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Version finale

30th Legislature, 2nd Session
(March 14, 1974 au December 28, 1974)

Tuesday, July 23, 1974 - Vol. 15 N° 143

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 22 — Loi sur la langue officielle


Journal des débats

 

Commission permanente de l'éducation,

des affaires culturelles et des communications

Etudes du projet de loi no 22

Loi sur la langue officielle

Séance du mardi 23 juillet 1974

(Onze heures onze minutes)

M. LAMONTAGNE (président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre, messieurs!

Au début de cette séance, je voudrais d'abord faire part des changements aux membres de la commission qui sont ici pour la séance d'aujourd'hui. M. Bérard (Saint-Maurice), M. Charron (Saint-Jacques), M. Déom (Laporte), M. Cloutier (L'Acadie), M. Hardy (Terrebonne), M. Lapointe (Laurentides-Labelle), M. Lachance (Mille-Iles), M. Morin (Sauvé), M. Tardif (Anjou), M. Phaneuf (Vaudreuil-Soulanges), M. Desjardins (Louis-Hébert), M. Samson (Rouyn-Noranda), et Malépart (Sainte-Marie). A la clôture de la séance d'hier soir, nous étions à la motion principale de l'article 1. Le député de Saint-Jacques.

M. BOURASSA: J'espère que vous avez lu l'article de votre chef ce matin qui dit que c'est la majorité qui doit décider? C'est dans le Jour.

M. BURNS: On savait que cela viendrait, cela.

M. BOURASSA: Non, mais c'est parce que c'est votre chef. Vous respectez...

M. BURNS: Vous êtes content là, vous avez passé votre "plug'..

M. BOURASSA: Non, vous respectez votre chef? Il dit que c'est la majorité qui doit décider.

M. LEGER: Certainement, avec les conseils de la minorité.

M. BURNS: Vous n'avez pas lu ce qu'il dit après.

M. BOURASSA: Non, un gouvernement élu majoritairement, c'est la majorité.

M. BURNS: Cette phrase...

M. CHARRON: M. le Président, je pense que le premier ministre est en train de brûler son droit de parole sur l'article 1.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne) : Je pense qu'à l'avenir, au début de chaque séance, on va accorder un prône de cinq minutes.

M. BOURASSA: Non, mais le député de Lafontaine est en train de vérifier...

M. CHARRON: M. le Président, le premier ministre, il faut toujours lui laisser cinq minutes pour faire son commercial.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): On met cela de côté.

M. CHARRON: On commence toujours avec un mot du commenditaire.

M. CLOUTIER: Un point de règlement, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le ministre de l'Education sur un point de règlement.

M. CLOUTIER: Si je comprends bien...

M. LEGER: Est-ce que le ministre de l'Education me permettrait un point de règlement sur l'affirmation du premier ministre?

M. CLOUTIER: J'avais demandé la parole avant.

M. LEGER: D'accord, monsieur. Mon point de règlement doit être fait immédiatement, le temps de sauter sur l'affirmation du premier ministre. Le premier ministre affirmait que M. Lévesque disait dans le journal que c'est le droit du Parti libéral, puisque la victoire de l'an dernier étant nettement majoritaire. Oui, mais il a oublié de continuer... "mais c'est non moins le droit de la poignée des députés d'en face, comme des 45 p.c. de Québécois qu'ils représentent, d'aller normalement jusqu'au bout de leurs plaidoyers en faveur de l'autre option et d'éclaircir ainsi le mieux possible une opinion publique si malaisée à rejoindre en pleine canicule".

M. BOURASSA: Vous ne faites pas de "filibuster" là?

M. LEGER: On n'est pas dans un "filibuster". Vous allez écouter le "filibuster" quand ce sera le temps, mais ce n'est pas le temps, on est en pleine période de discussion pour ramener le gouvernement à la réalité.

M. HARDY: J'ai hâte de voir cela.

M. BOURASSA: Cela fait une semaine, et on n'a pas adopté l'article 1, et il dit qu'on n'est pas en "filibuster".

M. LEGER: L'article 1, c'est l'ensemble du projet de loi.

M. CLOUTIER: M. le Président, est-ce que je peux faire mon point de règlement maintenant?

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le ministre de l'Education.

M. LEGER: Excusez-moi, M. le ministre, allez-y.

Retour à la motion principale

M. CLOUTIER: Je vous en prie. C'est uniquement pour savoir où nous en sommes. Si je comprends bien, nous parlons maintenant sur la motion principale...

M. CHARRON: C'est cela. Nous y sommes.

M. CLOUTIER: Quelle est la situation des droits de parole respectifs, M. le Président?

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Comme ministre responsable du projet de loi, vous avez un droit de parole illimité...

M. CLOUTIER: Bon!

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): On n'a pas tenu votre temps... Environ cinq minutes. Mais comme...

M. BURNS: Est-ce que l'article 160 s'applique, M. le Président?

M. CLOUTIER: Ah, cela ne me gêne pas! Vingt minutes me suffisent largement.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): ... 160...

M. CLOUTIER: C'est simplement pour savoir qui a parlé là-dessus...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): De toute façon, l'article 160 s'applique dans ce cas.

M. CLOUTIER: C'est que nous sommes perdus dans les méandres des motions, des amendements, des sous-amendements. Je voudrais simplement savoir... Non, le président est là pour cela. Le député de Saint-Jacques pourrait peut-être conserver sa place. Ce serait souhaitable.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le chef de l'Opposition est le seul qui a parlé, cinq minutes le 19 juillet, et cinq minutes le 22 juillet. Seulement...

M. CLOUTIER: Parfait! Merci. Les règles du jeu sont bien établies. Allons-y !

M. CHARRON: Vous êtes un bon "timekeeper", M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, quant à la motion du ministre de l'Education, voulant que nous adoptions l'article 1, je crois que cette commission serait plus en mesure de se prononcer en toute connaissance de cause sur cet article 1, si cet article était complété par un amendement que j'ai maintenant l'intention de vous présenter. Je l'explique très simplement. Il y a ambiguïté quant à la portée réelle de l'article 1. Le fait de réaffirmer dans l'article 1 que le français est la langue officielle, ce qui est le cas depuis 1774 au Québec, ne constitue certainement pas un acquis et ne constitue en soi certainement pas un point valable d'éclaircissement des intentions du gouvernement sur cette question.

Non seulement devons-nous réaffirmer que le français est la langue officielle du Québec... C'est comme affirmer que le Québec est en Amérique du Nord. Cela n'avance à rien. Le français l'est, la langue officielle du Québec. La preuve, c'est que le texte de loi dont nous parlons est rédigé en français et les conversations que nous avons, ce matin, sont également en français. Personne ne niera qu'actuellement, aujourd'hui même, avant même la loi 22, le français est déjà la langue officielle du Québec. Le problème, c'est qu'elle n'est pas la seule langue officielle du Québec. C'est que, dans toutes ses activités normales et quotidiennes, elle côtoie une autre langue, M. le Président, la langue anglaise.

La preuve en est, encore une fois, que le texte de loi que nous sommes à discuter, non seulement est-il écrit en français, mais sur l'autre colonne et au même titre, est également écrit en anglais. Les documents émanant de cette Assemblée sont, bien sûr, en français, mais ils sont aussi en anglais. Ce que nous devons obtenir, en 1974, d'un gouvernement du Québec, c'est que celui-ci affirme que le français est la seule langue officielle du Québec.

Nous avons tenté cette formule, M. le Président, qui aurait constitué un nouvel acquis dans les droits des Québécois. La majorité ministérielle a battu cet amendement. Nous avons donc tenté, par la suite, avec d'autres amendements, de faire référence afin que l'article 133 de la constitution, qui garantit l'égalité des deux langues au chapitre de l'Assemblée nationale et des tribunaux, n'ait plus effet sur le territoire du Québec. Cela aussi, M. le Président, ils l'ont refusé. Ils veulent toujours revenir à leur vieille formule vide de sens qui dit: Le français est la langue officielle du Québec, ce que tout le monde, le moindre des Québécois, admettra aujourd'hui très facilement. Nous avons proposé hier, M. le Président, que nonobstant l'article 133, aucune autre langue n'aurait de statut officiel au Québec et vous avez jugé irrecevable cette motion — curieusement, vous me permettrez de le dire — après avoir jugé recevable la précédente.

Motion d'amendement

M. CHARRON: Ce matin, M. le Président, pour bien obtenir l'assurance que le français est

la langue officielle du Québec, tel que le dit l'article 1, afin que ceci ait un sens, signifie quelque chose et ne soit pas simplement un radotage d'un état de fait que tout le monde constate quand il le veut, j'ai l'honneur de déposer l'amendement suivant, au nom de l'Opposition, M. le Président: Que l'article 1 soit amendé en ajoutant, à la fin, la phrase suivante —et là j'invite les ministériels à y réfléchir et à en étudier la portée — "Aucune autre langue n'a de statut officiel, à moins qu'une loi de la Législature du Québec ne lui confère expressément ce statut". Je le répète, M. le Président. L'article 1 se lirait donc comme suit: "Le français est la langue officielle du Québec. Aucune autre langue n'a de statut officiel, à moins qu'une loi de la Législature du Québec ne lui confère expressément ce statut".

M. BOURASSA: Cest une vérité de La Palice.

M. CHARRON: Qu'est-ce que cela veut dire?

Ah non! Ce n'est pas une vérité de La Palice.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Permettez-moi de dire quelque chose en partant.Vous parlez sur la recevabilité de la motion.

M. BURNS: Avez-vous des doutes, M. le Président?

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): J'aime autant me renseigner comme il le faut.

M. CHARRON: M. le Président, est-ce que vous pouvez retenir mon droit de parole?

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Sur la recevabilité.

M. CHARRON: S'il y a recevabilité, j'aimerais probablement mieux que ce soit le député de Maisonneuve.

M. BURNS: Le ministre a peut-être l'intention...

M. CLOUTIER: Non, je n'ai pas l'intention de faire perdre le temps de la commission sur la recevabilité.

Je me range à l'avis du président, quel qu'il soit. En revanche, j'ai l'intention d'utiliser mon droit de parole aussitôt que possible sur l'amendement même s'il est jugé recevable.

M. BURNS: M. le Président, je ne ferai pas un long discours là-dessus. Il me semble au départ que la motion, par elle-même, est tout à fait régulière. Elle ne répète aucun des amendements qui ont été défaits. Elle amène une nouvelle nuance dans le débat. Comment voulez-vous que je vous convainque, M. le Président, si vous ne m'écoutez pas?

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): On vous écoute.

M. LEGER: D'abord que vous êtes convaincu.

M. BURNS: J'ai besoin de vos deux oreilles, comme je le disais la semaine dernière, pour que ce que je vais vous dire reste "poigné" entre les deux.

M. le Président, elle apporte la nuance indiquant qu'il est possible qu'à certains égards la Législature du Québec accorde — et une des façons de le faire, ce serait probablement à l'intérieur de cette fameuse loi 22— un certain statut à d'autres langues. En dehors de cela, M. le Président, je ne vois pas comment cette motion, à sa face même, pourrait être jugée irrecevable.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Louis-Hébert.

M. DESJARDINS: Sur la recevabilité, M. le Président, je vous soumets avec tout le respect que je dois à l'Opposition officielle que la motion n'est pas recevable parce que je la compare — évidemment, elle pourrait être recevable — à un autre article, probablement, du projet de loi, sans me prononcer tout de suite là-dessus, de telle sorte que l'Opposition pourrait soumettre le même amendement à une date ultérieure si l'Opposition consent à quitter l'article 1 pour s'aventurer dans l'article 2 du projet de loi. Si je compare la motion actuelle à celle qui a été présentée hier, elle est à peu près semblable quant au fond, parce que celle d'hier disait: Nonobstant l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, nulle autre langue n'a de statut officiel... et aujourd'hui on dit: Aucune autre langue n'a de statut officiel. En fait, c'est cela le fond du débat. C'est exactement la même chose. Mais en plus, je prétends que cette motion est déjà couverte par un premier amendement qui avait été fait la semaine dernière et qui se lisait comme suit: L'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique cesse d'avoir effet en ce qui concerne les matières relevant de la Législature du Québec.

Ce sont, en fait, trois motions de fond qui veulent dire la même chose. Parce qu'on dit ici: "n'a de statut officiel". J'attendais que l'Opposition vous libère pour que je puisse continuer, M. le Président. On dit ici: "n'a de statut officiel". Il faut distinguer entre langue officielle et statut officiel. Je pense que les opinions me semblent d'accord pour dire que l'article 133 ne dit pas que les deux langues, anglais et français, sont des langues officielles. Mais certains pourraient prétendre que l'article 133 confère un certain statut officiel dans le sens suivant. Un statut, d'abord, est une situation de fait.

Bon, je savais que je serais interrompu, je l'aurais gagé.

M. LEGER: Le député de Louis-Hébert...

M. DESJARDINS: On ne peut pas parler, les députés libéraux ne peuvent pas parler à cette commission parlementaire.

M. LEGER: ... a la grande latitude de parler quand il voudra, mais à l'intérieur...

M. DESJARDINS: Cela ne parait pas.

M. LEGER: ... du corridor de l'article qu'il a soulevé, c'est-à-dire la recevabilité de la question. Il est en train de parler de l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique alors qu'il n'en est aucunement question dans la motion. Sur la recevabilité, vous ne devez traiter que des raisons qui existent à l'intérieur des mots qui sont dans l'amendement que nous proposons et, si vous commencez à parler de l'article 133, vous entrez dans le fond. Je suis très heureux de vous entendre sur la question. Mais pas en dehors du sujet sur lequel vous devez parler. Il faut que vous appreniez, en parlant de question de règlement, à rester dans le règlement.

M. DESJARDINS: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Question de règlement, le ministre d'Etat aux Transports.

M. BERTHIAUME: M. le Président, je crois que vous devriez donner tort au député de Lafontaine parce que le député de Louis-Hébert essaie de montrer que les effets de cet amendement sont semblables aux effets d'un amendement antérieur. Pour pouvoir faire cette comparaison, je pense que le député de Louis-Hébert est pleinement justifié de citer l'amendement antérieur et de faire cette comparaison.

M. DESJARDINS: M. le Président, je n'avais pas remarqué la présence du député de Lafontaine. Si je l'avais vu, j'aurais tenté d'être beaucoup plus clair dans mes explications pour être certain qu'il les comprenne. Je continue et je crois que je dois faire une comparaison entre le présent amendement et les amendements antérieurs si je veux démontrer que celui-ci est irrecevable. Parce que, s'il est irrecevable, c'est en fonction des motions antérieures qui ont déjà réglé le fond du problème. Je disais donc, en me référant au premier amendement qui avait été proposé par l'Opposition, qu'il demandait de mettre de côté l'article 133 de la constitution.

J'ai voulu faire la distinction entre langue officielle et statut officiel. Je disais qu'un statut, tout d'abord, c'est une situation de fait et un statut officiel est une situation de fait conférée par l'autorité. Quelqu'un pourrait conclure même si je peux être d'une opinion contraire, que l'article 133 confère un statut officiel. Si c'est le cas, le premier amendement proposé, à savoir que l'article 133 cesse d'avoir effet, et le présent amendement, qui dit qu'aucune autre langue n'a de statut officiel, c'est exactement la même chose, tout en tenant compte du fait de l'autre amendement qui voulait ajouter le mot "seule" à l'article 1 de la loi; alors qu'ici, en disant "aucune autre" ou "seule", en fait, c'est à peu près la même chose sur le fond.

Je prétends toujours q'u'en matière juridique, à l'article 1, tel que rédigé, il n'est pas nécessaire d'ajouter le mot "seule", selon l'esprit du Québec en matière de législation, mais je ne veux pas m'embarquer là-dedans puisque c'était l'objet d'une autre résolution.

Je conclus, M. le Président, en vous disant que, si je prends ces trois résolutions et que je les compare, je ne peux pas faire autrement que de vous dire: C'est le même fond. Je serai obligé, sur cette motion-ci, d'argumenter exactement de la même façon que je l'ai fait sur l'amendement de la semaine dernière, de vous présenter exactement les mêmes arguments. L'inquiétude pour les libertés individuelles que j'ai soulevée, l'inquiétude en matière de consti-tutionalité que j'ai soulevée, je serai obligé de prendre mon discours de la semaine dernière et de vous dire bis, je le dépose. C'est exactement la même chose; je n'aurai même pas besoin de le relire. Ce sont les mêmes arguments, parce qu'ici on fait face au même principe. Je vous remercie, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Maisonneuve.

M. BURNS: J'aimerais revenir sur deux points. Le premier, c'est celui que vient de soulever le député de Louis-Hébert, lorsqu'il dit, au début de son intervention: "Possiblement que cette motion pourrait être recevable, mais ailleurs". Je vous souligne, M. le Président, qu'à l'article 1 on est dans le titre 1 de la loi et que ce titre 1 ne comporte qu'un seul article. Le titre de la langue officielle du Québec n'a que ce seul article: "Le français est la langue officielle du Québec".

M. le Président, si vous regardez aux articles, un peu plus loin, en particulier au titre III du statut de la langue officielle. Vous avez un premier article à ce titre III qui dit que le présent titre règle les effets juridiques de l'article 1, de sorte que cet argument qu'on aurait pu faire lors de notre motion d'amendement, ailleurs, je le retourne tout simplement. C'est que les amendements qu'on pourrait faire ailleurs, on peut les faire à l'article 1 aussi, à cause, si vous voulez, de cette espèce d'éventail ou de juridiction vaste que donne l'article 1, à cause des implications de l'article 1. Je dis, M.-le Président, que ce premier argument, j'espère que vous ne le retiendrez pas.

Le deuxième, du député de Louis-Hébert, c'est qu'il serait obligé de parler de la même

façon sur cet amendement comme il a parlé sur les autres amendements.

M. le Président, à cause de cette largeur de juridiction que donne les mots "à l'article 1", c'est sûr qu'on va encore une fois être obligé de parler de langue officielle sur l'amendement. Ce que je vous demande de remarquer, c'est qu'au fur et à mesure de nos amendements nous avons tenté — et c'est le rôle de l'amendement — de préciser davantage, à chaque fois et de façon différente, Je vous le soumets, ce que le gouvernement veut dire dans son texte, qu'on voit à l'article 1 : Le français est la langue officielle du Québec. Dans un premier temps, on a tenté de façon très rigide de préciser que c'était la seule. Dans un deuxième temps, on a tenté de faire préciser que l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique n'avait aucun effet en ce qui concernait les lois de la Législature du Québec et, finalement, délaissant ces deux premiers aspects, ces deux premiers volets, puisque cela a été rejeté, nous tentons, encore une fois, de préciser — c'est toujours le but de nos amendements, c'est le but essentiel, c'est le but même de n'importe quel amendement — davantage quelle limite le gouvernement se donne dans cette affirmation : Le français est la langue officielle du Québec.

C'est sûr, M. le Président, que le député de Louis-Hébert et que tout autre député à cette commission-ci devront, même sur notre amendement, parler sur la langue officielle. C'est à ce point que l'affirmation, qui se présente à l'article 1, est large. C'est dans ce sens qu'on veut de plus en plus restreindre le sens de ça. Savoir dans quelle limite on devra comprendre le texte de l'article 1.

Sauf, M. le Président, que le député de Louis-Hébert et tout autre député vont être obligés de reconnaître une chose, c'est que ce qu'on demande par notre amendement, par le dernier amendement du député de Saint-Jacques, on demande moins. C'est cela qui est peut-être le critère pour juger si c'est recevable. On demande moins que ce qu'on demandait par les deux autres amendements. C'est sûr. Comme je le disais hier soir, on est dans une progression descendante dans les amendements. C'est sûr que si on ne veut pas insérer le mot ''seule" après langue officielle ou avant la langue officielle, c'est possible que le gouvernement puisse dire: On ne veut pas le mot "seule", mais on serait d'accord pour fa.ire référence à l'article 133. On l'a essayé et on s'est fait dire non également pas le gouvernement, de sorte qu'on a le droit maintenant d'essayer encore moins, c'est-à-dire de dire qu'il n'y a aucune autre langue qui a un statut officiel, à moins que les lois du Québec ne le disent.

Il me semble qu'à sa face même, je ne vois pas comment on pourrait trouver cette motion irrecevable. Ce n'est pas parce _qu'on va parler du même sujet sur notre amendement que c'est un amendement qui est identique au fond comme le veut l'article 63. Je vous cite le premier paragraphe: Une motion ne doit pas soulever une question identique au fond à une question dont l'Assemblée a décidé pendant la session en cours, à moins qu'elle n'indique de nouveaux faits. Or, si vous lisez les trois amendements, c'est-à-dire celui qui avait été déposé à l'origine par le chef de l'Opposition, celui qui par la suite a été déposé par le député de Lafontaine et celui que maintenant le député de Saint-Jacques dépose, c'est sûr qu'il y a une progression descendante. Il y a un decrescendo, si on peut dire. Si vous avez jugé recevable la deuxième motion, celle qui a été faite par le député de Lafontaine, après qu'on a déjà décidé du fameux amendement disant que le français sera la seule langue officielle, il me semble que c'est dans cette suite logique que nous amenons ce troisième amendement. Si vous avez jugé le deuxième recevable, parce qu'il" demandait moins que le premier amendement, il me semble que le troisième qui vient d'être fait par le député de Saint-Jacques est aussi recevable que le deuxième l'était, par rapport au premier.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne) : Le chef de l'Opposition officielle.

M. MORIN: J'aimerais intervenir très brièvement sur la question de la recevabilité. Le député de Louis-Hébert nous a dit, il y a un instant, que la motion du député de Saint-Jacques est semblable sur le fond à la toute première qui vous a été soumise il y a quelques jours, suivant laquelle le français serait désormais la seule langue officielle du Québec. Je soutiens le contraire. Si le député de Louis-Hébert nous sert le même discours tout à l'heure, ce sera tant pis pour lui; il passera à côté de la question.

M. DESJARDINS: Et tant pis pour vous.

M. MORIN: Oui, ce sera sûrement dû à son manque d'imagination; je n'ose mettre en cause son manque de connaissances juridiques.

M. DESJARDINS: Ce ne sont pas les recher-chistes qui font notre travail.

M. MORIN: Si le député veut dire qu'il y a une similitude exacte entre ce que vient de proposer le député de Saint-Jacques et la première motion, il se trompe. D'abord, parce que nous n'utilisons pas le même vocabulaire, et, deuxièmement, parce que même si on pouvait soutenir que le premier membre de la phrase "aucune autre langue n'a de statut officiel" ressemble à l'expression que nous proposions selon laquelle seul le français est la langue officielle, nous avons ajouté "à moins qu'une loi de la Législature du Québec ne lui confère expressément ce statut".

Même le député de Louis-Hébert admettra que c'est là une nuance fort importante, et que, juridiquement, la situation n'est plus la même.

C'est comme si nous avions ajouté, après "le français sera la seule langue officielle du Québec", l'expression "à moins qu'une loi de la Législature du Québec ne lui confère expressément ce statut". Je pense que le député de Louis-Hébert sera obligé d'admettre que c'est un amendement qui change le fond du problème.

L'article 133 — je voudrais l'ajouter très brièvement — n'est pas en cause. D'après plusieurs experts — et le ministre de l'Education a semblé se rallier à cette opinion hier au cours de l'une de ses interventions — l'article 133 ne confère pas de statut officiel aux langues. Il accorde simplement des droits limités, des privilèges limités à l'anglais et au français. Ce n'est pas moi qui ai mis de l'avant cet argument. C'est plutôt le ministre de l'Education, hier. Eh bien! s'il en est ainsi, je soutiens que notre amendement est tout à fait recevable.

L'article 133 n'est pas en cause et ne va pas à rencontre de ce dont nous parlons dans cet amendement, qui ne confère point une série de droits spécifiques, comme dans l'article 133, mais un statut officiel. M. le Président, pour tout dire, je ne vois pas comment le gouvernement pourrait refuser cet amendement. Il est tout à fait conforme à ce que le premier ministre et le ministre de l'Education nous déclarent depuis plusieurs jours. Ils nous disent qu'ils sont en faveur du français, "seule" langue officielle. Remarquez bien que, lorsque nous leur avons proposé de le dire expressément à l'article 1, ils se sont défilés; ils ont voté contre.

Mais, officiellement, ils continuent de prétendre que le résultat de l'article 1, tel qu'il est rédigé, sans les amendements, est de faire du français la seule langue officielle du Québec. Nous lui donnons l'occasion de le dire de manière expresse. Lorsque nous avons voulu lui donner cette occasion grâce à l'addition du mot "seule", on nous a donné pour seule raison fondamentale la redondance. On ne nous a pas dit qu'on était contre le fait de dire que le français était la "seule langue officielle"; on nous a dit: "la", signifie la même chose que "la seule". C'est absurde! Mais enfin, c'est ce que le gouvernement a soutenu.

Nous donnons l'occasion au député de Louis-Hébert, de même qu'au gouvernement, de dire carrément que le français est la "seule" langue qui ait un statut officiel au Québec. Nous avons fait plusieurs tentatives, mais nous comprenons que celles qui touchaient à l'article 133 pouvaient paraître irrecevables au gouvernement, puisqu'il se refuse à toucher à l'article 133. Nous avons toujours soutenu, nous, qu'il le pouvait. Le député de Louis-Hébert, je le pense, m'aura suivi dans ce raisonnement. C'est le gouvernement qui nous dit qu'il est lié par cet article et qu'il ne saurait y toucher avant une nouvelle conférence constitutionnelle qui aura lieu dans la semaine des trois jeudis.

Nous laissons donc de côté l'article 133. Nous ne voulons pas que le gouvernement se sente empêché par cet obstacle juridique de dire clairement qu'aucune autre langue n'aura de statut officiel au Québec. Nous voulons que le gouvernement dise, dans la loi, ce qu'il a proclamé dans sa propagande commerciale à l'intention des Québécois. Qu'il dise clairement que le français sera la "seule" langue officielle.

M. HARDY: La recevabilité.

M. MORIN: M. le Président, je conclus, sur la recevabilité, en disant que nous voulons simplement aider le gouvernement à préciser sa pensée et, du même coup, je pense que nous donnerions aux Québécois une idée beaucoup plus claire du sens précis de cette loi.

Je vous remercie.

M. LEGER: M. le Président, sur la recevabilité, seulement quelques minutes.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne) : Le député de Lafontaine.

M. LEGER: Le sens même du fonctionnement d'une législation est qu'un gouvernement présente un projet de loi ou un article, entre autres, et cet article est l'intention actuelle du gouvernement. Le rôle de l'Opposition est, de son côté, soit d'accepter, soit d'être en opposition complète, soit de faire préciser, soit d'amender selon son objectif.

C'est donc dire qu'au départ les deux partis, le parti gouvernemental et le parti de l'Opposition, ont un rôle à jouer et le rôle de l'Opposition est de confirmer son opposition s'il est opposé à tel article, par un amendement radical à cet article. Dans le but d'arriver à un certain compromis entre les deux thèses, si l'Opposition a réussi à convaincre le gouvernement de corriger cet article, le gouvernement devrait, s'il est convaincu, accepter un amendement.

Si l'amendement radical n'est pas accepté, le rôle de l'Opposition est de dire — puisqu'il veut être conforme avec son objectif — On va apporter un autre amendement qui est un peu moins radical, qui se rapproche de l'article tel que préconisé par le gouvernement avec des arguments supplémentaires. A ce moment, on se trouve peut-être à dire au gouvernement : Vous n'acceptiez pas notre position radicale du premier amendement, mais peut-être que vous pourriez accepter un amendement qui tienne compte un peu de votre réaction à notre premier amendement. A ce moment, si le gouvernement refuse, le rôle de l'Opposition, — si elle est toujours opposée — est d'arriver avec une autre opposition d'amendement qui est de moins en moins radicale et qui se rapproche de plus en plus de la position du gouvernement pour l'article 1. En ce qui nous concerne, c'est ce que nous avons fait : en arriver à un compromis. Pour nous, ce qui est essentiel, c'est qu'au moins on se rejoigne entre les deux et non pas que les 4/5 du chemin soient faits par le parti de l'Opposition.

C'est la raison pour laquelle la première motion était radicale. On voulait que le gouvernement mette "la seule langue officielle" et comme il s'est opposé à cet article, on est arrivé en lui disant: On va cesser d'appliquer l'article 133. C'est un peu moins radical, mais cela enlevait le champ précis qui nous préoccupait. Par la suite, étant donné que cela a été battu, on arrive avec l'amendement disant qu'il n'y aura pas d'autres langues officielles puisque vous dites que c'est la langue officielle. Mais si le gouvernement devait en mettre une autre, il pourrait le faire par une législation du Québec qui lui conférerait ce statut expressément.

C'est donc dire que c'est dans la ligne exacte du rôle de l'Opposition. Si ce n'est pas cela le rôle de l'Opposition — si on est opposé complètement à un article particulier — de se présenter avec des amendements radicaux et, graduellement, de se rapprocher, espérant que le gouvernement fera son bout du chemin. Il n'y a plus de raison pour une Opposition d'apporter des amendements, si ce n'est pas dans cette veine.

Ce n'est pas parce qu'un premier amendement radical est refusé qu'on ne peut pas proposer d'autres amendements qui se rapprochent et le pire amendement qu'on pourrait apporter est l'article tel quel.

Nous allons lutter le plus longtemps possible dans cette veine qui est le rôle précis de l'Opposition, soit de ramener le gouvernement à une réalité qui tient compte des arguments de l'Opposition. De la réalité que l'Opposition peut présenter devant les yeux du gouvernement de façon que cet article tellement litigieux et, en ce qui concerne l'article 1, c'est le plus litigieux de toute cette loi... C'est important que cette fois-ci, M. le Président, vous soyez certain que vous ne brimez pas le rôle précis, louable, sérieux du parti de l'Opposition qui veut absolument mettre toute son argumentation pour convaincre le gouvernement de préciser — non pas d'une façon électorale, partisane ou publicitaire — cette loi, mais que cela soit bien inscrit dans la loi parce que — sauf pour le projet de loi pour la protection du consommateur où la publicité fait partie de la réglementation de la loi, c'est-à-dire que la publicité elle-même fait partie du contrat — nous autres, dans la loi sur la langue, on veut que cela ne soit pas la publicité, que cela soit exactement dans le projet de loi et dans l'article comme tel.

M. HARDY: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Lamontatne): Le ministre des Affaires culturelles.

M. HARDY: ... devant le problème de la recevabilité des motions, les députés ministériels sont placés devant un dilemme. Ou bien nous faisons valoir, comme l'a fait d'une façon très brillante le député de Louis-Hébert, nos objections à la recevabilité, ce qui a pour conséquence...

M. DESJARDINS: Merci.

M. HARDY: ... de nous associer presque directement aux jeux ou au "filibuster" du Parti québécois. D'autre part, je ne pense pas — à cause des précédents que les décisions à cette commission peuvent poser — que l'on puisse fermer les yeux et laisser aller les choses seulement dans le but de ne pas prolonger inutilement les débats. Donc, je vais tenter, M. le Président, de résoudre ce dilemme en disant ce que j'ai à dire, mais le plus brièvement possible.

Toute l'argumentation du député de Lafontaine est fondée sur le rôle de l'Opposition, et ce qu'il a dit est assez juste. Je suis un de ceux, M. le Président, qui croient — même si on semble en douter dans certains milieux — fermement à l'Opposition et c'est peut-être une espèce de nostalgie ou de désir inconscient que j'ai toujours chez moi, de siéger dans l'Opposition qui me fait...

M. LEGER: Avec quelques petites corrections, on vous acceptera.

M. BURNS: Cela viendra.

M. LEGER: Avec quelques petites corrections majeures, on vous acceptera.

M. HARDY: ... qui m'incite à...

M. BURNS: Votre avenir est là d'ailleurs. Votre avenir est dans l'Opposition.

M. HARDY: ... toujours voir de façon assez sympathique le rôle de l'Opposition.

M. MORIN: Oh, oui!

M. HARDY: M. le Président, je pense que votre collègue, le député de Maisonneuve, pourrait vous donner quelques indications là-dessus.

M. LEGER: C'est à cause du lapsus que vous avez eu en disant cela.

M. BURNS: Je peux témoigner de cette opinion que le ministre mentionne. Lorsque nous avons fait la refonte des règlements, je pense qu'il était — il faut lui rendre hommage là-dessus — l'un de ceux qui voulaient le plus protéger les droits de l'Opposition. D'ailleurs, c'est une de ses bonnes décisions quand il était vice-président. Il avait dit: Dans le cas de doute, le moindrement qu'il y a un doute sur la recevabilité d'une motion, mon rôle comme président, c'est de pencher en faveur de l'Opposition et il faut lui rendre hommage là-dessus.

M. HARDY: Si j'étais encore vice-président, M. le Président, si je présidais encore les travaux, je soutiendrais encore cette théorie.

M. BURNS: Bravo!

M. HARDY: Mais, M le Président, même si j'admettais en totalité les prétentions du député de Lafontaine, je vous dirais qu'en ce moment votre rôle n'est pas d'interpréter le rôle de l'Opposition en soi, votre rôle est d'interpréter le règlement tel qu'il est. Si le règlement encore une fois ne correspond pas exactement au rôle que l'Opposition devrait jouer, qu'on amende ce règlement! Il serait possible d'amender l'article 63, afin de le rendre plus permissible. Mais tel qu'il existe actuellement, je soutiens que l'amendement proposé par le député de Saint-Jacques ce matin est irrecevable et c'est ici que je vais être très bref. Il est irrecevable pour les mêmes raisons que celles qui ont été invoquées hier au sujet du dernier amendement proposé qui a été déclaré irrecevable. Quant au fond, quant à la substance, cet amendement du député de Saint-Jacques est identique à des amendements sur lesquels on s'est déjà prononcé. On peut élaborer toute la théorie de la décroissance et c'est vrai, c'est exact que si on examine le chapelet des motions d'amendement proposées par l'Opposition, il y a une décroissance, c'est-à-dire que leur portée est moins globale, mais la substance de ces motions reste la même. La substance de ces motions, c'est de dire, quand l'article 1 dit : La langue française est la langue officielle, cela n'exclut pas d'autres langues, c'est cela le fond de la motion. Les péquistes disent quand l'article 1 dit : Le français est la langue officielle du Québec, cela n'exclut pas d'autres langues et toutes les motions qu'ils ont soumises ont pour but de clarifier ou d'ajouter à cet article. Toutes, quant au fond, quant à la forme, diffèrent. Elles sont moins extensives, mais quant au fond, c'est toujours la même chose, c'est toujours de dire: L'article 1 n'est pas suffisamment clair, il n'est pas total. Donc, on va ajouter une explication.

Alors, M. le Président, je dis que, quant au fond — et encore une fois je serais prêt à considérer avec beaucoup de sympathie d'amender l'article 63 pour donner plus de latitude à l'Opposition dans des cas semblables — avec l'article 63 tel qu'il est et si on se réfère pour l'éclairage à l'ancien règlement, je prétends que cette motion n'est pas recevable.

M. BURNS: M. le Président, un dernier point que je vais...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: Je remercie le ministre d'avoir ainsi appuyé la recevabilité de notre motion parce qu'il vous a mis dans la tête un doute quant à la recevabilité et, alors, si on applique ce "rolling", si vous me passez cette expression, de l'ancien vice-président de la Chambre, votre ancien collègue, je pense que vous devez pencher en faveur de la recevabilité.

Je veux simplement ajouter ceci, M. le Président. Le député de Lafontaine a merveil- leusement verbalisé ce que tentais de vous expliquer par le decrescendo de nos amendements. Je prendrai l'exemple suivant. On ne se querellera pas, vous et moi, si on dit... Prenons l'exemple du cas de l'augmentation de salaire des juges. On s'était querellé à ce moment-là, mais pas là-dessus. Si l'Opposition, devant la proposition gouvernementale d'augmenter le salaire des juges de $5,000 par année, avait dit: Nous proposons de changer le chiffre $5,000 par $4,000 et d'argumenter sur ces $4,000. Si vous voulez, prenons n'importe quel chiffre, prenons $4,000. On argumente cet amendement et le gouvernement, fort de sa majorité, défait notre amendement; je pense bien que, c'est là-dessus qu'on ne se querellera pas. Vous n'auriez pas jugé irrecevable une autre motion venant de l'Opposition, venant de quelqu'un qui a droit de parole, pour que le chiffre $5,000 soit changé par $4,250. Cela aurait été possible tant et aussi longtemps que des droits de paroles eussent existés. Je pense qu'on va être d'accord là-dessus, M. le Président. D'ailleurs, ça s'est fait à plusieurs reprises, peut-être pas dans le cas de l'augmentation de salaire des juges, toutes les fois qu'on a parlé de chiffrage quelconque dans une loi.

Or, ce que nous faisons, par nos amendements, c'est un peu ça. C'est le chiffrage mis dans des mots. En somme, c'est une quantité diminuée qu'on veut imposer — diminuée par la progression des amendements — à l'article principal, à la motion principale, qui est l'article. Ce qu'on fait, tout simplement, c'est de diminuer, comme le disait le député de Lafontaine, ou tenter de diminuer au fur et à mesure la marge entre l'affirmation du gouvernement qui est la proposition principale et la position originale ou originaire de l'Opposition qui disait: "la seule". La marge ou le fossé, par la progression de nos amendements, diminue de plus en plus entre la position d'origine du gouvernement et la position d'origine de l'Opposition. Dans ce sens, je vous soumets respectueusement, M. le Président, que vous devez juger recevable cette motion.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Avant de rendre ma décision, je voudrais considérer, une fois de plus, les amendements antérieurs qui ont été apportés dont je n'ai pas le texte exact devant moi. Je vais suspendre pour dix minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 53)

Reprise de la séance à 12 h 8

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je voudrais d'abord rappeler que j'ai écouté avec beaucoup d'attention les interventions des deux partis, celui de l'Opposition et le ministériel, et je dois rendre un hommage particulier à l'hono-

rable député de Saint-Jacques pour la subtilité de cette motion qui pose quelquefois des problèmes particuliers.

Voici ce à quoi j'en suis venu. C'est qu'à mon avis cette motion est moins restrictive, moins forte, et elle confère un statut moins exclusif au français. C'est pour cette raison que je vais la déclarer recevable, en mentionnant cependant que j'ai un doute certain selon lequel cette motion pourrait peut-être aller à l'encon-tre de l'article 133 qui confère déjà un certain statut à deux langues. De toute façon, je la déclare recevable.

M. CLOUTIER: Qui est-ce qui va parler?

M. CHARRON: Le subtil député de Saint-Jacques. Merci, M. le Président.

M. CLOUTIER: M. le Président, personne n'a parlé sur le fond de la motion du côté de l'Opposition.

M. LEGER: On commence.

M. MORIN: Nous commençons, parce que ce n'était jusqu'ici que la recevabilité.

M. CLOUTIER: Parfait.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Lafontaine.

M. LEGER: M. le Président, l'amendement que le député de Saint-Jacques a présenté disant qu'aucune autre langue n'a de statut officiel, à moins qu'une loi de la législature du Québec ne lui confère expressément ce statut, c'est tellement vital pour ce projet de loi que l'on clarifie immédiatement l'article 1 qui parle du français comme langue officielle. Cette précision doit être faite pour que, dans l'esprit des Québécois, ils sachent que ce projet de loi n'est pas une redondance avec l'article 133, mais bien une possibilité que le français devienne la seule langue officielle. C'est pour cette raison, M. le Président, que nous avons présenté cette motion-ci.

Je lisais — et je pense que c'est tout à fait pertinent à la discussion — une déclaration d'une personnalité, M. Hamelin, qui a une formation en géographie, en histoire, en droit, qui est l'auteur de très nombreuses publications, qui oeuvre dans les organismes culturels, qui a aussi une formation d'économiste — c'est autant l'économiste que l'homme de culture qui parle — et qui disait: "La culture est en train de prendre le pas sur l'économique.

On n'a qu'à considérer le remous que soulève l'étude du projet de loi 22 pour s'en rendre compte. Nous sommes entrés dans une nouvelle phase où le principe des nationalités joue plus au niveau de la culture qu'à celui de l'Etat politique. Plus loin, il disait: "Cette nouvelle situation dans laquelle le monde entier se trouve plongé, et d'ailleurs s'il y a lieu de se réjouir, crée et créera des problèmes énormes. Les valeurs culturelles, étant de plus en plus importantes, il nous faudrait des hommes et des femmes politiques extrêmement compétents pour faire passer ces idées de la prépondérance de la culture sur l'économique. Je me demande si nous les avons".

D'ailleurs, Daniel Johnson avait déjà dit, lors d'une conférence qu'il prononçait à Toronto — à ce moment-là, il parlait du Canada, c'était avant qu'il parle de Egalité ou Indépendance — que le Canada devrait être fondé davantage sur la culture que sur l'éducation. M. Hamelin, que je citais tantôt, rattache une autre phrase aussi poétique que vraie, elle est du poète Pierre Perreault qui disait: Les Canadiens nous offrent un pays à exploiter, mais, nous, nous cherchons un pays à aimer. Autrement dit, M. le Président, au lieu de dire: Que sert à l'homme de gagner l'univers —je dirais: Que sert aux citoyens de gagner beaucoup d'argent, s'ils n'ont pas du plaisir à le dépenser à l'intérieur même de leurs possibilités et de leur culture? C'est-à-dire tout ce qu'ils vont aimer par la culture. C'est donc la raison pour laquelle, M. le Président, je me dis...

M. DEOM: Le député de Lafontaine devient poète.

M. LEGER: ... que l'homme Politique averti — Politique avec un grand P — devra établir une harmonie, un équilibre entre les valeurs culturelles et le développement économique. Ce but, s'il est atteint, deviendra véritablement l'art de gouverner, l'art de faire de la vraie et de la grande politique.

M. le Président, cette domination des valeurs culturelles, qui est un phénomène mondial, s'est faite en réactions sourdes et inconscientes contre ce qu'on appelle les abus épouvantables des grandes compagnies multinationales, les contrôleurs de l'économie. Il s'agit, en somme, d'une résistance que je dirais subconsciente à l'establishment, laquelle se manifeste par la remise en valeur des éléments culturels et par les mouvements des minorités qui rejettent ces valeurs économiques dans le schème des valeurs traditionnelles de tout citoyen du monde.

M. le Président, nous sommes en train d'étudier un projet de loi dont la portée, comme on l'a dit, peut être néfaste ou bienheureuse pour l'ensemble de la collectivité québécoise. Nous avons devant nous un gouvernement entêté plutôt que ferme. Un gouvernement qui ne devrait pas faire montre d'entêtement, mais devrait plutôt faire montre de fermeté pour la bonne cause, fermeté dans la protection des droits des francophones. Un gouvernement majoritaire, avec le nombre de députés élus, ne doit même pas mettre de l'avant l'argument électoraliste; s'il faut faire ou présenter des mesures un peu impopulaires, mais qui sont conformes aux besoins mêmes de cette société — c'est quand un gouvernement

est fort numériquement qu'il doit le faire. C'est sûr que ce n'est pas toujours populaire d'apporter aux Québécois ou aux citoyens de n'importe quel pays des mesures dont ils ont besoin, mais où la société de consommation et le climat publicitaire de cette société créent chez ces citoyens des caprices, alors que les besoins fondamentaux ne sont pas tout à fait ressentis dans le conscient des citoyens. Ils le ressentent dans le subconscient, mais ils ne le ressentent pas dans le conscient, ils ne le réclament pas comme tel.

Un gouvernement, qui est là pour gouverner, doit aller en avant de ces besoins. Il n'est pas là pour apporter des mesures populaires uniquement, il est là pour apporter des mesures selon les besoins des citoyens qui l'ont élu. S'il ne le fait pas, c'est qu'il ne répond qu'à des besoins électoraux et non pas selon les besoins réels des Québécois.

Le gouvernement devrait avoir une fermeté dans la défense des droits des francophones et non pas un entêtement à donner des droits juridiques des anglophones, qui n'avaient que des privilèges, sauf pour les deux cas qu'on sait très bien, conférés par l'Acte de l'Amérique du Nord. Le français, c'est la langue de la vie pour les Québécois francophones, et ce devrait être la langue de l'Etat, la seule langue de l'Etat. Aussi, nous avons même proposé pour être certains que le gouvernement ne se joue pas de mauvais tour avec son projet de loi, d'entendre M. McWhinney. Hier, en m'en revenant rapidement en automobile pour participer pendant que 91 députés libéraux étaient en vacances... Nous revenions rapidement participer au débat sur le projet de loi 22, à ce moment j'écoutais à la radio une entrevue avec M. McWhinney, faite directement de Londres avec M. McWhinney qui disait qu'il n'avait pas été convoqué à la suite de la demande de l'Opposition sur le projet de loi 22. Ce que vous avez dit hier...

M. CLOUTIER: Avez-vous des références? Je vais faire relever le texte.

M. LEGER: Je pense que c'est à l'émission "Présent".

M. CLOUTIER: A "Présent", hier.

M. LEGER: Je pense que c'est l'émission "Présent" d'hier, autour de midi.

M. CLOUTIER: D'accord!

M. LEGER: M. McWhinney disait justement qu'il serait intéressé à venir à la commission, mais qu'il n'avait pas eu d'invitation, qu'il aurait des choses à dire et que puisqu'on a réussi à le rejoindre pour l'émission Présent, le gouvernement et les ministres, à notre demande, auraient pu le rejoindre et le faire venir.

M. HARDY: La pertinence.

M. LEGER: Mais ils ne l'ont pas fait et cela a été rejeté.

M. CLOUTIER: Le problème n'était pas là.

M. LEGER: Mais on a réussi à le rejoindre et je vous dis qu'il était prêt à venir.

M. HARDY: On n'a jamais dit qu'on ne pourrait pas le rejoindre.

M. LEGER: Oui, le ministre a même dit: Votre motion est un peu ridicule, puisque M. McWhinney est en Angleterre actuellement.

M. CLOUTIER: Pas du tout, j'avais en main une excellente consultation. Enfin, écoutez, restez-en donc à la pertinence! Vous nous faites perdre assez de temps.

M. LEGER: Justement, c'est ce que le ministre vient de dire. Il parle un peu comme le député Phaneuf, le ministre des sports. Quand il dit: On n'a pas besoin... Je n'ai pas parlé sur le projet de loi 22 encore, ce n'est pas de cela que je parle, mais....

M. PHANEUF: J'invoque le règlement.

LE PRESIDENT (M. Lamontange): Le ministre responsable de la Jeunesse, des Loisirs et des Sports.

M. LEGER: Vous ne savez même pas de quoi je vais parler.

M. PHANEUF: Non, mais c'est que le député Phaneuf, ce n'est pas une façon d'interpeller un autre membre ni en commission, ni en Chambre.

M. HARDY: II n'y a pas encore de comté Phaneuf.

M. LEGER: Vous avez raison, je retire le mot "Phaneuf", parce que ce n'est rien de nouveau. Je ne veux pas dire qu'il soit vieux, parce qu'il vient juste d'être nommé. Il a raison de dire que c'est le ministre des Sports que j'aurais dû mentionner.

M. HARDY: M. le Président, sur la question de règlement. J'appuie la question de règlement invoquée par le député de Vaudreuil-Soulanges. Toutefois, je souligne qu'il est fort possible un jour, étant donné la qualité du travail de mon collègue, lors d'une éventuelle refonte de la carte électorale, qu'un comté soit appelé le comté Phaneuf pour rendre hommage à celui qui aura tant fait dans le monde du loisir et du sport.

M. LEGER: Maintenant que l'encenseur a envoyé des coups d'encens par en dedans, l'encensoir, c'est cela, l'encensoir, non par

l'ascenseur. L'encenseur a envoyé des coups d'encensoir.

M. HARDY: Encore une fois, il ne faudrait pas le projet de loi 22 ait des dents trop longues, parce que le député de Lafontaine se retrouvera en mauvaise posture.

M. DEOM: II est presque temps qu'on adopte l'article 1.

M. LEGER: M. le Président, pour revenir à ce que je disais, j'étais en train de dire que le ministre des Affaires culturelles nous a dit: Moi, M. McWhinney, j'ai un rapport écrit, et cela me suffit. Comme le député de Vaudreuil-Soulanges, ministre des Sports disait: Moi, j'ai mes différents rapports des commissions, etc., et des études, cela me suffit. L'Opposition, qui aura à juger des lois qui vont être présentées, ce n'est pas nécessaire qu'elle voit cela, je l'ai, et cela me suffit. C'est un peu l'attitude gouvernementale qu'on voit de plus en plus, soit de dire: Nous, on a les documents, et cela nous suffit.

M. DEOM : Ce n'est pas beau.

M. LEGER: M. le Président, l'Opposition a le droit de demander ces documents. C'est pour cela que je faisais l'analogie entre le comportement du ministre de l'Education et le ministre d'Etat aux Sports. Alors, c'est sûr que s'il y a un gouvernement qui peut faire du Québec une terre où le français est la seule langue officielle, c'est uniquement le gouvernement provincial actuellement, l'Etat du Québec. Nous avons au Canada neuf provinces unilingues et une province bilingue. Ce qui veut dire que la province bilingue, c'est la nôtre. Les neuf autres provinces, qu'il y ait des francophones en certaine quantité, qui atteignent un certain nombre cela n'a aucune importance, ce sont neuf provinces unilingues.

On ne peut pas s'attendre du gouvernement fédéral, avec ceux qu'on vient encore d'élire en otages, que le Canada ait le courage, avec ses députés fédéraux, de faire une région unilingue dans ce grand et vaste pays du Canada. On ne peut pas s'attendre qu'on ait le courage de faire des régions unilingues ou des districts unilingues comme le Québec, entre autres, comme c'est le cas dans le pays de la Belgique où vous avez deux régions unilingues, unilingue wallonne et unilingue flamande, comme c'est le cas dans les vingtaines de cantons de Suisse où il y a une démarcation précise, des parties de cantons qui sont unilingues allemands ou italiens ou français, et que même une majorité d'un bord, avec un vote ou un recensement... pas un recensement...

M. BURNS: Un référendum.

M. LEGER: ... avec un référendum peut permettre de créer un autre district unilingue,

M. le Président. Ce n'est pas le gouvernement du Canada qui va permettre à la seule province qui est bilingue, celle qui a une majorité francophone, d'avoir un district unilingue. Les neuf autres provinces sont unilingues anglophones. Pour quelle raison n'aurait-on pas une province, où il y a une majorité à 80 p.c, unilingue francophone?

Ceci permettrait deux autres objectifs importants. C'est que des francophones, se sentant protégés, en sécurité dans un Etat unilingue, seront beaucoup plus tolérants pour la minorité. Cela permettra une plus grande "bilinguisa-tion" des Québécois, parce qu'actuellement il y a des Québécois qui craignent de devenir bilingues — c'est malheureux! — parce que l'Etat n'est pas unilingue. Ils craignent qu'en apprenant l'anglais ou en favorisant l'anglais dans le bilinguisme, ils soient les seuls à le faire et que les anglophones, sachant qu'ils peuvent s'exprimer avec eux dans la langue anglaise, n'auront pas à apprendre le français. Cela crée un dilemme. On est dans une ambivalence constante. Tandis que, quand on a des situations claires, un Etat unilingue, les citoyens peuvent être bilingues, autant les francophones que les anglophones, et la différence qu'il y a entre un Etat unilingue et les citoyens unilingues est complètement débalancée actuellement parce que les gens mélangent les deux.

Ce que nous voulons, M. le Président, c'est l'unilinguisme d'Etat avec un bilinguisme des individus. Plus les individus seront bilingues, mieux ce sera pour eux, pourvu qu'ils soient capables d'être égaux devant toutes les situations. C'est-à-dire que, si le français est la langue officielle et la seule langue officielle, à ce moment, un francophone, qui est bilingue, est toujours mieux préparé à faire face à des situations de travail, à des situations dans le domaine économique ou dans le domaine industriel ou dans n'importe quel domaine. C'est dans sa langue maternelle qu'il peut réellement être au meilleur de ses possibilités. Ce n'est pas parce qu'il parle deux langues qu'il devrait être capable de monter dans une compagnie. C'est parce qu'il est capable, dans sa propre langue, à cause de sa propre compétence, d'accéder aux plus hauts postes en place. Tandis qu'actuellement, on est obligé d'apprendre deux langues, par obligation, par le contexte dans lequel on vit, et ceci brime les Québécois. Actuellement, une majorité de Québécois, quand ils répondent à un sondage, se sentent déjà limités dans leurs possibilités de jugement. Trop de Québécois s'imaginent que la situation ne peut pas se changer, que c'est absolument essentiel, pour gagner sa vie, d'apprendre l'anglais. Ceci devrait être faux! Un gouvernement fort devrait être capable de corriger cette situation, c'est-à-dire que, pour les Québécois, ce n'est pas essentiel d'être obligé d'apprendre l'anglais pour gagner sa vie. C'est cela qui est un dilemme actuellement. Les Québécois se sentent limités par cela, et ils pensent que cela ne

se corrige pas. Si le français devient la seule langue officielle et la langue de travail, M. le Président, les Québécois vont être heureux — à cause du contexte nord-américain, à cause de la puissance économique et à cause du système dans lequel nous vivons — d'apprendre une deuxième langue. Mais pas pour leur permettre d'obtenir des promotions. Parce qu'actuellement, des unilingues anglophones peuvent monter plus rapidement que les bilingues francophones. Le système actuel est en défaveur des Québécois.

C'est pour cela, M. le Président, que seul le gouvernement actuel, le gouvernement des Québécois qui peut être celui-là ou un autre qui le remplacera bientôt, peut réellement trouver une solution au problème linguistique. C'est pour cela que nous, de l'Opposition, nous trouvons ça un "flop" monumental. Le premier ministre lui-même sait que son projet de loi est un "flop" monumental, parce qu'il essaie de faire plaisir à tout le monde et son père.

Faire croire aux francophones qu'on veut légiférer et, en même temps, faire peur aux anglophones pour que les francophones s'imaginent qu'on a amélioré quelque chose parce que les anglophones ont eu une peur...

Mais une fois que les anglophones ont fait certaines manifestations, on les a rassurés. Il reste quand même encore deux personnes, deux députés ministériels qui attendent à la fin des amendements pour voir s'ils vont se rapprocher, mais les journaux anglophones leur ont dit: Pas de problème. Vos droits linguistiques sont protégés. Maintenant que les anglophones sont calmés, sont rassurés, ils retournent chez eux... Les francophones qui ne lisent peut-être pas le Star et la Gazette ne savent pas que les droits linguistiques des anglophones sont non seulement assurés, mais qu'on leur en confère encore onze ou douze supplémentaires dans un texte de loi, chose qu'ils n'avaient pas auparavant. C'est important que les Québécois francophones le sachent parce que s'ils ne le savent pas, ils vont se faire leurrer par la propagande absolument mensongère du premier ministre qui continue à dire que le français est la seule langue officielle au Québec.

M. HARDY: C'est vrai que le français est la seule langue officielle.

M. LEGER: C'est vrai que la propagande du premier ministre est mensongère.

M. HARDY: C'est vrai que la langue française est la seule langue officielle.

M. LEGER: Alors, mettez-le dans le texte de loi.

M. BEDARD (Chicoutimi): Si on réussit à adopter l'article 1.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!

M. LEGER: Dites-le dans le texte de loi. Tant que vous ne le direz pas, nous ne le croirons pas.

M. HARDY: Nous ne radotons pas, nous. Nous disons une chose une fois, et c'est assez.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!

M. LEGER: Je pense que c'est absolument essentiel que le gouvernement adopte, accepte l'amendement présenté par le député de Saint-Jacques qui permettrait justement de clarifier l'article 1, soit l'article de l'ouverture complète de la lumière sur le reste du projet de loi. Combien de fois avons-nous dit que si l'article 1 était le seul adopté, ce serait acceptable, mais comme il y a 129 articles qui suivent, l'article 1 ne peut pas être accepté comme tel.

M. HARDY: Si on ne disait pas comment cela s'appliquerait, cela resterait un voeu pieux...

M. LEGER: Vous ne dites pas comment cela sera appliqué, vous indiquez comment cela sera restreint. Ce n'est pas pareil. C'est le mauvais train. Ce n'est pas un train solide. Si le Parti québécois se bat comme un déchaîné sur l'article 1, c'est parce que c'est le point vital de ce projet de loi et chacun des amendements que nous avons apportés avait pour but justement de faire prendre position, clairement, au départ. Le ministre de l'Education doit être très heureux puisqu'il voulait qu'on engage un débat sérieux à l'article 1. C'est ce que nous faisons, un débat sérieux, solide et ferme, de l'Opposition. Car on veut que les Québécois, quand ce bill 22 sera, peut-être, s'il est adopté, ou s'il est retranché ou s'il est retardé... On est encore dans l'indécision dans ce domaine; on va savoir, après le caucus du Parti libéral qui va se tenir tantôt, ce qu'il va décider là-dessus: Est-ce qu'il est retardé, accepté ou retranché? Est-ce qu'on passe la guillotine? Est-ce qu'on retourne à l'automne, ou est-ce qu'on le passe à travers les députés qui se tiennent debout?

M. HARDY: Ou si on fait des efforts pour faire comprendre les péquistes.

M. LEGER: Pardon? Je n'ai pas entendu votre intervention.

M. HARDY: Peut-être qu'on va arriver, à la conclusion, à trouver de nouveaux efforts pour vous faire comprendre quelque chose.

M. LEGER: Ah! ... faire comprendre quelque chose, mais vous ne pouvez pas faire comprendre...

M. HARDY: Brillante intervention.

M. LEGER: Malgré toutes les interventions,

les quelques arguments que vous avez mis de l'avant devant nos motions, la seule personne qui a dit quelque chose et qui l'a été répété — c'est une redondance — c'est le mot "redondance" du premier ministre quand on a voulu faire mettre le mot "seule" dans l'article 1. C'est la seule fois où les députés ministériels en étaient venus au fond de la question. Nous avons apporté quatre motions d'amendement à la motion principale du ministre de l'Education.

M. HARDY: C'est toujours de la redondance.

M. LEGER: Vous n'avez jamais déterminé pourquoi vous étiez contre. Vous avez simplement voté contre...

M. HARDY: Vous n'avez rien compris.

M. LEGER: Le seul mot que vous avez dit: C'est une redondance. Cela veut dire la même chose. Je vous ai dit : Si cela va sans dire, cela va mieux en le disant, si vous ne voulez pas le dire à l'article 1, c'est parce que vous en connaissez les conséquences pour le reste de votre projet de loi et pour le reste de l'adoption de cette loi, pour le reste des Québécois.

Le mot "seule" est essentiel; l'amendement que nous proposons est de permettre justement que si le français est la langue officielle des Québécois au Québec, il faut, nécessairement qu'aucune autre langue n'ait de statut officiel. A moins qu'une loi de la Législature, et on verra si le gouvernement aurait le courage de présenter une loi officielle pour qu'une autre langue soit officielle, parce que si vous ne le faites pas, et si vous adoptez notre amendement, cela veut dire que seul le français est la langue officielle...

Si vous n'adoptez pas, actuellement, l'article 1 qui dit que le français est la langue officielle, comme l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique n'est pas abrogé ou ne cesse pas d'avoir effet au Québec, cela veut dire que l'anglais est aussi une langue officielle que la langue française au Québec.

Vous n'aurez rien changé. Vous allez tromper les Québécois et vous allez donner dans une loi des pouvoirs accrus aux anglophones. Ce que tout Québécois, dans la situation actuelle, dans la situation contraignante de la langue anglaise au Québec, dans la situation où l'anglais est la langue assimilante, où les anglophones assimilent les francophones, où les immigrants vont neuf fois sur dix du côté anglais, où la force économique est du côté anglais, la force politique est du côté anglais et la force numérique est du côté anglais... Si vous ne faites pas du français la seule langue officielle, vous avez encore manqué le bateau et comme je le disais hier, le Titanic libéral va s'effondrer, va faire naufrage sur l'iceberg du Parti québécois qui représente un dixième seulement des forces des Québécois francophones qui s'opposent au Parti libéral.

M. HARDY: Des rêves, des rêves, des rêves!

M. LEGER: M. le Président, les gens du Titanic n'ont pas rêvé, ils se sont noyés.

M. DEOM: La banquise va fondre, avec la chaleur qu'il fait là.

M. HARDY: Est-ce que le député de Lafontaine...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le ministre de l'Education.

M. CLOUTIER: J'ai décidé, M. le Président, d'intervenir immédiatement, même si je n'ai guère d'illusion. Je sais que la manoeuvre d'obstruction du PQ continuera et que chacun de ses députés voudra répéter les mêmes choses. Il est clair que le Parti québécois ne souhaite pas pénétrer dans le corps de la loi et tente toutes les manoeuvres possibles pour bloquer à l'endroit où nous sommes rendus. Il essaie de faire croire aux Québécois que le texte de l'article 1 est ambigu. Je soutiens, M. le Président, que c'est exactement l'inverse et que, si nous adoptions les amendements successifs du Parti québécois, c'est à ce moment qu'on le rendrait ambigu. En effet, que dit-il, cet article 1? Il affirme clairement la souveraineté du Québec en matière linguistique. Il dit de la façon la plus lumineuse possible: "Le français est la langue officielle du Québec". Il faut comprendre l'article 1 comme je l'ai déjà souligné, parce que moi aussi je suis amené à répéter au stade du débat où nous en sommes, il faut le lire en fonction de l'article 5. L'article 5 du titre III se lit de la façon suivante: Le présent titre règle les effets juridiques de l'article 1. Qu'est-ce que cela signifie? Cela signifie que le français devient la langue officielle et qu'il n'y en a pas d'autre, mais, que par l'article 5, les règles d'usage sont édictées de manière à déterminer, dans une société qui compte une minorité de 20 p.c. d'anglophones, la place respective du français et de l'anglais. Le français a la primauté partout, mais l'anglais, sur le plan des droits individuels et dans le cadre de deux régimes particuliers, peut continuer d'être utilisé. Ceci ne veut pas dire autre chose et c'est pour cela que je prétends que rien ne peut être plus clair que l'article 1, et tout amendement serait-il accepté, y apporterait une confusion et une confusion dangereuse. C'est d'ailleurs ce que souhaite le Parti québécois et je vais vous le prouver. La discussion tourne autour de l'article 133. Nous avons choisi de ne pas le modifier et c'est là un choix politique. Pourquoi? Mes collègues l'ont abondamment prouvé. Parce que l'article 133 confère des droits individuels au Parlement et devant les cours de justice. Aurions-nous supprimé 133 que nous aurions été obligés immédiatement de réintroduire les droits qu'il protège, tant pour les francophones que pour les anglophones.

Nous aurions fait un exercice parfaitement stérile et surtout nous aurions fait un exercice comportant des risques sur le plan de la constitutionnalité.

C'est, M. le Président, le chef de l'Opposition lui-même qui nous a incités, lors de la discussion de cette motion, à entendre un certain nombre d'experts constitutionnels. C'est le chef de l'Opposition lui-même qui nous a incités à la plus grande prudence, qui nous a dit qu'il ne fallait pas prendre le moindre risque sur le plan constitutionnel. Je vais le citer dans le texte, pour qu'on sache exactement quelle est la véritable signification de ces amendements et pour qu'on sache exactement que tout ce que le PQ cherche actuellement à obtenir c'est d'empêcher que cet article soit adopté tel quel et permettre cette affirmation claire et nette de notre souveraineté en matière linguistique.

Voici ce que dit le chef de l'Opposition le 18 juillet: "La question de la constitutionnalité du bill 22 est maintenant évoquée dans presque tous les journaux. Ce qui reste de l'opinion publique à cette époque-ci en est saisi. Qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, cette question va devoir être vidée parce qu'autrement on s'exposerait, comme l'a fait remarquer un certain editorial ce matin, à aboutir devant la cour Suprême du Canada". "A voir cette loi, dans l'année et dans les deux ans qui suivent son adoption, déclarée inconstitutionnelle — c'est ça que souhaite le PQ actuellement — aurions-nous adopté ses amendements quant à certaines de ses dispositions fondamentales? Or, le premier ministre n'ignore certainement pas, comme juriste, que cela met en danger l'ensemble du texte de la loi, étant donné la doctrine, appliquée très fréquemment par les tribunaux canadiens et britanniques, qu'on ne peut diviser les diverses parties d'un projet de loi. Je suis d'autant plus inquiet — c'est toujours le chef de l'Opposition qui continue — si cela devait aboutir devant la cour Suprême, le Québec aurait probablement très peu de chances de s'en tirer". Le chef de l'Opposition est inquiet et, maintenant, il nous incite à prendre un risque sur le plan constitutionnel et je vais vous prouver qu'à adopter le moindre de ces amendements, nous le prenons ce risque. Je continue mes citations.

M. MORIN: Je vous invite à clarifier la situation, c'est le contraire de ce que j'ai dit.

M. CLOUTIER: Je m'excuse, M. le Président, j'ai la parole et j'ai l'intention de l'utiliser.

M. MORIN: Oui, mais c'est le contraire de ce que j'ai dit.

M. CLOUTIER: Le chef de l'Opposition continue, je cite encore, toujours le 18 juillet: "Le seul véritable danger, sur le plan constitutionnel, c'est que cette affaire soit amenée devant les tribunaux et donc, éventuellement, devant la cour Suprême du Canada". Je saute quelques phrases. "Je suis d'avis que, dans toutes les causes importantes, ce tribunal, de par sa constitution même, ne peut trancher en faveur du Québec à cause des pressions politiques, sociales, qui s'exercent sur lui". Je laisse au chef de l'Opposition la paternité de ce jugement de valeur. Je ne veux pas me prononcer là-dessus. Mais ceci renforce encore sa citation parce que, non seulement il a des doutes sur la constitutionnalité, toucherions-nous à l'article 133, mais également il a des doutes sur la cour Suprême qui serait peut-être amenée à trancher.

Je continue, M. le Président, et ce que je dis est important parce qu'il est quand même temps que l'on apporte un certain nombre de précisions et qu'on dise les choses comme elles sont. Autre citation, toujours le 18 juillet: "Deux problèmes disctincts — dit le chef de l'Opposition — dans l'ordre constitutionnel sont soulevés par le projet de loi qui nous est soumis. Premièrement, la question de la constitutionnalité par rapport à l'article 133 du British North America Act et, en second lieu, la question des droits linguistiques par rapport aux garanties confessionnelles accordées par l'article 93 de la même loi impériale".

Par conséquent, le chef de l'Opposition admet qu'il y a un danger et il nous a même incités, je crois l'avoir prouvé, à ne pas prendre de risque à cet égard. Maintenant, par cette série d'amendements qui sont uniquement, même s'ils restent habiles, d'ordre dilatoire, il tente de nous faire tomber dans ce qui est clairement un piège. M. le Président, je vous ai expliqué que nous avions choisi de ne pas modifier l'article 133 et, l'aurions-nous modifié, nous prenions, à ce moment-là, un risque constitutionnel inutile d'autant plus que nous aurions rétabli les mêmes droits immédiatement. Nous apportions des modifications qui auraient créé des difficultés d'interprétation en rapport avec l'article 5 qui détermine des règles d'usage pour le français, comme d'ailleurs pour l'anglais, qui est quand même parlé ici, qu'on le veuille ou non par un million de Québécois.

Egalement, M. le Président, nous aurions donné un caractère ambigu à une déclaration qui est extrêmement simple et qui est une déclaration de principe et qui n'est pas démentie, quoi qu'on prétende, par le reste de la loi. M. le Président, je voudrais également revenir sur ce raisonnement du professeur Chevrette qu'a cité, à plusieurs reprises, le chef de l'Opposition et que j'ai cité moi-même. Je voudrais y revenir parce que le professeur Chevrette manifeste qu'on est en présence de ce qu'il appelle un faux débat. Je n'ai pas besoin de dire au chef de l'Opposition qu'il est possible d'amender une loi directement ou indirectement. On peut amender une loi en disant que tel article de la loi ou telle loi est abrogée, ou on peut présenter une autre loi qui fait en sorte que la loi antérieure n'a plus d'effet, parce que

c'est un principe de droit que c'est toujours la dernière loi qui prévaut. Mes collègues libéraux qui sont juristes pourront me démentir, si je me trompe.

Le raisonnement du professeur Chevrette se base très certainement sur ce principe et il revient à ceci: De deux choses l'une, ou le projet de loi 22 est incompatible avec l'article 133 et, à ce moment-là, l'article 133 cesse d'exister, ou le projet de loi 22 n'est pas incompatible avec l'article 133 et ne touche pas à l'article 133; à ce moment-là, pourquoi s'en occuper? Il me paraît absolument clair comme de l'eau de roche que les amendements qui nous sont présentés ont uniquement, malgré leur habilité, je le répète, le caractère dilatoire que je vous ai décrit et qu'il est absolument inutile de modifier l'article 1, qui dit exactement ce que ce gouvernement veut faire et ce que ce gouvernement veut accomplir.

Le chef de l'Opposition a également cité le professeur McWhinney et, en fait, il a repris une citation dont j'ai fait état lors d'une de mes interventions.

Cette citation semble prouver que l'article 133, d'après ce professeur, ne créerait pas le français et l'anglais comme langues officielles, ne créerait même pas d'égalité de ces deux langues, mais se contenterait d'apporter des règles qui en déterminent l'usage dans deux secteurs précis, c'est-à-dire les tribunaux et le Parlement.

Pour ma part, cela m'a paru évident, parce que comme je ne suis pas juriste, je n'ai pas besoin d'une espèce de retournement de mon esprit pour comprendre les choses telles qu'elles sont écrites. C'est avec plaisir que j'ai constaté, en lisant la consultation du professeur McWhinney, que c'est, au fond, la base même des règles d'interprétation britanniques. Ce qui prouve qu'il n'est peut-être pas toujours souhaitable d'avoir trop de science pour comprendre les choses.

Je suis tout prêt à admettre le point du professeur McWhinney et, en fait, je m'en suis servi pour démolir l'argumentation du PQ lors de sa première motion. Mais je suis aussi obligé d'admettre que tout le monde n'est pas d'accord avec le professeur McWhinney, à commencer par le professeur Chevrette. Je suis obligé d'admettre que persiste un doute sérieux, et précisément parce qu'il persiste un doute sérieux, il n'y a aucune utilité à prendre le risque que ceci comporterait. D'autant plus que ceci ne change en rien — et je le maintiens M. le Président — la portée de la loi. Je vous remercie.

M. HARDY: Vote, vote.

M. MORIN: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable chef de l'Opposition officielle.

M. MORIN: Le ministre vient d'interpréter à sa façon les motions que l'Opposition soumet à votre attention depuis quelques jours. Le ministre a fort bien expliqué, mais en jouant quelque peu sur les mots, que les articles 5 et suivants de la loi précisent la portée juridique de l'article 1.

En réalité, M. le Président, les articles 5 et suivants limitent — ils ne font pas que préciser, ils limitent — la portée de l'article 1, selon lequel le français est la langue officielle du Québec, au point que nous pouvons dire sans nous tromper que les articles 5 et suivants et en particulier les articles 9, 13 et 15 en particulier, pour ne pas parler des autres, démentissent littéralement l'article 1.

Le ministre, de surcroît, a oublié de nous parler de l'article 2, lequel instaure un régime selon lequel les langues anglaise et française seront utilisées dans la publication et l'impression des lois au Québec. Quand on tient compte de l'article 2 et des articles 5 et suivants, il ne reste pas grand-chose du caractère officiel du français, en tant que seule langue officielle au Québec.

J'y reviendrai tout à l'heure. Je voudrais pour l'instant commenter quelques-unes des déclarations que le ministre vient de faire à l'emporte-pièce. Il est vrai que, dans plusieurs de mes interventions, j'ai incité le gouvernement à être clair. Je n'ai pas parlé de prudence, j'ai parlé de clarté. Que les Québécois, qu'ils soient francophones ou anglophones, sachent exactement à quoi s'en tenir avec ce projet de loi.

Ce qui frappe à la lecture du projet, quand on se donne la peine de le parcourir, c'est l'ambiguïté de ses principales dispositions. C'est le nombre de "néanmoins" et de "toutefois", "d'excepté que", de "sauf que", de "cependant" qui le caractérisent...

M. HARDY: Dix-huit...

M.MORIN: ... et sur des points fondamentaux, pas seulement sur des droits individuels comme c'est le cas dans notre programme, mais sur des points intéressants, le statut précis, officiel, de la langue française.

M. le Président, j'ai voulu, à plusieurs reprises, inciter le gouvernement à être clair comme le Manitoba l'a été en 1890, lorsqu'il a aboli l'usage de la langue française. Telle qu'elle est rédigée, la loi permet de soulever des difficultés d'ordre constitutionnel et même l'article 1, tel qu'il est rédigé, si on le complète par l'article 2 et les articles 5 et suivants, soulève des questions constitutionnelles et pour une raison bien simple, — le ministre, sûrement, l'aura compris, — c'est parce que nous laissons intact l'article 133. C'est pour cette raison qu'à plusieurs reprises, dans nos amendements, nous avons proposé que l'on abroge et que l'on cesse de rendre applicable au Québec l'article 133. Enfin, hier soir, dernière de nos motions, refusée, rejetée, par le président, cette fois, nous proposions la formule utilisée par le

Manitoba pour écarter l'usage de la langue française. Le Manitoba, en effet, a réussi à instaurer l'anglais comme seule langue officielle de cette province sans que la question de la constitutionnalité de cette loi soit soulevée. Je le souligne au ministre pour le cas où il ne le saurait pas. Mais, comme nous l'avons dit déjà à plusieurs reprises, je ne vois pas comment il a pu passer par-dessus ce petit détail. Le Manitoba a réussi ce tour de force d'abolir la langue française et de s'en tirer sur le plan constitutionnel. C'est pourquoi nous avons dit: Procédons comme le Manitoba. Ayons la même subtilité. A vrai dire, la législation manitobaine a été peut-être plus claire encore que la législation québécoise. La législation manitobaine a dit: Désormais l'anglais sera la seule "the only official language", la seule langue.

M. HARDY: C'est faux.

M. CLOUTIER: Lisez! Lisez le texte.

M. MORIN: Oui. Nous allons le lire avec grand plaisir.

M. HARDY: C'est absolument faux.

M. MORIN: J'ai bien hâte de voir comment vous allez pouvoir plaider le contraire.

M. CLOUTIER: Lisez le titre, M. HARDY: Très clairement.

M. MORIN: Le titre, M. le ministre, c'est peut-être une chose que vous ne savez pas, puisque vous n'êtes pas juriste, et...

M. CLOUTIER: Je sais, je sais.

M. MORIN: ... cela répondra sans doute au ministre, l'autre jour, quand il faisait des jeux de mots avec...

M. CLOUTIER: Quand j'ai essayé de vous expliquer que le préambule devait être expliqué à la fin, je vous ai également expliqué que le titre était sur le même plan que le préambule.

M. MORIN: Laissez-moi continuer, M. le ministre, vous allez voir ce qu'il en est. Le titre de l'Acte du Manitoba, chapitre XIV des lois de 1890, ne contient pas le mot "only", le mot "seul". Mais, le ministre sait très bien que les titres n'ont aucune force de loi, les titres n'ont pas plus de force de loi que le titre du bill 63 intitulé hypocritement Loi pour favoriser ou pour promouvoir, ce qui est encore pire, parce que le mot "promouvoir" n'est pas français dans ce sens, Loi pour promouvoir la langue française alors qu'on sait ce qu'il en était du bill 63. Eh bien! vous pouviez plaider et vous auriez pu plaider avec raison que le titre n'a pas de force juridique. Ce qui compte, c'est l'article 1. C'est ce qu'on appelle le dispositif de la loi. Que disait la loi du Manitoba, elle disait, je traduis librement : "Quoique puisse contenir tout statut ou loi en sens contraire, la langue anglaise sera utilisée seule dans les archives et les journaux de l'Assemblée législative de la province de Manitoba..."

M. HARDY: Dit l'article 6 de notre loi.

M. MORIN: "... de même que dans toute plaidoirie devant les cours du Manitoba". La dernière phrase est peut-être la plus importante, et c'est celle-là sur laquelle nous nous appuyons depuis plusieurs jours: "Les lois de la Législature de la province du Manitoba pourront n'être publiées et imprimées qu'en langue anglaise".

M. HARDY: Cest à l'article 6.

M. MORIN: Comment osez-vous dire cela, alors que l'article 2 dit le contraire? Vous avez vraiment du culot, M. le ministre, vraiment. Vous jouez avec les articles comme on joue avec des boules. Malheureusement, les articles de ce projet de loi ont une signification précise. Chaque mot pèse. En refusant ce que nous avions proposé l'autre jour, c'est-à-dire d'ajouter le mot "seule" dans l'article premier, vous avez en fait dévoilé votre jeu. Vous avez démontré que vous n'étiez pas prêts à faire du français la seule langue officielle du Québec dans le texte de la loi, alors que dans vos discours et dans la camelote que vous colportez à travers le Québec, vous avez utilisé constamment cette expression de la seule langue officielle du Québec.

M. HARDY: Parce que c'est vrai.

M. MORIN: Nous vous avons mis au défi de le mettre dans la loi. Vous ayez refusé. Ne dites pas le contraire! Maintenant, on vient nous dire que nous avons incité à la prudence. Nous avons incité à la clarté. Si ce gouvernement prétend vraiment qu'il est en train de proclamer le français comme seule langue officielle du Québec, qu'il le dise clairement dans la loi, qu'il cesse de chercher des faux-fuyants et qu'il fasse comme le Manitoba. Alors, il n'y aura même pas de désaveu, puisqu'il n'y a pas eu de désaveu de la part du pouvoir fédéral dans le cas de la Loi manitobaine de 1890. En se fondant sur ce précédent, il est même possible qu'on puisse se faire donner raison par la cour Suprême du Canada, ce dont je doute fort, c'est une autre affaire.

M. le Président, puisqu'il n'y a rien à faire du côté de l'article 133, comme nous l'avons proposé depuis deux jours, puisque le gouvernement s'estime lié par cet article, alors que le Manitoba lui ne s'est pas estimé lié lorsqu'il s'est agi de faire disparaître le français, nous allons donner au premier ministre et au ministre

de l'Education l'occasion de préciser leur pensée. Nous avons fait ce nouvel amendement sur mesure. Nous l'avons rédigé de façon que le gouvernement vraiment cette fois, ne puisse pas refuser. S'il refuse cela, c'est vraiment qu'il joue sur les mots sur toute la ligne et qu'il n'a aucunement l'intention de faire du français la seule langue officielle du Québec.

En fait, prenons l'article 1 tel qu'il est rédigé actuellement, cet article que nous tentons de modifier dans le sens de la clarté depuis plusieurs jours. Il nous dit: Le français est la langue officielle du Québec. Que voilà une grande découverte! Le français a toujours été la langue du Québec depuis que cette ville est fondée, depuis qu'il y a dans ce pays des activités en langue française. Le français a été, est devenu, est demeuré la langue du Québec. H n'est pas besoin de constater une chose comme celle-là. C'est évident que le français est la langue officielle du Québec. Il n'en a jamais été autrement. Le problème n'est pas là.

Le problème, c'est qu'il y a une autre langue officielle qui s'est imposée depuis 1759, dans les faits d'abord, dans les textes de loi ensuite, et notamment dans l'article 133. Le problème, c'est que le Québec est la seule province de ce pays qui s'est vu imposer une seconde langue officielle par l'article 133 et par le "British North America Act".

Voilà le problème! Il ne sert à rien de nous dire que le français est langue officielle, nous le savons! Tout le monde le sait! L'article 133 le reconnaît aussi. Le problème, c'est qu'il y a deux langues officielles. Le problème, c'est que, comme le montre amplement d'ailleurs ce projet 22 lui-même, les textes de loi sont rédigés en deux colonnes, l'une anglaise et l'autre française.

Voilà le problème! Et ce n'est pas la rédaction actuelle de l'article 1 qui le règle. Je dirais même, M. le Président, que l'article 1, dans sa rédaction actuelle, est inutile. Il est inutile ! Il ne change rien à la situation existante. Il n'ajoute rien aux droits des Québécois. Le français est langue officielle du Québec déjà. Mais les aspirations des Québécois ont beaucoup évolué depuis cent ans, voire depuis deux siècles que nous subissons le joug étranger, et c'est maintenant que surgit le problème de savoir si l'on peut faire du français la seule langue officielle du Québec, tout en respectant certains droits minoritaires, bien sûr. Il n'est pas question de vouloir écraser les individus qui ne parlent pas le français, quoique je tienne à dire que, si nous votions en faveur du français, seule langue officielle, cela créerait immédiatement une dynamique nouvelle, une situation nouvelle qui amènerait les anglophones à l'apprendre, la langue française. Et bientôt, on se trouverait devant une situation de fait où le français serait la langue de tout le monde, la langue de la vie quotidienne, la première dans les affaires, dans l'atelier, dans l'école, partout. Avec le projet qu'on nous propose, ce n'est pas cela qui va se produire, parce que le ministre lui-même a montré le bout de l'oreille, parce qu'il y a des articles dans ce projet qui font que l'anglais, chassé apparemment, dans les apparences, par l'article 1, revient en force dans les articles qui suivent.

L'article 1, c'est un décor. C'est de la poudre aux yeux. Et comme l'a très bien vu une certaine presse anglaise, notamment la Gazette, l'article 1 c'est un "psychological ploy", un truc psychologique pour dire aux francophones du Québec: Voyez comme on est gentil. On dit: Le français est la langue officielle du Québec.

On pense que les Québécois arrêteront de lire après cela. Ils vont s'asseoir et vont dire: Tout est réglé. Mais non, tout n'est pas réglé parce que dans les articles suivants et, dès l'article 2, on nous dit que la continuation du système des deux colonnes, l'anglais et le français, des deux versions officielles des lois, va continuer. Alors, qu'on cesse de se moquer de nous, qu'on cesse de se moquer des Québécois, qu'on cesse de nous dire, contrairement à l'évidence même, que cette loi a pour but de faire du français la seule langue officielle du Québec. C'est faux et vous le savez par-dessus le marché.

Seulement, il faut concilier la chèvre et le chou. Il faut faire plaisir aux francophones qui ont des aspirations nouvelles. Il faut leur dire: Votre langue sera officielle, elle l'est déjà, et, d'autre part, faire plaisir aussi aux anglophones, ne pas les inquiéter outre mesure et cela donne les articles 2, 6, 9, 15 et suivants.

Je regrette d'avoir à redire pour la nième fois ces choses, mais à la suite de l'intervention du ministre, je ne pouvais pas faire autrement que de revenir sur ce qui nous semble être le débat de fond. Un journal me fait dire que c'est un débat de cond, c o n d, mais je tiens à préciser que, dès l'article 1, il nous faut préciser cette question. Il faut vider la question, parce que tout le reste s'ensuit.

Si nous décidons maintenant de laisser cet article 1 tel quel, ensuite on nous dira, et regardez bien, je le prédis, dans tous les articles par la suite et dès l'article 2, vous allez nous dire: Mais l'article 1 ne dit pas que le français est la seule langue officielle du Québec, alors on peut adopter l'article 2 tel quel, on peut adopter les articles 6, 9, 13, 15 et suivants tels quels, n'est-ce pas? C'est cela que vous vous apprêtez à nous dire.

M. HARDY: Vous allez être déçu.

M. MORIN: Eh bien, non! Nous voulons qu'il soit clair en commençant...

M. HARDY: Vous allez devenir un faux prophète.-

M. MORIN: ... que la langue française est la seule langue officielle, si nos amendements sont adoptés, ou bien que le gouvernement refuse nos amendements.

M. LEGER: D a commencé après 12 h 40.

M. MORIN: Oui. J'ai encore cinq bonnes minutes. Voulez-vous suspendre maintenant?

M. CLOUTIER: Etant donné que le Parti québécois a un caucus, d'après ce que j'ai entendu dire, on pourrait peut-être considérer qu'il est une heure, nous aussi, mais on pense aux autres.

M. MORIN: Alors, considérons qu'il est une heure.

M. LEGER: Vous pensez à notre caucus, alors on va penser au vôtre.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): La commission suspend ses travaux à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 58)

Reprise de la séance à 15 h 7

M. LAMONTAGNE (président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre, messieurs !

Le chef de l'Opposition officielle, pour cinq minutes additionnelles.

M. MORIN:' M. le Président, ce matin, au moment où nous avons suspendu nos travaux, j'étais à expliquer pourquoi l'Opposition a tenté, à plusieurs reprises, depuis trois jours, d'obtenir des modifications de l'article premier du bill 22. J'ai constaté, au départ, que cet article tel qu'il est rédigé, par sa forme actuelle, ne change rien à la situation existante au Québec. Le français est déjà la langue du Québec et le français l'est depuis plus de trois siècles que nous travaillons et que nous peinons pour développer ce pays. Dire que le français est la langue officielle du Québec ne change rien à la situation existante. C'est tout l'article qui est en quelque sorte redondant, pour utiliser le vocabulaire du premier ministre dans un autre contexte, par rapport à la réalité québécoise. C'est un peu, ai-je dit l'autre jour, comme si le premier ministre faisait une grande proclamation officielle que le Québec est situé en Amérique du Nord. Forcément, tout le monde s'en doute, tout le monde le sait déjà. C'est pourquoi, pour bien faire préciser la portée de cet article, nous avions d'abord soumis un amendement à l'effet que le français serait la seule langue officielle du Québec. Cette formule aurait eu pour effet de clarifier une fois pour toutes le statut de l'anglais.

Dans l'état actuel des choses, le français est certainement la langue officielle du Québec, mais le problème, c'est qu'il y en a une autre aussi, il y a une autre langue qui est également une langue officielle au Québec. Parce que, depuis 1759, elle s'est imposée d'abord dans les faits pour ensuite être consacrée par le droit et, en particulier, par l'article 133 du British North America Act. Comme le gouvernement a refusé notre première proposition, qui aurait eu l'avantage d'être claire, quand on dit que le français est la seule langue officielle du Québec, il n'y a plus de doute, nous pensions que nous répondions au désir du premier ministre qui se promenait depuis quelque temps sur les tribunes pour dire que l'effet du bill serait effectivement de faire du français la seule langue officielle du Québec.

Mais quand nous l'avons mis au défi de l'inscrire dans la loi elle-même, dans le texte de loi, alors il a reculé et il est bien visible que c'est parce qu'une autre langue possède également un statut officiel au Québec.

D'ailleurs, dès l'article 2, dès les articles suivants, 5, 6, 7, 9, 11, 15, nous allons retrouver des droits de la langue anglaise. C'est pourquoi nous avons proposé l'abolition de l'article 133. Plus tard, nous avons proposé, une

fois cet amendement refusé par les ministériels, de faire en sorte que l'article 133, qui reconnaît les privilèges officiels à l'anglais, que cet article cesse de s'appliquer au Québec. Nous avons été battus là-dessus également.

Finalement, hier soir, le président a déclaré irrecevable notre motion selon laquelle, nonobstant l'article 133, il n'y aurait eu au Québec qu'une seule langue officielle. Alors, repoussés comme nous le sommes par les gouvernementaux dans notre tentative de clarifier le statut du français par rapport au statut de l'anglais, repoussés dans toutes nos tentatives qui ont pour but de faire reconnaître, une fois pour toutes, le caractère officiel de la seule langue française, nous présentons, cet après-midi, cet autre amendement, selon lequel aucune autre langue n'a de statut officiel au Québec, à moins qu'une loi de la Législature du Québec ne lui confère expressément ce statut.

Nous pensons que cette dernière proposition, le gouvernement ne pourra pas la refuser. Elle est vraiment faite sur mesure pour répondre à ses voeux. En effet, de deux choses l'une. Ou bien, comme on nous l'a rappelé hier, comme le ministre de l'Education l'a fait hier, l'article 133 ne confère pas de statut officiel à l'anglais, mais seulement une série de droits statutaires. Dans ce cas-là, le gouvernement ne peut certes avoir aucune espèce d'objection à ce que nous présentions cet amendement. Il l'acceptera d'emblée, j'en suis sûr, puisque nous disons simplement, tout en laissant l'article 133 en place, qu'aucune autre langue n'a de statut officiel à moins que, par la suite, dans la suite de ce bill 22 ou dans d'autres lois qui viendront par la suite, l'Assemblée nationale ne décide de conférer expressément le statut de langue officielle à l'anglais.

Donc, si on l'interprète de cette façon, la proposition est tout â fait réconciliable avec les attitudes gouvernementales. Ou bien alors, l'article 133 confère des droits de langue officielle à l'anglais sur le territoire québécois, non pas seulement, comme je le disais à l'instant, des droits statutaires, des droits limités, des droits spécifiques, mais un caractère beaucoup plus global de langue officielle. Dans ce cas, c'est ce même article 133 qui empêche le gouvernement de faire du français la seule langue officielle.

D'ailleurs, le premier ministre nous l'a dit: L'article 133, nous entendons le respecter; nous sommes liés par cet article. Dans ce cas, nous lui donnons, avec cet amendement, l'occasion de-nous dire que malgré l'article 133, aucune autre langue que le français n'a de statut officiel. Dans un cas comme dans l'autre, nous répondons au voeu du gouvernement si tant est qu'il soit sincère lorsqu'il dit aux Québécois qu'il entend véritablement faire du français la seule langue officielle.

Remarquez que nous sommes enclins à croire que ce sont là des jeux de mots. Nous sommes enclins à croire qu'après le passage du bill 22, on verra dans nos lois, comme toujours depuis je ne sais combien d'années, depuis deux siècles maintenant, les lois en deux colonnes, c'est-à-dire on verra les lois en anglais et en français tout aussi bien comme par le passé. C'est d'ailleurs ce que nous dit l'article 2 que nous allons discuter plus tard au cours de ce débat.

Nous avons des doutes sur les véritables intentions du gouvernement et c'est pour cela que nous avons présenté, au départ, notre premier amendement visant à dire dans la loi, clairement, que le français serait la seule langue officielle du Québec, tout en reconnaissant, par ailleurs, les droits individuels de la minorité anglophone. Faut-il le répéter, donner à une langue, reconnaître à une langue le statut de langue officielle, cela ne signifie pas abroger les droits individuels des citoyens de ce pays. Au contraire, on sait que le Parti québécois, là-dessus, a pris position avec beaucoup de fermeté?

Combien de temps me reste-t-il, M. le Président?

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Votre temps est dépassé depuis déjà deux minutes.

M. MORIN: Dans ce cas, je vous remercie de m'avoir laissé en venir à mes conclusions. Je dirai simplement que nous ne voyons aucune raison pour laquelle le gouvernement voterait contre cet amendement. Nous l'avons fait en désespoir de cause en quelque sorte pour répondre à ses intentions. Je vous remercie.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Mont-Royal.

M. CIACCIA: M. le Président, je ne suis pas membre de cette commission, mais je voudrais me prévaloir du droit de parole que la commission a accordé à tous les membres de l'Assemblée nationale. J'écoute attentivement depuis une semaine les arguments que porte contre le projet de loi 22 le Parti québécois et les arguments qu'on porte en faveur du projet de loi 22 du côté du parti ministériel. Je trouve que le débat sur le projet de loi 22 se fait dans une atmosphère totalement irréaliste.

You are discussing bill 22 in the presence only, in my opinion, of the extreme French element, extreme separatist element of the population. And it is totally impossible to have a rational discussion of the rights of the minorities, of the rights of the English-speaking community in this type of atmosphere. Vous essayez de convaincre l'audience, c'est l'impression que j'ai.

M. BURNS: M. le Président, question de règlement. Je demande tout simplement à ce que le député de Mont-Royal s'en tienne à la motion, premièrement — laissez-moi terminer ma question de règlement — qu'il s'en tienne â la question de règlement. Deuxièmement, qu'il

ne confonde pas des choses. Troisièmement, qu'il se rende compte d'une chose, c'est que lui-même a voté en faveur de la fin des travaux de la commission, après la première lecture, là où véritablement certains éléments anglophones n'ont pas été entendus, même s'ils ont été entendus à 75 p.c. des mémoires présentés, les autres 25 p.c. aurait pu être entendus. Nous étions d'accord.

M. CIACCIA: Question de règlement, moi aussi.

M. BURNS: Qu'il ne mêle pas des choses, M. le Président, c'est mon deuxième point, c'est qu'à cette commission nous sommes en train d'examiner le projet du gouvernement, ce que le gouvernement veut faire avec le projet de loi 22, pas plus et pas moins. C'est pour cela que je soulève la question de règlement, c'est-à-dire relativement à la pertinence du débat.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je vais saisir l'occasion que le député de Maisonneuve me fournit pour dire — et je pense que tout le monde en a été fort conscient — que moi-même et l'autre président, le député de Gatineau, avons donné beaucoup de liberté à tous les opinants pour s'exprimer sur les motions d'amendement ou de sous-amendement.

A un certain moment, vu qu'encore une fois vous m'en donnez l'occasion, presque toutes les interventions se sont faites en dehors des questions pertinentes des amendements ou sous-amendements, Mais compte tenu que l'environnement de l'article 1 est passablement le même, on est parfois allé assez loin. C'est pour cela que si un député, comme le député de Mont-Royal, pour la première fois, prend la parole à cette commission, je pense qu'il faudrait lui donner la même latitude que nous avons accordée à tous ceux qui ont pris la parole au cours des jours précédents, en vous rappelant, parce que c'est inscrit au journal des Débats, que plusieurs députés sont allés chercher bien loin leur intervention.

M. BURNS: Non, M. le Président, je suis d'accord là-dessus. Je pense que l'étendue ou la portée de l'article 1 permet une longue et une large discussion. Là-dessus, on n'a pas de chichi à faire. Mais, on veut tout simplement qu'on ne s'éloigne pas quand même de l'article 1 et, actuellement, le député de Mont-Royal s'éloignait même de l'article 1. D'ailleurs, je ne le blâme pas. On ne le sait pas. Depuis ce midi, il n'est peut-être plus membre du caucus. On ne le sait pas. Il est peut-être...

M. BOURASSA: Parlez donc de vos problèmes de caucus.

M. BURNS Est-ce que vous parlez en tant que député indépendant?

M. BOURASSA: Parlez donc de vos problèmes de caucus !

M. BURNS: Est-ce qu'il parle en tant que député indépendant, M. le premier ministre?

M. BOURASSA: Vous avez trois tendances et vous êtes six.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je vous ferai remarquer que vous provoquez vous-mêmes certaines interventions.

M. BURNS: Non, mais je veux savoir s'il parle au nom du caucus liberal.

M. CIACCIA: Je parle en mon nom, comme député. D'accord?

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A titre de président, je me dois — et c'est mon devoir de le faire — de permettre à l'honorable député de Mont-Royal les mêmes privilèges que j'ai accordés à d'autres, avec des préambules...

M. HARDY: Ce n'est pas sûr. Ce n'est pas sûr.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): ... qui, souvent, n'avaient aucun rapport avec...

M. BURNS: D'accord, M. le Président!

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Un court préambule. Je pense que l'honorable député est fort conscient...

M. BURNS: D'accord! On est d'accord.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): ... qu'il faut revenir le plus rapidement possible à l'objet de la motion.

M. CIACCIA: Merci, M. le Président. Vous allez voir que je vais me retenir. Je vais parler sur les amendements et sur la...

M. SEGUIN: Point d'ordre.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Excusez. Le député de Pointe-Claire, sur un point d'ordre, un point de règlement.

M. SEGUIN: M. le Président, vous avez dit, à la suite des commentaires du député de Maisonneuve : J'accorderai au député de Mont-Royal le même privilège. Je prétends que c'est son droit de s'exprimer et non pas un privilège. On ne jouera pas sur les mots. Si on a donné des droits à d'autres de le faire, je considère que, en l'occurrence, ce n'est pas un privilège pour le député de Mont-Royal de s'exprimer à cette commission, mais un droit et un devoir de le faire. Alors, si vous voulez peut-être, non pas

me donner raison, mais amender vos commentaires quelque peu, afin que le député ne parle pas à l'intérieur d'une camisole de force.

M. LEGER: M. le Président, sur le point de règlement.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Un instant. Je voudrais répondre, tout de même. Lorsque...

M. LEGER: Sur le point d'ordre.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): ... j'ai parlé de privilège, c'était tout simplement pour mentionner que j'ai accordé à certains députés le privilège de parler un peu en dehors de la motion d'amendement ou de sous-amendement proposée.

Comme on n'a pas le droit de le faire, c'était donc un privilège que nous accordions.

Le député de Lafontaine.

M. LEGER: Sur le point de règlement, je dois dire que nous sommes entièrement d'accord que le député de Mont-Royal s'exprime clairement à l'intérieur du corridor de l'article 1. Nous avons hâte de connaftre ce que le député a à dire concernant ses angoisses, si ces angoisses sont passées, si elles existent encore, concernant la protection des anglophones à l'intérieur du bill 22.

Nous sommes prêts à l'entendre et on va l'écouter religieusement nous gardant l'occasion de répondre à ses angoisses par d'autres intervenants par la suite.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je retiens le mot "religieusement". Le député de Mont-Royal.

M. CIACCIA: On ne dit pas quelle religion. Merci, M. le Président.

M. BURNS: Au pavillon Saint-Dominique.

M. CIACCIA: Merci, M. le Président, encore une fois. Je me retiens, je limite mes paroles, mes commentaires à l'article 1 et les sous-amendements, amendements, il y en a tellement que je crois que j'ai perdu compte de tous les amendements qui ont été présentés, mais c'est dans le cadre des discussions qui ont eu lieu jusqu'à maintenant.

Quand le député de Saint-Jacques, vendredi soir dernier, a fait son intervention si éloquente, je vais être honnête avec vous, M. le Président, j'ai été très ému de cette intervention. D a fait une intervention émotionnelle parce que, dans son coeur, il croit qu'on a abusé des Canadiens français, qu'il y a eu des abus dans le passé et qu'il veut représenter, à sa meilleure façon, les droits, les aspirations des Canadiens français.

Je peux comprendre son angoisse. Je peux comprendre son désir de le faire et je sympa- thise avec lui, sincèrement. Des abus, certainement qu'il y en a eu dansle passé, mais il s'agit de la façon qu'on va réagir à ces abus. Il n'y en a eu peut-être pas seulement dans cet endroit, mais dans d'autres.

Personnellement, moi aussi, j'ai été victime d'abus, mais comment allons-nous réagir à ces abus? Est-ce qu'on va enrouler le drapeau autour de nous, amener une armée derrière nous et commettre d'autres injustices? Est-ce la réponse aux abus du passé, ou allons-nous essayer de chercher rationnellement, sans répéter l'histoire des injustices qui ont été faites dans le passé, afin de trouver une vraie solution aux problèmes qui existent aujourd'hui?

Quant au député de Sauvé, j'ai plus de difficulté à suivre son raisonnement et à suivre ce qu'il essaie de faire croire aux membres de cette commission et au public du Québec. Parce que lui, il a une formation juridique. Il sait certaines choses, les faits de l'histoire, il connaît les faits juridiques et j'ai de la difficulté à comprendre la contradiction qui existe dans son argument.

Quand il dit à propos de la langue officielle du Québec, quand on proclame cet article, qu'on ne fait que répéter que cela fait 350 ans que la langue officielle du Québec est le français, on répète seulement que le Québec est en Amérique du Nord. M. le Président, je ne peux pas croire que le député de Sauvé n'est pas au courant que l'Acte d'union de 1840, qui a été voté par le Parlement impérial, a fait de l'anglais la seule langue officielle au Québec. Alors, je dis que c'est faux de dire que...

M. MORIN: Non.

M. CIACCIA: ... que le français a toujours a été la langue officielle au Québec, elle ne l'a pas été. Il y a 10,000 requérants qui ont envoyé des pétitions au gouverneur de ce temps pour arrêter cette injustice, pour essayer d'arrêter cette injustice, car c'était une injustice. On ne voulait pas reconnaître les Québécois et on ne voulait pas reconnaître leur langue et cela c'est une injustice...

M. MORIN: Erreur. Cela a été la langue... parlementaire...

M. CIACCIA: ... quand il y a tellement de gens qui parlent une langue et qu'on ne veut pas le reconnaître. C'est cela que le Parlement impérial, le 23 juillet 1840, a fait au Québec, au Bas-Canada et au Haut-Canada. Alors, ce n'est pas vrai de dire...

M. MORIN: C'est une erreur.

M. CIACCIA: ... que la langue officielle a toujours été le français. Elle ne l'a pas été. Aujourd'hui, on veut répéter de l'autre côté l'injustice qu'on a faite en 1840. On n'a rien appris dans 134 ans. On veut se venger pour

ceux qui ont fait la bêtise de 1840. C'est pour cela qu'on est ici. Ce n'est pas pour cela que moi je suis ici. Quand un député — il y en a un de ce côté-là — a dit : II ne faut pas faire de la partisanerie. Moi, je n'en fais pas de la partisa-nerie avec le bill 22, je vote avec ma conscience et j'apporte les commentaires d'une communauté que jusqu'à maintenant les commentaires n'ont pas favorisée. On n'a pas fait de commentaires pour les minorités et pour le secteur anglophone du Québec. Quand le député de Sauvé parle de l'article 133, il nous fait croire que cet article 133 nous a été imposé au Québec.

Je pensais qu'avec ses études et avec les connaissances qu'il a, il sait que c'est seulement la quatrième version de l'article 133 qui a été adoptée en 1867, que les trois autres versions n'avaient pas l'obligation, pour le Québec, de faire respecter le français. C'est à la demande du Québec qu'on a inséré, dans l'article 133, les mots "doivent" et non "peuvent"; c'est ça qu'on veut éviter aujourd'hui; c'est ça que les anglophones demandent, qu'on dise "doivent" et non "peuvent" pour l'inverse, pour l'anglais.

L'article 133 n'a pas été imposé, la quatrième version a été demandée par les Québécois pour protéger leur langue, parce que l'acte de 1840 leur enlevait ces droits et l'article 133 est là pour protéger le français au Québec. Mais on cite aussi le professeur McWhinney, on cite toutes sortes d'experts pour dire, d'une façon, que le bill est constitutionnel et, d'une autre façon, que le bill ne l'est pas. Il y a une contradiction manifeste dans la position du député de Sauvé parce que, ou l'article 133 protège certains droits ou il ne les protège pas. Mais il y a une chose que le professeur McWhinney, dans son avis que j'ai lu, oublie de mentionner et que le député de Sauvé aussi oublie de mentionner. C'est qu'il y a une décision de la cour Suprême en 1935, dans le cas Rex vs Dubois, qui interprète l'article 133 et qui donne valeur égale au français et à l'anglais, un statut légal équivalent. Cela a été interprété par un juge de la cour Suprême et, dans cette cause, dans cette décision, il a pris la version française pour interpréter une loi du Canada.

Nous avons, sur le plan juridique, premièrement, la décision de la cour Suprême qui dit que le français et l'anglais, pour l'article 133, ont une valuer équivalente, légale. Nous avons aussi, on oublie également de mentionner le cas de Jones dernièrement à la cour Suprême. On veut amender l'article 133, on veut suspendre l'article 133? Ecoutez, on vit dans une démocratie, on vit dans un fédéralisme, on vit dans un respect des lois, on ne peut pas oublier les lois qui existent autour de nous et la décision concernant Jones, qui est une décision très récente, d'avril 1974...

M. BURNS: Est-ce que le député me permet une question? Seulement pour partager?

M. CIACCIA: Non. Je voudrais finir avant.

M. BURNS: Vous ne voulez pas. Après, peut-être?

M. CIACCIA: Peut-être après. M. BURNS: D'accord.

M. CIACCIA: Sur la décision concernant Jones, le juge en chef Bora Laskin a rendu une décision pour la majorité et il a dit: "I am not called upon here to state exhaustively what is comprehended within the phrase in section 91-1 of the constitution of Canada. It certainly includes the British North America Act, 1867, and its amendments, and hence includes section 133". Alors, si l'article 133 est inclus dans la constitution du Canada, tous les juristes savent, incluant les juristes des deux côtés de cette table, qu'une province ne peut pas unilatéralement amender la constitution du Canada.

Alors, l'article 133 ne peut être amendé par la province et c'est cela, je crois — et je vais y revenir tantôt — ce que le ministre de l'Education a dit; il a essayé de faire des représentations, de donner des explications pour dire qu'il ne peut pas... Il n'a pas voulu dire qu'il ne peut pas, le ministre de l'Education a dit: "H y a des doutes". Moi, je vous dis que le gouvernement du Québec ne peut pas amender l'article 133. Il ne l'a pas fait dans le projet de loi 22 pour éviter une contestation et une confrontation devant les tribunaux.

Maintenant, on apporte comme exemple la loi du Manitoba de 1890. Vous savez que lorsqu'on cite une loi, ce devrait être un exemple. Si on veut la citer favorablement, ce devrait être un exemple de quelque chose de bien qui a été fait par une autre juridiction. Mais on a l'audace — et je dis l'audace — de citer une loi que tout le monde sait ne pas être une bonne loi, qui a été adoptée il y a 75 ans ou il y a 95 ans de cela et on veut prendre cela comme exemple.

En 1890 les conditions sociales n'étaient pas les conditions sociales d'aujourd'hui. Je ne peux pas prendre comme exemple quelque chose qu'une autre juridiction a fait 84 ans ou 90 ans plus tôt. Mais même quand on cite la loi du Manitoba, on ne donne pas tous les faits. On dit: Voici une juridiction provinciale qui a adopté une loi pour déclarer l'anglais langue officielle de la province du Manitoba. On cite l'article 1 qui emploie le mot "only", "seule". Mais on oublie de vous citer l'article 2. Et l'article 2 dit que cette loi va s'appliquer seulement où la province a juridiction. Mais c'est dénaturer les faits. Si une loi s'applique seulement où la province a juridiction par l'article même de la loi, elle peut dire ce qu'elle veut dans la loi.

Mais le bill 22 ne dit pas cela. Il y a des doutes là-dessus. Il ne mentionne pas le no 2. Alors quand on veut prendre la loi du Manitoba

comme exemple, c'est un bien mauvais exemple, c'est un exemple erroné. On ne devrait pas la citer. Après on dit: Ottawa n'a pas désavoué la loi du Manitoba, parce que légalement, il n'avait pas de raison de la désavouer; la loi du Manitoba dit que cela s'appliquerait seulement à nous et dans l'article 133, qui s'applique au Québec ou au Canada, il n'y a pas d'article équivalent qui dit que cela va s'appliquer au Manitoba.

Alors j'espère...

M. MORIN: Hein? Au Manitoba?

M. CIACCIA: Je vais vous le lire, écoutez.

M. MORIN: Au Manitoba?

M. CIACCIA: Au Manitoba, oui. Un instant. Je vais vous lire l'article 133 si...

M. MORIN: Vous oubliez l'article 23 du Manitoba Act.

M. CIACCIA: Un instant. L'article 133. Les lois du Parlement du Canada et de la Législature de Québec — je vous donne une traduction, elle n'est pas officielle, le député de Sauvé a raison, la seule version est en anglais— doivent être imprimées et publiées dans ces deux langues. On parle du Canada et du Québec. Cette loi du Manitoba ne pouvait pas se désavouer, basée sur l'article 133, parce que cet article dit au Canada et au Québec. Le Manitoba a dit: Cela ne s'applique pas aux lois du Canada, cette affaire de la langue officielle, seulement en anglais, cela s'applique seulement au Manitoba...

M. MORIN: Et l'article 23 du Manitoba Act?

M. CIACCIA: M. le Président, ce sont là des faits qu'on devrait apporter à la population.

Je crois qu'il ne me reste pas beaucoup de temps. Non seulement je ne suis pas venu ici seulement pour démolir les arguments du député de Sauvé, mais je suis venu aussi ici faire des représentations pour les électeurs de mon comté qui, je crois, jusqu'ici, n'ont pas été faites à la commission.

Le député de Saint-Jean a donné une explication du bill 22. Il a expliqué à sa façon comment il voyait le bill 22. Il l'a expliqué à ses électeurs. Il a mentionné spécifiquement les Italiens de son comté. L'explication que le député de Saint-Jean a donnée est la suivante: On donne une priorité à l'anglais, mais on protège le droit des minorités. Si le bill faisait seulement cela, je n'aurais pas voté contre lui. Le bill va plus loin que cela. Le ministre de l'Education a expliqué comme il allait plus loin. Le député de Maisonneuve a noté tout de suite la contradiction et il en a parlé; parce qu'il y avait une petite contradiction entre ce que disaient le député de Saint-Jean et le ministre.

L'interprétation juridique, le ministre de l'Education l'a énoncée. On enlève — et je vous répète — des droits aux anglophones d'après le bill 22.

The English minority rights are strictly restricted. When you speak of article 2... The reason I mentionned article 2... I would have prefered to have waited until article 2 would have been discussed by this committee, but under the present phase of discussions, perhaps, I do not know when that will happen, but article 2 has been mentionned by the member from Sauvé.

Article 2 takes away the legal status of English, car dès que vous dites que, entre deux langues, une langue va être prioritaire, la version française va avoir prépondérance sur la version anglaise. Cela veut dire immédiatement qu'il faut se fier seulement à la version française. Je soumets très respectueusement que cet article et les amendements que les députés du Parti québécois ont apportés à l'article 1 vont clairement à l'encontre de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique et à l'encontre des décisions de la cour Suprême. Quand on dit — il ne faut pas s'arrêter seulement au premier article — que la langue officielle du Québec est le français, si vous lisez l'article deux, en plus, vous voyez comme interprétation: La seule langue officielle. C'est une des raisons pour lesquelles je me suis opposé, parce qu'il y a un million d'anglophones. Ce n'est pas une question de protéger l'anglais, vous avez raison. L'anglais n'a pas besoin d'être protégé.

Regardez l'article 133 et les interprétations que les juges y ont apportées, ce n'est pas pour protéger l'anglais, mais c'est pour respecter les droits. C'est quelque chose qu'on semble oublier ici, soit que pour protéger les droits des uns, il faut enlever les droits des autres. Je ne suis pas d'accord sur cela. On peut respecter les droits des minorités, les droits des anglophones, tout en promulguant et en respectant les droits de la majorité et en protégeant le français au Québec.

Dans la Gazette de ce matin, I believe that it gave valid reasons. It explained what it is basically against the English community in bill 22. The Gazette of this morning in an editorial speaking of bill 22 says: "It has breached the customary language rights of the non French-speaking in the province in broad areas of education, commerce and labor, it has placed Quebecers under the linguistic tutelage of the cabinet and the bureaucracy".

Alors, pour ces raisons, M. le Président, je crois que les amendements que le Parti québécois apportent, non seulement ne sont pas nécessaires et sont frivoles, mais ils sont faits vraiment dans un but de changer l'idée du monde. On essaie d'insérer dans ce débat des questions de racisme. C'est cela que je vois ici. On ne parle pas vraiment des questions de fond, mais on veut soulever des questions de racisme. Je dois être contre cela. Qu'on regarde les droits

constitutionnels, qu'on regarde vraiment ce que les décisions ont dit, ce que l'Acte de l'Amérique du Nord britannique en dit, on est dans un système fédéraliste. Cela ne sert à rien d'essayer, pour plaire à la galerie, d'oublier qu'on est dans un système fédéraliste et de diriger le débat sur d'autres questions qui sont totalement inaptes, qui n'ont rien à voir avec le vrai but de ce que le projet de loi 22 doit faire et qu'on apporte de vrais arguments pour protéger le français. Quand on a des articles dans le projet de loi 22 qui sont pour le français — je l'ai dit avant — je suis en faveur. Mais quand il y a des articles dans le projet de loi 22 ou des arguments du Parti québécois qui sont contre les Anglais, contre les minorités, alors je dois m'opposer. Je crois qu'on a débordé passablement le point sur la constitution. Il y a certains faits qui n'ont pas été portés à notre attention. Je crois que les faits devront être rétablis pour rétablir le climat de la discussion du projet de loi 22. Merci, M. le Président.

M. BURNS: M. le Président, le député me permet la question que je voulais lui poser? Le chef de l'Opposition, oui, certainement.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne) : Le chef de l'Opposition officielle voulait rectifier, en vertu de l'article 96.

M. MORIN: Oui, merci, M. le Président. Le député de Mont-Royal a pris quelque liberté avec l'histoire et avec le droit, et m'a fait dire des bêtises, probablement parce qu'il n'a pas suivi le débat depuis quelques jours. En ce qui concerne l'Acte d'Union, tout d'abord, qu'il a invoqué pour tenter de montrer, je pense, qu'à un moment donné dans l'histoire de ce pays, le français a cessé d'être langue officielle. C'était bien le sens de ses paroles, je crois. Il n'a sûrement pas lu attentivement l'article 41 de l'Acte d'Union de 1840. S'il l'avait lu attentivement, il se serait rendu compte que cet article ne porte que sur la langue parlementaire, et encore, il ne touche pas les lois. Je vais le lire pour le bénéfice du député de Mont-Royal.

M. CIACCIA: Je n'en ai pas besoin, je l'ai lu. M. MORIN: Article 41. M. CIACCIA: Je l'ai lu.

M. MORIN: Vous ne l'avez pas lu attentivement, et je pense qu'il vaut mieux que tout le monde soit saisi de la chose...

M. CIACCIA: C'est très bien. J'ai l'esprit ouvert.

M. MORIN: ... parce que vous êtes allé à l'encontre d'un point fondamental dans l'argumentation de tous les Québécois qui veulent faire du français la seule langue officielle au

Québec. Ce point fondamental, c'est que la langue française n'a jamais cessé d'être langue officielle et d'être langue en possession d'Etat. Je dois vous le rappeler en lisant le texte. Article 41 : Section 41 of the Act of Union : "And be it enacted that from and after the said reunion of the said two provinces, all writs, proclamations, instruments for summoning and calling together the Legislative Council and Legislative Assembly of the Province of Canada and calling together the Legislative Council and Legislative Assembly of the Province of Canada and all journals, entries and written or printed proceedings of what nature soever of the said Legislative Council and Legislative Assembly, and that each of them respectively and all written or printed proceedings and reports of committees shall be in the English language only". Bien. Comme vous le savez, les lois anglaises doivent toujours être interprétées res-trictivement et, dans le cas de cet article 41, il est visible qu'on ne s'en est pris ni à la langue des lois, ni même il n'est pas question de la langue des tribunaux. J'attire l'attention du député là-dessus. Autrement dit, cet article ne fait que proscrire l'usage du français dans les journaux, dans les procédures écrites de l'Assemblée des deux Canadas et rien de plus.

Le français n'était pas interdit même pas comme langue des débats, ni comme langue des lois. Je mets au défi le député de Mont-Royal de trouver, dans l'article 41, en quelque endroit que ce soit dans l'Acte d'union, une référence aux lois en langue anglaise ou en langue française.

M. CIACCIA: M. le député...

M. MORIN: Et la preuve, c'est que les lois de l'Union ont toujours été imprimées dans les deux langues. C'est un premier point, et j'aurais attendu plus de rigueur juridique de la part du député de Mont-Royal.

M. CIACCIA: Est-ce que je peux répondre, M. le Président?

M. MORIN: Je le veux bien. Je n'ai pas d'objection, mais j'ai un autre point sur lequel je veux aussi rectifier le tir.

M. CIACCIA: Si vous lisez attentivement l'article 41... Je vous avoue que je l'ai lu avant de venir ici pour faire mon intervention...

M. MORIN: Je viens de vous le lire...

M. CIACCIA: C'est cela. Cela dit clairement que l'effet de l'article 41, c'est de ne pas avoir de loi en français; la légalité, "l'officialité", c'est seulement en anglais. Maintenant, si vous voulez changer l'article 41...

M. MORIN: Bien...

M. CIACCIA: ... et donner une interprétation à l'article 41, tous les textes, tous les auteurs sont d'avis que la loi de 1840, l'Acte d'union, a enlevé l'officialité, a rendu l'anglais seule langue officielle, a enlevé le français comme langue officielle. Naturellement, la loi de 1840 n'a pas empêché les Québécois de parler français. Ce n'est pas ce que j'ai dit. Mais, comme langue officielle, il n'y en avait qu'une pour les fins que vous avez mentionnées dans l'article 41. Et mon intervention... C'est cela que j'ai dit. Je n'ai pas contredit... Mon intervention est aussi valable maintenant.

M.MORIN: Bon!

M. CIACCIA: C'est cela que le bill 22 fait pour le français aujourd'hui.

M. MORIN: Bon! M. le Président, je tiens à attirer l'attention du député de Mont-Royal sur le fait que, la langue française n'étant pas interdite pour les débats ou pour les lois de façon claire dans cet article de l'Acte d'union, dès la première année de l'Acte d'union, dès la première année de l'entrée en vigueur de l'Acte d'union, les lois ont toujours été imprimées dans les deux langues et les débats se sont faits également en français. Mais si tant est que le député de Mont-Royal ait raison, je pense que cela peut se retourner de façon inattendue contre la position de la minorité dont il défend les droits avec, d'ailleurs, beaucoup de talent. Mais quel que soit le talent dont vous fassiez preuve, j'aimerais que vous vous en teniez au texte juridique exact. Je voudrais dire au député de Mont-Royal qu'à ce moment, s'il a raison de dire que la langue des lois est devenue l'anglais et que la langue des débats parlementaires est devenue l'anglais, alors que la majorité...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît !

M. MORIN: ... des citoyens étaient francophones...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît !

M. MORIN: ... alors, il est bien mal placé pour venir faire des reproches aujourd'hui.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît !

M. MORIN: Bien! J'ai un autre point, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Bien là, vous dépassez, de beaucoup et très largement...

M. MORIN: Bien!

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): ... l'article 96.

M. MORIN: Alors, j'invoque l'article 96 à nouveau...

M. BURNS: C'est pour rétablir des faits. Il y en a trois que le chef de l'Opposition veut rétablir.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je suis prêt à l'écouter rectifier des faits, mais là, je pense que vous conviendrez avec moi que c'est un débat.

M. MORIN: Bon!

M. HARDY: M. le Président, vous savez qu'en vertu de l'article 96, cet article donne le droit de rectifier des faits. Certaines personnes sont capables de rectifier facilement et clairement; d'autres, cela leur prend bien du temps. Qu'est-ce que vous voulez, c'est le cas du député de Sauvé. Cela lui prend bien du temps à clarifier les choses.

M. MORIN: C'est parce que ce n'est pas simple, et je sais que l'esprit du ministre des Affaires culturelles a des la difficulté à aller au-delà d'un certain seuil, quand cela devient un peu plus compliqué.

Ce n'est pas simple. J'avoue que les points soulevés par le député de Mont-Royal méritent qu'on s'y attache et qu'on les étudie de près. C'est ce que j'ai entendu faire.

M. BOURASSA: Vous sembliez avoir été pris en défaut.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît ! Quand même...

M. HARDY: ... sortir du pétrin...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaft! Toutes les fois que quelqu'un intervient, il ne faut pas...

M. TARDIF: C'est parce qu'il y a son chef en arrière de lui.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): ... immédiatement engendrer un débat, parce que ce qu'il a dit ne fait pas l'affaire de l'un ou de l'autre. E faut tout de même accepter que les opinions soient diversifiées.

M. TARDIF: Oui, mais...

M. HARDY: Le député de Sauvé est très mal pris. Sa réputation de juriste...

M. LEGER: Question de règlement, M. le Président.

M. HARDY: Sa réputation de juriste est en cause, et on devrait lui permettre de se défendre.

M. LEGER: Question de règlement, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Lafontaine sur une question de règlement.

M. LEGER: Est-ce que je peux avoir la politesse du député, ministre des Affaires culturelles?

M. HARDY: Oui, oui. Je ne vous avais pas vu.

M. LEGER: Merci. Je veux simplement faire remarquer, M. le Président, que vous avez parfaitement raison, mais que vous avez malheureusement, tantôt, permis au député de Mont-Royal de poser une question sur l'intervention du député de Sauvé. C'est ce qui a amené une deuxième rectification. S'il n'y avait pas eu de question sur cela, il n'y aurait pas eu ce dialogue. Alors, le député de Sauvé a maintenant deux autres points à faire valoir. Grâce à l'article 96, je pense qu'il peut continuer. Il ne faudrait pas que cela devienne un dialogue. Je suis d'accord avec vous, M. le Président.

M. MORIN: J'ai un deuxième point...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui, mais très brièvement pour permettre aux autres d'intervenir, parce que...

M. MORIN: Oui, oui, très bien.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): ...si vous prenez — je le mentionne une fois de plus — comme habitude... Oui, mais si on prend comme habitude...

M. BURNS: On a l'été à nous autres, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): On est d'accord là-dessus. Il n'y a pas de problème.

M. BOURASSA: Oh, ce n'est pas si sûr!

M. BURNS: On va le passer ici. D'après le gouvernement, on a tout l'été.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): ... mon devoir...

M. BURNS: On a l'automne et, après l'automne, il y a l'hiver, M. le Président...

M. BOURASSA: Personne ne vous prend au sérieux.

M. TARDIF: Et vos billets d'avion?

M. BOURASSA: On va vous punir. On va retarder la clôture.

M. BURNS: Allez-y. Retardez la clôture.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne). Qu'on passe l'été ici, mais selon les règlements.

M. BURNS: Retardez-la, la clôture. Je vous mets au défi de retarder la clôture.

M. BOURASSA: Ah!

M. TARDIF : Ah ! Qu'est-ce que vous faites de M. Charron avec ses billets d'avion?

M. MORIN: Bon. Un second point, très brièvement. Le député de Mont-Royal a fait allusion à une décision, un arrêt des tribunaux qui aurait été négligé par le professeur McWhinney et par moi-même. Je ne peux pas répondre pour le professeur McWhinney quoique...

M. BURNS: M. Jones.

M. MORIN: Non. Pas M. Jones. M. McWhinney parle de cela. Il s'agit de Rex vs Dubois, qui reconnaît aux deux langues un statut égal équivalent. Là-dessus, je ne peux pas dire que je suis en désaccord avec le député de Mont-Royal. C'est une décision qui peut être contestée, mais elle est là, et c'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai dit que l'article 133 soulevait des problèmes. Là-dessus, nous sommes d'accord et si le député de Mont-Royal a écouté mes interventions, il sait que, là-dessus, nous ne sommes pas en conflit.

Seulement, si le gouvernement choisissait clairement de dire, comme le Manitoba — là, on va s'éloigner l'un de l'autre — que l'article 133 ne s'applique pas au Québec ou qu'il cesse d'avoir des effets au Québec, je pense que la situation serait claire et on ne risquerait ni le désaveu du pouvoir fédéral, ni, en tout cas, à supposer que la cour Suprême soit vraiment objective, de voir renverser la législation québécoise.

Vous voulez écarter un peu à la légère le précédent manitobain. Vous dites que c'était dans des circonstances différentes. Il fallait voir. La minorité francophone du Manitoba était plus considérable à cette époque que la minorité anglophone ne l'est au Québec actuellement. Ah oui ! Plus considérable.

M. CIACCIA: II y a des chiffres.

M. MORIN: Mais il y a des chiffres. On peut en sortir si vous voulez.

M. CIACCIA: ... Sur 1,000,000...

M. MORIN: Mais je sais que les historiens nous disent que c'était très considérable, et n'oubliez pas qu'il s'agissait d'une ancienne majo-

rite avant 1875, Je vous dis, moi, que, sur le plan juridique, et là, nous parlons entre juristes, le précédent manitobain est important. La preuve est que McWhinney s'y réfère, Bloomfield s'y réfère et tous les juristes qui se sont penchés sur ce problème ont constaté que le précédent manitobain était probablement déterminant. Vous nous dites aujourd'hui: Oublions cela.

M. le député, je regrette infiniment. En droit, les précédents, quelque vieux qu'ils soient, quelque anciens qu'ils soient —vous avez été éduqué dans la "Common Law", je pense que vous devez le savoir — les précédents restent aussi bien que les écrits et je suis obligé aussi de mettre en cause votre interprétation de l'article 133. Cela ne sera pas bien long, M. le Président.

Vous nous avez dit que le Manitoba pouvait adopter cette loi parce que cela n'allait pas à l'encontre de l'article 133. Mais est-ce que le député fait semblant d'ignorer que le Manitoba Act, article 23, reprenait les termes exacts de l'article 133? Est-ce que le député de Mont-Royal fait semblant d'oublier que le British North America Act de 1871 donne la garantie impériale à l'article 23 du Manitoba Act dans le même sens que l'article 133? Est-ce que vous faites semblant d'ignorer que Frank Scott lui-même dit que cela revient exactement au même dans le cas du Manitoba, que l'article 133 s'y applique, que ce sont les mêmes garanties? Je regrette, M. le député. Vous allez être obligé de pousser votre étude un peu plus loin.

Quant à votre interprétation de l'article 2: "This act shall only apply so far as the legislator has jurisdiction so to enact". Cela voulait simplement dire que cela — c'est une clause de sauvegarde — ne s'appliquait pas au niveau fédéral mais seulement au niveau manitobain. Vous êtes d'accord là-dessus?

M. CIACCIA: D'accord.

M. MORIN: Bon. Alors, ne lui donnez pas plus de sens...

M. CIACCIA: Je suis d'accord là-dessus.

M. MORIN: ... plus de portée qu'elle ne peut en avoir.

M. CIACCIA: Je l'ai déjà mentionné.

M. MORIN: J'ai terminé ma mise au point. Si le député veut me répondre, il en est bien libre.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Chicoutimi.

M. BEDARD (Chicoutimi): Premièrement, pour répondre au député de Mont-Royal qui a affirmé, catégoriquement, péremptoirement, que la Législature du Québec n'avait pas le droit d'abolir ou de modifier l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, je crois que, lorsqu'il fait cette affirmation, il est quand même en contradiction avec l'ensemble des experts en droit constitutionnel qui ont été consultés par la commission Gendron. Le résumé de ces opinions, au niveau des experts constitutionnels qui avaient été demandés par la commission Gendron sur ce point, on peut le lire très facilement et il est très facile à comprendre. A la page 32 du rapport qu'ils ont produit, ils disaient ceci: "Les juristes consultés par la commission estiment que le Québec a le pouvoir, en vertu de l'article 92 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, de modifier ou d'abolir l'article 133 pour ce qui est de la province et ils invoquent tous comme précédent le dénouement de la crise scolaire au Manitoba en 1890.

Le gouvernement de cette province avait alors aboli, par voie législative, les privilèges des francophones en matière d'enseignement." C'est l'opinion très claire d'experts tels que Beaudoin, Bloomfield, Bonenfant, Patenaude et les autres, avec une différence d'interprétation de la part du professeur Scott, mais l'ensemble des témoignages ou des opinions juridiques de ces experts constitutionnels n'est pas dans le sens de l'affirmation péremptoire qu'a faite le député de Mont-Royal. Au contraire, c'est complètement dans le sens contraire, M. le Président.

Concernant une autre affirmation, je dois rassurer le député de Mont-Royal qui nous dit qu'il ne faut pas s'embarquer dans l'élaboration d'une politique linguistique qui brimerait la minorité, on sait qu'il n'en est pas question ici au Québec. Il n'est pas question d'adopter une attitude qui brimerait les minorités dans leurs droits comme cela a été le cas, par exemple, de la part du gouvernement du Manitoba lorsqu'il a adopté sa loi. Il a brimé catégoriquement et très clairement les droits des minorités. Pour nous, il n'en est pas question. Je pense que ce serait vouloir se cacher que de vouloir prêter ces intentions tant du côté du pouvoir que du côté de l'Opposition.

M. CIACCIA: Est-ce que vous permettez...

M. BEDARD (Chicoutimi): Mais ce que le député de Mont-Royal devrait comprendre, c'est qu'on ne peut pas accepter une sorte "d'officialité" qui, dans les articles qui suivent au niveau du projet de loi 22, nie la réalité du français véritablement seule langue officielle au Québec. Autrement dit, nous ne pouvons pas, ce que le député devrait comprendre, nous, de la majorité francophone, accepter, à moins de ne pas prendre avis des erreurs du passé et entre autres du bill 63, que le gouvernement ne légifère pas carrément dans le domaine de l'immigration qui a toujours joué contre nous les francophones. On ne peut pas accepter cela. C'est cela que le gouvernement fait, il ne légifère pas carrément dans ce domaine qui a

joué contre nous. On ne peut pas accepter également, M. le Président, le libre choix au niveau de l'enseignement, car cela a toujours joué contre nous. La preuve en est faite chiffres à l'appui. Sinon, ce serait inconscient d'accepter des états de fait qui, preuve à l'appui, ont joué contre nous, d'accepter que cet état de fait se perpétue dans le projet de loi 22. On ne peut pas accepter une situation qui est exprimée, par exemple, à l'article 9 de la loi, qui a comme conséquence — c'est là que l'amendement apporté par le député de Saint-Jacques prend son sens — non seulement de "bilinguiser", mais de donner une sorte de statut officiel dans les faits à l'anglais et de "bilinguiser" les deux tiers de notre population francophone. Parce qu'on le sait et c'est un autre fait. Ce n'est pas du sentiment, je le rappelle très clairement au député de Mont-Royal, le fait qu'il ait été prouvé que la "bilinguisation" a comme effet, c'est un facteur, qui, à longue échéance, ne peut que jouer contre nous. C'est dans ce sens qu'on ne peut pas l'accepter.

De même, le député de Mont-Royal a dit que ce n'est pas si clair que cela que le français soit la langue officielle au Québec depuis 1774 ou même avant. Je le réfère encore une fois, non pas à mon témoignage parce que je connais très bien mes limites en tant qu'expert constitutionnel, mais au témoignage apporté par les experts constitutionnels qui ont été consultés, pas par n'importe qui, par la commission Gendron. Qu'est-ce qu'ils disent sur ce point? C'est très clair. Plusieurs juristes ont élaboré la théorie selon laquelle le Québec a déjà une langue officielle, le français, en raison de la colonisation française originelle et d'un long usage qui n'aurait pas été interrompu par des mesures législatives contraires après la conquête anglaise en 1759. Ce n'est pas le témoignage des gens du Parti québécois, c'est le témoignage d'experts tels que Bonenfant, Patenaude et Bloomfield, également. M. Bloomfield arrive essentiellement à la même conclusion. On ne peut pas l'accuser d'être Parti québécois j'imagine.

C'est essentiellement la même conclusion en se fondant sur une conception historique connexe, soit celle du français, langue en possession d'état au Québec. M. Scott, qui est un dissident — pas plus qu'il ne le faut — soutient, par contre, que le français et l'anglais ont, historiquement, acquis un caractère officiel et la primauté au Québec. Ces témoignages des experts consultés par la commission Gendron contredisent très carrément les deux affirmations faites par le député de Mont-Royal.

D'ailleurs, si on prend la définition des experts, j'aime mieux me référer à des experts parce qu'on va toujours dire: C'est le Parti québécois qui dit ça avec des arrière-pensées d'opportunistes politiques, ce n'est pas le cas. A la page 22 de ce même rapport des experts, ils définissaient la langue officielle comme ceci: "La langue officielle désigne tout simplement la langue que l'Etat a estimé à propos d'appuyer de sa puissance pour l'usage public, soit par une loi constitutionnelle, soit le plus souvent, par une ordinaire. Il peut — ça, c'est important — y avoir plus d'une langue officielle, M. le Président. Quand j'écoutais le ministre de l'Education, dans son intervention qu'il a faite avant le dîner, je crois qu'il a résumé très carrément sa pensée en disant: Ecoutez, le résultat de ce projet de loi 22 —et j'ai noté d'une façon globale — va assure r la primauté du français partout. Je rappellerai au ministre de l'Education quand même certaines recommandations qui ont été faites par les experts constitutionnels qui disaient ceci: que les termes "langue prédominante, langue prioritaire, primauté" ou autres euphémismes employés à l'occasion des audiences de la commission sont étrangers à la terminologie juridique. Ils n'ont donc pas de signification précise en droit.

M. le Président, même, à mon sens, le ministre de l'Education emploie une terminologie qui, très clairement, a été jugée par les experts de la commission Gendron comme n'ayant pas d'incidence juridique.

M. CLOUTIER: Je ne l'ai pas utilisée dans un texte juridique.

M. BEDARD (Chicoutimi): Vous pourrez faire vos remarques après. Non, c'est encore bien mieux...

M. CLOUTIER: Donnez des explications.

M. BEDARD (Chicoutimi): Mais quand vous résumez votre loi d'une façon aussi globale, ça nous donne une idée...

M. CLOUTIER: Pas du tout.

M. BEDARD (Chicoutimi): ... de l'intention du législateur quand vous nous annoncez le français langue officielle. Cela nous montre un peu...

M. CLOUTIER: Vous êtes... c'est vraiment étonnant.

M. BEDARD (Chicoutimi): ... jusqu'à quel point c'est une image, le français langue officielle au Québec. C'est pour ça qu'on a refusé d'accepter...

M. CLOUTIER: Je n'ai jamais vu parler avec tant d'ignorance...

M. BEDARD (Chicoutimi): ... la motion du chef de l'Opposition à l'effet de déclarer le français seule langue officielle. On s'aperçoit, encore une fois, que c'est une image que le premier ministre veut simplement tramer dans le paysage en faisant croire n'importe quoi aux groupes minoritaires ou aux groupes majoritaires francophones. En disant aux groupes majori-

taires: Ne vous en faites pas, la langue officielle, ça veut dire la seule langue officielle même si on a refusé de l'accepter en commission, rassurez-vous avec ça. Et de dire...

M. HARDY: C'est vrai.

M. BEDARD (Chicoutimi): ... aux minoritaires anglophones: Ecoutez, c'est seulement la langue officielle. On aurait pu dire, à ces mêmes minoritaires anglophones, pour les rassurer: On aurait pu voter le français, seule langue officielle. On ne l'a pas fait, pourquoi? Parce que l'on sait que cela a des implications autrement plus importantes que de voter le texte tel qu'il se présente et tel qu'il nous est présenté à l'heure actuelle. Nous ne somme pas les seuls du Parti québécois à penser que ce projet de loi — et je vous réfère aux experts, à savoir M. Chevrette, qui disait son appréhension de voir dans le projet de loi 22 une amalgamation de mesures...

M. BOURASSA: D'unilinguisme.

M. BEDARD (Chicoutimi): ... d'unilinguisme, de mesures de bilinguisme, autrement dit une sorte de mélange...

M. BOURASSA: J'invoque le règlement.

M. BEDARD (Chicoutimi): ... genre premier ministre...

M. BOURASSA: J'invoque le règlement.

LE PRESIDENT (M. Pilote): M. Bourassa, sur une question de règlement.

M. BOURASSA: Question de règlement, M. Chevrette disait que c'est un projet de loi qui s'orientait vers l'unilinguisme.

M. LEGER: Question de règlement, M. le Président.

M. BEDARD (Chicoutimi): Non, non.

M. BOURASSA: Oui.

M. LEGER: Non, non.

M. BEDARD (Chicoutimi): Ecoutez...

M. LEGER: J'invoque le règlement...

LE PRESIDENT (M. Pilote): A l'ordre!

M. LEGER: J'invoque le règlement.

M. BEDARD (Chicoutimi): Je reviendrai là-dessus, parce qu'hier, vous l'avez justement mal interprété. Je ne répète pas votre interprétation.

LE PRESIDENT (M. Pilote): A l'ordre, messieurs !

M. LEGER: J'invoque le règlement, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Pilote): A l'ordre, s'il vous plaît! Sur une question de règlement.

M. BOURASSA: Voulez-vous vous asseoir une minute?

LE PRESIDENT (M. Pilote): La parole est au premier ministre.

M. BEDARD (Chicoutimi): Pardon, M. le Président.

M. BOURASSA: Est-ce que le député me permet d'insister?

LE PRESIDENT (M. Pilote): Question de règlement.

M. BEDARD (Chicoutimi): Sur la question de règlement, c'est à l'effet de corriger ce que j'affirme à l'heure actuelle. Je crois qu'il y a une procédure quand il s'agit de corriger certaines affirmations faites par un député.

M. BOURASSA: Me permettez-vous...

M. BEDARD (Chicoutimi): C'est de le faire en temps et lieu, c'est-à-dire quand ce député a fini son exposé. Le premier ministre.

M. LEGER: Article 96.

M. BOURASSA: Me permettez-vous de le citer?

M. BEDARD (Chicoutimi): ... apportera sa question.

M. BOURASSA: Est-ce que je peux citer M. Chevrette?

M. LEGER: Attendez donc votre tour!

M. BEDARD (Chicoutimi): Vous le ferez après.

M. BOURASSA: Vous ne voulez pas que je le cite.

M. BEDARD (Chicoutimi) : Attendez donc votre tour, vous le citerez après.

M. BOURASSA: Vous avez peur?

LE PRESIDENT (M. Pilote): A l'ordre! La parole est...

M. BEDARD (Chicoutimi): N'interprétez pas mal mes paroles. Je veux que vous le citiez, même je l'exige.

M.BOURASSA: Cela va me prendre 30 secondes.

M. BEDARD (Chicoutimi): Je vous demande simplement une chose. Jamais je ne croirai que vous n'êtes pas capable de respecter l'ordre à l'intérieur de la commission.

M. BOURASSA: Non, non, soyez calme.

M. BEDARD (Chicoutimi): Je vous demande juste une chose et je pense que j'ai raison sur ce point d'ordre. Je veux que vous le citiez. Je vous demande seulement une chose: de le faire en temps et lieu, quand j'aurais fini mon exposé et j'accepte de parler là-dessus avec vous.

M. BOURASSA: Cela me prendrait 30 secondes.

M. BEDARD (Chicoutimi): Je ne vous demande pas grand-chose, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Pilote): La parole est au député de Chicoutimi.

M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, entre autres, à un moment donné, le ministre de l'Education a dit: On a essayé d'éviter tous les risques possibles sur le plan de la contestation juridique. Autrement dit, on veut éviter, par tous les moyens possibles, un affrontement avec le gouvernement fédéral.

Qu'on évite un affrontement avec le gouvernement fédéral sur certaines questions moins prioritaires, pour des raisons d'efficacité, je peux peut-être l'accepter. Mais que sur un point aussi important que l'élaboration d'une politique linguistique et le droit pour la majorité francophone de décider ce qu'elle veut bien décider dans l'intérêt de la majorité québécoise francophone, tout en respectant les droits de la minorité anglophone, je ne comprends pas cette peur morbide du gouvernement de ne pas vouloir, en aucune façon, une fois pour toutes, faire face au gouvernement fédéral.

M. le Président, le Manitoba n'a pas eu peur de faire face au gouvernement fédéral avec ce résultat qu'il s'est réveillé et qu'il traîne dans la paysage une loi qui est injuste pour les francophones, mais qui n'a jamais amené un désaveu de la part de la majorité anglophone qui siège au fédéral et qui prend — on en a la preuve une fois de plus — toujours ses décisions, et c'est normal, en fonction, non pas des minorités, mais en fonction de la majorité du contexte canadien qui, lui, est anglophone, M. le Président.

Il faut arrêter de penser que la majorité anglophone du Canada, dans le contexte canadien, pour des principes de justice ou quelque principe que ce soit, va avoir comme priorité de penser seulement à la minorité québécoise ou à la minorité francophone du Québec. Son refus d'appliquer un désaveu face à la loi du Manitoba en est un autre exemple de ce qu'on peut s'attendre d'un gouvernement qui n'est pas le nôtre, qui est le gouvernement des autres.

Nous avons dit, dès le début du débat en deuxième lecture, que c'est utopique de penser qu'une fois pour toutes, on aura une politique linguistique pour nous, avec un gouvernement des autres. Il ne faut pas s'attendre à autre chose et c'est ce que fait, à l'heure actuelle, le gouvernement libéral. Il légifère comme une minorité et non comme une majorité.

M. le Président, même du point de vue juridique — et c'est un principe de droit — on ne doit pas légiférer pour rien. Que le gouvernement, dans l'article 1, dise que le français est langue officielle, nous disons — et nous sommes confirmés en cela par tous les experts en droits constitutionnel — que c'est tout simplement la reconnaissance d'un fait déjà accompli. Ce n'est pas de la législation nouvelle.

Et c'est dans ce sens-là que prend toute sa valeur la motion qui a été apportée par le député de Saint-Jacques, disant qu'aucune autre langue n'a de statut officiel, à moins que la Législature du Québec ne lui confère expressément ce statut. C'est normal; c'est pour cela qu'on trouve important l'article 1.

Autrement dit, on fait un dernier effort, après avoir vu ce gouvernement de peureux ne pas accepter la bataille avec le fédéral — et c'est la raison invoquée par le ministre de l'Education — en refusant notre première motion, à l'effet de déclarer le français seule langue officielle. On a essayé d'amenuiser notre position avec une autre motion qui, à ce moment-là, demandait de suspendre l'application de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique concernant les domaines qui étaient proprement de la juridiction de la Législature du Québec.

Encore là, on a essuyé un refus, M. le Président. Je me dis que le gouvernement, face à cette motion, ne peut pas voter contre. Il vient tout simplement d'accepter lorsqu'il a voté non au français seule langue officielle parce qu'il prétendait que c'était contenu dans l'article même.

Si le gouvernement vote contre cette motion du chef de l'Opposition, du point de vue juridique, il vient, en fait, de voter contre l'article 1 de son projet de loi indiquant que le français, langue officielle, cela équivaut à dire que c'est le français, seule langue officielle au Québec, M. le Président;

Sur cet amendement, que le gouvernement soit sérieux, qu'il soit plus humble aussi et qu'il soit plus attentif face au travail positif qu'essaie de faire l'Opposition. Que l'on s'aperçoive ce qu'est une erreur qui a été commise par le gouvernement Bertrand lors de l'adoption du bill 63. Cela devrait faire réfléchir les gens de l'autre côté de la table.

M. BOURASSA: II serait aboli.

M. BEDARD (Chicoutimi): L'erreur de ce gouvernement, à l'heure actuelle, c'est d'être en contemplation devant son propre projet de loi, de fermer l'oreille, d'être sourd, de vouloir un

dialogue de sourd avec l'Opposition par son obstination, son entêtement déjà qu'on peut présumer d'avance, à n'accepter quelque amendement que ce soit.

M. le Président, s'il n'accepte pas cet amendement, je dis que du point de vue juridique, il vient de dire, tout simplement, que lorsqu'il dit à l'article 1: "Le français est langue officielle au Québec", autrement dit, il refuse de dire, légalement parlant: Seule langue officielle au Québec.

Je terminerai là-dessus. Le gouvernement, à l'heure actuelle, est en contemplation devant son projet de loi, comme le gouvernement Bertrand qui accusait la petite Opposition circonstantielle de n'avoir raison qu'en raison de son nombre. Mais, plus tard en fait, la preuve en est là, cette petite Opposition circonstantielle a prouvé que, même si elle n'était pas nombreuse, c'est elle qui avait raison, quand on voit les effets néfastes du bill 63. Avoir raison ne va pas au nombre, cela va à la force des arguments, cela va à la force des constatations de faits. Qu'est-ce que nous dit, à l'heure actuelle, le parti ministériel? Il nous dit ce que disait Jean-Jacques Bertrand, lors de la troisième lecture. En passant, je ferai remarquer que le premier ministre devrait être humble et devrait être attentif, parce qu'il a voté pour le bill 63 en deuxième lecture. Il ne faudrait pas qu'il oublie qu'un homme qui se trompe une fois peut se tromper deux fois. S'il ne se trompe pas deux fois, au moins, il doit se dire une chose. Il doit marquer un temps d'arrêt et se dire que c'est peut-être le temps de réfléchir devant l'Opposition, devant les arguments des autres quelque peu nombreux qu'ils soient.

Que disait Jean-Jacques Bertrand, M. le Président, lors du dernier discours en vue de l'adoption du bill 63? Il disait — et je vais vous le résumer — exactement ce que nous a dit, depuis deux semaines, je dirais même depuis deux mois, le parti ministériel. Je me permets de lire ce que disait Jean-Jacques Bertrand en faisant adopter le bill 63. Il disait ceci: J'ai l'impression qu'à l'exception des cinq — parlant de l'Opposition circonstantielle — nous avons fait écho comme eux ont fait écho à une minorité. C'est ce que nous disent les ministériels depuis le début du débat. On fait écho à l'immense majorité de la population québécoise que je connais, population québécoise franche, honnête, sincère, loyale, respectueuse des droits des autres, des droits des anglophones, respectueuse de la liberté.

J'ai l'impression — c'est toujours Jean-Jacques Bertrand qui parle, c'est-à-dire le gouvernement de l'Union Nationale avec le résultat qu'on connaît — que ce que nous voyons en Chambre, c'est la reproduction fidèle de l'opinion du Québec, loi juste, loi réaliste, loi honnête, franche. Des dangers? Oui, ce n'est pas que je veuille faire un discours de la Saint-Jean-Baptiste, mais j'ai foi — c'est cela que disait Bertrand et il se trompait, parce qu'il comptait seulement sur l'héroïsme de chacun des individus, de chacun des francophones, plutôt que de s'imposer l'héroïsme à lui-même et à son propre gouvernement — dans le ténacité, dans la fidélité et dans la loyauté profonde de notre peuple à la culture et à la langue française. J'ai foi là-dedans. C'est sans doute ce qui m'anime et qui me fait comprendre que notre population n'est pas pessimiste — vous savez les accusations de pessimisme qu'on nous a envoyées sur la tête — n'est pas broyeuse de noir, elle est optimiste et malgré les dangers, malgré les obstacles, notre peuple, non seulement va survivre cette étape... Cette étape est franchie — disait-il — mais notre peuple va survivre, va rayonner et je suis convaincu que la langue française va y gagner au Québec.

Est-ce que la langue française y a gagné au Québec? Est-ce qu'elle y a gagné dans la langue des affaires, alors qu'on sait — et la preuve en est faite — que l'unilingue anglais, au Québec, gagne plus. C'est inacceptable quand on veut qu'une vraie langue de la majorité permette, au moins, à ceux qui composent cette majorité de gagner leur vie, au moins avec autant d'avantages que ceux qui font partie de la minorité.

Je termine, M. le Président. Est-ce qu'elle a fait du chemin cette fameuse loi 63? Est-ce qu'elle a amélioré la situation du point de vue de l'immigration? Est-ce qu'elle l'a améliorée? Les chiffres sont là. Elle ne l'a pas améliorée, au contraire, c'est une catastrophe. Le gouvernement refuse encore une fois. C'est bien beau, je termine. Ce que je dis, c'est bien beau d'avoir de la générosité et de la magnanimité. Il ne faut pas s'en faire. Toute majorité sécurisée a de la magnanimité, et elle en a de la générosité, mais à condition qu'elle soit sécurisée. C'est la majorité francophone québécoise, qui, à l'heure actuelle, est menacée. C'est le français qui est menacé. C'est dans ce sens que je me dis qu'avant de parler de magnanimité et avant de parler de générosité, il faut non pas ne pas être alarmiste, il ne faut pas non plus essayer de broyer du noir, mais il faut être réaliste, et il ne faut pas être téméraire. Je crois sincèrement que les Québécois n'ont pas à l'heure actuelle la force de se payer une politique de compromis et de compromission. C'est cela, le projet de loi 22, une politique de compromis et de compromission. Cela, le peuple québécois, ne soyons pas téméraires, le peuple québécois n'a pas les moyens de se le payer. C'est ma profonde conviction. Merci, M. le Président.

M. BOURASSA: M. le Président, comme...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Si vous permettez, M. le premier ministre,...

M. BOURASSA: Parce que, tantôt, on s'est entendu pour que...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je voudrais un peu m'adresser à l'assistance. Je vais le

faire pour la première fois aujourd'hui en demandant, cependant, de nouveau votre collaboration, et en vous informant que, l'assistance n'a le droit de manifester ni positivement, ni négativement. Nous sommes heureux de vous compter avec nous cet après-midi, mais vous ne pouvez malheureusement participer au débat de quelque manière que ce soit, M. le premier ministre.

M. BOURASSA: M. le Président, le député n'a pas voulu me permettre de faire une rectification tantôt. Alors, je le fais selon le règlement normal, l'article 96.

M. LESSARD: Vous êtes soumis aux règlements vous aussi.

M. BOURASSA: Comme je l'avais fait hier pour le député de Saguenay, je ne comprends pas pourquoi on insiste toujours pour citer M. Chevrette. M. Chevrette dit textuellement: Je pense qu'Ottawa, dans le cadre de l'article 133 — qui vaut aussi pour le fédéral — que le gouvernement fédéral a choisi une politique de bilinguisme, et le gouvernement du Québec s'oriente vers une politique qui est plus unilin-gue. Alors le député de Saguenay a dit qu'il n'était pas d'accord hier.

M. LESSARD: C'est au moins le minimum.

M. BOURASSA: Le député de Saguenay a dit qu'il n'était pas d'accord. C'est écrit textuellement dans le journal des Débats.

M. BEDARD (Chicoutimi): Vous me permettez de répondre?

M. BOURASSA: Laissez-moi terminer. Je vous ai écouté 25 minutes.

M. BEDARD (Chicoutimi): D'accord, allez- y.

M. BOURASSA: Le député de Saguenay a dit qu'il n'était pas d'accord hier sur l'affirmation de M. Chevrette. Je comprends difficilement que le député de Chicoutimi cite M. Chevrette alors que lui-même, qui a été cité également par le chef de l'Opposition comme un observateur objectif, dit que le projet de loi 22 s'oriente vers une formule plus unilingue. Quant au bill 63, le député, s'il est honnête, doit reconnaître que l'article 48 tel qu'amendé abolit le bill 63 et présente une formule qui se rapproche beaucoup de celle du Parti québécois selon les observateurs et les analystes qui suivent objectivement.

M. LESSARD: On en reparlera à ce moment.

M. BEDARD (Chicoutimi): Oui, mais vous oubliez de lire le début, par exemple. Lisez donc la question, c'est important avant.de lire une réponse. La question est la suivante: M. Chevrette, il y des analystes qui, en scrutant le projet de loi 22, ont constaté... — Ecoutez, je vous ai écouté, moi — M. Chevrette, il y a des analystes qui, en scrutant le projet de loi 22, ont constaté que finalement, c'était une sorte de mélange entre des formes de bilinguisme et des formes d'unilinguisme... Attendez donc, vous avez bien peur!

M. HARDY: Mais vous avez fini votre temps.

M. BEDARD (Chicoutimi): Pardon, je réponds à une question du premier ministre.

M. BOURASSA: On a écouté cela hier. Cela a été lu par le député de Saguenay.

M. BEDARD (Chicoutimi): Vous avez peur de la réponse?

M. BOURASSA: Bien non! Ce sont les mêmes clichés que vous nous servez depuis...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Si vous me permettez,...

M. BEDARD (Chicoutimi): Sur un point de règlement, M. le Président, j'aimerais répondre à cette affirmation fautive.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le premier ministre ne vous a pas posé de question.

M. BOURASSA: Je n'ai pas posé de question.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Il a rectifié en vertu de l'article 96. Ce n'est pas une question.

M. BOURASSA: Cela fait des années qu'on entend les mêmes clichés.

M. LEGER: Sur un point de règlement, M. le Président, selon l'article 96, si le député de Chicoutimi voit que le premier ministre l'a mal cité ou mal compris, a le droit de revenir pour expliciter...

M. HARDY: M. le Président, sur la question de règlement.

M. LEGER: ... autant qu'il veut ce qui a été mal compris ou mal interprété par un autre député.

M. HARDY: M. le Président, sur la question de règlement. Le premier ministre n'a pas cité le député de Chicoutimi, le premier ministre a cité M. Chevrette...

M. LEGER: ... a mal compris et mal interprété le député de Chicoutimi.

M. HARDY: ... et actuellement, voyez-vous où on est rendu à torturer et à faire tout ce que vous...

M. BEDARD (Chicoutimi): Arrêtez donc! C'est une question d'honnêteté. Le premier ministre n'a fait que lire une partie de la réponse...

M. HARDY: Le premier ministre a cité...

M. BEDARD (Chicoutimi): ... et il ne lit pas la question comme il le faut.

M. HARDY: Bien oui, mais ce n'est pas vous qui avez à vous en plaindre; ce serait M. Chevrette.

M. BEDARD (Chicoutimi): C'est faux! Il induit la commission en erreur avec cela.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!

M. HARDY: M. le Président, question de règlement !

M. BEDARD (Chicoutimi): C'est une interprétation... C'est hypocrite, cette affaire. Laissez-moi donc tranquille !

M. HARDY: M. le Président, premièrement, sur la question de règlement. L'article 96 dit qu'un député qui a été mal cité peut rétablir les faits. Or, le premier ministre ne cite pas le député de Chicoutimi, le premier ministre cite le professeur de droit Chevrette...

M. MORIN: C'est plus facile.

M. HARDY: Le député de Chicoutimi, M. le Président, se scandalise. Le député de Chicoutimi...

M. BEDARD (Chicoutimi): Bon! Je ne me scandalise pas...

M. HARDY: Attendez donc une seconde! Etes-vous capable de respecter le minimum de droit de parole des autres?

M. BEDARD (Chicoutimi): S'il y en a un qui le respecte, c'est moi. Sur cela... Pour le respecter, je tiens à vous dire une chose, je n'ai pas pris l'exemple sur vous.

UNE VOIX: Tais-toi!

M. BEDARD (Chicoutimi): Parce qu'avec toutes vos interventions inopportunes, vous ne m'avez pas donné d'exemple.

M. HARDY: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!

M. HARDY: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne) : Sur quoi voulez-vous parler?

M. HARDY: ... le premier ministre cite... Sur la question de règlement. Le premier ministre cite le professeur Chevrette, et le député de Chicoutimi reproche au premier ministre de ne pas avoir tout cité, parce que, dit le député de Chicoutimi, le premier ministre n'a pas cité la question. Mais la question, ce n'est pas l'opinion du professeur Chevrette. La question, c'est l'opinion du journaliste Barnabé...

M. BEDARD (Chicoutimi): Attendez!

M. HARDY: Le premier ministre n'a pas voulu citer le journaliste Barnabé. Il a voulu citer le professeur Chevrette...

M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président...

M. HARDY: C'est-à-dire qu'il a cité au complet le professeur Chevrette, mais le député de Chicoutimi voudrait qu'on cite M. Barnabe. Il est fort possible, comme il arrive très fréquemment, que le journaliste Barnabe n'ait pas eu, dans la réponse de M. Chevrette, la réponse qu'il aurait voulu avoir. C'est possible, mais cela, ce n'est pas notre faute.

M. BEDARD (Chicoutimi): D'accord! M. le Président...

M. HARDY: L'opinion de M. Chevrette a été exprimée très clairement. Il dit que nous nous acheminons actuellement vers l'unilinguisme. Je comprends que le député de Chicoutimi n'aime pas cela. Je comprends que le député de Chicoutimi aime mieux la question de M. Barnabé...

M. BEDARD (Chicoutimi) : Ce n'est pas cela. C'est faux ce qu'il dit. Ce n'est pas cela.

M. HARDY: Je comprends, mais nous ne sommes pas ici nécessairement...

M. LEGER: C'est comme Nazaire et Barnabe.

M. HARDY: ... pour faire plaisir au député de Chicoutimi.

M. BEDARD (Chicoutimi): Continuez la tartufferie, vous. Envoyez! Vous avez un bel exemple d'abord.

M. LESSARD: Question de règlement.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Saguenay, sur une question de règlement.

M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, je voudrais une directive. Je ne suis pas rompu

aux règles de procédure parlementaire. Je n'ai pas peur, je ne m'en cache pas. Je pense que, après six mois seulement, j'en sais peut-être plus que vous.

M. BOURASSA: Vous vous pensez puissant... Vous vous forcez pour faire un bon "show".

M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, simplement ceci: Je me demande une chose. En toute justice, lorsqu'on cite l'opinion d'un expert, est-ce qu'il est de l'obligation de celui qui cite, de citer correctement?

M. BOURASSA : Où en est-on rendu? .

M. BEDARD (Chicoutimi): Non, mais je vous le demande.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne) : A moi? M. BOURASSA: Procédons!

M. BEDARD (Chicoutimi): Si on s'aperçoit, M. le Président, qu'un membre de la commission a mal cité un expert auquel il se réfère, et lui fait dire des choses qu'il n'a pas dites en fait, quelle est la manière d'intervenir? Parce que je crois que le premier ministre fait dire des choses à M. Chevrette qui ne sont pas vraies. Comment puis-je intervenir?

M. BOURASSA: J'ai cité au texte...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Pour répondre à votre question...

UNE VOIX: Question de règlement.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je vais répondre à la question. Il ne m'appartient pas de juger les interventions de chacun des députés...

UNE VOIX: D'accord!

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): ... et pour autant que les interventions sont faites en conformité avec les règlements, mon travail s'arrête là. Mais j'attire à nouveau votre attention sur ceci. J'espère avoir un peu plus de collaboration de part et d'autre de ce côté, parce que, trop souvent, on ne se souvient pas qu'il y a un président ici, et que la première règle, c'est de s'adresser à lui pour avoir la parole, que ce soit moi ou un autre.

M. LESSARD: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui. Le député de Saguenay.

M, LESSARD: Puis-je vous indiquer aussi...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Avec plaisir.

M. LESSARD: ... qu'en vertu de l'article 96, le premier ministre était hors du sujet lorsqu'il soulevait une question de règlement concernant la citation du député de Chicoutimi. En effet, puis-je vous indiquer, en même temps, l'indiquer aussi au premier ministre qu'il ne connaît pas son règlement? Puis-je lui indiquer, M. le Président, et lui lire l'article 96, où on dit ceci: "Le député qui prend la parole pour donner des explications sur le discours qu'il a déjà prononcé ne peut le faire que lorsque le discours qui les provoque est terminé, à moins que celui qui le prononce ne consente à être interrompu"?

Je voudrais vous indiquer ceci, M. le Président...

M. BOURASSA: Votre chef ne voudra jamais se présenter comme candidat après ce qu'il voit cet après-midi.

M. LESSARD: Je voudrais vous indiquer... Nous ne perdons pas notre temps, parce que le premier ministre intervient constamment.

M. BOURASSA: Quant à la perte de temps, pensez-vous que votre chef va vouloir se représenter comme candidat?

M. LESSARD: Question de règlement, M. le Président!

LE PRESIDENT (M. Lamontagne) : Oui, oui.

M. LESSARD: Le premier ministre... C'est seulement pour informer le premier ministre, parce qu'il intervient constamment...

M. BOURASSA: II ne voudra plus revenir...

M. LESSARD: ... M. le Président, sur des questions de règlement qui n'en sont pas. Ce que le député de Chicoutimi a cité, ce n'est pas le premier ministre.

M. HARDY: Je ne suis pas intervenu...

M. LESSARD: Si cela avait été le premier ministre, là, le premier ministre aurait eu raison d'utiliser l'article 96. Mais ce que le député de Chicoutimi a cité, c'est M. Chevrette. Or, M. Chevrette n'est pas le premier ministre, à ce que je sache, et M. Chevrette n'est pas ici, à cette commission parlementaire, pour soulever une question de règlement concernant la citation qu'a donnée le député de Chicoutimi. Il n'appartenait pas, en vertu de l'article 96, au premier ministre, d'utiliser cet article. C'est bien à l'article 96. Et c'est simplement ce que je voulais vous indiquer parce que le député de Chicoutimi...

M. HARDY: II a épuisé son droit de parole.

M. LESSARD: ... n'a pas cité les paroles du premier ministre, n'a pas utilisé un discours du premier ministre. C'est dans ces seuls cas que l'article 96 doit prévaloir et non pas tel qu'a tenté de le faire, pour passer son message, pour passer son disque normal...

M. HARDY: Vous êtes encore à côté de la question.

M. LESSARD: ... le premier ministre.

M. LEGER: M. le Président, sur une question de règlement.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Sur une question de règlement. Le député de Lafontaine.

M. HARDY: Ils sont à court de motions. Ils s'acharnent sur le règlement.

M. LEGER: Justement, le ministre des Affaires culturelles qui, habituellement...

M. BOURASSA: Vous avez hâte d'aller en vacances.

M. LEGER: ... veut que les gens soient polis devrait écouter parce que le député de Chicoutimi, selon l'article 95, a le droit, et je lis l'article 95: "Un député ne peut prendre la parole plus d'une fois sur une question si ce n'est pour s'expliquer".

Le premier ministre a interrompu et, par la suite, a attendu la fin du discours du député de Chicoutimi pour essayer...

M. BOURASSA: Avec patience!

M. LEGER: ... d'interpréter le texte de M. Chevrette à la façon du député de Chicoutimi ou à la façon du député de Mercier et, comme il a été mal interprété, le député de Chicoutimi a absolument le droit de s'expliquer, selon l'article 95, parce que le premier ministre a mal interprété la façon dont le député de Chicoutimi s'exprimait.

Donc, le député de Chicoutimi a parfaitement le droit de revenir pour s'expliquer si le premier ministre a mal compris l'intervention que le député de Chicoutimi a faite.

M. HARDY: Une autre période de 20 minutes. Le député de Chicoutimi veut une autre période de 20 minutes? Non.

M. LEGER: Non. Mais il a le droit de s'expliquer.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Louis-Hébert.

M. DESJARDINS: Cela va prendre un avocat pour mettre fin aux procédurites dont je suis témoin depuis quelques instants. Je vais tenter de ramener le débat dans son contexte et à son mérite, et dans le fond même du sujet.

J'ai écouté avec attention l'intervention du député de Chicoutimi et il me permettra de m'inscrire en faux sur une partie de son discours lorsqu'il a fait allusion au dialogue de sourds et au fait que les députés ministériels n'entamaient pas le fond de la question.

Depuis que j'interviens devant cette commission, j'ai toujours cherché à fouiller le fond qui était soulevé de part et d'autre, j'ai toujours cherché à étudier les principes de base et c'est la raison pour laquelle je ne peux pas accepter ces remarques du député de Chicoutimi qui, d'ailleurs, a peut-être exprimé ce qu'il ne pensait pas réellement ou a mal exprimé ce qu'il voulait dire.

M. BEDARD (Chicoutimi): Ne vous faites pas d'illusion.

M. DESJARDINS: Si le député de Chicoutimi continue d'intervenir et de parler de dialogue de sourds, j'ai le droit de lui répondre là-dessus, au début de mon intervention. S'il veut parler de dialogue de sourds, je lui rappellerai l'amendement de samedi dernier. A ce moment, le Parti québécois, qui a présenté un amendement, aurait pu tout de suite présenter le sous-amendement que ses membres ont présenté lundi, soit hier, puisqu'ils avaient ce sous-amendement dans leur poche de derrière depuis le mercredi précédent, selon les termes mêmes du député de Chicoutimi.

Qu'on ne vienne pas parler de dialogue de sourds parce que moi, samedi dernier, quand on a parlé de l'amendement du Parti québécois, j'aurais bien aimé posséder le sous-amendement en même temps et je pense que la discussion aurait été beaucoup plus valable et ce, dans l'intérêt des Québécois.

Si vous me le permettez, j'en arrive maintenant au sous-amendement qui se lit comme suit: "Aucune autre langue n'a de statut officiel à moins qu'une loi de la Législature du Québec ne lui confère expressément ce statut".

Je vous soumets que cet amendement cherche, habilement et en jonglant avec les mots, à amender, indirectement, l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Or, déjà nous avons fait valoir des arguments afin d'éviter d'amender cet article de la constitution qui confère une valeur égale au français et à l'anglais devant les tribunaux et devant le Parlement.

En fait, c'est cela, en résumé, l'article 133 de la constitution qui — selon la jurisprudence citée par mon collègue de Mont-Royal, la cause de Rex vs Dubois — donne au français et à l'anglais une valeur égale au Québec, au Parlement et devant les tribunaux.

Or, nous avons dit, dès le début, que nous ne voulions pas amender l'article 133 pour plusieurs raisons. Personnellement, j'ai déjà manifesté des inquiétudes très sérieuses, comme avocat d'abord et comme citoyen, au chapitre de la liberté de l'individu devant les tribunaux et au chapitre de la défense pleine et entière qui est un principe fondamental en matière de droit criminel. J'ai invoqué également des inquiétudes profondes au chapitre de la constitutionnalité. H est vrai que des juristes, des experts en matière constitutionnelle prétendent que le Québec peut amender l'article 133, mais il est vrai également — ici, j'essaie, avec pondération, de mettre l'Opposition au défi de me contredire là-dessus — que d'autres juristes et d'autres experts en matière constitutionnelle prétendent que le Québec ne peut pas amender l'article 133. Par conséquent, si nous nous rendons aux demandes de l'Opposition, en amendant l'article 133 de façon directe comme ils l'ont voulu samedi dernier et lundi dernier, ou en amendant l'article 133 de façon indirecte, comme on nous demande de le faire aujourd'hui, est-ce qu'on ne se place pas dans un risque de faire contester le bill 22 au niveau constitutionnel? Est-ce qu'il n'y a pas au moins un risque? Je demande au chef de l'Opposition de me répondre là-dessus. Est-ce qu'il n'y a pas au moins un tout petit risque que quelqu'un conteste la constitutionnalité du bill 22, si on accepte le sous-amendement que nous avons aujourd'hui, en admettant qu'il modifie en quelque sorte l'article 133?

Les opinions sont partagées, parce que chaque fois qu'il y a deux avocats, un en face de l'autre, c'est bien évident qu'en matière d'interprétation des lois, il est bien rare que nous soyons d'accord sur un même texte et c'est pour cela d'ailleurs qu'il y a des procès, qu'il y a des jugements et qu'il y a des décisions rendues par des cours d'Appel. Alors, face à un même texte, il s'en trouvera pour dire qu'on ne peut pas amender l'article 133 et il se trouvera peut-être des gens qui porteront cela devant la cour Suprême du Canada. Est-ce qu'un gouvernement responsable a vraiment le droit de mettre en péril des droits qui existent depuis 1867 à l'article 133, des droits qui sont conférés, non seulement à l'élément anglophone, mais des droits qui sont conférés également aux francophones en vertu de ce même article? Avons-nous le droit de mettre cela en péril? Avons-nous le droit d'engager un débat constitutionnel, ce qui prend du temps, ce qui prend de l'argent puisqu'on devra le plaider en cour Suprême?

A ce moment-ci, j'attire votre attention, M. le Président, sur les inquiétudes du chef de l'Opposition officielle, qui ont été brillamment relatées par le ministre de l'Education, puisque c'est le chef de l'Opposition officielle qui, lui-même, nous a dit qu'il fallait éviter, en quelque sorte, — je vais donner ouverture à l'article 96 parce que peut-être je le citerai mal, mais il me reprendra là-dessus — de risquer un débat constitutionnel. Mais, depuis le début, je suis vraiment convaincu maintenant que l'Opposition officielle voudrait ce débat constitutionnel et que l'Opposition officielle tente, de manière très habile, de nous faire modifier l'article 133 et s'imagine qu'on ne s'en rendra pas compte, justement pour provoquer un débat constitutionnel. Quand je dis que j'en suis convaincu maintenant, vous savez ce n'est pas seulement cet après-midi que j'ai assisté à la commission parlementaire — et ceci à l'intention des soupirs que je viens d'entendre — j'y ai assisté la semaine dernière également et, face aux amendements qui ont précédé celui-ci, aux sous-amendements qui ont précédé celui-ci et qui tous tentaient, d'une façon ou de l'autre, d'amender l'article 133 de la constitution canadienne, je trouve donc une contradiction dans ces amendements et ces sous-amendements, face aux inquiétudes du chef de l'Opposition officielle, dans les circonstances, tant parce que cet article 133 existe depuis 1867, qu'il s'y est accroché une tradition et il s'y est accroché de la jurisprudence, tant pour le fait qu'une constitution n'est pas comme un texte de loi.

Je mets l'Opposition, ici, au défi de contredire ce que je vais vous dire. Une constitution est à la fois un droit juridique, d'accord, puisque c'est un texte juridique, mais ça confère également aux individus un droit moral et un droit traditionnel.

Tandis que si l'article 133 était placé dans notre bill 22, actuellement, ce ne serait plus un droit fondamental constitutionnel, ce serait un droit strictement juridique, ce serait du droit statutaire. Je peux vous dire, à ceux qui ne sont pas avocats, qu'en matière de droit statutaire, il doit être interprété à la lettre, qu'on laisse de côté le droit moral, qu'on laisse de côté la tradition, les droits traditionnels en matière statutaire. On interprète le droit strictement à la lettre et c'est ça qu'on voudrait maintenant dans le bill 22, alors que, depuis 1867, les citoyens, non seulement les anglophones du Québec mais également les francophones du Québec, jouissent d'un droit juridique, d'un droit moral et d'un droit traditionnel qui leur sont tous conférés par l'article 133 de notre constitution.

Je dis que le sous-amendement — ça, je veux le raisonner objectivement — amende indirectement l'article 133 — et j'émets ici une opinion strictement personnelle — parce qu'il dit qu'aucune autre langue n'a de statut officiel. Qu'est-ce que c'est un statut? A mon avis, selon le dictionnaire que j'ai consulté là-dessus, un statut est une situation de fait. Donc, l'article 133 a conféré depuis 1867 une situation de fait à la langue anglaise et à la langue française, donc un statut depuis ce temps. Un statut officiel est une situation de fait conférée par l'autorité. Par conséquent, depuis 1867, l'article 133 a conféré une situation de fait, donc a conféré un statut

officiel, puisque la constitution est d'autorité et je dis que puisque l'amendement dit: "Aucune autre langue n'a de statut officiel", on veut modifier indirectement l'article 133.

Ce raisonnement, j'aimerais bien entendre l'Opposition le réfuter parce que j'en suis profondément convaincu et j'aimerais bien que vous tentiez de me convaincre du contraire, sinon les mots ne veulent plus dire ce qu'ils disent et j'ai pris la peine de vérifier les deux mots dans le dictionnaire.

Ensuite, M. le Président, si on prend le sous-amendement, ça veut dire que chaque fois que le bill 22 conférera un droit quelconque ou reconnaîtra un usage quelconque de l'anglais au Québec, il faudra ajouter et ce, nonobstant l'article 1, l'article 2, l'article 5 de la présente loi, chaque fois — et je vais vous dire pourquoi, l'amendement est mal rédigé — personnellement, je ne l'aurais pas rédigé comme ça, sauf le respect que je dois aux juristes du Parti québécois, mais ça devrait être rédigé comme ça, à cause de la fin du sous-amendement qui dit: A moins qu'une loi de la Législature du Québec ne lui confère expressément ce statut". A cause du mot "expressément", chaque fois qu'un article quelconque ou qu'une partie d'article quelconque conférera un statut quelconque à la langue anglaise, c'est-à-dire reconnaîtra à la langue anglaise une situation de fait qui existe depuis 1867 comme le bill 22 le fait dans le moment, il faudra ajouter, "et ce, nonobstant l'article 1, l'article 2 et l'article 5 de la présente loi". Quand on prend le contre-projet du Parti québécois, il tente de convaincre, et ici, c'est dans le cadre du sous-amendement parce qu'il se réfère toujours à l'article 133, et il se relie au bill 22 et il se relie aux sous-amendements qui ont précédé, le Parti québécois a tenté de convaincre la population que le bill 22 conférait l'anglais langue officielle à cause des autres articles qui suivent. C'est absolument faux, c'est une interprétation parfaitement erronée, mais l'Opposition, je crois, et d'autres personnes ont mentionné que le bill 22 donnait aux anglophones quatorze droits que les anglophones n'avaient pas auparavant. Ceci est faux, parce qu'il y a une situation de fait qui existe depuis 1867, et le bill 22 ne fait que mettre par écrit une situation de fait qui existe depuis ce temps. Par conséquent... Laissez-moi finir, vous verrez...

M. MORIN: Très bien.

M. DESJARDINS: Par conséquent, je prends ici le contre-projet du Parti québécois et j'ai relevé personnellement ce matin, à 21 endroits dans le contre-projet du Parti québécois, que l'on confère des droits aux anglophones. M. le Président, je prends ici le sous-amendement et je dis ceci à l'honorable chef de l'Opposition officielle qui se moque des "toutefois", des "mais", des "cependant" du bill 22, mais je peux me moquer moi aussi du contre-projet du

Parti québécois, parce que, si je prends l'article 2, paragraphe b), je lis: "Les procès-verbaux et autres documents de l'Assemblée nationale seront rédigés et publiés en français. Toutefois, etc." "de même", et cela continue.

Au paragraphe c) et je cite: "Ils seront rédigés en français, mais..." et cela continue. La même chose au paragraphe d) quand on dit: "Dans toute la mesure du possible". Alors, M. le Président, quand on vient parler de l'arbitraire bill 22, qu'on nous parle donc de l'arbitraire contre-projet du Parti québécois. Je pourrais continuer les "toutefois", les "mais", les "cependant" et les "dans la mesure du possible" du contre-projet du Parti québécois.

Mais je prends leur amendement maintenant et je dis: Voici, à l'article 1, qui confère des droits aux anglais — il y en a 21 comme cela, je ne les passerai pas tous, il y en a 21 bien comptés... Cela veut donc dire qu'à l'article 1, quand le contre-projet du Parti québécois dit: "Toutefois, un député pourra utiliser la langue anglaise dans les débats", il devra ajouter "et ce, nonobstant l'article 1 de la présente loi".

Quand le contre-projet du Parti québécois ajoute: "De même un particulier pourra s'adresser en anglais aux commissions de l'Assemblée nationale", il faudra encore alourdir le texte et ajouter cette restriction, ou je comprends que cette restriction "Nonobstant, etc." pourrait être ajoutée dans un seul article, et énumérer tous les articles auxquels on veut "nonobster", si vous me permettez l'expression.

Je pense, M. le Président, qu'il y a beaucoup de personnes ici, dans la province, qui ignorent que le Parti québécois, dans son contre-projet au bill 22, veut reconnaître la situation de fait qui existe en faveur des anglophones, la reconnaît expressément dans 21 points que j'ai numérotés et qui sont là devant moi en toutes lettres.

Par conséquent, je me demande jusqu'à quel point et je recherche vraiment jusqu'à quel point ils sont sérieux. Je recherche comment ils peuvent concilier les positions qu'ils ont prises sur les amendements antérieurs, les sous-amendements, le présent amendement, qui sera probablement suivi d'un sous-amendement quelconque qu'un député pequiste quelconque a probablement dans sa poche de derrière encore une fois, mais me demande — et samedi dernier, si vous vous rappelez, d'autres députés l'ont dit — et moi aussi — on a dit que l'Opposition officielle agissait quelque peu de façon hypocrite, en disant: "II faudrait enlever l'article 133" et en ne nous disant pas tout de suite qu'il faudrait le remettre dans le bill 22...

Parce que l'amendement, c'était d'enlever l'article 133 du bill 22 et le sous-amendement, qui a été présenté seulement lundi, mais qui était prêt depuis le mercredi précédent, c'était de le remettre dans le bill 22. Je leur ai dit, vous voulez changer quatre "trente-sous" pour une piastre...

M. BURNS: C'est absolument faux.

M. DESJARDINS: Si c'est faux, vous me reprendrez tout à l'heure, M. le Président...

M. BURNS: Non, mais vous dites des faussetés.

M. MORIN: Cela fait plusieurs fois que vous présentez cela.

M. BURNS: Vous dites des faussetés.

M. DESJARDINS: M. le Président, j'ai dit la semaine dernière...

M. BURNS: Ce n'est pas votre faute, vous êtes habitué...

M. DESJARDINS: ... que le député de Maisonneuve était habile pour nous interrompre, on en a encore la preuve aujourd'hui et j'ai constaté, depuis que j'assiste à ces commissions parlementaires, qu'on est interrompu quand on les attaque sur le fond. Sur la forme, cela ne leur fait rien. Mais quand on les attaque de front et sur le fond, cela leur fait mal. Quand j'ai fait mon discours hier, vous m'avez interrompu également. M. le Président, je vous demande d'être sévère et de me laisser terminer. J'achève.

M. BURNS: Je ne vous interromps plus si cela vous fait plaisir quand je vous interromps.

M. DESJARDINS: Ha! Ha! De toute façon, moi, je ne parle pas pour la galerie ici, j'essaie de parler objectivement depuis le début, pout tenter de découvrir quelle est la véritable pensée du Parti québécois et quel est vraiment son désir ultime. Est-ce que c'est de retarder pour le simple plaisir de retarder?

La preuve, cet amendement avec ce sous-amendement caché, c'est cela qu'on appelle un "filibuster", c'est un retard inutile et dilatoire dans les débats parlementaires pour des raisons, parfois, de partisanerie politique et, d'autres fois, pour d'autres motifs qui n'ont pas encore été révélés et, d'autres fois, encore pour retarder l'adoption d'un bill. Encore une fois, je ferme la parenthèse, parce que j'ai toujours dit que j'acceptais un "filibuster" sur le fond, mais que je ne l'acceptais pas sur la forme, et dans le moment, on en fait un sur la forme. En d'autres mots, ce qu'on fait, c'est de la procédure au lieu de présenter des motions de fond.

Je conclus, parce que je crois que mon temps est terminé. M. le Président, cette motion ne contredit pas, mais cette motion veut définitivement modifier l'article 133, parce que les mots "statut officiel" modifient les droits qui sont conférés aux Québécois francophones et aux Québécois anglophones tant par l'article 133 lui-même que par la jurisprudence et la tradition. Je vous remercie.

Je demande le vote, M. le Président.

M. BURNS: On consent.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Saguenay.

M. MORIN: Est-ce que je pourrais, auparavant, invoquer l'article 96?

M. DESJARDINS: Oui, mais, M. le Président, je soulève une question de règlement. Si le chef de l'Opposition veut invoquer l'article 96, qu'il aille directement aux faits, qu'il rétablisse les faits sans discours. L'histoire, je l'entends depuis une semaine. De l'histoire ici, je ne veux plus en entendre, je connais par coeur l'histoire.

M. CHARRON: Vous êtes en train d'en faire, par exemple.

M. BURNS: Allez-vous en chez vous, c'est tout.

M. DESJARDINS: Parlez donc d'autre chose que de l'histoire...

M. BURNS: On va rester entre personnes intéressées, si vous vous en allez chez vous.

M. DESJARDINS: On a parlé de 1840, de 1867.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le chef de l'Opposition officielle, l'article 96.

M. DESJARDINS: Parlez pour la galerie.

M. MORIN: Je pensais que le député voulait un débat sérieux. C'est dans cet esprit que j'invoque l'article 96.

M. DESJARDINS: Dans ce cas, j'accepte le débat.

M. MORIN: Vous prêtez constamment des intentions à l'Opposition et c'est peut-être le reproche que j'ai à vous faire à la suite de votre intervention de tout à l'heure, alors que vous avez déclaré que nous appelions de nos voeux en quelque sorte la contestation constitutionnelle du projet de loi ou de tout projet de loi en faveur du français au Québec.

M. le député de Louis-Hébert, c'est, je crains...

M. DESJARDINS: Adressez-vous au président.

M. MORIN: ... un façon de nous prêter des intentions qui se trouvent peut-être, au fond, dans votre esprit à vous...

M. DESJARDINS: C'est confirmé par les faits.

M. MORIN: Nous avons dit que nous pensons que, dans l'état actuel des choses, étant donné que le gouvernement ne veut pas rendre l'article 133 inapplicable au Québec, cette con-

testation constitutionnelle est probablement inévitable, surtout à la suite de certaines déclarations qui ont été faites, non seulement par des experts constitutionnels à l'extérieur de cette salle, mais à la suite de certaines déclarations du député de Mont-Royal et du député de Sainte-Anne, qui ont évoqué, à plusieurs reprises et, si je ne m'abuse, encore aujourd'hui, la possibilité que le bill 22 serait inconstitutionnel dans la mesure où il va à l'encontre de l'article 133. Est-ce que je vous interprète mal, M. le député de Mont-Royal? Je ne le pense pas.

M. DESJARDINS: A l'ordre!

M. MORIN: Ce que nous avons dit, c'est que ce projet de loi risque fort de soulever des débats constitutionnels. Nous n'avons jamais dit que nous le souhaitions. Au contraire, j'ai dit — et c'est un fait que vous avez été présent à presque toutes nos réunions, donc, vous n'avez pas d'excuse de soutenir un point de vue comme celui-là — vous m'avez entendu dire ainsi que mes collègues, à plusieurs reprises, que nous souhaitions éviter cette humiliation du désaveu ou de la comparution devant la cour Suprême du Canada.

Je vois le député qui opine du bonnet. Je vois mal comment il a pu nous prêter les intentions qu'il nous prêtait. C'est un premier point. Je n'ai pas tout à fait terminé.

Ce que nous avons voulu faire, c'est d'écarter clairement l'article 133 du chemin. C'est pour cela qu'on vous a présenté, au cours des jours précédents, plusieurs motions que vous avez écartées à tour de rôle, tendant à ce que l'article 133 ne puisse être invoqué à l'encontre de toute loi québécoise, parce qu'une fois qu'on adopte une motion, un amendement dont l'effet serait le même que celui de l'article 133, on peut invoquer le précédent manitobain et il est fort peu probable qu'il y ait soit désaveu, soit appel aux tribunaux.

C'est donc mon premier point et je n'ai pas objection à ce que le député de Louis-Hébert me réponde...

M. DESJARDINS: Très brièvement.

M. MORIN: ... à condition qu'il dise clairement qu'il nous a prêté des intentions que nous n'avions pas.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne) : Je voudrais, dès à présent, que le chef de l'Opposition termine sa rectification en vertu de l'article 96, pour ne pas engendrer de débat.

M. MORIN: L'autre point, je ne sais pas si le député s'en est rendu compte, mais avec son argumentation sur les droits juridiques découlant de l'article 133, il en est arrivé à nous dire...

M. HARDY: C'est du débat, ce n'est pas l'article 96.

M, MORIN: ... que l'anglais possède un statut officiel au Québec. Cela n'est peut-être pas ce qu'il a voulu soutenir.

M. HARDY: Ce n'est pas l'article 96.

M. DESJARDINS: M. le Président, j'invoque également l'article 96, mais je serai très bref sur la première partie, parce que je ne veux absolument pas recommencer un débat. Je n'ai pas affirmé que l'Opposition officielle avait dit qu'elle souhaitait une contestation constitutionnelle, non. C'est une conclusion que j'ai tirée des faits. C'est ce que j'ai dit d'ailleurs dans mon intervention. C'est strictement une conclusion que j'ai tirée de ce dont j'ai été témoin ici.

M. MORIN: Cela s'appelle prêter des intentions.

M. DESJARDINS: II est exact que le chef de l'Opposition a dit qu'au contraire, il ne souhaitait pas une telle contestation. Mais le dire et le penser sont deux choses différentes, et les actes prouvent que ce n'est pas vraiment ce que vous pensez.

M.MORIN: C'est cela. Cela s'appelle prêter des intentions.

M. DESJARDINS: Oui, comme vous voulez, mais peu importe, j'ai le droit de tirer une conclusion.

M. MORIN: C'est cela.

M. DESJARDINS: J'ai été honnête là-dessus, je l'ai dit.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Saguenay.

M. CLOUTIER: J'ai deux présidents.

M. LESSARD: M. le Président, je suis toujours heureux d'écouter le député de Louis-Hébert lorsqu'il parle sur nos différentes motions. En effet, chaque fois que le député de Louis-Hébert parle sur nos motions, il justifie en fait nos motions, il justifie la présentation de nos motions. Il faudrait comprendre un peu la logique des différentes motions que nous avons présentées. Tout à l'heure, je reviendrai à ce qu'a dit le député de Louis-Hébert.

D'abord, nous avons un projet de loi qui nous a été présenté par ce gouvernement. Il est normal, comme Opposition, que nous tentions d'améliorer ce projet de loi. Il est normal que nous prenions d'abord ce projet de loi, tel qu'il nous est présenté par le gouvernement, en ce sens que ce n'est pas notre projet de loi, c'est bien le projet de loi qui nous a été présenté par le gouvernement et, comme nous avons accepté de jouer le jeu parlementaire, comme nous avons accepté de nous présenter à la commission parlementaire, c'est donc, pour nous de

l'Opposition, accepter que nous puissions améliorer ce projet de loi et fonctionner un petit peu à l'intérieur de la stratégie du gouvernement.

M. le Président, lorsque nous avons commencé à étudier l'article 1 qui dit tout simplement que le français est la langue officielle, ayant lu les autres articles du projet de loi, nous avions, à ce moment, constaté qu'il y avait une certaine distorsion entre les 129 autres articles et l'article 1. C'est pourquoi nous avons voulu, dès le premier article du projet de loi, confirmer le fait que le français soit la seule langue officielle au Québec. Cette motion a été battue en disant que c'était de la redondance ou encore par peur ou par crainte, parce que le premier ministre avait dit à ce moment au chef de l'Opposition : Allez donc dire cela aux anglophones.

De toute façon, M. le Président, je n'ai pas l'intention de revenir sur cette motion. Cette motion a été refusée par le Parti libéral parce qu'on dit qu'en déclarant que le français est la langue officielle au Québec, cela veut dire que c'est la seule langue officielle au Québec. Il a fallu prendre la parole de ce gouvernement. Cependant, si on se fie à la déclaration du premier ministre, qu'il avait d'ailleurs utilisée à l'Assemblée nationale, lors de son discours en deuxième lecture, il fallait, nous, pour être logiques avec nous-mêmes — en même temps pour tenter de faire en sorte que ce gouvernement soit logique avec l'article 1 — demander que l'article 133 soit abrogé, au moins en ce qui concerne la juridiction provinciale.

Or, M. le Président, je pense que les propos qu'a tenus le député de Louis-Hébert tout à l'heure confirment exactement que notre démarche était logique, que notre démarche était rationnelle. En effet, dit le député de Louis-Hébert, en vertu de l'article 133 de la constitution canadienne, l'anglais a obtenu un statut officiel au Québec. C'est donc dire que si l'anglais a obtenu un statut officiel, c'est donc dire que l'anglais, en vertu de l'article 133 de la constitution, est reconnu comme langue officielle à l'intérieur des débats parlementaires...

M. DESJARDINS: C'est faux.

M. LESSARD: ... et reconnu comme langue officielle à l'intérieur des tribunaux du Québec. D'ailleurs, c'est le député, je pense, de Louis-Hébert qui nous confirmait l'autre jour que si on adoptait cet article, cela allait créer un certain nombre de problèmes, qu'il serait possible, par exemple, pour un Québécois anglophone de pouvoir... qu'il serait nécessaire pour un Québécois anglophone de s'exprimer devant les tribunaux qui sont sous juridiction provinciale, en langue française. Par contre, lorsque ce même individu devait se présenter devant un tribunal de juridiction fédérale, à ce moment, il aurait la possibilité de s'exprimer en langue anglaise en vertu de l'article 133 de la constitution.

Ceci a amené notre sous-amendement, parce qu'en disant ceci, le député de Louis-Hébert est en train de nous confirmer qu'il était impossible au Québec de faire une véritable politique linguistique sans avoir au préalable déclaré l'indépendance du Québec, sans avoir au préalable décidé de notre pleine juridiction, tant à l'intérieur de l'Assemblée nationale, en reprenant nos pouvoirs, qu'au niveau des tribunaux. C'est dans ce sens que, chaque fois que le député de Louis-Hébert intervient, il est en train tout simplement de justifier l'Opposition. C'est pourquoi, étant donné que nous fonctionnons encore à l'intérieur de ce système, étant donné que nous devons actuellement faire un projet de loi à l'intérieur du fédéralisme canadien, nous avons voulu reconnaître le droit individuel de pouvoir s'exprimer dans la langue respective de l'individu, dans sa langue maternelle devant les tribunaux et à l'Assemblée nationale. Ce que le député de Louis-Hébert ne semble pas comprendre, c'est qu'il y a une différence entre des droits individuels que nous avons toujours reconnus, que nous avons toujours affirmés ici, tant en commission parlementaire qu'à l'Assemblée nationale, et les droits individuels ou privilèges, dis-je, individuels qui ne sont pas reconnus par des textes officiels. Or, ce que nous demandons, et je pense que c'était la logique que devait faire le Parti québécois, ce que nous demandons à ce gouvernement, c'est qu'il veut véritablement faire du français la seule langue officielle. Est-ce qu'il veut véritablement avoir une seule langue officielle au Québec? S'il le veut, tel que le premier ministre semble vouloir nous le laisser croire, il faut au moins s'attaquer à certaines choses, s'attaquer à certains documents, s'attaquer à certains articles de la constitution canadienne qui déclarent ou qui nous imposent le français et l'anglais comme langues officielles au Québec.

Je pense, M. le Président, que cette démarche que nous avons utilisée aurait dû être acceptée par ce gouvernement, d'autant plus qu'il avait à ce moment l'appui de l'Opposition. Le député de Louis-Hébert dit que nous n'avons jamais voulu faire une discussion de fond, mais n'est-ce pas, M. le Président, une véritable discussion de fond que nous faisons depuis le début de cette commission parlementaire, une véritable discussion de fond d'abord sur ce que c'est, la langue officielle d'un Etat, et deuxièmement, sur ce que nous devons faire, comme gouvernement, pour faire en sorte que le français soit proclamé la seule langue officielle?

Je pense que, si un parti a fait une discussion de fond dans ce sens, c'est bien le Parti québécois et si les intentions du premier ministre sont réelles, si les intentions du premier ministre représentent exactement ce qu'il nous dit, pourquoi, hypocritement, tenter de passer à côté de certaines difficultés de la constitution canadienne? Pourquoi ne pas tenter immédiatement d'affronter le gouvernement fédéral et de

savoir, une fois pour toutes, si on a le droit, au Québec, comme dans d'autres provinces du Canada, de faire du français la seule langue officielle? Est-ce qu'on a le droit, au Québec, de faire une réelle politique linguistique? Si je reprends les termes mêmes du député de Louis-Hébert, parce que ce dernier nous disait qu'il était possible, si on acceptait la motion qui est présentée par le député de Saint-Jacques, motion qui dit: "Aucune autre langue n'a de statut officiel à moins qu'une loi de la Législature du Québec ne lui confère expressément ce statut"...

Or, le député de Louis-Hébert disait au Parti québécois tout à l'heure qu'on espérait justement que cet affrontement allait avoir lieu. On souhaitait cet affrontement entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial. Mais le problème fondamental que nous avons à discuter actuellement n'est-il pas de savoir si nous avons le droit, comme Québécois majoritaires au Québec, de faire, au Québec, une politique linguistique qui représente les intérêts de la majorité? Avons-nous le droit de faire en sorte comme Québécois francophones majoritaires, de faire en sorte que la langue de la majorité soit la seule langue officielle au Québec? Il me semble que, si ce n'est pas là un débat de fond, je me demande ce qu'est un débat de fond.

Nous savons que d'autres provinces l'ont fait. Nous savons, à l'exemple du Manitoba, que jamais la Loi de la langue officielle du Manitoba n'a été contestée devant les tribunaux. Il me semble que ce que nous demandons est tout simplement logique, ce que nous avons demandé depuis le début est tout simplement logique. Nous avons d'abord demandé qu'on consacre dans une loi que le français soit la seule langue officielle. On a refusé, mais comme nous agissons et que nous avons accepté d'agir à l'intérieur de cette commission parlementaire, nous sommes prêts à accepter de l'affirmer de façon moins forte, de diluer ou d'amenuiser notre affirmation. Nous sommes prêts, pour autant qu'on puisse atteindre le but que nous voulons atteindre, à savoir proclamer le français comme langue officielle et comme seule langue officielle, nous sommes prêts à accepter une motion qui soit moins forte, mais qui nous permettra, par exemple, de savoir quelles sont les intentions de ce gouvernement.

Veut-il simplement, comme nous le lui avons demandé à plusieurs reprises, tenter de satisfaire le sentimentalisme des Québécois, sans tenter de satisfaire le nationalisme quétaine des Québécois, sans tenter de satisfaire le nationalisme verbeux d'un certain nombre de Québécois en disant que le français est la langue officielle, mais, par contre, parmi les 129 autres articles, l'article 133 de la constitution canadienne continue exactement d'exister, continue exactement de faire que le français et que l'anglais sont les deux langues officielles du Québec? C'est ce que nous demandons à ce gouvernement.

Ce gouvernement veut-il agir véritablement? Veut-il arrêter de jouer hypocritement avec les sentiments des Québécois? Veut-il tout simplement faire de la stratégie électorale avec une chose qui touche à tous les Québécois?

Ce gouvernement représente-t-il les Québécois francophones? Représente-t-il la majorité francophone des Canadiens français? C'est ce que nous lui demandons. Si c'est le cas, qu'il fasse une loi pour cette majorité. Si c'est le cas, qu'il prenne parti officiellement pour les francophones, pour la majorité francophone du Québec.

Ce ne sont pas, comme je l'ai dit d'ailleurs auparavant, les neuf autres provinces du Canada qui viendront défendre la langue française au Québec.

Ce n'est pas le gouvernement fédéral qui va venir défendre les intérêts de la langue française au Québec. D'ailleurs, nous avons reçu dans ce domaine une leçon du ministre Pelletier, qui disait qu'il était normal et que nous avions le devoir, comme seul gouvernement à majorité francophone du Canada, de faire en sorte que le Québec soit aussi français que l'Ontario est anglais.

Or, M. le Président, nous savons que ce ne sont pas non plus les autres qui vont prendre la défense de la langue française au Québec. Nous savons que ce n'est pas la langue anglaise qui est en danger actuellement au Canada. D'autres provinces ont décidé ouvertement, non pas hypocritement, de prendre parti pour leur majorité, de prendre parti pour la majorité anglophone de ce pays. D'autres provinces ont fait en sorte qu'à l'intérieur de leur territoire respectif, la langue anglaise soit la langue officielle, que la langue anglaise soit la seule langue officielle, comme c'est le cas actuellement au Manitoba. Pourquoi, nous, du Québec, pourquoi notre gouvernement ne le fait-il pas lui qui doit quand même représenter les intérêts de la majorité francophone, lui qui est le seul gouvernement en Amérique du Nord qui a les pouvoirs juridiques comme les pouvoirs législatifs de prendre position officiellement pour cette minorité canadienne mais qui est majoritaire à l'intérieur du territoire du Québec, afin qu'on puisse faire en sorte que cette minorité canadienne qui est majoritaire au Québec, soit défendue par son gouvernement? Pourquoi ne le fait-il pas?

Nous savons, M. le Président, que ce gouvernement actuel ne représente que 35 p.c. des francophones parce qu'on sait que les anglophones ont voté majoritairement pour ce gouvernement. Mais nous savons encore aujourd'hui de plus en plus que ce gouvernement ne représente même plus, pour ce projet de loi, les 35 p.c. de francophones. Nous sommes assurés que, dans le secteur de la langue, l'Opposition représente véritablement les intérêts de la majorité francophone du Québec. Nous savons que la majorité francophone du Québec compte sur son gouvernement pour prendre une décision, compte sur son gouvernement pour faire une véritable

politique linguistique au Québec. Or, M. le Président, il est vrai que, très subtilement, le député de Saint-Jacques a présenté une motion qui nous permettrait de contourner ces problèmes de constitutionnalité que pose l'article 133 et que semble craindre le député de Louis-Hébert. Quant à nous, je pense que nous n'avons pas à craindre de faire une politique linguistique au Québec. Nous avons à prendre nos responsabilités comme gouvernement francophone. Mais représente-t-il cette majorité, ce gouvernement qui nous représente actuellement? J'en doute, M. le Président. Mais je pense que, malgré le fait que les autres motions que nous avons présentées ont été refusées par ce gouvernement, il est possible actuellement à ce gouvernement, s'il veut véritablement représenter les intérêts de la majorité francophone, s'il veut véritablement mettre concrètement ses bonnes intentions, ses bons voeux qu'hypocritement il tente de nous laisser croire, il est possible à ce gouvernement, s'il veut faire une véritable loi linguistique, d'accepter la motion du député de Saint-Jacques. Il est possible à ce gouvernement de rendre claires — c'est cela que nous luis demandons — ses positions concernant l'article 1. Il est possible à ce gouvernement de nous dire véritablement quelles sont ses intentions.

Veut-il, oui ou non, faire du français la seule langue officielle au Québec, ou, au moins, à l'intérieur de sa juridiction? Le député de Louis-Hébert laissait entendre justement que certains juristes doutaient de la possibilité, pour le Québec, d'enlever l'article 133 ou d'abroger l'article 133 à l'intérieur de sa constitution. Nous savons que beaucoup de juristes québécois ont confirmé qu'en vertu de l'article 92, paragraphe 1 — étant donné que le Québec avait le droit de modifier sa constitution, étant donné que l'article 133 ferait partie de la constitution québécoise — il était possible de le faire.

Mais qu'on se décide donc à le faire, qu'on se décide donc, M. le Président, une fois pour toutes, d'essayer de savoir si, comme Québécois francophones, comme Québécois majoritaires dans cette province, dans ce territoire, on est capable d'assumer nous-mêmes notre sécurité culturelle, si on est capable, en vertu de cette constitution folichonne qui nous a été imposée en 1867, au moins de prendre nos pleines responsabilités dans un domaine qui, normalement, devrait nous appartenir, dans un domaine où il s'agit de la survivance des Québécois francophones, dans un domaine où il s'agit de notre sécurité culturelle. C'est le seul domaine que la constitution a tenté de nous laisser. Mais qu'on sache au moins si on est capable d'assumer ce domaine, si on est capable — comme d'autres provinces l'ont fait — de faire en sorte que, chez nous, au moins, on puisse parler français, que chez nous, on puisse être capable de dire : Le français est la seule langue officielle au Québec.

M. le Président, ceci, tout en affirmant, encore une fois, que la minorité anglophone au Québec a certains privilèges que le Parti québécois a confirmés. Quand on tente de prendre notre supposé contre-projet — contre-projet qu'on a présenté justement pour tenter d'améliorer ce projet de loi 22 — pour dire que le Parti québécois reconnaît la possibilité pour un député de parler en anglais aux commissions de l'Assemblée nationale ou à l'Assemblée nationale, mais il s'agit là — il me semble que la distinction est assez claire depuis quelques jours — de reconnaître des droits individuels. Il ne s'agit pas de reconnaître des droits collectifs, comme l'article 133 de la constitution le fait. Il s'agit tout simplement de dire à cette minorité qui est assez importante: Nous n'avons pas l'intention de vous écraser comme d'autres provinces l'ont fait vis-à-vis de la minorité francophone. Nous n'avons pas l'intention de vous écraser, nous avons l'intention de reconnaître vos droits, vos privilèges, dis-je; nous avons l'intention de le faire, tout en assumant que ce ne sera pas aux dépens de la majorité francophone, tout en assumant que ce ne sera pas aux dépens de la langue française au Québec.

Ce n'est pas au Québec, actuellement, la langue anglaise qui est en danger. C'est la langue française qui subit actuellement l'agression constante de la langue anglaise. Nous voulons simplement — je termine sur ça, M. le Président — savoir quel est le vrai visage de ce gouvernement, lui demander: Mais avez-vous fini votre mascarade? Avez-vous fini d'agir hypocritement? Avez-vous fini tout simplement d'essayer de jouer avec les sentiments nationalistes des Québécois? Si oui, dites-nous-le donc et affirmez clairement que la langue française, en vertu de l'article 1, devient la seule langue officielle ! Si vous n'avez pas le courage de le faire, acceptez au moins la motion du député de Saint-Jacques qui permet de contourner les problèmes juridiques que pouvait présenter la première motion du Parti québécois lorsque nous avons présenté la motion à l'effet que la langue française soit la seule langue officielle. Prenez donc votre courage à deux mains, pour une fois, et faites-nous donc une vraie politique linguistique au Québec, c'est ce qu'on vous demande.

M. DESJARDINS: Est-ce que le député de Saguenay me permet une question?

M. LESSARD: Oui, oui.

M. DESJARDINS: Est-ce que l'amendement proposé voudrait dire que la langue française est la seule langue officielle?

M. LESSARD: M. le Président, c'est qu'on contourne, si le député de Louis-Hébert comprend bien... Aucune autre langue n'a de statut officiel à moins qu'une loi de la Législature du Québec ne lui confère expressément ce statut. Il

sera, à ce moment-là, possible à l'Assemblée nationale de déterminer qu'une autre langue, peut-être le chinois, si le député de Louis-Hébert le désire,...

M. DESJARDINS: Bien...

M. LESSARD: ... le devienne, à un moment donné, mais cependant, il appartiendra à l'Assemblée nationale, pas au gouvernement impérial, de décréter qu'une autre langue devienne langue officielle.

M. DESJARDINS: Cela répond à ma question, merci.

M. HARDY: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre des Affaires culturelles...

M. HARDY: Depuis plusieurs jours, nous avons l'impression de répéter constamment les mêmes propos, parce que les propositions ou les motions formulées par les membres du Parti québécois sont substantiellement toujours les mêmes. Le député de Saguenay dit que ces propositions, ces motions sont trop subtiles. S'il veut absolument que l'on...

M. BURNS: ... c'est le président, quand il a dit: J'admire la subtilité de la motion du député de Saint-Jacques...

M. HARDY: Si cela peut faire plaisir...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Subtile, et non pas trop subtile.

M. HARDY: M. le Président, si cela peut faire plaisir à nos amis du Parti québécois de dire que leurs motions sont subtiles, je dis que leurs motions sont subtiles.

UNE VOIX: Merci beaucoup.

M. HARDY: Mais tout cela, M. le Président, ne règle pas beaucoup de problèmes. Ah ! vous voulez voter tout de suite? Si vous voulez voter tout de suite, je suis prêt.

M. LEGER: Adopter, j'ai dit.

M. HARDY: M. le Président, je dis que, substantiellement, les propositions du Parti québécois sont toujours les mêmes puisqu'elles tendent à ajouter ce qui voudrait être ou ce qui se voudrait des précisions à l'article 1.

De la part de ceux qui siègent à votre gauche, on continue à prétendre que lorsque l'article 1 du projet de loi no 22 dit: "Le français est la langue officielle du Québec", ce n'est pas suffisant. Il me semble que pour qu'une langue, dans un Etat, ait un statut juridique officiel, il faut qu'une loi le dise. A moins que la situation soit tellement très claire, tellement évidente comme dans certains pays auxquels le député de Maisonneuve faisait allusion, en France, en Angleterre, en particulier en Angleterre, où il n'y a pas de constitution écrite, cela est vrai autant pour la langue que pour l'ensemble des institutions du pays... Mais lorsqu'on veut prétendre qu'une langue a un statut juridique officiel, il faut qu'un texte législatif le dise.

Or, M. le Président, le jour où le projet de loi 22 sera sanctionné, il y aura dans les statuts du Québec, une loi qui dira: Le français est la langue officielle du Québec. Il n'y aura dans les statuts du Québec aucune autre loi qui dira qu'une autre langue a un statut officiel. Ce sera la seule langue reconnue par la loi dans l'Etat du Québec, la langue française, parce que la loi 22 l'aura dit d'une façon claire et précise.

Et c'est la raison pour laquelle nous prétendons de ce côté-ci que toutes les motions du Parti québécois n'ajouteraient absolument rien à l'affirmation de ce principe que le français est la langue officielle au Québec. Non seulement les motions du Parti québécois n'ajouteraient rien à cette affirmation, à la force de cette affirmation, mais dans bien des cas, les motions qui nous ont été présentées par le Parti québécois auraient pour conséquence d'affaiblir la force de l'affirmation contenue à l'article 1 du projet de loi 22.

Parce que, en particulier, si vous prenez l'amendement qui est présentement devant nous: Aucune autre langue n'a de statut officiel à moins qu'une loi de la Législature du Québec ne lui confère expressément ce statut.

M. le Président, cet amendement, si on l'incorporait à l'article 1, constituerait non pas légalement, mais au moins psychologiquement — dans ces matières, je pense que la psychologie joue un rôle assez important — adopter cet amendement du Parti québécois, constituerait au moins une invitation, soit au législateur actuel, soit au législateur dans l'avenir, à adopter des lois qui reconnaîtraient une autre langue que la langue française comme langue officielle. On ouvre directement la porte par cet amendement, tandis que, quand on se contente de dire : "Le français est la langue officielle du Québec", ceci ferme toute éventualité, toute opportunité de déclarer d'autres langues, langues officielles, mais si on adoptait l'amendement du Parti québécois, on laisserait sous-entendre qu'il est possible que le Parlement du Québec adopte une loi reconnaissant une autre langue que la langue française comme langue officielle.

Or, M. le Président, je dis qu'en voulant tellement bien faire, les gens du Parti québécois atteignent exactement l'objectif contraire qu'ils veulent poursuivre. Nous affaiblissons... Adopter l'amendement du Parti québécois, c'est affaiblir l'article 1 du projet de loi 22. Non seulement, c'est affaiblir l'article 1 du projet de loi 22, mais — et ceci est assez paradoxal de la part de nos amis péquistes — en proposant cet

amendement, comme en proposant, d'ailleurs, les autres amendements qui nous ont été soumis, le Parti québécois, en étudiant un projet de loi reconnaissant la langue française, langue officielle, nous suggère d'adopter une méthode anglaise de légiférer.

On sait qu'il y a une différence fondamentale entre la façon française de légiférer et la façon anglaise. La façon française, la méthode française de légiférer tend plutôt à reconnaître des principes. L'exemple le plus éloquent de cette façon de légiférer, c'est notre code civil. Si on regarde notre code civil, on voit très bien qu'il ne s'agit pas, sauf dans de très rares occasions... Les différents articles du code civil ne contiennent pas de longues énumérations ou des détails, des exceptions. Le code civil français et le code civil du Québec affirment des principes. Il s'agit, par la suite, à l'examen pratique, d'ajuster Ces principes aux réalités concrètes. Tandis que la méthode anglaise de légiférer est d'énumérer des exceptions, d'énumérer des détails. Encore, l'exemple le plus éloquent de cette façon de légiférer en anglais, c'est le code criminel.

Si on compare le code civil que nous avons ici au Québec et le code criminel qui s'applique également au Québec, on voit, d'une façon très éloquente, ces deux façons de légiférer.

M. CHARRON: Est-ce que je peux poser une question?

M. HARDY: Oui.

M. CHARRON : Légiférer pendant les vacances de juillet, c'est la méthode anglaise ou la méthode française?

M. HARDY: M. le Président, si je voulais poursuivre — c'est peu sérieux la question du député de Saint-Jacques...

M. LEGER: Elle est à point.

M. HARDY: C'est-à-dire, si je veux, dans le cas actuel, je pourrais dire que c'est une méthode... Je n'ai pas fait le tour du monde pour savoir quels sont tous les Parlements qui siègent, mais sur les deux qui me viennent à l'esprit actuellement, on pourrait dire que c'est à la fois une méthode française et américaine, parce qu'au moment où on se parle, le Parlement français siège.

M. CHARRON: Non, ce n'est pas vrai.

M. MORIN: II a ajourné.

M. HARDY: Depuis quand?

M. MORIN: II y a quelques jours.

M. HARDY: II y a quelques jours. C'est tout récent.

M. CHARRON: Demandez au ministre de l'Education. Il lisait le Monde, hier.

M. HARDY: Justement, c'est dans le Monde, hier, que j'ai vu qu'il y avait des propositions qui avaient été faites, je ne sais pas de quel... C'était un numéro assez récent, mais on faisait mention de propositions qui étaient faites actuellement à l'Assemblée nationale française. Si l'Assemblée nationale française est ajournée, c'est depuis quelques heures.

M. LEGER: Mais vous, vous vous attendez de filer à l'anglaise.

M. HARDY: II y a deux ou trois jours, M. le Président, en France comme au Québec, c'était pendant l'été. Je ne sache pas que l'été commence plus tard en France qu'au Québec.

M. LEGER: Vous êtes en train de filer à l'anglaise.

M. HARDY: Si l'Assemblée nationale française a ajourné il y a deux ou trois jours, elle a siégé pendant l'été sauf peut-être que l'Opposition en France, ne faisant pas de "filibuster" inutile, elle a pu ajourner trois jours plus vite que nous.

M. le Président, aux Etats-unis, actuellement, il y a au moins des commissions importantes qui siègent, des commissions qui étudient en particulier le sort du chef de l'Etat. Je ferme cette parenthèse ouverte uniquement à l'invitation du député de Saint-Jacques qui voulait s'amuser.

Je dis donc que notre article 1 du projet de loi 22, tel que formulé par le gouvernement, est véritablement dans l'esprit français. C'est une façon française de légiférer, tandis que dans ce style lourd, vous voyez ce que donnerait l'article 1 si on acceptait l'amendement du Parti québécois. L'article 1 se lirait ainsi: Le français est la langue officielle du Québec. Aucune autre langue n'a de statut officiel, à moins qu'une loi de la Législature du Québec ne lui confère expressément ce statut. Voilà une façon anglaise de légiférer.

M. MORIN: Ah oui! Ce n'est pas français, cela.

M. HARDY: C'est-à-dire la lettre du texte est française, mais je dis que c'est l'esprit. Voyons, M. le Président.

M. MORIN: II aurait fallu qu'on le dise en anglais pour vous faire plaisir?

M. HARDY: Pardon? Vous êtes aussi bien de ne pas répéter à haute voix ce que vous venez de dire, parce que ce n'est pas très brillant. Il est clair, il est évident que la rédaction de notre article 1 est infiniment plus conforme à l'esprit français que la rédaction de

l'article 2. Donc, je dis, et je termine de cette façon, de nouveau que la motion du Parti québécois n'ajouterait absolument rien, ne donnerait aucune force plus grande au statut de la langue française qu'il ne l'aurait déjà avec l'article 1. Non seulement la langue française n'aurait pas plus de force avec cet amendement, mais on diminuerait cette force parce qu'on ouvrirait la porte, ce serait une invitation au législateur à adopter des lois reconnaissant d'autres langues que la langue française comme langue officielle. Finalement, ce n'est peut-être pas l'argument le plus fort, mais c'est quand même très significatif. Le Parti québécois nous invite à renoncer à une conception française de la législation pour nous inspirer d'une conception anglaise.

M. CHARRON: Une chance que le ridicule ne tue pas car le ministre des Affaires culturelles...

M. HARDY: On sait bien, vous, vous êtes justifié, vous ne comprenez rien là-dedans. Vous ne comprenez absolument rien là-dedans, mais il me semble que le député de Sauvé, qui a déjà été professeur d'université, devrait savoir la différence qui existe entre la façon française de légiférer et la façon anglaise. Il devrait savoir cela au moins.

M. MORIN: Vous semblez avoir une façon française de dissimuler votre pensée.

M. HARDY: C'est la sorte d'arguments que le député de Sauvé a pour contrer certains arguments. Vote.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je vais procéder au vote si personne ne veut parler.

M. BURNS: Vous demandez le vote, M. le Président?

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Personne ne...

M. BURNS: Est-ce que je peux parler avant le vote?

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui, bien sûr. Le député de Maisonneuve.

M. HARDY: On hésite avant de commencer à parler.

M. BURNS: J'ai pensé dans quel boubier ce gouvernement nous amène, en tout cas. Quand j'entends son ministre des Affaires culturelles nous parler comme il vient de nous parler, j'ai le droit de me poser des questions sur la souveraineté culturelle telle que déclarée comme étant un des objectifs de ce gouvernement. Quoi qu'il en soit, je n'ai pas du tout l'intention de répondre au ministre des Affaires culturelles parce que je pense qu'il a eu amplement de réponses dans les remarques qui ont été faites depuis le début du débat par mes autres collègues. Les réponses étaient sur la table avant même que le ministre des Affaires culturelles parle. Je pense que le député de Saint-Jacques en particulier et le député de Sauvé, le chef de l'Opposition, ont amplement répondu, avant même qu'il ne parle, au ministre des Affaires culturelles.

Le point sur lequel j'aimerais m'arrêter, c'est en fait, cette espèce d'angoisse exprimée par le député de Mont-Royal, angoisse qui, à mes yeux, ne trouve aucun fondement dans le présent débat. Semble-t-il, le député de Mont-Royal se fait le porte-parole des anglophones du Québec, du moins de ceux qui ont exprimé leurs inquiétudes, dirais-je, leur angoisse, comme je l'applique aux propos du député de Mont-Royal, lorsqu'ils sont venus témoigner à la commission parlementaire après la première lecture. Il est peut-être bien important pour la compréhension et du député de Mont-Royal et des gens qu'il représente au point de vue de l'opinion à l'Assemblée nationale, de bien se mettre dans l'esprit le sens de l'amendement qui est proposé par le député de Saint-Jacques aujourd'hui, lorsqu'il propose tout simplement d'ajouter à la fin de l'article 1 un autre alinéa qui dirait qu'aucune autre langue n'a de statut officiel, à moins qu'une loi de la Législature du Québec ne lui confère expressément ce statut.

Il n'est pas nécessaire, M. le Président d'insister bien longtemps sur le fait que, dans notre esprit, une des langues, ou plutôt une des dispositions législatives qui peut éventuellement accorder un statut quelconque à une autre langue, c'est, à proprement parler, le projet de loi no 22. C'est du moins ce que nous pouvons découvrir par les intentions exprimées, de la part du gouvernement, dans la rédaction de son texte du projet de loi no 22. Cela m'étonne énormément de voir des anglophones angoissés devant la rédaction actuelle du texte du projet de loi 22, et même devant la rédaction telle que propose de l'amender le ministre de l'Education.

Même avec l'amendement qu'il propose de nous apporter à l'article 48, non seulement les privilèges — j'insiste sur le mot — non seulement les privilèges des anglophones sont sauvegardés, mais on les érige en droits, M. le Président. On fait, de certains privilèges des anglophones, des droits. On les consacre par des textes. Et qu'on vienne nous dire, à nous, M le Président, à ce stade, qu'on réduit la portée du projet de loi, qu'on réduit la portée de l'article 1. Je vous dis: Au contraire! Nous reconnaissons un état de fait, que nous avons d'ailleurs reconnu par un de nos amendements. Vous vous souviendrez, M. le Président, que, lorsque nous avons proposé — je pense que c'est le chef de l'Opposition lui-même qui a proposé que... Je cherche l'amendement, M. le Président, mais, en tout cas, c'était l'amendement qui référait au fait

que l'article 133 cessait d'avoir des effets au Québec. Le député de Saint-Jacques a proposé en sous-amendement le texte suivant, et c'était une reconnaissance explicite...

M. CHARRON: De droits individuels.

M. BURNS: ... de droits individuels et non pas de statut officiel à une langue. Que ce soit bien clair dans votre esprit, et le Parti québécois ne s'est jamais dédit à ce sujet. Alors qu'on demandait que l'article 133, c'est-à-dire la dualité de langue en matière d'intervention à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des communes, devant les tribunaux ou dans les textes officiels de l'une ou l'autre Chambre, nous avons, dans le but de préciser notre pensée —c'est le député de Saint-Jacques qui l'a proposé — nous avons dit que l'usage de l'anglais devait continuer d'être permis dans les débats à l'Assemblée nationale et dans les témoignages et plaidoiries orales devant les tribunaux.

Le député de Mont-Royal n'était pas présent à ce débat. Je ne lui en fais pas grief. Il était peut-être occupé à autre chose. Peu importe, mais il est bon qu'on lui rappelle qu'à l'occasion de ce débat, sur la proposition du député de Saint-Jacques, nous avons dit clairement, sans aucune ambiguïté, en ce qui nous concerne — ce que je ne peux pas dire de la part du gouvernement quand il édicte ou qu'il veut édicter l'article 1 — que l'usage de l'anglais à ces deux endroits, c'est-à-dire devant l'Assemblée nationale et devant les tribunaux, pour nous, c'était purement et simplement respecter les droits individuels non pas des droits collectifs, et non pas de rendre officielle ou officieusement officielle une deuxième langue, en l'occurrence l'anglais.

Je pense qu'on n'a pas contourné le problème. On l'a pris de face et on l'a dit directement. J'ai entendu plusieurs intervenants d'origine anglophone, qui sont venus à cette commission, qui ont fait des critiques très sévères à l'endroit du projet de loi no 22, et qui ont dit, relativement à la position du Parti québécois: Au moins, votre position a l'avantage d'être claire. On sait ce que vous voulez, et on sait ce que vous voulez nous accorder comme droits. Et tout au long de ce débat, on n'a fait que cela, dire ce qu'on pense.

Le chef de l'Opposition, le député de Saint-Jacques, qui ont été présents à toutes ces séances, ont même contre-interrogé un certain nombre d'intervenants.

Je pense, par exemple, aux gens du PSBGM — Protestant School Board of Greater Montreal — et, malgré l'attitude absolument rétrograde de ces gens, malgré cette espèce d'incompréhension qu'un peuple, à un certain moment, a le droit de réagir de façon législative lorsqu'il se sent menacé dans sa langue, dans sa culture, dans ses tripes, quand il se sent menacé, c'est la chose la plus normale qu'il réagisse et c'est la chose la plus normale qu'il s'attende de voir son gouvernement réagir avec au moins autant de tripes qu'il en a.

Malheureusement, jusqu'à maintenant, le gouvernement nous déçoit là-dessus et déçoit son peuple là-dessus. Je n'ai pas besoin de revenir sur le fait que s'il y a un gouvernent — le député de Saint-Jacques, dans son discours de deuxième lecture, a longuement élaboré ce problème — qui se doit d'être le bouclier de la nation française du Québec, il n'y en a qu'un seul sur lequel on peut compter et c'est celui du Québec.

Or, je comprends mal actuellement que, devant un projet de loi maquillé — l'expression n'est pas trop forte — comme le projet de loi 22, on sente les flambeaux s'élever du côté des anglophones, qui sentent leurs droits brimés, disent-il. Je dis: Ils n'ont pas de droits. Il y a une langue officielle au Québec depuis que les Québécois francophones ont décidé qu'il en était ainsi. Cette langue est menacée. C'est un autre problème et c'est depuis que ses gouvernants l'ont trahi par le projet de loi 63. C'est un autre problème. Une autre trahison est en train de se faire, une autre trahison qui va s'appeler le projet de loi 22. Le chiffre 63 était un chiffre qui était collé à l'Union Nationale, 22 sera un chiffre qui sera collé au Parti libéral. C'est votre problème. Vous en porterez les conséquences avec le temps.

Mais quand j'entends le député de Mont-Royal nous dire: C'est effrayant ce que ce projet de loi nous fait, c'est effrayant ce que le Parti québécois, ces gros méchants mangeurs d'Anglais, peuvent être en train de nous faire, je vous dis au départ: On était prêt à reconnaître, malgré la mise de côté des dispositions de l'article 133, des droits individuels qui apparaissent actuellement à l'article 133.

Mais qu'est-ce qui arrive dans le présent projet de loi? Ce n'est pas inutile qu'on dise, comme le député de Saint-Jacques le propose dans sa motion, qu'aucune autre langue n'a de statut officiel, à moins qu'une loi de la Législature du Québec ne lui confère expressément ce statut. C'est qu'on s'attend dans les articles 2 jusqu'à l'article 130, à ce qu'il y ait un statut qui soit accordé à la langue anglaise, du moins, si on doit juger l'intention du gouvernement actuel par le texte qui nous est présenté. Je peux vous signaler, de l'article 1 à l'article 48, et j'arrêterai à l'article 48 pour une raison bien simple, c'est qu'on arrive dans le coeur du projet de loi, c'est-à-dire qu'en plus de la déclaration de l'article 1, on arrive à la place où on nous dit comment les anomalies qu'on retrouve de l'article 1 jusqu'à l'article 48 non seulement vont se perpétuer, mais vont s'améliorer contre la majorité francophone, j'ai compté, par un rapide survol — un rapide examen des articles 1 à 48 inclusivement — pas moins de 19 articles sur 48 articles qui nous parlaient de la langue anglaise comme ayant un statut. Je vais vous donner simplement quelques exemples.

Cela commence dès l'article suivant, celui

que nous étudions actuellement. A l'article 2, on nous dit : En cas de divergence que les règles ordinaires d'interprétation ne permettent pas de résoudre convenablement, le texte français des lois du Québec prévaut sur le texte anglais. Non. C'est la motion. Déjà, je vous dis que la motion se justifie non seulement par de futurs actes de la Législature, comme semblait l'indiquer le député de Terrebonne, je dis qu'elle se justifie par la rédaction actuelle du texte. Je ne vous dis pas qu'on est d'accord sur ces textes. Je ne vous dis pas qu'à un certain moment, quand on arrivera à ces textes, on n'aura pas des amendements draconiens à vous proposer. Je ne vous dis pas cela.

Je vous dis que l'intention du gouvernement est clairement exprimée par son premier jet qui s'appelle le projet de loi 22 et dès l'article suivant, dès la suite logique de l'article 1 qui déclare le français comme langue officielle, on trouve déjà une autre langue officielle, soit l'anglais. Comment, M. le Président, puis-je interpréter autrement les mots: Le texte français des lois du Québec prévaut sur le texte anglais? On vient d'accorder un caractère d'of-ficialité — si vous me passez l'expression — au français, à l'article 1, et sans aucunement prendre son souffle, dès l'article 2, on dit: II va y avoir des textes anglais et, au cas de divergence, c'est le français.

Imaginez-vous, M. le Président, on continue à l'article 8. A l'article 8, on retrouve cette chose extraordinaire que les textes et documents officiels peuvent être accompagnés d'une version anglaise.

M. HARDY: Cest dans votre contre-projet.

M. BURNS: Je dis bien qu'on n'a pas d'objection à cela. Ce n'est pas cela. On trouve cette chose absolument extraordinaire pour quelqu'un qui se refuse de dire dans son article 1 qu'aucune autre langue n'a de statut officiel à moins qu'une loi de la Législature ne le lui confère expressément. Dans cette même loi, parce que je pense, par les interventions que j'ai entendues du côté gouvernemental, qu'on s'apprête à voter contre la motion du député de Saint-Jacques, alors que dans cette loi, déjà le gouvernement a fait son lit de consacrer une autre langue comme ayant un statut officiel.

Nulle part, M. le Président, je n'ai entendu parler de référence au chinois dans cette loi, nulle part je n'ai entendu parler du danois, de l'italien ou de l'hébreux dans cette loi. Non. On consacre et on continue de consacrer l'ambiguïté historique, comme nous le disions la semaine dernière, ambiguïté qui existe même sans texte actuellement au Québec, cette ambiguïté à savoir s'il y a une ou deux langues officielles au Québec. Je donne toujours ces exemples pour souligner avec quel étonnement j'ai entendu le député de Mont-Royal exprimer au nom des anglophones du Québec son angoisse devant le projet de loi 22 actuel et devant les amendements que le Parti québécois amène, devant ce désir de clarification de l'article 1 qui n'est que normal.

Encore une fois, il n'est pas inutile de répéter que si le projet de loi- no 22 a sa justification, il l'a tout simplement à cause d'une ambiguïté qui existe dans les faits, à cause d'un danger qui existe à l'endroit, non pas de l'anglais, mais du français au Québec. Soyons clairs là-dessus. Ne nous gênons pas pour le dire, le projet de loi 22, s'il est la loi sur la langue officielle et si à l'article 1 il décrète que le français est la langue officielle, c'est une protection du français, cette loi, ce n'est pas une protection de l'anglais comme langue seconde, comme toute autre langue, troisième, quatrième, cinquième ou quizième. C'est une protection du français comme langue officielle.

Continuons, M. le Président. A l'article 9, on retrouve à nouveau que "Les organismes municipaux et scolaires dont au moins 10 p.c. des administrés sont de langue anglaise et qui rédigent déjà leurs textes et documents officiels à la fois en français et en anglais, doivent continuer à le faire..." Qu'est-ce que c'est, M. le Président, sinon de consacrer un droit? De consacrer un droit qui actuellement n'est même pas un droit, est basé sur une certaine pratique et je dirais, sans crainte de me tromper, est basé sur un privilège que la majorité a accordé à la minorité anglophone au Québec. Et ce n'est pas du racisme de dire ça. C'est de constater un état de fait.

Continuons, M. le Président. L'article 11, deux articles plus loin. On se rend compte que "toute personne a le droit de s'adresser à l'administration publique en français ou en anglais, à son choix". Continuons, l'article 13. On nous dit: "Le français et l'anglais sont des langues de communication interne des organismes municipaux et scolaires dont les administrés sont en majorité de langue anglaise". C'est une loi, ai-je besoin de le rappeler, consacrant le français comme langue officielle. On est rendu à l'article ±3 et, déjà, on a cinq articles qui accordent un statut officiel à l'anglais. Continuons, M. le Président, l'article 15. A l'article 15, on voit: "En assemblée délibérante dans l'administration publique, les interventions dans les débats officiels peuvent être faites en langue française ou en langue anglaise, au choix de ceux qui interviennent".

Continuons, M. le Président, l'article 16. "Le ministre de la Justice — qu'est-ce qu'il doit faire?— doit faire en sorte que les jugements prononcés en anglais par les tribunaux soient traduits dans la langue officielle". Continuons, M. le Président, l'article 17: "Les contrats conclus au Québec par l'administration publique ainsi que les sous-contrats qui s'y rattachent doivent être rédigés dans la langue officielle; ils peuvent aussi être rédigés à la fois en français et en anglais". C'est quoi, cette Loi sur la langue officielle, en français? On en est rendu à huit exceptions dès l'article 17. Huit

exceptions qui consacrent l'anglais comme langue officielle, même si on ne le dit pas.

Je pense que le plus réaliste des députés autour de cette table, jusqu'à maintenant, ç'a été le député de Sainte-Anne parce qu'il a lu le texte. Lui, ce qui le choquait, c'est que l'article 1 était une contradiction du reste du projet de loi. Il a été franc, il a le mérite d'avoir été franc. Je pense que le député de Saint-Jacques l'en a félicité et je l'en félicite personnellement également. Il a été au moins assez franc pour dire: Ecoutez, soyez donc logiques. Au lieu de faire un article 1 qui dit: Le français est la langue officielle du Québec, dites donc: Le français et l'anglais sont les deux langues officielles du Québec. Parce que, dans le reste du projet de loi, c'est ça que vous dites.

Continuons, M. le Président, l'article 20: "Les entreprises d'utilité publique et les coprs professionnels" dont on parle; qu'est-ce qu'on dit au deuxième alinéa? On dit que les textes et documents de ces organismes peuvent néanmoins être accompagnés d'une version anglaise. Allons à l'article 24 où, au deuxième alinéa, encore une fois, quand on parle des employeurs qui doivent rédiger leurs avis en français, on dit que les textes et documents en question peuvent être accompagnés d'une version anglaise lorsque le personnel est en partie de langue anglaise.

M. le Président, ce n'est pas de consacrer un statut officiel, sans le dire à l'article 1, à la langue anglaise? Continuons, M. le Président. Allons maintenant à l'article 26. A l'article 26, on retrouve, toujours au premier alinéa: "Si au cours d'une assemblée régulièrement convoquée les salariés d'une association accréditée en décident ainsi à la majorité des voix de ceux qui sont présents, les conventions et écrits visés à l'article 25 — qu'on avait décrétés dans la langue officielle, c'est-à-dire le français — sont rédigés en anglais". C'est un droit, M. le Président, je ne vois pas comment on peut...

Je pourrais continuer M. le Président, vous me faites signe que mon temps de parole achève. Je pourrais vous citer d'autres articles, comme les articles 28, 29, 36, 38, 39, 41 et 43, qui accordent ce même statut officiel sans le dire. A ce moment-là, si on dit d'une part, à l'article 1, que le français est langue officielle, on est obligé, après avoir étudié le projet de loi, d'interpréter les opinions du gouvernement, parce qu'il est évident qu'on a lu les autres articles avant de discuter de l'article 1.

Il est évident aussi qu'il est intéressant pour nous de vérifier cette intention. C'est ce qu'on a tenté de faire depuis le début, par nos amendements, de clarifier l'article 1, de clarifier surtout l'intention du gouvernement.

M. le Président, si je vous disais que cela va aussi loin que cela cette loi. Dans l'article 49, lu de façon littérale, j'aimerais bien que le député de Mont-Royal me dise en quoi les anglophones sont brimés là-dedans. Je vais lui dire en quoi ils sont brimés. Ils sont brimés par rapport à leur intégration au milieu francophone. L'article 49 va jusqu'à dire, M. le Président, que si un anglophone a des enfants qui n'ont pas une connaissance d'usage du français, et si cet anglophone désire faire élever ses enfants dans la langue de la majorité, cela va jusqu'à dire, à l'article 49, qu'il ne le peut pas. Il faut qu'il reste anglais.

Ce n'est pas accorder un caractère officiel aux Anglais? Lisez bien, cher député de Mont-Royal, l'article 49 qui dit que les élèves doivent connaître suffisamment la langue d'enseignement pour recevoir l'enseignement dans cette langue. Imaginez-vous, M. le Président, quelqu'un de General Motors, de Détroit, qui est transféré à Sainte-Thérèse du jour au lendemain avec sa famille pour les dix prochaines années. Imaginez-vous que ce même individu veuille, parce qu'il s'aperçoit qu'il vit dans une communauté à majorité anglophone, intégrer ses enfants qui ont 9 ans, 10 ans, 11 ans, ou douze ans. Qu'est-ce qui lui reste à faire, M. le Président, après avoir lu l'article 49? C'est de les envoyer à l'école anglaise. On les oblige, à l'article 49, à aller à l'école anglaise. Et cela n'est pas accorder un statut officiel à l'anglais? C'est pour cela. Ce n'est pas plus ni pas moins pour cela qu'on vous demande de préciser l'article 1, M. le Président.

Si vous voulez accorder — je reviens à ce que disait le député de Sainte-Anne — un statut officiel à l'anglais, dites-le donc! Ayez donc le courage de le dire à l'article 1! Ayez donc le courage et, de grâce, député de Mont-Royal, ne venez pas pleurer ici que les Anglais sont malmenés par le projet de loi 22! Ce sont les Québécois francophones. Ce sont les Français du Québec qui devraient venir en ligne ici pleurer à un point tel qu'on devrait sortir par une espèce de marée de larmes par les fenêtres, sans vouloir dramatiser.

Si tous les Québécois qui comprenaient le sens véritable de ce que vous vous apprêtez à légifer venaient ici pleurer, M. le Président, on se noierait tous au complet ici, M. le Président.

M. BOURASSA: C'était sérieux, vous avez dit que c'était sérieux.

M. CIACCIA: M. le Président, article 96, s'il vous plaît.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Article 96, le député de Mont-Royal.

M. CIACCIA: M. le Président, comme l'article 96 le dit, je vais essayer d'être bref dans mes explications que le député de Maisonneuve n'a pas semblé comprendre, ou bien, s'il les a comprises, il les a détournées complètement.

Premièrement, j'ai dit: "Le bill 22 enlève le statut légal à l'anglais". Je suis plus persuadé, après vos commentaires, qu'il l'enlève.

Le bill 22, c'est vrai, n'empêche pas les Anglais de parler le français. Cela serait la

prochaine étape. La seule chose qui serait pire, serait d'inclure cet article à savoir que les Anglais ne pourront plus parler. Mais quand vous parlez de l'article 2 en disant: "En cas de divergence que les règles ordinaires d'interprétation ne permettent pas de résoudre convenablement, le texte français des lois du Québec prévaut sur le texte anglais.", l'effet juridique est d'enlever le statut légal à l'anglais et, de plus, quand vous parlez de privilège, vous ne vous souvenez pas de l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Le député de Sauvé connaît cet article 93. Il accorde des droits, vous allez dire des droits confessionnels aux écoles confessionnelles, mais les protestants ont des droits, les Anglais protestants ont des droits d'après l'article 93 qui leur sont enlevés par le bill 22, qui leur sont enlevés catégoriquement et cela, ce ne sont pas des droits qui leur sont accordés.

Dire que s'il y a un certain pourcentage, ils vont pouvoir s'adresser en anglais, vous pensez que cela accorde des droits, moi, je dis que cela en enlève, parce que, aujourd'hui, ces restrictions n'existent pas. Quand vous mettez de telles restrictions, vous enlevez l'effet juridique à l'article 133 qui donne aux deux langues une part égale.

M. le Président, les Anglais...

M. BURNS: Quelle est l'opinion de M. McWhinney?

M. CIACCIA: ... savez-vous ce qu'ils disent? Ils disent: Pourquoi le Parti québécois se plaint-il du bill 22? Parce que le bill 22, d'après eux, contient le programme électoral du Parti québécois. C'est cela pour les Anglais, quand ils lisent le bill 22. C'est votre programme électoral. Une des raisons pour laquelle j'ai voté contre, c'est parce que, moi, je n'ai pas présenté ce programme électoral aux électeurs de Mont-Royal. C'est pour cela que j'ai voté contre le bill 22. Je pense que ces précisions doivent être apportées. Les droits sont...

M. BURNS: Cela explique facilement pourquoi les Anglais, la veille de chaque élection, sont prêts à déménager en Ontario.

M. CIACCIA: ... enlevés. Chaque fois, quand vous dites dans le projet de loi "ils peuvent", cela ne donne pas un droit. Ils peuvent parler anglais. Ils vont vous dire: Merci beaucoup, cela fait 300 ans qu'on parle l'anglais et maintenant, vous dites qu'on peut continuer à parler l'anglais. Cela ne donne pas beaucoup de droits. Je ne suis pas d'accord sur votre opinion quant à l'interprétation. J'étais ici quand le député de Sainte-Anne a fait son intervention sur l'article 1. La raison pour laquelle il a fait cette intervention, c'est parce que, d'après lui, non seulement l'article 1, mais tout le projet de loi enlevait les droits aux Anglais, non pas seulement l'article 1. C'est pour cela qu'il a fait l'interprétation. C'est nécessaire d'apporter un peu de vérité et ne pas toujours essayer de détourner les faits.

Je partage l'opinion des Anglais. Comme vous dites, ils n'ont pas besoin de faire protéger leur langue. Ce n'est pas cela qu'ils disent. C'est leur droit et ils ne veulent pas vous enlever des droits. Ce n'est pas cela le but du projet de loi 22. Ils reconnaissent la réalité, la primauté de la langue française, mais ils disent: Faites-le constitutionnellement, et n'enlevez pas les droits que nous avons, pas les privilèges, des droits.

M. CLOUTIER: M. le Président, il est pratiquement 6 heures. Je vous demande si on ne peut pas ajourner les travaux?

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 56)

Reprise de la séance à 20 h 7

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

Au moment de la suspension, cet après-midi, la commission en était à l'étude d'une motion d'amendement du député de Saint-Jacques qui se lit comme suit: "Que l'article 1 soit amendé, en ajoutant les mots "aucune autre langue n'a de statut officiel à moins que la Législature du Québec ne lui confère expressément ce statut"."

L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, j'aimerais uniquement conclure sur l'amendement que j'ai présenté ce matin et que vous appellerez aux voix dans quelques minutes.

M. CLOUTIER: Oui?

M. CHARRON: L'Opposition a d'abord voulu exiger, vous le savez, que le français soit décrété seule langue officielle du Québec. La majorité libérale a battu cet amendement. Nous avons ensuite demandé au gouvernement de rendre inopérant sur le territoire du Québec l'article 133 de la constitution qui bilinguise l'Assemblée nationale et tout ce qui en émane et qui bilinguise le système judiciaire du Québec. Nous lui avons demandé qu'au moins une majorité se prononce à l'effet que cette disposition d'une loi votée par les Anglais en 1867 soit inopérante au Québec. Il a refusé également.

J'ai donc présenté cet amendement qui n'est pas — je dois le dire — la pleine position du parti qui fait l'Opposition officielle actuellement, mais qui nous semble un moindre mal, celui d'au moins s'assurer — et c'est le sens de mon amendement — qu'aucune autre langue n'aura de statut officiel au Québec à moins que ce soit l'Assemblée nationale du Québec même qui le lui concède. Aucun Parlement étranger, profitant d'aucune constitution vieille ou jeune, ne pourra intervenir dans la vie collective des Québécois pour nous imposer une langue officielle que nous-mêmes n'aurions pas choisie. C'est le seul et c'est le dernier, rabaissement je crois de la position première que nous avons présentée dans cet amendement. Aucune autre langue n'aura de statut officiel à moins que la Législature du Québec n'y ait consenti expressément.

Je l'affirme, M. le Président, ce n'est pas entièrement ce que nous voulons, nous aurions bien aimé mieux voir un gouvernement du Québec prendre position pour que le français soit la seule langue officielle du Québec.

Mais puisque son refus nous oblige à retourner dans les formules négatives, alors pouvons-nous au moins espérer de ce gouvernement qu'il ait assez de courage pour affirmer dans le texte de la loi, à l'article 1, que non seulement le français est la langue officielle du Québec — ce que tout le monde sait et ce que tout le monde conçoit depuis 200 ans, sur le territoire du Québec — mais qu'il prenne enfin position pour qu'aucune autre langue ne nous soit imposée par aucun autre Parlement étranger à celui du Parlement québécois où les Québécois sont en majorité. Et c'est tout le sens de mon amendement.

M. le Président, si les députés libéraux battent cet amendement que je présente, s'ils laissent la porte ouverte à l'intervention étrangère pour nous imposer des langues qui sont étrangères à celle de la majorité du Québec, je crois que nous connaîtrons alors véritablement le sens de l'article 1 qui se contente de rappeler un état de fait que des Québécois ont gagné avant nous, le français est la langue officielle du Québec. C'est tout, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable ministre de l'Education sur la motion d'amendement.

M. CLOUTIER: M. le Président, il me restait quelques minutes. Je n'ai pas l'intention de reprendre l'argumentation que j'ai faite et qui illustrait que l'article 1 était suffisant et très clair. Je n'ai pas besoin non plus de dire qu'il faut le comprendre par rapport à l'article 5, dans la mesure où l'article 5 permet des règles d'usage qui tiennent compte de notre société telle qu'elle est.

Je voudrais simplement revenir sur cette question de l'article 133 parce que toute la discussion tourne autour de ce point depuis déjà quelques jours. Les diverses motions d'amendement, qui se présentaient comme des motions dilatoires — je me demande d'ailleurs si le "filibuster" n'est pas terminé parce que le député de Saint-Jacques a parlé moins longtemps que d'habitude, mais ceci est tout simplement une parenthèse — revenaient, sous des formes différentes, à abolir l'article 133 ou en annuler les effets sur le territoire québécois.

J'ai expliqué qu'il s'agissait là d'un exercice inutile parce que le ferions-nous qu'il faudrait immédiatement réintroduire dans le projet de loi les droits que l'article 133 confère aux francophones et auxquels ils tiennent pour eux-mêmes et les mêmes droits, qui sont des droits limités aux communications individuelles, au niveau du Parlement, au niveau de la justice, au niveau de la rédaction des lois, il est évident que dans un territoire où il y a une minorité d'un million de parlant anglais, qu'on le veuille ou non, il est absolument essentiel que ces derniers puissent comprendre les lois qui les régissent et que, par conséquent, il faudrait réintroduire également, dans le texte d'un projet de loi, en l'occurrence le projet de loi 22, ces mêmes droits.

Après cet exercice, dans quelle situation nous trouverions-nous? Nous nous trouverions dans une situation où nous risquerions la contestation judiciaire. J'ai, d'ailleurs, dans une

intervention antérieure, démontré que le chef de l'Opposition lui-même semblait craindre cette contestation judiciaire et nous invitait, de façon indirecte, à la prudence.

Or, même si, personnellement, j'aurais plutôt tendance à adhérer aux thèses de certains juristes qui croient qu'on pourrait modifier l'article 133, il reste que ces thèses sont loin de faire l'unanimité et qu'il en découle qu'un risque persiste. Par conséquent, pourquoi, je vous le demande, aurions-nous modifié l'article 133, alors que nous tenons, de par un choix délibéré, à maintenir les droits que l'article 133 confirme, au risque d'une contestation judiciaire et au risque d'une confusion dans la société?

Il y avait une contradiction dans l'attitude du chef de l'Opposition qui, d'un côté, nous incitait à la prudence sur le plan constitutionnel et qui, de l'autre côté, nous invitait à prendre des risques par ses propres amendements.

En fait, le vrai problème de l'article 133 n'est pas là. Je suis étonné qu'on ne l'ait pas soulevé. Le vrai problème de l'article 133 ne se pose pas par rapport à une législation linguistique qui tient compte du Canada tel qu'il est, pays fédéral, et qui tient compte également de la société québécoise telle qu'elle est, avec une très importante minorité de parlant anglais. Le vrai problème de l'article 133 vient du fait qu'il se trouve à conférer un régime particulier à une province de l'ensemble canadien, c'est-à-dire au Québec. Il en découle que, si un jour il devait y avoir une modification de l'article 133, cette modification devrait être le résultat d'une négociation constitutionnelle, c'est-à-dire d'une négociation qui déterminerait de nouvelles règles du jeu.

On pourrait parfaitement à ce moment envisager des modifications qui, inscrites peut-être dans une charte des droits de l'homme ou dans la constitution même, donneraient des droits fondamentaux, même des droits linguistiques aux citoyens canadiens, mais feraient disparaître ce qui, à toutes fins utiles, constitue une anomalie au sein de notre fédéralisme. Il est extrêmement bizarre que personne ne l'ait souligné.

Si je le souligne volontairement, ce n'est pas pour apporter des arguments à l'Opposition, mais c'est uniquement parce qu'il y a là, je pense, une prise de conscience qu'il faut faire et ce n'est pas au niveau d'une législation linguistique alors qu'il est possible de la mettre de l'avant, sans modifier l'article 133, tel qu'il existe, qu'il faut se poser le problème. Je vous remercie, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): La commission est maintenant prête à se prononcer sur la motion d'amendement.

M.MORIN: II me restait quelques minutes, M. le Président, exactement une...

M. CLOUTIER: Ah! je pensais...

M. MORIN: ... dizaine de minutes, puisque le ministre a cru bon...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Un instant, selon les notes que j'ai ici, le chef de l'Opposition officielle aurait employé quelque 23 minutes.

M. MORIN: Non, pas sur la... Sur quoi, ça? M. CLOUTIER: Sur l'amendement. M. MORIN: Sur l'amendement?

M. CLOUTIER: C'est sur la motion principale que vous avez du temps.

LE PRESIDENT (M. Gratton): II reste du temps sur la motion principale.

M. MORIN : D'accord, alors je reviendrai sur la motion principale.

M. LEGER: Uniquement dix minutes d'utilisées sur la motion principale.

LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est cela. Alors, le vote sur la motion d'amendement du député de Saguenay.

M. LESSARD: ... exactement la discussion qu'on a eue cet après-midi.

M. CLOUTIER: M. le Président, voulez-vous passer au vote? Le député n'a pas à intervenir à ce stade-ci.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Le vote sur l'amendement...

M. LESSARD: Plus ça va, plus vous confirmez la...

M. BEDARD (Chicoutimi): ... vont voter logiquement.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Bérard? M. Charron?

M. CHARRON: En faveur, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Déom? M. Cloutier?

M. CLOUTIER: Contre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Hardy?

M. HARDY: Contre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Lapointe? M. Lachance?

M. LACHANCE: Contre, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Morin?

M. MORIN: En faveur.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Tardif?

M. TARDIF: Contre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Phaneuf?

M. PHANEUF: Contre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Desjardins?

M. DESJARDINS: Contre, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Samson? M. Malépart?

M. MALEPART: Contre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Pour: 2. Contre: 7.

La motion d'amendement est rejetée.

Nous revenons maintenant à la motion de l'honorable ministre de l'Education que l'article 1 soit adopté.

Est-ce que cette motion est adoptée?

M. MORIN: Est-ce que ces messieurs veulent parler sur la question?

M. CLOUTIER: Nous sommes prêts à voter, je pense bien.

M. LEGER: Aucun député n'est capable de défendre le point de vue du ministre sur l'article 1.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Est-ce que la commission est prête ou non à se prononcer sur la motion du ministre?

M. LEGER: M. le Président, j'invoque le règlement, le ministre vient de dire que nous n'avons fait que ça. Il n'y a eu que quelques courtes interventions sur nos motions venant du ministre, deux ou trois minutes ici et là. Aucun député n'a parlé sur le fond, sauf le député de Mont-Royal, et là, sur la motion principale aucun député libéral ne va s'exprimer.

M. CLOUTIER: M. le Président, c'est vraiment faux, il y a eu plusieurs interventions...

M. LEGER: De fond?

M. CLOUTIER: ... de fond qui ont été apportées au cours des discussions sur les amendements. Il y a eu suffisamment de discussions de fond.

M. CHARRON: Vous nous avez défiés d'aborder l'article 1...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LEGER: Uniquement, le ministre de l'Education a parlé.

M. CHARRON: ... et maintenant vous vous taisez.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !

M. CHARRON: Vous ne voulez pas expliquer à la population ce que vous entendez dans l'article 1?

M. DESJARDINS: L'Opposition officielle a dit qu'il restait dix minutes, si elle veut prendre la parole, on lui laisse la parole. Ensuite, on verra.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LEGER: Vous n'avez rien à dire sur la motion de...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre, messieurs!

UNE VOIX: J'ai parlé une demi-heure en deuxième lecture...

M. LEGER: Sur la motion principale, vous n'avez pas parlé.

LE PRESIDENT (M. Gratton) : Est-ce que quelqu'un veut parler sur la motion du ministre de l'Education?

M. CHARRON: M. le Président, j'interviendrai.

M. CLOUTIER: Allez-y. C'est cela.

LE PRESIDENT (M. Gratton) : L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: J'interviendrai de façon très claire pour proposer un amendement à cette commission. Puisqu'ils refusent de parler...

M. CLOUTIER: Mais personne n'a refusé de parler.

M. CHARRON: Ah bien! Ne faites pas l'hypocrite en plus d'être menteur.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !

M. CHARRON: J'ai l'impression que...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !

M. CHARRON: ... insuffisant.

M. CLOUTIER: Puis-je demander au chef de l'Opposition d'essayer de contrôler votre jeune...

M. CHARRON: J'ai l'impression que c'est de l'hypocrisie pure et simple que vous êtes en train de faire là.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre, messieurs!

M. HARDY: Attention! Attention!

M. CHARRON: N'exagérez pas, quand même.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous plaît !

M. CHARRON: Vous pouvez péter de la broue, si vous le voulez, mais vous n'êtes pas obligé de nous mentir en pleine face.

M. DESJARDINS: II manque d'applaudissements après son discours, il en cherche. C'est bien évident.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Si je comprends bien, le député de Saint-Jacques a une motion d'amendement.

M. LESSARD: On vous attendait sur l'article 1, tout le monde pouvait parler.

LE PRESIDENT (M. Gratton): ... sur une motion d'amendement proposée...

M. CHARRON: M. le Président, moi je ne veux pas me prononcer sur l'article 1 tant que les hypocrites qui siègent à votre droite...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. CHARRON: ... n'auront pas expliqué à la population ce qu'ils entendent par ça...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. CHARRON: ... à commencer par celui qui trône immédiatement à votre droite, qui se prétend le parrain du bill et qui ne l'a même pas défendu morceau par morceau...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. CHARRON: ... après l'avoir promis aux citoyens qui sont à la table à côté.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! à l'ordre, s'il vous plaît!

M. CHARRON: Qu'il ait au moins la décence, M. le Président, d'expliquer...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. CHARRON: ... cequ'il est en train de prononcer.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

Nouvelle motion d'amendement

M. CHARRON: M. le Président je vous propose l'amendement suivant: Que l'étude de l'article 1 soit différée jusqu'à ce que l'étude des autres articles ait été terminée. Nous ne pouvons pas nous prononcer sur l'article 1 tant que ces...

M. DESJARDINS: Irrecevable.

M. CHARRON: ... honorables ministres qui composent le cabinet, M. le Président, hypocrite qui nous a présenté cette loi, ne nous auront pas expliqué ce qu'ils entendent par l'article 1. Tant qu'ils ne nous auront pas expliqué surtout pourquoi, comme le disait le député de Maisonneuve quand il est intervenu cet après-midi, ils contredisent article par article par la suite ce qu'ils ont affirmé dans l'article 1. Or, c'est donc, M. le Président, par simple respect pour le défi que ces individus nous avaient posé et que nous sommes maintenant prêts à relever et que nous voyons fuir dans le décor au moment où nous sommes prêts à aborder une argumentation solide, que je propose que l'étude de l'article 1 soit maintenant différée jusqu'à ce que l'étude des autres articles ait été terminée.

On ne sait pas ce qu'ils veulent dire par français langue officielle, M. le Président. On a proposé que ce soit la seule langue officielle, ils ont dit non. On a proposé que ce soit une prise de position qui rendrait inopérante sur le territoire du Québec l'article 133 de la constitution canadienne votée par le gouvernement de Londres, ils nous ont dit non. Je leur ai proposé encore, dans le dernier amendement qu'ils viennent de défaire, que ce soit au moins une affirmation qu'aucune autre langue officielle ne sera affirmée ailleurs que par le Parlement du Québec, ils ont dit non. Bien, qu'ils nous le disent ce que c'est que le français langue officielle et qu'ils nous expliquent surtout pourquoi, comment ils peuvent prononcer le français langue officielle dans l'article 1, quand, dans les quinze articles qui suivent, ils donnent à la langue anglaise plus de droits qu'elle n'en a jamais eus sur le territoire du Québec.

M. DESJARDINS: 21 droits...

M. CHARRON: M. le Président, que...

M. DESJARDINS: ... un autre projet du Parti québécois.

M. CHARRON: ... l'étude de l'article... M. DESJARDINS: 21.

M. CHARRON: Bien, vous interviendrez... M. DESJARDINS: 21.

M. CHARRON: ... vous, le brillant de Louis-Hébert.

M. DESJARDINS: 21.

M. CHARRON: Le brillant de Louis-Hébert, vous interviendrez dans le débat.

M. DESJARDINS: ... en deuxième lecture. LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. CHARRON: Je propose, M. le Président, que l'étude de l'article 1 soit différée jusqu'à ce que l'étude des autres articles ait été terminée.

M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable ministre des Affaires culturelles, question de règlement.

M. HARDY: M. le Président... M. LEGER: Quel article?

M. HARDY: ... sur la recevabilité de cette motion. M. le Président, en vertu du règlement qui régit nos travaux et sous l'éclairage de l'ancien règlement, en particulier l'article 567 de l'ancien règlement, je soutiens qu'une motion proposant de différer l'étude de l'article 1 n'est pas recevable.

Et cela, non seulement pour une question strictement juridique, mais, d'abord et avant tout — et je pense que, là-dessus, le règlement confirme la logique et le bon sens — c'est une question de sens commun. J'entendais tantôt le député de Saint-Jacques et d'autres députés du Parti québécois prétendre que les députés ministériels ne voulaient pas se prononcer sur l'article 1.

Pourtant, il me semble que nous nous sommes prononcés d'une façon assez évidente. L'article 1, c'est le principe fondamental de cette loi. C'est la substance de cette loi. Nous avons eu l'occasion de nous prononcer, certains par leurs discours et, la plupart, par notre vote en deuxième lecture. Nous avons accepté le principe de ce projet de loi, et nous avons eu également l'occasion d'intervenir, d'une façon incidente au moins, sur les différentes motions présentées par le Parti québécois, parce que les motions d'amendement proposées à l'article 1 nous ont obligés, nous ont amenés à déclarer que nous considérions que l'article 1, tel que rédigé, faisait du français la langue officielle et que c'est ce que nous voulons.

Nous, de ce côté-ci, nous voulons que le français soit la langue officielle au Québec et c'est la raison pour laquelle nous sommes en faveur de l'article 1. Et ce qu'il y a de paradoxal...

M. LESSARD: Vous êtes sérieux.

M. HARDY: ... M. le Président, c'est qu'au moment même où les députés de l'Opposition nous reprochent de ne pas nous prononcer, eux, depuis trois, quatre, cinq jours, depuis le début, depuis une semaine, ces mêmes députés s'ingénient à trouver des moyens pour éviter, eux, de se prononcer. Ils ne veulent pas se prononcer sur l'article 1. C'est évident, c'est clair...

M. BEDARD (Chicoutimi): C'est vous autres qui ne voulez pas vous prononcer sur l'interprétation que vous lui donnez.

M. HARDY: ... c'est clair, M. le Président...

M. BEDARD (Chicoutimi): C'est bien différent, c'est clair aussi.

M. HARDY: ... depuis une semaine... UNE VOIX: Deux semaines.

M. HARDY: ... que nous siégeons ici, je ne sais plus exactement combien d'heures, mais un nombre incalculable d'heures sur l'article 1...

M. BEDARD (Chicoutimi): ... Pour rien à cause de vous autres.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. HARDY: ... les députés péquistes ont tout fait pour éviter d'aborder l'article 1 par toutes sortes de trucs de procédure, des trucs de procédure qui feraient rougir l'ancien député de Maskinongé.

M. LEGER: M. le Président, j'invoque le règlement. Est-ce que vous pouvez me reconnaître?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui. L'honorable député de Lafontaine sur une question de règlement.

M. LEGER: J'aimerais ramener notre ancien caporal à l'Assemblée nationale, qui était vice-président de la Chambre — il connaît son règlement parfaitement — le ramener à la pertinence du débat. Il est en train de discuter normalement de la recevabilité, il est en train de faire un discours, une diatribe pour essayer d'atteindre d'autres objectifs que celui de la recevabilité du débat. Alors, je vous prierais de le ramener, M. le Président, si vous voulez bien le ramener à l'ordre et qu'il nous explique pourquoi cette motion du député de Saint-Jacques n'est pas recevable.

M. HARDY: M. le Président, volontiers. Je ne faisais que répondre brièvement... Bien sûr, je reconnais quand je ne respecte pas le règlement. Je le reconnais, moi.

M. LESSARD: Vous ne le respectez jamais. LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. HARDY: Bien, jamais. C'est un peu exagéré cela, jamais.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. DESJARDINS: Ce n'est pas respectable de dire...

M. HARDY: Je dirai au député de Lafontaine que ce n'est pas respectable.

M. LESSARD: A part cela, il aime violer le règlement.

M. HARDY : Je disais donc que la motion du député de Saint-Jacques est irrecevable en vertu de notre règlement actuel, sous l'éclairage de l'ancien règlement et surtout en vertu du bon sens. Ce que le député de Saint-Jacques nous demande, par sa motion, est de commencer par étudier les exceptions, d'étudier les modalités d'application avant d'étudier le principe. Voilà ce que le député de Saint-Jacques nous demande.

Le principe est secondaire dans l'esprit du député de Saint-Jacques. La langue française n'est plus importante pour le député de Saint-Jacques. La substance de la loi 22, la raison pour laquelle on a présenté la loi 22, c'est d'abord pour faire du français la langue officielle. C'est l'objectif.

M. LEGER: M. le Président, j'invoque le règlement. Le député, sciemment, encore...

M. HARDY: Non.

M. LEGER: ... est en train de parler hors du sujet. Pour quelle raison cette motion est-elle irrecevable?

M. HARDY: Je suis en train...

M. LEGER: Parlez du fond.

M. DESJARDINS: II ne comprend pas.

M. HARDY: Je vous le démontre. Je suis en train de vous expliquer pourquoi le règlement interdit...

M. LEGER: Prouvez-nous donc par des articles que cela l'interdit.

M. HARDY: Ah!

M. LEGER: Combien de fois n'a-t-on pas remis des articles pour étude plus tard, parce que le reste du projet pouvait changer le sens de l'article?

M. HARDY: Je vais y venir à cela. Attendez une minute.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. HARDY: Le député de Lafontaine fait passer la forme avec le fond. Il voudrait que je lui cite des numéros d'articles avant...

M. LEGER: C'est une question de forme. Vous parlez du fond.

M. HARDY: Oui, mais la forme justement... Pour les esprits superficiels, la forme existe en elle-même, mais pour les gens...

M. LEGER: Vous n'avez pas très bien formulé votre affaire.

M. HARDY: La forme... dans le fond, imaginez-vous donc.

M. LEGER: Là, vous êtes dans le fond.

M. HARDY: La forme en soi, c'est dans les airs.

M. LEGER: Vous êtes tellement dans le fond que vous allez rester pas mal creux.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. HARDY: La véritable forme...

M. LESSARD: Jean-Noël Tremblay faisait cela souvent.

M. HARDY: La véritable forme est ce qui permet au fond de s'exprimer.

M. DESJARDINS: Employez des termes plus simples afin que le député de Lafontaine comprenne.

M. HARDY: Je disais donc...

M. LESSARD: Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement...

M. HARDY: ... qu'il est absolument impensable et jamais ceux qui ont adopté ce règlement, parce que je les connais, auraient voulu faire des choses aussi illogiques, aussi incohérentes que de permettre au législateur d'étudier les exceptions d'abord, d'étudier les modalités d'application d'un principe avant d'étudier le principe lui-même. Si on veut que les modalités soient vraiment celles qui doivent être pour appliquer le principe, il faut connaître le principe.

Si au cours de l'étude de la loi, au cours de l'étude des articles qui viendront par la suite, on

se rend compte que les modalités d'application de ce principe ne sont pas valables...

M. BEDARD (Chicoutimi): Vous n'avez pas voulu discuter du principe.

M. HARDY: Ou si on se rend compte que certaines exceptions que l'on apporte ne sont pas conformes à l'esprit du principe que l'on a d'abord adopté, à ce moment-là, on modifiera ces articles. L'ordre logique est d'abord d'adopter le principe, d'adopter la règle générale et par la suite on étudie...

M. LEGER: M. le Président, j'invoque le règlement. Pour la troisième fois, le député de Terrebonne est en train d'intervenir dans le fond. Or, ce sont des arguments que vous apporterez quand vous discuterez au mérite cette motion du député de Saint-Jacques, pour dire que c'est plus logique ou illogique de le faire de cette façon-ci ou de cette façon-là. Actuellement, il s'agit de nous prouver que cette motion est irrecevable et, jusqu'à maintenant, vous n'avez apporté aucun argument dans ce sens et vous n'avez fait que discuter du fond de la motion.

M. le Président, je m'excuse, mais je vais parler à travers vous, mais je vais en assommer deux, à ce moment-là:Pourriez-vous rappeler le député à l'ordre, parce que je pense que, selon les règlements, vous avez le droit, sans même qu'on vous en avise, M. le Président? Cela fait trois fois que j'attire respectueusement votre attention...

M. HARDY: Sur une question de règlement.

M. LEGER: ... sur le fait que le député de Terrebonne, avec une façon tout à fait désinvolte, joue avec les règlements comme un équili-briste et il est en train de passer du fond à la forme. Il est en train de déformer tout le fond de son affaire.

M. HARDY: M. le Président...

M. LEGER: M. le Président, pourriez-vous lui dire de parler sur la recevabilité en quelques minutes?

M. HARDY: M. le Président, sur une question de règlement, je ferais remarquer au député de Lafontaine que ce n'est pas parce qu'il ne comprend pas ce que cela signifie que je ne parle pas de la recevabilité de la motion. Ce n'est pas ma faute.

M. LEGER: Ce qu'on conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisément.

M. HARDY: Bien oui!

M. LEGER: Ils ne viennent pas vite avec vous.

M. HARDY: Mais il faut une certaine capacité de perception. M. le Président, et je terminerai parce que ce n'est pas très compliqué, je pense...

M. BURNS: II faudrait peut-être nous dire avant de commencer à nous dire que vous terminez, pourquoi vous vous opposez à la recevabilité de cette motion.

M. HARDY: Cela fait six minutes...

M. BURNS: Je n'ai pas encore entendu une raison, pas une.

UNE VOIX: Vous n'avez pas écouté.

M. BURNS: Je vous écoute depuis le début.

M. HARDY: M. le Président, ce n'est pas le député de Maisonneuve que j'essaie de convaincre parce qu'il ne va pas décider de la recevabilité de la motion et encore moins, évidemment, le député de Lafontaine. J'aurais une certaine confiance au député de Maisonneuve s'il parvenait à se dégager de ses préjugés, mais le député de Lafontaine, même sans préjugé, ne réussirait pas à juger d'une telle question.

M. BURNS: J'aurais une certaine confiance dans le ministre s'il nous disait pourquoi ce n'est pas recevable. Jusqu'à maintenant...

M. HARDY: Si vous aviez écouté.

M. BURNS: Je vous écoute depuis tout à l'heure et je n'ai pas compris une raison.

M. HARDY: De toute façon, M. le Président, c'est à vous que je m'adresse parce que c'est vous qui devrez prendre la décision à savoir si cette motion est recevable ou non. Je vous dis qu'elle est contraire au règlement, elle est contraire à l'ancien règlement et contraire au simple bon sens. Jamais je n'ai vu des gens adopter les modalités d'application d'un principe avant même de savoir quel sera le principe que l'on veut appliquer.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable ministre de l'Education sur la recevabilité.

M. CLOUTIER: C'est ça, sur la recevabilité de la motion.

La motion du député de Saint-Jacques, laquelle a été présentée avec sa grossièreté habituelle, il ne faut pas trop s'en étonner, parce que chez ce jeune tribun, d'ailleurs talentueux, les injures remplacent habituellement les arguments. Ceci dit, M. le Président, j'invoque deux raisons pour douter de la recevabilité de cette motion.

La première, c'est que l'article 1 me paraît essentiel, me parait fondamental et je ne vois pas comment nous pourrions discuter utilement

des autres articles, si nous n'avons pas d'abord disposé de l'article 1.

L'article 1 pose un principe qui est clair, qui est lumineux, comme nous avons eu l'occasion de l'exposer à maintes reprises, et ce principe se retrouve dans tous les autres articles du projet de loi, même si, de par l'article 5, les règles d'usage sont déterminées. C'est ma première raison.

La deuxième raison vient de l'argumentation que l'Opposition n'a pas cessé de mettre de l'avant depuis au moins deux jours. Si je me souviens bien, cette argumentation visait précisément à manifester que l'article 1 était fondamental et essentiel. C'est la raison pour laquelle l'Opposition a voulu y apporter des amendements. Je trouve paradoxal, pour ne pas utiliser un autre mot, qu'après avoir tenté de démontrer qu'il s'agissait là d'un article tellement fondamental qu'il était impossible de passer à d'autres articles avant d'avoir réussi à le faire amender, l'Opposition, aujourd'hui, prétend que l'on peut le mettre de côté. Merci, M. le Président.

M. LEGER: Ce qui est essentiel n'est pas nécessairement urgent, M. le Président.

M. CLOUTIER: Comment alors discuter des autres articles alors que vous vous êtes acharnés à prouver qu'il fallait d'abord disposer de l'article 1.

M. LEGER: M. le Président, la constante que nous allons avoir dans les autres articles va nous permettre de déceler réellement ce sur quoi nous allons voter au premier article.

M. HARDY: La charrue devant les boeufs.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de Maisonneuve, sur la recevabilité de la motion.

M. BURNS: M. le Président, tout ce que j'ai entendu jusqu'à maintenant de moindrement valable, c'est ce que le ministre des Affaires culturelles nous a dit. C'est qu'actuellement, selon lui, la proposition du député de Saint-Jacques mettrait de côté le principe du projet de loi. C'est la seule chose, M. le Président, qui, jusqu'à maintenant, me laisse un peu une substance d'argumentation quant à la recevabilité de l'amendement du député de Saint-Jacques.

M. le Président, je suis sûr qu'à vous ou chez vous ça ne tombera pas dans l'oreille d'un sourd, le projet de loi, quant au principe, a été discuté, a été adopté de façon majoritaire avec une espèce de réticence bien marquée de la part de l'Opposition, en deuxième lecture. Le principe de ce projet de loi a été adopté en Chambre. Ce que nous faisons ici, M. le Président, c'est que nous étudions les détails du projet de loi. Un des détails du projet de loi, c'est l'article 1.

M. le Président, c'est une des fois où je suis en mesure de m'autoriser de deux sources différentes, l'une qui précède l'autre ou l'une qui succède à l'autre, comme vous le voudrez, c'est-à-dire notre règlement actuel et l'ancien règlement, qui sont absolument identiques, mais absolument identiques.

M. le Président, passons directement à notre règlement actuel, l'article 154, qui nous dit: "En commission plénière ou élue, après la deuxième lecture — c'est cela qui nous intéresse — on ne peut discuter que les détails d'un projet de loi et il ne peut y avoir audition publique, etc." Je ne reviens pas à ça, on en a discuté antérieurement.

Mais je vous prie, M. le Président, de noter les mots suivants: "En commission plénière ou élue — nous sommes en commission élue — après la deuxième lecture — nous sommes après la deuxième lecture — on ne peut discuter que les détails d'un projet de loi." C'est ce que nous faisons. Je n'ai pas besoin, j'espère, de revenir aux dispositions qui concernent la deuxième lecture elle-même, que vous retrouvez à l'article 120; "Le débat sur toute motion de deuxième lecture doit être restreint à la portée, à l'à-pro-pos, aux principes fondamentaux et à la valeur intrinsèque du projet de loi, ou à toute autre méthode d'atteindre ses fins." J'espère que je n'ai pas besoin de vous expliquer longuement que le principe du projet de loi, qu'on le veuille ou non... et nous, de l'Opposition, ne le voulions pas, nous étions contre, nous nous sommes prononcés contre, nous avons voté contre le principe de ce projet de loi, de la façon qu'il nous était présenté, alors, je ne pense pas qu'on va nous faire querelle du fait que nous ayons voté contre.

Nous admettons d'emblée que nous sommes à une autre étape de l'étude du projet de loi. Cette autre étape consiste à examiner, comme le veut l'article 154, les détails du projet de loi. C'est là où on en est rendu. Quand je disais tout à l'heure que notre ancien règlement, là-dessus, était tout à fait en accord avec l'actuel règlement — et c'est un des rares cas d'ailleurs, je le signale — c'est à l'article 565 de l'ancien règlement qu'on retrouve cette affirmation. "Pendant l'étude d'un bill public, un comité plénier — qui est l'équivalent de notre commission élue, je pense que vous allez admettre ça, M. le Président — ne peut en discuter que les détails." Mais je vous réfère, de plus, à la note que vous retrouvez sous l'article 565 qui dit ceci: "Le comité n'a pas le pouvoir de décider du fond du bill qui lui a été renvoyé." Je vous soumets bien respectueusement que nous ne discuterons pas du fond du bill. Si nous demandions — cela est bien différent, c'est la distinction que je fais — que l'article 1 soit biffé, il est fort possible qu'à ce moment-là vous eussiez parfaitement raison de nous dire que nous décidons du fond du bill. Il est fort possible qu'à ce moment-là vous disiez que toute la substance, qui apparaît au principe du projet de loi, se retrouve... on ne

s'est pas caché pour le dire, il n'y a aucun député de l'Opposition qui s'est retenu là-dessus; on a dit: II y a un article fondamental dans le projet de loi et c'est l'article 1. Je pense que vous allez au moins nous rendre cette justice. On a dit : C'est tellement fondamental, qu'il faut s'y attacher, il faut le préciser, il faut le clarifier pour savoir exactement quelles sont les intentions du gouvernement.

Or, si je proposais de biffer l'article 1, vous diriez à ce moment-là: Vous êtes en train de détruire le principe du projet et vous auriez parfaitement raison. Ce n'est pas ça que le député vient de vous proposer. Il vient de vous proposer de dire: Sans voter pour, sans voter contre, sans s'abstenir, on aimerait bien examiner le reste du projet de loi. On aimerait bien savoir ce que va contenir le reste du projet de loi. Pourquoi? Parce que, à quatre reprises différentes, nous avons tenté de demander au gouvernement de préciser son opinion relativement à l'article 1, sans succès, je dois l'admettre. A chaque fois, soit que notre motion ait été jugée irrecevable, dans un cas, ou qu'elle ait été rejetée dans les trois autres cas. On s'est retrouvé devant une espèce d'attitude très laconique de la part du gouvernement qui disait: Bien, écoutez, c'est du pareil au même; ou bien: Vous allez trop loin; ou encore: Vous n'allez pas assez loin. C'est ça qu'on nous a dit, M. le Président.

Nous, de notre part, il nous semble tout à fait justifié de pouvoir vous dire: Cet article, et on ne change pas — et je vous prie, M. le Président, malgré l'intervention intempestive du député d'Anjou qui retient votre attention... Cela devait être très brillant ce qu'il vous a dit, M. le Président. Vous devez avoir le goût d'ajourner la séance après ce qu'il vous a dit.

Je vous dis que nous nous considérons tout à fait justifiés de maintenir notre opinion, à savoir que c'est toujours tellement important dans notre esprit de savoir ce que le gouvernement veut dire par son article 1 que nous vous proposions d'en différer l'étude après les autres détails du projet de loi.

Je vous signale, M. le Président, encore une fois — il n'est pas inutile de le rappeler parce que déjà, dans le présent débat, on y a fait référence — l'existence de l'article 564, dans l'ancien règlement, sur lequel vous-même avez pris une décision. L'article 564 mentionne un ordre d'étude des détails du projet de loi, au premier alinéa: "En comité plénier" — et, encore une fois, ai-je besoin de le dire, nous remplaçons le comité plénier; ici, nous sommes en commission élue; je pense qu'on ne me fera pas de problème là-dessus — "les différentes parties d'un bill public son examinées dans l'ordre suivant : "lo Les articles imprimés;" — C'est le cas actuellement de l'article 1, c'est un article imprimé, ce n'est pas un papillon, ce n'est pas un amendement qui nous a été apporté comme le ministre nous en a souligné plusieurs dès le départ de la discussion sur l'article 1. — "2o Les articles imprimés qui ont été différés;" — Je vous dis ceci: II est possible, de par la simple sémantique, même pas, de par la simple lecture de l'article 564, premier alinéa, de différer l'étude d'articles.

Vous l'avez, M. le Président, et à bon droit, je pense, déjà accepté quand nous avons proposé de différer l'étude de l'article 1, ce même article, après l'étude du préambule. Vous avez jugé cette motion comme recevable. C'est ce même article que nous proposons de voir différé au point de vue de son étude après que les autres détails du projet de loi auront été examinés.

Ce n'est pas plus que ça. Là-dessus, je vous le dis tout de suite, ça pourra peut-être avoir l'air de discuter sur le fond, ce que je vais dire, mais je ne veux pas discuter sur le fond, je ne veux pas discuter au mérite l'article 1. Je veux simplement vous dire ceci: Si nous avons tenté depuis le début de faire préciser la position du gouvernement, de demander au gouvernement: Voulez-vous dire que la langue officielle, qui est le français selon votre texte, est la seule langue officielle? on s'est fait dire: Non, pour toutes sortes de raisons. Nous nous sommes fait dire officiellement que ça voulait dire la même chose. Cela a été rejeté, la majorité gouvernementale a disposé de notre amendement, soit.

Nous avons dit: Voulez-vous dire que ça met de côté les dispositions de l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique? On nous a dit: Non, ce n'est pas ça que ça veut dire, nous allons régler ça plus loin. Nous avons dit: Soit. Et, par la majorité gouvernementale, nous avons été obligés de dire: Soit.

Nous vous avons dit: Est-ce que ça veut dire qu'aucune autre langue que le français n'aura de statut officiel à moins que la Législature se prononce? Encore une fois on nous a dit: Non, par le vote majoritaire du gouvernement. Et, chaque fois, on a tenté de faire préciser l'opinion du gouvernement.

Devant cette situation, on se retrouve à un article — permettez-moi l'expression — à un article 1 tout nu, un article 1 sous forme de squelette... Pardon?

M. HARDY: Dans toute sa splendeur, dans toute sa clarté.

M. BURNS: Sa splendeur, moi, je dirais dans toute sa nudité...

M. HARDY: Bien, la nudité...

M. BURNS: ... qui, à l'occasion, peut être synonyme, mais qui n'est pas toujours vrai. Le monde nu n'est pas nécessairement en pleine splendeur et le monde en pleine splendeur n'est pas nécessairement du monde qui n'est pas nu. On pourrait faire d'autres équations ou non-

équations, si vous voulez, mais je vous dis que, si vous voulez jouer sur les mots, on s'aperçoit que l'on se retrouve au texte lui-même, tel qu'il se présente à sa naissance, nu, sans aucun artifice, mais aussi sans aucune précision, sans qu'on ait greffé quoi que ce soit de solide sur cet article et Dieu sait qu'on a essayé de greffer quelque chose. A trois ou quatre reprises, on a essayé de faire préciser cette opinion.

Il n'est que normal que nous vous disions à ce stade-ci: Je ne le sais pas si je vais voter pour, je ne le sais pas si je vais voter contre, je ne le sais pas si je vais m'abstenir.

M. HARDY: C'est votre dilemme. Si vous avez dit quelque chose de vrai...

M. BEDARD (Chicoutimi): Laissez-le faire, on va le résoudre. Si c'est ça, ne vous cassez pas la tête.

M. HARDY: Vous ne savez pas quoi faire, c'est ça le problème.

M. BURNS: On va le résoudre. Vous allez voir ça qu'on va le résoudre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BEDARD (Chicoutimi): Ne vous cassez pas la tête.

M. BURNS: On va le résoudre bien rapidement, mais de la façon...

M. HARDY: Là est votre dilemme.

M. BURNS: Est-ce que vous me laissez terminer?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BURNS: M. le Président, j'ai toujours la parole?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui.

M. BURNS: Merci. On va le résoudre ce dilemme. Mais jusqu'à maintenant, je dois dire bien ouvertement qu'il existe ce dilemme-là à cause de la façon dont le débat s'est tenu depuis le début de la discussion sur l'article 1.

On vous a proposé des précisions. Je vous dis tout de suite que si vous nous aviez dit: La seule langue officielle au Québec est le français, on n'aurait eu aucune espèce d'hésitation, on aurait voté d'emblée en faveur de cet amendement-là et de l'article tel qu'amendé. C'était d'ailleurs la proposition... Non, je pense que j'essaie de faire comprendre...

M. BOSSE: Ce n'est pas trop compromettant une...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. BOSSE: ... proposition qu'on fait soi-même.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. LESSARD: Le député de Dorion veut se faire citer au journal des Débats.

M. BOSSE: Non, je voulais simplement rappeler au député de Maisonneuve que ce n'est pas compromettant.

M. LESSARD: Le député de Dorion n'intervient pas souvent.

M. BURNS: Le député de Dorion voulait signaler sa présence, M. le Président. Alors je signale la présence du député de Dorion et j'espère que ça va l'empêcher de m'emmerder pour le reste de la soirée.

M. BOSSE: Le député de Maisonneuve sait très bien que ma présence est là depuis le 29 octobre et cela a le don d'emmerder le Parti québécois.

M. LEGER: On sait qu'il était présent 25 p.c. du temps, il n'a pas le droit de mentir comme ça.

M. BOSSE: Cela suppose l'enfance du chef spirituel.

M. LEGER: C'est sa marque de commerce de mentir.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. BOSSE: Et puis le "ramasseux" d'enveloppes, il peut toujours continuer ses commentaires.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. LEGER: C'est la marque de commerce du Parti libéral de mentir, alors ce n'est pas plus grave.

M. BOSSE: II peut retourner à l'archevêché pour faire ses contrats.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît!

M. LESSARD: Peut-être le député de Dorion...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BOSSE: Quant au député de Maisonneuve, pour qui j'ai beaucoup de respect d'ailleurs...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BOSSE: ... je voulais tout simplement lui rappeler qu'il n'y avait pas un gros compromis à voter pour une motion qu'ils avaient faite eux-mêmes.

M. BURNS: Cela, vous pourrez le dire, M. le député de Dorion. Le député de Dorion, M. le Président — je dois m'adresser à vous — pourra dire tout ça avec 20 minutes de possibilités de dire ça et de le répéter pendant 20 minutes, s'il le désire. Il pourra dire ça lorsque notre motion aura été jugée recevable et actuellement — dois-je le rappeler au député ou est-ce que c'est vous, M. le Président, qui devriez le rappeler au député de Dorion — nous ne sommes pas à ce stade-là, nous sommes au stade d'examiner la recevabilité de la motion.

M. BOSSE: Ce n'était pas pour aller à l'encontre du règlement, c'était uniquement pour rappeler au député de Maisonneuve, au très honorable député de Maisonneuve, qu'il n'y avait rien de compromettant à voter pour une motion...

M. BURNS: C'est ça, vous pourrez dire ça, mon cher ami.

M. BOSSE: Et pour les 20 minutes, j'aurai l'occasion.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs! L'honorable député de Maisonneuve sur la recevabilité, s'il vous plaît.

M. BURNS: M. le Président, pour éviter une nouvelle intervention de la part du député de Dorion, est-ce que je dois vous demander, bien respectueusement, de rappeler au député de Dorion qu'il pourra dire ce qu'il vient de dire là, in extenso, lorsque viendra le temps de discuter de la motion elle-même?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je suis sûr qu'il a compris. Bon. L'honorable député...

M. BOSSE: In extenso...

LE PRESIDENT (M. Gratton): ... de Maisonneuve, sur la recevabilité.

M. BOSSE: ... ou in expresso, moi je suis habitué avec des Italiens.

M. LEGER: M. le Président...

M. BOSSE: Pas de problème.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LEGER: ... in expresso, c'est in extenso.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BOSSE: In extenso, oui. M. LEGER: In expresso, oui.

M. CHARRON: Je pense qu'un expresso vous ferait du bien.

M. LEGER: Un expresso...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BOSSE: M. le Président, dans le cas du député de Saint-Jacques, un petit poteau, ça ne lui ferait pas mal. C'est sa spécialité d'ailleurs.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs! L'honorable député de...

M, BOSSE: Bien reconnu dans le bas de la ville.

LE PRESIDENT (M. Gratton): ... Maisonneuve, sur la recevabilité.

M. BOSSE: Je m'excuse, le député de Maisonneuve peut continuer.

M. BURNS: Bon, alors, M. le Président, j'essaie vraiment sincèrement de faire mon possible pour vous éclairer sur une chose en laquelle je crois sincèrement, c'est-à-dire la possibilité de différer l'étude de l'article 1 après les autres articles. Devant — je dois revenir, malheureusement, sur ce que je disais tout à l'heure avant d'être interrompu — le refus du gouvernement de préciser son article 1 et ceci à quatre reprises différentes, devant cette attitude, on se retrouve devant l'article 1 tel qu'il est, je vous dis, M. le Président, qu'à cause de l'existence des articles 2 à 130, il est important pour nous de savoir quelles sont les véritables intentions du gouvernement.

Il est possible qu'après l'étude des articles 2 à 130, nous disions: D'accord, le gouvernement veut véritablement rendre le français langue officielle du Québec. Pas dans l'état actuel des articles 2 à 130, c'est là que le doute s'installe chez nous. Dans leur rédaction actuelle, ces articles nous laissent croire que le gouvernement n'utilise l'article 1, comme je le disais hier, que comme un simple panneau-réclame lumineux, avec éclairage alternatif, c'est tout simplement ça qui nous apparaît actuellement, à l'article 1. Et c'est pour ça, M. le Président, que nous croyons que nous devons vérifier davantage, que nous devons vérifier plus avant les intentions du gouvernement lorsque nous discuterons des amendements que nous avons à proposer aux articles 2, 3, 4 et jusqu'à 130 inclusivement.

Je rappelle en terminant, M. le Président, que peu importe les remarques qui ont été faites par le député de Terrebonne, ça ne contrarie pas le principe du projet de loi que de différer l'étude de l'article 1 parce que le principe est déjà adopté. Cela contrarierait le

principe du projet de loi si, dans un de ses aspects essentiels, ce projet de loi se faisait enlever ou se voyait amputé d'un des éléments principaux qui constituent le principe du projet de loi. C'est uniquement comme ça que la motion, à l'effet de différer l'étude de l'article 1 à plus tard, pourrait être jugée irrecevable. Je vous rappelle en terminant, M. le Président, un précédent que vous-même avez accepté, c'est-à-dire celui de différer l'étude de ce même article 1 après l'étude du préambule, motion qui a été rejetée par la majorité gouvernementale, mais qui avait le même objet à l'inverse, c'est-à- dire qu'on croyait que dans le préambule on retrouvait les principes tels qu'énoncés ou, si vous voulez, verbalisés. Le gouvernement n'en a pas jugé ainsi mais nous croyons maintenant, de façon à rebours, que l'article 1 n'est pas assez clair selon les intentions que le gouvernement met derrière, à ce stade-ci; nous croyons devoir étudier article par article les articles. 2 à 130 avant de véritablement nous prononcer sur l'article 1..

Je pense que pour toutes ces raisons, M. le Président, la motion du député de Saint-Jacques doit être considérée comme recevable.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, messieurs, quant à la recevabilité, d'abord, j'aurais une question, je m'excuse, mais je n'ai pas retenu le texte cité par le député de Saint-Jacques, mais le texte de la motion que j'ai ici n'est sûrement pas le texte qu'on devrait lire, parce qu'il s'agit d'un amendement à la motion principale.

M. CHARRON: Vous avez raison, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton) : Alors, je pense que, dans son sens en tout cas, dans son fond, la motion est à l'effet d'amender la motion du ministre de l'Education, soit l'adoption de l'article 1, après que l'étude des autres articles...

M. CHARRON: M. le Président, est-ce que vous me permettez, je crois que la motion du ministre de l'Education dit: Que l'article 1 soit adopté. Alors, ce serait changer le mot adopté pour différé, jusqu'à ce que l'étude des autres articles ait été terminée.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je préférerais pour sa recevabilité qu'on ne dise pas "soit différé" au lieu "d'adopté", mais "soit adopté" après que l'étude des autres articles, ce qui, dans le fond, donne le même résultat.

M. CHARRON: Si vous voulez. Très bien. Je me plie à votre formule.

Décision du président

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, voici, quant à la recevabilité de cette motion, j'aimerais, tout d'abord, reprendre l'argumentation du député de Maisonneuve. Il est vrai que l'article 154 est très clair quant à ce qu'est le mandat de la commission après la deuxième lecture, soit l'étude du projet de loi dans ses détails seulement. J'y ai même fait allusion au moment d'une décision que j'ai rendue la semaine dernière, en ajoutant que les détails d'un projet de loi, on ne pouvait les retrouver qu'à un seul endroit, soit dans les articles, et je pense que personne ne conteste ça.

Si les détails d'un projet de loi dont on peut discuter, ce sont les articles, on doit donc, à ce moment-là, lorsqu'il y a, et je le répète à nouveau, lorsqu'il y a silence ou ambiguïté dans le nouveau règlement, s'en reporter comme l'a fait le député de Maisonneuve à l'ancien règlement, qui nous édicte et nous transmet la tradition et les coutumes parlementaires qui régissent les travaux du comité plénier, puisque celui-ci avait le même mandat que nos commissions élues ont maintenant.

La différence qu'il y a entre cette motion et celle que nous avons acceptée à l'effet de différer l'étude de l'article 1 après que nous aurions étudié, que la commission aurait étudié le préambule, la principale différence est que le préambule ne fait pas partie intégrante de la loi. Ce n'est que strictement accessoire et il ne fait même pas partie du texte de la loi comme tel, alors que les articles subséquents à l'article 1, eux, bien entendu, font partie intégrante d'un projet de loi ou d'une loi.

En consultant l'ancien règlement, ce que, je le répète, nous voulons faire, lorsque le nouveau règlement est silencieux, je constate qu'à l'article 344 on a exactement la décision ou on a exactement le sujet, la substance de la décision que je dois prendre ce soir et, si vous permettez, je vais vous la citer : "Un comité plénier, tant qu'il n'a pas disposé d'un article ou d'un paragraphe, peut en différer l'examen ou la discussion, à moins que cet article de ce paragraphe ne soit essentiel et que les autres articles au paragraphe à étudier ne soient accessoires". Alors, de l'aveu même de plusieurs et je dirais même de la plupart et peut-être à l'unanimité des membres de la commission, on s'entend pour dire que l'article 1 est fondamental, est essentiel, et donc répond à l'exception prévue par l'article 344. Il va sans dire que tous les autres articles qui suivent l'article 1 sont d'ordre secondaire ou accessoire et, à la lecture de 344, je ne vois réellement pas comment je pourrais accepter de recevoir la motion du député de Saint-Jacques, puisqu'à mon avis, je le répète, l'article 1 est essentiel, les autres articles sont accessoires et l'article 344 de l'ancien règlement est clair, on ne peut différer l'étude d'un article dans ces conditions.

M. LEGER: De la poudre avant le canon. M. LESSARD: De la poudre aux yeux.

M.BURNS: M. le Président, puis-je vous poser une question de directive, vous permettez?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui.

M. BURNS: M. le Président, si, au sens de l'article 344 de l'ancien règlement, vous considérez, je me plie à votre décision, d'ailleurs, et je me réfère tout simpelment aux mots où vous dites "que le comité plénier ou notre commission, en l'occurrence, peut différer l'examen ou la discussion d'un article". Je m'attache à ces deux mots: "l'examen ou la discussion".

Je vous demande la directive suivante : Est-ce que vous croyez que l'examen ou la discussion de l'article en question ayant été fait — d'accord? — que le vote puisse être différé?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A votre demande, je pense qu'il est clair que, lorsque l'ancien règlement ou même le nouveau règlement parle partout de discussion, de débat, de travaux, il s'agit à ce moment de discussion de motion. Avant qu'on puisse discuter, il faut qu'il y ait motion, qu'il y ait mandat et nous avons une motion en bonne et due forme présentement, soit celle du ministre de l'Education, à savoir...

M. BURNS: Je ne vous ferai pas de cachette. Je me plie à votre décision. Je respecte votre décision et j'ouvre même une parenthèse, puisque nous sommes tous dans des bons sentiments ce soir, pour m'excuser d'avoir, hier soir, un peu violemment discuté une de vos décisions — commenté, comme dirait le député de Saint-Jacques, en termes élégants— j'ai commenté de façon un peu violente une de vos décisions et je m'en excuse rétroactivement. D'accord?

Donc, je n'ai pas du tout l'intention de commenter violemment cette décision que vous venez de rendre. Je veux simplement vous demander si, une fois l'examen et la discussion de l'article 1 terminés, c'est-à-dire une fois que tout le monde a épuisé son droit de parole, donc, que la discussion et l'examen de l'article sont terminés, il ne serait pas possible à un député de l'Opposition — pour les mêmes raisons d'ailleurs qu'on vient de vous exposer, que le député de Saint-Jacques vient de vous exposer, que j'ai tenté de vous exposer dans mon intervention — à la fin, dans les dernières 20 secondes qui resteront au dernier député qui a droit de parole à cette commission, qu'on vous propose de différer le vote à l'article 1, sans en différer l'examen et la discussion?

M. HARDY: M. le Président, si vous me permettez, sur la demande de directive, je voudrais tout simplement ajouter qu'ayant une motion, je ne vois pas comment on peut laisser une motion flotter en l'air. Il faut en disposer. Ce que le député de Maisonneuve semble suggérer dans sa demande de directive, c'est qu'il y aurait une motion, tout le monde aurait parlé sur la motion et quand c'est fini, on la laisse aller toute seule.

M. BURNS: Non. On ne la laisse pas aller toute seule.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. HARDY: Oui.

M. BURNS: Le débat a eu lieu et on dit tout simplement: Le vote aura lieu...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. HARDY: Vous avez bien peur de voter. LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. BURNS: Pas du tout. Pas du tout.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que je pourrais vous dire que, premièrement, à votre demande de directive, ma première réaction est de vous répondre: Non. Il n'est pas possible, à mon avis, selon toute l'économie de notre règlement et de la tradition, de différer un vote au moment où la discussion, où le débat est terminé sur la motion en discussion. Mais je serais fort aise de demander qu'on revienne à la motion principale — à moins qu'il n'y ait d'autres propositions d'amendement de la part d'un membre de la commission — qu'on revienne à cela, et je serais fort aise d'aller consulter des gens. Mais je vous dis à l'avance que ma première réaction est totalement négative à votre approche.

M. LESSARD: Est-ce que vous me permettez, M. le Président, sur le point de règlement?

LE PRESIDENT (M. Gratton): En fait, ce n'est pas un point de règlement. C'est une demande de...

M. LESSARD: C'est une directive. Est-ce que vous me permettez, sur votre directive...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui, à condition que vous ne m'embarquiez pas trop.

M. LESSARD: Non. Je ne veux pas vous embarquer, mais je pense que toute l'économie de notre règlement est basée sur le fait que les parlementaires soient très bien informés avant de voter le principe. Je pense que, normalement, dans tout projet de loi, c'est que le principe est inscrit dans le titre officiel...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je ne veux pas être désagréable, mais vous êtes en train d'argumenter sur le fond de la motion que j'ai déjà déclarée irrecevable.

M. LESSARD: D'accord. Ce que je veux vous dire, c'est que, normalement, le principe est inscrit dans le titre de la loi. Le titre de la loi, nous le trouvons: Loi sur la langue officielle. On ne sait pas très bien jusqu'ici ce que cela veut dire.

Ce que nous vous disons, à partir de la directive que vous a signalée le député de Maisonneuve, c'est qu'il faut, je pense, que les députés soient très bien informés avant de voter un article du projet de loi. On a donc inscrit, à l'intérieur de l'article 1, un principe. Par contre, nous considérons que ce principe ne correspond pas exactement aux 129 autres articles. Ce que nous vous soumettons, M. le Président — et c'est là que je rejoins la directive du député de Maisonneuve — étant donné justement que nous n'avons pas réussi à savoir quelles étaient les véritables intentions des ministériels concernant l'article 1...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Vous êtes sur le fond.

M. LESSARD: Non, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Vous revenez en arrière.

M. LESSARD: Je pars du principe, M. le Président, qu'il est fort important, avant que nous puissions prendre un vote, que chacun des députés, soit à cette commission parlementaire ou à l'Assemblée nationale, soient très bien informés sur ce qu'ils vont voter. Ce que nous disons, M. le Président, c'est que jusqu'ici nous avons fait la discussion générale sur l'article 1 et je dis: Je suis d'accord.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je m'excuse, mais vous m'avez demandé une demande de directive.

M. LESSARD: Je termine. Je vous ai dit: Est-ce que vous me permettez de parler sur la directive que vous a demandée le député de Maisonneuve. En ce qui me concerne, je vous dis...

M. CLOUTIER:Le même traitement du côté de l'Opposition.

M. HARDY: ... avoir un caucus.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LESSARD: Je termine, M. le Président.

M. CLOUTIER: Si vous désirez tenir un caucus, on peut suspendre quelques instants.

LE PRESIDENT (M. Gratton): J'aimerais peut-être préciser la directive, cela va peut-être répondre à votre question.

M. LESSARD: Je connais la directive, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je vais la préciser. On me demande — et c'est probablement ce que vous êtes en train de faire — de régler une question qui est purement hypothétique. On me dit: Quand on sera rendu à un tel point de nos discussions, est-ce qu'il sera permis de présenter telle motion? Je dis, revenons-en à la motion. On sait qu'il y a une motion sur la table, qu'on en discute et au moment où il y aura...

M. LESSARD: Elle est irrecevable.

LE PRESIDENT (M. Gratton): ... une motion de présentée à l'effet de différer le vote, on tranchera la question à savoir si c'est recevable ou non.

M. LESSARD: Non. M. le Président, vous avez jugé la motion du député de Saint-Jacques irrecevable. Vous l'avez jugée irrecevable, il n'y a plus de motion sur la table.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Il y a la motion principale du ministre de l'Education.

M. LESSARD: II y a une motion principale, mais suite au refus que vous avez posé concernant la motion du député de Saint-Jacques, ce que nous vous demandons, si on ne peut pas retarder la discussion — je pense qu'on a eu la discussion sur l'article 1 — est-ce qu'on ne peut pas retarder le vote sur l'article 1? Je pense, M. le Président, que nous avons fait cela dans d'autres projets de loi, retarder le vote, parce que nous vous disons, M. le Président, c'est que toute l'économie de notre règlement suppose que chacun des députés soit bien informé sur la façon dont il doit voter. Or, ce que nous vous disons, c'est qu'actuellement, malgré tous les efforts que nous avons pu faire concernant...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je m'excuse, vous êtes en train d'argumenter. La décision est rendue. Ce n'est pas une directive que vous demandez.

M. LESSARD: M. le Président...

M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Voici la directive que je peux vous donner et c'est la seule d'ailleurs. Nous sommes présentement sur une motion du ministre de l'Education.

M. LESSARD: Je vous dis que je ne suis pas capable de voter.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Laissez-moi finir, s'il vous plaît! Je ne vous demande pas de voter non plus.

M. LESSARD: Vous ne m'avez pas laissé finir, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le ministre de l'Education a présenté une motion pour que l'article 1 soit adopté. Jusqu'à maintenant, le chef de l'Opposition officielle a utilisé dix -minutes de son temps et aucun autre député, sauf le ministre de l'Education, qui n'est pas limité dans le temps qu'il peut consacrer à chaque article, personne d'autre n'a utilisé son droit de parole. J'appelle donc la motion et quelconque député, membre de cette commission ou non, peut intervenir sur la motion du ministre de l'Education.

M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, seulement une question sur la directive que vous avez donnée afin que ce soit au moins clair dans mon esprit. Je comprends que peut-être, dans l'esprit des autres, c'est clair, mais vous avez quand même apporté une nuance. Vous avez dit: Si cette motion à l'effet de différer le vote est amenée sur la table et présentée, lorsque la discussion sera terminée sur l'étude, à savoir lorsque toutes les interventions — il faut le comprendre comme cela — devant être faites ou pouvant être faites sur la motion principale, à ce moment-là, seront terminées, votre réaction serait négative, dans le sens qu'elle ne serait pas acceptable parce que l'étude était terminée. Selon votre directive, à ce moment, il est normal qu'on vote et ce serait une motion à l'effet de différer ce vote, l'étude étant terminée, qui, dans votre esprit, ne serait pas acceptable.

Si une motion dans le même sens , pour différer le vote, vient avant la fin de l'étude, à savoir avant la fin des interventions pouvant être faites sur la motion principale du ministre de l'Education, et est-ce que cette motion étant présentée à un stade où l'étude ne serait pas terminée, où les interventions ne seraient pas terminées, peut être acceptable?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, moi, dans mon esprit...

M. BEDARD (Chicoutimi): Ce serait bon qu'on le sache très clairement avant, si vous avez fait cette nuance.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui. Dans mon esprit, quand j'ai rendu ma décision tantôt, à savoir, que la motion du député de Saint-Jacques n'était pas recevable, j'ai parlé de l'examen et le député de Maisonneuve a souligné la discussion sur un article. Pour moi. l'examen d'un article, ça comprend sa discussion, ça comprend les motions d'amendement qu'on peut y faire, ça comprend la motion d'adoption et ça comprend le vote.

M. BEDARD (Chicoutimi): Les interventions.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Consécutivement, tout ça fait partie de la discussion d'un article, de l'examen d'un article. Je dis que c'est ça que je pense présentement et je suis prêt à aller vérifier auprès de ceux qui pourraient m'éclairer davantage à ce sujet. Mais, pour le moment, je dois me limiter à demander à la commission si elle est prête à se prononcer sur la motion du ministre de l'Education, à savoir que l'article 1 soit adopté.

M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, justement à la suite de l'intervention que vous venez de faire...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je n'ai pas fait d'intervention.

M. BEDARD (Chicoutimi): ... c'est-à-dire de la nuance que vous venez de faire, parce que c'est un droit de l'Opposition de fonctionner quand même avec le plus de clarté possible, tant sur les articles que sur les règlements, est-ce que ce ne serait pas que logique et normal, pour l'ensemble de la commission, que vous vous informiez dès maintenant sur la recevabilité d'une motion à l'effet de différer le vote qui viendrait avant que l'étude soit terminée?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je ne peux pas trancher une question hypothétique.

M. BEDARD (Chicoutimi): Non, non, mais vous dites que vous iriez vous informer.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Bien oui, je vais y aller aussi, mais tant que je n'ai pas de motion, je ne peux pas...

M. BEDARD (Chicoutimi): Mais on vous demande d'y aller tout de suite. C'est normal.

M. BURNS: On vous dit que c'est notre intention de le faire. On vous dit que c'est notre intention de le faire. Est-ce que ça vous suffit?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Parfait. Alors, je vais me faire remplacer comme président de la commission et je vais aller aux informations.

M. BURNS: D'accord.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je demande si la commission est prête à se prononcer sur la motion du ministre de l'Education?

M. BURNS: Non; elle n'est pas prête.

M. BEDARD (Chicoutimi): Est-ce qu'on a fini l'étude?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que quelqu'un demande la parole?

M. CLOUTIER: M. le Président, oui, je demande la parole.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable ministre de l'Education.

M. CLOUTIER: M. le Président, au cours d'une de ses récentes interventions, le député de Saint-Jacques a dit que la partie ministérielle ne s'était pas prononcée sur le fond de l'article 1, Ce n'est pas exact. Je voudrais, tout en rectifiant les faits, faire un rapide résumé des interventions de fond qui ont eu lieu, lors de la discussion des amendements. Je n'en veux pas particulièrement au député de Saint-Jacques, parce qu'il y a eu tellement de discussions oiseuses qu'il n'a pas toujours été facile d'en suivre le fil. Lorsque j'ai présenté ma motion, M. le Président, je l'ai présentée pendant plusieurs minutes. Par la suite, le premier amendement est intervenu et, au cours de la discussion des nombreux amendements, des quatre amendements qui sont intervenus, le député de Terrebonne, le député de Saint-Jean, le député de Louis-Hébert, le député de Mont-Royal, le député de Sainte-Anne sont intervenus sur le fond. En parlant des amendements, ils ont été amenés à parler de la rédaction de l'article 1 et également de la portée de 133. Ceci correspond exactement au fond de l'article 1. En fait, les amendements n'ont jamais visé autre chose qu'apporter dans l'esprit de l'Opposition — je m'empresse de le dire — des précisions à l'article 1. Il était donc inévitable, en discutant ces amendements, qu'on en vienne à préciser la portée de l'article 1. Il y a eu également des interventions du député de Laporte, du député de Bellechasse, interventions qui ont davantage porté sur des points de règlement.

Quant à moi, M. le Président, en plus de la présentation de ma motion, j'ai fait deux longues interventions d'au moins vingt minutes, ou plus exactement de vingt minutes, parce que je m'en suis tenu au temps qui m'était imparti, et au cours de ces interventions, j'ai été également amené à préciser la portée de l'article 1. Je crois qu'il n'est pas inutile de dire cela, parce qu'il ne faudrait pas que l'on prétende, après des jours et des jours de discussions, que le gouvernement n'a pas expliqué cet article.

D'ailleurs, pour que ne subsiste aucune ambiguïté, étant donné que mon intervention remonte déjà à deux ou trois jours, à cause des manoeuvres d'obstruction qui nous ont empêchés de procéder plus rapidement, je vais y revenir brièvement.

J'ai expliqué, M. le Président — et je suis amené à me répéter mais je ne vois pas d'autre solution — que l'ensemble de cette loi n'était pas le résultat d'une improvisation, loin de là, que c'était le résultat d'une longue enquête poursuivie par la commission Gendron et que je me faisais fort, au cours de la discussion article par article, de rattacher la plupart des articles à des recommandations de la commission Gendron.

J'ai précisé que nous n'avions pas suivi les recommandations de la commission Gendron, allant plus loin que la commission Gendron en ce qui concernait le statut du français au Québec et en ce qui concernait également le chapitre de l'enseignement. Je vais relire, comme je l'ai fait lors de ma présentation, les deux recommandations de la commission Gendron, qui sont pertinentes à l'article 1. La première recommandation se lit de la façon suivante: "La commission recommande au gouvernement québécois de proclamer immédiatement le français, langue officielle du Québec et le français et l'anglais langues nationales du Québec — ce que nous n'avons pas voulu faire — sans porter atteinte au caractère particulier de langues publiques fédérales dont jouissent censément le français et l'anglais en vertu de l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique aux fins y énoncées. Ainsi, le français deviendrait la langue officielle et le français et l'anglais les langues nationales du Québec".

J'ai expliqué pourquoi nous avions repoussé cette recommandation de la commission Gendron en ce qui concernait le fait de faire du français et de l'anglais des langues nationales. J'en ai longuement parlé au cours du discours de deuxième lecture. En revanche, nous avons retenu la partie de la recommandation qui était à l'effet de faire du français la langue officielle, tout en conservant l'article 133. D'ailleurs, cette suggestion est reprise dans une autre recommandation: "Nous recommandons au gouvernement du Québec, tout en conservant l'article 133 de l'AANB, de proclamer, dans une loi-cadre, le français, langue officielle du Québec ainsi que le français et l'anglais langues nationales du Québec — je vous rappelle que c'est cette partie que nous avons fait sauter — et de maintenir l'anglais comme langue d'enseignement dans les écoles anglo-protestantes et anglo-catholiques et communes les deux langues de communication des individus avec l'Etat".

Il est extrêmement important de revenir à ces recommandations. D'abord, parce qu'un gouvernement serait totalement irresponsable s'il légiférait dans le vide, s'il, autrement dit, ne s'inspirait pas d'une commission analogue à la commission Gendron, qui a poursuivi des enquêtes pendant plusieurs années. D'ailleurs, est-il nécessaire que je rappelle que pendant toutes ces années, l'Opposition nous a accusés de nous cacher derrière la commission Gendron, de nous en servir comme paravent. Aussitôt que la commission Gendron eut déposé son rapport, nous avons commencé à l'étudier dans des délais extrêmement courts. Nous sommes arrivés à une législation. A ce moment-là, on a commencé à protester en nous reprochant la législation qui était basée précisément sur le rapport de la commission Gendron. Il est sans doute inutile que j'insiste beaucoup sur ces contradictions.

J'ai eu l'occasion, à cinq ou six reprises, au cours de cet interminable débat, de bien préciser pourquoi nous maintenions la rédaction de l'article 1 : "Le français est la langue officielle

du Québec". J'ai également précisé qu'il fallait lire cet article 1 par rapport à l'article 5, qui en détermine les effets juridiques et que c'est la raison pour laquelle, étant donné la composition et la structure de notre société, nous retrouvons, dans plusieurs articles, une protection des droits des invididus et également des régimes particuliers dans deux cas précis.

Je pense que j'ai également, de façon très complète, expliqué pourquoi nous tenions à conserver l'article 133. Est-il nécessaire d'y revenir? Sans doute. J'ai dit que l'article 133 protégeait, à toutes fins utiles, dans deux secteurs très limités, qui étaient le secteur du Parlement et le secteur des cours de justice, des droits individuels, en ce sens que, aurions-nous supprimé l'article 133, nous aurions été obligés de réintroduire les mêmes droits dans le projet de loi 22 en ce qui concerne les francophones et également les mêmes droits dans la mesure où nous voulions les protéger pour les anglophones.

Par conséquent, étant donné les divergences d'opinions entre les experts constitutionnels, nous ouvrions la porte à des contestations inutiles qui auraient risqué, pour reprendre une expression du chef de l'Opposition, d'entacher le projet de loi 22, parce qu'il ne faut pas oublier qu'à plusieurs reprises le chef de l'Opposition a insisté lui-même sur la très grande importance d'être en terrain solide sur le plan constitutionnel. Le gouvernement pense qu'il est en terrain solide et c'est précisément parce qu'il n'a pas voulu laisser subsister la moindre ambiguïté, qu'après avoir établi le principe de la langue officielle, il a décidé de maintenir l'article 133, lequel, s'il avait été modifié, aurait peut-être amené un risque de contestation, alors qu'il souhaitait conserver ces mêmes droits individuels.

Je pense que, même si j'ai été obligé de revenir sur plusieurs de mes déclarations, il était peut-être nécessaire, au moment où on s'apprête peut-être à voter enfin l'article 1, après plus d'une semaine de délibération, il était probablement nécessaire de faire ces mises au point.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de Lafontaine, sur la motion du ministre de l'Education.

M. LEGER: M. le Président, à ce stade, nous ne pouvons qu'être complètement déconcertés devant cet article 1, qui est la fenêtre de tout un projet de loi, qui, pour être acceptable, devrait changer le rapport de force entre l'anglais et le français qui existe actuellement au Québec.

Ce rapport de force, tous les Québécois en sont conscients, il est actuellement en faveur de l'anglais. La preuve, c'est que le groupe qui assimile, c'est le groupe anglophone et non pas le groupe francophone. Tout le monde sait le poids démographique au Canada du groupe anglais, le poids politique dans le fédéralisme, où on est toujours en minorité, et le poids économique.

Autrement dit, quand on s'apprête à discuter et à voter sur l'article 1, l'enfant se présente mal, c'est un accouchement douloureux, c'est un enfant monstre qu'on nous présente, dont le cordon ombilical est mystérieusement rattaché à l'article 133 du "British North America Act", qui est une loi qui amène une contrainte aux libertés individuelles et collectives des Québécois francophones. Sur l'échiquier politique, actuellement, nous avons devant nous les pions libéraux qui auront à voter — parce que je parle de jeux de dames, mais, si on parle d'un jeu d'échec, je dirais les fous de la reine — bientôt sur un projet de loi dont l'article 1 est contredit tout le long du projet de loi qui va suivre.

C'est la raison pour laquelle nous aurions espéré ne pas avoir à nous prononcer sur l'article 1 tant que les autres articles n'auraient pas prouvé que le titre de ce projet de loi est bien conforme à la constante qu'on aurait découverte dans chacun des 129 articles qui suivent.

Nous avons travaillé de façon sérieuse, énergique, assidue depuis le début, avec cette menace constante du premier ministre, avec son arme féodale de la guillotine au-dessus de la tête, qui nous amène aujourd'hui à nous prononcer sur l'article 1...

M. LACROIX: Si on vous coupe la tête, on ne vous coupera pas grand-chose!

M. LEGER: Oui, la guillotine, ça se passait dans le temps féodal. Ce sont des arguments convaincants, tranchants qu'on avait dans ce temps.

M. CLOUTIER: Ce n'est pas la bonne époque.

M. BOURASSA: C'est la Révolution. C'est le 14 juillet de la Révolution française en 1789.

M. BURNS: L'avez-vous essayée? Selon la caricature que vous aviez...

UNE VOIX: Médiévale.

M. LEGER: Mais ce ne sont pas les Français qui sont heureux avec votre guillotine. Votre projet de loi est assez mêlé, M. le Président, ne parlez pas de "mêlage" d'histoire; vous, vous allez mêler l'histoire.

M. CLOUTIER:. Vous avez un historien comme chef en ce moment, vous devriez le consulter.

M. LEGER: Vous avez, de votre côté, quelqu'un qui raconte de bonnes histoires aux Québécois; c'est le premier ministre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !

M. LEGER: Et ce n'est pas la "history", ce sont des "stories".

Nous avons entendu uniquement la moitié des mémoires des Québécois convoqués pour venir expliquer leur projet. Par la suite, on nous oblige à venir étudier, durant l'été, pendant l'absence de l'opinion publique, un projet de loi qui concerne toute cette collectivité québécoise.

Nous avons voulu, sur cet article 1, amener non pas la précision des arguments du premier ministre, c'est la précision du texte que nous voulions. Ce n'est pas la précision des arguments des députés au pouvoir, c'est la précision du texte législatif. Tous les juristes qui auront à utiliser ce projet de loi ne se demanderont pas ce que le premier ministre a dit à la radio dans ce temps-là, ce que le premier ministre a dit dans le journal des Débats, ce que le ministre de l'Education a dit pour expliciter le sens précis de l'article premier de cette loi historique, néfaste pour les Québécois.

M. le Président, les débats parlementaires ne servent qu'à éclairer ceux qui ont une décision à prendre, ils ne sont pas utilisés pour clarifier ce qui a été dit et imprimé dans la loi qui a été votée. Nous avons voulu apporter quatre amendements à l'article 1, un cinquième vient d'être apporté tantôt parce que...

M. BOURASSA: En avez-vous un sixième?

M. LEGER: ... attention, il va en venir d'autres. M. le Président...

M. BOURASSA: Oui, c'est ça qu'on veut savoir.

M. LEGER: ... devant l'article premier présenté par le gouvernement, avec toutes ses ambiguïtés, ses imprécisions, et la position précise du Parti québécois, il y a tout un monde qu'on a traversé durant les derniers cinq ou six jours. Nous avons dit: Le gouvernement met à l'article premier "Le français est la langue officielle du Québec" et comme il n'amende pas l'article 133, ça veut dire que l'anglais demeure la langue officielle au Québec. Pour clarifier et éviter cette ambiguïté, nous avons apporté un premier amendement qui était radicalement opposé à ce qu'on nous présente aujourd'hui. C'était que la langue française soit la seule langue officielle au Québec. Le gouvernement a refusé et a voté contre cet amendement. Nous nous sommes rapprochés graduellement en voulant limiter les conséquences juridiques de l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique en limitant ce procédé à la province de Québec, en le limitant dans la législature du Québec, qu'il soit exclu. Cela a été rejeté.

Nous nous sommes encore rapprochés davantage du gouvernement en proposant un autre amendement qui a été refusé, nonobstant l'article 133. Aujourd'hui, nous nous retrouvons devant l'article premier tel que rédigé. C'est la raison pour laquelle nous nous posons la ques- tion: Est-ce qu'on peut voter pour un article dont le reste des articles du projet de loi contredit ce premier article? C'est la raison pour laquelle nous avons proposé un dernier amendement pour permettre autant aux pions ou aux fous de la reine du gouvernement qui auront à voter sur ce projet de loi, comme aux députés de l'Opposition, de savoir exactement ce sur quoi nous votons parce que...

M. BOSSE: Un instant.

M. LEGER: Oui, ce ne sont pas les fous du roi, ce sont les fous de la reine, c'est une reine qu'il y a en Angleterre.

M. BOSSE: ... Les fous de la reine, ce n'est pas pire que...

M. LEGER : Je n'ai pas parlé du fou de Bassan j'ai parlé des fous de la reine.

M. LACROIX: ... dans vos propos parce que vous allez y goûter, mon innocent !

M. LEGER: M. le Président, nous avons proposé.

M. LACROIX: Ne passez pas votre...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LEGER: M. le Président, si le député des Iles-de-la-Madeleine, le tambour des îles qui résonne et non pas raisonne...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LEGER: ... pouvait intervenir sur le fond, nous l'accepterions, mais il...

M. LACROIX: Continue à parler innocent, tu vas te ramasser tantôt, toi !

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LEGER: ... n'intervient jamais sur le fond. Il intervient surtout pour empêcher les députés de parler.

M. LACROIX: Mon imbécile!

M. LEGER: Et cela dénote toujours que ça va mal dans le parti quand il parle.

LE PRESIDENT (M. Gratton) : A l'ordre! A l'ordre, messieurs!

M. LACROIX: Oh, sirop!

M. LEGER: M. le Président, je reviens sur le sujet.

M. LACROIX: ... chef du PQ.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LEGER: Nous avons proposé... M. LACROIX: Je ne suis pas un...

M. LEGER: ... que le reste de la loi soit étudié pour que nous sachions si le titre qui vient tout coiffer est le bon. Et le reste de la loi nous aurait permis de voter article par article et déterminer la logique de la discussion que le ministre des Affaires culturelles avait démontrée au début quand on a voulu mettre le préambule, il disait : On ne peut pas mettre un titre avant de savoir le contenu d'un livre qu'on écrit. M. le Président, c'est ça l'article 1, c'est le titre de tout un projet de loi qu'on est en train d'écrire.

On veut mettre le titre alors qu'il est ambigu et qu'on a à voter sur le reste du projet de loi. C'est la raison pour laquelle nous voulions voter sur l'article 1 après que les 129 autres articles auront été jugés, amendés, corrigés et votés.

Alors, M. le Président, si j'avais à voter — parce que, malheureusement, M. le Président, il n'y a que deux députés de l'Opposition qui peuvent voter sur cette proposition, il n'y en a que deux — je me trouverais réellement devant un dilemne parce que, ayant épuisé tous les moyens pour convaincre le gouvernement d'avoir le courage de dire exactement ce qu'il veut vendre aux Québécois, on se dit: Est-ce qu'on peut voter pour quand on dit que le français est la langue officielle du Québec? Si on vote contre cela, M. le Président, ça veut dire quoi? Cela voudrait dire qu'on serait contre. Si on regarde seulement le sens des mots "le français langue officielle du Québec", on ne peut pas s'opposer à la phrase comme telle, M. le Président, c'est difficile de voter contre...

M. CLOUTIER: C'est embêtant, oui.

M. LEGER: ... la phrase telle quelle, M. le Président.

M. CLOUTIER: C'est très difficile de voter contre.

M. LEGER: Mais, d'un autre côté, est-ce qu'on peut voter pour quand on sait le sens caché de l'hypocrisie de cet article présenté par le premier ministre et le ministre de l'Education?

M. BOURASSA: M. le Président...

M. LEGER: C'est là qu'est notre dilemne, M. le Président. Si on vote sur le contenu sans regarder ce qu'il contient...

M. BOURASSA: Mais comment allez-vous résoudre...

M. LEGER: ... c'est sûr que c'est difficile de voter contre. Mais c'est aussi...

M. BOURASSA: Mais comment allez-vous résoudre votre dilemne?

M. LEGER: ... difficile de voter pour quand on sait ce que le premier ministre veut dire par cela, c'est qu'il...

M. BOURASSA: Mais comment allez-vous le résoudre?

M. LEGER: ... continue à garder à l'anglais...

M. BOURASSA: La seule langue officielle, bien oui.

M. LEGER: ... la langue officielle du Québec.

M. BOURASSA: Bien oui, mais comment allez-vous...

M. LESSARD: Mettez la seule langue officielle.

M. LEGER: Vous avez refusé de le faire.

M. BEDARD (Chicoutimi): Mettez donc ça, la seule langue officielle, mettez-le donc !

M. BOURASSA: Comment allez-vous résoudre votre dilemne?

M. LESSARD: Mettez donc ça, la seule.

M. BEDARD (Chicoutimi): Mettez la seule langue.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BURNS: La seule, la seule. Mettez donc ça la seule.

M. BEDARD (Chicoutimi): Réglez le dilemne, mettez la seule langue officielle.

M. BURNS: Vous avez peur, là.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BURNS: Vous avez peur de mettre ça, la seule.

M. BEDARD (Chicoutimi): Vous continuez de dire à la radio...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BOURASSA: C'est une vérité de la Palice.

M. BEDARD (Chicoutimi): ... la seule langue officielle et vous ne l'avez pas accepté.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BOURASSA: C'est évident pour tout le monde. A part de vous autres, pour des raisons partisanes, c'est évident pour tout le monde.

M. BURNS: Alors, mettez-le si c'est évident. LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. BURNS: Si c'est évident, mettez-le donc. LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. BOURASSA: Ah oui!

M. BURNS: Mettez donc ça, ça va être facile après.

M. BOURASSA: C'est un texte juridique quand même, il faut être sérieux.

M. BURNS: Non, non, mettez la seule. Avez-vous peur?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! L'honorable député de Lafontaine, sur la motion.

M. LEGER: Alors, M. le Président, quel est le sens derrière cette phrase trompeuse et hypocrite? C'est ça le dilemne, M. le Président.

DES VOIX: Ah! Ah!

M. LEGER: Puisqu'on n'abroge pas et qu'on n'enlève pas l'anglais est la langue officielle, alors le français est la langue officielle...

M. BEDARD (Chicoutimi): C'est notre problème.

M. LEGER: ... et ça l'était toujours; ça a été déterminé, non pas par le ministre actuel, ça l'était depuis toujours, M. le Président.

M. BOURASSA: Bien...

M. LEGER: Alors, ce n'est pas lui qui a inventé les boutons à quatre trous, ce n'est pas lui qui a inventé le français langue officielle, ça y était avant qu'il ne soit là. Mais qu'il se donne l'image de celui qui l'a fait, M. le Président, ça c'est tromper les Québécois, M. le Président. Ce n'est pas la première fois qu'il le fait. Le vendeur de salade pourrie avec un morceau de salade qui est bon sur le dessus, M. le Président, d'ailleurs seulement la moitié, la partie qui paraît.

M. BOURASSA: ... dans un caucus.

M. LEGER: C'est assez difficile pour les Québécois d'aller au fond de la salade, M. le Président, au fond du panier. Pour faire croire que ça paraît bien et si on la retournait, on verrait que l'autre moitié est pourrie et que le reste du panier est pourri, M. le Président. Il faut que les Québécois le sachent, ça. Je vois déjà le premier ministre dire : Le Parti québécois a voté contre. Ou bien: Le Parti québécois a voté pour, donc il est pour un projet comme cela, M. le Président. Alors que dans le texte de loi...

UNE VOIX: Là, c'est embêtant. Vous dévoilez un secret de votre caucus.

M. LEGER: ... alors que les juristes auront à se prononcer sur le contenu uniquement, ils ne se prononceront pas sur les paroles du vendeur propagandiste du Parti libéral, ils vont se prononcer sur ce qui est dans le texte de loi...

M. BOURASSA: Cela vous embête de vous prononcer, hein?

M. LEGER: Bien, c'est parce que vous trompez les Québécois, M. le Président.

M. BOURASSA: On a hâte de voir ça, oui.

M. BEDARD (Chicoutimi): Le gouvernement fait de la politicaillerie avec la politique • linguistique.

M. LEGER: Alors, M. le Président, à ce stade-ci, parce qu'on n'a pas encore décidé, le gouvernement ne sait pas encore ce que nous allons faire. A ce stade-ci, M. le Président, comme il ne veut pas préciser le texte pour que tous les Québécois sachent à quoi s'en tenir, le gouvernement a fait son lit. Est-ce que, nous, nous allons nous prostituer en nous couchant dans le même lit? C'est ça le problème, c'est ça le dilemne actuellement. Alors, M. le Président, c'est la raison pour laquelle nous croyons...

M. CLOUTIER: Ce sont des propositions bizarres.

M. LEGER: Oui, M. le Président. Le gouvernement a fait son lit en essayant de tromper les Québécois par une phrase byzantine au départ. Notre seul critère, M. le Président...

M. CLOUTIER: C'est un mot que j'ai utilisé cet après-midi, alors il l'a repris.

M. LEGER: Bien, c'est parce que c'était assez bizarre dans votre bouche.

M. HARDY: Byzantine et bizarre, ce n'est pas la même origine.

M. LEGER: Non, M. le Président, c'est bis repetita. Notre seul critère au moment d'entreprendre l'étude de ce projet de loi c'est de savoir si ça va renverser le rapport de force et si ça va réussir à faire du Québec un Québec français, M. le Président?

Examinons l'implication de cet article 1, qui est la fenêtre de tout le reste du projet de loi. Est-ce que ça va faire un Québec français? Les exceptions, M. le Président, sont tellement

nombreuses: les lois, les règlements, l'Assemblée nationale, les tribunaux, les municipalités, 316 municipalités affectées par la "bilinguilisa-tion", M. le Président, les commissions scolaires, quelles conclusions pouvons-nous tirer? L'anglais va continuer à jouir de tous les avantages et de tous les privilèges dont il jouit à l'heure actuelle et, plus que cela, on l'inclut d'une façon légale dans la législation actuelle. C'est donc consacrer légalement le bilinguisme de nos institutions. La francisation des entreprises anglophones au Québec ne sera pas obligatoire mais facultative, malgré que le français soit la langue officielle M. le Président, vous n'avez aucune mesure coercitive. Les entreprises...

M. BOURASSA: Bien...

M. LEGER: ... auront le droit de se franciser ou de rester anglaises. De plus, les mesures visant à la francisation volontaire seront purement incitatives. En ce qui concerne les raisons sociales, les contrats, les effets, le commerce et l'affichage public, la règle de bilinguisme est maintenue. Au lieu que tout devienne français, tout deviendra bilingue et le premier ministre va continuer à se pavaner en disant: J'ai mis le français langue officielle et dans les faits...

M. BOURASSA: Etes-vous pour l'article 1?

M. LEGER: ... les québécois, quotidiennement, vont voir les mensonges du premier ministre.

M. LESSARD : M. le Président, une question de règlement. J'invoque le règlement et j'avais l'intention de l'invoquer depuis à peu près une dizaine de minutes mais j'ai retardé dans l'espoir que le député de...

M. SAINT-HILAIRE: ... Il fumait tantôt.

M. LESSARD: ... Rimouski arrête de parler, que le député d'Anjou arrête de parler et que le premier ministre Bourassa, le premier ministre du Québec arrête de parler. M. le Président, je vous invite à faire respecter l'article 26 des règlements ainsi que l'article 100 des règlements qui dit ceci: Tant qu'un député a la parole, aucun député ne doit l'interrompre si ce n'est pour lui demander la permission de poser une question ou de donner des explications, etc.

Je vous dis, M. le Président, que l'article 163 des règlements soumet aussi la commission parlementaire aux mêmes principes que l'Assemblée nationale. Alors, je pense que, depuis une dizaine de minutes, à la fois le premier ministre, qui montre toujours le mauvais exemple à ses autres députés, à ses "back-benchers", est intervenu à maintes et maintes reprises pour tenter d'interrompre le député de Lafontaine... Je comprends que le premier ministre ne connaît pas ses règlements et M. le Président, je demande tout simplement, je vous demande à vous, en vertu de l'article 10 du règlement, de faire respecter ce règlement, de telle façon que le député de Lafontaine puisse, puisque c'est son droit, s'exprimer durant les 20 minutes qui lui sont permises en vertu de l'article 160 du règlement et je ne sache pas que le premier ministre du Québec, comme le ministre de l'Education et le ministre des Affaires culturelles, soient dispensés de se soumettre aussi au règlement.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre! J'aimerais demander à tous les députés à cette table de bien vouloir respecter le droit de parole de celui qui l'exerce en l'occurrence, présentement, le député de Lafontaine, à qui il reste deux minutes pour terminer son intervention.

M. LEGER: Alors, M. le Président, à l'article 1, on parle toujours de français langue officielle, et j'étais en train de démontrer que ça ne changera pas le visage français du Québec, dans les différentes sphères que j'ai énumérées au départ. Et dans une autre sphère très importante, les écoles anglaises vont conserver leur pouvoir d'assimilation en pouvant admettre un nombre de plus en plus élevé d'étudiants que ne justifie pas l'importance numérique des anglophones actuellement au Québec.

Tous les parents, quelle que soit leur langue maternelle et même s'ils sont immigrants, vont continuer à pouvoir inscrire leurs enfants à l'école anglaise. Pour cela, ils n'auront qu'à avoir envoyé leur enfant quelque part à une école anglaise, l'année précédente, soit dans l'enseignement privé ou l'enseignement spécial.

Par la suite, les commissions scolaires pourront ne demander qu'une déclaration solennelle des parents, et comme la langue maternelle peut se mélanger un peu avec la langue d'usage, on pourra avoir des déclarations solennelles disant que l'immigrant qui arrive, c'est sa langue maternelle et qu'il va aller du côté anglophone. Le sérieux, le contrôle de cette assimilation dans les écoles anglaises par les commissions scolaires anglophones, cela va être passablement difficile. Quelle est la réaction de ces commissions scolaires anglophones qui savent qu'elles ne doivent progresser qu'avec la venue d'autres élèves non anglophones puisque, actuellement, un dernier rapport démontrait que 74 p.c. des élèves inscrits à la Commission des écoles catholiques de Montréal, aux écoles anglaises, étaient des non-anglophones?

C'est grave et rien ne va corriger cette situation dans le projet de loi actuel. C'est donc dire que le pouvoir que le gouvernement se donne à l'article 1 en disant: "Le français langue officielle...", non seulement ne change rien, non seulement ne corrige pas la situation dans laquelle on vit, mais assure une "bilingui-sation" et va à l'encontre des intérêts des Québécois. Je dois conclure que ce projet de loi

va tromper les Québécois, va accentuer l'assimilation des Québécois, va amener la "bilinguisa-tion" non seulement des individus parce que cela serait une bonne chose, mais la"bilinguisa-tion" de l'Etat, la "bilinguisation" des institutions et va continuer à permettre aux anglophones de demeurer des unilingues, à savoir une meilleure possibilité de revenu dans cet unilin-guisme alors que le bilingue francophone ne pourra pas atteindre les mêmes sphères.

C'est la raison pour laquelle, à ce stade-ci, je n'ai pas à me prononcer parce que j'ai pas à voter sur cette motion. Je laisserai ceux qui auront à voter pour ce projet de loi d'expliquer le sens du vote qu'ils donneront quand cela sera le temps et quand on aura épuisé toutes les possibilités de convaincre ce gouvernement de ne pas, pour la dernière fois, tromper les Québécois par un projet de loi qui a un faux nom, avec des articles qui sont absolument inacceptables pour les Québécois.

M. BOURASSA: Si le député me permet une question, si je comprends bien, vous vous abstenez...

M. LEGER: Je ne peux pas voter. M. BOURASSA: Vous vous abstenez.

M. LEGER: Je ne peux pas voter. Je n'ai pas droit de vote.

M. BOURASSA: Mais vous devez être pas mal embêté.

M. LEGER: Je vous ai expliqué pourquoi on était embêté.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LEGER: C'est que le sens étymologique et le sens caché, ce sont deux choses.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Sur la motion du ministre de l'Education, est-ce que les membres de la commission sont prêts à se prononcer?

M. CLOUTIER: Comme il reste un peu de temps, j'avais fait un relevé de tous les députés ministériels qui avaient participé sur le fond à l'occasion des quatre amendements et je n'avais pas cité le nom du député de d'Arcy-McGee, le nom du député de Napierville-Laprairie et le nom du député de Champlain. Je tiens à le faire parce que ce sont des interventions importantes et qui ont permis de préciser la portée de l'article 1.

M. LEGER: Préciser l'article, mais non pas préciser la portée.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que les membres de la commission sont prêts à se prononcer sur la motion du ministre de l'Education?

DES VOIX: Vote.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saguenay.

M. LESSARD: M. le Président, avant de nous prononcer officiellement sur l'article 1, nous aurions encore certaines questions à poser à ce gouvernement.

Si nous avons demandé, depuis quelques jours, certaines précisions concernant l'article 1, c'est que nous avions constaté l'ambiguïté de cet article. En effet, quoiqu'il faille estimer, lorsque nous discutons d'un article que nous ne connaissons pas, l'ensemble des autres articles, il faut dire qu'en ce qui nous concerne, nous avons eu l'occasion de lire les autres articles. Or, les autres articles de ce projet de loi nous apparaissent tout simplement contradictoires avec l'article que nous soumet actuellement, pour adoption, le ministre de l'Education.

En effet, M. le Président, lorsque nous étudions l'ensemble de ce projet de loi, nous constatons l'hypocrisie de ce gouvernement, nous constatons que la langue française n'est pas la langue officielle et que la langue française et la langue anglaise sont les deux langues officielles du Québec. D'ailleurs, nous avons tenté à plusieurs reprises de faire corriger cette interprétation. Nous avons, à plusieurs reprises, demandé à ce gouvernement de nous dire exactement quelles étaient ses intentions. Nous avons demandé que ce gouvernement nous dise exactement ce qu'il entendait faire avec l'article 133 de la constitution canadienne qui proclame les deux langues, soit la langue anglaise et la langue française, comme étant les deux langues officielles du Québec. Ce qui, d'ailleurs, a été confirmé par le député de Sainte-Anne qui disait que, s'il avait eu le droit de parole à cette commission parlementaire, il aurait demandé la confirmation de l'article 133, c'est-à-dire la reconnaissance de la langue française et de la langue anglaise comme langues officielles.

M. le Président, vous comprendrez quelle est la difficulté du Parti québécois d'accepter l'article 1. En effet, d'une part, nous constatons que cet article est nié constamment par l'ensemble des autres articles, alors que nous constatons, d'autre part, que le premier ministre tente de nous faire croire que l'article 1 proclame le français comme étant la seule langue officielle. Vous comprenez aussi, M. le Président, la motion que nous avons eu l'intention de vous présenter et que nous n'avons pas présentée, étant donné que vous nous avez démontré le fait que cette motion ne serait probablement pas acceptée, que cette motion serait probablement considérée comme étant irrecevable.

En effet, M. le Président, nous avons voulu vous démontrer l'intention de retarder le vote sur l'article 1 parce qu'il nous fallait absolu-

ment considérer les autres articles. Lorsque j'ai soulevé une question de règlement en ce sens, j'ai voulu mettre une certaine relation entre, d'une part, l'article 1 et, d'autre part, le titre du projet de loi. En effet, normalement, lorsque nous étudions un projet de loi, le principe de ce projet de loi est inscrit dans le titre du projet de loi. Or, comment s'intitule le projet de loi 22? Loi sur la langue officielle. C'est le titre. Nous ne savons pas, en vertu du titre de ce projet de loi, quelle sera la langue officielle au Québec.

L'article 1 ne constitue, M. le Président, qu'un détail, comme les autres articles. L'article 1 s'inscrit à l'intérieur des 130 articles du projet de loi et il nous est difficile de nous prononcer sur l'article 1 qui précise le principe ou qui précise le titre du projet de loi.

A l'article 1, on vient nous confirmer ou nous affirmer que la langue française est la langue officielle du Québec. Par contre, M. le Président, quand on constate ou quand on étudie l'ensemble des articles qui viennent par la suite, nous constatons que c'est de l'hypocrisie, nous constatons que la langue française n'est pas la seule langue officielle, que la langue anglaise est aussi la langue officielle du Québec.

M. le Président, depuis le début de cette commission parlementaire, nous voulons avoir des précisions. Ce que nous voulons, depuis le début de cette commission parlementaire, ce n'est pas satisfaire quelques éléments nationalistes ou "nationaleux" ou un nationalisme "verbeux", M. le Président.

Nous voulons que ce projet de loi corresponde exactement à la réalité. Nous voulons que ce projet de loi corresponde véritablement à ce qui est proposé à l'article 1. Nous ne voulons pas tromper les Québécois. Nous ne voulons " pas jouer avec les sentiments des Québécois. Nous avons, nous, M. le Président, cette conscience que, quand on discute d'un projet de loi sur les droits linguistiques des Québécois, quand on discute sur la sécurité culturelle des Québécois, nous voulons avoir au moins cette confiance qu'il s'agit à ce moment d'une responsabilité qui relève du seul gouvernement à majorité francophone au Québec. Nous voulons au moins avoir cette confiance que ce gouvernement qui représente le seul gouvernement a majorité francophone, le seul gouvernement qui représente le seul territoire où il y a une majorité francophone parmi les dix provinces canadiennes, nous voulons que ce gouvernement prenne officiellement parti pour cette majorité.

Nous sommes conscients que ce ne sont pas les autres provinces du Canada qui vont défendre la langue française. Nous sommes conscients que toutes les autres provinces canadiennes ont fait disparaître le droit d'utiliser la langue française au niveau de l'Assemblée nationale ou de l'Assemblée législative, comme au niveau de l'enseignement. Nous ne pouvons compter sur ces provinces pour défendre la langue française au Canada. Nous ne pouvons pas non plus compter sur le gouvernement fédéral. En effet, nous l'avons dit, on vit quand même dans un système démocratique où la majorité a toujours raison, malheureusement, M. le Président.

M. HARDY: Bon, c'est démocratique ça!

M. LESSARD: La majorité parlementaire... Nous vivons actuellement à l'intérieur d'un système où nous sommes continuellement minoritaires, qu'on le veuille ou non, on ne sera jamais une majorité dans ce Canada qui ne nous appartient pas. La seule place où nous pouvons dire que nous sommes propriétaires, la seule place où nous pouvons dire qu'au moins, dans ce domaine qu'on nous a dévolu, qu'on nous a donné en vertu de la constitution canadienne, le seul domaine, à savoir le domaine culturel, la seule place où nous pouvons légiférer, c'est au Québec. La seule place où nous pouvons demander à ce gouvernement d'intervenir, c'est au Québec.

Nous demandons à ce gouvernement de prendre ses responsabilités. Nous demandons à ce gouvernement de faire disparaître toute ambiguïté. Nous demandons à ce gouvernement qui ne nous représente pas, nous le savons, au moins d'avoir un minimum de dignité, un minimum de fierté nationale pour faire au moins, pour la première fois, depuis 1970, après avoir été trahi par d'autres gouvernements, en particulier sur le projet 63, nous lui demandons au moins, après plusieurs études, après la commission Gendron, nous lui demandons au moins de prendre parti pour la majorité francophone de ce pays. Nous lui demandons au moins de faire une loi qui représente les intérêts de la majorité.

Or, nous ne sommes pas sûrs, nous ne sommes pas convaincus que c'est exactement le chemin qu'a choisi ce gouvernement. Non seulement nous ne sommes pas sûrs, mais nous sommes assurés que ce gouvernement a pris le chemin de la démission, a pris le choix de la minorité anglophone de ce pays. Nous sommes convaincus que ce gouvernement a légiféré pour les autres et ce gouvernement a tout simplement tenté d'élaborer un scénario pour amener quelques anglophones à protester contre le projet de loi 22.

Cependant, nous avons quand même eu certaines affirmations de députés anglophones à l'intérieur de l'Assemblée nationale, en particulier le ministre des Affaires municipales qui nous a confirmé que ce projet de loi, enfin, consacrait les droits de la minorité anglophone de cette province.

Le ministre des Affaires municipales nous disait que, pour la première fois, une loi consacrait législativement les privilèges de la minorité anglophone. Nous disons que, si nous faisons une véritable loi concernant les droits linguistiques de la majorité, nous ne voulons pas pour autant faire disparaître les droits individuels de la minorité anglophone. S'il est une

province où la minorité anglophone a été respectée, s'il est une province qui ne demande aucune leçon à d'autres provinces du Canada, je pense que c'est la province de Québec. Il ne serait aucunement gênant, si ce n'était de ce gouvernement démissionnaire, si ce n'était de ce gouvernement soumis aux intérêts anglophones et soumis aux intérêts financiers de la minorité anglophone, si ce n'était de la peur de ce gouvernement de légiférer véritablement pour la majorité francophone de ce pays, si ce n'était de ce gouvernement soumis — je suis assuré qu'il serait possible, comme d'autres provinces du Canada l'ont fait — de se donner une loi qui respecte les intérêts de la majorité francophone tout en respectant les droits individuels de la minorité anglophone.

Je pense que si nous ne pouvons pas, à ce stade-ci, espérer que ce gouvernement va nous faire une véritable loi linguistique, sur quel gouvernement devrons-nous compter? Je pense — et je l'ai dit lors de la discussion de deuxième lecture — que quantité de Québécois ont retardé l'assimilation, quantité de Québécois ne se sont pas dirigés vers les écoles anglophones, malgré le bill 63, parce qu'ils espéraient au moins qu'un jour ou l'autre un gouvernement allait adapter une véritable loi linguistique qui permettrait aux Québécois de pouvoir travailler dans leur langue chez eux, qui permettrait aux Québécois de pouvoir être respectés chez eux, qui permettrait aux Québécois de pouvoir être assurés de la survivance culturelle chez eux.

Mais je pense — peut-être suis-je pessimiste — qu'après l'adoption de cette loi, chez nous, sur la Côte-Nord, comme ailleurs, beaucoup de Québécois décideront de changer de bord, beaucoup de Québécois...

M. DESJARDINS: Ils vont voter libéral, c'est clair!

M. LESSARD: ... se diront qu'il n'y a pas moyen de vivre chez eux dans leur propre langue. Par contre, un autre groupe de Québécois seront probablement désespérés et peut-être que ce groupe de Québécois décideront de faire des actes que nous ne pourrons que déplorer.

M. DESJARDINS: ... la violence.

M. LESSARD: Et ce sera à ce moment la responsabilité de ce gouvernement...

M. DESJARDINS: ... la violence.

M. LESSARD: ... parce que ce gouvernement n'aura pas pris ses responsabilités en temps et lieu. Je dis que ces actes, nous ne pourrons que les déplorer. Je pense qu'il est temps que ce gouvernement prenne une action positive pour la majorité francophone de cette province et nous ne pouvons pas compter sur les autres. Nous espérons, M. le Président, qu'en dernier ressort ce gouvernement aura un peu de dignité nationale, aura un peu de fierté pour nous dire exactement qu'au Québec il est possible de faire une loi qui respecte la majorité francophone de ce pays.

Encore une fois, nous implorons ce gouvernement de nous présenter une loi qui respectera les droits de cette majorité, et non pas une loi qui sera soumise à la minorité anglophone, qui ne représentera que les intérêts de la minorité anglophone, qui ne représentera que les bailleurs de fonds de ce gouvernement.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Est-ce qu'il y en a d'autres qui veulent parler sur la motion? L'honorable député de Louis-Hébert.

M. DESJARDINS: M. le Président, je suis déjà intervenu sur le bill 22 en Chambre, lors de la deuxième lecture, et je suis intervenu à maintes reprises en commission parlementaire élue sur les différents amendements et sous-amendements qui ont été présentés par le Parti québécois.

Je déplore la fin de l'intervention du député de Saguenay que j'avais suivie avec intérêt. Je la déplore parce que je sens que c'est là, de sa part, un appel à la violence.

DES VOIX: Ah! Ah!

M. BEDARD (Chicoutimi): Vous commencez à être malade.

M. DESJARDINS: Comme député, je pense qu'il n'a même pas le droit d'y faire allusion. De toute façon, c'est la façon dont j'interprète ses propos. Il pourra me corriger à la fin de mon intervention, s'il le désire.

M. LESSARD: Vous la semez, la graine de violence! "

M. DESJARDINS: Depuis le début des discussions sur le bill 22, le Parti québécois a tenté de démontrer qu'il fallait absolument ajouter le mot "seule" à l'article 1 du bill 22. L'article 1 dit que le français est la langue officielle au Québec. En matière juridique et en matière législative...

M. LESSARD: ... cette affaire. Cela fait 200 ans que c'est...

M. DESJARDINS: M. le Président, dois-je comprendre que j'ai la parole...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous plaît !

M. DESJARDINS: ... ou est-ce que vous laissez le député de Saguenay intervenir comme bon lui semble?

Le député de Saguenay sait fort bien — parce qu'on le lui a répété à maintes reprises en

commission parlementaire — qu'il n'est pas nécessaire d'ajouter ce mot pour que l'article 1 le dise quand même. Je pense que, lorsque le député de Saguenay a été proclamé élu par le président d'élection de son comté...

M. LESSARD: II va charrier ce que le premier ministre a dit...

M. DESJARDINS: ... après l'élection du 29 octobre dernier, le président d'élection n'a pas déclaré le député de Saguenay seul député élu, il a déclaré M. X, député de Saguenay, élu dans le comté de Saguenay.

M. MORIN: Mais seul candidat...

M. LESSARD: Mais si ça n'a aucune conséquence, pourquoi ne l'acceptez-vous pas?

M. DESJARDINS: II n'était pas nécessaire à ce moment d'ajouter le mot "seule" puisque le texte même voulait le dire justement.

M. LESSARD: Mais pourquoi avez-vous peur de l'accepter?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LESSARD: Quelle conséquence, cela peut-il avoir?

M. DESJARDINS: J'ai fait remarquer à l'Opposition officielle, la semaine dernière, que, chaque fois qu'un député ministériel intervenait sérieusement sur une question et attaquait le Parti québécois de fond et de front, on tentait...

M. LESSARD: Mais c'est ridicule...

M. DESJARDINS: ... par tous les moyens de nous interrompre. Et vous en avez encore un exemple ce soir qui illustre bien ce que je disais à ce moment. Chaque fois qu'on tente de démontrer des arguments sérieux, vous essayez de nous interrompre et de nous faire perdre le fil de nos idées. Mais je vous avertis que j'ai l'intention d'employer tout mon temps et, si vous m'interrompez, je demanderai au président d'ajouter les minutes que vous me prenez. Vous avez tenté par tous les moyens...

M. LESSARD: Vous êtes dans un jardin. LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LESSARD: Vous êtes perdu dans un jardin.

M. DESJARDINS: Vous connaissez ça, les jardins, vous connaissez les navets.

M. LESSARD: Vous êtes perdu dans les navets.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. DESJARDINS: Vous connaissez le braconnage aussi. Je désire continuer sérieusement parce que mon intervention est sérieuse. Je comprends que le député de Saguenay me fait rire parce qu'il désire me taquiner, mais je désire intervenir sérieusement pour démontrer que le Parti québécois, depuis le début, ne veut pas discuter de l'article 1.

Cet article 1, qui proclame le français langue officielle au Québec, on a tenté de l'éliminer par un amendement de samedi dernier qui disait: "L'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique cesse d'avoir effet en ce qui concerne les matières relevant de la Législature du Québec."

Samedi dernier, j'ai fait valoir des inquiétudes et le député de Maisonneuve m'a demandé si j'étais d'accord pour ajouter un sous-amendement qui aurait comme effet de réécrire l'article 133 dans le projet de loi 22, en ajoutant ce sous-amendement à l'amendement de samedi dernier. J'ai admis au député de Maisonneuve que, sur cette partie de mes inquiétudes concernant les libertés individuelles devant les tribunaux, un tel sous-amendement pourrait me satisfaire et, à ce moment-là, je ne l'ai pas proposé parce que j'avais encore des inquiétudes constitutionnelles sur...

M. BEDARD (Chicoutimi): Vous avez voté contre, par exemple. Vous avez voté contre, par exemple, quand on l'a apporté.

M. DESJARDINS: ... la contestation constitutionnelle... M. le Président, encore une fois...

M. LESSARD: Le fédéralisme vous inquiète. LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. DESJARDINS: ... vous avez devant vous l'image du Parti québécois qui essaie d'interrompre les députés qui présentent des arguments sérieux. D'une part, le Parti québécois nous dit: Comment se fait-il que...

M. LESSARD: Est-ce que le député de Louis-Hébert me permettrait une question?

M. DESJARDINS: ... les députés ministériels ne parlent pas? Vous ne prenez pas la parole là-dessus...

M. BEDARD (Chicoutimi): ... la manière dont vous parlez.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, à l'ordre, messieurs!

M. DESJARDINS: ...et, quand on parle, vous essayez de nous interrompre.

M. LESSARD: M. le Président...

M. DESJARDINS: Alors, je continue.

M. LESSARD: ...est-ce que le député de Louis-Hébert me permettrait une question?

M. DESJARDINS: Je continue.

M. LESSARD: Est-ce que le député de Louis-Hébert me permettrait une question?

M. DESJARDINS: Je permets une question au député de Saguenay, mais je le préviens que je n'y répondrai que si je la juge intelligente.

M. LESSARD: Alors, M. le Président, est-ce que le député veut dire que le fédéralisme ne nous permet pas de faire une véritable loi linguistique au Québec?

M. DESJARDINS: Vu ma précision, je continue mon intervention, M. le Président, sans répondre à la question du député de Saguenay.

A ce moment-là, j'avais mentionné que le sous-amendement pourrait satisfaire mes inquiétudes au point de vue des libertés individuelles, mais j'ai remarqué que personne du Parti québécois n'a présenté, à ce moment-là, le sous-amendement en question qui se lisait comme suit: "Et que l'usage de l'anglais —écoutez bien là, c'est un sous-amendement du Parti québécois — continue d'être permis —ceux qui s'imaginent que le Parti québécois ne parle pas des droits des minorités anglophones, je les prie de faire attention ici — dans les débats à l'Assemblée nationale et dans les témoignages et plaidoiries orales devant les tribunaux". Ce sous-amendement n'a pas été présenté samedi dernier, alors que j'ai bien...

M. BEDARD (Chicoutimi): II a été présenté et vous avez voté contre. C'est là que vous n'êtes pas logique.

M. CHARRON: II a été présenté et vous avez voté contre.

M. DESJARDINS: ...au moment de la discussion... M. le Président, je vous demande d'intervenir. Au moment de la discussion...

M. HARDY: Vous êtes bien nerveux.

M. BEDARD (Chicoutimi): ...preuve de votre illogisme.

M. CHARRON: II est menteur comme...

M. DESJARDINS: ... de l'amendement dont je viens de parler...

M. BEDARD (Chicoutimi): Expliquez-nous pourquoi vous avez voté contre quand on l'a présenté.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. DESJARDINS: ... au moment de l'amendement...

M. BEDARD (Chicoutimi): On va le voir si vous êtes logique.

LE PRESIDENT (M.Gratton): A l'ordre!

M. DESJARDINS: Ils sont tellement nerveux quand je parle, je n'en reviens pas.

M. BEDARD (Chicoutimi): On n'est pas nerveux, soyez logique.

M. DESJARDINS: Pourtant je dis seulement des vérités, je ne comprends pas pourquoi vous êtes nerveux comme ça.

M. BEDARD (Chicoutimi): Vous votez contre les vérités que vous énoncez.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. DESJARDINS: Cela a mal marché à votre caucus ce midi, je pense.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. BEDARD (Chicoutimi): C'est le côté sérieux là.

M. DESJARDINS: Je tente de continuer sérieusement, si je peux éviter d'être interrompu, M. le Président, et je vous prie de noter les interventions afin de les ajouter à mon temps, incluant le temps que je prends pour répondre.

M. LESSARD: D'accord, 40 minutes.

M. DESJARDINS: Vous voyez...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. DESJARDINS: ... l'image de la démocratie. Si on avait cela à notre place, imaginez ce que ce serait, avec d'autres fanatiques.

M. LESSARD: En démocratie, on permettrait 40 minutes.

M. BEDARD (Chicoutimi): Ce serait une politique linguistique qui ne serait pas longue à élaborer pour la majorité.

M. DESJARDINS: M. le Président, j'ai dit... LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. DESJARDINS: J'ai mentionné... UNE VOIX: Par la dictature.

M. BEDARD (Chicoutimi): Par un texte de loi, tout simplement, qui se tient.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. DESJARDINS: Vous êtes passablement énervés.

J'ai mentionné, M. le Président, que lors de la discussion de l'amendement, le Parti québécois, alors que je suis intervenu, n'a pas, à ce moment-là, présenté le sous-amendement en question et le Parti québécois aurait pu, dès ce moment-là, présenter l'amendement et le sous-amendement en même temps puisque, d'après le député de Chicoutimi, le sous-amendement en question était prêt depuis le mercredi précédent.

M. BEDARD (Chicoutimi): On parlait sur la motion à ce moment-là. Comprenez donc ça!

M. DESJARDINS: C'est justement ce que le député de Chicoutimi ne voulait pas que je dise et c'est pour ça qu'il m'interrompait continuellement. Alors, je dis donc qu'à ce moment-là, nous avons démontré qu'il y avait une position contradictoire entre l'amendement et le contre-projet du Parti québécois, mais avant d'entamer la question du contre-projet du Parti québécois, M. le Président, je veux relever des imprécisions du député de Lafontaine, imprécisions qui, d'ailleurs, ont été mentionnées également par le chef de l'Opposition officielle. Je cite ici le député de Lafontaine qui a mentionné tout à l'heure: "L'anglais — dit-il — demeure langue officielle au Québec".

Or, M. le Président, dans le contexte juridique actuel — je pense que l'Opposition officielle devrait le savoir, si elle ne le sait pas, elle devrait le demander au chef de l'Opposition officielle qui, lui, le sait — ni le français, ni l'anglais n'est langue officielle au Québec dans le moment. L'article 133...

M. LESSARD; Ce n'est pas l'Opposition officielle, c'est la seule Opposition.

M. DESJARDINS: Je dis qu'au point de vue...

M. BEDARD (Chicoutimi): ... les experts dans le domaine constitutionnel...

M. DESJARDINS: Voyez-vous, vous voyez, M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !

M. DESJARDINS: ... je ne peux pas prononcer un discours sérieux sans être interrompu par les membres de l'Opposition.

M. LESSARD: Ce n'est pas l'Opposition officielle, c'est la seule Opposition.

M. DESJARDINS: Vous faites ça depuis le début. L'Opposition fait cela depuis le début. Vous démontrez ce que vous êtes réellement.

M. LESSARD: La seule Opposition.

M. DESJARDINS: Je disais donc, M. le Président, que l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique ne fait que donner une valeur égale, un usage égal au français et à l'anglais devant le Parlement et devant les tribunaux. Il ne stipule pas, juridiquement parlant, que le français ou l'anglais, ou les deux sont langues officielles au Québec. Il ne le mentionne pas. Je mets quiconque au défi de prouver que c'est mentionné, juridiquement, dans un article quelconque qui existe actuellement.

Actuellement, l'Opposition a tenté de démontrer qu'on stipule le français langue officielle à l'article 1 et que les autres articles font de l'anglais langue officielle. Pour faire de l'anglais langue officielle, en présence de l'article 1, il faudrait qu'un texte dise que l'anglais est langue officielle. Il est exact que dans les autres articles il y a quand même des usages, des situations de faits qui sont reconnus...

M. HARDY: Les Anglais. Voilà les Anglais! Les Anglais protestent.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. DESJARDINS: Est-ce que c'est le canon du député de Saguenay?

M. LESSARD: Est-ce que c'est la Gendarmerie royale...

M. DESJARDINS: Alors, M. le Président...

M. BEDARD (Chicoutimi): La Gendarmerie royale qui défile.

M. DESJARDINS: Je disais donc, M. le Président, avant d'être interrompu par le canon du député de Saguenay, qu'il est exact que dans les articles du bill 22 qui suivent l'article 1, ces articles reconnaissent une situation de faits qui existent depuis au-delà de 200 ans, depuis au moins 1867.

M. LESSARD: 1724.

M. DESJARDINS: Mais, le Parti québécois et d'autres personnes ont relevé, paraît-il, quatorze droits qui seraient conférés aux anglophones, au bill 22, d'après leur prétention, à la suite de l'article 1 du bill 22 et ils se servent de ça pour appuyer leur thèse et dire : Vous faites de l'anglais la langue officielle, hypocritement. Vous dites à l'article 1 que le français est langue officielle, mais le reste des articles démontrent que l'anglais est également la langue officielle et vous faites ça hypocritement. Or, je vous ai dit cet après-midi, M. le Président, et je répète, que j'ai pris connaissance du contre-projet du Parti québécois et j'ai relevé 21 droits...

M. MORIN: Nommez-les.

M. DESJARDINS: ... que vous... Certainement, certainement...

M. MORIN: Citez le document.

M. DESJARDINS: ... je vais les nommer.

M.MORIN: Lisez...

M. DESJARDINS: J'ai relevé 21 endroits où le Parti québécois confère ou reconnaît la situation de faits qui existaient pour les anglophones au Québec, et...

M. BEDARD (Chicoutimi): C'est une majorité sécurisée.

M. DESJARDINS: Si le député de Saguenay pouvait aviser son artillerie de cesser...* Alors, le chef de l'Opposition officielle m'a mis au défi... Je vous garantis que je n'ai pas organisé ce feu d'artifice à ce moment-ci. Le chef de l'Opposition officielle...

M. CHARRON: C'est un "filibuster".

M. DESJARDINS: Ah! c'est peut-être "Philip Buster" qui fait ça dehors. Le chef de l'Opposition officielle m'a mis au défi de mentionner...

UNE VOIX: Nommez-les.

M. DESJARDINS: ... les points continus dans le contre-projet du Parti québécois donnant à l'anglais, reconnaissant en faveur de la langue anglaise, une situation de fait, que le chef de l'Opposition pourrait appeler quasi officielle, parce que, voilà...

M. MORIN:Petit malin.

M. DESJARDINS: Petit malin, voilà! Oui, professeur. Oui, professeur, je suis petit malin, professeur, mettez-moi en pénitence s'il vous plaît.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. MORIN: Des menaces.

M. DESJARDINS: Je continue donc et je cite le contre-projet du Parti québécois. Ce sera intéressant pour ceux qui ne l'ont pas lu et ce sera sûrement intéressant pour les membres du Parti québécois qui ne l'ont pas lu eux-mêmes, à l'article 2, paragraphe b)...

M. BEDARD (Chicoutimi): A l'article 1, le français est la seule langue officielle, répétez-le donc l'article 1.

M. TARDIF: Vous pourrez faire un discours tout à l'heure.

M. LACROIX: Ils sont nerveux. * Note de l'éditeur Allusion à des coups de canon tirés à la Citadelle,

M. DESJARDINS: Ils sont nerveux, c'est effrayant. A l'article 2, au paragraphe b), c'est intitulé...

M. BEDARD (Chicoutimi): L'article 1, commencez par l'article 1.

M. DESJARDINS: ... "les débats parlementaires" et on lit ceci: "Les procès-verbaux et autres documents de l'Assemblée nationale seront rédigés et publiés en français...

M. LESSARD: Cela c'est la langue officielle.

M. DESJARDINS: Voilà le chef de l'Opposition officielle qui tente de ridiculiser le projet de loi en disant: Vous employez des "toutefois", des "mais" et des "dans-la-mesure-du-possible". Eh bien, dans le projet du Parti québécois, nous retrouvons: "Toutefois, un député pourra utiliser la langue anglaise, dans les débats, etc.". " M. LEGER: Ah! C'était un amendement.

M. DESJARDINS: No 1, voilà maintenant le no 2 parce qu'on dit d'un même souffle: "De même, un particulier pourra s'adresser en anglais aux commissions de l'Assemblée nationale." No 2, voilà maintenant le no 3: "Le journal des Débats reproduira les interventions dans la langue où elles sont faites." Par conséquent, puisque on peut parler en anglais, ce sera dans certains cas, une reproduction en langue anglaise. Voilà donc votre no 3. Je continue avec le no 4, quand vous serez tannés, vous me le direz, M. le chef de l'Opposition officielle. Au paragraphe 6, au chapitre des documents d'information", on lit ceci: "Ils sont rédigés en français, mais — et voilà un autre "mais" qu'on reproche au gouvernement, "dit le contre-projet du Parti québécois — peuvent également être rédigés dans une autre langue." Alors on doit comprendre que l'autre langue ce n'est pas le chinois, même si le député de Lafontaine souvent m'apparaït parler justement le chinois. Voilà le no 4.

M. LEGER: C'est parce que j'ai une voix mélodieuse.

M. DESJARDINS: Je continue donc au paragraphe d) de l'article 2, du contre-projet du Parti québécois, au chapitre des communications et correspondances. S'il s'agit, nous dit-on, de particuliers, les communications se font dans toute la mesure du possible, n'est-ce pas, dans la langue utilisée par le citoyen. Alors voilà, dans les cas où ce sera la langue anglaise, le citoyen pourra utiliser la langue anglaise dans toute la mesure du possible. Mais qui déterminera dans toute le mesure du possible? Ce sera probablement, dans l'esprit du Parti québécois, le ministre de l'Education dans le pseudo-hypo- près du parlement.

thétique gouvernement du Parti québécois. Voilà donc votre no 5.

Et je continue au même paragraphe d)...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Deux minutes.

M. DESJARDINS: Deux minutes seulement...

M. BOURASSA: Est-ce qu'on ne pourrait pas, M. le Président, étant donné que l'Opposition officielle a tellement critiqué le gouvernement, à moins qu'elle ait peur de la vérité...

M. LEGER: Non, non, si c'est de la pertinence du débat, je n'ai pas d'objection, mais là, il est en train de parler de notre projet de loi. Ce n'est pas le nôtre qui va être adopté, c'est le vôtre.

M. BOURASSA: ... que son temps soit prolongé pour qu'il énumère les 21 nouveaux droits que vous donnez par rapport aux 14 qui se trouvent dans le projet de loi 22...

M. BEDARD (Chicoutimi): Vous avez juste à prendre la relève puis continuer.

M. MORIN: M. le Président, j'ai l'impression et je le dis en toute sincérité que nous commençons à assister à un "filibuster". Oui, oui, regardez-bien...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. MORIN: M. le Président, regardez bien si on n'empêche pas le vote de se produire ce soir, avec toute une série de discours qui sont destinés à faire perdre du temps.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LACROIX: Si les libéraux ne parlaient pas... Il faut être professeur pour...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que l'honorable député de Louis-Hébert a terminé?

M. DESJARDINS: Non, je n'ai pas terminé. LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. DESJARDINS: M. le Président, depuis que je participe à ces débats, j'ai pris la liberté d'intervenir comme bon il me semblait et j'ai l'intention de continuer. Je n'ai pas reçu de directives de qui que ce soit, pour intervenir ou ne pas intervenir. Je veux continuer et je demande le consentement unanime pour dépasser le temps qui m'est alloué, car — et ceci je le reproche au chef de l'Opposition officielle — c'est le chef de l'Opposition officielle qui m'a invité à nommer les 21 points que j'ai mentionnés.

M. MORIN: Combien de temps?

M. DESJARDINS: Vous me retirez votre invitation?

M. MORIN: Combien de temps?

M. DESJARDINS: Cela dépendra de vos interventions.

M. MORIN: Non, non.

M. DESJARDINS: De vos interruptions.

M. MORIN: Vous avez déjà eu près de 20 minutes.

M. DESJARDINS: Je continue.

M. LEGER: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. DESJARDINS: Bon, je savais.

M. LEGER: Je veux dire que nous sommes d'accord qu'il continue, mais qu'il nous dise pour combien de temps. Combien? Trois minutes, cinq minutes de plus, dix minutes de plus? Qu'on le sache.

M. DESJARDINS: Bien, mettons donc dix minutes. Très bien?

M. LEGER: D'accord.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, avec le consentement unanime de la commission, le député de Louis-Hébert...

M. MORIN: Pour épargner du temps, est-ce que je pourrais demander au député de lire le document simplement en évitant les gloses apocryphes?

M. DESJARDINS: Je vous laisse les gloses.

M. MORIN: Lisez le document, cela va aller beaucoup plus vite. Je serais d'accord pour reconnaître le temps nécessaire au député pour qu'il lise le document...

M. DESJARDINS: Trop tard. M. MORIN: ... jusqu'à la fin.

M. DESJARDINS: J'ai eu le consentement. Maintenant, il est trop tard et...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. DESJARDINS: M. le Président... LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. DESJARDINS: Je continue.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce qu'il y a consentement unanime ou non? C'est ce que je veux savoir.

M. LEGER: Nous sommes d'accord pourvu que ce soit sur la pertinence du débat.

M. DESJARDINS: Bon. Mes dix minutes nous mèneront à... et 33...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Louis-Hébert.

M. DESJARDINS: Je continue au paragraphe d) de cet article 2 du projet de loi du Parti québécois, au chapitre des communications et de la correspondance et on dit ceci: "S'il s'agit de particuliers, les communications se font dans toute la mesure du possible dans la langue utilisée par le citoyen." C'est le numéro 5, et je l'ai lu il y a un instant. Je continue. "S'il s'agit de personnes morales, les communications de la part de l'Etat se font en français. Les communications avec l'étranger suivront l'usage international." M. le Président, il est reconnu que la langue des affaires à l'échelle internationale est l'anglais. Voilà donc votre numéro 6 et je continue et je tourne la page en compagnie du député de Saguenay et à l'article 3 du contre-projet du Parti québécois, parce que tout ce qu'il présente, c'est contre, alors le titre est: Contre projet, article 3: Les corps publics. Et je cite: "Les documents d'information dont les avis seront rédigés en français..."

M. LESSARD: Vous avez passé un paragraphe.

M. DESJARDINS: "... mais pourront également l'être dans une autre langue".

M. LESSARD: Vous venez de passer un paragraphe important.

M. DESJARDINS: Voilà le numéro 7. Je viens de donner lecture du numéro 7.

M. LESSARD: Je lis en même temps que vous et je ne l'ai pas trouvé.

M. DESJARDINS: J'arrive...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. DESJARDINS: ... au chapitre des commissions scolaires, toujours à l'article 3 du contre-projet du Parti québécois, qui mentionne bien et je cite: "En attendant de réformer les structures scolaires, il y a lieu d'introduire l'usage du français...

M. LESSARD: Quel paragraphe?

M. DESJARDINS: ... dans les actes officiels des commissions scolaires anglophones, tout en continuant de permettre l'usage de l'anglais."

M. LESSARD: Temporairement.

M. DESJARDINS: Voilà votre numéro 8. A l'alinéa qui suit, et savez-vous que, quand l'Opposition officielle parle du projet de loi et emploie le terme "hypocrite", je me demande bien quel terme je pourrais employer ici, je continue, toujours à l'article 3, à l'alinéa suivant, on parle des hôpitaux publics et des établissements de bien-être subventionnés. On dit ceci: "C'est-à-dire l'introduction de l'usage du français dans les actes officiels des institutions anglophones, tout en permettant l'usage de l'anglais." C'est votre numéro 9.

M, LESSARD: Vous ne lisez pas... M. DESJARDINS: Je lis...

M. LESSARD: Ce n'est pas complètement le texte.

M. DESJARDINS: ... strictement les passages qui font allusion à l'usage de la langue anglaise. Quatrièmement, il y a l'article 4, ici, du contre-projet du Parti québécois qui nous parle des tribunaux, et voici ce qu'on dit: "Les règles de pratique et les jugements seront rédigés en français. Une version anglaise des jugements devra..." et cela est impératif et je pointe le député de Saguenay pour qu'il comprenne bien "... être fournie sur demande." C'est le numéro 10.

M. LEGER: Un autre droit individuel.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. DESJARDINS: J'arrive à 14. J'arrive nez à nez. Ne vous découragez pas.

M. LESSARD: Sur demande.

M. DESJARDINS: Je continue, à la page 3 du contre-projet, on dit ceci: "Les plaidoiries orales pourront être faites en anglais". Voilà le numéro 11. L'alinéa suivant: "Pour ce qui est...

M. LESSARD: Vous avez encore passé un paragraphe.

M. DESJARDINS: ... de la langue des témoignages, il faut naturellement utiliser celle du témoin, quitte à prévoir un système d'interprète, si besoin est". Alors, si besoin est, décision facultative, arbitraire, etc., et, en plus, encore ici, allusion à l'usage de la langue anglaise devant les tribunaux. C'est le point no 12.

No 13: "Dans tous les cas où la chose est nécessaire, pour protéger les droits des parties, un système de traduction devra être disponible". Encore ici, référence à l'usage de la langue anglaise. C'est le no 13.

UEN VOIX: Cela va coûter cher.

M. DESJARDINS: Oui, justement, cela va coûter cher.

J'arrive à l'alinéa suivant, parce que tout ce dont je donne lecture, M. le Président...

M. BOURASSA: Cela va coûter une fortune. UNE VOIX: Cest comme un budget.

M. CHARRON: C'est aussi cher que la baie James.

M. MORIN: Est-ce que le député est contre les droits individuels?

M. DESJARDINS: M. le Président, je pense que j'ai démontré, à la grande honte de l'Opposition officielle, que je n'étais pas contre les droits individuels, et j'ai démontré en long et en large que vos...

M. LESSARD: Continuez donc.

M. DESJARDINS: ... amendements, spécialement celui de samedi dernier, allaient à rencontre des droits individuels et c'est probablement ce qui vous a amenés...

M. BEDARD (Chicoutimi): Vous avez dit le contraire tantôt.

M. DESJARDINS: ...à présenter un sous-amendement pour respecter les droits individuels.

M. LESSARD: Continuez donc!

M. DESJARDINS: Je continue, parce que tout ce que je lis est à la page 3, dans un même souffle, 11, 12, 13 et 14. Voici le 14 et je vais le lire.

M. LESSARD: Vous passez des paragraphes, par exemple.

M. DESJARDINS: Du tout. "Les avis... M. BOURASSA: II y en a plus de 21? M. DESJARDINS: Oui, probablement...

M. LEGER: C'est parce que notre projet est majeur.

M. DESJARDINS: On dit, à la page 3...

M. MORIN: Sauf ce qui est favorable au français.

M. DESJARDINS: M. le Président, je ne dis pas qu'il n'y a pas de passages favorables au français dans le projet de loi du Parti québécois. Le bill 22 est un instrument favorable au français. Il y a aussi, dans le contre-projet du Parti québécois, des éléments favorables au français, mais le Parti québécois vient nous reprocher d'avoir, dans le bill 22, des éléments trop favorables aux anglophones alors que, dans le contre-projet du Parti québécois, vous en avez au moins 21 contre 14 dans le bill 22. Ecoutez, vous vous contredisez et je n'ose pas dire que vous êtes hypocrites.

M. MORIN: Parlez-nous sur les droits individuels de la langue officielle, parlez-nous de la langue officielle.

M. CLOUTIER: Ce sont des droits individuels qu'il y a dans la loi 22.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. DESJARDINS: A la page 3...

M. BOURASSA: Cela fait mal. Cela fait mal.

M. DESJARDINS: Cela fait mal. Le no 14... Le poignard est entré seulement à la moitié. Patientez !

Le no 14 dit ceci: "Les avis dans les journaux devront continuer d'être publiés en anglais et en français lorsque la partie visée n'est pas de langue maternelle française". C'est donc le 14.

J'arrive au 15. Là on n'est plus nez à nez, vous nous dépassez d'un nez. Quand j'aurai fini, ce sera toute une longueur, mais, pour le moment, c'est d'un nez.

A la page 3, article 7 de votre projet de loi intitulé "L'étiquetage et les modes d'emploi"... M. le Président, si, dans les paragraphes que j'ai sautés, le député de Saguenay s'aperçoit que j'en ai oublié sur l'usage de l'anglais, si j'ai passé par-dessus, il pourra peut-être me le dire quand j'aurai terminé.

M. LESSARD: Puis-je vous indiquer les articles 5 et 6?

M. DESJARDINS: A l'article 7: "Etiquetage et les modes d'emploi", on dit ceci: "En matière d'étiquetage et de modes d'emploi il n'est pas nécessaire d'exiger l'usage exclusif du français". Voilà une autre allusion à l'usage de la langue anglaise et c'est le no 15. Je passe à la page 4, article 8, où on parle de la langue d'enseignement, que vous avez chèrement contestée aux articles 48 et suivants, au chapitre V du bill 22.

On dit ici que la langue d'enseignement doit être considérée dans le contexte d'un système scolaire francophone établi pour répondre aux besoins de l'ensemble des Québécois, y compris, dites-vous, le besoin d'une bonne connaissance de l'anglais et, ajoutez-vous, d'un secteur anglophone destiné à reconnaître les droits collectifs de la minorité anglaise déjà établie chez nous. Là, vous avez, M. le Président, d'un seul souffle, les numéros 16 et 17 que j'ai relevés dans le contre-projet du Parti québécois...

M. LEGER: J'invoque le règlement, M. le Président. Les dix minutes additionnelles sont terminées.

M. DESJARDINS: Est-ce que je peux continuer?

M. LEGER: La période supplémentaire est terminée, M. le Président, et nous avons été convaincus que c'est un bon projet de loi et on est prêt à voter pour le projet de loi du Parti québécois.

LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est ce que j'allais souligner.

DES VOIX: On va voter.

M. HARDY: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. HARDY: M. le Président, je suis d'accord avec le député de Lafontaine. Personnellement j'ai...

UNE VOIX: Certainement, on vote.

M. HARDY: ... c'est seulement par courtoisie que j'ai permis au député de Louis-Hébert, mais il ne faut pas exagérer.

M. DESJARDINS: Je vous remercie. M. HARDY: Vote.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que la commission est prête à se prononcer...

M. HARDY: Oui.

LE PRESIDENT (M. Gratton): ... sur la motion du ministre de l'Education?

M. CLOUTIER: Oui, ... depuis mardi, onze heures, de la semaine dernière.

DES VOIX: C'est ça.

DES VOIX: Vote.

M. CHARRON: M. le Président...

LE PRESIDENT: L'honorable député de. Saint-Jacques.

M. CLOUTIER: Ah bon! votre désir de voter tout à l'heure était un peu artificiel.

M. CHARRON: Attendez mon cher ami, vous allez comprendre parfaitement.

M. le Président, le français est la langue officielle du Québec. J'ai l'impression au moment où vous m'invitez à prendre la parole sur cet article, j'ai la conviction de parler d'un héritage probablement le plus cher que tous les citoyens québécois puissent avoir.

J'ai la conviction effectivement, M. le Président, que nous touchons là, ce qui fait, nous autres, notre différence aussi bien en Amérique que face à tous les peuples du monde. Nous sommes différents, nous ne sommes pas meilleurs, nous ne sommes pas pires, mais nous sommes différents et cette différence, dans notre façon de vivre, dans nos coutumes, dans nos traditions, dans notre mentalité, nous la puisons essentiellement dans le fait que nous sommes de langue française.

C'est notre barrière collective, c'est notre limite collective et c'est à partir d'elle que nous nous sommes exprimés, c'est à partir d'elle que nos qualités se sont édifiées, comme c'est à partir d'elle aussi que nos défauts se sont souvent érigés contre notre volonté.

M. le Président, cette terre, ce coin de terre est français, depuis 400 ans. Le petit groupe de francophones qu'il y avait ici, en 1760, les 60,000 parlant français qu'il y avait ici en 1760, au moment où ils ont été battus, défaits et que, depuis ce temps, ils ont subi le joug d'une domination qui leur est étrangère, non seulement ont-ils réussi à continuer entre eux à parler français, dans l'intimité de leur foyer, dans tous les coins du Québec, à apporter cette langue française dans tous les coins qu'ils sont allés défricher, au fin fond de l'Abitibi jusqu'aux limites de la Gaspésie, d'implanter avec leur coutume leur foi, leurs traditions, leur langue française, non seulement l'ont-ils réussi dans des conditions difficiles d'un peuple conquis, mais des 60,000 qu'ils étaient en 1760, devant toutes les conditions inimaginables d'assimilation économique, politique et culturelle qu'ils ont eu à connaître, non seulement ont-ils réussi à préserver leur langue et à la parler au point que ce soir dans leur Parlement, l'unique Parlement qu'ils pourront avoir, les débats se font dans cette langue et que nous comprenons dans cette langue. Non seulement ont-ils réussi à devenir un peuple vivant, dynamique, moderne de 5.5 millions d'habitants, des 60,000 prêts à être assimilés qu'ils étaient au moment où le conquérant anglais est arrivé, non seulement ont-ils réussi ce tour de force inexplicable dans l'histoire de l'humanité.

Mais aussi, ce tour de force d'avoir réussi à faire que leur Etat, leur pays, leur patrie dans toutes les conditions imaginables, dans tous les régimes politiques qu'elles ont eu à subir, de la pure et simple domination au lendemain de la conquête, dans l'Acte d'Union, dans l'Acte de Québec, dans l'Acte de la Confédération, dans lequel nous vivons encore, ils ont réussi, ce petit groupe, à maintenir que leur Etat conserve comme langue officielle le français. Que ce soit à cette époque qu'évoque le tableau qui est au-dessus de notre tête en cette commission, où la langue de l'Etat était indubitablement le français, comme le rappelle le drapeau qui est au-dessus du gouverneur de la colonie de

l'époque; que ce soit au moment de l'Acte d'Union où Lord Durham avait prêché ni plus ni moins que l'assimilation des francophones; que ce soit au moment où on a divisé ce pays en Bas-Canada et en Haut-Canada, ou que ce soit ce moment où nous ne sommes qu'une province parmi dix, nous avons toujours, comme peuple, réussi à faire que la langue officielle de notre Etat, qu'il soit souverain, qu'il soit provincial, qu'il soit colonial ou qu'il soit égal à un autre du Haut-Canada, ici, la langue officielle de l'Etat, ce soit le français.

C'est cette fierté que j'ai d'appartenir à cette collectivité qui a réussi dans toutes les conditions difficiles, au moment où l'envahisseur économique et sa langue anglaise nous réduisaient au rang de dominés que nous sommes, même dans le moment où nous continuons à ne conserver que 15 p.c. ou 20 p.c. du contrôle de notre économie. La langue officielle de l'Etat a toujours été le français depuis qu'il y a des Français ici et elle l'est encore. Il faudrait l'acte de trahison suprême de la part de ce gouvernement pour nous l'enlever maintenant. Toutes les règles démographiques de l'assimilation, toute la puissance économique de l'étranger n'ont jamais réussi à nous faire retirer ce fait que nous sommes un peuple dont la langue officielle est le français. Notre Etat a toujours vécu en français. Bien sûr, notre situation de colonisés, de peuple qui n'est pas souverain, a fait que nous avons dû concéder la coexistence de notre langue avec une autre. Ce n'est qu'exactement le symbole que nous avons quand cohabite, sur le même texte de loi, la langue du conquérant, la langue du dominateur, la langue de la minorité qui contrôle notre vie économique et notre vie politique. Mais rien n'a pu empêcher que la langue officielle soit toujours restée le français au Québec.

Toutes les petites batailles que les Québécoises ont menées sur le terrain de la consommation, toutes les batailles quotidiennes que des travailleurs ont menées quand ils n'ont pas hésité à "swinger" un "boss" qui ne respectait pas la langue française qui était la leur, ils les ont menées à cause de quoi? Parce qu'ils savaient qu'ici il y avait une langue officielle qui était le français et qu'ils se sentaient le droit d'exiger que le français soit respecté sur le marché de la consommation comme dans le monde du travail.

M. BOSSE: Ce n'est sûrement pas le député de Saint-Jacques qui a fait ça.

M. CHARRON: Et toutes ces victoires que nous avons eues...

M. BOSSE: Victoires qu'on a faites...

M. CHARRON: ... ces explosions du français actuellement, cette vitalité et cette confiance que nous avons, qui permettent même à nos chansonniers modernes d'épouser une musique internationale, d'y glisser notre culture, notre force, notre façon de nous exprimer, cela repose sur quoi? Si nos chansonniers commencent à s'exporter, si notre littérature sort finalement du Québec, si notre cinéma fait des filées sur les trottoirs parisiens, c'est à partir de quoi, cette créativité québécoise? Sur la conviction que nous appartenons à un Etat où la langue officielle est le français et que, à partir de là, toutes les cultures, toutes les formes d'expression peuvent légitimement vivre en français.

Voilà, au moment où nous commençons, comme Québécois, à connaître et à vivre dans cette confiance d'être Français, à partir de cette bataille que des ancêtres ont menée à notre place, pour laquelle certains sont morts parce qu'en 1837 c'est exactement pour le maintien de l'officialité du français dans la vie parlementaire du Bas-Canada...

M. BOSSE: Oui.

M. CHARRON: ... que des patriotes se sont battus et ont subi le joug que vous connaissez, voilà maintenant, qu'au bout de 300 ans, à travers toutes les difficultés politiques et économiques que ce peuple a dû traverser, arrive un gouvernement tartuffe à la dernière minute et qui veut nous faire croire dans son article premier que c'est lui qui proclame le français langue officielle. Le français a toujours été langue officielle au Québec, non pas à cause de politiciens comme ça, mais à cause de courageux Québécois qui, chaque jour, l'ont défendu sur le terrain. Vous ne faites aujourd'hui que reconnaître un état de fait.

Et si vous vous laissiez aller à la nonchalance et à la faiblesse qui marquent le projet de loi dans tous ses autres articles, peut-être auriez-vous même l'audace de vouloir retirer ce que des Québécois ont déjà conquis avant tout.

Autant j'ai de la fierté de savoir que le français est la langue officielle du Québec, que je voterais à deux mains pour cette affirmation, parce qu'elle est l'affirmation de mon appartenance à ce peuple auquel je suis fier d'appartenir, autant j'ai du dégoût pour un gouvernement qui, aujourd'hui, veut me faire croire que c'est lui qui l'amène, alors qu'il ne fait que reconnaître un état de fait.

Lui qui, en 1969, alors qu'il était dans l'Opposition, a voté pour le bill 63, et qui voudrait venir nous faire croire aujourd'hui que c'est maintenant lui le parrain de l'officialité du français au Québec, c'est un gouvernement menteur, hypocrite et, dans son sens le plus noble, traître, parce qu'il n'y a pas de justification à prétendre que l'article 1 proclame le français. Il ne proclame pas le français, il reconnaît. Ce parti qui est au gouvernement, qui appartient aux Anglais, qui est élu par les Anglais, qui est financé par les Anglais, ne proclame pas l'article 1, il reconnaît qu'il y a ici un fait français qui est indéniable et qu'il est

inutile d'essayer d'abattre, et la vitalité de ce débat en est une preuve.

Autant je voterais à deux mains pour l'article s'il était l'affirmation qu'un peuple ici a réussi, jusque dans son Parlement, à affirmer l'officiali-té de sa langue, autant j'ai envie de voter contre un gouvernement dégoûtant qui utilise encore une fois des formules pour les vider de leur sens.

Vous pouvez jouer avec la souveraineté culturelle, avec la social-démocratie si ça vous tente, mais vous n'avez pas le droit de jouer avec la langue officielle au Québec, parce que ce n'est pas vous qui nous l'avez donnée, ce sont vos pères et vos ancêtres, les mêmes que les miens. On n'a pas le droit ce soir, pour un jeu politique ou pour le maquillonnage politique, de prétendre que c'est nous qui allons l'affirmer, quand nous vivons — la preuve en est déjà là — dans un régime où le français est la langue officielle.

Comment appelez-vous ça, un régime ou un genre de situation où bien des gens font des batailles, se battent pendant des années, triment dur et, à la dernière minute, arrive un général nouveau venu, tout fin gradé des Hautes-Etudes, qui ne s'est jamais mêlé à la bataille, qui n'a jamais tramé dans la boue, qui n'a jamais traîn dans les tranchées, mais qui vient d'être promu colonel et qui nous arrive à la tête de l'armée, s'empare de la victoire, veut s'en attribuer tous les mérites et se prépare, dans l'article 2, à trahir la victoire qu'il est allé usurper à ceux qui se sont battus? Comment appelez-vous ça si ça ne s'appelle pas un traître?

Comment appelez-vous ça, en Afrique, ceux qui ont profité des mouvements de libération pour ensuite aller participer avec la race blanche qui était colonisatrice et imposer un régime de la même façon? On a appelé ça des rois nègres. Ceux qui font semblant d'être avec ceux qui se battent, mais qui, dans le haut des couchettes, les trahissent avec la noblesse qui les colonise? Comment appelle-t-on ça? Des rois nègres. C'est un gouvernement roi nègre que nous avons ce soir, la preuve en est encore faite.

Si je me laissais aller à ce dégoût que m'inspire ce gouvernement, cette façon quotidienne de se faire des bretelles avec ce que d'autres Québécois ont gagné et qui continuent à se battre sur le champ quotidien pour imposer, sans l'appui de leur gouvernement qui s'est plu à les trahir dès l'article 2, si je me laissais aller simplement à cet instinct — comme je l'ai signalé à mes collègues lorsque nous en discutions — je voterais contre cet article, même si je sais l'utilisation démagogique qu'on en ferait sur les tribunes demain matin.

On le proclamerait partout en disant: Le Parti québécois a voté contre la langue officielle. Non, le Parti québécois ne votera pas contre la langue officielle. Il a même réclamé que cette langue soit la seule langue officielle, ce que jamais vous n'avez osé accepter. Le Parti québécois vous a même proposé de dire qu'il n'y aura pas d'autre langue officielle tant que c'est ce Parlement qui en décidera, et vous l'avez refusé aussi.

Je ne me sentirais pas mal du tout d'avoir à expliquer pourquoi j'ai voté contre, c'est parce que je sens que j'appartiens à cette race qui a réussi à établir ici ce fait de "l'officialité" du français à travers tous les régimes politiques, parce que je suis fier d'y appartenir et que je ne veux, en aucune occasion, trahir ce que des Québécois ont gagné par la force de leur courage avant moi. J'ai beaucoup plus envie de voter pour. Mais je ne veux pas participer à cette trappe à ours qu'est l'article 1 et l'Opposition officielle n'y participera pas à cette trappe à ours. Nous allons nous abstenir de voter sur cet article 1 pour continuer la lutte à mort au bill 22 dès l'article 2, mais vous ne nous entraînerez pas à vouloir usurper avec vous la victoire des Québécois.

Je ne serais même pas capable de voter même dans un gouvernement qui proclamerait la langue officielle tellement je n'ai pas l'impression que ça repose sur moi. Je ne suis qu'un héritier de ça. Ceux qui ont rendu le français langue officielle, ceux qui se sont battus quotidiennement avec les Anglais à l'époque de l'Acte d'Union ou à l'époque de l'Acte de Québec, ceux qui se sont battus quotidiennement au lendemain de la conquête, c'est à ceux-là qu'il faut rendre hommage maintenant, et ne pas essayer d'usurper à leur place les profits qu'ils avaient.

Pensez-vous que si eux avaient vécu dans une société moderne de 5 millions et demi d'habitants, que s'ils avaient eu tout le confort moderne que nous avons, ils auraient eu à se battre comme ils se sont battus à cette époque-là? Que pensez-vous qu'ils penseraient de nous ce soir de nous voir arriver tout vingtième siècle, tous frais et tous fiers et dire: Bien maintenant, ce qu'ils ont fait était de la foutaise, nous proclamons le français langue officielle? Ils nous vomiraient. Ils auraient raison parce que si nous sommes Français, si nous parlons français au point de croire qu'un jour cette langue deviendra la langue d'un Etat normal qui vit normalement dans l'harmonie avec les autres peuples, c'est à cause d'eux essentiellement et c'est pour eux que j'ai du respect et c'est exactement pour eux que je crois que le français est déjà la langue officielle, à cause d'eux.

Voilà donc, M. le Président, pourquoi nous sommes disposés à voter immédiatement sur cet article hypocrite qu'est l'article 1. Nous ne permettrons pas encore au ministre de l'Education de se gargariser et de se vautrer aux dépens de ceux qui ont fait des batailles avant lui.

Regardez-le le parrain du bill 22, M. le Président! A-t-il l'air de quelqu'un qui s'est battu quotidiennement pour que le français soit la langue officielle du Québec? Jamais! Il est quelqu'un qui arrive et qui en usurpe pour s'en

tirer une gloire éphémère. Disposons donc immédiatement de cet article 1, à l'invitation du gouvernement. Qu'il vote pour, qu'il se salisse et qu'il continue à trahir les Québécois! Nous les laisserons aller. Nous ne participerons pas, comme Opposition, à ce genre de manoeuvre et qu'on entame immédiatement l'article 2 où déjà l'anglais commence à reconnaître des droits jusque dans les lois, les documents officiels de l'Assemblée nationale, immédiatement après qu'on a affirmé que le français était la langue officielle du Québec.

Entamons donc immédiatement l'étude de la trahison qui débute à l'article 2 et permettez à l'Opposiiton, encore une fois, de se battre jusqu'à épuisement contre la loi 22. Merci, M. le Président.

M. BOSSE: Si vous permettez.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de Dorion.

M. BOSSE: Monsieur...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BOSSE: M. le Président, moi, j'aime bien entendre charrier, mais quand le député de Saint-Jacques — le jeune député de Saint-Jacques qui, lui, n'a pas eu de bataille à faire — vient ici faire des sermons et des discours éloquents afin d'attirer l'attention de ces jeunes, de ce "fan club" qui lui non plus n'a pas eu à se battre, des jeunes profiteurs de notre société pour laquelle nous nous sommes battus, ceux qui n'ont rien fait précisément, les enfants d'école, les jeunes pour qui on a construit un système scolaire, pour qui on a fait des efforts, le jeune député de Saint-Jacques va servir de modèle aux jeunes de cette société et va ici nous emberlificoter et nous faire l'histoire de ceux qui, de nos ancêtres, ont combattu...

Un instant, M. le Président! Nos ancêtres, il faut d'abord se rappeler peut-être que d'abord et avant tout ils avaient même refusé un système scolaire et les professeurs de constitu-tionnalité et d'histoire le savent. Ne charrions pas sur nos ancêtres! Pourquoi ont-ils gardé leur langue? C'est assez simple, c'est parce qu'ils étaient retirés dans la campagne. Ils n'avaient pas de moyen de communication. Ce ne sont pas les jeunes d'aujourd'hui qui profitent de tous les bénéfices pour lesquels nous, les générations antérieures qui ont créé le système, nous sommes battus.

Et comme le rappelait le défunt Pierre Laporte, nous avons mis sur pied un système scolaire afin qu'il bénéficie à nos jeunes et non pas afin qu'il fasse une bande de jeunes révolutionnaires, profiteurs d'un système. Et c'est ce qui se produit quand le jeune député de Saint-Jacques essaie de monter la tête des gens. Moi, je ne suis pas impressionné, je suis l'un de ceux qui, avec tous les autres de ma génération, ont participé à faire du français la langue de travail, à faire du français la langue de tous les jours, la langue quotidienne. Nous avons travaillé avec acharnement, sans pour cela le faire non plus dans un contexte en se prenant pour d'autres et en faisant des assemblées à la salle Le Plateau à Montréal. Non, nous avons travaillé autour de tables, ardument.

Cela peut paraître "niaiseux" mais il n'y a pas moins de dix ans, quinze ans, nous avons travaillé pour faire mettre sur les paquets de cigarettes du français. Grand Dieu! que c'était difficile! Mais c'était là quand même un début. Dans les textes de conventions collectives, est-ce le député de Saint-Jacques qui a travaillé à cela? Ce sont les syndicats justement, dont j'étais membre et dont je n'ai pas honte non plus. Combien d'hommes d'affaires, et combien d'entre nous, de ceux de notre génération et des générations antérieures, avons oeuvré continuellement dans la même ligne de pensée que l'abbé Lionel Groulx et que les autres nationalistes que nous avons connus.

Qui d'entre nous n'est pas de cette école qui veut faire du français sa propre culture? Qui d'entre nous n'est pas de cette école qui veut faire du français soit la langue de tous les jours? Mais faut-il pour cela procéder, d'une part, à faire comme certains des représentants qui se sont présentés ici, à établir un système scolaire unique de langue française? Pourquoi ne pas reconnaître ces droits? Ça, ce sont les extrémistes. D'autre part, nous avons eu d'autres extrémistes qui réclamaient le statu quo, soit la reconnaissance du bill 63. Moi, je ne suis pas prêt à prendre des leçons du député de Saint-Jacques parce qu'il a des leçons à prendre et il a de l'expérience à prendre dans la vie et ce ne sont pas ses discours emportants, éloquents, criards, qui vont m'impressionner. L'action de mes activités dans la vie est beaucoup plus impressionnante, à mon avis, et en toute humilité, M. le Président, que les actions du jeune député de Saint-Jacques, qui a des sacrées leçons à prendre, et surtout, la plus grande des leçons, celle de sa défaite dans la prochaine campagne électorale.

M. BEDARD (Chicoutimi): Vous avez voté pour le bill 63.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que cette commission est prête à se prononcer sur la motion de l'honorable ministre de l'Education?

DES VOIX: Oui.

Vote sur la motion principale

LE PRESIDENT (M. Gratton): Sur la motion du ministre de l'Education, voulant que l'article 1 du projet de loi 22 soit adopté. M. Bérard. M. Charron.

M. CHARRON: Je m'abstiens, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Déom. M. Cloutier.

M. CLOUTIER: En faveur.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Hardy.

M. HARDY: En faveur.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Lapointe. M. Lachance.

M. LACHANCE : En faveur.

LE PRESIDENT (M. Gratton) : M. Morin.

M. MORIN: Je ne puis que m'abstenir.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Tardif.

M. TARDIF: Pour.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Phaneuf.

M. PHANEUF: En faveur.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Desjar-dins.

M. DESJARDINS: En faveur.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Samson. M. Malépart.

M. MALEPART: En faveur.

LE PRESIDENT (M. Gratton):

Pour: 7

Contre : 0

Abstentions: 2

L'article 1 est adopté. Article 2.

M. MORIN: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que le ministre de l'Education a l'intention d'intervenir?

M. CLOUTIER: Oui, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable ministre de l'Education, à l'article 2.

Appel de l'article 2

M. CLOUTIER: L'article 2, M. le Président, ajoute une nouvelle règle aux règles ordinaires d'interprétation des lois, en faisant prévaloir le texte français en cas de divergence avec le texte anglais. Je fais motion, M. le Président, pour que l'on adopte l'article 2.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le chef de l'Opposition sur la motion du ministre de l'Education.

M. MORIN: Les débats sur l'article premier ont été fort utiles, fort révélateurs. Je ne cacherai point que nous avons voulu démasquer le gouvernement. Le premier ministre, qui est un admirable vendeur de camelote ambulant, a répété que le but du projet était de faire du français la seule langue officielle du Québec, mais quand nous l'avons mis au défi d'insérer cette disposition, cette affirmation dans le texte même de la loi, il s'est défilé. Nous nous en doutions bien d'ailleurs. Nous pensions bien qu'il ne pourrait le faire étant donné que le reste du projet de loi établit, à toutes fins pratiques, et consacre dans la loi le bilinguisme.

Nous pensions bien, dis-je, qu'il était impossible qu'il se lie les mains et qu'il donne suite, sur le plan juridique, à sa propagande en faveur du français seule langue officielle. Cela eût été contraignant d'accepter que le mot "seule" soit ajouté dans l'article premier. Mais nous allons lui donner d'autres occasions maintenant, au moment où commence la discussion sur l'article 2, de nous donner des preuves, si la chose est possible, de sa bonne foi.

L'article 1, avons-nous dit à plusieurs reprises, ne contenait pas les détails du projet de loi. L'article 5 lui-même nous dit, d'ailleurs, que le titre III règle les effets juridiques de l'article 1. Cela eût été suffisant, M. le Président, pour remettre le débat sur l'article 1 à plus tard, jusqu'à ce que nous ayons terminé l'étude du titre III. Mais vous avez jugé que cela n'était pas recevable et nous n'insisterons pas. L'article 1 ne contenait donc qu'un principe général, et ne faisait en fait que reconnaître, comme le député de Saint-Jacques l'a fort bien démontré, ce qu'est la réalité de tous les jours.

Mais, en même temps, cet article 1 était une sorte de publicité commerciale, disant que le français serait la langue officielle du Québec, sans nous dire, comme le font beaucoup de publicités commerciales, la véritable qualité du produit, le véritable contenu de ce qu'on entend nous vendre.

M. le Président, si nous avions étudié le titre III au complet avant d'adopter cet article 1, nous aurions constaté que le bilinguisme qu'on prétendait chasser par la porte revient par plusieurs fenêtres, qu'il s'agisse de l'administration publique, où le bilinguisme est instauré par l'article 9, qu'il s'agisse des entreprises d'utilité publique, où le bilinguisme revient au galop avec l'article 20, qu'il s'agisse de la langue de travail avec l'article 24, qu'il s'agisse des affaires et des raisons sociales, avec l'article 38, toujours nous revenons au bilinguisme et non pas un bilinguisme qui respecte simplement les droits individuels, ainsi que le voudrait le programme du Parti québécois, mais un bilinguisme qui fait de l'anglais vraiment une langue à toutes fins pratiques officielle.

Motion d'amendement

M. MORIN: C'est pourquoi, M. le Président, je présente au nom de l'Opposition officielle l'amendement suivant à l'article 2: Que le texte de la motion soumise par le ministre de l'Education soit modifié en sorte que l'article 2 soit remplacé par le suivant: Les lois du Québec sont rédigées et publiées uniquement en français. Merci, M. le Président.

M. CLOUTIER: M. le Président, un éclaircissement, est-ce qu'il s'agit d'un amendement à la motion principale?

M. MORIN: Oui, il s'agit d'un amendement à la motion principale.

LE PRESIDENT (M. Gratton): II s'agirait, en l'occurrence, de modifier la motion du ministre de l'Education pour que le texte de l'article 2 se lise comme suit: "Les lois du Québec sont rédigées et publiées uniquement en français."

Est-ce que les membres de la commission sont prêts à accepter cette motion?

M. DESJARDINS: Elle n'est pas recevable.

M. LESSARD: On est prêt. Maintenant, est-ce que...

M. MORIN: Je tiens pour acquis, M. le Président, que vous la recevez.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Pour le moment...

UNE VOIX: ... elle est recevable.

LE PRESIDENT (M. Gratton): J'attends qu'on m'éclaire.

M. BURNS: C'est pas juste parce que vous allez dire qu'elle n'est pas recevable qu'elle ne l'est pas.

M. DESJARDINS: Cela fait deux jours que vous y pensez. Déposez vos amendements et on ne retardera pas...

M. LESSARD: M. le Président, sur la question de règlement. Il me semble que c'est à vous de juger si elle est recevable oui ou non.

M. BURNS: Elle est parfaitement recevable. Pas d'affaire à argumenter là-dessus.

M. DESJARDINS: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Louis-Hébert.

M. DESJARDINS: Sur la question de recevabilité, je crois qu'un amendement ne peut pas réduire à néant un article qui existe déjà. On peut, par un amendement, tenter de modifier une partie d'un article, mais si l'adoption de l'amendement a pour effet de réduire à rien, à zéro l'article visé par l'amendement, à ce moment, je crois que l'amendement est non recevable parce qu'en fait, ce n'est pas un amendement. C'est une autre proposition qui est faite. Ici, l'article 2 dit: "En cas de divergence que les règles ordinaires d'interprétation ne permettent pas de résoudre convenablement, le texte français des lois du Québec prévaut sur le texte anglais."

Alors, quand on arrive avec l'amendement: "Les lois du Québec sont rédigées et publiées uniquement en français...", il est bien clair que cet amendement va à l'encontre, complètement et de façon absolue, de l'article 2.

C'est la principale raison pour laquelle je prétends qu'il n'est pas recevable parce qu'en votant pour l'amendement, vous agissez comme si l'article 2 n'avait jamais existé et ce n'est pas le but d'un amendement.

M. LESSARD: M. le Président, vous me permettrez de vous rappeler l'article 70 des règlements qui m'apparaft très clair.

Je pense que l'interprétation qu'en donne le député de Louis-Hébert est complètemet erronée. En effet, il est dit que: "Un amendement doit se rapporter directement au sujet de la motion proposée et ne peut avoir que les objets suivants..." Prenons le premier principe qui est élaboré ici: "... doit se rapporter directement au sujet de la motion proposée..."

Nous n'avons, aucunement, dans son principe même... Cet amendement n'a aucunement pour objectif de faire disparaître complètement l'article 2 et même, en vertu de ce que je vous lirai tout à l'heure, il est même possible de présenter un amendement qui remplace complètement l'article 2 parce que, ce qui est dit en vertu des règlements, c'est que nous n'avons pas le droit de présenter une motion qui va à l'encontre du principe du projet de loi. Or, le principe du projet de loi est de déclarer que la langue française est la langue officielle.

Or, cet amendement a tout simplement comme objectif de confirmer que le français est la langue officielle. On n'annule aucunement l'article 2 comme tel et il se rattache à l'article 2.

Je vous soumets aussi le reste de l'article 70 des règlements: "Retrancher, ajouter des mots ou les remplacer par d'autres...". Ce que nous faisons, en vertu de cet amendement, nous remplaçons l'article 2 par la motion qui est présentée par le chef de l'Opposition: "Les lois du Québec sont rédigées et publiées en français."

Nous n'allons aucunement, en vertu de cette motion, contre le principe du projet de loi. Au contraire, ce que nous voulons, encore une fois, c'est tenter de corriger le projet de loi, tenter de confirmer, par l'article 2, par la motion que nous présentons, le principe du projet de loi tel

qu'on nous l'a expliqué, à savoir que la langue française est la langue officielle.

M. le Président, je ne peux pas comprendre, étant donné que l'article 70 est très clair à ce sujet. Notre motion se rattache directement à l'article 2, elle remplace des mots par d'autres. Il est dit, en vertu de l'article 70 qu'il est possible de remplacer des mots par d'autres. Cependant, M. le Président, nous savons qu'il est impossible, je pense, d'aller à l'encontre des objectifs du projet de loi, d'aller à l'encontre du principe du projet de loi et je pense que c'est l'erreur que fait actuellement le député de Louis-Hébert. Je ne pense pas que notre motion va à l'encontre du principe du projet de loi. Au contraire, notre motion ne fait que confirmer le principe même du projet de loi et j'espère, M. le Président, que notre amendement ne sera pas jugé irrecevable.

M. HARDY: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton) : L'honorable député de Maisonneuve.

M. BURNS: Non.

M. HARDY: Vous allez peut-être me convaincre et je respecte votre science.

M. BURNS: Je respecte également l'ordre. Le député de Saguenay vient de parler, je suis prêt à laisser parler le député de Terrebonne.

LE PRESIDENT (M. Gratton) : L'honorable ministre des Affaires culturelles.

M. HARDY: M. le Président, je soutiens que la motion présentée par l'honorable chef de l'Opposition est irrégulière parce que, en vertu de l'article 70 de notre règlement, un amendement doit se rapporter directement au sujet de la motion proposée. M. le Président, la motion, proposant l'adoption de l'article 2, n'a pas trait à la rédaction des lois. La rédaction des lois est une chose et leur interprétation en est une autre.

M. BURNS: La "redactandis" au complet. Lisez-le au complet.

M. HARDY: Oui, très bien.

M. BURNS: Vous allez changer d'avis quand vous l'aurez lu au complet.

M. HARDY: Non, "... retrancher, ajouter des mots ou les remplacer par d'autres." C'est bien.

M. BURNS: Bien oui.

M. HARDY: "II est irrecevable si son effet est d'écarter la question principale sur laquelle il a été proposé, il en est de même d'un sous-amendement." Si son effet est d'écarter la question principale.

A l'article 2, la question principale, c'est le problème de l'interprétation des lois.

M. MORIN: La publication. UNE VOIX: L'interprétation.

M. HARDY: L'interprétation. Est-ce que vous avez lu l'article 2 avant de proposer votre amendement?

M. BURNS: La question principale, c'est le projet de loi.

M. BEDARD (Chicoutimi): II faut relier au principe...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M.HARDY: M. le Président, tantôt j'ai offert au député de Maisonneuve de parler avant moi. Il n'a pas voulu.

M. BURNS: Je m'excuse, je vous écoute.

M. HARDY: Je prends acte de vos excuses.

M. le Président, l'article 2, tel que rédigé présentement, dit: "En cas de divergence que les règles ordinaires d'interprétation ne permettent pas de résoudre convenablement, le texte français des lois du Québec prévaut sur le texte anglais." Donc, l'essence de l'article 2 concerne l'interprétation des lois. A l'interprétation des lois, on est à un stade totalement différent de la rédaction des lois. On rédige les lois quand on est ici au Parlement. C'est à ce stade. On les interprète quand la loi est sanctionnée, quand elle est en vigueur, quand on est devant les tribunaux. Ce sont donc deux choses bien différentes. Je prétends, M. le Président, que la motion d'amendement du député de Sauvé a pour effet d'écarter la question principale. La question principale, à l'article 2, c'est l'interprétation des lois. Le problème de rédaction des lois, on le voit un peu plus loin. On le voit au chapitre 1 de la langue de l'administration publique, mais à l'article 2, nous sommes aux dispositions générales et l'interprétation des lois n'a rien à voir avec la rédaction des lois.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. le Président, l'article 70, d'abord, je pense qu'il faut le lire au complet. Le ministre a, comme je dirais, oublié un petit bout de l'article qui est bien important dans la discussion actuelle. L'article 70 nous dit qu' "un amendement doit se rapporter directement au sujet de la motion proposée et ne peut avoir que les objets suivants..." Je pense que, jusqu'à maintenant, il n'y a pas de querelle, cela se rapporte au sujet, qui est en discussion, la

motion qui est proposée. Les objets: "Retrancher, ajouter des mots ou les remplacer par d'autres." Voilà, M. le Président, nous remplaçons la motion actuelle par d'autres mots. On continue après.

Il est irrecevable, cet amendement, si son effet est d'écarter la question principale sur laquelle il a été proposé et il en est de même d'un sous-amendement, etc.

M. le Président, quel est l'objet de l'article 2? L'article 2, son objet est une question d'interprétation, je suis entièrement d'accord avec le ministre. Ce que nous disons tout simplement, c'est qu'en matière d'interprétation, il n'est pas question de comparer les textes, il est question de dire tout simplement que les lois du Québec sont rédigées et publiées en français. Votre problème d'interprétation est réglé exactement là, sans plus, sans aucune autre difficulté. C'en est une règle d'interprétation que de dire que le texte français prime sur le texte anglais et c'en est une autre de dire que le texte français est le seul qu'on doive examiner lorsqu'il faut exactement interpréter les textes. C'est ça qui fait l'objet de la motion qui vous est soumise actuellement, M. le Président. Si vous pensez que c'est irrecevable, M. le Président, allez-y, dites-nous que c'est irrecevable. Dites-nous également que ça n'a aucun lien avec la motion que nous avons faite, que vous avez faite d'ailleurs, en deuxième lecture, voulant que le français soit la langue officielle du Québec. Dites-nous ça, M. le Président. J'aimerais vous entendre dire ça.

J'aimerais vous entendre également nous dire que toute cette discussion autour de la langue officielle n'a aucun sens dans le cadre actuel. J'aimerais vous entendre dire, M. le Président, par le fait que vous déclareriez irrecevable la motion, j'aimerais vous entendre dire que nous perdons complètement notre temps à tenter de convaincre le gouvernement de préciser son projet de loi. J'aimerais vous entendre dire ça. Quand je dis vous, M. le Président, vous savez que ce n'est pas à vous que je m'adresse, c'est à vous uniquement parce que vous détenez le siège de la présidence et que c'est par vous que je dois dire au gouvernement toutes les choses que j'ai à lui dire.

Toutes les discussions que nous avons tenues, le plus sérieusement possible, autour de l'article 1, autour du principe du projet de loi, autour du projet de loi tel que décrit et je dirais critiqué de façon très sérieuse par le député de Saint-Jacques, j'aimerais que vous nous disiez que ça n'a aucun sens, qu'on n'avait même pas besoin de dire ça, que vous aviez décidé, M. le Président, non pas vous, mais à travers vous, je dis ça au gouvernement, que vous aviez décidé d'adopter le projet de loi dans cette forme. M. le Président, si c'est ça, le problème, dites-le nous tout de suite et on saura exactement à quoi s'en tenir. En ce qui me concerne, M. le Président...

M. HARDY: Vous parlez sur le fond.

M. BURNS: Non, non, je parle...

M. HARDY: Vous parlez sur le fond.

M. BURNS: Non, non, je ne parle pas sur le fond, je parle sur le fait qu'il est impossible actuellement que vous nous disiez — et là je m'adresse aux ministériels — que vous nous disiez que c'est impossible d'amender l'article 2 de la façon suggérée par le député. Autrement, chaque article se référera dans votre esprit — quand je dis dans votre esprit, M. le Président, je dis dans l'esprit des ministériels— au principe du projet de loi, se référera à ce que les ministériels considèrent ce que devrait être le projet de loi et, à part de ça, il n'y a plus d'amendement possible. C'est aussi simple que ça.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors...

M. LESSARD: M. le Président, je veux faire remarquer, suite à l'intervention du ministre des Affaires culturelles, que je l'ai déjà vu d'ailleurs beaucoup plus convaincu, lorsqu'il défendait une question de procédure. J'ai constaté que le ministre des Affaires culturelles n'était pas tellement convaincu, parce qu'il commençait à chercher ses mots.

M. HARDY: C'est la fatigue.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LESSARD: Mais le ministre a tenté à un moment donné de vous laisser croire que l'amendement est irrecevable si son effet est d'écarter la question principale. Le ministre des Affaires culturelles a tenté de relier la question principale à l'article 2. Je pense que toute l'économie de notre règlement nous dit que la question principale, c'est le principe même du projet de loi.

M. HARDY: Oh! Oh! UNE VOIX: Ah! Ah!

M. LESSARD: Si notre amendement va à l'encontre du principe du projet de loi, là notre amendement aurait pour but de rejeter la question principale. Mais ce n'est aucunement le cas. Au contraire, notre amendement a pour objectif de concrétiser l'objectif du projet de loi, en particulier la question principale qui dit que le français est la seule langue officielle.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, messieurs, sur la question de la recevabilité...

M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Bien, je suis prêt à prendre une décision.

M. BEDARD (Chicoutimi): ... avec votre

permission, je voudrais vous référer quand même à certains amendements qui nous ont été proposés par le côté ministériel et qui ont pour . effet, effectivement, tel qu'on le voit dans ce que l'on nous a présenté, de biffer complètement des articles. Prenez, par exemple, l'article 48, entre autres, qui est très important, on s'aperçoit qu'on est face à un amendement qui a pour effet...

M. CLOUTIER: L'article 31.

M. BEDARD (Chicoutimi): ... de changer...

M. CLOUTIER: L'article 31 est un meilleur exemple.

M. BEDARD (Chicoutimi): Laissez-moi finir, laissez-moi finir, c'est à notre tour à vous le dire.

M. CLOUTIER:C'est pour vous aider. M. BURNS: Attendez.

M. BEDARD (Chicoutimi): On n'a pas besoin de votre aide. Prenez l'article 21, on voit que le gouvernement a apporté un amendement qui fait tout simplement qu'on biffe l'article 21. C'est la même chose pour l'article 22; c'est un amendement qui a comme effet, dans l'esprit du gouvernement, de biffer l'article 22, tel que rédigé dans le projet de loi. C'est la même chose à l'article 23; un amendement qui a pour effet de biffer l'article 23, tel qu'il était consigné dans le projet de loi 22. C'est la même chose pour l'article 25 ainsi que pour l'article 48 également. Alors, je ne vois pas comment cette motion que nous avons déposée pourrait ne pas être recevable face à certains amendements qui ont été présentés déjà à l'avance par le gouvernement.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Quant à la recevabilité de la motion d'amendement, si on lit l'article 70, on se rend compte qu'on impose deux conditions pour qu'un amendement soit recevable. La première est qu'on n'écarte pas la question principale de l'article en discussion ou de la motion, en l'occurrence c'est le texte de l'article 2. L'autre dit que la façon de le faire, c'est d'ajouter ou retrancher des mots. Je ne cherche pas guerre au député de Chicoutimi. Les motions d'amendement, annoncées à l'avance par le ministre de l'Education, je ne dis pas qu'elles ne sont pas recevables, je ne dis pas non plus qu'elles sont recevables.

Mon rôle, à titre de président, est strictement de faire appliquer le règlement. J'ai dû me référer à nouveau à l'ancien règlement parce que, au moment où le nouveau règlement n'est pas tout à fait clair...

M. BURNS: M. le Président, puis-je vous dire que je suis très content de vous voir vous référer aussi souvent à l'ancien règlement et, éventuellement, je proposerai qu'on revienne à l'ancien règlement.

M. HARDY: Avec quelques modifications.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A ce moment-là...

M. BURNS: Je suis entièrement d'accord. Le règlement actuel est ambigu, on l'a essayé, on a fait le test pendant quelques années et, là, on est en train de se rendre compte que, dans les situations serrées, on est constamment obligé de revenir au règlement. Qu'on le fasse!

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je vous avoue...

M. BURNS: Qu'on le fasse!

LE PRESIDENT (M. Gratton): ... que dans le cas de cette commission-ci...

M. BURNS: Qu'on le fasse!

M. HARDY: Je suis passablement d'accord avec le député de Maisonneuve.

LE PRESIDENT (M. Gratton): ... cela a été vrai et je me sers de l'ancien règlement...

M. BURNS: Qu'on le fasse!

LE PRESIDENT (M. Gratton): ...en vertu de l'article 4 de notre règlement qui parle des usages. C'est d'ailleurs le député de Maisonneuve qui me l'a fait remarquer la semaine dernière. J'aimerais faire la lecture de la note 8 à l'article 566 de l'ancien règlement. Tout ce que ça dit, c'est la façon dont les membres d'une commission peuvent procéder pour en arriver aux mêmes fins que la motion d'amendement faite par le chef de l'Opposition.

Je cite: "II est irrégulier de proposer de remplacer tout un article par un autre. La manière de procéder quand on veut remplacer un article par un autre, c'est de voter contre l'adoption de l'article à l'étude, puis, s'il n'est pas adopté, d'en proposer un nouveau lorsque tous les articles imprimés du bill ont été examinés". Alors, il est clair que, dans le cas actuel, on remplace tout l'article par un autre. Il est également clair que la façon d'en arriver au but visé par la motion de l'honorable chef de l'Opposition, c'est, en premier lieu, de disposer de l'article 2 en votant contre, pour ensuite en reformuler un nouveau qui serait tout à fait acceptable dans la forme suggérée par le chef de l'Opposition officielle.

Alors, je regrette, mais je dois déclarer cette motion d'amendement irrecevable.

M. LESSARD: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): La motion en discussion est celle du chef de l'Opposition.

M. LESSARD: ... une directive.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Laquelle?

M. LESSARD: Je vous demande ceci. Actuellement, nous avons accepté un règlement qui a été accepté par l'Assemblée nationale, à savoir le code Lavoie. Lorsque ce règlement n'est pas très explicite... il est dit d'ailleurs à l'article 3 de ce règlement: "La procédure de l'Assemblée nationale du Québec est réglée: lo par des lois; 2o par le règlement; 3o par des règlements adoptés pour la durée d'une seule session; — ce sont les règlements sessionnels — 4o par des ordres spéciaux adoptés par l'Assemblée et dont l'effet est limité aux matières pour lesquelles ils sont votés; 5o par les précédents établis par suite de l'interprétation des lois et du règlement."

Ce que je vous dis — je vous demanderai ma directive tout à l'heure — c'est quand on va à 5o, "par les précédents..." c'est justement lorsque le règlement actuel n'est pas clair. Depuis 1972 nous fonctionnons selon ce règlement, soit le code Lavoie.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Vous argumentez là,...

M. LESSARD: Non, je n'argumente pas, je vais vous poser une question tout à l'heure, c'est ma directive. Nous fonctionnons selon ce règlement. Il est certain que lorsque ce règlement n'est pas clair, nous devons aller à l'autre règlement, parce que justement il faut que l'autre règlement vienne préciser ce règlement-ci. Ce que je vous dis, c'est que l'article que vous avez signalé tout à l'heure en vertu de l'ancien règlement va à l'encontre du règlement actuel, à l'encontre de l'article 70, puisqu'on dit qu'il est irrégulier dans l'article que vous avez signalé, de remplacer complètement un article du projet de loi. Justement, je souligne que prochainement nous aurons à souligner les amendements présentés par le ministre...

LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est quoi la directive?

M. LESSARD: Non, vous allez voir. ... de l'Education, et qui seront en vertu de votre interprétation, suivant l'ancien règlement, considérés comme irréguliers, parce que nous fonctionnons actuellement en vertu des amendements — il est bien clair — à partir du code Lavoie. Ce code nous l'avons accepté à l'Assemblée nationale, et, jusqu'ici notre bataille, pour autant que le règlement est clair, nous la faisons à partir du règlement actuel.

Mais — et c'est là la directive que je vous demande — quel règlement va-t-on accepter maintenant? A partir de quel règlement allons-nous faire nos motions? Est-ce que c'est en vertu de l'ancien règlement ou en vertu de ce règlement qui a été accepté à l'Assemblée nationale?

M. BURNS: Quand ça fait son affaire, l'ancien règlement.

M. LESSARD: C'est justement là le problème actuellement. On va faire une décision une fois pour toutes. Ou bien on va fonctionner en vertu de ce règlement et quand le règlement ne sera pas clair, on pourra aller à l'ancien règlement. Mais quand le règlement actuel en vertu de l'article 70, il est clair, nous allons rester avec ce règlement, ou bien — et c'est la directive que je vous demande — vous allez demander au président de l'Assemblée nationale de retirer le code Lavoie et de nous dire maintenant: On fonctionne à partir de l'ancien règlement.

M. HARDY: Pertinence.

M. LESSARD: Pour le moment, je vous demande: A partir de l'article 554 de l'ancien règlement que vous avez signalé, pourriez-vous nous indiquer, comme président suppléant de l'Assemblée nationale, à partir de quel règlement... est-ce d'après le code Lavoie ou l'ancien règlement que nous allons soumettre nos motions? Parce que je vous indique immédiatement que les amendements qui...

M. HARDY: En voulez-vous une directive?

M. LESSARD:... sont présentés par le ministre de l'Education et qui viennent à différents autres articles, je vous indique que vous allez avoir des problèmes.

M. HARDY: Vous les verrez en temps et lieu.

M. LESSARD: Parce que ces motions seront irrecevables, parce qu'elles biffent ou remplacent complètement un autre article.

M. HARDY: Bien oui!

M. CLOUTIER: On va se soumettre au règlement.

M. LESSARD: M. le Président, je voudrais vous demander ceci. Quand l'ancien règlement fait votre affaire pour tenter de bloquer l'Opposition, vous l'utilisez. Mais quand, par exemple, on fait une bataille que nous avons décidé de faire sur le règlement actuel qui est clair, vous décidez que le règlement actuel ne s'applique pas. M. le Président, s'il faut déchirer ce règlement-là, on va le déchirer. Mais que ce soit clair par exemple et que vous nous disiez sur quel règlement on va se baser pour faire nos motions.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, à votre demande de directive...

M. HARDY: Un autre spectacle de terminé. M. LESSARD: Ce n'est pas un autre specta-

cle, c'est ridicule la décision qu'il vient de prendre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre! Vous me demandez quand le code Lavoie va s'appliquer et quand l'ancien règlement... Ce sera toujours le code Lavoie qui s'appliquera, pour autant que je suis concerné. Je vous réfère à l'article 4 du code Lavoie qui dit que: "Dans un cas non prévu par les règles de procédure ou dans un cas de divergence...

M. LESSARD: C'est prévu. M. BURNS: C'est prévu.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Un instant. Dans un cas de divergence d'opinion...

M. BURNS: C'est prévu, c'est ça qu'on vous dit. C'est déjà prévu.

LE PRESIDENT (M. Gratton): ... sur l'interprétation d'une règle de procédure, le président décide en tenant compte des usages de l'Assemblée depuis son origine.

M. LESSARD: Mais c'est prévu.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Cela inclut, entre autres, l'ancien règlement... Et je vous réfère à l'article 171. ,

M. BURNS: Mais c'est prévu, M. le Président, c'est déjà prévu, 70.

LE PRESIDENT (M. Gratton): ... et à la note 15 de l'article... que j'ai cité tantôt...

M. LESSARD: Est remplacé par d'autres, c'est prévu.

LE PRESIDENT (M. Gratton): ... et qui précise cette question.

M. LESSARD: Je suis d'accord, M. le Président, mais il est remplacé par d'autres.

M. BURNS: M. le Président, sur la question de règlement.

LE PRESIDENT (M. Gratton): La motion de l'honorable...

M. HARDY: La décision est rendue.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je m'excuse. Est-ce que vous voulez soulever une nouvelle question de règlement?

M. LESSARD: ... qu'est-ce qu'on fait ici si on ne peut même pas utiliser...

M. HARDY: Cela fait partie du scénario. Est-ce que vous êtes en train de préparer une sortie?

M. LESSARD: Mais qu'est-ce qu'on fait ici... Mais si vous continuez, M. le Président...

M. BURNS: Ne vous inquiétez pas, on va rester aussi longtemps qu'il le faudra.

M. LESSARD: ... qu'est-ce qu'on fait ici?

M. BEDARD (Chicoutimi): C'est vous autres qui avez peur qu'on suive l'esprit...

M. HARDY: Vous êtes en train de préparer un départ.

M. BEDARD (Chicoutimi): ... des principes que vous avez émis à l'article 1.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !

M. BEDARD (Chicoutimi): Vous avez peur qu'on les suive...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !

M. BEDARD (Chicoutimi): ... à l'étude de chacun des articles. C'est ça.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Article 2, adopté?

M. MORIN: M. le Président...

M. BURNS: Simplement, avec la permission du chef de l'Opposition, sur ce dernier point, je vous signale que votre décision a énormément de conséquences, M. le Président, énormément de conséquences sur des amendements à venir, non pas venant de l'Opposition. Je vous signale...

LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est une question hypothétique.

M. BURNS: Je vous signale... ce n'est pas hypothétique, M. le Président, vous avez actuellement des amendements déposés par le ministre de l'Education et ...

M. HARDY: Ils n'ont pas été déposés officiellement.

M. BURNS: ... en particulier, un amendement à l'article 48...

LE PRESIDENT (M. Gratton): On ne peut pas présumer...

M. BURNS: ... et j'aimerais voir à ce moment-là — j'aimerais vous voir, M. le Président — si on se rend là, parce qu'il semble qu'on ne veuille pas qu'on se rende là. Je vous dis, M. le Président, que vous aurez à vous prononcer de la même manière et on vous tiendra, M. le Président, à cette décision-là, on vous deman-

dera également d'être aussi libre de vous servir du vieux règlement et ce sera, je vous le dis, à mon grand regret, si vous rendez la même décision à l'article 48, quant à l'amendement...

M. CLOUTIER: On respectera le règlement.

M. BURNS: ... je ne pense pas, M. le Président, que ce soit dans l'esprit du règlement. Ce qu'on a essayé de faire en faisant ce qu'on appelle maintenant le code Lavoie, ça a été de simplifier les procédures. Ce qu'on a essayé de faire, ça a été de permettre à toutes les parties de s'exprimer, à toute partie qui a vraiment droit de parole à cette commission de s'exprimer et de dire exactement en quoi le projet de loi, d'une part, et les articles eux-mêmes, d'autre part, n'ont pas ou ne correspondent pas à l'unanimité.

M. BOSSE: Question de règlement, M. le Président.

M. BURNS: C'est ça, M. le Président, qu'on a tenté de vous soumettre.

M. BOSSE: M. le Président, ce n'est pas pertinent...

M. BURNS: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BURNS: ... j'entends une voix, j'espère que ce n'est pas la voix de ma mauvaise conscience qui m'interrompt actuellement mais je continue, M. le Président, à vous dire...

M. CLOUTIER: Oh! Elle parlerait plus fort que cela.

M. BURNS: ... avec tout le respect que j'ai pour vos décisions, même si je ne suis pas d'accord avec elles, que vous êtes en train de vous enterrer dans une façon d'interpréter un règlement qui, comme le disait le député de Saguenay, et j'insiste là-dessus, semble-t-il, lorsque ça fait votre affaire, vous mettez de côté les règles précises...

DES VOIX: A l'ordre!

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. BURNS: ... de l'article 70, entre autres... LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BURNS: ... qui, elles, sont claires pour vous servir du vieux règlement. C'est la raison pour laquelle je disais tout à l'heure que si vous voulez revenir à l'ancien règlement, allons-y, M. le Président, mais si on était encore à l'ancien règlement, je peux vous dire, et c'était le but des législateurs, si on peut les appeler ainsi, lorsqu'on a amendé le règlement, c'était le but...

M. BOSSE: Allons aux articles, c'est beaucoup plus pratique.

M. BURNS: Le but, c'était de diminuer la procédurite. Or, ce qu'on constate actuellement, c'est que cela l'augmente tout simplement parce que, maintenant, on n'a pas un seul règlement qui s'appelle le code Lavoie, on en a deux, M. le Président.

M. HARDY: ... le chef de l'Opposition...

M. BURNS: Quand ça fait notre affaire, on se sert du règlement actuel; quand ça ne fait pas notre affaire, on va à l'ancien règlement. Mais, M. le Président, si on avait utilisé l'ancien règlement pour examiner le projet de loi jusqu'à maintenant, je vous dis, M. le Président, qu'on serait en train d'examiner la deuxième lecture du projet de loi actuellement. C'était le but, c'était ça le but, M. le Président, quand on a écarté l'ancien règlement. Si vous voulez l'utiliser, je n'ai pas d'objection. Je vous le dis, je n'ai pas d'objection, mais jouez franc jeu, M. le Président, jouez tout le temps l'ancien règlement et dites au président de l'Assemblée nationale qui vous délègue ici, dites-lui, M. le Président — il nous entend peut-être par l'entremise du journal des Débats — mais dites-lui qu'il faudra revenir véritablement à l'ancien règlement. Personnellement, ce n'était pas dans cette intention que j'ai participé à l'amendement de l'ancien règlement. Quand on a dit, M. le Président, à l'article 4 que vous avez cité tout à l'heure, que lorsqu'il n'y avait aucune règle ou bien qu'encore les règles qui étaient spécifiées au règlement actuel étaient imprécises, on se référait aux usages, M. le Président, on l'a discuté longuement cet article, tellement longuement, M. le Président, que je craignais et que j'avais prédit à nos collègues qui faisaient partie de ce sous-comité de l'Assemblée nationale que le jour où ça ferait l'affaire de qui que ce soit...

LE PRESIDENT (M. Gratton) : Est-ce que je peux faire remarquer au député de Maisonneuve...

M. BURNS: ... on se servirait... on se servirait...

LE PRESIDENT (M. Gratton): ... qu'il viole le règlement, dans le moment.

M. BURNS: Laissez-moi dire, M. le Président, au moins de façon très calme...

M. HARDY: Vous violez le règlement. M. BURNS: On est très calme...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Ce n'est pas la place et le député de Maisonneuve le sait...

M. BURNS: M. le Président, il est temps de prendre des leçons.

M. HARDY: A l'ordre!

M. BURNS: C'est peut-être le moment de prendre des leçons.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BURNS: C'est peut-être le moment où il faut en prendre des leçons. J'ai dit à qui voulait l'entendre qui faisait partie de ce sous-comité ad hoc, M. le Président, que l'article 4 nous amènerait exactement...

M. BOSSE: M. le Président...

M. BURNS: ... à cet imbroglio que nous vivons actuellement.

M. BOSSE: M. le Président, je pense que le député de Maisonneuve...

M. BURNS: Cet imbroglio, M. le Président, que vous vivons...

M. BOSSE:... essaie tout simplement de vous enfermer dans...

M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. BOSSE: ... une nouvelle technique... M. BURNS: ... qu'un moment donné...

M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable ministre des Affaires culturelles...

M. BOSSE: ... où on voudrait commencer un nouveau "filibuster".

M. HARDY: Sur la question de règlement, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): ... invoque le règlement.

M. HARDY: M. le Président, le député de Maisonneuve...

M. BURNS: ... l'autre règlement. M. BOSSE: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! L'honorable ministre des Affaires culturelles...

M. CLOUTIER: Le "filibuster" continue. M. BOSSE: ... de faire en sorte que...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! J'ai nommé l'honorable ministre des Affaires culturelles sur une question de règlement.

M. LESSARD: M. le Président, je n'ai pas reçu de réponse à la directive que je vous ai demandée tout à l'heure.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! L'honorable ministre des Affaires culturelles, sur une question de règlement.

M. LESSARD : Je n'ai pas reçu de réponse à la directive que j'ai demandée tout à l'heure.

M. HARDY: M. le Président, en vertu... M. LEGER: L'ancien ou le nouveau?

M. HARDY: En vertu du règlement qui régit présentement nos travaux.

M. LEGER: Lequel, l'ancien ou le nouveau?

M. HARDY: Le règlement qui régit présentement nos travaux.

M. LEGER: On passe par l'ancien ou par le nouveau, lequel? Dites-le-nous pour qu'on sache quel livre choisir pour vous suivre.

M. HARDY: M. le Président, je voudrais tout simplement faire remarquer, comme vous l'avez sûrement remarqué vous-même, que, de nouveau, l'article 1 étant adopté, le député de Maisonneuve ne veut pas que l'on étudie le fond des articles suivants.

M. LESSARD: On veut éviter de...

M. HARDY: II veut absolument... le député de Maisonneuve veut absolument que...

M. BEDARD (Chicoutimi): ... au deuxième article, l'article 1.

M. HARDY: Le député de Maisonneuve veut un "filibuster". Il en est, M. le Président, à refaire l'historique du règlement. Ce qu'il y a de pertinent...

M. BEDARD (Chicoutimi): Vous avez peur qu'on vous prouve que vous trahissez dès le deuxième article.

M. HARDY: Si vous êtes capable de nous prouver qu'on trahit, discutez du fond des questions et cessez de faire de la procédure.

M. BEDARD (Chicoutimi): Vous ne le voulez pas.

M. HARDY: M. le Président, je...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. HARDY: ... quand quelqu'un est sûr de sa cause, vous le savez, quand un avocat est sûr de sa cause, il ne s'amuse pas à faire de la procédure, il discute du fond. C'est parce que vous n'êtes pas sûr du fond de ce que vous défendez.

M. BEDARD (Chicoutimi): Qui en fait de la procédure? Vous avez...

M. HARDY: Parce que vous avez peur.

M. BEDARD (Chicoutimi): ... peur de discuter.

M. HARDY: Parce que vous avez eu peur de discuter.

M. LEGER: Vous avez peur de discuter de nos amendements.

M. LESSARD: M. le Président, question de règlement.

M. HARDY: ... de l'article 1.

M. LESSARD: M. le Président, question de règlement.

M. HARDY: Vous avez eu peur de discuter de l'article 1.

M. LESSARD: M. le Président, question de règlement.

M. HARDY: Vous avez peur de discuter de l'article 2.

M. BEDARD (Chicoutimi): Laissez-nous discuter de l'article 2 dans le sens qu'on l'a demandé.

M. HARDY: ... historique.

M. LESSARD: M. le Président... donnez-lui donc une carte...

M. HARDY: C'est encore manifeste, c'est clair que les membres du Parti québécois ne veulent pas, c'est clair que les membres du Parti québécois ne veulent pas discuter de cette loi...

UNE VOIX: ... le député de Saint-Jacques.

M. BEDARD (Chicoutimi): C'est clair que vous ne voulez pas discuter...

M. HARDY: Les membres du Parti québécois veulent absolument une motion de clôture.

M. BEDARD (Chicoutimi): Préparez la clôture.

M. LESSARD: M. le Président, question de règlement.

M. BOSSE: ... le temps, tout simplement...

M. BEDARD (Chicoutimi): ... vos intentions dans les autres articles.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BOSSE: Le député de Saguenay, suivi du député de Maisonneuve, ne tentent que de vous enfermer dans une question de procédure. C'est évident. Remettre en question le nouveau code de procédure.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BURNS: ... le député de Dorion, sans ça je n'aurais pas compris avant ça.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Le chef de l'Opposition sur la motion du ministre de l'Education.

Nouvelle motion d'amendement

M. MORIN: M. le Président, me conformant à votre décision, qui ne me paraît pas conforme au nouveau règlement, mais m'y conformant tout de même, j'ai l'intention de présenter maintenant la proposition d'amendement suivante dont l'effet va être sans doute à peu près le même, mais qui va passer à travers le couloir très étroit que vous nous imposez en invoquant l'ancien règlement.

Je propose donc que l'article 2 soit modifié, 1) en remplaçant ce qui précède les mots "des lois du Québec" dans l'article 2, par les mots "seule la version française" et 2) en remplaçant ce qui suit les mots "des lois du Québec" par "a un statut officiel". En sorte que l'article 2 se lirait désormais: Seule la version française des lois du Québec a un statut officiel. Voici, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): La motion du chef de l'Opposition est irrégulière parce qu'on ne fait pas référence à la motion principale.

M. LEGER: L'ancien ou le nouveau règlement?

M. MORIN: Je tiens pour acquis qu'elle se réfère à la proposition principale.

LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est parce qu'on me demande d'être très exact, alors c'est ce que je tente de faire.

M. MORIN: Alors, que la proposition du ministre de l'Education, la proposition principale, soit modifiée, de façon que l'article 2 soit amendé 1)...

M. BURNS: M. le Président, il y a une espèce

de coutume qui a été établie par vous et par d'autres présidents de commission y compris le président de l'Assemblée nationale, que, s'il y a une question purement et simplement de forme, vous l'ajustez. Si vous devez rajuster la question de forme, veuillez faire signe au chef de l'Opposition. Je pense que le chef de l'Opposition va se plier de bonne grâce à votre indication.

LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est ce que je voulais faire d'une façon un peu cavalière, je m'en excuse.

M. DESJARDINS: M. le Président... M. HARDY: Normalement...

M. DESJARDINS: ...j'ai une directive à vous demander. Est-ce que l'Opposition pourrait l'imprimer et la distribuer demain? En attendant, le député de Saint-Jacques pourrait faire sa motion habituelle d'ajournement à l'heure qu'il est, il est moins vingt, ça lui donne juste le temps.

M. BURNS: Si le député de Louis-Hébert veut faire une motion d'ajournement.

M. DESJARDINS: Non, non, je ne veux pas priver le député de Saint-Jacques.

M. BURNS: Non, non.

M. HARDY: M. le Président, je tiens à dire que je suis totalement en désaccord sur ces propos.

M. BURNS: Non, il n'est pas question. M. DESJARDINS: Scission.

M. BURNS: II n'est pas question de faire ça. On va discuter de la motion tout simplement.

M. CLOUTIER: M. le Président, j'aimerais que vous relisiez le texte de la motion. Ce n'est pas très facile, étant donné que nous n'avons pas de texte sous les yeux, je voudrais lui donner toute l'attention qu'elle mérite. Toutes les motions méritent de l'attention, que nous soyons d'accord ou non, mais nous le déterminerons après avoir fait l'étude.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors la motion d'amendement du chef de l'Opposition.

M. CLOUTIER: C'est normal, c'est toujours comme ça que j'ai procédé.

LE PRESIDENT (M. Gratton): ...est à l'effet de modifier la motion du ministre de l'Education voulant que l'article 2 soit adopté, de façon que les mots, c'est-à-dire en rempla- çant ce qui précède les mots "des lois du Québec" par les mots "seule la version française" et en remplaçant ce qui suit les mots "des lois du Québec" par "a un statut ofriciel".

M. CLOUTIER: C'est ça, autrement dit, il ne conserve du texte de l'article que l'expression "des lois du Québec" et il met quelque chose en avant et quelque chose en arrière. Voulez-vous maintenant me lire le texte modifié?

M. MORIN: Exactement. Le texte modifié, voulez-vous que je le lise, M. le Président?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui.

M. MORIN: Seule la version française des lois du Québec a un statut officiel.

M. CLOUTIER: Parfait. Je crois que c'est clair maintenant.

M. CHARRON: M. le Président, sur l'amendement.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A ce moment-là, je dois vous avouer que j'ai les mêmes doutes que tantôt quant à la recevabilité de cette motion.

M. BEDARD (Chicoutimi): Interprétez-le en faveur de l'Opposition, M. le Président.

M. LESSARD: M. le Président, sur la question de recevabilité.

M. BURNS: Conformément aux décisions, qui ont été rendues par le député de Terrebonne, lorsque vous avez un doute, M. le Président, le doute doit être interprété de façon à permettre à l'Opposition de s'exprimer. Une des façons de permettre à l'Opposition de s'exprimer est de lui permettre de faire des amendements et là-dessus, je pense qu'à deux ou trois reprises, on a cité cette décision que peut-être le député de Terrebonne regrette, malgré qu'il nous ait dit qu'il était entièrement d'accord, même aujourd'hui.

M. HARDY: M. le Président, sur une question de privilège, je ne regrette pas les bonnes décisions que j'ai rendues.

M. LESSARD: M. le Président, sur la question de recevabilité.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saguenay sur la question de recevabilité.

M. LESSARD: Vous me permettrez d'utiliser les articles que vous avez signalés tout à l'heure parce que j'estime encore, ce soir pour le moins, que nous agissons à partir du code Lavoie et non pas à partir de l'ancien règlement.

Je voudrais vous signaler à la fois l'article 4 et à la fois l'article 70, pour tenter d'expliquer d'abord ce qu'on veut dire par l'article 4 de ce code Lavoie et, à mon sens, lorsque nous avons commencé l'étude en commission parlementaire de ce projet de loi, le président, ou l'Assemblée nationale plus particulièrement, en vertu du vote unanime qu'il y a eu pour accepter le code Lavoie, nous a en même temps indiqué qu'il fallait agir à partir du code Lavoie et non pas selon l'ancien règlement.

A l'article 4, on dit: "Dans un cas non prévu..." — je dis bien: "... dans un cas non prévu..."— "... par les règles de procédure ou dans un cas de divergence d'opinion sur l'interprétation d'une règle de procédure, le président décide en tenant compte des usages de l'Assemblée depuis son origine."

Nous allons d'abord essayer de savoir s'il s'agit d'un cas non prévu par les règles de procédure. En effet, s'il s'agit d'un cas qui est non prévu par les règles de procédure, nous devrons alors aller à l'ancien règlement et j'estime pour le moment que je n'ai pas d'opinion précise à ce sujet.

Peut-être s'agit-il d'un cas non prévu? Peut-être s'agit-il aussi d'un cas de divergence d'opinion? Maintenant, je vous réfère à l'article 70 des règlements et nous allons voir si l'article 70 des règlements prévoit explicitement la façon dont le chef de l'Opposition a fait sa motion et je ne veux pas discuter de la décision que vous avez rendue tout à l'heure en vertu de l'ancien règlement.

Mais nous allons discuter de la motion telle que présentée actuellement par le chef de l'Opposition. Est-ce que je pourrais avoir cette motion? Nous allons d'abord essayer de lire ensemble l'article 70. Oui, je parle toujours de la recevabilité et d'ailleurs, j'ai 20 minutes pour parler de la recevabilité.

Il y a une chose qu'il faut établir dès le départ. Ou bien on joue le jeu parlementaire et on le joue jusqu'au bout ou bien il est impossible de jouer ce jeu parlementaire parce qu'on utilise justement le président aux fins du parti ministériel.

M. le Président, on nous a dit, ici, en commission parlementaire — je pense que c'est bien important — que nous pouvions entamer l'étude de l'article 1, en nous disant: Si l'article 1 vous semble plus ou moins satisfaisant, présentez donc des amendements aux autres articles afin de faire en sorte que l'article 1 soit concordant avec les autres articles.

M. le Président, ce que nous tentons de faire actuellement, par le système parlementaire qui est prévu en vertu des règlements, est de jouer notre rôle d'Opposition, pas d'Opposition officielle, mais la seule Opposition à ce gouvernement. Mais il faut, comme lorsqu'on joue au hockey, que les règles soient précises avant de commencer. Si on change les règles en plein milieu du jeu, il n'y a plus rien à faire à cette commission parlementaire. Et je reviens, M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton) : Je serais prêt à la considérer recevable. J'ai peur que vous me convainquiez du contraire.

M. LESSARD: Prêt ou pas prêt, M. le Président, je vous ai dit... Non, on s'est fait fourrer tantôt, on ne se fera pas fourrer encore.

DES VOIX: Ah! Ah!

M. LESSARD: Je vais continuer.

M, le Président, il est dit: "Un amendement doit se rapporter directement au sujet de la motion proposée." Pour vous montrer que l'amendement se rapporte directement, comme l'a indiqué le ministre de l'Education, nous conservons des mots qui sont prévus à l'intérieur de l'article actuel du projet de loi, soit les lois du Québec.

M. BOURASSA: Ce n'est pas possible.

M. LESSARD: "et ne peut avoir que les objets suivants." Quels sont les objets prévus à l'article 70? Retrancher des mots, ajouter des mots ou les remplacer par d'autres. M. le Président, je pense que nous satisfaisons exactement deux objets par la motion du chef parlementaire de l'Opposition, En effet, M. le Président, il est vrai que nous retranchons des mots et que nous ajoutons, par la suite, d'autres mots. Je pense que c'est vous dire que le code Lavoie actuel, le règlement actuel prévoit exactement ce que le chef parlementaire de l'Opposition présente actuellement. En conséquence, l'article 4 des règlements ne peut pas prévaloir actuellement, l'article 4 qui dit: "Dans un cas non prévu par les règles de procédure ou dans un cas de divergence d'opinions," mais j'indique qu'il s'agit d'un cas non prévu par les règles de procédure, il est possible d'aller à l'ancien règlement. Je vous fais remarquer, M. le Président, que l'article 70 est clair, que le chef parlementaire de l'Opposition retranche des mots, ajoute des mots, tel que prévu par l'article 70. Si, comme tout à l'heure, vous utilisez l'ancien règlement pour tenter de nous convaincre, encore une fois, que notre motion est irrecevable, vous changez actuellement les règles du jeu et je vous indique de demander au président actuel de l'Assemblée nationale de nous dire, dès demain matin, en vertu de quel règlement nous allons devoir fonctionner. Si c'est en vertu de l'ancien règlement, M. le Président, qu'on le dise immédiatement et, comme le disait le député de Maisonneuve, si au cours de la deuxième lecture on avait conservé les procédures de l'ancien règlement, nous ne serions pas encore en commission élue pour discuter du projet de loi 22.

M. le Président, ce n'est pas en vertu de l'ancien règlement que nous avons entamé cette discussion. Nous avons l'intention de la continuer, mais en espérant que nous allons continuer de fonctionner, lorsque c'est prévu, en vertu du code Lavoie, de fonctionner en vertu

de ce code Lavoie et non pas de tenter d'utiliser l'ancien règlement pour essayer de bloquer l'Opposition parlementaire.

M. LEGER: M. le Président, sur la question de règlement. Il y a un point supplémentaire qui n'a pas été soulevé par mon confrère. Je pense qu'il vous a pratiquement convaincu, mais au cas... Parce qu'on ne peut jamais revenir une fois que vous avez utilisé votre article 43. Je veux simplement vous dire que la motion présentée par le chef de l'Opposition officielle est exactement selon l'argumentation présentée par le ministre des Affaires culturelles tantôt.

Il disait que l'objectif ou l'objet principal de l'article 2 était une question d'interprétation. Nous avons changé notre motion de façon qu'elle touche justement l'interprétation. Actuellement, elle est recevable parce qu'on dit, à l'intérieur de notre motion, que seule la version française des lois du Québec a un statut officiel. C'est donc dire que la version signifie déjà une interprétation entre les deux puis, en plus, on lui donne la qualité d'être un statut officiel.

M. le Président, je pense qu'en plus d'avoir utilisé, selon l'article 70, les moyens de la formuler, c'est-à-dire de remplacer des mots et de rajouter des mots, on a aussi respecté l'objectif bien précis de l'article 2 qui était l'interprétation des lois.

Nous disons que c'est la version française qui va servir non seulement pour l'interprétation des lois, mais elle va être la seule officielle, en plus de cela.

Je pense, M. le Président, que vous ne pouvez faire autrement que d'accepter ce que nous disons par l'article 70. Nous avons absolument respecté le rèblement et ce qui a été présenté tantôt, si les arguments pour la défaire étaient qu'on ne respectait pas l'objectif de l'article 2, cette fois-ci, elle respecte cette règle d'interprétation et, deuxièmement, elle est formulée selon l'article 70.

Donc, M. le Président, selon notre point de vue, elle est absolument recevable et je ne pense pas que vous puissiez... Je pense même que vous êtes déjà convaincu de nous donner la recevabilité de cette motion.

M. LESSARD: ... de permettre au président d'étudier la motion.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que d'autres députés voudraient intervenir sur la recevabilité de la motion?

Sinon, j'ajourne les travaux de la commission jusqu'à nouvel ordre de l'Assemblée et je rendrai la décision...

La commission ajourne ses travaux jusqu'à nouvel ordre de l'Assemblée.

(Fin de la séance à 23 h 51)

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