sans commentaire, parce que vous allez me sortir
un article et vous aurez entièrement raison. Je vous lis simplement la
motion. "Que soient établis immédiatement les critères en
vertu desquels le parti ministériel se dira suffisamment informé
pour arrêter la présente étape de l'audition des
mémoires".
Le Président (M. Cardinal): Si vous voulez me remettre
copie de votre motion, s'il vous plaît.
M. Le Moignan: Immédiatement, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Richmond, je vous donne la parole après.
M. Brochu: Est-ce que c'est sur la recevabilité?
Le Président (M. Cardinal): Vous aviez demandé
de... Oui, auparavant, alors qu'on parle de la motion qui n'a pas
été jugée irrecevable, ni re-cevable, si M. le
député de Richmond a quelque chose à dire sur la
recevabilité de cette motion, il est le bienvenu.
M. Brochu: Oui, je pense qu'en ce qui concerne la
recevabilité de cette motion, M. le Président, on se rend compte
facilement, à ce stade-ci de nos travaux, compte tenu de la nature
même de l'étude qu'on est en train de faire, compte tenu aussi des
différents visages devant la commission parlementaire, compte tenu des
travaux qui risquent de prendre passablement de temps, je pense qu'un calcul
même bien sommaire du nombre de mémoires qui restent à
étudier nous indique qu'éventuellement pourront être prises
certaines décisions en ce qui concerne la continuation de l'audition des
mémoires. Je pense que, si nous concevons que la chose puisse se faire,
à ce moment-là, nous allons être placés devant dif-
férents choix, c'est-à-dire, devant le nombre important de
mémoires qui sont devant nous actuellement, de quelle façon
pourra être établie cette sélection... M. le
député a invoqué le règlement, je pense.
Le Président (M. Cardinal): Lequel? J'ai été
distrait une seconde.
M. Guay: Moi.
Le Président (M. Cardinal): Le député de
Taschereau.
M. Guay: Toujours sur la même question, il me semble que
vous avez bien indiqué au député de Richmond que nous
devions discuter de la recevabilité tandis que le député
de Richmond discute du fond de la question et des motifs pour lesquels son
collègue le député de Gaspé a
présenté la motion de l'Union Nationale.
Le Président (M. Cardinal): Je suis obligé, M. le
député de Richmond, d'être d'accord avec le
député de Taschereau et je vous prierais de revenir à la
recevabilité, les raisons pour lesquelles cette motion serait recevable
et non pas les raisons pour lesquelles cette motion étant reçue,
elle serait utile.
M. Brochu: Je reconnais le bien fondé des propos du
député de Taschereau. Je pense que, de ce côté,
j'avais glissé quelque peu. Si la motion a été
présentée par l'Union Nationale, c'est parce que nous voulons
nous assurer de la bonne marche de ces travaux et je pense que c'est dans cet
esprit qu'on doit considérer la recevabilité de la motion,
c'est-à-dire pour éviter que la commission parlementaire ne
s'embourbe dans des dédales à ne plus finir de procédure,
de mésentente et de discussions qui peuvent risquer de devenir plus
émotives que logiques en cours de route. Nous devrions peut-être
assumer cette responsabilité à ce stade-ci de juger recevable
cette motion pour assurer la bonne marche des travaux, c'est-à-dire que
forts, à ce moment, de savoir ce qui pourrait arriver
éventuellement, étant donné la somme de travail que nous
avons devant nous, nous pourrions continuer les travaux qui nous sont
demandés de façon peut-être beaucoup plus sereine, sachant
que, dans l'éventualité d'une décision telle que celle
à laquelle fait allusion la motion que nous avons
présentée, à ce moment, nous aurions certaines garanties
en ce qui concerne la nature même de nos travaux et l'efficacité
même de la commission parlementaire.
Le Président (M. Cardinal): Le député de
Taschereau.
M. Guay: La motion m'apparaît éminemment
irrecevable. Vous savez comme moi que cette commission a été
convoquée pour entendre des témoignages, pour entendre des
groupes ou des individus qui veulent intervenir sur le projet de loi no 1. Les
groupes qui sont ici ce soir et qui de-
vaient se faire entendre pourront juger de la tactique du Parti
libéral et de l'Union Nationale, qui fait en sorte qu'ils n'ont pas le
loisir de se présenter ici ce soir et d'être entendus comme
c'était le désir du parti ministériel. Quoi qu'il en
soit...
M. Lalonde: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, je sais quelle est votre question de règlement et
j'allais interrompre le député de Taschereau. Avez-vous quelque
chose à ajouter?
M. le député de Taschereau, si vous voulez en venir
à la recevabilité de la motion.
M. Guay: Quoi qu'il en soit...
M. Lalonde: Vous ne savez pas quelle est la question de
règlement que je veux soulever.
Le Président (M. Cardinal): Je vous ai demandé si
vous vouliez ajouter quelque chose.
M. Lalonde: Oui. Je pensais que vous posiez votre question au
député... Naturellement, je sais qu'avec toute
l'équité et la justice dont vous vous acquittez de vos
tâches, vous n'avez pas voulu me prêter d'intentions.
Le Président (M. Cardinal): Absolument pas.
M. Lalonde: Je l'affirme, mais je pense que celui qui est assis
un peu plus à votre droite, le député de Taschereau, a
voulu prêter des intentions aux députés qui siègent
de ce côté-ci de la table en qualifiant de tactique le
débat que nous avons ce soir et aussi en disant que nous avions
l'intention d'empêcher les témoins d'être entendus, alors
que vous savez très bien, M. le Président, que je vous ai
donné avis, il y a 24 heures, même si le règlement ne
l'exigeait pas, par simple courtoisie pour nos invités, qu'il y aurait
des motions qui seraient discutées ce soir.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Encore une fois, le
jugement de Salomon. Les deux députés de Taschereau et de
Marguerite-Bourgeoys, sur le plan de la procédure, sont tous les deux
hors de la question et vont à rencontre du règlement et je leur
demande de s'en tenir au sujet de la recevabilité. Vous remarquerez que
j'ai laissé aux deux députés la possibilité de
terminer leur phrase.
M. Brochu: M. le Président, sur la question de
règlement, on a quand même été impliqué de ce
côté-ci aussi. Ils ont laissé entendre...
Le Président (M. Cardinal): Attention! M. le
député de Richmond, je vais vous laisser continuer après,
mais je veux quand même souligner une chose.
M. Brochu: Oui.
Le Président (M. Cardinal): C'est quand même
enregistré au journal des Débats. Il y a quand même du
public. L'article 49 ne s'applique pas ici. Il n'y a pas de question de
privilège. L'article 96 ne s'applique pas dans votre cas. Vous n'avez
pas prononcé de discours que vous auriez à corriger. Comme j'ai
laissé la parole au député de Taschereau et au
député de Marguerite-Bourgeoys, même s'ils prenaient une
voie d'évitement, et je vous demanderais d'être bref. Je vous
laisse le même privilège et je vous dis vraiment que j'aurais pu
ne permettre aucune de ces interventions.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Un instant, M. le
député de Richmond et ensuite Mme le député de
L'Acadie.
M. Brochu: Je vous remercie M. le Président. Je pense que
c'est quand même à partir des propos que j'ai tenus que le
député de Taschereau a fait la remarque qu'il a faite. Je
tiendrai, quand même, à ce sujet à rappeler que c'est
dès le début de la commission que le député de
Taschereau, lui-même, a pris le temps d'une journée pour essayer
d'établir la façon avec laquelle les députés
devraient intervenir au cours de la commission et le temps de parole
également.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre s'il vous
plaît. Je pense que je vous ai laissé la possibilité de
dire ce que vous vouliez affirmer.
M. Lalonde: Une question de règlement.
Le Président (M. Cardinal): Un instant. Sur la question de
règlement, il y a Mme le député de L'Acadie, M. le
député de Vanier et ensuite M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, c'est une directive. Je
sais que nous ne pouvons pas ici soulever de question de privilège, mais
je me demande de quelle façon on doit procéder quand, de part et
d'autre de la table, on impute des motifs ou des stratégies... comment
doit-on procéder pour rétablir les faits?
Le Président (M. Cardinal): II y a deux façons, Mme
le député de L'Acadie. Il y a l'article 49, alinéas 1 et
2, qui vous permet de donner au président de l'Assemblée
nationale, à la première occasion venue, un avis d'au moins une
heure avant le début des affaires courantes en indiquant
brièvement le sujet de votre question de privilège. Il y a un
deuxième moyen qui existe dans certains cas, si vous avez
vous-même fait un énoncé, prononcé un discours, si
vous êtes intervenue vous pouvez invoquer l'article 96 pour corriger
l'interprétation qu'un député peut faire de ce que vous
avez dit. Ce sont les deux seuls moyens que je connaisse.
D'ailleurs je reviens, je le répète, à une
décision qui a été rendue le 8 mars 1976 qui ne permet
pas les questions de privilège en commission parlementaire. M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, simplement comme responsable
de la bonne tenue des travaux, je voulais vous demander si le
député de Verchères faisait encore partie de la
commission.
M. Bertrand: Le député de D'Arcy McGee ne dirait
pas des choses comme celles-là.
Le Président (M. Cardinal): II fait encore partie de la
commission, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. M. le
député de Vanier.
M. Bertrand: Je demandais la parole sur la
recevabilité.
M. Paquette: Moi aussi, M. le Président. Motion
jugée irrecevable
Le Président (M. Cardinal): C'est après. Alors,
justement nous revenons à la recevabilité de cette motion. Si
vous permettez, deux articles me paraissent pertinents et, dans ce cas, je ne
prendrai pas en délibéré, je ne suspendrai pas. L'article
118 a), alinéa 6 dit ceci: "Lorsqu'elle la commission
croit être suffisamment renseignée et je souligne que c'est
la commission et non pas le président ni d'autres personnes la
commission peut décider de cesser les auditions." Il ne s'agit pas d'un
parti ou d'un député.
Il y a un second moyen qui est possible, qui est un peu plus complexe et
qui donne les deux voies de l'alternative, l'article 156 dans lequel il y a
aussi deux voies possibles: "Lorsqu'une commission étudie un projet de
loi ce que nous faisons pendant une période de temps
correspondant à l'importance ou la longueur du projet, le leader
parlementaire du gouvernement peut, sans avis, proposer une motion
énonçant les modalités d'un accord conclu entre les
leaders parlementaires des partis reconnus au cours d'une conférence
convoquée par le président, à la demande du leader
parlementaire du gouvernement. Cette motion est décidée
immédiatement, sans débat ni amendement." Et la dernière
possibilité, 156, alinéa 2: "Si, à la suite de la
convocation de la conférence des leaders parlementaires, une entente n'a
pu être conclue, le leader parlementaire du gouvernement le
déclare à l'Assemblée non pas à la
commission et, après avis, il propose que le ra-port de la
commission soit présenté à l'Assemblée dans le
délai qu'il indique. Cette motion ne peut subir d'amendement. A
l'occasion du débat qu'elle provoque, la durée des discours est
celle prévue au paragraphe 2 de l'article 94 et le leader parlementaire
du gouvernement a un droit de réplique." Je n'élaborerai pas
davantage et je vais immédiatement déclarer à mon regret,
M. le député de Gaspé, cette motion irrecevable.
M. Lalonde: M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: J'aurais une motion à faire qui se lit comme
suit... Je ne ferai pas de préambule, ainsi, les députés
ministériels ne seront pas énervés et le
député de Taschereau ne pourra pas invoquer sa longue
expérience parlementaire.
M. Guay: Je vous vois venir, M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je l'ai dit, je ne l'ai pas écrit.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît. Venez-en à votre motion.
Audition du président de la Régie de la
langue française
M. Lalonde: Verba volant, scripta manent. "Que cette commission
entende le président de la Régie de la langue française,
le 20 juillet 1977 à 20 heures, afin que la présente commission
soit pleinement informée de la portée du projet de loi no 1
touchant en particulier la langue de travail et des affaires."
Le Président (M. Cardinal): Je vais la relire, non pas
parce que le député de Marguerite-Bourgeoys n'a pas une bonne
élocution, elle est meilleure que la mienne à cette heure. "Que
cette commission entende le président de la Régie de la langue
française, le 2 juillet ou le 20 juillet?
M. Lalonde: Le 20 juillet.
Le Président (M. Cardinal): "Le 20 juillet 1977", c'est
pourquoi je la relis.
M. Bertrand: On ne peut pas s'entendre sur le 20 août?
Le Président (M. Cardinal):... "afin que la
présente commission soit pleinement informée"...
M. Lalonde: Faites un amendement.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! "De la portée du projet de loi no 1 touchant en particulier
la langue de travail et des affaires." Puis-je dire à M. le
député de Marguerite-Bourgeoys que sa motion, telle que
rédigée, ne peut être reçue, parce que le projet de
loi no 1 s'intitule Charte de la langue française au Québec.
M. Lalonde: M. le Président, vous avez accepté.
Le Président (M. Cardinal): Vous pouvez l'amender.
M. Lalonde: Amendons-la comme ça, si ça vous fait
plaisir. D'ailleurs, la charte, c'est plutôt pour la
publicité.
Le Président (M. Cardinal): Non, c'est le titre de la loi,
je regrette.
M. Lalonde: Enfin, je pourrais le chercher ici...
Le Président (M. Cardinal): C'est Charte de la
langue...
M. Lalonde: Je ne sais pas si le président peut lire
d'où il est, mais ça s'appelle Projet de loi no 1 et, en tous
petits caractères, Charte de la langue française au
Québec.
Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys, avec beaucoup de respect, je vous
rappellerai qu'un projet de loi porte toujours un numéro et un titre, et
que le titre de cette loi est Charte de la langue française au
Québec, que ceci soit écrit en quatre points, en huit ou
autrement.
M. le député de Papineau, sur une question de
règlement.
M. Alfred: Non, non, je m'excuse.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, vous avez la parole.
M. Lalonde: M. le Président, au risque de porter atteinte
au bien-fondé des représentations de la Commission des droits et
libertés de la personne, je vais ajouter Charte de la langue
française au Québec à ma motion.
M. le Président, vous m'avez donné la parole?
Le Président (M. Cardinal): Oui.
M. Lalonde: Est-ce que vous l'avez reçue?
Le Président (M. Cardinal): J'ai le texte devant moi et
vous avez la parole.
M. Lalonde: Est-ce que la recevabilité est
décidée?
Le Président (M. Cardinal): Non, je n'ai rien
décidé de la recevabilité et ce sera le même
procédé que d'habitude. Je demanderai à la commission si
elle veut se prononcer, avant que je ne rende une décision.
M. Lalonde: Ecoutez, M. le Président, on a vu tantôt
lors de la présentation d'une première motion par le
député de L'Acadie à propos du Conseil supérieur de
l'éducation que le parti ministériel s'était
déclaré extrêmement heureux de cette motion et avait
d'emblée concouru à son adoption. Alors, avant de commencer, je
vais aussi demander au parti ministériel s'il est d'accord avec cette
motion, sinon, je continuerai mes représentations.
Le Président (M. Cardinal): Me permettez-vous, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys. J'aurais immédiatement
déclaré cette motion recevable si la date y indiquée ne
préjugeait pas de la suspension des travaux de l'Assemblée
nationale ou d'un ordre de l'Assemblée nationale. Je ne puis, ce soir,
prévoir que l'Assemblée nationale continuera ses travaux jusqu'au
20 août, je sais même que dans une sous-commission...
Mme Lavoie-Roux: 20 juillet.
Le Président (M. Cardinal): J'ai dit le 20 août. En
vertu des délibérations d'une sous-commission de
l'Assemblée nationale, il a été discuté de certains
travaux qui devaient s'effectuer le 15 juillet, ce que le député
de Laval sait fort bien, car il est membre de cette sous-commission, je crois.
Il est d'ailleurs intervenu en Chambre à ce sujet et c'est pourquoi je
suis embarrassé. Je vais demander l'avis de la commission, pour
être plus précis, parce que je veux pas attaquer le
député de Laval.
Je me souviens simplement d'une intervention à l'Assemblée
nationale où le député de Laval avait indiqué qu'il
voulait que les travaux de l'Assemblée ou de cette commission se
poursuivent à l'Assemblée nationale, dans le Parlement, et non
pas dans le complexe G, au cas où des travaux commenceraient le 15
juillet. Je n'ai pas le journal des Débats, mais je pense qu'il s'en
souvient.
C'est la seule question qui m'embarrasse et je vous le dis clairement.
M. le député de Vanier, sur une demande de directive.
M. Bertrand: Une directive, M. le Président. Si cette
motion était reçue, votée, adoptée, qu'est-ce qui
aurait préséance? Est-ce que ce serait l'article 118, paragraphe
6, qui dit que lorsqu'elle croit être suffisamment renseignée, la
commission peut décider de cesser les auditions. Si, par exemple, le 19
juillet, la commission se jugeait suffisamment renseignée, est-ce
qu'elle serait dans l'obligation, malgré tout, si la décision
était prise, d'entendre le président de la régie?
Le Président (M. Cardinal): C'est une excellente question.
C'est la deuxième raison pour laquelle la prudence m'empêche de
déclarer immédiatement recevable, comme la première
motion, cette motion du député de Marguerite-Bourgeoys.
Je devrais vraiment, à ce moment-là, porter un jugement
sur la préséance entre les articles 188a, 156 et la motion du
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président...
M. Blank: M. le député de... Je m'excuse.
Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous
plaît! M. le député de Marguerite-Bourgeoys, et ensuite, M.
le député de Saint-Louis.
Si M. le député de Marguerite-Bourgeoys... Alors, M. le
député de Saint-Louis.
M. Blank: Le député de Vanier demandait ce qui
arriverait si, le 19 juillet, on décidait, suivant l'article 118,
deuxième paragraphe, de mettre fin à la commission. C'est facile,
la commission peut
toujours renverser sa propre décision. La décision n'est
pas finale. Si la commission, le 19, décide d'ajourner les auditions,
elle peut renverser ses décisions et annuler toutes les sommations, les
subpoenas ou les invitations. Ce serait facile. La question du 20 juillet,
c'est la date que la commission décide. Il n'est aucunement question de
cette date dans la question de recevabilité, même si on met le 20
juillet...
M. Lavoie: Le 20 décembre...
M. Blank: ... dans deux ans, cela ne change rien. C'est la
commission qui décidera de la date. Ce n'est pas une question de... Ce
serait un des détails de la motion. Si la motion est recevable, c'est
recevable à n'importe quelle date. Si elle n'est pas recevable, elle
n'est pas recevable.
Le Président (M. Cardinal): Me permettez-vous, M. le
député de Saint-Louis, sans participer au débat? Vous avez
techniquement raison et parfaitement raison.
M. Blank: Merci.
Le Président (M. Cardinal): Cependant et ce n'est
pas un jugement sur votre raisonnement, qui, juridiquement, est excellent
je ne veux pas laisser d'illusion à qui que ce soit sur
l'efficacité d'une résolution.
Il est sûr qu'à chaque séance, la commission peut
annuler ce qu'elle a décidé à la séance
précédente. Elle ne le peut pas au cours d'une même
séance. Cependant, j'aurais souhaité que l'on n'établisse
pas ce jeu de revenir sans cesse sur les décisions. Nous vivons
actuellement en vertu de deux motions que nous pourrions, demain matin, et
même ce soir, abolir, soit de consentement, soit à la suite d'un
vote.
Mais quand j'ai dit que mon jugement était si on peut
s'exprimer ainsi suspendu, c'est tout simplement que je ne veux laisser
d'illusion à personne; ce n'est donc pas un plan technique, mais
purement un plan pragmatique.
M. le député de D'Arcy McGee, et, ensuite, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Goldbloom: M. le Président, vous avez posé une
question et je voudrais y répondre. Vous avez demandé, en quelque
sorte, à la commission de vous éclairer sur l'opportunité
de fixer une date. Il me semble très respectueusement que vous
n'êtes pas davantage assuré que la commission siégera le 30
juin et nous avons pourtant adopté une résolution fixant au 30
juin une convocation.
C'est le seul point que je voulais soulever, M. le Président. Je
pense que la motion est recevable quant à cet élément.
Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. le
député de D'Arcy McGee. Je veux rappeler une indication que j'ai
donnée. Personne ne le sait peut-être officiellement, et tout le
monde le sait of- ficieusement, nous serons peut-être obligés de
quitter cet édifice le 15 juillet. Je l'ai mentionné, sachant
qu'il est possible que ceci n'arrive pas. C'est simplement de ma part un
scrupule. Ce n'est pas une question qui attaque le fond de la
recevabilité, si l'on peut ainsi s'exprimer.
D'ailleurs, je rendrai ma décision sans tenir compte de cette
date.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, loin de moi l'intention de
rappeler le président à l'ordre. Votre connaissance, votre
expérience sont vraiment trop grandes pour me permettre de le faire.
Quand vous mentionnez la date indiquée à la motion, je vous
indique respectueusement qu'on s'attaque au fond de cette motion. Il s'agit de
savoir si une motion pour inviter quelqu'un à être entendu
à cette commission est recevable.
Il faut simplement dire, à ce moment-là, M. le
Président, que ce soit le 12 juillet, le 20 juillet ou le 30 juin ou
même demain matin, vous savez très bien qu'en vertu du
règlement, le gouvernement... Je ne sais pas, parce que je ne suis pas
très ferré dans les détails de la procédure suivie,
mais j'imagine que le ministre ou le secrétariat de la commission envoie
des convocations de sept jours. Vous savez très bien, M. le
Président, que notre vie à cette commission est quotidienne, que
nous avons le droit et le privilège, enfin, le devoir de siéger
comme nous le faisons seulement en vertu d'un ordre de la Chambre qui nous est
donné quasiment à tous les jours. Nous n'avons pas d'ordre pour
siéger la semaine prochaine, mais, malgré cela, le ministre ou le
secrétariat des commissions a invité pour la semaine prochaine,
pour d'ici sept jours ou plus, des témoins. Alors, pourquoi ce serait
plus irrecevable que cette motion dise: Le 20 juillet, on veut entendre le
président de la Régie de la langue française?
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, je regrette. J'ai indiqué que cette remarque que
j'ai faite, qui était peut-être de trop, je puis l'avouer, qui
était purement, peut-être, un abus d'une certaine
honnêteté intellectuelle vis-à-vis des membres de la
commission et du public, n'attaquait en rien la recevabilité de cette
motion que je déclare immédiatement recevable.
M. Lalonde: M. le Président, je vous remercie beaucoup de
votre décision. Si vous m'accordez le droit de parole...
Le Président (M. Cardinal): Oui.
M. Lalonde: ...je vais vous dire pourquoi je crois que cette
motion devrait recevoir l'appui de tous les membres de cette commission
parlementaire.
Les mémoires que nous avons reçus sont de divers ordres,
viennent de diverses sources et mentionnent un certain nombre de questions qui
sont soulevées par le projet de loi no 1. Je pour-
rais vous citer, dans la liste que le gouvernement a eu la courtoisie...
Est-ce la présidence ou le ministre? Je ne sais pas à qui
adresser, encore une fois, mes félicitations et mes remerciements, mais
celui qui a eu la bonne idée de nous envoyer cette liste de ceux qui
nous ont adressé des mémoires mérite sûrement des
remerciements et nos félicitations.
Le Président (M. Cardinal): C'est la présidence qui
l'a remise aux membres de la commission. C'est le ministre qui a
souligné qu'il était entièrement d'accord et que
c'était un précédent.
M. Lalonde: Que nos félicitations s'adressent aux deux, M.
le Président. Comme nous n'aurons pas l'occasion d'en adresser souvent
au ministre, j'insiste...
Une Voix: Pas une motion...
Une Voix: C'est trop chiche.
Une Voix: Félicitations.
M. Lalonde: Je laisserai au parti ministériel le soin de
faire une motion parce que ses membres n'ont pas parlé beaucoup, il y en
a même qui semblaient sommeiller tantôt.
M. Bertrand: On est timide.
M. Lavoie: Question de règlement. A cause du fait que,
c'est enregistré au journal des Débats, est-ce que vous avez dit
que le fait d'avoir remis la liste de tous les mémoires à tous
les membres de la commission était un précédent?
Le Président (M. Cardinal): J'ai simplement rappelé
que j'avais remis à chacun des membres de la commission cette liste et
que le ministre avait indiqué que c'était un
précédent...
Une Voix: Par rapport à la loi 22.
Le Président (M. Cardinal): ...par rapport à la loi
22. L'on pourra référer au journal des Débats. Je n'ai
rien dit de plus.
M. Alfred: ...la jalousie!
M. Lavoie: Est-ce que je pourrais ajouter, pour les fins du
journal des Débats, que je...
M. Bertrand: ...II est jaloux!
M. Lavoie: ...pense que l'article 118a...
M. Alfred: Dit quoi?
M. Lavoie: ce n'est pas une question, c'est une obligation
dit que, dès que le délai de trente jours est
terminé pour la réception des mémoires, l'article 118a,
deuxièmement, après ce délai, le secrétaire des
commissions fait parvenir à chaque membre de la commission un exemplaire
des mémoires et des résumés. C'est bien plus que la liste
même, c'est impératif. C'était impératif
qu'après le délai de trente jours, tous les membres devaient non
pas avoir la liste, mais tous les mémoires et les résumés
et, si le ministre d'Etat au développement culturel mentionne que cela
ne s'est pas fait pour la loi 22, c'est que cet amendement a été
apporté justement après la loi 22.
Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. le
député de Laval.
M. Lavoie: C'est impératif.
Le Président (M. Cardinal): Votre mise au point ne fait
que répéter exactement ce que j'avais dit, dans le fond. J'avais
cité ce qui s'était produit. J'avais cité les paroles du
ministre qui étaient déjà au journal des Débats et
je ne voulais en rien occasionner un débat sur cette question de
précédent, en vertu de l'Ancien ou du Nouveau Testament. M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, traduisons mes
félicitations d'avoir fait parvenir cette liste en des
félicitations de s'être conformé au règlement. C'est
déjà quelque chose.
Le Président (M. Cardinal): M. le
député.
M. Lalonde: M. le Président, nous savons que ce projet de
loi no 1 contient de nombreuses dispositions concernant la langue du travail,
la langue des affaires, que ses dispositions suivent, naturellement, sans y
être analogues, les dispositions d'une loi actuellement en vigueur, la
Loi sur la langue officielle qui a créé la Régie de la
langue française. C'est tellement vrai que le projet de loi
prévoit, de façon très spécifique, que l'Office de
la langue française que ce projet de loi propose de créer, sera
constitué, en partie, au moins, des membres de la régie. On fait
la transition entre la régie et l'Office de la langue française,
donc le projet de loi en fait la reconnaissance officielle, s'il était
besoin de le faire. Alors, les dispositions du projet de loi, ajoutées
aux interventions que nous avons entendues jusqu'à maintenant, en ce qui
concerne la langue des affaires, la langue du travail, et je ne
réfère pas seulement aux interventions faites par les
différentes associations de patronat, les représentants de
gestion de sociétés, mais aussi par les syndicats qui sont venus
jusqu'à maintenant... on peut présumer que ceux qui viendront,
après ce soir, auront aussi des remarques, des suggestions à
faire en ce qui concerne la langue du travail et la langue des affaires. Tout
ce contexte met la commission parlementaire dans la situation où on doit
aviser le gouvernement, éventuellement, mais surtout être
informés sur tous les aspects de cette démarche qui a
déjà été entreprise par la Loi sur la langue
officielle et qui est visée par le projet de loi no 1, Charte de la
langue française au Québec... Toutes ces dispositions, dis-je,
nous devons nous informer à propos
de toutes ces démarches. Je me surprends de voir que le
gouvernement, que le ministre responsable de cette loi n'ait pas offert
à la commission les services, les conseils de la Régie de la
langue française, et en particulier, de son président.
Comme les autres membres de la commission, j'ai vu que le
président s'était exprimé, en partie, en public, lors
d'une entrevue dans un journal, le journal Le Soleil, il y a déjà
quelques semaines, je pense. J'avais demandé, à la suite de cette
intervention publique du président de la Régie de la langue
française, au ministre d'Etat au développement culturel, s'il
avait l'intention de convoquer...
M. Laplante: M. le Président, cela fait trois fois que le
député de Jacques-Cartier lève la main. Voulez-vous le
reconnaître, s'il vous plaît?
Le Président (M. Dussault): Je vous reconnais, M. le
député de Jacques-Cartier.
M. Saint-Germain: Je m'excuse auprès de mon
collègue, mais je remarque que nous n'avons pas quorum.
M. Laplante: Avez-vous compté?
Le Président (M. Dussault): Alors, je vais faire le
décompte, M. le député de Jacques-Cartier. Je dois compter
uniquement les personnes qui sont membres de la commission. Un, deux, trois,
quatre, cinq...
M. Laplante: On est bien onze, M. le Président. Ouvrez vos
lumières, M. le député de Jacques-Cartier, vous êtes
endormi par vos propres paroles.
M. Saint-Germain: On a eu des apparitions... Une Voix:
Vous dormez!
Le Président (M. Dussault): A l'ordre, s'il vous
plaît! Nous avons le quorum. Je prierais le député qui
avait la parole de continuer, s'il vous plaît!
M. Lalonde: Merci, M. le Président...
Mme Lavoie-Roux: Le député de Bourassa n'est pas
très poli, M. le Président.
Le Président (M. Dussault): A l'ordre, Mme le
député de... M. le député, s'il vous
plaît!
M. Lalonde: M. le Président...
M. Saint-Germain: J'invoque le règlement. Je n'aimerais
qu'il soit fait mention au journal des Débats que j'ai dit au
président qu'il n'y avait pas quorum lorsqu'il y en avait... Il n'y
avait pas quorum, M. le Président.
M. Laplante: II y avait quorum.
M. Saint-Germain: C'est après ma demande que le quorum
s'est fait.
M. Laplante: II y avait quorum, M. le député de
Jacques-Cartier.
Le Président (M. Dussault): Messieurs les
députés, s'il vous plaît, à l'ordre! Je voudrais que
vous continuiez, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, les dernières
remarques du député de Bourassa mériteraient quelques
commentaires. Etant donné que je me lancerais dans un langage qui ne
serait pas parlementaire, je vais simplement passer outre.
Donc, M. le Président, je disais que la Régie de la langue
française devrait avoir été invitée ici par le
gouvernement, par le ministre, et je m'étonne que ça n'a pas
été fait jusqu'à maintenant. J'étais en train de
dire, lorsque nous avons manqué de quorum, que lorsque j'ai posé
la question au ministre en Chambre, il ne s'est pas opposé à ce
que le président de la Régie de la langue française
intervienne aux délibérations de cette commission.
Naturellement, j'invoque cette acceptation du ministre, pour inviter la
commission parlementaire à demander au président de la
Régie de la langue française de se rendre disponible. J'ai
indiqué le 20 juillet. Naturellement, nous avons encore plus de 200
mémoires à examiner. Au rythme où nous allons
actuellement, on en a vu, je pense, sept la première semaine nous
augmentons nous en avons vu, je crois, douze, la deuxième
semaine...
M. Guay: Ce soir, on en a vu combien?
M. Lalonde: ...et nous sommes rendus à neuf, mercredi.
M. Guay: Ce soir...
M. Lalonde: Neuf entendus, alors, grâce à la
coopération, en particulier, de l'Opposition...
M. Alfred: Excusez-moi, M. le Président, question de
règlement.
M. Lalonde: Vous avez vu jusqu'à quel point nous sommes
devenus efficaces.
Le Président (M. Dussault): Un instant, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys. Quelle est la question de
règlement, M. le député de Papineau?
M. Alfred: J'admire la collaboration de l'Opposition
officielle.
Le Président (M. Dussault): M. le député,
s'il vous plaît!
M. Lalonde: C'est un règlement d'admiration, je vous
remercie.
Le Président (M. Dussault): Vous pouvez continuer, M. le
député.
M. Lalonde: M. le Président, je disais donc que nous avons
déjà entendu à peu près 25 inter-
venants sur 260. Il nous reste donc plus de 200 intervenants à
entendre. J'ai mis le 20 juillet. Naturellement, pour ma part, je serais
prêt à l'entendre le 13 ou le 14 juillet, ou le 15 août. Je
n'ai pas d'objection. J'ai mis le 20 juillet parce qu'à ce
moment-là, ça permet au président de la régie de se
préparer...
M. Bertrand: C'est bon.
M. Lalonde: ...d'examiner toutes les interventions...
M. Bertrand: C'est un homme généreux, lui.
M. Lalonde: ...d'examiner la loi, je sais qu'il l'a fait
sûrement, puisqu'il l'a commentée en public, et aussi, ça
permet aux députés ministériels...
M. Alfred: De s'informer.
M. Lalonde: ...ce n'est pas peu dire, de se préparer, eux
aussi.
M. Alfred: C'est beau!
M. Lalonde: Nous pourrons ainsi, pour une fois, poser des
questions pertinentes...
M. Alfred: A l'Opposition officielle.
M. Lalonde: ...recevoir ou, enfin, tenter...
Mme Lavoie-Roux: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Dussault): Quel règlement,
Madame?
Mme Lavoie-Roux: Je pense que...
Le Président (M. Dussault): Quel est le règlement,
Madame, s'il vous plaît, le numéro?
Mme Lavoie-Roux: 32.
M. Bertrand: ...ce n'est pas un mauvais, ça.
Le Président (M. Dussault): Le no 32, je sais très
bien qu'il ne parle pas de quelque chose qui est relatif à cette
commission. M. le député, voulez-vous continuer, s'il vous
plaît?
M. Bertrand: Directive! Question de règlement, M. le
Président.
M. Lalonde: Sur la question de règlement...
M. Guay: Sur le no 32, M. le Président, la séance
est ouverte.
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Vanier.
M. Bertrand: Je vous prierais de lire l'article 32, M. le
Président.
Mme Lavoie-Roux: ...74, M. le Président.
Le Président (M. Dussault): Je connais l'article 32, M. le
député de Vanier. Je prierais, s'il vous plaît, pour ne pas
perdre de temps additionnel, M. le député de Marguerite-Bourgeoys
de continuer.
M. Lavoie: C'est une question de règlement et, pour les
fins du journal des Débats, je ne voudrais pas que votre...
Le Président (M. Dussault): Quel est le règlement,
M. le député de Laval? Quel est le numéro, s'il vous
plaît?
M. Lavoie: Entre 100 et 172.
Le Président (M. Dussault): Je voudrais, s'il vous
plaît, un règlement précis.
M. Lavoie: Justement. Un instant! C'est justement sur ce point.
Vous n'êtes pas pour établir un précédent. Depuis
que le Parlement existe, il n'y a jamais eu un président qui a dit: A
quel article? Voyons! On n'est pas à l'école, au primaire
ici.
Le Président (M. Dussault): Si vous posez une question de
règlement, je peux demander en vertu de quel règlement vous
intervenez.
M. Lavoie: C'est une directive.
M. Bertrand: Surtout vous, vous devriez le savoir! Surtout vous,
vous devriez le savoir!
Le Président (M. Dussault): Vous qui avez
été président de l'Assemblée si longtemps, vous
devriez savoir qu'il faut dire en vertu de quel règlement on
intervient.
M. Lavoie: Depuis quand, M. le Président?
Le Président (M. Dussault): Depuis toujours, M. le
député de Laval.
M. Lavoie: Je vous demande une directive, M. le
Président.
Le Président (M. Dussault): Quelle directive voulez-vous
avoir?
M. Lavoie: En vertu de quelle autorité, de quel
précédent, de quel usage et de quelle tradition agissez-vous?
Vous avez à vos côtés un député qui a
siégé pendant trois ans comme chef parlementaire d'un parti
politique, vous pouvez le consulter. Jamais, à ma connaissance depuis 17
ans aujourd'hui que je suis au Parlement, un président et j'en ai
connu plusieurs n'a agi d'une manière aussi autoritaire que la
vôtre ce soir en exigeant de dire en vertu de quel numéro on
invoque le règlement. Cela ne s'est jamais fait et cela ne se fait dans
aucun Parlement, pour votre bon entendement. Je vous demande en vertu de quelle
autorité vous exigez des numéros automatiquement comme cela.
Imaginez-vous que, dans l'an-
cien règlement, il y avait 700 articles! Ce n'est pas l'esprit
d'un Parlement. Je ne voudrais pas que le précédent que vous
établissez ce soir soit continué par d'autres et c'est la raison
de mon intervention. On n'est pas à l'école primaire ici, ni
à la maternelle.
Le Président (M. Dussault): J'ai très bien compris
votre intervention, M. le député de Laval. Je pense qu'il faut
comprendre... Vous savez d'abord très bien que je ne suis pas un
président qui a une énorme expérience. Je ne pense pas que
je puisse...
Mme Lavoie-Roux: On ne vous le reprochait pas, M. le
Président.
Le Président (M. Dussault):... je ne pense pas que je
puisse me comparer au député de Laval, qui a une
expérience derrière lui. Je pense qu'il fallait quand même
comprendre, dans l'esprit de ce que je disais, que je voulais que vous
identifiiez le contenu du règlement à partir duquel vous vouliez
intervenir. Je pense que c'est cela qu'il fallait comprendre et je pense que
nous devons maintenant continuer avec l'intervention du député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Avant de continuer mon intervention, laissez-moi
quand même vous dire que si vous aviez laissé le temps au
député de L'Acadie de dire le contenu, elle vous aurait
demandé de rappeler à l'ordre des députés qui
doivent laisser celui qui a le droit de parole exercer son droit. A ce moment,
vous pouvez choisir l'article...
Une Voix: II parle en même temps que vous.
M. Lalonde: Je suis sûr que vous ne compterez pas le temps
des rappels au règlement dans mon temps. J'ai donc été
extrêmement étonné de voir que le gouvernement,
après l'acceptation officielle et on ne peut plus solennelle de son
siège à l'Assemblée nationale, que le ministre d'Etat au
développement culturel n'ait pas vu d'objection à ce que le
président de la Régie de la langue française informe
l'Assemblée, comparaisse à cette commission parlementaire pour
informer les membres des différentes dispositions du projet de loi.
Le 20 juillet... Je parlais justement de la date. Il nous reste 200
mémoires? Oui, l'article 118 permet à la commission parlementaire
de se déclarer suffisamment informée éventuellement.
Je ne mets pas en doute ce droit de la commission parlementaire.
Toutefois, je pense qu'on doit considérer que la question de la langue
au Québec est assez importante, pour prévoir que les
délibérations de cette commission ne seront pas terminées
abruptement, sans considération, non seulement des membres de cette
commission qui, au nom de tous les partis, représentent quand même
la population du Québec, mais aussi par considération à
l'égard de nos invités, à l'égard de ceux qui ont
produit des mémoires, qui ont indiqué leur intention d'être
entendus et c'est pourquoi j'ai proposé la date du 20 juillet.
Si les députés ou un membre de cette commission trouvent
que le 20 juillet, c'est une date trop éloignée, s'ils
désirent, par exemple, l'entendre demain matin, enfin il faut quand
même donner un délai assez raisonnable, dans quelques jours, je
pense qu'après avoir naturellement examiné la date qui serait
proposée, je pourrai m'y rallier. Si un député trouve que
c'est une date trop rapprochée, encore là, je serai prêt
à considérer une modification à la motion. Alors, la date
que j'ai proposée l'était simplement en tenant compte du grand
nombre de mémoires qui nous restent à voir et de l'importance de
recevoir du milieu toutes les considérations que les
représentants du milieu ont à nous faire avant d'interroger le
président de la Régie de la langue française sur toutes
les questions, les aspects qui auront pu être soulevés par les
interventions de nos invités.
M. le Président, la Régie de la langue française
depuis deux ans, un peu plus maintenant, a accumulé une
expérience considérable, unique en fait, en ce qui concerne
l'effort de francisation entrepris depuis trois ans par le gouvernement du
Québec. Cette expérience, ce bagage de connaissance constitue
pour nous un trésor, un apport qu'on ne peut trouver nulle part
ailleurs. Oui, je vois que le comité des directeurs de comités de
francisation a produit un mémoire...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, j'espère que vous ne m'en voudrez pas si je vous
rappelle qu'il vous reste 30 secondes en vertu de l'article 160.
M. Lalonde: M. le Président, vous me permettrez de vous
poser une question là-dessus. J'ai ici mon chronomètre, 18
minutes de passées. J'ai compris dans ces 18 minutes tout le temps des
interventions, souvent intempestives, de la part des députés
ministériels. Je pense qu'en toute justice...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, vous connaissez ma flexibilité, je vous prierais
de noter que ce n'est pas votre chronomètre qui règle les
délibérations, de cette commission, mais que c'est cette horloge
qui est là. Vous avez commencé à 10 h 34. Je vous prierais
de regarder l'heure. D'autre part, quand je fonctionne en vertu de l'article
160, j'applique l'article 160 en son entier, dans sa lettre.
M. Lalonde: M. le Président, l'appliquer dans sa lettre,
justement, vous devriez ne pas y inclure les questions de règlement
parce qu'à ce moment-là ce n'est pas le député qui
parle, ce sont d'autres députés. Donc le droit de parole du
député peut être exercé soit cinq minutes à
la fois et il peut revenir un autre cinq minutes.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, à cette heure, s'il vous plaît!
M. Lalonde: Quelle que soit l'heure, M. le Président, je
vais me faire protéger par le règlement.
Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys. Je pense que tout le monde a
été suffisamment protégé. Je vais vous accorder
deux minutes pour satisfaire votre désir de sécurité.
M. Lalonde: M. le Président, vos dernières
remarques, je comprends qu'il est tard, peuvent être
interprétées de différentes façons. Je les
interprète, naturellement, d'une façon favorable, étant
donné que je vous reconnais...
Le Président (M. Cardinal): Merci.
M. Lalonde: ... toute l'équité et toute
l'objectivité qu'un président doit avoir.
Le Président (M. Cardinal): Me permettez-vous? Ne les
interprétez pas du tout. Je vous accorde tout simplement deux
minutes.
M. Lalonde: M. le Président, dans le règlement,
j'ai aussi le droit d'interpréter.
Je disais donc que la Régie de la langue française a
accumulé des connaissances et une expérience très
précieuses pour nous tous ici, membres de cette commission. Nous avons
à déterminer des démarches que le Québec va adopter
pour la francisation des entreprises, pour faire du français la langue
du travail, chose qui a déjà été commencée
de façon fort efficace par la loi actuelle, mais le gouvernement a le
droit, je le reconnais, de proposer d'autres dispositions, c'est ce que nous
étudions actuellement.
Mais il ne faudrait pas quand même gaspiller des ressources que
les Québécois ont payées très cher. La Régie
de la langue française, avec ses budgets depuis deux ans, a vécu
des ressources des Québécois, et je pense que ce serait faire
offense à tous les Québécois que de ne pas inviter ici le
président de la Régie de la langue française pour nous
renseigner sur toutes les dispositions, sur les effets des projets qui sont
proposés par le projet de loi no 1.
M. le Président, j'invite tous les membres de cette commission
à voter en faveur de cette motion.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez,
plutôt que de vous interrompre, je souligne que j'ajournerai les travaux
comme le veut le règlement, à 23 heures.
M. Goldbloom: Je serai très bref, M. le Président,
je voudrais souligner à votre attention et à celle des membres de
la commission que l'Opposition officielle... Le député de
Papineau m'inspire des pensées humoristiques et je m'en excuse.
M. le Président...
M. Alfred: Des idées noires!
M. Goldbloom: Pas de mauvaise pensée, simplement de bonne
humeur.
M. Alfred: Des idées noires!
M. Goldbloom: L'Opposition a eu de la suite dans ses
idées.
M. Bertrand: Ce n'est pas digne de vous, ça! M. Alfred:
M. le député, vous êtes...
M. Goldbloom: Sérieusement, nous avons voulu...
M. Alfred: Mais non, voyons!
M. Blank: M. le Président, voulez-vous appliquer l'article
21...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Saint-Louis, je sais que c'est ou ce sont des articles qui s'appliquent...
M. Alfred: M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Papineau.
M. Alfred: Je voudrais savoir sur quel critère se base le
député de D'Arcy McGee pour dire qu'on l'inspire. Il est devenu
poète, par hasard?
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Papineau, ce n'est pas une question de règlement, même à
cette heure-ci. Je vous remercie quand même, M. le député
de D'Arcy McGee.
M. Alfred: M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît.
M. Goldbloom: Nous avons proposé à cette commission
d'entendre des personnes susceptibles de nous éclairer dans nos travaux
et nous avons commencé par le Conseil supérieur de
l'éducation. Nous avons parlé du ministre lui-même et vous
avez réservé votre jugement sur la recevabilité de cette
motion. Nous ajoutons à cette considération la Régie de la
langue française.
Je pense, M. le Président, que le tout se tient, que c'est un
effort d'assurer, pas simplement aux membres de la commission, mais à la
population, un éclairage aussi complet que possible sur un des plus
importants projets de loi jamais présentés au Québec, j'en
conviens, et je pense que nous l'avons fait, M. le Président, avec
beaucoup de sérénité et beaucoup de courtoisie. Je me
permets de dire que tous les membres de la commission ont été ce
soir...
M. Le Moignan: ...demande, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Gaspé.
M. Le Moignan: Comme il est dix heures cinquante-neuf minutes,
est-ce que je pourrais suggérer le consentement unanime de tous les
membres de cette commission, afin de prolonger la séance et de mieux
éclairer les profonds travaux que nous avons accomplis ce soir?
Le Président (M. Cardinal): A 23 h, si on n'est pas rendu
plus loin, je vais tout simplement me lever. M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je ne suis pas sûr, naturellement, que mon
parti va concourir, mais j'aimerais reconnaître la bonne foi de la
suggestion du député de Gaspé. J'ajouterais, par exemple,
des remerciements au leader parlementaire du gouvernement pour nous avoir
permis de délibérer ici, ce soir, comme cela.
M. Brochu: Sur la question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): Très brièvement,
s'il vous plaît.
M. Brochu: II y a quand même l'esprit de notre
règlement qui prévoit que le mercredi soir, il n'y a aucun
travail qui se fait en commission parlementaire et cela s'est fait ce soir.
J'avais d'ailleurs avisé le leader du gouvernement que cela serait comme
cela.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît. Je vais être très sérieux, même à
23 heures. Une décision a été rendue par le
président en vertu de l'article 150 et de l'article 142 et je n'admets
pas que l'on revienne sur cette décision, que ce soit de façon
sérieuse ou humoristique. Sur ce, les travaux de cette commission sont
ajournés à demain, dix heures.
(Fin de la séance à 23 h 1)
ANNEXE 1
MÉMOIRE PRÉSENTÉ A LA COMMISSION
PARLEMENTAIRE
Le conseil des hommes d'affaires
québécois
Le président: André J. Bélanger Le
secrétaire: André Auclair.
Le présent mémoire s'inscrit dans la trajectoire et
l'esprit qui ont toujours marqué notre philosophie d'approche concernant
la francophonisation du Québec.
Nous tenons de plus à souligner qu'il a été
approuvé dans son entier, lors de l'assemblée spécialement
tenue à cette fin par l'Exécutif National.
Ont collaboré à la recherche les membres suivants:
J. Arthur Bédard, Paul E. Biron, Marcel Chaput, Paul Grenier,
André Auclair et un groupe de personnes ressources. le secrétaire
et rédacteur: André Auclair.
Charte de la langue française au Québec
Préambule
Le Conseil des Hommes d'Affaires Québécois qui regroupe
des gens d'affaires, des chefs d'entreprise et des professionnels oeuvrant dans
ce monde des affaires et de l'entreprise du Québec, tient à
souligner et de façon solennelle son appui le plus entier à ce
projet historique de la "LOI UN" concernant la langue française au
Québec.
Déjà en juin 1974, lors de la tenue de la Commission
Parlementaire au sujet de la loi 22, nous proposions que le Québec
devienne unilingue français.
Après avoir analysé l'aberration de l'ensemble de la
situation linguistique impartie à la majorité des citoyens du
Québec par une sorte de distorsion engendrée par le chevauchement
de deux langues ce qui amène fatalement l'assimilation de l'une
par l'autre nous avions établi les points suivants: -le mythe du
bilinguisme; jamais un peuple n'a pu, dans son ensemble, parler deux langues;
-l'intégration des "nôtres" dans les entreprises des "autres";
-persistance voire accélération de la relation
colonisé/colonisateur;
-le colonisé allant même jusqu'à copier et à
admirer son colonisateur; -drainage des nôtres vers l'école
anglaise; -asservissement de notre économie par l'aliénation des
nôtres, leur absence dans les centres de décisions
économiques, leur mimétisme en affaires engendré par la
perte de leur génie créateur fonctionnant à
l'anglaise, ils en viennent à n'être que les vassaux des autres;
"succursa-lisation" des entreprises québécoises.
Et en conclusion nous établissions:
Voilà pourquoi le Conseil des hommes d'affaires
québécois Inc. souhaite dans les plus brefs délais une
vigoureuse législation décrétant le français seule
langue officielle du peuple Québécois, seule langue
d'enseignement et seule langue de travail. Mais préalablement et pour
que cette législation prenne tout son sens, c'est l'abrogation pure et
simple de l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord Britannique que
le gouvernement devra réclamer.
Depuis lors, à l'occasion de nos congrès nationaux,
à l'occasion de diverses autres manifestations (colloques,
conférences de presse, etc.) nous avons toujours soutenu cette
position.
Voilà pourquoi, en tenant compte de la réalité
politique de l'aujourd'hui, nous reconnaissons que la "LOI UN" même si
elle ne semble pas aller aussi loin que nous pouvions le souhaiter, traduit
dans son ensemble une volonté politique arrêtée de faire du
Québec un état français.
Cette charte de la langue française atteste une fois pour toutes
l'essence et la nature de notre authenticité nationale en confirmant que
la langue est non seulement un moyen de communication, non seulement une
manifestation culturelle, mais qu'elle est un bien et un lien collectifs et
qu'elle est véritablement l'âme de la nation.
Enfin notre peuple sait qui il est et sait qu'il est... il se dit, il se
nomme.
Il pourrait surprendre que des gens dont la quotidienneté
consiste à faire du négoce ou à conseiller ceux qui en
font, ne se contentent pas d'appuyer cette charte de la langue française
simplement par le biais économique.
Nous considérons au contraire, que le domaine culturel, que le
domaine social, que le domaine économique sont étroitement
interreliés mais qu'ils ne pourront connaître leur pleine et
entière dimension que lorsque nous assumerons notre pleine et
entière souveraineté politique.
De plus nous considérons que l'adoption de la "LOI UN" demeure la
première étape et la plus significative, dans l'accession de
notre peuple à son indépendance et à la prise en main de
son devenir économique.
Nous nous rendons bien compte en effet, que la minorisation de notre
langue surtout dans le monde des affaires et de l'entreprise, véhicule
le processus d'assimilation et nous condamne à être presque des
étrangers dans notre pays du Québec.
Ce même processus d'assimilation inféodalise notre
économie et accélère notre vassalité et notre
appartenance à des étrangers, à des "ailleurs".
Il s'ensuit une dichotomie de notre être propre qui
elle-même engendre une stérilisation de notre génie
créateur.
Nous sommes un organisme qui regroupe dans toutes les régions du
Québec, des gens d'affaires bien enracinés dans leur appartenance
d'ici et qui sont désireux de contribuer à favoriser et à
promouvoir un développement économique qui soit d'abord issu de
"l'intérieur", et d'abord à l'avantage des nôtres.
Nous croyons cependant que ce développement économique ne
saurait se réaliser pleinement sans que d'abord ne soit proclamée
la "charte de la langue française au Québec" qui consacre enfin,
après deux cent dix sept années, notre véritable
authenticité.
Car une nation pas plus qu'un individu ne saurait être
continuellement fragmentée. Il s'agit de l'unicité de
l'être.
C'est donc dire que la langue de travail, la langue de l'enseignement,
la langue de l'affichage (publicité sous toutes ses formes, indications
routières, etc.) sont en constantes interrelations et doivent donc
être exprimées en français.
Et d'être fragmenté, c'est aussi de laisser perdurer dans
le monde du travail, surtout de la grande entreprise ou de la technologie
avancée, cette obligation de fonctionner en anglais ou d'être
continuellement écartelé entre une langue, celle du soir et des
activités sociales, et une autre, celle du jour et du "succès" en
affaires.
Une telle situation a engendré chez nous un homme d'affaires
quelque peu hybride, qui n'est ni anglais ni français et
qui forcément demeure beaucoup plus près de parler de langage des
"ailleurs" et à défendre leurs intérêts.
LaFontaine l'aurait caricaturé ainsi: "Un paon muait
Un geai prit son plumage".
Plus grave encore, cette tendance, si elle ne devait être
renversée contribuerait, et cette fois avec une force
décuplée et une rapidité accélérée,
à détruire et à tout jamais, notre génie
créateur et inventif.
Dans le maintenant, notre Gouvernement doit faire adopter cette loi dans
son entier et consacrer ainsi le fait de notre MATURITÉ.
Ce sera aussi un signe d'espérance pour tous et chacun des
habitants de ce pays du Québec et dans tous les champs
d'activités où il se retrouvent et notamment dans le monde du
travail, des affaires, des entreprises.
De notre infériorité économique; les
pourquoi 1. Histoire de "conditionnement".
Dans toute société, le poids de l'économique est
constant, omniprésent, fondamental. C'est à son poids et
hélas, souvent trop exclusivement que sont jaugées les
décisions politiques qui influenceront les domaines social et
culturel.
Voilà pourquoi, il nous apparaît fondamental de d'abord
connaître ce qu'est notre réalité économique
actuelle.
Par la suite nous pourrons mieux cerner les pourquoi de la minorisation
de la langue française au Québec minorisation par cette
réalité de la condamnation au bilinguisme . Nous pourrons
aussi mieux identifier les maîtres à parler anglais", et
identifier d'où "ils" tiennent leur magistère et de qui
eux-mêmes sont-ils les "serviteurs", ou mieux, quelle est la "voix" de
leurs propres maîtres. En anglais dans le texte "His master's voice".
Mais pour décrire la réalité économique de
l'aujourd'hui, il faut d'abord en rechercher certaines sources dans
l'histoire.
Ainsi nous saisirons mieux pourquoi, dans le Québec des affaires
de 1977 certains grands ténors veulent encore nous imposer la langue de
l'occupant de 1760.
Au moment de la conquête nous formions une société
dynamique formée d'une élite entreprenante et audacieuse et qui
se développe surtout à partir d'une structure économique
axée principalement sur le commerce des fourrures, la construction
navale, les pêcheries, les industries de la potasse et du savon et, bien
sûr, l'exportation.
Nous sommes à l'époque pré-industrielle.
Or, c'est ce dynamisme en pleine formation et en pleine expansion,
qu'est venue briser la conquête de 1760.
Après la conquête, les "habitants" sont retournés
sur leur terre, les coureurs de bois ont continué à courir les
bois, mais la plupart du temps pour les "autres", ou sont devenus "hommes
engagés" à la ferme, et parmi les grands hommes d'affaires du
temps, beaucoup se sont exilés. Cependant que certains se faisaient
anglais avec "l'occupant", d'autres sont devenus marchands. Rares sont ceux qui
ont vraiment fait leur marque, plus rares encore, sont ceux qui ont fait leur
marque en "restant eux-mêmes".
Sous le régime français, les relations commerciales entre
la France et le Canada, prenaient le caractère de
métropole/colonie, ce qui permettrait à nos seigneurs-bourgeois
de s'enrichir et partant d'assurer une forme de développement
économique du pays, puisqu'ils disposaient de capitaux français
et de moyens de production (sol, sous-sol, pêcheries, fourrures, etc).
Après 1760 et le passage de la Nouvelle-France dans l'orbite
britannique, les relations métropole/colonie se doublent de celles de
conquérants/conquis et le bourgeois-seigneur français fait place
au bourgeois anglais.
La conquête et le changement de métropole provoquent la
rupture des communications France-Canada et ruinent la bourgeoisie francophone
en la privant de ses relations d'affaires. Ainsi, lorsque reprend le commerce
dans la colonie conquise, la concurrence entre Anglais et Canadiens n'est plus
équitable.
Rapidement ces derniers les Canadiens sont exclus du grand
commerce, laissant aux Anglais le contrôle de la vie économique et
un pouvoir de décision considérable au niveau politique.
Seule notre résistance invincible notre
"irréductibilité" et non pas le souci du respect des
droits de notre collectivité, a obligé les Anglais à
reculer et à proclamer l'Acte de Québec en 1774 qui
rétablit partiellement nos droits mais exclusivement en matière
de langue et de religion.
Cependant, en 1841, la Proclamation de l'Acte d'Union obtenu par les
Anglais, leur permet de s'emparer d'un pouvoir politique accru et d'une
assiette de revenus encore plus importante par l'accès et le
contrôle des revenus du Bas Canada. A ce moment, les revenus du Bas
Canada sont excédentaires, cependant qu'ils sont déficitaires
dans le Haut Canada. Cette initiative contribuera à attirer de nouveaux
capitaux vers le Haut Canada.
(1) A ce moment, cependant que la population du Haut Canada se chiffre
à 450,000 habitants que sa dette atteint 1,200,000 louis, celle du Bas
Canada est de 650,000 habitants et sa dette de 95,000 louis.
(1)Histoire des Canadas, Rosario Bilodeau et Al. Hurtibise HMS 1975.
Cette "stratégie" politique servira de pierre d'assise à
toute l'infrastructure économique du Haut Canada et se consolidera par
la proclamation de "l'Acte d'Amérique Britannique du Nord" qui
présidera à la confédération de 1867.
En ces jours de 1841, lors de la proclamation de l'Acte d'Union, les
Anglais du Haut Canada, forts de leur nouvelle majorité par la
création d'une seule chambre d'Assemblée pour les deux provinces,
et dans laquelle les Francophones n'ont aucun pouvoir de contrôle
, n'hésitent pas à proclamer comme seule langue
officielle, la langue anglaise alors qu'ils ne forment que huit pour cent (8%)
de la population du Bas Canada.
(2) Les Britanniques (Anglais, Ecossais, Irlandais) représentant
alors 8% de la population du Bas Canada. Dans l'ensemble des deux Canada
réunis les anglophones comptent pour 40%, donc ils sont à ce
moment minoritaires.
Aujourd'hui encore, alors qu'ils ne forment au Québec même
pas dix pour cent de la population, ils réclament à grands cris
la bilinguisation partout et le libre choix de la langue d'enseignement,
i.e. l'assimilation d'une langue la nôtre par une autre
la leur . C'est vrai qu'ils se font bien supporter par certains
valets de service de chez nous. Hélas!... Or, en ce temps-là, ils
n'en appelaient pas aux "droits de la personne" pas plus qu'ils ne l'avaient
fait en 1760...
Or, c'est précisément sous l'Union que la bourgeoisie
"Canadian" accumule le capital nécessaire à la formation de
sociétés industrielles. En plus cette expansion économique
du Haut Canada est concomitante à la naissance de la période
industrielle et, coïncidence heureuse, cette province sera alors toute fin
prête pour en profiter. C'est aussi à ce moment qu'elle se lancera
dans la construction ferroviaire tentant de se créer une économie
nationale et transcontinentale.
La Confédération s'avèrera alors indispensable pour
créer un marché intérieur suffisant pour endiguer la
menace croissante d'intégration aux Etats-Unis. On voit donc que
"l'Union" et la "Confédération" comme plus tard la "National
Policy" ont toujours servi les intérêts de classe de la
bourgeoisie "Canadian" d'abord, et presque exclusivement.
Et il en est encore beaucoup ainsi, aujourd'hui.
Aussi il y a tout ce retard de deux cents ans à rattraper... Et
on ne nous fera pas de quartier, surtout quand nous n'avons presque pas
accès aux grandes règles du jeu... car elles sont dictées
"d'ailleurs" et dans une "autre" langue, et en plus, parce que ce
développement économique s'est fait par et pour les anglophones
(contrôlant très majoritairement l'économie
québécoise) et aussi et surtout, par et pour les "ailleurs". Et
forcément, dans la langue des "ailleurs".
Forcément aussi, contre nous.
Dans la logique de ce système, il apparaît bien "normal"
que la langue française n'ait pas eu beaucoup "son mot" à dire,
et qu'en outre, elle ait été considérée comme un
instrument servant mal les fins économiques.
Cette même logique a aussi voulu que ceux qui pensaient et
parlaient en français, aient été considérés
comme inaptes aux affaires, et partant, aient eu bien peu de chance d'exercer
leur talent ou d'imposer leurs propres règles du jeu. 2.
Conséquences du conditionnement.
Les précédentes considérations historiques ne
visent qu'à souligner que les origines de l'infériorité
économique du Québec tant par rapport à l'Ontario, que par
rapport à la situation qui devrait être sienne ne coïncident
pas avec l'arrivée au pouvoir du Parti Québécois, non plus
qu'avec la montée grandissante du vouloir de plus en plus marqué
de sa population de l'accession à l'indépendance.
Eu égard au dynamisme de ses habitants, aux innombrables
ressources naturelles du territoire,, à sa position géographique
unique ("son" fleuve qui le traverse de part en part, bordé au nord et
à l'est par deux océans, au confluent de l'Amérique et de
l'Europe), cette infériorité économique voire le
marasme dans lequel nous nous trouvons trop souvent paraît en effet
è prime abord, incompréhensible.
Ces considérations, en outre, tendent à démontrer
que le développement des structures économiques et politiques du
Canada, ont à ce jour inféodalisé la vie politique du
Québec et conditionné son propre développement
économique, et, par voie de conséquence, ont à toutes fins
pratiques, condamné la langue française et les francophones
à un statut de minorisés, à un statut d'étrangers
dans leur propre pays et de colonisés par l'intérieur.
L'économie est indissolublement liée au culturel et il
n'est point de progrès économique dans un pays qui ne soit
d'abord initié, orienté et maîtrisé par ses
ressortissants propres, d'abord pour leurs propres avantages.
C'est l'enfance de l'art.
Or, cette opération au Québec ne saurait être, non
plus, sans qu'elle n'épouse les caractéristiques du peuple
québécois.
(2)Histoire Economique du Québec, Jean Hamelin et Yves Roby
En raison même de la perte des leviers économiques aux
mains des étrangers qui ont en plus imposé et leurs règles
du jeu, et leur langue, ce qui a eu pour résultante directe
l'aliénation du peuple québécois, il est dans la nature
des choses, que la re-création, la résurgence de la dynamique de
l'âme québécoise passent par la retrouvaille, et partout,
et dans toutes les sphères d'activités, de la langue
française.
Les opposants et les tenants
D'abord les opposants...
Depuis que ce projet de loi a été déposé, on
assiste à une manoeuvre d'intoxication psychologique de la part des
anglophones, de la part des groupes linguistiques qu'ils manipulent, de la part
des groupes francophones qui sont à la remorque ou au service de la
minorité anglophone. Cette manoeuvre se fait par le biais des
média d'informations qui leur appartiennent. Parmi ces groupes, nous
retrouvons des agents économiques, notamment: "La Chambre de Commerce de
la province de Québec" le "Montréal Board of Trade", le "Conseil
du Patronat", le "Centre des Dirigeants d'Entreprise".
Il faudrait d'abord scruter le sociétariat de ces organismes
fortement composés de francophones et le financement plus
fortement encore alimenté par les multinationales et les grandes
entreprises supranationales. "Dis moi qui te finance...".
Mais en plus, si le sociétariat est composé largement de
francophones, combien parmi eux doivent gagner leur vie au service de ces
mêmes grandes entreprises étrangères et "d'ailleurs"?
Or en plus d'être "coincés" dans leurs activités
professionnelles et leurs milieux de travail, ces francophones (souvent de
"service") se font "cernés", souvent bâillonnés dans leurs
associations patronales ou d'affaires. Certains en viennent même à
perdre leur identité propre.
L"'encerclement" ou le "bâillonnement" ne sont pas toujours
et bien au contraire le fruit d'un chantage. L'approche est plus
subtile. Et il y a l'environnement le poids énorme des deux cent
cinquante millions d'anglophones, l'avancement de leur technologie (il est
à croire que telle technologie n'existe pas en pays francophone et il
est surtout à croire que jamais nous pourrons d'après ces
arguments être capables d'invention et de
créativité.
Il y a aussi le conditionnement la
dégénérescence historique, tel qu'établi au
chapitre précédent.
Arguments contre le projet de loi véhiculés par
certains milieux d'affaires 1. Souvent les milieux d'affaires
dénoncent vertement le nationalisme comme valeur qui n'a pas sa place
dans une pensée économique moderne. Or le nationalisme n'est
qu'un outil et non une fin en soi. Tous les pays et toutes les formations
sociales s'en servent comme tel, le Canada comme les autres. Ce qui
dérange les "Canadiens", c'est que dorénavant les francophones du
Québec veulent se servir de cet instrument pour protéger leurs
intérêts nationaux; depuis deux siècles, les "Canadiens"
avaient réussi à canaliser cette force au seul profit du
nationalisme économique "Canadian" en célébrant, ici
même, le discours du libéralisme économique.
On parle beaucoup de droits acquis. Or nous, nous croyons que les
anglophones au Québec n'ont aucun droit acquis du fait qu'ils sont
anglophones, puisque leur présence au Québec est
conséquente à une conquête par les armes et que le
prétendu droit de conquête par les armes a été
rejeté par la Charte des Nations-Unies que le Canada lui-même a
signé.
Et dans les media qui appartiennent massivement à cette
minorité à grand renfort de publicité on met
en garde ia population québécoise, en lui disant qu'avec cette
charte, seuls les francophones riches pourront devenir bilingues, donc lutter
à armes égales dans le domaine des affaires avec les anglophones
devenus bilingues, parce qu'ils enverront leurs enfants à l'école
privée. C'est oublier là, que de faire du français la
langue d'enseignement n'implique pas de négliger l'enseignement d'une
langue seconde. Au contraire, un peuple qui ne se sent plus menacé dans
son identité, accepte beaucoup plus facilement de se donner tous les
instruments nécessaires à son avancement dans tous les domaines,
y compris, en l'occurrence, la maîtrise de la langue anglaise.
L'argument massue contre le projet de loi porte sur une de ses
dispositions qui, apparemment, donne préséance à la Charte
du français sur la Charte des droits et libertés de la personne.
Pourtant si on y regarde de près, l'article 172 de la Charte du
français met seulement sur un pied d'égalité les deux
chartes. Il s'agirait donc de l'interprétation des deux chartes de
façon complémentaire et non pas dans un rapport de subordination.
Cet argument fut souvent employé de façon démagogique par
ceux-là mêmes qui se préoccupent bien peu de la Charte des
droits et libertés de la personne, quand il s'agit de la santé et
de la sécurité des travailleurs, ou de ceux qui sont
privés de soins et qui pourraient peut-être ainsi espérer
vivre plus humainement.
Les détenus, qu'ils soient mineurs ou non, ne font pas non plus
l'objet de leurs interventions dans la presse, quand il est question pourtant
de certains droits fondamentaux de la personne.
En évoquant cet argument, on mélange donc les
énoncés de principes et les modalités d'application. Les
énoncés de principes respectent donc les droits fondamentaux de
la personne en garantissant les droits linguistiques qui en font partie, et en
permettant à la majorité de vivre dans sa langue sans danger
d'assimilation et à la minorité, de continuer à avoir ses
maisons d'enseignements. Il faut bien noter que la Commission des droits et
libertés de la personne défend en principe les minorités.
Cependant, en contexte québécois, il y a ceci de particulier
qu'il s'agit de la survie de la majorité. La minorité quant
à elle, ne l'est qu'à l'intérieur des frontières du
Québec. D'autre part, cette minorité possède les moyens
financiers, intellectuels, juridiques de faire respecter ce que sont ses vrais
droits.
Un dernier argument veut qu'en préambule de la Charte, il est
faux de prétendre que la langue française est depuis toujours la
langue du peuple québécois. "Ceux qui sont anglophones et
demeurent au Québec sont aussi québécois; en
conséquence leur langue est aussi la langue d'une partie du peuple
québécois".
Soit!
Mais quand on ajoute dans ce préambule: C'est elle qui lui permet
d'exprimer son identité", cela vaut certainement pour la majorité
des Québécois. C'est justement pour atteindre cet objectif que le
projet de loi devra avoir force de loi bientôt. Tout peuple accueille
dans son territoire, des minorités attachés à leur culture
et à leur langue. Or plus grandes sont les libertés qu'on leur
donne ou qu'elles prennent selon le parcours de l'Histoire, plus ces
minorités peuvent vivre et se développer dans leur langue, sans
pour autant prétendre que cette langue ne devienne par ce fait
même la langue du peuple où ces minorités vivent! ... et
les tenants
Les tenants se retrouvent partout et dans toutes les régions du
Québec il y a même des régions où l'on se
demande encore s'il y a un problème à implanter la Charte du
français et dans toutes les sphères de l'activité
humaine.
Dans le secteur économique, les tenants se rencontrent dans les
grandes centrales syndicales, les mouvements coopératifs et très
largement dans les PME. Ils sont tous également des agents
économiques.
Peut-être n'ont-ils pas la richesse économique des
"ailleurs", mais ils sont d'ici. Leurs appartenances s'enracinent dans la terre
d'ici. Leur force économique s'accroît sans cesse.
La dynamique des activités économiques qu'ils
génèrent crée également de plus en plus d'emplois.
Davantage, ils sont nôtres et représentent une valeur inestimable.
Ceux-là épousent la charte de la langue française, car ils
intuitionnent bien que c'est par cette possibilité d'être vraiment
ce qu'ils sont non de traduire les autres qu'ils seront de plus
en plus en possession de leur propre génie créateur et avoir
enfin et à plein la possibilité de faire valoir
leur savoir faire.
Désormais, de pouvoir parler dans la langue de leur
authenticité et sans besoin de traduire, leur conférera une
confiance nouvelle, une force nouvelle, parce qu'ils parleront plus
d'égaux à égaux.
Désormais, leur langue française, ne sera plus une langue
de petites affaires domestiques, mais la langue des affaires, grandes et
petites.
Désormais, sera brisée la distorsion ancienne.
DESORMAIS!
Recommandations 1-Nous réclamons l'école
française pour tous les Québécois. Cependant, nous sommes
prêts à consentir à la minorité de souche anglaise
du Québec, les mêmes accommodements que, d'un commun accord, et
dans un même temps les autres provinces canadiennes seront prêtes
à consentir, en écrit et en pratique, aux minorités
francophones vivant dans leur territoire. 2-Nous demandons instamment que le
Ministère de l'Education et toutes les instances qui y sont
rattachées ou associées, se fassent un point d'honneur de voir
à ce que le français écrit et parlé
soit enseigné de la façon la plus parfaite possible. 3-Nous
réclamons que les subventions octroyées par des gouvernements
étrangers, et y compris le gouvernement fédéral
, des organismes ou des individus, soient d'abord confiées
à un organisme québécois ad hoc, qui par la suite verra
à les transmettre aux bénéficiaires. Cette pratique
évitera l'achat déguisé de personnes ou de personnes
morales ce qui aurait pour conséquence de nuire à l'application
de la Charte du français, surtout dans la période plus critique
du démarrage. 4-Nous sommes d'avis que l'enseignement de toute langue
seconde ne doive être dispensé avant le niveau secondaire. 5-Nous
insistons pour que l'enseignement du français dans les écoles
anglophones en soit un de très haute qualité et que tel
enseignement reçoive une attention particulière du
Ministère de l'Education et des enseignants eux-mêmes.
6-Pareillement, nous insistons pour que l'enseignement de l'anglais au niveau
secondaire en soit un également de très haute qualité et
que tel enseignement reçoive aussi une attention particulière du
Ministère de l'Education et des enseignants eux-mêmes.
7-Que le Gouvernement du Québec recherche activement et par tous
les moyens en sa disposition, à occuper le domaine des ondes et des
communications et qu'il se garde en outre, la pleine et entière
juridiction dans ce champ d'action. 8-Nous réclamons l'utilisation de
manuels de classe écrits en français dans les institutions
d'enseignement de langue française. Que de plus soit encouragée,
et à tous les niveaux, la création de manuels autochtones. Nous
visons plus particulièrement les écoles techniques, les
écoles spécialisées, les cegeps et les universités.
9-Nous tenons à ce que le critère linguistique retenu par
l'Office de la langue française, soit le français universel.
10-Nous demandons au Parlement d'inverser la phraséologie, dans tous les
articles de la Charte où le cas se présente, de manière
à imposer à tous ceux qui font affaires avec le public
québécois, l'obligation de traiter en français avec les
Francophones plutôt que de reconnaître simplement, comme c'est le
cas à plusieurs articles, le droit des francophones à être
servis en français. 11-Nous insistons afin que tous les films
parlés en langue autre que le français soient d'abord
postsynchronisés ou sous-titrés en français, et ce avant
leur première projection en salle publique au Québec. Nous
demandons également que telle postsynchronisation soit effectuée
au Québec. De plus nous refusons tout film parlé en
français et sous-titré en anglais. 12-Nous demandons que les
programmes de radio diffusés dans les endroits publics, le soient en
français. 13-Nous exigeons que tout fabricant de matériel
d'imprimerie soit tenu de respecter les exigences de la langue française
en ce qui a trait aux caractères, adressographes, consoles d'ordinateurs
etc. 14-Nous croyons que l'imposition d'amendes constitue une mesure
inappropriée, surtout quand elles sont si peu élevées. A
l'inverse, nous recommandons que les entreprises qui ne se conformeraient pas
à cette loi soient privées du marché gouvernemental et de
toutes subventions, voire qu'elles perdent leur permis d'opérer. 15-Nous
réclamons que l'Office de la langue française
accélère et intensifie ses travaux concernant l'implantation du
français dans les entreprises.
Qu'en outre l'Office continue de se doter d'une banque de terminologie
qui puisse être accessible à toute personne ou personne morale.
16-Que les travaux conduits dans cette perspective de francophonisation de
l'entreprise et des méthodes utilisées à cette fin,
notamment à l'Hydro Québec et dans des entreprises semblables,
soient remis à l'Office afin d'en faire bénéficier la
population. 17-Nous demandons instamment que soient intensifiées les
campagnes de publicité et/ou de communication dans le monde des affaires
et de l'entreprise afin de bien démontrer les avantages
mêmes économiques que représente la
francophonisation du Québec. 18-Nous invitons le Gouvernement du
Québec à intensifier son programme de sensibilisation, non
seulement afin d'expliquer la teneur de la Loi et de sa réglementation,
mais également afin de faire prendre conscience de l'importance de
vaincre ce danger de l'assimilation. 19-Que soit explicitée, et d'une
façon vivante et positive, la valeur intrinsèque et inestimable
de pouvoir conserver et parler l'une des deux langues mondiales, le
français universel; cette langue qui en nous exprimant et en nous
reliant les uns aux autres nous relie également à quelque deux
cent millions de francophones. 20-Enfin, qu'il soit mis en relief que plus les
Québécois seront davantage eux-mêmes plus ils seront
ouverts les uns aux autres et plus également ils seront ouverts à
tous les autres et à toutes les autres nations.
Faire du Québec un ETAT FRANÇAIS c'est faire preuve de
MATURITÉ c'est aussi reconnaître la primauté de
l'être d'au-delà de quatre vingt pour cent de ses gens.
andré auclair
ANNEXE 2
Opinion du Bureau des écoles protestantes du
grand Montréal
relative au
projet de loi no 1
"Charte de la langue française au
Québec"
En tant que Québécois, nous aspirons à voir une
société prospère et pleine de vitalité se
développer ici au Québec, une société qui se
respecte. Il va de soi qu'il s'agit d'une société surtout
francophone, où la langue française reste de droit la langue de
la majorité, une société dans laquelle il est possible
d'évoluer et de vivre pleinement en français.
Nous sommes d'avis pourtant qu'un Québec fort et plein de
vitalité ne peut s'élaborer en supprimant la minorité.
Nous nous élevons vigoureusement contre la relégation de
l'anglais au rang de langue non-officielle. Le projet de loi no 1 pose comme
principe fondamental que l'existence au sein du Québec d'une forte
minorité de langue anglaise représente une menace; que cette
minorité se doit d'émigrer ou de s'assimiler afin de permettre
à la majorité de survivre; que l'anglais soit banni de la vie
publique dans la mesure du possible et que la communauté de langue
anglaise soit réduite en nombre.
Les aspects négatifs du projet de loi no
1
Nous rejetons catégoriquement les aspects négatifs de la
philosophie de base du projet de loi no 1. En premier lieu, elle reflète
un manque de confiance total et non fondé dans la vitalité
même du Québec francophone. Le français survit au Canada
depuis 300 ans et la culture française s'est épanouie au
Québec d'une façon vibrante avec un dynamisme envié par le
reste du Canada et admiré dans le monde entier.
En second lieu, le projet de loi no 1 engendre des tendances
destinées à isoler le Québec du fait même qu'elles
représentent toute autre culture comme une menace, comme un danger de
contamination. Dans une société où de telles tendances
s'affirment, l'atmosphère devient tout simplement odieuse, non seulement
pour ceux qui se voient frustrés de leurs droits, mais pour tout le
monde; une telle atmosphère étouffe tout développement
sain.
En troisième lieu, une philosophie de ce genre n'offre aucune
base solide à une collaboration saine entre la majorité et la
minorité pour le bien commun du Québec. Elle offre des sanctions
à la place de récompenses et encourage ouvertement l'opposition
d'une communauté envers l'autre. Ces implications Orwelliennes
s'avèrent fort troublantes. Si la contrainte règneelle va
engendrer la résistance et la discorde. La minorité anglophone
n'acceptera jamais de se plier à une définition de sa
destinée qui vise rien de moins qu'à l'annihiler. Cette vision de
l'avenir mène tout droit à des positions irréconciliables
dégénérant éventuellement en conflit. Une fois
ancrée l'idée selon laquelle la survie de la majorité
exige la réduction et la compression de la minorité, la
véritable étape fatale a été franchie.
La présente législation, quelle que soit sa forme
définitive, établira d'une façon déterminante la
configuration même de notre société pour les années
à venir. C'est pour cette raison même que la philosophie qui lui
sert de fondement est encore bien plus importante que les dispositions
détaillées qu'elle contient. De ce fait, notre mémoire
s'adressera plutôt à l'intention de base qu'aux articles
mêmes du projet de loi no 1. La thèse fondamentale du projet de
loi no 1 veut qu'il soit impératif que le gouvernement intervienne d'une
façon radicale afin d'assurer le maintien de la langue et de la culture
françaises. Le projet de loi no 1 propose d'abolir les garanties dont
jouissent l'anglais et le français en vertu de l'article 133 de l'Acte
de l'Amérique du Nord Britannique en déclarant que seul: "Le
français est la langue officielle du Québec".
Nous devons exiger que la loi définisse sans
ambiguïté le statut légal et sans restrictions de l'anglais
comme langue d'enseignement. Nous insistons vivement d'autre part pour que la
loi établisse le droit fondamental de l'admission des
élèves dans les écoles anglaises sans permettre que ce
droit puisse à l'avenir être changé d'une façon ou
d'une autre par voie de règlements. Toute modification envisagée
devra être sujette à l'approbation de l'Assemblée Nationale
après débats en bonne et due forme.
Par deux fois déjà dans le passé immédiat,
les règles ont été modifiées par simple
décision du cabinet et avec 60 jours d'avis dans la Gazette Officielle.
Il s'agit là d'une pratique fort douteuse. Il est en effet facile de
faire des changements très importants par voie de règlements sans
pour autant les soumettre à un examen préalable approfondi auquel
tout projet de loi doit lui-même être soumis. Cette pratique permet
aussi aux bureaucrates d'imposer et de mettre en vigueur selon leur propre
interprétation les règlements en question.
Les auteurs du projet de loi no 1 semblent mettre sur un pied
d'égalité la garantie des droits de la minorité avec le
concept de "la coexistence de deux sociétés closes". Ce n'est
point là l'avenir que nous envisageons et la société dans
laquelle nous comptons vivre. Les deux communautés du Québec ne
se sont trouvées que trop séparées et trop closes l'une
vis-à-vis de l'autre dans le passé. Dans le Québec de
l'avenir nous envisageons une minorité de langue anglaise parfaitement
intégrée. Ceci impli-
que entre autres que tous les Québécois de langue anglaise
pourront, de par leur éducation, parler, lire et écrire
couramment la langue de la majorité.
Mais nous rejetons avec vigueur toute tentative de mettre sur un pied
d'égalité intégration et suppression, c'est-à-dire
toute tentative d'étouffement de la communauté minoritaire et
d'affaiblissement de ses institutions sous prétexte de mieux
l'intégrer au Québec. Nous rejetons catégoriquement
l'assertion du préambule du projet de loi no 1 qui dit que seul est
Québécois celui ou celle qui parle français. La
communauté de langue anglaise fait partie intégrante du
Québec. C'est une vérité historique et toujours actuelle.
Cette communauté ne pourra continuer à apporter sa pleine
contribution à la vie du Québec si on lui refuse de rester ce
qu'elle est.
Les dangers d'une société close
Le projet de loi no 1 remplace les ambiguïtés flagrantes des
précédentes lois sur la langue, par une rigidité
exemplaire; il ne s'agit point d'une amélioration pour sûr. Il
n'est plus question du tout d'un Québec bilingue alors que le
bilinguisme exemplaire des membres actuels du cabinet pourrait pourtant servir
de modèle à tous les Québécois. Cette attitude
ignore simplement toute réalité fondamentale et
élève des barrières artificielles qui empêchent
toute interaction valable entre le Québec et le reste de
l'Amérique du Nord. On établit une espèce de "cordon
sanitaire" qui appauvrit à la fois la culture de langue anglaise et
celle de langue française au Québec et risque de mener à
la stérilité.
Un tel concept de société close ne peut sûrement pas
convenir à quiconque a les vrais intérêts du Québec
et des Québécois à coeur. Il est certain qu'une approche
coopérative, sans sanctions ni contraintes, s'avérerait beaucoup
plus avantageuse du point de vue social. Ensemble nous devrions avoir un seul
but commun, celui d'un Québec où la culture de la majorité
de langue française et les cultures des groupes minoritaires pourraient
s'épanouir côte à côte et où il n'existerait
qu'une catégorie de citoyens, peu importe l'origine de chacun, qu'il
soit né au pays, qu'il soit immigrant, qu'il soit de langue anglaise ou
de langue française ou de toute autre langue. Dans un contexte plus
large, nous nous devons d'élaborer un Canada prospère avec une
culture dynamique de langue française dans bien des régions, une
culture qui sera encouragée et soutenue par les autres gouvernements
provinciaux de notre grand pays.
La vision qui s'impose
Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, nombre de nouvelles
nations ont vu le jour. En général, tout comme les vieilles
nations bien établies, elles ont eu leurs tribulations, leurs
désordres civils et même leurs guerres civiles. Nous Canadiens,
avons agi différemment. Au cours des 110 dernières années,
nous nous sommes trouvés engagés dans une expérience
unique en son genre réalisée nulle part ailleurs, une
expérience menant vers l'unité par la négociation. Le
Canada est un vaste pays formant une mosaïque pleine de contrastes et de
variétés. Nous avons réussi pourtant à l'unir et
à le faire prospérer grâce à notre forte
détermination, à notre travail ardu et à notre
loyauté inconditionnelle.
C'est à la fois le privilège et le devoir de ceux qui
bénéficient d'un tel héritage, de l'améliorer et de
l'enrichir avant de le transmettre à leur tour. Le vingtième
siècle devait être une ère de prospérité,
marquée par une évolution constante de la civilisation rendue
possible par l'élimination de la faim et de la maladie. Il se devait
d'être un siècle où grâce à
l'épanouissement de l'éducation en général les
masses mêmes des nations du monde devaient se libérer des entraves
traditionnelles de l'ignorance et de la pauvreté. L'humanité a pu
réaliser certains de ces objectifs humanitaires. Elle a
énormément accompli pour vaincre la maladie. L'homme a appris
à irriguer des déserts, à enrichir le sol afin qu'il
puisse produire en abondance. L'homme a conquis la lune. Mais il a aussi
découvert que toute la technologie du vingtième siècle n'a
su ni calmer sa nature belliqueuse ni le délivrer de son fanatisme et de
son racisme. De nos jours nous sommes de plus en plus gouvernés par les
passions et les tendances paranoïaques et de moins en moins par l'esprit
logique dont faisaient preuve nos aïeux au dix-neuvième
siècle.
Nous n'avons pas réussi à éliminer tout antagonisme
racial de par le monde, et nous n'avons point réussi à vaincre la
faim et la pauvreté. Un grand nombre des nouvelles nations qui ont vu le
jour depuis la fin de la deuxième guerre mondiale se sont vues exposer
à de sanglants conflits et à des guerres civiles néfastes.
Même notre grande nation est exposée à l'antagonisme
racial. Nos aspirations ainsi que notre concept d'une société
bien ordonnée n'ont pu se réaliser pleinement par la suite de
notre impuissance à comprendre et à résoudre nos
conflits.
Pire encore! Nous avons perdu confiance en notre rêve. D'un
concept naïf d'une éventuelle existence harmonieuse nous sommes
passés brusquement à un concept aussi peu réaliste qui
veut qu'au sein d'une société, seule la confrontation et la
division peuvent mener aux objectifs escomptés. Il nous faut commencer
à croire à nouveau que les problèmes humains qui nous
affligent peuvent se résoudre de façon rationnelle.
L'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord
Britannique
Lorsque le Québec a négocié son entrée dans
la confédération, il a insisté pour que l'Acte de
l'Amérique du Nord Britannique garantisse le statut légal du
français dans les tribunaux et à la législa-
ture de cette province. L'article 133 contient ces garanties. Cet
article prévoit que l'anglais et le français peuvent être
utilisés lors des débats du Parlement du Canada et aux
assemblées législatives du Québec; que les
procès-verbaux et les rapports paraissent respectivement dans les deux
langues et que quiconque plaide ou porte litige devant tout tribunal du Canada
établi par cet Acte, ou tout tribunal du Québec puisse le faire
dans les deux langues. De ce fait la langue française a acquis son
statut légal non point en 1774 comme l'indique le livre blanc mais en
1867 lors de la proclamation de l'Acte de l'Amérique du Nord
Britannique.
Ceci ne veut point dire naturellement que la Constitution du Canada
à savoir l'Acte de l'Amérique du Nord Britannique soit un
document parfait pleinement adapté aux besoins de notre époque.
Le dernier effort de révision a eu lieu en juin 1971 au cours de la
conférence de Victoria, lorsque toutes les provinces sauf le
Québec ont approuvé une Charte des droits des deux langues, une
charte que ni le Parlement ni aucune législature ne peuvent modifier
sans avoir recours à un procédé constitutionnel fort
élaboré. Cette charte aurait accordé au français
des droits indéniables dans toutes les provinces. L'Acte de
l'Amérique du Nord Britannique a été rédigé
au Canada pour les Canadiens et l'article 133 a été
inséré pour protéger les Canadiens d'expression
française. La question même du statut du français est
restée équivoque jusqu'à la parution de la
quatrième version de l'Acte. Cette version indiquait que l'une ou
l'autre "pouvait" être utilisée mais ne disait qu'elle "devait"
être utilisée. Deux éminents Canadiens-français,
Félix Geoffrion et A.A. Dorion ont alors réussi à
persuader les Pères de la Confédération de rendre l'usage
du français obligatoire à l'avenir. Le juge en chef Laskin, dans
un jugement touchant la Loi Fédérale des langues Officielles en
1976 a précisé que l'article 133 est au nombre des articles de
l'Acte de l'Amérique du Nord Britannique qui n'entrent pas dans les
pouvoirs d'amendement des provinces.
Le projet de loi no. 1 est-il légal?
Certaines personnalités juridiques éminentes
considèrent que le projet de loi no 1 est discutable du point de vue
légal et probablement anti-constitutionnel. Tel que mentionné
ci-dessus, l'Acte de l'Amérique du Nord Britannique, dans l'article 133,
prévoit que le français et l'anglais sont de rigueur dans les
tribunaux du Québec et à l'Assemblée Nationale. Il
s'ensuit que le Chapitre III du projet de loi no. 1 qui stipule que: "Le
français est la langue de la législation et de la justice au
Québec" se trouve être anticonstitutionnel. Ce chapitre tient
à stipuler que les lois seront adoptées et sanctionnées
uniquement en français; que seul est officiel le texte français
des lois du Québec; que dans certains cas les personnes morales doivent
s'adresser aux tribunaux uniquement en français; que seule la version
française d'un jugement rendu, même s'il ne s'agit que d'une
traduction, est officielle.
Le fait même que le projet de loi no. 1 ait été
présenté uniquement en français pourrait être
considéré comme anticonstitutionnel par la Cour Supérieure
tout autant que pourrait l'être le chapitre I, qui dit: "Le
français est la langue officielle du Québec". Ces chapitres sont
contraires à l'esprit même et à la lettre de la
constitution canadienne.
En plus le projet de loi no. 1 néglige de reconnaître la
perception sans cesse grandissante qu'a le public en général du
besoin impératif d'éliminer la discrimination et l'oppression.
Nous vous référons à cet effet au texte de la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme adopté par
l'organisation des Nations Unies en 1948. L'article 2 de ce document stipule
que ces droits reviennent à tout un chacun "sans distinction de race, de
couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou autre,
d'origine nationale ou sociale, de propriété, de naissance ou de
tout autre statut". L'article 26 déclare tout comme l'a toujours
déclaré historiquement le Québec lui-même: "que les
parents ont le droit prioritaire de choisir pour leurs enfants le genre
d'éducation qui leur sied le mieux". Par droit prioritaire il est
entendu que les parents ont priorité sur l'Etat. Les droits collectifs
n'ont pas préséance sur les droits individuels.
En plus, au cours de l'année 1960, le parlement
fédéral a adopté la Déclaration des Droits des
Canadiens "qui définit les droits de l'homme et la nature des
libertés fondamentales" qui, selon la déclaration en cause,
continueront d'exister "sans discrimination quelconque pour raison de race
d'ori-gine nationale, de couleur, de religion ou de sexe".
Québec s'est toujours trouvé en tête des provinces
qui ont défendu la cause des droits de l'homme dans le domaine de la
langue. C'est en 1969 qu'un accord intitulé: "Accord de
coopération et d'échanges en matière d'éducation de
culture et de communications" est intervenu entre le Premier Ministre du
Québec, monsieur Bertrand et le Premier Ministre du Nouveau-Brunswick,
monsieur Robi-chaud; dans son préambule cet accord déclare que:
"Le français et l'anglais sont les deux langues officielles du
Québec et du Nouveau-Brunswick". Il est fait mention de cet accord
à la page 412, volume III, du Rapport de la Commission Gendron. Cette
commission elle-même partage d'ailleurs ce point de vue de
l'égalité inconditionnelle des deux langues au Québec dans
le volume 2, aux pages 23 et 26.
Ainsi le projet de loi no. 1 qui nie implicitement ces droits
linguistiques, va à l'encontre de la tendance générale
vers des droits de l'homme plus étendus. Elle peut de ce fait engendrer
un manque de tolérance qui peut mener à un manque de respect
mutuel de part et d'autre entre les divers ressortissants de cette province.
Compte tenu de l'opposition générale sans cesse grandissante
contre toute manifestation de discrimination, il est en effet très
difficile de comprendre comment le gouvernement
actuel peut vouloir opter pour l'adoption de l'unilinguisme par
contrainte. Cette loi n'offre rien à la majorité de langue
française de la province qu'elle ne possède déjà.
Elle lui enlève plutôt certains avantages, elle lui enlève
l'occasion d'offrir à ses enfants une éducation bi-culturelle.
Tout citoyen digne de ce nom devrait se méfier de gouvernements qui
aliènent les droits des gens.
Les effets escomptés du projet de loi no. 1 sur
le bureau des écoles protestantes du grand Montréal
Pour le B.E.P.G.M. le projet de loi contient deux articles
illégaux qui pourraient s'avérer néfastes. Il s'agit
d'abord de la stipulation qui veut que les enfants d'origine canadienne et de
langue anglaise mais provenant d'une autre province du Canada ne peuvent
être admis à l'école anglaise. Cet article s'il reste tel
quel, créera deux classes distinctes de citoyens canadiens. Le bureau
des écoles protestantes du grand Montréal s'est toujours
prononcé en faveur du libre choix en matière d'éducation
et jusqu'à présent d'ailleurs la province du Québec elle
aussi partageait ce principe.
En deuxième lieu la loi stipule que la langue française
est la langue de communication des organismes municipaux et scolaires
même si la majorité des administrés sont de langue
anglaise. Cette obligation causera bien des problèmes surtout du point
de vue traduction, et nulle part n'est-il indiqué que le gouvernement
assumera les frais qui en découleront. Ceci indique aussi que les
affiches, les bulletins et les documents dans des salles de classes anglaises
seront rédigés en français. Sûrement s'agit-il
là d'une anomalie légale qui ne peut se justifier ni
rationnellement ni pédagogiquement.
En principe, le projet de loi no. 1 présuppose que l'existence
même d'une minorité de langue anglaise représente une
menace. De par ses dispositions elle aura tôt fait de réduire
sérieusement l'effectif du secteur anglais d'une commission scolaire
qui, par le passé, a fait ses preuves comme étant l'une des
institutions éminentes dans le domaine de l'éducation en
Amérique du Nord. En dépit des nombreuses assurances contenues
dans le projet de loi no. 1 affirmant que le secteur de l'éducation de
langue anglaise ne sera pas affecté sérieusement, il est
établi que le gouvernement n'a pu jusqu'à présent fournir
de données statistiques assez rassurantes pour nous convaincre que le
secteur de l'éducation de langue anglaise ne se trouvera pas
réduit de quelque 58% à 80% dans les dix années à
venir, (voir annexe A)
Selon des déclarations publiques faites par le ministre d'Etat au
développement culturel, monsieur Camille Laurin, 90% de tous les
néo-Québécois fréquentent les écoles
anglaises. Bien que ce pourcentage semble élevé, il est bien vrai
qu'un grand nombre d'élèves venant de l'extérieur de la
province ont par tradition fréquenté nos écoles. Mais ceci
s'explique par l'extrême mobilité de la population anglophone. Le
pourcentage d'anglophones est resté relativement stable, alors que les
personnes elles-mêmes ont changé sans cesse. Dans le "Sommaire du
mouvement des élèves vers le Québec ou hors du
Québec" en annexe B, il est indiqué clairement qu'au cours des
années 1967 à 1973, le Bureau des écoles protestantes du
grand Montréal a enregistré un déficit s'élevant
à quelque 2288 élèves entre ceux qui sont entrés au
Québec et ceux qui en sont sortis.
Méconnaissance des tendances actuelles
Une étude de l'histoire de ce siècle dans cette province,
révèlera que les anglophones ont tendance à quitter la
province pour être remplacés par des francophones. Bien des
communautés de langue anglaise dans la région de Sherbrooke,
à Québec même et en Gaspésie, par exemple, ont bel
et bien disparu au cours des 50 dernières années. Le
numéro d'avril 1977 du magazine "National Geographic" indique qu'en
Gaspésie la population est passée de 80% d'anglophones à
80% de francophones. Il ne s'agit nullement d'un phénomène
attribuable au nationalisme, il s'agit simplement d'une assimilation
progressive de certaines familles alors que d'autres ont tout simplement
déménagé du fait que la population anglophone est
très mobile. Beaucoup de ceux qui ont déménagé
l'ont fait pour des raisons bien diverses, changement d'emploi, raisons
socio-économiques, pour fins éducatives, etc. Il s'agit
là, au Québec surtout, de la tendance historique du
siècle, une tendance qui s'est trouvée
accélérée au cours des dix-sept dernières
années par la révolution tranquille, les débats intensifs
sur la question constitutionnelle, la loi 22 et la loi fédérale
sur les langues officielles. Le livre blanc lui-même admet ce fait dans
le passage qui indique: "Le pourcentage de la population d'origine britannique
a tendance à s'avérer infinitésimal à Québec
et même à Montréal". Le projet de loi no. 1 se base sur des
données démographiques erronnées.
Le projet de loi no. 1 s'appuie sur des données sociologiques
également erronnées. Il maintient le vieux cliché d'une
élite anglo-saxonne monolithique, riche et bien éduquée.
Il ne tient pas compte de nos milieux défavorisés et des milliers
d'élèves en troubles d'apprentissage fréquentant les
écoles du B.E.P.G.M.
De plus, le projet de loi ne tient point compte du tout du changement
d'attitude au sein de la communauté anglophone à l'égard
de la question linguistique au cours des dix dernières années.
Nonobstant l'affirmation absurde voulant que nos classes d'immersion soient le
résultat direct des activités du F.L.Q. il est établi que
ces programmes remontent à 1968. Jusqu'à 45% des effectifs
scolaires de septième année suivent de leur plein gré au
sein des écoles du bureau des écoles protestantes du grand
Montréal des cours d'immersion en français où toutes les
matières sont enseignées en français sauf pour une
période d'anglais par jour. En tout 24.5% des élèves
inscrits au niveau de la maternelle suivent
eux aussi des cours à immersion en français ce qui
signifie qu'ils commencent leur éducation en français à
cent pour cent sans aucune instruction en anglais au cours des deux
premières années du cycle élémentaire. Ces chiffres
sont révélateurs et indiquent clairement que le bureau des
écoles protestantes du grand Montréal ne se contente pas de se
prononcer tout simplement sur le problème mais d'agir bel et bien en
conséquence. En plus ces programmes et ces services ont
été établis sans l'aide financière de qui que ce
soit, sans aucune contrainte ni de la part du gouvernement ni de part d'une
hypothétique autorité de francisation mais simplement sur
requête spécifique de parents anglophones. Ces parents
voués à l'avenir et au bien-être de leurs enfants, ont
insisté pour que ceux-ci apprennent le français de façon
intensive afin de pouvoir continuer à prospérer au Québec.
Notre thèse veut que l'apprentissage de la langue seconde stimule
l'habileté de nos enfants et les enrichisse du point de vue culturel ce
qui leur permet de vivre heureux et d'évoluer à l'aise au milieu
de leurs voisins de langue française.
D'autres provinces, elles aussi, ont pris des mesures positives du point
de vue du bilinguisme. Le sophisme selon lequel les minorités
francophones du reste du Canada seront toujours moins bien nanties que la
minorité anglophone au Québec ne pourra certainement plus
être décemment invoqué une fois que le projet de loi no. 1
aura été sanctionné dans sa forme actuelle. Au cours de
l'ouverture de la dernière session de l'assemblée
législative de l'Ontario, l'honorable W. Darcy Mc.Keough, l'a
confirmé lorsqu'il a dédéclaré: "Le gouvernement de
l'Ontario réitère solennellement son obligation envers le
système d'éducation de langue française de l'Ontario qui
dessert 106 000 élèves dans 309 écoles de langue
française" (Gazette de Montréal, le 14 avril 1977). Il a
indiqué en plus que le gouvernement a garanti qu'une école
secondaire française qui a soulevé une controverse regrettable
dans le comté d'Es-sex, sera bel et bien construite.
En juillet 1968, les projets de loi 140 et 141 ont accordé aux
écoles de langue française un statut officiel en Ontario. Ce
statut s'est trouvé renforcé en 1973 lorsque les francophones se
sont vus octroyer le droit d'exiger selon les procédures clairement
établies, que leurs enfants puissent bénéficier de
l'établissement d'une école de langue française. On a
établi à cet effet un Conseil des Ecoles de Langue
Française, dont le président, lui-même de langue
française a rang de sous-ministre adjoint de l'éducation. A
l'heure actuelle il y a 86 000 élèves qui fréquentent 315
écoles élémentaires et plus de 30 000 élèves
qui fréquentent des écoles secondaires, toutes de langue
française.
Le 16 juillet 1970, l'assemblée législative du Manitoba a
sanctionné le projet de loi 113 qui reconnaît le français
ainsi que l'anglais comme les deux langues officielles d'enseignement dans les
écoles. Selon cette loi, chaque fois que les parents de quelque 28
élèves du niveau élémentaire, et quelque 23
élèves du niveau secondaire exigent que l'enseignement soit
dispensé dans l'une ou l'autre langue, il est du devoir de la commission
scolaire en cause de s'exécuter en conséquence.
Selon la loi des langues officielles au Nouveau-Brunswick, l'anglais et
le français sont reconnus comme les deux langues officielles de la
province et jouissent des mêmes droits et des mêmes
privilèges. Les Canadiens de langue française du
Nouveau-Brunswick disposent déjà d'un bon réseau
d'établissements scolaires.
Nous tenons à souligner aussi qu'aucune des provinces de langue
anglaise n'a jamais fait promulguer une loi forçant les minorités
de langue française à "angliciser" leur commerce afin de pouvoir
obtenir de la part du gouvernement des subsides, des allocations ou des
contrats. Personne ne les a jamais obligées à rédiger en
anglais seulement, le nom de leur établissement, leurs enseignes, leurs
menus, leurs étiquettes, leurs certificats de garantie, leurs annonces
publicitaires. Le projet de loi no. 1 par contre s'occupe à cet effet
des détails les plus minutieux de la vie quotidienne plus que toute
autre loi de ce pays ne s'est jamais permis de le faire.
Il est vrai que les minorités de langue française, dans
les provinces à prédominance de langue anglaise, ont subi des
pressions économiques et culturelles les poussant vers l'anglicisation,
mais jamais n'ont-elles subi de contraintes légales ou ont-elles
été exposées à des sanctions quelconques. En effet
tel que nous l'avons indiqué dans le domaine de l'éducation, le
domaine qui nous tient le plus à coeur, les enfants d'expression
française se sont vus accorder par des mesures législatives et
administratives le droit et l'occasion de faire des études dans leur
propre langue. Le projet de loi no.1 pourrait bien avoir pour effet de freiner
cet élan vers le bilinguisme dans d'autres provinces et ceci aux
dépens des minorités de langue française. En d'autres
mots, les autres provinces et surtout le Nouveau-Brunswick, le Manitoba et
l'Ontario, les plus importantes en la matière commencent enfin à
suivre le bon vieil exemple du Québec. La province de Québec par
contre s'apprête à imiter le mauvais exemple donné dans le
passé par toutes les autres provinces et à les dépasser
même dans cette voie.
Une intervention gouvernementale aussi radicale
est-elle vraiment de rigueur?
Pourquoi cette loi sur la langue? La langue française a
démontré à travers les âges qu'elle n'a que faire de
telles protections légales. Son évolution au cours des trois
cents dernières années en est une preuve certaine. La culture
française est en plein épanouissement au Québec, elle
représente une force vibrante et dynamique enviée pour son
épanouissement dans le domaine des arts. Face à ce défi et
afin de s'y adapter, les écoles de langue anglaise produisent en leur
sein la génération d'élèves les plus bilingues de
toute leur histoire. Pourquoi dans ce cas le gouvernement a-t-il choisi de se
joindre non point à ceux qui s'efforcent honnêtement
d'établir une société unie, mais à ceux qui
essaient de nous
diviser et de nous séparer, de dresser citoyen contre citoyen
dans des conflits qui risquent de mener au désespoir et de ressusciter
cette ambiance des deux solitudes d'antan. Le but du gouvernement ne devrait
pas être de vouloir rejeter la communauté anglophone minoritaire
et décroissante mais de s'évertuer à exploiter l'immense
réservoir de bonne volonté et de bonne entente qui s'y trouve. Si
cela était le cas, la communauté de langue anglaise pourrait
certes continuer à contribuer d'une façon fort valable à
la qualité de la vie et au bien-être général de
notre province.
Dans un esprit de conciliation, par des suggestions constructives et
dans le but de développer dans ses rangs et au Québec un
bilinguisme intégral et les chances les meilleures à tous dans le
domaine de l'éducation, nous soumettons très sincèrement
les recommandations ci-contre, formulées sans prétentions et dans
les meilleures des intentions, à savoir: Que la future Charte de la
langue française au Québec: 1- établisse la
primauté de la langue française au Québec dans: le domaine
socio-économique le domaine de la main-d'oeuvre et des relations de
travail le domaine du commerce et de l'industrie le domaine juridique le
domaine des arts et des métiers le domaine de l'éducation par
diverses méthodes incitatives plutôt que coercitives; 2-
reconnaisse à l'anglais le statut de langue officielle; 3- respecte
scrupuleusement la Constitution du Canada, à savoir "L'Acte de
l'Amérique du Nord Britannique", avec toutes les garanties que cette
constitution accorde; 4- encourage le développement d'une
société bilingue tout en consolidant le statut de la langue
française; 5- accorde à cette fin dans le domaine de
l'éducation la possibilité aux parents de choisir pour leurs
enfants le genre d'éducation qui leur sied le mieux conformément
à l'esprit du préambule de la loi du ministère de
l'Education du Québec entrée en vigueur par proclamation le 13
mai 1964; 6- incite les universités du Québec et toutes leurs
facultés mais surtout les facultés des sciences de
l'éducation de développer des programmes bilingues de haute
qualité; 7- exige qu'une connaissance approfondie de la langue seconde
et une maîtrise quasi absolue de la langue première soient des
prérequis inévitables à l'admission à une
faculté des sciences de l'éducation pour fins d'études; 8-
requière et impose que dans un délai de dix ans après
l'entrée en vigueur de la loi, tout candidat à un poste dans
l'enseignement à n'importe quel niveau et dans n'importe quel domaine
soit au moins bilingue et dûment reconnu comme tel; 9- envisage des
délais de "francisation" plus réalistes dans le domaine de
l'administration du secteur public et para-public afin de permettre une
adaptation progressive à la situation; 10- attribue à cette fin
aux administrations en cause, les fonds nécessaires pour mener à
bonne fin un programme de francisation valable et durable.
Soumis respectueusement au nom du Bureau des écoles protestantes
du grand Montréal pour fins de consultation et de discussion.
Dr. John A. Simms Président
Marcel R. Fox Directeur Général.
Le 1er juin 1977.
(ANNEXE A)
En date du 30 septembre 1976, le B.E.P.G.M. comptait à peu
près 50,000 élèves, dont approximativement. 13,500 de
langue maternelle autre que l'anglais 2,500 de langue maternelle
française 4,000 nouveaux immigrants 20055 8,000 de parents de langue
anglaise non éduqués au Québec (chiffre estimé)
28,000 TOTAL
Ceci indique que sur les 50,000 élèves, 28,000 ne
pourraient pas fréquenter les écoles de langue anglaise du bureau
des écoles protestantes du grand Montréal si le projet de loi no.
1 s'appliquait tel qu'il est rédigé. Il va sans dire qu'ils
peuvent rester pour le moment dans le système scolaire qu'ils
fréquentent et leurs frères et soeurs peuvent s'y inscrire
aussi.
Néanmoins à compter de l'entrée en vigueur du
projet de loi no.1 les élèves de cette catégorie devront
fréquenter le secteur francophone. Ceci implique qu'à partir de
1984-1985 plus de la moitié de ce groupe ne fera plus partie de nos
effectifs du secteur anglophone. Il s'ensuit une réduction de quelque
14,000 élèves.
Il est à noter que notre effectif total a diminué
progressivement par suite du déclin du taux de natalité. Alors
qu'en 1967 l'effectif total s'élevait à 64,500
élèves ce même effectif nereprésenteplus que 47,000
élèves en 1977. Il s'agit d'une perte de quelque 17,500
élèves au cours des dix dernières années. Sans
même tenir compte de l'application du projet de loi no.1 ou de l'impact
de l'immigration, nous estimons qu'en 1984 l'effectif sera de quelque 35,000
élèves.
Si nous déduisons 14,000 du total de 35,000, nous nous retrouvons
avec un effectif de 21,000 élèves dans nos écoles de
langue anglaise d'ici sept ans. Il est presque certain qu'en 1987 le secteur
anglophone du bureau des écoles protestantes du grand Montréal ne
comptera plus qu'un effectif scolaire de quelque 8,000 ou 10,000
élèves tout compte fait.
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