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Version finale

31st Legislature, 2nd Session
(March 8, 1977 au December 22, 1977)

Wednesday, June 22, 1977 - Vol. 19 N° 130

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition des mémoires sur le projet de loi no 1 - Charte de la langue française au Québec


Journal des débats

 

Audition des mémoires sur le projet de loi no 1 :

Charte de la langue française au Québec

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Cardinal: A l'ordre, madame et messieurs!

Je demanderais aux députés de regagner leurs fauteuils pour que nous puissions commencer.

C'est une nouvelle séance de la commission de l'éducation, des affaires culturelles et des communications pour étudier le projet de loi 1 après la première lecture. Je fais l'appel des membres et on voudra bien m'indiquer les modifications. MM. Alfred (Papineau), Bertrand (Vanier), Bisaillon (Sainte-Marie) remplacé par Charbonneau (Verchères); Chevrette (Joliette-Montcalm), Ciaccia (Mont-Royal), de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Dussault (Châteauguay), Godin (Mercier), Grenier (Mégantic-Compton), Guay (Taschereau), Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), Laplante (Bourassa), Laurin (Bourget), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), MM. Le Moignan (Gaspé), Paquette (Rosemont), Roy (Beauce-Sud), Saint-Germain (Jacques-Cartier), Samson (Rouyn-Noranda).

Quant à l'ordre du jour, je voudrais souligner qu'il y a des problèmes. Nous n'avons pas terminé hier soir ce qui avait été prévu pour la journée. Il y a eu convocation d'un bon nombre d'organismes et j'ai reçu avis, de la part de l'Opposition officielle, qu'il y aurait ce soir des motions qui seraient présentées devant la commission. C'est pourquoi je vais faire l'appel de ceux qui devraient comparaître devant nous en leur indiquant tout de suite qu'il faudra quand même s'en tenir aux contraintes que nous imposent les travaux de l'Assemblée nationale. D'autre part, selon une entente entre les leaders parlementaires, nous allons siéger uniquement jusqu'à midi et, comme c'est mercredi, je devrai suspendre les travaux d'office pour cette raison, c'est-à-dire qu'il y a entente pour permettre aux divers partis de se réunir et aussi à la suite de directives que j'ai déjà rendues.

Nous reprendrons après les affaires courantes de l'Assemblée nationale et le mercredi, habituellement, c'est un peu plus long que d'habitude, c'est la journée des députés; ça veut dire certainement après 16 heures. Il y aura ajournement ou suspension à 18 heures, les travaux reprendront à 20 heures jusqu'à 23 heures.

Voici nos invités: Conseil des hommes d'affaires québécois; vous êtes ici? Merci. Mémoire no 4. Barreau du Québec? Merci; mémoire no 31. Protestant School Board of Greater Montreal? Merci; mémoire no 23. Bourse de Montréal? Merci. Mémoire 243. Fédération des groupes ethniques du Québec Inc.? Merci. Confédération des syndicats nationaux? Merci. Mémoire 37. Provincial Associa- tion of Protestant Teachers? Merci. Mémoire 176. Association québécoise des professeurs de français? Merci. Mémoire 150.

Je souhaite bonne chance à tout le monde et j'appelle immédiatement les premiers invités, le Conseil des hommes d'affaires québécois, Me André-J. Bélanger, mémoire no 4.

Me Bélanger, vous n'êtes pas obligé d'identifier votre groupe, ni de vous identifier, vous l'avez déjà fait hier soir. Vous savez que vous avez vingt minutes pour présenter votre mémoire, à la suite de quoi les députés ont 70 minutes pour vous interroger.

M. Fox (Marcel): Puis-je invoquer une question de privilège?

Le Président (M. Cardinal): Non, monsieur, c'est impossible, pour deux raisons: la première raison, c'est qu'en vertu d'une décision rendue le 8 mars 1976, il n'y a pas de question de privilège en commission parlementaire. La deuxième raison, c'est que vous n'êtes pas encore devant la commission. Je regrette, mais...

Oui, M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: J'ai cru comprendre qu'il y aurait plusieurs mémoires aujourd'hui. Il y a plusieurs groupes qui sont ici. Est-ce qu'on ne pourrait pas permettre à ce monsieur de nous demander si... Il a peut-être un problème, on pourrait peut-être le régler. Je pense que ce serait assez malheureux de faire attendre des gens et de les indisposer aujourd'hui, avec le nombre de mémoires et l'attitude de l'Opposition officielle qui veut nous...

Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le député de Verchères, si la commission m'accorde un consentement unanime, j'entendrai M. Fox immédiatement. Est-ce que ce consentement est accordé?

M. Ciaccia: Consentement accordé, M. le Président. Vous avez énuméré à peu près sept ou huit mémoires. La Fédération des groupes ethniques a été convoquée, mais je crois que cela a été annulé également.

Le Président (M. Cardinal): Oui. M. Ciaccia: Alors, c'est cela qui...

Le Président (M. Cardinal): Justement, il y a ce matin une ambigîiité. Remarquez qu'avec le consentement de la commission, on peut permettre à M. Fox de s'expliquer devant nous.

Vous vous rappelez qu'hier soir, j'ai reçu cet avis du député de Marguerite-Bourgeoys. Nous avons tenté, au niveau du secrétariat de la commission, de rejoindre les groupes qui étaient déjà convoqués en vertu de l'avis de sept jours. Il

s'est avéré que, malgré les télégrammes qui ont été émis, des groupes se sont présentés quand même. Mais des télégrammes avaient été envoyés. Je donne cette explication additionnelle.

M. Fox, si vous voulez vous approcher d'un micro, s'il vous plaît, nous pourrons vous entendre.

M. Fox: La question que j'aimerais poser, c'est pourquoi l'ordre de présentation a été changé pour nous alors qu'il a été maintenu pour le Conseil des hommes d'affaires québécois. Nous étions en... hier nous devions venir après le Conseil des hommes d'affaires québécois, donc, il serait logique qu'aujourd'hui nous suivions le Conseil des hommes d'affaires québécois et nous avons été placés après le Barreau. C'est la question que j'aimerais poser.

Le Président (M. Cardinal): Remarquez que, personnellement, je n'aurais pas d'objection et que cet ordre qui a été établi m'a été indiqué, hier, en fin de soirée, après que nous avons appris que le Conseil des hommes d'affaires québécois ne pouvait pas présenter son mémoire, sans quoi l'ordre aurait été différent... Il n'y a aucune raison pour laquelle vous avez été placés à cet endroit, sinon que l'on me l'a indiqué sur une liste. Ce n'est même pas une décision de la présidence. Je vais demander à la commission quelle est son attitude. Je sais, quand même, je le dis, que chacun des groupes qui sont ici aujourd'hui, du moins pour ce matin, m'a prévenu qu'il voulait être entendu à 10 heures. J'ai déjà indiqué que, malheureusement, il n'y avait pas de rendez-vous à une commission parlementaire pas plus que devant un tribunal. Messieurs du Barreau savent que les convocations se font aussi à la cour à 10 heures du matin, même s'il y a remise.

Je donne la parole au ministre d'Etat au développement culturel et nous allons régler cette question immédiatement avant de continuer.

M. Laurin: Oui, étant donné qu'on veut entendre le PSBGM après le Conseil des hommes d'affaires québécois, je pense qu'on devrait reprendre l'ordre qui avait été indiqué hier.

Le Président (M. Cardinal): Je sais que, évidemment, le Barreau ne sera pas heureux et je demande l'avis de la commission.

M. Lalonde: M. le Président, non seulement c'est une chose difficile de faire indiquer les préférences, je pense qu'on voudrait entendre tout le monde en même temps, il y a quand même, dans la question de M. Fox, une pertinence inéluctable, c'est pourquoi l'ordre avait été changé, la question a été posée, la réponse est donnée et on compte... on veut revenir à l'ordre qui a été établi avant, je pense que cela serait tout à fait logique et simplement poli à l'égard de ces gens.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Si vous me permettez, c'est volontairement que j'ai fait l'appel des invités ce matin. Je n'avais pas recommencé ceci depuis plusieurs jours et suite à la décision de la commission, l'ordre de présentation des mémoires sera le suivant: Le Conseil des hommes d'affaires québécois, le Protestant School Board of Greater Montreal, le Barreau du Québec, Bourse de Montréal, etc.

M. Fox: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je voudrais quand même poser une question à ce stade-ci étant donné qu'il est passé 10 h 15 et que la moyenne du temps qui a été pris pour chacune des interventions, c'est au moins 1 h 30. Je n'ai pas de statistiques, mais...

Le Président (M. Cardinal): Cela dépasse 1 h 30.

M. Lalonde: En moyenne, sûrement. Qu'on ajourne à midi, qu'on reprenne — vous l'avez indiqué vous-même — sûrement après 16 heures, la période des questions étant de 45 minutes maintenant, et le mercredi, c'est la journée des députés et qu'on ajourne à 18 heures. Ce soir, il va sûrement y avoir des motions, je ne sais pas combien de temps cela va prendre, c'est comme je vous ai dit hier. On a déjà des invités, je ne sais pas combien, cinq, six ou sept...

Le Président (M. Cardinal): Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit.

M. Lalonde: Huit. Alors, le minimum de politesse à leur égard, ce serait d'indiquer, de façon assez claire, à quelques-uns d'entre eux, que c'est impossible qu'ils passent aujourd'hui.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le député de Marguerite-Bourgeoys, vous comprendrez que comme président, je ne puis préjuger du temps qu'emploiera un organisme ou du temps qu'utiliseront les députés. Je ne puis non plus préjuger du temps que le parti de l'Opposition officielle utilisera pour des motions, vous-même l'avez indiqué. Ce que je vais faire quand même — je prends votre intervention comme suggestion — c'est qu'à l'ajournement de midi, je verrai à ce que le secrétariat de la commission ou le cabinet du ministre indique aux personnes convoquées qu'il sera impossible de les entendre aujourd'hui. Vous êtes d'accord?

M. Lalonde: Cela me va. Maintenant, si cela vous prend un consentement, j'invite le gouvernement aussi à concourir dans le même...

Le Président (M. Cardinal): Je verrai à midi. Merci. Alors, Me Bélanger, vous avez la parole pour 20 minutes, à 10 h 20.

Conseil des hommes d'affaires québécois

M. Charbonneau (André): M. le Président, je voudrais d'abord vous annoncer que Me Bélanger,

président du Conseil des hommes d'affaires québécois, a été dans l'impossibilité de se présenter ce matin. Je vais faire lecture d'une lettre qui vous est adressée. "M. le Président, il m'a été impossible de me libérer des obligations professionnelles que je dois assumer aujourd'hui et je ne pourrai, en conséquence, être présent à la commission parlementaire. Je vous prierai de m'excuser auprès des membres de la commission. J'autorise cependant M. André Charbonneau (moi-même) à me remplacer à la direction de la délégation du conseil. Il sera assisté de MM. André Auclair, à ma droite, et Richard Wingender. Veuillez agréer, M. le Président, l'expression de mes sentiments les meilleurs, André J. Bélanger, président du Conseil des hommes d'affaires québécois.

Le Président (M. Cardinal): Merci. Cela rétablit les faits qui n'étaient pas encore connus par la commission. Maintenant, à 10 h 22, vous pouvez commencer.

M. Charbonneau (André): Maintenant, M. le Président, j'aimerais vous présenter le Conseil des hommes d'affaires québécois afin de prévenir des questions en ce sens.

Le Président (M. Cardinal): D'accord.

M. Charbonneau (André): Le Conseil des hommes d'affaires québécois est une association groupant plus de 600 hommes d'affaires des diverses régions du Québec et appartenant à la petite et moyenne entreprise, cette petite et moyenne entreprise, cette PME, de qui les organismes se réclament de plus en plus, parce qu'il s'agit là d'entreprises qui nous appartiennent, au Québec, et que c'est par elles que nous pourrons intervenir pour reprendre nos affaires en main.

Au nombre de 118 000, ce qui n'est pas un facteur négligeable, elles emploient 53% de la main-d'oeuvre du Québec et contribuent à plus de 50% du produit national brut du Québec.

De 1961 à 1971, pour donner un exemple de l'importance de ces petites et moyennes entreprises, elles furent le siège de 98% de l'augmentation des emplois dans le secteur manufacturier au Québec. C'est donc au nom du Conseil des hommes d'affaires québécois et de 600 membres qui appartiennent à la PME que nous vous adressons ce mémoire.

Nous avons l'intention de procéder de la façon suivante: M. Auclair introduira le sujet en faisant lecture de l'introduction du mémoire qui vous a été soumis, dont nous demandons, M. le Président, que l'ensemble soit porté au journal des Débats et, d'autre part, nous interviendrons hors texte pour donner des explications et, par la suite, répondre aux questions, ainsi que proposer certains amendements à des articles de la loi.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Votre mémoire sera déposé en annexe au journal des Débats et tout ce qui sera dit à cette commission sera évidemment confiné au journal.

M. Charbonneau (André): Je vous remercie, M. le Président, et je cède la parole à M. André Auclair.

M. Auclair (André): M. le Président, le Conseil des hommes d'affaires québécois, qui regroupe des gens d'affaires, des chefs d'entreprises et des professionnels oeuvrant dans ce monde des affaires et de l'entreprise du Québec, tient à souligner, et de façon solennelle, son appui le plus entier à ce projet historique de la loi 1, concernant la langue française au Québec.

Déjà, en juin 1974, lors de la tenue de la commission parlementaire au sujet de la loi 22, nous proposions que le Québec devienne unilin-gue français.

Après avoir analysé l'aberration de l'ensemble de la situation linguistique impartie à la majorité des citoyens du Québec par une sorte de distorsion engendrée par le chevauchement de deux langues, ce qui amène fatalement l'assimilation de l'une par l'autre, nous avions établi les points suivants: -le mythe du bilinguisme; jamais un peuple n'a pu, dans son ensemble, parler deux langues; -l'intégration des "nôtres" dans les entreprises des "autres"; -persistance voire accélération de la relation colonisé colonisateur; -le colonisé allant même jusqu'à copier et à admirer son colonisateur; -drainage des nôtres vers l'école anglaise; -asservissement de notre économie par l'aliénation des nôtres, leur absence dans les centres de décisions économiques, leur mimétisme en affaires engendré par la perte de leur génie créateur — fonctionnant à l'anglaise, ils en viennent à n'être que les vassaux des autres; -"succursalisation" des entreprises québécoises.

Et en conclusion, nous établissions:

Voilà pourquoi le Conseil des hommes d'affaires québécois Inc. — c'était en 1974 — souhaite dans les plus brefs délais une vigoureuse législation décrétant le français seule langue officielle du peuple québécois, seule langue d'enseignement et seule langue de travail. Mais, préalablement et pour que cette législation prenne tout son sens, c'est l'abrogation pure et simple de l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique que le gouvernement devra réclamer.

Depuis lors, à l'occasion de nos congrès nationaux, à l'occasion de diverses autres manifestations (colloques, conférences de presse, etc.,), nous avons toujours soutenu cette position.

Voilà pourquoi, en tenant compte de la réalité politique d'aujourd'hui, nous reconnaissons que le projet de loi no 1, même s'il ne semble pas aller aussi loin que nous pouvions le souhaiter, traduit dans son ensemble une volonté politique bien arrêtée de faire du Québec un Etat français.

Cette charte de la langue française atteste une fois pour toutes l'essence et la nature de notre au-thentiGité nationale en confirmant que la langue est non seulement un moyen de communication,

non seulement une manifestation culturelle, mais qu'elle est un bien et un lien collectifs et qu'elle est véritablement l'âme de la nation.

Enfin notre peuple sait qui il est et sait qu'il est: il se dit, il se nomme.

Il pourrait surprendre que des gens dont la quotidienneté consiste à faire du négoce ou à conseiller ceux qui en font, ne se contentent pas d'appuyer cette Charte de la langue française simplement par le biais économique.

Nous considérons, au contraire, que le domaine culturel, que le domaine social, que le domaine économique sont étroitement interreliés, mais qu'ils ne pourront connaître leur pleine et entière dimension que lorsque nous assumerons notre pleine et entière souveraineté politique.

De plus, nous considérons que l'adoption de la loi 1 demeure la première étape et la plus significative dans l'accession de notre peuple à son devenir économique.

Nous nous rendons bien compte, en effet, que la "minorisation" de notre langue, surtout dans le monde des affaires et de l'entreprise, véhicule le processus d'assimilation et nous condamne à être presque des étrangers dans notre propre pays du Québec.

Ce même processus d'assimilation "inféoda-lise" notre économie et accélère notre vassalité et notre appartenance à des étrangers, à des "ailleurs".

Il s'ensuit une dichotomie de notre être propre qui elle-même engendre une stérilisation de notre génie créateur.

Nous sommes un organisme qui regroupe, dans toutes les régions du Québec, des gens d'affaires bien enracinés dans leur appartenance d'ici et qui sont désireux de contribuer à favoriser et à promouvoir un développement économique qui soit d'abord issu de "l'intérieur", et d'abord à l'avantage des nôtres. Nous croyons cependant que ce développement économique ne saurait se réaliser pleinement sans que d'abord ne soit proclamée la Charte de la langue française au Québec qui consacre enfin, après 217 années, notre véritable authenticité.

Car une nation pas plus qu'un individu ne saurait être continuellement fragmentée. Il s'agit de l'unicité de l'être.

C'est donc dire que la langue de travail, la langue de l'enseignement, la langue de l'affichage (publicité sous toutes ses formes, indications routières, etc.) sont en constantes interrelations et doivent donc être exprimées en français. Et être fragmenté, c'est aussi laisser durer dans le monde du travail, surtout de la grande entreprise ou de la technologie avancée, cette obligation de fonctionner en algnais ou d'être continuellement écartelé entre une langue, celle du soir et des activités sociales, et une autre, celle du jour et du succès en affaires.

Une telle situation a engendré chez nous un homme d'affaires quelque peu hybride, qui n'est ni anglais ni français, et qui, forcément, demeure beaucoup plus près de parler la langue des "ail- leurs" et à défendre leurs intérêts. LaFontaine l'aurait caricaturé ainsi: "Un paon muait; "Un geai prit son plumage".

Plus encore, cette tendance, si elle ne devait être renversée, contribuerait et cette fois, avec une force décuplée et une rapidité accélérée, à détruire et à tout jamais notre génie créateur et inventif. Dans le maintenant, notre gouvernement doit faire adopter cette loi dans son entier et consacrer ainsi le fait de notre maturité.

Ce sera aussi un signe d'espérance pour tous et chacun des habitants de ce pays du Québec et dans tous les champs d'activité où il se retrouve et notamment dans le monde du travail, des affaires, des entreprises.

M. Charbonneau (André): On nous a souvent reproché nos positions sur la langue en prétendant que les affaires se font en anglais en Amérique et que, de toute manière, il ne s'agit pas là de préoccupations d'hommes d'affaires. Nous prétendons le contraire. En effet, tous acceptent le fait que les Québécois francophones sont dominés économiquement et cette domination ou cette colonisation, c'est une exploitation socio-économique qui implique automatiquement une contrepartie culturelle. L'homme dominé veut ressembler à son dominant et tente de l'imiter. Il tente de s'assimiler au groupe dominant et d'adhérer à sa culture.

C'est un modèle bien connu. De là la nécessité d'une intervention énergique de l'Etat sur les trois plans d'activité de la population:

Sur le plan de la culture, afin de nous libérer de nos complexes de colonisés, en favorisant une production culturelle originale et authentiquement québécoise; dans ce sens, la loi 1 est une intervention fondamentale;

Sur le plan social, de façon à assurer la participation de tous les groupes de notre société dans l'élaboration de la société québécoise de demain et le sommet économique était un effort dans ce sens;

Sur le plan économique enfin, pour nous assurer une participation de plus en plus importante à la gestion de nos propres affaires, l'intervention optimale étant le rapatriement de tous les outils d'orientation du développement économique, y compris les politiques monétaires et fiscales.

En résumé, pour nous, la politique, l'économique, le social et le culturel sont étroitement liés. Voilà pourquoi la charte de la langue est un élément si essentiel de notre devenir collectif. Nous notons cependant que, dans le contexte actuel, ce projet de loi demeure malheureusement incomplet. Il est sans effet sur la fonction publique fédérale et sur toutes les corporations publiques et pa-rapubliques fédérales, ainsi que sur les entreprises dites d'intérêt national, tel Bell Canada, par exemple.

Seul le plein contenu de notre souveraineté pourra régler ce problème. Avant de traiter des points particuliers des amendements que nous

demandons à la loi, avant que cet objectif de la souveraineté soit atteint, nous demandons cependant au gouvernement de lutter pour le rapatriement de tous nos pouvoirs en matière de communication, car les media demeurent actuellement le véhicule par excellence de la langue et de la culture des autres en Amérique. M. Wingender.

M. Wingender (Richard): Les amendements suggérés par le Conseil des hommes d'affaires québécois sont de deux ordres. Les premiers sont suggérés pour des motifs de forme et ils touchent plus particulièrement les articles 2, 3, 12, 13, 26, 33, 39, 41, 44 et 45. Pour ces motifs de forme, nous nous étonnons de retrouver dans le chapitre II relatif aux droits fondamentaux, ainsi que dans les règles générales réparties dans les autres chapitres du projet de loi, une phraséologie qui, à notre avis, détermine, pour les Québécois francophones, un rôle qui n'est pas nouveau, de quémandeurs, de revendicateurs, une phraséologie qui semble créer le droit de réclamer des institutions et des entreprises qu'elles communiquent avec eux dans leur langue.

Pourquoi affirmer dans cette charte l'existence du droit d'être enfin respectés en matière linguistique, alors qu'en pratique, ce droit a toujours existé sur le plan historique et que ce droit a toujours existé, de manière implicite, sur le plan juridique et constitutionnel?

C'est plutôt de l'exercice de ce droit que les Québécois se sont vus empêchés, à cause de contraintes coloniales qui nous ont tenus dans un état d'asservissement plus ou moins subtil à des valeurs et à une langue qui nous ont toujours été étrangères. Il nous apparaît normal que l'on rétablisse l'exercice du droit de se voir communiquer en français, non pas en aspergeant de permissions ceux qui subissent ces contraintes, mais en imposant avec souplesse des règles adéquates aux intéressés.

Par exemple, l'article 2 devrait se lire comme suit: L'administration, les services de santé et les services sociaux, les entreprises d'utilité publique, les ordres professionnels, les associations de salariés et les diverses entreprises exerçant au Québec, doivent communiquer en français, avec les résidants du Québec. De même, l'article 26: Les services de santé, les services sociaux et les entreprises d'utilité publique doivent émettre, dans la langue officielle les avis, communications, formulaires et imprimés destinés au public. Le présent article s'applique également aux titres de transport. De même également, l'article 41, qui devrait se lire comme suit: Les consommateurs doivent être informés en français dans tous les cas suivants: Désignation des biens et services, offres, présentations, publicité écrite ou parlée, modes d'emplois, étendues et conditions de garanties. Les mêmes dispositions s'appliquent aux catalogues, dépliants et brochures, aux étiquettes et inscriptions de caractère permanent, ainsi qu'à tout texte accompagnant les biens offerts au public, le troisième paragraphe se lisant toujours de la même façon.

Ainsi, ces amendements, pour des motifs de forme, devraient s'appliquer aux articles que je vous ai cités au tout début, c'est-à-dire envisager, de façon active, l'exercice d'un droit, en imposant avec souplesse et non mollesse, les règles que devront suivre les institutions et les entreprises.

Quant aux autres amendements, il y a l'article 3 qui devrait se lire comme suit: "Toute assemblée délibérante doit se dérouler en français au Québec."

L'article 10 devrait être rayé parce qu'il entraînerait, à notre avis, des coûts inutiles et peut-être, de façon transitoire, pourrait-on permettre à ceux qui désirent des traductions anglaises de ces textes d'en défrayer le coût.

Nous sommes d'accord avec l'article 11, car il nous apparaît normal de s'adresser aux tribunaux en français dans un pays français. C'est la même chose dans toutes les autres provinces du Canada: on s'adresse aux tribunaux en anglais.

L'article 12 devrait — je me reporte aux motifs de forme — se lire de la façon suivante: "Les citations, sommations, mises en demeure et assignations décernées par les tribunaux et les organismes exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires, ou expédiées par les avocats exerçant devant eux, doivent être rédigées en français."

L'article 13, de la même façon: "Les jugements rendus au Québec par les tribunaux et les organismes exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires doivent être rédigés en français." Quant au reste du paragraphe de l'article 13, il devrait se lire comme suit: "Dans le cas de l'application de l'exception prévue à l'article 11, une version anglaise pourra accompagner le texte français aux frais de celui qui la requiert."

On devrait ajouter, à la fin de l'article 23, les mots suivants: "et doivent se conformer aux articles 3, et 14 à 22 de la charte".

L'article 33 devrait subir une modification par l'ajout d'un deuxième paragraphe qui devrait se lire comme suit: "Toute entreprise de plus de cinquante employés doit communiquer en français avec ses salariés."

A l'article 35, nous suggérons de rayer: "ou être accompagnée d'une version française dûment anthentifiée", en ajoutant "une version anglaise peut être obtenue aux frais de celui qui la requiert."

Le Président (M. Dussault): M. le témoin, en vertu de nos règles de fonctionnement, je dois vous prévenir que je vous laisse quelques secondes pour conclure.

M. Charbonneau (André): M. le Président, nous allons interrompre la lecture des modifications que nous suggérons pour certains articles. Permettez-moi, cependant, d'ajouter une chose qui nous apparaît très fondamentale. Le Conseil des hommes d'affaires québécois, lors de sa comparution en 1974, en ce qui concerne l'école et la langue d'enseignement, avait demandé, en substance, que l'école publique anglophone soit abolie sur une période de cinq ans, que pendant

une période de dix années successives à ces cinq ans, les écoles privées anglophones soient subventionnées, mais qu'après cette période de quinze ans, les écoles privées anglophones soient aux frais des anglophones.

Nous sommes prêts à nous rallier aux articles 51 et 52 de la présente loi, mais, à notre avis, il s'agit là d'une concession ultime et nous ne croyons pas que les anglophones d'autres parties du monde, que ce soit d'autres provinces du Canada ou d'autres pays anglophones, puissent immigrer au Québec et bénéficier de statuts particuliers que d'autres immigrants à d'autres endroits du monde n'ont pas. C'est là-dessus que nous allons conclure et nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le Président (M. Dussault): Messieurs, merci. M. le ministre.

M. Laurin: Je veux d'abord remercier le Conseil des hommes d'affaires québécois pour le mémoire très intéressant qu'il nous a présenté. Je sais que les représentants n'ont pas eu le temps de lire même la plus grande partie de leur mémoire.

Je l'ai pourtant lu et relu et il contient des observations très pertinentes qui seront versées, évidemment, au journal des Débats, et que chacun pourra lire. Je regrette que le temps qui vous est imparti ne vous ait pas permis de nous donner cet éclairage, éclairage particulièrement judicieux, en ce sens qu'il nous permettait de comprendre les raisons de la faiblesse économique que d'aucuns déplorent de la majorité francophone au Québec. Je pense que les explications que vous donnez dans votre texte, même si elles peuvent être contestables sur certains points, sont très intéressantes. Elles font apparaître, en tout cas, que cette faiblesse économique n'est pas le fruit d'une génération spontanée. Elles marquent en même temps que malgré cette faiblesse, cette infériorité, il y a sans doute des moyens que la majorité francophone, que le gouvernement du Québec sont en mesure de prendre pour corriger ces causes majeures de notre faiblesse actuelle.

Je suis également très reconnaissant de toutes les suggestions que vous nous faites. Je pense qu'on aura l'occasion de les discuter, une après l'autre. J'aimerais d'abord commencer par des considérations générales. Vous vous présentez comme un groupe d'hommes d'affaires, mais au premier abord, votre langage étonne, car nos oreilles n'y sont pas habituées. C'est sûrement le premier groupe d'hommes d'affaires qui appuie inconditionnellement la Charte du français au Québec, et même trouve qu'elle ne va pas assez loin. C'est tellement étonnant que cela nous fait penser au canard noir ou au canard blanc qui se trouverait dans une portée de couleur tout à fait différente.

M. Charbonneau (André): Nous souhaitons être le blanc en l'occurrence, M. le Président.

M. Laurin: Evidemment, on pourra dire que votre témoignage est peut-être moins puissant que celui des autres hommes d'affaires, étant donné que les entreprises que vous représentez n'ont pas la taille, la puissance, le capital-actions que l'on est accoutumé de voir dans la majeure partie des associations ou groupes qui se sont présentés à notre commission. On pourrait peut-être, en vertu de cela, mettre en doute vos témoignages, comme témoignant soit d'une connaissance insuffisante ou imparfaite du milieu des affaires ou des affaires ou des contraintes qui sont les siennes, ou encore, taxer votre association d'un esprit revendicateur, émotionnel, partisan qui colore vos opinions, vos conceptions et qui les rend à caution, oubliant sans doute, par le fait même, que d'autres positions de supériorité peuvent également colorer les vues et les conceptions des opinions de ceux qui les énoncent.

Ma première question serait donc justement celle-là. Etant donné le type d'hommes d'affaires que vous représentez, est-ce qu'on peut dire que votre conception, vos opinions sont indûment colorées par le secteur particulier de l'économie dans lequel vous oeuvrez? Jusqu'à quel point peut-on considérer vos vues comme objectives, comme impartiales, comme lucides, raisonnables, en l'occurrence dans les jugements que vous portez, soit sur la nature de notre situation économique, soit sur les faiblesses que vous y constatez, soit sur les remèdes que vous suggérez?

M. Charbonneau (André): Si vous me permettez de répondre maintenant à cette question, je pense qu'il est normal que notre langage étonne, puisque nous partons d'une conception de la société québécoise qui est très différente de celle, par exemple, du Conseil du patronat ou de la Chambre de commerce.

Si on veut nous taxer d'émotivité, il faudrait alors trouver une expression plus puissante pour le mémoire qui a été déposé par la Chambre de commerce, qui vous prédit un cataclysme de $1 milliard de perte de revenus, de 30 000 emplois qui disparaîtront, étude qui repose sur des demandes formulées auprès des sièges sociaux d'entreprises anglophones et qu'on a extrapolées tout en disant bien — Marcel Côté se faisant le porte-parole de ces corps — qu'il s'agit là de chiffres qu'on croit être bons, qui sont des conceptions personnelles.

Nous pensons que, ne prévoyant aucun cataclysme du genre, notre émotivité ne saurait être mise en cause. D'autre part, en ce qui concerne les entreprises que nous représentons, il faut comprendre que la PME implique, tel que le gouvernement l'a définie dans son projet de réglementation qui permettra d'aider ces entreprises, des entreprises qui vont jusqu'à 200 employés, qui ont un chiffre d'affaires ou un avoir-net qui va jusqu'à $7,5 millions. Je cite de mémoire.

Donc, il s'agit là d'entreprises qui jouent un rôle extrêmement important et, comme je l'ai dit tout à l'heure dans mon introduction, extrêmement vivant dans l'économie québécoise: 53% de la main-d'oeuvre, 50% du produit national brut du Québec. C'est beaucoup plus important que ce

que toute entreprise privée pourra venir établir ici comme chiffres devant cette assemblée.

Bien entendu, nous ne pouvons prétendre parler au nom de toutes ces 118 000 PME au Québec, mais nous pouvons prétendre parler au nom de 600 d'entre elles. Les positions que nous avons soumises à cette assemblée ont été acceptées, ont été ratifiées en congrès, il y a de cela trois ans. Ces positions sont demeurées stables depuis. Il ne s'agit pas d'improvisation survenant à quelques mois de la présentation d'un mémoire ici.

D'autre part, puisqu'on parle des autres groupes d'hommes d'affaires, si on regarde le mémoire du Conseil du patronat et le mémoire de certains autres organismes du type qui ont été déposés ici, je suis surpris de voir qu'en principe, très émotivement peut-être, on se prononce en faveur de la loi. Mais, cependant, par la suite, on trouve l'occasion de n'accepter aucun des articles pertinents de la loi, de parler de l'utilisation du mot "Québécois" de manière raciste, ce que nous n'avons vu en aucun endroit de la loi. Peut-être à l'article 112 devrait-on ajouter, quand on parle d'un phénomène normal de revendication, c'est-à-dire que les cadres francophones aient accès davantage aux postes de commande dans les entreprises qui font affaires sur notre sol, peut-être devrait-on dire "Québécois francophones". C'est le seul endroit, à notre connaissance, où, peut-être le mot "Québécois" est utilisé de façon moins heureuse.

Si nous regardons encore le rapport du Conseil du patronat, on souligne à cette assemblée toute une série de données que nous pourrions interpréter continuellement en sens inverse du sens qui est donné ici.

Hier, nous avons eu l'avantage d'entendre le dépôt de Bell Canada, qui prévoit la nécessité, le danger du départ des sièges sociaux, etc. A cela, nous répondons: C'est un leurre. Il est possible. Il est possible, je dis bien, que des emplois soient perdus au moment de l'application de la loi, si cette application se faisait de façon intransigeante. Il est possible. Rien ne le prouve. Il est possible. Cependant, le règlement qui a été publié nous apparaît très sobre.

En aucun endroit, dans la loi on n'aménage des obligations qui sont illogiques; on est même prêt à étendre le délai d'application de l'objectif de 1983, par exemple, pour les institutions anglophones.

Je pense qu'il faut accepter un fait. Les hommes d'affaires vont de plus en plus penser en termes — et c'est à leur profit — du Québec parce qu'il est bien visible que c'est notre patrimoine. Ce trou économique se trouve au niveau de ces PME et c'est par elles que nous reprendrons en main notre économie. 14% seulement — entre 14% et 20% pour être précis — de la valeur ajoutée, seulement dans le secteur manufacturier, sont la contribution d'entreprises à propriété francophone.

Dans le secteur minier, plus de 90% du contrôle des entreprises échappe aux Québécois. Nous avons déjà déposé d'autres mémoires au gouvernement concernant les matières économiques. Par exemple, nous réclamons que le gou- vernement intervienne, de façon précise, et selon les suggestions formulées par le rapport Descô-teaux, par des mesures incitatives, ce qui est commencé et on en félicite le gouvernement, mais aussi par des mesures de développement sectoriel en utilisant les entreprises d'Etat pour développer, créer de l'emploi, créer des retombées économiques pour les PME québécoises.

Nous avons aussi déposé un mémoire suggérant des actions conjointes entre des PME et des entreprises d'Etat et suggérant des actions conjointes entre des entreprises d'Etat et des entreprises étrangères afin de pouvoir participer, obtenir ces connaissances techniques qui sont actuellement — nous l'admettons, tel que le rapport Gray l'indique — propriétés de multinationales étrangères.

On soulevait ici la question des laboratoires de recherche. Je regrette, mais, au Québec, les laboratoires de recherche sont rares. Il s'agit de laboratoires d'application d'inventions obtenues d'ailleurs.

Le rapport Gray cite aussi cette lacune de l'économie canadienne et québécoise. Quant aux laboratoires de recherche, le gouvernement devrait, vraisemblablement, en subventionner davantage les activités sur le sol québécois afin qu'on en arrive finalement à de la recherche fondamentale plus importante sur le sol québécois.

C'est ainsi que nous pouvons, quand c'est nécessaire, employer le langage des affaires, mais, quand il s'agit de traiter d'une chose comme le patrimoine culturel... Et nous avons exposé la nécessité pour un peuple d'être maître de sa culture s'il veut être capable d'une unité suffisante pour revendiquer ses libertés sur le plan économique.

Je pense que tout cela forme un ensemble qui est évident et que notre langage dans la circonstance est très sobre, s'appuie sur des données claires et nous apparaît, si vous me permettez d'employer l'expression, aussi objectif que tout autre langage qui a pu être tenu devant cette assemblée.

M. Laurin: Plusieurs mémoires ont fait valoir les arguments suivants: l'économie québécoise est intégrée à l'économie canadienne et nord-américaine, la langue nationale et internationale des affaires, du commerce, de la science, de la technologie est l'anglais; les grandes entreprises du Québec, qui appartiennent aux clubs des ligues majeures alors que les PME appartiennent aux ligues mineures, sont celles qui détiennent la clé des investissements, qui détiennent les capitaux de risque qui sont nécessaires au dynamisme d'une économie.

Etant donné ces arguments qu'on nous a présentés, faut-il en conclure, comme ces mémoires en concluent, que le gouvernement doit respecter le bilinguisme actuel, favoriser même une bilingui-sation plus marquée que celle qui existe actuellement ou, au contraire, faut-il quand même tenir à l'argument qui forme la base du projet de loi, c'est-à-dire que la francisation, en raison même de ces facteurs, doit non seulement être maintenue, mais progresser et particulièrement dans le do-

maine des affaires à tous les niveaux de l'entreprise.

M. Charbonneau (André): M. le Président, nous allons répondre à la question formulée par le député de Bourget en deux étapes: premièrement, ligue majeure et ligue mineure dans le domaine économique.

Il faut bien comprendre que les entreprises font de l'argent avec l'argent des autres. Ainsi, cas célèbre, l'établissement d'ITT sur la Côte-Nord s'est fait avec l'argent des Québécois et des Canadiens, par le processus des subventions gouvernementales, si bien que ITT-Rayonier n'a eu qu'à investir le fonds de roulement pour commencer les opérations. Ligue majeure, ligue mineure, est-ce en fonction des subventions obtenues par les entreprises? D'autre part, de plus en plus, l'Etat joue un rôle fondamental dans l'économie et je pense que les entreprises d'Etat opérant dans les différents secteurs économiques, REXFOR, SOQUEM, SOQUIP et tant d'autres, jouent un rôle fondamental et permettront de créer des entreprises nationales, des entreprises québécoises, des entreprises qui nous appartiennent, qui pourront concurrencer les entreprises multinationales fortement étrangères. D'autre part, en ce qui concerne le bilinguisme des opérations de ces entreprises, je vais laisser M. Auclair vous répondre.

M. Auclair (André): M. le Président, lorsqu'en 1969 et 1970 la commission Gendron étudiait le problème de la langue et de la bilinguisation qui nous était imposée au Québec, on arrivait à analyser ce facteur de l'obligation de la traduction. On disait, par exemple, que, pour un administrateur dans une entreprise, c'est déjà tellement difficile d'exprimer à la table d'un conseil d'administration, une idée clairement, de synthétiser sa pensée, c'est déjà traduire sa pensée que de la dire, d'être encore obligé de la traduire, cela créait une lenteur, cette lenteur caractérisait nos administrateurs dans les entreprises anglophones, dans les entreprises des autres, où ils siégeaient souvent — permettez l'expression — comme des "valets-services". La commission Gendron a pu prouver, par une étude approfondie, que cette lenteur était due au processus de traduction.

Deuxièmement, la commission Gendron, par les études de Charles Castonguay, disait que, dès que dans une agglomération donnée, dans un groupe donné, il y a 4% d'anglophones, la force d'attraction de l'anglais est tellement grande que ces 4% en gagnent continuellement. Je n'ai pas besoin de préciser davantage. Rappelons-nous chacune de nos expériences en famille, en société, dans des petits groupes, dans des grands groupes. J'accélère. Quand, vers 1962, les Québécois ont décidé de nationaliser l'Hydro-Québec, on nous prédisait des années de grande noirceur; pourtant, l'Hydro-Québec, en 1977, d'après non pas nos propres évaluations, mais des évaluations américaines, d'experts en la matière, établit qu'elle est un modèle du genre. Nous devions mettre l'Hydro-Québec en faillite parce qu'on la nationalisait. Il y a autre chose que charrie la nationalisa- tion de l'Hydro-Québec, c'est le fait que nos gens, nos spécialistes, nos techniciens, qui étaient obligés de traduire jusque là, ont commencé à créer en français et à créer tout un vocabulaire qui est un modèle actuellement et qu'on pourrait utiliser. Ceci prouve hors de tout doute que nous pouvons libérer un génie créateur extraordinaire lorsque nous fonctionnons à partir de ce que nous sommes. Nous prétendons encore une fois que le compagnonnage "être et langage" est une seule et même chose et qu'enfin on doit, dans le monde des affaires, arrêter de nous obliger à traduire et à interpréter la pensée des autres, mais interpréter la nôtre et créer.

Ce processus de création va évidemment jouer énormément au niveau économique.

M. Laurin: Donc, vous pensez que l'avenir peut être différent de ce qu'a été le passé à condition que certaines mesures et certaines attitudes soient établies et encouragées.

M. Charbonneau (André): Nous croyons que c'est absolument essentiel que certaines mesures et certaines législations soient votées justement pour que l'avenir soit différent du passé.

M. Laurin: Quant à vos recommandations particulières, elles sont nombreuses et plusieurs débordent le cadre de la présente loi, même si elles demeurent très intéressantes pour d'autres ministères. Je ne voudrais m'arrêter qu'à l'une d'elles qui m'apparaît la plus importante de toutes, celle qui apparaît au no 10 de votre mémoire écrit où vous suggérez d'inverser la phraséologie de plusieurs articles. Vous dites que les articles dont vous faites mention parlent de droit, mais n'imposent pas d'obligation.

Par exemple, vous dites que dans tous les articles de la charte où le cas se présente, vous voudriez que le gouvernement inverse la phraséologie aux articles 2, 26, 41, 12 et ainsi de suite, de manière à imposer à tous ceux qui font affaires avec le public québécois, l'obligation de traiter en français avec les francophones plutôt que de reconnaître simplement, comme c'est le cas à plusieurs articles, le droit des francophones à être servis en français.

Evidemment, le sens d'une charte est un peu le même que celui des déclarations de droit. Cela impose une obligation morale. C'est une sorte de déclaration constitutionnelle, fondamentale et c'est peut-être la raison pour laquelle le gouvernement a choisi cette façon de présenter les choses. Mais je suis quand même très sensible à l'argument que vous présentez, à savoir que ceci peut nous exposer à certains risques ou à certains dangers. Si je comprends bien, c'est la raison principale pour laquelle vous nous suggérez d'inverser la phraséologie afin d'en faire une obligation.

Ma question serait la suivante: Quels sont les risques que vous voyez à maintenir la phraséologie actuelle du projet de loi et, deuxièmement, à qui voudriez-vous faire une obligation? Voudriez-vous la faire en général pour qu'elle s'applique

aux corps intéressés, pertinents, ou voudriez-vous la faire à des groupes précis ou à des organismes précis dans des secteurs précis?

M. Charbonneau (André): Voici. Tel que nous en avons traité dans notre présentation verbale, nous avons suggéré des amendements à dix articles concernant ce sujet. Nous avons montré qu'il était possible de changer la forme du passif à l'actif sans pourtant en arriver à des articles intempestifs ou à des mesures qui puissent paraître celles d'une conquête ou une d'une attitude revancharde, comme on a souvent traité ce genre de revendications qui ont été faites devant cette assemblée.

Nous croyons que l'ensemble des institutions et des entreprises du Québec doivent s'adresser aux Québécois dans la langue de la majorité et que ce soit normal. D'autre part, pour les articles qui touchent des relations comme celles du patron avec son employé, nous avons prévu des modalités. Par exemple, il est bien évident qu'il serait futile de demander au patron d'une PME constituée de six employés anglophones de traiter en français avec ces personnes.

D'autre part, nous prévoyons, aussitôt qu'il s'agit d'une entreprise de plus de 50 employés, qu'il appartient au patron de faire ses communiqués officiels dans la langue française.

M. Wingender peut vous relire certains articles reformulés, s'adressant particulièrement aux entreprises.

M. Wingender: Ainsi, à l'article 37, au chapitre sur la langue du travail, le Conseil des hommes d'affaires québécois manifeste son approbation à cet article, tel que formulé, car il nous apparaît extrêmement important de laisser à l'employeur le fardeau de prouver que la connaissance de l'autre langue est nécessaire. Car, à notre avis, cela a été le motif utilisé pour permettre très souvent aux patrons de s'adresser en anglais à ses employés.

Toujours dans le même chapitre, à l'article 39, nous pensons que cet article devrait se lire comme suit: Les associations de plus de 50 salariés doivent s'adresser à leurs membres dans la langue officielle.

Pour passer au chapitre sur la langue du commerce et des affaires, nous comprenons mal le troisième paragraphe de l'article 50 et c'est la raison pour laquelle nous demandons qu'il soit carrément radié. Nous comprenons mal le sens de cet article. M. le Président, si quelqu'un de la commission pouvait nous éclairer sur la signification de ce troisième paragraphe, nous serions prêt à l'entendre et peut-être à donner notre opinion ensuite.

Pour continuer dans le chapitre de la langue du commerce et des affaires, il y a évidemment l'article 41 que je citais au début et qui devrait adopter cette phraséologie active. Il y a l'article 44 qui devrait, à notre avis, se lire comme suit, toujours pour des motifs de forme: "Les contrats d'adhésion, les contrats aux figures des clauses types imprimées, les formulaires de demande d'emploi, ainsi que les documents s'y rattachant doivent être rédigés en français".

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse. Il est possible que quelqu'un enregistre dans cette salle présentement. Je l'ai fait avertir privément. Je l'avertis publiquement, que son appareil doit être retiré de cette salle immédiatement. Veuillez continuer, s'il vous plaît.

M. Wingender: Je continue. Je reprends l'article. "Les contrats d'adhésion, les contrats aux figures des clauses types imprimées, les formulaires de demande d'emploi ainsi que les documents s'y rattachant doivent être rédigés en français. Toutefois, pour les formulaires de demande d'emploi, du consentement des parties, ils pourront être rédigés dans une autre langue".

Dans le cas de l'article 45, nous suggérons qu'il se lise de la façon suivante: "Doivent être rédigés en français, les bons de commande, factures, reçus et quittances présentés à toute personne. Il en est de même pour les menus et cartes des vins. Toutefois une traduction en une autre langue pourra être ajoutée conditionnellement à ce que ce texte n'y figure pas plus avantageusement que le texte français".

M. Charbonneau (André): Je pense qu'il ne s'agit pas là d'articles que nous suggérons d'intégrer tels quels dans la loi. Nous ne faisons qu'exposer une façon de voir afin de rendre cette loi ou ces obligations plus actives, du côté de ceux qui ont posé des contraintes dans le passé, plutôt que de garder nos Québécois dans cette attitude mentale continuelle de revendication.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Merci M. le Président. Je veux remercier le Conseil des hommes d'affaires québécois de son mémoire qui est très clair. Je pense qu'on ne peut pas le taxer d'ambiguïté, même si on peut ne pas partager la même conception de la question linguistique au Québec.

Je voudrais aussi faire simplement une remarque à propos de ce que vous avez dit à l'égard d'un autre mémoire. Je ne me souviens pas si c'était le Conseil du patronat ou un autre groupe, en ce sens que des gens viennent ici et disent: On est d'accord avec le projet de loi no 1, mais on veut changer tels et tels articles. Permettez-moi de souligner que c'est exactement ce que vous avez fait. Vous êtes d'accord avec le projet de loi no 1, mais...

M. Charbonneau (André): Si vous me permettez...

M. Lalonde: ...vous suggérez des changements.

M. Charbonneau (André):... de vous répondre là-dessus, nous n'avons pas suggéré de changer

des articles qui changent la loi dans son sens; nous n'avons demandé que des aménagements qui, d'après nous, conviennent davantage au type de volonté québécoise que l'on veut exprimer par le bill 1.

M. Lalonde: Ne prenez pas ma remarque comme un reproche, au contraire, c'était simplement pour vous indiquer...

M. Charbonneau (André): Non, je vous réponds sur un ton très serein.

M. Lalonde: ... dans quelle mesure c'est difficile de discuter publiquement ou même privément d'un tel projet de loi, parce que c'est une question de mesure, une question de choix de moyens et si tous sont d'accord sur... L'accord de chacun n'est pas exprimé d'ailleurs de la même façon. Un dira: Nous sommes d'accord pour que le français soit la langue principale au Québec. Un autre dira: Nous sommes d'accord pour que la prééminence du français soit clairement établie, etc., mais les objectifs, je pense, qui sont poursuivis par la loi et qui sont d'ailleurs, d'une autre façon — qui n'a pas non plus acquis l'accord de tous les Québécois — poursuivis par la loi actuelle, la loi qui fait du français la langue officielle au Québec, la Loi sur la langue officielle adoptée en 1974 et actuellement en vigueur, c'est donc une question de mesure.

Je voudrais... dans votre mémoire, pour être bien sûr de vous comprendre, vous demander si vous avez changé d'idée, lorsque vous dites qu'en 1974, vous souhaitiez, dans les plus brefs délais, une vigoureuse législation décrétant le français seule langue officielle du peuple québécois, seule langue d'enseignement et seule langue de travail. Cela ne me semble pas ce que le projet de loi no 1 fait, à moins que vous ayez changé d'idée ou que je vous aie mal compris. Est-ce que vous pourriez vous expliquer là-dessus?

M. Charbonneau (André): Je pense que je vais d'abord répondre à la première partie de votre question concernant les organismes qui sont venus devant cette commission et particulièrement le Conseil du patronat. Ce que nous en disions, c'est qu'il est très joli, en principe, d'être pour le bien général, mais quand il s'agit d'arriver à la pratique — les articles de loi sont ces aménagements de la pratique quotidienne de l'application d'un principe — on retient donc à ce moment-là le "respire" de la loi et je vous donne un exemple. "Parler du fait — c'est à la page 4 — que les francophones seront désavantagés parce qu'ils seront moins bilingues que les anglophones éventuellement", j'appelle cela un puissant charriage, parce que nos Québécois, pour l'instant, ont prouvé qu'ils étaient très conscients des nécessités du bilinguisme en ce qui a trait à certaines catégories d'emplois et à certaines fonctions à occuper et, nos Québécois — les statistiques le prouvent — ont été les premiers à faire les pas dans ce sens.

Il est entendu que nous vivons dans un contexte nord-américain et que cette chose doit être présente à l'esprit de tous et chacun.

D'autre part, en ce qui concerne le mémoire et la différence par rapport au mémoire de 1974, je vous fais remarquer ceci: en 1974, nous demandions, si ma mémoire est bonne, la modification de 28 des 55 premiers articles de la loi. Nous considérions que cette loi était extrêmement ambiguë, qu'elle ne permettait pas d'établir véritablement le français comme langue officielle du Québec et créait un statut à une autre langue, en l'occurence l'anglais. Je crois que la présente loi est très claire à cet effet, et qu'elle établit vraiment que le français est la langue que l'on parle au Québec.

M. Lalonde: Vous pensez que la loi no 1 peut permettre à la société québécoise d'atteindre l'état que vous souhaitez, tel que je l'ai décrit tantôt?

M. Charbonneau (André): Tel que nous l'avons expliqué, il s'agit là d'une étape. Nous avons expliqué...

M. Lalonde: Vous pensez qu'il faudrait aller encore plus loin, un peu plus tard?

M. Charbonneau (André): Encore plus loin, vous savez. Chaque année, dans notre vie, nous allons encore plus loin. Nous vieillissons d'une année.

M. Lalonde: Revenons à maintenant...

M. Charbonneau (André): Non, je termine, si vous me permettez.

M. Lalonde: Ah bon! D'accord, allez!

M. Charbonneau (André): Encore plus loin pour un peuple, c'est peut-être, à un moment donné, de prendre en main, tout en étant prêt à s'aménager des solutions avec d'autres, mais prêt à prendre en main ses destinées. En matière économique, par exemple, même si on demandait au gouvernement actuel d'établir un plan de développement, est-ce que vous croyez que l'absence des outils d'administration monétaire et fiscale, de planification monétaire et fiscale, peut permettre à un gouvernement d'opérer réellement adéquatement, en tenant compte des empiétements qui surviennent dans ce domaine? C'est pour cela que nous croyons que la loi 1 est un pas qui devra être suivi de beaucoup d'autres pas?

M. Lalonde: Excusez-moi de vous interrompre, ce n'est pas parce que ce n'est pas intéressant, ce que vous dites, c'est qu'on est limité à 20 minutes seulement pour l'Opposition officielle, et j'ai d'autres questions à vous poser. D'ailleurs, le président ou la présidence, enfin, avait décrété lors d'une réunion antérieure, qu'il était illégal de parler de séparation et d'indépendance ici, à cette commission.

M. Charbonneau (André): A ma connaissance, je n'ai pas utilisé ce mot. C'est vous qui l'avez fait.

M. Lalonde: Non. Dans votre mémoire, vous le faites. Je n'ai pas soulevé le point de règlement, parce que, vous savez, un écart...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! Je n'ai pas dit que c'était illégal. J'ai simplement indiqué que l'article 140, dernière ligne, ne permettait pas de parler d'autres sujets. Nous n'étions pas ici sur la question du référendum...

M. Lalonde: A ce moment, le témoin parlait du séparatisme.

M. Charbonneau (André): M. le Président, nous étions en train de parler...

Le Président (M. Cardinal): D'accord. C'est pourquoi je n'ai pas interrompu le témoin. Cependant, je me permettrai une remarque. Comme nous sommes limités dans le temps et qu'on sait qu'il y a beaucoup d'invités et que je dois, évidemment, calculer ce temps, je demanderais au témoin de raccourcir un peu ses interventions, sans quoi, ce sont les députés qui devront cesser de vous interroger après que la période prévue sera terminée.

M. Charbonneau (André): Si vous me permettez une remarque, je pensais que monsieur désirait que nous répondions à ses questions, mais je vais essayer de le faire le plus pleinement possible.

Le Président (M. Cardinal): Ecoutez, je ne porte pas un jugement de valeur sur les réponses. Je dis simplement qu'il faut quand même tenir l'audition dans un temps très limité à cause d'une motion qui nous lie tous. Le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je me réfère à la page 4 de votre mémoire. Je vous cite: "Car une nation, pas plus qu'un individu, ne saurait être continuellement fragmentée, il s'agit de l'unicité de l'être." Est-ce que cette proposition admet le pluralisme dans une société, le pluralisme au niveau culturel et linguistique?

M. Auclair (André): Monsieur, une société peut être pluraliste quant à sa perception de la société, mais quant à son fonctionnement, une société ne peut pas être continuellement fragmentée comme nous le sommes. Actuellement, les causes deviennent des effets et les effets deviennent des causes.

M. Lalonde: C'est bien ce que vous voulez dire, que dans son fonctionnement, une société ne peut pas être pluraliste.

M. Auclair: Non.

M. Lalonde: Bon. A ce moment, est-ce que vous reconnaîtriez dans votre conception de la société des droits à ceux qui ne font pas partie de la majorité?

M. Auclair: Bien sûr.

M. Lalonde: Alors, vous admettez le pluralisme? Vous admettez la minorité?

M. Auclair: Nous acceptons cette pluralité de pensée, c'est-à-dire que, dans le monde aujourd'hui, on ne peut pas, pas plus qu'avant, vivre en vase clos.

Mais à la fin, et c'est ce qui transcende tout notre rapport, nous ne disons pas "imposer par la loi de la majorité". La majorité, nous l'avons toujours été au Québec. Autrefois, en 1841, comme on le dit en page 9, 8% de la population voulaient nous imposer la langue anglaise au Québec. A la fin de notre rapport, nous disons: C'est le fait de notre maturité. Or, un être qui a de la maturité doit d'abord s'accepter lui-même et communiquer avec lui-même et être lui-même. Si c'est vrai pour un individu, c'est vrai pour une société. Plus la société et l'être sont communicatifs, sont eux-mêmes, plus ils sont eux-mêmes avec les autres et collaborateurs avec les autres.

M. Lalonde: Est-ce que vous admettez la proposition de la commission des droits et libertés de la personne voulant que les droits des minorités et des individus qui les composent devraient être définis dans le projet de loi no 1?

M. Charbonneau (André): Là-dessus, nous rejoignons la FTQ. Nous avons eu la surprise de voir cette chose pendant sa déposition, hier. Nous croyons qu'à l'intérieur de la Charte des droits de la personne, devraient être prévus les aménagements nécessaires pour que l'application de la loi 1 ne soit pas considérée comme une mesure de ségrégation pour quelque groupe de personnes que ce soit dans la société. D'autre part, nous tenons cependant à insister sur un point. Vous savez, il est normal qu'on accorde des droits à des individus dans une société. Mais il est aussi normal et autrement plus important qu'on accorde des droits à une collectivité. Je pense que la collectivité québécoise, qui forme une nation, a le droit d'imposer, d'établir plutôt ses règles du jeu sur le sol québécois. C'est un devoir vis-à-vis d'elle-même.

M. Lalonde: Merci. Je m'excuse. J'ai peut-être dit tantôt que la "commission des droits" suggérait de définir les droits des minorités dans la Charte de la langue. Ce n'est pas exact. Il s'agit de la charte des droits, oui. C'est ce que je voulais dire et je voulais vous corriger.

Vous avez fait une remarque...

M. Paquette: Pourquoi ne l'avez-vous pas fait à ce moment-là?

M. Lalonde: C'est au gouvernement actuel de prendre ses responsabilités.

Vous avez fait des remarques sur la façon dont certains articles de la loi créent des droits, et vous avez suggéré de renverser l'ordre de la rédaction, de façon à créer des devoirs. Permettez-moi de vous dire que cela avait été plus... Enfin, vos remarques se rapprochent de la conception qui a présidé à la rédaction de la loi 22, qui utilise le mot "doit", beaucoup plus souvent... En fait, je pense que ce n'est presque jamais utilisé dans le projet de loi no 1.

M. Charbonneau (André): ...avec vous. Ah bon! Pardon!

M. Lalonde: Oui... Je pense que votre position est valide, surtout du point de vue juridique. On sait — cela a été publié dans les journaux — que le directeur du contentieux de la Régie de la langue française a même exprimé des doutes quant à l'efficacité d'une loi qui serait rédigée de la façon actuelle, parce que, en plus de créer un droit, il faudrait créer une obligation correspondante et identifier la personne qui va quand même devoir exécuter l'obligation. Dans ce sens, c'est peut-être une des raisons pour lesquelles un grand nombre de personnes n'ont pas compris complètement certains articles du projet de loi no 1, parce qu'il y a une certaine ambiguïté dans la création de l'obligation et, à ce point de vue, je préférerais votre approche dans cette rédaction: Qui doit faire quoi?

M. Charbonneau (André): Maintenant, concernant votre position sur l'ancienne loi 22, peut-être est-ce que le système de rédaction des premiers articles était, en effet, d'une formule plus active et, cependant, — cela avait été notre position — c'étaient les articles subséquents qui gâchaient l'effort des premiers articles, à notre sens.

M. Lalonde: Je ne m'adresse pas au fond des articles. Je parle seulement de la façon...

M. Charbonneau (André): Ah bon! Pardon!

M. Lalonde: ...de rédiger et de régler, comme rédacteur de loi.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): D'accord!

M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Avant de commencer, je voudrais vous demander de répondre très brièvement à ma première question. Plusieurs groupes qui sont venus ici nous ont donné les noms de leurs filiales, de ce qui était rattaché un peu à leurs centres d'affaires. Pourriez-vous me nommer sept ou huit des petites et moyennes entreprises que vous représentez, simplement quelques principales?

M. Charbonneau (André): Je pourrais, en effet, mentionner des noms d'entreprise, mais je ne crois pas, puisque nous avons choisi de ne pas le faire, qu'il soit nécessaire de le faire devant cette commission. C'est public. Il y a eu des déclarations fréquentes à cet effet et ce serait pour moi de l'improvisation et privilégier certains membres plutôt que d'autres que de donner des noms d'entreprise, d'une part.

D'autre part, je tiens à préciser — et j'essaie de répondre le plus rapidement possible à votre question — que ce ne sont pas des entreprises qui sont membres du Conseil des hommes d'affaires québécois, mais des individus, des individus qui se définissent comme suit: Tout travailleur autonome, tout cadre d'entreprise ou tout professionnel oeuvrant dans le domaine des affaires. Ces gens, évidemment, font partie d'entreprises.

M. Le Moignan: Oui. Je n'avais pas l'intention de vous comparer à Bell Canada et juger de la valeur de votre mémoire d'après les milliards exposés hier soir. Ce n'était pas mon intention.

A la fin de votre mémoire, vous dites: Plus les Québécois seront eux-mêmes, plus ils seront ouverts les uns aux autres et plus, également, ils seront ouverts à tous les autres et à toutes les autres nations. Je trouve cette conclusion admirable. Vous dites au début qu'il est impossible pour un peuple de parler deux langues. Ce n'est pas mon intention de prétendre que tous les Canadiens français ici vont parler l'anglais, mais quand on regarde la Suisse, on sait qu'il y a quatre langues — c'est un petit pays — et trois langues officielles... Du côté des compagnies, il y a eu un certain effort — je ne suis pas le défenseur des compagnies — mais on nous a donné des exemples. J'en connais dans ma région, la Gaspésie. Nous avions des multinationales où, jadis, tout se faisait en anglais et, samedi, nous avons tenu une réunion où tout s'est fait en français. Il y a aussi des Canadiens français qui occupent là-bas les principaux postes.

Comme M. le ministre apportait certaines réserves, je vois que vous allez beaucoup plus loin que le projet de loi no 1 et comme l'a dit le député de Marguerite-Bourgeoys, je ne suis pas ici pour vous faire des reproches, ce sont simplement des constatations. Peut-être que tout à l'heure, vous pourrez me dire si vous n'êtes pas d'accord...

Je vois que vous êtes un peu ultranationaliste. C'est votre privilège. Vous mettez fortement en lumière ce que je penserais être un certain nationalisme exacerbé et qui semble vous animer. Votre mémoire est marqué au coin d'une certaine intolérance. Je vois, par exemple, à la page 15, un certain moment de lucidité — comprenez bien le sens de mon mot — quand vous dites que le nationalisme n'est qu'un outil, non pas une fin en soi. Là-dessus, nous sommes totalement d'accord.

En ce qui concerne l'ensemble de votre mémoire, je suis d'accord, de même que l'Union Nationale sur plusieurs points de votre mémoire, quoique pour certains, je trouve que vous allez peut-être un peu vite. Lorsqu'on regarde l'intervention que notre chef a faite lorsqu'il a parlé de cette société à redéfinir, il nous avait bien dit à ce moment: Nous ne la voulons pas fermée et méfiante, toute à la dévotion d'une ethnie vouée à

un culte passionné, mais bien ouverte, hospitalière et progressiste où il fera bon vivre, où, sans exclusion, tous les Québécois sentiront que c'est là qu'il faut vivre et qu'ensemble, fièrement, ils y vivront.

M. Lalonde: C'est le chef ou le confrère qui a écrit cela?

M. Charbonneau (André): Vous avez touché plusieurs points et j'aurais horreur de ne pas répondre à vos questions, ce qui serait fort impoli de ma part.

Alors, je vais commencer tout de suite. Vous parlez du bilinguisme des institutions et du bilinguisme des individus. Je crois qu'il faut absolument établir la différence entre l'un et l'autre. Nous avons dit que le bilinguisme des individus était nécessaire et souhaitable dans certains cas. Nous avons dit que d'être plus soi-même permettait une meilleure communication avec les autres.

Quand vous citez l'exemple de la Suisse, je pense que vous interprétez un peu, parce qu'à ma connaissance, sauf dans deux cantons suisses, on n'assiste pas à un bilinguisme des institutions. On connaît notre propre expérience ici, canadienne, le bilinguisme des institutions, merci beaucoup. D'autre part, quand vous nous assimilez, dans votre esprit, à des ultra-nationalistes, je pense que le ton du mémoire est très serein et que l'interprétation qui en est faite n'est pas juste. Mais vous savez, dans une société comme la nôtre, il y a beaucoup de mythes qui doivent être dénoncés. Par exemple, quand on parle de colonisation, il faut bien comprendre que très souvent les plus ardents défenseurs des droits des autres sont des individus de notre propre groupe ethnique qui en sont arrivés, à un certain moment, à concevoir les autres d'une façon tellement appréciable qu'ils désirent leur ressembler. Lors d'une rencontre récente, votre chef et le chef de l'Opposition, devant Rallye-Canada, s'adressant à ces gens, ont dit: Après avoir invité les gens à ne pas paniquer en cette période troublée, M. Biron a supplié son auditoire et le PLQ et le reste du Canada de ne pas laisser aux Québécois le seul choix entre le statu quo constitutionnel et l'indépendance lors du référendum. Je pense que d'appeler les autres à notre sauvegarde, c'est un exemple involontaire, de bonne foi, de ce genre de complexe de colonisation que nous vivons tous à un degré ou à un autre.

M. Le Moignan: Mais, tout de même, notre chef a bien invoqué, a bien précisé qu'il est pour une refonte de la constitution canadienne où le Québec pourrait récupérer tous les droits qu'il a perdus.

Si je continue, en regardant votre mémoire, vous parlez des Anglais, de la conquête des armes, mais il reste tout de même que nous les francophones, nous avons conquis les Américains également alors qu'ils étaient propriétaires de leur sol, mais on ne discute pas ces points-là.

M. Charbonneau (André): On pourrait retourner à l'histoire grecque!

M. Le Moignan: J'aurais une petite question. Vous parlez en page 16 de la minorité à l'intérieur des frontières du Québec et vous dites qu'elle possède les moyens financiers, intellectuels, juridiques, de faire respecter ce que sont ses vrais droits. Brièvement, d'après vous, comment pourriez-vous nous situer les vrais droits des anglophones du Québec?

M. Charbonneau (André): Nous avons parlé, je pense, des droits des francophones. M. Auclair va vous répondre sur cette question.

M. Auclair: Pour commencer, j'aimerais vous dire que si vous percevez notre mémoire comme un mémoire de nationalistes exacerbés, nous avons beaucoup de regrets. C'est donc que nous en sommes à ce point obligés de nous défendre dans notre pays, que, par les propres nôtres, on est accusés d'être extravagants. M. le député, je vous ferai remarquer que le nationalisme a toujours servi toutes les nations et tous les pays comme un moyen. Les Américains l'utilisent, les Canadians l'utilisent, mais lorsque nous, pour protéger, comme on le dit à la page 14, nos intérêts économiques, nous voulons l'utiliser, là nous devenons exacerbés, nous devenons outranciers. J'aimerais encore rappeler LaFontaine. LaFon-taine disait, en parlant du rat des villes et du rat des champs: Si le seul endroit où nous sommes chez nous, chez nous... Nous sommes chez nous au Québec, mais le seul endroit où nous sommes "chez nous chez nous", c'est à la campagne. Il n'y a pas de problème encore de francisation au Québec, à la campagne. C'est le rat des champs. Mais lorsqu'il arrive en ville, il se heurte à des problèmes passablement graves. Reconnaître le fait que nous sommes majoritairement Québécois de langue française, majoritairement, ce n'est pas un signe de nationalisme exacerbé, c'est un signe de maturité. Encore une fois, nous avons toujours été majoritaires. A un autre endroit aussi, nous disons que le Canada lui-même, lors du traité de Helsinki, ne reconnaît plus une victoire par les armes. Donc, nous ne reconnaissons aux Anglais aucun droit du fait de la conquête. Les seuls droits que nous leur reconnaissons, ce sont des droits de propriété sur les écoles et les institutions qu'ils ont payés.

Il y a moyen de s'accommoder avec ça et ça, la loi le départit très bien. La loi, qui est le propre du législateur, qui doit débroussailler les aspirations des gens, fait la part des choses. Mais nous ne reconnaissons pas, pas plus le Canada ne le reconnaît, une victoire obtenue par les armes. C'est à partir de là que nous avons basé notre mémoire sur l'histoire, et l'histoire du conditionnement de notre peuple. Enfin, on ne devrait plus parler d'être des gens exacerbés.

M. Le Moignan: Non, je vous avais prévenu au début...

Le Président (M. Dussault): M. le député de Gaspé, je dois vous dire, malheureusement, que le temps de l'Union Nationale est écoulé. Nous devons maintenant passer au député de Mont-Royal, pendant sept minutes.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. le Président, le député de Gaspé s'est un peu référé à une question d'intolérance possible dans le mémoire. Une autre façon d'y référer serait que c'est une différente perception de l'esprit humanitaire et d'un esprit de tolérance qu'on pourrait tirer de ce mémoire. Vous parlez de la conquête et, après 200 ans, quelqu'un qui écoute ça se demande pourquoi on se réfère toujours à cela. Je crois bien que les minorités... Ce n'est pas parce qu'il y a eu une conquête en 1763, je pense bien que ce serait un peu odieux de prétendre avoir des droits à cause de cela. Mais il y a la question de la tolérance et le fait que ces gens sont ici, ils existent, et il y a des usages et coutumes; peut-être que mon esprit d'humanité et de tolérance est différent du vôtre.

Au début, vous avez donné des explications et le ministre s'est référé aux faiblesses économiques du Québec. Naturellement, il semble y avoir deux perceptions différentes. Il y a votre perception et je dirais la perception de certains qui cherchent des excuses, qui approchent ça dans un esprit un peu défaitiste. Il y a ceux qui, comme dans les différents mémoires que nous avons eus des autres hommes d'affaire, approchent ça dans un esprit de confiance. Un mémoire nous a été présenté au début de nos séances qui disait, et je voudrais demander vos commentaires: "La loi ne détruit pas les complexes." Est-ce que vous pourriez commenter? C'était un mémoire par un Canadien français...

M. Charbonneau (André): Probablement qu'il en avait beaucoup.

M. Ciaccia: ... qui se décrivait comme un citoyen québécois du monde.

M. Charbonneau (André): C'est probablement parce qu'il en avait beaucoup. Je n'ai pas eu la fortune de le rencontrer. Vous faites allusion à notre mémoire concernant la conquête. Vous savez, je comprends que, pour vous, ce soit un phénomène un peu embêtant.

Pour nous, ce n'est pas une manière d'exacerber notre cristallisation comme peuple, mais c'est une façon aussi de bien se rappeler ce qui s'est produit parce que très souvent, on pourrait se poser la question: Pourquoi sommes-nous dans une position économique inférieure par rapport aux autres groupes à travers la fédération canadienne et même au Québec? On peut en déduire que c'est parce que nous sommes un groupe de cabochons et nous sommes contre cette interprétation. Nous n'avons pas eu...

M. Ciaccia: Ce n'est pas cette interprétation. Excusez, quand j'ai dit un "défaitisme", je ne vou- lais pas faire allusion à cela du tout. Je ne veux pas que ce soit mal interprété.

M. Charbonneau (André): Si vous me permettez de terminer sur ce point. Nous croyons que les Québécois, sachant ce qui s'est passé en arrière, doivent regarder en avant et prendre en main l'ensemble des outils nécessaires pour se tailler une place dans ce bassin de 250 millions d'anglophones en Amérique. Cette place, le peuple québécois, tant sur ses activités économiques que dans d'autres domaines comme celui de la production culturelle, a prouvé qu'il valait la peine de le faire.

Croyez-moi bien. Nous ne cherchons pas d'excuses à ce que nous soyons dans une position d'infériorité économique. Nous la constatons pour demander au gouvernement de contribuer à changer les règles du jeu dans ce domaine, pour que le peuple québécois ait, lui aussi, peu à peu accès aux leviers économiques qui sont nécessaires pour participer à sa vie économique, comme aux autres domaines de ses activités humaines.

M. Ciaccia: Mais ne trouvez-vous pas que ceux qui viennent apporter des changements ou des propositions de changements au projet de loi, et qui ont fait un succès considérable dans le domaine économique, des francophones, et qui disent: Si on vetu le succès économique, il faut faire tel et tel changement... vous ne portez aucune attention à ce groupe de témoins?

M. Charbonneau (André): C'est leur position. Nous sommes capables de l'interpréter. Cela pourrait ne pas être flatteur. Il est bien entendu...

M. Ciaccia: C'est eux qui ont démontré des succès considérables.

Une Voix: Des mauvais Québécois, probablement.

M. Charbonneau (André): II est bien entendu que des entreprises qui, avec des fonds canadiens ou des fonds d'ailleurs...

Le Président (M. Dussault): A l'ordre s'il vous plaît. Continuez.

M. Charbonneau (André): ...se sont bien établis économiquement... il ne faut pas se leurrer, vous savez. Une entreprise, c'est, dans une certaine mesure, un facteur très important de croissance économique, de création d'emplois, mais c'est aussi, de par un droit qu'accorde l'Etat, et qui s'appelle une charte, un droit de faire de l'argent, d'une manière un peu privilégiée. Il est évident que ces entreprises qui jouissent de position financière plus particulièrement intéressante sont portées à demander le statu quo.

Quand nous parlons au nom de la petite et de la moyenne entreprise, il est bien normal que nous le fassions dans une position revendicatrice.

M. Ciaccia: Je ne veux pas vous interrompre,

mais vous dites qu'elles demandent le statu quo. C'est absolument faux. Elles ne demandent pas le statu quo. M. le Président, je veux bien donner l'occasion de répondre aux questions, mais j'aurais deux autres questions et je ne voudrais pas perdre mon droit aux questions, parce que les réponses sont un peu longues. Est-ce que je pourrais demander une directive de la présidence?

Le Président (M. Dussault): Je demanderais aux témoins d'être plus courts, si possible. Il vous reste quand même seulement trente secondes, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: J'avais deux autres questions. S'il vous plaît, je voudrais poser mes deux questions, M. le Président.

Le Président (M. Dussault): Je ne peux pas vous le permettre pour le moment. Allez-y, peut-être. Commencez par la première.

M. Ciaccia: Les deux questions que je voulais poser sont celles-ci: Premièrement, vous avez dit qu'en 1974 vous avez demandé que les écoles anglophones soient abolies dans cinq ans, etc., et les écoles privées dans quinze ans. Maintenant, vous vous ralliez à la position du bill 1. Est-ce parce que l'objectif du bill 1 vraiment va avoir le même effet que votre position en 1974 et, deuxièmement, vous parlez de la souveraineté dans votre mémoire. Ce que je crains — peut-être que cela va venir comme surprise aux députés ministériels — ce n'est non l'idée du séparatisme, mais l'esprit d'intolérance que ceux qui prônent le séparatisme semblent avoir. Je demanderais vos commentaires. Est-ce nécessaire d'être si intolérant envers les autres pour arriver au séparatisme et qu'offririez-vous pour les minorités dans votre perception de la société québécoise?

Le Président (M. Dussault): Très brièvement, s'il vous plaît.

M. Charbonneau (André): Très brièvement, en ce qui concerne 1974, il s'est passé trois ans depuis et il était normal que nos positions puissent évoluer en fonction d'une rédaction qui est très différente de celle de 1974.

En 1974, la loi ne comportait pas des articles aussi clairs que les articles 51 et 52 maintenant et elle prévoyait que c'était par le biais d'examens qui ont d'ailleurs été très contestés qu'on déterminerait qui aurait accès à quoi, etc.

Pour être très bref, notre position a évolué, parce que le projet de loi 1 est venu éclaircir cette chose-là.

D'autre part, quand vous parlez d'intolérance en ce qui nous concerne, je pense bien que les faits révèlent qu'au Québec ce ne sont pas les Québécois qui ont été intolérants, les Québécois francophones.

M. Ciaccia: Question de règlement, ce ne sont pas les Québécois que j'ai accusés d'être intolérants, j'ai demandé...

Le Président (M. Dussault): M. le député de Mont-Royal, il n'y a pas de question de règlement sur cette question.

M. Ciaccia: Non, il m'a imputé des motifs, M. le Président.

M. Lalonde: M. le Président, laissez-le terminer sa question.

Le Président (M. Dussault): II n'y a pas de question de privilège non plus.

M. Ciaccia: Ce n'est pas un privilège, il m'a imputé des paroles que je n'ai pas dites. Je n'ai pas accusé les Québécois d'être intolérants. Je me suis référé à son mémoire et à ses paroles à lui.

Le Président (M. Dussault): Ce n'est pas l'interprétation que j'ai faite des paroles de M. le témoin et je vous demanderais, s'il vous plaît, de conclure, le plus vite possible.

M. Charbonneau (André): J'ai conclu.

Le Président (M. Dussault): Je vous remercie. Il reste maintenant sept minutes au parti ministériel.

M. Alfred: M. le Président, je vous remercie, chers hommes d'affaires québécois, qui avez décidé de prendre en main nos affaires québécoises. Il était temps que nous, comme Québécois, nous décidions de prendre en main non seulement notre culture, mais aussi notre économique, parce que prendre tout en main, c'est prendre tout dans sa globalité.

Vous avez employé un concept ici qui me plaît énormément. C'est le concept de maturité. Les vingt recommandations que vous nous faites témoignent de cette maturité. Je vous remercie pour votre mémoire écrit dans un français impeccable, ce français qui fait honneur au peuple québécois, ce français standard qui fait de nous non pas un petit peuple de "pilgrims" mais un peuple qui fait partie de la haute francophonie mondiale.

J'ai bien apprécié aussi les pages de 6 à 13 qui ont démontré le pourquoi de notre infériorité économique.

Les deux concepts que vous avez décrits, les concepts de conditionnement, l'histoire de ce conditionnement, et aussi les conséquences de cela, j'invite l'Opposition officielle à les lire et à les méditer.

Cependant, j'ai quatre questions à vous poser, chers hommes d'affaires québécois. La première, considérez-vous que la loi no 1 aura un effet quelconque dans le secteur économique?

M. Charbonneau (André): Comme nous l'avons déjà exposé...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Un instant!

M. Alfred: Je vous respecte, M. le député...

Le Président (M. Cardinal): II reste six minutes. J'aurai quelques remarques à faire avant l'ajournement de ce midi. Je prie donc tous les membres de la commission de s'en tenir au sujet et d'éviter les débats. Vous pouvez répondre.

M. Charbonneau (André): Pour répondre à votre question, je pense que, dans notre exposé verbal, nous avons bien établi que tout ce qui a trait à l'attaque du modèle de la domination est un apport sur le plan de la vie des individus du peuple québécois. En ce sens, c'est un apport dans le domaine culturel, dans le domaine social, dans le domaine économique en même temps, parce que, plus il y aura de Québécois débarrassés de l'idée que nous sommes nés pour un petit pain, plus il y aura d'entrepreneurs québécois, plus le génie inventif de nos Québécois, qui est extrêmement créateur, sera exploité par des Québécois, plutôt que vendu sous forme de brevet à des entreprises étrangères.

M. Alfred: Par exemple, il y a d'autres mythes qui circulent. Je vous pose une autre question: Considérez-vous que la loi no 1 pourrait avoir des effets néfastes quant à la participation des Québécois d'expression française aux postes de cadres dans les entreprises?

M. Charbonneau (André): Je pense que la loi a pour effet de désirer — l'article 112 particulièrement — l'effet inverse. D'ailleurs, je cite une coupure du journal La Presse du 15 juin: "Les diplômés des HEC en grande demande depuis l'introduction du projet de loi sur le français à l'Assemblée nationale du Québec. Les compagnies se précipitent sur les diplômés de l'Ecole des hautes études commerciales de Montréal". J'ai gradué moi-même aux HEC, et ce n'était pas le cas il y a quatre ou cinq ans.

Les entreprises, vous savez, réagissent très souvent beaucoup plus rapidement que des individus dans d'autres sphères. Les entreprises, quand elles comprennent ce qui est demandé d'elles, réagissent très rapidement. Je pense qu'il y aura beaucoup de postes ouverts à des francophones au niveau des entreprises anglophones faisant affaires au Québec.

M. Alfred: Je vous assure que les Américains en Haïti parlent créole. Troisième question...

Une Voix: ... l'ajournement...

M. Alfred: Et, il y aura encore beaucoup de chantage.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Alfred: II y a beaucoup de chantage, bien sûr, concernant l'exode de sièges sociaux, parce qu'on dit: A ce niveau-là, il faut parler anglais.

Une Voix: Les Américains.

M. Alfred: Considérez-vous que l'adoption de la loi no 1 pourra avoir un impact négatif en matière de sièges sociaux établis au Québec? Est-ce que vous êtes capable de détruire ce mythe véhiculé par les défenseurs, bien sûr, du statu quo?

M. Charbonneau (André): Sincèrement, nous aimerions qu'on nous établisse ici ce qu'il y a comme sièges sociaux, quelle est l'importance des sièges sociaux et qu'on définisse devant cette assemblée ce que l'on veut introduire par l'idée d'un déménagement des sièges sociaux en d'autres parties du Canada. Nous croyons qu'il est possible que des entreprises s'inquiètent, dans des circonstances injustifiées. Vous savez comment, pour un motif ou un autre, les actions boursières augmentent de valeur ou en perdent. C'est entendu que certaines entreprises — je pense moins américaines et moins multinationales que canadiennes et anglophones — s'énervent, pensent à établir leurs sièges sociaux ailleurs, nomment comme président des gens qui habitent le Québec depuis 32 ans et ne parlent pas encore français. Ce sont des choses possibles, mais je crois qu'une période d'adaptation normale va suivre la mise en vigueur de la loi 1, et je crois qu'au contraire nous allons assister à rétablissement au Québec de sièges d'entreprises fonctionnant au Québec en français, comme il est normal que les choses se passent, tout en gardant le droit de communiquer avec leurs sièges sociaux, qui sont très souvent établis aux Etats-Unis, dans une autre langue.

M. Alfred: Ma dernière question...

Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous plaît! Une question de règlement, M. le député de Mont-Royal, brièvement, s'il vous plaît.

M. Ciaccia: D'après les règlements adoptés par cette commission, le côté ministériel a 30 minutes et nous en avons 20. Nous avons tenté, de notre mieux, d'obtenir plus de temps. On nous l'a refusé. Maintenant, je remarque que la façon dont le temps est calculé semble être un peu différente. Je ne parle pas de vous, M. le Président. Je parle de la présidence lorsqu'elle est occupée par le député de Châteauguay. On compte les réponses et les questions pour l'Opposition officielle dans le même temps, tandis que le côté ministériel a déjà eu au moins 40 minutes et plus pour poser ses questions.

Alors, je demanderais une directive. Nous sommes déjà pénalisés par le peu de temps que nous avons. Nous ne devrions pas être pénalisés doublement, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît. Je reviendrai sur ce sujet cet après-midi, à cause de l'heure présente.

Je voudrais faire quelques remarques. Tout d'abord, je veux remercier M. Charbonneau, M. Auclair et M. Wingender pour la présentation de leur mémoire et pour les réponses qu'ils ont données aux députés. J'indique tout de suite que la commission va ajourner ses travaux à cet après-

midi selon l'avis du leader parlementaire, c'est-à-dire certainement après 16 heures.

J'ai deux ou trois remarques très importantes. Premièrement, suite à la proposition du député de Marguerite-Bourgeoys, j'ai entrepris — dois-je employer le terme négociation? — des démarches avec un certain nombre de représentants des organismes prévus pour aujourd'hui, de façon à en venir à une entente à l'amiable.

Il y a eu déjà un certain succès et je ferai rapport en temps et lieu à cette commission. D'autre part, j'indique à ceux que je n'ai pas encore eu le temps de voir, parce qu'il faut que je sois souvent ici, que si certains désirent me rencontrer au cours de l'après-midi, je leur accorderai la même attention.

Je souligne de plus aux membres de la commission que cet après-midi, nous commencerons une nouvelle séance qui se continuera ce soir. Comme on m'a informé qu'il y aura des motions et qu'il peut y avoir un vote, les membres de la commission seront appelés dès le début de la séance de cet après-midi et s'il n'y a pas de remplacements qui me sont indiqués, seuls les membres de la commission dûment enregistrés à ce moment pourront voter ce soir, tous les autres députés pouvant parler suite à la motion que nous avons adoptée.

M. Laplante: Une directive, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Le député de Bourassa.

M. Laplante: Cela voudrait-il dire qu'un membre faisant partie de la commission, au moment où vous ouvrirez le débat et que vous ferez l'appel des membres, s'il n'est pas présent ne pourra pas voter sur la motion?

Le Président (M. Cardinal): Non. Cela veut dire que s'il se fait remplacer jusqu'à l'ajournement des travaux de ce soir à 23 heures...

M. Laplante: Cela compte seulement pour les remplacements.

Le Président (M. Cardinal): Exactement.

M. Laplante: II peut venir à n'importe quel moment, même si...

Le Président (M. Cardinal): C'est exact. M. Laplante: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Vanier.

M. Bertrand: M. le Président, normalement, après la période de questions de cet après-midi, on entend un groupe?

Le Président (M. Cardinal): Justement, j'y arrive. C'est le Protestant School Board of Greater Montreal, mémoire 23.

M. Bertrand: Quels sont les deux organismes qui sont prévus pour ce soir?

Le Président (M. Cardinal): C'est la même liste que celle de ce matin. C'est le Barreau du Québec, la Bourse de Montréal, la Fédération des groupes ethniques du Québec Inc., etc., mais je dis tout de suite que j'ai déjà rencontré le représentant du Barreau du Québec, le représentant de la Bourse de Montréal, le représentant de la Confédération des syndicats nationaux, que j'entends rencontrer le représentant de la Fédération des groupes ethniques du Québec Inc., de façon à savoir quels seront les travaux pour la journée et pour demain.

M. Bertrand: Mais ces gens-là sont présents ici aujourd'hui.

Le Président (M. Cardinal): Ils étaient tous présents à l'appel ce matin. Personne d'entre eux n'a perdu son tour; c'est pourquoi j'ai fait cet appel ce matin pour que, techniquement, tous ces organismes soient présents devant la commission et ne perdent pas leur tour en vertu du règlement. Donc, les travaux de la commission sont ajournés jusqu'à cet après-midi, suivant l'avis que donnera, en Chambre, le leader du gouvernement.

(Fin de la séance à 12 h 2)

Reprise de la séance à 16 h 46

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, madame et messieurs!

Je demanderais à tous de regagner leurs fauteuils d'autant plus que, comme je l'ai indiqué à l'ajournement des travaux à midi, je veux être sûr, avec précision, quels sont les membres de la commission pour le reste de la journée.

Je fais donc cet appel des membres et j'espère qu'on m'indiquera en temps et lieu les modifications.

A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Alfred (Papineau), M. Bertrand (Vanier), M. Bisaillon (Sainte-Marie) remplacé par M. Charbonneau (Verchères); M. Chevrette (Joliette-Montcalm) remplacé par M. Dussault (Châteauguay); M. Ciaccia (Mont-Royal)...

M. Ciaccia: Je suis remplacé par M. Goldbloom. Je ne serai pas ici ce soir.

Mme Lavoie-Roux: Le député de D'Arcy Mc-Gee.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. ... M. Goldbloom (D'Arcy McGee). Merci. M. de Belle-feuille (Deux-Montagnes), M. Dussault (Châteauguay) est un membre de la commission. Il ne peut pas remplacer quelqu'un.

Mme Lavoie-Roux: C'est le "dispatcher" du parti.

M. Laplante: C'est parce qu'il sera ici ce soir, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse. Je reviens à M. Chevrette...

Mme Lavoie-Roux: Le "dispatcher"...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît. ... (Joliette-Montcalm). Est-ce oui ou non remplacé?

M. Laplante: II n'est pas remplacé, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Donc, M. Dussault (Châteauguay), M. Godin (Mercier), M. Grenier (Mégantic-Compton) est remplacé par M. Biron (Lotbinière); M. Guay (Taschereau), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Laplante (Bourassa), M. Laurin (Bourget), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Le Moignan (Gaspé), M. Paquette (Rosemont), M. Roy (Beauce-Sud), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Samson (Rouyn-Noranda).

Je m'excuse parce qu'il y a eu des mélanges. Je veux être parfaitement sûr.

Je reprends: M. Alfred (Papineau), M. Bertrand (Vanier), M. Bisaillon (Sainte-Marie) remplacé par M. Charbonneau (Verchères); M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Ciaccia (Mont-Royal) rem- placé par M. Goldbloom (D'Arcy McGee); M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Dussault (Châteauguay), M. Godin (Mercier), M. Grenier (Mégantic-Compton) remplacé par M. Biron (Lotbinière), M. Guay (Taschereau), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Laplante (Bourassa), M. Laurin (Bourget), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Le Moignan (Gaspé), M. Paquette (Rosemont), M. Roy (Beauce-Sud), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Samson (Rouyn-Noranda). Tels sont les membres de la commission jusqu'à l'ajournement de ce soir vers 23 heures.

Je n'ai pas à faire un nouvel appel des organismes qui sont invités. J'ai déjà mentionné que j'ai commencé des démarches avec les porte-parole de ces organismes et c'est pourquoi j'invite immédiatement le porte-parole du Protestant School Board of Greater Montreal, mémoire 23, à bien vouloir s'identifier comme organisme et à identifier les représentants de cet organisme.

Protestant School Board of Greater Montreal

M. Fox (Marcel): M. le Président, membres de la commission et du public, les représentants du Bureau des écoles protestantes du grand Montréal ici présents sont le Dr John Simms, président sortant, Mme Joan Dougherty, vice-présidente sortante, M. Tom Blacklock, directeur adjoint des services de l'enseignement et moi-même, Marcel Fox, directeur général du Protestant School Board.

Le Président (M. Cardinal): Alors, vous connaissez les règles, vous avez 20 minutes pour exposer votre mémoire ou en faire un résumé. Ce mémoire est assez volumineux. Il y aura peut-être lieu qu'il y ait des dépôts en annexe au journal des Débats, si tel est votre désir.

M. Fox: Oui, il a l'air un peu volumineux parce qu'il est dans les deux langues.

Le Bureau des écoles protestantes du grand Montréal, comme vous le savez, est la deuxième commission scolaire en importance au Québec avec quelque 50 000 élèves. Il est, encore de nos jours, considéré dans bien des milieux comme étant un bastion de l'anglicisation, ce qui n'est plus vrai car bien des changements se sont instaurés au cours des dix dernières années.

Le mémoire que nous présentons aujourd'hui se veut positif et nous estimons que les recommandations qui en découlent en font foi. Le mémoire indique aussi notre attachement au Québec. En tant que Québécois, nous tenons à vivre dans une société québécoise qui se respecte. Nous nous élevons vigoureusement contre la relégation de l'anglais au rang de langue non officielle.

Nous ne pensons pas que l'existence au sein du Québec d'une minorité de langue anglaise représente une menace et que, pour permettre à la majorité de survivre, il faille que l'anglais soit banni de la vie publique. Il nous semble même que, de ce point de vue, le projet de loi no 1 reflète un manque de confiance total et non fondé dans la vitalité du Québec francophone.

Une langue qui requiert une loi pour survivre est une langue qui se meurt. Le français, lui, est bien vivant, il ne risque point de mourir ou de disparaître. Le projet de loi no 1 a tendance à vouloir isoler le Québec en insistant que toute autre culture représente une menace ou du moins un danger de contamination, alors que la future loi devrait vraiment mener vers une collaboration saine entre la majorité et la minorité ou les minorités pour le bien commun du Québec, le projet de loi no 1 offre des sanctions à la place de récompenses et encourage même l'opposition d'une communauté envers l'autre. Elle impose et toute imposition rigoureuse a tendance, malheureusement à engendrer une opposition vigoureuse.

Une fois ancrée l'idée selon laquelle la survie de la majorité exige la réduction ou la disparition de la minorité, une véritable étape fatale dans le domaine des relations humaines est franchie. La présente loi est pourtant d'une importance capitale, car c'est elle qui établira d'une façon déterminante la configuration même de notre société pour les années à venir. De ce fait, notre mémoire s'adresse plutôt à l'intention de base qu'aux articles purement dits du projet de loi no 1.

Nous regrettons que ce projet de loi propose d'abolir les garanties dont jouissent l'anglais et le français en vertu de l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Nous exigeons que la future loi définisse sans ambiguïté le statut légal et sans restriction de l'anglais comme langue d'enseignement et qu'elle établisse le droit fondamental de l'admission des élèves dans les écoles anglaises sans permettre que ce droit reste à l'avenir à la merci d'un règlement quelconque.

Dans le Québec de l'avenir, nous envisageons une minorité de langue anglaise parfaitement intégrée, ce qui implique entre autres, que les Québécois de langue anglaise pourront, de par leur éducation, parler, lire et écrire couramment leur propre langue et celle de la majorité.

Nous acceptons l'intégration, mais rejetons avec vigueur la suppression. Pour la communauté anglophone, l'intégration n'est pas synonyme d'assimilation, mais de participation. Selon nous, la communauté de langue anglaise fait partie intégrante de la communauté québécoise.

Alors que nous avons reproché à la loi 22 d'être ambiguë, nous reprochons au projet de loi no 1 d'être trop rigide. Il ne semble plus être question d'un Québec bilingue et cette attitude ignore la réalité fondamentale actuelle et risque d'élever des barrières artificielles empêchant toute interaction valable entre le Québec et le reste de l'Amérique du Nord.

De ce point de vue, une approche coopérative sans sanctions ni contraintes s'avérerait bien plus avantageuse dans le domaine social et permettrait de construire un Canada prospère, avec une culture dynamique de langue française dans nombre de régions.

Malgré tous les obstacles et toutes les difficultés qui existent encore, nous persistons à croire en un Canada bilingue uni. Nous avons foi aussi en notre constitution et aux garanties qu'elle accorde à tous. Sous bien des rapports, le projet de loi no 1 nous semble contraire à l'esprit même de la constitution, d'une part, et à l'esprit même de la déclaration universelle des droits de l'homme, d'autre part.

L'article 26 de cette déclaration stipule que les parents ont le droit prioritaire de choisir pour leurs enfants le genre d'éducation qui leur sied le mieux. Compte tenu des garanties réelles que la constitution du Canada accorde à tous et compte tenu des stipulations de la déclaration universelle des droits de l'homme, nous persistons à croire au libre choix des parents en ce qui concerne l'éducation de leurs enfants.

Ce concept de libre choix va d'ailleurs de pair avec le concept d'éducation bilingue que nous préconisons en tant que commission scolaire. Le projet de loi no 1 nie implicitement ces droits et va à l'encontre même de cette tendance universelle vers les droits de l'homme mieux définis et plus étendus.

Il nous semble aussi que le projet de loi n'offre rien à la majorité de langue française de la province qu'elle ne possède déjà. Au contraire elle lui enlève plutôt certains avantages pratiques.

Pour le Bureau des écoles protestantes du Grand Montréal, le projet de loi no 1 aura des répercussions directes certaines et recherchées à dessein sans doute. Il réduit l'inscription des élèves, car même les enfants d'origine canadienne de langue anglaise provenant d'une autre province ne peuvent être admis à l'école anglaise. Cet article à lui seul, s'il reste tel qu'il est, créera deux classes distinctes de citoyens canadiens.

En plus, le projet de loi stipule que la langue française est la langue de communication des organismes municipaux et scolaires, même si la majorité des administrés sont de langue anglaise. Au sein d'un système scolaire de langue anglaise reconnu, il s'agit là d'une anomalie légale qui ne peut se justifier, ni pédagogiquement, ni rationnellement.

En plus, ces exigences entraîneront des débours financiers appréciables qu'il faudra assumer d'une façon ou d'une autre.

Loin de former une menace, tel qu'on persiste à le croire, le secteur d'éducation de langue anglaise se trouvera réduit en importance dans l'offre de 58% à 80% dans les dix années à venir. Nos statistiques en annexe A en font foi et celles publiées dans le mémoire de l'Université McGill le confirment. Même si, comme on nous le reproche, un grand nombre d'élèves venant de l'extérieur de la province ont, par tradition, fréquenté nos écoles, le pourcentage des anglophones est en général resté relativement stable.

Notre sommaire du mouvement des élèves vers le Québec et hors du Québec, en annexe B de notre mémoire, illustre cette tendance. Alors que certaines données démographiques erronées sur lesquelles se base le projet de loi no 1 laissent craindre le pire, la réalité veut que la menace que représente la minorité de langue anglaise soit loin d'être aussi terrible qu'on prétend.

Le projet de loi no 1 ne tient d'ailleurs nullement compte du changement d'attitude, au sein de la communauté anglophone, à l'égard de la

question linguistique, surtout au cours des dix dernières années. Le développement des cours d'immersion en langue française a été spectaculaire et la participation intégrale et volontaire du milieu a assuré le succès indéniable de ces programmes. Ce sont les parents anglophones eux-mêmes qui ont insisté pour que leurs enfants apprennent le français d'une façon intensive afin qu'ils puissent s'intégrer mieux au milieu dans lequel ils vivent et qu'ils puissent continuer à prospérer au Québec.

Notre thèse veut que l'apprentissage poussé de la langue seconde stimule l'habileté de nos enfants et les enrichisse du point de vue culturel. Ceci leur permet de vivre heureux et d'évoluer à l'aise au milieu de leurs voisins de langue française.

Nous maintenons aussi que cette expérience linguistique renforce en plus la connaissance de base de la langue maternelle elle-même, d'où enrichissement culturel général. Alors que dans le domaine du développement de l'enseignement, de l'apprentissage et de la reconnaissance des langues officielles du Canada, il y a progression certaine au sein du Québec et au sein de plusieurs autres provinces du Canada, le projet de loi no 1 risque d'instaurer une certaine régression. Quel dommage! Par ces mesures strictes de francisation, la Charte de la langue française du Québec va plus loin que toute mesure légale jamais adoptée dans d'autres provinces et risque, de ce fait, d'avoir pour effet, de freiner cet élan vers le bilinguisme qui est sur le point de se généraliser. Ce serait vraiment regrettable. Nous doutons qu'une intervention gouvernementale aussi rigoureuse soit vraiment nécessaire. La langue française a su prouver à travers les âges qu'elle n'a que faire de telle protection légale. La culture française est en plein épanouissement au Québec, et à travers le Canada, elle est perçue comme une force vibrante et dynamique. Pourquoi veut-on, à tout prix, l'enchaîner, lui imposer un carcan légal?

Les écoles anglaises, ici même, au Québec, produisent, en leur sein, la génération d'élèves les plus bilingues de toute leur histoire, par suite de la reconnaissance implicite du fait français et de son importance. Pourquoi, dans ce cas, le gouvernement veut-il, à tout prix, imposer des restrictions qui risquent de nous diviser, de nous séparer, de rétablir les deux solitudes d'antan qui viennent à peine de se résoudre ou étaient sur le point de l'être?

Nous pouvons vous assurer que nous, les membres de la communauté de langue anglaise, voulons continuer à contribuer d'une façon valable à la qualité de vie et au bien-être général du Québec, qui est aussi notre province. Les restrictions qu'on est sur le point de nous imposer, risquent pourtant de nous isoler une fois de plus par la force des choses. Evitons de le faire. Dans un esprit de conciliation et avec toute notre bonne volonté, nous offrons les suggestions et recommandations ci-contre formulées sans prétention quelconque, et dans les meilleures des intentions.

Que la future Charte de la langue française au Québec établisse la primauté de la langue fran- çaise au Québec dans le domaine socio-économique, le domaine de la main-d'oeuvre et des relations de travail, le domaine du commerce et de l'industrie, le domaine juridique, le domaine des arts et des métiers, le domaine de l'éducation, par diverses méthodes incitatives plutôt que coer-citives.

Qu'elle reconnaisse à l'anglais le statut de langue officielle.

Qu'elle respecte scrupuleusement la constitution du Canada, à savoir l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, avec toutes les garanties que cette constitution accorde.

Qu'elle encourage le développement d'une société bilingue tout en consolidant le statut de la langue française.

Qu'elle accorde à cette fin, dans le domaine de l'éducation, la possibilité aux parents de choisir pour leurs enfants le genre d'éducation qui leur sied le mieux, conformément à l'esprit même du préambule de la loi du ministère de l'Education du Québec entrée en vigueur par proclamation le 13 mai 1964.

Qu'elle incite les universités du Québec et toutes leurs facultés, mais surtout les facultés des sciences de l'éducation, à développer des programmes bilingues de haute qualité.

Qu'elle exige qu'une connaissance approfondie de la langue seconde et une maîtrise quasi absolue de la langue première soient les prérequis inévitables à l'admission à une faculté des sciences de l'éducation pour fins d'études.

Qu'elle requière et impose un délai de dix ans après l'entrée en vigueur de la loi pour que tout candidat à un poste dans l'enseignement à n'importe quel niveau et dans n'importe quel domaine soit au moins bilingue et dûment reconnu comme tel.

Qu'elle envisage des délais de francisation plus réalistes dans le domaine de l'administration du secteur public et parapublic, afin de permettre une adaptation progressive à la situation.

Qu'elle attribue à cette fin, aux administrations en cause, les fonds nécessaires pour mener à bonne fin un programme de francisation valable et durable.

Nous reconnaissons que votre tâche est ardue et que votre choix sera difficile, espérant pourtant qu'en dépit de tout, vos décisions seront sages.

Merci.

Le Président (M. Cardinal): Merci beaucoup à M. Fox, qui a pris moins que le temps prévu. Alors, la parole est aux membres de la commission.

M. le ministre d'Etat au développement culturel.

M. Laurin: Je veux d'abord remercier le PSBGM pour le mémoire qu'il vient de nous présenter.

D'une manière générale, le PSBGM ne semble guère avoir évolué depuis juillet 1974. En effet, il semble rejeter aussi catégoriquement et avec autant de vigueur le projet de loi no 1 qu'il avait rejeté la loi 22.

Il est d'ailleurs le seul organisme qui s'est

présenté devant nous à préconiser la reconnaissance à l'anglais du statut de langue officielle avec un autre organisme scolaire qui s'est présenté devant nous.

Il veut également assurer la bilinguisation intégrale du Québec, et particulièrement dans le secteur de l'éducation où il veut que tous les professeurs deviennent bilingues. Evidemment, ce n'est pas là la volonté du gouvernement actuel qui a rejeté le bilinguisme institutionnel et qui est d'accord avec l'ancien gouvernement pour faire du français la langue officielle.

Le PSBGM voudrait aussi des détails plus réalistes pour une francisation et je me demande si elle correspond véritablement à ses intentions. Il n'a pas fixé de période de temps comme délai plus réaliste, mais on peut penser que ce délai, dans l'esprit du PSBGM, doit être très long et, par ailleurs, les frais de cette francisation, selon le PSBGM, devraient être assumés entièrement par l'Etat, ce qui ne nous semble pas logique dans les circonstances.

Dans son mémoire, le PSBGM rejette le projet de loi comme s'opposant à un prétendu dynanisme de la culture française qu'il aurait constaté et tout de suite, dans la suite, le PSBGM prétend que le projet de loi veut isoler le Québec et faire du Québec une société close.

Pour ma part, je vois une certaine antinomie entre les deux termes car si, véritablement, la culture française est dynamique, elle ne voudra sûrement pas s'isoler et vivre en vase clos. Il me semble que la caractéristique d'une culture dynamique est au contraire de s'ouvrir au monde et de se développer à même des contacts nombreux, fréquents et profonds avec les autres cultures mondiales.

A notre avis, même si nous reconnaissons le dynamisme et même l'effervescence de la culture française au Québec, cela n'empêche pas le gouvernement de vouloir légiférer en la matière.

Le PSBGM prétend qu'une langue qui a besoin d'une législation pour s'affirmer, pour survivre est une langue qui se meurt et, pourtant, toutes les autres provinces du Canada ont légiféré à ce sujet et, parfois, depuis plusieurs années. C'est en 1890 que le Manitoba a légiféré pour abolir le français et pour affirmer l'anglais et je ne sache pas que, depuis 100 ans, l'anglais au Manitoba soit une langue qui se meurt.

Il y a aussi beaucoup d'autres pays qui ont cru opportun de légiférer. Même la France a cru opportun de légiférer et je ne sache pas que la culture et la langue française en France soient une langue et une culture qui se meurent.

Non, légiférer en pareil domaine n'est pas témoigner d'un manque de confiance, mais simplement prendre conscience de certains problèmes qui se posent et tenter de les régler de la meilleure façon possible.

Bien sûr, nous sommes d'accord avec le PSBGM qu'idéalement, une approche coopérative où tous les citoyens seraient sur le même pied de façon à édifier un Canada prospère avec une culture de la langue française qui serait encouragée, soutenue par les autres provinces, serait souhai- table, mais ce n'est quand même pas ce qui s'est passé dans l'histoire du Canada. Je dirais même que la seule province du Canada qui a légiféré pour protéger la langue de la minorité anglaise d'une façon efficace et complète, c'est encore le Québec et je n'en veux pour preuve que le rapport très élaboré qu'a fait paraître récemment la Fédération des francophones hors du Québec dans lequel on voit, en conclusion du chapitre sur l'éducation la phrase suivante: "Nulle part au Canada, sauf au Québec, la communauté francophone jouit de droits scolaires inaliénables. Dans deux provinces, la Colombie-Britannique et Terre-Neuve, le français comme langue d'enseignement ne possède aucun statut. Dans quatre autres provinces, soit l'Alberta, la Saskatchewan, I'lle-du-Prince-Edouard et la Nouvelle-Ecosse, l'accès à un enseignement français est régi par une série de pouvoirs discrétionnaires faisant de cet enseignement un privilège. Dans aucune de ces provinces, la survie des écoles françaises n'est assurée par des règlements. Dans aucune de ces provinces, la communauté francophone ne possède les mêmes services administratifs jugés essentiels par la communauté anglophone à l'épanouissement d'un réseau scolaire anglophone complet et permanent. Dans les trois provinces qui reconnaissent le statut officiel de la langue française comme langue d'enseignement, il en existe encore une, le Nouveau-Brunswick, où ce statut n'a pas force de loi. Aucune province ne possède une véritable politique d'éducation française. Donc, aujourd'hui, dans aucune province à l'extérieur du Québec, on ne peut parler d'égalité scolaire et en sus, la Fédération des francophones hors Québec affirme que dans toutes les autres provinces du Canada il y a une politiques boiteuse en matière d'éducation, de nombreux conflits scolaires qui ne se règlent pas et il y a peu ou pas de système scolaire pour les francophones, ce qui amène la fédération à conclure que la triste réalité est que la situation qui est faite aux minorités francophones en dehors du Québec est lamentable et il importe que les provinces, avec ou non l'appui du fédéral, interviennent au plus tôt pour corriger cette situation.

Donc, cette approche coopérative, toute idéale qu'elle soit dans la pratique, demande à s'édifier sur des bases concrètes et je serais porté à dire, comme dans une fable française, soeur Anne, est-ce que tu vois venir quelque chose? Pour le moment, il n'y a guère d'annonce réjouissante pour nous encourager à voir, dans un avenir prochain, s'édifier les bases de cette approche coopérative.

Dans son mémoire, le PSBGM fait allusion aussi à la disparition du groupe anglophone. Evidemment, nous ne partageons pas cette vision pessimiste. Je ne veux pas reprendre ici tous les arguments qui ont été opposés à cette thèse par les neuf démographes qui ont répondu, dans le Devoir, à Réjean Lachapelle, mais je pense qu'on peut renvoyer le PSBGM à cette réponse très élaborée et circonstanciée. On pourrait aussi le renvoyer au mémoire que nous a présenté ici même l'Association des démographes qui était d'avis que

la minorité anglophone au Québec n'était aucunement en danger en raison de sa vitalité, en raison du primat de sa position économique et en vertu de beaucoup d'autres raisons. Serait-il vrai alors que la minorité anglophone est menacée au Québec de réduction et de compression comme se plait à le dire le mémoire? Je pense qu'il faut ici faire une distinction.

Est-ce que le PSBGM parle de cette réduction et de cette compression de façon absolue ou de façon relative? Si l'on parle de façon absolue, la réduction ou la compression de la minorité anglophone au Québec semble très improbable. Il y a eu des études démographiques intéressantes parues déjà à cet effet. L'étude de M. Henripin, par exemple, prouve qu'en chiffres absolus, la minorité anglophone va s'accroître de façon marquée d'ici l'an 2000. D'autres études ont été publiées aussi et d'autres sont promises dans un avenir prochain. Donc, cette réduction et cette compression nous semble très improbable.

Maintenant, est-ce qu'il y aura une réduction relative de la minorité anglophone? La réponse est probablement positive. Mais jusqu'ici, les statistiques nous montrent que c'est plutôt la population francophone qui diminue, d'un recensement à l'autre. Par exemple, en 1951, la population francophone comptait au Québec 82% de la population, alors qu'en 1971, elle n'était plus que de 79,2%. Et pourtant, en chiffres absolus, la population francophone a sûrement augmenté au cours de ces vingt années, même si elle a diminué en chiffres relatifs.

Il y a donc un redressement à effectuer en faveur de la population francophone et ce redressement à effectuer, on l'a souligné dans plusieurs quartiers, ne peut être effectué que par l'arrêt de ce processus absolument anormal qui a voulu que tous les immigrants ou les nouveaux venus au Québec dans leur quasi-totalité s'intègrent au secteur anglophone, et en particulier à l'école anglophone.

C'était là le but que poursuivait jusqu'à un certain point la loi 22 et c'est aussi le but que poursuit le projet de loi no 1, ce qui constitue d'ailleurs un phénomène tout à fait légitime et normal pour un peuple.

Il reste cependant que cette réduction relative ne sera pas aussi considérable que veut le faire croire le PSBGM. On peut peut-être s'attendre à une réduction relative de 5%, même si en chiffres absolus, encore une fois, il est probable que le nombre d'anglophones augmentera. D'ailleurs, quand on regarde les dispositions de la loi 1 qui sont respectueuses à l'endroit de la minorité anglophone en particulier, et même généreuses, certains groupes nous l'ont assez dit ici en commission, je pense que les pronostics ne pourraient être aussi pessimistes que ceux que nous fait aujourd'hui le PSBGM.

Si on regarde, par exemple, l'article 52 qui permet à tous ceux qui sont à l'école anglaise d'y continuer leurs études, ainsi que leurs frères et soeurs, si on pense que ce privilège est étendu à tous leurs descendants, si on pense à la vitalité également de la minorité anglophone au Québec, à l'appui qu'elle a de l'establishment économique, je pense qu'on peut dire que cette perspective de diminution a été gonflée dans le mémoire que nous venons d'entendre.

Mais j'ai l'impression quand même que le PSBGM base ses prévisions surtout sur des données démographiques dont elle nous parle amplement à la page 12. Elle prévoit en effet une diminution importante des effectifs scolaires au secteur anglais.

Je pense qu'à ce moment, il est important de faire une mise au point objective sur la situation de la clientèle scolaire du PSBGM. Par exemple, en 1975-1976, il y avait, au PSBGM, 52 154 élèves. En 1976-1977, si on comprend les élèves de la prématernelle, il y en aura 50 059. La diminution des effectifs scolaires au cours des cinq dernières années, au PSBGM, a été de 14,5%, soit 8400 élèves. Mais il ne faut pas oublier que dans le même temps, au secteur catholique, sur le même territoire couvert par la PSBGM, donc surtout francophone, il y a eu une diminution de 28,4%, c'est-à-dire 60 000 élèves approximativement. Donc, je pense que cette diminution a été beaucoup plus marquée, encore une fois, du côté francophone que du côté anglophone, et en particulier du PSBGM.

Si on regarde maintenant les prévisions en fonction de la loi 22 qui nous régit actuellement, les compilations que l'on peut faire nous donnent à peu près les résultats suivants: il y aurait une diminution au cours de ces cinq prochaines années, dans le secteur du PSBGM, de 24,6%, c'est-à-dire de 12 240 élèves alors que, encore une fois, dans le secteur catholique, couvrant le même territoire, il y aurait une diminution de 32,3%, c'est-à-dire de 48 000 élèves.

Il est donc opportun de comparer constamment les deux secteurs, si l'on veut se faire une idée juste de la réduction des effectifs scolaires.

Pendant que j'y suis, je pense qu'il peut être intéressant également de voir le nombre d'élèves au sein du PSBGM qui sont inscrits dans les classes d'immersion. Au niveau de la maternelle, il y a 785 élèves, soit 25% des effectifs totaux; à l'élémentaire, il y en a 3020, soit 13,2% des effectifs totaux; et, au niveau secondaire, 1638, soit 7,3% des effectifs totaux, et non pas 50% comme certains mémoires ont prétendu le dire devant cette commission.

Il est aussi intéressant de noter qu'au PSBGM, il n'y a pas que des élèves protestants. Il y a, par exemple, en 1976-1977, 5% d'élèves catholiques; il y a 41% d'élèves qui appartiennent à une autre confession et il y a seulement 51% qui disent qu'ils appartiennent à la confession protestante.

Donc, je pense que c'est important de partir des données véritables pour évaluer les craintes du PSBGM en ce qui concerne l'avenir. Y aura-t-il diminution importante des effectifs scolaires au secteur anglais? Oui, c'est probable, mais elle est inévitable, mais dans les deux secteurs, cependant, aussi bien catholique que protestant. Je pense que cette baisse est très forte en raison d'une très forte baisse de la fécondité qui affecte les deux populations. Je dirais même que cette

baisse de la fécondité a affecté davantage et affectera davantage le secteur français que le secteur anglophone.

De toute façon, les prévisions pour le PSBGM, au cours de diminutions pour les cinq prochaines années, ne nous apparaissent pas aussi marquées que le mémoire le prétend. Pour 1981-1982, nous prévoyons une diminution des effectifs de 24,6% pour la PSBGM, avec la loi 22 actuelle, alors que, pour le secteur français, cette diminution serait de 32,3%.

Si nous abordons maintenant les cinq autres années qui suivent, avec la loi 22, toujours, cette diminution serait de 39%, c'est-à-dire réduirait les effectifs scolaires du PSBGM à 30 500. Je fais remarquer tout de suite au PSBGM que cette diminution serait probablement moindre si le PSBGM développait davantage son secteur français. J'ai l'impression qu'il y a des Français assez nombreux qui sont protestants, et tous les protestants ne sont pas anglais. Actuellement, au sein du PSBGM, je pense qu'il y a des classes françaises, mais il n'y a pas d'écoles françaises. La commission est unifiée et les protestants français sont envoyés dans des classes et non pas dans des écoles. Je pense que cela serait là une façon de diminuer les pertes subies, en raison de la baisse de la fécondité ou de la baisse des lois.

Encore une fois, ce chiffre de 58,80% nous apparaît exagéré. D'ailleurs, je me pose la question: Pourquoi le PSBGM laisse-t-il un si large écart entre ces deux chiffres? Est-ce que les statistiques sont imprécises à ce point qu'on ne peut choisir entre 60% et 80%? C'est peut-être ce qui explique, étant donné la basse statistique un peu faible, qu'on en arrive à des chiffres, à des résultats finaux qui laissent voir un très grand écart.

De toute façon, même avec le projet actuel, le projet de loi no 1, nos prévisions sont que, pour l'ensemble du Québec, la baisse des effectifs scolaires dans le secteur anglophone ne pourrait dépasser, dans la "pire" des hypothèses, le pourcentage de 34% et non pas 58% ou 80%. Et, encore une fois, cette baisse serait surtout attribuable à la diminution de la fécondité et non pas à l'impact législatif, soit de la loi 22, comme je le disais tout à l'heure, ou de la loi 1.

En page 13 aussi, le PSBGM parle beaucoup des migrations hors Québec, de la mobilité qui enlève au PSBGM plusieurs élèves. Je me demande, pour ma part, comment le PSBGM a pu chiffrer le taux de migration de ses élèves en dehors de ses écoles, et surtout le lieu de leur émigration. Est-ce que c'est à la suite d'études ou d'enquêtes, parce que cela est difficile?

Par exemple, je soumets au PSBGM cette hypothèse que peut-être les élèves qu'a perdus le PSBGM sont allés dans d'autres commissions scolaires anglophones, des commissions scolaires de banlieue, par exemple et, par ailleurs, les statistiques que nous avons étudiées du PSBGM révèlent que les taux de passage, d'une année à l'autre, de la 3e à la 4e année et de la 4e à la 5e année, etc., révèlent que ces taux de passage sont positifs, c'est-à-dire qu'il y a un maintien ou une augmentation d'une année à l'autre.

Si, vraiment, il y a eu une telle mobilité, une telle migration, il n'y a qu'une seule explication possible, c'est que les trous, les pertes ont été compensés par des transferts linguistiques aussi importants, c'est-à-dire de gens qui passaient à la langue anglaise, ou par l'arrivée de migrants qui ne viennent pas des autres provinces ou par des immigrants qui viennent des autres pays.

A l'appui de cette "démonstration", le PSBGM apporte l'exemple de la Gaspésie. Je pense, pour ma part, que cet exemple est très mal choisi. D'abord, il n'y a jamais eu 80% d'anglophones en Gaspésie. C'est un chiffre qui vient du National Geographic Magazine, qui n'a jamais été reconnu pour la qualité scientifique de ses articles. En fait, Joy, dans son livre Languages in Conflict, à la page 98, disait que, même en 1871, il n'y avait en Gaspésie que 36% d'anglophones, c'est-à-dire 11 000 anglophones.

D'ailleurs, le chiffre d'anglophones n'a pas diminué en Gaspésie. En 1961, il y en a 14 000, donc une augmentation de 3000. Ils ne forment plus alors que 13% de la population, mais c'est parce que la Gaspésie a été colonisée, a été peuplée, développée surtout par l'élément francophone. C'est donc une diminution relative, mais une augmentation en chiffre absolu.

C'est la raison, M. le Président, pour laquelle je vous dis que lorsque le PSBGM prétend que notre projet de loi est basé sur des données démographiques erronées, j'attendrais une meilleure démonstration de sa part. J'ai plutôt l'impression que le mémoire qu'il nous présente est basé sur des données démographiques erronées ou incomplètes. Si j'examine d'un peu près l'annexe A qu'il nous présente, je peux lui demander sur quelles données s'est basé le PSBGM pour affirmer que la clientèle des écoles anglaises passera de 21 000, en 1984, à 8000 ou 10 000, en 1987. Pour nous, ces chiffres sont très exagérés, sont gonflés. Je l'ai d'ailleurs prouvé tout à l'heure à l'aide des statistiques objectives et complètes que j'ai données, mais, sur ce problème, comme sur d'autres, étant donné que le PSBGM est la commission scolaire la plus importante, j'aimerais passer la parole à mon collègue, le ministre de l'Education, qui veut entraîner sur un autre sujet.

M. Morin: M. le Président, à moins que M. Fox ne veuille immédiatement réagir aux propos du ministre d'Etat au développement culturel, j'aurais quelques questions à lui poser sur certains points précis de son mémoire ou du mémoire, du moins, du PSBGM.

M. Fox: J'aurais une certaine réponse à donner aux questions soulevées. Nous citons les exemples des autres provinces, à la page 15 et à la page 16, où l'amélioration du statut du français est indéniable. En Ontario, les écoles de langue française ont un statut officiel par les projets de loi 140 et 141. On a établi, à cet effet, un Conseil des écoles de langue française dont le président, lui-même de langue française, a rang de sous-ministre adjoint de l'Education. C'est un fait qui est acquis et notre sous-ministre adjoint ou asso-

cié reste confessionnel et n'a plus de pouvoirs linguistiques comme jadis il en avait.

C'est donc un droit indéniable qui a été accordé — et c'est un droit qui leur revient — aux francophones de l'Ontario. L'Assemblée législative du Manitoba a sanctionné le projet de loi 113, qui reconnaît le français ainsi que l'anglais comme les deux langues officielles d'enseignement dans les écoles, et le gouvernement fédéral lui-même a entrepris de déclarer la Loi sur la langue qui était, dans le temps, instaurée, comme indiquant que seul l'anglais est la langue officielle et de le traduire en justice pour des épreuves de constitu-tionnalité.

Au Nouveau-Brunswick, à partir du 1er juillet, l'anglais et le français seront reconnus comme les deux langues officielles de la province. Les deux langues jouissent des mêmes droits et des mêmes privilèges. Donc, c'est là un des avantages que nous voulons citer en réponse.

Les tendances dans la province, vous le verrez aussi dans la diminution des anglophones... D'après le démographe John de Vries, de McGill, dans l'annexe A du mémoire de cette université, il est indiqué que dans les Cantons de l'Est, en 1971, l'élément anglophone formait 39,6%, alors que l'élément francophone ne formait que 13,9%. En 1977, cet élément anglophone est réduit à 29%, alors que l'élément francophone a augmenté à 32%. Naturellement, il serait vain de citer d'autres statistiques. Il est, néanmoins, indiqué que de 1967 à 1977, le PSBGM lui-même a perdu 17 500 élèves. Il passera de 64 500 à 47 800, selon les prédictions pour 1978-1979. Dans l'annexe A, les prédictions sont surtout basées sur les règlements du projet de loi no 1. Nous avons une école française, l'école secondaire de Roberval, qui est une école française et protestante de son plein droit. Nos autres écoles sont des écoles à deux branches, comme l'école Bicentennial, l'école Victoria et l'école de Maisonneuve. A Bicentennial, le secteur francophone, langue première, dépasse de loin le secteur anglophone.

En ce qui concerne les indications, je ne crois pas que nous n'ayons jamais dit que nous avons 50% de nos élèves dans l'immersion. Nous avons, et j'ai toujours dit cela, à peu près un cinquième de nos élèves dans l'immersion. Il n'y a qu'un seul secteur où cette erreur a pu être commise, c'est dans le cours d'immersion de la septième année où il y a 45% de nos effectifs qui sont inscrits dans ce cours. Donc, là, c'est une erreur. Je crois que, moi-même, je n'ai jamais cité que nous ayons... Ce serait miraculeux si nous avions eu cela de ce point de vue.

Le Président (M. Dussault): II reste cinq minutes au parti ministériel.

M. Morin (Sauvé): Je vais être très bref, M. le Président. J'aurais eu toute une série de questions. Je vais essayer de m'en tenir au plus important.

A la page 19 du mémoire, M. Fox, vous engagez le gouvernement à respecter scrupuleusement le British North America Act, avec toutes les ga- ranties que cette constitution accorde. J'imagine que vous faites allusion à l'article 93. Je voudrais vous demander si, dans votre esprit, le gouvernement s'en prend, dans son projet de loi actuel, au caractère confessionnel de vos écoles, puisque l'article 93 protège depuis 1867 le caractère confessionnel des écoles. Vous avez mentionné dans votre intervention, à la suite de l'exposé de mon collègue, que vous aviez, effectivement, une école et des classes françaises. Je me demande pourquoi vous n'avez pas mis l'accent sur ce fait, puisque jamais ne vous a été nié le droit d'avoir des écoles et des classes protestantes françaises. Il se peut même que ces classes et ces écoles connaissent un certain développement, toujours à l'intérieur des structures scolaires protestantes. Alors, je ne vois pas très bien exactement à quoi vous vous référez dans ce passage à la page 19. Est-ce que vous insinuez par là que nous ne respectons par l'article 93?

M. Fox: D'accord. Nous entrons dans la question constitutionnelle. Je crois que nous n'aurons pas le temps de régler cette question entre nous.

Vous avez entièrement raison en disant que, du point de vue confessionnel, le droit du système protestant a toujours été respecté et que nous avons été libres, jusqu'à présent, au sein de notre système, d'organiser des classes francophones et des classes anglophones. Mais il y a naturellement une interprétation large des garanties constitutionnelles de l'article 93 qui veut que...

M. Morin (Sauvé): Vous avez raison de sourire, M. Fox.

M. Fox: ...d'accord, mais je sais que là, nous allons soulever bien des controverses... qui veut que ce qui était considéré comme protestant était presque automatiquement considéré comme anglophone et que ce qui était considéré comme catholique, à l'époque de la Confédération, était considéré comme francophone. Si, d'un côté, les catholiques ont tenu pour acquis qu'ils pouvaient organiser leurs écoles sur la base francophone, les protestants avaient tenu pour acquis que leurs écoles pouvaient être organisées dans la langue anglaise et il est à noter que, même aujourd'hui, au Conseil supérieur de l'éducation, le comité protestant est encore un comité qui fonctionne entièrement en anglais. C'est le seul, d'ailleurs, dans la structure du gouvernement.

Naturellement, je vous cite ici une interprétation légale de la part de nos avocats, de notre contentieux et, d'un autre côté, vous savez tout autant que moi que, si vous réunissez six avocats, vous avez douze opinions, tout comme, si vous réunissez trois linguistes, vous pouvez avoir cinq opinions différentes, et je ne crois pas que nous pourrons régler cette question ici.

M. Morin (Sauvé): Bien! J'y faisais allusion puisque vous-même, vous y faites allusion dans votre mémoire, quoique plus brièvement que dans le mémoire que vous aviez soumis sur le projet de loi no 22, lequel avait prêté quelque peu à discussion à l'époque, si vous vous en souvenez bien.

M. Fox: Oui, très bien.

M. Morin (Sauvé): Je veux vous poser deux questions pour terminer. La première est celle-ci...

Le Président (M. Dussault): Je m'excuse. Je devrai vous arrêter ici immédiatement, le temps étant écoulé pour la partie ministérielle.

M. Morin (Sauvé): Mais ça ne fait pas tout à fait cinq minutes, M. le Président. Il me restait au moins le temps de poser ma question. Elle est assez importante. Je croyais que ça faisait trois minutes que vous m'aviez averti.

Le Président (M. Dussault): Je vois que l'Opposition n'y fait pas opposition. Alors, brièvement, s'il vous plaît.

M. Morin (Sauvé): Vous êtes bien aimables. Ce sera une question.

M. Ciaccia: M. le Président, on sait qu'il a dépassé son temps, mais on ne veut jamais, dans l'Opposition officielle, brimer le droit de parole d'un député, surtout un député ministériel. Alors, il peut poser sa question additionnelle.

M. Morin (Sauvé): Je suis profondément touché par le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: J'espère qu'il aura la même attitude quand nous en viendrons à poser nos questions.

M. Morin (Sauvé): Bien! J'ai deux questions très brèves. La première est celle-ci: Le PSBGM est-il prêt à développer ses écoles et ses classes françaises dans l'application du projet de loi no 1? Première question, et la deuxième est celle-ci: C'est votre droit le plus démocratique, messieurs du PSBGM, de rejeter ce projet de loi, et nous reconnaissons ce droit. Il ne vous sera jamais contesté. Mais ceci m'amène à vous poser une question peut-être délicate, mais une question tout de même très réelle.

Iriez-vous jusqu'à dire que le PSBGM ne devrait pas respecter la charte et devrait admettre des enfants illégalement dans ses écoles, pour le cas où ce projet entrerait en vigueur?

M. Fox: Je ne crois pas. Je vous donne ici mon opinion personnelle, mais je crois que cette opinion est partagée par les membres présents du Board. Nous avons toujours dit que nous respecterons, dans la mesure du possible, les exigences légales imposées. Nous sommes prêts à développer notre secteur francophone, dans la mesure du possible, dans la mesure où les règlements seront à temps pour nous permettre d'organiser ces classes. Cette année, nous venons de recevoir votre règlement qui, d'ailleurs, respecte, en gros, les dispositions indiquées dans l'article 52, d'après ce que j'ai déjà vu. Si j'avais été entendu hier, comme c'était prévu, je serais à une réunion maintenant avec M. Halley pour discuter de l'application pratique.

Nous sommes prêts à développer le secteur francophone et nous avons toujours dit à nos ressortissants francophones protestants: Donnez-nous les élèves et nous vous donnerons les classes.

M. Morin (Sauvé): Et les écoles? M. Fox: Et les écoles... M. Morin (Sauvé): Bien.

M. Fox: ...si nous avons le nombre suffisant pour les ouvrir.

M. Morin (Sauvé): Vous êtes conscient que vous pourrez faire cela sous l'empire du projet de loi actuel?

M. Fox: Oui. Nous aurons des difficultés à trouver le personnel. Il y aura des difficultés administratives, peut-être même des difficultés syndicales, etc, mais nous sommes prêts à développer le secteur francophone et tous les commissaires du Protestant School Board, et les ex-commissaires du Patronat School Board étaient de cet avis et je ne vois en rien comment les nouveaux commissaires vont changer d'idée à ce sujet.

M. Morin (Sauvé): II y a une dernière question qui découle de la réponse que vous venez de me donner, M. Fox. Quand vous dites que vous respecterez la loi dans la mesure du possible, qu'est-ce que cela signifie exactement? Voulez-vous dire le respect intégral de la loi ou un respect partiel de la loi et dans quelles conditions pourriez-vous être amené à ne pas respecter la loi, dans la mesure du possible?

M. Fox: Vous me tendez un petit piège qui...

M. Morin (Sauvé): J'avoue que la réponse que vous m'avez donnée était peut-être piégée.

M. Fox: Non. Aussi longtemps qu'il nous sera possible d'interpréter et les règlements et la loi elle-même d'une façon claire et précise, nous suivrons cette loi de cette façon.

M. Morin (Sauvé): Alors, la loi et les règlements seront clairs et précis, M. Fox.

Le Président (M. Dussault): Merci. Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. On se sent tellement coincé avec le minutage comme on l'a depuis quelques jours... j'avais tout à fait raison de voter contre la motion de départ voulant qu'on se limite aux 20 ou 25 minutes...

Le Président (M. Dussault): A l'ordre, Mme le député, s'il vous plaît!

Mme Lavoie-Roux: J'aurais beaucoup de remarques à faire sur l'intervention du ministre

d'Etat au développement culturel. Par exemple, tous les groupes anglophones qui sont venus ici et qui ne saluent pas d'emblée son projet, le ministre les accuse toujours de ne pas avoir évolué.

Parfois, je me demande si le ministre d'Etat au développement culturel, à part d'être allé faire une ronde des communautés anglaises pour vendre son projet de loi no 1 a d'autres occasions de communiquer avec la communauté anglophone.

Je sais qu'il aime beaucoup les statistiques et il nous a cité ses démographes et il dit par exemple, que la baisse de natalité — si j'ai bien compris, tout à l'heure — affectera davantage probablement les francophones que les anglophones et je dois dire que les honorables démographes qui sont venus l'autre jour nous ont dit que cela affectait davantage les anglophones que les francophones.

C'est une question et il n'a pas la réponse et je ne l'ai pas. Quand on fait des statistiques comparées entre la baisse des populations scolaires des anglophones et des francophones dans l'île de Montréal, les chiffres que le ministre d'Etat au développement culturel a avancés sont exacts. La baisse a été, certainement, plus forte dans le secteur francophone que dans le secteur anglophone, mais j'aimerais savoir et je pense que personne ne peut donner la réponse ici... il en vaudrait la peine de l'examiner: Dans les projections qu'on fait, est-ce que la mobilité de la population francophone vers l'extérieur de l'île de Montréal est plus grande ou moindre que celle des anglophones? Je serais portée à croire que cette mobilité des francophones à l'extérieur de l'île de Montréal est plus grande que celle des anglophones, mais cela demeure un point d'interrogation, mais cela permettrait peut-être de nuancer ces statistiques. Voulez-vous commenter ce point?

M. Fox: Je vais vous dire une chose. Quand vous parlez de secteur anglophone, n'oubliez pas que nous ne sommes pas le seul secteur anglophone. Nous sommes le secteur anglophone protestant, alors que vous avez le secteur anglophone catholique. Votre secteur anglophone catholique est beaucoup plus stable que notre secteur anglophone protestant. La mobilité du secteur protestant est beaucoup plus grande et a toujours été beaucoup plus grande que la mobilité du secteur catholique anglophone.

Mme Lavoie-Roux: A l'autre question, je n'attendrai pas tout de suite de réponse du ministre d'Etat au développement culturel. Ce sont les projections de la population scolaire d'ici 1983. Je ne sais pas s'il se réfère aux projections qui ont été faites lors de l'étude du comité sur la restructuration de l'île de Montréal, mais il a peut-être d'autres statistiques que je ne connais pas, mais celles-là étaient les seules que nous avions à ce moment-là, à notre portée, et elles faisaient exclusion de l'effet de la loi 22. Je vais quand même passer immédiatement aux questions pour ne pas perdre de temps. Il y a un point qui a toujours été litigieux entre moi et mes bons amis du PSBGM, c'est votre façon d'envisager la communauté québécoise comme une communauté étant bilingue et devant demeurer bilingue. Là, je voudrais vous référer à la page 11. Vous dites: Elle lui enlève— en parlant de la communauté francophone — l'occasion d'offrir à ses enfants une éducation biculturelle. Pouvez-vous expliquer ce mot "biculturel"? Si biculturel comme je suis portée à le déduire de vos recommandations de la page 19, est synonyme de bilinguisme intégral je ne suis pas du tout sûre que ce soit le souhait de la majorité francophone. Je voudrais que vous soyez spécifiques là-dessus.

M. Fox: D'ailleurs, je dois dire que nous avons rédigé notre mémoire de façon très hâtive, comme presque tous ceux qui ont soumis des mémoires et j'ai hésité à traduire le mot "bicultural" par "biculturel". Je crois que nous voulons surtout insister sur le fait que ce serait un bilinguisme avancé ou la culture découle de la langue et elle se vit. Dans la langue seconde, cette intensité de la vie culturelle dépend de l'intensité avec laquelle l'élève en question ou la personne en question a reçu l'enseignement de la langue seconde. J'estime que nos élèves des cours d'immersion des classes maternelles jusqu'en onzième année auront une meilleure base biculturelle que nos élèves qui ne commencent leur immersion qu'en septième année. Vous voyez ce que je veux dire? Il y a des nuances. Il y aura toujours bilinguisme. Le bilinguisme ne veut pas dire l'assimilation, parce qu'il y aura toujours une langue dominante, mais ce n'est pas forcément la langue maternelle qui sera la langue dominante si, pour des raisons personnelles, la personne qui a étudié cette langue entre dans cette communauté, il se peut très bien que ce soit la langue seconde qui devienne la langue dominante. Mais aussi longtemps que nous aurons les deux systèmes scolaires, la langue dominante dans l'un sera le français, la langue dominante dans l'autre sera l'anglais, mais, pour autant que nous développions de la façon la plus parfaite possible l'enseignement de la langue seconde.

Mme Lavoie-Roux: II est important qu'on fasse la différence entre le désir chez les francophones de faire l'acquisition d'une langue seconde et ce que vous avez, peut-être par manque de temps, interprété comme étant du bilinguisme intégral.

Evidemment, personne ne peut prétendre qu'il interprète la majorité des autres membres de la communauté ou de la collectivité, mais j'ai l'impression que les francophones ne visent pas à un bilinguisme intégral. En tout cas, je ne veux pas retarder la discussion là-dessus.

En page 12, vous faites allusion à la langue de communication dans l'administration. Sur ce point, personnellement, je suis d'accord avec vous dans le sens d'obliger les commissions scolaires qui sont majoritairement anglaises à faire les communications, au niveau de l'administration, parce que les écoles sont aussi partie de l'administration, entre l'administration et votre administration centrale, en français; bien qu'elles peuvent le faire dans les deux langues, selon que l'usager est un usager de l'école française ou de l'école anglaise.

Mais qu'on le fasse d'une façon législative, tel qu'il est prévu dans la loi, ça me semble vraiment ne pas tenir compte d'une réalité et respecter, à mon point de vue, les institutions qu'on dit vouloir survivre. D'ailleurs, c'est assez intéressant là-dessus qu'au moment de l'étude des crédits du ministère de l'Education, il nous est arrivé, dans le domaine des communications, de relever le fait que parmi les nombreuses publications du ministère de l'Education, il y en a une qui s'appelle Mecnews et qui est la seule publication qui, pour la première fois, était publiée à l'intention de la population anglophone. Déjà, dans ce même rapport qu'on nous soumettait, on se demandait, compte tenu de la politique linguistique, s'il y aurait lieu de poursuivre cette initiative. J'ai essayé d'obtenir des précisions du ministre de l'Education à ce sujet, parce que je pense que c'est une revue, qui, quand même, supporte les institutions scolaires; or, il n'a pas voulu se compromettre.

Enfin, il faudrait peut-être que je relise attentivement le journal des Débats. Mais ça aussi, c'est un autre signe que vos appréhensions ont un fondement basé sur la réalité.

Je voudrais vous poser quelques questions. La CEQ est venue — non pas la semaine dernière, les journées sont longues, c'est peut-être seulement hier ou avant-hier — parler des classes d'immersion. Elle a posé un jugement un peu cavalier sur les réalisations des commissions scolaires anglaises quant à l'enseignement de la langue seconde par le biais des classes d'immersion, également, sur les méfaits, ou enfin — ce n'est pas le terme qu'elle a utilisé — sur les inconvénients d'enseigner une langue seconde en plus bas âge, c'est-à-dire dans les premières années de l'élémentaire. Je comprends et je l'admets au départ, que la situation des francophones en Amérique du Nord est différente de celle des anglophones, mais ceci mis à part, c'est un jugement, non pas politique, mais un jugement pédagogique que je voudrais avoir de votre part. Avez-vous évalué la répercussion sur le plan des apprentissages sur le rendement scolaire des élèves qui sont dans les classes d'immersion?

M. Fox: Nous avons évalué cette question d'une façon très systématique et nous avons des dossiers que je pourrais vous envoyer car nous avons une équipe de recherchistes qui font des tests régulièrement.

La seule chose que je pourrais vous dire, c'est de vous inviter tous, si vous voulez, à entrer dans certaines de ces classes d'immersion en bas âge et vous serez tout aussi enthousiasmés que le sont nos professeurs ou nos enseignants canadiens-français, qui sont venus enseigner dans ces classes.

Je suis un peu d'accord avec la CEQ, parce que, personnellement, pédagogiquement, je ne préconiserais pas des cours d'immersion en anglais du côté francophone, parce que le français, ici, est déjà assez immergé dans une mer anglophone de 250 millions, alors que nos jeunes élèves anglais ont moins de danger de perdre cette am- biance anglaise qui existe quand même dans le contexte de Montréal.

Mme Lavoie-Roux: M. Fox, excusez-moi. Le temps court, je vous interroge. Je suis portée à être d'accord sur ce jugement que vous venez de porter quant à la formule des classes d'immersion, particulièrement chez des enfants en bas âge.

Le point particulier sur lequel je voudrais avoir votre opinion, c'est sur l'apprentissage d'une langue seconde, et non pas sur les classes d'immersion, selon les méthodes habituelles.

M. Fox: Comme je vous l'ai dit, vous avez deux linguistes, vous aurez quatre opinions. Mais je vous dis franchement que l'apprentissage bien fait d'une langue seconde n'entrave en rien la connaissance de la langue première; au contraire. Cet apprentissage consolide la langue première, parce que ce que l'enfant, instinctivement, dit dans sa langue maternelle, il commence à le comprendre et à se l'expliquer quand il apprend la langue seconde. Je suis convaincu de cela et, Mme Lavoie-Roux, j'ai enseigné les langues pendant plus de 19 ans, en français, anglais et allemand. Je suis convaincu de ce que j'avance.

Les rapports de recherche que nous avons prouvent que nos élèves dans les classes d'immersion n'ont rien perdu de leur anglais. Ils ont eu des hésitations à un moment, mais ces hésitations se sont vite rattrapées, une fois qu'ils sont entrés dans le courant même. C'est quand ils ont changé de 90% de français à 40% d'anglais qu'il y a eu des hésitations, mais cela s'est tout de suite résolu.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'il y aurait possibilité que ces données que vous avez soient mises à la disposition de la commission?

M. Fox: Ils sont d'ailleurs la propriété indirecte du ministère de l'Education, puisque c'est le ministère de l'Education qui nous donne les fonds nécessaires pour continuer cette recherche.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais poser une dernière question au Dr Simms. Je voudrais lui demander: Have you studied the criteria for admission to English schools and do you foresee any difficulty of application?

M. Simms (John): I think that there will be some difficulties throughout the province in finding the affidavits. Some school boards have been absorbed into regional boards, some schools have burned down. There will certainly be difficulties as there have been for people who have sought the old age pensions and passports and so on. I think that we have not gone into this in any detail, but there certainly will be difficulties in getting the affidavits.

Mme Lavoie-Roux: Merci, Dr. Simms, merci, M. Fox.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Lotbinière.

M. Biron: Merci, M. le Président. Merci, M. Simms, M. Fox. J'ai apprécié votre mémoire à son juste mérite. Vous nous parlez souvent de bilinguisme dans votre mémoire. Cela m'a aussi frappé. Moi aussi j'y crois au bilinguisme, mais je crois beaucoup plus à un bilinguisme d'individu. Théoriquement, je voudrais que chaque individu au Québec ait l'opportunité, la chance et même le privilège d'être bilingue, mais, je crois que la société doit être essentiellement française. Cela n'empêche quand même pas les gens d'être bilingues à l'intérieur de cette société. Je crois aussi que la société québécoise doit avoir la prééminence du français, bien sûr, mais doit aussi respecter la collectivité et la communauté anglophone du Québec.

On vous a posé beaucoup de questions sur l'instruction et l'éducation. Je vais vous en poser en particulier sur un sujet qui m'a frappé. A la page 19, vous dites: II faut reconnaître à l'anglais le statut de langue officielle. Considérant ce que je vous ai dit tout à l'heure, en fait, que nous voulons que cette société québécoise soit essentiellement française, mais d'un autre côté qu'elle respecte les anglophones, la collectivité anglophone, comment voyez-vous l'application pratique de cette langue anglaise comme langue officielle, après la langue française?

M. Fox: Vous me posez là une question très difficile, parce que, déjà, cela a été soulevé pour le bill 22 ce qu'est une langue prioritaire, une langue officielle.

Nous considérons, au PSBGM, dans le contexte canadien, que les deux langues, le français et l'anglais, sont les langues officielles du pays. Tout ce que nous demandons, c'est que l'anglais soit aussi reconnu comme une langue officielle. Nous reconnaissons et nous comprenons le souci, et c'est cela qui nous met dans de mauvais draps, puisque, d'un côté, nous paraissons prêcher une chose et pratiquer l'autre, et ce n'est pas vrai. Nous reconnaissons que la priorité et toute la communauté anglaise vous reconnaîtra cela, que la priorité devra être donnée au français dans tous les domaines et que l'apprentissage du français devra se développer beaucoup plus intensivement encore dans nos écoles. Nous avons encore beaucoup à faire, parce que nous parlons d'immersion surtout, mais des autres. Je crois que la langue française devrait être la langue première du Québec, en général, mais non pas aux dépens de la langue anglaise.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. Fox. A l'ordre, s'il vous plaît! Oui, M. le député de Lotbinière.

M. Biron: M. le Président, question de règlement. Jusqu'à maintenant, je crois que j'ai toujours donné la permission pour aller quelques minutes au-delà de l'heure, quand c'était nécessaire. Nous avons même permis au ministre de l'Education de questionner tout à l'heure, mais pas au détriment de nos minutes à nous. Alors, je demande la permission...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Lotbinière, ce n'est pas vous que j'interromps. Il ne reste présentement au parti ministériel aucun temps, au parti de l'Opposition officielle, sept minutes, et j'ajouterai trois minutes pour équilibrer les choses avec les cinq minutes qui ont été utilisées par le parti ministériel. A l'Union Nationale, présentement, il vous reste huit minutes et j'ajouterai deux minutes en plus. Mais comme nous sommes à mercredi et qu'il est 18 heures, je dois suspendre sans autre forme de procédure.

M. Biron: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Lotbinière.

M. Biron: Je n'ai pas besoin de votre cadeau de deux minutes. Je voudrais tout simplement terminer, maintenant qu'on a nos témoins ici.

Le Président (M. Cardinal): Je dois suspendre, M. le député de Lotbinière, parce que, sans cela...

M. Laplante: Est-ce qu'on peut vous faire une suggestion, vu que le parti de l'Opposition a donné une très belle coopération, c'est que le temps qui se prendra, passé 18 heures, soit repris à 20 h 15. Si cela finit à 18 h 15, qu'on aille à 20 h 15 pour la reprise des travaux.

Le Président (M. Cardinal): Je regrette pour les membres de la commission, pour les députés, les gens qui sont devant nous ont fait un travail important. Ils ont droit d'avoir les questions des députés. Il reste au moins encore une possibilité de 20 minutes que je dois leur accorder. Je ne peux pas le mercredi, même si nous avons une séance ce soir, faire autre chose que d'office, suspendre immédiatement les travaux jusqu'à 20 heures. J'incite tous nos invités et tous les membres de la commission à se représenter.

M. Biron: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Lotbinière.

M. Biron: ...de bonne foi, tout à l'heure, j'ai permis au ministre de l'Education de continuer, de prendre sur notre temps avant 18 heures. Moi, j'ai un autre rendez-vous ce soir déjà fixé. Ecoutez! Je demande la collaboration pour ça. Jusqu'à maintenant...

Le Président (M. Cardinal): II faudrait un consentement unanime de la commission.

M. Laplante: On peut donner le consentement unanime, pour autant que le temps soit prolongé dans l'ajournement.

Une Voix: On ne le donne pas.

Le Président (M. Cardinal): Ecoutez! Je vou-

drais savoir, de la part de tous les membres de la commission.... Je suis lié par le règlement, vous le savez. Je l'ai toujours appliqué. Ce n'est pas dirigé contre le député de Lotbinière. Je ne savais pas qu'il avait un rendez-vous. Je sais que d'autres membres de la commission ont des rendez-vous à 18 heures, et...

M. Paquette: M. le Président, on a même un caucus à 18 heures.

Le Président (M. Cardinal): Alors, je comprends qu'il n'y a pas de consentement. M. le député de Lotbinière, je...

M. Biron: II n'y aura pas de consentement non plus pour moi, à l'avenir.

Le Président (M. Cardinal): Vous avez le droit. C'est votre droit strict. Je le regrette. Ne le prenez pas de la part de la présidence, s'il vous plaît. J'ai trop de respect pour les chefs de partis.

M. Biron: Non, mais j'ai demandé le consentement de la commission.

Le Président (M. Cardinal): II n'est pas accordé.

Alors, les travaux de la commission sont suspendus jusqu'à 20 heures, et j'incite fortement tous les invités et tous les membres de la commission à revenir.

(Suspension de la séance à 18 h 2)

Reprise de la séance à 20 h 7

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, madame et messieurs!

Je demanderais immédiatement aux députés de regagner leurs sièges.

M. Guay: Le leader parlementaire par intérim de l'Union Nationale nous honore de sa présence.

Le Président (M. Cardinal): Oui, mais il n'est pas membre de la commission. Il a le droit de parole, mais il n'a pas le droit de vote.

M. Brochu: ... sans droit de vote.

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse. A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît!

Je rappelle que j'ai la liste des membres de la commission devant moi. Ceci est la suite d'une séance et nous avons nos invités devant nous. Le député de Mont-Royal n'est pas là?

M. Lalonde: II a été remplacé cet après-midi par le député de D'Arcy McGee.

Le Président (M. Cardinal): Le député de Jacques-Cartier. Il reste sept minutes et j'ajouterai trois minutes, ce qui fait dix minutes au parti de l'Opposition officielle.

M. Saint-Germain: Merci.

M. Le Moignan: M. le Président, combien reste-t-il de minutes à l'Union Nationale?

Le Président (M. Cardinal): II reste à l'Union Nationale huit minutes plus deux de grâce.

M. Le Moignan: Merci.

M. Lalonde: C'est la générosité du président. C'est excellent.

Une Voix: Magnanime!

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bertrand: De quel parti êtes-vous? M. Lalonde: Du parti pris.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: M. le Président, mes premières paroles seront pour dire aux invités que, personnellement, je comprends très bien la réticence qu'ils ont devant ce projet de loi et je dois les assurer qu'il ne faut pas nécessairement être anglophone pour avoir de telles réticences, car je ne crois pas que ce projet de loi corresponde à la volonté profonde de l'ensemble des Québécois.

Ceci dit, vous auriez pu être privilégié par la présence du ministre cet après-midi. Nous ne

l'avons pas souvent avec nous. Malheureusement le ministre de l'Education, lorsqu'il vient ici, ne semble pas s'intéresser trop trop aux problèmes éducationnels que sous-tend le projet de loi no 1. ll semble bien plus agir comme chef du contentieux...

M. Guay: J'invoque l'article 99, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Oui. Qu'est-ce que vous invoquez?

M. Guay: Le député de Jacques-Cartier impute des motifs au ministre de l'Education. Il me semble qu'il devrait s'en tenir à ce qui fait l'objet du débat plutôt que d'attaquer la conduite ou d'imputer des motifs aux autres députés.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. le député de Taschereau, mais je préférerais qu'on s'en tienne au débat plutôt qu'aux questions de règlement.

M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: M. le Président, je dois vous dire respectueusement que je n'impute de motif à personne, je constate simplement des faits. Je disais que le ministre de l'Education, lorsqu'il est parmi nous, agit beaucoup plus comme s'il était le chef du contentieux du gouvernement, que comme ministre de l'Education. Et c'est réellement dommage. C'est un spécialiste en droit constitutionnel, me dit-on, et il ne semble pas, même comme ministre de l'Education, où les charges sont extrêmement pesantes et considérables, l'oublier pour tout cela.

La première question que j'aurais à vous adresser est la suivante. J'ai cru m'apercevoir, au niveau de mon comté, qu'à la commission scolaire que vous représentez, on attache une importance fondamentale à l'enseignement du français. Il m'a semblé, l'année dernière, je ne sais pas si c'est encore la situation qui existe, qu'on manquait de fonds pour enseigner convenablement le français, en ce sens que si on a un spécialiste de l'enseignement du français, on doit nécessairement faire le sacrifice d'un autre spécialiste qui enseignerait une autre matière. Alors, je vous demande si cette situation existe encore et, si oui, quelles sont les représentations que vous avez faites au gouvernement concernant ce problème et quelle réponse vous a-t-on donnée.

M. Fox: La situation, malheureusement, existe encore. C'est vrai. Vous savez que selon la distribution des spécialistes, c'est aux commissions scolaires de décider des priorités et, pour nous, la priorité, comme il va de soi, est l'enseignement du français, langue seconde. Parce que, si en tant que communauté nous voulons survivre, il faut que nous développions cet enseignement, parce qu'il faut que nous soyons bilingues afin de respecter les voeux de notre communauté. Nous avons dû sacrifier, sous bien des rapports, des spécialistes de musique, des spécialistes d'arts et métiers, c'est-à-dire de travaux pratiques, et aussi nous avons maintenu nos spécialistes d'éducation physique, mais même là nous avons eu des difficultés. Nous avons fait à maintes fois des représentations, mais il s'agit surtout d'une question budgétaire. Il va de soi que la réponse que nous avons toujours obtenue, c'est que les priorités sont celles choisies par les commissions scolaires et les normes doivent s'appliquer à toutes les commissions scolaires.

Nous avons aussi fait une demande, celle surtout que nous avons toujours faite, c'est d'inclure le spécialiste de langue seconde et je précise: pas le spécialiste de français langue seconde, mais le spécialiste de langue seconde, à la fois pour les commissions scolaires catholiques et pour les commissions scolaires protestantes; et ce spécialiste de langue seconde, le mettre hors normes de façon à avoir plus de flexibilité. Mais ça ne nous a jamais été accordé.

Il y a une autre chose que nous avons toujours soulignée, c'est que, dans les méthodes modernes d'enseignement des langues secondes, le rapport direct, basé sur l'approche audiovisuelle entre les élèves, est extrêmement important, parce qu'il faut de la pratique orale et plus le nombre des élèves est restreint, meilleur est l'enseignement. Il est naturel, avec une classe de 30 ou de 27 élèves, que l'enseignant ait moins de temps, dans une période de trente minutes, pour s'occuper de 27 élèves que s'il n'en avait que 15, un ratio que nous avons demandé ce qui n'a jamais été accordé, logiquement, pour des raisons budgétaires, mais que nous aimerions aussi souligner ici. Nous aimerions que cela se développe davantage et que peut-être les fonds fédéraux qui sont donnés pour l'enseignement ou le développement de l'enseignement des langues secondes puissent peut-être être attribués à cette fin.

M. Saint-Germain: A ce point de vue, je dois dire que vous faites corps avec l'ensemble de la province, parce que les sondages aussi nous ont maintes fois prouvé que les francophones de cette province désirent ardemment que la langue seconde soit enseignée au niveau des écoles françaises. Nous savons aussi pertinemment que, trop de fois, je vous laisse le soin d'analyser les motivations, ces programmes sont sabotés. De toute façon, la population se rend bien compte que, dans l'ensemble de la province, la langue seconde, au niveau des francophones, est réellement mal enseignée.

C'est dommage que le ministre ne soit plus ici, j'espère bien qu'il entendra notre message.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Papineau, sur une question de règlement.

M. Alfred: Je pense que le ministre de l'Education a longuement exposé sa préoccupation sur l'enseignement de la langue seconde.

M. Saint-Germain: M. le Président, il n'y a pas de règlement là-dedans.

Le Président (M. Cardinal): Non, je m'excuse...

Mme Lavoie-Roux: Article 54...

Le Président (M. Cardinal): Non. Je m'excuse.

M. Saint-Germain: C'est une question d'opinion.

Le Président (M. Cardinal): N'invoquez pas 54, s'il vous plaît. 32 est suffisant. M. le député de Papineau, je ne peux recevoir votre question de règlement. Je redonne la parole au député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: Avant de recevoir votre mémoire, je veux mentionner que nous avons aussi reçu, à cette commission, le mémoire du groupe d'origine italienne et du groupe d'origine grecque. Ces groupes n'ont pas semblé exiger que les étrangers, ceux qui ne vivent pas actuellement au Québec — quand je parle d'étrangers, je ne parle pas de ceux qui demeurent au Canada, je parle de ceux qui demeurent en dehors du pays — ils n'ont pas semblé exiger, dis-je, que les nouveaux arrivants au Québec, soit de Grèce ou d'Italie.. ils ne semblent pas s'opposer à ce que ces nouveaux venus au Québec s'intègrent au système francophone.

Si j'ai bien interprété votre mémoire, vous êtes, je crois, pour la liberté de choix totale. Ai-je raison d'interpréter votre mémoire comme cela?

M. Fox: Comme je l'ai indiqué, dans notre mémoire, nous sommes pour la liberté de choix dans le domaine de l'enseignement, puisque nous sommes pour le bilinguisme. Si nous voulons être logiques, il faudra bien se dire qu'une certaine liberté de choix doit exister pour celui qui veut être vraiment bilingue, de façon que quiconque, veut apprendre le français à fond, puisse aller à l'école française et quiconque, veut apprendre l'anglais à fond, puisse aller à l'école anglaise.

M. Saint-Germain: Comme je représente, vous le savez, un comté où les minorités sont largement représentées, j'avoue que c'est une situation qui me rend peut-être mal à l'aise, constatant que la minorité italienne n'exige pas que les nouveaux arrivants aient la liberté de choix que vous préconisez. La communauté grecque ne la demande pas non plus, ne l'exige pas, et vous, vous l'exigez. Il y a une discordance, surtout si je considère que votre groupe, qui est représentatif de ceux qui sont de culture anglaise depuis toujours et qui a cette liberté de choix, l'exige pour des gens qui ne la demandent pas.

M. Fox: Puisque nous exigeons la liberté de choix, nous ne pouvons pas l'imposer et les gens qui ne le veulent pas n'ont pas besoin de le prendre. D'un autre côté, cette liberté de choix, nous avons maintenu notre position depuis de longues années. Ce sont les éléments que vous avez cités qui ont changé de position depuis et je comprends leur position.

Le Président (M. Cardinal): Avec...

M. Saint-Germain: M. le Président, je vais noter le temps qu'il reste à mon collègue de gauche.

Le Président (M. Cardinal): II n'en reste pas, il est même dépassé, mais avec... Beaucoup plus de 10 minutes, exactement 12 minutes et 30 secondes.

Si vous permettez... à l'ordre s'il vous plaît! Quand même, je vais manifester de la générosité, malgré certains reproches qui ont été adressés à la présidence. J'accorde une minute au député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: Je pose alors une seule question, M. le Président. Elle concerne les statistiques que vous avez avancées, M. Fox. Vous n'êtes pas le premier organisme à recevoir, de la part du ministre d'Etat au développement culturel, des critiques quant à la valeur de vos statistiques. Il me semble que les seules statistiques qui, a ses yeux, sont bonnes sont celles qui appuient sa thèse; toutes les autres ne sont pas bonnes.

Vous avez fait des projections en vertu des effets que vous prévoyez par l'application de cette loi. Ce sont alors, dans une certaine mesure, des hypothèses. J'aimerais que vous explicitiez un peu davantage les bases, la façon dont vos statistiques ont été produites. J'aimerais vous demander en même temps si, pour vous, c'est l'élément essentiel de votre thèse ou si c'est un élément secondaire.

M. Fox: Oui, Mme Dougherty voudrait répondre à votre question. J'aimerais vous dire simplement une chose. Personnellement, je ne voulais pas inclure de statistiques du tout, mais la commission scolaire a insisté pour qu'on introduise des statistiques. Quant aux statistiques, on me dit toujours les chiffres ne mentent pas, mais je peux bien répondre que les chiffres disent ce qu'on veut leur faire dire.

Nos statistiques ne sont pas parfaites, loin de là, parce que les données de base ne sont pas assez scientifiques, à mon avis, pour être citées. Il y a des erreurs. Dans toutes les statistiques que nous avons trouvées jusqu'à présent, il y a certaines erreurs. Mme...

Le Président (M. Cardinal): S'il vous plaît.

Mme Dougherty (Joan): C'est évident que les statistiques du gouvernement et celles de la commission sont inadéquates.

On peut discuter des statistiques et de la langue française heure après heure, mais, à mon sens, l'issue fondamentale n'est pas la langue, n'est pas les statistiques, c'est le pouvoir économique. Donc, c'est important de souligner que, même si tous les anglophones étaient bilingues, pour que 100% des francophones puissent travail-

ler en français, l'équilibre du pouvoir économique ne serait pas réglé. Je suggérerais qu'il soit réglé par une amélioration au niveau général pour que tout le monde puisse être en concurrence dans le contexte nord-américain. Il faut reconnaître qu'être bilingue est un des prérequis, une des conditions nécessaires, parce qu'on entend dire que les anglophones quittent la province. Ce ne sont pas uniquement les Anglais qui quittent la province. Il y a beaucoup de francophones qui quittent la province. Ce n'est pas une question de langue, ni de statistiques, parce que je crois qu'en fin de compte, on va décourager les Français ainsi que les Anglais, parce qu'une multitude de règles et de restrictions sont contre la liberté de déterminer soi-même sa propre destinée. C'est à mon sens la question de fond que nous devons discuter.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Gaspé. Auparavant, cependant, il reste huit minutes au parti de l'Union Nationale. M. le député de Lotbinière, à qui j'ai offert deux minutes de plus cet après-midi, m'a dit qu'il n'acceptait pas de cadeau. Vous déciderez vous-même si vous acceptez le cadeau de deux minutes de plus. Vous avez la parole, M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Le député de Lotbinière vous demandait seulement trois minutes parce qu'il devait s'absenter ce soir. Si vous m'en donnez huit, c'est encore beaucoup plus généreux.

Le Président (M. Cardinal): C'est la commission qui en a décidé, et non pas la présidence.

M. Le Moignan: Ah! la commission, et la présidence approuve.

Le Président (M. Cardinal): La présidence est le serviteur de la commission.

M. Le Moignan: Maintenant, on parle de statistiques. Je ne veux pas faire de procès de statistiques avec M. le ministre.

Il a dit, cet après-midi que la Gaspésie, il y a 50 ans passés, était anglophone à 80% et, aujourd'hui, francophone à 80%... Non. Vous avez cité le mémoire, excusez. Vous avez entièrement.

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse. Je pense que ce qu'a dit le ministre n'est pas enregistré au journal des Débats. J'aimerais bien que chacun s'exprime dans son micro. Je m'excuse, M. le ministre d'Etat. Le vôtre est très loin.

M. Le Moignan: Non, le ministre avait entièrement raison cet après-midi de citer le mémoire. Mais comme j'avais été consulté par le National Geographic Magazine, que j'avais vu M. Young et qu'on m'avait envoyé les épreuves pour vérification, je me suis référé tout à l'heure au texte anglais du mémoire, et le texte anglais est tout à fait différent. Le député de Deux-Montagnes pourra citer une locution italienne, mais il va comprendre très bien. Voici ce que dit dans le texte anglais: "Many anglophone communities such as those in Sherbrooke, Québec and Gaspé have practically disappeared over the past 50 years."

Evidemment, il s'agissait de Gaspé, de la ville, de la baie de Gaspé. A ce moment-là, les chiffres cités en anglais sont véridiques puisque, dans la paroisse de Gaspé, il n'y avait que 412 francophones à ce moment-là, alors que toute la baie de Gaspé était anglophone et même plus qu'à 80%. Donc, M. le ministre a entièrement raison dans l'interprétation qu'il a faite du texte français. Mais quand j'ai regardé votre texte anglais, j'ai vu que ça ne correspondait pas, puisque j'avais déjà vu les épreuves du National Geographic Magazine. Cet incident est clos, je pense bien. Est-ce que ça répond à votre intervention?

M. Fox: J'en prends la responsabilité. C'est moi qui ai traduit la Gaspésie au lieu de traduire Gaspé.

M. Le Moignan: Non, ça m'a étonné, parce qu'il n'y avait pas 80%.

M. Biron en était, au moment de la suspension de la séance à 18 heures, à poser sa question. Si j'ai bien compris le sens de la question qu'il voulait vous poser, sur le petit bout de papier qu'il m'a laissé, il voulait demander quelle distinction vous voyez entre un bilinguisme collectif, c'est-à-dire, dans les termes que vous employez, "une société bilingue" et le bilinguisme individuel qui, lui, est conciliable avec l'objectif d'une société essentiellement francophone? Comment voyez-vous le problème à ce moment-là?

M. Fox: La question de bilinguisme collectif n'existe pas. Il ne faut pas se leurrer. Toute la nation ne deviendra jamais bilingue. Il n'y a que certaines personnes qui le deviendront parfaitement. Il y en a d'autres qui le deviendront partiellement, c'est-à-dire qui vous comprendront quand vous parlerez votre langue et qui vous répondront dans la leur et vice versa, et il y en a d'autres qui ne le feront jamais. Il n'y a aucun doute, parce qu'il faut une certaine motivation individuelle pour apprendre la langue à fond. Il n'y a aucune incompatibilité à dire que l'anglais soit aussi reconnu comme langue officielle, bien que le français ait primauté sur l'anglais au Québec.

La chose se passe couramment en Suisse où, à mon avis, et à ma connaissance, il n'y a pas de loi sur la langue officielle dans chaque canton ou dans chaque district. Mais, la langue dominante de ce canton est celle qui se parle librement, alors que les autres langues sont elles aussi reconnues comme officielles. Dans certains cas, si le nombre, le terme, et la demande est là, une école peut s'ouvrir dans cette autre langue; mais, d'un autre côté, il ne faut pas oublier que dans chaque canton ou dans chaque école, l'enseignement de la langue seconde de qualité se donne.

M. Le Moignan: Justement dans votre mémoire, vous mentionnez les deux langues, l'anglais et le français, comme langues officielles.

Cette question faisait partie également du programme de l'Union Nationale, parce que notre objectif, premièrement, était un Québec francophone. Reconnaissez-vous dans la pratique, dans l'application que le français doit être considéré comme langue officielle, c'est-à-dire langue privilégiée sur l'anglais...

M. Fox: Oui, au Québec.

M. Le Moignan: ...prééminence sur l'anglais. A ce moment, vous vouliez également que l'anglais soit considéré comme langue officielle.

M. Fox: Oui, nous regardons — c'est là qu'il y a une certaine distinction — toujours le tout dans la perspective canadienne, alors que dans certains cas, on le considère seulement dans la perspective provinciale. Pour nous, dans la perspective canadienne, les deux langues sont officielles. Dans la perspective provinciale, dans certaines provinces, l'anglais a primauté. Dans d'autres provinces et surtout au Québec, le français a primauté. Dans d'autres provinces, comme par exemple, le Nouveau-Brunswick où les deux sont presque sur le même pied d'égalité, les deux ont la même importance. Mais, c'est la qualité de la langue, l'enseignement et la pratique de la qualité de la langue qui s'imposera d'elle-même et c'est notre première recommandation, soit qu'on reconnaisse au français la primauté et ceci, dans tous les domaines. La communauté anglophone est prête à l'accepter, à s'y faire. La preuve est le développement du français, langue seconde.

Il est naturel que nous devons, par la force des choses, opter pour le bilinguisme. Si nous n'optons pas pour le bilinguisme, nous nous anéantissons.

M. Le Moignan: C'est ma dernière question. On a parlé, tout à l'heure, de la liberté de choix. Si en théorie, il est difficile d'être contre la liberté de choix, quand on regarde les choses dans la pratique, dans le contexte spécifique du Québec actuel, pensez-vous qu'on puisse surseoir cinq, dix ou quinze ans en attendant que la situation se rétablisse vraiment du côté francophone pour l'application d'un tel principe?

M. Fox: Quand je regarde le concept de la liberté de choix, c'est l'anglais, c'est l'élève anglophone de pure souche qui a tous les avantages dans ce domaine. Il peut choisir, à n'importe quel moment de sa carrière, de fréquenter l'école française pour parfaire sa connaissance de la langue française.

Aucun élève canadien-français ne peut se permettre ce luxe, même s'il le veut.

M. Le Moignan: Vous reconnaissez qu'en pratique, au cours des années à venir, l'anglophone, puisque déjà il apprend le français, peut posséder à fond les deux langues, alors que le Canadien français, le Québécois, dans bien des cas, ne parlera pas l'anglais.

M. Fox: Mais je précise de nouveau. Ce ne seront pas tous les Anglais qui connaîtront à fond les deux langues, comme ce ne sont pas tous les Français qui connaîtront à fond les deux langues.

M. Le Moignan: Je vous remercie. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Merci. Comme il reste environ deux minutes, pour la fin de cette audition, M. Fox, je le dis très précisément, je ne vous accorde pas un droit de réplique, mais un droit de commentaire pour terminer cette audition.

M. Fox: Je vous remercie beaucoup, au nom de la commission scolaire protestante du grand Montréal, de nous avoir accueillis et de nous avoir donné la possibilité de nous exprimer librement. Je trouve que les questions que vous avez posées étaient très franches et ouvertes et j'espère que les réponses que vous avez reçues, vous les interprétez dans le sens dans lequel nous les avons données, c'est-à-dire dans la meilleure des intentions, de façon à pouvoir résoudre ce problème, si vraie solution ou solution au problème il y a.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. Fox. Au nom de tous les membres de la commission, je vous remercie ainsi que vos collègues... Oui, Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je vais vous laisser finir votre phrase, excusez-moi.

Le Président (M. Cardinal): Je vous en prie. ...ainsi qu'évidemment le Protestant School Board of Greater Montreal, de votre mémoire, de votre patience et, au nom de tous, merci d'avoir été avec nous jusqu'à ce moment.

M. Fox: Si nous revenons demain, ne soyez pas effrayés, c'est peut-être qu'on n'a pas pu rentrer.

Le Président (M. Cardinal): II y a peu de choses qui nous effraient et vous êtes toujours les bienvenus dans cette salle d'audience, sauf que, demain, il faudra un laissez-passer particulier si vous êtes des invités non prévus au programme, mais vous serez les bienvenus. Merci.

M. Fox: Merci beaucoup.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Oui, Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Nous vous avions fait part hier soir que nous avions l'intention de présenter des motions ce soir. Est-ce le moment de procéder?

Le Président (M. Cardinal): C'est toujours le moment. Evidemment, techniquement je dois

quand même appeler un autre groupe, ce qui ne veut pas dire qu'il sera entendu. Je pense que tout le monde a compris qu'il y aurait des motions. Je ne sais pas si les représentants de la Bourse de Montréal sont ici?

M. Lalonde: M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Vous venez de dire qu'il faut que vous appeliez l'autre groupe. Vous le faites sûrement en fonction d'un règlement.

Le Président (M. Cardinal): En fonction du mandat de la commission.

M. Lalonde: Qui dit que...

Le Président (M. Cardinal): Qui dit que nous sommes dans une commission qui, après déférence, à la suite d'une première lecture, étudie des mémoires, ce qui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, n'empêche pas les députés de tous les partis de faire des motions, pourvu qu'elles soient acceptables.

M. Lalonde: Oui, mais, M. le Président, je ne pense pas que le fait d'écouter les députés sur des motions qu'ils pourraient faire actuellement avant d'appeler un autre groupe constituerait un hiatus au mandat de la commission. Je voudrais simplement que vous considériez la possibilité d'écouter le député de L'Acadie sur la motion qu'elle a l'intention de proposer avant d'appeler un autre groupe. C'est simplement pour ne pas inviter inutilement des gens à s'asseoir à la table et ensuite attendre je ne sais pas combien de temps, cela va dépendre de la capacité du gouvernement de nous écouter, d'approuver et d'accepter nos propositions. C'est simplement une question de forme plutôt que de fond, M. le Président, et je vous le suggère.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, je veux souligner deux faits. J'ai mentionné que le mandat de la commission est d'entendre, et je l'ai dit dès le tout début, dès le premier mardi, des organismes ou des personnes qui présentent des mémoires, ce qui, je l'ai dit tantôt, n'empêche pas des motions et nous l'avons vu le premier mardi.

Deuxièmement, je veux souligner que je n'ai pas coupé la parole à Mme le député de L'Acadie. Au contraire, elle a pu s'exprimer et c'est vous qui avez demandé la parole. J'ai simplement appelé le prochain organisme prévu, je ne lui ai pas demandé de se présenter à cette table. Par conséquent, je donne la parole au député de Taschereau qui, lui aussi, invoquait une question de règlement.

M. Guay: M. le Président, c'était simplement pour savoir, pour mon propre bénéfice et celui des membres de la commission, quel était effectivement le prochain organisme que nous devions entendre ce soir, étant donné que nous sommes tous pressés, comme toujours, d'entendre les mémoires des intervenants, puisque c'est le but même de la commission.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, et sur ce, Mme le député de L'Acadie, M. le député de Marguerite-Bourgeoys et M. le député de Taschereau, je répète une chose déjà dite, évidemment, quand on répète une chose, c'est parce qu'on l'a déjà dite. Je ne puis préjuger, ni du temps employé pour les motions, ni de leur recevabilité, ni du débat qui s'ensuivra et, par conséquent, je dois appeler un autre groupe, ce qui est dans le mandat de la commission. Je ne leur demande pas d'être patient ou impatient, mais il désire entendre ce qui va suivre, c'est son droit. Si nous terminons la ou les motions avant l'ajournement et qu'il est encore là, nous l'entendons, sinon nous passerons à un groupe suivant. J'espère que ceci répond aux questions de tous les membres de la commission.

Cela dit, Mme le député de L'Acadie.

M. Guay: M. le Président, les groupes que nous devons entendre...

Le Président (M. Cardinal): Je le répète, Bourse de Montréal, mémoire no 243.

M. Guay: Et après le mémoire de la Bourse de Montréal, étant donné qu'il est possible, théoriquement, que nous entendions le début d'un autre mémoire, pouvez-vous me dire qui nous devons entendre ce soir également?

Le Président (M. Cardinal): The Provincial Association of Protestant Teachers, mémoire no 176.

M. Lalonde: M. le Président, si cela allait encore plus rapidement, quel serait le troisième?

Le Président (M. Cardinal): Association québécoise des professeurs de français, mémoire no 150.

M. Lalonde: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Et demain matin, si vous allez plus loin, Barreau du Québec, mémoire no 31, Fédération des groupes ethniques de Québec, mémoire no 96, Confédération des syndicats nationaux, mémoire no 37. Est-ce que vous voulez savoir le programme à l'affiche pour toute la semaine?

M. Lalonde: Je pense que ça va très bien pour ce soir, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Oui. Alors, Mme le député de L'Acadie.

Motions de l'Opposition

Audition du Conseil supérieur de l'éducation

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président.

Cela fait déjà plus de deux semaines que nous entendons des mémoires et comme nous l'avons signalé hier soir, nous nous sommes abstenus, dès la deuxième journée, de présenter d'autres motions, même si nous l'avions indiqué à ce moment-là, pour justement permettre la poursuite des travaux et tenter d'assurer le meilleur fonctionnement possible de la commission. Je pense que...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Taschereau, sur une question de règlement.

M. Guay: Vous avez donné la parole au député de L'Acadie qui a annoncé une motion. Il me semble qu'une motion doit être présentée sans préambule aucun.

M. Goldbloom: Au contraire.

M. Lalonde: M. le Président, le député de Taschereau a beaucoup à apprendre, mais on va lui laisser le temps.

M. Guay: Vous êtes trop aimable, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. A l'exemple...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît. A l'ordre, s'il vous plaît. En commission parlementaire, il n'est pas besoin d'avis pour une motion.

M. Guay: Je n'ai pas parlé d'avis.

Le Président (M. Cardinal): Non, si vous permettez. D'ailleurs, un avis a été donné, ce qui est déjà superfétatoire et, d'autre part, le préambule de Mme le député de L'Acadie n'est pas déjà tellement long que je doive l'interrompre.

M. Bertrand: M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Vanier.

M. Blank: Sur la question de règlement.

Le Président (M. Cardinal): Un instant. M. le député de Vanier et ensuite, M. le député de Saint-Louis.

M. Bertrand: C'était simplement pour mentionner que je pense que le député de Taschereau était dans son droit. L'article 62 du règlement, que vous connaissez par coeur, d'ailleurs, dit: Une motion écrite doit contenir uniquement la proposition faite à l'assemblée et ne peut être précédée d'un exposé de motifs.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Vanier, j'attendais quelques secondes, quelques minutes, pour demander que, s'il y avait une motion, elle soit par écrit. Je l'ai d'ailleurs déjà indiqué dès la première séance de cette commission.

M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: Ce qu'on lit dans l'article 62, c'est que le préambule vient avant la motion. Je veux dire au député de Taschereau qu'avant de faire une motion, on doit donner des raisons. Suivant la tradition parlementaire, c'est toujours après avoir fait la motion qu'on doit arrêter de parler. On doit donner les raisons, les motifs en faveur de la motion et, ensuite, on fait la motion. On ne fait pas cela à l'envers.

Le Président (M. Cardinal): Un à la fois. M. le député de Taschereau sur la question de règlement.

M. Guay: Malgré le respect que js porte à la vive intelligence du député de Saint-Louis, je dois remarquer que l'article 62 dit: "ne peut être précédée d'un exposé de motifs". Or, nous sommes en train d'entendre les motifs pour lesquels le député de L'Acadie n'a pas présenté de motion jusqu'à ce soir.

M. Lalonde: M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Si vous le permettez, M. le député de Taschereau. M. le député de Marguerite-Bourgeoys sur une question de règlement.

M. Lalonde: Oui, sur cette question de règlement, M. le Président, le député de Taschereau, sans le savoir, a raison, malgré sa courte expérience.

M. Guay: Très bien, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: II a totalement raison et il va s'apercevoir, par le libellé de notre motion, de la motion du député de L'Acadie, qu'il n'y a pas d'attendus, qu'il n'y a pas de préambule. Mais ce règlement ne s'applique qu'au libellé de la motion et non pas à la présentation de la motion.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le député de Marguerite-Bourgeoys, je redonne la parole au député de L'Acadie et j'espère que, malgré les motions, ce qui est un droit strict des membres de cette commission, nous ne nous en-fargerons pas dans des questions de règlement pendant des minutes et des minutes. Mme le député de L'Acadie, si vous voulez bien, s'il vous plaît, en venir à votre motion.

Mme Lavoie-Roux: Vous me permettez, M. le Président, quand même quelques mots. Je voulais simplement faire remarquer ce qui me motive ce soir à présenter cette motion. C'est qu'il y a deux semaines et demie d'écoulées et que la très grande majorité des organismes qui se sont présentés devant nous ont apporté, ont accordé une très grande importance au chapitre touchant la langue d'enseignement.

Depuis ce temps, il y a environ une semaine, le Conseil supérieur de l'éducation a rendu un avis

sur le projet de loi no 1 et c'est la motion suivante que je veux présenter:

Que cette commission entende le Conseil supérieur de l'éducation le 30 juin 1977, à dix heures, afin que la présente commission soit pleinement informée de la portée du projet de loi no 1 touchant en particulier la langue d'enseignement au Québec.

Le Président (M. Cardinal): Madame, vous avez la copie de votre motion? D'accord.

Madame et messieurs, la motion se lit comme suit, je la répète:

Que cette commission entende le Conseil supérieur de l'éducation le 30 juin 1977, à dix heures, afin que la présente commission soit pleinement informée de la portée du projet de loi no 1 touchant en particulier la langue d'enseignement au Québec.

Je pourrais, dès ce moment, suspendre et réfléchir longuement sur la recevabilité de cette motion. Comme il a été fait depuis...

M. Blank: M. le Président, sur la question de la recevabilité, ne pensez-vous pas qu'on doit discuter de la recevabilité avant que vous rendiez votre décision?

Le Président (M. Cardinal): Je n'ai pas encore rendu ma décision, M. le député de Saint-Louis. Si vous aviez été présent le premier mardi, j'ai indiqué qu'avant de rendre une décision sur la recevabilité, je demanderais toujours l'opinion des membres de la commission.

M. Blank: Excusez-moi, je n'étais pas présent.

Le Président (M. Cardinal): Vous permettrez que je fasse un préambule moi aussi. Cette motion...

M. Lalonde: J'espère que le député de Taschereau va l'accepter.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Cette motion étant lue, il me serait facile de suspendre et d'y réfléchir. C'est ce que je disais au député de Saint-Louis. Il m'a demandé la parole. Cependant, je procéderai de la même façon qu'au tout début de cette commission. Je permettrai, non pas un débat, mais de très courts exposés de chacun des partis sur la recevabilité de cette motion, et quand je dis très court, je ne permettrai pas... Là, il n'y a pas d'intervenant, il n'y a pas de témoin, il n'y a pas d'invité. Le temps sera coupé à la seconde.

Le premier que je reconnais, c'est M. le député de Bourassa. Je vous en prie, Mme et MM. les membres de cette commission, de vous en tenir non pas au fond, mais à la recevabilité de cette motion. M. le député de Bourassa, s'il vous plaît.

Adoption de la motion

M. Laplante: Je crois que, pour notre groupe, cela nous paraît une motion raisonnable et nous l'acceptons sans discussion.

M. Guay: Pouvons-nous entendre la Bourse de Montréal maintenant, M. le Président?

Le Président (M. Cardinal): Dois-je comprendre que la commission accorde son consentement unanime pour que cette motion soit adoptée?

M. Guay: Absolument.

M. Laplante: Certainement.

Une Voix: Adopté.

Le Président (M. Cardinal): La motion est adoptée. Je relis cette motion, le ministre en tiendra compte: "Que cette commission entende le Conseil supérieur de l'éducation — j'espère qu'il sera libre ce jour-là — le 30 juin 1977 à 10 heures, afin que la présente commission soit pleinement informée de la portée du projet de loi no 1 touchant en particulier la langue d'enseignement au Québec.

M. Guay: Peut-on entendre la Bourse de Montréal maintenant, M. le Président?

Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous plaît! Le président a signé pour indiquer que la motion est adoptée. Mme le député de l'Acadie.

Comparution du ministre de l'Education M. Jacques-Yvan Morin

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, j'aurais une deuxième motion à présenter. Je le fais, parce que je juge que, dans le débat qui a lieu présentement, nous avons été privés trop longtemps de la présence, de l'éclairage et des opinions du ministre de l'Education sur un chapitre en particulier extrêmement important du projet de loi no 1. Je pense bien que tout le monde aura compris que je parle du chapitre de la langue d'enseignement qui va demeurer — tout le monde le sent bien — après l'adoption de la loi, ce que je présume... D'ailleurs, le ministre d'Etat au développement culturel avait déjà dit, au tout début, qu'il avait une majorité en chambre et qu'il ne faisait pas de doute que cette loi serait adoptée.

Le chapitre sur la langue d'enseignement, sur ce qui touche également la qualité de la langue française, l'enseignement de la langue seconde sont autant de points qui seront les points névralgiques plus tard dans l'application de cette loi. C'est pourquoi je fais la motion suivante: "Que cette commission est d'avis que M. Jacques-Yvan Morin, député de Sauvé, en sa qualité de ministre de l'Education et, en conséquence, responsable de l'application du chapitre de la langue d'enseignement, soit invité à comparaître devant cette commission le 30 juin 1977 à 16 heures.

Le Président (M. Cardinal): Merci, madame. M. le député de Taschereau, à quel sujet?

M. Guay: Sur la recevabilité de la motion, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, vous permettez...

M. Guay: Je vous en prie.

Le Président (M. Cardinal): Comme je l'ai fait tantôt, simplement quelques mots. Je pense qu'il n'est pas nécessaire de relire la motion ayant pour but qu'un ministre soit convoqué devant une commission parlementaire élue et permanente. Je ne me prononce pas immédiatement sur la recevabilité et, encore une fois, je demanderai aux membres de la commission, c'est-à-dire à chacun des partis, pas plus, leur opinion sur la recevabilité. M. le député de Taschereau.

M. Guay: II me paraît bien évident, M. le Président, que cette motion est absolument irrecevable. Le député de L'Acadie confond visiblement la nature du régime parlementaire britannique avec un régime présidentiel à l'américaine.

Dans un régime de type présidentiel, il est évident qu'une commission du Congrès, fut-elle sénatoriale ou de la Chambre des représentants, dans le cas des Etats-Unis, par exemple, peut possiblement — encore là, ce n'est pas certain — convoquer un secrétaire du président et des secrétaires d'Etat. Encore là, la jurisprudence, à ce sujet, n'est pas unanime. Mais il est bien évident qu'en régime parlementaire britannique, une commission parlementaire ne peut pas convoquer un ministre à comparaître devant elle. Cela me semble être tout à fait contraire. Un ministre, lorsqu'il siège en commission, siège du côté du gouvernement soit pour débattre d'une question, soit entendre des mémoires, comme le ministre de l'Education, d'ailleurs, l'a fait cet après-midi. Mais il est absolument invraisemblable qu'en régime parlementaire britannique, on puisse en arriver avec une motion aussi frivole à sa face même que celle de convoquer un ministre pour qu'il vienne comparaître à la table des témoins ou des invités, alors que le ministre lui-même fait partie de l'Assemblée, et, conséquemment, fait partie de la commission.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le leader de l'Opposition officielle.

M. Lavoie: M. le Président, je ne ferai pas de comparaison avec le système présidentiel américain, mais je vais m'en tenir strictement au règlement actuel, et, si nécessaire, à l'esprit et à la philosophie de notre droit parlementaire. Dans le nouveau règlement, il est bien dit, à l'article 154: "En commission plénière ou élue, après la deuxième lecture, on ne peut discuter que des détails d'un projet de loi et il ne peut y avoir audition publique que devant une commission élue pourvu que celle-ci y consente". Je voudrais me référer également à la Loi de la Législature.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Laval.

M. Lavoie: Merci. Est-ce que je dois arrêter le plaidoyer...

Le Président (M. Cardinal): Pas sur l'article 154, mais sur la Loi de la Législature.

M. Lavoie: Bon! La Loi de la Législature également, parce qu'il est bien dit au début de notre règlement, je crois que c'est au tout début des articles, premier, deuxième et troisième, qu'on est régi en premier lieu par les lois, il y a même une préséance des lois sur notre règlement en ce qui concerne la procédure. Les lois sont même considérées à un ni veau supérieur que même le règlement de l'Assemblée. La Loi de la Législature, à l'article 63, au chapitre intitulé: Des immunités et privilèges de l'Assemblée, dit: "L'Assemblée nationale peut assigner et contraindre toute personne, sans aucune exclusion, à comparaître devant elle, ou une de ses commissions, ou à y produire toute pièce qu'elle juge nécessaire à ses actes ou délibérations". Même si la personne est convoquée à la suite d'une motion, d'une décision d'une commission, il peut même y avoir des mandats d'émis sous l'autorité du président de l'Assemblée nationale. L'article 91 également de la Loi de la Législature dit: "Toute commission de l'Assemblée nationale, siégeant dans l'exercice de ses fonctions, peut interroger les témoins sous serment, sur toute matière relative à l'affaire dont elle est saisie. A cette fin, le président ou tout membre de la commission peut faire prêter le serment, etc.

Il est sûr qu'en vertu de notre règlement, lorsqu'il a été fait, on n'a pas voulu réécrire un règlement aussi complet que le précédent, qui avait au-delà de 700 articles. Il s'est établi une coutume voulant que, lorsqu'il n'y a pas d'ambiguïté ou absence, si la rédaction du nouveau règlement n'est pas complète pour couvrir tous les aspects, on se réfère à l'ancien règlement. Je pense que cela fait partie des traditions et de l'usage que nous avons. C'est l'article 4 du nouveau règlement qui le dit, d'ailleurs: "Dans un cas non prévu par les règles de procédure ou dans un cas de divergence d'opinions sur l'interprétation d'une règle de procédure, le président décide en tenant compte des usages de l'Assemblée depuis son origine". Ce qui est plus fort même que les usages depuis son origine, c'est bien l'ancien règlement. Il y a un chapitre tout à fait...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Laval.

M. Lavoie: Pardon?

Le Président (M. Cardinal): J'ai dit: Oui, M. le député de Laval.

M. Lavoie: Merci, M. le Président. Il y a au titre XIV de l'ancien règlement, un chapitre qui traite...

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, M. le député de Laval. C'est une question de règlement. M. le député de Rosemont.

M. Paquette: Oui, c'est une directive que je voudrais vous demander. Est-ce que vous considérez que l'article 160, qui limite l'intervention d'un député à 20 minutes, s'applique présentement?

Le Président (M. Cardinal): II s'applique présentement, oui.

M. Paquette: D'accord.

Le Président (M. Cardinal): Oui, sans aucun doute.

M. Lavoie: J'espère que je ne prendrai pas mes 20 minutes.

Le Président (M. Cardinal): Si vous me permettez, à l'occasion de cette demande de directive, comme nous n'entendons plus de témoins présentement ou d'invités, l'article 160s'applique entièrement et dans sa totalité. M. le député de Laval.

M. Lavoie: Je retourne à l'ancien règlement, Geoffrion, titre XIV des témoins. Je vais vous lire deux ou trois articles: De l'assignation des témoins, article 708: La Chambre peut, au moyen d'ordres signés par l'orateur ou par le greffier, assigner des personnes à venir déposer devant elle ou devant un de ses comités — on a francisé le mot comité par commission maintenant — et les requérir d'y apporter des livres, des pièces et des dossiers. 709: "Tout comité — ou commission — autorisé à envoyer quérir des personnes, des pièces et des dossiers, peut assigner des témoins au moyen d'ordres signés par le président de ce comité et les requérir d'y apporter des livres..." 711: "Tout ordre d'assignation est voté sur une motion non annoncée — ce qui s'est fait d'ailleurs — et doit indiquer le nom du témoin assigné, le lieu, le jour et l'heure où il devra comparaître, et, s'il y a lieu, une désignation spécifique des livres, des pièces et des dossiers qu'il devra apporter."

Là, je voudrais bien, M. le Président, que vous reteniez, d'une manière tout à fait particulière, l'article 713. Je disais qu'il n'y avait aucune exception, même pour un ministre ou un député. L'article 713, de l'ancien règlement: "Quand un comité — ou commission — autorisé à envoyer quérir des personnes, des pièces et des dossiers désire interroger un député — je pense que le titre premier de tout ministre: Celui de député avant tout — le président écrit à ce député etc...." Si c'est le voeu de la commission, après un vote. Si le voeu est positif, mais le président devra écrire au député de Sauvé pour l'inviter à comparaître. "Quand un député consent de déposer, il ne peut ensuite refuser de répondre à des questions régulières."

Je pense bien que dans toute l'économie même, il n'y a aucune exclusion. Sans aller au fond de la question... je pense que je peux y aller très brièvement. Je voudrais quand même limiter mon propos à la recevabilité. Je crois qu'il n'y a aucun statut privilégié pour quelque ministre. Loin de là, je crois que le ministre de l'Education est la personne souhaitable et privilégiée qui pourrait éclairer cette commission dans son mandat. En ce qui concerne le mandat, je ne voudrais pas qu'il soit limité uniquement à l'audition des témoins, parce que je voudrais faire un aparté ici. Avant qu'on intercale dans notre règlement l'article 118a, qui a intégré à notre règlement des règles de pratique qui avaient été adoptées en 1971, toujours dans notre esprit de concision d'avoir un règlement le plus fonctionnel même, par contre, bref également, laissant la place à des décisions, à des précédents, à la jurisprudence et tout, cela a été l'esprit qui a animé la conception du nouveau règlement... je vous ramène aux règles de pratique qui disaient bien: ...lorsqu'un projet de loi est envoyé à une commission élue après la première lecture, — c'est bien notre cas — pour une étude globale... ce n'est pas restrictif à l'audition de témoins. C'est pour étude globale. Je pense bien que l'Assemblée, par le démembrement que nous sommes ici, de la commission... nous sommes ici pour faire une étude la plus vaste possible pour la bonification de cette loi.

Je pourrais vous mentionner une autre note dans cet esprit de l'étude globale, qui est également le mandat de cette commission. Si on désire entendre des personnes qui veulent se faire entendre, vous savez qu'une commission parlementaire se transpose un peu comme un tribunal dans la philosophie de notre loi parlementaire et c'est une enquête que nous faisons. D'ailleurs, je cite une note qui est au bas de l'article 708 de notre ancien règlement où il est dit: Les enquêtes — c'est, en somme, une enquête que nous faisons sur le projet de loi no 1 — sont de trois sortes. Premièrement, celles où la Chambre ou une commission fait des investigations sur une question ou une matière d'intérêt public, en vue d'adopter une loi générale — je pense bien que c'est le cas — ou quelque mesure d'intérêt général. C'est encore doublement le cas.

Mon intervention se limite à ça, M. le Président, pour vous dire que, dans mon opinion, je pense bien que le mandat que l'Assemblée a confié à cette commission, c'est d'explorer au maximum tous les aspects de cette loi d'intérêt général, surtout une loi qui s'appelle la Charte de la langue française au Québec.

Le Président (M. Cardinal): D'accord! Merci, M. le député de Laval.

Vous me permettrez, sans me prononcer sur la recevabilité, de répondre immédiatment à chacun de vos arguments.

Vous avez invoqué la Loi de la législature, ce à quoi je vous ai dit que vous aviez parfaitement raison avant même que vous ne citiez l'article 63.

Je n'ai pas l'avantage d'avoir devant moi la Loi de la Législature, mais si je prends tous les arguments que vous avez invoqués, et ceci dit sans prétention, mon cher confrère notaire, je sais que j'ai les pouvoirs d'un juge et, d'ailleurs, dans certains articles de journaux, on a été surpris de certaines réactions de cette commission.

Je sais fort bien que j'ai le droit de convoquer des témoins devant cette commission, avec la même obligation qu'un subpoena devant une cour. Je sais bien que ceux qui ne se présenteraient pas pourraient être punis de ne pas l'avoir fait. Je sais bien que sous l'ancien règlement, on pouvait réunir cet ancien comité des droits et privilèges de l'Assemblée pour quelqu'un, même député, qui n'aurait pas répondu à cette invitation, mais en vertu du même raisonnement, à partir du moment où on invoque la Loi de la Législature, l'ancien règlement, et que l'on convoque ou que l'on convoquerait le député de Sauvé, ministre de l'Education et vice-premier ministre, il faudrait aussi référer à cet autre article de la Loi de la Législature qui dit que, pendant la session, vingt jours avant la session et vingt jours après la session, un ministre ou un député, un membre de la Législature, peut refuser de comparaître devant un tribunal.

M. Lavoie: Un tribunal de droit commun.

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse. Je prends l'analogie à la limite. Si nous avions l'ancien comité des droits et privilèges, je serais entièrement d'accord pour que nous puissions, avec avis écrit, convoquer un député, soit-il ministre, mais, M. le député de Laval, je veux simplement apporter ces commentaires et ne pas me prononcer immédiatement sur la recevabilité de cette motion.

Je préfère être éclairé davantage par d'autres membres de la commission, s'il y en a qui veulent le faire.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, je pense que cette motion est recevable. Nous avons entendu les arguments de l'ancien président de la Chambre, maintenant leader de l'Opposition officielle.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, pourquoi l'appelez-vous l'ancien? C'est plutôt l'ex-président!

M. Lalonde: II n'est pas très ancien. Je suis d'accord avec vous, M. le Président. Je ne sais pas s'il a votre âge ou si vous avez son âge, mais je parle du député de Laval et à toute son expérience. Je pense que ses arguments doivent être considérés avec beaucoup d'attention.

Naturellement, si un autre député, sans expérience — on en a entendu ici à cette commission depuis quelques semaines et je n'en regarde aucun — avait fait un plaidoyer semblable, vous pourriez peut-être conserver certains doutes quant à la validité de ses arguments, mais je sais que le député de Laval a mis derrière ses arguments, son expérience, sa connaissance du règlement, sa connaissance de la tradition parlementaire et de tous les auteurs et des autorités qui ont présidé jusqu'à maintenant à la bonne tenue de nos travaux parlementaires, soit à l'Assemblée nationale ou dans les commissions parlementaires.

Je ne vois aucun hiatus à notre droit parlementaire qu'un député soit invité. Naturellement, à ce moment-là, l'ancien règlement employait un langage plutôt amical, plutôt doux, alors que les autres témoins, il les assignait. Est-ce qu'on doit y voir une certaine discrimination? Peut-être plutôt une certaine courtoisie à l'endroit des membres de cette assemblée. De toute façon, un membre, d'après l'ancien règlement, qu'on doit prendre en considération dans l'interprétation du règlement actuel... Je ne vois aucune difficulté, aucune raison pour laquelle un membre de cette assemblée ne serait pas invité par une commission parlementaire. On sait que la commission parlementaire est l'extension et la créature, en fait, de l'Assemblée nationale. Elle prend la source de son autorité dans le même règlement, elle répond aux mêmes règles et elle doit aussi profiter de la même autorité. Si l'ancien règlement prévoyait de façon tout à fait explicite, parce que c'était la forme à ce moment-là qu'on avait adoptée, une forme très détaillée...

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Me permettez-vous, je dois pour une raison personnelle m'absenter pour environ deux minutes. Je vais me faire remplacer par le député de Châteauguay, mais c'est moi qui rendrai la décision. Vous avez encore la parole. De toute façon, en vertu de l'article 160, vous avez...

M. Lalonde: Je n'ai aucune objection, M. le Président, sauf un peu de regret de vous voir partir.

Le Président (M. Cardinal): Non, je ne partirai pas, je serai dans cette salle.

M. Lalonde: Alors, M. le Président, puisque la présidence est unique, je disais donc que la commission parlementaire doit avoir la même autorité que l'Assemblée nationale et doit profiter des mêmes règles qui permettent à l'Assemblée nationale et ce, par extension de l'ancien règlement, d'inviter un député à témoigner sur quoi que ce soit, sur une question naturellement qui a été décidée d'intérêt par l'Assemblée nationale ou par une commission parlementaire. J'aimerais, si on recherche des sources plus anciennes à cette institution qui permet ainsi d'inviter un député à la barre, vous citer un auteur qui est reconnu même dans les rangs du parti ministériel. On l'a vu au cours du débat sur l'amendement au règlement concernant la période des questions. C'est le député de Frontenac, je pense, qui avait fait état de sa grande connaissance des autorités en droit parlementaire et il avait cité Erskine May: Parliamentary Practice, dans l'édition 19ième, qui, à la page 686 dit ceci, et je vous cite dans le meilleur accent que je peux avoir dans la langue de Shakespeare. Le titre est: Attendance of Members House Secured. "If the evidence of a Member is desired by the House, or a committee of the whole House — cela ressemble un peu à une commission

parlementaire — he is ordered to attend in his place on a certain day..." Je vous ferai remarquer, M. le Président, que la motion du député de L'Acadie mentionne bien une date précise. "But when the attendance of a Member as a witness is required before a select committee, the Chairman sends to him a written request for his attendance."

M. le Président, si on fait l'analogie entre cette commission parlementaire, soit avec le Committee of the whole House ou bien avec un select committee, de toute façon, soit qu'il reçoive un ordre dans un cas ou une invitation dans un autre, le résultat est le même. "Pursuant to the resolution of 16th March 1688, if any member of the House refuse upon being sent to to come to give evidence or information as a witness to a committee, the committee ought to acquaint the House therewith and not someone such member to attend the committee. There has been no instance of a member persisting in a refusal to give evidence".

Le Président (M. Cardinal): II y a une question de règlement pour le député de Taschereau.

M. Guay: J'ai mal compris; est-ce que c'est "comedy"? J'ai mal compris le mot.

M. Lalonde: Committee. M. Guay: Comédie.

M. Lalonde: Non, ça...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Les bouffons ne sont pas de ce côté-ci.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît. M. le député de Marguerite-Bourgeoys, vous pouvez poursuivre. Quoique je préside cette commission sur le projet de loi no 1, j'entends et je comprends l'anglais.

M. Lalonde: "But members have been ordered by the House to attend select committees. In 1731 — on retourne un peu en arrière, M. le Président, ça peut peut-être aider l'expérience du député de Taschereau...

M. Guay: Ainsi que du député de L'Acadie.

M. Lalonde: ...qui n'aime pas mon accent, je le regrette.

Mme Lavoie-Roux: Je ne suis pas assez bilingue pour eux.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: II faudrait peut-être que je sois aussi bilingue que la majorité des membres du gouvernement.

M. Guay: That would be a good idea.

M. Lalonde: "In 1731, Sir Archibald Grant, a member, was committed to the custody of the Sergeant at Arms in order to his forecoming to abide the orders of the House and was, afterwards, ordered ot be brought before a committee — pas comédie, committee — from time to time". On pourrait demander au ministre de l'Education, au député de Sauvé, de se tenir prêt à revenir de temps à autre.

M. Guay: ...recevabilité.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Je poursuis. "In the custody of the Sergeant, on 28, June 1842, a committee — ça va, M. le député de Taschereau?...

M. Guay: Oui, merci, et vous?

M. Lalonde: ... "reported to a member had declined to comply with their request for his attendance. A motion was made for ordering him to attend the committee — M. le député de Taschereau — and give evidence, but the member having at last expressed his willingness to attend, the motion was withdrawn".

Naturellement, M. le Président, j'ai terminé la citation. Si le...

Mme Lavoie-Roux: ...le traduire.

M. Lalonde: Si le député de Sauvé voulait, comme cela a été le cas le 28 juin 1842, se déclarer disponible auprès de la commission, nous pourrions considérer le retrait de notre motion. Alors, je pense que, vu le règlement actuel, vu toute l'économie de notre droit parlementaire et vu la pertinence de l'ancien règlement qui doit avoir son influence sur l'interprétation du règlement actuel, étant donné les autorités — je n'en ai mentionné qu'une; je suis sûr que d'autres collègues en trouveront d'autres — je pense que cette motion est recevable, que la présidence devrait, en toute sagesse et pour améliorer la qualité des travaux de cette commission, car le président en est le serviteur, vous l'avez dit, M. le Président, et il est sûrement intéressé à ce que la qualité des travaux de cette commission soit améliorée... La présidence devrait accepter que nous ayons ici devant nous, qui se succèdent, les témoins les plus aptes à éclairer les membres de cette commission.

Alors, M. le Président, je pense que cette motion est recevable et que vous devriez la déclarer comme telle.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député... Un instant s'il vous plaît. D'accord, M. le député de Laval.

M. Lavoie: Avant que vous ne rendiez votre décision, j'aurais juste quelques mots à ajouter. Je vais procéder de la même façon que vous. Vous m'avez dit...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, messieurs! Vous savez qu'il faut prendre la parole d'un député.

M. Lavoie: Ce n'est pas mon genre. Je préfère le côté pratique au côté procédurier. Quand j'ai rendu des décisions, je n'ai jamais rendu des décisions de huit ou dix pages, comme certains de mes prédécesseurs.

Le meilleur moyen, si on ne veut pas faire de la procédure, messieurs, pourquoi ne nous donnez-vous pas votre consentement à ce que la motion soit recevable, au lieu de vous y opposer? Votez contre. On va intervenir sur la motion. Votez contre. On ne fera pas de procédure. Le député de L'Acadie, le député de Marguerite-Bourgeoys, le député de Jacques-Cartier, le député de l'Union Nationale vont dire pourquoi ils désirent avoir le ministre de l'Education. Ce n'est pas parce que la motion est recevable qu'il va être obligé de venir. Avec votre majorité, vous pourrez voter contre, mais arrêtons de faire de la procédure.

M. Bertrand: Ah! bien, bon Dieu!

M. Lavoie: Le député de Taschereau s'est opposé à la recevabilité de la motion.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lavoie: Arrêtez de faire de la comédie, quand même.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Laval. M. le député de Laval et leader de l'Opposition officielle, on me reprocherait de participer au débat... A l'ordre, s'il vous plaît! On me reprocherait de participer au débat, s'il ne s'agissait pas d'une question de procédure où j'ai à rendre jugement.

Un instant, s'il vous plaît! Je n'ai pas encore déclaré recevable ou irrecevable la motion du député de L'Acadie. Je n'ai qu'appliqué ce qui a été dit au début de cette commission. Mme le député de L'Acadie elle-même a failli, il y a quelques jours, faire une motion dans le même sens et j'ai failli la déclarer irrecevable. Mais comme...

Mme Lavoie-Roux: Recevable ou irrecevable?

Le Président (M. Cardinal): Irrecevable. Mais comme cela a été simplement un incident de procédure, je ne m'en tiens pas à ce précédent qui n'en est pas un. Vous parlez de la qualité des travaux, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Je pense bien que les membres de cette commission, au nombre de 19, si on exclut le président, sont déjà la garantie d'une très excellente qualité de ces travaux. Je vous laisse le soin d'en juger.

Avant de rendre une décision ou de n'en point rendre, je demande s'il y a d'autres intervenants. M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. le Président, d'abord, j'aimerais dire en toute simplicité qu'au cours de ma

Le Président (M. Cardinal): Je ne demande qu'à être éclairé.

M. Lavoie: ... tout à l'heure qu'avant de répondre à mon argumentation... Je vais me permettre le même honneur de répondre également à votre argumentation. Lorsque vous avez mentionné qu'il existe un privilège, un accroc au droit...

Le Président (M. Cardinal): ...de procédure, à moins que je ne me trompe.

M. Lavoie: ...de quel statut ou...

Le Président (M. Cardinal): De la Loi de la législature exactement.

M. Lavoie: De la Loi de la Législature, exactement, qui est un accroc. On appelle cela un privilège des parlementaires, c'est un accroc au droil commun. Il est vrai qu'un député, en vertu de notre Loi de la législature, 20 jours avant, pendant Is session, et 20 jours après, ne peut être assigné comme témoin, devant les tribunaux civils, et peut-être criminels, je ne suis pas sûr.

Le Président (M. Cardinal): Exactement. Je l'affirme.

M. Lavoie: II est vrai également qu'en vertu de la Loi de la Législature, il est même libéré d'être juré. C'est un autre privilège ou un autre accroc, car tous les citoyens sont appelés normalement. S'ils sont convoqués ils sont obligés d'y aller. Ce sont des privilèges.

Mais comment voulez-vous interpréter? Ce privilège date depuis des siècles. Pourquoi? Parce qu'on considère que le rôle premier des parlementaires est d'être au Parlement et de légiférer et d'agir, et qu'on ne peut pas, par des moyens, les sortir du Parlement. C'est la base de ces deux accrocs, de ces deux privilèges. Mais comment voulez-vous...? Vous ne pouvez pas. Vous pouvez l'interpréter pour les tribunaux de droit commun, mais non pas pour l'Assemblée. Comment établir ou comment aurait-on pu inclure dans l'ancien règlement, qui existe depuis également des siècles, que les articles 713, où il est dit que quand un comité autorisé à envoyer quérir des personnes, des pièces et des dossiers désire interroger un député... cela serait contradictoire si cela s'appliquait à l'Assemblée nationale. Pourquoi cela serait-il dans l'ancien règlement, où il y a un article qui dit que si un comité désire entendre un député... C'est pour cela que je vous dis que votre argumentation se limite uniquement dans les tribunaux de droit commun ou d'exemption de jury et non pas à l'endroit premier où il doit travailler, qui est à l'Assemblée nationale. Or, on sait que le ministre de l'Education est sur place.

Je ne ferai pas de la procédurite. J'ai été président et je n'étais pas né pour faire de la procédure, soyez assuré de cela. Dans ma personnalité...

M. Charbonneau: En toute humilité.

participation à cette commission, comme observateur et comme opinant, j'ai été continuellement impressionné par votre sens de justice et par votre objectivité.

Je dis cela parce que je voudrais très respectueusement vous suggérer que, tout à l'heure, vous avez effectivement participé au débat. Vous avez avancé une hypothèse, hypothèse de l'assimilation de cette assemblée, donc de cette commission, à la notion de tribunal.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de D'Arcy McGee, vous remarquerez que je viens de dire que je n'aimerais pas que l'on considère que j'ai participé au débat, parce que ce n'est pas un débat de fond. J'ai simplement repris une argumentation du député de Laval et j'ai fait une analogie. Je dis tout de suite que ceci n'est pas porté au dossier quant à ma décision sur la recevabilité ou la non-recevabilité. Je m'excuse, mais je voulais apporter cette précision.

M. Goldbloom: C'était sans reproche que j'ai fait ce commentaire, mais je voulais enchaîner dans cette argumentation. Je n'ai pas l'avantage d'être avocat ou notaire. Je n'ai pas...

M. Bertrand: Vous vous sentez si démuni.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Goldbloom: ... au bout des doigts, des éléments de loi et de tradition pour pouvoir les offrir dans cette argumentation; mais il me semble que quand une chose est exprimée de façon positive, le fait que le règlement, dans sa forme actuelle, soit muet sur cette question doive vous influencer à vous pencher du côté de la recevabilité de cette motion.

Il y a effectivement ce besoin pour un député d'être ici. Il y a des pénalités qui lui sont imposées. La tradition a toujours voulu que ces pénalités ne soient pas appliquées, mais si un député est absent, il y a diminution de son traitement en conséquence. Il y a donc ce principe fondamental que le député doit être ici quand la Chambre siège et donc les commissions. C'est pour cette raison que je me permets, très respectueusement, de ne pas être d'accord avec l'hypothèse que la commission équivaut à un tribunal et que l'on ne pourrait, en vertu de cette exclusion qui existe dans la loi, convoquer un député.

Il me semble, M. le Président — je ne vais pas au fond de la question; j'avance simplement une hypothèse — que, pour des raisons qui lui seraient propres, un député, même ministre, pourrait bouder une commission parlementaire. Nous avons déjà vu, quand j'ai siégé dans l'Opposition, un ministre refuser de répondre aux questions lors du débat sur ses crédits. Je ne citerai pas de nom, mais peut-être que vous vous le rappellerez, M. le Président. Je pense que vous siégiez à l'époque.

Il me semble que si un député voulait bouder tout simplement le travail de la Chambre ou de la commission — je ne prête point d'intentions au député de Sauvé, au contraire, je suis convaincu qu'il répondrait favorablement à une invitation que vous lui enverriez au nom de cette commission — qui n'aurait pas le même sens des responsabilités, il faudrait qu'il y ait un mécanisme quelconque. Nous avons vu des ministres arrogants dans l'histoire du Québec. Il me semble qu'il faut qu'il y ait un mécanisme. Je suis convaincu, avec les précédents qui ne se trouvent pas dans le texte actuel de notre règlement, mais qui se trouvent chez d'autres autorités et qui se trouvent dans une version antérieure du règlement qui dirige les travaux de l'Assemblée nationale du Québec, il me semble qu'il y a une tradition qui équivaut à la recevabilité de la motion qui a été présentée par l'honorable député de L'Acadie.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de D'Arcy McGee. Je vais permettre encore une ou deux interventions, après quoi, je pense que je devrai me déclarer suffisamment informé.

M. Lalonde: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Vous avez dit que vous allez permettre une ou deux interventions. Est-ce que je vous ai mal compris tantôt quand vous auriez à mon avis — je m'excuse, si je vous ai mal interprété — indiqué que l'article 160 s'applique aux débats sur la recevabilité. Si c'était le cas, à ce moment, chaque député aurait le droit de s'exprimer.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Il ne faut quand même pas abuser de la procédure. Remarquez qu'il est vrai que j'ai dit que l'article 160 s'appliquait en dehors de l'audition des témoins. Je pourrais là-dessus rendre une directive qui serait assez longue, mais je ne veux pas retarder ces travaux. D'autre part, c'est purement volontaire de ma part que je demande à cette commission, comme je l'ai indiqué au tout début de ces travaux, son opinion sur la recevabilité d'une motion. Je pense, avec tout le respect que je dois à chacun des membres de cette commission et au public qui est devant nous, que je peux, à un moment donné, considérer que la contribution des députés a suffisamment informé et formé mon jugement pour que je rende une décision que je n'aurais pu d'ailleurs rendre en aucun moment depuis le début du dépôt de cette motion. Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, je voudrais bien comprendre. Il semble que, dans une certaine mesure, mais assujetti à une certaine discrétion de la part du président, le droit de parole d'un député pourrait être reconnu en vertu de l'article 160. Si on interprète la conclusion de vos propos, c'est le

droit qui est naturellement reconnu et qui est créé par le règlement, règlement qui est notre maître à nous tous, y compris le président. Ce droit de parole reconnu par l'article 160 ne serait pas reconnu lors des interventions concernant la recevabilité d'une motion? Est-ce que je vous ai bien compris?

Le Président (M. Cardinal): Non. D'accord, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Si vous me permettez, je vais citer l'article 160, qui dit que, lorsqu'une commission étudie un projet de loi — c'est ce qu'on fait — ou des crédits, un député peut prendre la parole sur le même point aussi souvent qu'il lui plaît, à condition de ne pas parler plus de 20 minutes en tout sur un même article, un même paragraphe, une même motion ou une même question d'ordre ou de règlement. Alors, je pense que lorsque nous discutons de la recevabilité d'une motion, nous parlons sur une question de règlement, autrement dit, à savoir en vertu du règlement, si la motion est recevable ou non. A cet effet, votre décision est extrêmement importante. Elle pourra même avoir un caractère de précédent. C'est pour cela que je me permets d'insister que l'article 160 préside aux débats actuellement sur la recevabilité, et que c'est le droit absolu — même si le président se pense, à bon droit, assez informé — de chaque député de recourir à l'article 160 pour tenter de faire valoir son point de vue.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Je vais rendre la directive, elle sera très brève. Vous avez parfaitement raison. Un instant, s'il vous plaît! L'article 160 s'applique présentement. Dans mon intervention précédente, je n'ai eu l'intention de brimer le droit de parole d'aucun député. J'en ai simplement appelé à la commission pour que nous ne continuions pas à discuter uniquement de la recevabilité pendant toute une soirée. Je sais fort bien que 107 députés pourraient, en vertu de l'article 160, parler chacun 20 minutes sur la recevabilité, je l'admets.

Je veux simplement vous indiquer — je regrette si l'expression de ma pensée n'a pas été claire — que j'aurais souhaité qu'après une ou deux interventions, on me permette de rendre ma décision. Si les membres de cette commission veulent continuer à discuter de la recevabilité de cette motion à laquelle on semble, d'après le proposeur et ceux qui l'appuient, apporter une grande importance, je suis, d'une certaine façon, pris dans un dilemme. On peut discuter ce soir et demain de cette recevabilité et, pendant tout ce temps-là, le président n'aura pas rendu sa décision et le député de Sauvé, ministre de l'Education, n'aura pas été convoqué. C'est tout ce que j'ai voulu dire. Rien de moins, rien de plus.

M. le député de Châteauguay, sur la question de la recevabilité. Non?

Mme le député de L'Acadie, sur la question de la recevabilité.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais simplement dire que, quand j'ai fait cette motion, c'était vraiment dans le but d'atteindre le mieux possible les objectifs de cette commission parlementaire.

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, Mme le député de L'Acadie. Si on veut invoquer les articles... au fond, est-ce que vous exercez la réplique en vertu de 101?

M. Lalonde: M. le Président, question de règlement.

Mme Lavoie-Roux: Sur la recevabilité. M. Bertrand: 94.

M. Lalonde: C'est la question de la recevabilité. A ce moment-là, est-ce que les règles de droit de réplique s'appliquent, M. le Président?

Le Président (M. Cardinal): Pas nécessairement, justement. C'est pourquoi je n'ai pas rendu une directive. J'ai posé une question.

M. Lalonde: C'est pour ça, M. le Président, que je n'ai pas perçu, quant à moi, le désir du député de L'Acadie d'exercer son droit de réplique.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, j'ai ma réponse. Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je pense, M. le Président, qu'il n'y a pas de précédent qui ne soit créé ici si je me réfère aux opinions qui ont été exprimées par mes aînés, sinon par l'âge, du moins à titre de membres de l'Assemblée nationale. Il n'y a pas de précédent. Si on se reporte par exemple, à ce que le député de Laval a dit quant à la Loi de la Législature et aux règlements auxquels il s'est référé... Le député de Marguerite-Bourgeoys a également cité des exemples qu'il a pris, je pense, dans l'expérience du Parlement britannique. Ce qui est encore plus important, c'est se rappeler que l'objectif d'une commission parlementaire est vraiment de permettre à tous les membres d'être le mieux éclairés possible, compte tenu des décisions que, éventuellement, et dans un délai relativement court, ils seront appelés à prendre. Je m'explique mal si on se réfère aux objectifs de ce que doit être une commission parlementaire, qu'on puisse empêcher, par la non-recevabilité d'une motion, que des membres extrêmement importants, et que nous devrions entendre, soient invités.

Je pense que, normalement, le député de Sauvé est membre de la commission de l'éducation, des affaires culturelles et des communications. Il s'est fait remplacer pour des raisons qui sont certainement jusitifées, mais qui, quand même, privent non seulement les membres de cette commission, mais également le public qui vient se faire entendre ici, d'opinions qui pourraient éclairer...

Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous plaît! M. le député de Taschereau invoque le règlement.

M. Guay: M. le Président, nous sommes en train de discuter de la recevabilité de la motion, non pas du fond de la question.

Le député de L'Acadie, il me semble, est en train de discuter abondamment du fond de la question et en aucune façon, à savoir si la motion est recevable ou irrecevable.

M. Lalonde: M. le Président, sur la question de règlement.

Le Président (M. Cardinal): Oui. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Les considérations apportées par le député de L'Acadie ont quand même une certaine pertinence parce qu'il se pourrait — et je ne veux pas préjuger, naturellement, de la décision que vous allez rendre, ni l'influencer de façon indue — que dans une décision sur la recevabilité, le président soit influencé dans une certaine mesure par l'aspect totalement exagéré, ou farfelu d'une motion, alors que le député de L'Acadie ne fait qu'effacer, si jamais il y avait un doute dans votre esprit à ce propos, cette possibilité en le faisant d'ailleurs d'une façon tout à fait courte — le député de L'Acadie a eu à peine le temps de dire quelques mots là-dessus — en insistant sur le sérieux de sa motion. Je pense que c'est tout à fait pertinent.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Taschereau et M. le député de Marguerite-Bourgeoys, je ne veux pas rendre de décision sur un sujet semblable. Je veux simplement indiquer que... Je demanderais à Mme le député de L'Acadie justement de faire attention, à ne pas aller au fond de la question, à s'en tenir à la recevabilité, s'il vous plaît.

Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je vais conclure à ce moment-ci en rappelant tout simplement les références de ceux qui ont parlé avant moi, et qui m'apparaissent pertinentes. Il serait superflu de tes répéter dans le détail. Je veux simplement dans le sens du député de D'Arcy McGee et sans vouloir exercer d'influence indue, je suis certaine, compte tenu de la façon dont vous avez procédé jusqu'à maintenant et de votre grand souci que tous les membres de cette commission et que le public aient l'occasion non seulement de s'exprimer, mais aussi, en certaines occasions, d'avoir le sentiment des membres du gouvernement et des membres de l'Opposition, que la décision que vous rendrez sera certainement dans ce même sens que devant un projet de loi aussi important que celui qui est présentement débattu, est assuré que tous et chacun la décision sera rendue dans leur meilleur intérêt... je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): C'est moi qui vous remercie, Mme le député de L'Acadie. Comme le député de Marguerite-Bourgeoys a invoqué l'article 160, je donne la parole tout d'abord au député de Châteauguay et ensuite, au député de Laval.

M. Dussault: Merci, M. le Président. Je pense que la motion est irrecevable et c'est dans la nature même du mandat de cette commission que nous devons trouver l'irrecevabilité de cette motion.

Le mandat est d'informer les députés de l'Assemblée nationale dans le cadre de cette commission parlementaire. L'on sait tous, depuis le début de cette commission et l'Opposition le savait aussi, que tous les députés de l'Assemblée nationale peuvent être présents à cette commission parlementaire. Ils peuvent prendre la parole. Ils peuvent demander d'être informés par les témoins assignés ici.

Or, le député de Sauvé est susceptible de faire partie de cette commission et d'ailleurs, il en a fait partie à une couple de reprises pour demander d'être informé sur la question. Mettre le ministre de l'Education ici en face de nous comme témoin, c'est le mettre en conflit et on ne peut pas demander actuellement au ministre de nous servir de té-' moin alors qu'il est un de ceux qui demandent et qui exigent et qui tiennent encore à être informés.

C'est la raison pour laquelle, je pense, M. le Président, que vous devez déclarer cette motion irrecevable.

Le Président (M. Cardinal): Merci. M. le député de Laval et ensuite, M. le député de Saint-Louis.

Vous cédez votre droit de parole, M. le député de Saint-Louis? M. le député de Saint-Louis, M. le député de Laval, M. le député de D'Arcy McGee.

M. Blank: C'est sur la question du mandat que le député de Châteauguay a mentionné.

Selon lui le mandat de cette commission, ce n'est pas seulement d'entendre des témoins, mais de faire une étude globale. Si on s'est référé à d'anciens règlements de commissions élues, même si ces règlements sont abolis, c'est une question de faire une étude globale pour renseigner la commission avant la deuxième lecture sur tous les aspects de la loi. Le député de Châteauguay a mentionné que le député de Sauvé peut faire partie de cette commission. C'est vrai, mais comme vous le savez, nos règlements ne nous permettent pas qu'un député puisse questionner un autre député. Ici, la motion du député de L'Acadie veut que le ministre comparaisse devant à la barre, comme témoin, où on pourra le questionner. S'il est membre de cette commission, on n'aura pas le droit de le questionner. Cette commission a même créé un précédent. Vous avez adopté la motion du député de L'Acadie pour que le président du Conseil supérieur de l'éducation vienne ici pour témoigner. C'est exactement la même chose.

Nos règlements disent que n'importe quelle personne peut venir ici comme témoin. Le député

de Sauvé est une personne qu'on peut faire venir comme témoin suivant le précédent qui a été annoncé ici, et le seul moyen qu'on a de questionner cette personne, c'est qu'elle vienne ici comme témoin, pas comme député. Comme député vous n'avez pas le droit de la questionner. A part cela, il n'est pas le parrain du bill. On veut connaître ses opinions, son expérience dans l'éducation en ce qui concerne les articles de cette loi sur l'enseignement. Pour moi, c'est clair. On a déjà créé le précédent. On a voté unanimement. On peut faire venir un témoin et lui poser des questions! mais le député de Sauvé est comme n'importe quel autre témoin. Le fait qu'il soit député ou ministre ne change rien. Nos règlements, nos lois, nos précédents disent que n'importe quelle personne peut venir ici. On a des précédents qui ont été cités, je pense, par le député de Marguerite-Bourgeoys. On peut le forcer même à venir ici, mais le seul moyen de lui poser des questions, c'est lorsqu'il est ici comme témoin, pas comme député. Je dis que l'argument du député de Châteauguay n'a aucune force.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Laval.

M. Lavoie: Etant donné qu'il n'y a pas de consentement unanime à ce que la motion soit re-cevable, je pense que je vais vous poser une question, M. le Président, et j'espère que votre réponse sera l'argument, peut-être, qui pèsera dans la balance pour accepter cette motion. Vous savez que, dans notre droit parlementaire, dans nos institutions parlementaires, un député ou un ministre peut être membre du Cabinet sans même être député.

Le Président (M. Cardinal): C'est un argument ad hominem, monsieur.

M. Blank: M. Marier.

M. Lavoie: Laissez-moi terminer. C'est arrivé, je me le rappelle. M. Wagner, je crois, avait été choisi, avait été assermenté comme ministre et devait aller, dans les mois suivants, devant l'élec-torat. M y a quelques années passées, et même dans notre droit constitutionnel et parlementaire, un membre du Conseil législatif ou du Sénat canadien a pu être membre et souvent a été membre du Cabinet, sans être député. C'est reconnu. D'ailleurs notre ancien règlement prévoyait — je n'ai pas lu l'article — à l'article 715 qu'il était permis de convoquer un membre du Conseil législatif à témoigner devant une commission de l'Assemblée nationale. Il y avait une procédure polie. Il fallait qu'un message soit envoyé au Conseil et tout. Prenons cette hypothèse, et pour vous prouver qu'un ministre ne peut pas être à l'abri d'une telle requête ou d'un tel désir d'une commission, prenons un membre du Conseil législatif ou une personne qui ne serait même pas député, mais qui occuperait un poste exécutif, membre du cabinet, disons en l'occurrence le ministre de l'Education, quelque chose comme cela. Nous serions à la période de la défense des crédits du ministère de l'Education, et qui pourrait défendre ces crédits, si ce personnage ne voulait pas se présenter à la commission pour défendre les crédits du ministère de l'Education? Certainement pas un adjoint parlementaire, qui n'est pas membre de l'Exécutif, certainement pas des sous-ministres ou des membres de la fonction publique. C'est la raison pour laquelle un comité... si cette personne ne voulait pas comparaître pour défendre ses crédits, il faut qu'un moyen existe aux élus du peuple pour convoquer cette personne. C'est pourquoi j'espère que votre réponse à ma question fera peser dans la balance qu'un ministre ne peut pas être à l'abri d'un tel voeu d'une commission.

Le Président (M. Cardinal): Je n'ai pas encore répondu à cette question, M. le député de Laval et, devant votre hypothèse de travail, je rappellerai que, dans une situation semblable, un ministre de l'Education, à l'occasion de la défense de ses crédits, avait dû faire face à une motion du leader de l'Opposition officielle à savoir qu'il ne devait pas répondre de ses crédits.

M. Lavoie: Parce qu'il était présent, je crois.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. le Président, c'est la question que je voulais vous poser.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: M. le Président, c'est avec beaucoup d'attention que j'ai écouté le député de Laval et le député de Marguerite-Bourgeoys argumenter sur la recevabilité de cette motion. Je dois dire aussi que j'ai été, comme vous probablement, impressionné par l'argumentation du député de D'Arcy McGee qui a soutenu sa thèse en se servant de l'économie de notre loi. Il me semble que dans l'économie de notre loi, on voit des traditions, on voit dans son essence même que si cette motion n'était pas recevable, il serait difficile pour une commission élue de l'Assemblée, comme la nôtre, de faire face aux obligations qui nous ont été données par l'Assemblée nationale.

On pourrait faire la preuve par l'absurde. On pourrait avoir, par exemple, un ministre qui refuserait de répondre aux questions que nous lui posons en Chambre. On pourrait avoir un ministre qui déposerait des projets de loi et qui refuserait de prendre avantage de son droit de parole en deuxième lecture; qui pourrait, à la rigueur, refuser de répondre en comité plénier, lorsque nous étudions une loi article par article; qui pourrait se priver de son droit de réplique, en troisième lecture; qui pourrait refuser de répondre lors de l'étude, en commission, de ses crédits; qui pourrait refuser toute relation ou communication avec la presse; qui pourrait se limiter à faire partie du

cabinet sans jamais accepter de responsabilité envers la Chambre.

Si l'économie de notre règlement ne permettait pas à un tel ministre de se présenter devant une commission, soit plénière ou élue de la Chambre, on pourrait être privé, dans l'étude des lois, d'un apport absolument indispensable. M. le Président, il semblerait inconcevable qu'un ministre puisse agir de la sorte sans être forcé d'une façon ou d'une autre de se décharger de ses obligations vis-à-vis de la Chambre et, par ricochet, vis-à-vis du public puisque nous sommes, à titre d'élus, représentants du public et qu'un député ou un ministre qui refuserait de renseigner la Chambre, refuserait par le fait même de renseigner le public.

Je vous ai fait une caricature extrême d'une situation qui pourrait, d'une façon hypothétique, exister. Mais à titre de membre de cette commission, lorsque nous parlons de la situation qui existe actuellement, ce n'est pas une hypothèse, c'est une situation de fait qui existe. En ce sens que vous avez très bien remarqué, M. le Président, que même si le ministre est membre de cette commission, même s'il a été présent à cette commission, il s'est d'une façon constante refusé à prendre part aux débats sur la question de l'éducation, question fondamentale et question sur laquelle il n'a jamais pris la parole.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! Deux remarques, vous êtes presque rendu au fond de la question et d'autre part, je vous soulignerai qu'il n'y a pas de débat à cette commission, sauf un débat comme celui-ci. Lorsqu'il y a des témoins, nous les entendons et les interrogeons. Alors, le ministre n'a pas à participer à des débats, il n'y en a pas eu.

Alors, il n'a pas...

M. Lalonde: M. le Président, sur la question de règlement.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je suis sûr que vous avez compris que le député de Jacques-Cartier voulait se référer aux travaux plutôt qu'aux délibérations.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Je n'ai apporté cette précision que pour le bon entendement de tous les membres de la commission. Ce n'est pas un reproche. Dans aucun cas, je n'en fais, d'ailleurs.

M. Saint-Germain: Je m'excuse de ce lapsus, M. le Président. Je dirais que le ministre nous a privés de renseignements qui nous permettraient d'étudier à fond la législation que l'Assemblée nationale ne nous a pas obligés à discuter, mais sur laquelle elle nous a obligés à prendre les renseignements pertinents des témoins, relativement à cette loi.

Cette présence, M. le Président, est indispen- sable, parce que vous savez pertinemment que, dans cette loi que nous étudions, il y a des chapitres complets qui se rapportent à l'éducation. Si cette loi était adoptée sans ces renseignements, il pourrait arriver que des personnes, des citoyens soient privés du choix d'une école.

Pour connaître cette loi à fond, il va falloir se renseigner et savoir qui aura le droit à l'école française, qui aura le droit à l'école anglaise...

Le Président (M. Cardinal):... de la question.

M. Saint-Germain: J'essaie, M. le Président, de répondre au député de Châteauguay, qui a argumenté tout à l'heure que le ministre était membre de cette commission et qu'à ce titre, on ne pouvait pas le faire comparaître comme témoin. J'essaie de bien vous démontrer. M. le Président, que même si le ministre a été membre de cette commission, il n'a pas pris part aux travaux, qu'il ne nous a pas livré les renseignements qu'il aurait dû nous livrer et j'essaie de démontrer, contrairement à ce que le député de Châteauguay a essayé de faire, qu'il nous est absolument indispensable d'avoir des opinions du ministre, de savoir comment cette loi, au niveau scolaire, va être appliquée et, pour ce faire, j'essaie présentement de vous démontrer que, dans cette loi, pour l'étudier d'une façon logique, il nous faut absolument comme témoin le ministre de l'Education.

Vous n'êtes pas sans savoir, par exemple, que beaucoup de gens se sont présentés ici en attachant une importance primordiale à la langue seconde. Que ce soient les gens de langue anglaise qui se sont plaints, même cet après-midi, de ne pas être capables...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Là, vraiment, vous entrez dans une question qui est tout à fait irrégulière quant à la recevabilité de la motion. Je vous prierais de revenir au sujet.

M. Saint-Germain: Je ne vous donne pas d'opinion, M. le Président. J'essaie...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Jacques-Cartier, je dis simplement que quand vous parlez des délibérations de cette commission, vous débordez te cadre des raisons pour lesquelles le président devrait déclarer cette motion recevable ou irrecevable.

M. Saint-Germain: J'essaie, M. le Président, de soutenir, comme membre de cette commission, il m'est extrêmement difficile de me décharger de mes obligations sans écouter le ministre de l'Education. J'essaie de vous démontrer que, par la teneur même de la loi que nous avons, qui concerne les renseignements que nous devons obtenir, que la présence du ministre est absolument indispensable, parce que c'est le ministre de l'Education qui, en plus de nous renseigner, devra mettre cette loi en application au niveau scolaire. C'est lui qui sera responsable de l'administration de parties excessivement importantes de cette loi.

A titre de membre de cette commission, je trouve déraisonnable de ne pas avoir les éclaircissements du ministre, et comme je sais que l'économie de notre règlement veut que chaque député puisse être renseigné adéquatement sur une législation donnée, j'essaie de vous démontrer par l'économie de la loi, la nécessité d'avoir les opinions du ministre et que la motion du député de L'Acadie est recevable.

Si nous ne pouvions pas, par l'économie de notre loi entendre les explications du ministre, si nous ne pouvions pas lui poser de questions et si l'économie de notre loi ne nous permettait pas de l'obliger à répondre, nous serions, à titre de membres de la commission, dans un cul-de-sac. Je crois que ce serait une atteinte à nos privilèges de députés. D'après l'économie de notre loi, vu que le ministre a extrêmement de responsabilités administratives, en plus d'être député, il a ses obligations de ministre, qui donne à la présence d'un tel témoin un surcroît d'importance...

Sa présence est alors indispensable et c'est la raison que j'essaie d'invoquer. J'essaie de vous faire ressentir que si l'économie de notre loi ne nous permettait pas une telle motion, on pourrait facilement placer un député dans une incapacité d'agir, de prendre ses responsabilités, et de connaître exactement ce qu'il y a dans la loi et, par ricochet, ce même député serait totalement impuissant à expliquer à la population la teneur de la loi dans ses moindres détails. Je crois que la population a le droit, par l'entremise de ses députés, d'être renseignée. C'est à la base de notre démocratie que de renseigner la population. C'est élémentaire.

Il est impossible, à mon avis, de juger si l'économie de notre loi ne permet pas à cette commission d'avoir une procédure par laquelle on n'obligerait pas un témoin, soit le ministre de l'Education, à nous remettre les explications que nous sommes absolument en droit d'avoir pour nous acquitter des responsabilités que l'Assemblée nationale a bien voulu nous remettre.

Je crois que je me conforme complètement au règlement, parce que, si je ne m'abuse, M. le Président, le député du comté de Châteauguay a essayé, par la même argumentation que je fais en ce moment, de vous prouver le contraire. C'est la raison pour laquelle j'ai abordé la question du règlement sous cet angle.

Peut-être que je reviendrai, mais, entre temps, M. le Président, j'aimerais bien laisser la chance à mes collègues de dire un mot, si le besoin s'en fait sentir.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Laplante: Par manque de vocabulaire.

M. Lalonde: M. le Président, je ne sais pas dans quel ordre les interventions sont faites. Je pense que c'est quand même assez important, pour que je tente de vous convaincre du caractère essentiel de votre décision. Il est peut-être inusité qu'un membre de cette Assemblée, par surcroît ministre, soit invité à une commission parlementaire. Je ne sais pas s'il y a des précédents. J'en ai évoqué dans notre droit parlementaire, dans le droit parlementaire qui a précédé le nôtre, et je pense que ces précédents sont valides.

Il reste toutefois, M. le Président, que je n'ai entendu aucun argument, sauf celui du député de Châteauguay qui était, je m'excuse à son égard, tout à fait faible. C'est le mot le plus gentil que j'ai trouvé.

M. Paquette: Un bel effort.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: C'est parce que le député de Châteauguay est un voisin de comté. Il faut quand même avoir une...

Le Président (M. Cardinal): Veuillez poursuivre votre sujet, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

Votre langage n'est ni violent, ni virulent, ni blessant.

M. Lalonde: M. le Président, pourquoi est-ce qu'on m'interrompt?

Le Président (M. Cardinal): C'est pourquoi j'invoquerais l'article 100. Tant qu'un député a la parole, aucun député ne doit l'interrompre. Je vous prie de continuer.

M. Lalonde: Merci, M. le Président. Je sais qu'on peut toujours compter sur vous pour protéger nos privilèges. Je pense que c'est extrêmement sérieux. Le député de L'Acadie a fait cette motion qui a une importance capitale sur nos travaux. Sa recevabilité, naturellement, est le seul sujet auquel vous devez vous attacher actuellement. Même quant à sa recevabilité, je dois insister sur le fait que le parti ministériel qui est tout à fait muet, sauf pour le député de Châteauguay — mais je l'ai mentionné tantôt — n'a pas porté d'argument à l'encontre de la recevabilité. Vous avez entendu une kyrielle d'arguments de notre part. Je vous invite donc à décider en faveur de la recevabilité de cette motion.

Recevabilité de la motion prise en délibéré

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Vous me permettrez, comme je l'ai permis aux membres de la commission, un bref préambule avant d'en arriver à la conclusion, s'il en est une, de ce débat.

L'on peut toujours, évidemment, soutenir, comme l'a fait, d'ailleurs, le président aujourd'hui, lorsqu'il a rendu une directive, lorsqu'il a donné une directive, concernant l'amendement à l'article qui régit la période des questions, que l'exécutif doit répondre devant le législatif. Cela peut se

faire, cependant, au moment de la période des questions à l'Assemblée nationale. Cela étant dit, je ne veux pas prendre trop de temps, mais quand même vous indiquer quelle est ma position présentement vis-à-vis de la motion de Mme le député de L'Acadie. Je pourrais déclarer, dès ce moment, irrecevable cette motion. Le débat serait terminé, mais j'aurais l'impression d'avoir fait un petit accroc à ce que j'ai appelé un exercice de démocratie dans cette commission parlementaire.

Je pourrais suspendre et aller réfléchir pendant le temps nécessaire avant de rendre cette décision. Ce serait utiliser autant de temps de cette commission parlementaire plutôt que d'entendre nos invités, visiteurs ou témoins. Je pourrais déclarer immédiatement cette motion recevable, mais — je pense qu'on m'en excusera — les remarques pertinentes que j'ai entendues, les retours au passé, qu'ils soient il y a deux siècles ou il y a dix ans, me font m'interroger beaucoup. Comme l'a dit lui-même le député de Marguerite-Bourgeoys, il subsiste un doute dans mon esprit. Le député de Marguerite-Bourgeoys a invoqué ce doute possible. C'est pourquoi, sans suspendre, sans déclarer la motion recevable, sans déclarer la motion irrecevable, je prends la question en délibéré, et ma réponse sera donnée avant la fin de la journée de demain.

Mme Lavoie-Roux: C'est presque comme Salomon.

M. Guay: M. le Président, est-ce qu'on peut entendre le prochain groupe qui est ici et qui attend depuis longtemps pour se faire entendre?

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Richmond.

M. Brochu: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Sur quelle question?

M. Brochu: Simplement une remarque, j'aimerais aussi passer la parole à mon collègue, autre représentant de l'Union Nationale. Nous aimerions, à ce moment, peut-être faire une rapide motion.

Le Président (M. Cardinal): Un instant. Seuls les membres de la commission peuvent présenter des motions.

Je l'ai indiqué ce matin. Or, M. Biron était membre de la commission en remplacement de M. Grenier et, de votre parti, il y a M. Le Moignan, de Gaspé, qui est d'office, à la suite de la motion de la commission de l'Assemblée nationale, membre de cette commission.

M. le député de Gaspé.

M. Russell: M. le Président, simplement une directive.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de...

M. Russell: Est-ce que chaque député peut parler sur une motion, même s'il n'est pas membre de la commission?

Le Président (M. Cardinal): Je vais rendre la directive immédiatement. Nous sommes dans une situation — à l'ordre, s'il vous plaît — où ayant, de consentement unanime, accepté que tous les membres de l'Assemblée nationale aient le droit de parole à cette commission, en étant soumis quand même à toutes les règles prévues dans nos lois et règlements, les membres de l'Assemblée nationale qui ne sont pas membres de cette commission ont le droit de parole. Ils n'ont pas le droit de vote, ne peuvent pas présenter de motion, ne sont pas membres de la commission. Ils ont simplement le droit limité de parole. Est-ce que ça répond à votre question?

M. le député de Gaspé.

M. Brochu: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Richmond.

M. Brochu: ...j'aimerais quand même vous demander également une directive. Est-ce que, dans les circonstances, il ne me serait pas possible quand même, étant donné que j'ai droit de parole à la commission, de faire un bref commentaire avant la présentation de la motion...

Le Président (M. Cardinal): Non, je regrette...

M. Brochu: ...et que la motion soit, par la suite, présentée...

Le Président (M. Cardinal): ...je vous arrête tout de suite. Il n'y a pas de motion devant nous sur cette table en U. Quand il y aura une motion, vous aurez le droit de faire des commentaires.

M. Brochu: D'accord.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Peut-être pour être fidèle à l'adage "jamais deux sans trois", j'apporte donc cette troisième motion. Cela va être très bref et je sais qu'elle va être acceptée de façon unanime.

Le Président (M. Cardinal): Ne présumez pas de la décision, s'il vous plaît.

M. Le Moignan: Je ne présume pas de la décision du président, je présume de l'unanimité de la commission.

Le Président (M. Cardinal): Ah! D'accord, ça, c'est autre chose.

M. Le Moignan: Jusqu'à maintenant, on s'aperçoit que le temps passe très vite; nous avons écouté beaucoup de mémoires et, quand on lit

certains journaux, on nous dit que, peut-être la semaine prochaine, le gouvernement ou les responsables de la commission vont interrompre l'audition des mémoires. Je crois que ceci nous pose certains points d'interrogation...

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, M. le député de Gaspé. Ceci est une hypothèse. En vertu de 118-A ou de l'article 156, je ne puis l'accepter comme hypothèse de travail ce soir. Rien ne me laisse croire que soit le ministre, soit le leader parlementaire, soit le président réunissant les leaders des différents partis, ait pris de semblables décisions.

M. Le Moignan: Alors, est-ce que je peux vous lire ma motion?

Le Président (M. Cardinal): Oui, certainement.

Critères pour mettre fin aux séances de la commission

M. Le Moignan: Sans commentaire, parce que vous allez me sortir un article et vous aurez entièrement raison. Je vous lis simplement la motion. "Que soient établis immédiatement les critères en vertu desquels le parti ministériel se dira suffisamment informé pour arrêter la présente étape de l'audition des mémoires".

Le Président (M. Cardinal): Si vous voulez me remettre copie de votre motion, s'il vous plaît.

M. Le Moignan: Immédiatement, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Richmond, je vous donne la parole après.

M. Brochu: Est-ce que c'est sur la recevabilité?

Le Président (M. Cardinal): Vous aviez demandé de... Oui, auparavant, alors qu'on parle de la motion qui n'a pas été jugée irrecevable, ni re-cevable, si M. le député de Richmond a quelque chose à dire sur la recevabilité de cette motion, il est le bienvenu.

M. Brochu: Oui, je pense qu'en ce qui concerne la recevabilité de cette motion, M. le Président, on se rend compte facilement, à ce stade-ci de nos travaux, compte tenu de la nature même de l'étude qu'on est en train de faire, compte tenu aussi des différents visages devant la commission parlementaire, compte tenu des travaux qui risquent de prendre passablement de temps, je pense qu'un calcul même bien sommaire du nombre de mémoires qui restent à étudier nous indique qu'éventuellement pourront être prises certaines décisions en ce qui concerne la continuation de l'audition des mémoires. Je pense que, si nous concevons que la chose puisse se faire, à ce moment-là, nous allons être placés devant dif- férents choix, c'est-à-dire, devant le nombre important de mémoires qui sont devant nous actuellement, de quelle façon pourra être établie cette sélection... M. le député a invoqué le règlement, je pense.

Le Président (M. Cardinal): Lequel? J'ai été distrait une seconde.

M. Guay: Moi.

Le Président (M. Cardinal): Le député de Taschereau.

M. Guay: Toujours sur la même question, il me semble que vous avez bien indiqué au député de Richmond que nous devions discuter de la recevabilité tandis que le député de Richmond discute du fond de la question et des motifs pour lesquels son collègue le député de Gaspé a présenté la motion de l'Union Nationale.

Le Président (M. Cardinal): Je suis obligé, M. le député de Richmond, d'être d'accord avec le député de Taschereau et je vous prierais de revenir à la recevabilité, les raisons pour lesquelles cette motion serait recevable et non pas les raisons pour lesquelles cette motion étant reçue, elle serait utile.

M. Brochu: Je reconnais le bien fondé des propos du député de Taschereau. Je pense que, de ce côté, j'avais glissé quelque peu. Si la motion a été présentée par l'Union Nationale, c'est parce que nous voulons nous assurer de la bonne marche de ces travaux et je pense que c'est dans cet esprit qu'on doit considérer la recevabilité de la motion, c'est-à-dire pour éviter que la commission parlementaire ne s'embourbe dans des dédales à ne plus finir de procédure, de mésentente et de discussions qui peuvent risquer de devenir plus émotives que logiques en cours de route. Nous devrions peut-être assumer cette responsabilité à ce stade-ci de juger recevable cette motion pour assurer la bonne marche des travaux, c'est-à-dire que forts, à ce moment, de savoir ce qui pourrait arriver éventuellement, étant donné la somme de travail que nous avons devant nous, nous pourrions continuer les travaux qui nous sont demandés de façon peut-être beaucoup plus sereine, sachant que, dans l'éventualité d'une décision telle que celle à laquelle fait allusion la motion que nous avons présentée, à ce moment, nous aurions certaines garanties en ce qui concerne la nature même de nos travaux et l'efficacité même de la commission parlementaire.

Le Président (M. Cardinal): Le député de Taschereau.

M. Guay: La motion m'apparaît éminemment irrecevable. Vous savez comme moi que cette commission a été convoquée pour entendre des témoignages, pour entendre des groupes ou des individus qui veulent intervenir sur le projet de loi no 1. Les groupes qui sont ici ce soir et qui de-

vaient se faire entendre pourront juger de la tactique du Parti libéral et de l'Union Nationale, qui fait en sorte qu'ils n'ont pas le loisir de se présenter ici ce soir et d'être entendus comme c'était le désir du parti ministériel. Quoi qu'il en soit...

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, je sais quelle est votre question de règlement et j'allais interrompre le député de Taschereau. Avez-vous quelque chose à ajouter?

M. le député de Taschereau, si vous voulez en venir à la recevabilité de la motion.

M. Guay: Quoi qu'il en soit...

M. Lalonde: Vous ne savez pas quelle est la question de règlement que je veux soulever.

Le Président (M. Cardinal): Je vous ai demandé si vous vouliez ajouter quelque chose.

M. Lalonde: Oui. Je pensais que vous posiez votre question au député... Naturellement, je sais qu'avec toute l'équité et la justice dont vous vous acquittez de vos tâches, vous n'avez pas voulu me prêter d'intentions.

Le Président (M. Cardinal): Absolument pas.

M. Lalonde: Je l'affirme, mais je pense que celui qui est assis un peu plus à votre droite, le député de Taschereau, a voulu prêter des intentions aux députés qui siègent de ce côté-ci de la table en qualifiant de tactique le débat que nous avons ce soir et aussi en disant que nous avions l'intention d'empêcher les témoins d'être entendus, alors que vous savez très bien, M. le Président, que je vous ai donné avis, il y a 24 heures, même si le règlement ne l'exigeait pas, par simple courtoisie pour nos invités, qu'il y aurait des motions qui seraient discutées ce soir.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Encore une fois, le jugement de Salomon. Les deux députés de Taschereau et de Marguerite-Bourgeoys, sur le plan de la procédure, sont tous les deux hors de la question et vont à rencontre du règlement et je leur demande de s'en tenir au sujet de la recevabilité. Vous remarquerez que j'ai laissé aux deux députés la possibilité de terminer leur phrase.

M. Brochu: M. le Président, sur la question de règlement, on a quand même été impliqué de ce côté-ci aussi. Ils ont laissé entendre...

Le Président (M. Cardinal): Attention! M. le député de Richmond, je vais vous laisser continuer après, mais je veux quand même souligner une chose.

M. Brochu: Oui.

Le Président (M. Cardinal): C'est quand même enregistré au journal des Débats. Il y a quand même du public. L'article 49 ne s'applique pas ici. Il n'y a pas de question de privilège. L'article 96 ne s'applique pas dans votre cas. Vous n'avez pas prononcé de discours que vous auriez à corriger. Comme j'ai laissé la parole au député de Taschereau et au député de Marguerite-Bourgeoys, même s'ils prenaient une voie d'évitement, et je vous demanderais d'être bref. Je vous laisse le même privilège et je vous dis vraiment que j'aurais pu ne permettre aucune de ces interventions.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Un instant, M. le député de Richmond et ensuite Mme le député de L'Acadie.

M. Brochu: Je vous remercie M. le Président. Je pense que c'est quand même à partir des propos que j'ai tenus que le député de Taschereau a fait la remarque qu'il a faite. Je tiendrai, quand même, à ce sujet à rappeler que c'est dès le début de la commission que le député de Taschereau, lui-même, a pris le temps d'une journée pour essayer d'établir la façon avec laquelle les députés devraient intervenir au cours de la commission et le temps de parole également.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre s'il vous plaît. Je pense que je vous ai laissé la possibilité de dire ce que vous vouliez affirmer.

M. Lalonde: Une question de règlement.

Le Président (M. Cardinal): Un instant. Sur la question de règlement, il y a Mme le député de L'Acadie, M. le député de Vanier et ensuite M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, c'est une directive. Je sais que nous ne pouvons pas ici soulever de question de privilège, mais je me demande de quelle façon on doit procéder quand, de part et d'autre de la table, on impute des motifs ou des stratégies... comment doit-on procéder pour rétablir les faits?

Le Président (M. Cardinal): II y a deux façons, Mme le député de L'Acadie. Il y a l'article 49, alinéas 1 et 2, qui vous permet de donner au président de l'Assemblée nationale, à la première occasion venue, un avis d'au moins une heure avant le début des affaires courantes en indiquant brièvement le sujet de votre question de privilège. Il y a un deuxième moyen qui existe dans certains cas, si vous avez vous-même fait un énoncé, prononcé un discours, si vous êtes intervenue vous pouvez invoquer l'article 96 pour corriger l'interprétation qu'un député peut faire de ce que vous avez dit. Ce sont les deux seuls moyens que je connaisse.

D'ailleurs je reviens, je le répète, à une décision qui a été rendue le 8 mars 1976 qui ne permet

pas les questions de privilège en commission parlementaire. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, simplement comme responsable de la bonne tenue des travaux, je voulais vous demander si le député de Verchères faisait encore partie de la commission.

M. Bertrand: Le député de D'Arcy McGee ne dirait pas des choses comme celles-là.

Le Président (M. Cardinal): II fait encore partie de la commission, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. M. le député de Vanier.

M. Bertrand: Je demandais la parole sur la recevabilité.

M. Paquette: Moi aussi, M. le Président. Motion jugée irrecevable

Le Président (M. Cardinal): C'est après. Alors, justement nous revenons à la recevabilité de cette motion. Si vous permettez, deux articles me paraissent pertinents et, dans ce cas, je ne prendrai pas en délibéré, je ne suspendrai pas. L'article 118 a), alinéa 6 dit ceci: "Lorsqu'elle — la commission — croit être suffisamment renseignée — et je souligne que c'est la commission et non pas le président ni d'autres personnes — la commission peut décider de cesser les auditions." Il ne s'agit pas d'un parti ou d'un député.

Il y a un second moyen qui est possible, qui est un peu plus complexe et qui donne les deux voies de l'alternative, l'article 156 dans lequel il y a aussi deux voies possibles: "Lorsqu'une commission étudie un projet de loi — ce que nous faisons — pendant une période de temps correspondant à l'importance ou la longueur du projet, le leader parlementaire du gouvernement peut, sans avis, proposer une motion énonçant les modalités d'un accord conclu entre les leaders parlementaires des partis reconnus au cours d'une conférence convoquée par le président, à la demande du leader parlementaire du gouvernement. Cette motion est décidée immédiatement, sans débat ni amendement." Et la dernière possibilité, 156, alinéa 2: "Si, à la suite de la convocation de la conférence des leaders parlementaires, une entente n'a pu être conclue, le leader parlementaire du gouvernement le déclare à l'Assemblée — non pas à la commission — et, après avis, il propose que le ra-port de la commission soit présenté à l'Assemblée dans le délai qu'il indique. Cette motion ne peut subir d'amendement. A l'occasion du débat qu'elle provoque, la durée des discours est celle prévue au paragraphe 2 de l'article 94 et le leader parlementaire du gouvernement a un droit de réplique." Je n'élaborerai pas davantage et je vais immédiatement déclarer à mon regret, M. le député de Gaspé, cette motion irrecevable.

M. Lalonde: M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: J'aurais une motion à faire qui se lit comme suit... Je ne ferai pas de préambule, ainsi, les députés ministériels ne seront pas énervés et le député de Taschereau ne pourra pas invoquer sa longue expérience parlementaire.

M. Guay: Je vous vois venir, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je l'ai dit, je ne l'ai pas écrit.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît. Venez-en à votre motion.

Audition du président de la Régie de la langue française

M. Lalonde: Verba volant, scripta manent. "Que cette commission entende le président de la Régie de la langue française, le 20 juillet 1977 à 20 heures, afin que la présente commission soit pleinement informée de la portée du projet de loi no 1 touchant en particulier la langue de travail et des affaires."

Le Président (M. Cardinal): Je vais la relire, non pas parce que le député de Marguerite-Bourgeoys n'a pas une bonne élocution, elle est meilleure que la mienne à cette heure. "Que cette commission entende le président de la Régie de la langue française, le 2 juillet ou le 20 juillet?

M. Lalonde: Le 20 juillet.

Le Président (M. Cardinal): "Le 20 juillet 1977", c'est pourquoi je la relis.

M. Bertrand: On ne peut pas s'entendre sur le 20 août?

Le Président (M. Cardinal):... "afin que la présente commission soit pleinement informée"...

M. Lalonde: Faites un amendement.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! "De la portée du projet de loi no 1 touchant en particulier la langue de travail et des affaires." Puis-je dire à M. le député de Marguerite-Bourgeoys que sa motion, telle que rédigée, ne peut être reçue, parce que le projet de loi no 1 s'intitule Charte de la langue française au Québec.

M. Lalonde: M. le Président, vous avez accepté.

Le Président (M. Cardinal): Vous pouvez l'amender.

M. Lalonde: Amendons-la comme ça, si ça vous fait plaisir. D'ailleurs, la charte, c'est plutôt pour la publicité.

Le Président (M. Cardinal): Non, c'est le titre de la loi, je regrette.

M. Lalonde: Enfin, je pourrais le chercher ici...

Le Président (M. Cardinal): C'est Charte de la langue...

M. Lalonde: Je ne sais pas si le président peut lire d'où il est, mais ça s'appelle Projet de loi no 1 et, en tous petits caractères, Charte de la langue française au Québec.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, avec beaucoup de respect, je vous rappellerai qu'un projet de loi porte toujours un numéro et un titre, et que le titre de cette loi est Charte de la langue française au Québec, que ceci soit écrit en quatre points, en huit ou autrement.

M. le député de Papineau, sur une question de règlement.

M. Alfred: Non, non, je m'excuse.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, vous avez la parole.

M. Lalonde: M. le Président, au risque de porter atteinte au bien-fondé des représentations de la Commission des droits et libertés de la personne, je vais ajouter Charte de la langue française au Québec à ma motion.

M. le Président, vous m'avez donné la parole?

Le Président (M. Cardinal): Oui.

M. Lalonde: Est-ce que vous l'avez reçue?

Le Président (M. Cardinal): J'ai le texte devant moi et vous avez la parole.

M. Lalonde: Est-ce que la recevabilité est décidée?

Le Président (M. Cardinal): Non, je n'ai rien décidé de la recevabilité et ce sera le même procédé que d'habitude. Je demanderai à la commission si elle veut se prononcer, avant que je ne rende une décision.

M. Lalonde: Ecoutez, M. le Président, on a vu tantôt lors de la présentation d'une première motion par le député de L'Acadie à propos du Conseil supérieur de l'éducation que le parti ministériel s'était déclaré extrêmement heureux de cette motion et avait d'emblée concouru à son adoption. Alors, avant de commencer, je vais aussi demander au parti ministériel s'il est d'accord avec cette motion, sinon, je continuerai mes représentations.

Le Président (M. Cardinal): Me permettez-vous, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. J'aurais immédiatement déclaré cette motion recevable si la date y indiquée ne préjugeait pas de la suspension des travaux de l'Assemblée nationale ou d'un ordre de l'Assemblée nationale. Je ne puis, ce soir, prévoir que l'Assemblée nationale continuera ses travaux jusqu'au 20 août, je sais même que dans une sous-commission...

Mme Lavoie-Roux: 20 juillet.

Le Président (M. Cardinal): J'ai dit le 20 août. En vertu des délibérations d'une sous-commission de l'Assemblée nationale, il a été discuté de certains travaux qui devaient s'effectuer le 15 juillet, ce que le député de Laval sait fort bien, car il est membre de cette sous-commission, je crois. Il est d'ailleurs intervenu en Chambre à ce sujet et c'est pourquoi je suis embarrassé. Je vais demander l'avis de la commission, pour être plus précis, parce que je veux pas attaquer le député de Laval.

Je me souviens simplement d'une intervention à l'Assemblée nationale où le député de Laval avait indiqué qu'il voulait que les travaux de l'Assemblée ou de cette commission se poursuivent à l'Assemblée nationale, dans le Parlement, et non pas dans le complexe G, au cas où des travaux commenceraient le 15 juillet. Je n'ai pas le journal des Débats, mais je pense qu'il s'en souvient.

C'est la seule question qui m'embarrasse et je vous le dis clairement. M. le député de Vanier, sur une demande de directive.

M. Bertrand: Une directive, M. le Président. Si cette motion était reçue, votée, adoptée, qu'est-ce qui aurait préséance? Est-ce que ce serait l'article 118, paragraphe 6, qui dit que lorsqu'elle croit être suffisamment renseignée, la commission peut décider de cesser les auditions. Si, par exemple, le 19 juillet, la commission se jugeait suffisamment renseignée, est-ce qu'elle serait dans l'obligation, malgré tout, si la décision était prise, d'entendre le président de la régie?

Le Président (M. Cardinal): C'est une excellente question. C'est la deuxième raison pour laquelle la prudence m'empêche de déclarer immédiatement recevable, comme la première motion, cette motion du député de Marguerite-Bourgeoys.

Je devrais vraiment, à ce moment-là, porter un jugement sur la préséance entre les articles 188a, 156 et la motion du député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président...

M. Blank: M. le député de... Je m'excuse.

Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous plaît! M. le député de Marguerite-Bourgeoys, et ensuite, M. le député de Saint-Louis.

Si M. le député de Marguerite-Bourgeoys... Alors, M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: Le député de Vanier demandait ce qui arriverait si, le 19 juillet, on décidait, suivant l'article 118, deuxième paragraphe, de mettre fin à la commission. C'est facile, la commission peut

toujours renverser sa propre décision. La décision n'est pas finale. Si la commission, le 19, décide d'ajourner les auditions, elle peut renverser ses décisions et annuler toutes les sommations, les subpoenas ou les invitations. Ce serait facile. La question du 20 juillet, c'est la date que la commission décide. Il n'est aucunement question de cette date dans la question de recevabilité, même si on met le 20 juillet...

M. Lavoie: Le 20 décembre...

M. Blank: ... dans deux ans, cela ne change rien. C'est la commission qui décidera de la date. Ce n'est pas une question de... Ce serait un des détails de la motion. Si la motion est recevable, c'est recevable à n'importe quelle date. Si elle n'est pas recevable, elle n'est pas recevable.

Le Président (M. Cardinal): Me permettez-vous, M. le député de Saint-Louis, sans participer au débat? Vous avez techniquement raison et parfaitement raison.

M. Blank: Merci.

Le Président (M. Cardinal): Cependant — et ce n'est pas un jugement sur votre raisonnement, qui, juridiquement, est excellent — je ne veux pas laisser d'illusion à qui que ce soit sur l'efficacité d'une résolution.

Il est sûr qu'à chaque séance, la commission peut annuler ce qu'elle a décidé à la séance précédente. Elle ne le peut pas au cours d'une même séance. Cependant, j'aurais souhaité que l'on n'établisse pas ce jeu de revenir sans cesse sur les décisions. Nous vivons actuellement en vertu de deux motions que nous pourrions, demain matin, et même ce soir, abolir, soit de consentement, soit à la suite d'un vote.

Mais quand j'ai dit que mon jugement était — si on peut s'exprimer ainsi — suspendu, c'est tout simplement que je ne veux laisser d'illusion à personne; ce n'est donc pas un plan technique, mais purement un plan pragmatique.

M. le député de D'Arcy McGee, et, ensuite, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Goldbloom: M. le Président, vous avez posé une question et je voudrais y répondre. Vous avez demandé, en quelque sorte, à la commission de vous éclairer sur l'opportunité de fixer une date. Il me semble très respectueusement que vous n'êtes pas davantage assuré que la commission siégera le 30 juin et nous avons pourtant adopté une résolution fixant au 30 juin une convocation.

C'est le seul point que je voulais soulever, M. le Président. Je pense que la motion est recevable quant à cet élément.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. le député de D'Arcy McGee. Je veux rappeler une indication que j'ai donnée. Personne ne le sait peut-être officiellement, et tout le monde le sait of- ficieusement, nous serons peut-être obligés de quitter cet édifice le 15 juillet. Je l'ai mentionné, sachant qu'il est possible que ceci n'arrive pas. C'est simplement de ma part un scrupule. Ce n'est pas une question qui attaque le fond de la recevabilité, si l'on peut ainsi s'exprimer.

D'ailleurs, je rendrai ma décision sans tenir compte de cette date.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, loin de moi l'intention de rappeler le président à l'ordre. Votre connaissance, votre expérience sont vraiment trop grandes pour me permettre de le faire. Quand vous mentionnez la date indiquée à la motion, je vous indique respectueusement qu'on s'attaque au fond de cette motion. Il s'agit de savoir si une motion pour inviter quelqu'un à être entendu à cette commission est recevable.

Il faut simplement dire, à ce moment-là, M. le Président, que ce soit le 12 juillet, le 20 juillet ou le 30 juin ou même demain matin, vous savez très bien qu'en vertu du règlement, le gouvernement... Je ne sais pas, parce que je ne suis pas très ferré dans les détails de la procédure suivie, mais j'imagine que le ministre ou le secrétariat de la commission envoie des convocations de sept jours. Vous savez très bien, M. le Président, que notre vie à cette commission est quotidienne, que nous avons le droit et le privilège, enfin, le devoir de siéger comme nous le faisons seulement en vertu d'un ordre de la Chambre qui nous est donné quasiment à tous les jours. Nous n'avons pas d'ordre pour siéger la semaine prochaine, mais, malgré cela, le ministre ou le secrétariat des commissions a invité pour la semaine prochaine, pour d'ici sept jours ou plus, des témoins. Alors, pourquoi ce serait plus irrecevable que cette motion dise: Le 20 juillet, on veut entendre le président de la Régie de la langue française?

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, je regrette. J'ai indiqué que cette remarque que j'ai faite, qui était peut-être de trop, je puis l'avouer, qui était purement, peut-être, un abus d'une certaine honnêteté intellectuelle vis-à-vis des membres de la commission et du public, n'attaquait en rien la recevabilité de cette motion que je déclare immédiatement recevable.

M. Lalonde: M. le Président, je vous remercie beaucoup de votre décision. Si vous m'accordez le droit de parole...

Le Président (M. Cardinal): Oui.

M. Lalonde: ...je vais vous dire pourquoi je crois que cette motion devrait recevoir l'appui de tous les membres de cette commission parlementaire.

Les mémoires que nous avons reçus sont de divers ordres, viennent de diverses sources et mentionnent un certain nombre de questions qui sont soulevées par le projet de loi no 1. Je pour-

rais vous citer, dans la liste que le gouvernement a eu la courtoisie... Est-ce la présidence ou le ministre? Je ne sais pas à qui adresser, encore une fois, mes félicitations et mes remerciements, mais celui qui a eu la bonne idée de nous envoyer cette liste de ceux qui nous ont adressé des mémoires mérite sûrement des remerciements et nos félicitations.

Le Président (M. Cardinal): C'est la présidence qui l'a remise aux membres de la commission. C'est le ministre qui a souligné qu'il était entièrement d'accord et que c'était un précédent.

M. Lalonde: Que nos félicitations s'adressent aux deux, M. le Président. Comme nous n'aurons pas l'occasion d'en adresser souvent au ministre, j'insiste...

Une Voix: Pas une motion...

Une Voix: C'est trop chiche.

Une Voix: Félicitations.

M. Lalonde: Je laisserai au parti ministériel le soin de faire une motion parce que ses membres n'ont pas parlé beaucoup, il y en a même qui semblaient sommeiller tantôt.

M. Bertrand: On est timide.

M. Lavoie: Question de règlement. A cause du fait que, c'est enregistré au journal des Débats, est-ce que vous avez dit que le fait d'avoir remis la liste de tous les mémoires à tous les membres de la commission était un précédent?

Le Président (M. Cardinal): J'ai simplement rappelé que j'avais remis à chacun des membres de la commission cette liste et que le ministre avait indiqué que c'était un précédent...

Une Voix: Par rapport à la loi 22.

Le Président (M. Cardinal): ...par rapport à la loi 22. L'on pourra référer au journal des Débats. Je n'ai rien dit de plus.

M. Alfred: ...la jalousie!

M. Lavoie: Est-ce que je pourrais ajouter, pour les fins du journal des Débats, que je...

M. Bertrand: ...II est jaloux!

M. Lavoie: ...pense que l'article 118a...

M. Alfred: Dit quoi?

M. Lavoie: — ce n'est pas une question, c'est une obligation — dit que, dès que le délai de trente jours est terminé pour la réception des mémoires, l'article 118a, deuxièmement, après ce délai, le secrétaire des commissions fait parvenir à chaque membre de la commission un exemplaire des mémoires et des résumés. C'est bien plus que la liste même, c'est impératif. C'était impératif qu'après le délai de trente jours, tous les membres devaient non pas avoir la liste, mais tous les mémoires et les résumés et, si le ministre d'Etat au développement culturel mentionne que cela ne s'est pas fait pour la loi 22, c'est que cet amendement a été apporté justement après la loi 22.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. le député de Laval.

M. Lavoie: C'est impératif.

Le Président (M. Cardinal): Votre mise au point ne fait que répéter exactement ce que j'avais dit, dans le fond. J'avais cité ce qui s'était produit. J'avais cité les paroles du ministre qui étaient déjà au journal des Débats et je ne voulais en rien occasionner un débat sur cette question de précédent, en vertu de l'Ancien ou du Nouveau Testament. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, traduisons mes félicitations d'avoir fait parvenir cette liste en des félicitations de s'être conformé au règlement. C'est déjà quelque chose.

Le Président (M. Cardinal): M. le député.

M. Lalonde: M. le Président, nous savons que ce projet de loi no 1 contient de nombreuses dispositions concernant la langue du travail, la langue des affaires, que ses dispositions suivent, naturellement, sans y être analogues, les dispositions d'une loi actuellement en vigueur, la Loi sur la langue officielle qui a créé la Régie de la langue française. C'est tellement vrai que le projet de loi prévoit, de façon très spécifique, que l'Office de la langue française que ce projet de loi propose de créer, sera constitué, en partie, au moins, des membres de la régie. On fait la transition entre la régie et l'Office de la langue française, donc le projet de loi en fait la reconnaissance officielle, s'il était besoin de le faire. Alors, les dispositions du projet de loi, ajoutées aux interventions que nous avons entendues jusqu'à maintenant, en ce qui concerne la langue des affaires, la langue du travail, et je ne réfère pas seulement aux interventions faites par les différentes associations de patronat, les représentants de gestion de sociétés, mais aussi par les syndicats qui sont venus jusqu'à maintenant... on peut présumer que ceux qui viendront, après ce soir, auront aussi des remarques, des suggestions à faire en ce qui concerne la langue du travail et la langue des affaires. Tout ce contexte met la commission parlementaire dans la situation où on doit aviser le gouvernement, éventuellement, mais surtout être informés sur tous les aspects de cette démarche qui a déjà été entreprise par la Loi sur la langue officielle et qui est visée par le projet de loi no 1, Charte de la langue française au Québec... Toutes ces dispositions, dis-je, nous devons nous informer à propos

de toutes ces démarches. Je me surprends de voir que le gouvernement, que le ministre responsable de cette loi n'ait pas offert à la commission les services, les conseils de la Régie de la langue française, et en particulier, de son président.

Comme les autres membres de la commission, j'ai vu que le président s'était exprimé, en partie, en public, lors d'une entrevue dans un journal, le journal Le Soleil, il y a déjà quelques semaines, je pense. J'avais demandé, à la suite de cette intervention publique du président de la Régie de la langue française, au ministre d'Etat au développement culturel, s'il avait l'intention de convoquer...

M. Laplante: M. le Président, cela fait trois fois que le député de Jacques-Cartier lève la main. Voulez-vous le reconnaître, s'il vous plaît?

Le Président (M. Dussault): Je vous reconnais, M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: Je m'excuse auprès de mon collègue, mais je remarque que nous n'avons pas quorum.

M. Laplante: Avez-vous compté?

Le Président (M. Dussault): Alors, je vais faire le décompte, M. le député de Jacques-Cartier. Je dois compter uniquement les personnes qui sont membres de la commission. Un, deux, trois, quatre, cinq...

M. Laplante: On est bien onze, M. le Président. Ouvrez vos lumières, M. le député de Jacques-Cartier, vous êtes endormi par vos propres paroles.

M. Saint-Germain: On a eu des apparitions... Une Voix: Vous dormez!

Le Président (M. Dussault): A l'ordre, s'il vous plaît! Nous avons le quorum. Je prierais le député qui avait la parole de continuer, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Merci, M. le Président...

Mme Lavoie-Roux: Le député de Bourassa n'est pas très poli, M. le Président.

Le Président (M. Dussault): A l'ordre, Mme le député de... M. le député, s'il vous plaît!

M. Lalonde: M. le Président...

M. Saint-Germain: J'invoque le règlement. Je n'aimerais qu'il soit fait mention au journal des Débats que j'ai dit au président qu'il n'y avait pas quorum lorsqu'il y en avait... Il n'y avait pas quorum, M. le Président.

M. Laplante: II y avait quorum.

M. Saint-Germain: C'est après ma demande que le quorum s'est fait.

M. Laplante: II y avait quorum, M. le député de Jacques-Cartier.

Le Président (M. Dussault): Messieurs les députés, s'il vous plaît, à l'ordre! Je voudrais que vous continuiez, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, les dernières remarques du député de Bourassa mériteraient quelques commentaires. Etant donné que je me lancerais dans un langage qui ne serait pas parlementaire, je vais simplement passer outre.

Donc, M. le Président, je disais que la Régie de la langue française devrait avoir été invitée ici par le gouvernement, par le ministre, et je m'étonne que ça n'a pas été fait jusqu'à maintenant. J'étais en train de dire, lorsque nous avons manqué de quorum, que lorsque j'ai posé la question au ministre en Chambre, il ne s'est pas opposé à ce que le président de la Régie de la langue française intervienne aux délibérations de cette commission.

Naturellement, j'invoque cette acceptation du ministre, pour inviter la commission parlementaire à demander au président de la Régie de la langue française de se rendre disponible. J'ai indiqué le 20 juillet. Naturellement, nous avons encore plus de 200 mémoires à examiner. Au rythme où nous allons actuellement, on en a vu, je pense, sept la première semaine — nous augmentons — nous en avons vu, je crois, douze, la deuxième semaine...

M. Guay: Ce soir, on en a vu combien?

M. Lalonde: ...et nous sommes rendus à neuf, mercredi.

M. Guay: Ce soir...

M. Lalonde: Neuf entendus, alors, grâce à la coopération, en particulier, de l'Opposition...

M. Alfred: Excusez-moi, M. le Président, question de règlement.

M. Lalonde: Vous avez vu jusqu'à quel point nous sommes devenus efficaces.

Le Président (M. Dussault): Un instant, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Quelle est la question de règlement, M. le député de Papineau?

M. Alfred: J'admire la collaboration de l'Opposition officielle.

Le Président (M. Dussault): M. le député, s'il vous plaît!

M. Lalonde: C'est un règlement d'admiration, je vous remercie.

Le Président (M. Dussault): Vous pouvez continuer, M. le député.

M. Lalonde: M. le Président, je disais donc que nous avons déjà entendu à peu près 25 inter-

venants sur 260. Il nous reste donc plus de 200 intervenants à entendre. J'ai mis le 20 juillet. Naturellement, pour ma part, je serais prêt à l'entendre le 13 ou le 14 juillet, ou le 15 août. Je n'ai pas d'objection. J'ai mis le 20 juillet parce qu'à ce moment-là, ça permet au président de la régie de se préparer...

M. Bertrand: C'est bon.

M. Lalonde: ...d'examiner toutes les interventions...

M. Bertrand: C'est un homme généreux, lui.

M. Lalonde: ...d'examiner la loi, je sais qu'il l'a fait sûrement, puisqu'il l'a commentée en public, et aussi, ça permet aux députés ministériels...

M. Alfred: De s'informer.

M. Lalonde: ...ce n'est pas peu dire, de se préparer, eux aussi.

M. Alfred: C'est beau!

M. Lalonde: Nous pourrons ainsi, pour une fois, poser des questions pertinentes...

M. Alfred: A l'Opposition officielle.

M. Lalonde: ...recevoir ou, enfin, tenter...

Mme Lavoie-Roux: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Dussault): Quel règlement, Madame?

Mme Lavoie-Roux: Je pense que...

Le Président (M. Dussault): Quel est le règlement, Madame, s'il vous plaît, le numéro?

Mme Lavoie-Roux: 32.

M. Bertrand: ...ce n'est pas un mauvais, ça.

Le Président (M. Dussault): Le no 32, je sais très bien qu'il ne parle pas de quelque chose qui est relatif à cette commission. M. le député, voulez-vous continuer, s'il vous plaît?

M. Bertrand: Directive! Question de règlement, M. le Président.

M. Lalonde: Sur la question de règlement...

M. Guay: Sur le no 32, M. le Président, la séance est ouverte.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Vanier.

M. Bertrand: Je vous prierais de lire l'article 32, M. le Président.

Mme Lavoie-Roux: ...74, M. le Président.

Le Président (M. Dussault): Je connais l'article 32, M. le député de Vanier. Je prierais, s'il vous plaît, pour ne pas perdre de temps additionnel, M. le député de Marguerite-Bourgeoys de continuer.

M. Lavoie: C'est une question de règlement et, pour les fins du journal des Débats, je ne voudrais pas que votre...

Le Président (M. Dussault): Quel est le règlement, M. le député de Laval? Quel est le numéro, s'il vous plaît?

M. Lavoie: Entre 100 et 172.

Le Président (M. Dussault): Je voudrais, s'il vous plaît, un règlement précis.

M. Lavoie: Justement. Un instant! C'est justement sur ce point. Vous n'êtes pas pour établir un précédent. Depuis que le Parlement existe, il n'y a jamais eu un président qui a dit: A quel article? Voyons! On n'est pas à l'école, au primaire ici.

Le Président (M. Dussault): Si vous posez une question de règlement, je peux demander en vertu de quel règlement vous intervenez.

M. Lavoie: C'est une directive.

M. Bertrand: Surtout vous, vous devriez le savoir! Surtout vous, vous devriez le savoir!

Le Président (M. Dussault): Vous qui avez été président de l'Assemblée si longtemps, vous devriez savoir qu'il faut dire en vertu de quel règlement on intervient.

M. Lavoie: Depuis quand, M. le Président?

Le Président (M. Dussault): Depuis toujours, M. le député de Laval.

M. Lavoie: Je vous demande une directive, M. le Président.

Le Président (M. Dussault): Quelle directive voulez-vous avoir?

M. Lavoie: En vertu de quelle autorité, de quel précédent, de quel usage et de quelle tradition agissez-vous? Vous avez à vos côtés un député qui a siégé pendant trois ans comme chef parlementaire d'un parti politique, vous pouvez le consulter. Jamais, à ma connaissance depuis 17 ans aujourd'hui que je suis au Parlement, un président — et j'en ai connu plusieurs — n'a agi d'une manière aussi autoritaire que la vôtre ce soir en exigeant de dire en vertu de quel numéro on invoque le règlement. Cela ne s'est jamais fait et cela ne se fait dans aucun Parlement, pour votre bon entendement. Je vous demande en vertu de quelle autorité vous exigez des numéros automatiquement comme cela. Imaginez-vous que, dans l'an-

cien règlement, il y avait 700 articles! Ce n'est pas l'esprit d'un Parlement. Je ne voudrais pas que le précédent que vous établissez ce soir soit continué par d'autres et c'est la raison de mon intervention. On n'est pas à l'école primaire ici, ni à la maternelle.

Le Président (M. Dussault): J'ai très bien compris votre intervention, M. le député de Laval. Je pense qu'il faut comprendre... Vous savez d'abord très bien que je ne suis pas un président qui a une énorme expérience. Je ne pense pas que je puisse...

Mme Lavoie-Roux: On ne vous le reprochait pas, M. le Président.

Le Président (M. Dussault):... je ne pense pas que je puisse me comparer au député de Laval, qui a une expérience derrière lui. Je pense qu'il fallait quand même comprendre, dans l'esprit de ce que je disais, que je voulais que vous identifiiez le contenu du règlement à partir duquel vous vouliez intervenir. Je pense que c'est cela qu'il fallait comprendre et je pense que nous devons maintenant continuer avec l'intervention du député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Avant de continuer mon intervention, laissez-moi quand même vous dire que si vous aviez laissé le temps au député de L'Acadie de dire le contenu, elle vous aurait demandé de rappeler à l'ordre des députés qui doivent laisser celui qui a le droit de parole exercer son droit. A ce moment, vous pouvez choisir l'article...

Une Voix: II parle en même temps que vous.

M. Lalonde: Je suis sûr que vous ne compterez pas le temps des rappels au règlement dans mon temps. J'ai donc été extrêmement étonné de voir que le gouvernement, après l'acceptation officielle et on ne peut plus solennelle de son siège à l'Assemblée nationale, que le ministre d'Etat au développement culturel n'ait pas vu d'objection à ce que le président de la Régie de la langue française informe l'Assemblée, comparaisse à cette commission parlementaire pour informer les membres des différentes dispositions du projet de loi.

Le 20 juillet... Je parlais justement de la date. Il nous reste 200 mémoires? Oui, l'article 118 permet à la commission parlementaire de se déclarer suffisamment informée éventuellement.

Je ne mets pas en doute ce droit de la commission parlementaire. Toutefois, je pense qu'on doit considérer que la question de la langue au Québec est assez importante, pour prévoir que les délibérations de cette commission ne seront pas terminées abruptement, sans considération, non seulement des membres de cette commission qui, au nom de tous les partis, représentent quand même la population du Québec, mais aussi par considération à l'égard de nos invités, à l'égard de ceux qui ont produit des mémoires, qui ont indiqué leur intention d'être entendus et c'est pourquoi j'ai proposé la date du 20 juillet.

Si les députés ou un membre de cette commission trouvent que le 20 juillet, c'est une date trop éloignée, s'ils désirent, par exemple, l'entendre demain matin, enfin il faut quand même donner un délai assez raisonnable, dans quelques jours, je pense qu'après avoir naturellement examiné la date qui serait proposée, je pourrai m'y rallier. Si un député trouve que c'est une date trop rapprochée, encore là, je serai prêt à considérer une modification à la motion. Alors, la date que j'ai proposée l'était simplement en tenant compte du grand nombre de mémoires qui nous restent à voir et de l'importance de recevoir du milieu toutes les considérations que les représentants du milieu ont à nous faire avant d'interroger le président de la Régie de la langue française sur toutes les questions, les aspects qui auront pu être soulevés par les interventions de nos invités.

M. le Président, la Régie de la langue française depuis deux ans, un peu plus maintenant, a accumulé une expérience considérable, unique en fait, en ce qui concerne l'effort de francisation entrepris depuis trois ans par le gouvernement du Québec. Cette expérience, ce bagage de connaissance constitue pour nous un trésor, un apport qu'on ne peut trouver nulle part ailleurs. Oui, je vois que le comité des directeurs de comités de francisation a produit un mémoire...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, j'espère que vous ne m'en voudrez pas si je vous rappelle qu'il vous reste 30 secondes en vertu de l'article 160.

M. Lalonde: M. le Président, vous me permettrez de vous poser une question là-dessus. J'ai ici mon chronomètre, 18 minutes de passées. J'ai compris dans ces 18 minutes tout le temps des interventions, souvent intempestives, de la part des députés ministériels. Je pense qu'en toute justice...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, vous connaissez ma flexibilité, je vous prierais de noter que ce n'est pas votre chronomètre qui règle les délibérations, de cette commission, mais que c'est cette horloge qui est là. Vous avez commencé à 10 h 34. Je vous prierais de regarder l'heure. D'autre part, quand je fonctionne en vertu de l'article 160, j'applique l'article 160 en son entier, dans sa lettre.

M. Lalonde: M. le Président, l'appliquer dans sa lettre, justement, vous devriez ne pas y inclure les questions de règlement parce qu'à ce moment-là ce n'est pas le député qui parle, ce sont d'autres députés. Donc le droit de parole du député peut être exercé soit cinq minutes à la fois et il peut revenir un autre cinq minutes.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, à cette heure, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Quelle que soit l'heure, M. le Président, je vais me faire protéger par le règlement.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Je pense que tout le monde a été suffisamment protégé. Je vais vous accorder deux minutes pour satisfaire votre désir de sécurité.

M. Lalonde: M. le Président, vos dernières remarques, je comprends qu'il est tard, peuvent être interprétées de différentes façons. Je les interprète, naturellement, d'une façon favorable, étant donné que je vous reconnais...

Le Président (M. Cardinal): Merci.

M. Lalonde: ... toute l'équité et toute l'objectivité qu'un président doit avoir.

Le Président (M. Cardinal): Me permettez-vous? Ne les interprétez pas du tout. Je vous accorde tout simplement deux minutes.

M. Lalonde: M. le Président, dans le règlement, j'ai aussi le droit d'interpréter.

Je disais donc que la Régie de la langue française a accumulé des connaissances et une expérience très précieuses pour nous tous ici, membres de cette commission. Nous avons à déterminer des démarches que le Québec va adopter pour la francisation des entreprises, pour faire du français la langue du travail, chose qui a déjà été commencée de façon fort efficace par la loi actuelle, mais le gouvernement a le droit, je le reconnais, de proposer d'autres dispositions, c'est ce que nous étudions actuellement.

Mais il ne faudrait pas quand même gaspiller des ressources que les Québécois ont payées très cher. La Régie de la langue française, avec ses budgets depuis deux ans, a vécu des ressources des Québécois, et je pense que ce serait faire offense à tous les Québécois que de ne pas inviter ici le président de la Régie de la langue française pour nous renseigner sur toutes les dispositions, sur les effets des projets qui sont proposés par le projet de loi no 1.

M. le Président, j'invite tous les membres de cette commission à voter en faveur de cette motion.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez, plutôt que de vous interrompre, je souligne que j'ajournerai les travaux comme le veut le règlement, à 23 heures.

M. Goldbloom: Je serai très bref, M. le Président, je voudrais souligner à votre attention et à celle des membres de la commission que l'Opposition officielle... Le député de Papineau m'inspire des pensées humoristiques et je m'en excuse.

M. le Président...

M. Alfred: Des idées noires!

M. Goldbloom: Pas de mauvaise pensée, simplement de bonne humeur.

M. Alfred: Des idées noires!

M. Goldbloom: L'Opposition a eu de la suite dans ses idées.

M. Bertrand: Ce n'est pas digne de vous, ça! M. Alfred: M. le député, vous êtes...

M. Goldbloom: Sérieusement, nous avons voulu...

M. Alfred: Mais non, voyons!

M. Blank: M. le Président, voulez-vous appliquer l'article 21...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Saint-Louis, je sais que c'est ou ce sont des articles qui s'appliquent...

M. Alfred: M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Papineau.

M. Alfred: Je voudrais savoir sur quel critère se base le député de D'Arcy McGee pour dire qu'on l'inspire. Il est devenu poète, par hasard?

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Papineau, ce n'est pas une question de règlement, même à cette heure-ci. Je vous remercie quand même, M. le député de D'Arcy McGee.

M. Alfred: M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît.

M. Goldbloom: Nous avons proposé à cette commission d'entendre des personnes susceptibles de nous éclairer dans nos travaux et nous avons commencé par le Conseil supérieur de l'éducation. Nous avons parlé du ministre lui-même et vous avez réservé votre jugement sur la recevabilité de cette motion. Nous ajoutons à cette considération la Régie de la langue française.

Je pense, M. le Président, que le tout se tient, que c'est un effort d'assurer, pas simplement aux membres de la commission, mais à la population, un éclairage aussi complet que possible sur un des plus importants projets de loi jamais présentés au Québec, j'en conviens, et je pense que nous l'avons fait, M. le Président, avec beaucoup de sérénité et beaucoup de courtoisie. Je me permets de dire que tous les membres de la commission ont été ce soir...

M. Le Moignan: ...demande, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Comme il est dix heures cinquante-neuf minutes, est-ce que je pourrais suggérer le consentement unanime de tous les membres de cette commission, afin de prolonger la séance et de mieux éclairer les profonds travaux que nous avons accomplis ce soir?

Le Président (M. Cardinal): A 23 h, si on n'est pas rendu plus loin, je vais tout simplement me lever. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je ne suis pas sûr, naturellement, que mon parti va concourir, mais j'aimerais reconnaître la bonne foi de la suggestion du député de Gaspé. J'ajouterais, par exemple, des remerciements au leader parlementaire du gouvernement pour nous avoir permis de délibérer ici, ce soir, comme cela.

M. Brochu: Sur la question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Très brièvement, s'il vous plaît.

M. Brochu: II y a quand même l'esprit de notre règlement qui prévoit que le mercredi soir, il n'y a aucun travail qui se fait en commission parlementaire et cela s'est fait ce soir. J'avais d'ailleurs avisé le leader du gouvernement que cela serait comme cela.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît. Je vais être très sérieux, même à 23 heures. Une décision a été rendue par le président en vertu de l'article 150 et de l'article 142 et je n'admets pas que l'on revienne sur cette décision, que ce soit de façon sérieuse ou humoristique. Sur ce, les travaux de cette commission sont ajournés à demain, dix heures.

(Fin de la séance à 23 h 1)

ANNEXE 1

MÉMOIRE PRÉSENTÉ A LA COMMISSION PARLEMENTAIRE

Le conseil des hommes d'affaires québécois

Le président: André J. Bélanger Le secrétaire: André Auclair.

Le présent mémoire s'inscrit dans la trajectoire et l'esprit qui ont toujours marqué notre philosophie d'approche concernant la francophonisation du Québec.

Nous tenons de plus à souligner qu'il a été approuvé dans son entier, lors de l'assemblée spécialement tenue à cette fin par l'Exécutif National.

Ont collaboré à la recherche les membres suivants:

J. Arthur Bédard, Paul E. Biron, Marcel Chaput, Paul Grenier, André Auclair et un groupe de personnes ressources. le secrétaire et rédacteur: André Auclair.

Charte de la langue française au Québec Préambule

Le Conseil des Hommes d'Affaires Québécois qui regroupe des gens d'affaires, des chefs d'entreprise et des professionnels oeuvrant dans ce monde des affaires et de l'entreprise du Québec, tient à souligner et de façon solennelle son appui le plus entier à ce projet historique de la "LOI UN" concernant la langue française au Québec.

Déjà en juin 1974, lors de la tenue de la Commission Parlementaire au sujet de la loi 22, nous proposions que le Québec devienne unilingue français.

Après avoir analysé l'aberration de l'ensemble de la situation linguistique impartie à la majorité des citoyens du Québec par une sorte de distorsion engendrée par le chevauchement de deux langues — ce qui amène fatalement l'assimilation de l'une par l'autre — nous avions établi les points suivants: -le mythe du bilinguisme; jamais un peuple n'a pu, dans son ensemble, parler deux langues; -l'intégration des "nôtres" dans les entreprises des "autres"; -persistance voire accélération de la relation colonisé/colonisateur;

-le colonisé allant même jusqu'à copier et à admirer son colonisateur; -drainage des nôtres vers l'école anglaise; -asservissement de notre économie par l'aliénation des nôtres, leur absence dans les centres de décisions économiques, leur mimétisme en affaires engendré par la perte de leur génie créateur — fonctionnant à l'anglaise, ils en viennent à n'être que les vassaux des autres; "succursa-lisation" des entreprises québécoises.

Et en conclusion nous établissions:

Voilà pourquoi le Conseil des hommes d'affaires québécois Inc. souhaite dans les plus brefs délais une vigoureuse législation décrétant le français seule langue officielle du peuple Québécois, seule langue d'enseignement et seule langue de travail. Mais préalablement et pour que cette législation prenne tout son sens, c'est l'abrogation pure et simple de l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord Britannique que le gouvernement devra réclamer.

Depuis lors, à l'occasion de nos congrès nationaux, à l'occasion de diverses autres manifestations (colloques, conférences de presse, etc.) nous avons toujours soutenu cette position.

Voilà pourquoi, en tenant compte de la réalité politique de l'aujourd'hui, nous reconnaissons que la "LOI UN" même si elle ne semble pas aller aussi loin que nous pouvions le souhaiter, traduit dans son ensemble une volonté politique arrêtée de faire du Québec un état français.

Cette charte de la langue française atteste une fois pour toutes l'essence et la nature de notre authenticité nationale en confirmant que la langue est non seulement un moyen de communication, non seulement une manifestation culturelle, mais qu'elle est un bien et un lien collectifs et qu'elle est véritablement l'âme de la nation.

Enfin notre peuple sait qui il est et sait qu'il est... il se dit, il se nomme.

Il pourrait surprendre que des gens dont la quotidienneté consiste à faire du négoce ou à conseiller ceux qui en font, ne se contentent pas d'appuyer cette charte de la langue française simplement par le biais économique.

Nous considérons au contraire, que le domaine culturel, que le domaine social, que le domaine économique sont étroitement interreliés mais qu'ils ne pourront connaître leur pleine et entière dimension que lorsque nous assumerons notre pleine et entière souveraineté politique.

De plus nous considérons que l'adoption de la "LOI UN" demeure la première étape et la plus significative, dans l'accession de notre peuple à son indépendance et à la prise en main de son devenir économique.

Nous nous rendons bien compte en effet, que la minorisation de notre langue surtout dans le monde des affaires et de l'entreprise, véhicule le processus d'assimilation et nous condamne à être presque des étrangers dans notre pays du Québec.

Ce même processus d'assimilation inféodalise notre économie et accélère notre vassalité et notre appartenance à des étrangers, à des "ailleurs".

Il s'ensuit une dichotomie de notre être propre qui elle-même engendre une stérilisation de notre génie créateur.

Nous sommes un organisme qui regroupe dans toutes les régions du Québec, des gens d'affaires bien enracinés dans leur appartenance d'ici et qui sont désireux de contribuer à favoriser et à promouvoir un développement économique qui soit d'abord issu de "l'intérieur", et d'abord à l'avantage des nôtres.

Nous croyons cependant que ce développement économique ne saurait se réaliser pleinement sans que d'abord ne soit proclamée la "charte de la langue française au Québec" qui consacre enfin, après deux cent dix sept années, notre véritable authenticité.

Car une nation pas plus qu'un individu ne saurait être continuellement fragmentée. Il s'agit de l'unicité de l'être.

C'est donc dire que la langue de travail, la langue de l'enseignement, la langue de l'affichage (publicité sous toutes ses formes, indications routières, etc.) sont en constantes interrelations et doivent donc être exprimées en français.

Et d'être fragmenté, c'est aussi de laisser perdurer dans le monde du travail, surtout de la grande entreprise ou de la technologie avancée, cette obligation de fonctionner en anglais ou d'être continuellement écartelé entre une langue, celle du soir et des activités sociales, et une autre, celle du jour et du "succès" en affaires.

Une telle situation a engendré chez nous un homme d'affaires quelque peu hybride, — qui n'est ni anglais ni français — et qui forcément demeure beaucoup plus près de parler de langage des "ailleurs" et à défendre leurs intérêts.

LaFontaine l'aurait caricaturé ainsi: "Un paon muait

Un geai prit son plumage".

Plus grave encore, cette tendance, si elle ne devait être renversée contribuerait, et cette fois avec une force décuplée et une rapidité accélérée, à détruire et à tout jamais, notre génie créateur et inventif.

Dans le maintenant, notre Gouvernement doit faire adopter cette loi dans son entier et consacrer ainsi le fait de notre MATURITÉ.

Ce sera aussi un signe d'espérance pour tous et chacun des habitants de ce pays du Québec et dans tous les champs d'activités où il se retrouvent et notamment dans le monde du travail, des affaires, des entreprises.

De notre infériorité économique; les pourquoi 1. Histoire de "conditionnement".

Dans toute société, le poids de l'économique est constant, omniprésent, fondamental. C'est à son poids — et hélas, souvent trop exclusivement — que sont jaugées les décisions politiques qui influenceront les domaines social et culturel.

Voilà pourquoi, il nous apparaît fondamental de d'abord connaître ce qu'est notre réalité économique actuelle.

Par la suite nous pourrons mieux cerner les pourquoi de la minorisation de la langue française au Québec — minorisation par cette réalité de la condamnation au bilinguisme — . Nous pourrons aussi mieux identifier les maîtres à parler anglais", et identifier d'où "ils" tiennent leur magistère et de qui eux-mêmes sont-ils les "serviteurs", ou mieux, quelle est la "voix" de leurs propres maîtres. En anglais dans le texte "His master's voice".

Mais pour décrire la réalité économique de l'aujourd'hui, il faut d'abord en rechercher certaines sources dans l'histoire.

Ainsi nous saisirons mieux pourquoi, dans le Québec des affaires de 1977 certains grands ténors veulent encore nous imposer la langue de l'occupant de 1760.

Au moment de la conquête nous formions une société dynamique formée d'une élite entreprenante et audacieuse et qui se développe surtout à partir d'une structure économique axée principalement sur le commerce des fourrures, la construction navale, les pêcheries, les industries de la potasse et du savon et, bien sûr, l'exportation.

Nous sommes à l'époque pré-industrielle.

Or, c'est ce dynamisme en pleine formation et en pleine expansion, qu'est venue briser la conquête de 1760.

Après la conquête, les "habitants" sont retournés sur leur terre, les coureurs de bois ont continué à courir les bois, mais la plupart du temps pour les "autres", ou sont devenus "hommes engagés" à la ferme, et parmi les grands hommes d'affaires du temps, beaucoup se sont exilés. Cependant que certains se faisaient anglais avec "l'occupant", d'autres sont devenus marchands. Rares sont ceux qui ont vraiment fait leur marque, plus rares encore, sont ceux qui ont fait leur marque en "restant eux-mêmes".

Sous le régime français, les relations commerciales entre la France et le Canada, prenaient le caractère de métropole/colonie, ce qui permettrait à nos seigneurs-bourgeois de s'enrichir et partant d'assurer une forme de développement économique du pays, puisqu'ils disposaient de capitaux français et de moyens de production (sol, sous-sol, pêcheries, fourrures, etc). Après 1760 et le passage de la Nouvelle-France dans l'orbite britannique, les relations métropole/colonie se doublent de celles de conquérants/conquis et le bourgeois-seigneur français fait place au bourgeois anglais.

La conquête et le changement de métropole provoquent la rupture des communications France-Canada et ruinent la bourgeoisie francophone en la privant de ses relations d'affaires. Ainsi, lorsque reprend le commerce dans la colonie conquise, la concurrence entre Anglais et Canadiens n'est plus équitable.

Rapidement ces derniers — les Canadiens — sont exclus du grand commerce, laissant aux Anglais le contrôle de la vie économique et un pouvoir de décision considérable au niveau politique.

Seule notre résistance invincible — notre "irréductibilité" — et non pas le souci du respect des droits de notre collectivité, a obligé les Anglais à reculer et à proclamer l'Acte de Québec en 1774 qui rétablit partiellement nos droits mais exclusivement en matière de langue et de religion.

Cependant, en 1841, la Proclamation de l'Acte d'Union obtenu par les Anglais, leur permet de s'emparer d'un pouvoir politique accru et d'une assiette de revenus encore plus importante par l'accès et le contrôle des revenus du Bas Canada. A ce moment, les revenus du Bas Canada sont excédentaires, cependant qu'ils sont déficitaires dans le Haut Canada. Cette initiative contribuera à attirer de nouveaux capitaux vers le Haut Canada.

(1) A ce moment, cependant que la population du Haut Canada se chiffre à 450,000 habitants que sa dette atteint 1,200,000 louis, celle du Bas Canada est de 650,000 habitants et sa dette de 95,000 louis.

(1)Histoire des Canadas, Rosario Bilodeau et Al. Hurtibise HMS 1975.

Cette "stratégie" politique servira de pierre d'assise à toute l'infrastructure économique du Haut Canada et se consolidera par la proclamation de "l'Acte d'Amérique Britannique du Nord" qui présidera à la confédération de 1867.

En ces jours de 1841, lors de la proclamation de l'Acte d'Union, les Anglais du Haut Canada, forts de leur nouvelle majorité par la création d'une seule chambre d'Assemblée pour les deux provinces, — et dans laquelle les Francophones n'ont aucun pouvoir de contrôle — , n'hésitent pas à proclamer comme seule langue officielle, la langue anglaise alors qu'ils ne forment que huit pour cent (8%) de la population du Bas Canada.

(2) Les Britanniques (Anglais, Ecossais, Irlandais) représentant alors 8% de la population du Bas Canada. Dans l'ensemble des deux Canada réunis les anglophones comptent pour 40%, donc ils sont à ce moment minoritaires.

Aujourd'hui encore, alors qu'ils ne forment au Québec même pas dix pour cent de la population, ils réclament à grands cris la bilinguisation partout— et le libre choix de la langue d'enseignement, i.e. l'assimilation d'une langue — la nôtre — par une autre — la leur — . C'est vrai qu'ils se font bien supporter par certains valets de service de chez nous. Hélas!... Or, en ce temps-là, ils n'en appelaient pas aux "droits de la personne" pas plus qu'ils ne l'avaient fait en 1760...

Or, c'est précisément sous l'Union que la bourgeoisie "Canadian" accumule le capital nécessaire à la formation de sociétés industrielles. En plus cette expansion économique du Haut Canada est concomitante à la naissance de la période industrielle et, coïncidence heureuse, cette province sera alors toute fin prête pour en profiter. C'est aussi à ce moment qu'elle se lancera dans la construction ferroviaire tentant de se créer une économie nationale et transcontinentale.

La Confédération s'avèrera alors indispensable pour créer un marché intérieur suffisant pour endiguer la menace croissante d'intégration aux Etats-Unis. On voit donc que "l'Union" et la "Confédération" comme plus tard la "National Policy" ont toujours servi les intérêts de classe de la bourgeoisie "Canadian" d'abord, et presque exclusivement.

Et il en est encore beaucoup ainsi, aujourd'hui.

Aussi il y a tout ce retard de deux cents ans à rattraper... Et on ne nous fera pas de quartier, surtout quand nous n'avons presque pas accès aux grandes règles du jeu... car elles sont dictées "d'ailleurs" et dans une "autre" langue, et en plus, parce que ce développement économique s'est fait par et pour les anglophones (contrôlant très majoritairement l'économie québécoise) et aussi et surtout, par et pour les "ailleurs". Et forcément, dans la langue des "ailleurs".

Forcément aussi, contre nous.

Dans la logique de ce système, il apparaît bien "normal" que la langue française n'ait pas eu beaucoup "son mot" à dire, et qu'en outre, elle ait été considérée comme un instrument servant mal les fins économiques.

Cette même logique a aussi voulu que ceux qui pensaient et parlaient en français, aient été considérés comme inaptes aux affaires, et partant, aient eu bien peu de chance d'exercer leur talent ou d'imposer leurs propres règles du jeu. 2. Conséquences du conditionnement.

Les précédentes considérations historiques ne visent qu'à souligner que les origines de l'infériorité économique du Québec tant par rapport à l'Ontario, que par rapport à la situation qui devrait être sienne ne coïncident pas avec l'arrivée au pouvoir du Parti Québécois, non plus qu'avec la montée grandissante du vouloir de plus en plus marqué de sa population de l'accession à l'indépendance.

Eu égard au dynamisme de ses habitants, aux innombrables ressources naturelles du territoire,, à sa position géographique unique ("son" fleuve qui le traverse de part en part, bordé au nord et à l'est par deux océans, au confluent de l'Amérique et de l'Europe), cette infériorité économique — voire le marasme dans lequel nous nous trouvons trop souvent— paraît en effet è prime abord, incompréhensible.

Ces considérations, en outre, tendent à démontrer que le développement des structures économiques et politiques du Canada, ont à ce jour inféodalisé la vie politique du Québec et conditionné son propre développement économique, et, par voie de conséquence, ont à toutes fins pratiques, condamné la langue française et les francophones à un statut de minorisés, à un statut d'étrangers dans leur propre pays et de colonisés par l'intérieur.

L'économie est indissolublement liée au culturel et il n'est point de progrès économique dans un pays qui ne soit d'abord initié, orienté et maîtrisé par ses ressortissants propres, d'abord pour leurs propres avantages.

C'est l'enfance de l'art.

Or, cette opération au Québec ne saurait être, non plus, sans qu'elle n'épouse les caractéristiques du peuple québécois.

(2)Histoire Economique du Québec, Jean Hamelin et Yves Roby

En raison même de la perte des leviers économiques aux mains des étrangers qui ont en plus imposé et leurs règles du jeu, et leur langue, ce qui a eu pour résultante directe l'aliénation du peuple québécois, il est dans la nature des choses, que la re-création, la résurgence de la dynamique de l'âme québécoise passent par la retrouvaille, et partout, et dans toutes les sphères d'activités, de la langue française.

Les opposants et les tenants

D'abord les opposants...

Depuis que ce projet de loi a été déposé, on assiste à une manoeuvre d'intoxication psychologique de la part des anglophones, de la part des groupes linguistiques qu'ils manipulent, de la part des groupes francophones qui sont à la remorque ou au service de la minorité anglophone. Cette manoeuvre se fait par le biais des média d'informations qui leur appartiennent. Parmi ces groupes, nous retrouvons des agents économiques, notamment: "La Chambre de Commerce de la province de Québec" le "Montréal Board of Trade", le "Conseil du Patronat", le "Centre des Dirigeants d'Entreprise".

Il faudrait d'abord scruter le sociétariat de ces organismes —fortement composés de francophones — et le financement plus fortement encore alimenté par les multinationales et les grandes entreprises supranationales. "Dis moi qui te finance...".

Mais en plus, si le sociétariat est composé largement de francophones, combien parmi eux doivent gagner leur vie au service de ces mêmes grandes entreprises étrangères et "d'ailleurs"?

Or en plus d'être "coincés" dans leurs activités professionnelles et leurs milieux de travail, ces francophones (souvent de "service") se font "cernés", souvent bâillonnés dans leurs associations patronales ou d'affaires. Certains en viennent même à perdre leur identité propre.

L"'encerclement" ou le "bâillonnement" ne sont pas toujours — et bien au contraire — le fruit d'un chantage. L'approche est plus subtile. Et il y a l'environnement — le poids énorme des deux cent cinquante millions d'anglophones, l'avancement de leur technologie (il est à croire que telle technologie n'existe pas en pays francophone et il est surtout à croire que jamais nous pourrons — d'après ces arguments — être capables d'invention et de créativité.

Il y a aussi le conditionnement — la dégénérescence — historique, tel qu'établi au chapitre précédent.

Arguments contre le projet de loi véhiculés par certains milieux d'affaires 1. Souvent les milieux d'affaires dénoncent vertement le nationalisme comme valeur qui n'a pas sa place dans une pensée économique moderne. Or le nationalisme n'est qu'un outil et non une fin en soi. Tous les pays et toutes les formations sociales s'en servent comme tel, le Canada comme les autres. Ce qui dérange les "Canadiens", c'est que dorénavant les francophones du Québec veulent se servir de cet instrument pour protéger leurs intérêts nationaux; depuis deux siècles, les "Canadiens" avaient réussi à canaliser cette force au seul profit du nationalisme économique "Canadian" en célébrant, ici même, le discours du libéralisme économique.

On parle beaucoup de droits acquis. Or nous, nous croyons que les anglophones au Québec n'ont aucun droit acquis du fait qu'ils sont anglophones, puisque leur présence au Québec est conséquente à une conquête par les armes et que le prétendu droit de conquête par les armes a été rejeté par la Charte des Nations-Unies que le Canada lui-même a signé.

Et dans les media qui appartiennent massivement à cette minorité — à grand renfort de publicité — on met en garde ia population québécoise, en lui disant qu'avec cette charte, seuls les francophones riches pourront devenir bilingues, donc lutter à armes égales dans le domaine des affaires avec les anglophones devenus bilingues, parce qu'ils enverront leurs enfants à l'école privée. C'est oublier là, que de faire du français la langue d'enseignement n'implique pas de négliger l'enseignement d'une langue seconde. Au contraire, un peuple qui ne se sent plus menacé dans son identité, accepte beaucoup plus facilement de se donner tous les instruments nécessaires à son avancement dans tous les domaines, y compris, en l'occurrence, la maîtrise de la langue anglaise.

L'argument massue contre le projet de loi porte sur une de ses dispositions qui, apparemment, donne préséance à la Charte du français sur la Charte des droits et libertés de la personne. Pourtant si on y regarde de près, l'article 172 de la Charte du français met seulement sur un pied d'égalité les deux chartes. Il s'agirait donc de l'interprétation des deux chartes de façon complémentaire et non pas dans un rapport de subordination. Cet argument fut souvent employé de façon démagogique par ceux-là mêmes qui se préoccupent bien peu de la Charte des droits et libertés de la personne, quand il s'agit de la santé et de la sécurité des travailleurs, ou de ceux qui sont privés de soins et qui pourraient peut-être ainsi espérer vivre plus humainement.

Les détenus, qu'ils soient mineurs ou non, ne font pas non plus l'objet de leurs interventions dans la presse, quand il est question pourtant de certains droits fondamentaux de la personne.

En évoquant cet argument, on mélange donc les énoncés de principes et les modalités d'application. Les énoncés de principes respectent donc les droits fondamentaux de la personne en garantissant les droits linguistiques qui en font partie, et en permettant à la majorité de vivre dans sa langue sans danger d'assimilation et à la minorité, de continuer à avoir ses maisons d'enseignements. Il faut bien noter que la Commission des droits et libertés de la personne défend en principe les minorités. Cependant, en contexte québécois, il y a ceci de particulier qu'il s'agit de la survie de la majorité. La minorité quant à elle, ne l'est qu'à l'intérieur des frontières du Québec. D'autre part, cette minorité possède les moyens financiers, intellectuels, juridiques de faire respecter ce que sont ses vrais droits.

Un dernier argument veut qu'en préambule de la Charte, il est faux de prétendre que la langue française est depuis toujours la langue du peuple québécois. "Ceux qui sont anglophones et demeurent au Québec sont aussi québécois; en conséquence leur langue est aussi la langue d'une partie du peuple québécois".

Soit!

Mais quand on ajoute dans ce préambule: C'est elle qui lui permet d'exprimer son identité", cela vaut certainement pour la majorité des Québécois. C'est justement pour atteindre cet objectif que le projet de loi devra avoir force de loi bientôt. Tout peuple accueille dans son territoire, des minorités attachés à leur culture et à leur langue. Or plus grandes sont les libertés qu'on leur donne ou qu'elles prennent selon le parcours de l'Histoire, plus ces minorités peuvent vivre et se développer dans leur langue, sans pour autant prétendre que cette langue ne devienne par ce fait même la langue du peuple où ces minorités vivent! ... et les tenants

Les tenants se retrouvent partout et dans toutes les régions du Québec — il y a même des régions où l'on se demande encore s'il y a un problème à implanter la Charte du français — et dans toutes les sphères de l'activité humaine.

Dans le secteur économique, les tenants se rencontrent dans les grandes centrales syndicales, les mouvements coopératifs et très largement dans les PME. Ils sont tous également des agents économiques.

Peut-être n'ont-ils pas la richesse économique des "ailleurs", mais ils sont d'ici. Leurs appartenances s'enracinent dans la terre d'ici. Leur force économique s'accroît sans cesse.

La dynamique des activités économiques qu'ils génèrent crée également de plus en plus d'emplois. Davantage, ils sont nôtres et représentent une valeur inestimable. Ceux-là épousent la charte de la langue française, car ils intuitionnent bien que c'est par cette possibilité d'être vraiment ce qu'ils sont — non de traduire les autres — qu'ils seront de plus en plus en possession de leur propre génie créateur et avoir enfin — et à plein — la possibilité de faire valoir leur savoir faire.

Désormais, de pouvoir parler dans la langue de leur authenticité et sans besoin de traduire, leur conférera une confiance nouvelle, une force nouvelle, parce qu'ils parleront plus d'égaux à égaux.

Désormais, leur langue française, ne sera plus une langue de petites affaires domestiques, mais la langue des affaires, grandes et petites.

Désormais, sera brisée la distorsion ancienne.

DESORMAIS!

Recommandations 1-Nous réclamons l'école française pour tous les Québécois. Cependant, nous sommes prêts à consentir à la minorité de souche anglaise du Québec, les mêmes accommodements que, d'un commun accord, et dans un même temps les autres provinces canadiennes seront prêtes à consentir, en écrit et en pratique, aux minorités francophones vivant dans leur territoire. 2-Nous demandons instamment que le Ministère de l'Education et toutes les instances qui y sont rattachées ou associées, se fassent un point d'honneur de voir à ce que le français — écrit et parlé — soit enseigné de la façon la plus parfaite possible. 3-Nous réclamons que les subventions octroyées par des gouvernements étrangers, — et y compris le gouvernement fédéral —, des organismes ou des individus, soient d'abord confiées à un organisme québécois ad hoc, qui par la suite verra à les transmettre aux bénéficiaires. Cette pratique évitera l'achat déguisé de personnes ou de personnes morales ce qui aurait pour conséquence de nuire à l'application de la Charte du français, surtout dans la période plus critique du démarrage. 4-Nous sommes d'avis que l'enseignement de toute langue seconde ne doive être dispensé avant le niveau secondaire. 5-Nous insistons pour que l'enseignement du français dans les écoles anglophones en soit un de très haute qualité et que tel enseignement reçoive une attention particulière du Ministère de l'Education et des enseignants eux-mêmes. 6-Pareillement, nous insistons pour que l'enseignement de l'anglais au niveau secondaire en soit un également de très haute qualité et que tel enseignement reçoive aussi une attention particulière du Ministère de l'Education et des enseignants eux-mêmes.

7-Que le Gouvernement du Québec recherche activement et par tous les moyens en sa disposition, à occuper le domaine des ondes et des communications et qu'il se garde en outre, la pleine et entière juridiction dans ce champ d'action. 8-Nous réclamons l'utilisation de manuels de classe écrits en français dans les institutions d'enseignement de langue française. Que de plus soit encouragée, et à tous les niveaux, la création de manuels autochtones. Nous visons plus particulièrement les écoles techniques, les écoles spécialisées, les cegeps et les universités. 9-Nous tenons à ce que le critère linguistique retenu par l'Office de la langue française, soit le français universel. 10-Nous demandons au Parlement d'inverser la phraséologie, dans tous les articles de la Charte où le cas se présente, de manière à imposer à tous ceux qui font affaires avec le public québécois, l'obligation de traiter en français avec les Francophones plutôt que de reconnaître simplement, comme c'est le cas à plusieurs articles, le droit des francophones à être servis en français. 11-Nous insistons afin que tous les films parlés en langue autre que le français soient d'abord postsynchronisés ou sous-titrés en français, et ce avant leur première projection en salle publique au Québec. Nous demandons également que telle postsynchronisation soit effectuée au Québec. De plus nous refusons tout film parlé en français et sous-titré en anglais. 12-Nous demandons que les programmes de radio diffusés dans les endroits publics, le soient en français. 13-Nous exigeons que tout fabricant de matériel d'imprimerie soit tenu de respecter les exigences de la langue française en ce qui a trait aux caractères, adressographes, consoles d'ordinateurs etc. 14-Nous croyons que l'imposition d'amendes constitue une mesure inappropriée, surtout quand elles sont si peu élevées. A l'inverse, nous recommandons que les entreprises qui ne se conformeraient pas à cette loi soient privées du marché gouvernemental et de toutes subventions, voire qu'elles perdent leur permis d'opérer. 15-Nous réclamons que l'Office de la langue française accélère et intensifie ses travaux concernant l'implantation du français dans les entreprises.

Qu'en outre l'Office continue de se doter d'une banque de terminologie qui puisse être accessible à toute personne ou personne morale. 16-Que les travaux conduits dans cette perspective de francophonisation de l'entreprise et des méthodes utilisées à cette fin, notamment à l'Hydro Québec et dans des entreprises semblables, soient remis à l'Office afin d'en faire bénéficier la population. 17-Nous demandons instamment que soient intensifiées les campagnes de publicité et/ou de communication dans le monde des affaires et de l'entreprise afin de bien démontrer les avantages — mêmes économiques — que représente la francophonisation du Québec. 18-Nous invitons le Gouvernement du Québec à intensifier son programme de sensibilisation, non seulement afin d'expliquer la teneur de la Loi et de sa réglementation, mais également afin de faire prendre conscience de l'importance de vaincre ce danger de l'assimilation. 19-Que soit explicitée, et d'une façon vivante et positive, la valeur intrinsèque et inestimable de pouvoir conserver et parler l'une des deux langues mondiales, le français universel; cette langue qui en nous exprimant et en nous reliant les uns aux autres nous relie également à quelque deux cent millions de francophones. 20-Enfin, qu'il soit mis en relief que plus les Québécois seront davantage eux-mêmes plus ils seront ouverts les uns aux autres et plus également ils seront ouverts à tous les autres et à toutes les autres nations.

Faire du Québec un ETAT FRANÇAIS c'est faire preuve de MATURITÉ c'est aussi reconnaître la primauté de l'être d'au-delà de quatre vingt pour cent de ses gens. andré auclair

ANNEXE 2

Opinion du Bureau des écoles protestantes du grand Montréal

relative au

projet de loi no 1

"Charte de la langue française au Québec"

En tant que Québécois, nous aspirons à voir une société prospère et pleine de vitalité se développer ici au Québec, une société qui se respecte. Il va de soi qu'il s'agit d'une société surtout francophone, où la langue française reste de droit la langue de la majorité, une société dans laquelle il est possible d'évoluer et de vivre pleinement en français.

Nous sommes d'avis pourtant qu'un Québec fort et plein de vitalité ne peut s'élaborer en supprimant la minorité. Nous nous élevons vigoureusement contre la relégation de l'anglais au rang de langue non-officielle. Le projet de loi no 1 pose comme principe fondamental que l'existence au sein du Québec d'une forte minorité de langue anglaise représente une menace; que cette minorité se doit d'émigrer ou de s'assimiler afin de permettre à la majorité de survivre; que l'anglais soit banni de la vie publique dans la mesure du possible et que la communauté de langue anglaise soit réduite en nombre.

Les aspects négatifs du projet de loi no 1

Nous rejetons catégoriquement les aspects négatifs de la philosophie de base du projet de loi no 1. En premier lieu, elle reflète un manque de confiance total et non fondé dans la vitalité même du Québec francophone. Le français survit au Canada depuis 300 ans et la culture française s'est épanouie au Québec d'une façon vibrante avec un dynamisme envié par le reste du Canada et admiré dans le monde entier.

En second lieu, le projet de loi no 1 engendre des tendances destinées à isoler le Québec du fait même qu'elles représentent toute autre culture comme une menace, comme un danger de contamination. Dans une société où de telles tendances s'affirment, l'atmosphère devient tout simplement odieuse, non seulement pour ceux qui se voient frustrés de leurs droits, mais pour tout le monde; une telle atmosphère étouffe tout développement sain.

En troisième lieu, une philosophie de ce genre n'offre aucune base solide à une collaboration saine entre la majorité et la minorité pour le bien commun du Québec. Elle offre des sanctions à la place de récompenses et encourage ouvertement l'opposition d'une communauté envers l'autre. Ces implications Orwelliennes s'avèrent fort troublantes. Si la contrainte règneelle va engendrer la résistance et la discorde. La minorité anglophone n'acceptera jamais de se plier à une définition de sa destinée qui vise rien de moins qu'à l'annihiler. Cette vision de l'avenir mène tout droit à des positions irréconciliables dégénérant éventuellement en conflit. Une fois ancrée l'idée selon laquelle la survie de la majorité exige la réduction et la compression de la minorité, la véritable étape fatale a été franchie.

La présente législation, quelle que soit sa forme définitive, établira d'une façon déterminante la configuration même de notre société pour les années à venir. C'est pour cette raison même que la philosophie qui lui sert de fondement est encore bien plus importante que les dispositions détaillées qu'elle contient. De ce fait, notre mémoire s'adressera plutôt à l'intention de base qu'aux articles mêmes du projet de loi no 1. La thèse fondamentale du projet de loi no 1 veut qu'il soit impératif que le gouvernement intervienne d'une façon radicale afin d'assurer le maintien de la langue et de la culture françaises. Le projet de loi no 1 propose d'abolir les garanties dont jouissent l'anglais et le français en vertu de l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord Britannique en déclarant que seul: "Le français est la langue officielle du Québec".

Nous devons exiger que la loi définisse sans ambiguïté le statut légal et sans restrictions de l'anglais comme langue d'enseignement. Nous insistons vivement d'autre part pour que la loi établisse le droit fondamental de l'admission des élèves dans les écoles anglaises sans permettre que ce droit puisse à l'avenir être changé d'une façon ou d'une autre par voie de règlements. Toute modification envisagée devra être sujette à l'approbation de l'Assemblée Nationale après débats en bonne et due forme.

Par deux fois déjà dans le passé immédiat, les règles ont été modifiées par simple décision du cabinet et avec 60 jours d'avis dans la Gazette Officielle. Il s'agit là d'une pratique fort douteuse. Il est en effet facile de faire des changements très importants par voie de règlements sans pour autant les soumettre à un examen préalable approfondi auquel tout projet de loi doit lui-même être soumis. Cette pratique permet aussi aux bureaucrates d'imposer et de mettre en vigueur selon leur propre interprétation les règlements en question.

Les auteurs du projet de loi no 1 semblent mettre sur un pied d'égalité la garantie des droits de la minorité avec le concept de "la coexistence de deux sociétés closes". Ce n'est point là l'avenir que nous envisageons et la société dans laquelle nous comptons vivre. Les deux communautés du Québec ne se sont trouvées que trop séparées et trop closes l'une vis-à-vis de l'autre dans le passé. Dans le Québec de l'avenir nous envisageons une minorité de langue anglaise parfaitement intégrée. Ceci impli-

que entre autres que tous les Québécois de langue anglaise pourront, de par leur éducation, parler, lire et écrire couramment la langue de la majorité.

Mais nous rejetons avec vigueur toute tentative de mettre sur un pied d'égalité intégration et suppression, c'est-à-dire toute tentative d'étouffement de la communauté minoritaire et d'affaiblissement de ses institutions sous prétexte de mieux l'intégrer au Québec. Nous rejetons catégoriquement l'assertion du préambule du projet de loi no 1 qui dit que seul est Québécois celui ou celle qui parle français. La communauté de langue anglaise fait partie intégrante du Québec. C'est une vérité historique et toujours actuelle. Cette communauté ne pourra continuer à apporter sa pleine contribution à la vie du Québec si on lui refuse de rester ce qu'elle est.

Les dangers d'une société close

Le projet de loi no 1 remplace les ambiguïtés flagrantes des précédentes lois sur la langue, par une rigidité exemplaire; il ne s'agit point d'une amélioration pour sûr. Il n'est plus question du tout d'un Québec bilingue alors que le bilinguisme exemplaire des membres actuels du cabinet pourrait pourtant servir de modèle à tous les Québécois. Cette attitude ignore simplement toute réalité fondamentale et élève des barrières artificielles qui empêchent toute interaction valable entre le Québec et le reste de l'Amérique du Nord. On établit une espèce de "cordon sanitaire" qui appauvrit à la fois la culture de langue anglaise et celle de langue française au Québec et risque de mener à la stérilité.

Un tel concept de société close ne peut sûrement pas convenir à quiconque a les vrais intérêts du Québec et des Québécois à coeur. Il est certain qu'une approche coopérative, sans sanctions ni contraintes, s'avérerait beaucoup plus avantageuse du point de vue social. Ensemble nous devrions avoir un seul but commun, celui d'un Québec où la culture de la majorité de langue française et les cultures des groupes minoritaires pourraient s'épanouir côte à côte et où il n'existerait qu'une catégorie de citoyens, peu importe l'origine de chacun, qu'il soit né au pays, qu'il soit immigrant, qu'il soit de langue anglaise ou de langue française ou de toute autre langue. Dans un contexte plus large, nous nous devons d'élaborer un Canada prospère avec une culture dynamique de langue française dans bien des régions, une culture qui sera encouragée et soutenue par les autres gouvernements provinciaux de notre grand pays.

La vision qui s'impose

Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, nombre de nouvelles nations ont vu le jour. En général, tout comme les vieilles nations bien établies, elles ont eu leurs tribulations, leurs désordres civils et même leurs guerres civiles. Nous Canadiens, avons agi différemment. Au cours des 110 dernières années, nous nous sommes trouvés engagés dans une expérience unique en son genre réalisée nulle part ailleurs, une expérience menant vers l'unité par la négociation. Le Canada est un vaste pays formant une mosaïque pleine de contrastes et de variétés. Nous avons réussi pourtant à l'unir et à le faire prospérer grâce à notre forte détermination, à notre travail ardu et à notre loyauté inconditionnelle.

C'est à la fois le privilège et le devoir de ceux qui bénéficient d'un tel héritage, de l'améliorer et de l'enrichir avant de le transmettre à leur tour. Le vingtième siècle devait être une ère de prospérité, marquée par une évolution constante de la civilisation rendue possible par l'élimination de la faim et de la maladie. Il se devait d'être un siècle où grâce à l'épanouissement de l'éducation en général les masses mêmes des nations du monde devaient se libérer des entraves traditionnelles de l'ignorance et de la pauvreté. L'humanité a pu réaliser certains de ces objectifs humanitaires. Elle a énormément accompli pour vaincre la maladie. L'homme a appris à irriguer des déserts, à enrichir le sol afin qu'il puisse produire en abondance. L'homme a conquis la lune. Mais il a aussi découvert que toute la technologie du vingtième siècle n'a su ni calmer sa nature belliqueuse ni le délivrer de son fanatisme et de son racisme. De nos jours nous sommes de plus en plus gouvernés par les passions et les tendances paranoïaques et de moins en moins par l'esprit logique dont faisaient preuve nos aïeux au dix-neuvième siècle.

Nous n'avons pas réussi à éliminer tout antagonisme racial de par le monde, et nous n'avons point réussi à vaincre la faim et la pauvreté. Un grand nombre des nouvelles nations qui ont vu le jour depuis la fin de la deuxième guerre mondiale se sont vues exposer à de sanglants conflits et à des guerres civiles néfastes. Même notre grande nation est exposée à l'antagonisme racial. Nos aspirations ainsi que notre concept d'une société bien ordonnée n'ont pu se réaliser pleinement par la suite de notre impuissance à comprendre et à résoudre nos conflits.

Pire encore! Nous avons perdu confiance en notre rêve. D'un concept naïf d'une éventuelle existence harmonieuse nous sommes passés brusquement à un concept aussi peu réaliste qui veut qu'au sein d'une société, seule la confrontation et la division peuvent mener aux objectifs escomptés. Il nous faut commencer à croire à nouveau que les problèmes humains qui nous affligent peuvent se résoudre de façon rationnelle.

L'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord Britannique

Lorsque le Québec a négocié son entrée dans la confédération, il a insisté pour que l'Acte de l'Amérique du Nord Britannique garantisse le statut légal du français dans les tribunaux et à la législa-

ture de cette province. L'article 133 contient ces garanties. Cet article prévoit que l'anglais et le français peuvent être utilisés lors des débats du Parlement du Canada et aux assemblées législatives du Québec; que les procès-verbaux et les rapports paraissent respectivement dans les deux langues et que quiconque plaide ou porte litige devant tout tribunal du Canada établi par cet Acte, ou tout tribunal du Québec puisse le faire dans les deux langues. De ce fait la langue française a acquis son statut légal non point en 1774 comme l'indique le livre blanc mais en 1867 lors de la proclamation de l'Acte de l'Amérique du Nord Britannique.

Ceci ne veut point dire naturellement que la Constitution du Canada à savoir l'Acte de l'Amérique du Nord Britannique soit un document parfait pleinement adapté aux besoins de notre époque. Le dernier effort de révision a eu lieu en juin 1971 au cours de la conférence de Victoria, lorsque toutes les provinces sauf le Québec ont approuvé une Charte des droits des deux langues, une charte que ni le Parlement ni aucune législature ne peuvent modifier sans avoir recours à un procédé constitutionnel fort élaboré. Cette charte aurait accordé au français des droits indéniables dans toutes les provinces. L'Acte de l'Amérique du Nord Britannique a été rédigé au Canada pour les Canadiens et l'article 133 a été inséré pour protéger les Canadiens d'expression française. La question même du statut du français est restée équivoque jusqu'à la parution de la quatrième version de l'Acte. Cette version indiquait que l'une ou l'autre "pouvait" être utilisée mais ne disait qu'elle "devait" être utilisée. Deux éminents Canadiens-français, Félix Geoffrion et A.A. Dorion ont alors réussi à persuader les Pères de la Confédération de rendre l'usage du français obligatoire à l'avenir. Le juge en chef Laskin, dans un jugement touchant la Loi Fédérale des langues Officielles en 1976 a précisé que l'article 133 est au nombre des articles de l'Acte de l'Amérique du Nord Britannique qui n'entrent pas dans les pouvoirs d'amendement des provinces.

Le projet de loi no. 1 est-il légal?

Certaines personnalités juridiques éminentes considèrent que le projet de loi no 1 est discutable du point de vue légal et probablement anti-constitutionnel. Tel que mentionné ci-dessus, l'Acte de l'Amérique du Nord Britannique, dans l'article 133, prévoit que le français et l'anglais sont de rigueur dans les tribunaux du Québec et à l'Assemblée Nationale. Il s'ensuit que le Chapitre III du projet de loi no. 1 qui stipule que: "Le français est la langue de la législation et de la justice au Québec" se trouve être anticonstitutionnel. Ce chapitre tient à stipuler que les lois seront adoptées et sanctionnées uniquement en français; que seul est officiel le texte français des lois du Québec; que dans certains cas les personnes morales doivent s'adresser aux tribunaux uniquement en français; que seule la version française d'un jugement rendu, même s'il ne s'agit que d'une traduction, est officielle.

Le fait même que le projet de loi no. 1 ait été présenté uniquement en français pourrait être considéré comme anticonstitutionnel par la Cour Supérieure tout autant que pourrait l'être le chapitre I, qui dit: "Le français est la langue officielle du Québec". Ces chapitres sont contraires à l'esprit même et à la lettre de la constitution canadienne.

En plus le projet de loi no. 1 néglige de reconnaître la perception sans cesse grandissante qu'a le public en général du besoin impératif d'éliminer la discrimination et l'oppression. Nous vous référons à cet effet au texte de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme adopté par l'organisation des Nations Unies en 1948. L'article 2 de ce document stipule que ces droits reviennent à tout un chacun "sans distinction de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou autre, d'origine nationale ou sociale, de propriété, de naissance ou de tout autre statut". L'article 26 déclare tout comme l'a toujours déclaré historiquement le Québec lui-même: "que les parents ont le droit prioritaire de choisir pour leurs enfants le genre d'éducation qui leur sied le mieux". Par droit prioritaire il est entendu que les parents ont priorité sur l'Etat. Les droits collectifs n'ont pas préséance sur les droits individuels.

En plus, au cours de l'année 1960, le parlement fédéral a adopté la Déclaration des Droits des Canadiens "qui définit les droits de l'homme et la nature des libertés fondamentales" qui, selon la déclaration en cause, continueront d'exister "sans discrimination quelconque pour raison de race d'ori-gine nationale, de couleur, de religion ou de sexe".

Québec s'est toujours trouvé en tête des provinces qui ont défendu la cause des droits de l'homme dans le domaine de la langue. C'est en 1969 qu'un accord intitulé: "Accord de coopération et d'échanges en matière d'éducation de culture et de communications" est intervenu entre le Premier Ministre du Québec, monsieur Bertrand et le Premier Ministre du Nouveau-Brunswick, monsieur Robi-chaud; dans son préambule cet accord déclare que: "Le français et l'anglais sont les deux langues officielles du Québec et du Nouveau-Brunswick". Il est fait mention de cet accord à la page 412, volume III, du Rapport de la Commission Gendron. Cette commission elle-même partage d'ailleurs ce point de vue de l'égalité inconditionnelle des deux langues au Québec dans le volume 2, aux pages 23 et 26.

Ainsi le projet de loi no. 1 qui nie implicitement ces droits linguistiques, va à l'encontre de la tendance générale vers des droits de l'homme plus étendus. Elle peut de ce fait engendrer un manque de tolérance qui peut mener à un manque de respect mutuel de part et d'autre entre les divers ressortissants de cette province. Compte tenu de l'opposition générale sans cesse grandissante contre toute manifestation de discrimination, il est en effet très difficile de comprendre comment le gouvernement

actuel peut vouloir opter pour l'adoption de l'unilinguisme par contrainte. Cette loi n'offre rien à la majorité de langue française de la province qu'elle ne possède déjà. Elle lui enlève plutôt certains avantages, elle lui enlève l'occasion d'offrir à ses enfants une éducation bi-culturelle. Tout citoyen digne de ce nom devrait se méfier de gouvernements qui aliènent les droits des gens.

Les effets escomptés du projet de loi no. 1 sur le bureau des écoles protestantes du grand Montréal

Pour le B.E.P.G.M. le projet de loi contient deux articles illégaux qui pourraient s'avérer néfastes. Il s'agit d'abord de la stipulation qui veut que les enfants d'origine canadienne et de langue anglaise mais provenant d'une autre province du Canada ne peuvent être admis à l'école anglaise. Cet article s'il reste tel quel, créera deux classes distinctes de citoyens canadiens. Le bureau des écoles protestantes du grand Montréal s'est toujours prononcé en faveur du libre choix en matière d'éducation et jusqu'à présent d'ailleurs la province du Québec elle aussi partageait ce principe.

En deuxième lieu la loi stipule que la langue française est la langue de communication des organismes municipaux et scolaires même si la majorité des administrés sont de langue anglaise. Cette obligation causera bien des problèmes surtout du point de vue traduction, et nulle part n'est-il indiqué que le gouvernement assumera les frais qui en découleront. Ceci indique aussi que les affiches, les bulletins et les documents dans des salles de classes anglaises seront rédigés en français. Sûrement s'agit-il là d'une anomalie légale qui ne peut se justifier ni rationnellement ni pédagogiquement.

En principe, le projet de loi no. 1 présuppose que l'existence même d'une minorité de langue anglaise représente une menace. De par ses dispositions elle aura tôt fait de réduire sérieusement l'effectif du secteur anglais d'une commission scolaire qui, par le passé, a fait ses preuves comme étant l'une des institutions éminentes dans le domaine de l'éducation en Amérique du Nord. En dépit des nombreuses assurances contenues dans le projet de loi no. 1 affirmant que le secteur de l'éducation de langue anglaise ne sera pas affecté sérieusement, il est établi que le gouvernement n'a pu jusqu'à présent fournir de données statistiques assez rassurantes pour nous convaincre que le secteur de l'éducation de langue anglaise ne se trouvera pas réduit de quelque 58% à 80% dans les dix années à venir, (voir annexe A)

Selon des déclarations publiques faites par le ministre d'Etat au développement culturel, monsieur Camille Laurin, 90% de tous les néo-Québécois fréquentent les écoles anglaises. Bien que ce pourcentage semble élevé, il est bien vrai qu'un grand nombre d'élèves venant de l'extérieur de la province ont par tradition fréquenté nos écoles. Mais ceci s'explique par l'extrême mobilité de la population anglophone. Le pourcentage d'anglophones est resté relativement stable, alors que les personnes elles-mêmes ont changé sans cesse. Dans le "Sommaire du mouvement des élèves vers le Québec ou hors du Québec" en annexe B, il est indiqué clairement qu'au cours des années 1967 à 1973, le Bureau des écoles protestantes du grand Montréal a enregistré un déficit s'élevant à quelque 2288 élèves entre ceux qui sont entrés au Québec et ceux qui en sont sortis.

Méconnaissance des tendances actuelles

Une étude de l'histoire de ce siècle dans cette province, révèlera que les anglophones ont tendance à quitter la province pour être remplacés par des francophones. Bien des communautés de langue anglaise dans la région de Sherbrooke, à Québec même et en Gaspésie, par exemple, ont bel et bien disparu au cours des 50 dernières années. Le numéro d'avril 1977 du magazine "National Geographic" indique qu'en Gaspésie la population est passée de 80% d'anglophones à 80% de francophones. Il ne s'agit nullement d'un phénomène attribuable au nationalisme, il s'agit simplement d'une assimilation progressive de certaines familles alors que d'autres ont tout simplement déménagé du fait que la population anglophone est très mobile. Beaucoup de ceux qui ont déménagé l'ont fait pour des raisons bien diverses, changement d'emploi, raisons socio-économiques, pour fins éducatives, etc. Il s'agit là, au Québec surtout, de la tendance historique du siècle, une tendance qui s'est trouvée accélérée au cours des dix-sept dernières années par la révolution tranquille, les débats intensifs sur la question constitutionnelle, la loi 22 et la loi fédérale sur les langues officielles. Le livre blanc lui-même admet ce fait dans le passage qui indique: "Le pourcentage de la population d'origine britannique a tendance à s'avérer infinitésimal à Québec et même à Montréal". Le projet de loi no. 1 se base sur des données démographiques erronnées.

Le projet de loi no. 1 s'appuie sur des données sociologiques également erronnées. Il maintient le vieux cliché d'une élite anglo-saxonne monolithique, riche et bien éduquée. Il ne tient pas compte de nos milieux défavorisés et des milliers d'élèves en troubles d'apprentissage fréquentant les écoles du B.E.P.G.M.

De plus, le projet de loi ne tient point compte du tout du changement d'attitude au sein de la communauté anglophone à l'égard de la question linguistique au cours des dix dernières années. Nonobstant l'affirmation absurde voulant que nos classes d'immersion soient le résultat direct des activités du F.L.Q. il est établi que ces programmes remontent à 1968. Jusqu'à 45% des effectifs scolaires de septième année suivent de leur plein gré au sein des écoles du bureau des écoles protestantes du grand Montréal des cours d'immersion en français où toutes les matières sont enseignées en français sauf pour une période d'anglais par jour. En tout 24.5% des élèves inscrits au niveau de la maternelle suivent

eux aussi des cours à immersion en français ce qui signifie qu'ils commencent leur éducation en français à cent pour cent sans aucune instruction en anglais au cours des deux premières années du cycle élémentaire. Ces chiffres sont révélateurs et indiquent clairement que le bureau des écoles protestantes du grand Montréal ne se contente pas de se prononcer tout simplement sur le problème mais d'agir bel et bien en conséquence. En plus ces programmes et ces services ont été établis sans l'aide financière de qui que ce soit, sans aucune contrainte ni de la part du gouvernement ni de part d'une hypothétique autorité de francisation mais simplement sur requête spécifique de parents anglophones. Ces parents voués à l'avenir et au bien-être de leurs enfants, ont insisté pour que ceux-ci apprennent le français de façon intensive afin de pouvoir continuer à prospérer au Québec. Notre thèse veut que l'apprentissage de la langue seconde stimule l'habileté de nos enfants et les enrichisse du point de vue culturel ce qui leur permet de vivre heureux et d'évoluer à l'aise au milieu de leurs voisins de langue française.

D'autres provinces, elles aussi, ont pris des mesures positives du point de vue du bilinguisme. Le sophisme selon lequel les minorités francophones du reste du Canada seront toujours moins bien nanties que la minorité anglophone au Québec ne pourra certainement plus être décemment invoqué une fois que le projet de loi no. 1 aura été sanctionné dans sa forme actuelle. Au cours de l'ouverture de la dernière session de l'assemblée législative de l'Ontario, l'honorable W. Darcy Mc.Keough, l'a confirmé lorsqu'il a dédéclaré: "Le gouvernement de l'Ontario réitère solennellement son obligation envers le système d'éducation de langue française de l'Ontario qui dessert 106 000 élèves dans 309 écoles de langue française" (Gazette de Montréal, le 14 avril 1977). Il a indiqué en plus que le gouvernement a garanti qu'une école secondaire française qui a soulevé une controverse regrettable dans le comté d'Es-sex, sera bel et bien construite.

En juillet 1968, les projets de loi 140 et 141 ont accordé aux écoles de langue française un statut officiel en Ontario. Ce statut s'est trouvé renforcé en 1973 lorsque les francophones se sont vus octroyer le droit d'exiger selon les procédures clairement établies, que leurs enfants puissent bénéficier de l'établissement d'une école de langue française. On a établi à cet effet un Conseil des Ecoles de Langue Française, dont le président, lui-même de langue française a rang de sous-ministre adjoint de l'éducation. A l'heure actuelle il y a 86 000 élèves qui fréquentent 315 écoles élémentaires et plus de 30 000 élèves qui fréquentent des écoles secondaires, toutes de langue française.

Le 16 juillet 1970, l'assemblée législative du Manitoba a sanctionné le projet de loi 113 qui reconnaît le français ainsi que l'anglais comme les deux langues officielles d'enseignement dans les écoles. Selon cette loi, chaque fois que les parents de quelque 28 élèves du niveau élémentaire, et quelque 23 élèves du niveau secondaire exigent que l'enseignement soit dispensé dans l'une ou l'autre langue, il est du devoir de la commission scolaire en cause de s'exécuter en conséquence.

Selon la loi des langues officielles au Nouveau-Brunswick, l'anglais et le français sont reconnus comme les deux langues officielles de la province et jouissent des mêmes droits et des mêmes privilèges. Les Canadiens de langue française du Nouveau-Brunswick disposent déjà d'un bon réseau d'établissements scolaires.

Nous tenons à souligner aussi qu'aucune des provinces de langue anglaise n'a jamais fait promulguer une loi forçant les minorités de langue française à "angliciser" leur commerce afin de pouvoir obtenir de la part du gouvernement des subsides, des allocations ou des contrats. Personne ne les a jamais obligées à rédiger en anglais seulement, le nom de leur établissement, leurs enseignes, leurs menus, leurs étiquettes, leurs certificats de garantie, leurs annonces publicitaires. Le projet de loi no. 1 par contre s'occupe à cet effet des détails les plus minutieux de la vie quotidienne plus que toute autre loi de ce pays ne s'est jamais permis de le faire.

Il est vrai que les minorités de langue française, dans les provinces à prédominance de langue anglaise, ont subi des pressions économiques et culturelles les poussant vers l'anglicisation, mais jamais n'ont-elles subi de contraintes légales ou ont-elles été exposées à des sanctions quelconques. En effet tel que nous l'avons indiqué dans le domaine de l'éducation, le domaine qui nous tient le plus à coeur, les enfants d'expression française se sont vus accorder par des mesures législatives et administratives le droit et l'occasion de faire des études dans leur propre langue. Le projet de loi no.1 pourrait bien avoir pour effet de freiner cet élan vers le bilinguisme dans d'autres provinces et ceci aux dépens des minorités de langue française. En d'autres mots, les autres provinces et surtout le Nouveau-Brunswick, le Manitoba et l'Ontario, les plus importantes en la matière commencent enfin à suivre le bon vieil exemple du Québec. La province de Québec par contre s'apprête à imiter le mauvais exemple donné dans le passé par toutes les autres provinces et à les dépasser même dans cette voie.

Une intervention gouvernementale aussi radicale est-elle vraiment de rigueur?

Pourquoi cette loi sur la langue? La langue française a démontré à travers les âges qu'elle n'a que faire de telles protections légales. Son évolution au cours des trois cents dernières années en est une preuve certaine. La culture française est en plein épanouissement au Québec, elle représente une force vibrante et dynamique enviée pour son épanouissement dans le domaine des arts. Face à ce défi et afin de s'y adapter, les écoles de langue anglaise produisent en leur sein la génération d'élèves les plus bilingues de toute leur histoire. Pourquoi dans ce cas le gouvernement a-t-il choisi de se joindre non point à ceux qui s'efforcent honnêtement d'établir une société unie, mais à ceux qui essaient de nous

diviser et de nous séparer, de dresser citoyen contre citoyen dans des conflits qui risquent de mener au désespoir et de ressusciter cette ambiance des deux solitudes d'antan. Le but du gouvernement ne devrait pas être de vouloir rejeter la communauté anglophone minoritaire et décroissante mais de s'évertuer à exploiter l'immense réservoir de bonne volonté et de bonne entente qui s'y trouve. Si cela était le cas, la communauté de langue anglaise pourrait certes continuer à contribuer d'une façon fort valable à la qualité de la vie et au bien-être général de notre province.

Dans un esprit de conciliation, par des suggestions constructives et dans le but de développer dans ses rangs et au Québec un bilinguisme intégral et les chances les meilleures à tous dans le domaine de l'éducation, nous soumettons très sincèrement les recommandations ci-contre, formulées sans prétentions et dans les meilleures des intentions, à savoir: Que la future Charte de la langue française au Québec: 1- établisse la primauté de la langue française au Québec dans: le domaine socio-économique le domaine de la main-d'oeuvre et des relations de travail le domaine du commerce et de l'industrie le domaine juridique le domaine des arts et des métiers le domaine de l'éducation par diverses méthodes incitatives plutôt que coercitives; 2- reconnaisse à l'anglais le statut de langue officielle; 3- respecte scrupuleusement la Constitution du Canada, à savoir "L'Acte de l'Amérique du Nord Britannique", avec toutes les garanties que cette constitution accorde; 4- encourage le développement d'une société bilingue tout en consolidant le statut de la langue française; 5- accorde à cette fin dans le domaine de l'éducation la possibilité aux parents de choisir pour leurs enfants le genre d'éducation qui leur sied le mieux conformément à l'esprit du préambule de la loi du ministère de l'Education du Québec entrée en vigueur par proclamation le 13 mai 1964; 6- incite les universités du Québec et toutes leurs facultés mais surtout les facultés des sciences de l'éducation de développer des programmes bilingues de haute qualité; 7- exige qu'une connaissance approfondie de la langue seconde et une maîtrise quasi absolue de la langue première soient des prérequis inévitables à l'admission à une faculté des sciences de l'éducation pour fins d'études; 8- requière et impose que dans un délai de dix ans après l'entrée en vigueur de la loi, tout candidat à un poste dans l'enseignement à n'importe quel niveau et dans n'importe quel domaine soit au moins bilingue et dûment reconnu comme tel; 9- envisage des délais de "francisation" plus réalistes dans le domaine de l'administration du secteur public et para-public afin de permettre une adaptation progressive à la situation; 10- attribue à cette fin aux administrations en cause, les fonds nécessaires pour mener à bonne fin un programme de francisation valable et durable.

Soumis respectueusement au nom du Bureau des écoles protestantes du grand Montréal pour fins de consultation et de discussion.

Dr. John A. Simms Président

Marcel R. Fox Directeur Général.

Le 1er juin 1977.

(ANNEXE A)

En date du 30 septembre 1976, le B.E.P.G.M. comptait à peu près 50,000 élèves, dont approximativement. 13,500 de langue maternelle autre que l'anglais 2,500 de langue maternelle française 4,000 nouveaux immigrants 20055 8,000 de parents de langue anglaise non éduqués au Québec (chiffre estimé) 28,000 TOTAL

Ceci indique que sur les 50,000 élèves, 28,000 ne pourraient pas fréquenter les écoles de langue anglaise du bureau des écoles protestantes du grand Montréal si le projet de loi no. 1 s'appliquait tel qu'il est rédigé. Il va sans dire qu'ils peuvent rester pour le moment dans le système scolaire qu'ils fréquentent et leurs frères et soeurs peuvent s'y inscrire aussi.

Néanmoins à compter de l'entrée en vigueur du projet de loi no.1 les élèves de cette catégorie devront fréquenter le secteur francophone. Ceci implique qu'à partir de 1984-1985 plus de la moitié de ce groupe ne fera plus partie de nos effectifs du secteur anglophone. Il s'ensuit une réduction de quelque 14,000 élèves.

Il est à noter que notre effectif total a diminué progressivement par suite du déclin du taux de natalité. Alors qu'en 1967 l'effectif total s'élevait à 64,500 élèves ce même effectif nereprésenteplus que 47,000 élèves en 1977. Il s'agit d'une perte de quelque 17,500 élèves au cours des dix dernières années. Sans même tenir compte de l'application du projet de loi no.1 ou de l'impact de l'immigration, nous estimons qu'en 1984 l'effectif sera de quelque 35,000 élèves.

Si nous déduisons 14,000 du total de 35,000, nous nous retrouvons avec un effectif de 21,000 élèves dans nos écoles de langue anglaise d'ici sept ans. Il est presque certain qu'en 1987 le secteur anglophone du bureau des écoles protestantes du grand Montréal ne comptera plus qu'un effectif scolaire de quelque 8,000 ou 10,000 élèves tout compte fait.

Référer à la version PDF page CLF-655

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