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Etude des crédits du ministère des
Affaires culturelles
(Dix heures quinze minutes)
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, mesdames, messieurs! La commission parlementaire de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications a pour objet
d'étudier, lors de cette séance, les crédits
affectés au ministère des Affaires culturelles.
Les membres de la commission pour la séance d'aujourd'hui sont M.
Alfred (Papineau); M. Bertrand (Vanier); M. Bisaillon (Sainte-Marie); M. Brochu
(Richmond); M. Marcoux (Rimouski) en remplacement de M. Charron
(Saint-Jacques); M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes) en remplacement de M.
Chevrette (Joliette-Montcalm); M. Ciaccia (Mont-Royal); M. Goldbloom (D'Arcy
Mcgee); M. Guay (Taschereau); M. Laplante (Bourassa); M. Laurin (Bourget); Mme
Lavoie-Roux (L'Acadie); M. Le Moignan (Gaspé); M. Marchand (Laurier); M.
Morin (Sauvé); M. O'Neill (Chauveau); M. Paquette (Rosemont) et M.
Samson (Rouyn-Noranda).
Il y aurait lieu maintenant de désigner un rapporteur pour la
commission. Est-ce que le député de Rosemont accepterait
d'être désigné rapporteur de la commission?
M. Paquette: Si vous voulez, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est
accepté. Le député de Rosemont est nommé rapporteur
de la commission.
M. Bertrand: Très belle nomination. M. Paquette:
Merci, Jean-François.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre des Affaires culturelles.
M. Guay: Est-ce qu'on peut émettre un communiqué
là-dessus?
Exposé préliminaire du ministre M. Louis
O'Neill
M. O'Neill: M. le Président, dans cette
présentation générale des prévisions
budgétaires 1977/78 du ministère des Affaires culturelles, j'ai
l'intention de faire une présentation relativement brève et
schématique de la première partie sur les rôles du
ministère, les programmes, d'accorder peut-être une attention un
peu plus spéciale au problème de l'organisation administrative du
ministère, de jeter un coup d'oeil très rapide sur le bilan des
activités et, enfin, de m'arrêter, de façon
spécifique, sur les orientations des programmes du ministère pour
le nouvel exercice financier.
Quelques remarques, d'abord, sur les rôles du ministère des
Affaires culturelles. En vertu de la loi qui l'a institué, le
ministère des Affaires culturelles a pour mission de favoriser
l'épanouissement des arts et des lettres au Québec et leur
rayonnement à l'extérieur, d'administrer la bibliothèque
et les musées nationaux, d'assurer la conservation et la mise en valeur
des biens culturels, d'administrer le Conservatoire de musique et d'art
dramatique du Québec, les concours littéraires, artistiques et
scientifiques.
En outre, le ministère des Affaires culturelles est chargé
de l'application des lois suivantes: Loi de l'assurance-édition, Loi de
l'agrément des libraires, Loi des bibliothèques publiques, Loi
concernant la garantie de certains prêts aux éditeurs et libraires
et modifiant la Loi de l'aide au développement industriel du
Québec, Loi de la Place des Arts, Loi de la Bibliothèque
nationale du Québec, Loi du Grand Théâtre de Québec,
Loi sur les biens culturels, Loi des musées de la province, Loi du
conseil d'artisanat, Loi du conservatoire, Loi du musée et des beaux
arts de Montréal, Loi de la photographie et des documents, Loi des
concours artistiques, littéraires et scientifiques.
Les programmes du ministère des Affaires culturelles peuvent
être décrits de la façon suivante: quatre programmes dits
de production et un programme de soutien administratif. Ces cinq programmes du
ministère se partagent entre deux secteurs rattachés au domaine
"Culture" de la mission éducative et culturelle. Le secteur "Lettres et
biens culturels" regroupe les trois programmes suivants: "Livres et autres
imprimés", "Sauvegarde et mise en valeur des biens culturels", "Gestion
interne et soutien". Enfin, le secteur "Arts" comprend les deux programmes
suivants: "Arts plastiques" et "Arts d'interprétation".
Je passe cette description qui suit, plus détaillée de
chacun des programmes. Il y aura toujours moyen d'y revenir plus tard dans la
partie échange, si vous désirez tous les détails qui sont
fournis là. Donc, vous avez quelques notes concernant "Livres et autres
imprimés", "Sauvegarde et mise en valeur des biens culturels", "Gestion
interne et soutien", "Arts plastiques", "Arts d'interprétation".
Je voudrais dire un mot maintenant sur l'organisation administrative du
ministère des Affaires culturelles, parce qu'il y a des
éléments nouveaux qui doivent être soulignés. Vous
trouvez à la page 13 du rapport que vous avez entre les mains
l'organigramme qui décrit les éléments nouveaux introduits
dans l'organisation administrative. Dans cette nouvelle organisation, la
direction générale de la planification a été
abolie, mais ses activités sont assumées par les directions
sectorielles, la coordination de celle-ci étant assurée par la
direction de la programmation, la direction générale de
l'administration. La responsabilité de cette direction
générale en rapport avec l'utilisation des ressources et
l'établissement des priorités milite en faveur de cette
répartition.
Quant aux directions sectorielles, la direction générale
des arts et des lettres est créée, rempla-
çant ainsi celle des lettres, des arts plastiques et des arts
d'interprétation. Ce nouveau regroupement vise essentiellement à
permettre de mieux intégrer les activités, programmes et
interventions du ministère dans le domaine général des
arts et des lettres. Cette nouvelle direction générale dispose de
deux services à vocation fonctionnelle, et de trois directions
disciplinaires lesquelles sont elles-mêmes subdivisées en rapport
avec les principaux secteurs culturels concernés par chacune des
disciplines.
L'actuel direction générale du patrimoine est relativement
peu concernée par la réorganisation du ministère. En
effet, les secteurs disciplinaires demeurent les mêmes, sauf que le
directeur général supervise directement les directions
sectorielles, alors que celles-ci se partageaient entre deux directeurs
généraux adjoints dans l'ancienne structure.
Afin d'assurer plus de cohérence et de tenir compte davantage de
la complémentarité des actions du ministère en rapport
avec la protection et la mise en valeur du patrimoine québécois
sur le territoire, le ministère a jugé essentiel de partager
celui-ci en deux et de créer deux unités de coordination
technique, préoccupé par l'aspect spatial de la protection, de la
conservation et de la mise en valeur du patrimoine québécois.
Cette orientation facilite la préparation de schémas
régionaux de développement culturel.
Quant aux institutions nationales, bibliothèque nationale,
archives nationales, musées d'Etat, auparavant intégrés
dans les structures de directions générales, la nouvelle
organisation en valorise le statut en les assimilant chacune à une
direction générale propre et en les faisant relever directement
du sous-ministre. Pour ce qui est du Conservatoire de musique et d'art
dramatique dont les fonctions sont essentiellement axées sur
l'enseignement, il est utile et plus conforme aux orientations futures du
ministère de soustraire cette entité de la tutelle de la
direction générale des arts d'interprétation et, pour le
moment, de la rattacher au sous-ministre.
La direction du développement culturel régional devient la
direction des bureaux régionaux dont la vocation est essentiellement
axée sur la permanence et l'efficacité des services du
ministère aux clientèles culturelles régionales. Quant
à la direction des communications, elle n'est pas touchée par
cette nouvelle organisation.
Dans la section suivante du rapport, vous trouvez un bilan des
principales activités du ministère des Affaires culturelles au
cours de l'exercice 1976/77. Vous avez d'abord quelques observations concernant
livres et autres imprimés, la contribution du ministère dans ce
secteur. Je mentionne aussi des études qui ont été
entreprises, on dit trois, en fait. Strictement, il s'agit bien de deux
études, le rapport Drouin-Paquin, un rapport qui a déjà
été rendu public et le rapport du Conseil consultatif du livre,
qui sera déposé dans les prochains jours.
Vous avez ensuite des détails, à la page 15, sur le
réseau des bibliothèques publiques qui comprend maintenant 107
bibliothèques, dont cinq bibliothèques centrales de prêt
desservant les populations des localités de 5000 habitants et moins. En
1976/77, neuf bibliothèques municipales ont été
créées et la bibliothèque centrale de prêt du
Nord-Ouest québécois, ou Abitibi-Témiscamingue, a ouvert
son établissement.
Vous avez ensuite des observations sur la sauvegarde et la mise en
valeur des biens culturels, un certain nombre d'observations sur la
délimitation des arrondissements historiques, la restauration des
mentions sur les travaux de la Place Royale et de l'Ile des Moulins et des
études préparatoires menées actuellement pour deux
nouveaux projets d'importance, l'île Perrot et la vieille prison de
Québec.
Vous avez ensuite des observations sur la gestion interne et le soutien,
et le programme 4: "Arts plastiques", avec un certain nombre de détails.
Si, tout à l'heure, vous avez des observations, nous pourrons reprendre
ces points un par un. Je vous signale donc surtout des détails assez
précis concernant le fonctionnement du Musée de Québec, le
Musée d'art contemporain et aussi les musées privés. Les
musées privés subventionnés par le ministère sont
maintenant au nombre de 36, deux ayant été
accrédités pour la première fois en 1976/77 alors que les
centres d'exposition sont au nombre de sept, dont trois nouveaux. Le
Musée d'histoire et de tradition populaire de Gaspé a reçu
$534 755 pour terminer la construction qu'il avait entreprise pendant
l'exercice financier précédent. De son côté, le
Service de l'artisanat a aidé pour un montant total de $335 600 vingt
associations nationales, régionales ou locales d'artisans
regroupées pour réaliser et commercialiser leur production.
Et vous avez, enfin, à la page 5, quelques renseignements
concernant l'aide aux arts d'interprétation.
Je voudrais maintenant aborder cette section de notre rapport sur les
orientations des programmes du ministère des Affaires culturelles pour
l'exercice financier 1977/78.
A rencontre des gouvernements antérieurs, qui ont eu tendance
à considérer les programmes culturels gouvernementaux comme des
fardeaux inévitables, comme une servitude de luxe, le gouvernement
actuel a compris qu'il doit se faire le maître d'oeuvre d'un redressement
significatif du développement de la culture au Québec.
Il ne s'agit pas ici d'un simple engagement creux, mais bien d'une
volonté traduite dorénavant en termes d'augmentation
substantielle des crédits. En effet, le budget officiel des Affaires
culturelles connaît un accroissement de 29,6% par rapport à
l'exercice précédent. Les crédits passent de $45 586 000
à $59 103 000.
Trois raisons majeures justifient une telle augmentation.
Premièrement, nous pouvons ici parler du gouvernement de l'espoir. Mon
prédécesseur au ministère des Affaires culturelles a rendu
public, au mois de mai 1976, un document de travail intitulé: Pour
l'évolution de la politique culturelle.
Publié par le septième ministre des Affaires culturelles
au seuil de la quinzième année de ce ministère, le livre
vert, puisque c'est ainsi qu'on l'a appelé, a suscité d'abondants
commentaires de satisfaction de la part de la population, mais il était
davantage l'affaire d'un homme que celle d'un gouvernement. Sa diffusion
officielle a permis de croire en un déblocage jusqu'alors
inespéré. Pour le milieu des professionnels de la culture, il a
été l'occasion d'un regain de confiance à l'égard
d'une institution largement méprisée depuis quelques
années et généreusement remplacée dans le coeur des
artistes et dans les bilans des organismes culturels par le Conseil des arts du
Canada et par les autres organismes fédéraux intervenant dans le
domaine de la culture.
La satisfaction créée par la publication de ce livre vert
ne pouvait être refroidie sans que les milieux culturels et la population
en général ne soient à jamais déçus de
l'impuissance du gouvernement du Québec face à la culture.
Plus encore, la population et les milieux culturels en particulier
fondent un espoir inhabituel dans le présent gouvernement et, surtout,
dans sa volonté de devenir le moteur et le protecteur du
développement d'une culture proprement québécoise.
Les activités culturelles sont pour nous des catalyseurs de
l'identité nationale, car, à partir du moment où
l'idée du Québec n'est pas gênante pour un gouvernement, il
n'y a rien de mal, bien au contraire, à mettre en valeur les actions qui
concourent à développer et animer l'identité et la
solidarité nationale.
La conservation et la mise en valeur de nos sites historiques, de nos
monuments patrimoniaux ne coûtent pas grand-chose si on en mesure
l'impact sur la connaissance de l'histoire du Québec et des valeurs de
notre héritage collectif. Une semaine du patrimoine, organisée
à un coût dérisoirement modeste, constitue l'embryon d'une
fête nationale et l'instrument pédagogique le plus populaire
contribuant à mettre en valeur nos traditions. Le prix qu'il faut payer
pour nous doter d'Archives nationales et d'une Bibliothèque nationale
qui soient à la mesure de notre originalité de francophones
nord-américains est à la portée de nos mains et de nos
moyens et à la portée de nos moyens en partie déjà
cette année et à la portée de nos moyens dans les
années qui vont suivre.
Il faut également souligner, M. le Président, l'importance
de la contribution des activités culturelles au développement
économique. "Certaines créations culturelles, certaines
prestations ou certains services doivent, pour atteindre leur objectif,
être reproduits en des milliers d'exemplaires et accessibles à des
milliers de personnes. Ils requièrent la structure industrielle pour
leur production de même que les structures propres au commerce et
à l'économie pour leur distribution et leur diffusion."
Cette observation du livre vert mérite d'être
soulignée, car on est généralement peu conscient d'une
réalité qui ne doit pas échapper à un
ministère des Affaires culturelles et qu'on appelle les industries
culturelles.
Comme véhicule d'un contenu culturel, certaines disciplines ont
dû emprunter la voie de l'entreprise industrielle; parler du livre, du
disque, des métiers d'art, c'est invariablement faire allusion à
des supports culturels qui doivent désormais être traités
dans une perspective économique.
Il est inévitable qu'en raison de l'exiguïté des
marchés de consommation de tels produits, lesquels sont quand même
extensibles sur le plan international, à cause aussi du fait que
beaucoup de ces petites entreprises en sont au stade du démarrage,
à ce moment-là, le gouvernement du Québec apporte un appui
qui est nécessaire à l'industrie du livre, du disque et à
l'industrie nationale. Mais il n'y a pas que la survie du contenu qui doive
inciter l'Etat à intervenir au chapitre du contenant, car cela,
nous tenons à le souligner et à le répéter
les industries culturelles sont aussi des marchés d'emploi et des
employeurs.
Il s'agit, dans la plupart des cas, de PME dont la dimension est plus
humaine, dont les propriétaires sont des autochtones et dont les
produits sont un reflet d'eux-mêmes. Voilà trois raisons qui
expliquent un élargissement considérable des ressources mises
à la disposition du ministère des Affaires culturelles, mais on
peut se poser la question: A quelles fins de telles ressources sont-elles
destinées?
Le ministère des Affaires culturelles intervenant face à
un éventail considérable de disciplines et de clientèles,
il est assez difficile d'établir une priorité sectorielle. En
effet, le support de la danse est-il plus prioritaire que le support du
théâtre? Le support des arts d'interprétation est-il plus
prioritaire que le support des musées? Le support des musées
est-il plus prioritaire que le développement d'une politique de la
lecture?
Par le biais des disciplines, il apparaît donc, en pratique,
impossible, à moins de donner préséance aux goûts,
caprices de ceux qui les établissent, de fixer des priorités dans
l'état actuel des choses.
Il est toutefois possible et nécessaire de dégager les
principaux fils conducteurs dans le sens desquels devraient être
axés les politiques et programmes du ministère des Affaires
culturelles.
Et, à ce compte, voici ce qui, dans l'état actuel des
choses, nous apparaît comme étant prioritaire:
Premièrement, nous voulons décentraliser, pour les confier
davantage aux citoyens, et pour les soustraire à des caprices de
politique partisane, les pouvoirs décisionnels en matière
culturelle. Nous croyons que l'histoire, le patrimoine, la culture, constituent
des réalités qui appartiennent à ceux-là
mêmes qui en sont les héritiers, les artisans, les
créateurs.
La complexification de nos administrations publiques, la centralisation
des pouvoirs politiques, n'ont pas été de nature à
favoriser la prise en charge, par les citoyens, de leur développement
culturel.
Il est urgent que nous arrivions à des formules de
décentralisation qui favorisent à la fois une véritable
démocratisation de la culture en même temps qu'un pouvoir
régional et local réel.
Nous ne voulons pas tomber dans le piège d'un simple transfert de
pouvoirs du national au régional, ce dernier demeurant aussi
centralisé que le premier. Les formules devront permettre la
participation la plus large possible de l'ensemble de la population. Cette
régionalisation, nous la voulons sociale, c'est-à-dire qu'elle
rejoigne tous les milieux, tous les groupes de population. Nous la voulons
aussi géographique, c'est-à-dire que chaque partie du territoire
puisse profiter d'une politique de développement culturel et, enfin,
nous la voulons à l'image de chaque région, c'est-à-dire
qu'il faut éviter la tentation de vouloir imposer à chacune des
régions un même modèle de développement ou
d'organisation culturelle.
Nous parviendrons, j'en suis convaincu, à dessiner les lignes de
force de la décentralisation culturelle chez nous. Nous le ferons en y
associant étroitement les ressources locales et régionales.
Lorsque le temps sera venu, nous concrétiserons cette volonté
politique dans une législation adaptée aux exigences de la
démocratie gouvernante et du développement culturel de notre
collectivité.
Deuxième priorité, consolider les institutions nationales
que tout pays qui respecte son patrimoine culturel doit instituer et
développer: les archives nationales, la Bibliothèque nationale,
les musées nationaux.
Jusqu'à maintenant, nous avons traité d'une manière
pas moins que honteuse nos archives nationales, notre Bibliothèque
nationale, nos musées nationaux et notre Conservatoire national de
musique et d'art dramatique. Le moment est venu, dès lors que nous
voulons faire du Québec un pays qui s'accepte tel qu'il est et qui
s'aime et dont sont fiers ses citoyens, de donner à nos institutions
nationales les ressources dont elles ont besoin pour satisfaire les exigences
de leurs missions exceptionnelles.
Au cours de l'année 1977/78, le redressement de ces institutions
formera à lui seul un axe prioritaire qui se traduira par l'apport de
crédits neufs, mais aussi et surtout par une amélioration des
conditions matérielles qui leur ont été imposées
dans le passé. Un redressement identique doit s'effectuer dans les
régions. Le développement des archives nationales se traduira par
la création de centres régionaux qui seront chargés de la
conservation, de la mise en valeur des archives judiciaires originales, des
archives municipales, des archives des institutions d'enseignement et des fonds
privés dont on jugera que leur cession aux archives nationales est
nécessaire.
Il est dans l'ordre des choses que l'Etat dote les régions
d'institutions aptes à assurer la conservation et la mise en valeur des
documents d'archives. Cela se fera au cours de la présente
année.
Nous voulons aussi donner aux régions autres que Montréal
et Québec les équipements et les ressources financières
indispensables à la mise en valeur de leurs propres ressources et briser
leur assujettissement à la culture de la capitale et surtout de la
métropole.
Une telle situation de concentration n'est pas propre au Québec,
mais elle n'est pas moins criante ici qu'ailleurs. Quant aux équipements
culturels, salles de spectacle, musées, centres culturels,
bibliothèques, etc., il y a un fossé toujours plus large entre le
stock de Montréal et celui des régions.
Au plan des activités culturelles, bien que la
créativité, le dynamisme ne soient pas absents des
régions, les ressources financières que l'Etat y consacre sont
drainées par Montréal d'une manière
disproportionnée. Il est urgent d'investir ce que certains ont
appelé le désert culturel québécois, à
savoir les régions autres que celle de Montréal, pour pouvoir
bâtir un pays culturellement équilibré. Nous accorderons
donc à la vie culturelle régionale un taux de croissance plus
important pour permettre aux régions d'être créatrices et
toute autre chose que les passives consommatrices des produits culturels de
Québec et de Montréal.
A titre d'exemple, nous assurerons les artisans des ressources qui leur
permettront de se regrouper au sein d'un organisme régional apte
à offrir à ses membres les services de soutien qu'ils
recherchent, notamment en ce qui concerne leur approvisionnement en
matière première et la mise en marché de leurs produits.
La révision de notre politique de développement des musées
privés entraînera un redressement significatif de l'aide
financière de ces organismes régionaux ou locaux bien
implantés dans leurs milieux.
Quatrième priorité, développer l'idée, le
sens, le désir de l'excellence chez tous les créateurs et
diffuseurs de la culture. Les ressources financières que le gouvernement
affecte aux activités culturelles devraient servir à d'autres
fins que la satisfaction des caprices d'individus ou de groupes où
l'effacement des déficits de fonctionnement parfois, pour ne pas dire
souvent, attribuables à une mauvaise gestion ou à une
incapacité de vivre à la limite de ses moyens.
Le budget du ministère des Affaires culturelles doit être
utilisé à la promotion de l'excellence chez nous, de telle sorte
que la qualité jaillisse de la quantité, toute modeste que soit
celle-ci. Quand nous disons la qualité qui jaillit de la
quantité, nous pensons par exemple à cette énorme
quantité de produits culturels qui sont fabriqués aux Etats-Unis,
qui sont de valeur extrêmement variable, une multitude de choses qui sont
sans valeur, mais, à travers cela, il y a des chefs-d'oeuvre qui
naissent, qui sont produits, qui sont mis en lumière, et, sans dire que
ce sont les ressources matérielles qui font ta qualité, il n'en
demeure pas moins qu'un minimum de ressources matérielles est
nécessaire pour que les gens puissent produire la qualité dans le
domaine de l'art.
Donc, nous voulons que la qualité jaillisse de cette aide, toute
modeste qu'elle soit, qu'elle devienne le leitmotiv des créateurs et des
diffuseurs, qu'elle se dresse comme le mot d'ordre d'un peuple en quête
d'autonomie.
Dans cet esprit, il est indispensable d'accroître l'aide aux
artistes, de primer les meilleurs, d'organiser des concours, d'élargir
le nombre de prix accordés par le gouvernement.
Cinquièmement, nous voulons promouvoir les
activités susceptibles de développer le sentiment
d'appartenance, une collectivité originale et de mettre fièrement
en relief le visage du Québec.
Le développement des communications fait de chacune de nos
demeures un centre où arrivent de partout, particulièrement de
notre continent, des messages aux contenus les plus variés, tantôt
enrichissants, tantôt asservissants. Dans notre cas, entourés de
225 millions d'anglophones, il est périlleux que nos échanges
culturels ne se fassent à sens unique, à savoir d'eux à
nous et non l'inverse. Ce que nous voulons, contrairement à ce que
certains veulent faire croire, c'est d'échanger, et pour cela, il faut
que notre identité soit reconnue et acceptée, ce qui est loin de
l'idée de l'isolement et du repli sur soi. En somme, nous nous rappelons
ici, dans l'établissement de cette politique, de cette constatation
fréquente des sociologues et des philosophes, à savoir que la
prise de conscience de soi et de son identité est la condition
d'ouverture et d'accès à l'universel.
Si le gouvernement du Québec ne prend pas en main la
responsabilité d'entretenir et de développer notre sentiment
d'appartenance à la collectivité québécoise, au
peuple québécois, ce ne seront sûrement pas les autres qui
vont le faire à notre place. Il est urgent que nous agissions dans ce
domaine et que nous suscitions par toutes sortes d'initiatives un éveil
et une mobilisation des citoyens du Québec autour de leur histoire, de
leur folklore, de leur vie collective.
Il nous faudra inventorier des projets qui pourront développer le
goût pour notre histoire locale et régionale, intéresser
les jeunes à notre patrimoine, favoriser la mise en évidence de
nos talents.
Aussi, mon ministère sera encore plus vigilant qu'il ne l'a
jamais été à l'égard de la conservation et de la
mise en valeur des biens culturels, c'est-à-dire des oeuvres d'art, des
monuments, des sites qui sont les symboles de notre identité, qui
marquent les étapes de notre courte histoire, qui sont les points de
repère de notre identité nationale.
Dans cette perspective, nous comptons donner une place de premier rang
à tous ces organismes tels que les sociétés d'histoire
locale et régionale qui peuvent contribuer à développer le
sens du patrimoine régional, à retracer le fil conducteur de
l'histoire régionale et à donner aux Québécois le
goût d'être ce qu'ils sont. Finalement, comme vous avez pu
l'apprendre dans les media récemment, nous allons consacrer en 1977,
avec encore plus d'énergie, une semaine à la sensibilisation de
tous les citoyens, de toutes les catégories de citoyens, aussi bien les
groupes minoritaires que les autres, à leur patrimoine, ce qu'on appelle
la semaine du patrimoine.
Enfin, nous voulons soutenir, pour assurer non seulement leur survie,
mais surtout leur développement, les industries culturelles et toutes
les formes d'activités, ayant pour but la création et la
production de biens et de services. Je veux ici reparler de ce problème
qui m'apparaît majeur, dont nous avons parlé antérieurement
dans ce rapport, ce problème du développement et de la promotion
des industreis culturelles. En rapport étroit avec le ministère
de l'Industrie et du Commerce, j'entends consacrer une attention
particulière au développement des industries culturelles.
Il y a ici un fait nouveau, peut-être moins nouveau dans sa
réalité objective que dans la prise de conscience que nous en
avons, mais tout au moins nouveau, en tout cas, sous ce dernier aspect,
à savoir que des activités culturelles empruntent le circuit de
la production industrielle et de l'entreprise commerciale. Au-delà du
contenu culturel qu'elle véhicule, l'édition est devenue une
importante activité commerciale qui a suscité une nouvelle
lignée d'hommes d'affaires et dont l'activité s'exprime en termes
de chiffres d'affaires.
Le disque est devenu l'affaire d'industriels de plus en plus aux mains
de sociétés multinationales et le contenu, qui est sa raison
d'être, doit de plus en plus, hélas, se plier aux exigences de la
production en série, du commerce rentable et des marchés
extérieurs.
Aujourd'hui, il s'agit d'une réalité qu'il faut accepter.
Le ministère des Affaires culturelles est obligé d'avoir un peu
les réflexes d'un ministère de l'Industrie et du Commerce ou,
tout au moins, il doit se sentir obligé de travailler en étroite
liaison avec ce ministère de l'Industrie et du Commerce. Il n'est pas
question que nous sacrifiions le contenu au profit du contenant, que nous
fassions passer les créateurs après les distributeurs, que nous
mesurions la qualité de la vie culturelle par le rendement financier ou
comptable qu'elle produit. Mais nous sommes forcés de reconnaître
et de faire comprendre qu'il n'y aura pas de littérature chez nous s'il
n'y a pas d'entreprises d'édition pour la véhiculer et que la
chanson, qui a été un véhicule de notre identité au
cours des dernières années, mourra de sa belle mort si
l'industrie du disque ne peut l'appuyer.
Au cours de la prochaine année, j'entends porter une attention
toute spéciale à cette nouvelle réalité. Cela ne se
produira pas nécessairement par une mobilisation significative des
crédits au ministère même des Affaires culturelles. Chose
certaine, toutefois, il y aura un arrimage nouveau avec le ministère de
l'Industrie et du Commerce, qui a été invité à
s'intéresser aux industries culturelles, d'autant plus qu'il s'agit de
moyennes et de petites entreprises. Et, en fait, le ministre de l'Industrie et
du Commerce a déjà commencé de porter une attention
particulière à ce domaine des industries culturelles et, entre
autres, est actuellement en train de vérifier la forme d'aide technique
pensons, par exemple, à l'aide dans le domaine du marketing
qu'il peut apporter, par exemple, au milieu des artisans ou à
d'autres artistes qui fonctionnent dans ces secteurs.
Voilà, M. le Président, exprimés brièvement,
mais clairement, je l'espère, les six axes de développement
autour desquels se développeront les politiques et les programmes du
ministère des Affaires culturelles au cours de la présente
année.
J'aurai l'occasion, lorsque nous aborderons l'étude des
crédits élément par élément, de vous
indiquer, pour chacun de ces secteurs, les orienta-
tions plus détaillées encore des Affaires culturelles pour
l'exercice 1977/78.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. le ministre.
Mme le député de L'Acadie.
Remarques de l'Opposition Mme Thérèse
Lavoie-Roux
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais d'abord
remercier le ministre de nous avoir fait parvenir 72 heures à l'avance,
je pense, si on calcule bien, ce dossier concernant l'étude des budgets
du ministère des Affaires culturelles. Je pense que c'est
extrêmement utile et intéressant pour nous. Alors, je tiens
à le remercier d'une façon toute spéciale.
A la lecture de ce dossier, ce qui m'a d'abord le plus frappée,
c'est le fait que le nouveau ministre ne semble pas avoir insufflé un
souffle nouveau au ministère des Affaires culturelles, et nous devons
nous réjouir, je pense, que le gouvernement précédent ait,
par son ministre du temps, M. Jean-Paul L'Allier, produit ce document de
travail qui est bien connu, le livre vert sur l'évolution des affaires
culturelles au Québec. Je pense que la majorité des choses dont
le ministre nous a parlé ce matin et qui sont contenues dans ce livre
sont, en fait, la suite des propositions qui sont contenues dans le livre vert.
Alors, je ne pourrais exprimer de sentiments négatifs vis-à-vis
des six grands axes qu'il a énumérés dans ce document.
C'est quand même un peu surprenant, et je le répète
ici, qu'un gouvernement qui se portait garant de la protection de la culture au
Québec n'ait pas pu trouver d'idées originales ou n'ait rien
apporté de nouveau.
Je pense qu'il faut le voir comme une appréciation du
gouvernement actuel des politiques qui avaient été mises en place
par le gouvernement précédent.
Le ministre fait remarquer que c'était davantage l'ébauche
ou le travail d'un seul homme que celui d'un gouvernement. Je pense qu'il ne
faudrait pas oublier que M. L'Allier avait été appuyé par
le gouvernement précédent et que d'ailleurs, les grandes
politiques du livre vert faisaient aussi partie du programme du Parti
libéral lors de la dernière campagne électorale. Je veux
rendre hommage ici a M. L'Allier, prédécesseur du ministre
actuel, pour ce travail de synthèse et de réflexion qu'il a fait;
je pense qu'il était plus prêt si on examine le livre vert
à reconnaître quand même la contribution, à
travers les années, de l'évolution de cette politique culturelle
qui a amené, finalement, la production du livre vert.
L'autre chose qui me surprend est que le ministre nous dit et je
vais le citer que pour son ministère, pour lui et son
gouvernement, il ne s'agit pas d'un simple engagement creux, mais d'une
volonté qui se traduira, dorénavant, en termes d'augmentation
substantielle des crédits. Il nous dit aussi qu'il y a un accroissement
de 29,6% en 1977/78.
Je me demande s'il n'y a pas là un peu de vantardise quand on
pense qu'il est normal c'était d'ailleurs une prétention,
à mon point de vue, fort justifiée, de l'Opposition
péquiste d'alors qu'un gouvernement qui se respecte, consacre au
moins un pour cent de son budget total au développement de la culture.
Alors, on retrouve ici un demi pour cent du budget global du gouvernement ou du
budget de l'année 1977/78.
Alors, c'est assez difficile de comprendre cela, d'autant plus que, je
pense, les intentions du ministre précédent étaient
vraiment qu'on en arrive d'ici à deux ans à atteindre ce un pour
cent. Cette année, on serait allé chercher sept-dixièmes
et demi pour cent du budget global pour atteindre ce un pour cent
l'année suivante.
Les programmes qui sont annoncés demeurent très
généraux et je suis bien d'accord pour les examiner avec le
ministre au fur et à mesure de l'étude des différents
programmes pour qu'on en arrive à des choses plus concrètes que
ce qui est contenu dans le présent document.
Il y a quand même certains points que je voudrais souligner,
certains points dont je regrette l'absence. Quels sont les liens, par exemple,
que le ministère entend établir avec les autres
ministères, en particulier, le ministère de l'Education et le
ministère des Travaux publics dont les activités ont une
importance considérable, je pense, dans tout ce problème de
l'évolution de la culture et de la participation très large de
tous les citoyens à la culture.
J'ai remarqué, par contre, qu'on a déjà fait appel
au ministère de l'Industrie et du Commerce dans le but de
développer ce qu'on appelle les industries culturelles, ce qui me semble
une proposition très réaliste et qui était d'ailleurs
contenue dans le livre vert.
J'aurais aimé aussi qu'il nous dise quelques mots de ce
qu'était sa vision de relations interprovinciales possibles, compte tenu
et pour moi, cela est extrêmement important qu'on retrouve
à l'extérieur du Québec des minorités francophones
et avec qui on devrait établir des liens beaucoup plus étroits
dans le sens de cette mission que le Québec veut remplir à
l'égard de la vie française en Amérique du Nord.
J'aurais également aimé entendre énoncer ses
intentions à l'égard des fonds fédéraux, de
l'utilisation qu'il voulait en faire et des pourparlers qu'il voulait
entreprendre avec le fédéral et avec les ministères des
Affaires culturelles des autres provinces également.
Je regrette que la Direction générale de la planification
ait été abolie, même si, dans le livre vert, on
définissait mieux le rôle qu'elle aurait pu remplir. Elle est
peut-être liée à un désir d'économie de la
part du ministre; sur ce point en particulier, il faut signaler les efforts de
rationalisation de l'administration dont les coûts se trouvent
diminués cette année. Ils vont impliquer un apport plus grand
à la vie culturelle elle-même, aux artistes et aux
différentes institutions culturelles, soit une mise de fonds plus
considérable à leur disposition.
Je regrette également qu'on n'ait pas retenu la
suggestion du livre vert de la création de la Régie du
patrimoine. Je voudrais, en terminant, simplement réitérer
certains principes qui m'apparaissent importants dans ma conception du
rôle du ministère des Affaires culturelles. Si ce ministère
doit épauler tous les efforts pouvant mener à
l'épanouissement de la culture, il ne doit jamais, en aucune
façon, s'y substituer; ce doit être un ministère de
services à la disposition des citoyens et à la disposition des
créateurs du monde artistique. Je pense également que toutes les
mesures doivent être prises... il y a là, on le reconnaît,
une intention ferme du ministère, pour cette année, qui veut
s'attaquer, d'une façon beaucoup plus précise, à la
conservation des archives et au développement des archives
régionales et locales. Il y a cet effort de conserver et de
protéger ce qui constitue notre héritage culturel, mais aussi, il
faudrait y ajouter, d'une façon déterminée
peut-être que le ministre pourrait insister là-dessus plus tard
ce besoin de rendre disponible au plus grand nombre de citoyens, cette
richesse que constitue notre héritage culturel dans les divers
domaines.
En ce qui touche la création, je pense qu'il n'est pas trop de
répéter que le ministère doit conserver, comme principe,
à mes yeux, le respect de la liberté d'expression artistique et
la participation la plus large possible de tous les citoyens et
évidemment la dépolitisation de la culture. On retrouve, parmi
les axes qu'a énumérés le ministre, certaines de ces
préoccupations, mais nous aurons l'occasion, plus tard, dans nos
discussions, de lui permettre de développer davantage ces points.
M. le Président, pour le moment, ce sont les seules remarques que
je voulais faire. Il y a des points que nous retoucherons, soit à
l'occasion des questions générales ou soit à l'occasion de
l'examen des programmes. Je vous remercie.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Gaspé.
M. Michel Le Moignan
M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Comme tous les
autres membres de cette commission, j'ai écouté avec beaucoup
d'intérêt les propos du ministre des Affaires culturelles. Je me
bornerai à ce moment-ci de nos travaux à faire un exposé
général sur les Affaires culturelles. Plus tard, lorsque nous
étudierons les grands secteurs, les cinq programmes
élément par élément, je tenterai d'approfondir
plusieurs points qui ne semblent pas dans le moment tellement explicites.
Tout d'abord, qu'il me soit permis de dire que l'Union Nationale met de
l'avant une politique culturelle qui fait du ministère des Affaires
culturelles à la fois un agent d'accessibilité aux biens
culturels, un agent de développement économique et un agent de
projection de l'identité québécoise. Ce secteur cher
à tous les Québécois, du fait qu'il a pour mission la
sauvegarde, l'épanouissement et la projection de leur propre
identité, occupe dans la volonté politique de l'Union Nationale
une place privilégiée.
Consciente du fait qu'il s'agit d'un secteur qui doit être
au-dessus de l'idéologie politique partisane et des
intérêts d'un groupe politique, l'Union Nationale estime qu'une
dépolitisation du secteur culturel s'impose. C'est à tous les
citoyens du Québec que reviennent le droit et le devoir de prendre en
main les responsabilités de la sauvegarde de l'ensemble du patrimoine
culturel québécois et de travailler à tous les niveaux
dans la mesure des moyens de chacun au développement et à la
promotion des arts et de la culture de la collectivité
québécoise.
Nous estimons qu'en la matière, le rôle gouvernemental est
capital, à la fois large et limité. Le gouvernement doit, par des
mesures législatives et administratives, assurer à tous les
citoyens l'accessibilité aux biens culturels de manière que
chaque Québécois, par tout le territoire, puissent voir et
entendre l'expression de sa culture et que la distribution des produits
culturels soit généralisée.
Le gouvernement doit, en plus de promouvoir les arts et la culture,
encourager l'établissement et le développement d'industries
culturelles québécoises, non seulement à l'égard du
livre, du disque et du cinéma, mais aussi de tout produit qui exprime la
culture de son peuple et qui manifeste au monde la fierté de son
identité. Le gouvernement doit être le premier agent de promotion
et de propagation de la culture québécoise à
l'étranger, affirmer aux autres pays l'existence d'une culture propre
aux Québécois en terre canadienne, à en diffuser largement
l'information et assurer la distribution et la circulation des produits
culturels québécois dans le monde entier.
Le mandat gouvernemental est donc très large, mais il est aussi
très limité. Limité d'abord dans ses moyens. Le budget
total du Québec ne permet pas d'affecter les sommes requises à
l'accomplissement du mandat culturel.
Deuxièmement, il est limité dans ses pouvoirs. Il
n'appartient pas au gouvernement seul de définir ce qu'est la culture
québécoise. Troisièmement, il est aussi limité dans
ses droits. Il est impensable qu'un groupe de fonctionnaires puissent
procéder seuls au choix des priorités et définissent, en
vase clos, l'action culturelle du gouvernement des Québécois.
Pour l'Union Nationale, il n'y a pas de culture élitiste et de culture
populaire. Il existe une seule culture, qui est le reflet de la vie d'ici et de
l'activité propre de chacun.
Cette culture s'est faite par le peuple québécois et elle
exprime la réalité de ce peuple. C'est à lui que
reviennent les droits et les devoirs en la matière. Il n'appartient pas
à l'Etat d'édicter la culture officielle du Québec, mais
il appartient à chacun des Québécois d'assumer ses
responsabilités face au développement et à
l'épanouissement de sa culture nationale, d'en exprimer la
réalité et d'en favoriser la manifestation.
En conséquence, nous demeurons convaincus que les
décisions et les choix en matière culturelle doivent
émaner d'un organisme supérieur
regroupant des représentants des divers secteurs de
l'activité socio-culturelle québécoise.
Il nous apparaît essentiel que le secteur culturel soit
dépolitisé et que, selon le principe de la participation
populaire, l'orientation et la définition des objectifs culturels
appartiennent aux citoyens réunis en comités sectoriels et
régionaux.
Le rôle du ministère des Affaires culturelles doit
être repensé, pour qu'il devienne un véritable agent de
développement économique. L'Union Nationale préconise
depuis plusieurs années la création d'un organisme
paragouvernemental habilité à s'associer financièrement
à des partenaires du secteur privé dans le but de promouvoir les
arts québécois et la culture québécoise et de
favoriser l'établissement et le développement des industries
culturelles. Nous estimons qu'il est maintenant devenu urgent, pour la survie
et la santé future du monde culturel, que l'on procède sans
délai à la création de cet organisme. De même,
estimons-nous qu'un programme régional concret d'aide gouvernementale
doit être établi dans le but de stimuler la création et la
consommation de produits culturels.
Si nous nous devons de féliciter le gouvernement pour la
création des postes de superministres et d'avoir, de ce fait, entre
autres, satisfait à notre désir d'associer étroitement les
secteurs de la langue, des communications, des loisirs et de la culture, nous
nous devons également de le mettre en garde contre le danger de ne
privilégier dans ces disciplines que la plus spectaculaire, soit celle
de la langue, au détriment des autres.
L'association à ces diverses disciplines, dans notre esprit,
répond à une volonté de concerter les responsables pour
une organisation globale des ministères à vocation
immédiatement connexe. Ainsi, la démarche de chacun doit-elle
correspondre à la démarche de l'ensemble, s'inscrire dans un
processus général et procéder des mêmes
principes.
Ainsi, par exemple, tel que nous le signalions il y a quelques jours au
ministre délégué au Haut-Commissariat, lorsque celui-ci
entend définir dans un livre vert la politique globale de son
ministère, son collègue des Affaires culturelles et des
Communications ne doit pas être tenu à l'écart. Il doit
participer, en sa qualité de responsable, d'un agent du
développement de la culture québécoise. Il est bien
entendu que la réciproque s'impose de soi.
Pour poursuivre notre exemple dans une de ces applications pratiques qui
nous tient particulièrement à coeur, lorsque le ministre
délégué au Haut-Commissariat définira à
l'intérieur de sa politique globale sa politique en matière de
loisirs socio-culturels, il nous semblerait à tout le moins
étonnant que son collègue des Affaires culturelles et des
Communications ne participe point aux travaux.
Où se termine la responsabilité de l'un et où
commence la responsabilité de l'autre? Quels sont les grands principes
qui guideront l'un et l'autre dans leurs actions? Quelle philosophie
prévaudra à la conception et à l'élaboration de
leurs politi- ques respectives? Enfin, quelle conception globale se feront-ils
chacun du rôle de leurs administrations?
Si, dans le cas du ministre délégué au
Haut-Commissariat, tout est à faire dans son secteur, ce secteur des
loisirs étant relativement jeune et en pleine expansion, dans le cas du
ministre des Affaires culturelles, il en va autrement. Il faudrait qu'il
résiste à la tentation de faire ce que quelques-uns de ses
prédécesseurs ont eu tendance à faire, sans grand profit
pour le monde culturel, soit d'éviter de se prendre pour la culture,
faire table rase de tout ce qui a précédé et, ensuite,
imposer sa vérité à lui.
Le dernier titulaire du ministère des Affaires culturelles, avant
notre honorable collègue, avait, à notre avis, accompli une
tâche de titan, par la préparation de son document de travail pour
l'évolution de la politique culturelle. Ne serait-ce que parce qu'il a
su comprendre la réalité du monde culturel. Clairement poser le
problème et proposer des solutions dont l'application, pour l'ensemble,
serait des plus heureuses quant à l'avenir de ce secteur, M. Jean-Paul
L'Allier aurait certainement mérité de la patrie. Mais il y a
plus. Non plus en tant qu'individu, mais en sa qualité d'homme politique
responsable d'une administration de l'institution gouvernementale, il a su
faire la preuve que l'intérêt collectif pouvait être mis
au-dessus de l'intérêt particulier d'une formation politique et
que le dévouement à une cause partisane pouvait être
transcendé par le dévouement à la cause du peuple
québécois.
Permettez-moi, M. le Président, en terminant, d'engager
instamment le ministre à tenir compte du travail effectué par son
prédécesseur et de poursuivre dans le sens qu'il a tracé.
Je lui souhaite d'avoir autant de succès que lui et de rallier à
sa cause, comme M. L'Allier a su le faire, toutes les énergies et la
bonne volonté des agents et des participants du secteur culturel. Sans
un tel consensus, aucune action possible dans un secteur aussi vital de
l'activité sociale et aussi éminemment essentiel au
développement et à l'épanouissement de l'identité
du peuple québécois. Merci, M. le Président.
Pour ma part, j'aurai peut-être d'autres remarques d'ordre
général avant de commencer l'étude des crédits
proprement dits pour l'état financier 1977/78.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre.
Réplique de M. le ministre
M. O'Neill: Je me permets quelques brefs commentaires, sur les
deux communications qui viennent d'être présentées, l'une
par M. le député de l'Acadie et l'autre par M. le
député de Gaspé.
Mme Lavoie-Roux: C'est à l'image de son cabinet!
M. O'Neill: C'est vrai qu'il manque de femmes. Elle a raison.
M. Guay: La réunion du Conseil du statut de la femme,
c'est ce soir.
M. O'Neill: Un bon point, madame. Très bien. On nous dit
qu'il y a très peu de nouveau si on compare ce qui vient d'être
présenté et ce que prônait et essayait de mettre en valeur
M. L'Allier, mon prédécesseur. On nous dit, d'autre part, qu'il
faudrait respecter beaucoup ce qu'il a fait et essayer d'exercer une
continuité, d'assurer la continuité. Je pense que les deux
observations sont vraies. Il y a eu, on le reconnaît bien, quelque chose
qui a été bien fait. D'ailleurs, c'était même un
paradoxe de cet ancien gouvernement d'une certaine façon, surtout si on
pense au livre vert, à l'encouragement qui a été
donné dans les milieux d'art par le ministre
précédent.
On ajoute à cela que si on avait voulu faire quelque chose de
vraiment très nouveau, il aurait fallu augmenter beaucoup plus
considérablement les crédits. C'était dans nos souhaits.
Ici je ferais deux remarques. L'une, c'est que nous nous ressentons des
conditions pitoyables dans lesquelles nous avons trouvé les finances du
Québec et, à ce point de vue, nonobstant ces conditions
pitoyables, il demeure que le gouvernement a voulu, malgré tout,
accorder un appui tangible au ministère des Affaires culturelles dans
cette augmentation des crédits qui atteint pratiquement 30%.
Il faudrait peut-être aussi ne pas oublier que lorsqu'on parle de
crédits en matière culturelle, il faudrait distinguer les
crédits accordés au ministère des Affaires culturelles et
les crédits qui appartiennent ou relèvent de toute façon
d'un budget culturel, c'est-à-dire ce qui, par exemple, relève de
l'Office de la langue française, du domaine du cinéma ou
même de Radio-Québec, c'est assez difficile ici d'établir
une frontière, sans compter, évidemment, tout ce qui est
directement culturel dans les activités qui sont du ressort du ministre
de l'Education. J'avais l'occasion, la semaine dernière, d'ouvrir une
exposition d'artisanat dans une polyvalente qui relève du
secteur de l'éducation permanente. C'était, me semble-t-il,
très culturel et pourtant, c'est un secteur dans lequel nous n'avions,
en tant que ministère, apporté aucun appui financier. Tout cela
relève même de la commission scolaire et du ministère de
l'Education. Alors, dans ces calculs, sans vouloir jouer à l'optimisme
et dire que tout va bien, simplement remettre un peu les choses en place, nous
souhaitons nous-mêmes y arriver le plus vite possible à ce
symbolique 1%. Encore une fois, quand on fait le décompte, il ne
faudrait pas oublier des choses qui, vraiment, relèvent de budgets
culturels, sans relever du ministère des Affaires culturels.
Concernant les relations interprovinciales et particulièrement
les relations avec les minorités francophones hors Québec, c'est
un type d'activité éminemment souhaitable, mais qui relève
directement du ministre des Affaires intergouvernementales. Vous êtes au
courant là-dessus de la prise de position qu'il a rendue publique
récemment, lorsqu'il a parlé avant tout d'un appui moral. Tout le
monde sait que le gouvernement ne se désinté- resse pas de ces
minorités, sauf que nous sommes profondément convaincus que la
première façon de les aider, c'est d'abord de constituer un
gouvernement vraiment québécois fort. Pour nous, un Québec
fort est encore le meilleur des appuis que nous pouvons assurer à ces
minorités francophones. Dans le concret, il existe déjà,
tout le monde le sait, des liens de toutes sortes entre ces minorités et
les citoyens du Québec. Il faut souhaiter l'accroissement de ces liens.
Pour ce qui est d'une politique globale, encore une fois, elle ne relève
pas de nous, mais relève du ministre des Affaires
intergouvernementales.
L'utilisation des fonds fédéraux pose un problème,
c'est-à-dire que c'est une utilisation que nous acceptons. Cela doit
réjouir ceux qui nous invitent toujours à la collaboration. Cela
n'empêche pas de nous poser des problèmes, parce qu'il n'est pas
toujours facile de s'entendre sur les priorités, c'est-à-dire
que, d'une part, on pourrait considérer que chaque fois que le
fédéral met de l'argent au Québec, c'est autant d'acquis,
autant de pris, autant de rapatrié, mais il faut aussi, d'autre part,
voir que cela peut, à un moment donné, poser des problèmes
lorsqu'on veut instaurer une politique un peu cohérente. Je pense
simplement à un cas. Nous avons eu un problème particulier d'un
musée entièrement payé par le fédéral, pour
lequel il ne fournit pas de budget subséquemment, problème qui
prend la forme suivante, c'est-à-dire que cette institution ne
répond pas aux normes générales que nous avions
établies sur les musées privées, à cause de sa
dimension, de son coût de fonctionnement, etc. Dans des cas comme
celui-là, il serait vraiment souhaitable qu'on nous consulte et qu'on se
trouve à tenir compte du Québec, à condition de
reconnaître le principe fondamental que c'est le Québec qui est
maître d'oeuvre en matière culturelle. Je pense finalement que
c'est là le problème, c'est-à-dire que nous sommes
placés devant des situations de faits. Nous nous en tirons le mieux
possible. Ce qui n'est pas reconnu, et je pense que les gens de l'Opposition le
savent très bien, c'est la reconnaissance du Québec comme
maître d'oeuvre en matière culturelle au Québec.
D'ailleurs, cela a été carrément affirmé, il y a
à peine un mois, par le secrétaire d'Etat au
fédéral, M. Roberts. Là-dessus, évidemment, nous
sommes en désaccord total. Une fois en désaccord total sur le
plan des principes, nous essayons de nous en tirer de notre mieux sur le plan
des faits. Je voudrais souligner cette difficulté qui se pose lorsqu'il
s'agit d'essayer de mettre en pratique une politique culturelle d'aide, de
subvention, par exemple, qui soit équitable, cohérente, lorsqu'un
agent venant de l'extérieur intervient ici et là, à son
gré, et finalement, dérange les plans ou la politique que nous
avions essayé de rendre la plus ordonnée possible.
Il nous a été suggéré de ne pas nous
substituer à la culture mais de l'appuyer. Nous sommes bien d'accord
là-dessus. Nous ne pensons pas que les gouvernements créent la
culture. Le gouvernement n'est pas le propriétaire de la culture,
mais
il a quand même un rôle évident en matières
culturelles. S'il y a eu un ministère des Affaires culturelles qui a
été créé en 1961, si nous avons également
maintenant un ministre d'Etat au développement culturel, c'est que tout
le monde est bien conscient que le gouvernement ne peut pas se
désintéresser de la culture, pas plus, je dirais encore moins, le
gouvernement actuel que le gouvernement précédent, et incluant
tous les aspects et, de façon particulière, cet aspect
linguistique que le député de Gaspé a qualifié de
spectaculaire. Ce n'est pas seulement spectaculaire, c'est essentiel. Quand
vous démolissez l'assise linguistique, vous venez de perdre la bataille
culturelle. Ce n'est pas l'accidentel et ce n'est pas du spectaculaire. C'est
de l'essentiel pour nous, et, quand nous tentons d'implanter une politique
linguistique rationnelle, saine, c'est toute la culture du Québec que
nous défendons. Ce n'est pas, encore une fois, de l'attachement à
de l'accidentel, mais c'est de l'attention portée à
l'essentiel.
Je crois avoir, M. le Président, formulé ici les
commentaires les plus généraux qui s'imposaient. Non, il y en a
peut-être un que j'ai oublié. Un point extrêmement
intéressant, je trouve, qu'a mentionné Mme le
député de l'Acadie, c'est le problème des liens entre les
ministères de l'Education, des Travaux publics et des Affaires
culturelles. Nous avons déjà actuellement des rencontres,
évidemment, avec le ministère de l'Education là-dessus et
avec le ministre particulièrement, cela va de soi. Nous avons aussi des
rencontres et parfois des petits frottements, mais nos rapports
s'améliorent de jour en jour, avec le ministère des Travaux
publics, étant donné, évidemment, que nous
dépendons de ce ministère quand il s'agit de l'équipement
matériel, des édifices, de la conservation des oeuvres d'art, des
bonnes conditions de conservation, etc. Alors, ça va de soi que ces
liens doivent être multipliés. Je trouve ça très
bien qu'on ait souligné la nécessité, ici, de multiplier
ces rapports, afin d'obtenir, du ministère des Travaux publics, la
meilleure collaboration possible et, je dirais, une manifestation d'estime
évidente à l'égard des biens culturels.
Pour ce qui est du ministre de l'Education, j'ai déjà eu
l'occasion de parler avec lui de ces problèmes, par exemple le
problème de ce que nous appelons des équipements culturels,
partout sur les territoires, de ces équipements scolaires que nous
voudrions mettre au service non pas simplement des étudiants, des
écoliers, mais de la population en général pour qu'elle
puisse se livrer à des activités culturelles, qu'elle puisse en
profiter, par exemple le soir, les fins de semaines, etc. Cela, c'est un
problème concret. Il y a déjà, ici ou là, des
solutions de trouvées. Des protocoles d'entente, d'ailleurs, sont
signés, par exemple, entre les commissions scolaires, le
Haut-Commissariat et le ministère de l'Education, afin que ce soit toute
la population qui puisse profiter d'équipements parfois très
coûteux, très valables, très utiles, qu'on trouve un peu
partout sur le territoire québécois.
Donc, nous pourrons, M. le Président, je crois, aller plus en
détail après cela. Il y a peut-être seulement un dernier
point concernant une remarque de M. le député de Gaspé sur
la collaboration entre le gouvernement et le secteur privé dans le
domaine des industries culturelles. Cela, je pourrais vous le dire, c'est
exactement la façon dont nous voyons les choses. Nous ne voulons pas
devenir des fabricants d'oeuvres d'art, de produits d'artisanat, etc. Nous
collaborons et nous aidons, et nous avons aussi demandé, justement, au
ministère de l'Industrie et du Commerce de fournir une aide technique
que nous ne pouvons pas fournir, parce que ce sont eux qui ont les experts dans
ce domaine, afin que ces petites entreprises privées puissent se
développer et devenir florissantes et ainsi constituer un atout
précieux dans la vie économique du Québec.
Discussion générale
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, un tout petit point sur
ça. Quand vous avez parlé du ministère de l'Education, M.
le ministre, vous avez souligné la dimension de l'utilisation des
équipements culturels par tout le public.
J'avais une préoccupation qui allait au-delà de
celle-là, qui était celle de consultant au plan des programmes de
nature culturelle et de formation des étudiants, tant chez les jeunes
que chez les adultes, que dans les programmes pour les adultes; dans les
ministères, je pense qu'on aurait pu en ajouter plusieurs. Vous avez
nommé le ministère des Affaires intergouvernementales, on
pourrait ajouter aussi le ministère des Affaires municipales. Je pense
que vous avez sans doute un rôle de sensibilisation du point de vue de la
protection de l'environnement, mais également au point de vue de
l'environnement esthétique, et il me semble important que vous ayez des
liens articulés avec le ministère des Affaires municipales
à cet égard.
M. O'Neill: Nous avons actuellement, surtout des liens avec des
municipalités et je pense que s'il y a un cas intéressant, cela a
été le lien qui s'est fait ici entre la direction du patrimoine
et les municipalités de l'île d'Orléans afin d'assurer la
conservation du patrimoine. C'est-à-dire que nous nous sommes
aperçus qu'il y avait beaucoup d'avantages à être des gens
qui engagent les gens du milieu dans l'oeuvre de conservation du patrimoine au
lieu d'imposer simplement des normes qui pouvaient risquer, à un certain
moment, de donner un visage désagréable à ce qu'on appelle
la culture.
Au plan pratique, actuellement, ce sont des liens un peu comme
ceux-là que nous faisons. Nous le faisons aussi quand il s'agit d'aider
les bibliothèques municipales ou de discuter parfois...
Je dois vous dire, par exemple, qu'hier soir, c'est un point, quand
même, j'ai discuté avec une municipalité de la
région, de la contribution des citoyens à la vie culturelle de
leur ville au plan et de la bibliothèque et de l'utilisation des locaux
qu'ils devraient mettre à la disposition de la population.
C'est un peu sous forme pratique, concrète, que ce lien se fait
et cela n'exclut pas, évidemment que nous puissions avoir à ce
point de vue un peu plus de liens avec le ministère lui-même ou
avec le ministre lui-même pour qu'il insuffle peut-être un souffle
nouveau, un style nouveau au sein des activités qui relèvent de
son ministère pour qu'on ait un plus grand nombre de
municipalités qui s'intéressent à la dimension culturelle
de la vie quotidienne.
Mme Lavoie-Roux: J'ai vraiment en tête aussi cette
préoccupation de l'environnement esthétique. On a beaucoup de
petites villes, de villages ou d'endroits intéressants qui, à
cause de cette non-sensibilisation à cette dimension, se
détériorent sur ce plan. Je pense que c'est peut-être un
rôle ou que cela ne l'est pas peut-être que le ministre
pourrait répondre mais un rôle de sensibilisation du
ministère. Evidemment, le ministère des Affaires municipales est
un autre communicateur avec les municipalités, et je le vois intervenir
dans le sens des activités culturelles. Vous avez mentionné les
bibliothèques, etc., mais il y a aussi cette dimension esthétique
qui me semble aussi importante pour le Québec.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je veux seulement livrer au ministre quelques
réflexions sur le document qu'il nous a exposé et sur la
présentation qu'il nous a faite au sujet de son ministère. Je ne
peux m'empêcher d'avoir l'impression que le document que vous nous avez
présenté est plutôt défensif, est plutôt un
peu craintif, en plus du fait que, comme le député de L'Acadie
l'a souligné, vous vous êtes assez fié à la
politique du livre vert de votre prédécesseur; on semble avoir
l'impression, à la lecture de ce document, que vous ne reconnaissez pas
qu'il y a une force et un dynamisme à la culture
québécoise, que c'est établi.
Vous nous donnez l'impression que vous êtes un peu sur la
défensive. Vous parlez de redressement. Vous dites que cela ne devrait
pas être gênant. Je ne sais pas si cette approche est la
vôtre ou celle du ministre d'Etat au développement culturel. On
dirait que c'est une approche comme si la culture québécoise
devait s'établir.
Dans mon esprit, elle est établie, elle a un dynamisme, elle a
une force et si on la compare avec celle du reste du Canada, je crois que la
culture québécoise est celle qui ressort le plus quand on
considère, en termes de développement de la culture, de
développement d'un peuple, les arts, la chanson, tout. Alors, je me pose
la question: Pourquoi être sur la défensive à ce sujet?
Naturellement, l'approche que le gouvernement aura face au développement
de la culture et à l'aide qu'il peut donner aux artistes, aux
institutions qui vont donner suite aux moeurs et à la culture du peuple,
va changer, va prendre une direction différente selon qu'il sera sur la
défensive ou qu'il sera positif et acceptera que la culture
québécoise est établie ici. Alors, l'approche du
gouvernement sera différente. J'ai été
étonné un peu, j'allais demander de soulever la question des
minorités. Il y a deux minorités, deux classes de
minorités. Premièrement, une minorité francophone hors du
Québec et deuxièmement des minorités culturelles au
Québec. Je crois qu'elles aussi apportent une contribution à la
vie québécoise en poursuivant certaines activités de leur
groupe ethnique ou de leur communauté, en donnant un autre aspect aussi
à la vie culturelle et à la vie des minorités.
Vous semblez dire que les minorités francophones
relèveront du ministre des Affaires intergouvernementales. La raison
pour laquelle cela m'étonne, c'est que je ne vois pas, dans le
développement de la culture, ou des activités culturelles, un
rôle politique. Vous semblez politiser l'aspect culturel, le rôle
culturel des citoyens. Même quand vous dites que vous ne voulez pas le
politiser, le fait que vous disiez que c'est au ministre des Affaires
intergouvernementales à s'occuper des groupes minoritaires francophones
hors du Québec, soulève certaines questions. Je pense qu'un
ministère des Affaires culturelles, devrait avoir une approche positive,
ne devrait pas se gêner de certains aspects de la culture et du
développement de la culture, devrait aider ces groupes minoritaires
francophones à développer la culture francophone au Canada, sans
passer par l'entremise de la voie politique, c'est-à-dire le
ministère des Affaires intergouvernementales. Les autres
activités, qui ne semblent pas ressortir de votre document, ce sont les
activités de votre ministère quant au développement,
à l'aide ou à la reconnaissance des activités culturelles
de divers groupes ethniques dans la communauté
québécoise.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre.
M. O'Neill: Cela dépend un peu, M. le Président, de
la façon dont on regarde les choses quand on évalue une approche
pour savoir si elle est positive, sur la défensive ou agressive. Je
crois que lorsque nous parlons, par exemple, de régionalisation,
d'industrie culturelle, nous parlons de la confiance que nous avons dans
l'activité culturelle, le dynamisme culturel des régions et cela
est, à mon avis, très positif. Nous pensons qu'il y a là
un potentiel culturel qui n'a pas été exploité. Nous
pensons, par exemple, que c'est malheureux que des artistes aient dû
quitter leur région, s'en venir à Québec ou à
Montréal, parce que, dans leur coin, ils n'avaient pas
l'équipement nécessaire. Ils n'avaient pas le minimum d'aide pour
produire.
Dans le domaine des industries culturelles, je crois que c'est une
attitude prospective et j'oserais dire agressive. Certains vont même vous
trouver idéalistes là-dessus; nous pensons qu'il y a là un
énorme potentiel et de croissance culturelle et de croissance
économique. En même temps, je pourrais maintenant parler
d'industrie culturelle et tout à coup, à ce moment-là,
prendre ce que M. le député de Mont-Royal appelle une approche
néga-
tive ou pessimiste, c'est-à-dire que nous sommes des gens envahis
en matière culturelle. Il suffit de regarder ce que les gens voient au
cinéma, à la télévision, ce qu'ils vont acheter
chez le dépositaire du coin ou ce qu'on leur offre en vente chez le
dépositaire du coin, parce qu'ils n'ont même pas le choix, parce
que le dépositaire lui-même s'est fait imposer les produits
extérieurs.
Je dirais que l'observation la plus élémentaire nous
montre qu'il s'agit là d'un peuple culturellement assiégé.
Il ne s'agit pas ici d'être pessimiste; il s'agit d'être
réaliste. Il y a un mélange des deux, c'est-à-dire, d'une
part, que c'est un réalisme vis-à-vis de l'état où
nous sommes et, d'autre part, c'est une confiance. Oui, nous croyons que nous
pouvons vivre de façon beaucoup plus créatrice et dynamique dans
cette province dans le domaine culturel.
Mais, d'autre part, nous pensons que ce serait malsain, que ça ne
serait pas prudent politiquement de ne pas voir la situation concrète
dans laquelle nous sommes placés et que d'autres, d'ailleurs, nous
rappellent sans cesse.
Ce n'est pas moi qui, dans des entretiens, rappelle tout le temps que
nous sommes, comme les gens disent, noyés dans une mer de 225 millions
d'Anglo-Saxons et donc, la conclusion sous-jacente serait: Laissons-nous aller.
Non, il y a beaucoup de gens qui nous rappellent ça.
Mais nous pensons que, dans ce contexte et avec ces contraintes, oui, il
y a moyen de créer ici une assise culturelle dynamique. Certains pouvent
croire que nous sommes sur la défensive, mais je pense que nous sommes
réalistes. Nous pensons créer un Québec fort,
culturellement vivant, mais nous savons dans quelles conditions nous
travaillons. Nous pensons aussi que, dans le concret, quand nous regardons le
secteur des activités culturelles, il y a des problèmes graves
qui relèvent de nous, celui de la conservation du patrimoine, de la
consolidation de nos institutions nationales, et ce n'est pas pessimiste mais
réaliste de dire qu'il faut faire quelque chose le plus vite possible et
nous aurions, en fait, souhaité aller encore plus vite que nous irons
cette année dans ce domaine.
Concernant ces relations avec les minorités, je veux tout
simplement dire qu'au plan des responsabilités administratives, quand il
y a un ministre des Affaires intergouvernementales, ce qu'on a appelé
à Paris un ministre des Affaires extérieures ou
étrangères, on doit tenir compte de lui, c'est-à-dire que
c'est en collaboration avec lui que nous travaillons.
Maintenant, votre invitation à aller secourir culturellement des
minorités me donne un effet étrange parce qu'après que
d'autres les ont démolies, on nous invite maintenant, avant qu'elles
soient complètement asphyxiées, à les aider. C'est gentil
comme invitation, mais il y aura peut-être lieu, à cette occasion,
de faire tout un retour sur l'histoire. C'est-à-dire qu'on nous confie
comme tâche, en plus de nous occuper du Québec, d'aller sauver ce
que d'autres là-bas essaient de noyer. C'est une oeuvre apostolique que
je ne rejette pas, mais, quand même, je suis étonné qu'on
nous fasse cette suggestion; il serait peut-être bon de la faire aussi au
gouvernement d'Ottawa qui s'est dit responsable des minorités dans les
autres provinces, qui a dit qu'il allait les sauver.
Nous ne mettons pas cette tâche de côté; j'avoue que
nous avons déjà beaucoup de pain sur la planche ici,
énormément de travail à accomplir avec peu de ressources,
mais je suis un peu perplexe devant des invitations de ce genre, quand on
connaît tout !e passé. Encore une fois, ces minorités ont
tout à fait notre sympathie. Je maintiens qu'il y a un ministre qui
s'occupe de façon particulière d'entretenir des liens avec elles
et je suis sûr que, quand M. Morin jugera que le ministère des
Affaires culturelles devra intervenir pour aider des minorités ailleurs,
eh bien, il nous fera signe.
Je vous signale simplement que, dans le moment, nous avons la
responsabilité de la culture au Québec. Je vous disais tout
à l'heure que vous pourriez transmettre cette invitation au gouvernement
fédéral et pourquoi pas aux gouvernements des autres provinces?
Ce n'est pas nous qui avons démoli les cultures dans les autres
provinces. Ce sont d'autres gouvernements avec lesquels, tous les jours, on
nous invite sans cesse à collaborer. Je suis prêt à prendre
l'invitation, mais j'aimerais bien que vous la transmettiez aussi à qui
de droit, à des gens qui, paraît-il, sont supposés
défendre les minorités dans chacune des provinces. Mais, quand on
dresse le bilan de cette action de protection des minorités dans les
autres provinces, on demeure un peu perplexe, pour ne pas dire
scandalisé.
M. Ciaccia: Sur le même sujet, je ne voudrais pas me faire
mal interpréter. Je ne crois pas que j'aie soulevé la question
d'aller sauver les minorités dans les autres provinces. Non. Ce n'est
pas cela du tout. J'ai seulement demandé pourquoi il n'y aurait pas de
relations avec ces autres minorités, parce que nous parlons d'un
dynamisme québécois, d'une culture québécoise, de
gens qui parlent le français et que cette culture est basée sur
la langue française. Il y a d'autres groupes au Canada qui pourraient
aider cette culture à croître, grandir, et ajouter au
développement de cette culture.
Il ne devrait y avoir aucune interprétation de ma question quand
à aller les sauver. Je ne crois pas que ce soit le but ou la direction
de mes propos. Je me demande si c'est le rôle de n'importe quel
gouvernement d'aller sauver certaines minorités. Ce n'est pas de cela du
tout dont on parlait.
On parlait des relations avec ces groupes qui, quand même,
partagent certaines valeurs, et certainement une langue, avec le Québec,
et je me demandais pourquoi vous aviez remis cela. Ce n'est pas une question de
politique, je ne parlais pas de politique. Même que je suis
préoccupé par la politisation de la culture et j'espère
que je peux prendre votre parole, que vous dites exactement ce que vous voulez
dire et que, vous non plus, vous ne voulez pas politiser la culture.
C'est dans ce sens que j'essayais d'interpréter le rôle
d'un ministre des Affaires gouvernementa-
les, quand on parle d'échanges culturels. C'est cela qui
m'étonne. Je ne comprends pas exactement quel rôle vous voyez,
vous, pour ces groupes francophones qui partagent certaines valeurs que nous
avons. Ce n'est pas dans le sens de la politique et ce n'est pas dans le sens
de sauver aucun groupe.
M. O'Neill: J'ajoute tout simplement, M. le Président, que
le travail de coordination et de relation avec les gouvernements
étrangers, avec les groupes à l'extérieur du
Québec, cela fait partie de la responsabilité du ministre des
Affaires intergouvernementales. C'est dans son mandat, ce n'est pas dans notre
mandat.
M. Ciaccia: Dans le domaine culturel?
M. O'Neill: De façon générale, c'est lui qui
doit voir à cette coordination. C'est tout simplement cela. Quant
à nous, je signale, puisque cela vous préoccupe, ces relations
avec les minorités, qu'il y a une chose qui me préoccupe
beaucoup, par exemple, c'est l'accroissement de nos rapports avec les
minorités au Québec. Je crois que c'est une chose qui nous
importe. Actuellement, vous dites que ce qui est prioritaire et que nous
pensons qui va faire l'objet d'une action rapide, c'est ce problème.
Peut-être que M. de Bellefeuille aurait des remarques à ajouter,
parce que c'est un dossier dont il s'occupe plus particulièrement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: M. le Président, avant
d'enchaîner avec ce que le ministre vient de dire à propos des
relations interculturelles au Québec, j'aimerais relever certaines
affirmations de Mme le député de L'Acadie, que je voudrais
féliciter de la créativité dont elle a fait preuve, en
abordant les crédits du ministère des Affaires culturelles. Cette
créativité convient éminemment à une discussion des
budgets de ce ministère.
Cette créativité s'est manifestée lorsque Mme le
député de L'Acadie, qui est nouvelle-venue dans les rangs du
Parti libéral, a commenté les engagements pris par ce parti
durant la campagne électorale et a fait des affirmations quant à
ce que ce parti aurait fait s'il avait été reporté au
pouvoir.
La place des affaires culturelles dans le programme électoral du
Parti libéral en octobre et novembre derniers, on peut en juger par le
principal placard publicitaire que ce parti a publié dans tous les
journaux du Québec, qui comportait 20 ou 30 points, 20 ou 30 blocs de
texte présentant à la population les engagements, les promesses
du Parti libéral.
Aucun de ces points ne traitait des affaires culturelles et, si Mme le
député de L'Acadie ne veut pas entendre ma parole, cela pourra
facilement se relever dans les dossiers. Je tenais à préciser
l'exactitude historique, parce que Mme le député de L'Acadie, une
nouvelle venue, semble mal connaître le parti dont elle est membre. Elle
a affirmé que...
Mme Lavoie-Roux: Si vous parlez de placard publicitaire, c'est
peut-être une autre chose; mais si vous parlez du programme du parti,
cela peut être différent.
M. de Bellefeuille: Je parle effectivement du placard
publicitaire...
Mme Lavoie-Roux: Ah!
M. de Bellefeuille: ...qui présentait les engagements de
ce parti. Quant à savoir si ce parti aurait porté le budget,
dès cette année, du ministère des Affaires culturelles
à 0,75% du budget total, c'est de la pure invention, c'est de la
fiction. Je ne peux pas féliciter Mme le député de
L'Acadie de son talent d'invention.
Pour en venir aux questions du député...
Mme Lavoie-Roux: Je pense que vous pourriez au moins
accorder...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il
vous plaît...
Mme Lavoie-Roux: ...certains crédits au dynamisme du
ministre qui était là auparavant. Il a eu tellement de dynamisme
qu'on ne peut faire autre chose que de suivre ce qu'il a mis en place, ce qui
pouvait laisser prévoir qu'on aurait été un peu plus
énergique auprès du Conseil du trésor que ne l'a
été le ministre actuel.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mme le
député de L'Acadie, à moins d'obtenir la permission du
député de Deux-Montagnes, je vous rappelle que vous ne pouvez
l'interrompre.
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Je ne lui ai pas donné la permission,
M. le Président.
Je voudrais en venir aux interrogations de M. le député de
Mont-Royal à propos des relations interculturelles à
l'intérieur du Québec. M. le ministre a déjà
indiqué que c'est devenu une des préoccupations importantes de
son ministère. Nous sommes en train de mettre sur pied un programme de
relations interculturelles, non pas un programme dans le sens
budgétaire, mais un programme dans le sens des activités du
ministère, un programme visant à faire se mieux connaître
les unes les autres les collectivités culturelles qui composent le
Québec.
Il est étonnant de constater, M. le Président, que c'est
le gouvernement du Parti québécois qui entreprend cette action
indispensable qui a été complètement
négligée par son prédécesseur. Son
prédécesseur, dans ce domaine en tout cas, par le biais du
ministère des Affaires culturelles, n'a rien fait. C'est le gouvernement
du Parti québécois qui entreprend à l'intérieur du
ministère des Affaires culturelles, de réaliser ce programme
visant à mieux renseigner chacune des collectivités qui
composent la population québécoise sur l'ensemble des
collectivités québécoises, un programme visant à
favoriser l'épanouissement culturel de chacune de ces
collectivités, l'épanouissement culturel de la
collectivité anglophone, l'épanouissement culturel de la
collectivité italienne, l'épanouissement culturel de chacune des
collectivités québécoises y compris, bien entendu, les
collectivités aînées, amérindiennes et inuit.
Nous voulons que les Québécois se connaissent mieux les
uns et les autres. J'ai eu l'occasion d'aller adresser la parole à des
groupes d'élèves anglophones dans la région qu'il est
convenu d'appeler le West Island et, durant la période des questions, il
y a des étudiants, des finissants du secondaire, qui affirmaient que le
français est une langue morte, que la culture québécoise,
cela n'existe pas. Je pense que cela indique l'importance de la tâche que
nous entreprenons, l'importance de faire en sorte que tous les
Québécois apprennent à se mieux connaître les uns
les autres, que tous les Québécois apprennent avant tout à
bien connaître la culture québécoise francophone, puisque
c'est la principale de nos cultures.
L'exécution de ce programme va commencer incessamment. Nous
entendons lui donner une importance considérable. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Bourget.
M. Laurin: M. le Président, je ne vois pas beaucoup de
choses à ajouter à l'excellente présentation qui a
été faite par le ministre de ces estimations budgétaires
pour l'année courante. Je pense que la présentation qu'il en a
faite était soignée, était exhaustive, et, n'en
déplaise au député de Mont-Royal, très positive, en
ce sens que sa présentation était décidément
orientée vers l'avenir, et décidément orientée par
la participation la plus large de tous les citoyens du Québec, de toutes
les régions du Québec, à la définition d'une
culture spécifiquement québécoise, d'une part, et ouverte
sur l'universel, d'autre part.
Mon attention a été attirée, bien sûr, par
certaines remarques faites par nos amis d'en face. Je voudrais revenir sur
l'éloge qu'ont fait les représentants du Parti libéral et
de l'Union Nationale de M. Jean-Paul L'Allier, l'ex-titulaire du
ministère. Evidemment, "de mortuis nihil nisi bene"...
M. Guay: On se cultive...
M. Laurin: ... on ne peut dire des morts politiques que les
éloges, évidemment, d'autant plus qu'ils ne sont plus là
pour commenter ce qu'on dit à leur sujet. Pour ma part, je suis bien
d'accord avec le rôle important qu'a joué l'ex-ministre L'Allier
dans la politique culturelle du Québec. Je pense quand même qu'il
faut situer son rôle dans une évolution dont il n'était
sûrement pas le seul porte-parole important. Je pense que l'importance de
la culture au Québec est ancienne.
A partir du moment même où un gouverne- ment comme celui du
Québec a reçu des pouvoirs en vertu de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique, il devenait marqué par son
identité et destiné à la développer dans ses
institutions aussi bien que par son action. Je pense bien que c'est ce qui se
produit. C'est ce qui s'est produit dès le début de l'histoire du
régime confédératif, dans le cadre de l'histoire
québécoise, en ce sens qu'on peut dire que la plus grande partie
des actions posées par ce gouvernement semi-autonome est allée
dans le sens de la préservation et du développement de son
identité. Cette action politique a été, bien sûr,
marquée par l'esprit du temps, qui était un esprit conservateur
et un esprit où l'intervention de l'Etat était peu
marquée, car la philosophie politique de l'époque ne le
commandait pas.
Mais il reste que tous les gouvernements québécois qui se
sont succédé depuis 1967 n'ont pu faire autrement que de penser
à la conservation et au développement de la culture
québécoise. Je me rappelle, par exemple, qu'on a institué
à un moment donné un Secrétariat de la province, qui
agissait comme une sorte de ministère des Affaires culturelles avant la
lettre, et dont les initiatives, si on les décompte au fil des
années, ont été extrêmement nombreuses et
fructueuses également. Il reste que c'est à partir de la
révolution tranquille qu'en raison du développement soudain,
spectaculaire même, du Québec sur tous les plans, la
collectivité aussi bien que l'Etat ont cru nécessaire
d'identifier davantage la mission culturelle et de créer un
ministère destiné à la concentrer et à la
développer. Evidemment, il s'agissait d'un gouvernement libéral.
C'est à cette époque que nous avons vu la création du
ministère de la culture ou du ministère des Affaires culturelles.
Si on se reporte aux débats qui ont entouré la création de
ce ministère, on retrouvera toutes les raisons pour lesquelles il
s'avérait absolument nécessaire, pour ne pas dire indispensable,
d'avancer dans cette direction et que l'Etat manifeste d'une façon plus
claire et plus déterminée l'appui qu'il voulait accorder au
développement de la culture québécoise.
Il faut quand même remarquer que, lorsque le gouvernement de
l'Union Nationale est arrivé au pouvoir, il n'a pas décidé
de sabrer dans les structures qui venaient d'être mises en place. Il a
conservé le ministère des Affaires culturelles et, par
l'augmentation graduelle des crédits, par les politiques mises en
oeuvre, par les législations présentées, ce
ministère des Affaires culturelles a continué de se
développer, a élargi son aire d'influence et a
énoncé et mis en place aussi bien des politiques que des
mécanismes d'action propres à aller dans le même sens de
l'évolution commencée sous le régime
précédent. C'est à ce moment-là, par exemple, que
nous avons vu, dans certains domaines connexes aux affaires culturelles, se
développer des institutions extrêmement importantes comme les
collèges d'enseignement général et professionnel et
l'Université du Québec qui, bien sûr, jouent un rôle
extrêmement important dans l'évolution de la culture.
Arrive ensuite le gouvernement libéral de 1970
qui a gardé, lui aussi, le ministère, qui a
augmenté son rôle. Par exemple, je pense à la
création de Radio-Québec, ou plutôt à la
reviviscence de Radio-Québec, qui existait déjà. Je pense
à la mise en place de la Régie des services publics, d'une
politique des communications. Encore une fois, ces gestes politiques et
législatifs ne sont pas que le fait de l'Etat; ils étaient le
résultat, la conséquence de recommandations, d'appels,
d'exigences même posés par l'opinion publique telle qu'elle se
manifestait dans les assemblées annuelles des groupes culturels, telle
qu'elle se manifestait dans des articles de revues de plus en plus nombreux
à traiter ce sujet, telle qu'elle se manifestait dans la politique
éditoriale des journaux, telle qu'elle se manifestait, en somme, dans
toutes les régions du Québec, et telle qu'elle se
répercutait au niveau des autorités gouvernementales qui ne
pouvaient faire autre chose que de les appuyer et de les traduire, finalement,
en formes législatives.
C'est dans cette évolution, dans cette prise de conscience
graduelle de notre identité nationale que l'action de M. L'Allier doit
se situer, aussi bien que celle de ses prédécesseurs, celle de
Pierre Laporte ou celle de Daniel Johnson, de M. Jean-Noël Tremblay et de
tous ceux qui se sont succédé à la tête du
ministère des Affaires culturelles.
Je pense qu'il importe de situer dans ce mouvement de l'histoire les
contributions de chacun.
Evidemment, nous avons eu, à un moment donné, un livre
vert sur la culture et ce livre vert aussi, il importe de le situer dans le
contexte, aussi bien plus large de l'évolution de notre
collectivité que dans le contexte politique précis dans lequel il
a paru. Je pense que personne ne contestera qu'à l'époque
où ce livre vert a paru, la politique culturelle ne faisait pas l'objet
des préoccupations les plus chéries du gouvernement, si l'on
regarde aussi bien la répartition des budgets que la quantité de
discours faits par le chef du gouvernement d'alors ou les autres ministres,
à notre identité culturelle, à notre développement
culturel. Je suis d'accord avec ceux qui disent qu'une bonne partie de
l'orientation du livre vert doit peut-être quelque chose à cette
stagnation temporaire du développement culturel ou à cette
conception très particulière que l'on s'en faisait, au
gouvernement d'alors, où les affaires culturelles étaient
traitées comme un parent pauvre, comme la dernière des
préoccupations de ce gouvernement. On peut penser qu'un bon nombre des
recommandations que l'on retrouve dans le livre vert faisaient état,
d'une façon implicite à tout le moins, de cette politique ou de
cette absence de politique en matières culturelles du gouvernement, et
qu'une bonne partie des recommandations, par exemple, qui visent à la
décentralisation du ministère dans des organismes autonomes,
extragouvernementaux, étaient vues, aussi bien par l'opinion que par le
titulaire comme une sorte de libération d'un carcan qui menaçait
d'étouffer le développement culturel des Québécois
et du Québec.
C'est peut-être dans cette optique qu'il importe de juger
maintenant ces recommandations. Je suis d'accord avec ceux qui disent que le
livre vert constituait un moment important de la définition de notre
politique culturelle, mais ceci ne doit quand même pas nous
empêcher de garder un oeil critique sur ce document, car ce document
porte beaucoup plus sur la mise en place d'institutions extragouvernementales
que sur la définition d'une véritable culture
québécoise située dans toutes les dimensions que cette
définition doit comporter. Je pense que malgré les éloges
très mérités que l'on doit à l'ex-titulaire des
Affaires culturelles, il serait le premier à encourager tous ceux qui le
suivent, à examiner avec un oeil le plus critique possible, aussi bien
les considérations générales que les recommandations
spécifiques que son livre contient. La preuve en est d'ailleurs que ce
livre vert a été commenté par plusieurs groupes ou
personnes et qu'au ministère des Affaires culturelles, se sont
accumulés plus d'une centaine de mémoires dont les uns sont
élogieux, dont les autres sont très critiques, mémoires
que nous sommes en train d'étudier, comme il se doit, qui vont nourrir
notre réflexion et qui vont nous permettre d'aller encore plus loin que
le livre vert en ce sens qu'ils vont nous aider à définir une
politique culturelle, cette fois, globale, polyvalente, multidimensionnelle
aussi étoffée sur le plan des principes que sur le plan des
recommandations spécifiques qui devront traduire cette politique en
actes.
Nous ne savons pas encore à quelle législation cette
politique devra donner lieu, mais là, encore une fois, il importe
d'examiner d'un oeil critique, par exemple, certains concepts, comme ceux de
centralisation ou de régionalisation, ne serait-ce que pour les
définir d'une façon exacte et ne serait-ce aussi que pour
définir leur articulation organique et efficace.
C'est ce travail que nous faisons actuellement au sein du comité
interministériel du développement culturel. Nous le faisons sans
perte de temps, en y accordant toute l'attention désirable, mais aussi
avec le plus de célérité possible afin que ce gouvernement
puisse donner aux Québécois, dans les plus brefs délais,
une politique culturelle à la mesure de ses aspirations, à la
mesure de ses ambitions et aussi à la mesure de ses ressources et de son
génie propre. Cela m'amène à parler de la remarque du
député de Gaspé qui s'inquiétait justement,
à mon avis, de l'articulation à laquelle doivent viser certains
ministères qui font partie de cette mission culturelle.
Il a pris l'exemple du Haut-Commissariat à la Jeunesse, aux
Loisirs et aux Sports et du ministère des Affaires culturelles. Il s'est
demandé où doit se terminer la réflexion du ministre
délégué aux loisirs et aux sports et où doit
commencer la réflexion du ministre des Affaires culturelles.
Je crois que c'est une excellente question, car dans ce domaine
culturel, il ne doit pas y avoir d'exclusivisme. Il y a aussi des prolongements
nécessaires d'un domaine à l'autre ou des interac-
tions indispensables également d'un domaine à l'autre. Il
est bien sûr qu'on ne peut pas parler de loisirs dans une
société comme celle de 1977 sans souligner l'importance de la
dimension culturelle du loisir qui pourtant, d'après les attributions
des ministères, semble être la prérogative du
ministère des Affaires culturelles.
C'est précisément à cause de ces interconnections,
ces interactions nécessaires que l'on doit envisager, si l'on ne veut
pas légiférer dans l'abstrait, et si l'on veut
véritablement satisfaire les besoins concrets des hommes qui vivent dans
une société, que notre gouvernement a cru nécessaire de
créer ce qu'on appelle les ministres d'Etat au développement et
de leur demander de présider des comités interministériels
qui regroupent divers ministères. Nous pensons que ce n'est qu'avec ce
genre d'institutions, avec ce genre de comités, avec des ministres
d'Etat qui sont dégagés des contingences que pose
l'administration de ministères déterminés, que l'on peut
accorder à ces problèmes le temps, l'attention qu'ils
méritent. Pour répondre à la question plus précise
du député de Gaspé, je peux lui dire que les
problèmes qu'il a soulevés sont exactement ceux que nous nous
posons nous-mêmes et que nous essayons de résoudre de ce temps-ci
en examinant, par exemple, les prolongements dans d'autres secteurs des
activités propres à chaque ministère. En ce qui concerne
plus précisément le livre vert du ministre
délégué au haut-commissariat, ce livre vert, dans sa
première ébauche, sera présenté au comité
ministériel du développement culturel; il sera
étudié, je suis sûr, au fil de longues séances par
tous les ministres qui participent aux travaux du comité
interministériel, et si j'en juge par l'expérience passée,
il sera épluché, critiqué, d'une façon
sévère, d'une façon exigeante, et il ne fait aucun doute
qu'à la suite de cet examen, il sera retourné à ceux qui
ont pour mission plus concrète de le préparer. Il nous reviendra
dans une deuxième version et peut-être dans une troisième
version. Ce qui veut dire qu'il sera soumis à l'éclairage de tous
les ministères concernés et que le ministre responsable pourra
bénéficier de ces éclairages en même temps que de
l'expérience et de la réflexion de chacun des ministres
concernés aussi bien que de leur personnel administratif et technique.
Nous avons fait de même pour le livre blanc sur la politique de la
langue. Nous ferons de même pour le livre vert de l'enseignement
élémentaire et secondaire, dont l'étude est
déjà commencée. Nous ferons de même pour tous les
livres verts ou blancs ou même pour toutes les législations
importantes qui seront présentés par chacun des
ministères, parce que c'est une règle pour nous, une politique.
Nous croyons que, dans ce nouvel univers interdisciplinaire dans lequel nous
venons d'entrer, les pays, aussi bien que chacun des secteurs scientifiques, on
ne peut plus arriver à la vérité sans cet éclairage
venant de toutes les directions. Ceci nous permet d'éviter certains
oublis ou d'accorder toute l'importance qu'il faut à certains facteurs
que nous aurions sous-estimés, et surtout qu'il nous permet d'apporter
une vue à la fois détaillée et globale sur chacun des
problèmes qu'une société moderne comme la nôtre doit
étudier. C'est une expérience que nous poursuivons. Nous verrons
a l'épreuve si elle est suffisante, si elle ne peut pas encore
être perfectionnée, mais c'est en tout cas la direction que nous
avons prise. Oui?
Mme Lavoie-Roux: Continuez, je pensais que vous aviez fini.
M. Laurin: Un autre sujet qui a retenu mon attention aussi dans
les commentaires qui ont été faits, et là aussi
c'était général, aussi bien les députés de
L'Acadie que de Mont-Royal et de Gaspé y ont fait allusion, c'est celui
de la politisation de la culture. A mon humble avis, c'est un sujet qui me
donne souvent l'impression d'être une vache sacrée, en ce sens
qu'on n'ose pas y toucher. On y touche avec des pincettes, on le regarde de
haut, mais on n'ose pas s'en approcher, comme s'il s'agissait d'un explosif,
alors qu'en fait, je pense qu'il conviendrait, pour ne pas dire qu'il serait
nécessaire et indispensable, d'aborder ce problème avec
détermination, avec lucidité et avec énergie aussi, parce
que c'est un problème qu'on ne peut pas éviter. a mon humble
avis, la politisation de la culture doit être décomposée en
ses termes initiaux, c'est-à-dire politique et culture, et devrait mener
à une discussion, difficile certes, mais nécessaire des relations
qu'entretiennent ou doivent entretenir entre elles, politique et culture. Car
on ne peut guère les dissocier.
Toute culture qui se développe doit évidemment donner lieu
ou exige une action, soit au niveau des collectivités ou au niveau des
gouvernements qui doit se traduire politiquement. Par ailleurs, toute
politique, étant donné qu'elle se fait dans un cadre
donné, dans un pays donné, avec des individus donnés ayant
telle ou telle caractéristique culturelle, ne peut que porter la marque
d'une culture. Je pense que nous pouvons partir de ce postulat pour montrer
qu'on ne peut pas dissocier les deux et qu'il ne faut pas avoir peur de les
considérer.
Par ailleurs, je pense que les gouvernements, tous les gouvernements,
surtout ceux qui ont un ministère des Affaires culturelles ou un
secrétariat d'Etat, font de la politique, introduisent la politique dans
la culture, qu'ils en soient ou non conscients. En ce sens, on peut dire que
tous les gouvernements font de la prose sans le savoir, font une politique
culturelle ou une action culturelle politique sans le savoir.
Quand, par exemple, on assigne à Radio-Canada le rôle
à l'Office de radio et de télévision canadienne de
maintenir ou de promouvoir l'unité nationale, je dis que le gouvernement
fédéral fait de la politique. Je ne dis pas qu'il a tort d'en
faire, je dis qu'il ne peut pas s'empêcher d'en faire. Il veut que
Radio-Canada maintienne à sa façon la conception politique qui
est celle du gouvernement fédéral à savoir unir les
provinces dans un cadre politique constitutionnel déterminé,
tel
qu'interprété tous les jours par le premier ministre
régnant.
Je pense que lorsqu'on institue des enquêtes comme celle qu'on
fait actuellement sur Radio-Canada, sur l'ordre d'un premier ministre
régnant, on fait également de la politique. Lorsque dans les
officines fédérales, on lance des directives à l'Office
national du film, au Conseil des arts ou à Radio-Canada en vue
d'orienter leur politique pour l'année qui vient, lorsqu'on leur dit,
par exemple, d'organiser de grands spectacles de variétés
où l'on invite quelques artistes qui ont l'avantage de parler
français ou de parler anglais et qu'on les met ensemble sur une
scène, qu'on leur demande de faire des textes d'accompagnement ou de
liaison, dont on peut apprécier la qualité diversement, on fait
de la politique.
De la même façon, quand notre gouvernement dit qu'il doit
développer les secteurs particulièrement vigoureux qui tentent de
définir notre appartenance, notre identité, comme à
l'article 5 qui constitue le cinquième axe de développement de
notre politique, il est évident que l'on fait également de la
politique. Mais est-ce qu'on peut taxer ce genre d'orientation de caporalisme
culturel comme on est parfois tenté de le faire dans certains articles
que je lis, dans certains journaux francophones en particulier? Je crois que
c'est s'offenser bien aisément, c'est se voiler les yeux pudiquement
pour des raisons qui pourraient être qualifiées, je ne dirais pas
de tartuferie, mais de vision imparfaite du problème.
Car il y a, encore une fois, des liens nécessaires,
indispensables entre la culture et la politique. Il s'agit de bien
définir ce qu'on entend par politique, politique, au sens originel du
terme, qui est d'élaborer les lois et les conditions de fonctionnement
optimal et maximal d'une ville, d'une cité, d'un pays, d'une nation, ou,
dans un sens plus restrictif, comme dirait Larousse, l'injection de
préjugés partisans qui signent, d'une façon
différente en tout cas, et plus contestable, la caractéristique
de tel ou tel parti politique.
Je pense qu'il revient à un Etat de faire de la politique et de
faire en sorte que la culture débouche sur le politique parce que c'est
absolument essentiel. Seul le politique ou la politique peut donner à
une collectivité les moyens dont elle a besoin pour se développer
au niveau culturel, d'une part, et, d'autre part, parce qu'un gouvernement du
peuple est le seul capable d'identifier, de comprendre, de véhiculer, de
répercuter les aspirations culturelles spécifiques d'un peuple,
avec l'identité qui est la sienne, avec la langue qui est la sienne,
avec la culture qui est la sienne et est capable de penser, avec son aide, en
collaboration avec lui, les politiques qui sont nécessaires à
l'accomplissement, à la réalisation de ces grands objectifs tout
à fait légitimes.
Je pense qu'il ne faut pas se voiler la face, il faut admettre et
même réclamer et être fier que la politique intervienne,
à un moment donné, pour réaliser les aspirations
culturelles fondamentales d'un peuple, aspirations qui, d'ailleurs, lorsqu'on
les examine, font souvent l'unanimité de tous les citoyens d'un
peuple.
C'est dans ce sens-là que la politique qu'a
présentée le ministre des Affaires culturelles a
été conçue; c'est dans ce sens-là qu'il l'a
exposée; c'est dans ce sens-là qu'elle est positive, puisqu'elle
s'avance dans des domaines qui n'avaient pas encore été
suffisamment couverts dans le passé et c'est dans ce sens aussi qu'elle
est nouvelle, sans qu'elle fasse montre de triomphalisme, en ce sens qu'elle
s'inscrit dans le prolongement des politiques antérieures et qu'elle ne
vise qu'à les développer, à les pousser plus loin, comme
il se doit, dans ces domaines.
Il y a un dernier point qui a accroché mon attention. C'est celui
des relations entre les divers ministères et les deux gouvernements.
Dans les divers ministères et je reviens sur ce qu'on disait des
relations du ministère des Affaires culturelles avec le ministère
des Affaires intergouvernementales je pense qu'il y a là aussi
quelques équivoques à dissiper.
Le ministère des Affaires intergouvernementales, de par sa
fonction, est souvent appelé à inaugurer des programmes
culturels. Il est celui qui, non pas en prend l'initiative, mais en est
l'intermédiaire obligé, parce qu'il est le seul capable de
négocier les relations politiques entre Etats.
Mais une fois ce geste accompli, une fois ces consultations
effectuées, le travail, effectivement, est fait par les
ministères sectoriels. La preuve en est qu'une bonne partie du
fonctionnement du ministère des Affaires intergouvernementales a trait
à des programmes qui appartiennent, en propre, au ministère de
l'Education je pense, par exemple, à tout ce programme
d'échange entre la France et le Québec ou a trait aux
activités du Haut-Commissariat à la Jeunesse, aux Loisirs et aux
Sports et je pense, encore une fois, à ces échanges qui
ont lieu entre divers pays et qui sont effectués par le
Haut-Commissariat et également par le ministère des Affaires
culturelles qui participe, de toutes les façons, non seulement aux
échanges entre le Québec et d'autres pays étrangers, mais
également apporte son aide technique ou consultative sur toutes sortes
de projets qui lui sont soumis.
Je pense qu'il importe de bien identifier les rôles de chacun et
que lorsqu'on l'aura fait, on verra que tous les ministères du
gouvernement participent, au fond, à ces relations, à ces
échanges que le Québec entretient actuellement et veut entretenir
bien davantage dans l'avenir, une fois que la conjoncture politique, la
souveraineté politique lui aura permis, lui aura donné plus de
moyens, aussi bien budgétaires que politiques, pour s'ouvrir au reste du
monde.
La même chose peut être dite aussi des relations entre le
gouvernement québécois et le gouvernement fédéral.
Il est vrai que le ministre n'a pas insisté aujourd'hui sur ce sujet,
mais il l'a déjà fait dans des discours antérieurs et il
l'a fait d'ailleurs d'une façon qui, justement parce qu'elle
était drue, directe et véridique, a scandalisé certaines
âmes qui s'effarouchent facilement. Il n'y est pas revenu aujourd'hui,
mais je pense que ce qu'il a dit dans le passé est une de nos
constations quotidiennes. Le ministère des Affaires culturelles et
beaucoup d'autres sont gênés constamment, quotidiennement,
par une compétition indue, qui est menée avec des moyens que nous
envions, parce que nous pensons qu'ils devraient nous revenir.
Tout le monde sait que le gouvernement fédéral, par ses
offices ou ministères qui s'occupent de culture, dépense au
Québec dix fois plus d'argent dans le secteur culturel que ne le fait le
gouvernement du Québec. Il le fait d'une façon qui ne convient
pas toujours c'est un euphémisme à nos politiques,
à nos aspirations, telles que nous pouvons beaucoup mieux les
définir que le gouvernement fédéral. Cette concurrence est
très souvent malsaine également, parce que des budgets sont
dépensés uniquement pour des fins de pouvoir, pour des fins de
triomphe d'un gouvernement sur l'autre et non pas pour les objectifs proprement
culturels que nous devrions poursuivre.
De la même façon, pour la mise en place des institutions
nationales que nous serons obligés de nous donner, on peut le
déplorer, mais c'est devenu nécessaire, parce qu'une partie de
ces institutions nationales existe actuellement à l'intérieur
d'institutions canadiennes, où nous ne trouvons pas notre compte,
où, souvent, nous perdons, où nous avons en tout cas,
l'impression de perdre à tout jamais ce qui nous appartenait et que nous
ne pourrons récupérer. C'est avant que les dommages soient trop
grands dans ce domaine que nous avons voulu mettre en place c'est
l'ancien ministre aussi, M. l'Allier, qui en était convaincu des
institutions qu'il est devenu nécessaire de créer, non pas
malheureusement pour aller récupérer ce que nous avons perdu,
mais au moins pour conserver ce que nous avons encore. C'est là un des
fruits pernicieux, nocifs de cette concurrence qui existe
particulièrementdepuis une quinzaine d'années dans le secteur
culturel entre le gouvernement du Québec et le gouvernement
fédéral.
Les fruits nocifs de cette compétition seront montrés,
dans un jour prochain, dans des documents qui seront présentés
à la population du Québec, et on verra à quel point cette
prise en main, ce caporalisme canadien en matière culturelle a
été malsain et nocif pour les gouvernements successifs du
Québec et, surtout, pour la conservation aussi bien que le
développement de notre culture au Québec.
Il ne convenait peut-être pas ici de faire un exposé
très complet de la question, car, encore une fois, nous le
réservons pour l'avenir, parce que nous voulons qu'il soit le plus
complet, le plus étoffé possible, mais je pense, pour
répondre au député de Mont-Royal, que, d'une certaine
façon, oui, nous avons à nous défendre, mais parce que
nous avons été attaqués et parce que nous tenons à
ce que nous avons et parce que nous voulons garder ce qui nous reste et le
développer dans toute la mesure du possible. Mais ce n'est là
qu'un aspect de notre politique, nous ne nous défendons que lorsque cela
est nécessaire et cela peut être nécessaire aussi bien sur
le plan politique, tel que je viens de le mentionner, ou sur le plan culturel
plus large, du fait de notre situation difficile dans un continent anglo-saxon,
mais nous ne nous défendons que lorsque c'est nécessaire.
Au contraire, l'essentiel de nos pensées, de nos
réflexions, de nos orientations est éminemment positif. Il est
fondé sur la prise de conscience de plus en plus claire de notre
identité, sur la fierté que nous en éprouvons, sur la
maturation croissante que nous constatons dans notre peuple, sur l'assurance
tranquille que nous avons de pouvoir nous développer dans toutes les
directions et continuer à porter notre contribution de plus en plus
valable au patrimoine universel de l'humanisme occidental. C'est dans ces
domaines que notre action se situe. On en verra les fruits dans les mois et les
années qui viennent.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Gaspé.
M. Ciaccia: M. le Président, quand M. le ministre a
parlé du caporalisme, est-ce que je peux comprendre, M. le ministre, par
vos propos, que vous allez changer le grand caporal par un petit caporal?
M. Laurin: Absolument pas. Je pense que si vous nous connaissiez
vraiment, vous verriez que notre réflexion...
Mme Lavoie-Roux: On commence à vous connaître.
M. Laurin: ...notre programme sont absolument étrangers
à tout esprit de caporalisme quel qu'il soit. Au contraire, c'est dans
un esprit d'identification, bien sûr, de ce que nous sommes et
cela est normal pour tout homme dans un esprit d'ouverture, de dialogue,
d'échange avec tous les groupes minoritaires au Québec, avec les
autres provinces, avec les autres pays. C'est un esprit d'enrichissement mutuel
et réciproque au niveau des plus grandes conquêtes de l'homme.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Gaspé.
M. Le Moignan: M. le Président, la semaine
dernière, lors d'un certain incident concernant la motion du
député de Vanier, le ministre actuel, avec une profonde
émotion, a fait un vibrant éloge des ministres Hardy et L'Allier
et leur a trouvé beaucoup de profondes qualités dans le but de
rallier mes amis de droite afin... Il en a peut-être parlé
après votre absence, mais il a fait un vibrant éloge. C'est la
raison pour laquelle nous avons tenu pour acquis que dans le livre vert, il y a
certainement beaucoup d'éléments positifs. Je comprends que le
ministre actuel, dans son intention, veut pousser beaucoup plus loin sa
réflexion, son étude et aussi ses réalisations. Quand on
regarde le cinquième chapitre, qui est justement celui des
prévisions budgétaires pour l'année qui vient, et que le
ministre nous dit que dans les programmes culturels, on ne doit plus
considérer la culture comme un fardeau inévitable ou encore comme
une servi-
tude de luxe, je suis bien d'accord avec lui. Mais, quand j'ai
écouté tout à l'heure le résumé qu'il nous a
fait de ce chapitre cinquième, je me dis que c'est bien difficile de ne
pas souscrire à toutes ces remarques.
On a un peu l'impression, d'un autre côté, que cela
ressemble au message inaugural du premier ministre. Il me semble que c'est trop
beau. Il y a beaucoup d'espoirs dans tout cela. Je souhaite qu'ils se
réalisent. S'ils se réalisent comme le ministre nous le laisse
entendre, ce dernier va réaliser l'impossible. C'est une structure
très parfaite dans un monde non moins parfait. Alors, je veux le
féliciter pour le travail qu'il nous a soumis ce matin. Comme le
ministre au développement culturel a insisté aussi sur cette
idée de la politique culturelle du gouvernement, je comprends
très bien qu'il y aura des directives à donner, des directives
qui n'échappent pas à la politique. C'est justement ce que nous
avons à la page 29. La volonté du ministre de dépolitiser
le secteur culturel et de procéder à une véritable
décentralisation des pouvoirs au profit des régions.
Maintenant, à ce stade-ci, avant d'entrer dans les
détails, j'aurais deux questions à poser au ministre.
J'aimerais qu'il nous expose sa conception d'une telle politique,
puisqu'on parle de politique, et les moyens qu'il entend prendre pour
l'établissement de cette politique. Deuxièmement, j'aimerais
qu'il nous rassure en nous donnant une idée du moment où le temps
sera venu, quelque part, à la page 30, là où il veut
concrétiser sa volonté politique dans une loi
appropriée.
Je me demande, M. le ministre, s'il est trop tôt pour vous poser
cette question ou bien si elle tombe exactement...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Gaspé, avec l'accord du ministre, je pense que
le long exposé du député de Bourget a suscité des
réactions ou, du moins, que certains députés voudraient
intervenir à ce stade-ci. Je pense que le ministre peut prendre en note
les questions posées par le député de Gaspé. J'ai
reconnu le député de Rimouski. Par la suite, ce sera le
député... Mais c'est toujours sur le même sujet ou les
sujets soulevés par le député de Bourget.
Le député de Rimouski, et si ce n'est pas le cas, le
député de L'Acadie.
M. Marcoux: On est à la présentation
générale des crédits. J'ai simplement deux remarques
très brèves sur deux points qui ont attiré mon
attention.
C'est d'abord, la question de la régionalisation. Je remarque un
peu partout, à travers la présentation générale de
vos crédits, que vous insistez sur la décentralisation et la
régionalisation. Je pense que c'est dans le sens que vous devez aller.
Mais vous semblez quand même retirer d'une main ce que vous donnez de
l'autre, lorsque vous indiquez, à la page 30: "Nous ne voulons pas
tomber dans le piège d'un simple transfert de pouvoirs du national au
régional, ce dernier de- meurant aussi centralisé que le
premier". Je comprends bien votre idée, parce qu'on a vécu chez
nous une certaine partie de décentralisation, dans notre région,
de plusieurs ministères, et, plusieurs personnes, dans l'ensemble de la
Gaspésie ou du Bas-Saint-Laurent, se plaignent qu'il y a une nouvelle
centralisation, à Rimouski en particulier.
Je pense qu'il ne faut pas invoquer ce motif pour empêcher la
régionalisation ou la décentralisation. En tout cas,
j'espère que, dans les objectifs que vous dites poursuivre, il y aura
des pas concrets de franchis cette année dans cette direction.
Ma deuxième remarque concerne les industries culturelles. Je
trouve que vous êtes optimiste sur vos relations éventuelles avec
le ministère de l'Industrie et du Commerce, parce que je regarde
d'autres secteurs qui sont beaucoup plus matériels. Si on regarde le
secteur des Terres et Forêts ou le secteur de l'Agriculture, le
ministère de l'Industrie et du Commerce n'a jamais manifesté une
véritable volonté de s'occuper de la transformation des produits
agricoles ici au Québec. La préoccupation pour l'agro-alimentaire
a toujours été pour lui, marginale, ce qui a fait que,
maintenant, le ministère de l'Agriculture sent le besoin de s'en occuper
lui-même, parce que cela a toujours été une
préoccupation marginale pour le ministère de l'Industrie et du
Commerce. Au niveau des Terres et Forêts, vous avez le même
phénomène. L'industrie du sciage périclite. Les industries
des pâtes et papiers sont vétustes. Mais, au ministère de
l'Industrie et du Commerce, on n'avait aucune préoccupation,
véritablement sérieuse jusqu'à maintenant concernant la
transformation du bois ici, au Québec, en des produits finis au maximum,
ce qui fait que, maintenant, le ministère des Terres et Forêts est
obligé d'essayer de se constituer lui-même une équipe et de
s'en occuper, parce qu'on constate une chose: C'est que le ministère de
l'Industrie et du Commerce, depuis plusieurs années, tout ce qui
l'intéresse, c'est l'électronique, la pétrochimie.
Dès que c'est l'industrie de pointe, c'est le langage qui
l'intéresse. Mais dès que c'est l'idée de la
transformation de nos richesses ici, au Québec, que ce soit dans des
domaines qui touchent véritablement les régions, notre
population, cela ne l'a jamais vraiment préoccupé depuis
plusieurs années. Encore une fois, c'est la pétrochimie,
l'électronique, l'industrie de pointe qui ont été ses
préoccupations et son langage.
Je demeure sceptique sur le fait que le ministère de l'Industrie
et du Commerce, même si le ministre est peut-être bien
disposé, soit vraiment préoccupé des industries
culturelles. En tout cas, vous m'en verrez fort réjoui dans les
années ou les mois qui viendront si ces objectifs se transforment dans
des réalisations concrètes.
Je vous souhaite bonne chance. Je vous suggérerais
peut-être plutôt de vous en occuper vous-même comme d'autres
ministères ont choisi de le faire dans des secteurs beaucoup plus
matériels qui, normalement, auraient dû avoir des
ré-sonnances concrètes à ce ministère du futurisme
plutôt que de la réalité québécoise.
M. O'Neill: ...le premier problème souligné par le
député de Rimouski lorsqu'il a cité l'extrait où on
dit qu'il faudrait éviter qu'un pouvoir qui, en fait, est
régional, soit très centralisé ce qui, finalement, ne
permet pas de réaliser la régionalisation, c'est un
problème réel et c'est celui, entre autres, que posent les
formules de représentativité.
Ce que nous espérons réaliser, ce sont des formules de
représentation régionale où tous les milieux soient
présents et qu'on n'en arrive pas, finalement, à ce que des
sortes de groupes fermés se constituent.
D'autre part, il m'apparaîtrait difficile, par exemple, de vouloir
imposer une décentralisation régionale, c'est-à-dire d'en
arriver à des normes tellement sévères qu'elles ne
laisseraient pas aux gens de chaque région la décision finale sur
la façon d'être représentés eux-mêmes.
Alors, il y a ici un équilibre à garder. Nous pouvons
inciter fortement à une régionalisation réelle, ce que
j'appelais tout à l'heure sociale, géographique, mais en
même temps, si nous parlons de régionalisation, il ne faudrait
quand même pas, dans ce domaine, prendre toutes les décisions
à la place des gens qui sont dans les régions. Il faut leur
suggérer des choses, leur proposer des paramètres et ensuite, les
laisser décider, sinon, on en arrivera tout simplement à une
sorte de création de structures assez artificielles.
Quant à la deuxième remarque où le
député de Rimouski dit que nous sommes trop optimistes
peut-être en matière de d'industrie culturelle... l'avenir nous le
dira. Je dis deux choses simplement là-dessus pour le moment.
Premièrement, c'est un secteur très très important avec
des retombées économiques éventuelles
considérables. Deuxièmement, il y a un ministre de l'Industrie et
du Commerce qui se révèle fort intéressé à
ces problèmes d'industrie culturelle et en fait, on peut peut-être
aussi dire que si un intérêt plus grand n'a pas été
manifesté au sein même du ministère, c'est peut-être
parce qu'il y a eu absence de lien et que, de notre côté, dans le
passé, nous n'avons pas suffisamment attiré l'attention des
spécialistes de ce ministère à la fois sur les
problèmes et sur les possibilités du secteur de l'industrie
culturelle. Ce n'était quand même pas leur tâche de prendre
conscience de l'importance de ce secteur. C'était peut-être notre
tâche et c'est à nous d'essayer de mettre en valeur tout ce qu'il
y a de possibilités sur le plan économique, dans l'artisanat,
dans le domaine des jouets pour enfants, dans le domaine du disque, dans le
domaine du livre, dans le domaine du cinéma, etc.
Je pense que nous avons à faire accepter notre projet ici et
quand cela sera fait par un ministre qui se révèle fort
intéressé, je pense qu'on sera, à ce moment, capable de
constater des résultats assez intéressants.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Seulement quelques remarques sur une
intervention du ministre d'Etat au développement culturel, qui seront
assez superficielles, compte tenu de toute façon du long propos qu'il
nous a livré.
La première des choses... Je voudrais corriger une impression
qu'il semble avoir eue. Je ne pense pas, alors que j'ai fait l'éloge de
l'ancien ministre des Affaires culturelles, que j'aie dit que c'était la
seule personne à avoir réfléchi à ce
problème avant lui.
Au contraire! En réponse au ministre des Affaires culturelles,
quand il disait dans sa présentation que c'était l'oeuvre d'un
homme, j'ai justement fait remarquer que M. L'Allier avait été,
dans le déroulement de toute la politique culturelle, un
élément très important et dont je voulais
reconnaître les mérites. Et d'ailleurs, je pense qu'il y a au
moins le tiers du bouquin sur l'évolution de la politique culturelle qui
fait référence au livre blanc de Pierre Laporte, aux
énoncés de plusieurs créateurs ou écrivains, etc.
de la province. Je pense que ce n'était pas exactement ce que je voulais
faire valoir.
L'autre point... Je pense également que M. L'Allier était
ouvert à la critique, c'est ce que d'ailleurs vous voyez en
préface à son volume. C'est un document de travail qui veut,
qu'à sa lecture au livre, les gens réagissent de façon
positive ou négative, mais pour améliorer la chose. Alors, je
pense que, dans mon esprit, c'était exactement cela. Ce qui
m'inquiétait, c'est que justement, après l'exposé du
ministre des Affaires culturelles, je ne retrouvais aucun élément
de critique, aucun effort de nouvelle définition de politique
culturelle. Ce que je viens de réaliser, c'est qu'il m'apparaît
que ce travail de réflexion est peut-être davantage fait par le
ministre d'Etat au développement culturel et je me réjouis
qu'éventuellement on aura un autre livre, peu importe la couleur, qui
viendra comme le résultat de ces réflexions et des
réflexions qui vous sont parvenues suite à la consultation qui a
été faite auprès des divers organismes ou individus qui se
sont prononcés sur le livre vert.
Je me permettrai juste une remarque sur cette consultation qu'il
envisage pour ce livre vert comme pour les autres livres qui pourront
être publiés par ce gouvernement, qui sont faits dans un esprit,
du moins quand on écoute le ministre, d'ouverture... d'obtenir
l'éclairage nécessaire, mais je dois, malheureusement, constater
que le seul exemplaire qu'on ait eu de cette façon de procéder,
c'est le livre blanc sur la langue et qu'en dépit de nombreuses
rencontres que le ministre au développement culturel a eues, il semble
bien qu'on va davantage vendre quelque chose qu'aller chercher de
l'éclairage. Cela a même été dit et redit par le
ministre au développement culturel qui nous répète qu'il
n'a pas encore entendu d'arguments valables. Alors, je ne sais pas qui va
décider de la valeur des arguments pour que ceci puisse avoir une
influence quelconque sur le gouvernement. Enfin, c'est simplement une mise en
garde pour les autres livres qui viendront. Je pense qu'en soi, c'est une bonne
formule, mais à la condition qu'on s'en serve, non pas pour
défendre
ce qu'on a soi-même ébauché, mais pour que vraiment
cela devienne un élément de participation réel. C'est
tout. J'avais peut-être quelques autres éléments, mais
c'est tout ce que j'ai pour le moment.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, seulement quelques
brèves remarques sur les propos du ministre d'Etat au
développement culturel. Je crois qu'il a vraiment fait un monologue sur
la politisation du ministère des Affaires culturelles qui semble
même aller un peu à l'encontre des propos du ministre des Affaires
culturelles. Ce dernier voudrait soustraire certaines activités aux
caprices de politique partisane. Alors, il ne semble pas y avoir de
consistance. Il semble y avoir des contradictions. Vous parlez
d'honnêteté, en disant: Oui, il ne faut pas avoir peur de dire que
la politique et la culture, cela se mélange, on ne peut pas dissocier
l'une de l'autre. Si vous tenez ces propos, moi aussi je dois dire: On va
être honnête aussi et ma réponse à cela c'est que
cela semble être une conception de la politique de la culture qui ne va
pas dans les traditions d'un gouvernement démocratique. C'est mon
impression, après avoir entendu vos propos.
Je ne veux pas entrer dans un long débat avec vous sur le
rôle des Affaires culturelles, mais je crois que c'est mon devoir, au
moins, de faire ces remarques pour démontrer que je n'accepte pas la
conception que vous avez du rôle des Affaires culturelles et je crois que
ça va être contesté par plusieurs personnes. Il ne faut pas
donner l'impression que le ministère des Affaires culturelles va
être utilisé comme un instrument de psychologie de la masse. Ce
n'est pas de cette façon que nous concevons ce ministère. Vos
propos semblent affecter, vont avoir des effets définitifs sur la
liberté d'expression, sur la liberté d'action dans le domaine
culturel...
M. Guay: Non...
M. Ciaccia: Laissez-moi donc terminer.
En somme, pour en venir à une conclusion, on peut seulement
conclure que, d'après votre perception des Affaires culturelles,
ça va devenir un instrument de propagande politique, vous ne voulez pas
divorcer la partisanerie politique des activités culturelles d'un
peuple.
Je veux seulement vous dire que je ne suis pas d'accord avec votre
conception, with all your respect, avec tout le respect que je vous dois, M. le
ministre, mais je ne peux pas accepter votre conception du rôle de ce
ministère.
M. Laurin: M. le Président, je pense qu'il y a un
problème de communication. Je ne reconnais pas du tout mes propos dans
ce qu'on m'a fait dire, dans ce que me fait dire le député de
Mont-Royal.
M. de Bellefeuille: II est dur d'oreille.
M. Laurin: Au contraire...
M. Ciaccia: On va le relire et on reviendra cet
après-midi.
M. Laurin: ... j'ai distingué entre l'aspect partisan sous
lequel on peut envisager...
M. Ciaccia: II ne faut pas être paranoïaque.
M. Laurin: ... une participation de la politique à la
culture et l'aspect proprement philosophique dans lequel on ne peut pas
dissocier l'un de l'autre. Mais je pense que j'ai bien fait la distinction
entre les deux. Je vais poser une question au député de
Mont-Royal, s'il veut y répondre.
Quand un ancien titulaire du ministère des Affaires culturelles,
Mme Claire Kirkland-Casgrain, a refusé d'accorder une subvention
à la compagnie qui devait présenter Les Belles-Soeurs à
Paris, alors qu'elle l'accordait à d'autres troupes, à mon avis,
qui présentaient des productions beaucoup moins intéressantes, du
point de vue culturel, avez-vous l'impression que Mme Claire Kirkland-Casgrain
faisait de la politique?
M. Ciaccia: Pas dans le sens où vous venez de
décrire le rôle des Affaires culturelles, non, pas dans ce
sens.
M. Laurin: Elle ne faisait pas de politique?
M. Ciaccia: II y avait une décision à prendre sur
les subventions, alors, dans ce sens...
M. Laurin: C'était une politique d'administration.
M. Ciaccia: ... il semble y avoir...
M. Laurin: En vertu de quelle philosophie a-t-elle pris sa
décision ou fait son choix?
M. Ciaccia: Je ne sais pas, je n'étais pas là au
moment où cette décision a été prise et je ne crois
pas que vous puissiez me questionner sur quelque chose qui est arrivé.
Je ne suis pas du tout au courant de ce cas et je ne crois pas que ce soit une
manière d'argumenter, d'amener un cas dont on ne sait pas les faits du
tout et de l'utiliser comme exemple...
M. Laurin: Ces choix sont quotidiens.
M. Ciaccia: ... je ne crois pas que ce soit de la logique.
M. Laurin: Ces choix sont quotidiens au sein d'un
ministère comme celui des Affaires culturelles.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre.
Mme Lavoie-Roux: C'est pour cela qu'il serait peut-être bon
qu'on ait le conseil national de la culture.
M. Ciaccia: Totalement indépendant du pouvoir
politique.
M. O'Neill: M. le Président, trois brèves
remarques. La première, c'est que je suis tout à fait d'accord
avec l'exposé du Dr Laurin. J'ai donc trouvé qu'il savait dire
élégamment des choses fort importantes. Deuxièmement, je
pense qu'il faut distinguer politique culturelle de politisation, ce sont deux
choses différentes.
Quand nous disons que nous voulons essayer de dépolitiser tout ce
qui peut l'être, nous ne sommes pas des inventeurs en disant cela; parce
que je dois reconnaître, puisque tout le monde reconnaît les
mérites de mon prédécesseur, que c'était fortement
en marche.
Nous voulons dire ceci. En arriver à des barèmes
extrêmement objectifs, rigoureux, par exemple, dans l'attribution de
subvention aux théâtres, aux bibliothèques, etc. Cela se
fait de cette façon même si, à un moment donné, il
peut arriver que des interventions qui sembleraient politiques mais qui ne le
sont pas... Tel député, aussi bien de l'Opposition, peut nous
dire: La bibliothèque, dans mon coin, il me semble qu'elle a beaucoup de
mérite. Voudriez-vous étudier son cas? Des barèmes
s'appliquent et cela ne se fait pas du tout au niveau du ministre. Cela se fait
au niveau des fonctionnaires qui étudient cette question, qui essaient
de la rendre le plus conforme possible à des normes très
objectives. C'est dans ce sens que nous procédons.
Il n'y a pas du tout de conflit entre les deux. D'une part, il y a une
politique culturelle de ce gouvernement, comme il y en a de tous les
gouvernements et on serait un peuple anormal si on n'en avait pas. C'est un
signe de notre progrès, de notre maturité, d'avoir
développé cette conscience qui fait que nous sentons le besoin de
bien la formuler, de la proclamer clairement et, d'autre part, qu'il y ait une
activité administrative qui vise au maximum d'impartialité,
d'objectivité, peu importe les groupes qui se présentent devant
nous. Il faudra voir à ce que nous soyons à même de
consolider ces mécanismes, précisément par le conseil dont
vous parliez tout a l'heure.
Je termine par une question, moi aussi. Une question me vient à
l'esprit. Je voudrais poser au député de Mont-Royal la question
suivante. M. Roberts dit, au cours d'une entrevue que vous retrouvez dans le
Devoir d'il y a quelques semaines, il avoue carrément, simplement, en
toute candeur: J'ai dit aux artistes, si vous voulez de l'aide, apportez-nous
donc des projets qui sont intéressants pour l'unité
nationale.
Je demande à M. le député de Mont-Royal si,
à son avis, il y a là un geste politique, s'il veut nous dire, en
même temps, ce qu'il en pense. C'est à Ottawa que ces choses se
disent, monsieur, ce n'est pas à Québec.
M. Ciaccia: Je crois que je vous ai donné mes vues sur les
commentaires du ministre qui a parlé du rôle des Affaires
culturelles. Je n'accepterais pas plus la politisation, à n'importe quel
niveau de gouvernement. Si vous me demandez si on peut justifier qu'un
gouvernement politise la culture, si nous devons le faire, non. Je ne peux pas
le justifier, je ne le justifierai pas et je ne l'accepterai pas.
Je ne peux pas accepter une interférence politique en
matière de culture, à n'importe quel niveau de gouvernement que
ce soit. Je crois que ce sont des choses qui sont trop importantes pour notre
vie démocratique, pour notre épanouissement. Je vais vous dire
une autre chose, on n'a pas besoin d'une ingérence du gouvernement dans
la politique du Québec. Je pense qu'on fait plus de tort. Il y a eu un
développement de notre culture, sans être politisé. Je
crois que si on commençait, à ce stade-ci, à essayer de
politiser la culture, c'est à ce moment-là qu'on va
régresser plutôt que d'avancer. Au lieu de s'épanouir, cela
va devenir un système de propagande et nous allons voir que nous allons
perdre l'excellence que vous voulez, dont vous parlez dans votre... Ce n'est
pas par un système de politisation qu'un vrai artiste va avoir
l'excellence.
Si vous me demandez cela, je ne peux pas justifier la politisation
à quelque niveau de gouvernement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre.
M. O'Neill: Je dis simplement ceci, M. le Président, je
reviens à cette distinction fondamentale entre une politique culturelle
et la politisation.
Deuxièmement, je signale que les problèmes de politisation
qui devraient inquiéter M. le député, ces problèmes
ne se posent pas actuellement au Québec et se posent à Ottawa.
C'est assez fréquent. Ils sont très nombreux; ils sont
très connus. Ne faut-il que rappeler les interventions multiples
d'hommes politiques à Québec dans des secteurs aussi
délicats que celui de l'information et celui de Radio-Canada.
Je suis un peu étonné de voir comment on nous juge sur des
intentions que nous pourrions avoir et qu'on ne retrouve pas là-bas des
actions qui s'accomplissent. Je trouve que c'est une tendance assez
regrettable.
Mme Lavoie-Roux: Mais on est quand même à
étudier les crédits du gouvernement du Québec à ce
moment-ci et non pas à étudier ceux d'Ottawa.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Vanier.
M. Ciaccia: Je voudrais faire seulement une petite remarque. Je
ne vous juge pas sur des actions qui n'existent pas, j'ai seulement
apporté un commentaire sur les propos du ministre.
M. O'Neill: Encore faudrait-il le comprendre. M. Ciaccia:
Je l'ai compris.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Vanier.
M. Bertrand: Je pense que le député de Mont-Royal a
sans doute interprété les propos du ministre d'Etat au
développement culturel et du ministre des Affaires culturelles en
substituant parti politique à politique. J'ai cru comprendre que toute
l'intervention du ministre d'Etat au développement culturel portait sur
la politique dans son sens le plus noble et le plus grand et que vous avez
récupéré ses termes en leur donnant bien plus le sens de
parti politique.
Je ne pense pas que la fonction d'une politique culturelle soit de
chanter les mérites du Parti québécois, mais
j'espère qu'une politique culturelle a comme mérite de chanter le
Québec, la culture québécoise et l'identité du
peuple québécois. Cela m'apparaît normal. Si, dans ce sens,
vous avez l'impression qu'on fait de la petite politique ou qu'on fait de la
partisanerie, je pense que vous vous méprenez sur les intentions de la
culture québécoise telle que nous voulons l'exprimer dans ce
gouvernement-là.
J'espère que vous êtes d'accord pour penser qu'une
politique culturelle se doit d'exprimer une identité, d'exprimer un
peuple, d'exprimer quelles sont ses caractéristiques. J'espère
que vous pensez que c'est normal que ce soit cela. Je suppose que, quand les
gens parlent de politique culturelle d'ailleurs, ce n'est pas pour rien
qu'il y a le mot "politique" d'accolé à cela c'est que,
justement, il s'agit quand même, malgré les partis politiques et
indépendamment des partis politiques, de reconnaître que la
culture c'est, bien sûr, hautement politique dès lors que cela
caractérise un peuple, que cela l'identifie et que cela lui permet de
s'exprimer à travers la culture.
M. Ciaccia: Excusez-moi. Pendant que vous parliez à votre
collègue, le ministre tenait ces pro- pos. Je suggérerais que
vous relisiez les propos du ministre sur le rôle du ministère des
Affaires culturelles.
M. Bertrand: Je pense être en mesure de bien mieux
interpréter le ministre d'Etat au développement culturel que vous
ne pourriez le faire. On vit avec lui chaque jour, nous autres, depuis
plusieurs années. Vous auriez intérêt, d'ailleurs, à
l'écouter plus fréquemment.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: M. le Président, je suis inquiet pour
la paix intérieure du député de Mont-Royal, parce que,
comme il semble incapable de distinguer les notions de politique, de
partisanerie et de propagande, je vois mal comment, lui, homme politique, peut
être un homme heureux. Je crains qu'il ne soit un homme troublé.
Or, comme le ministre d'Etat au développement culturel...
M. Ciaccia: Seulement depuis le 15 novembre.
M. de Bellefeuille: ...par un heureux hasard, est psychiatre, je
ne peux qu'encourager le député de Mont-Royal à
écouter plus attentivement les sages propos du député de
Bourget.
M. Ciaccia: Je promets de les relire. Très bien, pour
vous? Je promets de relire ses propos.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Puisqu'il n'y a plus d'autre intervention, nous allons, avec votre
consentement, ajourner nos travaux jusqu'à prochain ordre de la
Chambre.
(Fin de la séance à 12 h 57)
Reprise de la séance à 16 h 44
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, madame et messieurs!
Considérant le consentement unanime des membres présents
de la commission et malgré le fait qu'il n'y a pas quorum, nous pouvons
commencer nos travaux.
Les membres de la commission pour la séance de cet
après-midi sont: MM. Alfred (Papineau), Bertrand (Vanier). Proulx
(Saint-Jean) en remplacement de M. Bisaillon (Sainte-Marie); Brochu (Richmond),
Godin (Mercier) en remplacement de M. Charron (Saint-Jacques); M. de
Bellefeuille (Deux-Montagnes) en remplacement de M. Chevrette
(Joliette-Montcalm); MM. Ciaccia (Mont-Royal), Goldbloom (D'Arcy McGee), Guay
(Taschereau), Laplante (Bourassa), Laurin (Bourget), Mme Lavoie-Roux
(L'Acadie), MM. Le Moignan (Gaspé), Marchand (Laurier), Morin
(Sauvé), O'Neill (Chauveau), Paquette (Rosemont) et Samson
(Rouyn-Noranda).
Mme le député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Apparemment, on ne soulève pas de
question de privilège, m'a-t-on dit, dans les commissions
parlementaires. Il reste que, quand même, ce matin, le
député de Deux-Montagnes m'a accusée de faire de
l'invention quand j'ai dit que, dans le programme électoral du Parti
libéral, il y avait d'abord la reconnaissance du livre vert comme
constituant les objectifs de la politique culturelle du Parti libéral,
etc. Je ne suis pas pour lire toute la page. Je pense que c'est ce que j'ai
dit, qu'il y avait, dans le programme électoral du Parti libéral,
une politique culturelle quand même qui était articulée. Le
député de Deux-Montagnes n'était pas d'accord. Je voudrais
simplement faire cette mise au point, et je vous fais grâce de la
lecture.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Effectivement, il n'y a pas de question de privilège en commission
parlementaire, mais je pense que votre message est passé.
M. de Bellefeuille: M. le Président, ce matin, j'ai fait
allusion à la publicité électorale du Parti libéral
et non pas à un texte qui, à ce que je sache, a reçu assez
peu de diffusion.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je n'avais pas
parlé des textes publicitaires, parce que je serais en peine de vous
dire ce que pouvaient contenir tous les textes publicitaires qui ont pu
paraître, pour un parti ou pour l'autre. J'avais parlé du
programme du Parti libéral. C'est là-dessus que vous m'avez dit
que je faisais de l'invention. C'est cette mise au point que je veux faire.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ces
choses étant dites, je pense que les membres de l'Opposition ont
manifesté l'intention de poser encore quelques questions d'ordre
général et, par après, nous pourrons aborder le programme
1. Mme le député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Une première question nous permettrait,
je pense, ou permettrait au ministre de nous présenter son
équipe. S'il voulait bien nous présenter les sous-ministres qui
sont ici ou les autres personnes de son ministère qui sont à
cette table, cela me ferait plaisir de les rencontrer plus officiellement.
M. O'Neill: A ma droite, il y a M. Pierre Boucher qui est
sous-ministre par intérim. Il y a également avec moi M. Matte du
secteur des bibliothèques; M. Beaudin des archives; M. Claude
Archambault qui est directeur général à l'administration
et M. Jean-Rémi Brault; M. Jean Rivest, M. Létourneau il
est là-bas et M...
Mme Lavoie-Roux: Que font-ils, ces messieurs?
M. O'Neill: M. Létourneau est directeur des
opérations budgétaires. M. Rivest est directeur de la
programmation et M. Gagnon est le directeur du patrimoine, ici en
arrière. Est-ce que j'en ai oublié? S'il y en a d'autres qui
apparaissent, je vous les nommerai.
Mme Lavoie-Roux: Une autre question que je voudrais poser au
ministre. En réalité, je regrette que le ministre d'Etat au
développement culturel ne soit pas ici. Peut-être que le ministre
des Affaires culturelles peut nous répondre.
Quels sont les fonctions respectives de chacun dans ce vaste domaine du
culturel ou du développement culturel du ministère des Affaires
culturelles?
M. O'Neill: Pour ce qui est du ministère des Affaires
culturelles proprement dit, c'est lui qui voit à l'application des
programmes que nous avons étudiés un par un, je dirais la
réalisation sur le terrain de la politique des Affaires culturelles.
Pour ce qui est du rôle du ministre d'Etat du développement
culturel, il se trouve à diriger le comité ministériel
permanent du développement culturel. Il effectue d'abord un rôle
de coordination. C'est-à-dire que, tous les ministères où
il y a du développement culturel, à savoir Communications,
Affaires culturelles, Haut-Commissariat, Education se trouvent à aborder
les problèmes majeurs ou, par exemple, discutent ensemble avant qu'une
mesure qui concerne les quatre soit adoptée ou même une mesure qui
concerne un ministère, par exemple si vous avez un projet d'instaurer
une commission des musées. Alors, ce genre de problèmes sera
discuté au comité interministériel. De même, le
projet d'extension de Radio-Québec a été discuté
d'abord au comité interministériel.
Il y a un apport des quatre ministères concernés sous la
direction du ministre d'Etat. Ce minis-
tre, avec son équipe, s'est également donné comme
tâche de définir les paramètres d'une politique culturelle,
ce qui est actuellement en cours de route et on peut dire que cela a
été brièvement esquissé, ce matin, par le ministre
lui-même. Une autre responsabilité qu'assume le Dr Laurin, c'est
celle, je dirais, d'une sorte de force mobile. C'est-à-dire que M.
Laurin, avec l'équipe qui l'entoure, constitue une force mobile qui se
consacre à l'analyse des dossiers majeurs, urgents, qui concernent, non
seulement dans certains cas les ministères à vocation culturelle,
mais on peut dire l'ensemble des ministères. Je pense, par exemple,
à la politique de la langue qui dépasse les limites d'un
ministère à vocation culturelle, qui intéresse tous les
ministères, qui intéresse d'ailleurs la vie gouvernementale en
général. C'est donc cette équipe qui, depuis la formation
du cabinet, a été chargée de préparer le projet de
loi en question. Alors, on peut parler ici de coordination, de
définition de paramètre d'une politique culturelle et de
responsabilité concernant certains dossiers majeurs qui dépassent
nettement les limites d'un seul ministère.
Mme Lavoie-Roux: Alors, si je comprends bien, le ministre des
Affaires culturelles est responsable de la mise en application et
l'administration de certaines politiques, qui elles, sont définies en
collaboration avec les quatre ministères concernés et avec cette
équipe qui entoure le ministre d'Etat au développement
culturel.
M. O'Neill: Oui, mais ce comité interministériel ou
le ministre d'Etat ne sont pas concernés par ce que j'appellerais les
tâches déjà nettement définies. Prenez, par exemple,
le problème de la tâche quotidienne de sauvegarde du patrimoine;
cela se fait déjà à l'intérieur du
ministère. Il faut éviter le doublage. Il faut vraiment faire
preuve de discernement pour ne pas encombrer le comité
interministériel de problèmes qui doivent se régler
déjà à l'intérieur de chaque ministère.
C'est la même chose au ministère de l'Education, au
Haut-Commissariat aussi, ou aux Communications. Cependant une sorte d'entente
fait que, quand un problème peut avoir des répercussions
particulières ou qu'un projet a besoin de l'appui de tout le
comité interministériel avant d'être présenté
au Conseil des ministres, à ce moment-là, il est
déféré au comité interministériel.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, j'aimerais poser une
question précise et sans arrière-pensée j'y
reviendrai plus tard . Advenant le cas d'une décision à
prendre comme la création d'un conseil national de la culture, est-ce
que cette décision relèverait du ministre des Affaires
culturelles ou si ce serait le type de problème qui relèverait
également du ministre d'Etat au développement culturel? Parce que
c'est quand même une question plus large. Je pense que...
M. O'Neill: Le problème a déjà
été soumis au ministre d'Etat au développement culturel,
d'abord parce qu'il est important comme tournant, comme décision
à prendre et ensuite, parce qu'il y a des aspects, des dimensions de
cette question qui concernent aussi les autres ministères. Par exemple,
vous mettez un conseil de la culture, vous pensez à son fonctionnement
dans la région, il faut se demander quelle sorte de relations il va
avoir avec des responsables scolaires, par exemple, les gens responsables des
loisirs socioculturels. On a estimé que ce genre de question devait
être débattu à l'interministériel. A partir de
là, à l'interministériel, une équipe s'est mise au
travail pour essayer de réévaluer le projet dans son application
et essayer de prévoir le type de difficultés que poserait son
application.
Mme Lavoie-Roux: Alors, dès qu'une question a des
répercussions sur d'autres ministères qui relèvent du
ministre d'Etat au développement culturel, ordinairement, elle est
apportée à ce comité interministériel?
M. O'Neill: Oui. Enfin, c'est comme ça qu'on a
procédé jusqu'ici, on a trouvé que cela augmentait les
chances de succès d'un projet, quand on avait cette consultation
auprès des autres ministres.
Mme Lavoie-Roux: Ma deuxième question porte sur
l'augmentation du budget pour cette année, qui est de l'ordre de $13 382
100 si la soustraction est juste. Est-ce que le ministre pourrait nous ventiler
cette augmentation de crédits dans le sens suivant: quelle est
l'augmentation, le montant de l'augmentation d'ordre salarial? Celui d'ordre
administratif, quoique là, je pense qu'il s'agit peut-être plus
d'une diminution? Et troisièmement, l'augmentation due à
l'inflation et à l'indexation en ce qui touche les coûts
d'entretien, etc.? Finalement, la part du budget qui peut être
attribuée à des programmes nouveaux et si tel est le cas, quelle
est la nature de ces programmes nouveaux?
M. O'Neill: Je donne la parole à M. Boucher. Mme
Lavoie-Roux: D'accord.
M. O'Neill: Je n'ai pas à brûle-pourpoint les
réponses à toutes vos questions. Ce que je peux toutefois vous
livrer maintenant, quitte à ce que nous répondions par
écrit à votre question par la suite...
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
M. O'Neill: ... c'est la ventilation de cette somme additionnelle
de $13,5 millions entre les six axes de développement qui ont
été évoqués ce matin. Je peux vous le dire assez
brièvement, je pourrais vous remettre une copie, si vous le
souhaitez.
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
M. O'Neill: Le premier axe de développement concerne la
décentralisation des centres de décision et, pour l'instant,
à proprement parler, il n'y a
aucun crédit précis dans le budget destiné à
cette fin, étant entendu que la principale mesure qui pourrait
être adoptée par le gouvernement à cet effet serait la
création d'un conseil de la culture; des crédits viendraient en
conséquence, au moment où un tel projet serait adopté.
Mme Lavoie-Roux: Mais y a-t-il des crédits prévus
qui pourraient être affectés à cette fin ou s'il faudra
aller chercher des crédits supplémentaires?
M. O'Neill: Bien sûr, il y a une partie des crédits
du ministère que nous avons évaluée à environ $12
millions qui serait transférée éventuellement à un
conseil national de la culture, s'il y en avait un. A cette somme de $12
millions devraient s'ajouter des crédits additionnels pour
l'infrastructure de ce conseil national.
Pour l'instant, en ce qui concerne le montant de $13 millions comme tel,
rien n'est affecté de manière précise à cet axe de
développement en décentralisation.
Le deuxième axe, c'était la consolidation des institutions
nationales. A cela, nous affectons une somme additionnelle de $2,6
millions.
Le troisième axe je le rappelle, visait à donner aux
régions autres que Montréal et Québec les
équipements et ressources financières indispensables à la
mise en valeur de leurs propres ressources; nous y ajoutons une somme de $4,5
millions.
Le quatrième axe était le développement de
l'idée d'excellence; à cette fin, pour l'élargissement des
prix remis par le ministre des Affaires culturelles et pour l'aide aux
artistes, nous ajoutons à ce qui existe déjà une somme de
$200 000.
Le cinquième axe vise à promouvoir les activités
susceptibles de développer le sentiment d'appartenance; nous y ajoutons
une somme de $4,9 millions.
Au sixième axe, qui vise à soutenir les industries
culturelles, nous ajoutons une somme de $700 000.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie. J'aimerais quand même,
à un autre moment, que vous puissiez nous remettre la ventilation que je
vous ai demandée; je pense que cela serait intéressant.
D'après ce que j'ai pu observer, il me semble que cela va vers
une diminution des frais d'administration. Est-ce que je me trompe? Je tiens
à le souligner, parce que je l'ai dit ce matin je trouve
que c'est excellent.
Vous avez parlé des $700 000 pour les industries culturelles. Y
a-t-il des industries en particulier auxquelles vous avez pensé? Y en
a-t-il que vous devez favoriser ce n'est peut-être pas le bon
terme plutôt que d'autres? Quels sont les montants prévus
pour chacune?
M. O'Neill: Essentiellement, sans que la ventilation n'ait
été faite d'une manière détaillée, et compte
tenu du partage des compétences existantes entre le ministère de
l'Industrie et du Commerce et le nôtre, concernant les industries
culturelles, les sommes que nous avons mobilisées seraient
destinées, d'une part, à ce qu'on appelle l'industrie du livre
et, d'autre part, à l'industrie du disque.
Déjà, en ce qui concerne l'artisanat et les métiers
d'art, nous sommes convenus avec le ministère de l'Industrie et du
Commerce que tout ce qui concerne le développement industriel de ce
support culturel serait pris en charge par ce ministère, nos
crédits pour l'artisanat étant affectés à d'autre
chose, on pourra le voir tout à l'heure au programme
concerné.
Mme Lavoie-Roux: Vous avez certainement une évaluation des
montants qui proviennent de l'industrie de l'un et de l'autre actuellement, au
moins peut-être un peu grossièrement, mais quand même une
approximation de ce que produisent l'industrie du livre et l'industrie du
disque présentement. Quel est l'ordre de grandeur de chacun de ces deux
domaines?
M. O'Neill: Vous me prenez complètement au
dépourvu. Nous avons beaucoup de chiffres là-dessus. Les
spécialistes de ces questions ne sont malheureusement pas
derrière nous. Je ne pourrais pas répondre comme cela à
votre question.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que je peux vous demander si l'industrie
du disque est supérieure à celle du livre ou inversement?
M. O'Neill: Je ne le sais vraiment pas.
C'est à considérer. C'est dans le programme 1...
Non, il parle des chiffres de l'industrie en général.
Mme Lavoie-Roux: Oui, en général, parce que, compte
tenu des investissements...
M. O'Neill: C'est d'abord celle du livre.
Mme Lavoie-Roux: ...que vous voulez faire dans l'une et l'autre,
j'imagine que cela peut être un critère que vous retiendrez
selon...
M. O'Neill: Bien sûr.
Mme Lavoie-Roux: C'est cela. J'aurais quelques questions d'ordre
général à poser au ministre.
Quelle est sa politique sur certains sujets comme la culture populaire.
Je pense que c'est peut-être l'élément principal du
programme du Parti québécois. Est-ce qu'il pourrait me donner une
définition de ce qu'il entend par culture populaire?
M. O'Neill: On peut parler de culture populaire comme
étant opposée de ce qu'on appelle la culture dite
cultivée, d'une façon. On peut également parler de culture
populaire, dans certains cas, en la confondant avec ce qu'on appelle la culture
de masse. Je retiens plutôt la première définition de
la culture populaire, c'est-à-dire quand on se
réfère aux traditions, aux coutumes, aux expressions culturelles
spontanées qui, d'ailleurs, tout à coup, peuvent prendre la forme
d'une culture plus raffinée. Je prends ici comme exemple l'expression
culturelle chez Gilles Vigneault. Vous avez une sorte de lien direct entre les
racines populaires qui ont été à l'origine de telle ou
telle chanson, et après cela, son expression plus raffinée. C'est
dans ce sens qu'il faut utiliser l'expression de culture populaire.
Deuxièmement, si on entend par culture populaire la culture qui
est véhiculée par les mass media, par les moyens de communication
sociale, là, il y a une certaine ambiguïté, parce que vous
avez dans cela tantôt une culture populaire qui s'exprime, mais aussi il
y a une sorte d'expression culturelle qui est finalement
systématiquement presque imposée, ne serait-ce que par la
publicité, par le fait que dans un domaine comme le disque. On sait
qu'actuellement, on réussit à faire d'un produit un produit de
marché qui devient tout à coup comme une expression de culture
populaire, je crois qu'il faut mettre cela comme élément
particulier, d'ailleurs, qui soulève tout ce problème de
l'industrie culturelle qui parfois exprime la culture populaire et parfois,
peut aussi tout simplement véhiculer une sorte de culture artificielle
qu'on réussit à rendre culture populaire.
Maintenant, vous posez la question, à savoir l'importance que
l'on accorde à la culture populaire. En termes d'argent ou de...
Mme Lavoie-Roux: Non, en termes d'équilibre, par exemple.
Même si on retourne à un plan régional ou à un plan
même local, quel équilibre allez-vous placer entre
l'encouragement, le développement de cette culture populaire, et aussi
l'accès dans des milieux locaux, dans des communautés locales,
d'une culture, je dirais de caractère plus classique.
M. O'Neill: Ce n'est pas un domaine où on peut imposer des
normes.
Mme Lavoie-Roux: Non, mais...
M. O'Neill: En fait, quand vous vous placez au plan d'une culture
régionale, je pense que notre rôle, soit par l'intervention de nos
bureaux régionaux ou soit par l'aide qu'on donne, par exemple, au
développement d'un musée de culture et de tradition populaires,
ce n'est pas quelque chose qui suit un plan défini. Ce que nous pensons
qu'il faut prévenir, par exemple, ce serait d'en arriver à une
telle mobilisation des ressources dans les domaines dits de culture
cultivée que là, on en arriverait finalement à ne plus
avoir de ressources, par exemple, pour l'expression régionale qui est
beaucoup plus près de la culture populaire. Parce que un des
problèmes auxquels on a à faire face dans le domaine culturel,
c'est qu'il y a certains types d'expression culturelle qui sont
extrêmement valables, mais qui, en même temps, exigent des
ressources considérables. Si vous permettez deux exemples,
l'opéra et les orchestres symphoniques qui, en soi, présentent
des produits culturels dont personne ne nie la valeur ou l'importance, mais
qui, d'autre part, obligent à l'établissement de certaines
mesures, pas parce qu'on en nie la valeur, mais parce que si on met tous les
oeufs dans ce panier, il n'en restera pas beaucoup pour d'autres.
Mme Lavoie-Roux: Non, et je ne veux pas vous laisser l'impression
qu'il faut mettre tous les oeufs dans un panier plutôt qu'un autre. Mais,
ma question précise, c'est que autant, je pense, on doit favoriser
l'épanouissement de cette culture populaire, je pense aussi qu'elle ne
doit pas être étanche dans le sens que ces communautés
régionales ou locales doivent pouvoir aussi avoir accès à
une culture qui soit plus nationale ou internationale, que ce soit par
l'organisation de tournées, de... Je comprends bien qu'on n'aura pas un
groupe d'opéra dans chaque communauté régionale. On n'en a
même pas au plan provincial. Alors, il ne s'agit pas de ça. Mais
il reste quand même qu'il y a une exposition possible à d'autres
activités culturelles. Dans quelle mesure, dans les budgets qui sont
prévus? Je n'attends pas de vous une réponse dans le sens de $50,
$40, mais dans le sens de l'importance de l'équilibre entre les
deux.
M. O'Neill: Nous verrons un peu plus loin un exemple qui pourrait
bien, peut-être, illustrer le problème dont vous parlez et
répondre... Je dirais des chiffres qui peuvent répondre à
la question. Par exemple, l'aide que nous avons voulu assurer aux
tournées de troupes de théâtre, c'est-à-dire pour
favoriser les troupes de théâtre qui acceptent de faire des
tournées, parce que là, vous avez un exemple de la rencontre, on
peut dire, de ce qui est l'expression d'un produit culturel un peu plus
raffiné... Il faut reconnaître qu'il y a des troupes de
théâtre, par exemple, situées à Montréal ou
à Québec qui, à cause, si vous voulez, des talents
qu'elles ont, de l'expérience qu'elles ont, de leur excellence reconnue,
produisent des choses qui peuvent être stimulantes pour ceux qui essaient
de se livrer au même type d'activités dans la région. Si on
les laissait se limiter à une région comme Montréal, par
exemple, à ce moment-là, dans d'autres régions, on
n'aurait pas devant soi la manifestation culturelle d'une certaine
qualité qui, justement, peut encourager, les gens de la région
eux-mêmes, à produire avec plus de qualité, enfin, leur
montrer ce qu'est un produit culturel plus fini.
Dans ce sens, il y a quelque chose de prévu dans le budget,
précisément pour permettre aux gens dans les régions
d'avoir accès à des expressions culturelles reconnues comme de
qualité supérieure, ce qui ne veut pas dire qu'il ne se fait rien
dans les régions, mais quand même on sait que certaines troupes de
théâtre de Montréal ont un renom...
Mme Lavoie-Roux: II faut qu'elles soient alimentées...
M. O'Neill: ... et il faut permettre aux gens dans les
régions de pouvoir en profiter.
Mme Lavoie-Roux: Une autre question que je voudrais poser au
ministre. Je sais que, ce matin, le ministre d'Etat au développement
culturel, nous a dit qu'on était à réexaminer le livre
vert, qu'on se proposait même peut-être d'en publier un autre.
Ai-je bien compris? Mais, de toute façon, le ministre peut-il nous
indiquer quelles sont certaines recommandations du livre vert qu'il entend ne
pas réaliser ou d'autres auxquelles il entend accorder une
priorité? On en retrouve certaines dans les grands axes de
priorité que vous avez mentionnés ce matin, mais dans une
étude plus générale du livre vert, y a-t-il, à ce
moment-ci, des choses qui ne devraient pas être réalisées
de toute façon?
M. O'Neill: Pour répondre d'abord à la
première partie de votre question, je pense que ce à quoi faisait
allusion le ministre d'Etat au développement culturel c'est
l'idée d'une sorte d'énoncé de politique culturelle
globale...
Mme Lavoie-Roux: C'est cela... M. O'Neill: ...
dépassant donc... Mme Lavoie-Roux: ... les
réalisations...
M. O'Neill: ... les réalisations et dépassant le
domaine de l'intervention du ministère des Affaires culturelles.
Pour ce qui est du deuxième cas qui me vient à l'esprit,
je pourrais donner deux exemples, savoir d'abord, l'insistance que nous voulons
mettre dans ce secteur que nous estimons très important de l'industrie
culturelle, puis, le problème du conseil de la culture qui n'a pas
été mis de côté, qui est révisé, ce
qui n'est pas la même chose. Je dois vous dire qu'à la suite des
tournées que nous avons faites, par exemple, une chose est devenue une
conviction, les conseils régionaux de la culture doivent exister.
Déjà, les conseils provisoires montrent leur utilité et on
sent déjà par les réactions des gens qu'il y a là
un outil très important sur le plan du développement
culturel.
Alors, je ne dis pas qu'on en arrivera nécessairement à
réaliser toute l'espèce de structure assez considérable
qui était prévue dans le livre vert je crois vraiment que
l'essentiel du projet sera sauvé mais peut-être une
structure un peu plus légère, d'une part; d'autre part, à
respecter la régionalisation, non pas simplement en termes de cette
espèce d'outil qui s'étendrait dans la région, mais de
quelque chose qui vient vraiment de la région, parce que c'est une
conviction que nous avons. C'est important que ce soit les régions qui
soient responsables. Cela correspond vraiment à des attentes et
peut-être des attentes qui ont été stimulées, mais
je pense que ce sont des attentes qui sont tout à fait
légitimes.
Mme Lavoie-Roux: Je pense que c'était d'ailleurs, quant
à la formation de ces comités, ce qui avait été
prévu, qu'ils soient vraiment représentatifs de toute une
région et qu'une partie des membres soient des gens qui viennent des
communau- tés plus locales que le conseil régional même.
Cela serait un regroupement de toute...
M. O'Neill: Remarquez que c'est une façon de le concevoir.
On pourrait quand même l'imaginer autrement. Il y a une chose qui est
quand même très importante, c'est que ce soit une
représentativité, dans sa dimension régionale,
réelle. Je pense qu'à ce sujet, il n'y a pas de solution facile.
Je crois que j'ai d'ailleurs déjà signalé cet aspect de la
question ce matin. On pourrait énumérer un certain nombre de
critères de représentativité et dire aux gens: II faudrait
quand même que tel milieu social, tel type d'association soit
représenté. Je pense que nous pouvons le suggérer, mais
à ce stade-ci, cela m'apparaît difficile d'aller plus loin. Il
peut fort bien arriver que les régions mettent sur pied des organismes
qui ne correspondent pas au type idéal que nous pourrions imaginer,
parce que cela nous plairait de retrouver le même modèle
représenté dans chaque région, mais il faut qu'il y ait,
d'autre part, des organismes qui correspondent aux attentes et à la
mentalité des gens.
Mme Lavoie-Roux: Cela également était prévu,
je pense que, justement, ils ne soient pas tous identiques, mais que leur
composition vienne, au fond, du dynamisme propre aux différentes
régions, ce qui peut varier d'une région à l'autre.
M. O'Neill: Là, une connaissance meilleure, cette
connaissance des régions est toujours imparfaite, et quand je dis des
régions, encore là, il faut faire attention, ce sont des coins
que nous connaissons dans les régions... Je crois que le jour où
nous pourrons parler de connaissance des régions, ce sera quand, au lieu
d'aller simplement dans certains centres, nous irons à la
périphérie, aux limites des régions. Mais de toute
façon, la connaissance que nous avons montre que c'est important de
respecter une sorte de singularité de chaque région, ne pas
vouloir imposer un modèle unique, homogène.
Mme Lavoie-Roux: Une dernière question, pour le moment. Je
laisserai la parole à mes collègues. J'ai cru comprendre, quand
on nous a donné une ventilation du budget, qu'on prévoyait
même des transferts de fonds au cas où le conseil national de la
culture serait créé. Est-ce qu'on peut savoir du ministre quelles
sont ses hésitations, à ce moment-ci il a dit
lui-même qu'il ne l'avait pas mis de côté quelles
sont ses hésitations, à ce moment-ci, à mettre sur pied la
création de ce conseil et quel délai, s'il entend le
créer, se donne-t-il?
M. O'Neill: Pour ce qui est des conseils régionaux, je
pense être capable d'annoncer d'ici un mois et demi à peu
près ce que j'appellerais une politique de reconnaissance des conseils
régionaux de la culture. De ce côté, je peux dire qu'une
décision est prise et on a l'impression, après les contacts que
nous avons eus avec les gens dans
les régions, que ce que nous allons leur proposer comme formule
va être quelque chose de fonctionnel. Concernant ce qu'on pourrait
appeler le noyau central constituant un conseil de la culture, là notre
réflexion est moins avancée. C'est la partie qu'on travaille un
peu avec le ministre d'Etat au développement culturel. Les
hésitations venaient un peu de la difficulté à
définir exactement le type de rapport que ce conseil aura avec le
ministère comme tel, de quelle façon il va s'inscrire à
l'intérieur de ce qu'on a appelé une politique culturelle
globale. Il y a aussi un problème tout à fait pratique, d'ordre
administratif; c'est le type de responsabilité sur le plan gestionnaire
que ce conseil doit avoir, ne serait-ce que parce que lorsqu'on émet un
projet de ce genre, il faut toujours concilier à la fois l'autonomie
propre d'un groupe et le fait qu'à ce groupe vous confiez la gestion de
deniers publics. Il n'y a pas une seule formule, dans cela, je pense qu'il n'y
a pas une formule unique, il faut trouver celle qui s'acquitte le mieux. Le
problème que vous retrouvez ailleurs aussi; chaque fois que vous avez un
organisme autonome au sein de l'appareil d'état, vous avez un
problème similaire qui se pose.
On a senti le besoin de roder ça de plus près. Donc, vous
voyez que l'hésitation se pose plus dans ces termes que de dire s'il en
faut un. Je dirais, en gros, que nous savons qu'il faut finir par mettre sur
pied un organisme de ce genre. Ce que nous aimerions, c'est que ça ne
soit pas une sorte d'appareil chromé, lourd, coûteux, qui,
finalement, ne remplisse peut-être pas les fins pour lesquelles on
l'aurait créé.
Mme Lavoie-Roux: En fait, vous êtes d'accord sur le
principe, mais c'est sur les mécanismes qu'il faut prévoir pour
que ce conseil remplisse vraiment les responsabilités qu'il se verrait
confier, dans le fond, pour assurer le succès de son fonctionnement.
M. O'Neill: Oui, c'est ça. Ensuite, permettez, une autre
difficulté qu'il faudrait analyser, c'est le type de rapports que ce
conseil aura aussi avec les autres organismes qui oeuvrent dans le secteur
culturel, parce qu'il y existe toutes sortes d'organismes. Pensez simplement au
réseau des bibliothèques, etc. Comment est-ce que ça va un
peu s'établir? Remarquez qu'on pourrait nous répondre que c'est
l'expérience qui va montrer ça. Actuellement, nous avons une
idée plus précise, mieux définie, des conseils
régionaux, c'est peut-être qu'il y a déjà une petite
expérience de faite dans ce sens et on le sent très bien, on sent
de plus en plus que ça va bien fonctionner.
On pourrait donc nous dire que c'est la même chose pour une sorte
de conseil central, mais je crois que c'est peut-être bon de le repenser,
compte tenu des autres organismes, compte tenu aussi d'un ministre d'Etat au
développement culturel, compte tenu d'un ministère des Affaires
culturelles avec lequel il va avoir des liens.
Une fois que ce sera fait, je pense qu'on sera en mesure d'annoncer
l'existence de cet orga- nisme, au fond responsable de l'application des
politiques culturelles, on pourrait dire surtout responsable d'un climat
d'animation culturelle dans l'ensemble du territoire
québécois.
M. Le Moignan: J'écoutais justement M. le ministre parler
des conseils régionaux. Je ne peux pas parler de tous les conseils
régionaux, mais je veux citer en exemple une expérience
peut-être personnelle. La Société historique de la
Gaspésie, dans le passé, il y a peut-être un an ou deux,
transigeait avec le conseil de Rimouski. A un moment donné, Rimouski a
perdu beaucoup d'importance en cours de route et, finalement, je pense qu'on
transigeait directement avec les Affaires culturelles à Québec;
on a été très bien servi. Je ne peux pas dire qu'on a
été mal servi à Québec. Mais ceci me fait dire
aujourd'hui que le ministère des Affaires culturelles, qui a son bureau
à Rimouski, j'aimerais savoir si ça existe. Est-ce une
façade ou est-ce qu'il y a une réorganisation possible pour la
région du Bas Saint-Laurent-Gaspésie ou, encore est-ce qu'il y a
beaucoup de personnel affecté à ça? Je croirais qu'il y a
très peu de monde au travail à Rimouski.
M. O'Neill: M. le Président, je voudrais d'abord qu'on
distingue bien les conseils régionaux provisoires qui existent, sous une
forme plus définitive bientôt, et les bureaux régionaux du
ministère des Affaires culturelles, comme extension de nos services dans
chaque région.
Deuxièmement, pour ce qui est de leur fonctionnement, dans le cas
de celui-là, je ne porterais pas de jugement. Je voudrais simplement
vous dire que j'en ai visité d'autres jusqu'à maintenant et que
je retire de ces rencontres, des contacts que j'ai eus, d'une certaine
évaluation qui demeure peut-être un peu superficielle de leur
travail, une impression quand même assez favorable.
Je crois que ce sont des organismes qui nous représentent bien
dans les régions. Je ne sais pas exactement quel problème vous
avez eu avec ce bureau régional, il peut y avoir des difficultés
particulières que vous avez connues; mais encore une fois, pour ce qui
est des autres bureaux que j'ai vus de plus près, je pense qu'on peut
dire qu'ils font du bon travail.
M. Le Moignan: Mais ce ne sont pas nécessairement des
difficultés, cela remonte avant le 15 novembre, évidemment. Il y
a eu des mutations, des changements dans le personnel, les types étaient
trop brimés dans leurs responsabilités, dans leurs moyens
d'action et ne pouvaient rien décider, rien faire par eux-mêmes,
sur place. C'est pour cela que j'étais peut-être un petit peu loin
du problème de Mme le député de L'Acadie. Je raccrochais
cela un peu à distance.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Gaspé, j'ai laissé passer votre question,
mais je dois vous dire qu'elle n'était pas d'ordre
général, mais d'ordre particulier.
M. Le Moignan: Vous vous en étiez aperçu, M. le
Président? Vous êtes bien charitable.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je m'en
étais aperçu, mais j'ai laissé passer votre question. Je
pense que les questions d'ordre général étant
terminées...
M. Ciaccia: J'en aurais une d'ordre général.
Mme Lavoie-Roux: Moi, j'en ai quelques autres.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Quelques
autres?
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais c'est parce que je voulais donner la
chance aux autres quand même.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Suite à la publication du livre vert, on a
demandé à diverses régions du Québec, de donner des
commentaires sur leurs réactions au livre vert. Est-ce que vous avez
l'intention de rendre publiques les réactions des divers groupes aux
structures, aux programmes, aux politiques qui sont contenus dans le livre
vert?
M. O'Neill: Votre question me permet de vous souligner une autre
raison pour laquelle il fallait reprendre un peu l'étude. Les
mémoires qui ont été adressés étaient de
quel ordre...?
Nous avons reçu à peu près 180 documents, pour ne
pas dire mémoires, variant d'une page, d'une simple lettre, à des
documents de 200 ou 300 pages.
Cela fait partie, cela entre comme matériau dans la
révision du projet du conseil de la culture et en même temps, des
autres projets qui peuvent être rattachés au livre vert.
Vous demandiez si on devait publier ces choses, je pense?
M. Ciaccia: Est-ce que vous allez rendre publics les...
M. O'Neill: On les utilise comme document de travail. Je ne pense
pas qu'il y aurait...
Mme Lavoie-Roux: Ne pourraient-ils pas être
déposés?
M. O'Neill: Rien n'empêche, en passant, que les organismes
en question les publient, comme cela arrive dans d'autres cas, où des
mémoires nous sont envoyés, des documents de travail. J'en ai eu
un récemment sur les... communautaires et cela a été
publié, cela a été distribué aux journalistes.
Est-ce que c'est vraiment à nous de nous mettre à publier ces
rapports? Cela m'apparaîtrait quand même une charge assez lourde.
Je ne suis pas sûr qu'elle relève de nous.
Mme Lavoie-Roux: Pas dans le sens de les publier, mais dans le
sens de les mettre à la disposition des membres de l'Assemblée
nationale. Enfin, ceux qui ont une valeur...
M. O'Neill: Oui.
Mme Lavoie-Roux: Ceux qui vous ont écrit des lettres, ce
n'est peut-être pas nécessaire, mais puisqu'il y a quand
même des documents assez substantiels, je pense que cela pourrait
être d'intérêt pour les membres de l'Assemblée
nationale qui, éventuellement, devront peut-être se prononcer sur
certaines législations ou certaines politiques du gouvernement. Cela
pourrait être intéressant d'avoir d'autres points de vue.
M. O'Neill: Je ne dis pas non a priori. Si le comité qui
est en train de réviser tous ces textes nous disait que, tout à
coup, il a découvert, je ne sais pas, le texte essentiel qui peut
vraiment éclairer l'ensemble d'une politique culturelle, donner le
pourquoi de certaines décisions qu'il importe de prendre en
matière culturelle, là, a priori, je ne dirais pas non. Il faudra
voir jusqu'à quel point cela peut se faire assez concrètement
dans les délais qu'il faut. On peut aussi se demander s'il n'y aurait
pas lieu, à ce moment-là, de suggérer aux auteurs du
document de le rendre public.
S'il y avait avantage, comme vous dites, que cela puisse aider les
membres de l'Assemblée nationale au moment de l'étude d'un projet
de loi défini, particulier, dans le domaine culturel, c'est une
suggestion que je suis prêt à étudier ici.
Mme Lavoie-Roux: Je ne sais pas, quelqu'un qui a beaucoup
d'expérience à l'Assemblée nationale ce n'est pas
mon cas quand on demande des réactions à des projets, que
ce soit des livres verts, des gens qui les préparent, dans leur esprit,
c'est quand même pour éclairer toutes les personnes qui sont
élues à l'Assemblée nationale.
M. O'Neill: Je ne pense pas que ce soit la coutume.
Mme Lavoie-Roux: Ce serait peut-être une coutume à
instaurer.
M. O'Neill: Vous pourrez me contredire là-dessus, mais ce
serait peut-être à instaurer, un précédent à
créer, quelque chose qui refléterait un nouveau style
peut-être, mais, jusqu'ici je pense que ce n'est pas la coutume de
distribuer ce genre de documents.
Habituellement, vous avez pu le vérifier comme moi, on distribue
surtout les documents officiels. Il faudra voir jusqu'à quel point c'est
applicable. Je n'y ai pas, encore une fois, d'opposition. A priori, plus on
sème de l'information, plus on donne de documentation, plus les gens
peuvent prendre une décision éclairée. En principe, je
suis d'accord sur cela.
Mme Lavoie-Roux: Je demeure convaincue
que, dans l'esprit des gens, quand ils soumettent des mémoires
comme ceux-là auxquels ils ont consacré beaucoup d'heures, je
pense qu'ils s'adressent à toute l'Assemblée nationale.
M. Ciaccia: C'est dans le même type...
M. O'Neill: Vous admettez quand même qu'il faudrait faire
une sélection. Evidemment, vous allez vous fier à notre bon
jugement pour faire une bonne sélection.
Mme Lavoie-Roux: Vous n'êtes peut-être pas
obligé de faire une sélection, je ne le sais pas.
M. O'Neill: De faire une bonne sélection, quand il y en a
180 à 200, il ne faudrait tout de même pas inonder ces
représentants déjà si occupés, surtout quand on
sait qu'il y a...
Mme Lavoie-Roux: Au moins à ceux qui s'intéressent
aux problèmes particuliers, par exemple, du ministère. Je prends
les gens qui siègent à cette commission-ci. J'imagine que ce
n'est pas un intérêt d'occasion, c'est pour au moins un bout de
temps. Je reconnais des gens autour de la table qui, je sais, ont des
intérêts particuliers dans ce domaine.
M. O'Neill: Je pense qu'on pourrait, peut-être, à un
moment donné, prendre une décision concernant des documents d'une
importance vraiment particulière, d'une importance nationale qui peuvent
être utiles aux représentants et à tous ceux qui s'occupent
des problèmes qui regardent les Affaires culturelles. Peut-être
qu'à ce moment-là, ce serait oeuvre utile de le faire sans se
mettre sur le dos une charge considérable.
M. Ciaccia: C'est le même genre de documents, de la
même façon, que quand une commission parlementaire a lieu pour
demander la réaction a des propos du gouvernement... Tous ces documents
sont déposés en commission parlementaire et les membres de
l'Assemblée nationale, les membres de la commission peuvent en prendre
connaissance. Je trouverais que ce serait à peu près le
même genre de documents que vous avez reçus soit une
réaction à une politique possible du gouvernement, le livre
vert.
Alors, dans ce sens, je crois qu'il y aurait lieu de le déposer
pour que les membres de l'Assemblée nationale qui y sont
intéressés, puissent y avoir accès, ne serait-ce que dans
ce but.
M. O'Neill: Comme telle, cette suggestion, je la trouve positive.
Je me pose simplement des questions sur la façon de la mettre en
pratique, peut-être qu'on devrait faire un certain tri pour s'assurer que
ce qu'on rend public... Quand je dis qu'on rend public, il y a des documents
qui l'ont déjà été, de toute façon. Ce que
l'on distribue constitue une aide à ceux qui vont étudier
concrètement les mesures proposées.
Mme Lavoie-Roux: Je suis bien d'accord que, parfois, on est
inondé de trop de choses. Pour les gens intéressés, je
pense que cela pourrait être utile.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Gaspé.
M. Le Moignan: Si j'ai bien compris la demande du
député de L'Acadie et la réponse du ministre, vous
n'êtes pas intéressé à avoir cette masse de
documents à votre disposition. Peut-être que si on avait une
espèce de résumé ou les mémoires...
Mme Lavoie-Roux: ...
M. Le Moignan: ...non un résumé, un mémoire
essentiel qui dit quelque chose de vraiment positif, qui fait avancer le
dossier. Si beaucoup de choses, c'est simplement une lettre qui ne dit pas
grand-chose... Alors, si on avait une sorte de compendium, un
résumé de tout cela qui pourrait nous donner une démarche
logique à suivre, ce serait dans l'esprit de la transparence du
gouvernement de rendre publiques les réactions du public...
M. O'Neill: C'est bien dit.
M. Le Moignan: Parce qu'on ne pourrait jamais lire tous les
documents, même si nous les avions tous; mais si on avait peut-être
ceux qui touchent les points essentiels qui se compléteraient, en gros,
cela pourrait peut-être nous guider davantage.
M. O'Neill: Je retiens ces deux suggestions pour les
étudier.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, il y avait certaines
actions qui avaient été prévues par suite du
dépôt du livre vert. Le ministre nous a dit que de façon
générale, il pensait que la majorité des choses je
ne voudrais pas lui faire dire des choses qu'il n'a pas dites mais
enfin, que dans l'ensemble, on donnerait suite à certaines propositions
qui étaient à l'intérieur du livre vert. Il y avait quand
même des actions précises qui avaient été
prévues. Je voudrais simplement, à ce moment, demander au
ministre si on a déjà donné suite à certaines, si
on se propose de le faire pour d'autres et si on a tout simplement
décidé de mettre certaines autres de côté. Je pense
qu'on avait prévu la formation d'un groupe de travail sur l'emploi
artistique au Québec, sur la situation syndicale des artistes et
l'accès étranger au marché québécois. Est-ce
qu'un tel groupe de travail a été formé? Plusieurs groupes
ont peut-être été formés ou, pour le moment,
n'a-t-on pas eu le temps de s'en préoccuper?
M. O'Neill: Je ne pourrais pas parler, dans ce domaine, d'un
groupe de travail formellement constitué. Je parlerais plutôt d'un
groupe-maison qui tente de recueillir des premiers renseignements
là-dessus. C'est venu à la suite justement de contacts et de
conversations que nous avons eus
avec les gens du milieu. Je ne pourrais même pas vous dire que
nous connaissons l'ampleur du problème. Nous savons qu'il y a un
problème sérieux. Vous faites allusion, par exemple, à la
situation des syndicats d'artistes et aux difficultés rencontrées
par les orchestres symphoniques, ou des choses comme celles-là. C'est
beaucoup plus, je dirais, au stade antérieur à la création
d'un comité bien formellement reconnu. C'est là que nous sommes
rendus dans le moment.
Mme Lavoie-Roux: Vous avez l'intention de poursuivre, dans le
sens d'identifier d'une façon un peu plus précise quels sont les
besoins, quelles sont les conditions d'emploi...
M. O'Neill: Et quels sont les problèmes.
Mme Lavoie-Roux: ... les problèmes, d'une façon
générale, parce que...
M. O'Neill: Sans aucun doute, avec ce que nous savons.
Mme Lavoie-Roux: Alors, est-ce qu'on peut prévoir, d'ici
un an, qu'il y aura un rapport au moins préliminaire de soumis
sur...
M. O'Neill: Je vous répondrais là-dessus, Mme le
député, que j'aurais envie de vous dire le plus vite possible,
mais je vais vous expliquer un petit peu le sens de ma réponse. Ce qui
me frappe, depuis que je suis au ministère, c'est que, finalement, nous
disposons, dans les faits, d'un personnel assez restreint. Nous avons des
fonctionnaires et je dirais particulièrement des hauts fonctionnaires
littéralement submergés. Je suis en mesure de dire aujourd'hui
que, lorsqu'on nous parle d'un fonctionnarisme qui ne travaille pas, c'est un
mythe. Du moins, chez nous, les gens travaillent; les gens sont
débordés. Il y a des gens à qui on confie plusieurs
dossiers vraiment complexes et c'est vraiment là qu'il faut d'abord voir
la cause de certaines lenteurs. Il y a des cas, vous savez, comme dans le cas
du problème que vous nous soulevez, où je peux dire qu'on sait,
en gros, que le problème est très sérieux. Mais on n'a pas
encore trouvé, je dirais, les personnes à qui le confier, qui
sont des gens à qui on n'a pas à confier trop d'autres choses en
plus. Moi, c'est une des difficultés actuellement auxquelles j'ai
à faire face au ministère. Il faut être sûr,
évidemment, quand on confie quelque chose à quelqu'un, que
ça va vraiment fonctionner, et cela arrive que les personnes à
qui on pense sont des gens qui sont déjà débordés
de travail.
Mme Lavoie-Roux: C'est un peu le problème du
fonctionnarisme. Parfois, ce sont toujours les mêmes qui travaillent
beaucoup.
M. O'Neill: C'est ça. Alors, moi, quand j'entends des gens
nous dire que les fonctionnaires sont des gens qui ne travaillent pas, moi,
j'en connais qui sont brûlés physiquement. Ce sont nos meilleurs.
Il y en a...
Mme Lavoie-Roux: On devrait motiver les autres.
M. O'Neill: ... qui, d'une part, sont très bons aussi,
mais ils ont besoin justement de quelqu'un qui prenne une équipe en main
et la dirige. Si cette personne est déjà débordée
de travail, si vous lui donnez une autre équipe de travail en plus,
cette personne ne réussira pas à faire le travail en
conséquence. Actuellement, il y a des dossiers que j'estime importants,
dont l'étude est retardée à cause de cela.
Mme Lavoie-Roux: Cela me semble quand même revêtir
une certaine urgence. Vous disiez: On reconnaît le problème.
Probablement que le ministre qui vous a précédé a dit
qu'on reconnaissait le problème, et la population reconnaît le
problème, en fait. A quel moment, va-t-on tenter d'agir? Parce que c'est
un problème qui peut devenir de plus en plus aigu.
M. O'Neill: Je suis tout à fait d'accord avec vous.
Mme Lavoie-Roux: Enfin, c'est à vous d'établir vos
ordres de priorités, mais je pense que c'est peut-être, comme dit
le premier ministre, une priorité prioritaire.
M. O'Neill: Oui. Il y a des ordres de priorités et il y a
aussi des états de disponibilité de la part de ceux qui peuvent
nous apporter de l'aide.
Mme Lavoie-Roux: Une dernière question d'ordre
général qui aurait peut-être pu revenir au moment des
programmes, c'est la question des produits culturels étrangers.
Pourriez-vous nous donner votre point de vue et vos politiques en regard de la
pénétration des périodiques étrangers et autres
publications étrangères au Québec? A votre point de vue,
de quelle façon ces publications doivent-elles continuer, si elles le
doivent, d'entrer au Québec?
M. O'Neill: A mon point de vue, c'est un problème
sérieux dont l'ampleur est reconnue par beaucoup de gens qui l'ont
regardé le moindrement de près. Il y a déjà un
phénomène anormal du fait que, dans beaucoup de régions du
Québec, le produit culturel disponible est étranger alors que le
produit québécois n'est même pas rendu sur place. Il y a
même le fait je crois l'avoir déjà souligné
d'une sorte même de contingentement imposé. On a
déjà eu l'occasion d'en parler en matière de
cinéma.
Mme Lavoie-Roux: Je pense, oui.
M. O'Neill: C'est la même chose dans le domaine du
périodique où, à cause des réseaux de distribution,
des politiques des distributeurs, les dépositaires sont soumis
eux-mêmes à des normes, à des sortes de lois du
marché, ce qui fait que, dans beaucoup d'endroits, vous allez trouver
comme des produits étrangers. Ce n'est pas le fait
qu'ils sont étrangers. C'est le fait qu'ils sont souvent de
très médiocre qualité et qu'ils sont imposés aux
gens, qu'ils sont en situation privilégiée par rapport à
d'autres produits culturels.
Je pense que le meilleur exemple qu'on puisse donner de cela, c'est le
cas des périodiques.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. O'Neill: Je ne vois pas qu'on puisse éviter, à
un moment ou l'autre, d'introduire une autre forme de contingentement qui
puisse faire en sorte qu'on retrouve ici un meilleur équilibre, qu'on
n'ait pas à la fois des dépositaires captifs et des lecteurs
captifs.
D'ailleurs, ce problème était très bien
décrit dans le rapport de Grandpré paru il y a plusieurs
années où déjà tout le phénomène
était décrit. Vous pourriez dire que cela montre
évidemment une certaine lenteur à intervenir puisqu'on savait
déjà...
Mme Lavoie-Roux: C'est vrai, vous savez, mais il reste que ce
sont des questions qu'il faut se poser.
M. O'Neill: Je pense qu'il faut les poser. Elles sont importantes
et je reprendrais ma réponse de tout à l'heure. La journée
où nous aurons trois ou quatre personnes expérimentées
à qui nous pourrons confier un tel dossier, nous le ferons sans aucune
hésitation. Le problème ne vient pas du fait qu'on se demande si
la question a de l'importance, si la question est urgente. C'est la question de
mettre à un certain moment une équipe disponible et de dire:
Poussez ce dossier jusqu'au bout. Dégagez-nous les mesures à
prendre et on va les prendre.
Là-dessus, je dirais que la volonté politique ne fait pas
défaut du tout et, lorsque nous interviendrons de cette façon, je
ne pense pas que les gens nous accusent de quelque façon de vouloir
être directifs.
Je pense qu'il y a là un problème dont la gravité
est assez généralement reconnue et je ne vois pas qu'on puisse le
régler autrement que par un minimum d'intervention de l'Etat...
Le Président (M. Bertrand): Le député de
Mercier.
M. O'Neill: ... et quant à moi, je vous réponds:
Cela sera le plus vite possible.
Le Président (M. Bertrand): Le député de
Mercier.
M. Godin: Est-ce que le rapport de Grandpré, qui fut
commandé sous le ministère de Mme Claire Kirkland-Casgrain, donc
en 1969, je pense, sera mis à la disposition du public par l'actuel
gouvernement ou si, comme par le passé, il ne le sera pas?
M. O'Neill: II n'a pas été publié?
Le rapport a été déposé en 1973. Je ne sais
pas s'il a été rendu public. Je pense que la plupart des gens qui
sont derrère nous n'étaient pas là en 1973.
M. Godin: Mais, est-ce que je peux avoir une réponse
à ma question, M. le Président? Est-ce qu'il sera mis à la
disposition du grand public, comme certains autres documents du
ministère?
M. O'Neill: Je retiens la suggestion. Je dois même ici, M.
le député de Mercier, avouer à la fois mon ignorance et ma
surprise: quand j'ai analysé ce rapport, je pensais qu'il s'agissait
d'une sorte de texte classique connu de tous et vous m'apprenez, cet
après-midi, qu'il n'avait pas été rendu public.
M. Godin: Texte classique en circuit fermé. Mme
Lavoie-Roux: Cela arrive souvent.
Le Président (M. Bertrand): M. le député de
Gaspé.
M. Le Moignan: En relation avec les périodiques dont
parlait le député de L'Acadie, je pense bien qu'il y a une
relation très directe avec la charte de la langue. Concernant des
centaines et des centaines de publications américaines, par exemple, qui
nous inondent, qui sont de qualité, dans bien des cas, pratiquement de
zéro, le gouvernement, si j'ai bien compris, va légiférer
ou veut légiférer ou il se demande s'il doit
légiférer? Si on veut assurer notre culture
québécoise à tous points de vue et si on se laisse inonder
comme on l'est dans le moment... Il suffit d'entrer dans n'importe quelle
tabagie pour voir combien la situation est désastreuse; j'imagine que
les Affaires culturelles y ont pensé avant moi et sont
déjà à l'étude de cette question. Est-ce qu'il y a
moyen d'interdire l'entrée de toutes ces publications? Il y en a de
langue française peut-être mais la grande majorité, de
celles que nos gens achètent sont de langue anglaise, celles qui
circulent dans beaucoup de tabagies.
M. O'Neill: M. le Président, sous réserve d'une
analyse plus poussée de cette question, je dois dire que ma tendance
naturelle serait moins à aller dans le sens de ce type de blocage de
réglementation et là-dessus, je suis sûr que le
député de Mont-Royal serait d'accord avec moi.
M. Ciaccia: Absolument.
M. O'Neill: Cela veut dire qu'on est quand même dans un
continent où on parle de la libre circulation des biens et produits,
etc. Mais, on peut poser cela en sens inverse, c'est-à-dire assurer,
à la sortie ici, l'accès à d'autres types de publications.
Ce n'est pas simplement que cela entre en camions qu'on saisit à
l'occasion à la frontière, c'est aussi que cela occupe de force
le marché. Là-dessus, je vous suggère de faire
l'expérience que j'ai faite et encore une fois je l'ai faite
à la
suite de la lecture du rapport de Grandpré d'aller voir
des dépositaires pour qu'ils me disent comment cela se passait, pourquoi
ils vendaient telle ou telle chose. Ils vous répondent très
carrément que c'est imposé. Ce n'est pas seulement imposé
dans le poste de vente, c'est imposé à tel endroit dans le poste
de vente. Parfois, cela sera imposé sur le comptoir près de la
caisse. Là, vous êtes devant un problème de force. Ce n'est
plus le libre marché, cette chose-là. J'ai plutôt une
inclination à favoriser le produit culturel, à donner une chance
au produit culturel québécois, de langue française,
à lui donner une égalité sur le marché.
C'est le même problème que nous avons dans le domaine du
cinéma où dans beaucoup de régions du Québec, des
gens n'ont jamais la chance de voir un film québécois, parce
qu'il y a des règles imposées par des distributeurs qui font que
les gens, à tel ou tel endroit, se voient privés de ce
film-là. Je pense qu'il y a une partie du problème qui
relève de chez nous.
J'aime mieux regarder le problème dans ce sens que dans l'autre
sens. Parce que l'autre sens, ça commence à ressembler... enfin,
certains pourraient penser que ça commence à ressembler à
une sorte de censure ou de dirigisme culturel.
M. Le Moignan: Vous allez faire appel aux convictions.
M. O'Neill: Je ne voudrais pas qu'on nous soupçonne de
telles choses.
M. Ciaccia: Si je comprends bien, ce n'est pas une question
d'interdire tellement, mais de permettre et d'obliger l'accès à
d'autres objets...
M. O'Neill: Oui, c'est de favoriser le produit culturel de chez
nous. C'est la même chose dans le domaine du livre. Ce qui fait que des
gens, dans certains cas, ne produisent pas, c'est qu'ils partent de loin, ils
arrivent en retard sur le marché, ils ont un équipement de
production tellement inférieur, simplement à penser aux
énormes capitaux dont disposent les entreprises étrangères
pour inonder les marchés à l'extérieur des Etats-Unis. En
somme, vous équilibrez les forces en présence et ce n'est pas
fait, parce qu'actuellement, c'est une lutte inégale. Il me semble que
c'est beaucoup plus de ce côté qu'il faut voir le
problème.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Papineau.
M. O'Neill: Excusez-moi. Autrement dit, ce n'est pas la
prohibition, je pense qu'il faut chercher surtout la stimulation et les
meilleures règles du jeu.
M. Alfred: M. le Président, est-ce que le ministre est au
courant de l'étude commandée par le gouvernement que nous avons
mis dehors? Cette étude faisait état de la situation...
Mme Lavoie-Roux: II n'est pas gentil, lui, la première
fois qu'on l'entend. Je ne le connaissais pas avant.
Une Voix: Cela fait tout un impact.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il
vous plaît, à l'ordre! Laissez la parole au député
de Papineau.
M. Alfred: Cette étude faisait état de la situation
déplorable de la culture dans l'Outaouais québécois. Cette
même étude reprochait au gouvernement que nous avons mis dehors
son manque de leadership. Est-ce que le ministre a déjà lu cette
étude? Est-ce que le ministre considère, à partir de cette
étude, que l'Outaouais québécois mérite une mention
spéciale, privilégiée en matière culturelle
à cause de l'envahissement des anglophones qui viennent tous les jours
pour angliciser notre région outaouaise?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Papineau, j'ai des doutes sur la recevabilité de
votre question dans le cadre des discussions générales, mais
comme j'en ai laissé passer une tout à l'heure de la part de
l'Opposition, je vais laisser passer l'autre question et je permets au ministre
de répondre.
M. Alfred: Cette étude, je peux vous le dire, a
été commandée par le gouvernement et
exécutée par un fonctionnaire du nom de Ducasse.
M. O'Neill: Elle s'appelait comment?
Mme Lavoie-Roux: C'est à croire que l'Outaouais est plus
en danger que les autres.
M. Alfred: Bien vous le savez, madame.
Mme Lavoie-Roux: D'ailleurs, il y a des recommandations dans ce
sens au niveau de la régionalisation qui sont venues du ministre
précédent. Il a accordé une attention spéciale
à l'Outaouais.
M. Alfred: C'est-à-dire que j'aurais voulu que le ministre
réponde à cette question qui est primordiale pour moi, parce que
je représente cette région et j'entends que cette région
ait la part qui lui revient, surtout à cause de l'envahissement des
anglophones, à cause de l'invasion des édifices
fédéraux dans Hull.
Mme Lavoie-Roux: Les gros méchants!
M. O'Neill: M. le Président, premièrement, je n'ai
pas lu l'étude en question. Deuxièmement, je pense
connaître le problème en question parce que ce problème a
été rendu public, non pas seulement par cette étude
à laquelle il fait allusion, mais par beaucoup d'autres documents. La
situation particulière de la région de l'Outaouais est quelque
chose de connu; ç'a été un des motifs qui a
été à la base de la décision prise pour favoriser
le développement de Radio-Québec.
En ce sens-là, les problèmes auxquels le
député de Papineau fait allusion, sont, je pense, des
problèmes assez bien connus.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
qu'il y aurait lieu, à ce stade-ci, d'entreprendre l'étude du
programme 1, livres et autres imprimés, à moins qu'il y ait
d'autres questions de nature générale? Programme 1, livres et
autres imprimés, élément 1, aide à la publication
et à la vente du livre. Mme le député de L'Acadie.
M. O'Neill: Pourrais-je donner juste une petite note explicative,
avant que vous ne donniez la parole à Mme le député de
L'Acadie?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
D'accord, M. le ministre.
Livres et autres imprimés
M. O'Neill: J'ai, à ma gauche, M. Yves Ro-berge, directeur
par intérim de la commercialisation du livre. Je voudrais simplement
donner quelques brèves précisions sur l'élément 1.
Je signale donc tout simplement l'augmentation des crédits, 36%; l'aide
aux créateurs et l'aide à l'édition, crédits
additionnels de $95 000, consacrés à la diffusion et à la
promotion du livre, principalement en apportant une aide financièrement
accrue aux salons du livre dans des centres autres que Québec et
Montréal et en participant à des campagnes de promotion, en
relation étroite avec les éditeurs et les librairies.
J'en profite aussi pour dire que nous croyons être bientôt
capables de formuler publiquement les énoncés d'une politique non
seulement du livre, mais de la lecture. Nous avons quelques documents en main
là-dessus; il y a une équipe qui a déjà
commencé à regarder de près cet aspect du problème
de la lecture surtout en termes d'accessibilité. Cela rejoint
également nos préoccupations en termes de régionalisation.
Ce n'est pas simplement que le livre soit multiplié, mais aussi que les
lecteurs le soient.
C'étaient les observations générales que je voulais
faire sur l'élément 1.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mme le
député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: J'avais une première question qui avait
trait justement à l'élément 1 du programme 1, soit le
développement d'une politique de la lecture; je pense que vous
préférez attendre pour énoncer les principes qui vont
sous-tendre cette politique, ou êtes-vous prêt à faire
l'énoncé de certains principes qui vont être retenus? A
quel moment peut-on attendre le résultat ou le dépôt
de...
M. O'Neill: Vous êtes rendu à 1...
Mme Lavoie-Roux: En fait, c'est peut-être davantage une
question préalable. Dans le sens du document que vous nous avez remis,
à la page 3, où vous parlez du développement d'une
politique de la lecture. Je pense que c'est ce à quoi vous venez de
faire allusion.
M. O'Neill: Oui. En gros, un aspect du problème qui nous
préoccupe actuellement, ce n'est pas simplement le fait qu'il y ait,
à Montréal et à Québec, des librairies ou qu'il y
ait des bibliothèques, mais qu'il y ait partout l'accessibilité
au livre. Enfin, pensez au rôle très important actuellement qui
est joué par les bibliothèques de prêt.
On répète souvent que le Québec, c'est un
marché restreint, exigu, etc., et que cela pose des difficultés
particulières. On peut étendre ce marché de deux
façons. On peut l'étendre, dans certains cas, par l'exportation
du produit culturel. On peut l'étendre aussi par l'augmentation du
nombre des consommateurs du produit culturel.
Vous avez, par exemple, le problème de la possibilité
d'acheter ou d'emprunter et, ensuite, le problème d'un
intérêt qu'il faut également susciter pour la lecture. A
titre d'exemple, il a été constaté que, chaque fois que
vous avez dans un journal, dans la section littéraire du samedi ou
encore dans un poste de radio, une émission d'analyse, de critique
littéraire, immédiatement, vous avez une réaction
favorable dans le public, c'est-à-dire qu'un plus grand nombre de gens
décident tout à coup d'acheter ou d'emprunter un livre. C'est
pour cela que nous ne séparons pas ici la politique du livre de la
politique de la lecture. Nous, ce que nous pensons, ce que nous croyons, c'est
qu'il y a une possibilité d'étendre finalement le marché
du livre à l'intérieur du territoire.
M. Ciaccia: Dans le sens d'augmenter la clientèle
c'est peut-être un des aspects des questions qu'on posait ce matin
est-ce que les relations avec les autres groupes francophones, en dehors du
Québec, ne pourraient pas augmenter la clientèle pour ce genre de
produit et aider à résoudre le problème que vous venez de
soulever?
M. O'Neill: Ah oui!
M. Ciaccia: Le nombre est assez...
M. O'Neill: Nous voulons même aller plus loin que cela.
C'est qu'actuellement, il y a aussi des pourparlers, je dirais, avec des amis
français, enfin, de nos amis de France pour qu'il y ait une
véritable accessibilité, en France, aux produits culturels
québécois, entre autres, aux livres québécois.
Autrement dit, il y a l'exemple que vous donnez et il y a l'exemple de la
France, aussi, II y a là une possibilité considérable
d'extension du marché pour nos éditeurs.
Mme Lavoie-Roux: Quels seront les moyens concrets que vous
envisagez justement pour permettre une plus grande diffusion du livre, pour
rendre la lecture plus facile pour les gens qui veulent s'en prévaloir?
Qu'est-ce que vous prévoyez comme moyens concrets?
M. O'Neill: Du côté de l'accessibilité, il y
a des moyens traditionnels, il y a des moyens déjà en usage. On
verra tout à l'heure, à l'élément 2, l'aide aux
bibliothèques publiques...
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. O'Neill: ... l'aide au BCP, c'en est un. Cela pose ici le
problème d'avoir un nombre suffisant de librairies, le problème
également des autres points de vente.
Mme Lavoie-Roux: Oui...
M. O'Neill: Là-dessus, je reconnais qu'il y a certaines
divergences d'opinions chez les gens que l'on consulte. Les uns sont des
partisans fidèles de la librairie, en tant qu'institution, d'autres
favorisent la multiplication des points de vente. Pour ma part, j'estime qu'on
pourrait, évidemment, penser comme situation idéale qu'il y ait
des librairies partout au Québec. Je crois qu'à court terme, il
faut penser à d'autres solutions. Il faut qu'il y ait une
accessibilité, dans certains cas, ailleurs que dans les librairies
à la condition, évidemment, qu'on s'occupe d'abord là
où les librairies existent et aussi là où elles devraient
normalement exister, d'apporter l'appui nécessaire. C'est du
côté de l'accessibilité. Il y a un aspect également
commercial qui est assez important. Admettons qu'il y ait également le
problème du coût, qui est un problème assez sérieux
actuellement. Ensuite, il y a le problème de la promotion du livre. Il y
a une promotion qui est déjà faite par les éditeurs
eux-mêmes, mais également un usage qui peut être fait
je le signalais tout à l'heure par les media d'information pour
aider les gens à se familiariser avec le livre. Nous demandons aussi, je
pense que c'est un point assez important, à ceux qui sont responsables
de nos bibliothèques publiques, quand nous les rencontrons, de ne pas
être simplement des gens qui offrent un livre à l'occasion ou
encore qui sont là au service des gens pour leur prêter le volume,
mais également qu'ils jouent un rôle d'animation auprès des
gens, qu'ils suscitent de l'intérêt, qu'ils les aident à
choisir.
Je sais que ça se fait. J'ai visité récemment une
bibliothèque publique. J'ai eu l'occasion de parler assez longuement
avec la bibliothécaire et j'ai constaté que c'est comme ça
qu'elle concevait son rôle. Ce n'est pas simplement une personne
responsable d'un lieu, d'un local, mais c'est vraiment une animatrice
culturelle. Elle donne le goût aux gens, les guide, les invite à
lire certaines choses, et je pense qu'il y a là quelque chose
d'excellent au plan de la promotion du livre et de la vie culturelle d'un
milieu.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'on pourrait conclure cette question
après souper?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les
travaux de la commission sont suspendus jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 heures)
Reprise de la séance à 20 h 25
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, messieurs!
Reprise des travaux de la commission parlementaire chargée
d'étudier les crédits du ministère des Affaires
culturelles. Etant donné que le quorum est de dix et qu'avec le
président, il y a actuellement neuf membres de la commission qui sont
présents, cela prendrait le consentement unanime des membres de la
commission pour pouvoir commencer nos travaux.
Mme Lavoie-Roux: D'accord, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Alors,
le consentement unanime étant accordé, nous en étions au
programme 1, à l'élément 1, et c'était le
député de L'Acadie qui avait, je pense, la parole, qui
était en train de poser des questions.
Mme Lavoie-Roux: II m'apparaît que, dans toute la question
du livre, il y a trois problèmes principaux qui se dessinent et sur
lesquels vous pouvez être d'accord. C'est d'abord le développement
de la motivation et de l'intérêt chez la population pour la
lecture. Le deuxième on y a touché un peu avant,
peut-être qu'on peut arriver à faire une synthèse
est le coût des livres qui en rend l'accessibilité assez difficile
et les moyens que le ministère peut prévoir pour pallier cette
difficulté pour les citoyens et, finalement, la distribution et la
diffusion du livre.
Alors, vis-à-vis de ces trois points, et peut-être d'autres
problèmes que vous percevez, y aurait-il moyen de savoir, d'une
façon un peu précise, dans la mesure du possible, quelles sont
les intentions du ministère vis-à-vis de ces trois
problèmes particuliers qui touchent le livre?
M. O'Neill: Pour ce qui est de l'aide financière, d'abord,
à la promotion et à la diffusion, nous voyons une augmentation de
28% dans les crédits. Pour ce qui est du premier point mentionné,
motivation et intérêt de la population, nous avons
déjà assez parlé de cela.
Je crois qu'il y a vraiment un intérêt commun
là-dessus, c'est-à-dire que, même si on voulait
accroître l'aide à l'édition on va le faire,
d'accord mais qu'on ne porte pas attention au problème de
l'augmentation des clients ou du nombre de lecteurs ou le problème de
l'accessibilité. Je pense qu'on se maintient un peu dans un cercle
vicieux, c'est-à-dire qu'il y a donc un problème de marché
à l'intérieur. On a dit que cela existe à
l'extérieur du Québec, je suis d'accord. D'ailleurs, le
député de Mont-Royal nous a même signalé
là-dessus qu'il faudrait peut-être qu'on soit plus attentif au
marché que représentent, pour ce qui est du livre français
édité au Québec, les francophones qui demeurent à
l'extérieur du Québec, mais il y a aussi un marché
important à l'intérieur, c'est-à-dire que c'est une
observation qui est assez facile à faire. Quand on commence à
circuler dans le monde de l'édition, dans le monde du livre, on
rencontre toujours les mêmes gens. C'est cela fi-
nalement. Ce sont des gens qui, finalement, se chicanent pour un
marché assez limité alors qu'à côté de cela,
il y a une immense partie de la population qui vit à l'écart de
ce problème et qui n'est pas dans le jeu. Voilà pourquoi je pense
que ce problème à la fois des motivations, de
l'intérêt de la population, de l'accessibilité,
m'apparaît un problème important en lui-même parce que nous
avons quand même le devoir de faire en sorte qu'il y ait ce que
j'appellerais une montée culturelle collective de ce côté
et, en même temps, il faut que nous voyons qu'elle est là, en
partie, la solution. C'est pour nous une préoccupation.
Le problème du coût des livres, c'est un problème
assez sérieux qui se pose depuis quelques années. On nous dit
que, actuellement, dans les bibliothèques publiques, les gens commencent
à modifier leur comportement dans certains cas. Autrefois, lorsque la
bibliothèque publique, la bibliothèque de prêts ne
fournissait pas, dans un délai convenable, les livres que les gens
désiraient, les gens allaient les acheter. On remarque qu'actuellement,
les gens ont tendance à attendre un peu plus parce que le livre est
devenu très coûteux. Il faut regarder les choses de près et
se demander si toutes les augmentations sont vraiment fondées, sont
raisonnables, si l'écart qui existe, par exemple, entre le prix qu'on
paie pour ce livre à l'étranger et le prix qu'on paie au
Québec est admissible. Nous commençons à avoir quelques
tableaux là-dessus qui suscitent chez nous quelques interrogations.
Autre point, pour ce qui est du coût du livre, il y a aussi le
problème de l'édition populaire. Tout le monde félicite
les Américains d'avoir inventé ce qu'on appelle le livre de
poche. Il ne faudrait peut-être pas se contenter de les féliciter,
mais aussi les imiter un peu plus, surtout qu'on a remarqué le
phénomène que souvent les gens prennent le goût du livre
grâce au livre populaire, à prix modique et ensuite, acceptent
finalement, parce qu'il se développe un peu plus d'estime pour le livre,
d'acheter autre chose.
Il m'apparaît tout à fait indiscutable que le coût du
livre constitue dans le moment un obstacle considérable. D'ailleurs, ce
coût du livre alourdit en fait le budget de nos bibliothèques.
Mme Lavoie-Roux: J'aimerais demander si le ministère se
propose de réviser ce qu'on a appelé de différents noms,
mais je pense qu'on va comprendre quand je parlerai de l'aide aux libraires
accrédités, l'aide à la librairie qui a peut-être
été un facteur dans l'augmentation du livre et qui,
également, est devenue un fardeau qui a été mis sur les
épaules de d'autres, c'est-à-dire qu'en voulant apporter du
soutien aux éditeurs et aux libraires, on a fait assumer les coûts
par d'autres, en l'occurrence des bibliothèques publiques, les
commissions scolaires, les CEGEP et même les universités,
peut-être à un degré moindre parce que leurs livres
étant beaucoup plus spécialisés, souvent elles sont
passées à côté de cette politique.
Est-ce que vous avez l'intention de réviser ceci? Je ne suis pas
sûre que vous ayez atteint l'objectif que vous vouliez atteindre, parce
que vous les avez obligés à garder des inventaires si
considérables de livres que, finalement, ils ont dit: Ce n'est pas
possible de les garder, et d'autre part, vous avez pu contribuer à
l'augmentation des coûts. Je me souviens que dans une commission
scolaire, on avait réalisé qu'après un an ou deux, il y
avait eu 25% d'augmentation des livres.
M. O'Neill: Jusqu'à maintenant, l'aide principale que le
ministère a accordée aux libraires a été, sous le
couvert de l'agrément ou de l'accréditation, de leur donner un
marché captif qu'est celui des institutions subventionnées,
c'est-à-dire les institutions scolaires d'une part et les
bibliothèques publiques subventionnées par le ministère
des Affaires culturelles, d'autre part.
Parallèlement à cela, nous avons mis au point, au profit
des libraires, un programme de formation et de perfectionnement et c'est
ça, pour l'instant, l'aide qui est accordée aux libraires. C'est
déjà beaucoup, parce que nous savons, vous le savez
personnellement je crois, que le monde de l'enseignement et même les
bibliothèques publiques sont en quelque sorte choqués du fait
qu'on les oblige à acheter de ces libraires agréés
plutôt que d'acheter des maisons d'édition directement, ce qui, il
ne faut pas se le cacher...
Mme Lavoie-Roux: Sont devenus la même chose.
M. O'Neill: C'est cela, sont devenus la même chose, mais ce
qui est certain, c'est que si les institutions subventionnées achetaient
directement des maisons d'édition, il en coûterait moins cher
qu'il ne leur en coûte présentement, à devoir acheter de
libraires accrédités. Mais le ministère est un peu
condamné, je pense que le problème se pose à peu
près dans tous les pays du monde, à avoir une politique du livre
qui, à la fois, cherche à concilier les intérêts des
auteurs, des créateurs ou des écrivains, d'une part, et ceux des
éditeurs, des libraires et des bibliothécaires d'autre part. Il y
a tous ces intérêts à concilier et c'est ce qui fait,
finalement, quand on regarde très froidement les choses, qu'il a
été difficile dans le passé, pour les gouvernements, et
c'est vrai ainsi, dans presque tous les pays occidentaux, d'avoir une politique
du livre qui soit également acceptée de tous les
intérêts du monde du livre.
Pour l'instant, nous n'avons pas l'intention, dans le cadre de ce qu'on
pourra appeler, d'une façon peut-être plus exacte, une politique
du livre, dans quelques mois, de soustraire les institutions
subventionnées de l'obligation d'acheter des libraires
accrédités et c'est la forme d'aide qu'on donne aux libraires,
même si cela n'est pas totalement satisfaisant.
Mme Lavoie-Roux: M. le ministre, je dois protester contre les
intentions qui sont manifestées. Je ne pensais jamais être
à une table où je pourrais le faire aussi directement, je dois
vous le dire, il y a quelques mois.
Je mets en doute les objectifs que vous voulez atteindre, dans le sens
qu'au départ, j'étais sympathique à l'idée, parce
qu'on disait: II faut qu'il y ait beaucoup de petits libraires qui vivent,
parce que plus il y a plus de petits libraires, plus il y a de chances que les
gens arrêtent dans une librairie, que ce ne soit pas loin. Finalement, ce
n'est pas ce qui s'est produit. Ce sont les grands libraires ou maisons
d'édition qui sont vaguement devenues des librairies
accréditées, qui ont pu se prévaloir de ce régime.
C'était un objectif, au départ, de favoriser le
développement et soutenir les petites librairies. Je doute fort que cet
objectif ait été atteint.
Deuxièmement, une politique du livre doit favoriser le
créateur, elle doit favoriser la maison d'édition, mais elle doit
surtout être au service du consommateur. Dans le cas présent,
c'est le consommateur qui est pénalisé par ceci, ce n'est
même pas le consommateur qui a de l'argent; c'est l'étudiant,
c'est celui qui va à la bibliothèque publique, parce que souvent,
il ne peut pas se procurer des volumes. Je comprends difficilement qu'on ne
puisse pas penser à une formule de rechange.
Je comprends vos préoccupations vis-à-vis de
l'éditeur, des libraires, etc., mais je ne suis pas sûre qu'on ne
le fait pas en faisant payer à d'autres, qui devraient être les
premiers favorisés, des coûts qui ne devraient pas leur revenir.
Je pense qu'on devrait se pencher de nouveau sur ce problème et le
réexaminer.
M. O'Neill: Idéalement, je serais porté à
vous donner personnellement raison. Je crois que l'aide la plus opportune qu'on
pourrait accorder au consommateur, c'est un dégrèvement du prix
qu'il doit payer pour l'achat d'un livre, de quelque origine qu'il soit. Si par
exemple, une politique du livre avait pour effet de donner au consommateur d'un
livre de $10 une prime de $1.50, $2 ou $2.50, c'est sûr qu'on
intéresserait directement le consommateur, on viserait celui qui nous
intéresse au bout du compte, le Québécois qui lit.
Je pense que c'est un peu illusoire que de penser qu'on puisse arriver
à une politique comme celle-là, d'autant plus qu'on vit dans un
contexte, dans un cadre social où l'exiguïté du
marché fait que nous sommes obligés de protéger la
profession. Invariablement au Québec, le gouvernement sera toujours
obligé de supporter les maisons d'édition pour qu'elles publient
les auteurs québécois. Sinon, tôt ou tard, nous serons
condamnés à lire ce que produisent les maisons d'édition
de l'étranger, que ce soient des maisons françaises, des maisons
belges, des maisons anglaises ou des maisons américaines. Il faudra donc
qu'invariablement on soutienne l'industrie du livre, c'est-à-dire ceux
qui éditent, des auteurs québécois et il faudra qu'on le
fasse pour qu'ils publient des livres que, naturellement, ils ne publieraient
pas s'ils n'avaient pas le soutien de l'Etat.
Ici, chez nous, il ne faut pas se raconter d'histoires, ce qui va bien
pour les maisons d'édition, ce sont les livres de recettes, les livres
sur le jardinage, les livres d'usage courant. La littérature...
Mme Lavoie-Roux: Les livres d'esthétique.
M. O'Neill: ...le roman, la poésie, les livres
scientifiques ont un marché très étroit. Si le
gouvernement ne soutient pas les maisons d'édition, il est certain que
celles-ci ne prendront pas les risques qu'elles doivent prendre pour
éditer les auteurs québécois, autant chez les
scientifiques que dans la littérature de fiction, la littérature
pour la jeunesse. Il faut donc que nous aidions les maisons d'édition,
mais, en revanche, la profession ne se limitant pas aux maisons
d'édition, il y a tout un circuit de distribution qui, lui non plus, ne
parviendrait pas à subsister s'il n'était pas en quelque sorte
protégé, protégé quant à l'origine de la
propriété, mais protégé aussi quant à un
marché possible.
Si nous ne soutenons pas les librairies en leur donnant un marché
captif, qui est celui des institutions subventionnées, toutes les
librairies québécoises vont disparaître au profit de
librairies étrangères, de quelque origine qu'elles soient. C'est
la raison pour laquelle, il faut, je pense, que nous consentions à payer
le prix pour protéger le réseau de distribution de la culture par
le livre.
C'est la raison pour laquelle les institutions d'enseignement, les
bibliothèques publiques, donc le ministère de l'Education, d'une
part, et le ministère des Affaires culturelles, d'autre part, sont
condamnés à subventionner le réseau pour payer le prix de
la conservation d'un réseau québécois de distribution du
livre. Idéalement, je pense que vous avez fondamentalement raison. Nous
payons pour protéger notre réseau, mais je crois qu'on ne peut
pas faire autrement, à moins d'opter pour une mainmise totalement
étrangère et dans l'édition et dans la distribution.
Pourais-je ajouter deux points de renseignement? Le premier, c'est que,
selon des renseignements que nous possédons, il semble bien que le
budget des institutions, en général, a diminué, le budget
consacré à l'acquisition des livres. Deuxièmement, il y a
un autre problème qui se pose au niveau des institutions, c'est
l'utilisation de méthodes qui nuisent fortement à la vente des
livres ou nuisent aux éditeurs et aux auteurs. Je ne dis pas que la
solution à ce problème est facile, mais il faut quand même
constater, c'est-à-dire que beaucoup de maisons d'enseignement sont
devenues des lieux privilégiés de pillage des droits d'auteur,
c'est-à-dire qu'on fait énormément de polycopie de textes,
de documents. A ce moment, on se trouve à réduire, en fait, la
vente des livres. J'ai été témoin de l'application de ces
méthodes au niveau universitaire. D'après les renseignements
qu'on a, c'est devenu une habitude assez répandue dans les CEGEP et
également à d'autres paliers. Je pense qu'il y aurait là
un problème à examiner de près. Si on parle de l'aide aux
éditeurs, de l'aide aux auteurs, et qu'en même temps, on se trouve
à pratiquer un pillage quotidien et qu'on habitue, en fait, les
étudiants à ne pas respecter ces droits, il me semble qu'il y a
là quand même un problème qui doit nous faire
réfléchir.
Mme Lavoie-Roux: Je suis d'accord avec vous
là-dessus, M. le ministre, mais il reste que, quand même,
les budgets dans les institutions si on parle des mêmes
institutions n'ont pas diminué, sauf que leur pouvoir d'achat a
diminué considérablement. On a eu le gel des normes dans le monde
scolaire, tant au niveau scolaire qu'au niveau des institutions
collégiales.
Je ne pense pas que ce soit cette année qu'on les
dégèle beaucoup non plus avec le peu d'indexation qu'on apporte.
Finalement, tout ce qui se produit, c'est qu'on peut acheter de moins en moins
de livres. Moi, je me demande si la possibilité de subventions directes
à l'éditeur n'a pas été examinée
plutôt que d'employer ce truchement de l'achat par les institutions
publiques auprès des éditeurs ou des librairies
accrédités.
M. O'Neill: D'un point de vue strictement administratif, bien
sûr que cette question a été examinée. Le dossier du
livre est peut-être celui qui, dans ce ministère des Affaires
culturelles, a donné lieu au plus grand nombre d'études depuis
que le ministère existe. On pourrait même éditer un livre
bibliographique sur les études portant sur le dossier du livre,
tellement ces études sont nombreuses, et cette question, bien sûr,
a été examinée de près et sous tous les angles. La
conclusion à laquelle nous arrivons pour l'instant est d'abolir cette
espèce de politique protectionniste à l'égard des
libraires, ce qui aurait, invariablement et très rapidement, pour effet
de faire disparaître un très grand nombre de maisons, enfin, de
librairies proprement québécoises. Cela, c'est certain.
D'autre part, je voudrais préciser que ce qui a réduit le
pouvoir d'achat des enveloppes budgétaires des commissions scolaires ou
des CEGEP ou des universités ou des bibliothèques municipales ou
des BCP, c'est beaucoup plus le prix, l'augmentation de la production du livre,
donc l'augmentation du prix du livre, que l'obligation qu'on leur a
imposée d'aller acheter chez des libraires accrédités.
Il est certain que s'ils n'avaient pas à acheter des libraires
accrédités, du jour au lendemain, ils
récupéreraient un pouvoir d'achat évident. Mais ce qui a
réduit le pouvoir d'achat des institutions d'enseignement ou des
organismes subventionnés, c'est le fait que l'augmentation de leur
enveloppe n'a pas suivi l'augmentation du prix du livre, qui n'est pas propre
au Québec, mais qui est assez universelle.
M. Le Moignan: M. le Président...
Mme Lavoie-Roux: Allez, je reviendrai.
M. Le Moignan: Tandis que vous cherchez...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Gaspé.
M. Le Moignan: J'ai ici une coupure de presse. On parle du
rapport Drouin-Paquin que le ministre connaît probablement, mais j'ai ici
quelques faits saillants ou quelques conclusions qui semblent très
justes et je m'aperçois qu'on peut se procurer ce rapport gratuitement.
C'est une négligence de ma part. Je ne lisais pas cette chose
auparavant.
Maintenant, il y a une première remarque. On dit que la politique
du livre du ministère des Affaires culturelles ne correspond plus aux
données économiques actuelles. Votre ministère, ayant pris
connaissance de ce rapport et de ses conclusions, a-t-il l'intention de revoir
la politique du livre ou bien les conclusions s'appliquent-elles plus ou moins
à votre politique dans ce domaine?
M. O'Neill: II s'agit du rapport rendu public en mars?
M. Le Moignan: En mars. Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. O'Neill: La preuve qu'il y a sûrement des choses qui ont
besoin actuellement d'être retouchées, c'est que,
précisément, depuis ce temps, je dirais que c'est peut-être
un des dossiers auxquels on a consacré le plus de temps. C'est
également un des dossiers les plus compliqués, de toute
façon.
Alors, on révise, en fait, chacun des éléments
parce que vous avez tout l'aspect de la commercialisation dans ce rapport. Vous
avez également les problèmes qui se posent comme ceux de la
propriété. Alors, il faut s'entendre. Je pense qu'il y a des
choses qui sont encore valables, qu'il faut maintenir et, d'ailleurs, avant de
les remplacer, il faudrait être certain que nous les remplaçons
par des mesures qui sont meilleures, mais je suis d'accord avec vous lorsqu'on
dit qu'il faut reprendre l'analyse de chacune des mesures qui sont actuellement
appliquées dans le domaine du livre. Cela ne veut pas dire qu'il faut
tout sabrer.
Actuellement, c'est ce qu'on s'applique à faire et on essaie de
voir clair dans cela et d'en dégager, le plus vite possible, non pas ce
que j'appellerais une politique globale du livre, non pas dans le sens que ce
n'est pas souhaitable, mais parce que cela peut retarder beaucoup les
décisions, mais d'en dégager un certain nombre de points
pratiques, de points très très concrets, de choses qu'on pourrait
réaliser à court terme, en s'ins-pirant de ce rapport, en
s'inspirant aussi du rapport beaucoup plus ancien qui est le rapport de
Grandpré et du rapport du Conseil consultatif du livre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Le ministre vient de faire allusion à
la question de la propriété des maisons d'édition et des
librairies. Sans attendre l'énoncé d'une politique ferme qui,
comme le ministre l'a indiqué, est encore en voie de préparation,
je me demande si le ministre pourrait nous dire quel est l'état de sa
pensée, le point où il en est dans ses réflexions sur
cette question de la propriété des maisons d'édition et
des librairies.
C'est une question discutée abondamment
dans les milieux du livre depuis plusieurs années et là,
je ne parle pour le moment que du livre en français. Le
phénomène auquel nous avons assisté au cours des
dernières années est un phénomène assez analogue
à une invasion et il y a un certain nombre de maisons d'édition,
un certain nombre de librairies qui sont passées sous contrôle
étranger.
C'est un contrôle étranger qui, en un sens, nous est cher
puisqu'il s'agit du contrôle français, mais c'est quand même
un contrôle étranger, et malgré toute l'affection qui nous
lie à la France, nous voulons conserver nos propres maisons
d'édition et nos propres librairies sans en livrer le contrôle
à des maisons étrangères qui, toutes françaises
qu'elles soient, sont des maisons qui ont leurs propres intérêts,
qui ne concordent pas nécessairement avec les nôtres.
Il y a quelque temps, nous avons, par exemple, assisté à
la mainmise de Hachette sur les librairies Garneau. Il y a eu, au moment
où cela s'est produit, des protestations, mais, malgré les
protestations, la chose s'est faite quand même. Le problème
demeure entier, et je le répète, sans attendre
l'énoncé d'une politique qui est encore en voie de formulation,
je me demande si le ministre pourrait nous livrer, en toute simplicité,
ses dernières réflexions sur cette question.
M. O'Neill: Je réponds à cela par trois choses, M.
le Président. Premièrement, il y a un principe
général qui va de soi que ce qu'on peut appeler les
véhicules de notre culture soient de propriété
québécoise. Deuxièmement, il y a déjà un
état de fait, c'est-à-dire qu'il a déjà
été décrété avant nous que ces maisons
devaient être propriété majoritairement
québécoise. Nous pensons qu'elles doivent être de
propriété plus que majoritairement québécoise,
c'est-à-dire donc plus de 51%, quelque chose qui pourrait aller se
situer aux alentours de 70%, 75%, certains pourraient dire jusqu'à 100%,
mais, comme par tempérament, nous sommes des gens modérés,
probablement que nous n'irons pas jusque là. Alors, il reste à
fixer le chiffre. Ce serait dans cette ligne, quelque chose qui pourrait
être 70% ou 80%. Je pense que personne ne se scandalisera de cela.
M. Ciaccia: Une question supplémentaire. Est-ce que cela
veut dire que la politique que vous venez de décrire n'a pas atteint
vraiment son objectif qui était de maintenir les librairies
québécoises et de les encourager? Alors, malgré tout,
votre politique, d'une façon, pénalise le consommateur, les
institutions, les commissions scolaires. Si, au moins, cette politique avait eu
pour effet de maintenir les librairies québécoises, on aurait pu
dire: II y a un prix à payer, un prix plus élevé pour les
livres. On aurait atteint notre but, mais les faits sont différents. On
paie plus comme consommateur et comme gouvernement. Si ce sont des institutions
comme les commissions scolaires et, finalement le gouvernement qui paient,
c'est le citoyen qui paie et, d'autre part, on n'aura pas atteint notre
objectif de maintenir les librairies québécoises.
M. O'Neill: Je pense à deux choses, M. le
Président. Premièrement, il y a déjà quand
même un service de rendu, il y a un service à la
collectivité. Déjà, l'existence d'une librairie offrant un
large éventail de volumes de toutes sortes constitue un service. Le
petit coin de vente que vous trouvez à tel ou tel endroit, qui offre tel
livre populaire ou pour lequel la demande est très grande, cela ne donne
pas du tout le même service qu'une librairie où on s'oblige
à garder en stock une très grande variété de
volumes pour rendre service à la population. Je pense qu'il faut bien
voir que déjà les libraires rendent de grands services, dont
celui de maintenir comme telle une institution de ce genre. Une grande
diversité de volumes y sont disponibles, soit immédiatement, soit
sur commande assez facilement, souvent exécutée de façon
très rapide. D'autres en ont fait l'expérience, j'en ai fait
l'expérience aussi. On est agréablement surpris de voir comment
certains libraires peuvent, dans un court laps de temps, répondre
à nos besoins, faire venir parfois des volumes qu'ils n'ont pas et se
donner la peine de nous rendre service. C'est la première remarque que
je fais. La deuxième est la suivante: il y a libraire et libraire.
Lorsqu'on pose le problème de la propriété du livre, si
vous posez le problème dans un cas de petites institutions, de petits
établissements, avec peu de ressources, ce qu'on appelle un capital de
roulement très limité, souvent ces gens-là mettent
énormément de temps et d'heures de travail.
Ce sont des gens qui, je dirais, ont une espèce de vocation. Dans
un sens, ils aiment le métier; s'ils n'aimaient pas le métier,
ils l'auraient quitté. Ce sont des gens qui ont l'amour du
métier.
Face à eux, vous avez de gros appareils, des sortes de monopoles.
Mentionnons un cas, il ne s'agit pas de le mésestimer, au contraire,
c'est une grande institution dans le domaine de la librairie. Pensons au cas
Hachette. Vous avez quelque chose d'énorme. Tout le monde sait que si
vous n'intervenez pas, vous êtes devant une sorte de concurrence,
où l'un a une puissance considérable que l'autre n'a pas. C'est
un peu la liberté du renard libre dans le poulailler libre. C'est tout
à fait inégal.
Il me semble qu'il y a lieu d'intervenir pour aider ceux qui commencent
dans le métier, ou encore, sans commencer dans le métier, ceux
qui ne possèdent pas ces ressources considérables que
possède la grande chaîne ou le grand monopole.
Je reviens encore une fois à la première remarque. On ne
peut pas dire qu'il n'y a pas eu de service rendu par les libraires en
échange de quelques avantages que nous leur avons consentis. Il y en a
eu et ces gens-là rendent vraiment un service à la
collectivité.
M. Ciaccia: Est-ce que votre politique aide vraiment le petit
libraire dont vous venez de parler ou si elle encourage plutôt
l'acquisition des petits libraires par ceux qui font des affaires en volume
avec des institutions comme les commissions scolaires?
M. O'Neill: Je pense que notre politique a les
deux effets. D'une part, elle encourage l'existence de petits libraires
puisqu'on leur concède un marché captif, mais le fait que nous
n'imposions qu'une propriété de 51% canadienne pour devenir
libraire accrédité ou libraire agréé ne
décourage pas les grandes entreprises étrangères à
venir acheter les libraires ici. Actuellement, dans la réglementation
qui régit le livre, aucune disposition n'interdit ou n'empêche une
maison d'édition ou une maison de distribution ou quelque
société étrangère que ce soit d'ouvrir une
librairie au Québec. Sauf que la réglementation prévoit
qu'un libraire dont les actifs n'appartiennent pas, à 51%, à des
propriétaires canadiens, ne peut pas être agréé, par
conséquent, ne peut pas profiter du marché captif dont on a
parlé tout à l'heure.
Je crois qu'il est tout à fait normal que les subventions de
l'Etat aux bibliothèques scolaires ou aux bibliothèques publiques
profitent à des entrepreneurs québécois.
Mme Lavoie-Roux: Seulement une question sur ce sujet particulier.
Est-ce qu'on a fait au ministère un relevé du nombre de maisons
d'édition québécoises et de librairies, enfin, celles qui
sont vraiment des librairies, qui existaient avant l'établissement de
cette politique et quels sont les chiffres, maintenant que cette politique est
en vigueur depuis quoi, trois ou quatre ans, je pense... parce que ce serait
aussi une façon d'évaluer la portée...
M. O'Neill: Les libraires et non les maisons
d'édition.
Mme Lavoie-Roux: Les libraires, parce qu'il y en a qui se sont
converties quand cela a fait l'affaire. Il y aurait peut-être des
chiffres intéressants à ce point de vue.
M. O'Neill: En ce qui concerne le domaine des librairies, il est
extrêmement difficile. Autrefois, étaient reconnus comme
libraires, reconnus non pas de façon officielle, tous les genres de
tabagies qui vendaient à la fois de la papeterie et, à
l'occasion, quelques volumes. On disait que c'était un libraire. Nous
n'avions pas, à ce moment-là, de critères qui
définissaient de façon précise ce qu'était un
libraire. Donc, le parallèle est assez difficile au niveau de la
librairie. Depuis quelques années, avec la Loi de l'agrément des
librairies, nous avons donc une orientation ou une politique qui précise
ce que nous entendons par un libraire agréé.
Pour répondre à cette question, pour les librairies, on ne
peut faire ce parallèle, comme vous le demandez, avec ce qui existait
autrefois et ce qui existe maintenant.
Dans le domaine des maisons d'édition, nous n'avons pas, au
Québec, de critères qui précisent ce qu'est une maison
d'édition. Un organisme, une corporation municipale peut devenir une
maison d'édition pour les besoins de la cause. Parce que c'est un
organisme québécois qui correspond aux critères.
Ceci est à venir dans un futur rapproché, fort
probablement. Mais aucun critère précis, actuellement, ne
définit réellement ce qu'est une maison d'édition. Cela
peut être un livre, deux livres, cinq livres par année, dix
livres.
Mme Lavoie-Roux: Dans le fond, on peut difficilement mesurer les
résultats de l'application d'une telle politique. On n'a pas de
critère pour la mesurer. Cela sera peut-être possible dans
l'avenir, compte tenu des critères que vous établissez, parce
qu'on n'a vraiment pas de moyens de mesure et, finalement, on se demande qui on
aide. Nos objectifs sont peut-être vraiment, pas totalement ratés,
j'espère, mais en partie, en tout cas.
M. le ministre, pour revenir à la motivation, au
développement du goût de la lecture, j'entendais la remarque qui
avait été faite auparavant que les livres qui ont le plus de
succès sont les livres de cuisine, de jardinage, de bricolage, de
décapage de meubles...
M. O'Neill: C'est le patrimoine.
Mme Lavoie-Roux: C'est le patrimoine.
M. O'Neill: C'est de l'artisanat.
Mme Lavoie-Roux: Peut-être même la cuisine aussi, on
ne le sait pas.
L'observation qu'on fait, c'est que, chez les enfants, à
l'élémentaire, il y a une certaine fréquentation des
bibliothèques, même dans les petites municipalités, mais
ceci semble se perdre au secondaire et au CEGEP. Finalement ce sont eux qui,
éventuellement, devraient fréquenter en plus grand nombre les
bibliothèques, et non seulement fréquenter les
bibliothèques, mais aussi faire un certain investissement de leur argent
de poche pour l'acquisition de volumes.
Est-ce que ce problème a déjà été
discuté avec le ministère de l'Education? Je n'ai aucune
idée de la sorte de marketing ou d'éducation, les deux sont
différents, on peut faire auprès du public. J'ai l'impression que
c'est toujours un gouffre. Il ne semble pas qu'en dépit de la plus
grande scolarisation de la population, depuis dix ou quinze ans, on ait un
résultat équivalent du point de vue de cet intérêt
pour le livre, la lecture, etc. Je me demande où on attaque le
problème pour vraiment essayer d'obtenir des solutions à plus
long terme et plus solide que ce qui me semble un peu, jusqu'à un
certain point, du rapiéçage et des mesures de soutien qui, je
pense, demeureront toujours, mais devraient possiblement être moindres et
pénaliser moins le consommateur.
M. O'Neill: M. le Président, je trouve que Mme le
député de L'Acadie fait là état d'un grand
mystère, pour lequel elle a peut-être même plus de
réponses que nous, étant donné sa grande expérience
dans le domaine scolaire.
Mme Lavoie-Roux: Non, je n'en ai pas. Je pensais que
c'était la culture qui bloquait.
M. O'Neill: Ce qu'on remarque, c'est qu'actuellement, pour
prendre une observation qui m'a été faite un peu brutalement,
l'enfant vient au monde avec le goût du savoir, le développe
jusqu'à cinq ou six ans et que l'école s'empresse de le lui
enlever.
Mme Lavoie-Roux: Non, cela continue jusqu'à onze ans.
C'est après onze ans que cela devient...
M. O'Neill: C'est un peu brutal de dire cela, mais il semblerait
que cette chose si merveilleuse qui caractérise l'homme, qui s'appelle
le goût du savoir, se perd à un moment donné. Cela serait
sûrement injuste que de dire que c'est la faute de l'école, parce
que, pour ce qui est du moins pour la lecture, il y a d'autres facteurs qui
entrent en jeu, dont on devine la puissance...
Mme Lavoie-Roux: La télévision.
M. O'Neill: ... ne serait-ce que la télévision.
Mais je pense qu'on est vraiment en pleine brume. Rien n'indique que ce soit
une lacune complète. Je me réfère tout simplement au cas
d'une bibliothèque que j'ai visitée récemment. Il y avait
un rayon assez imposant de littérature pour enfants. Nous étions
là le vendredi en fin d'après-midi et c'était quand
même assez bien fréquenté et, apparemment, il y a un
accroissement du nombre des lecteurs. Mais je ne veux pas me consoler avec
cela, parce qu'il y a au contraire beaucoup d'exemples qui nous viennent
d'ailleurs, qui montrent que nous avons là un problème
sérieux. L'accroissement comme tel des moyens d'information, des moyens
de culture n'implique pas que des gens vont, par le fait même, profiter
de tous ces moyens.
Vous avez reçu plus que moi encore des confidences de parents qui
déplorent cette situation et qui ne savent pas comment s'en sortir.
C'est peut-être un problème plutôt pédagogique. C'est
pour cela, j'imagine, que ce serait aux éducateurs d'essayer de nous
trouver une solution.
Mme Lavoie-Roux: Cela peut peut-être être un effort
conjoint.
M. O'Neill: Oui, d'accord. Cela ne veut pas dire qu'il nous faut
nous désintéresser de cela, mais il y a quand même quelque
chose qui regarde l'école, d'une façon très directe.
Remarquez que, si on avait les comparaisons avec le passé et si
on se demandait comment les adolescents d'autrefois, même dans les
collèges classiques, se comportaient est-ce qu'il y avait,
à ce moment-là, une baisse dans la lecture au niveau de certaines
années, les premières années du secondaire
peut-être qu'on s'apercevrait qu'on avait à faire face à la
même difficulté. Je ne sais vraiment pas. Peut-être qu'on a
idéalisé le passé ici et que les jeunes d'aujourd'hui ne
sont pas tellement différents de ceux qui les ont
précédés, mais il y a sûrement là-dessus des
cas de compor- tement qui, vus de l'extérieur, nous apparaissent un peu
déplorables.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Papineau.
M. Alfred: M. le Président, je m'étonne que Mme
Lavoie-Roux ait posé cette question au ministre des Affaires
culturelles. C'est une question qui, d'après moi, aurait dû
être posée au ministre de l'Education. Pour avoir oeuvré
pendant huit ans dans les polyvalentes, j'ai constaté que nos
étudiants, bien sûr, ont pris en aversion ce qu'on appelle la
lecture. Les raisons pour lesquelles on a constaté cette aversion sont
multiples, d'une part, parce que, avec l'avènement du programme-cadre
où on a préféré faire découper des images
dans les journaux plutôt que de lire et, d'autre part, malheureusement,
nous avions des principaux d'école qui ont travaillé de
façon à dévaloriser la lecture en disant que... J'en ai
même vu un qui a dit: Moi, je n'ai jamais lu un livre et je suis bon.
Je pense qu'il appartient aux pédagogues, aux principaux
d'école et même, bien sûr, aux présidents et aux
présidentes des commissions scolaires de faire une campagne de
propagande pour revaloriser la lecture. C'est la raison pour laquelle je suis
fort surpris de voir que... Si j'avais été plus cochon, j'aurais
pu poser la question à Mme Lavoie-Roux.
M. de Bellefeuille: Mme le député de L'Acadie.
M. Alfred: Qu'est-ce qu'elle avait avant, Mme le
député de L'Acadie? Quels sont les efforts qu'elle avait faits
pendant tout son temps pour revaloriser la lecture, problème qu'elle
soulève maintenant? Je suis content quand même qu'elle ait
posé cette question au ministre. Cela va nous permettre de revenir sur
cette question lorsque le ministre de l'Education va être là.
Si j'avais été président, j'aurais pu dire que
cette question va à l'encontre du règlement.
Mme Lavoie-Roux: Je regrette, mais nous parlons de la diffusion
du livre, de la survie des éditeurs, des libraires, du
développement de la culture. Qui va alimenter cela? Ce sont les enfants
devenus adultes surtout, c'est là qu'ils sont en plus grand nombre.
Enfin, c'est un point de vue. M. le député de Papineau peut
penser comme cela, cela... D'ailleurs, je vais lui faire remarquer qu'on est,
à ce moment-ci, à étudier le budget du ministère
des Affaires culturelles et non pas ceux de certaines commissions
scolaires.
M. Alfred: Je voudrais dire que les questions d'ordre
pédagogique vont être étudiées en temps et lieu et
je suis sûr que le ministre de l'Education et moi-même je
serai aussi là d'ailleurs, parce que c'est mon domaine nous
serons en mesure de répondre à cela.
Mme Lavoie-Roux: Je vais avoir cette chance-là!
M. Ciaccia: Vous allez être encore prise avec lui.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Sur le
même sujet, le député de Gaspé.
M. Le Moignan: Sur le même sujet, M. le Président,
j'ai demandé au chef libraire du CEGEP de Gaspé je ne sais
pas si le type était très sincère; on n'est pas mieux en
Gaspésie qu'ailleurs à l'automne, il y a sept ou huit ans,
s'il sentait un recul ou un progrès dans l'intérêt que les
étudiants manifestaient vis-à-vis de la bibliothèque,
vis-à-vis de la lecture. D'après lui, il y a une courbe
ascendante.
Il semble tenir certaines statistiques sur la fréquentation de la
bibliothèque et la bibliothèque, comme aux autres CEGEP
j'imagine, a ajouté des milliers de livres d'actualité de toutes
sortes, et peut-être que les autres CEGEP pourraient nous donner des
chiffres semblables, mais d'après lui, il voyait là une
remontée encourageante, parce qu'il avait dû ajouter du personnel
pour répondre aux demandes des élèves dans ce domaine.
C'est un point qui m'a encouragé, qui m'a surpris, surtout en
considération de certaines lectures ou de certains échos un peu
discordants'.
M. O'Neill: M. le Président, je voudrais simplement dire
qu'il est possible qu'on puisse penser, à partir de statistiques, qu'il
y a une croissance. Ce que nous savons, c'est que la fréquentation des
bibliothèques publiques grandit, et dans certains cas, celle aussi des
livres pour les jeunes. Maintenant, quand on parle de cela, il faut savoir
à partir de quoi. Je voudrais quand même situer la question tout
à l'heure de madame le député de L'Acadie qui disait que
dans une phase historique nouvelle, il y a une plus grande scolarisation, les
media d'information se sont multipliés, les possibilités de
connaître sont beaucoup plus grandes qu'autrefois. Elle s'interrogeait
pour savoir s'il n'y avait vraiment pas un décalage. Je pense que
c'était cela le sens de sa question. Je suis certain que, de toute
façon, il y a une croissance, si vous comparez cela à la
situation qui devait exister en 1955, par exemple, simplement en comparant les
taux de scolarisation qui sont tout à fait différents. Le
problème n'existait même pas pour une partie de la population
à ce moment. Premièrement, il n'y avait pas de
bibliothèque, deuxièmement, les gens étaient sur le
marché du travail depuis l'âge de treize ou quatorze ans. Si on
prend ce point de comparaison, il n'y a pas de doute. Il y a l'autre point de
comparaison, c'est que, compte tenu des équipements qu'on
possède, compte tenu quand même des budgets modestes, si vous
voulez, mais qui sont, finalement, comparés à une époque
relativement récente, assez considérables, là, on peut se
demander s'il y a vraiment une proportion entre les efforts qui ont
été faits, le travail accompli, la valeur des installations et
les résultats que l'on observe. Il ne faudrait quand même pas
qu'on se console trop facilement avec cela, sans compter que ce sont là
des statistiques globales qui disent peu sur le genre de lecture. J'ai beaucoup
de respect pour tous les genres de livres, tous les genres de lecture et de
volumes, mais on sait qu'à un moment donné, tel type de lecture
ou tel choix est plus significatif qu'un autre choix. Alors, dans ce sens, il
me semble que la question mérite d'être posée. On doit se
demander si avec le même équipement, amélioré
d'année en année, des animateurs culturels, des
bibliothécaires qui font des efforts pour intéresser les gens,
une plus grande facilité d'accès aux livres, on doit se demander
s'il n'y a pas moyen d'augmenter la rentabilité de tout cela. Je pense,
quant à moi, que la question doit nous préoccuper, parce que
là, il y a un résultat, si vous voulez. Il ne s'agit pas tout
simplement de dire: On va réussir mieux en termes de statistiques et on
va être content. Il y a un résultat, il y a une retombée
humaine dans cela, dans une société où les gens
s'informent plus, lisent plus, réfléchissent plus. C'est quand
même la qualité humaine qui va augmenter. C'est pour cela que je
suis d'accord qu'on reconnaisse ces progrès, mais d'autre part, il ne
faudrait pas que nous nous consolions trop facilement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Rosemont.
M. Paquette: Merci, M. le Président. J'aimerais soulever
une question fondamentale, concernant la politique d'appui à
l'édition et à la diffusion du livre, particulièrement du
manuel scolaire. Je me demande si, en partant de la considération que
nous sommes un petit peuple, qui a des ressources limitées, qui est
soumis à des pressions culturelles étrangères, et
étant donné aussi que la production de livres ou de manuels
scolaires est un bien social, si le ministère n'a pas songé
à développer un secteur social du livre comme on en a à la
radio et à la télévision on a un secteur d'Etat au
niveau de la radio et de la télévision ... J'aimerais
donner deux exemples, parce que j'ai l'impression que la politique d'aide sur
le plan des subventions aux maisons d'édition ou de remises aux
libraires pour faciliter le développement d'un marché
privé québécois risque d'être un gouffre sans fond,
si on veut vraiment avoir une politique du livre qui appuie la production
d'oeuvres québécoises.
Par exemple, est-ce qu'on peut se payer le luxe au Québec d'avoir
des maisons d'édition qui publient le même volume, le même
texte, mais dans des éditions différentes, je pense, dans le
domaine littéraire. Dans le domaine du manuel scolaire, loin de
défendre l'idée qu'il y ait, par exemple, une seule série
de manuels pour une matière donnée au secondaire, tout en
laissant la possibilité de choix pour les pédagogues, il faut
quand même se rendre compte que, particulièrement dans le domaine
scientifique, au cours des dernières années, nous avons vu une
invasion de traductions ou d'adaptations qui sont, à toutes fins
pratiques, des traductions de séries de manuels américains qui
orientent drôlement les programmes mêmes du ministère. On a
beau élaborer
un programme en sciences ou en mathématiques au niveau du
ministère, si les maisons d'édition américaines veulent,
à tout prix, écouler leurs traductions de manuels
américains, tous les efforts qu'on peut faire au niveau du
ministère de l'Education, au niveau des pédagogues risquent
d'être vains, parce que ce qui devient le principal support de
l'enseignement, ce sont les manuels scolaires produits par des maisons
d'édition qui prennent le pas sur les programmes élaborés
au niveau du ministère de l'Education.
Tout ceci pour amener ma question, à savoir si vous songez, comme
ça se fait dans certains pays, pas seulement dans des pays socialistes,
à développer un secteur social qui permettrait l'édition,
en particulier, des livres destinés à ce marché captif que
forment les étudiants du Québec, tout en conservant une
diversité de moyens. On pourrait également essayer de sortir du
système des droits d'auteurs qui nous mène à une impasse,
parce que si on veut vraiment mettre des réserves à la
reproduction des manuels, on va être obligé d'augmenter les
budgets scolaires. Pour ma part, pour avoir travaillé à la
production de manuels scolaires, pour avoir écrit un certain nombre de
manuels, je sais très bien que dans le milieu, au niveau des
pédagogues, on préférerait probablement un système
qui permet un revenu décent au niveau des auteurs, mais qui assure une
large diffusion et, surtout une certaine conformité avec les programmes,
au niveau du ministère de l'Education. Est-ce que vous avez songé
à aller de ce côté, à développer un secteur
social de l'édition?
M. O'Neill: II y a un point que je voudrais souligner
là-dessus je crois que ça rejoint une des
préoccupation du député de Rosemont c'est le
problème du manuel qui est fait ici. C'est ça.
M. Paquette: Du manuel, des livres, des recueils de
littérature ou d'oeuvres littéraires.
M. O'Neill: II y a une chose qui me frappe, c'est ceci:
Historiquement, c'est que, à un moment donné, beaucoup de manuels
étaient faits ici. Est-ce qu'il y en avait plus dans ce temps-là
qu'aujourd'hui? Mais il faut voir dans quelles conditions c'était fait.
C'est-à-dire que vous vous rappelez le temps où c'était
les communautés religieuses qui rédigeaient et éditaient.
Alors on prenait des moyens très simples. On disait à quelqu'un:
On te met trois ou quatre mois dans un coin, arrange-toi pour écrire et
produis-nous quelque chose. C'était une méthode de production
efficace.
Avec les enseignants d'aujourd'hui, je doute de la valeur de cette
méthode, mais, une chose certaine, c'est qu'il va falloir qu'on
apprenne...
Mme Lavoie-Roux: II faudrait demander au député de
Papineau ce qu'il en pense.
M. O'Neill: II faudrait demander au député de
Papineau ce qu'il en pense. Il est sûr que... Moi, enfin, pour parler du
secteur que je connais de plus près, le secteur universitaire, ce qui a
empê- ché beaucoup de professeurs, à un moment
donné, d'éditer l'ouvrage qu'ils auraient dû éditer,
ce sont les conditions dans lesquelles ils vivaient; c'est-à-dire qu'il
aurait fallu, à un moment donné, leur accorder, un système
d'ailleurs qui se pratique ailleurs, une année complète.
Là, ils se mettent à rédiger et ils produisent ça.
Nous ne l'avons pas fait tellement chez nous. Cela, je crois que c'est quelque
chose à explorer. C'est beau dire aux gens: Vous allez produire des
manuels de chez nous, mais il faut mettre ceux qui peuvent les produire dans
les conditions telles qu'ils pourront nous donner ce manuel. Comme je vous dis,
autrefois, ça nous frappe de voir comment ça se faisait. On
pourrait toujours discuter de la valeur desdits manuels, dans ce
temps-là, mais c'était dans une période de pénurie
et de pauvreté et si cela n'avait pas été des religieux et
des religieuses qui s'étaient attelés à la tâche,
parfois ils prenaient leurs vacances d'été pour faire ça,
on n'aurait pas eu, à ce moment-là, les manuels en question.
Alors, j'ai l'impression qu'on n'a pas trouvé les méthodes
actuellement pour faire cela. Remarquez que peut-être qu'au
ministère de l'Education, on cherche à le faire, mais je sais
qu'à l'université, c'est une des questions qu'on se pose, tout
comme on a posé beaucoup à l'université la question des
manuels de langue anglaise, des manuels américains, mais, dans beaucoup
de secteurs, on n'avait pas encore produit l'équivalent et on n'a pas
produit l'équivalent non pas parce que nous n'avons pas les gens de
talent pour produire l'équivalent, mais simplement parce qu'ils sont
dans des conditions de vie et de travail qui ne leur permettent pas de le
faire.
Je voudrais relever un autre point concernant une expression que nous
utilisons depuis quelque temps ici. Je l'ai utilisée moi-même et
d'autres aussi, simplement pour éviter une confusion
là-dessus.
Quand nous parlons de biens culturels étrangers, de livres
étrangers, de volumes, il ne faudrait pas retenir de cela simplement
l'image négative, c'est-à-dire que je ne verrais pas un peuple
québécois qui se développe normalement se mettre à
dresser des barrières partout au plan culturel.
C'est simplement que nous voulons assurer à l'intérieur
une suffisante vitalité, un dynamisme suffisant afin qu'on puisse
intégrer les apports qui viennent de l'extérieur, parce qu'on
peut dire que l'histoire montre qu'il n'y a pas une culture qui devient
vivante, dynamique, si elle ne prend pas des apports étrangers et dans
le domaine du livre ou de la musique, de la littérature en
général, etc. C'est simplement que si nous ne sommes que des
consommateurs, si tous les modèles viennent de l'extérieur, si
les modes de pensée viennent de l'extérieur, à ce moment,
je pense que nous nous engageons dans un processus de sous-développement
culturel.
Il ne faudrait pas voir dans ce type d'expression que nous employons
quelque chose qui voudrait prétendre à ce qu'on pourrait appeler
une sorte de pureté culturelle ou quelque chose du genre, un danger que
craint beaucoup, je crois, notre collègue, le député de
Mont-Royal...
M. Ciaccia: ... les propos...
M. O'Neill: C'est simplement l'idée que ce sont des gens
culturellement en santé, des gens qui produisent, des gens qui ont
atteint un certain niveau de vie culturelle et qui, à ce moment, peuvent
de façon extrêmement positive, assumer, assimiler tous les
éléments étrangers, et finalement, faire à partir
de là une sorte de nouvelle création.
Mme Lavoie-Roux: C'est une question d'équilibre dans le
fond.
M. O'Neill: Oui et ensuite, c'est qu'on veut assurer une
vitalité suffisante pour pouvoir justement intégrer tous les
apports venant de l'extérieur. C'est une condition de l'humanisme parce
qu'autrement, se fermer sur soi...
Mme Lavoie-Roux: Je suis tout à fait d'accord avec
vous.
M. O'Neill: ... cela serait devenir crétin. Ce n'est pas
cela qu'on veut du tout. Si vous avez une culture où les gens
produisent, les gens écrivent, les gens lisent, à ce moment, les
gens vont intégrer ces apports extérieurs. Je prends comme
exemple un domaine que je connais, enfin, un peu comme cela. Je pense à
toutes les choses merveilleuses que les musiciens allemands ont faites en
s'inspirant de la musique italienne. S'ils ne l'avaient pas eue, ils n'auraient
pas produit les grandes oeuvres qu'ils ont produites.
Seulement, pour intégrer et produire, ils avaient une
vitalité intérieure. Je pense que cela fait partie un peu du
défi du peuple québécois sur le plan culturel. Se
développer, exprimer sa vitalité, être capable de
créer et, en même temps, intégrer ses apports
étrangers, ses apports extérieurs pour enrichir la culture
d'ici.
M. Paquette: M. le ministre, j'aimerais quand même avoir un
peu plus de précision. Je voudrais savoir si la question que je vous ai
posée au sujet du développement d'un secteur social dans le
domaine du livre est une chose que votre ministère a envisagée,
envisage ou...
M. O'Neill: C'est encore à l'état des cogitations
générales que l'on fait au cours des rencontres quotidiennes,
mais je ne pourrais pas vous dire que c'est rendu au stade de l'étude
méthodique, systématique d'où on pourra dégager un
certain nombre de mesures immédiatement applicables, mais on n'est pas
rendu là. Je dois reconnaître que vous avez là quand
même une suggestion intéressante et dont il faudra tenir
compte.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, me permettez-vous de
poser une question au député de Rosemont? J'aimerais que vous
précisiez un peu ce que vous appelez votre...
Une Voix: ... livre social...
Mme Lavoie-Roux: Non. Cela peut être inté- ressant.
Je voudrais vraiment essayer d'en saisir la dimension. Est-ce au plan d'une
centralisation de l'édition des manuels scolaires? Est-ce cela dans
votre esprit?
M. Paquette: Oui, non seulement des manuels scolaires, mais
d'autres ouvrages qui peuvent servir à d'autres fins, comme des romans
ou des recueils de poésie, dont le secteur scolaire peut faire usage
également. Je pense que, dans d'autres pays, on a une intervention, tout
en conservant une certaine indépendance du gouvernement, où le
gouvernement met sur pied des mécanismes permettant des subventions
directes aux organismes, permettant de regrouper, d'accueillir des projets
provenant, par exemple, d'un groupe de professeurs d'une certaine région
dont le programme est là. La commande est donnée au niveau du
ministère en termes de programmes dans une discipline donnée et
l'appel d'offres est lancé sur une base de salaire ou de montants
forfaitaires. On met des pédagogues, des enseignants au travail, quitte
à offrir une certaine diversité. On peut demander deux ou trois
ouvrages sur le même sujet, pour laisser un choix aux enseignants dans
les régionales et s'assurer que la production se fait en dehors du
circuit commercial, de façon aussi à assurer que toutes les
initiatives qui peuvent jaillir du système scolaire, des
pédagogues, des enseignants, trouvent un exutoire et se réalisent
indépendamment des volontés commerciales des maisons
d'édition. Comme je vous le dis, dans le domaine que je connais
particulièrement, au niveau de l'enseignement des mathématiques
au secondaire, il y a à peu près cinq ou six collections qui sont
en usage et, en particulier, pour ne pas la nommer, à la CECM, c'est la
traduction du manuel américain qui a défini le programme de
mathématiques plutôt que les programmes d'étude du
ministère. Je trouve cela assez grave quand on est rendu à ce
point-là.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
que l'élément 1 est adopté?
Mme Lavoie-Roux: Je pense que oui.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Adopté. Elément 1, adopté. Elément 2:
Développement d'un réseau de bibliothèques publiques.
Bibliothèques publiques
M. O'Neill: Alors, M. le Président, nous avons
indirectement abordé l'élément 2. Je voudrais simplement
donner ici quelques précisions. Nous sommes devant le cas d'une
augmentation de crédits de l'ordre de $2 509 000, c'est-à-dire
53%, et cette augmentation servira principalement à accroître
l'aide financière gouvernementale au fonctionnement des
bibliothèques publiques, bibliothèques municipales,
bibliothèques centrales de prêt, de façon a respecter la
programmation qui est en vigueur depuis trois ans. Cette aide financière
continuera à être une incitation active pour les
municipalités, en vue de les encourager à développer leurs
bibliothèques municipales.
En 1977/78, il y aura la mise sur pied de deux nouvelles
bibliothèques centrales de prêt, une dans l'Estrie, l'autre dans
la région de Québec et qui s'ajouteront aux cinq qui sont
déjà existantes, celles de l'Abitibi-Témiscamingue, de
l'Outaouais, du Lac-Saint-Jean, de la Mauricie et du Bas-du-Fleuve. Il y a eu,
je vous le signale aussi en passant, la mise sur pied de neuf
bibliothèques municipales nouvelles en 1976/77.
M. de Bellefeuille: M. le Président, juste une
clarification. Est-ce que le ministre pourrait nous répéter
quelles sont les cinq bibliothèques centrales de prêt
déjà existantes?
M. O'Neill: Abitibi-Témiscamingue, Outaouais,
Saguenay-Lac-Saint-Jean, région de la Mauricie, région du
Bas-du-Fleuve et de la Gaspésie.
M. Le Moignan: M. le ministre, pour cette bibliothèque qui
est située, je crois, à Sainte-Anne-des-Monts ou à
Cap-Chat, est-ce qu'il y a une camionnette pour la distribution des livres ou
si les gens doivent aller directement sur place?
M. O'Neill: Le système de distribution de la
bibliothèque centrale de prêt n'est pas un système de
bibliobus. C'est un système en vertu duquel une corporation est
instituée regroupant toutes les municipalités qui n'ont pas les
moyens d'avoir leur propre bibliothèque municipale, qui cotisent
à la création d'une grande bibliothèque à dimension
régionale en finançant un petit dépôt dans la
municipalité qui est alimentée par la centrale qui est la
bibliothèque centrale de prêt.
Dans le cas du Bas-Saint-Laurent-Gaspésie, je ne sais pas s'il y
a un bibliobus, mais s'il y en avait un, ce serait bien accidentel, parce que
le système n'est pas articulé autour du transport par
bibliobus.
S'il y a une distribution qui se fait, c'est par camionnette.
M. Le Moignan: Je sais qu'il s'est fait une cueillette de livres
à la grandeur de la Gaspésie, tous les livres les plus anciens,
des livres qui ne sont pas à la portée du public, on a dû
faire un tri là-dedans, mais votre ministère a dû placer de
l'argent pour l'achat de livres nouveaux, j'imagine.
M. O'Neill: Certainement. En 1976/77, l'aide financière du
ministère aux bibliothèques centrales de prêt était
de $1,4 million et, cette année, il y a une augmentation de 63%, non
seulement pour financer la création de deux nouvelles BCP, mais aussi
pour augmenter l'aide accordée aux BCP existantes. Donc, l'aide passera
de $1,4 million à $2,3 millions pour les BCP.
L'aide aux bibliothèques locales passe de $3 070 000 à $4
587 000, une augmentation de 49%.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de L'Acadie. Mme le député de L'Acadie,
Excusez-moi!
Mme Lavoie-Roux: Cela va mal.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II n'y
avait que moi qui n'avais pas fait l'erreur encore.
Mme Lavoie-Roux: Simplement sur une question d'orientation du
ministère, est-ce qu'on tend à favoriser davantage le
développement des bibliothèques centrales de prêt
plutôt que les bibliothèques publiques? C'est ma première
question. J'en aurai d'autres sur le même sujet.
M. O'Neill: Jusqu'à maintenant, ce problème
était considéré comme un problème très
chaud. Il y a deux écoles à l'égard des
bibliothèques publiques. Il y a celle qui privilégie les
bibliothèques municipales et celle qui privilégie les
bibliothèques centrales de prêt. Jusqu'à maintenant, rien
ne nous a prouvé que la formule mixte n'est pas la meilleure,
c'est-à-dire une formule...
Mme Lavoie-Roux: C'est ma deuxième question.
M. O'Neill: ... en vertu de laquelle les municipalités qui
ont les moyens de développer leurs propres instruments de diffusion le
font avec un appui important de la part du ministère, qui tient compte
de la richesse de la municipalité, et là où les
collectivités locales sont trop petites pour s'offrir des services
exclusifs, il y a un regroupement des ressources à l'intérieur
des frontières régionales pour donner un instrument important de
distribution.
Jusqu'à maintenant, bien que les écoles s'affrontent
quotidiennement, de notre côté, nous n'avons rien trouvé
qui nous permette de favoriser une école au détriment de l'autre.
Je crois que la formule mixte est la plus appropriée au genre de
collectivité que nous avons, au genre de dispersion de nos populations
sur le territoire et au genre d'institutions municipales que nous avons.
Mme Lavoie-Roux: D'après les régions que vous avez
mentionnées, si j'ai bien entendu, il semble que les
bibliothèques centrales de prêt se trouvent davantage dans des
centres plus restreints que les grandes agglomérations urbaines. Est-ce
que je me trompe ou si...
M. O'Neill: II y a eu effectivement un effort, dès lors
qu'on a institué les bibliothèques publiques, pour couvrir les
régions dites excentriques, celles où il y a peu de centres
urbains aptes à développer des bibliothèques publiques.
Les régions couvertes, en les rappelant, le Nord-Ouest
québécois, le Bas Saint-Laurent-Gaspésie, l'Outaouais, la
Mauricie, le Saguenay-Lac-Saint-Jean sont des régions où le
nombre et la qualité des bibliothèques municipales étaient
dans un état plus endémique qu'ailleurs.
Mme Lavoie-Roux: Au plan technique, est-ce possible pour des
bibliothèques, on va les appeler
traditionnelles par opposition aux bibliothèques centrales de
prêt, qui ont une longue existence d'évoluer vers une formule
mixte ou si cette formule est plus applicable à partir d'une
bibliothèques qui en est à ses débuts et qui est à
s'élaborer ou si c'est plus facile de faire la combinaison des deux?
Est-ce que c'est encore possible, dans les autres bibliothèques, de
pouvoir évoluer vers ce type de formule?
M. O'Neill: Je ne vois pas très bien comment pourrait se
faire cette évolution. Vous soumettez l'hypothèse que des
bibliothèques municipales...
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. O'Neill: ... voudraient se démunicipaliser et
adhérer à une bibliothèque centrale de prêt?
Mme Lavoie-Roux: Mais est-ce qu'il ne pourrait pas y avoir une
partie à l'intérieur des bibliothèques municipales qui
adopterait la formule de bibliothèques de prêt et qui, dans le
fond, au-delà de la distribution des livres, pas aux abonnés,
mais pourraient également avoir les services d'une bibliothèque
de prêt?
Est-ce que la formule mixte est possible à l'intérieur
d'une bibliothèque...
M. O'Neill: D'une même municipalité?
Mme Lavoie-Roux: D'une même municipalité ou d'une
bibliothèque traditionnelle?
M. O'Neill: Je crois, à moins que je ne m'abuse M.
Matte, directeur du service des bibliothèques publiques pourra
préciser que si on prend le cas de la bibliothèque
municipale de Montréal, c'est en quelque sorte, le cas.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. O'Neill: Vous avez une bibliothèque qui s'est
développée à partir d'un noyau et qui, maintenant, tend
à rejoindre le plus grand nombre de quartiers de la ville. Dès
lors qu'une municipalité a une population suffisante, surtout avec le
phénomène des annexions ou des fusions, dès lors que la
municipalité couvre un territoire qui va s'élar-gissant, je pense
qu'il est dans la nature des choses que la bibliothèque ne soit pas
centrale, c'est-à-dire centralisée en un seul point, mais qu'elle
tende à amener, vers les consommateurs de livres, vers les utilisateurs
de bibliothèques, les dépôts où ils peuvent aller
chercher les livres qu'ils désirent obtenir.
Mme Lavoie-Roux: C'est peut-être une confusion dans mon
esprit, mais j'avais l'impression que les bibliothèques centrales de
prêt donnaient divers types de services, par exemple, des prêts de
peintures, des prêts de jouets pour les enfants...
M. O'Neill: C'est effectivement le cas, oui. Le disque.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que ce n'est pas un peu l'esprit qui tend
à se développer dans ces bibliothèques? C'est dans cette
mesure que je me demandais si, là où c'est déjà
installé, est-ce que c'est possible?
M. O'Neill: Bien sûr.
Mme Lavoie-Roux: A la bibliothèque de Montréal,
évidemment il y a la cinémathèque qui y est
rattachée. Mais je pense que c'est le seul autre service qu'elle
ait.
M. O'Neill: Dans les régions où on retrouve
présentement des bibliothèques centrales de prêt, celles-ci
ont eu tendance à diversifier leurs services, parce que tout
naturellement, elles sont devenues des pôles de développement
culturel dans leur région.
Mme Lavoie-Roux: C'est cela. C'est dans ce sens-là qu'on
devrait voir Montréal aussi.
M. O'Neill: Elles ont cherché à éclater des
cadres du livre. Dans les municipalités, bien que cela ne soit pas
interdit qu'il en soit ainsi, on a eu moins tendance à le faire parce
qu'il y a d'autres organismes qui offrent des services compensatoires auxquels
la municipalité doit s'arrimer.
Dans une municipalité comme Trois-Rivières ou comme
Québec, je ne crois pas qu'il soit aussi nécessaire que cela
l'est à Rouyn-Noranda ou à Alma, d'avoir une bibliothèque
qui, en plus d'offrir un service de livres, ait un service de disques, un
service de jouets pour enfants, parce qu'il y a des centres culturels...
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que cela ne serait pas un moyen de
ranimer des bibliothèques publiques, si on étendait
l'éventail un peu et si on les encourageait dans ce sens-là,
même si elles sont dans les grands centres urbains?
M. O'Neill: Certainement. Je crois que le ministère devra
toujours contribuer à faire en sorte que la bibliothèque soit
toujours plus attirante pour le consommateur, mais faudra-t-il le faire
à la mesure de nos moyens. Pour l'instant, les ressources dont nous
disposons pour le livre, qui sont importantes, mais qui, toute proportion
gardée, restent minimes, si on les compare aux investissements qu'on
fait dans d'autres provinces canadiennes, notamment en Ontario, je crois que
nos ressources doivent aller à la constitution de bibliothèques
potables plutôt que de faire des centres où il y aurait peu de
livres au profit de jouets éducatifs ou de disques; je crois qu'on doit
d'abord mettre l'accent sur le développement de la vocation
bibliothèque, d'une bibliothèque municipale, avant
d'élargir son champ d'action. Mais il n'est pas interdit de le faire,
dans la mesure où les municipalités ont les moyens. Nous, nous
n'avons pas, jusqu'à maintenant, empêché les
bibliothèques centrales de prêt, dans leur région
respective, d'étendre leurs antennes vers d'autres biens culturels que
le livre.
Mme Lavoie-Roux: Mais dans les subventions que vous versez...
Est-ce que vous versez des subventions aux municipalités à des
fins de bibliothèques publiques?
M. O'Neill: Oui, bien sûr.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous permettriez qu'une partie des
subventions soit utilisée pour diversifier le type de services?
M. O'Neill: C'est déjà le quart.
Mme Lavoie-Roux: C'est déjà le quart.
M. Paquette: J'ai une question additionnelle, M. le
Président.
M. Le Moignan: J'ai aussi une question additionnelle.
M. Paquette: Vous aussi?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Gaspé.
M. Le Moignan: En parlant de bibliothèques et de
municipalités, là où la municipalité n'a pas les
moyens d'établir sa propre bibliothèque, par exemple
Gaspé, et qu'il y a déjà un CEGEP qui a une excellente
bibliothèque, est-ce qu'une entente serait possible, un jour, entre le
ministère des Affaires culturelles et le ministère de l'Education
pour donner accès au public à cette bibliothèque? Parce
que Gaspé n'a pas dû recevoir grand-chose, puisqu'elle n'a
pas...
M. O'Neill: Je vous signale actuellement un cas où il y a
une entente qui se prépare entre la municipalité et le CEGEP.
L'entente n'a pas directement à être faite avec nous. Ce sont les
instances locales qui doivent s'entendre. C'est dans la région de
Jonquière où, actuellement, on prépare cette entente. Le
CEGEP a une bibliothèque très bien équipée, de
très bonnes ressources. Cela fait longtemps que le CEGEP a
été, en somme l'héritier d'un collège classique. Il
possède donc une bibliothèque qui a été enrichie de
dons de toutes sortes depuis plusieurs années et, actuellement, des gens
sont en train de voir comment ils pourraient mettre cette bibliothèque
du CEGEP au service du public et de la compléter par une
bibliothèque municipale. Dans le cas de Gaspé, quand vous me
dites...
Une Voix: C'est chez vous, cela.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
président aimerait être membre de la commission au lieu
d'être président, parfois.
M. O'Neill: M. Matte voudrait donner des...
M. le Président, je pense répondre à cette
question, parce qu'il y a un protocole d'entente qui a été
signé entre le ministre des Affaires culturelles et le ministre de
l'Education, en 1973, pour tenir compte de ces cas-là. Le fait est que
nous sommes allés j'y suis allé personnellement
à Gaspé rencontrer les autorités du CEGEP, de même
que les autorités municipales. Mais, d'après l'entente, il faut
que la municipalité donne un minimum, le même minimum qui est
demandé à toutes les autres municipalités, de $0.02 les
$100 d'évaluation foncière imposable ramenés à
100%, c'est-à-dire sur la base de 100, parce que nous mettons toutes les
municipalités sur la base de 100 pour qu'elles soient au même
dénominateur commun.
Après avoir discuté pendant tout un après-midi avec
les autorités en cause, les deux, le maire de Gaspé nous a dit:
Nous allons penser à la chose et, depuis, nous n'en avons plus entendu
parler. Mais si la municipalité avait accepté je ne sais
trop si le CEGEP a accepté ou pas et s'était
organisée avec le CEGEP, à ce moment-là, cela aurait
été possible, à cause de l'entente. Par cette entente, on
avait limité la population à 20 000 habitants,
précisément en pensant au cas de Gaspé qui est une ville
considérable. Je pense qu'elle a 68 milles de long.
M. Le Moignan: Monstre.
M. O'Neill: C'est un long ruban.
M. Le Moignan: 94 milles.
M. O'Neill: 94 milles. C'est dans cette optique. Il n'est pas
impossible que la bibliothèque centrale de prêt, à ce
moment-là, desserve une partie de la municipalité et toutes les
petites municipalités qui se sont adjointes, qui ont été
regroupées à la municipalité de Gaspé et tous ces
nouveaux secteurs.
M. Le Moignan: La bibliothèque centrale de prêt est
à 150 milles de Gaspé, dans le moment.
M. O'Neill: Oui.
M. Le Moignan: M. le ministre a parlé de deux autres
centres où il y aurait des bibliothèques. Je crois qu'il ne les a
pas nommés, ces nouveaux centres.
M. O'Neill: Bernard les a nommés. Estrie et
Québec.
M. Le Moignan: Ah! l'Estrie et Québec. M. O'Neill:
Ce n'est pas Gaspé.
M. Le Moignan: Non, je n'en voyais pas à Gaspé non
plus.
M. O'Neill: Est-ce que je pourrais ajouter ceci?
M. Le Moignan: Oui.
M. O'Neill: Pour vous donner le renseignement précis, dans
la région no 1 de Gaspé qui est tellement vaste, il va
nécessairement falloir avoir
deux sous-centres.Cette région dessert également les
Iles-de-la-Madeleine, à partir évidemment de Cap-Chat dans le
moment. Il n'est pas impossible qu'on fasse à ce moment-là... Ce
sera déterminé par le conseil d'administration de la
bibliothèque centrale de prêt du Bas-Saint-Laurent-Gaspésie
et l'administrateur délégué, avec nous, évidemment.
Nous étudierons le cas et nous essaierons de placer deux sous-centres
dont l'un, peut-être, à Gaspé et l'autre peut-être
à New Richmond, quelque part du côté sud, de façon
à pouvoir également aussi rejoindre les Iles-de-la-Madeleine
facilement.
A ce moment-là, vous avez deux sous-centres qui peuvent
alimenter... Au lieu de partir de Cap-Chat et de faire, je ne sais trop, 700
milles, 800 milles ou peut-être 1000 milles pour revenir, on pourrait
dire: Bonjour, je reviens le mois prochain.
A ce moment, on partira de sous-centres qui seront mieux
alimentés en volumes pour desservir une région qui est plus
normale, parce qu'au fond, c'est à cause de la conformation
géographique. Cela s'en vient, évidemment... Vous comprendrez
qu'une région comme celle-là ne se dessert pas du jour au
lendemain.
M. Le Moignan: Je vous remercie du renseignement.
M. O'Neill: II n'y a donc rien qui empêche dans le moment
de faire comme ailleurs où les gens préparent des ententes ou
signent des ententes de ce genre.
M. Le Moignan: Oui, je suis bien content de savoir tout cela.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Sur la même question, il est
arrivé, je ne sais pas dans combien de cas, mais dans un cas que je
connais, que la possibilité de donner accès à la
population à la bibliothèque de la polyvalente ait servi de
prétexte à la municipalité pour retarder longtemps la
création d'une bibliothèque municipale. Dans ce cas que je n'ai
pas besoin d'identifier, nommément, il arrivait que la polyvalente en
question était assez inaccessible elle-même. Elle était
à l'écart de tout, dans les champs, loin des zones
urbanisées. Par conséquent, donner l'accès à la
population à cette bibliothèque de la polyvalente, c'était
illusoire, parce que les gens n'y seraient pas allés. Les seuls moyens
de transport étaient les autobus scolaires auxquels les gens n'ont
normalement pas accès ou bien on y allait dans sa propre voiture. Je
pense que, le cas dont on a parlé, celui de Jonquière, c'est un
type de situation où il y a une collection précieuse et où
il y a une institution accessible à la population. Il faudrait se
rappeler que, dans d'autres cas, les bibliothèques scolaires ne sont pas
vraiment accessibles à la population et que ce qu'il faut rechercher,
c'est une bibliothèque municipale bien située au coeur de la zone
organisée.
Mme Lavoie-Roux: Je suis d'accord avec le député de
Deux-Montagnes, mais pour une autre raison. Au niveau scolaire, au niveau du
CEGEP, cela peut être un peu différent, il y a un grand
débat présentement, à savoir si, dans le cas des
bibliothèques scolaires qui sont utilisées comme
bibliothèques publiques, finalement leur développement se fait
peut-être au détriment d'une clientèle vis-à-vis de
l'autre, parce que les besoins ne sont pas exactement les mêmes. Mais je
ne voudrais pas, une fois de plus, tomber dans le domaine de
l'éducation...
M. Alfred: M. le Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): On vous
le pardonnerait facilement.
M. Paquette: M. le Président, j'ai demandé la
parole.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'avais
reconnu auparavant le député de Papineau. Sur le même
sujet?
M. Alfred: M. le Président, c'était pour vous dire
que j'étais très heureux et que j'apprécie beaucoup la
pertinence de la question du député de L'Acadie, parce qu'elle
posait la même question que j'allais poser à M. le ministre.
Mme Lavoie-Roux: Cela doit être de l'amitié qu'il a
pour moi.
M. Alfred: Ce qui me permettait de voir qu'il peut y avoir
consonnance entre un député au pouvoir et un député
dans l'Opposition.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Rosemont.
M. Paquette: C'est un peu également dans le même
sens que le député de L'Acadie. Le regroupement des ressources
culturelles et des instruments d'information pour la population doit nous
préoccuper, parce que j'imagine que l'augmentation de 53% du budget des
bibliothèques vise à les faire utiliser le plus largement
possible par la population. Je trouve un petit peu aberrant, en tout cas
on a parlé des centres extérieurs aux grands centres que,
par exemple, à Montréal, on soit obligé d'aller à
un endroit pour les livres, à un autre endroit pour les films, dans des
cinémathèques, que le bureau de l'Editeur officiel se trouve
également dans un autre endroit. Il me semble que les différents
outils d'information et de culture auraient avantage à être
regroupés, pas tellement sur le plan d'économie des ressources,
mais sur le plan de leur popularisation auprès des citoyens. Il importe
que les gens sachent la première fois que vous allez chez l'Editeur
officiel, qu'en même temps, vous êtes en contact avec le reste et
que vous vous rendiez compte qu'il y a tout un ensemble de ressources qui est
là. Est-ce qu'il y a une politique de regroupement au niveau
de ces divers services? Peut-être qu'on pourrait, à ce
moment, s'approcher un peu de ce dont parle le programme du Parti
québécois, une maison de la culture qui regroupe dans toutes les
régions du Québec des services diversifiés à la
population. Il y a évidemment les objections qu'on amenait tantôt.
Je pense quand même, qu'est-ce qui empêche d'avoir des bureaux de
vente de l'Editeur officiel dans les bibliothèques, il me semble que ce
n'est pas très compliqué à faire, je ne sais pas...
M. O'Neill: M. le Président, je voudrais répondre
au député de Rosemont. Cette politique existe en pratique, et il
y a même un comité, à l'heure actuelle, dont nous avons
reçu le rapport dernièrement, de l'éditeur officiel, qui
mettra, dans les bibliothèques au choix des bibliothèques
elles-mêmes, qui connaissent mieux leur population une grande
partie des publications de l'éditeur officiel, et non seulement cela,
qui est même prêt dans certains cas, à mettre des
dépôts où les volumes pourront être en vente, surtout
dans des bibliothèques de petites municipalités
éloignées, où l'éditeur officiel ne peut avoir de
local, de grand magasin.
M. Paquette: En ce qui concerne l'audiovisuel, est-ce qu'il y a
également des études là-dessus?
M. O'Neill: C'est exactement la même chose. M. Paquette:
C'est la même chose.
M. O'Neill: II y a de plus en plus de collaboration qui existe
entre les bibliothèques, particulièrement dans la région
métropolitaine. Le ministère a fait faire une étude,
l'étude Aubry-Denis, sur les bibliothèques de la région de
Montréal et il y a là-dedans des recommandations qui, petit
à petit, au fur et à mesure que nous aurons les crédits
disponibles, pourront être réalisées. Déjà,
sont à l'oeuvre, à l'heure actuelle, des comités
d'association, qui feront des propositions qui seront peut-être
intéressantes et que nous pourrons utiliser, certes, avec grand
intérêt.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
que l'élément 2 est adopté?
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Elément 2, adopté. Elément 3, Bibliothèque
nationale.
Bibliothèque nationale
M. O'Neill: Pour ce qui est de la Bibliothèque nationale,
il y a une augmentation ici de crédits de $439 000, qui comprend $160
000 réservés à l'augmentation des traitements du
personnel. Il y aura des crédits additionnels de $200 000 qui seront
consacrés aux acquisitions de livres, de périodiques, de
microfilms, de manuscrits et autres documents, de façon que notre
Bibliothèque na- tionale augmente ses collections, principalement celle
du Laurentiana, soit les documents produits au Québec ou dont le sujet
principal est le Québec. Le solde des crédits additionnels, soit
$79 000, sera consacré aux activités des services techniques, aux
traitements documentaires et aux services de la clientèle.
En fait, il y a augmentation à tous les postes à
l'exception de ce qui est consacré au poste direction et soutien
administratif. Pour tout le reste, il y a augmentation, c'est ça?
Mme Lavoie-Roux: M. le Président... M. Le Moignan:
M. le Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
L'Opposition officielle, Mme le député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Ce n'était pas grave. M. Le Moignan:
Allez-y.
Mme Lavoie-Roux: J'ai une seule question. C'est une question
pratique. Est-ce que les locaux de la Bibliothèque nationale, compte
tenu de l'expansion qu'elle prend, doivent demeurer les mêmes ou si on
songe possiblement à une relocalisation éventuelle de la
Bibliothèque nationale?
M. O'Neill: Enfin, on songe à de meilleurs locaux, pas
simplement pour elle, mais le problème, en fait, que vous soulevez
là, c'est un problème qui rejoint aussi les Archives. Tout
ça va ensemble. On n'a rien décidé là-dessus.
Disons qu'on parle surtout des Archives actuellement.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'on pourrait faire une suggestion, tant
pour les Archives que pour la Bibliothèque nationale? Il y a
peut-être également le Musée d'art contemporain. Je
comprends qu'on n'est pas rendu à la rubrique Musées, mais on
sait qu'il est difficile d'accès. C'est d'ailleurs sa plus grande
lacune, Je pense. Est-ce qu'on a songé, par exemple, à utiliser
la tour qui serait construite sur les...
M. de Bellefeuille: Le stade.
Mme Lavoie-Roux: ... le stade olympique, qui a l'avantage
d'être situé à une bouche de métro, dans l'est de la
ville. On a quand même, dans l'ouest, par exemple, si on parle de
musée, le Musée des beaux-arts.
On aurait le Musée d'art contemporain dans l'est qui serait
facile d'accès, qui regroupe un grand nombre d'activités,
où les gens seront appelés à d'autres activités.
Cela serait facile et c'est près du Jardin botanique. Est-ce une
possibilité qu'on envisage si jamais on construit la fameuse tour?
M. O'Neill: C'est le "si jamais" qui pose un problème!
Mme Lavoie-Roux: Cela rendrait peut-être plus rentable
je ne veux pas me faire l'avocat de la tour du stade, mais on pourrait
peut-être faire d'une pierre deux coups.
M. O'Neill: Remarquez qu'une fois commencée, cela permet
de rêver beaucoup, cette tour, parce que cela pourrait même...
Mme Lavoie-Roux: La tour de Babel!
M. O'Neill: Non, mais cela peut être un centre
extraordinaire à utiliser pour Radio-Québec, des choses comme
cela.
Mme Lavoie-Roux: Oui, Radio-Québec est une autre...
M. O'Neill: Cela fait également partie des rêves,
mais quand je dis rêve, je ne veux pas dire que c'est mis de
côté. Cela veut dire que, dans l'immédiat, on est
porté à penser à d'autres solutions. La dernière
fois que j'ai eu l'occasion d'en parler au ministre qui est responsable des
installations olympiques, cela n'avait pas l'air dans son esprit comme quelque
chose qui pouvait être réalisable dans un avenir immédiat,
mais c'est le genre de choses qu'on examine, ce qui donnerait une utilisation
assez remarquable...
Mme Lavoie-Roux: C'est peut-être la seule chose qui
pourrait justifier, dans le fond, la construction de la tour, enfin, qui
rendrait le projet plus acceptable pour la population si, en même temps,
on y regroupait un grand nombre d'activités culturelles importantes.
Enfin, c'est une suggestion.
M. O'Neill: II y a un petit obstacle aussi. C'est le
coût.
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais quand on commence à vouloir
trouver un local pour les archives nationales, la Bibliothèque
nationale, Radio-Québec, le Musée d'art contemporain, cela aussi,
ça représente beaucoup de coûts, pris individuellement.
M. O'Neill: II y a aussi une autre hypothèse à
laquelle on pense. C'est l'utilisation du Mont-Saint-Louis sur la rue
Sherbrooke.
Mme Lavoie-Roux: Pour la...?
M. O'Neill: Encore là, ce sont des choses à
l'étude dans le moment.
Mme Lavoie-Roux: Vous pourriez regrouper là seulement une
partie de toutes ces...
M. O'Neill: Pas nécessairement. Si vous me permettez de
vous donner quelques petites indications techniques sur cet ancien
collège, Mont-Saint-Louis. Le bâtiment est la
propriété du CEGEP du Vieux-Montréal qui l'a
déserté pour occuper le nouvel immeuble...
Mme Lavoie-Roux: ... compris...
M. O'Neill: ... qui est situé juste à
l'arrière. Moi non plus. Toujours est-il qu'il y a, actuellement, en
plein centre-ville de Montréal, un bâtiment dont les surfaces sont
de 240 000 pieds carrés nets de plancher inoccupé depuis un
certain nombre de mois et nous avons indiqué à la corporation du
CEGEP du Vieux-Montréal que cela nous intéressait comme
hypothèse de regroupement des services de la Bibliothèque
natioanle et des archives nationales à Montréal et
peut-être même, compte tenu de l'importance des superficies de
plancher, comme un pied-à-terre pour le Musée d'art contemporain
qui a le grand désavantage d'être situé à la
Cité du Havre, donc, dans un endroit assez excentrique, difficilement
accessible...
Mme LavoieRoux: Très difficile d'accès.
M. O'Neill: ... surtout aux heures de pointe. Donc, c'est une
hypothèse qui s'ajoute à celle du stade olympique où il y
aurait, dit-on, sous les gradins, un million de pieds carrés disponibles
et où, par conséquent, on pourrait imaginer arrimer un complexe
sportif, un complexe olympique, un complexe culturel. Les deux
hypothèses sont actuellement à l'examen. Celle du stade olympique
a été présentée au comité formé par
le ministre délégué au Haut-Commissariat pour examiner
l'hypothèse d'utilisation des espaces disponibles et, quant au dossier
du Mont-Saint-Louis, il est un peu tributaire ou assujetti à la
décision qui serait prise dans le cas du stade olympique, mais ce sont
les deux hypothèses privilégiées.
Il faut souhaiter que l'une ou l'autre se réalise.
Mme Lavoie-Roux: Oui. Merci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Gaspé.
M. Le Moignan: Nous allons parler plus loin de la sauvegarde et
de la mise en valeur des biens culturels, mais se pose-t-il un problème
de juridiction quand on parle de bibliothèque nationale et d'archives
nationales, dans ce sens qu'il y a beaucoup d'originaux, de manuscrits, de
documents qui appartiennent, par exemple, à des individus, à des
particuliers, à des hommes politiques, à des écrivains,
à des tout ce que vous voulez?
Est-ce que les deux peuvent recueillir ces documents ou si c'est
nécessairement centralisé aux archives, tout ce qui peut
être inédit? Troisièmement, cela ne me tente pas beaucoup
de toucher à un sujet peut-être un peu litigieux. Je sais par
expérience qu'il y a des archives nationales aussi un peu plus loin,
à Ottawa, où vous avez déjà eu certaines visites,
à certaines époques, où certains commis voyageurs avaient
une tendance à s'intéresser à tous les documents anciens
et nous offraient de les entreposer, de les remiser et de les garder. Je ne
sais pas si c'est un problème que vous avez envisagé.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous
ferai remarquer que les archives se situent au programme 3.
M. Le Moignan: C'est la conservation. Je voulais seulement savoir
entre les deux pour la collection...
M. O'Neill: On remettra la question au programme 3. D'accord?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre va prendre avis de la question et il répondra après le
programme 2.
M. O'Neill: On y arrive. On pourrait vider le programme 2 et
reprendre cela au moment de l'échange sur les archives. D'accord?
Mme Lavoie-Roux: ... je pense que c'est cela qui l'a...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Elément 3. Bibliothèque nationale. Adopté?
Mme Lavoie-Roux: Oui, cela va.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Elément 3, adopté; donc programme 1, adopté. Programme 2:
Sauvegarde et mise en valeur des biens culturels. M. le ministre.
Sauvegarde et mise en valeur des biens
culturels
M. O'Neill: Quelques remarques préliminaires sur
l'élément 1: Archives nationales. Ici, il y a une augmentation
des crédits de $980 000, 59%. Cette augmentation servira principalement
à ouvrir deux centres régionaux d'archives, un à
Chicoutimi, un à Hull, qui viendront s'ajouter aux trois centres
existants, Québec, Montréal et Trois-Rivières. Ensuite, on
se propose d'accélérer le développement du réseau
des centres régionaux de façon que les populations, dans les
régions, aient un accès plus facile aux documents qui
appartiennent au patrimoine régional. Nous voulons aussi
accélérer l'inventaire des archives, principalement celles qui
appartiennent à des particuliers, pour éviter qu'elles ne soient
éventuellement vendues à l'étranger. Je pense qu'ici, cela
rejoint les préoccupations, peut-être, de M. le
député de Gaspé. Nous voulons également
développer la mise en valeur des archives de façon qu'elles
soient plus accessibles au public.
Il y a le problème aigu des locaux des archives nationales. Nous
l'avons abordé tout à l'heure. Donc, il y a déjà le
problème qui a été posé concernant surtout la
région de Montréal. D'abord, il faudrait faire quelques remarques
sur le problème des archives nationales à Québec. Il y a
un projet qui est actuellement à l'étude, c'est celui
d'aménager ces archives nationales dans la chapelle du Grand
Séminaire, sur le campus de l'Université Laval. Nous
espérons pouvoir réaliser ce projet dans un proche avenir. Ce
projet a été retardé à cause de circonstances
indépendantes de notre volonté, mais aucune solution n'a
été recherchée parce qu'il s'agit ici de la localisation
qui nous apparaît la meilleure pour les archives nationales à
Québec. En deux mots, le projet a été retardé parce
que se posait en même temps le problème de l'amélioration
des équipements universitaires à Laval, pouvant prendre forme
pour l'acquisition de l'édifice du Grand Séminaire et du
remarquable terrain adjacent. Aucune décision n'a encore
été prise à ce sujet, parce qu'il faut aussi tenir compte
de certaines normes du ministère de l'Education concernant
l'équipement, les espaces auxquels ont droit les universités.
Etant donné que les besoins d'espace de l'Université Laval seront
pleinement justifiés à peu près vers 1980, on a
hésité au ministère de l'Education, à accorder
à l'université la permission d'acheter l'édifice du Grand
Séminaire.
D'autre part, nous avons demandé de reconsidérer cette
décision, parce que, premièrement, on faisait une offre de vente
qui, a notre point de vue, était très avantageuse pour
l'université. Deuxièmement, pour nous, cela pouvait, en
même temps, régler le problème des archives.
Pour ce qui est des archives nationales à Montréal, vous
avez vu que, dans le rapport de la Commission des biens culturels, on a fait
une description des conditions assez déplorables dans lesquelles elles
sont conservées. Nous espérons régler ce problème
d'espace dans un contexte plus large qui engloberait également les
locaux de la bibliothèque nationale et possiblement ceux du Musée
d'art contemporain.
Tout cela, nous espérons le régler à peu
près en même temps. Je n'ose pas dire cette année pour
l'ensemble de ce dernier projet, mais le plus vite possible. Parce que
là, c'est quand même, surtout pour ce qui est des archives, une
question sur laquelle il y a un consensus général et je dois vous
dire que c'est une question qui ne préoccupe pas simplement le
ministère des Affaires culturelles, mais qui préoccupe
également beaucoup de mes collègues au cabinet.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, dans les notes explicatives,
à la page 5, vous parlez de faire la prospection et l'inventaire des
archives privées en vue d'en assurer la sauvegarde. Est-ce que le
ministre pourrait nous fournir la liste des archives privées
déjà inventoriées?
M. O'Neill: Ce serait une liste très longue. Le meilleur
outil pour connaître l'ensemble de ces fonds d'archives actuellement, est
un outil qui a été publié par les archives publiques du
Canada en collaboration avec environ 175 dépôts d'archives
à travers le pays dont les Archives nationales du Québec. Un
supplément de ce catalogue collectif des manuscrits vient de
paraître la semaine dernière. Il couvre environ 25 000 fonds
d'archives à travers le pays.
M. Ciaccia: Mais vous n'en avez pas un spécifiquement sur
les archives privées inventoriées au Québec, vous
parlez...
M. O'Neill: Non, c'est ça, c'est un catalogue collectif de
tout ce qui existe au Canada. C'est justement une des mesures que nous mettons
sur pied cette année: créer ce que nous appelons l'inventaire
national des archives du Québec et un poste de coordonnateur de cette
fonction sera créé cette année. Une première
étape sera de rapatrier un extrait, sur informatique, de ce catalogue
collectif des manuscrits de l'ensemble du Canada en ce qui concerne le
Québec.
M. Ciaccia: Est-ce que le ministre pourrait nous faire part des
moyens qu'il a à sa disposition pour, comme il dit, assurer la
sauvegarde des archives privées? Est-ce qu'il a un budget, est-ce qu'il
a des moyens particuliers qui lui permettent d'assurer cette sauvegarde?
M. O'Neill: D'une part, oui, un budget; d'autre part, il y a
l'effort pour solutionner chaque cas qui se présente en particulier,
c'est-à-dire qu'à un moment donné, nous arrivent au
ministère des demandes particulières concernant des archives
appartenant à des particuliers et des documents précieux. Il y a
des cas de négociation pour essayer de conserver ça chez
nous.
Maintenant, est-ce qu'il y a quelque chose, vous avez d'autres
méthodes plus systématiques? Celle que je connais dans le moment,
c'est le genre d'intervention ponctuelle, au moment où les gens nous
présentent un problème, au moment d'une succession, au moment
où on risque de perdre des documents qui peuvent s'en aller ailleurs.
Là, nous essayons d'intervenir ne serait-ce que pour intéresser
les membres de la famille au patrimoine québécois.
M. Ciaccia: Est-ce seulement quand quelqu'un vous approche que
vous pouvez vous assurer de...? Est-ce qu'il y a d'autres moyens?
M. O'Neill: Nous faisons systématiquement de la
prospection au niveau de l'acquisition. Nous avons un comité des
acquisitions qui fonctionne régulièrement, avec un
représentant dans chacun de nos centres régionaux. Mais
l'acquisition de fonds d'archives est une préoccupation qui touche
l'ensemble des archivistes. C'est justement grâce aux relations que l'on
tisse chacun dans son milieu qu'il nous est possible d'être au courant
que tel fonds d'archives pourrait être acquis éventuellement.
Dans d'autres cas, c'est justement une des perspectives de l'inventaire
national des archives qui sera complété, c'est de nous permettre
éventuellement de nous servir des dispositions de la loi sur les biens
culturels pour qu'une fois l'inventaire accompli, on puisse procéder
soit à la reconnaissance, soit au classement de ces fonds.
M. Ciaccia: Le livre vert prévoyait un regroupement des
archives sous la juridiction du minis- tère des Affaires culturelles non
seulement dans le domaine culturel mais dans d'autres domaines. Est-ce que le
ministre entend poursuivre ce développement, de rejoindre, de coordonner
et de placer tout ce qui pourrait être archives, que ce soit dans le
domaine culturel ou d'autres, sous l'autorité du ministère?
M. O'Neill: Vous faites allusion à une hypothèse
avancée dans le livre vert, en vertu de laquelle serait instituée
une commission nationale des Archives nationales et de la Bibliothèque
nationale, institution qui deviendrait une sorte de chapeau intégrateur
de ces deux institutions qui ont des vocations respectives, mais qui,
très certainement, ont des liens de parenté extrêmement
serrés.
Actuellement, les Archives nationales, en vertu de la loi, sont
placées sous la tutelle, au sens du droit administratif, du ministre des
Affaires culturelles. Il en va de même de la Bibliothèque
nationale. L'hypothèse du livre vert était de les détacher
de la tutelle propre du ministre des Affaires culturelles pour les placer sous
l'autorité d'une commission comme telle.
A ce moment-ci, cette hypothèse n'est pas écartée,
je me permets de le dire pour le ministre, sauf qu'il y aura vraisemblablement
une première étape qui devra être franchie avant d'arriver
à la formation de cette nouvelle institution, cette première
étape étant l'urgence, au profit des Archives nationales, de
doter le Québec d'une loi des Archives nationales, ce qui n'est pas le
cas présentement.
Actuellement, les Archives nationales, comme institution nationale, sont
régies par quelques dispositions de la loi du ministère et il
nous apparaîtrait essentiel, pour des fins de protection des archives
privées, des archives régionales, d'avoir une loi qui devienne le
cadre juridique de l'action des Archives nationales. Cela devrait être
une première étape franchie avant d'arriver à la
création d'une commission.
Mais cette hypothèse du livre vert, comme bien d'autres
hypothèses du livre vert, n'est pas écartée, loin de
là.
M. Ciaccia: Je crois que le but était une façon de
s'assurer la conservation de ces biens. L'autre but était aussi
d'assurer l'accessibilité du public à ces archives. Par exemple,
il y a un cas particulier, dans le domaine de la justice. Si on va au bureau
d'enregistrement et qu'on fait des recherches sur les propriétés
au début du siècle, quelquefois, on retrouve des documents,
premièrement, du point de vue esthétique, qui sont écrits
de façon très élaborée mais, en plus de cela, le
contenu de ces documents nous fait connaître les coutumes, la vie des
gens de ce temps-là. Il serait intéressant que les gens y aient
accès.
En plus de la question de sauvegarder cela, ce serait malheureux qu'il
n'y ait pas un moyen de s'assurer que ce genre de document soit vraiment
protégé par le gouvernement et ne soit pas seulement
laissé à la merci de différentes régions, de
différents bureaux d'enregistrement qui ne pour-
raient peut-être avoir les mêmes moyens qu'un bureau
central, qui ne pourraient pas réaliser la vraie valeur historique et
culturelle d'un tel document.
Prévoyez-vous dans vos plans, dans votre politique, un moyen
d'essayer d'entrer ce genre d'archives, de les placer sous contrôle ou
selon un plan de développement de conservation, de coordination de votre
ministère?
M. O'Neill: M. le Président, je suis très heureux
que le député de Mont-Royal pose cette question, parce que vous
touchez justement un des secteurs où l'on constate la
nécessité d'une loi des archives. La législation du
Québec dans chacun des domaines de l'activité qui concernent une
foule d'institutions a été promulguée à une
époque où les Archives nationales n'existaient pas.
Par exemple, dans le cas des bureaux d'enregistrement, il est
prévu, dans la loi les créant, que les documents produits par ces
bureaux d'enregistrement doivent demeurer dans l'immeuble du bureau
d'enregistrement. Voilà pourquoi une loi des archives s'impose pour
modifier tout un ensemble de lois actuelles du Québec qui, par toutes
sortes de contraintes de ce genre, empêchent le ministère des
Affaires culturelles d'assurer le rôle de coordination et de leadership
que vous souhaitez. C'est le même problème pour les
municipalités; c'est le même problème pour les commissions
scolaires. Enfin, une loi des archives devrait justement présenter un
cadre type d'interventions qui permettent au ministère des Affaires
culturelles et aux Archives nationales de jouer leur rôle dans ce
domaine.
M. Ciaccia: Ce serait malheureux si... Par exemple, je pense
à certains programmes de télévision d'une certaine
époque, je crois, qui ont été détruits, qui n'ont
pas été conservés, oui, exactement, mais cela
démontrait les valeurs de ce temps-là et je crois que cela fait
partie du patrimoine...
M. O'Neill: Cela fait partie du patrimoine, bien sûr.
M. Ciaccia: ... de la même façon que ces documents
du commencement à la fin du XIXe siècle ou du début du XXe
siècle font partie de notre patrimoine et cela nous donne une vue et une
connaissance de la vie de ce temps-là. Je crois qu'on devrait avoir un
moyen de s'assurer, premièrement, de leur sauvegarde, de leur
conservation et on devait avoir aussi les moyens de les rendre accessibles,
parce que ce ne devrait pas être seulement les avocats ou les notaires
qui, par hasard, s'adonnent à faire une recherche sur une
propriété particulière pour voir vraiment la valeur d'un
tel document, cela devrait être, d'une façon, accessible à
plus de gens, au public.
M. O'Neill: Sur le premier point de votre intervention, je
voudrais vous signaler que, déjà, malgré les
difficultés que posent les lois actuelles, le ministère de la
Justice a signé une entente avec le ministère des Affaires
culturelles voulant que les Archives nationales, dans la mesure de leur
implantation dans les régions, prennent charge, en première
étape, des archives de la Cour supérieure impliquant les
registres d'état civil, les actes notariés, les greffes
d'arpenteurs et un certain nombre d'autres séries. Cette
opération est déjà commencée dans les villes
où nous sommes installés. Elle va se poursuivre à
Chicoutimi et à Hull pour les régions où nous arriverons
cette année et, vraisemblablement, durant la présente
année financière, une seconde entente avec le ministère de
la Justice pourrait être passée en ce qui concerne les archives
judiciaires antérieures à 1945.
Dans la planification des opérations en liaison avec le
ministère de la Justice, le troisième bloc de documents concerne
justement les bureaux d'enregistrement. On espère que, d'ici ce temps,
une nouvelle Loi des archives aura éliminé les obstacles
juridiques actuels. Quant à ce qui concerne l'accessibilité, il
est bien évident que nous ne ramassons pas tous ces documents anciens
pour le simple plaisir de les conserver. Vous pourrez le constater
déjà par les notes qui vous sont remises, c'est par milliers que
les personnes se présentent dans les centres actuels d'archives de nos
villes. Au cours de la récente année, nous avons eu plus de 10
000 personnes qui se sont présentées. On peut ainsi avoir
accès à ces documents et poursuivre toutes sortes de
recherches.
M. Le Moignan: M. le Président, pour appuyer ces
remarques, j'ai travaillé depuis les quinze dernières
années à la sauvegarde du patrimoine avec notre
Société historique de la Gaspésie, avec notre revue
d'histoire. Nous avons utilisé la radio et la télévision.
Nous avons tenté par tous les moyens possibles de convaincre les gens,
les municipalités, les commissions scolaires, les communautés,
surtout les curés, de ne pas détruire les anciennes choses. Je
suis entré dans une municipalité, on avait une salle aussi grande
qu'ici, où on faisait le classement des choses anciennes. Et un camion
de vidanges attendait à la porte; les livres qui dataient de plus de
trente ans, d'après les indications qu'on m'a fournies, venant d'un
fonctionnaire d'un ministère quelconque, devaient être
détruits. Maintenant, est-ce une invention du secrétaire de la
municipalité? Je ne le sais pas. J'ai sauvé un livre qui datait
de 1870 jusqu'à 1900, très précieux, les
procès-verbaux des conseils. Or, on sait qu'à ce moment, un
conseil municipal était un gouvernement. On y trouve des jugements. Le
maire décidait de tout, des peines, des amendes, des infractions. J'ai
eu d'un particulier un livre qui était près d'être
détruit, qui date de 1848, sur la fondation de la première
municipalité dans la baie de Gaspé; nous avons ce livre à
la Société historique de la Gaspésie. Ce sont toutes des
choses comme cela qui sont détruites souvent volontairement par la
commission scolaire ou par d'autres organismes. Est-ce qu'il n'y aurait pas
lieu, justement, on parlait d'une loi, de trouver des
moyens peut-être moins pénibles qu'une loi, mais de
sensibiliser tous ces groupements qui détruisent? Je sais que cela se
fait. De façon générale, c'est regrettable, parce que les
véritables témoins du passé, on les trouve dans ces
livres. Je ne parle pas nécessairement de garder chacune des vieilles
factures qui existaient, mais au moins, ces livres de procès-verbaux,
ces livres de rapports d'assemblées. J'ai même vu un curé
qui avait des livres de prône qui remontent à 125 ans. L'histoire
de la paroisse est dans les livres du prône. On les a sauvés,
parce qu'on était là. Si on était arrivé deux
heures plus tard, on perdait tout. Je vous donne de petits exemples.
Maintenant, il y a les sociétés d'histoire locale qui pourraient
peut-être nous aider, si elles étaient contactées, pour
sauver au moins sur place, pour un certain temps, parce qu'on n'est pas
toujours organisé pour les classifier, les indexer, en permettre
l'accessibilité au grand public. Je crois que c'est très urgent,
c'est plus qu'urgent.
M. O'Neill: Je voudrais poser une question au
député de Gaspé. Est-ce que vous ne trouvez pas là
qu'il y a un rôle particulier, une tâche particulière que
doivent accomplir les sociétés d'histoire dans chaque
région?
M. Le Moignan: Toutes les sociétés d'histoire, oui.
Elles essaient aussi, je pense, mais ce n'est pas facile.
M. O'Neill: Ensuite, l'exemple pourrait être donné
dans le cas des documents des archives. Je pense au bon exemple que pourraient
donner les hommes politiques à la retraite; ils possèdent souvent
des documents précieux, des lettres, des mémoires, des
confidences, des secrets. On pourrait tout transmettre cela aux archives.
M. Le Moignan: On dit que c'est très difficile d'obtenir
les archives des anciens premiers ministres du Québec ou du Canada
peut-être. On dit que c'est très difficile. Il y a là des
choses très importantes pour l'histoire.
Mme Lavoie-Roux: Ils n'en ont peut-être pas. Je dois
corriger l'impression. Les commissions scolaires n'ont pas toutes cette
attitude barbare que vous venez de décrire.
M. Le Moignan: Non, mais dans beaucoup trop de cas.
Mme Lavoie-Roux: Bien au contraire.
M. Le Moignan: Dans trop de cas, malheureusement.
Mme Lavoie-Roux: Cela doit être très loin. M. Le
Moignan: J'ai vu plusieurs exemples.
M. O'Neill: M. le Président, justement, sur le plan des
institutions dontvous venez de faire mention, en ce qui concerne les archives
des munici- palités, avant même qu'une loi des archives puisse
être acheminée, il y a déjà, dans le projet de la
Commission de refonte des lois municipales une section qui est prévue
concernant le traitement des archives des municipalités. Vous pourrez
sans doute avoir accès à ces documents pour voir quelles
dispositions y sont prévues. En ce qui concerne les commissions
scolaires, nous avons entrepris un travail en collaboration, en particulier
avec celle du Conseil scolaire de l'île de Montréal, dans la
perspective d'orienter les commissions scolaires, afin d'élaborer, avec
leur collaboration, un calendrier de délais de conservation des
documents des anciennes commissions scolaires qui ont été
fusionnées. Ce travail devrait aboutir au cours des prochains mois.
Enfin, sur le plan des archives des paroisses, par suite de
l'intervention du ministre des Affaires culturelles, j'entreprendrai
bientôt des contacts avec l'assemblée des évêques
pour établir un cadre-type de contrat en vertu duquel elle pourra nous
confier les archives les plus anciennes de toutes les paroisses du
Québec.
Mme Lavoie-Roux: M. le ministre, comme je vois qu'on a
l'intention de poser des gestes, si j'ai bien compris, avec le Conseil scolaire
de l'île de Montréal pour préserver les archives des
commissions scolaires, j'imagine que vous devez penser à certaines
subventions pour les aider à remplir cette fonction.
M. O'Neill: Disons que le projet en est encore à son
étape préliminaire. Il implique le ministère de
l'Education, la Fédération des commissions scolaires, le Conseil
scolaire de l'île de Montréal. On n'en est pas encore aux
modalités précises des opérations.
Mme Lavoie-Roux: C'est parce que je pense qu'il serait
peut-être bon de faire remarquer là, ce n'est pas pour
badiner, mais sérieusement que la Commission des écoles
catholiques de Montréal c'est passablement le cas de la
Commission des écoles protestantes du Grand Montréal
soutient des archives depuis des années, à même ses fonds
généraux. Je pense que celles de la CECM sont assez
intéressantes à cet égard. A ce moment-là, dans le
fond, elles assument un rôle et une fonction qu'elles devraient assumer
peut-être, mais qui est au-delà de ce que d'autres commissions
scolaires assument, et je pense que si on devait penser à subventionner
les institutions scolaires pour ce faire, on devrait déjà penser
à subventionner la CECM qui assume cette fonction depuis longtemps. Elle
l'a toujours fait à même ses frais généraux, et cet
effort devrait être reconnu. Pensez-vous, dans l'avenir, subventionner le
Conseil scolaire de l'île de Montréal?
M. O'Neill: Simplement une remarque additionnelle qui pourrait
encourager M. le député de Gaspé et ses collègues.
Dans le budget sous "Conservation et utilisation des archives", nous avons mis
de côté une petite réserve de $100 000 à l'intention
des sociétés d'histoire qui se livrent à
des travaux, ce qu'on appelle, l'archivistique. Ce serait
peut-être bon, dans certains cas, pour les sociétés
d'histoire d'en profiter.
M. Ciaccia: Seulement une autre question. Vous aviez
parlé, M. le ministre, que pour arriver au but, par exemple, que le
livre vert prévoyait, pour coordonner toutes les archives non seulement
dans le domaine du ministère des Affaires culturelles, mais dans
d'autres domaines...
M. O'Neill: Juridique...
M. Ciaccia: Oui.
M. O'Neill: ... et judiciaire.
M. Ciaccia: ... il faudrait une loi-cadre. Est-ce que c'estvotre
intention de proposer une telle loi?
M. O'Neill: Elle est en état de fabrication.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'elle est prévue pour cette
année?
M. O'Neill: Sur le plan administratif, pour l'automne.
Mme Lavoie-Roux: Cela veut dire la prochaine session.
M. O'Neill: La deuxième partie de celle-ci.
Mme Lavoie-Roux: Ce ne serait déjà pas si mal.
M. O'Neill: Ce ne serait pas mal.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Programme 2 adopté?
M. O'Neill: Vous voulez dire l'élément 1?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Elément 1 adopté. Elément 2, conservation des sites et des
biens historiques et archéologiques.
M. O'Neill: J'ai quelques remarques brèves ici encore.
Dans l'effort de conservation des sites et biens historiques, nous avons
tenté d'amplifier, de multiplier les contacts avec les autres
ministères où parfois on trouve des gens moins
intéressés à la conservation des biens historiques, les
municipalités, les différents groupes du milieu pour les aider
à s'engager davantage dans la protection, la promotion et la mise en
valeur du patrimoine immobilier surtout.
Ici, je pense qu'il y a deux exemples qui illustrent bien cela. Cela
serait le cas de l'île d'Orléans et le cas du
Vieux-Québec.
Nous voulons porter une attention non seulement à la restauration
de certains monuments isolés, mais également à la
protection d'ensembles architecturaux et ensuite, nous voulons essayer
d'associer davantage le public en général, les pro-
priétaires privés en particulier, en vue de l'amélioration
des arrondissements historiques et des monuments.
Une constatation générale qu'on peut formuler ici est
qu'en fait, on découvre les manifestations d'une plus grande
sensibilité qu'avant à l'égard de la conservation des
monuments et sites historiques.
Les propositions, les demandes arrivent assez nombreuses au
ministère. Quand on va également dans des régions, des
gens nous demandent de nous intéresser, de voir s'il y aurait moyen de
sauver tel ou tel édifice, de protéger tel lieu. J'ai
l'impression que c'est un sentiment général dans le moment et je
trouve que c'est bon signe parce que cela nous aide, évidemment,
à mieux faire ce travail.
Il y aura une augmentation de crédits de 36% $3 739 000
qu'il s'agit d'abord d'appliquer surtout à l'aide, à
l'encouragement qui est apporté aux propriétaires de monuments,
aux propriétaires d'immeubles situés dans des arrondissements
historiques dans leurs efforts de mise en valeur de leurs biens; de continuer
le rythme des grands projets de restauration dans le genre de Place Royale
où cette année nous devons assumer seuls les frais de
restauration sans apport de crédits des ententes
fédérales-provinciales dont l'échéance aboutissait
au mois d'avril. Il y a également deux projets dans la région de
Montréal, la Pointe-du-Moulin de l'île Perrot et l'île des
Moulins à Terrebonne. Et par la suite, nous voulons faire participer les
collaborateurs du milieu, les sociétés d'histoire par exemple,
à des actions de conservation, d'animation et de mise en valeur dans
différentes régions et localités.
Alors, le budget global est de $14 millions par rapport à $10
millions, ce qui fait une augmentation totale de 36%.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Le ministre pourrait-il nous expliquer les
pouvoirs que, dans les faits, il a en matière de patrimoine culturel?
Quels sont vos pouvoirs réels dans les faits vis-à-vis de cette
protection du patrimoine au plan des lois qui existent présentement?
M. O'Neill: Je les trouve assez considérables d'une
manière, c'est-à-dire une déclaration d'intention d'abord
qu'on envoie et un avis qui entre en vigueur 60 jours après. Donc, il y
a un avis qui est rendu public et qui permet aux personnes
intéressées de faire valoir leurs revendications, leur point de
vue et ensuite, il y a la déclaration comme telle, de par la loi.
D'autres détails... Je ne sais pas s'il y a des formalités
secondaires à mentionner ici. Ce sont les deux éléments
principaux. Cela se fait généralement comme cela en deux
étapes.
Mme Lavoie-Roux: Et quand vous reconnaissez un site historique ou
une maison comme bien culturel, avez-vous différentes
catégories?
M. O'Neill: L'arrondissement historique.
Mme Lavoie-Roux: Et j'aimerais que vous les expliquiez.
M. O'Neill: II y a deux catégories
générales. Il y a celles pour lesquelles on peut contribuer et
celles pour lesquelles on ne peut pas contribuer.
Mme Lavoie-Roux: Bon.
M. O'Neill: C'est "opératoire".
Mme Lavoie-Roux: Oui. Mais cela traduit quoi, cela?
M. O'Neill: Cela traduit l'importance du bien, en principe. Quand
on classe, par exemple, c'est censé être un bien qui est plus
exceptionnel que celui qu'on ne fera que reconnaître et en
conséquence, on va aider les propriétaires à mettre en
valeur les biens classés alors qu'on n'aidera pas les
propriétaires de biens reconnus à le faire.
Il faut peut-être préciser, à l'intention des
parlementaires, que la Loi sur les biens culturels prévoit deux types
d'aliénation en quelque sorte des biens culturels; il y a d'abord la
reconnaissance d'un bien culturel et il y a le classement d'un bien culturel.
Un bien culturel reconnu est assujetti à un certain nombre de servitudes
qui sont moins importantes que celles qui sont imposées à un bien
classé. En gros, pour simplifier les choses, le propriétaire d'un
bien reconnu, qui veut aliéner son bien c'est-à-dire le
céder, le vendre, le restaurer, le détruire, le moderniser, ainsi
de suite, doit en informer le ministre qui lui a, par conséquent, un
pouvoir de préemption sur ce bien. Dans le cas d'un bien culturel
classé, la servitude est plus grande parce que le propriétaire
doit demander l'autorisation pour pouvoir aliéner son bien ou le
restaurer ou le modifier. Conséquemment, l'aide financière que le
ministère apporte aux propriétaires des biens culturels est plus
grande dans le cas des biens classés que dans le cas des biens reconnus,
parce que la servitude qui est imposée est plus grande. En fait, un
propriétaire de biens reconnus n'est pas admissible à une aide
financière tandis qu'un propriétaire de biens classés
l'est.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous avez une liste dont vous pouvez
disposer qui nous permettrait de connaître les biens qui ont
été classés comme des biens reconnus et des biens
classés?
M. O'Neill: Officiellement, la loi prévoit qu'il y a un
registre national dans lequel sont consignés tous les biens reconnus,
tous les biens classés.
Mme Lavoie-Roux: Qu'on pourrait avoir à la
bibliothèque, ici, j'imagine.
M. O'Neill: Que vous pouvez consulter à la direction
générale du patrimoine qui en est le dépositaire.
Toutefois, parce que nos biens reconnus et classés ne sont pas en nombre
considérable, qu'il n'y a que depuis quelques décennies que nous
reconnaissons et classons les biens, il y a des listes administratives, je
crois, qui sont suffisamment modestes pour être accessibles et être
reproduites en quantité. Et je me demande si nous ne pourrions pas
prendre les dispositions pour vous en faire parvenir une. Je crois que c'est
suffisamment modeste pour que des copies puissent être reproduites.
Mme Lavoie-Roux: Sans en faire part aux maisons d'édition.
Je l'apprécierais beaucoup, si c'était possible. Dans le cas de
biens classés, je vais m'en tenir à cela; le bien reconnu, c'est
seulement une certaine aliénation et il n'y a pas de subvention.
Mais dans les cas de biens classés, si les gens doivent faire
je pense que des modifications, c'est très limité
de la restauration pour simplement l'entretien des biens eux-mêmes, quel
est l'ordre de subvention qui est accordé à ce moment-là?
Est-ce que c'est un pourcentage ou...
M. O'Neill: Oui. En fait, quand un propriétaire veut
restaurer un bien classé...
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. O'Neill: ... il nous indique quels sont les travaux qu'il veut
effectuer et certains travaux sont admissibles à une aide
financière; d'autres ne le sont pas. Ce qui nous intéresse, ce
sont les travaux qui ont une valeur patrimoniale, les travaux qui sont
effectués pour des fins proprement domestiques, personnelles de
l'individu ne nous intéressent pas. Je prends un exemple terre à
terre. Qu'un propriétaire de bien classé veuille mettre des
tuiles de tel prix dans sa salle de bain, c'est son affaire et il n'y aurait
aucune raison pour que les deniers publics servent à financer de tels
travaux. Ce sont surtout les volumes extérieurs du bâtiment
classé qui peuvent être l'objet de subventions de la part du
gouvernement. Cela étant dit, une fois que les travaux admissibles
à des subventions sont reconnus, sont pointés, il y a un
pourcentage des coûts des travaux de restauration qui font l'objet d'une
subvention, ces coûts variant... pour les propriétaires
privés, les coûts étant de l'ordre de 25%; en ce qui
concerne les corporations sans but lucratif, celles qui possèdent des
bâtiments qui seront accessibles au public, d'une façon
générale, les subventions ont couvert 100% des coûts des
travaux admissibles.
Mme Lavoie-Roux: Qu'est-ce que vous considérez une
institution ou une maison accessible au public? Est-ce que vous
considérez les maisons d'enseignement qui ont été
reconnues classées?
M. O'Neill: Par exemple?
Mme Lavoie-Roux: Je pense au Collège de Montréal,
la grande chapelle du séminaire, je ne sais pas, je donne ça
à tout hasard, Villa Maria, les soeurs Grises, cette série
d'institutions, il y en a
pas mal d'autres. Il y en a sûrement davantage à
Québec que je connais moins.
M. O'Neill: Les cas qui nous sont les plus connus, M. Jean-Paul
Gagnon, directeur du patrimoine, pourra me corriger, je crois que ce sont les
cas des corporations de fabrique qui nous ont demandé notre aide
financière pour restaurer des églises, des presbytères.
Dans le cas d'institutions d'enseignement, je ne crois pas, si cela s'est
déjà fait, que ce soit très très fréquent.
Je n'ai pas d'exemple à l'esprit. Ah, il y a le petit séminaire
de Québec, oui.
Dans ce cas, quel a été le pourcentage de...
Trop souvent, 100%.
Mme Lavoie-Roux: Je comprends mal la réflexion, trop
souvent 100%. Parce qu'on impose quand même, je pense, dans ces travaux
de restauration... Je comprends que si c'est pour des détails
domestiques, je suis tout à fait d'accord avec ce que vous avez dit tout
à l'heure. Il reste que, par exemple, pour la restauration d'une
chapelle ou la restauration de certains locaux à l'intérieur de
ces maisons, il y a des mesures qui doivent être prises, strictement sur
le plan de la peinture, des couleurs. Je pense qu'à ce moment-là,
c'est une obligation que vous leur imposez, que ces choses soient
respectées. J'espère qu'ils en sont aussi conscients. Mais c'est
quand même des dépenses que d'autres maisons n'auraient pas
à faire. Je m'explique mal la réflexion...
M. O'Neill: Ce qu'on veut dire, c'est que c'est valable en soi.
Ce n'est pas la question, dans beaucoup de ces cas, ça constitue quand
même des dépenses assez élevées. On souhaiterait,
s'il y avait moyen, pouvoir les répartir autrement pour répondre
à d'autres besoins qui sont exprimés ailleurs. Dans ce sens,
c'est ça d'ailleurs tout le problème du patrimoine, à un
moment donné, il faut y mettre l'argent. On n'a pas le choix.
Mme Lavoie-Roux: Une autre question. Il avait été
question de la création d'une régie du patrimoine. J'y ai fait
allusion ce matin. Est-ce que c'est une idée que vous avez
abandonnée ou simplement, qui tarde à éclore, à
être réalisée?
M. O'Neill: Ce n'est pas abandonné.
Mme Lavoie-Roux: Non. Dans le moment, de quelle façon
procédez-vous quand des demandes vous sont acheminées pour que,
soit des propriétés publiques ou des propriétés
privées soient reconnues comme classées. Est-ce qu'il y a un jury
de formé, quels sont vos critères d'appréciation, comment
fonctionnez-vous?
M. O'Neill: II y a plusieurs circuits que peut emprunter un
projet. Je vais prendre peut-être le circuit le plus fréquent, le
plus courant au cours des dernières années. Des groupes
témoins d'un projet de destruction d'un immeuble, d'altération
d'un immeuble vont inviter le ministre des Affaires culturelles, par une
lettre, à poser un geste qui va protéger le bâtiment. Si le
ministre des Affaires culturelles estime que la sauvegarde du bâtiment
est une chose urgente, impérative, il a le pouvoir, en vertu de la loi,
d'émettre un avis d'intention de classer le bâtiment et cet avis
crée une servitude qui est la même que si le bâtiment
était classé.
Dès lors qu'il a émis cet avis d'intention de classer,
toujours en vertu de la loi, il demande à la Commission des biens
culturels, qui est un organisme consultatif auprès de lui,
d'émettre son avis sur l'opportunité de reconnaître ou de
classer, ou de ne pas reconnaître ou de ne pas classer le bâtiment
en cause. Sur réception de l'avis de la Commission des biens culturels,
le ministre décide de reconnaître ou de classer le bâtiment,
ou de ne pas le reconnaître ou ne pas le classer.
Mme Lavoie-Roux: Quels sont les critères retenus par la
Commission des biens culturels pour décider de classer ou ne pas
classer, reconnaître ou ne pas reconnaître?
M. O'Neill: Ce sont, je pense, essentiellement des
considérations d'ordre historique ou d'ordre architectural, ou des
considérations qui tiennent compte de la place ou de la valeur
symbolique que peut représenter un bâtiment, dans un environnement
donné.
Il est possible, en effet, que, dans un quartier ou dans un village, un
bâtiment n'ait pas de propriété architecturale
particulière ou n'ait pas de valeur historique, ou ait une valeur
historique relative, mais la place que ce bâtiment occupe dans le milieu,
dans l'environnement, fait qu'il est souhaitable qu'il soit
protégé par une disposition législative.
Je pense que ce sont, en gros, les critères invoqués.
Le gros critère, c'est qu'à cause de nos moyens, c'est
souvent la menace qui devient le critère prioritaire. Si quelque chose
n'est pas menacé, on a tendance à attendre, parce que nous
n'avons pas la capacité de traiter nos dossiers au rythme où ils
entrent. On est en train de changer cela.
Mme Lavoie-Roux: Quand vous dites que vous n'avez pas les moyens,
je comprends, surtout si vous les classez. Est-ce que, dans un premier temps,
si, au moins, vous les reconnaissez, cela ne pose pas déjà
certaines restrictions aux propriétaires? A ce moment-là, vous
avez moins d'obligations financières?
M. O'Neill: Quand je dis qu'on n'a pas les moyens, c'est plus
trivial que cela. On n'a pas la capacité et le personnel pour traiter
les dossiers. Classer, faire classer, faire reconnaître, c'est aussi
long, parce qu'il faut avoir un dossier justificatif et mettre cela dans la
machine. Même cela, on a de la misère à traiter le nombre
de demandes qu'on a.
Mme Lavoie-Roux: Quel délai s'écoule entre le
moment où une demande je comprends que
cela peut différer vous est adressée et le temps
où le verdict sera posé?
M. O'Neill: Disons qu'il y a le délai minimal, à
cause de l'avis qu'on doit demander à la commission, d'une part, et
ensuite, dans le cas du classement, de 60 jours pour les représentations
qui pourraient être faites par les propriétaires ou d'autres
personnes intéressées. Disons que les délais minimaux ne
sont jamais respectés, parce que cela va à six mois. Il y a des
avis d'intention qui ont été donnés depuis deux ans et qui
ne sont pas encore traités.
Mme Lavoie-Roux: Et vous espérez que cela ne
s'écoulera pas entre-temps?
M. O'Neill: On est en train de mettre des procédures en
place, pour faire participer, d'une part, les propriétaires ou des
organismes en milieu, pour faire des préparations préliminaires
de dossiers qui vont nous permettre de les traiter beaucoup plus
rapidement.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que les municipalités, dans ce
sens-là, collaborent?
M. O'Neill: Elles ne collaborent pas encore beaucoup, mais disons
que c'est une de nos préoccupations. On a augmenté la
capacité d'un service dont la fonction est précisément
d'entrer en contact avec les municipalités pour des fins patrimoniales,
cela devrait paraître d'ici un an, mais c'est à peine
amorcé.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député...
M. Paquette: ... M. le Président, concernant les
critères pour reconnaître un bien... Est-ce que vous permettez?
C'est directement sur une intervention du député de L'Acadie.
M. Le Moignan: Oui, je vous suis après.
M. Paquette: D'accord, merci. Concernant les critères pour
reconnaître un bâtiment comme bien culturel, avez-vous
également des critères économiques? Par exemple, j'imagine
que les activités de restauration créent un certain nombre
d'emplois ou stimulent l'activité économique dans le domaine des
métiers de la construction. Est-ce que vous avez aussi des ententes ou
des interrelations avec le ministère du Tourisme, pour faire en sorte
que la rénovation des biens culturels serve à promouvoir
l'industrie touristique?
M. O'Neill: Oui, nous souhaitons de plus en plus cela a
déjà été amorcé au cours des
dernières années entretenir des contacts plus nombreux et
plus soutenus avec les autres ministères du gouvernement, ainsi qu'avec
les organismes publics, de telle sorte qu'ils s'associent eux aussi, chacun
à sa façon, à la conservation et à la mise en
valeur du patrimoine.
La Loi sur les biens culturels a fait du ministère des Affaires
culturelles le grand chien de garde national du patrimoine. Malheureusement, on
a eu tendance, un peu partout au Québec, à considérer que
le ministère était le seul à pouvoir poser des gestes
visant à la conservation et à la mise en valeur. Or, ce n'est pas
le cas et c'est la raison pour laquelle, tout à l'heure, M. le ministre
a indiqué que, cette année, nous voulions plus que jamais
amplifier et multiplier nos contacts avec les autres ministères et
organismes gouvernementaux, avec les municipalités et avec les
différents groupes du milieu.
Pour répondre plus précisément à la question
du député de Rosemont, effectivement, nous avons un certain
nombre de contacts avec le ministère du Tourisme et avec d'autres
ministères aussi, mais avec le ministère du Tourisme, nous en
avons, de telle sorte que les acquisitions que pourrait faire le
ministère des Affaires culturelles et les restaurations qui suivraient
donnent lieu à une utilisation effective des bâtiments ou des
sites en cause, de telle sorte que ne se reproduisent plus, comme on l'a
déjà vu dans le passé, des cas en vertu desquels on
restaurait un bien et, une fois qu'il était restauré, ne sachant
pas trop quoi en faire, on mettait le cadenas sur la porte. Il est absolument
essentiel que nous, de notre côté, sollicités que nous
sommes quotidiennement pour acquérir et restaurer des biens culturels,
nous sollicitions la collaboration de tous ceux qui pourraient à notre
place et peut-être parfois mieux que nous acquérir et restaurer
les biens.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Sur le
même sujet, le député de Gaspé.
M. Le Moignan: Oui, Mme le député de L'Acadie
mentionnait le rôle des municipalités. Quand je regarde le rapport
annuel de la Commission des biens culturels 1975/76, page 127, on y retrouve
une recommandation à peine voilée qu'on pourrait peut-être
intituler une loi générale de l'urbanisme. On peut y lire, entre
autres: "Le Québec n'est pas un cas d'espèce, puisque la
déclaration d'Amsterdam en fait une déclaration de la sauvegarde
du patrimoine. La conservation intégrée exige une adaptation des
mesures législatives et administratives". Je pense qu'à ce moment
la municipalité s'intégrerait dans...
M. O'Neill: Je sais qu'à la direction du patrimoine, et en
collaboration avec le ministre d'Etat à l'aménagement, on fait
actuellement l'étude de la possibilité de réaliser un
projet de ce genre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Sur le
même sujet, le député de Saint-Jean.
M. Proulx: Je représente un comté où il y a
énormément de valeurs historiques, L'Acadie, l'Ile-aux-Noix,
Saint-Jean, Fort Lennox... Pardon?
M. Paquette: ... Il y a eu deux premiers ministres dans notre
comté... Marchand.
M. Proulx: M. le Président...
Mme Lavoie-Roux: ... de musées ou quoi?
M. Paquette: Non, non!
M. Proulx: M. le Président, lorsqu'une maison est
considérée comme lieu historique, il y a une aire d'environnement
de 500 pieds, pour la protéger? Chez nous, j'ai un cas assez
particulier. Quand une maison sur le bord de la route est
considérée comme lieu historique, cela crée des liens tout
autour des gens, et vous ne trouvez pas que... J'ai des gens qui se sentent
étouffés par ces liens, ces obligations. Ces gens ne peuvent pas
modifier leur maison. Ces gens sont de l'autre côté de la rue, ces
gens, cela dévalue pour une certaine façon leurs terres qui sont
alentour. J'ai eu beaucoup de contestations dans ce sens. Est-ce que ces
mêmes liens existent partout, aussi bien pour la ville que pour la
campagne?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'allais
dire au député de Saint-Jean que c'était une bonne
question.
M. Proulx: Non, c'est parce que cela crée des
problèmes...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Mont-Royal me dit que c'était sa question.
M. Proulx: C'était votre question?
M. Ciaccia: Je suis content que vous l'ayez posée. Je
voulais demander la même chose.
M. Proulx: M. le Président, enfin, à quel point
cette aire de protection finit-elle? Les gens qui sont alentour ne peuvent pas
construire, cela les ennuie, cela les étouffe. Il y a une espèce
d'aliénation dans ce sens qui est inacceptable. Tout en reconnaissant
la...
M. O'Neill: La loi sur les biens culturels prévoit dans sa
version actuelle, effectivement que, dès lors qu'un bien est
classé, est délimitée une aire de protection dont le rayon
est de 500 pieds autour du bien en cause. Les propriétaires des biens
situés dans cette aire de protection sont assujettis ou asservis, non
pas en ce qu'ils ne peuvent pas faire de travaux de restauration ou construire
des bâtiments, mais en ce qu'ils doivent demander l'autorisation avant de
le faire. Je crois que cette aire de protection, qui est du reste
prévue, même si le rayon n'est pas nécessairement le
même, dans toutes les lois de patrimoine du monde, vise essentiellement
à ce que ceux qui vivent dans le périmètre d'un bien
classé ne nuisent pas à la mise en valeur du bien en cause.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Sur le
même sujet.
M. O'Neill: Vous pourriez avoir un édifice dont la
présence est absolument incompatible avec le monument,
c'est-à-dire que, finalement, le fait d'avoir classé perdrait
complètement son sens si les gens avaient le droit de faire n'importe
quoi dans les environs. Il ne s'agit pas de les empêcher de faire quoi
que ce soit. Il s'agit simplement de leur demander de tenir compte du site qui
est là, du monument.
Mme Lavoie-Roux: Moi, je suis d'accord avec le principe.
M. Ciaccia: M. le ministre, je ne crois pas que les gens mettent
en doute le principe, quoique les propriétaires, naturellement,
avoisinant les 500 pieds, préféreraient être exclus, mais
même ceux qui sont raisonnables admettent que si on classe un bien, il
doit y avoir un certain endroit autour de ce bien où on ne peut pas
faire ce qu'on veut, mais je crois que ce dont ils se plaignent, c'est qu'il
n'y a pas de critères qui puissent les guider pour leur dire ce qu'ils
peuvent faire ou ne peuvent pas faire. Cela semble être
entièrement discrétionnaire. Dans les cas qui ont
été portés à ma connaissance, il y a eu des refus
complets où on a dit: Vous êtes dans le rayon de 500 pieds. Alors,
vous pouvez seulement faire des améliorations internes. Vous ne pouvez
pas changer la bâtisse. C'est pas mal discrétionnaire. Est-ce que
ce serait possible d'avoir des critères de ce qui peut être fait
ou de ce qui ne peut pas être fait dans ce rayon, pour ne pas causer
tellement de problèmes aux voisins qui sont affectés par cette
loi?
M. O'Neill: II y a beaucoup de confusion là-dedans.
D'abord, des aires de protection qui sont effectivement en force, il n'y en a
pas beaucoup, et ce que vous dites est juste. On est en train
d'élaborer, justement, des critères d'intervention dans les aires
de protection, parce qu'une aire de protection, ce n'est pas pour
empêcher le monde de faire des choses... Non, ce n'est pas pour
empêcher...
M. Ciaccia: Peut-être dans votre esprit, mais, en pratique,
c'est ça qui arrive. Ils sont empêchés de faire quelque
chose.
M. O'Neill: ... mais à l'intérieur de certaines...
C'est arrivé dans quelques gros cas où il y a eu des aires de
protection étudiées avec des critères effectivement, mais
disons que, évidemment, on avance là-dedans, on est actuellement
en train de donner un très gros effort dans ça. On a choisi dix
aires de protection variées, une espèce d'échantillon,
pour arriver à des critères connus d'avance, qu'on va publier. Si
vous me posiez la question dans un an, on pourrait vous répondre de
façon beaucoup plus précise que maintenant. On est vraiment
à pied d'oeuvre.
J'ajouterais simplement ceci: Dans le cas de l'île
d'Orléans, cela semblait au début un problème insoluble.
Il y a eu quand même des contacts. Il y a eu des directives
données. Il y a eu des ententes et il y a eu quelques conflits au
début, mais, depuis ce temps, sauf un conflit un peu majeur, où
il
y a une mauvaise volonté évidente d'un citoyen qui ne veut
rien entendre, dans le reste, les choses se déroulent assez bien. Il y a
eu d'abord des explications de données et il y a eu un effort pour faire
participer les municipalités; ce qui, au départ, a semblé
à certaines gens quelque chose d'extrêmement onéreux est
maintenant de mieux en mieux accepté.
Remarquez qu'il s'agit de quelque chose d'énorme comme espace et,
pourtant, on réussit. Alors, quand vous arrivez avec une aire de
protection circulaire de 500 pieds, c'est certain qu'il y a moyen d'en arriver
à des arrangements, mais je pense, comme a signalé tout à
l'heure M. Gagnon...
D'abord, les gens s'imaginent qu'ils ne peuvent rien faire du tout et,
deuxièmement, il faudrait se demander, dans certains cas, s'ils sont
allés à la source pour avoir les renseignements
nécessaires.
Il ne s'agit pas d'en faire une loi inhumaine. Il s'agit, d'autre part,
d'en faire une loi efficace, c'est-à-dire, encore une fois, qu'est-ce
que cela peut donner, tout à coup, de protéger un site, un
édifice, si on peut faire autour n'importe quoi qui puisse le
gâter et enlever sa valeur?
M. Ciaccia: Pouvez-vous me dire si le Collège de
Montréal est classé comme propriété culturelle?
Mme Lavoie-Roux: Certainement. La chapelle du Grand
Séminaire a été classée...
M. Ciaccia: Seulement la chapelle.
Mme Lavoie-Roux: Probablement les tours aussi.
M. Ciaccia: Les tours et la murale.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je proposerais
l'ajournement avant qu'on parte tous pour les archives.
M. O'Neill: II est 23 heures et...
Une Voix: Vous n'aurez pas de place!
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Y
aurait-il lieu d'adopter les éléments 2 et 3 du programme 2 pour
libérer les personnes qui sont là, à moins que vous n'ayez
des questions?
Mme Lavoie-Roux: II reste toute la question des
musées.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les
musées?
M. O'Neill: C'est au programme 4.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est un
autre programme.
M. O'Neill: Non. Vous n'avez dans cela que les archives et il
restait la Commission des biens culturels.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'ai eu
l'impression qu'on a parlé beaucoup de biens culturels et...
M. O'Neill: Je pense qu'il n'y a rien à ajouter sur la
Commission des biens culturels. C'est une commission consultative.
M. Alfred: J'aurais une question qui nécessite une courte
réponse du ministre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II est
23 heures. Le règlement de la chambre est strict. Cela prend le
consentement unanime pour poursuivre après 23 heures.
M. Alfred: M. le Président, êtes-vous prêt
à vous porter acquéreur de ce manoir parce que je pense qu'il
éprouve des difficultés de fonctionnement? Il s'agit du manoir
Papineau qui, malheureusement, se trouve dans le comté d'Argenteuil,
mais j'en prends la défense.
Récemment, dans le journal Le Droit, j'ai lu que c'était
devenu un dossier chaud pour Jean Alfred, député de Papineau.
Alors, je vous demande: Est-ce que vous avez l'intention de vous porter
acquéreur de ce manoir qui est pour nous un héritage historique
fort intéressant?
M. O'Neill: II fraudrait que les citoyens
intéressés, dont le député de Papineau, soumettent
un mémoire...
M. Alfred: Je suis...
M. O'Neill: ...et il sera étudié avec
sérieux et attention.
M. Alfred: Je vous assure que j'ai lu cela dans le journal Le
Droit que c'était un dossier chaud pour le député de
Papineau.
M. O'Neill: Vous allez soumettre votre mémoire.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Papineau. Je ne veux réellement pas brusquer les
membres de la commission. S'il n'y a pas lieu d'adopter le programme 2, on se
reprendra. On va ajourner les travaux.
Mme Lavoie-Roux: Je regrette de vous obliger à revenir.
Vous avez des collaborateurs tellement agréables, mais il reste des
points particuliers sur des édifices et je ne sais pas comment... A
moins qu'on continue jusqu'à 23 h 20.
M. O'Neill: Est-ce que c'était sur l'élément
2 que vous aviez encore des questions?
Mme Lavoie-Roux: Oui, des questions précises sur le
patrimoine, les sites.
M. O'Neill: Les lieux, des cas.
Mme Lavoie-Roux: Oui. Et comme on ne peut pas le demander en
Chambre, je pense que c'est probablement l'endroit pour...
M. O'Neill: C'est l'endroit.
Mme Lavoie-Roux: Cela ne devrait pas prendre beaucoup de temps,
mais...
M. Alfred: Avec mon manoir.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je pense
que nous allons ajourner nos travaux sine die.
(Fin de la séance à 23 h 3)