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Version finale

30th Legislature, 2nd Session
(March 14, 1974 au December 28, 1974)

Friday, July 19, 1974 - Vol. 15 N° 140

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 22 — Loi sur la langue officielle


Journal des débats

 

Commission permanente de l'éducation,

des affaires culturelles et des communications

Etude du projet de loi no 22

Loi sur la langue officielle

(Séance du vendredi 19 juillet 1974

(Onze heures vingt minutes)

M. GRATTON (président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre, messieurs !

Avant de commencer nos travaux, j'aimerais nommer les députés qui auront droit de vote au cours de la séance d'aujourd'hui. Ce sont: MM. Brown (Brome-Missisquoi); Charron (Saint-Jacques); Déom (Laporte); Cloutier (L'Acadie); Hardy (Terrebonne); Lapointe (Laurentides-Labelle); Bonnier (Taschereau); Morin (Sauvé); Parent (Prévost); Beauregard (Gouin); Lachance (Mille-Iles); Samson (Rouyn-Noranda); Veilleux (Saint-Jean).

Motion pour étudier le préambule (suite)

LE PRESIDENT (M. Gratton): Au moment de l'ajournement de nos travaux hier, nous débattions une motion du chef de l'Opposition officielle, motion qui se lit comme suit: "Que l'étude de l'article 1 soit différée jusqu'à ce que l'étude du préambule du projet de loi 22 ait été complétée".

Est-ce que la commission est prête à se prononcer sur cette motion?

M. CHARRON: Non, M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, lorsque nous avons ajourné hier soir, à minuit, nous étions à discuter une motion, présentée par le chef de l'Opposition qui vise un unique but et qui est très facilement compréhensible pour n'importe quel député libéral, c'est que nous procédions d'abord à l'étude du préambule de la loi, avant d'entrer dans l'article 1, comme nous y invite le ministre de l'Education.

M. le Président, vous serez sûrement surpris que je sois obligé de plaider et d'utiliser le droit de parole que vous m'avez reconnu pour expliquer que, habituellement, il est tout à fait normal que l'on étudie le préambule d'une loi avant d'en étudier chacun des articles. Je suis même étonné, M. le Président, que le ministre de l'Education n'ait pas immédiatement employé son droit de parole pour se rendre à cette évidence qui veut que l'on étudie d'abord le préambule d'une loi avant d'en voir chacun des articles.

Le premier argument, M. le Président, que je puis invoquer pour soutenir la motion du chef de l'Opposition est évidemment la logique. Vous me direz que la logique n'est certainement pas la qualité première du ministre de l'Education, j'en conviens, mais, à l'occasion, peut-être le ministre de l'Education peut-il se rendre à certaines évidences, comme celle de la nécessité d'établir bien clairement, dans le préambule d'une loi, ce qui sera éventuellement visé par cette loi constitue le premier pas normal dans l'étude d'un projet de loi.

M. le Président, j'ai même l'impression que si nous parvenions, au cours de la journée d'aujourd'hui, à nous entendre sur ce que nous voulons voir figurer dans le préambule de ce projet de loi, cela pourrait raccourcir énormément l'étude article par article du projet. Une fois que les députés membres de la commission se seraient entendus sur les objectifs qu'ils veulent donner à la loi, il est bien entendu que, par la suite, certains articles découleraient d'eux-mêmes et seraient adoptés presque sans discussion; tandis que certains des amendements proposés par l'Opposition, que nous présenterons à l'occasion de l'étude article par article, apparaîtraient d'ores et déjà comme parfaitement recevables et pouvant être inclus à la loi, puisque nous aurions eu, auparavant, lors de la discussion sur le préambule, une discussion sur les objectifs.

Il suffirait donc aux députés du Parti québécois d'argumenter en faveur de leur amendement en signalant qu'ils vont dans l'esprit des objectifs que nous avons posés dans le préambule. Automatiquement, une bonne partie de la discussion se trouverait éteinte.

C'est donc, encore une fois, pour raccourcir nos débats que le chef de l'Opposition a voulu présenter cette motion.

Passons au fond du sujet immédiatement. Le chef de l'Opposition en présentant sa motion vous a parlé de cette notion de préambule dans une loi. II a même signalé l'origine étymologique de ce mot qui veut dire ce qu'il veut dire "praeambulare" avant d'entrer, clarifier certaines choses, mettre certains principes sur table. Lui-même, dans son argumentation, vous a fait valoir un des témoignages que nous avons entendu au cours des quatre semaines d'auditions publiques de la commission, qui nous avait particulièrement signalé cette pertinence ou cette logique que doit avoir un projet de loi entre les différents articles de la loi et ce qu'il affirme en principe dans le préambule.

Or, sans aucune espèce de honte ou plutôt en rendant hommage à ses auteurs mêmes, je ferai directement référence, ce matin, à ce mémoire que nous avons entendu. Le ministre de l'Education s'en souviendra, s'il a bonne mémoire, c'était au cours de la première semaine des auditions publiques par la Société de philosophie du Québec, un mémoire que tous les membres de la commission ont apprécié, je crois, même si on peut diverger sur les conclu-

sions que nous présente ce mémoire, sa construction, fidèle à la réputation des philosophes eux-mêmes, et sa clarté en même temps.

M. le Président, ce groupe vous avait signalé qu'ils avaient eux-mêmes édifié leur mémoire à partir d'une étude plus qu'attentive du préambule. C'est un peu cette méthode de travail que le chef de l'Opposition veut présenter à la commission. Ils nous ont dit quand ils sont arrivés ici: On s'en vient vous présenter un mémoire — que j'ai en main, qui a seize pages — sur le projet de loi 22. Ils nous expliquent dans les deux premières pages de ce mémoire, comment ils ont procédé. Est-ce qu'ils sont partis d'une vision générale ou nébuleuse, comme on aime souvent qualifier la vision générale des philosophes, de ce qu'est une langue officielle, ce qu'est la langue d'une nation, etc.? Non. Ils disent: Nous, on s'en est tenu concrètement au projet de loi 22. On a d'abord analysé très fermement et très clairement ce que le législateur annonce comme intention dans le préambule: attendu que, considérant que, parce que, en vue de. Par la suite, prenant pour acquis, si vous me permettez l'anglicisme, prenant pour du "cash" ce que le gouvernement affirmait dans le préambule, ils ont voulu vérifier si le gouvernement était fidèle à lui-même dans chacun des articles du projet de loi. Une fois que le législateur dit: C'est cela mon objectif, c'est ce que je veux atteindre, attendu que c'est vers cette situation que je me dirige, alors regardons maintenant s'il fait vraiment les pas dans la bonne direction.

M. le Président, je fais immédiatement référence à ce mémoire étonnamment bien construit. Ils ont d'abord, disent-ils, voulu établir les conditions de pertinence d'une loi sur la langue française. C'est, à mon avis, l'occasion que nous fournira à nous aussi, législateurs, le fait d'étudier d'abord le préambule avant d'étudier l'article 1, donc d'accepter la motion présentée par le chef de l'Opposition. Ils ont dit: Pour les fins de notre propos, il nous faut d'abord établir ce que nous sommes en droit d'attendre d'une législation. Pour ce faire, nous utilisons une grille d'analyse simple basée sur deux principes généraux qui permettent de définir les conditions de pertinence d'une loi en général.

Premièrement, toute loi vise à la réalisation à court ou à long terme d'objectifs définis, tout le monde en conviendra.

Donc, deuxièmement, à cette fin, en vue de la réalisation de ces objectifs, toute loi institue des contraintes. Premièrement, pour stimuler ou favoriser les forces susceptibles de concourir à la réalisation de l'objectif ou, deuxièmement, pour neutraliser ou abattre les forces adverses qui, si on les laissait à elles-mêmes, compromettraient la réalisation de ces objectifs.

La Société de philosophie du Québec nous signalait, M. le Président, que, si l'on accepte ces deux principes, on doit conclure, de façon générale, premièrement: qu'une loi qui prétend susciter ou favoriser des forces positives, mais qui n'établit pas les contraintes suffisantes, est strictement inutile et verbale; deuxièmement: qu'une loi qui prétend réagir contre une tendance adverse, mais qui néanmoins ne change rien au statu quo, n'est pas, à la limite, une loi, mais une pure et simple consécration de la tendance existante; troisièmement: que plus les tendances à neutraliser sont puissantes, plus la législation doit être ferme, si elle prétend concourir effectivement à la réalisation des objectifs définis dans le préambule.

M. le Président, ces remarques sont loin d'être insignifiantes dans le débat que nous engageons actuellement. Parce que vous savez combien de témoins sont venus à cette table signaler qu'effectivement, la loi 22 ne faisait que prétendre susciter ou favoriser des forces positives, mais qu'elle était loin d'établir les contraintes suffisantes et qu'en ce sens, elle était strictement inutile et verbale.

Vous savez combien de gens sont venus à la table de cette commission nous dire que cette loi, qui prétendait réagir contre les forces d'anglicisation et qui néanmoins ne change rien au statu quo, n'est pas une loi, mais est une pure et simple consécration de la tendance existante. Mais vous savez comme moi, M. le Président, que beaucoup de Québécois sont venus à cette table pour nous dire que les tendances à neutraliser sont infiniment puissantes, ce qui devrait nous inciter, comme législateurs, à être d'autant plus fermes si on veut vraiment que cette loi, que nous allons étudier article par article, prétende concourir effectivement à la réalisation des objectifs poursuivis.

La première étape — c'est dans ce sens qu'est la logique de la motion présentée par le chef de l'Opposition — la première étape consiste à définir clairement les objectifs que la loi poursuit, et cela, nous le ferons lorsque nous discuterons du préambule, car c'est là qu'on retrouve les objectifs. Ce point ne semble soulever aucune difficulté puisque, dans l'ensemble, nous pouvons dire que nous souscrivons, dans une grande partie, aux objectifs que le législateur gouvernemental a formulés dans son préambule.

Il est vrai qu'il s'agit de préserver un patrimoine national qu'on considère en péril. Je cite encore le préambule: "... d'assurer la prééminence..." et je cite encore: "... de favoriser l'épanouissement et la qualité de la langue française au Québec".

Notons seulement ici, au passage, que la pratique de la traduction anglaise adoptée par le gouvernement québécois ne semble pas toujours avoir des résultats heureux. Il est plutôt surprenant de constater que les obligations inscrites dans ce préambule, par exemple: "La langue française doit être..." "Les entreprises doivent faire...", se transforment en souhaits lorsqu'elles sont formulées en langue anglaise: "... should be..." Est-ce qu'il n'existe pas en anglais le verbe "must" qui aurait été l'équivalent de ce que l'on prétend dire en français dans le même préambule?

La deuxième étape de l'étude de la loi, par la

suite, comme je vous le disais tout à l'heure, sera l'occasion de vérifier si ce que nous avons affirmé avec tambour et trompette dans le préambule, en disant qu'on allait partir pour sauver le patrimoine national et qu'on allait rétablir la prééminence du français...

Une fois que nous aurons fait le plein des discussions sur ce sujet et le consensus de la commission parlementaire sur ce sujet, nous pourrons entamer l'étude article par article parce que nous saurons, article par article, quels sont les objectifs que tous ensemble nous avons décidé de poursuivre.

Encore une fois, non seulement cela pourrait raccourcir les débats, mais cela pourrait les maintenir au niveau sérieux auquel nous nous efforçons de les maintenir depuis le début de cette discussion.

Obtiendrons-nous un consensus facile de la commission sur les objectifs? Allez-vous me dire que, si la motion du chef de l'Opposition était acceptée, nous en aurions pour toute la semaine prochaine à discuter d'amendements que l'Opposition aurait à présenter sur le préambule?

Je ne connais pas, évidemment, quelle serait la réaction gouvernementale aux précisions que nous aimerions apporter dans le préambule, mais, à l'avance, je peux vous assurer que, si j'ai bien suivi les affirmations de principe sur lesquelles, d'ailleurs, le ministre de l'Education se disait intraitable au départ, si j'ai bien suivi les affirmations de chacun des membres du gouvernement, en oubliant les contradictions à cette table entre le ministre de la Justice et le ministre de l'Education — oublions pour un moment les dissensions qui ont marqué la vie du parti ministériel depuis le dépôt de ce projet de loi, — l'espèce de ralliement obligatoire que s'est senti obligé de faire le ministre des Communications, la dissidence exprimée par le ministre du Travail devant les dames qui sont venues assister, enchaînées à leurs chaises, aux travaux de notre commission de cette semaine.

Oublions le désaccord manifeste qui existe dans le Parti libéral et qui a obligé le député de Gouin à présider des caucus spéciaux à tous les matins pendant un mois. Non, M. le Président, oublions et faisons semblant que le projet de loi est vraiment le fruit du ministre de l'Education pour le moment. Me direz-vous par la suite, M. le Président, que si la motion du député de Sauvé, chef de l'Opposition, était acceptée, nous nous engagerions dans des discussions interminables? Non. Parce que je crois que malgré toutes les divergences exprimées il y a effectivement un consensus au sein de parti ministériel que l'Opposition n'est pas loin d'épouser à certaines occasions. Nous n'avons pas le même vocabulaire. Nous n'avons pas la même volonté de voir la loi préciser la place du français...

M. CLOUTIER: Est-ce que je peux me permettre une question? De l'anglais.

M. CHARRON: ... dans la vie collective des Québécois. Nous avons plutôt l'impression que la langue de la majorité devrait être la langue officielle dans tous les sens du mot et que cela ne devrait pas être une occasion d'affirmer un principe et le contredire dans d'autres articles par la suite. Soit, M. le Président, ces divergences entre l'Opposition et le parti ministériel sont bien connues. Mais, si nous acceptions, à la demande du chef de l'Opposition, d'entamer une discussion sur les objectifs, vous seriez probablement surpris du résultat que la commission atteindrait assez rapidement, quant aux objectifs. Par la suite, bien sûr cela engagerait un débat ardu sur la façon de réaliser ces objectifs.

Je soutiens donc encore une fois, M. le Président, que la motion du chef de l'Opposition n'a rien de dilatoire, mais qu'elle s'inscrit dans une volonté logique d'exprimer un projet de loi. Vous nous avez rappelé que notre ancien règlement fixait l'étude du préambule à la fin de l'étude en commission, mais vous nous avez rappelé également cette possibilité d'une commission d'intervenir l'ordre normal, c'est d'ailleurs pourquoi vous avez reconnu comme recevable la motion du chef de l'Opposition, sur une proposition d'un membre de la commission: Etudions plutôt tel aspect plutôt que tel autre avant. Je crois que nous sommes justifiés de modifier la tradition actuellement à cause de l'importance du projet de loi. Bien sûr, lorsque nous légiférons, je ne sais pas, sur un domaine d'importance inférieure à celui que nous discutons, il est bien possible que le fait de discuter du préambule, après la discussion article par article, constitue un avantage.

Mais pas lorsqu'on aborde les droits fonde-mentaux des citoyens, pas lorsqu'on prétend établir pompeusement une charte linguistique, pas quand on se gargarise d'être en train de modifier le visage de la métropole du Québec, à l'aide d'un projet de loi de cette envergure, et surtout pas quand on apporte un projet de loi aussi contesté par les Québécois. Je pense que l'occasion est belle de rompre avec les traditions parlementaires et de prouver que cette institution peut encore avoir de la souplesse et n'est pas enchaînée — si vous me permettez à nouveau l'expression, M. le Président — dans ses traditions sclérosées du XIXe siècle mais qu'elle peut, lorsque besoin est, modifier sa façon habituelle de fonctionner. Je pense que l'occasion nous est offerte par le chef de l'Opposition et j'espère bien que l'ensemble de la commission endossera l'offre et l'incitation — pour reprendre un mot cher au ministre de l'Education — à une nouvelle méthode de travail que vient de faire le chef de l'Opposition.

M. le Président, une fois que nous aurons établi les objectifs que cette commission doit viser, alors nous entamerons sans aucune espèce de discussion inutile, l'étude du projet de loi, article par article, parce que chacun des membres saura parfaitement à la poursuite de quel

objectif nous serons désormais lancés pour les semaines à venir. Dans le même esprit, M. le Président, puis-je vous signaler, qu'une fois les objectifs fixés dans le préambule, non seulement étudierons-nous, article par article la loi, mais également les amendements que le ministre nous a soumis hier soir lorsque vous avez appelé l'article 1: les siens, ceux qu'il a lui-même apportés, ceux qui lui ont été imposés au conseil des ministres et ceux que le caucus libéral lui a fait avaler. Sans aucune distinction, nous les prendrons en nous imaginant que c'est toujours le ministre de l'Education qui en est le parrain. Nous ne ferons pas de chichi à savoir si le ministre de l'Education a été battu au conseil des ministres, qu'il a été obligé d'invoquer la force, si le ministre de la Justice a été obligé de peser de tout son poids —vous savez ce que je veux dire — lorsqu'il est intervenu dans le débat. Non, je crois que l'humiliation qu'a subie le ministre de l'Education depuis le début, par ses propres collègues, est encore plus grande que celle que lui a infligée l'Opposition et qu'en ce sens nous devrons aborder les amendements.

Maintenant, si dans cette discussion, le ministre de l'Education n'est pas capable de défendre ses amendements, alors, nous n'hésiterons pas à faire appel à ceux qui les ont insérés au projet de loi, au besoin, faire appel au ministre de la Justice pour qu'il vienne nous expliquer ce qu'il a imposé à son collègue de l'Education. Peut-être, à ce moment-là, se trouvera-t-il un député de service, comme celui de Laporte, pour essayer de sauver les meubles, éviter une dissension ministérielle et nous expliquer à sa façon chacun des amendements. Mais encore une fois, seulement lorsque nous nous serons entendus sur les objectifs et que la motion du chef de l'Opposition nous aura permis de fixer ces objectifs dans le préambule, et par la suite, de passer à la discussion article par article.

C'est pourquoi, M. le Président, je trouve parfaiteent logique — même si ce mot fait frémir le ministre de l'Education — la motion du chef de l'Opposition.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable ministre de l'Education sur la motion du chef de l'Opposition officielle.

M. CLOUTIER: M. le Président, je vous remercie de m'accorder la parole. Je ne ferai pas de commentaires sur les insultes et les injures dont m'abreuve régulièrement le député de Saint-Jacques. Il n'y a qu'une seule réaction devant ce genre de phénomène, c'est le mépris, et j'ai bien l'intention de l'utiliser à bon escient.

Tout d'abord, avant de parler de la motion elle-même, je voudrais rétablir certains faits. Le député de Saint-Jacques s'amuse beaucoup à parler de dissension au sein du caucus, au sein du cabinet; il parle de l'humiliation du ministre de l'Education parce que, apparemment, j'au- rais été mis en minorité sur certains points du projet de loi. Je pense qu'il devrait comprendre — je n'ai guère d'espoir de ce côté — qu'un projet de loi n'est jamais le projet de loi d'un ministre, mais est le projet de loi d'un gouvernement qui se veut solidaire.

En effet, même si un ministre est chargé de façon particulière, je l'ai été, soit dit en passant, non à titre de ministre de l'Education, mais uniquement parce qu'on avait besoin de quelqu'un pour tenter de définir les grandes lignes d'une législation linguistique et comme j'avais été, au départ, dès 1970, ministre des Affaires culturelles et que l'Office de la langue française relevait de ce ministère, c'est à ce moment-là que j'ai commencé à m'occuper du dossier.

Je dis donc que ce n'est pas parce qu'un ministre s'occupe d'élaborer les grandes lignes d'une législation que cette législation est la sienne. Bien au contraire. Le ministre présente au cabinet un certain nombre d'opinions, d'études préliminaires et c'est à la suite de discussions qui, dans le cas particulier, ont duré, je ne dirais pas des mois, mais des années, que l'on en arrive à une formulation qui tient compte des points de vue exprimés. Je pense qu'il est extrêmement important qu'on le comprenne et je laisserai le député de Saint-Jacques s'amuser lorsqu'il tentera de mettre en contradiction certains de mes collègues.

Je viens d'une famille, soit dit en passant, qui a le courage de ses convictions et je crois qu'on en a eu récemment une démonstration.

M. CHARRON: On a vu cela cette semaine.

M. CLOUTIER: Comment, qu'est-ce que j'ai entendu?

M. CHARRON: J'ai dit: On a vu cela cette semaine.

M. CLOUTIER: Certainement, à quoi pensez-vous, M. le député de Saint-Jacques? A ma soeur? Certainement, et je félicite mes soeurs d'avoir le courage de leurs opinions. Nous avons davantage le courage de nos convictions que d'une certaine solidarité, serait-elle familiale. Et je trouve cela parfaitement normal et je suis très heureux de cette occasion qui m'est donnée de faire une mise au point.

Nous sommes neuf enfants. Nous ne venons pas — comme d'ailleurs le croit le député de Saguenay — d'une famille riche, mais d'une famille très modeste. Neuf enfants, cela signifie que chacun a droit à ses opinions politiques. Je respecte les opinions de mes soeurs et je crois qu'elles respectent les miennes. J'ajoute que j'ai de l'admiration pour elles, parce qu'elles ont le courage de dire ce qu'elles pensent. Peut-être ont-elles le même sentiment vis-à-vis de moi?

Soit dit en passant, ceci ne détermine aucune humiliation chez moi, contrairement à ce que disait un journaliste d'un quotidien montréalais, mais cela déclencherait plutôt l'inverse, c'est-à-

dire un sentiment d'admiration pour les gens qui ont le droit de se battre pour ce qu'ils pensent. Peu importe qu'ils aient raison ou tort, il y a là une démarche qui me paraît valable.

Ceci dit, M. le Président, il y a donc aucune humiliation, quelles que soient les opinions politiques d'une très grande famille, qui est représentative des familles québécoises, et il n'y a strictement aucune humiliation, quelles que soient les opinions qui ont pu s'exprimer dans un groupe d'hommes de bonne volonté, qu'il s'agisse du cabinet ou qu'il s'agisse du caucus, de manière à en arriver à une formulation qui tient compte de l'orientation de ce parti qu'est le Parti libéral.

Je n'ai pas l'intention d'y revenir constamment, parce que je sais bien que le député de Saint-Jacques se fera un malin plaisir... Dans le cas particulier, c'est de bonne guerre d'essayer de mettre en évidence ce qu'il appelle les dissensions.

En ce qui concerne la motion proprement dite, et je m'excuse si j'ai été appelé à faire une petite incursion en dehors du règlement, je crois que le député de Saint-Jacques m'y avait invité en me donnant le mauvais exemple...

M. CHARRON: Aucune objection.

M. CLOUTIER: En ce qui concerne cette motion, je ne suis pas un procédurier. J'ai tenté depuis mardi, onze heures, d'en arriver au fond du débat. Nous nous trouvons encore dans un débat de procédure. Je laisse l'opinion publique juge de ce qu'essaie de faire le Parti québécois avec cette stratégie.

Cependant, ce que je voudrais dire, c'est que cette motion qui se lit de la façon suivante. Est-ce que vous avez, M. le Président, le texte de la motion du Parti québécois? Il est important, je pense, d'en méditer tous les termes: "Que l'étude de l'article 1 soit différée —je souligne différée — jusqu'à ce que l'étude du préambule du projet de loi 22 ait été complétée".

Nous avons réussi, après trois jours et demi de discussions à faire enfin ouvrir le débat de fond, c'est-à-dire à attaquer l'article 1. Le Parti québécois cherche actuellement, par un moyen détourné, à faire machine arrière et à nous sortir du débat de fond, c'est-à-dire à nous sortir de l'étude de l'article 1.

En ce qui concerne le préambule, il y a déjà eu une décision rendue par le président, après une demande de directives du chef de l'Opposition. Cette décision, qui m'a paru fort savante, était basée sur le fait que le préambule, d'après notre ancien règlement, lequel s'applique, étant donné le silence du règlement actuel, doit s'étudier suivant un certain ordre et doit venir à la fin de l'étude des articles.

La raison qu'a donnée le président est une raison de logique même, à savoir que le préambule sert à l'interprétation de la loi, une fois que cette loi est adoptée, même s'il n'a pas de valeur juridique. Par conséquent, le préambule doit refléter la loi et, si par hasard, en cours de discussions, il y a des amendements, à ce moment, le préambule doit être modifié.

Or, si le préambule était accepté d'emblée, il ne pourrait pas, à ce moment, être modifé. Je ne veux pas entrer dans toutes les arcanes de ces discussions juridiques, mais il me semble qu'il y a là un règlement qui est empreint de sagesse et qu'il est difficile de mettre de côté.

D'ailleurs, le président s'était basé sur l'article 564, qui donne l'ordre de l'étude de différents détails du projet de loi, et je me permettrais d'attirer l'attention du président sur l'article 567, qui apporte peut-être un argument supplémentaire, plus spécialement sur une note au bas de la page 168 de notre ancien règlement. L'article 567 se lit de la façon suivante: "Quand un comité plénier apporte à un bill public quelque amendement, qui ne cadre pas avec le titre de ce bill, il doit amender le titre en conséquence". Ceci signifie clairement que si l'on étudie le titre ou le préambule au départ, il est impossible de le rendre conforme aux amendements possibles.

Je crois que la note au bas de la page est extrêmement claire de ce point de vue. Je la lis: "Le titre et le préambule d'un bill public sont subordonnés aux articles de ce bill, mais les articles ne le sont pas au titre et au préambule". Ceci signifie que le député de Saint-Jacques a beau invoquer des arguments d'ordre ou d'allure philosophique, il n'est pas possible de procéder comme il le souhaite, parce que ce ne sont pas les articles de la loi ou du projet de loi qui découlent du préambule ou même du titre, mais c'est exactement l'inverse, à savoir que les articles du projet de loi doivent se refléter dans les préambule comme dans le titre.

Je m'arrête là parce que je ne voudrais pas tomber dans le travers de la procédure, mais je pense qu'il faut tout de même se rendre à l'évidence. Par conséquent, je suis obligé de conclure qu'on se trouve encore en présence d'une manoeuvre dilatoire. Je suis obligé de conclure que le Parti québécois cherche par un moyen détourné à écarter l'étude de l'article 1 que nous avons péniblement réussi à aborder hier soir, après trois jours et demi de discussions. Je me réserve, à l'occasion, lorsque nous serons vraiment rentré dans le fond du débat de réfuter certains des arguments du député de Saint-Jacques, mais pour l'instant, je m'en tiens à la pertinence de la motion. J'annonce ce qui n'apparaîtra certainement pas comme une surprise à la suite des explications que je viens de donner, que le gouvernement n'acceptera pas et votera contre la motion du chef de l'Opposition. Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Lafontaine.

M. LEGER: M. le Président, quand on regarde le titre qu'on se donne en préambule, cela

vient du mot "praeambulare". "Ambulare" veut dire qu'on avance et "prae", c'est avant d'avancer dans un sujet. Je pense qu'il est tout à fait logique de discuter de choses importantes qui y sont contenues avant de fonctionner, d'avancer dans le projet de loi, de se poser des questions sur le contenu de ce préambule, puisqu'on l'appelle le préambule. La motion qui demande de différer l'article 1, pour compléter l'étude du préambule complètement, est tout à fait logique, parce que le préambule est un éclairage, un instrument de mesure de ce que sera la loi. Je suis d'accord avec le député de Terrebonne quand il dit que quand on fait le contenu d'un livre, par la suite, on trouve quel serait le titre qui conviendrait le mieux à tout cela, et on met le titre après. Mais, il se peut fort bien qu'on puisse partir de l'inverse, c'est-à-dire qu'on détermine un titre pour savoir sur quel sujet on va traiter. Des types comme Conan Doyle ou bien Maurice Leblanc, partent avec un titre et, après cela; trouvent une façon de mettre une situation tellement compliquée au point de vue policier, qu'ils arrivaient avec une conclusion de plus en plus compliquée...

UNE VOIX: C'est un roman policier.

M. HARDY: Le député de Lafontaine compare le projet de loi 22 à un roman policier.

M. LEGER: C'est pire que cela, M. le Président. Je dirais même que vous êtes en train de faire de l'Opposition des noctambules. Alors, on parle du préambule, je dirais que vous êtes en train de faire de l'Opposition des noctambules. Cela vient du mot, la nuit, ambulare, nocto ambulare, cela veut dire marcher dans la nuit.

M. VEILLEUX: M. le Président, est-ce que le député de Lafontaine me permet une question?

M. LEGER: Le projet de loi actuel est tellement clair.

M. VEILLEUX: M. le Président, pourriez-vous demander au député de Lafontaine s'il me permet une question?

M. LEGER: Est-ce que j'ai la parole, M. le Président? Non, à la fin de mon discours, vous aurez l'occasion de faire votre intervention. Vingt minutes pour trouver d'autres acteurs de cinéma.

M. VEILLEUX: Parce que, M. le Président, je me demandais s'il avait appris cela en "collectant" dans les églises.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Le député de Lafontaine n'a pas permis de questions.

M. LEGER: J'étais en train de dire, M. le Président, que le préambule est nécessaire, puisque de l'Opposition, on veut en faire des noctambules. Fonctionner, marcher à l'intérieur d'un projet de loi à la noirceur. Nous avons voté contre le principe du bill. Le seul article que nous trouvions qui avait un peu d'allure, pourvu qu'il soit bien indiqué, clairement énoncé: La langue française est la seule langue officielle au Québec; c'est un éclairage dont nous avons besoin. Il est essentiel que nous ayons un éclairage avant de fonctionner et de faire ce qu'on appelle "ambulare" à l'intérieur de ce projet de loi. Je dirais même que le gouvernement déambule lui. Cela vient de deux mots latins encore, c'est que quelqu'un qui déambule, vient de quelque part, et il avance. On arrête quelqu'un qui déambulait sur la rue.

Le gouvernement vient d'où pour arriver avec un projet comme cela? Il vient, M. le Président, d'un souci électoraliste, d'un souci de l'image, de présenter un tape-à-l'oeil, une loi qui fait semblant de régler des problèmes en ayant suffisamment d'articles dans ce projet de loi pour faire des corrections, pour amener des exceptions qui sont plus nombreuses que la loi et changent complètement le sens de l'article 1.

Si nous, nous sommes des noctambules à cause du gouvernement et que le gouvernement déambule, il reste maintenant le ministre de l'Education qui est un somnambule.

C'est un somnambule parce qu'il marche en dormant. Il ne s'aperçoit pas...

M. CLOUTIER: C'est vrai, M. le Président, je l'avoue. Quand j'écoute le député de Lafontaine, je n'ai pas d'autre choix.

M. LEGER: Ce n'est pas à cause de nos discours. M. le Président, il marche en dormant parce qu'il ne s'aperçoit pas — je ne peux pas conclure autre chose — qu'un ministre puisse présenter un projet de loi tout à fait éveillé devant la situation des Québécois, la réaction des Québécois devant cela.

On est tout offusqué de voir des gens, qui viennent tous les jours ici, s'exprimer tout à coup, spontanément, devant une déclaration du député de Terrebonne ou du ministre de l'Education ou du premier ministre ou d'un député de l'Opposition, avoir une réaction tellement "peuple". Le gouvernement est tellement loin de ce peuple! Il est proche de ses technocrates; il est proche de ses faiseurs d'images. Les réactions normales, régulières, viscérales d'un peuple, il en est tout offusqué, tout offensé, et, pour lui, le décorum est plus important que la démocratie.

M. le Président, je pense que le préambule est important pour donner un éclairage, quitte à ce que si, par hasard, au cours de la loi, il y a des articles qui sont modifiés au point qu'il faut recorriger le préambule, il n'y a pas d'objection, pas de problème. On le fait couramment à l'occasion de l'étude des lois. Combien de fois, avons-nous vu, article 22, tel amendement, et, rendu à l'article 40, on doit simplement recorri-

ger l'article 40. A ce moment, on s'est dit, à l'article 22, maintenant qu'on a corrigé l'article 40, il faut, pour qu'il y ait une concordance, recorriger l'article 22 pour être conforme avec ce qu'on a dit à l'article 40.

M. DEOM: C'est cela.

M. LEGER: M. le Président, c'est normal qu'au départ, on discute du préambule et que, par la suite, on puisse revenir corriger le préambule. Le principe que je veux mettre de l'avant, c'est simplement l'importance d'avoir, comme les avocats l'auront, ce préambule, pour être capable d'interpréter des articles de la loi qui sont, par la suite...

M. DEOM: II est en forme, ce matin!

M. LEGER: ... la charte dans laquelle toutes personnes qui auront des conflits linguistiques pourront déterminer qu'à tel article on voulait dire telle chose, parce que, dans le préambule, c'était indiqué: Attendu que. On voulait atteindre tel objectif. Article 48, on a fait telle ou telle déclaration. M. le Président, c'est tout à fait conforme et normal...

M. DEOM: Moi, je suis d'accord... Vous aviez de l'humour.

M. LEGER: Oui, oui.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LEGER: M. le Président... Mais si vous me provoquez un peu, j'aurai peut-être quelque humour de plus à votre endroit.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. CLOUTIER: ... réserve...

M. LEGER: Etes-vous encore aux quilles? Vous devez être dans les réserves parce que vous n'avez pas fait beaucoup d'abats jusqu'à maintenant, M. le Président.

J'étais en train de dire qu'il est important que, si les avocats doivent se pencher sur l'interprétation de chacun des articles en ayant un retour vers le préambule, il est important, pour les députés qui doivent rédiger chacun des articles, qu'ils soient au courant des intentions que nous décelons dans ce préambule.

C'est pour cela qu'il se peut que nous ayons des amendements à proposer à ce préambule. Il faut nécessairement qu'on accepte de discuter de ce préambule et du contenu et, M. le Président, un exemple frappant. Je vais donner l'exemple suivant, celui de l'intolérance des faibles. M. le Président, quand on est dans l'insécurité, quand on est dans une situation continuelle de frustration, on est porté à être intolérant vis-à-vis des autres.

Ce projet de loi, s'il pouvait, autant dans son préambule que dans son contenu, enlever cette insécurité à la majorité francophone qui agit souvent comme une minorité canadienne impuissante... Les Québécois ont une réputation mondiale d'une hospitalité proverbiale, d'un coeur ouvert à tout le monde. Essayez, sur la rue Sainte-Catherine, à Montréal, si un touriste américain vient demander à un Québécois à quel endroit se situe telle ou telle bâtisse, c'est juste si on ne retient pas les Québécois d'aller le reconduire. Il ne l'expliquera pas, il va aller le reconduire. Ce n'est pas partout pareil, dans tous les autres pays du monde. Les Québécois sont hospitaliers, sont tolérants, mais sur un point majeur qui est la langue, qui est la culture, les Québécois ne peuvent que devenir de plus en plus — surtout ceux qui sont informés, ceux qui passent au-dessus de leurs petites préoccupations quotidiennes, mais qui voient le sort et le destin réservés à leur nation — intolérants parce qu'ils sentent qu'ils sont de plus en plus dans l'insécurité, dans la frustation. Il y aurait deux choses qui pourraient permettre aux Québécois d'être de plus en plus eux-mêmes, avec toutes leurs qualités et leurs défauts, mais d'être tolérants, hospitaliers, sûrs d'eux-mêmes, c'est d'abord cette souveraineté culturelle que le projet de loi pourrait nous donner si le gouvernement avait le courage d'aller au bout de l'image qu'il veut donner et de le faire dans la réalité et, deuxièmement, si nous avions cette indépendance politique essentielle pour le réaliser.

Et c'est une des raisons pour lesquelles — je ne veux pas revenir, le règlement ne me le permet pas — de la constitutionnalité de ce projet de loi parce que peut-être que ces personnes nous auraient dit — les spécialistes en constitution — que seule l'indépendance du Québec permet d'apporter une souveraineté culturelle complète au Québec. C'est cela qu'on aurait pu savoir, mais je sais que le règlement ne le permet pas et je n'irai pas jusqu'à continuer dans cette veine, mais c'est important quand même pour les éminents députés du parti ministériel afin qu'ils sachent jusqu'à quel point ils peuvent tromper la population.

Vous avez dû remarquer avec fierté, devant cette participation accrue des députés de l'Opposition qui sont venus à cette commission parlementaire dans le but précis d'être logiques avec eux-mêmes, c'est-à-dire d'avoir voté contre le principe de cette loi et d'essayer, à l'occasion de la commission parlementaire, de bonifier cette loi jusqu'à un point tel que le principe que nous défendons s'y retrouve. Je pèse bien mes mots, pour que nous puissions jouer le rôle de l'Opposition officielle, il faut nécessairement que sur une loi de cette importance — soit à l'article 1, soit à d'autres articles, soit à l'occasion d'amendements précis, importants, vitaux que nous présenterons — le gouvernement accepte ces amendements s'il veut que nous

continuions à jouer notre rôle d'Opposition officielle parce que, pour nous, bonifier la loi pendant la période de la commission parlementaire, c'est préserver le principe pour lequel nous aurions été en faveur lors de la deuxième lecture, c'est-à-dire que le français soit la seule langue officielle au Québec.

Pardon, M. le Président? Non. Je ne parle pas sur le principe, mais je dis pourquoi nous sommes ici. C'est important qu'on sache pourquoi il y a des noctambules ici.

Si nous voulons ramener de la clarté et ne plus être des noctambules... Pardon? Qu'est-ce que j'ai dit?

M. DEOM: Est-ce que je peux vous poser une question?

M. LEGER: La clarté, certainement, M. le Président. Oui, M. Déom. Excusez. Oui, M. le député de Laporte. J'écoute votre Te Deum.

M. DEOM: Est-ce que je peux vous apporter un dictionnaire de synonymes pour vous permettre d'allonger votre intervention?

M. LEGER: Le député de Laporte ne peut me la fermer, la porte, parce que j'ai encore du temps devant moi...

M. DEOM: C'est une vieille farce.

M. LEGER: ... pour essayer de le convaincre et, comme je le fixais, il était...

M. DEOM: "La porte".

M. LEGER: ... porté à acquiescer à chacune des affirmations que j'avais devant moi et j'étais convaincu que j'étais en train de le convaincre. Il avait un sourire engageant. J'ai dit: On va en avoir un de notre bord. Mais le chef de l'Opposition est en train de...

M. DEOM: La porte, M. le député de Lafontaine.

M. LEGER: ... de me ramener à la réalité et de réaliser que la solidarité ministérielle va être plus forte que des convictions personnelles. D'ailleurs je sais, M. le Président, que le député de Laporte désire énormément participer à ce débat. Il s'est retenu jusqu'à maintenant. Si je ne me trompe pas, je pense qu'il est le rapporteur.

LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est exact.

M. LEGER: M. le Président, un rapporteur doit quand même être capable de mettre quelque chose de son cru dans ce rapport. Il faudra que le député de Laporte nous apporte quelque chose. Le député de Laporte, qui va nous rapporter quelque chose...

LE PRESIDENT (M. Gratton): La motion s'il fous plaît.

M. LEGER: ... a certainement l'intention de parler, à ce moment-ci, puisqu'il a manifesté l'intention de parler en deuxième lecture, mais on l'a bâillonné pour pouvoir avoir un vote lundi soir.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! La motion, s'il vous plaît. ...

M. LEGER: Oui, M. le Président. Je respecte votre décision.

M. LACHANCE: Cela prend du temps.

M. LEGER: M. le Président, j'ai justement dit que ce préambule a une raison d'être, parce que la plupart des lois n'ont pas de préambule. Il y en a qui en ont. M. le Président, si celle-là a un préambule, il y a une raison. Est-ce du tape-à-1'oeil, est-ce de la publicité gratuite pour un gouvernement qui n'ose pas aller au fond du courage qu'il devrait mettre d'avant pour réaliser selon les besions des Québécois? M. le Président, est-ce que le gouvernement veut simplement jeter de la poudre aux yeux par ce préambule?

M. HARDY: Ne parlez pas de votre budget.

M. LEGER: M. le Président, si le gouvernement a mis un préambule, c'est qu'il a des intentions et cela a une certaine importance. Autrement, vous faites perdre le temps de cette Chambre, nous amener un préambule qui n'aurait aucune raison d'être.

M. DEOM: Farceur!

M. LACHANCE: Tartuffe!

M. LEGER: Qu'est-ce qu'on fait là, M. le Président? Si le préambule n'a pas sa raison d'être, enlevons-le, on va voter contre et ensuite on va passer à l'article 1, mais s'il a sa raison d'être, il faut peut-être le modifier pour qu'il corresponde à ce que le reste du projet de loi nous présente.

M. le Président, le député de Terrebonne doit admettre que le contenu de la loi ne doit pas trahir les intentions du préambule. Trop souvent le mot "trahison" a été présenté. Jusqu'à maintenant, le préambule pourrait être presque bien. Il y a quelques petites modifications, entre autres, le mot "prééminence", ça veut dire quoi?

M. HARDY: Vous parlez du préambule?

M. LEGER: Je parle du préambule. L'article 1 pourrait être presque bien. Jusque-là, M. le Président, on pourrait s'entendre s'il y avait

certaines corrections, qui amèneraient le gouvernements à aller de l'avant, mais le reste, M. le Président, c'est non seulement une trahison, mais c'est fait d'une façon cachée. On dit qu'on abolit le bill 63 alors que dans le préambule, on dit tout simplement: "Attendu que..." Je ne voudrais pas perdre le temps de la Chambre à lire ce préambule que tout le monde a lu, mais je vais quand même répéter la première phrase: "Attendu que la langue française constitue le patrimoine national — tout le monde sait cela — que l'Etat a le devoir de préserver — c'est vrai, M. le Président, mais est-ce qu'il va avoir le courage de le faire — et qu'il incombe au gouvernement du Québec — on se donne des obligations, M. le Président — de tout mettre en oeuvre pour en assurer la prééminence..." Cela veut dire quoi, M. le Président? Je vois que ce matin on nous a apporté un document de M. McWhinney qui explique justement les conséquences constitutionnelles de ce projet de loi. La prééminence, est-ce que cela veut dire qu'une langue doit être supérieure à l'autre? A ce moment-là, l'autre ne disparaît pas comme langue officielle. Il y a des définitions dans ce préambule. Il y a des explications. Est-ce que deux lois peuvent être officielles?

Le ministre lui-même a dit qu'on ne pouvait pas avoir une langue officielle et deux langues nationales. "C'était mêlant", c'est ce que vous avez dit hier, M. le Président.

M. HARDY: Vous me permettez une question?

M. LEGER: Certainement. Enlevez cela sur mon temps de parole, M. le Président.

M. HARDY: Vous désirez les définitions dans le préambule?

M. LEGER: Je veux qu'on explique justement ce que veut dire "prééminence", parce que pour nous cela peut avoir une signification différente. Si cela a une signification différente, il faudrait peut-être corriger et amender ce préambule.

M. le Président, je ne peux pas faire autrement que de dire: Ou bien le préambule est important et il faut en discuter, le corriger, l'amender s'il le faut, ou bien, c'est inutile puisqu'il y a bien des lois qui n'en ont pas. Si c'est inutile, M. le Président, je m'interroge sur les motifs du gouvernement qui déambule avec un ministre qui est somnambule et avec une opposition qui sont des noctambules sur ce préambule, M. le Président.

M. CLOUTIER: M. le Président, permettez-moi d'ajouter qu'on vient d'assister au numéro d'un funambule.

M. LEGER: M. le Président, est-ce que c'est une fuite à l'avant?

M. LESSARD: Et pendant ce temps, le ministre est somnambule.

UNE VOIX: Il l'a fait avant.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Encore une fois, je n'ose pas inviter les membres de la commission... J'allais dire que je n'ose pas inviter les membres de la commission à ne pas faire d'humour, mais je n'ose pas non plus demander au public de ne pas rire lorsqu'il considère que c'est drôle. Je lui demanderais tout au moins de ne pas applaudir, parce que le règlement ne le permet pas, et de tâcher de nous donner toute la collaboration dont nous avons besoin pour tâcher de faire avancer les travaux.

M. LEGER: M. le Président, sur un point de règlement. Le ministre m'a quand même traité de funambule. Je voudrais simplement dire que son projet de loi laisse les Québécois dans le vestibule.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. CLOUTIER: Là, c'est moins drôle.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que la commission est prête à se prononcer sur cette motion? Le député de Chicoutimi.

M. CLOUTIER: Vote. Mais ils vont tous parler encore? Je croyais que le "filibustering" était terminé.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Chicoutimi.

M. BEDARD (Chicoutimi): Ce n'est pas du "filibustering", on continue à parler devant l'incompréhension du gouvernement face à nos demandes. C'est tout simplement cela. On essaie de faire des efforts supplémentaires pour essayer de vous convaincre de la justesse des représentations que nous faisons.

M. CLOUTIER: Dites cela sans rire.

M. BEDARD (Chicoutimi): Sans rire. Je viens de le dire sans rire. Vous devriez le remarquer. Justement, je voudrais axer mon intervention en argumentant sur les motifs qui ont été amenés d'une part par le ministre des Affaires culturelles, des motifs de logique, et également par le ministre de l'Education pour inciter la commission, pour justifier...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BEDARD (Chicoutimi): Est-ce qu'on pourrait s'attendre à un peu de sérieux de la part des députés du gouvernement face à un projet de loi aussi sérieux, M. le Président? On

s'aperçoit qu'ils sont ici pour rire, pas pour légiférer.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Allez-y!

M. BEAUREGARD: Vous parliez tous les deux en même temps, le député de Saguenay et le député de Chicoutimi, c'est ce qui s'est passé.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LACHANCE : Parlez tous les deux ensemble, cela va prendre moins de temps.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !

M. LESSARD: Nous ne sommes pas sur la même chaise, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Chicoutimi.

M. BEDARD (Chicoutimi): Si cela ne vous intéresse pas de parler de la langue française...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. HARDY: J'invoque le règlement.

M. BEDARD (Chicoutimi): Retournez dans vos comtés et continuez votre patronage.

M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement. Je vous demanderais d'inviter les députés qui siègent à votre droite à éviter de participer au spectacle de ceux qui siègent à votre gauche.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Chicoutimi, sur la motion.

M. BEDARD (Chicoutimi): Alors, M. le Président, justement, en me référant à cette logique qui a été amenée tant par le ministre des Affaires culturelles que le ministre de l'Education, on s'y est référé d'une façon abondante à l'article 564 de l'ancien règlement. L'argumentation du ministre était que, conformément à cet article, on ne devait discuter du titre de la loi et du préambule qu'à la fin. Son raisonnement, si je l'ai bien compris, est qu'il faut ajuster le préambule à la loi telle que votée et non pas ajuster les articles à l'esprit du législateur. Je pense, M. le Président, que s'il fallait suivre ce raisonnement, il faudrait en arriver à la conclusion que l'article 1, où on retrouve tout simplement le titre de la loi, devrait être étudié à la toute fin de ce projet de loi. Car il se peut fort bien, à l'étude des articles, que, consé-quemment, certains amendements puissent y être apportés et que, du point de vue logique, on soit amené face à la législation que nous aurions adoptée en commission, à moins d'être hypocrites, à changer la teneur de l'article qui déclare le français langue officielle et qui, parce qu'il ne serait pas conforme aux amendements qui auraient été acceptés par la discussion article par article, est la traduction du titre lui-même de la loi, Loi sur la langue officielle. L'article 1, en soi, peut facilement être discuté à la toute fin et je pense que ce serait même logique qu'il soit discuté à la toute fin de ce projet de loi. Parce que, effectivement, qu'est-ce que c'est l'article 1, M. le Président?

M. HARDY: M. le Président...

M. BEDARD (Chicoutimi): C'est l'image politique que semble vouloir traîner le gouvernement dans le paysage, ce n'est pas plus que ça. Mais il faut que ce soit plus que ça, M. le Président. Il faut que l'article 1, qui dit que le français est la langue officielle au Québec, ne soit pas une image politique qu'on trame dans le paysage du Québec, mais représente la réalité. Le ministre des Affaires culturelles, à juste titre, a parlé de l'importance du préambule, au point de vue de la législation — si je fausse son argumentation, il pourra me corriger — dans le sens suivant : faisant allusion aux jugements que sont appelés à rendre des juges face à l'application de certaines lois, il est possible que, sur certains articles, à la suite de difficultés d'interprétation, les juges se voient justifiés de référer au préambule dans le sens d'essayer d'y retrouver là la véritable intention du législateur.

Si nous voulons discuter tous les articles de ce projet de loi avec cohérence et non dans la confusion, il est nécessaire de savoir, au départ, si nous légiférons tous avec le même but à atteindre. Quel est l'objectif, M. le Président, de ce projet de loi? Je me permets, pour ne pas être long, de référer tout simplement — j'espère que c'est aussi l'objectif du gouvernement — à ce que je me permettais d'exprimer lors du discours de deuxième lecture.

Ce projet de loi ne peut avoir comme objectif que de renverser le rapport de force qui, actuellement, au Québec, favorise l'anglais aux dépens du français, de façon à faire du Québec un pays véritablement français. Il est important de savoir, au tout départ de cette discussion — pour la faire avec cohérence, encore une fois, et non dans la confusion — si, effectivement, l'intention du législateur est vraiment de faire du Québec, par sa législation, un pays véritablement français, malgré les 16 millions de Canadiens anglophones qui nous entourent et les 220 millions d'Américains qui sont nos voisins; un pays français, malgré la structure fédérale qui limite notre sphère d'activités, qui est contrôlé par la majorité anglophone, un pays français, malgré la prédominance économique dont jouit, présentement, ici même au Québec, la minorité de langue anglaise. On sait que la tâche, face à ces obstacles, est considérable. C'est pour cela qu'il est important de savoir dès maintenant, pour ne pas procéder, encore une fois, dans la confusion, si l'intention du

législateur, en faisant voter l'article 1, n'a pour effet que de promener une image politique à travers le Québec, et tant mieux si on nous convainc du contraire, ou si, réellement, on veut faire — avec tout ce que cela comporte — du français la véritable, la seule langue officielle au Québec.

Pour arriver à cet objectif, il faut aller au coeur du problème, poser les gestes décisifs qui vont corriger la situation très grave. Déjà, nous le savons, dans l'ensemble du Canada, les francophones sont disparus partout, sauf au Québec et dans ses zones limitrophes.

Il y a quelques décennies, nous comptions pour plus du tiers des Canadiens; nous ne sommes maintenant guère plus du quart. Au Québec même, la minorité anglaise réussit à assimiler — ça, nous le savons, ce n'est pas de la fiction, c'est de la réalité — trois fois plus de personnes que la majorité française. Pour 100,000 personnes — ce sont des chiffres que tous les membres de la commission doivent connaître et qui montrent l'importance du problème que nous avons à régler et l'importance des obstacles que nous avons à surmonter, si nous voulons faire du Québec un véritable pays français— assimilées par le groupe anglophone dont 25,000 proviennent du groupe francophone, il y a 30,000 personnes qui sont venues s'ajouter à la minorité française.

Si l'on s'en tient aux immigrants, l'évolution est encore pire, puisque dans neuf cas sur dix, ceux-ci choisissent d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise plutôt qu'à l'école française. Encore une fois, M. le Président, ce n'est pas de la fiction. C'est de la réalité. C'est tout simplement l'expression du danger réel d'assimilation auquel la majorité québécoise francophone a à faire face.

C'est dans ce sens qu'il est important de savoir jusqu'où va la détermination du gouvernement de vouloir légiférer d'une façon ferme et énergique, M. le Président. C'est au début de la discussion que le gouvernement doit nous le faire savoir, de manière que nous soyons convaincus qu'ici, à cette commission, nous sommes en train de travailler à réaliser le même objectif et que ce même objectif que nous aurons précisé dès le début des discussions, éclairera les discussions que nous aurons à faire article par article.

Tel que le disait à un moment donné le Dr Charles Castonguay, il est important de savoir, si ce dernier pouvait avoir raison lorsqu'il disait que le projet de loi 22, dans sa formation actuelle, rate complètement sa cible, que cette législation, loin d'ouvrir la voie à l'intégration des anglophones à la majorité québécoise, consacre en droit, la minorité anglaise comme extension active et inexpugnable de la majorité canadienne assimilante sur le territoire du Québec.

M. le Président, la perpétuation d'une telle situation serait intolérable pour la majorité québécoise et en contradiction directe avec la notion de souveraineté culturelle dont parle tant le gouvernement. Il est important de savoir et je ne vois pas en quoi le gouvernement pourrait être réticent à l'idée de montrer tout de suite au niveau de son préambule, sa détermination farouche de légiférer pour l'élément qui est menacé dans le Québec. Ce n'est pas l'anglais qui est menacé dans le Québec, M. le Président, c'est le français.

Et ce qui est important aussi, c'est que lorsque le gouvernement nous parle et chante sur tous les tons son désir d'accéder à une souveraineté culturelle, il l'a déjà répété à maintes et maintes reprises, j'imagine et je ne comprends pas où se situent les réticences du gouvernement de vouloir tout simplement nous montrer jusqu'à quel point son désir de souveraineté culturelle peut se retrouver à l'intérieur de ses intentions comme législateur, dans l'étude même du préambule de cette loi, M. le Président.

M. TETLEY: Est-ce que le député me permet une question.

M. BEDARD (Chicoutimi): Après mon exposé, M. le Président, si vous n'avez pas d'objection.

M. TETLEY: Mais, est-ce que je dois revenir demain matin ou...

M. BEDARD (Chicoutimi): Non, si vous êtes un peu au courant des règles de procédure, vous savez qu'il n'en a pas pour tellement longtemps.

M. TETLEY: Oui. Donc, vous terminez. LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BEDARD (Chicoutimi): Alors, M. le Président...

M. MORIN: Nous sommes très heureux de la présence du ministre...

M. TETLEY: En principe, je n'assiste pas au "filibustering".

M. MORIN: C'est un discours très sérieux.

M. TETLEY: Même si vous aimez cela, je préfère discuter les principes.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BURNS: En pratique, qu'est-ce que vous faites?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. TETLEY; En pratique, je travaille dans mon bureau pour mon ministère.

M. BEDARD (Chicoutimi): Si vous n'assistez

pas au "filibustering" peut-être que vous auriez une meilleure contribution en vous en allant plutôt qu'en venant...

M. BURNS: C'est bien cela, je vous félicite, M. le ministre.

M. TETLEY: Merci.

M. MORIN: Nous pensions que vous vous désintéressiez totalement de la question.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs ! A l'ordre !

M. TETLEY: Je m'y intéresse beaucoup plus que vous, c'est pourquoi je veux l'étudier. Je ne veux pas...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. MORIN: Très bien. Allez-vous passer la fin de semaine avec nous?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Chicoutimi.

M. TETLEY: Je vous écoute avec mon écouteur en bas.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous plaît !

M. BEDARD (Chicoutimi): D'ailleurs, on sait que cela ne vous intéresse pas, parce que vous avez la conviction que la minorité anglophone...

LE PRESIDENT (M. Gratton): S'il vous plaît, la motion! La motion, s'il vous plaît!

M. BEDARD (Chicoutimi): ... a très bien réussi face au projet de loi 22, qu'elle a réussi en fait...

M. LESSARD: Un scénario, montez.

M. BEDARD (Chicoutimi): ... encore une fois, à faire accepter au gouvernement du Québec une loi de l'immigration qui va continuer de jouer contre la majorité francophone. Vous avez réussi, encore une fois, à faire accepter au Québec...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Pourriez-vous vous adresser au président, s'il vous plaît !

M. BEDARD (Chicoutimi): Oui, M. le Président. D'ailleurs, j'espère que vous le constatez, si j'ai fait un accroc à l'ordre, M. le Président, c'est simplement à la suite de l'interruption inopportune faite par le ministre que vous connaissez.

M. le Président...

M. TETLEY: Nommez-le!

M. BEDARD (Chicoutimi): ... il est important de discuter du préambule parce que c'est là qu'on y retrouve la véritable intention du législateur. Le raisonnement des gens de l'autre côté de la table voulant que ce ne soit pas logique, parce qu'il se peut, disent-ils, qu'après l'étude article par article on puisse en être amené à changer la portée du préambule. Cet argument ne joue pas, parce que s'ils sont vraiment décidés à adopter un projet de loi qui, dans leur esprit, est dans l'intérêt de la majorité québécoise francophone. Il n'y a pas d'obstacle devant eux. Es peuvent très bien établir, d'une façon très claire, tous les objectifs, tous les éléments qui les motivent pour discuter de cette loi sur le français, langue officielle, tous ces principes, dès maintenant, et ne pas en déroger, parce qu'à chaque fois que l'Opposition pourrait avoir des interventions ou pourrait avoir des amendements qui seraient de nature à contrecarrer l'intention du législateur ou l'intention du gouvernement de vouloir légiférer dans un sens donné, ils savent très bien qu'ils ont la majorité en termes de nombre pour que ces interventions ou ces amendements qui seraient fait par l'Opposition ne soient pas acceptés et que l'opportunité et la possibilité pour eux d'établir dès maintenant les grands principes directeurs de leur loi et de fonctionner d'une façon très logique en fonction de ces principes directeurs, cela ne peut pas être contrecarré par les interventions de l'Opposition.

Ils ont simplement à battre tous les amendements, à ne pas écouter, ou à ne pas suivre le sens des interventions qui seront faites par l'Opposition dans ce débat. Il est important — c'est pour suivre la logique, et j'y reviens, du ministre de l'Education — s'il prétend, logiquement, que le titre, encore une fois, doit être étudié à la fin seulement, parce qu'il y a des possibilités qu'il soit changé, comme ce titre se retrouve à l'article 1, qui n'est pas qu'un article, qui est effectivement un chapitre, "Titre I" si on regarde bien la lecture du texte qui se lit: "La langue officielle du Québec", exactement le même titre qu'au tout début du projet de loi: "Projet de loi 22, Loi sur la langue officielle"... Si on suit le raisonnement que le titre peut être amendé et, en conséquence, doit être étudié seulement à la fin, je considère qu'en toute logique ce titre se retrouvant encore une fois à l'article 1.

L'article 1, en toute logique, devrait être étudié à la toute fin de l'étude du projet, article par article, parce qu'encore une fois, il se peut que les amendements qui seront apportés au cours de l'étude du projet, article par article, nous obligent à changer le contenu de l'article 1, qui proclame le français langue officielle au Québec.

M. TETLEY: Est-ce que vous me permettez une question? Je vous ai écouté en bas, et je

vous ai écouté ici. Je veux savoir tout simplement si vous êtes pour ou contre l'article 1? Oui ou non?

M. BEDARD (Chicoutimi): Je vais vous dire ceci, monsieur, en réponse à votre question...

M. TETLEY: Est-ce que le député de Lafontaine vous glisse la réponse lorsqu'il vous parle?

M. LEGER: On est en dehors du règlement, on parle du préambule au lieu de l'article 1.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BEDARD (Chicoutimi): Je vais vous répondre...

M. TETLEY: Ma question porte sur le préambule, j'explique, parce que vous voulez éviter le débat sur l'article 1. Pour m'éclairer un peu, êtes-vous pour ou contre, oui ou non?

M. BEDARD (Chicoutimi): Justement, nous n'évitons pas le débat. Nous disons que, pour arriver à l'article 1, qui est la conclusion de l'ensemble...

M. HARDY: Elégante fuite.

M. BEDARD (Chicoutimi): ... des autres articles dans ce projet de loi, qui est la conclusion, on commence rarement une discussion par la conclusion. Je trouve tout à fait logique...

M. TETLEY: Mais si vous voulez éviter un "filibuster", commencez par le projet de loi.

M. BEDARD (Chicoutimi): Si vous croyez que c'est logique de commencer l'étude d'un projet de loi par la conclusion, à ce moment, essayez de convaincre le ministre de l'Education que ce serait peut-être mieux de commencer la discussion par le titre de la loi sur la langue officielle.

M. TETLEY: Donc, vous refusez de répondre?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. BEDARD (Chicoutimi): Une seconde, M. le Président.

M. HARDY: Est-ce que cela veut dire, M. le Président, selon le député de Chicoutimi, que, dans l'ensemble du projet de loi, l'aspect de la langue officielle, c'est tellement secondaire que vous envoyez cela...

M. BEDARD (Chicoutimi): Non, ce n'est tellement pas secondaire, justement, qu'on ne veut pas se prononcer les yeux fermés. On ne peut pas dire dès maintenant que le gouverne- ment a décidé que le français est la langue officielle du Québec, la seule langue officielle du Québec, si par après, on a l'intuition ou la conviction que les autres articles qui suivent ne sont pas logiques avec le premier article sur lequel nous serions appelés à voter. C'est dans ce sens que nous disons tout simplement qu'il y aurait avantage, parce que le titre de la loi se retrouve à l'article 1, à discuter tous les articles de cette loi un par un, pour ensuite finir par l'article 1, et à ce moment, voir si ce que nous avons décidé dans les autres articles arrive vraiment à la conclusion que ce projet de loi est véritablement le français, langue officielle au Québec, de manière que ce que nous votions maintenant, à savoir le français langue officielle au Québec, ne soit pas seulement une image politique, ne soit pas seulement une officialité massacrée dans les autres articles.

M. TETLEY: Très bien.

M. BEDARD (Chicoutimi): Autrement dit, ajuster les autres articles en fonction d'une conclusion. C'est cela votre conclusion, ajuster les autres articles en fonction d'une conclusion qui est livrée dans votre projet de loi à l'article 1, le français langue officielle au Québec.

M. CLOUTIER: On peut voter?

M. TETLEY: Alors, vous êtes contre l'article 1?

M. BEDARD (Chicoutimi): Non, on n'est pas contre.

UNE VOIX: Vous êtes pour?

M. BEDARD (Chicoutimi): La seule chose, on n'accepte pas que, d'une façon hypocrite, parce que c'est notre conviction, on nous amène à voter que le français, langue officielle au Québec...

M. TETLEY: Vous êtes pour...

M. BEDARD (Chicoutimi): ... de la part d'un gouvernement libéral... Laissez-nous vous répondre! Nous avons la conviction que cette officialité qu'on essaie de nous faire accepter à l'article 1 est massacrée dans tous les autres articles de ce projet de loi.

M. CLOUTIER: Est-ce qu'on peut voter maintenant sur la motion, M. le Président, je pense bien, puisqu'il n'y a pas de "filibuster" d'après l'Opposition? Il y a trois membres qui ont parlé. On est assez éclairé.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saguenay sur la motion.

M. LESSARD: M. le Président...

M. BEDARD (Chicoutimi): A mon sens, le français véritablement langue officielle...

M. CLOUTIER: Ils vont tous parler encore.

M. BEDARD (Chicoutimi): ...doit être un instrument pour nous permettre de lutter efficacement contre le danger d'assimilation auquel les Québécois ont à faire face.

Nous, nous croyons — c'est ma conviction profonde — que le gouvernement, en ne légiférant pas dans des domaines aussi importants — en ne légiférant pas dans le domaine de l'immigration, en gardant le libre choix dans le domaine de l'enseignement, qui a joué contre nous, en nous amenant l'article 9 qui nous fait "bilinguiser" 48 p.c. de notre population...

M. TETLEY: Une réponse, oui ou non.

M. BEDARD (Chicoutimi): ... on dit: Ce n'est pas une langue officielle qui est un véhicule qui est censé aider une majorité à se réaliser. C'est dans ce sens qu'on ne veut pas...

M. CLOUTIER: M. le Président, on voudrait écouter le député de Saguenay, maintenant...

M. BEDARD (Chicoutimi): ... que l'officialité soit une officialité massacrée.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saguenay, sur la motion.

M. LEGER: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Lafontaine.

M. LEGER: ... ministre qui a posé une question sur l'article 1, alors que notre motion qui est de parler de la remettre, pour le préambule, était hors d'ordre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous plaît !

M. LEGER: Je dois lui rappeler que lui, quand il répond aux questions, c'est très long, ses réponses. Parfois, elles sont claires; parfois, elles ne sont pas trop claires.

M. TETLEY: Posez-moi...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saguenay, sur la motion.

M. LESSARD: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Maisonneuve...

M. BURNS: M. le Président, sur un point de règlement.

M. LESSARD: Si cela n'avait été...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Un instant! Le député de Saguenay... Le député de Maisonneuve veut parler sur la question de règlement.

M. BURNS: Le député de Saguenay ne m'avait probablement pas entendu, M. le Président.

M. HARDY: ... vous écoute mieux que ça.

M. BURNS: Je veux tout simplement vous demander... Je vous le demande, parce qu'il reste l'intervention du député de Saguenay. Je vais regarder le débat. Je vais suivre le débat. Je ne sais pas encore si je vais intervenir.

M. CLOUTIER : Le pince-sans-rire !

M. BURNS: Je vous demande simplement de demander aux ministres... Pour les fins du journal des Débats, je m'adresse "aux ministres".

J'aimerais qu'un des députés libéraux qui s'est fait mettre à l'ordre tout à l'heure par le ministre des Affaires culturelles rappelle aux ministres que nous avons le droit de nous exprimer. Nous avons chacun notre droit de parole en vertu de l'article 160 et, quand on arrivera à la discussion de l'article 1, n'ayez crainte, vous allez l'avoir, notre opinion. On vous propose simplement une méthode de discussion. C'est cela que je voudrais que vous rappeliez, M. le Président; puisque vous avez jugé notre motion recevable, j'aimerais que vous rappeliez cela aux ministres, pas seulement aux simples députés libéraux qui font partie de la commission.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Bon! C'est fait.

Le député de Saguenay.

M. LESSARD: M. le Président, si cela n'avait été de l'intervention du ministre responsable de l'exploitation des consommateurs, je ne serais probablement pas intervenu dans ce projet...

M. TETLEY: Cela, c'est brillant!

M. LESSARD: ... je ne serais probablement pas intervenu, M. le Président, sur cette motion. Parce que j'avais la ferme conviction que le ministre de l'Education avait vraiment compris notre motion. J'avais aussi la ferme conviction que le ministre des Affaires culturelles, qui a déjà été vice-président de l'Assemblée nationale, avait déjà compris notre motion. Mais je constate, M. le Président, que l'un des piliers du cabinet de ce gouvernement, à savoir le ministre responsable de l'exploitation des consommateurs, n'a pas encore compris véritablement le

bien-fondé de cette motion. C'est pourquoi vous me permettrez, à l'intérieur d'une vingtaine de minutes, d'essayer d'expliquer à ce ministre, responsable, au cabinet, de la minorité anglophone, pourquoi nous, du Parti québécois, demandons que l'étude de l'article 1 soit différée après l'étude du préambule.

M. le Président, encore une fois, nous ne pouvons comprendre cet entêtement qui caractérise le gouvernement depuis le début des séances de la commission parlementaire de l'Assemblée nationale. En effet — et je pense que le ministre des Affaires culturelles pourra le confirmer, lui qui a déjà été vice-président de l'Assemblée nationale— il nous est arrivé, à maintes reprises, lorsque nous avons eu l'occasion d'étudier d'autres projets de loi qui nous apparaissaient moins importants que celui que nous avons à étudier aujourd'hui, de différer l'étude d'un article et de reprendre l'étude de cet article après avoir étudié l'ensemble des articles. Mais, M. le Président, je pense que l'article 1, qui est très important, parce qu'il coiffe un peu le projet de loi qui nous est présenté, je pense qu'on devrait accepter la motion qui a été présentée par le chef de l'Opposition.

Disons d'abord que le préambule comme tel doit déterminer les grands objectifs du projet de loi, que c'est à partir de ce préambule que nous pouvons élaborer la conception au niveau des différents articles, la conception des modalités d'application de ces grands objectifs qui sont déterminés dans le préambule.

Autrement dit, le coeur du projet de loi doit au moins correspondre à ce qui est inscrit à l'intérieur du préambule. Mais, lorsqu'on s'acharne à refuser la motion du chef de l'Opposition, est-ce que cela serait parce qu'on craindrait que nous puissions constater que tous les autres articles du projet de loi, à savoir les 129 autres articles du projet de loi, ne correspondent pas véritablement à ce qui est inscrit à l'article 1?

Comment voulez-vous que nous acceptions l'article 1 qui proclame le français comme langue officielle du Québec alors que justement, nous ne sommes pas convaincus que les autres articles correspondent exactement à ce qui est inscrit à l'article 1?

Le ministre des Affaires culturelles nous dit : Vous présenterez des motions. Cela fait quatre jours, je pense, que nous présentons des motions valables ici à cette commission parlementaire et à chaque fois, le gouvernement s'est entêté à refuser continuellement nos motions. Comment voulez-vous que nous soyons assurés que les motions que nous pourrons présenter lors de l'étude des autres articles, puissent être acceptées par le gouvernement et, dans ces circonstances, puisqu'il nous sera impossible de faire accepter les motions qui pourraient rendre le français langue officielle? Comment voulez-vous que nous puissions accepter l'article 1 alors que justement l'ensemble des autres arti- cles ne correspond aucunement aux objectifs déterminés à la fois par le préambule et à la fois par l'article 1?

Je regrette que le député de Notre-Dame-de-Grâce soit parti parce qu'il aurait eu des commentaires à faire. Je voudrais argumenter un peu...

M. CLOUTIER: II m'a dit qu'il avait du travail à faire et qu'il n'aimait pas perdre son temps.

M. LESSARD: Je comprends parce que le député de Notre-Dame-de-Grâce peut dormir en paix parce qu'il est assuré que la langue anglaise sera protégée par le projet de loi 22.

M. CLOUTIER: Allez voir dans son comté. Ce n'est pas ce qu'il nous dit.

M. LESSARD: C'est le scénario monté par le Parti libéral pour tenter de démontrer aux Québécois que, puisque les anglophones sont contre le bill 22, c'est probablement un certain avantage que ce projet de loi 22.

M. HARDY: On n'a pas les metteurs en scène du Parti québécois.

M. LESSARD: La commission Gendron a retenu deux notions juridiques de la langue. La commission Gendron a d'abord retenu le français comme langue officielle et la notion de langue nationale. Qu'est-ce que c'est, pour la commission Gendron, la langue officielle?

Dans son rapport, le rapport le plus important, soit le tome II sur les droits linguistiques concernant la situation de la langue française au Québec, la commission Gendron définit ce qu'on entend par langue officielle. En effet, y lit-on, "le ternie langue officielle désigne tout simplement la langue que l'Etat a estimé à propos d'appuyer de sa puissance pour l'usage public, soit par une loi constitutionnelle, soit le plus souvent par une loi ordinaire".

Autrement dit, une langue officielle est une langue qui sera appuyée par les deniers publics pour faire en sorte qu'elle soit la véritable langue prédominante. Or, la commission Gendron reconnaît aussi qu'il peut y avoir deux ou trois langues officielles à l'intérieur d'un pays. On peut reconnaître comme langues officielles, à la fois le français et l'anglais.

Or c'est justement ce que nous voulons savoir et c'est justement ce qui va nous permettre probablement de modifier l'article 1 si nos amendements que nous proposerons au cours de l'étude des différents articles, ne sont pas acceptés, pour qu'il représente véritablement les objectifs visés par le projet de loi 22. Probablement que le gouvernement, s'il est réaliste, s'il veut, à l'intérieur de l'article 1, représenter exactement ce qui est compris dans les autres articles, devra dire: Le français et l'anglais sont reconnus comme langues officielles du Québec.

Parce que dans l'ensemble des autres articles du projet de loi, nous constatons que les deniers publics seront aussi mis au service de la langue anglaise pour qu'elle soit elle aussi reconnue. Donc, comment pouvons-nous consacrer le français comme langue officielle du Québec alors que nous constatons, dans l'ensemble des autres articles, comme j'étais en train de le démontrer tout à l'heure, que l'anglais aussi, dans les faits sinon dans les termes en vertu de l'article 1, est reconnu comme langue officielle par ce projet de loi?

La commission Gendron a retenu aussi une autre notion juridique, à savoir la langue nationale. On dit, à la page 23 du tome 2 sur les droits linguistiques, que d'un point de vue juridique la langue nationale peut être considérée comme appartenant à une catégorie un peu moins élevée que la langue officielle. Désigner une langue ou des langues comme nationales par une loi constitutionnelle ou ordinaire, c'est simplement attacher à ces langues certains privilèges juridiques au profit de l'usager. Elle se trouve à recevoir de l'Etat une sorte de sanction qui est purement facultative, mais sans pour autant recevoir l'appui de ses ressources ou de ses deniers.

Or, M. le Président, pouvons-nous dire qu'en vertu de ce projet de loi le français est reconnu comme langue officielle et l'anglais, reconnu comme langue nationale? Je dis que tous les autres articles du projet de loi nous confirment, non seulement que la langue anglaise n'est pas reconnue comme langue nationale au Québec, mais que la langue anglaise, dans les faits, est reconnue comme langue officielle du Québec, parce qu'il y a une distinction fort importante entre la langue officielle, selon la commission Gendron, et la langue nationale, à savoir que la langue nationale est purement facultative, mais ne pourra recevoir l'appui des ressources de l'Etat ou des deniers de l'Etat, or, nous constaterons qu'au cours des différents articles du projet de loi, suite à l'article 1, la langue anglaise reçoit, pour se développer, l'appui des deniers publics et des ressources de l'Etat.

Donc, tant et aussi longtemps que nous n'étudierons pas les 129 autres articles du projet de loi, tant et aussi longtemps que nous ne pourrons pas constater que les amendements que nous proposerons auront été acceptés, il nous est impossible, quant à nous, de reconnaître, à l'article 1, que la langue française est la langue officielle. En effet, M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Deux minutes.

M. LESSARD: Déjà?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui.

M. LESSARD: En effet, M. le Président, en quoi ce projet de loi change-t-il la situation? Il aurait fallu aussi tenir compte de la possibilité pour le Québec de reconnaître le français comme langue officielle mais ça, le chef parlementaire de l'Opposition, éminent constitution-naliste, a dû certainement en parler. Mais en quoi ce projet de loi change-t-il quelque chose, sinon de reconnaître le bilinguisme au Québec, de reconnaître juridiquement le bilinguisme au Québec? Il faut, M. le Président, lire l'article 38 de ce projet de loi pour nous rendre compte comment on a si bien fignolé la loi 22 qu'à la fin, elle ne veut plus rien dire par rapport à l'article 1, qui, comme je le disais, déclare le français langue officielle. C'est ça, M. le Président, je suis toujours sur la motion du chef parlementaire de l'Opposition.

M. BEAUREGARD: Quelle motion?

M. LESSARD: Est-ce que le député de Laporte désirerait intervenir? Il a été silencieux depuis le début à cette commission parlementaire...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LESSARD: ... alors qu'on l'a boycotté lors de son discours de deuxième lecture. Le député de Laporte voulait parler, mais il n'a pas eu le courage de parler, M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. DEOM: Question de règlement, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Laporte, sur une question de règlement.

M. LESSARD: ... de s'exprimer en deuxième lecture. Au moins qu'il laisse les membres de l'Opposition s'exprimer à sa place, M. le Président!

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, à l'ordre !

M. LESSARD: Parce qu'il y a bien des choses que nous ne disons pas et que le député de Laporte aurait voulu dire.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que le député de Saguenay pourrait... à l'ordre! Le député de Laporte, sur une question de règlement.

M. DEOM: Je voudrais rappeler au député de Saguenay que je n'ai pas été boycotté. Je ne sais pas où il a pris ses informations mais je lui ai déjà dit hier que, quand l'Opposition sera prête à discuter de façon concrète les articles, j'interviendrai et j'ai bien l'intention de le faire. Je n'interviendrai pas...

M. LESSARD: Ce ne sera pas miraculeux, vos interventions.

M. DEOM: ... pour permettre à l'Opposition de continuer son "filibustering".

M. LESSARD: Si vous ne voulez pas intervenir, restez silencieux comme d'habitude.

M. DEOM: Non, mais moi j'ai été élevé... LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. LESSARD: Laissez-nous intervenir.

M. DEOM: M. le Président, je n'ai pas fini ma question de règlement. J'ai été élevé dans l'entreprise et je suis beaucoup plus pratique que ça. Si on veut passer...

M. LESSARD: C'est ça, vous êtes le colonisé des affaires.

M. DEOM: Pas du tout, pas du tout. Si on veut passer à la discussion article par article, j'interviendrai. Je suis en mesure très certainement de faire des remarques qui confondront le député de Saguenay, parce que lui, il ne connaît absolument rien au domaine des affaires.

M. LESSARD: M. le Président...

M. MORIN: Pourquoi ne nous avez-vous pas confondus en deuxième lecture? Vous avez manqué de courage en deuxième lecture?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. LESSARD: Le député de Laporte... LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. DEOM: Pas du tout, pas du tout.

M. LESSARD: Point de règlement, M. le Président. Le député de Laporte nous dit qu'il n'a pas été boycotté. Pourtant, nous avons pu constater physiquement que le député de Laporte a tenté de se lever à trois reprises pour parler sur le projet de loi et n'a pu parler.

M. DEOM: A trois reprises?

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de Lafontaine.

M. DEOM: Est-ce que vous auriez besoin de lunettes, par hasard?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LEGER: M. le Président, sur le point de règlement...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Lafontaine...

M. DEOM: Vous voyez double ou quoi?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous plaît !

M. LEGER: Sur le point de règlement, M. le Président, est-ce que le député de Laporte, quand il s'est levé trois fois, c'était de l'exercice physique qu'il faisait ou s'il voulait parler?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. DEOM: C'est justement ce que je faisais, je voulais me délasser un peu du "filibuster" de l'Opposition.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de Saguenay, est-ce que vous avez une conclusion?

M. LESSARD: A moins que j'aie le consentement unanime...

M. DEOM: Non.

M. LESSARD: ... je suis prêt à continuer encore 20 minutes.

M. LEGER: On donne ce consentement.

M. CLOUTIER: Si j'ai bien compris le député... Un instant. Je vais peut-être le donner. Je voudrais bien comprendre le sens de la remarque du député de Saguenay. Vous avez bien dit que vous étiez prêt à continuer 20 minutes.

M. LESSARD: Oui, je suis bien d'accord.

M. CLOUTIER: ... si vous aviez le consentement unanime.

M. LESSARD: C'est cela.

M. CLOUTIER: Et vous allez prétendre ensuite que vous ne cherchez pas à faire perdre le temps de la commission.

M. LESSARD: Non, M. le Président, c'est parce que je n'ai pas fini mon intervention.

M. CLOUTIER: Voilà.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. CLOUTIER: Je voulais simplement établir que, par cette petite remarque que vous voulez humoristique, vous avouez, de façon très évidente, que tout ce que vous cherchez à faire...

M. LESSARD: Aucunement, M. le Président. Ce que je constate...

M. CLOUTIER: ... avec votre armada procédurière, comme je l'ai dit hier, c'est de faire perdre le temps de la commission.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LESSARD: C'est parce que je constate, M. le Président, que le ministre de l'Education ne comprend encore rien. Je comprends que le ministre de l'Education est habitué de s'exprimer dans un français très pompeux. Peut-être ne comprend-il pas le français...

M. CLOUTIER: II est jaloux. C'est son problème.

M. LESSARD: Peut-être ne comprend-il pas le français des Québécois?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. CLOUTIER: Pourtant, je fais mon possible.

M. LESSARD: Peut-être ne comprend-il pas le français des Québécois moyens? C'est celui-là, M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que je pourrais faire remarquer au député de Saguenay et m'excuser auprès de lui que je me suis trompé tantôt quand j'ai dit deux minutes. Effectivement, il restait sept minutes.

M. CLOUTIER: Ah! mon Dieu, ça c'est une erreur, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Trois minutes encore.

M. CLOUTIER: ... qui me paraît grave.

M. BEDARD (Chicoutimi): C'est une erreur que d'être juste?

M. CLOUTIER: Non, pas du tout.

M. BEDARD (Chicoutimi): C'est ce que fait le président.

M. CLOUTIER: Nous avons eu un espoir que cela se terminerait assez vite.

M. LESSARD: M. le Président, avant l'interruption inopportune du député de Laporte...

M. DEOM: Ce n'est pas moi qui vous avais interrompu... C'est lui.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LESSARD : J'étais en train de dire que ce projet de loi ne fait pas du français la langue officielle. M. le Président, j'ai peur, comme d'habitude, vous ne verrez pas plus loin que votre nez.

M. DEOM: Je vois très bien sans verres, je vois très loin.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! S'il vous plaît, les gens dans les galeries...

M. CLOUTIER: ... qui rient...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Riez tant que vous voulez, mais arrêtez d'applaudir.

M. LEGER: Le président permet de rire.

M. CLOUTIER: Oui, ils ont le droit de rire.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de Saguenay...

M. CLOUTIER: Oui, ils ont le droit de rire, d'autant plus que c'est drôle, ils ont même le droit de rire de vous autres.

UNE VOIX: Ils rient du député de Saguenay.

M. LEGER: Interprétez ce que vous voulez.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de Saguenay, c'est vrai, c'est deux minutes.

M. LESSARD: M. le Président, j'ai été interrompu. M. le Président, j'étais en train de dire que ce projet de loi ne reconnaît aucunement le français comme langue officielle.

C'est pourquoi le chef parlementaire de l'Opposition a proposé la motion suivante: Que l'étude de l'article 1 soit différé après l'étude du préambule. En effet, le projet de loi 22 ne fait que reconnaître le caractère bilingue et binatio-nal de l'Etat québécois, ce qui équivaut tout simplement, tôt ou tard, à l'assimilation des Québécois. Qu'on relise les articles 8, 9, 11, 13, 14, 15, 16 et 17 qui vont tous en contradiction avec l'article 1, parce qu'ils confirment la généralisation du bilinguisme dans la fonction publique; bilinguisme reconnu aussi dans les entreprises d'utilité publique, par les articles 20, 22 et 23; bilinguisme reconnu par cette loi tant au niveau de la langue de travail, par les articles 24, 26, 28 et 29, qu'au niveau de la langue des affaires, par les articles 36, 38, 39, 40, 41, 42 et 43. Est-ce là l'objectif majeur du projet de loi 22? Si c'est là l'objectif qu'on poursuivait, autant vouloir immédiatement l'assimilation des Québécois, car si des individus peuvent être bilingues — et nous ne le nions pas — on ne peut parler d'un peuple bilingue. Le bilinguisme, pour un peuple, est une situation temporaire, avant de passer, pour les Québécois, à l'unilinguisme anglais. Merci.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que la commission...

M. BURNS: Je propose la suspension du débat jusqu'à quinze heures.

LE PRESIDENT (M. Gratton): D'accord. La commission suspend ses travaux jusqu'à cet après-midi, quinze heures.

(Suspension de la séance à 12 h 57)

Reprise de la séance à 15 h 5

M. GRATTON (président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre, messieurs !

Nous en sommes à l'étude d'une motion du chef de l'Opposition officielle: Que l'étude de l'article 1 soit différée jusqu'à ce que l'étude du préambule du projet de loi 22 ait été complétée. Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. le Président, la motion que le chef de l'Opposition vous a présentée ou a présenté à cette commission a pour but principal de faire remettre à plus tard, c'est-à-dire dans la motion, on retrouve exactement le sens du plus tard en question, c'est-à-dire après l'étude de l'article 1 — je recommence, M. le Président, tout de suite, avant d'être complètement mêlé et de mêler tout le monde, j'efface complètement — La motion du chef de l'Opposition a pour but de remettre après l'étude du préambule l'étude de l'article 1, C'est bien cela, M. le ministre? On est correct, on est sur la même longueur d'ondes, je m'excuse, on n'est pas encore réchauffé.

Cette motion, comme vous l'avez déclaré hier, est parfaitement possible, parfaitement recevable, parfaitement adoptable, si la majorité de la commission en décide ainsi, en vertu des usages de notre Assemblée avant l'adoption du règlement actuel. Vous vous êtes vous-même, M. le Président, même si vous ne m'écoutez pas, — parce que vous m'avez toujours dit qu'il fallait m'adresser à vous, même si vous ne m'écoutiez pas — référé à l'ancien texte de l'article 564, qui établissait un ordre d'étude des détails du projet de loi. Cet ordre est, d'abord, les articles imprimés qui ont été différés, les articles nouveaux, les annexes imprimés, seulement s'il y a lieu de les amender, les annexes nouvelles, finalement en sixième position, si je peux dire, le préambule, et en septième position, le titre, mais seulement s'il y a lieu de l'amender.

M. le Président, ma prétention, dans ce "hit parade" législatif, me semble être quelque chose d'absolument immuable.

Cela semble être quelque chose, se dit-on, qu'il ne faille pas changer. Or, M. le Président, je considère que c'est purement et simplement par fiction légale que nous avons, dans le passé, décidé, par le règlement que nous avions avant 1972, de fixer cet ordre. Parce que logiquement, il peut très bien se défendre que le préambule doive se discuter avant l'article 1. Dans le cas présent, ce qui me frappe — et je me baserai sur une certaine habitude législative — c'est qu'on retrouve dans un même projet de loi, deux choses qui, habituellement, ne s'y retrouvent pas présentes en même temps. Vous avez un préambule dans la loi no 22, et vous avez aussi des notes explicatives. Ceux qui ont une certaine habitude de la technique législative vont m'appuyer lorsque je vais dire qu'il est très rare de voir, à la fois, dans un projet de loi, et des notes explicatives, et un préambule. Je donne l'exemple le plus courant que nous ayons dans nos travaux, on l'a vécu à quinze ou vingt reprises déjà depuis deux semaines, lorsqu'un projet de loi privé est présenté devant l'Assemblée nationale, il y a un préambule et il n'y a pas de notes explicatives. La compréhension... Je m'excuse. Est-ce que je dérange les députés autour de moi? Pour ma part, je peux dire qu'eux ils me dérangent. D'accord?

M. VEILLEUX: M. le Président, j'ai compris mon collègue, le député de Maisonneuve...

M. BURNS: Bon! Sauf que... Non, non. Je le dis très sérieusement... J'entends jaser. C'est sûr que je ne suis peut-être pas le meilleur orateur à l'Assemblée nationale...

M. CLOUTIER: Ce n'est pas vrai. Vous êtes un bon orateur. Pas le meilleur, mais un bon.

M.HARDY: Si tous vos collègues étaient comme vous...

M. VEILLEUX: M. le Président, question de règlement.

M.HARDY: ...combien ce serait intéressant!

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saint-Jean, question de règlement.

M. VEILLEUX: Je m'excuse auprès de mon collègue de Maisonneuve, pour lequel j'ai le plus grand des respects, mais j'ai tout simplement été voir le député de Lafontaine pour lui dire que, s'il voulait avoir d'autres expressions latines "obiter dicta" ou "ratio decidendi", il pouvait en trouver dans le livre 2...

M. BURNS: Vous voulez dire des "obiter dicta" ou des "ratio decidendi"...

M. VEILLEUX: Oui, oui, des avis incidents et des éléments de décision,

M. BURNS: Bon. Vous avez appris cela pendant l'heure du dfner?

M. LEGER: M. le Président, sur un point de règlement. Le député de Saint-Jean est venu me voir pour me parler de certaines notions latines et je me rappelle d'une: "Fortuna juvat audaces", c'est le député de Saint-Jean qui "se débat sur sa chaise".

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: Tout simplement, je vous demandais de demander à nos collègues de chaque

côté de ne pas m'enlever ma concentration parce que j'entendais...

M. HARDY: Votre "concertation"?

M. BURNS: Pardon?

M. HARDY: Votre"concertation"?

M. BURNS: Concentration. Concertation, on y verra avec le temps, mais la concentration, je pense... Je n'ai pas l'intention de vous faire une intervention abracadabrante et, lorsque je me sens dérangé de chaque côté de moi, cela m'est très difficile de me concentrer. Quel député a dit qu'il avait de la difficulté à se concentrer?

M. LAPOINTE: Laurentides-Labelle.

M. BURNS: Laurentides-Labelle? C'est lui.

M. LAPOINTE: ... vous ne parlez pas. Lorsque vous parlez, on vous contemple.

M. BURNS: Oui?

M. LAPOINTE: On écoute avec attention.

M. BURNS: C'est là que vous allez dormir?

M. LAPOINTE: Je n'ai pas l'habitude de dormir.

M. BURNS: On veut vous garder éveillé, M. le député de Laurentides-Labelle. Ne vous inquiétez pas.

J'étais à dire que dans les projets de loi privés, nous n'avons habituellement aucune note explicative. Par contre, nous avons toujours des préambules et j'avais toujours compris, à moins qu'on ne me contredise sur ce point, qu'un préambule est, à toutes fins pratiques, lorsqu'il apparaît au projet de loi, l'équivalent des notes explicatives.

C'est tellement cela que, dans un projet de loi privé, c'est au fond l'équivalent d'une requête devant les tribunaux qu'on retrouve dans le préambule. Si, par exemple, M. Tancrè-de Bienvenu — on peut le nommer par son nom puisqu'on a étudié son projet de loi hier — qui grâce à ses... Heureux sont ses héritiers à qui il a laissé une succession dans les $3 millions. M. Tancrède Bienvenu, quant à sa succession, ses héritiers ont des possibilités de faire amender, par voie de projet de loi privé certaines dispositions de son testament.

Je me rappelle qu'hier, lorsqu'on étudiait la loi modifiant la loi qui avait modifié le testament de M. Trancrède Bienvenu, on voyait dans le préambule toutes les raisons à l'appui des conclusions qu'on retrouvait dans les deux ou trois articles du projet de loi. C'est pour cela que je fais ce parallèle en disant que le préambule, à toutes fins pratiques... Je vois le député de Pointe-Claire qui sourit; je vois qu'il me comprend, il était présent à la commission.

M. SEGUIN: Je pense encore à Louis-Joseph Papineau qui a été enterré dans un cercueil de six pieds et neuf pouces, et je me demande si vous n'arriverez pas à cela bientôt.

M. BURNS: Est-ce qu'il a été enterré à plat ventre, au cas où il se réveillerait, afin qu'il creuse au lieu de sortir?

M. SEGUIN: Le député de Sauvé est tout inquiet de mon commentaire, mais je pense bien que si vous aviez assisté à d'autres délibérations, vous vous rendriez vite compte de ce que je voulais dire. Mais je ne voudrais pas interrompre le député de Maisonneuve.

M. BURNS: Vous ne voulez pas, mais vous l'avez déjà fait.

M. SEGUIN: Non. Pas du tout, c'est pour vous permettre d'avoir d'autres idées. Vous avez pu y penser entre temps, alors continuez.

M. BURNS: J'en ai beaucoup. Si j'ai le consentement unanime de la Chambre, je suis bon pour une heure, je suis crinqué pour une heure, comme on dit. Cela va? Je vois que le député de Mille-Iles me donne son consentement de continuer. Ah! vous ne voulez pas?

M. CLOUTIER: Ce n'est pas parce que ce n'est pas intéressant, mais nous ne voulons quand même pas collaborer à l'obstruction. Vingt minutes, cela suffit.

M. BURNS: Le ministre devient tout à fait parcimonieux à mon égard. Je vais être obligé de me plier parce que les règlements de la Chambre disent que cela prend le consentement unanime. Alors, je disais, M. le Président, que le préambule est loin d'être quelque chose de tout à fait secondaire. Pour me résumer, l'exemple le plus clair, c'est comment on utilise les préambules dans les projets de loi privés. Or, on est dans un domaine où on est très loin des projets de loi privés. On est en train de s'apprêter à légiférer dans un domaine qui touche tous et chacun des Québécois. Aucune exception. Il n'y a aucun Québécois qui pourra dire, le jour où le projet de loi 22 sera adopté, que ce projet de loi ne le touche pas. C'est rare qu'on puisse dire qu'un projet de loi est aussi universel d'application ou tout au moins aussi universel d'implication. Que vous soyez de langue anglaise, que vous soyez de langue française, que vous soyez immigrant, que vous ayez quatre ans ou que vous en ayez 44 ou 84, le projet de loi 22 va avoir des conséquences sur votre façon de vous exprimer.

En somme, ce n'est pas exagéré de dire que le projet de loi 22... le premier ministre devrait en être content, lui qui parle de projet de loi historique et, le parrain du projet de loi, le

ministre de l'Education, devrait être content lui aussi...

M. BOURASSA: On écoute.

M. BURNS: Oui, j'espère que vous allez continuer à écouter et ne pas commencer à m'interrompre.

M. BOURASSA: On est rendu à l'article 5?

M. BURNS: Non, non, on n'est pas encore arrivé là.

M. BOURASSA: A quel article sommes-nous?

M. BURNS: On n'est même pas encore arrivé à l'article 1.

M. BOURASSA: On n'a pas encore commencé l'article 1.

M. BURNS: Non.

M. LEGER: A votre grande surprise...

M. MORIN: Bientôt, c'est pour bientôt.

M. BOURASSA: C'est l'obstruction qui continue.

M. BURNS: La discussion. On tente, encore une fois, dans un ultime effort de vous convaincre qu'il serait nécessaire d'étudier le préambule avant d'étudier l'article 1. Est-ce que cela vous replace dans le contexte?

M. BOURASSA: Mais vous ne tentez pas plutôt de nous forcer à imposer la clôture?

M. BURNS: Pas du tout.

M. BOURASSA: Ce n'est pas ça qui est votre tactique?

M. BURNS: Quand ce sera ça, si jamais ça arrive, on vous le dira.

M. CHARRON: On sait bien.

M. BEDARD (Chicoutimi): On ne croit pas que le gouvernement puisse faire ça avec une loi aussi importante que celle qu'on discute.

M. BOURASSA: C'est ce que vous désirez, vous voulez aller en vacances en nous forçant à imposer la clôture.

M. LEGER: M. le Président, sur le point de règlement.

M. BOURASSA: J'écoute le député de Maisonneuve, il est...

M. LEGER: Sur le point de règlement de la guillotine du premier ministre. Nous avons reçu une lettre du leader parlementaire qui nous dit que pendant qu'une centaine de députés libéraux iront se reposer, à partir de ce matin, 11 heures, pour une belle fin de semaine chez eux, ils ont décidé de faire siéger la commission parlementaire de l'éducation où les six députés péquistes et douze otages libéraux vont travailler de dix heures à minuit, samedi toute la journée, lundi toute la journée et, mardi, on verra arriver, le teint bronzé, la centaine de députés libéraux, qui ont pris des vacances, venir prendre la relève.

M. BOURASSA: Vous pouvez diviser...

M. LEGER: Si ça ressemble à de la guillotine...

M. BOURASSA: Qu'est-ce qui vous empêche de vous diviser? Vous n'êtes pas obligés de faire les croisés, pour forcer le gouvernement à imposer la clôture?

M. LEGER: M. le Président...

M. BURNS: Qu'est-ce qui nous empêche de nous remplacer? C'est parce que nous, nous trouvons que le sujet dont le projet de loi 22 traite est assez important pour que nous restions ici tous les six.

M. BOURASSA: Vous voulez faire de l'obstruction, parce qu'à deux il y aurait moyen de discuter sérieusement. J'écoute le député de Maisonneuve, il allait louanger le projet de loi, je l'écoute.

M. BURNS: J'allais dire qu'il n'est pas exagéré, peut-être que ça va flatter le premier ministre, peut-être que ça va flatter aussi le ministre de l'Education...

M. CHARRON: J'en doute.

M. BURNS: ... que la matière, au sens large du mot, que nous touchons avec ce projet de loi, c'est l'âme du Québec. Ce n'est pas exagéré d'utiliser cette expression, ce n'est pas charrier que de dire que le projet de loi 22, dans un sens ou dans un autre, grandira l'âme du Québec ou la diminuera.

M. BOURASSA: Sérieusement.

M. BURNS: C'est dans ce sens-là, M. le Président, que je considère qu'il est absolument incroyable que notre étude commence par l'article 1, avant d'avoir examiné ce que contient, à toutes fins pratiques, une autre façon de dire quels sont les objectifs de ce projet de loi, c'est-à-dire le préambule du projet de loi.

Simplement, on pourrait citer quelques extraits du préambule pour souligner jusqu'à quel point on tente de faire cadrer le préambule avec les objectifs du projet de loi. Le premier

que je lis est le suivant: "Attendu que la langue française constitue un patrimoine national", c'est quand même une affirmation qui mérite, je pense, une certaine discussion; "que l'Etat a le devoir de préserver", deuxième affirmation qui, je pense, ne peut pas être laissée dans l'ombre pendant qu'on discute de technique, parce que les articles eux-mêmes seront des techniques de mise en application de ces affirmations. Troisièmement, "et qu'il incombe au gouvernement du Québec de tout mettre en oeuvre", pas de mettre un peu de choses en oeuvre; "de tout mettre en oeuvre pour en assurer la prééminence", encore une fois, un autre aspect qui mériterait discussion; "et pour en favoriser l'épanouissement et la qualité". Que c'est beau, M. le Président, comme éventail! Comme on pourrait discuter longtemps à ce sujet et comme on pourrait facilement se demander si le projet de loi cadre avec cette affirmation !

Notre opinion, jusqu'à maintenant, elle est négative quant à cet énoncé...

M. BOURASSA: Vous voulez qu'on fasse de la rhétorique?

M. BURNS: Non, je ne veux pas qu'on fasse de rhétorique, je veux qu'on se penche sur l'un des biens les plus importants des Québécois, c'est-à-dire leur nation, leur langue et leur culture. C'est là-dessus qu'on veut se pencher.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BOURASSA: Alors, discutons des amendements.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Un instant. J'aimerais encore faire une remarque à l'intention du public. Je comprends très bien le besoin de certaines personnes, et même de toutes les personnes, de réagir, positivement ou négativement, à des choses qui peuvent être dites par un côté comme l'autre de la table.

Pour ceux qui ne le sauraient pas, je suis moi-même un député libéral. Depuis cinq jours que je siège à la commission.. A l'occasion, il y a des choses qui ont été dites qui ont eu l'heur de me piquer en tant que député libéral, mais, à titre de président de la commission, j'ai tâché — et je pense que j'ai assez bien réussi — de retenir l'expression de mon approbation ou de ma désapprobation vis-à-vis de quelque chose qui était dit. Je suis sûr que je parle pour les députés autant du Parti québécois que de ceux du Parti libéral quand je dis que ni l'un ni l'autre des membres de la commission désire faire de cette Assemblée nationale quelque chose de moins digne que nous tous voudrions qu'elle soit.

On peut trouver cela drôle, on peut trouver cela comique, mais, moi, je suis sincère quand je dis qu'il n'est de l'intérêt d'aucun Québécois, de quelque allégeance partisane politique qu'il soit, de dénigrer le Parlement de la nation québécoise, si vous voulez. C'est dans ce sens qu'on vous demande, aux gens dans les galeries, de bien vouloir ne pas manifester, pas plus pour le côté ministériel que pour le côté de l'Opposition.

Je l'ai dit ce matin, je n'empêche personne de trouver drôle et de rire lorsque c'est drôle et peut-être de se sentir triste lorsque cela paraît triste, mais, de grâce, s'il vous plaît, ne faites pas de manifestations et d'applaudissements de façon que les travaux de la commission se fassent dans l'atmosphère la plus sereine possible.

Je demanderais la collaboration de tout le monde de ce côté, sinon le règlement prévoit les mesures à prendre. J'ose espérer qu'il ne sera pas nécessaire de les prendre, soit de faire évacuer les galeries du public.

M. BOURASSA: M. le Président, je disais simplement au député de Maisonneuve, dans une question que je lui posais...

M. BURNS: M. le Président, pardon...

M. MORIN: C'est le député de Maisonneuve qui a la parole...

M. BURNS: Je le lui permets pour autant que ce ne soit pas enlevé de mon temps de parole.

M. BOURASSA: Non, pas du tout.

M. BURNS: Si cela doit m'être enlevé sur mon temps de parole, je demanderais au premier ministre de bien vouloir me poser la question après.

M. BOURASSA: Cela ne lui sera pas enlevé. M. BURNS: D'accord.

M. BOURASSA: C'est simplement pour lui dire la façon d'avoir une approche concrète et pratique, comme le souhaitait le député de Saint-Jacques à l'Assemblée nationale. Est-ce que cette approche concrète et pratique, au lieu de s'attarder durant des heures et des heures à discuter du préambule, ne serait pas de discuter des amendements du Parti québécois lui-même pour bonifier la loi? Moi, je croyais — je me suis trompé — que cette séance de la commission parlementaire ou cette étape nous permettrait de discuter franchement de la question, sérieusement, non pas comme le fait le Parti québécois en faisant venir des troupes et en créant un spectacle...

M. LEGER: M. le Président, est-ce que le premier ministre a une question à poser, tel qu'il l'a dit? C'est une question, ce n'est pas un discours à ce stade-ci.

M. BOURASSA: Non, je veux simplement...

M. LEGER: Poser votre question et le député de Maisonneuve jugera bon de répondre.

M. BOURASSA: Je veux simplement essayer de convaincre le partisan du "filibuster" dans le caucus du Parti québécois, je sais que je n'ai pas de chance. Une dernière fois, je fais appel au député de Maisonneuve, à sa lucidité politique. Qu'il se souvienne quand même des erreurs de stratégie du Parti québécois, l'anti-campagne, la consigne d'annulation...

M. BURNS: M. le Président, à l'ordre! Ce n'est pas une question.

Le PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BURNS: Si vous voulez passer des messages, allez à la télévision, les journalistes vous attendent.

M. BOURASSA: Non.

M. BURNS: Allez-y. De toute façon, quelle que soit la question qu'ils vous posent, vous répondez le message que vous voulez faire passer. Tout le monde le sait, cela. Ce n'est pas grave, mais ici vous ne ferez pas cela, par exemple. M. le Président, je vous demande tout simplement de rappeler le premier ministre à l'ordre, même si c'est votre "boss" en tant que député libéral.

M. BOURASSA: Non, je pose une question au député de Maisonneuve.

M. BURNS: Posez-la, la question, mais ne m'amenez pas sur la dernière campagne électorale. Ne m'amenez pas non plus sur la campagne d'annulation. Ne m'amenez pas sur tous vos autres petits "bags" que vous avez récemment développés.

M. BOURASSA: Non, c'est parce que je dis que vous faites une erreur de stratégie qui va vous faire disparaître de la carte électorale.

M. BURNS: C'est notre problème.

M. BOURASSA: Je ne veux pas que vous disparaissiez de la carte électorale. On a besoin de vous autres comme parti d'Opposition.

M. BURNS: Vous êtes en train d'essayer de faire un "cover up" pour le "flop" qu'est le projet de loi 22.

M. BOURASSA: Vous en avez fait un, la consigne d'annulation.

M. BURNS: Essayez de couvrir votre "flop". LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BURNS: On va vous parler, M. le Président, mais on va y parler au premier ministre.

M. BOURASSA: Moi aussi, je vais parler au député de Maisonneuve.

M. BURNS: II va arrêter de tenter de changer le véritable sujet de conversation. On le connaît, c'est son habitude de passer à côté des vraies questions.

M. BOURASSA: Non, monsieur.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BURNS: Nous, c'est drôle, on essaie à cette commission d'arriver directement...

M. BOURASSA: De faire l'obstruction.

M. BURNS: ... au coeur du problème, contrairement à ce que vous pensez.

M. BOURASSA: Personne ne vous croit.

M. BURNS: II y a vous qui ne nous croyez pas, mais je pense qu'il y a un tas de québécois.

M. BOURASSA: Alors, une question au député de Maisonneuve. Une question.

M. LEGER: J'invoque le règlement, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Lafontaine sur une question de règlement.

M. LEGER: Je me souviens fort bien de ce que le président avait dit tantôt, qu'il faut garder à cette enceinte la dignité nécessaire. Est-ce que vous pourriez demander au premier ministre qu'il n'intervienne pas de façon à enlever cette dignité que nous voulons garder à cette enceinte.

M. BOURASSA: Est-ce que le député de Maisonneuve me permet une question?

M. BURNS: ... moyenne de questions, et je vais vous répondre. Ne m'amenez pas pour passer à Trois-Rivières...

M. BOURASSA: Non, d'accord, je remercie le député de Maisonneuve de me donner la permission de lui poser une question. Est-ce qu'il pense qu'il ne serait pas plus productif, plus positif...

M. CHARRON: A chaque fois que le premier ministre arrive, le débat prend une "drop", M. le Président.

M. BOURASSA: Non, M. le Président, je sais que le Parti québécois n'aime pas cela quand je dénonce leur stratégie, mais j'essaie de demander au député de Maisonneuve, parce que je sais qu'il pense que la façon de combattre ce projet de loi, c'est de faire du "filibuster". J'essaie de le convaincre du contraire. Est-ce qu'il pense

qu'il ne serait pas plus valable pour les Québécois, comme pour le Parti québécois lui-même, ses partisans, d'essayer de discuter vos propres amendements sérieusement? Pas en faisant un spectacle.

M. MORIN: Cessez de faire de l'obstruction comme vous le faites depuis tout à l'heure.

M. BOURASSA: C'est nous qui faisons de l'obstruction, maintenant?

M. CHARRON: Oui, le député de Maisonneuve était en train de parler, il achevait son droit de parole...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BOURASSA: Vous avez un incroyable culot.

M. BURNS: En réponse à la question, à l'intention du premier ministre et à l'hommage, je le dis, des députés ministériels, qui sont ici, par qui je n'ai pas été interrompu, peut-être un vague éternuement, mais à peine, que je leur pardonne parce que c'est un vague bâillement ou un vague éternuement...

M. BOURASSA: J'ai demandé la permission.

M. BURNS: M. le Président, depuis que le premier ministre est ici, cela fait exactement... J'ai calculé l'heure... J'ai pris note de l'heure de son entrée. Il est arrivé à 4 heures, 23 minutes...

M. BOURASSA: Trois heures, 23 minutes.

M. BURNS: Depuis ce temps que je suis interrompu. Depuis ce temps que j'ai quitté mon sujet.

M. BOURASSA: Non, M. le Président, je m'excuse. Je dois m'absenter pour quelques heures. Je voulais essayer de convaincre, une dernière fois...

M. BEDARD (Chicoutimi): Vous avez des messages à passer.

M. BOURASSA: Non, je voulais essayer...

M. BURNS: Bonne fin de semaine. Reposez-vous. Cela va vous servir la semaine prochaine.

M. BOURASSA: Je vais être ici demain.

M. BEDARD (Chicoutimi): Allez vous reposer. Vous ferez peut-être de meilleurs interventions.

M. BOURASSA: J'espère que demain, cela sera plus positif. Le chef du gouvernement n'a pas qu'à assister à une commission parlementaire. Le député de Maisonneuve le sait fort bien. J'ai d'autres tâches. Mais...

M. BURNS: Sauf lorsque la commission parlementaire étudie un problème qui est capital pour...

M. BOURASSA: C'est pour cela que j'essaie d'être présent le plus souvent possible à cette étape capitale d'un projet capital.

M. BURNS: A toutes les fois que vous êtes présent...

M. BOURASSA: Vous faites de l'obstruction...

M. BURNS: ... vous nous faites... A toutes les fois que vous êtes ici...

M. BOURASSA: Vous organisez un spectacle...

M. BURNS: Toutes les fois que vous êtes ici, vous nous faites dévier de notre but.

M. BOURASSA: Vous ne voulez pas discuter sérieusement.

M. BEDARD (Chicoutimi): ... de façon positive.

M. BURNS: A toutes les fois...

M BOURASSA: Vous voulez qu'on vous impose la clôture. Vous l'aurez peut-être plus vite que prévue.

M. BURNS: Ah? Des menaces.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BURNS: Comme hier.

M. MORIN: C'est ce que nous pensions. Vous voulez partir en vacances.

M. BOURASSA: C'est vous qui voulez partir.

M. BURNS: Vous êtes digne des meilleurs colonels grecs. Vous êtes digne de cela.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre!

M. BURNS: Hier, M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BURNS: Non, non. Je peux appuyer mon affirmation. Hier, le premier ministre nous a dit, et sans même rougir — je dirais même sans même pâlir — il a gardé son teint normal...

M. BOURASSA: Discutez sérieusement.

M. BURNS: II nous a dit: Si je veux, je vais

vous faire siéger 24 heures par jour. Ce n'est pas digne des meilleurs colonels grecs, cela?

M. BOURASSA: Ah, M. le Président! Personne ne vous prendra au sérieux.

UNE VOIX: Voyons donc!

M. BURNS: C'est votre conception de la démocratie? Le peuple vous jugera là-dessus.

M. BOURASSA: Cela fait trois jours... Oui. Le peuple... J'ai eu deux fois plus de votes que vous en avez eu aux dernières élections.

M. MORIN: Vous avez dit ce que vous aviez à dire?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. MORIN: En vacances! Partez en vacances!

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre!

M. MORIN: Laissez-nous travailler.

M. BURNS: Allez vous reposer maintenant, M. le premier ministre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. BURNS: Allez prendre un peu de soleil.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que le député de Maisonneuve veut continuer son intervention sur la motion?

M. BURNS: Si le premier ministre veut bien suivre l'exemple que je lui indique, d'ailleurs, si le premier ministre veut suite l'exemple de ses collègues ministériels...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Allez-y, s'il vous plaît.

M. BURNS: ... qui ne m'ont pas interrompu. Je les remercie.

M. BOURASSA: Discutez sérieusement, et on va rester ici un mois. Si vous voulez discuter sérieusement, on est prêt à discuter pendant un mois, s'il le faut,

UNE VOIX: C'est cela.

M. BURNS: Quel est votre critère de discuter sérieusement?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BOURASSA: C'est ne pas faire de l'obstruction comme vous faites et de la rhétorique, et organiser des spectacles avec vos troupes.

M. LEGER: M. le Président, question de règlement.

UNE VOIX: Le peuple québécois... au gouvernement...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Maisonneuve sur la motion...

M. BOURASSA: On le sait bien que vous ne voulez pas discuter sérieusement. Continuez.

M. BURNS: M. le Président, cela me fait vraiment de la peine, comme citoyen du Québec...

M. BOURASSA: Vous pouvez pleurer.

M. BURNS: ... de voir que le premier ministre s'abaisse à un niveau plus bas...

M. HARDY: ... vérités...

M. BOURASSA: La vérité vous fait mal.

M. BURNS: ... que celui que ses simples députés; eux, acceptent de respecter...

M. BOURASSA: La vérité vous fait mal.

M. BURNS: Ah bien, pas du tout! Cela vous fait bien plus mal à vous.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BURNS: Moi, cela me fait de la peine parce que même si ne suis pas d'accord que vous soyez premier ministre du Québec, vous êtes quand même le chef d'Etat du Québec.

M. BOURASSA: Je comprends pourquoi vous n'êtes pas d'accord.

M. BURNS: Vous rabaissez votre fonction, ce n'est pas croyable.

M. BOURASSA: Vous allez disparaître de la carte électorale.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BURNS: Vous, vous rabaissez la fonction à un point tel que cela va être difficile de la remonter. C'est cela qui va arriver.

M. BOURASSA: Le peuple jugera votre attitude.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. BURNS: Oui, oui.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Maisonneuve, sur la motion.

M. BURNS: Le peuple jugera ce que vous

avez fait de la fonction de chef d'Etat du Québec, après des personnes qui ont tenté, elles, de la rehausser.

M. BOURASSA: Je n'ai pas besoin de votre appui.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BURNS: Moi non plus, je n'ai pas besoin de vos conseils sur la stratégie du Parti québécois.

M. BOURASSA: Vous en avez besoin.

M. BURNS: Non, on n'en n'a pas besoin. Moi, je ne vous dis pas ce que vous avez à faire avec le Parti libéral. Je ne vous dis pas que vous... En tout cas, je mélange...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Maisonneuve, sur la motion.

M. CLOUTIER: II ne faudrait pas qu'il se trompe de motion.

M. BURNS: II ne faudrait pas que je me trompe de commission non plus, M. le Président, parce que je pourrais vous dire quoi faire à certaines autres commissions. Je pourrais vous dire, en bien d'autres cas, quoi faire aussi. Les Québécois le sauront éventuellement. C'est cela.

M. BOURASSA: Je ne crains pas le jugement des Québécois.

M. BURNS: Prenez donc des vacances.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BURNS: Cela va vous faire du bien. Reposez-vous !

M. BOURASSA: Vous aussi.

M. BURNS: Reposez-vous! On en a pour longtemps.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. BOURASSA: C'est moi qui décide.

M. BURNS: C'est un projet de loi assez important pour qu'on s'attache...

UNE VOIX: C'est lui qui décide...

M. BURNS: J'aimerais bien qu'on entende ce que le premier ministre... C'est moi qui décide! C'est cela que vous avez dit?

M. BOURASSA: C'est la majorité.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BURNS: Vous êtes choqué?

M. BOURASSA: Vous voudriez que ce soit la minorité qui décide?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !

M. BURNS: Le petit premier ministre est choqué !

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BURNS: II est choqué noir, noir. Il tape en-dessous de la table. Il est choqué noir parce que c'est lui qui mène et qu'il y a des gens qui lui disent qu'ils ne sont pas d'accord. Mon Dieu Seigneur, cela n'a pas de sens!

M. BOURASSA: Vous feriez un bon clown.

M. BURNS: Qu'est-ce que vous voulez? Voulez-vous qu'on s'en aille?

M. BOURASSA: Vous feriez un bon clown. M. BURNS: Qu'est-ce que vous voulez? M. BOURASSA: Discuter sérieusement. M. BURNS: Vous voulez qu'on s'en aille?

M. BOURASSA: Discuter sérieusement. Vous n'êtes pas capable de discuter sérieusement.

M. BURNS: Arrêter de taper en-dessous de la table. Vous faites vibrer. Voyons donc!

M.LESSARD: ...parler. Ce n'est pas sérieux.

M. BURNS: Vous avez l'air d'un petit garçon de quatre ans à qui on refuse un suçon. C'est de cela que vous avez l'air.

M. BOURASSA: C'est brillant.

M. BURNS: C'est brillant. Qui a commencé ces belles interventions brillantes?

M. BOURASSA: Je vous ai posé une question pour qu'on discute sérieusement.

M. BURNS: Cela allait bien avant que vous n'arriviez. Je vous ai dit que vous n'aviez pas d'affaire à dire ce qu'on va faire comme stratégie. Je ne vous dis pas quoi faire à l'intérieur du caucus.

M. BOURASSA: Je veux vous aider.

M. BURNS: Je ne vous le dis pas. Je ne vous le dirai jamais.

M. BOURASSA: Vous avez fait assez de gaffes de stratégie depuis deux ans.

M. LESSARD: ... vos patrons... Mine your own business.

M. BEDARD (Chicoutimi): ... sur la tête du Parti québécois, on serait...

M. CHARRON: Allez chercher le lieutenant-gouverneur. Il y a quelque chose qui ne marche plus.

M. BURNS: II y a quelque chose qui ne marche plus, certain. Et ce n'est pas chez nous. C'est chez le premier ministre que cela ne marche pas.

J'étais en train de dire qu'il nous semble que les principes fondamentaux, que le cadre de la loi tels qu'exprimés dans le préambule au projet de loi 22, se doivent d'être discutés. Le premier ministre nous disait, tout à l'heure, qu'il fallait aller vite dans ces affaires. C'est drôle qu'il n'a pas trouvé cela concernant la commission Gen-dron qui a étudié le problème, qui étudiait des principes et qui nous a sorti trois volumes, trois tomes, et qui se penchait sur la situation, qui examinait des principes. Or, elle a pris quelques années quand même pour nous dire ce qu'elle en pensait.

M. CLOUTIER: C'est ce qui nous permet de légiférer.

M. BURNS: Elle a pris quelques années, sauf que la commission Gendron n'a pas été élue par le peuple. C'est la petite différence. Ce n'est pas parce que la commission Gendron a dit telle ou telle chose qu'on doive se dire? Tout a été examiné. Ce n'est pas parce que les principes ont été discutés et qu'on est arrivé, à la commission Gendron, à telle ou telle conclusion que nous, aujourd'hui, il faudrait dire: On s'excuse, la commission Gendron a discuté des principes, nous n'en discuterons plus. Bien non! Imaginez-vous donc que vous avez vous-même décidé... Vous aviez parfaitement le droit de ne pas mettre un préambule à ce projet de loi. Le gouvernement pouvait très bien se limiter aux notes explicatives qui nous disent que ce projet proclame le français, langue officielle du Québec, et statue sur son usage. Cela aurait pu faire un beau baratin publicitaire, digne des émissions radiophoniques et télévisées du premier ministre, mais cela ne va pas plus loin que cela.

On a décidé, du côté gouvernemental, d'aller plus loin que cela. On a décidé de nous dire: Attendu que la langue française doit être prééminente... On parle de prééminence. On pourrait en discuter. C'est cela qu'on aimerait. On aimerait discuter avant même d'arriver à l'article 1 parce qu'à l'article 1, on nous dit que le français est la langue officielle du Québec. On aimerait savoir comment cela cadre avec cette affirmation que le gouvernement du Québec, protecteur du patrimoine national et dont le devoir est de préserver ce patrimoine national, se doit de tout mettre en oeuvre pour assurer la prééminence et pour favoriser l'épanouissement de cette langue ainsi que sa qualité.

On aimerait savoir, avant de se lancer dans l'adoption de l'article 1, éventuellement, après qu'on vous aura fait quelques suggestions, ce que vous voulez dire par cela. Ce n'est quand même pas nous qui avont rédigé le préambule du projet de loi. Ce n'est quand même pas nous qui avons dit, au deuxième attendu, que la langue française doit être la langue de communication courante de l'administration publique et, avec tous les problèmes d'applicabilité au niveau constitutionnel que nous avons soulevés depuis deux ou trois jours, il me semble qu'on serait en droit — puisqu'on nous refuse le droit d'entendre en audition publique des experts constitutionnels — au moins, de poser la question aux auteurs de ce texte, et les auteurs, qu'on se le dise bien et qu'on se le rappelle bien, sont le cabinet des ministres. C'est exactement cela. C'est le lieutenant-gouverneur qui a été d'avis à trouver ce projet de loi présentable à l'Assemblée nationale. Alors, tout le monde sait que lieutenant-gouverneur, dans le fond, agit sur incitation très forte de la part du cabinet.

M. le Président, ce n'est pas moi qui ai dit, au cinquième attendu, que la langue française doit être omniprésente dans le monde des affaires. Ce n'est pas moi qui ai dit cela. C'est le gouvernement. J'aimerais savoir comment il conçoit en pratique cette omniprésence dans le monde des affaires et particulièrement en ce qui concerne la direction des entreprises, les raisons sociales, l'affichage public, les contrats d'adhésion et les contrats conclus pour les consommateurs. Ce n'est pas moi, M. le Président, qui ai dit, dans le préambule, qu'il importe de déterminer le statut de la langue française dans l'enseignement et qui, en voyant ce statut vaguement établi par les articles 48 et suivants, me pose des questions sur les buts véritables du gouvernement. Ce sont les auteurs de ce texte, que nous aimerions rencontrer, et la seule façon de les rencontrer, à ce stade-ci de nos débats, c'est d'accepter la motion qui a été formulée par le chef de l'Opposition, c'est-à-dire de remettre à un peu plus tard — on y viendra, ne vous en faites pas, ne vous énervez pas, on y viendra à l'article 1. Je ne sais pas quand, mais on y viendra.

M. BOURASSA: ... une autre motion.

M. BURNS: Ce n'est pas cela que je vous demande. Je vous demande simplement de reconnaître — vous avez fait appel à mon intelligence, je fais appel à la vôtre. Je pourrais être méchant et qualifier cela. Je ne le fais pas parce que je ne veux pas provoquer de débat —.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Une minute, qui reste. Oui.

M. BURNS: Je ne le fais pas.

M. CLOUTIER: Parlons au président, M. le Président.

M. BOURASSA: II peut dire...

M. BURNS: Je dis au président, M. le Président, je pourrais...

M. BOURASSA: Faites-le donc.

M. BURNS: ... faire appel à l'intelligence du premier ministre tout en qualifiant cet appel, mais je ne le ferai pas.

M. CLOUTIER: Vous faites mieux de parler au président.

M. BURNS: Je pense que le premier ministre comprend ce que je veux dire. Je dis tout simplement que, dans cet ultime effort de vous demander d'examiner ces quelques six ou sept paragraphes que comporte le préambule, il me semble que ce serait normal qu'avant même de discuter ce qu'on veut dire dans l'esprit du gouvernement par cette phrase unique qui comporte un titre d'une loi — c'est quand même une chose assez importante pour qu'on lui consacre un titre, même pas un chapitre, même pas un seul article mêlé parmi plusieurs, qu'on lui consacre un titre — nous prétendons qu'avant d'aborder cette phrase laconique qui se lit comme suit: "Le français est la langue officielle du Québec", on aimerait bien savoir ce que les auteurs du projet de loi ont voulu dire par: Tout mettre en oeuvre pour favoriser la qualité du français, la prééminence du français, son omniprésence dans le milieu des affaires et tous les autres éléments qu'on retrouve à l'intérieur du préambule.

M. le Président, même si je n'ai pas le droit de vote sur cette motion, je vous dis que si je l'avais, je voterais en faveur de la motion du chef de l'Opposition. J'espère que le premier ministre qui, lui, semble-t-il, est pressé de faire avancer les débats... Je ne sais pas quelle est cette nervosité qui l'habite depuis quelques jours, mais...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BURNS: ... s'il est tellement pressé de faire avancer les débats, je le réfère — et c'est ma dernière remarque, M. le Président — à un cas très pratique. Lorsque nous étudions les crédits, il arrive très souvent qu'au début de l'étude des crédits d'un ministère, des prévisions budgétaires d'un ministère, nous laissons la discussion très large sur les problèmes à caractère général des ministères et, souvent, je le dis au premier ministre, cela fait avancer le débat lorsqu'on arrive dans les problèmes à caractère un peu plus particulier. C'est un peu notre suggestion.

On vous fait la suggestion de discuter du préambule, de ces grands objectifs que le gouvernement lui-même s'impose dans le préambule, que lui-même nous dit être son guide, sa ligne de pensée. Ensuite, après avoir obtenu les réponses auxquelles on est en droit de s'attendre d'un gouvernement qui légifère de façon aussi totale et générale que le projet de loi 22 se veut comme législation, on se dit: Peut-être que cela ira plus vite parce qu'on connaîtra certaines intentions du gouvernement.

UNE VOIX: Le vote.

M. BOURASSA: Une tragique erreur de stratégie.

LE PRESIDENT (M. Gratton): ... sur la motion du chef de l'Opposition officielle, que l'étude de l'article 1 soit différée jusqu'à ce que l'étude du présent bill, du projet de loi 22, ait été complétée". M. Charron?

M. CHARRON: En faveur.

LE PRESIDENT (M.Gratton): M. Déom? M. Cloutier?

M. CLOUTIER: Contre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Hardy?

M. HARDY: Contre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Lapointe?

M. LAPOINTE: Contre.

LE PRESIDENT (M.Gratton): M. Bonnier? M. Morin?

M. MORIN: En faveur.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Parent (Prévost)?

M. PARENT (Prévost): Contre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Beauregard?

M. BEAUREAGARD: Contre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Lachance?

M. LACHANCE: Contre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Samson? M. Veilleux?

M. VEILLEUX: Contre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Pour 2. Contre: 7. La motion est rejetée. Est-ce que l'article 1 est adopté?

M. CLOUTIER: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le ministre de l'Education.

M. CLOUTIER: ... j'ai une motion à proposer. Ma motion se lit de façon suivante: "Je propose l'adoption de l'article 1".

M. MORIN: M. le Président... M. BOURASSA: Adopté?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que le ministre désire...

M. CLOUTIER: M. le Président...

M. MORIN: M. le Président, je veux demander la parole.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui, mais je pense que celui qui propose la motion a quand même un premier droit de parole.

M. HARDY: Demandez à votre leader parlementaire, il va vous le dire.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le ministre de l'Education, sur sa motion.

M. CLOUTIER: Je n'ai pas besoin de parler longtemps sur cette motion. Elle se fonde sur le fait que j'ai eu l'occasion, pour ma part de faire un certain nombre de remarques générales sur l'article 1. Ces remarques ont été interrompues par une motion, celle que nous venons de battre aux voix. Il me paraîtrait normal qu'il y ait d'autres remarques générales, ceci est dans l'esprit de nos usages, comme d'ailleurs de notre règlement. Cependant, il m'apparaît souhaitable que nous ayons devant la commission une motion qui se lit comme celle que je propose. Merci, M. le Président.

M. BURNS: M. le Président, j'ai un point de règlement à soulever.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui.

M. BURNS: Vous qui avez l'expérience de l'étude des projets de loi en détail, article par article, dans les commissions, je vous demande au départ, si c'est normal que vous voyiez le ministre dire, avant que qui que ce soit ait eu l'occasion de se prononcer sur le fond d'un article, avant que qui que ce soit ait eu la possibilité d'amender cet article: Je propose l'adoption de cet article, M. le Président, le mandat qui nous a été donné par l'Assemblée nationale est bien simple, c'est d'examiner, je vous réfère à l'article 154 de notre règlement. C'est vous-même qui l'avez cité hier à plusieurs reprises. C'est peut-être bon de se le rappeler: "En commission plénière ou élue, après la deuxième lecture, on ne peut discuter que les détails d'un projet de loi, il ne peut y avoir audition publique que devant une commission élue, pourvu que celle-ci y consente". La fin ne nous concerne pas, on a déjà réglé ce problème, pas à notre satisfaction, mais ç'a été réglé.

Je vous dis, M. le Président, qu'on est ici pour discuter des détails du projet de loi. Si on veut jouer à la procédure, si vous permettez la motion qui est faite actuellement, c'est un bâillon qu'on nous impose, c'est un bâillon, c'est carrément et simplement un bâillon qu'on pourrait nous imposer, c'est-à-dire nous empêcher d'amender autre chose que la motion qui est sur la table. C'est bon, je suis bien content que ça arrive dès l'article 1. La question de principe va se poser immédiatement. Qu'est-ce que c'est qu'on veut du côté gouvernemental? Est-ce qu'on veut passer au rouleau compresseur ce projet de loi? Est-ce qu'on veut empêcher l'Opposition de faire des amendements...

M. BOURASSA: Du "filibuster".

M. BURNS: Est-ce que c'est ça? J'ai compris le ministre, j'ai entendu...

M. BOURASSA: Donnez-les nous. Est-ce qu'on peut avoir les amendements?

M. BURNS: On a assez entendu après les vôtres, vous allez attendre après les nôtres.

M. BOURASSA: Ah, tiens, tiens!

M. BURNS: Soyez patients. On va vous les donner...

M. BOURASSA: On ne peut même pas avoir les amendements de l'Opposition.

M. BURNS: Non, on suit là-dessus, parce qu'on s'est débattu pendant deux jours avec le ministre pour essayer d'obtenir...

M. BOURASSA: On les a... On les a donnés...

M. BURNS: ... laissez-moi terminer et vous parlerez après, je n'ai pas d'objection. On s'est débattu pendant deux jours avec le ministre pour le convaincre de nous donner au moins les principes directeurs de sa réglementation, de nous donner d'avance ses amendements pour qu'on puisse les examiner. Qu'est-ce que nous disait notre pompeux ministre de l'Education? Que disait-il?

M. BOURASSA: Arrêtez donc les attaques personnelles.

M. BURNS: C'est très pompeux d'agir comme il vient de le faire, M. le Président. "Je propose l'adoption de l'article 1".

M. CLOUTIER: C'est tout ce que l'on veut, mais ce n'est pas pompeux.

M. BURNS: Bien, voyons donc! Tout ce que vous voulez...

M. CLOUTIER: Je peux vous suggérer toute une série d'épithètes.

M. BOURASSA: On ne fait pas d'attaques personnelles.

M. BURNS: Je vous propose, moi, M. le ministre si vous voulez que je retire mes paroles et si vous voulez que j'admette que j'ai eu tort de dire que vous êtes un pompeux ministre de l'Education.

M. CLOUTIER: Cela, c'est une autre histoire.

M. BURNS: Oui. Oui.

M. CLOUTIER: Si vous voulez que je retire non seulement mes paroles, mais que je refasse mon opinion à votre sujet, je vous demande tout simplement de retirer la proposition que vous avez faite...

M. HARDY: Ah! Du chantage!

M. CLOUTIER: Est-ce que ma motion vous aurait déplu?

M. BURNS: ... pour la simple et unique raison...

M. CLOUTIER: Ou est-ce que ma motion irait contrecarrer vos plans?

M. BURNS: Elle me déplaît à un point, M. le Président...

M. HARDY: Du chantage!

M. BOURASSA: Vous avez été déjoué.

M. BURNS: ... que le ministre de l'Education ne comprend pas parce qu'elle est, à mon avis, contraire aux habitudes parlementaires, aux usages parlementaires que nous avons. Ce que nous faisons, c'est que nous appelons l'étude d'un article...

M. CLOUTIER: Bien oui! Je croyais qu'on était là pour cela.

M. BURNS: Oui, M. le Président.

M. CLOUTIER: Maintenant, cela n'empêche pas la discussion.

M. BURNS: Non, non. Laissez-moi terminer. D'accord?

M. CLOUTIER: II va se fâcher.

M. BURNS: Parce que c'est assez curieux ce qui se passe que vous êtes en train de mettre le bordel dans le système parlementaire.

M. BOURASSA: ... c'est vous qui faites cela depuis quatre jours.

M. BURNS: Non, non. Vous êtes vraiment en train de mettre cela cul par-dessus tête. Je vous le dis. C'est à ce point-là ce que vous êtes en train de faire, que vous ne vous rendez pas compte de la gravité du geste que vous êtes en train de faire.

M. BOURASSA: Parce que vous êtes déjoués une fois, vous employez toutes sortes d'accusations.

M. BURNS: Pas du tout. Cela ne s'appelle pas déjouer, cela s'appelle jouer cochon. C'est comme cela que cela s'appelle.

M. BOURASSA: Parce qu'on propose l'adoption du français comme langue officielle?

M. BURNS: Non, non.

M. BOURASSA: Je demanderais que les gens écoutent cela.

M. BURNS: Savez-vous comment cela s'appelle?

M. BOURASSA: C'est jouer cochon parce qu'on propose le français comme langue officielle.

M. BURNS: Non, non!

M. BOURASSA: Je voudrais que la population retienne cela, M. le Président.

M. BURNS: Pas du tout. UNE VOIX: Démagogue!

M. BURNS: Savez-vous comment cela s'appelle?

M. BOURASSA: C'est jouer cochon parce qu'on veut que le français soit la langue officielle.

M. BURNS: Cela s'appelle...

M. BOURASSA: C'est cela que vient de dire le député de Maisonneuve.

M. BURNS: Cela s'appelle jouer aux échecs avec un "bat" de baseball dans les mains. C'est comme cela que cela s'appelle. D'accord?

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!

M. HARDY: Avec vous autres, ça prend cela pour faire du français la langue officielle tellement vous ne le voulez pas.

UNE VOIX: Démagogue!

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!

M. BURNS: Je ne peux pas accepter cela.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je voudrais...

M. BURNS: M. le Président, laissez-moi terminer ma question de règlement.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Bien, ce que j'ai à dire pourrait peut-être aider un peu. Si cela ne vous aide pas, vous pourrez continuer après.

M. BURNS: Très bien.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le ministre de l'Education vient de proposer, par motion, l'adoption de l'article 1. Or, je décide dès à présent que cette motion n'empêche aucune motion d'amendement à l'article 1.

M. HARDY: Cest bien évident.

M. BURNS: Si vous pensez cela, M. le Président, je suis entièrement d'accord avec vous.

M. BOURASSA: Avez-vous vos amendements?

M. HARDY: C'est évident.

M. CLOUTIER: Alors, est-ce que...

M. BURNS: Qu'est-ce que vous aviez d'affaire à parler alors? Vous avez parlé pour rien.

M. CLOUTIER: Est-ce que vous voulez retirer le mot "pompeux"?

M. HARDY: Toute motion est amendable.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!

M. BURNS: Pas de la façon que vous l'avez faite. Je ne retire pas le mot "pompeux"...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Comme j'aurai à passer quelques jours avec vous...

M. BURNS: ... ni mon impression.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): ... je vous avise dès à présent que vous aurez à me demander la parole.

M. BOURASSA: M. le Président, est-ce que je peux poser une question au député de Maisonneuve?

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Certainement.

M. HARDY: Soyez ferme!

M. BOURASSA: Est-ce que le député de Maisonneuve, lui qui a décidé la stratégie du "filibuster" pour le Parti québécois dans une erreur tragique de stratégie, pourrait-il nous soumettre les amendements? ...

M. LEGER: Le message est passé.

M. BURNS: Cela ne mérite même pas une réponse. J'ai répondu en privé, j'ai répondu publiquement au premier ministre, pourquoi lui répondrais-je une autre fois?

M. BOURASSA: Non, mais les amendements...

M. BURNS: Je lui ai dit que nous allons suivre exactement — je vus le dis, une fois pour toutes, puis arrêtez de me le demander parce qu'on va penser que vous radotez...

M. BOURASSA: Bien, vous avez fait cela depuis quatre jours. Cela fait quatre jours que vous demandez les mêmes choses.

M. BURNS: Je dis tout simplement ceci... M. BOURASSA: En parlant de radoteux...!

M. BURNS: ... que nous allons suivre, et cela, je pense que vous devrez prendre, à moins qu'un de mes collègues ne soit pas d'accord... Nous autres, on est bien libre; s'il y a dissidence, qu'il vienne dire le contraire...

M.HARDY: Ah! Oui!

M. BURNS: ... à moins qu'un de mes collègues dise le contraire, je vous dis que l'Opposition n'a aucunement l'intention de déposer tous ses amendements à l'avance pour la simple et unique raison que nous allons suivre exactement la ligne de conduite que nous a montrée, que nous a tracée...

M. BOURASSA: M. le Président...

M. BURNS: ... le ministre de l'Education. On s'est battu pendant trois jours pour avoir, globalement, les amendements et le ministre nous disait...

M. HARDY: Mensonge!

M. BURNS: ... du haut de sa hauteur —si vous me passez le pléonasme — Quand on viendra à l'article 1 — c'était une espèce de demande insistante, je dirais même une menace — et vous ne les aurez pas tant que vous ne ferez pas vos bons petits garçons.

M. CLOUTIER: Commencez la discussion de fond. Non.

M. BURNS: Sauf que nous avions des questions préliminaires à discuter. Nous les avons discutées et nous avons fait, contrairement à ce que pense le premier ministre, simplement notre devoir comme députés.

M. BOURASSA: M. le Président...

M. BURNS: Je ne pense pas que la population du Québec, les 45 p.c, parce que, malheureusement, nos deux collègues du Parti créditis-te ne sont pas ici, alors on prend en charge leurs électeurs à partir de maintenant...

M. BOURASSA: M. le Président...

M. BURNS: ... les 45 p.c. de la population qui ont voté contre ce gouvernement se doivent d'être représentés ici.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!

M. BURNS: Je n'avais pas du tout l'intention de lâcher un pouce là-dessus.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!

M. BURNS: On va les représenter et on va les représenter jusqu'au bout, jusqu'à la limite de nos possibilités.

M. HARDY: C'est ce qu'on appelle de la fausse représentation.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. BOURASSA: Mais ce que je demande, M. le Président, au député de Maisonneuve...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre! Je ne voudrais pas engendrer un débat inutile.

M. BOURASSA: Seulement qu'une question au député de Maisonneuve.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je crains fort que cette question puisse engendrer un débat.

M. BOURASSA: Non, c'est pour les amendements, essayer de le convaincre, parce qu'eux on essayé de nous convaincre.

M. BURNS: Si c'est une motion, on va parler là-dessus.

M. BOURASSA: Non, c'est parce que le ministre de l'Education avait posé une condition.

M. BURNS: Question d'ordre, M. le Président. Il y a une façon de demander quelque chose à une commission et c'est de faire une motion. Si le premier ministre veut faire une motion, on va l'écouter et on va jaser de sa motion.

M. BOURASSA: On ne veut pas perdre de temps avec une motion, mais je veux tout simplement dire que le ministre de l'Education avait dit: D'accord, on vous soumettra les amendements quand on commencera l'article 1.

M. BURNS: Mais ce n'était pas un accord conditionnel qu'on voulait.

M. BOURASSA: C'était une condition.

M. BURNS: On disait: On veut les avoir avant qu'on arrive à l'étude article par article.

M. BOURASSA: II y avait une condition.

M. BURNS: On est rendu à l'étude article par article et c'est là qu'on a reçu les amendements, c'est là que vous allez les recevoir vous autres...

M. HARDY: Vous, vous n'avez pas déposé les vôtres.

M. BURNS: ... au moment où les articles vont se discuter.

M. BOURASSA: Mais le ministre avait posé une condition.

M. BURNS: D'accord, vous avez le droit de décider de vos stratégies, nous autres, on a le droit de décider de les suivre ou pas.

M. BOURASSA: C'est la majorité qui va décider...

M. CLOUTIER: J'ai même abandonné cette condition.

M. LEGER: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. CLOUTIER: Ce que je vous ai proposé, c'est que vous cessiez de débattre.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Lafontaine sur une question de règlement...

M. LEGER: Question de règlement, M. le Président.

Je pense qu'il est absolument irrégulier pour le gouvernement de demander à l'Opposition ses amendements, puisque vous ne nous demandez pas de déposer nos projets de loi. On travaille sur vos projets de loi. Si vous aviez une série d'amendements, c'était à vous de les présenter tels quels, puisque c'est exactement...

M. BOURASSA: C'est le chef de l'Opposition qui avait dit qu'il en avait haut comme cela.

M. LEGER: ... le sens de votre projet de loi, incluant vos amendements, que vous devez déposer. Les nôtres, jamais le règlement ne nous dit qu'il faut les déposer en premier.

M. BOURASSA: C'est le chef de l'Opposition qui a dit qu'il avait beaucoup d'amendements.

M. LEGER: On les dépose quand ils viennent.

C'est la raison pour laquelle...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!

M. LEGER:... c'est au gouvernement à déposer ses règlements. Nous l'avons demandé et cela a pris trois jours pour les obtenir. Maintenant qu'on les a, on passe article par article et, normalement, selon la coutume, quand on commence l'article 1, c'est l'Opposition qui dit si elle est d'accord ou non, à moins que le premier ministre...

M. CLOUTIER: Est-ce que je peux rétablir les faits, si c'est possible?

M. LEGER: ... dise que le premier article — je suis sur une question de règlement — il veut l'adopter avant même qu'on ait quelque chose à dire. Il propose l'adoption immédiatement.

M. CLOUTIER: Non.

M. LEGER: II a sur la table, avant même que le ministre parle...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît !

M. LEGER: ... il y avait sur la table l'article 1... C'est une question de règlement, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît ! J'ai pris une décision tout à l'heure là-dessus.

M. LEGER: Oui, mais vous avez demandé... LE PRESIDENT (M. Lamontagne): C'est dans l'esprit de nos règlements, ne voulant aucune discussion sur ma décision, que j'ai accordé dès à présent la parole au chef de l'Opposition officielle.

M. LEGER: M. le Président...

M. MORIN: Merci, M. le Président.

M. HARDY: C'est assez, on l'a tous compris.

M. LEGER: ... après votre décision, vous nous permettriez d'en discuter. Vous avez dit cela tantôt.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): C'est le chef de l'Opposition officielle qui me demande la parole depuis un bon bout de temps.

M. LEGER: Oui, mais est-ce que vous acceptez la motion du ministre, M. le Président?

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): J'ai demandé et j'ai dit que cette motion permettait à tous ceux qui voudraient proposer des amendements à l'article 1, de le faire pour autant qu'ils sont recevables.

M. LEGER: II y a encore une condition.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): C'est bien sûr. Il y a toujours une condition. Il faut au moins que l'amendement soit recevable. Ne les connaissant pas d'avance...

M. LEGER: On verra si c'était un piège.

M. BOURASSA: On ne respecte pas la présidence.

M. LEGER: On parle de la motion du ministre. Je ne parle pas du président, il fait très bien son travail.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je donne immédiatement la parole au chef de l'Opposition sur l'article 1.

Motion d'amendement à l'article 1

M. MORIN: M. le Président, je vais proposer de modifier la proposition du ministre de l'Education en remplaçant les mots de la motion principale à compter du mot "adopter" par le membre de phrase suivant: "amender en insérant après le mot "la" dans la première ligne, le mot "seule"...

M. BOURASSA: C'est la même chose.

M. MORIN: ... en sorte que, dans l'article modifié, l'article premier se lirait désormais comme ceci: Le français est la seule langue officielle du Québec.

M. BEDARD (Chicoutimi): Est-ce que c'est la même chose?

M. BOURASSA: C'est un beau petit spectacle organisé.

UNE VOIX: Adoptez-le.

M. LESSARD: Le premier ministre a dit tout à l'heure que c'était la même chose.

M. MORIN: J'ai la parole.

M. BOURASSA: Oui, cela est la même chose.

M. BEDARD (Chicoutimi): Adoptez-le, si c'est la même chose.

M. MORIN: M. le Président, le gouvernement nous propose...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Sur la recevabilité de la motion.

M. MORIN: Quelqu'un a mis en doute la recevabilité de la motion?

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): J'aimerais vous écouter quelques instants. Il faut d'abord voir.

M. MORIN: La voilà. Je vous invite à vous prononcer. Je n'ai pas l'intention de faire un plaidoyer avant que vous ne vous soyez prononcé.

M. LESSARD: M. le Présidant, sur la recevabilité de la motion...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Saguenay.

M. LESSARD: M. le Président, je vous invite à lire l'article 70 des règlements qui concerne justement les motions d'amendement. L'article 70 des règlements dit ceci, M. le Président: "Un amendement doit se rapporter directement au sujet de la motion proposée".

Je pense que la motion, qui a été proposée par le ministre de l'Education, est d'adopter l'article 1. Or, l'amendement qui est proposé, se rapporte directement à l'article 1. On ajoute: Cet amendement ne peut avoir que les objets suivants, soit retrancher, ajouter des mots ou les remplacer par d'autres. Alors, M. le Président, vous avez exactement l'esprit de l'article 70, c'est-à-dire que nous ajoutons un seul mot à l'intérieur de l'article 1, à savoir "seule". Cet amendement, une chose que vous pourriez utiliser, à savoir quand cet amendement peut-il être irrecevable. L'article 70 est très clair. Il est irrecevable si son effet est d'écarter la question principale, sur laquelle il a été proposé, ou il en est de même d'un sous-amendement par rapport à un amendement. Je vous soumets très respectueusement qu'il ne s'agit pas par cet amendement d'écarter la question principale, mais il s'agit de préciser la question principale, à savoir nous voulons simplement ajouter le terme "seule langue officielle".

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Cela a été dès à présent, déclarant cette motion recevable.

M. LESSARD: Vous avez compris, M. le Président. Acceptez-la.

M. BOURASSA: C'est redondant.

M. MORIN: La président nous dit que la motion est recevable !

M. BOURASSA: La est un article défini, voyons!

M. HARDY: II est devenu le porte-parole du président.

M. BURNS: C'est sur le fond. Vous le direz sur le fond.

M. LESSARD: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): J'ai déclaré la motion d'amendement recevable.

M. LESSARD: M. le Président, le premier ministre dit que c'est redondant. Le premier ministre dit que c'est exactement la même chose. Est-ce que le premier ministre accepterait notre motion?

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): ... sur la motion d'amendement?

M. LESSARD: Non, M. le Président. Mais je pose une question.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Non, sur la motion d'amendement.

M. BOURASSA: C'est un texte juridique, ce n'est pas un discours.

M. BEDARD (Chicoutimi): Non, mais vous aviez si hâte d'adopter l'article 1.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que vous me parlez de la motion d'amendement?

M. BEDARD (Chicoutimi): ... illégalement.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que quelqu'un veut parler sur la motion d'amendement?

M. MORIN: Je désire parler.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Vous voulez parler.

Le chef de l'Opposition officielle.

M. MORIN: Bien sûr. Le gouvernement nous propose, dans l'article premier de ce projet de loi, une bien grande découverte : Le français est la langue officielle du Québec. Mais le français est, de fait, la "langue officielle" du Québec depuis 350 ans et même davantage. Le français n'a jamais cessé d'être la langue du pays, même depuis qu'en 1759, nous sommes passés sous le joug d'une puissance économique et politique étrangère, et même depuis qu'une seconde puissance anglophone a pris le relais de la première dans l'exploitation économique du Québec. On nous dit: Le français est la langue officielle du Québec. Mais c'est l'évidence même. Cela a toujours été le cas. C'est un peu comme si le premier ministre faisait une grande proclamation publique: Article premier: "Le Québec est en Amérique du Nord". Les Québécois diraient: Bon! Et après? C'est là la véritable question. La question n'est pas de savoir si le français est la langue officielle du Québec parmi d'autres.

M. BOURASSA: Parlez-en aux anglophones, pour voir ce qu'ils en pensent.

M. MORIN: La véritable question — si le premier ministre veut bien cesser de m'interrompre, si le premier ministre veut bien respecter le règlement — à laquelle la loi apporte une réponse négative, est la suivante: Le français est-il et sera-t-il la "seule" langue officielle du Québec? Voilà, la vraie question. A cette question, les articles 2 et suivants répondent que l'anglais possède également un statut officiel au Québec. Le projet de loi tel qu'il est rédigé à l'heure actuelle, ne change rien à cette règle juridique du bilinguisme. Le projet de loi 22 constate, je vous le dirai tout à l'heure...

M. BOURASSA: Je dois partir.

M. MORIN: Oui, vous allez vous défiler au moment où le débat va devenir un peu chaud.

M. BOURASSA: Je vais être ici demain.

M. MORIN: Laissez-moi finir mon discours, vous parlerez après.

M. BOURASSA: Demain, allez-vous adopter l'article 1 ce soir?

M. MORIN: Le projet de loi 22...

M. BOURASSA: Je vais être ici demain après-midi.

M. MORIN: M. le Président, puis-je vous demander de rappeler le premier ministre à l'ordre? Il se comporte comme un petit garçon sur les bancs de l'école. S'il vous plaît, laissez-moi parler! Le projet de loi 22 constate que le français est la langue officielle au Québec, ce dont les Québécois se doutaient bien un peu.

Ce serait même inutile et redondant de le dire, s'ils ne constataient pas, dès l'article 2 et dans les articles suivants, que l'anglais est également langue officielle.

Le problème vient de ce que l'Empire britannique autrefois et la majorité anglophone du Canada nous ont imposé, en 1867, l'article 133 du "British North America Act". D'après cet article, outre quelques dispositions qui ont trait aux langues parlementaires, les lois de l'Assemblée nationale du Québec, de même que celles du Parlement fédéral, doivent être publiées et imprimées en anglais et en français. Or, le bill 22 — je mets qui que ce soit du côté gouvernemental au défi de prouver le contraire — ne change rien à cela, et le gouvernement nous a dit pourquoi il ne veut pas aller à l'encontre de l'article 133. Il se considère lié par cette disposition impériale. Il n'a pas l'intention d'y toucher avant une éventuelle conférence constitutionnelle. Autrement dit, le premier ministre a autant de courage que le Parlement britannique, en 1867. Il innove autant que l'article 133, puisque l'article premier suivi de l'article 2 disent ni plus, ni moins la même chose que l'article 133.

C'est comme si rien ne s'était passé depuis cent ans, comme si les aspirations des Québécois ne s'étaient pas développées depuis 1867, depuis l'époque où l'on nous a imposé cette constitution coloniale déguisée, cette loi dont il n'existe même pas de version française.

Oui, vraiment, le premier ministre vient de poser un grand geste courageux et digne des aspirations québécoises. Il proclame que le français est la langue officielle du Québec, comme si nous ne le savions pas déjà! Le premier ministre vient de découvrir l'Amérique!

Mais le courage lui fait défaut, et il fait défaut à toute la majorité gouvernementale lorsqu'il faut traduire, dans un texte de loi précis, les aspirations profondes des Québécois. Bien sûr, dans ses discours, il emploie volontiers l'expression "seule langue officielle" comme il l'a fait encore avant-hier, au cours des débats, à la page 1867 des Débats du 15 juillet, pour être plus précis. Mais cela n'engage guère. Ce ne sont que des discours. Cela ne coûte rien. C'est pour la consommation commerciale destinée aux Québécois. C'est la camelote politique que le premier ministre trimbale dans tout le Québec.

Aussi, pour que la loi soit enfin claire, pour qu'aboutissent, dès ce premier article — qui est certes l'un des plus importants du projet de loi — les aspirations profondes des Québécois, aspirations de plus en plus claires et que ce débat, d'ailleurs, aide à préciser, je propose que l'article premier soit modifié en insérant après le mot "la", dans la première ligne, le mot "seule", dans les termes de la proposition de la

motion que je vous ai remise il y a un instant, M. le Président. Je vous remercie.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Chicoutimi.

M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, premièrement, je ne croyais pas avoir à intervenir sur l'amendement qui est présenté par le chef de l'Opposition. Lorsque le chef de l'Opposition a présenté cet amendement afin que l'article premier se lise: Que la langue française soit la seule langue officielle au Québec, j'ai entendu le premier ministre dire que c'était la même chose que l'article, tel que rédigé, sans amendement.

Alors, si le gouvernement était logique puisque c'est la même chose. Je m'attendais à ce qu'on nous dise tout simplement qu'on acceptait cet amendement et à ce moment, on ne perdrait pas un temps précieux de la commission à continuer de discuter sur le sujet.

Il semble que même si le premier ministre, dans un premier mouvement, s'est permis d'affirmer que c'était la même chose, il semble que le gouvernement n'a pas la logique d'accepter purement et simplement l'amendement qui est fait par le chef de l'Opposition et à ce moment, le débat serait terminé sur cet amendement.

Je m'excuse si mon exposé sera plutôt technique puisque cet amendement en est un, quoi qu'en dise le premier ministre, qui a quand même des conséquences. La meilleure preuve est que le gouvernement n'est pas prêt à l'accepter tout de suite, mais c'est avec le consentement de mes collègues que l'intervention que j'aurai à faire sera plutôt technique. Je pense que tout le monde doit être heureux ici cet après-midi, tant du côté de l'Opposition que du côté du gouvernement, parce qu'enfin on discute de l'article 1 du projet de loi 22 tel que le gouvernement le voulait depuis longtemps.

Nous sommes ici maintenant, comme auparavant, comme législateurs et il nous faut élaborer une loi en tant que législateurs. Il nous faut voter une loi qui ne prête pas à différentes interprétations quand il s'agira de l'application pratique de cette loi.

Autrement dit, nous sommes ici pour voter une loi qui ne permette pas des interprétations floues et diverses qui permettraient de dire aux francophones, d'une part: Ne vous en faites pas, le français est sauvé dans le Québec parce qu'on vient de voter la langue officielle, et, d'autre part, qui permettraient en même temps — tout à l'heure, nous entrerons dans la définition des termes — de dire aux anglophones: Ne vous inquiétez pas, le français, langue officielle, quand vous regardez ce que cela veut dire constitutionnellement parlant, en termes de définition, soyez bien tranquilles, cela ne change pas grand-chose à la situation qui existait auparavant.

Je crois que c'est le devoir du législateur, au moment où nous discutons présentement, de savoir exactement de quoi on discute et sur quoi on votera avec les implications qui s'inféreront à la suite de l'acceptation de l'article 1 du projet de loi 22.

Autrement dit, en votant le français langue officielle, il ne faut pas voter une image qui aurait comme seul effet de rassurer la majorité francophone du Québec — les Québécois — qui est menacée, mais de voter une loi derrière laquelle se trouve une application pratique, une réalité telle qu'elle constitue et qu'elle constituera un outil très solide, très énergique pour permettre la promotion de ce groupe culturel que représente la majorité francophone du Québec.

Autrement dit, dans les lois, il ne faut pas, à la suite d'une mésentente ou d'une différence d'opinions sur l'interprétation ou la définition des termes, aboutir à une situation d'hypocrisie ou de tartufferie.

Et si le chef de l'Opposition a présenté cet amendement, c'est justement dans le but évident de voir à ce que la loi soit très précise. Si nous avons présenté cet amendement, c'est que contrairement à ce que pense ou à ce qu'a dit tout à l'heure le premier ministre, il y a une différence, législativement parlant, entre voter le français langue officielle au Québec et le français seule langue officielle au Québec.

Pourquoi? C'est là-dessus que j'entrerai peut-être dans la partie technique du court exposé qu'on a à faire. D'ailleurs mes collègues, j'en suis convaincu, auront aussi à s'exprimer sur ce sujet. Il y a différentes définitions de la langue officielle et il y a également plusieurs définitions même du français seule langue officielle. Je ne voudrais pas jouer à l'autorité en cette matière, c'est pourquoi, je pense bien que ce sera le cas de la plupart des membres de cette commission, à part ceux qui se reconnaissent des qualités tout à fait particulières de compétence en matière constitutionnelle, afin de discuter sérieusement, il me faudra, je le dis humblement, me référer à l'opinion d'experts en cette matière.

Il y a différentes définitions même de la langue officielle. Je me permettrai de me référer au rapport de la commission d'enquête sur la situation de la langue française et sur les droits linguistiques qui avait été demandé par le gouvernement et qui a fait rapport audit gouvernement. Concernant la législation, concernant la langue, on sait que différents experts constitutionnels avaient été mobilisés par le gouvernement. C'était normal que le gouvernement les mobilise afin de pouvoir accoucher d'un texte de loi qui soit vraiment réaliste et qui ne présente pas une solution sujette soit au désaveu, soit aux pressions, soit au chantage; il était normal que le gouvernement se réfère à des experts.

Or, quand on regarde les conclusions de ces experts, on se rend compte très facilement que le concept du français, langue officielle au

Québec et, seule langue officielle au Québec, ne comporte pas derrière lui les mêmes réalités. La commission en question avait un éventail d'options sur lesquelles elle devait se pencher afin de faire des représentations au gouvernement.

La première option avait pour but d'étudier la possibilité qu'il n'y ait ni langue officielle, ni langue nationale, c'est-à-dire que ceci aurait eu comme conséquence tout simplement que le gouvernement adopte une position de non-intervention politique en matière de langue.

Il y avait aussi une autre option, à savoir celle de décréter la langue officielle ou de décréter que le français et l'anglais soient désignés comme langue nationale, ce qui n'a pas été retenu par le gouvernement à l'analyse du texte de l'article 1. Il y avait également la possibilité pour le gouvernement de décréter le français et l'anglais langues officielles avec un champ d'application illimité. Il y avait possibilité également de décider que le français et l'anglais soient déclarés langues officielles, mais avec un champ d'application se limitant à ce que prévoit l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, soit le corps législatif provincial et les tribunaux provinciaux.

Il y avait un autre option possible pour le gouvernement, soit celle de décréter le français seule langue officielle, mais le français et l'anglais décrétés comme langues nationales de la province. On sait que cette option n'a pas été retenue non plus par le gouvernement. Il y avait enfin deux autres options, savoir celle de décréter le français seule langue officielle mais avec un champ d'application se limitant à ce qui est prévu dans l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, soit le corps législatif provincial et les tribunaux provinciaux. Mais même avec le français seule langue officielle, il y a une possibilité de décréter — et il y a une différence — le français seule langue officielle, encore une fois, mais, cette fois-ci, avec un champ d'application illimité. C'est-à-dire embrassant les activités du gouvernement provincial, y compris celles des collectivités subordonnées, municipales et autres, ainsi que les activités bénéficiant du soutien provincial, à savoir les établissements d'enseignement et les autres établissements financés par la province.

Cela, c'était même à l'intérieur de l'option de français, seule langue officielle. On peut se rendre compte que même là, il peut y avoir différentes interprétations dans le sens qu'on peut avoir le français seule langue officielle au Québec avec un champ qui est très limité au niveau de l'application pratique, et il peut y avoir le français seule langue officielle au Québec mais avec un champ d'application illimité. J'imagine que le gouvernement, face à ces deux interprétations possibles, et qui, jusqu'à maintenant, s'est abstenu de faire connaître ses impressions depuis que la discussion est commencée, se fera un devoir de nous dire ce qu'il entend par le français, seule langue officielle au Québec, parce que j'imagine qu'il va accepter cet amendement. Le gouvernement nous fera savoir s'il veut accepter cette motion du chef de l'Opposition proposant le français, seule langue officielle au Québec, avec un champ limité d'application ou avec un champ illimité d'application, tout en respectant, encore une fois, les droits des anglophones du Québec.

M. le Président, nous en sommes au niveau de la législation. Je suis convaincu, encore une fois, que, tant de ce côté-ci de la table que de l'autre côté, nous avons à coeur le sérieux d'accoucher d'une loi qui ne prête pas à diverses interprétations. D'où l'obligation de se pencher d'une façon tout à fait spéciale sur la définition des termes et de se pencher également sur l'interprétation que le gouvernement veut donner vraiment à sa loi lorsqu'il emploie une terminologie dont il a décidé d'avance.

Prenez simplement l'appellation de langue officielle. On peut peut-être croire au départ que tout le monde a la même idée concernant la définition d'une langue officielle. Tel n'est pas le cas. Même là, il y a différentes définitions de ce qu'est une langue officielle. Il y a également différentes interprétations pour savoir jusqu'où va le prolongement pratique d'une loi qui décrète le français langue officielle.

Et là-dessus, je me réfère, je ne voudrais pas apporter seulement mon témoignage, mais le faire confirmer par des experts qui ont eu à étudier cette question. On peut lire, à la page 32 du rapport que je vous citais tout à l'heure, on peut lire ceci, concernant la définition même de la langue officielle, où on s'aperçoit que l'unanimité est loin d'être faite en termes d'interprétation; ce qui, à mon sens, pour ne pas permettre différentes interprétations concernant l'application pratique, ce qui obligera le gouvernement à nous donner... et c'est cela que nous demandions tout à l'heure au gouvernement, lorsque nous lui demandions de préciser le préambule de son projet de loi. A la page 32 de ce rapport, on peut lire ceci concernant les définitions de ce qu'est une langue officielle: "Quelques-uns des juristes ont eu de la difficulté à définir le terme "langue officielle", signalant que, dans le droit du Québec et du Canada, il n'est employé que dans la loi fédérale des langues officielles. Toutefois...", et c'est là qu'on voit que l'accord n'est pas complet et qu'il faudra que le gouvernement nous dise, lui, face aux études qui ont été faites par les experts, quelle est son interprétation et quelle est sa définition de ce qu'il entend par une langue officielle.

Et je continue, M. le Président: "Toutefois, certains d'entre eux, dont M. Bloomfield et M. Bonenfant, ont précisé son extension. Quoi qu'il en soit, le terme, dans l'usage contemporain, déborderait de beaucoup les domaines étroits et intergouvernementaux énumérés à l'article 133 et embrasserait un plus vaste éventail d'activités assimilées à celles d'intérêt public, en vertu de l'intervention du gouvernement ou de subventions gouvernementales."

Le rapport de la commission que je vous ai

cité met justement en garde le gouvernement de ne pas légiférer d'une façon académique qui ne voudrait rien dire, du point de vue pratique, en disant ceci: "Au-delà de toute divergence d'opinions entre les spécialistes quant à l'étendue et aux limites du pouvoir de légiférer pour le Québec, il y aurait accord sur le point suivant: II faut que, dans ce domaine, la province évite, en intervenant, tout geste purement symbolique ou académique et s'emploie, au contraire, à ce que les mesures qu'elle prendra puissent être effectivement mises en oeuvre, tant à l'échelon gouvernemental qu'au sein de la population. "Plus les mesures de l'Etat seraient théoriques et inopérantes, plus elles tendraient à servir de preuve contre la possibilité de contester la constitution." D'où l'importance de l'amendement qui a été apporté par l'honorable chef de l'Opposition. D'où l'importance, M. le Président, puisque nous en sommes pour une fois à l'étude sérieuse — pour employer l'expression des gens de l'autre côté de cette table — puisque nous en sommes à la discussion sérieuse de l'article 1, c'est là que nous voyons l'importance pour le gouvernement de nous définir, à l'heure actuelle, si nous voulons légiférer efficacement, qu'est-ce qu'il entend par langue officielle et de nous dire quels sont les motifs qui pourraient l'empêcher d'accepter l'amendement proposé par le chef de l'Opposition voulant que le français soit la seule langue officielle au Québec.

Si le gouvernement est conséquent avec ce qu'a affirmé tout à l'heure le premier ministre, c'est-à-dire que l'amendement du chef de l'Opposition ne changeait rien, qu'établir au Québec le français seule langue officielle, c'était la même chose que le texte que nous avons en mains présentement, à ce moment-là, le gouvernement devrait nous le faire immédiatement savoir. Il éviterait ainsi une discussion à n'en plus finir sur le sujet.

S'il ne le fait pas, M. le Président, ce n'est pas pour des motifs purement théoriques, c'est parce qu'il sait très bien que le français, seule langue officielle au Québec, n'a pas du tout la même portée, dans ses applications pratiques, dans ses applications constitutionnelles, n'a pas les mêmes applications pratiques que le français, langue officielle, qui peut risquer de n'être qu'un texte théorique, de n'être autrement dit qu'un texte qui n'aura aucune application positive pratique quand viendra le temps de l'appliquer.

Le gouvernement sait très bien que voter le français comme seule langue officielle peut peut-être amener, parce que cela n'a pas le même sens, parce que cela n'a pas la même portée, des difficultés constitutionnelles. Je crois que, si le gouvernement est sincère, lorsque, par la voix du premier ministre, il a dit que l'amendement du chef de l'Opposition était très acceptable, puisqu'il a dit que cela ne changeait absolument rien, que c'était la même chose que le texte qui est déjà soumis à l'approbation de la commission... A ce moment, pour être logique, j'espère que le gouvernement arrêtera de nous faire perdre du temps en discussions sur cet article et acceptera la motion d'amendement faite par l'honorable chef de l'Opposition.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Lafontaine.

M. LEGER: M. le Président, cela va sans dire, va mieux en le disant. Si dans l'esprit du premier ministre l'article 1, qui dit que le français est la langue officielle du Québec, signifie dans son esprit que c'est la seule langue officielle du Québec, si c'est cela qu'il veut dire, cela vaut mieux de l'inclure exactement selon la motion présentée par le chef de l'Opposition.

Une langue n'est officielle que si elle est déclarée la seule langue officielle. Je me fie là-dessus, sur une des conclusions du rapport Gendron, qui disait et je cite, dans le paragraphe tiré du chapitre de la notion des langues officielles: "Une langue devient officielle dès que son usage est reconnu, autorisé ou imposé pour toute activité réglementée par la loi. Dans ce sens, une langue minoritaire reconnue officiellement, uniquement dans une région donnée et même pour un nombre restreint d'activités, peut être qualifiée de langue officielle".

C'est le rapport Gendron qui prouve qu'on ne peut pas avoir deux langues officielles. A l'article 1, si on dit que le français est la langue officielle du Québec, on répète ce que l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique dit: Ce n'est pas la seule langue officielle.

Plus loin, le rapport Gendron dit: "Donc, tant et aussi longtemps que l'anglais serait reconnu pour quelque activité officielle que ce soit, il serait également l'une des langues officielles du Québec. Seul un examen du contenu de la législation permettrait d'établir l'étendue exacte de la reconnaissance officielle de la langue. Dire que le français est la langue officielle du Québec serait illogique, à moins que l'usage de l'anglais soit complètement proscrit du moins pour toutes fins officielles".

Plus loin, le rapport Gendron continue et dit: "Si le statut accordé au français était légèrement ou fortement supérieur à celui de l'anglais, l'anglais demeurerait donc langue officielle et il serait fou d'affirmer que seul le français est la langue officielle du Québec. Dans un tel cas, on pourrait, à la rigueur, parler de langue prioritaire ou de langue d'Etat. L'anglais et le français seraient tous deux langues officielles du Québec mais, le français serait prioritaire ou serait désigné comme langue d'Etat". Plus loin, on dit que ces distinctions ne semblent pas très fructueuses et nous serions portés à éviter toute appellation qui, sans résoudre aucun problème, ne ferait que susciter des difficultés interminables d'interprétation et exaspérerait les conflits actuels.

Alors, pour dissiper tout doute dans l'esprit

de la population et pour aller au bout de ce qu'essaie de faire croire le premier ministre du Québec, il faut qu'à l'article 1 on indique bien que le français est la seule langue officielle.

Un gouvernement est là pour administrer, pour prévoir, pour gouverner. Un gouvernement qui a 102 députés ne devrait aucunement craindre de prendre des mesures qui seront à l'avantage d'une population, même si quelques groupes pouvaient être mécontents. Un gouvernement qui a 102 députés devrait être capable de prendre des mesures qu'il juge nécessaires pour l'avancement d'un peuple. Mais est-ce que le gouvernement actuel a cette taille d'un gouvernement capable de prendre des mesures nécessaires pour l'avantage d'un peuple?

M. le Président, la bataille de la langue au Québec entre dans une phase décisive au niveau collectif. Nous savons qu'une défaite dans ce domaine aurait un effet d'entraînement sur tous les autres domaines du Québec. La bilinguisa-tion, tel que nous le propose cette loi qui suit l'article 1, dans ce projet de loi 22, amène justement et graduellement la perte de la qualité de notre culture. C'est l'éternel dilemme pour un peuple de se considérer une minorité canadienne ou une majorité québécoise. Cette double loyauté qui divise, qui fait mal à ce peuple québécois depuis tant d'années, est le problème majeur que nous avons à trancher par ce projet de loi. Quelque part, on dit: Nul ne peut servir deux maîtres à la fois. On ne peut pas être en même temps, et Canadien et Québécois, si on est dans l'un, c'est à la remorque des autres, et dans l'autre, on a peur de légiférer pour pouvoir être maître chez nous.

M. le Président, il faut faire un choix. Il faut faire le choix de la majorité québécoise. Le gouvernement que nous avons doit être celui qui va être le leader de cette majorité francophone québécoise, qui vit des heures angoissantes. Si les six députés du Parti québécois actuellement, qui tentent de remettre sur la bonne voie un gouvernement qui s'en va dans des directions réellement dangeureuses, une direction que je dirais "d'à-plat-ventrisme"... Je me servirais peut-être en voyant le contenu de ce projet de loi d'une déclaration que je faisais dans d'autres circonstances pour un parti politique: Dis-moi qui te finance, ou dis-moi qui t'élit, et je te dirai qui te contrôle.

Actuellement, ce projet de loi est la conclusion, la conséquence de ceux qui contrôlent le gouvernement en place. Actuellement, la prétendue suprématie que la langue anglaise peut avoir n'est pas de nature linguistique, mais de nature impérialiste et économique. La preuve, c'est que la langue française a toujours été la langue de la diplomatie, de la subtilité, de la clarté, et que malheureusement au Québec, si trop souvent, nous parlons le "franglais", cela provient justement du fait que cette langue n'est pas protégée et que les forces contraignantes, actuelles au Québec, proviennent justement de la force économique de l'anglais, de la force numérique de l'anglais, de la force politique de l'anglais, et qu'il est nécessaire que, quand entre le fort et le faible, il faut qu'une loi libère, alors qu'une liberté contraint...

Actuellement, le "franglais" que nous avons trop souvent le malheur d'entendre au Québec provient justement de cette force assimilatrice de l'anglais. Seul un vigoureux coup de barre de la part d'un gouvernement libre serait capable de corriger la situation et de favoriser les forces qui permettraient d'agrandir et de favoriser le français au Québec et de contraindre les forces qui nous amènent à une assimilation par l'anglo-phonie. Quand on voit dans un projet de loi les attitudes du gouvernement qui essaie avec la minorité anglophone et la majorité francophone de les faire affronter l'une contre l'autre, en essayant de duper les uns avec les angoisses des autres, en essayant de faire croire que les droits actuels des anglophones sont en danger, pour éveiller les craintes et les angoisses chez les anglophones, alors qu'il n'y a aucun danger pour la langue anglaise, au Québec, avec sa force économique, sa force numérique et sa force politique.

M. le Président, on est en train de duper les francophones qui, dans leur for intérieur, se disent souvent: II faut améliorer cette situation. Mais, du fait que quelques anglophones s'opposent au projet de loi 22, peut-être que c'est une petite amélioration.

Ce peuple, depuis 300 ans, a été habitué à accepter les améliorations tranquilles, lentes, si peu nombreuses. On lui disait: Vous savez, on fait quand même des progrès. Il ne faut pas être trop pressé. Ce peuple, qui a été habitué à dire: II faut gagner cela morceau par morceau, est devenu un peuple plus endurci et on n'a jamais pu l'assimiler, parce qu'il était encore trop fort pour être assimilé. Mais il est encore trop faible pour être capable de prendre la place qui lui revient. La bilinguisation, c'est l'assimilation, et l'assimilation, c'est l'unilinguisme et la perte de notre culture.

Les six députés péquistes ont pris la peine de travailler, de défendre, pouce par pouce, chaque étape permise par le règlement de cette loi qui nous est présentée, à la première lecture, à la deuxième lecture, c'est-à-dire, avant cela, pendant les auditions des groupes qui sont venus et qu'on a, du revers de la main, renvoyés, la moitié d'entre eux, chez eux sans les entendre jusqu'au bout. A la deuxième lecture, si le Parti québécois, malgré la guillotine qu'on a préparée et présentée pour une deuxième fois — la première a été pendant l'audition publique des groupes intéressés, la deuxième guillotine, c'est quand on a présenté une motion pour faire siéger les députés de 10 heures du matin à minuit, du lundi matin au samedi soir inclusivement, six jours par semaine, sachant fort bien que la grande majorité, si ce n'est la quasi totalité de l'équipe libérale pouvait aller se reposer — si les députés du Parti québécois on mis le coeur, l'énergie, la conviction, la persua-

sion, l'assiduité de venir régulièrement combattre pouce par pouce ce règlement, et qu'il n'a pas jeté la serviette, c'est l'exemple concret de ce qui se passe à l'intérieur des coeurs des Québécois qui ne veulent pas la disparition graduelle de la langue française au Québec.

Et la langue française, elle ne disparaîtra pas d'un coup. C'est cela, le malheur, actuellement. Est-ce qu'on attend que ce soit une évidence, ou si on ne doit pas l'arrêter avant qu'il soit trop tard? C'est quand les premiers indices de cette disparition apparaissent à ceux qui sont éveillés aux problèmes collectifs, qu'il faut résoudre le problème. Quand ce sera évident que la moindre personne, qui est plus ou moins concernée par les problèmes collectifs, réalisera qu'elle n'est plus capable de gagner sa vie au Québec, dans sa langue, à ce moment, il sera trop tard pour corriger la situation.

Cest pour cela qu'aujourd'hui les six membres du Parti québécois ont décidé de lutter avec cette force, cette résolution. Pour un peuple résolu à vivre, la langue ne se propose pas en termes d'option et de négociation, mais en termes de nécessité et de vitalité.

M. le Président, l'unilinguisme d'un Etat n'est pas un ghetto. Il constitue, au contraire, le terrain privilégié d'une saine pratique et d'un apprentissage d'une langue seconde. Donc, de la possibilité d'un bilinguisme des individus de cette collectivité. J'entendais le ministre des Institutions financières affirmer publiquement, qu'il faut que les Québécois aient deux langues si on ne veut pas diminuer leurs possiblités de gagner leur vie.

M. le Président, c'est fausser le problème mais comme je connais l'honnêteté du ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives, je pense qu'il n'a même pas compris le problème. Il n'est pas capable de faire de l'empathie, c'est-à-dire de se mettre à la place des autres pour vivre le problème des autres. Quand on est bien assis et qu'on prend bien de la place sur une grosse chaise, on a de la misère à s'apercevoir que le petit qui est au bout du banc souffre et n'a pas grand-place. C'est dur à vivre et c'est dur à faire de l'empathie.

Je comprends que le ministre ne peut pas comprendre cela, mais le problème existe. On est en train de confondre les Québécois en leur faisant réaliser que le bilinguisme est une bonne chose. Oui, le bilinguisme individuel, pas le bilinguisme d'un Etat. Il n'y a aucun Etat au monde qui est bilingue. Il y a des Etats unilingues partout au monde, sauf qu'il y a dans ces Etats unilingues beaucoup d'individus, et si possible, la majorité des individus qui sont bilingues.

Et il est bien important que les Québécois le sachent, parce que si on fait du français la seule langue officielle, cela permettra aux Québécois de résoudre des problèmes qu'ils vivent intensément, quotidiennement, concrètement, tous les jours.

Pour les travailleurs québécois, actuellement, la langue est un problème économique. Combien de Québécois sont en chômage parce qu'ils sont unilingues francophones? Combien de Québécois sont confinés à des postes inférieurs à leurs capacités intellectuelles, à leurs connaissances techniques, parce qu'ils ne parlent que leur langue nationale? Combien de promotions ont échappé et échapperont encore à des Québécois, faute d'une connaissance suffisante de l'anglais?

Ce n'est pas une raison, parce qu'ils ne parlent pas l'anglais à ce stade-ci pour qu'ils soient diminués dans leurs possibilités de citoyens. Combien en coûte-t-il chaque semaine aux travailleurs unilingues francophones du Québec de ne parler que leur langue?

La langue française, pour les travailleurs du Québec, signifie trop souvent le chômage. Cela signifie trop souvent des emplois de deuxième catégorie. Cela signifie trop souvent des freins aux promotions.

Le problème est qu'il faut que le français devienne rentable. Il faut qu'au bout de la ligne, avant de parler de la langue d'enseignement, que le français, dans le domaine du travail, soit une langue rentable autant pour le travail, pour la promotion que pour le statut social.

A ce moment, les Québécois, les immigrants de quelque langue qu'ils soient, incluant les immigrants de langue anglaise, seront heureux d'aller à l'école française et le problème de la langue d'enseignement ne se posera même pas, parce que, derrière toute législation, il faut une motivation, et la motivation au Québec, est que le français soit nécessaire pour les promotions, et quand on voit que des unilingues anglophones ont des promotions que des bilingues francophones ne peuvent même pas obtenir, on se pose des questions sur la rigueur de la loi qu'on nous présente.

Le gouvernement actuel ne peut pas présenter un projet de loi qui n'indiquerait pas au départ sa volonté ferme que le français soit seul et la seule langue officielle au Québec.

La langue est comme la liberté d'un peuple, cela se prend. La langue, cela s'impose par une législation solide, claire et définitive. C'est de cette seule façon que le peuple québécois pourra redresser la tête et être fier d'être présent et participant à une majorité franco-hpone qui sera, à ce moment non plus intolérante, mais tolérante. Parce qu'elle aura la magnanimité, la sécurité que tout peuple du monde a droit de recevoir et c'est la raison pour laquelle je pense qu'il est essentiel que le gouvernement actuel modifie l'article 1 et fasse du français la seule langue officielle du Québec.

Merci.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Plusieurs parmi ceux qui nous rendent visite aujourd'hui sont venus de loin. Pour la 55e fois, nous devons avertir...

M. LESSARD: La 56e...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): ... la 56e fois — le député de Saguenay me le signale — qu'il n'y a aucune manifestation de permise. Que cela soit bien clair!

M. LESSARD: Avant de commencer cette intervention, je voudrais déposer, pour l'information des membres de cette commission parlementaire ainsi que pour l'information des journalistes, la Loi sur la langue officielle du Manitoba qui a été adoptée en 1890.

M. CLOUTIER: M. le Président, il faut le consentement unanime de la commission et nous sommes heureux, en tant que représentants du parti ministériel, de confirmer notre accord.

M. BURNS: Bravo! M. MORIN: Merci.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Saguenay.

M. LESSARD: Vous me permettrez, M. le Président, de lire d'abord cette loi selon la traduction que j'ai pu en faire parce que, malheureusement ou heureusement, je ne me fie pas à ma prononciation anglaise pour que ce soit bien reproduit dans le journal des Débats.

M. le Président, cette loi s'intitule: "Un acte pour prévoir que la langue anglaise deviendra la langue officielle de la province du Manitoba". Elle se lit comme suit: "Sa Majesté par et avec l'avis et le consentement de l'Assemblée législative de la province du Manitoba, proclame ce qui suit: Article 1: Nonobstant toute loi contraire, la langue anglaise, seule, devra être utilisée dans les registres et journaux de l'Assemblée législative pour la province du Manitoba et devant les tribunaux. Les actes de la Législature de la province du Manitoba pourront seulement être imprimés et publiés en langue anglaise. "Article 2: Cet acte s'appliquera à l'intérieur de la juridiction de la Législature et entrera en vigueur le jour de sa sanction". Fin.

Voilà, M. le Président, l'exemple d'une loi qui proclame la langue anglaise comme seule langue officielle. On se rappelle que c'est en 1890 que le Manitoba a accepté cette loi. On se rappelle aussi que, malgré les demandes des francophones du Manitoba, le gouvernement fédéral n'est jamais intervenu pour désavouer cette loi.

Si je compare cette loi à la loi qui nous est présentée actuellement, à savoir le projet de loi 22, c'est que, d'une part, dans le projet de loi 22, nous avons 130 articles pour tenter de nous prouver que la langue française devient la langue officielle. D'autre part, dans la loi de 1890 du Manitoba, nous n'avons qu'un seul article. Si j'excepte, M. le Président, l'article 2, qui parle de la mise en vigueur de cette loi, nous n'avons qu'un seul article qui proclame que l'anglais doit être la seule langue officielle qui doit être utilisée à la fois devant les tribunaux et devant la Législature du Manitoba.

Voilà, M. le Président, une vraie loi qui déclare l'anglais comme langue officielle. Quant à nous, M. le Président, nous avons une loi où, dans un article, à savoir l'article 1, on déclare le français comme langue officielle, mais où, dans les 129 autres articles, on dit que cette langue ne sera pas officielle, mais que la langue anglaise sera aussi langue officielle.

M. le Président, quand nous attaquons l'article 1, nous nous attaquons véritablement au principe même de ce projet de loi. Tout à l'heure, j'entendais deux phrases du premier ministre du Québec, phrases qui lui sont assez caractéristiques d'ailleurs, mais deux phrases qui m'apparaissent fort importantes. Suite à la motion qu'a présentée le chef parlementaire du Parti québécois, le premier ministre du Québec a dit: C'est de la redondance, c'est la même chose. Or, M. le Président, si c'est vraiment la même chose, s'il n'y a pas de problème, si c'est de la redondance, on devrait tout simplement accepter la motion du chef parlementaire de l'Opposition. On devrait tout simplement — j'attends la réponse du ministre de l'Education — dire: Mais il n'y a pas de problème. Nous sommes prêts à reconnaître que le français soit la seule langue officielle du Québec. Je me demande M. le Président, pourquoi, tant le premier ministre, que le ministre de l'Education, et le ministre des Affaires culturelles, ne nous ont-ils pas tout simplement souligné dès la présentation de la motion du chef parlementaire de l'Opposition, qu'ils étaient tous d'accord? Mais il y a une deuxième phrase, M. le Président, qu'a lancée le premier ministre, une deuxième phrase qui m'apparaît très importante, une deuxième phrase qui explique l'attitude du gouvernement devant ce projet de loi, une deuxième phrase qui nous démontre qui sont les véritables patrons de ce gouvernement, qui nous démontre pour qui ce gouvernement légifère, qui nous démontre que ce gouvernement n'a pas pris position officiellement, si je peux utiliser ce mot, pour la majorité francophone du Québec. En effet, le premier ministre disait au chef parlementaire de l'Opposition: Allez donc dire cela aux anglophones!

Je répète, M. le Président — qu'on me démentisse si ce n'est pas le cas — le premier ministre s'est échappé, et, suite à la motion qu'a présentée le chef parlementaire de l'Opposition, le premier ministre a dit: Allez donc dire cela aux anglophones! Autrement dit, il voulait dire: Allez donc dire aux anglophones que le français devient la seule langue officielle au Québec. N'est-ce pas nous démontrer exactement que ce gouvernement est un gouvernement hypocrite? N'est-ce pas nous démontrer que ce qu'on fait actuellement ici, c'est de la mascarade? N'est-ce pas prendre conscience, lorsque nous entendons ce que le premier ministre a dit,

que cette loi n'est pas faite pour les francophones, que cette loi est faite pour la minorité anglophone du Québec? Si on nous donne un seul article à nous, francophones, on en donne 129 autres aux anglophones du Québec. Je pense que le premier ministre vient de se démasquer. Je pense que cette deuxième phrase est fort importante dans le débat sur lequel nous nous sommes engagés à nous battre et en particulier sur l'article 1. Sur l'article 1 on ne lâchera pas. L'article 1, c'est pour nous l'article le plus important, l'article le plus essentiel, l'article qui va nous démontrer véritablement si ce gouvernement a de l'échine, si ce gouvernement est prêt à se tenir debout, si ce gouvernement est prêt à prendre position pour les francophones du Québec, est prêt à prendre position pour la langue française et arrêter l'agression constante de la langue anglaise au Québec. Nous l'avons dit en deuxième lecture, nous l'avons dit lors de cette commission parlementaire: Ce n'est pas la langue anglaise qui est en danger au Québec, c'est la langue française, langue de la majorité de la population québécoise, qui est en danger, actuellement.

Ce gouvernement, ce seul gouvernement qui représente ou qui devrait normalement représenter la seule majorité francophone installée sur le territoire québécois, devrait prendre officiellement position en faveur de cette majorité. Ce seul gouvernement sur lequel on ne peut que compter, c'est le seul sur lequel on peut compter qu'il va prendre position en faveur des francophones, c'est le seul gouvernement qui, normalement, devrait prendre la responsabilité d'assurer la survivance culturelle des Québécois.

On ne peut pas compter sur le gouvernement fédéral. D'ailleurs, c'est le premier ministre lui-même qui affirmait que ce gouvernement est le seul gouvernement qui peut se présenter comme le gouvernement des francophones et le seul gouvernement qui doit avoir la responsabilité de défendre les intérêts des francophones. On lui demande, cette fois, sur un problème essentiel, sur un problème qui touche les entrailles même de chacun des Québécois, sur un problème qui concerne la sécurité culturelle comme la survivance de tous les Québécois, on lui demande au moins pour la première fois depuis 1970 de prendre position en faveur de la majorité qu'il doit normalement représenter.

C'est pourquoi il serait tout à fait normal que le gouvernement du Québec, que ce premier ministre, qui représente quand même les francophones québécois, qui représente l'instrument collectif que nous possédons et que nous contrôlons partiellement, d'accord, mais qu'on pourrait beaucoup plus contrôler si on acceptait d'aller jusqu'à l'indépendance du Québec... Mais, au moins, qu'on contrôle actuellement partiellement en ce qui concerne notre sécurité culturelle. Nous demandons à ce gouvernement d'avoir un mimimum de dignité, d'avoir un minimum de fierté nationale afin de prendre position en faveur du français comme seule langue officielle du Québec, de prendre position comme le gouvernement du Manitoba l'a fait en 1890 lorsqu'il a pris position officiellement pour la majorité anglophone de cette province, lorsqu'il a fait disparaître, malgré les protestations des francophones de cette province, la langue française comme langue officielle.

Si les autres provinces du Canada, si les autres gouvernements ont pris position pour leur majorité, jamais jusqu'ici le Parti québécois n'a blâmé les autres provinces de prendre leurs responsabilités. Jamais le Parti québécois n'a blâmé les autres provinces de légiférer en ce qui concerne la sécurité culturelle de leur majorité alors que justement cette sécurité culturelle n'était pas en danger, alors que justement la langue anglaise, dans les autres provinces, n'était pas en danger, alors que justement ils pouvaient avoir l'appui de neuf autres provinces comme l'appui de tous les Etats-Unis du côté Sud. Chez nous, au Québec, ce n'est pas le cas. Chez nous, au Québec, nous n'avons pas cette sécurité culturelle et nous nous demandons pourquoi ce gouvernement n'aurait pas le courage minimal de prendre position cette fois, pour la première fois probablement depuis 1970, en faveur de la langue française comme seule langue officielle, d'avoir au moins le courage que d'autres provinces ont eu, M. le Président, et de déclarer que la langue française est la seule langue officielle du Québec.

Parce que, je l'ai dit ce matin, reconnaître une langue officielle, c'est l'appuyer par toute la puissance de l'Etat, par la puissance législative de l'Etat, par la puissance financière de l'Etat.

M. le Président, il peut y avoir, comme le reconnaît d'ailleurs le rapport Gendron, plusieurs langues officielles à l'intérieur d'un pays. On sait par exemple que la Suisse possède trois ou quatre langues officielles, parce qu'il est possible que toute la puissance financière de l'Etat, que toute sa puissance législative puisse être utilisée pour appuyer deux, trois ou quatre langues officielles.

Ce que nous disons, c'est que l'anglais a déjà une certaine protection au Québec. L'anglais est appuyé par toute une puissance financière; non seulement par toute une puissance financière, mais aussi par une force démographique qui constitue les neuf autres provinces du Canada, en plus de la force démographique des Etats-Unis.

De plus, non seulement l'anglais est appuyé par cette force démographique, mais il est aussi employé par un Etat national qui, lui, possède tous les pouvoirs, les instruments politiques et économiques pour pouvoir appuyer la langue de la majorité de ce pays, qui est la majorité anglaise.

M. le Président, les Québécois ici, ne peuvent compter que sur leur gouvernement. Les Québécois ne peuvent pas compter sur la force économique des leurs. Ils ne peuvent pas

compter sur l'environnement géographique ou démographique. Nous ne sommes que 6 millions — et il faut en tenir compte — parmi une population d'au-delà de 200 millions d'habitants. Nous ne pouvons pas compter sur cette force géographique.

Mais, pouvons-nous au moins compter sur ce gouvernement élu par 55 p.c. de la population? Nous aussi, M. le Président, nous représentons quelque chose. Quand nous parlons de 55 p.c. de la population qui ont voté pour le Parti libéral, il faudrait aussi préciser, comme le déclarait le député de Sainte-Anne à l'Assemblée nationale, que 99.8 p.c. de la population anglophone ou néo-québécoise ont voté pour le Parti libéral. Que vous reste-t-il sur les 55 p.c? Il vous reste 35 p.c. de francophones qui ont voté pour le Parti libéral.

Nous vous demandons de ne pas oublier les 65 p.c. de francophones qui comptent quand même encore aujourd'hui sur ce gouvernement, qui espèrent que ce seul gouvernement sur lequel nous pouvons compter en Amérique du nord va prendre ses responsabilités. Ils espèrent que ce gouvernement, alors qu'il s'attaque à un problème fondamental pour la survivance des Québécois, va au moins prendre position pour nous, pour la majorité que nous représentons au Québec, tout en respectant, et nous l'avons affirmé à plusieurs reprises, tout en respectant cette minorité que constituent les anglophones au Québec.

Nous sommes prêts à reconnaître que ces minorités, si elles n'ont pas des droits, ont des privilèges reconnus. Nous sommes prêts à leur reconnaître encore ces privilèges, mais cependant, nous ne voulons pas qu'en reconnaissant ces privilèges ce soit aux dépens des droits collectifs des francophones, que ce soit aux dépens de la majorité du Québec, de la majorité de la population québécoise.

M. le Président, peut-être que ce gouvernement, suite à l'avertissement de son patron, M. Trudeau, a peur de prendre ses responsabilités.

Nous savons, M. le Président, que ce gouvernement n'a jamais été libre de ses gestes. Nous savons, comme le précisait hier le chef parlementaire de l'Opposition, que si ce n'avait été justement des protestations des Québécois, ce gouvernement aurait probablement accepté la charte de Victoria. Nous savons que ce gouvernement doit d'abord demander la permission à Ottawa avant d'agir.

Nous demandons au moins à ce gouvernement de se baser sur un certain nombre de précédents, malgré l'avertissement du gouvernement Trudeau, qui semble vouloir faire renaître le pouvoir de désaveu qui est tombé en désuétude depuis trente ans, malgré les menaces d'anglophones du Québec qui ont laissé entendre qu'ils voulaient intenter des procédures pour faire en sorte que les tribunaux puissent reconnaître cette loi comme anticonstitutionnelle. Nous demandons au moins à ce gouvernement, malgré le fait qu'il ait rejeté toutes les motions que nous lui avons présentées afin de faire entendre des témoins, des experts à cette commission parlementaire, de se fier aux experts qui ont présenté des mémoires et des rapports à la commission Gendron. Nous demandons à ce gouvernement de se fier, par exemple, aux déclarations de M. McWhinney. Nous demandons aussi à ce gouvernement de se fier au témoignage de M. Jean-Charles Bonen-fant et nous lui demandons de prendre ses responsabilités.

Nous aurions aimé mieux connaître exactement quelles étaient les possibilités de contestation de ce projet de loi. Nous aurions aimé mieux nous assurer que ce projet de loi était constitutionnel, mais le gouvernement n'a pas voulu accepter notre motion.

Nous lui demandons au moins, aujourd'hui, d'accepter la motion, je pense, qui nous apparaît à nous actuellement la plus importante, qui nous apparaît la plus essentielle, qui nous apparaît la plus normale, puisque d'autres ont déjà déclaré la langue anglaise comme langue officielle. Nous lui demandons, comme seul gouvernement de la majorité francophone de la seule province du Canada, d'accepter au moins que le français soit la seule langue officielle. Sinon, nous comprendrons que ce gouvernement n'a fait de la commission parlementaire qui a siégé pour étudier ce projet de loi qu'un paravent pour cacher ses véritables intentions d'assimilation.

Nous comprendrons que cette commission parlementaire n'a été que de la frime. Nous comprendrons que ce que le gouvernement voulait, c'était encore tromper hypocritement les Québécois, c'était encore proclamer officiellement les droits juridiques de l'anglais au Québec, les reconnaître non seulement au point de vue juridique, mais les reconnaître aussi au point de vue économique. Nous comprendrons que ce gouvernement ne veut faire aucun effort pour renverser la vapeur, que ce gouvernement ne veut faire aucun effort pour assurer aux Québécois la sécurité culturelle à laquelle ils ont droit. Merci.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que quelqu'un d'autre veut parler sur cette motion d'amendement?

M. CLOUTIER: On ne vote pas tout de suite. Il n'y a personne d'autre qui veut parler. Parfait.

M. GOLDBLOOM: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le ministre des Affaires municipales.

M. GOLDBLOOM: J'aimerais dire deux mots.

J'ai écouté assez attentivement l'argumentation présentée par les divers opinants du Parti québécois. J'ai remarqué très particulièrement

l'argumentation du chef de l'Opposition qui était basée presque uniquement sur les méfaits de l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Si l'on parle contre cet article, je dois présumer qu'on veut le faire disparaître, et faire disparaître avec lui les protections qui sont données dans des domaines quand même relativement limités, celui de la législation et celui de la comparution devant les tribunaux de cette province. Je ne trouve pas que c'est une argumentation qui est à la hauteur de l'esprit démocratique que je croyais toujours déceler chez le chef de l'Opposition.

Deuxièmement, je suis étonné, je dirais même abasourdi d'entendre le député de Saguenay évoquer, au début de ses remarques, la loi manitobaine qui rendait, qui a rendu l'anglais langue officielle dans cette province, quand je me rappelle tous les efforts faits par les francophones du Manitoba pour dénoncer cette loi, pour lutter contre elle, et alors, on trouve aujourd'hui que c'est une bonne chose, un bon exemple à prendre. Ce n'est pas le Québec que je voudrais voir.

M. LESSARD: M. le Président, en vertu de l'article 96, c'est que je pense que j'ai parlé de l'acte du Manitoba comme un fait qu'on reconnaît. Mais j'ai dit que nous étions, nous, prêts à reconnaître aussi des droits, ce que je n'ai pas appelé des droits, des privilèges qui ont été reconnus dans le passé pour les anglophones du Québec. Alors je pense que j'ai utilisé la loi du Manitoba comme un fait accompli. Cependant, j'ai mis la restriction qu'en reconnaissant la langue française comme seule langue officielle au Québec — et nous l'avons affirmé à maintes reprises — cela ne nous empêchait pas, en même temps, d'assurer le respect des privilèges de la minorité anglophone au Québec.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, je remercie le député de Saguenay de cette précision de sa pensée, parce que je vous assure...

M. LESSARD: ... dans mon discours.

M. GOLDBLOOM: ... que, comme Canadien, comme Québécois, j'ai honte de ce que cette loi manitobaine a fait à mes compatriotes francophones de cette province.

M. LESSARD: C'est bien gentil de le dire aujourd'hui. Je connais un peu l'histoire.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que vous êtes prêts à vous prononcer sur cet amendement proposé par le chef de l'Opposition officielle?

M. HARDY: Vote.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Donc l'amendement propose...

M. BURNS: M. le Président, j'aurais quelques mots à dire.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. le Président... Bon, cela recommence. Le premier ministre est revenu.

M. HARDY: Vous faites exprès. Vous courez après le "trouble"!

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Maisonneuve, s'il vous plaît !

M. BURNS: M. le Président, ce n'est pas ma faute si j'entends bien et qu'à toutes les fois que le premier ministre roucoule, je l'entends.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): II ne faut pas provoquer non plus.

M. BURNS: Je ne le provoque pas non plus. On ne jouera pas ce petit jeu. C'est drôle qu'à chaque fois que je prends la parole... Est-ce que je suis devenu votre souffre-douleur?

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Là, vous provoquez.

M. BOURASSA: C'est l'inverse.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. BURNS: Non, je ne vous embête pas.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Maisonneuve sur la motion d'amendement du chef de l'Opposition officielle. A l'ordre, s'il vous plaît !

M. BURNS: Je n'ai pas de complexe, cela ne m'empêche pas de dormir le soir si vous ne me dites pas que vous me trouvez intéressant.

M. HARDY: Quand je sens votre désir d'attirer les approbations de la foule, je me demande si vous n'avez pas un certain complexe.

M. BURNS: Je n'ai jamais fait cela. Quoi qu'il en soit, j'ai été étonné, lorsque le chef de l'Opposition a fait sa motion d'amendement, d'entendre l'interjection du premier ministre qui, à toutes fins pratiques, se résumait à ceci: C'est la même chose.

Qu'on dise que la langue officielle du Québec soit le français, ou qu'on dise que la seule langue officielle du Québec soit le français, que ce soit la même chose, je trouve cela étonnant comme opinion de la part d'un homme politique et surtout du premier ministre.

M. le Président, vous allez dire que l'amende-

ment du chef de l'Opposition apporte une plus grande rigidité au texte de l'article 1, et je serai de ceux qui diront oui. C'est exactement le but de cette motion d'amendement, d'apporter une plus grande rigidité. Mais rigidité, M. le Président, ne veut pas dire, en soi, un caractère offensif à la motion principale, c'est-à-dire à l'article 1. Ce qui me convainc qu'on doive être beaucoup plus rigide dans la rédaction de l'article 1, c'est un certain nombre de statistiques qui, malheureusement, n'ont pas été portées, du moins pas verbalement, à la connaissance de la commission qui a examiné les opinions des organismes et des parties intéressés après la première lecture du projet de loi 22.

Un des mémoires, M. le Président, que je trouve peut-être le plus significatif concernant le danger d'érosion — si je peux m'exprimer ainsi — du français vers l'anglais au Québec, est probablement le mémoire qui a été présenté par le Dr Charles Castonguay, professeur agrégé au département de Mathématiques à l'Université d'Ottawa.

M. HARDY: Comme docteur ou comme péquiste?

M. BURNS: Pardon?

M. HARDY: Est-ce qu'il a signé le document comme docteur ou comme président du Parti québécois de Hull?

M. BURNS: Cela ne m'importe vraiment peu. Si vous mettez en doute ce que l'Université d'Ottawa, elle, ne met pas en doute, parce qu'elle l'a accepté comme professeur agrégé au département de Mathématiques, je n'ai pas énormément d'estime pour votre opinion.

M. HARDY: Vous avez trop d'expérience pour savoir ce que signifie la crédibilité d'un témoin. Ce n'est pas nécessairement péjoratif.

UNE VOIX: Ce n'est pas en cour.

M. BURNS: Vous savez, M. le Président, c'est très petit. C'est pour cela que vous n'avez pas voulu l'entendre?

M. LEGER: Ce n'est même pas caporal, c'est lance-caporal.

M. HARDY: Etes-vous rassuré? Cela va vous redonner un autre...

M. BURNS: Non.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne) : A l'ordre! Il y en a peut-être qui ne me prennent pas au sérieux. Vous avez fait de longs voyages. Je vous donne le choix de ne pas manifester ou de vous retirer. C'est un choix. Il n'y aura pas deux choix. Je ne veux pas faire rire de moi ici. Soit que vous manifestiez votre approbation... Il y a passablement de places dans la province de Québec où vous pouvez manifester ailleurs qu'ici. Que ce soit bien clair! Il y a des personnes autour d'ici, si vous manifestez, on peut vous sortir très allègrement. Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: Je disais, M. le Président, que l'un des mémoires... Je n'ai malheureusement pas été en mesure de suivre tous les travaux de la commission à la suite de la première lecture, mais l'un des mémoires qui m'avait frappé, quand j'en ai pris connaissance, était celui du Dr Castonguay.

Je m'attarderai, M. le Président, et je pense que ce ne serait que rendre justice à la qualité de ce mémoire...

M. le Président, j'entends des voix tout autour de moi. J'ai de la difficulté, encore une fois, à me concentrer. C'est la vôtre que j'entends, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Excusez-moi. C'est parce que le chef de l'Opposition...

M. BURNS: D'accord!

M. MORIN: C'est ma faute. Je faisais des observations au président.

M. HARDY: C'est votre collègue.

M. BURNS: Je disais donc, M. le Président, que je n'ai pas l'intention de vous faire part de l'ensemble du mémoire qui comporte un assez grand nombre de pages, mais de m'attacher au quatrième chapitre de ce mémoire qui, à mon avis, est significatif en ce qui concerne la discussion que nous avons actuellement. Ce quatrième chapitre s'intitule: "La domination de l'anglais au Québec".

Je tiens à souligner tout de suite que ceux qui ont lu le mémoire se sont rendu compte — parce que c'est peut-être une chose qui reviendra à plusieurs reprises durant le débat — que M. Castonguay avait à sa disposition un certain nombre de statistiques que la commission Gendron n'avait pas.

Je cite, entre autres, de la page 1 du chapitre IV, qui date de mai 1974, l'extrait suivant: "II est à noter que la commission Gendron, n'ayant pas ces données..." — c'est-à-dire les données actuelles concernant les transferts linguistiques au Québec — "...à sa disposition, n'a pu procéder à l'analyse de cet aspect essentiel de la réalité linguistique québécoise". Il y a une toute petite note à la fin du mémoire qui nous dit: "Une subvention de l'Université d'Ottawa nous a donné accès à ces chiffres non publiés de Statistique Canada".

Or, le professeur Castonguay a utilisé des chiffres de Statistique Canada grâce à une subvention de l'Université d'Ottawa où il enseigne, et c'est de là qu'il tire certaines conclusions que je vous indiquerai plus tard.

Ce qui ressort de l'ensemble de l'étude du professeur Castonguay c'est qu'actuellement, d'après les chiffres de 1971, un transfert constant, favorable au milieu anglophone, se fait au Québec, et c'est me basant sur cette conclusion que je me dis qu'on n'a pas d'affaire, au moment où on étudie une loi concernant la langue officielle au Québec, à être gêné d'être rigide dans notre protection de la majorité ou de la langue de la majorité.

Si c'était vrai ce "qu'on disait — sans vouloir revenir sur ce débat — dans le préambule — c'était d'ailleurs pour cela qu'on voulait l'étudier avant — que l'Etat se considérait comme doté d'un devoir de préserver le patrimoine national qui est la langue française, il incombait au gouvernement du Québec de tout mettre en oeuvre pour en assurer la prééminence et pour favoriser l'épanouissement et la qualité de cette langue. Je ne peux pas comprendre que le chef d'Etat ou quelque autre ministre ou quelque autre député à l'Assemblée nationale qui appuie le projet de loi 22 puisse nous dire que c'est la même chose que de dire: Le français est la langue officielle au Québec ou le français est la seule langue au Québec.

Ceux qui ont pu prendre connaissance de ce mémoire du professeur Castonguay ont pu lire, à la page 2 de ce même chapitre IV intitulé: "La domination de l'anglais au Québec", la citation suivante que j'en tire: "Ce qui frappe d'abord dans ce bilan, c'est que le nombre de francophones assimilés au groupe anglais est aussi important que le nombre d'anglicisés venant du tiers groupe". J'arrête ici. Le tiers groupe, dans le mémoire, est évidemment le groupe des immigrants. Je continue la citation. "Tenant compte des 49,100 anglophones francisés, le français accuse un déficit net de près de 25,000 effectifs dans ses échanges directs avec la minorité anglophone".

Non seulement je dis que cela me touche de lire cela dans un mémoire qui n'est quand même pas de n'importe qui, qui est le mémoire de quelqu'un qui est professeur agrégé au département de mathématiques, donc, on doit le présumer, si on considère l'Université d'Ottawa comme étant sérieuse, venant de quelqu'un qui s'y connaît dans l'interprération des chiffres, dont c'est le métier de jouer avec des chiffres, si vous me passez l'expression.

D'entendre cela, M. le Président, c'est non seulement inquiétant, à mon avis, ce n'est pas trop fort de dire que c'est absolument aberrant de penser qu'on est en train de discuter d'une loi de la langue officielle au Québec et qu'on n'ait même pas cru boa d'entendre verbalement et après l'avoir entendu par écrit, une personne qui en est arrivée, de façon très sérieuse, à des conclusions comme celles-là. Qu'on se retrouve aujourd'hui à s'entendre dire, par des gens qui veulent faire adopter le projet de loi, que le français, langue officielle, c'est la même chose que le français, seule langue officielle. Je dis, à ce moment-là, que ça nous en dit long sur les articles qui viennent sur la conception que ce gouvernement se fait de la protection du français au Québec.

Je répète l'affirmation que mon collègue de Saguenay a faite tout à l'heure, parce que je pense qu'on ne le répètera jamais assez. Je pense que le député de Lafontaine l'a mentionnée également et je souhaiterais que tous les députés qui prennent la parole répètent cette phrase pour que tout le monde en soit sinon convaincu, en soit véritablement hanté, pour que tous ceux qui entendent cette phrase aient des difficultés à dormir après. J'aimerais bien cela que le premier ministre, que tous les membres de la commission aient de la difficulté à dormir après avoir entendu, à de multiples reprises, la phrase suivante: Ce n'est pas l'anglais qu'il faut protéger au Québec, c'est le français. Les conclusions de l'étude du Dr Castonguay ne nous mènent qu'à l'acceptation de cette affirmation. Ce n'est pas l'anglais actuellement, comme langue, qui est en danger, n'en déplaise au ministre des Affaires municipales. L'anglais n'est pas en danger, l'anglais est au contraire un phénomène d'assimilation actuellement au Québec, alors qu'il est minoritaire. C'est bête, mais ce sont des purs et simples chiffres qu'on peut facilement et sans complication intellectuelle interpréter. Il ne s'agit pas d'interpréter un texte de loi.

Il ne s'agit pas de se demander si on a le droit de faire telle chose, oui ou non. Il s'agit d'examiner des résultats et les résultats de l'étude du Dr Castonguay nous font dire, tout simplement et je le cite encore une fois, à la page 4 de ce fameux chapitre sur I'anglicisation constante au Québec: "D'autant plus que la domination indirecte qu'exerce l'anglais sur le français par sa plus forte attraction auprès du tiers groupe, donnait déjà en 1971 des signes de s'accentuer". L'étude est basée sur des chiffres qui ont été mis à sa disposition en 1971 et déjà, selon ces chiffres, il était possible de croire que cette tendance à l'anglicisation allait simplement s'accentuer. Il y a trois ans de cela, M. le Président, en 1971 et on ne s'inquiète pas. On se dit: On va adopter une vague loi de la langue officielle au Québec, on va se contenter de dire que la langue officielle, c'est le français au Québec. Cela va faire plaisir aux francophones — et comme le disait mon collègue de Saguenay — pendant les 129 autres articles, on va tenter à coups de néanmoins, de cependant, de peut-être, de mais et de toutefois, on va essayer de satisfaire les anglophones.

C'est justement l'inverse qu'on doit faire. C'est exactement l'inverse. On n'a pas — et je le répète — à protéger la survie de l'anglais au Québec. On a à protéger des privilèges qui ont été accordés, avec le temps, pour toutes sortes de raisons sur lesquelles je ne disserterai pas, au milieu anglophone. On admet cela.

Nous ne sommes pas ici, M. le Président, et on vous le dit d'avance, pour faire disparaître le secteur anglophone d'enseignement et que ce

soit bien clairement dit. Cela ne nous intéresse pas. Au contraire ! Tous les mémoires que nous avons entendus venant de groupes francophones qui voulaient protéger davantage la situation du français au Québec, disaient en même temps: II faut aussi protéger le secteur anglophone. Mais qu'est-ce que c'est que le secteur anglophone? Il va falloir se pencher là-dessus. Il va falloir examiner la situation. Il va falloir se dire que ce ne sont pas les immigrants qui viennent de l'extérieur qui vont venir augmenter constamment le secteur anglophone. Il va falloir se dire aussi que ce ne sont pas les francophones qui, pour toutes sortes de raisons, dont la principale est à caractère économique, qui vont venir augmenter le secteur anglophone. Donc, il va falloir être clair là-dessus. Mais si on veut être clair dans les articles qui viennent, il va falloir être clair dans l'article 1. Il va falloir que le gouvernement du Québec qui, après tant de tergiversations, se décide à légiférer en matière linguistique. Il va falloir que ce gouvernement nous dise qu'il accepte le concept que le français va être la seule langue officielle au Québec.

Toujours dans cette étude du professeur Castonguay... Des mots! J'entends le premier ministre qui me dit: Des mots! Je trouve cela incroyable. Ce que je viens de dire ce sont des mots?

M. BOURASSA: Ce que vous faites depuis une semaine, c'est de la rhétorique.

M. BURNS: J'aimerais que vous répondiez à ma question. Je vous permets cette interruption. Ce que je viens de dire ce sont des mots?

M. BOURASSA: Continuez votre rhétorique.

M. BURNS: Vous avez de la difficulté à répondre à ma question et je sais que vous seriez gêné de répondre oui à ma question.

M. BOURASSA: Je n'ai même pas écouté ce que...

M. BURNS : Ce sont des mots ce que je viens de dire, M. le premier ministre?

M. BOURASSA: Je n'ai pas écouté ce que vous avez dit.

M. BURNS: Ah bon!

M. BOURASSA: C'est de la rhétorique et du bla-bla depuis cinq jours.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je voudrais informer le député de Maisonneuve qu'il reste environ deux minutes.

M. BURNS: II reste environ deux minutes, M. le Président. Alors s'il me reste deux minutes, je termine immédiatement et je réserve ces deux minutes pour plus tard.

M. BOURASSA: Vote.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que vous êtes prêts à voter?

M. CHARRON: M. le Président, est-ce que je peux vous demander si, par votre intermédiaire, le gouvernement qui nous invite depuis mardi matin 11 heures à entamer l'étude de l'article 1, nous demandant avec vigueur d'avoir un débat de fond, a l'intention de s'abstenir de participer au débat sur l'article 1 et sur un amendement d'une importance telle du chef de l'Opposition, contrairement à toute ses affirmations depuis mardi dernier...

M. BOURASSA: On attend que vous parliez.

M. CLOUTIER: M. le Président, il s'agit d'un amendement à l'article 1. Nous parlerons lorsque nous souhaiterons parler. Défendez votre amendement, nous aurons l'occasion de nous exprimer lorsque nous discuterons de l'article 1.

M. BURNS: On aimerait bien savoir ce que vous en pensez.

M. HARDY: M. le Président, sur ce qui apparaît...

M. CHARRON: Est-ce que je dois comprendre que le gouvernement n'a pas l'intention d'intervenir...

M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. CHARRON: Laissez-moi donc formuler ma question !

M. HARDY: C'est une question de règlement.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Une question de règlement.

M. CHARRON: Mais qu'est-ce qu'il y a d'irrégulier dans ma question pour lui permettre d'intervenir avec le règlement?

M. HARDY: J'invoque le règlement.

M. CHARRON: Avez-vous senti quelque chose d'irrégulier dans ma question pour permettre au caporal de Terrebonne d'intervenir de cette façon, M. le Président? Qu'est-ce qu'il y a d'irrégulier dans ma question?

LE PRESIDENT:(M. Lamontagne): On va le laisser terminer la question.

M. HARDY: Non. J'invoque le règlement.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Une question de règlement sur ce qu'il vient de dire?

M. CHARRON: Mais je n'ai rien dit, M. le Président.

M. HARDY: Mais, M. le Président, en vertu du règlement, quand un député invoque la question de règlement, cela a priorité sur tout.

M. CHARRON: Mais à partir de quoi vous vous permettez d'interrompre une question que j'adresse au gouvernement?

M. HARDY: Mais laissez-moi parler et je vais vous le dire.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je voudrais au moins m'informer sur quoi...

M. HARDY: J'invoque le règlement.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Sur quoi?

M. HARDY: Laissez-moi continuer.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui, mais tout de même.

M. CHARRON: II faut que ce soit à partir d'une irrégularité que j'ai commise.

M. HARDY: A ce stade-ci M. le Président...

M. CHARRON: M. le Président, il faut que ce soit à partir d'une irrégularité que j'ai commise.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Voulez-vous terminer votre question, s'il vous plaît?

M. CHARRON: Bon.

M. HARDY: Mais, M. le Président, c'est précisément sur la question que j'invoque le règlement. A moins que le député...

M. CHARRON: Qu'est-ce qu'il y avait d'irré-gulier dans ma question, M. le Président?

M. HARDY: A moins que le député de Saint-Jacques ne prenne la parole, il n'a pas le droit de poser de question au ministre de l'Education à moins que celui-ci ne lui donne la permission.

M. CHARRON: Oui. J'ai droit à 20 minutes et je peux les prendre, une minute à chaque fois.

M. HARDY: Oui, c'est cela. M. CHARRON: D'accord?

M. HARDY: D'accord. J'écoute.

M. CHARRON: Je pose simplement une question et le chef du gouvernement québécois me répondra s'il le veut, en badinant s'il le veut, ou sérieusement s'il le veut, c'est son choix. Cela dépend de sa réaction.

Est-ce que le gouvernement du Québec, par un intermédiaire quelconque autre que l'émouvant témoignage du député de D'Arcy-McGee, a l'intention d'intervenir, soit par le chef du gouvernement, soit par celui qui est le parrain de la loi 22 sur l'amendement proposé par le chef de l'Opposition?

M. BOURASSA: On attend que vous parliez.

M. CHARRON: Est-ce que le ministre de l'Education considère cela comme une accusation d'avoir ce débat de fond qu'il a réclamé depuis mardi dernier, l'intervention du chef de l'Opposition?

M. HARDY: II va vous répondre.

M. CLOUTIER: M. le Président, comme le règlement me le permet, je répondrai avec grand plaisir une fois que le député de Saint-Jacques aura terminé son intervention.

M. BOURASSA: D'ailleurs, le chef de l'Opposition a un droit de réplique. Alors, on veut laisser parler les députés de l'Opposition.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne) : II reste encore dix minutes...

M. BOURASSA: Le ministre de l'Education, puis le chef de l'Opposition aura un droit de réplique. Pourquoi voulez-vous absolument parler après le ministre de l'Education?

M. HARDY: Vous pourrez répondre.

M. CHARRON: C'est simplement pour montrer comment vous étiez hypocrite depuis mardi dernier.

M. HARDY: Ne soyez pas inquiet, on va répondre au député de Saint-Jacques, on va lui répondre. Mais un débat intelligent, c'est de répondre. Vous présentez une motion, défendez-la et on répondra à la motion, on répondra à vos arguments.

M. BEDARD (Chicoutimi): Dialogue de sourds !

M. LEGER: Vous attendez que tous les députés aient parlé pour leur répondre?

M. BURNS: Un débat, savez-vous qu'actuellement...

M. BEDARD (Chicoutimi): Ce n'est pas un

débat, c'est une discussion que vous demandez. C'est une discussion que vous demandez.

M. BURNS: ... la motion qui a été faite, c'est celle qui a été faite par le ministre de l'Education et c'est notre réponse à cette proposition.

M. HARDY: Un débat de fond n'est pas un petit jeu de chat et de souris que vous essayez de jouer actuellement.

M. BURNS: Ce n'est pas un jeu de chat et de souris. On aimerait savoir ce que le gouvernement pense de cet amendement, on aimerait bien savoir ça.

M. CLOUTIER: Un point de règlement, M. le Président.

M. BURNS: Si vous êtes gêné de le dire, dites-le-nous; d'accord, on admettra...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le ministre de l'Education, sur un point de règlement.

M. BURNS: ... que vous allez rentrer en dessous du tapis encore une fois.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Un point de règlement.

M. BURNS: On va admettre ça.

M. HARDY: Vous le saurez bien assez vite, ce qu'on pense.

M. BEDARD (Chicoutimi): ... un débat, vous refusez la discussion.

M. CLOUTIER: M. le Président...

M. BOURASSA: II faudrait tomber dans leur piège pour leur faire plaisir !

M. CLOUTIER: M. le Président, ce n'est pas ma motion que l'on discute en ce moment, c'est l'amendement qui a été fait...

M. BURNS: Nous autres, c'est notre réponse à votre amendement. Vous proposez l'adoption de l'article 1. Nous, on vous dit: On voudrait l'amender, l'article 1.

M. CLOUTIER: Est-ce que je peux...

M. BURNS: C'est ça.

M. CLOUTIER: ... terminer mon...

M. BURNS: Oui, oui, mais on aimerait bien savoir ce que vous pensez de cet amendement. J'aimerais bien que vous m'expliquiez comment je peux entendre le premier ministre dire, lorsque le chef de l'Opposition dit : Je voudrais ajouter le mot "seul" avant les mots "langue officielle", j'aimerais ça que vous m'expliquiez que ça veut dire la même chose. J'aimerais que vous m'expliquiez, et c'est pour ça que le député de Saguenay l'a cité, pourquoi, au Manitoba, ils ont pris la peine de faire ça. J'aimerais bien ça que vous m'expliquiez ça.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne) : A l'ordre, s'il vous plait !

M. BOURASSA: Vous avez organisé un spectacle.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît !

M. HARDY: Dernière minute, c'est fini.

M. MORIN: Ce que vous dites, est redondant.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! Comme vous le savez, si personne ne veut parler sur la question d'amendement, je vais procéder au vote irrmédiatement.

M. CHARRON: Non, j'interviens, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, je serai le dernier de l'équipe du Parti québécois à intervenir sur cette motion que nous jugeons d'une importance capitale pour la suite du débat. J'ai eu l'occasion, comme vous, d'entendre la contribution de mes cinq collègues et, à nouveau, de sentir la fierté que j'ai d'appartenir à cette équipe. L'anxiété que le gouvernement, hypocritement, on le sait maintenant, manifestait depuis mardi dernier pour aborder un débat de fond, je dois vous dire, M. le Président, que je la partageais essentiellement jusqu'à ce point. Nous atteignons, dans nos discussions, le point de partage à partir duquel les véritables intentions de l'un et de l'autre seront désormais claires.

Je considère et toute l'Opposition considère que cet amendement constitue véritablement le face à face que réclamaient sur cette question le chef du gouvernement et le ministre de l'Education depuis le début du débat.

UNE VOIX: C'est un beau temps pour y venir.

M. CHARRON: Cet amendement proposé par le chef de l'Opposition constituera la révélation, pour le reste du débat, des lignes de force, des positions et des engagements de chacun des partis qui forment cette commission parlementaire.

Pour l'Opposition officielle, sa participation à cette commission parlementaire entraînait toute notre préparation à atteindre ce débat que nous voulons avoir sur cet amendement que nous jugeons capital.

Je vais profiter des quelques minutes que j'ai, d'abord, pour signaler au gouvernement ce à quoi il s'engage, en adoptant ou en refusant l'amendement proposé par le chef de l'Opposition, si ce n'est, effectivement, comme le dit d'une façon étonnamment superficielle le chef du gouvernement, qu'une simple question de redondance que, d'ailleurs, il a utilisée lui-même dans son discours à l'Assemblée nationale lundi, le 15 juillet dernier, en terminant son intervention. Si au moins les Québécois avaient un chef du gouvernement qui participait et écoutait ces débats...

M. BOURASSA: J'ai le problème de la construction, j'ai beaucoup d'autres problèmes, je n'ai pas seulement celui-là... J'ai passé la moitié de l'après-midi.

M. MORIN: La langue, à vos yeux, c'est secondaire!

M. BURNS: Faites-le donc à tête reposée, ce débat-là.

M. CHARRON: Est-ce que je peux dire au premier ministre...

M. BURNS: Si vous avez d'autres problèmes et que vous n'êtes pas capable de vous concentrer sur celui-là, faites-le donc à tête reposée.

M. BOURASSA: Qu'il se calme.

M. LESSARD: Reportez-le à l'automne.

M. BOURASSA: Cela fait cinq jours qu'on écoute.

M. CHARRON: Est-ce que je peux dire au premier ministre que la réaction qu'il vient d'avoir est proprement dégoûtante, de la part d'un chef de gouvernement.

M. HARDY: Oh! Oh!

M. CHARRON: Sur cette question-là...

M. BOURASSA: N'essayez pas de me provoquer, vous ne réussirez pas. N'essayez pas de me provoquer.

M. CHARRON: Non, je sais que la dignité chez vous, on ne réussira jamais à la provoquer. Je sais que chez vous on ne provoquera jamais un sursaut, à un moment donné, pour aborder ce genre de question-là, autrement le trafic de cartes politiques où vous êtes passé expert.

M. HARDY: Bon, bon, bon!

M. CHARRON: Je le sais, cela. J'ai cette expérience. Mais pouvez-vous, au moins, même si ça ne vous intéresse pas, ce genre de question, même si c'est placé pour vous au même rang que toutes les autres petites préoccupations quotidiennes d'un premier ministre...

M. BOURASSA: Ah!

M. CHARRON: Pouvez-vous au moins...

M. BOURASSA: Les travailleurs de la construction, ce n'est pas important cela?

M. CHARRON: Pouvez-vous au moins avoir la dignité...

M. BOURASSA: Les 100,000 travailleurs de la construction veulent travailler en français, ils ne veulent pas être forcés de travailler en Ontario. Qu'est-ce que cela donne de parler de la langue si les travailleurs sont forcés d'aller travailler dans d'autres provinces, parce qu'il n'y a pas d'emploi ici?

M. BURNS: Si cela ne donne rien, vous allez régler votre problème de la construction et nous reviendrons quand vous aurez les esprits clairs. D'accord? On est bien d'accord là-dessus.

M. BOURASSA: Oui, mais...

M. BURNS: Si vous avez des problèmes et que vous êtes mêlé dans vos affaires, nous voulons jaser avec vous quand vous ne serez pas mêlé. Est-ce exact? C'est clair, pas de problème là-dessus. Si vous n'êtes pas capable de prendre une décision sérieuse sur une loi qui concerne l'âme de la nation, le coeur de la nation québécoise...

M. BOURASSA: On est le premier gouvernement...

M. BURNS: ...revenez donc quand vous serez capable de porter un jugement.

M. BOURASSA: On est le premier gouvernement à avoir eu le courage de la prendre, la décision, et vous nous frappez dans le dos au lieu de nous appuyer !

M. BURNS: Vous n'êtes même pas capable d'en prendre.

M. LEGER: Le premier gouvernement qui est capable de faire une trahison.

M. BOURASSA: Les vrais traîtres, M. le Président, ils se situent de ce côté-là.

M. LESSARD: A consacrer le bilinguisme.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Saint-Jacques, sur la motion

d'amendement du chef de l'Opposition officielle.

M. HARDY: On va l'écouter pour qu'il satisfasse sa galerie.

M. CHARRON: J'ai l'impression, M. le Président, qu'avant même que vous appeliez le vote sur cette motion, les masques sont déjà tombés du côté du gouvernement...

M. BOURASSA: De votre côté aussi, depuis longtemps.

M. CHARRON: Faites-le, battez-le cet amendement ! Faites-le, montrez encore une fois que vous avez peur des anglais, faites-le, dites-le que vous pliez encore une fois.

M. BOURASSA: Voulez-vous faire du spectacle?

M. CHARRON: Dites-le que vous avez peur de faire du français la seule langue officielle du Québec, continuez à véhiculer, à parler, l'hypocrite que vous faites depuis le début.

M. BOURASSA: II achève dans son temps.

M. CHARRON: M. le Président, je voudrais indiquer...

M. BOURASSA: H achève votre théâtre.

M. CHARRON: Finissez-le, le théâtre, si vous considérez que c'est du théâtre que de parler des droits fondamentaux des Québécois. Dites-le l'intention réelle que vous aviez, en apportant, à l'article 1 de ce projet de loi, un droit qui est acquis aux Québécois depuis 1774, de présenter comme une conquête ce que les plus éloignés des Anglais nous avaient déjà accordé dans les plus sombres temps du Québec. Faites-le encore une fois. Dites-le et essayez de présenter encore une fois, comme un don aux Québécois, ce que ni la conquête militaire ne nous avait enlevé, ni la dépossession économique des Québécois à laquelle vous contribuer quotidiennement en vendant le Québec aux investisseurs étrangers. Dites-le donc, une fois pour toutes, que c'était votre intention, que vous avez encore une fois avec des droits fondamentaux, de pratiquer le même titan politique que vous faites avec toutes les autres situations des Québécois. Jouez avec les mots, jouez avec les formules, jouez avec le même funambule du vocabulaire qui multiplie comme un antiquaire des formules qui écoeurent et qui dramatisent des situations. Dites-le.

Vous réussissez, par votre attitude dans ce débat, par votre refus de participer à l'amendement que propose le chef de l'Opposition. Vous révélez ce que vous êtes et vous révélez ce qu'est le gouvernement, l'énorme majorité qui s'empresse à endosser votre marchandage.

M. le Président, on l'a le vrai parrain du bill 22 à notre table. Ce n'est pas le ridicule qui s'enfonce dans son fauteuil, celui-là a déjà perdu toute sa crédibilité, mais une loi marquée avec autant de mépris du Parlement, marquée avec autant de marchandage de votes qui font jouer la minorité contre la majorité, avec autant de dispositions contradictoires, pouvait-elle venir d'autres et d'ailleurs que d'un premier ministre qui place au même rang que des travaux de la construction, n'importe quel autre problème, le fait qu'on aborde les droits fondamentaux des Québécois? Si c'est cela, on le sait et on sait déjà comment vous allez voter.

Vous refusez de faire du français la seule langue officielle des Québécois, parce que vous savez ce que cela veut dire. Vous savez simplement que cela voudrait dire que les Québécois sont un peuple normal, qui exigent, chez eux, de vivre normalement avec une langue, comme tous les pays s'en sont donné une, comme le Manitoba s'en est donné une et comme nous le devrons, nous aussi, à moins d'être le troupeau d'indigènes qui laisse son économie dominée par l'étranger. Nous devrons, nous aussi, prendre cette décision.

L'Opposition vous invite au débat de fond auquel vous nous avez défiés depuis mardi dernier. Avez-vous peur de dire que le français est la seule langue officielle du Québec. Si c'est une redondance et si c'est votre intention, avez-vous peur de le mettre dans le projet de loi? Avez-vous peur de dire toutes les conséquences, parce que cela en a. Vous savez très bien que cela voudra dire que vous allez être obligés de retirer l'article 133 de la constitution auquel vous vous soumettez comme vous vous soumettez à toutes les décisions fédérales sans jamais en contester une seule, parce que vous avez bâti votre élection, vous avez bâti sur votre pouvoir, sur la dépendance, vous avez vendu la dépendance aux Québécois.

Est-ce que c'est cela la situation à laquelle vous vous prêtez pour le reste? Vous savez très bien ce que cela voudrait dire, si, à l'article 1, vous adoptiez l'amendement du chef de l'Opposition. Cela voudrait dire qu'à l'article 2, à l'article 3 et jusqu'à l'article 130, vous seriez obligés d'en prendre les conséquences.

Nous l'avons cette situation, nous avons soutenu depuis le début du débat que l'article 1 non seulement n'est pas une conquête et un droit nouveau pour les Québécois, mais n'est qu'une affirmation de ce qui existe, de ce que les Anglais nous ont reconnu. Vous rendez-vous compte que vous n'avez pas le droit de prendre à votre compte l'affirmation du français comme langue officielle? Le français est langue officielle par l'effort même des Québécois, par tous ceux qui, dans des conditions beaucoup plus difficiles que dans une société moderne de 1974, se sont battus au lendemain d'une défaite militaire et, au moment où l'impérialisme économique de nos voisins nous envahissait, ont résisté.

Vous n'avez même pas le courage que des Québécoises ont quotidiennement sur le terrain de la consommation, lorsqu'elles exigent d'être servies en français. Vous n'avez même pas le courage que certains de nos ancêtres ont eu lorsque, face à l'envahisseur étranger, ils ont réclamé de respecter ce droit que nous avions depuis que nous existons sur cette terre d'Amérique. C'est là que vous êtes, c'est à cette situation que vous vous placez, et que cela devienne clair maintenant. Après cela, allez prétendre dans tout le reste de vos articles que vous avez fait du français la seule langue officielle du Québec. Non seulement vous n'avez pas le droit d'usurper ce que des Québécois plus courageux, plus dignes et plus fiers que vous ont gagné à votre place. Vous n'avez pas le droit d'usurper ce que des Québécois ont déjà établi avant vous. Vous n'avez pas le droit de prétendre que c'est à vous et que c'est vous qui créez le français langue officielle. Ce qui serait neuf, ce qui serait nouveau, et là où on vous reconnaîtrait comme gouvernement des Québécois et comme répondant à la demande des Québécois, c'est si vous aviez ces $0.05 de courage pour prononcer que le français est désormais la seule langue officielle du Québec. Voilà ce qui serait nouveau. Voilà le défi que vous avez refusé de relever. Quels que soient le maquillage et le profitage des dispositions que vous avez faites, le refus que vous allez mettre de voter l'amendement du chef du Parti québécois à l'Assemblée nationale constitue un aveu de la réelle portée de votre loi.

C'est donc le statu quo, comme on l'a toujours prétendu. Le reste ne constitue que des aménagements à l'amiable. Si vous n'avez pas le droit d'usurper ce que des Québécois ont conquis avant vous, ont établi avant vous, et à partir de quoi vous établissez votre gloire éphémère, vous avez en tout cas le devoir de ne pas aller à l'encontre des intérêts des Québécois. On ne vous demande pas de les devancer, on ne vous le demande pas, parce qu'on sait à qui vous appartenez, qui vous finance, qui vous contrôle et sur quelle clientèle électorale repose votre élection.

Nous ne vous demandons pas de devancer les Québécois, mais ce que nous vous demandons, au moins, c'est de ne pas les trahir, au moment où les Québécois commencent de plus en plus à être fiers d'eux-mêmes, à vivre comme ils sont, avec l'envie qu'ils ont d'être ce qu'ils sont, à être un peuple qui commence à se sentir bien dans sa peau, qui commence à exiger qu'on vive dans sa langue chez lui, comme un homme libre exige qu'il vive dans sa langue dans sa propre maison. Au moment où les Québécois affirment, de plus en plus, avoir envie d'avoir un pays à eux, vous n'avez pas le droit de venir trafiquer des formules au-dessus de leur tête pour leur faire croire que vous leur donnez ce qu'ils ont déjà par l'entremise des Anglais depuis deux cents ans.

Au moins, ayez la décence de dire ce que veut dire votre article 1, si vous refusez l'amendement du chef parlementaire du Parti québécois. Ayez au moins la décence d'expliquer, sur toutes les tribunes que vous aurez, que vous n'avez fait que ratifier un état de fait, en inscrivant quatorze ou quinze droits nouveaux à l'anglais qu'il n'avait jamais eus. Dites ce que vous faites, sur cette loi, au moment où vous êtes au gouvernement, ce que vous avez fait dans l'Opposition quand vous avez voté la loi 63, mais ne maquillez pas une action politique différente.

Le point de non-retour de ce débat sur la loi 22, M. le Président, il existe dans l'amendement que vient de présenter le chef parlementaire du Parti québécois. Par la suite — j'aime autant vous en prévenir tout de suite — si vous refusez cet amendement du Parti québécois, il nous restera par la suite comme devoir, aux six membres de l'Opposition, représentant ici, j'en suis convaincu sur cet état, sur cette situation, une majorité de Québécois — ce n'est pas la majorité de Québécois qui sont désintéressés de ce problème comme l'est le premier ministre — Représentant une majorité de Québécois, nous n'aurons qu'un devoir à faire par la suite, celui de nous battre, article par article, multiplier les amendements, multiplier la procédure pour bloquer cette loi et pour vous obliger, si vous voulez la passer, à nous passer une fois de plus par-dessus le corps et, une fois de plus, à profiter de vos droits et à éteindre, à restreindre les nôtres.

Vous savez à quoi vous vous engagez sur le vote sur cet amendement. Vous voulez coucher dans votre loi. Vous y coucherez, mais vous n'entraînerez certainement pas les membres de l'Opposition et vous n'entraînerez pas les Québécois non plus.

J'ai la conviction, M. le Président, que ce point, cet amendement où nous demandons simplement au gouvernement que toutes ses formules avancées, tous ces sparages multipliés alentour de ce débat, nous demandons simplement que toute cette dissension ministérielle créée par un trafiquage hypocrite des droits fondamentaux des Québécois se solde, à un certain moment, par une décision très claire.

Si c'est cela, si vous en voulez un "filibuster" après cet article et après cet amendement, vous allez en avoir un et un beau, parce que nous avons la conviction là-dessus que tous nos droits parlementaires que vous aurez à faire respecter et que vous aurez à protéger, tous nos droits parlementaires serviront à une cause unique, maintenant que vous refusez de faire du français la seule langue officielle du Québec...

M. BOURASSA: M. le Président, est-ce que le député me permet une question...

M. CHARRON: ... maintenant que vous vous contentez de la situation actuelle, il nous restera une chose...

M. BOURASSA: ... parce que je dois partir?

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!

M. CHARRON: ... travailler de toutes nos forces et jusqu'au bout...

M. BOURASSA: Une question.

M. CHARRON: ... pour bloquer une loi qui constituera une trahison des Québécois. Le moindre petit Québécois, la moindre Québécoise la moins politisée du Québec...

M. BOURASSA: Une question.

M. CHARRON: ... a plus de coeur et plus de dignité que...

M. BOURASSA: Une question.

M. CHARRON: ... son propre gouvernement lorsqu'elle exige partout que l'on respecte sa langue.

M. BOURASSA: Oui, c'est assez. Le "show" est fini.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!

M. CHARRON: Le "show" n'est pas fini, parce que vous allez voir que le "show" commence.

M. BOURASSA: C'est moi qui vais l'arrêter.

M. CHARRON: ... et ce gouvernement sera identifié...

M. BOURASSA: C'est la majorité qui décide.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!

M. BOURASSA: C'est la majorité qui décide au Québec.

M. BURNS: J'invoque le règlement à l'endroit...

M. BOURASSA: C'est la majorité... M. BURNS: ... du premier ministre.

M. BOURASSA: ... qui décide.

M. BURNS: On vous demande, M. le Président, d'appliquer l'article 26 même pour le premier ministre.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): II est six heures. La commission suspend ses travaux à 20 heures ce soir.

(Suspension de la séance à 17 h 59)

Reprise de la séance à 20 h 10

M. LAMONTAGNE (président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre, messieurs!

Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, je crois qu'il me reste quelque cinq minutes.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Cinq minutes.

M. CHARRON: J'ai l'intention de les utiliser seulement après avoir entendu la réplique du gouvernement sur l'amendement du chef de l'Opposition.

M. BURNS: M. le Président, sur une question de règlement...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Maisonneuve, sur une question de règlement...

M. BURNS: ... j'aimerais quand même vous souligner le fait suivant. Je m'excuse de paraître teigne, M. le Président, parce que je reviens constamment avec ce problème depuis deux ou trois jours, mais c'est à titre d'un des représentants, pas le seul représentant, de la population du Québec que je vous fais cette remarque. On m'informe qu'encore une fois il y a des gens à qui on refuse l'entrée actuellement. Je regarde dans les galeries, M. le Président, et il me semble qu'il devrait y avoir de la place.

Nous avons le précédent qui nous a été cité par le premier ministre lui-même, hier, à l'effet que, lors de la rencontre du ministère des Transports avec des représentants du groupe des taxis...

M. BERTHIAUME: Des taxis.

M. BURNS: Je suis content de voir le ministre d'Etat aux Transports ici qui est en mesure de le confirmer. Je pense qu'à ce moment-là on avait ouvert les galeries au public. Je me demande si on ne devrait pas le faire. Je ne suis pas en mesure de présenter une motion, parce que je ne suis pas membre de la commission, M. le Président, mais je vous soulève le problème. Le problème que nous discutons ici, le projet de loi, est à ce point d'intérêt public, comme je le mentionnais cet après-midi, qu'il vise tous les Québécois en général, de sorte qu'il me semble qu'on devrait au moins faire l'impossible pour faciliter l'accès au public. Je vous mentionne également qu'à ma connaissance non seulement il n'y a pas eu de motion pour le huis clos, mais que la motion pour le huis clos est même, actuellement, impossible en vertu du règlement de fin de session. Je me demande pourquoi, M. le Président, on ne tâcherait pas d'essayer d'utiliser l'espace normal qui est mis à

notre disposition. Je soulève la question et je vous demande, comme président de la commission et surtout comme vice-président de l'Assemblée nationale, s'il n'y aurait pas moyen de régler cette question et qu'on n'ait pas besoin constamment de revenir avec ce type de problème.

M. BERTHIAUME: Sur la question de règlement, M. le Président.

Je connais le précédent qui a été cité par le député de Maisonneuve, mais les circonstances étaient passablement différentes dans le temps.

Dans le cas du taxi, nous étions à ce moment-là en commission parlementaire et nous entendions les témoins, autrement dit, même le simple chauffeur de taxi, faire un exposé des problèmes du taxi. Il y avait donc intérêt à ce que ceux qui devaient intervenir un peu plus tard dans les débats entendent ce que les premiers disaient. La situation actuelle est un peu différente de celle-là étant donné que nous avons décidé, plus tôt cette semaine, qu'il n'y avait pas d'audition publique à cette commission.

M. BURNS: D'accord, mais est-ce que le ministre veut me dire que tous ceux qui étaient dans les galeries et tous ceux qui étaient dans la salle étaient des intervenants à la commission?

M. BERTHIAUME: Pas nécessairement.

M. BURNS: Ah bon! C'est cela. Donc, c'est exactement la même situation.

M, BERTHIAUME: D'ailleurs, si le député de Maisonneuve s'en souvient, c'est cela; théoriquement, ils auraient pu l'être parce qu'à ce moment on n'avait pas précisé qui on entendrait et dans quel ordre on entendrait les intervenants en question.

M. BURNS: II y en avait combien d'intervenants, M. le ministre?

M. BERTHIAUME: Le député de Maisonneuve se souviendra qu'à cette occasion, la première intention de la commission c'était d'entendre tous les intervenants. C'était la première intention...

M. BURNS: C'est-à-dire tous les individus qui voulaient se faire entendre.

M. BERTHIAUME: C'est ce que la commission avait souhaité au début. Après quelques semaines de travaux...

M. BURNS: Vous en avez entendu combien, M. le ministre?

M. BERTHIAUME: Je ne peux pas vous le dire de mémoire. Plusieurs. Cela avait duré plusieurs jours et finalement la commission s'était mise d'accord pour régler le problème d'une autre façon, parce que cela devenait répétitif. Mais quand même, au moment où les galeries avaient été remplies par les chauffeurs et les propriétaires de taxi, l'intention de la commission c'était d'entendre tous les gens. Et je crois que le député de Lafontaine était là dans le temps.

M. LESSARD: M. le Président, sur la question de règlement, je suis bien d'accord qu'il s'agissait à ce moment-là d'auditions publiques, mais en vertu du règlement de l'Assemblée nationale actuellement, nous n'avons pas à siéger à huis clos. Je pense que, comme cela a été le cas pour le règlement des taxis, il y avait un certain nombre de gens qui était intéressé, mais s'il y avait 200, 250 personnes qui étaient dans la salle, je pense bien qu'il était facile de prévoir que ces personnes n'étaient pas toutes venues ici exclusivement dans l'intention de se faire entendre.

Je pense que, s'il est un projet de loi qui intéresse non seulement les conducteurs de taxi ou les conducteurs d'autobus mais qui intéresse tous les Québécois, c'est bien le projet de loi 22. Je pense qu'il serait normal, puisqu'il y a un précédent qui a été créé en ce sens, qu'on puisse utiliser tout l'espace qu'on peut utiliser ici au Salon rouge pour permettre aux gens de venir assister aux séances de la commission parlementaire.

Si, physiquement, c'était impossible, si ça créait des problèmes d'espace assez considérables, je dirais: Ecoutez, M. le Président, c'est bien compréhensible qu'on puisse refuser des gens. Mais, actuellement, on voit que les galeries sont vides, et que ces galeries pourraient être utilisées pour permettre à la population, qui est intéressée au problème de la loi 22, de venir assister aux séances de la commission parlementaire.

M. BERTHIAUME: Normalement, je serais d'accord avec le député de Saguenay mais l'expérience des derniers jours n'a pas été très bonne sous cet aspect, dans le sens que combien de fois, M. le Président...

M. LESSARD: Vous vous faites applaudir continuellement à l'Assemblée nationale, le premier ministre Bourassa se fait applaudir par 101 pions, continuellement à l'Assemblée nationale. Est-ce que les applaudissements qu'on fait aujourd'hui vous dérangeraient?

M. BERTHIAUME: L'intervention du député de Saguenay est hors du sujet.

M. LEGER: M. le Président, un point de règlement.

M. BERTHIAUME: Je n'avais pas terminé. M. LEGER: Allez-y, monsieur!

M. BERTHIAUME: De toute façon, je pense que le sens de mon intervention a été donné, c'est que l'expérience des derniers jours n'a pas été très bonne. En tant que député ici présent, je serais disposé à tenter l'expérience du public qui est présent. Si, au bout de quelque temps, on s'aperçoit que le public obéit au règlement et respecte le règlement, je n'aurais pas d'objection à ce que les galeries d'en haut soient remplies également.

M. LESSARD: II faudrait demander aussi aux députés libéraux d'obéir aux règlements, à l'Assemblée nationale.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Lafontaine.

M. LEGER: M. le Président, je pense qu'il faut être logique. Ce n'est pas parce que dans une assemblée précédente il y avait des personnes qui ne sont peut-être même pas ici aujourd'hui et qu'on a eu une expérience alors qu'on avait vu des femmes...

M. BERTHIAUME: II y en a qui étaient ici cet après-midi.

M. LEGER: II y en a quelques-unes? Bon, en tout cas, c'est une autre affaire.

M. BERTHIAUME: Ils applaudissaient.

M. LEGER: Mais le principe qu'il faut défendre, c'est que l'Assemblée nationale est l'endroit qui appartient à tous les Québécois.

M. LESSARD: L'Assemblée nationale...

M. BERTHIAUME: On a le droit, on a le droit.

M. LEGER: Qu'on ferme un espace, celui d'en haut, parce qu'on n'en a pas besoin, parce qu'il y a suffisamment de sièges en bas pour recevoir les citoyens du Québec, je le comprends. Mais quand le nombre dépasse la quantité de sièges disponibles en bas et qu'on laisse la partie d'en haut fermée, je pense que c'est absolument inacceptable. Une trentaine de personnes attendaient à la porte, quand j'étais là tantôt, peut-être que cela a augmenté depuis ce temps. Elles viennent de toutes les régions du Québec. C'est un projet de loi qui intéresse tous les citoyens du Québec. On a décidé que c'était uniquement le bas qui était ouvert. Pour des spectables beauccoup moins édifiants, beaucoup moins importants, dans les cinémas on laisse les balcons fermés. Mais, quand le spectacle est tellement intéressant que la population est plus nombreuse, on ouvre le balcon. Si on le fait dans les cinémas, je pense qu'on peut le faire pour l'endroit précis où il y a l'événement important majeur de l'année, et qu'on laisse entrer les Québécois.

M. LESSARD: D'ailleurs, M. le Président, le Parti libéral est tellement heureux...

M. BEDARD (Chicoutimi): Question de règlement, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Chicoutimi sur une question de règlement.

M. LESSARD: ... de voir son projet de loi 22. Il l'aime tellement, son projet de loi, que vous devriez accepter que la population vienne assister aux discussions concernant ce projet de loi.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Chicoutimi.

M. BEDARD (Chicoutimi): Sur la question de règlement, M. le Président, je crois que ce n'est pas parce qu'il y a eu quelques manifestations qui se sont soldées soit par des applaudissements, des murmures ou des rires, qu'on doive fermer les portes du Parlement au public en général.

Je considère que, si on nous apportait une raison sérieuse, une raison de sécurité, peut-être qu'il y aurait lieu d'analyser la situation d'une façon toute différente. Mais je crois sincèrement, M. le Président, que jusqu'à maintenant les manifestations qu'il y a pu avoir ici sont de la nature de celles qu'un président de commission peut, à un moment donné, par certains rappels, maîtriser, contribuant ainsi à rétablir l'ordre.

Il n'y a aucune raison de sécurité qui ont été alléguées de quelque façon que ce soit. D'ailleurs, s'il y en avait, ce serait très futile parce qu'en aucune façon, je pense, la sécurité de qui que ce soit ici a pu être menacée de quelque manière que ce soit, en paroles ou autrement. Je ne verrais pas pour quel motif on pourrait se permettre de fermer l'accès au public parce qu'il a manifesté à un moment donné, soit sa désapprobation ou son approbation, que ce soit pour un côté ou pour l'autre des députés de cette Chambre.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre de l'Agriculture...

M. TOUPIN: M. le Président, je suis...

M. LEGER: II y a un message de la part du ministre de l'Education pour le ministre de l'Agriculture.

M. TOUPIN: II n'y a pas de message. J'ai toujours su dire ce que je voulais quand je voulais et je n'ai jamais accepté d'être un porte-message. Il y a seulement une chose que je voudrais dire. D'abord, je suis d'accord avec le ministre d'Etat aux Transports sur les propos qu'il a tenus et je voudrais simplement souligner ceci à l'endroit du député de Lafontaine. Cette

salle n'est pas comparable à un cinéma, je ne pense pas. On discute des choses trop sérieuses pour qu'on puisse appeler cela du théâtre. Si vous le jugez comme tel...

M. LEGER: J'invoque le règlement, M. le Président. Le ministre de l'Agriculture, je pense, est en train de dépasser mes paroles. J'ai illustré la comparaison de l'importance de ce qui se passe ici pour l'avenir des Québécois en disant que si, dans une salle de spectacle de moindre importance, une salle de cinéma, on est capable d'ouvrir les balcons, je pense que c'est un endroit où les citoyens veulent entendre ce qui se passe pour leur avenir.

Qu'on ouvre au moins le balcon! J'ai donné un exemple, M. le Président, pour illustrer la différence de l'importance entre les deux, mais je ne voudrais pas que le ministre de l'Agriculture se serve de cela pour minimiser mon argumentation.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): ... rectifier par la suite.

M. TOUPIN: M. le Président, je ne blâme pas le député de Lafontaine, mais je dis que son exemple est boiteux. Il aurait pu en...

Pas dans ce cas-ci. Vous avez dit assez souvent cet après-midi que c'était fondamental — laissez-moi terminer — que ce sont des questions de fond pour toute la communauté québécoise, etc. Je trouve seulement l'exemple du député de Lafontaine boiteux, parce que, moi, quand je viens à la commission, je n'ai vraiment pas l'impression d'assister à un spectacle de cinéma ou à un spectacle de théâtre. Je viens vraiment discuter ou entendre discuter des problèmes de la communauté québécoise.

Une autre réflexion que je voudrais faire. Quand le député de Saguenay dit que le premier ministre est applaudi par 101 pions, est-ce qu'il laisse sous-entendre que ceux qui ont applaudi cet après-midi sont aussi des pions? J'aimerais qu'on apporte une précision là-dessus.

M. LESSARD: Aucunement, M. le Président, parce que ces gens, en vertu de l'article 96, ne viennent pas téléguidés par les députés du Parti québécois...

M. TOUPIN: M. le Président, je voudrais terminer.

M. LESSARD: ... contrairement aux 101 pions du Parti libéral.

UNE VOIX: Vous perdez de la crédibilité.

M. TOUPIN: Je voudrais simplement terminer, M. le Président. J'aimerais terminer. Je trouve malheureux, parfois, qu'on emploie des propos comme ceux-là dans une commission de travail aussi importante que celle-ci. Je pense que les députés du Parti québécois sont capa- bles de trouver des exemples plus typiques que celui donné par le député de Lafontaine. Je crois aussi que le député de Saguenay qui parle de pions veut simplement dire — je l'espère, en tout cas — que les gens applaudissent.

C'est encore pire. J'espère que cette salle n'est pas remplie de marionnettes et j'espère que ces gens sont venus ici pour écouter parler sérieusement des problèmes de la langue au Québec. Personnellement, en tout cas, je n'accepte pas qu'on compare, autant les députés de l'Assemblée nationale que les gens de cette salle, à des pions ou à des gens qui viennent participer à des pièces de théâtre.

M. LESSARD: Après ces remarques, je souhaite vous entendre sur le projet de loi 22.

M. TOUPIN: M. le Président, je vais parler sur l'amendement tantôt.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le chef de l'Opposition officielle.

M. MORIN: Il y a deux jours, M. le Président, j'ai dit que je craignais que l'apathie des citoyens du Québec ne marque ce débat. Je me demande même si ce n'avait pas été précisément l'intention du gouvernement de tenir le débat dans la seconde quinzaine du mois de juillet, alors que la plupart des Québécois sont absents, si ce n'avait pas été son intention d'agir de la sorte pour que, précisément, le débat se tienne en marge de l'opinion publique québécoise.

J'ai même laissé entendre, tellement était vive mon inquiétude, que ce débat pourrait se dérouler littéralement à huis clos par rapport à l'opinion publique québécoise.

M. le Président, je m'étais trompé. A mon heureuse surprise, je dois le dire, les Québécois se réveillent et affluent de plus en plus nombreux et de toutes les régions du Québec, comme on l'a souligné tout à l'heure, pour être témoins de l'un des débats les plus importants de notre histoire parlementaire. Tous les débats sur la langue — ils ont été nombreux depuis bientôt deux siècles que cette Assemblée existe — ont donné lieu à des séances comme celles-ci et à un grand afflux de la population. Il n'est que de se rappeler le tableau qui se trouve dans la salle de l'Assemblée, où l'on débatit le 23 janvier 1793, précisément une question comme celle-ci, le statut de la langue française. Vous pouvez voir sur le tableau que la galerie est pleine de monde. On n'avait pas peur des Québécois à cette époque. Je me réjouis de ce que les Québécois semblent enfin se réveiller. Ce ne sont sûrement pas quelques petites manifestations qui peuvent avoir raison du courage des députés présents d'un côté comme de l'autre.

Votre projet de loi vous paraît tellement bon que vous ne devriez pas avoir peur de le défendre devant les Québécois. Même c'est une

très belle occasion que vous avez, messieurs les ministériels, de le défendre et même de persuader les citoyens qui sont ici que votre point de vue est le bon.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! Je ne permets pas de débat sur une question...

M. MORIN: Très bien. Je termine en disant qu'il me paraît inconvenable qu'on ferme les portes du parlement à ces gens, à plusieurs dizaines de personnes, alors qu'il y a de la place, qu'on pourrait en aménager.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Chicoutimi.

M. BEDARD (Chicoutimi): Simplement, suite à l'intervention du ministre de l'Agriculture qui laissait entendre que l'exemple du député de Lafontaine était boiteux lorsqu'il a fait allusion à une salle de cinéma ou à une salle de théâtre. Je suis d'accord avec lui que le ton de ces débats doit être sérieux. C'est malheureux qu'il n'ait pas été ici tout l'après-midi, parce qu'il aurait été dans l'obligation de rabrouer son chef, l'honorable premier ministre, qui a continuellement accusé chacun de ceux qui sont intervenus cet après-midi avec une idée d'apporter un élément positif au débat, de vouloir uniquement faire du théâtre.

J'espère qu'avec sa présence, ce soir, le ton sera plus sérieux et plus positif pour la discussion sur un sujet aussi important pour l'ensemble des Québécois.

M. TOUPIN: Bon! Je l'espère aussi, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): J'ai permis plusieurs interventions sur cette question pour permettre un peu plus d'information à ceux qui nous visitent ce soir peut-être pour la première fois. Comme plusieurs le savent, plusieurs représentations ont été faites à celui qui a l'autorité pour décider d'une telle mesure, à savoir le président de l'Assemblée nationale.

Le député de Maisonneuve a lui-même, cet après-midi, pour le bénéfice de nos visiteurs, rencontré M. le président et, pour des raisons qui lui ont été expliquées, ce dernier a refusé, pour aujourd'hui du moins — il m'a fait part de sa décision avant de partir ce soir à six heures — de donner l'autorisation d'ouvrir les galeries ce soir.

Quant à moi, j'ai écouté avec beaucoup d'attention ce qui s'est dit sur les avantages qu'il y aurait à ouvrir les galeries, et je tiendrai bonne note de la bonne marche des délibérations ce soir, à savoir si le climat qui régnera dans la salle pourra permettre une recommandation personnelle à celui qui doit prendre la décision.

M. CHARRON: M. le Président, puis-je vous poser une seule question? Je suis membre en titre de la commission parlementaire et j'ai donc le pouvoir de soumettre des motions à cette commission. Si une motion émanant de ma part était adoptée par l'assemblée, comme motion incidente, M. le Président, en vertu de notre règlement, et que cette commission se prononçait pour l'ouverture des galeries de l'ancien Conseil législatif — qui aurait l'occasion de se rajeunir— est-ce que vous croyez que cette décision de la commission pourrait, dans tout le respect que nous devons à M. le président de l'Assemblée nationale, être considérée comme une décision démocratique prise par des élus de la population, et qu'ainsi la cinquantaine de personnes qui attendent à la porte pourraient avoir accès à la galerie?

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je conviens qu'une telle motion, si elle était reçue, pourrait être acceptée par la commission. Mais je crois que le député de Saint-Jacques est fort conscient des responsabilités du président, et pour des raisons qui lui appartiennent et comme responsable de la bâtisse de l'Assemblée nationale, je crois que ce ne serait pas normal de contester une telle décision.

Cependant, nous avons ce soir une grande assistance, comme on vient de le mentionner, et si, ce soir, comme vice-président de l'Assemblée nationale, je m'aperçois que le climat permet de telles choses, parce qu'il y a tout de même un exemple... Comme plusieurs l'ont mentionné, si c'est comme les jours précédents, je ne dirai certainement pas au président que le climat a été bon.

Cependant, le président a décidé de telle façon. Je suis lié personnellement par sa décision, qui implique du personnel, mais rien n'empêche que de nouvelles représentations soient faites auprès de lui pour les jours subséquents.

M. CHARRON: M. le Président, je pense que l'attitude de ceux qui assistent à cette commission, depuis que nous avons repris la séance, est une excellente indication de la façon dont nous ferons nos débats ce soir. J'ai presque envie, à moins que vous ne me le décommandiez fortement, sans vouloir retarder les travaux de la commission, puisque nous pourrions soumettre cette motion au vote très rapidement, de me prévaloir de mon droit de député, membre de cette commission, de faire une motion à l'effet que soient ouvertes les galeries supérieures — encore une fois, avec tout le respect que nous devons au président, qui a quitté l'Assemblée nationale pour probablement la soirée et la journée de demain. Nous prendrions sur notre responsabilité, comme membres de la commission, le fait que nous ayons décidé d'ouvrir les portes de l'assemblée ce soir.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je vous demande votre compréhension en ce qui concerne ce problème particulier que vous soûle-

vez. Il m'est franchement assez difficile, à ce moment-ci, de permettre une telle motion, même si elle est acceptable ou non. Ce n'est pas dans ce sens que je voudrais en discuter.

Comme il y a d'autres séances de la commission à partir de demain, je vous inviterais à faire de nouvelles représentations. Je n'ai pas été partie moi-même aux représentations qui ont été faites, sauf que le président m'a avisé personnellement de ne pas faire ouvrir les galeries. Je suis donc lié par une décision de celui qui représente l'autorité.

M. BURNS: Question de règlement.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: La commission est elle-même maîtresse de ses dispositions ou de ses agissements. Ce midi même, lorsque l'Assemblée nationale — qui est quand même supérieure aux commissions — s'est ajournée, j'ai posé la question sur les heures d'ajournement de cette commission au leader du gouvernement. H a tenté de se payer ma gueule en me répondant, avec une ignorance crasse dont il est capable à certains moments, que la commission était maîtresse de ses travaux.

Nous sommes en totale maîtrise, je pense, de ce qui peut se faire ici. La pièce qui nous a été désignée, soit dit en passant, par l'Assemblée nationale, est également en totale maîtrise par nous. Ainsi, je pense qu'une motion qui serait déposée par le député de Saint-Jacques, à l'effet d'ouvrir les galeries supérieures au public, devrait être normalement tout à fait recevable. Ceci, encore une fois, comme le disait le député de Saint-Jacques, avec tout le respect que nous avons pour l'opinion du président de l'Assemblée nationale ainsi que pour votre opinion, vous aussi, M. le Président.

M. HARDY: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Excusez.

M. HARDY: Oui.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je voudrais tout de même apporter un commentaire.

Il ne s'agit pas d'une opinion que j'émets — et je pense que le leader de l'Opposition officielle le sait fort bien — mais du respect d'une décision de celui qui est maître des lieux. Je ne vois aucun inconvénient à ce que vous fassiez de nouvelles...

M. BURNS: M. le Président, si l'Assemblée nationale nous dit que nous pouvons établir nos travaux, ici, à la commission, selon ce que les députés en pensent, il me semble que le président de l'Assemblée nationale, lui qui est le serviteur de l'Assemblée nationale, est, tout au moins, aussi soumis aux décisions de ce que la commission pourra décider dans le cadre de son mandat. C'est tout.

M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement sur la motion ou l'embryon de motion du député de Saint-Jacques.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre des Affaires culturelles.

M. HARDY: En disant ceci, bien sûr, je reconnais, avec le député de Maisonneuve, que dans le cadre de son mandat la commission est totalement souveraine, totalement maîtresse de ses décisions, mais bien dans le cadre de son mandat.

Je ne sache pas, M. le Président, que le mandat qui nous a été donné, d'étudier le projet de loi 22 dans ses détails, nous donne le droit de modifier la Loi de la Législature.

La responsabilité des bâtiments, la responsabilité du palais législatif, dont nous sommes dans une des parties, ressort du président de l'Assemblée nationale. Ce n'est pas une commission qui peut, par une motion, et je dirais même que ce n'est pas l'Assemblée nationale qui peut, par une motion, modifier la responsabilité du président de la Chambre qui lui est attribuée en vertu d'une loi. Ce changement de responsabilité du président de l'Assemblée nationale, à l'Assemblée nationale ou à une commission, ne pourrait se faire que par une modification à la Loi de la Législature. Je pense donc que nous n'avons pas le pouvoir de prendre des décisions qui appartiennent normalement au président.

Deuxième point qui, je le reconnais, est peut-être moins fort que le premier, on pourrait prétendre qu'analogiquement la décision que le président de la Chambre a prise cet après-midi, avant de quitter, est une décision du président et, analogiquement, comme nous ne pouvons pas en appeler d'une décision du président, adopter la motion du député de Saint-Jacques serait, en quelque sorte, en appeler d'une décision que le président a déjà prise. Non pas une décision sur le règlement et c'est pour cela que j'ai dit analogiquement.

M. LESSARD: Une décision à l'Assemblée nationale?

M. HARDY: M. le Président, est-ce que je peux terminer mon point?

M. LESSARD: Ecoutez, votre deuxième point est ridicule.

M. HARDY: C'est possible. Vous direz tantôt qu'il est ridicule et pourquoi il l'est. S'il fallait que j'intervienne à chaque fois que vous êtes ridicule, vous ne parleriez jamais.

M. BURNS: M. le ministre...

M. HARDY: Voulez-vous me laisser terminer?

M. BURNS: D'accord. C'est vraiment de bonne foi que je vous pose la question suivante. Et passant par le président au ministre, je pose à M. le président, au ministre, la question suivante, s'il veut y répondre, s'il pense qu'elle mérite une réponse. C'est une suggestion constructive que je fais.

Vu que vous placez, vu que le ministre place l'opinion du président au-dessus de tout, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, tout simplement, devant la situation actuelle, devant le calme, me semble-t-il, total de la commission, de tenter, dans les quelques minutes qui viennent, de communiquer avec le président et lui demander, par voie téléphonique, son opinion à ce sujet.

Possiblement qu'il changerait d'avis. Je l'ignore. Je vous parle d'une suspension d'une minute ou deux ou trois. Si on ne peut pas le rejoindre, à ce moment-là, laissons tomber, mais...

M. HARDY: M. le Président, je n'ai pas d'objection, parce que ce serait tout à fait régulier, à ce qu'on communique avec le président, mais dans la mesure où nos travaux se poursuivent. On n'est pas pour suspendre nos travaux pour aller appeler le président.

M. BURNS: Qu'on le fasse en continuant nos travaux !

M. HARDY: On peut très bien poursuivre nos travaux et on peut communiquer avec le président. Je n'ai pas d'objection.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Comme je vous le dis, c'est la décision du président et non pas la mienne. L'honorable député de Maisonneuve le sait fort bien. Il est parti de Québec vers six heures. Je vais demander à quelqu'un de l'appeler immédiatement à Montréal, à sa résidence. Je vous donnerai la réponse aussitôt que je l'aurai, dans les minutes suivantes.

M. LESSARD: M. le Président...

M. HARDY: Cela ne fait pas votre affaire?

M. LESSARD: ... sur le point de règlement. Encore une fois, je vous souligne que la commission de l'Assemblée nationale est maîtresse de ses décisions. Lorsque vous parlez d'une décision du président, je suis bien d'accord avec le ministre des Affaires culturelles qu'une décision du président, qui est prise à l'intérieur de l'Assemblée nationale ou par vous-même, parce que vous êtes actuellement président de cette commission parlementaire et, à ce titre, vous remplacez le président de l'Assemblée nationale ne peut être remise en question. Je suis bien d'accord que nous ne pouvons pas remettre en question une décision du président de l'Assemblée nationale à l'intérieur de ses fonctions comme président de l'Assemblée nationale et lorsqu'elle est prise à l'intérieur de l'Assemblée nationale. Si le député de Saint-Jacques fait la motion que nous puissions ouvrir les galeries afin de permettre aux gens de pénétrer à l'intérieur de cette enceinte, je pense que vous devez, comme président de l'Assemblée, président de la commission de l'Assemblée nationale, recevoir cette motion et il appartiendra... Je continue, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Ecoutez. On pourrait...

M. LESSARD: Je parle sur un point de règlement.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je voudrais vous rappeler que j'ai donné suite à la suggestion du député de Maisonneuve.

M. LESSARD: Je vous indique, M. le Président, que, si le député de Saint-Jacques fait la motion pour qu'on puisse ouvrir les galeries, à ce moment-là, vous êtes obligé de recevoir la motion. Il s'agit d'une motion qui est faite en bonne et due forme parce que le président de l'Assemblée nationale vous a délégué ce soir ses pouvoirs. C'est vous, M. le Président, qui êtes président, ce soir, de la commission parlementaire. Or, la commission parlementaire est maf-tresse de ses décisions. Si le député de Saint-Jacques fait une motion, il appartiendra aux députés membres de cette commission parlementaire d'accepter ou de refuser la motion du député de Saint-Jacques.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Si vous me le permettez, je serais porté à vous donner un exemple. Vous continuerez après.

M. LESSARD: A moins que vous ne me disiez, M. le Président, que la motion du député de Saint-Jacques n'est pas recevable. Si c'est cela, M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je vais vous donner un exemple...

M. LESSARD: Si c'est le cas, M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): ... qui vaut ce qu'il vaut. Admettons qu'il y a une motion faite par le député de Saint-Jacques pour aller en haut et que cette motion est adoptée unanimement...

M. CHARRON: Pas moi — moi, je reste ici — le public.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le public, et cette motion est adoptée unanimement mais que c'est le président qui a la clé et qu'on n'est pas capable de monter.

M. LESSARD: M. le Président, j'en doute. Les clés...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): C'est pour dire qu'une commission est maîtresse de ses travaux, de ses délibérations et non pas des lieux physiques.

M. BEDARD (Chicoutimi): Je ne crois pas qu'on soit pris avec un problème de clés pour l'accès au parlement.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Pour le moment, vous le savez fort bien, comme parlementaires; je n'aimerais pas que vous donniez l'impression à ceux qui nous visitent que c'est une chose qu'on peut débattre facilement. Vous savez très bien, pour y vivre continuellement depuis quatre ans, comment ça marche, la prérogative du président.

M. LESSARD: Est-ce que vous me dites que vous n'avez pas la clé des galeries en haut?

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je vous donne un exemple pour dire que les lieux physiques n'intéressent pas la commission. Ce n'est pas notre travail. Notre travail, c'est que, si nous voulons entrer dans une salle, il faut demander la permission à celui qui a l'autorité pour nous ouvrir cette salle. Dans les circonstances, la commission parlementaire est maîtresse de ses travaux et délibérations mais non pas des lieux physiques qui l'entourent. Or, les lieux physiques ici, ceux-ci comme les autres, sont régis par le président de l'Assemblée nationale, seul. Or, la décision qu'il m'a communiquée, et que nous vérifions à nouveau par téléphone, est celle qui a été communiquée au leader parlementaire de l'Opposition.

M. LESSARD: M. le Président, dans ces circonstances, pourriez-vous m'indiquer en quoi vous avez le pouvoir de faire évacuer la salle?

M. HARDY: En vertu du règlement, lisez-le.

M. LESSARD: Bon, exactement. Je vous dis exactement, en vertu du règlement, actuellement, le député de Roberval est président de l'Assemblée nationale...

M. BERTHIAUME: C'est sa région et il ne la connaît pas.

M. LESSARD: Comme président suppléant, il remplace le président. Or, en vertu du règlement, c'est la commission parlementaire qui est maîtresse de ses décisions et c'est actuellement le président de la commission de l'Assemblée nationale qui a tous les pouvoirs du président de l'Assemblée nationale. Je termine sur ça, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je vais attendre. Comme vous le saviez d'ailleurs, bien avant de prendre la parole, ce n'est pas moi qui ai la décision là-dessus; je dois attendre la décision, mais ça peut créer une bonne impression. Le ministre de l'Education.

M. CLOUTIER: M. le Président, la motion que j'ai présentée cet après-midi, à l'effet d'adopter l'article 1, n'aura certainement pas été inutile. En effet, elle nous a permis d'entrer dans le coeur du débat, ce que souhaitait le gouvernement depuis le début des séances de cette commission. Sans doute a-t-il été nécessaire de forcer un peu les événements, étant donné les nombreux débats de procédure sur lesquels nous nous sommes attardés. Je vais essayer d'exprimer, le plus sobrement possible, quels sont les arguments qui nous poussent à considérer que l'amendement apporté par le chef de l'Opposition est non nécessaire et se prêterait à des difficultés d'interprétation. Ce faisant, je suis parfaitement conscient qu'il n'est pas facile de présenter des arguments alors que les arguments émotifs, l'appel aux passions sont infiniment plus populaires. Cependant, en tant que membre d'un gouvernement qui cherche à apporter une solution raisonnable, une solution réaliste, une solution qui tient compte du contexte québécois à un problème extrêmement complexe, le problème linguistique, il m'appartient, malgré tous les risques que cela comporte, de parler sur ce ton.

M. le Président, j'ai déjà eu l'occasion de dire que cette loi n'était pas le résultat d'une improvisation, mais était basée sur les très importantes études de la commission Gendron qui se sont poursuivies pendant quatre années. Et je me contente uniquement de lire deux citations de la commission Gendron qui me paraissent pertinentes au débat actuel.

La première se trouve à la page 22 du volume II, intitulé: "Les droits linguistiques". Il s'agit d'une définition de "langue officielle". "Le terme "langue officielle" désigne tout simplement la langue que l'Etat a estimé à propos d'appuyer de sa puissance pour l'usage public, soit par une loi constitutionnelle, soit; le plus souvent, par une loi ordinaire. Il peut y avoir plus d'une langue officielle. Etc., etc."

Je retiens cette définition parce qu'elle correspond à la définition de "langue officielle" que reconnaît le projet de loi 22. Je désire citer également la recommandation de la commission sur laquelle s'est basé, en partie, le gouvernement. Cette recommandation se trouve à la page 78 du même volume: "La commission recommande au gouvernement québécois de proclamer immédiatement le français langue officielle du Québec, et le français et l'anglais langues nationales du Québec, sans porter atteinte au caractère particulier de langues publiques fédérales dont jouissent censément le français et l'anglais en vertu de l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique aux fins y énoncées. Ainsi le français deviendrait la

langue officielle et le français et l'anglais langues nationales du Québec".

Nous n'avons pas retenu la partie de la recommandation qui visait à faire du français et de l'anglais les langues nationales. Nous avons retenu uniquement la partie de la recommandation qui visait à faire du français la langue officielle, mais nous avons tenu compte de la réserve énoncée dans cette recommandation en ce qui concerne l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

J'ai dit tout à l'heure que j'entendais apporter une argumentation pour montrer que l'amendement du chef de l'Opposition, qui ajoute le mot "seule" au texte de l'article 1, est non nécessaire et difficile d'interprétation. En effet, qu'accomplit ou que tente d'accomplir l'article 1? L'article 1 énonce très clairement un principe: Le français est langue officielle. Cependant, il faut tenir compte également de l'article 5 qui se lit de la façon suivante: "Le présent titre — puisqu'il se rapporte à tout un chapitre de la législation — règle les effets juridiques de l'article 1".

En effet, M. le Président, nous aurions pu nous contenter de faire une loi avec un seul article et dire que le français devenait langue officielle. Certains l'auraient peut-être souhaité. Nous pensons que nous n'aurions strictement rien obtenu comme résultat si nous avions procédé de cette façon et qu'il était absolument essentiel, après avoir établi le principe, de déterminer, étant donné le contexte québécois où il y a une majorité mais aussi une très importante minorité de 20p.c, la plus importante minorité de toutes les provinces canadiennes, qu'il était essentiel de déterminer, dis-je, dans chacun des secteurs de l'activité québécoise, quelle était la place du français, place de toute façon prioritaire partout, et quelle était également la place de l'anglais.

Je dis tout de suite que la place de l'anglais est ramenée à des règles d'usage et que, dans le projet de loi 22, quoiqu'on prétende, l'anglais n'a pas le statut de la langue officielle.

Je crois qu'au cours de la discussion article par article, chaque fois que le problème se posera, il sera possible d'en apporter la démonstration.

L'anglais n'a pas de statut officiel, mais il est accepté au niveau des communications individuelles, et dans deux régimes particuliers, l'un prévu à l'article 9 et l'autre prévu à l'article 13. Il fait également l'objet d'une reconnaissance admise par tous dans le secteur scolaire. Ceci correspond entièrement, comme j'ai eu l'occasion de l'indiquer au cours de mon discours de deuxième lecture, à la tendance de tous les gouvernements qui protègent, par des régimes particuliers ou des dispositions spéciales, les droits d'une minorité. Ceci, je l'affirme, n'enlève en rien le fait que le français est la langue officielle.

Ce projet de loi ne consacre absolument pas, précisément à cause de tout ce que je viens de vous dire, le bilinguisme, même s'il détermine — et je dois me répéter — des règles d'usage pour ce qui est de l'anglais.

Cependant, M. le Président, il est important, sur le plan de la légalité, d'examiner deux lois, plus exactement une loi et l'article 133 de la constitution. La loi est la loi sur les langues officielles et l'on pourrait se demander si, par cette loi, l'anglais ne deviendrait pas, comme le français d'ailleurs, langue officielle au Québec.

Il se trouve que cette loi ne porte que sur les institutions fédérales et non les institutions provinciales. Par conséquent, il est exact de dire que le français comme l'anglais sont langues officielles, mais dans le cadre des institutions fédérales. Il en découle que le projet de loi 22 consacre indiscutablement le statut de français, langue officielle, qui se trouve, à ce moment, à être la langue officielle unique. C'est uniquement dans une loi fédérale, qui a une application extrêmement restreinte puisqu'elle ne touche qu'aux institutions fédérales, que le français et l'anglais peuvent avoir une égalité.

Plus intéressant encore — et je ne doute pas que le chef de l'Opposition tendra l'oreille à cause de son intérêt dans le domaine constitutionnel — est l'article 133. L'article 133, je me dois de le relire, parce qu'il apporte, je crois, une information utile: "Dans les Chambres du Parlement du Canada et de la Législature du Québec, chacun pourra, dans les débats, faire usage de la langue anglaise et de la langue française, mais les registres et les procès-verbaux des chambres susdites devront être tenus dans ces deux langues. Dans tout procès porté devant un tribunal du Canada, établi en vertu de la présente loi ou devant un tribunal du Québec, chacun pourra faire usage de l'une ou de l'autre de ces langues dans les procédures et les plaidoyers qui y seront faits ou dans les actes de procédures qui en émaneront.

Les lois du Parlement du Canada et de la Législature du Québec devront être imprimées et publiées dans l'une et l'autre de ces langues."

C'est tout ce que dit l'article 133, et il accorde des droits, tant aux francophones qu'aux anglophones — il est extrêmement important de le comprendre — dans un secteur extrêmement limité qui est la possibilité de s'exprimer dans un Parlement, dans le Parlement avec, comme conséquence, la publication de certains documents en français et en anglais et la possibilité de s'exprimer devant les cours de justice, c'est-à-dire d'être jugés dans leur langue. Ce sont là des droits que nous considérons être tels que, même si nous abrogions l'article 133 —et certains juristes croient que cela aurait été possible — nous aurions été obligés, dans le projet de loi 22, de nous redonner, à nous francophones, les droits que nous aurions voulu conserver qui étaient déjà protégés par l'article 133, et très certainement de donner à la minorité anglophone ces droits que nous lui reconnaissons, parce que nous considérons que ce sont là des droits sacrés pour les individus.

Par conséquent, cet argument de l'abolition

de l'article 133 n'a pas pour nous tellement de signification, parce que nous pouvons admettre très volontiers cette possibilité, mais, de toute façon, nous avons fait un choix délibéré.

Mais ce qui me paraît beaucoup plus important, c'est que l'interprétation que l'on peut donner de l'article 133 nous pousse à la conclusion qu'il ne détermine pas nécessairement deux langues officielles, même dans ce secteur extrêmement restreint. Ceci vient renforcer encore mon argumentation, à savoir qu'en disant que le français est la langue officielle, nous couvrons véritablement tout ce que nous voulons couvrir. Je me reporte à la consultation du professeur McWhinney que j'ai déposée au début de l'étude de l'article 1, je me reporte à la page 2 de cette consultation. Vous me permettez d'en citer quelques extraits en anglais, parce que la consultation est parvenue deux jours seulement avant le début des travaux de la commission ; même pas, elle est parvenue il y a deux jours.

J'ai commencé à la faire traduire, mais elle devra être approuvée, puisqu'il s'agit d'un texte de légiste, par le professeur McWhinney lui-même. Je m'excuse si je n'ai pas un accent aussi pur que le chef de l'Opposition; je n'ai malheureusement pas pu fréquenter d'institution anglophone. J'ai appris l'anglais dans la rue et de mon mieux.

L'argumentation du professeur McWhinney se base sur ce qu'il appelle "the ordinary rules of statutory construction. The merit of these rules, dit-il, is their clarity and simplicity and their correspondence to the dictates of ordinary common-sense". C'est là, semble-t-il, une règle d'interprétation. Ce qui est particulièrement important et je me permets de le souligner, c'est ceci: "Examined on this basis — il parle de l'article 133 — as a simple exercise in statutory interpretation, without any ideological preconceptions one way or other, it is remarkable how clear and concise Section 133 of the BNA Act is. It is not a definition of "Official Languages" as such; and that would, in any case, have been alien to the approach of British legislators in 1867, who were not, after all, engaged in the drafting of abstract dictionary definitions but in articulating rules or guidelines for solving concrete problems or shaping and controlling legislative action for the future".

Soit dit en passant, c'est exactement l'approche du projet de loi 22 qui cherche à trouver des solutions à des problèmes précis, dans un contexte précis. Il en découle, et je cite à nouveau le professeur McWhinney : "Section 133 says no less and also no more than this; In particular, it says nothing at all about "Official Languages"; nothing at all about equality of languages; nothing at all about rules of interpretation in the case of texts in the two languages". Bien qu'il s'agisse là d'une opinion — je l'admets volontiers et on trouve une opinion similaire dans les vastes enquêtes de la commission Gendron — on peut quand même en conclure que ce que fait l'article 133, c'est de déterminer des règles pratiques et des règles précises pour l'usage des deux langues. Contrairement à la Loi des langues officielles, mais dans ce secteur très précis et très limité, des institutions fédérales, il ne crée pas nécessairement deux langues officielles.

Je prétends donc qu'en disant que nous faisons du français la langue officielle du Québec nous couvrons entièrement la situation. Nous ne donnons en rien un statut analogue à l'anglais, même si, dans le corps de la loi, nous apportons des règles d'usage et des régimes spéciaux dans l'esprit dont je vous ai parlé. Je crois qu'il est extrêmement important de se rendre compte de cela. C'est la raison pour laquelle je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'ajouter "la seule langue officielle", parce que "la langue officielle" couvre exactement ce que nous voulons accomplir. En revanche, le fait d'ajouter "la seule langue officielle" créerait des difficultés d'interprétation considérables et nous amènerait peut-être le risque, je dirais même certainement de contestations judiciaires inutiles. C'est peut-être un risque que nous serions prêts à courir. C'est un risque considérable contre lequel le chef de l'Opposition nous prévenait cet après-midi même ou ce matin. Il nous disait: Soyez extrêmement prudents. Ne courez pas le risque d'une contestation judiciaire. Quel que soit le mérite de votre loi, il ne faut surtout pas que le gouvernement du Québec prenne ce risque. C'est justement ce risque que nous n'avons pas voulu prendre, serait-il ténu; mais nous l'aurions pris sans hésiter, aurions-nous pensé que nous ne réussissions pas par notre article à faire du français la langue officielle. Le fait d'ajouter "seule", par conséquent, créerait des difficultés d'interprétation qui ne paraissent pas justifiées. De plus, il déterminerait au sein de la collectivité, qui est déjà suffisamment bouleversée par une démarche aussi importante et aussi difficile que celle que le gouvernement a entreprise, des problèmes, à savoir qu'il serait, à ce moment, trop facile, de croire que le gouvernement institutionnalise l'unilinguisme.

Or, le gouvernement n'institutionnalise pas l'unilinguisme et n'institutionnalise en rien le bilinguisme. Ce que le gouvernement fait, c'est que, par son article qui détermine le français la langue officielle, il institutionnalise le français langue officielle.

Sans donner de statut particulier à l'anglais, il reconnaît, sur le plan pratique, deux régimes particuliers que je vous ai cités, et également des droits individuels de communication comme il se doit lorsqu'on tient compte de l'ensemble du contexte québécois. Je ne reviens pas là-dessus, m'y étant longuement attardé au cours de ma deuxième lecture. Je m'arrête là, M. le Président, me gardant également cinq minutes sur mon temps de parole, et je crois que cette argumentation fonde l'attitude que

prendra le gouvernement en présence de cet amendement.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le chef de l'Opposition officielle.

M. MORIN: Puis-je vous demander combien de temps j'ai à ma disposition, M. le Président?

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Dix minutes.

M. MORIN: Merci.

Depuis cet après-midi, nous avons entendu un certain nombre d'arguments pour justifier...

M. HARDY: M. le Président, il faudrait peut-être que vous avertissiez que, si le chef de l'Opposition exerce maintenant son droit de réplique...

M. MORIN: Non, ce n'est pas un droit de réplique.

M. HARDY: Ah bon!

M. MORIN: Cest mon droit de parole tout simplement.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'intérieur de 20 minutes d'amendement.

M. MORIN: Je n'avais pas épuisé le temps qui m'était alloué.

M. CLOUTIER: II est peut-être bon de le souligner.

M. MORIN: M. le Président, depuis cet après-midi, nous avons entendu un certain nombre d'arguments de la part du premier ministre et de la part du ministre de l'Education, expliquant, tentant de donner les raisons pour lesquelles le gouvernement refuse l'amendement du Parti québécois.

Le premier ministre, à plusieurs reprises au cours de ses interruptions cet après-midi, nous a laissé entendre que le mot que nous proposions d'ajouter était redondant, parce que, dit-il, quand on dit: La langue officielle, ce n'est pas nécessaire de dire la seule, les deux choses signifieraient exactement la même chose, "la" et "la seule". Et le ministre ce soir, dans une argumentation qui, je dois le dire, ne manque pas de talent quant à la forme — mais je dirai ce que je pense du fond dans un instant — de la part d'un homme qui n'est pas juriste, et qui semble avoir maîtrisé les bases du raisonnement constitutionnel.

On nous a dit...

M. HARDY: Cest vrai.

M. MORIN: ... que le mot "seule" serait redondant. Eh bien, pour deux raisons, M. le Président, il n'en n'est pas vraiment ainsi. Tout d'abord, j'invoquerai des arguments de gros bon sens, et ensuite des arguments, peut-être plus subtils, donc moins convaincants, de droit constitutionnel.

Le gros bon sens d'abord. On nous a dit que c'est redondant, et pourtant nous sommes au coeur du sujet. N'importe qui peut très bien comprendre la différence entre "le français est la langue officielle du Québec" et "le français est la seule langue officielle du Québec". Demandez cela à n'importe qui dans la rue. Il va vous expliquer la différence.

Au cours du débat qui va suivre sur les autres articles — les 129 autres articles — nous allons souvent être perdus dans les méandres du droit, mais cette fois nous sommes vraiment au coeur du sujet. L'article 1 réserve tout le débat, en fait. L'article 1, le préambule et l'article 2, à eux seuls, contiennent tout le débat de fond. Est-ce que, oui ou non, le français va être la langue des Québécois, la langue officielle du Québec?

La question est claire. Nous avons le choix. Cette commission a le choix, à l'occasion de ce vote, sur un seul mot, dont le contenu en éloquence et en signification est cependant considérable.

A propos de ce seul mot, nous avons à décider si nous voulons qu'il y ait une seule, une unique langue officielle au Québec ou si nous voulons le bilinguisme. Si nous choisissons de dire que le français est "la seule" langue officielle au Québec, c'est net, c'est précis, sur le plan du bon sens comme sur le plan constitutionnel. Il faudra, naturellement, qu'un certain nombre d'amendements soient apportés dans la suite du débat aux autres articles, parce que cette prémisse entraîne des conséquences considérables.

Tandis que si nous refusons, dès maintenant, le français comme étant "la seule" langue officielle, par la suite nous pourrons avoir l'article 2 qui va nous mettre les lois anglaises et françaises sur le même pied d'officialité, ainsi qu'une quinzaine d'articles qui reconnaîtront des droits de caractère officiel à la langue anglaise. Et on pourra toujours nous dire: C'est tout à fait conciliable avec l'article 1, lequel ne dit pas que le français est "la seule langue" officielle.

Nous nous trouverons devant une situation, qui est sans doute celle que recherche le gouvernement, où nous concilierons la chèvre et le chou. Le chou, d'abord, qui ne désire pas être mangé, et nous lui ferons plaisir en lui disant que sa langue est officielle. La chèvre qui, elle, ne voudrait pas abandonner son appétit pour l'économie québécoise, à qui nous dirons: Mais oui, les lois seront en langue anglaise aussi bien qu'en langue française; pas de problème. Dès que vous aurez plus de 10 p.c. de population dans une municipalité, l'anglais retrouvera des droits, etc. Il y a une quinzaine d'articles qui contiennent des dispositions de ce genre.

Le programme du Parti québécois n'est pas le bilinguisme. Il n'est pas non plus de faire du français un semblant de "langue officielle" pour faire plaisir aux indigènes, un prix de consolation. L'article 1, dans sa rédaction actuelle, est un prix de consolation, et guère plus. Et puisque le ministre nous a parlé du rapport de la commission Gendron, je voudrais en dire quelques mots.

Effectivement, la commission Gendron nous avait recommandé une langue officielle qui était le français et deux langues "nationales" qui étaient l'anglais et le français. Je me souviens qu'à l'époque, le Mouvement Québec Français a dénoncé cette solution et je suis heureux de constater que le gouvernement a vu l'ambiguïté qu'elle comportait.

Si on avait dit: Le français est la langue officielle et l'anglais et le français sont les langues nationales, cela aurait été vraiment la solution qui concilie parfaitement la chèvre et le chou, parce qu'en anglais le mot "national" signifie "state" et donc, il comporte l'idée de caractère officiel, de sorte qu'on aurait su dans un premier article, que le français est la langue officielle et, dans le second, que l'anglais l'est aussi sur le même pied que le français parce que chacun aurait compris dans sa langue le texte de la seconde proposition.

Mais c'est un peu ce que nous retrouvons, même si le texte n'utilise pas le même vocabulaire, dans le bill actuel. Article 1: "Le français est la langue officielle du Québec". Cela nous vient de la commission Gendron. Mais selon l'article 2, les lois seront rédigées dans les deux langues, et c'est bien ce que dicte l'article 133, comme le ministre nous l'a rappelé avec beaucoup de justesse, de sorte que si l'on s'en tient au système actuel de l'article 1, (langue officielle) et de l'article 2 (deux langues officielles pour les fins des lois), on se trouve encore devant une situation de style Gendron, c'est-à-dire que dans la réalité des choses, nous aurons deux langues officielles, ou si l'on veut une langue officiellement officielle et une langue officieusement officielle.

Nous aurons, pour les francophones, ce que la Gazette appelait très justement "a psychological ploy", un truc psychologique, un prix de consolation pour les indigènes parce qu'après tout, il faut bien leur faire une petite concession si l'on veut faire passer tout le reste de la loi, soit 129 articles. Il faut bien qu'ils obtiennent quelque part dans la loi une satisfaction d'ordre psychologique à l'effet que leur langue, après tout, est la langue officielle. Mais voilà: ce n'est pas la seule, ni du point de vue du bon sens, ni du point de vue de l'article 133.

Vous nous avez dit, M. le ministre, reprenant en cela certaines déclarations du premier ministre: L'anglais n'a pas le statut de langue officielle. J'ai été heureux de vous l'entendre dire, mais je suis obligé de vous dire que, constitutionnellement, vous ne pouvez pas dire cela. C'est faux. L'anglais a, de par l'article 133, un statut officiel au Québec. L'anglais est la langue des lois à côté du français. C'est ce que nous dit l'article 2. C'est ce que nous disent plusieurs articles par la suite.

Je comprends les objections du gouvernement à notre amendement. Si l'article 133 lie le Québec, s'il ne peut être modifié avant une éventuelle conférence constitutionnelle, comme le premier ministre l'a laissé entendre en Chambre l'autre jour en réponse à une de mes questions, en effet, vous ne pouvez pas voter pour cet amendement. Mais c'est parce que vous avez choisi de ne pas modifier l'article 133. C'est parce que vous avez choisi de ne pas modifier, en particulier, cette disposition qui fait que les lois du Québec doivent être publiées et imprimées officiellement en anglais et en français.

C'est votre choix politique parce que le professeur McWhinney que le ministre aurait pu citer — il ne nous a cité que les passages du rapport le plus récent qui portent sur l'article 2 et non pas sur la possibilité d'abroger l'article 133 — a indiqué la possibilité...

M, le ministre, je vous le rappelle...

M. CLOUTIER: J'ai admis que nous étions parfaitement conscients de cette possibilité.

M. MORIN: Bon. Il y a donc là un choix politique.

M. CLOUTIER: Bien sûr, nous l'avons fait.

M. MORIN: Vous avez choisi de ne pas modifier l'article 133.

M. CLOUTIER: J'ai expliqué pourquoi.

M. MORIN: Vous ne pouvez donc pas proclamer le français seule langue officielle. Je le comprends fort bien. Vous ne pouvez pas voter pour cet amendement parce que c'est votre choix politique, mais vous pouviez le faire. Le professeur McWhinney, le professeur Beaudoin, le professeur Patenaude et Me Bloomfield vous l'ont dit dans leurs rapports respectifs.

En ce qui me concerne, j'en tirerai la conclusion suivante, puisque mon temps s'achève: le fédéralisme tel que vous l'interprètez, le fédéralisme tel que vous le concevez vous empêche effectivement de proclamer le français seule langue officielle, mais c'est votre fédéralisme, c'est votre choix politique. N'est-ce pas? Je vois que le ministre est d'accord.

M. CLOUTIER: Je suis entièrement d'accord, je suis fédéraliste et je veux le rester.

M. MORIN: Oui, et vous êtes pris dans ce carcan. J'en tire la conclusion ultime que voici: A l'intérieur du Canada, il est très difficile, s'il n'est pas impossible, d'obtenir que le français devienne la seule langue officielle du Québec. Merci.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne) : L'honorable ministre de l'Agriculture.

M. TOUPIN: M. le Président, le chef de l'Opposition a apporté deux volets importants dans son argumentation. Le premier était celui du bon sens, et le second était celui de l'argumentation constitutionnelle.

Etant donné que je ne suis pas un spécialiste des questions constitutionnelles, je vais tenter de m'en tenir au bon sens.

Je crois, personnellement, que l'amendement proposé ne m'apparaît pas, dans les termes du gros bon sens, donner le poids recherché. Je pense que l'article 1, dans mon esprit, est clair et net. Il s'agit, à l'article 1, de déclarer le français la langue officielle au Québec. C'est clair dans mon esprit. A tous ceux à qui je vais en parler, à quelque Québécois que ce soit, si on me pose la question: Quelle est la langue officielle au Québec? Je lui répondrai: Prenez l'article 1 et c'est le français qui est la langue officielle au Québec.

M. LESSARD: Cela fait 200 ans.

M. TOUPIN : II me semble que c'est clair et net dans mon esprit.

Il m'apparaît aussi que s'il y a un article, au fond, dans ce projet de loi, qui ne devrait pas être contesté, s'il y a un article dans ce projet de loi qui devrait faire, au fond, l'unanimité, c'est bien l'article 1, parce qu'il déclare officiel le français et c'est ce que le gouvernement recherchait lorsqu'il a présenté sa loi, de rendre le français officiel au Québec.

C'est bien sûr que, comme le ministre de l'Education le disait, il existe au Québec une réalité sociale, une réalité linguistique, une réalité historique qu'il nous faut respecter, et les propos qu'ont tenus ceux de l'Opposition aujourd'hui, tout au moins ceux que j'ai entendus, ont tous été dans le sens de l'idée de reconnaître aux groupes minoritaires, sinon, comme le disait le député de Saguenay, des droits, au moins des privilèges. Ce sont des choses acquises historiquement avec le temps et que nous devons reconnaître. Nous en tenons compte dans ce projet de loi, mais je suis aussi d'accord avec le ministre de l'Education quand il dit que dans cette loi le français aura priorité. Il est déclaré la langue officielle. Bien sûr qu'il peut se trouver des difficultés d'application dans le cadre de la constitution canadienne. Je pense qu'on est tous d'accord sur cet aspect. Ce sur quoi aussi il me parait évident que nous sommes d'accord — et si nous ne le sommes pas nous devrons l'être dans le plus bref délai — c'est que l'article 1 dit que le français est la langue officielle au Québec, L'autre point sur lequel nous sommes d'accord est que nous devons, à l'intérieur de cette loi, reconnaître qu'il existe des droits ou des privilèges de la minorité qu'il nous fait protéger.

Je pense qu'on est tous passablement d'accord sur cette question, ou sur ces questions. J'ai mal compris la position du député de Saint-Jacques, cet après-midi, lorsqu'il a laissé entendre très clairement, très nettement que, si l'amendement du chef de l'Opposition était rejeté, l'Opposition organiserait une sorte de "filibustering" qui pourrait mener les travaux de la commission très tard. Je pense qu'un argument comme celui-là — à ce moment-ci je respecte, bien sûr, les opinions du député de Saint-Jacques, c'est son droit de les émettre — n'a pas de poids. Un argument comme celui-là ne pèse pas. Un argument comme celui-là ne s'inspire pas du rationalisme. Si les membres de l'Opposition ont des points de vue à faire valoir, il me semble qu'il est possible de les faire valoir sans menacer, sans tenter d'influencer les membres de la commission par une menace de prolonger presque indéfiniment les travaux de la commission. Il y a des moyens, je pense, d'arguments qui sont beaucoup plus forts que ceux-là pour tenter de faire comprendre à ceux qui sont membres de la commission les points de vue de l'Opposition. C'est normal que l'Opposition n'ait pas les mêmes idées que le gouvernement. C'est tout à fait normal, c'est tout à fait logique qu'elle n'ait pas les mêmes idées. Mais le gouvernement croit que cette loi que nous présentons rend le français langue officielle au Québec et il croit qu'une loi comme celle-là aura pour fonction, et elle a aussi pour fonction dans son essence, de promouvoir la langue française au Québec et de protéger la langue française au Québec.

Le député de Maisonneuve disait aussi: Une question qu'on devrait se poser c'est celle-là, c'est la suivante que lui-même a posée: Est-ce l'anglais qui est en danger au Québec? C'est le français. C'est vrai. C'est tellement vrai que c'est pour cela que le gouvernement a apporté une loi. C'est pour cela que le gouvernement déclare, dans l'article 1, que le français sera la langue officielle au Québec. Nous en sommes conscients, personnellement je suis conscient de cela. La langue anglaise en Amérique du Nord n'est pas menacée, elle est loin d'être menacée, elle est supportée en entier par près de 200 millions d'anglophones en Amérique du Nord. Ce n'est pas un problème pour la survie de la langue anglaise en Amérique du Nord. Cela en est un, bien sûr, pour la survie de la langue française et des correctifs doivent être apportés. La loi que nous présentons en apporte.

Alors, je crois, M. le Président, que...

M. MORIN: C'est loin d'être suffisant, c'est cela que nous voulons dire.

M. TOUPIN: Oui, mais écoutez, il est possible que dans votre esprit ils soient insuffisants. Il est possible aussi qu'à l'expérience nous nous rendions compte que certains aspects de la loi sont insuffisants. Il est même possible qu'au

cours des discussions article par article — parce que mes propos portent surtout sur l'article 1 et sur l'amendement que vous proposez — dans les autres articles des amendements soient proposés. D'ailleurs le ministre de l'Education lui-même en a déposé et probablement que l'Opposition en aura aussi à déposer, je le présume, je ne sais pas. A la lumière de l'expérience, si cette loi s'avère vraiment non conforme aux objectifs poursuivis, un gouvernement le moindrement sérieux, le moindrement responsable n'hésitera pas à apporter les correctifs qu'il faut, parce qu'autrement il n'est pas conscient des gestes qu'il pose. Il n'est pas conséquent avec lui-même. Je ne vois pas d'inconvénient à ce qu'on traite le gouvernement d'hypocrite, de traître, etc. Chacun a le droit de tenir les propos qu'il veut, mais personnellement, en appuyant l'article 1 tel que rédigé, je n'ai nettement pas l'impression d'être un hypocrite et je n'ai nettement pas l'impression d'être un traître. Au contraire, j'ai fortement l'impression d'être un élément québécois placé dans un gouvernement qui cherche à promouvoir la langue de la majorité qui est la mienne et que je vais toujours sauvegarder, et je vais toujours travailler pour sauvegarder la langue française. Il n'y a pas de doute dans mon esprit là-dessus.

Il est possible que nous ayons, par exemple, des conceptions différentes pour protéger le français au Québec et en Amérique du Nord, mais il est évident, il est clair dans mon esprit que cette loi fait exactement le travail que nous cherchons à faire pour protéger la langue française.

Tous les articles, tout au moins, en traitent, bien sûr. Le ministre de l'Education l'a dit, je suis d'accord avec lui. La langue anglaise est ramenée jusqu'à un certain point, à titre de langue seconde. L'article 1 le dit clairement. Partout, nous retrouverons la priorité qu'on veut donner au français. On le verra, article par article, bien sûr, mais c'est l'idée que je m'en fais. Remarquez bien que je n'invoque pas les questions constitutionnelles parce que je ne m'y connais que très peu, surtout dans la question linguistique, et je n'ai pas l'intention non plus d'argumenter sur cette question, avec le député de Sauvé, chef de l'Opposition, qui est un spécialiste reconnu. Donc, je m'en suis tenu aux questions de gros bon sens et j'ai l'impression de connaître, peut-être pas tous les Québécois mais j'ai l'impression de connaître suffisamment les Québécois pour dire que ces derniers, où qu'ils soient, sont capables de trouver dans cette loi, notamment à l'article 1, que leur langue est maintenant la langue officielle au Québec.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne) : Le député de Sainte-Anne.

M. SPRINGATE: M. le Président, le député de Saint-Jacques et moi avons participé à plusieurs programmes de radio et de télévision concernant justement la loi 22. Il lisait un article et il tirait ses propres conclusions; moi-même, je lisais exactement le même article et je tirais d'autres conclusions. Mais je crois que l'article no 1, est assez clair, très clair même: "Le français est la langue officielle du Québec". Mais comme le français n'est pas ma langue maternelle, je vais le lire en anglais: "French is the official language of the province of Quebec". It is clear. Although many words have been said that English now has a secondary role, that English now is protected, if you wish, in other articles of this bill, I see nowhere... In article number 1, if French is the official language of the province of Quebec, in my estimation, the way I read the article, it becomes the only, the sole, the unique official language of the province of Quebec and English is relegated to who knows what status.

DES VOIX: On ne comprend pas.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne) : Permettez-moi de rappeler qu'à l'Assemblée nationale chacun peut s'exprimer dans la langue de son choix. Je vous prierais de respecter... Pour votre information, les députés du Parti québécois s'expriment assez régulièrement également en anglais, lorsque c'est requis.

M. LEGER: M. le Président, j'invoque le règlement. Je pensais que le député de Roberval, quand il entendait des citations en anglais de la part du Parti québécois, avait un certain sens de l'humour. Je vois qu'il ne l'a pas.

M CHARRON: M. le Président, puis-je clarifier...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne) : Je pense que c'est normal de dire ce que je viens de dire là...

M. CHARRON: ... que nous n'avons aucune objection à ce qu'un député de langue anglaise s'exprime dans sa langue.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne) : C'est ce que je viens de dire également.

M. VEILLEUX: M. le Président, sur la question de règlement, je tiens ici à mentionner que, dans le projet du Parti québécois, il est dit textuellement ceci: "Pour les débats parlementaires, procès-verbaux et autres documents à l'Assemblée nationale seront rédigés et publiés en français; toutefois, un député pourra utiliser la langue anglaise dans les débats puisque cela ne touche en rien la langue de l'Etat".

M BURNS: M. le Président, pour que ce soit bien clair à l'endroit...

M. VEILLEUX: ... Parti québécois aussi...

M. BURNS: ... du député de Sainte-Anne, je veux répéter également — ça vaut la peine de le répéter — ce que le député de Saint-Jacques vient de dire: nous n'avons aucune objection à ce que le député de Sainte-Anne s'exprime dans sa langue maternelle, c'est-à-dire l'anglais. On vous écoute, le député de Sainte-Anne.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Sainte-Anne.

M. SPRINGATE: M. le Président, je pourrais continuer en français très facilement mais il ne faut jamais oublier que moi-même je suis un Anglais, pas un anglophone. Parce que quand je vous parle en Anglais, je suis un anglophone; quand je vous parle en français, d'après le dictionnaire, je suis un francophone. Comme ça, je ne sais pas quelle sorte de "phone" je suis.

UNE VOIX: On a du "fun", en tout cas.

M. SPRINGATE: Peut-être que la semaine prochaine, je serai un saxophone, je ne sais pas. Il ne faut pas oublier aussi qu'il y a presque un million, si ce n'est pas plus, d'Anglais qui demeurent, qui s'enrichissent, qui travaillent, qui payent des taxes dans la province de Québec.

Et je ne me gênerai pas de parler leur langue et ma langue. M. le Président, je dois vous le dire ici, devant tout le monde: Si tout le monde est fier d'être canadien-français, moi, je suis anglais et je suis fier d'être anglais, parce que je ne serai jamais capable de devenir un Canadien français. Je dois dire à tout le monde que je suis un Québécois aussi. Je suis venu au monde au Québec, j'ai toujours vécu au Québec et je me considère comme un Québécois. Parce que mon nom est Springate, cela ne veut pas dire que je ne suis pas un Québécois.

M. MORIN: Très bien.

M. SPRINGATE: Oui, je vous parle dans votre langue maternelle, and maybe also you have enough brains to understand me in English when I speak in my language.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Jusqu'ici, cela a été très bien dans l'assistance. Je demanderais à nouveau votre étroite collaboration, en respectant un droit que tout le monde reconnaît, le droit essentiel qu'un député puisse s'exprimer dans la langue de son choix.

M. SPRINGATE: Mr Speaker, when I read article 1, I think it is emphatically clear that French is the sole or the unique official language of this province. I do not happen to agree with that particular position. I happen to agree with the answers or the responses that a survey conducted by Le Devoir, Le Soleil and The Gazette showed, that only 15.5 p.c. of the population of Quebec or those who responded — I should make it emphatically clear — to this particular survey, wanted French as the only, la seule langue officielle de la province de Québec. 40.5 p.c. desired to see French as the official language and English as the second language. I do not see that anywhere in article number 1. My option, the option that I believe in, and the option that in my estimation will continue to make Quebec a bilingual province, is that 42 p.c. of those who replied believed that both French and English should be the official languages of the province of Quebec. That is nowhere to be seen in article 1 and if we go to the speech that was presented by the minister of Education on Friday in the House, he says quite clear that bilinguism is out in the province of Quebec.

I do not happen to agree, as I stated previously, with article 1. I would like to see it says: "Le français et l'anglais sont les deux langues officielles de la province de Québec", avec M. le Président, une autre phrase qui donnerait la prééminence au français pour suivre, si vous voulez le premier paragraphe du préambule du bill 22.

But it is nowhere to be found in Bill 22, in article number 1. And although I am not a member of this commission, therefore I cannot bring in an amendment or a sub-amendment or any amendments, I must state for the people that I represent, and I represent a county and the English-speaking community. I would like to see in the Bill, as they would like to see in the Bill, that French and English be the two official languages of this province. Thank you, Mr President.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que d'autres membres de la commission ou d'autres députés veulent s'exprimer sur l'amendement de l'honorable chef de l'Opposition officielle?

M. HARDY: M. le Président, très brièvement...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre des Affaires culturelles.

M. HARDY: ... je voudrais dire que l'amendement proposé par le député de Sauvé est vraiment de cette sorte d'amendements inutiles, totalement inutiles et les phrases, les phrases et les discours qui ont accompagnés le dépôt de cet amendement sont de la même catégorie.

M. le Président, à moins que les phrases, à moins que les mots n'aient pas pour nos amis du Parti québécois le même sens qu'ils ont pour l'ensemble des parlant français, je ne vois pas ce que vient faire l'épithète "seule".

Quand on dit la langue, il me semble que ce mot "la" a une signification d'unicité qui est, sinon plus forte que l'épithète "seule", au moins aussi forte. D'ailleurs, dans le langage courant, quand on dit "la", ceci implique

vraiment le caractère d'unicité. Quand on dit la langue française — à moins que le texte, et je ne vois pas comment dans une même loi on pourrait parler d'une autre langue — ce mot occupe tout l'espace. C'est une affirmation absolument catégorique. Quand on vient, en même temps, dire que ce n'est pas assez fort, que même en proclamant que la langue française est la langue officielle au Québec, cela laisse sous-entendre qu'il peut y en avoir d'autres, M. le Président, je considère que c'est un moyen fallacieux pour tenter de se créer une certaine originalité.

M. le Président, oui, je réponds... Règlement!

Voyez-vous comme c'est tentant, M. le Président, quand on a l'habitude de communiquer facilement avec la population.

M. BURNS: Qu'il est farceur!

M. HARDY: Le député de Maisonneuve ne m'a jamais vu dans mon comté.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Pendant une heure et demie, cela a été très bien dans l'assistance.

M. BURNS: J'ai presque été élevé avec vous, je vous connais.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!

A l'ordre, s'il vous plaît!

Le député de Saguenay.

Je pense que tout le monde était conscient que cela allait très bien avec nos visiteurs jusqu'à il y a quelques minutes. Je profite tout simplement de l'occasion — il faut chaud, je vous comprends — pour vous rappeler que, malheureusement, le droit de parole est exclusivement accordé à ceux qui sont de ce côté-ci de la table.

Je vais profiter de la circonstance pour vous dire que nous avons ouvert une autre salle, la salle qu'on appelle 81...

M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement. Vous non plus vous n'avez pas le droit de parler directement. Il faut que vous parliez aux membres de la commission.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je m'adresse... Non, mais c'est parce que dans la salle 81, qui se trouve au rez-de-chaussée, il y a l'air conditionné et on entend tout, c'est radiodiffusé directement dans la salle 81. S'il y en a parfois qui voulaient avoir de l'air frais, on pourrait les remplacer par d'autres qui voudraient monter ici, parce que les personnes qui sont là aimeraient bien venir faire un tour aussi. Aussitôt qu'il y aura des places de disponibles, nous ferons en sorte qu'elles montent ici nous retrouver.

Quant au président, nous attendons son appel de Montréal, nous n'avons pas été encore capable d'entrer en communication.

M. HARDY: Après ces informations, je dis, M. le Président, que je voterai contre l'amendement du chef du Parti québécois, parce qu'il est totalement inutile. Je ne vois pas pourquoi, ici au Québec, on devrait à ce point se singulariser. On entend constamment nos amis du Parti québécois nous dire qu'il faudrait que nous soyons un peuple normal, une collectivité normale; j'en suis, sauf que je n'ai pas leur complexe d'infériorité. Je trouve que nous sommes normaux. Précisément parce que je considère que nous sommes normaux, parce que je considère que nous sommes une nation normale, je considère que nous devons légiférer dans ce domaine comme une nation normale.

Or, quand on regarde les législations de tous les pays du monde où il y a une loi linguistique, on ne retrouve pas cette expression "la seule langue"; on dit: La langue, telle langue est la langue officielle.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je pense que la collaboration qu'on nous avait promise, on ne l'a plus. Je la demande une dernière fois. Je pensais qu'on s'était bien compris au départ. Vous pouvez rire quand c'est drôle, comme on a dit cet après-midi, mais s'il vous plaît n'entamez pas un dialogue; sans cela, cela ne marchera pas.

M. HARDY: M. le Président, même l'exemple que le député de Saguenay a voulu nous donner cet après-midi, l'exemple du Manitoba, infirme la prétention du Parti québécois et confirme ce que je dis en ce moment.

M. MORIN: Racontez-nous cela!

M. HARDY: C'est très simple, c'est que pour le Parti québécois — et d'ailleurs cela va pas mal dans l'idée du débat qu'ils tiennent présentement — pour les membres du Parti québécois, la forme l'emporte sur le fond. Ils sont tellement imprégnés de cette pensée ou de cette façon d'agir qu'en apercevant la loi du Manitoba, ils se sont immédiatement lancés sur la forme sans même tenir compte du fond. Se limitant uniquement à la forme, ils ont pris l'article 1 de la loi du Manitoba et ils l'ont comparé à l'article 1 du projet de loi 22. Ce sont deux articles 1. Ce que vous avez oublié de voir, c'est que le contenu est totalement différent. L'article 1 du projet de loi 22, le contenu de l'article 1 du projet de loi 22 se retrouve dans le titre de la loi du Manitoba.

M. LESSARD: Regardez votre titre.

M. HARDY: M. le Président, il me semble que je n'insulte personne, j'essaie d'exprimer ce que je pense. Bien sûr que les gens qui siègent à votre gauche ne sont pas d'accord.

M. MORIN: Oui, mais vous ne savez pas lire.

M. HARDY: Oui, M. le Président, c'est sûr que je n'arriverai jamais à la cheville de la valeur intellectuelle, de la science et du savoir du député de Sauvé.

M. MORIN: Non, il suffit de connaître...

M. HARDY: Non, il a lu et reconnu tout cela d'avance.

M.MORIN: ... l'alphabet, seulement l'alphabet.

M, HARDY: Je sais d'avance depuis longtemps, depuis que je vous observe, que vous avez le monopole de la vérité, de la vertu, de la pureté, etc.

M. MORIN: Oh non!

M. HARDY: II arrive, par exemple, qu'il y a 70 p.c. de la population du Québec qui ne vous croit pas quand vous dites que vous avez le monopole de tout. Alors, revenant au contenu, et je vous ferai remarquer que si j'ai fait cette incartade, si j'ai fait cette parenthèse...

M. CHARRON; Ecartade.

M. HARDY: ... c'est à l'invitation. Pardon?

M. CHARRON: Ecartade.

M. HARDY: C'est à l'invitation...

M. CHARRON: Cet écartillage.

M. HARDY: ... c'est à la suite de la provocation des députés qui siègent à votre gauche. Je reviens à la loi du Manitoba et je dis que l'article 1 du projet de loi 22 est identique, non pas à l'article 1 du projet de loi du Manitoba...

M MORIN: Ah non.

M. HARDY: ... mais au titre. Dans son titre, c'est cela. De l'autre côté, on compare la forme; de ce côté-ci, on compare le fond, lorsqu'on parle de contenu.

M. CHARRON: II est creux, le fond.

M. HARDY: Dans la loi du Manitoba, il est bien dit: Une loi instaurant la langue anglaise, langue officielle; pas la seule, la langue officielle.

M. MORIN: Continuez de lire.

M.HARDY: A l'article 1, quand on met "only", quand on utilise le mot "only", c'est comme dans l'article 6 de notre projet de loi. Quand on vient exprimer la modalité de ce principe, de cette règle, de même que dans le projet de loi 22, la règle, le principe, c'est que le français est la langue officielle. Dans la loi du Manitoba, le principe, la règle générale, c'est que l'anglais est la langue officielle. Dans le projet de loi 22, il y a un certain nombre d'articles qui viennent préciser les modalités d'application de la langue officielle. Comme dans la loi du Manitoba, dès l'article 1, on vient préciser les modalités d'application. C'est là, à l'article 1, que l'on dit que les débats, que les documents seront seulement dans la seule langue anglaise. C'est la modalité.

M. LESSARD: Dans la seule langue anglaise.

M. HARDY: Mais quand on affirme, comme à l'article 6, que doivent être rédigés en français les textes, les documents officiels, c'est cela.

M. LESSARD: Lisez donc l'article 8, maintenant.

M. HARDY: M. le Président, le pendant...

M. LESSARD: Lisez donc l'article 8, maintenant.

M. HARDY: M. le Président, je dis que le pendant de l'article 1 dans le texte législatif du Manitoba, le pendant de l'article 6 de notre loi, dans la loi du Manitoba, c'est l'article 1. C'est là que les contenus se comparent. Le seul moment où le législateur du Manitoba vient employer le mot "seul" ou le mot "only", c'est pour préciser que c'est dans le cas de l'impression de documents ou l'utilisation d'une langue.

M.LESSARD: Est-ce que le ministre me permettrait une question?

M. HARDY: Mais quand le législateur... Bien sûr que je vous permets de...

M. LESSARD; Une question. Pourriez-vous m'indiquer combien il y a d'exceptions dans les projets de loi du Manitoba?

M. HARDY: M. le Président, si je répondais à votre question...

M.LESSARD: Combien y a-t-il d'exceptions?

M. HARDY: Dans quoi?

M. LESSARD: Dans le projet de loi du Manitoba? Combien y a-t-il d'exceptions telles que prévues à l'article 8 par exemple et aux 129 autres articles? Combien y a-t-il d'exceptions à cette règle prévue à l'article 1 de la loi du Manitoba?

M. HARDY: M. le Président, je ne compare pas la totalité de la loi 22 avec la totalité de la

loi du Manitoba. Je compare ce que vous avez vous-mêmes souligné et je me réfère à votre lit. Vous avez fait votre lit...

M. LESSARD: Oui.

M. HARDY: ... en prétendant que, lorsque le Manitoba affirme sa langue officielle, il dit que c'est la seule langue officielle. Je vous dis non.

M. LESSARD: Combien y a-t-il d'exceptions?

M. HARDY: Je vous dis, M. le Président, que, quand le Manitoba proclame sa langue officielle, il fait exactement ce que le législateur québécois propose de faire. Il dit: La langue anglaise est la langue officielle.

M. LESSARD: On s'en reparlera. M. MORIN: Lisez l'article 1.

M. HARDY: Si c'est si faible que cela, mes arguments...

M. MORIN: Lisez-le.

M. HARDY: ... si c'est si pauvre que cela... M. MORIN: Oui, c'est très pauvre.

M. HARDY: ... vous le direz tantôt. M. MORIN: Oui.

M. HARDY: Vous avez bien l'air nerveux?

M. MORIN: Non. Je voudrais que vous lisiez l'article 1.

M. HARDY: Je vais lire ce que j'ai besoin de lire...

M. MORIN: J'ai l'air nerveux?

M. HARDY: M. le Président, je n'ai pas besoin de tuteur, comme député membre de cette commission, et si jamais je reconnaissais avoir besoin d'un tuteur, veuillez me croire, ce n'est pas le député de Sauvé que je prendrais.

M. MORIN: C'est mutuel et réciproque, mais lisez donc l'article 1.

M. LESSARD: II aurait un très bon tuteur.

M. HARDY: Si vous écoutiez, au lieu de vous laisser enivrer par vos phrases.

M.MORIN: Lisez!

M. HARDY: Si vous écoutiez ce que je dis, cela fait au moins cinq minutes que je tente de vous démontrer que le contenu de l'article 1 de la loi 22 ne se compare d'aucune façon avec le contenu de l'article 1 de la loi du Manitoba.

M. MORIN: Ah non?

M. HARDY: Le contenu de l'article 1 de la loi du Manitoba se compare mutatis mutandis...

M. MORIN: Et "habeas corpus" aussi, pendant que vous y êtes.

M. HARDY: ... avec l'article 6 de la loi 22. Je répète, M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre ! A l'ordre, s'il vous plaît !

Je pense que jusqu'ici tous ceux qui ont voulu intervenir sur la motion d'amendement ont pu le faire sans aucune interruption.

M. LESSARD: Ce n'est pas contre le ministre des Affaires culturelles; je suis contre les mensonges.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Tout à l'heure...

M. LESSARD: Que le ministre des Affaires culturelles nous lise aussi l'article 6...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): S'il veut le lire, il le lira.

M. LESSARD: ... et l'article 8.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): S'il ne veut pas le lire, il ne le lira pas.

M. LESSARD: Que le ministre des Affaires culturelles nous dise combien il y a d'exceptions.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! Voulez-vous me demander au moins la parole?

M. HARDY: M. le Président, quand le temps sera arrivé, — si vous cessez de faire vos "spara-ges", — d'étudier la loi, article par article, on en traitera, du fond de l'article 6; on traitera du fond de l'article 8, mais chaque chose en son temps. D'une part, M. le Président, les membres du Parti québécois veulent absolument empêcher que l'on ne progresse et, dans un même mouvement, quelques secondes ou quelques minutes après, ils voudraient qu'on saute trois, quatre, cinq articles.

M. LESSARD: C'est du patinage de ministre.

M. HARDY: On est à l'article 1, pour le moment.

M. LESSARD: C'est du patinage de ministre. On a déjà eu du patinage de député, mais cela, c'est du patinage de ministre.

M. HARDY: M. le Président, nous sommes à l'article 1. Nous allons étudier l'article 1. Je

soumets que, lorsque le Manitoba, comme tous les pays qui ont des lois dans le domaine linguistique ou tous les pays qui ont proclamé une langue comme langue officielle, n'ont pas dit : Une seule langue.

M. LESSARD: Ils n'ont pas mis 130 articles, cependant.

M. HARDY: Le Manitoba a dit que l'anglais était la langue officielle, comme le Québec dit que le français est la langue officielle, comme tous les pays qui proclament une langue disent que c'est une langue officielle, sans mettre tout une série de si, de seul et toutes sortes d'épithètes inutiles.

M. LESSARD: De néanmoins...

M. BURNS: De mais, de cependant, de toutefois.

M. LESSARD: C'est cela, des épithètes inutiles, néanmoins, cependant.

M. HARDY: M. le Président, je pourrais allonger mon intervention...

M. LESSARD: Nous autres aussi...

M. HARDY: ... et démontrer...

M. BERTHIAUME: Cela, on le sait.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): J'inviterais le député de Saguenay à laisser le ministre terminer. Je pense que le but, ce n'est pas de faire rire le monde ici.

M. HARDY: Je comprends, M. le Président, que cela apporte une certaine satisfaction à ceux qui siègent à votre gauche d'entendre des rires, des approbations. Je comprends. C'est humain.

M. LESSARD: Vous êtes habitués à cela, à l'Assemblée nationale.

M. HARDY: C'est humain.

M. VEILLEUX: Question de règlement.

M. MORIN: Ce qui nous satisfait davantage, c'est la pauvreté de votre intervention.

M. VEILLEUX: M. le Président, question de règlement. Je m'excuse auprès...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je suspends pour un quart d'heure.

UNE VOIX: Merci, M. le Président. (Suspension de la séance à 21 h 45)

Reprise de la séance à 22 heures

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre ! Si vous voulez regagner vos sièges, s'il vous plaît.

Avant de recommencer, je pense que ces quelques minutes ont permis à chacun de nous de se délier quelque peu les jambes et la langue et j'espère que, d'ici la fin de la séance, tout se passera dans l'ordre.

Au moment où j'ai suspendu les travaux, plusieurs personnes, notamment le député de Saint-Jean, m'avaient demandé la parole en même temps, et je ne voudrais pas commettre d'impair. Mais je crois que le ministre des Affaires culturelles n'avait pas terminé.

M. HARDY: J'ai une phrase ou deux encore.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Une phrase ou deux.

M. HARDY: Je disais donc que l'amendement du chef de l'Opposition n'apporterait aucun effet supplémentaire à la loi, n'agrandirait pas ses conséquences juridiques. D'autre part, il aurait pour conséquence, sur le plan de la littérature juridique, d'affaiblir notre loi, de la singulariser, et pas d'une façon heureuse, parce que les lois semblables n'utilisent pas ces termes. Puisque le député de Saguenay voulait absolument — et je termine là-dessus — que l'on se serve de la loi du Manitoba à titre de modèle, je lui rappellerai, en même temps qu'aux membres de la commission, que contrairement à la loi 22 la loi de la langue officielle du Manitoba, à l'article 2, circonscrit largement le champ d'application de cette loi. Mais il n'y a aucun article dans la loi 22 qui circonscrit le champ d'application de la langue française comme langue officielle.

M. LESSARD: Article 96, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Saguenay.

M. LESSARD: En vertu de l'article 96, je voudrais simplement demander au ministre des Affaires culturelles, étant donné qu'il n'a pas utilisé ses 20 minutes, s'il me permettrait d'utiliser le reste du temps pour lui répondre.

M. HARDY: Non, parce que, devant l'opinion publique, je serais probablement tenu pour responsable des hérésies et des faussetés que le député proclamerait.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Saint-Jean.

M. LESSARD: On en a eu des hérésies.

M. VEILLEUX: Je me suis senti malheureux, tout à l'heure, lorsque vous avez suspendu

momentanément la commission parce qu'il y a quelques jours je soulevais une question de règlement et le président faisait la même chose. Ce soir, je soulève une autre question de règlement et vous avez posé exactement le même geste.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je ne vous ai pas visé.

M. VEILLEUX: Ce que je voulais dire dans ma question de règlement, ce que je voulais dire au député de Terrebonne, c'est que, lorsqu'il parlait de votre gauche, je voulais lui mentionner que nous étions deux ici de l'extrême gauche. C'est différent de la gauche directe du président.

Permettez-moi de différer quelque peu d'opinion avec mon collègue de Terrebonne sur la portée que peut avoir l'amendement du chef de l'Opposition à l'article 1 du projet de loi 22. Si la commission se prononçait favorablement à la motion du député de Sauvé, nous lirions: Le français est la seule langue officielle du Québec. Pour moi, cela reviendrait un peu à reprendre l'exemple qu'apportait le député de Saguenay avec la loi du Manitoba, qui, elle, s'applique devant les tribunaux et devant l'Assemblée législative du Manitoba et ne discute pas des autres secteurs dans lesquels est entré ou tente d'entrer le projet de loi 22.

Mais si nous acceptions, M. le Président, cet amendement, cela voudrait dire qu'on ne pourrait pas, par exemple, permettre à un député de langue anglaise de s'exprimer devant l'Assemblée nationale.

Dans mon esprit, M. le Président, cela veut dire qu'il n'y a aucun document d'information émanant du gouvernement qui pourrait être dans une langue autre que la langue française. C'est donc dire qu'on ne pourait pas dire que les documents d'informations sont rédigés en français, mais peuvent également être rédigés dans une autre langue, nécessairement la langue anglaise. On ne pourrait pas le dire, au point de vue communication et correspondance. S'il s'agit de particuliers, les communications pourraient se faire en langue anglaise aussi, ou française et anglaise.

Dans mon esprit, cela veut dire, M. le Président, que pour ce qui est des municipalités on ne pourrait pas retrouver dans le projet de loi la phrase suivante: Les documents d'information, dont les avis, seront rédigés en français, mais pourront également l'être dans une autre langue. Les conseillers pourront utiliser l'anglais dans les délibérations du conseil et les particuliers pourront faire de même dans leurs communications avec la ville.

Cela veut dire, M. le Président, qu'on ne pourrait écrire dans un projet de loi: II y a lieu d'introduire l'usage du français dans les actes officiels des commissions scolaires anglophones tout en continuant de permettre l'usage de l'anglais.

Pour moi, cela veut dire que dans les hôpitaux publics et les établissements du bien-être subventionnés, on ne pourrait dire: L'introduction de l'usage du français dans les actes officiels des institutions anglophones, tout en permettant l'usage de l'anglais. Cela veut dire, dans mon esprit, M. le Président, que pour les jugements des tribunaux, il ne pourrait y avoir de version anglaise.

Cela veut dire, dans mon esprit, M. le Président, si on dit que la seule langue officielle est le français, que les plaidoiries orales devant les tribunaux ne pourront être faites en anglais. En d'autres mots, on ne pourrait retrouver ceci, dans un projet de loi: Les plaidoiries orales pourront être faites en anglais. On ne pourrait retrouver, M. le Président, dans un projet de loi : Les avis dans les journaux devront continuer d'être publiés en anglais et en français lorsque la partie visée n'est pas de langue maternelle anglaise.

Cela veut dire, que pour aucune considération on pourrait retrouver dans l'affichage une mention d'emploi de la langue anglaise.

Dans mon esprit, cela veut dire que, dans le domaine de l'étiquetage et des modes d'emplois qu'on retrouve sur les différents produits dans nos magasins, on ne pourrait trouver l'anglais parce qu'on dirait: La seule langue officielle au Québec est le français.

On ne pourrait retrouver, dans un projet de loi concernant l'étiquetage et les modes d'emplois: II faudra également prévoir la possibilité d'exemption.

J'en passe, j'en passe.

Les exemples que je viens de reprendre, je suis persuadé qu'il y en a plusieurs, ici, dans la salle, qui disent que c'est exactement ce que dit le projet de loi 22, et c'est pour cela que le gouvernement se prononcera contre cet amendement.

Il est vrai, M. le Président, que les exemples que j'ai mentionnés se retrouvent dans le projet de loi 22. Il est vrai que dans le projet de loi 22 on retrouve beaucoup de "néanmoins", "pourra", "dans la mesure du possible".

Mais je tiens à dire aux honorables membres de cette commission parlementaire et à vous, M. le Président, pour que vous le transmettiez aux journalistes et à l'ensemble de la population, que les exemples que je vous ai donnés, je les ai trouvés dans le projet de loi sur la langue du Parti québécois.

Cela fait six semaines qu'à l'instar du chef de l'Opposition et du député de Saint-Jacques j'ai été, moi aussi, quasiment toujours présent à la commission parlementaire, sauf deux ou trois jours, et j'ai entendu de la part de l'Opposition, j'ai lu dans les journaux que dans le projet de loi no 22 on trouvait énormément de "toutefois", de "pourrait", de "néanmoins", disant que ces "toutefois", ces "pourrait", ces "néanmoins" établissent, parce que c'est le projet de loi 22, le bilinguisme au Québec. Si, intercaler dans un projet de loi des mots ou des bouts de

phrase tels que ceux que je viens de mentionner, si c'est cela établir le bilinguisme au Québec, moi je dis que le projet, de loi du Parti québécois l'établit lui aussi parce que dans le projet de loi du Parti québécois on trouve en très grand nombre ces termes, ces bouts de phrases. On retrouve dans le projet de loi du Parti québécois cette timidité dont le gouvernement, parait-il, fait montre dans le projet de loi 22. Si le gouvernement fait montre de timidité dans le projet de loi 22, le Parti québécois a été assez conscient lui-même, assez rationnel lui-même lorsqu'il l'a soumis à la population, pendant qu'on discutait ici en commission parlementaire sur le projet de loi 22, lui aussi a été assez rationnel, assez timide pour intercaler dans son projet de loi exactement les mêmes termes qu'on retrouve dans le projet de loi 22.

Dans mon esprit, si on disait que le français est la seule langue officielle du Québec, il faudrait aller jusqu'à établir au Québec un seul réseau d'enseignement. Plusieurs personnes se sont présentées, plusieurs groupes se sont présentés devant la commission parlementaire et nous ont demandé, ont demandé à tous les députés d'établir un seul réseau d'enseignement au Québec. Ces gens sont logiques avec eux-mêmes s'ils demandent en même temps d'établir comme seule langue officielle au Québec le français, parce qu'on retrouverait, même dans le réseau d'enseignement, la seule langue officielle qu'est le français. Le gouvernement du Québec, par son projet de loi no 22, reconnaît un réseau d'enseignement aux Québécois qui parlent l'anglais.

Je tiens à vous dire, M. le Président, c'est peut-être une découverte pour vous ce soir, mais même le Parti québécois reconnaît lui aussi, dans le projet de loi, un réseau pour les gens qui s'expriment en anglais. Tant et aussi longtemps qu'un gouvernement ou qu'un parti politique veut continuer à reconnaître à l'individu qui s'exprime en anglais des droits individuels, on ne peut pas dire ou décréter que le français est la seule langue officielle du Québec.

Si on veut, et je le dis en toute honnêteté, donner au Québec ce caractère unique de français, le gouvernement se doit de décréter dans tous les secteurs d'activité au Québec l'unilinguisme français, parce qu'il décrète ou intercale dans son article: Seule langue officielle au Québec. Mais si le gouvernement, au premier article de son projet de loi, dit: Le français est la langue officielle, je dis qu'à ce moment-là, le gouvernement, sans être contredit par quoi que ce soit, établit, hors de tout doute, la priorité du français au Québec.

Moi, M. le Présidnet, quand je me suis prononcé sur le principe qu'on retrouve dans le projet de loi, c'est ça que j'ai trouvé. Sincèrement, si on veut être conséquent avec ce principe sur lequel l'Assemblée nationale s'est prononcé, à savoir la priorité au français au Québec, on doit retrouver, dans tous les secteurs d'activités au Québec, d'abord le français mais en respectant les droits individuels de la minorité. Le gouvernement respectera ces droits individuels en intercalant, malheureusement pour quelques-uns, en intercalant des "toutefois", des "néanmoins" et des "pourra". Il n'y a aucun gouvernement, même hypothétiquement du Parti québécois, parce que, même dans le projet de loi des langues du Parti québécois, on s'est rendu compte qu'on ne pouvait pas enlever ces droits individuels à la minorité, pour ne pas les enlever de fait, je dis qu'on ne peut pas accepter l'amendement du député de Sauvé.

J'ai été énormément surpris, lorsque nous avons commencé, lorsque le ministre a fait sa proposition d'accepter l'article 1, d'entrendre le chef de l'Opposition faire cet amendement. En relisant ce projet de loi du Parti québécois, j'y ai trouvé cette contradiction flagrante. Et je dis qu'écrire à l'article 1 : Le français est la seule langue officielle du Québec, c'est jeter de la poudre aux yeux de la population parce que, dans les faits, dans le projet de loi comme tel, on ne concrétise pas cette unicité qu'on veut établir à l'article 1. Je représente — je profite de l'occasion pour le dire — un comté où on retrouve, en très grande majorité, 92 p.c. de francophones ou des gens qui s'expriment en français ou des immigrés italiens qui se sont assimilés à la majorité francophone.

J'ai eu l'occasion de rencontrer plusieurs groupes de mon comté et le dernier a justement été la communauté italienne de Saint-Jean. Quand je leur ai expliqué que ma position était d'accepter comme principe la priorité du français au Québec, tout en conservant les droits de la minorité anglophone, je peux vous dire que, chez les gens que j'ai rencontrés, je n'ai pas vu de gens s'opposer à ce principe. J'ai rencontré cependant des gens qui trouvaient que, dans les modalités d'application du projet de loi, il pouvait y avoir confusion dans l'application de ce principe. Le ministre a déposé hier des amendements. Il a déposé les principes directeurs de la réglementation.

Lorsque nous discuterons ce projet de loi article par article, lorsque nous pourrons prendre l'article 2 et les suivants, nous pourrons, comme représentants d'un comté, et moi comme représentant du comté de Saint-Jean, suggérer au ministre des amendements. Je ne crois pas qu'à ce moment-là ce soit être contre le ministre ou être contre le principe du projet de loi que je vous ai mentionné. C'est ma position, M. le Président. Si agir de cette façon, si refuser d'accepter, ce soir, le qualificatif "seule" avant le mot "langue", c'est être un traître, c'est être un vendu, c'est être un veule, M. le Président, à la fin de la soirée, je le serai, parce que je n'accepterai pas, et la population du comté n'acceptera pas qu'on décrète cela. En effet, si on intercale le mot "seule", je dis que, si on veut être conséquents avec nous-mêmes, il faudra, concrètement dans tous les autres articles, enlever toutes les protections individuelles, qu'on peut donner à la minorité anglophone.

En terminant, M. le Président, je dirai aux représentants élus du Parti québécois de retourner en assemblée générale ou en congrès annuel et de dire aux gens : Nous, nous sommes pour le français la seule langue officielle; alors, changeons le reste de notre projet de loi, transformons-le pour décréter, à ce moment-là, l'unilin-guisme français, ce que personnellement, M. le Président, je ne souhaite pas et ce que, très majoritairement, la population du comté de Saint-Jean ne souhaite pas. Merci.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Laporte.

M. LESSARD: Enfin.

M. DEOM: Rassurez-vous, mon intervention ne sera pas longue, messieurs du Parti québécois.

UNE VOIX: Au contraire, on la veut longue.

M. LESSARD: Lazare qui revient d'outre-tombe.

M. DEOM: Si je la fais, je me réserverai surtout pour la partie concernant la langue de travail et la langue des affaires qui me parait de beaucoup plus importante que de discuter sur le fait d'ajouter le qualificatif "seule" à l'article 1 du projet de loi. C'est uniquement dans la mesure où les programmes de francisation seront adoptés et mis en vigueur que l'article 1 prendra son véritable sens.

D'ailleurs, ce fait a été mentionné à plusieurs reprises, M. le Président, par les membres de l'Opposition, quand ils nous démontraient la dimension économique de la langue officielle. Mais je voudrais faire un certain nombre de constatations parce que le député de Saguenay a fait tantôt des affirmations qui me paraissent pour le moins erronées.

Tout au cours des auditions en commission parlementaire, nous avons et le chef de l'Opposition a aussi utilisé ces deux exemples à satiété, celui de la Belgique et de la Suisse. Même si toute comparaison serait difficile, l'exemple belge me paraît celui auquel on peut le plus facilement se comparer.

Même si je ne suis pas juriste, il me paraît que, dans la rédaction d'une loi aussi importante que la Loi sur la langue officielle, on doit faire appel à un certain nombre d'exemples ou de précédents qui ont été fixés à travers le monde. Comme le ministre des Affaires culturelles l'a mentionné, à ma connaissance, il n'y a pas une constitution au monde qui utilise le terme "seule".

Je voudrais, pour le bénéfice du député de Saguenay — j'espère qu'il m'écoute — vous citer l'article 23 de la constitution belge qui dit...

M. LESSARD: J'écoute.

M. DEOM: "L'emploi des langues usitées en Belgique est facultatif. Il ne peut être réglé que par la loi et seulement pour les actes de l'autorité publique et pour les affaires judiciaires."

La dernière loi linguistique, M. le chef de l'Opposition, qui date du 2 août 1963, dit...

M. LESSARD: Ils ne s'entendent pas trop, non plus.

M. DEOM: Oui, cela va très bien. Vous n'êtes pas allé en Belgique depuis longtemps, mais vous y allez, je pense...

M. LESSARD: Les Wallons et les Flamands.

M. DEOM: ... aux frais de l'Assemblée nationale. Vous pourrez constater de visu. Non, vous n'y allez pas? L'article 2 de la loi du 2 août 1963...

M. LESSARD: M. le Président, question de privilège.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je n'accorde pas de question de privilège.

M. LESSARD: C'est une question de règlement. J'y vais, M. le Président, c'est vrai que j'irai prochainement.

M. DEOM: Je ne savais pas que vous...

M. LESSARD: J'y vais, en compagnie du chef parlementaire, délégué par l'Assemblée nationale en compagnie de six autres libéraux...

M. DEOM: Deux personnes?

M. LESSARD: ... à l'Association internationale des parlementaires de langue française.

M. DEOM: Si je ne m'abuse, cela fait 33 p.c. de l'Opposition alors que le Parti ministériel envoie uniquement 5 p.c.

M. LESSARD: M. le Président...

M. BEDARD (Chicoutimi): Vous en avez une cinquantaine qui sont en vacances à l'année.

M. DEOM: Venez-nous dire après cela qu'on n'est pas en démocratie.

M. LESSARD: Combien de députés libéraux payons-nous actuellement qui sont tout simplement en vacances?

M. DEOM: Je continue, M. le Président, si vous me le permettez.

Ils ne sont pas en vacances, monsieur.

M. BEDARD (Chicoutimi): Ils font du patronage dans leur comté.

M. DEOM: Ils sont en activités officielles. M. LEGER: ... déclaration assermentée.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Laporte.

M. DEOM: Je termine, M. le Président, en citant —M. le chef de l'Opposition, ouvrez vos oreilles toutes grandes — l'article 2 de la loi du 2 août 1963, qui réglait la question linguistique belge. Il s'énonce comme suit, et je cite de mémoire :

M. MORIN: Ce n'est pas le seul article pertinent.

M. DEOM: Non, il y en a plus de 130 même.

M. MORIN: Mais oui.

M. DEOM: Oui, il y en a plus de 130.

M. MORIN: II faudra les lire.

M. DEOM: Je les ai tous lus. On dit, à l'article 2: Le pays est divisé en quatre régions linguistiques: une région de langue française, une région de langue néerlandaise, une région de langue allemande et Bruxelles, capitale.

Je constate, M. le Président, que cette loi qui a mis fin — pour autant que je suis concerné et de l'avis même de la plupart des observateurs belges — à ce qu'on a appelé la guerre des Belges n'utilise même pas le terme langue officielle et, a fortiori, seule la langue officielle. Tout ce qu'on dit: C'est une région de langue française...

M. MORIN: Oui.

M. DEOM: ... une région de langue néerlandaise, allemande et Bruxelles, capitale.

M. MORIN: Est-ce que le député me permet une question?

M. DEOM: Non.

M. LESSARD: Quatre régions unilingues.

M. MORIN: Vous ne me permettez pas une question?

M. DEOM: Non.

M. LESSARD: Quatre régions unilingues.

M. MORIN: Je pense que vous voyez venir la question.

M. DEOM: On fera le débat après.

M. LESSARD: Quatre régions unilingues, autrement dit.

M. MORIN: Oui?

M. DEOM: Non, monsieur, c'est marqué, une région de langue française. Ce n'est pas marqué de seule langue officielle française, une région de langue française.

On retrouve la même chose dans la constitution suisse. Je pourrais évidemment élaborer plus à fond, oui, M. le chef de l'Opposition. C'est la même chose dans la constitution de la République fédérale allemande où on n'utilise jamais le mot "seul". On utilise "langue" ou "langue officielle". Merci, M. le Président.

M. MORIN: Ce n'est pas nécessaire, le problème ne se pose pas en Allemagne.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce qu'il y a d'autres membres de la commission ou d'autres députés qui veulent intervenir sur la motion d'amendement du chef de l'Opposition officielle?

M. MORIN: M. le Président, le ministre n'a pas utilisé toutes ses vingt minutes comme je l'espérais. Ses commentaires sur les constitutions étrangères étaient certainement très pertinents. Est-ce qu'il me permettrait une ou deux questions?

UNE VOIX: Cen est rendu que c'est lui qui nomme les ministres.

M. CHARRON: Le ministre des langues.

M. MORIN: Oui, le ministre des langues. Je ne veux pas insister auprès du futur ministre, mais...

M. DEOM: Ce sont de mauvaises langues, comme celle du chef de l'Opposition, qui font courir ces rumeurs.

M. MORIN: Vous ne vous en tirerez pas avec une entourloupette comme celle-là.

M. CLOUTIER: M. le Président, un point de règlement.

M. DEOM: ... au ministre de l'Education. Le ministre de l'Education est là. Il y a le ministre des...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que je procède au vote immédiatement ou s'il y a d'autres...

M. MORIN: Vous n'acceptez pas que je vous pose des questions?

M. DEOM: Non.

M. LESSARD: M. le Président, sur une

question de règlement. Le député de Laporte a affirmé que j'avais fait des affirmations erronées. Jusqu'ici, je cherche encore où j'ai fait des affirmations qui seraient fausses. Probablement que lui a fait des affirmations fausses. Est-ce qu'il nous permettrait au moins de lui poser quelques questions afin qu'il puisse argumenter sur les affirmations qu'il vient de faire?

M. DEOM: Non, je n'ai pas l'intention de commencer un débat sur l'ensemble des constitutions, parce que la discussion...

M. MORIN: Ce serait ennuyeux pour vous d'avoir à admettre qu'il y a deux régions unilingues en Belgique.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! Est-ce qu'il y en a d'autres qui veulent intervenir ou si nous procédons au vote?

M. MORIN: Cela vous embêterait. M. DEOM: Non, pas du tout.

M. CLOUTIER: Bon, alors, on vote, M. le Président.

M. MORIN: L'exemple belge est excellent.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Bon, nous procédons au vote. Vous avez droit à deux longues minutes.

M. BURNS: Je pense qu'il me restait cinq ou six minutes.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Non, deux minutes.

M. BURNS: Est-ce qu'on peut régler pour trois ou quatre minutes?

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Deux minutes étirées.

M. HARDY: D'autant plus que, strictement, il n'en resterait pas, parce que, plus tard, le député de Maisonneuve avait pris ses deux minutes.

M. BURNS: Jamais.

M. HARDY: On va vous les laisser, vos deux minutes.

M. LEGER: Sur des questions de règlement.

M. HARDY: Ce sont deux minutes à crédit que vous prenez.

M. BURNS: Non, j'ai bien dit que je me réservais ces deux minutes, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: Je veux simplement, dans ces trois ou quatre minutes, vous dire ceci, très sérieusement. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt certains députés — je ne nommerai pas le ministre de l'Agriculture; lui aussi, je l'ai écouté avec intérêt, mais il ne sert pas à mon propos, alors, je ne le citerai pas — entre autres, le ministre de l'Education, le ministre des Affaires culturelles, le député de Laporte qui vient tout juste de s'exprimer, d'une part. D'autre part, j'ai entendu le ministre des Affaires municipales et le député de Saint-Jean nous développer des thèses tout à fait différentes. Ce qui ressort de chacune des deux thèses, c'est que le premier groupe, c'est-à-dire celui à la tête duquel se trouvait le ministre de l'Education, nous disait que, dans le fond, cela ne changeait rien d'ajouter le mot "seule".

M. MORIN: Une redondance!

M. BURNS: C'était une redondance. Même le premier ministre a utilisé l'expression pendant sa courte visite, heureusement courte ce soir. On a assisté, tout simplement, à une plaidoirie en faveur du fait que la motion du chef de l'Opposition ne changeait véritablement rien. D'autre part, j'ai entendu les hauts cris du ministre des Affaires culturelles et du député de Saint-Jean qui nous disaient: Cela n'a pas de sens. Donc, je suis obligé d'en conclure qu'il y a ambiguïté dans le texte du gouvernement. Il y a une certaine ambiguité. Or, c'est quoi, le rôle d'un législateur, M. le Président? Le rôle d'un législateur, c'est d'enlever toute ambiguité dans ses législations.

Le législateur actuellement a de la chance, puisque même au sein d'un même parti, on se rend compte de deux interprétations tout à fait différentes. Est-ce qu'on ne doit pas en conscience, à ce stade, enlever l'ambiguïté qui existe, tout au moins? Si elle existe dans l'esprit d'au moins cinq députés libéraux qui se sont exprimés trois dans un sens et deux dans l'autre, je me demande comment on ne peut pas penser qu'elle existe dans la population, cette ambiguité que je qualifierais d'historique. Elle a toujours existé, cette ambiguité.

M. MORIN: Voilà le mot juste.

M. BURNS: Elle a toujours existé. On vous demande simplement, par la motion du chef de l'Opposition, de la clarifier. Vous allez me dire: Pas besoin de le dire, comme le disait le ministre des Affaires culturelles. Je dis que, si cela va sans le dire, cela va mieux en l'écrivant. C'est encore mieux, cela va être clair. Ce n'est peut-être pas cela, le proverbe, mais, en tout cas, je l'aime bien comme cela.

M. HARDY: Vous paraphrasez. Vous vous inspirez du député de Lafontaine.

M. BURNS: M. le Président, si jamais c'est cela, la conclusion qu'on devra tirer devant cette ambiguïté, ambiguïté, encore une fois, historique, ambiguïté dont beaucoup de Québécois sont conscients, Québécois francophones, comme Québécois anglophones... Si le gouvernement à ce stade, voyant l'ambiguïté, n'ose pas la clarifier, je dis que c'est comme un manque de courage qu'on devra interpréter son geste, pas d'autre façon. C'est cela, la conclusion qu'on devra tirer. Vous l'avez, l'occasion. Dites-nous que vous ne voulez pas mettre le mot "seule", parce que cela a trop de conséquences, M. le ministre, et, à ce moment, on va dire: C'est correct, on connaît le vrai visage de ce gouvernement. Mais ne venez pas nous dire que c'est du pareil au même, alors que de vos propres ministériels interprètent différemment le texte qu'on nous propose à l'article 1, alors que, depuis des années, depuis des siècles, cette ambiguïté existe chez les Québécois francophones et anglophones au Québec. Si vous n'osez pas avoir cette dernière goutte de courage, alors qu'on aborde l'article premier, premier dans beaucoup de sens; si vous n'avez pas ce courage, la population vous jugera, comme le dit souvent le premier ministre.

Je ne vous le dis pas sous forme menaçante, comme le premier ministre le dit, mais moi, je devrai personnellement, comme citoyen québécois, juger que vous n'avez pas le courage de l'effacer, cette ambiguïté.

M. HARDY: C'est rendu à cinq minutes.

M. BURNS: Nous, on vous propose une façon de le faire, à moins que vous autres, vous disiez que c'est d'une autre façon qu'il faille la clarifier en faveur du groupe, encore une fois, qui n'a pas à voir sa langue protégée, au Québec, c'est-à-dire le groupe anglais. Nous, on vous propose d'effacer cette ambiguïté pour que ce soit clair aux yeux de tout le monde. Après cela, les privilèges des anglophones, on les protégera — on vous l'a dit — dans les autres articles, au fur et à mesure qu'on les étudiera. Il n'est pas question d'enlever des choses qui sont actuellement entre les mains des anglophones. Mais il est question, par exemple, d'enlever clairement cette ambiguïté. Autrement, encore une fois, je le répète, on dira: Ce gouvernement, puisqu'il n'a pas voulu clarifier son texte, a manqué tout simplement de courage.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce qu'on procède au vote?

M. CHARRON: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne) : Le député de Saint-Jacques. M. le député de Saint-Jacques, il vous restait cinq minutes.

M. CHARRON: Bien, M. le Président.

De toute les interventions que nous avons entendues, je ne retiendrai que celle que je juge importante, M. le Président, celle du député de Sainte-Anne, Québécois de langue anglaise. Je lui dirai simplement, par votre intermédiaire, M. le Président, qu'il ne nous a pas fait la démonstration, en deuxième lecture, pas plus que dans son intervention de ce soir, des changements réels que la loi 22 amènera et des injustices, pour reprendre ses expressions, que la loi 22 amènera à un citoyen anglophone vivant au Québec.

Je me suis plu, M. le Président, à imaginer ce que sera, vivre comme citoyen anglais du comté de Sainte-Anne, et pourquoi pas du comté de Saint-Jacques, à Montréal, après la loi 22, et je n'ai trouvé aucune modification. Mais je dis quand même au député de Saint-Anne que j'ai éminemment plus de respect pour lui que pour un bon nombre de ses collègues francophones, car j'ai toujours plus de respect pour quelqu'un qui fait passer ses convictions avant une solidarité artificielle.

Quant aux "écartillages" du ministre des Affaires culturelles, M. le Président, je n'ai pas l'intention de répondre. J'ai simplement l'impression à l'entendre, que le ministre de l'Education est en train de l'entraîner dans son naufrage. Mais j'ai beaucoup plus...

M. CLOUTIER: Vous savez nager?

M. CHARRON: ... l'intention de m'attarder aux propos, nouveaux dans ce débat, du ministre de l'Agriculture, et à l'intervention qu'à voulu faire le député de Saint-Jean.

J'explique ce que j'ai voulu dire cet après-midi au premier ministre, qui n'a pas eu l'occasion de réapparaître à la surface ce soir, lorsque j'ai soutenu et lorsque nous soutenons toujours qu'il y a une différence beaucoup plus que de redondance linguistique dans le fait et dans l'amendement présenté par le chef de l'Opposition.

Voyez-vous, et je le dis à l'intention du ministre de l'Agriculture en particulier, M. le Président, proclamer à l'article 1 que le français est la langue officielle du Québec, c'est, comme disait le chef de l'Opposition aujourd'hui, affirmer que le Québec est en Amérique du Nord. Le français est, à l'heure où on se parle, avant l'adoption de la loi 22, la langue officielle du Québec. Qui plus est, il l'est depuis 1774, avant même que ce régime dans lequel nous vivons depuis 107 ans, n'existe. Il l'a toujours été. Il a toujours été la langue en possession d'état — pour reprendre une autre expression consacrée — et même les lois les plus impériales du gouvernement anglais le plus étranger, à Londres, n'ont jamais aboli le caractère officiel du français.

Ce qui serait nouveau, et ce dont vous pourriez être fier en 1974, deux cents ans après l'Acte de Québec, ce serait dire que le français

quitte cette coexistence dans l'officialité que lui impose l'article 133 auquel se soumet le gouvernement auquel vous appartenez et qu'il affirme clairement, comme le Manitoba, comme l'Ontario, comme la Colombie-Britannique, qu'ici il n'y a qu'une seule langue officielle et que c'est le français.

La nouveauté ne vient pas de proclamer le français langue officielle. C'est un leurre. Nous vivons dans une société où le français est la langue officielle. La preuve est qu'un côté du texte même de la loi est en français. Il ne serait pas en français si la langue française n'était pas officielle au Québec. Elle l'est officielle au Québec, mais vous voyez, par le texte même de cette loi, qu'elle n'est pas seule langue officielle au Québec. Vous avez la preuve de la différence dans ce texte. Les lois mêmes de cette société portent le caractère des deux langues.

Et au député de Saint-Jean qui prétend que l'affirmation de seule langue officielle conduit à toutes les nuances semblables et à toutes les exceptions que contient le projet de loi 22, je lui soutiendrai uniquement une chose. Dans ce qu'il appelle le contreprojet de loi du Parti québécois — qui n'en est pas un, mais qui est une explication du programme du Parti québécois tel que voté par ses membres dans quatre congrès consécutifs, programme que nous avons déposé et que nous avons expliqué — le caractère de seule langue officielle du Québec apparaît dans tous les secteurs de la vie publique, à une exception près.

Nous reconnaissons, comme je viens de le dire à mon concitoyen, député de Sainte-Anne qui est un Québécois de langue anglaise, que même si le Québec est un pays où la seule langue officielle sera le français, le citoyen de langue anglaise au Québec pourra encore recevoir un enseignement dans sa culture à condition que progressivement il s'intègre à la communauté française. La langue de travail est le français. La langue des affaires est le français et seule langue officielle dans tous ces secteurs. Il n'y a pas d'exceptions aussi bâtardes que possède la loi 22 au chapitre de l'affichage, au chapitre de la grosseur du lettrage ou au chapitre humiliant où on demande que le français ait, à tout le moins, une place supérieure. Finies ces espèces d'humiliations quotidiennes de coexistence de deux langues officielles. Nous proclamons et nous exigeons. Le premier ministre le sait très bien lui-même, le chef du gouvernement auquel se soumet le député de Saint-Jean, quand dès cet après-midi, le chef de l'Opposition a présenté sa motion, la réaction première du colonisé qui nous sert de premier ministre a été de dire : Allez expliquer cela aux anglophones.

S'il y en a un qui a compris ce que veut dire la différence entre seule langue officielle et l'affirmation de langue officielle dans l'article 1, c'est celui qui n'est pas réapparu à la table de notre commission ce soir, et c'est celui qui nous a dit qu'il comprenait très bien ce que cela signifiait que de dire seule langue officielle. Demandez aux anglophones qui sont membres de votre parti s'ils comprendraient ce que voudrait dire le fait que ce gouvernement affirmerait le français seule langue officielle du Québec. Ils sauraient...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! Je voudrais vous informer...

M. CHARRON : Je demande 30 secondes, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne) : Certainement.

M. CHARRON: ... que, plutôt que de louvoyer entre les deux langues en mélangeant de façon inhumaine droits collectifs et droits individuels pour arriver à ce charabia, on aurait reconnu que ce gouvernement a définitivement pris parti pour la majorité française dont il est le gouvernement et qu'il s'est ensuite attaché, comme dans le programme du Parti québécois, à développer, à protéger les droits individuels des citoyens, soit par une éducation dans leur culture, ou à leurs droits devant les tribunaux, ce que, j'espère, personne n'est prêt à leur contester.

M. VEILLEUX: Est-ce que le député de Saint-Jacques me permettrait une petite question?

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Son droit de parole est expiré, malheureusement.

UNE VOIX: ... respecter.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Une question est toujours à l'intérieur d'un droit de parole.

M. VEILLEUX: Je ne pense pas que cela engendre un débat. C'est tout simplement à titre d'explication pour...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Ecoutez. Je tiens à être bien clair. J'ai besoin...

M. BURNS: On ne veut pas brimer le droit de parole de personne ici.

M. VEILLEUX: Si les membres de la commission ne veulent pas...

M. LEGER: ... poser une question et s'il y a une réponse, il sera correct.

M. VEILLEUX: Je veux demander ceci au député de Saint-Jacques. Admettons qu'on fasse disparaître l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique — dans ce projet de loi, on dit que cela disparaît — mais qu'en même temps, dans le projet de loi, on dise: Un

anglophone pourra s'exprimer en anglais à l'Assemblée nationale; un anglophone pourra se défendre devant les tribunaux, est-ce que le député de Saint-Jacques — en trente secondes, je pense qu'il est capable de le faire aussi — pourrait me dire la différence qu'il y a entre l'article 133 et un tel article dans le projet de loi?

M. MORIN: Beaucoup de différence.

M. CHARRON: C'est toute la différence, parce que l'article 133 impose les deux langues comme langues de l'Etat. Reconnaître le droit d'un citoyen de langue anglaise, élu souvent par des commettants de langue anglaise, à intervenir et à faire des discours en anglais est une chose que nous pouvons accepter parce qu'il y a effectivement des citoyens québécois, comme le député de Sainte-Anne, qui sont de langue maternelle anglaise. Mais obliger l'Etat à employer les deux langues qu'un député peut employer à l'intérieur de l'Assemblée, voilà toute la différence.

L'article 133 est sur la langue de l'Etat; il impose la langue de l'Etat, et c'est parce qu'il s'est soumis à cet article 133 — demandez-le au ministre de l'Education qui nous l'a si bien expliqué au cours des auditions publiques — que non seulement la loi 22 est dans les deux langues, mais que même après la loi 22, toutes les autres lois du Québec seront encore dans les deux langues, même si, à l'article 1, on dira que la langue officielle du Québec est le français.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre de l'Agriculture.

M. TOUPIN: Je vais prendre seulement deux ou trois minutes non pas pour expliquer ma position...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Vous êtes à l'intérieur de votre temps.

M. TOUPIN: Oui, je crois l'être.

Je suis bien prêt à croire en la bonne foi du député de Saint-Jacques et je pense qu'il est de bonne foi, mais il y a une chose que le député de Saint-Jacques ne dit pas toujours. C'est qu'il est d'accord, lui aussi, et que son parti aussi est d'accord pour reconnaître qu'il existe au Québec un fait linguistique autre que le fait français.

D est d'accord pour reconnaître qu'il y a un groupe anglophone au Québec qui a des droits acquis ou qui a des privilèges, comme le disait le député de Saguenay cet après-midi.

M. MORIN: Des droits individuels.

M. TOUPIN: Oui, individuels ou collectifs. Ils sont plus d'un. Ils sont une communauté qui compose 20 p.c. de la communauté québécoise. Si vous acceptez cela, si le député de

Saint-Jacques accepte cela, il va être d'accord avec moi pour dire une chose: c'est que nous reconnaissons dans la loi un fait évident, historique et présent, que le français est la langue officielle du Québec. Nous le reconnaissons et nous sommes d'accord avec lui pour que les droits de la minorité soient protégés. Cela n'enlève rien aux anglophones et cela donne tout aux francophones. C'est cela la différence.

M. CHARRON: M. le Président, est-ce que...

M. TOUPIN: Nous reconnaissons, dans cette loi, le français comme la langue officielle.

M. CHARRON: C'est fait depuis 200 ans.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le ministre de l'Agriculture est à l'intérieur de son temps.

M. CHARRON: C'est vrai.

M. TOUPIN: C'est fait depuis longtemps, mais nous l'inscrivons dans la loi. Nous avons une loi qui dit maintenant que le français est la langue officielle au Québec et nous sommes d'accord, c'est ce que j'ai dit...

M. MORIN: Vous inscrivez le bilinguisme aussi dans la loi.

M. TOUPIN: Non, on ne l'inscrit pas. C'est ce que j'ai dit dans l'intervention que j'ai faite. J'ai dit que nous étions d'accord sur trois points: le premier, le français est la langue officielle; le second, respecter les droits acquis de ceux qui sont présents et, le troisième, promouvoir au Québec d'abord la langue française.

Je pense que ce sont trois objectifs autour desquels nous nous rallions. C'est la raison qui m'amène à croire que l'article tel qu'il est rédigé... Ecoutez, on peut parler de "seule". Le député de Saint-Jacques a voulu faire une différence en se servant de votre propre projet de loi à l'intérieur duquel vous avez vous aussi cru nécessaire et bon de mettre des "si", des "ça", des "pourra" et des "etc.", mais on les retrouve aussi dans cette loi à cause de la situation dans laquelle nous nous trouvons au Québec. Ce qui est important pour moi, dans mon esprit, c'est que demain matin tout Québécois pourra toujours, à l'aide de cette loi, s'il parle français, s'il est francophone, dire que dans son coin de terre la langue officielle est le français. C'est ce qui est important pour moi.

M. MORIN: C'est un leurre.

M. TOUPIN: Ce n'est pas un leurre, c'est un fait.

M. CHARRON: Est-ce que je peux vous poser une question? Est-ce que le ministre de l'Agriculture me permet une question?

M. TOUPIN: Est-ce qu'on peut dans...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'intérieur de votre temps vous le pouvez.

M. TOUPIN: Je n'y vois pas d'inconvénient.

M. CHARRON: Est-ce que le ministre de l'Agriculture est favorable à ce que le français soit la seule langue officielle au Québec?

M. TOUPIN: Je suis favorable à ce que le français soit la langue officielle au Québec.

M. CHARRON: Qu'est-ce que cela veut dire, la langue officielle au Québec?

M. TOUPIN: Quand nous nous situons dans le contexte actuel québécois avec lequel d'ailleurs vous êtes d'accord. C'est pour cela que je disais au début de mon discours que je ne comprends pas pourquoi vous contestez le premier article, alors que, dans votre esprit...

M. MORIN: On ne le conteste pas; on veut le raffermir.

M. TOUPIN: C'est-à-dire que vous voulez apporter un amendement au premier article.

M. CHARRON: On veut le raffermir.

M. TOUPIN: Oui. Alors que, dans votre esprit, ce sont probablement tous les autres articles qui sont mis en cause et le premier, tel qu'il est rédigé...

M. MORIN: Cela, c'est vrai.

M. TOUPIN: ... ne vous empêche pas d'apporter quelque autre amendement que ce soit à tous les autres articles qui se trouvent dans le projet de loi.

M. HARDY: Cela, c'est vrai.

M. TOUPIN: Bon. Alors, moi, je vous dis: Partons avec cela, acceptons l'article 1, et, là, on va travailler. On n'enlève aucun droit aux Canadiens français; au contraire on leur confirme un droit.

M. LESSARD: Est-ce que le ministre me permettrait une question?

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!

M. LESSARD: Le ministre prétend qu'on peut modifier les autres articles de la loi. Dans ce cas, est-ce que le ministre accepterait qu'on suspende l'étude de l'article 1 et qu'on étudie d'autres articles? Après cela, on déterminera si la langue française est la seule langue officielle.

M. CLOUTIER: II y a eu une motion, M. le Président.

M. HARDY: On s'est prononcé. Question de règlement.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je pense qu'on n'a pas besoin d'invoquer une question de règlement pour cela.

M. TOUPIN: Je ne veux pas faire le tour du pot.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): La commission s'est déjà prononcée là-dessus.

M. TOUPIN: L'article 1, tel qu'il est rédigé, dans mon esprit, je l'ai dit au début, il est clair.

M. HARDY: Cest cela.

M. TOUPIN: Si vous voulez apporter des amendements aux 129 autres articles, apportez-en.

M. LESSARD: Pourquoi refusez-vous nos amendements à l'article 1?

M. HARDY: Parce qu'ils n'ont pas de sens.

M. TOUPIN: C'est simplement cela. Je trouve que l'article 1 est bon comme il est là.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que vous avez terminé?

M. MORIN: Est-ce que je pourrais poser une question au ministre? Je vais poser une petite question bien simple. Elle n'est même pas technique. D'accord? Après l'adoption du bill 22, qui dit: "Le français est la langue officielle du Québec", M. le ministre, est-ce que les lois vont paraître encore comme cela, en deux colonnes? Oui ou non?

M. TOUPIN: Cest une autre question.

M. CHARRON: Le ministre d'Etat aux Transports vient de dire le contraire.

M. MORIN: C'est une question simple.

M. TOUPIN: Je veux retourner la question au chef de l'Opposition. Est-ce qu'il y a un article dans le projet de loi qui traite de ce dont vous parlez?

M. MORIN: Oui, l'article 2.

M. TOUPIN: Alors, apportez un amendement à cet article.

M. MORIN: Non. Parce que, si nous n'avons pas dit, dès le départ, que c'est la seule langue

officielle, par la suite, vous allez dire: Vous ne pouvez pas, c'est le bilinguisme que vous avez accepté.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît. Est-ce qu'il y a d'autres personnes... A l'ordre!

M. HARDY: Vous vous enfargez dans les fleurs du tapis.

M. MORIN: Vous n'avez pas répondu à ma question.

M. CLOUTIER: M. le Président...

M. TOUPIN: Répondez à la mienne avant.

M. MORIN: Nous y avons répondu.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre! Est-ce qu'il y a d'autres questions? L'honorable ministre de l'Education.

M. CLOUTIER: Oui, M. le Président, il me reste cinq minutes également. Je n'ai pas l'intention de reprendre les arguments dont j'ai fait état lors de mon intervention. Puisqu'une certaine latitude semble avoir existé dans la discussion de cet amendement à la motion principale, je voudrais simplement faire deux séries de commentaires. La première série de commentaires concerne justement le fait que les lois sont imprimées dans les deux langues. Ceci représente un des aspects de l'article 133. Je répète que cet article 133 est très limité parce qu'il ne touche que la langue des tribunaux et la langue dans le Parlement. J'ai également dit que le gouvernement n'avait pas voulu le modifier et ne l'a pas modifié parce qu'il considérait que ceci relevait des communications individuelles. En effet, dans un territoire où il y a une minorité de 20 p.c, ce qui n'a jamais été le cas, incidemment, au Manitoba où il y avait des minorités beaucoup plus faibles, il est normal que les citoyens puissent...

M. CHARRON: Ils étaient 25 p.c.

M. CLOUTIER: M. le Président, je n'interromps jamais personne ou, en tout cas, très rarement, certainement pas ce soir. Est-ce que je pourrais continuer ce que j'ai entrepris de dire sur le même ton calme que j'adopte d'habitude? J'aurais beaucoup à dire sur la responsabilité de ceux qui, sans employer le moindre argument, cherchent uniquement à éveiller les passions. J'évite ce genre de commentaires ce soir pour des raisons assez évidentes et je m'en tiens uniquement à l'argumentation. Par conséquent, M. le Président, je vais tenter de reprendre ce que je disais.

Dans un territoire où il y a une minorité de 20 p.c, il parait normal que nous conservions les droits de communications indivuelles, ce qui suppose la possibilité pour tous les citoyens de comprendre leurs lois, comme de comprendre, d'ailleurs, leurs règlements. C'est une autre raison pour laquelle il y a des régimes particuliers en ce qui concerne les corporations scolaires et les corporations municipales, dans certaines circonstances. Voilà ma première remarque.

La deuxième remarque tient au fait que j'ai déjà cité le professeur McWhinney, qu'une des motions du Parti québécois voulait faire comparaître ici. Dans cette motion, il y avait également le nom du professeur Chevrette, si je ne me trompe. Or, on m'apporte la transcription de Présent québécois du jeudi 18 juillet, où le professeur Chevrette traite ce qu'il appelle la querelle constitutionnelle suscitée par M. Morin de faux problème et il dit ceci textuellement: "J'estime que l'article 133 est de caractère fondamental — lui, pense qu'il ne peut pas être modifié mais ça c'est une question d'opinion — et ce qu'il prescrit est assez limité". "Il est exactement ce que je vous ai dit qu'il était. C'est un article qui parle de bilinguisme dans les tribunaux du Québec et fédéraux et au Parlement du Québec et d'Ottawa. Un point, c'est tout. En somme le bill 22 ne va pas contre ça. Je pense que, dans ce cas de l'article 133 qui vaut aussi pour le fédéral, le gouvernement fédéral a choisi une politique de bilinguisme; le gouvernement du Québec s'oriente vers une politique qui est plus unilingue. Pour moi, l'article 133 n'empêche ni l'une ni l'autre de ces deux positions."

En une phrase, il semble régler le problème tant du point de vue de la constitutionnalité vu par le gouvernement fédéral que des quelques doutes qui persistaient du point de vue du provincial mais non pas dans l'esprit du gouvernement, semble-t-il, dans l'esprit de l'Opposition. Peut-être, puisque je m'aperçois qu'il me reste encore un peu de temps, pourrais-je apporter une précision en ce qui concerne une remarque du député de Saguenay, qui disait que la loi du Manitoba ne comportait que deux articles, alors que la nôtre en comportait 130. Il semblait indiquer clairement que la loi du Manitoba, de ce point de vue, était supérieure et qu'une loi au Québec devrait ne comporter qu'un article qui définirait la langue officielle. S'il ne l'a pas dit, je m'en excuse.

Mais je tiens quand même à faire cette argumentation parce qu'elle a été mise souvent de l'avant, on a pensé que le fait de faire du français la langue officielle allait régler le problème. Tant dans mon discours de première lecture que dans mes remarques tout à l'heure, j'ai expliqué qu'il ne suffisait pas de déterminer que le français était la langue officielle mais qu'il fallait en définir, sur le plan de l'application, dans tous les secteurs, la véritable place. Je reprends cette affirmation; il est clair que, pour réaliser ce que nous voulons réaliser, il convient, dans toutes les sphères d'activités, de mettre en place la dynamique, de se donner les instruments. Le député de Laporte a parlé du

programme de refrancisation, qui constitue un des éléments les plus importants de ce projet de loi. Il est évident qu'il ne peut pas y avoir un projet de loi de cette nature qui ne comporte pas un certain nombre d'articles, précisément à cause de cette raison.

M. le Président, je crois que je n'ai rien à ajouter et je m'arrête là; je pense que la commission est peut-être prête à voter.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Saguenay.

M. LESSARD: M. le Président, je pense que le ministre de l'Education l'a reconnu, c'est que je n'ai...

M. CLOUTIER: Ah oui! je le reconnais, il n'est pas besoin de prolonger.

M. LESSARD: Je n'ai jamais affirmé que le projet de loi du Manitoba était supérieur au projet de loi 22 parce qu'il ne comprenait que deux articles. Je dois vous faire remarquer que notre soi-disant "contre-projet" comprend plus de deux articles parce que chez nous, il importe de faire ce que le Manitoba n'a pas fait pour les francophones qui représentaient, contrairement à ce que dit le ministre, 25 p.c. de la population en 1890.

M. CLOUTIER: II y avait 15 p.c. de catholiques...

M. LESSARD: Nous avons l'intention de respecter les droits, les privilèges, dis-je, de la minorité anglophone au Québec.

M. CLOUTIER: II n'y avait pas de statistiques sur la langue à ce moment-là, les statistiques portaient sur la religion.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que d'autres députés désirent intervenir?

M. MORIN: Oui, sur un point de règlement, est-ce que je pourrais demander au ministre de déposer le document qu'il a cité il y a un instant pour l'utilité de tous les membres? Cela pourrait être utile.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce qu'il y a consentement?

M. CLOUTIER: Très volontiers, M. le Président, je n'ai aucune objection.

M. MORIN: Parce que cela semblait soulever un doute. Le professeur Chevrette, dans son étude pour la commission Gendron, ne s'était pas prononcé sur la question de l'article 133.

M. CLOUTIER: Bien, il se prononce clairement cette fois-là.

M. MORIN:Et voilà qu'il se prononce dans le sens de l'inconstitutionnalité.

M. CLOUTIER: Ah, pas du tout!

M. MORIN: Je veux dire de l'impossibilité pour le Québec de modifier l'article 133.

M. CLOUTIER: Oui, c'est ça.

M. MORIN: Bon, c'est un élément très important.

M. CLOUTIER: De toute façon, ça ne change strictement rien à l'attitude qu'a adoptée le Québec.

M. MORIN: Cela prouve qu'il est impossible d'avoir le français comme seule langue officielle au Québec à l'intérieur du fédéralisme canadien, si cette thèse est exacte.

M. CLOUTIER: Cela, c'est votre problème.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): ... s'il vous plaft. Est-ce que...

M. CLOUTIER: Pas du tout, pas du tout parce qu'il dit...

M. MORIN: C'est votre problème!

M. CLOUTIER: Ecoutez, je ne veux pas entreprendre de débat.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que d'autres...

M. CLOUTIER: Mon argumentation était assez claire, je crois qu'on peut s'y reporter. DES VOIX: Vote.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): II n'y a pas d'autres membres? Le vote sur la motion d'amendement de l'honorable chef de l'Opposition officielle.

M. Brown? M. Charron?

M. CHARRON: En faveur, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): M. Déom?

M. DEOM: Contre, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): M. Cloutier?

M. CLOUTIER: Contre, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): M. Hardy?

M. HARDY: Contre.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): M. La-pointe?

M. LAPOINTE: Contre.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): M. Bonnier?

M. BONNIER:Contre.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): M. Morin?

M. MORIN: En faveur.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): M. Parent (Prévost)?

M. PARENT (Prévost): Contre.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): M. Beau-regard?

M. BEAUREGARD: Contre.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): M. La-chance?

M. LACHANCE: Contre.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): M. Veilleux?

M. VEILLEUX: Contre.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Pour: 2. Contre: 9. La motion d'amendement est rejetée.

M. CHARRON: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: Puisque nous revenons à la motion première, me prévalant de l'article 157 de notre règlement qui dit qu'en commission plénière, un député peut proposer de rapporter à l'assemblée que la commission n'a pas fini de délibérer et qu'elle demande la permission de siéger à nouveau et qu'en commission élue, un député peut proposer que la commission ajourne ses travaux, je propose qu'après ce vote d'une extrême importance que vient de prendre le gouvernement, quant à la nature exacte de son projet de loi, nous ajournions immédiatement nos travaux.

UNE VOIX: Qui est-ce qui parle là-dessus?

LE PRESIDENT (M Lamontagne): J'attends que quelqu'un me demande la parole.

M. CLOUTIER: M. le Président, nous allons voter là-dessus, parce que nous ne voyons absolument pas pourquoi nous ajournerions nos travaux à onze heures, alors que nous avons un ordre de la Chambre qui nous permet de siéger jusqu'à minuit.

M. MORIN: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable chef de l'Opposition officielle.

M. MORIN: Cette commission vient, par ce vote, de prendre une décision que je considère, pour ma part, comme étant une décision historique. Cette commission avait l'occasion de clarifier ce que le député de Maisonneuve appelait tout à l'heure, de façon très juste, l'ambiguïté historique dans laquelle vit le Québec depuis deux siècles sur le plan linguistique. Cette commission avait l'occasion de dire hautement que le français serait désormais la "seule" langue officielle du Québec. Cette commission...

M. BEAUREGARD: M. le Président, je pense que le chef de l'Opposition parle de la motion sur laquelle nous venons de voter.

M. MORIN: Non...

M. LEGER: M. le Président, sur le point de règlement. Le député de Gouin, qui vient de s'inscrire au journal des Débats, ne s'est pas aperçu de l'argumentation...

M. BEAUREGARD: Vous n'étiez peut-être pas à la commission avant la deuxième lecture.

M. LEGER: Vous aviez le droit. On avait hâte de vous entendre sur le contenu, mais on ne vous a vu que sur les règlements. Le député de Sauvé était en train d'expliquer les raisons pour lesquelles nous devons ajourner. Je pense qu'il est normal, puisque le ministre de l'Education lui-même était prêt à voter contre cela, qu'on explique maintenant le pourquoi...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Question de règlement. Ce n'est pas un débat. Je pense qu'il...

M. LEGER: Non, je suis à expliquer au député de Gouin qu'il était hors du sujet et que le député de Sauvé a le droit d'expliquer les raisons pour lesquelles...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne) : L'honorable chef de l'Opposition. Il va les expliquer.

M. LEGER: Laissez-moi finir ma phrase, M. le Président, il faut que je parle français, le bill 22 n'est pas encore adopté.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Une question de règlement, M. le député de Lafontaine, c'est attirer l'attention du président sur un point de règlement.

M. LEGER: C'est vrai, je ne vous regardais pas, M. le Président. Le député de Sauvé a parfaitement raison, je pense, d'argumenter pendant son dix minutes sur la question d'ajournement et d'apporter les éclaircissements voulus.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): C'est exact.

M. LEGER: Vous êtes d'accord, M. le Président? Je vous remercie de votre bonne compréhension.

M. LESSARD: M. le Président, je vous inviterais aussi, lorsqu'on soulève une question de règlement, à nous laisser exposer notre question.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne) : Ecoutez, je ne veux pas faire un cours de règlements, mais vous savez fort bien qu'une question de règlement, le mot le dit, c'est d'attirer l'attention sur un point de règlement qui nécessite une intervention. Une fois que c'est fait, je trouve que...

M. LESSARD: Je l'ai fait respectueusement, M. le Président, en vous invitant à nous laisser exposer notre question de règlement.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le respect doit être de chaque côté également. L'honorable chef de l'Opposition officielle.

M. MORIN: M. le Président, cette commission s'est livrée depuis quelques heures à ce qui a pu paraître, aux yeux de certains, un exercice de vocabulaire. Il a pu sembler à certains que cet exercice était futile, et pourtant il allait au coeur des choses. En ajoutant le mot "seule", nous tranchions le noeud gordien de l'histoire québécoise, et nous partions sur un nouveau pied. Naturellement, les autres articles de la loi...

M. CLOUTIER: Question de règlement.

M. MORIN: ... auraient dû être modifiés pour tenir compte de cette décision...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne) : L'honorable ministre de l'Education.

M. MORIN: ... historique.

M. CLOUTIER: Sur un point de règlement. M. le Président, je ne veux surtout pas intervenir pour des questions de procédure. Depuis quelques jours, il n'y en a eu que trop. Cependant, il me semble qu'on devrait s'en tenir à la pertinence du débat et, si je ne m'abuse, on discute actuellement une motion d'ajournement. Je suis bien obligé...

M. BURNS: Non, nous aussi on veut aller se coucher.

M. CLOUTIER: ... d'admettre que cette motion d'ajournement fait encore partie des mêmes tactiques qui existent depuis quatre ou cinq jours. Alors, au moins, je voudrais qu'on s'en tienne à cette motion d'ajournement et non qu'on recommence le débat sur le fond. Je suis pour ma part tout à fait disposé à le faire, le débat, sur le fond. On peut très bien discuter de la motion principale, elle est là, sur la table; parlons-en et cela permettra au chef de l'Opposition de dire, mais dans le cadre du règlement, ce qu'il vient de commencer. Mais s'il veut discuter de la motion d'ajournement, qu'il parle de la motion d'ajournement. Cela me paraît assez logique.

M. MORIN: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le chef de l'Opposition officielle.

M. MORIN: ... ce à quoi je veux en venir — et on admettra que c'est pertinent — c'est que nous avons accompli, cet après-midi, un travail considérable. Nous avons clarifié les véritables intentions du gouvernement ainsi que celles de l'Opposition. C'est une besogne qui était lourde de conséquences et qui n'était pas légère à porter. Je crois qu'au point où nous en sommes, tout le monde peut espérer un repos bien mérité. Voilà la pertinence.

Cela a été une tâche difficile, parce que nous jonglions souvent avec un vocabulaire juridique difficile. Je pourrais faire allusion, par exemple, aux exercices de vocabulaire très salutaires du ministre des Affaires culturelles qui nous a affirmé que l'article "la" est une affirmation catégorique et "occupe toute la place". Je me suis demandé s'il tenait sa définition du petit Robert.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): La prochaine fois qu'il y aura des applaudissements, nous n'aurons pas besoin de motion d'ajournement, je suspendrai moi-même.

M. CLOUTIER: M. le Président, un point de règlement. C'est sérieux.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): J'espère que cette petite "tapette" est finie. Ici, dans la commission parlementaire, vous avez une liberté que nous retrouvons à peu d'endroits. C'est la liberté de venir voir sur place ce qui se passe à une commission parlementaire. Ceux qui ne sont pas contents peuvent toujours se retirer. C'est leur droit le plus strict. Mais au moment même où vous entrez dans l'enceinte parlementaire, vous devez respecter les droits que vous semblez défendre, respectez ceux qui sont ici.

Monsieur, voulez-vous l'expulser, s'il vous plaît, celui-là?

Le ministre de l'Education.

M. CLOUTIER: M. le Président...

M. MORIN: Est-ce sur un point de règlement?

M. CLOUTIER: Oui, c'est sur un point de règlement, M. le Président. Je crois qu'il faut très sérieusement s'interroger sur le manège que poursuit l'Opposition.

Depuis trois ou quatre jours, tous les soirs, alors qu'on sait très bien que nous devons siéger jusqu'à une heure déterminée, il y a une motion d'ajournement qui est introduite et cette motion n'a qu'une seule raison d'être, c'est de faire perdre le temps de la commission et de ralentir les débats. Jusqu'à aujourd'hui, on voulait éviter de commencer à ouvrir l'article 1. Maintenant que nous avons forcé l'Opposition à commencer le débat de fond, les mêmes manoeuvres dilatoires recommencent. Je ne voudrais quand même pas qu'on utilise l'auditoire — parce que, à ce moment, les droits de tous les députés vont s'en trouver brimés — pour mettre fin aux travaux de la commission.

Le chef de l'Opposition, depuis qu'il a commencé à parler, a utilisé cette motion comme un vulgaire prétexte...

M. MORIN: Allons donc!

M. CLOUTIER: ... pour reprendre —je suis obligé de le dire — tous les arguments qu'il a utilisés tout à l'heure.

Je crois qu'il faut... En politique, il y a une certaine latitude. Il est bien évident que l'Opposition a une thèse à faire prévaloir et que le gouvernement tente de défendre son point de vue, mais je pense qu'il devient abusif, M. le Président — je vous prie de prendre cette demande en considération — lorsqu'on utilise des manoeuvres uniquement dilatoires et, en particulier, des motions de forme comme la motion d'ajournement...

M. le Président, je vous demande instamment... Je m'excuse, j'ai encore le droit de parole. Je vous demande... Oui, mais j'ai le droit de terminer.

M. LEGER: Non, c'est sur le règlement.

M. CLOUTIER: II ne peut pas y avoir une question de règlement à l'intérieur d'une autre.

M. LEGER: J'invoque le règlement, M. le Président.

M. CLOUTIER: II ne peut pas y avoir de question de règlement.

M. LEGER: Oui, M. le Président.

M. CLOUTIER: Alors, on n'en sort jamais. C'est cela qui vous réjouit.

M. LEGER: Je vais attendre que vous ayez terminé.

M. CLOUTIER: Oh, pardon! Ne me dites pas, M. le chef de l'Opposition, que je n'aurais pas dû commencer. J'ai parfaitement le droit de le faire. Je ne vous ai pas interrompu; j'ai demandé la parole au président.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui, mais sur un point de règlement, parce que la parole était au chef de l'Opposition.

M. CLOUTIER: Sur un point de règlement, bien sûr. Mais j'ai le droit de faire un point de règlement.

M. LEGER: Oui, et c'est pour cela que j'ai le droit de soulever une question de règlement.

M. CLOUTIER: Sur le point de règlement? M. LEGER: Certainement. M. CLOUTIER: Allez-y.

M. LEGER: Puisque, dans votre intervention...

M. CLOUTIER: Avant même que j'aie terminé.

M. LEGER: ... vous avez affirmé que l'intention derrière cette motion d'ajournement était de ralentir les débats, je dois dire que vous ne pouvez pas nous prêter d'intentions. Notre argumentation sur la motion d'ajournement n'est pas pour ralentir, mais pour éclairer les débats. En effet, quand on siège de 10 heures du matin à 23 heures, il arrive qu'à la fin de la soirée on commence à penser un peu d'une façon lourde et c'est normal que tout le monde aille se reposer, des deux côtés de cette commission parlementaire...

M. HARDY: Tous les matins.

M. LEGER: ... pour pouvoir par la suite revenir, le matin, à 10 heures, puisqu'on nous a obligés à venir travailler et samedi et lundi, travailler d'une façon normale, alors que les autres sont en vacances, que vos confrères sont en vacances pour une bonne fin de semaine. C'est normal que les députés demandent cela non pas pour ralentir les débats, mais pour permettre peut-être d'avoir une délibération beaucoup plus éclairée, parce que les gens seraient en train de se reposer.

M. HARDY: Vous demandez l'impossible dans votre cas.

M. LEGER: C'est absolument normal, et vous ne pouvez pas nous prêter d'intentions, comme celle de ralentir les débats, comme vous l'avez fait dans votre question de règlement.

M. CLOUTIER: Ecoutez, si vous voulez ne pas en débattre, parce que je considère que cette motion de forme ne se prête pas à des débats prolongés, nous pouvons peut-être la mettre au voix immédiatement, cette motion.

M. BURNS: M. le Président, sur la question de règlement, un instant.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Maisonneuve sur la question de règlement.

M. BURNS: Sur la question de règlement, je crois que ce que le ministre de l'Education nous suggère actuellement, c'est tout simplement, après qu'il eut dit lui, de façon d'ailleurs très laconique — je tiens à le signaler — dans une seule phrase, sans aucune justification et sans avoir écouté... C'est cela qui m'a frappé, d'ailleurs. D'habitude, au moins, avant de répondre, il écoute ce que les députés de l'Opposition ont à dire sur la motion. Avant même que les députés de l'Opposition aient pu tenter de justifier leur motion, le ministre a dit tout simplement, en rejetant du revers de la main la motion du député de Saint-Jacques: Nous n'avons pas du tout l'intention d'adopter cette motion. Nous devons siéger jusqu'à minuit. Or, ce que le ministre de l'Education sait fort bien, c'est que la commission — on l'a répété en Chambre aujourd'hui, on l'a dit ici à quelques reprises — est maîtresse de ses travaux. La commission peut décider à quel moment elle décide de s'ajourner, à quel moment elle doit se réunir à nouveau. Elle est maîtresse de ses travaux; il n'y a aucune espèce de doute là-dessus. Je vous en prends à témoin, M. le Président. Je vois que le ministre de l'Education ne conteste pas cela. A ce moment-là, je ne pense pas que vous devez nier le droit, soit au chef de l'Opposition ou au proposeur de la motion lui-même, de tenter de vous justifier les raisons de cette motion d'ajournement.

M. CLOUTIER: Toujours sur le point de règlement, c'est bien évident que je ne nie pas ce droit. Tout ce que je demande — je crois que c'est conforme à l'esprit du règlement, et même à la lettre — c'est qu'on s'en tienne à la motion et qu'on n'utilise pas cette motion comme prétexte, comme je suis obligé de constater que c'est le cas, uniquement pour revenir sur des arguments susceptibles, d'ailleurs, de provoquer des réactions.

M. BURNS: Ecoutez, je ne veux pas entreprendre un débat avec le ministre de l'Education là-dessus, mais, de la façon dont s'exprimait le chef de l'Opposition lorsqu'il appuyait sa motion, il l'insérait dans le cadre de la motion qu'on vient d'adopter. Il ne critique pas cette décision. On a eu amplement, d'avance, l'occasion de la critiquer, mais il situe, si vous voulez, la motion d'ajournement par rapport à la motion que nous venons d'adopter, ce qui, à mon avis, est parfaitement régulier. Il n'y a rien qui s'y oppose dans notre règlement. Il peut arriver qu'une décision qui est prise dans une commission ou à l'Assemblée nationale justifie quelqu'un de dire: Vu cette décision, vu la nature de nos débats, vu l'ampleur de nos débats — et il peut se référer à ces mêmes débats — vu tout cela, il n'est que normal que je propose l'ajournement. C'est comme cela que jusqu'à maintenant, j'ai compris l'intervention du chef de l'Opposition. En tout cas, je vous le soumets bien respectueusement.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Saguenay.

M. LESSARD: Très brièvement, M. le Président, sur le point de règlement. Je voudrais, par analogie, vous citer l'article 120. J'expliquerai tout à l'heure pourquoi je dis par analogie.

A l'article 120, M. le Président, on lit ceci: "Le débat sur toute motion de deuxième lecture... —je comprends, dès le début, que nous ne sommes pas au débat de deuxième lecture — ... doit être restreint à la portée, à l'à-propos, aux principes fondamentaux ou à la valeur intrinsèque du projet de loi, ou à toute autre méthode d'atteindre ces fins". C'est sur cela que j'insiste, M. le Président, et c'est dans ce sens que je parle par analogie, "ou à toute autre méthode d'atteindre ces fins".

Je vous cite aussi l'article 163: "A moins de dispositions contraires, les règles relatives à l'Assemblée s'appliquent aux commissions". Quand je disais que je voulais vous citer l'article 120 par analogie, c'est que je pense que le principe de l'article 120 doit aussi exister au niveau des commissions parlementaires. Or, ce que j'ai entendu du chef parlementaire de l'Opposition, c'est tout simplement utiliser probablement une certaine argumentation qu'il avait utilisée sur une certaine motion tout à l'heure, et en vue de justifier la motion qui a été présentée par le député de Saint-Jacques à savoir, l'ajournement. Parce qu'il y a une décision importante qui a été prise. De votre côté comme de notre côté, nous devons réexaminer un peu ce que nous allons faire à cette commission parlementaire. C'est dans ce sens, je pense, que le chef parlementaire de l'Opposition a fait valoir une certaine argumentation qui touchait la motion que nous avons eue à étudier tout à l'heure.

Par analogie, M. le Président, j'estime que l'article 120 prévaut aussi... le principe en tout cas, de l'article 120 prévaut aussi au niveau de la discussion en commission parlementaire.

M. VEILLEUX: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je voudrais m'informer un peu...

M. VEILLEUX: ... sur la question...

LE PRESIDENT (M. Lamontange): Cela arrive encore sur vous, malheureusement. C'est parce qu'en fait c'est une motion recevable que j'ai reçue. Je ne comprends pas trop...

M. VEILLEUX: Moi, M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): ... une question de règlement là-dessus.

M. VEILLEUX: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je vais vous la permettre. Cela fait deux fois que je vous la refuse.

M. VEILLEUX: Ce n'est pas une question de règlement, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Non?

M. VEILLEUX: Je voudrais parler sur la motion.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Comme vous le savez, dans une motion d'ajournement...

M. VEILLEUX: Oui, oui.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): ... c'est dix minutes.

M. VEILLEUX: Non. Vous allez m'excuser. C'est parce que je pensais que le député de Saint-Jacques... Pas de Saint-Jacques de Saguenay parlait sur la motion...

M. LEGER: II y a consentement unanime... expliqué le programme du Parti québécois, M. le Président...

M. BURNS: Non, non. Pas de bâillon. On est d'accord, M. le Président.

M. LEGER: On est d'accord. Consentement unanime.

M. VEILLEUX: Vous me permettez de parler sur la motion?

M. LEGER: Le député de Saint-Jean a tellement bien compris notre programme du Parti québécois...

M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement. Il y a, en vertu du règlement, une période d'allouée à chaque parti, et que le chef de l'Opposition...

M. BURNS: On impose le bâillon aux députés libéraux maintenant.

M. HARDY: Que le chef de l'Opposition termine son...

M. BURNS: En tout cas, qu'il soit enregistré,

M. le Président, que l'Opposition était d'accord pour que le député de Saint-Jean...

M. HARDY: Sur un débat très important, le "filibuster", la stratégie, le scénario du Parti québécois. Cela, c'est important.

M. VEILLEUX: Si je comprends bien, question de règlement, M. le Président. Si je comprends bien, après le député de Sauvé, c'est moi qui ai la parole? C'est cela?

M. BURNS: On est d'accord.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Pas nécessairement. C'est-à-dire que...

UNE VOIX: Non.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): ... c'est dix minutes pour un parti politique, et s'il y a opposition, le proposeur a un droit de réplique.

UNE VOIX: C'est cela.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Mais c'est dix minutes par parti. Par contre, s'il y avait consentement de chaque côté...

M. VEILLEUX: Oui, mais si tout le monde veut parler pour...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): ... droit de réplique.

M. VEILLEUX: Est-ce qu'il y a quelqu'un du parti qui a parlé?

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Ah ça! Je ne peux pas répondre actuellement pour...

M. VEILLEUX: Le ministre de l'Education a parlé sur une question de règlement.

M. CLOUTIER: Au tout début, j'ai parlé deux minutes, mais j'ai quand même utilisé, je crois, le droit de parole. Est-ce qu'il est cumulatif?

M. VEILLEUX: Je ne pourrais pas prendre le...

M. CLOUTIER: J'ai l'impression que vous cherchez à gagner du temps, parce que, vous savez, il est onze heures vingt; si vous parlez tous dix minutes chacun, cela nous mène passé minuit. Alors, ajournons.

M. MORIN: M. le Président, c'est cela. Acceptons l'ajournement. Nous sommes...

M. CLOUTIER: Cela va nous éviter de vous entendre, d'une part, ce qui est déjà un avantage marginal, et d'autre part, cela va nous permettre de bien montrer qu'on est en plein "filibuster".

M. HARDY: Je regrette, M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!

M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. LESSARD: Le ministre de l'Education a dit qu'il acceptait, M. le Président.

M. HARDY: Moi je n'accepte pas.

M. CLOUTIER: Bien, il y a une motion devant...

M. BURNS: Scission au sein du cabinet. On la voit !

M. LEGER: J'invoque le règlement. Est-ce que le député de Terrebonne peut faire cela par solidarité ministérielle?

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): J'ai un grand problème. Il y en a trois qui me l'ont demandé en même temps.

M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le ministre des Affaires culturelles.

M. BURNS: II y a une scission au sein du cabinet. On le savait.

M. HARDY: II est clair, M. le Président, que les bouffons qui siègent à votre gauche...

M. CHARRON: M. le Président...

M. HARDY: ... essaient de ridiculiser...

M. CHARRON: ... on vient de séparer Laurel et Hardy.

M. HARDY: Voyez-vous, M. le Président, l'entente entre certaines personnes dans la galerie et le Parti québécois? Ils ne sont pas capables, intellectuellement, de mener un débat.

Le seul moyen qu'il leur reste ce sont des petits jeux, des petits jeux de scouts pour empêcher... Même les cégépiens qui feraient un Parlement-école se comporteraient d'une façon plus sérieuse que le Parti québécois.

M. LEGER: Le député de Terrebonne, pour son avantage, devrait ajourner.

M. BEDARD (Chicoutimi): Sur la question de règlement, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Chicoutimi.

M. BEDARD (Chicoutimi): Simplement une remarque sur la question de règlement parce que je suis inquiet. Quand je vois l'incompréhension dont fait preuve le ministre de l'Education sur la question des règlements, je me demande comment il peut se comprendre sur les réglementations concernant le projet de loi 22.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le chef de l'Opposition officielle. Neuf minutes et demie.

M. MORIN: M. le Président, quand je constate la fatigue que manifeste le député de Terrebonne, je me dis qu'il est grand temps que nous ajournions.

M. HARDY: Je suis capable de vous endurer encore longtemps.

M. MORIN: Je voudrais signaler que cet horaire insolite, qui fait que nous sommes obligés de siéger à une heure pareille pour discuter de problèmes fondamentaux pour l'avenir du Québec, nous a été imposé, à l'Opposition, contre notre voeu, par la majorité ministérielle.

Nous n'avons jamais accepté de siéger à des heures comme celles-ci. Nous avons plaidé, je ne sais combien de fois, en faveur d'un horaire normal, comme nous en suivons pour les autres projets de loi. Pourquoi imposer le règlement de fin de session à un moment comme celui-ci, alors que nous discutons d'un projet si vital pour l'avenir du Québec? C'est très clair. C'est tout simplement qu'on veut nous enfoncer ce bill dans la gorge, de force, à une époque de l'anné où l'on croyait — mais on s'est trompé — que l'opinion publique était engourdie. Nous n'avons jamais accepté cet horaire et il est normal qu'après un débat qui a exigé de tous les membres de cette commission — et d'ailleurs, je le reconnais, aussi bien des députés ministériels que de notre part — beaucoup de discernement et d'agilité d'esprit, il est normal que nous songions à ajourner.

D'ailleurs, si le ministre l'avait accepté tout de suite, nous aurions déjà épargné 25 minutes. Nous aurions pu aller dormir et revenir demain frais et dispos pour reprendre le débat. Je dois en effet, prévenir le ministre que j'ai d'autres motions peut-être plus difficiles encore à présenter, plus difficiles que celles d'aujourd'hui, des motions qui feront appel à toutes nos connaissances intellectuelles et constitutionnelles et à toute notre agilité d'esprit.

C'est pourquoi je pensais qu'il était normal, ayant disposé d'un amendement crucial comme celui-là, que nous allions prendre quelque repos.

Je tiens à signaler aux ministériels que cet horaire qu'ils nous ont imposé... Devrais-je dire qu'ils nous l'ont imposé? Non. Ils se le sont fait imposer également par les autorités du Parti libéral. Ils n'ont pas tellement eu plus le choix

que nous et ils sont ici, au fond, contre leur volonté, comme nous. Au fond, messieurs, vous avez toute notre sympathie.

Mais il n'en reste pas moins que nous sommes devant un cas de disproportion des forces qui frise l'injustice. Toute l'Opposition est ici aujourd'hui. Toute l'Opposition du Parti québécois, toute l'Opposition officielle est présente. 100 p.c. des députés péquistes sont ici. Tandis que vous avez 88 libéraux qui, à l'heure actuelle, sont en vacances quelque part au bord de quelque lac charmant du Québec ou dans les montagnes si vertes des Laurentides ou des Cantons de l'Est.

Messieurs, je me réjouis pour ces 88 libéraux qui n'ont pas à travailler, mais je souhaiterais que les 14 libéraux, qui, je crois, sont présents, ce soir, et qui représentent 15 p.c. peut-être de la députation libérale, aient aussi l'occasion d'aller se reposer.

Voilà. Je ne veux pas m'étendre davantage. J'estime que nous avons tous mérité ce repos, et je dis bien, tant du côté ministériel que de notre côté, parce qu'il y a eu de très bonnes interventions du côté ministériel. Même si elles n'étaient pas fondées, elles étaient souvent habiles. J'estime que nous avons tous mérité d'aller nous reposer pour être plus dispos demain. Il va sans dire que si l'un des députés libéraux, comme le député de Saint-Jean, veut contester ma motion, je me réserve le droit de réplique.

M. VEILLEUX: Loin de moi de contester la motion du chef de l'Opposition officielle. J'étais exactement en faveur parce que, si je parle pendant dix minutes et que le chef de l'Opposition parle à nouveau pendant dix minutes, il va nous rester dix minutes sur la motion principale, alors, on est aussi bien d'ajourner immédiatement. Je suis en faveur, pas pour les mêmes raisons, mais je suis en faveur.

M. MORIN: Voilà un esprit raisonnable.

M. VEILLEUX: M. le Président, il est vrai que je suis ici, moi aussi, depuis 10 heures ce matin. J'ai peut-être moins parlé que l'Opposition; mais entendre l'Opposition, je vous dis que c'est peut-être plus fatigant que de parler.

Il ne faut pas porter de jugement, je dis que c'est très fatigant d'entendre l'Opposition. Un petit dix minutes, c'est-à-dire qu'au lieu de finir à minuit on finirait à minuit moins dix en suivant la procédure; alors nous sommes aussi bien d'aller nous coucher à 11 h 25. Je suis en faveur.

M. LEGER: Est-ce que je peux poser une question au député de Saint-Jean? Est-ce que le député de Saint-Jean a sa cravate rouge ou si c'est parce qu'il a la langue pendue tellement il est fatigué?

M. VEILLEUX: M. le Président, je reconnais là...

M. le Président... Je ne suis pas chanceux, soit que le président me boycotte ou encore qu'il ne m'écoute pas.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne) : Excusez-moi.

M. VEILLEUX: Le député de Lafontaine a parlé de cravate. Je tiens tout simplement à répondre au député de Lafontaine en lui disant que ce qu'il vient de dire est exactement la teneur de ses propos depuis ce matin, et c'est ce qui est fatigant à entendre.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît !

Je voudrais m'informer pour savoir si vous êtes pour ou contre. Est-ce que vous êtes en faveur de la motion d'ajournement? Sinon il y a un...

M. VEILLEUX: J'ai parlé au nom du parti.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Vous avez parlé au nom du Parti?

M. BURNS: II n'est pas encore entré au cabinet à ce que je sache.

M. VEILLEUX: Alors on vote.

M. CHARRON: Le député de Laporte a été nommé cet après-midi, mais pas vous!

M. CLOUTIER: M. le Président, il me paraît absolument évident que le PQ profite de la moindre occasion pour arriver avec des motions dilatoires et également pour utiliser des motions de forme de manière à revenir constamment sur les mêmes arguments. Il serait tellement simple de rentrer dans le corps de la motion principale, qui n'a pas encore été discutée, ce que nous aurions pu faire. M. le Président, je ne vous cache pas que, dans les circonstances, je considère qu'il va falloir passer au vote, parce que je ne vois aucune raison qui justifie cet abus de motions de forme. Je serais parfaitement d'accord si on n'abusait pas du droit de parole et qu'on se contentait de faire tout simplement des motions. Mais, dans le cas particulier, j'avoue que je ne veux pas que le PQ crée des précédents qui seraient susceptibles de nuire ensuite, je le dis très franchement, aux travaux de la commission.

M. BURNS: M. le Président, sur une question de règlement...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Maisonneuve.

M. BURNS: ... qui est provoquée par les dernières remarques du ministre de l'Education.

Le ministre de l'Education, lorsqu'il nous accuse de faire une motion de forme et d'en

abuser, n'a sans doute pas lu — c'est possible et je ne le blâme pas, mais j'aimerais le lui rappeler — le texte de l'article 157 de notre règlement, en vertu duquel le député de Saint-Jacques, soit dit en passant, et non pas le chef de l'Opposition parce que le chef de l'Opposition parlait au nom du parti alors que le député de Saint-Jacques aurait normalement le droit de réplique...

M. CHARRON: C'est cela.

M. BURNS: L'article 157 se lit comme suit: — le député de Saint-Jacques l'a lu mais probablement que le ministre n'écoutait pas à ce moment-là— "En commission plénière, un député peut proposer de rapporter à l'Assemblée que la commission n'a pas fini de délibérer et qu'elle demande la permission de siéger à nouveau".

Ce n'est pas le cas qui s'applique, c'est la phrase qui suit qui s'applique: "En commission élue, un député peut proposer que la commission ajourne ses travaux".

C'est ce qu'a fait le député de Saint-Jacques. Maintenant, ce que le député de Saint-Jacques ne vous a pas lu, c'est le deuxième alinéa de cet article qui, lui, va éclairer le ministre et va lui permettre, peut-être, de cesser de nous accuser de faire, de façon continuelle, des motions de forme. Je cite le deuxième alinéa: "Ces motions sont mises aux voix, sans amendement, et elles ne peuvent être faites qu'une fois..." Je comprends que le ministre va répéter encore son accusation, il ne m'écoute pas actuellement.

C'est pour vous, M. le ministre, que je dis cela, parce que je le connais par coeur, le texte. M. le Président, en tout cas, voulez-vous informer...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): J'en ferai part au ministre.

M. BURNS: Vous en ferez part au ministre. M. le Président, devant cet engagement de votre part, je me dis qu'il me semble que ces accusations de la part du ministre sont, à leur face même, fausses. C'est une motion de forme, soit, une motion cependant qui a son importance, qui se justifie. Mais c'est une motion dont on ne peut littéralement et clairement pas abuser, car c'est une motion qui, de par le règlement, ne peut se présenter qu'une seule fois au sein d'une séance et, à ma connaissance, elle n'a pas été faite aujourd'hui à une autre occasion. Autrement, M. le Président, dans votre sagesse, vous nous auriez refusé le droit de faire cette motion. Ce n'est qu'un ministre qui peut la faire à plusieurs reprises au cours d'une séance et pour des raisons bien évidentes, parce que le ministre est habituellement le représentant du gouvernement à la commission, il est habituellement celui qui véhicule à la commission les désirs du gouvernement. C'est pour cette raison qu'on nous réserve la possibilité de ne faire cette motion qu'une seule fois.

M. le ministre, je suis bien d'accord pour que vous nous accusiez de tous les péchés d'Israël et d'ailleurs, mais au moins accusez-nous quand vous aurez véritablement raison. Cette motion, c'est la première fois aujourd'hui que nous la faisons, c'est la seule fois où nous avons le droit de la faire et c'est la seule fois, tout respectueux que nous sommes du règlement, que nous la ferons.

M. CLOUTIER: Je vois mal comment vous pourriez la refaire.

M. LESSARD: M. le Président, sur un point de règlement.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Saguenay.

M. BURNS: On ne le fera plus.

M. LESSARD: Très brièvement, M. le Président, je n'ai pas l'intention de citer au complet l'article 157 des règlements. Cependant, je veux citer le paragraphe 2 qui me paraît très important dans les circonstances. On dit' "Ces motions sont mises aux voix, sans amendement, et elles ne peuvent être faites qu'une fois au cours d'une séance, sauf par un ministre..." C'est exactement ce que le député de Maisonneuve a dit tout à l'heure. Sérieusement, M. le Président. "Elles ne peuvent être débattues, sauf qu'un représentant de chaque parti reconnu peut prononcer un discours de dix minutes chacun à leur sujet." M. le Président, j'ai un problème de conscience avant de voter. On dit "sauf qu'un représentant de chaque parti reconnu." Or, il y a eu deux représentants du Parti libéral qui ont parlé. Il y a eu le député de Saint-Jean qui a pris position en faveur de notre amendement, et...

M. VEILLEUX: M. le Président, j'avais raison tout à l'heure dans les motifs que j'apportais...

M.LESSARD: II a affirmé qu'il parlait au nom du parti. Par contre, le ministre de l'Education, qui, normalement, ici, à la commission parlementaire, représente le gouvernement, lui, a dit qu'il n'était pas en faveur de cet amendement. Moi, avant de voter — peut-être que le député de Saint-Jean m'a convaincu; par contre, le ministre de l'Education a soulevé un certain nombre de problèmes qui pourraient m'amener à me séparer de mon parti et à voter en faveur de la motion. J'aimerais savoir, M. le Président...

M. CLOUTIER: Mais vous ne voulez pas changer de parti.

M. LESSARD: ... lequel des deux parlait au nom du Parti libéral.

M. CHARRON: II va être expulsé.

M. BURNS: Je dois dire, M. le Président, au député de Saguenay qu'il se sente bien libre de voter d'une façon ou de l'autre; il ne sera pas expulsé du parti. D'ailleurs, il n'a pas le droit de vote.

M. CLOUTIER: C'est pour ça qu'il prenait le risque de s'opposer !

LE PRESIDENT (M. Lamontagne) : De manière qu'il n'y ait pas de confusion, je vais moi-même ajourner les travaux de la commission à demain matin, dix heures.

(Fin de la séance à 23 h 34)

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