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Version finale

30th Legislature, 2nd Session
(March 14, 1974 au December 28, 1974)

Saturday, July 20, 1974 - Vol. 15 N° 141

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 22 — Loi sur la langue officielle


Journal des débats

 

Commission permanente de l'éducation,

des affaires culturelles et des communications

Etude du projet de loi no 22

Loi sur la langue officielle

Séance du samedi, 20 juillet 1974

(Dix heures quatorze minutes)

M. LAMONTAGNE (président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre, messieurs!

Je voudrais d'abord informer les membres de la commission des changements dont on m'a avisé pour ce matin. Pour ce faire, je vais nommer tous les membres de la commission. MM. Massicotte (Lotbinière); Charron (Saint-Jacques); Déom (Laporte); Cloutier (L'Acadie); Hardy (Terrebonne); Lapointe (Laurentides-Labelle); Desjardins (Louis-Hébert); Léger (Lafontaine); Parent (Prévost); Beauregard (Gouin); Lachance (Mille-Iles); Samson (Rouyn-Noranda); Veilleux (Saint-Jean).

M. CLOUTIER: M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre de l'Education.

Motion d'ajournement

M. CLOUTIER: M. le Président, je propose que, lorsque la commission suspendra ses travaux à une heure, elle ajourne ses travaux à lundi après-midi, à trois heures.

M. LEGER: M. le Président, nous ne nous servirons d'aucun argument...

M. CLOUTIER: Je m'attendais à un long débat.

M. CHARRON: C'est une motion débatta-ble, M. le Président?

M. BURNS: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): II n'y a pas d'autre changement à l'avis, parce que nous sommes déjà avisés que nous siégeons lundi après-midi, quinze heures, c'est seulement pour la...

M. BURNS: Je peux dire au ministre, au nom de l'Opposition, que nous sommes entièrement d'accord avec cette proposition et je n'utiliserai pas mes dix minutes pour vous dire pourquoi je suis d'accord.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Cette motion est adoptée.

M. LEGER: M. le Président, dans un esprit de collaboration, nous allons l'adopter.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Adopté. M. LEGER: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Lafontaine.

Motion d'amendement à l'article 133 de l'AANB

M. LEGER: M. le Président, nous avons disposé hier d'un amendement très important en ce qui concerne l'Opposition, dans son intention de bonifier ce projet de loi pour le rendre réellement une loi acceptable par les Québécois; devant le refus du gouvernement, nous sommes obligés, ce matin, de proposer un autre amendement.

L'article 1, en ce qui nous concerne, c'est la fenêtre à travers laquelle on peut examiner tout ce paradis ou tout cet enfer que nous démontrent, à l'ouverture des fenêtres, les intentions du gouvernement, les possibilités des Québécois à travers cette législation.

M. le Président, nous avons décidé de vous présenter l'amendement suivant. Cet amendement, avant de le citer, aurait pour effet de rendre possible au gouvernement une clarification de son projet de loi, nous permettant de connaître exactement jusqu'où peuvent aller les possibilités de redressement de la situation linguistique dans le domaine scolaire, dans le domaine des affaires, dans le domaine du travail, dans le domaine de l'affichage, dans le domaine de l'étiquetage, dans le domaine des sociétés gouvernementales; en général, dans le domaine total de la vie des Québécois.

Ce sont les raisons pour lesquelles, M. le Président, nous croyons que l'article 1 devrait se lire comme suit: Que, l'article 1 soit amendé en ajoutant, à la fin, l'alinéa suivant: L'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867, cesse d'avoir effet en ce qui concerne les matières relevant de la Législature du Québec".

M. le Président, je veux qu'on comprenne bien ce que je fais. Ce n'est pas l'abrogation de l'article 133. Je répète: "Que l'article 1 soit amendé — je présume que vous êtes en train de l'écrire— en ajoutant, à la fin, l'alinéa suivant: L'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867, cesse d'avoir effet en ce qui concerne les matières relevant de la Législature du Québec".

Est-ce que je peux maintenant parler sur la motion?

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je voudrais dire dès à présent que, compte tenu de la diversité des opinions des éminents juristes sur cette question, je déclare cette motion recevable.

M. LEGER: Merci, M. le Président. M. MORIN: Merci, M. le Président.

M. LEGER: Justement, M. le Président, vous me soulevez, avant même que je le présente, l'argument fondamental qui nous a permis de présenter cet amendement et c'est dans le rapport Gendron où, justement, dans une des conclusions, au début du livre sur les droits linguistiques, il est dit que la majorité des juristes, MM. Bloomfield, Bonenfant, Patenaude et probablement Beaudoin, tout en reconnaissant une certaine divergence des opinions en la matière, semblent estimer que le Québec pourrait, en vertu de l'article 92, paragraphe 1, de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, modifier l'article 133 de cette loi pour abolir les restrictions relatives au champ d'application qu'il attribue au français et à l'anglais, et faire de l'un ou l'autre la langue officielle du Québec sans restriction quant à sa sphère d'emploi.

Je continue de citer: "M. Chevrette ne s'est pas prononcé sur ce point. L'argument selon lequel la province a constitutionnellement le pouvoir de modifier ou d'abolir l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique se fonde sur l'article 92, paragraphe 1 de cette loi, accordant aux provinces le pouvoir exclusif de légiférer sur ce qui suit". Je cite encore: "La modification (chaque fois qu'il y aura lieu et nonobstant toute disposition du présent acte de la constitution de la province) sauf en ce qui concerne la fonction du lieutenant-gouverneur".

M. le Président, je voudrais revenir un peu plus loin et vous faire remarquer que la province du Manitoba, comme l'a dit d'une façon si éloquente le député de Saguenay hier... Il n'a même pas osé, pour ne pas tromper cette Chambre, lire le texte en anglais, parce qu'il aurait pu être mal interprété. Il a laissé le soin à chacun des membres de cette commission d'avoir une copie intégrale — voilà le souci d'objectivité du député de Saguenay — de cet amendement présenté par la province du Manitoba. La province du Manitoba était soumise, à l'intérieur de sa juridiction provinciale, à l'intérieur de sa loi provinciale, au même article 133; c'est-à-dire que c'était différent du Québec, mais elle était quand même soumise à l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Contrairement à ce qu'on disait hier, c'est l'article 23 et non pas 22. C'est l'article 23 de la Loi du Manitoba qui l'obligeait à accepter l'article 133 de la constitution canadienne, puisqu'on sait que la province du Manitoba est entrée dans la Confédération après les quatre premières provinces, comme on sait, au départ, que les Pères de la confédération avaient déterminé un nouveau Canada avec quatre provinces. Si je ne m'abuse, c'étaient le Québec, l'Ontario, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Ecosse. A ce moment, nous étions, au point de vue numérique — c'est important de le noter — à peu près d'égale force.

Il y avait à peu près autant de francophones que d'anglophones, et on trouvait surtout des francophones au Nouveau-Brunswick et au Québec, et surtout des anglophones en Ontario — ce qu'on appelait à ce moment le Haut-Canada — et en Nouvelle-Ecosse.

Nous étions deux provinces d'une mentalité et deux autres provinces d'une autre mentalité. Nous avions, à l'intérieur de ce fédéralisme, cette équité, cette égalité, autant dans le nombre des provinces que dans le nombre de la population francophone ou anglophone à ce moment.

Par la suite, dans un souci d'agrandir ce pays "ad mare usque ad mare", M. le Président, on a commencé à amener d'autres provinces pour d'autres motifs, mais malheureusement, chaque province était de plus en plus anglophone et on était en train de disproportionner les forces en présence à l'intérieur d'un fédéralisme basé sur la démocratie qui dit que la majorité a toujours le pouvoir et c'est elle qui l'emporte, M. le Président.

Sans s'en apercevoir, graduellement, on a ajouté des provinces de plus en plus anglaises, qui faisaient que le Canada est devenu maintenant un pays où les francophones, soit du Nouveau-Brunswick, soit du Québec, se sentent de plus en plus minoritaires et sentent de plus en plus que le pouvoir, à l'intérieur de cette fédération, leur échappe.

Malgré la très petite représentation francophone, à peine 20 p.c. à 25 p.c, au Manitoba, voici ce qu'on a fait. L'abolition du français au Manitoba s'est faite. Je cite le rapport Gendron: "II n'est pas inutile de dire quelques mots ici sur cet épisode. Aux termes de l'article 23 de la loi constitutive du Manitoba, l'usage de la langue française et de la langue anglaise était facultatif dans les débats" — comme c'est le cas ici — "obligatoire dans la rédaction des procès-verbaux à la Législature" — comme c'est le cas ici — "facultatif dans toute plaidoirie devant les tribunaux manitobains ou fédéraux. Enfin, les lois doivent être imprimées et publiées dans les deux langues".

En 1890, cela fait longtemps, cela fait 84 ans de cela. C'est exactement l'âge de mon père. Mon père, en passant, malgré son âge, est un ardent défenseur d'un pouvoir souverain au Québec, se disant que peut-être lui ne verrait pas cela, mais ses fils et ses petits-fils le verront.

M. HARDY: Vous avez même réussi à berner votre père.

M. LEGER: Mon père a été un ardent défenseur, en 1914, des forces armées canadiennes en Angleterre. A ce moment, nous n'avions pas tous l'éclairage que nous avons aujourd'hui. Nous allions défendre loin du Québec et du Canada la cause des autres. On s'est réveillé depuis ce temps et tout le monde a le droit de se rendre compte, même après plusieurs années, des conséquences des gestes que nous posions à ce moment.

Et je continue à citer: "En 1890, la Législature manitobaine édictait une mesure..." — elle n'abrogait pas l'article 133 — "... prévoyant que la langue anglaise serait la seule langue employée pour les registres et journaux de la Chambre, dans les plaidoiries, dans les cours manitobaines et enfin, qu'il n'y aurait plus obligation d'imprimer et de publier les lois manitobaines en français". Par un second article, le législateur avait ajouté toutefois: "This act shall only apply so far as this Legislature has jurisdiction so to enact and shall come into force on the day it is assented to".

Les tribunaux n'on jamais eu à se prononcer sur la validité de cette disposition législative. Il est curieux de constater... On continue: "... que sur le plan confessionnel, des arrêts célèbres furent rendus par le comité judiciaire du conseil privé au sujet de la législation manitobaine, mais aucun n'a été rendu sur le plan linguistique. Invitée, et je répète invitée, à désavouer la loi manitobaine de 1890, l'autorité centrale a refusé d'agir".

Le ministre de l'Education nous a dit, hier, que c'était un choix politique. Il savait qu'il pouvait, probablement, modifier l'article 133, inclure le mot "seule" dans le premier article, mais que c'était son choix politique. Je dois lui faire remarquer que c'est lui qui en portera la conséquence s'il n'accepte pas notre amendement. Parce que le Manitoba l'a fait. Il a abrogé l'article 23 de sa loi qui, tout en n'abrogeant pas l'article 133, continue à agir à sa façon en protégeant les intérêts de la majorité anglophone et, à ce moment, le gouvernement du Canada, le premier ministre de l'époque n'a jamais décidé d'utiliser la loi du désaveu et cela fait 74 ans.

On veut dire aujourd'hui que le gouvernement craindrait de poser un geste de l'avant se donnant les pouvoirs de faire du français, dans tout le Québec, la langue, non seulement officielle, mais la seule langue officielle, partout, s'il le désire. C'est un choix politique et il ne peut pas nous amener comme argument qu'il pourrait y avoir des problèmes de constitution-nalité, qu'il pourrait y avoir un problème du désaveu du fédéral, qu'il pourrait y avoir quelqu'un qui irait en cour Suprême. Non, il n'y a aucun de ces arguments. C'est un choix politique.

M. le Président, nous voulons permettre au gouvernement, parce que nous refusons cette thèse, de lui donner une chance de nous livrer ses véritables intentions.

M. le Président, comme le député de Saint-Jacques le disait hier, à l'article 1 nous sommes prêts à faire des amendements les plus conformes à la réalité québécoise, les plus sérieux avec des implications les plus logiques pour la thèse que nous préconisons, c'est-à-dire que le français devienne la seule langue officielle au Québec, par toutes sortes d'amendements acceptables, irréfutables, sur le plan de la logique et sur le plan parlementaire. Parce que nous croyons que c'est là et jusque-là que nous devons être sérieux, que nous devons présenter tous les arguments pour que la population soit à même de juger de la qualité des interventions des opposants à notre thèse, pour que la population sache que comme parti d'Opposition, nous avons fait, notre devoir jusqu'au bout. Nous devons essayer d'empêcher que ce gouvernement n'utilise pas tous les pouvoirs qu'il a pour protéger la majorité francophone du Québec et ses droits et faire du Québec la terre des francophones avec — et je dois l'admettre quand même — une certaine garantie importante, nécessaire. Comme tous les députés du Parti québécois l'ont fait, comme le projet de loi du Parti québécois l'a fait, une garantie des droits des anglophones, c'est-à-dire une situation de faits pour les anglophones. Il y a des écoles anglaises au Québec parce qu'il y a des anglophones et qu'ils sont en nombre suffisant pour qu'on leur laisse cette chose qu'il serait absolument impensable d'enlever.

Dans le reste de la vie québécoise, il ne faut pas s'empêtrer dans des amendements, des contorsions qu'on voudrait faire pour permettre de légiférer et de rendre légale la bilinguisation pour faire plaisir à la clientèle anglophone, à ce moment-là, faire fi des obligations que le gouvernement a envers la majorité francophone. Il faut faire, M. le Président — et tant qu'il est possible pour nous — du Québec, avec le projet de loi 22, un Etat français avec toutes les implications, dans tous les domaines de sa vie quotidienne, nous allons faire un travail sérieux.

Nous allons tenter honnêtement de convaincre ce gouvernement de faire les concessions que nous demandons, de façon que nous puissions, ensemble pour une fois, sur un projet où il ne devrait y avoir aucune partisanerie, ni libérale ni du Parti québécois: sur le français, seule langue officielle au Québec, nous devrions être d'accord.

Je sais que le Parti libéral a un boulet à son pied, le vote de 20 p.c. d'anglophones. Cela, on le sait. Mais il a tellement une surreprésentation qu'il ne devrait pas craindre, pour les intérêts électoraux, de faire réellement ce que plusieurs pensent tout bas, être le défenseur des francophones au Québec qui, eux, sont en minorité au point de vue de leur pouvoir et de leur force.

Et, je l'ai dit en quelques occasions, entre le fort et le faible, la loi libère et la liberté opprime. Mais la loi, il faut qu'elle ait des dents. Et, au Québec, le fort, vous le savez fort bien, c'est celui qui a le contrôle numérique non seulement au Canada mais en Amérique, c'est celui qui a le contrôle économique non seulement au Québec mais au Canada et en Amérique, c'est celui qui a le contrôle politique, c'est-à-dire non seulement au gouvernement fédéral mais même, par con contrôle financier, du gouvernement provincial.

La contrainte que nous vivons oblige à avoir une loi contraignante. C'est la raison pour laquelle, jusqu'à ce stade-ci, nous sommes d'ac-

cord pour travailler à aider le gouvernement, par nos amendements, à l'amener à faire une concession majeure, je l'admets, mais, avec l'article 1, qui est la couverture de tout ce projet de loi, c'est à ce moment que nous jugeons qu'il doit se faire des amendements solides, sérieux comme celui que je viens de présenter.

Mais, après l'article 1, et je mets en garde le gouvernement, si nous voyons que le principe, qui pourrait être modifié par l'article 1, n'est pas corrigé et que le gouvernement s'enlise davange dans son principe de la bilinguisation du Québec, qui amènera l'assimilation graduelle, rapide, et l'unilinguisation vers l'anglais des francophones, à ce moment, on ne marche plus. Ce qui veut dire que nous allons prendre tous les moyens, qu'ils soient sérieux, non sérieux, avec beaucoup d'humour, peu d'humour mais, nous allons bloquer ce projet de loi si nous ne changeons pas, à ce stade-ci, les principes de ce projet de loi.

Même si, à la deuxième lecture, nous avons discuté du principe, à ce stade-ci, il est encore possible pour le gouvernement, soit de reporter son projet à l'automne, soit d'amender l'article 1 pour faire du français la seule langue officielle, en inscrivant le mot "seule" — ce qu'il n'a pas voulu faire hier — soit en apportant d'autres amendements qui amèneraient la possibilité de faire, au Québec, du français la langue de travail, la langue de l'économie, la langue de l'enseignement, la langue gouvernementale, la langue des municipalités, M. le Président. Si c'est le cas, nous allons travailler rapidement avec le gouvernement. Chaque article, avec les amendements que nous apporterions — s'il accepte l'amendement à l'article 1 — va être adopté rapidement. On vous les présente, vous les adoptez, vous les corrigez et 130 articles vont s'adopter rapidement pourvu que le principe premier soit adopté, soit celui de faire réellement et non pas d'une façon camouflée. Ce qui est grave, ce n'est pas qu'on dise: C'est la même chose, c'est redondant, c'est de faire croire aux Québécois qu'on veut faire du français la seule langue officielle par des discours cachés du premier ministre qui affirme cette chose, alors qu'il n'a pas le courage de le mettre dans la loi parce qu'il sait l'implication que ça donne. Le gouvernement aime bien mieux avoir l'image de celui qui est sauveur, mais de ne pas le faire. Le vrai sauveur est celui qui est prêt à perdre quelques votes, mais fait quelque chose de bien pour les citoyens.

Un médecin qui soigne un enfant, c'est sûr que lorsqu'il va lui donner sa piqûre, ça fait mal et il n'est pas populaire auprès de l'enfant. Mais l'enfant, quand il a eu sa piqûre, il était en maudit après le médecin; mais après qu'il a eu la piqûre, qu'il a eu le bon sérum et qu'il est guéri, il reconnaît que le médecin avait raison et il aime le médecin. Ce n'est pas un concours de popularité; ce n'est peut-être pas populaire auprès de la population anglophone qui vote pour le Parti libéral, mais est-ce qu'il représente le gouvernement du Québec ou le gouvernement des anglophones, M. le Président? S'il représente le gouvernement du Québec, il doit adopter des législatures qui sont en faveur de la majorité...

M. DEOM: Législation.

M. LEGER: ... qui est actuellement une population qui est une minorité devant cet entourage de l'anglophonie.

M. DEOM: Législation.

M. LEGER: Pour prouver ce que je voulais dire, je voulais simplement vous présenter un argument de taille si je peux le retrouver dans mes papiers, vous savez...

M. MASSICOTTE: C'est un argument de taille, il n'est pas capable de le trouver.

M. LEGER: Les papiers sont mêlés, non pas celui qui parle.

M. DEOM: Pour votre information...

M. MASSICOTTE: Les arguments sont aussi mêlés que les papiers.

M. LEGER: M. le Président, j'arrive, c'était une chose que je voulais dire dans mon intervention d'hier, ah oui, voici! Je viens de dire qu'il est tellement important que la majorité soit protégée au Québec parce qu'actuellement elle se considère une minorité canadienne.

Il faut lui redonner sa fierté en lui disant: Non, tu es une majorité québécoise et tu as un pouvoir, un gouvernement québécois qui va faire de toi, s'il le veut bien, une majorité agissante. Et cette intolérance qu'on retrouve parfois malheureusement chez le peuple québécois provient de cette insécurité. Mais ce n'est pas quand ce sera une évidence pour tout le monde que le Québec est en train d'être assimilé à l'anglophonie que nous pourrons régler le problème. Il sera trop tard. C'est aux premiers indices d'une maladie, M. le Président. Le cancer, quand il apparaît, il apparaît d'une façon très imperceptible. Seuls les spécialistes, seules des visites à l'hôpital ou dans des cliniques permettent de déceler le début du cancer. Et quand le spécialiste dit : Vous avez un commencement de cancer, il est encore temps de le corriger. Mais quand c'est évident et que sur le corps du malade, il en est rendu au stade de non-retour, tout le monde s'en aperçoit et dit: Ah! pauvre vieux il a le cancer, il a maigri, etc. Mais à ce moment-là, il est trop tard pour le corriger.

Et nous, actuellement, au Québec, c'est pendant les premiers indices du cancer et même, nous sommes peut-être rendus au stade no 2 du cancer et il faut faire attention...

M. DEOM: Expliquez-nous cela.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je voudrais malheureusement vous informer que votre temps de parole est terminé.

M. LEGER: Si vous me permettez, deux minutes pour terminer,

M. DEOM: Non, non! Trente secondes. M. BERTHIAUME: Non!

M. CLOUTIER: Déjà terminé, cela a passé si vite.

M. LEGER: C'est cela, M. le Président. M. DEOM : La même injection de sérum.

M. LEGER: Ce que je veux prouver... Il m'a donné deux minutes. Mais il faut trente secondes pour vous demander deux minutes, M. le Président.

Actuellement, nous ne contrôlons pas notre immigration, puis, nous n'avons pas le taux de natalité qui corrgerait cela. Ne contrôlant pas notre immigration, parce qu'elle est entre les mains d'un autre gouvernement, c'est par l'immigration qu'on est en train de se faire assimiler, en plus de cela. Une des preuves, c'est le fait que les immigrants vont actuellement du côté anglophone. J'ai les chiffres du professeur Castonguay. Or, 74,600 vont du côté anglophone et 28,100 du côté francophone. C'est le transfert des immigrants vers les deux groupes linguistiques importants du Québec, 74,000 du côté anglophone et 28,000 du côté francophone.

M. BERTHIAUME : Est-ce que le député me permettrait une question?

M. LEGER: Laissez-moi terminer, il me reste une minute et demie.

Parmi les anglophones qui commencent à s'intéresser à la culture française ou qui se rendent compte que c'est peut-être important, soit pour le commerce ou autre chose, de savoir le français, on envoie les anglophones de l'école anglaise et il y a un transfert de 49,100 anglophones du côté francophones, mais il y a un transfert de francophones du côté anglophone de 73,500. Ce qui fait, M. le Président, que l'ensemble de tout cela constitue une augmentation de 99,000 du côté anglophone et une augmentation uniquement de 3,700 du côté francophone. L'ensemble de tout cela fait que le français accuse un déficit net de près de 25,000 effectifs dans ses échanges directs avec les minorités anglophones.

Je sais que le ministre va dire que 25,000, ce n'est pas grand-chose, mais, M. le Président, c'est le commencement. Le bill 22 va accélérer cela, parce qu'il va permettre la "bilinguisation" dans près de 310 municipalités du Québec où on dépasse de 10 p.c. d'anglophones qui permet la "bilinguisation" de 3 millions de Québécois.

M. BERTHIAUME : Est-ce que vous me permettez une question?

M. LEGER: Comme le ministre semble impatient, je...

M. CLOUTIER: Pas du tout, M. le Président.

M. LEGER: ... vais terminer ici, M. le Président, en répétant ma motion.

M. CLOUTIER: Pas du tout, M. le Président. On vous a donné deux minutes, vous en avez pris trois ou quatre, cela nous fait plaisir.

M. HARDY: On la connaît.

M. BERTHIAUME: M. le Président...

M. LEGER: M. le Président, tout le monde connaît ma motion...

M. BERTHIAUME: Je me demande...

M. LEGER: ... c'est exactement ce qu'a fait le Manitoba, que le gouvernement fédéral n'a jamais révoqué, n'a jamais désavoué...

M. DEOM: On a compris.

M. LEGER: ... et si jamais le gouvernement fédéral voulait désavouer un même geste du gouvernement québécois, il faudrait qu'il fasse, en même temps, au Manitoba, le désaveu du Manitoba, parce que ce serait la même chose. A ce moment, peut-être que nos francophones du Manitoba seraient heureux de voir un désaveu de cette loi.

J'espère que tous les députés du parti ministériel...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre! A l'ordre!

M. LEGER: ... vont voter avec nous s'ils veulent que nous continuions rapidement à étudier le bill 130, sinon, moi, je vous le dis, dans le bill 22, les 130 autres articles, vous n'êtes pas sortis avant Noël.

M. BERTHIAUME: M. le Président.

M. HARDY: C'est clair, c'est précis, c'est net.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le ministre d'Etat aux Transports.

M. BERTHIAUME: Je comprends mal, M. le Président, le discours du député de Lafontaine, parce qu'il nous a parlé, au début de son

intervention, de la motion et de l'abrogation de l'article 133. Par la suite, il nous a parlé de la politique d'immigration, soit du gouvernement fédéral ou du gouvernement provincial, mais je ne vois pas tellement comment l'abrogation de l'article 133 peut changer quoi que ce soit à la politique d'immigration, soit du gouvernement fédéral ou du gouvernement provincial.

J'irais même plus loin, parce que, lorsqu'on examine le projet ou le supposé projet de loi — comme les péquistes l'appellent eux-mêmes — qu'ils ont présenté il y a quelques semaines, lors d'une conférence de presse, ici, à l'Assemblée nationale, ils reconnaissent dans leur projet un certain nombre de droits aux anglophones, soit devant les tribunaux ou soit ici même à l'Assemblée nationale. Si on regarde les dispositions de l'article 133 on s'aperçoit qu'un grand nombre de choses, sinon toutes, prévues dans le projet du Parti québécois sont également prévues dans l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

Quand on regarde ce qui reste ou ce que le Parti québécois voudrait exclure, il s'agit soit de la publication de jugements dans les cours, soit de la publication du journal des Débats ou d'autres documents officiels émanant de l'Assemblée nationale.

UNE VOIX: Des lois.

M. BERTHIAUMB: C'est cela. Je pense que les lois sont des documents officiels de l'Assemblée nationale. Je ne suis pas avocat, mais, je me le demande, peut-être que quelques-uns des juristes qui sont ici présents pourraient m'indi-quer un pourcentage ou un nombre de jugements qui sont effectivement rendus en anglais dans les cours de la province de Québec, pour essayer de cerner la valeur pratique des amendements qui sont proposés par le Parti québécois.

D'autre part, lorsqu'on parle de la publication de lois ou autres documents officiels émanant de l'Assemblée nationale, qu'ils soient publiés en français seulement ou dans les deux langues, la différence est la suivante: C'est que, pour bien faciliter l'application des lois, et compte tenu des droits des individus, des droits individuels, je crois personnellement — et c'est un choix politique, je l'admets — que les individus, les Québécois et tous les Québécois, devraient pouvoir comprendre nos lois, devraient pouvoir les lire.

C'est pour en faciliter l'application que je crois que tous les individus au Québec devraient être capables de comprendre nos lois. Je ne veux pas m'allonger sur ce débat, mais je me demande quelle est la portée réelle de la proposition du Parti québécois, compte tenu de ce que je viens d'affirmer et compte tenu de leur propre proposition dans leur supposé projet de loi 22.

M. HARDY: Très bien.

M. CLOUTIER: Alors est-ce qu'on vote tout de suite ou s'il y a d'autres...

DES VOIX: Vote.

M. MORIN: Je désire parler, M. le Président.

M. CLOUTIER: Bon, très bien.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne) : Le chef de l'Opposition officielle.

M. MORIN : Hier, â la suite de l'un des débats les plus importants que nous ayons eus dans ce Parlement depuis que j'y suis entré, la majorité a écarté l'amendement présenté par l'Opposition officielle, par le Parti québécois, à l'effet de faire du français la seule langue officielle au Québec. A l'heure actuelle, l'article premier se lit toujours comme suit: "Le français est la langue officielle du Québec".

Mon premier point consistera à montrer que cet article, pris en lui-même, ne change rien à la situation existante. J'ai dit hier que c'était tout comme si le premier ministre faisait une grande proclamation disant: Le Québec est en Amérique du Nord. Tout le monde dirait: Oui, en effet, le Québec est en Amérique du Nord, mais après? Qu'est-ce que cela changerait aux faits? Le français est déjà la langue du Québec. Il l'est depuis trois siècles et demi. Ce n'est pas l'article premier qui peut modifier cela, ni aucun autre article d'ailleurs, puisque, comme l'ont dit les historiens et les juristes, c'est la langue en possession d'Etat. Même à l'époque où, à la suite de la révolte de 1837, le Parlement impérial avait cru bon de nous châtier en nous faisant passer sous le joug de la Législature des deux Canadas et en nous retirant l'usage du français dans les documents officiels de la Législature unique, même à cette époque, on n'a jamais empêché les lois d'être publiées en français et on n'a pas empêché les députés francophones de s'exprimer en français au Parlement de l'Union.

Jamais le français n'a cessé d'être langue officielle au Québec. Dans les pays où la langue nationale est vraiment la seule parlée, il n'est pas besoin de faire des lois déclarant que la langue officielle du pays, c'est telle langue. La constitution française ne contient aucun article à cet effet, pas plus que la constitution de la plupart des Etats. C'est donc parce qu'ici il y a problème. C'est donc parce qu'ici, depuis 1759, une autre langue s'est imposée dans les faits et a bientôt obtenu un caractère officiel.

M. BERTHIAUME: Est-ce que le chef de l'Opposition me permet une question?

M. MORIN: A condition que cela ne soit pas enlevé au temps dont il dispose, M. le Président, je le permettrais volontiers.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Cela me prend le consentement unanime.

UNE VOIX: Consentement unanime.

M. BERTHIAUME: Je me demande si le chef de l'Opposition se sent en mesure de répondre à mes préoccupations.

M. MORIN: Bien, dans la mesure où ce sont des préoccupations sérieuses, dans la mesure où vous ne cherchez pas à faire perdre le temps de la commission, je suis prêt à répondre à vos questions.

M. BERTHIAUME: Les préoccupations dont j'ai parlé dans ma brève intervention de tantôt...

M. MORIN: Oui.

M. BERTHIAUME: Quelle est la portée réelle de l'amendement que vous proposez?

M. MORIN: C'est ce sur quoi va porter l'ensemble de mon exposé.

M. BERTHIAUME: Mais il ne me semble pas, jusqu'à maintenant...

M. MORIN: Je vais tout à l'heure, répondre à votre exposé. J'ai pris quelques notes...

M. BERTHIAUME: Ah bon! D'accord! Merci!

M. MORIN: ... et notamment sur ce que vous avez dit au sujet des anglophones qui auront à lire les lois du Québec en français, si vous adoptez notre amendement de ce matin, ou si vous aviez adopté notre amendement d'hier,

Je songeais en vous écoutant, aux 600,000 francophones de l'Ontario qui, eux, lisent les lois de l'Ontario en anglais uniquement, sans même qu'il y ait de traduction, alors que nous, nous sommes prêts à leur accorder une traduction qui ne serait pas officielle, mais une traduction qui leur permettrait...

M. HARDY: Ah bon!

M. BERTHIAUME: Ce serait intéressant.

M. MORIN: ... de se mettre au courant de ce que sont les lois du Québec.

M. HARDY: Une autre dilution...

M. BERTHIAUME: Une autre dilution de votre principe.

M. MORIN: Connaissez-vous notre programme? L'avez-vous lu?

M. CLOUTIER: L'article 2.

M. MORIN: Bon! Il y a toute la différence entre une traduction destinée à respecter les droits individuels, afin que les gens ne soient pas pris au dépourvu, et la langue officielle. Ce n'est pas la même chose.

M. BERTHIAUME: C'est un symbole politique.

M. MORIN: Non! Pas du tout!

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! Laissez...

M. MORIN: Vous verrez que j'aurai l'occasion de m'étendre là-dessus tout à l'heure.

C'est donc dans les pays où il y a problèmes que l'on doit légiférer sur la langue officielle pour s'assurer que la langue du pays s'impose à tous sur le plan officiel, tout en respectant, dans la plupart des pays où l'on déclare qu'une langue est officielle, les droits minoritaires sur le plan des droits individuels, comme nous entendons le faire en vertu du programme du Parti québécois.

Le problème au Québec, comme je commençais à le dire au moment où j'ai été interrompu, est le suivant. Depuis 1759, une autre langue s'est immiscée dans la vie du Québec et bientôt, a été consacrée par la législation. Elle a été consacrée dès le Parlement des deux Canadas en 1840, à la suite de la révolte de 1837, et elle a été confirmée de nouveau, dans des dispositions qui ne sont pas sans rappeler celles de l'Acte d'union, dans le British North America Act de 1867, dans la loi impériale qui crée le Canada fédéral et inclut le Québec dans cette nouvelle métropole coloniale.

L'article 133 consacre donc une situation de fait qui existait depuis une centaine d'années au moment où la loi a été adoptée par le parlement impérial, et qui existe maintenant depuis environ deux siècles. L'article 133 prévoit notamment, outre les droits individuels sur lesquels je ne m'étendrai pas, que les lois doivent être publiées et imprimées dans les deux langues, c'est-à-dire qu'il confère un statut officiel à l'anglais pour ce qui est des lois au Québec.

M. le Président, cette situation appelait une clarification à la lumière des nouvelles aspirations des Québécois depuis une centaine d'années. Les Québécois se sont vu imposer, notamment par l'Acte d'union, la langue anglaise, et se sont vu imposer la même chose, par le British North America Act, la langue anglaise. Il convenait donc, qu'après une centaine d'années de ce régime, nous clarifiions la situation et que nous revenions à la situation antérieure, alors que le français était langue en possession d'Etat, donc dans les faits, la langue officielle du Québec. Et pour ce faire, étant donné l'ambi-guité qui règne au Québec, étant donné la situation sociale, économique, politique ambiguë dans laquelle nous vivons et qu'on pourrait recouvrir du mot "fédéralisme", il faut que

l'article, qui rend à la langue française son statut officiel, soit clair, et que nous ne soyons plus aux prises avec l'article 133.

Hier, on nous a refusé la déclaration selon laquelle le français est la seule langue officielle. On a dit: Ah, c'est redondant! Mais non, ce n'est pas redondant du tout sur le plan constitutionnel, et nous savons fort bien pourquoi les ministériels ont voté à rencontre de notre amendement. Ils nous l'ont dit, d'ailleurs; les deux ministres membres de cette commission, nous ont dit qu'ajouter le mot "seule" n'avait aucune signification; deux autres, également du parti ministériel, et qui font preuve d'une science constitutionnelle plus approfondie, ont dit le contraire.

Je souligne, au passage, que la compétence du député de Saint-Jean en la matière m'a paru autrement plus solide que celle du ministre des Affaires culturelles, qui nous a livré un numéro de haute voltige constitutionnelle comme s'il n'avait pas fait des études de droit. Le député de Saint-Jean a vu très bien...

M. HARDY: Pourtant, je ne vous ai pas eu comme professeur.

M. MORIN: Je pense que vous n'auriez pas passé l'examen. Le député de Saint-Jean a fait valoir ses idées avec beaucoup de sens, je dois le dire, malgré les petits accrochages, les petits crocs-en-jambe qu'il a voulu nous faire en citant le programme; c'était très habile de sa part. Lorsqu'on regarde les choses de près, on se rend compte que cela n'était guère que des crocs-en-jambe...

Mais cela n'a pas d'importance sur le fond, il avait raison. Ajouter "seule" dans l'article 1, cela eût eu des conséquences considérables pour la suite. Il aurait fallu modifier, évidemment, comme nous allons le proposer d'ailleurs, plusieurs autres articles du bill 22.

Puisque vous avez refusé d'amender l'article 1 du bill 22 en y ajoutant le mot "seule", nous vous proposons une autre façon de procéder. L'une des raisons que vous avez invoquées est la suivante: L'article 133 est en vigueur et nous entendons le respecter; nous sommes liés par cet article. En tout cas, le premier ministre nous a dit à plusieurs reprises qu'il estimait que le Québec ne pouvait pas aller à l'encontre de cet article et qu'on verrait à le modifier dans une conférence constitutionnelle éventuelle. Quand on songe au succès fulgurant de la dernière conférence constitutionnelle et au destin tragi-comique de la "charte de Victoria" ou de la soi-disant charte de Victoria, cela pourrait être dans la semaine des trois jeudis. C'est pourquoi nous aimerions que la situation soit clarifiée dès maintenant et c'est pourquoi le député de Lafontaine a proposé qu'on ajoute un nouvel alinéa qui clarifierait, une fois pour toutes, la situation, en disant: "L'article 133 du British North America Act..." Je vois que le député de Lafontaine a écrit "Acte de l'Amérique du

Nord britannique", mais en réalité, ce titre, devrais-je le lui souligner au passage, n'existe pas; la constitution de ce pays n'existe pas en langue française. Mais peu importe. Je pense que les ministériels accepteront tout de même le texte de la motion à moins qu'ils ne veuillent proposer un amendement... Je vois le député de Gouin qui, fin constitutionnaliste, voudrait utiliser la langue officielle et nous dire que nous devrions dire: "L'article 133 du British North America Act, 1867, cesse d'avoir effet en ce qui concerne les matières relevant de la Législature du Québec".

M. HARDY: Petit pédant!

M. MORIN: II ne s'agit pas d'abroger l'article 133, mais...

M. BURNS: Oela va bien ce matin. Je demande au ministre des Affaires culturelles de garder son calme. Il ne sera pas fatigué mort quand il va sortir aujourd'hui comme il l'était hier soir. On va sortir à une heure aujourd'hui. Alors, il pourra aller se reposer toute la fin de semaine pour être frais et dispos lundi. Alors, qu'il garde son calme comme d'ailleurs le ministre de l'Education qui fait preuve d'un calme extraordinaire, comme les autres...

M. HARDY: Très brièvement sur la question de règlement. Je suis bien calme, mais je ferai remarquer au député de Maisonneuve qu'il faudrait quand même qu'il essaie de faire un effort d'objectivité. Actuellement, c'est le député de Sauvé qui a l'occasion — bien sûr, cela n'a pas une valeur extraordinaire — de lancer des pointes de temps en temps et, sur ce que vous venez de dire, je répondrais: Non, je ne pourrai pas me reposer en fin de semaine. Je n'aurai pas trop de mon après-midi et de la journée de dimanche pour dire à mes électeurs les farces et les mensonges que le Parti québécois a proclamés à cette commission depuis une semaine.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le chef de l'Opposition officielle.

M. MORIN: Je vois d'ici le ministre des Affaires culturelles, les orteils en éventail, sur sa véranda, en train de communiquer avec ses électeurs.

M. LEGER: Vous devez avoir une foule au bureau qui vous attend.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!

M. MORIN: Nous ne proposons pas, par cet amendement, d'abroger l'article 133. Il n'est pas de la compétence du Parlement québécois d'abroger l'article 133. A vrai dire, seul le Parlement imperial peut le faire. Je vous souligne, en passant, un petit détail.

On dit quelquefois que le Canada est un pays souverain, mais c'est inexact, puisque pour modifier certaines parties importantes de sa constitution comme, par exemple, le partage des pouvoirs entre Ottawa et Québec, pour modifier également le statut des langues, l'article 133, il faut encore recourir au Parlement impérial. Le Canada ne possède donc pas ce qu'on appelle la compétence de la compétence, la faculté de modifier lui-même l'étendue de ses compétences; le Canada n'est guère qu'un Etat autonome sur le plan strictement juridique. Le Québec, lui aussi, est un Etat autonome et il s'agit de savoir s'il peut, pour ce qui le concerne, rendre l'article 133 inapplicable à son territoire.

C'est ce que fait l'amendement du député de Lafontaine. Nous voulons, non pas que l'article 133 soit abrogé, afin qu'il ne s'applique plus qu'au Québec — il s'applique au parlement fédéral et pour ce qui concerne ce Parlement fédéral, nous n'aurions pas la prétention de l'abroger — mais qu'il cesse d'avoir effet pour ce qui concerne les matières relevant de la Législature du Québec. Il cesse donc de sortir ses effets sur le territoire québécois. C'est donc un langage très nuancé que nous avons utilisé dans notre proposition d'amendement. D'ailleurs, la formule que nous avons adoptée rejoint l'avis des experts sur le plan constitutionnel, je veux dire ceux qui ont été consultés par la commission Gendron.

Pourquoi faut-il rendre l'article 133 inapplicable au Québec? Il y aurait plusieurs raisons, mais l'une de celles qui me paraît les plus intéressantes peut être tirée du témoignage que mon collègue, le professeur Chevrette, de l'Université de Montréal, nous a donné ces jours-ci, à la radio. Non pas que je sois d'accord sur tout ce qu'il a dit et non pas qu'il soit d'accord lui-même avec la plupart des "constitutionnalis-tes", mais il a développé un ou deux points qu'il est fort intéressant de faire ressortir. De toute façon, nous dit-on, l'article 2 du projet de loi va à l'encontre de l'article 133. L'article 2 qui établit deux langues officielles pour les lois et décide que l'on peut, en cas de divergences qui ne peuvent être réconciliées par les règles habituelles d'interprétation, avoir recours à la version française.

L'article 2, nous a dit le professeur Scott, est inconstitutionnel. Le ministre se souviendra que j'ai évoqué ce point durant mon discours de deuxième lecture. J'avais en effet quelque inquiétude que l'article 2 soit inconstitutionnel et que nous nous trouvions devant la cour Suprême du Canada, d'ici quelques mois, avec un arrêt de cette cour. Compte tenu de la façon dont elle est constituée, dont elle a été créée par le pouvoir fédéral, dont les juges sont nommés et payés par le pouvoir fédéral, je crains que cette législation n'aille échouer devant la cour Suprême, si nous ne prenons pas la précaution, pour clarifier la situation, de rendre l'article 133 inapplicable au territoire québécois.

M. CLOUTIER: Le député de Sauvé ne met-il pas en doute l'intégrité de la cour Suprême, en ce moment?

M. MORIN: J'ai écrit plusieurs articles sur la question, M. le Président, et je ne suis pas le seul à dire, avec le professeur Wheare, que si une cour suprême, arbitre constitutionnel, est nommée, payée et créée par le pouvoir fédéral, il y a de fortes chances qu'elle penche invariablement en faveur de ce pouvoir. Le professeur Wheare ajoute: Si une cour suprême est nommée, payée et créée par les provinces, il y a de fortes chances qu'elle penche systématiquement en faveur des provinces.

C'est cela exactement que je veux dire et pas plus que cela. Je ne mets certainement pas en doute l'intégrité personnelle de chaque juge. Il y a d'excellents juges à la cour Suprême et l'un de ceux en qui j'aurais la plus grande confiance d'ailleurs est mon collègue et ami le professeur Beetz qui vient justement d'accéder à la cour.

Ce n'est pas aux personnes qu'il faut en avoir, c'est à l'institution elle-même. D'ailleurs, si le tribunal venait à se prononcer sur cette question de l'article 2 du bill 22, sur sa constitutionnalité, il ne faut jamais perdre de vue que les juges québécois risqueraient d'être en minorité au sein du tribunal qui trancherait la question. C'est vous dire ce qui peut en résulter.

Le professeur Chevrette dit ceci, au sujet de l'article 2 du bill 22, à la page 3 de la transcription de son exposé radiophonique — ou peut-être était-ce à la télévision, je ne sais, je n'ai pas été témoin de cette émission — "A mon avis, vous touchez là le point qui est le plus délicat, celui de l'article 2 du projet de loi 22. C'est à mon sens l'article le plus douteux sur le plan constitutionnel". Et, plus loin: "Je conviens que ceci — il parle toujours de la même disposition — est douteux sur le plan constitutionnel en regard de l'article 133".

M. BERTHIAUME: Vous avez sauté une phrase.

M. MORIN: Oui, il s'étend longuement pour dire qu'à ses yeux cela n'a guère d'importance. Mais en fait, cela a beaucoup d'importance à nos yeux. Et M. Chevrette continue: "On pourrait en débattre plus longuement. Moi, je dis que c'est douteux, que c'est le point le plus douteux du projet de loi 22, à mon avis, et c'est peut-être le plus minable". Je m'interroge sur ce qu'il a voulu dire exactement mais, comme il avait seulement quelques minutes pour traiter d'un problème aussi complexe, je comprends que nous ne puissions attendre d'une courte émission comme celle-là toutes les lumières qu'un homme de la qualité du professeur Chevrette pourrait nous apporter.

C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles nous avons demandé qu'il soit convoqué devant cette commission. Comme c'eût été intéressant de voir comparaître un ou deux

juristes d'avis contraire devant cette commission pour nous faire une idée! Comme c'eût été éclairant pour cette commission de voir débattre ces questions entre, d'une part, le professeur Frank Scott et la commission et, d'autre part, entre le professeur Chevrette ou le professeur McWhinney et la commission ! Nous aurions pu, devant ces avis contradictoires, nous faire une idée plus précise.

Si tant est que l'article 2 du projet de loi soit inconstitutionnel ou à tout le moins douteux, nous pensons que c'est parce que l'article 133 constitue un obstacle pour le Parlement québécois. M. Chevrette nous dit que le bill 22 écarterait implicitement l'article 133 s'il était voté, si tant est, évidemment, que le Québec puisse abolir l'article 133. Mais je dois dire que, là-dessus, ce n'est guère l'avis de la très grande majorité des experts, ce n'est pas l'avis de ceux qui ont rédigé des études extrêmement sérieuses pour la commission Gendron; ce n'est pas l'avis, notamment, du professeur McWhinney qui a rédigé le livre II du rapport du professeur Patenaude, de Me Bloomfield, ce n'est pas l'avis, non plus, de M. Bonenfant ou du professeur Beaudoin, de l'Université d'Ottawa.

Nous avons donc toute une batterie d'experts qui nous disent que le Québec peut rendre inapplicable, sur son territoire, l'article 133; en tout cas, il nous parait qu'il est essentiel de clarifier la situation. Le professeur Chevrette nous dit que si le bill 22 est adopté, automatiquement et implicitement, l'article 133 est "aboli". Je ne crois pas que ce soit si clair que cela. Nous pourrions être entraînés dans des controverses à n'en plus finir devant les tribunaux et le Québec ne sortirait pas grandi de controverses comme celles-là. La volonté de son Parlement paraîtrait vacillante, peu assurée, tout comme le comportement du gouvernement depuis le début de ce débat d'ailleurs. Aussi, nous pensons, compte tenu des règles d'interprétation qui ont cours devant les tribunaux de ce pays, qui sont des règles d'interprétation d'inspiration britannique, qu'il convient d'être clair, d'être "cartésien" si l'on veut une situation nette.

Le premier ministre, à plusieurs reprises, nous a dit: La langue française sera la "seule" langue officielle du Québec. Entre parenthèses, cela contredit tout l'argument qu'on nous a livré hier.

Dois-je maintenant, M. le Président, en venir à mes conclusions? Bien. Je termine rapidement, j'aurai sans doute l'occasion d'y revenir par la suite.

Le premier ministre lui-même, à deux ou trois reprises, y compris à l'occasion de son discours de seconde lecture, nous a dit qu'il allait faire du français "la seule" langue officielle du Québec. Quand nous l'avons mis au défi de le faire, par notre amendement d'hier, le premier ministre a reculé avec toute son équipe et ils ont voté hier soir contre la proposition qui consistait à faire du français la seule langue officielle du Québec.

Nous leur donnons aujourd'hui l'occasion de supprimer l'obstacle principal qui se trouve sur leur chemin, si tant est qu'ils soient sincères, et de rendre inapplicable au Québec l'article 133. Si nous procédons de cette façon, il sera beaucoup plus facile, par la suite, de s'assurer que le français est effectivement la seule langue officielle du Québec. Merci, M. le Président.

M. CLOUTIER: Vote.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Saguenay.

M. CLOUTIER: Bon, on va aller téléphoner.

M. LESSARD: M. le Président, d'abord, je voudrais répondre à une question que posait tout à l'heure le ministre de l'Education au chef de l'Opposition concernant la cour Suprême et la possibilité pour cette cour Suprême d'interpréter favorablement au gouvernement fédéral certaines décisions qu'elle pourrait prendre concernant les intérêts du Québec. N'étant pas constitutionnaliste, M. le Président, vous me permettrez de citer tout simplement le rapport Gendron où, à la page 29, on parle quelque peu de la cour Suprême et où on dit: "La commission a décidé, répétons-le, d'examiner la question de la constitutionnalité de chacune de ces options, les options ont été énumérées précédemment. Elle comprenait que ces options débouchaient sur une politique constitutionnelle de toute première importance et de nature à soulever les passions. De plus, sensible aux enseignements des écoles modernes de sciences sociologiques du droit voulant — c'est là que je réponds au ministre de l'Education — que les réponses à ces questions de politique constitutionnelle, même de la part des juges de la cour Suprême appelés à se prononcer, puisse être influencées par les attitudes et le passé ethno-culturel de chacun, la commission a résolu de faire appel aux plus hautes autorités en droit constitutionnel au Québec, tout en veillant à ce qu'elles soient aussi représentatives que possible".

Même la commission Gendron, dans cette affirmation, doute de la possibilité que la cour Suprême soit complètement indépendante dans ses décisions. Deuxième chose, M. le Président. Ce n'est pas, je pense, le ministre de l'Education qui va nier le fait que, depuis fort longtemps, le gouvernement du Québec, par ses premiers ministres, a toujours déclaré qu'il ne voulait pas aller devant la cour Suprême justement parce qu'il mettait en doute la représentativité de la cour Suprême, à cause des raisons qu'a données le chef parlementaire de l'Opposition. J'espère que ce gouvernement ne voudrait pas revenir en arrière et céder justement ses droits ou laisser tout simplement interpréter les droits du Québec par une cour qui ne représente pas véritablement le fédéralisme et, d'ailleurs, c'est K.C. Wheare qui affirme que c'est un des accrocs du fédéralisme canadien.

M. le Président, le député de Lafontaine a présenté une motion afin de faire en sorte que l'article 133 cesse d'avoir effet en ce qui concerne les matières relevant de la Législature du Québec. On nous demande encore ce matin en quoi cette motion vient changer quelque chose, comme, hier, on nous a demandé en quoi le fait qu'on inscrive que la langue française soit la seule langue officielle, en quoi cette inscription changeait quelque chose nous demandait-on de l'autre côté.

M. le Président, il faut quand même savoir qu'est-ce qu'une langue officielle et c'est à partir de cela que nous allons être capables de savoir la différence entre le fait qu'on inscrive dans un projet de loi la seule langue officielle ou qu'on ne l'inscrive pas. Comme cette motion — et je reviendrai sur ce point tout à l'heure — a été refusée par le Parti libéral alors qu'à plusieurs reprises le premier ministre du Québec l'avait utilisée tant à l'extérieur de l'Assemblée nationale qu'à l'intérieur, lors de son discours en deuxième lecture sur le projet de loi, ce dernier aimait laisser entendre à la population du Québec qu'il était d'accord sur la seule langue officielle au Québec. Pourtant, quand cela a été le temps de prendre une décision, le premier ministre a reculé. Le premier ministre s'est démasqué. Le premier ministre a montré encore une fois son hypocrisie, qu'il ne voulait que jouer avec des formules et nous avons reçu hier, par le vote des députés libéraux, la réponse à cette mascarade que le premier ministre fait depuis les débuts de cette commission parlementaire.

Comme il nous est impossible de revenir avec une autre motion qui nous permettrait de faire de la langue française la seule langue officielle, si cela m'était permis, il m'aurait fait plaisir de répondre aux arguties du ministre des Affaires culturelles hier, lorsqu'il comparait notre motion ou le projet de loi 22 au projet de loi du Manitoba.

Mais l'une des questions que je lui ai posée, M. le Président, et à laquelle il n'a pu répondre, est-ce que le ministre des Affaires culturelles pourrait nous dire quelles sont les exceptions qui sont prévues dans la loi du Manitoba? Peu d'exceptions, M. le Président.

Comme je le disais, il nous est impossible maintenant de revenir sur une motion semblable, il nous faut revenir en proposant la motion présentée par le député de Lafontaine. En effet, qu'est-ce que l'article 133 fait exactement dans la constitution québécoise, puisque les juristes affirment qu'il fait partie de notre constitution québécoise?

L'article 133 — et je pense qu'en ce sens le député de Sainte-Anne a raison — vient consacrer deux langues officielles au niveau des tribunaux québécois. Comment voulez-vous qu'on affirme dans l'article 1 que le français soit la langue officielle du Québec, alors que l'article 133 reconnaît tout simplement le contraire à l'intérieur des pouvoirs de la Législature du Québec et à l'intérieur des tribunaux.

Merci, cher collègue... M. le Président, qu'est-ce qu'une langue officielle? C'est une langue qui est reconnue par l'Etat. C'est une langue qui est reconnue en vertu d'une loi, soit constitutionnelle, soit ordinaire. C'est une langue qui va être uniquement utilisée au niveau de la Législature, des tribunaux et je pense que la définition de la langue officielle que nous a donnée la commission Gendron est très claire à ce sujet.

Je voudrais, puisque quantité de membres du gouvernement, du Parti ministériel, nous ont posé des questions à ce sujet, hier et demandé en quoi le fait qu'on déclare que le français soit la seule langue officielle change quelque chose par rapport à l'article 1 qui déclare que le français est la langue officielle?

M. le Président, selon la commission Gendron, le terme "langue officielle" désigne tout simplement la langue que l'Etat a estimée à propos d'appuyer de sa puissance, pour l'usage public, soit par une loi constitutionnelle, soit le plus souvent par une loi ordinaire. Il peut y avoir plus d'une langue officielle. D'ailleurs, le député de Laporte, hier, l'a confirmé en ce qui concerne la Belgique et en ce qui concerne la Suisse.

M. DEOM: Ce n'est pas la langue officielle.

M. LESSARD: En effet, M. le Président, En Belgique, il y a deux langues officielles, il y a deux régions, comme c'est le cas, trois régions, mais trois régions unilingues.

M. DEOM: Question de règlement. Ce n'est pas ce que j'ai dit.

M. LESSARD: Or, en vertu de l'article 96 — et encore là, je dois...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Vous pouvez, en vertu de l'article 96 rectifier après...

M. LESSARD: M. le Président, je prévois que le député de Laporte veut utiliser l'article 96. Hier, il m'a dit que j'avais fait des déclarations erronées. Il n'a jamais été capable de le prouver. Le député de Laporte pourra utiliser tout à l'heure l'article 96, mais, encore une fois, nous constatons que le député de Laporte, malgré le fait qu'il siège à cette Assemblée nationale depuis plusieurs mois, n'a pas encore appris son règlement. Mais, c'est encore le député de Laporte qui nous confirmait hier que, en Suisse, par exemple, il y avait quatre régions distinctes, mais quatre régions...

M. DEOM: C'est le contraire. C'est le contraire que j'ai dit.

M. LESSARD: En Suisse, vous avez l'allemand, vous avez le français...

M. DEOM: Non, mais c'est le contraire que j'ai dit.

M. LESSARD: Vous avez dit le contraire. De toute façon...

M. DEOM: C'est en Belgique qu'il y en a quatre.

M. BURNS: J'invoque le règlement, M. le Président. Je suis auprès de mon collègue...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: Pouvez-vous rappeler à nouveau au sympathique député de Laporte de revenir après que mon collègue de Saguenay aura terminé, en vertu de l'article 96, s'il sent qu'il a besoin de rétablir des faits? On ne sera pas contre. Ce sont ses droits. On va respecter ses droits, mais qu'il respecte ceux du député de Saguenay.

M. LEGER: M. le Président, sur le point de règlement, encore là, selon l'article 96, est-ce que je pourrais suggérer à mon ami, le député de Laporte, de prendre des notes sur chaque point qu'il juge où on l'a mal cité, où la vérité, selon lui, est charriée un peu et de rétablir les faits après.

M. DEOM: Non pas charrier, charrions!

M. LEGER: Selon lui, parce qu'il y a toujours deux vérités, la nôtre est la vraie.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Saguenay.

M. LESSARD: M. le Président, je reconnais donc qu'il peut y avoir deux langues officielles, ou trois langues officielles ou quatre langues officielles dans un pays. D'ailleurs, si on considère que le Canada est un pays, il y a deux langues officielles. Mais, c'est justement là qu'il est nécessaire, lorsqu'on a à légiférer, de le faire de façon claire. Or, quand nous regardons le projet de loi 22 et quand nous constatons qu'à l'article 1, on déclare que la langue française est la seule langue officielle, mais quand on regarde, par exemple, les 129 autres articles — et je voudrais utiliser simplement pour répondre au ministre des Affaires culturelles à ce sujet — on constate que, dans ce projet de loi, il y a deux langues officielles.

Autrement dit, on a voulu donner une petite bebelle aux Québécois, on a voulu leur donner un petit suçon, on a voulu leur donner un principe par l'article 1, on a voulu les tromper hypocritement en leur disant: Le français est la langue officielle au Québec, mais maintenant, tel que le disait le ministre des Affaires culturelles, allons à l'article 6. Je vais citer l'article 6, M. le Président, qui confirmerait, s'il n'était pas annulé par un autre article, qu'il est vrai, en vertu de l'article 1 que la langue française est la langue officielle. Mais on verra à l'article 8 après, par exemple.

Article 6: "Doivent être rédigés en français les textes et documents officiels émanant de l'administration publique". Si c'est le cas, c'est vrai que le français est la langue officielle. C'est d'ailleurs l'une des remarques que je faisais concernant la Loi du Manitoba au sujet des langues officielles.

Allons maintenant à l'article 8, si le ministre des Affaires culturelles le veut bien. Article 8: "Les textes et documents officiels peuvent être accompagnés d'une version anglaise; en pareil cas et sauf les exceptions prévues par la présente loi, seule la version française est authentique." C'est cela le projet de loi 22. D'un côté, on dit que le français est la langue officielle, et de l'autre, on affirme concrètement que l'anglais est aussi la langue officielle au Québec,

Or, cela change quoi, en vertu de l'article 133 de la constitution canadienne qui est venu reconnaître le caractère officiel des textes et documents du gouvernement du Québec? Que change le projet de loi 22? Il ne change absolument rien. Il vient tout simplement, comme l'affirmait d'ailleurs — si les ministériels peuvent se le rappeler — le ministre des Affaires municipales, lors de son discours en deuxième lecture, en disant que pour la première fois au Québec, les droits des anglophones seront véritablement reconnus. Il disait "les droits des anglophones." Quant à nous, nous disons: Les privilèges des anglophones seront, cette fois, légalement reconnus.

Ce n'est pas que nous voulons enlever ce caractère bilingue du Québec, ce n'est pas que nous voulons enlever les droits individuels aux anglophones, nous l'avons affirmé à maintes et maintes reprises ici à l'Assemblée nationale, comme en commission parlementaire. Nous sommes prêts à reconnaître qu'il y a ici une minorité qui a des privilèges que nous devons reconnaître, des privilèges acquis. Nous sommes prêts à reconnaître au Québec ce que d'autres provinces n'ont jamais reconnu aux francophones. Nous sommes prêts à reconnaître pour 20 p.c. de la population québécoise anglophone, ce que le Nouveau-Brunswick n'a jamais reconnu pour 40 p.c. de la population francophone. Nous sommes prêts, nous du parti québécois et clairement, à reconnaître ces privilèges.

Lorsque le député de Saint-Jean, hier, citait le programme du Parti québécois en ce sens, à l'article 1, on dit que le français est la seule langue officielle. C'est clair. On dit aussi que tous les documents publics, que les lois et règlements et documents officiels seront rédigés et publiés en français. Cela c'est consacrer la langue française langue officielle.

Je continue. On dit, cependant, pour ce qui concerne les débats parlementaires: Les procès-verbaux et autres documents de l'Assemblée nationale seront rédigés et publiés en français. C'est cela, une langue officielle. Toutefois — on en a des "toutefois", on ne le cache pas — un député pourra utiliser la langue officielle dans les débats, puisque cela ne touche en rien la langue de l'Etat. C'est normal. C'est normal

qu'on puisse reconnaître des droits individuels. Nous les reconnaissons, mais pas aux dépens de la langue de la majorité, pas aux dépens de l'agression constante de la langue anglaise aux dépens de la langue française. Non, il y a un équilibre à créer entre les droits collectifs et les droits individuels.

Or, ce gouvernement ne veut pas prendre ses responsabilités. Ce gouvernement veut simplement nous présenter une loi hypocrite. D'ailleurs, tous les juristes de la commission Gen-dron ont été d'accord pour affirmer qu'en ce qui concerne une loi sur les langues, il fallait que dans ce domaine, la province évite entre intervenants tout geste purement symbolique ou académique, et s'emploie au contraire à ce que les mesures qu'elle prendra puissent être effectivement mises en oeuvre tant à l'échelon gouvernemental qu'au sein de la députation.

Or, M. le Président, c'est une mesure hypocrite. Nous demandons à ce gouvernement: Est-il capable d'avoir un minimum de dignité? Est-il capable d'avoir un minimum de fierté nationale pour aller jusqu'au bout de ce qu'il doit normalement représenter? Ce gouvernement qui représente le seul gouvernement des francophones au Canada, ce gouvernement sur lequel la majorité francophone doit nécessairement compter. On ne doit pas compter sur le gouvernement fédéral pour se défendre. On ne doit pas compter sur les neuf autres provinces pour se défendre. C'est ce gouvernement, qui est censé être le nôtre, qui doit prendre parti pour la majorité francophone du Québec.

Or, ce gouvernement a pris définitivement parti pour la minorité anglophone, et d'ailleurs, c'est le premier ministre, hier, qui se démasquait lorsqu'il affirmait lui-même, suite à la motion qui avait été présentée par le Parti québécois, concernant le fait de faire du français la seule langue officielle, le premier ministre nous disait: Allez donc dire cela aux anglophones. Or, le premier ministre s'est démasqué, parce que cette loi, elle est la loi des anglophones. Elle n'est pas la loi de la majorité québécoise, de la majorité des francophones au Québec. Merci.

M. DEOM: Sur une question de règlement, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Laporte.

M. LESSARD: M. le Président, je voudrais souligner qu'il me restait quelques minutes...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Votre temps était justement écoulé à l'instant.

M. LESSARD: Malheureusement, je voulais me garder cinq minutes.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Mais vous me permettrez de m'adresser d'abord à ceux qui sont avec nous depuis hier, qui connaissent très bien depuis ce temps le règlement de l'Assemblée nationale, et à nos visiteurs de ce matin, pour dire que la liberté qui vous est donnée de participer, d'assister à nos délibérations ne vous permet pas malheureusement, de manifester négativement ou positivement. Vous pouvez le faire à votre choix en tout autre endroit dans la province.

M. DEOM: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Laporte.

UNE VOIX: L'article 96...

M. DEOM: ... oui, M. le Président. J'ai été très heureux d'apprendre hier soir que le député de Saguenay se rendrait en Belgique aux frais de l'Assemblée nationale bientôt, parce que j'ai l'impression...

M. LESSARD: C'est vrai, M. le Président, mais comme les autres députés libéraux...

M. DEOM: Un instant! Laissez-moi terminer.

M. LESSARD: ... délégués par l'Assemblée nationale...

M. MASSICOTTE: Laisse-le parler!

M. DEOM: L'article 96...

M. LESSARD: Oui, mais on laisse entendre, M. le Président...

M. DEOM: ... que les deux de l'Opposition...

M. BURNS: Un instant, M. le Président! Ce n'est pas un privilège, cette histoire. C'est de tout temps que les membres de l'Opposition ont fait partie...

M. DEOM: Laissez-moi terminer mon intervention !

M. BURNS: Voyons donc! M. HARDY: L'article 96... M. DEOM: Laissez-moi terminer!

M. BURNS: Moi, je trouve personnellement, que le député erre dangereusement...

UNE VOIX: ... les autres.

M. BURNS: J'invoquerai l'article 96 après...

M. HARDY: Dans son temps...

M. DEOM: Parce qu'à ce moment...

M. BURNS: Je dis que le ministre a raison. Je suis intervenu, M. le Président, de façon intempestive, et je reviendrai au bon moment.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Ici, de mon côté, on s'habitue.

M. BURNS: Oui, je sais que vous y êtes habitué, M. le Président.

M. DEOM: Parce qu'en revenant de son voyage, il saura très certainement, comme je l'ai dit hier soir, qu'il y a quatre régions linguistiques en Belgique. Il n'y a pas de langue officielle. On ne parle pas du tout de langue officielle. On dit: Le pays est divisé en quatre régions linguistiques.

M. MORIN: C'est cela.

M. DEOM: C'est cela que j'ai dit hier soir.

M. MORIN: Appliquons cela au Canada.

M. DEOM: II n'y a pas de langue officielle. Je vous remercie, M. le Président.

M. LESSARD: M. le Président, article 96. Je suis bien d'accord qu'on ne parle pas de langue officielle, mais c'est reconnu dans les faits. Le projet de loi 22 parle d'une langue officielle, mais les 129 articles ne reconnaissent pas l'article 1, M. le Président. Cela ne fait rien, j'ai passé mon temps.

M. VEILLEUX: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député des Affaires culturelles.

M. HARDY: Question de règlement. Invoquant à mon tour l'article 96, contrairement à ce que le député de Saguenay a laissé entendre tantôt, jamais, dans mes propos d'hier, je n'ai eu l'intention de comparer et je n'ai, de fait, comparé l'ensemble de la loi du Manitoba et l'ensemble de la loi 22. Mon propos se limitait uniquement à dire que l'on ne pouvait pas comparer l'article 1 du projet de loi 22 et l'article 1 du projet de loi du Manitoba, comme voulait le faire le Parti québécois. C'étaient deux articles dont les contenus étaient diamétralement opposés. Ce que je disais à ce moment — c'était là le but de mon propos — c'est que si on voulait comparer les deux lois, si on voulait comparer non pas des numéros, mais des contenus, on devait comparer le titre de la loi du Manitoba et le titre de la loi 22. C'est-à-dire que la loi du Manitoba, comme la loi 22, lorsqu'elle proclame la langue officielle, dit que c'est l'anglais qui est la langue officielle, comme la loi 22 dit que c'est le français qui est la langue officielle. M. le Président, si je n'ai pas répondu à certaines des questions du député de Saguenay, ce n'est pas, comme il prétend un peu prétentieusement, que je n'en étais pas capable. A ce moment je lui ai dit que je respectais le règlement, que je me conformais au règlement, et que lorsque nous serions arrivés aux articles qu'il voulait invoquer, sur lesquels il voulait que je me prononce, je me prononcerais en temps et lieu.

Je comprends que ce souci de respect du règlement peut paraître futile pour le député de Saguenay, lui qui le viole constamment. Mais moi, je continuerai de respecter le règlement.

M. LESSARD: Je vous dis qu'il est violé constamment, et il aime cela, à part de cela.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Saint-Jean.

M. VEILLEUX: M. le Président, hier, j'ai essayé de démontrer, en partant d'un projet de loi d'un parti politique qui s'appelle le Parti québécois, qu'il était utopique d'apporter un amendement à l'effet de dire que le français est la seule langue officielle du Québec.

Compte tenu des propos du chef de l'Opposition officielle ce matin, j'avais cru que les députés du Parti québécois avaient compris mon message. Je me rends compte que je dois, encore une fois, éclairer les députés du Parti québécois et dire aux gens qui sont ici et aux députés, membres de cette commission et les autres, la futilité de l'amendement que nous a proposé ce matin le Parti québécois.

Le député de Saguenay dit que le gouvernement du Québec, avec son projet de loi, est un gouvernement hypocrite. Je pourrais leur retourner le compliment parce que si on regarde — je voudrais bien en faire une analyse assez détaillée — l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, on dit que l'usage facultatif du français ou de l'anglais peut se faire au Parlement du Canada et à la Législature du Québec.

Si on accepte l'amendement, cela signifie qu'on accepte que cet usage ne soit plus facultatif. Mais le Parti québécois, tout en voulant enlever l'article 133, inscrit dans son projet de politique des langues qu'on pourra, à l'Assemblée nationale du Québec, utiliser, facultativement, les deux langues parce qu'il dit ceci: "Toutefois, un député pourra utiliser la langue anglaise dans les débats". C'est reconnu dans l'article 133. On enlève l'article 133, mais on inscrit d'un même souffle, dans le projet du Parti québécois, exactement la même chose qui est déjà reconnue dans l'article 133.

M. MORIN: Est-ce que le député de Saint-Jean me permettrait une question?

M. VEILLEUX: J'aimerais terminer...

M. MORIN: Je voudrais éviter que le député ne s'égare.

M. VEILLEUX: M. le Président... M. MORIN: II refuse ma question?

M. VEILLEUX: Tout à l'heure, s'il me reste du temps. J'ai 20 minutes et...

M. MORIN: Oui, mais vous êtes parti sur le mauvais pied.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Laissez-le aller parce que je ne voudrais pas juger les interventions à leur mérite.

M. VEILLEUX: D'un autre côté, M. le Président...

M. BERTHIAUME: S'il fallait arrêter quelqu'un chaque fois qu'il est sur un mauvais pied, je vous dis que les députés du Parti québécois ne parleraient pas souvent.

M. HARDY: Le professeur Morin qui veut exercer sa tutelle.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Saint-Jean.

M. VEILLEUX: De plus, l'article 133 dit: Pour la rédaction des archives, des procès-verbaux, des journaux, et du Parlement du Canada et de la Législature du Québec, l'usage du français et de l'anglais est obligatoire.

Cependant — et cela, je dois le dire — au projet de loi du Parti québécois, il est dit: 'Que les lois, règlements et documents officiels seront rédigés et publiés en français". Comme le disait le député de Saguenay, c'est vrai que le Parti québécois dit cela dans son projet de loi, mais ce que le député de Saguenay a oublié de dire, je pense que c'est important...

M. LESSARD: J'avais seulement vingt minutes.

M. VEILLEUX: ... "Les documents d'information sont rédigés en français, mais peuvent également être rédigés dans une autre langue". Et je suppose que l'autre langue est l'anglais. Vous n'allez certainement pas publier cela en chinois et en japonais.

Je me pose la question suivante. Si un citoyen du Québec demandait au gouvernement du Parti québécois d'avoir, à titre d'information, la loi que le Parlement du Québec aurait votée, le règlement qui aurait été accepté par le Conseil exécutif de cet hypothétique gouvernement québécois, je dis que, selon son projet de loi, le Parti québécois, à ce moment, serait obligé de donner cette information en anglais. Tout en enlevant l'article 133, je dis que, dans le projet linguistique du Parti québécois, on retrouve exactement le même esprit qu'on retrouve à l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

Les actes du Parlement du Canada et de la Législature du Québec sont imprimés et publiés dans les deux langues. C'est ce que dit l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique...

M. MORIN: Cest exact.

M. VEILLEUX: .. et le Parti québécois, dans son projet de loi ne fait pas mention de ces choses sinon que de dire que les documents d'information seront en français, mais pourront aussi être en anglais.

M. MORIN: Cest vrai.

M. VEILLEUX: C'est donc dire que, là aussi, on pourrait retrouver les actes du Parlement du Québec sous un gouvernement québécois, toujours gouvernement hypothétique, on pourrait retrouver exactement le même esprit que celui qu'on retrouve dans l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

Le dernier volet qu'on retrouve dans l'article 133, c'est ceci: "La plaidoirie ou les pièces de procédure émanant des tribunaux du Canada et du Québec, l'usage du français et de l'anglais est facultatif devant les tribunaux".

M. le Président, je regarde à la page 2 du projet du Parti québécois et je retrouve sensiblement la même chose. On y dit: "Les règles de pratique et les jugements seront rédigés en français. Une version anglaise des jugements devra être fournie sur demande". On retrouve l'esprit de l'article 133. On dit, subtilement, hypocritement à la population, dans le projet de loi du Parti québécois: Les procédures et les plaidoiries écrites seront rédigées obligatoirement en français, mais, M. le Président, les plaidoiries orales pourront être faites en anglais. M. le Président, n'est-ce pas retrouver exactement le même esprit que celui qu'on retrouve dans l'article 133 lorsqu'on dit: Les plaidoiries émanant des tribunaux, l'usage du français et de l'anglais sera facultatif? On retrouve, M. le Président, dans le projet de loi du Parti québécois exactement le même esprit, les mêmes idées, le contenu de l'article 133.

M. MORIN: Voyons donc!

M. VEILLEUX: Dire à la population du Québec: Nous, du Parti québécois, nous allons enlever l'article 133, mais, d'un même souffle, le réinscrire dans un projet de loi d'une politique linguistique, je dis, M. le Président — et je reprends les termes des députés de Saguenay et de Lafontaine — que c'est agir en hypocrite. La différence entre le gouvernement Bourassa et un hypocrite gouvernement Parti québécois, c'est exactement ceci. Le premier ministre du Québec l'a dit, le ministre de l'Education l'a répété hier; nous, nous avons fait un choix politique, nous voulons conserver l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

On n'a pas dit: On va enlever l'article 133 et on va l'intercaler dans le projet de loi. Nous, nous avons dit: On laisse cet article. Qu'est-ce que cela enlève de plus ou qu'est-ce que cela donne de plus, de l'enlever et de l'intercaler à nouveau dans une loi comme veut le faire le Parti québécois?

M. MORIN: Le député me per mettrait-il une question?

M. VEILLEUX: Tous les arguments, M. le Président... Je n'ai pas terminé.

M. MORIN: Vous ne me permettez pas une question?

M. VEILLEUX: Après.

M. MORIN: Ce serait pourtant bien utile.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Pour le moment, s'il vous plaît, laissez terminer le député.

M. VEILLEUX: M. le Président, tout ce que le Parti québécois, à venir jusqu'ici, reproche au gouvernement, en regard de l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, se retrouve exactement dans leur projet de loi. Si le Parti québécois était à la place du Parti libéral et nous, à la place du Parti québécois, on pourrait, dans le projet de loi du Parti québécois, refiler exactement la même argumentation que celle qu'il nous refile depuis près de six semaines.

M. le Président, cette motion de la part du chef de l'Opposition, je dis et je répète que c'est tout simplement une motion dilatoire. Je suggère fortement aux honorables membres de l'Opposition officielle de retourner à leur congrès annuel et de réviser leur projet de loi sur leur politique linguistique parce qu'on retrouve dans leur projet de loi l'acte 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

Merci, M. le Président.

M. MORIN: Puis-je maintenant poser des questions au député de Saint-Jean?

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui, cela dépend de lui, s'il veut accepter.

M.,VEILLEUX: S'il me reste du temps, cela me fait plaisir.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): II ne vous reste que deux minutes.

M. MORIN: Je voudrais demander au député de Saint-Jean tout d'abord si, selon la rédaction de l'article premier, tel qu'il est rédigé si, au cours des années qui viennent, les lois du Québec vont être publiées, comme elles le sont actuellement, c'est-à-dire en deux colonnes, l'une française et l'autre anglaise? C'est ma première question.

M. VEILLEUX: M. le Président...

M. MORIN: Est-ce que vous pouvez répondre directement à cela? Ensuite, j'aurai une deuxième question.

M. HARDY: II va répondre...

M. VEILLEUX: M. le Président, je convie le chef de l'Opposition officielle à relire l'article 133 où on dit que, dans la rédaction des archives, procès-verbaux et journaux respectifs de ces Chambres, l'usage de ces deux langues sera obligatoire.

M. MORIN: Oui, et plus loin encore.

M. VEILLEUX: Et dans toute plaidoirie... Là, on parle des tribunaux, on ne parle pas de la Chambre.

M. MORIN: Moi, je vous parle des lois. C'est la dernière phrase.

M. VEILLEUX: Les actes du Parlement du Canada et de la Législature du Québec devront être imprimés et publiés dans ces deux langues.

M. MORIN: Bon.

M. VEILLEUX: L'article 133 marque une obligation. Cela, je l'ai dit tout à l'heure dans mon intervention. Mais ce que j'ai dit également, c'est que, dans le projet de loi du Parti québécois, si je lis bien ce projet de loi, si je l'interprète bien, on dit que les lois, les règlements — les lois,donc les actes — sont rédigés en français mais, d'un même souffle, les documents d'information sont rédigés en français mais peuvent également être rédigés dans une autre langue.

M. MORIN: Bon.

M. VEILLEUX: Je dis que c'est hypocrite de dire: Dans l'article 133, on dit que c'est obligatoire, mais nous, dans les faits, c'est exactement cela que l'on va faire. Ce n'est pas nous qui sommes hypocrites, nous, nous disons que c'est cela que l'on va faire tandis qu'eux disent à la population, ce n'est pas cela qu'on va faire, mais dans les faits, c'est cela que l'on va faire.

M. HARDY: Quatre "trente-sous" pour une piastre !

M. MORIN: Maintenant, M. le Président...

M. HARDY: Quatre tente-sous pour une piastre !

M. MORIN: ... deuxième question. Si nous appliquons le programme du Parti québécois maintenant, les lois du Québec, par la suite, seront-elles encore publiées, d'après le député de Saint-Jean, dans les deux langues et en deux colonnes?

M. HARDY: Vous allez faire deux textes séparés.

M. MORIN: N'est-ce pas qu'elles seront publiées sur une seule colonne en une seule langue?

M. VEILLEUX: M. le Président, le chef de l'Opposition...

M. MORIN: Et c'est cela que vous n'avez pas dit dans votre exposé.

M. VEILLEUX: ... m'a posé une question. Je vais lui répondre.

M. MORIN: Le député de Saint-Jean...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. MORIN: ... joue sur les mots. M. VEILLEUX: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je voudrais clarifier la situation. Chacun peut faire une intervention, comme le chef de l'Opposition l'a fait tantôt, je lui ai accordé 24 minutes au lieu de 20 minutes. Là, c'était l'intervention du député de Saint-Jean, son temps est maintenant terminé et je pense...

M. VEILLEUX: M. le Président, vous me permettrez quand même de répondre?

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Une courte réponse, car votre temps est terminé, très courte.

M. MORIN: M. le Président, j'ai posé la question pour obtenir une réponse.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Une très courte réponse.

M. VEILLEUX:Moi, si je lis bien le projet de loi du Parti québécois, et je vais répondre au chef de l'Opposition...

M. MORIN: Lisez-le bien.

M. VEILLEUX: ... il est vrai que l'acte officiel sera rédigé exclusivement en français...

M. MORIN: Ah!

M. VEILLEUX: ... sauf qu'à titre d'information, on fera une réimpression et là, dans les deux langues, pour pouvoir répondre...

M. MORIN: Non.

M. VEILLEUX: ... à la minorité anglophone et à la majorité francophone.

M. MORIN: Là, vous interprétez...

M. VEILLEUX: C'est donc, M. le Président, doubler les dépenses que d'accepter la position du Parti québécois.

M. HARDY: C'est cela la véritable hypocrisie.

M. MORIN: Allons donc! Vous interprétez comme vous voulez.

UNE VOIX: Cest votre rôle d'interpréter.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'amendement?

M. HARDY: Vote! Vote!

LE PRESIDENT (M.Lamontagne): L'honorable député de Chicoutimi.

M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, on parle d'hypocrisie, mais si les députés de l'autre côté de la table n'avaient pas peur d'affirmer — et on leur en a fourni l'occasion — que la langue officielle, la seule langue officielle au Québec sera le français, ils avaient l'occasion de le proclamer hautement parce que nous avons fait, à un moment donné, une motion dans ce sens, mais le gouvernement s'est tout simplement retranché derrière des arguments de légalité, des arguments de redondance pour ne pas accéder à la motion du chef de l'Opposition.

D'ailleurs, quand on voit l'attitude du gouvernement face à la motion du chef de l'Opposition, la première motion, à l'effet de proclamer le français seule langue officielle au Québec, quand on peut présumer, dès maintenant, de l'attitude de ce gouvernement face à cette autre motion qui est faite par l'Opposition, on commence à comprendre le refus du gouvernement, un refus obstiné face aux demandes qui ont été faites par l'Opposition antérieurement, à savoir une première demande à l'effet que le gouvernement dépose la réglementation avant le commencement du débat sur l'article 1.

On sait et on connaît l'obstination du gouvernement face à cette demande de l'Opposition officielle. On commence à comprendre l'intransigeance du gouvernement pour déposer, avant l'étude de l'article 1, les principes directeurs que l'Opposition officielle demandait au gouvernement. Mais justement il a fallu lutter durant trois jours pour avoir ces principes directeurs.

M. BERTHIAUME: Vous les aviez au début.

M. BEDARD (Chicoutimi): Si vous les aviez en main, vous aviez l'opportunité, vous nous avez accusés de faire un "filibuster" dans ces demandes alors que vous aviez...

M. BERTHIAUME: C'est vrai. C'est vrai. C'est vrai.

M. BEDARD (Chicoutimi): ... l'occasion d'accéder tout de suite aux demandes que nous avions faites.

M. BERTHIAUME: On voulait vous faire travailler comme du monde.

M. BEDARD (Chicoutimi): On commence à comprendre, M. le Président...

M. BERTHIAUME: On voulait vous faire travailler comme du monde.

M. BEDARD (Chicoutimi): ...l'objection du gouvernement à ce qu'on accepte, au niveau de cette commission, la comparution d'experts en droit constitutionnel pour nous permettre de légiférer d'une façon sérieuse concernant le projet de loi 22. Toutes ces motions que nous avons faites, nous les avons faites, de la part de l'Opposition, simplement pour demander des outils pour pouvoir légiférer d'une façon sérieuse, d'une façon responsable. Les refus continuels du gouvernement, on commence à le comprendre, c'était pour cacher sa peur d'arriver à l'article 1. Ce n'est pas l'Opposition officielle qui avait peur d'arriver à l'article 1, mais c'est le gouvernement qui avait peur d'arriver à l'article 1. Nous avons eu l'occasion de le faire et le gouvernement a eu l'occasion de montrer sa mauvaise volonté face à son refus, devant les motions de l'Opposition officielle, de faire du français la seule langue officielle au Québec. Le gouvernement avait peur de l'article 1 parce qu'il savait que c'était le moment où il se ferait démasquer sur sa prétendue officialité de la langue française, sur son "officialité" massacrée qu'il essaie de faire gober aux Québécois alors que, dans l'ensemble des autres articles, on assiste tout simplement à une consécration du bilinguisme qui a toujours été un facteur d'assimilation pour l'ensemble des Québécois. Autrement dit, le gouvernement a refusé obstinément nos demandes parce qu'il avait peur et c'est lui qui avait peur d'arriver à l'article 1, il cachait — nous avons eu l'occasion de le réaliser — sa véritable démission face à la nécessité de régler le problème linguistique au Québec.

L'amendement qui est proposé par le chef de l'Opposition, voulant que l'article 1 soit amendé en ajoutant, à la fin, l'alinéa suivant: "L'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867, cesse d'avoir effet en ce qui concerne les matières relevant de la Législation du Québec." Quel est le sens de cet amendement puisque le gouvernement a été sourd aux revendications et aux demandes de l'Opposition à l'effet de consacrer, une fois pour toutes, le français seule langue officielle au Québec? Par cet amendement, nous essayons de proposer une véritable stratégie d'action au gouverne- ment. Nous demandons au gouvernement du Québec qu'il se tienne debout devant le gouvernement fédéral. Nous demandons au gouvernement du Québec qu'il résiste à l'omniprésence du fédéral dans nos lois provinciales et surtout dans un secteur aussi vital que celui de la politique linguistique.

Autrement dit, nous demandons — et ça, c'est le devoir d'un législateur — au gouvernement de clarifier sa position juridique. Nous lui demandons, en termes de stratégie d'action — plutôt que de craindre continuellement le fédéral, plutôt que de craindre continuellement des affrontements légaux — une fois pour toutes, de clarifier la situation.

Qu'ils se décident à affronter le fédéral une fois pour toutes, pour qu'on sache jusqu'où va la limite de nos droits ou si nous sommes irrémédiablement condamnés à n'être, au point de vue juridique qu'une colonie du fédéral, sans cesse sujette aux bons désirs du gouvernement central.

Nous voulons forcer le Québec à adopter une attitude d'offensive plutôt qu'une attitude défensive, plutôt qu'une attitude de démission, plutôt qu'une attitude de compromis et je dirais même de compromission, M. le Président, face au fédéral. Les Québécois, tant sur le plan juridique que sur le plan même du contenu de fond de la politique linguistique, n'ont plus les moyens de se payer une politique de compromis. On ne gagne pas une bataille en étant continuellement sur la défensive, tant sur le plan légal que sur les autres plans et c'est ce que nous disons au gouvernement, de cesser d'avoir peur une fois pour toutes, de régler le problème légal concernant les possibilités juridiques du Québec dans l'élaboration d'une politique linguistique.

On ne peut demeurer et on ne peut continuer de demeurer indéfiniment sous le joug juridique du gouvernement fédéral à l'intérieur duquel nous sommes et nous serons toujours minoritaires, M. le Président, de telle façon que les décisions, qu'elles soient juridiques ou autres, seront toujours — et le passé est là pour le garantir et en fournir de nombreux exemples — favorables, non pas à la minorité, mais, comme tout le gouvernement représentant une majorité, qui n'est pas la nôtre, à la majorité anglophone du Canada.

Nous savons très bien que, comme minoritaires, nous pouvons difficilement influencer les décisions du gouvernement fédéral. Autrement dit, on demande au gouvernement du Québec, le seul gouvernement que les francophones ont véritablement, qu'il cesse de légiférer comme une minorité canadienne, mais qu'il accepte, avec les implications que cela peut comporter, une fois pour toutes, de légiférer comme une majorité québécoise. Nous ne pouvons pas continuer, au niveau de nos lois — et on le retrouve continuellement à l'intérieur des différents articles de ce projet de loi — la situation de bilinguisation dans laquelle nous sommes à

l'heure actuelle et à laquelle nous condamne le projet de loi no 22.

C'est une situation de bilinguisme, nous le savons, la preuve est faite, chiffres à l'appui, qui a toujours été un facteur d'assimilation pour l'ensemble des Québécois francophones. Il faut nous affirmer comme une vraie majorité, M. le Président, sinon, nous aurons et nous nous condamnons à avoir le sort de toute minorité, à savoir la disparition. On le sait très bien, tôt ou tard, toute minorité est appelée à disparaître et à être assimilée par la majorité.

Une minorité, c'est ce que nous sommes dans le contexte canadien, M. le Président, et si nous ne réagissons pas par une politique qui soit claire, si nous ne clarifions pas, tant du point de vue juridique que des autres points de vue, notre situation vis-à-vis du gouvernement fédéral, nous continuons tout simplement notre attitude minoritaire.

Toute minorité, vous le savez — c'est ce que nous sommes dans le contexte canadien — est appelée à disparaître. On en a des exemples tant qu'on veut. Il s'agit simplement de regarder un peu l'histoire, non pas des autres peuples, M. le Président, mais simplement notre histoire à nous. Regardons ce qui est arrivé à nos minorités, ce qui est advenu à nos minorités dans les autres provinces du Canada.

Que ce soit au Manitoba, en Colombie-Britannique, même en Ontario, quelle est la situation à l'heure actuelle, sinon que le français n'est plus une langue rentable, n'est plus une langue avec laquelle les Québécois francophones, dans ces provinces, peuvent faire leur avenir, n'est plus une langue qui assure leur prospérité économique. Il s'agit de regarder notre histoire. Même en Ontario, où nous avions une grande minorité, une forte minorité francophone, nous savons que, il y a environ trois semaines, le président même des Franco-Ontariens a dû se soumettre et accepter, au nom de son groupe, le fait que même en Ontario, il n'était plus possible, il n'y avait plus de possibilité pour un avenir en français pour nos compatriotes de langue française.

Cela n'est pas de la fiction, c'est de la réalité. C'est face à cette réalité que nous devons légiférer, face à cette réalité au nom de laquelle nous affirmons que le Québec se doit d'adopter une politique ferme. Le ministre de l'Agriculture, à un moment donné, nous a dit — je l'ai noté textuellement — qu'il est possible que les mesures que nous adoptons dans le projet de loi 22 soient insuffisantes. Il nous a dit également qu'il nous fallait quand même assurer le respect des minorités.

Plusieurs intervenants au niveau de cette commission ont fait appel à la nécessité d'élaborer une politique linguistique qui tienne compte du respect que nous devons à la minorité. Je suis d'accord et tous mes collègues de l'Opposition sont d'accord là-dessus. Plusieurs ont parlé de l'esprit de justice dont nous devions faire preuve envers la minorité anglophone du Qué- bec. On est d'accord là-dessus. Tous mes collègues de l'Opposition sont d'accord là-dessus et tous les Québécois francophones sont d'accord.

Cependant, justice et respect n'équivalent pas à l'aveuglement. A force de vouloir être respectueux envers la minorité, il faut éviter de devenir injuste envers les droits de la majorité. Il ne faut pas oublier une chose — ce n'est pas un francophone qui le dit, ce n'est pas un membre du Parti québécois qui le dit, peut-être que cela aura plus d'effet — le ministre même des Affaires municipales disait dans son discours de deuxième lecture que c'était le français qui était menacé dans le Québec.

Le gouvernement, par sa loi, doit rassurer prioritairement la situation menacée de la majorité. Si le gouvernement, encore une fois, a des obligations envers la minorité — nous en convenons — il en a aussi envers la majorité.

Or, avec le projet de loi 22, le gouvernement ne remplit pas son devoir de rassurer la majorité française d'expression française du Québec qui se voit menacée dans son mode d'expression et qui, qu'on le veuille ou non — encore une fois, chiffres à l'appui — voit se dessiner très clairement le spectre et le danger de l'assimilation.

Il y a également une certaine remarque qui a été faite par l'honorable premier ministre. D'une part, face à la première motion présentée par le chef de l'Opposition à l'effet que le français soit déclaré seule langue officielle, vous avez eu des interventions du ministre des Affaires culturelles qui nous a dit que c'était une phrase ou un mot inutile. Nous avons eu l'intervention spontanée du premier ministre qui nous a dit que c'était de la redondance et il a ajouté — c'est plus grave, M. le Président, et c'était spontané — allez donc dire cela aux anglophones du Québec.

Une réflexion de ce genre est un autre argument qui me convainc que, face au projet de loi 22 la minorité anglophone du Québec peut dire qu'elle a réussi.

D'ailleurs, et je le cite à nouveau, le ministre des Affaires municipales, M. Goldbloom, après qu'il eut dit que le français était menacé, s'est empressé d'exhorter ses compatriotes à accepter cette loi, parce qu'elle consacrait d'une façon législative le statut de la langue anglaise, alors qu'auparavant nous avions une situation de droits acquis, de privilèges, ou de tolérance.

La minorité anglophone a réussi encore une fois à faire que le gouvernement garde le libre choix dans le domaine de l'enseignement qui a toujours joué contre nous. Elle a réussi encore une fois à ce que l'immigration continue à jouer contre nous, parce qu'on n'a pas osé poser les gestes qu'il fallait poser dans ce domaine, à savoir une politique énergique. On a fermé quelques volets, mais on a laissé les portes toutes grandes ouvertes à ces facteurs dont la preuve est faite, qui ont été des facteurs d'assimilation pour les francophones du Québec. Ils ont réussi, et c'est dans la loi, à faire accepter la bilinguisation au niveau de l'article

10, la "bilinguisation" de 48 p.c. de notre population. On s'en doute, ils nous ont accordé un petit amendement au niveau du chapitre de l'immigration, qui nous permet d'exiger que les immigrants qui ne sont ni de langue française, ni de langue anglaise soient orientés vers les écoles françaises. Ils nous l'ont accordé. Mais ce petit amendement ne nous rend, à mon sens, que plus méprisables parce qu'on exige de certaines gens des choses qu'on n'est même pas capable de s'imposer à nous, de la majorité.

Au moins, et je les remercie pour cela, les anglophones qui nous ont fait présenter ce projet de loi par un ministre francophone. Je les remercie de cette délicatesse. Mais je crois qu'ils ont peut-être seulement fait une erreur et je le redis, c'est d'avoir trop réussi. Je suis convaincu qu'une telle attitude, par des pressions ou autrement, avoir fait accepter qu'un gouvernement, ce gouvernement de la majorité, puisse accepter de garder encore à l'intérieur de son projet de loi des dispositons qui ont continuellement joué contre nous, je crois qu'ils ont trop réussi. Mais ceci n'aura comme résultat que d'amener et d'apporter —je ne le souhaite pas — la radicalisation. Ceci nous amène à penser que la minorité au Québec n'est peut-être pas celle que l'on pense. Ce ne sont peut-être pas les anglophones qui sont la minorité quand on regarde le projet de loi 22 et qu'on regarde jusqu'à quel point le gouvernement a refusé de légiférer d'une façon énergique dans des secteurs qui jouaient contre nous, encore une fois, concernant l'immigration, concernant le libre choix dans le domaine de l'enseignement, concernant également le domaine du français langue de travail, qui, malgré toute la législation faite de mollesse qui nous est présentée, ne contribuera pas à faire du français la langue la plus rentable au Québec. On sait très bien que, pour survivre, une langue doit être rentable. Sinon, c'est continué et c'est cela que le gouvernement fait avec sa loi. Il continue de demander l'héroïsme à chacun des Québécois en particulier, mais il n'a pas le coeur et le courage de se l'imposer à lui-même. On essaie de nous vendre cette loi au nom de la paix sociale, au nom de la prospérité économique; encore une fois, et cela a été dit à plusieurs reprises, souvent la démission se cache derrière les promesses d'abondance du point de vue économique.

Quand on regarde en faveur de qui ont été faits les compromis, je dirais même les compromissions dans le projet de loi 22, on est en droit de se demander qui menace la paix sociale dans le Québec. Cet amendement, encore une fois, qui est proposé par le chef de l'Opposition, tout simplement dans le but de demander au gouvernement d'adopter une attitude énergique sur le plan juridique comme sur les autres plans, face au gouvernement fédéral qui a toujours constitué une force assimilante au Québec. Si nous faisons cet amendement, si nous demandons cette attitude, c'est parce que nous voulons que la langue française soit vraiment la langue officielle, la seule langue officielle au Québec, et qu'elle contribue à faire du Québec un pays véritablement français. Merci.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Si personne ne parle, j'appelle le vote immédiatement.

M. BURNS: Est-ce qu'il y en a qui veulent parler?

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que vous voulez parler?

M. BURNS: Est-ce qu'il y en a qui veulent parler du côté ministériel, M. le Président? Cela se demande. C'est cela que je veux savoir.

M. DEOM: Vote.

M. BURNS: Est-ce qu'il y en a qui veulent parler du côté ministériel? Vote, cela veut dire qu'il n'y en a pas qui veulent parler du côté ministériel.

M. DEOM: On demande le vote, M. le Président. Je demande le vote.

M. BURNS: M. le Président, moi, je veux parler.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. le Président... Je dois dire d'ailleurs, au début, que cela m'étonne beaucoup. Cela m'étonne énormément, M. le Président, que, sur une question aussi fondamentale que celle-ci, les députés ministériels demeurent silencieux.

M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le ministre des Affaires culturelles, sur une question de règlement.

M. HARDY: M. le Président, en vertu de notre règlement, et en vertu d'une décision prise au début de nos travaux, chaque membre de la commission, tout membre de l'Assemblée nationale peut participer à ce débat, dispose de 20 minutes sur chaque article, sur chaque motion et peut utiliser ce droit de parole au moment où il juge opportun. Donc, M. le Président, il est tout à fait faux et non avenu pour le député de Maisonneuve de prétendre que les députés ministériels ne veulent pas s'exprimer sur cette motion.

Déjà, les députés ministériels se sont exprimés sur cette motion...

M. BURNS: Pas du tout!

M. HARDY: ... et il est possible, selon le cours du débat, que d'autres députés ministériels s'expriment sur cette motion.

M. BEDARD(Chicoutimi): II n'y a personne qui se soit exprimé. Il n'y a pas un député ministériel qui1 se soit exprimé sur cette motion.

M. LESSARD: M. le Président, je me demande d'abord en vertu de quel article le ministre des Affaires culturelles a soulevé une question de règlement.

M. HARDY: En vertu de l'article qui détermine le droit de parole d'un membre en commission.

M. LESSARD: D'autant plus, M. le Président...

M, BURNS: Quel numéro?

M. LESSARD: ... que le député de Maisonneuve n'a fait que...

M. HARDY: Je ne suis pas votre recherchis-te.

M. LESSARD: ... constater un fait, c'est que les ministériels sont silencieux depuis le début de la commission parlementaire.

M. HARDY: Attendez!

M. BEDARD (Chicoutimi): Politique de silence.

M. BURNS: Sur la question de règlement, M. le Président, comme vient de le dire le député de Saguenay, il me semble qu'on ne me contestera pas le droit d'interpréter, à ma façon, sans être...

M. HARDY: A votre façon!

M. BURNS: Oui, à ma façon, sûrement. C'est un droit strict que j'ai d'interpréter à ma façon, je le dis bien, le silence des députés libéraux.

M. HARDY: Essayez donc d'être plus objectif!

M. BURNS: Je ne le ferai pas, je vous le dis d'avance, contrairement à nos règlements en imputant des motifs indignes, mais j'ai le droit d'imputer des motifs aux députés, M. le Président. Je vous demande une directive là-dessus. N'ai-je pas le droit d'imputer des motifs qui ne sont pas indignes, si on lit l'article 99, 9e paragraphe?

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Si vous vous adressez à moi, je peux vous dire ceux qui ont parlé. Il y a quatre députés du Parti québécois et deux députés du parti ministériel jusqu'à maintenant.

M. BURNS: II y a deux députés?

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): ... du parti. Il y a le ministre d'Etat aux Transports et également le député de Saint-Jean.

M. BURNS: Bon! Mais j'ai le droit quand même... C'est cela que je vous demande comme directive, avant de...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): C'est votre droit.

M . BURNS:... commencer mon intervention. C'est mon droit, pour autant que ce ne soient pas des motifs indignes que j'impute. N'est-ce pas? C'est cela?

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui, oui.

M. BURNS: Bon! Alors, M. le Président, j'étais à dire, au tout début de mon intervention, que je m'étonne de voir, de constater, sur une motion aussi importante, le silence de députés, tel le député de Gouin.

Celui-ci représente un quartier où j'ai eu le plaisir de grandir, dans le quartier de Rosemont, à Montréal, qui représente un quartier où justement, le genre de problème qu'on discute à l'occasion de la motion faite par le député de Lafontaine, est un problème de tous les jours, à moins que le député de Gouin ne connaisse pas encore le quartier Rosemont. C'est une autre affaire.

Mais j'aurais aimé entendre surtout les députés montréalais ou les députés de la région montréalaise, le député de Mille-Iles, par exemple, qui constate lui aussi régulièrement ce problème. J'aurais aimé entendre le député de Laporte là-dessus, à part ces vagues élucubra-tions sur...

M. DEOM: Vous m'avez qualifié de sympathique tantôt.

M. BURNS: Vous êtes sympathique, mais j'ai le droit de constater que vous faites des élucubrations. Vous êtes sympathique quand même.

UNE VOIX: ... loin de la réalité.

M. MORIN: Sympathiquement dans l'erreur.

M. BURNS: Mais vous êtes dans l'erreur, même si vous êtes sympathique. C'est tout. Pardon? Je parle sur la motion.

M. LACHANCE: On veut tellement vous entendre sur cette motion.

M. BURNS: Ah bon! Vous allez m'entendre.

M. DESJARDINS: On veut vous entendre sur la motion. On est suspendu à vos lèvres.

M. BURNS: J'aurais aimé entendre le député de Louis-Hébert parler également sur cette motion, lui qui est, au dire justement... Vous êtes un des chanceux ici...

M. DESJARDINS: Vous me provoquez?

M. BURNS: Le député de Lotbinière également.

M. DESJARDINS: Vous me provoquez?

M. BURNS: Non. Je ne vous provoque pas.

M. DESJARDINS: Parce que j'ai des notes qui sont prêtes et cela dépend de ce que vous direz.

M. BURNS: Qu'est-ce que vous attendez?

M. DESJARDINS: Si vous commencez à parler sérieusement, j'aviserai, si je prends la parole sur votre motion hypocrite ou non. Je ne renonce pas à mon droit de parole. Je déciderai moi-même si je dois parler sur une motion hypocrite de l'Opposition. C'est tout.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Maisonneuve sur la motion du député de Lafontaine.

M. BURNS: Je disais que j'ai le droit de m'étonner et vous ne m'empêcherez pas d'être étonné, ni le principal conseiller du premier ministre qui est à la table actuellement ne pourra... Je sais que vous n'avez pas le droit de parole...

M. HARDY: J'invoque le règlement, M. le Président.

M. BURNS: Pardon?

M. HARDY: Le principal conseiller du premier ministre n'a pas le droit d'être à la table. Il n'est pas à la table. Il est en retrait.

M. BURNS: II n'est pas loin de la table. M. LEGER: II est en "retraite"?

M. BURNS: II est tellement près de la table que je pensais qu'il était à la table.

M. LEGER: II est en "retraite"?

M. DESJARDINS: Parlez donc sur la motion si vous êtes capable!

M. BURNS: On va parler de la motion.

M. DESJARDINS: J'ai hâte de vous entendre, c'est effrayant!

M. HARDY: Le conseiller du premier ministre parle.

M. BURNS: Oui, consentement unanime.

M. DESJARDINS: Est-ce que quelqu'un vous a préparé un texte sur la motion?

M. BEDARD (Chicoutimi): Au nom du premier ministre.

M. LEGER: Moi, je consentirais. Il doit avoir tellement de choses à nous dire, que la population ne sait pas.

M. BURNS: Je demanderais au député de Lafontaine de ne pas venir prendre mon temps.

M. LEGER: Ce n'est pas sur son temps, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): C'est un rappel à l'ordre.

M. BURNS: II me reste quelques minutes. Cela fait à peine trois minutes que je parle.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): C'est cela. Oui.

M. BURNS: Trois minutes. J'ai commencé exactement à 12 h 15.

M.HARDY: ... à 12 h 13.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Non, à 12 h 13. Vous avez plus de temps que cela.

M. BURNS: A 12 h 15. A 12 h 13?

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui. Vous avez plus de temps que vous ne le dites.

M. BURNS: Non. 18 alors...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A 12 h 13.

M. LESSARD: Point de règlement. Il a été interrompu...

M. BURNS: J'ai été interrompu sur la question de règlement. Je n'ai même pas commencé encore.

Pour en venir à la motion, après cet étonnement exprimé, je pense que cela ne serait pas une hérésie que de dire qu'à travers le monde, les pays où la langue du pays n'est pas menacée, où le problème de la survivance de la langue n'existe pas, vous ne retrouverez pas de loi dite sur langue officielle.

Je pense qu'on pourrait faire le tour de tous ces pays où véritablement la langue de la nation est parlée ouvertement, n'est pas en danger, ne pose pas de problème de survie, vous ne retrouverez qu'exceptionnellement, peut-être, des lois faisant de telle ou telle langue la langue officielle. On ne peut que citer, par exemple, un pays comme la Grande-Bretagne où, c'est clair,

pense qu'il n'y a personne qui se pose la question.

M. HARDY: II n'y a pas de constitution écrite en Grande-Bretagne.

M. BURNS: Pardon?

M. HARDY: Vous le savez.

M. BURNS: Bien, c'est cela et même... Il n'y a pas de constitution écrite, mais il n'y a pas de loi sur la langue non plus. Vous allez admettre cela? D'accord.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Si vous voulez continuer...

M. BURNS: Je donne le cas de la Grande-Bretagne qui est probablement un des cas clairs. Si je vais en Grande-Bretagne faire un voyage, je sais tout de suite quelle est la langue du pays. Pourtant, il n'y a pas de loi qui protège l'anglais en Grande-Bretagne.

Si je vais en France, M. le Président, je ne doute pas une seconde que la langue de la nation française, c'est le français. Pourtant, il n'y a pas de loi qui protège la langue, Si je vais, par exemple, aux Etats-Unis, il n'y a pas de loi qui protège l'anglais comme langue nationale aux Etats-Unis. Pourtant je ne douterai pas une seconde que, si j'émigre à Détroit, je devrai parler anglais, et les exemples inverses, je pense, amènent un appui à cette affirmation que je faisais selon laquelle les endroits où la langue n'est pas menacée n'ont pas de loi de la langue officielle. L'inverse est vrai aussi. Les endroits où il y a des problèmes, la Suisse, la Belgique qui est l'exemple préféré du député de Laporte, ont une telle législation. Le Québec qui vient s'ajouter à cette liste a un problème de la langue.

Je pense que, par le seul fait que le gouvernement actuel amène une loi de la langue officielle, il reconnaît qu'il y a un problème concernant le français au Québec. Là-dessus, on ne peut pas blâmer le gouvernement de constater ce fait. On ne le blâme pas de cela, on le blâme de la façon timide avec laquelle il tente de régler le problème, de cette utilisation d'un compte-gouttes législatif que constitue le projet de loi no 22. C'est là-dessus qu'on blâme le gouvernement. On blâme le gouvernement de ne pas être clair dans son affirmation du désir de rendre le français la langue officielle du Québec. C'est là-dessus, M. le Président, qu'on blâme le gouvernement. Excusez-moi, M. le Président, voulez-vous m'accorder un instant? Je m'excuse, M. le Président, je venais de recevoir une note du chef de l'Opposition, ce qui ne concernait pas mon discours d'ailleurs. Il n'était pas en train de me rappeler à l'ordre.

Je disais donc, M. le Président, qu'une fois qu'on a constaté le problème, une fois qu'on a constaté l'existence du problème, pourquoi ne pas tenter franchement, carrément, définitivement de le régler?

C'est cela, notre affirmation, et c'est ce pourquoi nous demandons que cet amendement du député de Lafontaine soit adopté. Amendement qui, je le mentionne — c'est peut-être utile, ça pourrait aider à éclairer surtout les membres ministériels de la commission avant leur vote — n'abroge pas l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, mais qui déclare que cet article, en ce qui concerne les lois du Québec, cesse d'avoir effet dans toutes les matières qui relèvent de la Législature du Québec. J'insiste là-dessus. Je pense que le chef, de l'Opposition a été assez clair, mais il est quand même bon de le rappeler. Il n'est aucunement question d'abroger l'article 133 puisque tous les experts s'entendent pour dire que ce n'est pas de notre ressort, M. le Président. Pourquoi faisons-nous cela? Pourquoi faisons-nous cette tentative de clarification de l'article 1 qui est, à toutes fins pratiques, l'énoncé majeur, l'énoncé de principe de cette loi? C'est tout simplement parce qu'on se dit: S'il y a problème, comment va-t-on le régler? Il n'y a qu'une seule façon de le régler — et j'insiste là-dessus — c'est de rendre indispensable le français pour quiconque veut vivre au Québec. C'est cela. Ne nous leurrons pas, M. le Président. Le but de la loi 22, au fond, si elle se veut la loi de la langue officielle, si elle se veut ce bouclier qui va protéger le français, il faut qu'elle ait comme résultat final de rendre, à quiconque veut demeurer au Québec, indispensable la possibilité de parler le français. Il n'est pas inutile non plus, M. le Président, de rappeler ce que nous disions hier soir.

Le but de cette loi n'est pas de protéger l'anglais, ce n'est pas de protéger l'existence ou la survie de l'anglais au Québec, c'est tout au contraire de protéger la survie du français au Québec. Autrement, qu'est-ce qu'on aurait fait? Pourquoi serions-nous venus à l'Assemblée nationale légiférer en matière de langue officielle, déclarer que le français sera la langue officielle à l'avenir au Québec?

On veut, à toutes fins pratiques, par voie législative, changer un certain rapport de force entre deux langues au Québec. Ce n'est pas plus et pas moins que cela. Si le gouvernement est sincère et honnête dans ce désir, il devra se rendre à la motion du député de Lafontaine, il devra l'accepter, il devra faire un acte d'humilité et dire : On n'y avait pas pensé, mais mon but — c'est toujours le gouvernement qui parle — est de protéger cette langue contre l'invasion, contre l'érosion continuelle des nationaux Québécois français vers la langue anglaise, contre cette infiltration constante de l'anglais dans la langue de la majorité.

Cela, ce n'est pas faire du racisme que de le dire. Et je m'arrête tout simplement, je ne peux pas le laisser passer, je pense que le député de Saguenay l'avait relevé, car j'ai entendu, hier soir, le député de Laporte nous comparer à la

Belgique en nous disant qu'il y avait quatre régions linguistiques en Belgique et demander au Québec pourquoi il n'y en aurait pas deux. Cela, à mon avis, c'est un argument purement de sophisme.

M. DEOM: Je n'ai pas dit cela.

M. BURNS: La Belgique, si on veut la comparer à quelque chose, on va la comparer au Canada. C'est cela qu'on va faire.

M. DESJARDINS: C'est cela qu'on a dit. M. BURNS: Pardon?

M. DESJARDINS: Excusez-moi, j'ai parlé trop fort.

M. BURNS: C'est très bien. C'est parce que je suis à l'écoute de mes collègues, moi, contrairement au ministre, semble-t-il, parce qu'il ne paraît pas vouloir...

UNE VOIX: Vous écoutez d'une oreille et cela sort par l'autre.

M. BURNS: On me fait des signes de toute part, M. le Président, je m'excuse.

UNE VOIX: On vous écoute. On vous écoute.

M. VEILLEUX: C'est parce que le député de Maisonneuve a fait des signes lui aussi disant d'aller chercher le député de Saint-Jacques pour venir terminer ce matin.

M. DESJARDINS: C'est le député de Lafontaine qui vous distrait. M. le Président, voulez-vous rappeler le député de Lafontaine à l'ordre?

M. VEILLEUX: M. le Président, est-ce qu'un député peut aller interrompre, à son siège, un député qui s'exprime en commission parlementaire?

M. LEGER: Sur une question. UNE VOIX: C'est du bâillon, cela.

M. LEGER: M. le Président, j'invoque le règlement. Tout député a le droit de poser une question à un autre député qui a la parole pourvu qu'il y consente. Alors, c'est peut-être parce que je ne l'ai pas fait ouvertement, mais c'est une question bien précise, pertinente, et qui ne demandait pas l'avis de tout le monde, je demandais l'avis du député de Maisonneuve.

M. DESJARDINS: Demandez-le à haute voix, on pourra peut-être vous aider.

M. BURNS: M. le Président, j'ai consenti à être interrompu, le député de Lafontaine avait un message â me dire encore une fois.

J'étais à dire que c'est sûrement un des plus beaux sophismes que j'ai entendus lorsque j'ai compris, hier, que le député de Laporte nous citait la Belgique en exemple par rapport au Québec. Or, si on veut comparer la Belgique à quelque chose, on doit la comparer avec le Canada où effectivement...

M. DEOM: II faut que j'attende à la fin pour vous corriger?

M. BURNS: Bien, si vous avez une question à me poser.

M. DEOM: Non, non, mais...

M. BURNS: Si vous avez une remarque à faire, oui, j'aimerais mieux que vous attendiez à la fin.

M. DEOM: Ah bon!

M. BURNS: Mais si vous avez une question à me poser, allez-y tout de suite, je suis d'accord.

M. DEOM: Vous étiez en train...

M. BURNS: Au Canada, cette situation de régions linguistiques, au sens où le député de Laporte l'utilisait, existe aussi. Vous avez dix régions linguistiques dont une est majoritairement francophone et les autres sont majoritairement anglophones. Et si on veut comparer des choses comparables, bien, qu'on le fasse, mais je n'accepte pas, sous des prétextes comme ceux allégués par le député de Laporte, qu'on compare des pommes avec des oranges.

C'est donc avec plaisir que j'appuierai la motion du député de Lafontaine, motion voulant, encore une fois, clarifier, sans aucune espèce de doute dans l'esprit de qui que ce soit, les intentions du gouvernement.

Si on veut faire du français la langue officielle, qu'on ne se gêne pas et c'est pour ça qu'au début, je parlais des députés ministériels qui me semblaient gênés d'affirmer ce qu'ils pensent de cet amendement. Je reviens au député de Louis-Hébert, je disais tout à l'heure qu'il était un des députés chanceux à cette Assemblée nationale.

M. DESJARDINS: Merci, merci infiniment.

M. BURNS: Un des députés chanceux qui est dans une zone qualifiée de francisante où le français a un effet bénéfique...

M. DESJARDINS: Le plus beau comté de Québec.

M. BURNS: ... c'est-à-dire où le français a l'effet contraire de la région montréalaise.

M. DESJARDINS: Le plus beau comté de Québec.

M, BURNS: Où le français — c'est là-dessus que je le trouve chanceux...

M. DEOM: Est-ce que le député de Maisonneuve...

M. BURNS: ... assimile l'anglais plutôt que l'inverse comme il se fait dans la région de Montréal, plutôt que l'inverse comme cela se fait dans la région du Témiscamingue, plutôt que l'inverse comme cela se fait dans la région de l'Outaouais ou dans la région de la Gaspésie, chose aussi étonnante que ça puisse paraître.

M. DEOM: Est-ce que le député de Maisonneuve me permet une question?

M. BURNS: Certainement.

M. LESSARD: Vous, vous ne voulez pas, mais nous, on vous le permet.

M. DEOM: Ah bon! C'est seulement pour savoir si le très gentil député de Maisonneuve va en Belgique au mois de septembre?

M. BURNS: Non, je ne vais pas en Belgique malheureusement, au mois de septembre.

M. DEOM: Parce que ça lui permettrait de vérifier les comparaisons que j'ai faites entre la Belgique et le Québec.

M. BURNS: Ecoutez, je vous pose une question...

M. DEOM: Je peux faire une motion à l'Assemblée nationale pour que vous y alliez. Vous accompagneriez la délégation et vous pourriez après faire les comparaisons en connaissance de cause.

M. LESSARD: ... le député de Laporte parce qu'il n'a pas été choisi par le whip du parti pour être délégué par l'Assemblée nationale à l'Association internationale des parlementaires de langue française en Belgique?

M. DEOM: Est-ce une question que vous me posez?

M. BURNS: M. le Président, je constate qu'il me reste encore cinq minutes, je préférerais me réserver ces cinq minutes pour intervenir plus tard au cas où ça deviendrait nécessaire. Alors, je termine immédiatement mon intervention et comme hier, je me réserve cette période de cinq minutes.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Louis-Hébert.

M. DESJARDINS: M. le Président, je désire intervenir sur cette motion et ceci n'est pas une réponse à l'appel qui a été lancé par le député de Maisonneuve. D'ailleurs, je sais fort bien qu'il l'a fait plutôt par taquinerie que par sérieux. Dans tous les débats qui se déroulent à l'Assemblée nationale et en commission parlementaire, je tente d'éviter de devenir une machine à mots parce que j'ai constaté que justement dans l'Opposition officielle et parfois aussi dans l'Opposition affiliée — parce que j'appelle les créditistes l'Opposition affiliée depuis quelque temps — qu'il y avait là des machines à mots qui prononçaient des mots qui ne veulent rien dire strictement pour étirer les débats. J'admets que, dans certains cas, certains arguments sérieux ont été déposés sur la table, mais très souvent et surtout sur le bill 22, on a eu affaire strictement à des mots pour gagner du temps et faire des motions dilatoires, accomplir ce qu'on appelle, en droit parlementaire, du "filibuster". J'accepte à l'avance le "filibuster" mais je l'accepterais plutôt sur le fond; sur la forme, j'ai beaucoup de difficulté à l'accepter, je n'aime pas beaucoup la procédurite et j'essaie d'être pratique.

J'ai vécu dans la procédure pendant quatorze années et j'essaie d'en sortir parce que c'est lourd et au point de vue administratif, c'est passablement inefficace. Alors, j'interviens strictement dans les débats quand je pense que mes propos pourraient changer quelque chose. Quand je m'aperçois que d'autres ont dit ce que je voulais dire, ou que mes propos ne changeront rien, par conséquent, qu'ils ne seront d'aucune utilité, je n'interviens pas dans les débats.

Egalement, je laisse, personnellement, beaucoup de latitude à l'Opposition officielle et à l'Opposition affiliée dans les débats parlementaires — l'Opposition dissimulée, oui? Ah ! l'Opposition dissimulée, d'accord — et je préfère leur laisser cette latitude, quitte à me priver personnellement...

M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Maisonneuve, question de règlement.

M. DESJARDINS: Je savais qu'il interviendrait, j'attendais ça depuis un instant.

M. BURNS: J'interviens pour protéger les droits des absents, c'est-à-dire des députés créditistes. Je trouve...

M. DESJARDINS: L'Opposition dissimulée?

M. BURNS: ... que vous n'êtes pas juste à leur égard lorsque vous les désignez comme Opposition assimilée. Je pense qu'à plusieurs

reprises, ils ont prouvé qu'ils avaient des idées différentes des nôtres. Il s'adonne — et ça ne vous fait pas tellement plaisir — que sur le projet de loi 22, ils pensent exactement la même chose, comme énormément de Québécois pensent exactement la même chose, que les huit députés de l'Opposition. Et ça, vous allez vous en rendre compte avec le temps, qu'il y a pas mal plus de Québécois qui pensent la même chose que les huit petits députés de l'Opposition.

M. DESJARDINS: Question de règlement, M. le Président. Je pense que le député de Maisonneuve devrait me remercier très sincèrement parce que son discours n'a pas donné lieu à aucun applaudissement, alors que je viens de lui ouvrir la porte pour s'attirer quelques applaudissements. Je continue...

M. BURNS: Je ne suis pas ici pour obtenir des applaudissements, pour votre information, M. le Président.

M. DESJARDINS: J'ai remarqué aussi qu'il y a un autre député qui a eu des applaudissements tout à l'heure, mais l'honorable chef de l'Opposition officielle, malheureusement, a raté son coup et n'en a pas eu aucun.

M. MORIN: Mais je ne suis pas là pour cela, M. le député de Louis-Hébert.

M. DESJARDINS: Je sais bien. Ah! Voilà.

Je m'excuse auprès de cette commission parlementaire, je suis en train de semer le désordre en permettant à nos amis de l'Opposition d'aller chercher les applaudissements qu'ils désirent tellement.

M. MORIN: C'est vous qu'on applaudit.

M. DESJARDINS: M. le Président, je devrai relever la question de règlement du député de Maisonneuve, mais très brièvement et j'entamerai mes quelques commentaires tout de suite après. J'ai parlé de l'Opposition affiliée en Chambre déjà, en présence des deux députés créditistes, et d'ailleurs le député de Rouyn-Noranda m'a répondu là-dessus, avec son humour et sa réplique habituelle.

Je voterai contre la proposition qui est présentée et je dois dire tout de suite que je serai bref parce que le député de Saint-Jean a vraiment résumé ma pensée et les notes que j'avais prises d'ailleurs pour mon intervention sur cette question.

Le député de Saint-Jean a relevé la proposition qui est devant nous dans le moment, il l'a comparée à l'article 133 et il l'a comparée au contreprojet du Parti québécois, pour établir que ce que le Parti québécois veut enlever par cette proposition qui est devant nous, il veut le remettre par le contreprojet qu'il offre aux Québécois.

Et le député de Saint-Jean a parlé d'hypocrisie, puisque le Parti québécois n'annonçait pas vraiment sa politique sur cette question, alors que le ministre de l'Education, lui, a tranché le débat là-dessus, en disant qu'il avait pris une décision politique.

Dans les circonstances, je passerai rapidement, sauf que je veux rappeler à cette commission que la motion, telle que rédigée par l'Opposition péquiste, voudrait dire qu'en Chambre, le français serait la langue orale et écrite, nos lois seraient rédigées en français et les orateurs s'adresseraient en français. Je comprends que le contreprojet du Parti québécois ajoute, par ailleurs, la langue anglaise. Mais en prenant... Ah! regarde donc... Salut! Est-ce que...

M. BURNS: J'admets que le député de Louis-Hébert n'a jamais dit qu'il me retrouverait sur son chemin, mais en tout cas, il me retrouve là.

M. DESJARDINS: Cela me fait plaisir de vous retrouver sur mon chemin, en tout temps. Je dis que la motion, telle que rédigée, élimine la langue anglaise à l'Assemblée nationale et dans la rédaction des lois. Elle élimine également la langue anglaise devant les tribunaux relevant du gouvernement du Québec, c'est-à-dire la cour Provinciale, devant laquelle on présente les petites créances, en vertu de la loi d'accès facile à la justice; la cour des Sessions de la paix, c'est-à-dire les actions pénales et les enquêtes préliminaires en matière criminelle; les cours municipales également.

Par conséquent, on fait face à un individu qui serait obligatoirement entendu en français devant une cour de première instance, comme la cour Provinciale, par exemple, et qui pourrait être entendu en anglais, en appel sur une question débattue en cour Provinciale, devant la cour du Banc de la reine siégeant en appel. Je ne vois pas de contradiction là-dedans, ce n'est pas ma prétention.

On verrait également un individu qui entendrait son enquête préliminaire en français devant la cour des Sessions de la paix et qui arriverait devant la cour du Banc de la reine de juridiction criminelle, c'est-à-dire les assises criminelles qu'on appelle communément, où il pourrait être entendu en anglais devant un jury de langue anglaise, avec un sténographe anglais, etc.

On voit également des actions pénales intentées devant la cour des Sessions de la paix où un procès de novo est autorisé en cour Supérieure, qui siège alors en juridiction criminelle...

M. VEILLEUX: Vous êtes comme le député de Lafontaine, vous parlez en latin vous aussi.

M. DESJARDINS: Je parle également en latin.

M. LESSARD: Est-ce que je peux poser une question au député de Louis-Hébert?

M. DESJARDINS: Certainement.

M. LESSARD: Est-ce que le député de Louis-Hébert est en train de nous prouver qu'il faudrait faire l'indépendance du Québec pour avoir une véritable loi linguistique?

M. DESJARDINS: Je sais que, dans le fond, c'est ce que vous voulez, mais vous voulez surtout des applaudissements. Vous avez manqué votre coup.

Je continue, si on peut cesser de m'interrompre, M. le Président, pour dire que les individus au Québec...

M. BURNS: Question de règlement, M. le Président. J'invoque le règlement. Vous l'avez permise cette interruption.

M. DESJARDINS: Je l'ai permise.

M. BURNS: Le député de Saguenay, très courtoisement, vous a demandé le droit de vous poser une question. Tâchez de reconnaître que vous avez permis cette question...

M. DESJARDINS: ... et jusqu'à maintenant...

M. BURNS: ... au moins cela.

M. VEILLEUX: Sur la question de règlement soulevée par le député de Maisonneuve, moi, j'ai la très nette impression que le reproche qu'adressait le député de Louis-Hébert, ce n'était pas au député de Saguenay, mais au député de Saint-Jean qui l'avait interrompu.

M. DESJARDINS: Si je peux continuer, M. le Président.

M. BURNS: C'est bien cela?

M. DESJARDINS: Oui, c'est exactement cela. M. le Président, c'est exact que j'ai autorisé le député de Saguenay de m'interrompre. D'ailleurs, je l'ai toujours fait. A chaque fois que le député de Saguenay veut me poser une question, j'accepte toujours, depuis que j'ai été élu député...

M. LESSARD: C'est réciproque.

M. DESJARDINS: C'est réciproque et c'est exact. Je continue donc pour dire qu'un individu au Québec, dans l'exercice de ses droits sera dans une position un peu difficile s'il a quelques difficultés à maîtriser la langue française. Est-ce que ses droits seront mieux protégés selon qu'il s'agisse d'une juridiction fédérale ou d'une juridiction provinciale? Comme vous le savez, la cour Supérieure, la cour du Banc de la reine siégeant en appel et la cour du Banc de la reine de juridiction criminelle sont de juridiction fédérale et la proposition, telle que soumise exclut ces juridictions fédérales. Est-ce qu'il ne sera pas lésé dans ses droits? C'est cela qui m'inquiète un peu.

Prenons l'individu qui maîtrise la langue française, mais moins bien que la langue anglaise, il devrait obligatoirement être entendu en français en première instance alors qu'il pourra faire valoir ses questions de droits en appel dans l'une ou l'autre des langues. J'ai peur qu'à ce moment il se sente lésé dans ses droits individuels, à moins que, à l'aide du contre-projet du Parti québécois on instaure, dans le projet de loi 22, ce que vous voulez enlever à l'article 133.

Si c'est ce que vous voulez, mes inquiétudes commencent à disparaître, mais, d'un autre côté, si c'est ce que vous voulez, pourquoi modifier ce qui existe déjà sur lequel une jurisprudence est établie? Cet article 133 est appliqué déjà, depuis l'adoption de la constitution canadienne. Pourquoi l'enlever là pour le remettre ailleurs et risquer que des droits soient lésés, que des droits soient compromis? Moi, je pense au justiciable, purement et simplement. Avec l'expérience que j'ai devant les tribunaux, je me mets à la place de l'individu qui est obligé de se défendre dans la langue française, en première instance sachant qu'il pourra faire valoir les mêmes droits, mais d'une autre façon dans sa langue, dans la langue anglaise devant la cour d'Appel. Est-ce que, pour lui, il ne sentira pas que c'est là une disposition discriminatoire? C'est ce qui m'inquiète. Parce que, vous savez, c'est tellement dangereux de brimer les droits de quelqu'un devant les tribunaux, d'aller à rencontre de la liberté d'un individu. Lorsqu'un individu risque, par exemple, de recevoir une peine d'emprisonnement pour un acte qu'il a commis et, à certains moments, pour un acte qu'il a commis dans la folie du moment ou à l'occasion d'une erreur passagère, à l'occasion d'un cas isolé, il faut être excessivement prudent lorsqu'il est traité devant les tribunaux.

On doit respecter ces droits dans les moindres détails. On doit adopter le principe de la défense pleine et entière. Je comprends que souvent les avocats de la défense au criminel abusent de ce principe de défense pleine et entière, mais, quant à moi, j'ai toujours trouvé qu'ils n'en abusaient pas vraiment, puisqu'ils voulaient protéger à l'extrême les droits des individus. Si vous avez devant une cour de première instance un individu qui s'exprime mal en français, que faites-vous de ce principe de la défense pleine et entière?

M. BURNS: Est-ce que le député de Louis-Hébert me permet une question?

M. DESJARDINS: Certainement.

M. BURNS: Si l'amendement qui est actuel-

lement sur la table et qui a été présenté par le député de Lafontaine l'inquiète quant aux droits individuels, c'est bien de cela qu'il est en train de parler...

M. DESJARDINS: Oui.

M. BURNS: ... et non pas d'une espèce "d'officialisation" officieuse d'une deuxième langue?

M. DESJARDINS: Non.

M. BURNS: Si l'amendement qui est sur la table l'inquiète au point de vue des droits individuels, pourquoi le député de Louis-Hébert ne fait-il pas un sous-amendement à l'amendement qui est sur la table?

M. DESJARDINS: Pourquoi faire un sous-amendement? Pourquoi jouer avec des mots quand cela n'est pas nécessaire? Je n'aime pas perdre mon temps avec des mots.

M. BURNS: Jusqu'à maintenant, vous nous avez dit, à toutes fins pratiques, que le projet, qui n'est pas un projet de loi d'ailleurs, qui est une espèce de résumé de l'éventuel projet de loi du Parti québécois, constatait les droits individuels. Alors, vous vous doutez qu'on ne les met pas de côté par cet amendement. Si cela vous chicote à ce stade, de le dire, ce que dit la proposition du député de Lafontaine, vous avez le droit de sous-amender l'amendement.

M. DESJARDINS: D'une part, je dois prendre la motion telle qu'elle est rédigée sans tenir compte du contre-projet du Parti québécois pour le moment. Non, attendez un peu, laissez-moi...

M. LESSARD: Le député peut-il...

M. DESJARDINS: D'une part, je dois prendre la motion telle que rédigée et l'interpréter telle que rédigée sans tenir compte du contre-projet du Parti québécois. Telle que rédigée, elle m'inquiète parce qu'elle brime des droits individuels et dans un endroit excessivement dangereux pour la liberté d'un individu, soit devant les tribunaux. C'est cela qui m'inquiète, telle que rédigée. D'autre part, je suis habitué à être pratique. J'ai toujours évité de pelleter des nuages. Ce sont sans doute mes fonctions antérieures qui m'ont mis comme cela, ce n'est pas un talent particulier, c'est une pratique. Pour être pratique, j'essaie d'éviter de jouer avec les mots. Je dis que l'article 133 préserve déjà ces droits. L'article 133 est présent et applicable et au Québec, des personnes s'en sont déjà servies, et leurs droits sont protégés par l'article 133. Je trouve donc qu'il n'est pas nécessaire de l'enlever de la constitution pour l'inclure dans le projet de loi. C'est un jeu de mots que vous faites.

M. BURNS: Est-ce que le député de Louis-Hébert n'admet pas que ce que l'article 133 fait, c'est de rendre deux langues officielles...

M. DESJARDINS: Non.

M. BURNS: ... alors qu'il parle actuellement... Oui, pour des fins particulières, cela rend deux langues officielles. Ce qui le chicote actuellement, je le répète, ce sont des droits individuels de certaines personnes anglophones.

M. DESJARDINS: L'article 133 permet aux individus de s'exprimer en français ou en anglais devant les tribunaux. Il ne faut pas lui faire dire autre chose que ce qu'il dit. Il ne faut pas essayer de jongler avec les mots, comme le député de Saguenay l'a fait tout à l'heure.

M. LESSARD: Les droits de la collectivité...

M. DESJARDINS: Je demanderais, M. le Président, aux députés de l'Opposition d'avoir un peu d'ordre. Je comprends qu'ils ont peut-être veillé tard hier soir, mais ils pourraient peut-être me laisser terminer mon intervention.

Je pense que j'ai toujours respecté vos droits de parole depuis que je suis à cette commission parlementaire et en Chambre. J'ai toujours été extrêmement respectueux du droit de parole des autres, M. le Président.

M. VEILLEUX: Et du règlement.

M. DESJARDINS: J'en demande autant.

M. LEGER: C'est presque vrai.

M. DESJARDINS: Je note, M. le Président, que le député de Lafontaine a dit que c'était presque vrai. J'aurais vraiment aimé qu'il enlève le mot "presque" de son intervention, parce que c'est vrai.

M. LEGER: C'est la vérité. C'est presque vrai.

M. DESJARDINS: De toute façon, je désire terminer mon intervention en réfutant les propos de mon ami, le député de Saguenay. Franchement, j'ai été scandalisé par les propos du député de Saguenay, et je vois qu'il n'a pas toujours assimilé les conseils juridiques que je lui ai donnés, il y a quelques années, lorsque j'agissais pour la Fédération des jeunes chambres du Canada français. Lorsque le député de Saguenay vient nous dire, en substance, et cela avec tout le respect que je dois à mon collègue, et avec les opinions qu'il émet devant cette commission...

UNE VOIX: Et cher ami...

M. DESJARDINS: Oui, collègue et ami, le député de Saguenay, c'est vrai. Lorsqu'il vient

nous dire que l'article 8 fait que le français n'est plus la langue officielle du Québec, là, je ne comprends pas son raisonnement. Il est exact que le député de Saguenay n'a pas beaucoup explicité cette question. Mais, quand même, pour l'enregistrement des Débats, je reprends l'article 1 et l'article 8.

L'article 1 dit bien que le français est la langue officielle du Québec. Mais l'article 8, M. le Président, ne contredit en rien, ni directement, ni indirectement, l'article 1, puisque l'article 8 dit seulement que les textes et documents officiels peuvent être accompagnés d'une version anglaise; en quoi cela contredit-il l'article 1? C'est absolument inexact. Si c'est cela que le député de Saguenay a voulu dire — et je sais qu'il peut le faire en vertu de l'article 96 — il interviendra après mon intervention pour corriger mes prétentions.

Là, on continue, à l'article 8, en disant: "En pareil cas, et sauf les exceptions prévues par la présente loi, seule la version française est authentique". Fin de la citation.

En quoi cela contredit-il l'article 1? Franchement, le député de Saguenay devra présenter des arguments et m'éclairer là-dessus, parce qu'en prenant le texte tel qu'il est, je ne vois pas de contradiction. Au contraire, je vois une affirmation, une confirmation de l'article 1. Il ne faut pas confondre, comme d'autres l'ont fait, à ma connaissance — je ne parle pas de députés de cette Chambre — il ne faut pas confondre langue officielle et document officiel. Le document officiel est rédigé dans la langue officielle. Il y en a, à ma connaissance, qui avaient confondu les deux et qui prétendaient, à la lumière de cette confusion, que l'article 8 contredisait l'article 1. Au contraire, il ne le contredit pas du tout.

M. le Président, je ne veux pas aller plus loin là-dessus, et je termine en vous disant que je suis fort surpris que les remarques que j'aurais faites, mais que le député de Saint-Jean a faites avec beaucoup plus de brio que moi, je suis surpris que l'orateur qui m'a précédé, le député de Maisonneuve, n'en ait pas profité pour réfuter les remarques soulevées par le député de Saint-Jean. Je sais que le proposeur peut répliquer et j'ai bien hâte d'entendre ses commentaires selon lesquels la motion, en réalité, avec tout le respect que je dois au chef de l'Opposition officielle, est une motion qui m'apparaft un peu hypocrite dans le sens déjà exposé. Elle m'apparaît être un jeu de mots et elle m'apparaît être dilatoire.

Je vous remercie, M. le Président.

M. LESSARD: Article 96.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Saguenay.

M. LESSARD: Je n'ai jamais dit que l'article 8 faisait en sorte que le français n'était plus la langue officielle. Ce que j'ai dit, c'est qu'en vertu de l'article 8, l'anglais devient aussi une langue officielle et c'est en cela qu'il y a une contradiction avec l'article 1, parce que l'article 1 en relation avec l'article 8 devrait se lire comme suit: "Le français et l'anglais sont les langues officielles du Québec".

M. DESJARDINS: Est-ce que le député de Saguenay me permet une question?

M. LESSARD: Bien... M. DESJARDINS: Oui?

M. LESSARD: Mon temps de parole est fini, mais si j'ai le consentement...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Vous n'êtes pas censé.

M. DESJARDINS: Je ne suis pas censé? Comme je respecte le règlement, je la poserai...

M. LESSARD: Je ne la refuse pas.

M. DESJARDINS: Non.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Vous la poserez après l'ajournement.

M. DESJARDINS: Dans le creux de l'oreille.

M. CLOUTIER: Si personne d'autre ne désire parler, il est 12 h 55, je vous prierais de considérer qu'il est une heure. Je procède de cette façon parce qu'on a une motion qui disait que nous allions ajourner nos travaux à une heure.

M. BURNS: D'accord.

M. HARDY: Sans préjudice au droit de parole des autres membres de la commission.

M. LEGER: Sans préjudice.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): La commission ajourne ses travaux à lundi 15 heures.

(Fin de la séance à 12 h 54)

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