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Commission permanente de l'éducation,
des affaires culturelles et des communications
Etude du projet de loi no 22
Loi sur la langue officielle
(Séance du vendredi 19 juillet 1974
(Onze heures vingt minutes)
M. GRATTON (président de la commission permanente de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre,
messieurs !
Avant de commencer nos travaux, j'aimerais nommer les
députés qui auront droit de vote au cours de la séance
d'aujourd'hui. Ce sont: MM. Brown (Brome-Missisquoi); Charron (Saint-Jacques);
Déom (Laporte); Cloutier (L'Acadie); Hardy (Terrebonne); Lapointe
(Laurentides-Labelle); Bonnier (Taschereau); Morin (Sauvé); Parent
(Prévost); Beauregard (Gouin); Lachance (Mille-Iles); Samson
(Rouyn-Noranda); Veilleux (Saint-Jean).
Motion pour étudier le préambule
(suite)
LE PRESIDENT (M. Gratton): Au moment de l'ajournement de nos travaux
hier, nous débattions une motion du chef de l'Opposition officielle,
motion qui se lit comme suit: "Que l'étude de l'article 1 soit
différée jusqu'à ce que l'étude du préambule
du projet de loi 22 ait été complétée".
Est-ce que la commission est prête à se prononcer sur cette
motion?
M. CHARRON: Non, M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de
Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, lorsque nous avons ajourné
hier soir, à minuit, nous étions à discuter une motion,
présentée par le chef de l'Opposition qui vise un unique but et
qui est très facilement compréhensible pour n'importe quel
député libéral, c'est que nous procédions d'abord
à l'étude du préambule de la loi, avant d'entrer dans
l'article 1, comme nous y invite le ministre de l'Education.
M. le Président, vous serez sûrement surpris que je sois
obligé de plaider et d'utiliser le droit de parole que vous m'avez
reconnu pour expliquer que, habituellement, il est tout à fait normal
que l'on étudie le préambule d'une loi avant d'en étudier
chacun des articles. Je suis même étonné, M. le
Président, que le ministre de l'Education n'ait pas immédiatement
employé son droit de parole pour se rendre à cette
évidence qui veut que l'on étudie d'abord le préambule
d'une loi avant d'en voir chacun des articles.
Le premier argument, M. le Président, que je puis invoquer pour
soutenir la motion du chef de l'Opposition est évidemment la logique.
Vous me direz que la logique n'est certainement pas la qualité
première du ministre de l'Education, j'en conviens, mais, à
l'occasion, peut-être le ministre de l'Education peut-il se rendre
à certaines évidences, comme celle de la nécessité
d'établir bien clairement, dans le préambule d'une loi, ce qui
sera éventuellement visé par cette loi constitue le premier pas
normal dans l'étude d'un projet de loi.
M. le Président, j'ai même l'impression que si nous
parvenions, au cours de la journée d'aujourd'hui, à nous entendre
sur ce que nous voulons voir figurer dans le préambule de ce projet de
loi, cela pourrait raccourcir énormément l'étude article
par article du projet. Une fois que les députés membres de la
commission se seraient entendus sur les objectifs qu'ils veulent donner
à la loi, il est bien entendu que, par la suite, certains articles
découleraient d'eux-mêmes et seraient adoptés presque sans
discussion; tandis que certains des amendements proposés par
l'Opposition, que nous présenterons à l'occasion de
l'étude article par article, apparaîtraient d'ores et
déjà comme parfaitement recevables et pouvant être inclus
à la loi, puisque nous aurions eu, auparavant, lors de la discussion sur
le préambule, une discussion sur les objectifs.
Il suffirait donc aux députés du Parti
québécois d'argumenter en faveur de leur amendement en signalant
qu'ils vont dans l'esprit des objectifs que nous avons posés dans le
préambule. Automatiquement, une bonne partie de la discussion se
trouverait éteinte.
C'est donc, encore une fois, pour raccourcir nos débats que le
chef de l'Opposition a voulu présenter cette motion.
Passons au fond du sujet immédiatement. Le chef de l'Opposition
en présentant sa motion vous a parlé de cette notion de
préambule dans une loi. II a même signalé l'origine
étymologique de ce mot qui veut dire ce qu'il veut dire "praeambulare"
avant d'entrer, clarifier certaines choses, mettre certains principes sur
table. Lui-même, dans son argumentation, vous a fait valoir un des
témoignages que nous avons entendu au cours des quatre semaines
d'auditions publiques de la commission, qui nous avait particulièrement
signalé cette pertinence ou cette logique que doit avoir un projet de
loi entre les différents articles de la loi et ce qu'il affirme en
principe dans le préambule.
Or, sans aucune espèce de honte ou plutôt en rendant
hommage à ses auteurs mêmes, je ferai directement
référence, ce matin, à ce mémoire que nous avons
entendu. Le ministre de l'Education s'en souviendra, s'il a bonne
mémoire, c'était au cours de la première semaine des
auditions publiques par la Société de philosophie du
Québec, un mémoire que tous les membres de la commission ont
apprécié, je crois, même si on peut diverger sur les
conclu-
sions que nous présente ce mémoire, sa construction,
fidèle à la réputation des philosophes eux-mêmes, et
sa clarté en même temps.
M. le Président, ce groupe vous avait signalé qu'ils
avaient eux-mêmes édifié leur mémoire à
partir d'une étude plus qu'attentive du préambule. C'est un peu
cette méthode de travail que le chef de l'Opposition veut
présenter à la commission. Ils nous ont dit quand ils sont
arrivés ici: On s'en vient vous présenter un mémoire
que j'ai en main, qui a seize pages sur le projet de loi 22. Ils
nous expliquent dans les deux premières pages de ce mémoire,
comment ils ont procédé. Est-ce qu'ils sont partis d'une vision
générale ou nébuleuse, comme on aime souvent qualifier la
vision générale des philosophes, de ce qu'est une langue
officielle, ce qu'est la langue d'une nation, etc.? Non. Ils disent: Nous, on
s'en est tenu concrètement au projet de loi 22. On a d'abord
analysé très fermement et très clairement ce que le
législateur annonce comme intention dans le préambule: attendu
que, considérant que, parce que, en vue de. Par la suite, prenant pour
acquis, si vous me permettez l'anglicisme, prenant pour du "cash" ce que le
gouvernement affirmait dans le préambule, ils ont voulu vérifier
si le gouvernement était fidèle à lui-même dans
chacun des articles du projet de loi. Une fois que le législateur dit:
C'est cela mon objectif, c'est ce que je veux atteindre, attendu que c'est vers
cette situation que je me dirige, alors regardons maintenant s'il fait vraiment
les pas dans la bonne direction.
M. le Président, je fais immédiatement
référence à ce mémoire étonnamment bien
construit. Ils ont d'abord, disent-ils, voulu établir les conditions de
pertinence d'une loi sur la langue française. C'est, à mon avis,
l'occasion que nous fournira à nous aussi, législateurs, le fait
d'étudier d'abord le préambule avant d'étudier l'article
1, donc d'accepter la motion présentée par le chef de
l'Opposition. Ils ont dit: Pour les fins de notre propos, il nous faut d'abord
établir ce que nous sommes en droit d'attendre d'une législation.
Pour ce faire, nous utilisons une grille d'analyse simple basée sur deux
principes généraux qui permettent de définir les
conditions de pertinence d'une loi en général.
Premièrement, toute loi vise à la réalisation
à court ou à long terme d'objectifs définis, tout le monde
en conviendra.
Donc, deuxièmement, à cette fin, en vue de la
réalisation de ces objectifs, toute loi institue des contraintes.
Premièrement, pour stimuler ou favoriser les forces susceptibles de
concourir à la réalisation de l'objectif ou, deuxièmement,
pour neutraliser ou abattre les forces adverses qui, si on les laissait
à elles-mêmes, compromettraient la réalisation de ces
objectifs.
La Société de philosophie du Québec nous signalait,
M. le Président, que, si l'on accepte ces deux principes, on doit
conclure, de façon générale, premièrement: qu'une
loi qui prétend susciter ou favoriser des forces positives, mais qui
n'établit pas les contraintes suffisantes, est strictement inutile et
verbale; deuxièmement: qu'une loi qui prétend réagir
contre une tendance adverse, mais qui néanmoins ne change rien au statu
quo, n'est pas, à la limite, une loi, mais une pure et simple
consécration de la tendance existante; troisièmement: que plus
les tendances à neutraliser sont puissantes, plus la législation
doit être ferme, si elle prétend concourir effectivement à
la réalisation des objectifs définis dans le
préambule.
M. le Président, ces remarques sont loin d'être
insignifiantes dans le débat que nous engageons actuellement. Parce que
vous savez combien de témoins sont venus à cette table signaler
qu'effectivement, la loi 22 ne faisait que prétendre susciter ou
favoriser des forces positives, mais qu'elle était loin d'établir
les contraintes suffisantes et qu'en ce sens, elle était strictement
inutile et verbale.
Vous savez combien de gens sont venus à la table de cette
commission nous dire que cette loi, qui prétendait réagir contre
les forces d'anglicisation et qui néanmoins ne change rien au statu quo,
n'est pas une loi, mais est une pure et simple consécration de la
tendance existante. Mais vous savez comme moi, M. le Président, que
beaucoup de Québécois sont venus à cette table pour nous
dire que les tendances à neutraliser sont infiniment puissantes, ce qui
devrait nous inciter, comme législateurs, à être d'autant
plus fermes si on veut vraiment que cette loi, que nous allons étudier
article par article, prétende concourir effectivement à la
réalisation des objectifs poursuivis.
La première étape c'est dans ce sens qu'est la
logique de la motion présentée par le chef de l'Opposition
la première étape consiste à définir clairement les
objectifs que la loi poursuit, et cela, nous le ferons lorsque nous discuterons
du préambule, car c'est là qu'on retrouve les objectifs. Ce point
ne semble soulever aucune difficulté puisque, dans l'ensemble, nous
pouvons dire que nous souscrivons, dans une grande partie, aux objectifs que le
législateur gouvernemental a formulés dans son
préambule.
Il est vrai qu'il s'agit de préserver un patrimoine national
qu'on considère en péril. Je cite encore le préambule:
"... d'assurer la prééminence..." et je cite encore: "... de
favoriser l'épanouissement et la qualité de la langue
française au Québec".
Notons seulement ici, au passage, que la pratique de la traduction
anglaise adoptée par le gouvernement québécois ne semble
pas toujours avoir des résultats heureux. Il est plutôt surprenant
de constater que les obligations inscrites dans ce préambule, par
exemple: "La langue française doit être..." "Les entreprises
doivent faire...", se transforment en souhaits lorsqu'elles sont
formulées en langue anglaise: "... should be..." Est-ce qu'il n'existe
pas en anglais le verbe "must" qui aurait été l'équivalent
de ce que l'on prétend dire en français dans le même
préambule?
La deuxième étape de l'étude de la loi, par la
suite, comme je vous le disais tout à l'heure, sera l'occasion de
vérifier si ce que nous avons affirmé avec tambour et trompette
dans le préambule, en disant qu'on allait partir pour sauver le
patrimoine national et qu'on allait rétablir la
prééminence du français...
Une fois que nous aurons fait le plein des discussions sur ce sujet et
le consensus de la commission parlementaire sur ce sujet, nous pourrons entamer
l'étude article par article parce que nous saurons, article par article,
quels sont les objectifs que tous ensemble nous avons décidé de
poursuivre.
Encore une fois, non seulement cela pourrait raccourcir les
débats, mais cela pourrait les maintenir au niveau sérieux auquel
nous nous efforçons de les maintenir depuis le début de cette
discussion.
Obtiendrons-nous un consensus facile de la commission sur les objectifs?
Allez-vous me dire que, si la motion du chef de l'Opposition était
acceptée, nous en aurions pour toute la semaine prochaine à
discuter d'amendements que l'Opposition aurait à présenter sur le
préambule?
Je ne connais pas, évidemment, quelle serait la réaction
gouvernementale aux précisions que nous aimerions apporter dans le
préambule, mais, à l'avance, je peux vous assurer que, si j'ai
bien suivi les affirmations de principe sur lesquelles, d'ailleurs, le ministre
de l'Education se disait intraitable au départ, si j'ai bien suivi les
affirmations de chacun des membres du gouvernement, en oubliant les
contradictions à cette table entre le ministre de la Justice et le
ministre de l'Education oublions pour un moment les dissensions qui ont
marqué la vie du parti ministériel depuis le dépôt
de ce projet de loi, l'espèce de ralliement obligatoire que s'est
senti obligé de faire le ministre des Communications, la dissidence
exprimée par le ministre du Travail devant les dames qui sont venues
assister, enchaînées à leurs chaises, aux travaux de notre
commission de cette semaine.
Oublions le désaccord manifeste qui existe dans le Parti
libéral et qui a obligé le député de Gouin à
présider des caucus spéciaux à tous les matins pendant un
mois. Non, M. le Président, oublions et faisons semblant que le projet
de loi est vraiment le fruit du ministre de l'Education pour le moment. Me
direz-vous par la suite, M. le Président, que si la motion du
député de Sauvé, chef de l'Opposition, était
acceptée, nous nous engagerions dans des discussions interminables? Non.
Parce que je crois que malgré toutes les divergences exprimées il
y a effectivement un consensus au sein de parti ministériel que
l'Opposition n'est pas loin d'épouser à certaines occasions. Nous
n'avons pas le même vocabulaire. Nous n'avons pas la même
volonté de voir la loi préciser la place du
français...
M. CLOUTIER: Est-ce que je peux me permettre une question? De
l'anglais.
M. CHARRON: ... dans la vie collective des Québécois. Nous
avons plutôt l'impression que la langue de la majorité devrait
être la langue officielle dans tous les sens du mot et que cela ne
devrait pas être une occasion d'affirmer un principe et le contredire
dans d'autres articles par la suite. Soit, M. le Président, ces
divergences entre l'Opposition et le parti ministériel sont bien
connues. Mais, si nous acceptions, à la demande du chef de l'Opposition,
d'entamer une discussion sur les objectifs, vous seriez probablement surpris du
résultat que la commission atteindrait assez rapidement, quant aux
objectifs. Par la suite, bien sûr cela engagerait un débat ardu
sur la façon de réaliser ces objectifs.
Je soutiens donc encore une fois, M. le Président, que la motion
du chef de l'Opposition n'a rien de dilatoire, mais qu'elle s'inscrit dans une
volonté logique d'exprimer un projet de loi. Vous nous avez
rappelé que notre ancien règlement fixait l'étude du
préambule à la fin de l'étude en commission, mais vous
nous avez rappelé également cette possibilité d'une
commission d'intervenir l'ordre normal, c'est d'ailleurs pourquoi vous avez
reconnu comme recevable la motion du chef de l'Opposition, sur une proposition
d'un membre de la commission: Etudions plutôt tel aspect plutôt que
tel autre avant. Je crois que nous sommes justifiés de modifier la
tradition actuellement à cause de l'importance du projet de loi. Bien
sûr, lorsque nous légiférons, je ne sais pas, sur un
domaine d'importance inférieure à celui que nous discutons, il
est bien possible que le fait de discuter du préambule, après la
discussion article par article, constitue un avantage.
Mais pas lorsqu'on aborde les droits fonde-mentaux des citoyens, pas
lorsqu'on prétend établir pompeusement une charte linguistique,
pas quand on se gargarise d'être en train de modifier le visage de la
métropole du Québec, à l'aide d'un projet de loi de cette
envergure, et surtout pas quand on apporte un projet de loi aussi
contesté par les Québécois. Je pense que l'occasion est
belle de rompre avec les traditions parlementaires et de prouver que cette
institution peut encore avoir de la souplesse et n'est pas
enchaînée si vous me permettez à nouveau
l'expression, M. le Président dans ses traditions
sclérosées du XIXe siècle mais qu'elle peut, lorsque
besoin est, modifier sa façon habituelle de fonctionner. Je pense que
l'occasion nous est offerte par le chef de l'Opposition et j'espère bien
que l'ensemble de la commission endossera l'offre et l'incitation pour
reprendre un mot cher au ministre de l'Education à une nouvelle
méthode de travail que vient de faire le chef de l'Opposition.
M. le Président, une fois que nous aurons établi les
objectifs que cette commission doit viser, alors nous entamerons sans aucune
espèce de discussion inutile, l'étude du projet de loi, article
par article, parce que chacun des membres saura parfaitement à la
poursuite de quel
objectif nous serons désormais lancés pour les semaines
à venir. Dans le même esprit, M. le Président, puis-je vous
signaler, qu'une fois les objectifs fixés dans le préambule, non
seulement étudierons-nous, article par article la loi, mais
également les amendements que le ministre nous a soumis hier soir
lorsque vous avez appelé l'article 1: les siens, ceux qu'il a
lui-même apportés, ceux qui lui ont été
imposés au conseil des ministres et ceux que le caucus libéral
lui a fait avaler. Sans aucune distinction, nous les prendrons en nous
imaginant que c'est toujours le ministre de l'Education qui en est le parrain.
Nous ne ferons pas de chichi à savoir si le ministre de l'Education a
été battu au conseil des ministres, qu'il a été
obligé d'invoquer la force, si le ministre de la Justice a
été obligé de peser de tout son poids vous savez ce
que je veux dire lorsqu'il est intervenu dans le débat. Non, je
crois que l'humiliation qu'a subie le ministre de l'Education depuis le
début, par ses propres collègues, est encore plus grande que
celle que lui a infligée l'Opposition et qu'en ce sens nous devrons
aborder les amendements.
Maintenant, si dans cette discussion, le ministre de l'Education n'est
pas capable de défendre ses amendements, alors, nous n'hésiterons
pas à faire appel à ceux qui les ont insérés au
projet de loi, au besoin, faire appel au ministre de la Justice pour qu'il
vienne nous expliquer ce qu'il a imposé à son collègue de
l'Education. Peut-être, à ce moment-là, se trouvera-t-il un
député de service, comme celui de Laporte, pour essayer de sauver
les meubles, éviter une dissension ministérielle et nous
expliquer à sa façon chacun des amendements. Mais encore une
fois, seulement lorsque nous nous serons entendus sur les objectifs et que la
motion du chef de l'Opposition nous aura permis de fixer ces objectifs dans le
préambule, et par la suite, de passer à la discussion article par
article.
C'est pourquoi, M. le Président, je trouve parfaiteent logique
même si ce mot fait frémir le ministre de l'Education
la motion du chef de l'Opposition.
LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable ministre de l'Education sur la
motion du chef de l'Opposition officielle.
M. CLOUTIER: M. le Président, je vous remercie de m'accorder la
parole. Je ne ferai pas de commentaires sur les insultes et les injures dont
m'abreuve régulièrement le député de Saint-Jacques.
Il n'y a qu'une seule réaction devant ce genre de
phénomène, c'est le mépris, et j'ai bien l'intention de
l'utiliser à bon escient.
Tout d'abord, avant de parler de la motion elle-même, je voudrais
rétablir certains faits. Le député de Saint-Jacques
s'amuse beaucoup à parler de dissension au sein du caucus, au sein du
cabinet; il parle de l'humiliation du ministre de l'Education parce que,
apparemment, j'au- rais été mis en minorité sur certains
points du projet de loi. Je pense qu'il devrait comprendre je n'ai
guère d'espoir de ce côté qu'un projet de loi n'est
jamais le projet de loi d'un ministre, mais est le projet de loi d'un
gouvernement qui se veut solidaire.
En effet, même si un ministre est chargé de façon
particulière, je l'ai été, soit dit en passant, non
à titre de ministre de l'Education, mais uniquement parce qu'on avait
besoin de quelqu'un pour tenter de définir les grandes lignes d'une
législation linguistique et comme j'avais été, au
départ, dès 1970, ministre des Affaires culturelles et que
l'Office de la langue française relevait de ce ministère, c'est
à ce moment-là que j'ai commencé à m'occuper du
dossier.
Je dis donc que ce n'est pas parce qu'un ministre s'occupe
d'élaborer les grandes lignes d'une législation que cette
législation est la sienne. Bien au contraire. Le ministre
présente au cabinet un certain nombre d'opinions, d'études
préliminaires et c'est à la suite de discussions qui, dans le cas
particulier, ont duré, je ne dirais pas des mois, mais des
années, que l'on en arrive à une formulation qui tient compte des
points de vue exprimés. Je pense qu'il est extrêmement important
qu'on le comprenne et je laisserai le député de Saint-Jacques
s'amuser lorsqu'il tentera de mettre en contradiction certains de mes
collègues.
Je viens d'une famille, soit dit en passant, qui a le courage de ses
convictions et je crois qu'on en a eu récemment une
démonstration.
M. CHARRON: On a vu cela cette semaine.
M. CLOUTIER: Comment, qu'est-ce que j'ai entendu?
M. CHARRON: J'ai dit: On a vu cela cette semaine.
M. CLOUTIER: Certainement, à quoi pensez-vous, M. le
député de Saint-Jacques? A ma soeur? Certainement, et je
félicite mes soeurs d'avoir le courage de leurs opinions. Nous avons
davantage le courage de nos convictions que d'une certaine solidarité,
serait-elle familiale. Et je trouve cela parfaitement normal et je suis
très heureux de cette occasion qui m'est donnée de faire une mise
au point.
Nous sommes neuf enfants. Nous ne venons pas comme d'ailleurs le
croit le député de Saguenay d'une famille riche, mais
d'une famille très modeste. Neuf enfants, cela signifie que chacun a
droit à ses opinions politiques. Je respecte les opinions de mes soeurs
et je crois qu'elles respectent les miennes. J'ajoute que j'ai de l'admiration
pour elles, parce qu'elles ont le courage de dire ce qu'elles pensent.
Peut-être ont-elles le même sentiment vis-à-vis de moi?
Soit dit en passant, ceci ne détermine aucune humiliation chez
moi, contrairement à ce que disait un journaliste d'un quotidien
montréalais, mais cela déclencherait plutôt l'inverse,
c'est-à-
dire un sentiment d'admiration pour les gens qui ont le droit de se
battre pour ce qu'ils pensent. Peu importe qu'ils aient raison ou tort, il y a
là une démarche qui me paraît valable.
Ceci dit, M. le Président, il y a donc aucune humiliation,
quelles que soient les opinions politiques d'une très grande famille,
qui est représentative des familles québécoises, et il n'y
a strictement aucune humiliation, quelles que soient les opinions qui ont pu
s'exprimer dans un groupe d'hommes de bonne volonté, qu'il s'agisse du
cabinet ou qu'il s'agisse du caucus, de manière à en arriver
à une formulation qui tient compte de l'orientation de ce parti qu'est
le Parti libéral.
Je n'ai pas l'intention d'y revenir constamment, parce que je sais bien
que le député de Saint-Jacques se fera un malin plaisir... Dans
le cas particulier, c'est de bonne guerre d'essayer de mettre en
évidence ce qu'il appelle les dissensions.
En ce qui concerne la motion proprement dite, et je m'excuse si j'ai
été appelé à faire une petite incursion en dehors
du règlement, je crois que le député de Saint-Jacques m'y
avait invité en me donnant le mauvais exemple...
M. CHARRON: Aucune objection.
M. CLOUTIER: En ce qui concerne cette motion, je ne suis pas un
procédurier. J'ai tenté depuis mardi, onze heures, d'en arriver
au fond du débat. Nous nous trouvons encore dans un débat de
procédure. Je laisse l'opinion publique juge de ce qu'essaie de faire le
Parti québécois avec cette stratégie.
Cependant, ce que je voudrais dire, c'est que cette motion qui se lit de
la façon suivante. Est-ce que vous avez, M. le Président, le
texte de la motion du Parti québécois? Il est important, je
pense, d'en méditer tous les termes: "Que l'étude de l'article 1
soit différée je souligne différée
jusqu'à ce que l'étude du préambule du projet de loi 22
ait été complétée".
Nous avons réussi, après trois jours et demi de
discussions à faire enfin ouvrir le débat de fond,
c'est-à-dire à attaquer l'article 1. Le Parti
québécois cherche actuellement, par un moyen
détourné, à faire machine arrière et à nous
sortir du débat de fond, c'est-à-dire à nous sortir de
l'étude de l'article 1.
En ce qui concerne le préambule, il y a déjà eu une
décision rendue par le président, après une demande de
directives du chef de l'Opposition. Cette décision, qui m'a paru fort
savante, était basée sur le fait que le préambule,
d'après notre ancien règlement, lequel s'applique, étant
donné le silence du règlement actuel, doit s'étudier
suivant un certain ordre et doit venir à la fin de l'étude des
articles.
La raison qu'a donnée le président est une raison de
logique même, à savoir que le préambule sert à
l'interprétation de la loi, une fois que cette loi est adoptée,
même s'il n'a pas de valeur juridique. Par conséquent, le
préambule doit refléter la loi et, si par hasard, en cours de
discussions, il y a des amendements, à ce moment, le préambule
doit être modifié.
Or, si le préambule était accepté d'emblée,
il ne pourrait pas, à ce moment, être modifé. Je ne veux
pas entrer dans toutes les arcanes de ces discussions juridiques, mais il me
semble qu'il y a là un règlement qui est empreint de sagesse et
qu'il est difficile de mettre de côté.
D'ailleurs, le président s'était basé sur l'article
564, qui donne l'ordre de l'étude de différents détails du
projet de loi, et je me permettrais d'attirer l'attention du président
sur l'article 567, qui apporte peut-être un argument
supplémentaire, plus spécialement sur une note au bas de la page
168 de notre ancien règlement. L'article 567 se lit de la façon
suivante: "Quand un comité plénier apporte à un bill
public quelque amendement, qui ne cadre pas avec le titre de ce bill, il doit
amender le titre en conséquence". Ceci signifie clairement que si l'on
étudie le titre ou le préambule au départ, il est
impossible de le rendre conforme aux amendements possibles.
Je crois que la note au bas de la page est extrêmement claire de
ce point de vue. Je la lis: "Le titre et le préambule d'un bill public
sont subordonnés aux articles de ce bill, mais les articles ne le sont
pas au titre et au préambule". Ceci signifie que le député
de Saint-Jacques a beau invoquer des arguments d'ordre ou d'allure
philosophique, il n'est pas possible de procéder comme il le souhaite,
parce que ce ne sont pas les articles de la loi ou du projet de loi qui
découlent du préambule ou même du titre, mais c'est
exactement l'inverse, à savoir que les articles du projet de loi doivent
se refléter dans les préambule comme dans le titre.
Je m'arrête là parce que je ne voudrais pas tomber dans le
travers de la procédure, mais je pense qu'il faut tout de même se
rendre à l'évidence. Par conséquent, je suis obligé
de conclure qu'on se trouve encore en présence d'une manoeuvre
dilatoire. Je suis obligé de conclure que le Parti
québécois cherche par un moyen détourné à
écarter l'étude de l'article 1 que nous avons péniblement
réussi à aborder hier soir, après trois jours et demi de
discussions. Je me réserve, à l'occasion, lorsque nous serons
vraiment rentré dans le fond du débat de réfuter certains
des arguments du député de Saint-Jacques, mais pour l'instant, je
m'en tiens à la pertinence de la motion. J'annonce ce qui
n'apparaîtra certainement pas comme une surprise à la suite des
explications que je viens de donner, que le gouvernement n'acceptera pas et
votera contre la motion du chef de l'Opposition. Merci, M. le
Président.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Lafontaine.
M. LEGER: M. le Président, quand on regarde le titre qu'on se
donne en préambule, cela
vient du mot "praeambulare". "Ambulare" veut dire qu'on avance et
"prae", c'est avant d'avancer dans un sujet. Je pense qu'il est tout à
fait logique de discuter de choses importantes qui y sont contenues avant de
fonctionner, d'avancer dans le projet de loi, de se poser des questions sur le
contenu de ce préambule, puisqu'on l'appelle le préambule. La
motion qui demande de différer l'article 1, pour compléter
l'étude du préambule complètement, est tout à fait
logique, parce que le préambule est un éclairage, un instrument
de mesure de ce que sera la loi. Je suis d'accord avec le député
de Terrebonne quand il dit que quand on fait le contenu d'un livre, par la
suite, on trouve quel serait le titre qui conviendrait le mieux à tout
cela, et on met le titre après. Mais, il se peut fort bien qu'on puisse
partir de l'inverse, c'est-à-dire qu'on détermine un titre pour
savoir sur quel sujet on va traiter. Des types comme Conan Doyle ou bien
Maurice Leblanc, partent avec un titre et, après cela; trouvent une
façon de mettre une situation tellement compliquée au point de
vue policier, qu'ils arrivaient avec une conclusion de plus en plus
compliquée...
UNE VOIX: C'est un roman policier.
M. HARDY: Le député de Lafontaine compare le projet de loi
22 à un roman policier.
M. LEGER: C'est pire que cela, M. le Président. Je dirais
même que vous êtes en train de faire de l'Opposition des
noctambules. Alors, on parle du préambule, je dirais que vous êtes
en train de faire de l'Opposition des noctambules. Cela vient du mot, la nuit,
ambulare, nocto ambulare, cela veut dire marcher dans la nuit.
M. VEILLEUX: M. le Président, est-ce que le député
de Lafontaine me permet une question?
M. LEGER: Le projet de loi actuel est tellement clair.
M. VEILLEUX: M. le Président, pourriez-vous demander au
député de Lafontaine s'il me permet une question?
M. LEGER: Est-ce que j'ai la parole, M. le Président? Non,
à la fin de mon discours, vous aurez l'occasion de faire votre
intervention. Vingt minutes pour trouver d'autres acteurs de cinéma.
M. VEILLEUX: Parce que, M. le Président, je me demandais s'il
avait appris cela en "collectant" dans les églises.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Le député de
Lafontaine n'a pas permis de questions.
M. LEGER: J'étais en train de dire, M. le Président, que
le préambule est nécessaire, puisque de l'Opposition, on veut en
faire des noctambules. Fonctionner, marcher à l'intérieur d'un
projet de loi à la noirceur. Nous avons voté contre le principe
du bill. Le seul article que nous trouvions qui avait un peu d'allure, pourvu
qu'il soit bien indiqué, clairement énoncé: La langue
française est la seule langue officielle au Québec; c'est un
éclairage dont nous avons besoin. Il est essentiel que nous ayons un
éclairage avant de fonctionner et de faire ce qu'on appelle "ambulare"
à l'intérieur de ce projet de loi. Je dirais même que le
gouvernement déambule lui. Cela vient de deux mots latins encore, c'est
que quelqu'un qui déambule, vient de quelque part, et il avance. On
arrête quelqu'un qui déambulait sur la rue.
Le gouvernement vient d'où pour arriver avec un projet comme
cela? Il vient, M. le Président, d'un souci électoraliste, d'un
souci de l'image, de présenter un tape-à-l'oeil, une loi qui fait
semblant de régler des problèmes en ayant suffisamment d'articles
dans ce projet de loi pour faire des corrections, pour amener des exceptions
qui sont plus nombreuses que la loi et changent complètement le sens de
l'article 1.
Si nous, nous sommes des noctambules à cause du gouvernement et
que le gouvernement déambule, il reste maintenant le ministre de
l'Education qui est un somnambule.
C'est un somnambule parce qu'il marche en dormant. Il ne
s'aperçoit pas...
M. CLOUTIER: C'est vrai, M. le Président, je l'avoue. Quand
j'écoute le député de Lafontaine, je n'ai pas d'autre
choix.
M. LEGER: Ce n'est pas à cause de nos discours. M. le
Président, il marche en dormant parce qu'il ne s'aperçoit pas
je ne peux pas conclure autre chose qu'un ministre puisse
présenter un projet de loi tout à fait éveillé
devant la situation des Québécois, la réaction des
Québécois devant cela.
On est tout offusqué de voir des gens, qui viennent tous les
jours ici, s'exprimer tout à coup, spontanément, devant une
déclaration du député de Terrebonne ou du ministre de
l'Education ou du premier ministre ou d'un député de
l'Opposition, avoir une réaction tellement "peuple". Le gouvernement est
tellement loin de ce peuple! Il est proche de ses technocrates; il est proche
de ses faiseurs d'images. Les réactions normales,
régulières, viscérales d'un peuple, il en est tout
offusqué, tout offensé, et, pour lui, le décorum est plus
important que la démocratie.
M. le Président, je pense que le préambule est important
pour donner un éclairage, quitte à ce que si, par hasard, au
cours de la loi, il y a des articles qui sont modifiés au point qu'il
faut recorriger le préambule, il n'y a pas d'objection, pas de
problème. On le fait couramment à l'occasion de l'étude
des lois. Combien de fois, avons-nous vu, article 22, tel amendement, et, rendu
à l'article 40, on doit simplement recorri-
ger l'article 40. A ce moment, on s'est dit, à l'article 22,
maintenant qu'on a corrigé l'article 40, il faut, pour qu'il y ait une
concordance, recorriger l'article 22 pour être conforme avec ce qu'on a
dit à l'article 40.
M. DEOM: C'est cela.
M. LEGER: M. le Président, c'est normal qu'au départ, on
discute du préambule et que, par la suite, on puisse revenir corriger le
préambule. Le principe que je veux mettre de l'avant, c'est simplement
l'importance d'avoir, comme les avocats l'auront, ce préambule, pour
être capable d'interpréter des articles de la loi qui sont, par la
suite...
M. DEOM: II est en forme, ce matin!
M. LEGER: ... la charte dans laquelle toutes personnes qui auront des
conflits linguistiques pourront déterminer qu'à tel article on
voulait dire telle chose, parce que, dans le préambule, c'était
indiqué: Attendu que. On voulait atteindre tel objectif. Article 48, on
a fait telle ou telle déclaration. M. le Président, c'est tout
à fait conforme et normal...
M. DEOM: Moi, je suis d'accord... Vous aviez de l'humour.
M. LEGER: Oui, oui.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. LEGER: M. le Président... Mais si vous me provoquez un peu,
j'aurai peut-être quelque humour de plus à votre endroit.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. CLOUTIER: ...
réserve...
M. LEGER: Etes-vous encore aux quilles? Vous devez être dans les
réserves parce que vous n'avez pas fait beaucoup d'abats jusqu'à
maintenant, M. le Président.
J'étais en train de dire qu'il est important que, si les avocats
doivent se pencher sur l'interprétation de chacun des articles en ayant
un retour vers le préambule, il est important, pour les
députés qui doivent rédiger chacun des articles, qu'ils
soient au courant des intentions que nous décelons dans ce
préambule.
C'est pour cela qu'il se peut que nous ayons des amendements à
proposer à ce préambule. Il faut nécessairement qu'on
accepte de discuter de ce préambule et du contenu et, M. le
Président, un exemple frappant. Je vais donner l'exemple suivant, celui
de l'intolérance des faibles. M. le Président, quand on est dans
l'insécurité, quand on est dans une situation continuelle de
frustration, on est porté à être intolérant
vis-à-vis des autres.
Ce projet de loi, s'il pouvait, autant dans son préambule que
dans son contenu, enlever cette insécurité à la
majorité francophone qui agit souvent comme une minorité
canadienne impuissante... Les Québécois ont une réputation
mondiale d'une hospitalité proverbiale, d'un coeur ouvert à tout
le monde. Essayez, sur la rue Sainte-Catherine, à Montréal, si un
touriste américain vient demander à un Québécois
à quel endroit se situe telle ou telle bâtisse, c'est juste si on
ne retient pas les Québécois d'aller le reconduire. Il ne
l'expliquera pas, il va aller le reconduire. Ce n'est pas partout pareil, dans
tous les autres pays du monde. Les Québécois sont hospitaliers,
sont tolérants, mais sur un point majeur qui est la langue, qui est la
culture, les Québécois ne peuvent que devenir de plus en plus
surtout ceux qui sont informés, ceux qui passent au-dessus de
leurs petites préoccupations quotidiennes, mais qui voient le sort et le
destin réservés à leur nation intolérants
parce qu'ils sentent qu'ils sont de plus en plus dans
l'insécurité, dans la frustation. Il y aurait deux choses qui
pourraient permettre aux Québécois d'être de plus en plus
eux-mêmes, avec toutes leurs qualités et leurs défauts,
mais d'être tolérants, hospitaliers, sûrs d'eux-mêmes,
c'est d'abord cette souveraineté culturelle que le projet de loi
pourrait nous donner si le gouvernement avait le courage d'aller au bout de
l'image qu'il veut donner et de le faire dans la réalité et,
deuxièmement, si nous avions cette indépendance politique
essentielle pour le réaliser.
Et c'est une des raisons pour lesquelles je ne veux pas revenir,
le règlement ne me le permet pas de la constitutionnalité
de ce projet de loi parce que peut-être que ces personnes nous auraient
dit les spécialistes en constitution que seule
l'indépendance du Québec permet d'apporter une
souveraineté culturelle complète au Québec. C'est cela
qu'on aurait pu savoir, mais je sais que le règlement ne le permet pas
et je n'irai pas jusqu'à continuer dans cette veine, mais c'est
important quand même pour les éminents députés du
parti ministériel afin qu'ils sachent jusqu'à quel point ils
peuvent tromper la population.
Vous avez dû remarquer avec fierté, devant cette
participation accrue des députés de l'Opposition qui sont venus
à cette commission parlementaire dans le but précis d'être
logiques avec eux-mêmes, c'est-à-dire d'avoir voté contre
le principe de cette loi et d'essayer, à l'occasion de la commission
parlementaire, de bonifier cette loi jusqu'à un point tel que le
principe que nous défendons s'y retrouve. Je pèse bien mes mots,
pour que nous puissions jouer le rôle de l'Opposition officielle, il faut
nécessairement que sur une loi de cette importance soit à
l'article 1, soit à d'autres articles, soit à l'occasion
d'amendements précis, importants, vitaux que nous présenterons
le gouvernement accepte ces amendements s'il veut que nous
continuions à jouer notre rôle d'Opposition officielle
parce que, pour nous, bonifier la loi pendant la période de la
commission parlementaire, c'est préserver le principe pour lequel nous
aurions été en faveur lors de la deuxième lecture,
c'est-à-dire que le français soit la seule langue officielle au
Québec.
Pardon, M. le Président? Non. Je ne parle pas sur le principe,
mais je dis pourquoi nous sommes ici. C'est important qu'on sache pourquoi il y
a des noctambules ici.
Si nous voulons ramener de la clarté et ne plus être des
noctambules... Pardon? Qu'est-ce que j'ai dit?
M. DEOM: Est-ce que je peux vous poser une question?
M. LEGER: La clarté, certainement, M. le Président. Oui,
M. Déom. Excusez. Oui, M. le député de Laporte.
J'écoute votre Te Deum.
M. DEOM: Est-ce que je peux vous apporter un dictionnaire de synonymes
pour vous permettre d'allonger votre intervention?
M. LEGER: Le député de Laporte ne peut me la fermer, la
porte, parce que j'ai encore du temps devant moi...
M. DEOM: C'est une vieille farce.
M. LEGER: ... pour essayer de le convaincre et, comme je le fixais, il
était...
M. DEOM: "La porte".
M. LEGER: ... porté à acquiescer à chacune des
affirmations que j'avais devant moi et j'étais convaincu que
j'étais en train de le convaincre. Il avait un sourire engageant. J'ai
dit: On va en avoir un de notre bord. Mais le chef de l'Opposition est en train
de...
M. DEOM: La porte, M. le député de Lafontaine.
M. LEGER: ... de me ramener à la réalité et de
réaliser que la solidarité ministérielle va être
plus forte que des convictions personnelles. D'ailleurs je sais, M. le
Président, que le député de Laporte désire
énormément participer à ce débat. Il s'est retenu
jusqu'à maintenant. Si je ne me trompe pas, je pense qu'il est le
rapporteur.
LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est exact.
M. LEGER: M. le Président, un rapporteur doit quand même
être capable de mettre quelque chose de son cru dans ce rapport. Il
faudra que le député de Laporte nous apporte quelque chose. Le
député de Laporte, qui va nous rapporter quelque chose...
LE PRESIDENT (M. Gratton): La motion s'il fous plaît.
M. LEGER: ... a certainement l'intention de parler, à ce
moment-ci, puisqu'il a manifesté l'intention de parler en
deuxième lecture, mais on l'a bâillonné pour pouvoir avoir
un vote lundi soir.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! La motion, s'il vous plaît.
...
M. LEGER: Oui, M. le Président. Je respecte votre
décision.
M. LACHANCE: Cela prend du temps.
M. LEGER: M. le Président, j'ai justement dit que ce
préambule a une raison d'être, parce que la plupart des lois n'ont
pas de préambule. Il y en a qui en ont. M. le Président, si
celle-là a un préambule, il y a une raison. Est-ce du
tape-à-1'oeil, est-ce de la publicité gratuite pour un
gouvernement qui n'ose pas aller au fond du courage qu'il devrait mettre
d'avant pour réaliser selon les besions des Québécois? M.
le Président, est-ce que le gouvernement veut simplement jeter de la
poudre aux yeux par ce préambule?
M. HARDY: Ne parlez pas de votre budget.
M. LEGER: M. le Président, si le gouvernement a mis un
préambule, c'est qu'il a des intentions et cela a une certaine
importance. Autrement, vous faites perdre le temps de cette Chambre, nous
amener un préambule qui n'aurait aucune raison d'être.
M. DEOM: Farceur!
M. LACHANCE: Tartuffe!
M. LEGER: Qu'est-ce qu'on fait là, M. le Président? Si le
préambule n'a pas sa raison d'être, enlevons-le, on va voter
contre et ensuite on va passer à l'article 1, mais s'il a sa raison
d'être, il faut peut-être le modifier pour qu'il corresponde
à ce que le reste du projet de loi nous présente.
M. le Président, le député de Terrebonne doit
admettre que le contenu de la loi ne doit pas trahir les intentions du
préambule. Trop souvent le mot "trahison" a été
présenté. Jusqu'à maintenant, le préambule pourrait
être presque bien. Il y a quelques petites modifications, entre autres,
le mot "prééminence", ça veut dire quoi?
M. HARDY: Vous parlez du préambule?
M. LEGER: Je parle du préambule. L'article 1 pourrait être
presque bien. Jusque-là, M. le Président, on pourrait s'entendre
s'il y avait
certaines corrections, qui amèneraient le gouvernements à
aller de l'avant, mais le reste, M. le Président, c'est non seulement
une trahison, mais c'est fait d'une façon cachée. On dit qu'on
abolit le bill 63 alors que dans le préambule, on dit tout simplement:
"Attendu que..." Je ne voudrais pas perdre le temps de la Chambre à lire
ce préambule que tout le monde a lu, mais je vais quand même
répéter la première phrase: "Attendu que la langue
française constitue le patrimoine national tout le monde sait
cela que l'Etat a le devoir de préserver c'est vrai, M. le
Président, mais est-ce qu'il va avoir le courage de le faire et
qu'il incombe au gouvernement du Québec on se donne des
obligations, M. le Président de tout mettre en oeuvre pour en
assurer la prééminence..." Cela veut dire quoi, M. le
Président? Je vois que ce matin on nous a apporté un document de
M. McWhinney qui explique justement les conséquences constitutionnelles
de ce projet de loi. La prééminence, est-ce que cela veut dire
qu'une langue doit être supérieure à l'autre? A ce
moment-là, l'autre ne disparaît pas comme langue officielle. Il y
a des définitions dans ce préambule. Il y a des explications.
Est-ce que deux lois peuvent être officielles?
Le ministre lui-même a dit qu'on ne pouvait pas avoir une langue
officielle et deux langues nationales. "C'était mêlant", c'est ce
que vous avez dit hier, M. le Président.
M. HARDY: Vous me permettez une question?
M. LEGER: Certainement. Enlevez cela sur mon temps de parole, M. le
Président.
M. HARDY: Vous désirez les définitions dans le
préambule?
M. LEGER: Je veux qu'on explique justement ce que veut dire
"prééminence", parce que pour nous cela peut avoir une
signification différente. Si cela a une signification différente,
il faudrait peut-être corriger et amender ce préambule.
M. le Président, je ne peux pas faire autrement que de dire: Ou
bien le préambule est important et il faut en discuter, le corriger,
l'amender s'il le faut, ou bien, c'est inutile puisqu'il y a bien des lois qui
n'en ont pas. Si c'est inutile, M. le Président, je m'interroge sur les
motifs du gouvernement qui déambule avec un ministre qui est somnambule
et avec une opposition qui sont des noctambules sur ce préambule, M. le
Président.
M. CLOUTIER: M. le Président, permettez-moi d'ajouter qu'on vient
d'assister au numéro d'un funambule.
M. LEGER: M. le Président, est-ce que c'est une fuite à
l'avant?
M. LESSARD: Et pendant ce temps, le ministre est somnambule.
UNE VOIX: Il l'a fait avant.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Encore une fois, je n'ose pas inviter les
membres de la commission... J'allais dire que je n'ose pas inviter les membres
de la commission à ne pas faire d'humour, mais je n'ose pas non plus
demander au public de ne pas rire lorsqu'il considère que c'est
drôle. Je lui demanderais tout au moins de ne pas applaudir, parce que le
règlement ne le permet pas, et de tâcher de nous donner toute la
collaboration dont nous avons besoin pour tâcher de faire avancer les
travaux.
M. LEGER: M. le Président, sur un point de règlement. Le
ministre m'a quand même traité de funambule. Je voudrais
simplement dire que son projet de loi laisse les Québécois dans
le vestibule.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. CLOUTIER: Là, c'est
moins drôle.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que la commission est prête
à se prononcer sur cette motion? Le député de
Chicoutimi.
M. CLOUTIER: Vote. Mais ils vont tous parler encore? Je croyais que le
"filibustering" était terminé.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Chicoutimi.
M. BEDARD (Chicoutimi): Ce n'est pas du "filibustering", on continue
à parler devant l'incompréhension du gouvernement face à
nos demandes. C'est tout simplement cela. On essaie de faire des efforts
supplémentaires pour essayer de vous convaincre de la justesse des
représentations que nous faisons.
M. CLOUTIER: Dites cela sans rire.
M. BEDARD (Chicoutimi): Sans rire. Je viens de le dire sans rire. Vous
devriez le remarquer. Justement, je voudrais axer mon intervention en
argumentant sur les motifs qui ont été amenés d'une part
par le ministre des Affaires culturelles, des motifs de logique, et
également par le ministre de l'Education pour inciter la commission,
pour justifier...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. BEDARD (Chicoutimi): Est-ce qu'on pourrait s'attendre à un peu
de sérieux de la part des députés du gouvernement face
à un projet de loi aussi sérieux, M. le Président? On
s'aperçoit qu'ils sont ici pour rire, pas pour
légiférer.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Allez-y!
M. BEAUREGARD: Vous parliez tous les deux en même temps, le
député de Saguenay et le député de Chicoutimi,
c'est ce qui s'est passé.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. LACHANCE : Parlez tous les deux ensemble, cela va prendre moins de
temps.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !
M. LESSARD: Nous ne sommes pas sur la même chaise, M. le
Président.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Chicoutimi.
M. BEDARD (Chicoutimi): Si cela ne vous intéresse pas de parler
de la langue française...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. HARDY: J'invoque le
règlement.
M. BEDARD (Chicoutimi): Retournez dans vos comtés et continuez
votre patronage.
M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement. Je vous
demanderais d'inviter les députés qui siègent à
votre droite à éviter de participer au spectacle de ceux qui
siègent à votre gauche.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Chicoutimi, sur la
motion.
M. BEDARD (Chicoutimi): Alors, M. le Président, justement, en me
référant à cette logique qui a été
amenée tant par le ministre des Affaires culturelles que le ministre de
l'Education, on s'y est référé d'une façon
abondante à l'article 564 de l'ancien règlement. L'argumentation
du ministre était que, conformément à cet article, on ne
devait discuter du titre de la loi et du préambule qu'à la fin.
Son raisonnement, si je l'ai bien compris, est qu'il faut ajuster le
préambule à la loi telle que votée et non pas ajuster les
articles à l'esprit du législateur. Je pense, M. le
Président, que s'il fallait suivre ce raisonnement, il faudrait en
arriver à la conclusion que l'article 1, où on retrouve tout
simplement le titre de la loi, devrait être étudié à
la toute fin de ce projet de loi. Car il se peut fort bien, à
l'étude des articles, que, consé-quemment, certains amendements
puissent y être apportés et que, du point de vue logique, on soit
amené face à la législation que nous aurions
adoptée en commission, à moins d'être hypocrites, à
changer la teneur de l'article qui déclare le français langue
officielle et qui, parce qu'il ne serait pas conforme aux amendements qui
auraient été acceptés par la discussion article par
article, est la traduction du titre lui-même de la loi, Loi sur la langue
officielle. L'article 1, en soi, peut facilement être discuté
à la toute fin et je pense que ce serait même logique qu'il soit
discuté à la toute fin de ce projet de loi. Parce que,
effectivement, qu'est-ce que c'est l'article 1, M. le Président?
M. HARDY: M. le Président...
M. BEDARD (Chicoutimi): C'est l'image politique que semble vouloir
traîner le gouvernement dans le paysage, ce n'est pas plus que ça.
Mais il faut que ce soit plus que ça, M. le Président. Il faut
que l'article 1, qui dit que le français est la langue officielle au
Québec, ne soit pas une image politique qu'on trame dans le paysage du
Québec, mais représente la réalité. Le ministre des
Affaires culturelles, à juste titre, a parlé de l'importance du
préambule, au point de vue de la législation si je fausse
son argumentation, il pourra me corriger dans le sens suivant : faisant
allusion aux jugements que sont appelés à rendre des juges face
à l'application de certaines lois, il est possible que, sur certains
articles, à la suite de difficultés d'interprétation, les
juges se voient justifiés de référer au préambule
dans le sens d'essayer d'y retrouver là la véritable intention du
législateur.
Si nous voulons discuter tous les articles de ce projet de loi avec
cohérence et non dans la confusion, il est nécessaire de savoir,
au départ, si nous légiférons tous avec le même but
à atteindre. Quel est l'objectif, M. le Président, de ce projet
de loi? Je me permets, pour ne pas être long, de référer
tout simplement j'espère que c'est aussi l'objectif du
gouvernement à ce que je me permettais d'exprimer lors du
discours de deuxième lecture.
Ce projet de loi ne peut avoir comme objectif que de renverser le
rapport de force qui, actuellement, au Québec, favorise l'anglais aux
dépens du français, de façon à faire du
Québec un pays véritablement français. Il est important de
savoir, au tout départ de cette discussion pour la faire avec
cohérence, encore une fois, et non dans la confusion si,
effectivement, l'intention du législateur est vraiment de faire du
Québec, par sa législation, un pays véritablement
français, malgré les 16 millions de Canadiens anglophones qui
nous entourent et les 220 millions d'Américains qui sont nos voisins; un
pays français, malgré la structure fédérale qui
limite notre sphère d'activités, qui est contrôlé
par la majorité anglophone, un pays français, malgré la
prédominance économique dont jouit, présentement, ici
même au Québec, la minorité de langue anglaise. On sait que
la tâche, face à ces obstacles, est considérable. C'est
pour cela qu'il est important de savoir dès maintenant, pour ne pas
procéder, encore une fois, dans la confusion, si l'intention du
législateur, en faisant voter l'article 1, n'a pour effet que de
promener une image politique à travers le Québec, et tant mieux
si on nous convainc du contraire, ou si, réellement, on veut faire
avec tout ce que cela comporte du français la
véritable, la seule langue officielle au Québec.
Pour arriver à cet objectif, il faut aller au coeur du
problème, poser les gestes décisifs qui vont corriger la
situation très grave. Déjà, nous le savons, dans
l'ensemble du Canada, les francophones sont disparus partout, sauf au
Québec et dans ses zones limitrophes.
Il y a quelques décennies, nous comptions pour plus du tiers des
Canadiens; nous ne sommes maintenant guère plus du quart. Au
Québec même, la minorité anglaise réussit à
assimiler ça, nous le savons, ce n'est pas de la fiction, c'est
de la réalité trois fois plus de personnes que la
majorité française. Pour 100,000 personnes ce sont des
chiffres que tous les membres de la commission doivent connaître et qui
montrent l'importance du problème que nous avons à régler
et l'importance des obstacles que nous avons à surmonter, si nous
voulons faire du Québec un véritable pays français
assimilées par le groupe anglophone dont 25,000 proviennent du groupe
francophone, il y a 30,000 personnes qui sont venues s'ajouter à la
minorité française.
Si l'on s'en tient aux immigrants, l'évolution est encore pire,
puisque dans neuf cas sur dix, ceux-ci choisissent d'envoyer leurs enfants
à l'école anglaise plutôt qu'à l'école
française. Encore une fois, M. le Président, ce n'est pas de la
fiction. C'est de la réalité. C'est tout simplement l'expression
du danger réel d'assimilation auquel la majorité
québécoise francophone a à faire face.
C'est dans ce sens qu'il est important de savoir jusqu'où va la
détermination du gouvernement de vouloir légiférer d'une
façon ferme et énergique, M. le Président. C'est au
début de la discussion que le gouvernement doit nous le faire savoir, de
manière que nous soyons convaincus qu'ici, à cette commission,
nous sommes en train de travailler à réaliser le même
objectif et que ce même objectif que nous aurons précisé
dès le début des discussions, éclairera les discussions
que nous aurons à faire article par article.
Tel que le disait à un moment donné le Dr Charles
Castonguay, il est important de savoir, si ce dernier pouvait avoir raison
lorsqu'il disait que le projet de loi 22, dans sa formation actuelle, rate
complètement sa cible, que cette législation, loin d'ouvrir la
voie à l'intégration des anglophones à la majorité
québécoise, consacre en droit, la minorité anglaise comme
extension active et inexpugnable de la majorité canadienne assimilante
sur le territoire du Québec.
M. le Président, la perpétuation d'une telle situation
serait intolérable pour la majorité québécoise et
en contradiction directe avec la notion de souveraineté culturelle dont
parle tant le gouvernement. Il est important de savoir et je ne vois pas en
quoi le gouvernement pourrait être réticent à l'idée
de montrer tout de suite au niveau de son préambule, sa
détermination farouche de légiférer pour
l'élément qui est menacé dans le Québec. Ce n'est
pas l'anglais qui est menacé dans le Québec, M. le
Président, c'est le français.
Et ce qui est important aussi, c'est que lorsque le gouvernement nous
parle et chante sur tous les tons son désir d'accéder à
une souveraineté culturelle, il l'a déjà
répété à maintes et maintes reprises, j'imagine et
je ne comprends pas où se situent les réticences du gouvernement
de vouloir tout simplement nous montrer jusqu'à quel point son
désir de souveraineté culturelle peut se retrouver à
l'intérieur de ses intentions comme législateur, dans
l'étude même du préambule de cette loi, M. le
Président.
M. TETLEY: Est-ce que le député me permet une
question.
M. BEDARD (Chicoutimi): Après mon exposé, M. le
Président, si vous n'avez pas d'objection.
M. TETLEY: Mais, est-ce que je dois revenir demain matin ou...
M. BEDARD (Chicoutimi): Non, si vous êtes un peu au courant des
règles de procédure, vous savez qu'il n'en a pas pour tellement
longtemps.
M. TETLEY: Oui. Donc, vous terminez. LE PRESIDENT (M. Gratton): A
l'ordre!
M. BEDARD (Chicoutimi): Alors, M. le Président...
M. MORIN: Nous sommes très heureux de la présence du
ministre...
M. TETLEY: En principe, je n'assiste pas au "filibustering".
M. MORIN: C'est un discours très sérieux.
M. TETLEY: Même si vous aimez cela, je préfère
discuter les principes.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. BURNS: En pratique, qu'est-ce que vous faites?
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. TETLEY; En pratique, je travaille dans mon bureau pour mon
ministère.
M. BEDARD (Chicoutimi): Si vous n'assistez
pas au "filibustering" peut-être que vous auriez une meilleure
contribution en vous en allant plutôt qu'en venant...
M. BURNS: C'est bien cela, je vous félicite, M. le ministre.
M. TETLEY: Merci.
M. MORIN: Nous pensions que vous vous désintéressiez
totalement de la question.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs ! A l'ordre !
M. TETLEY: Je m'y intéresse beaucoup plus que vous, c'est
pourquoi je veux l'étudier. Je ne veux pas...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. MORIN: Très bien. Allez-vous passer la fin de semaine avec
nous?
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Chicoutimi.
M. TETLEY: Je vous écoute avec mon écouteur en bas.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous plaît !
M. BEDARD (Chicoutimi): D'ailleurs, on sait que cela ne vous
intéresse pas, parce que vous avez la conviction que la minorité
anglophone...
LE PRESIDENT (M. Gratton): S'il vous plaît, la motion! La motion,
s'il vous plaît!
M. BEDARD (Chicoutimi): ... a très bien réussi face au
projet de loi 22, qu'elle a réussi en fait...
M. LESSARD: Un scénario, montez.
M. BEDARD (Chicoutimi): ... encore une fois, à faire accepter au
gouvernement du Québec une loi de l'immigration qui va continuer de
jouer contre la majorité francophone. Vous avez réussi, encore
une fois, à faire accepter au Québec...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Pourriez-vous vous adresser au
président, s'il vous plaît !
M. BEDARD (Chicoutimi): Oui, M. le Président. D'ailleurs,
j'espère que vous le constatez, si j'ai fait un accroc à l'ordre,
M. le Président, c'est simplement à la suite de l'interruption
inopportune faite par le ministre que vous connaissez.
M. le Président...
M. TETLEY: Nommez-le!
M. BEDARD (Chicoutimi): ... il est important de discuter du
préambule parce que c'est là qu'on y retrouve la véritable
intention du législateur. Le raisonnement des gens de l'autre
côté de la table voulant que ce ne soit pas logique, parce qu'il
se peut, disent-ils, qu'après l'étude article par article on
puisse en être amené à changer la portée du
préambule. Cet argument ne joue pas, parce que s'ils sont vraiment
décidés à adopter un projet de loi qui, dans leur esprit,
est dans l'intérêt de la majorité québécoise
francophone. Il n'y a pas d'obstacle devant eux. Es peuvent très bien
établir, d'une façon très claire, tous les objectifs, tous
les éléments qui les motivent pour discuter de cette loi sur le
français, langue officielle, tous ces principes, dès maintenant,
et ne pas en déroger, parce qu'à chaque fois que l'Opposition
pourrait avoir des interventions ou pourrait avoir des amendements qui seraient
de nature à contrecarrer l'intention du législateur ou
l'intention du gouvernement de vouloir légiférer dans un sens
donné, ils savent très bien qu'ils ont la majorité en
termes de nombre pour que ces interventions ou ces amendements qui seraient
fait par l'Opposition ne soient pas acceptés et que l'opportunité
et la possibilité pour eux d'établir dès maintenant les
grands principes directeurs de leur loi et de fonctionner d'une façon
très logique en fonction de ces principes directeurs, cela ne peut pas
être contrecarré par les interventions de l'Opposition.
Ils ont simplement à battre tous les amendements, à ne pas
écouter, ou à ne pas suivre le sens des interventions qui seront
faites par l'Opposition dans ce débat. Il est important c'est
pour suivre la logique, et j'y reviens, du ministre de l'Education s'il
prétend, logiquement, que le titre, encore une fois, doit être
étudié à la fin seulement, parce qu'il y a des
possibilités qu'il soit changé, comme ce titre se retrouve
à l'article 1, qui n'est pas qu'un article, qui est effectivement un
chapitre, "Titre I" si on regarde bien la lecture du texte qui se lit: "La
langue officielle du Québec", exactement le même titre qu'au tout
début du projet de loi: "Projet de loi 22, Loi sur la langue
officielle"... Si on suit le raisonnement que le titre peut être
amendé et, en conséquence, doit être étudié
seulement à la fin, je considère qu'en toute logique ce titre se
retrouvant encore une fois à l'article 1.
L'article 1, en toute logique, devrait être étudié
à la toute fin de l'étude du projet, article par article, parce
qu'encore une fois, il se peut que les amendements qui seront apportés
au cours de l'étude du projet, article par article, nous obligent
à changer le contenu de l'article 1, qui proclame le français
langue officielle au Québec.
M. TETLEY: Est-ce que vous me permettez une question? Je vous ai
écouté en bas, et je
vous ai écouté ici. Je veux savoir tout simplement si vous
êtes pour ou contre l'article 1? Oui ou non?
M. BEDARD (Chicoutimi): Je vais vous dire ceci, monsieur, en
réponse à votre question...
M. TETLEY: Est-ce que le député de Lafontaine vous glisse
la réponse lorsqu'il vous parle?
M. LEGER: On est en dehors du règlement, on parle du
préambule au lieu de l'article 1.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. BEDARD (Chicoutimi): Je vais vous répondre...
M. TETLEY: Ma question porte sur le préambule, j'explique, parce
que vous voulez éviter le débat sur l'article 1. Pour
m'éclairer un peu, êtes-vous pour ou contre, oui ou non?
M. BEDARD (Chicoutimi): Justement, nous n'évitons pas le
débat. Nous disons que, pour arriver à l'article 1, qui est la
conclusion de l'ensemble...
M. HARDY: Elégante fuite.
M. BEDARD (Chicoutimi): ... des autres articles dans ce projet de loi,
qui est la conclusion, on commence rarement une discussion par la conclusion.
Je trouve tout à fait logique...
M. TETLEY: Mais si vous voulez éviter un "filibuster", commencez
par le projet de loi.
M. BEDARD (Chicoutimi): Si vous croyez que c'est logique de commencer
l'étude d'un projet de loi par la conclusion, à ce moment,
essayez de convaincre le ministre de l'Education que ce serait peut-être
mieux de commencer la discussion par le titre de la loi sur la langue
officielle.
M. TETLEY: Donc, vous refusez de répondre?
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!
M. BEDARD (Chicoutimi): Une seconde, M. le Président.
M. HARDY: Est-ce que cela veut dire, M. le Président, selon le
député de Chicoutimi, que, dans l'ensemble du projet de loi,
l'aspect de la langue officielle, c'est tellement secondaire que vous envoyez
cela...
M. BEDARD (Chicoutimi): Non, ce n'est tellement pas secondaire,
justement, qu'on ne veut pas se prononcer les yeux fermés. On ne peut
pas dire dès maintenant que le gouverne- ment a décidé que
le français est la langue officielle du Québec, la seule langue
officielle du Québec, si par après, on a l'intuition ou la
conviction que les autres articles qui suivent ne sont pas logiques avec le
premier article sur lequel nous serions appelés à voter. C'est
dans ce sens que nous disons tout simplement qu'il y aurait avantage, parce que
le titre de la loi se retrouve à l'article 1, à discuter tous les
articles de cette loi un par un, pour ensuite finir par l'article 1, et
à ce moment, voir si ce que nous avons décidé dans les
autres articles arrive vraiment à la conclusion que ce projet de loi est
véritablement le français, langue officielle au Québec, de
manière que ce que nous votions maintenant, à savoir le
français langue officielle au Québec, ne soit pas seulement une
image politique, ne soit pas seulement une officialité massacrée
dans les autres articles.
M. TETLEY: Très bien.
M. BEDARD (Chicoutimi): Autrement dit, ajuster les autres articles en
fonction d'une conclusion. C'est cela votre conclusion, ajuster les autres
articles en fonction d'une conclusion qui est livrée dans votre projet
de loi à l'article 1, le français langue officielle au
Québec.
M. CLOUTIER: On peut voter?
M. TETLEY: Alors, vous êtes contre l'article 1?
M. BEDARD (Chicoutimi): Non, on n'est pas contre.
UNE VOIX: Vous êtes pour?
M. BEDARD (Chicoutimi): La seule chose, on n'accepte pas que, d'une
façon hypocrite, parce que c'est notre conviction, on nous amène
à voter que le français, langue officielle au
Québec...
M. TETLEY: Vous êtes pour...
M. BEDARD (Chicoutimi): ... de la part d'un gouvernement
libéral... Laissez-nous vous répondre! Nous avons la conviction
que cette officialité qu'on essaie de nous faire accepter à
l'article 1 est massacrée dans tous les autres articles de ce projet de
loi.
M. CLOUTIER: Est-ce qu'on peut voter maintenant sur la motion, M. le
Président, je pense bien, puisqu'il n'y a pas de "filibuster"
d'après l'Opposition? Il y a trois membres qui ont parlé. On est
assez éclairé.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saguenay sur la
motion.
M. LESSARD: M. le Président...
M. BEDARD (Chicoutimi): A mon sens, le français
véritablement langue officielle...
M. CLOUTIER: Ils vont tous parler encore.
M. BEDARD (Chicoutimi): ...doit être un instrument pour nous
permettre de lutter efficacement contre le danger d'assimilation auquel les
Québécois ont à faire face.
Nous, nous croyons c'est ma conviction profonde que le
gouvernement, en ne légiférant pas dans des domaines aussi
importants en ne légiférant pas dans le domaine de
l'immigration, en gardant le libre choix dans le domaine de l'enseignement, qui
a joué contre nous, en nous amenant l'article 9 qui nous fait
"bilinguiser" 48 p.c. de notre population...
M. TETLEY: Une réponse, oui ou non.
M. BEDARD (Chicoutimi): ... on dit: Ce n'est pas une langue officielle
qui est un véhicule qui est censé aider une majorité
à se réaliser. C'est dans ce sens qu'on ne veut pas...
M. CLOUTIER: M. le Président, on voudrait écouter le
député de Saguenay, maintenant...
M. BEDARD (Chicoutimi): ... que l'officialité soit une
officialité massacrée.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saguenay, sur la
motion.
M. LEGER: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Lafontaine.
M. LEGER: ... ministre qui a posé une question sur l'article 1,
alors que notre motion qui est de parler de la remettre, pour le
préambule, était hors d'ordre.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous plaît !
M. LEGER: Je dois lui rappeler que lui, quand il répond aux
questions, c'est très long, ses réponses. Parfois, elles sont
claires; parfois, elles ne sont pas trop claires.
M. TETLEY: Posez-moi...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saguenay, sur la
motion.
M. LESSARD: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Maisonneuve...
M. BURNS: M. le Président, sur un point de règlement.
M. LESSARD: Si cela n'avait été...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Un instant! Le député de
Saguenay... Le député de Maisonneuve veut parler sur la question
de règlement.
M. BURNS: Le député de Saguenay ne m'avait probablement
pas entendu, M. le Président.
M. HARDY: ... vous écoute mieux que ça.
M. BURNS: Je veux tout simplement vous demander... Je vous le demande,
parce qu'il reste l'intervention du député de Saguenay. Je vais
regarder le débat. Je vais suivre le débat. Je ne sais pas encore
si je vais intervenir.
M. CLOUTIER : Le pince-sans-rire !
M. BURNS: Je vous demande simplement de demander aux ministres... Pour
les fins du journal des Débats, je m'adresse "aux ministres".
J'aimerais qu'un des députés libéraux qui s'est
fait mettre à l'ordre tout à l'heure par le ministre des Affaires
culturelles rappelle aux ministres que nous avons le droit de nous exprimer.
Nous avons chacun notre droit de parole en vertu de l'article 160 et, quand on
arrivera à la discussion de l'article 1, n'ayez crainte, vous allez
l'avoir, notre opinion. On vous propose simplement une méthode de
discussion. C'est cela que je voudrais que vous rappeliez, M. le
Président; puisque vous avez jugé notre motion recevable,
j'aimerais que vous rappeliez cela aux ministres, pas seulement aux simples
députés libéraux qui font partie de la commission.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Bon! C'est fait.
Le député de Saguenay.
M. LESSARD: M. le Président, si cela n'avait été de
l'intervention du ministre responsable de l'exploitation des consommateurs, je
ne serais probablement pas intervenu dans ce projet...
M. TETLEY: Cela, c'est brillant!
M. LESSARD: ... je ne serais probablement pas intervenu, M. le
Président, sur cette motion. Parce que j'avais la ferme conviction que
le ministre de l'Education avait vraiment compris notre motion. J'avais aussi
la ferme conviction que le ministre des Affaires culturelles, qui a
déjà été vice-président de
l'Assemblée nationale, avait déjà compris notre motion.
Mais je constate, M. le Président, que l'un des piliers du cabinet de ce
gouvernement, à savoir le ministre responsable de l'exploitation des
consommateurs, n'a pas encore compris véritablement le
bien-fondé de cette motion. C'est pourquoi vous me permettrez,
à l'intérieur d'une vingtaine de minutes, d'essayer d'expliquer
à ce ministre, responsable, au cabinet, de la minorité
anglophone, pourquoi nous, du Parti québécois, demandons que
l'étude de l'article 1 soit différée après
l'étude du préambule.
M. le Président, encore une fois, nous ne pouvons comprendre cet
entêtement qui caractérise le gouvernement depuis le début
des séances de la commission parlementaire de l'Assemblée
nationale. En effet et je pense que le ministre des Affaires culturelles
pourra le confirmer, lui qui a déjà été
vice-président de l'Assemblée nationale il nous est
arrivé, à maintes reprises, lorsque nous avons eu l'occasion
d'étudier d'autres projets de loi qui nous apparaissaient moins
importants que celui que nous avons à étudier aujourd'hui, de
différer l'étude d'un article et de reprendre l'étude de
cet article après avoir étudié l'ensemble des articles.
Mais, M. le Président, je pense que l'article 1, qui est très
important, parce qu'il coiffe un peu le projet de loi qui nous est
présenté, je pense qu'on devrait accepter la motion qui a
été présentée par le chef de l'Opposition.
Disons d'abord que le préambule comme tel doit déterminer
les grands objectifs du projet de loi, que c'est à partir de ce
préambule que nous pouvons élaborer la conception au niveau des
différents articles, la conception des modalités d'application de
ces grands objectifs qui sont déterminés dans le
préambule.
Autrement dit, le coeur du projet de loi doit au moins correspondre
à ce qui est inscrit à l'intérieur du préambule.
Mais, lorsqu'on s'acharne à refuser la motion du chef de l'Opposition,
est-ce que cela serait parce qu'on craindrait que nous puissions constater que
tous les autres articles du projet de loi, à savoir les 129 autres
articles du projet de loi, ne correspondent pas véritablement à
ce qui est inscrit à l'article 1?
Comment voulez-vous que nous acceptions l'article 1 qui proclame le
français comme langue officielle du Québec alors que justement,
nous ne sommes pas convaincus que les autres articles correspondent exactement
à ce qui est inscrit à l'article 1?
Le ministre des Affaires culturelles nous dit : Vous présenterez
des motions. Cela fait quatre jours, je pense, que nous présentons des
motions valables ici à cette commission parlementaire et à chaque
fois, le gouvernement s'est entêté à refuser
continuellement nos motions. Comment voulez-vous que nous soyons assurés
que les motions que nous pourrons présenter lors de l'étude des
autres articles, puissent être acceptées par le gouvernement et,
dans ces circonstances, puisqu'il nous sera impossible de faire accepter les
motions qui pourraient rendre le français langue officielle? Comment
voulez-vous que nous puissions accepter l'article 1 alors que justement
l'ensemble des autres arti- cles ne correspond aucunement aux objectifs
déterminés à la fois par le préambule et à
la fois par l'article 1?
Je regrette que le député de Notre-Dame-de-Grâce
soit parti parce qu'il aurait eu des commentaires à faire. Je voudrais
argumenter un peu...
M. CLOUTIER: II m'a dit qu'il avait du travail à faire et qu'il
n'aimait pas perdre son temps.
M. LESSARD: Je comprends parce que le député de
Notre-Dame-de-Grâce peut dormir en paix parce qu'il est assuré que
la langue anglaise sera protégée par le projet de loi 22.
M. CLOUTIER: Allez voir dans son comté. Ce n'est pas ce qu'il
nous dit.
M. LESSARD: C'est le scénario monté par le Parti
libéral pour tenter de démontrer aux Québécois que,
puisque les anglophones sont contre le bill 22, c'est probablement un certain
avantage que ce projet de loi 22.
M. HARDY: On n'a pas les metteurs en scène du Parti
québécois.
M. LESSARD: La commission Gendron a retenu deux notions juridiques de la
langue. La commission Gendron a d'abord retenu le français comme langue
officielle et la notion de langue nationale. Qu'est-ce que c'est, pour la
commission Gendron, la langue officielle?
Dans son rapport, le rapport le plus important, soit le tome II sur les
droits linguistiques concernant la situation de la langue française au
Québec, la commission Gendron définit ce qu'on entend par langue
officielle. En effet, y lit-on, "le ternie langue officielle désigne
tout simplement la langue que l'Etat a estimé à propos d'appuyer
de sa puissance pour l'usage public, soit par une loi constitutionnelle, soit
le plus souvent par une loi ordinaire".
Autrement dit, une langue officielle est une langue qui sera
appuyée par les deniers publics pour faire en sorte qu'elle soit la
véritable langue prédominante. Or, la commission Gendron
reconnaît aussi qu'il peut y avoir deux ou trois langues officielles
à l'intérieur d'un pays. On peut reconnaître comme langues
officielles, à la fois le français et l'anglais.
Or c'est justement ce que nous voulons savoir et c'est justement ce qui
va nous permettre probablement de modifier l'article 1 si nos amendements que
nous proposerons au cours de l'étude des différents articles, ne
sont pas acceptés, pour qu'il représente véritablement les
objectifs visés par le projet de loi 22. Probablement que le
gouvernement, s'il est réaliste, s'il veut, à l'intérieur
de l'article 1, représenter exactement ce qui est compris dans les
autres articles, devra dire: Le français et l'anglais sont reconnus
comme langues officielles du Québec.
Parce que dans l'ensemble des autres articles du projet de loi, nous
constatons que les deniers publics seront aussi mis au service de la langue
anglaise pour qu'elle soit elle aussi reconnue. Donc, comment pouvons-nous
consacrer le français comme langue officielle du Québec alors que
nous constatons, dans l'ensemble des autres articles, comme j'étais en
train de le démontrer tout à l'heure, que l'anglais aussi, dans
les faits sinon dans les termes en vertu de l'article 1, est reconnu comme
langue officielle par ce projet de loi?
La commission Gendron a retenu aussi une autre notion juridique,
à savoir la langue nationale. On dit, à la page 23 du tome 2 sur
les droits linguistiques, que d'un point de vue juridique la langue nationale
peut être considérée comme appartenant à une
catégorie un peu moins élevée que la langue officielle.
Désigner une langue ou des langues comme nationales par une loi
constitutionnelle ou ordinaire, c'est simplement attacher à ces langues
certains privilèges juridiques au profit de l'usager. Elle se trouve
à recevoir de l'Etat une sorte de sanction qui est purement facultative,
mais sans pour autant recevoir l'appui de ses ressources ou de ses deniers.
Or, M. le Président, pouvons-nous dire qu'en vertu de ce projet
de loi le français est reconnu comme langue officielle et l'anglais,
reconnu comme langue nationale? Je dis que tous les autres articles du projet
de loi nous confirment, non seulement que la langue anglaise n'est pas reconnue
comme langue nationale au Québec, mais que la langue anglaise, dans les
faits, est reconnue comme langue officielle du Québec, parce qu'il y a
une distinction fort importante entre la langue officielle, selon la commission
Gendron, et la langue nationale, à savoir que la langue nationale est
purement facultative, mais ne pourra recevoir l'appui des ressources de l'Etat
ou des deniers de l'Etat, or, nous constaterons qu'au cours des
différents articles du projet de loi, suite à l'article 1, la
langue anglaise reçoit, pour se développer, l'appui des deniers
publics et des ressources de l'Etat.
Donc, tant et aussi longtemps que nous n'étudierons pas les 129
autres articles du projet de loi, tant et aussi longtemps que nous ne pourrons
pas constater que les amendements que nous proposerons auront été
acceptés, il nous est impossible, quant à nous, de
reconnaître, à l'article 1, que la langue française est la
langue officielle. En effet, M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Deux minutes.
M. LESSARD: Déjà?
LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui.
M. LESSARD: En effet, M. le Président, en quoi ce projet de loi
change-t-il la situation? Il aurait fallu aussi tenir compte de la
possibilité pour le Québec de reconnaître le
français comme langue officielle mais ça, le chef parlementaire
de l'Opposition, éminent constitution-naliste, a dû certainement
en parler. Mais en quoi ce projet de loi change-t-il quelque chose, sinon de
reconnaître le bilinguisme au Québec, de reconnaître
juridiquement le bilinguisme au Québec? Il faut, M. le Président,
lire l'article 38 de ce projet de loi pour nous rendre compte comment on a si
bien fignolé la loi 22 qu'à la fin, elle ne veut plus rien dire
par rapport à l'article 1, qui, comme je le disais, déclare le
français langue officielle. C'est ça, M. le Président, je
suis toujours sur la motion du chef parlementaire de l'Opposition.
M. BEAUREGARD: Quelle motion?
M. LESSARD: Est-ce que le député de Laporte
désirerait intervenir? Il a été silencieux depuis le
début à cette commission parlementaire...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. LESSARD: ... alors qu'on l'a boycotté lors de son discours de
deuxième lecture. Le député de Laporte voulait parler,
mais il n'a pas eu le courage de parler, M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. DEOM: Question de règlement, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Laporte, sur une
question de règlement.
M. LESSARD: ... de s'exprimer en deuxième lecture. Au moins qu'il
laisse les membres de l'Opposition s'exprimer à sa place, M. le
Président!
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, à l'ordre !
M. LESSARD: Parce qu'il y a bien des choses que nous ne disons pas et
que le député de Laporte aurait voulu dire.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que le député de
Saguenay pourrait... à l'ordre! Le député de Laporte, sur
une question de règlement.
M. DEOM: Je voudrais rappeler au député de Saguenay que je
n'ai pas été boycotté. Je ne sais pas où il a pris
ses informations mais je lui ai déjà dit hier que, quand
l'Opposition sera prête à discuter de façon concrète
les articles, j'interviendrai et j'ai bien l'intention de le faire. Je
n'interviendrai pas...
M. LESSARD: Ce ne sera pas miraculeux, vos interventions.
M. DEOM: ... pour permettre à l'Opposition de continuer son
"filibustering".
M. LESSARD: Si vous ne voulez pas intervenir, restez silencieux comme
d'habitude.
M. DEOM: Non, mais moi j'ai été élevé... LE
PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. LESSARD: Laissez-nous intervenir.
M. DEOM: M. le Président, je n'ai pas fini ma question de
règlement. J'ai été élevé dans l'entreprise
et je suis beaucoup plus pratique que ça. Si on veut passer...
M. LESSARD: C'est ça, vous êtes le colonisé des
affaires.
M. DEOM: Pas du tout, pas du tout. Si on veut passer à la
discussion article par article, j'interviendrai. Je suis en mesure très
certainement de faire des remarques qui confondront le député de
Saguenay, parce que lui, il ne connaît absolument rien au domaine des
affaires.
M. LESSARD: M. le Président...
M. MORIN: Pourquoi ne nous avez-vous pas confondus en deuxième
lecture? Vous avez manqué de courage en deuxième lecture?
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. LESSARD: Le
député de Laporte... LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M.
DEOM: Pas du tout, pas du tout.
M. LESSARD: Point de règlement, M. le Président. Le
député de Laporte nous dit qu'il n'a pas été
boycotté. Pourtant, nous avons pu constater physiquement que le
député de Laporte a tenté de se lever à trois
reprises pour parler sur le projet de loi et n'a pu parler.
M. DEOM: A trois reprises?
LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de
Lafontaine.
M. DEOM: Est-ce que vous auriez besoin de lunettes, par hasard?
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. LEGER: M. le Président, sur le point de
règlement...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Lafontaine...
M. DEOM: Vous voyez double ou quoi?
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous plaît !
M. LEGER: Sur le point de règlement, M. le Président,
est-ce que le député de Laporte, quand il s'est levé trois
fois, c'était de l'exercice physique qu'il faisait ou s'il voulait
parler?
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. DEOM: C'est justement ce que je faisais, je voulais me
délasser un peu du "filibuster" de l'Opposition.
LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de Saguenay,
est-ce que vous avez une conclusion?
M. LESSARD: A moins que j'aie le consentement unanime...
M. DEOM: Non.
M. LESSARD: ... je suis prêt à continuer encore 20
minutes.
M. LEGER: On donne ce consentement.
M. CLOUTIER: Si j'ai bien compris le député... Un instant.
Je vais peut-être le donner. Je voudrais bien comprendre le sens de la
remarque du député de Saguenay. Vous avez bien dit que vous
étiez prêt à continuer 20 minutes.
M. LESSARD: Oui, je suis bien d'accord.
M. CLOUTIER: ... si vous aviez le consentement unanime.
M. LESSARD: C'est cela.
M. CLOUTIER: Et vous allez prétendre ensuite que vous ne cherchez
pas à faire perdre le temps de la commission.
M. LESSARD: Non, M. le Président, c'est parce que je n'ai pas
fini mon intervention.
M. CLOUTIER: Voilà.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. CLOUTIER: Je voulais simplement établir que, par cette petite
remarque que vous voulez humoristique, vous avouez, de façon très
évidente, que tout ce que vous cherchez à faire...
M. LESSARD: Aucunement, M. le Président. Ce que je
constate...
M. CLOUTIER: ... avec votre armada procédurière, comme je
l'ai dit hier, c'est de faire perdre le temps de la commission.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. LESSARD: C'est parce que je constate, M. le Président, que le
ministre de l'Education ne comprend encore rien. Je comprends que le ministre
de l'Education est habitué de s'exprimer dans un français
très pompeux. Peut-être ne comprend-il pas le
français...
M. CLOUTIER: II est jaloux. C'est son problème.
M. LESSARD: Peut-être ne comprend-il pas le français des
Québécois?
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. CLOUTIER: Pourtant, je fais mon possible.
M. LESSARD: Peut-être ne comprend-il pas le français des
Québécois moyens? C'est celui-là, M. le
Président...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que je pourrais faire remarquer au
député de Saguenay et m'excuser auprès de lui que je me
suis trompé tantôt quand j'ai dit deux minutes. Effectivement, il
restait sept minutes.
M. CLOUTIER: Ah! mon Dieu, ça c'est une erreur, M. le
Président.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Trois minutes encore.
M. CLOUTIER: ... qui me paraît grave.
M. BEDARD (Chicoutimi): C'est une erreur que d'être juste?
M. CLOUTIER: Non, pas du tout.
M. BEDARD (Chicoutimi): C'est ce que fait le président.
M. CLOUTIER: Nous avons eu un espoir que cela se terminerait assez
vite.
M. LESSARD: M. le Président, avant l'interruption inopportune du
député de Laporte...
M. DEOM: Ce n'est pas moi qui vous avais interrompu... C'est lui.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. LESSARD : J'étais en train de dire que ce projet de loi ne
fait pas du français la langue officielle. M. le Président, j'ai
peur, comme d'habitude, vous ne verrez pas plus loin que votre nez.
M. DEOM: Je vois très bien sans verres, je vois très
loin.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! S'il vous plaît, les gens
dans les galeries...
M. CLOUTIER: ... qui rient...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Riez tant que vous voulez, mais arrêtez
d'applaudir.
M. LEGER: Le président permet de rire.
M. CLOUTIER: Oui, ils ont le droit de rire.
LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de
Saguenay...
M. CLOUTIER: Oui, ils ont le droit de rire, d'autant plus que c'est
drôle, ils ont même le droit de rire de vous autres.
UNE VOIX: Ils rient du député de Saguenay.
M. LEGER: Interprétez ce que vous voulez.
LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de Saguenay,
c'est vrai, c'est deux minutes.
M. LESSARD: M. le Président, j'ai été interrompu.
M. le Président, j'étais en train de dire que ce projet de loi ne
reconnaît aucunement le français comme langue officielle.
C'est pourquoi le chef parlementaire de l'Opposition a proposé la
motion suivante: Que l'étude de l'article 1 soit différé
après l'étude du préambule. En effet, le projet de loi 22
ne fait que reconnaître le caractère bilingue et binatio-nal de
l'Etat québécois, ce qui équivaut tout simplement,
tôt ou tard, à l'assimilation des Québécois. Qu'on
relise les articles 8, 9, 11, 13, 14, 15, 16 et 17 qui vont tous en
contradiction avec l'article 1, parce qu'ils confirment la
généralisation du bilinguisme dans la fonction publique;
bilinguisme reconnu aussi dans les entreprises d'utilité publique, par
les articles 20, 22 et 23; bilinguisme reconnu par cette loi tant au niveau de
la langue de travail, par les articles 24, 26, 28 et 29, qu'au niveau de la
langue des affaires, par les articles 36, 38, 39, 40, 41, 42 et 43. Est-ce
là l'objectif majeur du projet de loi 22? Si c'est là l'objectif
qu'on poursuivait, autant vouloir immédiatement l'assimilation des
Québécois, car si des individus peuvent être bilingues
et nous ne le nions pas on ne peut parler d'un peuple bilingue.
Le bilinguisme, pour un peuple, est une situation temporaire, avant de passer,
pour les Québécois, à l'unilinguisme anglais. Merci.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que la commission...
M. BURNS: Je propose la suspension du débat jusqu'à quinze
heures.
LE PRESIDENT (M. Gratton): D'accord. La commission suspend ses travaux
jusqu'à cet après-midi, quinze heures.
(Suspension de la séance à 12 h 57)
Reprise de la séance à 15 h 5
M. GRATTON (président de la commission permanente de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre,
messieurs !
Nous en sommes à l'étude d'une motion du chef de
l'Opposition officielle: Que l'étude de l'article 1 soit
différée jusqu'à ce que l'étude du préambule
du projet de loi 22 ait été complétée. Le
député de Maisonneuve.
M. BURNS: M. le Président, la motion que le chef de l'Opposition
vous a présentée ou a présenté à cette
commission a pour but principal de faire remettre à plus tard,
c'est-à-dire dans la motion, on retrouve exactement le sens du plus tard
en question, c'est-à-dire après l'étude de l'article 1
je recommence, M. le Président, tout de suite, avant d'être
complètement mêlé et de mêler tout le monde, j'efface
complètement La motion du chef de l'Opposition a pour but de
remettre après l'étude du préambule l'étude de
l'article 1, C'est bien cela, M. le ministre? On est correct, on est sur la
même longueur d'ondes, je m'excuse, on n'est pas encore
réchauffé.
Cette motion, comme vous l'avez déclaré hier, est
parfaitement possible, parfaitement recevable, parfaitement adoptable, si la
majorité de la commission en décide ainsi, en vertu des usages de
notre Assemblée avant l'adoption du règlement actuel. Vous vous
êtes vous-même, M. le Président, même si vous ne
m'écoutez pas, parce que vous m'avez toujours dit qu'il fallait
m'adresser à vous, même si vous ne m'écoutiez pas
référé à l'ancien texte de l'article 564, qui
établissait un ordre d'étude des détails du projet de loi.
Cet ordre est, d'abord, les articles imprimés qui ont été
différés, les articles nouveaux, les annexes imprimés,
seulement s'il y a lieu de les amender, les annexes nouvelles, finalement en
sixième position, si je peux dire, le préambule, et en
septième position, le titre, mais seulement s'il y a lieu de
l'amender.
M. le Président, ma prétention, dans ce "hit parade"
législatif, me semble être quelque chose d'absolument
immuable.
Cela semble être quelque chose, se dit-on, qu'il ne faille pas
changer. Or, M. le Président, je considère que c'est purement et
simplement par fiction légale que nous avons, dans le passé,
décidé, par le règlement que nous avions avant 1972, de
fixer cet ordre. Parce que logiquement, il peut très bien se
défendre que le préambule doive se discuter avant l'article 1.
Dans le cas présent, ce qui me frappe et je me baserai sur une
certaine habitude législative c'est qu'on retrouve dans un
même projet de loi, deux choses qui, habituellement, ne s'y retrouvent
pas présentes en même temps. Vous avez un préambule dans la
loi no 22, et vous avez aussi des notes explicatives. Ceux qui ont une certaine
habitude de la technique législative vont m'appuyer lorsque je vais dire
qu'il est très rare de voir, à la fois, dans un projet de loi, et
des notes explicatives, et un préambule. Je donne l'exemple le plus
courant que nous ayons dans nos travaux, on l'a vécu à quinze ou
vingt reprises déjà depuis deux semaines, lorsqu'un projet de loi
privé est présenté devant l'Assemblée nationale, il
y a un préambule et il n'y a pas de notes explicatives. La
compréhension... Je m'excuse. Est-ce que je dérange les
députés autour de moi? Pour ma part, je peux dire qu'eux ils me
dérangent. D'accord?
M. VEILLEUX: M. le Président, j'ai compris mon collègue,
le député de Maisonneuve...
M. BURNS: Bon! Sauf que... Non, non. Je le dis très
sérieusement... J'entends jaser. C'est sûr que je ne suis
peut-être pas le meilleur orateur à l'Assemblée
nationale...
M. CLOUTIER: Ce n'est pas vrai. Vous êtes un bon orateur. Pas le
meilleur, mais un bon.
M.HARDY: Si tous vos collègues étaient comme vous...
M. VEILLEUX: M. le Président, question de règlement.
M.HARDY: ...combien ce serait intéressant!
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saint-Jean,
question de règlement.
M. VEILLEUX: Je m'excuse auprès de mon collègue de
Maisonneuve, pour lequel j'ai le plus grand des respects, mais j'ai tout
simplement été voir le député de Lafontaine pour
lui dire que, s'il voulait avoir d'autres expressions latines "obiter dicta" ou
"ratio decidendi", il pouvait en trouver dans le livre 2...
M. BURNS: Vous voulez dire des "obiter dicta" ou des "ratio
decidendi"...
M. VEILLEUX: Oui, oui, des avis incidents et des éléments
de décision,
M. BURNS: Bon. Vous avez appris cela pendant l'heure du dfner?
M. LEGER: M. le Président, sur un point de règlement. Le
député de Saint-Jean est venu me voir pour me parler de certaines
notions latines et je me rappelle d'une: "Fortuna juvat audaces", c'est le
député de Saint-Jean qui "se débat sur sa chaise".
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Maisonneuve.
M. BURNS: Tout simplement, je vous demandais de demander à nos
collègues de chaque
côté de ne pas m'enlever ma concentration parce que
j'entendais...
M. HARDY: Votre "concertation"?
M. BURNS: Pardon?
M. HARDY: Votre"concertation"?
M. BURNS: Concentration. Concertation, on y verra avec le temps, mais la
concentration, je pense... Je n'ai pas l'intention de vous faire une
intervention abracadabrante et, lorsque je me sens dérangé de
chaque côté de moi, cela m'est très difficile de me
concentrer. Quel député a dit qu'il avait de la difficulté
à se concentrer?
M. LAPOINTE: Laurentides-Labelle.
M. BURNS: Laurentides-Labelle? C'est lui.
M. LAPOINTE: ... vous ne parlez pas. Lorsque vous parlez, on vous
contemple.
M. BURNS: Oui?
M. LAPOINTE: On écoute avec attention.
M. BURNS: C'est là que vous allez dormir?
M. LAPOINTE: Je n'ai pas l'habitude de dormir.
M. BURNS: On veut vous garder éveillé, M. le
député de Laurentides-Labelle. Ne vous inquiétez pas.
J'étais à dire que dans les projets de loi privés,
nous n'avons habituellement aucune note explicative. Par contre, nous avons
toujours des préambules et j'avais toujours compris, à moins
qu'on ne me contredise sur ce point, qu'un préambule est, à
toutes fins pratiques, lorsqu'il apparaît au projet de loi,
l'équivalent des notes explicatives.
C'est tellement cela que, dans un projet de loi privé, c'est au
fond l'équivalent d'une requête devant les tribunaux qu'on
retrouve dans le préambule. Si, par exemple, M. Tancrè-de
Bienvenu on peut le nommer par son nom puisqu'on a étudié
son projet de loi hier qui grâce à ses... Heureux sont ses
héritiers à qui il a laissé une succession dans les $3
millions. M. Tancrède Bienvenu, quant à sa succession, ses
héritiers ont des possibilités de faire amender, par voie de
projet de loi privé certaines dispositions de son testament.
Je me rappelle qu'hier, lorsqu'on étudiait la loi modifiant la
loi qui avait modifié le testament de M. Trancrède Bienvenu, on
voyait dans le préambule toutes les raisons à l'appui des
conclusions qu'on retrouvait dans les deux ou trois articles du projet de loi.
C'est pour cela que je fais ce parallèle en disant que le
préambule, à toutes fins pratiques... Je vois le
député de Pointe-Claire qui sourit; je vois qu'il me comprend, il
était présent à la commission.
M. SEGUIN: Je pense encore à Louis-Joseph Papineau qui a
été enterré dans un cercueil de six pieds et neuf pouces,
et je me demande si vous n'arriverez pas à cela bientôt.
M. BURNS: Est-ce qu'il a été enterré à plat
ventre, au cas où il se réveillerait, afin qu'il creuse au lieu
de sortir?
M. SEGUIN: Le député de Sauvé est tout inquiet de
mon commentaire, mais je pense bien que si vous aviez assisté à
d'autres délibérations, vous vous rendriez vite compte de ce que
je voulais dire. Mais je ne voudrais pas interrompre le député de
Maisonneuve.
M. BURNS: Vous ne voulez pas, mais vous l'avez déjà
fait.
M. SEGUIN: Non. Pas du tout, c'est pour vous permettre d'avoir d'autres
idées. Vous avez pu y penser entre temps, alors continuez.
M. BURNS: J'en ai beaucoup. Si j'ai le consentement unanime de la
Chambre, je suis bon pour une heure, je suis crinqué pour une heure,
comme on dit. Cela va? Je vois que le député de Mille-Iles me
donne son consentement de continuer. Ah! vous ne voulez pas?
M. CLOUTIER: Ce n'est pas parce que ce n'est pas intéressant,
mais nous ne voulons quand même pas collaborer à l'obstruction.
Vingt minutes, cela suffit.
M. BURNS: Le ministre devient tout à fait parcimonieux à
mon égard. Je vais être obligé de me plier parce que les
règlements de la Chambre disent que cela prend le consentement unanime.
Alors, je disais, M. le Président, que le préambule est loin
d'être quelque chose de tout à fait secondaire. Pour me
résumer, l'exemple le plus clair, c'est comment on utilise les
préambules dans les projets de loi privés. Or, on est dans un
domaine où on est très loin des projets de loi privés. On
est en train de s'apprêter à légiférer dans un
domaine qui touche tous et chacun des Québécois. Aucune
exception. Il n'y a aucun Québécois qui pourra dire, le jour
où le projet de loi 22 sera adopté, que ce projet de loi ne le
touche pas. C'est rare qu'on puisse dire qu'un projet de loi est aussi
universel d'application ou tout au moins aussi universel d'implication. Que
vous soyez de langue anglaise, que vous soyez de langue française, que
vous soyez immigrant, que vous ayez quatre ans ou que vous en ayez 44 ou 84, le
projet de loi 22 va avoir des conséquences sur votre façon de
vous exprimer.
En somme, ce n'est pas exagéré de dire que le projet de
loi 22... le premier ministre devrait en être content, lui qui parle de
projet de loi historique et, le parrain du projet de loi, le
ministre de l'Education, devrait être content lui aussi...
M. BOURASSA: On écoute.
M. BURNS: Oui, j'espère que vous allez continuer à
écouter et ne pas commencer à m'interrompre.
M. BOURASSA: On est rendu à l'article 5?
M. BURNS: Non, non, on n'est pas encore arrivé là.
M. BOURASSA: A quel article sommes-nous?
M. BURNS: On n'est même pas encore arrivé à
l'article 1.
M. BOURASSA: On n'a pas encore commencé l'article 1.
M. BURNS: Non.
M. LEGER: A votre grande surprise...
M. MORIN: Bientôt, c'est pour bientôt.
M. BOURASSA: C'est l'obstruction qui continue.
M. BURNS: La discussion. On tente, encore une fois, dans un ultime
effort de vous convaincre qu'il serait nécessaire d'étudier le
préambule avant d'étudier l'article 1. Est-ce que cela vous
replace dans le contexte?
M. BOURASSA: Mais vous ne tentez pas plutôt de nous forcer
à imposer la clôture?
M. BURNS: Pas du tout.
M. BOURASSA: Ce n'est pas ça qui est votre tactique?
M. BURNS: Quand ce sera ça, si jamais ça arrive, on vous
le dira.
M. CHARRON: On sait bien.
M. BEDARD (Chicoutimi): On ne croit pas que le gouvernement puisse faire
ça avec une loi aussi importante que celle qu'on discute.
M. BOURASSA: C'est ce que vous désirez, vous voulez aller en
vacances en nous forçant à imposer la clôture.
M. LEGER: M. le Président, sur le point de règlement.
M. BOURASSA: J'écoute le député de Maisonneuve, il
est...
M. LEGER: Sur le point de règlement de la guillotine du premier
ministre. Nous avons reçu une lettre du leader parlementaire qui nous
dit que pendant qu'une centaine de députés libéraux iront
se reposer, à partir de ce matin, 11 heures, pour une belle fin de
semaine chez eux, ils ont décidé de faire siéger la
commission parlementaire de l'éducation où les six
députés péquistes et douze otages libéraux vont
travailler de dix heures à minuit, samedi toute la journée, lundi
toute la journée et, mardi, on verra arriver, le teint bronzé, la
centaine de députés libéraux, qui ont pris des vacances,
venir prendre la relève.
M. BOURASSA: Vous pouvez diviser...
M. LEGER: Si ça ressemble à de la guillotine...
M. BOURASSA: Qu'est-ce qui vous empêche de vous diviser? Vous
n'êtes pas obligés de faire les croisés, pour forcer le
gouvernement à imposer la clôture?
M. LEGER: M. le Président...
M. BURNS: Qu'est-ce qui nous empêche de nous remplacer? C'est
parce que nous, nous trouvons que le sujet dont le projet de loi 22 traite est
assez important pour que nous restions ici tous les six.
M. BOURASSA: Vous voulez faire de l'obstruction, parce qu'à deux
il y aurait moyen de discuter sérieusement. J'écoute le
député de Maisonneuve, il allait louanger le projet de loi, je
l'écoute.
M. BURNS: J'allais dire qu'il n'est pas exagéré,
peut-être que ça va flatter le premier ministre, peut-être
que ça va flatter aussi le ministre de l'Education...
M. CHARRON: J'en doute.
M. BURNS: ... que la matière, au sens large du mot, que nous
touchons avec ce projet de loi, c'est l'âme du Québec. Ce n'est
pas exagéré d'utiliser cette expression, ce n'est pas charrier
que de dire que le projet de loi 22, dans un sens ou dans un autre, grandira
l'âme du Québec ou la diminuera.
M. BOURASSA: Sérieusement.
M. BURNS: C'est dans ce sens-là, M. le Président, que je
considère qu'il est absolument incroyable que notre étude
commence par l'article 1, avant d'avoir examiné ce que contient,
à toutes fins pratiques, une autre façon de dire quels sont les
objectifs de ce projet de loi, c'est-à-dire le préambule du
projet de loi.
Simplement, on pourrait citer quelques extraits du préambule pour
souligner jusqu'à quel point on tente de faire cadrer le
préambule avec les objectifs du projet de loi. Le premier
que je lis est le suivant: "Attendu que la langue française
constitue un patrimoine national", c'est quand même une affirmation qui
mérite, je pense, une certaine discussion; "que l'Etat a le devoir de
préserver", deuxième affirmation qui, je pense, ne peut pas
être laissée dans l'ombre pendant qu'on discute de technique,
parce que les articles eux-mêmes seront des techniques de mise en
application de ces affirmations. Troisièmement, "et qu'il incombe au
gouvernement du Québec de tout mettre en oeuvre", pas de mettre un peu
de choses en oeuvre; "de tout mettre en oeuvre pour en assurer la
prééminence", encore une fois, un autre aspect qui
mériterait discussion; "et pour en favoriser l'épanouissement et
la qualité". Que c'est beau, M. le Président, comme
éventail! Comme on pourrait discuter longtemps à ce sujet et
comme on pourrait facilement se demander si le projet de loi cadre avec cette
affirmation !
Notre opinion, jusqu'à maintenant, elle est négative quant
à cet énoncé...
M. BOURASSA: Vous voulez qu'on fasse de la rhétorique?
M. BURNS: Non, je ne veux pas qu'on fasse de rhétorique, je veux
qu'on se penche sur l'un des biens les plus importants des
Québécois, c'est-à-dire leur nation, leur langue et leur
culture. C'est là-dessus qu'on veut se pencher.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. BOURASSA: Alors, discutons des amendements.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Un instant. J'aimerais encore
faire une remarque à l'intention du public. Je comprends très
bien le besoin de certaines personnes, et même de toutes les personnes,
de réagir, positivement ou négativement, à des choses qui
peuvent être dites par un côté comme l'autre de la
table.
Pour ceux qui ne le sauraient pas, je suis moi-même un
député libéral. Depuis cinq jours que je siège
à la commission.. A l'occasion, il y a des choses qui ont
été dites qui ont eu l'heur de me piquer en tant que
député libéral, mais, à titre de président
de la commission, j'ai tâché et je pense que j'ai assez
bien réussi de retenir l'expression de mon approbation ou de ma
désapprobation vis-à-vis de quelque chose qui était dit.
Je suis sûr que je parle pour les députés autant du Parti
québécois que de ceux du Parti libéral quand je dis que ni
l'un ni l'autre des membres de la commission désire faire de cette
Assemblée nationale quelque chose de moins digne que nous tous voudrions
qu'elle soit.
On peut trouver cela drôle, on peut trouver cela comique, mais,
moi, je suis sincère quand je dis qu'il n'est de l'intérêt
d'aucun Québécois, de quelque allégeance partisane
politique qu'il soit, de dénigrer le Parlement de la nation
québécoise, si vous voulez. C'est dans ce sens qu'on vous
demande, aux gens dans les galeries, de bien vouloir ne pas manifester, pas
plus pour le côté ministériel que pour le côté
de l'Opposition.
Je l'ai dit ce matin, je n'empêche personne de trouver drôle
et de rire lorsque c'est drôle et peut-être de se sentir triste
lorsque cela paraît triste, mais, de grâce, s'il vous plaît,
ne faites pas de manifestations et d'applaudissements de façon que les
travaux de la commission se fassent dans l'atmosphère la plus sereine
possible.
Je demanderais la collaboration de tout le monde de ce
côté, sinon le règlement prévoit les mesures
à prendre. J'ose espérer qu'il ne sera pas nécessaire de
les prendre, soit de faire évacuer les galeries du public.
M. BOURASSA: M. le Président, je disais simplement au
député de Maisonneuve, dans une question que je lui posais...
M. BURNS: M. le Président, pardon...
M. MORIN: C'est le député de Maisonneuve qui a la
parole...
M. BURNS: Je le lui permets pour autant que ce ne soit pas enlevé
de mon temps de parole.
M. BOURASSA: Non, pas du tout.
M. BURNS: Si cela doit m'être enlevé sur mon temps de
parole, je demanderais au premier ministre de bien vouloir me poser la question
après.
M. BOURASSA: Cela ne lui sera pas enlevé. M. BURNS: D'accord.
M. BOURASSA: C'est simplement pour lui dire la façon d'avoir une
approche concrète et pratique, comme le souhaitait le
député de Saint-Jacques à l'Assemblée nationale.
Est-ce que cette approche concrète et pratique, au lieu de s'attarder
durant des heures et des heures à discuter du préambule, ne
serait pas de discuter des amendements du Parti québécois
lui-même pour bonifier la loi? Moi, je croyais je me suis
trompé que cette séance de la commission parlementaire ou
cette étape nous permettrait de discuter franchement de la question,
sérieusement, non pas comme le fait le Parti québécois en
faisant venir des troupes et en créant un spectacle...
M. LEGER: M. le Président, est-ce que le premier ministre a une
question à poser, tel qu'il l'a dit? C'est une question, ce n'est pas un
discours à ce stade-ci.
M. BOURASSA: Non, je veux simplement...
M. LEGER: Poser votre question et le député de Maisonneuve
jugera bon de répondre.
M. BOURASSA: Je veux simplement essayer de convaincre le partisan du
"filibuster" dans le caucus du Parti québécois, je sais que je
n'ai pas de chance. Une dernière fois, je fais appel au
député de Maisonneuve, à sa lucidité politique.
Qu'il se souvienne quand même des erreurs de stratégie du Parti
québécois, l'anti-campagne, la consigne d'annulation...
M. BURNS: M. le Président, à l'ordre! Ce n'est pas une
question.
Le PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. BURNS: Si vous voulez passer des messages, allez à la
télévision, les journalistes vous attendent.
M. BOURASSA: Non.
M. BURNS: Allez-y. De toute façon, quelle que soit la question
qu'ils vous posent, vous répondez le message que vous voulez faire
passer. Tout le monde le sait, cela. Ce n'est pas grave, mais ici vous ne ferez
pas cela, par exemple. M. le Président, je vous demande tout simplement
de rappeler le premier ministre à l'ordre, même si c'est votre
"boss" en tant que député libéral.
M. BOURASSA: Non, je pose une question au député de
Maisonneuve.
M. BURNS: Posez-la, la question, mais ne m'amenez pas sur la
dernière campagne électorale. Ne m'amenez pas non plus sur la
campagne d'annulation. Ne m'amenez pas sur tous vos autres petits "bags" que
vous avez récemment développés.
M. BOURASSA: Non, c'est parce que je dis que vous faites une erreur de
stratégie qui va vous faire disparaître de la carte
électorale.
M. BURNS: C'est notre problème.
M. BOURASSA: Je ne veux pas que vous disparaissiez de la carte
électorale. On a besoin de vous autres comme parti d'Opposition.
M. BURNS: Vous êtes en train d'essayer de faire un "cover up" pour
le "flop" qu'est le projet de loi 22.
M. BOURASSA: Vous en avez fait un, la consigne d'annulation.
M. BURNS: Essayez de couvrir votre "flop". LE PRESIDENT (M. Gratton): A
l'ordre!
M. BURNS: On va vous parler, M. le Président, mais on va y parler
au premier ministre.
M. BOURASSA: Moi aussi, je vais parler au député de
Maisonneuve.
M. BURNS: II va arrêter de tenter de changer le véritable
sujet de conversation. On le connaît, c'est son habitude de passer
à côté des vraies questions.
M. BOURASSA: Non, monsieur.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. BURNS: Nous, c'est drôle, on essaie à cette commission
d'arriver directement...
M. BOURASSA: De faire l'obstruction.
M. BURNS: ... au coeur du problème, contrairement à ce que
vous pensez.
M. BOURASSA: Personne ne vous croit.
M. BURNS: II y a vous qui ne nous croyez pas, mais je pense qu'il y a un
tas de québécois.
M. BOURASSA: Alors, une question au député de Maisonneuve.
Une question.
M. LEGER: J'invoque le règlement, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Lafontaine sur une
question de règlement.
M. LEGER: Je me souviens fort bien de ce que le président avait
dit tantôt, qu'il faut garder à cette enceinte la dignité
nécessaire. Est-ce que vous pourriez demander au premier ministre qu'il
n'intervienne pas de façon à enlever cette dignité que
nous voulons garder à cette enceinte.
M. BOURASSA: Est-ce que le député de Maisonneuve me permet
une question?
M. BURNS: ... moyenne de questions, et je vais vous répondre. Ne
m'amenez pas pour passer à Trois-Rivières...
M. BOURASSA: Non, d'accord, je remercie le député de
Maisonneuve de me donner la permission de lui poser une question. Est-ce qu'il
pense qu'il ne serait pas plus productif, plus positif...
M. CHARRON: A chaque fois que le premier ministre arrive, le
débat prend une "drop", M. le Président.
M. BOURASSA: Non, M. le Président, je sais que le Parti
québécois n'aime pas cela quand je dénonce leur
stratégie, mais j'essaie de demander au député de
Maisonneuve, parce que je sais qu'il pense que la façon de combattre ce
projet de loi, c'est de faire du "filibuster". J'essaie de le convaincre du
contraire. Est-ce qu'il pense
qu'il ne serait pas plus valable pour les Québécois, comme
pour le Parti québécois lui-même, ses partisans, d'essayer
de discuter vos propres amendements sérieusement? Pas en faisant un
spectacle.
M. MORIN: Cessez de faire de l'obstruction comme vous le faites depuis
tout à l'heure.
M. BOURASSA: C'est nous qui faisons de l'obstruction, maintenant?
M. CHARRON: Oui, le député de Maisonneuve était en
train de parler, il achevait son droit de parole...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. BOURASSA: Vous avez un incroyable culot.
M. BURNS: En réponse à la question, à l'intention
du premier ministre et à l'hommage, je le dis, des députés
ministériels, qui sont ici, par qui je n'ai pas été
interrompu, peut-être un vague éternuement, mais à peine,
que je leur pardonne parce que c'est un vague bâillement ou un vague
éternuement...
M. BOURASSA: J'ai demandé la permission.
M. BURNS: M. le Président, depuis que le premier ministre est
ici, cela fait exactement... J'ai calculé l'heure... J'ai pris note de
l'heure de son entrée. Il est arrivé à 4 heures, 23
minutes...
M. BOURASSA: Trois heures, 23 minutes.
M. BURNS: Depuis ce temps que je suis interrompu. Depuis ce temps que
j'ai quitté mon sujet.
M. BOURASSA: Non, M. le Président, je m'excuse. Je dois
m'absenter pour quelques heures. Je voulais essayer de convaincre, une
dernière fois...
M. BEDARD (Chicoutimi): Vous avez des messages à passer.
M. BOURASSA: Non, je voulais essayer...
M. BURNS: Bonne fin de semaine. Reposez-vous. Cela va vous servir la
semaine prochaine.
M. BOURASSA: Je vais être ici demain.
M. BEDARD (Chicoutimi): Allez vous reposer. Vous ferez peut-être
de meilleurs interventions.
M. BOURASSA: J'espère que demain, cela sera plus positif. Le chef
du gouvernement n'a pas qu'à assister à une commission
parlementaire. Le député de Maisonneuve le sait fort bien. J'ai
d'autres tâches. Mais...
M. BURNS: Sauf lorsque la commission parlementaire étudie un
problème qui est capital pour...
M. BOURASSA: C'est pour cela que j'essaie d'être présent le
plus souvent possible à cette étape capitale d'un projet
capital.
M. BURNS: A toutes les fois que vous êtes présent...
M. BOURASSA: Vous faites de l'obstruction...
M. BURNS: ... vous nous faites... A toutes les fois que vous êtes
ici...
M. BOURASSA: Vous organisez un spectacle...
M. BURNS: Toutes les fois que vous êtes ici, vous nous faites
dévier de notre but.
M. BOURASSA: Vous ne voulez pas discuter sérieusement.
M. BEDARD (Chicoutimi): ... de façon positive.
M. BURNS: A toutes les fois...
M BOURASSA: Vous voulez qu'on vous impose la clôture. Vous l'aurez
peut-être plus vite que prévue.
M. BURNS: Ah? Des menaces.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. BURNS: Comme hier.
M. MORIN: C'est ce que nous pensions. Vous voulez partir en
vacances.
M. BOURASSA: C'est vous qui voulez partir.
M. BURNS: Vous êtes digne des meilleurs colonels grecs. Vous
êtes digne de cela.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre!
M. BURNS: Hier, M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. BURNS: Non, non. Je peux appuyer mon affirmation. Hier, le premier
ministre nous a dit, et sans même rougir je dirais même sans
même pâlir il a gardé son teint normal...
M. BOURASSA: Discutez sérieusement.
M. BURNS: II nous a dit: Si je veux, je vais
vous faire siéger 24 heures par jour. Ce n'est pas digne des
meilleurs colonels grecs, cela?
M. BOURASSA: Ah, M. le Président! Personne ne vous prendra au
sérieux.
UNE VOIX: Voyons donc!
M. BURNS: C'est votre conception de la démocratie? Le peuple vous
jugera là-dessus.
M. BOURASSA: Cela fait trois jours... Oui. Le peuple... J'ai eu deux
fois plus de votes que vous en avez eu aux dernières
élections.
M. MORIN: Vous avez dit ce que vous aviez à dire?
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. MORIN: En vacances! Partez en vacances!
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre!
M. MORIN: Laissez-nous travailler.
M. BURNS: Allez vous reposer maintenant, M. le premier ministre.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. BURNS: Allez prendre un peu de
soleil.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que le député de
Maisonneuve veut continuer son intervention sur la motion?
M. BURNS: Si le premier ministre veut bien suivre l'exemple que je lui
indique, d'ailleurs, si le premier ministre veut suite l'exemple de ses
collègues ministériels...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Allez-y, s'il vous plaît.
M. BURNS: ... qui ne m'ont pas interrompu. Je les remercie.
M. BOURASSA: Discutez sérieusement, et on va rester ici un mois.
Si vous voulez discuter sérieusement, on est prêt à
discuter pendant un mois, s'il le faut,
UNE VOIX: C'est cela.
M. BURNS: Quel est votre critère de discuter
sérieusement?
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. BOURASSA: C'est ne pas faire de l'obstruction comme vous faites et de
la rhétorique, et organiser des spectacles avec vos troupes.
M. LEGER: M. le Président, question de règlement.
UNE VOIX: Le peuple québécois... au gouvernement...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Maisonneuve sur la
motion...
M. BOURASSA: On le sait bien que vous ne voulez pas discuter
sérieusement. Continuez.
M. BURNS: M. le Président, cela me fait vraiment de la peine,
comme citoyen du Québec...
M. BOURASSA: Vous pouvez pleurer.
M. BURNS: ... de voir que le premier ministre s'abaisse à un
niveau plus bas...
M. HARDY: ... vérités...
M. BOURASSA: La vérité vous fait mal.
M. BURNS: ... que celui que ses simples députés; eux,
acceptent de respecter...
M. BOURASSA: La vérité vous fait mal.
M. BURNS: Ah bien, pas du tout! Cela vous fait bien plus mal à
vous.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. BURNS: Moi, cela me fait de la peine parce que même si ne suis
pas d'accord que vous soyez premier ministre du Québec, vous êtes
quand même le chef d'Etat du Québec.
M. BOURASSA: Je comprends pourquoi vous n'êtes pas d'accord.
M. BURNS: Vous rabaissez votre fonction, ce n'est pas croyable.
M. BOURASSA: Vous allez disparaître de la carte
électorale.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. BURNS: Vous, vous rabaissez la fonction à un point tel que
cela va être difficile de la remonter. C'est cela qui va arriver.
M. BOURASSA: Le peuple jugera votre attitude.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. BURNS: Oui, oui.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Maisonneuve, sur
la motion.
M. BURNS: Le peuple jugera ce que vous
avez fait de la fonction de chef d'Etat du Québec, après
des personnes qui ont tenté, elles, de la rehausser.
M. BOURASSA: Je n'ai pas besoin de votre appui.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. BURNS: Moi non plus, je n'ai pas besoin de vos conseils sur la
stratégie du Parti québécois.
M. BOURASSA: Vous en avez besoin.
M. BURNS: Non, on n'en n'a pas besoin. Moi, je ne vous dis pas ce que
vous avez à faire avec le Parti libéral. Je ne vous dis pas que
vous... En tout cas, je mélange...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Maisonneuve, sur
la motion.
M. CLOUTIER: II ne faudrait pas qu'il se trompe de motion.
M. BURNS: II ne faudrait pas que je me trompe de commission non plus, M.
le Président, parce que je pourrais vous dire quoi faire à
certaines autres commissions. Je pourrais vous dire, en bien d'autres cas, quoi
faire aussi. Les Québécois le sauront éventuellement.
C'est cela.
M. BOURASSA: Je ne crains pas le jugement des
Québécois.
M. BURNS: Prenez donc des vacances.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. BURNS: Cela va vous faire du bien. Reposez-vous !
M. BOURASSA: Vous aussi.
M. BURNS: Reposez-vous! On en a pour longtemps.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. BOURASSA: C'est moi qui
décide.
M. BURNS: C'est un projet de loi assez important pour qu'on
s'attache...
UNE VOIX: C'est lui qui décide...
M. BURNS: J'aimerais bien qu'on entende ce que le premier ministre...
C'est moi qui décide! C'est cela que vous avez dit?
M. BOURASSA: C'est la majorité.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. BURNS: Vous êtes choqué?
M. BOURASSA: Vous voudriez que ce soit la minorité qui
décide?
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !
M. BURNS: Le petit premier ministre est choqué !
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. BURNS: II est choqué noir, noir. Il tape en-dessous de la
table. Il est choqué noir parce que c'est lui qui mène et qu'il y
a des gens qui lui disent qu'ils ne sont pas d'accord. Mon Dieu Seigneur, cela
n'a pas de sens!
M. BOURASSA: Vous feriez un bon clown.
M. BURNS: Qu'est-ce que vous voulez? Voulez-vous qu'on s'en aille?
M. BOURASSA: Vous feriez un bon clown. M. BURNS: Qu'est-ce que vous
voulez? M. BOURASSA: Discuter sérieusement. M. BURNS: Vous voulez qu'on
s'en aille?
M. BOURASSA: Discuter sérieusement. Vous n'êtes pas capable
de discuter sérieusement.
M. BURNS: Arrêter de taper en-dessous de la table. Vous faites
vibrer. Voyons donc!
M.LESSARD: ...parler. Ce n'est pas sérieux.
M. BURNS: Vous avez l'air d'un petit garçon de quatre ans
à qui on refuse un suçon. C'est de cela que vous avez l'air.
M. BOURASSA: C'est brillant.
M. BURNS: C'est brillant. Qui a commencé ces belles interventions
brillantes?
M. BOURASSA: Je vous ai posé une question pour qu'on discute
sérieusement.
M. BURNS: Cela allait bien avant que vous n'arriviez. Je vous ai dit que
vous n'aviez pas d'affaire à dire ce qu'on va faire comme
stratégie. Je ne vous dis pas quoi faire à l'intérieur du
caucus.
M. BOURASSA: Je veux vous aider.
M. BURNS: Je ne vous le dis pas. Je ne vous le dirai jamais.
M. BOURASSA: Vous avez fait assez de gaffes de stratégie depuis
deux ans.
M. LESSARD: ... vos patrons... Mine your own business.
M. BEDARD (Chicoutimi): ... sur la tête du Parti
québécois, on serait...
M. CHARRON: Allez chercher le lieutenant-gouverneur. Il y a quelque
chose qui ne marche plus.
M. BURNS: II y a quelque chose qui ne marche plus, certain. Et ce n'est
pas chez nous. C'est chez le premier ministre que cela ne marche pas.
J'étais en train de dire qu'il nous semble que les principes
fondamentaux, que le cadre de la loi tels qu'exprimés dans le
préambule au projet de loi 22, se doivent d'être discutés.
Le premier ministre nous disait, tout à l'heure, qu'il fallait aller
vite dans ces affaires. C'est drôle qu'il n'a pas trouvé cela
concernant la commission Gen-dron qui a étudié le
problème, qui étudiait des principes et qui nous a sorti trois
volumes, trois tomes, et qui se penchait sur la situation, qui examinait des
principes. Or, elle a pris quelques années quand même pour nous
dire ce qu'elle en pensait.
M. CLOUTIER: C'est ce qui nous permet de légiférer.
M. BURNS: Elle a pris quelques années, sauf que la commission
Gendron n'a pas été élue par le peuple. C'est la petite
différence. Ce n'est pas parce que la commission Gendron a dit telle ou
telle chose qu'on doive se dire? Tout a été examiné. Ce
n'est pas parce que les principes ont été discutés et
qu'on est arrivé, à la commission Gendron, à telle ou
telle conclusion que nous, aujourd'hui, il faudrait dire: On s'excuse, la
commission Gendron a discuté des principes, nous n'en discuterons plus.
Bien non! Imaginez-vous donc que vous avez vous-même
décidé... Vous aviez parfaitement le droit de ne pas mettre un
préambule à ce projet de loi. Le gouvernement pouvait très
bien se limiter aux notes explicatives qui nous disent que ce projet proclame
le français, langue officielle du Québec, et statue sur son
usage. Cela aurait pu faire un beau baratin publicitaire, digne des
émissions radiophoniques et télévisées du premier
ministre, mais cela ne va pas plus loin que cela.
On a décidé, du côté gouvernemental, d'aller
plus loin que cela. On a décidé de nous dire: Attendu que la
langue française doit être prééminente... On parle
de prééminence. On pourrait en discuter. C'est cela qu'on
aimerait. On aimerait discuter avant même d'arriver à l'article 1
parce qu'à l'article 1, on nous dit que le français est la langue
officielle du Québec. On aimerait savoir comment cela cadre avec cette
affirmation que le gouvernement du Québec, protecteur du patrimoine
national et dont le devoir est de préserver ce patrimoine national, se
doit de tout mettre en oeuvre pour assurer la prééminence et pour
favoriser l'épanouissement de cette langue ainsi que sa
qualité.
On aimerait savoir, avant de se lancer dans l'adoption de l'article 1,
éventuellement, après qu'on vous aura fait quelques suggestions,
ce que vous voulez dire par cela. Ce n'est quand même pas nous qui avont
rédigé le préambule du projet de loi. Ce n'est quand
même pas nous qui avons dit, au deuxième attendu, que la langue
française doit être la langue de communication courante de
l'administration publique et, avec tous les problèmes
d'applicabilité au niveau constitutionnel que nous avons soulevés
depuis deux ou trois jours, il me semble qu'on serait en droit puisqu'on
nous refuse le droit d'entendre en audition publique des experts
constitutionnels au moins, de poser la question aux auteurs de ce texte,
et les auteurs, qu'on se le dise bien et qu'on se le rappelle bien, sont le
cabinet des ministres. C'est exactement cela. C'est le lieutenant-gouverneur
qui a été d'avis à trouver ce projet de loi
présentable à l'Assemblée nationale. Alors, tout le monde
sait que lieutenant-gouverneur, dans le fond, agit sur incitation très
forte de la part du cabinet.
M. le Président, ce n'est pas moi qui ai dit, au cinquième
attendu, que la langue française doit être omniprésente
dans le monde des affaires. Ce n'est pas moi qui ai dit cela. C'est le
gouvernement. J'aimerais savoir comment il conçoit en pratique cette
omniprésence dans le monde des affaires et particulièrement en ce
qui concerne la direction des entreprises, les raisons sociales, l'affichage
public, les contrats d'adhésion et les contrats conclus pour les
consommateurs. Ce n'est pas moi, M. le Président, qui ai dit, dans le
préambule, qu'il importe de déterminer le statut de la langue
française dans l'enseignement et qui, en voyant ce statut vaguement
établi par les articles 48 et suivants, me pose des questions sur les
buts véritables du gouvernement. Ce sont les auteurs de ce texte, que
nous aimerions rencontrer, et la seule façon de les rencontrer, à
ce stade-ci de nos débats, c'est d'accepter la motion qui a
été formulée par le chef de l'Opposition,
c'est-à-dire de remettre à un peu plus tard on y viendra,
ne vous en faites pas, ne vous énervez pas, on y viendra à
l'article 1. Je ne sais pas quand, mais on y viendra.
M. BOURASSA: ... une autre motion.
M. BURNS: Ce n'est pas cela que je vous demande. Je vous demande
simplement de reconnaître vous avez fait appel à mon
intelligence, je fais appel à la vôtre. Je pourrais être
méchant et qualifier cela. Je ne le fais pas parce que je ne veux pas
provoquer de débat .
LE PRESIDENT (M. Gratton): Une minute, qui reste. Oui.
M. BURNS: Je ne le fais pas.
M. CLOUTIER: Parlons au président, M. le Président.
M. BOURASSA: II peut dire...
M. BURNS: Je dis au président, M. le Président, je
pourrais...
M. BOURASSA: Faites-le donc.
M. BURNS: ... faire appel à l'intelligence du premier ministre
tout en qualifiant cet appel, mais je ne le ferai pas.
M. CLOUTIER: Vous faites mieux de parler au président.
M. BURNS: Je pense que le premier ministre comprend ce que je veux dire.
Je dis tout simplement que, dans cet ultime effort de vous demander d'examiner
ces quelques six ou sept paragraphes que comporte le préambule, il me
semble que ce serait normal qu'avant même de discuter ce qu'on veut dire
dans l'esprit du gouvernement par cette phrase unique qui comporte un titre
d'une loi c'est quand même une chose assez importante pour qu'on
lui consacre un titre, même pas un chapitre, même pas un seul
article mêlé parmi plusieurs, qu'on lui consacre un titre
nous prétendons qu'avant d'aborder cette phrase laconique qui se lit
comme suit: "Le français est la langue officielle du Québec", on
aimerait bien savoir ce que les auteurs du projet de loi ont voulu dire par:
Tout mettre en oeuvre pour favoriser la qualité du français, la
prééminence du français, son omniprésence dans le
milieu des affaires et tous les autres éléments qu'on retrouve
à l'intérieur du préambule.
M. le Président, même si je n'ai pas le droit de vote sur
cette motion, je vous dis que si je l'avais, je voterais en faveur de la motion
du chef de l'Opposition. J'espère que le premier ministre qui, lui,
semble-t-il, est pressé de faire avancer les débats... Je ne sais
pas quelle est cette nervosité qui l'habite depuis quelques jours,
mais...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. BURNS: ... s'il est tellement pressé de faire avancer les
débats, je le réfère et c'est ma dernière
remarque, M. le Président à un cas très pratique.
Lorsque nous étudions les crédits, il arrive très souvent
qu'au début de l'étude des crédits d'un ministère,
des prévisions budgétaires d'un ministère, nous laissons
la discussion très large sur les problèmes à
caractère général des ministères et, souvent, je le
dis au premier ministre, cela fait avancer le débat lorsqu'on arrive
dans les problèmes à caractère un peu plus particulier.
C'est un peu notre suggestion.
On vous fait la suggestion de discuter du préambule, de ces
grands objectifs que le gouvernement lui-même s'impose dans le
préambule, que lui-même nous dit être son guide, sa ligne de
pensée. Ensuite, après avoir obtenu les réponses
auxquelles on est en droit de s'attendre d'un gouvernement qui
légifère de façon aussi totale et générale
que le projet de loi 22 se veut comme législation, on se dit:
Peut-être que cela ira plus vite parce qu'on connaîtra certaines
intentions du gouvernement.
UNE VOIX: Le vote.
M. BOURASSA: Une tragique erreur de stratégie.
LE PRESIDENT (M. Gratton): ... sur la motion du chef de l'Opposition
officielle, que l'étude de l'article 1 soit différée
jusqu'à ce que l'étude du présent bill, du projet de loi
22, ait été complétée". M. Charron?
M. CHARRON: En faveur.
LE PRESIDENT (M.Gratton): M. Déom? M. Cloutier?
M. CLOUTIER: Contre.
LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Hardy?
M. HARDY: Contre.
LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Lapointe?
M. LAPOINTE: Contre.
LE PRESIDENT (M.Gratton): M. Bonnier? M. Morin?
M. MORIN: En faveur.
LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Parent (Prévost)?
M. PARENT (Prévost): Contre.
LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Beauregard?
M. BEAUREAGARD: Contre.
LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Lachance?
M. LACHANCE: Contre.
LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Samson? M. Veilleux?
M. VEILLEUX: Contre.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Pour 2. Contre: 7. La motion est
rejetée. Est-ce que l'article 1 est adopté?
M. CLOUTIER: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le ministre de l'Education.
M. CLOUTIER: ... j'ai une motion à proposer. Ma motion se lit de
façon suivante: "Je propose l'adoption de l'article 1".
M. MORIN: M. le Président... M. BOURASSA: Adopté?
LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que le ministre désire...
M. CLOUTIER: M. le Président...
M. MORIN: M. le Président, je veux demander la parole.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui, mais je pense que celui qui propose la
motion a quand même un premier droit de parole.
M. HARDY: Demandez à votre leader parlementaire, il va vous le
dire.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le ministre de l'Education, sur sa
motion.
M. CLOUTIER: Je n'ai pas besoin de parler longtemps sur cette motion.
Elle se fonde sur le fait que j'ai eu l'occasion, pour ma part de faire un
certain nombre de remarques générales sur l'article 1. Ces
remarques ont été interrompues par une motion, celle que nous
venons de battre aux voix. Il me paraîtrait normal qu'il y ait d'autres
remarques générales, ceci est dans l'esprit de nos usages, comme
d'ailleurs de notre règlement. Cependant, il m'apparaît
souhaitable que nous ayons devant la commission une motion qui se lit comme
celle que je propose. Merci, M. le Président.
M. BURNS: M. le Président, j'ai un point de règlement
à soulever.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui.
M. BURNS: Vous qui avez l'expérience de l'étude des
projets de loi en détail, article par article, dans les commissions, je
vous demande au départ, si c'est normal que vous voyiez le ministre
dire, avant que qui que ce soit ait eu l'occasion de se prononcer sur le fond
d'un article, avant que qui que ce soit ait eu la possibilité d'amender
cet article: Je propose l'adoption de cet article, M. le Président, le
mandat qui nous a été donné par l'Assemblée
nationale est bien simple, c'est d'examiner, je vous réfère
à l'article 154 de notre règlement. C'est vous-même qui
l'avez cité hier à plusieurs reprises. C'est peut-être bon
de se le rappeler: "En commission plénière ou élue,
après la deuxième lecture, on ne peut discuter que les
détails d'un projet de loi, il ne peut y avoir audition publique que
devant une commission élue, pourvu que celle-ci y consente". La fin ne
nous concerne pas, on a déjà réglé ce
problème, pas à notre satisfaction, mais ç'a
été réglé.
Je vous dis, M. le Président, qu'on est ici pour discuter des
détails du projet de loi. Si on veut jouer à la procédure,
si vous permettez la motion qui est faite actuellement, c'est un bâillon
qu'on nous impose, c'est un bâillon, c'est carrément et simplement
un bâillon qu'on pourrait nous imposer, c'est-à-dire nous
empêcher d'amender autre chose que la motion qui est sur la table. C'est
bon, je suis bien content que ça arrive dès l'article 1. La
question de principe va se poser immédiatement. Qu'est-ce que c'est
qu'on veut du côté gouvernemental? Est-ce qu'on veut passer au
rouleau compresseur ce projet de loi? Est-ce qu'on veut empêcher
l'Opposition de faire des amendements...
M. BOURASSA: Du "filibuster".
M. BURNS: Est-ce que c'est ça? J'ai compris le ministre, j'ai
entendu...
M. BOURASSA: Donnez-les nous. Est-ce qu'on peut avoir les
amendements?
M. BURNS: On a assez entendu après les vôtres, vous allez
attendre après les nôtres.
M. BOURASSA: Ah, tiens, tiens!
M. BURNS: Soyez patients. On va vous les donner...
M. BOURASSA: On ne peut même pas avoir les amendements de
l'Opposition.
M. BURNS: Non, on suit là-dessus, parce qu'on s'est
débattu pendant deux jours avec le ministre pour essayer
d'obtenir...
M. BOURASSA: On les a... On les a donnés...
M. BURNS: ... laissez-moi terminer et vous parlerez après, je
n'ai pas d'objection. On s'est débattu pendant deux jours avec le
ministre pour le convaincre de nous donner au moins les principes directeurs de
sa réglementation, de nous donner d'avance ses amendements pour qu'on
puisse les examiner. Qu'est-ce que nous disait notre pompeux ministre de
l'Education? Que disait-il?
M. BOURASSA: Arrêtez donc les attaques personnelles.
M. BURNS: C'est très pompeux d'agir comme il vient de le faire,
M. le Président. "Je propose l'adoption de l'article 1".
M. CLOUTIER: C'est tout ce que l'on veut, mais ce n'est pas pompeux.
M. BURNS: Bien, voyons donc! Tout ce que vous voulez...
M. CLOUTIER: Je peux vous suggérer toute une série
d'épithètes.
M. BOURASSA: On ne fait pas d'attaques personnelles.
M. BURNS: Je vous propose, moi, M. le ministre si vous voulez que je
retire mes paroles et si vous voulez que j'admette que j'ai eu tort de dire que
vous êtes un pompeux ministre de l'Education.
M. CLOUTIER: Cela, c'est une autre histoire.
M. BURNS: Oui. Oui.
M. CLOUTIER: Si vous voulez que je retire non seulement mes paroles,
mais que je refasse mon opinion à votre sujet, je vous demande tout
simplement de retirer la proposition que vous avez faite...
M. HARDY: Ah! Du chantage!
M. CLOUTIER: Est-ce que ma motion vous aurait déplu?
M. BURNS: ... pour la simple et unique raison...
M. CLOUTIER: Ou est-ce que ma motion irait contrecarrer vos plans?
M. BURNS: Elle me déplaît à un point, M. le
Président...
M. HARDY: Du chantage!
M. BOURASSA: Vous avez été déjoué.
M. BURNS: ... que le ministre de l'Education ne comprend pas parce
qu'elle est, à mon avis, contraire aux habitudes parlementaires, aux
usages parlementaires que nous avons. Ce que nous faisons, c'est que nous
appelons l'étude d'un article...
M. CLOUTIER: Bien oui! Je croyais qu'on était là pour
cela.
M. BURNS: Oui, M. le Président.
M. CLOUTIER: Maintenant, cela n'empêche pas la discussion.
M. BURNS: Non, non. Laissez-moi terminer. D'accord?
M. CLOUTIER: II va se fâcher.
M. BURNS: Parce que c'est assez curieux ce qui se passe que vous
êtes en train de mettre le bordel dans le système
parlementaire.
M. BOURASSA: ... c'est vous qui faites cela depuis quatre jours.
M. BURNS: Non, non. Vous êtes vraiment en train de mettre cela cul
par-dessus tête. Je vous le dis. C'est à ce point-là ce que
vous êtes en train de faire, que vous ne vous rendez pas compte de la
gravité du geste que vous êtes en train de faire.
M. BOURASSA: Parce que vous êtes déjoués une fois,
vous employez toutes sortes d'accusations.
M. BURNS: Pas du tout. Cela ne s'appelle pas déjouer, cela
s'appelle jouer cochon. C'est comme cela que cela s'appelle.
M. BOURASSA: Parce qu'on propose l'adoption du français comme
langue officielle?
M. BURNS: Non, non.
M. BOURASSA: Je demanderais que les gens écoutent cela.
M. BURNS: Savez-vous comment cela s'appelle?
M. BOURASSA: C'est jouer cochon parce qu'on propose le français
comme langue officielle.
M. BURNS: Non, non!
M. BOURASSA: Je voudrais que la population retienne cela, M. le
Président.
M. BURNS: Pas du tout. UNE VOIX: Démagogue!
M. BURNS: Savez-vous comment cela s'appelle?
M. BOURASSA: C'est jouer cochon parce qu'on veut que le français
soit la langue officielle.
M. BURNS: Cela s'appelle...
M. BOURASSA: C'est cela que vient de dire le député de
Maisonneuve.
M. BURNS: Cela s'appelle jouer aux échecs avec un "bat" de
baseball dans les mains. C'est comme cela que cela s'appelle. D'accord?
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!
M. HARDY: Avec vous autres, ça prend cela pour faire du
français la langue officielle tellement vous ne le voulez pas.
UNE VOIX: Démagogue!
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!
M. BURNS: Je ne peux pas accepter cela.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je voudrais...
M. BURNS: M. le Président, laissez-moi terminer ma question de
règlement.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Bien, ce que j'ai à dire pourrait
peut-être aider un peu. Si cela ne vous aide pas, vous pourrez continuer
après.
M. BURNS: Très bien.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le ministre de l'Education vient de
proposer, par motion, l'adoption de l'article 1. Or, je décide
dès à présent que cette motion n'empêche aucune
motion d'amendement à l'article 1.
M. HARDY: Cest bien évident.
M. BURNS: Si vous pensez cela, M. le Président, je suis
entièrement d'accord avec vous.
M. BOURASSA: Avez-vous vos amendements?
M. HARDY: C'est évident.
M. CLOUTIER: Alors, est-ce que...
M. BURNS: Qu'est-ce que vous aviez d'affaire à parler alors? Vous
avez parlé pour rien.
M. CLOUTIER: Est-ce que vous voulez retirer le mot "pompeux"?
M. HARDY: Toute motion est amendable.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!
M. BURNS: Pas de la façon que vous l'avez faite. Je ne retire pas
le mot "pompeux"...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Comme j'aurai à passer quelques
jours avec vous...
M. BURNS: ... ni mon impression.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): ... je vous avise dès à
présent que vous aurez à me demander la parole.
M. BOURASSA: M. le Président, est-ce que je peux poser une
question au député de Maisonneuve?
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Certainement.
M. HARDY: Soyez ferme!
M. BOURASSA: Est-ce que le député de Maisonneuve, lui qui
a décidé la stratégie du "filibuster" pour le Parti
québécois dans une erreur tragique de stratégie,
pourrait-il nous soumettre les amendements? ...
M. LEGER: Le message est passé.
M. BURNS: Cela ne mérite même pas une réponse. J'ai
répondu en privé, j'ai répondu publiquement au premier
ministre, pourquoi lui répondrais-je une autre fois?
M. BOURASSA: Non, mais les amendements...
M. BURNS: Je lui ai dit que nous allons suivre exactement je vus
le dis, une fois pour toutes, puis arrêtez de me le demander parce qu'on
va penser que vous radotez...
M. BOURASSA: Bien, vous avez fait cela depuis quatre jours. Cela fait
quatre jours que vous demandez les mêmes choses.
M. BURNS: Je dis tout simplement ceci... M. BOURASSA: En parlant de
radoteux...!
M. BURNS: ... que nous allons suivre, et cela, je pense que vous devrez
prendre, à moins qu'un de mes collègues ne soit pas d'accord...
Nous autres, on est bien libre; s'il y a dissidence, qu'il vienne dire le
contraire...
M.HARDY: Ah! Oui!
M. BURNS: ... à moins qu'un de mes collègues dise le
contraire, je vous dis que l'Opposition n'a aucunement l'intention de
déposer tous ses amendements à l'avance pour la simple et unique
raison que nous allons suivre exactement la ligne de conduite que nous a
montrée, que nous a tracée...
M. BOURASSA: M. le Président...
M. BURNS: ... le ministre de l'Education. On s'est battu pendant trois
jours pour avoir, globalement, les amendements et le ministre nous
disait...
M. HARDY: Mensonge!
M. BURNS: ... du haut de sa hauteur si vous me passez le
pléonasme Quand on viendra à l'article 1
c'était une espèce de demande insistante, je dirais même
une menace et vous ne les aurez pas tant que vous ne ferez pas vos bons
petits garçons.
M. CLOUTIER: Commencez la discussion de fond. Non.
M. BURNS: Sauf que nous avions des questions préliminaires
à discuter. Nous les avons discutées et nous avons fait,
contrairement à ce que pense le premier ministre, simplement notre
devoir comme députés.
M. BOURASSA: M. le Président...
M. BURNS: Je ne pense pas que la population du Québec, les 45
p.c, parce que, malheureusement, nos deux collègues du Parti
créditis-te ne sont pas ici, alors on prend en charge leurs
électeurs à partir de maintenant...
M. BOURASSA: M. le Président...
M. BURNS: ... les 45 p.c. de la population qui ont voté contre ce
gouvernement se doivent d'être représentés ici.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!
M. BURNS: Je n'avais pas du tout l'intention de lâcher un pouce
là-dessus.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!
M. BURNS: On va les représenter et on va les représenter
jusqu'au bout, jusqu'à la limite de nos possibilités.
M. HARDY: C'est ce qu'on appelle de la fausse représentation.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!
M. BOURASSA: Mais ce que je demande, M. le Président, au
député de Maisonneuve...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre! Je ne voudrais pas engendrer un
débat inutile.
M. BOURASSA: Seulement qu'une question au député de
Maisonneuve.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je crains fort que cette question puisse
engendrer un débat.
M. BOURASSA: Non, c'est pour les amendements, essayer de le convaincre,
parce qu'eux on essayé de nous convaincre.
M. BURNS: Si c'est une motion, on va parler là-dessus.
M. BOURASSA: Non, c'est parce que le ministre de l'Education avait
posé une condition.
M. BURNS: Question d'ordre, M. le Président. Il y a une
façon de demander quelque chose à une commission et c'est de
faire une motion. Si le premier ministre veut faire une motion, on va
l'écouter et on va jaser de sa motion.
M. BOURASSA: On ne veut pas perdre de temps avec une motion, mais je
veux tout simplement dire que le ministre de l'Education avait dit: D'accord,
on vous soumettra les amendements quand on commencera l'article 1.
M. BURNS: Mais ce n'était pas un accord conditionnel qu'on
voulait.
M. BOURASSA: C'était une condition.
M. BURNS: On disait: On veut les avoir avant qu'on arrive à
l'étude article par article.
M. BOURASSA: II y avait une condition.
M. BURNS: On est rendu à l'étude article par article et
c'est là qu'on a reçu les amendements, c'est là que vous
allez les recevoir vous autres...
M. HARDY: Vous, vous n'avez pas déposé les
vôtres.
M. BURNS: ... au moment où les articles vont se discuter.
M. BOURASSA: Mais le ministre avait posé une condition.
M. BURNS: D'accord, vous avez le droit de décider de vos
stratégies, nous autres, on a le droit de décider de les suivre
ou pas.
M. BOURASSA: C'est la majorité qui va décider...
M. CLOUTIER: J'ai même abandonné cette condition.
M. LEGER: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. CLOUTIER: Ce que je vous ai proposé, c'est que vous cessiez de
débattre.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Lafontaine sur
une question de règlement...
M. LEGER: Question de règlement, M. le Président.
Je pense qu'il est absolument irrégulier pour le gouvernement de
demander à l'Opposition ses amendements, puisque vous ne nous demandez
pas de déposer nos projets de loi. On travaille sur vos projets de loi.
Si vous aviez une série d'amendements, c'était à vous de
les présenter tels quels, puisque c'est exactement...
M. BOURASSA: C'est le chef de l'Opposition qui avait dit qu'il en avait
haut comme cela.
M. LEGER: ... le sens de votre projet de loi, incluant vos amendements,
que vous devez déposer. Les nôtres, jamais le règlement ne
nous dit qu'il faut les déposer en premier.
M. BOURASSA: C'est le chef de l'Opposition qui a dit qu'il avait
beaucoup d'amendements.
M. LEGER: On les dépose quand ils viennent.
C'est la raison pour laquelle...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!
M. LEGER:... c'est au gouvernement à déposer ses
règlements. Nous l'avons demandé et cela a pris trois jours pour
les obtenir. Maintenant qu'on les a, on passe article par article et,
normalement, selon la coutume, quand on commence l'article 1, c'est
l'Opposition qui dit si elle est d'accord ou non, à moins que le premier
ministre...
M. CLOUTIER: Est-ce que je peux rétablir les faits, si c'est
possible?
M. LEGER: ... dise que le premier article je suis sur une
question de règlement il veut l'adopter avant même qu'on
ait quelque chose à dire. Il propose l'adoption
immédiatement.
M. CLOUTIER: Non.
M. LEGER: II a sur la table, avant même que le ministre
parle...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! A
l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît !
M. LEGER: ... il y avait sur la table l'article 1... C'est une question
de règlement, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît ! J'ai
pris une décision tout à l'heure là-dessus.
M. LEGER: Oui, mais vous avez demandé... LE PRESIDENT (M.
Lamontagne): C'est dans l'esprit de nos règlements, ne voulant aucune
discussion sur ma décision, que j'ai accordé dès à
présent la parole au chef de l'Opposition officielle.
M. LEGER: M. le Président...
M. MORIN: Merci, M. le Président.
M. HARDY: C'est assez, on l'a tous compris.
M. LEGER: ... après votre décision, vous nous permettriez
d'en discuter. Vous avez dit cela tantôt.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): C'est le chef de l'Opposition officielle
qui me demande la parole depuis un bon bout de temps.
M. LEGER: Oui, mais est-ce que vous acceptez la motion du ministre, M.
le Président?
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): J'ai demandé et j'ai dit que cette
motion permettait à tous ceux qui voudraient proposer des amendements
à l'article 1, de le faire pour autant qu'ils sont recevables.
M. LEGER: II y a encore une condition.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): C'est bien sûr. Il y a toujours une
condition. Il faut au moins que l'amendement soit recevable. Ne les connaissant
pas d'avance...
M. LEGER: On verra si c'était un piège.
M. BOURASSA: On ne respecte pas la présidence.
M. LEGER: On parle de la motion du ministre. Je ne parle pas du
président, il fait très bien son travail.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je donne immédiatement la parole au
chef de l'Opposition sur l'article 1.
Motion d'amendement à l'article 1
M. MORIN: M. le Président, je vais proposer de modifier la
proposition du ministre de l'Education en remplaçant les mots de la
motion principale à compter du mot "adopter" par le membre de phrase
suivant: "amender en insérant après le mot "la" dans la
première ligne, le mot "seule"...
M. BOURASSA: C'est la même chose.
M. MORIN: ... en sorte que, dans l'article modifié, l'article
premier se lirait désormais comme ceci: Le français est la seule
langue officielle du Québec.
M. BEDARD (Chicoutimi): Est-ce que c'est la même chose?
M. BOURASSA: C'est un beau petit spectacle organisé.
UNE VOIX: Adoptez-le.
M. LESSARD: Le premier ministre a dit tout à l'heure que
c'était la même chose.
M. MORIN: J'ai la parole.
M. BOURASSA: Oui, cela est la même chose.
M. BEDARD (Chicoutimi): Adoptez-le, si c'est la même chose.
M. MORIN: M. le Président, le gouvernement nous propose...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Sur la recevabilité de la
motion.
M. MORIN: Quelqu'un a mis en doute la recevabilité de la
motion?
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): J'aimerais vous écouter quelques
instants. Il faut d'abord voir.
M. MORIN: La voilà. Je vous invite à vous prononcer. Je
n'ai pas l'intention de faire un plaidoyer avant que vous ne vous soyez
prononcé.
M. LESSARD: M. le Présidant, sur la recevabilité de la
motion...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Saguenay.
M. LESSARD: M. le Président, je vous invite à lire
l'article 70 des règlements qui concerne justement les motions
d'amendement. L'article 70 des règlements dit ceci, M. le
Président: "Un amendement doit se rapporter directement au sujet de la
motion proposée".
Je pense que la motion, qui a été proposée par le
ministre de l'Education, est d'adopter l'article 1. Or, l'amendement qui est
proposé, se rapporte directement à l'article 1. On ajoute: Cet
amendement ne peut avoir que les objets suivants, soit retrancher, ajouter des
mots ou les remplacer par d'autres. Alors, M. le Président, vous avez
exactement l'esprit de l'article 70, c'est-à-dire que nous ajoutons un
seul mot à l'intérieur de l'article 1, à savoir "seule".
Cet amendement, une chose que vous pourriez utiliser, à savoir quand cet
amendement peut-il être irrecevable. L'article 70 est très clair.
Il est irrecevable si son effet est d'écarter la question principale,
sur laquelle il a été proposé, ou il en est de même
d'un sous-amendement par rapport à un amendement. Je vous soumets
très respectueusement qu'il ne s'agit pas par cet amendement
d'écarter la question principale, mais il s'agit de préciser la
question principale, à savoir nous voulons simplement ajouter le terme
"seule langue officielle".
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Cela a été dès
à présent, déclarant cette motion recevable.
M. LESSARD: Vous avez compris, M. le Président. Acceptez-la.
M. BOURASSA: C'est redondant.
M. MORIN: La président nous dit que la motion est recevable !
M. BOURASSA: La est un article défini, voyons!
M. HARDY: II est devenu le porte-parole du président.
M. BURNS: C'est sur le fond. Vous le direz sur le fond.
M. LESSARD: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): J'ai déclaré la motion
d'amendement recevable.
M. LESSARD: M. le Président, le premier ministre dit que c'est
redondant. Le premier ministre dit que c'est exactement la même chose.
Est-ce que le premier ministre accepterait notre motion?
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): ... sur la motion d'amendement?
M. LESSARD: Non, M. le Président. Mais je pose une question.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Non, sur la motion d'amendement.
M. BOURASSA: C'est un texte juridique, ce n'est pas un discours.
M. BEDARD (Chicoutimi): Non, mais vous aviez si hâte d'adopter
l'article 1.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que vous me parlez de la motion
d'amendement?
M. BEDARD (Chicoutimi): ... illégalement.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que quelqu'un veut parler sur la
motion d'amendement?
M. MORIN: Je désire parler.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Vous voulez parler.
Le chef de l'Opposition officielle.
M. MORIN: Bien sûr. Le gouvernement nous propose, dans l'article
premier de ce projet de loi, une bien grande découverte : Le
français est la langue officielle du Québec. Mais le
français est, de fait, la "langue officielle" du Québec depuis
350 ans et même davantage. Le français n'a jamais cessé
d'être la langue du pays, même depuis qu'en 1759, nous sommes
passés sous le joug d'une puissance économique et politique
étrangère, et même depuis qu'une seconde puissance
anglophone a pris le relais de la première dans l'exploitation
économique du Québec. On nous dit: Le français est la
langue officielle du Québec. Mais c'est l'évidence même.
Cela a toujours été le cas. C'est un peu comme si le premier
ministre faisait une grande proclamation publique: Article premier: "Le
Québec est en Amérique du Nord". Les Québécois
diraient: Bon! Et après? C'est là la véritable question.
La question n'est pas de savoir si le français est la langue officielle
du Québec parmi d'autres.
M. BOURASSA: Parlez-en aux anglophones, pour voir ce qu'ils en
pensent.
M. MORIN: La véritable question si le premier ministre
veut bien cesser de m'interrompre, si le premier ministre veut bien respecter
le règlement à laquelle la loi apporte une réponse
négative, est la suivante: Le français est-il et sera-t-il la
"seule" langue officielle du Québec? Voilà, la vraie question. A
cette question, les articles 2 et suivants répondent que l'anglais
possède également un statut officiel au Québec. Le projet
de loi tel qu'il est rédigé à l'heure actuelle, ne change
rien à cette règle juridique du bilinguisme. Le projet de loi 22
constate, je vous le dirai tout à l'heure...
M. BOURASSA: Je dois partir.
M. MORIN: Oui, vous allez vous défiler au moment où le
débat va devenir un peu chaud.
M. BOURASSA: Je vais être ici demain.
M. MORIN: Laissez-moi finir mon discours, vous parlerez
après.
M. BOURASSA: Demain, allez-vous adopter l'article 1 ce soir?
M. MORIN: Le projet de loi 22...
M. BOURASSA: Je vais être ici demain après-midi.
M. MORIN: M. le Président, puis-je vous demander de rappeler le
premier ministre à l'ordre? Il se comporte comme un petit garçon
sur les bancs de l'école. S'il vous plaît, laissez-moi parler! Le
projet de loi 22 constate que le français est la langue officielle au
Québec, ce dont les Québécois se doutaient bien un
peu.
Ce serait même inutile et redondant de le dire, s'ils ne
constataient pas, dès l'article 2 et dans les articles suivants, que
l'anglais est également langue officielle.
Le problème vient de ce que l'Empire britannique autrefois et la
majorité anglophone du Canada nous ont imposé, en 1867, l'article
133 du "British North America Act". D'après cet article, outre quelques
dispositions qui ont trait aux langues parlementaires, les lois de
l'Assemblée nationale du Québec, de même que celles du
Parlement fédéral, doivent être publiées et
imprimées en anglais et en français. Or, le bill 22 je
mets qui que ce soit du côté gouvernemental au défi de
prouver le contraire ne change rien à cela, et le gouvernement
nous a dit pourquoi il ne veut pas aller à l'encontre de l'article 133.
Il se considère lié par cette disposition impériale. Il
n'a pas l'intention d'y toucher avant une éventuelle conférence
constitutionnelle. Autrement dit, le premier ministre a autant de courage que
le Parlement britannique, en 1867. Il innove autant que l'article 133, puisque
l'article premier suivi de l'article 2 disent ni plus, ni moins la même
chose que l'article 133.
C'est comme si rien ne s'était passé depuis cent ans,
comme si les aspirations des Québécois ne s'étaient pas
développées depuis 1867, depuis l'époque où l'on
nous a imposé cette constitution coloniale déguisée, cette
loi dont il n'existe même pas de version française.
Oui, vraiment, le premier ministre vient de poser un grand geste
courageux et digne des aspirations québécoises. Il proclame que
le français est la langue officielle du Québec, comme si nous ne
le savions pas déjà! Le premier ministre vient de
découvrir l'Amérique!
Mais le courage lui fait défaut, et il fait défaut
à toute la majorité gouvernementale lorsqu'il faut traduire, dans
un texte de loi précis, les aspirations profondes des
Québécois. Bien sûr, dans ses discours, il emploie
volontiers l'expression "seule langue officielle" comme il l'a fait encore
avant-hier, au cours des débats, à la page 1867 des Débats
du 15 juillet, pour être plus précis. Mais cela n'engage
guère. Ce ne sont que des discours. Cela ne coûte rien. C'est pour
la consommation commerciale destinée aux Québécois. C'est
la camelote politique que le premier ministre trimbale dans tout le
Québec.
Aussi, pour que la loi soit enfin claire, pour qu'aboutissent,
dès ce premier article qui est certes l'un des plus importants du
projet de loi les aspirations profondes des Québécois,
aspirations de plus en plus claires et que ce débat, d'ailleurs, aide
à préciser, je propose que l'article premier soit modifié
en insérant après le mot "la", dans la première ligne, le
mot "seule", dans les termes de la proposition de la
motion que je vous ai remise il y a un instant, M. le Président.
Je vous remercie.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Chicoutimi.
M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, premièrement, je
ne croyais pas avoir à intervenir sur l'amendement qui est
présenté par le chef de l'Opposition. Lorsque le chef de
l'Opposition a présenté cet amendement afin que l'article premier
se lise: Que la langue française soit la seule langue officielle au
Québec, j'ai entendu le premier ministre dire que c'était la
même chose que l'article, tel que rédigé, sans
amendement.
Alors, si le gouvernement était logique puisque c'est la
même chose. Je m'attendais à ce qu'on nous dise tout simplement
qu'on acceptait cet amendement et à ce moment, on ne perdrait pas un
temps précieux de la commission à continuer de discuter sur le
sujet.
Il semble que même si le premier ministre, dans un premier
mouvement, s'est permis d'affirmer que c'était la même chose, il
semble que le gouvernement n'a pas la logique d'accepter purement et simplement
l'amendement qui est fait par le chef de l'Opposition et à ce moment, le
débat serait terminé sur cet amendement.
Je m'excuse si mon exposé sera plutôt technique puisque cet
amendement en est un, quoi qu'en dise le premier ministre, qui a quand
même des conséquences. La meilleure preuve est que le gouvernement
n'est pas prêt à l'accepter tout de suite, mais c'est avec le
consentement de mes collègues que l'intervention que j'aurai à
faire sera plutôt technique. Je pense que tout le monde doit être
heureux ici cet après-midi, tant du côté de l'Opposition
que du côté du gouvernement, parce qu'enfin on discute de
l'article 1 du projet de loi 22 tel que le gouvernement le voulait depuis
longtemps.
Nous sommes ici maintenant, comme auparavant, comme législateurs
et il nous faut élaborer une loi en tant que législateurs. Il
nous faut voter une loi qui ne prête pas à différentes
interprétations quand il s'agira de l'application pratique de cette
loi.
Autrement dit, nous sommes ici pour voter une loi qui ne permette pas
des interprétations floues et diverses qui permettraient de dire aux
francophones, d'une part: Ne vous en faites pas, le français est
sauvé dans le Québec parce qu'on vient de voter la langue
officielle, et, d'autre part, qui permettraient en même temps tout
à l'heure, nous entrerons dans la définition des termes de
dire aux anglophones: Ne vous inquiétez pas, le français, langue
officielle, quand vous regardez ce que cela veut dire constitutionnellement
parlant, en termes de définition, soyez bien tranquilles, cela ne change
pas grand-chose à la situation qui existait auparavant.
Je crois que c'est le devoir du législateur, au moment où
nous discutons présentement, de savoir exactement de quoi on discute et
sur quoi on votera avec les implications qui s'inféreront à la
suite de l'acceptation de l'article 1 du projet de loi 22.
Autrement dit, en votant le français langue officielle, il ne
faut pas voter une image qui aurait comme seul effet de rassurer la
majorité francophone du Québec les Québécois
qui est menacée, mais de voter une loi derrière laquelle
se trouve une application pratique, une réalité telle qu'elle
constitue et qu'elle constituera un outil très solide, très
énergique pour permettre la promotion de ce groupe culturel que
représente la majorité francophone du Québec.
Autrement dit, dans les lois, il ne faut pas, à la suite d'une
mésentente ou d'une différence d'opinions sur
l'interprétation ou la définition des termes, aboutir à
une situation d'hypocrisie ou de tartufferie.
Et si le chef de l'Opposition a présenté cet amendement,
c'est justement dans le but évident de voir à ce que la loi soit
très précise. Si nous avons présenté cet
amendement, c'est que contrairement à ce que pense ou à ce qu'a
dit tout à l'heure le premier ministre, il y a une différence,
législativement parlant, entre voter le français langue
officielle au Québec et le français seule langue officielle au
Québec.
Pourquoi? C'est là-dessus que j'entrerai peut-être dans la
partie technique du court exposé qu'on a à faire. D'ailleurs mes
collègues, j'en suis convaincu, auront aussi à s'exprimer sur ce
sujet. Il y a différentes définitions de la langue officielle et
il y a également plusieurs définitions même du
français seule langue officielle. Je ne voudrais pas jouer à
l'autorité en cette matière, c'est pourquoi, je pense bien que ce
sera le cas de la plupart des membres de cette commission, à part ceux
qui se reconnaissent des qualités tout à fait
particulières de compétence en matière constitutionnelle,
afin de discuter sérieusement, il me faudra, je le dis humblement, me
référer à l'opinion d'experts en cette matière.
Il y a différentes définitions même de la langue
officielle. Je me permettrai de me référer au rapport de la
commission d'enquête sur la situation de la langue française et
sur les droits linguistiques qui avait été demandé par le
gouvernement et qui a fait rapport audit gouvernement. Concernant la
législation, concernant la langue, on sait que différents experts
constitutionnels avaient été mobilisés par le
gouvernement. C'était normal que le gouvernement les mobilise afin de
pouvoir accoucher d'un texte de loi qui soit vraiment réaliste et qui ne
présente pas une solution sujette soit au désaveu, soit aux
pressions, soit au chantage; il était normal que le gouvernement se
réfère à des experts.
Or, quand on regarde les conclusions de ces experts, on se rend compte
très facilement que le concept du français, langue officielle
au
Québec et, seule langue officielle au Québec, ne comporte
pas derrière lui les mêmes réalités. La commission
en question avait un éventail d'options sur lesquelles elle devait se
pencher afin de faire des représentations au gouvernement.
La première option avait pour but d'étudier la
possibilité qu'il n'y ait ni langue officielle, ni langue nationale,
c'est-à-dire que ceci aurait eu comme conséquence tout simplement
que le gouvernement adopte une position de non-intervention politique en
matière de langue.
Il y avait aussi une autre option, à savoir celle de
décréter la langue officielle ou de décréter que le
français et l'anglais soient désignés comme langue
nationale, ce qui n'a pas été retenu par le gouvernement à
l'analyse du texte de l'article 1. Il y avait également la
possibilité pour le gouvernement de décréter le
français et l'anglais langues officielles avec un champ d'application
illimité. Il y avait possibilité également de
décider que le français et l'anglais soient
déclarés langues officielles, mais avec un champ d'application se
limitant à ce que prévoit l'article 133 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique, soit le corps législatif
provincial et les tribunaux provinciaux.
Il y avait un autre option possible pour le gouvernement, soit celle de
décréter le français seule langue officielle, mais le
français et l'anglais décrétés comme langues
nationales de la province. On sait que cette option n'a pas été
retenue non plus par le gouvernement. Il y avait enfin deux autres options,
savoir celle de décréter le français seule langue
officielle mais avec un champ d'application se limitant à ce qui est
prévu dans l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique, soit le corps législatif provincial et les tribunaux
provinciaux. Mais même avec le français seule langue officielle,
il y a une possibilité de décréter et il y a une
différence le français seule langue officielle, encore une
fois, mais, cette fois-ci, avec un champ d'application illimité.
C'est-à-dire embrassant les activités du gouvernement provincial,
y compris celles des collectivités subordonnées, municipales et
autres, ainsi que les activités bénéficiant du soutien
provincial, à savoir les établissements d'enseignement et les
autres établissements financés par la province.
Cela, c'était même à l'intérieur de l'option
de français, seule langue officielle. On peut se rendre compte que
même là, il peut y avoir différentes interprétations
dans le sens qu'on peut avoir le français seule langue officielle au
Québec avec un champ qui est très limité au niveau de
l'application pratique, et il peut y avoir le français seule langue
officielle au Québec mais avec un champ d'application illimité.
J'imagine que le gouvernement, face à ces deux interprétations
possibles, et qui, jusqu'à maintenant, s'est abstenu de faire
connaître ses impressions depuis que la discussion est commencée,
se fera un devoir de nous dire ce qu'il entend par le français, seule
langue officielle au Québec, parce que j'imagine qu'il va accepter cet
amendement. Le gouvernement nous fera savoir s'il veut accepter cette motion du
chef de l'Opposition proposant le français, seule langue officielle au
Québec, avec un champ limité d'application ou avec un champ
illimité d'application, tout en respectant, encore une fois, les droits
des anglophones du Québec.
M. le Président, nous en sommes au niveau de la
législation. Je suis convaincu, encore une fois, que, tant de ce
côté-ci de la table que de l'autre côté, nous avons
à coeur le sérieux d'accoucher d'une loi qui ne prête pas
à diverses interprétations. D'où l'obligation de se
pencher d'une façon tout à fait spéciale sur la
définition des termes et de se pencher également sur
l'interprétation que le gouvernement veut donner vraiment à sa
loi lorsqu'il emploie une terminologie dont il a décidé
d'avance.
Prenez simplement l'appellation de langue officielle. On peut
peut-être croire au départ que tout le monde a la même
idée concernant la définition d'une langue officielle. Tel n'est
pas le cas. Même là, il y a différentes définitions
de ce qu'est une langue officielle. Il y a également différentes
interprétations pour savoir jusqu'où va le prolongement pratique
d'une loi qui décrète le français langue officielle.
Et là-dessus, je me réfère, je ne voudrais pas
apporter seulement mon témoignage, mais le faire confirmer par des
experts qui ont eu à étudier cette question. On peut lire,
à la page 32 du rapport que je vous citais tout à l'heure, on
peut lire ceci, concernant la définition même de la langue
officielle, où on s'aperçoit que l'unanimité est loin
d'être faite en termes d'interprétation; ce qui, à mon
sens, pour ne pas permettre différentes interprétations
concernant l'application pratique, ce qui obligera le gouvernement à
nous donner... et c'est cela que nous demandions tout à l'heure au
gouvernement, lorsque nous lui demandions de préciser le
préambule de son projet de loi. A la page 32 de ce rapport, on peut lire
ceci concernant les définitions de ce qu'est une langue officielle:
"Quelques-uns des juristes ont eu de la difficulté à
définir le terme "langue officielle", signalant que, dans le droit du
Québec et du Canada, il n'est employé que dans la loi
fédérale des langues officielles. Toutefois...", et c'est
là qu'on voit que l'accord n'est pas complet et qu'il faudra que le
gouvernement nous dise, lui, face aux études qui ont été
faites par les experts, quelle est son interprétation et quelle est sa
définition de ce qu'il entend par une langue officielle.
Et je continue, M. le Président: "Toutefois, certains d'entre
eux, dont M. Bloomfield et M. Bonenfant, ont précisé son
extension. Quoi qu'il en soit, le terme, dans l'usage contemporain,
déborderait de beaucoup les domaines étroits et
intergouvernementaux énumérés à l'article 133 et
embrasserait un plus vaste éventail d'activités assimilées
à celles d'intérêt public, en vertu de l'intervention du
gouvernement ou de subventions gouvernementales."
Le rapport de la commission que je vous ai
cité met justement en garde le gouvernement de ne pas
légiférer d'une façon académique qui ne voudrait
rien dire, du point de vue pratique, en disant ceci: "Au-delà de toute
divergence d'opinions entre les spécialistes quant à
l'étendue et aux limites du pouvoir de légiférer pour le
Québec, il y aurait accord sur le point suivant: II faut que, dans ce
domaine, la province évite, en intervenant, tout geste purement
symbolique ou académique et s'emploie, au contraire, à ce que les
mesures qu'elle prendra puissent être effectivement mises en oeuvre, tant
à l'échelon gouvernemental qu'au sein de la population. "Plus les
mesures de l'Etat seraient théoriques et inopérantes, plus elles
tendraient à servir de preuve contre la possibilité de contester
la constitution." D'où l'importance de l'amendement qui a
été apporté par l'honorable chef de l'Opposition.
D'où l'importance, M. le Président, puisque nous en sommes pour
une fois à l'étude sérieuse pour employer
l'expression des gens de l'autre côté de cette table
puisque nous en sommes à la discussion sérieuse de l'article 1,
c'est là que nous voyons l'importance pour le gouvernement de nous
définir, à l'heure actuelle, si nous voulons
légiférer efficacement, qu'est-ce qu'il entend par langue
officielle et de nous dire quels sont les motifs qui pourraient
l'empêcher d'accepter l'amendement proposé par le chef de
l'Opposition voulant que le français soit la seule langue officielle au
Québec.
Si le gouvernement est conséquent avec ce qu'a affirmé
tout à l'heure le premier ministre, c'est-à-dire que l'amendement
du chef de l'Opposition ne changeait rien, qu'établir au Québec
le français seule langue officielle, c'était la même chose
que le texte que nous avons en mains présentement, à ce
moment-là, le gouvernement devrait nous le faire immédiatement
savoir. Il éviterait ainsi une discussion à n'en plus finir sur
le sujet.
S'il ne le fait pas, M. le Président, ce n'est pas pour des
motifs purement théoriques, c'est parce qu'il sait très bien que
le français, seule langue officielle au Québec, n'a pas du tout
la même portée, dans ses applications pratiques, dans ses
applications constitutionnelles, n'a pas les mêmes applications pratiques
que le français, langue officielle, qui peut risquer de n'être
qu'un texte théorique, de n'être autrement dit qu'un texte qui
n'aura aucune application positive pratique quand viendra le temps de
l'appliquer.
Le gouvernement sait très bien que voter le français comme
seule langue officielle peut peut-être amener, parce que cela n'a pas le
même sens, parce que cela n'a pas la même portée, des
difficultés constitutionnelles. Je crois que, si le gouvernement est
sincère, lorsque, par la voix du premier ministre, il a dit que
l'amendement du chef de l'Opposition était très acceptable,
puisqu'il a dit que cela ne changeait absolument rien, que c'était la
même chose que le texte qui est déjà soumis à
l'approbation de la commission... A ce moment, pour être logique,
j'espère que le gouvernement arrêtera de nous faire perdre du
temps en discussions sur cet article et acceptera la motion d'amendement faite
par l'honorable chef de l'Opposition.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Lafontaine.
M. LEGER: M. le Président, cela va sans dire, va mieux en le
disant. Si dans l'esprit du premier ministre l'article 1, qui dit que le
français est la langue officielle du Québec, signifie dans son
esprit que c'est la seule langue officielle du Québec, si c'est cela
qu'il veut dire, cela vaut mieux de l'inclure exactement selon la motion
présentée par le chef de l'Opposition.
Une langue n'est officielle que si elle est déclarée la
seule langue officielle. Je me fie là-dessus, sur une des conclusions du
rapport Gendron, qui disait et je cite, dans le paragraphe tiré du
chapitre de la notion des langues officielles: "Une langue devient officielle
dès que son usage est reconnu, autorisé ou imposé pour
toute activité réglementée par la loi. Dans ce sens, une
langue minoritaire reconnue officiellement, uniquement dans une région
donnée et même pour un nombre restreint d'activités, peut
être qualifiée de langue officielle".
C'est le rapport Gendron qui prouve qu'on ne peut pas avoir deux langues
officielles. A l'article 1, si on dit que le français est la langue
officielle du Québec, on répète ce que l'article 133 de
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique dit: Ce n'est pas la seule
langue officielle.
Plus loin, le rapport Gendron dit: "Donc, tant et aussi longtemps que
l'anglais serait reconnu pour quelque activité officielle que ce soit,
il serait également l'une des langues officielles du Québec. Seul
un examen du contenu de la législation permettrait d'établir
l'étendue exacte de la reconnaissance officielle de la langue. Dire que
le français est la langue officielle du Québec serait illogique,
à moins que l'usage de l'anglais soit complètement proscrit du
moins pour toutes fins officielles".
Plus loin, le rapport Gendron continue et dit: "Si le statut
accordé au français était légèrement ou
fortement supérieur à celui de l'anglais, l'anglais demeurerait
donc langue officielle et il serait fou d'affirmer que seul le français
est la langue officielle du Québec. Dans un tel cas, on pourrait,
à la rigueur, parler de langue prioritaire ou de langue d'Etat.
L'anglais et le français seraient tous deux langues officielles du
Québec mais, le français serait prioritaire ou serait
désigné comme langue d'Etat". Plus loin, on dit que ces
distinctions ne semblent pas très fructueuses et nous serions
portés à éviter toute appellation qui, sans
résoudre aucun problème, ne ferait que susciter des
difficultés interminables d'interprétation et exaspérerait
les conflits actuels.
Alors, pour dissiper tout doute dans l'esprit
de la population et pour aller au bout de ce qu'essaie de faire croire
le premier ministre du Québec, il faut qu'à l'article 1 on
indique bien que le français est la seule langue officielle.
Un gouvernement est là pour administrer, pour prévoir,
pour gouverner. Un gouvernement qui a 102 députés ne devrait
aucunement craindre de prendre des mesures qui seront à l'avantage d'une
population, même si quelques groupes pouvaient être
mécontents. Un gouvernement qui a 102 députés devrait
être capable de prendre des mesures qu'il juge nécessaires pour
l'avancement d'un peuple. Mais est-ce que le gouvernement actuel a cette taille
d'un gouvernement capable de prendre des mesures nécessaires pour
l'avantage d'un peuple?
M. le Président, la bataille de la langue au Québec entre
dans une phase décisive au niveau collectif. Nous savons qu'une
défaite dans ce domaine aurait un effet d'entraînement sur tous
les autres domaines du Québec. La bilinguisa-tion, tel que nous le
propose cette loi qui suit l'article 1, dans ce projet de loi 22, amène
justement et graduellement la perte de la qualité de notre culture.
C'est l'éternel dilemme pour un peuple de se considérer une
minorité canadienne ou une majorité québécoise.
Cette double loyauté qui divise, qui fait mal à ce peuple
québécois depuis tant d'années, est le problème
majeur que nous avons à trancher par ce projet de loi. Quelque part, on
dit: Nul ne peut servir deux maîtres à la fois. On ne peut pas
être en même temps, et Canadien et Québécois, si on
est dans l'un, c'est à la remorque des autres, et dans l'autre, on a
peur de légiférer pour pouvoir être maître chez
nous.
M. le Président, il faut faire un choix. Il faut faire le choix
de la majorité québécoise. Le gouvernement que nous avons
doit être celui qui va être le leader de cette majorité
francophone québécoise, qui vit des heures angoissantes. Si les
six députés du Parti québécois actuellement, qui
tentent de remettre sur la bonne voie un gouvernement qui s'en va dans des
directions réellement dangeureuses, une direction que je dirais
"d'à-plat-ventrisme"... Je me servirais peut-être en voyant le
contenu de ce projet de loi d'une déclaration que je faisais dans
d'autres circonstances pour un parti politique: Dis-moi qui te finance, ou
dis-moi qui t'élit, et je te dirai qui te contrôle.
Actuellement, ce projet de loi est la conclusion, la conséquence
de ceux qui contrôlent le gouvernement en place. Actuellement, la
prétendue suprématie que la langue anglaise peut avoir n'est pas
de nature linguistique, mais de nature impérialiste et
économique. La preuve, c'est que la langue française a toujours
été la langue de la diplomatie, de la subtilité, de la
clarté, et que malheureusement au Québec, si trop souvent, nous
parlons le "franglais", cela provient justement du fait que cette langue n'est
pas protégée et que les forces contraignantes, actuelles au
Québec, proviennent justement de la force économique de
l'anglais, de la force numérique de l'anglais, de la force politique de
l'anglais, et qu'il est nécessaire que, quand entre le fort et le
faible, il faut qu'une loi libère, alors qu'une liberté
contraint...
Actuellement, le "franglais" que nous avons trop souvent le malheur
d'entendre au Québec provient justement de cette force assimilatrice de
l'anglais. Seul un vigoureux coup de barre de la part d'un gouvernement libre
serait capable de corriger la situation et de favoriser les forces qui
permettraient d'agrandir et de favoriser le français au Québec et
de contraindre les forces qui nous amènent à une assimilation par
l'anglo-phonie. Quand on voit dans un projet de loi les attitudes du
gouvernement qui essaie avec la minorité anglophone et la
majorité francophone de les faire affronter l'une contre l'autre, en
essayant de duper les uns avec les angoisses des autres, en essayant de faire
croire que les droits actuels des anglophones sont en danger, pour
éveiller les craintes et les angoisses chez les anglophones, alors qu'il
n'y a aucun danger pour la langue anglaise, au Québec, avec sa force
économique, sa force numérique et sa force politique.
M. le Président, on est en train de duper les francophones qui,
dans leur for intérieur, se disent souvent: II faut améliorer
cette situation. Mais, du fait que quelques anglophones s'opposent au projet de
loi 22, peut-être que c'est une petite amélioration.
Ce peuple, depuis 300 ans, a été habitué à
accepter les améliorations tranquilles, lentes, si peu nombreuses. On
lui disait: Vous savez, on fait quand même des progrès. Il ne faut
pas être trop pressé. Ce peuple, qui a été
habitué à dire: II faut gagner cela morceau par morceau, est
devenu un peuple plus endurci et on n'a jamais pu l'assimiler, parce qu'il
était encore trop fort pour être assimilé. Mais il est
encore trop faible pour être capable de prendre la place qui lui revient.
La bilinguisation, c'est l'assimilation, et l'assimilation, c'est
l'unilinguisme et la perte de notre culture.
Les six députés péquistes ont pris la peine de
travailler, de défendre, pouce par pouce, chaque étape permise
par le règlement de cette loi qui nous est présentée,
à la première lecture, à la deuxième lecture,
c'est-à-dire, avant cela, pendant les auditions des groupes qui sont
venus et qu'on a, du revers de la main, renvoyés, la moitié
d'entre eux, chez eux sans les entendre jusqu'au bout. A la deuxième
lecture, si le Parti québécois, malgré la guillotine qu'on
a préparée et présentée pour une deuxième
fois la première a été pendant l'audition publique
des groupes intéressés, la deuxième guillotine, c'est
quand on a présenté une motion pour faire siéger les
députés de 10 heures du matin à minuit, du lundi matin au
samedi soir inclusivement, six jours par semaine, sachant fort bien que la
grande majorité, si ce n'est la quasi totalité de l'équipe
libérale pouvait aller se reposer si les députés du
Parti québécois on mis le coeur, l'énergie, la conviction,
la persua-
sion, l'assiduité de venir régulièrement combattre
pouce par pouce ce règlement, et qu'il n'a pas jeté la serviette,
c'est l'exemple concret de ce qui se passe à l'intérieur des
coeurs des Québécois qui ne veulent pas la disparition graduelle
de la langue française au Québec.
Et la langue française, elle ne disparaîtra pas d'un coup.
C'est cela, le malheur, actuellement. Est-ce qu'on attend que ce soit une
évidence, ou si on ne doit pas l'arrêter avant qu'il soit trop
tard? C'est quand les premiers indices de cette disparition apparaissent
à ceux qui sont éveillés aux problèmes collectifs,
qu'il faut résoudre le problème. Quand ce sera évident que
la moindre personne, qui est plus ou moins concernée par les
problèmes collectifs, réalisera qu'elle n'est plus capable de
gagner sa vie au Québec, dans sa langue, à ce moment, il sera
trop tard pour corriger la situation.
Cest pour cela qu'aujourd'hui les six membres du Parti
québécois ont décidé de lutter avec cette force,
cette résolution. Pour un peuple résolu à vivre, la langue
ne se propose pas en termes d'option et de négociation, mais en termes
de nécessité et de vitalité.
M. le Président, l'unilinguisme d'un Etat n'est pas un ghetto. Il
constitue, au contraire, le terrain privilégié d'une saine
pratique et d'un apprentissage d'une langue seconde. Donc, de la
possibilité d'un bilinguisme des individus de cette collectivité.
J'entendais le ministre des Institutions financières affirmer
publiquement, qu'il faut que les Québécois aient deux langues si
on ne veut pas diminuer leurs possiblités de gagner leur vie.
M. le Président, c'est fausser le problème mais comme je
connais l'honnêteté du ministre des Institutions
financières, Compagnies et Coopératives, je pense qu'il n'a
même pas compris le problème. Il n'est pas capable de faire de
l'empathie, c'est-à-dire de se mettre à la place des autres pour
vivre le problème des autres. Quand on est bien assis et qu'on prend
bien de la place sur une grosse chaise, on a de la misère à
s'apercevoir que le petit qui est au bout du banc souffre et n'a pas
grand-place. C'est dur à vivre et c'est dur à faire de
l'empathie.
Je comprends que le ministre ne peut pas comprendre cela, mais le
problème existe. On est en train de confondre les
Québécois en leur faisant réaliser que le bilinguisme est
une bonne chose. Oui, le bilinguisme individuel, pas le bilinguisme d'un Etat.
Il n'y a aucun Etat au monde qui est bilingue. Il y a des Etats unilingues
partout au monde, sauf qu'il y a dans ces Etats unilingues beaucoup
d'individus, et si possible, la majorité des individus qui sont
bilingues.
Et il est bien important que les Québécois le sachent,
parce que si on fait du français la seule langue officielle, cela
permettra aux Québécois de résoudre des problèmes
qu'ils vivent intensément, quotidiennement, concrètement, tous
les jours.
Pour les travailleurs québécois, actuellement, la langue
est un problème économique. Combien de Québécois
sont en chômage parce qu'ils sont unilingues francophones? Combien de
Québécois sont confinés à des postes
inférieurs à leurs capacités intellectuelles, à
leurs connaissances techniques, parce qu'ils ne parlent que leur langue
nationale? Combien de promotions ont échappé et
échapperont encore à des Québécois, faute d'une
connaissance suffisante de l'anglais?
Ce n'est pas une raison, parce qu'ils ne parlent pas l'anglais à
ce stade-ci pour qu'ils soient diminués dans leurs possibilités
de citoyens. Combien en coûte-t-il chaque semaine aux travailleurs
unilingues francophones du Québec de ne parler que leur langue?
La langue française, pour les travailleurs du Québec,
signifie trop souvent le chômage. Cela signifie trop souvent des emplois
de deuxième catégorie. Cela signifie trop souvent des freins aux
promotions.
Le problème est qu'il faut que le français devienne
rentable. Il faut qu'au bout de la ligne, avant de parler de la langue
d'enseignement, que le français, dans le domaine du travail, soit une
langue rentable autant pour le travail, pour la promotion que pour le statut
social.
A ce moment, les Québécois, les immigrants de quelque
langue qu'ils soient, incluant les immigrants de langue anglaise, seront
heureux d'aller à l'école française et le problème
de la langue d'enseignement ne se posera même pas, parce que,
derrière toute législation, il faut une motivation, et la
motivation au Québec, est que le français soit nécessaire
pour les promotions, et quand on voit que des unilingues anglophones ont des
promotions que des bilingues francophones ne peuvent même pas obtenir, on
se pose des questions sur la rigueur de la loi qu'on nous présente.
Le gouvernement actuel ne peut pas présenter un projet de loi qui
n'indiquerait pas au départ sa volonté ferme que le
français soit seul et la seule langue officielle au Québec.
La langue est comme la liberté d'un peuple, cela se prend. La
langue, cela s'impose par une législation solide, claire et
définitive. C'est de cette seule façon que le peuple
québécois pourra redresser la tête et être fier
d'être présent et participant à une majorité
franco-hpone qui sera, à ce moment non plus intolérante, mais
tolérante. Parce qu'elle aura la magnanimité, la
sécurité que tout peuple du monde a droit de recevoir et c'est la
raison pour laquelle je pense qu'il est essentiel que le gouvernement actuel
modifie l'article 1 et fasse du français la seule langue officielle du
Québec.
Merci.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Plusieurs parmi ceux qui nous rendent
visite aujourd'hui sont venus de loin. Pour la 55e fois, nous devons
avertir...
M. LESSARD: La 56e...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): ... la 56e fois le
député de Saguenay me le signale qu'il n'y a aucune
manifestation de permise. Que cela soit bien clair!
M. LESSARD: Avant de commencer cette intervention, je voudrais
déposer, pour l'information des membres de cette commission
parlementaire ainsi que pour l'information des journalistes, la Loi sur la
langue officielle du Manitoba qui a été adoptée en
1890.
M. CLOUTIER: M. le Président, il faut le consentement unanime de
la commission et nous sommes heureux, en tant que représentants du parti
ministériel, de confirmer notre accord.
M. BURNS: Bravo! M. MORIN: Merci.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Saguenay.
M. LESSARD: Vous me permettrez, M. le Président, de lire d'abord
cette loi selon la traduction que j'ai pu en faire parce que, malheureusement
ou heureusement, je ne me fie pas à ma prononciation anglaise pour que
ce soit bien reproduit dans le journal des Débats.
M. le Président, cette loi s'intitule: "Un acte pour
prévoir que la langue anglaise deviendra la langue officielle de la
province du Manitoba". Elle se lit comme suit: "Sa Majesté par et avec
l'avis et le consentement de l'Assemblée législative de la
province du Manitoba, proclame ce qui suit: Article 1: Nonobstant toute loi
contraire, la langue anglaise, seule, devra être utilisée dans les
registres et journaux de l'Assemblée législative pour la province
du Manitoba et devant les tribunaux. Les actes de la Législature de la
province du Manitoba pourront seulement être imprimés et
publiés en langue anglaise. "Article 2: Cet acte s'appliquera à
l'intérieur de la juridiction de la Législature et entrera en
vigueur le jour de sa sanction". Fin.
Voilà, M. le Président, l'exemple d'une loi qui proclame
la langue anglaise comme seule langue officielle. On se rappelle que c'est en
1890 que le Manitoba a accepté cette loi. On se rappelle aussi que,
malgré les demandes des francophones du Manitoba, le gouvernement
fédéral n'est jamais intervenu pour désavouer cette
loi.
Si je compare cette loi à la loi qui nous est
présentée actuellement, à savoir le projet de loi 22,
c'est que, d'une part, dans le projet de loi 22, nous avons 130 articles pour
tenter de nous prouver que la langue française devient la langue
officielle. D'autre part, dans la loi de 1890 du Manitoba, nous n'avons qu'un
seul article. Si j'excepte, M. le Président, l'article 2, qui parle de
la mise en vigueur de cette loi, nous n'avons qu'un seul article qui proclame
que l'anglais doit être la seule langue officielle qui doit être
utilisée à la fois devant les tribunaux et devant la
Législature du Manitoba.
Voilà, M. le Président, une vraie loi qui déclare
l'anglais comme langue officielle. Quant à nous, M. le Président,
nous avons une loi où, dans un article, à savoir l'article 1, on
déclare le français comme langue officielle, mais où, dans
les 129 autres articles, on dit que cette langue ne sera pas officielle, mais
que la langue anglaise sera aussi langue officielle.
M. le Président, quand nous attaquons l'article 1, nous nous
attaquons véritablement au principe même de ce projet de loi. Tout
à l'heure, j'entendais deux phrases du premier ministre du
Québec, phrases qui lui sont assez caractéristiques d'ailleurs,
mais deux phrases qui m'apparaissent fort importantes. Suite à la motion
qu'a présentée le chef parlementaire du Parti
québécois, le premier ministre du Québec a dit: C'est de
la redondance, c'est la même chose. Or, M. le Président, si c'est
vraiment la même chose, s'il n'y a pas de problème, si c'est de la
redondance, on devrait tout simplement accepter la motion du chef parlementaire
de l'Opposition. On devrait tout simplement j'attends la réponse
du ministre de l'Education dire: Mais il n'y a pas de problème.
Nous sommes prêts à reconnaître que le français soit
la seule langue officielle du Québec. Je me demande M. le
Président, pourquoi, tant le premier ministre, que le ministre de
l'Education, et le ministre des Affaires culturelles, ne nous ont-ils pas tout
simplement souligné dès la présentation de la motion du
chef parlementaire de l'Opposition, qu'ils étaient tous d'accord? Mais
il y a une deuxième phrase, M. le Président, qu'a lancée
le premier ministre, une deuxième phrase qui m'apparaît
très importante, une deuxième phrase qui explique l'attitude du
gouvernement devant ce projet de loi, une deuxième phrase qui nous
démontre qui sont les véritables patrons de ce gouvernement, qui
nous démontre pour qui ce gouvernement légifère, qui nous
démontre que ce gouvernement n'a pas pris position officiellement, si je
peux utiliser ce mot, pour la majorité francophone du Québec. En
effet, le premier ministre disait au chef parlementaire de l'Opposition: Allez
donc dire cela aux anglophones!
Je répète, M. le Président qu'on me
démentisse si ce n'est pas le cas le premier ministre s'est
échappé, et, suite à la motion qu'a
présentée le chef parlementaire de l'Opposition, le premier
ministre a dit: Allez donc dire cela aux anglophones! Autrement dit, il voulait
dire: Allez donc dire aux anglophones que le français devient la seule
langue officielle au Québec. N'est-ce pas nous démontrer
exactement que ce gouvernement est un gouvernement hypocrite? N'est-ce pas nous
démontrer que ce qu'on fait actuellement ici, c'est de la mascarade?
N'est-ce pas prendre conscience, lorsque nous entendons ce que le premier
ministre a dit,
que cette loi n'est pas faite pour les francophones, que cette loi est
faite pour la minorité anglophone du Québec? Si on nous donne un
seul article à nous, francophones, on en donne 129 autres aux
anglophones du Québec. Je pense que le premier ministre vient de se
démasquer. Je pense que cette deuxième phrase est fort importante
dans le débat sur lequel nous nous sommes engagés à nous
battre et en particulier sur l'article 1. Sur l'article 1 on ne lâchera
pas. L'article 1, c'est pour nous l'article le plus important, l'article le
plus essentiel, l'article qui va nous démontrer véritablement si
ce gouvernement a de l'échine, si ce gouvernement est prêt
à se tenir debout, si ce gouvernement est prêt à prendre
position pour les francophones du Québec, est prêt à
prendre position pour la langue française et arrêter l'agression
constante de la langue anglaise au Québec. Nous l'avons dit en
deuxième lecture, nous l'avons dit lors de cette commission
parlementaire: Ce n'est pas la langue anglaise qui est en danger au
Québec, c'est la langue française, langue de la majorité
de la population québécoise, qui est en danger, actuellement.
Ce gouvernement, ce seul gouvernement qui représente ou qui
devrait normalement représenter la seule majorité francophone
installée sur le territoire québécois, devrait prendre
officiellement position en faveur de cette majorité. Ce seul
gouvernement sur lequel on ne peut que compter, c'est le seul sur lequel on
peut compter qu'il va prendre position en faveur des francophones, c'est le
seul gouvernement qui, normalement, devrait prendre la responsabilité
d'assurer la survivance culturelle des Québécois.
On ne peut pas compter sur le gouvernement fédéral.
D'ailleurs, c'est le premier ministre lui-même qui affirmait que ce
gouvernement est le seul gouvernement qui peut se présenter comme le
gouvernement des francophones et le seul gouvernement qui doit avoir la
responsabilité de défendre les intérêts des
francophones. On lui demande, cette fois, sur un problème essentiel, sur
un problème qui touche les entrailles même de chacun des
Québécois, sur un problème qui concerne la
sécurité culturelle comme la survivance de tous les
Québécois, on lui demande au moins pour la première fois
depuis 1970 de prendre position en faveur de la majorité qu'il doit
normalement représenter.
C'est pourquoi il serait tout à fait normal que le gouvernement
du Québec, que ce premier ministre, qui représente quand
même les francophones québécois, qui représente
l'instrument collectif que nous possédons et que nous contrôlons
partiellement, d'accord, mais qu'on pourrait beaucoup plus contrôler si
on acceptait d'aller jusqu'à l'indépendance du Québec...
Mais, au moins, qu'on contrôle actuellement partiellement en ce qui
concerne notre sécurité culturelle. Nous demandons à ce
gouvernement d'avoir un mimimum de dignité, d'avoir un minimum de
fierté nationale afin de prendre position en faveur du français
comme seule langue officielle du Québec, de prendre position comme le
gouvernement du Manitoba l'a fait en 1890 lorsqu'il a pris position
officiellement pour la majorité anglophone de cette province, lorsqu'il
a fait disparaître, malgré les protestations des francophones de
cette province, la langue française comme langue officielle.
Si les autres provinces du Canada, si les autres gouvernements ont pris
position pour leur majorité, jamais jusqu'ici le Parti
québécois n'a blâmé les autres provinces de prendre
leurs responsabilités. Jamais le Parti québécois n'a
blâmé les autres provinces de légiférer en ce qui
concerne la sécurité culturelle de leur majorité alors que
justement cette sécurité culturelle n'était pas en danger,
alors que justement la langue anglaise, dans les autres provinces,
n'était pas en danger, alors que justement ils pouvaient avoir l'appui
de neuf autres provinces comme l'appui de tous les Etats-Unis du
côté Sud. Chez nous, au Québec, ce n'est pas le cas. Chez
nous, au Québec, nous n'avons pas cette sécurité
culturelle et nous nous demandons pourquoi ce gouvernement n'aurait pas le
courage minimal de prendre position cette fois, pour la première fois
probablement depuis 1970, en faveur de la langue française comme seule
langue officielle, d'avoir au moins le courage que d'autres provinces ont eu,
M. le Président, et de déclarer que la langue française
est la seule langue officielle du Québec.
Parce que, je l'ai dit ce matin, reconnaître une langue
officielle, c'est l'appuyer par toute la puissance de l'Etat, par la puissance
législative de l'Etat, par la puissance financière de l'Etat.
M. le Président, il peut y avoir, comme le reconnaît
d'ailleurs le rapport Gendron, plusieurs langues officielles à
l'intérieur d'un pays. On sait par exemple que la Suisse possède
trois ou quatre langues officielles, parce qu'il est possible que toute la
puissance financière de l'Etat, que toute sa puissance
législative puisse être utilisée pour appuyer deux, trois
ou quatre langues officielles.
Ce que nous disons, c'est que l'anglais a déjà une
certaine protection au Québec. L'anglais est appuyé par toute une
puissance financière; non seulement par toute une puissance
financière, mais aussi par une force démographique qui constitue
les neuf autres provinces du Canada, en plus de la force démographique
des Etats-Unis.
De plus, non seulement l'anglais est appuyé par cette force
démographique, mais il est aussi employé par un Etat national
qui, lui, possède tous les pouvoirs, les instruments politiques et
économiques pour pouvoir appuyer la langue de la majorité de ce
pays, qui est la majorité anglaise.
M. le Président, les Québécois ici, ne peuvent
compter que sur leur gouvernement. Les Québécois ne peuvent pas
compter sur la force économique des leurs. Ils ne peuvent pas
compter sur l'environnement géographique ou démographique.
Nous ne sommes que 6 millions et il faut en tenir compte parmi
une population d'au-delà de 200 millions d'habitants. Nous ne pouvons
pas compter sur cette force géographique.
Mais, pouvons-nous au moins compter sur ce gouvernement élu par
55 p.c. de la population? Nous aussi, M. le Président, nous
représentons quelque chose. Quand nous parlons de 55 p.c. de la
population qui ont voté pour le Parti libéral, il faudrait aussi
préciser, comme le déclarait le député de
Sainte-Anne à l'Assemblée nationale, que 99.8 p.c. de la
population anglophone ou néo-québécoise ont voté
pour le Parti libéral. Que vous reste-t-il sur les 55 p.c? Il vous reste
35 p.c. de francophones qui ont voté pour le Parti libéral.
Nous vous demandons de ne pas oublier les 65 p.c. de francophones qui
comptent quand même encore aujourd'hui sur ce gouvernement, qui
espèrent que ce seul gouvernement sur lequel nous pouvons compter en
Amérique du nord va prendre ses responsabilités. Ils
espèrent que ce gouvernement, alors qu'il s'attaque à un
problème fondamental pour la survivance des Québécois, va
au moins prendre position pour nous, pour la majorité que nous
représentons au Québec, tout en respectant, et nous l'avons
affirmé à plusieurs reprises, tout en respectant cette
minorité que constituent les anglophones au Québec.
Nous sommes prêts à reconnaître que ces
minorités, si elles n'ont pas des droits, ont des privilèges
reconnus. Nous sommes prêts à leur reconnaître encore ces
privilèges, mais cependant, nous ne voulons pas qu'en reconnaissant ces
privilèges ce soit aux dépens des droits collectifs des
francophones, que ce soit aux dépens de la majorité du
Québec, de la majorité de la population
québécoise.
M. le Président, peut-être que ce gouvernement, suite
à l'avertissement de son patron, M. Trudeau, a peur de prendre ses
responsabilités.
Nous savons, M. le Président, que ce gouvernement n'a jamais
été libre de ses gestes. Nous savons, comme le précisait
hier le chef parlementaire de l'Opposition, que si ce n'avait été
justement des protestations des Québécois, ce gouvernement aurait
probablement accepté la charte de Victoria. Nous savons que ce
gouvernement doit d'abord demander la permission à Ottawa avant
d'agir.
Nous demandons au moins à ce gouvernement de se baser sur un
certain nombre de précédents, malgré l'avertissement du
gouvernement Trudeau, qui semble vouloir faire renaître le pouvoir de
désaveu qui est tombé en désuétude depuis trente
ans, malgré les menaces d'anglophones du Québec qui ont
laissé entendre qu'ils voulaient intenter des procédures pour
faire en sorte que les tribunaux puissent reconnaître cette loi comme
anticonstitutionnelle. Nous demandons au moins à ce gouvernement,
malgré le fait qu'il ait rejeté toutes les motions que nous lui
avons présentées afin de faire entendre des témoins, des
experts à cette commission parlementaire, de se fier aux experts qui ont
présenté des mémoires et des rapports à la
commission Gendron. Nous demandons à ce gouvernement de se fier, par
exemple, aux déclarations de M. McWhinney. Nous demandons aussi à
ce gouvernement de se fier au témoignage de M. Jean-Charles Bonen-fant
et nous lui demandons de prendre ses responsabilités.
Nous aurions aimé mieux connaître exactement quelles
étaient les possibilités de contestation de ce projet de loi.
Nous aurions aimé mieux nous assurer que ce projet de loi était
constitutionnel, mais le gouvernement n'a pas voulu accepter notre motion.
Nous lui demandons au moins, aujourd'hui, d'accepter la motion, je
pense, qui nous apparaît à nous actuellement la plus importante,
qui nous apparaît la plus essentielle, qui nous apparaît la plus
normale, puisque d'autres ont déjà déclaré la
langue anglaise comme langue officielle. Nous lui demandons, comme seul
gouvernement de la majorité francophone de la seule province du Canada,
d'accepter au moins que le français soit la seule langue officielle.
Sinon, nous comprendrons que ce gouvernement n'a fait de la commission
parlementaire qui a siégé pour étudier ce projet de loi
qu'un paravent pour cacher ses véritables intentions d'assimilation.
Nous comprendrons que cette commission parlementaire n'a
été que de la frime. Nous comprendrons que ce que le gouvernement
voulait, c'était encore tromper hypocritement les
Québécois, c'était encore proclamer officiellement les
droits juridiques de l'anglais au Québec, les reconnaître non
seulement au point de vue juridique, mais les reconnaître aussi au point
de vue économique. Nous comprendrons que ce gouvernement ne veut faire
aucun effort pour renverser la vapeur, que ce gouvernement ne veut faire aucun
effort pour assurer aux Québécois la sécurité
culturelle à laquelle ils ont droit. Merci.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que quelqu'un d'autre veut parler
sur cette motion d'amendement?
M. CLOUTIER: On ne vote pas tout de suite. Il n'y a personne d'autre qui
veut parler. Parfait.
M. GOLDBLOOM: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le ministre des Affaires municipales.
M. GOLDBLOOM: J'aimerais dire deux mots.
J'ai écouté assez attentivement l'argumentation
présentée par les divers opinants du Parti
québécois. J'ai remarqué très
particulièrement
l'argumentation du chef de l'Opposition qui était basée
presque uniquement sur les méfaits de l'article 133 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique. Si l'on parle contre cet article, je
dois présumer qu'on veut le faire disparaître, et faire
disparaître avec lui les protections qui sont données dans des
domaines quand même relativement limités, celui de la
législation et celui de la comparution devant les tribunaux de cette
province. Je ne trouve pas que c'est une argumentation qui est à la
hauteur de l'esprit démocratique que je croyais toujours déceler
chez le chef de l'Opposition.
Deuxièmement, je suis étonné, je dirais même
abasourdi d'entendre le député de Saguenay évoquer, au
début de ses remarques, la loi manitobaine qui rendait, qui a rendu
l'anglais langue officielle dans cette province, quand je me rappelle tous les
efforts faits par les francophones du Manitoba pour dénoncer cette loi,
pour lutter contre elle, et alors, on trouve aujourd'hui que c'est une bonne
chose, un bon exemple à prendre. Ce n'est pas le Québec que je
voudrais voir.
M. LESSARD: M. le Président, en vertu de l'article 96, c'est que
je pense que j'ai parlé de l'acte du Manitoba comme un fait qu'on
reconnaît. Mais j'ai dit que nous étions, nous, prêts
à reconnaître aussi des droits, ce que je n'ai pas appelé
des droits, des privilèges qui ont été reconnus dans le
passé pour les anglophones du Québec. Alors je pense que j'ai
utilisé la loi du Manitoba comme un fait accompli. Cependant, j'ai mis
la restriction qu'en reconnaissant la langue française comme seule
langue officielle au Québec et nous l'avons affirmé
à maintes reprises cela ne nous empêchait pas, en
même temps, d'assurer le respect des privilèges de la
minorité anglophone au Québec.
M. GOLDBLOOM: M. le Président, je remercie le
député de Saguenay de cette précision de sa pensée,
parce que je vous assure...
M. LESSARD: ... dans mon discours.
M. GOLDBLOOM: ... que, comme Canadien, comme Québécois,
j'ai honte de ce que cette loi manitobaine a fait à mes compatriotes
francophones de cette province.
M. LESSARD: C'est bien gentil de le dire aujourd'hui. Je connais un peu
l'histoire.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que vous êtes prêts
à vous prononcer sur cet amendement proposé par le chef de
l'Opposition officielle?
M. HARDY: Vote.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Donc l'amendement propose...
M. BURNS: M. le Président, j'aurais quelques mots à
dire.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de
Maisonneuve.
M. BURNS: M. le Président... Bon, cela recommence. Le premier
ministre est revenu.
M. HARDY: Vous faites exprès. Vous courez après le
"trouble"!
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Maisonneuve,
s'il vous plaît !
M. BURNS: M. le Président, ce n'est pas ma faute si j'entends
bien et qu'à toutes les fois que le premier ministre roucoule, je
l'entends.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): II ne faut pas provoquer non plus.
M. BURNS: Je ne le provoque pas non plus. On ne jouera pas ce petit jeu.
C'est drôle qu'à chaque fois que je prends la parole... Est-ce que
je suis devenu votre souffre-douleur?
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Là, vous provoquez.
M. BOURASSA: C'est l'inverse.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!
M. BURNS: Non, je ne vous embête pas.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Maisonneuve sur
la motion d'amendement du chef de l'Opposition officielle. A l'ordre, s'il vous
plaît !
M. BURNS: Je n'ai pas de complexe, cela ne m'empêche pas de dormir
le soir si vous ne me dites pas que vous me trouvez intéressant.
M. HARDY: Quand je sens votre désir d'attirer les approbations de
la foule, je me demande si vous n'avez pas un certain complexe.
M. BURNS: Je n'ai jamais fait cela. Quoi qu'il en soit, j'ai
été étonné, lorsque le chef de l'Opposition a fait
sa motion d'amendement, d'entendre l'interjection du premier ministre qui,
à toutes fins pratiques, se résumait à ceci: C'est la
même chose.
Qu'on dise que la langue officielle du Québec soit le
français, ou qu'on dise que la seule langue officielle du Québec
soit le français, que ce soit la même chose, je trouve cela
étonnant comme opinion de la part d'un homme politique et surtout du
premier ministre.
M. le Président, vous allez dire que l'amende-
ment du chef de l'Opposition apporte une plus grande rigidité au
texte de l'article 1, et je serai de ceux qui diront oui. C'est exactement le
but de cette motion d'amendement, d'apporter une plus grande rigidité.
Mais rigidité, M. le Président, ne veut pas dire, en soi, un
caractère offensif à la motion principale, c'est-à-dire
à l'article 1. Ce qui me convainc qu'on doive être beaucoup plus
rigide dans la rédaction de l'article 1, c'est un certain nombre de
statistiques qui, malheureusement, n'ont pas été portées,
du moins pas verbalement, à la connaissance de la commission qui a
examiné les opinions des organismes et des parties
intéressés après la première lecture du projet de
loi 22.
Un des mémoires, M. le Président, que je trouve
peut-être le plus significatif concernant le danger d'érosion
si je peux m'exprimer ainsi du français vers l'anglais au
Québec, est probablement le mémoire qui a été
présenté par le Dr Charles Castonguay, professeur
agrégé au département de Mathématiques à
l'Université d'Ottawa.
M. HARDY: Comme docteur ou comme péquiste?
M. BURNS: Pardon?
M. HARDY: Est-ce qu'il a signé le document comme docteur ou comme
président du Parti québécois de Hull?
M. BURNS: Cela ne m'importe vraiment peu. Si vous mettez en doute ce que
l'Université d'Ottawa, elle, ne met pas en doute, parce qu'elle l'a
accepté comme professeur agrégé au département de
Mathématiques, je n'ai pas énormément d'estime pour votre
opinion.
M. HARDY: Vous avez trop d'expérience pour savoir ce que signifie
la crédibilité d'un témoin. Ce n'est pas
nécessairement péjoratif.
UNE VOIX: Ce n'est pas en cour.
M. BURNS: Vous savez, M. le Président, c'est très petit.
C'est pour cela que vous n'avez pas voulu l'entendre?
M. LEGER: Ce n'est même pas caporal, c'est lance-caporal.
M. HARDY: Etes-vous rassuré? Cela va vous redonner un
autre...
M. BURNS: Non.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne) : A l'ordre! Il y en a peut-être qui
ne me prennent pas au sérieux. Vous avez fait de longs voyages. Je vous
donne le choix de ne pas manifester ou de vous retirer. C'est un choix. Il n'y
aura pas deux choix. Je ne veux pas faire rire de moi ici. Soit que vous
manifestiez votre approbation... Il y a passablement de places dans la province
de Québec où vous pouvez manifester ailleurs qu'ici. Que ce soit
bien clair! Il y a des personnes autour d'ici, si vous manifestez, on peut vous
sortir très allègrement. Le député de
Maisonneuve.
M. BURNS: Je disais, M. le Président, que l'un des
mémoires... Je n'ai malheureusement pas été en mesure de
suivre tous les travaux de la commission à la suite de la
première lecture, mais l'un des mémoires qui m'avait
frappé, quand j'en ai pris connaissance, était celui du Dr
Castonguay.
Je m'attarderai, M. le Président, et je pense que ce ne serait
que rendre justice à la qualité de ce mémoire...
M. le Président, j'entends des voix tout autour de moi. J'ai de
la difficulté, encore une fois, à me concentrer. C'est la
vôtre que j'entends, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Excusez-moi. C'est parce que le chef de
l'Opposition...
M. BURNS: D'accord!
M. MORIN: C'est ma faute. Je faisais des observations au
président.
M. HARDY: C'est votre collègue.
M. BURNS: Je disais donc, M. le Président, que je n'ai pas
l'intention de vous faire part de l'ensemble du mémoire qui comporte un
assez grand nombre de pages, mais de m'attacher au quatrième chapitre de
ce mémoire qui, à mon avis, est significatif en ce qui concerne
la discussion que nous avons actuellement. Ce quatrième chapitre
s'intitule: "La domination de l'anglais au Québec".
Je tiens à souligner tout de suite que ceux qui ont lu le
mémoire se sont rendu compte parce que c'est peut-être une
chose qui reviendra à plusieurs reprises durant le débat
que M. Castonguay avait à sa disposition un certain nombre de
statistiques que la commission Gendron n'avait pas.
Je cite, entre autres, de la page 1 du chapitre IV, qui date de mai
1974, l'extrait suivant: "II est à noter que la commission Gendron,
n'ayant pas ces données..." c'est-à-dire les
données actuelles concernant les transferts linguistiques au
Québec "...à sa disposition, n'a pu procéder
à l'analyse de cet aspect essentiel de la réalité
linguistique québécoise". Il y a une toute petite note à
la fin du mémoire qui nous dit: "Une subvention de l'Université
d'Ottawa nous a donné accès à ces chiffres non
publiés de Statistique Canada".
Or, le professeur Castonguay a utilisé des chiffres de
Statistique Canada grâce à une subvention de l'Université
d'Ottawa où il enseigne, et c'est de là qu'il tire certaines
conclusions que je vous indiquerai plus tard.
Ce qui ressort de l'ensemble de l'étude du professeur Castonguay
c'est qu'actuellement, d'après les chiffres de 1971, un transfert
constant, favorable au milieu anglophone, se fait au Québec, et c'est me
basant sur cette conclusion que je me dis qu'on n'a pas d'affaire, au moment
où on étudie une loi concernant la langue officielle au
Québec, à être gêné d'être rigide dans
notre protection de la majorité ou de la langue de la
majorité.
Si c'était vrai ce "qu'on disait sans vouloir revenir sur
ce débat dans le préambule c'était
d'ailleurs pour cela qu'on voulait l'étudier avant que l'Etat se
considérait comme doté d'un devoir de préserver le
patrimoine national qui est la langue française, il incombait au
gouvernement du Québec de tout mettre en oeuvre pour en assurer la
prééminence et pour favoriser l'épanouissement et la
qualité de cette langue. Je ne peux pas comprendre que le chef d'Etat ou
quelque autre ministre ou quelque autre député à
l'Assemblée nationale qui appuie le projet de loi 22 puisse nous dire
que c'est la même chose que de dire: Le français est la langue
officielle au Québec ou le français est la seule langue au
Québec.
Ceux qui ont pu prendre connaissance de ce mémoire du professeur
Castonguay ont pu lire, à la page 2 de ce même chapitre IV
intitulé: "La domination de l'anglais au Québec", la citation
suivante que j'en tire: "Ce qui frappe d'abord dans ce bilan, c'est que le
nombre de francophones assimilés au groupe anglais est aussi important
que le nombre d'anglicisés venant du tiers groupe". J'arrête ici.
Le tiers groupe, dans le mémoire, est évidemment le groupe des
immigrants. Je continue la citation. "Tenant compte des 49,100 anglophones
francisés, le français accuse un déficit net de
près de 25,000 effectifs dans ses échanges directs avec la
minorité anglophone".
Non seulement je dis que cela me touche de lire cela dans un
mémoire qui n'est quand même pas de n'importe qui, qui est le
mémoire de quelqu'un qui est professeur agrégé au
département de mathématiques, donc, on doit le présumer,
si on considère l'Université d'Ottawa comme étant
sérieuse, venant de quelqu'un qui s'y connaît dans
l'interprération des chiffres, dont c'est le métier de jouer avec
des chiffres, si vous me passez l'expression.
D'entendre cela, M. le Président, c'est non seulement
inquiétant, à mon avis, ce n'est pas trop fort de dire que c'est
absolument aberrant de penser qu'on est en train de discuter d'une loi de la
langue officielle au Québec et qu'on n'ait même pas cru boa
d'entendre verbalement et après l'avoir entendu par écrit, une
personne qui en est arrivée, de façon très
sérieuse, à des conclusions comme celles-là. Qu'on se
retrouve aujourd'hui à s'entendre dire, par des gens qui veulent faire
adopter le projet de loi, que le français, langue officielle, c'est la
même chose que le français, seule langue officielle. Je dis,
à ce moment-là, que ça nous en dit long sur les articles
qui viennent sur la conception que ce gouvernement se fait de la protection du
français au Québec.
Je répète l'affirmation que mon collègue de
Saguenay a faite tout à l'heure, parce que je pense qu'on ne le
répètera jamais assez. Je pense que le député de
Lafontaine l'a mentionnée également et je souhaiterais que tous
les députés qui prennent la parole répètent cette
phrase pour que tout le monde en soit sinon convaincu, en soit
véritablement hanté, pour que tous ceux qui entendent cette
phrase aient des difficultés à dormir après. J'aimerais
bien cela que le premier ministre, que tous les membres de la commission aient
de la difficulté à dormir après avoir entendu, à de
multiples reprises, la phrase suivante: Ce n'est pas l'anglais qu'il faut
protéger au Québec, c'est le français. Les conclusions de
l'étude du Dr Castonguay ne nous mènent qu'à l'acceptation
de cette affirmation. Ce n'est pas l'anglais actuellement, comme langue, qui
est en danger, n'en déplaise au ministre des Affaires municipales.
L'anglais n'est pas en danger, l'anglais est au contraire un
phénomène d'assimilation actuellement au Québec, alors
qu'il est minoritaire. C'est bête, mais ce sont des purs et simples
chiffres qu'on peut facilement et sans complication intellectuelle
interpréter. Il ne s'agit pas d'interpréter un texte de loi.
Il ne s'agit pas de se demander si on a le droit de faire telle chose,
oui ou non. Il s'agit d'examiner des résultats et les résultats
de l'étude du Dr Castonguay nous font dire, tout simplement et je le
cite encore une fois, à la page 4 de ce fameux chapitre sur
I'anglicisation constante au Québec: "D'autant plus que la domination
indirecte qu'exerce l'anglais sur le français par sa plus forte
attraction auprès du tiers groupe, donnait déjà en 1971
des signes de s'accentuer". L'étude est basée sur des chiffres
qui ont été mis à sa disposition en 1971 et
déjà, selon ces chiffres, il était possible de croire que
cette tendance à l'anglicisation allait simplement s'accentuer. Il y a
trois ans de cela, M. le Président, en 1971 et on ne s'inquiète
pas. On se dit: On va adopter une vague loi de la langue officielle au
Québec, on va se contenter de dire que la langue officielle, c'est le
français au Québec. Cela va faire plaisir aux francophones
et comme le disait mon collègue de Saguenay pendant les 129
autres articles, on va tenter à coups de néanmoins, de cependant,
de peut-être, de mais et de toutefois, on va essayer de satisfaire les
anglophones.
C'est justement l'inverse qu'on doit faire. C'est exactement l'inverse.
On n'a pas et je le répète à protéger
la survie de l'anglais au Québec. On a à protéger des
privilèges qui ont été accordés, avec le temps,
pour toutes sortes de raisons sur lesquelles je ne disserterai pas, au milieu
anglophone. On admet cela.
Nous ne sommes pas ici, M. le Président, et on vous le dit
d'avance, pour faire disparaître le secteur anglophone d'enseignement et
que ce
soit bien clairement dit. Cela ne nous intéresse pas. Au
contraire ! Tous les mémoires que nous avons entendus venant de groupes
francophones qui voulaient protéger davantage la situation du
français au Québec, disaient en même temps: II faut aussi
protéger le secteur anglophone. Mais qu'est-ce que c'est que le secteur
anglophone? Il va falloir se pencher là-dessus. Il va falloir examiner
la situation. Il va falloir se dire que ce ne sont pas les immigrants qui
viennent de l'extérieur qui vont venir augmenter constamment le secteur
anglophone. Il va falloir se dire aussi que ce ne sont pas les francophones
qui, pour toutes sortes de raisons, dont la principale est à
caractère économique, qui vont venir augmenter le secteur
anglophone. Donc, il va falloir être clair là-dessus. Mais si on
veut être clair dans les articles qui viennent, il va falloir être
clair dans l'article 1. Il va falloir que le gouvernement du Québec qui,
après tant de tergiversations, se décide à
légiférer en matière linguistique. Il va falloir que ce
gouvernement nous dise qu'il accepte le concept que le français va
être la seule langue officielle au Québec.
Toujours dans cette étude du professeur Castonguay... Des mots!
J'entends le premier ministre qui me dit: Des mots! Je trouve cela incroyable.
Ce que je viens de dire ce sont des mots?
M. BOURASSA: Ce que vous faites depuis une semaine, c'est de la
rhétorique.
M. BURNS: J'aimerais que vous répondiez à ma question. Je
vous permets cette interruption. Ce que je viens de dire ce sont des mots?
M. BOURASSA: Continuez votre rhétorique.
M. BURNS: Vous avez de la difficulté à répondre
à ma question et je sais que vous seriez gêné de
répondre oui à ma question.
M. BOURASSA: Je n'ai même pas écouté ce que...
M. BURNS : Ce sont des mots ce que je viens de dire, M. le premier
ministre?
M. BOURASSA: Je n'ai pas écouté ce que vous avez dit.
M. BURNS: Ah bon!
M. BOURASSA: C'est de la rhétorique et du bla-bla depuis cinq
jours.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je voudrais informer le
député de Maisonneuve qu'il reste environ deux minutes.
M. BURNS: II reste environ deux minutes, M. le Président. Alors
s'il me reste deux minutes, je termine immédiatement et je
réserve ces deux minutes pour plus tard.
M. BOURASSA: Vote.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que vous êtes prêts
à voter?
M. CHARRON: M. le Président, est-ce que je peux vous demander si,
par votre intermédiaire, le gouvernement qui nous invite depuis mardi
matin 11 heures à entamer l'étude de l'article 1, nous demandant
avec vigueur d'avoir un débat de fond, a l'intention de s'abstenir de
participer au débat sur l'article 1 et sur un amendement d'une
importance telle du chef de l'Opposition, contrairement à toute ses
affirmations depuis mardi dernier...
M. BOURASSA: On attend que vous parliez.
M. CLOUTIER: M. le Président, il s'agit d'un amendement à
l'article 1. Nous parlerons lorsque nous souhaiterons parler. Défendez
votre amendement, nous aurons l'occasion de nous exprimer lorsque nous
discuterons de l'article 1.
M. BURNS: On aimerait bien savoir ce que vous en pensez.
M. HARDY: M. le Président, sur ce qui apparaît...
M. CHARRON: Est-ce que je dois comprendre que le gouvernement n'a pas
l'intention d'intervenir...
M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. CHARRON: Laissez-moi donc formuler ma question !
M. HARDY: C'est une question de règlement.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Une question de règlement.
M. CHARRON: Mais qu'est-ce qu'il y a d'irrégulier dans ma
question pour lui permettre d'intervenir avec le règlement?
M. HARDY: J'invoque le règlement.
M. CHARRON: Avez-vous senti quelque chose d'irrégulier dans ma
question pour permettre au caporal de Terrebonne d'intervenir de cette
façon, M. le Président? Qu'est-ce qu'il y a d'irrégulier
dans ma question?
LE PRESIDENT:(M. Lamontagne): On va le laisser terminer la question.
M. HARDY: Non. J'invoque le règlement.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Une question de règlement sur ce
qu'il vient de dire?
M. CHARRON: Mais je n'ai rien dit, M. le Président.
M. HARDY: Mais, M. le Président, en vertu du règlement,
quand un député invoque la question de règlement, cela a
priorité sur tout.
M. CHARRON: Mais à partir de quoi vous vous permettez
d'interrompre une question que j'adresse au gouvernement?
M. HARDY: Mais laissez-moi parler et je vais vous le dire.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je voudrais au moins m'informer sur
quoi...
M. HARDY: J'invoque le règlement.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Sur quoi?
M. HARDY: Laissez-moi continuer.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui, mais tout de même.
M. CHARRON: II faut que ce soit à partir d'une
irrégularité que j'ai commise.
M. HARDY: A ce stade-ci M. le Président...
M. CHARRON: M. le Président, il faut que ce soit à partir
d'une irrégularité que j'ai commise.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Voulez-vous terminer votre question, s'il
vous plaît?
M. CHARRON: Bon.
M. HARDY: Mais, M. le Président, c'est précisément
sur la question que j'invoque le règlement. A moins que le
député...
M. CHARRON: Qu'est-ce qu'il y avait d'irré-gulier dans ma
question, M. le Président?
M. HARDY: A moins que le député de Saint-Jacques ne prenne
la parole, il n'a pas le droit de poser de question au ministre de l'Education
à moins que celui-ci ne lui donne la permission.
M. CHARRON: Oui. J'ai droit à 20 minutes et je peux les prendre,
une minute à chaque fois.
M. HARDY: Oui, c'est cela. M. CHARRON: D'accord?
M. HARDY: D'accord. J'écoute.
M. CHARRON: Je pose simplement une question et le chef du gouvernement
québécois me répondra s'il le veut, en badinant s'il le
veut, ou sérieusement s'il le veut, c'est son choix. Cela dépend
de sa réaction.
Est-ce que le gouvernement du Québec, par un intermédiaire
quelconque autre que l'émouvant témoignage du
député de D'Arcy-McGee, a l'intention d'intervenir, soit par le
chef du gouvernement, soit par celui qui est le parrain de la loi 22 sur
l'amendement proposé par le chef de l'Opposition?
M. BOURASSA: On attend que vous parliez.
M. CHARRON: Est-ce que le ministre de l'Education considère cela
comme une accusation d'avoir ce débat de fond qu'il a
réclamé depuis mardi dernier, l'intervention du chef de
l'Opposition?
M. HARDY: II va vous répondre.
M. CLOUTIER: M. le Président, comme le règlement me le
permet, je répondrai avec grand plaisir une fois que le
député de Saint-Jacques aura terminé son intervention.
M. BOURASSA: D'ailleurs, le chef de l'Opposition a un droit de
réplique. Alors, on veut laisser parler les députés de
l'Opposition.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne) : II reste encore dix minutes...
M. BOURASSA: Le ministre de l'Education, puis le chef de l'Opposition
aura un droit de réplique. Pourquoi voulez-vous absolument parler
après le ministre de l'Education?
M. HARDY: Vous pourrez répondre.
M. CHARRON: C'est simplement pour montrer comment vous étiez
hypocrite depuis mardi dernier.
M. HARDY: Ne soyez pas inquiet, on va répondre au
député de Saint-Jacques, on va lui répondre. Mais un
débat intelligent, c'est de répondre. Vous présentez une
motion, défendez-la et on répondra à la motion, on
répondra à vos arguments.
M. BEDARD (Chicoutimi): Dialogue de sourds !
M. LEGER: Vous attendez que tous les députés aient
parlé pour leur répondre?
M. BURNS: Un débat, savez-vous qu'actuellement...
M. BEDARD (Chicoutimi): Ce n'est pas un
débat, c'est une discussion que vous demandez. C'est une
discussion que vous demandez.
M. BURNS: ... la motion qui a été faite, c'est celle qui a
été faite par le ministre de l'Education et c'est notre
réponse à cette proposition.
M. HARDY: Un débat de fond n'est pas un petit jeu de chat et de
souris que vous essayez de jouer actuellement.
M. BURNS: Ce n'est pas un jeu de chat et de souris. On aimerait savoir
ce que le gouvernement pense de cet amendement, on aimerait bien savoir
ça.
M. CLOUTIER: Un point de règlement, M. le Président.
M. BURNS: Si vous êtes gêné de le dire,
dites-le-nous; d'accord, on admettra...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le ministre de l'Education, sur un point
de règlement.
M. BURNS: ... que vous allez rentrer en dessous du tapis encore une
fois.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Un point de règlement.
M. BURNS: On va admettre ça.
M. HARDY: Vous le saurez bien assez vite, ce qu'on pense.
M. BEDARD (Chicoutimi): ... un débat, vous refusez la
discussion.
M. CLOUTIER: M. le Président...
M. BOURASSA: II faudrait tomber dans leur piège pour leur faire
plaisir !
M. CLOUTIER: M. le Président, ce n'est pas ma motion que l'on
discute en ce moment, c'est l'amendement qui a été fait...
M. BURNS: Nous autres, c'est notre réponse à votre
amendement. Vous proposez l'adoption de l'article 1. Nous, on vous dit: On
voudrait l'amender, l'article 1.
M. CLOUTIER: Est-ce que je peux...
M. BURNS: C'est ça.
M. CLOUTIER: ... terminer mon...
M. BURNS: Oui, oui, mais on aimerait bien savoir ce que vous pensez de
cet amendement. J'aimerais bien que vous m'expliquiez comment je peux entendre
le premier ministre dire, lorsque le chef de l'Opposition dit : Je voudrais
ajouter le mot "seul" avant les mots "langue officielle", j'aimerais ça
que vous m'expliquiez que ça veut dire la même chose. J'aimerais
que vous m'expliquiez, et c'est pour ça que le député de
Saguenay l'a cité, pourquoi, au Manitoba, ils ont pris la peine de faire
ça. J'aimerais bien ça que vous m'expliquiez ça.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne) : A l'ordre, s'il vous plait !
M. BOURASSA: Vous avez organisé un spectacle.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît !
M. HARDY: Dernière minute, c'est fini.
M. MORIN: Ce que vous dites, est redondant.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! Comme
vous le savez, si personne ne veut parler sur la question d'amendement, je vais
procéder au vote irrmédiatement.
M. CHARRON: Non, j'interviens, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de
Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, je serai le dernier de
l'équipe du Parti québécois à intervenir sur cette
motion que nous jugeons d'une importance capitale pour la suite du
débat. J'ai eu l'occasion, comme vous, d'entendre la contribution de mes
cinq collègues et, à nouveau, de sentir la fierté que j'ai
d'appartenir à cette équipe. L'anxiété que le
gouvernement, hypocritement, on le sait maintenant, manifestait depuis mardi
dernier pour aborder un débat de fond, je dois vous dire, M. le
Président, que je la partageais essentiellement jusqu'à ce point.
Nous atteignons, dans nos discussions, le point de partage à partir
duquel les véritables intentions de l'un et de l'autre seront
désormais claires.
Je considère et toute l'Opposition considère que cet
amendement constitue véritablement le face à face que
réclamaient sur cette question le chef du gouvernement et le ministre de
l'Education depuis le début du débat.
UNE VOIX: C'est un beau temps pour y venir.
M. CHARRON: Cet amendement proposé par le chef de l'Opposition
constituera la révélation, pour le reste du débat, des
lignes de force, des positions et des engagements de chacun des partis qui
forment cette commission parlementaire.
Pour l'Opposition officielle, sa participation à cette commission
parlementaire entraînait toute notre préparation à
atteindre ce débat que nous voulons avoir sur cet amendement que nous
jugeons capital.
Je vais profiter des quelques minutes que j'ai, d'abord, pour signaler
au gouvernement ce à quoi il s'engage, en adoptant ou en refusant
l'amendement proposé par le chef de l'Opposition, si ce n'est,
effectivement, comme le dit d'une façon étonnamment superficielle
le chef du gouvernement, qu'une simple question de redondance que, d'ailleurs,
il a utilisée lui-même dans son discours à
l'Assemblée nationale lundi, le 15 juillet dernier, en terminant son
intervention. Si au moins les Québécois avaient un chef du
gouvernement qui participait et écoutait ces débats...
M. BOURASSA: J'ai le problème de la construction, j'ai beaucoup
d'autres problèmes, je n'ai pas seulement celui-là... J'ai
passé la moitié de l'après-midi.
M. MORIN: La langue, à vos yeux, c'est secondaire!
M. BURNS: Faites-le donc à tête reposée, ce
débat-là.
M. CHARRON: Est-ce que je peux dire au premier ministre...
M. BURNS: Si vous avez d'autres problèmes et que vous
n'êtes pas capable de vous concentrer sur celui-là, faites-le donc
à tête reposée.
M. BOURASSA: Qu'il se calme.
M. LESSARD: Reportez-le à l'automne.
M. BOURASSA: Cela fait cinq jours qu'on écoute.
M. CHARRON: Est-ce que je peux dire au premier ministre que la
réaction qu'il vient d'avoir est proprement dégoûtante, de
la part d'un chef de gouvernement.
M. HARDY: Oh! Oh!
M. CHARRON: Sur cette question-là...
M. BOURASSA: N'essayez pas de me provoquer, vous ne réussirez
pas. N'essayez pas de me provoquer.
M. CHARRON: Non, je sais que la dignité chez vous, on ne
réussira jamais à la provoquer. Je sais que chez vous on ne
provoquera jamais un sursaut, à un moment donné, pour aborder ce
genre de question-là, autrement le trafic de cartes politiques où
vous êtes passé expert.
M. HARDY: Bon, bon, bon!
M. CHARRON: Je le sais, cela. J'ai cette expérience. Mais
pouvez-vous, au moins, même si ça ne vous intéresse pas, ce
genre de question, même si c'est placé pour vous au même
rang que toutes les autres petites préoccupations quotidiennes d'un
premier ministre...
M. BOURASSA: Ah!
M. CHARRON: Pouvez-vous au moins...
M. BOURASSA: Les travailleurs de la construction, ce n'est pas important
cela?
M. CHARRON: Pouvez-vous au moins avoir la dignité...
M. BOURASSA: Les 100,000 travailleurs de la construction veulent
travailler en français, ils ne veulent pas être forcés de
travailler en Ontario. Qu'est-ce que cela donne de parler de la langue si les
travailleurs sont forcés d'aller travailler dans d'autres provinces,
parce qu'il n'y a pas d'emploi ici?
M. BURNS: Si cela ne donne rien, vous allez régler votre
problème de la construction et nous reviendrons quand vous aurez les
esprits clairs. D'accord? On est bien d'accord là-dessus.
M. BOURASSA: Oui, mais...
M. BURNS: Si vous avez des problèmes et que vous êtes
mêlé dans vos affaires, nous voulons jaser avec vous quand vous ne
serez pas mêlé. Est-ce exact? C'est clair, pas de problème
là-dessus. Si vous n'êtes pas capable de prendre une
décision sérieuse sur une loi qui concerne l'âme de la
nation, le coeur de la nation québécoise...
M. BOURASSA: On est le premier gouvernement...
M. BURNS: ...revenez donc quand vous serez capable de porter un
jugement.
M. BOURASSA: On est le premier gouvernement à avoir eu le courage
de la prendre, la décision, et vous nous frappez dans le dos au lieu de
nous appuyer !
M. BURNS: Vous n'êtes même pas capable d'en prendre.
M. LEGER: Le premier gouvernement qui est capable de faire une
trahison.
M. BOURASSA: Les vrais traîtres, M. le Président, ils se
situent de ce côté-là.
M. LESSARD: A consacrer le bilinguisme.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Saint-Jacques, sur la motion
d'amendement du chef de l'Opposition officielle.
M. HARDY: On va l'écouter pour qu'il satisfasse sa galerie.
M. CHARRON: J'ai l'impression, M. le Président, qu'avant
même que vous appeliez le vote sur cette motion, les masques sont
déjà tombés du côté du gouvernement...
M. BOURASSA: De votre côté aussi, depuis longtemps.
M. CHARRON: Faites-le, battez-le cet amendement ! Faites-le, montrez
encore une fois que vous avez peur des anglais, faites-le, dites-le que vous
pliez encore une fois.
M. BOURASSA: Voulez-vous faire du spectacle?
M. CHARRON: Dites-le que vous avez peur de faire du français la
seule langue officielle du Québec, continuez à véhiculer,
à parler, l'hypocrite que vous faites depuis le début.
M. BOURASSA: II achève dans son temps.
M. CHARRON: M. le Président, je voudrais indiquer...
M. BOURASSA: H achève votre théâtre.
M. CHARRON: Finissez-le, le théâtre, si vous
considérez que c'est du théâtre que de parler des droits
fondamentaux des Québécois. Dites-le l'intention réelle
que vous aviez, en apportant, à l'article 1 de ce projet de loi, un
droit qui est acquis aux Québécois depuis 1774, de
présenter comme une conquête ce que les plus
éloignés des Anglais nous avaient déjà
accordé dans les plus sombres temps du Québec. Faites-le encore
une fois. Dites-le et essayez de présenter encore une fois, comme un don
aux Québécois, ce que ni la conquête militaire ne nous
avait enlevé, ni la dépossession économique des
Québécois à laquelle vous contribuer quotidiennement en
vendant le Québec aux investisseurs étrangers. Dites-le donc, une
fois pour toutes, que c'était votre intention, que vous avez encore une
fois avec des droits fondamentaux, de pratiquer le même titan politique
que vous faites avec toutes les autres situations des Québécois.
Jouez avec les mots, jouez avec les formules, jouez avec le même
funambule du vocabulaire qui multiplie comme un antiquaire des formules qui
écoeurent et qui dramatisent des situations. Dites-le.
Vous réussissez, par votre attitude dans ce débat, par
votre refus de participer à l'amendement que propose le chef de
l'Opposition. Vous révélez ce que vous êtes et vous
révélez ce qu'est le gouvernement, l'énorme
majorité qui s'empresse à endosser votre marchandage.
M. le Président, on l'a le vrai parrain du bill 22 à notre
table. Ce n'est pas le ridicule qui s'enfonce dans son fauteuil,
celui-là a déjà perdu toute sa crédibilité,
mais une loi marquée avec autant de mépris du Parlement,
marquée avec autant de marchandage de votes qui font jouer la
minorité contre la majorité, avec autant de dispositions
contradictoires, pouvait-elle venir d'autres et d'ailleurs que d'un premier
ministre qui place au même rang que des travaux de la construction,
n'importe quel autre problème, le fait qu'on aborde les droits
fondamentaux des Québécois? Si c'est cela, on le sait et on sait
déjà comment vous allez voter.
Vous refusez de faire du français la seule langue officielle des
Québécois, parce que vous savez ce que cela veut dire. Vous savez
simplement que cela voudrait dire que les Québécois sont un
peuple normal, qui exigent, chez eux, de vivre normalement avec une langue,
comme tous les pays s'en sont donné une, comme le Manitoba s'en est
donné une et comme nous le devrons, nous aussi, à moins
d'être le troupeau d'indigènes qui laisse son économie
dominée par l'étranger. Nous devrons, nous aussi, prendre cette
décision.
L'Opposition vous invite au débat de fond auquel vous nous avez
défiés depuis mardi dernier. Avez-vous peur de dire que le
français est la seule langue officielle du Québec. Si c'est une
redondance et si c'est votre intention, avez-vous peur de le mettre dans le
projet de loi? Avez-vous peur de dire toutes les conséquences, parce que
cela en a. Vous savez très bien que cela voudra dire que vous allez
être obligés de retirer l'article 133 de la constitution auquel
vous vous soumettez comme vous vous soumettez à toutes les
décisions fédérales sans jamais en contester une seule,
parce que vous avez bâti votre élection, vous avez bâti sur
votre pouvoir, sur la dépendance, vous avez vendu la dépendance
aux Québécois.
Est-ce que c'est cela la situation à laquelle vous vous
prêtez pour le reste? Vous savez très bien ce que cela voudrait
dire, si, à l'article 1, vous adoptiez l'amendement du chef de
l'Opposition. Cela voudrait dire qu'à l'article 2, à l'article 3
et jusqu'à l'article 130, vous seriez obligés d'en prendre les
conséquences.
Nous l'avons cette situation, nous avons soutenu depuis le début
du débat que l'article 1 non seulement n'est pas une conquête et
un droit nouveau pour les Québécois, mais n'est qu'une
affirmation de ce qui existe, de ce que les Anglais nous ont reconnu. Vous
rendez-vous compte que vous n'avez pas le droit de prendre à votre
compte l'affirmation du français comme langue officielle? Le
français est langue officielle par l'effort même des
Québécois, par tous ceux qui, dans des conditions beaucoup plus
difficiles que dans une société moderne de 1974, se sont battus
au lendemain d'une défaite militaire et, au moment où
l'impérialisme économique de nos voisins nous envahissait, ont
résisté.
Vous n'avez même pas le courage que des Québécoises
ont quotidiennement sur le terrain de la consommation, lorsqu'elles exigent
d'être servies en français. Vous n'avez même pas le courage
que certains de nos ancêtres ont eu lorsque, face à l'envahisseur
étranger, ils ont réclamé de respecter ce droit que nous
avions depuis que nous existons sur cette terre d'Amérique. C'est
là que vous êtes, c'est à cette situation que vous vous
placez, et que cela devienne clair maintenant. Après cela, allez
prétendre dans tout le reste de vos articles que vous avez fait du
français la seule langue officielle du Québec. Non seulement vous
n'avez pas le droit d'usurper ce que des Québécois plus
courageux, plus dignes et plus fiers que vous ont gagné à votre
place. Vous n'avez pas le droit d'usurper ce que des Québécois
ont déjà établi avant vous. Vous n'avez pas le droit de
prétendre que c'est à vous et que c'est vous qui créez le
français langue officielle. Ce qui serait neuf, ce qui serait nouveau,
et là où on vous reconnaîtrait comme gouvernement des
Québécois et comme répondant à la demande des
Québécois, c'est si vous aviez ces $0.05 de courage pour
prononcer que le français est désormais la seule langue
officielle du Québec. Voilà ce qui serait nouveau. Voilà
le défi que vous avez refusé de relever. Quels que soient le
maquillage et le profitage des dispositions que vous avez faites, le refus que
vous allez mettre de voter l'amendement du chef du Parti
québécois à l'Assemblée nationale constitue un aveu
de la réelle portée de votre loi.
C'est donc le statu quo, comme on l'a toujours prétendu. Le reste
ne constitue que des aménagements à l'amiable. Si vous n'avez pas
le droit d'usurper ce que des Québécois ont conquis avant vous,
ont établi avant vous, et à partir de quoi vous établissez
votre gloire éphémère, vous avez en tout cas le devoir de
ne pas aller à l'encontre des intérêts des
Québécois. On ne vous demande pas de les devancer, on ne vous le
demande pas, parce qu'on sait à qui vous appartenez, qui vous finance,
qui vous contrôle et sur quelle clientèle électorale repose
votre élection.
Nous ne vous demandons pas de devancer les Québécois, mais
ce que nous vous demandons, au moins, c'est de ne pas les trahir, au moment
où les Québécois commencent de plus en plus à
être fiers d'eux-mêmes, à vivre comme ils sont, avec l'envie
qu'ils ont d'être ce qu'ils sont, à être un peuple qui
commence à se sentir bien dans sa peau, qui commence à exiger
qu'on vive dans sa langue chez lui, comme un homme libre exige qu'il vive dans
sa langue dans sa propre maison. Au moment où les
Québécois affirment, de plus en plus, avoir envie d'avoir un pays
à eux, vous n'avez pas le droit de venir trafiquer des formules
au-dessus de leur tête pour leur faire croire que vous leur donnez ce
qu'ils ont déjà par l'entremise des Anglais depuis deux cents
ans.
Au moins, ayez la décence de dire ce que veut dire votre article
1, si vous refusez l'amendement du chef parlementaire du Parti
québécois. Ayez au moins la décence d'expliquer, sur
toutes les tribunes que vous aurez, que vous n'avez fait que ratifier un
état de fait, en inscrivant quatorze ou quinze droits nouveaux à
l'anglais qu'il n'avait jamais eus. Dites ce que vous faites, sur cette loi, au
moment où vous êtes au gouvernement, ce que vous avez fait dans
l'Opposition quand vous avez voté la loi 63, mais ne maquillez pas une
action politique différente.
Le point de non-retour de ce débat sur la loi 22, M. le
Président, il existe dans l'amendement que vient de présenter le
chef parlementaire du Parti québécois. Par la suite j'aime
autant vous en prévenir tout de suite si vous refusez cet
amendement du Parti québécois, il nous restera par la suite comme
devoir, aux six membres de l'Opposition, représentant ici, j'en suis
convaincu sur cet état, sur cette situation, une majorité de
Québécois ce n'est pas la majorité de
Québécois qui sont désintéressés de ce
problème comme l'est le premier ministre Représentant une
majorité de Québécois, nous n'aurons qu'un devoir à
faire par la suite, celui de nous battre, article par article, multiplier les
amendements, multiplier la procédure pour bloquer cette loi et pour vous
obliger, si vous voulez la passer, à nous passer une fois de plus
par-dessus le corps et, une fois de plus, à profiter de vos droits et
à éteindre, à restreindre les nôtres.
Vous savez à quoi vous vous engagez sur le vote sur cet
amendement. Vous voulez coucher dans votre loi. Vous y coucherez, mais vous
n'entraînerez certainement pas les membres de l'Opposition et vous
n'entraînerez pas les Québécois non plus.
J'ai la conviction, M. le Président, que ce point, cet amendement
où nous demandons simplement au gouvernement que toutes ses formules
avancées, tous ces sparages multipliés alentour de ce
débat, nous demandons simplement que toute cette dissension
ministérielle créée par un trafiquage hypocrite des droits
fondamentaux des Québécois se solde, à un certain moment,
par une décision très claire.
Si c'est cela, si vous en voulez un "filibuster" après cet
article et après cet amendement, vous allez en avoir un et un beau,
parce que nous avons la conviction là-dessus que tous nos droits
parlementaires que vous aurez à faire respecter et que vous aurez
à protéger, tous nos droits parlementaires serviront à une
cause unique, maintenant que vous refusez de faire du français la seule
langue officielle du Québec...
M. BOURASSA: M. le Président, est-ce que le député
me permet une question...
M. CHARRON: ... maintenant que vous vous contentez de la situation
actuelle, il nous restera une chose...
M. BOURASSA: ... parce que je dois partir?
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!
M. CHARRON: ... travailler de toutes nos forces et jusqu'au bout...
M. BOURASSA: Une question.
M. CHARRON: ... pour bloquer une loi qui constituera une trahison des
Québécois. Le moindre petit Québécois, la moindre
Québécoise la moins politisée du Québec...
M. BOURASSA: Une question.
M. CHARRON: ... a plus de coeur et plus de dignité que...
M. BOURASSA: Une question.
M. CHARRON: ... son propre gouvernement lorsqu'elle exige partout que
l'on respecte sa langue.
M. BOURASSA: Oui, c'est assez. Le "show" est fini.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!
M. CHARRON: Le "show" n'est pas fini, parce que vous allez voir que le
"show" commence.
M. BOURASSA: C'est moi qui vais l'arrêter.
M. CHARRON: ... et ce gouvernement sera identifié...
M. BOURASSA: C'est la majorité qui décide.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!
M. BOURASSA: C'est la majorité qui décide au
Québec.
M. BURNS: J'invoque le règlement à l'endroit...
M. BOURASSA: C'est la majorité... M. BURNS: ... du premier
ministre.
M. BOURASSA: ... qui décide.
M. BURNS: On vous demande, M. le Président, d'appliquer l'article
26 même pour le premier ministre.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): II est six heures. La commission suspend
ses travaux à 20 heures ce soir.
(Suspension de la séance à 17 h 59)
Reprise de la séance à 20 h 10
M. LAMONTAGNE (président de la commission permanente de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre,
messieurs!
Le député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, je crois qu'il me reste quelque cinq
minutes.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Cinq minutes.
M. CHARRON: J'ai l'intention de les utiliser seulement après
avoir entendu la réplique du gouvernement sur l'amendement du chef de
l'Opposition.
M. BURNS: M. le Président, sur une question de
règlement...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Maisonneuve,
sur une question de règlement...
M. BURNS: ... j'aimerais quand même vous souligner le fait
suivant. Je m'excuse de paraître teigne, M. le Président, parce
que je reviens constamment avec ce problème depuis deux ou trois jours,
mais c'est à titre d'un des représentants, pas le seul
représentant, de la population du Québec que je vous fais cette
remarque. On m'informe qu'encore une fois il y a des gens à qui on
refuse l'entrée actuellement. Je regarde dans les galeries, M. le
Président, et il me semble qu'il devrait y avoir de la place.
Nous avons le précédent qui nous a été
cité par le premier ministre lui-même, hier, à l'effet que,
lors de la rencontre du ministère des Transports avec des
représentants du groupe des taxis...
M. BERTHIAUME: Des taxis.
M. BURNS: Je suis content de voir le ministre d'Etat aux Transports ici
qui est en mesure de le confirmer. Je pense qu'à ce moment-là on
avait ouvert les galeries au public. Je me demande si on ne devrait pas le
faire. Je ne suis pas en mesure de présenter une motion, parce que je ne
suis pas membre de la commission, M. le Président, mais je vous
soulève le problème. Le problème que nous discutons ici,
le projet de loi, est à ce point d'intérêt public, comme je
le mentionnais cet après-midi, qu'il vise tous les
Québécois en général, de sorte qu'il me semble
qu'on devrait au moins faire l'impossible pour faciliter l'accès au
public. Je vous mentionne également qu'à ma connaissance non
seulement il n'y a pas eu de motion pour le huis clos, mais que la motion pour
le huis clos est même, actuellement, impossible en vertu du
règlement de fin de session. Je me demande pourquoi, M. le
Président, on ne tâcherait pas d'essayer d'utiliser l'espace
normal qui est mis à
notre disposition. Je soulève la question et je vous demande,
comme président de la commission et surtout comme vice-président
de l'Assemblée nationale, s'il n'y aurait pas moyen de régler
cette question et qu'on n'ait pas besoin constamment de revenir avec ce type de
problème.
M. BERTHIAUME: Sur la question de règlement, M. le
Président.
Je connais le précédent qui a été
cité par le député de Maisonneuve, mais les circonstances
étaient passablement différentes dans le temps.
Dans le cas du taxi, nous étions à ce moment-là en
commission parlementaire et nous entendions les témoins, autrement dit,
même le simple chauffeur de taxi, faire un exposé des
problèmes du taxi. Il y avait donc intérêt à ce que
ceux qui devaient intervenir un peu plus tard dans les débats entendent
ce que les premiers disaient. La situation actuelle est un peu
différente de celle-là étant donné que nous avons
décidé, plus tôt cette semaine, qu'il n'y avait pas
d'audition publique à cette commission.
M. BURNS: D'accord, mais est-ce que le ministre veut me dire que tous
ceux qui étaient dans les galeries et tous ceux qui étaient dans
la salle étaient des intervenants à la commission?
M. BERTHIAUME: Pas nécessairement.
M. BURNS: Ah bon! C'est cela. Donc, c'est exactement la même
situation.
M, BERTHIAUME: D'ailleurs, si le député de Maisonneuve
s'en souvient, c'est cela; théoriquement, ils auraient pu l'être
parce qu'à ce moment on n'avait pas précisé qui on
entendrait et dans quel ordre on entendrait les intervenants en question.
M. BURNS: II y en avait combien d'intervenants, M. le ministre?
M. BERTHIAUME: Le député de Maisonneuve se souviendra
qu'à cette occasion, la première intention de la commission
c'était d'entendre tous les intervenants. C'était la
première intention...
M. BURNS: C'est-à-dire tous les individus qui voulaient se faire
entendre.
M. BERTHIAUME: C'est ce que la commission avait souhaité au
début. Après quelques semaines de travaux...
M. BURNS: Vous en avez entendu combien, M. le ministre?
M. BERTHIAUME: Je ne peux pas vous le dire de mémoire. Plusieurs.
Cela avait duré plusieurs jours et finalement la commission
s'était mise d'accord pour régler le problème d'une autre
façon, parce que cela devenait répétitif. Mais quand
même, au moment où les galeries avaient été remplies
par les chauffeurs et les propriétaires de taxi, l'intention de la
commission c'était d'entendre tous les gens. Et je crois que le
député de Lafontaine était là dans le temps.
M. LESSARD: M. le Président, sur la question de règlement,
je suis bien d'accord qu'il s'agissait à ce moment-là d'auditions
publiques, mais en vertu du règlement de l'Assemblée nationale
actuellement, nous n'avons pas à siéger à huis clos. Je
pense que, comme cela a été le cas pour le règlement des
taxis, il y avait un certain nombre de gens qui était
intéressé, mais s'il y avait 200, 250 personnes qui
étaient dans la salle, je pense bien qu'il était facile de
prévoir que ces personnes n'étaient pas toutes venues ici
exclusivement dans l'intention de se faire entendre.
Je pense que, s'il est un projet de loi qui intéresse non
seulement les conducteurs de taxi ou les conducteurs d'autobus mais qui
intéresse tous les Québécois, c'est bien le projet de loi
22. Je pense qu'il serait normal, puisqu'il y a un précédent qui
a été créé en ce sens, qu'on puisse utiliser tout
l'espace qu'on peut utiliser ici au Salon rouge pour permettre aux gens de
venir assister aux séances de la commission parlementaire.
Si, physiquement, c'était impossible, si ça créait
des problèmes d'espace assez considérables, je dirais: Ecoutez,
M. le Président, c'est bien compréhensible qu'on puisse refuser
des gens. Mais, actuellement, on voit que les galeries sont vides, et que ces
galeries pourraient être utilisées pour permettre à la
population, qui est intéressée au problème de la loi 22,
de venir assister aux séances de la commission parlementaire.
M. BERTHIAUME: Normalement, je serais d'accord avec le
député de Saguenay mais l'expérience des derniers jours
n'a pas été très bonne sous cet aspect, dans le sens que
combien de fois, M. le Président...
M. LESSARD: Vous vous faites applaudir continuellement à
l'Assemblée nationale, le premier ministre Bourassa se fait applaudir
par 101 pions, continuellement à l'Assemblée nationale. Est-ce
que les applaudissements qu'on fait aujourd'hui vous dérangeraient?
M. BERTHIAUME: L'intervention du député de Saguenay est
hors du sujet.
M. LEGER: M. le Président, un point de règlement.
M. BERTHIAUME: Je n'avais pas terminé. M. LEGER: Allez-y,
monsieur!
M. BERTHIAUME: De toute façon, je pense que le sens de mon
intervention a été donné, c'est que l'expérience
des derniers jours n'a pas été très bonne. En tant que
député ici présent, je serais disposé à
tenter l'expérience du public qui est présent. Si, au bout de
quelque temps, on s'aperçoit que le public obéit au
règlement et respecte le règlement, je n'aurais pas d'objection
à ce que les galeries d'en haut soient remplies également.
M. LESSARD: II faudrait demander aussi aux députés
libéraux d'obéir aux règlements, à
l'Assemblée nationale.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Lafontaine.
M. LEGER: M. le Président, je pense qu'il faut être
logique. Ce n'est pas parce que dans une assemblée
précédente il y avait des personnes qui ne sont peut-être
même pas ici aujourd'hui et qu'on a eu une expérience alors qu'on
avait vu des femmes...
M. BERTHIAUME: II y en a qui étaient ici cet
après-midi.
M. LEGER: II y en a quelques-unes? Bon, en tout cas, c'est une autre
affaire.
M. BERTHIAUME: Ils applaudissaient.
M. LEGER: Mais le principe qu'il faut défendre, c'est que
l'Assemblée nationale est l'endroit qui appartient à tous les
Québécois.
M. LESSARD: L'Assemblée nationale...
M. BERTHIAUME: On a le droit, on a le droit.
M. LEGER: Qu'on ferme un espace, celui d'en haut, parce qu'on n'en a pas
besoin, parce qu'il y a suffisamment de sièges en bas pour recevoir les
citoyens du Québec, je le comprends. Mais quand le nombre dépasse
la quantité de sièges disponibles en bas et qu'on laisse la
partie d'en haut fermée, je pense que c'est absolument inacceptable. Une
trentaine de personnes attendaient à la porte, quand j'étais
là tantôt, peut-être que cela a augmenté depuis ce
temps. Elles viennent de toutes les régions du Québec. C'est un
projet de loi qui intéresse tous les citoyens du Québec. On a
décidé que c'était uniquement le bas qui était
ouvert. Pour des spectables beauccoup moins édifiants, beaucoup moins
importants, dans les cinémas on laisse les balcons fermés. Mais,
quand le spectacle est tellement intéressant que la population est plus
nombreuse, on ouvre le balcon. Si on le fait dans les cinémas, je pense
qu'on peut le faire pour l'endroit précis où il y a
l'événement important majeur de l'année, et qu'on laisse
entrer les Québécois.
M. LESSARD: D'ailleurs, M. le Président, le Parti libéral
est tellement heureux...
M. BEDARD (Chicoutimi): Question de règlement, M. le
Président.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Chicoutimi sur une question de règlement.
M. LESSARD: ... de voir son projet de loi 22. Il l'aime tellement, son
projet de loi, que vous devriez accepter que la population vienne assister aux
discussions concernant ce projet de loi.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Chicoutimi.
M. BEDARD (Chicoutimi): Sur la question de règlement, M. le
Président, je crois que ce n'est pas parce qu'il y a eu quelques
manifestations qui se sont soldées soit par des applaudissements, des
murmures ou des rires, qu'on doive fermer les portes du Parlement au public en
général.
Je considère que, si on nous apportait une raison
sérieuse, une raison de sécurité, peut-être qu'il y
aurait lieu d'analyser la situation d'une façon toute différente.
Mais je crois sincèrement, M. le Président, que jusqu'à
maintenant les manifestations qu'il y a pu avoir ici sont de la nature de
celles qu'un président de commission peut, à un moment
donné, par certains rappels, maîtriser, contribuant ainsi à
rétablir l'ordre.
Il n'y a aucune raison de sécurité qui ont
été alléguées de quelque façon que ce soit.
D'ailleurs, s'il y en avait, ce serait très futile parce qu'en aucune
façon, je pense, la sécurité de qui que ce soit ici a pu
être menacée de quelque manière que ce soit, en paroles ou
autrement. Je ne verrais pas pour quel motif on pourrait se permettre de fermer
l'accès au public parce qu'il a manifesté à un moment
donné, soit sa désapprobation ou son approbation, que ce soit
pour un côté ou pour l'autre des députés de cette
Chambre.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre de
l'Agriculture...
M. TOUPIN: M. le Président, je suis...
M. LEGER: II y a un message de la part du ministre de l'Education pour
le ministre de l'Agriculture.
M. TOUPIN: II n'y a pas de message. J'ai toujours su dire ce que je
voulais quand je voulais et je n'ai jamais accepté d'être un
porte-message. Il y a seulement une chose que je voudrais dire. D'abord, je
suis d'accord avec le ministre d'Etat aux Transports sur les propos qu'il a
tenus et je voudrais simplement souligner ceci à l'endroit du
député de Lafontaine. Cette
salle n'est pas comparable à un cinéma, je ne pense pas.
On discute des choses trop sérieuses pour qu'on puisse appeler cela du
théâtre. Si vous le jugez comme tel...
M. LEGER: J'invoque le règlement, M. le Président. Le
ministre de l'Agriculture, je pense, est en train de dépasser mes
paroles. J'ai illustré la comparaison de l'importance de ce qui se passe
ici pour l'avenir des Québécois en disant que si, dans une salle
de spectacle de moindre importance, une salle de cinéma, on est capable
d'ouvrir les balcons, je pense que c'est un endroit où les citoyens
veulent entendre ce qui se passe pour leur avenir.
Qu'on ouvre au moins le balcon! J'ai donné un exemple, M. le
Président, pour illustrer la différence de l'importance entre les
deux, mais je ne voudrais pas que le ministre de l'Agriculture se serve de cela
pour minimiser mon argumentation.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): ... rectifier par la suite.
M. TOUPIN: M. le Président, je ne blâme pas le
député de Lafontaine, mais je dis que son exemple est boiteux. Il
aurait pu en...
Pas dans ce cas-ci. Vous avez dit assez souvent cet après-midi
que c'était fondamental laissez-moi terminer que ce sont
des questions de fond pour toute la communauté québécoise,
etc. Je trouve seulement l'exemple du député de Lafontaine
boiteux, parce que, moi, quand je viens à la commission, je n'ai
vraiment pas l'impression d'assister à un spectacle de cinéma ou
à un spectacle de théâtre. Je viens vraiment discuter ou
entendre discuter des problèmes de la communauté
québécoise.
Une autre réflexion que je voudrais faire. Quand le
député de Saguenay dit que le premier ministre est applaudi par
101 pions, est-ce qu'il laisse sous-entendre que ceux qui ont applaudi cet
après-midi sont aussi des pions? J'aimerais qu'on apporte une
précision là-dessus.
M. LESSARD: Aucunement, M. le Président, parce que ces gens, en
vertu de l'article 96, ne viennent pas téléguidés par les
députés du Parti québécois...
M. TOUPIN: M. le Président, je voudrais terminer.
M. LESSARD: ... contrairement aux 101 pions du Parti libéral.
UNE VOIX: Vous perdez de la crédibilité.
M. TOUPIN: Je voudrais simplement terminer, M. le Président.
J'aimerais terminer. Je trouve malheureux, parfois, qu'on emploie des propos
comme ceux-là dans une commission de travail aussi importante que
celle-ci. Je pense que les députés du Parti
québécois sont capa- bles de trouver des exemples plus typiques
que celui donné par le député de Lafontaine. Je crois
aussi que le député de Saguenay qui parle de pions veut
simplement dire je l'espère, en tout cas que les gens
applaudissent.
C'est encore pire. J'espère que cette salle n'est pas remplie de
marionnettes et j'espère que ces gens sont venus ici pour écouter
parler sérieusement des problèmes de la langue au Québec.
Personnellement, en tout cas, je n'accepte pas qu'on compare, autant les
députés de l'Assemblée nationale que les gens de cette
salle, à des pions ou à des gens qui viennent participer à
des pièces de théâtre.
M. LESSARD: Après ces remarques, je souhaite vous entendre sur le
projet de loi 22.
M. TOUPIN: M. le Président, je vais parler sur l'amendement
tantôt.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le chef de l'Opposition officielle.
M. MORIN: Il y a deux jours, M. le Président, j'ai dit que je
craignais que l'apathie des citoyens du Québec ne marque ce
débat. Je me demande même si ce n'avait pas été
précisément l'intention du gouvernement de tenir le débat
dans la seconde quinzaine du mois de juillet, alors que la plupart des
Québécois sont absents, si ce n'avait pas été son
intention d'agir de la sorte pour que, précisément, le
débat se tienne en marge de l'opinion publique
québécoise.
J'ai même laissé entendre, tellement était vive mon
inquiétude, que ce débat pourrait se dérouler
littéralement à huis clos par rapport à l'opinion publique
québécoise.
M. le Président, je m'étais trompé. A mon heureuse
surprise, je dois le dire, les Québécois se réveillent et
affluent de plus en plus nombreux et de toutes les régions du
Québec, comme on l'a souligné tout à l'heure, pour
être témoins de l'un des débats les plus importants de
notre histoire parlementaire. Tous les débats sur la langue ils
ont été nombreux depuis bientôt deux siècles que
cette Assemblée existe ont donné lieu à des
séances comme celles-ci et à un grand afflux de la population. Il
n'est que de se rappeler le tableau qui se trouve dans la salle de
l'Assemblée, où l'on débatit le 23 janvier 1793,
précisément une question comme celle-ci, le statut de la langue
française. Vous pouvez voir sur le tableau que la galerie est pleine de
monde. On n'avait pas peur des Québécois à cette
époque. Je me réjouis de ce que les Québécois
semblent enfin se réveiller. Ce ne sont sûrement pas quelques
petites manifestations qui peuvent avoir raison du courage des
députés présents d'un côté comme de
l'autre.
Votre projet de loi vous paraît tellement bon que vous ne devriez
pas avoir peur de le défendre devant les Québécois.
Même c'est une
très belle occasion que vous avez, messieurs les
ministériels, de le défendre et même de persuader les
citoyens qui sont ici que votre point de vue est le bon.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! Je ne
permets pas de débat sur une question...
M. MORIN: Très bien. Je termine en disant qu'il me paraît
inconvenable qu'on ferme les portes du parlement à ces gens, à
plusieurs dizaines de personnes, alors qu'il y a de la place, qu'on pourrait en
aménager.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Chicoutimi.
M. BEDARD (Chicoutimi): Simplement, suite à l'intervention du
ministre de l'Agriculture qui laissait entendre que l'exemple du
député de Lafontaine était boiteux lorsqu'il a fait
allusion à une salle de cinéma ou à une salle de
théâtre. Je suis d'accord avec lui que le ton de ces débats
doit être sérieux. C'est malheureux qu'il n'ait pas
été ici tout l'après-midi, parce qu'il aurait
été dans l'obligation de rabrouer son chef, l'honorable premier
ministre, qui a continuellement accusé chacun de ceux qui sont
intervenus cet après-midi avec une idée d'apporter un
élément positif au débat, de vouloir uniquement faire du
théâtre.
J'espère qu'avec sa présence, ce soir, le ton sera plus
sérieux et plus positif pour la discussion sur un sujet aussi important
pour l'ensemble des Québécois.
M. TOUPIN: Bon! Je l'espère aussi, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): J'ai permis plusieurs interventions sur
cette question pour permettre un peu plus d'information à ceux qui nous
visitent ce soir peut-être pour la première fois. Comme plusieurs
le savent, plusieurs représentations ont été faites
à celui qui a l'autorité pour décider d'une telle mesure,
à savoir le président de l'Assemblée nationale.
Le député de Maisonneuve a lui-même, cet
après-midi, pour le bénéfice de nos visiteurs,
rencontré M. le président et, pour des raisons qui lui ont
été expliquées, ce dernier a refusé, pour
aujourd'hui du moins il m'a fait part de sa décision avant de
partir ce soir à six heures de donner l'autorisation d'ouvrir les
galeries ce soir.
Quant à moi, j'ai écouté avec beaucoup d'attention
ce qui s'est dit sur les avantages qu'il y aurait à ouvrir les galeries,
et je tiendrai bonne note de la bonne marche des délibérations ce
soir, à savoir si le climat qui régnera dans la salle pourra
permettre une recommandation personnelle à celui qui doit prendre la
décision.
M. CHARRON: M. le Président, puis-je vous poser une seule
question? Je suis membre en titre de la commission parlementaire et j'ai donc
le pouvoir de soumettre des motions à cette commission. Si une motion
émanant de ma part était adoptée par l'assemblée,
comme motion incidente, M. le Président, en vertu de notre
règlement, et que cette commission se prononçait pour l'ouverture
des galeries de l'ancien Conseil législatif qui aurait l'occasion
de se rajeunir est-ce que vous croyez que cette décision de la
commission pourrait, dans tout le respect que nous devons à M. le
président de l'Assemblée nationale, être
considérée comme une décision démocratique prise
par des élus de la population, et qu'ainsi la cinquantaine de personnes
qui attendent à la porte pourraient avoir accès à la
galerie?
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je conviens qu'une telle motion, si elle
était reçue, pourrait être acceptée par la
commission. Mais je crois que le député de Saint-Jacques est fort
conscient des responsabilités du président, et pour des raisons
qui lui appartiennent et comme responsable de la bâtisse de
l'Assemblée nationale, je crois que ce ne serait pas normal de contester
une telle décision.
Cependant, nous avons ce soir une grande assistance, comme on vient de
le mentionner, et si, ce soir, comme vice-président de
l'Assemblée nationale, je m'aperçois que le climat permet de
telles choses, parce qu'il y a tout de même un exemple... Comme plusieurs
l'ont mentionné, si c'est comme les jours précédents, je
ne dirai certainement pas au président que le climat a été
bon.
Cependant, le président a décidé de telle
façon. Je suis lié personnellement par sa décision, qui
implique du personnel, mais rien n'empêche que de nouvelles
représentations soient faites auprès de lui pour les jours
subséquents.
M. CHARRON: M. le Président, je pense que l'attitude de ceux qui
assistent à cette commission, depuis que nous avons repris la
séance, est une excellente indication de la façon dont nous
ferons nos débats ce soir. J'ai presque envie, à moins que vous
ne me le décommandiez fortement, sans vouloir retarder les travaux de la
commission, puisque nous pourrions soumettre cette motion au vote très
rapidement, de me prévaloir de mon droit de député, membre
de cette commission, de faire une motion à l'effet que soient ouvertes
les galeries supérieures encore une fois, avec tout le respect
que nous devons au président, qui a quitté l'Assemblée
nationale pour probablement la soirée et la journée de demain.
Nous prendrions sur notre responsabilité, comme membres de la
commission, le fait que nous ayons décidé d'ouvrir les portes de
l'assemblée ce soir.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je vous demande votre compréhension
en ce qui concerne ce problème particulier que vous soûle-
vez. Il m'est franchement assez difficile, à ce moment-ci, de
permettre une telle motion, même si elle est acceptable ou non. Ce n'est
pas dans ce sens que je voudrais en discuter.
Comme il y a d'autres séances de la commission à partir de
demain, je vous inviterais à faire de nouvelles représentations.
Je n'ai pas été partie moi-même aux représentations
qui ont été faites, sauf que le président m'a avisé
personnellement de ne pas faire ouvrir les galeries. Je suis donc lié
par une décision de celui qui représente l'autorité.
M. BURNS: Question de règlement.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de
Maisonneuve.
M. BURNS: La commission est elle-même maîtresse de ses
dispositions ou de ses agissements. Ce midi même, lorsque
l'Assemblée nationale qui est quand même supérieure
aux commissions s'est ajournée, j'ai posé la question sur
les heures d'ajournement de cette commission au leader du gouvernement. H a
tenté de se payer ma gueule en me répondant, avec une ignorance
crasse dont il est capable à certains moments, que la commission
était maîtresse de ses travaux.
Nous sommes en totale maîtrise, je pense, de ce qui peut se faire
ici. La pièce qui nous a été désignée, soit
dit en passant, par l'Assemblée nationale, est également en
totale maîtrise par nous. Ainsi, je pense qu'une motion qui serait
déposée par le député de Saint-Jacques, à
l'effet d'ouvrir les galeries supérieures au public, devrait être
normalement tout à fait recevable. Ceci, encore une fois, comme le
disait le député de Saint-Jacques, avec tout le respect que nous
avons pour l'opinion du président de l'Assemblée nationale ainsi
que pour votre opinion, vous aussi, M. le Président.
M. HARDY: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Excusez.
M. HARDY: Oui.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je voudrais tout de même apporter un
commentaire.
Il ne s'agit pas d'une opinion que j'émets et je pense que
le leader de l'Opposition officielle le sait fort bien mais du respect
d'une décision de celui qui est maître des lieux. Je ne vois aucun
inconvénient à ce que vous fassiez de nouvelles...
M. BURNS: M. le Président, si l'Assemblée nationale nous
dit que nous pouvons établir nos travaux, ici, à la commission,
selon ce que les députés en pensent, il me semble que le
président de l'Assemblée nationale, lui qui est le serviteur de
l'Assemblée nationale, est, tout au moins, aussi soumis aux
décisions de ce que la commission pourra décider dans le cadre de
son mandat. C'est tout.
M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement sur la
motion ou l'embryon de motion du député de Saint-Jacques.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre des Affaires
culturelles.
M. HARDY: En disant ceci, bien sûr, je reconnais, avec le
député de Maisonneuve, que dans le cadre de son mandat la
commission est totalement souveraine, totalement maîtresse de ses
décisions, mais bien dans le cadre de son mandat.
Je ne sache pas, M. le Président, que le mandat qui nous a
été donné, d'étudier le projet de loi 22 dans ses
détails, nous donne le droit de modifier la Loi de la
Législature.
La responsabilité des bâtiments, la responsabilité
du palais législatif, dont nous sommes dans une des parties, ressort du
président de l'Assemblée nationale. Ce n'est pas une commission
qui peut, par une motion, et je dirais même que ce n'est pas
l'Assemblée nationale qui peut, par une motion, modifier la
responsabilité du président de la Chambre qui lui est
attribuée en vertu d'une loi. Ce changement de responsabilité du
président de l'Assemblée nationale, à l'Assemblée
nationale ou à une commission, ne pourrait se faire que par une
modification à la Loi de la Législature. Je pense donc que nous
n'avons pas le pouvoir de prendre des décisions qui appartiennent
normalement au président.
Deuxième point qui, je le reconnais, est peut-être moins
fort que le premier, on pourrait prétendre qu'analogiquement la
décision que le président de la Chambre a prise cet
après-midi, avant de quitter, est une décision du
président et, analogiquement, comme nous ne pouvons pas en appeler d'une
décision du président, adopter la motion du député
de Saint-Jacques serait, en quelque sorte, en appeler d'une décision que
le président a déjà prise. Non pas une décision sur
le règlement et c'est pour cela que j'ai dit analogiquement.
M. LESSARD: Une décision à l'Assemblée
nationale?
M. HARDY: M. le Président, est-ce que je peux terminer mon
point?
M. LESSARD: Ecoutez, votre deuxième point est ridicule.
M. HARDY: C'est possible. Vous direz tantôt qu'il est ridicule et
pourquoi il l'est. S'il fallait que j'intervienne à chaque fois que vous
êtes ridicule, vous ne parleriez jamais.
M. BURNS: M. le ministre...
M. HARDY: Voulez-vous me laisser terminer?
M. BURNS: D'accord. C'est vraiment de bonne foi que je vous pose la
question suivante. Et passant par le président au ministre, je pose
à M. le président, au ministre, la question suivante, s'il veut y
répondre, s'il pense qu'elle mérite une réponse. C'est une
suggestion constructive que je fais.
Vu que vous placez, vu que le ministre place l'opinion du
président au-dessus de tout, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, tout
simplement, devant la situation actuelle, devant le calme, me semble-t-il,
total de la commission, de tenter, dans les quelques minutes qui viennent, de
communiquer avec le président et lui demander, par voie
téléphonique, son opinion à ce sujet.
Possiblement qu'il changerait d'avis. Je l'ignore. Je vous parle d'une
suspension d'une minute ou deux ou trois. Si on ne peut pas le rejoindre,
à ce moment-là, laissons tomber, mais...
M. HARDY: M. le Président, je n'ai pas d'objection, parce que ce
serait tout à fait régulier, à ce qu'on communique avec le
président, mais dans la mesure où nos travaux se poursuivent. On
n'est pas pour suspendre nos travaux pour aller appeler le
président.
M. BURNS: Qu'on le fasse en continuant nos travaux !
M. HARDY: On peut très bien poursuivre nos travaux et on peut
communiquer avec le président. Je n'ai pas d'objection.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Comme je vous le dis, c'est la
décision du président et non pas la mienne. L'honorable
député de Maisonneuve le sait fort bien. Il est parti de
Québec vers six heures. Je vais demander à quelqu'un de l'appeler
immédiatement à Montréal, à sa résidence. Je
vous donnerai la réponse aussitôt que je l'aurai, dans les minutes
suivantes.
M. LESSARD: M. le Président...
M. HARDY: Cela ne fait pas votre affaire?
M. LESSARD: ... sur le point de règlement. Encore une fois, je
vous souligne que la commission de l'Assemblée nationale est
maîtresse de ses décisions. Lorsque vous parlez d'une
décision du président, je suis bien d'accord avec le ministre des
Affaires culturelles qu'une décision du président, qui est prise
à l'intérieur de l'Assemblée nationale ou par
vous-même, parce que vous êtes actuellement président de
cette commission parlementaire et, à ce titre, vous remplacez le
président de l'Assemblée nationale ne peut être remise en
question. Je suis bien d'accord que nous ne pouvons pas remettre en question
une décision du président de l'Assemblée nationale
à l'intérieur de ses fonctions comme président de
l'Assemblée nationale et lorsqu'elle est prise à
l'intérieur de l'Assemblée nationale. Si le député
de Saint-Jacques fait la motion que nous puissions ouvrir les galeries afin de
permettre aux gens de pénétrer à l'intérieur de
cette enceinte, je pense que vous devez, comme président de
l'Assemblée, président de la commission de l'Assemblée
nationale, recevoir cette motion et il appartiendra... Je continue, M. le
Président.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Ecoutez. On pourrait...
M. LESSARD: Je parle sur un point de règlement.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je voudrais vous rappeler que j'ai
donné suite à la suggestion du député de
Maisonneuve.
M. LESSARD: Je vous indique, M. le Président, que, si le
député de Saint-Jacques fait la motion pour qu'on puisse ouvrir
les galeries, à ce moment-là, vous êtes obligé de
recevoir la motion. Il s'agit d'une motion qui est faite en bonne et due forme
parce que le président de l'Assemblée nationale vous a
délégué ce soir ses pouvoirs. C'est vous, M. le
Président, qui êtes président, ce soir, de la commission
parlementaire. Or, la commission parlementaire est maf-tresse de ses
décisions. Si le député de Saint-Jacques fait une motion,
il appartiendra aux députés membres de cette commission
parlementaire d'accepter ou de refuser la motion du député de
Saint-Jacques.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Si vous me le permettez, je serais
porté à vous donner un exemple. Vous continuerez
après.
M. LESSARD: A moins que vous ne me disiez, M. le Président, que
la motion du député de Saint-Jacques n'est pas recevable. Si
c'est cela, M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je vais vous donner un exemple...
M. LESSARD: Si c'est le cas, M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): ... qui vaut ce qu'il vaut. Admettons
qu'il y a une motion faite par le député de Saint-Jacques pour
aller en haut et que cette motion est adoptée unanimement...
M. CHARRON: Pas moi moi, je reste ici le public.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le public, et cette motion est
adoptée unanimement mais que c'est le président qui a la
clé et qu'on n'est pas capable de monter.
M. LESSARD: M. le Président, j'en doute. Les clés...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): C'est pour dire qu'une commission est
maîtresse de ses travaux, de ses délibérations et non pas
des lieux physiques.
M. BEDARD (Chicoutimi): Je ne crois pas qu'on soit pris avec un
problème de clés pour l'accès au parlement.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Pour le moment, vous le savez fort bien,
comme parlementaires; je n'aimerais pas que vous donniez l'impression à
ceux qui nous visitent que c'est une chose qu'on peut débattre
facilement. Vous savez très bien, pour y vivre continuellement depuis
quatre ans, comment ça marche, la prérogative du
président.
M. LESSARD: Est-ce que vous me dites que vous n'avez pas la clé
des galeries en haut?
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je vous donne un exemple pour dire que les
lieux physiques n'intéressent pas la commission. Ce n'est pas notre
travail. Notre travail, c'est que, si nous voulons entrer dans une salle, il
faut demander la permission à celui qui a l'autorité pour nous
ouvrir cette salle. Dans les circonstances, la commission parlementaire est
maîtresse de ses travaux et délibérations mais non pas des
lieux physiques qui l'entourent. Or, les lieux physiques ici, ceux-ci comme les
autres, sont régis par le président de l'Assemblée
nationale, seul. Or, la décision qu'il m'a communiquée, et que
nous vérifions à nouveau par téléphone, est celle
qui a été communiquée au leader parlementaire de
l'Opposition.
M. LESSARD: M. le Président, dans ces circonstances,
pourriez-vous m'indiquer en quoi vous avez le pouvoir de faire évacuer
la salle?
M. HARDY: En vertu du règlement, lisez-le.
M. LESSARD: Bon, exactement. Je vous dis exactement, en vertu du
règlement, actuellement, le député de Roberval est
président de l'Assemblée nationale...
M. BERTHIAUME: C'est sa région et il ne la connaît pas.
M. LESSARD: Comme président suppléant, il remplace le
président. Or, en vertu du règlement, c'est la commission
parlementaire qui est maîtresse de ses décisions et c'est
actuellement le président de la commission de l'Assemblée
nationale qui a tous les pouvoirs du président de l'Assemblée
nationale. Je termine sur ça, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je vais attendre. Comme vous le saviez
d'ailleurs, bien avant de prendre la parole, ce n'est pas moi qui ai la
décision là-dessus; je dois attendre la décision, mais
ça peut créer une bonne impression. Le ministre de
l'Education.
M. CLOUTIER: M. le Président, la motion que j'ai
présentée cet après-midi, à l'effet d'adopter
l'article 1, n'aura certainement pas été inutile. En effet, elle
nous a permis d'entrer dans le coeur du débat, ce que souhaitait le
gouvernement depuis le début des séances de cette commission.
Sans doute a-t-il été nécessaire de forcer un peu les
événements, étant donné les nombreux débats
de procédure sur lesquels nous nous sommes attardés. Je vais
essayer d'exprimer, le plus sobrement possible, quels sont les arguments qui
nous poussent à considérer que l'amendement apporté par le
chef de l'Opposition est non nécessaire et se prêterait à
des difficultés d'interprétation. Ce faisant, je suis
parfaitement conscient qu'il n'est pas facile de présenter des arguments
alors que les arguments émotifs, l'appel aux passions sont infiniment
plus populaires. Cependant, en tant que membre d'un gouvernement qui cherche
à apporter une solution raisonnable, une solution réaliste, une
solution qui tient compte du contexte québécois à un
problème extrêmement complexe, le problème linguistique, il
m'appartient, malgré tous les risques que cela comporte, de parler sur
ce ton.
M. le Président, j'ai déjà eu l'occasion de dire
que cette loi n'était pas le résultat d'une improvisation, mais
était basée sur les très importantes études de la
commission Gendron qui se sont poursuivies pendant quatre années. Et je
me contente uniquement de lire deux citations de la commission Gendron qui me
paraissent pertinentes au débat actuel.
La première se trouve à la page 22 du volume II,
intitulé: "Les droits linguistiques". Il s'agit d'une définition
de "langue officielle". "Le terme "langue officielle" désigne tout
simplement la langue que l'Etat a estimé à propos d'appuyer de sa
puissance pour l'usage public, soit par une loi constitutionnelle, soit; le
plus souvent, par une loi ordinaire. Il peut y avoir plus d'une langue
officielle. Etc., etc."
Je retiens cette définition parce qu'elle correspond à la
définition de "langue officielle" que reconnaît le projet de loi
22. Je désire citer également la recommandation de la commission
sur laquelle s'est basé, en partie, le gouvernement. Cette
recommandation se trouve à la page 78 du même volume: "La
commission recommande au gouvernement québécois de proclamer
immédiatement le français langue officielle du Québec, et
le français et l'anglais langues nationales du Québec, sans
porter atteinte au caractère particulier de langues publiques
fédérales dont jouissent censément le français et
l'anglais en vertu de l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique aux fins y énoncées. Ainsi le français
deviendrait la
langue officielle et le français et l'anglais langues nationales
du Québec".
Nous n'avons pas retenu la partie de la recommandation qui visait
à faire du français et de l'anglais les langues nationales. Nous
avons retenu uniquement la partie de la recommandation qui visait à
faire du français la langue officielle, mais nous avons tenu compte de
la réserve énoncée dans cette recommandation en ce qui
concerne l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.
J'ai dit tout à l'heure que j'entendais apporter une
argumentation pour montrer que l'amendement du chef de l'Opposition, qui ajoute
le mot "seule" au texte de l'article 1, est non nécessaire et difficile
d'interprétation. En effet, qu'accomplit ou que tente d'accomplir
l'article 1? L'article 1 énonce très clairement un principe: Le
français est langue officielle. Cependant, il faut tenir compte
également de l'article 5 qui se lit de la façon suivante: "Le
présent titre puisqu'il se rapporte à tout un chapitre de
la législation règle les effets juridiques de l'article
1".
En effet, M. le Président, nous aurions pu nous contenter de
faire une loi avec un seul article et dire que le français devenait
langue officielle. Certains l'auraient peut-être souhaité. Nous
pensons que nous n'aurions strictement rien obtenu comme résultat si
nous avions procédé de cette façon et qu'il était
absolument essentiel, après avoir établi le principe, de
déterminer, étant donné le contexte
québécois où il y a une majorité mais aussi une
très importante minorité de 20p.c, la plus importante
minorité de toutes les provinces canadiennes, qu'il était
essentiel de déterminer, dis-je, dans chacun des secteurs de
l'activité québécoise, quelle était la place du
français, place de toute façon prioritaire partout, et quelle
était également la place de l'anglais.
Je dis tout de suite que la place de l'anglais est ramenée
à des règles d'usage et que, dans le projet de loi 22, quoiqu'on
prétende, l'anglais n'a pas le statut de la langue officielle.
Je crois qu'au cours de la discussion article par article, chaque fois
que le problème se posera, il sera possible d'en apporter la
démonstration.
L'anglais n'a pas de statut officiel, mais il est accepté au
niveau des communications individuelles, et dans deux régimes
particuliers, l'un prévu à l'article 9 et l'autre prévu
à l'article 13. Il fait également l'objet d'une reconnaissance
admise par tous dans le secteur scolaire. Ceci correspond entièrement,
comme j'ai eu l'occasion de l'indiquer au cours de mon discours de
deuxième lecture, à la tendance de tous les gouvernements qui
protègent, par des régimes particuliers ou des dispositions
spéciales, les droits d'une minorité. Ceci, je l'affirme,
n'enlève en rien le fait que le français est la langue
officielle.
Ce projet de loi ne consacre absolument pas, précisément
à cause de tout ce que je viens de vous dire, le bilinguisme, même
s'il détermine et je dois me répéter des
règles d'usage pour ce qui est de l'anglais.
Cependant, M. le Président, il est important, sur le plan de la
légalité, d'examiner deux lois, plus exactement une loi et
l'article 133 de la constitution. La loi est la loi sur les langues officielles
et l'on pourrait se demander si, par cette loi, l'anglais ne deviendrait pas,
comme le français d'ailleurs, langue officielle au Québec.
Il se trouve que cette loi ne porte que sur les institutions
fédérales et non les institutions provinciales. Par
conséquent, il est exact de dire que le français comme l'anglais
sont langues officielles, mais dans le cadre des institutions
fédérales. Il en découle que le projet de loi 22 consacre
indiscutablement le statut de français, langue officielle, qui se
trouve, à ce moment, à être la langue officielle unique.
C'est uniquement dans une loi fédérale, qui a une application
extrêmement restreinte puisqu'elle ne touche qu'aux institutions
fédérales, que le français et l'anglais peuvent avoir une
égalité.
Plus intéressant encore et je ne doute pas que le chef de
l'Opposition tendra l'oreille à cause de son intérêt dans
le domaine constitutionnel est l'article 133. L'article 133, je me dois
de le relire, parce qu'il apporte, je crois, une information utile: "Dans les
Chambres du Parlement du Canada et de la Législature du Québec,
chacun pourra, dans les débats, faire usage de la langue anglaise et de
la langue française, mais les registres et les procès-verbaux des
chambres susdites devront être tenus dans ces deux langues. Dans tout
procès porté devant un tribunal du Canada, établi en vertu
de la présente loi ou devant un tribunal du Québec, chacun pourra
faire usage de l'une ou de l'autre de ces langues dans les procédures et
les plaidoyers qui y seront faits ou dans les actes de procédures qui en
émaneront.
Les lois du Parlement du Canada et de la Législature du
Québec devront être imprimées et publiées dans l'une
et l'autre de ces langues."
C'est tout ce que dit l'article 133, et il accorde des droits, tant aux
francophones qu'aux anglophones il est extrêmement important de le
comprendre dans un secteur extrêmement limité qui est la
possibilité de s'exprimer dans un Parlement, dans le Parlement avec,
comme conséquence, la publication de certains documents en
français et en anglais et la possibilité de s'exprimer devant les
cours de justice, c'est-à-dire d'être jugés dans leur
langue. Ce sont là des droits que nous considérons être
tels que, même si nous abrogions l'article 133 et certains juristes
croient que cela aurait été possible nous aurions
été obligés, dans le projet de loi 22, de nous redonner,
à nous francophones, les droits que nous aurions voulu conserver qui
étaient déjà protégés par l'article 133, et
très certainement de donner à la minorité anglophone ces
droits que nous lui reconnaissons, parce que nous considérons que ce
sont là des droits sacrés pour les individus.
Par conséquent, cet argument de l'abolition
de l'article 133 n'a pas pour nous tellement de signification, parce que
nous pouvons admettre très volontiers cette possibilité, mais, de
toute façon, nous avons fait un choix délibéré.
Mais ce qui me paraît beaucoup plus important, c'est que
l'interprétation que l'on peut donner de l'article 133 nous pousse
à la conclusion qu'il ne détermine pas nécessairement deux
langues officielles, même dans ce secteur extrêmement restreint.
Ceci vient renforcer encore mon argumentation, à savoir qu'en disant que
le français est la langue officielle, nous couvrons véritablement
tout ce que nous voulons couvrir. Je me reporte à la consultation du
professeur McWhinney que j'ai déposée au début de
l'étude de l'article 1, je me reporte à la page 2 de cette
consultation. Vous me permettez d'en citer quelques extraits en anglais, parce
que la consultation est parvenue deux jours seulement avant le début des
travaux de la commission ; même pas, elle est parvenue il y a deux
jours.
J'ai commencé à la faire traduire, mais elle devra
être approuvée, puisqu'il s'agit d'un texte de légiste, par
le professeur McWhinney lui-même. Je m'excuse si je n'ai pas un accent
aussi pur que le chef de l'Opposition; je n'ai malheureusement pas pu
fréquenter d'institution anglophone. J'ai appris l'anglais dans la rue
et de mon mieux.
L'argumentation du professeur McWhinney se base sur ce qu'il appelle
"the ordinary rules of statutory construction. The merit of these rules,
dit-il, is their clarity and simplicity and their correspondence to the
dictates of ordinary common-sense". C'est là, semble-t-il, une
règle d'interprétation. Ce qui est particulièrement
important et je me permets de le souligner, c'est ceci: "Examined on this basis
il parle de l'article 133 as a simple exercise in statutory
interpretation, without any ideological preconceptions one way or other, it is
remarkable how clear and concise Section 133 of the BNA Act is. It is not a
definition of "Official Languages" as such; and that would, in any case, have
been alien to the approach of British legislators in 1867, who were not, after
all, engaged in the drafting of abstract dictionary definitions but in
articulating rules or guidelines for solving concrete problems or shaping and
controlling legislative action for the future".
Soit dit en passant, c'est exactement l'approche du projet de loi 22 qui
cherche à trouver des solutions à des problèmes
précis, dans un contexte précis. Il en découle, et je cite
à nouveau le professeur McWhinney : "Section 133 says no less and also
no more than this; In particular, it says nothing at all about "Official
Languages"; nothing at all about equality of languages; nothing at all about
rules of interpretation in the case of texts in the two languages". Bien qu'il
s'agisse là d'une opinion je l'admets volontiers et on trouve une
opinion similaire dans les vastes enquêtes de la commission Gendron
on peut quand même en conclure que ce que fait l'article 133,
c'est de déterminer des règles pratiques et des règles
précises pour l'usage des deux langues. Contrairement à la Loi
des langues officielles, mais dans ce secteur très précis et
très limité, des institutions fédérales, il ne
crée pas nécessairement deux langues officielles.
Je prétends donc qu'en disant que nous faisons du français
la langue officielle du Québec nous couvrons entièrement la
situation. Nous ne donnons en rien un statut analogue à l'anglais,
même si, dans le corps de la loi, nous apportons des règles
d'usage et des régimes spéciaux dans l'esprit dont je vous ai
parlé. Je crois qu'il est extrêmement important de se rendre
compte de cela. C'est la raison pour laquelle je ne crois pas qu'il soit
nécessaire d'ajouter "la seule langue officielle", parce que "la langue
officielle" couvre exactement ce que nous voulons accomplir. En revanche, le
fait d'ajouter "la seule langue officielle" créerait des
difficultés d'interprétation considérables et nous
amènerait peut-être le risque, je dirais même certainement
de contestations judiciaires inutiles. C'est peut-être un risque que nous
serions prêts à courir. C'est un risque considérable contre
lequel le chef de l'Opposition nous prévenait cet après-midi
même ou ce matin. Il nous disait: Soyez extrêmement prudents. Ne
courez pas le risque d'une contestation judiciaire. Quel que soit le
mérite de votre loi, il ne faut surtout pas que le gouvernement du
Québec prenne ce risque. C'est justement ce risque que nous n'avons pas
voulu prendre, serait-il ténu; mais nous l'aurions pris sans
hésiter, aurions-nous pensé que nous ne réussissions pas
par notre article à faire du français la langue officielle. Le
fait d'ajouter "seule", par conséquent, créerait des
difficultés d'interprétation qui ne paraissent pas
justifiées. De plus, il déterminerait au sein de la
collectivité, qui est déjà suffisamment bouleversée
par une démarche aussi importante et aussi difficile que celle que le
gouvernement a entreprise, des problèmes, à savoir qu'il serait,
à ce moment, trop facile, de croire que le gouvernement
institutionnalise l'unilinguisme.
Or, le gouvernement n'institutionnalise pas l'unilinguisme et
n'institutionnalise en rien le bilinguisme. Ce que le gouvernement fait, c'est
que, par son article qui détermine le français la langue
officielle, il institutionnalise le français langue officielle.
Sans donner de statut particulier à l'anglais, il
reconnaît, sur le plan pratique, deux régimes particuliers que je
vous ai cités, et également des droits individuels de
communication comme il se doit lorsqu'on tient compte de l'ensemble du contexte
québécois. Je ne reviens pas là-dessus, m'y étant
longuement attardé au cours de ma deuxième lecture. Je
m'arrête là, M. le Président, me gardant également
cinq minutes sur mon temps de parole, et je crois que cette argumentation fonde
l'attitude que
prendra le gouvernement en présence de cet amendement.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le chef de l'Opposition officielle.
M. MORIN: Puis-je vous demander combien de temps j'ai à ma
disposition, M. le Président?
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Dix minutes.
M. MORIN: Merci.
Depuis cet après-midi, nous avons entendu un certain nombre
d'arguments pour justifier...
M. HARDY: M. le Président, il faudrait peut-être que vous
avertissiez que, si le chef de l'Opposition exerce maintenant son droit de
réplique...
M. MORIN: Non, ce n'est pas un droit de réplique.
M. HARDY: Ah bon!
M. MORIN: Cest mon droit de parole tout simplement.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'intérieur de 20 minutes
d'amendement.
M. MORIN: Je n'avais pas épuisé le temps qui
m'était alloué.
M. CLOUTIER: II est peut-être bon de le souligner.
M. MORIN: M. le Président, depuis cet après-midi, nous
avons entendu un certain nombre d'arguments de la part du premier ministre et
de la part du ministre de l'Education, expliquant, tentant de donner les
raisons pour lesquelles le gouvernement refuse l'amendement du Parti
québécois.
Le premier ministre, à plusieurs reprises au cours de ses
interruptions cet après-midi, nous a laissé entendre que le mot
que nous proposions d'ajouter était redondant, parce que, dit-il, quand
on dit: La langue officielle, ce n'est pas nécessaire de dire la seule,
les deux choses signifieraient exactement la même chose, "la" et "la
seule". Et le ministre ce soir, dans une argumentation qui, je dois le dire, ne
manque pas de talent quant à la forme mais je dirai ce que je
pense du fond dans un instant de la part d'un homme qui n'est pas
juriste, et qui semble avoir maîtrisé les bases du raisonnement
constitutionnel.
On nous a dit...
M. HARDY: Cest vrai.
M. MORIN: ... que le mot "seule" serait redondant. Eh bien, pour deux
raisons, M. le Président, il n'en n'est pas vraiment ainsi. Tout
d'abord, j'invoquerai des arguments de gros bon sens, et ensuite des arguments,
peut-être plus subtils, donc moins convaincants, de droit
constitutionnel.
Le gros bon sens d'abord. On nous a dit que c'est redondant, et pourtant
nous sommes au coeur du sujet. N'importe qui peut très bien comprendre
la différence entre "le français est la langue officielle du
Québec" et "le français est la seule langue officielle du
Québec". Demandez cela à n'importe qui dans la rue. Il va vous
expliquer la différence.
Au cours du débat qui va suivre sur les autres articles
les 129 autres articles nous allons souvent être perdus dans les
méandres du droit, mais cette fois nous sommes vraiment au coeur du
sujet. L'article 1 réserve tout le débat, en fait. L'article 1,
le préambule et l'article 2, à eux seuls, contiennent tout le
débat de fond. Est-ce que, oui ou non, le français va être
la langue des Québécois, la langue officielle du
Québec?
La question est claire. Nous avons le choix. Cette commission a le
choix, à l'occasion de ce vote, sur un seul mot, dont le contenu en
éloquence et en signification est cependant considérable.
A propos de ce seul mot, nous avons à décider si nous
voulons qu'il y ait une seule, une unique langue officielle au Québec ou
si nous voulons le bilinguisme. Si nous choisissons de dire que le
français est "la seule" langue officielle au Québec, c'est net,
c'est précis, sur le plan du bon sens comme sur le plan constitutionnel.
Il faudra, naturellement, qu'un certain nombre d'amendements soient
apportés dans la suite du débat aux autres articles, parce que
cette prémisse entraîne des conséquences
considérables.
Tandis que si nous refusons, dès maintenant, le français
comme étant "la seule" langue officielle, par la suite nous pourrons
avoir l'article 2 qui va nous mettre les lois anglaises et françaises
sur le même pied d'officialité, ainsi qu'une quinzaine d'articles
qui reconnaîtront des droits de caractère officiel à la
langue anglaise. Et on pourra toujours nous dire: C'est tout à fait
conciliable avec l'article 1, lequel ne dit pas que le français est "la
seule langue" officielle.
Nous nous trouverons devant une situation, qui est sans doute celle que
recherche le gouvernement, où nous concilierons la chèvre et le
chou. Le chou, d'abord, qui ne désire pas être mangé, et
nous lui ferons plaisir en lui disant que sa langue est officielle. La
chèvre qui, elle, ne voudrait pas abandonner son appétit pour
l'économie québécoise, à qui nous dirons: Mais oui,
les lois seront en langue anglaise aussi bien qu'en langue française;
pas de problème. Dès que vous aurez plus de 10 p.c. de population
dans une municipalité, l'anglais retrouvera des droits, etc. Il y a une
quinzaine d'articles qui contiennent des dispositions de ce genre.
Le programme du Parti québécois n'est pas le bilinguisme.
Il n'est pas non plus de faire du français un semblant de "langue
officielle" pour faire plaisir aux indigènes, un prix de consolation.
L'article 1, dans sa rédaction actuelle, est un prix de consolation, et
guère plus. Et puisque le ministre nous a parlé du rapport de la
commission Gendron, je voudrais en dire quelques mots.
Effectivement, la commission Gendron nous avait recommandé une
langue officielle qui était le français et deux langues
"nationales" qui étaient l'anglais et le français. Je me souviens
qu'à l'époque, le Mouvement Québec Français a
dénoncé cette solution et je suis heureux de constater que le
gouvernement a vu l'ambiguïté qu'elle comportait.
Si on avait dit: Le français est la langue officielle et
l'anglais et le français sont les langues nationales, cela aurait
été vraiment la solution qui concilie parfaitement la
chèvre et le chou, parce qu'en anglais le mot "national" signifie
"state" et donc, il comporte l'idée de caractère officiel, de
sorte qu'on aurait su dans un premier article, que le français est la
langue officielle et, dans le second, que l'anglais l'est aussi sur le
même pied que le français parce que chacun aurait compris dans sa
langue le texte de la seconde proposition.
Mais c'est un peu ce que nous retrouvons, même si le texte
n'utilise pas le même vocabulaire, dans le bill actuel. Article 1: "Le
français est la langue officielle du Québec". Cela nous vient de
la commission Gendron. Mais selon l'article 2, les lois seront
rédigées dans les deux langues, et c'est bien ce que dicte
l'article 133, comme le ministre nous l'a rappelé avec beaucoup de
justesse, de sorte que si l'on s'en tient au système actuel de l'article
1, (langue officielle) et de l'article 2 (deux langues officielles pour les
fins des lois), on se trouve encore devant une situation de style Gendron,
c'est-à-dire que dans la réalité des choses, nous aurons
deux langues officielles, ou si l'on veut une langue officiellement officielle
et une langue officieusement officielle.
Nous aurons, pour les francophones, ce que la Gazette appelait
très justement "a psychological ploy", un truc psychologique, un prix de
consolation pour les indigènes parce qu'après tout, il faut bien
leur faire une petite concession si l'on veut faire passer tout le reste de la
loi, soit 129 articles. Il faut bien qu'ils obtiennent quelque part dans la loi
une satisfaction d'ordre psychologique à l'effet que leur langue,
après tout, est la langue officielle. Mais voilà: ce n'est pas la
seule, ni du point de vue du bon sens, ni du point de vue de l'article 133.
Vous nous avez dit, M. le ministre, reprenant en cela certaines
déclarations du premier ministre: L'anglais n'a pas le statut de langue
officielle. J'ai été heureux de vous l'entendre dire, mais je
suis obligé de vous dire que, constitutionnellement, vous ne pouvez pas
dire cela. C'est faux. L'anglais a, de par l'article 133, un statut officiel au
Québec. L'anglais est la langue des lois à côté du
français. C'est ce que nous dit l'article 2. C'est ce que nous disent
plusieurs articles par la suite.
Je comprends les objections du gouvernement à notre amendement.
Si l'article 133 lie le Québec, s'il ne peut être modifié
avant une éventuelle conférence constitutionnelle, comme le
premier ministre l'a laissé entendre en Chambre l'autre jour en
réponse à une de mes questions, en effet, vous ne pouvez pas
voter pour cet amendement. Mais c'est parce que vous avez choisi de ne pas
modifier l'article 133. C'est parce que vous avez choisi de ne pas modifier, en
particulier, cette disposition qui fait que les lois du Québec doivent
être publiées et imprimées officiellement en anglais et en
français.
C'est votre choix politique parce que le professeur McWhinney que le
ministre aurait pu citer il ne nous a cité que les passages du
rapport le plus récent qui portent sur l'article 2 et non pas sur la
possibilité d'abroger l'article 133 a indiqué la
possibilité...
M, le ministre, je vous le rappelle...
M. CLOUTIER: J'ai admis que nous étions parfaitement conscients
de cette possibilité.
M. MORIN: Bon. Il y a donc là un choix politique.
M. CLOUTIER: Bien sûr, nous l'avons fait.
M. MORIN: Vous avez choisi de ne pas modifier l'article 133.
M. CLOUTIER: J'ai expliqué pourquoi.
M. MORIN: Vous ne pouvez donc pas proclamer le français seule
langue officielle. Je le comprends fort bien. Vous ne pouvez pas voter pour cet
amendement parce que c'est votre choix politique, mais vous pouviez le faire.
Le professeur McWhinney, le professeur Beaudoin, le professeur Patenaude et Me
Bloomfield vous l'ont dit dans leurs rapports respectifs.
En ce qui me concerne, j'en tirerai la conclusion suivante, puisque mon
temps s'achève: le fédéralisme tel que vous
l'interprètez, le fédéralisme tel que vous le concevez
vous empêche effectivement de proclamer le français seule langue
officielle, mais c'est votre fédéralisme, c'est votre choix
politique. N'est-ce pas? Je vois que le ministre est d'accord.
M. CLOUTIER: Je suis entièrement d'accord, je suis
fédéraliste et je veux le rester.
M. MORIN: Oui, et vous êtes pris dans ce carcan. J'en tire la
conclusion ultime que voici: A l'intérieur du Canada, il est très
difficile, s'il n'est pas impossible, d'obtenir que le français devienne
la seule langue officielle du Québec. Merci.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne) : L'honorable ministre de
l'Agriculture.
M. TOUPIN: M. le Président, le chef de l'Opposition a
apporté deux volets importants dans son argumentation. Le premier
était celui du bon sens, et le second était celui de
l'argumentation constitutionnelle.
Etant donné que je ne suis pas un spécialiste des
questions constitutionnelles, je vais tenter de m'en tenir au bon sens.
Je crois, personnellement, que l'amendement proposé ne
m'apparaît pas, dans les termes du gros bon sens, donner le poids
recherché. Je pense que l'article 1, dans mon esprit, est clair et net.
Il s'agit, à l'article 1, de déclarer le français la
langue officielle au Québec. C'est clair dans mon esprit. A tous ceux
à qui je vais en parler, à quelque Québécois que ce
soit, si on me pose la question: Quelle est la langue officielle au
Québec? Je lui répondrai: Prenez l'article 1 et c'est le
français qui est la langue officielle au Québec.
M. LESSARD: Cela fait 200 ans.
M. TOUPIN : II me semble que c'est clair et net dans mon esprit.
Il m'apparaît aussi que s'il y a un article, au fond, dans ce
projet de loi, qui ne devrait pas être contesté, s'il y a un
article dans ce projet de loi qui devrait faire, au fond, l'unanimité,
c'est bien l'article 1, parce qu'il déclare officiel le français
et c'est ce que le gouvernement recherchait lorsqu'il a présenté
sa loi, de rendre le français officiel au Québec.
C'est bien sûr que, comme le ministre de l'Education le disait, il
existe au Québec une réalité sociale, une
réalité linguistique, une réalité historique qu'il
nous faut respecter, et les propos qu'ont tenus ceux de l'Opposition
aujourd'hui, tout au moins ceux que j'ai entendus, ont tous été
dans le sens de l'idée de reconnaître aux groupes minoritaires,
sinon, comme le disait le député de Saguenay, des droits, au
moins des privilèges. Ce sont des choses acquises historiquement avec le
temps et que nous devons reconnaître. Nous en tenons compte dans ce
projet de loi, mais je suis aussi d'accord avec le ministre de l'Education
quand il dit que dans cette loi le français aura priorité. Il est
déclaré la langue officielle. Bien sûr qu'il peut se
trouver des difficultés d'application dans le cadre de la constitution
canadienne. Je pense qu'on est tous d'accord sur cet aspect. Ce sur quoi aussi
il me parait évident que nous sommes d'accord et si nous ne le
sommes pas nous devrons l'être dans le plus bref délai
c'est que l'article 1 dit que le français est la langue officielle au
Québec, L'autre point sur lequel nous sommes d'accord est que nous
devons, à l'intérieur de cette loi, reconnaître qu'il
existe des droits ou des privilèges de la minorité qu'il nous
fait protéger.
Je pense qu'on est tous passablement d'accord sur cette question, ou sur
ces questions. J'ai mal compris la position du député de
Saint-Jacques, cet après-midi, lorsqu'il a laissé entendre
très clairement, très nettement que, si l'amendement du chef de
l'Opposition était rejeté, l'Opposition organiserait une sorte de
"filibustering" qui pourrait mener les travaux de la commission très
tard. Je pense qu'un argument comme celui-là à ce
moment-ci je respecte, bien sûr, les opinions du député de
Saint-Jacques, c'est son droit de les émettre n'a pas de poids.
Un argument comme celui-là ne pèse pas. Un argument comme
celui-là ne s'inspire pas du rationalisme. Si les membres de
l'Opposition ont des points de vue à faire valoir, il me semble qu'il
est possible de les faire valoir sans menacer, sans tenter d'influencer les
membres de la commission par une menace de prolonger presque
indéfiniment les travaux de la commission. Il y a des moyens, je pense,
d'arguments qui sont beaucoup plus forts que ceux-là pour tenter de
faire comprendre à ceux qui sont membres de la commission les points de
vue de l'Opposition. C'est normal que l'Opposition n'ait pas les mêmes
idées que le gouvernement. C'est tout à fait normal, c'est tout
à fait logique qu'elle n'ait pas les mêmes idées. Mais le
gouvernement croit que cette loi que nous présentons rend le
français langue officielle au Québec et il croit qu'une loi comme
celle-là aura pour fonction, et elle a aussi pour fonction dans son
essence, de promouvoir la langue française au Québec et de
protéger la langue française au Québec.
Le député de Maisonneuve disait aussi: Une question qu'on
devrait se poser c'est celle-là, c'est la suivante que lui-même a
posée: Est-ce l'anglais qui est en danger au Québec? C'est le
français. C'est vrai. C'est tellement vrai que c'est pour cela que le
gouvernement a apporté une loi. C'est pour cela que le gouvernement
déclare, dans l'article 1, que le français sera la langue
officielle au Québec. Nous en sommes conscients, personnellement je suis
conscient de cela. La langue anglaise en Amérique du Nord n'est pas
menacée, elle est loin d'être menacée, elle est
supportée en entier par près de 200 millions d'anglophones en
Amérique du Nord. Ce n'est pas un problème pour la survie de la
langue anglaise en Amérique du Nord. Cela en est un, bien sûr,
pour la survie de la langue française et des correctifs doivent
être apportés. La loi que nous présentons en apporte.
Alors, je crois, M. le Président, que...
M. MORIN: C'est loin d'être suffisant, c'est cela que nous voulons
dire.
M. TOUPIN: Oui, mais écoutez, il est possible que dans votre
esprit ils soient insuffisants. Il est possible aussi qu'à
l'expérience nous nous rendions compte que certains aspects de la loi
sont insuffisants. Il est même possible qu'au
cours des discussions article par article parce que mes propos
portent surtout sur l'article 1 et sur l'amendement que vous proposez
dans les autres articles des amendements soient proposés. D'ailleurs le
ministre de l'Education lui-même en a déposé et
probablement que l'Opposition en aura aussi à déposer, je le
présume, je ne sais pas. A la lumière de l'expérience, si
cette loi s'avère vraiment non conforme aux objectifs poursuivis, un
gouvernement le moindrement sérieux, le moindrement responsable
n'hésitera pas à apporter les correctifs qu'il faut, parce
qu'autrement il n'est pas conscient des gestes qu'il pose. Il n'est pas
conséquent avec lui-même. Je ne vois pas d'inconvénient
à ce qu'on traite le gouvernement d'hypocrite, de traître, etc.
Chacun a le droit de tenir les propos qu'il veut, mais personnellement, en
appuyant l'article 1 tel que rédigé, je n'ai nettement pas
l'impression d'être un hypocrite et je n'ai nettement pas l'impression
d'être un traître. Au contraire, j'ai fortement l'impression
d'être un élément québécois placé dans
un gouvernement qui cherche à promouvoir la langue de la majorité
qui est la mienne et que je vais toujours sauvegarder, et je vais toujours
travailler pour sauvegarder la langue française. Il n'y a pas de doute
dans mon esprit là-dessus.
Il est possible que nous ayons, par exemple, des conceptions
différentes pour protéger le français au Québec et
en Amérique du Nord, mais il est évident, il est clair dans mon
esprit que cette loi fait exactement le travail que nous cherchons à
faire pour protéger la langue française.
Tous les articles, tout au moins, en traitent, bien sûr. Le
ministre de l'Education l'a dit, je suis d'accord avec lui. La langue anglaise
est ramenée jusqu'à un certain point, à titre de langue
seconde. L'article 1 le dit clairement. Partout, nous retrouverons la
priorité qu'on veut donner au français. On le verra, article par
article, bien sûr, mais c'est l'idée que je m'en fais. Remarquez
bien que je n'invoque pas les questions constitutionnelles parce que je ne m'y
connais que très peu, surtout dans la question linguistique, et je n'ai
pas l'intention non plus d'argumenter sur cette question, avec le
député de Sauvé, chef de l'Opposition, qui est un
spécialiste reconnu. Donc, je m'en suis tenu aux questions de gros bon
sens et j'ai l'impression de connaître, peut-être pas tous les
Québécois mais j'ai l'impression de connaître suffisamment
les Québécois pour dire que ces derniers, où qu'ils
soient, sont capables de trouver dans cette loi, notamment à l'article
1, que leur langue est maintenant la langue officielle au Québec.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne) : Le député de
Sainte-Anne.
M. SPRINGATE: M. le Président, le député de
Saint-Jacques et moi avons participé à plusieurs programmes de
radio et de télévision concernant justement la loi 22. Il lisait
un article et il tirait ses propres conclusions; moi-même, je lisais
exactement le même article et je tirais d'autres conclusions. Mais je
crois que l'article no 1, est assez clair, très clair même: "Le
français est la langue officielle du Québec". Mais comme le
français n'est pas ma langue maternelle, je vais le lire en anglais:
"French is the official language of the province of Quebec". It is clear.
Although many words have been said that English now has a secondary role, that
English now is protected, if you wish, in other articles of this bill, I see
nowhere... In article number 1, if French is the official language of the
province of Quebec, in my estimation, the way I read the article, it becomes
the only, the sole, the unique official language of the province of Quebec and
English is relegated to who knows what status.
DES VOIX: On ne comprend pas.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne) : Permettez-moi de rappeler qu'à
l'Assemblée nationale chacun peut s'exprimer dans la langue de son
choix. Je vous prierais de respecter... Pour votre information, les
députés du Parti québécois s'expriment assez
régulièrement également en anglais, lorsque c'est
requis.
M. LEGER: M. le Président, j'invoque le règlement. Je
pensais que le député de Roberval, quand il entendait des
citations en anglais de la part du Parti québécois, avait un
certain sens de l'humour. Je vois qu'il ne l'a pas.
M CHARRON: M. le Président, puis-je clarifier...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne) : Je pense que c'est normal de dire ce que
je viens de dire là...
M. CHARRON: ... que nous n'avons aucune objection à ce qu'un
député de langue anglaise s'exprime dans sa langue.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne) : C'est ce que je viens de dire
également.
M. VEILLEUX: M. le Président, sur la question de
règlement, je tiens ici à mentionner que, dans le projet du Parti
québécois, il est dit textuellement ceci: "Pour les débats
parlementaires, procès-verbaux et autres documents à
l'Assemblée nationale seront rédigés et publiés en
français; toutefois, un député pourra utiliser la langue
anglaise dans les débats puisque cela ne touche en rien la langue de
l'Etat".
M BURNS: M. le Président, pour que ce soit bien clair à
l'endroit...
M. VEILLEUX: ... Parti québécois aussi...
M. BURNS: ... du député de Sainte-Anne, je veux
répéter également ça vaut la peine de le
répéter ce que le député de Saint-Jacques
vient de dire: nous n'avons aucune objection à ce que le
député de Sainte-Anne s'exprime dans sa langue maternelle,
c'est-à-dire l'anglais. On vous écoute, le député
de Sainte-Anne.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de
Sainte-Anne.
M. SPRINGATE: M. le Président, je pourrais continuer en
français très facilement mais il ne faut jamais oublier que
moi-même je suis un Anglais, pas un anglophone. Parce que quand je vous
parle en Anglais, je suis un anglophone; quand je vous parle en
français, d'après le dictionnaire, je suis un francophone. Comme
ça, je ne sais pas quelle sorte de "phone" je suis.
UNE VOIX: On a du "fun", en tout cas.
M. SPRINGATE: Peut-être que la semaine prochaine, je serai un
saxophone, je ne sais pas. Il ne faut pas oublier aussi qu'il y a presque un
million, si ce n'est pas plus, d'Anglais qui demeurent, qui s'enrichissent, qui
travaillent, qui payent des taxes dans la province de Québec.
Et je ne me gênerai pas de parler leur langue et ma langue. M. le
Président, je dois vous le dire ici, devant tout le monde: Si tout le
monde est fier d'être canadien-français, moi, je suis anglais et
je suis fier d'être anglais, parce que je ne serai jamais capable de
devenir un Canadien français. Je dois dire à tout le monde que je
suis un Québécois aussi. Je suis venu au monde au Québec,
j'ai toujours vécu au Québec et je me considère comme un
Québécois. Parce que mon nom est Springate, cela ne veut pas dire
que je ne suis pas un Québécois.
M. MORIN: Très bien.
M. SPRINGATE: Oui, je vous parle dans votre langue maternelle, and maybe
also you have enough brains to understand me in English when I speak in my
language.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Jusqu'ici, cela a été
très bien dans l'assistance. Je demanderais à nouveau votre
étroite collaboration, en respectant un droit que tout le monde
reconnaît, le droit essentiel qu'un député puisse
s'exprimer dans la langue de son choix.
M. SPRINGATE: Mr Speaker, when I read article 1, I think it is
emphatically clear that French is the sole or the unique official language of
this province. I do not happen to agree with that particular position. I happen
to agree with the answers or the responses that a survey conducted by Le
Devoir, Le Soleil and The Gazette showed, that only 15.5 p.c. of the population
of Quebec or those who responded I should make it emphatically clear
to this particular survey, wanted French as the only, la seule langue
officielle de la province de Québec. 40.5 p.c. desired to see French as
the official language and English as the second language. I do not see that
anywhere in article number 1. My option, the option that I believe in, and the
option that in my estimation will continue to make Quebec a bilingual province,
is that 42 p.c. of those who replied believed that both French and English
should be the official languages of the province of Quebec. That is nowhere to
be seen in article 1 and if we go to the speech that was presented by the
minister of Education on Friday in the House, he says quite clear that
bilinguism is out in the province of Quebec.
I do not happen to agree, as I stated previously, with article 1. I
would like to see it says: "Le français et l'anglais sont les deux
langues officielles de la province de Québec", avec M. le
Président, une autre phrase qui donnerait la prééminence
au français pour suivre, si vous voulez le premier paragraphe du
préambule du bill 22.
But it is nowhere to be found in Bill 22, in article number 1. And
although I am not a member of this commission, therefore I cannot bring in an
amendment or a sub-amendment or any amendments, I must state for the people
that I represent, and I represent a county and the English-speaking community.
I would like to see in the Bill, as they would like to see in the Bill, that
French and English be the two official languages of this province. Thank you,
Mr President.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que d'autres membres de la
commission ou d'autres députés veulent s'exprimer sur
l'amendement de l'honorable chef de l'Opposition officielle?
M. HARDY: M. le Président, très brièvement...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre des Affaires
culturelles.
M. HARDY: ... je voudrais dire que l'amendement proposé par le
député de Sauvé est vraiment de cette sorte d'amendements
inutiles, totalement inutiles et les phrases, les phrases et les discours qui
ont accompagnés le dépôt de cet amendement sont de la
même catégorie.
M. le Président, à moins que les phrases, à moins
que les mots n'aient pas pour nos amis du Parti québécois le
même sens qu'ils ont pour l'ensemble des parlant français, je ne
vois pas ce que vient faire l'épithète "seule".
Quand on dit la langue, il me semble que ce mot "la" a une signification
d'unicité qui est, sinon plus forte que l'épithète
"seule", au moins aussi forte. D'ailleurs, dans le langage courant, quand on
dit "la", ceci implique
vraiment le caractère d'unicité. Quand on dit la langue
française à moins que le texte, et je ne vois pas comment
dans une même loi on pourrait parler d'une autre langue ce mot
occupe tout l'espace. C'est une affirmation absolument catégorique.
Quand on vient, en même temps, dire que ce n'est pas assez fort, que
même en proclamant que la langue française est la langue
officielle au Québec, cela laisse sous-entendre qu'il peut y en avoir
d'autres, M. le Président, je considère que c'est un moyen
fallacieux pour tenter de se créer une certaine originalité.
M. le Président, oui, je réponds... Règlement!
Voyez-vous comme c'est tentant, M. le Président, quand on a
l'habitude de communiquer facilement avec la population.
M. BURNS: Qu'il est farceur!
M. HARDY: Le député de Maisonneuve ne m'a jamais vu dans
mon comté.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Pendant une heure et demie, cela a
été très bien dans l'assistance.
M. BURNS: J'ai presque été élevé avec vous,
je vous connais.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!
A l'ordre, s'il vous plaît!
Le député de Saguenay.
Je pense que tout le monde était conscient que cela allait
très bien avec nos visiteurs jusqu'à il y a quelques minutes. Je
profite tout simplement de l'occasion il faut chaud, je vous comprends
pour vous rappeler que, malheureusement, le droit de parole est
exclusivement accordé à ceux qui sont de ce côté-ci
de la table.
Je vais profiter de la circonstance pour vous dire que nous avons ouvert
une autre salle, la salle qu'on appelle 81...
M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement. Vous
non plus vous n'avez pas le droit de parler directement. Il faut que vous
parliez aux membres de la commission.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je m'adresse... Non, mais c'est parce que
dans la salle 81, qui se trouve au rez-de-chaussée, il y a l'air
conditionné et on entend tout, c'est radiodiffusé directement
dans la salle 81. S'il y en a parfois qui voulaient avoir de l'air frais, on
pourrait les remplacer par d'autres qui voudraient monter ici, parce que les
personnes qui sont là aimeraient bien venir faire un tour aussi.
Aussitôt qu'il y aura des places de disponibles, nous ferons en sorte
qu'elles montent ici nous retrouver.
Quant au président, nous attendons son appel de Montréal,
nous n'avons pas été encore capable d'entrer en
communication.
M. HARDY: Après ces informations, je dis, M. le Président,
que je voterai contre l'amendement du chef du Parti québécois,
parce qu'il est totalement inutile. Je ne vois pas pourquoi, ici au
Québec, on devrait à ce point se singulariser. On entend
constamment nos amis du Parti québécois nous dire qu'il faudrait
que nous soyons un peuple normal, une collectivité normale; j'en suis,
sauf que je n'ai pas leur complexe d'infériorité. Je trouve que
nous sommes normaux. Précisément parce que je considère
que nous sommes normaux, parce que je considère que nous sommes une
nation normale, je considère que nous devons légiférer
dans ce domaine comme une nation normale.
Or, quand on regarde les législations de tous les pays du monde
où il y a une loi linguistique, on ne retrouve pas cette expression "la
seule langue"; on dit: La langue, telle langue est la langue officielle.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je pense que la collaboration qu'on nous
avait promise, on ne l'a plus. Je la demande une dernière fois. Je
pensais qu'on s'était bien compris au départ. Vous pouvez rire
quand c'est drôle, comme on a dit cet après-midi, mais s'il vous
plaît n'entamez pas un dialogue; sans cela, cela ne marchera pas.
M. HARDY: M. le Président, même l'exemple que le
député de Saguenay a voulu nous donner cet après-midi,
l'exemple du Manitoba, infirme la prétention du Parti
québécois et confirme ce que je dis en ce moment.
M. MORIN: Racontez-nous cela!
M. HARDY: C'est très simple, c'est que pour le Parti
québécois et d'ailleurs cela va pas mal dans l'idée
du débat qu'ils tiennent présentement pour les membres du
Parti québécois, la forme l'emporte sur le fond. Ils sont
tellement imprégnés de cette pensée ou de cette
façon d'agir qu'en apercevant la loi du Manitoba, ils se sont
immédiatement lancés sur la forme sans même tenir compte du
fond. Se limitant uniquement à la forme, ils ont pris l'article 1 de la
loi du Manitoba et ils l'ont comparé à l'article 1 du projet de
loi 22. Ce sont deux articles 1. Ce que vous avez oublié de voir, c'est
que le contenu est totalement différent. L'article 1 du projet de loi
22, le contenu de l'article 1 du projet de loi 22 se retrouve dans le titre de
la loi du Manitoba.
M. LESSARD: Regardez votre titre.
M. HARDY: M. le Président, il me semble que je n'insulte
personne, j'essaie d'exprimer ce que je pense. Bien sûr que les gens qui
siègent à votre gauche ne sont pas d'accord.
M. MORIN: Oui, mais vous ne savez pas lire.
M. HARDY: Oui, M. le Président, c'est sûr que je
n'arriverai jamais à la cheville de la valeur intellectuelle, de la
science et du savoir du député de Sauvé.
M. MORIN: Non, il suffit de connaître...
M. HARDY: Non, il a lu et reconnu tout cela d'avance.
M.MORIN: ... l'alphabet, seulement l'alphabet.
M, HARDY: Je sais d'avance depuis longtemps, depuis que je vous observe,
que vous avez le monopole de la vérité, de la vertu, de la
pureté, etc.
M. MORIN: Oh non!
M. HARDY: II arrive, par exemple, qu'il y a 70 p.c. de la population du
Québec qui ne vous croit pas quand vous dites que vous avez le monopole
de tout. Alors, revenant au contenu, et je vous ferai remarquer que si j'ai
fait cette incartade, si j'ai fait cette parenthèse...
M. CHARRON; Ecartade.
M. HARDY: ... c'est à l'invitation. Pardon?
M. CHARRON: Ecartade.
M. HARDY: C'est à l'invitation...
M. CHARRON: Cet écartillage.
M. HARDY: ... c'est à la suite de la provocation des
députés qui siègent à votre gauche. Je reviens
à la loi du Manitoba et je dis que l'article 1 du projet de loi 22 est
identique, non pas à l'article 1 du projet de loi du Manitoba...
M MORIN: Ah non.
M. HARDY: ... mais au titre. Dans son titre, c'est cela. De l'autre
côté, on compare la forme; de ce côté-ci, on compare
le fond, lorsqu'on parle de contenu.
M. CHARRON: II est creux, le fond.
M. HARDY: Dans la loi du Manitoba, il est bien dit: Une loi instaurant
la langue anglaise, langue officielle; pas la seule, la langue officielle.
M. MORIN: Continuez de lire.
M.HARDY: A l'article 1, quand on met "only", quand on utilise le mot
"only", c'est comme dans l'article 6 de notre projet de loi. Quand on vient
exprimer la modalité de ce principe, de cette règle, de
même que dans le projet de loi 22, la règle, le principe, c'est
que le français est la langue officielle. Dans la loi du Manitoba, le
principe, la règle générale, c'est que l'anglais est la
langue officielle. Dans le projet de loi 22, il y a un certain nombre
d'articles qui viennent préciser les modalités d'application de
la langue officielle. Comme dans la loi du Manitoba, dès l'article 1, on
vient préciser les modalités d'application. C'est là,
à l'article 1, que l'on dit que les débats, que les documents
seront seulement dans la seule langue anglaise. C'est la modalité.
M. LESSARD: Dans la seule langue anglaise.
M. HARDY: Mais quand on affirme, comme à l'article 6, que doivent
être rédigés en français les textes, les documents
officiels, c'est cela.
M. LESSARD: Lisez donc l'article 8, maintenant.
M. HARDY: M. le Président, le pendant...
M. LESSARD: Lisez donc l'article 8, maintenant.
M. HARDY: M. le Président, je dis que le pendant de l'article 1
dans le texte législatif du Manitoba, le pendant de l'article 6 de notre
loi, dans la loi du Manitoba, c'est l'article 1. C'est là que les
contenus se comparent. Le seul moment où le législateur du
Manitoba vient employer le mot "seul" ou le mot "only", c'est pour
préciser que c'est dans le cas de l'impression de documents ou
l'utilisation d'une langue.
M.LESSARD: Est-ce que le ministre me permettrait une question?
M. HARDY: Mais quand le législateur... Bien sûr que je vous
permets de...
M. LESSARD; Une question. Pourriez-vous m'indiquer combien il y a
d'exceptions dans les projets de loi du Manitoba?
M. HARDY: M. le Président, si je répondais à votre
question...
M.LESSARD: Combien y a-t-il d'exceptions?
M. HARDY: Dans quoi?
M. LESSARD: Dans le projet de loi du Manitoba? Combien y a-t-il
d'exceptions telles que prévues à l'article 8 par exemple et aux
129 autres articles? Combien y a-t-il d'exceptions à cette règle
prévue à l'article 1 de la loi du Manitoba?
M. HARDY: M. le Président, je ne compare pas la totalité
de la loi 22 avec la totalité de la
loi du Manitoba. Je compare ce que vous avez vous-mêmes
souligné et je me réfère à votre lit. Vous avez
fait votre lit...
M. LESSARD: Oui.
M. HARDY: ... en prétendant que, lorsque le Manitoba affirme sa
langue officielle, il dit que c'est la seule langue officielle. Je vous dis
non.
M. LESSARD: Combien y a-t-il d'exceptions?
M. HARDY: Je vous dis, M. le Président, que, quand le Manitoba
proclame sa langue officielle, il fait exactement ce que le législateur
québécois propose de faire. Il dit: La langue anglaise est la
langue officielle.
M. LESSARD: On s'en reparlera. M. MORIN: Lisez l'article 1.
M. HARDY: Si c'est si faible que cela, mes arguments...
M. MORIN: Lisez-le.
M. HARDY: ... si c'est si pauvre que cela... M. MORIN: Oui, c'est
très pauvre.
M. HARDY: ... vous le direz tantôt. M. MORIN: Oui.
M. HARDY: Vous avez bien l'air nerveux?
M. MORIN: Non. Je voudrais que vous lisiez l'article 1.
M. HARDY: Je vais lire ce que j'ai besoin de lire...
M. MORIN: J'ai l'air nerveux?
M. HARDY: M. le Président, je n'ai pas besoin de tuteur, comme
député membre de cette commission, et si jamais je reconnaissais
avoir besoin d'un tuteur, veuillez me croire, ce n'est pas le
député de Sauvé que je prendrais.
M. MORIN: C'est mutuel et réciproque, mais lisez donc l'article
1.
M. LESSARD: II aurait un très bon tuteur.
M. HARDY: Si vous écoutiez, au lieu de vous laisser enivrer par
vos phrases.
M.MORIN: Lisez!
M. HARDY: Si vous écoutiez ce que je dis, cela fait au moins cinq
minutes que je tente de vous démontrer que le contenu de l'article 1 de
la loi 22 ne se compare d'aucune façon avec le contenu de l'article 1 de
la loi du Manitoba.
M. MORIN: Ah non?
M. HARDY: Le contenu de l'article 1 de la loi du Manitoba se compare
mutatis mutandis...
M. MORIN: Et "habeas corpus" aussi, pendant que vous y êtes.
M. HARDY: ... avec l'article 6 de la loi 22. Je répète, M.
le Président...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre ! A l'ordre, s'il vous
plaît !
Je pense que jusqu'ici tous ceux qui ont voulu intervenir sur la motion
d'amendement ont pu le faire sans aucune interruption.
M. LESSARD: Ce n'est pas contre le ministre des Affaires culturelles; je
suis contre les mensonges.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Tout à l'heure...
M. LESSARD: Que le ministre des Affaires culturelles nous lise aussi
l'article 6...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): S'il veut le lire, il le lira.
M. LESSARD: ... et l'article 8.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): S'il ne veut pas le lire, il ne le lira
pas.
M. LESSARD: Que le ministre des Affaires culturelles nous dise combien
il y a d'exceptions.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!
Voulez-vous me demander au moins la parole?
M. HARDY: M. le Président, quand le temps sera arrivé,
si vous cessez de faire vos "spara-ges", d'étudier la loi,
article par article, on en traitera, du fond de l'article 6; on traitera du
fond de l'article 8, mais chaque chose en son temps. D'une part, M. le
Président, les membres du Parti québécois veulent
absolument empêcher que l'on ne progresse et, dans un même
mouvement, quelques secondes ou quelques minutes après, ils voudraient
qu'on saute trois, quatre, cinq articles.
M. LESSARD: C'est du patinage de ministre.
M. HARDY: On est à l'article 1, pour le moment.
M. LESSARD: C'est du patinage de ministre. On a déjà eu du
patinage de député, mais cela, c'est du patinage de ministre.
M. HARDY: M. le Président, nous sommes à l'article 1. Nous
allons étudier l'article 1. Je
soumets que, lorsque le Manitoba, comme tous les pays qui ont des lois
dans le domaine linguistique ou tous les pays qui ont proclamé une
langue comme langue officielle, n'ont pas dit : Une seule langue.
M. LESSARD: Ils n'ont pas mis 130 articles, cependant.
M. HARDY: Le Manitoba a dit que l'anglais était la langue
officielle, comme le Québec dit que le français est la langue
officielle, comme tous les pays qui proclament une langue disent que c'est une
langue officielle, sans mettre tout une série de si, de seul et toutes
sortes d'épithètes inutiles.
M. LESSARD: De néanmoins...
M. BURNS: De mais, de cependant, de toutefois.
M. LESSARD: C'est cela, des épithètes inutiles,
néanmoins, cependant.
M. HARDY: M. le Président, je pourrais allonger mon
intervention...
M. LESSARD: Nous autres aussi...
M. HARDY: ... et démontrer...
M. BERTHIAUME: Cela, on le sait.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): J'inviterais le député de
Saguenay à laisser le ministre terminer. Je pense que le but, ce n'est
pas de faire rire le monde ici.
M. HARDY: Je comprends, M. le Président, que cela apporte une
certaine satisfaction à ceux qui siègent à votre gauche
d'entendre des rires, des approbations. Je comprends. C'est humain.
M. LESSARD: Vous êtes habitués à cela, à
l'Assemblée nationale.
M. HARDY: C'est humain.
M. VEILLEUX: Question de règlement.
M. MORIN: Ce qui nous satisfait davantage, c'est la pauvreté de
votre intervention.
M. VEILLEUX: M. le Président, question de règlement. Je
m'excuse auprès...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je suspends pour un quart d'heure.
UNE VOIX: Merci, M. le Président. (Suspension de la séance
à 21 h 45)
Reprise de la séance à 22 heures
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre ! Si vous voulez regagner vos
sièges, s'il vous plaît.
Avant de recommencer, je pense que ces quelques minutes ont permis
à chacun de nous de se délier quelque peu les jambes et la langue
et j'espère que, d'ici la fin de la séance, tout se passera dans
l'ordre.
Au moment où j'ai suspendu les travaux, plusieurs personnes,
notamment le député de Saint-Jean, m'avaient demandé la
parole en même temps, et je ne voudrais pas commettre d'impair. Mais je
crois que le ministre des Affaires culturelles n'avait pas terminé.
M. HARDY: J'ai une phrase ou deux encore.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Une phrase ou deux.
M. HARDY: Je disais donc que l'amendement du chef de l'Opposition
n'apporterait aucun effet supplémentaire à la loi, n'agrandirait
pas ses conséquences juridiques. D'autre part, il aurait pour
conséquence, sur le plan de la littérature juridique, d'affaiblir
notre loi, de la singulariser, et pas d'une façon heureuse, parce que
les lois semblables n'utilisent pas ces termes. Puisque le député
de Saguenay voulait absolument et je termine là-dessus que
l'on se serve de la loi du Manitoba à titre de modèle, je lui
rappellerai, en même temps qu'aux membres de la commission, que
contrairement à la loi 22 la loi de la langue officielle du Manitoba,
à l'article 2, circonscrit largement le champ d'application de cette
loi. Mais il n'y a aucun article dans la loi 22 qui circonscrit le champ
d'application de la langue française comme langue officielle.
M. LESSARD: Article 96, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Saguenay.
M. LESSARD: En vertu de l'article 96, je voudrais simplement demander au
ministre des Affaires culturelles, étant donné qu'il n'a pas
utilisé ses 20 minutes, s'il me permettrait d'utiliser le reste du temps
pour lui répondre.
M. HARDY: Non, parce que, devant l'opinion publique, je serais
probablement tenu pour responsable des hérésies et des
faussetés que le député proclamerait.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Saint-Jean.
M. LESSARD: On en a eu des hérésies.
M. VEILLEUX: Je me suis senti malheureux, tout à l'heure, lorsque
vous avez suspendu
momentanément la commission parce qu'il y a quelques jours je
soulevais une question de règlement et le président faisait la
même chose. Ce soir, je soulève une autre question de
règlement et vous avez posé exactement le même geste.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je ne vous ai pas visé.
M. VEILLEUX: Ce que je voulais dire dans ma question de
règlement, ce que je voulais dire au député de Terrebonne,
c'est que, lorsqu'il parlait de votre gauche, je voulais lui mentionner que
nous étions deux ici de l'extrême gauche. C'est différent
de la gauche directe du président.
Permettez-moi de différer quelque peu d'opinion avec mon
collègue de Terrebonne sur la portée que peut avoir l'amendement
du chef de l'Opposition à l'article 1 du projet de loi 22. Si la
commission se prononçait favorablement à la motion du
député de Sauvé, nous lirions: Le français est la
seule langue officielle du Québec. Pour moi, cela reviendrait un peu
à reprendre l'exemple qu'apportait le député de Saguenay
avec la loi du Manitoba, qui, elle, s'applique devant les tribunaux et devant
l'Assemblée législative du Manitoba et ne discute pas des autres
secteurs dans lesquels est entré ou tente d'entrer le projet de loi
22.
Mais si nous acceptions, M. le Président, cet amendement, cela
voudrait dire qu'on ne pourrait pas, par exemple, permettre à un
député de langue anglaise de s'exprimer devant l'Assemblée
nationale.
Dans mon esprit, M. le Président, cela veut dire qu'il n'y a
aucun document d'information émanant du gouvernement qui pourrait
être dans une langue autre que la langue française. C'est donc
dire qu'on ne pourait pas dire que les documents d'informations sont
rédigés en français, mais peuvent également
être rédigés dans une autre langue, nécessairement
la langue anglaise. On ne pourrait pas le dire, au point de vue communication
et correspondance. S'il s'agit de particuliers, les communications pourraient
se faire en langue anglaise aussi, ou française et anglaise.
Dans mon esprit, cela veut dire, M. le Président, que pour ce qui
est des municipalités on ne pourrait pas retrouver dans le projet de loi
la phrase suivante: Les documents d'information, dont les avis, seront
rédigés en français, mais pourront également
l'être dans une autre langue. Les conseillers pourront utiliser l'anglais
dans les délibérations du conseil et les particuliers pourront
faire de même dans leurs communications avec la ville.
Cela veut dire, M. le Président, qu'on ne pourrait écrire
dans un projet de loi: II y a lieu d'introduire l'usage du français dans
les actes officiels des commissions scolaires anglophones tout en continuant de
permettre l'usage de l'anglais.
Pour moi, cela veut dire que dans les hôpitaux publics et les
établissements du bien-être subventionnés, on ne pourrait
dire: L'introduction de l'usage du français dans les actes officiels des
institutions anglophones, tout en permettant l'usage de l'anglais. Cela veut
dire, dans mon esprit, M. le Président, que pour les jugements des
tribunaux, il ne pourrait y avoir de version anglaise.
Cela veut dire, dans mon esprit, M. le Président, si on dit que
la seule langue officielle est le français, que les plaidoiries orales
devant les tribunaux ne pourront être faites en anglais. En d'autres
mots, on ne pourrait retrouver ceci, dans un projet de loi: Les plaidoiries
orales pourront être faites en anglais. On ne pourrait retrouver, M. le
Président, dans un projet de loi : Les avis dans les journaux devront
continuer d'être publiés en anglais et en français lorsque
la partie visée n'est pas de langue maternelle anglaise.
Cela veut dire, que pour aucune considération on pourrait
retrouver dans l'affichage une mention d'emploi de la langue anglaise.
Dans mon esprit, cela veut dire que, dans le domaine de
l'étiquetage et des modes d'emplois qu'on retrouve sur les
différents produits dans nos magasins, on ne pourrait trouver l'anglais
parce qu'on dirait: La seule langue officielle au Québec est le
français.
On ne pourrait retrouver, dans un projet de loi concernant
l'étiquetage et les modes d'emplois: II faudra également
prévoir la possibilité d'exemption.
J'en passe, j'en passe.
Les exemples que je viens de reprendre, je suis persuadé qu'il y
en a plusieurs, ici, dans la salle, qui disent que c'est exactement ce que dit
le projet de loi 22, et c'est pour cela que le gouvernement se prononcera
contre cet amendement.
Il est vrai, M. le Président, que les exemples que j'ai
mentionnés se retrouvent dans le projet de loi 22. Il est vrai que dans
le projet de loi 22 on retrouve beaucoup de "néanmoins", "pourra", "dans
la mesure du possible".
Mais je tiens à dire aux honorables membres de cette commission
parlementaire et à vous, M. le Président, pour que vous le
transmettiez aux journalistes et à l'ensemble de la population, que les
exemples que je vous ai donnés, je les ai trouvés dans le projet
de loi sur la langue du Parti québécois.
Cela fait six semaines qu'à l'instar du chef de l'Opposition et
du député de Saint-Jacques j'ai été, moi aussi,
quasiment toujours présent à la commission parlementaire, sauf
deux ou trois jours, et j'ai entendu de la part de l'Opposition, j'ai lu dans
les journaux que dans le projet de loi no 22 on trouvait
énormément de "toutefois", de "pourrait", de "néanmoins",
disant que ces "toutefois", ces "pourrait", ces "néanmoins"
établissent, parce que c'est le projet de loi 22, le bilinguisme au
Québec. Si, intercaler dans un projet de loi des mots ou des bouts
de
phrase tels que ceux que je viens de mentionner, si c'est cela
établir le bilinguisme au Québec, moi je dis que le projet, de
loi du Parti québécois l'établit lui aussi parce que dans
le projet de loi du Parti québécois on trouve en très
grand nombre ces termes, ces bouts de phrases. On retrouve dans le projet de
loi du Parti québécois cette timidité dont le
gouvernement, parait-il, fait montre dans le projet de loi 22. Si le
gouvernement fait montre de timidité dans le projet de loi 22, le Parti
québécois a été assez conscient lui-même,
assez rationnel lui-même lorsqu'il l'a soumis à la population,
pendant qu'on discutait ici en commission parlementaire sur le projet de loi
22, lui aussi a été assez rationnel, assez timide pour intercaler
dans son projet de loi exactement les mêmes termes qu'on retrouve dans le
projet de loi 22.
Dans mon esprit, si on disait que le français est la seule langue
officielle du Québec, il faudrait aller jusqu'à établir au
Québec un seul réseau d'enseignement. Plusieurs personnes se sont
présentées, plusieurs groupes se sont présentés
devant la commission parlementaire et nous ont demandé, ont
demandé à tous les députés d'établir un seul
réseau d'enseignement au Québec. Ces gens sont logiques avec
eux-mêmes s'ils demandent en même temps d'établir comme
seule langue officielle au Québec le français, parce qu'on
retrouverait, même dans le réseau d'enseignement, la seule langue
officielle qu'est le français. Le gouvernement du Québec, par son
projet de loi no 22, reconnaît un réseau d'enseignement aux
Québécois qui parlent l'anglais.
Je tiens à vous dire, M. le Président, c'est
peut-être une découverte pour vous ce soir, mais même le
Parti québécois reconnaît lui aussi, dans le projet de loi,
un réseau pour les gens qui s'expriment en anglais. Tant et aussi
longtemps qu'un gouvernement ou qu'un parti politique veut continuer à
reconnaître à l'individu qui s'exprime en anglais des droits
individuels, on ne peut pas dire ou décréter que le
français est la seule langue officielle du Québec.
Si on veut, et je le dis en toute honnêteté, donner au
Québec ce caractère unique de français, le gouvernement se
doit de décréter dans tous les secteurs d'activité au
Québec l'unilinguisme français, parce qu'il décrète
ou intercale dans son article: Seule langue officielle au Québec. Mais
si le gouvernement, au premier article de son projet de loi, dit: Le
français est la langue officielle, je dis qu'à ce
moment-là, le gouvernement, sans être contredit par quoi que ce
soit, établit, hors de tout doute, la priorité du français
au Québec.
Moi, M. le Présidnet, quand je me suis prononcé sur le
principe qu'on retrouve dans le projet de loi, c'est ça que j'ai
trouvé. Sincèrement, si on veut être conséquent avec
ce principe sur lequel l'Assemblée nationale s'est prononcé,
à savoir la priorité au français au Québec, on doit
retrouver, dans tous les secteurs d'activités au Québec, d'abord
le français mais en respectant les droits individuels de la
minorité. Le gouvernement respectera ces droits individuels en
intercalant, malheureusement pour quelques-uns, en intercalant des "toutefois",
des "néanmoins" et des "pourra". Il n'y a aucun gouvernement, même
hypothétiquement du Parti québécois, parce que, même
dans le projet de loi des langues du Parti québécois, on s'est
rendu compte qu'on ne pouvait pas enlever ces droits individuels à la
minorité, pour ne pas les enlever de fait, je dis qu'on ne peut pas
accepter l'amendement du député de Sauvé.
J'ai été énormément surpris, lorsque nous
avons commencé, lorsque le ministre a fait sa proposition d'accepter
l'article 1, d'entrendre le chef de l'Opposition faire cet amendement. En
relisant ce projet de loi du Parti québécois, j'y ai
trouvé cette contradiction flagrante. Et je dis qu'écrire
à l'article 1 : Le français est la seule langue officielle du
Québec, c'est jeter de la poudre aux yeux de la population parce que,
dans les faits, dans le projet de loi comme tel, on ne concrétise pas
cette unicité qu'on veut établir à l'article 1. Je
représente je profite de l'occasion pour le dire un
comté où on retrouve, en très grande majorité, 92
p.c. de francophones ou des gens qui s'expriment en français ou des
immigrés italiens qui se sont assimilés à la
majorité francophone.
J'ai eu l'occasion de rencontrer plusieurs groupes de mon comté
et le dernier a justement été la communauté italienne de
Saint-Jean. Quand je leur ai expliqué que ma position était
d'accepter comme principe la priorité du français au
Québec, tout en conservant les droits de la minorité anglophone,
je peux vous dire que, chez les gens que j'ai rencontrés, je n'ai pas vu
de gens s'opposer à ce principe. J'ai rencontré cependant des
gens qui trouvaient que, dans les modalités d'application du projet de
loi, il pouvait y avoir confusion dans l'application de ce principe. Le
ministre a déposé hier des amendements. Il a déposé
les principes directeurs de la réglementation.
Lorsque nous discuterons ce projet de loi article par article, lorsque
nous pourrons prendre l'article 2 et les suivants, nous pourrons, comme
représentants d'un comté, et moi comme représentant du
comté de Saint-Jean, suggérer au ministre des amendements. Je ne
crois pas qu'à ce moment-là ce soit être contre le ministre
ou être contre le principe du projet de loi que je vous ai
mentionné. C'est ma position, M. le Président. Si agir de cette
façon, si refuser d'accepter, ce soir, le qualificatif "seule" avant le
mot "langue", c'est être un traître, c'est être un vendu,
c'est être un veule, M. le Président, à la fin de la
soirée, je le serai, parce que je n'accepterai pas, et la population du
comté n'acceptera pas qu'on décrète cela. En effet, si on
intercale le mot "seule", je dis que, si on veut être conséquents
avec nous-mêmes, il faudra, concrètement dans tous les autres
articles, enlever toutes les protections individuelles, qu'on peut donner
à la minorité anglophone.
En terminant, M. le Président, je dirai aux représentants
élus du Parti québécois de retourner en assemblée
générale ou en congrès annuel et de dire aux gens : Nous,
nous sommes pour le français la seule langue officielle; alors,
changeons le reste de notre projet de loi, transformons-le pour
décréter, à ce moment-là, l'unilin-guisme
français, ce que personnellement, M. le Président, je ne souhaite
pas et ce que, très majoritairement, la population du comté de
Saint-Jean ne souhaite pas. Merci.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Laporte.
M. LESSARD: Enfin.
M. DEOM: Rassurez-vous, mon intervention ne sera pas longue, messieurs
du Parti québécois.
UNE VOIX: Au contraire, on la veut longue.
M. LESSARD: Lazare qui revient d'outre-tombe.
M. DEOM: Si je la fais, je me réserverai surtout pour la partie
concernant la langue de travail et la langue des affaires qui me parait de
beaucoup plus importante que de discuter sur le fait d'ajouter le qualificatif
"seule" à l'article 1 du projet de loi. C'est uniquement dans la mesure
où les programmes de francisation seront adoptés et mis en
vigueur que l'article 1 prendra son véritable sens.
D'ailleurs, ce fait a été mentionné à
plusieurs reprises, M. le Président, par les membres de l'Opposition,
quand ils nous démontraient la dimension économique de la langue
officielle. Mais je voudrais faire un certain nombre de constatations parce que
le député de Saguenay a fait tantôt des affirmations qui me
paraissent pour le moins erronées.
Tout au cours des auditions en commission parlementaire, nous avons et
le chef de l'Opposition a aussi utilisé ces deux exemples à
satiété, celui de la Belgique et de la Suisse. Même si
toute comparaison serait difficile, l'exemple belge me paraît celui
auquel on peut le plus facilement se comparer.
Même si je ne suis pas juriste, il me paraît que, dans la
rédaction d'une loi aussi importante que la Loi sur la langue
officielle, on doit faire appel à un certain nombre d'exemples ou de
précédents qui ont été fixés à
travers le monde. Comme le ministre des Affaires culturelles l'a
mentionné, à ma connaissance, il n'y a pas une constitution au
monde qui utilise le terme "seule".
Je voudrais, pour le bénéfice du député de
Saguenay j'espère qu'il m'écoute vous citer
l'article 23 de la constitution belge qui dit...
M. LESSARD: J'écoute.
M. DEOM: "L'emploi des langues usitées en Belgique est
facultatif. Il ne peut être réglé que par la loi et
seulement pour les actes de l'autorité publique et pour les affaires
judiciaires."
La dernière loi linguistique, M. le chef de l'Opposition, qui
date du 2 août 1963, dit...
M. LESSARD: Ils ne s'entendent pas trop, non plus.
M. DEOM: Oui, cela va très bien. Vous n'êtes pas
allé en Belgique depuis longtemps, mais vous y allez, je pense...
M. LESSARD: Les Wallons et les Flamands.
M. DEOM: ... aux frais de l'Assemblée nationale. Vous pourrez
constater de visu. Non, vous n'y allez pas? L'article 2 de la loi du 2
août 1963...
M. LESSARD: M. le Président, question de privilège.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je n'accorde pas de question de
privilège.
M. LESSARD: C'est une question de règlement. J'y vais, M. le
Président, c'est vrai que j'irai prochainement.
M. DEOM: Je ne savais pas que vous...
M. LESSARD: J'y vais, en compagnie du chef parlementaire,
délégué par l'Assemblée nationale en compagnie de
six autres libéraux...
M. DEOM: Deux personnes?
M. LESSARD: ... à l'Association internationale des parlementaires
de langue française.
M. DEOM: Si je ne m'abuse, cela fait 33 p.c. de l'Opposition alors que
le Parti ministériel envoie uniquement 5 p.c.
M. LESSARD: M. le Président...
M. BEDARD (Chicoutimi): Vous en avez une cinquantaine qui sont en
vacances à l'année.
M. DEOM: Venez-nous dire après cela qu'on n'est pas en
démocratie.
M. LESSARD: Combien de députés libéraux payons-nous
actuellement qui sont tout simplement en vacances?
M. DEOM: Je continue, M. le Président, si vous me le
permettez.
Ils ne sont pas en vacances, monsieur.
M. BEDARD (Chicoutimi): Ils font du patronage dans leur
comté.
M. DEOM: Ils sont en activités officielles. M. LEGER: ...
déclaration assermentée.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Laporte.
M. DEOM: Je termine, M. le Président, en citant M. le chef
de l'Opposition, ouvrez vos oreilles toutes grandes l'article 2 de la
loi du 2 août 1963, qui réglait la question linguistique belge. Il
s'énonce comme suit, et je cite de mémoire :
M. MORIN: Ce n'est pas le seul article pertinent.
M. DEOM: Non, il y en a plus de 130 même.
M. MORIN: Mais oui.
M. DEOM: Oui, il y en a plus de 130.
M. MORIN: II faudra les lire.
M. DEOM: Je les ai tous lus. On dit, à l'article 2: Le pays est
divisé en quatre régions linguistiques: une région de
langue française, une région de langue néerlandaise, une
région de langue allemande et Bruxelles, capitale.
Je constate, M. le Président, que cette loi qui a mis fin
pour autant que je suis concerné et de l'avis même de la plupart
des observateurs belges à ce qu'on a appelé la guerre des
Belges n'utilise même pas le terme langue officielle et, a fortiori,
seule la langue officielle. Tout ce qu'on dit: C'est une région de
langue française...
M. MORIN: Oui.
M. DEOM: ... une région de langue néerlandaise, allemande
et Bruxelles, capitale.
M. MORIN: Est-ce que le député me permet une question?
M. DEOM: Non.
M. LESSARD: Quatre régions unilingues.
M. MORIN: Vous ne me permettez pas une question?
M. DEOM: Non.
M. LESSARD: Quatre régions unilingues.
M. MORIN: Je pense que vous voyez venir la question.
M. DEOM: On fera le débat après.
M. LESSARD: Quatre régions unilingues, autrement dit.
M. MORIN: Oui?
M. DEOM: Non, monsieur, c'est marqué, une région de langue
française. Ce n'est pas marqué de seule langue officielle
française, une région de langue française.
On retrouve la même chose dans la constitution suisse. Je pourrais
évidemment élaborer plus à fond, oui, M. le chef de
l'Opposition. C'est la même chose dans la constitution de la
République fédérale allemande où on n'utilise
jamais le mot "seul". On utilise "langue" ou "langue officielle". Merci, M. le
Président.
M. MORIN: Ce n'est pas nécessaire, le problème ne se pose
pas en Allemagne.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce qu'il y a d'autres membres de la
commission ou d'autres députés qui veulent intervenir sur la
motion d'amendement du chef de l'Opposition officielle?
M. MORIN: M. le Président, le ministre n'a pas utilisé
toutes ses vingt minutes comme je l'espérais. Ses commentaires sur les
constitutions étrangères étaient certainement très
pertinents. Est-ce qu'il me permettrait une ou deux questions?
UNE VOIX: Cen est rendu que c'est lui qui nomme les ministres.
M. CHARRON: Le ministre des langues.
M. MORIN: Oui, le ministre des langues. Je ne veux pas insister
auprès du futur ministre, mais...
M. DEOM: Ce sont de mauvaises langues, comme celle du chef de
l'Opposition, qui font courir ces rumeurs.
M. MORIN: Vous ne vous en tirerez pas avec une entourloupette comme
celle-là.
M. CLOUTIER: M. le Président, un point de règlement.
M. DEOM: ... au ministre de l'Education. Le ministre de l'Education est
là. Il y a le ministre des...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que je procède au vote
immédiatement ou s'il y a d'autres...
M. MORIN: Vous n'acceptez pas que je vous pose des questions?
M. DEOM: Non.
M. LESSARD: M. le Président, sur une
question de règlement. Le député de Laporte a
affirmé que j'avais fait des affirmations erronées. Jusqu'ici, je
cherche encore où j'ai fait des affirmations qui seraient fausses.
Probablement que lui a fait des affirmations fausses. Est-ce qu'il nous
permettrait au moins de lui poser quelques questions afin qu'il puisse
argumenter sur les affirmations qu'il vient de faire?
M. DEOM: Non, je n'ai pas l'intention de commencer un débat sur
l'ensemble des constitutions, parce que la discussion...
M. MORIN: Ce serait ennuyeux pour vous d'avoir à admettre qu'il y
a deux régions unilingues en Belgique.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! Est-ce
qu'il y en a d'autres qui veulent intervenir ou si nous procédons au
vote?
M. MORIN: Cela vous embêterait. M. DEOM: Non, pas du tout.
M. CLOUTIER: Bon, alors, on vote, M. le Président.
M. MORIN: L'exemple belge est excellent.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Bon, nous procédons au vote. Vous
avez droit à deux longues minutes.
M. BURNS: Je pense qu'il me restait cinq ou six minutes.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Non, deux minutes.
M. BURNS: Est-ce qu'on peut régler pour trois ou quatre
minutes?
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Deux minutes étirées.
M. HARDY: D'autant plus que, strictement, il n'en resterait pas, parce
que, plus tard, le député de Maisonneuve avait pris ses deux
minutes.
M. BURNS: Jamais.
M. HARDY: On va vous les laisser, vos deux minutes.
M. LEGER: Sur des questions de règlement.
M. HARDY: Ce sont deux minutes à crédit que vous
prenez.
M. BURNS: Non, j'ai bien dit que je me réservais ces deux
minutes, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de
Maisonneuve.
M. BURNS: Je veux simplement, dans ces trois ou quatre minutes, vous
dire ceci, très sérieusement. J'ai écouté avec
beaucoup d'intérêt certains députés je ne
nommerai pas le ministre de l'Agriculture; lui aussi, je l'ai
écouté avec intérêt, mais il ne sert pas à
mon propos, alors, je ne le citerai pas entre autres, le ministre de
l'Education, le ministre des Affaires culturelles, le député de
Laporte qui vient tout juste de s'exprimer, d'une part. D'autre part, j'ai
entendu le ministre des Affaires municipales et le député de
Saint-Jean nous développer des thèses tout à fait
différentes. Ce qui ressort de chacune des deux thèses, c'est que
le premier groupe, c'est-à-dire celui à la tête duquel se
trouvait le ministre de l'Education, nous disait que, dans le fond, cela ne
changeait rien d'ajouter le mot "seule".
M. MORIN: Une redondance!
M. BURNS: C'était une redondance. Même le premier ministre
a utilisé l'expression pendant sa courte visite, heureusement courte ce
soir. On a assisté, tout simplement, à une plaidoirie en faveur
du fait que la motion du chef de l'Opposition ne changeait véritablement
rien. D'autre part, j'ai entendu les hauts cris du ministre des Affaires
culturelles et du député de Saint-Jean qui nous disaient: Cela
n'a pas de sens. Donc, je suis obligé d'en conclure qu'il y a
ambiguïté dans le texte du gouvernement. Il y a une certaine
ambiguité. Or, c'est quoi, le rôle d'un législateur, M. le
Président? Le rôle d'un législateur, c'est d'enlever toute
ambiguité dans ses législations.
Le législateur actuellement a de la chance, puisque même au
sein d'un même parti, on se rend compte de deux interprétations
tout à fait différentes. Est-ce qu'on ne doit pas en conscience,
à ce stade, enlever l'ambiguïté qui existe, tout au moins?
Si elle existe dans l'esprit d'au moins cinq députés
libéraux qui se sont exprimés trois dans un sens et deux dans
l'autre, je me demande comment on ne peut pas penser qu'elle existe dans la
population, cette ambiguité que je qualifierais d'historique. Elle a
toujours existé, cette ambiguité.
M. MORIN: Voilà le mot juste.
M. BURNS: Elle a toujours existé. On vous demande simplement, par
la motion du chef de l'Opposition, de la clarifier. Vous allez me dire: Pas
besoin de le dire, comme le disait le ministre des Affaires culturelles. Je dis
que, si cela va sans le dire, cela va mieux en l'écrivant. C'est encore
mieux, cela va être clair. Ce n'est peut-être pas cela, le
proverbe, mais, en tout cas, je l'aime bien comme cela.
M. HARDY: Vous paraphrasez. Vous vous inspirez du député
de Lafontaine.
M. BURNS: M. le Président, si jamais c'est cela, la conclusion
qu'on devra tirer devant cette ambiguïté, ambiguïté,
encore une fois, historique, ambiguïté dont beaucoup de
Québécois sont conscients, Québécois francophones,
comme Québécois anglophones... Si le gouvernement à ce
stade, voyant l'ambiguïté, n'ose pas la clarifier, je dis que c'est
comme un manque de courage qu'on devra interpréter son geste, pas
d'autre façon. C'est cela, la conclusion qu'on devra tirer. Vous l'avez,
l'occasion. Dites-nous que vous ne voulez pas mettre le mot "seule", parce que
cela a trop de conséquences, M. le ministre, et, à ce moment, on
va dire: C'est correct, on connaît le vrai visage de ce gouvernement.
Mais ne venez pas nous dire que c'est du pareil au même, alors que de vos
propres ministériels interprètent différemment le texte
qu'on nous propose à l'article 1, alors que, depuis des années,
depuis des siècles, cette ambiguïté existe chez les
Québécois francophones et anglophones au Québec. Si vous
n'osez pas avoir cette dernière goutte de courage, alors qu'on aborde
l'article premier, premier dans beaucoup de sens; si vous n'avez pas ce
courage, la population vous jugera, comme le dit souvent le premier
ministre.
Je ne vous le dis pas sous forme menaçante, comme le premier
ministre le dit, mais moi, je devrai personnellement, comme citoyen
québécois, juger que vous n'avez pas le courage de l'effacer,
cette ambiguïté.
M. HARDY: C'est rendu à cinq minutes.
M. BURNS: Nous, on vous propose une façon de le faire, à
moins que vous autres, vous disiez que c'est d'une autre façon qu'il
faille la clarifier en faveur du groupe, encore une fois, qui n'a pas à
voir sa langue protégée, au Québec, c'est-à-dire le
groupe anglais. Nous, on vous propose d'effacer cette ambiguïté
pour que ce soit clair aux yeux de tout le monde. Après cela, les
privilèges des anglophones, on les protégera on vous l'a
dit dans les autres articles, au fur et à mesure qu'on les
étudiera. Il n'est pas question d'enlever des choses qui sont
actuellement entre les mains des anglophones. Mais il est question, par
exemple, d'enlever clairement cette ambiguïté. Autrement, encore
une fois, je le répète, on dira: Ce gouvernement, puisqu'il n'a
pas voulu clarifier son texte, a manqué tout simplement de courage.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce qu'on procède au vote?
M. CHARRON: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne) : Le député de Saint-Jacques.
M. le député de Saint-Jacques, il vous restait cinq minutes.
M. CHARRON: Bien, M. le Président.
De toute les interventions que nous avons entendues, je ne retiendrai
que celle que je juge importante, M. le Président, celle du
député de Sainte-Anne, Québécois de langue
anglaise. Je lui dirai simplement, par votre intermédiaire, M. le
Président, qu'il ne nous a pas fait la démonstration, en
deuxième lecture, pas plus que dans son intervention de ce soir, des
changements réels que la loi 22 amènera et des injustices, pour
reprendre ses expressions, que la loi 22 amènera à un citoyen
anglophone vivant au Québec.
Je me suis plu, M. le Président, à imaginer ce que sera,
vivre comme citoyen anglais du comté de Sainte-Anne, et pourquoi pas du
comté de Saint-Jacques, à Montréal, après la loi
22, et je n'ai trouvé aucune modification. Mais je dis quand même
au député de Saint-Anne que j'ai éminemment plus de
respect pour lui que pour un bon nombre de ses collègues francophones,
car j'ai toujours plus de respect pour quelqu'un qui fait passer ses
convictions avant une solidarité artificielle.
Quant aux "écartillages" du ministre des Affaires culturelles, M.
le Président, je n'ai pas l'intention de répondre. J'ai
simplement l'impression à l'entendre, que le ministre de l'Education est
en train de l'entraîner dans son naufrage. Mais j'ai beaucoup plus...
M. CLOUTIER: Vous savez nager?
M. CHARRON: ... l'intention de m'attarder aux propos, nouveaux dans ce
débat, du ministre de l'Agriculture, et à l'intervention
qu'à voulu faire le député de Saint-Jean.
J'explique ce que j'ai voulu dire cet après-midi au premier
ministre, qui n'a pas eu l'occasion de réapparaître à la
surface ce soir, lorsque j'ai soutenu et lorsque nous soutenons toujours qu'il
y a une différence beaucoup plus que de redondance linguistique dans le
fait et dans l'amendement présenté par le chef de
l'Opposition.
Voyez-vous, et je le dis à l'intention du ministre de
l'Agriculture en particulier, M. le Président, proclamer à
l'article 1 que le français est la langue officielle du Québec,
c'est, comme disait le chef de l'Opposition aujourd'hui, affirmer que le
Québec est en Amérique du Nord. Le français est, à
l'heure où on se parle, avant l'adoption de la loi 22, la langue
officielle du Québec. Qui plus est, il l'est depuis 1774, avant
même que ce régime dans lequel nous vivons depuis 107 ans,
n'existe. Il l'a toujours été. Il a toujours été la
langue en possession d'état pour reprendre une autre expression
consacrée et même les lois les plus impériales du
gouvernement anglais le plus étranger, à Londres, n'ont jamais
aboli le caractère officiel du français.
Ce qui serait nouveau, et ce dont vous pourriez être fier en 1974,
deux cents ans après l'Acte de Québec, ce serait dire que le
français
quitte cette coexistence dans l'officialité que lui impose
l'article 133 auquel se soumet le gouvernement auquel vous appartenez et qu'il
affirme clairement, comme le Manitoba, comme l'Ontario, comme la
Colombie-Britannique, qu'ici il n'y a qu'une seule langue officielle et que
c'est le français.
La nouveauté ne vient pas de proclamer le français langue
officielle. C'est un leurre. Nous vivons dans une société
où le français est la langue officielle. La preuve est qu'un
côté du texte même de la loi est en français. Il ne
serait pas en français si la langue française n'était pas
officielle au Québec. Elle l'est officielle au Québec, mais vous
voyez, par le texte même de cette loi, qu'elle n'est pas seule langue
officielle au Québec. Vous avez la preuve de la différence dans
ce texte. Les lois mêmes de cette société portent le
caractère des deux langues.
Et au député de Saint-Jean qui prétend que
l'affirmation de seule langue officielle conduit à toutes les nuances
semblables et à toutes les exceptions que contient le projet de loi 22,
je lui soutiendrai uniquement une chose. Dans ce qu'il appelle le contreprojet
de loi du Parti québécois qui n'en est pas un, mais qui
est une explication du programme du Parti québécois tel que
voté par ses membres dans quatre congrès consécutifs,
programme que nous avons déposé et que nous avons expliqué
le caractère de seule langue officielle du Québec
apparaît dans tous les secteurs de la vie publique, à une
exception près.
Nous reconnaissons, comme je viens de le dire à mon concitoyen,
député de Sainte-Anne qui est un Québécois de
langue anglaise, que même si le Québec est un pays où la
seule langue officielle sera le français, le citoyen de langue anglaise
au Québec pourra encore recevoir un enseignement dans sa culture
à condition que progressivement il s'intègre à la
communauté française. La langue de travail est le
français. La langue des affaires est le français et seule langue
officielle dans tous ces secteurs. Il n'y a pas d'exceptions aussi
bâtardes que possède la loi 22 au chapitre de l'affichage, au
chapitre de la grosseur du lettrage ou au chapitre humiliant où on
demande que le français ait, à tout le moins, une place
supérieure. Finies ces espèces d'humiliations quotidiennes de
coexistence de deux langues officielles. Nous proclamons et nous exigeons. Le
premier ministre le sait très bien lui-même, le chef du
gouvernement auquel se soumet le député de Saint-Jean, quand
dès cet après-midi, le chef de l'Opposition a
présenté sa motion, la réaction première du
colonisé qui nous sert de premier ministre a été de dire :
Allez expliquer cela aux anglophones.
S'il y en a un qui a compris ce que veut dire la différence entre
seule langue officielle et l'affirmation de langue officielle dans l'article 1,
c'est celui qui n'est pas réapparu à la table de notre commission
ce soir, et c'est celui qui nous a dit qu'il comprenait très bien ce que
cela signifiait que de dire seule langue officielle. Demandez aux anglophones
qui sont membres de votre parti s'ils comprendraient ce que voudrait dire le
fait que ce gouvernement affirmerait le français seule langue officielle
du Québec. Ils sauraient...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! Je
voudrais vous informer...
M. CHARRON : Je demande 30 secondes, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne) : Certainement.
M. CHARRON: ... que, plutôt que de louvoyer entre les deux langues
en mélangeant de façon inhumaine droits collectifs et droits
individuels pour arriver à ce charabia, on aurait reconnu que ce
gouvernement a définitivement pris parti pour la majorité
française dont il est le gouvernement et qu'il s'est ensuite
attaché, comme dans le programme du Parti québécois,
à développer, à protéger les droits individuels des
citoyens, soit par une éducation dans leur culture, ou à leurs
droits devant les tribunaux, ce que, j'espère, personne n'est prêt
à leur contester.
M. VEILLEUX: Est-ce que le député de Saint-Jacques me
permettrait une petite question?
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Son droit de parole est expiré,
malheureusement.
UNE VOIX: ... respecter.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Une question est toujours à
l'intérieur d'un droit de parole.
M. VEILLEUX: Je ne pense pas que cela engendre un débat. C'est
tout simplement à titre d'explication pour...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Ecoutez. Je tiens à être bien
clair. J'ai besoin...
M. BURNS: On ne veut pas brimer le droit de parole de personne ici.
M. VEILLEUX: Si les membres de la commission ne veulent pas...
M. LEGER: ... poser une question et s'il y a une réponse, il sera
correct.
M. VEILLEUX: Je veux demander ceci au député de
Saint-Jacques. Admettons qu'on fasse disparaître l'article 133 de l'Acte
de l'Amérique du Nord britannique dans ce projet de loi, on dit
que cela disparaît mais qu'en même temps, dans le projet de
loi, on dise: Un
anglophone pourra s'exprimer en anglais à l'Assemblée
nationale; un anglophone pourra se défendre devant les tribunaux, est-ce
que le député de Saint-Jacques en trente secondes, je
pense qu'il est capable de le faire aussi pourrait me dire la
différence qu'il y a entre l'article 133 et un tel article dans le
projet de loi?
M. MORIN: Beaucoup de différence.
M. CHARRON: C'est toute la différence, parce que l'article 133
impose les deux langues comme langues de l'Etat. Reconnaître le droit
d'un citoyen de langue anglaise, élu souvent par des commettants de
langue anglaise, à intervenir et à faire des discours en anglais
est une chose que nous pouvons accepter parce qu'il y a effectivement des
citoyens québécois, comme le député de Sainte-Anne,
qui sont de langue maternelle anglaise. Mais obliger l'Etat à employer
les deux langues qu'un député peut employer à
l'intérieur de l'Assemblée, voilà toute la
différence.
L'article 133 est sur la langue de l'Etat; il impose la langue de
l'Etat, et c'est parce qu'il s'est soumis à cet article 133
demandez-le au ministre de l'Education qui nous l'a si bien expliqué au
cours des auditions publiques que non seulement la loi 22 est dans les
deux langues, mais que même après la loi 22, toutes les autres
lois du Québec seront encore dans les deux langues, même si,
à l'article 1, on dira que la langue officielle du Québec est le
français.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre de l'Agriculture.
M. TOUPIN: Je vais prendre seulement deux ou trois minutes non pas pour
expliquer ma position...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Vous êtes à
l'intérieur de votre temps.
M. TOUPIN: Oui, je crois l'être.
Je suis bien prêt à croire en la bonne foi du
député de Saint-Jacques et je pense qu'il est de bonne foi, mais
il y a une chose que le député de Saint-Jacques ne dit pas
toujours. C'est qu'il est d'accord, lui aussi, et que son parti aussi est
d'accord pour reconnaître qu'il existe au Québec un fait
linguistique autre que le fait français.
D est d'accord pour reconnaître qu'il y a un groupe anglophone au
Québec qui a des droits acquis ou qui a des privilèges, comme le
disait le député de Saguenay cet après-midi.
M. MORIN: Des droits individuels.
M. TOUPIN: Oui, individuels ou collectifs. Ils sont plus d'un. Ils sont
une communauté qui compose 20 p.c. de la communauté
québécoise. Si vous acceptez cela, si le député
de
Saint-Jacques accepte cela, il va être d'accord avec moi pour dire
une chose: c'est que nous reconnaissons dans la loi un fait évident,
historique et présent, que le français est la langue officielle
du Québec. Nous le reconnaissons et nous sommes d'accord avec lui pour
que les droits de la minorité soient protégés. Cela
n'enlève rien aux anglophones et cela donne tout aux francophones. C'est
cela la différence.
M. CHARRON: M. le Président, est-ce que...
M. TOUPIN: Nous reconnaissons, dans cette loi, le français comme
la langue officielle.
M. CHARRON: C'est fait depuis 200 ans.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le ministre de l'Agriculture est à
l'intérieur de son temps.
M. CHARRON: C'est vrai.
M. TOUPIN: C'est fait depuis longtemps, mais nous l'inscrivons dans la
loi. Nous avons une loi qui dit maintenant que le français est la langue
officielle au Québec et nous sommes d'accord, c'est ce que j'ai
dit...
M. MORIN: Vous inscrivez le bilinguisme aussi dans la loi.
M. TOUPIN: Non, on ne l'inscrit pas. C'est ce que j'ai dit dans
l'intervention que j'ai faite. J'ai dit que nous étions d'accord sur
trois points: le premier, le français est la langue officielle; le
second, respecter les droits acquis de ceux qui sont présents et, le
troisième, promouvoir au Québec d'abord la langue
française.
Je pense que ce sont trois objectifs autour desquels nous nous rallions.
C'est la raison qui m'amène à croire que l'article tel qu'il est
rédigé... Ecoutez, on peut parler de "seule". Le
député de Saint-Jacques a voulu faire une différence en se
servant de votre propre projet de loi à l'intérieur duquel vous
avez vous aussi cru nécessaire et bon de mettre des "si", des
"ça", des "pourra" et des "etc.", mais on les retrouve aussi dans cette
loi à cause de la situation dans laquelle nous nous trouvons au
Québec. Ce qui est important pour moi, dans mon esprit, c'est que demain
matin tout Québécois pourra toujours, à l'aide de cette
loi, s'il parle français, s'il est francophone, dire que dans son coin
de terre la langue officielle est le français. C'est ce qui est
important pour moi.
M. MORIN: C'est un leurre.
M. TOUPIN: Ce n'est pas un leurre, c'est un fait.
M. CHARRON: Est-ce que je peux vous poser une question? Est-ce que le
ministre de l'Agriculture me permet une question?
M. TOUPIN: Est-ce qu'on peut dans...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'intérieur de votre temps vous
le pouvez.
M. TOUPIN: Je n'y vois pas d'inconvénient.
M. CHARRON: Est-ce que le ministre de l'Agriculture est favorable
à ce que le français soit la seule langue officielle au
Québec?
M. TOUPIN: Je suis favorable à ce que le français soit la
langue officielle au Québec.
M. CHARRON: Qu'est-ce que cela veut dire, la langue officielle au
Québec?
M. TOUPIN: Quand nous nous situons dans le contexte actuel
québécois avec lequel d'ailleurs vous êtes d'accord. C'est
pour cela que je disais au début de mon discours que je ne comprends pas
pourquoi vous contestez le premier article, alors que, dans votre esprit...
M. MORIN: On ne le conteste pas; on veut le raffermir.
M. TOUPIN: C'est-à-dire que vous voulez apporter un amendement au
premier article.
M. CHARRON: On veut le raffermir.
M. TOUPIN: Oui. Alors que, dans votre esprit, ce sont probablement tous
les autres articles qui sont mis en cause et le premier, tel qu'il est
rédigé...
M. MORIN: Cela, c'est vrai.
M. TOUPIN: ... ne vous empêche pas d'apporter quelque autre
amendement que ce soit à tous les autres articles qui se trouvent dans
le projet de loi.
M. HARDY: Cela, c'est vrai.
M. TOUPIN: Bon. Alors, moi, je vous dis: Partons avec cela, acceptons
l'article 1, et, là, on va travailler. On n'enlève aucun droit
aux Canadiens français; au contraire on leur confirme un droit.
M. LESSARD: Est-ce que le ministre me permettrait une question?
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!
M. LESSARD: Le ministre prétend qu'on peut modifier les autres
articles de la loi. Dans ce cas, est-ce que le ministre accepterait qu'on
suspende l'étude de l'article 1 et qu'on étudie d'autres
articles? Après cela, on déterminera si la langue
française est la seule langue officielle.
M. CLOUTIER: II y a eu une motion, M. le Président.
M. HARDY: On s'est prononcé. Question de règlement.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je pense qu'on n'a pas besoin d'invoquer
une question de règlement pour cela.
M. TOUPIN: Je ne veux pas faire le tour du pot.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): La commission s'est déjà
prononcée là-dessus.
M. TOUPIN: L'article 1, tel qu'il est rédigé, dans mon
esprit, je l'ai dit au début, il est clair.
M. HARDY: Cest cela.
M. TOUPIN: Si vous voulez apporter des amendements aux 129 autres
articles, apportez-en.
M. LESSARD: Pourquoi refusez-vous nos amendements à l'article
1?
M. HARDY: Parce qu'ils n'ont pas de sens.
M. TOUPIN: C'est simplement cela. Je trouve que l'article 1 est bon
comme il est là.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que vous avez terminé?
M. MORIN: Est-ce que je pourrais poser une question au ministre? Je vais
poser une petite question bien simple. Elle n'est même pas technique.
D'accord? Après l'adoption du bill 22, qui dit: "Le français est
la langue officielle du Québec", M. le ministre, est-ce que les lois
vont paraître encore comme cela, en deux colonnes? Oui ou non?
M. TOUPIN: Cest une autre question.
M. CHARRON: Le ministre d'Etat aux Transports vient de dire le
contraire.
M. MORIN: C'est une question simple.
M. TOUPIN: Je veux retourner la question au chef de l'Opposition. Est-ce
qu'il y a un article dans le projet de loi qui traite de ce dont vous
parlez?
M. MORIN: Oui, l'article 2.
M. TOUPIN: Alors, apportez un amendement à cet article.
M. MORIN: Non. Parce que, si nous n'avons pas dit, dès le
départ, que c'est la seule langue
officielle, par la suite, vous allez dire: Vous ne pouvez pas, c'est le
bilinguisme que vous avez accepté.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît. Est-ce
qu'il y a d'autres personnes... A l'ordre!
M. HARDY: Vous vous enfargez dans les fleurs du tapis.
M. MORIN: Vous n'avez pas répondu à ma question.
M. CLOUTIER: M. le Président...
M. TOUPIN: Répondez à la mienne avant.
M. MORIN: Nous y avons répondu.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre! Est-ce qu'il y a d'autres
questions? L'honorable ministre de l'Education.
M. CLOUTIER: Oui, M. le Président, il me reste cinq minutes
également. Je n'ai pas l'intention de reprendre les arguments dont j'ai
fait état lors de mon intervention. Puisqu'une certaine latitude semble
avoir existé dans la discussion de cet amendement à la motion
principale, je voudrais simplement faire deux séries de commentaires. La
première série de commentaires concerne justement le fait que les
lois sont imprimées dans les deux langues. Ceci représente un des
aspects de l'article 133. Je répète que cet article 133 est
très limité parce qu'il ne touche que la langue des tribunaux et
la langue dans le Parlement. J'ai également dit que le gouvernement
n'avait pas voulu le modifier et ne l'a pas modifié parce qu'il
considérait que ceci relevait des communications individuelles. En
effet, dans un territoire où il y a une minorité de 20 p.c, ce
qui n'a jamais été le cas, incidemment, au Manitoba où il
y avait des minorités beaucoup plus faibles, il est normal que les
citoyens puissent...
M. CHARRON: Ils étaient 25 p.c.
M. CLOUTIER: M. le Président, je n'interromps jamais personne ou,
en tout cas, très rarement, certainement pas ce soir. Est-ce que je
pourrais continuer ce que j'ai entrepris de dire sur le même ton calme
que j'adopte d'habitude? J'aurais beaucoup à dire sur la
responsabilité de ceux qui, sans employer le moindre argument, cherchent
uniquement à éveiller les passions. J'évite ce genre de
commentaires ce soir pour des raisons assez évidentes et je m'en tiens
uniquement à l'argumentation. Par conséquent, M. le
Président, je vais tenter de reprendre ce que je disais.
Dans un territoire où il y a une minorité de 20 p.c, il
parait normal que nous conservions les droits de communications indivuelles, ce
qui suppose la possibilité pour tous les citoyens de comprendre leurs
lois, comme de comprendre, d'ailleurs, leurs règlements. C'est une autre
raison pour laquelle il y a des régimes particuliers en ce qui concerne
les corporations scolaires et les corporations municipales, dans certaines
circonstances. Voilà ma première remarque.
La deuxième remarque tient au fait que j'ai déjà
cité le professeur McWhinney, qu'une des motions du Parti
québécois voulait faire comparaître ici. Dans cette motion,
il y avait également le nom du professeur Chevrette, si je ne me trompe.
Or, on m'apporte la transcription de Présent québécois du
jeudi 18 juillet, où le professeur Chevrette traite ce qu'il appelle la
querelle constitutionnelle suscitée par M. Morin de faux problème
et il dit ceci textuellement: "J'estime que l'article 133 est de
caractère fondamental lui, pense qu'il ne peut pas être
modifié mais ça c'est une question d'opinion et ce qu'il
prescrit est assez limité". "Il est exactement ce que je vous ai dit
qu'il était. C'est un article qui parle de bilinguisme dans les
tribunaux du Québec et fédéraux et au Parlement du
Québec et d'Ottawa. Un point, c'est tout. En somme le bill 22 ne va pas
contre ça. Je pense que, dans ce cas de l'article 133 qui vaut aussi
pour le fédéral, le gouvernement fédéral a choisi
une politique de bilinguisme; le gouvernement du Québec s'oriente vers
une politique qui est plus unilingue. Pour moi, l'article 133 n'empêche
ni l'une ni l'autre de ces deux positions."
En une phrase, il semble régler le problème tant du point
de vue de la constitutionnalité vu par le gouvernement
fédéral que des quelques doutes qui persistaient du point de vue
du provincial mais non pas dans l'esprit du gouvernement, semble-t-il, dans
l'esprit de l'Opposition. Peut-être, puisque je m'aperçois qu'il
me reste encore un peu de temps, pourrais-je apporter une précision en
ce qui concerne une remarque du député de Saguenay, qui disait
que la loi du Manitoba ne comportait que deux articles, alors que la
nôtre en comportait 130. Il semblait indiquer clairement que la loi du
Manitoba, de ce point de vue, était supérieure et qu'une loi au
Québec devrait ne comporter qu'un article qui définirait la
langue officielle. S'il ne l'a pas dit, je m'en excuse.
Mais je tiens quand même à faire cette argumentation parce
qu'elle a été mise souvent de l'avant, on a pensé que le
fait de faire du français la langue officielle allait régler le
problème. Tant dans mon discours de première lecture que dans mes
remarques tout à l'heure, j'ai expliqué qu'il ne suffisait pas de
déterminer que le français était la langue officielle mais
qu'il fallait en définir, sur le plan de l'application, dans tous les
secteurs, la véritable place. Je reprends cette affirmation; il est
clair que, pour réaliser ce que nous voulons réaliser, il
convient, dans toutes les sphères d'activités, de mettre en place
la dynamique, de se donner les instruments. Le député de Laporte
a parlé du
programme de refrancisation, qui constitue un des éléments
les plus importants de ce projet de loi. Il est évident qu'il ne peut
pas y avoir un projet de loi de cette nature qui ne comporte pas un certain
nombre d'articles, précisément à cause de cette
raison.
M. le Président, je crois que je n'ai rien à ajouter et je
m'arrête là; je pense que la commission est peut-être
prête à voter.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Saguenay.
M. LESSARD: M. le Président, je pense que le ministre de
l'Education l'a reconnu, c'est que je n'ai...
M. CLOUTIER: Ah oui! je le reconnais, il n'est pas besoin de
prolonger.
M. LESSARD: Je n'ai jamais affirmé que le projet de loi du
Manitoba était supérieur au projet de loi 22 parce qu'il ne
comprenait que deux articles. Je dois vous faire remarquer que notre soi-disant
"contre-projet" comprend plus de deux articles parce que chez nous, il importe
de faire ce que le Manitoba n'a pas fait pour les francophones qui
représentaient, contrairement à ce que dit le ministre, 25 p.c.
de la population en 1890.
M. CLOUTIER: II y avait 15 p.c. de catholiques...
M. LESSARD: Nous avons l'intention de respecter les droits, les
privilèges, dis-je, de la minorité anglophone au
Québec.
M. CLOUTIER: II n'y avait pas de statistiques sur la langue à ce
moment-là, les statistiques portaient sur la religion.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que d'autres députés
désirent intervenir?
M. MORIN: Oui, sur un point de règlement, est-ce que je pourrais
demander au ministre de déposer le document qu'il a cité il y a
un instant pour l'utilité de tous les membres? Cela pourrait être
utile.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce qu'il y a consentement?
M. CLOUTIER: Très volontiers, M. le Président, je n'ai
aucune objection.
M. MORIN: Parce que cela semblait soulever un doute. Le professeur
Chevrette, dans son étude pour la commission Gendron, ne s'était
pas prononcé sur la question de l'article 133.
M. CLOUTIER: Bien, il se prononce clairement cette fois-là.
M. MORIN:Et voilà qu'il se prononce dans le sens de
l'inconstitutionnalité.
M. CLOUTIER: Ah, pas du tout!
M. MORIN: Je veux dire de l'impossibilité pour le Québec
de modifier l'article 133.
M. CLOUTIER: Oui, c'est ça.
M. MORIN: Bon, c'est un élément très important.
M. CLOUTIER: De toute façon, ça ne change strictement rien
à l'attitude qu'a adoptée le Québec.
M. MORIN: Cela prouve qu'il est impossible d'avoir le français
comme seule langue officielle au Québec à l'intérieur du
fédéralisme canadien, si cette thèse est exacte.
M. CLOUTIER: Cela, c'est votre problème.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): ... s'il vous plaft. Est-ce que...
M. CLOUTIER: Pas du tout, pas du tout parce qu'il dit...
M. MORIN: C'est votre problème!
M. CLOUTIER: Ecoutez, je ne veux pas entreprendre de débat.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que d'autres...
M. CLOUTIER: Mon argumentation était assez claire, je crois qu'on
peut s'y reporter. DES VOIX: Vote.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): II n'y a pas d'autres membres? Le vote sur
la motion d'amendement de l'honorable chef de l'Opposition officielle.
M. Brown? M. Charron?
M. CHARRON: En faveur, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): M. Déom?
M. DEOM: Contre, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): M. Cloutier?
M. CLOUTIER: Contre, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): M. Hardy?
M. HARDY: Contre.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): M. La-pointe?
M. LAPOINTE: Contre.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): M. Bonnier?
M. BONNIER:Contre.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): M. Morin?
M. MORIN: En faveur.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): M. Parent (Prévost)?
M. PARENT (Prévost): Contre.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): M. Beau-regard?
M. BEAUREGARD: Contre.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): M. La-chance?
M. LACHANCE: Contre.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): M. Veilleux?
M. VEILLEUX: Contre.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Pour: 2. Contre: 9. La motion d'amendement
est rejetée.
M. CHARRON: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Saint-Jacques.
M. CHARRON: Puisque nous revenons à la motion première, me
prévalant de l'article 157 de notre règlement qui dit qu'en
commission plénière, un député peut proposer de
rapporter à l'assemblée que la commission n'a pas fini de
délibérer et qu'elle demande la permission de siéger
à nouveau et qu'en commission élue, un député peut
proposer que la commission ajourne ses travaux, je propose qu'après ce
vote d'une extrême importance que vient de prendre le gouvernement, quant
à la nature exacte de son projet de loi, nous ajournions
immédiatement nos travaux.
UNE VOIX: Qui est-ce qui parle là-dessus?
LE PRESIDENT (M Lamontagne): J'attends que quelqu'un me demande la
parole.
M. CLOUTIER: M. le Président, nous allons voter là-dessus,
parce que nous ne voyons absolument pas pourquoi nous ajournerions nos travaux
à onze heures, alors que nous avons un ordre de la Chambre qui nous
permet de siéger jusqu'à minuit.
M. MORIN: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable chef de l'Opposition
officielle.
M. MORIN: Cette commission vient, par ce vote, de prendre une
décision que je considère, pour ma part, comme étant une
décision historique. Cette commission avait l'occasion de clarifier ce
que le député de Maisonneuve appelait tout à l'heure, de
façon très juste, l'ambiguïté historique dans
laquelle vit le Québec depuis deux siècles sur le plan
linguistique. Cette commission avait l'occasion de dire hautement que le
français serait désormais la "seule" langue officielle du
Québec. Cette commission...
M. BEAUREGARD: M. le Président, je pense que le chef de
l'Opposition parle de la motion sur laquelle nous venons de voter.
M. MORIN: Non...
M. LEGER: M. le Président, sur le point de règlement. Le
député de Gouin, qui vient de s'inscrire au journal des
Débats, ne s'est pas aperçu de l'argumentation...
M. BEAUREGARD: Vous n'étiez peut-être pas à la
commission avant la deuxième lecture.
M. LEGER: Vous aviez le droit. On avait hâte de vous entendre sur
le contenu, mais on ne vous a vu que sur les règlements. Le
député de Sauvé était en train d'expliquer les
raisons pour lesquelles nous devons ajourner. Je pense qu'il est normal,
puisque le ministre de l'Education lui-même était prêt
à voter contre cela, qu'on explique maintenant le pourquoi...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Question de règlement. Ce n'est pas
un débat. Je pense qu'il...
M. LEGER: Non, je suis à expliquer au député de
Gouin qu'il était hors du sujet et que le député de
Sauvé a le droit d'expliquer les raisons pour lesquelles...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne) : L'honorable chef de l'Opposition. Il va
les expliquer.
M. LEGER: Laissez-moi finir ma phrase, M. le Président, il faut
que je parle français, le bill 22 n'est pas encore adopté.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Une question de règlement, M. le
député de Lafontaine, c'est attirer l'attention du
président sur un point de règlement.
M. LEGER: C'est vrai, je ne vous regardais pas, M. le Président.
Le député de Sauvé a parfaitement raison, je pense,
d'argumenter pendant son dix minutes sur la question d'ajournement et
d'apporter les éclaircissements voulus.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): C'est exact.
M. LEGER: Vous êtes d'accord, M. le Président? Je vous
remercie de votre bonne compréhension.
M. LESSARD: M. le Président, je vous inviterais aussi, lorsqu'on
soulève une question de règlement, à nous laisser exposer
notre question.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne) : Ecoutez, je ne veux pas faire un cours de
règlements, mais vous savez fort bien qu'une question de
règlement, le mot le dit, c'est d'attirer l'attention sur un point de
règlement qui nécessite une intervention. Une fois que c'est
fait, je trouve que...
M. LESSARD: Je l'ai fait respectueusement, M. le Président, en
vous invitant à nous laisser exposer notre question de
règlement.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le respect doit être de chaque
côté également. L'honorable chef de l'Opposition
officielle.
M. MORIN: M. le Président, cette commission s'est livrée
depuis quelques heures à ce qui a pu paraître, aux yeux de
certains, un exercice de vocabulaire. Il a pu sembler à certains que cet
exercice était futile, et pourtant il allait au coeur des choses. En
ajoutant le mot "seule", nous tranchions le noeud gordien de l'histoire
québécoise, et nous partions sur un nouveau pied. Naturellement,
les autres articles de la loi...
M. CLOUTIER: Question de règlement.
M. MORIN: ... auraient dû être modifiés pour tenir
compte de cette décision...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne) : L'honorable ministre de l'Education.
M. MORIN: ... historique.
M. CLOUTIER: Sur un point de règlement. M. le Président,
je ne veux surtout pas intervenir pour des questions de procédure.
Depuis quelques jours, il n'y en a eu que trop. Cependant, il me semble qu'on
devrait s'en tenir à la pertinence du débat et, si je ne m'abuse,
on discute actuellement une motion d'ajournement. Je suis bien
obligé...
M. BURNS: Non, nous aussi on veut aller se coucher.
M. CLOUTIER: ... d'admettre que cette motion d'ajournement fait encore
partie des mêmes tactiques qui existent depuis quatre ou cinq jours.
Alors, au moins, je voudrais qu'on s'en tienne à cette motion
d'ajournement et non qu'on recommence le débat sur le fond. Je suis pour
ma part tout à fait disposé à le faire, le débat,
sur le fond. On peut très bien discuter de la motion principale, elle
est là, sur la table; parlons-en et cela permettra au chef de
l'Opposition de dire, mais dans le cadre du règlement, ce qu'il vient de
commencer. Mais s'il veut discuter de la motion d'ajournement, qu'il parle de
la motion d'ajournement. Cela me paraît assez logique.
M. MORIN: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le chef de l'Opposition officielle.
M. MORIN: ... ce à quoi je veux en venir et on admettra
que c'est pertinent c'est que nous avons accompli, cet
après-midi, un travail considérable. Nous avons clarifié
les véritables intentions du gouvernement ainsi que celles de
l'Opposition. C'est une besogne qui était lourde de conséquences
et qui n'était pas légère à porter. Je crois qu'au
point où nous en sommes, tout le monde peut espérer un repos bien
mérité. Voilà la pertinence.
Cela a été une tâche difficile, parce que nous
jonglions souvent avec un vocabulaire juridique difficile. Je pourrais faire
allusion, par exemple, aux exercices de vocabulaire très salutaires du
ministre des Affaires culturelles qui nous a affirmé que l'article "la"
est une affirmation catégorique et "occupe toute la place". Je me suis
demandé s'il tenait sa définition du petit Robert.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): La prochaine fois qu'il y aura des
applaudissements, nous n'aurons pas besoin de motion d'ajournement, je
suspendrai moi-même.
M. CLOUTIER: M. le Président, un point de règlement. C'est
sérieux.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): J'espère que cette petite "tapette"
est finie. Ici, dans la commission parlementaire, vous avez une liberté
que nous retrouvons à peu d'endroits. C'est la liberté de venir
voir sur place ce qui se passe à une commission parlementaire. Ceux qui
ne sont pas contents peuvent toujours se retirer. C'est leur droit le plus
strict. Mais au moment même où vous entrez dans l'enceinte
parlementaire, vous devez respecter les droits que vous semblez
défendre, respectez ceux qui sont ici.
Monsieur, voulez-vous l'expulser, s'il vous plaît,
celui-là?
Le ministre de l'Education.
M. CLOUTIER: M. le Président...
M. MORIN: Est-ce sur un point de règlement?
M. CLOUTIER: Oui, c'est sur un point de règlement, M. le
Président. Je crois qu'il faut très sérieusement
s'interroger sur le manège que poursuit l'Opposition.
Depuis trois ou quatre jours, tous les soirs, alors qu'on sait
très bien que nous devons siéger jusqu'à une heure
déterminée, il y a une motion d'ajournement qui est introduite et
cette motion n'a qu'une seule raison d'être, c'est de faire perdre le
temps de la commission et de ralentir les débats. Jusqu'à
aujourd'hui, on voulait éviter de commencer à ouvrir l'article 1.
Maintenant que nous avons forcé l'Opposition à commencer le
débat de fond, les mêmes manoeuvres dilatoires recommencent. Je ne
voudrais quand même pas qu'on utilise l'auditoire parce que,
à ce moment, les droits de tous les députés vont s'en
trouver brimés pour mettre fin aux travaux de la commission.
Le chef de l'Opposition, depuis qu'il a commencé à parler,
a utilisé cette motion comme un vulgaire prétexte...
M. MORIN: Allons donc!
M. CLOUTIER: ... pour reprendre je suis obligé de le dire
tous les arguments qu'il a utilisés tout à l'heure.
Je crois qu'il faut... En politique, il y a une certaine latitude. Il
est bien évident que l'Opposition a une thèse à faire
prévaloir et que le gouvernement tente de défendre son point de
vue, mais je pense qu'il devient abusif, M. le Président je vous
prie de prendre cette demande en considération lorsqu'on utilise
des manoeuvres uniquement dilatoires et, en particulier, des motions de forme
comme la motion d'ajournement...
M. le Président, je vous demande instamment... Je m'excuse, j'ai
encore le droit de parole. Je vous demande... Oui, mais j'ai le droit de
terminer.
M. LEGER: Non, c'est sur le règlement.
M. CLOUTIER: II ne peut pas y avoir une question de règlement
à l'intérieur d'une autre.
M. LEGER: J'invoque le règlement, M. le Président.
M. CLOUTIER: II ne peut pas y avoir de question de règlement.
M. LEGER: Oui, M. le Président.
M. CLOUTIER: Alors, on n'en sort jamais. C'est cela qui vous
réjouit.
M. LEGER: Je vais attendre que vous ayez terminé.
M. CLOUTIER: Oh, pardon! Ne me dites pas, M. le chef de l'Opposition,
que je n'aurais pas dû commencer. J'ai parfaitement le droit de le faire.
Je ne vous ai pas interrompu; j'ai demandé la parole au
président.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui, mais sur un point de
règlement, parce que la parole était au chef de l'Opposition.
M. CLOUTIER: Sur un point de règlement, bien sûr. Mais j'ai
le droit de faire un point de règlement.
M. LEGER: Oui, et c'est pour cela que j'ai le droit de soulever une
question de règlement.
M. CLOUTIER: Sur le point de règlement? M. LEGER: Certainement.
M. CLOUTIER: Allez-y.
M. LEGER: Puisque, dans votre intervention...
M. CLOUTIER: Avant même que j'aie terminé.
M. LEGER: ... vous avez affirmé que l'intention derrière
cette motion d'ajournement était de ralentir les débats, je dois
dire que vous ne pouvez pas nous prêter d'intentions. Notre argumentation
sur la motion d'ajournement n'est pas pour ralentir, mais pour éclairer
les débats. En effet, quand on siège de 10 heures du matin
à 23 heures, il arrive qu'à la fin de la soirée on
commence à penser un peu d'une façon lourde et c'est normal que
tout le monde aille se reposer, des deux côtés de cette commission
parlementaire...
M. HARDY: Tous les matins.
M. LEGER: ... pour pouvoir par la suite revenir, le matin, à 10
heures, puisqu'on nous a obligés à venir travailler et samedi et
lundi, travailler d'une façon normale, alors que les autres sont en
vacances, que vos confrères sont en vacances pour une bonne fin de
semaine. C'est normal que les députés demandent cela non pas pour
ralentir les débats, mais pour permettre peut-être d'avoir une
délibération beaucoup plus éclairée, parce que les
gens seraient en train de se reposer.
M. HARDY: Vous demandez l'impossible dans votre cas.
M. LEGER: C'est absolument normal, et vous ne pouvez pas nous
prêter d'intentions, comme celle de ralentir les débats, comme
vous l'avez fait dans votre question de règlement.
M. CLOUTIER: Ecoutez, si vous voulez ne pas en débattre, parce
que je considère que cette motion de forme ne se prête pas
à des débats prolongés, nous pouvons peut-être la
mettre au voix immédiatement, cette motion.
M. BURNS: M. le Président, sur la question de règlement,
un instant.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Maisonneuve sur
la question de règlement.
M. BURNS: Sur la question de règlement, je crois que ce que le
ministre de l'Education nous suggère actuellement, c'est tout
simplement, après qu'il eut dit lui, de façon d'ailleurs
très laconique je tiens à le signaler dans une
seule phrase, sans aucune justification et sans avoir écouté...
C'est cela qui m'a frappé, d'ailleurs. D'habitude, au moins, avant de
répondre, il écoute ce que les députés de
l'Opposition ont à dire sur la motion. Avant même que les
députés de l'Opposition aient pu tenter de justifier leur motion,
le ministre a dit tout simplement, en rejetant du revers de la main la motion
du député de Saint-Jacques: Nous n'avons pas du tout l'intention
d'adopter cette motion. Nous devons siéger jusqu'à minuit. Or, ce
que le ministre de l'Education sait fort bien, c'est que la commission
on l'a répété en Chambre aujourd'hui, on l'a dit ici
à quelques reprises est maîtresse de ses travaux. La
commission peut décider à quel moment elle décide de
s'ajourner, à quel moment elle doit se réunir à nouveau.
Elle est maîtresse de ses travaux; il n'y a aucune espèce de doute
là-dessus. Je vous en prends à témoin, M. le
Président. Je vois que le ministre de l'Education ne conteste pas cela.
A ce moment-là, je ne pense pas que vous devez nier le droit, soit au
chef de l'Opposition ou au proposeur de la motion lui-même, de tenter de
vous justifier les raisons de cette motion d'ajournement.
M. CLOUTIER: Toujours sur le point de règlement, c'est bien
évident que je ne nie pas ce droit. Tout ce que je demande je
crois que c'est conforme à l'esprit du règlement, et même
à la lettre c'est qu'on s'en tienne à la motion et qu'on
n'utilise pas cette motion comme prétexte, comme je suis obligé
de constater que c'est le cas, uniquement pour revenir sur des arguments
susceptibles, d'ailleurs, de provoquer des réactions.
M. BURNS: Ecoutez, je ne veux pas entreprendre un débat avec le
ministre de l'Education là-dessus, mais, de la façon dont
s'exprimait le chef de l'Opposition lorsqu'il appuyait sa motion, il
l'insérait dans le cadre de la motion qu'on vient d'adopter. Il ne
critique pas cette décision. On a eu amplement, d'avance, l'occasion de
la critiquer, mais il situe, si vous voulez, la motion d'ajournement par
rapport à la motion que nous venons d'adopter, ce qui, à mon
avis, est parfaitement régulier. Il n'y a rien qui s'y oppose dans notre
règlement. Il peut arriver qu'une décision qui est prise dans une
commission ou à l'Assemblée nationale justifie quelqu'un de dire:
Vu cette décision, vu la nature de nos débats, vu l'ampleur de
nos débats et il peut se référer à ces
mêmes débats vu tout cela, il n'est que normal que je
propose l'ajournement. C'est comme cela que jusqu'à maintenant, j'ai
compris l'intervention du chef de l'Opposition. En tout cas, je vous le soumets
bien respectueusement.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Saguenay.
M. LESSARD: Très brièvement, M. le Président, sur
le point de règlement. Je voudrais, par analogie, vous citer l'article
120. J'expliquerai tout à l'heure pourquoi je dis par analogie.
A l'article 120, M. le Président, on lit ceci: "Le débat
sur toute motion de deuxième lecture... je comprends, dès
le début, que nous ne sommes pas au débat de deuxième
lecture ... doit être restreint à la portée,
à l'à-propos, aux principes fondamentaux ou à la valeur
intrinsèque du projet de loi, ou à toute autre méthode
d'atteindre ces fins". C'est sur cela que j'insiste, M. le Président, et
c'est dans ce sens que je parle par analogie, "ou à toute autre
méthode d'atteindre ces fins".
Je vous cite aussi l'article 163: "A moins de dispositions contraires,
les règles relatives à l'Assemblée s'appliquent aux
commissions". Quand je disais que je voulais vous citer l'article 120 par
analogie, c'est que je pense que le principe de l'article 120 doit aussi
exister au niveau des commissions parlementaires. Or, ce que j'ai entendu du
chef parlementaire de l'Opposition, c'est tout simplement utiliser probablement
une certaine argumentation qu'il avait utilisée sur une certaine motion
tout à l'heure, et en vue de justifier la motion qui a été
présentée par le député de Saint-Jacques à
savoir, l'ajournement. Parce qu'il y a une décision importante qui a
été prise. De votre côté comme de notre
côté, nous devons réexaminer un peu ce que nous allons
faire à cette commission parlementaire. C'est dans ce sens, je pense,
que le chef parlementaire de l'Opposition a fait valoir une certaine
argumentation qui touchait la motion que nous avons eue à étudier
tout à l'heure.
Par analogie, M. le Président, j'estime que l'article 120
prévaut aussi... le principe en tout cas, de l'article 120
prévaut aussi au niveau de la discussion en commission
parlementaire.
M. VEILLEUX: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je voudrais m'informer un peu...
M. VEILLEUX: ... sur la question...
LE PRESIDENT (M. Lamontange): Cela arrive encore sur vous,
malheureusement. C'est parce qu'en fait c'est une motion recevable que j'ai
reçue. Je ne comprends pas trop...
M. VEILLEUX: Moi, M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): ... une question de règlement
là-dessus.
M. VEILLEUX: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je vais vous la permettre. Cela fait deux
fois que je vous la refuse.
M. VEILLEUX: Ce n'est pas une question de règlement, M. le
Président.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Non?
M. VEILLEUX: Je voudrais parler sur la motion.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Comme vous le savez, dans une motion
d'ajournement...
M. VEILLEUX: Oui, oui.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): ... c'est dix minutes.
M. VEILLEUX: Non. Vous allez m'excuser. C'est parce que je pensais que
le député de Saint-Jacques... Pas de Saint-Jacques de Saguenay
parlait sur la motion...
M. LEGER: II y a consentement unanime... expliqué le programme du
Parti québécois, M. le Président...
M. BURNS: Non, non. Pas de bâillon. On est d'accord, M. le
Président.
M. LEGER: On est d'accord. Consentement unanime.
M. VEILLEUX: Vous me permettez de parler sur la motion?
M. LEGER: Le député de Saint-Jean a tellement bien compris
notre programme du Parti québécois...
M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement. Il y a,
en vertu du règlement, une période d'allouée à
chaque parti, et que le chef de l'Opposition...
M. BURNS: On impose le bâillon aux députés
libéraux maintenant.
M. HARDY: Que le chef de l'Opposition termine son...
M. BURNS: En tout cas, qu'il soit enregistré,
M. le Président, que l'Opposition était d'accord pour que
le député de Saint-Jean...
M. HARDY: Sur un débat très important, le "filibuster", la
stratégie, le scénario du Parti québécois. Cela,
c'est important.
M. VEILLEUX: Si je comprends bien, question de règlement, M. le
Président. Si je comprends bien, après le député de
Sauvé, c'est moi qui ai la parole? C'est cela?
M. BURNS: On est d'accord.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Pas nécessairement.
C'est-à-dire que...
UNE VOIX: Non.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): ... c'est dix minutes pour un parti
politique, et s'il y a opposition, le proposeur a un droit de
réplique.
UNE VOIX: C'est cela.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Mais c'est dix minutes par parti. Par
contre, s'il y avait consentement de chaque côté...
M. VEILLEUX: Oui, mais si tout le monde veut parler pour...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): ... droit de réplique.
M. VEILLEUX: Est-ce qu'il y a quelqu'un du parti qui a parlé?
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Ah ça! Je ne peux pas
répondre actuellement pour...
M. VEILLEUX: Le ministre de l'Education a parlé sur une question
de règlement.
M. CLOUTIER: Au tout début, j'ai parlé deux minutes, mais
j'ai quand même utilisé, je crois, le droit de parole. Est-ce
qu'il est cumulatif?
M. VEILLEUX: Je ne pourrais pas prendre le...
M. CLOUTIER: J'ai l'impression que vous cherchez à gagner du
temps, parce que, vous savez, il est onze heures vingt; si vous parlez tous dix
minutes chacun, cela nous mène passé minuit. Alors,
ajournons.
M. MORIN: M. le Président, c'est cela. Acceptons l'ajournement.
Nous sommes...
M. CLOUTIER: Cela va nous éviter de vous entendre, d'une part, ce
qui est déjà un avantage marginal, et d'autre part, cela va nous
permettre de bien montrer qu'on est en plein "filibuster".
M. HARDY: Je regrette, M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!
M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. LESSARD: Le ministre de l'Education a dit qu'il acceptait, M. le
Président.
M. HARDY: Moi je n'accepte pas.
M. CLOUTIER: Bien, il y a une motion devant...
M. BURNS: Scission au sein du cabinet. On la voit !
M. LEGER: J'invoque le règlement. Est-ce que le
député de Terrebonne peut faire cela par solidarité
ministérielle?
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): J'ai un grand problème. Il y en a
trois qui me l'ont demandé en même temps.
M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le ministre des Affaires culturelles.
M. BURNS: II y a une scission au sein du cabinet. On le savait.
M. HARDY: II est clair, M. le Président, que les bouffons qui
siègent à votre gauche...
M. CHARRON: M. le Président...
M. HARDY: ... essaient de ridiculiser...
M. CHARRON: ... on vient de séparer Laurel et Hardy.
M. HARDY: Voyez-vous, M. le Président, l'entente entre certaines
personnes dans la galerie et le Parti québécois? Ils ne sont pas
capables, intellectuellement, de mener un débat.
Le seul moyen qu'il leur reste ce sont des petits jeux, des petits jeux
de scouts pour empêcher... Même les cégépiens qui
feraient un Parlement-école se comporteraient d'une façon plus
sérieuse que le Parti québécois.
M. LEGER: Le député de Terrebonne, pour son avantage,
devrait ajourner.
M. BEDARD (Chicoutimi): Sur la question de règlement, M. le
Président.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Chicoutimi.
M. BEDARD (Chicoutimi): Simplement une remarque sur la question de
règlement parce que je suis inquiet. Quand je vois
l'incompréhension dont fait preuve le ministre de l'Education sur la
question des règlements, je me demande comment il peut se comprendre sur
les réglementations concernant le projet de loi 22.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le chef de l'Opposition officielle. Neuf
minutes et demie.
M. MORIN: M. le Président, quand je constate la fatigue que
manifeste le député de Terrebonne, je me dis qu'il est grand
temps que nous ajournions.
M. HARDY: Je suis capable de vous endurer encore longtemps.
M. MORIN: Je voudrais signaler que cet horaire insolite, qui fait que
nous sommes obligés de siéger à une heure pareille pour
discuter de problèmes fondamentaux pour l'avenir du Québec, nous
a été imposé, à l'Opposition, contre notre voeu,
par la majorité ministérielle.
Nous n'avons jamais accepté de siéger à des heures
comme celles-ci. Nous avons plaidé, je ne sais combien de fois, en
faveur d'un horaire normal, comme nous en suivons pour les autres projets de
loi. Pourquoi imposer le règlement de fin de session à un moment
comme celui-ci, alors que nous discutons d'un projet si vital pour l'avenir du
Québec? C'est très clair. C'est tout simplement qu'on veut nous
enfoncer ce bill dans la gorge, de force, à une époque de
l'anné où l'on croyait mais on s'est trompé
que l'opinion publique était engourdie. Nous n'avons jamais
accepté cet horaire et il est normal qu'après un débat qui
a exigé de tous les membres de cette commission et d'ailleurs, je
le reconnais, aussi bien des députés ministériels que de
notre part beaucoup de discernement et d'agilité d'esprit, il est
normal que nous songions à ajourner.
D'ailleurs, si le ministre l'avait accepté tout de suite, nous
aurions déjà épargné 25 minutes. Nous aurions pu
aller dormir et revenir demain frais et dispos pour reprendre le débat.
Je dois en effet, prévenir le ministre que j'ai d'autres motions
peut-être plus difficiles encore à présenter, plus
difficiles que celles d'aujourd'hui, des motions qui feront appel à
toutes nos connaissances intellectuelles et constitutionnelles et à
toute notre agilité d'esprit.
C'est pourquoi je pensais qu'il était normal, ayant
disposé d'un amendement crucial comme celui-là, que nous allions
prendre quelque repos.
Je tiens à signaler aux ministériels que cet horaire
qu'ils nous ont imposé... Devrais-je dire qu'ils nous l'ont
imposé? Non. Ils se le sont fait imposer également par les
autorités du Parti libéral. Ils n'ont pas tellement eu plus le
choix
que nous et ils sont ici, au fond, contre leur volonté, comme
nous. Au fond, messieurs, vous avez toute notre sympathie.
Mais il n'en reste pas moins que nous sommes devant un cas de
disproportion des forces qui frise l'injustice. Toute l'Opposition est ici
aujourd'hui. Toute l'Opposition du Parti québécois, toute
l'Opposition officielle est présente. 100 p.c. des députés
péquistes sont ici. Tandis que vous avez 88 libéraux qui,
à l'heure actuelle, sont en vacances quelque part au bord de quelque lac
charmant du Québec ou dans les montagnes si vertes des Laurentides ou
des Cantons de l'Est.
Messieurs, je me réjouis pour ces 88 libéraux qui n'ont
pas à travailler, mais je souhaiterais que les 14 libéraux, qui,
je crois, sont présents, ce soir, et qui représentent 15 p.c.
peut-être de la députation libérale, aient aussi l'occasion
d'aller se reposer.
Voilà. Je ne veux pas m'étendre davantage. J'estime que
nous avons tous mérité ce repos, et je dis bien, tant du
côté ministériel que de notre côté, parce
qu'il y a eu de très bonnes interventions du côté
ministériel. Même si elles n'étaient pas fondées,
elles étaient souvent habiles. J'estime que nous avons tous
mérité d'aller nous reposer pour être plus dispos demain.
Il va sans dire que si l'un des députés libéraux, comme le
député de Saint-Jean, veut contester ma motion, je me
réserve le droit de réplique.
M. VEILLEUX: Loin de moi de contester la motion du chef de l'Opposition
officielle. J'étais exactement en faveur parce que, si je parle pendant
dix minutes et que le chef de l'Opposition parle à nouveau pendant dix
minutes, il va nous rester dix minutes sur la motion principale, alors, on est
aussi bien d'ajourner immédiatement. Je suis en faveur, pas pour les
mêmes raisons, mais je suis en faveur.
M. MORIN: Voilà un esprit raisonnable.
M. VEILLEUX: M. le Président, il est vrai que je suis ici, moi
aussi, depuis 10 heures ce matin. J'ai peut-être moins parlé que
l'Opposition; mais entendre l'Opposition, je vous dis que c'est peut-être
plus fatigant que de parler.
Il ne faut pas porter de jugement, je dis que c'est très fatigant
d'entendre l'Opposition. Un petit dix minutes, c'est-à-dire qu'au lieu
de finir à minuit on finirait à minuit moins dix en suivant la
procédure; alors nous sommes aussi bien d'aller nous coucher à 11
h 25. Je suis en faveur.
M. LEGER: Est-ce que je peux poser une question au député
de Saint-Jean? Est-ce que le député de Saint-Jean a sa cravate
rouge ou si c'est parce qu'il a la langue pendue tellement il est
fatigué?
M. VEILLEUX: M. le Président, je reconnais là...
M. le Président... Je ne suis pas chanceux, soit que le
président me boycotte ou encore qu'il ne m'écoute pas.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne) : Excusez-moi.
M. VEILLEUX: Le député de Lafontaine a parlé de
cravate. Je tiens tout simplement à répondre au
député de Lafontaine en lui disant que ce qu'il vient de dire est
exactement la teneur de ses propos depuis ce matin, et c'est ce qui est
fatigant à entendre.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît !
Je voudrais m'informer pour savoir si vous êtes pour ou contre.
Est-ce que vous êtes en faveur de la motion d'ajournement? Sinon il y a
un...
M. VEILLEUX: J'ai parlé au nom du parti.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Vous avez parlé au nom du
Parti?
M. BURNS: II n'est pas encore entré au cabinet à ce que je
sache.
M. VEILLEUX: Alors on vote.
M. CHARRON: Le député de Laporte a été
nommé cet après-midi, mais pas vous!
M. CLOUTIER: M. le Président, il me paraît absolument
évident que le PQ profite de la moindre occasion pour arriver avec des
motions dilatoires et également pour utiliser des motions de forme de
manière à revenir constamment sur les mêmes arguments. Il
serait tellement simple de rentrer dans le corps de la motion principale, qui
n'a pas encore été discutée, ce que nous aurions pu faire.
M. le Président, je ne vous cache pas que, dans les circonstances, je
considère qu'il va falloir passer au vote, parce que je ne vois aucune
raison qui justifie cet abus de motions de forme. Je serais parfaitement
d'accord si on n'abusait pas du droit de parole et qu'on se contentait de faire
tout simplement des motions. Mais, dans le cas particulier, j'avoue que je ne
veux pas que le PQ crée des précédents qui seraient
susceptibles de nuire ensuite, je le dis très franchement, aux travaux
de la commission.
M. BURNS: M. le Président, sur une question de
règlement...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Maisonneuve.
M. BURNS: ... qui est provoquée par les dernières
remarques du ministre de l'Education.
Le ministre de l'Education, lorsqu'il nous accuse de faire une motion de
forme et d'en
abuser, n'a sans doute pas lu c'est possible et je ne le
blâme pas, mais j'aimerais le lui rappeler le texte de l'article
157 de notre règlement, en vertu duquel le député de
Saint-Jacques, soit dit en passant, et non pas le chef de l'Opposition parce
que le chef de l'Opposition parlait au nom du parti alors que le
député de Saint-Jacques aurait normalement le droit de
réplique...
M. CHARRON: C'est cela.
M. BURNS: L'article 157 se lit comme suit: le
député de Saint-Jacques l'a lu mais probablement que le ministre
n'écoutait pas à ce moment-là "En commission
plénière, un député peut proposer de rapporter
à l'Assemblée que la commission n'a pas fini de
délibérer et qu'elle demande la permission de siéger
à nouveau".
Ce n'est pas le cas qui s'applique, c'est la phrase qui suit qui
s'applique: "En commission élue, un député peut proposer
que la commission ajourne ses travaux".
C'est ce qu'a fait le député de Saint-Jacques. Maintenant,
ce que le député de Saint-Jacques ne vous a pas lu, c'est le
deuxième alinéa de cet article qui, lui, va éclairer le
ministre et va lui permettre, peut-être, de cesser de nous accuser de
faire, de façon continuelle, des motions de forme. Je cite le
deuxième alinéa: "Ces motions sont mises aux voix, sans
amendement, et elles ne peuvent être faites qu'une fois..." Je comprends
que le ministre va répéter encore son accusation, il ne
m'écoute pas actuellement.
C'est pour vous, M. le ministre, que je dis cela, parce que je le
connais par coeur, le texte. M. le Président, en tout cas, voulez-vous
informer...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): J'en ferai part au ministre.
M. BURNS: Vous en ferez part au ministre. M. le Président, devant
cet engagement de votre part, je me dis qu'il me semble que ces accusations de
la part du ministre sont, à leur face même, fausses. C'est une
motion de forme, soit, une motion cependant qui a son importance, qui se
justifie. Mais c'est une motion dont on ne peut littéralement et
clairement pas abuser, car c'est une motion qui, de par le règlement, ne
peut se présenter qu'une seule fois au sein d'une séance et,
à ma connaissance, elle n'a pas été faite aujourd'hui
à une autre occasion. Autrement, M. le Président, dans votre
sagesse, vous nous auriez refusé le droit de faire cette motion. Ce
n'est qu'un ministre qui peut la faire à plusieurs reprises au cours
d'une séance et pour des raisons bien évidentes, parce que le
ministre est habituellement le représentant du gouvernement à la
commission, il est habituellement celui qui véhicule à la
commission les désirs du gouvernement. C'est pour cette raison qu'on
nous réserve la possibilité de ne faire cette motion qu'une seule
fois.
M. le ministre, je suis bien d'accord pour que vous nous accusiez de
tous les péchés d'Israël et d'ailleurs, mais au moins
accusez-nous quand vous aurez véritablement raison. Cette motion, c'est
la première fois aujourd'hui que nous la faisons, c'est la seule fois
où nous avons le droit de la faire et c'est la seule fois, tout
respectueux que nous sommes du règlement, que nous la ferons.
M. CLOUTIER: Je vois mal comment vous pourriez la refaire.
M. LESSARD: M. le Président, sur un point de
règlement.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Saguenay.
M. BURNS: On ne le fera plus.
M. LESSARD: Très brièvement, M. le Président, je
n'ai pas l'intention de citer au complet l'article 157 des règlements.
Cependant, je veux citer le paragraphe 2 qui me paraît très
important dans les circonstances. On dit' "Ces motions sont mises aux voix,
sans amendement, et elles ne peuvent être faites qu'une fois au cours
d'une séance, sauf par un ministre..." C'est exactement ce que le
député de Maisonneuve a dit tout à l'heure.
Sérieusement, M. le Président. "Elles ne peuvent être
débattues, sauf qu'un représentant de chaque parti reconnu peut
prononcer un discours de dix minutes chacun à leur sujet." M. le
Président, j'ai un problème de conscience avant de voter. On dit
"sauf qu'un représentant de chaque parti reconnu." Or, il y a eu deux
représentants du Parti libéral qui ont parlé. Il y a eu le
député de Saint-Jean qui a pris position en faveur de notre
amendement, et...
M. VEILLEUX: M. le Président, j'avais raison tout à
l'heure dans les motifs que j'apportais...
M.LESSARD: II a affirmé qu'il parlait au nom du parti. Par
contre, le ministre de l'Education, qui, normalement, ici, à la
commission parlementaire, représente le gouvernement, lui, a dit qu'il
n'était pas en faveur de cet amendement. Moi, avant de voter
peut-être que le député de Saint-Jean m'a convaincu; par
contre, le ministre de l'Education a soulevé un certain nombre de
problèmes qui pourraient m'amener à me séparer de mon
parti et à voter en faveur de la motion. J'aimerais savoir, M. le
Président...
M. CLOUTIER: Mais vous ne voulez pas changer de parti.
M. LESSARD: ... lequel des deux parlait au nom du Parti
libéral.
M. CHARRON: II va être expulsé.
M. BURNS: Je dois dire, M. le Président, au député
de Saguenay qu'il se sente bien libre de voter d'une façon ou de
l'autre; il ne sera pas expulsé du parti. D'ailleurs, il n'a pas le
droit de vote.
M. CLOUTIER: C'est pour ça qu'il prenait le risque de s'opposer
!
LE PRESIDENT (M. Lamontagne) : De manière qu'il n'y ait pas de
confusion, je vais moi-même ajourner les travaux de la commission
à demain matin, dix heures.
(Fin de la séance à 23 h 34)