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Commission permanente de l'éducation,
des affaires culturelles et des communications
Etude du projet de loi no 22 Loi sur la langue
officielle
Séance du mercredi 3 juillet 1974
(Dix heures sept minutes)
M. PILOTE (président de la commission permanente de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre,
messieurs!
Voici quels sont les membres de la commission parlementaire. M.
Bérard (Saint-Maurice); M. Charron (Saint-Jacques); M. Déom
(Laporte); M. Cloutier (L'Acadie); M. Hardy (Terrebonne); M. Lapointe
(Laurentides-Labelle) M. Lachance (Mille-Iles) remplace M. L'Allier
(Deux-Montagnes). M. Morin (Sauvé) remplace M. Léger
(Lafontaine). M. Parent (Prévost). M. Beauregard (Gouin) remplace M.
Phaneuf (Vaudreuil-Soulanges). M. Saint-Germain (Jacques-Cartier); M. Samson
(Rouyn-Noranda); M. Veilleux (Saint-Jean).
Aujourd'hui, nous entendrons dans l'ordre...
M. MORIN: M. le Président, avant que nous ne procédions
à entendre les comparants, je voudrais soulever un problème qui a
été porté à mon attention tout récemment. Le
Syndicat des travailleurs de l'enseignement du Nord-Ouest
québécois a fait parvenir un mémoire destiné
à cette commission, et le syndicat se plaint que ce mémoire ait
été refusé parce qu'il ne serait parvenu à la
commission que le 12 juin.
M. CLOUTIER: Voulez-vous répéter, s'il vous
plaît?
M. MORIN: Oui, M. le ministre. Je répéterai volontiers. Le
syndicat se plaint que son mémoire ait été refusé
parce que reçu le 12 juin. Or, la date limite, vous vous en souviendrez,
avait été fixée au 10 juin et le mémoire avait
été mis à la poste à cette date, sous pli
recommandé.
Vous n'ignorez pas que, selon la loi qui régit les postes, un
objet qui est mis à la poste est réputé reçu
légalement par le destinataire. Il existe une abondante jurisprudence
sur la question, comme le député de Gouin le sait, et j'aimerais
soulever le problème dont m'ont fait part les membres de ce
syndicat.
Je pense que le secrétariat des commissions en a reçu un
exemplaire et, en ce qui concerne l'Opposition, nous ne voyons pas pour quelle
raison on refuserait à ce syndicat le droit de se faire entendre.
M. CLOUTIER: Je vais vérifier auprès du secrétariat
des commissions et je vous donnerai l'information pertinente, soit en fin de
séance ou au début de la séance cet après-midi.
Je pense que le gouvernement a manifesté, depuis le début,
qu'il se souhaitait le plus disponible possible, qu'il cherchait à faire
entendre le plus de groupes possible, La façon dont les convocations ont
été faites le démontre amplement. Il n'est certainement
pas question de priver qui que ce soit du droit de se faire entendre s'il le
souhaite. Personnellement, quelle que soit la jurisprudence, je n'aurai
certainement pas d'objection si les faits sont à peu près ceux
que me rapporte le chef de l'Opposition. Il va de soi que je ne mets pas sa
parole en doute. Je n'aurai certainement pas d'objection à ce qu'on
puisse les faire entendre, si les convocations faites jusqu'ici nous permettent
pour ainsi dire, de les absorber. Ce n'est donc pas nécessaire d'en
faire un problème légal. Je crois que la collaboration qui a
existé ici et que je me plais à souligner, nous permettrait
certainement de régler ce genre de petites difficultés.
M. MORIN: Oui. Il va sans dire, M. le Président, que j'ai
relaté les faits tels qu'on me les a soumis et que si par hasard j'ai
fait erreur, j'admettrai volontiers que les règles sont applicables
à tout le monde.
M. CLOUTIER: Ce que je sais, c'est que le secrétariat des
commissions a interprété le règlement de la façon
la plus favorable possible pour ceux qui envoient des mémoires.
Maintenant, nous avons reçu à peu près 180 demandes au
début et nous avons reçu à peu près 150
mémoires. Là-dessus, il y en a une bonne dizaine qui se sont
désistés en manifestant leur désir de ne pas se
présenter devant la commission. Nous en avons entendu au-delà de
60, sinon davantage. Ceci vous donne quand même une idée de la
façon dont toute l'opération a été menée. Je
crois bien que les observateurs impartiaux admettront qu'elle l'a
été avec la plus grande ouverture d'esprit possible. Nous n'avons
même pas cherché, je me plais à le souligner, à
grouper les intervenants d'une façon qui pourrait être favorable
à une thèse ou à l'autre. Le seul but que j'ai poursuivi
depuis le début, c'est de permettre aux gens de s'exprimer et de
permettre aux gens d'apporter tous les éclaircissements
nécessaires, sachant, d'ailleurs, que de la confusion du début,
la vérité finirait par sortir.
M. MORIN: Je crois que nous avons entendu 58 mémoires jusqu'ici,
M. le Président.
M. CLOUTIER: 58?
M. MORIN: Je crois que c'est cela.
M. CLOUTIER: Ce n'est pas si mal.
LE PRESIDENT (M. Pilote): On peut commencer? Nous entendrons dans
l'ordre aujour-
d'hui le Comité d'école Notre-Dame-de-Lourdes; les
Comités d'école regroupés: Présentation de Marie,
Saint-Gilles, Don Bosco, Saint-Christophe, Notre-Dame-de-Lourdes; Produits
White Star Ltée; Regroupement régional de la capitale
québécoise; Comité des citoyens de Saint-Laurent et le
Conseil du travail de Joliette. J'inviterais M. Aimé Paradis...
MME PARADIS: Madame!
LE PRESIDENT (M. Pilote): Pardon, c'est écrit monsieur ici.
M. CLOUTIER: Nous nous rendons à l'évidence, madame.
LE PRESIDENT (M. Pilote): ... Mme Aimé Paradis, du Comité
d'école Notre-Dame-de-Lourdes, à venir présenter son
mémoire et à présenter les gens qui l'accompagnent.
MME PARADIS: Je vous présente M. Octave Dupont.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour
présenter votre mémoire, le parti ministériel a 20 minutes
pour vous poser des questions et les partis de l'Opposition ont 20 minutes
également. Mme Paradis.
Comité d'école
Notre-Dame-de-Lourdes
MME PARADIS: M. le ministre, messieurs les députés, je
pense qu'il est inutile de relire notre mémoire. Je crois et
j'espère que tout le monde en a pris bonne note. Alors, M. Octave Dupont
va vous faire la présentation.
M. DUPONT: Nous représentons le Comité d'école
Notre-Dame-de-Lourdes de la ville de Laval dont l'exécutif a
été dûment élu par les 212 familles du secteur que
nous représentons. Nous représentons donc 424 parents. Lors de
notre assemblée générale de mai dernier, nous avons
informé les parents présents de notre intention de
présenter un mémoire relatif au projet de loi 22. Face aux
récents événements vécus à Laval, les
parents étaient enthousiasmés par notre projet d'analyse. Etant
donné le très court laps de temps accordé pour la
présentation du mémoire, notre comité s'est limité
à l'étude du chapitre traitant de la langue d'enseignement.
Cependant, nous avons gardé sans cesse à l'esprit la
nécessité d'une politique vertébrée prônant
la primauté de la langue française dans le monde des affaires, du
travail et celui des communications.
Examinons tout d'abord le préambule du projet de loi 22. Nous
lisons ici le préambule du projet de loi 22: "Attendu que la langue
française constitue un patrimoine national que l'Etat a le devoir de
préserver, et qu'il incombe au gouvernement du Québec de tout
mettre en oeuvre pour en assurer la prééminence et pour en
favoriser l'épanouissement et la qualité;
Attendu que la langue française doit être la langue de
communication courante...
Attendu que la langue française doit être
omniprésente dans le monde des affaires... ici, nous voulons souligner
l'ambiguïté de cet attendu étant donné que
"omniprésence" ne voudrait pas signifier primauté de la langue
française dans le monde des affaires.
Attendu qu'il importe de déterminer le statut de la langue
française dans l'enseignement...
Ce sont les attendus, dans votre préambule, qui nous ont
incités à vous présenter ce mémoire et, comme vous
l'avez si judicieusement dit, votre gouvernement a le devoir de
préserver la langue française. Vous admettez donc, de fait, dans
votre préambule, que la langue française est menacée, ce
que nous trouvons d'ailleurs parfaitement exact. Il est donc de notre devoir de
tout mettre en oeuvre pour préserver cette langue française par
une législation vertébrée qui en assure la
primauté. Le français doit être la seule langue officielle
du Québec. Examinons la situation de l'enseignement des langues dans les
écoles françaises au Québec. Il ressort que la
médiocrité de l'enseignement des langues française et
anglaise a favorisé le glissement des étudiants francophones et
allophones vers le secteur anglais.
Ici, je passerai la parole à Mme Aimée Paradis qui a
préparé un certain nombre de statistiques qui concernent le
secteur de l'enseignement à Laval et qui vous démontrera que la
proportion d'anglophones est vraiment très infime dans Laval.
MME PARADIS: Ceci pour appuyer l'article 49 qui se lit comme suit: "Les
élèves doivent connaître suffisamment la langue
d'enseignement pour recevoir l'enseignement dans cette langue. Les
élèves qui ne connaissent suffisamment aucune des langues
d'enseignement reçoivent l'enseignement en langue française". On
trouve cet article trop ambigu et on propose le texte suivant: Que
l'enseignement en langue anglaise ne soit donné qu'aux anglophones
authentiques je définirai tantôt ce que j'entends par
anglophones authentiques et que leurs écoles soient
intégrées au secteur privé et qu'elles soient
considérées comme telles sur le plan des subventions consenties.
Que tous les enfants d'immigrants soient intégrés au secteur
francophone et que leur adaptation dans les écoles françaises
soit facilitée par des mécanismes adéquats.
Nous appuyons nos dires à partir de l'expérience de la
commission scolaire Chomedey de Laval. Nous avons comme population scolaire, au
secondaire, 30,233 élèves qui comprennent français,
anglais et allophones.
La population dans les écoles anglaises, à première
vue, serait de 2,622 élèves qui comprennent ceux venant des
commissions scolaires
avoisinantes, à savoir: Duvernay, Mille-Iles, Les Ecores. Ce
chiffre, 2,622, si on le compare à la population totale,
représente 8.7 p.c. Mais en analysant plus en profondeur, on
découvre que ce pourcentage n'est pas exact.
A Chomedey de Laval où il y a, en apparence, 1,596 anglophones,
cette population se répartit comme suit: 721 anglais, 562
français, 313 allophones.
A Duvernay, pour une population apparente de 410 anglophones, nous avons
149 Anglais, 197 Français et 64 allophones.
A Milles-Iles, sur 616 anglophones, nous avons en réalité
237 Anglais, 277 Français et 102 allophones.
Si on compare maintenant la population d'anglophones authentiques, nous
avons une population de 1,107 anglophones authentiques, ce qui abaisse le
pourcentage réel à 3.7 p.c. Si nous faisons le pourcentage des
francophones passés au secteur anglais, tout d'abord le total, 1,036,
nous arrivons à un pourcentage de 3.4 p.c. et le pourcentage des
allophones à 1.6 p.c.
Ce qui fait en réalité, pourcentages combinés de
francophones et d'allophones, 5 p.c, ce qui est nettement supérieur au
pourcentage des anglophones authentiques.
Dans cette étude, il ressort que l'administration scolaire
Chomedey de Laval, selon le projet de loi 22 et en vertu de l'article 9,
chapitre I langue de l'administration publique ne serait pas
tenue de rédiger ses textes et documents officiels dans la langue
anglaise puisqu'ils ne représentent en fait que 3.7 p.c. de la
population concernée.
L'article 13 ne s'appliquerait pas non plus et le français serait
la seule langue de communication.
Un article aussi de la Société des nations
référence: Devoir du 27 juin 1974 le texte se lit comme
suit: II faut permettre aux minorités de comprendre la culture et la
langue de l'ensemble de la collectivité et permettre de prendre part
à ses activités. Comment connaître et comprendre la culture
française si on n'y a pas accès?
C'est ce qui se passe pour les anglophones qui fréquentent les
institutions d'enseignement anglaises où l'on enseigne un
français folklorique. En établissant un système unique
français, les deux solitudes, française et anglaise, se
rejoindraient et on n'aurait plus cette dichotomie entre les deux groupes
ethniques.
Ceci ne viendrait pas à l'encontre de l'article de la Cour
européenne des droits de l'homme. Voir encore le Devoir du 28 juin 1974
où il est fait mention que les groupes minoritaires dominants n'ont pas
droit à des garanties particulières. Il y a le cas type de la
Belgique. Justement, vous avez un immigrant, M. Dupont, Canadien maintenant,
qui peut vous exposer...
M. DUPONT: Je suis un Canadien d'origine belge qui pourrait, en fait,
vous exposer, comme cela a d'ailleurs été très bien
résumé dans le
Devoir du 28 juin... En fait, la Belgique, actuellement, depuis la Loi
linguistique, a été divisée en trois régions bien
distinctes: La partie nord qui est la région francophone où la
seule langue parlée, c'est-à-dire officielle, est le flamand; la
partie sud du pays où la seule langue officielle est le français,
et la partie bilingue de Bruxelles, constituée par les 19 communes
constituant la ville de Bruxelles, où cette région est
désignée comme bilingue, mais où la langue d'enseignement
est déterminée non pas par le libre choix des parents, mais par
la langue parlée à la maison.
Je peux vous citer un exemple familial où des personnes,
s'exprimant très bien en français, mais parlant le flamand
à la maison, doivent, par la loi, envoyer leurs enfants à
Bruxelles dans une école néerlandophone. Je pense que c'est une
situation assez claire et on a peut-être trop souvent voulu assimiler le
cas du Québec à la Belgique, étant donné que c'est
assez facile de faire des rapprochements, mais je pense que la situation est
totalement différente.
MME PARADIS: Dans le système d'enseignement public unique
préconisé dans notre rapport, l'enseignement de la langue seconde
ne serait plus perçu comme imposé par un pouvoir dominateur, mais
comme un moyen d'accéder à une autre culture, tout en
étant un outil de communication essentiel dans le contexte
nord-américain. Là-dessus, je crois que je rejoins la
pensée du Dr Cloutier lorsqu'il animait la célèbre
émission "Un homme vous écoute".
Examinons maintenant la situation des minorités francophones
à l'extérieur de la province de Québec. Au primaire,
l'enseignement des matières principales se fait 50 p.c. en anglais, et
l'enseignement des matières secondaires se fait en français. Au
niveau du secondaire, un enseignement totalement en anglais.
Donc, à l'instar des autres provinces, nous nous devons
d'appliquer les mêmes mesures pour les minorités anglophones que
celles appliquées aux minorités francophones des autres
provinces.
Donc, il nous faut assurer la primauté de l'enseignement de la
langue française dans toutes les écoles, et accorder, comme
privilège, un enseignement à 50 p.c. en français pour les
matières principales et 50 p.c. en anglais pour les matières
secondaires, pour enfin parvenir au niveau du secondaire à un
enseignement unilingue français public aussi au niveau des CEGEP et
universités tout comme dans les autres provinces.
En somme, notre proposition celle que vous retrouverez dans le
mémoire est beaucoup plus avantageuse pour les anglophones que
celle qui prévaut à l'heure actuelle dans les autres
provinces.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Le ministre de l'Education.
M. CLOUTIER: M. le Président, je remercie le Comité
d'école Notre-Dame-de-Lourdes pour
la présentation de son mémoire. C'est toujours avec
beaucoup de plaisir que j'entends les parents s'exprimer sur des
problèmes qui les concernent au premier chef. C'est aussi avec beaucoup
de sympathie que j'ai écouté cette déposition.
J'ai noté également qu'un des représentants du
comité d'école a bien dit, ou a bien laissé entendre,
qu'il était difficile d'appliquer les exemples d'autres pays à la
situation qui est la nôtre. Souvent l'exemple belge a été
mis de l'avant. Le point de départ du problème en Belgique
était forcément différent d'ici. Même si certaines
solutions peuvent nous inspirer, les véritables solutions doivent
naître de la société telle qu'elle est et de notre
histoire. Pas nécessairement de la société qu'on aimerait
construire, mais de la situation de manière à la faire
évoluer.
De toute façon, ce n'est pas le lieu de faire un débat.
Les circonstances vont nous permettre de l'entreprendre bientôt. Je me
contenterai de demander un éclaircissement et de poser une question.
Je voudrais être sûr de bien comprendre ce que vous
souhaitez, c'est la disparition du secteur anglophone public et la constitution
d'un système d'enseignement unique qui serait, bien sûr,
francophone. C'est bien cela?
MME PARADIS: C'est exact.
M. CLOUTIER: Vous ne niez pas aux anglophones, à ce moment, le
droit qui est d'ailleurs reconnu partout au monde d'avoir leurs écoles
privées en anglais. Mais ce que vous souhaitez, c'est la disparition du
système anglophone. C'est bien cela?
M. DUPONT: Du système anglophone public?
M. CLOUTIER: Du système anglophone public?
M. DUPONT: Nous l'avons d'ailleurs souligné dans notre
mémoire. Nous sommes très clairs à ce sujet.
M. CLOUTIER: Très bien. Vous répondez à
l'éclaircissement que je vous demandais. Ma question est la suivante:
Nous avons entendu les commissaires d'écoles de Chomedy de Laval venir
devant cette commission et nous faire part d'une expérience assez
intéressante concernant les transferts du secteur francophone au secteur
anglophone. Ils nous ont dit, entre autres, qu'ils avaient reçu
l'année dernière 350 demandes de transfert du secteur francophone
au secteur anglophone et, comme les règlements du ministère de
l'Education le leur permettaient, ils ont fait subir des tests et ils ont
réduit ces demandes à 150. On peut peut-être en conclure,
à partir de cette expérience qui a très bien
fonctionné, que, d'une part, l'utilisation de tests et, dans ce cas
particulier, il ne s'agissait même pas de tests standardisés, il
s'agissait de tests de la commission scolaire; l'utilisation de tests constitue
un frein à ces transferts d'un secteur à l'autre. Ils nous ont
dit, d'autre part, que l'utilisation de tests permet une meilleure
intégration des élèves, en ce sens qu'ils se trouvent,
à ce moment, à avoir une connaissance suffisante de la langue
d'enseignement d'un secteur pour suivre l'enseignement, dans ce secteur, d'une
manière valable.
Je me demande ce que vous pensez de cette expérience.
MME PARADIS: On a peut-être omis de vous informer que, par
ailleurs, les francophones grossissent les classes dites
orthopédagogiques au niveau du secondaire, dans le secteur anglais et
que, finalement, même si les francophones passent au secteur anglais,
c'est à leur détriment puisqu'ils resteraient le parent pauvre du
sytème anglais.
M. CLOUTIER: C'est peut-être un autre problème que je ne
nie pas, mais je vous demandais votre opinion sur l'utilisation de tests en
vous donnant un exemple très clair puisqu'il a été fourni
devant cette commission, à savoir que, sur 350 demandes, 150 ont
été retenues et que, dans tous les cas, il ne semble pas y avoir
eu contestation et que les tests auraient agi et comme frein et comme
instrument pédagogique dans l'intérêt de
l'élève. C'est une opinion là-dessus, non pas sur le fait
qu'il y a des transferts d'un secteur à l'autre et que ceci puisse vous
créer un problème.
MME PARADIS: On peut souvent faire dire aux tests ce qu'on veut et cela
dépend dans quelle condition ils sont faits aussi et
deuxièmement, je me pose le problème d'une autre façon: le
pourquoi de ces transferts des francophones à l'anglais... Il y a une
preuve. La pauvreté de l'enseignement de la langue seconde est
effarante, de même que la langue française. La langue
française est abâtardie à l'heure actuelle et je pense que
le gouvernement doit prendre des mesures, à cet effet, pour corriger la
situation.
M. CLOUTIER: Vous avez tout à fait raison. Et d'ailleurs...
MME PARADIS: Disons que le système d'éducation a
été passé pas mal vite. M. Gérin-Lajoie a
passé cela très très vite, l'histoire des polyvalentes,
avec tout le cortège d'inconvénients que cela a amenés, je
pense que l'enseignement de la langue doit être une primauté au
niveau du gouvernement.
M. CLOUTIER: Madame, vous me faites plaisir parce que vous ralliez
exactement mes vues et c'est la bataille que je mène depuis deux ans et
demi.
MME PARADIS: Je suis persuadée que, s'il n'y avait qu'un
système francophone comme il y a un seul système anglophone
officiel ailleurs, on pourrait améliorer la qualité de la langue
française et améliorer aussi la qualité de la langue
seconde qui est l'anglais, qui est la langue de communication qu'on ne peut
dénier, qui est essentielle.
M. CLOUTIER: II peut y avoir coincidence de vues entre nous sur les
objectifs, mais il peut aussi y avoir sur les modalités certaines
divergences. Alors, je vous remercie beaucoup.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Le chef de l'Opposition officielle.
M. MORIN: Je vais céder mon droit de parole, pour l'instant, au
député de Saint-Jacques, mais je reviendrai, M. le
Président.
M. CHARRON: Je veux vous remercier également au nom de
l'Opposition d'avoir apporté votre mémoire, ce matin.
J'ai sous les yeux un article d'un quotidien de la ville de
Québec en date du 15 juin 1974, donc il n'y a pas tellement longtemps.
On y traitait du problème linguistique de la ville de Laval tel qu'il
avait été soulevé au cours du printemps. On y rapporte
certaines données qui permettaient de titrer l'article "Ville de Laval,
symbole de la lutte des langues". J'aimerais que vous commentiez, pour autant
que vous les connaissez, bien sûr, certaines données qui,
peut-être pour la commission, constitueront un élément de
plus au dossier déjà lourd contre le projet de loi 22. On dit que
dans deux ans il y aura 16 p.c. d'étudiants de moins dans les
écoles françaises de la ville de Laval, et 12 p.c. de plus dans
les écoles anglaises. On dit que depuis quatre ans, dix écoles
françaises sont passées au secteur anglais à Laval, que
plus de la moitié, soit 53.8 p.c. des élèves inscrits dans
les institutions anglaises ne sont pas des anglophones d'origine, et on dit que
la commission scolaire Chomedey de Laval prévoit qu'au niveau
secondaire, 10,739 étudiants fréquenteront le secteur
français 2,889 le secteur anglais en septembre prochain; soit, dans le
premier cas, une augmentation de 26 p.c. depuis 1969, au moment de la loi 63,
mais dans le second cas un accroissement de 60.5 p.c. de la clientèle,
c'est-à-dire dans le côté anglophone.
Je ne sais pas où la journaliste en question a puisé ces
statistiques, probablement à Laval même et aux commissions
scolaires. Je voulais simplement vous poser comme première question, si
vous êtes au courant de ces statistiques, puisque vous nous en avez
apporté qui allaient à peu près dans le même sens,
et si vous pouvez les commenter?
MME PARADIS: Lorsque tantôt, je vous ai parlé des 2,622
anglophones de la commission scolaire Chomedey de Laval au niveau du
secondaire, en réalité quand on fait l'analyse profonde, on
constate que ce ne sont pas des anglophones authentiques. Je vous renvoie
à mon mémoire. Là-dessus, vous avez une forte
proportion... par exemple à Chomedey de Laval, si vous faites le total
des francophones et des allophones, vous arrivez à 875 versus 721 pour
les Anglais. A Duvernay, vous avez un total de francophones et d'allophones de
261 versus 149 anglophones. A Mille-Isles, vous avez un total de francophones
et d'allophones de 379 versus 237 Anglais. Je pense que ces chiffres sont
éloquents. Ces chiffres doivent donner à réfléchir
au gouvernement, au ministère de l'Education principalement, au niveau
de l'établissement le plus rapidement possible de classes d'accueil et
aussi d'une certaine animation du milieu, parce qu'il ne faut pas se cacher
que, nous, Québécois, sommes un peu xénophobes.
Il faut, à la fois, faire une animation pour permettre une plus
grande ouverture du milieu et je croirais, je suis persuadée que, dans
un système unique, tous ces heurts et ces embûches seraient
définitivement aplanis parce que les gens apprendraient à se
connaître, à se rencontrer. En ayant deux systèmes, un
système anglais et un système français... Quand on sait
que les deux pensées sont totalement à l'opposé l'une de
l'autre, l'une de type anglo-saxon et l'autre de type latin, en ne faisant
qu'une seule école, on arriverait à une harmonie et on arriverait
vraiment à faire un Québec fort.
M. CHARRON: Vous savez, cette opposition que vous signalez entre les
deux façons de penser, je pense que les membres de la commission qui ont
suivi attentivement les travaux de la commission, qui en est à sa
quatrième semaine, ne peuvent plus la nier maintenant. Dans un
même après-midi, par exemple, on pouvait véritablement,
à partir de gens provenant de la même ville à l'occasion,
par exemple Montréal, dans le même après-midi, nous avons
entendu la Commission des écoles catholiques de Montréal et le
Protestant School Board of Greater Montreal, soit les deux plus grandes
commissions scolaires de l'île de Montréal, à
proximité de Laval, qui nous ont tenu des propos qui avaient des
siècles de distance l'un de l'autre. Cela est certainement une des
choses que plusieurs membres ont reconnues depuis le début. Personne
n'avait l'impression que ce fossé était à ce point
élargi qu'aucun pont, aussi habile et subtil soit-il, que ce soit celui
que le ministre a essayé d'édifier avec un chapitre de la langue
d'enseignement qui, jusqu'ici, a été refusé par tout le
monde... Je pense que c'est une des découvertes que nous avons
faites.
Vous avez fait mention également, et je vais vous entretenir de
cela maintenant, que nous, Québécois, sommes xénophobes
à l'occasion, ce que, je pense, personne ne niera, mais est-ce que vous
avez l'impression que... J'y pense, moi
aussi, à ce trait de notre caractère, la xénophobie
à certaines occasions, mais, en même temps, je me réjouis
tout le temps de voir que, dans les conditions où cette
xénophobie, comme vous dites, s'est développée et s'est
implantée dans l'esprit des Québécois, cela aurait pu
être définitivement plus grave et cela aurait pu... Il me semble
que bien des peuples qui auraient connu cette situation que nous avons connue,
qui voyait littéralement 90 p.c. des immigrants immédiatement se
regrouper au groupe qui, ici, contrôle et s'impose et dirige notre vie
économique et, par des voies arrière, notre vie politique
également, c'est le minimum, il me semble, de ressentiment... Je ne
tiens pas à l'excuser, je tiens à l'expliquer et je me dis
qu'à bien des occasions, nous sommes passés à deux doigts
du racisme, mais il est toujours resté, au sein des
Québécois, une espèce de tolérance que, souvent, on
a édifiée en statue, mais de tolérance qui permettait de
nous éloigner du racisme pur.
MME PARADIS: II ne faut quand même pas laisser cela simplement aux
Québécois francophones, parce que, du côté
anglophone, vous avez exactement la même réaction. Je dis que, si
on a un système unique, unilingue français, et où
l'apprentissage de la langue seconde ne sera pas vu comme l'apprentissage d'une
langue du dominant, mais comme un moyen d'accéder à la culture et
à la compréhension de l'autre et de pouvoir communiquer, vraiment
communiquer dans le sens le plus fort du mot, je pense qu'alors, les
problèmes québécois vont s'aplanir.
M. DUPONT: Etant moi-même immigrant, me reportant à une
dizaine d'années en arrière, j'ai dû lutter pour
m'installer au Québec d'abord, parce que le gouvernement
fédéral, dans ses ambassades, favorisait énormément
l'implantation même des francophones dans les provinces totalement
anglaises. Ma destination première, lorsque je suis arrivé au
Canada, était Ottawa. Ce n'était pas bien loin, mais
c'était la destination qui m'avait été non pas
imposée mais conseillée. En fait, j'ai débarqué
à Montréal, je suis resté à Montréal et j'en
suis très heureux. Mais je pense que, également pour l'immigrant
qui arrive au Québec, étant donné que les postes de
commande sont occupés par les Anglais, étant donné,
d'autre part, ce que Mme Paradis a souligné, la faiblesse de la langue
française, la faiblesse également de l'enseignement de la langue
seconde, qui, pour l'immigrant, malgré tout, il faut le comprendre, peut
encore constituer la langue qui lui permette de travailler, je pense que tout
ça peut inciter drôlement, si le gouvernement du Québec ne
prend pas de mesures appropriées, les immigrants à passer au
secteur anglophone.
D'autre part, qu'on n'accuse pas les Anglais de racisme ni de
xénophobie étant donné leur position dominante,
étant donné leur position très forte au Québec. Ce
sont les francophones que je comprends très bien d'avoir
manifesté un certain racisme étant donné que, d'une
part, les immigrants venant s'installer au Québec, étant
donné le chômage très élevé, ils pouvaient
considérer ces immigrants comme des personnes venant chercher leurs
moyens de gagner leur vie. En fait, je ne fais absolument pas de reproche
à mes conpatriotes québécois d'avoir, dans une certaine
mesure, fait certaines remarques aux immigrants étant donné que
le gouvernement québécois ne faisait rien pour favoriser cet
accueil des immigrants. Les classes d'accueil n'existent pas depuis longtemps
et l'immigrant était forcé de se tourner vers un visage qui lui
avait d'ailleurs été beaucoup plus inculqué dans les pays
d'Europe ou dans d'autres continents, à savoir que le Canada
était un pays anglophone. On ne faisait pas cette distinction qu'au
Québec il y avait une majorité francophone. Tout ça, je
pense, explique la situation, mais ce qui s'explique beaucoup plus
difficilement, c'est que le gouvernement du Québec n'ait pas pris de
mesure pour favoriser cette intégration des immigrants au milieu
francophone.
M. CHARRON: J'ai une dernière question avant celle du chef de
l'Opposition. Dans votre solution que vous préconisez d'un
système unilingue français et du renvoi du secteur anglophone au
domaine de l'enseignement privé, est-ce que vous conserviez le droit aux
enfants anglophones de s'inscrire à l'école publique
française, même dans ce système?
MME PARADIS: Certainement. Et je dis que la journée où la
qualité de l'enseignement du français et la tenue de nos
écoles parce que j'ai moi-même enseigné
seront différentes, je pense qu'il y aura sûrement un changement.
En plus de ça, la journée où le gouvernement aura une
politique de la langue qui se tienne, qui montre que vraiment les
Québécois sont des hommes et non pas des chiques molles, qui fera
du français la langue de travail, les anglophones seront les premiers
à vous respecter. Je connais énormément d'entreprises
anglophones où, à l'heure actuelle, le français est la
langue de communication entre les employés et l'extérieur. Je
pense que si on donne un système unilingue français, on pourra
arriver à un standard de qualité.
M. CHARRON: Je veux conclure avec ça, je vous posais cette
question uniquement...
MME PARADIS: Pour ne pas brimer certains droits acquis, quoique c'est
toujours une forme de privilège, on a donné cette solution: Si
les anglophones authentiques veulent continuer leur enseignement, cela devient
un secteur privé. Je pense qu'à ce moment-là, on ne brime
personne.
M. CHARRON: Je vous posais simplement
cette question parce qu'il s'agit d'un point où nous divergeons
d'opinion. Vous savez que nous soutenons la présence d'un secteur public
anglophone qui soit adapté à chacun des territoires, mais nous
soutenons également chaque fois, devant les anglophones qui viennent
à cette commission, qu'autant nous voulons respecter ces droits à
une éducation dans leur langue, autant nous voulons maintenir pour eux,
comme minorité, en nous inspirant même du texte de la
Société des nations que vous nous avez lu, le droit de participer
à la vie de la majorité. Cela nous semble la voie la plus juste
que nous puissions offrir dans le respect de la minorité anglaise, soit
le droit d'avoir ses écoles. Vous les voulez privées, nous
considérons qu'elles peuvent être encore publiques sans mettre en
danger la sécurité culturelle des Québécois et en
même temps leur permettre ce droit d'aller à l'école
française pour participer à la vie de la majorité.
Lorsque nous "départisanons" le débat et surtout lorsque
nous l'envisageons, il me semble très clair que, pour les anglophones,
nous pouvons aboutir à cette solution beaucoup plus facilement
que...
MME PARADIS: Quant à nous, notre attitude n'était pas du
tout politique. Nous l'avons fait en tant que...
M. CHARRON: Oui, oui.
MME PARADIS: ... parents, on a eu une approche peut-être
philosophique de la chose. Si les anglophones veulent être au secteur
public, à ce moment-là, 50 p.c. de l'enseignement en langue
française pour les matières principales et 50 p.c. en langue
anglaise pour les matières secondes et, au niveau secondaire, tout le
monde en français.
M. CHARRON: Votre approche philosophique, nous l'attendions. C'est
exactement ce que nous voulions. Cela constitue un pas de plus. Le ministre n'a
toujours aucun appui dans le monde de l'éducation pour son projet de
loi.
M. CLOUTIER: Puisque le député de Saint-Jacques me met en
cause, je ne serais pas intervenu, mais je ne peux pas rater l'occasion de
souligner que vous allez beaucoup plus loin que le PQ.
M. CHARRON: Oui, je l'ai souligné...
M. CLOUTIER: Je sais que cela vous importe peu et je vous en rends
hommage.
M. CHARRON: Oui, oui.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable chef de l'Opposition
officielle.
M. MORIN: M. le Président, j'aimerais reve- nir brièvement
au cas belge qui a été évoqué par M. Dupont. Le
ministre nous disait tout à l'heure que le problème est
différent au Québec de ce qu'il peut être en Belgique et,
certes, il existe une différence. Mais il y a également de
très fortes ressemblances. Il y a des leçons à tirer du
cas belge, si l'on veut éviter que les problèmes s'aggravent de
la même façon au Québec.
Le ministre nous a dit: II ne faut pas s'inspirer de la
société telle qu'on aimerait la construire. Je l'ai noté,
cela m'a beaucoup frappé comme phrase. Or, c'est ce que les Flamands ont
fait, c'est ce que les Wallons font maintenant également dans la
construction d'un pays qui soit plus juste sur le plan des langues.
C'est ce que font également les anglophones
québécois. Ils s'inspirent de la société telle
qu'ils aimeraient la construire. Et nous avons eu ici, devant cette commission,
plusieurs exemples de cette façon de penser de la société,
de penser l'avenir. Les anglophones québécois nous ont
décrit une société entièrement bilingue, vers
laquelle ils aimeraient voir le Québec évoluer. Ils nous ont
décrit une société où le secteur anglophone,
protestant ou catholique, aurait toute liberté d'assimiler, non
seulement les allophones, mais les Québécois francophones tout
aussi bien.
Donc, il est normal, lorsqu'on tente de construire un pays, lorsqu'on
tente de penser l'avenir, qu'on s'inspire de la société telle
qu'on aimerait qu'elle soit, pas seulement telle qu'on peut constater qu'elle
se trouve à l'heure actuelle. Si la situation actuelle devait se
continuer, c'est bien ce que le projet de loi nous dit en somme, en gros, je
pense que la situation serait appelée à se gâter encore
davantage, pour les Québécois francophones, ce qui aurait
peut-être des conséquences pour la paix sociale au
Québec.
Il faut donc résolument et je vous en félicite
penser la société telle qu'on aimerait qu'elle soit tout
en tenant compte, à l'occasion, d'un certain nombre de contraintes qui
nous viennent du fait que nous habitons l'Amérique du Nord et qu'on ne
peut fermer les yeux sur des faits comme ceux-là. Compte tenu de cela,
il est évident que le cas belge recèle des enseignements fort
intéressants. J'aimerais peut-être, brièvement,
l'approfondir avec M. Dupont.
D'abord, si vous le voulez bien, j'aimerais vous faire préciser
le statut exact des écoles dans chacune des parties strictement
unilingues avant de parler des 19 communes de l'agglomération
bruxelloise. Est-ce que, du côté flamand comme du
côté Wallon, il existe le moindre choix entre les écoles
majoritaires ou les écoles minoritaires, si je puis employer un
vocabulaire qui, évidemment, ne s'applique pas tout à fait dans
le cas belge.
M. DUPONT: Non, en fait, il n'existe aucun choix. Vous avez l'exemple le
plus frappant dans la région néerlandophone, la partie
franco-
phone de l'Université de Louvain qui se trouvait à
Louvain, donc en territoire flamand, au nord de la limite de la ligne
géographique divisant la Belgique en deux; au nord, la partie
néerlando-phone; au sud, la partie néerlandophone avec cet
îlot de Bruxelles. En fait, les Flamands sont allés très
loin puisqu'ils ont demandé et exigé le
déménagement de la partie francophone de l'Université de
Louvain, c'est-à-dire que le partie néerlandophone de
l'Université de Louvain est restée à Louvain et la partie
francophone de l'Université de Louvain est allée s'installer
à Wavre, c'est-à-dire au sud, à peu près à
dix milles ou quinze milles de Bruxelles. Donc, c'est allé très
loin. En fait, cela ne s'est pas fait sans difficulté, je vous l'avoue,
et peut-être...
M. CLOUTIER: Cela ne s'est pas fait sans difficulté.
M. DUPONT: ... qu'à ce niveau, cela a créé beaucoup
de heurts au niveau d'une institution universitaire de renom, d'exiger le
déménagement cela, je vous l'avoue en territoire
francophone. Mais cela veut dire que la Belgique est allée très
loin et ne laisse absolument pas le libre choix. Par exemple, le francophone
qui décide, pour ses affaires ou pour toute autre raison, de s'installer
dans la partie néerlandophone, au nord de Bruxelles, cette personne doit
travailler en flamand, doit tout faire en flamand. La seule liberté qui
lui est laissée, c'est de parler sa langue maternelle à la
maison. Donc, cela va très loin.
Même en fait, dans les églises de la côte belge, qui
est une région de villégiature, précédemment, les
sermons des prêtres étaient prononcés en flamand et en
français. Actuellement, pour que le français puisse être
accepté comme langue employée par le prêtre, le flamand,
l'anglais, l'allemand et le français... C'est-à-dire qu'il faut
quatre langues pour que le français puisse figurer comme langue de
communication, même à l'église. Donc, cela va très
loin.
M. CLOUTIER: Et vous savez ce que cela suppose comme contrôle?
M. DUPONT: Oui.
M. CLOUTIER: Vous avez lu le décret belge et vous êtes
d'accord sur cette rigidité dans une société?
M. DUPONT: C'est-à-dire, je pense que l'histoire donne raison,
dans une certaine mesure, au Flamand d'avoir demandé l'unilinguisme
flamand. Elle le donne surtout au Flamand, étant donné que,
précédemment, vous aviez énormément de Flamands qui
fréquentaient l'école française, surtout les gens qu'on
appelle "la bonne société", qui s'exprimaient en français,
qui travaillaient même en français et, à ce moment, le
peuple, constitué, il y a quarante ou cinquante ans, de paysans,
n'était pas capable de communiquer avec ses pairs, avec des gens parlant
normalement la même langue.
On a même eu l'exemple en Belgique de gens, il y a très
longtemps, avant que les Flamands se réveillent dans leur mouvement, qui
ont été jugés en français alors qu'ils
étaient néerlandophones et qui n'ont absolument rien compris.
Je pense que l'histoire justifie cette prise de position. La situation
était un peu différente, étant donné que le
francophone, avant ce décret belge, pouvait se déplacer partout
dans toute la Belgique et n'employer que sa propre langue. Au fond,
c'était une similitude avec l'anglophone du Québec qui peut, en
fait, aller partout dans la province de Québec en ne connaissant pas le
français et être entendu partout. Là, il y a une
similitude.
M. MORIN: Si les Flamands ont dû aller si loin et employer des
méthodes si draconiennes, c'est peut-être parce qu'on a trop
attendu pour régler le problème.
M. DUPONT: C'est cela. Je dois vous avouer que, si je témoigne en
faveur de la solution belge pour les Flamands, je suis moi-même
francophone de naissance, c'est dire que la situation était nettement
injuste pour les Flamands.
M. MORIN: II vaudrait mieux qu'on n'attende pas au Québec que la
situation se détériore au point d'être obligé
d'avoir recours à des solutions aussi radicales. Si j'ai bien compris
votre exposé, la néerlandisation s'est appliquée non
seulement à l'école primaire, mais tout aussi bien au secteur
secondaire et aux études supérieures.
M. DUPONT: Au secteur universitaire également.
M. MORIN: Et il en va de même dans les affaires.
M. DUPONT: II en va de même dans les affaires. Toutes les
sociétés étrangères, et Dieu sait si elles sont
nombreuses en Belgique, reconnaissent, comme langue de travail, le flamand. Il
est évident que certains cadres supérieurs des entreprises
doivent, pour la bonne marche des affaires, étant donné leurs
responsabilités et leurs contacts avec le monde, connaître
d'autres langues. Ce régime d'unilinguisme flamand ou français ne
va pas du tout à l'encontre de l'apprentissage d'une deuxième
langue ni de l'apprentissage d'une troisième et d'une quatrième
langue. Vous savez combien, dans les pays d'Europe, où les
régimes d'unilinguisme sont nombreux, les Européens connaissent
deux langues et même souvent trois et quatre langues qui leur permettent
de communiquer. Ils se voient devant cette nécessité, avec
la constitution de l'Europe, pour pouvoir communiquer. Mais cet
unilinguisme qui s'applique dans le pays même ne va pas du tout à
l'encontre du bilinguisme individuel ou du trilinguisme, etc.
M. MORIN: Bien, il faut toujours distinguer le bilinguisme des
institutions de celui des personnes.
Nous avons donc deux zones unilingues où s'applique ce qu'on
appelle, ce que la Cour supérieure des droits de l'homme a
appelé, le principe de la territorialité linguistique.
Passons maintenant à l'agglomération bruxelloise.
D'après ce que vous nous avez dit, s'y applique le principe de la
personnalité linguistique, c'est-à-dire qu'il existe non pas un
choix pour les parents entre les écoles francophones et les
écoles flamandes, mais que chacun dirige ses enfants en fonction de la
langue parlée à la maison.
Qu'arrive-t-il des enfants qui ne parlent ni le français ni le
flamand? Par exemple, les enfants des étrangers qui se trouvent à
Bruxelles pour les fins des communautés européennes, ou encore
parce qu'ils se trouvent à l'emploi du siège social d'une grande
société, comme il s'en trouve plusieurs à Bruxelles.
Qu'arrive-t-il dans ce cas?
M. DUPONT: Je ne pourrais pas vous répondre exactement, parce que
c'est une situation bien précise que je n'ai pas étudiée.
Mais je sais pertinemment que tous les enfants, ou beaucoup d'entre eux, de
représentants de pays étrangers ou de sociétés
étrangères, étant donné que la langue officielle
dans la région de Bruxelles est soit le français ou le flamand,
vont dans des institutions françaises.
M. MORIN: Privées ou ...
M. DUPONT: Privées, mais subventionnées. D'autre part, je
sais aussi, tout près de Bruxelles, pour les enfants de
représentants de pays européens dans le cadre de la
Communauté européenne, qu'il existe une école
européenne, mais je ne pourrais pas vous en dire plus.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Mille-Iles.
M. LACHANCE: Je veux profiter de l'occasion pour remercier les
représentants du Comité d'école Notre-Dame-de-Lourdes pour
la présentation de leur mémoire. Tout à l'heure, dans
votre préambule, M. Dupont, vous avez dit que l'exécutif avait
préparé ce mémoire et qu'à une assemblée
générale, au mois de mai, il avait été soumis au
comité de parents. Combien y avait-il de parents présents
à ce moment à cette assemblée générale?
M. DUPONT: Est-ce que vous avez une idée du nombre de personnes
qui ont assisté à cette assemblée
générale?
MME PARADIS: Malheureusement, nous avions environ une quarantaine de
parents.
M. LACHANCE: Une quarantaine de parents. Je vais revenir au secteur
privé. Dans votre proposition, vous demandez que les écoles
anglaises soient intégrées au secteur privé. Est-ce
à dire que les anglophones, s'ils veulent continuer à
fréquenter leurs écoles, devront payer des frais de
scolarité pour le faire?
M. DUPONT: Oui.
MME PARADIS: Au même titre que les francophones qui envoient leurs
enfants dans des écoles privées pour d'autres raisons. Ces
écoles bénéficient de subvention à 80 p.c.
M. DUPONT: Justement, nous avons souligné dans notre
mémoire qu'en souhaitant que le réseau d'enseignement anglophone
passe au secteur privé, ceci, bien sûr, présupposait
l'obtention de toutes les subventions qui sont données par le
ministère de l'Education aux institutions d'enseignement
privées.
M. LACHANCE: En somme, c'est le réseau public anglais qui passe
au secteur privé.
MME PARADIS: Le réseau public est unilin-gue
français...
M. DUPONT: En fait, c'est juste.
MME PARADIS: ... et les anglophones qui veulent absolument
étudier seulement en anglais...
M. DUPONT: ... en anglais, passeraient...
MME PARADIS: ... passeraient au secteur privé.
M. LACHANCE: C'est parce que, dans votre mémoire, ce n'est pas de
cette façon que c'est dit.
MME PARADIS: C'est très, très clair. M. DUPONT: C'est
clair dans le mémoire. MME PARADIS: Je peux même le relire. M.
LACHANCE: Je l'ai lu.
MME PARADIS: "Que l'enseignement en langue anglaise soit donné
aux anglophones..."
M. LACHANCE: ... su secteur privé.
MME PARADIS: "... authentiques et que leurs écoles soient
intégrées au secteur privé et qu'elles soient
considérées comme telles sur le plan des subventions
consenties".
M. VEILLEUX: Est-ce que le député de
Mille-Iles me permettrait une question? Est-ce que vous permettriez
à des francophones qui le désireraient de fréquenter ce
genre d'écoles dans le secteur privé ou serait-ce uniquement
réservé, dans votre esprit, aux anglophones?
MME PARADIS: Dans mon esprit, c'est réservé aux
anglophones authentiques. C'est clairement dit. Je pense que, si le
ministère de l'Education a à coeur de donner un enseignement
unilingue français qui soit de qualité supérieure
parce qu'en n'ayant qu'un seul réseau, il pourra atteindre des standards
d'excellence à ce moment vous aurez moins de glissements.
Deuxièmement, quand la langue de travail sera le français, il y a
un tas d'embûches qui vont tomber d'elles-mêmes.
M. VEILLEUX: II n'y aurait pas de possibilité...
MME PARADIS: L'anglais ne sera pas perçu à ce moment comme
la langue du dominateur. Cela sera perçu comme une langue de culture et
de communication et je pense que c'est là que le gouvernement devrait
tendre dans ses objectifs.
M. VEILLEUX: Si je vous comprends bien, les francophones n'auraient
comme seul droit celui de fréquenter le réseau public
francophone. C'est cela?
M. DUPONT: Non. Ils auraient le droit de fréquenter le
réseau public francophone, mais les institutions privées
francophones subsistent et ils auraient le droit, bien sûr, de
fréquenter le réseau privé francophone.
Mais nous ne tenons absolument pas à accorder le droit aux
francophones de fréquenter le réseau privé anglophone.
M. VEILLEUX: Tout à l'heure, vous avez mentionné un point
important et j'ai eu l'occasion de discuter avec l'Association des professeurs
de français du Québec et des représentants de la CEQ. Vous
avez mentionné l'enseignement du français comme langue maternelle
qui avait à être revalorisé dans le secteur francophone et
l'enseignement de la langue seconde qui est l'anglais présentement.
Est-ce que, dans votre esprit, ce réaménagement de
l'enseignement de la langue maternelle dans le secteur francophone doit
être exclusif à la matière qu'on appelle le français
dans les écoles...
MME PARADIS: Pour s'appliquer à toutes les matières.
M. VEILLEUX: ... ou si tous les professeurs de toutes les
matières doivent faire un effort pour revaloriser leur
français?
MME PARADIS: Je ne dirais pas faire un effort, mais doivent parler un
français correct, parce que, si on veut être compris, il faut
parler clairement et avec des mots précis, et être concis.
M. DUPONT: Evidemment, cette revalorisation de l'enseignement du
français peut se faire isolément, mais si, par contre,
l'environnement présente un visage anglais, comme il le présente
actuellement, en tout cas, à Montréal et à Laval, il est
évident que cette revalorisation du français doit s'accompagner
d'une revalorisation de la langue française à tous les
niveaux.
M. VEILLEUX: Si cet enseignement du français que vous mentionnez
a été en diminuant de plus en plus depuis quelques années
je pense que je suis un de ceux qui ont pu s'en rendre compte, parce que
j'étais professeur de français au secteur secondaire depuis 1960
est-ce dû, comme vous le dites, uniquement à cet
environnement anglophone qu'on pourrait rencontrer à Montréal ou
à Laval, ou serait-ce dû aussi à d'autres facteurs?
Lesquels?
MME PARADIS: Au départ, même si j'ai été
moi-même professeur, je dois quand même battre ma coulpe devant
tout le monde et dire qu'il y a aussi beaucoup d'incompétence parmi les
professeurs sur la qualité de la langue.
M. VEILLEUX: Mais est-ce que la venue, par exemple...
MME PARADIS: Deuxièmement, il y a la publicité dite
française qui n'est pas française, l'affichage, enfin, etc. La
journée où tout cela sera enfin en français et qu'il y
aura un contrôle par une régie quelconque de la langue
française, étant bien sûr d'avoir les bonnes personnes aux
bons endroits et que ce soit du vrai français qu'on emploie, ceci va se
refléter à tous les niveaux dans la vie québécoise
et cela va se refléter aussi, par ricochet, au niveau de
l'enseignement.
M. VEILLEUX: Est-ce que, comme vous le mentionnez, la publicité
à l'intérieur de la radio ou de la télévision,
allant toujours en augmentant vers ce qu'on appelle le "jouai", peut
créer une ambiance ou un décor dans les écoles, ce qui
fait que le français va en diminuant au lieu d'aller en
s'améliorant?
MME PARADIS: Je pense qu'il ne faut quand même pas négliger
le phénomène du "jouai" qui fait foi, à mon sens, d'une
certaine prise de conscience des Québécois à une certaine
volonté de s'autodéterminer, de vraiment se découvrir et
de faire une nation. J'appelle cela la crise d'adolescence du
Québécois et il faut en sortir de cette crise d'adolescence et il
faut parler, si on veut être respecté, un français correct.
Je ne dis pas de parler le français de France, mais parler une
qualité de langue qui soit dite internationale.
M. VEILLEUX: Si vous étiez législateur, est-ce que vous
prendriez le risque, le 1er septembre 1974, d'intégrer tous les
francophones et les anglophones qui n'iraient pas dans un secteur
d'enseignement privé au secteur public francophone, compte tenu de
l'état du français, de l'enseignement du français comme
tel à l'intérieur des écoles francophones actuelles et de
l'enseignement des langues secondes? Ou, dans votre esprit, avant d'arriver
à une solution comme celle que vous mentionnez, ne serait-il pas mieux
d'abord d'améliorer tout ce problème de l'enseignement des
langues dans le secteur francophone, et ceci amélioré, à
ce moment arriver à une solution comme celle que vous mentionnez?
MME PARADIS: Cela peut se faire par étapes ou cela peut se faire
même de façon brutale, évidemment. Si cela se fait de
façon brutale, cela va amener certains heurts. Mais je pense que les
choses vont se placer d'elles-mêmes. Prenez, quand il y a eu la Loi
concernant l'assurance-maladie, cela a dérangé messieurs les
médecins et cela a dérangé aussi les
Québécois bien nantis. Au début, les gens ont
rechigné et, après cela, les gens se sont adaptés. Alors,
pourquoi ne le ferait-on pas au niveau de la langue?
M. VEILLEUX: Vous feriez cela malgré l'amélioration de la
langue maternelle et l'amélioration de la langue seconde dans le secteur
francophone, mais pas dans un état tel...
MME PARADIS: II n'y aurait pas un standard d'excellence au
départ, mais cela pourrait se faire par étapes.
Si vous avez le français qui est présent partout, vous
avez une langue qui se purifie puisqu'elle va, petit à petit, perdre la
gangue, c'est-à-dire tous les anglicismes et arriver à une langue
qui soit pure.
M. VEILLEUX: Est-ce que vous avez étudié aussi les
problèmes qui pouvaient survenir en réalisant une solution comme
celle que vous proposez, les problèmes d'ordre syndical que cela
pourrait engendrer pour un gouvernement? Si vous faites disparaître le
réseau public anglophone, il y a quand même des enseignants
anglophones dans ce réseau, qu'est-ce qui leur arrive?
MME PARADIS: Vous aurez peut-être d'excellents professeurs
d'anglais.
M. DUPONT: Puisqu'on veut justement que dans le système public
francophone l'enseignement de la langue seconde qui est l'anglais, soit mieux
donné, car actuellement, l'enseignement de l'anglais est
déplorable, à ce moment-là on y trouverait certainement...
D'autre part, vous avez certainement parmi les professeurs anglophones, un
certain nombre de pro- fesseurs qui parlent le français. Il y en a
certainement un certain nombre qui pourrait, bien sûr, passer au secteur
privé anglophone si les Anglais désirent conserver leur langue
d'enseignement.
MME PARADIS: II y a un budget de recyclage aussi qui peut servir.
M. VEILLEUX: II y en a qui se sont présentés devant la
présente commission et qui ont suggéré comme vous un
réseau unique d'enseignement francophone avec un enseignement de la
langue seconde où l'anglais ne serait pas obligatoire, mais où
l'élève aurait le choix entre différentes langues, que ce
soit l'allemand, l'espagnol. Dans votre esprit, cela devait-il être comme
langue seconde l'anglais obligatoire pour tous?
MME PARADIS: II faut quand même tenir compte de l'environnement,
cette mer anglophone dans laquelle on baigne; il ne faut quand même pas
non plus faire de l'autodes-truction ou une forme de masochisme intellectuel.
Je pense que cela s'impose, mais quand l'anglais ne sera pas vu comme la langue
du dominant et que ce sera vu comme une langue de communication et une langue
d'accession à la culture, la motivation sera beaucoup plus grande, les
professeurs, à l'heure actuelle, ont toutes les misères du monde
pour X, Y, Z raisons, à enseigner l'anglais, peut-être qu'à
ce moment-là cela s'applanirait.
M. VEILLEUX: Merci.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Mille-Iles.
M. LACHANCE: Cela revient encore au secteur privé. Les
anglophones qui n'auront pas les moyens de payer pour envoyer leurs enfants
à l'école privée, est-ce que cela veut dire qu'ils vont
être intégrés au secteur français?
MME PARADIS: Ils vont avoir les mêmes problèmes que les
francophones qui n'ont pas les moyens et qui envoient leurs enfants au secteur
privé et j'en connais.
M. LACHANCE: D'accord. Ma question suivante s'adresse à M.
Dupont. En Belgique, quelle langue seconde enseigne-t-on dans les écoles
publiques flamandes?
M. DUPONT: La langue seconde enseignée dans les écoles
publiques flamandes est le français. En fait, le français
constitue d'ailleurs une langue, si l'élève ne recueille pas un
nombre suffisant de points, ce cours devient une raison d'échec et
à ce moment l'élève qui ne satisfait pas, qui n'a pas une
note minimale pour la connaissance de la langue seconde, subit un échec
et doit présenter une reprise.
M. DEOM: Quand avez-vous fait votre dernière enquête dans
le réseau public flamand?
M. DUPONT: Cet hiver.
M. DEOM: Sur la langue seconde?
M. DUPONT: Oui.
M. DEOM: Vous regarderez les chiffres qui sont publiés par le
gouvernement belge et c'est l'anglais qui est enseigné comme langue
seconde dans le réseau flamand.
M. DUPONT: C'est-à-dire que l'anglais est enseigné
également, mais le français aussi.
M. DEOM: Dans 85 p.c. des écoles, on enseigne l'anglais.
M. DUPONT: De quand datent vos sources?
M. DEOM: Le dernier rapport du Haut-Commissaire aux langues.
M. DUPONT: Qui a été publié quand? M. DEOM: Fin de
1973.
M. DUPONT: Je suis allé cet hiver en Belgique et le
français constitue la langue seconde.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de l'Assomption, une
dernière question.
M. PERREAULT: J'aurais seulement une courte question. Vous prônez
un système francophone unique. Est-ce que, dans votre esprit ce
n'est pas dans le texte ce système francophone devrait être
déconfessionnalisé?
MME PARADIS: II serait multiconfessionnel. Parce que justement, un des
graves problèmes du Québec, c'est cette division suivant la
religion. Si cette chose avait été faite avant, on n'aurait pas
les problèmes qu'on a aujourd'hui et le ministère de l'Education
ferait d'énormes économies sur le plan des investissements
immobiliers.
M. PERREAULT: Merci.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Je remercie Mme Paradis ainsi que M. Dupont de
la façon dont ils ont présenté leur mémoire. Soyez
assurés que la commission va prendre bonne note de ce
mémoire.
M. CLOUTIER: Merci.
LE PRESIDENT (M. Pilote): J'inviterais M. Clément
Bérubé ainsi que les personnes qui l'accompagnent,
représentant les comités d'école de la Présentation
de Marie, de Saint-Gilles, de Dom Bosco, de Saint-Christophe et de
Notre-Dame-de-Lourdes, à venir présenter leur mémoire. On
voudra bien s'identifier.
Vous avez vingt minutes pour présenter votre mémoire ou un
résumé. Le parti ministériel a vingt minutes pour vous
poser des questions. Les partis d'Opposition disposent également de
vingt minutes, M. Bérubé.
Cinq comités d'école
M. BERUBE: D'abord, les personnes qui m'accompagnent sont Mme Marie
Beaulieu et Mme Pierrette Bérubé, du comité d'école
Présentation de Marie.
M. le Président, étant donné le peu de temps qui a
été mis à notre disposition pour faire une analyse en
profondeur de tous les aspects du projet de loi sur la langue, on a opté
pour l'étude du chapitre V qui concerne plus directement les
comités d'école. On a voulu non pas essayer, comme membres de
comité d'école mais, on s'est senti responsable de vous donner
notre opinion sur la partie de la langue d'enseignement. Notre participation
vise donc à établir l'essentiel, à l'intérieur du
chapitre V, d'un projet de loi et à vous communiquer nos aspirations
afin que vous permettre d'écrire une loi qui respecte ces aspirations.
Mme Beaulieu va vous lire le mémoire qu'on vous a soumis.
MME BEAULIEU: Dans cet esprit, nous avons énoncé les
principes directeurs qui nous ont amenés à reformuler les
articles traitant de la langue d'enseignement, domaine plus
particulièrement lié au mandat dévolu au comité
d'école.
Notre objectif fondamental est donc de rendre l'Etat du Québec
francophone dans les faits, tout en permettant aux anglophones y vivant
présentement, de s'y intégrer sans grands heurts.
Nous osons croire que le projet de loi sera révisé et que
tous les domaines d'activités, langue de travail, des affaires, des
communications, de l'enseignement, etc., seront modifiés pour atteindre
cet objectif.
Attendu que la langue française constitue un patrimoine national
que l'Etat a le devoir de préserver et qu'il incombe au gouvernement du
Québec de tout mettre en oeuvre pour en assurer la
prééminence et pour en favoriser l'épanouissement et la
qualité;
Attendu que la langue française doit être la langue de
communication courante;
Attendu que la langue française doit devenir la langue
d'enseignement au Québec;
Attendu que la langue française doit être
omniprésente partout et dans tous les domaines de la vie
québécoise.
Article 48. L'enseignement se donne en langue française dans les
écoles régies par les commissions scolaires, les commissions
scolaires régionales et les corporations de syndics.
Ces organismes doivent assurer la connaissan-
ce de la langue anglaise, parlée et écrite comme langue
seconde chez tous les étudiants.
Ils doivent aussi prévoir toutes les mesures appropriées
pour permettre aux minorités de développer leur culture dans leur
propre langue et de la diffuser adéquatement en accord avec des
politiques de subventions mises en oeuvre par d'autres ministères et
tenant compte de la répartition des effectifs de population des
minorités entre elles et par rapport à la majorité.
L'Etat a l'obligation de permettre aux Indiens et aux Esquimaux,
premiers occupants du territoire, de développer leur langue propre comme
langue première et de veiller à ce que la langue française
leur permette de se développer et de diffuser leur culture au sein de la
majorité francophone.
L'article 49 se lit comme suit voua avez le texte sur la copie de
l'erratum qui est attaché : L'application du
précédent article devra se faire progressivement sur une
période permettant à tous les enfants déjà inscrits
au secteur anglophone ainsi qu'aux enfants nés au Québec de
parents anglophones, avant l'entrée en vigueur de la loi, de faire leurs
études au secteur anglais.
Article 50. A partir de l'entrée en vigueur de la loi, tous les
nouveaux résidents au Québec seront inscrits au secteur
français.
Article 51. Les organismes chargés de l'éducation ont
l'obligation d'organiser l'apprentissage ou le perfectionnement de l'usage de
la langue française à tous les adultes non francophones vivant
présentement au Québec et ce, sur une période de 25
ans.
Article 52. De même, des mécanismes d'accueil favorisant
l'apprentissage du français devraient être
développés au profit des immigrants et des nouveaux
résidents provenant des autres provinces canadiennes.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable ministre de l'Education.
M. BERUBE: J'aimerais souligner une chose. J'ai l'impression, du moins
par ce que la presse nous a communiqué, qu'on a un secteur francophone
seulement et on fait l'obligation au gouvernement de développer des
mécanismes pour intégrer la population anglophone du fait que la
chose a été permise depuis X années, le gouvernement se
doit de prendre ses responsabilités et de développer des
mécanismes pour intégrer la population, soit anglophone, grecque
ou chinoise.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable ministre de l'Education.
M. CLOUTIER: M. le Président, je remercie les Comités
d'école Présentation de Marie, Saint-Gilles, Don Bosco,
Saint-Christophe et Notre-Dame-de-Lourdes pour la présentation de ce
mémoire. Je crois comprendre que ce que souhaite ce groupe, c'est la
disparition du secteur anglophone public, la constitution d'un seul
réseau d'enseignement au Québec, qui serait francophone. Est-ce
bien le cas?
M. BERUBE: Oui.
M. CLOUTIER: Alors, c'est une position analogue, en quelque sorte,
à celle du groupe qui vous a précédé?
M. BERUBE: Oui.
M. CLOUTIER: Les remarques que j'ai faites pour le groupe qui a
précédé votre groupe sont donc valables pour votre groupe.
Je n'ai pas d'autre question pour le moment; je verrai en cours de route s'il y
a lieu d'intervenir. Merci.
MME BEAULIEU: M. le Président, j'aimerais ajouter cependant que
notre position diffère un peu, puisque nous établissons
l'intégration sur une période de 25 ans.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable chef de l'Opposition
officielle.
M. MORIN: C'est le député de Saint-Jacques qui va
commencer.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de
Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, je remercie également les
membres du Comité d'école qui proviennent tous de la ville de
Laval également; en particulier je voudrais peut-être saluer
l'école Présentation de Marie pour son apport aux travaux.
Je voudrais vous demander si l'article 49 que vous nous proposez, qui
constituerait une étape transitoire, mais quand même
échelonnée sur plusieurs années puisque vous
reconnaissez le droit à un enfant de langue anglaise inscrit en
maternelle cette année de poursuivre son enseignement dans le secteur
anglais, puisqu'il y est déjà inscrit qu'il soit
francophone ou anglophone. Vous dites que cela serait pour tous les enfants
déjà inscrits au secteur anglophone. Donc pour une quinzaine
d'années, au moins jusqu'à la fin de son appartenance au secteur
public dans l'éducation, vous suggérez que l'école
anglaise soit limitée, proportionnellement à la population sur
les territoires, à celui qui est de langue maternelle anglaise ou
à celui qui est déjà inscrit dans le système.
Par la suite, lorsque celui qui est déjà inscrit aura
terminé ses études, il ne devrait y avoir qu'un secteur
francophone. Est-ce que j'ai bien compris?
M. BERUBE: C'est exactement cela. Les personnes qui ont commencé
leur instruction, si on veut, dans notre système scolaire, doivent tout
de même avoir la possibilité de la
terminer dans une langue sans tout chambarder dans leurs facultés
d'apprentissage en cours de route. On croit, l'école étant un
processus d'apprentissage, que si au milieu de ce processus on modifie toutes
les données, cela va causer un préjudice à l'enfant. On ne
croit donc pas qu'il devrait changer brusquement.
M. CHARRON: D'accord. Cela veut dire, par exemple, à partir de
l'année prochaine, qu'il n'y aurait plus de maternelle anglaise et
qu'à partir de l'autre année après, il n'y aurait plus ni
maternelle, ni première année anglaise. Finalement, ceux qui sont
dans le système actuellement seraient toujours les derniers et ce,
jusqu'à la fin de leur secondaire, j'imagine?
M. BERUBE: Pour répondre à votre question que nous avons
discutée peut-être assez longuement, ce serait un processus qui
pourrait être suivi. On a discuté assez longuement pour savoir si
on devait accorder ce privilège, par exemple, aux enfants qui seraient
nés de couples actuellement anglophones, qui étudient dans le
secteur anglophone, qui seraient actuellement mariés. C'est pour cela
que, ne pouvant pas s'entendre pour déterminer jusqu'à quel point
les privilèges devaient être protégés, on a cru bon
d'indiquer une certaine période. Ce n'est pas notre intention d'essayer
de vous indiquer comment écrire une loi. On ne peut pas l'écrire,
nous autres, parce qu'on n'est pas élu pour cela et qu'on n'a pas les
mécanismes que vous pouvez avoir pour écrire des lois.
C'est pour cela qu'on a jugé bon d'indiquer une période de
25 ans, de proposer que, d'ici 25 ans, graduellement, le système
anglophone disparaisse du domaine public. Je crois qu'avec 25 ans on couvre
l'enfant actuellement né à aller jusqu'au niveau
universitaire.
M. CHARRON: Vous couvrez même, si je comprends bien, ceux qui ne
sont pas encore à l'école. Parce qu'il y a un point qu'il faut
soulever et qui s'appelle dans une formule assez pompeuse
"l'homogénéité culturelle des familles". Si, actuellement,
une famille qui compte quatre enfants, par exemple, en a deux
déjà inscrits à l'école élémentaire
anglaise, parce que c'est son droit, vous lui conservez, dans l'article 49, ce
droit de compléter ses études en langue anglaise; mais les deux
derniers, de trois ans et un an, par exemple, ne pourront plus, eux, entrer
à la maternelle anglaise et suivre leur grand frère ou leur
grande soeur dans la même culture, puisque ceux qui ne sont pas
déjà inscrits devront aller à l'école
française.
Vous ne considérez pas que ce genre de partage peut causer,
à une occasion, plus de préjudice aux familles et que c'est
vraiment s'insérer dans la vie des familles où, tôt ou
tard, on aura deux enfants qui auront fait leurs études
complètement en anglais, puisque vous le leur permettez, et les deux
autres qui les auront faites uniquement en français?
MME BEAULIEU: On peut toujours aussi établir des
aménagements pratiques dont on a déjà entendu
parler...
M. BERUBE: On n'a pas parlé de la disparition, telle que vous le
formuliez tout à l'heure, de la maternelle l'an prochain et de la
première année dans deux ans. On parle d'une intégration
sur, une période de 25 ans. Cela pourrait peut-être être 20
ans, cela pourrait peut-être être 30. On essaie de vous indiquer
simplement une aspiration et non pas une base rigide sur laquelle vous devez
écrire une loi.
M. CHARRON: C'est le principe, c'est un principe.
M. BERUBE: D'accord, c'est le principe.
M. CHARRON: Egalement, ce qu'il y a de clair comme principe, c'est que
l'école anglaise n'est réservée qu'aux anglophones et
à ceux qui sont déjà inscrits, comme vous le dites.
Très clairement, vous affirmez le principe que nous ne devons plus, par
aucune mesure, assortie d'aucune condition, favoriser le transfert de
francophones à l'école anglaise?
M. BERUBE: On a été aussi loin que vous le dites, que
l'école anglaise est simplement réservée aux anglophones.
Les anglophones, n'ayant pas d'enfants inscrits aujourd'hui, actuellement,
devraient les inscrire au système francophone à compter de l'an
prochain.
M. CHARRON: Ceux qui n'en ont pas déjà d'inscrits?
M. BERUBE: On prévoit des mécanismes de transfert pour
ceux qui ont actuellement des enfants, mais ceux qui ne sont pas mariés
ou qui n'ont pas d'enfants actuellement, qui auraient des enfants, par exemple,
dans cinq ans, devraient les inscrire à l'école francophone et
non pas à l'école anglophone.
M. CHARRON: D'accord. J'aimerais maintenant...
M. BERUBE: Ce qu'on veut définir, c'est un mécanisme de
transfert, si on veut, pour arriver à l'école française
unique, sans provoquer de heurt, tout de même, dans les familles
anglophones.
M. CHARRON: Quand je lis votre article 48 et, encore une fois, dans le
principe qu'il veut affirmer plutôt que dans la lettre et dans la mesure
pratique qui doit l'accompagner, quand je lis le dernier paragraphe où
vous dites que
"les commissions scolaires régionales et les corporations de
syndics doivent aussi prévoir toutes les mesures appropriées pour
permettre aux minorités de développer leur culture dans leur
propre langue et de la diffuser adéquatement, en accord avec des
politiques de subventions mises en oeuvre par d'autres ministères et
tenant compte de la répartition des effectifs de population des
minorités entre elles et par rapport à la majorité", ce
principe, qui est affirmé là, c'est celui, entre autres
est-ce que je m'abuse? de l'unification des commissions scolaires. Vous
voudriez que la même commission scolaire, qui a charge d'organiser
l'enseignement dans la langue officielle du Québec sur son territoire,
soit aussi celle qui est responsable d'organiser et de prévoir
comme vous dites toutes les mesures appropriées pour permettre
aux minorités de développer leur culture.
M. BERUBE: On ne peut pas vous dire qu'on a prévu cela. On n'a
pas essayé de prévoir, dans les moindres détails, ce que
pourrait être la loi. Disons que l'enseignement en langue
française est prévu dans le premier paragraphe de l'article 48.
Le dernier paragraphe de l'article, c'est-à-dire le troisième
paragraphe de l'article 48 fait une obligation au ministère des Affaires
culturelles de développer les cultures tant grecque que chinoise, de
permettre le développement des cultures tant grecque que chinoise
qu'anglophone qui existent et qui apportent... qui contribuent, si on veut,
à notre apport culturel global de la province de Québec.
M. CHARRON: Maintenant...
M. BERUBE: On ne veut pas faire disparaf-tre les cultures. On
préconise même le développement des différentes
cultures à l'intérieur de secteurs. On sait, par exemple, que,
pour une ville comme Montréal, qui est divisée un peu en ghettos,
il est impensable de faire vivre des quartiers d'une même
nationalité sans avoir leur propre culture.
M. CHARRON: J'ai une dernière question, mais qui sera importante,
je pense, pour la commission.
Lorsqu'il y a eu ce débat auquel vous avez participé, en
particulier à l'école Présentation de Marie, à
Laval, à certaines occasions, l'Opposition officielle a soulevé
des questions en Chambre qui tentaient d'apporter de l'aide à la lutte
que les parents de Présentation de Marie menaient.
A une des occasions où j'ai posé des questions
personnellement au ministre de l'Education, et où je faisais allusion
à la loi 63, le ministre m'avait répliqué qu'il ne
s'agissait là-bas que d'un problème administratif
d'aménagement de locaux scolaires et que j'avais tort de soulever la
présence de la loi 63 qui couvait sous le conflit.
De même, lorsque les commissaires de Cho-medey de Laval sont venus
à cette commission, le député de Saint-Jean avait
questionné M. Décarie pour lui demander de réfuter les
allusions que je faisais, à l'occasion, suivant lesquelles le conflit de
Laval avait, dans son origine, la Loi pour promouvoir l'enseignement du
français, comme elle s'appelait hypocritement, c'est-à-dire la
loi 63.
J'aimerais aujourd'hui, au moment où nous avons des
représentants de ce comité d'école Présentation de
Marie, que vous nous disiez si, oui ou non, à la base de votre action et
de la contestation que vous avez menée jusque dans la salle de la
commission scolaire, et je dois dire, de la victoire que vous avez obtenue sur
plusieurs points... Est-il exact de dire qu'il y avait, à l'origine ou
comme partie intégrante de ce conflit, cette loi et cette disposition du
libre choix que contenait la loi 63?
M. BERUBE: Répondre à une question aussi complexe
prendrait un exposé extrêmement long.
La loi 63 qui est en vigueur a sensibilisé des parents au droit
qu'ils avaient du choix. Une plus grande majorité en a profité
pour changer de secteur. On a aussi, dans le cas de l'école qui nous
concernait, 'un fort transfert à l'école privée qui a
amené, à l'heure actuelle, contrairement à ce que vous
disiez tout à l'heure, non pas une victoire, parce que notre
contestation se faisait d'abord sur un développement de la
pédagogie... Malheureusement, notre école Présentation de
Marie est fermée pour septembre 1974.
M. CLOUTIER: Je ne peux pas intervenir, M. le Président?
M. CHARRON: Certainement.
M. CLOUTIER: Vous dites qu'il y a eu un très fort transfert au
secteur privé. J'ai cru comprendre par les explications des commissaires
que ce transfert était même plus important que le transfert au
secteur anglophone. Est-ce exact?
MME BEAULIEU: C'est tout à fait exact. Il y a trois facteurs qui
ont fait qu'on a eu ce problème à Laval. Il y a eu la
dénatalité, les transfuges du secteur français au secteur
anglais, et de plus, le glissement vers l'école privée.
M. CLOUTIER: II n'y avait pas de transfuges à ce moment.
MME BEAULIEU: Je parle...
M. CLOUTIER: Je vous taquine un peu. Vous parlez de transfuges quand ils
passent du secteur francophone au...
MME BEAULIEU: C'est cela. Et le glissement vers le secteur
privé.
M. CLOUTIER: ... et vous parlez de glissement lorsqu'ils
transfèrent du secteur public au secteur privé. Vous ne songez
quand même pas à interdire le système privé pour
garder vos élèves dans le secteur public?
MME BEAULIEU: Non. Mais on avait présenté des solutions,
comme M. Bérubé disait, avec vraiment une qualité
pédagogique dans notre école et malheureusement, on nous dit que
ce n'est pas possible. Alors, on nous a laissés tomber.
M. CLOUTIER: Merci.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Le chef de l'Opposition officielle.
M. MORIN: J'aimerais revenir très brièvement sur le projet
d'article 51 qui se trouve dans votre document. Vous nous dites que les
organismes chargés de l'éducation ont l'obligation d'organiser
l'apprentissage ou le perfectionnement de l'usage de la langue française
à tous les adultes non francophones vivant présentement au
Québec.
Je me demandais si cette disposition était vraiment
nécessaire dans la mesure où le français devient la langue
de la vie, la langue de tous les jours. C'est bien la perspective dans laquelle
vous vous placez, n'est-ce pas?
M. BERUBE: Oui.
M. MORIN: Est-ce que cette disposition est essentielle ou est-ce tout
simplement que vous avez voulu mettre à la disposition des adultes un
service public qui faciliterait leur intégration à la
société québécoise?
M. BERUBE: On croit qu'il faudrait mettre aussi un service public
à la disposition des immigrants qui viennent d'autres pays ou des
arrivants qui viennent d'autres provinces pour leur permettre de pouvoir
s'intégrer rapidement à notre système. De plus, on croit
que, si l'article n'est pas dans la loi, la liberté sera laissée
aux commissions scolaires ou à quelqu'un quelque part qu'on ne
connaît pas, de prévoir les mécanismes d'intégration
et si cette chose n'est pas dans la loi, à mon sens, ces
mécanismes ne se développeront pas.
M. MORIN: Oui, quoique si la vie devient vraiment française, on
peut s'attendre qu'il y ait une pression considérable s'exerçant
sur tous les adultes non francophones, les amenant assez rapidement à
apprendre le français pour pouvoir être efficaces dans ce nouveau
contexte socio-économique. On peut donc s'attendre à voir, comme
on l'a vu en 1963 jusqu'en 1965, proliférer les écoles de langues
privées et j'imagine que cela serait une solution que de laisser cela au
secteur privé, que de laisser les adultes aller apprendre le
français, s'ils en ressentent le besoin, dans tous les Berlitz qu'on
peut imaginer. J'essaie de comprendre pourquoi vous avez cru essentiel
d'inscrire un tel service public dans votre projet.
M. BERUBE: Afin d'activer l'intégration. L'anglophone, par
exemple, qui accepterait cette loi, qui voudrait s'y intégrer le plus
rapidement possible, chercherait un service quelconque, un mécanisme
quelconque pour s'intégrer.
S'il n'y en a aucun de prévu, à ce moment, cela retardera
son intégration de 15 ou 20 ans possiblement, ou peut-être qu'il
ne s'intégrera jamais, alors que si on lui fournit des mécanismes
d'intégration, à ce moment, cela facilitera d'autant la
chose.
M. MORIN: Alors, cela pourrait prendre la forme de cours du soir, par
exemple...
M. BERUBE: Oui.
M. MORIN: ... comme on en voit dans certains CEGEP ou dans certaines
écoles secondaires? C'est cela que vous voulez dire?
M. BERUBE: Oui. M. MORIN: Merci.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Mille-Iles.
M. LACHANCE: Je voudrais remercier les représentants des
comités de parents d'école, de la Présentation de Marie.
Ce mémoire at-t-il été préparé par le
Comité d'école de la Présentation de Marie?
M. BERUBE: Cela a été préparé...
M. LACHANCE: Ou par tous les comités d'école qui sont
inscrits ici sur la liste?
M. BERUBE: C'est-à-dire par des représentants de tous ces
comités. Disons que les comités d'école
énumérés, suite à une action qu'ils ont eue
à mener auprès de la commission scolaire, avaient formé ce
qu'on appelait les comités interécoles. Au lieu de passer par le
comité de parents qui était un mécanisme peut-être
un peu trop lourd, on s'est formé un comité des
représentants de chaque comité d'école pour arriver
à rédiger un mémoire.
M. LACHANCE: Rédiger ce mémoire? M. BERUBE: Ce
mémoire-là?
M. LACHANCE: Est-ce qu'il y a eu une assemblée
générale du comité d'école des parents dans chacun
de ce comités d'école?
M. BERUBE: Assurément, l'assemblée des
parents a eu lieu après la soumission de ce mémoire. Le
mémoire est sorti le 8 juin, a été imprimé le 8
juin. La Loi des comités d'écoles prévoyait les
réunions générales en mai. La plupart des comités
d'école ont fait parvenir à leurs parents ce mémoire, mais
ce mémoire n'a pas reçu l'approbation de toute la population qui
est couverte par ces cinq écoles, qui est d'environ 2,000 ou 2,500.
M. LACHANCE: En somme, il n'y a pas eu d'assemblée
générale pour faire approuver ce mémoire par les
parents?
M. BERUBE: Non. Ce mémoire a été approuvé
par les comités nommés par les parents.
M. LACHANCE: C'est seulement l'exécutif des représentants
de chaque école qui a approuvé cela?
M. BERUBE: Exactement.
M. LACHANCE: J'en viens à votre mémoire ici. Dans votre
article 48 que vous proposez, quatrième chapitre, vous dites: L'Etat a
l'obligation de permettre aux Indiens et aux Esquimaux, premiers occupants du
territoire, de développer leur langue propre comme langue
première et de veiller à ce que langue française leur
permette de se développer et de diffuser leur culture au sein de la
majorité francophone. J'aimerais bien que vous m'expliquiez, parce que,
quand je lis le texte, c'est que les Esquimaux et les Indiens apprennent leur
langue et, comme langue seconde, le français. Cela va leur permettre de
développer et de diffuser leur culture indienne ou esquimaude aux
francophones. C'est cela? En somme, si on lit cela, cela veut dire cela?
M. BERUBE: C'est cela, c'est oui. C'est de participer, si on veut,
à la culture globale québécoise tout en ayant ce droit
dans leur... Disons que l'article comme tel, au moment où on l'a
rédigé, on s'est posé bien des questions, à savoir
pourquoi on reconnaît, dans l'actuel projet de loi 22, l'anglais et le
français et on ne reconnaît pas, par exemple, l'italien, alors
qu'il y a beaucoup plus d'Italiens qu'il peut y avoir d'Esquimaux. On s'est
posé la question: Est-ce qu'il y avait une relation entre le
fédéral et le provincial? Est-ce qu'il y avait des obligations
à respecter? C'est pour cela que, vu le manque d'information, on a cru
c'est-à-dire, vu le manque, c'est partagé là-dessus
qu'il valait mieux l'inscrire là, le répéter
là, car on ne trouvait pas la façon de le corriger et on ne
connaissait pas toutes les lois qui impliquaient les Esquimaux, les
Indiens.
M. LACHANCE: Dans votre esprit, est-ce que les Anglais et les Italiens
et tous les autres groupes ethniques pourraient faire la même chose?
Parce que là vous mentionnez spécifi- quement les Indiens et les
Esquimaux. Vous ne faites pas mention des Anglais.
M. BERUBE: Non. Seulement ces groupes.
MME BEAULIEU: Si vous remarquez, c'est écrit: premiers
occupants.
M. LACHANCE: Je sais que ce sont les premiers occupants, je suis bien
d'accord. Vous voulez poser une question?
M. VEILLEUX: Oui, j'aurais une question à poser sur l'article 49.
Lorsque vous mentionnez à la troisième ligne à erratum, en
annexe: "... sur une période permettant à tous les enfants
déjà inscrits..." est-ce que dans votre esprit les francophones
qui ont fait un choix jusqu'à aujourd'hui de passer dans le secteur
anglophone pourraient garder le privilège de demeurer dans le secteur
anglophone? Quand vous mentionnez "à tous les enfants déjà
inscrits".
M. BERUBE: Oui.
M. VEILLEUX: Est-ce que dans votre esprit ceux qui sont
déjà inscrits, de parents francophones qui ont fait un choix soit
l'an passé ou en 1969 ou avant 1969, ces enfants garderaient le
privilège d'être dans le secteur anglophone?
M. BERUBE: Oui. C'est le choix que les parents ont fait à ce
moment-là. L'enfant a, dans son processus d'apprentissage,
déjà commencé une chose, il faut lui laisser finir cette
chose.
M. VEILLEUX: Pour les mêmes raisons que mentionnait tout à
l'heure le député de Saint-Jacques, lorsqu'il parlait des
anglophones qui n'étaient pas encore nés, mais qui avaient des
frères ou des soeurs qui étaient dans le secteur anglophone
depuis un certain temps, il vous posait la question: Est-ce que vous laisseriez
à l'enfant, au frère de trois ans ou d'un an, lorsque arrivera le
temps de fréquenter l'école, le privilège d'aller dans le
secteur anglophone? Vous avez répondu oui, pour des raisons d'ordre
familial et psychologique chez l'enfant, etc. Est-ce que cela irait pour les
frères et les soeurs qui ne fréquentent pas déjà
l'école de francophones plus âgés, qui fréquentent
ou qui sont déjà inscrits à l'école anglophone?
M. BERUBE: Disons que c'est une chose que nous n'avons pas
étudiée, à laquelle nous n'avons pas pensé. Il
faudrait peut-être voir le côté psychologique et
pédagogique de la chose. Je comprendrais difficilement qu'un
Québec qui devient français, même si on a les plus vieux
d'une famille qui ont été instruits en secteur anglophone, on
soit obligé de placer les plus jeunes dans le secteur anglophone.
M. VEILLEUX: D'accord.
M. BERUBE: A mon sens, il y aurait peut-être un mécanisme
plus valable pour l'apprentissage de l'anglais, pour ces enfants.
M. VEILLEUX: D'accord, merci.
M. LACHANCE: A votre article 50, vous dites: A partir de l'entrée
en vigueur.de la loi... Est-ce qu'on doit comprendre que vous assimilez les
résidants provenant des autres provinces canadiennes à des
immigrants, puisque vous entendez les soumettre au même traitement? C'est
à la page 3 de votre article 50.
M. BERUBE: Oui. C'est pour cela qu'on a mentionné à un
moment donné, si je ne me trompe pas, que les arrivants...
M. LACHANCE: Là je vous parle de Canadiens.
M. BERUBE: Oui, des Canadiens qui viennent d'autres provinces.
M. LACHANCE: Vous les soumettez au même traitement. Cela veut dire
que vous les envoyez dans le secteur francophone.
M. BERUBE: Oui. On les envoie dans le secteur francophone, mais seul le
secteur francophone existerait.
M. LACHANCE: II y en a seulement un à ce moment. Ce sont toutes
les questions que j'avais à vous poser.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Est-ce qu'il y en a d'autres qui ont des
questions?
M. VEILLEUX: Je voudrais développer l'idée du
député de Mille-Iles. En attendant que le réseau
anglophone disparaisse, parce que vous lui laissez quand même un certain
temps, est-ce que vous permettriez à ces citoyens canadiens d'autres
provinces qui viennent, non pas pour demeurer tout le temps au Québec,
mais parce que le travail de leur père leur demande d'aller à un
siège social à Montréal pendant trois ou quatre ans,
compte tenu que le réseau anglophone existe encore pendant un certain
temps, pendant l'existence de ce réseau anglophone, la permission de
fréquenter l'école anglaise?
M. BERUBE: Ce sont des modalités d'application sur lesquelles on
pourrait discuter. J'ai l'impression qu'on pourrait peut-être leur donner
cette faculté pour une période de 25 ans, mais cela serait leur
donner un avantage, alors qu'à l'heure actuelle, si un
Québécois s'en va au siège social d'une
société de New York, il va à l'école anglaise du
quartier.
M. VEILLEUX: Vous me donnez cette réponse pour ni plus ni moins
leur donner un avertissement qu'éventuellement cela va arriver, cela va
disparaître. Vous n'aurez plus ce privilège.
Au lieu de faire une cassure, dans votre esprit, on pourrait à la
rigueur, leur permettre de fréquenter ce réseau, pour autant
qu'ils ne viennent pas résider...
M. BERUBE: Au Québec.
M. VEILLEUX: ... au Québec, tout le temps. Merci.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Le chef de l'Opposition officielle.
M. MORIN: J'aimerais revenir avec une courte question, si M. le
Président me le permet. Est-ce que vous êtes au courant d'un
sondage qui a été effectué en mars dernier, au mois de
mars 1974, pour autant que je puisse les avoir, auprès de 2,500 familles
de Laval, c'est-à-dire les parents de cinq écoles primaires et
d'une école secondaire. D'après ce sondage, ce sont des chiffres
qui pourraient avoir quelque importance pour votre
représentativité. D'après ce sondage, 97 p.c. des gens
consultés s'étaient prononcés en faveur de l'école
française. Est-ce que vous connaissiez ce sondage et est-ce que vous
pourriez nous apporter quelques précisions là-dessus?
M. BERUBE: Le sondage a été organisé par nous,
à peu près les écoles représentées au projet
qu'on vous soumet actuellement. Il y en avait une de plus à ce
moment-là, une école primaire. C'est le comité
interécoles qui, à ce moment-là, a organisé le
sondage sur une population qu'on peut difficilement évaluer en
parents-élèves, du fait que souvent il y a deux ou trois enfants
qui étaient couverts par le secteur du primaire à aller jusqu'au
dernier cycle du secondaire, mais on évalue environ la population
couverte à ce moment-là, à 2,000 ou 2,300 personnes. Le
sondage a donné environ 1,600 réponses, si ma mémoire est
bonne, qui représentaient environ 70 p.c. de la population du quartier,
de cinq écoles primaires et une école secondaire; 70 p.c. ont
répondu et 97 p.c. des répondants se sont prononcés pour
que soit gardée francophone l'école Présentation de
Marie.
M. MORIN: C'était un sondage qui portait donc sur l'école
Présentation de Marie en particulier.
M. BERUBE: En particulier.
M. MORIN: Ce n'était pas sur le principe de l'école
française.
M. BERUBE: Non.
M. MORIN: Sur ce cas-là.
M. BERUBE: Non, c'était sur l'école Présentation de
Marie, à ce moment-là.
M. MORIN: Bon, très bien, je vous remercie.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Je vous remercie. D'autres questions? Je vous
remercie, Mme Beaulieu, M. et Mme Bérubé de votre mémoire.
Soyez assurés que la commission va prendre bonne note de vos
recommandations.
Avant de suspendre nos travaux, je voudrais mentionner les organismes
que nous entendrons cet après-midi.
Dans l'ordre: Produits White Star, Limitée, le Regroupement
régional de la capitale québécoise, le Comité des
citoyens de Saint-Laurent et le Conseil du travail de Joliette.
M. CLOUTIER: M. le Président, le chef de l'Opposition a
soulevé un petit problème concernant la présentation du
mémoire du Syndicat des travailleurs de l'enseignement du Nord-Ouest
québécois. Ce problème est venu à son attention
parce qu'il a reçu, je viens de le vérifier, copie d'une lettre
que ce syndicat envoyait au secrétariat des commissions pour protester
sur le fait que leur mémoire n'avait pas été retenu. Dans
cette lettre, le syndicat expose son point de vue. Il ne connaissait pas la
commission et ne pouvait pas connaître la commission. Le mémoire a
été mis à la poste le 10 et il a été
reçu le 12. Comme il a été reçu le 12, un des
employés de la commission l'a tout simplement mis de
côté.
Dès la présentation de cette lettre, avec
l'efficacité qui caractérise le secrétariat des
commissions depuis le début de cette étude, la situation a
été corrigée et une lettre du 27, dont le chef de
l'Opposition n'a pas reçu copie, parce que le syndicat n'a pas
jugé à propos de le faire... Je crois qu'en fait il n'y avait pas
de raison pour qu'ils préviennent le chef de l'Opposition...
M. MORIN: Elle n'a peut-être pas été reçue
encore ou elle a peut-être été reçue
après...
M. CLOUTIER: Cette lettre...
M. MORIN: ... que j'eus été saisi du problème.
M. CLOUTIER: Cette lettre du 27 régularise la situation et se lit
de la façon suivante: Monsieur, nous accusons réception de votre
mémoire. Tel que convenu, nous ferons parvenir à chacun des
membres de la commission copie de votre mémoire. Cependant, il nous est
impossible pour le moment de vous indiquer les dates précises des
auditions, etc.
Cela signifie que ce groupe a été remis sur la liste.
M. MORIN: Je remercie le ministre.
LE PRESIDENT (M. Pilote): La commission suspend ses travaux à cet
après-midi, après la période des questions, vers 4
heures.
(Suspension de la séance à 11 h 56)
Reprise de la séance à 16 h 10
M. LAMONTAGNE (président de la commission permanente de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre,
messieurs!
Au début de cette deuxième séance de la
journée, je voudrais mentionner les organismes qui seront entendus pour
le reste de la journée : Les Produits White Star du Canada Ltée,
le Regroupement régional de la capitale québécoise, le
Comité des citoyens de Saint-Laurent et le Conseil du travail de
Joliette. Nous entendrons maintenant les Produits White Star du Canada
Ltée et leur représentant.
Produits White Star
M. WHITE: M. le Président, on m'appelle anglophone. Cependant,
j'ai décidé de vous présenter mon mémoire en
français. Vous remarquerez probablement certaines
imprécisions...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que vous êtes le
président des Produits White Star Ltée? Est-ce que vous voulez
mentionner votre nom pour le bénéfice du journal des
Débats et les membres de la commission?
M. WHITE: Mon nom est William E. White. Je suis le président de
Canadian White Star Products Ltd. et des Produits White Star du Canada
Ltée, dont la charte contient deux noms, un en français et un en
anglais. Est-ce que je continue, M. le Président?
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Parfait.
M. WHITE: Vous remarquerez probablement certaines imprécisions de
prononciation et certains moments d'hésitation. Dans de tels cas, je
suis convaincu que votre commission si distinguée fera preuve de
bienveillance à mon endroit.
Par contre, si je réponds en anglais à certaines
questions, ce sera pour m'exprimer le plus clairement que je le peux et, dans
de tels cas, je suis convaincu que je peux compter sur votre
compréhension.
A mon avis, le problème le plus difficile et le plus
sérieux que le gouvernement doit affronter en ce moment, je crois, est
sans doute la question de la langue. Je crois qu'il doit trouver la solution
qui donnera satisfaction à l'élément français, sans
détourner les investissements qui sont nécessaires à la
province. Je suis convaincu que ceci est le but du bill 22, mais, dans sa forme
présente, je suis d'opinion qu'il repousse ces investissements.
Je me présente comme un industriel québécois ayant
à son service environ 100 employés avec la possibilité
d'augmenter ce nombre à 400 dans cinq ans. Je vous offre mes
observations du point de vue qu'il serait attrayant de
continuer une industrie dont la base est au Québec dans le
contexte d'une seule langue officielle.
Au premier abord, je vais spécifier que je suis d'origine
française et anglaise, étant donné que ma mère est
canadienne-française et que mon père était immigrant de
l'Ecosse. Ce qui fait que nous sommes une famille bilingue. Ce n'est pas mon
intention d'être le défenseur de la langue française ou le
défenseur de la langue anglaise.
Je crois que, pour le progrès de l'homme, la langue est un
instrument essentiel pour de bonnes communications. D'après moi, le
gouvernement au pouvoir, depuis le gouvernement Lesage et les manoeuvres
provocatrices de l'ancien ministre de l'Education, M. Cardinal, a aidé
à promouvoir un courant profond de mécontentement parmi les
Québécois.
L'indifférence des gouvernements à l'égard des
professeurs enseignant la haine entre les anglophones et les francophones, je
crois, était honteuse. C'est ce qui, d'après moi, est la cause
majeure qui a forcé le gouvernement à légiférer sur
la langue. C'est une situation très regrettable.
Le progrès du Québec dépend de l'évolution
de son économie. La force de ses industries est essentielle à son
évolution.
A moins qu'une société québécoise vende ses
produits dans d'autres provinces et d'autres pays, cela ne sera pas suffisant
pour créer d'autres emplois et plus d'argent pour les
Québécois.
A mon avis, c'est une insulte à un bon administrateur que de
faire des lois pour promouvoir un homme à un poste de gérance
à cause de sa langue au lieu de sa compétence.
Dans ma société, le président et son directeur
adjoint sont étiquetés anglophones. Le contrôleur est
italien. Le directeur des ventes, la
secrétaire-trésorière, le directeur de production, le
directeur des ventes techniques sont tous canadiens-français. Nous
sommes tous bilingues.
Toutes les directives pour les employés sont émises dans
les deux langues. Nous cherchons présentement un directeur d'exportation
qui sera choisi pour ses connaissances, non pas pour l'origine de sa langue, ou
sa couleur ou sa religion. Cela serait une injustice de donner des cadeaux de
toutes sortes à nos concurrents qui n'ont pas su être assez sages
pour créer une organisation bilingue.
La concurrence mesure le succès, pas les règlements
gouvernementaux préjudiciables qui ne sont pas définis dans le
bill 22. Comme il est écrit présentement, outre les pouvoirs
discrétionnaires qui sont donnés à des fonctionnaires avec
qui plusieurs sociétés québécoises ne partagent pas
le même excessif zèle nationaliste.
Pour ces raisons, je recommanderais que les articles 32, 33, 34, 35, 36,
37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 45 et 47 soient retirés pour de plus amples
études, car ils entravent présentement la libre marche des
affaires d'une société qui doit être guidée
principalement par les conditions du marché existant.
Messieurs, je vous demande de vous mettre à la place d'une
importante société américaine ou européenne voulant
s'établir au Canada pour donner plus de services au marché
canadien.
Voici donc les principales conditions qu'une grande
société recherche: Un pouvoir à bon marché pour
fabriquer leurs produits; un personnel efficace et abondant; un système
scolaire bien établi pour leurs familles ainsi que celles de leurs
employés et une atmosphère harmonieuse et heureuse; un
système de transport économique et efficace pour leurs produits;
un avenir équilibré qui peut leur être donné par un
gouvernement qui peut promouvoir avec succès et équilibre
l'administration de sa province.
A mon avis, le Québec peut satisfaire à toutes ces
exigences. En rapport avec ceci, j'attache une copie d'une lettre écrite
à l'honorable Bourassa le 22 mai, expédiée tout juste
avant l'annonce publique du bill 22, qui est explicite. Je lis cette lettre
:
Dear Mr Bourassa:
II felt that you would like to be informed of a situation which, due to
the present uncertainty of language rights, has developed with our company.
I am, because of the present language issue, delayed in my dealings with
a foreign (USA) company ; merger plans are well advanced which, worth a
successful conclusion, would add approximately two hundred more jobs to our
factory in this province.
Three management executives would be required to transfer from the USA
company to Montreal. While I must impress upon you, Mr Premier, that in my
dealings with these people, there is a healthy desire to enrich themselves
culturally by living amongst the French Canadiens and learning their language,
it is my impression that they do not wish to pay the price of uncertainty for
the Anglophone's freedom of living here unless they feel that they have equal
rights to those enjoyed by the French Canadiens in Quebec. Negotiations are now
stopped pending a clearly defined position on the language rights of the
individual in the province of Québec.
I sincerely hope that, in the interim, my company does not lose this
deal to an Ontario manufacturer where this threat to the Anglophone is non
existant.
I ask you in all sincerity, Mr Premier, why cannot the Anglophone and
Francophone co-exist peacefully through a Quebec Bill of Human Rights to
include equal protection for both French and English. Both languages would
flourish in the interest of all Quebecers.
Can you not settle this matter once and for all by legislating such a
Bill of Human Rights in the interest of all the people of Quebec?
I sincerely hope, Mr Premier, that in your meditation on this critical
question you and your colleagues will receive the inspiration
necessary to find the formula which will be beneficial to all Quebecers
and to the healthy evolution of the economy of our province.
J'attire votre attention à l'article 118 qui supprime le bill 63.
A mon avis, c'est une immense erreur. La liberté donnée aux
parents pour choisir la langue d'instruction de leurs enfants est un grand
avantage que le Québec donne à son peuple. Elle devrait
être protégée pour tout le monde, y compris les immigrants
qui sont également des parents.
Si, il y a quinze ans, l'enseignement du français dans les
écoles anglaises et l'enseignement de l'anglais dans les écoles
françaises avaient été adéquats et obligatoires et
si un effort sincère avait été donné par les
professeurs pour garantir des étudiants québécois
versés dans les deux langues, sans que ces mêmes professeurs se
fassent complices pour bâtir une langue en détruisant l'autre, la
province de Québec serait aujourd'hui la plus agréable, la plus
pacifique, la plus riche au point de vue culturel et industriel et la plus
équilibrée des provinces du Canada.
Pour ces raisons, je recommande que l'esprit du bill 63 soit
conservé et que les articles 48 à 51 du bill 22 soient
retirés pour une étude plus approfondie. Etant donné que
l'article 52 est idéal pour permettre à l'Anglais de devenir
versé dans la langue française, je recommande qu'un autre article
soit ajouté pour que le Français devienne versé dans la
langue anglaise; autrement, je crois qu'il y aurait injustice pour le
Français.
La question me semblerait: Est-ce que le gouvernement peut ou ne peut
pas exiger que, je présume, les syndicats d'enseignants suivent ces
directives qui, selon moi, n'ont pas été suivies durant les
dernières années? Je crois même que je pourrais
suggérer une formule pour diminuer cette domination absolue. Cependant,
il ne serait pas sage d'en parler publiquement tant que la formule ne sera pas
prête à être appliquée.
Présentement, le bill 22 dit: Ce projet proclame le
français langue officielle du Québec. Je crois que ceci devrait
être changé dans l'intérêt de l'économie du
Québec et de l'harmonie pour dire: Ce projet proclame le français
langue nationale et le français et l'anglais langues officielles du
Québec. Ceci permettrait de continuer le progrès
déjà accompli au Canada qui nous permet de constater que le
français est, de plus en plus, universellement accepté, surtout
depuis que le projet de loi voté par le Parlement du Canada a
proclamé le français et l'anglais langues officielles. Je crois
que proclamer le français la seule langue officielle du Québec
détruit ce que le gouvernement fédéral a
réalisé dans l'intérêt de la langue française
avec le projet de loi sur les langues officielles.
A mon avis, ce n'est pas dans l'intérêt de la nation
canadienne, ni dans l'intérêt des affaires et de l'industrie
québécoises, de refuser une position officielle en anglais.
Un homme d'affaires, qui a la responsabilité de diriger
l'administration d'une société et de diriger son progrès
profitablement, doit constamment voir à l'avenir. Il doit revoir
périodiquement les statistiques et, souvent, ses décisions sont
prises à cause de son impulsion naturelle qui est marquée par ses
expériences passées. En prenant en considération le bill
22, comme il est écrit présentement, lorsque je regarde l'avenir,
mon impulsion naturelle me dicte des développements possibles comme
suit: un bloc français d'un côté et un bloc anglais de
l'autre, ce qui n'est pas favorable à l'harmonie.
Ségrétation des immigrants. Ségrégation de
toute personne ou de toute chose qui n'est pas française au
Québec par des indiscrétions bureaucratiques au cas où ces
pouvoirs discrétionnaires pourraient tomber dans les mains de personnes
de mauvaise foi. La dissension grandissante au Québec pourra très
bien conduire à la formation d'un nouveau groupe politique qui pourra
être la réunion de trois forces: le nombre croissant de membres de
l'Assemblée nationale du Parti libéral, dont quelques-uns sont
déjà opposés publiquement au projet de loi 22, tel que
présentement rédigé, et peut-être d'autres qui sont
demeurés silencieux et qui sont sur le point de se prononcer;
deuxièmement, la formation d'un Parti progressiste conservateur
provincial; troisièmement, la reconstitution de l'Union Nationale dont
le programme appuierait un système de deux langues officielles avec le
français comme langue nationale et sans discrimination envers les
immigrants.
Je me permets de dire que de telles forces combinées en un seul
parti, à mon avis, pourraient peut-être sembler plus attrayantes
pour la majorité des électeurs et vaincraient logiquement le
gouvernement Bourassa aux prochaines élections, pour abroger le projet
de loi 22 de la même manière que le projet de loi 22 annule
présentement la loi 63. En regardant plus loin, il y a peut-être
une autre possibilité.
Comme chacun sait que le nombre d'anglophones de la ville de
Québec a diminué de 30 p.c. et à moins de 5 p.c. de 1900
à 1974. Comme chacun sait également que l'importance
économique et financière de la ville de Montréal s'est
déplacée de Montréal vers Toronto, il semblerait que le
Montréal bilingue a besoin de l'aide de Québec, sans quoi une
autre province du Canada devrait peut-être être
créée.
On pourrait prédire que Montréal serait la capitale de la
province de Québec et que la nouvelle province pourrait peut-être
être appelée la province du français. Avec Québec
comme capitale, les territoires de chacune des provinces ci-haut
mentionnées seraient une division de la province de Québec
actuelle et l'étendue de chaque province pourrait être
déterminée par un référendum de notre population de
6 millions.
Une de ces provinces serait officiellement la province bilingue dans
laquelle Anglais et Français prospéreraient librement et l'autre
serait française et unilingue dans laquelle le français serait la
loi de la province.
Même si je reconnais avoir quelque peu critiqué le projet
de loi 22 tel que présentement rédigé, j'aimerais terminer
en offrant ce qui, à mon avis, serait la solution, que le projet de loi
22, dans sa rédaction présente, soit retiré pour
étude additionnelle et qu'il ne soit présenté à
nouveau qu'après qu'un projet de loi québécois du droit de
l'homme ait été discuté et légiféré,
afin d'assurer que nous tous, dans la province de Québec, qui avons
été créés égaux, soyons traités sur
un pied d'égalité.
I think Mr Chairman, if I may be permitted the reflexion, that what is
on trial here is not the preservation of the French language. I believe the
French language has and will continue to progress throughout this country. In
my view, what is on trial here is freedom. I think the province of Quebec has
been put on trial by bill 22. My reaction has been and still is: Is there to be
freedom or is there to be fear?
Is the National Assembly the master of the people or is it elected to
serve the people? This is the very difficult choice that the National Assembly
has to make for the people of Quebec.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le ministre de l'Education.
M. CLOUTIER: M. le Président, je remercie le président du
Canadian White Star Products Ltd. pour la présentation de son
mémoire. J'aimerais tout d'abord obtenir un éclaircissement.
Est-ce que vous parlez en votre nom propre, en tant qu'un membre de la
communauté économique du Québec?
M. WHITE: Je parle au nom du président de la compagnie Canadian
White Star Products Ltd. qui a fait son commentaire, tel que je l'ai
mentionné dans mon mémoire, pour qu'il soit attrayant...
M. CLOUTIER: C'est cela.
M. WHITE: ... pour une société de faire affaires dans le
contexte d'une loi sur la langue officielle.
M. CLOUTIER: Est-ce que je comprends bien, lorsque je tire de votre
mémoire la conclusion que vous préféreriez qu'il n'y ait
pas de législation linguistique du tout? C'est-à-dire que la
situation actuelle évolue à son mérite.
M. WHITE: Je ne veux pas vous donner l'impression qu'il n'y aurait pas
de législation.
M. CLOUTIER: Je vous demande si vous souhaiteriez qu'il n'y en ait
pas.
M. WHITE: Non, je souhaiterais qu'il y en ait...
M. CLOUTIER: Qu'il y en ait une.
M. WHITE: Qu'il y en ait une. Ma suggestion, qui engloberait ce projet
de loi, est écrite dans la conclusion de mon mémoire.
M. CLOUTIER: C'est cela. Il s'agirait, dans votre esprit, d'une loi qui
consacrerait un certain bilinguisme ou le bilinguisme au Québec?
M. WHITE: Tout en identifiant clairement que la province de
Québec s'est enrichie culturellement en identifiant la langue
française comme une langue nationale et les deux langues, comme langues
officielles, ce qui découlerait de la loi qui a déjà
été adoptée au Canada, où les deux langues, le
français et l'anglais, sont déclarées langues officielles
au niveau du gouvernement.
M. CLOUTIER: Vous auriez deux langues officielles et une langue
nationale, mais est-ce que vous statueriez sur cette langue nationale? Est-ce
que vous diriez exactement à quoi cela correspond ou si vous vous
contenteriez d'une proclamation générale?
M. WHITE: C'est une question très difficile à
répondre, parce que c'est à cette question que vous faites face
dans le moment.
M. CLOUTIER: Ce que fait la loi 22, c'est de déterminer...
M. WHITE: C'est cela.
M. CLOUTIER: ... que le français est la langue officielle et,
ensuite, c'est d'arriver avec toute une série de règles d'usage,
qui donnent la priorité, la plus grande possible, au français,
mais qui déterminent aussi la place de l'anglais, compte tenu des droits
individuels que nous tenons à préserver.
Il y a donc une proclamation générale et il y a des
règles d'usage. Vous, vous souhaiteriez une proclamation
générale d'une autre nature, puisque vous voudriez que la
proclamation générale consacre un statut au français et
à l'anglais. Mais est-ce que vous auriez églement des
règles d'usage pour donner un contenu à cette proclamation
générale?
M. WHITE: Les règles d'usage, je crois, dérouleraient de
l'évolution, que ce soit dans la famille, que ce soit dans
l'éducation, que ce soit dans le monde des affaires.
Je crois que cela se déroulerait automatiquement et, pour
illustrer ma réponse, je reviens à ma société. Je
vois mal quelqu'un qui déterminerait la présence francophone dans
ma société. La présence francophone dans une
société pourrait être totalement différente de la
présen-
ce francophone dans une autre société. Cela dépend
de la situation de la société. Cela dépend du
marché. Cela dépend de beaucoup de choses. Je crois qu'on ne peut
pas mettre un règlement qui va s'appliquer dans toute
société dans le domaine des affaires.
M. CLOUTIER: En tant qu'homme d'affaires, la loi 22 vous gêne
beaucoup.
M. WHITE: En tant qu'homme d'affaires, franchement, la loi 22, à
mon avis, met des restrictions quand il s'agit de permettre à une
compagnie d'évoluer à sa façon. Il n'y a qu'un
règlement qui mène une compagnie, c'est d'essayer de la faire
prospérer, de la bâtir, de faire du profit et, en
conséquence, de créer de l'emploi où elle est.
M. CLOUTIER: Parfait! Merci.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de
Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, je veux également remercier
M. White de son témoignage.
Avant d'entrer dans les détails des remarques que vous faites, je
tiens à signaler qu'à peu près chacun des mémoires
qui nous ont été transmis nous apporte une lumière tout
à fait particulière sur le problème. Le vôtre en est
un autre exemple cet après-midi.
Je ne vous surprendrai pas, M. White, si je vous dis que je suis
à plusieurs milles de distance de vos positions, plusieurs
années-lumière, si vous aimez mieux, mais j'ai quand même
envie de commencer cet entretien avec vous en vous rendant, je pense, ce qu'on
doit vous rendre cet après-midi, c'est-à-dire ce que vous nous
faites remarquer dans le dernier paragraphe de votre mémoire.
Vous nous dites: "Le projet de loi 22, dans sa rédaction
présente, doit être retiré pour une étude
additionnelle". Je vous dis là-dessus: Tous les groupes, à
peu près, l'ont demandé "et qu'il ne soit
présenté à nouveau qu'après qu'un projet de loi
québécois du droit de l'homme ait été
discuté et légiféré, afin d'assurer que nous tous,
dans la province de Québec, qui avons été
créés égaux, soyons traités sur un pied
d'égalité".
M. White, je tiens à vous faire remarquer que, là-dessus,
je suis parfaitement d'accord avec vous, en ce sens que cette espèce
d'équilibre et d'acrobatie que le ministre a essayé de faire et
qui lui ont valu actuellement d'être condamné des deux
côtés qu'il essayait de séduire en même temps
tiennent peut-être au fait je vais vous demander votre avis
là-dessus qu'on a essayé d'aborder un problème
collectif en y insérant des droits individuels qui ne vont pas avec
l'ensemble. La question linguistique est une question collective. Tellement de
groupes nous l'ont rappelé. Tous les groupes francophones qui ont
réclamé l'abolition du libre choix nous ont affirmé cette
position à partir du principe que la langue est un bien collectif et que
la qualité de la langue est un droit collectif.
S'il y avait effectivement une charte des droits de l'homme
québécoise qui, elle, décrivait tous nos droits
anglophones comme francophones au chapitre individuel, ce sur quoi
l'Etat n'a pas affaire à empiéter, ce sur quoi il y a une
protection légale, juridique, établie quant aux droits du
citoyen, et qu'un autre projet de loi qui, lui, aborde une question collective,
aborde l'ensemble de la question en parlant des droits collectifs de la
majorité et des droits collectifs de la minorité, parce qu'il en
existe également et qu'il faudrait les établir... Par exemple,
établir clairement le droit... Si nous décisons que c'est le
choix politique de la société québécoise, que nous
reconnaissons un droit à leurs écoles, collectivement et non pas
individuellement... Je pense que cette remarque que vous avez faite selon
laquelle on a essayé de mettre la charrue devant les boeufs, si vous
voulez, et d'introduire des droits individuels dans un domaine qui aborde une
question collective mérite l'attention de la commission parlementaire et
constitue probablement une explication je dois dire à cet
étrange scénario auquel nous avons assisté depuis quatre
semaines maintenant.
Scénario selon lequel deux groupes, deux blocs, pour reprendre
les expressions de votre propre mémoire, sont venus s'affronter avec des
positions diamétralement opposées quant au fond, mais qui
coïncidaient largement quant au but, celui du retrait du projet de loi
22.
Tout de suite, peut-être en vous demandant de commenter plus ce
que vous avez voulu dire dans le dernier paragraphe, je tiens à signaler
que sur ce point, vous avez mon accord. J'ai d'autres questions par la
suite.
M. WHITE: Cela m'étonne, mon cher monsieur, parce que je ne suis
pas d'accord sur votre parti. Cependant, voilà la valeur du dialogue
parce que votre sang et mon sang sont de la même couleur. Alors, je crois
que d'homme à homme...
M. CHARRON : Le mien est moins rouge que le vôtre, je pense, par
exemple.
M. WHITE: N'oubliez pas que mon nom est White.
M. CLOUTIER: Le député de Saint-Jacques m'a toujours paru
anémique.
M. WHITE: Je crois que mon nom est White; alors, peut-être que
cela... Mais quand vous avez parlé de droits collectifs, je crois que
c'est une question très délicate. On parle de majorité.
Plus on est fort, plus la majorité est forte, plus on devrait se
rappeler l'humilité. C'est très
dangereux et cela n'est pas agréable que le gros en impose au
petit. C'est la raison primordiale pour laquelle je suggère un bill des
droits de l'homme. Peut-être que ce bill sera fait tout croche, je ne le
sais pas. Cela aussi se peut, mais plus on avance, plus on se rend compte que
les hommes et l'homme, c'est toute la même chose.
Personnellement, qu'on parle français à 100 p.c. dans la
province de Québec, cela ne me dérange pas parce que je parle
français à 100 p.c, peut-être pas à 100 p.c, mais
à 80 p.c., dans mes affaires. J'ai gagné ma vie, peut-être
mieux que certaines autres personnes, parce que je possédais le
français. Je me battrai à mort avant qu'on m'enlève mon
français.
Je vais vous dire exactement la même chose pour l'anglais. Alors,
avant de dire à un francophone: Tu vas mettre l'importance et le maximum
d'efforts sur une langue, il faut prendre nos précautions, pour que cela
ne soit pas au détriment d'une autre langue qui est très utile
pour tous, pour gagner sa vie, pour dialoguer. Je peux vous assurer que j'ai
deux fils qui parlent l'anglais et le français. Cela ne leur fait rien.
J'ai vu pousser ces gars et ce sont des gars qui ont un point de vue large. Ils
ne sont jamais en chicane, excepté avec leur père, de temps en
temps.
M. CHARRON: Cette question de la charte des droits de l'homme est une
précision dont le Québec a besoin quant aux droits des individus.
Elle m'incite à entrer dans la deuxième question que j'ai
à vous poser.
Il y a quelque temps, à la surprise générale de la
commission, le ministre de la Justice est venu faire un tour d'à peu
près une dizaine de minutes pour démentir son collègue de
l'Education, devant tout le monde, quant au chapitre de la langue
d'enseignement et de cette question du libre choix. Alors que le ministre de
l'Education l'avait toujours défendu comme un principe qui est encore
reconnu dans le projet de loi, le ministre de la Justice est venu nous rappeler
qu'il ne s'agissait que d'une mesure pratique. Ce n'est pas sans incidence
parce que le ministre de la Justice est également celui qui sera
responsable de la charte des droits de l'homme québécoise qui
nous a été annoncée dans le discours inaugural et qui
devra nous être présentée à l'automne. Le ministre
de la Justice ne veut pas affirmer il ne voudrait surtout pas voir son
collègue de l'Education l'affirmer comme tel, c'est pour cela qu'il a
pris la peine de venir lui-même comme un droit fondamental cette
fameuse liberté de choix dans la langue d'enseignement que l'on
veut.
C'est probablement comme futur parrain d'une charte des droits de
l'homme que le ministre de la Justice est venu rétablir ce fait. Il
n'est pas de l'intention du gouvernement, ou en tout cas du ministre de la
Justice parce que maintenant, il faut faire des distinctions entre les
ministres et le gouvernement ce n'est pas l'intention du ministre de la
Justice de mettre dans sa charte des droits de l'homme, comme un droit
fondamental de l'individu, celui de choisir la langue d'enseignement pour ses
enfants.
Cette précision étant donnée, et puisque je viens
de faire mention de cette dissension au niveau des ministres, vous faites
allusion vous-même, dans votre mémoire, à cette dissension
grandissante au Québec, au sein de la formation politique qui a le
pouvoir actuellement. Vous évoquez certains faits que j'aimerais vous
amener à préciser parce qu'ils dépassent largement
l'information que nous pouvons avoir, même si cette dissension
transparaît assez clairement maintenant pour que tout le monde en soit au
courant. C'est un secret de polichinelle, vous le savez, M. White, la formation
d'un caucus spécial à l'intérieur de la majorité
ministérielle pour essayer de calmer les esprits, pour que cela ne
transparaisse pas trop à la table de la commission.
M. TARDIF: C'est faux.
M. CHARRON: C'est un secret de polichinelle que des politiciens comme le
député d'Anjou essaient de sortir de l'ombre...
M. TARDIF: Vous avez le plus bel exemple devant vous...
M. CHARRON: ... à cette occasion en prenant des positions tout
à fait...
M. CLOUTIER: C'est un disque.
M. SAINT-GERMAIN: On l'entend depuis un mois.
M. CHARRON: Savez-vous, M. White je vais poser ma question
est-ce à partir du fait que vous savez que le ministre de l'Immigration
est un adversaire du projet de loi 22, qui l'a déjà
affirmé? Est-ce parce que le ministre des Affaires municipales a
affirmé devant un groupe de ses concitoyens qu'il était
opposé à certaines dispositions majeures du projet de loi? Est-ce
parce que vous avez remarqué la contradiction entre le ministre de la
Justice et le ministre de l'Education? Est-ce parce que vous êtes au
courant de la dissension qui existe de la part de cinq députés
anglophones du Parti ministériel? Est-ce parce que vous avez des rumeurs
de volonté francophone qui apparaîtrait tout à coup chez
certains députés, outre les propos tenus pour la galerie, par le
député d'Anjou, propos fondamentaux qui seraient
véritablement basés sur un refus du projet de loi? Ou
êtes-vous au courant d'autre chose qui vous amènerait à
dire que la dissension dans cette équipe si on peut l'appeler
équipe dans cette masse ministérielle, atteindrait des
proportions au point qu'on puisse parler d'un troisième parti politique?
Dernière question: Quand vous mentionnez le nombre croissant de
l'Assemblée nationale...
M. DEOM: On verra cela. M. TARDIF: Le règlement...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de
Jacques-Cartier.
M. SAINT-GERMAIN: ... quand le député de Saint-Jacques
prend la parole c'est pour nous faire un long discours de deuxième
lecture, qu'il répète d'ailleurs à peu près
régulièrement tous les jours.
M. CHARRON: C'est parce que la dissension...
M. SAINT-GERMAIN: Vous savez, M. le Président, qu'on est ici pour
écouter nos invités. Personne autour de la table n'est
intéressé à écouter le député
à ce stade-ci. On connaît ses idées, on connaît ses
opinions, on sait que c'est irréversible. Nous sommes ici pour
écouter les invités. Je me demande, M. le Président, pour
quelle raison vous le laissez disserter de la sorte. C'est une perte de temps
complète.
M. CHARRON: Sur le même point de règlement, M. le
Président, j'ai posé ma question à M. White, je lui
signalais les faits dont nous sommes tous déjà au courant. M.
White a affirmé que ce nombre était croissant et que quelques-uns
allaient s'opposer publiquement. Ils sont demeurés silencieux, selon la
vieille règle traditionnelle des "backbenchers", mais sont sur le point
de se prononcer. Or, je vous demande, M. White, à partir de quels faits
vous affirmez cette possibilité d'une création d'un nouveau
groupe politique?
M. WHITE: II me fait plaisir de répondre à votre question,
parce que je suis content de constater que nous sommes encore dans un pays
démocratique où chacun peut exprimer ses opinions, sans casser
les fenêtres, si on peut dire. Pour me référer à
votre première question, non, je n'ai pas remarqué de dissension
entre le ministre de la Justice et le ministre de l'Education. En effet, si
vous dites que le ministre de la Justice n'a pas l'intention d'établir
un droit fondamental, à savoir de choisir la langue d'instruction.
Dans le bill des droits de l'homme, mon premier commentaire
j'aimerais entendre cela du ministre de la Justice qu'il pourrait
peut-être changer d'idée, comme je dois féliciter ici le
gouvernement et le premier ministre qui a clairement dit que des
mémoires seraient présentés sur le bill 22 et qu'on
arrêterait à telle date. Cela fait trois fois qu'on prolonge le
délai. Alors, je crois que cela démontre que le gouvernement
cherche réellement les meilleures solutions. Il y en a sur lesquelles je
ne suis pas d'accord, mais au point de vue de la souplesse, je voulais
simplement souligner mon sentiment.
M. CHARRON: Bien, monsieur.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Lafontaine.
M. LEGER: M. le Président, je voudrais demander à M. White
s'il a bien affirmé tantôt qu'il serait d'accord pour que le
français soit la langue nationale et que l'anglais et le français
soient les langues officielles. C'est bien cela?
M. WHITE: Oui.
M. LEGER: Autrement dit, vous seriez d'accord pour un bilinguisme
intégral.
M. WHITE: Un bilinguisme égal, je dirais que cela dépend
des individus. Il y en a qui ne veulent pas avoir un bilinguisme égal.
Cela dépend des individus. Je veux bien faire la mise au point. Je
regarde la chose du point de vue "business".
M. LEGER: C'est justement pour cela. Deux langues officielles, cela veut
dire...
M. WHITE: Du point de vue des affaires.
M. LEGER: ... que, dans les affaires, les deux soient égales.
M. WHITE: C'est cela. C'est du point de vue des affaires.
M. LEGER: A la page 3 de votre mémoire, vous dites que vous
recommandez qu'on enlève entre autres l'article 36 qui dit que la
personnalité juridique de la raison sociale doit être en
français avec une version anglaise. Est-ce que ce n'est pas du
bilinguisme? Pour quelle raison vous opposez-vous à cet article?
M. WHITE: Vous faites un règlement. Premièrement, ma
société ne veut pas cela. Ma société, quand elle
écrit à Vancouver ou à Chicago, elle s'appelle Canadian
White Star Products Ltd. C'est son en-tête de lettre.
M. LEGER: Mais quelle objection avez-vous à ce que Vancouver ait
aussi dans votre correspondance la partie française? Si vous êtes
un bon Canadien comme vous avez dit tantôt, est-ce que cela ne veut pas
dire que les gens de Vancouver peuvent être un peu sensibilisés
par une correspondance en français?
M. WHITE: Si vous voulez me laisser faire ma mise au point, de l'autre
côté, ma société, quand elle écrit à
quelqu'un en français, s'appelle les Produits White Star du Canada
Ltée. Les deux sont dans la charte. Ici, si je comprends bien, on est
toujours obligé de mettre les deux noms. Si des sociétés
veulent les deux noms, je dirais que c'est leur affaire, mais s'il y a une
société qui veut dialoguer et être identi-
fiée totalement en français, dans certains cas, et
totalement en anglais dans d'autres cas, si, dans leur administration, elles
déterminent que c'est à leur avantage, je dis qu'elles devraient
avoir la liberté de le faire. C'est tout ce que je dis.
M. LEGER: Comment voulez-vous que, dans votre affirmation, il y ait deux
langues officielles, que chacun soit libre de le faire ou de ne pas le faire?
Ce n'est pas officiel à ce moment-là.
M. WHITE: Non. Est-ce qu'on parle de l'identité dans l'article
36?
M. LEGER: Répétons. Il y a 36, 39 et 41 où l'un
parle des raisons sociales, l'autre parle des contrats qui doivent être
en français ou en anglais, l'article 41, même chose, et plus
loin...
M. WHITE: Réellement, tous ces articles sont "interlaced".
M. LEGER: C'est du bilinguisme. M. WHITE: "Interlacés" je
suppose? M. LEGER: Interreliés.
M. WHITE: Interreliés, merci. Etant donné qu'ils sont
interreliés, je pense qu'on ne peut pas séparer l'un de l'autre.
Je ne voudrais pas m'embarquer dans la légalité d'un article ou
de l'autre. Je voudrais plutôt parler du "spirit of the thing", de
l'esprit de l'affaire, du point de vue de l'industrie.
M. LEGER: Mais comment voulez-vous rendre pratique l'affirmation du
début? Vous êtes d'accord sur les langues officielles, donc sur le
bilinguisme, et vous ne voulez pas de ce que la loi rend bilingue, ce que vous
dites, vous ne l'acceptez pas. Vous voulez que ce soit le choix de la
compagnie.
M. WHITE: Oui.
M. LEGER: Qu'est-ce qui garantit que, pour les citoyens du
Québec, ce bilinguisme va se faire si ce n'est pas par la loi?
M. WHITE: Qu'est-ce qui garantit que ce ne sera pas par loi?
M. LEGER: Que cela va être réellement bilingue, si ce n'est
pas par une loi?
M. WHITE: Garantir que c'est bilingue, encore, c'est une question qui,
je crois, devrait être laissée à une société.
S'il y a une société qui est assez bornée pour se limiter
à une langue, elle n'aura pas le succès d'évolution qu'une
autre société, qui est assez avant-gardiste pour évoluer
plus rapidement en utilisant deux langues.
M. LEGER: Vous avez dit au début de votre mémoire,
même au tout début: "La société économique
québécoise anglophone doit trouver la solution qui donnera
satisfaction à l'élément français, d'une part, sans
détourner les investissements qui sont nécessaires à la
province". D'après vous, une société
québécoise qui aura le français comme base de ses
relations à l'intérieur de son Etat, ça peut
détourner les investissements étrangers.
M. WHITE: Sûrement, mon cher monsieur. J'ai cité une lettre
que j'ai écrite le 22 mai à l'honorable Robert Bourassa et cette
lettre a clairement mentionné seulement les oui-dire de cette compagnie
américaine. Ces gars pensent qu'ils vont muter trois directeurs,
"management level." Je crois que leurs enfants ne pourront pas continuer leur
éducation en français. Juste le fait que cette question a
été soulevée, ma compagnie court la chance... En effet, je
n'ai rien à cacher, je vais vous le dire: J'ai reçu un appel
téléphonique concernant cette lettre me demandant si j'aurais
objection à faire le même "deal" avec eux dans la province
d'Ontario. Personnellement, je ne peux pas regarder ça au point de vue
personnel, mais, au point de vue des affaires, je l'ai regardé. Au point
de vue des affaires, j'ai dit à ces gens: Vous êtes mieux dans la
province de Québec parce que, dans la province de Québec, vous
n'avez pas les avantages de l'Ontario, vous n'avez pas deux langues,
premièrement. Your children will not have the advantages if they go to
Ontario that they can have in the province of Quebec. Alors, cet investissement
n'est pas de $100,000.
M. LEGER: Est-ce que vous êtes au courant des conclusions de
l'enquête du rapport Gen-dron qui affirme justement que l'enquête,
auprès des dirigeants d'entreprise, démontre que les dirigeants
d'entreprise anglo-canadiennes sont bien plus négatifs face au projet du
français langue de travail que ne le sont les dirigeants des entreprises
américaines et étrangères?
M. WHITE: Je me pose la question.
M. LEGER: Vous n'êtes pas d'accord là-dessus?
M. WHITE: Ecoutez, je ne connais pas...
M. LEGER: C'est la conclusion du rapport Gendron auprès des
entreprises...
M. WHITE: Je le sais.
M. LEGER: ... et américaines et anglo-canadiennes.
M. WHITE: La commission Gendron. On va dire...
M. LEGER: II n'arrive pas à vos conclusions, donc ce n'est
pas...
M. WHITE: Ce n'est pas le gouvernement existant qui l'a nommé,
premièrement. Deuxièmement, j'ai dialogué avec la
commission Gen-dron et il n'y avait pas toujours deux côtés
à la médaille. Elle en voyait juste un côté. Je vous
assure que je fais affaires avec assez de compagnies, incluant les banques,
Royal Bank, Bank of Montreal, Sun Life, etc., et il n'y a aucune discrimination
dans le moment peut-être qu'il y en avait quand j'étais
petit gars, je ne sais pas d'après mes observations, il n'y en a
aucune contre le francophone ou contre l'anglophone et vous n'avez qu'à
examiner des gens au niveau de la direction des grosses compagnies, vous allez
voir que beaucoup de francophones mènent ces barques avec une
habileté formidable.
M. LEGER: On me dit que je n'ai pas d'autres questions à vous
poser.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de
Louis-Hébert.
M. DESJARDINS: M. White, moi aussi, je vous remercie d'avoir
daigné vous pencher sur les problèmes linguistiques au
Québec à l'occasion de la présentation du bill 22. Je l'ai
mentionné et je le répète: J'ai toujours beaucoup de
respect pour les personnes qui viennent présenter un mémoire et
j'en ai également pour vous.
Les questions que je vous poserai et les commentaires que je ferai ne
changent en rien ce respect que j'ai pour vous comme homme et comme homme
d'affaires.
Cependant, je suis obligé de vous dire, parce que je le pense
vraiment, que votre mémoire, je le trouve, dans l'ensemble, un peu
triste et peu réaliste. Je trouve qu'il est triste, parce qu'il n'est
pas réaliste, justement, et qu'il n'est pas réaliste, parce que
vous n'avez pas l'air conscient du danger d'assimilation au Québec des
francophones par l'élément anglophone.
Je pense que ce sont là des remarques qui auraient pu vous
être faites par le Parti québécois, qui prétend se
faire le défenseur de la culture française au Québec, mais
qui a préféré jouer la petite politique et soulever devant
vous une prétendue dissension au sein de son parti. Alors, dans les
circonstances, j'aimerais quand même vous dire ce que je pense, et si
cela rejoint d'autres commentaires de d'autres personnes, tant mieux. Je pense
que vous ne m'avez pas l'air vraiment conscient de ce risque d'assimilation,
risque qui a été admis d'ailleurs par d'autres personnes
anglophones qui sont venues ici présenter des mémoires.
Je me demande si vous avez réalisé également que le
projet de loi ne modifie en rien le droit des anglophones garanti par la
constitution canadienne, que cela ne change rien dans la Loi sur les langues
officielles adoptées par le gouvernement fédéral. Vous
n'avez pas l'air d'admettre que la majorité doit prendre en main sa
culture et sa langue dans une province ou un pays donné, alors que nous
avons été habitués à cette notion de
majorité justement par les Anglo-Saxons. Ici je rejoins les propos tenus
par le député de Saint-Jacques hier, c'était à peu
près la deuxième fois qu'il tenait des propos vraiment nouveaux
et intéressants et je dois dire qu'il est exact que nous avons
été habitués au Québec à cette notion de
majorité par les éléments anglo-saxons. Le système
parlementaire est basé sur cette notion de majorité. Toutes les
procédures d'assemblée délibérante au sein de votre
compagnie et d'autres compagnies sont basées sur la majorité;
toujours c'est la majorité qui décide du sort d'une entreprise,
d'un gouvernement, d'une commission parlementaire.
Vous semblez ignorer la majorité au Québec. Tout de
même, je respecte vos idées là-dessus. Vous avez
préféré...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que le député de
Lafontaine a un point de règlement à soulever?
M. LEGER: Je me demande si on est toujours en période de
questions.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Vous êtes dans la période des
questions, mais, comme vous le savez, depuis un mois nous avons l'avantage de
recevoir des membres de votre parti et d'autres partis ici, nous avons fait une
convention et je crois avoir été assez généreux
pour les membres de votre parti en leur laissant faire des exposés
souvent très longs.
M. LEGER: Je n'ai pas d'objection. C'est parce que le
député face à moi, tantôt, avait arrêté
le député de Saint-Jacques disant qu'il faisait un discours.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): C'est pourquoi je vous demande si vous
avez une question de règlement.
M. DESJARDINS: Je n'ai rien dit.
M. LEGER: C'est justement là-dessus...
M. DESJARDINS: Quand le député de Saint-Jacques a fait un
préambule, je n'ai jamais rien dit ici, cela m'a toujours amusé.
Je le laisse faire. Je termine, M. le Président, j'arrive à la
question.
M. LEGER: Je n'ai pas d'objection du moment que vos collègues
font la même chose.
M. DESJARDINS: Je vais faire comme le chef de l'Opposition. N'est-il pas
vrai que maintenant je vais pouvoir continuer vous avez
semblé vous faire le défenseur des droits des francophones du
Québec, des anglophones du Québec et de tous les immigrants
sans
distinction? Ne croyez-vous pas que, depuis le début des
auditions, les francophones ont demandé eux-mêmes de ne pas avoir
le libre choix? Ils ont demandé eux-mêmes le retrait du bill 63 et
que le bill 22, justement, enlève ce libre choix, mais il y a une
condition pédagogique, alors qu'il laisse le libre choix aux
anglophones. J'aimerais d'abord avoir vos commentaires là-dessus avant
de continuer, surtout sur cette question...
M. WHITE: Vous alliez poser une question. C'est cela votre question?
M. DESJARDINS: Oui.
M. WHITE: Et avoir mon commentaire sur le fait que des associations
anglophones sont venues ici, l'une après l'autre...
M. DESJARDINS: Etes-vous conscient qu'il y a un risque d'assimilation
dans la région de Montréal, par exemple?
M. WHITE: C'est cela votre question?
M. DESJARDINS: Oui. Et s'il y en a un, qu'est-ce que vous allez faire
pour l'éliminer?
M. WHITE: Le risque d'assimilation, à mon avis, il n'y en a
aucun.
M. DESJARDINS: Bon.
M. WHITE: Attendez, je vais vous citer quelque chose.
M. DESJARDINS: D'accord.
M. WHITE: Au recensement de 1960, pour les gens ayant droit de vote, la
présence francophone était de 31 p.c. au Canada. En 1970...
M. DESJARDINS: Je parle du Québec, M. White.
M. WHITE: ... elle était à 32 p.c.
M. DESJARDINS: Je parle du Québec.
M. WHITE: Il n'y a pas de chiffres sur le Québec. Je n'ai pas vu
de chiffres.
M. LEGER: Au canada, c'est 26 p.c. pour votre information.
M. WHITE: Pardon?
M. LEGER: Au Canada, c'est 26 p.c.
M. DESJARDINS: M. White...
M. WHITE: J'ai lu cela dans les journaux.
M. DESJARDINS: ... quant on vient nous dire...
M. LEGER: II ne faut pas toujours croire ce qu'il y a dans les
journaux!
M. WHITE: Pour répondre à votre question, vous me demandez
si je suis conscient qu'il y a danger d'assimilation du francophone; Non,
monsieur.
M. DESJARDINS: Vous paraissez le seul dissident là-dessus.
M. WHITE: Je ne dis pas que je ne suis pas conscient, je dis qu'il n'y a
pas de danger. La raison pour laquelle je vous dis qu'il n'y a pas de danger,
c'est que vous allez sûrement admettre que, dans les dix dernières
années, le français a progressé, non seulement dans la
province de Québec, mais partout dans le Canada.
M. DESJARDINS: Où, ailleurs au Canada? M. WHITE: Partout dans le
Canada.
M. DESJARDINS: En vertu d'un statut juridique ou en vertu d'une
tolérance?
M. WHITE: En vertu des deux langues officielles, il y a six ans...
M. DESJARDINS: Au niveau fédéral.
M. WHITE: ... au niveau fédéral. Cela ne vous dit
rien?
M. DESJARDINS: C'est strictement ce qui touche les organismes du
gouvernement fédéral.
M. WHITE: Oui, mais mon cher monsieur, cela découle...
M. DESJARDINS: De toute façon, vous avez répondu à
ma question. Quant à vous, il n'y a pas de danger d'assimilation. Le
fait que, dans la région de Montréal, les écoles
anglophones soient fréquentées par 75 p.c. de francophones, pour
vous, cela ne présente aucun danger d'assimilation?
M. WHITE: Là, vous avez touché réellement le
point.
M. DESJARDINS: Je suis bien content.
M. WHITE: Si l'anglophone reçoit une éducation de langue
anglaise et reçoit des instructions en français et si le
francophone est également éduqué dans la langue anglaise,
dans quinze ans, personne ne va être assimilé. Les deux groupes
vont se rejoindre et ils parleront la langue qu'ils voudront.
M. DESJARDINS: Donc, pour vous, la "bi-linguisation" ne dirige pas vers
l'unilinguisme anglais au Québec?
M. WHITE: Absolument pas.
M. DESJARDINS: C'est d'accord.
M. WHITE: Absolument pas.
M. DESJARDINS: Si je vous disais que les francophones au Québec
ne veulent pas le libre choix, ils veulent le retrait du bill 63 à
condition qu'à l'école française, la langue anglaise soit
bien enseignée, est-ce que vous seriez d'accord pour que cette
majorité francophone décide de son propre sort?
M. WHITE: Si une majorité, en décidant de son propre sort,
ne pile pas sur d'autres sorts...
M. DESJARDINS: Non.
M. WHITE: ... sur la face d'autres sorts, oui.
M. DESJARDINS: Strictement, les francophones, en majorité,
disent: On veut l'école francophone avec un enseignement de la langue
anglaise, un bon enseignement, vous acceptez cela?
M. WHITE: Sûrement.
M. DESJARDINS: Si je vous disais maintenant que c'est cela que le bill
22 donne, et, en même temps, si j'ajoutais que le bill 22 laisse le libre
choix aux anglophones, vous n'avez rien contre cela?
M. WHITE: Non, je ne l'ai pas vu dans le bill 22.
M. DESJARDINS: Les articles 48 et 49 du bill 22, c'est cela. Vous m'avez
l'air d'en demander le retrait. Pourtant, vous êtes d'accord sur ce que
je viens de dire. Ces deux articles sont exactement ce que je viens de vous
dire.
De toute façon, à la page 3...
M. WHITE: Moi, je l'ai peut-être mal lu.
M. DESJARDINS: C'est ce que j'ai cru comprendre.
M. WHITE: Si je l'ai mal lu, il n'est pas clair.
M. DESJARDINS: Non, mais il peut être clair et que vous l'ayez mal
lu.
M. WHITE: D'après vous, il est clair?
M. DESJARDINS: Aux articles 48 et 49, il est très clair. Il
maintient un libre choix assorti d'une condition pédagogique pour les
francophones, mais il maintient le libre choix absolu des anglophones.
A la page 3 de votre mémoire...
M. WHITE: Est-ce que je peux vous arrêter?
M. DESJARDINS: Oui, certainement.
M. WHITE: "Such bodies may provide instruction in English; they shall
not however begin or cease to provide instruction in that language without the
prior approval of the minister of Education". D'accord. Il y a une restriction?
Moi, je vais vous en poser une question.
M. DESJARDINS: C'est cela. Bien oui, c'est bien évident qu'il y a
une restriction. Il faut qu'il y ait un contrôle quelque part. Il faut
prévoir un inventaire, de l'équipement, des professeurs. Il y a
également des problèmes syndicaux à régler.
M. WHITE: Non, je ne parle pas des problèmes syndicaux.
M. DESJARDINS: II faut planifier.
M. WHITE: Qu'est-ce que vous diriez si le ministre de l'Education
n'était pas M. Cloutier, mais était M. Cardinal qu'on a vu il y a
dix ans?
M. DESJARDINS: De toute façon, je pense...
M. WHITE: C'est lui qui aurait le sort à régler?
M. DESJARDINS: Vous n'avez pas ici, à commenter l'opinion
hypothétique d'un ministre qui n'est pas présent.
Personnellement, je n'ai pas l'intention de le faire...
M. WHITE: Ce n'est pas...
M. DESJARDINS: II faut un contrôle tout de même. Je pense
que, pour l'instant, le contrôle qui est là me semble
nécessaire au point de vue pratique.
Je vous ramène maintenant à la page 3 de votre
mémoire où vous énumérez les conditions
envisagées par une compagnie étrangère qui viendrait
s'installer au Québec...
M. WHITE: Oui.
M. DESJARDINS: ... vous avez cinq conditions qui seraient
considérées par une compagnie étrangère avant de
venir s'installer au Québec.
M. WHITE: Oui.
M. DESJARDINS: Mais vous avez oublié celle qui me semble la plus
importante...
M. WHITE: Oui.
M. DESJARDINS: ... et qui serait la rentabilité. Est-ce que ce ne
serait pas la première condition? Si une compagnie
étrangère s'aperçoit qu'elle peut faire de l'argent au
Québec, elle va venir faire de l'argent en français
également, autant qu'en anglais.
M. WHITE: Non, monsieur! La rentabilité...
M. DESJARDINS: C'est la première condition, à mon
avis...
M. WHITE: Je suis en affaires depuis 25 ans et la
rentabilité...
M. DESJARDINS: Cela passe en dernier. M. WHITE: Non!
M. DESJARDINS: Je vous taquine. M. WHITE: Pour revenir au
sérieux... M. DESJARDINS: Oui, oui.
M. WHITE: ... la rentabilité dépend de l'efficacité
d'une société the ease of operation moins de
problèmes il y a, plus une compagnie est efficace.
M. DESJARDINS: Vous pensez que, si on découvrait un puits de
pétrole dans mon comté de Louis-Hébert une compagnie
apprendrait vite le français pour venir l'exploiter? Vous pensez que
l'embouteilleur...
M. WHITE: Votre exemple n'est pas sérieux.
M. DESJARDINS: Le seul embouteilleur...
M. WHITE: Excusez-moi, mais votre exemple n'est pas sérieux.
M. DESJARDINS: Bon, bien enfin...
M. WHITE: Un puits de pétrole, on n'a pas besoin de parler pour
extraire de l'huile de la terre.
M. DESJARDINS: II est toujours bon de pousser un exemple au ridicule
pour démontrer parfois la valeur d'un argument.
M. WHITE: Ah! ...
M. DESJARDINS: Si vous avez...
M. WHITE: My Board of directors would not go for that one!
M. DESJARDINS: Non? Si vous avez le seul embouteilleur de Coca-Cola au
Québec qui décide de déménager en Ontario à
cause de l'adoption du bill 22, vous ne croyez pas qu'il y a un autre
embouteilleur qui va venir s'installer? C'est un autre argument ridicule.
M. WHITE: Oui.
M. DESJARDINS: C'est pour démontrer le ridicule de certains
arguments.
A la page 4 de votre mémoire, vous mentionnez que, si les
professeurs avaient enseigné les deux langues depuis une quinzaine
d'années dans les écoles, vous ajoutez: "The province of Quebec
would be today, the most pleasant, the most peaceful, the richest in culture
and in industry and the most stable province in Canada".
Mais voulez-vous me dire si, à votre avis, les entreprises
à majorité anglophone ont vraiment fait l'effort, depuis quinze
ans, pour que le français soit vraiment la langue de travail, pour que
le français soit traité à un statut au moins égal
à l'anglais? Je ne parle pas de la vôtre. A votre connaissance
personnelle, dans d'autres industries, depuis une quinzaine d'années,
est-ce qu'il y a eu un effort suffisant?
M. WHITE: Seulement par des compagnies qui sont administrées pour
avoir plus de succès que celles qui n'ont pas été assez
fines pour le faire.
M. DESJARDINS: Bon! Donc... Mais avez-vous des exemples? Connaissez-vous
des compagnies qui ont vraiment fait des efforts depuis une quinzaine
d'années?
M. WHITE: Si j'en connais?
M. DESJARDINS: Oui.
M. WHITE: Oui, quelques-unes.
M. DESJARDINS: Vous en connaissez quelques-unes. Parce que vous
êtes au courant des...
M. WHITE: Des affaires.
M. DESJARDINS: ... programmes de l'Office de la langue française
mis de l'avant avec la Golden Eagle, avec d'autres compagnies.
M. WHITE: Oui.
M. DESJARDINS: Mais cela, c'est l'intitiati-ve de l'Office de la langue
française et non pas...
M. WHITE: Je trouve que c'est très bien.
M. DESJARDINS: Oui, c'est très bien.
M. WHITE: Ils font des suggestions, n'est-ce pas?
M. DESJARDINS: Pardon?
M. WHITE: L'Office de la langue française fait des
suggestions.
M. DESJARDINS: C'est cela.
Vous écrivez, à la page 5 de votre mémoire, au
deuxième alinéa: "To deny English its official status...
M. WHITE: Oui.
M. DESJARDINS: J'aimerais savoir en vertu de quoi croyez-vous que
l'anglais au Québec a un statut officiel, mais juridique.
M. WHITE: Vous avez certains articles du bill 22 qui semblent dire que
s'il y a un conflit entre un contrat écrit en anglais ou en
français, c'est la langue française qui détermine la
légalité de...
M. DESJARDINS: Est-ce que cela nie le statut officiel de la langue
anglaise?
M. WHITE: Oui, cela...
M. DESJARDINS: Oui, mais en vertu de quel texte juridique la langue
anglaise est-elle officielle au Québec?
M. WHITE: Cela devrait être décidé par une cour, un
juge.
M. DESJARDINS: Non, mais aujourd'hui, je vous parle d'aujourd'hui. Le
bill n'est pas encore adopté. En vertu de quel texte juridique la langue
anglaise est-elle langue officielle au Québec?
M. WHITE: Que voulez-vous dire par texte juridique?
M. DESJARDINS: Une loi. Est-ce qu'il y a une loi qui existe qui fait de
l'anglais la langue officielle au Québec.
M. WHITE: Pas encore, non.
M. DESJARDINS: Alors, quand vous dites: "To deny English its official
status...
M. WHITE: Oui.
M. LEGER: Cela va le faire.
M. DESJARDINS: Bon! A la page 6 de votre mémoire, je n'admets pas
du tout les exemples que vous donnez de faire, par exemple, peut-être une
autre province avec la ré- gion de Montréal, parce que si on
pousse cela à l'extrême et au ridicule, il faudrait, avec le...
C'est un principe que vous avez écrit tout de même.
M. WHITE: Pardon?
M. DESJARDINS: C'est un principe que vous avez écrit.
M. WHITE: Oui.
M. DESJARDINS: Vous le pensez si vous l'avez écrit.
M. WHITE: Sûrement! Ne trouvez-vous pas que peut-être dans
20 ans cela pourrait arriver?
M. DESJARDINS: Accepteriez-vous que tout le nord-ouest du
Nouveau-Brunswick, soit le comté de Madawaska, le comté de
Victoria, le comté de Restigouche et une partie du comté de
Gloucester, qui a une très grande majorité francophone, supposons
80 p.c. ou 85 p.c, devienne également une autre province?
M. WHITE: Oui.
M. DESJARDINS: Que le sud-ouest de l'Ontario, à majorité
francophone, devienne également une autre province? Vous accepteriez
cela, si on suit votre principe jusqu'au bout. L'accepteriez-vous?
M. WHITE: Où un peuple veut l'unilin-guisme...
M. DESJARDINS: L'accepteriez-vous?
M. WHITE: Personnellement, je ne l'accepterais pas. Mais où un
peuple veut être unilingue... Pardon?
M. DESJARDINS: Vous le voulez pour vous, pas pour les autres.
M. WHITE: Non. Je ne veux rien pour les autres. Ce n'est pas moi qui
mène. Je fais mes commentaires sur le bill 22 tel que
présentement rédigé. Je n'ai pas...
M. DESJARDINS: Je termine mon intervention en vous demandant en quoi le
bill est discriminatoire à l'égard de l'immigrant.
M. WHITE: A mon avis, un immigrant devrait avoir les mêmes
privilèges que n'importe quelle autre personne.
M. DESJARDINS: Connaissez-vous un pays au monde qui donne à
l'immigrant des droits avant son entrée au pays?
M. WHITE: Parce que les autres pays n'ont
pas été assez fins pour faire quelque chose, cela ne veut
pas dire que la province de Québec ne devrait pas le faire. Parce que si
vous voulez suivre les exemples des autres pays, on peut amener beaucoup
d'exemples.
M. DESJARDINS: Faites-vous la distinction entre un immigrant en service
commandé? Je m'explique. Par exemple, vous voulez un technicien. Vous
n'en trouvez pas au Québec. Vous faites appel aux Etats-Unis et vous en
dénichez un à New York.
M. WHITE: Oui.
M. DESJARDINS: Et là, il est en service commandé. Il vient
ici avec sa famille, il n'a pas le choix. S'il travaille pour votre compagnie
aux Etats-Unis vous êtes une compagnie multinationale il
est transféré ici, il n'a pas le choix. Il est en service
commandé. A ce moment, accepteriez-vous qu'il ait le choix de
l'école anglopphone?
Mais si c'est un immigrant qui choisit un nouveau pays, il n'est pas
obligé de le faire. A ce moment, ce nouvel immigrant ne devrait-il pas
s'intégrer à la majorité de ce pays ou de cette
province?
M. WHITE: S'il est intelligent, il va choisir la province de
Québec parce que, dans la province de Québec, il a l'avantage des
deux langues.
M. DESJARDINS: Mais s'il est intelligent, ne devrait-il pas
s'intégrer à la majorité qui est la majorité
francophone?
M. WHITE: S'il est intelligent, oui. Je viens de le dire.
M. DESJARDINS: Par conséquent, l'article 49, tel que
rédigé, serait satisfaisant.
M. WHITE: Quant aux articles 48 et 49, j'ai dit que tous ces articles
sont...
M. DESJARDINS: Vous dites cela, mais quand on vous pose la
question...
M. WHITE: ... interreliés, et je ne veux pas débattre
chaque article. Mon commentaire, premièrement, est fait sur le bill 22,
globalement; et deuxièmement, l'intention était de le limiter au
point de vue d'une société faisant affaires dans la province de
Québec, dans le contexte d'une langue officielle.
M. DESJARDINS: En fait, vous affirmez cela, mais en réponse
à des questions, vous me semblez quand même assez favorables
à la rédaction actuelle des articles 48 et 49 en ajoutant
peut-être quelque chose pour l'immigrant en service commandé.
M. WHITE: Je ne veux pas paraître aussi ridicule en arrivant ici
et en vous disant que tous les articles du bill 22 n'ont pas de bon sens.
M. DESJARDINS: Non. J'espérais que vous disiez cela.
M. WHITE: On s'entend sur cela.
M. DESJARDINS: C'est tout. Merci bien.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Au nom des membres de la commission, je
remercie beaucoup M. White. J'inviterais maintenant le Regroupement
régional de la capitale québécoise et ses
représentants.
Voulez-vous vous identifier pour le journal des Débats et les
membres de la commission, s'il vous plaît?
Regroupement régional de la capitale
québécoise
M. LABERGE: Je suis Henri Laberge, porte-parole du Regroupement
régional de la capitale québécoise.
M. le Président, avant la présentation du mémoire,
est-ce qu'il me serait permis de poser une question au ministre de l'Education
sur la signification d'une des parties du bill? Au chapitre V, à la page
10 du bill 22, le titre est la langue de l'enseignement. Qu'est-ce que signifie
cette expression: La langue d'enseignement? C'est quoi la langue
d'enseignement?
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): En fait, je vous ai permis peut-être
à tort de poser une question. Peut-être...
M. LABERGE: M. le Président, je ne veux pas faire un long
questionnaire. Je veux tout simplement savoir si ce titre désigne une
langue en particulier: La langue de l'enseignement. Simplement pour
éclairer.
M. CLOUTIER: Je n'ai évidemment aucune objection à
répondre, si cela peut éclairer. C'est surtout nous qui sommes
ici pour être éclairés. Or, j'aurais souhaité que
vous présentiez votre mémoire, parce qu'il est bien
évident que si vous avez une idée derrière la tête,
c'est votre droit le plus absolu, alors présentez donc votre
mémoire. Expliquez vos opinions politiques, si vous en avez, ensuite
j'essaierai de vous apporter tous les éclaircissements
nécessaires.
M. LABERGE: Bon.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je dois vous rappeler que votre
mémoire doit être présenté dans une période
de vingt minutes. Il y a une période de 40 minutes allouée aux
partis politiques pour les questions.
M. LABERGE: Bon. D'accord. Je voudrais commencer par une remarque
préalable au sujet de quelque chose qui a été dit dans le
mémoire de celui qui nous a précédés, au sujet de
la reconnaissance du français comme la langue nationale du
Québec. Je pense que, là-dessus, on ne peut pas être plus
d'accord que cela, mais je pense que cela implique plusieurs choses. Si on
reconnaît que le français est la langue nationale du
Québec, cela veut dire qu'on reconnaît que le Québec
constitue vraiment une seule communauté nationale et non pas deux
communautés nationales comme certains le prétendent. Alors, s'il
y a une seule communauté nationale au Québec, il est normal qu'il
y ait une langue nationale comme le mémoire précédent le
laissait entendre. Quand on parle d'ajouter à cela deux langues
officielles, cela me rappelle deux exemples qui existent dans le monde, que je
connais il y en a peut-être d'autres qui sont exactement
dans cette situation, c'est l'Irlande et Malte. Or, dans les deux cas, il y a
une langue nationale reconnue : le gaélique en Irlande et le maltais
dans l'île de Malte. Dans les deux cas, tout en reconnaissant qu'il y a
une langue nationale, on reconnaît que cette langue nationale n'a pas
suffisamment de prestige, n'est pas capable...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Vous me permettrez d'attirer à
nouveau votre attention sur le fait que, dans la première partie de
cette présentation, il s'agit de présenter votre mémoire
ou de le résumer, et non pas se référer à des
mémoires précédents présentés à la
commission, mais bien au vôtre.
M. LABERGE: Bon. M. le Président, je vais lire notre
mémoire et je ferai d'autres remarques après. Pour bien
comprendre la nature et la portée réelles des critiques que nous
allons formuler contre le bill 22, tel que présentement
rédigé, nous voudrions les situer dans le contexte global des
objections que nous faisons à l'esprit même de la politique
linguistique du gouvernement actuel. A lire les textes officiels émanant
de l'actuel ministre de l'Education et traitant de questions linguistiques, il
semble que le Québec n'existe pas comme entité distincte au sein
de la francophonie internationale et face à l'Amérique
anglo-saxonne, ni comme totalité englobante par rapport aux individus ou
groupes qui le composent.
Ceci est particulièrement évident dans l'introduction au
"Plan de développement de l'enseignement des langues". On y parle des
individus québécois que l'on divise en trois grandes
catégories: les francophones, les anglophones et les immigrants. Puis on
saute aussitôt à la francophonie internationale et à
l'économie nord-américaine. Ce n'est pas pour bien vivre dans
leur pays, mais pour pouvoir communiquer avec les francophones d'Europe et
d'Afrique que les individus francophones d'ici sont invités à
perfectionner leur langue maternelle.
Pour revenir à des considérations plus pratiques, c'est
l'anglais qu'ils doivent apprendre pour gagner la vie de tous les jours, avoir
accès aux postes de commande dans les entreprises multinationales
établies au Québec et pour acquérir une meilleure
mobilité continentale. Le ministère de l'Education se donne aussi
comme mission de faire acquérir aux immigrants, à nos frais,
cette sacro-sainte mobilité continentale, mais il ne lui vient pas
à l'esprit de leur offrir d'abord la mobilité
québécoise. Comble du paradoxe, le seul avantage que les
immigrants pourront trouver, selon le ministre, à fréquenter
l'école francophone sera de venir y apprendre l'anglais comme langue du
continent, langue de l'économie, langue du succès, langue de
l'avenir.
Malgré un certain maquillage verbal et quelques mesures
tape-à-l'oeil, le bill 22 incarne encore très bien cette vision
aberrante du fait linguistique, complètement coupé de son
enracinement historique, socio-politique et culturel québécois,
complètement bouché à nos aspirations nationales.
Paradoxalement, à notre point de vue, la négation ou la
méconnaissance de la réalité nationale
québécoise aboutit à donner de mauvaises solutions aux
besoins individuels et à brimer le droit de chacun à une
légitime originalité. C'est bien à tort, en effet, qu'on
oppose trop souvent les droits individuels et les droits collectifs. Ces deux
ordres de droits sont complémentaires et s'appuient mutuellement.
Une politique digne de ce nom doit accorder à chaque individu les
moyens d'assurer son développement personnel le plus autonome possible,
ce qui suppose son intégration sociale, mais aussi à la
communauté nationale les moyens de survivre et de se développer
comme être collectif. C'est ainsi que nous concevons une politique
linguistique, mais ce n'est pas ce que nous trouvons dans le bill 22.
La politique linguistique qui nous est proposée limite et brime
le droit à une légitime originalité des individus et des
groupes ethniques je vais me référer tantôt à
certains articles en rangeant artificiellement tous les citoyens dans
les deux catégories officielles francophone et anglophone. En même
temps, elle refuse à la nation québécoise le moyen par
excellence de son unité en ne donnant pas au français tout le
prestige d'une véritable langue nationale.
Le bill 22 est inacceptable parce qu'il ne fait pas du français
la seule langue officielle du Québec, malgré le titre du projet
de loi, mais aussi parce qu'il tend à décourager l'usage
facultatif de toute autre langue minoritaire que l'anglais. L'anglais, en
effet, y est confirmé comme l'une des deux langues des débats
parlementaires et de la rédaction des lois, comme une des deux langues
des délibérations dans l'administration publique à tous
les niveaux et dans toutes les régions, comme une des deux langues des
procédures devant les tribunaux, comme langue du texte officiel des
jugements rendus par des magistrats anglophones, comme langue exigible
n'importe où au Québec dans les textes et les contrats, comme
langue dans laquelle pourront être rédigées des conventions
collectives. Nous pourrions, en nous arrêtant à chaque chapitre et
à chaque article, allonger la liste de tous les droits nouveaux
accordés à l'anglais et dont la somme en fait
véritablement une deuxième langue officielle sur laquelle le
français n'aura en fait qu'une priorité protocolaire.
Ce qui frappe aussi, c'est ce besoin qui nous semble à nous quasi
maladif du rédacteur de ce bill de mentionner à tout propos qu'il
est permis de produire une version anglaise de tel ou tel document. Pourquoi
une telle insistance à affirmer ce qui, selon nous, devrait aller de
soi? Ce que nous craignons c'est l'interprétation qu'on pourra faire de
cette insistance. Ou bien on aura tendance à considérer que toute
version non explicitement permise par la loi est défendue et alors on
brimerait inutilement les minorités non anglophones dans leur droit de
produire ou d'obtenir dans leur langue maternelle des versions facultatives des
textes officiels. Ou bien on aura tendance à considérer que le
fait de mentionner explicitement la possibilité qu'une version anglaise
soit produite, crée une obligation de la produire sur demande et alors
on accorde effectivement à l'anglais un statut équivalant en
pratique à celui du français.
Au chapitre de la langue d'enseignement, on pourra discuter longuement
pour savoir si le libre choix des parents à l'égard de la langue
d'enseignement est maintenu. Nous inclinons à penser que juridiquement
il est aboli, mais que les commissions scolaires le maintiendront. En fait,
très peu d'administrateurs scolaires ont le goût d'assumer
l'odieux d'un refus motivé par des critères aussi imprécis
que ceux qui sont contenus dans la loi. De toute façon, ce n'est
sûrement pas un progrès de remplacer le libre choix des parents
par l'arbitraire administratif. Puis, le vice fondamental de la loi 63 qui
consistait à établir officiellement deux langues d'enseignement
juridiquement sur un pied d'égalité est encore présent
dans le bill 22. Je rappelle ici que le vice principal du bill 63
n'était pas d'accorder à des parents une certaine liberté
de choix, c'était d'établir que ce choix se faisait entre deux
langues qui étaient placées juridiquement sur un pied
d'égalité. Le titre du chapitre V est aussi mensonger que le
titre du projet de loi. Ce n'est pas de la langue d'enseignement mais bien des
deux langues d'enseignement qu'il est question à chacun des cinq
articles de ce chapitre.
Le bill 22 est également inacceptable parce qu'il met dans
l'insécurité aussi bien les francophones que les anglophones que
tous les allophones par son manque de rigueur au niveau des principes, par la
marge d'arbitraire laissée au ministre, au cabinet, à la
régie et aux administrations locales, par des références
trop nombreuses à des règlements à venir dont personne ne
connaît le contenu. Nous approuvons sur ce point la critique faite par
des mouvements anglophones et italophones à la teneur du bill 22.
La loi linguistique que nous attendons aura sans doute besoin
d'être complétée par des règlements, mais elle devra
être claire, précise, sans ambiguïté quant aux
principes, de sorte que tout le monde pourra savoir d'avance l'esprit
véritable des règlements à venir et dans quel cadre
précis le ministre et ses fonctionnaires auront le droit et le devoir
d'intervenir.
Avec l'actuel gouvernement, les lois ont tendance à devenir de
plus en plus de simples catalogues de nouveaux pouvoirs discrétionnaires
remis entre les mains d'un ministre ou du cabinet. Ceci est
particulièrement odieux dans un domaine aussi vital que la question
linguistique. C'est à l'Assemblée nationale, au vu et au su de
tous, non dans l'antichambre d'un ministre psychiatre, que doit être
déterminé le statut du français et définie une
politique de protection des droits minoritaires.
D'autres mémoires s'attarderont sans doute plus que nous à
une critique détaillée du bill 22. Nous croyons faire oeuvre
utile, quant à nous, en énonçant quelques principes sur
lesquels nous voudrions voir reposer une politique linguistique valable.
Une politique linguistique ne peut pas se concevoir comme s'appliquant
à un problème en soi, sans relation avec l'ensemble des
problèmes que vit quotidiennement le peuple auquel on l'applique. Ainsi,
toute politique linguistique au Québec est fonction de la
définition que l'on donne à la société
québécoise. Le préalable à une politique
linguistique originale pour le Québec, c'est la reconnaissance du
Québec comme une entité originale, ayant une tradition
socio-culturelle et politique particulière et des aspirations
collectives distinctes par rapport aux aspirations du grand tout
"Canadian".
Une fois admis le caractère distinctif du Québec et son
droit à organiser sa vie collective d'une manière originale, il
faut reconnaître à cette société le droit de se
forger les instruments de cohésion absolument indispensables à sa
survie comme société organisée. Dans une
société démocratique où tous les groupes de
citoyens doivent pouvoir discuter entre eux des grands problèmes
collectifs, la langue nationale apparaît comme un instrument
privilégié de cohésion nationale, sans doute le plus
fondamental et le plus efficace.
L'établissement, la promotion et la diffusion d'une langue
nationale unique, accessible à tous, bien que s'imposant au nom de
l'intérêt national, ne doivent pas brimer le droit des individus
et des familles à conserver et à retransmettre, s'il le
désirent, leurs langues maternelles particulières, ni le droit
des groupes ethniques minoritaires à faire un usage facultatif des
langues minoritaires dans les communications d'ordre privé, ni le droit
des citoyens à apprendre des langues étrangères.
Pour respecter au mieux l'égalité de tous devant la loi et
assurer en même temps la cohésion nationale et le droit des
individus et des familles à une légitime originalité, il
importe de bien distinguer le statut public officiel de la langue nationale et
les droits individuels quant à l'usage des langues dans le milieu
familial et les relations d'ordre privé. Toute position ambiguë en
ce domaine est dommageable, à la fois pour la collectivité
nationale et pour les individus.
Nous soupçonnons fortement le gouvernement actuel, et en
particulier le ministre de l'Education, de ne pas savoir faire la distinction
entre la langue maternelle et la langue nationale. Dans le "Plan de
développement de l'enseignement des langues", le français et
l'anglais sont alternativement présentés comme langues
maternelles et langues secondes de tous les Québécois. Mais nulle
part, dans ce plan, le ministère ne se reconnaît la moindre
responsabilité vis-à-vis de la langue nationale des
Québécois en tant que langue nationale. Il est faux de
prétendre qu'il n'y a que deux langues maternelles au Québec et
il est aberrant de méconnaître le rôle historique du
français comme langue nationale des Québécois.
Voici donc comment devraient se définir la place et le rôle
respectifs de la langue nationale et de la langue maternelle. La langue
maternelle est la langue apprise par l'enfant dans son milieu familial, la
première langue apprise par un individu, la langue dans laquelle une
personne a appris à penser et à exprimer pour la première
fois ses sentiments, ses interrogations et ses découvertes.
La langue maternelle a une très grande importance dans le
développement affectif et intellectuel de l'individu. Le passage
précoce à une autre langue entraîne des difficultés
d'adaptation et parfois des troubles d'apprentissage. La perte totale, par un
individu, de l'usage de sa langue maternelle en fait une espèce
d'infirme social.
Il n'y a pas de pays au monde dont tous les citoyens, sans exception,
ont une seule et même langue maternelle. Le Québec ne fait pas
exception à la règle. Les principales langues maternelles des
Québécois sont le français, l'anglais, l'italien,
l'allemand et le yiddish. Le français est la langue maternelle de 80
p.c. des Québécois et de 85 p.c. des Québécois
natifs du pays. Ceux qui, parmi les diverses langues maternelles du
Québec, compte tenu de l'environnement nord-américain,
indépendamment de toute politique linguistique, ont le moins de chance
de perdre leur langue maternelle, ce sont les anglophones.
La langue maternelle est essentiellement un bien propre des individus et
des familles qui la parlent. C'est au milieu familial qu'incombe avant tout la
responsabilité de la maintenir, de la cultiver, de la transmettre.
L'individu a le droit de conserver sa langue maternelle s'il juge qu'il lui est
avantageux de la conserver, d'en faire usage dans ses communications d'ordre
privé avec d'autres personnes consentantes et de la transmettre si
possible à sa progéniture. La collectivité ne doit pas y
faire obstacle.
Le système d'éducation publique peut encourager les
individus à conserver leurs langues maternelles mais ce n'est pas
là sa fonction première. L'école publique, en effet, est
une institution de la collectivité nationale, non un prolongement de la
famille en tant que telle.
La langue nationale, c'est la langue du pays, de la collectivité
nationale et de ses institutions; la langue commune qui assure
l'intégration des individus et des familles de diverses origines
à une même communauté nationale.
La langue nationale coincide généralement avec la langue
maternelle de la majorité de la population nationale, mais ce n'est pas
toujours le cas. Ainsi, l'allemand est la langue nationale des Suisses
alémaniques, mais la plupart d'entre eux, ont comme langues maternelles
les dialectes alémaniques propres à chaque canton ou à
chaque partie de canton. L'allemand est pour eux la langue commune qui forge
leur unité nationale, qui exprime leur culture nationale et leurs
aspirations collectives.
La première condition pour assurer l'unité d'un peuple,
c'est que tous les citoyens quelle que soit leur langue maternelle, puissent
communiquer entre eux dans une même langue. C'est pourquoi, dans tout
pays normal, l'apprentissage de la langue nationale est obligatoire dès
les premières années de l'élémentaire et c'est
normalement la langue d'enseignement pour tous.
La langue nationale, en tant que langue nationale, n'est pas le bien
propre des individus et des familles, mais le bien commun de la nation. Quand
elle coincide avec la langue maternelle de la majorité, elle n'est pas
pour autant le bien de la seule majorité. Elle est le bien commun de
toute la collectivité nationale.
Les droits de l'individu à sa langue maternelle ne sont pas
lésés par la proclamation d'une langue nationale unique ou par
toute législation l'établissant comme langue officielle de
l'administration, des institutions politiques et économiques et des
communications d'ordre public. Au contraire, la liberté individuelle est
mieux assurée dans un régime d'unilinguisme officiel que dans un
régime de bilinguisme officiel généralisé. Ainsi,
l'italien, l'allemand et les langues amérindiennes auront plus de chance
de survie comme langues maternelles dans un Québec où une seule
langue sera vraiment nécessaire à tous que dans un Québec
où deux langues resteraient en perpétuelle concurrence comme
langues de communications dans divers domaines.
Un groupe ethnique, c'est l'ensemble d'individus et de familles ayant en
commun certaines caractéristiques origine, langue maternelle,
traditions familiales qui les font se reconnaître et se sentir
solidaires. Et à partir de cette définition, il est impossible de
dire qu'il
n'y a que deux groupes ethniques au Québec.
Un groupe ethnique minoritaire peut et c'est son droit
résister à son assimilation pure et simple par un autre groupe
ethnique, majoritaire ou non. Cela devrait faire partie des droits de l'homme,
mais il ne peut pas refuser de s'intégrer à l'ensemble national.
Il peut conserver sa langue particulière, mais il doit accepter que la
langue nationale soit la langue commune à tous les groupes ethniques
intégrés à la nation.
Ce qui est grave au Québec, à l'heure actuelle, c'est la
tendance des groupes ethniques minoritaires à s'assimiler à un
groupe ethnique minoritaire particulier, à savoir le groupe
anglo-québécois. Ceci a pour effet une division artificielle du
Québec en deux blocs dont l'un, en régression, est
constitué par la majorité numérique francophone, l'autre
possédant les principaux leviers de commande de l'économie et
voyant son importance numérique proportionnelle augmenter sans
cesse.
Cette situation ouvre la porte toute grande à un éventuel
éclatement violent de notre société. L'Etat doit donc
intervenir et créer des conditions telles que les divers groupes
ethniques cessent de s'assimiler massivement aux Anglo-Québécois.
La politique linguistique que nous attendons doit contribuer à corriger
cette situation explosive, notamment en enlevant à l'anglais son
privilège abusif d'être une langue indispensable dans la vie
économique interne du Québec.
En conclusion, le peu de temps laissé pour la rédaction de
ce mémoire ne nous permet pas d'élaborer tous les aspects de la
politique linguistique dont le Québec a besoin. Au minimum, voici ce que
nous attendons: 1-Que le français soit reconnu comme langue nationale
des québécois et soit réellement la seule langue
officielle de l'Etat québécois et de tous les organismes publics,
ce que ne donne pas le bill 22; 2-Que le Nouveau-Québec se voie
reconnaître un statut particulier quant à la politique
linguistique, les langues autochtones y ayant droit à une reconnaissance
pleine et entière, ce que ne donne pas non plus l'article 48 du projet
de loi 22; 3-Que, dans les relations d'ordre privé, tout ce qui n'est
pas défendu par la loi soit considéré comme permis et
qu'au niveau du facultatif, toutes les langues non officielles aient des droits
juridiquement égaux, ce qui exclut la nécessité de
mentionner à tout propos qu'il est permis de faire une version anglaise;
4-Que le gouvernement prenne les moyens pour que l'anglais cesse d'être
une langue indispensable dans la vie économique interne du Québec
et pour que le français devienne la véritable langue dominante
dans tous les secteurs importants de la vie québécoise; 5-Pour
qu'aucun individu n'ait à souffrir de l'établissement du
français comme seule langue officielle et c'est nécessaire
pour le respect des droits de l'homme comme langue de travail, des
affaires et de la vie économique, que l'Etat prenne les moyens
efficaces, notamment par l'école, pour que le français devienne
effectivement et le plus rapidement possible, la langue commune de tous les
Québécois sans exception; 6- Que les groupes minoritaires soient
encouragés à maintenir leurs légitimes
originalités, dans toute la mesure où elles ne mettent pas en
danger la survie de la culture nationale.
Maintenant, je puis répondre aux questions.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable ministre de l'Education.
M. CLOUTIER: M. le Président, je remercie le Regroupement
régional de la capitale québécoise pour la
présentation de son mémoire. Est-ce que je pourrais avoir une
idée de ce que représente cette association?
M. LABERGE: En fait, ce n'est pas une association, c'est un regroupement
spontané. Je puis vous donner la liste des organismes de la
région de Québec qui ont adhéré à ce
regroupement. Il y a le Conseil central des syndicats nationaux de
Québec, le Syndicat des professeurs du Québec
métropolitain, qui regroupe des enseignants de
l'élémentaire et du secondaire, le Syndicat des professeurs du
CEGEP de Sainte-Foy, l'Association des professeurs de l'université
Laval, le Comité des citoyens de l'aire no 10, l'Association
coopérative d'économie familiale de Québec, la
Société nationale des Québécois de la région
de la capitale nationale, le Club Fleur-de-Lys, la Corporation des
psychologues, la section de Québec de la Ligue des droits de l'homme et
la région de Québec du Conseil des hommes d'affaires
québécois.
Il y a aussi d'autres groupes qui ont participé au travail, mais
qu'on n'a pas pu rejoindre pour annoncer officiellement leur adhésion et
qui nous avaient dit officieusement qu'ils devraient nous donner une
réponse bientôt.
M. CLOUTIER: Nous avons d'ailleurs entendu un bon nombre des groupes que
vous avez cités, au moins une demi-douzaine. De quelle façon
considérez-vous que cette prise de position représente les vues
de l'ensemble de ces groupes? Je suis porté à le croire, parce
que les quelques groupes, que vous nous avez cités et qui sont venus ont
exprimé des opinions à peu près semblables.
M. LABERGE: Dans la semaine qui a suivi l'annonce de la commission
parlementaire avec les dates où on pourrait présenter les
mémoires, on a convoqué une cinquantaine de personnes qui se sont
réunies venant de chacun de ces organismes et de quelques autres. On a
discuté de l'attitude à prendre vis-à-vis du bill 22.
Les personnes présentes à l'unanimité ont
adopté les positions suivantes, à savoir que le français
doit être reconnu comme la seule langue officielle et que le bill 22 ne
donne pas cela.
Ensuite, on a demandé à chacune des personnes
présentes d'aller chercher un mandat explicite de son mouvement ou de
son organisme pour adhérer au regroupement régional. Ceux que je
vous ai mentionnés sont ceux qui nous ont retourné leur
réponse comme quoi ils avaient reçu un mandat explicite de la
part de leur association.
M. CLOUTIER: Je vous remercie beaucoup. J'aurai une seule question.
Comme vous me mettez en cause sur le plan personnel une fois ou deux,
vous parlez du ministre psychiatre, psychiatre ne prend pas d'accent
circonflexe.
M. LABERGE: Merci.
M. CLOUTIER: Enfin, c'est utile de le savoir. Il y a une phrase sur
laquelle je suis entièrement d'accord dans votre mémoire. C'est
celle-ci, en page 4 et c'est une phrase importante, je vous en félicite.
Je cite: "...toute politique linguistique au Québec est fonction de la
définition que l'on donne à la société
québécoise". C'est vrai. Il se trouve que vous donnez une
définition qui n'est pas celle du gouvernement. Je respecte votre
définition et je ne nierai pas que la loi 22 est dans la perspective de
la définition que le gouvernement donne de la société
québécoise.
J'aurai l'occasion en deuxième lecture d'expliquer exactement
quels sont les objectifs de cette loi et comment le gouvernement, qui s'inscrit
dans une société où il y a, qu'on le veuille ou non, une
majorité et une minorité, qui s'inscrit également dans un
pays, qu'on le veuille ou non, qui s'appelle le Canada et auquel il tient en
tant que gouvernement et en tant que représentant de la population, il a
pris cette approche.
Je vous remercie.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Saint-Jacques.
M, CHARRON: M. le Président, je remercie également le
Regroupement régional de la capitale québécoise et son
porte-parole de cet après-midi.
J'aimerais également revenir à une phrase à la
première page de votre mémoire où, sous le titre:
"Pourquoi le bill 22 est inacceptable", vous nous invitez à
réfléchir sur un paradoxe que vous retrouvez, dans la loi 22.
Vous dites: "Paradoxalement, la négation ou la méconnaissance de
la réalité nationale québécoise" cela fait suite
à la question que le ministre vient de vous poser: "la négation
ou la méconnaissance de la réalité nationale
québécoise aboutit à donner de mauvaises solutions aux
besoins individuels et à brimer le droit de chacun à une
légitime originalité". J'aimerais vous entendre développer
cette affirmation.
M. LABERGE: Oui, c'est que, d'abord, le projet de loi est conçu
globalement sur le modèle suivant: c'est qu'il y a deux langues
officielles dont une a une priorité sur l'autre. Nous considérons
que c'est une priorité très minime. En fait, il y a deux langues
officielles. Deux langues officielles, cela veut dire que, dans la pratique, un
citoyen qui veut avoir une véritable mobilité à
l'intérieur de son pays et qui veut vraiment pouvoir réussir dans
divers domaines doit connaître deux langues. Cela veut dire qu'à
ce moment cela limite la possibilité de ceux qui voudraient maintenir
une langue maternelle autre que le français ou l'anglais de pouvoir la
maintenir, parce que, si c'est difficile d'être bilingue, c'est encore
plus difficile d'être trilingue ou d'être quadrilingue. Dans ce
sens, tous les privilèges qu'on accorde à l'anglais, qu'on ne
nomme pas comme langue officielle, mais dont on fait, en fait, une langue
officielle par l'ensemble des articles de la loi, font que toutes les autres
langues deviennent pratiquement inutilisables au Québec.
M. CHARRON: Vous affirmez "reconnaître dans le projet de loi une
méconnaissance de la réalité nationale
québécoise". Encore une fois, je vous inviterais à
développer à quel point ou à quel endroit vous faites
porter de façon visible la méconnaissance du Québec dont
est empreint ce projet de loi.
M. LABERGE: En fait, c'est une critique qui s'applique à l'esprit
même de la loi. Cela ne porte pas sur un article en particulier, mais
cela porte sur tous les chapitres à partir du début. Vous avez
l'article 1 qui annonce quelque chose de très bien. Après cela,
dans tout le reste, vous avez toujours deux langues pendantes.
Or, et le mémoire du MQF l'a déjà
démontré de façon très claire, la seule langue qui,
juridiquement, pouvait prétendre être la langue officielle du
Québec jusqu'au bill 63, c'était le français, avec comme
seule exception que l'anglais pouvait être utilisé dans les
débats parlementaires et devant les tribunaux. Pour tout le reste, la
seule langue qui pouvait être juridiquement reconnue comme langue
officielle était le français.
Or, le bill 22 vient prolonger ce que le bill 63 avait
déjà reconnu comme droit juridique à l'anglais,
c'est-à-dire être la deuxième langue d'enseignement sur le
même pied que le français.
Alors, cela me semble être une négation du caractère
national du Québec. C'est qu'on continue, dans la tradition du bill 63,
à considérer le Québec non pas comme une nation ou comme
une société nationale distincte, à l'intérieur ou
en dehors de la Confédération cela
est une autre question mais on ne la considère plus comme
une société nationale distincte, mais comme étant une
espèce de compromis entre deux sociétés nationales qui
vivent à l'intérieur d'une même frontière. Cela est
inacceptable de considérer qu'il y a deux communautés nationales
au Québec.
Je pense qu'on doit dire qu'il y a une communauté nationale au
Québec, mais qui comporte plusieurs groupes ethniques dont les groupes
ethniques minoritaires, qui doivent accepter de s'intégrer à
l'ensemble national, s'ils veulent vivre la vie collective du
Québec.
M. CHARRON: Quand vous affirmez au haut de la page 2 de votre
mémoire que c'est bien à tort qu'on oppose trop souvent droits
individuels, droits collectifs et que vous affirmez que ces deux ordres de
droits sont complémentaires, s'appuient mutuellement, je ne sais pas si
vous avez entendu tout à l'heure l'échange que j'ai eu avec M.
White, celui qui vous a précédé. Nous avons abordé
cette question de la charte des droits de l'homme qui est attendue, qui est
promise dans le discours inaugural de cette présente session et qui
s'appliquera à statuer, peut-être comme jamais aucune loi
québécoise ne l'aura fait, sur les droits individuels des
citoyens québécois.
Je partage votre opinion à l'effet que ces deux ordres de droits
ne sont pas opposés, contrairement à l'affirmation du ministre.
Je suis en train de lui dire que c'était la difficulté à
laquelle il devait faire face et qu'il devait inclure dans le projet de loi 22
des droits collectifs de la majorité, les droits individuels des
anglophones du Québec. Cela lui a donné ce casse-tête
épouvantable pour aboutir au charabia qu'est le projet de loi 22.
Je ne conçois pas, moi non plus, qu'il fallait se livrer à
cette épreuve intellectuelle à laquelle le ministre de
l'Education n'était nullement préparé, je crois. Dans le
même esprit, vous dites que c'est complémentaire et que cela
s'appuie mutuellement. Au moment où nous traitons une loi linguistique,
l'aborder sous l'angle des droits collectifs et dans un chapitre
ultérieur d'une législation, d'un même gouvernement, d'une
même Assemblée nationale, s'attaquer, mais cette fois
encore une fois sans amener les droits collectifs au moment où
nous discuterons des droits individuels, prendre l'angle sous le chapitre de
l'enseignement, des droits de l'homme et les conquêtes que nous avons
faites dans ce chapitre depuis quelques siècles...
Quand vous affirmez que ces deux ordres de droits vous apparaissent
comme complémentaires et s'appuient mutuellement, est-ce que vous
signalez que le Regroupement régional de la capitale
québécoise aurait souhaité que, cette fois, nous
disposions et nous abordions cette question sous l'angle collectif, comme elle
devait être envisagée, sans écarter, pas plus pour les
anglophones que pour les francophones, une loi claire et précise au'
chapitre des droits individuels qui devrait venir dans une autre
législation, mais que vous considérez le tour de force
tenté et manqué comme ayant été fort coûteux
pour la collectivité québécoise?
M. LABERGE: Je pense qu'une charte des droits de l'homme devra pouvoir
établir de façon claire ce qui est du domaine privé, du
domaine où l'Etat n'a pas à se mettre le nez. Par exemple, s'il y
avait un gouvernement qui voulait surveiller la langue que les gens utilisent
sur la rue pour les pénaliser s'ils ne parlent pas la langue officielle,
je pense que cela serait tout à fait inacceptable et contraire aux
droits de l'homme.
Alors, la charte des droits de l'homme doit établir cette
frontière, entre ce qui est du domaine privé et ce qui est du
domaine public; mais une loi linguistique qui veut traiter de la langue
nationale, de la langue officielle, doit parler de la langue qui va être
utilisée dans le domaine public.
Il y a peut-être seulement un domaine où la
frontière est plus difficile à déterminer entre ce qui est
droit de l'homme et ce qui est législation linguistique, c'est dans le
domaine de l'enseignement; parce que dans ce domaine, nous établissons
comme principe que l'école n'est pas le prolongement de la famille, mais
une institution de la collectivité nationale.
Cependant, il faut bien reconnaître que l'école
élémentaire, en tout cas, sert de transition entre le milieu
familial et la société globale, de sorte que l'école
élémentaire doit donner une place, qui est à
définir, à la fois à la langue nationale et à la
langue maternelle. Si on veut donner, au niveau de l'école
élémentaire, une place à la langue maternelle et à
la langue nationale, il ne faudrait quand même pas qu'on reconnaisse, au
point de départ, qu'il y a deux langues d'enseignement qui sont sur un
pied d'égalité. H faudrait qu'il y ait une langue d'enseignement
général et qu'on reconnaisse que la langue maternelle, mais
uniquement la langue maternelle de ceux qui ont cette langue maternelle
il ne s'agit pas, comme dans le bill 63, de dire liberté de choix pour
n'importe quelle langue mais que ceux qui ont une langue maternelle
particulière puissent aussi trouver une place pour cette langue
maternelle au niveau de l'école élémentaire. On n'est pas
entré dans le détail, nous autres, pour définir cette
place précise que doivent avoir la langue maternelle et la langue
nationale.
Par exemple, cela pourrait être au niveau des premières
années de l'élémentaire, l'enseignement pourrait se donner
principalement en langue maternelle et puis, progressivement, on passe à
un enseignement en langue nationale, et on arrive ensuite au niveau secondaire
où l'enseignement se donnerait presque totalement en langue
nationale.
M. CHARRON: Est-ce que vous êtes de l'avis du ministre de la
Justice qui dit que,
dans cette même recherche d'une frontière entre droit
collectif et droit individuel, le choix de la langue d'enseignement est un
choix collectif, que c'est une collectivité comme il l'a
lui-même défini à cette commission qui peut adopter
à l'occasion cette mesure pratique, comme il l'a appelée, et que
les choix individuels doivent se faire dans la ligne d'un choix collectif
préalable?
M. LABERGE: C'est cela. J'étais justement ici au moment où
le ministre de la Justice a fait cette remarque. Je suit tout à fait
d'accord sur l'ensemble de sa remarque, à savoir que, si on veut
établir une langue d'enseignement, c'est vraiment un choix collectif.
Puis il faut éviter qu'il y ait des choix disparates à
l'intérieur d'une nation. Si on veut faire des exceptions, on doit les
faire pour la langue maternelle, mais pour les gens concernés et non pas
pour n'importe qui. Par exemple, on pourrait établir un principe qu'il
pourrait y avoir une possibilité de choix pour une minorité
italienne ou allemande. Mais, comme question de fait, le seul groupe d'une
langue minoritaire d'une langue maternelle autre que le français qui
réclame des écoles dans sa langue, c'est le groupe
anglophone.
Je pense qu'on devrait établir le principe général,
que, là où un groupe de langue maternelle minoritaire
suffisamment nombreux le demande, il puisse y avoir une certaine place à
la langue maternelle au niveau de l'élémentaire. Je pense qu'en
pratique ce sera presque exclusivement les anglophones qui le demanderont, mais
c'est une question pratique. Je pense que le principe de la loi devrait quand
même placer tous les individus sur un pied d'égalité au
Québec et non pas faire des classes spéciales et créer des
catégories privilégiées de citoyens qui ont des droits que
d'autres citoyens n'ont pas. Je pense que les italophones, par exemple, ont
raison d'être agacés quand on reconnaît des droits
particuliers à la minorité anglophone et qu'on ne reconnaît
pas le droit équivalent à la minorité italophone. Je vous
ferai remarquer que le droit équivalent n'est pas le droit égal,
c'est-à-dire que si les italophones voulaient avoir un droit
équivalent à celui des anglophones pour la langue d'enseignement,
il faudrait qu'ils réclament l'enseignement en italien. Mais il
s'agirait à ce moment-là de voir à quel endroit les
Italiens sont assez nombreux pour que cela puisse se faire d'une façon
commode, sans que cela crée des coûts exagérés pour
la collectivité nationale.
M. CHARRON: Merci.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Laporte.
M. DEOM: M. le Président, à l'instar du ministre, il y a
pour moi une phrase qui est extrêmement intéressante dans votre
mémoire.
C'est à la page 7, lorsque vous dites: "Mais il ne peut pas
refuser de s'intégrer à l'ensemble national". Ma question est la
suivante. Est-ce que par ceci vous voulez indiquer que, dans votre esprit,
l'ensemble national, c'est le Québec et non le Canada?
M. LABERGE: Oui, selon la définition que nous avons d'un ensemble
national. Je pense que c'est une réalité historique et la
confédération est ici un aménagement politique qui ne
détruit absolument pas la réalité historique nationale du
Québec, qui remonte à 1608, alors que la
confédération, cet aménagement politique particulier qui
s'appelle la confédération canadienne, ne remonte qu'à
1867. La réalité distincte du Québec comme entité
nationale distincte a été reconnue par l'Acte de Québec en
1774. On y a reconnu que le territoire de la province de Québec
était un territoire français, de tradition française, et
on a reconnu que c'étaient les lois françaises qui devraient
continuer à s'appliquer chez nous. En 1791, on a séparé la
province de Québec en deux, la première fois qu'il y a eu un
mouvement séparatiste, pour donner une province aux anglophones,
confirmant par le fait même le Québec comme le territoire national
distinct d'une nation qui était francophone par nature.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Mes amis, il est 18 heures. Est-ce que les
membres de la commission seraient prêts à ajouter quelques minutes
pour terminer avec M. Laberge, quitte à reprendre? Il reste 7 minutes au
parti de l'Opposition et environ 14 minutes au parti ministériel.
M. CLOUTIER: Je pense bien que le parti ministériel n'aura pas
besoin de tout ce temps. Je ne sais pas si l'Opposition veut utiliser son
temps. Dans ce cas, on pourra terminer d'ici quelques minutes.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Laporte, oui,
allez.
M. LABERGE: Est-ce que le député de Laporte
continue...
M. DEOM: Oui.
M. LABERGE: Parce que je voudrais juste terminer par une remarque
finale.
M. DEOM: Je comprends que, pour vous, la variable politique ne fait pas
partie du contexte historique?
M. LABERGE: L'aménagement politique particulier qui s'appelle
confédération canadienne.
M. DEOM: C'est quoi, un aménagement politique?
M. LABERGE: C'est-à-dire...
M. DEOM: La Belgique n'est pas une nation, d'après vous?
M. LABERGE: Oui, la Belgique est un aménagement politique qui a
été créé par un traité.
M. DEOM: D'après vous, ça ne s'inscrit pas dans
l'histoire? La dimension politique ne s'inscrit pas dans l'histoire.
M. LABERGE: Le cas de la Belgique est tout à fait
différent, comme je vous ai dit, parce qu'il y a eu un mouvement
populaire des deux peuples pour conquérir leur indépendance
nationale, ce qui n'est pas le cas au Québec. C'est vraiment un
aménagement politique qui a été voté dans un
Parlement étranger pour définir notre statut. On peut tenir
à ce statut ou ne pas y tenir, mais il reste que c'est un
aménagement politique qui n'a rien à voir avec la
réalité historique de la nation québécoise.
M. CHARRON: Vous allez moins loin que Diefenbaker et nier qu'il y ait
deux nations à l'intérieur du Canada?
M. DEOM: Je ne veux pas répondre au député de
Saint-Jacques.
M. CHARRON: Est-ce que vous niez le fait qu'il y a deux nations au
Canada?
M. DEOM: En deuxième lecture, M. le député, on
répondra à vos questions. Vous dites à un endroit: "Le
aspirations collectives distinctes par rapport aux aspirations du grand tout
"Canadian". Comment déterminez-vous cela, d'après vous, des
aspirations collectives, comment ça se détermine en pratique?
C'est vous qui décidez ça ou si c'est...
M. LABERGE: Cela se détermine par la collectivité
elle-même. C'est une des traditions les plus maintenues par tous les
gouvernements, jusqu'à l'avant-dernier gouvernement, que le
Québec défendait le droit d'avoir des politiques
particulières. Il se fondait sur la théorie, c'est la
thèse qui a été défendue par les gouvernements
depuis Honoré Mercier, en passant par Taschereau, Duplessis et Lesage,
soit que le Québec avait des besoins particuliers parce qu'il
était le foyer d'une communauté nationale distincte.
M. DEOM: Vous n'avez pas l'impression que le 29 octobre, les
Québécois ont défini leurs aspirations collectives?
M. LABERGE: Oui, c'est possible.
M. DEOM: C'est le seul moyen qu'ils ont à leur disposition.
M. LABERGE: Je pense qu'ils la définissent constamment.
M. DEOM: Ils l'ont définie de façon très
claire.
M. LABERGE: Mais, je pense qu'il ne faut pas concevoir une
définition des aspirations collectives comme quelque chose de
statique.
M. DEOM: Non, non.
M. LABERGE: Un peuple définit continuellement...
M. DEOM: II y a d'autres élections, en...
M. LABERGE: Oui, c'est cela, exactement. Un peuple est toujours en train
de définir ses aspirations et son orientation.
M. DEOM: Vous admettez qu'à l'heure actuelle c'est le
gouvernement actuel qui représente le mieux...
M. LABERGE: C'est absolument...
M. DEOM: ... les aspirations collectives des
Québécois?
M. LABERGE: Nous ne nions absolument pas que le gouvernement actuel ait
été élu par la majorité des
Québécois.
M. DEOM: Qu'il représente les aspirations. M. LABERGE: Non, pas
nécessairement. M. DEOM: Oui.
M. LABERGE: Je pense que le gouvernement actuel, quand il convoque une
commission parlementaire et qu'il invite les gens à venir
présenter des mémoires, c'est parce qu'il veut que la population
vienne lui dire ce qu'elle attend. Et si, nous, nous acceptons de venir
comparaître devant la commission parlementaire, c'est parce que nous
acceptons que ce gouvernement a le droit de gouverner le Québec. Si nous
ne reconnaissions pas cela, nous ne serions pas ici. Et si vous ne
reconnaissiez pas que la population a quelque chose à vous dire et que
vous n'ayez pas la connaissance complète de toutes les aspirations
populaires, je pense que vous auriez eu la franchise de ne pas convoquer les
gens à venir témoigner ici.
M. DEOM: C'est exact. Ma dernière question. Vous dites à
un moment donné: Notamment, en enlevant l'anglais, son privilège
abusif d'être une langue indispensable dans la vie économique
interne du Québec. Est-ce que vous pourriez me dire combien il y a de
Québécois francophones qui gagnent leur vie honorablement en
français?
M. LABERGE: II y en a un bon nombre, mais je vous réfère
aux études de la commis-
sion Gendron que je ne sais pas par coeur qui
démontrent quand même qu'il y a un nombre beaucoup trop
élevé de Canadiens français qui ne peuvent pas gagner leur
vie sans l'usage de l'anglais. Ce qui est démontré aussi par la
commission Gendron, c'est qu'il est possible de gagner sa vie, mais les
promotions les plus importantes dépendent de l'usage et de la
connaissance de l'anglais, beaucoup plus que de la connaissance d'usage du
français.
M. DEOM: Oui, mais lorsque vous référez à la
commission Gendron, vous parlez uniquement d'un secteur des études de la
commission Gendron, ses études sur les cadres de direction. Savez-vous
combien cela représente dans l'ensemble de la main-d'oeuvre?
M. LABERGE: Je n'ai pas de chiffres là-dessus, mais ce que je
veux répondre, c'est que si on admet que c'est parce que cela touche une
minorité, cette minorité doit être une minorité
privilégiée et que cette minorité doit se recruter
exclusivement dans le groupe de ceux qui parlent anglais, au détriment
de ceux qui parlent français, je ne suis pas d'accord, même si
c'est une minorité.
M. DEOM: Pour votre information, les cadres de direction auxquels la
commission Gendron a fait référence représentent, dans
l'ensemble occupationnel, pour la main-d'oeuvre, moins de 10 p.c.
M. LABERGE: Oui, d'accord, mais c'est quand même la classe qui est
la mieux rémunérée, qui a le plus d'influence...
M. DEOM: II y a une autre étude...
M. LABERGE: ... celle qui détermine le plus la vie du
Québec.
M. DEOM: Oui, mais il s'agit de savoir si les Québécois
peuvent gagner leur vie en français. Si un Québécois
décide d'être menuisier, c'est son problème, ce n'est pas
notre problème. S'il y en a un autre qui veut être
président d'IBM International, c'est aussi son problème.
M. LABERGE: Ah bon! Est-ce qu'il est plus facile de devenir
président d'IBM-Québec si on est unilingue anglais ou si on est
unilingue français?
M. DEOM: C'est un Français qui est président d'IBM
International. Pour votre information, il s'appelle M. de Maisonrouge. Pour
votre information, on peut se référer à partir de
certaines études qui ont été faites par la commission
Gendron. Il y a plus de 80 p.c. des Québécois qui travaillent
actuellement en français et qui gagnent leur vie honorablement en
français.
M. CHARRON: ... des francophones de
Montréal font usage des deux langues au travail alors que
seulement 31 p.c. des anglophones de la métropole le font.
M. DEOM: M. le député de Saint-Jacques, vous vous
référez probablement à l'étude de M. Morrison.
M. CHARRON: C'est cela.
M. DEOM: II y a une étude qui a été faite par la
commission Gendron qui est beaucoup plus exhaustive que celle de M.
Morrison.
M. LABERGE: La définition de la commission Gendron de la
possibilité de gagner sa vie en français est très
restrictive. On fait une distinction entre les communications horizontales et
les communications verticales. Là-dessus, effectivement, pour
communiquer au niveau inférieur de l'entreprise, la majorité des
Québécois, travaillent en français, mais pour les
communications avec la tête de l'entreprise, les mêmes
études de la commission Gendron démontrent que l'anglais a une
importance beaucoup plus grande.
M. DEOM: Vous êtes dans une structure pyramidale, c'est
inévitable, mais la grosse masse des gens...
M. LABERGE: Oui.
M. DEOM: ... qui sont dans les classes non qualifiées.
M. LABERGE: Pour résumer notre position là-dessus...
M. DEOM: ... eux autres n'ont pas à parler anglais au travail
parce qu'ils ne sont pas en communication avec les échelons
supérieurs de la hiérarchie.
M. LABERGE: D'accord. Pour résumer notre position
là-dessus, ce que nous, nous contestons, c'est justement que la
majorité qui, elle, est en bas de la pyramide, comme vous l'appelez, ce
soit une majorité francophone...
M. DEOM: C'est la même chose dans les autres provinces,
partout.
M. LABERGE: ... alors que la minorité qui est en haut de la
pyramide, soit une minorité anglophone. Bien sûr que le bas de la
pyramide est plus gros que la pointe en haut. C'est évident.
M. DEOM: Merci, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Je remercie M. Laberge, porte-parole du
Regroupement régional de la capitale québécoise de son
mémoire. Soyez assuré que la commission et les membres vont en
prendre bonne note.
Pour 20 h 15 ce soir, sont convoqués: le Comité des
citoyens de Saint-Laurent et le Conseil du travail de Joliette. Est-ce que les
deux groupements sont présents? Saint-Laurent? Joliette?
La commission ajourne ses travaux à ce soir à 20 h 15.
(Suspension de la séance à 18 h 8)'
Reprise de la séance à 20 h 17
M. PILOTE (président de la commission permanente de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre,
messieurs!
Avant de commencer la séance, je voudrais faire les changements
suivants et nommer les membres de la commission. M. Bérard
(Saint-Maurice); M. Charron (Saint-Jacques); M. Déom (Laporte); M.
Cloutier (L'Acadie); M. Houde (Fabre) remplace M. Tardif (Terrebonne); M.
Larivière (Pontiac-Témiscamingue) remplace M. L'Allier
(Deux-Montagnes); M. Léger (Lafontaine) est membre de la commission. M.
Parent (Prévost); M. Beauregard (Gouin) remplace M. Phaneuf
(Vaudreuil-Soulanges); M. Saint-Germain (Jacques-Cartier); M. Samson
(Rouyn-Noranda); M. Veilleux (Saint-Jean). M. Tardif (d'Anjou) remplace M.
Bérard (Saint-Maurice).
Nous entendrons d'abord le Comité des citoyens de Saint-Laurent,
M. André Béliveau en est le représentant. Je l'invite
à venir présenter son mémoire et je voudrais savoir si les
représentants du Conseil du travail de Joliette sont ici.
J'inviterais M. Béliveau à présenter le
mémoire du Comité des citoyens de Saint-Laurent. Vous avez 20
minutes pour présenter votre mémoire. Le parti ministériel
a 20 minutes pour vous poser des questions et les partis de l'Opposition ont
également 20 minutes. La parole est à M. Béliveau.
Comité des citoyens de Saint-Laurent
M. BELIVEAU: A la suite de rencontres réunissant un groupe de
citoyens de Saint-Laurent pour analyser les implications du projet de loi 22,
nous avons cru bon de nous en tenir aux articles 1 à 52,
considérant ces articles comme les plus importants.
Voici donc la conclusion de nos travaux.
Attendu que la langue française est la langue de la
majorité et que l'Etat se doit d'en assurer la primauté;
Attendu qu'au niveau scolaire le projet de loi 22 ne corrige pas la
situation d'assimilation des francophones et des immigrants au secteur scolaire
anglophone;
Attendu que cette situation est particulièrement alarmante dans
l'ouest de Montréal où, dans certaines écoles anglaises,
la population étudiante anglophone ne représente que le tiers des
étudiants inscrits;
Attendu que le français doit être la seule langue
utilisée dans l'administration publique;
Attendu que le français doit être la langue utilisée
dans les milieux de travail;
Attendu que le français doit être la langue du monde des
affaires, particulièrement en ce qui concerne les raisons sociales,
l'affichage public, les contrats d'adhésion et les contrats conclus par
les consommateurs:
Nous proposons que les modifications sui-
vantes au projet de loi 22, Loi sur la langue officielle, soient
apportées.
Je voudrais faire remarquer à la commission parlementaire que
c'est la première fois que j'ai personnellement l'expérience
d'assister à une commission parlementaire. Aucune des personnes du
comité n'y a assisté. Je me suis rendu compte au cours de la
journée de la façon de présenter un mémoire
à une commission parlementaire. On n'a pas présenté cela
dans le sens de la majorité. J'espère que vous serez complaisants
à notre égard. Nous avons pris cela article par article.
D'accord? Merci.
M. CLOUTIER: C'est une approche très positive. Vous êtes
venus discuter d'un projet de loi, pour vous prononcer sur son texte, que vous
soyez d'accord ou que vous ne soyez pas d'accord, vous n'êtes pas venus
pour faire de grandes déclarations, alors je vous en
félicite.
M. BELIVEAU: Merci. Nous proposons de supprimer l'article 8,
étant donné que nous voulons que la langue française ait
le même statut que la langue anglaise possède dans les neuf autres
provinces. A l'article 9, nous considérons que ceci crée un
précédent. Comme exemple, on pourrait apporter le cas d'une
municipalité où 90 p.c. des gens sont francophones dans un petit
village des Laurentides, avec 10 p.c. de propriétaires vacanciers
anglophones; la municipalité se verrait dans l'obligation d'appliquer le
bilinguisme. Aux articles 10 et 11, nous proposons d'inclure aussi les
individus, car nous trouvons illogique d'imposer le bilinguisme dans la
fonction publique pour 15 p.c. environ de la population anglophone et nuire en
plus à l'avancement des fonctionnaires francophones au sein de leur
propre administration. A l'article 14, à cause de l'importance de la
question, nous exigeons un meilleur contrôle qui serait public et ainsi
connu des citoyens. L'alinéa 3, qui permet la présence
d'unilingues anglophones dans la fonction publique, est un non-sens, bloquant
toute possibilité de mutation, privilégiant les fonctionnaires
dans certains secteurs et limitant l'efficacité dans
l'impossibilité de contact et de dialogue avec ces mêmes
fonctionnaires.
A l'article 16, dans une société francophone, les juges
délégués par leurs pairs doivent parler et rendre leur
jugement dans la langue de la majorité. Mais, évidemment, les
anglophones ont droit à une traduction de ces mêmes jugements dans
leur langue. Chose assez curieuse, ce midi, en sortant du Parlement pour aller
diner, j'ai rencontré une personne qui faisait du piquetage à la
porte ici. Cette personne a apparemment reçu une contravention. Elle a
eu un jugement porté contre elle dans la ville de
Saint-Jérôme uniquement en anglais, il y a neuf mois de cela. La
personne m'a dit qu'une lettre a été envoyée au ministre
Choquette et à M. Bourassa. Depuis ce temps, il n'y a eu aucune
réponse pour remédier à la situation.
Telle qu'on demande la modification, c'est pour cela que je trouve
l'article assez important. A l'article 17, le projet de loi étant le
français langue officielle, il serait donc impensable de susciter le
bilinguisme dans le contrat, car nous savons par expérience que le
bilinguisme mène à l'anglicisation.
Article 20. Encore une fois, l'article 20 va à l'encontre de
l'esprit de la loi faisant du français la langue officielle en
proclamant le bilinguisme. A l'article 21, nous considérons qu'une trop
grande discrétion est laissée aux fonctionnaires et au ministre.
On ne considère pas que c'est le présent ministre
nécessairement, mais ce seraient peut-être les ministres à
venir.
Articles 22 et 23. Devant l'abus auquel pourraient donner lieu ces
articles, nous proposons un meilleur contrôle de ces cas particuliers en
remplaçant "lieutenant-gouverneur en conseil" par "Assemblée
nationale".
L'article 23 est rejeté, car l'article 22 permettrait la
flexibilité nécessaire que pourraient exiger des cas très
particuliers. Exemple, le besoin d'un ingénieur en physique
nucléaire qui serait appelé à venir travailler ici et
qu'on n'aurait pas la possibilité d'avoir chez nous. L'idée n'est
pas de se couper, de s'encarcaner, mais bien de s'ouvrir, avec une certaine
restriction quand même, pour donner la chance aux gens de la province et
nos gens ici, chez nous, d'avoir le maximum d'emploi.
Article 24. Remplacer "rédiger" par "utiliser" afin d'inclure
autant les directives écrites que verbales. D'après un sondage
réalisé pour la commission Gendron par l'équipe du Centre
de sondages de l'Université de Montréal sondage qui n'a
pas été publié en entier, mais seulement en partie dans le
premier volume du rapport seulement 33 p.c. des anglophones de
Montréal utilisent une autre langue que leur langue maternelle au
travail, alors que 54 p.c. des francophones doivent s'y plier pour gagner leur
vie. Plus de la moitié des francophones doivent être bilingues
pour communiquer avec des non-francophones, alors qu'un tiers seulement de la
majorité non francophone doit être bilingue pour communiquer avec
la majorité. Les immigrants contribuent pour beaucoup à ce
déséquilibre puisqu'il y a environ deux fois et demie plus
d'immigrants qui optent pour l'anglais au travail, tout en n'étant
cependant pas responsables de cet état de choses. En province, seulement
51 p.c. des anglophones doivent utiliser une autre langue que la leur au
travail.
Aux articles 28 et 29, une période de trois ans s'impose afin de
faciliter l'intégration des travailleurs anglophones à la langue
française. La loi, telle que proposée aux articles 24, 26 et 28,
donne au personnel anglophone le droit d'exiger l'anglais au travail. Ce que
nous voulons, c'est que le personnel francophone puisse exiger que le
français soit la langue de travail, même si minoritaire dans cette
entreprise.
Les articles 31, 32, 33, 34 et 35. A notre point de vue, il serait
inopportun de gaspiller le temps de la commission sur ces articles qui ont
été littéralement démolis par presque tous
les mémoires jusqu'ici. Par contre, nous voyons la
nécessité d'imposer des sanctions suite à un programme de
francisation, advenant le cas où ce même programme ne serait pas
suivi. Une équipe de l'Office de la langue française, travaillant
à la francisation des entreprises, est arrivée au résultat
suivant: l'étude porte sur quatorze entreprises dont je vous fais
grâce pour le moment, vous en avez entendu parler, General Electric,
ainsi de suite le succès de la politique de francisation n'a
vraiment abouti qu'à la compagnie Aigle d'Or de Saint-Romuald et
à la Générale Electrique de Québec. Il y a aussi la
faillite du premier ministre Bourassa dans ses négociations avec General
Motors où 85 p.c. des employés sont francophones et 60 p.c. des
cadres sont anglophones. Qu'est-il arrivé de l'Opération 500 qui
s'est adressée aux 280 entreprises québécoises de plus de
500 employés? Le ministre semble avoir arrêté cette
opération à la veille de Noël. Nous nous posons des
questions sur ce point.
Articles 36 et 38. Nous amendons l'article 36 afin de donner un visage
français au Québec. L'article 38 tomberait par le fait
même. A l'article 39, c'est la proclamation du bilinguisme, mais rien
n'est changé, ce n'est que du pareil au même. L'article 40 laisse
la porte ouverte à trop d'échappatoires. A l'article 41, je vous
ferai remarquer qu'à l'alinéa 1 il y a une erreur du
secrétariat; si vous révisez le texte officiel avec ce qu'on a
écrit dans le texte qu'on vous a fait parvenir, c'est exactement la
même chose, sauf un mot qui s'est échappé. A
l'alinéa 2, il est rejeté, l'alinéa 1 répondant aux
besoins.
Article 43. Article de concordance avec notre position à
l'article 36. Article 45. Nous nous demandons pourquoi laisser tramer jusqu'en
1980, délai considéré trop long. Un délai trop
court serait coûteux. Mais un délai trop long serait aussi trop
pénible dans une marche arrière.
Article 46. Présentement, aucune poursuite concernant
l'étiquetage ne fut prise en main par le procureur
général, même si cela était son droit. Mais, au
contraire, ce sont des citoyens qui furent obligés de se mouiller
continuellement.
Nous proposons d'ajouter " poursuites intentées par des avocats
salariés fonctionnaires", afin de contrecarrer l'abus et le patronage
qui pourraient se faire avec des avocats de la bonne couleur.
Articles 48 à 52. Nous proposons d'éliminer ces cinq
articles et ce que nous proposons, à notre point de vue, semble
très clair dans le texte que nous vous avons fait parvenir. Seulement 25
p.c. des immigrants sont frappés par la loi, comme le
révèlent les statistiques de l'immigration
québécoise depuis quatre ans. C'est donc une loi d'exception
contre les minorités italiennes, grecques, portugaises, etc. La tendance
à l'anglicisation sera ainsi maintenue.
Avant 1934, la section française de la CECM attirait la
majorité des Néo-Québécois. Après 1935 et
jusqu'en 1961, l'évolution s'est lentement mais sûrement
poursuivie en faveur de l'anglais. A partir de 1961, la tendance s'est
accentuée. En 1967-1968, 89 p.c. des élèves non
québécois sont allés au secteur anglais et 10 p.c. au
secteur français. Dans les deux années qui ont suivi l'adoption
du bill 63, à Montréal seulement, il y a eu 3,217 jeunes qui sont
passés du secteur français au secteur anglais. Pendant ce temps,
824 jeunes passaient de l'anglais au français et 83.4 p.c. de ceux qui
ont changé d'école sont allés vers le secteur anglais.
A la régionale Le Royer de Saint-Léonard, 97.9 p.c. de
ceux qui ont changé d'école sont allés au secteur anglais,
plus particulièrement dans le secteur qui nous touche, nous du groupe de
Saint-Laurent. J'ai des chiffres ici qui sont quand même assez
significatifs.
A la commission scolaire Sainte-Croix, pour l'année 1972-73,
à l'élémentaire, les transfuges francophones au secteur
anglophone: 24; du secteur anglophone au secteur francophone: 16. Au
secondaire, francophones passés au secteur anglophone: 53; anglophones
au secteur francophone: aucun.
Pour l'année 1973/74, à l'élémentaire, du
secteur francophone au secteur anglophone: 27; du secteur anglophone au secteur
francophone : 3. Au secondaire, du secteur francophone au secteur anglophone:
74; du secteur anglophone au secteur francophone: aucun.
Depuis l'an dernier, il y a un regroupement scolaire qui s'est fait
à Saint-Laurent, comprenant les villes de Mont-Royal, Outremont et
Saint-Laurent.
Les chiffres que je vais vous citer sont partiels, étant
donné qu'une inscription est encore en cours. Ces chiffres datent du 1er
juin 1974: A la maternelle, le nombre de francophones transfuges au secteur
anglophone, 24 francophones, 49 Néo-Québécois, pour un
total de 73; du secteur anglophone au secteur francophone, 43 anglophones, 16
Néo-Québécois, pour un total de 59; à
l'élémentaire, du secteur francophone au secteur anglophone, 30
francophones, 68 Néo-Québécois, pour un total de 98; du
secteur anglophone au secteur francophone, 9 anglophones, 10
Néo-Québécois, pour un total de 19; au secondaire, les
francophones vers le secteur anglophone, 62 francophones, 12
Néo-Québécois pour un total de 74 et aucun anglophone vers
le secteur francophone.
C'est la fin de la présentation. Merci.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Le ministre de l'Education.
M. CLOUTIER: M. le Président, je remercie le Comité des
citoyens de Saint-Laurent pour la présentation de son mémoire. Je
n'ai pas de question à ce stade-ci et j'ai un de mes collègues
qui aimerait probablement vous demander quelques éclaircissements.
M. CHARRON: On veut lui permettre d'être la vedette.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député d'Anjou.
M. TARDIF: M. le Président, il ne faut pas évidemment
porter attention aux propos du député de Saint-Jacques qui en a
probablement assez après quatre semaines. Mes questions vont porter sur
un sujet en particulier. Contrairement à d'autres groupes qui ont
déclaré, sans ambages, au début de leur mémoire,
qu'ils favorisaient l'unilinguisme français à tous les
échelons des différentes activités au Québec, vous
vous êtes attaqués à un certain nombre d'articles. Je pense
qu'on peut tirer comme conclusion de cela, après avoir analysé
ces articles, que vous favorisez l'unilinguisme au Québec. Est-ce que
c'est bien cela?
M. BELIVEAU: Nous favorisons l'unilinguisme au Québec avec
l'enseignement d'une langue seconde, malgré tout. On ne veut pas que la
langue anglaise soit éliminée et rayée à tout
jamais, ce n'est pas cela l'idée.
M. TARDIF: Le Comité des citoyens de Saint-Laurent, est-ce un
groupe qui existe depuis longtemps ou si cela a été
créé pour la circonstance?
M. BELIVEAU: Non, cela a été créé pour la
circonstance. C'est un regroupement de personnes qu'on a pu aller chercher
comme cela, qui étaient intéressées au secteur.
M. TARDIF: Sur quelle base avez-vous choisi ces gens pour faire partie
du comité en question?
M. BELIVEAU: Ce sont des gens que je connaissais personnellement, que
d'autre personnes connaissaient et des gens qui, lors de l'élection
scolaire où j'étais candidat, avaient travaillé avec moi.
Un des points de mon programme était l'abrogation de la loi 63. On avait
eu beaucoup de discussions sur la langue. Ce sont des contacts comme cela qui
ont été faits.
M. TARDIF: C'étaient donc des gens dont vous connaissiez grosso
modo l'opinion générale quant à une politique linguistique
au Québec.
M. BELIVEAU: En partie, et le message avait été
lancé. Etant donné qu'on n'avait pas de moyens financiers, pas de
locaux, pas d'argent, pas de possibilités, dans le court délai
qui nous restait pour envoyer le mémoire à une date
déterminée. On a demandé aux gens d'essayer de trouver de
leur côté le plus de personnes possible pour en venir à une
discussion valable.
M. TARDIF: Est-ce que ce sont surtout des gens qui évoluent dans
les milieux scolaires ou d'autres milieux?
M. BELIVEAU: En partie. Il y a des gens de comités
d'école; il y a des gens de comités de parents. Il y en a
peut-être un ou deux qui sont dans le syndicalisme.
M. TARDIF: Je n'ai pas d'autres questions, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, je veux remercier M. Béliveau
et le Comité de citoyens de Saint-Laurent.
Pour faire suite aux questions du député, je voudrais vous
féliciter de cette initiative qui n'enlève rien, j'ai
l'impression, à la valeur du témoignage que vous avez fait.
C'était exactement le but que nous visions lorsque nous avons
insisté près du gouvernement et nous avons finalement eu son
consentement pour que cette commission siège avant l'adoption en
deuxième lecture du principe même de la loi. Lorsqu'on fait une
invitation à la population de se prononcer sur un projet de loi et de
venir à une commission parlementaire, bien sûr, la première
invitation s'adresse aux groupes déjà constitués dont
l'avis, souvent, pour la mise en vigueur de la loi, est d'une importance telle
que le législateur aura à y songer sérieusement avant
même d'adopter le principe de la loi.
Mais c'est aussi un avis lancé à tous les citoyens, et
c'est heureux qu'un projet de loi, à l'occasion, suscite un regroupement
qui autrement n'aurait pas existé. Des gens se disent: Plutôt que
de rester dans mon coin à scruter la loi, article par article à
être sans voix et à y aller de façon individuelle, pourquoi
ne pas y aller en regroupant des gens que je sais intéressés
à la question et avec lesquels je vais étudier le projet de loi
article par article et, à l'occasion, nous faire entendre sur des
amendements que nous allons suggérer?
Je pense que vous avez eu parfaitement raison, et surtout parfaitement
raison de présenter la forme de mémoire que vous avez faite,
c'est-à-dire une invitation à prendre le projet de loi et
à y apporter des amendements. J'ai l'impression, sans deviner, qu'il y a
probablement des amendements que vous ou d'autres auriez voulu suggérer
au projet de loi, mais que la discussion avec d'autres citoyens de
Saint-Laurent vous a convaincus que votre argument n'était
peut-être pas suffisamment fort pour le faire, mais vous avez
parfaitement raison de travailler là-dessus.
Je n'ai que peu de questions également, mais la première
porte sur les statistiques toutes récentes que vous nous avez
données sur l'inscription scolaire à la ville de
Saint-Laurent.
Les transferts au niveau maternel je voudrais voir d'abord si
j'ai bien pris vos chiffres seraient favorables à l'école
anglaise dans une proportion de 14... 73 contre 59, qui viennent vers
l'école française. C'est exact?
M. BELIVEAU: Oui.
M. CHARRON: A l'école élémentaire, c'est beaucoup
plus grave. C'est 98 contre 19, et finalement au secondaire, 74 transferts vers
l'école anglaise alors qu'aucun ne se signale vers l'école
française?
M. BELIVEAU: Je voudrais vous faire remarquer qu'au secondaire le
même cas se représente pour trois années
consécutives. Je voudrais vous faire remarquer aussi que les chiffres
que j'ai eus m'ont été donnés d'une façon non
officielle. C'est plus ou moins une personne qui m'a obtenu ces chiffres parce
qu'il n'y a pas possibilité d'avoir de chiffres de la commission
scolaire présentement...
M. CHARRON: ... avant que l'inscription ne soit
complétée.
M. BELIVEAU: ... avant que l'inscription ne soit complétée
et d'après l'information qu'on m'a donnée, il semblerait que, si
on retourne deux semaines en arrière, la tendance va en
s'élargissant, toujours dans la même proportion. Ce qui voudrait
dire qu'après deux ou trois semaines passé la date du 1er juin,
c'est peut-être le double. Je ne pourrais pas vous répondre sur
cela.
M. CHARRON: D'accord! Saint-Laurent est aussi un endroit connu pour
l'existence de deux collèges d'enseignement général et
professionnel, l'un à proximité de l'autre; l'ancien
collège Saint-Laurent qui est devenu le CEGEP Saint-Laurent et l'ancien
collège Basile-Moreau qui est devenu le CEGEP Vanier, comme ils disent.
Je vous pose la question comme citoyen de Saint-Laurent parce que vous n'avez
probablement pas les statistiques, mais est-ce que le CEGEP Vanier compte
beaucoup d'étudiants francophones?
M. BELIVEAU: Je n'ai aucune statistique. Je m'excuse, mais, je n'ai
absolument rien et je ne voudrais me risquer à avancer des chiffres qui
seraient contestables.
M. CHARRON: D'accord! Tenons-nous en aux secteurs
élémentaire et secondaire de la commission scolaire de
Saint-Laurent et à votre proposition quant aux modifications profondes
que vous suggérez au chapitre de la langue d'enseignement. Si je
comprends bien votre position qui est très claire, en deux paragraphes,
vous voudriez que cette commission statue que tous les immigrants, à
compter de la date la plus rapprochée possible prenons la
vôtre qui est celle du 1er septembre 1974 soient dirigés
vers l'école française et que tous les enfants de langue
française soient assignés à l'école
française également. Est-ce que je vous comprends bien quand je
tire, de ces deux affirmations très claires, deux conclusions?
Premièrement, vous ne voulez en rien retirer l'école publique aux
anglophones de langue maternelle anglaise et à ceux qui sont
déjà inscrits dans le système et, si je comprends bien
votre mémoire également, vous n'auriez pas objection à ce
que les anglophones conservent cette mesure pratique pour reprendre le
vocabulaire du ministre de la Justice qui est le libre choix et qui leur
permettrait, comme minorité, de s'inscrire à l'école de la
majorité, mais la seule restriction à ce libre choix que vous
demandez c'est à l'égard des francophones.
M. BELIVEAU: C'est exact. Il y a une certaine restriction à ce
qu'on devrait faire, c'est que les francophones qui sont au secteur anglophone
présentement, on réalise qu'ils ont fait cela pour la raison
qu'on le leur permettait à ce moment. Maintenant, leur enlever ce droit,
cela crérait sans doute certains conflits. Pour avoir beaucoup plus de
souplesse, on se dit: Ecoutez donc, si c'est fait, ils sont
intégrés à un certain système, ce serait
peut-être néfaste de leur retirer ce droit qu'ils ont pris.
M. CHARRON: Déjà de...
M. BELIVEAU: C'est cela. A l'avenir, pour ne pas créer de
problème d'intégration et le retour au secteur francophone.
M. CHARRON: Quelle est la proportion d'anglophones et de francophones
à Saint-Laurent actuellement, à peu près?
M. BELIVEAU: C'est environ 48-52 ou 45-55.
M. CHARRON: En faveur de qui?
M. BELIVEAU: C'est légèrement plus anglophone que
francophone.
M. CHARRON: Maintenant?
M. BELIVEAU: Oui.
M. CHARRON: 52 p.c. anglophone.
M. BELIVEAU: 52 p.c. ou 53 p.c, il peut y avoir un jeu de 1 p.c. ou 2
p.c. environ.
M. CHARRON: Seriez-vous d'accord si le gouvernement présentait
comme politique ce que nous avons appelé dans notre jargon, depuis que
nous sommes à ces travaux, une politique de contingentement quant
à l'école anglophone, c'est-à-dire que, sur le district
donné, par exemple, de Saint-Laurent jusqu'au bout occi-
dental de l'île de Montréal, jusqu'à l'ouest, ce
territoire, dans sa proportion d'anglophones de la ville Saint-Laurent,
pourrait aller à 52 p.c? On dit que 52 p.c. des places sont
réservées à l'école anglaise pour les anglophones.
L'adminis-tratiode ce contingentement est laissée à
l'administration scolaire sur place, mais pour le reste, on s'en tiendrait
à vos deux propositions, c'est-à-dire que les francophones vont
à l'école française, excepté ceux qui sont
déjà inscrits, toujours avec cette distinction, et les
immigrants, à compter de la promulgation de cette loi, vont à
l'école française.
M. BELIVEAU: Ecoutez, sur la question des modalités, plusieurs
solutions ont été apportées. Cette solution a
été apportée aussi. Maintenant, il y avait tellement de
personnes en faveur de cette solution et contre aussi qu'on ne peut pas...
M. CHARRON: Mais...
M. BELIVEAU: II semblerait, si ma mémoire est bonne,
d'après les discussions qu'on avait, que les gens ne semblent pas
être nécessairement contre cette idée.
M. CHARRON: Bon. Ce serait une modalité qui pourrait
découler des principes que vous affirmez dans votre mémoire.
Est-ce que le comité des citoyens de Saint-Laurent qui s'est
réuni à cette occasion a étudié la méthode
ou cet attrape-nigaud qu'est le test du chapitre de la langue d'enseignement?
Quelle est exactement votre position? Nous allons reparler de cet...
M. CLOUTIER: Je m'attends à beaucoup de
grossièretés de votre part, en temps et lieu. Je connais votre
style parlementaire.
M. CHARRON: Ah! Qu'est-ce que vous voulez?
M. CLOUTIER: Dans la deuxième lecture, ce sera joli.
M. CHARRON: Vous n'avez rien à craindre de cela.
M. CLOUTIER: Cela fait spectacle.
M. CHARRON: A la suite de cette commission parlementaire, je me sens
tellement plus épaulé que vous que je n'hésiterai
certainement pas à qualifier les tests comme ils méritent
d'être appelés. Vous n'êtes pas obligé de reprendre
l'opinion que j'ai de ces tests, mais je vous demande seulement si le
comité, avant de se prononcer sur ces deux principes au chapitre de la
langue d'enseignement et de nous les présenter ce soir, de nous faire,
autrement dit, cette contreproposition, a bien scruté la proposition
Cloutier, qui est formulée dans la Loi 22 et qui est celle du test
pédagogique.
Pour quelle raison avez-vous refusé cette proposition du ministre
actuel, pour un certain temps, et avoir préféré faire les
deux propositions suivantes?
M. BELIVEAU: Sur la question du test, il y eu beaucoup de restrictions,
beaucoup d'arguments ont été apportés. On a dit:
Premièrement, on ne connaît pas présentement les
modalités du test; on ne sait pas comment cela peut se jouer d'une
commission scolaire à l'autre. Cela va être mené par qui?
On ne le sait pas. A notre point de vue, c'était beaucoup trop flou pour
endosser un test. Un test mathématique, cela peut se faire, mais un test
sur la langue, cela se juge comment? Moi, je n'en ai pas tellement
l'idée et il semblerait que... Si vous avez des éclaircissement
à nous donner, je suis prêt à retourner au comité
et...
M. CLOUTIER: Nous aurons l'occasion de faire le débat à ce
sujet-là, mais vous n'ignorez pas que, dans la plupart des commissions
scolaires, il y a déjà des tests sur les aptitudes linguistiques
qui sont utilisés, Chomedey de Laval en utilise couramment depuis des
années d'ailleurs. Ce sont des tests tout aussi rigoureux que les tests
qui portent sur les mathématiques. Peu importe la matière, ce qui
compte, c'est le niveau de connaissances. Alors, la réglementation
viendra préciser de quelle façon tout cela pourra être
utilisé.
M. CHARRON: Je n'ai plus d'autres questions, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Saint-Jean.
M. VEILLEUX: M. le Président, vous avez mentionné des
statistiques tout à l'heure. A la CECM, il y a quelques années,
la majorité des immigrants, par exemple, acceptaient de
fréquenter l'école française; aujourd'hui, c'est
l'inverse. Il y a aussi aujourd'hui, vous l'avez mentionné, je pense
bien, un choix des parents francophones de faire passer leurs enfants dans le
secteur anglophone. Le comité s'est-il penché sur les raisons qui
ont pu, à un certain moment, amener les parents à choisir le
secteur anglophone pour leurs enfants plutôt que le secteur
francophone?
M. BELIVEAU: Je suis bien content d'avoir cette réponse. J'ai
glissé tout à l'heure, j'aurais dû l'apporter comme
argument. Effectivement, il y a même un des membres du comité qui
envoie son enfant au secteur anglophone et je pense que cela peut se reproduire
à plusieurs exemplaires, cet argument. Il est convaincu que la langue de
travail au Québec pour aller quelque part j'en sais quelque
chose, je travaille à Bell Canada, et c'est le cas aussi c'est
l'anglais. Il nous a affirmé qu'aussi curieux que cela puisse être
de venir travailler sur un projet de loi 22 comme c'était le cas,
tout en envoyant son enfant à l'école anglaise, si on
avait une législation au niveau de la langue, il retirerait son enfant,
sachant que, dans son cas, il aurait fait le mieux possible pour son enfant en
lui donnant le maximum de chance dans la vie. J'ai l'impression que c'est
peut-être...
M. VEILLEUX: Pour reprendre une expression qu'on emploie
fréquemment, si on ne vote pas de loi pour rapatrier les francophones
dans le secteur francophone, lui, il est prêt à continuer à
laisser son enfant dans le secteur anglophone?
M. BELIVEAU: II semblerait que oui, parce que, d'après lui, dans
le contexte actuel, il est assuré que l'anglais a priorité pour
aller quelque part et avoir une chance d'avoir un bon emploi.
M. VEILLEUX: Quand on parle du marché du travail, est-ce que vous
acceptez le fait que, quand même, pour pouvoir gravir certains
échelons, notamment au niveau des cadres, est-ce que, dans votre esprit,
il faudrait exiger partout l'unilinguisme français au niveau des cadres
ou serait-il normal qu'une compagnie qui demande un directeur du personnel
exige, en même temps, une certaine connaissance en langue anglaise?
Est-ce que vous verriez...
M. BELIVEAU: Je n'ai pas d'objection du tout, de la même
façon qu'en France, probablement, on exige une certaine connaissance de
la langue anglaise pour remplir une fonction.
M. VEILLEUX: Tout à l'heure, vous avez mentionné des
statistiques suivant lesquelles telle compagnie pouvait avoir un très
fort pourcentage, en mentionnant General Motors, par exemple, 85 p.c. de
main-d'oeuvre francophone et 65 p.c. des cadres sont anglophones, est-ce que
vous acceptez le fait, vous, qu'un Canadien français... Il y a un poste
ouvert dans une compagnie importante, notamment au niveau de la direction du
personnel, le type a toutes les connaissances universitaires voulues, mais il
refuse le poste parce qu'à chaque mois il doit faire un rapport d'une
page en anglais au siège social de la compagnie à Toronto. Est-ce
qu'il n'y aurait pas, dans votre esprit, certains francophones qui n'ont pas
voulu gravir des échelons et diminuer le pourcentage d'anglophones au
niveau des cadres parce qu'ils refusaient d'écrire, peut-être, une
lettre par mois à la compagnie mère, à Toronto, parce
qu'il fallait qu'ils l'écrivent en anglais?
M. BELIVEAU: Possiblement, de la même façon que, chez
Dupuis et Frères, on doit avoir des anglophones qui se limitent et qui
se bloquent pour la même raison, parce qu'ils ne veulent pas
écrire en français. C'est possible, vous m'apportez quelque chose
d'hypothétique, je n'ai pas de chiffres sur ça, je n'ai pas fait
d'analyse sur ça, je croirais que c'est possible.
M. VEILLEUX: Ce que je vous explique, c'est à partir d'un cas
bien concret qu'un gérant de compagnie a vécu dans ma
municipalité, à Saint-Jean. C'est une compagnie très
importante, CCM, où le directeur du personnel a refusé un poste
parce qu'il y avait une demi-page ou une page à écrire en anglais
chaque mois.
M. BELIVEAU: Je ne nie pas la possibilité de cela.
M. VEILLEUX: Mais vous m'avez donné une des raisons qui pouvait
faire qu'à un certain moment... Vous avez mentionné: Parce que le
milieu ambiant du travail exigeait qu'on connaisse l'anglais pour pouvoir
travailler, ce qui fait que le bonhomme qui est dans votre comité a
décidé de faire fréquenter l'école anglaise
à son fils qui est un francophone. Si l'enseignement de la langue
seconde dans le secteur francophone était un enseignement plus pratique
qu'il l'est à l'heure actuelle, croyez-vous qu'on pourrait limiter ce
passage du secteur francophone au secteur anglophone?
M. BELIVEAU: A mon point de vue, et on en a discuté avec les gens
du comité je suis aussi président d'un comité
d'école dans mon secteur on a eu en main le dossier sur
l'enseignement des langues du ministre Cloutier et, dans ce dossier, on
favorise un meilleur enseignement du français et un meilleur
enseignement d'une langue seconde. Autant nous étions pour le rejet du
dossier scolaire cumulatif, autant nous appuyons cette approche pour
l'enseignement des langues de M. Cloutier.
M. CLOUTIER: Parce que c'est exactement ma position, j'étais
contre le dossier scolaire cumulatif. La preuve, c'est que je l'ai
retiré. Pour ce qui est du plan de l'enseignement des langues...
M. CHARRON: Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre !
M. CLOUTIER: M. le député de Saint-Jacques, pour une fois
qu'on me donne raison!
M. BELIVEAU: Mais, cela a été accepté
d'emblée par le comité d'école après analyse des
implications sur le dossier de l'enseignement des langues.
M. VEILLEUX: Compte tenu de ce que vous venez de dire,
c'est-à-dire qu'à l'heure actuelle, l'enseignement de la langue
seconde, dans le secteur francophone, est très déficient, est-ce
que, d'après vous, à partir du 1er septembre 1974, compte tenu
que, quand même, l'amélioration de cet enseignement de la langue
seconde, dans le secteur francophone, va prendre plusieurs années avant
d'être réellement efficace, est-ce que vous ne croyez pas que ce
serait mieux d'attendre que cet enseignement de la langue seconde se soit
amélioré sensiblement
dans le secteur francophone avant d'arriver à une solution comme
celle que vous proposez?
M. BELIVEAU: Non, M. le député, je ne crois pas qu'il
faille attendre. Parce que, plus on attend, plus une mare d'eau devient
stagnante, plus elle pue et plus ça va être difficile. Je pense
qu'il peut y avoir des anicroches, il peut y avoir des mauvais
côtés à brusquer légèrement la chose.
Mais, si on ne fait pas un effort pour l'améliorer et si on
attend, il sera justement trop tard. On sait que la tendance à
l'assimilation est nettement accélérée et jusqu'à
ce qu'il y ait assimilation totale, l'accélération se fera de
plus en plus vite. Même, je pense qu'avec les certains petits accrochages
qu'il pourrait y avoir ou certains mauvais côtés à aller
rapidement dans ce sens, cela vaut le coup, parce que tout de même nous
récupérerons vite car nous avons une approche pour
l'amélioration des langues. Cela va se récupérer quand
même assez vite, toutes les petites erreurs qui peuvent s'être
glissées au départ. C'est notre point de vue.
M. VEILLEUX: Dans le plan des langues, vous avez mentionné que
vous endossiez du moins le principe de l'amélioration de l'enseignement
de la langue seconde, notamment l'anglais dans le secteur francophone. Que
pensez-vous de l'amélioration de la langue maternelle? Est-ce que
d'après vous il y aurait lieu qu'elle soit améliorée? Vous
siégez sur un comité d'école, vous devez...
M. BELIVEAU: Vous voulez dire le français pour les
francophones?
M. VEILLEUX: ... langue maternelle pour les francophones.
M. BELIVEAU: Oui, certainement. Mais là encore, il faut faire
attention parce que moi, je sais, en connaissance de cause, qu'à la
commission scolaire Sainte-Croix nous engageons un certain nombre de
professeurs et nous avons un certain nombre d'étudiants. Nous avons des
professeurs qui sont très portés vers l'enseignement du
français et parce que ces professeurs n'ont plus d'ouverture pour
l'enseignement du français dans le secteur de Saint-Laurent, on va les
foutre à l'enseignement des mathématiques. Et, dans une
école plus loin, on peut prendre un professeur de mathématiques
où, il excelle et aime cela, et on va le foutre à l'enseignement
des langues.
M. VEILLEUX: Là, vous soulevez...
M. BELIVEAU: Cela se détériore à ce
moment-là.
M. VEILLEUX: Vous soulevez...
M. BELIVEAU: Si on avait des professeurs compétents et qu'on ne
se servait pas des professeurs de mathématiques pour faire du
français et des professeurs de français pour faire des
mathématiques, possiblement qu'on récupérerait beaucoup
d'enfants au niveau des mathématiques et au niveau de la langue
française.
M. VEILLEUX: Cela peut être un des phénomènes que
vous mentionnez, que l'enseignement de la langue maternelle française
est déficitaire dans le secteur francophone, est-ce qu'il n'y aurait pas
lieu aussi de mentionner qu'on exigeait toujours d'un professeur de
mathématiques ou d'un professeur en sciences, biologie, chimie,
physique, d'être un spécialiste en physique, en chimie ou en
biologie, tandis que pour l'enseignement des langues comme pour l'enseignement
de l'histoire, l'enseignement de la géographie, assez souvent, celui qui
n'avait pas les diplômes en mathématiques, on le plaçait
là.
M. BELIVEAU: Possiblement.
M. VEILLEUX: N'avez-vous pas remarqué cela dans votre milieu?
M. BELIVEAU: Possiblement dans plusieurs cas, cela pourrait se retrouver
assez facilement dans plusieurs commissions scolaires.
M. VEILLEUX: J'aurais une dernière question à vous poser.
Lorsque vous parlez du secteur francophone pour tous les francophones, est-ce
que, dans votre esprit, cela doit aller de l'élémentaire à
l'universitaire ou si dans l'esprit des gens du comité, c'est de
l'élémentaire et du secondaire que vous parlez ou si cela va
à un niveau plus élevé?
M. BELIVEAU: Au niveau de l'université, nous manquions de
données et n'avons pu faire de consensus. On a plutôt
mentionné, au niveau du primaire et du secondaire. Après cela on
a dit: De toute façon il faut qu'il y ait un départ. Nous ne
pouvons pas sauter à l'université parce qu'on veut qu'il y ait
une intégration. On veut quand même une certaine souplesse, on ne
veut pas donner un coup de matraque à quelqu'un. On veut faire cela avec
souplesse. Donc, c'est impensable de le faire au niveau universitaire. Il
faudrait commencer par les échelons les plus bas.
Nous avons dit: Voyons les expériences qui seront tentées,
voyons les réussites que nous aurons et quitte, possiblement, si le
besoin se fait sentir parce que l'assimilation se fait quand même
à un échelon plus élevé, d'aller à
l'université. Le point universitaire n'a pas été
discuté.
M. VEILLEUX: En d'autres mots, votre comité n'a pas jugé
bon de se prononcer immédiatement, comme le disait le
député de Saint-Jacques tout à l'heure, sur le CEGEP
Vanier.
M. BELIVEAU: On n'a pas touché suffisamment et nous n'avions pas
suffisamment de données. Aux secteurs primaire et secondaire de la
commission scolaire, on avait des chiffres, au niveau du CEGEP Vanier et du
CEGEP Saint-Laurent...
M. VEILLEUX: ... Vanier, c'est le député de Saint-Jacques
qui en a parlé tantôt.
M. BELIVEAU: ... on n'avait pas de chiffres, du tout. Donc, on n'a pas
pu y toucher. On a dit: On va toucher à quoi? On va discuter sur quel
principe?
M. VEILLEUX: Je vous remercie, M. Béliveau.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Est-ce qu'il y a d'autres questions? Je
remercie M. Béliveau de nous avoir présenté son
mémoire. Soyez assuré que les membres de la commission vont en
prendre bonne note. J'inviterais, à présent, le
représentant du Conseil du travail de Joliette, s'il est ici
présent, à venir nous présenter son mémoire. M.
Pierre Pilon.
Je crois qu'il est absent.
M. CLOUTIER: Oui, M. le Président, et nous n'avons pas
été informés s'il venait ou s'il ne venait pas. Il ne faut
pas s'en étonner, c'est notre quatrième semaine. Nous avons
entendu plus de soixante groupes. Certains des membres commencent
déjà à se sentir suffisamment informés.
M. CHARRON: Est-ce que le ministre commencerait à se sentir
suffisamment informé?
M. CLOUTIER: Je me sens, M. le Prési- dent, suffisamment
informé,depuis déjà un moment.
M. CHARRON: Pour retirer le projet de loi?
M. CLOUTIER: C'est avec grand plaisir que je tiens à donner aux
groupes qui veulent se faire entendre l'occasion de s'exprimer.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Demain, nous entendrons dans l'ordre, à
partir de onze heures, soit après la période de questions, le
Syndicat des professeurs du CEGEP de Sainte-Foy, le Comité anglophone de
Verdun, le Groupe de citoyens de Limoilou, M. Louis-Paul Chenier, la
Société nationale des Québécois du
Saguenay-Lac-Saint-Jean et l'Institut politique de Trois-Rivières.
La séance est suspendue.
M. CHARRON: M. le Président, est-ce que je peux, avant, demander
au ministre si, dans les convocations pour mardi prochain, le ministre tiendra
compte dans son esprit du délai qu'impose l'élection
fédérale. Voudra-t-il ne pas considérer la journée
de lundi comme une journée ouvrable, et donc convoquer les gens qui
devraient venir mardi prochain dès cette semaine, dès jeudi?
M. CLOUTIER: Oui, M. le Président, c'est ce que nous faisons.
Nous considérons le délai de 48 heures comme un minimum.
M. CHARRON: Bien.
LE PRESIDENT (M. Pilote): La commission ajourne ses travaux à
demain, onze heures.
(Fin de la séance à 21 h 2)