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Audition des mémoires sur
le projet de loi no 1 :
Charte de la langue française
au Quebec
(Dix heures seize minutes)
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, madame et
messieurs!
J'inviterais les membres de la commission, les témoins, les
journalistes à prendre leur fauteuil.
Comme nous commençons une nouvelle séance, je vais faire
l'appel des membres de la commission. M. Alfred (Papineau).
M. Alfred: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Bertrand (Vanier), M.
Bisaillon (Sainte-Marie), M. Chevrette (Joliette-Montcalm) est remplacé
par M. Charbonneau (Verchères); M. Ciaccia (Mont-Royal), M. de
Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Dussault (Châteauguay), M. Godin
(Mercier), M. Grenier (Mégantic-Compton) est remplacé par M.
Biron (Lotbinière)...
M. Biron: Oui.
Le Président (M. Cardinal): M. Guay (Taschereau), M.
Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. La-plante (Bourassa), M. Laurin (Bourget),
Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Le Moignan (Gaspé), M. Paquette
(Rosemont), M. Roy (Beauce-Sud)...
M. Roy: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Saint-Germain
(Jacques-Cartier), M. Samson (Rouyn-Noranda).
Pour les membres de la commission et ceux qui sont devant nous, je vais
donner l'ordre du jour qui est chargé. Je voudrais expliquer auparavant
que, malgré le désir du président que tout se
déroule dans le temps prévu par la motion, il y a
déjà un décalage de 24 heures dans les travaux de la
commission.
Comme le règlement prévoit une convocation de sept jours
à l'avance, les convocations étaient déjà
entièrement adressées pour la semaine. Je ne puis garantir que
tous ceux que je nommerai seront entendus aujourd'hui et je rappellerai aux
membres de la commission qu'ils ne sont pas obligés d'employer les 90
minutes prévues par la motion.
Alors, ceux qui sont invités...
M. Charbonneau: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Verchères.
M. Charbonneau: Serait-il possible de nous indiquer l'ordre des
mémoires avec les numéros également?
Le Président (M. Cardinal): Je vais le faire
immédiatement, M. le député de Verchères. M.
Laurion est revenu, je crois? Merci, M. Laurion. Mémoire 84. M. Roger
Julien est ici. Mémoire 90. Montreal Women Council. Merci.
Mémoire 63. Montreal Lakeshore University Women's Club. Merci.
Mémoire 57. Je pense que M. Roger Marceau n'est pas ici, que M. Davis
Ross n'est pas ici et Mme Hélène Bergevin non plus. En vertu du
règlement, ces personnes seront convoquées selon le désir
de la commission.
Société nationale populaire du Québec. Vous
êtes ici, merci. Mémoire no 78. Pierrefonds Comprehensive High
School. Merci. Mémoire no 67. M. Louis-Paul Chénier. M.
Chénier n'est pas ici. Le mémoire 148, M. Chénier. Il perd
son tour. La convocation est pour dix heures le matin. Comité de
coordination de l'ensemble de la communauté grecque de Montréal.
Merci, monsieur. Mémoire 147. Institut canadien de recherches sur les
pâtes et papiers. Merci, M. Gendron. Mémoire 100. Les fils du
Québec. Oui. Merci, M. Barbeau. Mémoire 136. M. G. Brosseau.
Merci, M. Brosseau, mémoire no 25.
Je veux aussi rappeler qu'aujourd'hui nous avons une séance de
dix heures à treize heures, que nous devons ajourner sine die à
treize heures, et attendre que les travaux de l'Assemblée nationale qui
débutent à quinze heures soient terminés pour reprendre
les travaux de la commission, ce qui veut dire vers seize heures quinze
minutes, parfois plus tard. À ce moment-là, ce sera une nouvelle
séance qui débutera et qui sera suspendue à 18 heures pour
reprendre à 20 heures jusqu'à 23 heures ce soir. Je souhaite que
tous ceux que nous avons invités puissent se faire entendre grâce
à la collaboration de tous les membres de la commission. Au moment
où nous avons ajourné... Oui, M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, je me réfère
à vos dernières remarques. Vous souhaitez que tous les
invités puissent se faire entendre aujourd'hui. J'en compte dix. Vous
avez notre collaboration. Je suis sûr que tous les membres de cette
commission vous l'offrent régulièrement, mais il est quand
même assez irréaliste de penser que nous allons pouvoir passer dix
mémoires aujourd'hui, non pas que je vous suggère une autre
façon de procéder, vous êtes maître de notre
procédure, mais je n'aimerais pas laisser penser à des gens ici
que ceux qui sont aux derniers rangs ont des chances de passer aujourd'hui. Je
pense que ce ne serait pas être honnête avec eux.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, j'ai déjà rencontré les membres qui
sont les trois derniers sur la liste et je leur ai clairement indiqué
que mon souhait était un voeu pieux et qu'il était fort possible
qu'ils soient obligés de revenir. Alors, cela a déjà
été indiqué.
Au moment où nous avons ajourné nos travaux, hier soir
à 18 heures, M. Laurion était le témoin, je l'invite donc
à se présenter à nouveau devant nous. À nouveau,
pour les fins du journal des Débats et des membres de la commission, je
l'invite à s'identifier. La parole était à ce
moment-là à Mme le député de L'Acadie, qui
interrogeait le témoin.
Mme le député de L'Acadie avait déjà
employé cinq minutes sur les vingt minutes permises à son parti
de l'Opposition officielle. M. Laurion, si vous voulez bien vous identifier,
s'il vous plaît?
M. Gaston Laurion
M. Laurion: Gaston Laurion, écrivain et professeur
titulaire de littérature québécoise et française
à l'université Concordia.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. Laurion. Mme le
député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Quand nous nous sommes quittés hier soir,
j'avais posé une question à M. Laurion à savoir s'il ne
trouvait pas des éléments de discrimination dans le
critère retenu pour établir l'accès des
élèves à l'école anglaise, je lui avais cité
un exemple et j'attendais sa réaction.
M. Laurion: Non, j'attendais que vous m'expliquiez. Je vous avais
posé la question à savoir quels sont ceux qui, de fait, sont les
anglophones authentiques qui se trouvent exclus de l'admissibilité
à l'école anglaise par la loi proposée?
Mme Lavoie-Roux: Je vous avais cité un cas, M.
Laurion...
M. Samson: M. le Président, j'invoque le
règlement.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Rouyn-Noranda.
M. Samson: M. le Président, avant que cette commission ne
continue ses travaux, je pense qu'il est bon d'établir dès
maintenant qu'il n'est pas d'usage que les témoins posent des questions
aux membres de cette commission, sauf s'ils veulent les poser au ministre
responsable. Je pense qu'il est très important qu'on le fasse
connaître immédiatement, c'est nous qui posons les questions.
M. Guay: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Taschereau.
M. Guay: Sur la question de règlement, toute personne qui
comparaît a le droit de demander, sous forme de question, des
précisions au député qui pose la question, cela me semble
être un droit élémentaire...
M. Samson: M. le Président, j'invoque l'article 96 pour
dire qu'on m'a mal compris et mal cité. On peut poser une question
à un député qui a la parole pour lui demander des
précisions. Le genre de question qui vient d'être posée, ce
n'est pas ce genre de question. On devrait le comprendre.
M. Guay: J'ai compris que c'était exactement ce genre de
question, M. le Président.
M. Samson: Non, ce n'est pas ce genre de question.
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous
plaît)
M. Guay: Ce n'est pas à vous à décider, M.
le député de Rouyn-Noranda, c'est au président.
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre!
M. Samson: M. le Président, je comprends que le
député de Taschereau veut protéger un témoin qui
est un ancien candidat péquiste...
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, M. le
député! À l'ordre...
M. Samson:... mais c'est à ce moment-là de la
partisanerie.
Le Président (M. Cardinal): ... M. le député
de Rouyn-Noranda, à l'ordre, je vous en prie! Je ne permettrai pas
qu'une question de règlement... à l'ordre, s'il vous plaît!
Je ne permettrai à aucun moment, je l'ai dit hier, je regrette que je ne
puisse pas me lever à cette table pour faire taire ceux qui ne sont pas
dans l'ordre, je ne permettrai pas qu'une question de règlement devienne
un débat et surtout, un débat politique.
La parole est au député de Taschereau, sur la question de
règlement. Vous avez terminé M. le député?
M. Guay: J'ai fait valoir le point de vue. Le
député de Verchères a également une intervention
à faire.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Verchères sur le point de règlement.
M. Charbonneau: Je veux simplement ajouter un mot à la
suite de ce que mon collègue a dit. Si M. le député de
Rouyn-Noranda l'avait oublié, le dialogue entre le député
de L'Acadie et le témoin avait déjà commencé avant
l'ajournement, hier. Je pense que la question était dans la suite de ce
qui s'était discuté hier.
M. Samson: Cela ne change rien au principe, M. le
Président.
M. Charbonneau: Cela change bien des choses, M. le
député.
M. Samson: M. le Président, cela ne change rien au
principe.
M. Alfred: Question de règlement, M. le
Président.
M. Samson: Et je continue à...
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous
plaît. Écoutez, je viens de...
M. Samson: Ils sont sympathiques quand c'est un péquiste
qui est à la table. Ils vont tous y passer chacun leur tour.
Le Président (M. Cardinal): M. le Président, je
vous prie de ne pas... M. le Président, je vous prie de... Pas M. le
Président, mais M. le député de Rouyn-Noranda, je
m'excuse.
M. Samson: Vous auriez dû prier hier.
Le Président (M. Cardinal): Vous savez ce que je vous ai
répondu hier, à cette intervention. M. le député de
Rouyn-Noranda, je vous prierais de ne pas imputer d'intention, ni aux membres
de la commission, ni à la présidence.
M. Samson: M. le Président, il n'y a rien dans le
règlement qui m'empêche d'avoir les yeux ouverts et de
comprendre.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Merci, M. le
député de Rouyn-Noranda.
M. Alfred: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): Je considère l'incident
clos et redonne la parole à M. Laurion, ou à Mme le
député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Pour que l'incident soit vraiment clos, je vais
poser une autre question.
Au bas de la page 2, M. Laurion, vous traitez de la question des
anglophones des autres provinces, qui ne pourraient pas être admis
à l'école anglaise du Québec. Est-ce que, pour vous, sur
une question de principe, vous admettez qu'on puisse faire des
différences entre des citoyens?
Sans vous imputer quelque allégeance ou quelque opinion politique
particulière, sur le plan des principes, les gens qui habitent
l'Ontario, qui habitent le Québec, sont tous des citoyens canadiens. Il
y a, ici, des citoyens qui ont des écoles françaises et il y en a
aussi pour qui il y a des écoles anglaises et je ne crois pas que
même le projet de loi no 1 envisage de les supprimer.
Ne croyez-vous pas qu'en refusant l'admission des anglophones des autres
provinces qui sont citoyens canadiens, au même titre que les anglophones
du Québec, vous ne créiez deux classes de citoyens, donc un autre
facteur de discrimination entre citoyens?
M. Laurion: Je pense que j'ai expliqué cela assez
clairement dans mon texte. Si vous lisez un peu plus loin, en bas de la page 2
et en haut de la page 3, j'estime que, pour ce qui est des questions de
juridiction exclusivement provinciale dans la constitution c'est
l'argument constitutionnel, à mon avis, que vous soulevez pour
ces questions, les citoyens des autres provinces sont exactement dans la
position d'un étranger. Quand il s'agit de juridiction strictement
provinciale, il n'y a aucune différence à faire entre quelqu'un,
un nouveau résident appelons-le nouveau résident, pour ne
pas employer le mot "immigrant", parce que le mot "immigrant", justement,
suppose le ministère de l'Immigration fédéral quel
qu'il soit, qu'il soit immigrant ou venant d'une province
québécoise... Il doit être traité, enfin, tous ces
nouveaux résidents doivent être traités de la même
façon quand il s'agit d'une question de juridiction strictement
provinciale, et la langue en est une et l'enseignement en est une.
Mme Lavoie-Roux: C'est tout, M. le...
Le Président (M. Cardinal): Après Mme le
député de L'Acadie, la parole est maintenant, d'après
l'ordre établi hier, à M. le député de
Bourassa.
M. Laplante: M. le Président, à la page 3, lorsque
vous invoquez une réserve à l'article 52, vous dites que les
dispositions sur la langue d'enseignement ne s'appliquent qu'aux niveaux
primaire et secondaire et qu'à votre avis, elles devraient
s'étendre, toujours au nom de la cohérence, au collégial
et à l'universitaire. Vous appliquez, comme seule réserve, les
étrangers qui viendraient à ce niveau. Croyez-vous qu'à
l'élémentaire et au secondaire, l'apprentissage du
français soit à un point tel que les élèves
puissent le maîtriser d'une façon adéquate, parce qu'ils
traversent l'élémentaire et le secondaire, et qu'il n'y aurait
aucun danger lorsqu'ils sont rendus au niveau collégial ou s'il y a un
choix d'écoles?
M. Laurion: Je ne me suis pas placé sur ce plan; je me
suis placé essentiellement, dans mon raisonnement, sur le plan du
principe fondamental, à savoir que le système d'enseignement
anglophone est destiné, strictement pour des raisons historiques,
à notre minorité anglophone et que, par conséquent, ce
système d'enseignement ne doit accepter, en aucune façon, des
personnes qui ne jouissent pas de ce privilège historique.
Le Président (M. Cardinal): Le député de
Lotbinière.
M. Biron: M. Laurion, je vous remercie spécialement de
votre présence ce matin. J'ai été frappé, hier,
à la lecture de votre mémoire et surtout après une
question, je crois, du député de L'Acadie, lorsque vous avez
employé, à quelques reprises, le mot "moi". "Je voudrais,
rapidement, pendant que je suis encore vivant, vivre au Québec une vie
française", écrivez-vous. Alors, il semble que vous êtes
pressé pour vivre cette vie. Est-ce que vous vous imaginez que vos
enfants ou vos petits-enfants vont pouvoir continuer à vivre cette vie
française au Québec?
M. Laurion: Je l'espère bien. J'espère bien que mes
enfants et mes petits-enfants pourront vivre en français au
Québec, mais j'ai voulu insister sur le fait que, personnellement, j'ai
également le droit de vivre en français, intégralement en
français, dans un pays français, d'avoir, en somme, mon pays.
C'est un argument subjectif, si vous voulez, mais personnellement, je ne crois
pas que l'objectivité soit le fin du fin. L'objectivité, c'est un
moyen de communication, comme la statistique, d'ailleurs, qu'il faut
dépasser, parce qu'au fond, se trouvent, ici, des personnes
au-delà de ce que peuvent cerner des principes objectifs, des
Québécois réels, en chair et en os, qui ont, comme tous
les membres de la commission invoqué ces principes au début, des
droits des personnes, des droits personnels. C'est cela que j'ai voulu dire
à ce moment. Moi aussi, comme personne, comme Québécois,
j'ai des droits personnels. Si je viens ici, ce n'est pas uniquement au nom
d'une espèce d'objectivité abstraite. C'est parce que je suis un
être humain qui veut quelque chose.
M. Biron: M. Laurion, les Québécois qui parlent la
langue anglaise au Québec au nombre de 1,4 million ou quelque chose
comme cela. Ce sont des Québécois qui ont des droits personnels
aussi, vous reconnaissez cela.
M. Laurion: Ce sont des Québécois qui ont des
droits personnels, mais dans tous les pays, vous trouverez aussi des
minorités dont les membres ont des droits personnels. Seulement, ces
droits personnels doivent être compatibles avec ceux de la
collectivité, toujours. Ils doivent absolument être compatibles
avec ceux de la collectivité. Lorsqu'il y a antagonisme, il faut
trancher.
M. Biron: Vous avez employé le mot "collectivité".
Est-ce que vous croyez qu'au Québec, nous n'avons qu'une
collectivité ou y a-t-il une collectivité française et une
collectivité anglaise?
M. Laurion: Non, au Québec... Moi, je vois le
Québec comme un... Enfin, il s'agit de s'entendre, à savoir s'il
s'agit de territoire ou s'il s'agit de population. S'il s'agit de territoire,
évidemment, il y a un territoire.
M. Biron: Ce n'est pas le territoire.
M. Laurion: Je veux éviter qu'on me dise que je fais
l'indépendance avant le temps. C'est pour ça, tout simplement,
que je prends des précautions.
M. Biron: Non, je parle des individus. M. Laurion:
Oui.
M. Biron: Je parle des Québécois et des
Québécoises.
M. Laurion: Concernant les individus, nous avons ici un peuple
québécois, comme tous les pays du monde ont un peuple. Nous avons
un peuple fondé sur la notion de nation, d'ailleurs. Nous avons
ça. Enfin, tout ça a été cerné par les
sociologues ces dernières années. Or, dans tout pays, c'est le
peuple et non pas les groupes minoritaires qui décident des questions
majeures. Le peuple...
M. Biron: Non, mais ce que je... Excusez...
M. Laurion: Les groupes minoritaires viennent se joindre au
peuple. Ils ne sont groupes minoritaires, au fond, que temporairement. Ils
viennent se joindre.
M. Biron: M. Laurion, je vais vous demander d'être bref.
Nous n'avons que dix minutes pour notre parti.
M. Laurion: Bon.
M. Biron: Je vous ai demandé si vous reconnaissiez, que
les anglophones du Québec forment une collectivité
articulée, comme les francophones en forment une.
M. Laurion: Non, c'est, à mon avis, un groupe
minoritaire.
M. Biron: Vous n'êtes pas d'accord, comme ça, avec
le premier ministre qui, lorsque je lui ai demandé, il y a à peu
près un mois, le 4 mai dernier: "Est-ce que le premier ministre est
d'avis que les anglophones du Québec forment une collectivité
articulée ayant ses droits propres consacrés par l'histoire et
ses institutions?" m'a répondu: "Pour être articulée, il
n'y a pas d'erreur et c'est normal. Pour ce qui est des droits, nous les
reconnaissons. Il ne s'agit pas d'en faire du légalisme. Il s'agit d'une
situation de fait, qui est ancrée dans l'histoire depuis deux
siècles, qui fait partie de notre contexte historique et que nous
reconnaissons".
Alors, vous n'êtes pas d'accord avec le premier ministre lorsqu'il
reconnaît une collectivité articulée pour les
anglophones?
M. Laurion: Lorsqu'il lui reconnaît des droits, non, je ne
suis certainement pas d'accord.
M. Biron: M. Laurin... M.Laurion: ...Laurion.
M. Biron: ...vous m'avez dit, tout à l'heure... Une
voix: Excusez, M. le ministre.
M. Biron: ...que vous vouliez quelque chose pour vos enfants, vos
petits-enfants. Vos enfants apprennent-ils le français et l'anglais
aujourd'hui ou n'apprennent-ils qu'une seule langue, comme individus, je ne
veux pas parler de collectivité?
M. Laurion: Comme individus, mes enfants apprennent le
français et l'anglais ceux que j'ai
ici. Mais enfin, je ne vais pas vous raconter toute mon histoire
familiale c'est très complexe. Nous pourrons en reparler
après, si vous voulez! Et ils ont également appris un peu
l'espagnol. Voilà. Oui.
M. Biron: Oui, mais, comme individus, vous voulez quand
même qu'ils apprennent la langue anglaise?
M. Laurion: Non. Comme individus, je voudrais qu'ils aient le
choix j'ai des idées très précises sur le
système d'enseignement Je voudrais qu'ils soient dans la position
de la plupart des enfants occidentaux, c'est-à-dire qu'ils aient le
choix d'apprendre deux langues étrangères au niveau secondaire et
qu'ils puissent choisir. Il est probablement normal que, dans 90% des cas ou
95% des cas, l'une de ces langues sera l'anglais, mais j'aimerais qu'il y ait
là libre choix des langues étrangères et qu'il n'y en ait
pas qu'une, mais deux, comme cela se fait, normalement, chez les peuples
civilisés. Seulement ici, nous avons été...
Je ne veux pas prendre trop de votre temps sur cette question. Je
m'arrête.
M. Biron: Très bien. Vous nous avez parlé tout le
long de la langue, mais si on adoptait votre position sur le projet de loi no
1, quels sont les impacts économiques qu'on pourrait avoir sur le
Québec avez-vous figuré cela? vis-à-vis des
multinationales, en particulier, ou des sièges sociaux d'entreprises qui
doivent fonctionner en anglais et en français à cause du contexte
nord-américain? Vous n'ignorez pas qu'il y a tout près de 250
millions d'anglophones autour de nous. Un siège social doit fonctionner
dans la langue de la majorité.
M. Laurion: II y a des dispositions dans la loi qui s'occupent
des sièges sociaux. Je pense que les sièges sociaux, enfin, les
organismes internationaux fonctionnent, dans tous les pays du monde, dans la
langue de ces pays. Il n'y a aucune difficulté, avec quelques
exceptions, dans certains cas, pour les communications internationales. C'est
prévu dans la loi. Je n'y vois aucun inconvénient. J'estime que
ceux qui nous parlent des sièges sociaux et de l'impact
économique sont de parfaits maîtres-chanteurs.
M. Biron: Vous, personnellement, avez parlé d'impact
économique. Avez-vous de l'expérience dans l'économie?
Personnellement, avez-vous vécu au sein des entreprises?
M. Laurion: Non. Je n'ai pas d'expérience dans le domaine
économique. Je n'en ai aucune et je m'en flatte. Cela me permet
d'être libre sur ce plan.
M. Biron: C'est-à-dire que, lorsque vous parlez
d'économie, dans le fond, vous n'avez aucune expérience. Vous ne
connaissez pas cela, vous êtes prêt à reconnaître cela
avec moi?
M. Laurion: Non. Je n'ai pas d'expérience, comme la
plupart des citoyens dans un pays. Je suis dans le cas de 80% du peuple. Je
suis un être normal.
M. Biron: Très bien. Donc, parce que vous avez reconnu
tout à l'heure qu'au point de vue économique, cela ne faisait
rien, mais vous me dites: Je ne connais pas cela l'économie.
M. Laurion: Je peux raisonner quand même et voir ce qui se
passe dans d'autres pays, tout en n'étant pas spécialiste.
M. Biron: Qu'est-ce qui arriverait maintenant si on adoptait
aussi votre position du Canadien français dans les autres provinces du
Canada? On sait qu'on en a à peu près un million. Qu'est-ce qui
leur arriverait?
M. Laurion: Le Canadien-français dans les autres provinces
est soumis aux lois de chacune des provinces. Il arriverait probablement ce qui
arrive encore aujourd'hui et depuis plusieurs années. C'est un
dépérissement progressif. C'est ce que nous avons constaté
depuis plusieurs années, je pense. Alors, cela continuerait
peut-être, mais, d'autre part, nous pourrions peut-être aider...
Étant forts de notre position ici, nous pourrions certainement avoir des
missions culturelles dans les autres provinces pour pouvoir aider nos
compatriotes, si l'on peut dire, canadiens-français.
M. Biron: Vous seriez prêt, comme cela, à
reconnaître aussi les missions culturelles des autres provinces au
Québec pour aider leurs compatriotes canadiens-anglais?
M. Laurion: Certainement, comme on reconnaît des missions
culturelles à tous les pays du monde. Tous les pays du monde ont des
missions culturelles. Il y a des conseillers culturels qui sont ici dans les
ambassades et les consulats. C'est tout à fait normal.
M. Biron: Une dernière question, M. Laurion. Vous dites
à un endroit qu'il faut traiter les anglophones du Québec avec
générosité. J'ai déjà demandé au
premier ministre d'enlever ce mot-là et de le remplacer par justice.
Est-ce que vous ne croyez pas qu'on devrait être juste envers tout le
monde?
M. Laurion: J'ai parlé également de justice. Je
n'ai pas dit qu'il fallait les traiter avec générosité. Je
pense que j'ai dit qu'on les traitait, que la loi les traitait
déjà avec une grande générosité, mais j'ai
également employé le mot justice. Je crois qu'il faut les traiter
avec justice, en effet. -
M. Biron: Peut-être une petite question bien
personnelle.
Le Président (M. Cardinal): La dernière.
M. Biron: La dernière. Vous pouvez me répondre ou
non. Je reviens à ce que le député de
Rouyn-Noranda a dit tout à l'heure. Est-ce que c'est vrai que
vous avez été candidat péquiste aux dernières
élections?
M. Laurion: C'est vrai que j'ai été candidat. Je ne
m'en cache pas. On ne peut pas se cacher de ces choses-là. Je l'ai
été à deux reprises, en 1973 et en 1976.
M. Biron: Dans quel comté?
M. Laurion: Dans le comté de Westmount.
M. Biron: Vous étiez missionnaire.
M. Laurion: C'est cela.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député de Lotbinière. La parole est au
député de Verchères qui sera suivi du député
de Beauce-Sud.
M. Charbonneau: Je voudrais seulement faire une petite remarque,
M. le Président. Je n'abuserai pas du temps. Je pense qu'il était
important de faire les distinctions de mots. M. Laurion, à quelques
reprises, a employé le mot peuple et parfois le mot nation. Je pense que
dans l'esprit, si on regarde le texte du projet de loi et le texte du livre
blanc, quand le terme peuple est utilisé, il veut dire l'ensemble des
citoyens du Québec, qu'ils soient anglophones, francophones ou d'autres
origines. Lorsqu'on utilise le terme nation, je pense que ce terme ne
s'applique pas à l'ensemble des citoyens du Québec. Il y a, au
Québec, la majorité francophone qui fait partie d'une nation, qui
est le noyau de la nation que l'on appelle canadienne-française ou
franco-québécoise et on pourrait même l'appeler
québécoise, parce que c'est le premier groupe, outre les
Amérindiens, qui s'est installé ici. De toute façon, le
terme nation n'englobe que ce groupe particulier. Lorsqu'on parle de la
majorité, je pense qu'on parle de la nation canadienne-française
ou franco-québécoise. Dans ce sens, il est également vrai
de dire qu'une bonne partie des anglophones du Québec sont membres ou
intégrés à une autre nation qui est la nation
anglo-canadienne ou canadienne-anglaise. Je m'en réfère
là-dessus à plusieurs études, entre autres, à celle
du professeur Jacques Brassard de l'Université de Montréal qui a
longuement étudié cette question.
C'est important de ne pas mélanger les termes, parce qu'au cours
des prochains mois, tant sur cette question de la langue que sur d'autres
questions, on va utiliser abondamment ces expressions de nation et de peuple et
à mon sens il est important de savoir de quoi on parle.
C'est la seule remarque que je voulais faire au sujet du mémoire;
quant aux autres remarques, je pense que d'autres députés ont
déjà fait des commentaires.
Le Président (M. Cardinal): Est-ce que M. Laurion veut
répliquer?
M. Laurion: Oui. Ces deux notions s'interpénètrent
dans le cas du Québec, je pense. Sinon, on en vient à distinguer
des groupes au Québec et pas un peuple. S'il y a un peuple
québécois, ce peuple ne peut être essentiellement que la
nation, comme il y a un peuple allemand qui ne peut être essentiellement
que la nation; il peut y avoir des groupes minoritaires en Allemagne, il y a eu
les Juifs, par exemple, qui ont formé un groupe minoritaire très
important, on sait ce qui leur est arrivé. En France, il y a les
Bretons, par exemple, il y a les Basques, il y a certains groupes
minoritaires.
Mais il n'en reste pas moins que ces groupes minoritaires font partie
essentiellement de la nation française. Ce qui fait la nation, c'est une
certaine unité culturelle et cette unité culturelle doit devenir
la dominante du peuple également, et c'est ça que nous voulons
faire ici. Notre unité culturelle nationale est mise en question quand
on parle du peuple québécois, c'est ce qu'il faut renverser.
Peuple et nation doivent se correspondre, doivent s'interpénétrer
de façon que quand on dit peuple québécois, eh bien, il
s'agit de francophonie. Il s'agit essentiellement de francophonie avec des
groupes minoritaires dont le groupe anglophone, mais il s'agit essentiellement
de francophonie et pas d'autre chose. Si bien, qu'on ne doit pas dire qu'il y a
des Québécois francophones, des Québécois
anglophones, des Québécois italophones, etc.
Cela ne doit pas exister. On ne dit pas qu'il y a des Français
anglophones, ça n'existe pas.
M. Charbonneau: M. le Président, juste pour...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Verchères, vous avez encore la parole.
M. Charbonneau: Je pense qu'il faut se rappeler qu'il y a
peut-être deux définitions au terme peuple. Il y en a une qui fait
en sorte que peuple et nation sont synonymes, c'est dans ce sens que d'ailleurs
la Charte des Nations Unies prévoit le droit à
l'autodétermination des peuples. Mais il y a une autre définition
qui est plus juridique, qui est peut-être plus... non pas anglophone,
mais d'origine anglaise, je pense que c'est celle-là qui a
été retenue, qui fait en sorte que le peuple
québécois, c'est l'ensemble des citoyens du Québec,
l'ensemble des habitants du Québec.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: Merci, M. le Président. Je vois par votre
mémoire que vous avez étudié la question passablement
à fond. Je dois vous en féliciter. J'aimerais vous poser la
question suivante, suite aux questions posées par le
député de Lotbinière indiquant que vous n'aviez aucune
préoccupation économique. J'aimerais vous demander si vous
êtes d'opinion qu'une législation sur la langue est plus
importante que l'état de l'économie d'une nation ou d'un peuple,
peut importe le terme qu'on peut utiliser?
M. Laurion: D'abord, je n'ai pas dit que je n'avais aucune
préoccupation économique, j'ai dit que je n'avais aucune
spécialité économique. Je ne suis pas un
spécialiste de l'économique. De là à ne pas avoir
de préoccupation économique, enfin, je n'en ai pas beaucoup,
ça ne veut pas dire que je ne crois pas que l'économie ne soit
pas importante chez un peuple. L'économie est une partie des leviers de
n'importe quel peuple. Mais je ne vois pas d'incompatibilité dans le
fait qu'un peuple puisse s'affirmer comme tel et son économie. Je ne
vois pas du tout d'incompatibilité à ce qu'un Allemand soit
Allemand et qu'il fasse des affaires en allemand, qu'un Italien soit Italien et
qu'il fasse des affaires en italien.
Il n'y a pas d'incompatibilité.
Ici on a tendance à établir cette incompatibilité
en raison de la situation qu'a apportée chez nous la domination
économique anglo-saxonne, précisément. C'est une
domination. Précisément, si j'ai bien compris, le projet de loi
veut faire un retour sur cette domination, c'est-à-dire diminuer
l'empire de cette domination sur le peuple québécois.
M. Roy: Mais ne croyez-vous pas qu'au lieu d'une
législation qui apporterait des contraintes... Vous avez
mentionné dans votre mémoire qu'il devrait y avoir plus de
contraintes que celles exprimées et établies dans le projet de
loi de la Charte de la langue française. Ne croyez-vous pas que cela
pourrait créer des inconvénients énormes aux
Québécois francophones qui sont dans le monde des affaires,
actuellement, et qui tentent de se tailler une place dans le contexte canadien,
dans le contexte nord-américain, parce que la géographie est
encore là et elle le sera encore le lendemain de l'indépendance,
qu'il y ait indépendance, souveraineté-association ou pas. Ne
croyez-vous pas qu'il y a un danger énorme, à ce
moment-là, qu'on place les nôtres, je ne parle pas des
anglophones, je ne parle pas des immigrés. Je comprends qu'à
Montréal cela peut être différent, mais nous avons
énormément d'autres régions au Québec qui
sont actuellement dans le monde des affaires, dans des situations où ils
seraient aux prises avec des difficultés telles qu'ils ne pourraient pas
donner à leurs entreprises l'expansion qu'ils souhaiteraient? Cela
risquerait de placer les nôtres, des Québécois, des
francophones, comme vous avez dit, dans l'obligation d'aller résider
ailleurs, soit aux États-Unis ou dans les autres provinces.
M. Laurion: Je ne vois pas comment une entreprise qui est
compétente et qui offre des services, des objets ou des produits de
qualité, puisse avoir des difficultés à faire ses affaires
à la suite de l'adoption du projet de loi no 1.
On n'a jamais dit que les chefs d'entreprise au Québec ne
devraient pas parler des langues. Quand les chefs d'entreprise feront des
affaires avec les Américains, ils parleront l'anglais et quand ils
feront des affaires et je l'espère, bientôt avec
l'Amérique du Sud, ils connaîtront peut-être l'espagnol. Ce
serait peut-être utile de penser à connaître l'espagnol pour
faire de bonnes affaires avec ce continent qui est le continent de
l'avenir.
Mais je ne vois pas d'incompatibilité. Dans aucun pays, il n'y a
cette incompatibilité. Pourquoi y en aurait-il ici? Je ne vois pas.
M. Roy: Une dernière question, M. le Président.
Malheureusement, j'en aurais bien d'autres à poser, mais mon temps est
limité. J'aimerais demander s'il y a bien d'autres pays, puisque vous
avez étudié la question à fond, comme vous l'avez dit tout
à l'heure, qui ont légiféré de cette façon,
pour sauver leur culture et leur langue, dans le monde?
M. Laurion: II y a très peu de pays qui ont
été placés dans notre position, qui ont eu à
légiférer. Il y a les Suisses qui ont
légiféré indirectement, avec leur système de
cantons, puisque dans chaque canton, il y a une langue et une école.
Lorsqu'on change de canton, on change de langue et d'école.
Il y a les Flamands qui ont légiféré
récemment et je vous assure j'engage tous les membres de la
commission à lire la loi flamande sur la langue que c'est
beaucoup plus draconien que ce qui est proposé dans la loi 1.
M. Roy: Et cela crée des problèmes en Belgique.
M. Laurion: Cela crée peu de problèmes. Il y a des
problèmes à Bruxelles, dans la zone bilingue. Dans les zones
unilingues, il y a très peu de problèmes et on essaie de
résoudre ceux qui... Et ce sera soluble. Mais c'est à Bruxelles
que la situation est complexe, parce que c'est une zone bilingue,
justement.
M. Roy: II y a des situations assez paradoxales, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Beauce-Sud, je vais vous demander de terminer, s'il vous plaît.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, en parlant de la Belgique,
est-ce que M. Laurion est au courant de la quantité de
pénalités qui ont été appliquées en Belgique
à la suite de la loi linguistique?
Vous dites que la loi est très sévère, que ce soit
dans la zone wallonne ou dans la zone néerlandophone. Est-ce que la loi
a été appliquée?
M. Laurion: Dans la zone wallonne, il n'y a pas de loi
spéciale dans ce sens. C'est dans la zone flamande qu'il y a une loi sur
le...
M. Lalonde: Est-ce que ce n'est pas de l'unilinguisme dans les
deux zones?
M. Laurion: C'est de l'unilinguisme dans les deux zones, et les
Flamands ont senti le besoin
justement de légiférer sur la langue, parce que le
français s'était imposé dans toute la Belgique et qu'ils
étaient laissés pour compte.
M. Lalonde: Mais, c'est ma question, est-ce qu'elle a
été appliquée dans les faits? Est-ce que, au fond, la
coercition qui est contenue dans la loi... Vous ne le savez pas?
M. Laurion: Honnêtement, je ne peux pas vous dire, je ne
sais pas exactement... J'ai lu la loi, qui est sérieuse, puisqu'un
inspecteur du gouvernement peut pénétrer dans n'importe quelle
entreprise, de jour et de nuit, et constater que les choses se font en flamand
ou pas et tout en flamand.
M. Lalonde: En lisant votre mémoire, cela a dû vous
faire plaisir, de voir autant de coercition?
M. Laurion: Oui, cela m'a fait grand plaisir, parce qu'au moment
où je l'ai lu, je me suis dit: Voilà des gens qui se tiennent
debout, parce qu'à ce moment-là nous n'avions ici que la loi
22.
M. Lalonde: M. le Président, je ne veux pas commencer de
débat, on parlera tantôt de la coercition, de votre conception de
la société. Le député de Verchères a
donné son opinion sur la définition du peuple
québécois et, si je l'ai bien compris...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, je vous permets certainement d'exprimer à votre
tour votre opinion, mais je ne permettrai pas qu'il y ait un débat entre
deux députés sur une différence d'opinion.
M. Lalonde: En préambule, j'ai dit que je ne veux pas
commencer de débat.
Le Président (M. Cardinal): Exactement.
M. Lalonde: II a donné son opinion sur la
définition de peuple québécois et, si ma mémoire
est bonne, selon lui, le peuple québécois serait l'ensemble de
tous les citoyens vivant au Québec, alors que le concept de nation
pourrait être différent. M. Laurion, est-ce que vous trouvez que
cette définition est contradictoire avec le premier article du
préambule de la loi, qui se lit comme suit: "L'Assemblée
nationale constate que la langue française est, depuis toujours, la
langue du peuple québécois", en tenant compte de la
définition du député de Verchères?
M. Laurion: Non, il n'y a aucune incompatibilité,
justement. Il n'y en a strictement aucune.
M. Lalonde: Mais si le peuple québécois comprend
tous les citoyens, est-ce que la langue française a été la
langue de tous les citoyens?
M. Laurion: À ce moment-là, je pense qu'il faut
faire une distinction très nette entre la notion de
généralité et la notion d'universalité. Une loi ne
peut se placer qu'au niveau de la généralité, jamais au
niveau de l'universalité, et un principe ne peut jamais rejoindre tous
les individus, ce n'est pas possible. Même dans n'importe quel pays du
monde, on vous répondrait non.
M. Lalonde: Je ne vous parle pas des dispositions effectives de
la loi...
M. Laurion: Oui, mais, à votre question...
M. Lalonde: ... mais le préambule décrit une
situation. Est-ce que vous êtes d'accord sur cette description?
M. Laurion: Je suis parfaitement d'accord sur ce que dit le
préambule, qui se place à un point de vue général,
et il ne peut pas se placer à un point de vue universel,
c'est-à-dire qu'il ne peut pas tenir compte de chaque unité pour
définir sa position.
M. Lalonde: Quelle est la distinction que vous pouvez faire entre
généralité et universalité?
M. Laurion: C'est très important.
M. Lalonde: Quelle que soit la distinction qu'on puisse faire
entre les deux, est-ce que, en tenant compte du fait que le peuple
québécois comprend l'ensemble de tous les citoyens canadiens
vivant au Québec, depuis toujours, la langue française est la
langue du peuple québécois, donc de tous les membres du peuple
québécois?
M. Laurion: Depuis toujours, la langue française est la
langue du peuple québécois, car ceux qui ne sont pas de langue
française et qui sont venus au Québec auraient dû
normalement adopter la langue du peuple, c'est-à-dire la langue
générale, la langue commune du peuple, comme la langue
française est la langue du peuple français, et ceux qui vont en
France doivent adopter cette langue commune du peuple français,
même s'ils parlent une autre langue, et c'est la même chose dans
tous les pays du monde.
M. Lalonde: Est-ce que votre conception de la
société, de celle que vous nous proposez, au point de vue
linguistique et culturel, nécessite la disparition de la minorité
anglophone comme groupe culturel?
M. Laurion: Non, je ne crois pas, malgré les études
de M. Lachapelle, avec sa notion de disparition tendancielle. C'est là
où je crois qu'il faut sortir des statistiques justement pour arriver
à la matière. Je ne crois pas, je ne vois pas comment ce peuple,
non pas ce peuple, mais ce groupe peut disparaître dans une
Amérique du Nord où il est culturellement
surprotégé et où il domine entièrement, dans une
Amérique du Nord qui même est devenue synonyme, pratiquement
d'anglophonie.
Je ne sais pas si vous avez remarqué, lorsque les anglophones
parlent de North America, rassurez-vous, cela ne signifie pas du tout... On
nous exclut entièrement. Quand on parle de North America, on exclut le
Mexique et on exclut le Québec. Cela n'existe pas. North America, c'est
anglophone essentiellement, dans la tête d'un anglophone.
M. Lalonde: Si votre conception de la société que
vous nous proposez ne nécessite pas la disparition de la minorité
et, au contraire, d'après votre réponse, cette minorité
anglophone va continuer d'exister et de vivre au Québec, comment
voulez-vous alors qu'une loi qui est essentiellement uni-linguiste puisse
réussir?
M. Laurion: Je ne vois pas comment une minorité ne
pourrait pas réussir à vivre les Juifs ont vécu
dans tous les pays du monde et ce sont des minorités si cette
minorité veut bien vivre, elle vivra. Seulement, il est absolument
évident que cette minorité anglophone va se réduire
à des effectifs qui auraient toujours dû être les siens. Il
ne faut pas oublier que, quand on parle de la minorité anglophone, on
dit toujours 20%. Nous savons très bien que, sur ces 20%, il y en a
près de la moitié, un peu moins de la moitié, qui ne sont
pas des anglophones de souche, qui viennent d'autres nations du monde. Donc, il
serait normal qu'il y ait une certaine diminution. C'est ce que M. Lachapelle
aurait dû dire dans son article. Il y aura une certaine diminution, mais
il n'y a...
M. Lalonde: Comme groupe, vous reconnaissez que cette
minorité va continuer à vivre comme groupe...
M. Laurion: Elle va continuer de vivre, avec tout le
réseau de télévision qui l'entoure, avec toute la
littérature américaine et canadienne qui est à sa
disposition. Il n'y a aucune raison.
M. Lalonde: À ce moment, si elle va continuer de vivre, ou
si vous reconnaissez sa survivance comme groupe culturel, est-ce que vous ne
croyez pas normal je n'aime pas le mot "normal", on l'emploie à
toutes les sauces juste, disons, de reconnaître à ses
membres des droits pour conserver sa culture et la développer, non pas
en contradiction avec celle de la majorité, mais tout simplement en
conformité avec sa volonté juste et naturelle de se
développer comme groupe culturel?
M. Laurion: Je reconnais normal qu'on lui accorde des
privilèges. Je ne lui reconnais aucun droit...
M. Lalonde: Même le droit de s'exprimer dans sa langue,
individuellement, oralement?
M. Laurion: C'est le droit des gens de s'exprimer...
M. Lalonde: Est-ce que vous reconnaissez le droit des gens?
M. Laurion: Oui, c'est le droit des gens de s'exprimer dans leur
langue, oralement, c'est absolument évident. D'ailleurs, la loi ne va
pas contre cela du tout. Il est absolument évident que n'importe quel
individu, où qu'il soit dans le monde, peut s'exprimer dans sa
langue.
M. Lalonde: Par écrit.
M. Laurion: S'il est compris par son interlocuteur, bien entendu,
mais pas d'imposer sa langue. C'est une autre affaire.
M. Lalonde: Si je vous ai bien compris, est-ce que vous
assujettissez son droit de s'exprimer dans sa langue à ce qu'il soit
compris? Il peut choisir de s'exprimer même s'il n'est pas compris.
M. Laurion: II peut toujours parler dans le vide comme certains
choisissent de le faire, même des témoins de cette commission, qui
choisissent de parler une langue qui n'est pas la langue commune au
Québec.
M. Lalonde: Maintenant, pour l'expression écrite?
M. Laurion: On peut toujours s'envoyer des lettres d'amour dans
sa langue personnelle, je pense. Il n'y a aucune...
M. Lalonde: Alors, seulement au niveau privé, pas au
niveau public.
M. Laurion: Sur le plan public, d'ailleurs, la loi est
très libérale à ce sujet; on prévoit même
que, si toutes les parties sont d'accord, on pourra même plaider en
langue étrangère au Québec. Là, il faudrait que les
parties soient d'accord à ce moment.
M. Lalonde: Vous avez dit tantôt que vous reconnaissez le
droit des gens. Est-ce que vous pensez qu'une loi linguistique, aussi
unilinguiste qu'elle puisse être, doive respecter fondamentalement les
droits et les libertés naturelles des gens?
M. Laurion: Une loi linguistique, évidemment, oui, dans la
mesure du possible, dans la mesure où ces droits ne deviennent pas
incompatibles, précisément, avec la loi linguistique.
Prenez n'importe quel pays, je me place d'un point de vue très
simple, vous savez, je prends le cas de n'importe quel pays au monde où
on n'a même pas besoin de légiférer. Alors, ces choses
existent de soi, tout simplement. Un anglophone ne va pas venir en France et
exiger, par exemple, qu'on l'écoute dans un tribunal en anglais. Ou
bien, s'il ne peut pas parler français, le cas échéant, on
lui donnera un interprète. On sera juste à son égard.
C'est ça, la justice.
M. Lalonde: Si, sur les quelque 50 millions de Français,
donc des citoyens de France, il y avait 20 millions, dont 10 millions, 20%
à peu près, qui parlaient l'italien pour les fins, de mon
exem-
ple ne croyez-vous pas qu'il serait normal, juste
désirable, indiqué, que le gouvernement prenne des dispositions
pour améliorer l'accès à la justice de ces gens?
M. Laurion: Votre exemple est très insidieux. Il
paraît très objectif, comme ça, mais en
réalité, s'il y avait 20 millions d'Italiens en France, il y
aurait une Italie quelque part en France. Or, ce n'est pas possible.
M. Lalonde: Pas nécessairement.
M. Laurion: On ne pourrait pas parler de minorité. Cela
paraît... Vous voyez où mènent les chiffres.
M. Lalonde: Non, mais justement, vous ne prenez que des exemples
de pays qui n'ont pas de minorité linguistique importante. Vous les
appliquez sans tenir compte de la réalité pluraliste au niveau
linguistique au Québec. Alors, j'ai tenté de vous donner un
exemple tout à fait imaginaire. Naturellement, je comprends qu'il ne
s'applique pas beaucoup à la réalité française ni
italienne, parce que là-bas, ce n'est pas la même
réalité linguistique. Mais, de votre côté, vous
appliquez un schéma, avec coercition, avec dirigisme, dans votre
mémoire. Vous l'avez un petit peu, je pense, changé tantôt,
quand vous avez reconnu qu'une minorité linguistique pourrait survivre
dans votre genre de société. Mais, quant à moi, et je vais
mettre fin à ma période de questions là-dessus, je
n'aimerais pas vivre dans le genre de société que vous proposez,
M. Laurion.
M. Laurion: À ce moment-là, il vous reste une
possibilité. C'est de déménager.
M. Lalonde: C'est le niveau de tolérance que vous
avez.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député de Rouyn-Noranda, est-ce que vous
désirez soulever une question de règlement ou vous adresser au
témoin?
M. Samson: M. le Président, je désire m'adresser au
témoin.
Le Président (M. Cardinal): D'accord, vous avez cinq
minutes, M. le député de Rouyn-Noranda.
M. Samson: M. Laurion, vous avez mentionné tantôt
que vos enfants apprenaient certaines langues, dont l'anglais. Est-ce que,
vous-même, avez eu l'occasion d'apprendre aussi l'anglais?
M. Laurion: Personnellement, j'ai appris très peu
l'anglais, moi. J'ai appris l'anglais au Québec, dans mon enfance.
Enfin, j'ai passé des examens d'anglais au niveau secondaire et
même au niveau universitaire pour ma licence et puis, je suis allé
en Europe et j'ai appris, tout seul, l'allemand et l'italien et, quand je suis
revenu, je parlais mieux l'allemand que l'anglais. Seulement, j'ai
été nommé en Ontario. Je connais très bien les
anglophones, puisque j'ai passé neuf ans dans une université de
langue anglaise, à Hamilton, en Ontario. À ce moment-là,
j'ai fait la même chose. J'ai pris la méthode Assimil et j'ai
appris l'anglais.
M. Samson: Est-ce que, compte tenu de la réponse que vous
venez de me donner, vous ne croyez pas que si vous n'aviez pas
été au moins bilingue, il aurait été difficile pour
vous de passer ces neuf ans dans une université anglaise de
l'Ontario?
M. Laurion: Ah! Mais c'est absolument évident que
lorsqu'il y a nécessité, il faut apprendre des langues. Je
n'appelle pas ça bilingue, moi. J'appelle ça apprendre des
langues...
M. Samson: Disons...
M. Laurion: ...je n'aime pas le mot "bilingue".
M. Samson: ...je peux peut-être corriger, si vous le
voulez...
M. Laurion: Oui.
M. Samson: ...si ça peut vous faire plaisir.
M. Laurion: Oui, ça me fait grand plaisir, parce que j'ai
horreur du mot "bilingue".
M. Samson: Donc, pour épargner vos horreurs, je serais
prêt à corriger ma question et vous demander, si vous n'aviez pas
eu l'occasion d'apprendre l'anglais, il vous aurait été aussi
facile de pouvoir passer les neuf ans que vous venez de mentionner dans une
université de l'Ontario, université de langue anglaise.
M. Laurion: De fait, j'ai répondu à votre question,
parce que je vous ai dit que lorsque j'ai été nommé dans
cette université, j'ai pris la méthode Assimil pendant deux mois,
avec deux leçons par jour au lieu d'une et puis, je suis arrivé
à me débrouiller. Puis, là, j'ai parlé. C'est tout.
J'ai appris en étant là, si vous voulez. Je pense que tout le
monde peut faire ça lorsqu'il y a une nécessité, de par sa
profession, ses fonctions, son activité, d'apprendre une langue; eh
bien, on l'apprend. C'est tout.
M. Samson: Alors, si je comprends bien ce que vous venez de dire,
la langue se trouve reliée intimement à la question
économique parce que, que cela soit pour votre profession ou pour une
fonction quelconque, c'est une question économique.
M. Laurion: Bien, une question économique...
M. Samson: Je ne pense pas qu'on exerce une profession
bénévolement dans le sens de celle que vous avez
exercée.
M. Laurion: Non, je ne crois pas que cela soit une question
strictement économique, parce que je me souviens que c'était une
question purement culturelle et d'intérêt personnel lorsque j'ai
appris l'allemand et l'italien.
M. Samson: Je ne parle pas de l'allemand et de l'italien. Je
parle de l'anglais.
M. Laurion: Ce n'est pas du tout une question
économique.
M. Samson: Je parle de l'anglais, parce que l'allemand et
l'italien, on va sortir cela du débat pour le moment, si vous
voulez.
M. Laurion: Même l'anglais, j'aurais pu m'en passer.
M. Samson: Vous auriez pu vous en passer?
M. Laurion: C'était une question de relations
interpersonnelles, surtout, puisque j'enseignais dans un département
d'études françaises et, que par conséquent, j'aurais
très bien pu aller là et enseigner le français. J'ai
toujours enseigné en français, toute ma vie.
M. Samson: Dois-je comprendre par là que vous n'aviez pas
à vivre dans le milieu où vous aviez à travailler?
M. Laurion: C'est ce que je vous dis. C'est une question de
relations interpersonnelles à ce moment.
M. Samson: Oui, d'accord.
M. Laurion: Ce n'est pas une obligation économique
proprement dite.
M. Samson: Quelle que soit la façon dont vous
l'interprétez...
M. Alfred: ... psychologie...
M. Samson: Vous, à la prochaine élection, vous
allez subir un blanchissage!
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre! À
l'ordre! M. le député de Rouyn-Noranda, vous n'avez que cinq
minutes. Je vous prierais de les employer à bon escient envers le
témoin.
À l'ordre! M. le député de Vanier...
M. le député de Rouyn-Noranda, veuillez continuer.
M. Samson: Ce que j'essaie de comprendre ou de faire comprendre
est que la situation que vous avez vécue en Ontario, pendant un certain
temps, dans une université de langue anglaise, même si vos cours
se donnaient en français, est que vous deviez vivre dans un milieu
anglophone et le fait de parler anglais ne vous a sûrement pas nui.
M. Laurion: Non. Je l'ai appris à ce moment, mais j'aurais
été en Italie et j'aurais appris l'italien.
M. Samson: Non. Laissez faire l'Italie. Je suis allé en
Italie moi aussi, je ne parlais pas l'italien et je me suis arrangé en
parlant anglais.
M. Laurion: Je me suis arrangé à parler
français, parce que tout le monde parle français. Vous auriez
dû essayer le français d'abord!
M. Samson: Oui, également en français, mais j'ai
réalisé qu'on comprenait plus l'anglais au moment où j'y
suis allé. Je ne comprends pas cela. En tout cas.
M. Guay: ... le député de Rouyn-Noranda.
M. Samson: Je ne suis pas allé au même moment que
vous. Mais, de toute façon, ceci veut dire en quelque sorte que c'est
intimement relié à la question économique. Quand je parle
de la question économique, ce n'est pas avec le grand mot
économique. Je pense qu'en gagnant sa vie, quel que soit son
métier ou sa profession, il y a là une question
économique. On ne peut pas facilement avoir un salaire sans qu'on touche
a une question économique. Cela relie la question de la langue à
la question économique.
M. Laurion: Alors, toute activité humaine, si vous voulez,
est reliée à une question économique comme elle est
reliée à une question culturelle, parce que toute activité
humaine est globale.
M. Samson: Comme vous avez raison!
M. Laurion: Elle est globale. Toute activité humaine est
globale.
M. Samson: Pourquoi?
M. Laurion: Donc, cela serait relié à la question
culturelle.
M. Samson: Pourquoi, si c'est tellement global, tente-t-on de
sortir une partie de l'activité humaine, qui est celle de la langue, de
l'ensemble, du global dont vous venez de parler? À votre sens, pourquoi
le gouvernement cherche-t-il à faire cela?
M. Laurion: Je pense qu'on ne l'a pas sortie. Si j'ai bien lu le
projet de loi, je pense que la plus grande partie de cette loi ou une
très grande partie touche à des questions économiques.
Quand on touche à la langue des travailleurs, je vous assure qu'on
touche à des questions économiques sérieusement.
M. Samson: Considérez-vous que la langue des travailleurs,
le français, langue obligatoire pour les travailleurs et que le
travailleur puisse travailler en français, c'est la même chose
pour vous?
M. Laurion: Oui, cela me semble à peu près
semblable. Tout travailleur doit travailler en français au
Québec, puisqu'il est sur un territoire français. Donc, il est
normal qu'on puisse travailler dans la langue officielle du territoire, que
l'on travaille dans la langue du territoire.
M. Samson: Je pense que vous ne m'avez peut-être pas bien
compris.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Rouyn-Noranda...
M. Samson: C'est fini?
Le Président (M. Cardinal): ... il vous reste quelque 30
secondes.
M. Samson: Oui?
Le Président (M. Cardinal): Oui.
M. Samson: À ce moment, je ne pourrai pratiquement pas
poser d'autres questions?
Le Président (M. Cardinal): Non.
M. Samson: Au grand plaisir des députés
ministériels, je remercie notre invité.
M. Charbonneau: Je remercie aussi notre invité.
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député de Vanier. Il reste au parti
ministériel sept minutes à utiliser.
M. Bertrand: M. Laurion, je voudrais vous poser de petites
questions très brèves. À votre point de vue, il existe
combien de communautés nationales au Canada, à l'heure
actuelle?
M. Laurion: Je n'en ai strictement aucune idée.
Probablement autant qu'il y a de peuples dans le monde, ou de nations dans le
monde. Je pense que nous avons été un pays d'immigration; donc,
il existe une multitude de communautés nationales.
M. Bertrand: De la même façon que, dans votre texte,
à un moment donné, à la page 2, vous écrivez: "Nous
avons affaire, non plus à deux communautés nationales, mais bien
à une nation de langue française au sein de laquelle des groupes
minoritaires de cultures variées..." Pris dans ce sens, dans le sens
qu'il existe une nation, une communauté nationale au Québec et
des groupes minoritaires variés, il en existerait combien de
communautés nationales dans le sens où vous les prenez ici,
à l'intérieur du Canada?
M. Laurion: De communautés?
M. Bertrand: Nationales, de nations.
M. Laurion: Ah! de nations. De nations, il en existe deux au sein
du Canada, à mon avis. Il y a la française ou la
canadienne-française et l'anglaise, l'anglo-saxonne ou
l'américano-saxonne.
M. Bertrand: Et à l'intérieur du Québec,
vous reconnaissez qu'il n'y a qu'une communauté nationale, à
savoir la communauté française.
M. Laurion: Oui.
M. Bertrand: Dans le sens de nation.
M. Laurion: Oui, dans le sens de nation.
M. Bertrand: Au Nouveau-Brunswick, où il y a 40% de
francophones, M. Laurion, il y a combien de communautés nationales au
sens de nations?
M. Laurion: II y en a deux.
M. Bertrand: Et en Colombie-Britannique?
M. Laurion: En Colombie-Britannique, vous voyez, c'est là
que nous voyons, je pense, que les chiffres ne sont pas uniquement
quantitatifs. D'ailleurs, l'exemple de M. Lachapelle, tout à l'heure,
nous a apporté cela. À partir d'un certain moment, on change la
qualité. Prévoir 20 millions d'Italiens en France, par exemple,
cela n'est pas possible. Ce serait un autre pays. Au Nouveau-Brunswick, nous
avons un cas très spécial, là où il y a environ
30%, je pense, de francophones qui sont logés au nord du
Nouveau-Brunswick, dans un territoire à eux. Là, c'est
très différent de ce qui se passe en Colombie-Britannique
où nous avons de rares îlots francophones. Est-ce qu'on peut
parler là de la nation francophone? Il y a des représentants de
la nation francophones du Canada qui sont là, qui sont au
Nouveau-Brunswick, comme ils sont à
l'Île-du-Prince-Édouard, à Terre-Neuve. Enfin, il y a des
représentants. Le cas du Nouveau-Brunswick est très
spécial. Même en Ontario, les francophones du nord ne sont pas
groupés d'une façon aussi homogène que ceux du
Nouveau-Brunswick. C'est un cas un peu spécial. Je ne vois pas quelle
catégorie de pensée pourrait recouvrir cela, ce problème,
mais c'est un cas spécial, je pense, au Nouveau-Brunswick, qu'il ne faut
pas comparer avec...
M. Bertrand: Si c'est un cas spécial, M. Laurion, est-ce
que vous reconnaîtriez, un peu comme l'avait souligné M. Saucier
dans le premier mémoire que nous avons entendu, que, dans les provinces
où, à l'heure actuelle, un droit est reconnu aux francophones
d'avoir accès à une école française, l'inverse
devrait pouvoir être vrai pour des anglophones venant de cette province
qui décideraient d'émigrer au Québec?
M. Laurion: Personnellement, j'y trouve une certaine
incompatibilité avec cette notion de peuple français sur laquelle
je me suis établie pour ma discussion. Je trouve une certaine
incompatibilité. De là à ce qu'il y ait... Je crois que,
dans tous les pays, il est entendu que l'on peut faire des ac-
cords avec d'autres pays sur le plan culturel, sur le plan
économique. Qu'il y ait la possibilité, pour le Québec, de
faire des accords avec d'autres parties du Canada, c'est tout à fait
normal que l'on fasse des accords, à condition que ces accords soient
pour le bien de l'ensemble du peuple québécois. S'il y a
là un intérêt... Comme dans tout accord, je crois qu'il y a
un intérêt ou un échange que l'on fait. S'il y a un
intérêt, alors, cela reviendra au ministre des Affaires
intergouvernementales ou des Affaires extérieures, un jour, de
réaliser ces accords.
M. Bertrand: Dans le cadre de la loi actuelle, M. Laurion, si un
jeune anglophone, par exemple, de neuf ans, dont les parents ont
été éduqués par la langue anglaise, prenons un
exemple, en Saskatchewan, venait au Québec, il devrait s'intégrer
par des moyens quelconques, classe d'immersion, classe d'accueil ou autres, au
système francophone.
Est-ce que vous reconnaissez ce principe comme étant valable et
est-ce qu'à l'inverse, vous accepteriez donc qu'un francophone du
Québec, de 9 ans, qui s'en va en Saskatchewan, dont les parents ont
été instruits en langue française, ce serait normal qu'il
s'intègre au système anglophone en Saskatchewan?
M. Laurion: Je trouverais tout à fait normal qu'un
francophone qui va vivre en Saskatchewan s'intègre au système
anglophone de cette province, qui est anglophone. Lorsqu'on
déménage, on sait où l'on va en général et
on accepte les règles comme je l'ai dit; j'ai donné l'exemple des
Belges qui changent de zone, ou des Suisses qui changent de canton; il ne leur
vient pas à l'esprit de rouspéter, ils savent où ils vont,
ils le font en toute liberté. À ce moment-là, ils n'ont
qu'à accepter les lois qui existent dans leur nouveau lieu de
résidence, comme tout citoyen du monde, je pense.
M. Bertrand: Dernière question, M. Laurion. À votre
connaissance, je vous pose la question, je ne suis pas certain que vous ayez la
réponse, avez-vous les informations nécessaires qui vous
permettraient de me dire s'il existe un pays dans le monde où la
liberté de choix de la langue d'enseignement existe?
M. Laurion: Je n'en connais pas. En tout cas, ce n'est pas ce qui
existe généralement. D'une façon générale,
chaque pays a son système d'enseignement dans sa langue. Ce qui existe,
ce sont des écoles qui sont en général
subventionnées par d'autres pays, comme il y a des instituts
français dans le monde, il y a le Goethe-Institut, à
Montréal, il y a même un institut italien également
à Montréal, mais c'est subventionné entièrement par
des deniers étrangers. À ce moment-là, il y a un certain
choix. Il y a le British Council qui est même installé à
Naples, on peut y apprendre l'anglais, il y a des cours d'anglais qui y sont
donnés, mais ce n'est pas subventionné par l'État italien
ou les
États sur le territoire duquel ces écoles sont
installées.
D'une façon générale, peut-être qu'en
scrutant, on trouverait un cas ou deux de pays où il y aurait un choix
d'école ou un choix de langue à l'école, mais ce n'est
certainement pas ce qui se passe d'une façon générale,
dans le monde.
M. Bertrand: Merci, M. Laurion.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Jacques-Cartier, en soulignant qu'il reste cinq minutes au parti de
l'Opposition officielle.
M. Saint-Germain: Cinq minutes, avez-vous dit?
Le Président (M. Cardinal): Cinq minutes pour tout le
parti.
M. Saint-Germain: Votre mémoire ne mentionne aucunement
les effets que pourrait avoir sur le développement économique de
la province de Québec un régime ou une législation sur les
langues, aussi extrême que la vôtre. Vous avez avoué que
vous n'avez aucune connaissance dans ce domaine, mais je me surprends un peu
qu'en raisonnant le moindrement vous n'ayez fait aucune relation, dans votre
mémoire, avec le développement économique. D'autant plus
que vous êtes professeur, vous savez pertinemment que ce qui sous-tend
votre niveau de vie, c'est assurément le développement
économique de la province de Québec.
Si vous étiez un enseignant vivant dans des pays plus pauvres,
par exemple, au Portugal ou en Espagne, vous ne jouiriez pas, à titre de
professeur, du niveau de vie qui caractérise la province de
Québec. De toute façon, vous dites qu'on ne devrait pas permettre
aux Canadiens des autres provinces de s'inscrire à l'école
française, ici, au Québec. Il me semble évident qu'un tel
régime créera des handicaps au développement industriel et
économique de la province et qu'un tel règlement sera
préjudiciable, à mon avis, au développement de la province
dans son entier et pourra être un handicap sérieux au
développement même de la culture française en
Amérique du Nord.
Je suis contre cette politique, cet argument ou cette façon de
voir que vous décrivez dans le paragraphe intitulé l'Argument
constitutionnel. Vous dites que ceux qui sont contre ce point de vue font
preuve, soit d'ignorance ou de malhonnêteté intellectuelle. Je ne
sais pas réellement où je devrais me caser, mais mon choix est
particulièrement limité et très peu attrayant.
Est-ce que c'est votre façon régulière de traiter
les gens qui sont opposés à vos avis?
M. Laurion: Je pense que vous avez mal lu mon texte. Il s'agit de
ceux qui prétendent qu'il est anticonstitutionnel de présenter
une telle proposition. Ceux qui prétendent cela, comme certains
journalistes que je connais et certains rédacteurs d'articles dans
certains journaux que je connais,
ceux qui prétendent que le gouvernement québécois,
en préconisant cet article de loi, se comporte comme s'il était
un pays déjà indépendant, sont malhonnêtes
intellectuellement, parce que, de fait, cette mesure ne va nullement contre la
constitution canadienne.
M. Lalonde: C'est constitutionnel?
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre! Le
député de Jacques-Cartier.
M. Saint-Germain: Est-ce que vous avez des connaissances
approfondies au niveau de la constitution canadienne? Avez-vous fait des
études...?
M. Laurion: Je connais l'article 133 de la constitution
canadienne,
M. Saint-Germain: Vos études sur la constitution
canadienne se limitent à cet article?
M. Laurion: II y a l'article 92.
M. Saint-Germain: Ce sont les deux seuls que vous connaissez?
M. Laurion: Ce sont les deux seuls qui sont pertinents à
cette question. C'est-à-dire qu'il y a deux articles qui sont
pertinents, l'article 133, qui donne des droits aux anglophones au
Québec, et l'article 92 ou 91, qui donne des écoles
protestantes.
Ce sont les deux seuls articles qui soient vraiment pertinents.
M. Saint-Germain: Et la connaissance de ces deux articles vous
donne le droit de qualifier des gens avec des mots comme "ignorance" et
"malhonnêteté intellectuelle"?
M. Laurion: Oui, certainement, puisque, constitutionnellement, il
n'y a aucune... Si vous pouvez me prouver qu'il est anticonstitutionnel pour le
Québec de rédiger cet article, je voudrais bien vous croire.
Sinon, je crois qu'il serait intellectuellement malhonnête de le
prétendre.
M. Saint-Germain: II y a, à Montréal,
l'université McGill, entre autres, qui a atteint un prestige
international. Votre façon de voir à ce point de vue ferait
définitivement de l'université McGill une petite
université locale, sans prestige, puisque vous ne permettriez pas
qu'elle accommode des étudiants étrangers et vous ne permettriez
même pas qu'elle ouvre ses portes à d'autres étudiants que
ceux du réseau de langue anglaise du Québec.
M. Laurion: Là encore, je pense que vous avez mal lu mon
texte, puisque je préconise que les étudiants étrangers
paient le plein prix, et non pas qu'ils ne soient pas admis.
C'est-à-dire que nous ne subventionnions pas des étudiants
étrangers.
M. Saint-Germain: C'est une façon élégante
de fermer les portes?
M. Laurion: Non, ce n'est pas une façon
élégante de fermer les portes, puisque, dans toutes les
universités américaines ou dans la plupart des universités
américaines, c'est ce qui se passe.
Dans les universités américaines, on ne paie pas 20% du
prix de l'enseignement, on paie 100%. Cela coûte au-delà de $2000,
en général, par année, pour s'inscrire dans une
université américaine. Cela pourrait coûter exactement la
même chose ici, et non pas $400, $500 ou $600.
M. Saint-Germain: Vous dites que les étudiants des
universités américaines paient le plein prix. Je crois que c'est
là où vous manquez de renseignements.
M. Laurion: À moins d'obtenir une bourse.
M. Saint-Germain: Les universités américaines sont
subventionnées, bien souvent, par les autorités publiques et
aussi par les industries privées.
Mais, de toute façon, je suis d'opinion que c'est une
façon tout à fait élégante de fermer les portes de
l'université.
M. Laurion: Non, ce n'est pas fermer les portes.
M. Saint-Germain: Dans un tel contexte, il me semble
évident que l'université McGill doit disparaître?
M. Laurion: Non, pas du tout.
M. Saint-Germain: Et je me demande pour quelle raison,
d'ailleurs, vous ne l'avez pas directement dit dans votre mémoire.
Ceci dit, est-ce que vous admettez qu'il y a lieu, pour des
étudiants du Québec de langue française, d'aller
étudier en dehors, dans les universités étrangères,
à un moment donné?
M. Laurion: Bien sûr.
M. Saint-Germain: Est-ce que vous croyez que ces étudiants
devraient se limiter à étudier dans les institutions
françaises, en France, ou si on devrait...
M. Laurion: Non, absolument pas. Cela n'est pas du tout ce qui se
passe, d'une façon générale. On peut étudier dans
le monde entier, je pense.
M. Saint-Germain: Ne trouvez-vous pas que l'université
McGill, qui, comme je le disais, a une réputation internationale, permet
actuellement à des étudiants de langue française d'aller
chercher à McGill même et à Montréal, dans leur
milieu, une éducation qu'ils seraient, autrement, obligés d'aller
chercher en dehors?
M. Laurion: Qu'ils aillent en dehors. Cela coûterait moins
cher, en général. Ils peuvent très bien aller en dehors.
C'est excellent d'aller en dehors.
M. Saint-Germain: Oui, mais si vous avez un francophone...
M. Laurion: Je pense que vous êtes très sentimental,
monsieur.
M. Saint-Germain: Non, il n'y a pas de sentiment là.
M. Laurion: Je me suis placé sur un plan logique. Dans un
pays qui a une seule langue, dont une seule culture est reconnue comme la
culture nationale, il est évident que ce sont les universités,
les institutions de cette culture et de cette langue qui doivent exercer de
l'attraction sur les étrangers et non pas les institutions qui sont
données, par privilège, à une minorité.
M. Saint-Germain: Ce n'est pas ce que j'ai dit et je n'ai pas
fait de sentiment. J'ai dit que, en fait...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Jacques-Cartier, il vous reste une minute, s'il vous plaît, et le temps
du débat avec M. Laurion sera terminé.
M. Saint-Germain: Je n'ai pas fait de sentiment. J'ai dit, en
fait, qu'il y avait à Montréal une université de prestige
international dont les portes étaient ouvertes aux Montréalais et
aux Québécois de langue française et que ces
Québécois et ces Montréalais allaient chercher à
McGill une formation qu'autrement ils devraient nécessairement aller
chercher en dehors du Québec.
M. Laurion: Ce qui serait une excellente chose, parce que les
voyages forment la jeunesse et il est beaucoup mieux d'aller chercher cette
formation en Angleterre, aux États-Unis ou dans une autre
université du monde, justement.
M. Saint-Germain: Je vous remercie.
Le Président (M. Cardinal): M. Laurion, je désire
vous remercier au nom de tous les membres de la commission, à la fois de
votre exposé, de votre patience et surtout d'avoir pris la peine de
demeurer avec nous jusqu'à cette heure. Je passe au témoin
suivant. J'appelle M. Roger Julien et je le prierais de s'identifier.
M. Julien (Roger): Est-ce qu'il y en a qui n'ont pas de
mémoire?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, je m'excuse, mais c'est
justement cette situation-ci question de règlement que je
voulais éviter. Malheureusement, parce qu'on a imposé un temps
assez limité à l'Opposition officielle, je n'ai pas eu l'occasion
de pouvoir poser des questions à ce témoin et je regrette
beaucoup de n'avoir pu le faire. C'est exactement cette situation qu'on voulait
éviter au début de la séance et j'espère que les
députés ministériels vont être un peu plus
tolérants au prochain mémoire.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À
l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre s'il vous plaît!
Oui.
M. Guay: M. le Président, l'intervention du
député de Mont-Royal ne constitue pas une question de
règlement. Il se plaint de l'adoption, par la majorité des votes,
d'une règle de pratique de cette commission, adoption à laquelle
ont concouru le député de Marguerite-Bourgeoys et son
collègue.
M. Lalonde: Vous voulez partager votre culpabilité?
M. Guay: II me semble, M. le Président, que si le
député de Mont-Royal a des griefs à faire, qu'il les fasse
contre la façon dont son parti répartit son temps entre les
quatre députés.
M. Ciaccia: On ne peut faire ressortir les arguments. C'est
contre le parti ministériel qu'on fait des griefs.
M. Guay: Bien oui.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mont-Royal, à l'ordre s'il vous plaît! Je
pense que la décision a été rendue et je ne permettrai
aucun débat sur une décision qui a déjà
été rendue avant-hier. Je demanderais à M. Julien de bien
vouloir s'identifier, s'il vous plaît, et de donner ses titres et
qualifications.
M. Roger Julien
M. Julien: Roger Julien. Je ne dirai pas citoyen du monde, parce
que ce n'est pas encore légal vis-à-vis de l'État. Je
dirai homme libre, né à Montréal. Ma profession, mon
métier, mon travail, mon occupation, depuis quelques jours, à
temps plein et gratuitement, c'est et ce sera de travailler à remettre
le monde à l'endroit, en assumant toute la démesure qui est en
moi et ceci, le temps qu'il faudra.
M. le Président, membres de la commission parlementaire, membres
de l'Assemblée nationale, car c'est à eux tous que ce
mémoire est adressé. "Je vous entends gronder comme chutes en
montagnes; je vous entends demain parler de liberté". (Gilles
Vigneault). À la suite du mémoire que l'on vient d'entendre, je
vais dire quelque chose que j'avais rayé. Si je m'étais
cité moi-même, j'aurais dit quelque chose comme: Le Canada,
multiculturel dans les faits, les ethnies autres que celles d'origine
française ou anglaise composant le tiers de la population canadienne,
est officiellement, de par sa politique, de par la politique de son
gouvernement, multicultural et bilingue.
Pour résumé toute ma pensée, je dirai: Le
Québec, multicultural lui aussi dans les faits, les ethnies autres que
d'origine française ou anglaise
constituant 12% de la population québécoise, sera
officiellement multicultural et multilingue.
Je vous parlerai donc de la liberté et de la langue ou de la
liberté linguistique. La langue, dit-on, étant le véhicule
d'une culture, j'aimerais dire d'abord que ce qui est le plus menacé
chez les Québécois d'origine française, ce n'est pas la
langue, mais bien la culture.
Il est surprenant de constater la facilité avec laquelle l'auteur
du livre blanc relie le problème linguistique au problème
économique, alors qu'on ne parle pas de la culture dans le livre blanc
ou si peu. Pourtant, le piteux état d'une grande partie de notre
patrimoine au musée de Québec n'est-il pas tout simplement
symbolique du piteux état de notre culture ancestrale dont les us et
coutumes disparaissent ou se décomposent aussi sûrement que notre
patrimoine, us et coutumes emportés par le courant de "l'American way of
life". Nous sommes ou devenons rapidement des États-Uniens parlant
français. Nous parlons français, mais sommes-nous encore de
culture québécoise ou canadienne-française ou
française d'Amérique.
Une loi visant à protéger la culture dans tout ce qu'elle
a de plus précieux et qui est en danger d'anéantissement ou en
danger tout court, aurait dû précéder une loi à
protéger uniquement le véhicule qu'est la langue. La survie d'une
culture, n'est-ce pas, par le fait même, assurer la survie de la langue
qui en est le véhicule? L'inverse est-il vrai? Est-ce que sauver la
langue, c'est par le fait même sauver la culture?
De toute façon, comme il s'agit de la Charte de la langue
française au Québec et non de la Charte de la culture
française au Québec, je me déclare d'accord avec l'esprit
du livre blanc: une politique de la langue soit s'attacher à donner aux
institutions, à la société québécoise un
caractère foncièrement français. Un
Québécois d'origine anglophone vous dira, dans un mémoire
que peut-être il présentera, que le but de la politique de la
langue, selon lequel le français deviendra la langue normale de
communication entre tous les Québécois, dans toutes les
sphères du gouvernement, des affaires et de la vie sociale, est on ne
peut plus juste, on ne peut d'ailleurs aller que dans ce sens. Lui aussi est
d'accord.
Cependant, pour atteindre la fin proposée, certains moyens
laissent grandement à désirer, les plus inadmissibles se
retrouvant aux articles 51 à 59, et 172, bien entendu. Le texte que vous
avez en main a été composé il y a un mois, dans la nuit du
4 au 5 mai surtout. Or, comme mon imagination n'est pas trop paresseuse et
comme j'en apprends tous les jours, j'ai apporté quelques correctifs
depuis et j'ai ajouté certaines choses. Ainsi, au deuxième
paragraphe, je corrige une première petite faute. Il y a surtout, et non
d'abord puisque je ne parle que de la responsabilité un
premier pour moi, dans l'ordre d'importance, premier ou un
cinquième principe s'ajoutant aux quatre du livre blanc
qui a été gravement oublié dans le livre blanc, principe
qui, mis de l'avant et respecté intégralement, risquerait fort
j'en ai la conviction de régler une fois pour toutes la
question linguistique au Québec, de telle sorte qu'on n'ait plus jamais
à y revenir, quels que soient les gouvernements subséquents. Ce
principe pourrait s'énoncer de la façon suivante: On peut et on
doit respecter la responsabilité personnelle de tous les
Québécois. je dirai tantôt ce que j'entends par
Québécois J'exposerai d'abord ce principe et donnerai
ensuite trois raisons qui devraient motiver votre accord avec un tel principe,
raisons qui pourraient se résumer comme suit:
Les droits individuels priment les droits collectifs et ou les droits
collectifs d'une ethnie ne peuvent s'opposer aux droits collectifs d'une autre
ou des autres ethnies.
La loi ne détruit pas les complexes.
Et, troisièmement, ce qui, pour moi, est le plus important,
urgence de s'attaquer à des problèmes plus importants parce que
plus vitaux.
On doit respecter la responsabilité personnelle de tous les
Québécois. Il faudrait d'abord s'entendre sur le terme
"Québécois". Qui sont les Québécois? De qui
parle-t-on lorsqu'on parle des Québécois? Historiquement, les
Québécois d'origine française ont eu pour noms: Colon
français, Canadien, Baptiste, Canadien français, et j'en oublie
peut-être.
Depuis peu, les Canadiens français, de plus en plus nombreux, se
définissent comme Québécois, d'une part, les autres
résidents du Québec se définissant toujours comme
Canadiens français ou Canadiens tout court, d'autre part. Je crois que
le moment est arrivé où les premiers à se définir
comme Québécois et qui emploient souvent l'expression "les
nôtres" on l'a entendu tantôt devraient
considérer les seconds comme étant aussi des
Québécois. Le mot "Québécois " ne peut et ne doit
avoir maintenant qu'une signification ou définition: Résidant au
Québec. C'est d'ailleurs la seule définition retenue par les
Québécois participant au colloque des minorités ethniques
en fin de semaine dernière à l'Université de
Montréal. Parmi leurs revendications au gouvernement, parmi leurs
recommandations au gouvernement, on note les suivantes: Que le terme
"Québécois" soit défini: Résidant au Québec,
que les termes "Néo-Québécois" et "immigrants" soient
éliminés, vu leurs connotations péjoratives je
crois qu'une demande personnelle avait été faite à M.
Laurin à ce sujet connotations péjoratives causées
par le manque d'information, les préjugés, etc.
À Saint-Léonard, un soir de l'été 1969, je
crois, quand j'entends, au plus fort de l'émeute, le cri: En avant,
Québécois! le terme "Québécois" désignait
Québécois d'origine française. En avant
Québécois! Donnons l'assaut aux Québécois d'origine
italienne. Québécois contre Québécois.
Pour l'initiateur de l'opération, pour des kilomètres
d'appui, le peuple québécois, c'est encore la communauté
québécoise d'origine française exclusivement. C'est, du
moins, la réponse que m'a faite l'initiateur de l'opération quand
je l'ai rencontré au congrès national du Parti
québécois, il y a deux semaines, et que je lui ai demandé
ce
que signifiaient les mots "peuple québécois", au
deuxième paragraphe du tract explicatif de ladite opération.
M. Brosseau, qui passera peut-être aujourd'hui, vous le dira.
Bon! Alors, pour moi, encore une fois et tout au long de cet
exposé, le terme "Québécois" signifie résidant au
Québec. "Le gouvernement est conscient que cette loi, si opportune
qu'elle soit on revient au haut de la page 2 ne suffit pas,
lit-on dans le livre blanc. Des règles coercitives sont
nécessaires. Mais une politique de la langue ne se limite pas à
contraindre." "Des règles coercitives sont nécessaires",
affirmation absolue et gratuite à laquelle on ne croit pas
nécessaire d'apporter d'explications, comme si cela allait de soi, comme
s'il était prouvé que des règles coercitives constituaient
les meilleurs moyens pour atteindre une fin, celle-ci étant, pour ce qui
nous occupe présentement, le bien commun de toute la collectivité
québécoise au point de vue linguistique.
On dit souvent qu'il s'agit d'édicter une loi ou un
règlement pour provoquer la désobéissance. Mettez une
interdiction et vous donnez, par le fait même, la tentation de
l'enfreindre. La raison première et profonde de ce
phénomène assez répandu n'est-elle pas que l'individu, se
sentant naturellement disposé à agir librement en être
autonome et responsable, ne peut que défier la loi coercitive, indiquant
ainsi que la loi est de trop et qu'il ne sera jamais question de se plier de
bonne grâce à ce qui constitue pour lui une attaque à sa
responsabilité personnelle? Si l'individu est si réfractaire
à la loi, c'est qu'il veut être libre, la liberté, selon
une définition qui m'est personnelle, étant l'aptitude de
l'être responsable ou autonome à pouvoir exercer un choix. Une
autre définition que j'aime bien, c'est celle d'un philosophe
québécois, André Moreau, qui dit ceci: La liberté,
c'est être et laisser être. Etre soi-même à 100%. Etre
apte à assumer soi-même ses propres responsabilités.
Laisser être en nous ce dont nous confions la charge aux autres. Laisser
être les autres. Les laisser prendre. Leur permettre de prendre. Leur
permettre d'assumer leurs propres responsabilités. Laisser être,
cependant, ne signifie pas laisser faire.
Pour prendre un exemple que nous donne justement André Moreau,
laisser être un enfant en train de jouer avec de la dynamite, ça
ne veut pas dire le laisser faire. Le laisser faire alors, c'est possiblement
assister à la fin d'un être.
Or, nous employons souvent le mot liberté pour désigner le
laisser faire. Nous disons la libre entreprise, plutôt que l'entreprise
du laisser faire. Nous disons économie libre, au lieu de
l'économie du laisser faire. Pourtant, ceux qui ont étudié
l'économie savent que, quand on parle de la théorie d'Adam Smith,
on parle de l'économie du laisser faire.
Un laisser-faire économique qui est devenu depuis longtemps, on
le sait certains le savent, mais font comme les autruches, ils se
mettent dans le sable un laisser faire économique qui est devenu,
depuis longtemps, une dictature économique.
Alors, étant donné cette définition de la
liberté que je donnais tantôt, à savoir que c'est
l'aptitude de l'être responsable ou autonome, à pouvoir exercer un
choix, ne pas vouloir accorder le libre choix, n'est-ce pas reconnaître
implicitement qu'on a affaire à des gens peu ou pas responsables, du
moins pas suffisamment pour qu'ils puissent prendre leur propre
responsabilité?"
Il est d'autant plus facile de juger les autres irresponsables qu'on
l'est parfois soi-même.
N'est-ce pas ce que reconnaît sans cesse le législateur qui
ne fait qu'obliger et ordonner sous peine de sanctions? Attache ta ceinture
quand tu roules dans ton tombeau roulant, sinon tu vas aller en prison.
Dans l'immédiat, c'est peut-être la solution la plus facile
que de traiter les gens en irresponsables en leur disant: Nous allons
décider à votre place, vous nous avez élus pour
ça... Vous n'avez qu'à obéir, qu'à faire ce qu'on
vous ordonnera, ce que vous commandera la loi. Prendre tous les moyens
nécessaires pour développer ou accroître la
responsabilité personnelle, de telle sorte que les lois coercitives
deviennent inutiles, ce n'est certes pas la voie la plus facile dans
l'immédiat, mais c'est sûrement la meilleure. Pour ce qui est de
la question linguistique, ces moyens, vous les connaissez. Encore faut-il des
gouvernants responsables pour prendre de tels moyens.
Mettre les gens en situation de choisir, donc accorder le libre
choix.
Les aider à faire un choix judicieux par la création de
situations propices à un tel choix, savoir franciser le paysage,
améliorer les cours de langue, etc. Agir de telle sorte que le plus
rapidement possible, tout francophone puisse travailler dans sa langue.
Conseiller sagement, comme le dit le livre blanc, et assurer un dialogue
constant, ce qui vaut bien mieux que n'importe quelle loi.
Conseiller sagement... comme seules peuvent le faire de vraies
autorités, car il y a, je crois, une différence entre être
en autorité et être une autorité. Pour moi, le mot
autorité ne peut être que synonyme de sagesse, compétence
ou sagesse compétente et la sagesse est spontanément
acceptée. Elle n'a pas besoin de loi coercitive pour s'imposer. Elle n'a
pas non plus besoin de procédure à rendre malade.
Le libre choix dont on parle ici, c'est cette possibilité de
choisir pour soi et ses enfants des valeurs culturelles, une langue ou des
langues et une école. Dans le projet de loi, ce libre choix est
accordé à un grand nombre d'anglophones et d'Indiens. Si j'ai
écrit "du moins théoriquement", c'est que je ne savais pas il y a
un mois et que je ne sais toujours pas... c'est la première question que
je poserais au ministre Laurin, savoir de nous dire exactement quels sont les
droits reconnus aux Indiens. Ce que je veux demander exactement: Est-ce
uniquement le quart, le tiers, la moitié ou les trois quarts des Indiens
qui ont ce libre choix d'après, encore une fois, le projet de loi
à l'étude présentement?
Je dis que c'est bien qu'il en soit ainsi..., non pas que cela soit
théorique, mais qu'on leur accorde le libre choix. De voir que la
liberté d'un certain nombre est respectée, cela a quelque chose
de réjouissant. Mais ce serait bien mieux si tous pouvaient agir
librement. Pour ce représentant de la collectivité
italo-québécoise entendu sur les ondes de Radio-Canada, comme
pour beaucoup d'autres Québécois, la réaction est la
suivante: Nous accepterions la loi si le libre choix accordé aux
anglophones leur était enlevé. Drôle de conception de la
justice qui consiste à considérer juste l'injustice personnelle
à condition que l'injustice s'applique à tous.
Telle n'est certes pas la solution que de brimer tous les individus en
les traitant tous comme des irresponsables et en décidant pour eux de ce
qu'ils doivent faire. Mais la solution n'est certes pas non plus de
considérer certaines collectivités (anglophones et Indiens) comme
collectivement responsables et aptes au libre choix et d'autres
collectivités (francophones et minorités ethniques) comme
collectivement irresponsables et donc, inaptes au libre choix.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Permettez-moi de vous interrompre pour vous avertir, afin que vous ne soyez pas
pris par surprise, qu'il vous reste cinq minutes.
M. Julien: En réponse à votre intervention, M. le
Président, je dirai ceci: Pour pouvoir vous communiquer vraiment et
clairement le fond de ma pensée, étant donné que le
travail de cette commission consiste d'abord et avant tout à entendre
les témoins, étant donné la ferveur avec laquelle certains
membres de cette commission ont défendu, mardi, le droit de parole des
témoins et tout le temps qu'ils ont accordé à cette
défense, étant donné ma disponibilité à
rencontrer tous et chacun des membres de cette commission, et je dirais
même plus, tous et chacun des députés, puisque ce sont tous
les députés qui voteront et qui décideront de ce projet de
loi, où et quand ils voudront, pour dialogue et réponses
complètes à leurs questions, je demanderais à cette
commission le privilège, si c'en est un, de pouvoir me rendre
jusqu'à la dernière page de mon mémoire.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Julien...
M. Julien: Je puis continuer? Merci. Les Québécois
d'origine anglaise et le libre choix. Je n'ai point à prendre la
défense des Québécois d'origine anglaise. Tout ce que
j'aimerais dire, c'est que je n'accorde pas le libre choix aux
Québécois d'origine anglaise à cause d'une
prétendue justice historique, parce qu'ils auraient des droits acquis,
le droit pour tout être humain de vivre et de s'épanouir dans sa
langue et sa culture propres n'a pas à être acquis ou conquis.
C'est un droit qui va de soi pour tout être humain, et c'est la raison
pour laquelle je m'attends qu'on respecte ce droit des Québécois
d'origine anglaise à s'épanouir dans leur langue et leur culture.
S'ils ont à faire un choix, ce choix doit être libre et non
dicté par l'État. Cela n'a rien, M. Laurin... Ce que je viens de
dire, M. Laurin, cela n'a rien de très généreux, ce n'est
que très normal, parce qu'humain, très juste.
Les Indiens et le libre choix. J'aime bien quand je parle au monde qu'on
m'écoute. Pour ceux qui ne sont pas au courant, il y a une
différence entre l'agressivité et la violence. Je dirais la
même chose de l'Indien. Je ne lui accorde pas une faveur ou un
privilège en compensation des massacres et des nombreux crimes, crimes
le plus souvent légalisés, commis par mes ancêtres blancs,
un peu comme ont fait les Nations Unies en créant l'État
d'Israël en compensation des crimes commis envers les Juifs durant la
seconde guerre mondiale. Non. Ce n'est pas une faveur, ce n'est pas un
privilège. Je ne fais que reconnaître à l'Indien ce droit
qu'il a lui aussi de vivre et de s'épanouir dans sa langue et sa
culture.
Les minorités ethniques et le libre choix. Il est peut-être
légitime de désirer, le livre blanc dit s'assurer, le livre blanc
dit, je crois: II est certes légitime de s'assurer, je dis: II est
peut-être légitime de désirer que les personnes qui
viendront s'installer au Québec à l'avenir enverront leurs
enfants à l'école française. Les meilleurs moyens de
s'assurer que nos désirs seront comblés en ce domaine ne sont-ils
pas les suivants, et ces moyens ne devraient-ils pas suffire? Faire du
français la langue de travail ou, peut-être y a-t-il une petite
nuance, faire de telle sorte que tout francophone puisse travailler dans sa
langue. Franciser le paysage québécois, rendre l'école
française plus attrayante ou attrayante, tout court, parce qu'elle ne
semble pas l'être beaucoup, en y prodiguant un bon enseignement des
langues. Quand ces objectifs seront réalisés, que viendra ajouter
une loi coercitive à l'égard des individus? Quelque chose
sûrement, mais rien de positif. Et pourquoi obliger qui que ce soit,
avant que d'avoir réalisé ces trois objectifs principaux?
Il n'y a que deux raisons, à mon avis, qui pourraient motiver ou
motivent les défenseurs de la loi coercitive à l'égard des
minorités ethniques et des futurs Québécois.
Première raison. Crainte de ne pouvoir inciter positivement,
c'est-à-dire crainte de ne pouvoir atteindre les trois objectifs
précités de façon satisfaisante. Quand j'additionne une ou
deux dizaines de réponses que m'ont faites depuis deux ou trois semaines
ministres, députés et attachés de presse de ministres,
j'ai toute raison de croire que cette crainte existe, crainte basée sur
ce qu'ils appellent le réalisme. Une telle crainte pourrait être
dissipée par l'emploi, par la mise en application de moyens coercitifs
et incitatifs plus sérieux à l'égard des institutions et
des personnes morales.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Julien, excusez-moi. Conformément à une décision qui a
déjà été rendue et dont vous connaissez la teneur,
et à moins du consentement unanime des membres de cette commission,
laquelle commission est souveraine, je me vois dans l'obli-
gation de vous dire que votre temps de parole est expiré et, en
conséquence, à moins de ce consentement unanime, ce sera
maintenant le temps de poser des questions.
M. Lalonde: Consentement, M. le Président.
M. Samson: M. le Président, j'accorde mon
consentement.
M. Laplante: Avant d'accorder notre consentement, est-ce que le
temps additionnel qu'il va prendre ne dépassera pas l'heure et demie et
que le temps sera enlevé autant au parti de l'Opposition qu'au parti
ministériel.
M. Lalonde: Non, M. le Président, je pense qu'on devrait
allonger l'heure et demie du temps qu'il prendra.
M. Laplante: Je n'accorde pas mon consentement
là-dessus.
M. Bertrand: M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, M.
le député de Vanier.
M. Bertrand: M. le Président, est-ce que je pourrais
suggérer, je n'ai même pas consulté mes collègues,
d'accorder cinq minutes supplémentaires à M. Julien et même
de le prendre à même le temps du groupe ministériel, mais
qu'on ne dépasse pas l'heure et demie prévue?
M. Laplante: D'accord, là-dessus.
M. Roy: M. le Président, je tiens à vous dire que
je suis prêt à vous donner mon consentement pour que M. Julien
puisse se faire entendre plus longtemps.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je
comprends, M. le député de Beauce-Sud, mais à partir du
moment où un député manifeste son désaccord,
à ce moment-là, c'est impossible de revenir sur le droit de
parole de vingt minutes qui a été accordé.
M. Ciaccia: M. le Président, est-ce que je pourrais...
M. Roy: Je comprends, mais je tenais à signaler à
cette commission que j'accordais personnellement mon consentement.
M. Ciaccia: M. le Président, est-ce que je pourrais vous
rappeler les paroles du leader du gouvernement quand nous avons discuté
de la question du temps. Il avait dit que si des mémoires ou des
témoins avaient besoin de plus de temps, le côté
ministériel accorderait généreusement plus de temps pour
permettre à un témoin de finir de donner son mémoire. Du
côté de l'Opposition officielle, nous accordons notre
consentement, et nous voulons rappeler au parti ministériel les paroles
de son leader parlementaire, prononcées il n'y a que deux jours.
M. Guay: M. le Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Vanier.
M. Bertrand: M. le Président, quand le leader
parlementaire avait fait cette intervention, c'était au moment où
le député de Taschereau avait proposé une heure. C'est
à ce moment-là qu'il avait fait mention d'un consentement unanime
pour poursuivre. Pour une heure et demie, il y a eu une entente, à
savoir qu'on respecterait ce règlement et nous allons donner notre
consentement, M. le Président, à condition qu'il soit bien
compris que l'heure et demie est toujours respectée et que ce temps sera
pris dans les cinq minutes du groupe ministériel.
M. Lalonde: M. le Président, si le témoin a besoin
de quelque autre temps au-delà de cinq minutes, nous sommes prêts
à envisager de prendre quelques minutes de notre temps.
M. Biron: M. le Président, la même chose pour
l'Union Nationale. Je suis prêt à aller jusqu'à la
moitié du temps alloué à l'Union Nationale pour permettre
au témoin de terminer son intervention.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Si je
comprends bien, le parti ministériel serait disposé à
accorder cinq minutes de son temps, l'Opposition officielle cinq minutes de son
temps et l'Union Nationale, cinq minutes de son temps. Le député
de Rouyn-Noranda.
M. Samson: M. le Président, si le groupe
ministériel voulait être un peu plus généreux et
accorder plus que cinq minutes, je serais prêt à collaborer
personnellement et à donner les cinq minutes de mon temps pour qu'on
entende ce mémoire. Oui, oui.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Samson: Si le groupe ministériel acceptait d'être
un peu plus généreux il a trente minutes il
pourrait accorder une quinzaine de minutes et les cinq minutes qui sont
à ma disposition, je les accorderais également, si
nécessaire.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je
pense, M. le député de Rouyn-Noranda, que nous ne sommes pas ici
pour négocier. Est-ce que vous avez du temps à donner en ce qui
vous concerne?
M. Samson: M. le Président, sur le point de
règlement. Je regrette, mais je pense que pour la bonne gouverne et la
bonne marche de nos travaux, si on peut se parler et s'entendre, ça peut
régler pas mal de choses. C'est pourquoi je de-
mande tout simplement... le parti ministériel n'est pas
obligé de dire oui, s'il ne le veut pas, mais s'il était
prêt à accorder cela, ça me permettrait aussi de dire la
même chose et de ce fait, permettrait au témoin de se faire
entendre et de nous présenter tout son mémoire. C'est tout
simplement sur cette base, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Taschereau.
M. Guay: M. le Président, avant que l'on continue cette
surenchère de générosité et de magnanimité,
je pense qu'on devrait entendre le témoin. Nous avons consenti cinq
minutes, l'Opposition officielle a consenti cinq minutes, l'Union Nationale a
consenti cinq minutes. Ça fait un quart d'heure. Si le témoin, en
35 minutes, ne peut pas livrer le fond de sa pensée, je ne pense pas
qu'il soit nécessaire... le député du Ralliement
créditiste pourra toujours y aller de ses cinq minutes à lui,
s'il le juge opportun. Mais il me semble qu'il y a de fortes chances qu'en 35
minutes, c'est-à-dire 15 minutes supplémentaires, on ait fini
d'entendre l'exposé de M. Julien.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Dernière intervention, Mme le député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Compte tenu du message que M. Julien tente de
livrer aux membres de cette commission... Pour certains, il peut paraître
livré de façon plus originale que ce à quoi nous sommes
habitués, mais je pense que si ça peut porter à la
réflexion, tant mieux. Pour ma part, je suis prête à ce
qu'on lui accorde la moitié du temps des questions de l'Opposition
officielle.
M. Ciaccia: Vous ne demandez pas de réciprocité du
côté ministériel?
Mme Lavoie-Roux: J'imagine que cela va de soi.
M. Bertrand: On a fait notre offre. C'est final.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Une
dernière intervention. Je prends acte des offres faites par les
différents partis et j'accorde donc cinq minutes sur le temps du parti
ministériel, dix minutes sur le temps de l'Opposition officielle et cinq
minutes sur le temps de l'Union Nationale. Vous avez donc vingt minutes
supplémentaires pour vous adresser aux membres de la commission, M.
Julien.
M. Julien: Merci de votre générosité. Vous
savez que les citoyens ordinaires, c'est rare qu'ils peuvent se faire entendre.
Je parlerai de cela en conférence de presse, aux journalistes, du droit
du citoyen ordinaire, dit ordinaire.
Je vais peut-être changer mon ordre, étant donné que
cinq minutes, cela ne me suffit pas. Je pourrais en avoir facilement pour plus
d'une heure.
Avant de continuer là où j'étais rendu, au cas
où je n'aurais pas le temps, étant donné les contingences
que nous impose une démocratie procédurière, ladite
démocratie, ou la maudite démocratie, appelez-la comme vous
voudrez...
Depuis deux ou trois semaines, plusieurs m'ont demandé, des
députés, des attachés de presse de ministres, entre
autres: Cela ne te gêne pas? Tu ne te sens pas mal à l'aise de te
mettre du côté des anglophones et des immigrants dans leurs
revendications pour le libre choix? Tu ne trouves pas, m'a dit un
député, que tu manques un peu de patriotisme? C'est
peut-être un attaché de presse de ministre.
Voilà ce que je pense du patriotisme. Sur le patriotisme, je
pense comme un personnage que j'ai nommé tantôt, le philosophe
André Moreau. André Moreau pense comme moi du patriotisme. Ce
sera très court.
Patriotisme et émotivité. Il faut nécessairement,
peut-être... Non. On dira cela à un autre moment.
Le patriotisme est le meilleur moyen d'engendrer la discorde, car seul
le nationalisme s'oppose au nationalisme et soulève les...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Julien.
M. Julien: Non, laissez faire. Je suis très agressif, mais
je suis aussi hypersensible. Un petit coup d'eau. Il y en a d'autres qui ont
besoin d'un petit coup d'autre chose.
Le patriotisme est le meilleur moyen d'engendrer la discorde, car seul
le nationalisme s'oppose au nationalisme et soulève les nations les unes
contre les autres. On m'en voudra de dire ces choses. Est-ce que quelqu'un
pourrait venir le lire à ma place, s'il vous plaît, un court
paragraphe?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il
vous plaît!
M. Charbonneau: Donc, selon l'auteur, on dit ici, pour
correspondre au voeu du témoin: "Patriotisme et émotivité.
Tous les patriotes sont thalamiques et se comportent comme des enfants qui sont
pour ceci et contre cela.
Or, le patriotisme est le meilleur moyen d'engendrer la discorde, car
seul le nationalisme s'oppose au nationalisme et soulève les nations les
unes contre les autres.
On m'en voudra de dire ces choses. On dira que je ne suis pas de chez
nous. Et pourtant, je veux un progrès décisif de
l'humanité. Avant d'être Québécois, je veux
être citoyen de l'humanité. Or, il n'y aura pas de paix durable,
tant qu'il n'y aura pas des patriotes attachés émotivement
à leur lopin de terre...
M. Julien: Je regrette, ce n'est pas cela qui est écrit.
Tant qu'il n'y aura pas de patriotes... Non, ce n'est pas cela qui est
écrit.
M. Charbonneau: Tant qu'il y aura, excusez! C'est une erreur
de... Comme disait mon professeur de chimie jadis, c'est une erreur de
génie.
"Nous devons avoir en vue l'universel et non le particulier. Lorsqu'un
homme s'attache à sa patrie, il montre qu'il en est encore, dans son
évolution, à l'attachement sentimental pour son environnement,
mais Aristote n'a-t-il pas dit qu'un homme devait se sentir chez soi partout.
Le meilleur endroit où nous puissions être est celui où
nous serons le plus utile. En décloisonnant notre vie quotidienne, nous
réussirons à communiquer à des plans supérieurs de
pensée. Ce n'est pas seulement où nous sommes qu'il faut la
liberté, il faut la liberté partout, disait André
Moreau.
M. Julien: C'est tiré de son oeuvre Pour réveiller
le Dieu endormi (qui est en nous).
Je continue donc où j'étais rendu. Première crainte
qu'ont ceux-là qui défendent, qui ne voient pas autre chose que
la loi coercitive pour en arriver au moins au but qu'ils
préconisent...
Enfin, passons à la deuxième crainte, crainte que
l'individu se désavantage lui-même en n'apprenant pas le
français, alors même que la langue de travail serait le
français, alors même que la langue du paysage et de la vie
quotidienne au Québec serait le français, alors même que
les cours de langue dans les écoles françaises seraient de
très haut calibre, une telle crainte de la part du gouvernement ou de la
part des Québécois d'origine française
témoignerait, alors que ces derniers considèrent les nouveaux
Québécois comme totalement dépourvus de bon sens et
d'intelligence... Je dis, les nouveaux Québécois, parce que c'est
toujours sous le titre; Les minorités ethniques et le libre choix.
L'assimilation à la vapeur, dit le livre blanc, de tous les
nouveaux immigrants, au point qu'en une ou deux générations ils
ont perdu toute attache avec leur pays d'origine, n'est pas un objectif
souhaitable. Une société qui permet à ses groupes
minoritaires de conserver leur langue et leur culture est une
société plus riche et probablement plus équilibrée.
Cela pourrait être le cas du Québec. Une société qui
permettrait à chacun des individus composant les minorités
ethniques la possibilité d'exercer sa responsabilité personnelle,
ou son libre choix, d'une façon pleine et entière, serait une
société encore plus riche, encore plus équilibrée,
parce que plus humaine. Cela encore pourrait être le cas du
Québec, cela sera le cas du Québec.
L'auteur du livre blanc dit encore ceci, qui est très juste:
L'intégration spontanée, qui seule est souhaitable, des
immigrants à la communauté francophone ne pourra donc être
possible que si la société québécoise
elle-même est globalement francisée. Ce n'est que lorsque le
français sera devenu véritablement la langue de travail et des
affaires et de la vie quotidienne que la plupart des immigrants comprendront
que leur intérêt les pousse à se solidariser avec la
communauté francophone.
On les obligerait, par une loi coercitive, en attendant
l'intégration spontanée, ce serait l'intégration
obligatoire, sous prétexte que cela se passe comme cela ailleurs dans
les pays dits normaux?
Ce n'est ni sérieux, ni raisonnable, ni humain; pas plus
sérieuse d'ailleurs cette idée, à savoir qu'il faudrait
combler la dénatalité des Québécois francophones
par l'assimilation forcée des immigrants. À cela, la chanson nous
répond: II n'y a que nous qui pouvons faire quelque chose pour nous.
J'aurais aimé ici vous donner quelques recommandations faites au
gouvernement par les minorités ethniques réunies à
l'Université de Montréal, en fin de semaine dernière.
J'aurais voulu vous lire également le texte intégral de la fin du
discours donné par le ministre Jacques Couture. Si on a le temps, si
vous me le demandez, je pourrai peut-être vous le lire.
Les Québécois d'origine française, page 5. Les
Québécois d'origine française et le libre choix. Et
pourquoi ne pas traiter les Québécois francophones comme des
êtres responsables? Pourquoi ne pourraient-ils pas choisir librement? Il
me semble que tout Québécois d'origine française devrait
considérer comme une gifle le fait qu'on accorde le libre choix aux
Québécois d'origine anglaise et qu'on refuse le libre choix aux
Québécois d'origine française. Pourquoi est-ce qu'on leur
refuse? C'est pour l'une ou l'autre des deux craintes expliquées plus
haut, pour les mêmes raisons pour lesquelles on le refuse aux immigrants;
mais en plus, à moins que ce ne soit pour imposer de force une
fierté que certains francophones n'auraient pas, fierté de vivre
sa culture, de parler sa langue, etc. Est-ce que cette fierté s'impose
de force au moyen d'une loi? Les résultats ne sont-ils pas moins
qu'assurés?
Pourtant, le gouvernement juge que des Québécois
francophones, de même que tous les Québécois, sont des
êtres responsables puisqu'en conclusion du livre blanc, il fait appel
à la responsabilité de chacun. On les traite comme des
irresponsables, mais on se permet, à la fin du livre blanc, de dire:
Quand même, on va faire appel à votre responsabilité.
Pourquoi alors l'obligation sous peine de sanction? Cela ajoute quelque chose
de positif? N'est-ce pas cette attaque à la responsabilité
personnelle que constitue la loi qui expliquerait le mieux, même si c'est
inconscient, le malaise qu'avouerait sentir le premier ministre à
édicter une telle loi?
La responsabilité personnelle, l'autonomie personnelle, c'est
fort à ce point, que, si on lui permettait d'éclore... Il n'est
pas question de changer l'humain. Il est question de lui permettre
d'être, il est question d'arrêter de le déshumaniser et on
commence de bonne heure à le déshumaniser, même avant
l'école. La responsabilité personnelle, c'est fort à ce
point que son existence chez tous les Québécois d'origine
française éliminerait l'incontestable utilité, et non la
nécessité, actuelle de loi coercitive à l'égard des
institutions et personnes morales. Je pourrais résumer ici mon
mémoire. En disant loi coercitive et incitative très
sérieuse à l'égard des institutions et personnes morales,
en vue d'atteindre les trois objectifs cités plus haut, d'accord, mais
loi coercitive vis-à-vis de l'individu, non, plus jamais, parce qu'il
est urgent
qu'on se mette à faire l'éducation des gens. Je comprends,
c'est difficile. Tous les membres du gouvernement actuel ne sont pas aptes
à pouvoir faire de l'éducation, à pouvoir inciter
positivement. Il est certain que c'est plus facile de dire aux gens:
Attachez-vous dans vos tombeaux roulants plutôt que de faire des
campagnes d'information pour leur dire quels sont les avantages de la ceinture
de sécurité. Enfin, je n'aime pas cet exemple parce que, quand je
parle de l'auto, on voit encore que ce que l'on appelle le gouvernement, ce
n'est pas lui qui gouverne, ou du moins il ne gouverne pas pour le bien commun.
S'il gouvernait pour le bien commun, étant donné les
hécatombes qu'il y a sur les routes, si nos gouvernants gouvernaient
pour le bien commun, si les valeurs de vie, si la vie passait avant le profit,
on s'attaquerait aux causes du fait qu'il y a des morts sur les routes.
Étant donné, encore une fois, que ce ne sont pas les élus
du peuple qui gouvernent, étant donné le réalisme de nos
hommes politiques qui savent fort bien que ce ne sont pas eux qui
mènent, on ne peut pas s'attaquer aux causes du fait qu'il y a des morts
sur les routes. On dit aux gens: Attachez-vous dans vos tombeaux roulants,
"crisse"!
Passons au point suivant: Les droits individuels priment les droits
collectifs. Sur ce point, je vous livre mes réflexions telles qu'elles
me sont venues dans la nuit du 4 au 5 mai dernier. C'est peut-être la
première fois que je m'attardais à gratter la question, à
savoir pourquoi j'ai toujours eu une espèce d'incompréhension, de
malaise, de tiraillement, chaque fois que j'entends parler de droits
collectifs, surtout quand on les oppose ou, ce qui est pire, quand on les
superpose aux droits individuels.
Certains diront être assez d'accord avec ce qui
précède pour ce qui est de la responsabilité personnelle,
mais ils ajouteront que, dans tout cela, il ne faut pas oublier les droits
collectifs. Je leur réponds: Ce n'est pas oublier les droits collectifs
que de les mettre à leur place, que de leur donner uniquement la place
qu'ils doivent ou peuvent avoir, et pas plus.
(Au centre de la feuille.) Si l'on peut parler du droit d'un
collectivité à la paix, c'est que chacun des membres de la
collectivité, aspirant à vivre en paix avec lui-même et
avec les autres, a droit à cette paix. Si l'on peut affirmer qu'une
collectivité n'a pas le droit de tuer, il n'y a pas plus de peine de
mort juste que de guerre juste. La peine de mort et la guerre, n'étant
que des transgressions légales d'un interdit de tuer, on sait fort bien
que l'État se permet de faire des choses que l'individu ne peut pas, du
moment que c'est légal. Pour l'État, c'est la
légalité avant la légitimité. Pour moi, c'est la
légitimité avant la légalité.
Si l'on peut parler du droit d'une collectivité à la
liberté, c'est que chaque individu composant la collectivité a
besoin et a droit d'être libre. Liberté, autonomie,
souveraineté... Si l'on peut parler du droit d'une collectivité
à l'autonomie ou à la souveraineté, c'est que chacun de
ses membres a droit à l'autonomie personnelle. Si une
collectivité a droit de s'attendre à ce que son autonomie soit
respectée, c'est uniquement parce que chacun de ses membres a droit de
s'attendre que son autonomie personnelle, sa responsabilité personnelle,
ses droits individuels soient respectés.
Comment revendiquer l'autonomie pour une collectivité? Comment
revendiquer la souveraineté ou l'autonomie pour la collectivité
québécoise, alors que l'on refuserait l'autonomie aux individus
composant cette collectivité, alors que les individus composant cette
collectivité se refuseraient à eux-mêmes l'autonomie?
Comment une collectivité peut-elle revendiquer qu'on respecte son
autonomie alors que les individus qui dirigent, conseillent ou orientent cette
collectivité se refusent à respecter l'autonomie personnelle de
chacun des membres de la collectivité, comme le fait le présent
gouvernement par son projet de loi no 1, présentement à
l'étude? Comment, dites-le moi, une collectivité peut-elle
revendiquer un droit qu'elle se refuse à accorder à chacun de ses
membres? On voudrait donc l'autonomie pour la collectivité, mais on ne
la voudrait pas pour soi-même, espérant ainsi devenir autonome par
état interposé, un peu comme on est devenu sportif par personne
interposée.
De même, si l'on peut parler du droit d'une collectivité
à la communication, c'est que chaque individu a le besoin et le droit de
pouvoir communiquer avec ses semblables, mais il faut préciser ici
qu'une langue commune n'est pas le seul moyen de communication entre individus,
ce qui fait que des groupes linguistiques différents peuvent cohabiter,
communiquer et former une même collectivité. Indiens,
Québécois, francophones et Québécois anglophones
forment la collectivité québécoise, de même que
Français, Anglais, Chinois, Japonais, Russes, etc., forment la
collectivité humaine.
C'est parce que la société québécoise est
divisée en plusieurs groupes linguistiques différents qu'il est
difficile de parler du droit collectif des Québécois à une
langue commune. Tous les Québécois n'ayant pas le français
pour langue maternelle, il serait plus juste de parler du droit collectif des
Québécois à la communication, si on tient absolument
à parler d'un droit collectif.
Le droit collectif à une langue commune existe pour le groupe
francophone québécois et non pour l'ensemble de la
collectivité québécoise, étant donné, encore
une fois, que les Québécois, ce sont tous les résidents du
Québec. Ce droit, c'est le droit, pour chacun des membres du groupe
francophone de parler français, de vivre en français, mais le
même droit linguistique collectif existe pour le groupe anglophone
québécois et pour les Indiens et pour toutes les minorités
ethniques. De quel droit, alors, le groupe francophone québécois
voudrait-il assimiler ou intégrer les autres groupes? À cause de
la force du nombre? Pour certains, en effet, la majorité accorde tous
les droits, parce que, dans les pays dits normaux, c'est comme ça,
même le droit, qui n'en est pas un réellement, d'abolir ceux
d'autrui. Pourtant, ceux-là qui, parmi les Québécois
francophones, sont les plus fanatiques défenseurs de l'assi-
milation des autres groupes linguistiques, sont, en même temps,
les plus farouches opposants à ce que la majorité canadienne
puisse assimiler les Québécois francophones.
L'idée de nombre et de majorité conduit à
l'impasse. Cela conduit aussi aux guerres, les petites impasses. Aussi,
serait-il préférable de parler de normalité, plutôt
que du droit collectif à une langue commune pour la collectivité
québécoise. L'auteur du livre blanc dit avec justesse: Dans un
Québec vivant en français, il sera normal que les
Québécois, quelle que soit leur origine ethnique et culturelle,
puissent s'exprimer en français. C'eût été un
affront à l'intelligence et à la responsabilité
personnelle de tous les Québécois que de dire: II sera
obligatoire. L'affront est là quand même.
Le droit individuel de l'Indien ou de l'anglophone à parler se
langue et à vivre dans sa langue est un droit préalable. Il prime
le droit collectif des francophones à une langue commune. De même,
le droit individuel du francophone à parler et à vivre dans sa
langue est un droit préalable qui prime les droits collectifs des
anglophones et des Indiens.
Je l'ai formulé ainsi. Cela m'est venu spontanément et
ça vous montre bien l'importance que j'attache aux droits
individuels.
Cependant, le bon sens et la responsabilité personnelle, le choix
libre des Québécois, quelle que soit leur origine ethnique ou
culturelle, leur dictent ce qu'il est normal de faire, s'ils veulent
participer, je dis bien s'ils veulent participer à une
société française. La loi est ici inutile et inhumaine. On
ne peut obliger quelqu'un à intégrer une société de
force.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Julien, je vous informe que vos 20 minutes supplémentaires sont
maintenant expirées et, par conséquent, puisque vous avez eu le
droit de parole pendant 40 minutes, j'accorde maintenant la parole aux
députés en informant chacun des partis qu'il reste 25 minutes au
parti ministériel, 10 minutes au Parti libéral, 5 minutes
à l'Union Nationale et 5 minutes aux deux députés de
Beauce-Sud et de Rouyn-Noranda.
J'aimerais informer ou du moins avertir les membres de cette commission
qu'ils peuvent, bien entendu, s'ils le veulent unanimement, accorder toute leur
période de questions aux invités, mais je dois vous avouer que
cela peut devenir une sorte de précédent.
Nous allons entendre au cours des semaines peut-être encore 150
organismes, et il serait peut-être à craindre, à cause de
ce qui se passe aujourd'hui, si on le faisait une autre fois, que nous nous
sentions dans l'obligation, d'accorder à nos invités le
même droit, même si, en fin de compte, ce sont les partis
politiques eux-mêmes qui en souffrent.
Je vous fais quand même cette mise en garde, tout en vous
affirmant qu'évidemment, vous pouvez le décider, mais c'est une
mise en garde que je me suis permis de faire.
M. Samson: M. le Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Rouyn-Noranda.
M. Samson: Sans préjudice à mes droits futurs,
j'accorde mes cinq minutes pour permettre à M. Julien de continuer.
M. de Bellefeuille: M. le Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Je voudrais signaler que le temps qui est
réservé au dialogue entre les membres de la commission et le
témoin est tout au moins aussi important que le temps accordé au
témoin pour présenter son mémoire, puisque nous...
M. Julien: Je suis disponible pour vous rencontrer quand vous
voudrez, où vous voudrez, le temps que vous voudrez.
M. de Bellefeuille: ...puisqu'il s'agit de rencontrer le
témoin et de dialoguer avec lui, je tiendrais à ce que le peu de
temps qui reste, reste pour que le dialogue soit maintenu.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je pense
qu'il est possible au député de Rouyn-Noranda, sans le
consentement unanime, que le député de Rouyn-Noranda a le droit
personnel, puisqu'on parle de droits individuels et personnels, de céder
son droit de parole au témoin et, par conséquent...
M. Roy: M. le Président, sur ce point.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, M.
le député de Beauce-Sud.
M. Roy: J'aimerais dire tout simplement, pour que nous ne soyons
pas obligés de revenir sur le même sujet, que je vais
également céder mon droit de parole de cinq minutes, ce qui
donnera dix minutes additionnelles au témoin plutôt que cinq
minutes.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je
m'aperçois que...
M. Roy: Et je me priverai de poser des questions...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je me
rends compte...
M. Roy: Cependant et je tiens bien à le dire devant
la commission je ne veux pas que cela soit considéré comme
une habitude pour le reste de nos séances.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est
toujours le danger de ces précédents, M. le député
de Beauce-Sud. De toute façon, j'avais fait la mise en garde. Vous avez
usé de vos droits individuels et, en conséquence, puisqu'aucun
autre
parti politique n'a manifesté d'intention, je déclare
à ce stade-ci que vous avez encore dix minutes
supplémentaires.
M. Godin: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Mercier, sur une question de règlement.
M. Godin: Ne faudrait-il pas avoir l'assentiment unanime des
députés avant de donner son temps à qui que ce soit?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je ne
pense pas...
M. Godin: Je le demande au président, M. le
député de Rouyn-Noranda. Vous n'êtes pas président
ici. Il y a un président ici.
M. Samson: Le président vient de vous le dire.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À
l'ordre!
M. Samson: II vient de le dire, le président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À
l'ordre, s'il vous plaît! MM. les députés de Mercier et de
Rouyn-Noranda, j'ai déjà exposé, en fait, le motif de ma
décision. Je peux le faire encore une fois. Comme à
l'Assemblée nationale, un député peut céder son
droit de parole à un autre, malgré qu'il a demandé
l'ajournement des travaux. Je pense qu'à ce stade-ci, il appartient...
Chaque député a le droit de céder son droit de parole,
même sans le consentement unanime, puisqu'il ne cède pas le droit
de la commission, il cède son droit personnel.
En conséquence, je vous informe que vous avez encore dix minutes
supplémentaires.
M. Julien: Merci beaucoup. J'aborderai surtout les ajouts, les
choses que j'ai ajoutées, étant donné que vous savez lire,
vous êtes capables de lire par vous-mêmes.
Donc, à la page 8, deuxième paragraphe, sous le titre: La
loi ne détruit pas les complexes, dans le premier paragraphe, je dis
qu'il serait avantageux pour tout le monde de lire, de relire, de
méditer le dernier paragraphe du livre blanc.
Ensuite, je dis ceci au deuxième paragraphe: "On a maintes fois
entendu M. René Lévesque déclarer ceci: "...nous
réagirons d'une façon positive sur la question linguistique, le
jour où nous aurons perdu nos complexes de colonisés". On ne peut
qu'être d'accord avec une telle affirmation. Mais quand monsieur le
premier ministre ajoute, et c'est une déclaration récente, que "9
sur 10 des raisons qui motivent la présente loi (ne) disparaîtront
(qu') après l'indépendance", cette dernière affirmation ne
constitue-t-elle pas l'aveu d'impuissance d'un colonisé..." ou de
quelqu'un qui se fait tout à tous pour les sauver tous, enfin de
quelqu'un qui prend sur lui les complexes des co- lonisés, qui croit que
l'indépendance politique sera le miracle qui donnera aux individus
responsabilité, force et courage.
Il ne faut pas attendre une hypothétique indépendance et
c'est immédiatement qu'il est possible de détruire les complexes
si l'on prend tous les moyens pour ce faire. Après ce que j'ai dit du
premier ministre, on me répondra que non. Ce n'est pas vrai ce que j'ai
dit, que c'est là l'expression tout simplement de l'opinion d'un homme
qui croit sincèrement que la souveraineté politique telle qu'il
l'entend c'est ce qui permettra à la majorité
démographique, minoritaire psychologiquement, de devenir une
majorité psychologique. Je dis que pour que la majorité
démographique devienne majorité psychologique, il y a
sûrement d'autres moyens que ladite souveraineté politique.
À la page suivante, quand je dis, au troisième paragraphe,
qu'il y a cinq siècles vivaient en Amérique du Nord des humains
à la peau cuivrée et que sont arrivés d'Europe des
sauvages à la peau blanche, M. René Lévesque, sur les
ondes, n'a pas aimé le mot sauvage, me disant qu'on devait le bannir de
notre vocabulaire, qu'on ne devait pas plus l'appliquer à nous
qu'à eux. D'accord. L'expression ou le mot sauvage, je l'emploie, ici,
tout simplement comme dans les expressions grève sauvage, attaque
sauvage, sauvage ayant le sens de peu respectueux de la vie.
Avant que les dix minutes ne passent, je tiens à dire ceci. Je
seconde la proposition de M. Gérard-D. Levesque. Il m'apparaît
fort souhaitable, sinon nécessaire, de scinder cette loi. Que tout
francophone puisse travailler dans sa langue, c'est normal, c'est juste. Que le
paysage soit francisé, c'est encore normal, c'est juste, quand 80% de la
population sur un territoire donné est francophone. Que tout
Québécois d'origine française puisse vivre dans sa langue
et sa culture propre, rien de plus normal, rien de plus juste. Cela doit faire
l'objet d'une première loi, la loi présentement à
l'étude, mais que l'on oblige un être humain à apprendre
une langue plutôt qu'une autre, que l'on oblige un être à
aller à telle école plutôt qu'à telle autre, ce
n'est pas normal. C'est tout simplement inhumain. Aussi, ce dernier point,
celui de la langue d'enseignement, doit-il faire l'objet d'une approche
spéciale. C'est une question qui mériterait d'être
étudiée avec un regard neuf en vous inspirant, entre autres, de
l'esprit des résolutions votées au dernier congrès du
Parti québécois au chapitre de l'éducation. Voici deux
courtes résolutions, entre autres, qui s'inscrivent dans une perspective
de décentralisation pédagogique et administrative en vue de faire
de l'école le véritable centre du projet éducatif de
chaque quartier ou village du Québec. La première: "Etablir au
niveau du ministère des programmes d'étude et des politiques
administratives souples en coordination avec les unités de base que sont
les écoles et les commissions scolaires dans le but de permettre
à ces unités de définir elles-mêmes les services
éducatifs en fonction de leurs besoins spécifiques". Pour moi, le
besoin spécifique, cela comprend aussi des besoins culturels et
linguistiques.
Une autre proposition a été adoptée: "Entreprendre
un effort persistant de revalorisation du secteur public en créant entre
autres, à l'intérieur du système public, une
possibilité de choix entre divers types d'écoles établies
à la demande du milieu". L'école "alternative". "Ces
écoles pourront se distinguer par le modèle pédagogique,
le caractère religieux ou linguistique". Ce dernier point soumis au
programme du parti sur la langue. Sur ce dernier point, on peut sans doute dire
a fortiori ce que M. le premier ministre disait de la proposition sur
l'avortement libre et gratuit, quelques centaines de
délégués d'un parti ne peuvent décider pour
l'ensemble de la population du Québec. Et je suis convaincu que si mon
point de vue pouvait recevoir autant de publicité qu'en a reçu le
livre blanc, si j'avais l'opportunité de parcourir la province comme M.
Laurin a pu le faire, parce que payé, parce qu'élu, je suis
convaincu que je pourrais faire un consensus autour du libre choix.
Il faut commencer quelque part, il y en a qui disent qu'il faut
être réaliste, tu ne peux pas... Je me suis fait dire par
plusieurs, des députés, des ministres, des attachés de
presse de ministres... Voyons donc, on ne peut pas laisser tomber toutes les
lois, est-ce qu'on va enlever les feux rouges aux coins des rues? Pour eux,
c'est tout ou rien. Si tu enlèves une loi, il faut que tu les
enlèves toutes.
Je trouve que c'est un raisonnement plutôt enfantin, ça va
avec les enfantillages dont on est témoin ici et à
l'Assemblée nationale.
Sur l'urgence, étant donné que mes dix minutes
achèvent, pour ajouter aux quatre ou cinq pages, ce qui va dans le
même sens que les quatre ou cinq dernières pages de mon
mémoire, M. le premier ministre, dans le journal Le Jour du samedi 26
avril 1975, écrivait un article qui a pour titre "Ce monde scandaleux".
Je vous lis les trois derniers paragraphes. "Se peut-il, comme le soutiennent
les optimistes à tout crin, que l'humanité s'en tire quand
même indéfiniment grâce à l'inépuisable
ingéniosité de l'espèce? On trouvera des substituts, la
recherche produira des miracles encore plus inimaginables, ces trois quarts
largement inconnus du globe qu'est le fond des mers nous fourniront à
nouveau les moyens de tout faire, de tout nous permettre, peut-être. Mais
le risque est terrible comme jamais de prétendre continuer en ne
comptant pour ainsi dire que sur la chance. Pour la première fois depuis
le commencement de l'histoire, en effet, les délais sont courts et des
échéances qui ne pardonneraient pas sont clairement inscrites
à l'horizon. "D'ailleurs, de toutes les échéances, la plus
évidente n'est pas celle des pénuries sans remède, mais
bien plutôt la conflagration qui pourrait se produire bien avant dans ce
tiers-monde qui, avec 75% de la population mondiale, n'a toujours accès
qu'à 15% de la richesse du globe. Le pire, c'est qu'au lieu de diminuer,
cet écart entre les gavés et les faméliques n'a
cessé, au contraire, de s'élargir d'année en année
et, depuis 1973, la crise énergétique s'ajoutant au reste, en a
fait un abîme si désespérant, si insondable que seules des
convul- sions proprement révolutionnaires peuvent désormais en
sortir. "Car, ce qu'il y a de plus explosif, c'est que les victimes, c'est que
les faméliques connaissent désormais toute l'ampleur de ce
gaspillage inhumain auquel les privilégiés continuent de se
livrer sur une planète où les trois quarts de leurs semblables
ont faim à en mourir. Ce qu'il y a de plus explosif, c'est que les
victimes savent en détail pourquoi ils crèvent".
Pendant que l'on crève sur la planète, dans certains pays
dits civilisés, dits démocratiques, on s'amuse. Ceux-là
qu'on appelle les gouvernants s'amusent comme vous le faites. Vous pouvez y
aller de vos questions.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. Julien. J'allais vous dire qu'il vous restait une minute. M. le
ministre.
M. Laurin: Je remercie M. Julien pour...
M. Julien: Je peux me passer de vos remerciements. Laissez faire
les politesses, vous êtes très fort... je vous le soumets
humblement...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Julien, s'il vous plaît...
M. Julien: Première question.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Julien, je pense que les membres de la commission ont respecté votre
droit de parole et je vous incite fortement à respecter le droit des
autres.
M. Julien: D'accord, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Surtout
compte tenu du contenu de votre mémoire. M. le ministre.
M. Laurin: Je remercie M. Julien de son exposé. Son
exposé ressemble souvent à un poème, et le fait qu'il a
été composé dans la nuit du 4 au 5 mai a
évoqué dans ma mémoire le fameux poème de Musset,
la Nuit de mai. Son exposé m'a paru aussi quelque peu idéaliste,
et d'ailleurs, j'ai eu peine à le suivre en raison des nombreux zigzags
et de l'effervescence dont il témoigne.
Cet exposé a été aussi placé par l'auteur
lui-même sous le signe de la démesure et de l'utopie, utopie dont
certains maîtres ont savamment parlé depuis des siècles, en
passant par Erasme, Thomas Moore et la Fabian School of London. II se situe
quelque part dans une autre sphère, dont l'accession nous est rendue
difficile par les servitudes de la condition humaine.
Par ailleurs, l'auteur, dans son mémoire, admet lui-même
que le laisser-faire économique a conduit à la dictature
économique, réalité qu'il abhorre et qui se situe aux
antipodes de ce qu'il souhaite, ce qui montre bien que la liberté
débridée et sans frein produit parfois des fruits
empoisonnés. Ce n'est pas le seul domaine où cette li-
berté sans frein, désordonnée, qui équivaut
alors à de la licence ou à la négation des
réalités, peut produire des fruits aussi nocifs.
Je poserai une seule question au témoin. S'il veut
véritablement que le Québec francise son visage, que le
français devienne la langue du travail, la langue de la vie quotidienne,
quels moyens nous propose-t-il, dans le contexte de cette liberté
anarchique et totale qu'il prône, pour arriver à l'objectif qu'il
souhaite?
Le Président (M. Cardinal): M. Julien.
M. Julien: J'ai déjà répondu à cette
question. Vous n'écoutiez peut-être pas pendant ce
temps-là. J'ai dit: Mesures coercitives et incitatives très
sérieuses, en vue de réaliser ce que vous venez de dire. Je suis
d'accord.
Je n'ai pas dit qu'il fallait enlever toute coercition. J'ai bien dit
qu'il ne s'agissait pas, du jour au lendemain, d'enlever toutes les lois.
Étant donné qu'on a conditionné les gens à
obéir, et à ne faire que cela, étant donné qu'on
n'a pas conditionné les gens à être responsables,
pleinement aptes à agir, à prendre eux-mêmes leurs
responsabilités, étant donné ce conditionnement à
l'obéissance, les gens ne sont peut-être pas prêts tout de
suite, du jour au lendemain, à voir abolir toutes les lois. C'est
pourquoi j'ai dit qu'il faudrait peut-être commencer quelque part.
Je pense que, relativement à ce projet de loi, là
où il est le plus normal, le plus juste, le plus humain, là
où on pourrait commencer véritablement à procéder
par l'incitation et non par la coercition, c'est bien sur le droit de
l'être humain à s'épanouir. Je pense qu'il n'y a aucun
spécialiste qui soit humain, aucun sociologue qui soit humain, qui va
nier que la meilleure façon pour qu'un être puisse
s'épanouir au maximum, la meilleure façon, c'est de lui permettre
de s'épanouir dans sa culture et dans sa langue. Et ce droit existe pour
tous les humains, quels qu'ils soient, où qu'ils soient, à
l'intérieur de quelque frontière qu'ils soient.
Vous avez prononcé, au commencement parce que j'imagine
que ce que vous avez dit au début, je peux aussi en parler
d'abord, le mot idéaliste. Je sais. On me dit souvent que je suis
idéaliste. C'est très grave, c'est un péché mortel.
Je dis que, quand on a un idéal, c'est sûr que, si on se contente
d'en parler, si on se contente des mots, cela ne vaut pas cher. On
rêve.
Mais quand on est décidé à prendre les moyens pour
en arriver à l'idéal, cela peut être différent. Cela
rejoint l'utopie, l'utopie étant que ce qui n'est pas encore
arrivé, c'est parce qu'on n'a pas pris les moyens pour y arriver.
L'utopie, c'est ce qui n'est pas encore. C'est ce qui sera, à partir du
moment où on prendra les moyens de la réaliser, cette utopie.
Vous avez parlé de démesure. Quand je parle de
démesure, c'est par opposition à ce qu'on nous dit toujours ou
à ce qu'on a déjà dit, tous, personnellement: Je vais agir
dans la faible mesure de mes moyens. C'est faux. Nous avons tous en nous une
démesure qu'il faut assumer. Cela va avec la responsabilité. Plus
un être est responsable, plus il peut assumer cette démesure qui
est en lui.
Le laisser-faire économique. Vous avez fait le lien entre le
laisser-faire économique, qui a conduit à la dictature
économique, et le laisser-faire linguistique, qui pourrait conduire, je
ne sais pas...
Il y a peut-être quelque chose de faux dans ce que j'ai dit, c'est
évident. J'en ai corrigé des erreurs depuis un mois! J'ai fait
des ajouts, je pourrais encore faire des corrections, c'est évident.
Quand je dis que le laisser-faire économique conduit à une
dictature économique, l'erreur qu'il y a là-dedans, c'est que la
dictature économique existait avant la théorie d'Adam Smith qui
s'appelle le laisser-faire économique. La dictature économique
existe depuis le début des sociétés parce que c'est la loi
du plus fort, c'est le plus fort qui mène. Depuis que l'homme s'est
approprié la terre, tout ce qu'elle contient et tout ce qui la recouvre,
ce sont les possesseurs qui mènent. C'est ce qu'on appelle une dictature
économique.
C'est bien avant la théorie d'Adam Smith que cette dictature
économique existait. Cela répond à votre question?
Le Président (M. Couture): Je vous remercie, monsieur. Mme
le député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je vous remercie,
M. Julien, de votre présentation. Pour ma part, je voudrais faire un
commentaire général. Je pense que, même si le ministre
d'État au développement culturel considère votre
mémoire comme étant idéaliste et ne tenant pas compte,
jusqu'à un certain point, de la réalité, il me semble que,
quand même, il est bon, pour des gens qui sont dans l'administration
quotidienne, que des personnes viennent leur rappeler certaines valeurs
humaines importantes que tous et chacun de nous, dans l'effervescence de la vie
courante, mettons facilement de côté.
Ce qui m'a le plus frappé c'est d'ailleurs un point sur
lequel je m'interroge souvent ce sont ces références de
plus en plus fréquentes aux concepts de majorité et de
minorité qui risquent, je pense, d'établir dans notre
société des règles du jeu basées trop souvent sur
des rapports de force où, finalement, c'est la règle de la
majorité qui devient érigée en principe et qui se traduit
par la règle du plus fort.
Je pense qu'il faudra peut-être s'en souvenir dans ces nombreux
débats que nous aurons, ici, au moment des auditions, et par la suite
aussi.
Il y a une seule question que je voudrais vous poser. Vous avez
j'oublie exactement à quelle page parlé du libre choix que
nous laissions aux anglophones ou que le projet de loi laissait aux anglophones
vis-à-vis de l'école comme étant un privilège qui
n'était pas accordé au groupe francophone. Je voudrais vous
demander si, dans une société qui est une société
française à laquelle vous reconnaissez cette
responsabilité de vivre en français, surtout d'assumer et de
développer sa culture... Là-dessus, je suis tout à fait
d'accord avec vous que des mesures rigoureuses devraient
être prises, mais je me demande s'il faut appeler privilège
ce que vous appelez le libre choix accordé aux anglophones, alors que
vous vous trouvez dans une société française.
Est-ce qu'il ne faudrait pas davantage le considérer comme une
mesure d'exception à l'égard d'une communauté que l'on
reconnaît comme existante, ayant des droits historiques, etc. Est-ce
qu'on peut vraiment considérer cela comme un privilège qu'on
enlève à des francophones, alors que des francophones, eux,
disent vouloir vivre dans une société française? Est-ce
que vous pourriez répondre à cela? Vous ne saisissez pas.
M. Julien: J'ai mal saisi, parce que je crois que vous avez
peut-être mal saisi ce que j'ai dit à un moment donné. Je
n'ai jamais parlé de privilège.
Mme Lavoie-Roux: Non, mais vous considérez qu'aux
anglophones, on laisse le libre choix.
M. Julien: Oui. Je considère qu'ils y ont droit, comme
tout le monde, oui.
Mme Lavoie-Roux: Et qu'on semble pénaliser, d'une certaine
façon, les francophones, parce qu'eux, ne l'ont plus. C'est ce que vous
avez dit. Pourquoi enlève-t-on aux francophones le libre choix? Ce n'est
pas dans votre mémoire? Peut-être pas textuellement, mais est-ce
qu'il n'y a pas cette idée?
M. Julien: Ce que je dis, c'est que le libre choix doit aller
à tout le monde, enfin, puisqu'on fait toujours ces divisions. Je serais
bien d'accord pour ne faire aucune division, mais étant donné
qu'on parle continuellement des anglophones, des francophones, des
minorités ethniques, alors j'ai pris chacun... Comme vous avez
remarqué, dans le mémoire, j'avais, étant donné que
le libre choix était accordé aux anglophones, enfin pour beaucoup
d'anglophones, on l'accorde, et comme je l'ai dit, du moins,
théoriquement, je n'avais pas parlé de cela dans mon
mémoire à l'origine. Je n'avais parlé que du droit des
minorités ethniques et le libre choix, les francophones et le libre
choix, disant que pour eux aussi, le libre choix doit exister pour tout le
monde. Il n'est pas question de privilège pour qui que ce soit. Comme je
l'ai dit, le droit de s'épanouir dans sa langue et sa culture, ce n'est
pas un privilège, ce ne doit pas être un privilège pour qui
que ce soit. C'est un droit sacré, c'est un droit normal. Il est juste,
il est humain qu'on l'accorde à tout le monde.
Mme Lavoie-Roux: Alors, vous reconnaissez que pour les
francophones, ce qui est vraiment le droit humain, le droit qu'il faut
respecter, c'est qu'il puisse être éduqué dans la langue
française.
M. Julien: Oui.
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
D'accord, Mme le député de L'Acadie. Le député de
Gaspé. Je soulignerai que, suite à votre
générosité, il vous reste cinq minutes.
M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Je vais employer
cinq minutes et pas une seconde de plus. Quand M. le ministre a fait allusion
à la Nuit de mai, de Musset, il me permettra d'en extraire un vers
c'est très loin pour moi qui s'applique très bien,
je crois, au témoin que nous avons entendu ce matin. "Lorsque le
pélican, lassé d'un long voyage," et le reste...
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Le temps est peut-être à la poésie, mais la parole
est au député de Gaspé.
M. Le Moignan: Ne baissez pas mes cinq minutes, s'il vous
plaît! Quand on sait que notre témoin est là
déjà depuis trois longues journées, je ne suis pas surpris
qu'il ait inscrit à la fin de son mémoire "Paix, liberté,
amour". Je pense que M. Julien est un apôtre de la paix. Dans le sermon
sur la montagne, on peut lire cette belle phrase "Bienheureux les pacifiques",
en d'autres mots, bienheureux les faiseurs de paix. Sur cette idée
d'amour et de liberté, on peut ne pas être d'accord sur tout ce
qui est inscrit dans ce mémoire, mais il me semble qu'il y aurait
là beaucoup d'éléments très positifs. C'est un
citoyen honnête, comme notre témoin l'a dit, qui vient s'adresser
ici à des députés, à des législateurs.
Quand il nous parle de Québécois et qu'il n'y voit qu'une
seule signification et qu'il y voit tous les gens qui résident au
Québec, à ce moment-là, il rejoint certainement mes
idées personnelles. Si le Québec a été formé
à partir de nos ancêtres, supposons, les premiers qui sont venus
ici, les Français, et quand on pense à cette liberté qui
était tellement chère à nos explorateurs, à nos
découvreurs, à nos missionnaires et, quand on pense aussi aux
luttes célèbres des années 1760 et qu'au lendemain de la
conquête, quand les Anglais ont tenté d'angliciser les quelques 60
000 Canadiens français de l'époque et, qu'avec tous les moyens
coercitifs qu'ils ont employés, ils n'y sont jamais parvenus,
aujourd'hui, je crois que si on regarde la situation dans son ensemble,
au-delà d'un million d'anglophones, qu'ils soient Anglais, ou qu'ils
soient assimilés aux anglophones, ce n'est pas avec des lois et ce n'est
pas avec certains voeux ou résolutions, dont j'ai pris connaissance dans
certains journaux et que l'on proclame que, d'ici dix ans, on pourra arracher
aux anglophones le droit de parler leur langue. Cela, c'est de la folie pure.
On n'arrache pas la langue d'un peuple, pas plus qu'on ne lui arrache sa
religion. On ne peut pas non plus imposer une langue.
Je suis d'accord sur certains points de la charte de la langue, comme
celui qui a écrit ce mémoire également. Il reste qu'il y a
certains changements, certains adoucissements et, quand nous la verrons plus en
détail, il n'y a aucun doute
que la prééminence du français, c'est tout à
fait normal et légitime dans une collectivité
québécoise et qu'avec le temps, on invite, qu'on essaie de
solliciter tous les autres groupes à acquérir la culture
française, on ne pourra jamais les assimiler pour autant. C'est la
même chose également, si on veut être logique, et quand le
premier ministre nous parle, nous dit que les francophones, les
Québécois devront aussi apprendre la langue anglaise, afin de
s'en servir comme un outil, je sais bien que le premier ministre ne veut pas
angliciser tous les Québécois. Ce n'est pas le but, non plus, du
témoin de ce matin, et je trouve qu'il y a là-dedans beaucoup
d'idées. On parle de valeurs morales, collectives, politiques. Ce
monsieur ne veut pas être un tombeau roulant, ni aucun d'entre nous. Il
nous parle d'autonomie et il nous parle de liberté individuelle...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Gaspé, il vous reste 30 secondes.
M. Le Moignan: Je vous en remercie, M. le Président. La
somme de nos libertés individuelles, je crois que c'est ça qui
fait la liberté collective et, M. le Président, j'ai vu quelque
part, dans ce mémoire, que le témoin est très
poète. Je laisse la parole à un autre intervenant et je lui dis:
C'est à votre tour de vous laisser parler d'amour.
Le Président (M. Cardinal): Est-ce que M. Julien veut, en
toute liberté, exercer un droit de réplique? Merci.
M. le député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: M. le Président, je voudrais constater
que notre entente avec M. Julien a été un moment
privilégié, sauf pour peut-être quelques allusions
politiques, que je ne discuterai pas. Je constate une extraordinaire
unanimité entre les membres de la commission, M. Julien, en nous
rappelant l'idéal, nous a mis d'accord sur des choses absolument
fondamentales.
Je voudrais signaler, par votre intermédiaire, M. le
Président, à M. Julien et je tiens à ce que le mot
soit bien compris que les positions qu'il soutient sont des positions
d'anarchiste, entendu dans le sens véritable de ce mot.
Les anarchistes, les philosophes anarchistes pensent qu'on pourrait fort
bien se passer de gouvernement, et bien que M. Julien ne l'ait pas dit
peut-être en ces mots, c'est un peu ce que j'ai saisi de sa
communication.
Je ne partage évidemment pas cette idée qu'on puisse se
passer de gouvernement, mais je partage en quelque sorte ce rêve secret.
Je crois que chacun de nous devrait avoir la capacité d'être, au
moins à certains moments, anarchiste et utopiste. Et si, M. le
Président, M. Julien a provoqué chez nous ce moment
privilégié, c'est peut-être en partie, puisqu'il nous a dit
lui-même qu'il est sensible et violent, parce que cet homme sensible et
violent...
M. Julien: Pas violent, agressif.
M. de Bellefeuille: ...agressif pardon a su,
à la fois manifester sa sensibilité et contenir son
agressivité, et c'est ainsi que M. Julien a passé parmi nous pour
faire tomber certains masques et nous faire retrouver tous ensemble, personnes,
pour ne pas dire hommes, puisque ce mot de nos jours paraît
discriminatoire.
Sur une position philosophique que M. Julien a soutenue, M. le
Président, je voudrais lui dire que je suis tout à fait d'accord
avec lui, lorsqu'il affirme que les droits individuels doivent primer les
droits collectifs. C'est une position philosophique tout à fait valable
avec laquelle, je crois, le gouvernement est tout à fait d'accord, mais
si le gouvernement est parfois porté à parler des droits
collectifs, c'est que, bien qu'il ne puisse jamais primer les droits
individuels, ils ont été dans notre société
c'est du moins notre point de vue négligés et c'est pour
cela que nous croyons utile de les remettre en honneur.
J'aurais aimé m'entretenir, par votre intermédiaire, M. le
Président, beaucoup plus longtemps avec M. Julien, mais je conclurai,
puisque le temps passe vite, avec une remarque à propos d'un passage de
son mémoire qu'il n'a pas repris de vive voix, si je n'ai pas eu de
distraction, c'est un passage qui est à la page 10 et dont je
considère qu'il est d'une profonde sagesse.
M. Julien, au milieu de la page 10 de son texte, nous dit, en parlant
des Amérindiens: S'il devait y avoir assimilation culturelle, ce sont
les visages pâles qui auraient avantage à se laisser assimiler par
les Indiens. Je crois que c'est là une observation fort sage. Je doute
que les faits, quant au nombre, la rendent collectivement ou massivement
réalisable, mais je verrais fort bien que des Québécois en
fassent, en quelque sorte, leur propre parti, qu'ils prennent le parti de se
rapprocher de la culture amérindienne et, s'ils le veulent, de s'y
identifier, parce que les phénomènes
d'interpénétration culturelle doivent toujours se faire dans tous
les sens imaginables. Merci, M. le Président, et merci, M. Julien.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député de Deux-Montagnes. Je m'excuse, il faut toujours que la
présidence redevienne très terre à terre à l'heure
qu'il est, nous devons suspendre nos travaux dans quelques minutes. Je voudrais
indiquer...
M. de Bellefeuille: M. le Président, est-ce que je
pourrais vous signaler que la pendule du salon rouge a une avance d'au moins
sept minutes?
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Deux-Montagnes, je le sais depuis le début, sauf que cela a toujours
été l'heure officielle pour tenir le temps de tout le monde et du
débat, tant au début qu'à la fin des assemblées.
Alors, à moins que le grand horloger du Québec ne vienne
modifier, à l'intermède, le jeu de cette horloge, je dois m'en
tenir à ce temps. Ce que je voulais dire avant que nous n'ajournions,
c'est qu'il nous reste présentement 21 minutes avec M. Julien. Je
demande à
M. Julien s'il est disposé, malgré le temps qu'il a
déjà passé avec nous, à revenir cet
après-midi.
M. Julien: Oui, d'ailleurs j'avais proposé ce matin, par
courtoisie pour celles qui sont arrivées hier matin, parce que j'aime
bien les femmes, donc par amour courtois, de les faire passer ce matin et moi,
j'étais prêt à passer cet après-midi.
Le Président (M. Cardinal): Alors, on vous attend cet
après-midi.
M. Julien: Je n'en suis plus à une heure près.
Le Président (M. Cardinal): D'accord.
Nous vous reverrons cet après-midi.
Il reste seize minutes au parti ministériel et cinq minutes au
parti de l'Opposition. Je voudrais aussi un instant, ce n'est pas
terminé men- tionner que le député de
Jonquière, qui me remplace à l'occasion, le fait d'une
façon très satisfaisante et je veux le remercier.
Ce matin, si j'étais absent, c'est justement à la suite
d'un désir de la commission. Je me suis entretenu avec certaines
personnes pour tenter de faire en sorte que le mode de convocation soit plus
souple et que les gens n'aient pas les périodes d'attente qu'ils doivent
subir présentement. Je m'excuse de mon absence, mais je pense que cela
peut satisfaire la commission. Enfin, je les remercie tous pour leur patience.
Les travaux de cette commission sont ajournés sine die,
c'est-à-dire suivant la motion que le leader parlementaire du
gouvernement proposera cet après-midi à l'Assemblée
nationale.
(Suspension de la séance à 12 h 58)
Reprise de la séance à 16 h 39
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, madame et
messieurs!
Nous avons quorum et comme c'est une nouvelle séance, je vais
faire l'appel des membres de la commission parlementaire permanente de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications. MM. Alfred
(Papineau), Bertrand (Vanier) est remplacé par Mme Leblanc
(Îles-de-la-Madeleine); MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Chevrette
(Joliette) remplacé par Charbonneau (Verchères); MM. Ciaccia
(Mont-Royal), de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Dussault (Châteauguay);
Go-din (Mercier) remplacé par Baril (Arthabaska); M. Grenier
remplacé par M. Biron (Lotbinière); MM. Guay (Taschereau),
Lalonde (Marguerite-Bourgeoys) remplacé par Gratton (Gatineau); MM.
Laplante (Bourassa), Laurin (Bourget), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie); MM. Le
Moignan (Gaspé), Paquette (Rosemont), Roy (Beauce-Sud), Saint-Germain
(Jacques-Cartier), Samson (Rouyn-Noranda).
Quant à l'ordre du jour je m'excuse de procéder si
rapidement, mais je veux employer le maximum de temps pour nos témoins
après M. Roger Julien, qui peut immédiatement venir
à la barre, The Montreal Women Council, le Conseil des femmes de
Montréal, représenté par Mme Lois Prénovost. Mme
Prénovost est-elle ici?
C'est le nom que j'ai d'indiqué, mais enfin. The Montreal Women
Council est ici? D'accord merci. Montreal Lakeshore University Women's Club.
Merci. Société nationale populaire du Québec. Merci.
Pierrefonds Comprehensive High School. Merci. Comité de coordination de
l'ensemble de la communauté grecque de Montréal. Merci. Institut
canadien de recherche sur les pâtes et papiers. À remettre. Les
Fils du Québec. Merci. M. G. Brousseau. Merci.
Au moment de l'ajournement sine die à 13 heures, nous avions
encore comme témoin M. Roger Julien, il reste présentement aux
députés 21 minutes distribuées comme suit: 16 minutes au
parti ministériel, il n'est pas obligé de les utiliser et 5
minutes au parti de l'Opposition officielle, elle n'est pas obligée de
les utiliser.
Personne n'avait demandé la parole. Est-ce que le
député de Châteauguay est ici? Non?
M. Dussault: Oui.
Le Président (M. Cardinal): Le député de
Châteauguay. Je m'excuse, M. le député de
Châteauguay.
M. Dussault: Merci, M. le Président. Notre témoin,
ce matin, a parlé d'agressivité et il m'a fait penser à
agression. Effectivement, le contenu de son rapport de ce matin faisait
allusion à des rencontres avec des ministres et des
députés.
Je pense qu'il est important que notre témoin se rende compte
d'une chose, c'est que les députés auxquels il a fait allusion
dans son exposé lui ont fait des remarques lorsqu'ils l'ont
rencontré. J'étais un de ceux-là, mais je dois dire que
cela ne s'est pas fait nécessairement dans un climat où je
pouvais, en toute aise, exprimer mon point de vue. Je me suis senti un peu
agressé. Je voudrais faire remarquer que l'agressivité peut mener
à une forme d'agression, ce qui fait qu'il faut en prendre conscience et
faire attention à ce qu'on fait, pour éviter, par la suite, qu'on
puisse interpréter des paroles qu'on peut tirer de cette forme
d'agression.
Je voudrais aussi porter à l'attention de notre témoin le
texte d'une philosophe française, Mme Simone Weil, qui est d'origine
juive, qui est morte à Londres en 1943, lors de l'invasion allemande. On
a rapproché ses écrits de "L'espoir" de Malraux et c'est un peu
dans ce sens que je me permets de l'apporter à la réflexion des
gens ici et de M. Julien.
Cela porte sur l'enracinement et c'est une des choses qui, à mon
point de vue, me paraissent importantes à retenir dans la philosophie
qui doit sous-tendre le projet de loi no 1 et aussi toute l'action de ceux
qu'on appelle les nationalistes au Québec parce que le nationalisme ne
mène pas nécessairement aux excès qu'on a connus dans le
passé. Je pense que c'est important de faire la distinction.
Si vous me le permettez, M. le Président: "L'enracinement est
peut-être le besoin le plus important et le plus méconnu de
l'âme humaine. C'est un des plus difficiles à définir. Un
être humain a une racine par sa participation réelle, active et
naturelle, à l'existence d'une collectivité qui conserve vivants
certains trésors du passé et certains pressentiments d'avenir,
participation naturelle, c'est-à-dire amenée automatiquement par
le lieu, la naissance, la profession, l'entourage. "Chaque être humain a
besoin d'avoir de multiples racines. Il a besoin de recevoir la presque
totalité de sa vie morale, intellectuelle, spirituelle, par
l'intermédiaire des milieux dont il fait naturellement partie.
Les échanges d'influences entre milieux très
différents ne sont pas moins indispensables que l'enracinement dans
l'entourage naturel, mais un milieu déterminé doit recevoir une
influence extérieure, non pas comme un apport, mais comme un stimulant
qui rende sa vie plus intense. Il ne doit se nourrir des apports
extérieurs qu'après les avoir digérés et les
individus qui le composent ne doivent les recevoir qu'à travers lui.
"Quand un peintre de réelle valeur va dans un musée, son
originalité en est confirmée. Il doit en être de même
pour les diverses populations du globe terrestre et les différents
milieux sociaux".
Je voudrais que ce texte puisse servir de réflexion à M.
Julien quand il nous dit et surtout quand il nous a avancé quasiment
comme une prémisse de ses positions qu'il était un citoyen du
monde avant d'être un citoyen d'ici. J'ai trouvé cet avancé
fort gentil, mais sans fondement dans la réalité humaine.
Le Président (M. Cardinal): Est-ce que le témoin
peut répondre?
M. Julien: Je n'ai pas besoin de réfléchir
longtemps. Je suis tout a fait d'accord sur la lec-
ture qu'on vient de faire. Je pense qu'avec les racines que nous avons,
nous allons créer quelque chose au Québec de drôlement
intéressant. Quand je signe, à la fin de mon mémoire
cela fait quelques années que je ne puis signer autrement
citoyen "Kébécois" du monde, quand je prends la peine de mettre
d'abord "Kébécois", c'est que, définitivement, je sens que
j'ai des racines particulières à cette communauté ethnique
ou, enfin, j'ai un sentiment d'appartenance à cette nation, à
cette collectivité, enfin, j'ai des racines ici qui font que je me
définis comme citoyen québécois. Je n'ai jamais senti
d'appartenance..., je n'ai jamais pu me dire citoyen canadien, je n'ai jamais
pu dire cela. Je n'ai jamais eu un sentiment d'appartenance au Canada.
...Citoyen québécois du monde, parce que je me sens, d'abord et
avant tout, oui, citoyen du monde. Je crois à l'abolition urgente des
frontières. Pour ma part, cela fait longtemps que les frontières,
cela n'existe plus. Elles sont là, mais...
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Vous avez
terminé?
M.Julien: Oui.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Vous avez cinq minutes pour
tout le parti.
M. Ciaccia: Ne commencez pas tout de suite, je vais ajuster ma
montre. Merci.
Le Président (M. Cardinal): Nous avons une seule horloge
officielle, elle est juste devant vous.
M. Ciaccia: M. le Président, pour le témoignage que
M. Julien nous a apporté ce matin et les réponses qu'il donne, je
dois dire: Bravo, M. Julien.
Vous avez vraiment démontré du courage, pas celui de nous
apporter des thèses idéalistes, mais en ce sens que vous nous
avez apporté des idées que, parfois, beaucoup de gens semblent
oublier. Ce sont des valeurs qui existent dans notre société. Par
votre réaction, vous avez pu faire percevoir un aspect humain au
problème linguistique. Cette réaction s'est vue dans le
mémoire que vous nous avez présenté, mais aussi dans la
manière dont vous l'avez présenté. Ce n'est pas pour vous
jeter des fleurs que je vous dis cela, c'est une réaction que j'ai eue
à votre présentation. Je la compare, par exemple, à la
réaction du ministre à de telles présentations. Je
pourrais dire que, dans votre cas, vous avez démontré que vous
avez du sang dans les veines, pas du fiel. Vous parlez de droits individuels,
vous parlez de liberté. Je crois que, dans le contexte habituel, c'est
très important de réaliser que, s'il y a eu des problèmes
dans le passé, ce n'est pas parce que les droits collectifs ont
été brimés. Oublions cela. Les droits collectifs sont
assujettis à des abus comme nous en connaissons tous. S'il y a eu des
abus dans le passé, c'est parce que les droits individuels ont
été brimés, parce que nous avons tous des droits
individuels, que nous soyons anglophones, francophones, cela fait que nous
sommes des personnes ici, au Québec, nous avons des droits individuels.
C'est cette largeur d'esprit que j'ai appréciée dans votre
mémoire. Vous réalisez que ce n'est pas par la coercition que
nous allons bâtir notre société, parce que ce serait une
pénible société, s'il fallait passer par de telles
lois.
J'ai remarqué vos remarques sur les Indiens. Permettez-moi de
vous raconter un fait, et c'est très approprié,
spécialement dans le contexte actuel. Je me souviens, pendant que je
négociais l'entente de la baie James, dans laquelle on a
protégé les droits culturels et les droits linguistiques des
chefs indiens de la baie James. Je lui ai dit: Quand vous étiez ici,
vous étiez ici les premiers, quand les visages pâles sont venus,
pourquoi, pendant que vous étiez les plus nombreux, n'avez-vous pas eu
un référendum pour décider qui, à l'avenir,
pourrait ou non venir dans votre pays?
Je lui ai demandé cela et il m'a répondu: Parce qu'on ne
voulait pas être des sauvages.
Alors, votre référence, à savoir qu'on peut prendre
certains exemples, je crois, est très appropriée. Je vois le
contraste entre votre approche et celle du témoin antérieur qui,
lui, parlait d'une cohérence et de dirigisme. Dans notre
démocratie, parfois on n'a pas de cohérence, c'est vrai. Mais
c'est notre démocratie qui a permis au Parti québécois de
prendre le pouvoir et je n'en voudrais pas autrement. Parce qu'avec une
cohérence, c'est vrai que vous pourriez empêcher certaines
idées et certaines choses d'arriver, mais, Dieu merci! nous vivons
encore dans la démocratie et la tolérance, plutôt que cette
cohérence et cette coercition dont parlait le témoin
antérieur.
En conclusion, M. le Président, quand le ministre parlait, il
disait que c'était une utopie, que c'est utopique. Premièrement,
ce n'est pas une utopie, ce qu'il nous a dit. C'est la vérité,
c'est réaliste. Mais, même si vous voulez vous
référer aux propos de ce témoin comme utopiques,
permettez-moi de vous dire, M. le Président, que je
préfère l'utopie de M. Julien, telle que décrite dans son
mémoire, que le cauchemar du dirigisme et de la coercition de
l'État manifesté dans le projet de loi no 1.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député de Mont-Royal. Vous n'auriez pas eu besoin de regarder
votre montre. Il vous restait 30 secondes.
Est-ce que le témoin veut répondre?
M. Julien: Seulement à une expression, peut-être,
qu'on emploie souvent: Nous sommes en démocratie. Heureusement, nous
vivons en démocratie. Dame démocratie n'est pas encore
née; elle est à l'état de foetus. Cela aussi, ça
fait partie de l'utopie qui sera bientôt réalité.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Rosemont.
M. Paquette: M. le Président, j'ai été
très intéressé par le mémoire de M. Julien.
Je partage l'orientation fondamentale de la nécessité de
mettre d'abord l'accent sur la responsabilité des individus avant de
mettre l'accent sur les lois pour effectuer des changements sociaux. Mais
j'aimerais quand même rapprocher cet accord de principe d'une autre
déclaration du témoin qui nous a dit qu'il fallait, bien
sûr, pour que le problème de l'école française, du
fait français au Québec, et particulièrement au niveau de
l'école se règle de lui-même, franciser le paysage, faire
en sorte que le français soit la langue de travail, soit la langue de
communication normale. Le témoin s'est dit d'accord à ce moment
pour qu'il y ait une certaine coercition pour établir le français
dans tous ces domaines de la vie collective. Par contre, le témoin dit:
Sur le plan de l'école, il me semble qu'on devrait accorder le libre
choix et laisser place à la responsabilité des individus.
Je vais lui poser une question concernant ce fait. J'ai ici des chiffres
du ministère de l'Éducation qui datent de mars 1977 qui
démontrent que, particulièrement sur le territoire de l'île
de Montréal, le nombre d'enfants inscrits à l'école
française a diminué de 23,5% pendant que le nombre
d'élèves inscrits à l'école anglaise a
diminué de 7,9%. En 1970/71, il y avait 63,5% des enfants de l'île
de Montréal qui étaient inscrits à l'école
française et, en 1975/76, il y en avait 59%.
Évidemment, on a tablé longtemps sur la
responsabilité des individus et je suis convaincu également que,
dans un autre arrangement constitutionnel, on pourrait, je l'espère,
revenir, réduire la coercition et laisser plus de place à la
responsabilité des individus comme dans n'importe quel pays.
Naturellement, les immigrants s'intègrent à la langue de la
majorité, ce qui n'est manifestement pas le cas au Québec et qui
explique cette diminution de la proportion des enfants à l'école
française.
Le témoin ne pense-t-il pas que cette diminution du nombre
d'enfants a l'école française et cette augmentation du nombre
d'enfants qui s'intègrent à la culture anglophone ne risquent pas
justement de nous amener, éventuellement, à augmenter la
coercition dans les autres domaines, dans la mesure où il y aura un plus
grand nombre de Montréalais qui vont s'intégrer à la
culture anglophone? Je pense que c'est inévitable si on laisse les
choses aller, peu importe le genre de campagne incitative qu'on pourra faire.
Si les efforts qu'on fait du côté de la langue de travail, de la
langue des communications sont contrebalancés par une résistance
plus grande, par un plus grand nombre de personnes qui s'intègrent
à la culture anglophone, ne pourrait-on pas se retrouver avec exactement
la situation inverse, c'est-à-dire qu'on sera obligé d'augmenter
la coercition dans le domaine économique et dans le domaine de la langue
du travail parce qu'on n'aura pas pris certaines responsabilités au
niveau de la langue d'enseignement?
M. Julien: C'est ce que je dis, il faut augmenter la coercition,
là où il faut l'augmenter, d'accord, du côté des
institutions, du côté des personnes morales, s'il le faut,
oui.
M. Paquette: Évidemment, ce que vous nous dites, c'est
d'en utiliser le moins possible et de faire appel à la
responsabilité des individus, ce sur quoi je suis d'accord, mais je vous
demande un jugement sur la situation actuelle. Ne pensez-vous pas que l'on
doive limiter l'accès à l'école anglaise, du moins pendant
un certain temps, espérons que cela va être le moins longtemps
possible, de façon à éviter qu'on soit obligé
d'être plus coercitif dans le domaine de la langue de travail et de la
langue de l'administration?
M. Julien: Non. Ce que je dis, c'est que ce gouvernement doit
donner le plus tôt possible, des preuves très tangibles que, au
vouloir qui est exprimé dans le projet de loi, à ce vouloir, peut
se juxtaposer un pouvoir très réel de prendre les moyens qu'il
faut, vite et bien, pour que tout francophone puisse travailler dans sa langue,
pour que le paysage soit français. Et je dis que, peu importe le nombre,
quand bien même ce serait 50% des francophones actuellement qui seraient
à l'école anglaise, ces francophones qui seraient à
l'école anglaise seraient un peu pour les mêmes raisons que les
nouveaux Québécois, ceux qui arrivent, pour des raisons
économiques, étant donné que la langue du travail, c'est
l'anglais. Alors, vous les avez, vous connaissez les raisons pour lesquelles
les francophones vont à l'école anglaise. Ce sont ces raisons
auxquelles il faut s'attaquer. C'est toujours la même chose, s'attaquer
aux causes quand on veut régler un problème.
M. Paquette: Je veux simplement ajouter que c'est ce que fait le
projet de loi. On s'attaque d'abord aux causes...
M. Julien: Oui, d'accord.
M. Paquette: ... ce qui nous a permis d'être relativement
ouverts sur le plan de la langue d'enseignement.
M. Julien: Oui, ne nous attaquons qu'aux causes, mais il faut s'y
attaquer vraiment et résolument.
Le Président (M. Cardinal): Est-ce que M. le
député de Rosemont a terminé? M. Julien, nous avons fini
de vous entendre, de vous interroger. Nous vous remercions de votre patience et
de votre collaboration. Je vais appeler un autre groupe devant nous. Merci.
M. Julien: Bienvenue.
Le Président (M. Cardinal): Le Montreal Women Council. Le
Conseil des femmes de Montréal. Je vous prierais de vous approcher,
d'identifier chacun des représentants ou des représentantes
plutôt, le masculin ne l'emportant plus sur le fémi-
nin. Alors, mesdames, veuillez, s'il vous plaît, vous identifier
individuellement et identifier votre mouvement. Vous avez 20 minutes pour
présenter votre mémoire.
The Montreal Women Council
Mme Williams: M. le Président, messieurs et madame les
membres de la commission, je veux me présenter. Mon nom est Mme Emmy
Williams, je suis la présidente du Conseil des femmes de
Montréal. Mme Catherine Smith est à ma gauche et Mme Norah
Bengough à ma droite.
Il y a quelques semaines, l'évêque anglican de
Montréal, le Rév. Reginald Hollis, s'est prononcé dans le
Montreal Churchmen sur le livre blanc sur la langue française au
Québec. Il a dit que, puisque nous avons la liberté de parole, il
est évident que c'est notre devoir de parler. Si nous avions peur de
nous exprimer devant vous, nous aurions vraiment quelque chose à
craindre. Nous sommes ici pour discuter raisonnablement les recommandations de
notre association et nous vous en sommes reconnaissantes.
Avant de commencer, il me faut peut-être dire quelques mots de
notre association, l'association que je représente. Le Conseil des
femmes de Montréal est une fédération fondée en
1893 et, à ce moment-là, le groupe avait à peu près
90 ou 95 associations. Le Conseil des femmes de Montréal est une
association membre du Conseil national des femmes du Canada et du Conseil
international des femmes. Le but de ce conseil est de faciliter les contacts
entre les diverses associations par l'intermédiaire de la
fédération. Le conseil sert de liaison et aide à
l'accomplissement de tout travail d'un intérêt commun. Nulle
association affiliée au conseil ne perd son indépendance quant
aux vues qu'elle poursuit ou aux méthodes utilisées.
Elle n'est liée par les principes d'aucune autre association
membre du conseil. Chaque association est représentée par sa
présidente et deux délégués.
Permettez-moi de souligner le plan que nous avons suivi en
préparant notre mémoire. Tous nos membres ont eu l'occasion de
s'exprimer; avec un comité ad hoc, nous avons formulé une prise
de position sur le livre blanc, et elle a été acceptée
à notre réunion le 20 avril. Nous avons utilisé notre
prise de position comme document de travail pour sonder nos organismes
affiliés au sujet de la charte. Après avoir reçu les
réponses, nous avons rédigé notre mémoire qui,
après des amendements, a été accepté à notre
assemblée annuelle le 18 mai. Mais, puisque la langue de travail de
notre association est l'anglais, le texte anglais est notre version officielle.
Je regrette que les textes anglais et français que vous avez
reçus contiennent plusieurs erreurs de traduction imputables à la
hâte mise à les faire.
J'ai donné des copies des feuilles blanches au secrétaire,
elles sont une meilleure traduction que les versions contenues dans les
feuilles bleues. S'il vous plaît, mettez-les au rancart.
Je vais commencer maintenant à la page 1. Je vais
répéter un peu.
Une fédération de 95 organismes, représentant un
sociétariat de 100 000 membres, le Conseil des femmes de Montréal
travaille depuis 1893 à l'amélioration des conditions sociales.
Bien que les sociétés fédérées qui composent
le Conseil des femmes de Montréal jouent des rôles
différents au sein de la fédération (organismes
volontaires, professionnels, culturels, ethniques et/ou religieux), toutes sont
unanimes lorsqu'elles déclarent que chaque citoyen a droit à la
dignité, à la justice et aux chances d'avancement qui lui
permettront de s'épanouir et de se développer pleinement dans un
univers de plus en plus complexe.
Objectifs visés par ce document. En accord avec cette ligne de
pensée, le Conseil des femmes de Montréal juge qu'il est de son
devoir de commenter la Charte du français au Québec,
publiée le 27 avril 1977. Nous avons rédigé ce document en
tant que Canadiens nés ici ou ayant choisi d'y émigrer jouissant
de droits égaux et régis par les lois du Québec.
Nous sommes d'accord pour que le gouvernement du Québec procure
aux individus qui le désirent, la possibilité de travailler, de
vivre et de s'épanouir en français. Néanmoins, nous
soutenons que ceci ne doit pas être accompli au détriment des
droits de la personne ni aux dépens des principes démocratiques
dont nous jouissons.
Depuis quinze ans, le Conseil des femmes de Montréal encourage et
soutient la communauté francophone dans son épanouissement
culturel. Cependant, nulle part dans le préambule de la charte, il n'est
fait mention de cette bonne volonté qui existe dans notre
communauté, le gouvernement s'étant contenté
d'étaler des statistiques et des attitudes depuis longtemps
améliorées. Les attitudes ont changé et les écarts
de salaires ont été réduits considérablement. Ce
que l'on peut encore constater, cela s'explique par d'autres facteurs dont,
entre autres, le degré d'instruction. Le gouvernement a choisi d'ignorer
ou de minimiser le chemin parcouru, se contentant de présenter son point
de vue influencé par des préjugés, sans tenir compte de la
bonne volonté qui a été démontrée depuis de
nombreuses années.
De plus, nous croyons que le gouvernement a outrepassé
considérablement le mandat qui lui a été confié en
adoptant comme il le fait, le statut d'indépendance, confondant ainsi
des idéologies politiques avec la responsabilité d'offrir au
peuple un gouvernement constitutionnel et efficace. La charte refuse de
reconnaître les pouvoirs contenus dans l'Acte de l'Amérique du
Nord britannique, particulièrement à l'article 133, mais ceci ne
diminue en rien la portée de cet acte vis-à-vis des citoyens.
Nous tenons pour acquis la primauté de la langue française au
Québec mais soutenons que le Québec est une province parmi
d'autres provinces et que ses citoyens ont tous les mêmes droits, tel que
stipulé par l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Il faut
parfois souffrir ensemble.
Dans la limite de nos connaissances et champs d'activités, nous
commenterons les articles de la Charte de la langue française au
Québec qui, selon nous, violent davantage les libertés
individuelles.
Nous rejetons, dans sa totalité, l'article 172. La Charte des
droits et libertés de la personne, proclamée en 1975,
garantissait, par l'article 10, à tous les citoyens du Québec:
"Toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en
pleine égalité, des droits et libertés de la personne,
sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la
race, la couleur, le sexe, l'état civil, la religion, les convictions
politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale ou la condition
sociale".
Le projet de loi no 1 supplanterait par le fait même la Charte des
droits et libertés de la personne en vertu de l'amendement à
l'article 52 qui voudrait annuler ou réduire ces droits en apportant des
distinctions, des exclusions ou des préférences.
Les citoyens canadiens d'origine ou par adoption jouissent actuellement
de droits égaux et devraient continuer de bénéficier de
ces droits. L'imposition de lois différentes pour certaines classes
d'individus nous a menés à une société
divisée en castes. Les individus privilégiés en raison de
leur origine, de leur niveau d'instruction, de leur langue ou de leur richesse
deviendraient ainsi l'élite, une élite qui ne repose ni sur la
capacité de ses membres, ni sur les contributions à la
société, mais qui s'appuieraient tout simplement sur les
suppositions a priori.
Nous recommandons d'abord que tous les articles de la Charte de la
langue française au Québec soient conformes aux clauses
stipulées dans la Charte des droits et libertés de la
personne.
La Charte de la langue française est basée sur de fausses
affirmations. La première phrase du préambule présume que
le français est la langue de tous les citoyens du Québec.
Les sections 2 à 6 inclusivement sont fondées sur ce
principe. Ceci est absolument faux. Il est évident que le mot
"Québécois" ne s'applique ici qu'aux Canadiens de langue
française originaires du Québec, mettant ainsi à
l'écart 20% de la population.
Nous acceptons pleinement la primauté de la langue
française dans la mesure où les droits reconnus par l'article 133
de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique ne sont pas brimés.
Nous reconnaissons également que l'égalité entre individus
doit être le principe de base d'une société
démocratique.
Nous recommandons que tous les citoyens puissent jouir de droits
égaux et ce, sans égard à leur origine, et que ce principe
soit clairement énoncé dans la charte. S'il vous plaît,
biffer les mots qui suivent: La langue de la Législature et des
tribunaux. À tous les niveaux, devant les tribunaux, les avocats doivent
pouvoir plaider les causes de leurs clients dans la langue de ces derniers. Les
jugements rendus doivent l'être dans la même langue, afin que
toutes les nuances de la loi soient bien comprises. Les origines des lois
québécoises sont tirées des lois françaises et
anglaises et l'on se doit d'accepter cette réalité.
Nous recommandons donc que les textes des jugements soient rendus
officiellement en français ou en anglais, selon la juridiction
officielle, et que les révisions appropriées soient
apportées à l'article 13.
Langue de l'administration publique: Les articles 14 à 22 qui
exigent l'usage exclusif du français dans l'administration des corps
publics et des écoles, obligation confirmée par l'article 23,
sont irréalistes. L'article 21 est artificiel et non rentable, alors que
l'article 19 peut conduire à certains excès. Bien que nous soyons
d'accord pour que les communications externes avec le gouvernement se fassent
en français, nous croyons que les communications internes avec les
contribuables doivent pouvoir se poursuivre dans la langue de la population en
vertu du corps administratif et responsable. Il y a un changement ici. Je vais
le lire très lentement. Nous recommandons que des exceptions soient
faites clairement et sans équivoque concernant les services publics qui
desservent une population à prédominance anglophone.
M. Charbonneau: M. le Président, si vous voulez
répéter la modification au texte, s'il vous plaît!
Mme Williams: Je vais la lire lentement. Nous recommandons que
des exceptions soient faites clairement et sans équivoque concernant les
services publics qui desservent une population à prédominance
anglophone. D'accord.
La langue des affaires et de l'industrie: Le Conseil des femmes de
Montréal croit fermement que l'article 47 empiète sur les droits
de la personne. Nous trouvons inadmissible le projet qui vise à enlever
ou à détruire les panneaux et enseignes localisés sur les
propriétés privées, ce qui constitue, à notre avis,
une intrusion dans la vie privée et porte atteinte aux principes
démocratiques que chérissent les citoyens. Nous recommandons que
l'article 35 de la loi 22 soit retenu afin que les enseignes puissent
être rédigées en français ou en français plus
une autre langue.
Nous craignons que l'article 46 ne soit irréaliste et qu'il ne
devienne un fardeau financier et psychologique pour certaines régions de
la province. Les exigences linguistiques des différentes régions
sont influencées autant par des facteurs socio-économiques que
par la répartition de la population. Pourtant, ces données ne
sont pas reconnues à l'intérieur de la charte.
Si toutes les recommandations de la charte deviennent loi, plusieurs
droits acquis seront retirés. Ceci ne doit pas être permis dans
une société démocratique dont nous faisons toujours
partie. La charte voudrait imposer d'autorité des valeurs non conformes
aux désirs de la population. La liberté d'expression doit
demeurer un droit acquis dans une société démocratique et
nous présumons que le Québec demeurera une société
démocratique.
Nous recommandons que soient rayés les articles 46 et 47, car
nous croyons qu'ils empiètent sur la liberté d'expression dans
toutes ses formes.
La langue d'instruction: Nous félicitons le gouvernement pour
avoir souligné la nécessité d'un bon enseignement au
niveau du français écrit et parlé. Cependant, le Conseil
des femmes de Montréal déplore beaucoup que le gouvernement ait
décidé unilatéralement de restreindre fortement le
système d'éducation anglophone. La qualité du
système d'éducation francophone ne doit pas être
améliorée aux dépens du système scolaire
anglophone, lequel est bien établi depuis longtemps. Un excellent
enseignement dans les deux langues dans toutes les écoles du
Québec diminuera la nécessité de devoir faire un
choix.
Puisque nous avons grand besoin, au Québec, de personnes
instruites et bilingues, tant anglophones que francophones, l'enseignement
d'une langue seconde ne doit pas être négligé. Parce que la
Charte de la langue française au Québec n'apporte pas de
solutions concrètes pour un meilleur enseignement d'une langue seconde
à l'intérieur du système scolaire francophone, il est
à craindre que la majorité des personnes de cette province seront
isolées et écartées de la place importante qui leur
revient au sein du contexte économique nord-américain.
Le Conseil des femmes de Montréal, dont le sociétariat se
compose de membres francophones et anglophones, déplore la polarisation
et le fractionnement de sa province. Nous devons également respecter les
droits à l'enseignement religieux des minorités, tel que
stipulé dans l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique.
Nous recommandons donc que l'article 52a soit révisé pour
se lire comme suit (il y a une correction ici): i) Un enfant dont le
père ou la mère est un/une citoyen(ne) canadien(ne) et dont la
langue de scolarisation de l'un ou de l'autre a été l'anglais.
ii) Un enfant dont le père ou la mère est un/une immigrant/e
reçu/e à la date d'entrée en vigueur de la loi si la
langue de scolarisation de l'un ou de l'autre a été
l'anglais."
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mme
Williams, je me permets de vous informer que le temps est maintenant
expiré, mais j'espère que les membres de la commission n'en
voudront pas à la présidence si je vous accorde cinq minutes
supplémentaires, compte tenu des efforts extrêmement manifestes et
louables que vous faites actuellement.
Si les partis n'ont pas d'objection et comme vous êtes rendue
à la fin de votre mémoire, je vous accorde un cinq minutes
supplémentaires.
Mme Williams: Je peux continuer. Très bien.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui.
Mme Williams: Je vais lire un peu plus vite, "b) Nous
recommandons donc également la liberté de choix entre n'importe
lequel des systèmes scolaires pour les enfants qui souffrent de troubles
d'apprentissage ou qui sont handicapés physiquement ou/et
mentalement.
La Commission de surveillance et les demandes de renseignements. Le
Conseil des femmes de Montréal s'inquiète surtout de la mise en
place d'un comité de surveillance (article 121). Les pouvoirs
étendus, mais non encore définis qui lui sont accordés par
les articles 131, 132, 133 et 139 pourraient être mal
interprétés et mener à des abus de tous genres. Nous
craignons que, dans les mains de bureaucrates, cette commission pourrait
acquérir les pouvoirs d'un État policier et qu'une telle loi
puisse facilement devenir oppressive et punitive selon l'humeur d'une
bureaucratie impersonnelle. Par le passé, le Conseil des femmes de
Montréal a protesté vigoureusement contre l'octroi de pouvoirs
trop étendus à des commissions d'enquête, à des
agents du gouvernement ou à des personnes désignées par un
ministère et dont les actes ne sont pas contrôlés par les
tribunaux; ces pouvoirs empiètent sur la liberté et la vie
privée des citoyens.
Nous déplorons le ton autoritaire utilisé dans ce titre et
recommandons que la charte soit révisée afin d'assurer le
maintien des droits à la liberté et à la vie privée
pour tous les citoyens de la province de Québec.
Un des objectifs primordiaux du Conseil des femmes de Montréal
est de travailler à l'amélioration des conditions sociales; mais,
sans un contexte économique stable, les contributions fiscales devenues
inadéquates ne permettront pas d'améliorer les conditions
sociales ou les affaires culturelles. Nous croyons que le fait de saper la
bonne entente et le climat de confiance au sein du monde des affaires
affaiblira le contexte économique de notre province, mettant ainsi en
péril les programmes d'aide sociale. C'est quelque chose de très
important pour notre association.
C'est pourquoi le Conseil des femmes de Montréal s'interroge
quant aux règlements sévères qui émanent des titres
II et IV; ces règlements qui pourraient faire fuir les investissements
financiers du Québec et qui pourraient priver ainsi notre province
d'emplois, d'industries et de salaires. Quoi qu'on en pense, la plupart des
industries fonctionnent suivant le système de profits et pertes et elles
investiront là où la productivité est à un niveau
élevé. La technologie moderne requiert un personnel
compétent dans quelque domaine que ce soit et les exigences d'une telle
loi décourageront une immigration de gens qualifiées,
réduisant ainsi la mobilité interprovinciale et internationale et
nuisant encore plus au climat économique du Québec. Il est
évident qu'un climat de confiance doit régner pour qu'un pays
soit en bonne santé économique. Nous croyons donc qu'un climat de
confiance doit régner de nouveau au Québec. En
conséquence, nous recommandons que le monde des affaires soit
consulté afin que la Régie de la langue française et de
francisation ainsi que le Conseil consultatif de la langue française
puissent refléter la réalité économique de
l'Amérique du Nord au-delà des exigences de l'industrie
québécoise.
Conclusion. Ce document s'est surtout préoccupé des droits
de chaque citoyen. Nous craignons l'usage inconsidéré d'agences
gouverne-
mentales et de fonctionnaires pour la mise en application et
l'administration d'une philosophie politique, car ils mènent souvent
à des abus de pouvoir. Les bureaucrates et les technocrates qui
décréteront des lois encore à venir seront, pour la
plupart, inconscients des besoins individuels des citoyens.
Le Conseil des femmes de Montréal est conscient du fait que la
structure bureaucratique est expansionniste au point de devenir parfois
encombrante et qu'elle devient de plus en plus onéreuse pour les
contribuables. Un grave danger existe quant à la liberté
d'expression des citoyens à cause de cette bureaucratie et des
règlements qu'on peut imposer sans tenir compte des besoins individuels
des citoyens dans une société pluraliste. Nous reconnaissons que
le Québec n'est pas homogène au plan linguistique. Nous
regrettons sincèrement qu'on n'en ait pas tenu compte dans le projet de
la Charte de la langue française au Québec. Le Conseil des femmes
de Montréal croit fermement qu'un climat de confiance doit à
nouveau régner dans toutes les couches de la société
québécoise.
La langue et la culture françaises doivent être
protégées, mais ceci doit être accompli de façon
réaliste. La mise en place de mesures coercitives et la promulgation de
lois discriminatoires ne sont pas de bons moyens pour faire un Québec
fort et bien enraciné dans le XXe siècle.
Nous, membres du Conseil des femmes de Montréal,
réaffirmons notre fierté et notre foi dans le Québec. Nous
sommes ici chez nous. Merci, monsieur.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci
beaucoup, Mme Williams. J'ose espérer que vous avez remarqué la
tolérance de la présidence. Je ne voudrais pas, par exemple, que
ce soit considéré par les autres groupes comme un
précédent nécessairement. Je cède la parole
à M. le ministre.
M. Laurin: Je veux d'abord remercier le Conseil des femmes de
Montréal pour son mémoire. Je voudrais d'abord vous demander,
madame, étant donné que le bottin téléphonique ne
donne que le nom anglais de votre organisme, c'est-à-dire The Montreal
Council of Women, si la raison sociale de votre organisme est anglaise ou
bilingue.
Mme Williams: Mais est-ce que vous avez une copie? Nous avons les
deux noms.
M. Laurin: Non. Je dis: Étant donné que le bottin
de téléphone ne contient que...
Mme Williams: Ah oui!
M. Laurin: ... le nom anglais de votre organisation, je vous
demande si la raison sociale de votre organisme est uniquement anglaise ou
bilingue.
Mme Williams: Je pense que la raison, c'est un mot difficile,
mais la majorité de nos membres est anglophone et c'est une chose
à laquelle nous n'avons pas pensé. C'est vrai, c'est seulement en
anglais dans l'annuaire et peut-être que nous allons changer cela tout de
suite, parce que nous avons onze associations qui sont bilingues, nous avons
plusieurs membres francophones, mais majoritairement, nous sommes
anglophones.
M. Laurin: Vous dites, à la page 2, que votre organisme
encourage et soutient la communauté francophone dans son
émancipation culturelle depuis quinze ans. Est-ce que vous pourriez me
mentionner quelques-unes des initiatives que vous avez prises dans ce sens et
qui témoignent de votre action?
Mme Williams: Oui, certainement, parce que nous avons suivi de
très près le progrès du système scolaire au
Québec et je ne veux pas répéter ce que les personnes de
Richelieu Valley ont dit hier, mais nous avons appuyé très
fortement les cours d'immersion totale dans les écoles anglophones. Je
pense que c'est peut-être la chose la plus importante que nous avons
faite.
Nous avons travaillé dans le domaine des droits de la personne et
c'est sans distinction, comme vous le comprenez, ensuite, c'est une chose
très importante que le passe-temps national de nos membres est de suivre
des cours de français, au niveau personnel. En plus de ça, nous
travaillons avec les associations francophones et je peux vous dire que ce que
nous faisons avec elles et depuis nous travaillons aussi en français
avec le Conseil du statut de la femme. Est-ce assez?
M. Laurin: Vous dites que vous avez soutenu la communauté
francophone dans son émancipation culturelle. Je voulais vous demander
ce que vous avez fait...
Mme Williams: Mais peut-être...
M. Laurin: ... pour faire avancer la cause de la
communauté française, par exemple?
Mme Williams: Peut-être que... je ne veux pas entrer dans
la sémantique maintenant, mais je pense que si je veux parler au niveau
pratique, je comprends peut-être mal, une des choses que je comprends de
la communauté francophone, c'est qu'elle veut que le français
devienne la langue de communication et, dans ce domaine, c'est pour nous un
certain appui d'essayer de nous impliquer dans la vie quotidienne
québécoise en français.
M. Laurin: À la page 3, vous dites que les citoyens
canadiens jouissent actuellement de droits égaux et devraient continuer
à bénéficier de ces droits, établir des lois
différentes pour certaines classes d'individus, c'est faire en sorte que
la société devienne caste, c'est-à-dire forme des
individus privilégiés. Étant donné que les
francophones dans les autres provinces du Canada sont des citoyens canadiens et
qu'ils n'ont peu ou presque pas des droits que les anglophones ont ici au
Québec, diriez-vous qu'ils sont des citoyens de
seconde classe, qu'ils appartiennent à une sous-caste et que tous
les anglophones, dans les autres provinces, appartiennent à une caste
privilégié?
Mme Williams: C'est une question très difficile. Non, je
pense que si nous voulons faire des comparaisons avec les francophones des
autres provinces, avec les anglophones ici, c'est ça que vous voulez
dire? Ou que les anglophones des autres provinces sont
privilégiés?
M. Laurin: Non, vous affirmez que les citoyens canadiens
jouissent actuellement de droits égaux partout au Canada et qu'il ne
faut pas établir des lois différentes afin de ne pas créer
une classe de privilégiés et de ceux qui le sont moins.
Étant donné que tout le monde sait que dans les autres provinces
du Canada, les francophones n'ont pas les droits que les anglophones ont ici,
est-ce que ça veut dire que les anglophones ailleurs au Canada
appartiennent à la caste des privilégiés?
Mme Williams: Je ne pense pas. Mais ici, quand nous disons les
citoyens canadiens d'origine ou par adoption jouissent actuellement de droits
égaux, je pense que ce que nous voulons dire, c'est que les citoyens
ici, au Québec, jouissent actuellement de droits égaux. Je pense
que la crainte ici est que les changements proposés vont changer
ça, par exemple à l'article 52, quand ça va nous donner
deux classes de citoyens canadiens, parce que les Canadiens qui viendront de
l'extérieur n'auront pas les mêmes droits que j'ai ici avec mes
enfants. C'est ça que ça veut dire, ce sont les Canadiens ici.
Peut-être que ce serait mieux si nous avions dit les
Québécois ici, mais ce sont des Canadiens ici au
Québec.
M. Laurin: À la page 2, vous dites que le gouvernement, en
présentant une loi comme celle qu'il présente, fait comme s'il
était déjà indépendant.
Est-ce que vous connaissez l'article 92 de l'Acte de l'Amérique
du Nord britannique...
Mme Williams: J'en ai une copie avec moi.
M. Laurin: ...qui donne aux provinces une juridiction sur
plusieurs compétences, dont l'éducation, par exemple?
Est-ce que cela veut dire que vous pensez qu'il est interdit à
une province, actuellement la province de Québec, de
légiférer en matière d'éducation, de langue, de
communication ou d'affaires, parce que faire cela serait déjà
proclamer l'indépendance et rejeter le fédéralisme?
Mme Williams: II y a deux choses que nous discutons ici. Si je
comprends bien, l'article 92 nous donne ici, le droit de
légiférer dans le domaine de l'éducation. Mais pour moi,
c'est l'éducation elle-même. Les droits du citoyen, c'est une
chose un peu différente.
Ce que nous voulons dire ici, encore une fois, c'est que le mandat qui a
été confié à notre gouvernement... C'est un
gouvernement efficace qui ne donnera pas de statut avant le
référendum, qui va confier moins de droits aux citoyens canadiens
en dehors de la province.
Mais ce n'est pas dans le domaine de l'éducation. Il y a deux
choses en jeu ici.
M. Laurin: Considérez-vous que l'État a le droit
d'intervenir pour limiter un droit individuel?
Mme Williams: Pas très souvent. Il y a des cas où
un individu va faire quelque chose qui va heurter un autre, cela est une chose.
Mais si vous voulez, nous pouvons discuter de la charte des droits de la
personne. Mais ce ne sont pas les droits qui sont confiés dans la
charte. Là, je ne pense pas qu'on puisse...
M. Laurin: Par exemple, concernant le bien commun. Est-ce qu'un
État a le droit de légiférer pour limiter un droit
individuel?
Mme Williams: Le bien commun... Je pense que l'État ne
peut pas limiter les droits qui sont dans une charte, la charte des droits de
la personne. Si vous voulez, il y a les autres déclarations des droits
humains. Mais il y a, parfois, pour la protection des autres, la santé,
le bien-être physique ou quelque chose comme cela, mais c'est une autre
chose.
Quand vous dites que l'État doit intervenir, qu'est-ce que
vous...?
M. Laurin: Par exemple, tous les jours, l'État passe des
lois et beaucoup de ces lois limitent les droits individuels au nom du bien
commun.
Mme Williams: Oui, elles limitent les droits, je pense que nous
avons tous les droits, comme citoyens, d'être protégés par
une certaine sorte de loi. Ces droits sont assez bien protégés
ici par la charte des droits de la personne et par les autres lois aussi.
Mais il y a... Peut-être que vous connaissez très bien la
déclaration des droits de l'homme de l'ONU. Je pense que c'est une base
que nous pouvons tous utiliser. Parfois je pense que l'État a plus de
difficultés à empiéter sur les droits qui sont
mentionnés. Mais il y a toujours... Je n'ai pas le droit de brûler
un feu rouge.
M. Laurin: Vous dites quelque part dans votre mémoire que
la minorité anglophone représente 20% de la population. Pourtant,
j'ai, devant moi, les chiffres du recensement de 1971...
Mme Williams: Je les ai ici, monsieur.
M. Laurin: ... qui disent que le nombre de citoyens de langue
maternelle anglaise est de 13,1% et que le nombre de citoyens dont la langue
d'usage est l'anglais est de 14,7%. Est-ce que vous avez des
allégués à présenter pour montrer qu'au cours des
six dernières années ces chiffres ont augmenté pour
atteindre les 20% que vous mentionnez?
Mme Williams: Monsieur, c'est la page 4, n'est-ce pas, que vous
mentionnez?
M. Laurin: Oui.
Mme Williams: Est-ce que je peux la lire encore une fois? Il est
évident que le terme "Québécois" ne s'applique ici qu'aux
Canadiens de langue française originaires du Québec, mettant
ainsi à l'écart 20% de la population. J'ai les mêmes
chiffres avec moi et, quand nous avons dit cela, cela ne voulait pas simplement
dire les anglophones pure laine, si vous voulez, mais cela voulait dire aussi
les autres. Il y en a beaucoup, comme vous le savez très bien.
M. Laurin: Oui, d'accord. Vous parlez, à une autre page de
votre mémoire, des répercussions économiques possibles de
la législation linguistique, sur, par exemple, l'exode de sièges
sociaux...
Mme Williams: Je n'ai pas mentionné les sièges
sociaux.
M. Laurin: ... ou la diminution d'investissements.
Mme Williams: Oui, c'est cela.
M. Laurin: Est-ce que vous avez pensé aussi aux
répercussions économiques d'une situation où on exige le
bilinguisme de francophones pour une très large catégorie
d'emplois pour qui, en raison de cette exigence, le chômage ou l'absence
de promotions devient règle courante? Est-ce que vous ne pensez pas que
cela peut avoir des répercussions économiques aussi?
Mme Williams: Je pense que, dans le mémoire, nous avons
mentionné cela plus au sujet du climat. Je pense que tous les
Français qui le veulent doivent avoir le droit de travailler en
français. Ce n'est pas une question de bilinguisme dans la
communauté francophone. Je pense que nous sommes ici pour discuter
raisonnablement un problème très sérieux et je pense qu'on
peut régler le problème ensemble. À parler ensemble ici,
je pense que c'est cela qui va commencer à apporter un climat positif
pour nous tous. Il n'est pas question que tout le monde soit bilingue, mais je
pense qu'il doit y avoir assez de personnes bilingues, parce que, comme nous le
savons tous, on ne vend pas tous les produits des usines du Québec en
français, car nous sommes entourés par un marché
économique fantastique où la plupart parlent anglais.
M. Laurin: Une dernière question. Vous demandez, à
votre chapitre sur l'éducation, que tous les nouveaux immigrants, au
Québec, qui ont reçu leur éducation en anglais, quelque
part dans le monde, soient intégrés, aient le droit d'aller
à l'école anglaise. Vous ne demandez pas la même chose pour
ceux qui n'auraient pas reçu leur éducation en anglais, par
exemple, pour ceux qui l'auraient reçue en grec, en italien ou en
d'autres lan- gues. Pourriez-vous m'expliquer les raisons qui vous ont fait
opter pour cette recommandation?
Mme Williams: Nous avons beaucoup discuté de cela, parce
que c'est un changement de politique de notre association, parce qu'avant le
bill 22, nous avions demandé le libre choix. Il y a un processus que
nous pouvons suivre ici. Pour commencer, si les règles sont assez
claires, les immigrants ont le choix de ne pas venir. Mais nous voulons que
tous les Canadiens aient les mêmes droits, parce nous ne sommes pas un
État indépendant, en ce moment. Je pense que l'idée...
M. Laurin: Vous parlez des gens qui viendraient des autres
pays?
Mme Williams: S'ils ont reçu leur éducation en
anglais, je pense qu'ils doivent avoir l'occasion... Je pense qu'ils ont le
choix, comme je disais tantôt, d'aller dans les autres provinces. J'ai
ici deux idées. Est-ce que je peux recommencer? S'ils ont reçu,
comme les Américains, vous avez dans la Charte... Si une compagnie
américaine, par exemple, envoie une famille ici pendant deux ans
c'est réglé, n'est-ce pas et si elle veut envoyer les
enfants dans une école anglaise, ils peuvent aussi, comme vous le savez
très bien, aller à l'école française. Les
immigrants anglophones des autres pays, s'ils ont choisi de venir ici au
Québec, doivent envoyer leurs enfants à l'école
française, parce qu'ils ont le choix avant de venir. Ils peuvent aller
en Ontario, ils peuvent aller au Nouveau-Brunswick. Ils ont le choix. Si c'est
quelque chose qui est très important, c'est assez facile pour nous. Nous
avons décidé cela, parce que cela donne aux Canadiens les
mêmes droits partout. Parfois, les Canadiens n'ont pas le choix, parce
que les compagnies envoient des personnes partout. Nous avons
déménagé en Colombie-Britannique et nous sommes revenus.
Ce n'était pas notre choix, mais c'est comme cela que cela fonctionne.
D'accord? Merci.
Le Président (M. Cardinal): Le député de
Jacques-Cartier.
M. Saint-Germain: Madame, nous tenons, nous, du Parti
libéral, à vous remercier, vous et votre groupe, pour ce document
très positif que vous nous avez apporté. Il n'est pas facile,
dans l'atmosphère actuelle et surtout lorsque l'on est de langue
anglaise, de regarder, d'observer et d'étudier froidement la loi que
nous avons à étudier, mais vous avez réussi à le
faire et vous nous avez apporté, comme je le disais, des
éléments extrêmement positifs. Je vous demanderais si vous
êtes du même dire ou de la même opinion que
moi-même.
Il me semble qu'actuellement les autorités regardent et observent
la communauté anglophone du Québec comme étant une
communauté stable, qui n'évolue pas, extrêmement
conservatrice et qui a très peu changé ou, du moins, qui n'aurait
pas changé au même rythme que la population francophone. Je le dis
sincèrement, parce que, à
titre de citoyen de langue française, j'ai cru remarquer chez mes
confrères et mes collègues qu'on regardait cette
communauté comme étant stable. Vous avez, comme moi,
écouté le mémoire, hier, du Comité ad hoc des
comités des écoles de la vallée du Richelieu et, à
la page 3, paragraphe 4, on parlait de la "defence of the English community".
Je crois qu'il y a là quelque chose d'extrêmement valable.
J'aimerais, s'il vous est possible... Personnellement, je sais
pertinemment, étant né dans l'ouest de Montréal et ayant
vécu dans un milieu hétérogène, je vois de visu,
l'évolution et les transformations qui se font dans le milieu
anglophone. J'aimerais, s'il vous était possible, que vous nous disiez,
en quelques mots, vos propres observations relativement à ce changement,
à ces transformations dans le milieu anglophone.
Mme Williams: Puis-je parler de mon quartier, M. Saint-Germain ou
M. le Président?
M. Saint-Germain: Oui, vous êtes bien libre.
Mme Williams: Je vois des changements très positifs envers
le français dans le quartier où je demeure, parce que nous avons
deux écoles protestantes, anglophones naturellement, une école
catholique et une école francophone. Mais dans une de nos écoles,
les enfants ne peuvent pas commencer maintenant l'anglais. C'est un cours
d'immersion en français. Vous l'avez peut-être vue, car j'avais ma
fille avec moi hier. Elle est entrée dans un cours d'immersion en
français dans les écoles protestantes de Montréal, et je
pense qu'elle a très bien compris ce qui s'est passé, ici, hier.
Je suis allée aux écoles anglo-protestantes aussi, ici, au
Québec, et je sais qu'à 17 ans, je ne pouvais comprendre de la
même façon que mes trois enfants. Je pense que c'est beaucoup de
travail pour nous en tant que parents anglophones dans notre banlieue, et je
pense que c'est un changement très positif que je vois à chaque
jour. Je vois aussi les cours du soir dans les écoles. Je pense qu'il y
a beaucoup de changement. Il y a beaucoup plus de compréhension des
problèmes québécois maintenant. Je suis très
optimiste, à savoir que nous pouvons régler tous nos
problèmes si nous continuons de travailler d'une façon
positive.
Le Président (M. Cardinal): Le député de
Jacques-Cartier.
M. Saint-Germain: Croyez-vous qu'une loi comme la charte de la
langue française pourrait dans votre milieu modifier cette
évolution que vous faites actuellement en toute liberté?
Mme Williams: Pouvez-vous répéter avec le micro un
peu plus près?
Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse. Je sais que cette
horloge qui est devant moi marque une heure qui n'est peut-être pas
l'heure officielle de tout le Québec ou de tout le Canada, mais je m'en
tiens à cette horloge pour les fins des débats, parce qu'il faut
tenir très précisément le minutage.
Comme nous approchons de la suspension c'est la même
séance qui se termine ce soir je garde le droit de parole au
député de Jacques-Cartier lors de la reprise. Vous êtes
d'accord, M. le député?
M. Saint-Germain: Malheureusement, je devrai absolument
m'absenter parce que je suis en charge du dossier de
l'assurance-automobile.
Le Président (M. Cardinal): Je le regrette pour vous.
M. Saint-Germain: Alors, je lègue mon droit de parole, si
vous voulez bien, à mes collègues, qui s'en tirent fort bien.
Le Président (M. Cardinal): J'en tiendrai compte. Oui, et
je n'oublie pas les autres partis d'Opposition. Je sais que le
député de Beauce-Sud a des questions à poser.
M. Roy: Deux brèves demandes à faire et si cela
peut faire l'unanimité de la commission et, s'il n'y a pas
unanimité, je les referai à une autre séance.
Étant donné la limite de 20 minutes qu'on impose aux
organismes qui viennent devant nous et qui ont de longs mémoires, qu'ils
soient informés de cette nouvelle disposition, pour qu'ils puissent
prendre les mesures qui s'imposent avant qu'ils ne soient ici et qu'ils
apprennent cette restriction, cette contingence de notre commission. C'est ma
première demande.
Deuxièmement, je demande que les mémoires soient
consignés en entier au journal des Débats parce que je pense
comme tous les membres de la commission, que ces gens se sont donné la
peine d'écrire de longs mémoires et que cela pourrait constituer
une source de renseignements extrêmement valable.
Le Président (M. Cardinal): À la première
question, M. le député de Beauce-Sud, je vous répondrai
que je transmettrai au secrétaire des commissions qui vous a
déjà entendu, d'ailleurs, cette première demande.
Quant à la deuxième demande, comme il est 18 heures, je
vous prierais de noter que c'est une demande qui se fait sous forme de motion.
Elle a déjà été adoptée en commission
parlementaire et j'espère que cette motion ne sera pas débattue
pendant une longue période de temps. S'il y a consentement, il n'y aura
pas de débat.
M. Roy: S'il y a consentement, vous n'avez pas besoin de faire
une motion. Que cela soit un voeu de la commission.
Le Président (M. Cardinal): Le consentement est-il
accordé?
Des voix: D'accord.
Le Président (M. Cardinal): Si le consentement est
accordé, je rends immédiatement la décision. Les
mémoires étant présentés au secrétariat des
commissions, ils seront reproduits en entier, soit dans le journal des
Débats, soit en annexe au journal des Débats, selon que la
technique employée au journal des Débats le permettra.
Merci à tous. La commission suspend ses travaux jusqu'à 20
heures, ce soir.
(Suspension de la séance à 17 h 55)
Reprise de la séance à 20 h 9
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, madame et
messieurs! C'est la suite de la séance de cet après-midi. Il n'y
a donc pas de remplacement et il n'est pas besoin d'invoquer l'ordre du jour.
Je demanderais à Mme Williams et à ses consoeurs de bien vouloir
s'approcher de la table. La parole était au parti de l'Opposition
officielle et je reconnais M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Premièrement,
je voudrais féliciter les témoins pour l'approche très
modérée qu'ils ont prise vis-a-vis de ce sujet qui est
très difficile. Je crois que votre mémoire devrait contribuer non
à la division entre les deux groupes linguistiques, mais vraiment
à une tentative de compréhension et d'unification, à
essayer d'unir tous les Québécois, qu'ils soient de langue
anglaise, que ce soient des anglophones ou des francophones. Je remarque que
vous vous êtes opposées, avec raison, à la question des
comités de surveillance. Vous avez fait ressortir, je crois, d'une
façon assez positive, les aspects négatifs de ce projet. La
réaction que j'ai, M. le Président, à un mémoire de
ce genre, c'est que je trouve triste que des citoyens, des
Québécois soient obligés de venir devant une commission
parlementaire, non pas dans le but de demander un amendement à une loi,
non pas pour demander des faveurs, mais simplement dans le but d'expliquer
l'évolution de leur communauté, d'eux-mêmes, de leur
association, de leurs personnes dans notre société et de demander
de ne pas se faire imaginez-vous enlever le droit
élémentaire, essentiel au bon fonctionnement d'une
démocratie.
Je trouve cela assez triste, M. le Président, et je n'approuve
pas non plus l'approche du ministre vis-à-vis de ce groupe et non
seulement celui-ci, mais d'autres groupes qui viennent présenter des
mémoires. Je vais vous donner un exemple, ce matin on avait un
soi-disant expert constitutionnel. Il savait, prétendait connaître
la constitution, il se référait aux articles 91 et 133 qui,
d'après lui, étaient les seuls articles de l'acte britannique qui
s'appliquaient dans les circonstances.
Je n'ai pas, à ma connaissance, entendu le ministre le
questionner sur l'aspect constitutionnel, mais je trouve pénible que ces
dames, ces témoins du Conseil des femmes de Montréal qui ne
prétendent pas être des experts dans le droit constitutionnel,
mais qui donnent l'évolution de leur communauté, se fassent
questionner par le ministre d'État au développement culturel qui
a toute la machinerie du gouvernement avec lui pour préparer tous les
aspects, l'aspect légal et l'aspect constitutionnel. Et questionner ces
pauvres personnes...
M. de Bellefeuille: J'invoque le règlement.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: J'ai l'impression, M. le Président,
que le représentant de l'Opposition offi- cielle est en train de
chercher à susciter un débat avec le ministre plutôt que
d'interroger le témoin.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Deux-Montagnes, même si le député de Mont-Royal avait cette
intention, la recherchait, il ne l'atteindra jamais. M. le député
de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, je peux vous assurer que ce
n'est pas mon intention, je veux seulement donner ma réaction à
ce mémoire et aux réponses que les témoins ont
données. Je peux, j'ai le droit, je crois, M. le Président, en
donnant cette réaction aussi de réagir aux propos du ministre qui
a questionné ces témoins.
Je parlais de l'aspect constitutionnel, il n'y a pas seulement les
articles 92 et 133 qui s'appliquent; le ministre je crois que c'est un
oubli n'a pas mentionné l'article 93 qui s'applique dans les
circonstances qui est très... je ne veux pas en faire un débat
juridique, c'est seulement pour souligner qu'il y a eu des oublis, encore plus
importants.
C'est pourquoi je me demande pourquoi le ministre de l'Éducation
n'est pas ici pour défendre le projet de loi, pour écouter ou
pour avoir sa réaction. Il s'agit ici non seulement d'un projet de loi
de langue de travail, mais il s'agit ici...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mont-Royal, s'il vous plaît! J'ai dit tantôt, je vous l'ai dit,
c'est le rôle du président, je vous prierais, de ne pas provoquer
et d'en venir au vif du sujet.
M. Ciaccia: Très bien, j'y viendrai. Je ne veux pas
provoquer. Vous voyez, M. le Président, je parle d'une façon
quasiment aussi calme que le ministre, pas tout à fait, mais quasiment.
Si vraiment, on veut se référer au droit constitutionnel, il y a
aussi l'aspect de la constitution qui définit le rôle d'un
ministre. Au moment où un député devient ministre, il
devient le ministre de tous les Québécois, non seulement des
partisans du Parti québécois, non seulement des francophones, non
seulement des anglophones, mais de tous les Québécois. C'est
cela, le rôle d'un ministre.
C'est pour cela que je me suis référé au ministre
de l'Éducation. Il est malheureux qu'il ne soit pas ici, parce que, lui,
il comprendrait cela, avec son expérience du droit constitutionnel.
C'est peut-être une raison pour laquelle il n'est pas ici. Étant
le ministre de tous les Québécois, je crois que ce serait son
devoir d'accueillir avec un peu plus d'élégance les
témoins, même si ces témoins ne partagent pas le point de
vue du gouvernement.
M. le Président, je ne voudrais pas enlever trop de temps
à mes collègues de l'Opposition officielle. Je poserai seulement
une question ou deux au témoin.
I would like to congratulate you for the brief that you have submitted
to this parliamentary committee and I also would like to congratulate your
efforts in the way that you have presented it, the way that you attempted to
answer the questions which, I think, you did very well, that the minister put
to you.
In your brief... Dans votre mémoire, vous parlez de
l'enseignement aux immigrants et vous faites une distinction entre les
immigrants qui sont maintenant au pays, qui sont récemment
arrivés et ceux qui viendront à l'avenir. Est-ce que vous pouvez
expliquer la raison de cette différence? Parce que, si je comprends
bien, vous dites: Quant à la langue d'enseignement pour les immigrants
qui seront ici à la date d'entrée en vigueur de la loi, ils
auraient la liberté de choix, ils auraient le droit d'aller aux
écoles anglophones et vous faites une différence pour les futurs
immigrants. Est-ce que vous pourriez nous expliquer pourquoi?
Mme Williams: C'est vraiment un compromis, je pense, pour nous.
Nous avons décidé de suggérer que les immigrants
reçus auront le choix si un des parents a eu son éducation en
anglais, s'ils sont ici, ils auront le choix d'envoyer leurs enfants aux
écoles anglaises; mais, s'il y a peut-être une personne anglophone
qui veut venir au Canada, qui a eu son éducation en anglais, il n'est
pas nécessaire qu'elle vienne au Québec, elle peut aller ailleurs
et cela donne le choix sans faire de problèmes ici concernant les
aspirations d'un secteur très important de la population.
M. Ciaccia: M. le Président, seulement.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: We are limited in time to the questions that we can
ask. In order not to take away any time from... to give as much time as
possible to my colleagues, I will now cease asking you questions, but I would
like to assure you that it is not because of a lack of interest or because I do
not want to bring out other questions, but it is just in the interest of giving
my colleagues the opportunity to ask questions.
Mme Williams: Thank you very much.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mont-Royal, ce que vous venez de dire ne sera pas compris dans le temps de
votre parti.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président, vous êtes
très généreux et gracieux.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Lotbinière et chef de l'Union Nationale.
M. Biron: Merci, M. le Président. Je veux d'abord
remercier nos témoins qui sont ici de leur mémoire très
modéré, à mon point de vue. Je veux vous adresser ces
remarques avant de vous poser quelques questions. Répondez
brièvement, nous n'avons que quelques minutes. Vous n'êtes ici ni
comme accusées, ni comme prévenues, mais vous êtes ici
comme témoins, témoins au sens de faire valoir un point de vue,
qui est le vôtre, à des représentants élus à
l'Assemblée nationale par la population du Québec et
représentant véritable- ment la population du Québec, et
non à des élus d'un parti politique, représentant un parti
politique, gouvernemental ou autre. Aussi, mes questions à votre
endroit, comme à l'endroit de tout autre témoin, ont-elles pour
but, comme je l'ai dit au début de cette commission parlementaire, de
mieux percevoir votre point de vue à vous, comme témoins, et non
pas, comme le ministre s'y prête à l'occasion, de faire ressortir
deux thèses ou leur opposition l'une à l'autre: Opération,
peut-être, du mérite d'une thèse sur l'autre et
opération purement parlementaire qui aura lieu en deuxième
lecture du projet de loi, mais pas ici présentement.
Alors, je voudrais vous demander, comme première question: Vous
signez votre mémoire, et je l'apprécie: "Nous, membres du Conseil
des femmes de Montréal, réaffirmons notre fierté et notre
foi dans le Québec. Nous sommes ici chez nous." Qui est un
Québécois, une Québécoise pour vous?
Mme Williams: Un Québécois, c'est quelqu'un qui a
décidé de vivre ici, de rester ici. Je sais qu'il y a une
définition selon laquelle c'est un contribuable, mais, à mon
avis, c'est un peu plus que cela. C'est quelqu'un qui veut rester ici et
contribuer à la communauté.
M. Biron: Peu importe la langue qu'il emploie pour vivre?
Mme Williams: N'importe quelle langue; il faut
peut-être...
M. Biron: Alors, vous rejoignez certainement ce que le premier
ministre, M. Lévesque, a dit en fin de semaine. Il a dit que les
Québécois sont tous ceux et toutes celles qui vivent au
Québec, qui y gagnent leur vie et qui ont ou qui sont en instance
d'obtenir le droit de vote. Alors, vous rejoignez l'idée du premier
ministre qui dit que les Québécois...
Mme Williams: Qu'est-ce que c'est la phrase?
M. Biron: Tous ceux qui sont ici, à l'heure actuelle, qui
y travaillent ou qui ont le droit de vote ou qui auront le droit de vote
prochainement.
Mme Williams: Je pense que mes enfants sont aussi
Québécois, mais ils ne peuvent pas voter.
M. Biron: Très bien. Je remarque aussi, à
l'avant-dernière page de votre mémoire, que vous êtes
à la recherche d'un projet collectif, parce que vous nous mentionnez que
vous croyez qu'un climat de confiance doit à nouveau régner dans
toutes les couches de la société québécoise. Vous
voulez un projet sur la langue qui va rejoindre, je suppose, tout le monde au
Québec. C'est bien ça? Pas simplement une partie de la
population?
Mme Williams: Je pense que, quand nous parlons de confiance, ce
n'est pas nécessairement dans la loi, mais c'est à cause de la
loi qu'il y a un
certain manque de confiance. Est-ce que ça répond à
votre question?
M. Biron: Mais, ce que vous cherchez au Québec, à
l'heure actuelle, c'est un climat de confiance entre les anglophones et les
francophones, entre tous ceux qui vivent...
Mme Williams: Parmi toutes les personnes, peu importe la
langue.
M. Biron: J'aurais une question sur les droits des
communautés anglophone et francophone, mais, d'abord, est-ce que vous
croyez qu'au Québec, il y a une communauté francophone bien
identifiée, bien articulée? Et est-ce que vous croyez qu'il y a
une communauté anglophone aussi, bien articulée, au
Québec?
Mme Williams: Je le pense.
M. Biron: Quels sont les droits qu'on devrait respecter dans une
charte linguistique vis-à-vis de la communauté anglophone?
Mme Williams: Je pense qu'on peut parler longtemps sur ce sujet.
Non, je pense... Pardon?
M. Biron: If you want to answer in English, I will not mind. If
you want to answer in English it will be better for me and it might be easier
for you.
Mme Williams: O.K. It probably would be. No, I think the rights
for the English-speaking people should be the same rights as for anybody else,
and I think we certainly have rights to education which we have, which we wish
to protect. That is probably a primary one, so far, that needs to be defined in
a Charter on a language. Certainly, we wish to maintain our rights as defined
in the British North America Act, with regard to the courts, and I think we
could go through the bill article by article where we have discussed and where
we think individual rights are being, perhaps we hope not
withdrawn. But, certainly, what we have discussed in our brief relative to the
English-speaking community, I think, answers your question probably more
clearly than I will now. It took too long.
M. Biron: So, you were happy when the Premier of Québec
said that he recognized that, in Québec, we have an English-speaking
collectivity or community.
Mme Williams: Oh yes! Very much so.
M. Biron: O.K., and you just want to be recognized as the Premier
said.
Mme Williams: Yes. We are here to discuss the Charter and I think
that the articles in the Charter are what are really at issue at the
moment.
M. Biron: Vous semblez aussi, dans votre mémoireje
vais vous poser les questions en fran- çais, vous pouvez me
répondre en anglais craindre énormément une
société qui serait antidémocratique.
Vous avez mentionné, à plusieurs reprises, que vous
vouliez vivre dans une société démocratique, une
société... qu'on ne devrait pas forcer les gens à vivre
d'une telle façon ou entrer dans la vie privée des gens je
l'ai vu à quelques reprises. Cela me surprend quand même, parce
que le Parti québécois, à l'intérieur de son
programme, se vante et semble être un parti extrêmement
démocratique, qui veut la vie démocratique.
Alors, c'est difficile quand même de reconnaître qu'à
l'intérieur d'un programme tel que celui-là vous craigniez qu'une
loi particulière apportée par ce même parti brime les
droits démocratiques.
Mme William: Maybe I will answer this one in English, because it
is a complex one. I think we have to decide in a sense what the definition of
the democracy is. Certainly, I get enough the opportunity to speak here. It is
very much a demonstration that we do live in a democratic society and, as we
said, we certainly hope that it will remain that way because we have been given
the opportunity to speak and certainly I have seen the Parti
québécois in action and it has been very democratic, but there
are aspects to this Bill that we feel very strongly that we must speak out and
if we do not speak, it will stay. The health of our social climate will remain
if some of these changes go through. I think it is threatening to democracy as
such because it will take away some of the rights of expression of our...
M. Biron: Votre réponse me prouve que vous avez
étudié le programme du Parti québécois et que vous
avez quand même une certaine confiance qu'on puisse améliorer le
projet de loi pour en faire véritablement un projet de loi
démocratique.
Mme Williams: I am not talking about programme, I am talking
about methods of work. I have not studied all the aspects. I think it will take
me a long time.
M. Biron: Vous mentionnez aussi le système d'enseignement.
Vous avez des enfants?
Mme Williams: Oui.
M. Biron: Et vos enfants parlent le français et l'anglais
ou...?
Mme Williams: Ils parlent les deux langues. Ils sont anglophones.
Ils parlent très bien l'anglais, mais ils parlent couramment le
français. Ils ne sont pas bilingues, mais les trois enfants parlent
couramment...
M. Biron: Ont-ils appris le français à
l'école ou dans des classes spéciales d'immersion?
Mme Williams: C'est en fait une longue histoire, parce que
l'aîné est un garçon qui a
commencé l'école avant les changements dans les programmes
et je pense qu'il parle assez bien, parce qu'il est très motivé
et parce qu'il veut travailler ici, il essaie de parler français et je
pense qu'il a beaucoup essayé. La deuxième a 21 ans, mais la plus
jeune a été aux cours d'immersion et je pense qu'elle est la plus
bilingue. Les temps changent. Il y a vraiment du progrès dans
l'éducation des anglophones en français et je l'ai vu chez mes
trois enfants.
M. Biron: Vous dites que la dernière a été
dans des cours d'immersion. Elle a été combien de temps dans des
cours d'immersion?
Mme Williams: À cause de son âge, elle est
entrée dans un cours en septième année, mais elle a
commencé le français dès la maternelle.
M. Biron: Est-ce qu'elle a été longtemps dans un
cours d'immersion?
Mme Williams: En septième année, c'était
tout en français. En huitième année, elle avait, je pense,
de trois à quatre heures par jour en français, c'est
moitié, moitié. En neuvième année, elle avait
à peu près deux heures par jour et maintenant c'est un cours et
demi. C'est un jour de deux périodes, le deuxième jour, c'est une
période en français.
M. Biron: C'est vous qui avez décidé qu'elle
suivrait des cours de français pour devenir bilingue ou si c'est
elle?
Mme Williams: C'était son choix. M. Biron: Son
choix.
Mme Williams: Parce que c'est très difficile en
septième année de faire des choix comme ceux-là, parce que
c'est une perte de temps si l'enfant ne le veut pas. Mais c'est une
année très fructueuse pour elle dans l'immersion.
M. Biron: Dans quel but a-t-elle suivi des cours d'immersion en
français, comme cela?
Mme Williams: C'était à Dorval. Nous sommes...
M. Biron: Non, pour quelle raison? For which reason?
Mme Williams: Pour quelle raison? Parce qu'elle le voulait.
Est-ce assez? Est-ce que cela répond à votre question?
M. Biron: Est-ce qu'elle croyait pouvoir parler français
au Québec ou si elle pouvait continuer à vivre en anglais
exclusivement, d'après vous?
Mme Williams: Je pense qu'elle veut parler français parce
que nous avons... mon père a une maison d'été dans le
Bas-Saint-Laurent, et tout le monde là-bas parle français. C'est
pour cela qu'elle veut parler français, je pense.
M. Biron: Dans la vie qu'elle se propose de faire, maintenant
qu'elle est rendue en neuvième ou dixième année, est-ce
qu'elle croit avoir besoin du français pour vivre?
Mme Williams: Oui. Je pense que oui.
M. Biron: Est-ce que dans votre arrondissement il y a beaucoup
d'anglophones qui ne parlent pas français du tout ou au moins les
enfants ou si la plupart des enfants, maintenant, apprennent le
français?
Mme Williams: Je pense que c'est vrai. Parfois les parents n'ont
pas l'occasion de parler français. Ils suivent des cours, mais il faut
vivre en français pour vraiment apprendre à parler; mais les
enfants, les temps changent pour eux.
M. Biron: But is there many youngsters who are still unilingual
in English or if they are becoming more and more bilingual?
Mme Williams: Yes. This is what I meant. They are certainly
becoming more bilingual; well, their parents may not have quite the opportunity
to do so. Yes, very definitely, they are becoming bilingual.
M. Biron: D'accord. Votre impression personnelle de ce qui se
fait présentement dans la communauté anglophone: Croyez-vous
qu'il y a beaucoup plus d'Anglais qui parlent français maintenant qu'il
y en avait il y a dix ans?
Mme Williams: Ah oui! Seulement...
Le Président (M. Cardinal): Le député de
Lotbinière... Pardon, madame. Je m'excuse. M. le député de
Lotbinière, une dernière question brève.
M. Biron: Une dernière question. Vous avez parlé de
la langue des tribunaux, en particulier, et vous dites que les jugements
devraient être rendus en français et en anglais. Est-ce que, en
disant cela, vous voulez avoir une prééminence dans une langue en
particulier? S'il y a une difficulté d'interprétation, est-ce que
vous voulez qu'une langue en particulier soit interprétée ou si
vous voulez que les deux langues soient au même niveau?
Mme Williams: J'ai l'impression que ce n'était pas un
problème très sérieux dans les tribunaux, parce que la
plupart du travail est fait en français. Mais je pense que si les
clients sont anglophones et comment dit-on? Pardon, j'ai oublié
le mot pour "trial" if the trials are in English, and the judges are
English, the judgement would be much more accurate if it were written in the
first language of the judge.
If it is a translation, as it is set up in the bill, it really should be
the original in the first language of the judge which should remain official,
because...
M. Biron: You would not be ready to go to the prominence of the
French language if you have,
let us say, the judgment made in English and translated in French?
Mme Williams: Would you say that again? I am sorry, I just did
not understand it.
M. Biron: Will you be ready to accept the prominence of the
French language in the judgement if the judgement has been made, let us say, by
an English-speaking judge and translated in French after?
Mme Williams: I do not think so. I think that, if the judgement
is given by an English judge, the English version should remain official.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Lotbinière, je m'excuse, merci. M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: Merci, M. le Président. Je devrai être assez
court...
Le Président (M. Cardinal): Vous avez cinq minutes.
M. Roy: ...dans mes questions, je n'ai que cinq minutes. Madame,
si j'ai bien compris votre mémoire, on peut le résumer ainsi.
Vous seriez d'accord avec une législation qui aurait pour objet de
garantir les droits des francophones partout sur le territoire du
Québec?
Mme Williams: Garantir les droits des francophones partout au
Québec?
M. Roy: Oui.
Mme Williams: Oui, vraiment.
M. Roy: Vous êtes d'accord pour reconnaître
également que le Québec doit être et demeurer un territoire
de culture et de tradition françaises, vous êtes d'accord avec
ça? Par contre, vous semblez avoir énormément
d'inquiétude en ce qui a trait à la langue de l'enseignement. Je
cite la dernière phrase de la page 6, et le début de la page 7 de
votre mémoire dans lequel vous dites: "La qualité du
système d'éducation francophone ne doit pas être
améliorée aux dépens du système scolaire
anglophone, lequel est bien établi depuis longtemps." Vous ajoutez: "Un
excellent enseignement des deux langues dans toutes les écoles du
Québec diminuera la nécessité de devoir faire un
choix."
Est-ce que ça veut dire que vous pourriez être d'accord
avec un seul système scolaire public dans lequel il pourrait y avoir des
classes anglaises dans les régions et des quartiers où il y a une
population fortement anglophone?
Mme Williams: Quand vous dites un système...
M. Roy: Un seul système scolaire public dans tout le
territoire, est-ce que vous seriez d'accord sur ça?
Mme Williams: Est-ce que ça veut dire pour vous les
commissions unifiées?
M. Roy: Oui.
Mme Williams: Non, je ne suis pas d'accord avec ça.
Personnellement, nous n'avons rien ici à ce sujet.
M. Roy: Oui, mais à partir du moment où vous avez
deux systèmes scolaires, vous admettez quand même qu'il y a
toujours eu une difficulté en ce qui a trait au choix des personnes qui
doivent fréquenter ces systèmes scolaires.
Mme Williams: Est-ce que vous pourriez répéter?
M. Roy: À partir du moment où il existe deux
systèmes d'écoles publiques, deux réseaux d'écoles
publiques, il y a toujours le problème du choix qui se pose pour les
gens. Est-ce que ça veut dire que vous seriez d'accord pour
réserver le système scolaire anglophone pour seulement les gens
de culture anglaise et que les immigrants pourraient s'intégrer de par
la loi aux écoles françaises?
Mme Williams: II y a ici deux choses. Il y a des immigrants et
des émigrants, n'est-ce pas?
M. Roy: Oui.
Mme Williams: Je suis d'accord que les immigrants, en
général, s'intègrent aux écoles françaises,
mais nous avons des immigrants qui sont déjà ici. Est-ce que vous
voulez définir un immigrant? Est-ce une personne...
M. Roy: Je parle des immigrants qui viennent des autres pays, de
l'Italie, des États-Unis.
Mme Williams: Mais nous disons, dans notre mémoire, que,
si les immigrants qui sont ici...
M. Roy: II y a les immigrants qui sont ici, mais pour les
immigrants futurs, ceux qui viendront?
Mme Williams: Pour les futurs immigrants, je pense qu'en
général, il doivent s'intégrer aux écoles
françaises.
M. Roy: Même si ce sont des immigrants qui sont de culture
anglaise? Vous seriez d'accord pour qu'ils aillent à ces
écoles?
Mme Williams: S'ils veulent venir. Mais, après la
promulgation de la loi, je pense qu'ils doivent s'intégrer aux
écoles françaises. Ils ont le choix de ne pas venir s'ils ne
veulent pas aller aux écoles françaises.
M. Roy: Ma deuxième et dernière question, M. le
Président. Vous mentionnez, dans le paragraphe, la commission de
surveillance et les demandes de renseignements, vous craignez
énormément la bureaucratie, la technocratie dans la sur-
veillance et dans l'application de cette loi, ce sur quoi je suis
entièrement d'accord.
Est-ce que vous iriez jusqu'à dire que la loi devrait être
le plus explicite, le plus clair possible, de façon à laisser de
moins en moins de place à ce pouvoir de réglementation?
Mme Williams: Je préférerais que la commission de
surveillance disparaisse complètement.
M. Roy: Mais que la loi soit plus claire, soit plus
précise?
Mme Williams: C'est difficile à dire, parce que je suis
contre la commission de surveillance.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député de Beauce-Sud.
M. Roy: Merci. Et je veux remercier madame. Mme Williams:
Merci, monsieur.
Le Président (M. Cardinal): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Mesdames, je voudrais d'abord vous
féliciter pour la manière dont vous avez réussi, sans
agressivité, à communiquer aux membres de cette commission des
préoccupations sérieuses qui correspondent malheureusement
à la réalité, quand on examine le projet de loi du
gouvernement.
Vous avez fait allusion à certains articles qui pourraient
être sources de discrimination, entre autres, l'article 52, l'article
172. Vous vous inquiétez de l'envahissement de la bureaucratie dans la
vie des individus, des contrôles tracassiers qui pourraient donner lieu
à des abus, et je pense que vous avez raison.
Je voudrais également vous féliciter, comme d'autres l'ont
fait avant moi, pour le calme, le sang-froid et la lucidité avec
laquelle vous avez répondu à des questions fort difficiles. Je ne
reviendrai pas sur les questions constitutionnelles, d'autres en ont
parlé avant moi.
Je pense également qu'on vous a demandé de vous justifier,
si vous aviez vraiment encouragé la collectivité francophone, si
vous aviez fait des efforts pour vous en approcher. Et c'est avec beaucoup de
simplicité que vous avez également essayé de faire cette
démonstration.
Malheureusement, je pense que c'est peut-être peine perdue, parce
que j'ai l'impression ici que, des fois, on veut continuer d'essayer de prouver
que la communauté anglophone ne fait aucun effort pour s'intégrer
ou pour essayer de participer à la vie du Québec.
De toute façon, je vous encourage à continuer quand
même. Peut-être qu'un jour, vos efforts seront couronnés. Je
pense que la meilleure démonstration que vous faites, vous nous le dites
maintenant. Ainsi, je ne connais pas votre vie personnelle, mais j'ai
l'impression que vous êtes des gens qui auraient pu continuer de vivre en
vase clos, dans une communauté strictement anglophone.
Pourtant, à l'égard de vos enfants et à
l'égard même d'autres activités et par respect pour des
personnes qui ne sont pas de votre langue, vous essayez de vous en rapprocher
et je pense que c'est excellent.
Je voudrais vous poser strictement deux questions. Le temps passe assez
rapidement. La première. Vous avez parlé des classes d'immersion.
Je voudrais vous demander si j'ai eu l'impression que vous connaissiez
assez bien votre communauté; vous avez fait allusion à
l'école protestante, à l'école française, etc., il
semble y en avoir plusieurs dans votre quartier au-delà des
classes d'immersion, vous avez tenté, par exemple, d'organiser des
échanges entre l'école française, l'école anglaise,
entre les professeurs de l'une et l'autre de ces écoles et si vous avez
eu un certain succès.
Mme Williams: II y a seulement quelques semaines, il y a eu un
échange à l'école secondaire avec les jeunes francophones,
je pense, de La Tuque. Comme on le sait, les deux groupes étaient
séparés, mais maintenant les deux groupes sont amis. Je pense que
ce projet d'échanges entre deux communautés très
différentes fut très réussi et c'est par cela que nous
pouvons avoir du progrès entre les communautés. Les enfants ont
l'esprit très ouvert; ils aiment beaucoup les jeunes de leur âge;
ils ont les mêmes intérêts et je pense que nous avons eu un
grand succès dans notre école secondaire.
Mme Lavoie-Roux: Au tout début, vous avez fait allusion au
chef de l'Eglise anglicane. J'en ai déduit, à tort ou à
raison, que peut-être vous étiez également active dans des
activités de paroisse ou des activités d'église. Est-ce
que, dans ces groupes sociaux et ces organisations sociales qui
dépassent le problème de l'école, vous avez aussi
tenté des expériences qui permettent aux deux communautés
de se rejoindre entre elles?
Mme Williams: Oui, dans notre église nous avons eu, non
pas des échanges, mais des groupes "Oecumenical"... I can say it in
English.
Mme Lavoie-Roux: Oecuméniques. Vous pouvez le dire en
anglais.
Mme Williams: Mon Eglise est une Eglise anglicane et notre
recteur, le pasteur est bilingue. Il a invité plusieurs fois les
prêtres catholiques. Les rencontres qu'ils ont eues ensemble ont
été assez fructueuses.
Mme Lavoie-Roux: II y a une autre chose. Je sais que le
ministère de l'Éducation et les provinces organisent des
échanges d'étudiants francophones vers les autres provinces et
réciproquement vers cette province-ci. Est-ce que, dans la
communauté où vous habitez, vous avez tenté de
développer ce genre d'échange avec des familles d'autres
régions du Québec? Je constate qu'on
fait toujours ces échanges avec les autres provinces, alors qu'on
a deux communautés, ici, qui n'ont pas ces occasions de se rencontrer et
elles sont à leurs portes. Est-ce que c'est une chose que vous
entreverriez comme un moyen de faire rejoindre et de faire vivre plus ensemble
les deux communautés?
Mme Williams: Je pense que c'est une bonne idée. Je veux
retourner chez moi, comme on le sait, et étudier cela. Dans le moment,
je ne suis pas au courant des projets comme cela, mais c'est vraiment une bonne
idée.
Mme Lavoie-Roux: Alors, je vous remercie, mesdames.
Mme Williams: C'est très gentil, madame, merci.
Le Président (M. Cardinal): Alors, il reste deux
interventions. M. le député de Bourassa et M. le
député de Rosemont, le tout devra se faire en 18 minutes. M. le
député de Bourassa.
M. Laplante: Merci, M. le Président; Mme Williams, la
façon dont vous répondez actuellement aux questions
m'épate. Je suis très très sensible aux réflexions
que vous donnez, à la spontanéité de vos réponses
et de votre mémoire aussi. Il me reste à vous
féliciter.
Dans votre organisme, vous avez des objectifs qui sont, en somme,
très dignes. Lorsque vous dites que toutes sont unanimes lorsqu'elles
déclarent que chaque citoyen a droit à la dignité,
à la justice et aux chances d'avancement qui lui permettront de
s'immiscer et de se développer pleinement dans un univers de plus en
plus complexe, j'aimerais bien qu'il y ait un groupe d'hommes qui se forme avec
la même idéologie que celle de votre groupe de femmes de
Montréal.
Si je reviens à la page 2 a), lorsque le député de
L'Acadie disait tout à l'heure qu'elle souhaitait que votre groupe soit
entendu, soit dans l'amendement de certains articles ou qu'on
s'intéresse sérieusement aux mémoires qui nous sont
présentés, dès l'article 7 b) que vous avez, je suis
déjà très sensible à cela, lorsque vous recommandez
également la liberté de choix entre n'importe lequel des
systèmes scolaires pour les enfants qui souffrent de troubles
d'apprentissage ou qui sont handicapés physiquement ou mentalement.
Est-ce que vous pourriez me dire pourquoi, pour ce groupe, vous aimeriez avoir
et surtout pour lui un libre choix?
Mme Williams: Je pense que les raisons pour cela sont qu'il y a
beaucoup de services auxiliaires pour les problèmes spécifiques.
Pourquoi y a-t-il des services très spéciaux dans une
école et pas dans les autres? Peut-être qu'il serait mieux que les
enfants puissent choisir, pour leur problème spécifique, une
école où les services auxiliaires sont les meilleurs. C'est pour
cela que nous avons dit cela. Est-ce que c'est assez clair?
M. Laplante: C'est clair, madame. Mme Williams: Merci.
M. Laplante: Maintenant, lorsque vous allez à la page 3,
vous dites que la Charte de la langue française est basée sur de
fausses prémisses. La première phrase du préambule
présume que le français est la langue de tous les citoyens du
Québec. C'est dans l'article 133 probablement que vous vouliez insinuer
cela. Est-ce que vous considérez que la langue officielle de l'Ontario
est l'anglais?
Mme Williams: En Ontario?
M. Laplante: Oui.
Mme Williams: Je pense que oui.
M. Laplante: Est-ce que vous considérez qu'il y a une
liberté de choix actuellement pour le francophone qui se trouve en
Ontario?
Mme Williams: Je pense que dans les banlieues ou les villes
où il y a une proportion assez considérable de francophones, il y
a un libre choix, à Ottawa, Sudbury, je peux mentionner Cornwall, mais
c'est en proportion de la population.
Quand la population francophone est assez nombreuse pour avoir une
école, je pense qu'il y a libre choix. Je pense que, si j'étais
à Cornwall, je pourrais envoyer mon enfant à une école
française si je voulais. Est-ce que c'est vrai?
M. Laplante: C'est difficile pour nous, en somme, de discuter
là-dessus. C'est surtout comme renseignement qu'on aimerait à en
prendre note, parce qu'il y a beaucoup d'idées ou d'opinions très
controversées, selon la province.
Le député de L'Acadie parlait aussi des classes d'accueil
et vous-même avez fait allusion à l'échange
d'étudiants entre écoles françaises et écoles
anglaises. Je suis tout à fait d'accord. Moi-même, je suis un
ancien commissaire de la Commission des écoles catholiques de
Montréal où il y avait deux écoles, l'école
René Guénette et l'école MaplehiII, où on
favorisait, à longueur d'année, un échange
d'étudiants, un échange de visites ou d'activités
parascolaires. Cela a même peut-être l'air un peu orgueilleux de le
dire. On m'a même remis une plaque de reconnaissance à ce sujet,
tant le succès a été bon. C'était
énormément encouragé et aux classes d'accueil, tel qu'on
le fait actuellement, du secteur français de Montréal... Je vous
inviterais à aller visiter une école telle que celle de
Nicolas-Viel où vous avez, à la maternelle, environ 19
nationalités différentes. J'ai suivi, durant trois ans,
l'évolution de cette école et, croyez-moi, j'ai eu beaucoup de
plaisir à aller, tous les quinze jours ou toutes les trois semaines,
visiter ces enfants. L'accueil peut se faire très bien, je crois, entre
groupes ethniques, du côté francophone. Cela vise un peu les
objectifs humanitaires
de votre groupement, l'accueil des autres groupes ethniques à
l'école.
Mais la crainte que vous avez, actuellement... Lorsque vous avez
répondu au député de Beauce-Sud à propos du
système d'écoles anglaises... Est-ce que, dans votre esprit, vous
craignez la disparition de l'école anglaise proprement dite?
Mme Williams: Ce n'est pas nécessairement la disparition
des écoles anglaises, mais si la population... Il y a deux choses: Si,
par la loi, la diminution de la population est forcée, je pense que cela
ne fera rien ici, au Québec. Mais, deuxièmement, je pense que
s'il y a... Je ne sais pas si c'est le mot "rentable", mais il faut avoir une
population assez grande pour avoir les services. Nous avons ça
maintenant, mais, à cause de la dénatalité et des
personnes qui vont déménager, la population va diminuer. Mais je
pense qu'avec la Charte, ça va se faire trop vite et c'est ça que
je crains.
M. Laplante: Parce que si vous comparez le système de
Montréal avec celui de la province, le milieu rural, il y a toujours eu
des écoles anglophones, même dans des milieux à 95%, 98%
français, si je prends des régions telles que la Gaspésie
ou d'autres régions, où l'école anglaise a
été maintenue. Croyez-vous que l'école pourra y être
maintenue, même avec l'application de la Charte de la langue
française?
Mme Williams: En Gaspésie? M. Laplante: Oui.
Mme Williams: Oh, ça, je ne sais pas, monsieur, parce
que...
M. Laplante: Vous avez 30 commissions scolaires actuellement qui
sont anglophones.
Mme Williams: Je ne suis pas très au courant des
problèmes... Je sais qu'il y a des écoles anglaises en
Gaspésie, mais je ne peux pas faire de commentaires à ce
sujet.
M. Laplante: Merci, madame. Mme Williams: Merci.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Rosemont. Il reste huit minutes pour le parti ministériel.
M. Paquette: Merci, M. le Président. Mme Williams, je
tiens d'abord à vous remercier pour votre mémoire, comme on l'a
dit, très modéré. Je vous félicite également
de vous exprimer dans notre langue à cette commission parlementaire.
Je tiens quand même à vous dire que vous avez le droit de
vous exprimer en anglais devant cette Assemblée nationale et vous aurez
encore ce droit lorsque le projet de loi no 1 sera adopté.
Vous aurez également le droit de vous exprimer dans votre langue
devant les tribunaux. Je pense qu'on oublie trop souvent que tout ce qui n'est
pas défendu par la loi est permis, et le chapitre qui concerne les
tribunaux nous indique que les individus qui veulent s'exprimer en anglais
devant les cours de justice pourront le faire.
Mme Williams: Je le sais.
M. Paquette: Vous êtes d'accord. J'aimerais
également vous dire à quel point je suis sensible à votre
implication dans la communauté et votre désir de participer
à ce Québec que vous considérez français comme vous
nous l'avez dit. Vous trouvez normal que les immigrants qui arrivent ici
s'inscrivent à l'école française. C'est un objectif que
nous partageons également. Je trouve, par contre, dommage que vous
pensiez que la vie privée des gens, les droits fondamentaux de la
personne soient menacés. Je le comprends d'un autre côté
quand on lit dans les journaux, tous les jours, particulièrement dans
les journaux anglophones, que le gouvernement et même avant le
dépôt du livre blanc allait violer les libertés
fondamentales. Je vous comprends d'avoir ces craintes. Je tiens à vous
dire que nous allons, avec toute l'ouverture d'esprit, s'il y a dans la charte
du français des articles qui briment ou qui pourraient brimer les
libertés individuelles, faire tout notre possible pour les
éliminer, les faire disparaître. À ce sujet, j'aimerais
vous poser une question particulièrement concernant la partie de votre
mémoire où vous parlez de la commission de surveillance et des
demandes de renseignements.
Telle que je vois, cette commission de surveillance, en relisant en
particulier les articles 132 et 141, il me semble que c'est une commission de
surveillance qui vise surtout et même exclusivement à faire
appliquer les règles de francisation des entreprises. Je ne pense pas
que cela soit une commission de surveillance qui va s'immiscer dans la vie
privée des gens. Il y a une loi. Il y a des règlements. On laisse
aux entreprises le soin d'élaborer leurs programmes de francisation et
de les appliquer, mais au cas où les entreprises ne respecteraient pas
elles-mêmes leur plan de francisation, il y a une commission de
surveillance de prévue.
Avez-vous l'impression que cette commission de surveillance brimera
certaines libertés des citoyens, telle que présentée dans
la loi actuellement?
Mme Williams: II y a deux choses ici et je veux inviter Mme
Bengough, si elle le désire, à commenter aussi mes propos mais je
vais recommencer. Nous avons des membres qui sont venus ici d'Europe et je
pense que ce sont elles qui ont le plus peur d'une commission de surveillance.
Vous m'avez demandé, monsieur... Ce ne sont pas nécessairement
les droits individuels, la commission de surveillance est pour les entreprises,
mais, à mon avis, les employeurs et les employés sont des
êtres humains et les lois sont pour eux aussi, mais c'est peut-être
à cause de cela, c'est une bureaucratie et c'est le commencement d'une
sorte je vais utiliser un terme assez fort le
commencement d'un État policier, quand il y a des inspecteurs, de
telle choses.
Je me demande pourquoi nous ne pouvons pas rester avec une Régie
de la langue française. S'il y a des cas, ne peut-on pas aller à
la régie et ne pas avoir nécessairement les inspecteurs?
Il y a une autre chose. Puis-je ajouter quelque chose d'autre au sujet
de la commission de surveillance?
Mme Bengough: II y a autre chose.
Les femmes sont très pratiques et on pense au coût de ce
conseil consultatif que vous proposez, parce que maintenant vous avez une
Régie de la langue française qui fonctionne très bien.
À ce qu'on a entendu dire, elle travaille bien, elle travaille
très discrètement et maintenant vous proposez trois bureaux pour
remplacer cette Régie de la langue française. Vous proposez un
office de la langue française, le conseil consultatif de la langue
française et cette commission de surveillance. Il nous semble que cette
commission va employer toute une armée d'inspecteurs et on se demande
combien d'argent on va y dépenser, parce qu'en ce moment le gouvernement
a besoin d'argent pour des choses très importantes, pour les affaires
sociales où il y a beaucoup de besoins, pour les enfants battus, pour
les garderies,, pour les malades, pour toutes ces choses dont on a grand besoin
et on nous dit toujours qu'il n'y a pas d'argent. Alors, nous nous demandons si
c'est vraiment le meilleur endroit pour dépenser tant d'argent, quand il
y a des besoins ailleurs.
M. Paquette: En fait, je comprends votre préoccupation,
parce que j'étais récemment devant la société
B'Naï Brith qui craint également énormément
peut-être à cause de certains bruits qui ont circulé,
encore une fois, dans les milieux anglophones du Québec les
pouvoirs d'enquête, les commissions d'enquête et tout cela,
Cependant, je tiens à vous dire quand même que les trois
organismes que vous avez mentionnés correspondent à trois
fonctions qu'avait autrefois la Régie de la langue française et
qui ont été simplement distinguées de façon que la
commission de surveillance remplisse un rôle plus particulier. Cela ne
veut pas dire nécessairement que plus d'argent y sera mis, sauf que nous
voulons que la francisation s'applique à toutes les entreprises un peu
plus rapidement. Cela va, évidemment, demander une extension du
personnel de la régie, mais pas une extension des fonctions qui
étaient autrefois prévues. Dans la mesure où vous laissez
une très large responsabilité aux entreprises, aux travailleurs
et aux patrons des entreprises d'élaborer eux-mêmes leur plan de
francisation et de l'appliquer, les interventions de la commission de
surveillance et les autres organismes seront réduites au minimum. On
l'espère pour les mêmes raisons que vous avez
mentionnées.
En ce qui concerne la protection des citoyens, j'aimerais mentionner que
l'article 141 soumet ses enquêteurs à des articles du code de
procédure civile qui ont pour but de protéger, justement, les
témoins qui seraient entendus par la commission.
D'autre part, comme n'importe quelle commission, par exemple, comme pour
le salaire minimum, on sent le besoin de faire des enquêtes. Donc, pour
une chose aussi importante que la langue, vous comprendrez qu'on veuille mettre
un peu de ressources là-dessus, et dans ce cas-là comme ailleurs,
il y a un droit d'appel, si des citoyens se sentent lésés. Ce
n'est pas du tout dans une optique d'inquisition que nous proposons cette
commission de surveillance. J'aimerais bien vous l'affirmer.
Ailleurs, dans votre mémoire, vous parlez de discrimination et de
classes de citoyens. Vous employez même le mot caste à un moment
donné. Or, pour avoir travaillé à la préparation de
cette loi, je tiens à vous dire que, continuellement, nous avons
essayé de ne pas distinguer les citoyens. Par exemple, le droit de
travailler en français est reconnu pour tous les citoyens, quelle que
soit leur origine ethnique, que ce soit une personne d'origine italienne, ou
grecque, ou quelle qu'elle soit. Toutes les personnes sont égales devant
la loi. J'aimerais que vous me disiez ce qui vous a amené à
écrire ce terme de "discrimination" qu'on retrouve dans plusieurs
mémoires et que je trouve malheureux. Vous dites que la loi... Je pense
que c'est au début. Attendez que je le retrouve. Par exemple, quand vous
dites, à votre deuxième recommandation, "que tous les citoyens
puissent jouir de droits égaux sans égard à leur origine",
je pense que c'est un objectif que nous poursuivons.
Qu'est-ce qui vous fait craindre que la charte du français puisse
ne pas donner des droits égaux à tous les citoyens? Est-ce que
c'est surtout l'accès aux écoles ou s'il y a d'autres articles de
la loi qui vous font craindre cette chose?
Mme Williams: La charte ne donne pas des droits égaux
à tous les citoyens dans le moment, c'est dans l'article 52, parce que
des citoyens canadiens, à mon avis, qui viennent ici n'auront pas le
choix de la langue d'enseignement. C'est ce que vous avez mentionné une
fois ici. Je pense que c'est là...
M. Paquette: Vous allez admettre avec moi que, dans l'optique
d'une province bilingue, je vous donnerais raison, mais, dans l'optique
où nous voulons faire du Québec un état français,
tout en conservant des droits à la minorité anglophone qui sont,
à mon avis, plus grands que n'importe où ailleurs, il nous soit
difficile d'accepter la liberté de choix. D'autre part, vous admettez
vous-même que les immigrants devraient s'inscrire à l'école
française, alors, la question se pose: Est-ce qu'on doit réserver
l'école anglaise aux résidants du Québec ou aux
résidants du Canada?
Mme Williams: ... aux résidants du Canada, monsieur.
M. Paquette: Je suis d'accord. Je veux dire, est-ce que vous
diriez que ceci...
Le Président (M. Cardinal): Pardon, je m'excuse, M. le
député de Rosemont, une dernière question très
brève, s'il vous plaît.
M. Paquette: Je vais tout simplement conclure. Je regrette de ne
pouvoir poursuivre. J'aimerais vous remercier au nom du parti
ministériel de votre mémoire très modéré.
Concernant une remarque d'un député, je crois que c'était
le député de Mont-Royal qui disait que le gouvernement et en
particulier le ministre devaient légiférer en fonction de tous
les citoyens du Québec, pour avoir assisté aux rencontres que
nous avons faites en décembre avec les représentants des
principales communautés ethniques, je me rappelle très bien
d'avoir entendu le ministre d'État au développement culturel dire
à tous ces groupes qu'il s'intéressait au développement
culturel de tous les groupes au Québec. Mais comme, bien sûr, la
majorité au Québec est francophone, il nous faut d'abord adopter
une loi qui assure ses droits. Il y a beaucoup d'autres initiatives du
gouvernement qui visent à appuyer le développement culturel des
différents groupes au Québec et j'espère que vous
continuerez à vous sentir à l'aise chez nous parce que c'est
également votre pays, votre patrie.
Mme Williams: M. le Président, est-ce que je peux poser
une question ici au sujet de la commission de surveillance? Parce que j'ai
trouvé...
Le Président (M. Cardinal): Vous désirez la poser
à qui, cette question?
Mme Williams: Peut-être à Monsieur ici.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Rosemont, c'est la seule personne à qui vous pouvez la poser.
Mme Williams: Est-ce que je peux le faire? Le Président
(M. Cardinal): Oui, Madame.
Mme Williams: Nous parlions tantôt de la commission de
surveillance et j'ai trouvé dans le bill 22, à l'article 55,
qu'il y a un pouvoir dévolu à la Régie de la langue
française qui peut-être va vous aider. Article 55 e): "de mener
des enquêtes prévues par la présente loi afin de
vérifier si les lois et les règlements relatifs à la
langue française sont observés". Je trouve que c'est un peu la
fonction de la commission.
M. Paquette: C'est exactement ce que je disais, que les fonctions
qui étaient attribuées à l'Office de la langue
française par la loi 22 sont réparties maintenant entre trois
organismes, dont la commission de surveillance. On ne peut pas dire qu'il y a
détérioration de votre point de vue de ce côté. On
va y réfléchir.
Mme Williams: Non, mais nous posons la question, pourquoi trois?
Seulement ça. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse. Quand même,
je pense que c'est avec une certaine souplesse que je calcule ce temps en y
donnant beaucoup d'attention. Une dernière intervention d'environ deux
minutes de M. le député de D'Arcy-McGee, et ce témoignage
sera terminé. M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Goldbloom: Merci M. le Président. Mme Williams, vous
avez reçu des félicitations et elles sont bien
méritées. Je voudrais y ajouter les miennes, vous vous êtes
très bien défendue. Chaque mémoire est en quelque sorte un
message que la personne ou l'organisme veut communiquer aux membres de la
commission parlementaire et plus particulièrement au gouvernement, parce
que c'est le gouvernement qui prend l'initiative et la responsabilité
des projets de loi et donc, des éventuelles lois.
Vous n'êtes pas venues vous exprimer comme des adversaires. Au
contraire, vous avez exprimé un très grand respect pour la langue
française, pour la population de langue française du
Québec et pour la démocratie.
Vous avez exprimé aussi, même si le ministre a voulu vous
amener à fournir plus de détails je l'ai
décelé dans votre témoignage une volonté
très précise et très ferme de vivre comme citoyens
à part entière du Québec, avec et en communication avec
tous les citoyens du Québec.
Il est évident que si personne ne vient dire à un
gouvernement: II y a telle ou telle chose dans votre projet de loi qui pourrait
être une atteinte à la démocratie, le gouvernement trouvera
son projet de loi parfait, trouvera chaque mot parfait et sans besoin de
changement. Tout gouvernement, dans un pays comme le nôtre, se croit
parfaitement démocratique. Mais tout gouvernement est constitué
d'êtres humains qui sont faillibles et qui peuvent coucher sur papier des
textes qui, en fin de compte, finissent par ne pas être parfaitement
démocratiques.
Si je vous pose une question, ce n'est pas pour mettre mes paroles dans
votre bouche, c'est pour m'assurer que j'ai bien compris le message de votre
mémoire. Je ne crois pas que ce soit un plaidoyer pour le milieu
anglophone...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
D'Arcy McGee, je vous prierais de poser votre question
immédiatement.
M. Goldbloom: D'accord. Je crois que c'est plutôt un
plaidoyer pour la démocratie. Je voudrais vous demander simplement ceci:
Est-ce que votre message est de dire au gouvernement que dans la
rédaction des articles que vous avez mentionnés, vous trouvez
qu'à vos yeux, la démocratie n'est pas parfaitement
respectée et que c'est pour cela que vous invitez le gouvernement
à modifier ses textes?
Mme Williams: C'est pour cela que nous sommes ici, monsieur.
Le Président (M. Cardinal): Merci, Mme Williams. Nous
avons vraiment raison de vous remercier... Votre témoignage en
français, à l'occasion de ce projet de loi, votre patience, et
vos réponses,
je pense, ont su informer la commission et je vous remercie au nom de
tous les membres de cette commission.
Mme Williams: Merci.
Le Président (M. Cardinal): Le prochain témoin, The
Montreal Lakeshore University Women's Club. Je demanderais à ces
personnes de s'approcher, de s'identifier, tant individuellement que comme
association. Je leur rappelle, comme je le rappelle à tous ceux qui se
présenteront devant nous, qu'en vertu d'une motion adoptée par
cette commission, les personnes qui présentent des mémoires ont
un maximum de 20 minutes. Mesdames.
The Montreal Lakeshore University Women's Club
Mme Hughes (Donna): Merci, M. le Président. M. le
Président, madame et les membres de la commission parlementaire, je suis
Donna Hughes, la présidente du Montreal Lakeshore University Women's
Club et je vous présente les membres de notre comité.
Mmes Lukanovich, Montminy, à gauche, Leslie, Sutherland et Monty.
Nous sommes venues, dans la 20ième année de l'existence de notre
club, pour participer au procès démocratique du Québec,
pour accepter notre responsabilité comme citoyens de commenter le projet
de loi no 1, pas comme les avocats, pas comme les professeurs, pas comme
membres d'une corporation avec les vastes résultats de
l'expérience technique, mais comme les citoyens du Québec
où nous voulons rester et auquel nous voulons contribuer et nous
appartenons.
Maintenant, Mme Montminy vous présentera notre
mémoire.
Mme Montminy (Carmen): Madame, messieurs, le Montreal Lakeshore
University Women's Club regroupe 250 diplômées demeurant dans la
partie ouest de l'île de Montréal qu'on appelle le Lakeshore. Nous
représentons 27 universités canadiennes, 20 universités
américaines, 8 de la Grande-Bretagne et 8 d'Europe et d'Asie. Le club
fait partie de la Fédération canadienne des femmes du
Québec. En outre, notre club a été un des
membres-fondateurs du Conseil provincial des femmes diplômées de
la province qui, à son tour, jouit d'un accord sympathique entre les
clubs francophones et les clubs anglophones.
La primauté de la langue française est reconnue au
Québec et l'épanouissement de la langue et de la culture
française doit être appuyé avec ferveur. Néanmoins,
nous, les membres du Montreal Lakeshore University Women's Club, croyons que
cet objectif ne devrait pas se réaliser en faisant du Québec une
province unilingue, aux dépens des droits individuels acquis de chacun
de ses citoyens.
Les droits constitutionnels et les droits de la personne. Nous
reconnaissons qu'approximativement 80% des citoyens de la province de
Qué- bec ont comme langue maternelle le français et, certes, ils
doivent être assurés de communiquer et de travailler
confortablement dans leur propre langue.
Le gouvernement ne doit pas insister invariablement sur le fait que les
minorités demeurant maintenant au Québec sont mieux
traitées que les francophones qui résident dans les autres
provinces. Gouverner avec vengeance n'est pas du tout une base solide sur
laquelle bâtir un Québec renouvelé.
Tenant compte de ce fait, notre club insiste que les droits fondamentaux
de la personne doivent être protégés et nettement
définis. Le projet de loi no 1 ne doit pas prendre pas sur une partie
quelconque de la Charte des droits de la personne, loi no 50, qui interdit la
discrimination à base de race, de nationalité, de langue (article
10). En effet, en tant que parti d'Opposition, le Parti québécois
a même proposé que la Charte des droits et de la liberté de
la personne soit d'une suprême importance par rapport à n'importe
quelle autre loi pour "se pourvoir contre les changements politiques". D'un
bout à l'autre de cette loi, il existe plusieurs infractions
constitutionnelles contre les droits et la liberté de la personne pour
tous les citoyens québécois. On remarque que les articles 22 et
24 nient à certains individus le droit d'obtenir des informations, ce
qui est directement contre la Charte des droits de la personne.
Mentionnons ici que les citoyens anglophones sont aussi des
Québécois. Cette minorité représentant une des deux
cultures fondatrices du Canada est au Québec depuis plus de 200 ans. Si
cette Charte de la langue française entre en vigueur, la
communauté anglophone ne jouirait point des mêmes droits que ceux
accordés aux citoyens francophones. Il existerait plusieurs
différences dans les droits, notamment les citations, sommations, mises
en demeure et assignations, ainsi que les jugements, contrats et documents. Il
n'y a aucune garantie établie qu'assurerait à l'anglophone les
services ci-haut mentionnés dans sa langue maternelle. Les
municipalités ainsi que les commissions scolaires qui sont en
majorité anglophones n'auraient plus le droit de communiquer dans leur
propre langue. La législation proposée est discriminatoire,
divise la population québécoise et produit plusieurs
catégories de citoyens.
Dans cette province, il faut prendre conscience du nombre de mariages
où un des conjoints est anglophone et l'autre francophone. Donc,
même au niveau familial, il existerait des droits différents. Par
exemple, on pourrait citer la situation dans laquelle un conjoint ne serait pas
congédié en raison de sa langue, tandis que le contraire serait
vrai pour l'autre époux. Dans un autre cas, un enfant peut être
obligé de fréquenter l'école française, quoique les
aînés de la famille qui ne sont plus à l'école ont
été éduqués dans le système anglophone
(article 52b). On doit faire tous les efforts nécessaires afin de
garantir les droits constitutionnels de chaque Québécois.
Avec la loi no 1, les droits collectifs des francophones prennent le pas
aux dépens des droits individuels. À titre d'exemple, les
articles 9 et 38 de
la loi no 50 et l'article 4 des droits de la protection du consommateur
ont été amendés par la loi no 1, article 170 et 172.
Aussi, les parents francophones n'ont pas le choix de la langue d'instruction
pour leurs enfants.
La diminution des droits de la personne n'est que le commencement d'une
subjugation des droits individuels aux biens de l'État.
La langue de la législation et de la justice. En faisant omission
de la langue anglaise comme une des langues officielles de la
législation et de la justice au Québec, le projet de loi no 1,
articles 7, 9, 11 et 13, est en violation de l'article 133 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique. L'article 133 se lit comme suit: "Dans
les Chambres du Parlement du Canada et de la Législature du
Québec, chacun pourra, dans les débats, faire usage de la langue
anglaise ou de la langue française; mais les registres et les
procès-verbaux des Chambres susdites devront être tenus dans ces
deux langues. Dans tout procès porté devant un tribunal du Canada
établi en vertu de la présente loi ou devant un tribunal du
Québec, chacun pourra faire l'usage de l'une ou de l'autre de ces
langues dans les procédures et les plaidoyers qui y seront faits ou dans
les actes de procédure qui en émaneront. "Les lois du Parlement
du Canada et de la Législature du Québec devront être
imprimées et publiées dans l'une et l'autre de ces langues."
Le gouvernement du Québec n'a aucunement le pouvoir d'amender
cette loi qui est constitutionnelle. Les projets de loi, mises en demeure et
règlements doivent être disponibles simultanément en
français et en anglais. Le Montreal Lakeshore University Women's Club
s'oppose avec ardeur à toute restriction quelconque de la langue
anglaise, soit à l'Assemblée nationale, soit dans la
législation et la justice.
La langue de certains organismes parapublics (professionnels). Les
règlements rigoureux en ce qui concerne les ordres professionnels
serviraient à limiter leurs membres en nombre, seraient la cause d'un
exode de professionnels, et n'attireraient point de membres additionnels. Le
départ, déjà commencé, de plusieurs professionnels
appauvrirait la province avec une disette d'expérience, de connaissances
et de vitalité. La qualité des professionnels au Québec
serait affectée d'une façon contraire par les conditions
imposées par la Charte de la langue française.
La langue de l'enseignement. L'éducation et la langue
d'instruction comme telle sont d'une importance réelle pour le Montreal
Lakeshore University Women's Club. Nous croyons au libre choix des parents en
ce qui concerne la langue d'instruction, et encourageons l'enseignement d'une
langue seconde (soit le français et l'anglais) dans les systèmes
scolaires.
Si le projet de loi no 1 entrait en vigueur, il n'existerait
guère de choix de langue d'instruction pour le Canadien français,
ni pour aucun autre citoyen canadien éduqué en dehors du
Québec, ni pour les immigrés. En plus, l'anglophone non
québécois, qu'il soit Canadien ou autre, n'aurait pas droit
à l'instruction en anglais.
Ceci est non seulement méprisable, mais entre en conflit avec
l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Les
protestants maintiennent que le droit acquis de choisir la langue d'instruction
fut en vigueur avant la Confédération, et il est ainsi
sauvegardé par l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.
L'interprétation de cet article est présentement devant la Cour
d'appel. Le jugement porté par M. le juge Jules Deschênes,
daté du 6 avril 1976, n'est pas terminé à ce moment.
En limitant le développement du système anglophone,
article 53, et en se prononçant sur l'admissibilité de ceux qui
désirent s'inscrire dans les écoles anglaises, articles 52 et 54,
la loi no 1 restreint les droits d'une minorité et limite ainsi le droit
acquis de s'exprimer et d'être susceptible de profiter du service
d'enseignement offert dans sa propre langue. On prévoit une
réduction importante des inscriptions en refusant à ceux qui ne
résident pas en ce moment au Québec, mais qui peut-être
seraient citoyens d'ici peu, de s'intégrer au système anglais. Le
nombre des citoyens anglophones au Québec est toujours resté
stable, à cause du facteur de mobilité. Ceci demeure vrai en ce
qui concerne notre club; un pourcentage de 25% de transferts est habituel sur
un nombre total de 250. Le changement serait immédiat puisque les
nouveaux arrivés ne seront plus les bienvenus; le libre choix de la
langue d'instruction pour leurs enfants leur serait interdit. Donc, tout en
tenant compte d'une baisse des naissances, la diminution des nouveaux citoyens
réduirait nécessairement d'une façon réelle les
inscriptions. En outre, les commissions des écoles anglaises, en se
conformant à la nouvelle législation, se voient dans la
nécessité de consacrer plus à l'administration qu'à
l'enseignement. Les catholiques anglophones se trouvent dans une situation
bizarre, puisque les commissions françaises ne voient pas la
nécessité de commencer à donner l'instruction en anglais.
Le but positif d'affermir effectivement le français ne doit pas se faire
aux dépens du système d'éducation anglophone.
Nous recommandons l'enseignement compétent d'une langue seconde,
tant pour le système anglais que pour le système français.
Nous sommes fiers de nos programmes d'immersion française dans le
système anglais, programmes établis avec peu d'assistance de la
part du gouvernement provincial. Afin de profiter davantage des occasions
présentées et de participer à la vie du continent
nord-américain, tous les enfants du Québec doivent être
bilingues. Les parents canadiens-français eux-mêmes (étude
faite à l'Université de Montréal) l'exigent. Tel que
prévu dans le projet d'immersion Saint-Lambert, l'enseignement d'une
langue seconde en très bas âge n'a aucun effet dommageable sur la
langue maternelle. L'enseignement adéquat d'une langue seconde ne doit
pas être envisagé d'une manière suspecte, mais plutôt
vu comme une occasion d'élargir les horizons.
Commerce et industrie: Le climat incertain de l'économie de la
province de Québec ne peut pas être ignoré. Il existe des
vrais problèmes, tels que
10% de chômage, impôts élevés, inflation,
dettes énormes et une pénurie d'investissements privés.
L'Office de planification et de développement du Québec, dans un
exposé intitulé "L'analyse structurale de l'économie
québécoise", prédit un déclin du produit brut des
industries primaire et manufacturière, si la tendance actuelle se
poursuit.
Comment l'économie du Québec serait-elle affectée
par le projet de loi no 1? La législation répressive de la loi no
1 semble nier le progrès énorme déjà atteint dans
la francisation de la communauté québécoise. L'industrie,
les institutions financières et les commerces auront affaire à
des règlements et des interventions additionnelles du gouvernement.
L'article 37 illustre bien cette intervention en disant qu'il incombe à
l'employeur de prouver que la connaissance de "l'autre" langue est
nécessaire pour remplir une tâche nécessaire. Les maisons
de commerce ayant plus de 100 employés doivent avoir un programme de
francisation et un comité. Il y aurait des amendes pour ceux qui ne
suivent pas ces règlements. Combien coûteraient ces
règlements à l'employeur? Sans doute, le coût de mettre en
oeuvre ces règlements serait payé par le consommateur. Ces
maisons d'affaires, qui éprouvent déjà des
difficultés à survivre avec ces nouveaux règlements, vont
certainement être obligées de fermer leur porte. Certes, la
francisation des commerces et la promotion des francophones seraient possibles
en utilisant des moyens moins radicaux et en employant des méthodes
stimulantes plutôt que punitives.
Le grand nombre d'entreprises, d'industries, d'institutions
financières, ainsi que d'institutions de recherche qui quitteront le
Québec nous préoccupe maintenant. Nous envisageons la
possibilité réelle de voir s'établir ailleurs plusieurs
établissements à cause d'une multitude de restrictions et de
règlements qui engendreraient des difficultés dans le recrutement
de personnes habiles et techniques. Ceci donnera comme résultat une
baisse dans la structure de taxe de base, une diminution dans le pouvoir
d'achat, une perte de positions, une économie de succursales et, ce qui
est plus important, un champ limité pour les Québécois. Ce
sont des situations graves qui demandent d'être considérées
objectivement avant de voter une loi.
Les abus du système démocratique Le Parti
québécois, élu démocratiquement, doit remarquer les
mesures non démocratiques qui existent dans la loi no 1. Celles-ci
incluent le gouvernement par règlements, les pouvoirs vagues et
discrétionnaires accordés aux fonctionnaires et l'inconsistance
et le pouvoir limité de réclamer.
Les règlements du conseil ne sont pas votés par les
membres de la Législature qui sont responsables vis-à-vis de
l'électorat. Avec la loi no 1, la situation est telle que le
gouvernement par règlements est en marche, et le gouvernement se
prononce sur plusieurs sujets, tels que les éléments de preuve,
les conditions de résidence temporaire, et prescrit les mesures de
coopération que doivent avoir les services et les agences de
l'administration civile (article 77).
Nous nous opposons, dans la loi no 1, aux pouvoirs larges et non
définis accordés aux fonctionnaires de décider sur la
question d'admissibilité des élèves (articles 52, 53, 54).
Nous nous opposons au fait que les fonctionnaires ont des pouvoirs
discrétionnaires concernant la surveillance des entreprises (articles
132); nous nous demandons s'il y a des entreprises exemptes de suivre les
règlements de la loi no 1. Qu'est-ce qui constitue une connaissance
appropriée de la langue française et quelles entreprises de moins
de 50 employés doivent être francisées? L'article 98:
"Quiconque entrave le travail de l'office ou refuse de se conformer à
l'article 97 commet une infraction à la présente loi", n'est pas
assez précis et laisse la porte ouverte pour les manipulations
politiques.
Il y a clairement un manque de procédure pour les demandes
d'appels dans la loi no 1.
En regard de l'article 55, un appel sera peut-être pourvu aux
parents, mais ce n'est pas garanti et tout appel est décisif.
Il y a beaucoup d'assistance accordée aux commissaires
enquêteurs et aux requérants d'enquêtes, mais ceci n'est pas
applicable aux défendeurs. La loi encourage et protège les droits
du requérant, tandis que les droits et recours des défendeurs
n'ont pas les mêmes privilèges. Le dossier est transmis au
procureur général et le défenseur n'a pas le droit de
l'examiner. Nous nous opposons, dans cette loi, aux procédures d'appel,
à l'absence de droit pour le défendeur d'examiner le dossier
ainsi qu'à l'absence de la nécessité de rendre compte de
leurs actions pour ce qui est du président de la commission de
surveillance et la commission de surveillance elle-même. (Articles 80,
129, 142).
Les recommandations. Droits de la personne. Nous recommandons que la
charte des droits de la personne ait préséance sur toute autre
législation. Que le droit d'employer la langue anglaise devant les
tribunaux et à l'Assemblée nationale soit garanti. 2.
Éducation. Nous recommandons le choix libre de l'individu en ce qui
concerne la langue d'instruction des enfants. Que l'instruction de bonne
qualité soit disponible dans les systèmes publics français
et anglais. Que la priorité soit donnée à l'enseignement
d'une langue seconde, tant au secteur français qu'anglais. 3. Les abus
de la démocratie. Nous recommandons que la loi no 1 garantisse une
procédure démocratique pour tout ce qui concerne la commission de
surveillance par l'élimination des pouvoirs discrétionnaires. 4.
Commerce et industrie. Nous recommandons que l'assistance financière
soit disponible pour les industries et les entreprises, leur permettant
d'introduire un programme de francisation sans affecter leur pouvoir d'entrer
en compétition avec les établissements hors de la province. Nous
recommandons aussi que les corporations aient le droit d'accès à
l'information pour leur défense et recours dans les affaires ayant
rapport à la commission de surveillance.
Conclusion. Avec la mise en oeuvre de ces recommandations, nous
acceptons le désir fondamental du gouvernement expliqué dans la
loi no 1, c'est-à-dire d'assurer l'existence d'une province francophone.
Ce but peut être accompli sans la diminution des droits d'une assez
grande minorité non francophone. Une réalisation de buts
graduelle par l'encouragement, la coopération et la bonne volonté
chez les citoyens du Québec est sûrement plus à souhaiter
que l'esprit de confrontation, la répression inutile et la diminution
des droits personnels et constitutionnels actuellement dans la loi no 1.
Un des buts premiers de notre organisation se trouve dans le domaine de
l'éducation tel que stipulé dans notre constitution: "l'objet de
cet organisme serait d'aider au développement d'un concept sain des
valeurs éducatives et à la conservation de normes
élevées dans l'éducation publique". Il faut savoir que
l'intention de l'éducation n'est pas simplement de la dictature
bureaucratique ou un programme de placement pour nos enseignants. Ce n'est
même pas de toute première importance d'envisager comme un des
moyens de continuer les traditions de nos ancêtres. Le but premier de
l'éducation consiste à aider les jeunes gens à se
débrouiller eux-mêmes en regard d'un avenir aussi changeant que
mobile. L'éducation, ce n'est pas un champ de bataille où les
différences sont accentuées, mais plutôt une arène
où nous apprenons à connaître nos similarités et nos
désirs communs pour l'avenir. Etre en mesure de communiquer et la
capacité de parler français et anglais créera certainement
un climat positif de compréhension parmi nos enfants qui, eux, tiennent
la clé de l'avenir de la province de Québec.
Je vous remercie messieurs, madame.
Le Président (M. Laplante): Merci Mme Montminy. Vous avez
pris exactement 20 minutes. M. le ministre.
M. Laurin: Je remercie beaucoup The Montreal Lakeshore University
Women's Club pour ce mémoire que j'ai trouvé très
intéressant en ce sens qu'il révèle de façon
exemplaire une certaine mentalité et une certaine attitude.
Je voudrais tout de suite rassurer le témoin et lui dire que pour
le gouvernement, malgré les craintes qu'elle vient de mentionner, les
anglophones sont de véritables Québécois et d'ailleurs,
nous l'avons établi dans le livre blanc. Nous avons reconnu l'apport
qu'ils ont donné et qu'ils donnent encore à la
collectivité québécoise.
J'ai quand même l'impression que les témoins ont lu, dans
le texte du projet de loi, ce qui ne s'y trouvait pas ou qu'ils l'ont lu avec
des lunettes noires. Je me demande, par exemple, où ils ont
trouvé, dans l'article 36 qu'ils ont cité, qu'un anglophone
pouvait être congédié dans une entreprise parce qu'il ne
parlait pas français, puisque cet article ne fait
référence qu'à des francophones qui, eux, ne peuvent
être congédiés ou rétrogrades parce qu'ils ne
parlent que le français. Je pense aussi que le témoin ne s'est
pas rendu compte que les pouvoirs accordés à la commission de
surveillance sont les mêmes que ceux qui sont accordés à
toutes les autres commissions créées par le gouvernement, et que
même les pouvoirs de la commission de surveillance sont moindres que ceux
que le gouvernement a accordés à plusieurs autres commissions
dans le passé, dont par exemple la Commission du salaire minimum. Je
pourrais continuer ainsi sur beaucoup d'autres articles que l'on retrouve dans
le corps du mémoire, mais peut-être que mes collègues
pourront les relever.
Je voudrais poser une question au témoin. Est-ce que le
témoin considère que les autres provinces au Canada sont
unilingues?
Mme Montminy: Pardon. Est-ce que je comprends bien? Est-ce que
vous me demandez si je considère que les autres provinces sont
unilingues?
M. Laurin: Oui, anglaises.
Mme Montminy: Je dirais que oui, mais je sais que dans les
provinces où il existe plusieurs groupes, non seulement de francophones
mais d'autres nationalités, ils parlent...
M. Laurin: Vous admettez quand même qu'elles sont
unilingues.
Mme Montminy: Cela dépend si on parle du
Nouveau-Brunswick...
M. Laurin: Que l'anglais... Mme Montminy:
...l'anglais...
M. Laurin: L'anglais langue de travail, l'anglais langue de
communication, l'anglais langue officielle, l'anglais langue de la
Législature...
Mme Montminy: Oui, mais c'est naturel.
M. Laurin: ...l'anglais langue des cours et ainsi de suite.
Mme Montminy: Oui, parce qu'ils sont 17 millions, 18
millions.
M. Laurin: Je voudrais demander alors au témoin, si elle
admet que les autres provinces sont unilingues, pourquoi
considère-t-elle que cet objectif ne devrait pas se réaliser au
Québec où 80% de la population parle français?
Mme Montminy: Parce qu'il ne faut pas oublier que dans la
province de Québec nous sommes un million d'anglophones. Il faut
absolument prendre conscience de cela, monsieur.
M. Laurin: Je pense, d'après le recensement de 1971, que
la proportion des anglophones est de 14% et non pas de 20%.
Mme Hughes (Donna): Je pense, docteur, que je peux continuer. Mon
français n'est pas un français aussi élégant que
celui de ma compagne, si vous...
M. Laurin: You may answer in English if you feel more at
ease.
Mme Hughes: Merci, monsieur. You have asked if Québec is a
unilingual province, if other provinces of Canada are unilingual. We accept,
and in fact we accept in a positive sense, the fact that Québec is being
a French province. We enjoy living here, we enjoy living and trying to live in
the French language ourselves. We speak in our brief of a question of law and
rights and I fell that it is along these lines that we questioned some of the
articles of the Charter. In New Brunswick, on the 1st of July, there will be a
law which, when passed, will guarantee more rights to minorities to both
sections of the Canadian population, French and English, than will exist in
Québec under this law, Bill no 1.
M. Laurin: Si vous admettez que les autres provinces sont
unilingues anglaises officiellement, pourquoi voudriez-vous refuser au
Québec français, vous venez de le dire, le même droit que
les autres provinces ont exercé depuis toujours?
Mme Hughes: I do not believe that by this brief we deny this
fact.
May I ask you, if this is my correct interpretation of your
question?
M. Laurin: Yes. If you accept that other provinces are officially
unilingual, why would you refuse to Québec a right that the other
provinces have exerted from their very beginning?
Mme Hughes: I do not believe that this is the case. I am sure
that Dr Laurin is more of a constitutional expert than I am myself, but we
believe that the right of a French Canadian in any part of Canada is protected
under the same laws as we expect in Québec. Have I...
M. Laurin: Is it the reason why he is obliged to go to school in
English, to be judged, tried in English, he is obliged to work in English?
Everywhere in Canada?
Mme Hughes: Would you repeat that question, please?
M. Laurin: You said that those rights are recognized everywhere
in Canada. Is it the reason why, we know, French-speaking people in all other
provinces are obliged to work in English, are tried in English, and very often
are not able to find a school where to receive their education in French.
Mme Hughes: I fell that this injustice must be corrected in the
rest of Canada, I am very much of this opinion, and I feel that it is up to
Québec, where we have the chance to show the rest of Canada how a
democracy can really work.
M. Laurin: Ce n'est pas pour demain, cela. Vous dites qu'il ne
faut pas gouverner avec vengeance. Croyez-vous que c'est uniquement pour ne pas
gouverner avec vengeance que les autres provinces du Canada ont établi
d'une façon implicite l'anglais comme langue officielle ou parce que si
ça n'était pas normal, naturel, convenable, parce que
c'était la langue commune, la langue de la cohésion sociale, la
langue de la communication? Is it from hatred or because it was legitimate,
normal to have a common language?
Mme Montminy: Est-ce que je peux essayer de répondre
à cette question? Nous sommes certains qu'ici au Québec,
jusqu'ici, les anglophones ont été très bien
traités, ils ont eu beaucoup d'avantages au Québec. Mais, aussi,
par contre, ils ont travaillé très fort pour pouvoir avoir une
éducation qui était égale au système
français et qui donnait vraiment une bonne instruction. Est-ce que les
droits dans les autres provinces, comme en Ontario, où j'ai
été élevée, sont à peu près les
mêmes? Il a toujours fallu que la minorité travaille beaucoup pour
perfectionner son système d'école et pour avoir des
écoles. Je cite Ottawa par exemple où les écoles
francophones, je sais, ont eu beaucoup de difficulté, au commencement,
pour se développer, mais quand un groupe intéressé s'est
réuni et a travaillé, il a réussi à avoir des
écoles. Est-ce que ce ne serait pas possible, dans les autres provinces,
pour un groupe de francophones assez intéressés, de faire la
même chose?
M. Laurin: Vous dites ailleurs que, dans le projet de loi, il y a
plusieurs infractions constitutionnelles contre les droits et libertés
de la personne. Est-ce que vous pourriez me les nommer, les
énumérer?
And I mean by that the Constitution of Canada.
Mme Sutherland (Renate): We are making reference to Bill 1,
articles 7, 9, 11 and 13, which indicate that, by omission, certain services
and certain fundamental rights have been denied to a group of citizens dans la
province de Québec.
M. Laurin: Are those all the infringements you have found in the
law?
Mme Sutherland: 23, 24 and 28 including... There are a number of
others... We have not gone itemizing them. But, generally speaking, we believe
that each person a le droit de savoir et comprendre les actions et les
décisions du gouvernement de tous les citoyens. Ce droit est très
fondamental, mais il est interdit à une catégorie de citoyens si
la langue de la législation est en français seulement.
Nous reconnaissons la primauté de la langue française dans
la province de Québec, mais nous voulons avoir une garantie dans la
Charte de la
langue française au Québec, qu'il y ait une assurance que
les informations sur les affaires du gouvernement soient disponibles à
tous les citoyens du Québec, en tout temps, qu'ils soient francophones
ou anglophones.
Il y a beaucoup d'articles dans les lois, maintenant, qui ne parlent pas
de choses en anglais.
M. Laurin: Est-ce que cela veut dire que, pour vous,
constitutionnellement parlant, le Québec n'a pas le droit de
légiférer sur la langue, d'adopter une loi 22, par exemple, qui
faisait du français la langue officielle...
Mme Sutherland: Mais le projet...
M. Laurin: ... et une loi 1 qui va dans le même sens.
Mme Sutherland: Mais le projet de loi no 50, article 10, dit:
"Toute personne a droit à la reconnaissance et l'exercice en pleine
égalité des droits et libertés de la personne, sans
distinction, exclusion ou préférence fondées sur la race,
la couleur, le sexe, l'état civil, la religion, les convictions
politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale ou la condition sociale.
"Il y a discrimination lorsqu'une telle distinction, exclusion ou
préférence a pour effet de détruire ou de compromettre cet
article.
M. Laurin: Oui, cet article établit que personne ne veut
se voir refuser un emploi à cause de sa langue ou de son sexe. Mais
est-ce que vous avez vu l'article 20 aussi, disant que toutes distinctions,
exclusions ou préférences basées sur les modalités,
les conditions d'un emploi sont réputées non discriminatoires?
C'est ce qui a permis à plusieurs entreprises au Québec, depuis
très longtemps, d'exiger le bilinguisme de la part d'employés,
pour dès postes où l'emploi d'une deuxième langue
était très contestable, sans que jamais la Commission des droits
de la personne n'ait condamné ces pratiques?
Vous pourrez y revenir plus tard. Je voudrais vous poser un autre
article sur le libre choix auquel vous voulez revenir. Vous dites que c'est
brutal et, en même temps, c'est anticonstitutionnel, que cela va contre
l'article 93 de la constitution.
Pourtant, si mon souvenir est bon, l'article 93 garantit aux anglophones
du Québec un enseignement dans la religion protestante. Mais, dans cet
article-là, il n'est nulle part fait mention de la langue de
l'enseignement. J'ai un peu de difficulté à concilier cet article
93 avec votre affirmation.
Mme Monty: M. le Président, même avant l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique, en 1861, je crois, les protestants ont
eu la permission d'avoir des écoles anglaises. Ici, au Québec, la
religion et la langue ont toujours été mêlées un peu
et c'est difficile. Quand nous parlons de protestants, ordinairement, nous
pensons à des personnes de langue anglaise et...
M. Laurin: II y a beaucoup de protestants français,
madame.
Mme Monty: Naturellement et beaucoup de personnes de langue
anglaise sont aussi catholiques. Mon nom était Quinn. Je suis une
Irlandaise de...
M. Laurin: Mais, de toute façon, je vous cite de
mémoire l'article 93, et, à mon souvenir, il n'y a pas de
référence à la langue d'enseignement.
Mme Monty: Non, nous savons qu'il n'y a pas de
référence à la langue, mais c'était sous-entendu,
je crois, que religion et langue anglaise étaient synonymes dans l'Acte
de l'Amérique du Nord britannique.
M. Laurin: Vous parlez de la situation catastrophique qui
s'ensuivrait, au point de vue économique, si la Charte de la langue
française était appliquée. Vous parlez d'exodes de
sièges sociaux, de pertes d'emploi extraordinaires. Je voudrais vous
poser la question suivante: Est-ce que vous êtes au courant des
études très nombreuses qui ont paru ces dernières
années et qui attribuent l'exode des sièges sociaux ou de
certains laboratoires de recherche à des facteurs surtout
géographiques ou économiques, comme, par exemple, la canalisation
du Saint-Laurent, le déplacement des activités économiques
vers l'Ouest, aussi bien l'Ouest du Canada que l'Ouest des États-Unis,
le centre des États-Unis? Est-ce que vous pensez que ces facteurs
peuvent avoir joué un rôle aussi important, sinon plus important,
que le facteur linguistique, surtout quand on se rappelle les
déclarations de plusieurs compagnies qui viennent justement de
transférer une partie de leur siège social, comme, par exemple,
les opérations de marketing ou les opérations financières
à Toronto, parce que c'est à Toronto maintenant que se situe le
véritable marché financier du Canada ainsi que certaines
expertises en matière de marketing ou de recherche? Est-ce que vous
êtes au courant de ces études?
Mme Lukanovich (Jean): ...this question. We are here to present
to you the views of our community. In the opinion of our community, at the
present time, regardless of what studies that may have been done in the past,
it is not geographical reasons that are causing the exodus that is happening at
the present time. In our community, people are leaving daily, companies are
leaving daily, those of us who were born and who live in Québec feel
that this hurts us. We are really upset, we feel emotionally upset also. We
feel that this is our home and we really feel that there should be solutions to
keep... There must be a way to keep these people and these companies in
Québec. I think we have not collected very many statistics. Statistics
can be used in any way, really, that people want to use them, but one
interesting statistics is that, I think, perhaps you have read it also, but if
19 Head Offices leave Quebec, this
represents 63 000 jobs that cannot be replaced and $430 million in
direct expenses. This hurts all of us both, you and us, as taxpayers, because
this means that our tax base is made smaller. We all suffer.
M. Laurin: Est-ce que vous êtes au courant, madame, qu'il y
a un article dans la loi qui dit qu'on tiendra compte de la situation des
sièges sociaux et j'ai dit, à plusieurs reprises, qu'une autre
langue que le français pourra être utilisée dans les
sièges sociaux et pourra être utilisée aussi pour toutes
les relations de quelque entreprise québécoise que ce soit avec
d'autres entreprises situées ailleurs au Canada et aux
États-Unis.
Alors, à ce moment, pourquoi prévoir un exode aussi massif
de sièges sociaux?
Mme Lukanovich: Excuse me, I do not understand all the
question.
M. Laurin: I was just referring to an article of the Bill,
article 113, where it is said that a special account will be taken of the head
offices where another language than French can be used and also where it is
said that any business or firm in Québec will have the right to use
another language that is English in all the relationships with other firms or
businesses located elsewhere in Canada or in United States. If this is so, how
can you predict such a massive exodus of head offices, or firms, or businesses
for this pure linguistic reason?
Mme Lukanovich: I think it is not only the linguistic reason. I
think there are others such as labour reasons which perhaps are contributing to
it. But, we do not have to predict it. It is happening.
M. Laurin: It is for linguistic reasons or for other economic,
geographic reasons?
Mme Lukanovich: No, I think it is a general climate. When one
begins to restrict or brings any restrictions, with it, he brings many fears.
It is not a constructive climate. When there is no alternative or solution,
then, of course, the alternative will always be selected. It is not necessary
to live within a restrictive environment, because there is an alternative of
moving his head offices, or any small business itself. It is not only head
offices, of course.
M. Laurin: Voulez-vous dire par là que ces entreprises ne
resteraient ici, au Québec, qu'à la seule condition que rien ne
change? Do you mean by this that those...
Mme Lukanovich: I think that if there was a very constructive
atmosphere in this province, if people felt they could work together to build a
model community for everyone in the future, than people would not only stay,
they would move here from other parts of the country and from other parts of
the world. One reputation that Montréal has always had, and the
Québec, has been a very charming part of the world, a cosmopolitan part
of North America. People love to be here, because of its difference.
M. Laurin: Dans votre mémoire, vous demandez aussi que
l'État québécois verse des subventions aux entreprises,
aux firmes pour les aider à se franciser. Est-ce que vous êtes au
courant que, lorsqu'il s'est agi d'introduire le système métrique
dans les entreprises au Canada, le gouvernement fédéral a offert,
bien sûr, son aide technique a donné du temps aussi aux
entreprises pour le faire, mais qu'il n'a offert aucune subvention
financière, malgré le coût élevé de
l'opération. Est-ce que vous croyez que, si le fédéral a
tenu cette politique, le gouvernement du Québec peut aussi être
justifié d'adopter une politique analogue?
Mme Montminy: Je comprends très bien votre question, Dr
Laurin, mais on pense, notre groupe... On connaît plusieurs petites
entreprises parmi nos voisins, par exemple, qui ont vraiment de la
difficulté à faire entrer en pratique un programme de
francisation sans vraiment manger les profits de ces petites entreprises qui
sont souvent des entreprises familiales, des gens qui ont travaillé
toute leur vie pour ramasser un petit peu d'argent. Maintenant, ils se voient
dans la nécessité de dépenser plusieurs millions de
dollars, parce que cela coûte très cher de faire changer les
enseignes, quelque chose que ce soit. C'est pour cette raison que nous avons
mentionné cette...
M. Laurin: Vous savez que dans la loi les entreprises qui ont
moins de 50 employés ne sont pas soumises au programme de
francisation.
Mme Montminy: Oui, nous sommes d'accord.
Le Président (M. Cardinal): Le député de
D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: Merci, M. le Président. Mesdames, je
remarque dans votre mémoire que votre organisme de 250
diplômées d'universités représente 27
universités canadiennes et huit universités européennes et
asiatiques.
Est-ce que, parmi les 27 universités canadiennes, toutes les sept
universités du Québec sont représentées et, parmi
les huit de l'Europe et de l'Asie, est-ce qu'il y a des universités de
langue française qui sont représentées parmi vos
membres?
Mme Hugues: Oui, monsieur. Elles y sont. M. Goldbloom:
J'ai...
Mme Hughes: Nous avons ici notre carte de membre, si vous
voulez.
M. Goldbloom: Est-ce que vos activités sont dans les deux
langues ou est-ce que c'est un organisme qui transige et poursuit ses
activités en anglais surtout?
Mme Hughes: Je vais vous répondre en anglais, si vous
voulez...
M. Goldbloom: Certainly.
Mme Hughes: In our club, we work at various levels. In our club,
locally, we have study groups, groups of women who meet to follow interests
that they have or either had before they joined the club or wish to follow
after. Two of the study groups are to learn to speak the French language, to
improve upon it and to share in the culture of Québec. These are always
full and we have to enlarge this program.
Outside of our club, we are members of the Conseil provincial du
Québec, an organization of twelve clubs in Québec, three
francophone, nine anglophone, all university graduates. We meet among one
another where each person, a member of this Conseil, speaks her own language,
as best she can. There is no translation. We do our best, and we have found
that we have made many friends.
Also, we are members of the Fédération des femmes du
Québec. Our members attend meetings of the Fédération, les
congrès, the recent congrès in Sherbrooke was attended by four of
our members. Our club presented resolutions to this congrès and we have
always been made to feel very welcome there.
M. Goldbloom: I would like to ask you, linguistically speaking,
what kind of Québec would you like to see in the future? What balance
between the French language and the English language? You point out several
articles in the bill, 7, 9, 11 and 13, if I remember correctly, that you
pointed to particularly, in which you indicate that a person who is defined as
being a French-speaking person has the right, by virtue of those articles, to
claim certain services and certain protections and that a person who is defined
as being English-speaking does not, by definition, have those same rights. What
kind of Québec, linguistically, would you like to see and what balance
between French and English in this province?
Mme Hughes: We all wish for an ideal situation. Shall we speak of
wishes or realities? I would like to see a Québec where every person who
lives there feels that it is his or her home, they feel comfortable, they feel
also as part of a greater nation, Canada, where all Canadians can feel welcome.
As far as balance is concerned, I would not like to talk numerically. I would
like to see...
M. Goldbloom: Could I ask you if you feel that, essentially,
everyone in Québec should be able to speak French, be able to understand
French and communicate in French?
Mme Hughes: Absolutely. Speaking on a personal level, my children
all attend French immersion, since we seem to always get down to this program,
to this question among the anglophones. I think that this very positive nature,
this very positive attempt, on the part of all the members of our club to learn
as much and enjoy as much of the French milieu as we can, has always been and
will always be a fact.
M. Goldbloom: I am going to go back to French for my last
question, because you presented your brief in French.
Vous avez parlé dans votre mémoire de gouverner par
vengeance. Peut-être que le mot est fort et peut-être que la force
de ce mot a provoqué une certaine réaction, mais si je vous
comprends bien, je pourrais vous poser la question: Dans quelle province
canadienne habitez-vous? Et vous me répondriez: Le Québec. Vous
ne me répondriez pas l'Ontario ou le Nouveau-Brunswick ou toute autre
province, et voici un projet de loi, présenté par un gouvernement
qui ne veut plus faire partie du Canada. Ne trouvez-vous pas que c'est un peu
étrange que ce gouvernement qui veut quitter le Canada invoque
continuellement la comparaison de cette province avec les autres, au lieu de
penser en termes du Québec que nous voudrions bâtir ensemble?
C'est pour cela que je vous ai posé la question: Quelle sorte de
Québec aimeriez-vous bâtir? Parce que, n'est-ce pas ce que vous
voulez dire, que nous devrions bâtir ensemble un Québec, sans
nécessairement tenir compte de ce qui se fait ailleurs au Canada,
surtout si ce qui se fait ailleurs n'est pas à la hauteur de ce que nous
voudrions voir comme relations entre les éléments de la
population québécoise?
Mme Hughes: C'est une question rhétorique, n'est-ce pas,
M. le député?
M. Goldbloom: Un peu, si vous voulez. Je n'exige pas une
réponse.
Mme Hughes: Je vous remercie.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. C'est au moins une
question très habile parce que c'était à la limite des
possibilités de ce débat.
M. Goldbloom: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Pardon. Le
député de Gaspé.
M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Peut-être
pour continuer avec la dernière question du député de
D'Arcy McGee, je vois à la page 10 de votre mémoire que vous
parlez de l'éducation et que vous affirmez quelque chose que je ne
comprends pas très bien. Vous dites que ce n'est même pas de toute
première importance d'envisager comme un des moyens de continuer les
traditions de nos ancêtres...
Quand on pense au peuple anglophone, est-ce tout pour vous de garder
votre langue, d'avoir la langue dans vos écoles ou dans votre milieu de
travail ou n'y a-t-il pas quelque chose de plus important que la langue, soit
votre culture, en somme, tout ce qui a bâti votre groupe, votre
communauté depuis ses débuts ici en terre canadienne? Je
ne sais pas si vous me comprenez.
Mme Hughes: Oui, je vous comprends. Peut-être avons-nous
ici un peu de rhétorique nous-mêmes parce qu'on veut dire que
l'éducation doit être pour les enfants. Ce n'est pas pour nous. Et
ce que les enfants doivent avoir, c'est un avenir qui leur ouvre toutes les
portes et ici en Amérique du Nord, cela veut dire qu'on doit
posséder les deux langues. Vivre au Québec en français
comme ils le veulent et au Canada aussi et dans toute l'Amérique du
Nord... Les opportunités sont ouvertes...
M. Le Moignan: Mais vous ne voulez tout de même pas perdre
vos usages, vos coutumes, vos traditions, ce qui vous a accompagnés,
même si vos enfants devaient apprendre le français.
Mme Hughes: Oui, on oublie toutes ces choses que nous avons
mentionnées, la culture...
M. Le Moignan: Si je veux continuer, vous êtes d'accord en
somme sur l'existence d'une province francophone, mais votre mémoire
semble reprocher l'esprit de confrontation "Confrontation that reigns in the
Charter of the language", cette confrontation qui règne dans la Charte,
dans le projet de loi, et vous soutenez que tout cela pourrait être
réglé sans la diminution des droits de la minorité
anglophone. Comment pouvez-vous concilier les difficultés qu'il y a
là-dedans et, en même temps, la sauvegarde de tous vos droits?
Mme Lukanovich: If I may answer to this, I do not think that the
spirit of confrontation in our brief in anyway measures up to the spirit of
confrontation of a party whose declared aim is to destroy our country which is
Canada. We are proud of being Quebeckers, we are also proud of being Canadians,
and to ask the two go together, we wish a culture, a French culture in
Québec, that is very...
Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, une question de
règlement par le député de Rosemont.
M. Paquette: Je m'excuse, madame, mais vous dénaturez les
objectifs de notre parti, et je ne peux évidemment pas laisser passer
cela sans le corriger. Nous ne voulons pas détruire le Canada. Nous ne
voulons rien détruire. Nous voulons affirmer nos droits et nous voulons
détruire la Confédération, ce système politique
dans lequel nous vivons, mais dans une optique de souveraineté, bien
sûr, mais d'association avec les autres Canadiens. Nous ne voulons pas
détruire le Canada. Cela me dérange toujours d'entendre ces
attitudes qu'on répand et qu'on répète sans trop
connaître les objectifs du Parti québécois. Je
m'excuse.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, sur la question de règlement.
M. Lalonde: M. le Président, y aurait-il moyen que vous
restreigniez les députés à ne pas interrompre les
témoins qui répondent de leur mieux? Que les témoins
disent des choses qui ne font pas l'affaire de députés ici autour
de cette table, c'est, je pense, quelque chose d'assez naturel, et si, chaque
fois qu'un témoin fait des déclarations qui ne font pas l'affaire
du député qui vient de faire l'intervention, et que cela lui
donne le droit d'interrompre le témoin, je pense qu'on n'assistera pas
à ce pourquoi on est ici.
Le Président (M. Cardinal): D'accord, monsieur... M. le
député de Verchères, sur la question de
règlement.
M. Charbonneau: Je ne veux pas faire un débat, M. le
Président, mais je voudrais simplement signaler que ce n'est pas
arrivé à plusieurs reprises que les députés
ministériels aient eu à intervenir sur des questions de
règlement pour interrompre des témoins.
M. Lalonde: Une fois, c'est trop.
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous
plaît! Si vous permettez, je me dois, comme président, et je crois
qu'on a pu saisir depuis le début qu'à aucun moment je n'ai
accordé à un parti ou à un autre une
préférence, une priorité ou le contraire. J'ai
mentionné ceci dès le premier jour de cette commission: II est
à noter de plus qu'en vertu de l'article 140 c'est une question
de règlement, je cite donc le règlement aucun autre sujet
ne peut être discuté ici sauf le projet de loi no 1. Il n'est donc
pas question, ni d'indépendance, ni de référendum, ni
d'autre politique que le projet de loi no 1 et je demanderais au témoin
de s'en tenir au projet de loi no 1.
M. Lalonde: M. le Président, une question de
règlement.
Le Président (M. Cardinal): Attention, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys. Je viens de rendre une
décision sur une question de règlement. Vous invoquez un nouveau
règlement ou vous vous attaquez à ma décision?
M. Lalonde: Je n'attaque pas votre décision, puisqu'elle
est finale, M. le Président. Je serai plus habile, sûrement.
J'aimerais quand même, à la suite de vos décisions,
demander une directive.
Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Est-ce que, lorsque les témoins seront
appelés à répondre à des questions des
députés, ils devront nécessairement éviter de
parler d'autre chose que de la question strictement linguistique?
Le Président (M. Cardinal): Non, monsieur.
M. Lalonde: Est-ce que le témoin n'est pas autorisé
à répondre à la question en toute
conscience, en évoquant tout ce que la question linguistique peut
provoquer chez lui ou chez elle de réalités, y compris des
politiques de ce gouvernement? Je pense que votre décision peut brimer
et je le fais...
Le Président (M. Cardinal): Vous l'attaquez, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys. Je m'excuse, vous l'attaquez. Je
vous prie d'être plus habile, comme vous l'avez dit vous-même.
M. Lalonde: Je n'attaque pas, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Oui vous l'attaquez, M. le
député
M. Lalonde: Sans l'attaquer, M. le Président, je me pose
des questions et je vous en pose une, est-ce que votre décision n'est
pas de nature à brimer la liberté des témoins? Je vous
pose la question.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, avant de rendre cette décision, j'ai cité
un texte donné en liminaire au début des travaux de cette
commission, j'ai mentionné, et j'ai voulu le faire très
honnêtement, intellectuellement, qu'en aucun moment, mes interventions
n'ont porté sur des aspects politiques. J'ai cité l'article 140,
ce n'est pas une opinion personnelle.
Je n'ai permis à aucun député qui ne soit pas
membre de cette commission de s'engager sur d'autres sujets, et je vais
répondre à votre question que je dois demander aux témoins
d'agir de la même façon. M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, votre habileté pour poser cette question, je
l'accepte, je la reconnais et je n'ai pas l'intention de brimer je
réponds strictement à la question en aucun moment les
témoins. Ce que je crains, à la suite de la dernière
phrase prononcée, c'est qu'un débat ne s'élève sur
une question autre que le projet de loi 1. Ma décision, en aucun moment,
ne veut critiquer, ne veut blâmer, ne veut être un moyen
d'empêcher un témoin de s'exprimer. Je veux tout simplement que
les débats se poursuivent dans cette voie qu'est le projet de loi no 1
déféré après première lecture à la
commission parlementaire.
M. Lalonde: M. le Président, je vous fais confiance et je
suis sûr que les témoins pourront aussi compter sur votre grand
esprit d'équité.
Le Président (M. Cardinal): Je vous remercie, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys. Alors, je ne sais pas si je dois
donner la parole au témoin ou si je dois référer... alors
dans ce cas-là, est-ce que Mme le témoin veut continuer?
M. Le Moignan: Je voudrais reprendre ma question peut-être
de façon...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Gaspé, s'il vous plaît.
M. Le Moignan: ...plus simple pour elle.
Le Président (M. Cardinal): Remarquez bien, M. le
député de Gaspé, vous non plus, je ne vous critique en
rien. Au contraire, vous avez été tout à fait sage et vous
vous en êtes tenu à une exemplarité...
Mme Lavoie-Roux: Exemplaire.
Le Président (M. Cardinal): ...ce terme est
français et je vous invite justement à poser une question qui
fasse qu'on ne bifurque pas. Allez-y.
M. Le Moignan: Je vais changer... M. Mackasey: M.le Président...
Le Président (M. Cardinal): Est-ce une question de
règlement?
M. Mackasey: Je veux simplement souligner le fait, M. le
Président, que, jusqu'à maintenant, vous avez agi...
M. Guay: Est-ce une question de règlement?
M. Mackasey: ...avec beaucoup d'impartialité et de sagesse
et je dis ça en toute sincérité. Nous sommes ici, je
crois, pour étudier les mémoires des témoins, et quand
vous avez souligné tout à l'heure que nous n'étions pas
ici pour discuter d'autre chose, la politique du gouvernement, j'étais
d'accord. En même temps, nous ne sommes pas ici pour discuter des
injustices dans les autres provinces, ni parce que c'est... excusez, M. le
Président...
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous
plaît.
M. Mackasey: ...la raison pour laquelle je dis ceci...
M. Guay: J'invoque le règlement.
M. Mackasey: ...ce n'est pas avec le bill no 1 qu'on va
régler les injustices envers les minorités dans les autres
provinces.
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous
plaît! À l'ordre! À la suite de l'intervention du
député de Notre-Dame-de-Grâce, je dis simplement ceci: je
le remercie de répéter la décision du président,
qui veut que l'on s'en tienne au sujet déféré à la
commission parlementaire. M. le député de Gaspé.
M. Mackasey: Merci, M. le Président.
M. Le Moignan: Je voudrais reformuler ma question peut-être
de façon plus simple. Qu'est-ce que votre groupe peut suggérer
à la commission pour faire du Québec une province francophone qui
va respecter les droits des minorités, et cela dans la plus grande
harmonie? What could you suggest to this committee to make of Québec a
French province that will respect the rights of minorities and this will be
made in complete harmony...?
Mme Lukanovich: Are you speaking to me? M. Le Moignan: To
this group anyway.
Mme Lukanovich: Just the recommendations that we have.
M. Le Moignan: Yes. How do you see it?
Mme Lukanovich: How do we see it in the province?
M. Le Moignan: Yes.
Mme Lukanovich: Sitting in this assembly today, and yesterday, we
see a democratic process. To us, the francophones are completely in control of
the destiny of this province. We see very little danger to the francophone
culture. To us, it is a tremendously living grieving thing. We feel that, at
this particular time, it is not necessary to restrict minority right to attain
things which are coming.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le
député de Gaspé. Je dois malheureusement vous informer que
votre temps est écoulé.
M. Le Moignan: On a grugé sur mon temps.
Le Président (M. Cardinal): Je puis vous accorder trente
secondes. J'ai toujours tenu compte, dans le temps, des questions de
règlement et de tout le reste. Vous avez commencé exactement
à 10 h 15, à cette horloge. Si vous enlevez la question de
règlement, vous pouvez voir vous-même où nous en sommes
rendus. Je vous accorde quand même 30 ou 35 secondes.
M. Le Moignan: Cela aurait si bien marché si on ne m'avait
pas dérangé. J'avais des questions courtes.
Le Président (M. Cardinal): Allez, M. le
député de Gaspé.
M. Le Moignan: Vous mentionnez, à la page 3, vous dites
que les aînés de la famille qui ont peut-être
déjà fréquenté une école anglaise et les
plus jeunes ne pourront pas retourner dans le système anglophone.
Je ne sais pas sur quoi vous vous basez pour faire cette affirmation, si
je l'ai bien comprise.
Vous parlez des aînés de la famille qui ne sont plus
à l'école. Pour tes plus jeunes, est-ce qu'il y a quelque chose
dans la loi qui les empêche de retourner à l'école
anglaise?
Mme Leslie: For those children who... Wait a minute. In English,
it is 52i) "is already receiving his instruction in English at kindergarten, or
elementary or secondary school in Québec, in which cases this right is
shared by his younger brothers and sisters."
If, in the family, the brothers and sisters have graduated from high
school, then, the younger ones going to school could conceivably have to change
to the French system.
M. Le Moignan: I am not too sure about that point.
Le Président (M. Cardinal): De toute façon, je dois
interrompre cette partie. D'autres députés pourront s'interroger
ou interroger les témoins. M. le député de Beauce-Sud.
M. Roy: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier les
dames qui sont ici, qui nous ont présenté ce mémoire.
Elles nous ont exprimé un point de vue que la commission parlementaire
devait connaître. Deux points ont attiré mon attention d'une
façon bien spéciale, ce sont les pouvoirs discrétionnaires
des fonctionnaires. Je ne poserai pas de questions là-dessus parce que
je suis d'accord avec les observations qui sont mentionnées dans le
mémoire.
Cependant, en ce qui a trait à la langue d'enseignement, vous
dites, à la page 5: "Nous croyons au libre choix des parents". Est-ce
que cela veut dire que vous croyez au libre choix de tous les parents, qu'ils
soient anglophones, francophones, Italiens? Est-ce que vous croyez au libre
choix des parents dans tout le territoire du Québec?
Mme Hughes: Oui, monsieur.
M. Roy: Est-ce que vous savez que ce libre choix n'existe pas
dans tout le territoire du Québec, qu'il y a plusieurs régions
qui ont exclusivement un réseau d'écoles publiques francophone?
Vous êtes au courant?
Mme Hughes: Oui.
M. Roy: Est-ce que, dans ces régions, les anglophones ou
les immigrants qui viennent vivre dans ces régions se sont plaints,
d'une façon spéciale, d'une façon particulière, des
problèmes qu'ils ont dû vivre par le fait qu'ils ont dû
envoyer leurs enfants dans le réseau d'écoles publiques
francophone?
Mme Hughes: Peut-être qu'il y aura des difficultés,
mais je crois que c'est aux parents à faire ce choix pour l'avenir de
leurs enfants.
M. Roy: C'est-à-dire qu'il n'y a pas de choix. Je tiens
bien à vous signaler qu'il n'y a pas de choix. Il y a seulement un
réseau d'écoles publiques francophone.
Mme Hughes: S'il y a des situations réelles, s'il y a
assez de personnes, on peut avoir la construction d'une école nouvelle
ou plusieurs autres classes dans une école qui existe
déjà.
M. Roy: II y a peut-être des problèmes, mais
j'aimerais quand même vous signaler qu'il y a des avantages. Je pense que
c'est peut-être le meilleur moyen de permettre à des gens de vivre
en har-
monie et de mieux se comprendre. Ma dernière question sera la
suivante: Quelle serait votre attitude si toutefois le gouvernement du
Québec venait à décréter qu'il n'y ait qu'un seul
réseau d'écoles publiques, au Québec, à
l'intérieur duquel il pourrait y avoir des écoles anglaises, pour
les communautés anglophones mais que ce réseau d'écoles
publiques soit unique dans tout le territoire du Québec? Est-ce que vous
auriez des objections?
Mme Hughes: Nous ne nous sommes pas fait une opinion sur ce cas,
à ce moment-ci.
M. Roy: Pardon? Je m'excuse.
Mme Hughes: Nous n'avons pas d'opinion est-ce que le mot
est correct? à vous donner maintenant sur cette situation.
M. Roy: Mais est-ce que vous admettez que cela pourrait
être examiné, étudié de façon
sérieuse?
Mme Hughes: Oui.
M. Roy: Parce qu'à chaque endroit du Québec...
C'est peut-être une observation que je fais à l'endroit des
membres de la commission. Je comprends que le problème est plus aigu
dans la région métropolitaine que dans les autres régions
du Québec, mais je constate que chaque fois qu'il y a deux
systèmes d'écoles publiques qui existent dans une région
donnée, le problème du choix se pose et crée toujours de
multiples problèmes, alors que, dans d'autres régions du
Québec, je ne sache pas que les anglophones, les gens d'autres
communautés, qui nous sont venus d'autres communautés qui se sont
intégrés à la communauté québécoise
tout entière dans des régions données, aient eu des
problèmes particuliers. Je pense que cela a contribué à
éliminer les problèmes.
Mme Hughes: Peut-être que vous avez raison, monsieur, mais
il sera nécessaire d'étudier cette situation très
sérieusement.
M. Roy: Merci. M. le Président, j'ai une toute
dernière question, je m'excuse.
Le Président (M. Cardinal): Oui.
M. Roy: Dans le mémoire... Il me reste encore un peu de
temps. Je comprends que j'ai une contingence à l'intérieur de
laquelle je me dois de patiner assez serré.
Le Président (M. Cardinal): II vous reste deux minutes, M.
le député de Beauce-Sud, si vous voulez le savoir.
M. Roy: Vous dites, dans votre mémoire, à la page
6, que tous les enfants du Québec doivent être bilingues. Est-ce
que vous êtes en mesure de me dire si tous les étudiants qui
fréquentent le réseau d'écoles anglaises actuellement
terminent leurs études avec des diplômes ou avec des connaissances
qui leur permettent d'être effectivement bilingues?
Mme Hughes: La situation maintenant, comme vous comprenez, en
tout cas, n'est pas idéale.
M. Roy: Elle ne permet pas qu'ils soient bilingues?
Mme Hughes: Non, pas à 100%. Est-ce ce que vous
désirez avoir? C'est une situation idéale que nous aimerions
avoir, mais cela n'existe pas du tout maintenant.
M. Roy: Ce que je veux savoir, M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Dernière question, M.
le député de Beauce-Sud.
M. Roy: Oui, mais ce sont des précisions sur la question
que j'aimerais poser. Je ne voudrais quand même pas...
Le Président (M. Cardinal): Oui, d'accord, mais quand
même!
M. Roy: ... qu'on me coupe le droit de parole au moment
où...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Beauce-Sud, je ne vous le coupe pas. Je vous préviens simplement que
c'est votre dernière question.
Mme Lavoie-Roux: II voulait seulement vous le faire
remarquer.
M. Roy: Je voudrais savoir, d'une façon bien
précise, si les étudiants qui sortent du réseau
d'écoles anglophones au Québec, lorsqu'ils ont terminé
leurs études, sont des citoyens bilingues.
Mme Leslie: With the French immersion courses that have taken
place in the Lakeshore School Board and the Protestant School Board of Montreal
and on the Southshore at Saint-Lambert, there are many many children who have
now learned to be bilingual, with the French immersion courses that have been
encouraged by these Protestant School Boards.
M. Roy: Je vous remercie, M. le Président. J'aurais
d'autres questions à poser mais je vous regarde et j'ai l'impression que
vous ne me le permettrez pas.
Le Président (M. Cardinal): N'imputez pas d'intention
à la présidence, d'autant plus, M. le député de
Beauce-Sud, que c'est vous qui avez réussi à faire passer votre
sous-amendement.
M. Roy: Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Le député de
Taschereau.
M. Guay: M. le Président, je voudrais tout d'abord
féliciter le Montreal Lakeshore University Women's Club d'avoir pris le
temps, d'avoir fait l'effort de réflexion sur le projet de loi no 1 et
d'être venu nous entretenir de leurs préoccupations et
d'être venu aussi en si grand nombre. Ma première question
porterait sur le libre choix de l'enseignement. J'aimerais connaître de
vous à partir de quoi, à partir de quel droit fondamental ou de
quel droit naturel, un État doit-il reconnaître à tous ses
citoyens, quels qu'ils soient, le libre choix de l'enseignement dans leur
langue.
Mme Monty: Monsieur, est-ce que je comprends que vous parlez non
seulement du français et de l'anglais, mais d'autres langues aussi?
M. Guay: À partir du moment où on parle de libre
choix et qu'on n'y apporte pas de restriction, je suppose qu'on peut,
effectivement, l'étendre de cette façon.
Mme Monty: Je crois que dans nos délibérations,
dans notre mémoire, nous parlons des deux langues qui sont
acceptées au Canada comme langues officielles. Naturellement, au
Québec, le français a la primauté et l'anglais est la
langue seconde.
M. Guay: Si on le restreint au français et à
l'anglais, ma question est valable quand même. À partir de quelle
espèce de droit doit-il exister un libre choix pour tout le monde?
Mme Monty: Nous nous basons sur les articles 133 et 93 de l'Acte
de l'Amérique du Nord britannique.
M. Guay: Vous savez, madame, que l'article 133 traite de la
langue devant les tribunaux et de la langue au Parlement du Québec.
L'article 93 traite de l'enseignement aux protestants et aux catholiques.
Mme Monty: Oui, nous avons déjà parlé de
cela. Je sais qu'il y a toujours eu une sorte de malentendu entre religion et
langue.
M. Guay: Ce que vous voulez dire, si je comprends bien, en
interprétant l'article 93 de façon assez souple, pour ne pas
dire...
Mme Monty: Oui.
M. Guay: ...c'est que les anglophones devraient avoir le libre
choix pour respecter votre perception de l'article 93. C'est cela?
Mme Monty: Ce n'est pas ma perception personnelle, mais une
perception assez générale. Peut-être que nous nous
trompons, mais c'est sur cela que nous nous basons.
M. Guay: Est-ce que vous savez que la Charte de la langue
française donne à la population anglophone du Québec le
libre choix entre le français et l'anglais?
Mme Monty: Oui.
M. Guay: Alors, d'où vient, si je peux me permettre, votre
préoccupation de voir les droits linguistiques de la minorité
anglophone du Québec diminués?
Mme Monty: Puisque vous mettez des limites aux personnes qui sont
admises à l'école de la langue française, ne parlons pas
ici...
M. Guay: Non, à l'école de langue anglaise. Mme
Monty: De langue anglaise. M. Guay: Oui.
Mme Monty: Comme nous avons mentionné, l'exemple
d'enfants... le plus jeune de la famille peut être je ne dirai pas
"forcé", c'est un peu trop fort mis dans une école
française, parce qu'il n'y avait pas d'autres enfants dans la famille
qui étaient, à ce moment, dans une classe anglaise. Les enfants
de cette famille sont plus âgés et ont fini leurs cours.
M. Guay: Oui, mais, d'après vous, les immigrants qui
arrivent au Québec et les francophones devraient également, si
j'ai bien compris votre interprétation, bénéficier du
libre choix, c'est-à-dire aller selon leur choix?
Mme Monty: Anglais ou français. Oui, nous croyons que
c'est juste.
M. Guay: Est-ce que vous connaissez un seul État au monde,
que ce soit un État souverain ou un État membre d'une
fédération, et même les États membres de la
Fédération canadienne, car la comparaison est éminemment
valable, puisque l'Ontario, pour prendre notre voisin du centre du Canada, a
10% de...
Le Président (M. Dussault): Un instant, M. le
député. Oui, madame?
Mme Lavoie-Roux: Je pensais qu'on traitait du Québec et
que cela avait été convenu par décision du
président qui vous a précédé qu'on laissait les
autres provinces en dehors de la discussion.
M. Guay: M. le Président, sur la question de
règlement.
Le Président (M. Dussault): Un instant, M. le
député. Je pense que ce que vous traitez est toujours relatif au
projet de loi no 1. Je vous permets de continuer.
M. Guay: Merci, M. le Président. Donc, pouvez-vous me
dire, compte tenu de ce que je j'ai dit, que la comparaison avec les autres
États membres de la fédération canadienne et, en
particulier, l'Ontario qui comporte 10% de francophones, alors que le
Québec a 14% d'anglophones, la comparaison est d'autant plus valable
qu'il s'agit de deux États dont la population en nombre est relativement
identique et que tous deux sont situés au centre du Canada. Quel autre
État, quel autre pays même reconnaît le libre choix aux
citoyens qui immigrent dans ce pays d'une langue autre que celle de la
majorité?
M. Lalonde: M. le Président...
Le Président (M. Dussault): Oui, M. le
député.
M. Lalonde: ...le président qui vous a
précédé a rendu une décision tantôt voulant
que cette commission était réunie pour discuter strictement de la
loi no 1. J'ai examiné avec soin depuis sa décision les articles
de la loi et je n'en ai vu aucun qui faisait référence à
l'Ontario.
M. Guay: Cela constitue un appel de votre décision.
M. Lalonde: Je n'en ai vu aucun qui faisait
référence à... M. le Président, je n'ai pas
terminé. Alors, que le député de Taschereau...
M. Guay: Vous êtes en train d'en appeler de la
décision du président. C'est ça?
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, ce que vous avez dit jusqu'à maintenant me permet
de comprendre où vous voulez en arriver et je crois, cependant, que ce
qui se dit est toujours relatif au projet de loi no 1. Ce que vous faites est
un appel de la décision du président. Je ne le permets pas et je
continue de donner la permission à M. le député de
Taschereau de parler sur la question.
M. Lalonde: M. le Président, question de règlement:
Est-ce que vous allez quand même me permettre, lorsque le
député de Taschereau aura terminé sa question, de faire
une autre question de règlement qui ne sera pas nécessairement un
appel de votre décision?
Le Président (M. Dussault): On verra à ce
moment-là.
M. Lalonde: Très bien. Comptez sur moi.
M. Roy: M. le Président, sur le même point de
règlement, si on me permet. J'aimerais dire que je ne suis pas d'accord
qu'on se serve de comparaisons avec les autres provinces, parce que je trouve
ça de mauvais goût lors de l'étude de la loi. J'aimerais
quand même rétablir un fait. Le député a
parfaitement le droit de se servir de n'importe quelle comparaison avec
n'importe quel pays au monde. C'est le droit du député de pouvoir
s'exprimer devant la commission parlementaire et de pouvoir prendre des
exemples pour illustrer sa pensée, pour éclairer les membres de
la commission. Je tiens à être bien clair là-dessus. Je
tiens bien à dire, cependant, que je n'aime pas les comparaisons qu'on
peut faire avec les autres provinces canadiennes, parce que j'ai l'impression
qu'on tente de jeter de l'huile sur le feu et de le faire exprès. Je
tiens bien à faire cette nuance. Les députés ont quand
même le droit de s'en servir, qu'on soit d'accord ou pas.
Le Président (M. Dussault): Je vous remercie, M. le
député de Beauce-Sud de confirmer la décision du
président.
M. Guay: M. le Président, bien que je ne voie pas
très bien où soit le feu, je me permettrai quand même de
faire cette...
Mme Lavoie-Roux: Question de règlement.
M. Ciaccia: Sur la même question de règlement...
M. Bertrand: Cela fait quatre interventions...
M. Guay: Est-ce qu'on pourrait laisser les témoins
répondre aux questions?
M. Ciaccia: Bien, vous êtes... C'est une question de
règlement.
M. Charbonneau: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Verchères.
M. Ciaccia: Je venais juste de...
M. Charbonneau: Le président qui vous a
précédé, il y a quelques instants, a rendu une
décision. Il y a eu trois interventions qui ont voulu en appeler ou
commenter cette décision. Je pense que la décision était
claire et je vous demande de la maintenir.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Verchères, vous n'avez même pas à me demander de la
maintenir. J'ai entendu la décision par ce qu'on appelle "le perroquet",
en termes de métier. Elle était excellente. Je remercie le
député qui l'a rendue pendant mon absence et je ne permettrai pas
d'interventions sur la décision qui a été rendue.
M. Ciaccia: Je voulais seulement confirmer... Le
Président (M. Cardinal): Bien...
M. Ciaccia: Non, M. le Président. Je ne voulais pas la
mettre en doute ou intervenir...
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre! Est-ce que
c'est une nouvelle question de règlement, M. le député de
Mont-Royal?
M. Ciaccia: C'était sur le même...
Le Président (M. Cardinal): Ah non! Je regrette, M. le
député de Mont-Royal. La décision est rendue. Je dois
continuer les auditions.
M. le député de Taschereau.
M. Ciaccia: Très bien, M. le Président.
M. Guay: Merci, M. le Président, je reprendrai ma
question...
M. Lalonde: ...
M. Charbonneau: Non, écoutez!
M. Guay: C'est de l'obstruction systématique...
M. Charbonneau: Cela vous énerve quand on fait des
comparaisons comme celles-là.
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous
plaît, messieurs! À l'heure qu'il est, je vous prierais... M. le
député de Marguerite-Bourgeoys, c'est une nouvelle question de
règlement ou si vous en appelez de la décision de la
présidence?
M. Lalonde: Je n'en appelle pas de la décision de la
présidence.
Le Président (M. Cardinal): Vous voulez la commenter?
M. Lalonde: Non, je ne la commenterai pas, M. le
Président, je vais vous demander une directive. C'est que vous
avez...
Le Président (M. Cardinal): D'accord.
M. Lalonde: Vous avez rendu une décision selon laquelle on
ne pouvait parler que de la loi no 1. Je pense que cette décision
était parfaitement fondée.
Mais je vous demanderais de me dire quelle est la différence
entre la circonstance qui a donné lieu à votre décision,
parce qu'il s'agissait d'un commentaire, d'un témoin concernant l'avenir
du Canada, alors que la question du député de Taschereau se
réfère à l'Ontario.
Je me demande si votre décision n'est pas valide à ce
moment en ce qui concerne la référence à l'Ontario.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, je vous rappelle à l'ordre. Vous n'avez pas
à vous demander si ma décision est valide ou non.
M. Lalonde: Au contraire. Je l'invoque, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): Si vous l'invoquez, elle est
certainement valide et...
M. Lalonde: Je l'invoque, pour que vous l'appliquiez à
tout le monde.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, je vous en prie. J'ai déjà mentionné
à l'Assemblée nationale que la présidence était
indivisible et je n'accepterai pas que l'on tente de la diviser, même de
façon habile, et je donne la parole au député de
Taschereau.
M. Guay: Je vous remercie, M. le Président. À moins
qu'il n'y ait d'autres objections...? Non? Bon.
M. Lalonde: Cela viendra. M. Guay: Je n'en doute pas.
Le Président (M. Cardinal): Je rappelle au
député de Taschereau qu'il lui reste trois minutes.
M. Guay: Pardon?
Le Président (M. Cardinal): Bien non. Si on divise avec
d'autres... Il reste au Parti québécois présentement
seulement un instant, si vous permettez que je fasse le calcul
huit minutes. D'accord?
M. Guay: II m'en reste quatre, si je comprends bien?
Le Président (M. Cardinal): Non.
M. Guay: II m'en reste trois. D'accord. Je reprendrai ma
question, parce qu'elle a dû s'oublier dans tout le dédale de
l'obstruction systématique de l'Opposition. Elle portait sur le libre
choix et sur les États qui le permettent dans le monde. Vous, mesdames,
qui affirmez partager l'objectif du gouvernement d'assurer l'existence d'une
province francophone, je me demande à partir de quel exemple, de quel
parallèle, de quel précédent vous pouvez justifier le
libre choix, notamment le libre choix des immigrants qui viennent au
Québec, quand on sait que les immigrants qui viennent au Québec
ont une forte tendance à gonfler la minorité aux dépens de
la majorité.
M. Bertrand: Elle a reçu l'avis...
Mme Monty: Je crois que, récemment, il y a eu beaucoup de
changements dans les systèmes, tant francophone qu'anglophone, et que,
peut-être il y a quelques années, les immigrants avaient tendance
peut-être plus à venir dans les écoles de langue anglaise
avant que les centres d'accueil et que toutes ces améliorations aient
été apportées.
II me semble que, depuis les quatre ou cinq dernières
années, la situation change assez pour que le gouvernement ne doive pas
avoir peur que la minorité vienne se gonfler d'une telle
manière.
M. Guay: Si vous voulez qu'on assure par la loi no 1 ou autrement
l'existence d'une province francophone, n'est-il pas normal que les gens qui
immigrent dans cette province que vous souhaitez, comme nous, francophone, ce
qui en aucune façon ne diminue les droits de la minorité
anglophone, s'intègrent le plus normalement du monde à la
majorité, comme cela se fait à l'envers, si l'on veut en Ontario,
par exemple?
Mme Monty: Franchement, je puis dire que notre club, en
étudiant ce projet de loi, n'a pas fait de comparaison avec les autres
pays, ni les autres provinces. Ce que nous voulons, c'est un Québec
idéal, peut-être, où les francophones n'auront pas à
craindre que leur langue, ni leur culture soient en difficulté et que
les personnes qui viennent au Québec aient le choix et j'espère
que le choix d'aller dans une école de langue française sera
assez attrayant pour qu'il n'y ait plus de problème.
M. Guay: Si vous espérez que le choix sera assez
attrayant, pourquoi vous opposez-vous à ce que, au fond, le choix soit
fait a priori, avant même qu'ils ne viennent au Québec, au fond
que le libre choix soit celui qu'évoquait précédemment le
groupe qui est venu auparavant, le Club des femmes de Montréal,
c'est-à-dire que le libre choix soit celui de choisir librement de venir
au Québec si on veut s'intégrer à la majorité
francophone, ou de choisir d'aller ailleurs, dans les neuf autres provinces du
Canada ou dans les 50 États des États-Unis, si on veut
s'intégrer à l'Amérique anglophone?
Mme Monty: C'est bien difficile de comparer deux mémoires.
Le groupe qui est venu avant nous était une fédération de
plusieurs organisations de femmes. Quelques-unes ont peut-être des
idées un peu différentes des nôtres. Notre association est
un club du West Island, si vous voulez, qui est plutôt un district
anglophone. Naturellement, nos perceptions sont peut-être un peu
différentes du groupe de Mme Williams. C'est tout ce que je puis
répondre.
M. Guay: Je n'ai pas d'autre question, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): Merci. Mme le
député de L'Acadie. Allez-y.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux d'abord
remercier ces dames de s'être présentées à la
commission parlementaire. Je sais que ce n'est pas facile. J'ai
déjà été assise à plusieurs reprises de
l'autre côté de cette table, c'est vraiment assez difficile
parfois, et je pense que vous avez pu sentir cela ce soir. Je réalise
que vous êtes venues ici pour sensibiliser le gouvernement à
certaines appréhensions que vous avez et qui sont fondées
à bien des égards. Par contre, je remarque que, probablement
à cause de vos appréhensions et de l'anxiété
qu'elles créent chez vous, vous avez peut-être oublié un
aspect sur lequel j'aimerais vous poser quelques questions. Je pense qu'il est
naturel pour vous de venir faire valoir vos droits, votre point de vue et,
comme je le dis, à maints égards, je le partage. Par contre, je
me demandais si vous aviez songé également à certains
gestes ou certaines ouvertures que vous tenteriez ou que peut-être vous
avez déjà tenté d'établir avec la communauté
francophone, là où vous vivez.
Mme Hughes: I discussed the basic directions that our case takes
in this nature.
As you may understand, on the West Island of Montreal, it is not an area
in which it is easy to have these opportunities. We seek them out, where
possible; as members, we serve our community, no matter in which language this
community is, as volunteers, as members of boards which serve all language
communities, we have counselors for various cities and municipalities in our
area. Our members are very involved in all aspects of the communities, social,
educational, members of boards, etc. In these roles, they serve the community
at large, French and English, who live there.
Mme Lavoie-Roux: Je ne serai pas longue, parce que je ne voudrais
quand même pas qu'on vous oblige à revenir demain. Il y a une
autre question que je voudrais vous poser, qui touche l'éducation, et
j'aimerais vous référer à la page 10 de votre
mémoire. Avant de poser ma question, je voudrais vous faire remarquer
que vous avez raison, quand vous avez certaines appréhensions au sujet
de la possibilité pour les anglophones vivant déjà au
Québec, je parle d'anglophones de culture et de langue maternelle
anglaise, de ne pas pouvoir envoyer leurs enfants à l'école
anglaise. Le point que vous avez soulevé est exact quant aux plus
jeunes, s'ils n'ont pas de frère ou de soeur déjà dans le
secteur anglais. C'est à l'article 52 ii).
Une autre chose, je pense qui pourrait se présenter, pour des
anglophones qui sont au Québec, je parle toujours de langue maternelle
anglaise et de culture anglaise, qui n'auraient pas reçu leur
enseignement primaire au Québec, la possibilité de ne pas pouvoir
envoyer leurs enfants à l'école anglaise. Il y a également
des anglophones de culture et de langue maternelle anglaises qui sont
présentement au Québec, qui y vivent depuis plusieurs
générations et qui ont fait éduquer leurs enfants en
français et qui... c'est-à-dire les enfants de ces enfants, dont
certains sont déjà rendus à l'âge adulte,
pourraient, d'après ce qui est présentement dans la loi, se voir
empêchés d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise.
Cela n'est pas de l'imagination, ce sont les faits.
Ma question précise est celle-ci: le dernier paragraphe de la
page 10 dit: "L'éducation n'est pas un champ de bataille où les
différends sont accentués, mais plutôt une arène
où nous apprenons à connaître nos similarités et nos
désirs communs pour l'avenir. Etre en mesure de communiquer et
la capacité de parler le français et l'anglais
créeraient un climat positif de compréhension parmi nos enfants
qui eux tiennent la clé pour l'avenir de la province de Québec."
Comment voyez-vous la réalisation de cet objectif? Est-ce que c'est
parce que chacun apprendra une langue seconde ou est-ce que vous pensez que
c'est une opération qui peut se faire à l'intérieur des
mêmes écoles? Enfin, je voudrais que vous m'explicitiez ce
paragraphe.
Est-ce que j'ai parlé trop vite?
Mme Montminy: Non, je vous comprends. C'est une question
très complexe, madame.
Le Président (M. Cardinal): D'accord, allez, je m'excuse,
à moins qu'il n'y ait consentement, dans deux minutes, il faudra
ajourner. Je vous donne la parole, mais en vous indiquant qu'il est près
de 23 heures.
Mme Montminy: Nous pouvons parler seulement de notre
expérience et de ce que nous avons fait déjà dans notre
système.
Les enfants, dans les programmes des nations, ont d'autres
expériences qui ne sont pas à l'école, des changements des
autres communautés et de toute façon, d'améliorer ces
programmes, de les élargir, peut-être que nous pouvons
réaliser ces voeux.
Mme Lavoie-Roux: Cet objectif. Je vous remercie, madame.
Le Président (M. Cardinal): À moins d'un
consentement unanime des membres de la commission, comme il est 23 h, je
devrais ajourner. Est-ce que... M. le député de Taschereau.
M. Guay: Compte tenu qu'il reste cinq minutes au parti
ministériel, que nous avons quelques questions qui ne...
Le Président (M. Cardinal): Si vous me permettez de vous
interrompre, M. le député de Taschereau. Il reste cinq minutes au
parti ministériel, il reste dix minutes au parti de l'Opposition
officielle.
M. Bertrand: M. le Président, l'heure et demie a-t-elle
été épuisée?
Le Président (M. Cardinal): Non, il reste seize minutes de
débat possible.
M. Bertrand: Ce qui veut dire que normalement, si on respectait
cet horaire qu'on s'est donné, les personnes qui ont accepté de
se déplacer pour venir à la commission aujourd'hui devraient
rester et revenir demain?
Le Président (M. Cardinal): II y a deux
possibilités en réponse à la question: Ou bien, de
consentement unanime, nous continuons pendant seize minutes,
c'est-à-dire jusqu'à 23 h 16, ou bien les témoins
acceptent de revenir demain pour seize minutes.
Le consentement est-il accordé?
Mme Lavoie-Roux: Consentement.
Le Président (M. Cardinal): Le consentement est
accordé. Mme le député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: J'ai terminé, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Dans ce
cas-là, M. le député de Robert Baldwin.
M. O'Gallagher: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Un solde de dix minutes.
M. O'Gallagher: Oui, je n'ai pas grand-chose à demander.
Pourriez-vous élaborer encore sur les écoles, l'immersion en
français dans vos écoles protestantes et catholiques, à
Beaconsfield et Baie-d'Urfé?
Mme Montminy: Je peux répondre à la question,
monsieur. Je vais parler personnellement. Mes enfants sont à
l'école d'immersion française. J'ai un jeune enfant qui commence
à la maternelle, au mois de septembre.
Suivant le programme de Saint-Lambert, l'enfant commence directement
à parler français dès la première journée
d'école et il continue jusqu'à la troisième année.
À la troisième année, il commence à apprendre un
peu d'anglais; à la quatrième, à la cinquième,
à la sixième, il continue comme cela tout le long de
l'école secondaire et on espère, à la fin de ce projet,
que l'enfant sortira de l'école parfaitement bilingue.
Les autres enfants sont dans d'autres sortes de programmes d'immersion,
soit une immersion complète ou partielle, et on espère pour eux
la même possibilité de réussite avec la langue.
M. O'Gallagher: Ces classes d'immersion en français, aux
écoles catholiques autant que protestantes, sont en vigueur depuis
combien de temps?
Mme Montminy: Environ sept ans, à ma connaissance.
M. O'Gallagher: Merci beaucoup.
Le Président (M. Cardinal): Le député de
Robert Baldwin a terminé?
M. O'Gallagher: Oui.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Est-ce que, d'accord
avec le consentement de la commission, je pourrais demander à un dernier
intervenant de parler et terminer? Non? D'accord. Dans ce cas, M. le
député de Mont-Royal. Non. M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Mackasey: Je vais suggérer que ce n'est plus le
député de Verdun, M. le Président, qu'il faut passer par
NDG avant d'aller à Montréal. Je félicite naturellement
nos témoins de ce soir, surtout de leur page 10, quand elles disent
qu'on a voulu souligner que l'éducation, ce n'est pas un champ de
bataille où les différences sont accentuées, mais
plutôt une arène où nous apprenons à connaître
nos similarités et nos désirs communs pour l'avenir.
Je veux signaler à la commission que, depuis que je suis ici
à Québec, j'ai toujours été encouragé par le
gouvernement à parler ma langue maternelle, quand je le voulais,
à l'Assemblée nationale et que ce n'a jamais été un
problème. On y respecte les deux langues officielles de ce pays.
If I had any advice for you, when you came in it was to relax and
appreciate the fact that you can speak English in this Assembly and, that
right, while your legal expert mentioned it, as one of the features of bill no
1, it does not flow from bill no 1, it flows from the Constitution of Canada,
and it is your right, as she said, to speak English here and in the school
system and it is something that we should cherish as Canadians.
I appreciate the spirit of the brief and particularly the emphasis that
we must not let Bill no 1, or education I think this is what you really
meant, on page 10 become a divisive force at a time when we all
recognize the wonder of living in a province of this tremendous ambiance, where
we have so many mixed marriages, and where we get along so well we would hate
that Bill no 1 be the divisive force.
I would suggest, if I may, since it is too late, to ask questions now,
that when you are asked about the Constitution, that you remind people who ask
you that you are not lawyers, the lawyers cannot agree, and Frank Scott does
not necessarily agree with the university professors from other universities,
and certainly, looking at you, none of you were around, in 1867, when I was
there.
So, there are courts to interpret the Constitution and the best you can
give when you are asked is an opinion which has no validity in law. The
simplest way, then you are asked, is just to emphasize that point, that you are
not here to interpret the Constitution any more than I can. That is what we
have the Supreme Court for. When and if somebody wants an interpretation, then
they are free to go to the Supreme Court of Canada and get a ruling. It is too
late, I think, to sue the case, I think that the cooperation of the members of
the government are indicative by the fact that they have stayed here to make
sure you do not have to come back another day.
I know from experience, la bonne entente qui existe dans l'ouest de
l'île, j'ai essayé de gagner le comté de Pointe-Claire,
mais, malheureusement, il faut attendre une autre occasion. Quand même,
je sais que votre mémoire est écrit dans un sens positif.
Surtout, j'ai seulement une question à vous poser, si vous voulez
répondre: Quelle est la nécessité d'apprendre une
deuxième langue? Je pense que tous les gens veulent être
bilingues. Croyez-vous que c'est impératif, nécessaire, qu'on
commence l'enseignement de la deuxième langue, au niveau des classes 1,
3, 5 et 10, selon votre expérience? Je pense que c'est un point
très important, surtout quand les syndicats prétendent qu'on
devrait introduire la deuxième langue maternelle en 10e année.
Avez-vous une observation à faire?
Mme Montminy: Notre objectif serait d'essayer de faire que ce
soit possible que tous les enfants commencent dès la maternelle,
même avant d'apprendre la langue française ou l'inverse, que les
enfants qui parlent français soient aussi... Qu'ils aient aussi
l'opportunité d'apprendre l'anglais.
M. Mackasey: I do not want to get into the delicate area of
freedom of choice at the moment, but that will be up to other people. At least,
we do have freedom of choice for the English-speaking people. So, we are in a
preferred and very fortunate position. If there is any discrimination
unintentional in this Bill, it is not against the English-speaking Quebeckers,
it is against other groups who have to determine for themselves or at least
through their spokesmen whether they want to live with that discrimination or
not.
Thank you very much.
Le Président (M. Cardinal): Merci. Une dernière
intervention dans les limites déjà fixées par le
consentement unanime.
M. le député de Vanier.
M. Bertrand: Mesdames de Lakeshore, je voudrais d'abord vous dire
que je suis très sensible à votre démarche d'être
venues en commission parlementaire. Je commence à réaliser,
à travers les différents mémoires que nous entendons,
qu'un des problèmes principaux qui se posent en ce moment, ce n'est
certainement pas pour la majorité francophone de se sentir majoritaire
et de sentir comment elle doit défendre ses droits ni pour la
minorité anglophone de se sentir minoritaire et de sentir comment elle
doit défendre ses droits, mais peut-être que l'effort important
que nous avons à faire durant cette commission, c'est d'arriver, comme
majorité, à se mettre peut-être davantage, quelquefois,
dans la peau d'une minorité et à une minorité de se mettre
peut-être davantage, quelquefois, dans la peau d'une majorité.
Très souvent, quand on lit les différents mémoires
et qu'on entend les différentes personnes qui viennent témoigner,
on a souvent l'impression, et même quand on se regarde aller, de quelque
côté que ce soit de cette table, que les efforts pour essayer de
se placer dans le camp de l'autre sont assez minces. Par contre, pour
répondre à quelques remarques qui ont été faites
tantôt quand on disait qu'il fallait éviter au maximum de parler
des minorités francophones à l'extérieur du Québec,
je pense, au contraire, que le fait de s'alimenter des difficultés et de
l'expérience que vivent ces minorités francophones à
l'extérieur du Québec ne peut qu'être qu'extrêmement
instructif pour ceux qui, à l'intérieur du Québec,
à l'heure actuelle, se doivent de tenter par tous les moyens possibles
de protéger les droits de la minorité anglophone.
Je pense que nous arriverions difficilement à le faire, et
à le faire avec justice, si nous n'étions pas très
sensibles aux injustices qui existent dans les autres provinces canadiennes
concernant les minorités francophones. Je pense qu'il ne s'agit
nullement là de penser vengeance. Il s'agit, au contraire, de constater
que, dans le cadre fédéral actuel, il est parfois difficile de
parler de la minorité anglophone sans en même temps faire
référence aux minorités francophones qui vivent à
l'extérieur du Québec.
Je voudrais dire aussi que je suis profondément d'accord avec
certaines de vos recommandations dont une m'apparaît devoir être
signalée, à savoir qu'il importe... Et je pense que, lorsqu'on
aura réalisé cet objectif, on cessera peut-être de parler
du libre choix comme on en parle en ce moment. Quand on aura l'assurance qu'un
anglophone qui aura le droit de fréquenter une école anglaise au
Québec pourra profiter d'un enseignement de la langue seconde qui soit
très valable, de telle sorte qu'il puisse devenir un citoyen égal
à tous les autres au Québec, et quand, dans les écoles
francophones, nous aurons vraiment le sentiment que la langue anglaise ou
quelque autre langue est bien enseignée, de telle sorte qu'un citoyen
francophone québécois puisse se comporter à son aise dans
le continent nord-américain, je ne pense pas que la notion de libre
choix pourra se poser dans les mêmes termes et je pense même qu'on
ne s'arrêtera même pas à penser tellement il deviendra
évident que, dans l'un ou l'autre système d'enseignement, le seul
apprentissage de la langue seconde fournira à l'un ou l'autre citoyen
francophone ou anglophone un caractère d'égalité. Je pense
que c'est cela que vous recherchez et je pense que c'est cela que nous
recherchons.
Je voudrais aussi vous dire qu'il m'apparaît que vous n'avez pas
lu de la même façon que moi certains articles de la charte de la
langue française, surtout quand vous dites: Nous recommandons que le
droit d'employer la langue anglaise dans les tribunaux et à
l'Assemblée nationale soit garanti et, à la différence du
député de Notre-Dame-de-Grâce, je dirai que c'est
peut-être, quant à lui, l'article 133 qui protège cela,
mais je voudrais qu'il constate que la Charte de la langue française
permet, n'empêche pas l'utilisation de la langue anglaise à
l'Assemblée nationale, n'empêche pas la rédaction des
textes de loi en anglais, n'empêche pas les personnes morales devant les
tribunaux de s'exprimer en anglais si les parties y consentent et
n'empêche surtout pas les personnes individuelles de s'adresser en
anglais dans les tribunaux. Je crois qu'il faut que vous lisiez les articles en
essayant aussi de lire l'article 10, l'article 11, l'article 12 et l'article 13
en sentant bien que c'est tout de même ce qui est sous-entendu dans ces
articles.
Je pense que vous devriez aussi constater que l'article 133... il
m'apparaît, quant à moi, beaucoup plus discriminatoire par rapport
à l'ensemble des communautés francophones vivant dans le reste du
Canada que ne le sont, et d'ailleurs ils ne le sont pas, les articles de la
Charte de la langue française. Quand on a un article qui se lit dans les
Chambres du Parlement du Canada et les Chambres de la Législature de
Québec, le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il nous manque neuf
provinces dans cet article et, quant à moi, cela est discriminatoire. Je
pense que vous le reconnaîtrez avec nous, cet article 133 est
discriminatoire. Finalement, je voudrais dire aux gens de Lakeshore, je ne sais
pas si vous êtes au courant...
Le Président (M. Cardinal): ...finalement on devrait y
venir plus rapidement, M. le député de Vanier.
M. Bertrand: Je m'excuse, M. le Président, mais si vous
voulez, en 30 secondes, je voudrais simplement dire qu'un groupe de la
minorité francophone du Manitoba est venu au Québec ces
dernières semaines rencontrer des commissions scolaires anglophones pour
s'informer de la façon dont ils perçoivent le projet de loi no 1,
pour s'inscrire de la bataille des anglophones sur ce projet de loi et pour
essayer de voir comment ils pourraient, eux, se débrouiller dans leur
province. Quelquefois, les commissions scolaires anglophones demandaient
à la minorité francophone du Manitoba: Qu'est-ce que vous feriez,
vous autres, si vous aviez le projet de loi no 1 entre vos mains? La
minorité francophone du Manitoba répondait: Nous ouvririons les
bras très grands pour l'accueillir, parce que c'est au-delà de
tout ce que nous espérons à l'heure actuelle à
l'intérieur du Canada.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député de Vanier. Si vous permettez, la séance n'est pas
terminée. Il nous reste une minute et je vais être bref. Tout
d'abord, je veux remercier ces dames du Lakeshore University Club je
pense que c'est à peu près cela, je n'ai pas le texte devant
moi Merci de votre patience, merci de vos réponses, merci pour
votre mémoire.
Nous allons ajourner dans quelques secondes sine die et nous nous
continuerons suivant la motion ou l'avis que donnera le leader parlementaire du
gouvernement à l'Assemblée nationale demain. J'indique cependant
tout de suite qu'à la première minute, demain, nous serons
prêts à recevoir les représentants de la
Société nationale populaire du Québec, mémoire no
78. Merci à tous les députés qui depuis environ 10 heures
ce matin ont participé à cette commission. Merci de leur
collaboration envers la présidence représentée par
diverses personnes et je dois, d'office, ajourner sine die les travaux de cette
commission.
(Fin de la séance à 23 h 10)
ANNEXE
MEMOIRE SE RAPPORTANT À LA CHARTE DE LA LANGUE
FRANÇAISE AU QUÉBEC. "Je vous entends gronder comme chutes en
montagnes; je vous entends demain parler de LIBERTE"
(Gilles Vigneault).
Membres de la commission parlementaire, Membres de l'Assemblée
nationale,
L'auteur de ce mémoire est d'accord avec l'esprit du Livre Blanc;
"une politique de la langue doit s'attacher à donner aux institutions,
à la société québécoise, un caractère
foncièrement français... Autant la pluralité des moyens
d'expression est utile et féconde sur un même territoire, autant
il est nécessaire que, comme préalable, un réseau de
signes communs rassemble les hommes... dans un Québec vivant en
français, il sera normal que les Québécois, quelle que
soit leur origine ethnique et culturelle, puissent s'exprimer en
français, participer de plein droit à une société
française, admettre que le français est ici la langue commune
à tous". Pour atteindre la fin cependant, certains moyens
proposés laissent grandement à désirer.
Il y a d'abord un premier ou un cinquième principe qui a
été gravement oublié dans le Livre Blanc. Principe qui,
mis de l'avant et respecté intégralement, risquerait fort de
régler une fois pour toutes la question linguistique au Québec,
de telle sorte qu'on n'aie plus à y revenir, quels que soient les
gouvernements subséquents. Ce principe pourrait s'énoncer de la
façon suivante: ON DOIT RESPECTER LA RESPONSABILITE PERSONNELLE DE TOUS
LES QUEBECOIS. J'exposerai d'abord ce principe et donnerai ensuite trois
raisons qui devraient motiver votre accord avec un tel principe. Raisons qui
pourraient se résumer comme suit:
Les droits individuels priment les droits collectifs.
La loi ne détruit pas les complexes.
URGENCE de s'attaquer à des problèmes plus importants.
On doit respecter la responsabilité personnelle de tous les
québécois "...le gouvernement est conscient que cette loi, si
opportune qu'elle soit, ne suffit pas. Des règles coercitives sont
nécessaires. Mais une politique de la langue ne se limite pas à
contraindre..." "Des règles coercitives sont nécessaires":
affirmation absolue et gratuite à laquelle on ne croit pas
nécessaire d'apporter d'explications, comme si ça allait de soi,
comme s'il était prouvé que des règles coercitives sont
nécessaires et constituent les meilleurs moyens pour atteindre une fin,
celle-ci étant pour ce qui nous occupe présentement, le BIEN
COMMUN de toute la collectivité québécoise au point de vue
linguistique.
On dit souvent qu'il s'agit d'édicter une loi ou un
règlement pour provoquer la désobéissance. Mettez une
interdiction et vous donnez par le fait même la tentation de
l'enfreindre. La raison première et profonde de ce
phénomène assez répandu n'est-elle pas que l'individu, se
sentant naturellement disposé à agir librement en être
autonome et responsable, ne peut que défier la loi coercitive, indiquant
ainsi que la loi est de trop et qu'il ne sera jamais question de se plier de
bonne grâce à ce qui constitue pour lui une attaque à sa
responsabilité personnelle. Si l'individu est si réfractaire
à la loi, c'est qu'il veut être libre, la LIBERTÉ
étant l'APTITUDE DE L'ÊTRE RESPONSABLE OU AUTONOME À
POUVOIR EXERCER UN CHOIX.
Ne pas vouloir accorder le LIBRE CHOIX, n'est-ce pas reconnaître
implicitement qu'on a affaire à des gens peu ou pas responsables, du
moins pas suffisamment pour prendre leur propre responsabilité? N'est-ce
pas ce que reconnaît sans cesse le législateur qui ne fait
qu'obliger et ordonner sous peine de sanctions? Dans l'immédiat, c'est
peut-être la solution la plus facile que de traiter les gens en
irresponsables en leur disant: "nous allons décider à votre
place, vous nous avez élus pour ça... vous n'avez qu'à
obéir, qu'à faire ce qu'on vous ordonnera, ce que vous commandera
la loi." Prendre tous les moyens nécessaires pour développer ou
accroître la responsabilité personnelle, de telle sorte que les
lois coercitives deviennent inutiles, ce n'est certes pas la voie la plus
facile dans l'immédiat mais c'est sûrement la meilleure. Pour ce
qui est de la question linguistique, ces moyens, vous les connaissez:
Mettre les gens en situation de choisir
Les aider à faire un choix judicieux par la création de
situations propices à un tel choix (franciser le paysage,
améliorer les cours de langue, etc...)
Conseiller sagement et assurer un "dialogue constant", ce qui vaut bien
mieux que n'importe quelle loi.
Le LIBRE CHOIX dont on parle ici, c'est cette possibilité de
choisir pour soi et ses enfants des valeurs culturelles, une langue ou des
langues et une école. Dans le projet de loi, ce libre choix est
accordé à un grand nombre d'Anglophones et d'Indiens, (du moins
théoriquement). C'est bien qu'il en soit ainsi. De voir que la
LIBERTÉ d'un certain nombre est respectée, cela a quelque chose
de réjouissant. Mais ce serait mieux si tous pouvaient agir librement.
Pour ce représentant de la collectivité
italo-québécoise entendu sur les ondes de Radio-Canada, comme
pour beaucoup d'autres Québécois la réaction est la
suivante: "Nous accepterions la loi si le libre choix accordé aux
Anglophones leur était enlevé". Drôle de conception de la
justice qui consiste à considérer juste l'injustice personnelle
à condition que l'injustice s'applique à tous... Telle n'est
certes pas la solution que de brimer tous les individus en les traitant tous
comme des irresponsables et en décidant pour eux de ce qu'ils doivent
faire. Mais la solution n'est certes pas non plus de considérer
certaines collectivités (Anglophones et Indiens) comme collectivement
responsables et aptes au libre choix et d'autres collectivités
(Francophones et minorités ethniques) comme collectivement
irresponsables et donc inaptes au libre choix.
LES MINORITÉS ETHNIQUES ET LE LIBRE CHOIX: II est certes
légitime de désirer "que les personnes qui viendront s'installer
au Québec dans l'avenir enverront leurs enfants à l'école
française". Mais les meilleurs moyens de s'assurer que nos désirs
seront comblés en ce domaine ne sont-ils pas les suivants: faire du
français la langue de travail franciser le paysage
québécois rendre l'école française plus attrayante
en y prodiguant un bon enseignement des langues.
Quand ces objectifs seront réalisés, que viendra ajouter
une loi coercitive à l'égard des individus? Quelque chose
sûrement, mais rien de positif. Et pourquoi obliger qui que ce soit avant
que d'avoir réalisé ces trois objectifs principaux?
Il n'y a que deux raisons qui pourraient motiver les défenseurs
de la loi coercitive à l'égard des minorités ethniques et
des futurs Québécois: 1.Crainte de ne pouvoir INCITER
POSITIVEMENT, crainte de ne pouvoir atteindre les trois objectifs
pré-cités de façon satisfaisante. Une telle crainte
pourrait être dissipée par l'emploi de moyens coercitifs et
incitatifs plus sérieux à l'égard des institutions et des
personnes morales... 2.Crainte que l'individu se désavantage
lui-même en n'apprenant pas le français, alors même que la
langue du travail serait le français, alors même que la langue du
paysage et de la vie quotidienne au Québec serait le français,
alors même que les cours de langues dans les écoles
françaises seraient de très haut calibre. Etre craintif à
ce point serait faire bien peu de cas du bon sens et de l'intelligence d'une
personne. Vouloir, de par la loi, obliger une personne à se franciser de
crainte qu'elle ne puisse être apte à le décider
d'elle-même, cette volonté de coercition maladive est
inacceptable. "L'assimilation à la vapeur de tous les nouveaux
immigrants, au point qu'en une ou deux générations ils ont perdu
toute attache avec leur pays d'origine n'est pas un objectif souhaitable. Une
société qui permet à ses groupes minoritaires de conserver
leur langue et leur culture est une société plus riche et
probablement plus équilibrée. Cela pourrait être le cas du
Québec." Une société qui permettrait à chacun des
individus composant les minorités ethniques, la possibilité
d'exercer sa responsabilité personnelle ou son libre choix d'une
façon pleine et entière, serait une société encore
plus riche, encore plus équilibrée parce que plus humaine. Cela
encore pourrait être le cas du Québec.
L'auteur du Livre Blanc dit encore ceci qui est très juste:
"L'intégration spontanée des immigrants à la
communauté francophone ne pourra donc être possible que si la
société québécoise elle-même est globalement
francisée. Ce n'est que lorsque le français sera devenu
véritablement la langue de travail et des affaires que la plupart des
immigrants comprendront que leur intérêt les pousse à se
solidariser avec la communauté francophone." En attendant, on les
obligerait par une loi coercitive? Ce n'est ni sérieux, ni
raisonnable, ni humain. Pas plus sérieuse d'ailleurs cette idée
à savoir qu'il faudrait combler la dénatalité des
Québécois francophones par l'assimilation forcée des
immigrants. À cela la chanson nous répond: "II n'y a que nous qui
pouvons faire quelque chose pour nous." "On se demande pourquoi l'assimilation
s'est produite pour d'autres groupes ethniques, et non pour les Canadiens
français"? Seuls un attachement naturel et farouche à la langue
maternelle plus un ensemble de conditions historiques favorables peuvent
expliquer le phénomène, si phénomène il y a.
Ajoutons à cela toutes les mesures positives contenues dans le projet de
loi et il devient inutile de songer à des mesures coercitives
négatives à l'égard des individus.
LES FRANCOPHONES ET LE LIBRE CHOIX: Et pourquoi ne pas traiter les
Québécois francophones comme des êtres responsables,
pourquoi ne pourraient-ils pas choisir librement? Pour l'une ou l'autre des
deux craintes expliquées plus haut très certainement. À
moins que ce ne soit pour imposer de force une "FIERTÉ" que certains
francophones n'auraient pas, fierté de vivre sa culture, de parler sa
langue etc... Est-ce que cette fierté s'impose de force au moyen d'une
loi? Les résultats ne sont-ils pas moins qu'assurés? Par
ailleurs, le gouvernement juge que les Québécois francophones de
même que tous les Québécois sont des êtres
responsables puisqu'en conclusion du Livre Blanc il fait appel à la
RESPONSABILITÉ DE CHACUN. Pourquoi alors l'obligation sous peine de
sanction? Ça ajoute quelque chose de positif? N'est-ce pas cette attaque
à la responsabilité personnelle que constitue la loi, qui
expliquerait le mieux le malaise qu'avoue ressentir le premier ministre
à édicter une telle loi?
La responsabilité personnelle, l'autonomie personnelle, c'est
fort à ce point (si on lui permettrait d'éclore) que son
existence chez tous les Québécois francophones éliminerait
l'incontestable utilité actuelle de lois coercitives à
l'égard des institutions et personnes morales. "Faute de
législation, les règles de la politesse auraient dû
trancher depuis longtemps en la matière." Il faut ajouter que face
à l'impolitesse, la réaction d'humains responsables et autonomes
en est une de gens qui se tiennent debout et exigent qu'on soit poli envers
eux, de gens disposés à prendre tous les moyens positivement
valables pour que politesse soit rendue. DES DROITS, ÇA SE PREND,
ÇA NE SE QUÉMANDE PAS et seuls des êtres responsables
peuvent ainsi prendre leurs droits. Et que signifie la phrase suivante extraite
du Livre Blanc si ce n'est que la responsabilité personnelle est plus
importante en définitive que la loi: "Chaque travailleur est
concerné dans sa vie quotidienne par la restauration de sa langue dans
son travail. Il peut assurer le succès de l'opération ou bien le
compromettre."
Le RESPECT DE LA RESPONSABILITÉ PERSONNELLE, le RESPECT DE LA
LIBERTÉ INDIVIDUELLE est le meilleur moyen de s'assurer la
coopération de tous, coopération indispensable si l'on veut
"faire en sorte que les deux solitudes hiérarchisées se
transforment en solidarité". Comment celui qui se sent brimé dans
ses droits, dans sa personne, dans sa responsabilité personnelle,
peut-il vouloir être solidaire de celui qui l'écrase par la force
de la loi?
Les droits individuels priment les droits
collectifs
Certains diront être assez d'accord avec ce qui
précède mais ajouteront que dans tout ça il ne faut pas
oublier les droits collectifs. Ce n'est pas oublier les droits collectifs que
de les mettre à leur place, que de leur donner uniquement la place
qu'ils doivent ou peuvent avoir et pas plus.
Au préalable et en définitive, ce n'est pas un collectif
qui est humain, pacifique, libre, amoureux, heureux. Ce sont les individus qui
composent ce collectif qui sont humains, pacifiques, libres, amoureux, heureux.
Autrement dit, c'est parce que chacun de ses membres sont humains pacifiques et
libres qu'une collectivité est dite humaine pacifique et libre.
L'individu importe plus que le collectif. C'est l'individu et non le collectif
qui a des besoins, des droits et des devoirs. Les juxtapositions d'individus
qui ont pour noms société, collectivité, peuple, nation
sont des abstractions qui ont pris toute la place ou plutôt auxquelles on
a donné toute la place... ou presque. L'individu, quantité
négligeable, se doit désormais d'être l'esclave-soumis de
"l'état-téton".
C'est fausser la réalité, se créer des
problèmes et ne pouvoir parvenir à aucune solution valable que de
sans cesse opposer droits individuels et droits collectifs. Un droit collectif
ne peut être que la somme des droits individuels de tous et chacun des
membres de la collectivité et il ne saurait y avoir d'opposition.
Si l'on peut parler du droit d'une collectivité à la PAIX,
c'est que chacun de ses membres, aspirant à vivre en paix avec
lui-même et avec les autres, a droit à cette paix.
Si l'on peut affirmer qu'une collectivité n'a pas le droit de
tuer (il n'y a pas plus de peine de mort juste que de guerre juste) c'est
qu'aucun membre de la collectivité n'a ce droit.
Si l'on peut parler du droit d'une collectivité à la
LIBERTÉ, c'est que chaque individu composant la collectivité a
besoin et a droit d'être libre.
Si l'on peut parler du droit d'une collectivité à occuper
(et non posséder) un territoire donné, c'est à cause du
besoin et du droit de chaque individu d'occuper un espace vital minimum.
De même, si l'on peut parler du droit d'une collectivité
à la communication, c'est que chaque individu a le besoin et le droit de
pouvoir communiquer avec ses semblables. Mais il faut préciser ici
qu'une langue commune n'est pas le seul moyen de communication entre individus,
ce qui fait que des groupes linguistiques différents peuvent cohabiter,
communiquer et former une même collectivité: Indiens,
Québécois francophones et Québécois anglophones
forment la collectivité québécoise de même que
Français, Anglais, Chinois, Japonais, Russes, etc., forment la
collectivité humaine. C'est parce que la société
québécoise est divisée en plusieurs groupes linguistiques
différents qu'il est difficile de parler du droit collectif des
Québécois à une langue commune. Il serait plus juste de
parler du droit collectif des Québécois à la
communication.
Le droit collectif à une langue commune existe pour le groupe
francophone québécois et non pour l'ensemble de la
collectivité québécoise: c'est le droit pour chacun des
membres du groupe francophone de parler français, de vivre en
français. Mais le même droit linguistique collectif existe pour le
groupe anglophone québécois et pour les Indiens et pour toutes
les minorités ethniques. De quel droit alors le groupe francophone
québécois voudrait-il assimiler les autres groupes? À
cause de la force du nombre? Pour certains en effet la majorité accorde
tous les droits, même celui (qui n'en est pas un réellement)
d'abolir ceux d'autrui. Pourtant, ceux-là qui parmi les
Québécois francophones sont les plus fanatiques défenseurs
de l'assimilation des autres groupes linguistiques, sont en même temps
les plus farouches opposants à ce que la majorité Canadian puisse
assimiler les Québécois francophones.
L'idée de nombre ou de majorité conduit à
l'impasse. Aussi serait-il préférable de parler de
NORMALITÉ, plutôt que de droit collectif à une langue
commune pour la collectivité québécoise. L'auteur du Livre
Blanc dit avec justesse: "dans un Québec vivant en français, il
sera normal que les Québé-
cois, quelle que soit leur origine ethnique et culturelle, puissent
s'exprimer en français..." C'eut été un affront à
l'intelligence et à la responsabilité personnelle de tous les
Québécois que de dire: "il sera obligatoire". Le droit individuel
de l'Indien ou de l'Anglophone à parler sa langue et à vivre dans
sa langue est un droit préalable; il prime le droit collectif des
Francophones à une langue commune. De même, le droit individuel du
Francophone à parler et à vivre dans sa langue est un droit
préalable qui prime les droits collectifs des Anglophones et des
Indiens. Cependant, le bon sens et la responsabilité personnelle de
l'Indien et de l'Immigrant leur dicte ce qu'il est normal de faire s'ils
veulent "participer à une société française". La
loi est ici inutile et inhumaine. On ne peut obliger quelqu'un de force
à intégrer une société. Si certains veulent faire
bande à part, c'est leur droit le plus strict. On comprendra facilement
les Indiens par exemple de vouloir faire bande à part.
La loi ne détruit pas les complexes "Cette langue que le
Québec a gardée jusqu'à ce jour demeure l'une des grandes
langues de civilisation du monde actuel et elle ne lui a pas été
imposée par la colonisation étrangère. Elle est la langue
maternelle des ancêtres français, qui l'ont transmise
fièrement et librement. C'est la langue parlée aujourd'hui par
des millions d'hommes répartis sur divers continents mais reliés
entre eux par les liens culturels et fraternels de la francophonie mondiale. Le
temps est venu de cesser de penser notre avenir en termes de timide survivance,
de retrouver le sens de notre vraie grandeur: celle de participer de plein
droit à l'une des grandes expressions linguistiques et culturelles de ce
vaste monde dont, à partir du Québec, nous sommes les citoyens."
Ce dernier paragraphe du Livre Blanc, excellente conclusion, tous ceux qui
souffrent d'un complexe d'infériorité se sentant faussement
minoritaires, auraient avantage à le lire à le relire et à
le méditer. Faut-il y ajouter, pour bien montrer l'absurdité de
se sentir minoritaire, le fait qu'au Canada le groupe ethnique majoritaire est
le groupe Québécois francophone?
On a entendu maintes fois monsieur René Lévesque
déclarer ceci: "... nous réagirons d'une façon positive
sur la question linguistique, le jour où nous aurons perdu nos complexes
de colonisés". On ne peut qu'être d'accord avec une telle
affirmation. Mais quand monsieur le premier ministre ajoute, et c'est une
déclaration récente, que "9/10 des raisons qui motivent la
présente loi (ne) disparaîtront (qu') après
l'indépendance", cette dernière affirmation ne constitue-t-elle
pas l'aveu d'impuissance d'un colonisé qui croit que
l'indépendance politique sera le miracle qui donnera aux individus
responsabilité force et courage? Il ne faut pas attendre une
hypothétique indépendance. C'est immédiatement qu'il est
possible de détruire les complexes si l'on prend tous les moyens pour ce
faire. Une loi ne rend pas les êtres plus responsables et plus forts. Au
contraire, la loi se substitue en quelque sorte à la
responsabilité individuelle. Une loi créant un état
indépendant ne fera pas exception. Une loi constitutionnelle (ça
demeure une loi) donnant naissance à un Québec "libre
politiquement" ne fera pas apparaître une génération
spontanée d'êtres responsables et forts. C'est
préalablement à une éventuelle indépendance que
doivent surgir responsabilité force et courage. Seuls des humains libres
parce que responsables et non complexés pourront donner naissance
à un KEBEC vraiment LIBRE.
Dans son excellent éditorial du jeudi 28 avril 1977, Marcel Adam
écrit ceci; "... s'il est nécessaire de légiférer,
c'est-à-dire de recourir à la loi du nombre, donc à
l'arithmétique, pour protéger la majorité contre la
minorité, pour faire prévaloir les traits culturels et
linguistiques de la majorité sur ceux de la minorité, c'est que
cette majorité porte encore en elle des carences profondes qui ne seront
pas corrigées par une béquille législative". Offrir une
béquille à un être qui se croit faible (complexé)
alors qu'il n'en a pas besoin, c'est sans doute la meilleure façon de
l'affaiblir (d'augmenter ses complexes). "L'évolution du Québec,
c'est que la majorité va se comporter comme une majorité, et
certaines personnes ne peuvent accepter cela" de dire monsieur René
Lévesque (Le Devoir, 3 mai 1977). "... la majorité va se
comporter comme une majorité..." si cela veut dire que la
majorité va employer la loi du plus fort, l'auteur du présent
mémoire est du nombre des personnes qui ne peuvent accepter cela. On
aurait donc rien compris aux leçons de l'histoire? S'il y a situation
anormale au Québec, c'est uniquement la LOI DU PLUS FORT qui en est la
cause. Et l'on voudrait corriger cette situation anormale par la loi du plus
fort, de nouveau? Pour créer ainsi de nouvelles anomalies?
Il y a cinq siècles, vivaient en Amérique du Nord des
humains à la peau cuivrée. Or sont arrivés d'Europe des
sauvages à la peau blanche (Espagnols, Portugais, Français,
Anglais et autres) qui se croyant supérieurement civilisés
(complexe de supériorité au service de l'instinct de domination
et de possession) voulurent imposer et imposèrent de force leur
prétendue civilisation. Ils exterminèrent les Indiens, sur tout
le continent... pas tous heureusement. (Malheureusement, diront peut-être
certains fanatiques francophones qui verraient là un problème
linguistique supplémentaire.) Puis, à la suite de guerres
successives, la finance française du temps préféra les
Antilles à la Nouvelle-France... question de profit. Les Anglais ne
déportèrent pas les colons français... heureusement.
(Malheureusement diront peut-être certains Québécois
anglophones fanatiques.) Maintenant que les descendants de ces colons se
sentent majoritaires, ils voudraient employer à leur tour la loi du plus
fort, la loi du nombre, la force de la loi à défaut de la force
des armes... Quand comprendra-t-on les leçons de l'histoire? Quand
comprendra-t-on qu'on ne règle rien par l'emploi de la force brutale?
Quand comprendra-t-on la force de la VÉRITÉ, de la LIBERTÉ
et de L'AMOUR?
"C'est parce qu'ils étaient habités du sentiment
d'être rois et maîtres sur leurs propres terres que les
ancêtres paysans français avaient acquis une proverbiale
réputation d'hospitalité généreuse. Leurs
descendants d'aujourd'hui sauront retrouver intacte cette chaleureuse filiation
le jour où ils pourront cesser de voir dans l'autre une menace pour
leurs droits, leurs institutions, leur patrimoine". Ce jour est arrivé.
C'est dès maintenant que nous pouvons cesser de "voir dans l'autre une
menace". Il n'est pas exagéré de dire: "c'est maintenant ou
jamais". Il suffit d'abolir les articles 51 à 59 du présent
projet de loi et de les remplacer par un article qui dirait clairement: 1.que
la collectivité québécoise est composée de
plusieurs groupes ethniques ou culturels (l'importance numérique n'a
rien à voir avec la valeur culturelle... s'il devait y avoir
assimilation culturelle, ce sont les "visages pâles" qui auraient
avantage à se laisser assimiler par les Indiens. 2.que tout individu
québécois est libre de choisir valeurs culturelles, langue et
école.
On peut comprendre que certains Québécois francophones qui
se sont toujours sentis dominés économiquement et menacés
dans leur langue et leur culture, qui ont toujours senti à tort ou
à raison que les "Anglais" voulaient les assimiler... réagissent
maintenant en disant: "on va assimiler les "Anglais"... oeil pour oeil, dent
pour dent... ils nous ont matraqué avec des lois et autrement, c'est
à notre tour de faire des lois-matraques..." Mais ce n'est certainement
pas la meilleure façon de penser et d'agir que de vouloir à toute
fin pratique imiter ou copier la conduite historique de la majorité(?)
Canadian à l'égard du groupe ethnique le plus important
numériquement au Canada. Plutôt que de chercher à vaincre
(lois coercitives) il faut chercher à CONVAINCRE (lois incitatives)
CONVAINCRE, Vaincre avec, avec les autres, tous ensemble, vaincre nos
préjugés, nos complexes, nos peurs. Il s'agit pour les
Québécois francophones de "se tenir debout" en vivant et en
travaillant (distinction à la veille d'être inutile...) en
français; et ceci peut se faire dans le respect absolu des droits
individuels d'un chacun. "Chers Québécois c'est à votre
tour de vous laisser parler d'AMOUR"... ce chant d'AMOUR ne pourrait-on pas
l'adresser à tous les Québécois, y compris aux
"Anglais"?
Urgence de s'attaquer à des problèmes
plus importants, plus vitaux.
Le gouvernement a bien fait de considérer ce projet de loi comme
une priorité. Il est prioritaire de régler une fois pour toutes
une question qui nous préoccupe à ce point que nos esprits
n'étant plus libres, nous en oublions les questions plus importantes,
plus vitales.
Car ce n'est pas la langue, mais c'est la VIE qui sur cette
planète-terre est en GRAVE DANGER. Avant le droit individuel (ou
collectif pour ceux qui y tiennent) de parler sa langue, il y a le DROIT DE
VIVRE et ce droit à la vie est GRAVEMENT MENACÉ.
Dans une course folle, nous courons vers le suicide collectif, vers
l'autodestruction. Ce n'est pas un danger hypothétique, c'est une TRISTE
RÉALITÉ. Pour la première fois dans l'histoire de notre
humanité, nous pouvons faire le choix de nous autodétruire parce
que nous en avons les possibilités, les moyens.
Nous pouvons collectivement nous suicider à cause de la puissance
destructrice des ARMEMENTS actuels. Et nous continuons à en fabriquer
d'autres, toujours plus terrifiants, plus foudroyants, plus destructeurs.
Nous pouvons collectivement nous autodétruire à cause du
fait que nous tuons rapidement, progressivement (certains appellent ça
le PROGRÈS) et sûrement notre environnement. NOUS
DÉTRUISONS L'ORDRE NATUREL. Nous tuons la NATURE, fous que nous
sommes!
Nous pouvons encore sûrement nous suicider collectivement (sinon
toute l'humanité, du moins nous, habitants de pays riches ou
industrialisés) à cause de ce que Dom Elder Camara appelle si
justement "LA BOMBE DE LA FAIM" bombe qu'il faut, que nous devons
désamorcer de toute URGENCE.
Pour ceux-là qui savent ce que signifient les termes
MAJORITÉ et MINORITÉ, il est des chiffres qu'ils ne devraient pas
ignorer: les pays riches ou industrialisés, pays où l'on peut
s'accorder le luxe de discourir sur le bonheur, c'est le quart (1/4) de
l'humanité, 25%; les pays pauvres ou "en voie de développement",
pays où la nourriture quotidienne est le souci majeur, ce sont les trois
quarts (3/4) de l'humanité, 75%. Et les pays industrialisés, dont
nous sommes, "aident" les pays "en voie de développement"... en leur
fournissant des armes en quantité... pour mieux assurer sans doute
I'"ÉQUILIBRE DE LA TERREUR", folie aberrante!
C'est faire preuve de totale inconsciente que de passer des semaines,
des mois, des années à essayer (d'une façon malhabile) de
solutionner un problème linguistique et de ne pas consacrer davantage
d'énergies et de temps à solutionner les graves problèmes
de l'heure qui sont des problèmes de SURVIE DE L'HUMANITÉ. Nous
n'avons plus le choix, c'est: "CHANGER OU DISPARAITRE", changer radicalement.
Il est urgent de changer nos mentalités, il est urgent de se mettre
à penser différemment. Il est urgent d'arrêter de s'en
remettre continuellement à la loi et à ceux qui la font. Il est
encore ici question de RESPONSABILITÉ PERSONNELLE. Seuls des êtres
individuellement responsables vont pouvoir changer ce qui doit être
changé. Ce ne sont pas les gouvernements, ce ne sont pas les organismes
internationaux actuels comme l'O.N.U. qui vont solutionner adéquatement
les grands problèmes de l'humanité.
II faudrait aussi bien ignorer les "politiciens" faire à toute
fin pratique comme s'ils n'existaient pas de façon à
arrêter de croire que d'autres sont là pour penser et agir
à notre place, croyance propre à l'irresponsable. Chaque individu
doit assumer la pleine mesure de ses responsabilités propres. C'est un
peu trop facile que de se camoufler sans cesse derrière l'écran
de la société, de la collectivité et des gouvernements:
"la société est responsable, que la société
agisse!" ...alors que tout individu pleinement responsable devrait dire: "j'ai
toute ma part de responsabilité, je dois assumer la démesure qui
est en moi, je vais agir." La société, c'est qui, c'est quoi une
société, "ça mange quoi en hiver?" C'est tout le monde et
c'est personne: personne assumant la pleine mesure de ses
responsabilités personnelles et tout le monde se fiant à tout le
monde.
C'est ICI et MAINTENANT et de toute urgence qu'il faut faire quelque
chose pour SAUVER LA VIE. Il faut passer à l'ACTION tous ensemble,
quelles que soient nos origines ethniques et notre langue maternelle...
"pendant qu'on a encore le temps et la possibilité de le faire" de nous
dire Dom Elder Camara et d'autres sages qui ont visité la planète
et savent que nous sommes à peu près les seuls à pouvoir
SAUVER LA VIE... Mais cette oeuvre commune de PAIX et d'AMOUR ne peut se
réaliser sans une compréhension mutuelle.
Le présent projet de loi, d'une part, avec ses règlements
coercitifs à l'égard des individus, est-il un bon moyen de
favoriser la communication vraie et donc la compréhension entre les
différentes collectivités ethniques qui composent la
collectivité québécoise? Sûrement pas... Et comment
d'autre part pourrait-il y avoir communication vraie et donc
compréhension entre les différentes collectivités
québécoises quand celles-ci sont composées d'individus qui
ne fraternisent pas, ne sont pas solidaires, ne coopèrent pas, ne
partagent pas pour la raison bien simple qu'ils ne se parlent pas, ne se
connaissent pas, ne se comprennent pas? Avant que d'obliger les
Québécois ne parlant pas français à l'apprendre, il
faudrait peut-être d'abord que les Québécois francophones
se parlent davantage, communiquent davantage vraiment et intensément,
eux qui parlent la même langue.
Comme il est URGENT de s'attaquer aux problèmes de notre SURVIE,
n'avons-nous donc pas intérêt à régler le
problème linguistique VITE et BIEN? Et peut-il y avoir meilleure
façon de le faire que de respecter intégralement la
responsabilité, la liberté individuelle de tous? Ce respect ne
risque-t-il pas de favoriser la participation de tous à
l'édification d'un KÉBEC nouveau et d'un monde nouveau?
"Rigoureux, vigilant et exigeant à l'égard de la langue des
institutions, le citoyen devra par contre se montrer compréhensif,
tolérant et souple quand il s'agira des personnes, sachant que le
redressement global de la situation linguistique au Québec est affaire
de temps et de patience." Ce que le Livre Blanc demande au citoyen,
compréhension, tolérance et patience, le citoyen est en droit de
l'exiger du gouvernement, et c'est ce qui est ici proposé en guise de
conclusion à ce mémoire.
Compréhension, tolérance et patience... avant que de
vouloir appliquer des mesures coercitives à l'égard des
individus, commençons par: appliquer avec fermeté les mesures
coercitives et incitatives à l'égard des personnes morales et des
institutions... amorcer et entretenir le dialogue indispensable... faire
confiance au bon sens politique d'un chacun, avoir foi en l'homme en favorisant
sa responsabilité personnelle plutôt que de l'écraser.
Traiter tout être humain en être responsable, guider ou
conseiller l'humain, gérer, organiser, planifier l'activité
humaine (travail, loisirs etc...) autrement qu'à coup de lois: "il y a
trop longtemps qu'on dit et répète que cela n'est pas possible.
Ce le sera si on le veut et si on prend les moyens." C'est la seule
façon de donner naissance à un coin de terre humanisé,
à un "pays" vraiment libre. Seuls des êtres libres, autonomes,
responsables pourront donner naissance à un "pays" libre; la loi ne le
peut pas. La loi peut certes créer un Québec légalement
libre, artificiellement libre, normalement libre (un "pays" comme les autres),
mais cette liberté générée uniquement par la loi
n'est qu'illusion ou artifice. Encore une fois, seuls des individus libres
pourront donner naissance à un KÉBEC LIBRE et ce n'est pas la loi
qui peut engendrer l'autonomie, la responsabilité, la
LIBERTÉ.
La responsabilité individuelle ou le respect intégral que
l'on doit accorder à la responsabilité individuelle, n'est-ce pas
là un des premiers droits commun à tous? La responsabilité
individuelle, la liberté individuelle (et non pas collective) n'est-ce
pas là un BIEN COMMUN à tous, à tous les
Québécois quelle que soit leur origine ethnique? Et les
élus du peuple ne sont-ils pas là pour rendre possible ce que
commande le BIEN COMMUN? "La politique" serait "l'art du possible". On l'a
souvent entendue celle-là... Or comme le "politicien" ne peut pas
grand-chose, comme ce n'est pas lui qui mène, comme il n'est que le
représentant ou le quémandeur du peuple auprès de ceux qui
ordonnent, commandent, dirigent un système
politico-socio-économique à la veille d'éclater, "l'art du
possible" dans de telles circonstances, "ça ne vaut pas cher". C'est
pourtant là un abrégé qui fait l'affaire de trop de
"politiciens" sinon de tous les dits politiciens.
La POLITIQUE, c'est l'ART DE RENDRE POSSIBLE CE QUE COMMANDE LE BIEN
COMMUN. C'est un ART qui s'applique au BIEN COMMUN, ce n'est pas "l'art du
possible". Le POLITICIEN c'est ou ce doit être l'ARTISTE (qui rend
possible ce que commande le BIEN COMMUN).
À vous donc, parlementaires, de prouver quels artistes vous
êtes.
À vous de prouver que le PARLEMENT n'est pas qu'un endroit
où l'on PARLE beaucoup et MENT tout autant.
À vous de prouver que l'ASSEMBLÉE dite NATIONALE peut
être autre chose qu'un théâtre de marionnettes.
À vous de prouver que vous pouvez cesser d'être les
marionnettes, les créatures, les valets du "peuple de la finance" d'un
peuple qui "n'a pas de coeur, pas de drapeau, pas de nationalisme, pas
d'identité", comme l'exprime si bien madame Lise Payette. Ou
plutôt oui, ils ont un drapeau, un nationalisme, une identité:
c'est l'argent, c'est le PROFIT.
Vous me répondrez que vous n'y pouvez rien, que vous n'êtes
que les humbles serviteurs de l'ÉTAT et que l'ÉTAT c'est la
NÉGATION même DE LA LIBERTÉ, la négation du droit
individuel à la responsabilité personnelle. Je sais. Mais je sais
aussi que cette réalité doit changer de toute URGENCE et que l'on
doit procéder dans les plus brefs délais à la
mise-à-mort du MONSTRE-ÉTAT, sans quoi c'est ce dernier qui
très bientôt enfoncera le dernier clou au cercueil de
l'humanité.
Dans les dernières pages du livre "La France contre les
Robots" hymne à la LIBERTÉ, mise en garde passionnée
contre l'obéissance et le conformisme, en particulier contre
l'obéissance à l'ÉTAT... livre que
l'écrivain français Georges Bernanos écrivit au
Brésil où il s'était exilé pour ne pas rester en
France sous l'occupation nazie, l'auteur écrit: "Voilà longtemps
que je le pense, si notre espèce finit par disparaître un jour de
cette planète, grâce à l'efficacité croissante des
techniques de destruction, ce n'est pas la cruauté qui sera responsable
de notre extinction, et moins encore, bien entendu, l'indignation qu'elle
inspire, les représailles et les vengeances qu'elle suscite, mais bien
plutôt la docilité, l'irresponsabilité de l'homme moderne,
son abjecte complaisance à toute volonté du collectif. Les
horreurs que nous venons de voir, et celles pires que nous verrons
bientôt, ne sont nullement le signe que le nombre des
révoltés, des insoumis, des indomptables, augmente dans le monde,
mais bien plutôt que croît sans cesse, avec une rapidité
stupéfiante, le nombre des obéissants, des dociles."
Et ce gouvernement voudrait encore prêcher aux individus
l'obéissance, la docilité, la soumission? Ça suffit, c'est
assez!
PAIX, LIBERTÉ, AMOUR L'UTOPIE SERA BIENTÔT
RÉALITÉ
Roger Julien, CITOYEN KÉBÉCOIS DU MONDE.