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Etude des crédits du ministère de
l'Education
(Seize heures cinq minutes)
Le Président (M. Clair): A l'ordre mesdames et messieurs,
s'il vous plaît. La commission permanente de l'éducation, des
affaires culturelles et des communications est réunie pour
l'étude des crédits budgétaires du ministère de
l'Education. Les membres de la commission sont MM. Alfred (Papineau), Bertrand
(Vanier), Lefebvre (Viau) en remplacement de Bisaillon (Sainte-Marie); Brochu
(Richmond), Charron (Saint-Jacques), Chevrette (Joliette), Ciaccia
(Mont-Royal), Goldbloom (D'Arcy McGee), Guay (Taschereau), Laplante (Bourassa),
Laurin (Bourget), Lavoie-Roux (L'Acadie), Le Moignan (Gaspé), Marchand
(Laurier), Morin (Sauvé), O'Neill (Chauveau), Paquette (Rosemont),
Samson (Rouyn-Noranda).
Il y aurait maintenant lieu de désigner un rapporteur; M. le
député de Taschereau, accepteriez-vous d'agir comme rapporteur?
C'est accepté?
M. Guay: Avec grand plaisir.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Taschereau. M. le ministre.
Exposé général du ministre, M.
Jacques-Yvan Morin
M. Morin (Sauvé): M. le Président, permettez-moi
tout d'abord, selon l'usage, de présentera la commission les hauts
fonctionnaires du ministère de l'Education, ces grands commis de l'Etat
qui oeuvrent dans l'ombre. Tout d'abord, le sous-ministre M. Pierre Martin qui
est assis à ma gauche; M. André Rousseau, sous-ministre
associé de foi catholique, M. Germain Halley, sous-ministre adjoint,
responsable de l'enseignement primaire et secondaire; M. Jacques Girard,
sous-ministre adjoint également, responsable de l'enseignement
postobligatoire; M. Roland Arpin, sous-ministre adjoint responsable de la
planification et M. Jean-Claude Sauvé, secrétaire
général du ministère.
J'aurais eu plaisir à vous présenter également
peut-être seront-ils des nôtres plus tard M.
Sylvester White, sous-ministre associé de foi protestante et Mme
Thérèse Baron, sous-ministre adjoint.
Au fur et à mesure que nous étudierons les crédits,
j'aurai également l'occasion de présenter à la commission
les directeurs généraux ou les chefs des services
généraux du ministère qui m'aideront à
répondre aux questions que MM. les députés voudront bien
me poser.
M. le Président, j'aimerais, selon la tradition, procéder
maintenant à un exposé des politiques du ministère.
Par-delà les questions habituelles sur des problèmes particuliers
qui ne permettent pas toujours un examen en profondeur des politiques du
ministère, je souhaite que cette étude détaillée
des crédits soit l'occasion d'une révision créatrice des
objectifs et des orientations de l'Education.
Depuis le 15 novembre, le gouvernement a tenté d'imprimer
à ce vaste domaine, si important pour l'avenir de la
collectivité, un nouveau départ. Je souhaite vivement que cette
commission parlementaire confirme cette volonté de renouveau.
Je voudrais en premier lieu, dire, l'importance de l'éducation
pour le gouvernement actuel. Il ne me paraît pas superflu, en effet, au
seuil de nos travaux, d'insister sur la place cruciale qu'occupe
l'éducation dans les projets de l'actuel gouvernement du Québec.
Il est en effet évident, depuis quelques années, que
l'éducation est devenue l'une des préoccupations fondamentales,
pour ne pas dire, viscérales, de la société
québécoise. Aussi, ne faut-il point s'étonner de ce que le
gouvernement soit sensible à cette préoccupation du milieu.
Lorsque le premier ministre, dans son message inaugural devant
l'Assemblée nationale, déclare que... "c'est le résultat
tout entier des grands chambardements des années soixante qu'il va
falloir scruter avec beaucoup de soin", ou lorsque le ministre des Finances
insiste sur la nécessité de procéder à
l'évaluation des bénéfices engendrés par certains
programmes d'éducation par rapport aux coûts impliqués, il
faut voir là l'expression non équivoque de l'importance que le
gouvernement attache à l'état de l'éducation. J'en
donnerai pour preuve, avec votre permission, quelques faits et quelques
chiffres.
Selon les données d'une étude effectuée au sein du
ministère sur la proportion du produit national brut consacré
à l'éducation, le Québec, avec un rapport éducation
PNB de 7,6%, se classait déjà, en 1970, au quatrième rang
d'un groupe de trente nations industrialisées, dont le Japon, les
Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni, la Suède et d'autres.
D'après les résultats d'autres analyses, le Québec
a connu un taux d'accroissement de ses dépenses en éducation de
l'ordre de 170%, de 1966 à 1974, en comparaison de 141% pour les
provinces de l'Atlantique, de 132% pour l'Ontario et de 110% pour les provinces
de l'Ouest. Ces indicateurs statistiques témoignent de l'importance
accordée par tous les gouvernements du Québec au
développement de l'éducation et ne sont pas contredits, cela va
sans dire, par les données les plus récentes.
C'est ainsi que, pour l'année scolaire qui se termine en juillet
1977, le Québec aura consacré à l'éducation environ
7% de son produit intérieur brut qui est, vous le savez, la nouvelle
façon de désigner le PNB, d'après les Nations Unies. Cette
dernière statistique montre que la position du Québec s'est
maintenue et ne s'est en aucune façon détériorée
par rapport aux années récentes.
Je voudrais également relever un fait qui, s'il en était
besoin, serait de nature à inciter le gouvernement à continuer
d'accorder à l'éducation toute la place qui lui revient. Il
s'agit des commentaires, plus qu'élogieux, de l'Organisation pour la
coopération et le développement économique, connue sous le
sigle de l'OCDE, sur l'essor important, voire sur l'avant-gardisme et la
créativité dont témoignent certaines réalisations
québécoises dans le domaine de l'éducation. Il y a des
lacunes et des faiblesses dans notre système d'enseignement, mais il y a
également des points forts dont il faut être conscient et qu'il
faut souligner quand le moment vient de faire le bilan, de faire le point. En
dépit du caractère favorable de ces commentaires et de ces
statistiques, ce serait faire preuve d'une bien grande naïveté
cependant que de croire qu'il suffise de présenter un projet
émanant du ministère de l'Education pour qu'instantanément
se délient les cordons de la bourse gouvernementale. L'éducation,
comme les autres domaines dans lesquels le gouvernement est appelé
à intervenir, doit composer avec une conjoncture économique
passablement défavorable et fort contraignante. C'est ainsi que les
crédits alloués cette année au secteur de
l'éducation n'autorisent, à toutes fins utiles, qu'une
reconduction des précédents programmes considérés
comme essentiels, reconduction majorée de l'indexation des traitements
et de quelques autres coûts. Les seuls projets de mon ministère
qui échappent quelque peu à ces restrictions budgétaires
relèvent des priorités que j'énonçais, le 12 mars
dernier, à l'occasion de mon allocution devant le Conseil
supérieur de l'éducation.
Parmi cette douzaine de priorités, il en est quelques-unes qui,
portant sur l'avenir, comportent une dimension prospective importante pour
l'évolution de l'éducation. Ce sont, notamment: le livre vert sur
l'enseignement primaire et secondaire, la politique de décentralisation,
le livre blanc sur l'enseignement collégial, l'étude sur les
universités. D'autres priorités, plus immédiates, veulent
apporter des solutions concrètes à divers problèmes qui
confrontent le monde de l'éducation, comme l'enseignement du
français, l'enseignement de l'histoire et de la géographie
nationales, l'éducation chrétienne, les langues secondes, les
langues d'origine, l'éducation physique et le sport à
l'école, la politique scientifique et les interventions en milieux
défavorisés.
Je répondrai, volontiers, aux questions qui me seront
posées sur ce choix des priorités et sur leur mise en oeuvre au
moment de l'étude détaillée des crédits
correspondants.
En second lieu, permettez-moi de faire quelques observations sur le
ministère de l'Education et ses réseaux d'enseignement. Les
rapports entre le ministère et les réseaux d'enseignement vont
désormais se situer dans un contexte nouveau dont les actuelles
règles du jeu seront modifiées en profondeur.
Les commissions scolaires locales, régionales ou
intégrées sont les organismes qui, contrairement à ceux
des niveaux collégial et universitaire, ont toujours fait l'objet, de la
part des services centraux du ministère, d'une normalisation très
poussée, en raison de facteurs parfaitement justifiables sur le plan
historique, mais aujourd'hui devenus quelque peu désuets.
Selon la proposition d'ensemble et les hypothèses de travail qui
ont déjà fait l'objet d'une première consultation
auprès des commissions scolaires, le ministère de l'Education
serait appelé à exercer un rôle d'orientation et de
direction du système d'éducation, des fonctions de soutien et de
conseillers auprès des commissions scolaires, ainsi que des fonctions de
contrôle nécessaires à l'évaluation des politiques.
La commission scolaire, de son côté, jouerait, à un autre
niveau, des rôles analogues à ceux du ministère, se verrait
reconnaître les pouvoirs et les responsabilités que requiert le
plein exercice de ses fonctions et participerait à la définition
des grandes orientations et des politiques générales. Enfin, ce
mouvement de décentralisation rejoindrait également
l'école, appelée à devenir, dans les projets du
gouvernement et du ministère, le coeur du projet éducatif de
chaque village ou de chaque quartier.
En effet, c'est fondamentalement l'école que ces propositions
veulent privilégier. J'ai déjà eu l'occasion de lancer
quelques idées là-dessus, comme la possibilité de
réserver des sièges de commissaires à des
représentants des comités de parents et celle d'amener les
commissions scolaires à consulter les comités d'écoles sur
des objets précis. Grâce à ces orientations et à
d'autres qui viendront s'y ajouter, je tiens à réaffirmer mon
intention de faire de l'école, selon des modèles souples et
variables, un lieu où l'éducation s'organisera en fonction des
besoins réels des populations concernées, un lieu dans lequel
administrateurs, enseignants et parents en arriveront à définir
la vie de l'école en fonction du milieu.
Ces hypothèses de travail sur la décentralisation en sont
actuellement au stade de l'harmonisation avec celle du livre vert sur
l'enseignement primaire et secondaire. Elles seront, par la suite,
débattues au niveau politique et soumises à la consultation
publique.
Sur un autre plan, l'instauration progressive, auprès des
organismes scolaires, d'un processus de rationalisation et de discussion des
choix budgétaires annuels, de même que l'élaboration
conjointe des stratégies triennales de développement des
réseaux, sont deux mécanismes qui nous permettront de progresser
vers une gestion responsable et véritablement partagée de la
chose scolaire.
A l'heure actuelle, cette gestion fait face à des défis
nouveaux et, à vrai dire, fort stimulants. Alors que les dix
premières années de l'existence du ministère de
l'Education ont été surtout occupées à la mise en
place des infrastructures, des ressources humaines et des outils
pédagogiques requis pour répondre aux désirs de
scolarisation d'une population à forte croissance démographique,
les années les plus récentes et celles qui viennent nous mettent
en présence d'exigences qualitatives du développement de la
gestion la plus économique possible d'un système dont la
clientèle est malheureusement en voie de diminution.
Selon les prévisions de l'évolution des clientèles
scolaires au Québec, on peut raisonnablement s'attendre, dans le
réseau d'enseignement public, que la population scolaire de niveau
primaire diminue de 635 000 à environ 580 000, 581 000 pour être
plus précis, de 1976 à 1986, après avoir connu un minimum
de 561 000 élèves en 1981; quant au niveau secondaire, on n'y
retrouverait plus qu'environ 387 000 étudiants en 1986, en comparaison
avec 589 000 en 1976. Les clientèles du niveau collégial public,
pour leur part, passeraient de 110 000 en 1977 ou 1978 à 103 000 en 1981
ou 1982, et elles seraient au plus creux de la vague en 1987, alors que le
niveau universitaire ne serait vraiment atteint par cette baisse qu'au
début des années '90. Cette décroissance
démographique, qui en viendra à se stabiliser, du moins nous
l'espérons, à un niveau beaucoup plus bas que le niveau actuel,
pose de sérieuses difficultés, on le devine, au système
d'éducation.
Les coûts, par exemple, ne subiront point une courbe
décroissante analogue à celle des clientèles. Le
système fourmille de dépenses incompressibles, lesquelles se
traduiront très certainement par des hausses du coût par
élève et nous imposeront une analyse et une évaluation
très rigoureuses des engagements financiers de l'éducation. A mon
avis, ces engagements devraient viser à conserver leur position relative
par rapport à la croissance du produit intérieur brut.
Le système d'éducation a exigé trop
d'énergie et de ressources et a suscité trop d'espoirs
légitimes pour qu'on se laisse gagner, devant les réactions que
suscitent parfois certaines situations concrètes, par la tentation de
revenir en arrière. Cela équivaudrait à une forme de
démission tout à fait inacceptable. J'estime qu'il nous faut
continuer; il nous faut même progresser sur le chemin de la
qualité, de l'innovation et de la gestion efficace du système
scolaire.
Voyons maintenant de quelle façon le ministère entend
relever ce défi en ce qui concerne les divers réseaux
d'enseignement et j'aborderai, en premier lieu, l'enseignement primaire et
secondaire public qui correspond dans les crédits au programme no 4.
Il convient d'insister, tout d'abord, sur l'évolution des
clientèles scolaires que nous desservons aux niveaux primaire et
secondaire puisqu'il s'agit là du réseau d'enseignement le plus
important de tout notre système, tant par l'ampleur des sommes investies
que par la quantité de personnes touchées.
En se fondant sur les prévisions les plus récentes, il est
à prévoir que les clientèles, à desservir à
la maternelle ainsi qu'aux niveaux primaire et secondaire, dans le secteur
public, seront, en 1977/78, inférieures d'environ 75 000
élèves par rapport à l'année
précédente, ce qui est une situation, il faut en convenir, tout
à fait dramatique. Ces clientèles continueront ensuite à
décroître pendant plusieurs années. Ainsi, en 1981/82, le
total prévu ne sera plus que de 1 079 207 élèves alors
qu'il est actuellement de 1 313 662.
Devant de tels chiffres, on devine toute la souplesse dont devront faire
preuve, à la fois, le ministère de l'Education et les commissions
scolaires dans l'administration des écoles primaires et secondaires du
Québec, au cours des prochaines années. On comprendra que cette
souplesse sera d'autant plus nécessaire que les faits suivants se
produiront vraisemblablement: Au niveau primaire, par exemple, plus de 40% des
commissions scolaires locales et intégrées connaîtront une
baisse de clientèle supérieure à 20% d'ici trois ou quatre
ans. Plus de 50% des commissions scolaires locales et intégrées
compteront moins de 2000 élèves en 1980; au niveau secondaire,
rappelons qu'il y aura 387 000 élèves en 1985/86,
c'est-à-dire 202 000 de moins qu'en 1976/77; au même niveau,
près de 40% des commissions scolaires régionales
connaîtront une baisse de clientèle supérieure à 45%
d'ici 1985; 18 des 77 commissions scolaires régionales et
intégrées auront moins de 2000 élèves en 1985; avec
la chute des clientèles prévues au secondaire, on peut
prévoir qu'environ les deux tiers des écoles de ce niveau, et
cela touche actuellement entre 15% et 20% des élèves, compteront
moins de 500 élèves en 1985 et qu'il ne restera alors plus qu'une
trentaine d'écoles secondaires de plus de 2000 élèves,
soit 5% seulement de toutes les écoles secondaires du Québec, ce
qui, à toute fin pratique, ne concernera que 15% des
élèves.
Après ces quelques données sur l'évolution
démographique du réseau, je voudrais maintenant vous donner un
aperçu très général des coûts de
l'enseignement primaire et secondaire et des crédits nécessaires
à son financement pour l'année 1977/78.
Les coûts atteignaient, pour l'année scolaire 1976/77 qui
s'achève, la somme de $2 173 000 000. Pour l'année qui vient, ils
seront de $2 212 000 000. Ceci représente une augmentation de 1,8% par
rapport à l'an dernier, alors que le nombre d'élèves
diminue de 2,4%. Soulignons tout de suite que 83% des coûts vont
directement à la rémunération des personnes de toute
catégorie dans les commissions scolaires, ce qui représente, pour
l'année scolaire 1977/78, une somme d'environ $1 840 000 000.
Les orientations retenues pour l'avenir, à partir de ce qui
existe, sont les suivantes. Je tiens pour acquis qu'il y a toujours un
consensus sur les principes de fond qui ont inspiré la réforme de
l'éducation, depuis la révolution tranquille, comme la
démocratisation de l'enseignement, l'accessibilité
généralisée, la péréquation des efforts
financiers et des services, la participation des agents d'éducation et
de la population à l'orientation et au développement du
système scolaire et, plus particulièrement, de chacune des
écoles.
Il n'est pas interdit de penser non plus que la structure
générale du système scolaire n'est pas remise en question.
C'est ainsi que le ministère de l'Education doit continuer de
définir les orientations générales du système, d'en
assurer la cohérence et d'en assurer le leadership, tandis que les
commissions scolaires doivent continuer d'assumer la responsabilité de
la planification et de la
gestion générale des services sur leur territoire; quant
aux écoles, elles doivent avoir la plus grande part de la
responsabilité en ce qui concerne la qualité de la formation des
jeunes.
Ces fondements étant posés, tournons-nous vers l'avenir.
Les objectifs de l'enseignement primaire et secondaire doivent être
clairement définis afin d'orienter le développement de
l'éducation dans les écoles. Dans une optique de
décentralisation, de nouvelles règles du jeu et un meilleur
partage des responsabilités doivent être établis en vue
d'améliorer le fonctionnement général du système et
la qualité des services éducatifs. Il importe que chaque
école puisse développer le projet éducatif qui lui
convient et fonder ce projet sur des caractéristiques propres du milieu
dans lequel elle s'insère.
Il est urgent d'améliorer la qualité de la formation des
jeunes en apportant des correctifs importants à la formation des
enseignants, au régime des études, aux programmes, à la
participation des parents, à la participation des enseignants et des
administrateurs dans l'organisation de la vie scolaire.
Me tournant maintenant vers les objectifs de développement de
l'enseignement primaire et secondaire, je me permets de vous rappeler que j'ai
annoncé récemment les priorités de mon ministère,
celles qu'il entend mettre en oeuvre pour les quelques prochaines
années. Je me limiterai ici à vous en brosser le tableau
d'ensemble, quitte à y revenir au moment de l'étude
détaillée des crédits.
Tout d'abord, j'ai souligné en Chambre et à
l'extérieur, devant divers groupes, l'importance que le gouvernement
entend apporter à l'enseignement du français. Dans le
prolongement du projet de loi sur la charte de la langue française au
Québec, nos énergies seront particulièrement
concentrées sur le redressement de l'enseignement du français
dans les écoles primaires et secondaires du Québec en vue
d'améliorer de façon significative la qualité du
français écrit et parlé. Nous entreprendrons des travaux
qui porteront sur les programmes, le matériel didactique, les guides
d'accompagnement, le perfectionnement des maîtres et leur encadrement par
des conseillers pédagogiques.
Quant à l'enseignement des langues secondes, les travaux de mon
ministère seront également accélérés
à l'égard de la révision des programmes, de la
détermination des exigences de qualification requises des enseignants et
de l'évaluation des diverses formules d'enseignement, dans
l'apprentissage du français et de l'anglais, langues secondes.
Toujours dans le domaine de l'enseignement des langues, j'ai aussi
récemment annoncé une autre priorité, toute nouvelle cette
fois, du moins dans le système d'enseignement public francophone, que
mon ministère entend mettre en oeuvre. Il s'agit de développer
l'enseignement des langues et des cultures d'origine à l'intention des
enfants néo-québécois et cela, au sein de l'école
publique française du Québec. Ce sera là un nouveau
service à offrir dans le secteur francophone.
Mon ministère se souciera, au cours des pro- chains mois, du
développement de l'éducation chrétienne et de
l'enseignement moral, tant dans les écoles reconnues comme catholiques
que dans les écoles protestantes et compte tenu du droit d'exemption que
la loi reconnaît aux parents.
Des mesures spéciales toucheront les programmes, le
matériel didactique et le perfectionnement des maîtres. De plus,
nous ferons en sorte que la situation de l'animation pastorale soit
évaluée systématiquement, en vue de fournir une aide
accrue aux commissions scolaires.
Une autre priorité donnée à mon ministère
concerne l'enseignement de l'histoire et de la géographie nationales.
Les orientations retenues en ce moment sont les suivantes: Au niveau primaire,
nous proposerons un programme d'initiation à l'histoire et à la
géographie, pour les élèves de quatrième,
cinquième et sixième année, après avoir
procédé à l'inventaire de ce qui existe déjà
et après avoir mis à contribution les ressources du milieu, car
il se fait déjà beaucoup de choses dans le milieu.
Au niveau secondaire, je maintiendrai la décision de rendre
obligatoire un cours d'histoire nationale, plus particulièrement, cette
autre décision que j'ai prise, il y a quelques semaines, d'exiger qu'un
examen d'histoire nationale devienne obligatoire pour les fins de certification
au niveau secondaire.
Nous voulons, d'une part, qu'en première et deuxième
année du secondaire, tous les élèves complètent
leur formation en histoire et en géographie, qu'ils auront
désormais formellement amorcée à la fin du cours primaire.
Nous voulons, d'autre part, et je tiens à le souligner de nouveau, que
tous les élèves du secondaire reçoivent un enseignement
d'histoire et de géographie nationales. Cette orientation pose des
difficultés pratiques d'application, en particulier pour les
élèves de l'enseignement professionnel, étant donné
la composition actuelle de la grille matière. Ce sont ces
difficultés d'application qu'il nous reste à résoudre au
cours des prochains mois et auxquelles nous comptons bien porter toute
l'attention nécessaire.
La question des milieux défavorisés demeurera encore une
priorité en 1977/78. Il s'agit, cette fois, de traduire, en un plan de
développement concret, les études déjà
réalisées au cours des deux dernières années.
Aussi, certaines interventions dans le milieu seront mises en marche ou
poursuivies durant l'année 1977. Il s'agit notamment de l'augmentation
du nombre de maternelles et des maternelles-maison, pour les enfants de quatre
ans; de la diffusion de la série télévisée
intitulée "Saperlipopette" pour un auditoire d'enfants de quatre et cinq
ans; du projet expérimental d'appui aux familles des auditeurs de cette
série télévisée, du projet expérimental de
perfectionnement des maîtres de l'élémentaire, en milieux
défavorisés, et plus précisément de l'équipe
école; de la publication d'une étude sur les zones de
pauvreté; enfin, d'un projet expérimental favorisant la
prévention de l'abandon scolaire chez les adolescents de niveau
secondaire.
J'aborde maintenant, M. le Président, un autre
projet important de mon ministère, qui est la
décentralisation administrative. Depuis quelques mois
déjà, le ministère de l'Education met la dernière
main à une politique de décentralisation de la gestion de
l'enseignement primaire et secondaire public. Ces travaux ont comme principal
objectif d'accroître le champ de responsabilités des commissions
scolaires et des écoles, afin que celles-ci puissent prendre les moyens
nécessaires pour satisfaire, plus qu'elles ne le font à l'heure
actuelle, les besoins locaux. Cette décentralisation administrative
comporte deux incidences principales, la première touchant plus
précisément l'aménagement respectif des
responsabilités de mon ministère et du réseau, et la
seconde amenant une réorganisation interne pour tenir compte de la
redéfinition du rôle du ministère.
En ce qui concerne plus particulièrement la politique de
décentralisation, le nouveau partage de responsabilités qui fut
établi, à la suite de consultations auprès, des divers
organismes concernés, prévoit que le ministère de
l'Education se départira de certaines de ses responsabilités
actuelles au profit des autorités locales. En 1977/78, les travaux que
j'entends faire avancer consisteront à définir les
stratégies d'implantation de ce partage de responsabilités qui
touchent autant le domaine des programmes de formation que les secteurs de
l'évaluation, du financement, de l'administration du personnel et des
ressources. Ces travaux entraîneront éventuellement, sans aucun
doute, une révision de la Loi de l'instruction publique.
Tout cet effort de réorganisation administrative serait vain si
nous ne procédions, en même temps, à une révision
des objectifs mêmes de l'enseignement primaire et secondaire, objectifs
tournés vers la qualité de la formation et la satisfaction des
besoins locaux, lesquels doivent être assumés directement par
l'école. Aussi, aurai-je l'occasion, d'ici peu, de soumettre à la
consultation publique, un livre vert qui proposera des orientations
nouvelles.
Actuellement, en voie d'achèvement, au sein du gouvernement, ce
livre vert s'attachera à préciser les objectifs de l'enseignement
primaire et secondaire et à les traduire concrètement en
démarches pédagogiques et en exigences nouvelles pour la
formation des jeunes.
J'ai, tout récemment, eu l'occasion de préciser à
l'Assemblée nationale, que le maintien des petites écoles faisait
partie des préoccupations du gouvernement et cela vient tout
naturellement dans ce cadre de décentralisation dont je viens de vous
entretenir.
La chute des clientèles scolaires qui a déjà
commencé à assaillir les commissions scolaires, principalement
dans les régions éloignées, nécessite à la
fois une intervention immédiate et une action à plus long terme.
Des mesures ont déjà été prévues dans les
conventions collectives et dans les règles budgétaires pour
favoriser le maintien des petites écoles. Compte tenu de cette
contribution déjà fort importante des fonds publics, si les gens
des villages ou des villes veulent maintenir leur école, ils doivent
faire appel à leur sens communautaire, dans l'esprit exemplaire des
"Opérations Dignité". Ils doivent consentir à un effort de
coopération supplémentaire. Le problème étant plus
complexe en milieu urbain, mon ministère étudiera, au cours des
prochains mois je le souhaite, avec la coopération de
l'Opposition, puisque Mme le député possède une
expérience pratique dans ce domaine qui pourrait être des plus
utiles diverses solutions pour ces écoles.
J'aborde maintenant, M. le Président, l'enseignement
collégial public qui correspond au programme no 5. Je voudrais d'abord
dire quelques mots sur l'évolution des clientèles desservies dans
ce réseau. La clientèle atteindra, en 1977/78, 110 000
étudiants. Cela représente un accroissement de 4% par rapport
à cette année. Il importe de noter que cet accroissement est en
bonne partie attribuable à la double promotion résultant du
remaniement de la durée des études primaires et secondaires. Le
nombre d'étudiants commencera à décroître
sensiblement à compter de 1979/80, c'est-à-dire qu'il faut y
penser dès maintenant, puisque c'est l'année suivante. On
prévoit même qu'il ne sera plus que de 103 631 étudiants en
1981/82. J'attire votre attention sur le fait qu'environ 45% des
étudiants seront inscrits au programme professionnel et 55% à
l'enseignement général.
Je voudrais également souligner que les étudiantes
constitueront 45% de la clientèle; ce phénomène va
croissant et n'est certainement pas fait pour déplaire à certains
membres de cette commission.
Je dirai maintenant quelques mots de l'évolution des coûts.
Les crédits alloués au financement de l'éducation
collégiale publique, en 1977/78, totaliseront $421,5 millions en
comparaison de $353,5 millions en 1976/77. Parmi les facteurs qui expliquent
cette augmentation, il faut retenir avant tout la catégorie
"traitements" qui, à elle seule, représente une augmentation de
plus de $38,5 millions et qui résulte à la fois de
l'accroissement de la clientèle et de l'application des conventions
collectives signées avec les personnels des collèges.
Abordant maintenant les principaux problèmes que nous trouvons
dans ce réseau, je pense qu'il convient de parler davantage de
préoccupations que de véritables problèmes. Les analyses
en cours vont nous apporter d'importantes données en vue de consolider
l'acquis et d'assurer le développement harmonieux d'un enseignement qui
comporte déjà de nombreux points forts. En 1976/77, à la
suite de négociations de conventions collectives qui, somme toute, ont
eu un heureux dénouement, l'enseignement collégial a connu, de
façon générale, la stabilité. Cela a permis au
ministère d'accorder son attention à des questions d'une grande
importance pour l'évolution et le développement de cet
enseignement.
Bien sûr, l'enseignement collégial a dû vivre avec
les conclusions du rapport Nadeau, les uns accusant le ministère
d'appliquer ce rapport avant d'en avoir évalué les
conséquences, les autres
nous croyant trop lents à faire connaître nos intentions,
tandis que de nombreuses personnes s'inquiétaient du contenu du
mystérieux "Rapport GTX".
De fait, la majeure partie des travaux réalisés en 1976/77
a consisté à établir les bases de ce que devrait
être l'avenir des collèges à la lumière de la
réalité d'aujourd'hui. Les principaux problèmes
soulevés étaient alors les suivants, pour n'en mentionner que
quelques-uns: Faut-il réviser la loi des collèges et le
régime pédagogique de ces établissements, eu égard
à leur évolution depuis dix ans, puisque nous allons
bientôt célébrer leur dixième anniversaire de
fondation? Quelles nouvelles politiques faut-il élaborer, et dans quel
domaine, en vue d'offrir aux collèges les moyens dont ils ont besoin
pour mieux atteindre leurs objectifs et ceux du nouveau gouvernement du
Québec?
Nous n'avons guère le loisir d'attendre que les orientations
soient déterminées à long terme pour préciser
celles qui, dès maintenant, retiennent l'attention de façon
urgente. C'est pourquoi le ministère que je dirige poursuivra ses
travaux et en entreprendra de nouveaux en 1977-1978 dans les secteurs suivants.
Tout d'abord, nous nous attacherons à la rationalisation des choix
budgétaires. Dans le contexte actuel, alors que les ressources
financières du Québec sont soumises aux contraintes que nous
connaissons, il importe que les collèges participent activement au
système d'allocation des ressources et se rapprochent constamment des
méthodes et des mécanismes auxquels le gouvernement
lui-même se soumet: Qu'il s'agisse du PPBE, de rationalisation des choix
budgétaires ou de système de gestion par activité, nous
tenons le même langage. Cette opération, commencée en
1976-1977, par une étape de sensibilisation, se poursuivra et
s'intensifiera en 1977-1978.
Il faudra tout d'abord mettre en place les instruments
nécessaires à l'implantation d'un tel mode de gestion.
Nous voulons également élaborer une politique des services
auxiliaires. Cette élaboration comporte trois phases principales: Tout
d'abord, une étude sur le logement, déjà
réalisée l'an dernier et qui permet dorénavant
d'établir le bien-fondé de toute nouvelle construction ou du
maintien d'une résidence d'étudiants par un collège,
à la lumière d'utilisation des ressources existantes du
milieu.
Ensuite, la seconde phase consistera dans l'étude des modes de
gestion des services alimentaires en milieu collégial, laquelle
permettra de réévaluer l'opportunité de maintenir le
régime d'autofinancement imposé à ces services. Cette
étude est en voie de réalisation à l'heure actuelle.
Enfin, troisièmement, nous voulons entreprendre, élaborer
une recherche sur le fonctionnement et le financement des complexes sportifs
des collèges, laquelle sera entreprise en cours d'année.
S'il fallait allonger la liste je tente d'être le plus
succinct possible il faudrait tout de même, par souci de bien
rendre compte de la réalité, ajouter encore les aspects suivants:
La planification des enseignements, la politique des stages, la politique
relative à la pastorale, la gestion des services aux étudiants,
le programme d'information à l'intention du grand public sur les
collèges, la politique de résorption des déficits, les
subventions à l'innovation pédagogique, et j'en passe. Mais cela
pourra faire l'objet de questions au cours de l'étude
détaillée des crédits.
Depuis la publication de l'étude du Conseil supérieur de
l'éducation sur "le collège" et du rapport de la direction
générale de l'enseignement collégial sur l'état et
les besoins de l'enseignement collégial, le ministère a pu poser
un certain nombre de diagnostics, arrêter au niveau des principes
certaines des grandes orientations à poursuivre et étudier
quelques-uns des changements qu'il faudrait mettre en oeuvre à court et
à moyen termes. Cela fera l'objet d'un livre blanc qui est en voie de
rédaction.
Nous voulons procéder à l'établissement du bilan de
l'enseignement collégial, lequel s'avère, à mon avis,
favorable. Nous pensons que le maintien des collèges s'impose, de toute
évidence. Toutefois, nous devons en arriver à une meilleure
définition des objectifs. Des modifications paraissent s'imposer dans le
domaine de l'administration des collèges, du régime
pédagogique, du perfectionnement du personnel, de l'information
auprès des étudiants, des parents et des employeurs. Enfin, il
nous faut élaborer également une politique d'éducation
permanente. La mise en oeuvre de ces orientations générales
appellera sans doute des actes de caractère législatif,
réglementaire et administratif. C'est pourquoi le gouvernement entend
proposer à l'opinion publique un livre blanc sur l'enseignement
collégial dans le courant de l'automne prochain.
J'en viens maintenant à l'enseignement universitaire, qui fait
l'objet du programme no 6.
Le réseau québécois d'enseignement universitaire a
atteint un niveau de développement comparable à celui des autres
réseaux nord-américains. Les politiques que mon ministère
entend mettre de l'avant au cours des prochaines années, et plus
particulièrement au cours du prochain exercice financier, tendront
essentiellement à la consolidation, au développement
planifié et, bien sûr, à la résorption des
problèmes actuels. Elles seront éventuellement accordées
au résultat de l'étude sur l'enseignement supérieur et les
universités, annoncée le 19 janvier dernier, et qui se mettra en
marche au cours des prochaines semaines.
Depuis la création de l'Université du Québec et
grâce au développement de ses diverses unités
constituantes, le réseau d'établissements d'enseignement
universitaire, auparavant concentré dans les centres urbains de
Montréal, Québec et Sherbrooke, rejoint maintenant tous les
centres importants du Québec. Je crois qu'il convient de souligner que
cette expansion du réseau d'établissements universitaires a
provoqué une augmentation rapide du nombre d'étudiants
universitaires équivalent plein temps. En 1972-1973, on ne comptait,
faut-il le rappeler, que 85 000 étudiants, alors
qu'au cours de l'année scolaire 1976-1977, on en
dénombrait 108 900. Selon nos prévisions, ce nombre passera
à 112 000 en 1977-1978; un accroissement de 3,6% de la clientèle
universitaire est donc prévu.
Les clientèles de l'enseignement supérieur ont connu une
augmentation notable au cours des cinq dernières années. Il est
cependant prévisible que le développement quantitatif ira
bientôt s'amenuisant. A quel moment cela surviendra-t-il exactement? Il
est encore difficile de le dire avec précision, car nous devons tenir
compte à la fois de la baisse des clientèles au niveau
collégial et d'une remontée de l'éducation des adultes
à l'université.
Le ministère poursuit avec les universités des travaux en
vue d'améliorer les prévisions à ce sujet. Pour l'instant,
nous croyons que c'est au cours de la période 1985-1990 que commencera
à se manifester cette diminution.
Les services offerts par le réseau universitaire ont aussi connu
un essor tout à fait remarquable. Parmi bon nombre
d'éléments significatifs de l'état et du
développement récent du réseau, je retiens les suivants:
Premièrement, le nombre de professeurs-chercheurs croissait de 20,4%
entre 1970-1971 et 1974-1975, tandis que le personnel de direction, lui,
connaissait un accroissement de 14,3% durant la même période.
Deuxièmement, au premier cycle, il existe 1327 programmes offerts
à environ 90 000 étudiants, soit un programme par 65 à 70
étudiants. On compte, par ailleurs, 460 programmes de deuxième
cycle et 190 programmes de troisième cycle.
Troisièmement, le total des subventions et des contrats de
recherche accordés aux institutions universitaires est passé de
$51 millions à $77 millions au cours des quatre dernières
années, soit une subvention moyenne de plus de $9000 par professeur
régulier. Cela n'est pas encore assez, et le gouvernement entend bien
pousser les choses de ce côté.
Quatrièmement, les ressources accordées aux
universités ont permis d'accroître les dépenses par
étudiant de près de 50% entre 1972-1973 et 1975-1976. Ces
dépenses ont évolué de $2938 à $4347 par
étudiant. En dollars constants, la hausse est évidemment moins
spectaculaire, mais non moins significative, puisqu'elle est d'un peu plus de
10%.
Quant aux crédits à voter, ils seront, pour le niveau
universitaire toujours, de $586,5 millions, dis-je, au cours du prochain
exercice financier, alors qu'ils étaient de $487 millions en 1976-1977.
C'est donc une augmentation de l'ordre de $100 millions.
Nous devons consolider la gestion du réseau, ai-je
mentionné plus tôt. Compte tenu de la
décélération prévisible du taux de croissance des
clientèles et compte tenu de la période de restriction
budgétaire, il devient essentiel d'énoncer des priorités
de développement fondées sur un réaménagement des
ressources.
Le processus de rationalisation budgétaire est déjà
amorcé. En effet, cette année, comme en 1976, mon
ministère a présenté aux universités des
stratégies de développement de l'enseignement supérieur
pour la période 1978-1981. Ces stratégies proposent, notamment,
de maintenir la politique d'accessibilité générale
à l'université, notamment en améliorant l'aide aux
étudiants et en stabilisant les frais de scolarité.
Nous proposons également d'éliminer, dans les programmes
d'étude de premier et de deuxième cycle, les chevauchements
inutiles et de systématiser le financement des programmes.
Nous proposons d'assurer un meilleur développement des
études de troisième cycle par une augmentation des bourses de
doctorat, par une incitation financière touchant l'admission de nouveaux
étudiants et par une liaison plus soutenue entre l'enseignement et la
recherche.
Au chapitre de la formation et du perfectionnement des maîtres,
nous allons consacrer une attention spéciale à cette formation au
cours du prochain exercice financier. Je mentionne, tout d'abord, qu'un service
de la formation des maîtres vient d'être créé au sein
du ministère en vue de coordonner les diverses opérations en
matière de formation et de perfectionnement. La coordination s'appuiera
sur l'évolution des besoins et sur la détermination d'objectifs,
de politiques et de programmes de formation dans chacun des deux grands
secteurs, le primaire et le secondaire d'une part, le postsecondaire d'autre
part. Les services ministériels de ces secteurs veilleront à
l'établissement des besoins de formation des élèves des
réseaux d'enseignement dont ils ont la responsabilité. Ils
détermineront aussi les objectifs à poursuivre. Les politiques
générales de formation et de perfectionnement, elles, de
même que la reformulation des programmes, seront confiées au
service de la formation des maîtres de la direction
générale de l'enseignement supérieur.
Quels sont les grands problèmes universitaires de l'heure? Dans
l'exercice de mes fonctions, j'ai pu constater que le réseau
universitaire fait présentement face à des problèmes
épineux qui, à certains égards, sont attribuables à
une crise de croissance.
En effet, le développement extrêmement rapide des
universités au cours des dix dernières années a
contribué à mettre en relief des tensions qu'il importe
d'examiner attentivement en vue de mieux orienter l'avenir
prévisible.
L'augmentation très forte du nombre des étudiants,
l'engagement massif de professeurs et de personnel administratif,
l'accroissement spectaculaire des budgets et, en conséquence, la part
accrue de l'Etat dans leur financement, la nécessité de planifier
à plus long terme et l'obligation de faire des choix, la syndicalisation
du personnel sont autant de facteurs qui ont modifié la vie des
universités, leurs structures internes, les rapports qu'elles avaient
entre elles, ceux qu'elles entretiennent avec l'Etat, de même que leur
place dans la société.
Les problèmes qui en découlent peuvent être
classés en trois catégories. La première
catégorie
est celle des problèmes internes reliés à une
certaine bureaucratisation qui accompagne souvent un élargissement
rapide des responsabilités.
D'une part, les professeurs s'interrogent sur leur rôle dans
l'université, notamment en ce qui regarde la diversité des
tâches qu'on attend d'eux. La gestion des universités est parfois
critiquée. Sur le plan administratif, la multiplication des paliers de
décision entraîne de grandes frustrations il faut le
constater à la base.
La seconde catégorie de problèmes fréquemment
mentionnés touche à la situation de l'univer-sités dans un
réseau d'établissement d'enseignement supérieur. Ce sont
d'abord les équivoques et les imprécisions sur les rôles
respectifs des principaux partenaires du système qui ont suscité
les plus grands malheurs. Ainsi, on comprend mal comment s'appliquent, dans un
système financé presque entièrement par l'Etat, les
principes d'autonomie et de liberté de l'enseignement.
La troisième catégorie de problèmes appartient au
rôle social de l'université et, en particulier, à la
contribution et à la recherche au mieux-être de la
société québécoise. Il semble difficile, surtout
pour des personnes extérieures à l'université,
d'identifier exactement les bienfaits des ressources consacrées à
la recherche.
On mentionne souvent le manque de coordination des recherches
entreprises, le peu de résultats concrets au profit de la population
sinon même l'absence d'objectifs sociaux de très nombreux projets
subventionnés.
En vue d'apporter sans tarder des solutions durables, j'ai
récemment indiqué qu'une des priorités de mon
ministère, dans les prochaines années, allait à
l'étude sur l'avenir de l'enseignement supérieur et des
universités. Cette étude, sans précédent comparable
au Québec, permettra de faire le point sur le rôle de
l'université dans la société québécoise et
de tracer le portrait de l'université de la fin du siècle. Cinq
thèmes serviront d'axes ou de foyers à l'étude et,
à l'heure actuelle, ces thèmes principaux sont examinés,
étudiés au Conseil des universités. J'aurai l'occasion,
sans doute avant longtemps, d'en faire part à la Chambre. Pour
réaliser cette étude qui durera 18 mois, quatre groupes de
travail sont constitués ayant chacun la responsabilité
d'étudier les grands thèmes auxquels j'ai fait allusion. Un
comité de coordination sera aussi formé pour tenter d'assurer
l'harmonie entre les divers groupes de travail. En plus des recherches
spécifiques qu'ils conduiront, le comité de coordination et ces
groupes de travail tiendront des séances publiques, soit pour recevoir
des mémoires, soit pour animer des discussions avec différents
groupes. Les rapports du comité de coordination et de chacun des groupes
de travail seront rendus publics après avoir été remis au
ministre de l'Education et au ministre d'Etat au Développement culturel,
auquel nous donnons la main pour les fins de cette étude
prospective.
J'aborde maintenant, M. le Président, l'aide financière
aux étudiants, qui fait l'objet du programme no 3. Le régime des
prêts et bourses est un élément clé de la politique
d'accessibilité générale à l'éducation; il
permet d'aider les étudiants dont les ressources financières sont
insuffisantes pour défrayer seuls, ou avec l'aide de leurs proches,
parents ou conjoints, les coûts reliés à la poursuite des
études choisies. Environ 27% des étudiants inscrits au cours
collégial et 42% des étudiants inscrits dans les
universités, soit près de 60 000 étudiants, ont
reçu des prêts en 1976-1977 et l'aide moyenne obtenue par ces
prêts représentait un peu plus de $600 pour un étudiant de
niveau collégial, et environ $887 pour un étudiant
universitaire.
Des 30 000 étudiants des collèges qui ont obtenu des
prêts, plus de 20 000 ont eu droit, en plus, à des bourses
s'élevant à $20,5 millions, ce qui représente un peu plus
de $1000 par étudiant. Parmi les 29 000 étudiants universitaires
détenteurs de prêts, 15 500 ont reçu une aide
supplémentaire qui a amené des déboursés de $17,3
millions, soit près de $1120 par étudiant. Au total, il y a eu
émission de $44 millions en prêts et de $38 millions en bourses
pour répondre à 65 000 demandes. L'aide a été
accrue en raison de la diminution de la contribution des parents et en raison
de l'indexation des dépenses.
Personne n'ignore la situation particulière des étudiants
de l'Université Laval et de l'Université du Québec
à Montréal à la suite des conflits de travail survenus
dans ces établissements au cours de l'automne et de l'hiver dernier. Et
tous connaissent sans doute les efforts considérables qui ont
été faits pour aider ces étudiants à poursuivre ou
à terminer leurs études. Des dépenses
supplémentaires sont prévues en 1977/78, lesquelles
n'apparaissent pas dans les présents crédits. On évalue
pour le moment à environ $14 millions l'aide supplémentaire
accordée à ces étudiants de Laval et de l'UQAM. Toutefois,
la détermination des crédits supplémentaires à
voter ne pourra être effectuée que lorsque nous connaîtrons
de façon plus précise le nombre d'inscriptions dans ces deux
universités.
Par ailleurs, pour 1977/78, le ministère de l'Education
continuera à ajuster les critères de calcul des prêts et
des bourses aux étudiants en vue de maintenir le niveau actuel
d'accessibilité aux études tant pour les étudiants
défavorisés financièrement que pour les étudiants
handicapés physiquement et financièrement. Il est
intéressant de signaler que le niveau d'endettement exigé des
étudiants du Québec est plus faible que celui des
étudiants des autres provinces. De plus, les dépenses admises par
le Québec dans le calcul des besoins des étudiants sont les plus
élevées, si j'en crois toutes les comparaisons effectuées
jusqu'à ce jour, avec les programmes d'aide des autres provinces
canadiennes.
Un plus grand nombre d'étudiants seront admissibles à une
aide accrue en 1977-1978. Le coût gouvernemental de l'aide
financière aux étudiants, sans compter les additions
nécessaires destinées aux étudiants de Laval et de l'UQAM,
passerade $62 800 000 en1976-1977 à $74 926 000 en 1977-1978. Cette aide
financière comprend le régime de prêts
et bourses, atrribués selon les besoins des étudiants, et
les bourses d'excellence de l'enseignement supérieur. L'augmentation de
19,1% est considérable et marque la volonté du gouvernement
d'améliorer sans cesse la condition des étudiants les moins
favorisés.
Brièvement, M. le Président, permettez-moi d'aborder
maintenant l'éducation des adultes, qui fait l'objet des programmes nos
7 et 11. La baisse de clientèle, qui semble devoir être, à
plus ou moins long terme, le lot de tous les réseaux d'enseignement,
n'affectera cependant pas le réseau d'éducation des adultes. La
population du Québec porte un intérêt toujours croissant au
perfectionnement continu. En effet, de 1970-1971 à 1974-1975, le nombre
d'inscriptions aux cours d'éducation des adultes est passé
d'environ 350 000 à 400 000. Il faut noter que l'accroissement des 50
000 inscriptions est presque exclusivement dû au perfectionnement
à temps partiel.
Trois types de formation sont offerts dans les commissions scolaires et
dans les organismes d'éducation des adultes qui dépendent
directement de mon ministère: les cours de formation
générale, les cours de formation professionnelle et les
activités de formation socio-culturelle ou de culture populaire, comme
on dit parfois. Ces cours sont généralement dispensés dans
les établissements d'enseignement, mais des modes particuliers de
communication et d'enseignement (cours par correspondance, animation et
information) sont souvent mis en oeuvre en vue de répondre aux besoins
particuliers de nombreux adultes.
Le ministère, au chapitre de la formation générale
et socio-culturelle, consacrait en 1976/77, plus de $35 millions à cette
formation. Cette année, cette somme sera portée à plus de
$40 millions. D'autre part, les sommes prévues pour la formation
professionnelle passent de près de $58 millions à plus de $67
millions dans l'exercice financier 1977/78.
Je vous donnerai maintenant quelques indications sur les
développements que connaîtront ces deux programmes au cours de la
prochaine année. Tout d'abord, en ce qui concerne la formation
générale et socio-culturelle, qui fait l'objet du programme no 7,
une étude est amorcée à l'heure actuelle au sein de mon
ministère afin de préciser les orientations que le gouvernement
devrait apporter à l'égard de l'aide à fournir aux
citoyens qui ont terminé le cycle de leurs études
obligatoires.
En attendant les résultats de l'étude en cours, mon
ministère entend prendre deux mesures spéciales au cours de la
prochaine année dans le domaine de la formation générale
et socio-culturelle. Tout d'abord, nous voulons accroître nos subventions
aux OVEP. Depuis quelques années déjà, ces organismes
volontaires d'éducation populaire, ont permis à toute une couche
de la population du Québec et particulièrement aux populations
défavorisées d'obtenir des services d'animation et de formation
leur permettant de se doter d'outils susceptibles d'améliorer leur
participation à la vie de la société.
Comme l'aide gouvernementale était bien en deçà des
besoins, nous avons décidé de hausser les subventions à
ces organismes de 34%. En effet, pour l'année scolaire qui vient, on
prévoit une dépense de $2,4 millions alors que, l'an dernier, ce
montant n'était que de $1,7 million.
Nous prévoyons également la réinsertion du
programme Multi-Media. Ce programme visait la formation et l'animation des
couches les moins scolarisées de la population par le truchement des
moyens modernes de communication, principalement par le journal qu'on appelait
la Gazette de Multi-Media et par des émissions de
télévision. Il nous apparaît que cette expérience
acquise dans l'utilisation des media peut maintenant être mise à
profit au sein des services réguliers de l'éducation des adultes
dans les commissions scolaires. C'est pourquoi nous avons pris les dispositions
pour insérer les services locaux développés par
Multi-Media au sein des commissions scolaires.
Quelques mots au sujet du programme no 11 concernant la formation
professionnelle. Ce sujet me tient particulièrement à coeur.
D'une part, si nous voulons développer une économie florissante
au Québec, il nous faut une main-d'oeuvre de grande compétence.
D'autre part, en période de chômage intensif, le perfectionnement
et le recyclage des travailleurs présentent un moyen de réduire
le taux de chômage et de préparer un meilleur avenir.
Toutefois, au chapitre de la formation professionnelle des adultes, le
Québec, bien que l'éducation relève de la stricte
compétence de son gouvernement, est, dans une mesure, très
largement dépendant du gouvernement fédéral. En effet, la
loi fédérale stipule que le gouvernement d'Ottawa peut conclure
des accords avec les provinces pour l'achat de cours de formation
professionnelle, que ces dernières dispenseront aux clientèles
identifiées et sélectionnées par les Centres de
main-d'oeuvre du Canada. Selon les termes mêmes de cette loi, c'est le
gouvernement fédéral qui choisit les programmes de formation
professionnelle, puisqu'il est, comme on dit, "l'acheteur". C'est ce
gouvernement qui effectue la sélection des candidats, lesquels doivent
d'abord s'inscrire à un bureau du gouvernement fédéral. En
vue d'arrêter les modalités de l'application de cette loi, un
accord est intervenu en 1974, entre le gouvernement fédéral et le
Québec. Cet accord, qui prenait fin le 1er avril 1977, a dû
être reconduit pour une année, sans quoi le Québec aurait
été privé de sommes importantes auxquelles il a droit.
Mais le plus important, c'est que le gouvernement fédéral
s'apprête à apporter incessamment des modifications à cette
loi que les provinces avaient acceptée, à titre
expérimental, il y a dix ans.
Le ministre des Affaires intergouvernementales, le ministre du Travail
et de la Main-d'Oeuvre et moi-même avons déjà convenu de
nous pencher, de concert, sur ce dossier. Pour le ministère que je
dirige et pour le gouvernement, l'aide à la formation professionnelle
des adultes revêt un caractère d'une extrême importance. En
effet, la main-d'oeuvre québécoise est encore trop faiblement
scolarisée. Par ailleurs, 85% de la main-d'oeuvre active est
employée par les petites et moyennes entreprises et il est difficile de
demander à celles-ci d'assurer tous les apprentissages
nécessaires. On ne peut avoir les mêmes exigences que pour les
grandes entreprises.
Pour l'année 1977/78, les sommes que le Québec
reçoit en matière de formation professionnelle aux adultes sont
réparties comme suit: près de $100 millions pour ce qui est de la
formation en institution, et un peu moins de $20 millions pource qui est de la
formation en industrie.
Permettez-moi d'aborder, de plus en plus brièvement, M. le
Président, le programme consacré à l'enseignement
privé, lequel porte le no 8. Comme vous le savez, la Loi de
l'enseignement privé, entrée en vigueur en 1968, reconnaît
trois catégories d'institutions privées. Ce sont: les
institutions "déclarées d'intérêt public",
lesquelles reçoivent une subvention annuelle égale à 80%
du coût moyen par élève de l'enseignement public pour
l'année scolaire précédente; les institutions "reconnues
pour fins de subvention", qui reçoivent une subvention annuelle
égale à 60% du coût moyen, et les institutions ne
détenant qu'un permis, lesquelles ne reçoivent pas de
subvention.
De 1970-1971 à 1976-1977, les clientèles des institutions
privées subventionnées par le ministère sont
passées de 42 033 élèves à 88 253
élèves. Cela représente un accroissement de 46 220
élèves, donc, une hausse de 110% en six ans. Cette augmentation
annuelle de plus de 18% tend toutefois à diminuer, depuis quelques
années, puisque, déjà, entre 1975 et 1977, le taux
n'était plus que de 9,7%. En outre, nous prévoyons que
l'année scolaire 1977-1978 verra le taux de croissance baisser à
environ 5%, les clientèles passant de 88 253 à 92 662, de 1976
à 1978. Nous pouvons donc constater un certain ralentissement de
l'accroissement des clientèles des institutions privées
subventionnées. Quant à l'importance relative de la
clientèle de ces institutions, les prévisions établies par
le ministère montrent que, pour l'année scolaire 1977-1978, les
élèves inscrits dans les institutions privées
représenteraient 1,3% de toute la clientèle au niveau primaire;
10,9% au niveau secondaire et 12,8% au niveau collégial.
C'est dire que les institutions privées regroupent, à
l'heure actuelle, moins de 6,5% des clientèles totales, de niveau
infra-universitaire au Québec et c'est aux niveaux secondaire et
collégial que les clientèles de l'enseignement privé ont
une importance plus grande.
En plus, du fait que le secteur privé dispense un enseignement
professionnel à ses clientèles, dans une proportion deux fois
moindre que le réseau public, il semble que le secteur privé se
soit spécialisé dans les techniques qu'on pourrait dire
"légères", commerciales en particulier, qui nécessitent
moins d'équipement et dont la proportion
maître-élèves se rapproche le plus de celle de
l'enseignement général.
Ce dernier point est un facteur important, car le coût moyen par
élève du secteur public qui sert de fondement au calcul des
subventions pour les fins du secteur privé ne faisait pas de
distinction, jusqu'à maintenant, entre les techniques les plus
coûteuses et celles qui l'étaient moins, tant au niveau de
l'équipement que dans la proportion
maître-élèves.
Il convient que je vous mette au courant des mesures que j'entends
prendre au cours de la prochaine année, quant aux subventions aux
institutions privées en attendant la révision de nos politiques.
Comme je viens de le mentionner, ces subventions sont calculées à
partir du coût moyen par élève dans le secteur public. En
analysant le dossier préparé par mon ministère, j'en suis
venu à la conclusion qu'il fallait apporter certaines modifications
à la façon de calculer ce coût moyen.
J'ai notamment constaté que les conventions collectives
récemment signées dans le secteur public distinguent maintenant
les diverses catégories d'enseignement en vue de déterminer la
proportion maître-élèves et que certaines dépenses
comme celles qu'entraînent l'achat de l'équipement destiné
aux techniques "lourdes", de même que les intérêts à
court terme payés pour les arrérages dans le paiement des
subventions aux commissions scolaires et les coûts relatifs à
l'opération d'un centre relié au service de l'informatique du
ministère ne sont le fait que du secteur public. J'en tiendrai
désormais compte dans le calcul du coût moyen. Ces modifications
touchent les niveaux secondaire et collégial et je me permettrai
d'insister là-dessus, dans la mesure où on voudra bien me poser
des questions.
Toutes ces modifications ont pour but un juste équilibre entre le
financement de l'enseignement privé et celui de l'enseignement public de
même catégorie.
Devant l'évolution de la situation de l'enseignement privé
au québec et le débat qui s'élève autour de ce
secteur, j'estime qu'il est temps de faire le point là-dessus, notamment
sur la place que cet enseignement doit occuper par rapport au réseau
public et sur le rôle qui doit lui être réservé.
Depuis plusieurs mois, des recherches ont été entreprises
à ce sujet au sein de mon ministère. Nous n'en sommes pas rendus
tout à fait au stade des conclusions qui pourraient faire l'objet d'une
discussion au Conseil des ministres. Aussi vais-je m'en tenir pour l'instant,
à vous faire part de certaines préoccupations personnelles et de
certains principes que je crois devoir respecter.
La notion d'intérêt public n'étant plus
fondée sur la complémentarité et la coordination des
services éducatifs entre institutions privées et
établissements publics, comme le proposait le rapport Parent,
l'application de la Loi de l'enseignement privé a favorisé le
développement d'un secteur privé de plus en plus parallèle
et même concurrent par rapport au secteur public.
Dans un contexte où il y a de plus en plus de
places-élèves disponibles, par suite de la
dénatalité et où l'élaboration des politiques
financières doit être effectuée, de façon
très rigoureuses, en raison de la croissance des coûts et de
l'existence d'autres priorités socio-économiques, il importe de
repenser la place de l'enseignement privé par rapport à
l'ensemble du système d'éducation. Ces faits et ces
considérations m'amènent à
décrire les principes que j'entends soumettre à la
réflexion de mes collègues et de la population au cours des
prochains mois. A mon avis ce sont là pour l'instant des
considérations personnelles le Québec doit accorder la
priorité au développement du secteur public. Cette option, me
direz-vous, n'est pas nouvelle. Je veux simplement la réaffirmer avec
force.
L'Etat a assumé la responsabilité d'assurer l'organisation
et le développement des services d'enseignement en raison de
l'importance attachée à l'éducation comme facteur
d'épanouissement individuel et collectif. Ce faisant, il s'est
donné pour objectif de démocratiser l'enseignement du point de
vue social, du point de vue financier et du point de vue
géographique.
Les difficultés rencontrées dans l'impiantation de ce qui
constitue, il faut bien le rappeler, le premier réseau complet
d'écoles publiques au Québec, ne doivent pas nous faire oublier
nos objectifs fondamentaux, mais, au contraire, nous inciter à y
accorder une plus grande attention. Par ailleurs, le droit à l'existence
des institutions privées, qui sont très variées, se fonde
sur les libertés d'expression et de rassemblement reconnues par nos
traditions politiques et nos traditions juridiques. Il reste alors à
préciser le rôle et la place qu'elles peuvent occuper dans notre
système d'éducation. Elles doivent, à mon avis, collaborer
avec le secteur public et contribuer ainsi, selon la nature de leurs ressources
et de leur expérience, à la pleine réalisation des
objectifs d'éducation au Québec. Un tel choix permettrait aux
institutions privées de rendre un service à caractère
public. C'est dans la mesure où elles contribuent à ce service de
caractère public qu'elles peuvent justifier leur existence.
Ces principes étant établis, toute politique de
subventions aux institutions privées doit tenir compte du fait qu'une
saine administration des fonds publics exige un certain nombre de choses.
Premièrement, que ceux-ci soient utilisés en conformité
des objectifs définis à l'intérieur de la mission
éducative de l'Etat; que ces fonds ne contribuent pas à favoriser
des comportements discriminatoires en éducation; qu'ils soient
dépensés de la façon la plus judicieuse possible en
évitant, notamment, le dédoublement des services. Voilà
où j'en suis dans ma réflexion qui demeure, pour l'instant, tout
à fait personnelle. En effet, il ne s'agit pas d'une attitude
gouvernementale, ni de conclusions définitives de ma part. Celles-ci
devront s'inspirer, dans une très large mesure, du résultat des
travaux en cours au sein de mon ministère et du débat qui ne
manquera pas d'avoir lieu au sein de l'opinion publique. J'aurai l'occasion,
lorsque cette réflexion sera plus mûre, à la suite des
travaux du sixième congrès du parti politique auquel j'ai
adhéré et des recherches entreprises au sein de mon
ministère, ainsi que de la période de consultation qui s'impose
dans un tel cas, d'annoncer des politiques à la fois plus
précises et plus fermes quant à l'avenir du réseau
privé d'enseignement.
J'aborde maintenant, M. le Président, avec mes conclusions, le
dernier chapitre de mes considérations. Elles sont liées à
l'administration centrale du ministère, laquelle est décrite aux
programmes 1 et 2. Les crédits du ministère sont
présentés cette année selon une structure des programmes
budgétaires différente de celle qui prévalait pour
l'exercice financier 1976-1977. Au lieu des 18 programmes répartis dans
huit secteurs budgétaires différents, les activités de
l'éducation sont désormais regroupées dans trois grands
secteurs budgétaires. Premièrement, le secteur "administration et
services", lequel comprend les programmes budgétaires intitulés
"administration générale", "administration des réseaux" et
"aide financière aux étudiants"; deuxièmement, le secteur
"enseignement", lequel comprend les programmes budgétaires
intitulés "enseignement élémentaire et secondaire",
"enseignement collégial", "enseignement universitaire", "enseignement
aux adultes" et "enseignement privé"; troisièmement, le secteur
"main-d'oeuvre et emploi", qui comprend le programme budgétaire
intitulé "formation professionnelle des adultes". Sans m'étendre
davantage sur cette matière plutôt rébarbative que
constitue la structure des programmes budgétaires, j'attirerai
simplement votre attention sur le fait que ce réaménagement
comporte l'avantage de distinguer les coûts d'administration, environ
2,5%, de l'ensemble des dépenses de transfert dirigées vers les
réseaux d'enseignement qui, avec $3 370 000 000 accaparent 97,5% des
crédits de l'éducation.
Le premier programme, portant sur l'administration
générale, me permettra d'exposer la structure centrale du
ministère de l'Education et le travail qui s'y effectue. La
configuration interne du ministère a été largement et
progressivement modifiée depuis 1974, alors que l'on y comptait plus de
vingt unités administratives dont les responsables relevaient
directement du sous-ministre. Fondée sur le principe du rapport entre
moyens et objectifs, la réorganisation du ministère a
été effectuée de façon que la structure
administrative (ou les moyens) favorise le plus possible la réalisation
rationnelle et efficace des objectifs décrits dans la structure des
programmes.
M. le Président, j'ajoute que, depuis six mois que je suis au
ministère, j'ai apporté mon appui à cette
réorganisation, laquelle me paraît tout à fait
fondée. Ce réaménagement a été accompli de
façon progressive, sans perdre de vue le principe directeur
évoqué précédemment. Je ne vous imposerai donc
point les détails de chacune des étapes parcourues, mais je me
bornerai plutôt à vous indiquer où nous en sommes à
l'heure actuelle.
Autour du sous-ministre, on trouve trois sous-ministres adjoints,
responsables respectivement des trois grands secteurs du ministère,
c'est-à-dire l'enseignement primaire et secondaire, puis l'enseignement
postsecondaire et la planification, ainsi que deux sous-ministres
associés responsables, selon la loi, de l'orientation et de la direction
des écoles reconnues comme catholiques ou protestantes.
Cette réorganisation administrative des activités du
ministère en fonction des niveaux d'enseignement a déjà
permis d'établir une meilleure
concertation des unités dont le travail est orienté vers
les réseaux scolaires. De plus, elle devrait permettre de pratiquer, au
plus haut niveau de l'administration, les principes de la
déconcentration et de la décentralisation qui régissent de
plus en plus les organismes scolaires, de rentabiliser et de
décongestionner l'administration du ministère, de mieux situer
les centres de responsabilité, en conférant à chaque
secteur les moyens de ces politiques. Le processus décisionnel prend
forme, tout d'abord, au niveau du bureau des sous-ministres, dont la
tâche consiste à situer les politiques particulières dans
le cadre plus large des orientations d'ensemble et trouve ensuite son
aboutissement au niveau du conseil de direction du ministère, que j'ai
rétabli, et qui regroupe chaque semaine, le ministre et les
sous-ministres.
Puisque nous en sommes à l'organisation interne du
ministère, je ne saurais manquer l'occasion de démystifier cette
image de monstre que d'aucuns tentent d'accréditer auprès de la
population en dénonçant l'ampleur supposément
démesurée de cette structure administrative. Il est en effet
assez fréquent d'entendre je l'ai entendu moi-même
ou de lire que "les responsables des maux d'éducation, ce sont ces 5000
fonctionnaires qui hantent la tour de l'édifice G." Ces fonctionnaires
sont plus modestement au nombre de 2685 à l'heure actuelle, sans compter
l'Office des professions et le Haut-Commissariat à la jeunesse, aux
loisirs et aux sports, qui font l'objet d'études distinctes quant
à leurs crédits.
De l'année financière 1974 à 1978, les effectifs
réguliers sont passés de 2144 à 2266, soit une
augmentation de 5,6% en quatre ans. Par ailleurs, au cours de la même
période, l'effectif occasionnel a été réduit de
1031 à 419, soit une diminution très forte de l'ordre de 40,6%.
En conséquence, si l'on fait le total de l'effectif régulier et
des occasionnels, abstraction faite de l'Office des professions et du
Haut-Commissariat, c'est une diminution nette de 255 hommes-année, soit
de 2940 à 2685, que la rationalisation de l'administration du
ministère a permis d'atteindre au cours des quatre dernières
années.
M. le Président, j'en viens à mes conclusions, lesquelles
seront fort brèves.
Les faits, les politiques et les orientations dont je viens de vous
entretenir vous donnent une idée de l'importance que le gouvernement de
M. René Lévesque accorde au développement de notre
système d'enseignement.
En dépit d'une conjoncture économique qui nous impose de
fortes contraintes, le ministère de l'Education a entrepris des travaux
et des projets de grande envergure, qui permettront, j'en suis persuadé,
d'imprimer un nouveau départ à tous les niveaux de notre
système scolaire et d'effectuer certains redressements que nous dicte
son évolution depuis quelques années.
Depuis que je siège à l'Assemblée nationale et que
j'effectue des tournées à travers le Québec, il m'est
apparu clairement que les Québécois expriment des attentes
certaines à l'égard de leur système d'éducation.
C'est pour répondre à ces atten- tes que le gouvernement,
à ma suggestion, a défini nos priorités et a
décidé de mener à bien les grandes études sur la
place de l'enseignement dans notre société.
L'étude des crédits du ministère de l'Education
nous permettra au cours des jours, sinon des semaines qui viennent, d'analyser,
en profondeur les activités de ce ministère que je qualifierais
volontiers de ministère de l'avenir, et de mieux comprendre
l'utilisation qu'il entend faire des fonds publics mis à sa
disposition.
Avec la collaboration des principaux fonctionnaires de mon
ministère, je m'efforcerai de vous fournir tous les renseignements qui
vous intéressent, madame et messieurs les députés, et de
vous remettre, au besoin, toute documentation jugée pertinente.
Avec votre coopération, je suis tout à fait
persuadé que nous pourrons accomplir le travail que les citoyens de ce
pays attendent de nous.
M. le Président, lorsque nous aurons entendu les
représentants de l'Opposition, qui devraient avoir autant de latitude
que vous m'en avez accordé dans l'exposé qu'ils ont à
faire sur l'éducation, je me permettrai de proposer un ordre du jour, le
plus logique possible, quant à la présentation des programmes de
mon ministère.
J'aimerais terminer en présentant les membres de mon cabinet que
je ne vous ai pas présentés tout à l'heure. Certains sont
présents, comme M. Léo Jacques, qui est mon chef de cabinet, M.
Gilles Bergeron, qui fait également partie de mon équipe. M.
Claude Benjamin, M. André Trudel, M. Jean Gagnon, et M. Clément
Duhaime, attaché de presse.
Je vous remercie, M. le Président, et je remercie tous les
députés membres de la commission de leur patience.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président...
Le Président (M. Clair): Le député de
L'Acadie.
Remarques de l'Opposition Mme Thérèse
Lavoie-Roux
Mme Lavoie-Roux: Je remercie le ministre de l'Education de sa
générosité en nous offrant la même latitude qu'il a
eue.
Je n'avais vraiment pas l'intention de commencer avec une malice, mais
je dois vous dire que, sans vouloir diminuer le travail de réflexion
qu'il a fait, je n'avais pas 2586 fonctionnaires pour me préparer un
document de 75 pages!
Ceci dit sans malice, je pense que c'est normal qu'il en soit ainsi.
M. Morin (Sauvé): Je dois souligner au
député que, pour la première fois cette année, mon
ministère a préparé, à l'intention de tous les
membres de la commission, ce cahier détaillé des divers
programmes des crédits et j'ose espérer qu'elle aura passé
une bonne fin de semaine en leur compagnie.
Mme Lavoie-Roux: J'arrive aux compliments, M. le ministre!
Puisque vous signalez le livre ce n'était pas mon intention de
commencer avec ce recueil de bonnes pensées que j'ai lu en fin de
semaine mais je dois vous remercier et remercier vos fonctionnaires de
ce travail qu'ils ont préparé pour tous les députés
qui vont participer à l'étude des crédits du
ministère de l'Education.
Comme je le signalais au sous-ministre, l'an prochain, cela sera
peut-être moins d'ouvrage, on pourra le mettre à jour, et on me
dit qu'il y a déjà eu quelque chose de semblable il y a une
couple d'années, mais pas aussi élaboré que cette
année.
De toute façon, je l'apprécie beaucoup et je vous en
remercie. Je comprends mal les ministères qui ne mettent pas à la
disposition des députés au moins un document peut-être pas
aussi élaboré, mais qui donne certaines explications, parce que
je pense à des collègues, qu'ils soient dans l'Opposition ou
qu'ils soient du côté ministériel, qui ne sont pas
familiers avec certains dossiers ou certains ministères et qui doivent
en faire l'étude, en tenant compte des intérêts de la
population. Je trouve vraiment que leur remettre uniquement ce qu'on leur remet
dans le budget qui est déposé par le ministre des Finances me
semble plus qu'insuffisant et je ne sais pas vraiment de quelle façon on
peut travailler d'une façon satisfaisante avec aussi peu
d'information.
Tout ceci dit, je réitère mes remerciements au ministre et
à ses fonctionnaires pour avoir mis à notre disposition ces
documents qui ont été extrêmement précieux et qui
permettront aussi, je pense, une étude plus cohérente et mieux
suivie des budgets du ministère de l'Education.
Je voudrais simplement dire à ce moment-ci que je pense que,
parmi les nombreuses préoccupations des citoyens de cette province, il
en est une que tous partagent, à un titre ou à un autre, qu'ils
soient étudiants, jeunes ou moins jeunes, parents ou grands-parents ou
même contribuables, je pense qu'à peu près tous les
citoyens du Québec, à quelques exceptions près,
malheureusement, ont connu le système d'éducation pendant une
période, évidemment, plus ou moins longue.
Comme le ministre de l'Education l'a signalé, M. le
Président, il a d'ailleurs très objectivement noté que
l'éducation avait été une préoccupation des
gouvernements antérieurs, et s'inscrivait dans ce développement
du Québec qui, à plus d'un égard, a quand même
énormément progressé; peut-être que les deux
domaines des Affaires sociales et de l'Education méritent une mention
spéciale à ce moment-ci. Je pense que le gouvernement actuel
aussi, par la présentation qui nous a été faite,
considère l'éducation comme la pierre d'assise de
l'édification de notre société et que chaque jour notre
système d'éducation doit pouvoir répondre, non seulement
davantage et mieux aux aspirations des différents citoyens, quelle que
soit leur origine culturelle, sociale et économique, mais surtout y
répondre de façon toujours plus juste et plus équitable
pour tous de telle sorte que soit donnée à chaque enfant,
à chaque adulte, la chance de réaliser ses possibilités et
ceci dans le respect des convictions des parents, lorsqu'il s'agit,
particulièrement, des plus jeunes, à l'endroit desquels les
parents conservent toujours la première responsabilité. Je pense
qu'il est important de ne pas l'oublier. Ceci implique que l'on se soucie de
continuer de mettre en place des conditions d'apprentissage qui respectent le
rythme de chacun, conditions qui doivent se situer à l'intérieur
d'un cadre assez souple pour permettre l'adaptation de chacun aux exigences des
différents apprentissages, conditions qui doivent permettre surtout de
susciter et de maintenir chez nos jeunes en particulier une motivation qui est
indispensable à leur formation et à leur
épanouissement.
Je voudrais ici noter, peut-être, une abstention dans la
présentation qu'a faite le ministre de l'Education, c'est cette
préoccupation et peut-être nous sera-t-elle donnée avec le
dépôt du livre vert, c'est cette préoccupation, si l'on
veut respecter l'apprentissage de chacun, quel que soit son âge, de
penser de plus en plus l'éducation ou tout le système de
l'éducation dans une perspective d'éducation continue. Ceci
m'amène à rejoindre les objectifs que vous avez signalés
qui sont de redéfinir les objectifs de l'élémentaire, du
secondaire et, je pense, également du collégial et
peut-être du premier cycle de l'université afin, justement,
d'enlever lés barrières souvent trop artificielles qui existent
entre chacun de ces niveaux et qui deviennent un obstacle à cette
éducation continue qui devrait être maintenant mise à la
portée de tous, chacun selon son cheminement personnel.
Des grandes orientations que vous avez mentionnées, M. le
ministre, je pense qu'il faut réaliser que plusieurs de vos objectifs
sont également ceux de l'Opposition officielle, mais il faut quand
même être bien conscient qu'il n'y a pas qu'à les
énumérer et de là à en faire des
réalités ou à les rendre vraiment réelles, il y a
une très grande marge. Il m'apparaît important, pour la
réalisation de ces objectifs, que s'établisse entre nous une
certaine concertation qui permette de mobiliser tous les agents de
l'éducation à un objectif commun, soit d'améliorer la
qualité de vie dans les institutions.
J'aimerais ici faire une parenthèse pour qu'on s'éloigne
de plus en plus de ce cliché de la qualité de l'enseignement pour
penser davantage en termes de qualité d'éducation. Pour ce faire,
je pense qu'il faut impliquer tous les enseignants et les professeurs dans des
fonctions éducatives. On peut noter que les enseignants ont tendance
à s'impliquer davantage dans les tâches qu'ils jugent
éducatives et ceci explique peut-être une partie de leur
résistance quand on veut leur imposer d'autres tâches qu'ils ne
considèrent pas comme faisant partie de la fonction éducative
qu'ils doivent remplir auprès des étudiants ou des
élèves.
Les parents désirent aussi que leurs enfants puissent se sentir
bien à l'école. Comme dit Georges Gursdorf dans: "Pourquoi des
professeurs", les parents, en fin de compte, écoutent le professeur,
mais à travers le professeur, c'est le maître qu'ils guettent,
qu'ils cherchent pour leurs enfants.
Je pense que dans ce sens, il faudrait également que de nombreux
efforts soient déployés par le ministère pour revaloriser
la fonction professionnelle des enseignants et surtout, contribuer à les
remotiver là où cette motivation est amoindrie et, dans quelques
cas, disparue pour qu'ils se sentent de nouveau vraiment responsables de
l'éducation des jeunes du Québec.
Nous sommes réunis ici pour étudier la répartition
des crédits, fonction qui revient au ministère de l'Education. Un
budget est évidemment un faisceau d'éléments qui doivent
concrétiser les priorités d'un ministère et vous en avez
mentionné plusieurs. Dans cette perspective, il y a peut-être une
seule priorité sur laquelle je voudrais insister. J'aimerais faire des
suggestions au ministre de l'Education qui y a sans doute pensé, mais
elles sont simplement absentes de la longue et intéressante
présentation qu'il nous a faite.
Si cette priorité d'accorder la primauté du
français, il l'a mentionnée pour le niveau
élémentaire et le niveau secondaire, il n'a pas dit un mot du
secteur collégial et du rôle de l'université quant à
la nécessité de les associer dans cet effort d'assurer la
primauté du français et la qualité du français dans
cette province.
Evidemment, à l'élémentaire et au secondaire, ces
niveaux forment la pierre angulaire sur laquelle repose tout le système
d'éducation. La population s'y intéresse davantage car les
enfants de 6 à 12 ans réagissent positivement aux changements en
s'y adaptant facilement. Les parents exigent avec raison des modifications
énergiques et aussi des résultats sensibles en ce qui concerne la
langue écrite. Je désirerais déceler d'une façon
plus précise les orientations du ministre de l'Education à ces
niveaux. Bien que le plan de redressement proposait deux dimensions
principales, la révision des programmes, la formation et le
perfectionnement des maîtres, je m'inquiétais du silence au sujet
de la production et la publication d'outils nécessaires aux enseignants.
Je suis heureuse aujourd'hui de revoir je l'ai vue en fin de semaine
aussi dans mon livre de chevet cette préoccupation quant à
la publication d'outils adéquats pour ce meilleur enseignement du
français dans nos écoles.
Il y a un oubli qui pourra peut-être apparaître plus tard au
moment de la discussion. Je tiens quand même à le souligner, c'est
la place qu'il faut faire aux bibliothèques scolaires qui, elles aussi,
fournissent ou devraient fournir un support aux besoins intellectuels des
élèves et des enseignants dans une maison d'éducation. Je
pense que ces bibliothèques sont un outil précieux pour stimuler
et guider, dans toutes les phases de l'apprentissage de la lecture, afin que
les élèves soient conscients de leurs progrès et aussi
développent un jugement critique.
On oublie souvent les bibliothèques scolaires et il me semble
important, à ce moment-ci où on veut faire un
réaménagement des ressources, de penser au support qu'on devrait
donner à ces outils.
Quant au niveau collégial je pense que dans le budget
prévu, nous le disséquerons davantage tout à l'heure
j'aurais aimé qu'il y ait au moins cette intention d'inviter
toutes les forces vives du monde collégial pour assurer la
qualité de l'enseignement du français et cette même
préoccupation devrait se faire sentir dans le milieu universitaire qui a
la responsabilité de la formation des maîtres en français,
mais aussi qui a des responsabilités sur le plan de la recherche.
Des efforts devraient être faits pour associer les
universités dans ce domaine, par exemple, quant au développement
d'échelles de vocabulaire qui sont des outils précieux et que
nous ne possédons pas actuellement. Ils existent aux Etats-Unis, pour
les écoles anglaises, mais malheureusement, je ne crois pas que ces
instruments existent au Québec.
Il serait également du ressort de l'université de produire
elle-même des instruments de mesure et d'évaluation et initier les
professeurs à utiliser ces moyens d'évaluation dans leurs classes
de français. Je pense que ces instruments de mesure et
d'évaluation devraient être davantage en fonction de
l'apprentissage de la langue qu'en fonction de l'acquisition des connaissances
linguistiques.
Enfin, sur tous ces détails, je ne veux pas insister davantage,
c'est simplement pour sensibiliser le ministre et ses fonctionnaires à
la nécessité que ce désir d'améliorer la
qualité du français doit passer également par tous les
niveaux d'enseignement. Il faudrait peut-être aussi parler des media
d'information, de la publicité, etc. Je pense qu'on en a parlé au
moment de l'étude des crédits du ministère des Affaires
culturelles, mais tout ceci doit s'associer et je pense qu'en oublier une
partie, c'est vraiment menacer le succès de l'ensemble de
l'opération.
Je pense qu'à ce moment-ci, le ministre a tellement
soulevé de points, je ne pourrais lui tenir rancune d'en avoir
oublié un que je jugeais important, c'est l'enseignement professionnel
dans les écoles. Nous avons eu droit à une description et une
nomenclature des intentions du ministre quant à la place qu'il veut
donner à l'enseignement professionnel.
Je l'ai surtout retrouvé, à moins que je ne me trompe ou
que j'aie mal compris, au niveau de la formation des adultes, quand il a
décrit le rôle des centres de main-d'oeuvre, l'importance qu'il
voulait y apporter et le travail de collaboration qui se faisait avec le
gouvernement fédéral dans ce domaine. Là-dessus, je dois
dire qu'il y a certaines de ses préoccupations que je partage quant
à la place que l'un et l'autre des gouvernements doivent occuper dans ce
domaine. Mais, sur le plan de l'enseignement scolaire, je pense qu'il aurait
été important que le ministre de l'Education souligne les
interventions qu'il entend faire dans ce domaine. Cet enseignement suscite chez
les étudiants un grand intérêt. Certains
élèves s'y découvrent une habileté
insoupçonnée et d'autres y trouvent une motivation
bénéfique qui peut influencer leur agir scolaire.
Je pense que, depuis les six mois qu'il est au ministère, le
ministre de l'Education aura certai-
nernent appris ou entendu dire de ses fonctionnaires que c'est tout un
secteur de l'enseignement secondaire, lui-même a donné des
chiffres de l'ordre de 45% des étudiants qui se retrouvent
à moins que ce soit au collégial mais je pense que les
proportions sont à peu près identiques dans les écoles du
secondaire où on retrouve au-delà de 40% des étudiants qui
sont dans l'enseignement professionnel.
Là encore, les liens avec le milieu du travail ne sont pas
articulés, l'évaluation des besoins du travail sont toujours en
retard sur la nécessité de répondre aux besoins de
formation des étudiants, et finalement, on se retrouve trop souvent dans
un imbroglio qui est au désavantage des étudiants.
Pour ce qui est de l'enseignement de la langue seconde, puisque vous en
avez parlé lors de votre conférence au Conseil supérieur
de l'éducation, le 12 mars dernier, et que vous en reparlez aujourd'hui,
permettez-moi, M. le ministre, d'insister pour que ceci soit vraiment une
priorité du ministère.
A un moment où on se propose de restreindre encore davantage
l'accès à l'école anglaise, tant aux allophones qu'aux
enfants de la langue française, cette priorité de l'enseignement
de la langue seconde est extrêmement importante et, je pense, pourra,
jusqu'à un certain point, conditionner le succès de toute
politique qui entend imposer des restrictions à l'école
anglaise.
Vous avez fait allusion, lors de votre conférence du 12 mars, aux
études en cours, aux grandes discussions, à savoir quel
était le meilleur âge pour l'apprentissage d'une langue seconde,
et je vous répète, à ce moment-ci, que ces débats
ont cours depuis de nombreuses années. Je pense que la réponse
claire et simple qui pourrait être trouvée ne sera pas facile. Je
pense que, là comme ailleurs, le gouvernement qui aime parler de sa
volonté politique devrait l'indiquer en prenant des mesurés
énergiques pour l'amélioration de l'enseignement de la langue
seconde.
Pour ce qui est de l'enseignement des autres langues secondes, des
langues d'origine, je ne puis que féliciter le ministre de vouloir
entrer dans un tel programme, mais je veux quand même le mettre en garde
contre certaines difficultés. Je pense que la Commission des
écoles catholiques de Montréal avait aussi pris l'initiative,
particulièrement lorsqu'il s'est agi de réaménager les
programmes de deux écoles qu'on qualifiait de "bilingues", de les
réorienter pour en faire des écoles vraiment françaises.
Dans un effort pour faciliter cette transition, nous avions offert aux parents,
justement, qu'une partie du temps soit accordée à l'enseignement
de la langue d'origine. Nous ne voulions pas l'utiliser comme forme de
séduction, mais, au contraire, je pense que c'était une mesure
psychopédagogique, pour éviter cette aliénation entre les
parents et les enfants qui, après, su-citent des problèmes
d'adaptation chez les enfants. Mais il y a une chose dont nous sommes devenus
très conscients, c'est que, même pour ces groupes ethniques
d'origine autre qu'anglaise ou française, pour eux, la
préoccupation de l'ensei- gnement de la langue d'origine était
subordonnée à un bon enseignement d'une langue seconde. Ils
étaient très catégoriques là-dessus. Je pense que
cela ne doit pas décourager les efforts qui doivent être faits en
vue de continuer dans l'esprit que vous avez mentionné, M. le ministre,
mais je pense qu'il ne faudrait pas penser que l'enseignement de la langue
d'origine fera oublier aux parents le sentiment très fort qu'ils ont
d'obtenir un enseignement convenable de la langue seconde.
Pour ce qui est du niveau collégial et du niveau universitaire,
je pense que vous avez mentionné plusieurs problèmes. Il y a
déjà beaucoup d'études qui ont été faites;
qu'il s'agisse du rapport Nadeau, du rapport GTX qui n'est pas encore sorti
publiquement ou d'autres qui ont été entrepris.
Une chose demeure certaine, c'est qu'il y a des problèmes
d'envergure quant à la motivation des étudiants qui sont au
niveau collégial, quant aux ponts qu'il faut établir entre
l'enseignement collégial et l'enseignement universitaire,
particulièrement, compte tenu du nombre de plus en plus grand
d'étudiants qui se trouvent engagés dans l'enseignement
professionnel au niveau collégial. Finalement, il se pose un
problème d'évaluation, et on le retrouve à tous les
niveaux, des apprentissages et de la formation des étudiants, que ce
soit au niveau élémentaire ou secondaire, au niveau
collégial et même au premier cycle de l'université.
Il y a également le chevauchement des programmes entre le niveau
collégial et le niveau universitaire, qui fait qu'au niveau
universitaire, vous avez souvent un décrochage des étudiants
à cause de ce chevauchement des programmes. Là encore, je pense
que cela rejoint cette nécessité de revoir tous les programmes et
les objectifs des différents niveaux d'enseignement, non pas d'une
façon séparée, mais d'une façon continue.
Un dernier mot sur l'enseignement universitaire. J'ai déjà
touché à la question des programmes des étudiants de
premier cycle. Il y a d'autres problèmes que vous avez abordés et
que nous aurons l'occasion d'aborder de nouveau au moment de l'étude de
ce programme. C'est celui de la gestion des universités, le rôle
des professeurs. J'ai déjà parlé des chevauchements
inutiles. Il y a le problème de contingentement qui devrait être
abordé d'une façon honntête et réaliste. Il y a
également le problème de l'évaluation de la formation. Je
voudrais simplement terminer, en attirant votre attention sur le
problème de la formation des maîtres qui est confiée aux
universités.
Le ministre nous a fait part qu'il y avait un comité de la
formation des maîtres qui avait été institué ou qui
existait déjà à l'intérieur de son
ministère. Il pourra peut-être, un peu plus tard, nous dire quels
sont les objectifs de ce comité de formation des maîtres. Il nous
semble important que le programme de formation des maîtres,
particulièrement pour les niveaux élémentaires et
secondaires soit repensé et colle davantage à la
réalité des écoles. Avec la disparition des écoles
normales, nous avons fait une coupure trop grande entre la formation des
maîtres et le vécu des élèves dans
les écoles. Il ne faut pas oublier que c'est encore là
qu'un enseignant a le plus de chance de s'assurer de vraiment connaître
ce qu'est un enfant, les différentes formes d'apprentissage qui lui sont
propres. Je pense qu'il faudrait peut-être songer au moins pour les
enseignants, qui doivent enseigner au premier cycle, à une formule qui
se rapprocherait beaucoup plus de celle des écoles normales. Je suis
assez réaliste pour savoir qu'on ne peut pas parler d'école
normale sans provoquer une levée de boucliers, et, comme vous disiez
tout à l'heure, M. le ministre, il y en a qui songent à retourner
en arrière. J'espère que vous ne l'interpréterez pas dans
cette perspective, mais vraiment dans un désir que la formation des
maîtres, tant à l'élémentaire que
particulièrement au premier cycle du secondaire, colle davantage aux
besoins des enfants et à la réalité de nos écoles.
Cette formation des maîtres est particulièrement importante en ce
qui touche la formation des maîtres de français.
Je termine ici mes remarques, et je pense que nous pourrons, à
l'occasion de l'étude des différents programmes, aller un peu
plus en profondeur sur les différents points que vous avez
soulevés ou que les députés de l'Opposition aimeraient
soulever.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Gaspé.
M. Chevrette: M. le Président, compte tenu de l'heure et
compte tenu du fait que le député en a sûrement pour plus
que cinq minutes, je ne sais pas si on ne pourrait pas suspendre nos travaux
jusqu'à 8 heures, parce que le couper à son meilleur, ça
ne lui fera pas plaisir et nous non plus.
Le Président (M. Clair): Je me demande dans ce sens de la
part du député de Gaspé... M. le député de
Gaspé.
M. Le Moignan: Justement, dans 60 secondes, étant
donné que l'honorable ministre m'a déjà laissé sur
trois points de suspension, je voudrais lui dire toute ma satisfaction d'avoir
été à l'école cet après-midi, je dirais, de
deux maîtres, de deux compétences, M. le ministre et Mme le
député de L'Acadie; leur expérience est beaucoup plus
vaste que la mienne dans le domaine de l'éducation. J'ai appris beaucoup
à votre contact et, justement, je voudrais proposer la suspension de nos
travaux à 20 heures ce soir. Je pourrai alors commencer le
débat.
M. Morin (Sauvé): M. le Président... Le
Président (M. Clair): M. le ministre.
M. Morin (Sauvé): ... avant la suspension des travaux,
puis-je proposer que nous nous penchions sur la proposition dont je vous ai
entretenus tout à l'heure, au sujet de l'ordre de présentation
des programmes. Vous savez que les pro- grammes sont présentés
dans un ordre qui, tout en étant logique, n'est pas
nécessairement le meilleur pour l'étude que nous devons
entreprendre. Je me suis permis de faire remettre à tous les
députés, c'est peut-être même dans leur cahier
à anneaux, une proposition concernant l'ordre de présentation.
Elle comprend quatre blocs, qui sont beaucoup plus cohérents et qui
regroupent les programmes. Tout d'abord, l'élémentaire et le
secondaire publics, regroupant le programme 04 et l'élément 01 du
programme 02, ensuite le secteur ou le bloc postsecondaire regroupant, comme
vous le voyez, les programmes 05, 06, 03, 07, 011 et certains
éléments du programme 02. Le troisième bloc est
constitué par l'enseignement privé, qui regroupe le programme 08
et l'élément 03 du programme 02 et, enfin, vous avez le bloc 4
qui, lui, regroupe tout ce qui est administration et qui est décrit aux
programmes 01 et 02.
C'est une façon plus logique de procéder et cela a
l'avantage, en particulier, de nous permettre d'assurer la présence des
fonctionnaires qui sont spécialisés dans chacun de ces blocs
devant la commission.
Si nous procédons autrement, il est très difficile de
prévoir à quel moment les fonctionnaires seront appelés
à comparaître, à venir me prêter main-forte à
cette commission. C'est pourquoi j'ai pris l'initiative de vous soumettre ce
plan de travail, mais je suis tout à fait prêt à le
modifier si, par hasard, il y avait une façon plus logique de
procéder d'après l'Opposition.
Le Président (M. Clair): Le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je n'ai pas d'objection à suivre l'ordre
qui est présenté ici, mais je voudrais m'assurer que nous
puissions, avant d'aborder l'ordre présenté, poser quelques
questions d'ordre général.
M. Morin (Sauvé): Oui, à condition qu'elles ne se
rattachent pas à l'un des blocs. J'y consentirais volontiers, mais
dès qu'elles tombent dans un bloc, je veux être sûr que vous
puissiez avoir à votre disposition, non seulement le ministre, mais les
fonctionnaires compétents dans le domaine, et la meilleure façon
d'assurer cette présence, c'est évidemment de procéder
dans l'ordre indiqué dans cette proposition.
Mais il va de soi que, si vous désirez poser des questions de
portée très générale, j'y consens volontiers.
Mme Lavoie-Roux: Une autre chose. J'ai fait part au leader du
gouvernement que, jeudi soir, je serais absente. Il m'a dit: C'est
peut-être possible. Là-dessus je veux vous consulter pour que,
s'il y avait des sujets sur lesquels je voulais revenir ou certaines questions
particulières, sans y revenir dans tous les détails, si vous en
avez discuté, il y ait quelqu'un ici à ma place, mais que je
puisse le faire. Je ne sais pas où on sera rendu demain soir, de toute
façon.
M. Morin (Sauvé): Je peux vous assurer que nous ferons
preuve de toute la souplesse nécessaire. L'intérêt des
membres de cette commission est que les crédits soient
étudiés efficacement et rapidement. Tout ce que nous pourrons
faire pour atteindre cet objectif sera fait.
M. Ciaccia: Nous serons tous les deux dans la même
situation à ce moment-là. Je serai absent moi aussi.
M. Morin (Sauvé): Peut-être pourrons-nous ajourner
les travaux purement et simplement au lendemain? De toute façon, il y
aura réunion du Conseil des ministres ce soir-là aussi, par
exception, en raison de la tenue du sommet économique M. le
Président, peut-être serait-il dans l'intérêt de tout
le monde que nous ajournions nos travaux au lendemain.
Le Président (M. Clair): Sur la proposition du ministre
concernant l'ordre de présentation, y a-t-il consentement unanime pour
qu'on respecte cet ordre de présentation dans la mesure où on
tiendra compte de certains problèmes de présence qui pourraient
se produire?
Y a-t-il consentement unanime pour l'ordre...?
M. Ciaccia: D'accord.
M. Le Moignan: Oui d'accord.
Mme Lavoie-Roux: Surtout si on ajourne, même jeudi soir, il
n'y a vraiment plus de problème. Jeudi, M. le Président, il faut
que vous en parliez au leader du gouvernement, j'imagine?
Le Président (M. Clair): La commission est maîtresse
de ses travaux et je pense bien que...
Mme Lavoie-Roux: En principe, est-ce qu'on est d'accord?
M. Morin (Sauvé): Nous sommes d'accord et, de toute
façon, le leader du gouvernement devra en être informé
pour, peut-être, en profiter pour convoquer une autre commission.
Le Président (M. Clair): Puisque je sens justement qu'il y
a un consentement largement... unanime sur ce point-là, j'en informerai
le leader du gouvernement à la prochaine occasion. La commission suspend
donc ses travaux jusqu'à 20 heures ce soir.
(Suspension de la séance à 17 h 59)
Reprise de la séance à 20 h 9
Le Président (M. Clair): A l'ordre, madame et
messieurs!
M. Morin (Sauvé): Vous me rassurez.
Le Président (M. Clair): C'est le député de
Gaspé qui avait demandé la suspension de nos travaux, à 18
heures, je lui accorde donc immédiatement le droit de parole. M. le
député de Gaspé.
M. Michel Le Moignan
M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Madame le
député de L'Acadie a signalé le beau geste de l'honorable
ministre qui nous a fourni un instrument de travail vraiment pratique. Je
remarque qu'il y a une très grande parenté entre l'Education, les
Communications et les Affaires culturelles puisque M. O'Neill nous avait fourni
également, dans chacun des cas, cet instrument de travail qui fut fort
apprécié. J'espère que vous allez continuer dans la
même veine et que votre exemple va peut-être inspirer... je n'ai
aucun conseil à donner à aucun des ministres, mais tout le monde
a apprécié votre façon de procéder et je m'en
réjouis grandement.
Maintenant, si je veux entrer un peu dans le coeur de mes remarques, je
considère personnellement que le fait de posséder la vie et la
liberté, c'est un privilège immense. Je me dis d'un autre
côté que c'est un peu la même chose, l'éducation est
également un droit pour l'enfant, pour l'adolescent, pour l'adulte. En
d'autres termes, c'est un droit qui appartient au peuple tout entier. Dans le
contexte québécois, l'éducation doit correspondre, il me
semble, à l'identité du peuple auquel l'homme appartient.
L'éducation doit permettre aux citoyens, à la nation donc,
de s'épanouir pleinement et librement. Quand, la semaine
dernière, le premier ministre faisait une déclaration
ministérielle au sujet de la fête du 24 juin, la
Saint-Jean-Baptiste, et qu'il la proclamait la fête nationale des
Québécois, je crois qu'à ce stade-là, par
extension, quand on pense aux Québécois, on pense à tous
les habitants qui vivent sur notre sol avec leur langue propre, leurs coutumes,
leurs traditions, leur culture, leur religion et le reste.
C'est donc dire qu'au Québec, en parlant de l'éducation,
notre système doit s'inspirer des valeurs propres de la civilisation
québécoise avec ses aspirations, avec ses richesses et aussi avec
ses particularités.
Quand M. Maurice Duplessis affirmait, il y a déjà bien
longtemps, que le Québec n'était pas une province comme les
autres, il y voyait le foyer d'une nation dont les caractéristiques
différaient certes de celles des autres groupes ethniques qui
l'entourent en terre d' Amérique.
Une nation... Evidemment, on le sent avec le projet de loi sur la
langue, je n'ai pas à ajouter que la prééminence à
la culture française, à l'éducation, ce sont des choses
qui vont de soi.
En deuxième lieu, quand on pense à tous les groupes
ethniques qui sont tout de même des Québécois, qu'ils
soient anglophones, Italiens, Grecs ou Juifs, ils ne ressemblent pas ou ne
devraient peut-être pas ressembler à leurs homologues d'ailleurs.
Avec le temps, il ont développé ici une philosophie conforme
à leurs aspirations et conforme aussi au milieu, au climat et, je
dirais, à cette nature profonde du Québec. Je crois que nous
pourrions réaliser, il me semble, d'après ce qu'on peut lire, que
les groupes ethniques ne veulent pas ce "melting pot" à
l'américaine, qu'ils sont fiers et veulent s'intégrer, de plus en
plus, au milieu québécois; et déjà, ils nous le
prouvent par différentes initiatives qu'il est bon de noter, en
passant.
Ceci est très important parce que le ministère de
l'Education englobe tous les groupes et se doit d'être, en même
temps, non seulement le protecteur des minorités en leur accordant les
outils ou les moyens de sauvegarder leur identité; il doit leur
permettre aussi, je crois, de s'intégrer, de plus en plus, à la
majorité francophone.
Je n'ai pas à élaborer cela puisque M. le ministre nous
l'a bien expliqué aujourd'hui, en parlant des anglophones, en parlant
des autres groupes aussi, d'origines diverses, qui auraient, pour une
première fois, cette possibilité d'enseignement de leur langue,
déjà à l'école primaire.
La question que je me pose, et c'est très important, puisqu'on en
discute c'est peut-être mon rôle, avec mon expérience
passée on se demande souvent, en somme ce que cela veut dire au
juste l'éducation.
On sait que, dans tous les pays, les écoles, les
universités, jusqu'à ces dernières années,
recevaient des jeunes de plus en plus nombreux.
M. le ministre de l'Education a bien mentionné cet arrêt,
cette baisse, cette situation démographique qui nous attend au cours des
prochaines années. Je n'ai pas à m'étendre sur ce sujet
pour le moment. C'est peut-être un peu déplorable, mais il reste
tout de même que si le premier rôle de l'éducation consiste
à préparer uniquement des jeunes à gagner leur vie,
à en faire des spécialistes prématurés, un peu
comme l'armée, par exemple, ou la grande entreprise, qui réussit
à former des gens dans l'espace de quelques mois, cela fera toujours des
spécialistes avec un champ de vision assez restreint, fermés trop
souvent à beaucoup d'autres disciplines très humanisantes.
C'est que dans beaucoup de milieux, la notion d'éducation a
peut-être perdu sa valeur. Il y a quelque temps, je recevais une lettre
d'une dame de mon comté qui, très poliment, faisait de
très belles suggestions. Elle me disait qu'on devrait appeler le
ministère de l'Education le ministère de l'instruction.
Evidemment, je lui ai répondu que je n'étais pas d'accord avec
elle. Elle était très bien intentionnée, parce qu'elle a
dit que l'éducation appartenait aux parents. C'est vrai que cela
commence à la maison, mais l'éducation se continue à
l'école et c'est l'oeuvre de toute la vie. Je crois qu'elle a
très bien compris ce que je voulais lui dire.
L'éducation, si on prend sa mission première, c'est de
rendre l'homme apte à comprendre le sens de la vie. Elle a pour mission
d'ouvrir l'intelligence du jeune aux principes qui seront une règle pour
sa pensée, une norme pour son action et sa conduite. C'est parce qu'on
confond trop facilement éducation avec instruction, éducation
avec apprentissage et érudition que l'on s'éloigne trop souvent
de cette notion véritable.
On sait que la vraie culture c'est pour cela que culture et
éducation sont tellement associées cela devient
très exigeant et que c'est la culture qui rend l'homme libre et c'est la
culture et l'éducation qui font de lui un meilleur citoyen, un citoyen
plus consciencieux.
On sait que dans le contexte actuel, tout est embrouillé. Je
crois que le ministre de l'Education est certainement le premier à
comprendre la tâche qui lui revient en ce domaine. Ce n'est pas d'une
impossibilité. On sait très bien que la survie de
l'humanité dépend, dans une large mesure, de cette
éducation solide que nous voudrions, tous ensemble, donner à tous
nos jeunes. Quand on parle de l'éducation aujourd'hui, c'est
l'éducation aux adultes, c'est l'éducation à presque tous
les niveaux de notre société. C'est ici, je crois, cet immense
progrès que nous avons réussi à accomplir au cours des dix
ou vingt dernières années. Notre civilisation n'est
peut-être pas plus mauvaise que celles qui nous ont
précédés, mais si nous ajoutons une bonne et solide
éducation, c'est toute la société québécoise
qui va certainement en bénéficier. On juge trop souvent aussi nos
écoles quelles qu'elles soient, sur leur utilité
immédiate.
Je voudrais vous citer un texte de Pie XII, qui fut un grand savant,
comme on le sait, et qui a donné d'admirables conférences
à des groupes les plus variés, dans tous les domaines de la
science, des sports, de l'éducation ou de la religion. Ce texte remonte
déjà à une trentaine d'années. Je crois qu'il a
toute son actualité. Il est très court, je vais vous le lire, en
passant: "En ouvrant un livre, dit Pie XII, en écoutant une
leçon, en passant un examen, vous ne devez pas vous demander: A quoi
cela me sert-il? Ne dites pas: Je deviendrai ingénieur, à quoi me
sert la philosophie? Je deviendrai avocat, à quoi me sert la physique?
Je deviendrai médecin, à quoi me sert l'étude de l'art? La
vérité, c'est que certaines connaissances d'habitude d'esprit et
un certain ordre mental, le sens de la mesure et de l'harmonie, en un mot,
l'ampleur et la profondeur des fondements sont toujours utiles dans la vie et
rendent parfois des services inespérés."
Je crois que cette pensée est certainement de nature à
nous aider et à travailler en étroite collaboration, comme M. le
ministre l'indique aux premières pages de ce magnifique travail qu'il
nous a donné, Nouveau départ, et qui constitue l'intervention
qu'il nous a livrée au cours de l'après-midi.
Maintenant, je voudrais simplement m'arrêter à quelques
aspects peut-être d'ordre pratique, les mentionner en passant, puisque
nous aurons l'occasion, à l'étude des crédits, de fouiller
davantage les secteurs que je vais aborder.
On a parlé de l'école privée. Je sais très
bien qu'en ce moment, il y a beaucoup d'opinions contradictoires. Il y a
certaines écoles qui se font la lutte et on rencontre diverses tendances
dans tous nos milieux. Sans être malin, si je faisais un tour de table,
je pourrais peut-être dire que si certains de nos ministres, de nos
députés sont des personnes très cultivées, c'est
qu'ils ont peut-être eu l'avantage de fréquenter l'école
privée.
M. Chevrette: ... parle de même.
M. Le Moignan: Moi, ça ne paraît peut-être
pas. Mais je veux simplement souligner ceci: parce que c'est un
débat. Je ne veux p.as en faire un débat politique. Je ne veux
pas entrer dans des discussions l'école privée, tout de
même, est soutenue par les contribuables. Ce sont les mêmes qui
paient les taxes pour l'école publique, et on sait très bien
aussi que l'Etat, à cause du réseau d'écoles
privées, économise plusieurs dizaines de millions de dollars par
année. Quand j'écoutais le ministre de l'Education s'adresser
à des jeunes et quand il parlait de ces "monstres" ce n'est
peut-être pas le mot qu'il a utilisé ces polyvalentes de
3000 ou 4000 jeunes... Je sais très bien que, quand j'ai
travaillé en planification scolaire, nous avions protesté
à ce moment-là, du moins, dans mon secteur. Nous avions
conseillé au gouvernement de ne pas dépasser 1200 à 1500
élèves, ce qui nous semblait une norme tout à fait
raisonnable.
C'est peut-être une des raisons pour laquelle, aujourd'hui,
considérant l'échec de certaines écoles, certains parents
et j'en connais qui sont loin d'être riches, envoient leurs
enfants à l'école privée par souci de rattrapage souvent,
pas nécessairement parce qu'ils veulent établir des
parallèles.
Ce n'est pas là une question de concurrence, je crois qu'il y a
là dedans une saine émulation et, tout de même, quand le
moment viendra, chacun pourra se faire entendre, non pas seulement les
extrémistes qui sont portés à voir dans un système
privé une certaine mesure injuste vis-à-vis de la population qui
ne peut pas se payer, dans bien des cas, ce qu'on appelle le luxe d'envoyer les
enfants dans les écoles en question.
On a mentionné la qualité du français. Tout le
monde reconnaît qu'il est urgent d'améliorer la langue
parlée et écrite dans nos écoles, non seulement dans nos
écoles; mais l'école est le reflet de la société
et, si le ministre insiste réellement, si on prend les mesures
adéquates, il n'y a aucun doute qu'au cours des prochaines
années, quand nos jeunes auront compris cette fierté de bien
parler, de bien s'exprimer en français, à ce moment, on n'aura
pas besoin de mesure de coercition. Plusieurs d'entre nous sommes
déjà allés en France. Quand nous écoutons ces
petits gars de dix ou de douze ans, nous sommes presque gênés
quand nous écoutons leurs expressions, leur vocabulaire et nous
n'atteindrons peut-être pas ce niveau, mais il y a certainement là
un immense travail et je suis sûr que ce travail sera non seulement
entrepris, mais surtout mené à bonne fin.
Quand le ministre nous parle de l'histoire et de la géographie...
L'histoire... Nous avons beaucoup de rattrapage. Il ne s'agit pas uniquement de
dire qu'on va placer des personnes qui vont enseigner l'histoire. Il y a une
question là-dedans de programmes, de formation de maîtres et on
pourrait en dire beaucoup. Il y a aujourd'hui de très belles et de
très solides méthodes pour former des professeurs. Il y a de
très bonnes écoles historiques et, si on veut encore là
donner la fierté à notre peuple, il faut commencer au moins par
lui enseigner son histoire. Un exemple qui ne connaît pas son histoire,
c'est un peu comme un enfant qui ne sait ni lire ni écrire.
La géographie est un élément très important
de l'éducation. Il n'est peut-être pas nécessaire de
connaître toutes les capitales, les populations de toutes les capitales,
mais l'enseignement de la géographie a tellement évolué,
la géographie humaine, la géographie physique, la
géographie politique, la géographie associée à
l'histoire, qui tient compte de tout l'être humain et, quand nous aurons
bien intégré l'histoire et la géographie avec un
perfectionnement de la langue française, je crois qu'à ce moment,
tout ne sera pas parfait, mais nous aurons fait un immense pas comme
éducateurs, puisque les élus du peuple, nous avons tout de
même à aider la préparation des programmes, des
méthodes et de tout le contenu de l'éducation.
Je voudrais ajouter une petite note au sujet de l'éducation
chrétienne. Evidemment, je pense en termes de formation morale et
religieuse, là où les parents vont l'exiger, et je ne vois pas
nécessairement l'enseignement chrétien, l'éducation
chrétienne, comme l'imposition d'une morale d'une religion ou
d'idées fixes, si vous voulez, mais il y aurait tellement à
apprendre sur l'histoire des religions. Souvent, dans nos écoles, quand
on parle de formation chrétienne, on donne plutôt des cours de
civisme, des cours de sexualité, des cours de n'importe quoi, parce que
le professeur ne se sent pas préparé ou encore parce qu'il est
laïc, dans certains cas, il est un peu gêné de parler de
Dieu, de parler du programme de la religion. Il y a un besoin chez notre
peuple, comme chez tous les peuples de monde. On le voit, on le constate quand
on feuillette beaucoup de revues, ce besoin de spiritualité se manifeste
par ce besoin qu'ont les gens de sciences occultes, ce recours aux charlatans,
à la divination, à la magie et tout ce qu'on veut. Ici, le
ministère de l'Education peut très bien contribuer à la
formation de la conscience, c'est-à-dire à créer de
très bons citoyens sans toujours moraliser, leur donner l'idée
des valeurs civiques, des valeurs chrétiennes et, en même temps,
les initier aux grands courants des religions qui ont tout de même
donné un certain apport à l'histoire de l'humanité. C'est
un peu mêlé, tout ce que je vous dis là, parce que j'ai
été pris au dépourvu, à la dernière minute.
Je ne devrais pas m'excuser, c'est presque immoral. Je voudrais certainement,
M. le ministre...
Mme Lavoix-Roux: ...l'absolution.
M. Le Moignan: Vous allez me donner l'absolution? Merci.
M. Le Moignan: Mais les femmes n'ont pas encore été
admises à donner l'absolution.
Mme Lavoie-Roux: C'est vrai qu'il y a encore de la
discrimination, de ce côté-là.
M. Le Moignan: Nous allons en discuter quand nous passerons
à ce chapitre.
Je sais, M. le ministre que, dernièrement, il y a eu des
protestations; le ministre a fait une déclaration en Chambre au sujet
des étudiants, des bourses d'études; je sais que le
député de Jean-Talon a répondu; j'ai répondu
à ce moment-là à M. le ministre, mais...
M. Morin (Sauvé): Je peux y revenir, si vous le
désirez.
M. Le Moignan: Pas ce soir, mais plus tard, oui. Oui,
certainement. J'aime ça poser des questions à M. le ministre,
parce qu'il nous répond, ce n'est pas long. Nous connaissons le fond de
sa pensée, sans rancune, c'est ça qui est beau chez lui.
Je fais une suggestion au sujet des étudiants. Vous pourrez
l'analyser, je crois que ça existe dans certains pays, je n'ose pas
l'affirmer, le salaire étudiant. J'ai quitté l'enseignement il y
a déjà une dizaine d'années, mais je me souviens de
certaines lectures. On a parlé de salaire et, dans le fond, ce n'est pas
si bête. Des spécialistes pourraient analyser ce point de vue. On
donne des bourses; souvent, l'été, on procure du travail aux
étudiants, on crée des emplois de toutes pièces. Ce n'est
pas nécessairement du travail qui rapporte quelque chose. Souvent,
ça vaut ce que ça vaut, le gouvernement paie d'une main et va le
chercher de l'autre après, et il y aurait peut-être lieu
d'étudier l'idée d'habituer et d'entraîner nos
étudiants à travailler à longueur d'année, avec une
formule qui serait, je ne sais pas, corporative, coopérative, qui est
utilisée avec grand succès dans l'entreprise. Un étudiant
pourrait peut-être étudier plus de mois dans l'année, il
pourrait travailler dans sa discipline, il pourrait acquérir une
certaine expérience pratique, il pourrait retourner aux études
et, à ce moment-là, je crois qu'il serait très bien
formé. Il pourrait obtenir un meilleur salaire, parce qu'il aurait
déjà une expérience dans le domaine où il veut
s'orienter et il serait aussi, pour l'Etat, beaucoup plus productif.
Ce sont des idées, pas de maîtres...
M. Paquette: Cela ressemble un peu au programme du Parti
québécois.
M. Le Moignan: Cela ressemble au programme du Parti
québécois, donc mes idées ne sont pas si bêtes,
parce que j'ai volé votre programme à ce chapitre.
M. Alfred: ...
M. Le Moignan: Alors, j'aurais dû lire au moins ce
chapitre, je n'en ai pas eu le temps.
M. le ministre, j'ai beaucoup d'autres choses, mais comme vous nous avez
demandé de demeurer dans les généralités, je suis
d'accord avec vous à 100%. Mais, cet après-midi, vous nous avez
parlé beaucoup de statistiques; ça m'intrigue comme tout le
monde, la baisse de la natalité. Je comprends que je n'ai pas fait
grand-chose pour vous aider dans le domaine.
M. Laplante: Faites attention que le député de
L'Acadie vous suggère l'abbé Lacoste.
M. Le Moignan: II est beaucoup trop tard de toute
façon.
M. Chevrette: Le député de Gaspé n'est
sûrement pas pénalisé par les mesures budgétaires
dans ce cas-là.
M. Le Moignan: II est beaucoup trop tard. Mais je pense...
Mme Lavoie-Roux: II n'est jamais trop tard, jamais trop tard.
M. Le Moignan: II y a un point, M. le ministre, que vous n'avez
pas touché. Il y aurait 200 000 étudiants de moins au secondaire,
si ma mémoire est bonne; dans dix ans, il y aura beaucoup
d'écoles qui seront fermées, et le reste. Mais je pense que vous
n'avez pas fait allusion du tout au nombre de professeurs qui auront à
disparaître de la circulation. Peut-être l'avez-vous
mentionné et que j'étais distrait, mais je m'interroge
sérieusement et, si j'étais professeur aujourd'hui, je serais
très inquiet face à l'avenir. Alors que j'étais dans
l'enseignement, dans l'éducation, il y avait beaucoup moins de
problèmes, parce que c'était la crise des professeurs.
Aujourd'hui, c'est inquiétant pour l'avenir et cela va être
surtout embêtant pour le ministère de l'Education. Je sais que
vous y songez déjà, mais, tout de même, je serais
très heureux, avec le temps, de connaître votre
appréciation, votre pensée très brève sur ce
problème qui, à mon point de vue, va devenir tragique alors
qu'aujourd'hui, nous avons encore beaucoup de jeunes qui se
spécialisent, qui sortent des universités et, parce que certaines
disciplines sont déjà sursaturées, ne peuvent atteindre
leur idéal de consacrer leur carrière à l'enseignement,
à l'éducation, parce qu'il n'y a déjà pas de place
pour eux.
Je crois que mon intervention est déjà assez longue. Je
vous laisse cela en passant et, en temps et lieu, j'aimerais, moi ou mes
collègues, revenir sur des aspects beaucoup plus particuliers, M. le
Président, je vous remercie.
Le Président (M. Clair): M. le ministre, si vous avez
l'intention de faire des commentaires généraux à la suite
des commentaires des oppositions, il me fera plaisir de vous accorder la
parole; sinon, nous allons entamer immédiatement la liste des
députés qui ont manifesté le désir de faire
des interventions.
M. Morin (Sauvé): M. le Président, je
préférerais que nous entendions d'abord les députés
qui auraient des observations de caractère général
à nous faire.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Jacques-Cartier, j'ai en liste, actuellement, les députés
suivants, dans l'ordre où ils ont manifesté leur intention
d'intervenir: MM. les députés de Papineau, de Bourassa, de
Rosemont, de Jacques-Cartier et de Joliette-Montcalm. M. le
député de Papineau.
M. Alfred: M. le Président, la société
québécoise de demain sera par l'école ou elle ne sera pas.
Je me cite moi-même.
M. Chevrette: Là où les auteurs s'arrêtent,
il continue!
M. Le Moignan: On a hâte d'entendre la citation.
M. Chevrette: II est très franc, avez-vous
remarqué?
Autres interventions M. Jean Alfred
M. Alfred: Et il faut prendre le verbe être au sens
essentiel du terme. Je m'empresse tout de suite de vous dire que cette
société québécoise, cette école
québécoise n'est pas sans malaise. C'est la raison pour laquelle
je cite le premier ministre, dans son discours inaugural. Il dit:
"L'éducation elle-même risque d'être
considérée comme une sorte de mal nécessaire que les
citoyens endurent, en trouvant que cela coûte trop cher pour ce que cela
rapporte, où les enseignants se voient de plus en plus comme les
mal-aimés de la société et où un nombre angoissant
d'élèves ont tout simplement hâte d'en sortir".
Cependant, ce malaise a aussi été perçu par le
ministre de l'Education, que je m'empresse aussi de citer, parce que, dans
cette citation, nous voyons sa préoccupation pour une école
nouvelle, l'école que nous voudrons. Il dit, devant la
Fédération des commissions scolaires catholiques du
Québec: "J'ai l'intention d'apporter à ma fonction l'ouverture
d'esprit la plus large possible. Nous ferons preuve de souplesse pour remettre
le plus possible de décisions dans les mains de ceux qui sont les plus
près possible des élèves et des étudiants."
Je ne vais pas faire le diagnostic de l'école que nous avons, car
nous la connaissons tous.
Je vais essayer quand même, par quelques phrases, de
définir le type d'école que nous voulons. Ce type d'école
a été pensé non seulement par le député de
Papineau, mais par tout un congrès, tout un colloque où 110
personnes impliquées dans le milieu ont essayé de définir
ce type d'école que nous voulons.
Ce que nous voulons, pour avoir une école d'Etat qui ait sa
véritable raison d'être et qui atteigne davantage les objectifs
fondamentaux de démocratisation et de formation intégrale... Nous
portons à l'attention des premiers responsables des futures
modifications au niveau du ministère de l'Education les recommandations
suivantes:
A)Que le ministère de l'Education établisse de
véritables programmes bien pensés, surtout au niveau des cours
dits professionnels où les lacunes sont ahurissantes. D'ailleurs, Mme le
député de L'Acadie a fait mention, bien sûr, de ces cours
professionnels;
B)que le ministère de l'Education se repenche sur l'utilisation
rationnelle des écoles polyvalentes actuelles. Par exemple, si une
école a été conçue pour recevoir un nombre
donné d'étudiants, que l'on ne se force plus pour faire vivre
quelques centaines d'étudiants de plus que la norme originalement
fixée;
C)que le ministère de l'Education révise ses politiques de
promotion et ses critères de succès pour les
étudiants;
D)que le ministère de l'Education établisse, en
collaboration avec la Centrale d'enseignement du Québec, un
véritable code d'éthique de la profession; que les normes
d'entrée soient resserrées et que des portes de sortie soient
enfin créées;
E)que le ministère de l'Education analyse sérieusement les
possibilités de réaliser des stages pratiques de plus longue
durée avec un retour possible en milieu scolaire pour parfaire la
formation et combler certaines lacunes; que des ententes soient établies
avec les employeurs à cet effet;
F)que le ministère de l'Education rétablisse les
responsabilités à chacun des niveaux et particulièrement
face aux parents; l'image et la perception de l'école que le jeune
véhicule est très souvent le reflet fidèle de la
perception parentale;
G)que le ministère de l'Education revalorise l'information
scolaire en établissant des structures qui répondent vraiment
à ce besoin. Les formations ne constituent-elles pas la clef de
voûte des orientations futures? Ces recommandations, une fois
approfondies, seront sans doute prises en considération, puisqu'elles
ont la valeur d'être à la fois nécessaires, très
réalistes et réalisables;
H) enfin, comme le changement découle souvent d'une idée
directrice, nous croyons qu'il serait bon que l'on tranche, dans un jour
prochain, le dilemme suivant: c'est une question que nous aurons
à nous poser L'école doit-elle former pour
l'immédiat face au marché du travail, ou bien doit-elle
préparer en vue de donner aux futurs travailleurs toute la souplesse, la
capacité d'adaptation nécessaire pour vivre les variations de la
demande sur le marché du travail?
Quel type d'école voulons-nous? L'école que nous voulons,
c'est celle où l'enseignant puisse prendre certaines décisions
concernant son emploi, son travail, c'est-à-dire pouvoir suivre son
propre rythme et celui des classes; être libre d'utiliser les moyens
pédagogiques avec lesquels il se sent le plus à l'aise;
participer à l'élaboration des contenus de cours.
Que l'enseignant enseigne la matière pour laquelle il est
préparé, que l'enseignant puisse inculquer une certaine valeur
aux jeunes, comme le sens des responsabilités, le souci du travail bien
fait, etc., et ne pas se limiter à une transmission de connaissances.
Que les structures administratives soient modifiées ou favorisées
chez les professeurs, le travail de groupe par la présence de
l'autorité, étant entendu que le groupe lui transmet ensuite les
résultats du travail.
Quel type d'école voulons-nous? Que nous subordonnions
l'administration à la pédagogie; que nous remettions
périodiquement en question le système de classement qui, trop
souvent, fixe linéairement le chemin de l'élève, presque
jusqu'à la fin de ses jours; que les enseignants, et non pas les
administrateurs, établissent les politiques ou les orientations propres
à chaque matière, de l'élémentaire jusqu'à
la fin du collégial; qu'à partir de ces orientations, que l'on
adopte et que l'on implante des programmes qui répondent aux besoins des
étudiants et que l'on assure une continuité, une certaine
permanence de ces programmes; que les journées pédagogiques
servent à des rencontres entre professeurs pour discuter des programmes
en cours; que les chefs de groupe soient choisis par les professeurs et
qu'ensemble, ils élaborent les politiques pédagogiques propres
à l'enseignement de leur matière dans leur école; qu'un
professeur qui n'a plus de poste disponible dans sa matière, soit au
moins affecté à une tâche pour laquelle il a des
affinités ou des aptitudes pour préserver au moins la
qualité de l'enseignement; qu'un directeur des études consacre
100% de son temps à l'organisation pédagogique; que l'on
établisse fréquemment un véritable contact entre
l'élémentaire et le secondaire; que l'on revienne aux dimensions
fondamentales de l'enseignement, discipline humaine mais réelle, normes
de passage strictes et suivies, sens du travail bien fait et soigné.
Quel type d'école voulons-nous? Un milieu de vie,
c'est-à-dire préciser les objectifs généraux de
l'éducation au Québec; établir des objectifs
spécifiques et particuliers dans le système scolaire au
Québec; impliquer les gens concernés de la redéfinition de
l'école; établir un encadrement accru au niveau secondaire;
développer l'autodiscipline à la fin de
l'élémentaire, pour que l'étudiant soit capable de se
prendre en main au début du secondaire; que l'on réétudie
les principes mêmes de la polyvalente; qu'on motive et qu'on explique aux
étudiants les buts de chacune des disciplines et comment elles se
situent dans l'ensemble du développement de l'étudiant.
Quel type d'école voulons-nous? Il faudrait un consensus de la
part des enseignants, des parents et des administrateurs afin de pouvoir
entreprendre un changement valable; donner plus de pouvoir aux
mécanismes de consultation, comités d'écoles,
comités de parents, comités des politiques pédagogiques
dans une visée de décentralisation du ministère via les
comités d'écoles. Ce que nous voulons, c'est la continuité
élémentaire-secondaire, qu'il y ait plus de dialogue entre les
professeurs, direction des commissions scolaires de l'élémentaire
et celle du secondaire.
Qu'on revalorise le rôle de l'élémentaire, le
rôle de l'enseignement et de l'enseignant à
l'élémentaire et qu'on fasse valoir le besoin pour les enfants du
primaire d'avoir autant d'influence masculine que féminine à cet
âge, que les parents reçoivent les procès-verbaux de leurs
représentants et ce, automatiquement.
Quel type d'école voulons-nous? Quel type d'école
polyvalente voulons-nous? A) L'encadrement que, dans les écoles
polyvalentes, les étudiants du premier cycle bénéficient
des structures d'encadrement particulières, comme un directeur
spécialement affecté à ce cycle, avec pouvoir
décisionnel, bien sûr; un professeur-tuteur par groupe de 20
étudiants, afin de satisfaire les besoins et le soutien,
l'identité, l'appartenance, etc. Un redressement pédagogique
aussi. Que l'on revalorise l'enseignement professionnel, en instituant un
certain cloisonnement qui permettrait de dispenser aux étudiants de ce
secteur une formation scolaire; français, mathématiques,
appropriée à sa spécialité, en dépensant
effectivement au secteur professionnel les sommes d'argent allouées
à cette fin.
Quel type d'école voulons-nous? Une école avec un pouvoir
de décision qui implique la confiance, la force, l'administration, la
pédagogie, la formation et la discussion franche. Une plus grande
implication des parents. Accorder des droits réels aux étudiants.
S'orienter vers une véritable cogestion.
Quel type d'école voulons-nous? Une école publique
améliorée. Une école publique plus petite. Une reprise de
l'autorité. Il ne faut pas confondre autorité et autoritarisme.
Un encadrement plus strict. Une planification des dépenses plus
valable.
Quel type d'école voulons-nous? L'Etat québécois
doit remettre l'école entre les mains des parents, des étudiants
et des professeurs parce que ce sont eux qui sont les plus impliqués
dans la chose scolaire.
Quel type d'école voulons-nous? Une école où ces
gens-là décident, bien sûr, collectivement des besoins
réels de la société québécoise.
Maintenant, quelques questions. Quelle place le ministère
accorde-t-il à la recherche en éducation? Le ministère
a-t-il l'intention de créer un véritable centre de recherche en
éducation? Le ministère a-t-il l'intention de repenser en
profondeur l'éducation permanente des adultes? Et, pour ce faire, a-t-il
l'intention de récupérer du fédéral la somme
versée à cette fin? Le ministre a-t-il l'intention de provoquer
dans le monde enseignant, une véritable attitude réflexive sur la
psychopédagogie de l'enfant et de l'adolescent, en accord avec
révolution de notre monde moderne et aussi sur l'andragogie.
Telles sont mes préoccupations. J'aurai d'autres questions
à poser au ministre. Elles viendront en temps et lieu.
M. Chevrette: Vous avez tout un contrat, vous, là!
Le Président (M. Clair): Le député de
Bourassa.
M. Patrice Laplante
M. Laplante: Merci, M. le Président. Tout d'abord, c'est
pour dire au ministre que je suis agréablement impressionné par
les objectifs que le ministère a bien voulu se donner.
Je suis certain qu'une grande partie de ces objectifs répond
à ce que la population étudiante voulait depuis longtemps de
même que les administrateurs scolaires.
Je ne voudrais pas passer sous silence non plus l'intervention, le tour
d'horizon que le député de L'Acadie a bien voulu faire. Je ne
voudrais pas par cela, Mme le député de L'Acadie, dire ce que le
chef de l'Union Nationale dit souvent, vous remercier pour avoir pris mes
idées. Ce n'est pas dans ce sens. Vous avez très bien
exposé, en administration scolaire, ce qu'on ressentait lorsqu'on
siégeait autour de la même table.
Ma plus grande, non pas surprise je n'oserais pas dire cela
mais ce que je trouve le plus drôle aujourd'hui, c'est être
député ministériel et aider, avec mes collègues, le
ministre à défendre une politique d'éducation qui sera la
nôtre.
Pendant que j'étais commissaire d'école à la CECM,
je critiquais de façon assez acerbe au ministère de l'Education.
J'avais à défendre des positions auxquelles je croyais autour
d'une table de commissaires.
Ce n'est pas parce qu'aujourd'hui je fais partie d'un groupe
ministériel que je ne continuerai pas à défendre ce que
j'ai toujours défendu comme commissaire d'école. On a,
actuellement, dans le monde de l'éducation, des problèmes qui se
vivent tous les jours.
J'ai combattu le gigantisme des polyvalentes, très fortement. Je
continuerai à défendre ces grosses polyvalentes afin d'humaniser
le monde étudiant. J'ai défendu, aussi, avec ardeur,
l'encadrement de la vie étudiante. On a fait la sourde oreille au
ministère de l'Education.
Je défendrai aussi la saine alimentation au niveau secondaire.
J'ai travaillé au niveau de la Fédération des commissions
scolaires catholiques du Québec où j'ai présidé un
comité sur l'alimentation et avec l'apport du ministère de
l'Education, du service social et de l'Agriculture, un autre comité dit
provincial, présidé par M. Dion, s'est intéressé
à la saine alimentation en milieu scolaire. On n'a pas eu de nouvelles
de ce dossier. C'était un dossier très intéressant dont
les commissions scolaires attendaient beaucoup. Rien ne s'est produit.
Je m'engage à vous reposer des questions, peut-être pas
à l'étude des budgets de votre ministère, mais à
vous rencontrer pour essayer de savoir où en est rendu ce dossier. J'ai
parlé beaucoup aussi d'autonomie des commissions scolaires. Cela me
tient à coeur parce qu'on a peur souvent de vos bureaux
régionaux. On a peur que ces bureaux ne deviennent une autre commission
scolaire, un autre petit ministère de l'Education cen- tralisateur. Je
ne me cache pas que je suis un de ceux qui ont presque toujours vu le
ministère de l'Education comme un monstre. Je suis un de ceux-là
et je n'ai aucune honte à vous l'avouer aujourd'hui.
Ce qui nous faisait penser que c'était un monstre le
ministère de l'Education c'était le manque de consultation
qu'il pouvait y avoir entre un autre groupe d'élus du peuple, les
commissaires, et le ministère de l'Education.
Nous avions de la difficulté à faire accepter les
idées qu'on croyait bonnes à être mises en application. On
nous prétextait toujours des raisons de normes, des questions de manque
d'argent. On avait toujours 56 raisons à nous donner pour que nos
projets ne puissent être acceptés.
C'est tout cela qu'on aimerait aujourd'hui voir changer. En parlant
d'autonomie des commissions scolaires, je suis un de ceux qui ont toujours
préconisé l'abolition de l'impôt scolaire, mais je ne
voudrais pas, à cause de l'option que je préconise, enlever par
l'argent l'autonomie de ces commissions scolaires. Je voudrais mettre en garde
le ministère.
Si jamais vous abandonnez le champ de taxation scolaire, assurez-vous
d'un autre champ, soit de taxation ou de revenu garanti des commissions
scolaires pour qu'elles puissent garder l'autonomie qu'il leur faut, parce que
souventefois, si c'est le gouvernement seulement qui subventionne à part
entière une commission scolaire, il ne lui reste pas grand-chose au
point de vue de pouvoir de persuasion. Je trouverais très regrettable
qu'on ne trouve pas, à l'intérieur de cela, autre chose pour
remplacer...
Je me suis aussi beaucoup attaqué à la loi 27, à la
participation des parents. J'espère très sincèrement que
ce soit une des priorités du ministère de l'Education de donner
aux parents le droit de participer entièrement à
l'intérieur des écoles. C'est leur milieu, c'est le milieu des
enfants, donner une appartenance à ces enfants à l'école
par l'école. Si vous parlez actuellement d'une décentralisation
MEQ vers l'école, je souhaite que cela corresponde aux objectifs du
ministère, que l'école se choisisse un type d'école par
son milieu. Si une décentralisation s'arrêtait aux commissions
scolaires, je ne crois pas que la décentralisation soit utile du MEQ
vers une commission scolaire. Si on a l'assurance que cette
décentralisation va vers l'école, bravo, attablons-nous, essayons
de le faire le plus tôt possible.
J'aimerais faire une autre revendication concernant la loi 71. Je ne
suis pas contre le conseil de l'île, comme objectif. Je suis certain que
le député de L'Acadie n'est pas pour non plus. Je pense qu'on se
rapproche beaucoup là-dessus au point de vue idéologique. Si
c'est inconcevable actuellement, par la loi 71, qu'une loi aussi peu claire,
reçoive des pouvoirs très élargis à
l'intérieur des articles de cette loi, qu'elle soit rendue aujourd'hui
à empiéter sur la pédagogie. Si on parle d'autonomie de
commissions scolaires, c'est que les commissions scolaires de l'île de
Montréal actuellement sont les parents pauvres du Québec.
Cela ne doit pas continuer tel que cela va. La commission scolaire de
Montréal a moins de pouvoir que n'importe quelle commission scolaire
peut avoir en province, si petite soit-elle. On n'a plus de pouvoir de
financement, on est toujours au crochet, à la bonne volonté du
conseil de l'île. On a de la misère à reconnaître les
travaux qui peuvent se faire dans une commission scolaire plus avancée.
On les retarde dans leurs initiatives. C'est le problème du conseil de
l'île. C'est une autre superstructure qui coûte, M. le ministre,
près de $4 millions par année. C'est $4 millions de moins dans
l'éducation. Si vous voulez faire un tour d'horizon sur le pouvoir de la
loi 71 qu'on donne au conseil de l'île, il faudra le faire dans les
répartitions justes du financement d'une commission scolaire, une
répartition beaucoup plus équitable de l'argent perçu dans
l'île de Montréal. C'était le but de la loi 71 et
actuellement, le but n'est pas atteint, il est dépassé. Ils sont
rendus aujourd'hui, je crois, avec une soixantaine d'employés dans ce
conseil de l'île. C'est une superstructure où plus personne ne
peut se reconnaître. Le mode électif de ce conseil de l'île
est une contrainte pour les commissions scolaires actuellement. On ne sait plus
si c'est un représentant de commission scolaire qui siège au
conseil de l'île ou un délégué. Il y a
énormément d'ambiguïté dans la
représentativité. Peut-être qu'on pourrait avoir des
suggestions pour former ce conseil, soit un conseil électif ou d'autres
moyens qui feraient qu'une commission scolaire serait plus libre de ses
actes.
Vous avez ensuite tout le problème de la restructuration scolaire
qui va se poser. C'est à la prudence que je fais appel, M. le ministre,
sur cette restructuration, à savoir regarder la viabilité des
commissions scolaires par des plans quinquennaux et surtout par le
problème de la dénatalité qui s'avère très
grave pour plusieurs de ces commissions scolaires. Si on est obligé de
recommencer une restructuration scolaire au bout de trois ou quatre ans, je me
demande pourquoi, actuellement, on dépenserait autant d'argent à
essayer de faire se chicaner tous les partis à l'intérieur de
cela pour continuer cette action. Je ne suis pas en faveur actuellement d'une
restructuration complète du conseil de l'île.
Vous avez des problèmes très graves, à partir des
problèmes de syndicat ou de sécurité d'emploi de ceux qui
sont à l'intérieur d'une commission depuis 20 ans ou 25 ans. Vous
avez tout l'aspect humain qu'il faudra analyser avant de toucher à ces
commissions scolaires. Ensuite, M. le ministre, j'ai d'autres
préoccupations en matière de négociation.
Je ne voudrais pas que notre système scolaire revive ce que j'ai
vécu à l'intérieur de la Fédération des
commissions scolaires dont j'étais un des onze représentants, en
vue des négociations dans le domaine scolaire. Je ne voudrais pas que M.
le sous-ministre, pour lequel j'ai beaucoup d'estime, se sente visé, ni
vos partenaires dans ce que je vais dire. La piètre préparation
qu'il y avait au ministère de l'Education pour faire face à une
telle négociation était une honte pour le monde de
l'éducation. Je suis très à l'aise pour le dire.
Cela ne dépendait probablement pas seulement de vous autres,
c'était un ensemble de circonstances qui faisait un tout
là-dedans. Mais je ne voudrais pas recommencer ces négociations
dans la même atmosphère que celle des dernières
négociations.
Je voudrais que ça commence tout de suite, qu'il y ait des
comités établis, qu'on commence à parler entre syndicats,
entre professeurs, entre les gens du personnel de soutien, entre tout ce monde,
travailleurs de l'éducation. Ces recommandations que j'aurais à
faire aujourd'hui, je ne voudrais pas qu'elle soient vues comme une critique
faite pour le plaisir de détruire ou de critiquer le passé,
surtout que c'est l'avenir qu'il faut voir. On a un gouvernement, aujourd'hui,
qui veut aller de l'avant; je crois que les éléments de
l'Opposition peuvent concourir au bien-être de l'éducation, on
doit s'en servir pour continuer à servir ce qui est à la base,
l'étudiant. Merci.
Le Président (M. Clair): Le député de
Rosemont.
M. Gilbert Paquette
M. Paquette: M. le Président, j'ai été
très heureux de prendre connaissance des orientations du
ministère contenues dans l'exposé du ministre qui s'intitule,
fort heureusement, Nouveau départ. Je pense que nous avons
véritablement besoin, dans l'éducation, d'un nouveau
départ. J'aimerais rappeler un peu, très brièvement,
l'historique dans le domaine de l'éducation. Je pense que les
Québécois ont consenti un effort énorme du
côté de l'éducation jusqu'en 1970 et les efforts ont
porté sur l'accessibilité, sur une certaine rationalisation des
structures, de façon à rattraper le retard que le Québec
avait face aux autres provinces. Je pense que c'était un effort
nécessaire mais qui a dû se faire dans un laps de temps
très court.
Après 1970, sous le règne du gouvernement qui nous a
précédés, nous avons constaté un net ralentissement
de cette réforme. Bien sûr, comme le disait le ministre du temps
je pense que c'était en septembre 1971 lors du discours de
la rentrée scolaire: On a fait un effort important; maintenant, il faut
rationaliser les choix budgétaires et, de toute façon, il ne
reste qu'à aménager le système.
Je pense qu'il fallait peut-être se donner un certain temps de
recul pour évaluer la réforme et voir où on en
était. Mais il faut quand même noter qu'on a
négligé, dès ce moment-là, de s'engager vers ce que
je considère une réforme plus fondamentale, dont je retrouve des
éléments dans l'exposé du ministre, réforme
beaucoup plus fondamentale qui touche au contenu, à la pédagogie
et aux conditions dans lesquelles s'exerce l'activité éducative.
Je veux parler des voies, de la décentralisation, des
responsabilités de l'école.
A cause de ce temps d'arrêt, on a laissé, je pense, se
perpétuer très longtemps une insatisfac-
tion marquée au niveau de la population, dont l'expansion de
l'école privée est peut-être le symptôme le plus
évident.
C'est par insatisfaction du système public que les gens se sont
tournés en nombre de plus en plus grand, vers le système
privé. On pourrait également citer comme symptôme le taux
de drop outs qui a augmenté ces dernières années. Il
suffit, comme moi, d'avoir travaillé avec les enseignants, dans tous les
coins de la province, dans un projet de perfectionnement, des maîtres,
d'avoir été dans les écoles pour voir ce qui se passait,
pour se rendre compte que si on avait un système beaucoup plus rationnel
qu'avant, beaucoup mieux structuré, plus accessible, les conditions de
l'activité éducative ne s'étaient peut-être pas
améliorées, au contraire.
Je me fierais un peu à la sagesse populaire, dans un sondage fait
il y a à peu près deux ans, je pense, sur le plan canadien.
C'étaient les deux tiers des parents, si je me rappelle bien, qui
disaient que, selon eux, le système s'était
détérioré. Dans les autres provinces canadiennes, la
proportion était inversée. A tort ou à raison, pendant six
ans de moindre activité, ou peut-être que nos amis du Parti
libéral préféreraient parler d'un temps de recul, pour
voir où on en était rendu dans la réforme scolaire,
à cause de ces six années, on a laissé se perpétuer
énormément d'insatisfaction dans la population, ce qui
nécessite maintenant, comme le dit le ministre, un nouveau
départ.
Je suis heureux de voir que des rapports sortent enfin des tablettes.
Cela fait un bout de temps que le Conseil supérieur de
l'éducation a soumis des études au ministère, et, en
particulier, je pense que c'était en 1972 ou 1973, le rapport du Conseil
supérieur de l'éducation qui s'intitulait "L'Activité
éducative" et qui disait: Ecoutez, on a mis énormément
d'efforts sur la rationalisation du système, sur les structures, c'est
le temps de s'occuper, de ce qui se passe dans la classe, d'améliorer la
qualité de l'enseignement et de faire enfin un enseignement qui soit
adapté aux enfants.
Plus récemment, juste avant les élections, le
comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation
disait à peu près ceci: II y aurait sûrement moyen que nos
écoles soient plus que des sortes de gigantesques garderies où on
prépare des gens pour une tâche immédiate sur le
marché du travail et qu'on commence vraiment à faire un
enseignement qui développe toutes les possibilités de
l'enfant.
Je pense que ce nouveau départ, il faut l'admettre, est rendu
possible par le travail qui s'est fait avant le 15 novembre. Il y a quand
même des gens qui ont pris leurs responsabilités et il y a toute
une série de documents qui étaient en préparation. Mais on
peut féliciter le ministre d'avoir repris ces études, de les
avoir réévaluées en fonction de l'optique du Parti
québécois, qui forme maintenant le gouvernement. Je pense que,
dans ces orientations sur le plan du contenu, parce que vous savez que le
système d'éducation est soumis à toutes sortes de
pressions contradictoires, c'est faux de dire qu'il n'y a pas de politique dans
le système d'éducation, il y a autant de politiques qu'il y a de
valeurs derrière les individus qui font ce système scolaire.
Dans la mesure où on ne base pas un système scolaire sur
le développement de l'autonomie des jeunes, de l'autodiscipline, de
l'esprit critique, dans la mesure où on retournerait, par exemple,
à un système scolaire très répressif c'est
comme cela que je qualifierais le système scolaire d'avant les
années soixante il y a plusieurs documents qui nous
démontrent que l'école était peut-être l'un des
appareils les plus répressifs de la société; quand on dit
cela tout le monde dit: Regardez-nous, on est bien fins. Regardez où on
est rendus maintenant. C'est grâce à cette école.
Peut-être qu'on pourrait regarder cela d'un autre point de vue et se
dire: S'il y a tant d'idées fausses qui circulent, s'il y a tant de
préjugés, s'il y a tant de gens qui ne pensent qu'à leurs
petits intérêts personnels dans la société actuelle,
c'est peut-être un peu dû à ce genre de système assez
répressif où on apprenait à se conformer à des
situations plutôt qu'à participer à leur
définition.
Je pense que c'est peut-être l'essentiel de l'orientation qu'on
retrouve dans l'exposé du ministre face à la
décentralisation. S'il y a une chose que la décentralisation doit
faire, c'est la prise en charge, au niveau de l'école, par les
différents agents de l'édudation, de leurs projets
éducatifs. A cet effet, j'aimerais recommander au ministère... Je
sais qu'il y a des études d'entreprises actuellement sur la
décentralisation entre le ministère et les commissions scolaires,
mais j'espère qu'on ne laissera pas les commissions scolaires
définir seules leurs relations avec les écoles dont elles ont la
charge. Il me semble que c'est la responsabilité du ministère de
l'Education, non pas de s'immiscer dans les responsabilités des
commissions scolaires, mais de définir le genre de rapport qui doit
exister entre les divers paliers du système de l'éducation.
Après cela, on peut laisser jouer les agents éducatifs dans le
cadre du système, mais c'est la responsabilité du
ministère de l'Education de définir le genre de
décentralisation qu'on veut avoir.
Je pense qu'il y en a qui disent que les gens ne sont pas prêts
à une telle prise en charge. Par exemple, je pense à des conseils
tripartites de direction des écoles, formés des enseignants, des
parents ou des étudiants ou des deux et des cadres de l'école et,
entre autres, des directeurs de l'école, pour qu'on cesse d'avoir ce
parallélisme des réseaux de consultation où les gens ne
peuvent jamais se rencontrer, confronter leur opinion; que les clients se
confrontent avec les travailleurs du système et on aura peut-être
des attitudes moins étroitement syndicales. On peut comprendre les
enseignants de préserver leur gagne-pain, surtout dans un contexte de
dénatalité, de refuser les détériorations de
conditions de travail, comme c'était le cas, il y a à peine un
an, lors des grèves dans le secteur de l'enseignement, mais on ne me
fera jamais accepter qu'il est normal d'avoir une convention collective aussi
détaillée qui va jusqu'à calculer le nombre de minutes
auxquelles un en-
seignant est soumis. Je pense que si on en est arrivé là,
c'est parce que les syndicats étaient placés sur la
défensive et qu'ils se méfiaient de la bureaucratisation, d'une
centralisation énorme du système scolaire qui ne leur donnait
aucune part dans la prise de décision. Si on pouvait commencer à
donner plus de responsabilités aux différents agents de
l'éducation, des attitudes comme celles-là commenceraient
peut-être à se résorber. C'est important qu'elles le
soient, parce qu'il faut laisser une souplesse au niveau de l'école; il
faut que l'école puisse s'adapter à des réalités
différentes. Il suffit de voir les différences énormes de
culture, d'équipement pédagogique qu'il y a d'une région
à l'autre, les besoins très diversifiés des enfants. Il
n'y a pas un enfant dans une classe qui a le même besoin et, pourtant, on
s'imagine encore qu'on peut tout planifier, soit dans le bureau du
ministère ou dans un bureau de commission scolaire.
Je pense que c'est tout le sens de cette réforme qui doit
permettre la prise en charge du projet éducatif au niveau de
l'école. On n'a pas besoin d'attendre que tout le monde soit prêt
pour commencer. Je pense que s'il y a une chose que le ministère doit
faire, c'est d'avoir des stratégies d'implantation diversifiées
qui tiennent compte, bien sûr, de la réalité des
différents milieux qui ne sont pas tous prêts aux mêmes
genres de changements.
Pourquoi ferait-on la même chose partout au Québec?
Pourquoi aurait-on exactement le même système partout au
Québec? Je pense qu'il y a des régions du Québec où
on peut aller plus vite et d'autres où on doit aller plus lentement.
La dernière remarque d'orientation globale que j'aimerais
signaler au ministre, c'est le problème du cloisonnement du
système scolaire. Pendant longtemps, on a cru qu'on allait faire une
gigantesque machine trieuse dans laquelle on pourrait lancer les enfants.
Suivant leurs capacités, l'un se retrouverait au professionnel court,
l'autre en voie allégée et l'autre pourrait aller au CEGEP dans
telle option et non pas dans telle autre. Je comprends qu'il faut garder... Je
ne veux pas avancer qu'il faut tout homogénéiser, mais je dis
simplement que notre système scolaire est actuellement trop
cloisonné, sous différents aspects, d'abord sur le plan
linguistique. Il suffit d'aller faire une assemblée dans le West Island
de M. Ciaccia, et le lendemain, d'aller en faire une auprès de
francophones pour voir toute la distance qu'il peut y avoir entre les deux
communautés.
On est en train et on a créé jusqu'à maintenant une
société cloisonnée qui va nous poser
énormément de problèmes sociaux.
On peut dire la même chose sur le plan religieux. Il me semble
qu'il y aurait moyen de réduire ces cloisonnements. Personnellement, je
crois à l'unification des commissions scolaires. On pourra
peut-être entrer dans le détail plus loin, lorsqu'on discutera des
différents programmes. Au moins, au minimum, il faudrait avoir des
mécanismes qui permettent des contacts, des échanges beaucoup
plus intensifs que maintenant pour réduire le cloisonnement, sur le plan
linguistique, sur le plan re- ligieux et sur le plan social également.
Il y a des études qui nous ont démontré que,
peut-être jusqu'à la fin de l'élémentaire, on n'a
pas à faire trop de différence entre l'origine sociale des
jeunes, mais déjà, au niveau du secondaire, cela commence
à se différencier. Règle générale, les fils
de familles d'ouvriers se retrouvent au professionnel court ou en voie
allégée et, généralement, plus nombreux que les
autres, leurs études se terminent au secondaire. Je pense
également que dans l'existence d'un système d'enseignement
privé, sans le réserver uniquement aux familles les plus
privilégiées, on se rend compte que, dans le système
privé, on donne surtout l'enseignement de voie régulière
et de voie enrichie et que, règle générale, les enfants
viennent de familles de classe moyenne et de classe aisée.
Il ne s'agit pas de niveler par le bas. Il ne s'agit pas non plus de
dire que tout va être homogène, mais je pense qu'il y a moyen,
dans le cadre d'un système unique très décentralisé
où les parents ont une large responsabilité, de laisser place
à des modèles différents d'écoles qui correspondent
aux caractéristiques d'un milieu et où la composante religieuse,
la composante linguistique et le fait également de tenir compte de
l'origine sociale, puisque, actuellement, tous les professeurs fuient les voies
allégées, fuient les problèmes difficiles, alors que c'est
là qu'on devrait mettre le plus d'efforts, je pense, dis-je qu'il y
aurait moyen, dans un système unifié, mais très
décentralisé, où on aurait différents types
d'écoles, de tenir compte des différences. Il ne s'agit pas de
tout homogénéiser, tout en rapprochant les gens, il faut
éviter de dresser des barrières étanches entre
différents groupes de notre société. Je pense que c'est
dangereux pour l'avenir.
J'aimerais également parler d'une autre forme de cloisonnement,
qui est celle entre les matières. J'ai vu, à l'occasion, des
projets pour faire à l'élémentaire ce qu'on fait au
secondaire, c'est-à-dire différencier le temps très
nettement qu'on accorde aux différentes matières. C'est
très bien du point de vue d'un enseignement qui serait d'abord
centré sur l'organisation des disciplines. Pour un universitaire, c'est
très commode de penser comme cela et de dire: On va donner le meilleur
enseignement possible de mathématiques pendant une heure, et, pendant
une autre heure, le meilleur enseignement possible de français, mais il
faut se rendre compte que, du point de vue de l'étudiant M. le
député de Gaspé a parlé du droit de l'enfant
à l'éducation il y a aussi le droit de l'enfant au respect
de sa propre psychologie, disons de sa façon de penser. Il est
très difficile, surtout pour un jeune, de travailler au compte-gouttes,
comme on le fait actuellement, en cloisonnant les matières. Il me semble
que, chose certaine, on ne devrait pas séparer l'enseignement des
matières au niveau élémentaire, et peut-être qu'on
devrait se poser la question au niveau du secondaire premier cycle
également. Peut-être qu'on devrait penser à une formation
plus globale de l'enfant et penser peut-être moins en termes de grille
horaire où on essaie de déterminer le nombre de minutes pour
chaque matière en se disant
qu'il y a peut-être moyen de s'adapter aux besoins respectifs des
classes qui sont divers, suivant les enfants.
En terminant, j'aimerais dire deux choses. Premièrement, l'erreur
qu'on ferait si on décentralisait le système d'éducation,
on remettait plus de responsabilités au niveau de l'école sans
prévoir des mécanismes de support des enseignants, des
administrateurs et des parents aussi. Au niveau de l'école, sur place,
cela commence à se faire. Au niveau de l'Université du
Québec, je pense que le sous-ministre est bien au courant, il
était là au début de la création de certains
programmes qui ont évolué de façon diverse. Il suffit
peut-être simplement de corriger le tir légèrement, mais,
pour l'essentiel, on a commencé dans certains milieux à donner
des outils aux enseignants sur place dans leur école; la formation a
cessé d'être théorique et a commencé à
être un peu plus liée à la tâche professionnelle,
à révolution de la pédagogie, c'est-à-dire que les
matières théoriques doivent coïncider avec le travail de
l'enseignant dans ses classes.
Je pense que c'est une chose que mentionnait le rapport Parent. Il
disait: Commencez par la formation des maîtres. On ne l'a pas fait. Tout
ce qu'on a trouvé le moyen de faire, lors de la création de
l'Université du Québec, c'est de dire: Vous avez une vocation
privilégiée dans la formation des maîtres, mais on s'est
surtout concentré sur la formation initiale. Là, on voit, avec la
dénatalité, à quel point c'est important d'orienter nos
énergies vers les enseignants en place, si on veut qu'ils puissent
assumer la décentralisation, et je dirais la même chose du
côté des administrateurs qui ont à repenser leur
façon de gérer. Ils doivent devenir beaucoup plus des animateurs,
des coordonna-teurs que des gens qui prennent toutes les décisions, et
je sais que c'est difficile de changer de mentalité.
En terminant, M. le Président, je souhaiterais que ce nouveau
départ, dont parle le ministre, se fasse, contrairement peut-être
à la première réforme de l'éducation que nous avons
connue dans les années soixante, avec la plus vaste participation
possible du public. J'espère que le ministre, dans le cas du livre vert
sur l'enseignement élémentaire et secondaire, dans le cas du
livre blanc sur l'enseignement collégial, partira en tournée
régionale, ira consulter la population et provoquera un vaste
débat sur les valeurs fondamentales qui doivent orienter le contenu, la
pédagogie et la structure de notre système scolaire. Il s'agit de
ne pas refaire l'erreur des années soixante où on se rend compte
que, malgré les aspects très positifs de la réforme
scolaire, les parents ont l'impression de ne pas y avoir été
associés.
Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Clair): Le député de
Jacques-Cartier.
M. Noël Saint-Germain
M. Saint-Germain: M. le Président, j'ai
écouté avec énormément d'attention la
déclaration du ministre cet après-midi, et j'avais bien
l'impression que toutes les bonnes intentions qui étaient inclues dans
cette déclaration étaient ressenties par le ministre et qu'il
allait bien faire son possible pour remettre en oeuvre les modifications du
système et voir à ce que notre système d'éducation
soit plus acceptable pour les écoliers, les étudiants et pour le
public en général.
Ceci dit, j'entends parler personnellement d'éducation dans le
Québec depuis nombre d'années, ayant été
commissaire d'école bien avant d'être député, et je
dois dire que j'ai aussi, dans le passé, entendu des déclarations
aussi valables, des intentions aussi désintéressées, mais
que, malheureusement, très souvent, il y a loin de la coupe aux
lèvres.
Dans le passé, je me souviens très bien puisque, dans le
temps, j'étais commissaire d'école, j'avais entendu dire au
ministre de l'Education: Nous avons beau, au Québec, établir un
système tout à fait nouveau, bien adapté aux besoins
modernes, aux besoins de la province en particulier, puisque l'ancien
système que nous avons est discrédité par la population,
discrédité dans les milieux enseignants et
discrédité un peu par tout le monde, enfin, et la population est
venue au point où elle acceptait facilement l'établissement d'un
système tout à fait nouveau.
A ce stade, le ministre de l'Education avait certainement une
très grande liberté d'action et il s'en est bien servi
d'ailleurs.
Aujourd'hui, la situation est bien différente. On a
modifié notre système profondément, bien souvent, j'ose le
dire, peut-être trop vite et malhabilement. De toute façon,
même si les gens critiquent amèrement le système actuel,
personne ne veut nécessairement revenir au système
passé.
Mais la liberté du ministre est certainement très
relative, à ce stade-ci. Je crois bien ne pas mentir en disant qu'il y a
au-delà de 100 000 personnes qui gagnent leur vie dans
l'éducation au Québec, et il y a, pour chapeauter les
activités de tous ces gens, un homme élu, et c'est le ministre de
l'Education.
J'ai bien l'impression qu'il va se faire aider par quelques-uns de ses
collègues élus, mais il reste que c'est lui qui sera tenu
responsable par la population de toutes les activités de ces 100 000
citoyens.
Aujourd'hui, ces 100 000 personnes sont très bien
organisées. Elles sont toutes syndiquées, protégées
par des contrats de travail de plus en plus complexes et compliqués. Il
y a, pour encadrer les 2600 personnes qui travaillent directement pour le
ministère, la Loi de la fonction publique et chacun est bien prêt,
de pied ferme, à protéger ce qu'il croit être ses
intérêts personnels ou professionnels et tout ceci a
été bien prouvé par le passé; Cela a donné
lieu à des conflits qui ont été réellement
dommageables pour cette province.
Et le ministre, quoiqu'il en dise, dès qu'il projettera
d'apporter des modifications au système, dès qu'il projettera de
changer les valeurs qui sous-tendent notre éducation, dès qu'il
essaiera de diminuer les dépenses inhérentes à ce
système, trouvera certainement devant lui un groupe
d'hommes qui s'élèveront et qui bien souvent, pour masquer
les intérêts personnels qu'ils veulent bien défendre,
prétexteront les intérêts de la population.
Malheureusement, dans tous ces conflits d'intérêt, les enfants
sont oubliés et ce sont toujours eux qui sont mal
protégés.
Ce qui me fait sourire aussi dans ce soi-disant nouveau départ,
c'est qu'il n'y aura pas de nouveau départ, en définitive. Le
ministre, en homme sage, en homme conséquent, observera ce qu'il y a de
bon dans notre système, ce qu'il y a moins de bon, ce qu'il devra
profondément modifier et partant de là, essaiera de construire en
prenant le meilleur du système actuel. Il est impensable qu'il puisse le
changer profondément, à moins qu'il n'ait hérité de
talents tout à fait exceptionnels, qu'il ait un leadership, de
l'entregent et que ce soit un homme pratiquement au-dessus de la moyenne.
J'ai vu passer, dans ma carrière politique, beaucoup de ministres
de l'Education. J'ai cru m'apercevoir que les premiers ministres essayaient
constamment de nommer à ce poste les hommes les plus valables, les plus
responsables et, malheureusement, ils ont connu maints échecs et leur
carrière a été habituellement de courte durée.
Dans l'intérêt de la population, ce n'est certainement pas
ce que je souhaite au ministre actuel. Ce qui m'a surtout surpris dans cette
longue déclaration qu'il nous a faite, c'est son silence absolu
relativement aux relations de travail dans le domaine de l'éducation,
lorsque même les profanes savent pertinemment qu'il y a là un
problème fondamental, un problème réel auquel tout
ministre de l'Education, un jour ou l'autre, doit faire face.
Si j'ai eu beaucoup de respect pour les ministres passés, il m'a
toujours paru que, trop souvent, ils étaient obligés de
défendre des politiques, des dépenses ou des chiffres pour
lesquels ils n'avaient absolument aucune responsabilité; je les ai vus
très souvent plus comme des hommes de relations publiques que comme des
administrateurs. Je vais vous donner un exemple bien précis de ce que je
veux dire: J'ai entendu le ministre, dans sa déclaration dire
qu'au-delà de 80% des dépenses constituaient des salaires. J'ai
bien raison? Toutefois le ministre n'est absolument pas responsable de ces
dépenses.
Il va défendre ses crédits cette semaine ou les semaines
qui viennent et ces dépenses lui sont dictées, d'autant plus que
ces dépenses sont en grande majorité dictées par des
contrats de travail qui ont été signés sous une
administration où il n'avait aucune responsabilité, mais il devra
tout de même défendre ces dépenses. Ces dépenses
sont le résultat direct de conventions collectives à tous les
niveaux. Alors, comment peut-on parler d'éducation, d'augmenter la
productivité de notre système, d'astreindre les dépenses
à des limites convenables aux richesses de la province et à la
productivité de la province sans parler de relations de travail? Cela me
semble passer complètement à côté du sujet. J'aurais
aimé que le ministre indique sa façon de voir les choses dans ce
domaine. Je l'aurais même vu nous expliquer ce qu'il trouvait convenable
et non convenable dans les contrats signés jusqu'à
présent, soit au niveau universitaire... Je sais je le vois, le
ministre m'a regardé pertinemment que, probablement, cela aurait
été très malhabile de sa part parce qu'il sait que, dans
l'avenir, il aura à dialoguer avec les chefs syndicaux qui ne sont pas
toujours commodes, qui, malheureusement, ne reflètent pas toujours, loin
de là, la mentalité et les besoins de leurs propres membres, qui
sont élus, bien souvent, d'une façon non démocratique.
Mais, par les lois, les législations ou les règlements
votés par les gouvernements passés, soit par faiblesse ou soit
par pressions indues, on en est arrivé à donner à ces gens
une puissance terrible qui, à l'occasion, se fait valoir à un
point tel que la population se demande: Qui est le patron en éducation?
Est-ce les chefs syndicaux ou est-ce les gouvernements?
La réalité des choses, on peut essayer de l'escamoter,
mais elle apparaît toujours et elle apparaîtra
nécessairement lors de la signature de nouveaux contrats de travail et
ces nouveaux contrats de travail seront basés sur les contrats existants
aujourd'hui et le tout recommencera. Même, lors de la signature de ces
contrats de travail, si le ministre est encore responsable de l'Education, il
verra son collègue de la Fonction publique prendre la
responsabilité des relations de travail. Il verra le ministère du
Travail, s'il y a des difficultés, des grèves, entrer dans le jeu
et, plus la bataille deviendra corsée, chaude, plus il se verra
réduit, bien souvent, à un rôle de conseiller. La crise
passée, il sera celui qui, de nouveau, viendra défendre les
politiques de la Fonction publique, du Travail, et la roue tournera. Alors,
être ministre de l'Education du Québec n'est certainement pas une
chose facile et je crois bien que, pour les politiciens d'expérience, ce
n'est pas non plus un poste nécessairement envié. Beaucoup de
gens disent que le ministère du Travail, c'est un monstre.
Personnellement, je crois que c'est un monstre. C'est peut-être un
monstre et la première responsabilité du ministre sera
peut-être de tuer ce monstre, dans l'intérêt de ce monstre,
dans l'intérêt de la population du Québec. C'est un monstre
parce que, premièrement, en partant de l'université, si le
ministre est responsable de l'argent qui est remis aux universités, il
n'a rien à dire dans l'administration journalière de cette
même université. L'université est indépendante. Tout
le monde sait cela.
Si je dis cela, M. le Président, ce n'est pas parce que
j'aimerais voir les gouvernements imposer leurs priorités aux
universités; loin de là, mais il y a tout de même, dans nos
universités modernes, quelque chose d'aberrant.
On veut bien laisser aux universités leur liberté
d'action, mais ce sont les hommes publics qui se voient constamment
obligés de taxer la population pour faire face aux dépenses
universitaires, sur lesquelles le ministre n'a pratiquement rien à dire,
sinon annuellement, lors de l'étude du budget.
Au niveau des CEGEP, c'est pratiquement la décentralisation
totale, c'est chaque administration de CEGEP qui est responsable de son
administration et, sur les CEGEP, l'autorité du ministre est minime.
Au point de vue des écoles élémentaires et
secondaires, là, l'autorité du ministre pourrait davantage se
faire sentir, mais c'est surtout là que les relations de travail
viennent jouer un rôle primordial et, dans ce même système,
nous avons les commissions scolaires, la fédération des
commissions scolaires et l'ensemble de toutes ces activités à
tous les niveaux. Pour un profane, c'est un monstre, parce que le profane ne
considère pas le ministère de l'Education comme étant
exclusivement le ministre et les 2600 fonctionnaires qui sont derrière
lui. Pour lui, tout le système de l'éducation, c'est la
responsabilité du ministre et c'est ça le ministère de
l'Education.
A ce point de vue, c'est un monstre, assurément.
Ceci dit, M. le Président, on parle de décentralisation.
Devant un tel monstre, comment ne pas accepter la décentralisation? Cela
semble tout simplement logique, ça semble être la solution
idéale, mais il faudrait toujours bien savoir ce que le ministre entend
par décentralisation. C'est un terme qui peut tout comprendre et qui
peut ne rien comprendre. J'aurais aimé que le ministre nous donne une
certaine définition de ce qu'il entend par décentralisation. Pour
quelqu'un qui étudie le moindrement l'évolution du système
scolaire, il apparaît évident que l'élément majeur
qui a amené la centralisation, c'est la signature d'un contrat de
travail au niveau de la province.
M. Morin (Sauvé): Ce n'est pas le seul facteur.
M. Saint-Germain: C'est un des facteurs principaux. On a
créé là la force de notre monsieur Charbonneau, et je ne
suis pas antisyndicaliste pour ça.
M. Chevrette: Cela ne paraît pas du tout. Ne lâchez
pas.
M. Saint-Germain: Parce qu'il serait absolument illogique de ne
pas voir ces 100 000 personnes non représentées au point de vue
syndical, ce serait absolument inadmissible. Mais on a créé, avec
le genre de syndicat dominé par M. Charbonneau, un syndicat
excessivement puissant où le professeur paye sa quote-part, et ils sont
nombreux, d'une façon comptant. Cette remarque que faisait le
député, ex-président de la commission des affaires
sociales, voulant que le gouvernement était mal préparé
aux négociations, cela a toujours été cette situation qui
a existé. Les syndicats, aujourd'hui... comme le syndicat des
enseignants est un syndicat qui a de l'argent, il a à son emploi les
meilleurs négociateurs, des avocats éminents à
compétence éprouvée et, à chaque
négociation, le gouvernement a beaucoup de difficulté à se
faire représenter d'une façon aussi efficace que les syndicats
peuvent le faire.
En fixant et en ayant un contrat unique pour toute la province, il me
semble qu'il est définitif que c'est d'imposer, premièrement, aux
commissions scolaires locales, un budget, comme le ministre l'a dit, c'est la
même chose au niveau local, pour les dépenses, les salaires qui
sont la dépense principale.
Et comme les commissaires locaux n'ont absolument rien à dire en
ce qui regarde les articles importants de la convention collective, en leur
remettant, sans avoir pris leur avis, un contrat dûment signé, il
est clair que leur autorité est par le fait même directement
diminuée.
Si le ministre envisage une décentralisation accompagnée
d'une décentralisation des relations de travail, cela me dit quelque
chose. Mais s'il me parle de décentralisation en conservant le
système de conventions collectives qu'on a dans le moment, et avec tous
ces professeurs représentés par un seul porte-parole, s'il garde
ce système comme tel, cela ne veut rien dire pour moi.
S'il parle de décentralisation et de remettre aux commissions
scolaires locales une initiative et une liberté d'action qu'elles n'ont
plus, il faudra bien qu'il me dise s'il va laisser ces commissaires taxer la
population et fixer leur taux de taxe. S'il me dit: Je décentralise,
mais c'est le ministère qui fixera le taux de la taxe, et les
commissaires n'auront pas le droit ou la liberté de dépenser,
pour moi, c'est une décentralisation qui ne veut absolument rien
dire.
C'est dans ce sens-là, et c'est en donnant de telles
explications, que le mot de décentralisation prend une signification
réelle. Autrement, cela reste au niveau des voeux pieux.
Toujours pour continuer dans le sens de l'importance des contrats et des
relations de travail, nous avons, par exemple, toute cette question de langue
seconde, la langue maternelle, surtout pour ce qui regarde le français,
on n'en parle plus. Tout le monde semble critiquer le genre d'enseignement
qu'on y donne.
Pour ce qui regarde l'enseignement de la langue seconde dans nos
écoles françaises, tout le monde sait que c'est catastrophique.
Il y a des milliers de professeurs dans le Québec qui enseignent
l'anglais, mais sans même en connaître ce qui est
élémentaire, qui n'en ont aucune connaissance. Mais qu'est-ce qui
peut amener une situation semblable, qui est absolument illogique? On paie des
fortunes au niveau des écoles publiques pour enseigner l'anglais. C'est
de l'argent absolument gaspillé. Mais est-ce que l'école existe
pour les professeurs ou si elle existe pour les enfants? Il faudrait bien le
savoir. Et ce qui amène les autorités à décider
qu'un professeur unilingue va enseigner une langue seconde, est-ce que ce n'est
pas sous l'impulsion et sous la pression du syndicat? Quelle autre raison y
aurait-il pour poser un geste aussi illogique?
M. Laplante: Vous êtes dur pour votre régime. M.
Saint-Germain: Pardon?
M. Laplante: Vous êtes dur pour votre régime.
M. Saint-Germain: Je parle au nom de la population. Je vous ai
dit que j'avais beaucoup de respect pour les ministres antérieurs de
l'Education, qu'ils soient de n'importe quel parti. Je peux vous les nommer ils
ont tous été de grands bonshommes. Mais ils se sont tués
au point de vue politique, et comme hommes, au point de vue administrateurs,
devant des forces quasiment impossibles à mettre au pas.
Vous avez toutes ces écoles techniques... Pour continuer sur la
langue seconde, ne serait-il pas plus logique de laisser les gens, les
professeurs de langue anglaise enseigner l'anglais dans nos écoles? Il
me semble que cela serait logique. Nos écoles anglaises ont de la
difficulté à avoir des professeurs de langue française.
Mais pourquoi les professeurs, dans notre système de langue
française, ne seraient-ils pas autorisés à enseigner dans
les écoles anglaises? Que M. le ministre essaie de vendre cela à
M. Charbonneau: Cela ne sera pas facile. On nous demande cela ici, à la
table, très facilement. On va coopérer avec lui à 100%.
Mais il essaiera d'aller chercher la collaboration de M. Charbonneau et de la
clique de la CEQ.
M. Alfred: La clique?
M. Saint-Germain: J'ai dit la clique, oui.
M. Alfred: J'en suis un.
M. Saint-Germain: Alors, vous faites partie de la clique.
M. Alfred: Je suis de la clique.
M. Chevrette: M. Saint-Germain, soyez au moins respectueux.
Le Président (M. Clair): A l'ordre!
M. Saint-Germain: Je suis très respectueux.
M. Chevrette: On peut exiger du décorum de la part de
l'intervenant, M. le Président.
Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Chevrette: Si le langage parlementaire est exigible pour
ceux...
M. Saint-Germain: M. le Président, pour la politesse dont
se sert M. Charbonneau vis-à-vis des hommes publics...
Une Voix: La politesse...
M. Saint-Germain: ...je puis me permettre de dire que c'est une
clique et je ne retirerai pas mes paroles, croyez-moi...
M. Chevrette: Comme ancien commissaire d'école, vous avez
formé une joyeuse clique.
M. Saint-Germain: ...parce que je pourrais me servir de termes
bien plus durs que cela, je suis même très poli.
M. Chevrette: Ce serait à la hauteur de votre prestige,
mon cher.
M. Alfred: C'est vous qui avez gâché les relations
de travail dans les écoles, monsieur.
M. Paquette: Avec des attitudes comme cela.
M. Alfred: C'était vous. Avec des gars comme cela, on ne
va pas améliorer le climat de travail dans les écoles.
Le Président (M. Clair): Messieurs...
M. Ciaccia: Question de règlement, M. le Président.
Le député de Jacques-Cartier avait la parole.
Le Président (M. Clair): Effectivement, messieurs. Pour le
bénéfice...
Une Voix: C'est un fait.
M. Alfred: Avec des gars comme vous...
M. Saint-Germain: M. le ministre a parlé...
Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous
plaît...
M. Saint-Germain: ...d'école technique.
Le Président (M. Clair): Un instant, M. le
député de Jacques-Cartier, s'il vous plaît! Pour le
bénéfice du journal des Débats, je suis convaincu que tous
et chacun d'entre nous, considérons que ce que nous disons est
important. Nous voulons que ce soit reproduit. Il faut éviter de parler
deux à la fois. Actuellement, c'est le député de
Jacques-Cartier qui a la parole. M. le député de
Jacques-Cartier.
M. Saint-Germain: Concernant l'école technique, on sait
pertinemment que dans l'industrie, les techniques évoluent à une
vitesse considérable, qu'il y a des changements constants. On sait
pertinemment qu'un homme qui se tient éloigné de l'industrie
pendant une dizaine d'années est déjà
dépassé.
Nous avons des professeurs actuellement dans les écoles
techniques qui ont très peu oeuvré dans leur métier, au
niveau de l'industrie privée; ils enseignent aujourd'hui, depuis dix ou
quinze ans, et jamais ils ne sont retournés à la production. Ne
serait-il pas logique... Il me semble qu'un professeur d'école technique
qui est compétent peut, aujourd'hui, enseigner et, demain, passer
à la production, sans aucune difficulté d'adaptation.
Et ce faisant, le professeur se tient au courant des techniques du jour.
Cela ne me semble pas si compliqué, mais vous essaierez d'inclure
cela
dans un contrat de travail, vous essaierez; vous essaierez, si vous
êtes encore là, lorsqu'on signera ce nouveau contrat, d'augmenter
la productivité. On compte le temps à la seconde, on l'a dit tout
à l'heure. On va continuer de compter le temps à la seconde,
même si on a changé de ministre. On va continuer.
Je ne veux pas, M. le Président, entretenir cette commission plus
longtemps, mais je vous dis que, d'après mon expérience, si j'ai
bien saisi la déclaration du ministre, il est loin d'être le seul
à détenir l'autorité au niveau de l'éducation,
à avoir les bonnes intentions qui le caractérisent et à ne
pas avoir réussi à faire sentir les effets de son action
jusqu'à l'écolier ou à l'étudiant sur le banc de
l'école ou à l'université.
J'espère qu'il aura plus de succès, mais j'aurais bien
aimé, comme je le disais tantôt, qu'il nous parle, dans sa
déclaration, des relations de travail que sous-tend notre système
d'éducation actuel. Ces relations de travail devront
nécessairement évoluer dans l'intérêt de la
population et surtout de nos jeunes.
M. Laplante: Serait-il indiscret de vous demander en quelle
année vous avez été commissaire, M. le
député de Jacques-Cartier?
M. Saint-Germain: J'ai été commissaire, il y a...
J'avais 28 ans.
M. Laplante: Dieu soit loué que ce ne soit pas
aujourd'hui.
M. Saint-Germain: Dans ce temps-là, même si les
commissaires d'école avaient relativement peu de responsabilités,
ils en avaient beaucoup plus qu'aujourd'hui. On fixait notre taux. On
était responsable des relations de travail au niveau de notre commission
scolaire. Ce sont des choses pour lesquelles les commissaires d'aujourd'hui ne
sont pas responsables; ou on est pour la décentralisation ou on ne l'est
pas; ou le système qu'on avait, qui était plus
décentralisé qu'aujourd'hui, était bon ou il ne
l'était pas, mais aujourd'hui, on est bien plus centralisé qu'on
ne l'était autrefois, vous pouvez être assurés de cela,
pour des raisons historiques qui sont valables. Qu'aujourd'hui, on veuille
revenir à la décentralisation, je suis d'accord, mais qu'on nous
dise bien ce qu'on entend faire...
Le Président (M. Clair): Le député de
Joliette-Montcalm.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: M. le Président, après ce que je
viens d'entendre, je vais changer complètement ce que je voulais dire.
Dans un premier temps, je voudrais affirmer que ce que j'ai entendu de la part
du ministre, c'est vraiment un nouveau départ, parce qu'il y a une
volonté ferme, une volonté politique ferme, d'en arriver à
des changements. Si tous les gouvernements précédents ont tou-
jours placé leur meilleur homme comme ministre de l'Education, en tant
que représentant du Parti québécois, je suis fier de
considérer qu'on a un ministre qui dépasse de cent coudées
les meilleurs de tous les autres partis antérieurs. Je voudrais vraiment
appuyer sur deux points pour ensuite parler des relations de travail, puisqu'il
faut en parler.
Je voudrais vous dire, M. le ministre, que même si vous ne
réussissiez pas à adopter entièrement toutes les
réformes annoncées, ce serait quand même à mes yeux
un nouveau départ, parce qu'il y a une volonté d'humaniser
l'école. Pour moi, c'est un objectif, ne serait-ce que le seul qui
serait réalisé, ce serait vraiment un nouveau départ,
puisque, par le passé, on a mis beaucoup plus d'argent dans le
béton qu'on en a mis pour humaniser' nos écoles. Nos
écoles polyvalentes, nos monstres de béton, comme disait si bien
le député de Jacques-Cartier ont rapporté plus, ont
rapporté beaucoup plus même à certains entrepreneurs amis
du système qu'à l'étudiant qui a à former sa
carrière professionnelle à l'intérieur de ces
écoles.
Je pense que cet objectif devrait faire l'objet d'une attention
constante. Qu'on réussisse à diviser ces monstres de béton
ou ces polyvalentes immenses en pavillons, qu'on réussisse à
créer des familles, qu'on réussisse à faire en sorte que
l'étudiant ne soit pas un numéro, mais qu'il soit
considéré comme un être humain, qu'on s'occupe de cet
être humain, qu'on sente vraiment que ce n'est pas que de l'instruction,
comme disait si bien le député de Gaspé, mais qu'il y ait
une forme d'éducation à l'intérieur de ces immenses
boîtes, personnellement, je serais heureux, non pas simplement comme
député, mais aussi comme père de famille qui a des enfants
qui passeront au secondaire prochainement. Ce serait déjà un pas
immense pour arriver à réussir beaucoup plus facilement des
réformes qui, dans l'immédiat, peuvent être difficiles
à concevoir et peuvent être difficiles à réaliser.
Si on démontre une volonté de réaliser cela sous une forme
de dialogue, non pas dans un esprit d'affrontement, comme on l'a vécu
depuis six ans, non pas dans une faiblesse de caractère, à un
point tel qu'on considère des présidents de centrales tellement
forts qu'on essaie de camoufler notre faiblesse par le fait même, dans un
discours à une commission parlementaire ou même en Chambre.
Qu'on arrête donc de voir des bibittes où il n'y en a pas;
qu'on arrête donc même de considérer des gens comme
immensément forts, qui contrôlent toute la masse des enseignants,
qui se foutent du bien de l'étudiant. C'est vraiment nier l'intelligence
collective des 75 000 ou des 90 000 enseignants de la province, que de
professer de telles attitudes. Qu'on accepte donc plutôt de dialoguer
avec eux. Qu'on ne cherche pas à les provoquer. Quand on aura
humanisé et qu'on aura compris que c'est un travail de collaboration
qu'on veut, quand les centrales syndicales auront compris cela, quand les
parents auront compris cette volonté politique d'humanisation, c'est
drôle
comme on aura plus de participation et plus de compréhension de
la part des parents, qu'on aura plus de participation et de
compréhension de la part des enseignants et qu'on verra peut-être
tout ce beau monde s'asseoir à une même table à discuter et
à dialoguer pour arriver à des réformes, et là,
elles s'appliqueront beaucoup plus facilement que face aux situations qu'on a
vécues depuis au moins six ans.
Je peux parler bien à l'aise des six dernières
années, parce que j'ai été moi-même
négociateur chef, devant d'éminents avocats, comme disait si bien
le député de Jacques-Cartier, qui ne comprenaient rien au
système d'éducation. On parlait de décloisonnement et ils
pensaient qu'il fallait jeter les murs à terre. Ce sont
d'éminents avocats qui connaissent très bien le système
d'éducation. Arrêtons donc de nous leurrer. Prenons donc des gens
qui connaissent ce qu'est une école, qui savent ce que c'est enseigner,
dispenser l'acte professionnel de l'enseignement, et qu'on ne les
considère donc pas uniquement comme des parasites du système,
désireux de s'approprier une sécurité d'emploi à
toute épreuve. Qu'on leur fasse confiance un peu. Donnez la chance, dans
une école ou au niveau d'une commission scolaire, à vos
enseignants de penser à des projets d'ordre pédagogique.
Ils vont oublier qu'ils ont dépassé 4 heures et quart et
ils vont se rendre à 5 heures et même à 6 heures. Ils vont
organiser des activités parascolaires. Vous allez avoir des professeurs
d'éducation physique qui vont faire de l'intramural en dehors des heures
d'école. Cependant, bien sûr, ce n'est pas par la provocation
télévisée ou radiodiffusée ou encore par les
journaux, comme on l'a fait depuis six ans. Au contraire, l'effet était
négatif. Quand vous perdiez votre temps à provoquer Charbonneau,
Laberge et Pepin, vous leur donniez de la sympathie, parce que les membres se
retournaient et disaient: S'ils ont si peur de Charbonneau, s'ils ont si peur
de Laberge et de Pepin, ça doit être parce qu'on a des bonshommes
qui nous défendent. Ils se tournaient de bord et les appuyaient.
Je ne suis même pas certain que vos leaders du temps ne
recherchaient pas cet impact, parce qu'ils auraient dû être assez
intelligents pour le savoir, s'ils ont été premiers ministres ou
s'ils ont été ministres, comme vous le disiez si bien, et que
vous choisissiez les meilleurs hommes. C'est pour ça qu'en
qualité, on n'a pas de complexe en ce qui nous regarde; surtout
qu'à se regarder, on se désole; mais, quand on se compare, on se
console. Dans notre cas, on se console en maudit! Excusez l'expression; pour
les fins du journal des Débats, vous pouvez enlever le dernier mot.
M. le Président, je voudrais cependant souligner une chose que le
ministre a soulignée, mais peut-être pas avec assez d'insistance;
c'est au niveau de la formation professionnelle.
Personnellement, je suis énormément affecté par
l'enseignement professionnel à cause de ma fonction au ministère
du Travail, et je suis inquiet de voir qu'on forme énormément de
spécialistes, au niveau de l'enseignement professionnel, non pas
uniquement dans les commissions de formation professionnelle, non pas
uniquement dans les centres de main-d'oeuvre, aux CEGEP, mais même dans
nos commissions scolaires. On forme des spécialistes à la tonne
en électricité de la construction, en plomberie ou en quoi que ce
soit, et je ne suis pas certain que les professeurs d'information scolaire ou
nos conseillers en orientation je ne veux pas porter une attaque directe
à ces clientèles bien spécifiques remplissent
adéquatement leur devoir de ce côté.
On a une obligation morale, au moins, de dire à nos jeunes: Tel
secteur du marché du travail est inondé présentement. Tu
es libre de choisir quand même ce corps de métier, cette
profession. Mais, au moins, on devrait les aviser vraiment de la situation
exacte du marché du travail. Je suis peiné de voir qu'on a des
jeunes qui n'ont même pas pu obtenir, l'an dernier, des permis de travail
ou des carnets d'apprentis pour oeuvrer dans le domaine de la construction ou
même pour oeuvrer dans l'industrie, parce qu'ils ne sont pas capables
d'obtenir des permis de travail. C'est un problème assez complexe,
d'autre part, et je sais que le ministère du Travail a beaucoup à
faire avec le ministère de l'Education là-dessus.
La formation professionnelle, à toutes fins pratiques,
relève de l'Education, mais, quand on sait que le pendant sur le
marché du travail relève du ministère du Travail, il
faudrait une coordination beaucoup plus grande entre les deux
ministères. Vous avez souligné qu'il y aurait une approche entre
les deux ministères. Moi, je crois qu'elle est urgente, parce qu'on ne
peut plus continuer à berner les jeunes et à former des
chômeurs de luxe comme on le fait présentement; d'autant plus que,
depuis 1960, on leur crie par la tête, et j'ai été un de
ceux... Parce que moi, j'ai enseigné. Je n'ai pas eu l'avantage
d'être commissaire d'école. J'ai enseigné et je sais
combien de fois on a dit aux jeunes: Qui s'instruit s'enrichit. On les a
probablement enrichis sur le plan intellectuel, mais je vous dis que,
pécuniairement parlant, les jeunes sont joliment frustrés. Le
nombre de "dropouts" s'explique par le fait même quand on voit tous les
slogans publicitaires qu'on leur a donné au niveau de l'éducation
et les situations qu'on vit présentement, depuis quelques années;
ce n'est pas un cadeau pour le jeune qui sort de l'école.
Là-dessus, moi, je pense que j'en ferais une priorité au
niveau du ministère, pour tâcher de faire en sorte qu'au niveau de
l'information scolaire ou au niveau des conseillers en orientation, on attache
beaucoup de soin à cette information soutenue auprès des jeunes
qui ont à s'orienter dans tel ou tel secteur de l'enseignement
professionnel, tout au moins.
Il y a un autre aspect que je voulais toucher assez brièvement,
c'est la question de la participation des parents. J'en ai parlé un peu
dans mon envolée de départ, parce que j'étais passablement
fâché, mais je reviens graduellement à de meilleurs
sentiments, M. le Président. Mais moi, je crains toutes sortes de
mécanismes, toutes sortes
de politiques au niveau de la participation. Cela devient un "bag",
comme on dit communément au Québec. Faisons participer tel
groupe. Faisons participer tel autre groupe. Il y a un extrême danger...
J'ai eu la chance de vivre l'élection de comités d'école
dans plusieurs écoles, de par les fonctions que j'occupais
antérieurement.
Bien souvent, il n'y avait pas le nombre de parents dans la salle
correspondant au nombre de postes disponibles pour les comités
d'école, et ça m'a toujours frappé quand on a lancé
des politiques en disant: On va faire participer les parents.
Il faudra vraiment faire en sorte que s'il y a des parents qui
accèdent au poste chose que je souhaite qu'au moins ils
représentent une forte proportion des parents impliqués.
Sinon, cela sera pire. En voulant bien faire, on risque de se retrouver
dans une situation de non-représentativité ou une
représentativité pire que celle des commissaires d'école
eux-mêmes où la population vote à peine à 15%, 20%,
25%.
Personnellement, je pense qu'il faudra se pencher sur des
mécanismes permettant aux parents impliqués, une très
grande information au préalable et un désir de participation
basé sur une motivation antérieure donnée par les
responsables de l'éducation parce qu'autrement, on ne corrigera pas
grand-chose.
Dernier point, M. le Président. Quant aux relations de travail,
on oublie qu'elles ne relèvent pas du ministère de l'Education.
On oublie que les négociations collectives dans le secteur de la
fonction publique relèvent du ministère de la Fonction publique.
Je sais pertinemment que le ministre fait partie d'un comité et
déjà, on n'a pas attendu d'être menacé en commission
parlementaire ou d'avoir toutes sortes d'envolées plutôt
provocantes, déjà le comité est à l'oeuvre. Il y a
déjà eu une réunion. Il a déjà les
instruments de travail. Il y a d'autres réunions de prévues
dès la semaine prochaine et nous cherchons des mécanismes
souples, des mécanismes qui permettront aux parties de se parler avant
même l'adoption de lois-cadres théoriques, sans consultation
préalable.
Je pense que c'est cela qui caractérise cette volonté
politique de ce côté-ci de la table, d'en arriver à un
changement de mentalité et avoir cette volonté politique d'un
changement de mentalité aussi en profondeur, c'est tout un
départ. Ce n'est pas seulement un nouveau départ, mais c'est tout
un départ.
Le Président (M. Clair): Le député de
Mont-Royal.
M. John Ciaccia
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je voudrais apporter
quelques remarques sur les propos que plusieurs des députés ont
déjà soulignés. Il y a eu beaucoup de points de
soulevés sur les propos du ministre.
Le député de Rosemont, par exemple, a
référé au système scolaire avant 1960 du fait qu'il
était peut-être un peu répressif, qu'il n'induisait pas
à la liberté, à l'ouverture d'esprit. Peut-être
peut-on être d'accord avec lui, spécialement ceux qui ont fait
partie de ce système avant 1960. La portée de mes remarques n'est
pas pour critiquer les gens qui dirigeaient ce système à ce
moment. Cela fait partie de l'évolution de notre société.
Il est important de comprendre ce qu'il est arrivé, pour essayer
d'éviter les mêmes pressions, les mêmes erreurs, la
même mentalité répressive de cette époque. Parce
qu'une société, pour s'épanouir, pour faire sortir le
meilleur de chaque élève doit le faire dans un esprit de
liberté individuelle et quand il s'agissait d'une philosophie ou de
certains propos intellectuels avant 1960, même les étudiants
à cette époque ne sentaient pas qu'ils avaient cette
liberté individuelle.
Il y avait une direction dans laquelle nous pouvions aller. On pouvait
poser des questions sur certains sujets, mais pas sur d'autres. On ne pouvait
pas poser des questions, par exemple, sur la religion. C'est un sujet dans
lequel on nous disait ce que nous devions penser et, même aujourd'hui, on
permet, parmi les jeunes, au moins, de soulever certaines questions qui leur
viennent à l'esprit.
Alors, avant 1960, c'était plus difficile et on sentait un genre
de pression autour de nous, non seulement au niveau des professeurs, qu'ils
soient laïcs ou religieux.
Il y avait une pression de leur part à ne pas vouloir soulever
ces questions, mais on en imprégnait même les étudiants
qui, eux aussi, ne regardaient pas d'un bon oeil certaines questions,
spécialement au niveau secondaire, là où on commence
naturellement à poser des questions. Si les étudiants voyaient
que quelqu'un voulait poser des questions ou soulever certains propos,
même eux se rangeaient contre lui. On voit cela à plusieurs
moments de notre histoire. On le voit, au XIXe siècle, vers 1850, quand
l'Institut canadien, qui venait de commencer, s'était donné pour
but de discuter certains sujets qui étaient prohibés, par
exemple, les livres à l'index; on voulait avoir le droit de les lire. A
ce moment-là, il y a eu des pressions et on a même fait des
procès à ce sujet à la société à
laquelle Sir Wilfrid Laurier a appartenu. Ce n'est pas sans difficulté
que des individus sont allés contre le courant et ont voulu s'opposer
à cette façon d'agir et de penser. A ce moment-là, la
raison qui était donnée pour être contre l'Institut
canadien, par exemple, c'était que cela irait contre la survivance de la
culture, contre la survivance des Canadiens français au Québec.
On identifiait la religion et la survivance de la culture et de la race, on les
plaçait dans la même optique.
Je suis d'accord avec le député de Rosemont qu'il faut
éviter cette répression, cette régression, ces
méthodes répressives à l'esprit. La seule mise en garde,
la seule précaution que je proposerais, ce serait de ne pas remplacer
cela par d'autres philosophies, d'autres idées, un autre genre de
religion aussi au niveau des écoles. Au lieu d'avoir certaines pressions
au niveau de la religion comme cela existait avant 1960, on prend une autre
religion, on attache une importance quasi religieuse à certaines
philosophies et on crée les
mêmes pressions aujourd'hui sur les jeunes, sur d'autres sujets
que ceux qui avaient effet sur les jeunes avant 1960. Il semble y avoir une
tendance à ne pas avoir cette diversité d'opinions et ce serait
malheureux si les jeunes d'aujourd'hui et je crois que c'est dans cette
optique de liberté que le ministre devrait envisager l'administration de
son ministère ressentaient encore la pression d'une telle
façon de penser et cette impuissance à pouvoir s'exprimer parce
que ce n'est pas l'idée courante. Que ce soit une religion ou que ce
soit un objectif politique, il ne faudrait pas en faire la seule raison
d'être ou la seule façon de penser. Je crois que nous devons
passer par les mêmes étapes qu'en 1960, alors qu'on a
essayé d'ouvrir l'esprit des jeunes, qu'on a essayé de leur
donner cette liberté individuelle. On les a encouragés à
poser des questions sans pression de part et d'autre. Il ne faudrait pas
retourner aux années d'avant 1960, pas quant au contenu, mais quant
à la méthode de procéder, quant à la
difficulté qu'on crée ou bien aux pressions, au point où
les professeurs ou un groupe d'élèves, parce qu'ils sont
influencés par les professeurs, ne veulent pas soulever certaines
questions parce qu'ils subissent cette pression. Il ne faudrait pas remplacer
une religion par une autre au détriment de l'esprit individuel et de
l'initiative individuelle, au détriment de la possibilité de
poser des questions, de vraiment chercher les réponses aux questions et
aux problèmes qui sont soulevés aujourd'hui et
spécialement aux problèmes qui sont soulevés
résultant de l'élection du Parti québécois, le 15
novembre.
Il faudrait que chacun de nous ait la liberté, ne sente pas une
pression de penser d'une certaine façon parce que dans notre milieu on
pense de même, parce que ça ne serait pas bon... Que ce soit
l'idée de l'indépendantiste ou d'un autre. D'une part ou de
l'autre, je serais contre cette imposition d'idée.
Vous vouliez demander...
M. Paquette: Je voudrais poser une question: Par exemple, est-ce
que vous trouveriez que c'est tomber dans ce même travers qui existait
dans les années 60 si, à un moment donné, un professeur
d'histoire ou de science humaine, présentait les données sur la
différence de revenus entre francophones et anglophones au
Québec? Je pense qu'il faut que les jeunes connaissent la
réalité aussi.
M. Ciaccia: Si c'est basé sur des informations
réelles...
M. Paquette: Je donne un cas précis.
M. Ciaccia: Oui, exactement. Si ce ne sont pas des statistiques
faussées, il faut que la vérité soit apprise aux jeunes
d'un côté ou de l'autre. Il ne faut rien cacher d'une façon
ou de l'autre.
Non, croyez-moi, je ne suis pas pour la propagande d'un genre ou d'un
autre. Je crois que les jeunes vont avoir assez de raison, de maturité
dans leur approche, pour pouvoir prendre des décisions qui ne leur
seront pas imposées. C'est ça, la crainte, c'est de prendre des
décisions qui leur sont imposées.
L'autre remarque que vous avez faite, c'est que nous avons une
société cloisonnée. Malheureusement, c'est trop vrai, nous
avons encore les deux solitudes. Je me demande comment... Il me semblerait que
ce serait au niveau de l'éducation que nous pourrions changer ces
mentalités, d'une part ou de l'autre. Je me demande ce que le
ministère de l'Education, ce que les commissions scolaires pourraient
faire en termes d'échanges de programmes entre les deux
communautés. J'assiste souvent à des échanges culturels,
des gens de l'Europe viennent ici, des gens d'ici vont en Europe; il me semble
que le besoin le plus important serait d'avoir des échanges entre nous,
peut-être que les gens de Chicoutimi viendraient à Mont-Royal et
vice versa.
Je pense que s'il y avait des programmes de ce genre... Je ne sais pas
s'il y en a, peut-être que oui, le ministre pourrait nous en informer
plus tard. Je croirais que pour le bien de notre société, nous
aurions plus de bénéfices à retirer en essayant de
promouvoir la communication entre les deux groupes plutôt que la
division.
M. Morin (Sauvé): M. le député, avant de
communiquer avec Chicoutimi, il ne serait pas mauvais de communiquer avec l'est
de Montréal et là, vous rencontreriez une terrible clôture
sur votre chemin.
M. Ciaccia: J'ai donné ça comme exemple, mais
ça pourrait être l'est de Montréal, l'ouest; quand
même, c'est seulement un exemple. Mais vraiment, c'est ce que voulaient
dire les deux groupes.
M. Paquette: On pourrait ouvrir la clôture de la ville de
Mont-Royal pour l'occasion.
M. Ciaccia: C'est vrai, sur le boulevard l'Aca-die, en effet,
peut-être que ça va venir avec le temps ça aussi. On va
éduquer des deux côtés.
Aussi, il y a une crainte dans ce cloisonnement; vous avez parlé
d'un système unifié, ce que craignent les minorités, c'est
l'impression d'un manque de tolérance, cet esprit de manque de
tolérance. Ce n'est pas une réponse à leur donner que de
dire: Dans les autres provinces, les minorités sont traitées
moins bien que les minorités au Québec.
Je crois que personne ne va nier ça, certainement pas moi, que
les minorités au Québec ont toujours été
très bien traitées, légalement, au point de vue social,
économiquement, elle n'ont pas de reproches à faire au
gouvernement. Mais il ne faudrait pas aller en arrière et du fait
qu'elles ont eu ces avantages d'être traitées avec
égalité, parce que les développements politiques
aujourd'hui semblent être un peu difficiles, se référer aux
conditions dans les autres provinces; ce n'est pas vraiment une réponse.
Je sais que des fois c'est provocant, vous vous êtes
référé à votre rencontre de West Island, mais il ne
faut pas se laisser provoquer; des deux côtés, il ne le faut pas.
Je
pense que, si on pouvait donner cette attitude, avoir un respect et une
dignité, même pour les minorités, ça porterait
profit aux deux côtés.
L'autre sujet que vous avez mentionné dans votre discours
peut-être n'a-t-il pas été mentionné c'est la
question des immigrants. On se demande pourquoi les immigrants ont toujours
été attirés par les écoles anglophones,
plutôt que par les écoles francophones. Je crois qu'il y a
plusieurs raisons à cela. Il ne faut pas toujours blâmer les
immigrants eux-mêmes. Dans le contexte actuel, il serait trop facile et
trop dangereux de donner l'impression que les immigrants ne veulent pas
s'intégrer à la majorité de la province et veulent
s'intégrer plutôt au milieu anglophone, pour des raisons
économiques ou autres.
Personnellement, je crois que c'est faux. Les immigrants, ceux que je
connais, les groupes que je connais, veulent s'intégrer au secteur
francophone. Mais dans le passé, ils ont eu beaucoup de
difficultés. Il y a eu des refus, de la part des écoles
francophones, par exemple, d'admettre les immigrants.
Encore une fois, je ne veux pas blâmer les autorités de ce
temps, qui peuvent avoir pris ces décisions, mais c'est un fait à
constater. Il y avait une question de religion. Tous ceux qui n'étaient
pas catholiques, qui parlaient français ou autre, étaient
obligés d'aller aux écoles protestantes, aux écoles
anglaises. Même les gens qui parlaient français, mais qui
n'étaient pas catholiques, ne pouvaient pas fréquenter les
écoles francophones.
Or, le ministère se doit d'expliquer cette situation, parce que
dans le milieu immigrant, il y a maintenant une confusion et il y a un peu
d'hostilité de voir ce changement tout d'un coup, de vouloir obliger les
immigrants, après tant d'années de refus, un changement
soudain...
L'autre aspect que les immigrants craignent cela revient à
l'enseignement de la langue seconde c'est d'être unilingues; ils
ne veulent pas être unilingues. C'est bien simple. Ils n'ont aucune
objection à s'intégrer au milieu francophone, mais ils veulent
être certains que quand ils vont sortir des écoles francophones,
ils ne seront pas handicapés, qu'ils auront eu la possibilité
d'avoir appris l'anglais, en plus du français. C'est un endroit
où il existe beaucoup de confusion. On dit toujours: Oui, nous allons
améliorer l'enseignement de la langue seconde. Peut-être
pourrait-on revenir sur ce sujet. J'aimerais vous poser quelques questions sur
ce sujet, M. le ministre.
Dans le passé, il y a toujours eu de bonnes intentions de ce
genre. Il y a d'autres ministres aussi qui ont dit cela. Mais cela n'a pas
porté fruits. Avant de critiquer, comme quelques députés
ont semblé faire, notamment le député de Jacques-Cartier,
je ne sais pas comment on peut blâmer certains syndicats pour ces
situations. Je ne sais pas, mais il semble que c'était pour des raisons
syndicales. C'est des deux côtés. Ce n'est pas seulement la CEQ,
ce sont aussi les syndicats des écoles catholiques anglaises, par
exemple. Ils craignent certaines politiques, pas nécessairement parce
que cela ne sera pas bon pour les étudiants, mais cela va affecter les
membres de leur profession. C'est quelque chose que nous devons prendre en
considération d'une façon réaliste. Cette confusion et
cette hostilité, le ministère devrait essayer de les faire
disparaître et expliquer clairement ce que votre ministère va
faire pour redresser la situation, pour redonner confiance aux immigrants, dans
le système actuel, dans le système francophone de
l'intégration au milieu francophone.
Je crois que c'est un devoir du ministère, parce que, dans le
passé même, l'immigration, les vues sur les immigrants, par les
francophones, ne symbolisaient pas une atmosphère d'accueil. On porte
beaucoup plus d'efforts maintenant. Il y a des centres d'accueil, il y a toutes
sortes de politiques que le gouvernement tente de faire, parce qu'il a
réalisé la grande importance de l'immigration et la
nécessité de faire ce genre de programme.
Je crois que, du côté du ministère de l'Education,
il y aura le même travail à faire, le même devoir, en termes
d'éducation, d'information pour enlever cette confusion et expliquer et
donner une assurance aux immigrants quant au type d'éducation qu'ils
vont avoir.
Le Président (M. Clair): Le ministre de l'Education.
Réponse de M. le ministre
M. Morin (Sauvé): M. le Président, la discussion
générale a porté sur un grand nombre de sujets. Je
n'aurais pas la prétention de répondre à toutes les
questions qui ont été soulevées. D'autre part, je pourrais
aussi, très facilement, m'étendre pendant des heures sur toutes
les considérations qui ont été énoncées. Je
tiens à le dire, je fais mon bien de tout ce qui a été dit
de part et d'autre de cette table.
Peut-être dois-je cependant retenir quelques-unes des questions
qui ont été évoquées par plusieurs intervenants. Je
pourrais par exemple dire quelques mots sur les buts de l'éducation, le
type de formation que nos écoles devraient offrir. Faut-il favoriser la
formation générale ou la spécialisation? Faut-il mettre de
l'avant la capacité d'adaptation de l'élève ou sa
capacité de gagner sa vie de façon immédiate? C'est un
premier thème sur lequel je voudrais faire valoir quelques
considérations; deuxièmement, quelles sont les
responsabilités des parents dans l'école? Plusieurs intervenants
avaient des observations à faire là-dessus; troisièmement,
la question de l'encadrement au secondaire; quatrièmement, les lacunes
du secteur professionnel; cinquièmement, la formation des maîtres;
sixièmement, les relations de travail, lesquelles nous guettent,
puisque, dès 1978, nous aurons une négociation, dans le secteur
des enseignants protestants notamment.
Mme Lavoie-Roux: Le secteur anglo-catholique.
M. Morin (Sauvé): Oui, anglo-catholique. Vous avez raison,
Mme le député. Je pourrais égale-
ment, mais j'attendrai à demain matin de façon à
avoir tous les chiffres à portée de la main, commenter les
interventions qui portaient sur les conséquences de la
dénatalité par rapport au sort des enseignants.
Tout d'abord, pour ce qui est du type de formation qu'on doit dispenser
dans nos écoles, faut-il former ou faut-il spécialiser? Faut-il
instruire ou éduquer? C'est une façon comme une autre de
résumer ce vaste débat qui, dois-je le rappeler, est aussi vieux
que le monde. La commission parlementaire n'a pas découvert ce
problème; il existe depuis bien longtemps, mais cela ne me dispense pas
évidemment d'y réfléchir et peut-être d'apporter
quelques éléments de discussion.
C'est surtout aux niveaux secondaire et collégial que la question
se pose, parce que, au niveau primaire, cela ne pose pas à vrai dire,
à l'heure actuelle, de difficultés majeures. On assure à
ce niveau la maîtrise des langues et des mathématiques. On tente
d'amener l'enfant à se situer par rapport à son milieu social,
géographique. On tente d'inculquer une certaine éducation morale
à l'enfant. C'est surtout au niveau secondaire que se pose la question
de savoir si on doit spécialiser l'enfant ou retarder le plus possible
cette spécialisation.
L'école doit-elle former plutôt que d'assurer une carte de
compétence, pour dire les choses de la façon la plus
concrète possible? En ce qui me concerne, je puis dire que j'aurais
tendance tout le monde ne sera pas nécessairement d'accord
à retarder le plus possible la spécialisation. Cependant, je
reconnais qu'une certaine partie de la clientèle a besoin, vers la fin
du secondaire, d'une bonne initiation à la pratique d'un métier
et cela pour plusieurs raisons.
D'abord, certains ont le talent pour exercer ces métiers, et
d'autre part, il ne faut pas oublier que cette clientèle scolaire va
déboucher sur le monde économique qui est le nôtre,
difficile et qui repose avant tout sur la petite et la moyenne entreprises,
lesquelles, vous le savez, ne sont pas toujours en mesure d'assurer la
formation immédiate de leur personnel. La grande entreprise trouve plus
facile de spécialiser elle-même son personnel, et même de le
recycler, à l'occasion, tandis que la petite et moyenne entreprises,
elles, nous réclament des gens tout formés qu'elles peuvent, pour
ainsi dire, diriger directement vers les machines. De cela, naturellement, un
ministre de l'Education qui se veut responsable devant la population, ne peut
pas ne pas tenir compte.
Où se trouve l'équilibre entre cette formation
professionnelle qu'il faut donner aux enfants et cette capacité
d'adaptation qu'il faut également leur donner? Voilà qui n'est
pas facile. Ma tendance est de dire: Donnons plutôt aux enfants la
capacité de s'adapter à un monde du travail qui est changeant,
plutôt que de tenter de leur donner une carte de compétence au
sortir de leurs études.
Au niveau collégial, le problème n'est pas
différent dans sa structure. On peut dire qu'au secteur
général, il s'agit de compléter la solide forma- tion de
base nécessaire aux études universitaires, tandis qu'au
professionnel, il faut assurer une formation technique ou technologique
nécessaire à l'exercice de certaines professions, et de
manière immédiate.
Nous allons vers un monde qui, je pense, sera bien différent de
celui que nous avons connu par le passé. Les études, à
venir jusqu'à ces dernières années, constituaient presque
un certificat d'entrée sur le marché du travail. Il y a dix ans
encore peut-être sept ou hui c'était le cas, et
à peu près à n'importe quel niveau de l'éducation.
Désormais, il n'en va plus ainsi.
Certains économistes nous disent qu'en Occident, si ce n'est dans
l'ensemble du monde, la production va requérir les services d'un nombre
décroissant d'hommes et de femmes de sorte que des machines remplaceront
les hommes de plus en plus. L'automation, qui est un bienfait à bien des
égards, entraînera des inconvénients du point de vue du
marché du travail. Il va falloir réajuster nos flûtes par
rapport à un monde du travail qui ne sera plus celui du
passé.
Il ne m'appartient pas de philosopher sur la façon dont on devra,
peut-être, dans l'avenir diviser le travail entre les hommes et entre les
femmes. Peut-être le droit au travail, un jour, deviendra-t-il
interprété comme le droit pour chaque homme d'avoir sa part d'un
nombre d'heures de travail qui diminuera sans cesse pour produire la même
quantité de biens de consommation. Je ne veux pas m'étendre
là-dessus. Je veux plutôt examiner les conséquences que
cela peut avoir pour l'éducation, en particulier. Faut-il contingenter
dans le domaine de l'éducation? C'est une question qui se pose au niveau
universitaire de façon très aiguë, déjà, en ce
moment.
A mon avis je donne un sentiment personnel je crois qu'on
doit, que c'est notre responsabilité d'indiquer aux étudiants et
aux élèves les débouchés qui se présentent
à eux. On doit les orienter, mais je crois également, qu'on ne
doit pas restreindre l'accessibilité aux études pour les jeunes
qui ont le talent et le goût d'exercer tel métier ou telle
profession.
On devrait plutôt, sans doute, agir de façon qu'il soit
clair que désormais, les études ne seront pas faites
essentiellement en fonction d'un marché du travail trop changeant, mais
qu'elles seront destinées à répondre à un droit
inhérent à chaque être humain de se former et de
s'accomplir le plus parfaitement possible.
Je pense que c'est cela, finalement, le but de l'éducation. Je ne
sais pas si cela correspond aux idées de M. le député de
Gaspé, mais, à mon avis, former exclusivement pour le
marché du travail, nous conduit à des déconvenues
terribles, parce que pendant les trois ans où l'on rédige des
programmes, le marché du travail a déjà changé, et
trois ans plus tard, il sera peut-être revenu à l'état
où il se trouvait il y a plusieurs années, de sorte qu'il faut se
donner des services permettant d'identifier les débouchés pour
les étudiants.
Ce n'est pas tout. Il faut leur dire: Ne choisissez pas votre formation,
votre apprentissage, en
fonction strictement d'un marché du travail à propos
duquel nous ne pouvons vous donner aucune garantie.
Notre souci, à l'Education, doit donc être, en premier
lieu, à mon avis, de former, de donner une formation suffisamment large
pour que l'élève, que l'étudiant puisse avoir accès
au plus grand nombre possible de postes dans le secteur général
qui est le sien. Et puis, il y a l'éducation permanente qui va
maintenant, sans doute, si le ministère arrive à mettre en oeuvre
certains de ses projets, quelque peu coûteux, il faut le dire,
résoudre en partie ces problèmes de main-d'oeuvre changeante, de
marché du travail changeant, J'éduca-tion permanente étant
désormais conçue comme étant une sorte de droit de chaque
citoyen, constamment, de compléter sa formation, de se perfectionner en
fonction du travail qui l'intéresse.
Je ne sais, M. le Président, si je puis m'étendre encore
longuement sur cette question. Elle comporte des aspects philosophiques qui
sont difficiles à traiter. Mais, à tout prendre, je
préfère opter pour la liberté de l'élève, de
l'étudiant, devant les choix qui se présentent à lui, que
de lui imposer une conception de l'éducation essentiellement axée
sur le marché du travail; ce n'est pas là libérer
l'étudiant ou l'élève, c'est l'enfermer dans des
catégories, c'est le confiner dans des instruments de travail qui,
peut-être, par la suite, ne lui serviront pas.
Je sais qu'il y a loin de la parole aux actes, et je suis parfaitement
conscient que ce n'est pas aisé de mettre en oeuvre ce que je viens de
dire. Néanmoins, je pense que ce devrait être une orientation
fondamentale du ministère, et qu'on devrait plutôt aller dans ce
sens plutôt que dans la spécialisation à outrance. Certains
députés voudront peut-être me faire là-dessus des
représentations additionnelles, et je suis tout à fait
disposé à en discuter. Je n'ai pas le monopole des bonnes
idées.
Pour ce qui est maintenant de la responsabilité des parents
à l'égard de l'école, plusieurs en ont parlé. J'ai
déjà indiqué à quelques reprises de quelle
façon je m'orientais. Le but poursuivi par le gouvernement, de
façon très générale, c'est de remettre
l'école dans son milieu et, forcément, pour accomplir cela, il
faut également "mettre le milieu dans l'école". Ce n'est pas une
tâche facile non plus. Certains députés ont fait allusion
à la difficulté de mobiliser les parents à la base en vue
d'obtenir d'eux une contribution à l'école. C'est une
difficulté tout à fait réelle, dont beaucoup de
comités de parents se plaignent d'ailleurs. On peut, par
hypothèse, imaginer que l'une des raisons de ce manque
d'intérêt, c'est que les parents n'ont aucun pouvoir, à
l'heure actuelle, en vertu de la loi 27. Plusieurs m'ont dit: "Ecoutez!
Après un an d'efforts, après m'être fait offrir de
m'occuper des tombolas, j'ai commencé à penser que je perdais mon
temps." Je ne suis pas prêt à leur donner tort dans tous les cas.
Par ailleurs, dans certaines écoles où les principaux
étaient particulièrement intelligents et ouverts, ils ont
organisé la participation réelle des parents et ça marche!
Peut-être faudrait-il dire, comme le député de Ro- semont,
que c'est selon les milieux et que toutes les régions et milieux
scolaires ne sont pas tout à fait au même diapason; il faut en
tenir compte.
Toujours est-il que mon intention là aussi, il y a loin de
la parole à la réalisation serait de dire aux parents
je le leur disais samedi dernier, lors du congrès de la
Fédération des comités de parents. "Nous voulons vraiment
que vous ayez un rôle, une participation réelle aux
décisions dans l'école". Peut-être pas à toutes les
décisions cependant. Il faut peut-être en sélectionner
quelques-unes pour commencer, en vue de juger les résultats selon les
milieux, mais les parents ne pourraient-ils pas être
intéressés à la vie de l'école, à tout ce
qui touche la vie de l'école, aux principes de discipline, au choix de
certains accents à donner à l'école? Doit-elle être
une école qui met l'accent sur les arts ou sur le sport et quelles
options devraient être retenues, au niveau secondaire notamment? Tout
cela, dans une perspective de diversification de l'école, comme
plusieurs y ont fait allusion.
Faut-il également faire une place aux parents dans les
commissions scolaires? Je l'ai suggéré, avec un succès
mitigé auprès des commissions scolaires, mais avec un
succès certain chez les parents. Cela correspondrait, en quelque sorte,
à assurer la présence des usagers dans la commission scolaire,
peut-être, au début, tout à fait modestement par un
représentant des parents, mais avec droit de vote au moment des
décisions.
La décentralisation que nous envisageons ira au-delà de la
commission scolaire, nous voulons la pousser jusqu'à l'école.
J'ai demandé aux parents comment ils envisageaient leur participation
aux décisions dans l'école et j'ai posé la même
question à la Fédération des commissions scolaires et
à divers enseignants rencontrés. La réponse est que la
situation semble mûre pour mettre ensemble parents, enseignants et
administrateurs en vue de définir l'école en fonction de son
milieu. Encore une fois, ce n'est pas aisé et, là-dessus, je
pense que le député de Rosemont a raison. Il va peut-être
falloir que nous ayons des solutions souples, adaptables aux régions,
aux commissions scolaires et aux écoles. Je ne sais quel
député a fait allusion aux problèmes de la base
était-ce le député de Jacques-Cartier? aux
problèmes des parents de la base. Je suis d'accord: II faut que les
comités d'école trouvent le moyen de se faire appuyer solidement
par leur base, de façon que ces comités ne soient pas de petites
chapelles, comme on le voit à l'occasion; cela, je l'ai dit en toutes
lettres à la Fédération des comités de parents. Il
faut que ceux-ci aillent chercher leur base. Bien sûr, une fois qu'ils
auront, de façon évidente, un droit de participer activement aux
décisions, cela sera sans doute plus facile. Les parents se convaincront
qu'ils ont vraiment quelque chose à dire dans leur école, ce qui
n'est pas le cas à l'heure actuelle, sauf exception.
Troisièmement, j'aborde la question de l'encadrement au
secondaire. Elle est fort importante, effectivement, et je dois vous dire que
j'y ai consacré passablement de temps depuis que je suis au
ministère.
D'une part, il y a eu des améliorations au niveau de la nouvelle
convention collective. N'en déplaise au député de
Jacques-Cartier, la dernière convention collective comportait certains
avantages sur le plan de l'encadrement et de la qualité de
l'éducation dans l'école.
M. Saint-Germain: Tant mieux, M. le Président. Tant
mieux.
M. Morin (Sauvé): Nous devons cela à l'ancien
gouvernement! C'est déjà quelque chose. Je pense que le
député ne refusera pas le compliment.
M. Saint-Germain: Non...
M. Morin (Sauvé): Bon. Quand on prend les avantages, il
faut aussi prendre certains inconvénients du système et personne
ne nie qu'il en existe et que le système soit imparfait. Je reviendrai
tout à l'heure d'ailleurs, à la question des relations de
travail.
Dans la nouvelle convention collective, pour la première fois, on
parle d'encadrement; on parle de cours de récupération,
d'activités autres que des activités d'apprentissage. Bref, il y
a eu un certain déblocage et sans doute est-il dû, en partie, aux
préoccupations des enseignants. Ceux-ci peuvent assurer une
présence auprès des étudiants en dehors des 1000 minutes
d'enseignement et des 1000 minutes d'encadrement, étant donné
qu'ils doivent être disponibles 27 heures par semaine dans
l'école. Certaines commissions scolaires je songe en particulier
à Chambly, à la CECM dont Mme le député
était responsable, il n'y a pas si longtemps font des
expériences en fait d'encadrement et nous sommes, en ce moment, à
étudier celles qui ont connu un certain succès, notamment
à Chambly. Nous étudions ces projets, ces expériences
pilotes et nous serons bientôt en mesure, je pense, de répondre
favorablement à certains de ces projets. Et si, par exemple, la CECM
voulait adopter des solutions comme celles de Chambly, de créer dans
l'école polyvalente des groupes restreints de 500 ou 600
étudiants...
Mme Lavoie-Roux: ... M. le ministre et plus petit que 500 ou 600
d'ailleurs...
M. Morin (Sauvé): Oui, sans doute, mais pas de
façon étendue. Tant mieux, mais ce n'est pas encore
répandu, comme Mme le député le sait bien.
Mme Lavoie-Roux: II faudrait peut-être aller voir...
M. Morin (Sauvé): Des groupes de 500 ou 600
étudiants encadrés d'une vingtaine de professeurs qui soient
toujours les mêmes et aussi d'un chef de secteur, d'un responsable de
secteur qui permettrait de donner un cadre plus restreint à
l'élève, de sorte qu'il se sente un peu plus chez lui, qu'il ait
moins à se balader dans les couloirs des polyvalentes, d'une salle
à l'autre, bref qui aboutirait à humaniser un tant soit peu
l'école.
Evidemment, le problème se pose avec plus d'acuité dans
les grosses polyvalentes de plus de 1500 élèves. Je vous prie de
croire qu'en ce qui me concerne je ne sais si cela fera l'affaire de
tous les députés je n'ai pas l'intention d'approuver de
nouvelles polyvalentes qui dépassent 1500 élèves, environ.
J'en ai trouvé deux en construction. J'ai tenté de freiner la
construction de l'une des deux, mais ce sont les parents qui ont changé
d'idée: ils ont pensé que nous voulions les priver de leur
école et, finalement, ils nous font construire, non pas un monstre de
4000 places, mais où il y aura au moins 2200 élèves, ce
qui est trop, à mon avis. Mais dans l'avenir, quant aux polyvalentes
dont les plans et devis ne sont pas encore faits, je vous prie de croire que
nous n'en laisserons pas passer. En tout cas, c'est mon intention tant que je
serai là. Toutefois, sachant à quel point la carrière d'un
homme politique peut ressembler à celle d'un principal, d'un cadre ou
d'un enseignant, et sachant à quel point brève est la vie...
Mme Lavoie-Roux: ... la sécurité d'emploi, M. le
ministre...
M. Morin (Sauvé): Voilà! Mme le
député, je partage cette caractéristique avec plusieurs de
ceux qui travaillent dans l'empire de l'éducation. C'est excellent
d'ailleurs, puisque cela me fait participer un peu à leurs
problèmes.
On a distribué, il y a deux mois, dans les commissions scolaires,
un recueil de formules d'encadrement déjà en vigueur dans
certaines commissions, afin d'en faire profiter les autres. On peut dire que
cela a été l'un des documents les mieux reçus dans le
milieu, étant donné qu'il n'imposait pas de solution unique, mais
faisait des suggestions sur ce qui pourrait être fait. On caresse
également le projet de débloquer certains crédits en vue
de tenir des sessions d'étude au niveau de chaque région avec les
directions d'école, pour assurer la mise sur pied de formules
d'encadrement qui répondent aux besoins des écoles de ces
régions. J'en ai assez dit sur ce sujet de l'encadrement pour vous
démontrer mon souci d'humaniser l'école polyvalente.
Je sais bien, comme le député de Jacques-Cartier me le
faisait observer, que je ne réglerai pas tous les problèmes. Si
l'on pouvait simplement dire après quelques années que j'ai
contribué à infléchir légèrement le cours
des choses et à mettre un peu d'humanité dans nos polyvalentes,
ce serait déjà énorme et je me considérerais comme
béni des dieux.
Pour ce qui est du secteur professionnel, les députés ont
dit beaucoup de choses et avec raison, je pense, mais il faut sans doute
commencer par distinguer les niveaux; il y a d'abord le professionnel
collégial où l'on trouve, de l'avis de la plupart des gens qui
s'intéressent de près à l'éducation, de bons
programmes et des débouchés raisonnables. Il existe d'ailleurs
dans ce milieu des rapports la liaison, comme on dit avec le
mi-
lieu de travail, ce qui facilite les choses. Au niveau professionnel
secondaire, de ce qu'on appelle le professionnel long, c'est-à-dire au
niveau secondaire IV et V, le choix de cette orientation se fait en
général lorsque l'élève montre peu
d'intérêt ou de capacité pour les matières dites
académiques. Forcément cette mentalité qu'on a chez nous,
qui veut qu'un élève va au professionnel parce qu'il n'est pas
apte à suivre le cours général déteint sur le
comportement des étudiants. On le comprend facilement. Cela a
contribué à dévaloriser le secteur professionnel et je
pense qu'il est temps de revaloriser ce secteur.
J'ai eu l'occasion de fréquenter les responsables de
l'aéronautique et de l'électronique récemment, avec le
plus grand intérêt; j'ai découvert là un monde
d'enseignants foncièrement dévoués à leurs
étudiants et qui étaient prêts à revaloriser la
fonction sociale du technicien. Les rencontres que j'ai eues avec ces gens de
l'aéronautique et du secteur de l'électronique m'ont beaucoup
impressionné.
L'un des efforts qu'on pourrait attendre du ministre de l'Education, au
cours des années qui viennent, ce serait justement qu'il dise tout haut
que le secteur professionnel, pour des jeunes qui ont le talent et qui veulent
gagner leur vie raisonnablement, est tout indiqué; qu'aller au
professionnel, ce n'est pas nécessairement être incapable de
suivre le cours général. Cela, les ministres de l'Education qui
m'ont précédé ne l'ont peut-être pas dit assez haut.
En tout cas, j'ai l'intention de le dire à voix haute. Il n'y a aucune
raison pour que le garçon ou la fille qui sort du professionnel ne se
sente pas aussi apte à être utile à la
société que celui ou celle qui sort du secteur
général. D'ailleurs, à l'heure actuelle, je dois dire que
les étudiants qui sortent du secteur professionnel se placent plus
facilement que ceux qui sortent du secteur général.
Quelques mots au sujet du secteur professionnel court; on y trouve le
même phénomène mais, encore plus accentué parce que,
évidemment, la formation est moins complète. Ce n'est pas
difficile à comprendre.
Cependant, je vous prierais de noter que les programmes du secondaire
professionnel long ont été revus et refaits il y a quelques
années. Ces programmes sont faits pour préparer à des
familles de métiers. Déjà, on tend à
s'éloigner de la surspécialisation qu'on trouvait auparavant.
Chaque cours et chaque programme est décrit dans l'annuaire de
l'enseignement secondaire publié par le ministère, avec les
objectifs, le contenu, les moyens pédagogiques. Bref, les programmes ne
sont pas mauvais, ils sont même bons au secondaire professionnel
long.
Ce qui est en cause, pour le moment, c'est l'âge auquel on doit
commencer l'orientation vers ce type de formation et aussi le type
d'élèves qui y sont dirigés. Je pourrais vous donner
quelques aperçus sur l'évaluation de la satisfaction et du
placement des étudiants sortants. On a attiré mon attention, il y
a un instant, sur une étude qui a été faite par le
ministère. C'est une opération qui se répète chaque
année, qu'on appelle l'opération "Relance", celle-ci porte
évidemment le millésime 1976, c'est la plus récente. Ce
document est intitulé "Etude de l'efficacité de la formation
reçue dans les spécialités professionnelles au
collégial et au secondaire". On y a retenu une dizaine de facteurs
vous me pardonnerez si je ne les énu-mère pas tous
puisque, déjà, le temps avance et on est arrivé
à une sorte d'indice moyen de rendement qu'on a fixé à
100. On a demandé aux étudiants de ces niveaux leur degré
de satisfaction, le salaire hebdomadaire moyen, la durée de la recherche
de l'emploi, etc. Voici le résultat: au niveau secondaire, certaines
spécialités connaissent des difficultés. Si, par exemple,
on prend 100 comme moyenne, on découvre que le dessin de cartographie
n'atteint que l'indice de 71,8%, tandis que le commis en alimentation n'atteint
que l'indice de 42,5%.
Par ailleurs, il y a des spécialités où il n'y a
pas de problème. Au contraire, il y a des indices très
élevés. Je pense à la mécanique en énergie
fluide, qui atteint 113,6%; les agents de conservation, qui sont à
123,2%; et ceux qui se destinent au dessin d'architecture et de structure nous
font part de considérations qui permettent d'établir un niveau de
114,2%. Ces renseignements sont à la disposition des étudiants et
des élèves. Cela répond également au
problème de débouchés qu'on soulevait tout à
l'heure. Je vous fais grâce du niveau collégial. La même
enquête nous révèle en somme qu'il existe là aussi
des finissants qui font face à des difficultés et d'autres qui
n'ont aucun problème.
Voilà pour le secteur professionnel. Je concluerai simplement en
disant qu'il nous faut surmonter, vaincre une certaine mentalité des
parents québécois, pour qui le secteur professionnel
dévalue leurs enfants. C'est tout le contraire. Pour beaucoup d'enfants,
y compris certainement certains élèves qui se trouvent au secteur
général, la formation professionnelle serait mieux
indiquée. Je ne serais pas surpris même que le secteur
professionnel devrait peut-être recruter la majorité des
élèves. Cela est possible.
Je n'ai pas d'éclairage particulier là-dessus, mais je ne
serais pas étonné qu'il en soit ainsi, à condition
évidemment qu'on ait le souci de revaloriser le secteur professionnel en
y donnant également une formation générale convenable. Il
ne faut pas concevoir le secteur professionnel comme une sorte de
dépotoir. Malheureusement, cela a été un peu trop souvent
le cas par le passé.
Parlons de la formation des maîtres. Je pense que Mme le
député de L'Acadie a fait allusion à ce problème,
à d'autres aussi auxquels nous pourrons revenir éventuellement,
mais comme elle m'a demandé des précisions dans son intervention,
je pourrais lui dire ceci: Nous avons créé, au sein du
ministère un Service de formation des maîtres et, dans chaque
secteur de l'enseignement, élémentaire et secondaire, d'une part,
et post-secondaire, d'autre part, il y aura une unité composée de
quelques personnes qui doit définir les besoins des réseaux en
maîtres, en type de formation et, à l'enseignement
supérieur, dans le cadre des responsabilités du sous-ministre
adjoint, M. Jacques
Girard, il y aura une unité correspondante, le Service de
formation des maîtres qui, à partir des commandes qui lui sont
apportées ou des indications qui lui sont données, se tournera
vers les universités pour leur dire: Voici les secteurs où nous
avons besoin de former des maîtres.
Ce n'est peut-être pas le seul aspect qui vous intéressait
dans la formation des maîtres, mais je voulais...
Mme Lavoie-Roux: Ce sont les besoins, mais quel type de formation
va-t-on leur donner?
M. Morin (Sauvé): ...déjà vous donner ces
indications et nous pourrons y revenir pour plus de détails.
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
M. Morin (Sauvé): Pour ce qui est des relations de travail
je vais terminer là-dessus, M. le Président, car il est
presque 23 heures je voudrais rassurer M. le député de
Jacques-Cartier. Il a, je pense, avec beaucoup de raison, souligné que
c'est un chapitre capital parmi tous ceux que j'aurais pu mentionner dans mon
exposé. Si je ne m'y suis pas attardé, ce n'est pas que je ne
sois point sensible à ce problème, loin de là. Seulement,
j'estime que je dois traiter ce problème dans un contexte
différent de celui-ci, du moins pour l'instant.
Je suis prêt, cependant, à vous répondre, dans la
mesure où je ne trahirai pas les discussions qui se déroulent
actuellement au sein de certains comités; à donner tous les
apaisements voulus au député de Jacques-Cartier.
La question, en ce moment, est confiée à l'étude
d'un comité sous la présidence, je pense, du ministre de la
Fonction publique peu importe qui en assume la présidence, le
ministre de la Fonction publique s'y trouve le député de
Joliette-Montcalm y siège également, de même que le
ministre de l'Education. Notre but, c'est de mettre au point le plus tôt
possible en ce qui me concerne, avant 1978 des méthodes de
négociation qui permettent d'éviter les situations qui ont
prévalu dans le passé et qui, croyez-moi, ont été
extrêmement pénibles pour les nerfs de tous ceux qui ont
participé à l'exercice. Je dois comme je devrais le faire
sur plusieurs autres chapitres dire tout le bien que je pense des
fonction- naires qui ont affronté cette situation. Si vous me passez
l'expression, ce ne fut pas un cadeau, et ce n'était pas
nécessairement la faute des enseignants. Il ne faudrait pas verser dans
le simplisme et dire: "C'est la faute aux syndicats". C'est le système
qui est à repenser. Je puis vous assurer, MM. les membres de la
commission, que le gouvernement est parfaitement conscient de l'enjeu et des
difficultés auxquelles il pourrait faire face dans ces
négociations, s'il ne revoit pas le système à temps.
Pour l'instant, je n'en dirai pas plus long.
L'heure est venue. Je voudrais simplement vous donner l'assurance que,
demain matin, au moment où la commission reprendra ses travaux, je serai
en mesure d'apporter quelques détails importants sur les
conséquences de la dénatalité pour les enseignants. Je ne
sais plus qui m'a posé la question. Etait-ce le député de
Gaspé? J'ai l'intention d'y revenir dès demain matin.
M. Saint-Germain: Seulement un instant, avant de finir, j'ai cru
remarquer que, dans ma déclaration, du moins, on m'a
interprété comme faisant des déclarations contre les
enseignants. Je voudrais bien faire remarquer que je n'ai même pas
prononcé le mot d'enseignant, parce que je fais un décalage
marqué entre un chef syndical et les enseignants.
M. Morin (Sauvé): Je sais...
M. Saint-Germain: Ce sont des choses tout à fait
dissemblables.
M. Morin (Sauvé): Je sais le député de
Jacques-Cartier trop intelligent pour tomber dans un antisyndicalisme primaire.
De fait, il admettra avec moi que c'est le système qui est à
repenser.
M. Saint-Germain: Vous avez là un élément
très important et je vous suis, à ce point de vue là.
Mme Lavoie-Roux: Je vais demander l'ajournement de la
séance à demain matin.
Le Président (M. Clair): Effectivement, Mme le
député de L'Acadie, la commission ajourne ses travaux à
demain matin, 10 heures.
(Fin de la séance à 22 h 58)