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Commission permanente de l'éducation,
des affaires culturelles et des communications
Etude du projet de loi no 22
Loi sur la langue officielle
Séance du vendredi 21 juin 1974
(Dix heures cinquante-deux minutes)
M. PILOTE (président de la commission permanente de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications) A l'ordre,
messieurs!
Voici la liste des membres de la commission. M. Brown (Brome-Missisquoi)
remplace M. Bérard (Saint-Maurice); M. Charron (Saint-Jacques) est
membre de la commission ainsi que M. Déom (Laporte) et M. Cloutier
(L'Acadie); M. Massicotte (Lotbinière) remplace M. Hardy (Terrebonne);
M. Tremblay (Iberville) remplace M. Lapointe (Laurentides-Labelle); M. Tardif
(Anjou) remplace M. l'Allier; M. Bédard (Chicoutimi) remplace M.
Léger (Lafontaine); M. Fraser (Huntingdon)...
M. LEGER: M. Bédard remplace M. Jacques-Yvan Morin.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Excusez-moi, M. Bédard remplace M.
Jacques-Yvan Morin; M. Marcel Léger; est membre de la commission; M.
Fraser (Huntingdon) remplace M. Parent (Prévost); M. Beauregard (Gouin)
remplace M. Phaneuf (Vaudreuil-Soulanges); M. Noël Saint-Germain
(Jacques-Cartier) est membre de la commission de même que M. Samson
(Rouyn-Noranda) et M. Veilleux (Saint-Jean).
Hier, après consultation entre les parties, il a
été convenu que nous entendions les trois organismes d'ici une
heure et demie ou deux heures pour ne pas avoir à siéger de deux
à quatre. Cela a été convenu entre les parties et
j'inviterais les gens qui sont appelés, pour les trois organismes, soit
le Centre des dirigeants d'entreprises, l'Association des mines de
métaux et l'Association des manufacturiers, à rester ici dans
cette salle, parce que vous aurez à être appelés tour
à tour.
J'inviterais à présent M. Jean Brunelle, directeur
général du Centre des dirigeants d'entreprise, à venir
nous présenter le mémoire de son organisme et à nous
présenter les membres qui l'accompagnent. Si vous voulez prendre place,
M. Brunelle et les membres de la commission. Vous avez 20 minutes pour
présenter votre mémoire. Vingt minutes sont accordées au
parti ministériel pour poser des questions et vingt minutes aux partis
de l'Opposition. La parole est à M. Brunelle.
Centre des dirigeants d'entreprises
M. BRUNELLE: M. le Président, nous avons bien signalé au
secrétaire de la commission que le porte-parole principal du CDE est son
président, M. Claude Dessureault, qui va vous adresser la parole.
M. DESSUREAULT: Merci. M. le Président, messieurs, mesdames,
permettez-moi, au tout début, de vous situer le CDE. Il est
composé de plus de 400 entreprises québécoises en
majorité francophones, soit pour 93 p.c, et quant aux individus qui y
participent, la représentation est d'environ 99 p.c.
Avec votre permission, maintenant, j'aimerais lire le mémoire
préparé à votre intention.
Au cours de son assemblée du 4 juin dernier, le conseil
d'administration du Centre des dirigeants d'entreprises s'est
déclaré d'accord, à la majorité des membres
présents, sur l'orientation générale que le gouvernement
entend donner à la politique linguistique, telle que définie dans
le projet de loi 22.
Ce texte reflète, dans son esprit, l'essentiel des
recommandations que nous avons présentées en 1969 et en 1973
à l'occasion des travaux de la commission Gendron. Il propose, pour
résoudre la question linguistique, une approche souple, respectueuse des
droits acquis et qui fait appel, comme le souhaitait le CDE, à la
maturité des citoyens du Québec.
Le CDE estime cependant que la loi qui sera finalement adoptée
devra, pour porter les fruits qu'on en attend, reposer sur des mesures qui en
assureront l'efficacité maximale à long terme, sous peine
d'être bientôt remise en cause et de soulever des débats
encore plus passionnés que ceux qui ont marqué le Québec
ces dernières années. C'est dans cette perspective qu'il juge
utile de commenter certains articles du projet de loi 22 et de proposer des
choix parfois différents.
Nous avons dit: "à long terme": nous sommes persuadés que
les comportements quotidiens des Québécois constitueront
l'élément fondamental du succès ou de l'échec de la
politique linguistique. Celle-ci doit donc, tout en encourageant
délibérément l'usage du français, imposer un
minimum de contraintes aux personnes et aux institutions qui devront la
vivre.
Un caractère important de la loi. Dans plusieurs de ses articles,
le projet de loi 22 propose que l'adoption des règlements qui viendront
concrétiser la volonté du législateur soit confiée
à l'autorité du ministre ou du lieutenant-gouverneur en conseil.
Nous reconnaissons que tous les règlements ne peuvent être
inscrits dans la loi et que l'exercice qui consisterait à soumettre
à l'Assemblée nationale les amendements que la
réalité imposera inévitablement aux textes initiaux serait
improductif et d'une lourdeur excessive.
Mais nous croyons, d'autre part, que la nature même du
problème linguistique impose au législateur l'obligation de
soustraire le pouvoir exécutif à l'accusation ou au risque
d'arbitraire. Nous suggérons que les règlements rela-
tifs aux diverses dispositions du projet de loi 22 soient soumis
à une commission parlementaire et à la discussion publique avant
que le lieutenant-gouverneur en conseil soit appelé à les
adopter.
La langue de l'administration publique.
Pour être fidèle à l'esprit de l'article 2 qui
confère à toute personne "le droit de s'adresser à
l'administration publique en français ou en anglais", l'article 8
devrait prévoir la traduction en anglais a)des textes et documents
officiels b)des autorisations, avis et documents de même nature.
Mais il y a sans doute lieu de distinguer, si la chose est possible,
entre les textes et documents qui présentent un intérêt
pour les institutions tenues d'utiliser la langue officielle et
ceux qui présentent un intérêt pour les individus, la
traduction n'étant obligatoire que pour ces derniers.
Les articles 10 et 12 offrent des illustrations on en retrouve
à d'autres chapitres des ambiguïtés que pourraient
provoquer une formulation trop générale de la loi. Il est clair,
d'une part, que l'Etat, dans son comportement général, doit
utiliser le français pour ses communications internes et avec les autres
gouvernements du Canada. Mais il serait anormal d'imposer, par exemple à
une université anglophone du Québec, l'obligation de communiquer
en français avec le gouvernement d'une autre province, ou de
privilégier le français comme langue de communication interne.
Cette remarque vaut pour tous les cas du même genre. Le but de la loi est
d'établir la priorité et de favoriser le développement de
la langue française, et non d'obliger les anglophones, d'ici et
d'ailleurs, à utiliser le français de gré ou de force.
Aux chapitres 3 et 4, la langue du travail et la langue des
affaires.
Les articles 24 à 29 définissent les conditions
"mécaniques" dans lesquelles doivent s'établir, sous leur aspect
linguistique, les relations de travail. Le CDE, tout en approuvant l'ensemble
des mesures proposées, considère que le salarié devrait
jouir, à titre personnel, des droits conférés à
l'association par l'article 29 en ce qui concerne l'arbitrage des griefs.
Conformément à l'opinion qu'il a déjà
exprimée, le CDE estime que les services de francisation et de
bilinguisation déjà fournis ou prévus par les organismes
gouvernementaux constituent une contribution suffisante de la part de l'Etat,
sans qu'il soit nécessaire de les étendre indûment ou d'y
ajouter des subventions ou autres formes de compensation. Il exprime donc son
désaccord à l'endroit de l'article 31. Dans la même veine,
le CDE ne croit pas désirable que l'adoption d'une politique de
francisation soit une condition de l'attribution, par le gouvernement, de
contrats, permis ou autres avantages à une entreprise (articles 33 et
34). Le gouvernement peut évidemment utiliser les mécanismes
publics pour inciter les entreprises à adopter de telles politiques.
Le contenu des programmes de francisation que doivent adopter et
appliquer les entreprises est correctement résumé dans les
articles 35 et 47. Il est nécessaire que toutes les entreprises
s'engagent à réaliser un tel programme, adapté de toute
évidence aux conditions particulières à chacune d'entre
elles. Il n'est pas utile, à nos yeux, de procéder à
l'émission de certificats (article 32) attestant la bonne foi des
entreprises, mais qui pourraient donner lieu à des situations
embarrassantes. Il nous semble plus important de confier à la
Régie de la langue française le mandat d'appliquer une politique
d'incitation souple, mais ferme, la plus susceptible de produire, dans ce
domaine, les résultats désirés.
Au chapitre V, la langue de l'enseignement, l'imposition des tests
(article 51 ) comme condition d'accès à l'enseignement de l'une
ou l'autre langue, nous apparaît porteuse de conflits insolubles. Cette
mesure serait difficile d'application en raison de la multiplicité des
centres de décision: commissions scolaires, examinateurs, etc.; elle
soulèverait des déceptions et des regrets innombrables; donnant
facilement prise aux accusations de partialité, elle ne manquerait pas
d'entretenir autour de l'école une atmosphère passionnée,
des débats interminables.
Le CDE présente ici les propositions qu'il a déjà
faites: que les Québécois demeurent libres de
fréquenter l'école de leur choix; que les autorités
du ministère prennent les mesures nécessaires, y compris, s'il y
a lieu, la révision du rapport maître-élèves, pour
assurer aux étudiants des deux réseaux un enseignement qui leur
permette de s'exprimer convenablement dans la langue seconde. Cette mesure,
prévue d'ailleurs à l'article 52, est d'une importance
primordiale. que les enfants d'immigrants autres qu'anglophones qui
entreront au Québec après la proclamation de la politique
linguistique, et qui opteraient alors pour l'école publique, ne
reçoivent les subventions gouvernementales pour fins éducatives
que par l'entremise de l'école française, jusqu'à ce
qu'ils aient reçu la citoyenneté canadienne. Une telle limite
imposée aux droits des immigrants non anglophones constituerait-elle une
injustice? Nous ne le croyons pas, pour autant que la situation leur ait
été clairement exposée avant qu'il aient pris la
décision de venir au Québec. Nous savons qu'on invoque, à
l'encontre de cette proposition, des arguments économiques,
constitutionnels et juridiques d'un poids certain, mais ils ne nous semblent
pas suffisamment concluants pour nous inciter à réviser notre
position.
Au titre IV, chapitre II, la Régie de la langue française
: Le mandat prévu pour la Régie de la langue française
nous apparaît approprié. Mais il faut constater qu'il s'agit d'un
mandat fort
complexe, portant notamment sur l'éducation, le travail, la
fonction publique, les droits civiques; d'un mandat fondé sur quelques
dispositions législatives claires, mais dont l'exécution doit
passer par une multitude de règlements complémentaires,
d'interventions directes et quotidiennes dans les domaines touchant à la
vie même des personnes et des institutions.
Dans un tel contexte, il nous semble essentiel de soustraire la
régie à toute influence extérieure, susceptible de
restreindre l'efficacité de son action. Nous sommes d'avis qu'elle
devrait relever directement de l'autorité de l'Assemblée
nationale.
Nous croyons nécessaire de confier à la minorité
linguistique du Québec une représentation équitable au
sein de la régie.
Nous tenons à vous remercier, messieurs, mesdames de nous fournir
l'occasion de discuter avec vous de ce problème majeur de la vie au
Québec. Centre des dirigeants d'entreprise.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Le ministre de l'Education.
M. CLOUTIER: M. le Président, je désire remercier le
Centre des dirigeants d'entreprise pour la présentation de son
mémoire. C'est un autre exemple il semble se multiplier depuis
quelque temps d'objectivité. Voilà en effet un groupe qui
s'est attaché à étudier le projet de loi tel qu'il est
rédigé et a bien voulu faire des recommandations dans le but de
l'améliorer. Il n'est pas parti de prises de positions politiques
antérieures. Il n'a pas construit son mémoire à partir de
ses idées préconçues, mais il a véritablement
commencé par faire confiance au législateur qui a
été élu par une majorité de la population, ensuite,
il s'est demandé jusqu'à quel point il pouvait se faire entendre
de manière à influer d'une façon positive sur la
démarche entreprise.
Je ferai quatre commentaires et je ne poserai qu'une question.
Cependant, avant, je veux noter que le Centre accepte l'orientation
générale de cette politique linguistique et a très bien
compris qu'il s'agit d'une approche à la fois souple et respectueuse des
droits acquis. C'est en fait exactement les expressions que j'utilise
moi-même lorsque j'essaie de définir le principe de la
législation.
Ma première remarque porte sur la réglementation. J'ai
indiqué à plusieurs reprises, depuis le début de ces
travaux, que le gouvernement avait l'intention d'apporter toutes les
précisions nécessaires lors de la discussion, article par
article, en commission élue. Il serait, en effet, impensable que
l'Assemblée soit amenée à voter une loi sans en mesurer
toutes les implications. Il ne s'agira probablement pas du dépôt
des règlements complets, parce que c'est là une
responsabilité clairement établie de l'exécutif, mais tous
les grands principes en seront connus et les modalités qui sont
essentielles pour qu'aucune ambiguïté ne persiste.
Je note d'ailleurs, à ce propos, que le centre admet le fait
qu'il faut procéder par réglementation lorsqu'on
légifère dans une matière aussi complexe. D'ailleurs,
cette admission se concrétise par une phrase à la page 3 de son
mémoire, au dernier paragraphe, alors qu'il est clairement dit qu'il
faut tenir compte des conditions particulières de chacune des
entreprises lorsqu'on envisage un programme de refrancisation. Il est bien
évident qu'on ne peut pas faire une loi par entreprise et que, par
conséquent, il ne peut y avoir qu'une formule possible, le pouvoir
réglementaire qui permet de coller à des réalités
qui changent. Le deuxième point concerne un certain nombre
d'incongruités, pour reprendre une expression d'un autre groupe, dans
l'application de certains articles. Le centre cite les articles 10 et 12. Il
est bien évident qu'il s'agit là de modalités, et de
modalités mineures, même si elles peuvent avoir des
conséquences et que le gouvernement verra, en cours de route, s'il y a
lieu d'apporter des précisions.
Il y a enfin, en troisième lieu, la question des subventions,
l'article 31. Egalement, il s'agissait d'un article, comme je l'ai dit à
quelques reprises, qui avait uniquement une raison d'être: assurer un
pouvoir, dans des cas très spéciaux. Le gouvernement n'y tient
pas et ne voudrait pas que cet article prête à des
interprétations plus ou moins exactes.
Enfin, il reste la question des tests. Je note que le centre s'interroge
à ce propos et craint qu'il puisse donner lieu à des abus. Il ne
semble pas que le centre mette en cause l'utilité des tests. Je me
contente, pour l'instant, de dire que nous avons eu le plaisir et l'avantage
d'écouter hier un organisme particulièrement qualifié,
puisqu'il s'agissait d'une commission scolaire qui applique des tests dans le
domaine linguistique, comme d'ailleurs la majorité des commissions
scolaires du Québec, et cela depuis des années, et que cet
organisme ne semblait pas croire qu'il y avait là une démarche
qui ne collait pas aux réalités. Mais il s'agit, encore une fois,
du domaine des modalités.
Ma question est la suivante. Le centre, comme deux ou trois autres
organismes, si je ne me trompe, jusqu'ici, suggère que la régie
soit rattachée à l'Assemblée nationale. Je voudrais que
l'on m'expliquât quelles sont les raisons qui justifieraient un tel
rattachement, lequel rentre, lui aussi, dans le cadre des modalités de
la loi et non du principe de la loi. Peut-être pourrais-je aider le
centre à me fournir quelques explications en disant que la régie
comporte deux grandes fonctions. Une fonction administrative, qui est
l'administration de la loi, et une fonction de contrôle qui, au fond,
reproduit à peu près le rôle du Protecteur du citoyen.
En fait, la plus grande partie de cette section est calquée sur
la Loi du Protecteur du citoyen. A la suite d'un excellent mémoire du
Board of Trade qui se posait la question, j'ai laissé entendre hier que
rien ne s'opposait, au départ,
à ce que l'on dissocie ces fonctions. Si j'apporte cette
distinction, c'est qu'il faut bien se rendre compte que le pouvoir politique
conserve par le biais des programmes de refrancisation, des droits et des
responsabilités, en particulier en ce qui concerne l'application d'une
législation qui peut avoir des conséquences économiques
assez considérables. Jusqu'à quel point est-il souhaitable que
cet aspect échappe au pouvoir politique? En revanche, en ce qui concerne
l'aspect du simple contrôle, c'est certainement une possibilité
à retenir. Je vous remercie, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Saint-Jacques.
M. CLOUTIER: Je m'excuse, M. le Président, j'ai posé une
question concernant le rattachement à l'Assemblée nationale. J'ai
simplement apporté une distinction pour indiquer au centre dans quel
esprit, personnellement, je me situais.
M. BRUNELLE: Je pense qu'il faudrait peut-être relier notre
suggestion que les règlements relèvent d'une commission
parlementaire et la proposition selon laquelle nous préférons que
la régie relève de l'Assemblée nationale. Je ne suis pas
sûr, comme vous le disiez vous-même, que l'adoption par
l'Assemblée nationale de règlements qui seraient, si je comprends
bien, des règlements-cadres, prévoiraient des situations qui
pourraient devenir extrêmement difficiles dans l'application de la loi.
La remarque que nous faisons à ce sujet, c'est qu'une commission
parlementaire pourrait permettre la discussion publique d'une façon
presque permanente, en tout cas à toutes les fois que le besoin s'en
fait sentir. On pourrait amender des règlements ou en passer de nouveaux
pour répondre à une situation qui pourrait être
extrêmement mouvante et qu'on ne peut pas figer arbitrairement dès
le départ.
Quant à la responsabilité de l'Assemblée nationale,
je pense qu'elle est directe dans l'administration complète de la loi.
Nous pensons qu'il serait préférable de lui remettre cette
autorité parce que, inévitablement, la régie va devoir,
sinon remplacer, du moins faire une partie du travail de plusieurs
ministères, le ministère de l'Education, le ministère des
Affaires culturelles et d'autres qu'on pourrait nommer...
M. CLOUTIER: Le ministère du Travail, de l'Industrie et du
Commerce.
M. BRUNELLE: ... le ministère du Travail. Cette conception, je
pense, pourrait amener des conflits qui pourraient être sourds et
peut-être plus vocaux que sourds entre les ministères
eux-mêmes. On assisterait aussi à une confusion entre les mandats
de ces ministères avec une complication dans l'exécution et
l'efficacité des politiques publiques.
M. CLOUTIER: Je vous remercie.
M. BRUNELLE: Puisque nous parlons du sujet, si vous me permettez M. le
Président, sans que la suggestion soit faite au mémoire, nous
avons envisagé la possibilité que chacun des ministères
que je viens de mentionner et d'autres, qui pourraient être
impliqués dans l'application de la loi, puissent hériter d'une
partie des responsabilités qui ressortent de la loi, de sorte qu'au lieu
de bâtir une grosse machine, qui serait la régie, dont les mandats
seront extrêmement divers, dont les responsabilités seront
énormes, on pourrait confier à chacun des ministères;
à l'Education, les problèmes de l'enseignement; au Travail, les
questions qui relèvent du travail, etc. Et c'est peut-être une
solution sur laquelle nous aurions dû réfléchir davantage,
mais les échéances ne nous ont pas permis de le faire.
M. CLOUTIER: J'apporte simplement, si on me permet de le faire, une
précision supplémentaire. C'est exactement ce qui va se passer,
parce que dans les différents secteurs qui sont impliqués,
travail, commerce et industrie, éducation, les pouvoirs sont
donnés aux ministres de ces différents ministères et nous
avons envisagé et je n'apprends rien de nouveau à la
population de nommer un ministre qui serait responsable de l'ensemble,
de manière précisément, qu'il n'y ait pas de conflit entre
ministères.
Autant de formules dont nous aurons l'occasion de parler au cours du
débat, mais je voulais simplement indiquer que l'apport du Centre des
dirigeants d'entreprise est un apport auquel nous allons porter
énormément d'attention.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de
Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, j'ai quelques questions
d'information à demander au président du Centre des dirigeants
d'entreprise. Actuellement, le budget de votre centre, pour l'année
1974, est de $149,000; est-ce exact?
M. BRUNELLE: Environ.
M. CHARRON: Là-dessus, il y a une subvention du ministère
de l'Industrie et du Commerce qui est de quel montant?
M. BRUNELLE: $24,000 pour un travail bien défini, bien
spécifique.
M. CHARRON: Cette subvention est-elle supérieure à celle
que vous avez reçue l'année dernière, dans l'exercice
financier 1973/74, du ministère de l'Industrie et du Commerce?
M. BRUNELLE: Vous parlez de deux choses différentes. Il ne s'agit
pas d'une subvention cette année. H n'y a pas de subvention venant
de
la part de quelque organisme gouvernemental que ce soit. C'est une
entente contractuelle selon laquelle nous exécutons, pour les besoins
des hommes d'affaires, des activités, des programmes très
précis.
M. CHARRON: D'accord!
M. BRUNELLE: ... de $24,000.
M. CHARRON : Ce contrat, que vous avez avec le ministère de
l'Industrie et du Commerce, de $24,000 cette année, est-il
supérieur à celui que vous aviez l'année
dernière?
M. BRUNELLE: Même contrat pour la même somme.
M. CHARRON: Même contrat pour la même somme. L'année
dernière votre budget annuel était de $117,969; est-ce exact?
M. BRUNELLE: Je n'ai pas apporté les états financiers, le
budget était à peu près le même l'année
passée que cette année.
M. DESSUREAULT: Environ $150,000.
M. CHARRON: C'est peut-être une concordance à faire, parce
que les chiffres que j'ai ici, pour 1973/74, mentionnent que vous receviez du
ministère de l'Industrie et du Commerce $14,000 et cette année,
$24,000.
M. BRUNELLE: Vos chiffres sont fautifs, M. Charron.
M. CLOUTIER: Parce que vous recherchez...
M. BRUNELLE: Quoi.
M. CHARRON: Les chiffres...
M. DESSUREAULT: Les rapports financiers sont distribués trois
à quatre fois par année. Il est peut-être question de date,
il est peut-être question d'échéance.
M. CHARRON: Mais sur un point on s'entend. C'est que vous recevez, au
cours de l'exercice financier actuel 1974, $24,000 pour un contrat que vous
avez avec le ministère de l'Industrie et du Commerce.
M. DESSUREAULT: C'est cela.
M. CHARRON: D'accord! M. Dessureault, vous avez déjà fait
connaître la position du Centre des dirigeants d'entreprise sur la loi
22, avant de venir ici ce matin.
M. DESSUREAULT: La déclaration du CDE est la première
faite aujourd'hui.
M. CHARRON: N'avez-vous pas été appelé à
commenter plus...
M. DESSUREAULT: Absolument pas.
M. CHARRON: La nouvelle entendue à Radio-Canada, il y a quelques
semaines, à l'effet que vous aviez déclaré la raison de
votre appui au projet de loi, et que, s'il devait être retiré,
cela apparaîtrait comme une victoire du Parti québécois;
que cela augmenterait le nombre de ses supporteurs et que cela ne vous
apparaissait pas souhaitable.
M. DESSUREAULT: II ne s'agit aucunement d'une déclaration du
président du CDE comme tel, au nom du CDE, mais probablement de
commentaires à l'occasion d'un déjeuner suivant une
conférence de presse où il y avait tout un conseil
d'administration au sein duquel se retrouvent diverses allégeances
politiques.
M. CHARRON: Est-ce que vous niez ou confirmez le fait que...
M. DESSUREAULT: Je ne le confirme pas du tout, absolument pas. La
première déclaration du CDE...
M. CHARRON: Laissez-moi poser ma question.
M. DESSUREAULT: D'accord.
M. CHARRON: Au cours de ce dîner, n'avez-vous pas rencontré
un journaliste de Radio-Canada et n'auriez-vous pas tenu des propos semblables
à ceux que je viens de citer?
M. DESSUREAULT: La mémoire me fait défaut
là-dessus, sûrement.
M. CHARRON: Le journaliste de Radio-Canada qui a
répété cette information au bulletin de nouvelles à
la télévision il y a environ deux à trois semaines
inventait de toute pièce une affirmation qu'il mettait dans votre
bouche?
M. DESSUREAULT: Disons qu'inventer est peut-être trop fort. Comme
je vous le disais tantôt, il y a eu des badinages à une table
à l'occasion d'un lunch. Il n'y a eu absolument aucune
déclaration publique faite par le président du CDE au nom du CDE,
absolument pas.
M. CHARRON: Je ne crois pas que vous ayez fait une déclaration au
nom du CDE, mais est-ce que vous avez effectivement badiné de la
façon dont on l'a...
M. DESSUREAULT: Est-ce que je suis en procès?
M. CHARRON: Est-ce que vous avez effectivement badiné de la
façon dont ce journaliste l'a rapporté?
M. CLOUTIER: M. le Président, je voudrais quand même
souligner que ceux qui comparais-
sent sont absolument libres de répondre ou de ne pas
répondre, que ceux qui comparaissent ne doivent pas être soumis
à des contre-interrogatoires et que, de toute façon, la
population sait très bien que les interprétations journalistiques
ne peuvent pas recevoir plus de crédibilité qu'ils n'en
méritent.
M. DESSUREAULT: Disons que j'ai été fort surpris
d'apprendre qu'une nouvelle de cette sorte avait été
publiée, à Québec, ici, à la radio. Cela m'a
surpris énormément. Il n'est pas question du tout pour moi de
faire des déclarations dans ce sens, pour le moment.
M. CHARRON: Cela vous a surpris que cela sorte dans les nouvelles?
M. DESSUREAULT: Non. J'ai été surpris de voir qu'on avait
une nouvelle comme celle-là, tout simplement, fort surpris, parce que
mes allégeances politiques sont les miennes, purement et simplement.
Quand je parle au nom du CDE, c'est la première déclaration
publique qui est faite.
M. CHARRON: C'est que, voyez-vous, le ministre vous a rendu hommage
quant à votre objectivité. Je ne vous en fais pas de reproche.
Vous êtes une des rares béquilles que son projet de loi ait
reçues depuis le début de son étude en commission. Mais on
fait appel à l'objectivité avec laquelle vous aviez
envisagé la question. On vous a félicité d'avoir
abandonné vos positions, toutes positions politiques, et d'avoir
abordé le problème d'une façon absolument objective. Cela
entre en conflit avec une information qui a été diffusée
sur un badinage à la suite d'un dîner, mais qui signifiait quand
même, pour les...
M. DESSUREAULT: Absolument pas, comme on le déclare dans le
mémoire au tout début, le conseil d'administration du centre
s'est réuni le 4 juin dernier et, c'est bien marqué "à la
majorité". Cela laisse suggérer qu'il y a une minorité
quelque part. A la majorité des membres du conseil d'administration qui
représente des entreprises dans tout le Québec, à la
majorité des petites et des moyennes entreprises, et, ces messieurs du
conseil d'administration, qui étaient au nombre de 17 cette
journée-là, ont adopté, en majorité, ce document
que vous recevez aujourd'hui.
Ceci est la déclaration publique du Centre des dirigeants
d'entreprises qui vous est donnée par la voix de son président.
Peu importe les allégeances politiques des individus, peu importe...
M. CHARRON: Vous admettrez quand même avec moi que c'est
assez...
M. BRUNELLE: Je voudrais vous souligner, M. Charron, que notre
objectivité va jusqu'à critiquer à l'occasion certains
organismes gouvernementaux et des ministères. Cela nous est
arrivé. Cela nous est arrivé encore tout récemment.
M. CHARRON: Ce n'est pas sans importance, le badinage qu'un
président d'un Centre de dirigeants d'entreprises peut avoir.
M. DESSUREAULT: M. le Président, remarquez bien...
LE PRESIDENT (M. Pilote): J'inviterais...
M. CHARRON: Parce que je considère difficile de faire des
distinctions. C'est un peu comme quand un ministre vient parler contre le libre
choix contenu au projet de loi, et qu'il nous dit par la suite qu'il parle en
tant qu'individu. On ne peut pas croire que le ministre de la Justice soit
à ce point isolé dans le cabinet. D'autres ministres auront
peut-être l'occasion de se faire entendre.
M. DESSUREAULT: M. le Président, j'espère que je ne vous
laisse pas l'impression que j'ai fait des commentaires à cet effet.
Quand on tire la pipe à quelqu'un, cela ne veut pas dire qu'on fait des
badinages ou qu'on dit des vérités. C'est dans ce sens que je dis
badinage. Je peux tirer la pipe à M. Samson, ici, facilement. Cela ne
veut pas dire que je suis sincère en le faisant.
M. CHARRON: Vous admettrez quand même que ce genre de
réflexion ou de tirage de pipe...
M. DESSUREAULT: Je dois vous dire que c'était tout à fait
mutuel, entre plusieurs individus autour d'une table, à l'occasion d'un
lunch, très mutuel, très candide et très familier, sans
arrière-pensée, sans blessure, sans vouloir insulter qui que ce
soit. Je me sens tout à fait libre. Je me sens tout à fait
à l'aise.
LE PRESIDENT (M. Pilote): J'inviterais...
M. CLOUTIER: M. le Président, un point de règlement.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Oui.
M. CLOUTIER: Je crois qu'il faut rester dans l'esprit de cette
commission. Je ne me suis pas permis, pour ma part, d'insister sur les
véritables allégeances politiques de la plupart des groupes
francophones qui sont venus carrément supporter le PQ et qui ont
avoué en commençant que leur orientation linguistique
était une orientation basée sur l'indépendance. Je ne me
suis pas permis de signaler que le président d'un petit groupe d'hommes
d'affaires québécois était l'organisateur politique du
député de Sauvé, par exemple, était un
péquiste reconnu. Je ne me serais pas permis de faire cela, M. le
Président.
Alors, je souhaiterais qu'on traite nos témoins, ceux qui nous
font l'honneur de venir nous faire leurs commentaires, d'une façon
équitable.
M. LEGER: M. le Président... M. CHARRON: Je n'ai...
M. LEGER: Un point de règlement, M. le Président. Je pense
que le ministre vient de faire ce qu'il reproche au député de
Saint-Jacques, et je pense que la déclaration publique qui a
été faite par notre représentant, ce matin, du Centre des
dirigeants d'entreprise est quand même une déclaration qui est
devenue publique...
M. CLOUTIER: Pardon!
M. LEGER: ... et comme il y a une relation entre la déclaration
publique, c'est-à-dire qui a été remise au public
donc elle a déjà été faite et le
mémoire, je pense qu'il y a une relation importante concernant l'esprit
qui existe dans ce mémoire. M. le Président, le
député de Saint...
M. CLOUTIER: M. le Président, soyons sérieux.
M. LEGER: Un instant! M. le Président, j'ai la parole. Je pense
que le député de Saint-Jacques a le droit de faire une relation
entre une déclaration qui a été faite et
élaborée en public et le mémoire qui nous est
présenté et l'objectivité dans laquelle ce mémoire
est fait. Je pense que c'est le...
M. CLOUTIER: M. le Président...
M. LEGER:... droit d'un député de l'Opposition de relever
ces faits. Ce n'est pas parce que cela déplaît au ministre de
l'Education qu'il n'a pas le droit de le faire.
M. CLOUTIER: Cela ne me déplaît en rien, M. le
Président, mais je considère que ceux qui viennent ici ont
certains droits, et j'ai bien l'intention de les faire respecter. Maintenant,
j'ajoute également qu'il ne s'agit pas d'une déclaration
publique. On vient de dire qu'il s'agissait de conversations et il est
évident que les journalistes qui font état de conversations
privées qu'ils interprètent, à mon avis, ne se situent pas
dans l'optique de l'éthique professionnelle. Une déclaration
publique, c'est tout autre chose.
Il m'est arrivé, moi aussi, de tenir certaines conversations
privées, et Dieu sait si je suis prudent! Il m'est arrivé
également de retrouver dans la presse des interprétations qui ne
correspondaient absolument pas à ma pensée.
Depuis ces quelques expériences, croyez-moi, je ne me permets
jamais d'avoir de conversation dites privées. Je considère que
tout ce que je dis est susceptible d'être repris et là, j'en
assume l'entière responsabilité.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Je voudrais rappeler aux membres de la
commission de quelque côté que ce soit, qu'avec les organismes qui
sont ici, on discute du mémoire qui nous est présenté,
séance tenante et les questions doivent être relatives au
mémoire qui est présenté.
Je n'accepterai aucune intervention ou aucune déclaration comme
on l'a fait auparavant. J'accepterai uniquement des questions pertinentes au
mémoire qui est présenté par quelque organisme que ce
soit.
M. CHARRON: J'ai une seule question sur votre mémoire, maintenant
que nous savons comment l'envisager, relativement à vos
réticences aux dispositions faiblardes des chapitres 3 et 4 sur la
langue de travail et sur la langue des affaires. Vous considérez
déjà le projet de loi du gouvernement comme trop
avancé.
C'est surtout quant à l'éloge que vous faites du
modèle incitatif, quant à la francisation et à ses effets.
Est-ce que vous avez pris connaissance de la déclaration de cet
important fonctionnaire, du nom de M. Gaston Cholette, qui dirige actuellement
l'Office de la langue française et qui, incidemment, est responsable de
l'application de ces programmes incitatifs de francisation? Il
déclarait, il y a quelques jours, que sur les quatorze entreprises
approchées depuis l'automne 1971 par l'Office de la langue
française dans le but de faire du français la langue de travail,
seulement deux ont accepté de se franciser substantiellement. Dans ces
deux cas, il s'agissait d'entreprises de faible dimension, avec respectivement
430 et 260 employés, situées dans la région bien
française de la capitale nationale des Québécois, et
pourvues d'un personnel, en grande majorité, francophone.
Toutes les autres se sont réfugiées derrière ce que
le directeur de l'Office de la langue française a appelé un mur
de résistance invisible. Telle fut également l'attitude des
grandes compagnies dont le premier ministre Bourassa avait rencontré les
dirigeants en juin 1970, dans le but de faire une meilleure place au
français.
Etes-vous au courant également des succès d'Aigle d'Or
à Saint-Romuald dans ses programmes d'incitation que le ministre a
souvent montés en épingle? Il s'agissait d'une toute nouvelle
usine, sans habitudes acquises et dotée par surcroît de
subventions du ministère de l'Expansion économique
régionale.
Saviez-vous que dans le cas de la General Electric à
Québec, la situation était la suivante: 430 employés, tous
francophones, à l'exception de quatre cadres anglophones dont un seul
était carrément unilingue? Dans ces circonstances, sur quoi de
sérieux, outre l'appel à la bonne volonté que contient
votre mémoire des Centres des dirigeants d'entreprise, et sur quoi
de
prouvé pouvez-vous vous baser pour venir réaffirmer, ce
matin, que les programmes d'incitation à la sauvette tels
qu'imaginés depuis deux ou trois ans ont véritablement produit
des fruits, non seulement des fruits aussi minces qu'ils soient, mais à
ce point substantiels pour que vous refusiez, même les mesures un peu
plus incitatives, que pourrait contenir le projet de loi 22?
M. BRUNELLE: II me semble évident que les dispositions
prévues à l'article 35 couvrent, au moins théoriquement,
ce que nous, au CDE, considérons comme logique de demander à des
entreprises anglophones de faire, en particulier. Vient le temps de
l'application. Evidemment, tout le monde est dans l'expectative à
l'heure actuelle, depuis quelques années. Je n'ai pas fait
d'enquête et je ne pourrai pas produire de statistiques ici. Il s'est
fait, dans une foule d'entreprises que nous connaissons, des progrès
évidents. Qu'il y ait des résistances, c'est inévitable.
Je pense qu'il faudrait vivre avec des résistances aussi longtemps...
Cette période d'expectative que nous traversons incite les gens à
attendre la politique que le gouvernement doit adopter et
déterminer.
Quant à l'application, nous disons, dans le mémoire qui
est devant vous, que la Régie de la langue française devrait
être autorisée à passer, avec chacune des entreprises
intéressées, une entente selon laquelle l'entreprise s'engage,
dans un mémoire précédent, nous disions dans
une période de temps limité, à réaliser le
programme que, conjointement elle aura décidé avec la
régie.
Je pense qu'il serait inutilement optimiste d'espérer que des
méthodes coercitives, dans ce domaine, feront mieux que l'application
raison-née, efficace et bien suivie d'un programme bien
déterminé pour chacune des entreprises en question.
M. CHARRON: Mais les programmes efficaces, bien raisonnés, bien
intentionnés, comme vous venez de faire mention, il en existe
déjà à l'Office de la langue française.
M. CLOUTIER: Oui, mais sans ce cadre législatif essentiel.
M. CHARRON: Si vous me permettez, est-ce que vous considérez que
le modèle répété dans le projet de loi 22
parce qu'il est dans le projet de loi 22 deviendrait plus efficace tout
à coup.
M. BRUNELLE: Je pense qu'il y aura, quand une loi sera adoptée,
si elle est juste pour tout le monde et si elle a le souci d'efficacité
par surcroît, un mouvement de collaboration de la part des groupes
anglophones et des institutions commerciales et industrielles anglophones. Le
mouvement est déjà engagé, on pourrait citer des secteurs
où il s'est fait des progrès énormes. Il y a je
vous le concède d'autres secteurs où on procède
avec une lenteur un peu inquiétante. Il s'agit de lancer le mouvement.
Nous persistons à croire que c'est dans une perspective de
maturité et de collaboration qu'on règlera le problème,
mais certainement pas uniquement par des mesures coercitives.
M. CHARRON: Le ministre de l'Education, responsable de la question
linguistique depuis déjà plusieurs années, nous assure que
ces programmes sont déjà lancés depuis bien longtemps. A
chaque fois...
M. CLOUTIER: M. le Président, je veux rétablir les
faits.
M. CHARRON: J'invoque le règlement, M. le Président, parce
que vous m'avez reconnu, le ministre a utilisé son temps.
M. CLOUTIER: Je n'ai pas utilisé mon temps.
M. CHARRON: II pourra utiliser...
LE PRESIDENT (M. Pilote): Sur une question de règlement, le
ministre de l'Education.
M. CLOUTIER: Je m'excuse, je n'ai pas l'intention d'abuser des questions
de règlement. Je ne crois pas qu'on puisse m'accuser de l'avoir fait. Je
veux quand même rétablir les faits. Le député de
Saint-Jacques a parfaitement le droit de poser des questions un peu
pernicieuses, c'est l'Opposition après tout. Evidemment, il se sent en
position de faiblesse en ce moment. Je n'ai jamais dit que ce que l'Office de
la langue française avait fait jusqu'ici, était définitif.
Le programme de francisation de l'Office de la langue française a
été lancé sous ma direction immédiate. J'ai suivi
chaque phase, chaque opération. Il s'agissait d'un programme
expérimental qui avait pour but de nous donner des instruments
nécessaires et qui supposait qu'on en arrive à une
deuxième étape, c'est-à-dire l'étape
législative, qui nous permettait... C'est un point de règlement
dans la mesure où je rétablis les faits.
M. CHARRON: Alors, vous utilisez l'article 96 et vous attendez que j'aie
fini mon intervention pour rétablir les faits.
M. CLOUTIER: De toute façon, c'est fait.
M. CHARRON: L'article 96 ne nous autorise pas à le faire.
M. BEDARD (Chicoutimi): C'est la manière du pouvoir,
pernicieuse.
M. CHARRON: La satisfaction tranquille du pouvoir. Après cela, on
se cadre dans son fauteuil et on s'admire. Est-ce que je peux vous
demander...
LE PRESIDENT (M. Pilote): Je vous inviterais, messieurs...
M. DESSUREAULT: J'ai entendu parler du rapport de M. Cholette dans le
journal. Je ne l'ai pas vu officiellement, je l'ai vu dans le journal.
Maintenant, j'ai été fort surpris de voir que le travail chez ces
quatorze entreprises n'ait pas produit les résultats attendus par
l'office. Je comprends très bien certaines barrières qui peuvent
exister dans l'entreprise privée, à l'effet d'entreprendre un
programme de ce genre. Il y a toutes sortes de contraintes. Il faut vivre dans
l'entreprise pour les comprendre. De l'extérieur, c'est absolument
impossible de les sentir. Il faut être dans l'entreprise privée,
il faut être dans l'entreprise anglophone, francophone, mixte, appelez-la
comme vous voudrez, mais il faut être dans l'entreprise pour comprendre
les contraintes et pour prendre des décisions dans ce sens. Il faut
respecter les individus.
Très bien, je suggère que plusieurs entreprises soient
très disposées à entreprendre des programmes de toutes
sortes, en autant que c'est rentable pour eux. La langue est une question de
rentabilité, autant pour l'individu que pour l'entreprise. J'y crois
fortement. Parlant d'objectivité, M. le ministre de l'Education
qui est ici présent j'ai avec moi le bill 72 qui est à
l'étude en Chambre présentement en Ontario. Je suis très
surpris de voir l'objectivité qu'on apporte dans ce nouveau bill
à l'endroit du secteur francophone ontarien. Ici, il y a une
objectivité pratique: quand il y aura un nombre de 25 francophones, il y
aura l'école élémentaire et le high school francophones.
Il y aura mobilité dans une école francophone où vous
aurez un nombre déterminé d'anglophones qui voudront des cours en
anglais, ils les auront en anglais, dans une école francophone, et vice
versa. L'enseignement de l'anglais, dans les écoles francophones en
Ontario, on le suggère dans le bill, commencera en cinquième
année. Voici une situation d'une autre province où on regarde le
problème de la langue d'une façon très objective. Moi, qui
ai eu une expérience personnelle en dehors du CDE, si vous voulez, quand
je me promène un peu partout en Ontario et à l'extérieur
du Canada, je m'aperçois que les anglophones sont beaucoup plus rapides
que vous en ce qui concerne l'éducation en français.
Je pense que les pères d'enfants anglophones présentement
sont très conscients de la succession des entreprises et autres postes
supérieurs et ces successions seront données à ceux qui
parleront français au Québec et ceux qui parleront
français seront peut-être les anglophones.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de
Chicoutimi.
M. BEDARD (Chicoutimi): M. le ministre m'a semblé atténuer
votre position concernant l'imposition des tests comme condition d'accès
à l'enseignement. A la page 4 de votre mémoire, vous dites que
cette mesure vous paraît, pour vous citer, comme porteuse de conflits
insolubles et qu'elle ne pourrait qu'entretenir autour de l'école une
atmosphère passionnée et des débats interminables. A
partir du moment où vous croyez que cette imposition des tests comme
condition d'accès à l'enseignement vous paraît porteuse de
conflits insolubles, est-ce qu'on doit très clairement comprendre que
vous n'êtes pas d'accord sur cet article? Deuxièmement, concernant
la langue des affaires, je voudrais demander votre appréciation sur
l'article 38 qui semble imposer que les raisons sociales françaises
doivent ressortir ou à tout le moins figurer dans les textes et
documents d'une manière aussi avantageuse que les versions anglaises.
Concernant cet article, je voudrais vous demander si c'est la souplesse dont
vous faites état dans votre mémoire que vous voulez voir à
l'intérieur de l'article 22, concernant la langue des affaires, ou si un
article de cette nature ne vous paraît pas plutôt injuste envers le
respect qu'on doit à la majorité. Parce que le plus qu'on
demande, c'est que les raisons sociales puissent, à tout le moins,
figurer dans les textes et documents autant que les versions anglaises. Est-ce
que, dans votre optique, cet article est acceptable? Est-ce que c'est de la
souplesse ou si cela peut être de l'à-plat-ventrisme à
votre idée? Ce sont les deux questions.
M. BRUNELLE: Pour ce qui est des tests...
LE PRESIDENT (M. Pilote): Je permettrai une réponse courte parce
que l'Opposition a terminé son temps. J'ai même additionné
cinq minutes à cela, à cause des interventions, et il reste le
député de Rouyn-Noranda après. On pourra lui donner trois
ou quatre minutes. La parole est à vous.
M. BRUNELLE: Est-ce qu'on répond? LE PRESIDENT (M. Pilote):
Oui.
M. BRUNELLE: En ce qui concerne les tests, vous avez raison, monsieur,
de dire que nous nous sommes opposés à la méthode des
tests et notre suggestion, c'est qu'on laisse la liberté de choix aux
parents, mais qu'on donne des subventions scolaires aux immigrants non
anglophones qui arriveraient après l'adoption de la loi. Qu'on leur
accorde des subventions scolaires par l'entremise des écoles
francophones. Je pense que nous lions très évidemment ce
glissement perceptible de certains Canadiens français vers
l'école anglaise au fait que, dans les écoles françaises,
l'anglais n'est à peu près pas enseigné dans bien des cas
et, qu'on aime cela ou non, les parents qui sont conscients de l'avenir de
leurs enfants prendront les mesures pour leur permettre d'apprendre l'anglais.
Si c'est dans l'école francophone, tant mieux, mais
si les écoles francophones ne fournissent pas cet enseignement de
qualité, inévitablement, ils iront dans l'autre.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de
Rouyn-Noranda.
M. BEDARD (Chicoutimi): La deuxième question concernant votre
appréciation de l'article 38.
M. BRUNELLE: Je vous avoue que, quant à la mesure relative aux
textes français ou aux raisons sociales françaises dans les
textes officiels, nous n'avons pas attaché à ce sujet une
importance très grande. Je pense que c'est une question de
règlement, mais qui n'a pas une portée énorme sur le
déroulement des relations entre francophones et anglophones.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: M. le Président, je vais demander à M.
Dessureault si ce que nous retrouvons au bas de la page 4 et au début de
la page 5, en ce qui concerne les nouveaux immigrants... Vous suggérez
que, pour l'école publique, ils ne reçoivent pas de subvention
gouvernementale pour fins éducatives, sauf par l'entremise de
l'école française.
Cependant, vous vous demandez si une telle limite aux droits des
immigrants non anglophones constituerait, vous vous posez la question, une
injustice. Vous ne le croyez pas pour autant que la situation leur soit
clairement exposée, avant qu'ils aient pris la décision de venir
au Québec, ce que je trouve absolument raisonnable. Cependant, si vous
croyez que l'on devrait expliquer bien clairement la situation aux nouveaux
immigrants, à tous ceux qui veulent venir au Québec, en leur
disant qu'au Québec, pour eux, ce sera l'école francophone
à moins qu'ils paient de leurs deniers pour l'école anglophone,
est-ce que vous croyez qu'on devrait aller un peu plus loin que ce que vous
avez suggéré finalement et que l'école francophone soit
obligatoire pour tous les nouveaux immigrants, compte tenu des droits acquis de
ceux qui sont déjà là?
M, DESSUREAULT: Voici, ça rejoint encore la liberté de
choix. Nous avons remarqué, après enquête chez nos membres,
que tout le monde semble suggérer que plus d'immigrants se dirigent vers
l'école anglophone que l'école francophone. Question de
mathématiques, on s'est posé la question pourquoi. Il y a des
réponses évidentes. Maintenant, on s'est dit: De quelle
façon les inciter à venir à l'école
française sans les forcer, les obliger? On a pensé à cette
méthode des subventions qui seraient données à
l'école française plutôt qu'à l'école
anglaise, en ce qui les concerne, pour respecter leur choix, leur dire à
l'avance et ensuite, quand ils seront citoyens canadiens, libre à eux,
définitivement, de choisir. Je pense que c'est aussi loin que peut aller
notre recommandation.
M. SAMSON: Dans le contexte de ces mesures incitatives, est-ce que vous
ne croyez pas que si la langue française devenait encore plus la langue
de travail que ce qu'elle est aujourd'hui, ce ne serait pas là aussi une
mesure incitative pour les nouveaux immigrants de se joindre plutôt
à l'école francophone à ce moment-là, parce que si
on sait à l'avance qu'on devra gagner sa vie en langue française,
on apprendra le français? Tout comme si on nous disait demain matin
qu'il faudra gagner sa vie en chinois, je pense qu'on l'apprendrait aussi.
M. DESSUREAULT: C'est pour ça d'ailleurs que le CDE
suggère, approuve l'orientation générale du projet de loi
et ceci devient une incitation vis-à-vis de l'usage du français
dans les entreprises au Québec. Les modalités restent ensuite
à venir.
M. SAMSON: Est-ce que vous auriez des suggestions dans le domaine de la
langue de travail, par exemple? Vous parlez de mesures incitatives en ce qui
concerne la langue d'enseignement, est-ce que vous auriez aussi des suggestions
pour des mesures incitatives dans le domaine de la langue du travail? Parce que
si l'on tient pour acquis que la langue du travail est le moteur, c'est de ce
côté, parce que l'enseignement vient au devant des besoins de la
langue du travail. Si on tient ça pour acquis, quelles seraient les
suggestions que vous auriez à faire pour élargir, donner une plus
grande importance au français langue de travail?
M. DESSUREAULT: Je pense que, par des mesures incitatives, on
réussira à convaincre beaucoup d'individus, et je pense qu'on
doit convaincre au départ les francophones. Je pense que l'usage de la
langue est rattaché aux francophones et je remarque, pour ma part, dans
plusieurs entreprises, des francophones qui refusent de travailler en
français. Alors, il y a une question d'attitude qui est très
prononcée ici. Que les francophones, d'abord, commencent à se
servir d'un français très bien dans l'entreprise au niveau
supérieur et au niveau intermédiaire, et vous aurez
déjà une incitation très forte. Cela commence par
l'intérieur. On dit que les entreprises n'ont pas d'âme, les
entreprises ont des individus à leur service. Quand vous regardez les
grandes entreprises multinationales, je pense que c'est une question d'attitude
et une question de temps. Vous pouvez diviser en deux l'entreprise, le
siège social et l'unité ouvrière, jusqu'au niveau
intermédiaire, et à ce niveau, je pense que vous n'avez pas de
difficulté pour autant que les francophones se servent de leur langue.
Au siège social, le problème est différent.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de... je
voudrais...
M. SAMSON: M. le Président, je m'excuse, irais j'ai d'autres
questions à poser et je n'ai pas l'intention de me laisser couper la
parole comme vous l'avez fait hier matin. J'invoque le règlement, M. le
Président, ce n'est pas à moi, de bâillonner l'Opposition
officielle, si elle a pris les vingt minutes de l'Opposition, c'est à
vous à diriger les travaux et je regrette d'avoir à vous dire que
vous avez laissé l'Opposition officielle prendre tout son temps. J'ai
encore une question à poser, et je vous demande la permission de la
poser.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Voici. C'est qu'il y a eu une entente entre
les deux oppositions, de façon à...
M. SAMSON: M. le Président, je m'excuse, mais hier matin, nous
avons dû faire exactement le même genre de débat que je fais
présentement. Malheureusement, ce n'est pas vous qui occupiez le
fauteuil à ce moment-là. Nous avons ressassé tout cela et
je vous répète ce que j'ai dit hier matin à l'autre
président, que moi, je n'ai pas l'intention de négocier mon temps
de parole avec l'Opposition officielle. C'est vous le président, s'il y
a 20 minutes pour l'Opposition, laissez-moi le temps qu'il me faut; s'il faut
que vous arrêtiez les autres, à vous de le faire, mais moi, je ne
les arrêterai pas. Ce n'est pas moi l'arbitre, et ce n'est pas moi qui va
bâillonner l'Opposition officielle. Par contre, je ne veux pas me laisser
bâillonner ni par vous ni par d'autres non plus.
M. VEILLEUX: Sur la question de règlement soulevée par le
député de Rouyn-Noranda... moi, j'acquiesce aux propos du
député de Rouyn-Noranda, M. le Président, parce qu'il
était de coutume, à cette commission, qu'un représentant
du parti séparatiste pose des questions, que cela revienne au parti
créditiste, et s'il restait du temps, c'était au deuxième
représentant du parti séparatiste. Mais ce matin, si je remarque,
les deux représentants du parti séparatiste ont parlé en
premier pour l'Opposition. Moi, je suis prêt à accorder une autre
question au député de Rouyn-Noranda en vous mentionnant que lors
des prochains témoins, après un des deux représentants du
parti séparatiste, que vous reconnaissiez de l'Opposition le
député de Rouyn-Noranda.
M. TARDIF: Sur la question...
LE PRESIDENT (M. Pilote): Une dernière question au
député de Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: M. le Président, je voulais demander à M.
Dessureault, compte tenu de ce qu'il vient de nous dire et du souhait que vous
faites que les Canadiens français, que les franco- phones prennent plus
conscience de l'état de la situation, s'il avait en tête des
mesures incitatives assez concrètes qui feraient que, finalement, cela
permettrait à ces gens de prendre plus conscience de la situation et de
faire les efforts collectifs qu'ils doivent faire?
M. DESSUREAULT: J'en aurais plusieurs. Cela prendrait peut-être
une demi-heure pour vous les donner.
M. SAMSON: Peut-être, M. le Président qu'une demi-heure
enlèverait du temps aux autres, mais si vous voulez faire cela assez
vite.
M. BRUNELLE: Comme nous l'avons dit tantôt, je pense que les
mesures proposées dans l'article 35 représentent des suggestions
ou certaines des suggestions que nous avons déjà faites. Etablir
le français comme langue de travail au niveau de l'exécution et
avec des méthodes assez exigeantes; faire en sorte qu'au niveau des
cadres, les gens des deux langues puissent s'exprimer dans la langue seconde,
de façon à ce qu'on puisse non pas bloquer, mais permettre une
communication entre groupes ethniques qui favorise dans la mesure
nécessaire les cadres canadiens-français. M. Dessureault a fait
allusion tantôt à la préoccupation qu'ont les anglophones
de prévoir le remplacement des équipes dirigeantes. Le même
phénomène se passe, dit-on, en Ontario au niveau de la fonction
publique et au sein des entreprises et à partir de l'école
même, les mesures nécessaires sont prises pour favoriser ce
bilinguisme des Canadiens-français. Nous allons créer ici un
ghetto.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de Gouin.
M. BEAUREGARD: M. le Président, je désire signaler
l'importance de l'organisme qui est devant nous ce matin, qui représente
400 entreprises québécoises. Je crois qu'il est utile de signaler
comme je l'ai déjà fait à l'occasion de la
présentation d'un mémoire d'un autre organisme du même
genre qu'il s'agit de personnes qui représentent l'entreprise
privée, donc qui représentent le secteur du travail où
l'immense majorité des Québécois gagnent leur vie jour
après jour et qui alimente en fait l'économie du
Québec.
Je salue en vous, messieurs, un groupe important de
Québécois qui sont à la fois conscients des
réalités socio-politiques de notre milieu, mais qui sont en
même temps capables de concevoir des solutions réalistes, parce
que vous êtes impliqués, jour après jour, dans la
véritable réalité du Québec.
Je pense que, contrairement à d'autres organismes et semble-t-il,
contrairement à l'Opposition, vous croyez qu'on peut construire un pays,
non pas uniquement sur une base d'idées ou sur une base
d'émotions, mais sur une base
de faits et d'hommes tels qu'ils sont. Je vous remercie, messieurs, du
mémoire réaliste que vous présentez.
Vous avez tendance à vouloir une loi, tout en étant
d'accord sur les objectifs de la loi 22, peut-être moins contraignante.
J'ai toutefois remarqué que, dans votre mémoire, il y a
peut-être deux ou trois points où, me semble-t-il, vous allez un
peu loin dans la latitude. Par exemple, à la page 4 de votre
mémoire, à l'article 52 qui, dites-vous, est d'une importance
primordiale, vous mentionnez qu'il est nécessaire que dans les deux
réseaux d'enseignement, on assure la possibilité à chaque
étudiant d'arriver à pouvoir s'exprimer convenablement dans la
langue seconde. Est-ce que vous avez remarqué que l'article 52, en
réalité, ne s'applique qu'à la langue française
comme langue seconde dans les écoles anglaises? Est-ce votre avis que
l'article 52, tel que rédigé actuellement est suffisant?
M. BRUNELLE: Vous nous soulignez une erreur grave. Nous la
reconnaissons, mais, dans notre esprit, la langue seconde doit être
enseignée aux élèves des deux groupes.
M. BEAUREGARD: Merci. A la page 5 de votre mémoire, vous dites:
"Nous croyons nécessaire de confier à la minorité
linguistique du Québec une représentation équitable au
sein de la Régie." D'après le projet de loi 22, tel qu'il est
actuellement, la régie est composée de neuf membres. Est-ce que
vous avez une proposition peut-être un peu plus précise? Quand
vous parlez de représentations au sein de la régie, voulez-vous
dire que, dans la loi, on devrait prévoir que la minorité
linguistique du Québec la plus importante, qui est la minorité
anglaise, bien entendu, soit nommément représentée par un,
deux ou trois membres?
M. BRUNELLE: Si on s'en tient aux proportions de la population, 20 p.c.,
cela donnerait à peu près deux personnes au maximum,
représentant la ou les minorités linguistiques.
M. BEAUREGARD: Donc, votre position veut que dans la loi on devrait
prévoir qu'il y ait, au sein de la composition de la régie de
neuf membres, des représentants de langue anglaise. Est-ce cela?
M. BRUNELLE: Nous pensons que c'est un moyen très sérieux
d'empêcher des...
M. BEAUREGARD: Est-ce cela votre position?
M. BRUNELLE: C'est cela.
M. BEAUREGARD: Finalement, dans un ordre d'idées un peu
différent, à la page 2 de votre mémoire, vous dites que:
"Pour être fidèle à l'esprit de l'article 2 à
peu près au milieu de la page, au chapitre de la langue de
l'administration publique qui confère à toute personne le
droit de s'adresser à l'administration publique en français ou en
anglais, l'article 8 devrait prévoir la traduction en anglais des textes
et documents officiels, des autorisations, avis et documents de même
nature."
L'article 8, comme vous le savez s'applique à la langue de
l'administration publique, et l'administration publique comprend, entre autres
choses, les commissions scolaires. Il me semble, sur ce point, messieurs, que
vous allez peut-être un peu loin dans le sens que l'article 8
prévoit la possibilité de traduction en anglais. Mais est-ce que
vous croyez qu'on devrait réellement en faire une obligation? Par
exemple, est-ce que la Commission scolaire de Chicoutimi ou la Commission
scolaire représentant un groupe exclusivement francophone devrait
être obligée de traduire tous ses documents, toutes ses
autorisations, avis et documents en langue anglaise?
M. BRUNELLE: Nous avons tenté de regrouper ce genre de
difficultés dans un article global sans trop insister. Notre
recommandation, c'est d'éviter des chinoiseries inutiles.
M. BEAUREGARD: D'accord. Evidemment, le mémoire prévoit
une définition exacte, enfin, une définition assez
élaborée de ce qu'on entend par administration publique. Cela
comprend les communautés urbaines, les organismes gouvernementaux, les
municipalités, les commissions scolaires, etc. Le projet de loi, me
semble-t-il, essayait de ne pas être trop contraignant pour justement
éviter les chinoiseries et les difficultés et obliger tous les
organismes gouvernementaux à constamment traduire en anglais, même
lorsque c'est mutile.
M. BRUNELLE: Nous sommes absolument d'accord sur l'esprit de votre
remarque.
M. BEAUREGARD: Merci. Je pense que ce serait... Je n'ai pas d'autres
questions, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Je vous remercie, M. Dessureault et M.
Brunelle de votre rapport. Soyez assurés que nous allons prendre en
considération vos recommandations.
M. DESSUREAULT: Merci, M. le Président. Association des mines de
métaux du Québec Inc.
LE PRESIDENT (M. Pilote): J'inviterais, à présent,
l'Association des mines de métaux du Québec Inc. à
présenter son mémoire. M. Gonzague Langlois, directeur
général, si vous voulez présenter ceux qui vous
accompagnent.
M. LANGLOIS: J'aimerais d'abord vous présenter ceux qui
m'accompagnent. A ma droite, Camille Marcoux, qui est le président de
l'association, et qui est aussi directeur des opérations minières
du lac Matagami. A ma gauche, à
l'extrême-gauche, M. Pierre Henry, qui est conseiller
spécial en relations publiques pour l'association et qui est aussi
directeur des relations publiques pour le groupe Noranda, la partie du
Québec et des Maritimes, et M. Victor Saint-Onge, vice-président
de l'association et chef fiscaliste à la compagnie
Québec-Cartier.
Au tout début, M. le Président, j'aimerais vous donner
quelques commentaires sur l'association elle-même, qui est une
association qui groupe les sociétés minières des mines
métalliques du Québec, la grande majorité des mines
métalliques du Québec, à l'exclusion des mines d'amiante,
qui ont leur propre organisme.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Vous avez 20 minutes pour présenter
votre mémoire.
M. LANGLOIS: D'accord!
M. le Président, la population québécoise est au
courant, nous en sommes convaincus, de l'importance du secteur minier comme
base économique du Québec. En effet, en plus d'une production
annuelle de près de $1 milliard de nouvelles richesses, l'industrie
minière québécoise emploie directement quelque 25,000
personnes et indirectement, 100,000 autres au niveau de ses effets
d'entraînement, des services qu'elle doit se procurer et des
équipements utilisés dans ses opérations.
Elle s'est avérée, avec les années, la grande
responsable pour l'aménagement de nouveaux territoires au Québec
et a contribué de façon très importante à
l'installation d'infrastructures telles que chemins de fer, ports de mer,
villes minières, etc.
Le secteur minier en général fait face à certaines
caractéristiques auxquelles il est nécessaire de se soumettre
pour accéder à un développement normal.
Premièrement, tout d'abord, étant donné qu'il vit
de l'exploitation des richesses minérales du territoire, les
sociétés exploitantes doivent toujours négocier des
ententes, des baux, des licences et autres accords avec le gouvernement
responsable des ressources.
Deuxièmement, les capitaux investis dans l'exploitation des
richesses minérales sont nécessairement des capitaux de risque,
parce qu'avant d'exploiter un dépôt, il faut le découvrir,
grâce à des recherches souvent longues, frustrantes et toujours
coûteuses.
Troisièmement, puisque 60 p.c. des produits miniers sont
écoulés sur les marchés mondiaux, les
sociétés exploitantes doivent soutenir la concurrence
internationale tant au niveau des coûts de production que des techniques
employées.
Quatrièmement, pour atteindre ces objectifs, l'industrie
minière doit s'alimenter à des sources de capitaux très
importants qui, en général, sont peu ou pas disponibles au
Québec. Le capital étranger ou canadien extérieur au
Québec devient donc primordial pour le développement du secteur
minier québécois.
Or, le nouveau projet de loi sur les langues officielles, plus
particulièrement les articles 32 à 36, pourrait, par une
interprétation stricte des textes et par des règlements venant
confirmer cette interprétation, avoir comme conséquence ultime de
limiter les investissements étrangers et extérieurs au
Québec dans le développement des richesses minérales.
En effet, l'article 33 stipule que le lieutenant gouverneur en conseil
peut, par règlement, exiger que les entreprises possèdent des
certificats visés à l'article 32 pour avoir le droit de recevoir
de l'administration publique des permis, primes, subventions, concessions ou
avantages. Or, l'obtention d'un certificat, par exemple, par les entreprises
visées à l'article 32 nécessite entre autres,
d'après l'article 35, la connaissance de la langue officielle que
doivent posséder les dirigeants et le personnel, la présence
francophone dans l'administration, etc.
Or, tout travail d'exploration des richesses minérales et,
conséquemment, s'il y a découverte, toute exploitation du
dépôt découvert, nécessitent des ententes avec le
gouvernement pour l'obtention de permis, de licences, de baux, concessions,
etc., préalablement aux investissements nécessaires à
l'exploitation du gfte minéral lui-même. Advenant une
interprétation stricte de la loi, confirmée par les
règlements, les investisseurs étrangers seraient
évidemment désavantagés puisqu'ils ne pourraient produire
le certificat prévu à l'article 32. Même un prospecteur
anglophone, suivant une interprétation littérale des articles
susmentionnés, pourrait difficilement faire de l'exploration
minérale au Québec, étant désavantagé dans
l'obtention de permis et pour l'enregistrement de ses claims miniers.
Nous sommes convaincus toutefois que l'esprit du projet de loi sur la
langue officielle ne vise aucunement à restreindre le capital
étranger dans le développement des richesses minérales
québécoises et encore moins à diminuer la recherche
minérale sur le territoire.
Il devient donc très important, dans les règlements qui
suivront, de spécifier clairement les exemptions qui s'imposent à
cet effet, de sorte que le développement du secteur minier
québécois ne soit pas entravé par la loi sur la langue
officielle.
D'autre part, à cause du contexte historique qui a
influencé le développement des richesses minérales
québécoises et à cause aussi de ses structures nationales
et internationales, nous croyons qu'il est important pour le gouvernement
d'accorder une période raisonnable pour l'implantation du
français à tous les niveaux, comme langue de travail dans ce
secteur industriel. Il est nécessaire de tenir compte du fait que les
richesses minérales québécoises dans le nord-ouest de la
province en particulier, ont d'abord été
développées par des capitaux et des cadres techniques ontariens,
à cause principalement du réseau routier qui s'est
développé dans le nord de l'Ontario 25 ans avant celui du
Québec dans cette partie de la province.
L'industrie minière ontarienne a débuté
quelque 30 ans avant les premières découvertes faites en
Abitibi soit vers les années 1880 à 1890, pendant qu'au
Québec, les premières découvertes sérieuses ne sont
survenues qu'en 1922 avec le dépôt de la mine Horne à
Noranda.
Les prospecteurs et, par la suite, les ingénieurs sont donc venus
de l'Ontario alors que Toronto devenait le centre par excellence des
investissements miniers au Canada. Ce n'est qu'en 1940 qu'une route carrossable
a été construite entre Montréal et Val-d'Or.
Quant à la Côte-Nord, elle a été
entièrement développée vers les années 1950 et 1960
par des sociétés américaines qui y ont investi
au-delà de $2 milliards. Il demeure assez impensable qu'à cette
époque surtout, il ait été possible de recueillir les
capitaux suffisants au Québec pour de tels investissements.
De plus, la première promotion d'ingénieurs miniers au
Québec est survenue en 1941 à l'université Laval, alors
que les premiers techniciens de mines n'ont fait leur apparition qu'en 1968.
Nous sommes d'ailleurs convaincus que, présentement, il serait
impossible de trouver assez de cadres techniques francophones pour
opérer dans son entier le secteur minier québécois.
Il est donc peu surprenant que, durant les premières
années de développement du secteur minier au Québec, l'on
n'ait retrouvé fort peu de cadres francophones. Cependant, la
progression s'est faite de façon très rapide si l'on tient compte
des circonstances. A la fin de 1969, l'Association des mines de métaux
du Québec Inc., présentait un mémoire qui, entre autres,
informait la commission Gendron des progrès accomplis au niveau de la
francisation de l'industrie dans les dix dernières années.
Nos statistiques indiquaient, en 1969, que 56 p.c. des directeurs
d'exploitation parlaient correctement ou partiellement le français,
alors que, dix ans plus tôt, 34 p.c. seulement étaient dans la
même situation. Au niveau des contremaîtres, en 1969, 82 p.c. de
ceux-ci pouvaient s'exprimer en français alors que, dix ans plus
tôt, 67 p.c. pouvaient le faire. Pourtant, en 1969, 38 p.c. seulement du
personnel universitaire étaient de langue française alors que 62
p.c. étaient de langue anglaise et, dix ans plus tôt, 15 p.c. du
personnel universitaire dans nos mines étaient de langue
française pour 85 p.c. de langue anglaise.
Il est malheureux que, faute de temps, il nous ait été
impossible de mettre à date ces statistiques; toutefois, nous sommes
assurés que la tendance s'est accrue depuis ce temps, surtout au niveau
des cadres universitaires, puisque nos universités
québécoises produisent de plus en plus d'ingénieurs
miniers, de métallurgistes et de géologues.
Comme nous le déclarions alors dans notre mémoire, la
formation de cadres techniques francophones de plus en plus nombreux et le fait
que ces cadres demeurent dans l'industrie minière sont les deux
conditions majeures de l'implantation du français dans le secteur.
D'autre part, étant donné que les sociétés
minières, à cause des risques financiers encourus, ont tendance
à se regrouper et à opérer sur une base nationale et
internationale, il demeurera toujours nécessaire pour ceux qui veulent
occuper des postes de commande dans cette industrie, d'être bilingues.
Nous croyons donc que toute politique de la langue au Québec qui ne
prévoit pas de mesure adéquate pour l'enseignement de l'anglais,
va à l'encontre du déve loppement économique de la
population et à un obstacle, en dernière analyse, à la
franc . tion des cadres industriels au Québec.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Le ministre de l'Education.
M. CLOUTIER: M. le Président, je remercie l'Association des mines
de métaux du Québec pour la présentation de son
mémoire. C'est un mémoire important, parce que cette association
représente un secteur dominant de l'économie
québécoise. Il est très heureux que nous puissions
entendre des témoignages de cette nature, surtout lorsque ces
témoignanges sont objectifs, comme c'est le cas, et permettent de
prendre la véritable mesure des problèmes. Il est évident
qu'on ne peut pas légiférer en matière linguistique
à partir de ses rêves, ou à partir d'une
société idéale. Il faut légiférer à
partir de la situation telle qu'elle existe. C'est la raison pour laquelle le
gouvernement recevra avec beaucoup d'attention les recommandations qui lui sont
faites.
A la page 3 du mémoire, il est dit, je cite: "Nous sommes
convaincus que l'esprit du projet de loi sur la langue officielle, ne vise
aucunement à restreindre le capital étranger dans le
développement des richesses minérales québécoises,
et encore moins à diminuer les richesses minérales sur le
territoire". C'est très évident que l'esprit du projet de loi,
même s'il apporte certaines contraintes à l'industrie, ne vise pas
à diminuer l'économie québécoise dans aucun
secteur. Il ne semble pas que les Québécois veulent se retrouver
avec un chômage élevé ou avec des baisses de population qui
seraient consécutives à des approches beaucoup trop radicales et
non justifiées, par rapport au problème que l'on veut corriger. A
cette phrase, je rattache la recommandation concernant la
réglementation. Je crois que ce groupe était là lorsque je
suis revenu sur certaines de mes déclarations, à savoir que lors
de la discussion, article par article, en commission élue, après
la deuxième lecture, nous allions faire état de notre
réglementation, sinon dans tous ses détails, du moins dans ses
principes et ses principales modalités. Si nous sommes obligés de
faire appel à un pouvoir réglementaire dans une loi comme
celle-là, c'est précisément parce qu'il faut tenir compte
des situations particulières. Je ne peux que réitérer ce
que j'ai dit à plusieurs
reprises, à savoir que la souplesse est absolument essentielle si
l'on veut obtenir les objectifs qui sont clairement définis dans la
loi.
Je pense, M. le Président, que je me limite à ce
commentaire très général, surtout pour souligner la
pondération du mémoire et la pondération d'ailleurs que le
législateur doit avoir lorsqu'il intervient dans un domaine aussi
délicat. J'aurai une seule question, par conséquent. Elle
concerne les mesures adéquates pour l'enseignement de l'anglais. Je
crois que le groupe pense surtout à l'enseignement de l'anglis dans le
secteur francophone. Le gouvernement a déjà pris, comme je l'ai
dit à quelques reprises, des mesures très avancées dans ce
domaine, puisqu'il a mis au point un plan de développement de
l'enseignement des langues, qui, sur une période de cinq ans,
entraînera des déboursés d'à peu près $100
millions dont une partie importante, la plus grande va à
l'amélioration du français, langue maternelle, mais qui comporte
également des crédits substantiels pour l'amélioration de
l'enseignement des langues secondes.
Ma question est donc celle-ci: Quelles mesures envisagerait ce groupe?
Est-ce que ce plan de l'enseignement des langues constitue d'après eux
un effort valable?
M. LANGLOIS: Ecoutez, nous ne nous sommes pas penchés
spécialement sur les mesures, mais tout ce qu'on voit en ce moment,
c'est qu'on s'aperçoit que la jeune génération
possède très peu la langue seconde et qu'on l'enseigne
très mal présentement dans les écoles. IL n'y a aucun
doute là-dessus. Nous n'avons pas étudié en détail,
on a lu dans les journaux ce que le ministre de l'Education a
déclaré au sujet de l'enseignement de l'anglais. Je ne pense pas
que cela se soit fait sentir encore, mais cela va venir, on
l'espère.
M. CLOUTIER: Merci, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de
Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, j'ai seulement deux questions
également que je vais immédiatement poser, après avoir
remercié l'Association des mines de métaux du Canada de nous
avoir présenté son mémoire. La première tient
à une affirmation soulignée que vous faites à la page 3 de
votre mémoire à propos de l'importance de la
réglementation qui suivra cette loi, si elle devait être
adoptée, "de sorte que le développement du secteur minier
québécois ne soit pas entravé par la loi sur la langue
officielle". Avec le groupe qui vous précédait, le Centre des
dirigeants d'entreprise, on a fait état de l'échec de la
politique incitative du français, dans douze au moins des quatorze cas
entrepris depuis 1971 et les deux victoires ont une portée tout à
fait réduite. Or une des sociétés avec laquelle l'Office
de la langue française a tenté ces incitations à la
francisation de l'entreprise était la Noranda Metal Industries. Est-ce
que vous pouvez nous expliquer les raisons de l'échec?
M. LANGLOIS: J'aimerais demander à M. Henry, qui est directeur
des relations publiques de Noranda, de vous répondre.
M. HENRY: D'abord, j'aimerais qu'on essaie de s'abstenir d'entrer dans
une argumentation qui ne nous mènerait à rien de toute
façon. Je n'ai pas l'impression que l'interprétation qui a
été faite par les journaux des déclarations de M. Cholette
disait exactement ce qu'il avait voulu dire ou ce que vous voulez dire, vous.
Il a parlé de douze échecs sur quatorze tentatives, mais j'ai
l'impression que c'étaient et M. le ministre peut peut-être
me corriger des échecs sur le plan du projet ou de la
façon de l'Office de la langue française d'implanter le
français dans l'entreprise.
M. CLOUTIER: Puisqu'on me pose une question, M. le Président,
est-ce que je peux répondre?
LE PRESIDENT (M. Pilote): Allez.
M. CLOUTIER: Le député de Saint-Jacques n'a pas
d'objection?
M. CHARRON: Si vous le faites chaque fois, je n'aurai jamais les
réponses que je veux avoir.
M. CLOUTIER: Je ne le fais pas chaque fois. On me pose une question,
mais si vous ne voulez pas que j'y réponde de bonne grâce, j'y
renonce.
M. HENRY: Je voudrais continuer en vous disant que, chez Noranda, aussi
bien à Noranda Metal Industries que dans les quinze autres compagnies au
Québec, on enseigne le français depuis plusieurs années et
que les résultats sont très favorables. C'est dommage, encore une
fois, que M. Cholette ne soit pas ici pour vous expliquer ce qu'il a voulu
dire. Je ne pense pas qu'il ait voulu dire ce que vous avez voulu lui faire
dire.
M. CLOUTIER: C'est cela.
M. CHARRON: Vous ne répondez pas à ma question. Est-ce que
le programme d'incitation à la francisation présenté par
l'Office de la langue française s'est appliqué chez vous, oui ou
non?
M. HENRY: Je dois vous dire que ce qui nous intéresse, c'est
d'appliquer un programme de francisation dans toutes les compagnies de Noranda
au Québec et que ce programme fonctionne très bien. Je ne vois
pas la nécessité de changer notre méthode à nous
pour accepter
la méthode de l'Office de la langue française ou de tout
autre organisme quand notre méthode fonctionne bien.
M. CHARRON: Ce n'est pas prouvé. M. HENRY: Ce n'est pas
prouvé et... M. CHARRON: Mais la preuve que...
M. HENRY: Qu'est-ce que vous voulez comme preuve?
M. CHARRON: ... l'Office de la langue française vous avait mis
sur la liste des entreprises à franciser, c'est que vos initiatives
personnelles n'ont peut-être...
M. CLOUTIER: Non.
M. CHARRON: ... pas eu le succès retentissant...
M. CLOUTIER: II faudrait que j'intervienne, M. le Président.
M. HENRY: Je m'excuse, l'Office de la langue française ne nous
avait pas mis sur sa liste de compagnies à franciser, mais nous avait
demandé de tenter une expérience chez nous afin de mesurer les
effets que l'intervention d'un organisme comme celui-là pouvait avoir
dans une entreprise et de peut-être établir des politiques ou
créer des outils qui pourraient être valables dans la francisation
d'entreprises au Québec.
M. CLOUTIER: M. le Président, est-ce que je peux apporter une
précision maintenant? C'est tout à fait cela. IL n'a jamais
été question et c'est moi qui suis responsable de ce
programme depuis le début et je sais très bien ce dont je parle
de refranciser les entreprises où nous avons
travaillé.
Il a été question de parcourir un certain nombre
d'étapes vers la refrancisation de manière à se doter
d'instruments et nous n'avons jamais pensé que l'étape de
l'implantation des recommandations serait intégralement applicable
partout. C'est la raison pour laquelle nous avons voulu en venir...
M. CHARRON: Quelle était la différence... M. le
Président, j'avais la parole, je crois.
M. CLOUTIER: II m'a donné la parole, qu'il me
l'enlève.
M. CHARRON: Non, vous l'avez...
LE PRESIDENT (M. Pilote): J'inviterais M. le ministre à
conclure.
M. CHARRON: Vous ferez poser les questions qu'il vous reste à
poser par un de vos...
M. CLOUTIER: Je procéderai comme j'entends procéder, dans
les limites du règlement, M. le député.
M. CHARRON: Vous ne respectez pas le règlement.
M. CLOUTIER: J'avais demandé la parole, j'ai cru qu'on me l'avait
donnée. Si je me suis trompé, qu'on me rappelle à l'ordre.
Mais pas vous.
M. CHARRON: Je vous prie de le rappeler à l'ordre, M. le
Président.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Je vous inviterais à conclure.
M. CLOUTIER: On m'invite à conclure.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Oui, j'inviterais le ministre de l'Education
à conclure sur une précision.
M. CHARRON: M. le Président, je n'avais pas fini mes
questions.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Je vous donnerai la parole après, je
suis très large, je pense bien.
M. CHARRON: Oui.
M. CLOUTIER: Je vais conclure très brièvement.
LE PRESIDENT (M. Pilote): M. le ministre.
M. CLOUTIER: Je comprends que le député de Saint-Jacques
essaie de prouver qu'il y a échec du programme. A mon avis, il y a
succès du programme parce que le programme n'a jamais eu pour objectif
même s'il y a quelques fonctionnaires qui peuvent avoir leurs
petites idées politiques personnelles, ce sont les miennes qui
prédominent parce que c'est moi qui suis responsable de l'organisme
il n'a jamais été question d'appliquer, à cette
phase, le programme de refrancisation et même les recommandations. Nous
en étions à une phase expérimentale et nous attendions de
passer à l'étape législative pour que nous puissions
fournir les stimulants nécessaires pour que l'on puisse en arriver
à une véritable implantation, compte tenu de la situation de
chaque entreprise.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, je n'apprécie pas beaucoup
que le ministre de l'Education interprète les propos d'un fonctionnaire
aussi important que M. Cholette qu'il nous a lui-même recommandé,
qui est un sous-ministre,
comme ayant "des petites idées personnelles". C'est trop facile
à chaque fois que quelqu'un, qui est en poste de responsabilité,
dénonce des programmes que nous savonne quotidiennement le ministre de
l'Education, de dire que cette personne responsable en titre ne fonctionne
qu'avec ses petites idées personnelles. Je pense que si on avait dit du
président de la Commission royale d'enquête sur la langue
française qu'il a un jour fait intervenir "ses petites idées
personnelles"...
M. CLOUTIER: Ce n'est pas un fonctionnaire soumis à
l'autorité ministérielle et qui doit rentrer dans le cadre des
programmes ministériels.
LE PRESIDENT (M. Pilote): A l'ordre! J'aimerais qu'on revienne au
mémoire présenté par M. Langlois.
M. CHARRON: Au fond, M. le Président, l'intervention
irrégulière du ministre de l'Education n'est pas inutile parce
qu'elle nous a permis de retrouver exactement le ton avec lequel il envisage
les critiques qui lui sont données. A mon avis, ça ne fait que
valoriser l'opinion de M. Cholette que de l'avoir automatiquement,
aussitôt qu'elle déroge un peu et qu'elle a un peu de franchise
par rapport à la politique partisane qu'a fait le ministre de
l'Education de chacun de ces programmes de la qualifier d'intervention de
petite politique aux petites idées personnelles.
Moi, je donne plus de valeur aux interventions de M. Cholette et nous
aurons certainement l'occasion de les entendre. De M. Cho-quette,
également, qui a aussi des opinions qui contredisent celles du ministre
de l'Education.
Mais lorsque vous me dites... je ne prendrai pas non plus, M. de la
Noranda, l'excuse traditionnelle que les groupes viennent nous apporter savoir
que M. Cholette a été mal rapporté par les journalistes.
Ce genre de jérémiades du ministre qui dit qu'un fonctionnaire "
a ses petites idées personnelles", et des groupes concernées,
comme disait le groupe qui vous a précédé, de dire que
c'étaient " des badinages" et que les journalistes ont mal
rapportés, c'est tellement utilisé souvent que ça finit
par ne plus avoir de crédibilité.
Je considère que la Noranda Metal Industries a à
s'expliquer pour le fait qu'elle ait jugé inutile, en quelque sorte,
l'intervention de l'Office de la langue française par rapport à
ses propres programmes de francisation. Qu'y avait-il donc de si
différent dans des programmes de l'incitation de l'Office de la langue
française aux propres méthodes que vous appliquez et qui vous
donnent, vous assurent, à l'extérieur, pas nécessairement
l'image que vous nous dites qu'elle a à l'intérieur
actuellement?
M. HENRY: Ecoutez, vous m'avez demandé... vous avez parlé
de preuves tout à l'heure, je pense que la meilleure preuve serait de
vous inviter à voir vous-même sur les lieux si on travaille en
français ou si on ne travaille pas en français. Je le fais
publiquement.
M. CHARRON: Je ne le ferai pas non plus, parce que ce n'est pas notre
fonction que d'aller vérifier l'application des lois dans chacun des
domaines. Je vous l'assure. Moi, je me fie là-dessus, sur une personne
qui est sous-ministre et qui s'occupe depuis plusieurs années de
l'Office de la langue française. Il a été mandaté,
en quelque sorte, par la loi pour faire respecter la loi et pour faire jouer la
loi.
S'il fallait que les députés aillent vérifier
l'application de chacun des fonctionnaires: Lorsque nous nommons des gens
responsables, nous nous fions à leurs opinions lorsqu'ils nous les
rapportent. Nous édifions nos opinions et le gouvernement édifie
ses politiques à partir des recommandations de ses haut-fonctionnaires.
Et ce haut-fonctionnaire a qualifié votre entreprise d'une entreprise
où on travaillait en anglais.
M. HENRY: Les journaux ont déclaré que ce
haut-fonctionnaire avait dit cela. A présent, je refuse encore une fois
de débattre une déclaration qui a été faite par une
personne qui n'est pas présente ici.
M. CHARRON: Très bien. Prenez cette porte de sortie si vous
voulez, mais cela nous apparaîtra comme une réponse à nos
questions. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette affirmation du
ministre des Finances de ce gouvernement, devant le banquet de graduation de
l'Institut canadien de gestion prononcé il y a à peine quelques
jours, je pose la question au monsieur qui nous a lu le mémoire: Je
rassure immédiatement le ministre, il ne s'agit pas d'une affirmation
qui contredisait la sienne, il peut respirer, il y a au moins un membre du
cabinet qui répète la même chose que lui.
Le ministre des Finances disait ceci: "II nous faudra encore
démontrer la futilité des préjugés comme la
prétendue rareté de cadres francophones compétents et
disponibles, comme l'impossibilité de fonctionner en français
quand la technologie est d'importation étrangère, comme encore
pour la difficulté pour les francophones déjà en place de
s'adapter à la francisation de l'administration".
Cette affirmation du ministre des Finances devant l'Institut canadien de
gestion entre en contradiction, à mon avis, avec certains des
préjugés, pour reprendre ses propres paroles que vous avez repris
dans votre mémoire ce matin.
M. LANGLOIS: Tout est relatif. L'affirmation du ministre Garneau a
sûrement sa valeur, mais dans un sens relatif. Quand j'ai affirmé
que le mémoire que présentement...
M. CHARRON: Une affirmation de ministre a toujours une valeur dans un
sens relatif.
M. LANGLOIS: Quand j'ai affirmé dans le mémoire que
présentement nous n'avons pas assez de cadres francophones pour
opérer tout le secteur minier en français, je le maintiens et je
pense que le ministre des Finances le maintiendrait aussi. J'ai lu dans les
journaux que le ministre des Finances avait été plus loin que
cela, il avait ajouté que la meilleure manière de franciser
l'industrie, c'est que les Canadiens-français aillent travailler dans
l'industrie.
M. CHARRON Oui. Dernière question, M. le Président, votre
mémoire que je viens de perdre... je le retrouve... a en annexe une
liste des gradués des universités québécoises
depuis 1959 jusqu'à 1969. Je vous remercie d'avoir donné cette
annexe, mais vous admettrez avec moi que ce qui nous intéresserait
beaucoup, ce serait de vérifier l'effet après 1969, parce qu'il y
a eu, à compter de 1969 l'année où moi aussi
j'étais finissant d'université si vous me permettez cette
expression le moment où le "stock" d'étudiants des polyvalentes
et des CEGEP est entré dans les universités.
Là, vous avez le dernier échantillon du cours classique
qui vient de sortir. 1969, c'était nous, les derniers des mohicans, qui
étaient les finissants d'université. A partir de 1970, ce sont
des gens qui avaient fait leur CEGEP qui devenaient finissants
d'université, parce que certains avaient terminé en 1967.
Alors, est-ce que vous avez d'autres chiffres et est-ce que ces chiffres
indiqueraient une proportion croissante d'étudiants francophones
inscrits dans le secteur qui vous occupe?
M. LANGLOIS: Je l'ai mentionné dans le mémoire. Nous avons
regretté énormément de ne pas avoir le temps
nécessaire. Je pense que la préparation du mémoire est
arrivée en même temps que la préparation de mon
assemblée annuelle et il y a eu passablement de conflits. Mais j'ai
retrouvé certaines statistiques plus récentes, pour
l'année 1972, qui indiquaient au niveau des membres de notre
association, par exemple, au niveau des employés de cadre, des
ingénieurs et des autres professionnels, parlant seulement le
français un nombre de 254 sur un total de 1551.
M. CHARRON: Vous pourriez répéter, s'il vous
plaît?
M. LANGLOIS: Sur un total de 1,551, parlant exclusivement le
français, 254; parlant exclusivement l'anglais, 260, et étant
bilingues, 1,037. Ce sont les derniers chiffres et cela relève de 1972.
Ils sont pour l'année 1972.
M. CHARRON: Je m'excuse, j'ai une sous-question, suite à la
réponse de monsieur, quand vous faites une allusion très claire
dans votre mémoire à l'effet qu'à cause du
caractère particulier de votre entreprise et de son fonctionnement
souvent international, vous estimez que l'utilité de l'anglais reconnue
partout, que personne ne nie, devient en quelque sorte une condition de travail
dans votre... Diriez-vous, surtout à la suite des chiffres que vous
venez de me donner...
M. LANGLOIS: Ce n'est pas une condition de travail au niveau des
employés, c'est une condition de travail au niveau...
M. CHARRON: Au niveau des cadres supérieurs.
M. LANGLOIS: ... des cadres supérieurs. Il n'y a aucun doute
là-dessus.
M. CHARRON: D'accord. Diriez-vous que les universités
québécoises actuelles, à la suite des chiffres que vous
venez de me donner... Des étudiants finissant de polytechnique, par
exemple, en 1974, ceux qui finissent ces jours-ci, qui, pour leurs
études, inévitablement, je crois, ont dû faire appel
à plusieurs documentations en anglais au niveau de polytechnique,
je crois que c'est indéniable quant à l'utilisation du manuel des
cours diriez-vous qu'effectivement, au sortir de l'université,
comme vous venez de me le donner dans les chiffres, la plupart des francophones
sortant de polytechnique ou encore de McGill, puisqu'il y en a d'inscrits
à McGill, ou de l'université Laval, par exemple, ont
effectivement une connaissance plus que suffisante de l'anglais?
M. LANGLOIS: Les chiffres que je vous ai donnés tout à
l'heure vous disent que 254 sur 1,551 ne parlent que le français. Ce
sont des chiffres qu'on a recueillis à travers les membres de notre
association.
M. CHARRON: Et que 260 ne parlent que l'anglais.
M. LANGLOIS: Oui.
M. SAINT-ONGE: J'aimerais préciser que, dans nos entreprises,
chaque année, nous devons engager de nouveaux diplômés et
qu'en définitive, nous en trouvons en nombre suffisant qui ont la
connaissance suffisante de l'anglais pour accéder aux cadres. Cela ne
veut pas dire que tous les diplômés de telle université
l'auraient tous suffisamment, mais ceux qui sont intéressés
à venir chez nous le possèdent de façon suffisante. En
cours de route, bien sûr, ils ont l'occasion de s'améliorer
lorsqu'ils voient la nécessité de s'améliorer.
M. CHARRON: Je vous remercie.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: M. le Président, je suis très heureux d'avoir
parmi nous la présence des
représentants de l'Association des mines de métaux du
Québec. Le secteur minier est un secteur qui m'intéresse
énormément. Comme vous le savez, je suis représentant
à l'Assemblée nationale d'une région minière. Bien
que je ne sois pas toujours d'accord sur toutes les propositions que vous
faites, il demeure que je constate que vous avez, dans ce domaine minier,
certaines difficultés et je constate également votre
inquiétude en ce qui concerne les investissements nouveaux.
Vous avez d'ailleurs commencé à le manifester à
l'occasion de votre congrès annuel, cette semaine, à
Saint-Jovite, je crois, dans deux autres domaines, soit celui de la
construction et de la fiscalité. Vous manifestez une autre
inquiétude en ce qui concerne la loi 22.
M. le Président, je voudrais, dans mes quelques remarques,
honnêtement témoigner des efforts faits, parce que je suis d'une
région minière. Mon témoignage ne se basera pas sur les
lectures de journaux ni sur certains rapports, mais sur les faits, sur le fait
d'avoir vécu et de vivre encore dans cette région.
Je dois dire qu'une entreprise qui fonctionne en anglais... Mon
honorable collègue de Saint-Jacques n'a rien vu dans ce domaine s'il n'a
pas vu le fonctionnement de ces entreprises ou de ce genre d'entreprises il y a
25 ou 30 ans. Mais je dois aussi, dire qu'il y a eu des efforts extraordinaires
dans le domaine des opérations minières, parce que nous devons
nous reporter à 25 ou 30" ans passés, et comprendre pourquoi
l'exploration et l'exploitation les deux se faisaient
plutôt dans la langue anglaise.
D'abord l'exploitation. Il faut expliquer que nos Canadiens
français étaient tous un peu réticents à travailler
dans les mines à ce moment. Alors, les travailleurs miniers nous
provenaient de l'immigration, soit des Polonais, des Italiens, des
Tchèques, des Ukrainiens, etc., ce qui fait qu'au tout début,
l'exploitation complète se faisait presque en anglais par la force des
choses. Mais aujourd'hui, c'est nettement différent. Les travailleurs de
la Noranda, personne d'entre eux ne se plaignent de ne pouvoir travailler en
français. Je dois le dire parce que c'est la vérité, M. le
Président. Cela s'est fait avant que l'Office de la langue
française ait des contacts avec vous autres. Je dois le dire aussi.
Alors, il y a eu nette amélioration de ce côté. Les efforts
faits semblent se continuer, à un tel point qu'à la Noranda,
même le gérant est un francophone présentement, depuis
déjà plusieurs années. Vous devez comprendre qu'il parle
le français, et plusieurs des cadres je ne pourrais pas dire si
c'est la majorité mais en tout cas, un fort contingentement des
cadres sont des gens qui parlent très bien le français.
Ceci dit, je dois également constater qu'à la page 3 du
mémoire de l'Association des mines de métaux où, lorsqu'on
y parle de certificat, je comprends qu'il y ait peut-être certaines
réticences à accepter ce genre de certificat, compte tenu de
l'exploitation particulière qui est la vôtre, et compte tenu aussi
de l'exploration. Il faut quand même être assez réaliste
pour dire que dans notre région, si Edmund Home avait eu besoin d'un
certificat pour faire l'exploration, la mine Noranda n'existerait pas
aujourd'hui. Et encore là, s'il nous fallait exiger de tous les savants
qui découvrent de nouvelles inventions, qu'ils parlent notre langue pour
utiliser l'invention qu'ils ont à mettre à notre disposition, il
y a beaucoup de choses dont on n'aurait pas l'utilisation aujourd'hui. Dans ce
domaine, celui de la recherche, de l'exploration minière, c'est de la
recherche. Quand on découvre... Quand un savant découvre quelque
chose, pour le mettre à notre disposition cela peut se comparer à
un mineur, un prospecteur, c'est-à-dire qui découvre une mine, un
gisement d'importance. Je dois constater qu'il y a un secteur particulier,
compte tenu du fait que l'investissement minier de par sa nature même,
parce qu'il y a là une question d'exploration internationale aussi...
Nous devons suivre, de ce côté, un certain standard. Evidemment,
il faut, pour mieux comprendre... Je pense qu'en faisant l'étude du
projet de loi 22, lorsque vous parlez des articles 32, 33, etc., je ne crois
pas à moins que je me trompe qu'à l'article 33,
suivant le projet tel qu'il est remarquez bien que je ne vous donne pas
mon avis sur le projet mais je constate comme vous il n'y soit pas dit
que ce certificat sera absolument imposé dans tous les domaines. C'est
marqué: "Le lieutenant-gouverneur en conseil peut, par
règlement", alors là, il y a une nuance à apporter, et
compte tenu de ce que le ministre acceptera à la suite des
différentes auditions de la commission parlementaire, il y aura
peut-être, je ne le sais pas, une nuance qui sera apportée pour
des secteurs aussi particuliers que celui-là. Parce que comme vous,
messieurs, je suis d'accord qu'il faut que nous francisions le Québec.
Il faut que nous conservions au Québec son caractère
français. Je suis d'accord aussi à l'effet que pour bien
conserver un caractère français, il faut absolument se conserver
en vie, parce que les morts ne parlent pas plus le français que les
autres langues.
Il faut se conserver en vie. Donc, le secteur économique est
vital et il faut absolument qu'il nous amène à avoir des
exigences absolument conformes au secteur économique et servant le
secteur économique.
De ce côté, je pense que je vous ai bien compris lorsque
vous mentionnez qu'on doit faire des efforts vis-à-vis de la langue du
travail vous n'avez pas tellement parlé de l'enseignement
et je vous remercie de vouloir faire ces efforts de ce côté parce
que le secteur de l'enseignement cela a été dit à
plusieurs reprises devra absolument s'ajuster aux besoins
économiques et aux besoins de la langue de travail.
M. le Président, je voudrais peut-être...
LE PRESIDENT (M. Pilote): Je vous rappelle que votre temps est
écoulé.
M. SAMSON: M. le Président, vous avez une façon de couper
le "fun".
LE PRESIDENT (M. Pilote): Cela fait sept minutes que vous parlez.
M. SAMSON D'accord, si mon temps est écoulé, je ne poserai
pas de question, mais je veux faire comprendre aux représentants de
l'Association des mines de métaux du Québec Inc., que je suis
parfaitement conscient et que je suis persuadé que le gouvernement l'est
aussi, que ce secteur est tout à fait particulier.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Si jamais le parti ministériel
n'emploie pas son temps, il restera quinze minutes. Je permettrai au
député de Rouyn-Noranda d'intervenir.
Le député de Jacques-Cartier.
M. SAINT-GERMAIN: Si j'ai bien compris les déclarations que vous
avez faites tout à l'heure, vos méthodes pour franciser
l'entreprise et les méthodes que l'Office de la langue française
a essayé d'expérimenter n'étaient pas les mêmes.
J'aimerais vous entendre développer cette question.
M. HENRY Chez nous, à Toronto, on enseigne le français
depuis quatorze ans. C'était bien longtemps avant que les
démarches qui ont été faites par l'Office de la langue
française. On enseigne le français dans les compagnies du
Québec depuis à peu près six ans dans certaines
sociétés. On ne dit pas qu'on a la méthode miracle. Il
n'en existe pas. Je ne vois pas pourquoi on changerait de méthode si on
est convaincu qu'on a une bonne méthode. On a fait des recherches assez
importantes. On a consulté des spécialistes d'envergure
internationale. Je n'ai pas tous les détails de la méthode mais
c'est un mariage de plusieurs méthodes commerciales. Dans certains cas,
lorsque la production le permet, comme c'est le cas à
Montréal-Est, par exemple, les employés des cadres sont soumis
à deux semaines de cours consécutifs, pendant huit heures par
jour. Us sont sortis du milieu du travail complètement et ils ont
ensuite une période de relâche qui permet de reprendre un autre
groupe et de faire la même chose. Les résultats sont vraiment
satisfaisants. On a pris certaines personnes qui ne parlaient pas un mot de
français et qui parlent et qui s'expriment parfaitement bien en
français, aujourd'hui.
Je ne pense pas que c'était dans l'esprit non plus de l'Office de
la langue française de nous faire abandonner notre méthode pour
adopter la leur. On a compris que c'était surtout pour analyser,
à tous les niveaux, les communications qu'il y avait à
l'intérieur de la compagnie et peut-être d'apporter certaines
recommandations, ce qui a été fait.
Donc, c'est sur ce point que je dis que les interprétations qui
ont été faites dans les journaux ne devaient sûrement pas
être ce que M. Cholette avait déclaré puisque je ne
considère pas que ce fut une défaite à la Noranda Metal
Industry. Cela a peut-être été une découverte qui a
permis au sous-ministre de constater qu'on avait une méthode un peu
spéciale, qui n'était pas la sienne. C'est à peu
près tout ce que je pourrais vous dire à ce sujet, sauf qu'on
enseigne le français dans à peu près toutes les compagnies
québécoises, même au Nouveau-Brunswick, on est la
première société industrielle ou commerciale à
enseigner le français, langue seconde au Nouveau-Brunswick.
Cela ne se fait pas du jour au lendemain, mais les résultats
obtenus jusqu'à maintenant sont exactement ce qu'on s'attendait d'avoir.
Dans la plupart des entreprises québécoises, à la Noranda,
toutes les communications se font en français jusqu'au niveau de la
direction qui, elle, doit communiquer avec l'extérieur du
Québec.
M. SAINT-GERMAIN: Si je comprends bien, il y a tout de même eu une
bonne collaboration entre l'Office de la langue française et votre
compagnie..
M. HENRY: Absolument...
M. SAINT-GERMAIN: Est-ce que l'office, avec votre collaboration a
essayé chez vous certaines méthodes au point de vue
expérimental?
M. HENRY: Non.
M. SAINT-GERMAIN: Ce n'était pas le but des...
M. HENRY: Non, absolument pas.
M. SAINT-GERMAIN: Ils ont surtout étudié, comme vous
l'avez dit, les relations. Auriez-vous certaines statistiques à votre
disposition pour nous expliquer combien de cours ont été
donnés ou le nombre de vos employés qui ont suivi ces cours,
enfin?
M. HENRY: II se donne des cours présentement au Québec et
au Nouveau-Brunswick dans douze compagnies. Dans certaines autres, ce n'est pas
nécessaire, puisque c'est déjà francisé à
100 p.c. ou à 99 p.c. Le nombre de cours qui se donnent dans la plupart
des classes sont...
LE PRESIDENT (M. Pilote): Je m'excuse, M. Henry...
M. HENRY: Oui.
LE PRESIDENT (M. Pilote): ... nous avons un vote. Je vous prierais de
nous attendre, on va revenir dans cinq ou... Il reste environ huit à dix
minutes. Est-ce qu'il y a d'autres questions?
M. SAINT-GERMAIN: Monsieur pourrait
terminer son exposé sur les statistiques, et ce serait
suffisant.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Oui, d'accord. Deux minutes au maximum parce
qu'il faut aller voter.
M. HENRY: Dans la plupart, disons dans dix cas sur douze, on a 30
personnes qui suivent des cours à chaque "installation", donc cela
représente à peu près 350 cadres québécois
qui suivent présentement des cours. Cela dure depuis à peu
près trois ans. Dans la plupart des cas, cela va se terminer dans
à peu près un an d'ici, donc on fait la relève, on
commence avec de nouveaux groupes. On a trois niveaux différents. C'est
à peu près cela.
M. SAINT-GERMAIN: Maintenant, avec les réticences que vous avez
apportées dans votre mémoire, est-ce que la compagnie accepte en
principe que le gouvernement légifère sur la question des
langues?
M. HENRY: M. le Président, j'aimerais souligner le fait que si on
n'a pas soulevé d'autres problèmes dans le mémoire, c'est
qu'en fait, cette loi ou une autre semblable ne cause pas de problème
à l'industrie minière. C'est un secteur, comme M. Samson l'a
souligné, qui est presque entièrement francisé, surtout
dans le cas des nouvelles entreprises. Chez les plus anciennes où on
avait des anglophones qui essaient, qui s'améliorent et qui apprennent,
il y a lieu de temporiser quelque peu, mais en dehors de cela, il n'y a pas de
problème.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Je vous remercie, messieurs, de la
façon dont vous avez présenté le mémoire.
J'inviterais le troisième groupe à rester ici, l'Association des
manufacturiers canadiens. Nous allons voter et aussitôt, nous allons
revenir d'ici une dizaine de minutes au maximum. Merci, messieurs. La
séance suspend ses travaux pour une dizaine de minutes.
(Suspension de la séance à 12 h 43)
Reprise de la séance à 12 h 48
Association des manufacturiers canadiens (division du
Québec)
LE PRESIDENT (M. Pilote): J'inviterais M. Jeannotte, directeur de la
division du Québec de l'Association des manufacturiers canadiens
à bien vouloir présenter son mémoire et à nous
présenter également les personnes qui l'accompagnent. Vous avez
vingt minutes pour lire ou pour résumer votre mémoire.
M. JEANNOTTE: Madame et Messieurs, il me fait plaisir de donner la
parole à M. Gérard Fecteau, à ma droite, président
de la compagnie Ascenseurs Alpin Otis de Québec et président de
la division du Québec de l'Association des manufacturiers canadiens. M.
Fecteau.
M. FECTEAU: M. le Président, messieurs. Je demanderais aux autres
membres qui m'accompagnent de bien vouloir s'identifier en commençant
par ma droite.
M. FOX: Bonjour, messieurs. Je suis John Fox, membre du comité de
relations industrielles de l'AMC.
M. BESSETTE: M. le Président, je suis Hervé Bessette,
président du comité des relations de travail de la division du
Québec de l'Association des manufacturiers canadiens.
M. MOISAN: Bonjour, messieurs, je suis Carl Moisan, président de
Standard Paper Box et du comité exécutif de la division du
Québec des manufacturiers canadiens.
M. ETHIER: Jean-Marie Ethier, du personnel permanent de la division du
Québec de l'AMC.
M. FECTEAU: Si vous n'y voyez pas d'objection, M. le Président,
je demanderais individuellement à mes collègues de
répondre au besoin, à vos question. Je prierais maintenant M.
Carl Moisan de vous lire la présentation orale à l'appui du
mémoire adressé à votre commission le 10 courant.
M. MOISAN: M. le Président, messieurs, pour commencer, je tiens
à vous assurer que l'aile québécoise de l'AMC est heureuse
d'avoir obtenu cette audience qui lui permet de compléter les vues et
les recommandations qu'elle a adressées à votre commission le 10
courant, tel que le mentionnait M. Fecteau.
Vous vous souviendrez sans doute que ce mémoire reliait au projet
de loi 22 la position que notre division a adoptée depuis longtemps
concernant la politique linguistique du gouvernement. Cette prise de position
est le fruit d'une étude et d'une réflexion sérieuse de la
part de spécialistes expérimentés et de chefs de
file du monde industriel qui, ayant été élus par
les 1,600 membres que l'association compte dans toutes les régions du
Québec, sont très représentatifs de l'industrie
manufacturière.
L'ensemble de ces membres qui ont appuyé cette position aux
assemblées annuelles représentent les trois quarts du potentiel
de fabrication de la province. Comme j'espère que les membres de la
commission se sont familiarisés avec ce mémoire, je n'ai pas
l'intention de le lire aujourd'hui. Je compte plutôt en faire ressortir
certaines recommandations.
Avant de m'attaquer à des points spécifiques,
permettez-moi de souligner que, premièrement, la division du
Québec de l'AMC souscrit, en général, aux principes
fondamentaux qui, selon elle, sont inhérents à ce projet de loi.
Toutefois, elle s'oppose à plusieurs des moyens auxquels on envisage de
recourir pour atteindre les buts souhaités.
Deuxièmement, elle est très préoccupée par
les dispositions de ce projet de loi aux termes desquelles des pouvoirs de
réglementation exceptionnellement élastiques seront
accordés au personnel administratif. Le concept de
légiférer par règlements est loin d'être souhaitable
et nous trouvons alarmante l'éventualité, très
réelle sous le régime de cette loi, que des fonctionnaires non
élus, de divers échelons, soient appelés à rendre
des décisions arbitrairement interprétatives.
Enfin, la division du Québec s'inquiète du manque de
clarté et de précision de la rédaction de divers articles.
Nous espérons que votre commission pourra recommander les modifications
voulues pour combler cette déficience, s'assurant ainsi que la Loi sur
la langue officielle soit bien comprise et que son interprétation et son
application soient logiques.
Au cours des quelques minutes mises à notre disposition, nous
aimerions développer ces points de vue.
En premier lieu, les règlements. Il est très difficile de
commenter intelligemment le projet de loi 22 puisque la plus grande partie de
la loi découlera de règlements qui sont, pour le moment, du
domaine de la conjecture. Même si nous convenons qu'il faut souvent
traiter les questions complexes au moyen de la réglementation
édictée en vertu d'un statut, nous tenons à souligner que
le pouvoir de faire des règlements ne devrait pas permettre que soient
délégués à d'autres les pouvoirs législatifs
et les responsabilités qui, comme il se doit, appartiennent à
l'Assemblée nationale elle-même. En principe, nous nous opposons
fermement à toute mesure législative qui délègue
des fonctions visant essentiellement l'élaboration d'une politique de
sorte que la loi proprement dite ne se résume qu'à l'abdication,
par l'Assemblée nationale, du rôle qui lui appartient en propre:
l'établissement d'une politique législative. Nous croyons que les
pouvoirs de réglementation découlant des articles 32, 33, et 34
enfreignent ce principe. Vu que la teneur de plusieurs règlements
édictés au terme du projet de loi 22 sera de caractère
principalement subjectif, l'assocation est d'avis que l'on ne devrait pas
permettre que la loi entre en vigueur tant que ne seront pas publiés les
importants règlements visant essentiellement à son
fonctionnement.
Elle préconise que ces règlements entrent en vigueur en
même temps que la loi.
Finalement, nous croyons que l'on devrait fournir aux parties, tant
intéressées que touchées l'occasion d'étudier les
projets de règlements et de soumettre leurs vues en ce qui les
concerne.
Passons maintenant à la rédaction de divers articles du
projet de loi.
Nous aimerions attirer votre attention sur les articles suivants,
lesquels, à notre humble avis, exigent plus de clarification et de
précision:
L'article 24 stipule que les employeurs doivent rédiger en
français les avis, communications et directives qu'ils adressent
à leur personnel. Les textes et documents susdits peuvent cependant
être accompagnés d'une version anglaise, lorsque le personnel est
en partie de langue anglaise.
Les manufacturiers n'arrivent pas à comprendre la signification
du mot "employeur", dans le contexte du projet. Englobe-t-elle les cadres de
direction, soit ceux qui, en vertu du code du travail du Québec, sont
soustraits aux procédures d'accréditation syndicale? Un employeur
est-il une personne qui a le droit d'embaucher et de congédier? Le mot
"rédiger" comporte-t-il le processus allant de la conception à la
publication? Doit-on faire une distinction quelconque entre un siège
social et une usine de succursale? Les manufacturiers n'arrivent pas non plus
à bien comprendre la signification du mot "communication". Ce mot
englobe-t-il les communications écrites à l'adresse de tout le
personnel d'un établissement donné? Ce mot pourrait-il comprendre
les notes de service échangées entre deux employés d'une
entreprise donnée? Quelle différence, s'il en est, doit-on
établir entre ce mot et les dispositions que doivent prendre les
entreprises, aux termes de l'articles 35-D, en vue de communiquer en
français?
L'article 33 prévoit notamment que le lieutenant-gouverneur en
conseil peut, par règlement, exiger que les entreprises possèdent
le certificat visé à l'article 32, pour avoir le droit de
recevoir de l'administration publique, à compter de la date fixée
conformément audit article, des permis, primes, subventions, concessions
ou avantages. Se pourrait-il que le mot "permis", tel qu'employé dans
cet article, comprenne les permis de construction, ou les permis
accordés à une entreprise, par les services de permis et
d'inspection de la ville de Montréal? Ce mot s'applique-t-il aux permis
émis par le ministère du Travail et qui autorise les dispositions
relatives à une troisième équipe composée de
femmes?
L'association recommande vivement que la
signification du mot "permis" soit clarifiée, afin de garantir
que les permis ou licences nécessaires à l'exploitation d'une
entreprise légitime, ne seront pas compromis ou retenus, faute
d'obtention d'un certificat de francisation. Selon nous, la loi doit faire une
distinction entre les droits qu'a une compagnie d'exploiter une entreprise
légitime, et les privilèges qui peuvent lui provenir de
l'administration publique.
L'article 35d) de ce projet de loi fait mention de la présence
francophone dans l'administration. Que signifie ici une présence
francophone? Cela vise-t-il une personne bilingue? Pourrait-il s'agir d'une
personne ayant fait ses études partiellement en français et
partiellement en anglais? Dans ce contexte, que veut dire le mot
"direction"?
Nous croyons qu'il y a lieu de clarifier cet article. Enfin la division
du Québec de l'AMC a une série de propositions à
soumettre. Propositions qui à son avis amélioreront le projet de
loi sans dévier du principe voulant que l'on assure la priorité
de la langue et de la culture françaises du Québec.
Les manufacturiers du Québec sont fiers de reconnaître
qu'historiquement le Québec a accordé à la minorité
anglophone des droits et des privilèges qui ne sont pas accordés
à la minorité francophone dans les autres provinces canadiennes,
et souscrivent aussi au principe voulant que le fait français progresse
au Québec afin que le Canada puisse conserver l'aspect exclusif que lui
confère la dualité de langue et de culture de ces deux
partenaires fondateurs.
Etant donné la toile de fond brossée par ce qui
précède, l'AMC croit que le projet de loi serait
amélioré si l'article 8 était modifié afin de
stipuler que les textes et documents officiels "doivent" être
accompagnés d'une version anglaise et ce au lieu de "peuvent".
Vu la complexité croissante des mesures législatives, des
arrêtés en conseil, des règlements, etc., une telle
disposition serait grandement souhaitable tout en tenant parfaitement compte de
la nécessité d'assurer que les textes et les documents officiels
français constituent la version authentique.
Nous recommandons, en outre, que l'on améliore ce projet de loi
en stipulant que les textes et les documents visés à l'article 24
"doivent" être accompagnés d'une version anglaise, lorsque le
personnel est partiellement d'expression anglaise et ce au lieu de
"peuvent".
A notre avis, cette disposition constituerait moins une redondance que
le fait d'exiger qu'une convention collective rédigée en anglais,
au terme de l'article 26 soit accompagnée d'une version française
lorsqu'elle est déposée conformément à l'article 60
du code du travail.
Quant aux droits personnels, l'association est convaincue que le droit
de formuler un grief est l'un des droits très personnels de
l'employé. Etant donné qu'aux termes de l'article 28, un
employé a le droit de formuler ses griefs en français ou en
anglais, il ne serait que juste et raisonnable que si le grief exige
l'arbitrage, les actes de procédures, les séances et les
précisions aient tous automatiquement lieu dans la langue de la personne
qui l'a formulé.
Les procédures d'arbitrage ayant un caractère quasi
judiciaire, toute notion de représentation syndicale honnête exige
certes que l'affaire soit entendue et jugée dans la langue du plaignant.
L'association recommande donc la modification des articles 28 et 29 afin que ce
droit personnel de l'employé soit confirmé.
Nous avons souligné, dans notre mémoire, que l'on peut
compter sur le secteur manufacturier pour continuer à consacrer de plus
en plus de temps, d'argent et d'efforts en vue de promouvoir l'utilisation
maximale du français dans ses activités quotidiennes. Nous
croyons fermement que c'est nécessairement dans le système
scolaire de la province que réside la solution permanente à long
terme. En effet, il faudrait décerner des diplômes à des
élèves qui posséderont beaucoup mieux qu'aujourd'hui leur
langue seconde, que celle-ci soit le français ou l'anglais.
Il y a maintenant trop longtemps que les employeurs ont
été placés sur la sellette ou blâmés à
cause de résultats qui découlent de cette carence frappante du
système scolaire québécois. Comme nous l'avons
répété au cours des années, décerner des
diplômes aux étudiants des écoles anglaises qui ne
maîtrisent pas suffisamment le français, c'est leur refuser
l'occasion de donner leur pleine mesure au Québec.
D'autre part, traiter les étudiants des écoles
françaises de la même manière à l'égard de
l'anglais, c'est les confiner au Québec, les empêcher de
poursuivre une carrière ou d'avancer au sein des grandes entreprises qui
comptent des bureaux ou des usines en dehors de la province.
En dépit de ce plaidoyer, l'amélioration que nous notons
à cet égard dans le flot annuel de diplômés est
négligeable. Afin d'être certain que l'on satisfera à ce
besoin fondamental et que les élèves francophones jouiront d'une
garantie législative au moins égale à celle qui est
offerte aux élèves qui reçoivent leur instruction en
anglais, nous recommandons fortement que l'article 52 de ce projet de loi soit
modifié pour prévoir que les programmes d'étude doivent
assurer que les élèves qui reçoivent l'enseignement en
langue française acquièrent une connaissance de la langue
anglaise parlée et écrite et que les élèves qui
reçoivent leur enseignement en anglais acquièrent une
connaissance de la langue française parlée et écrite et le
ministre de l'Education doit prendre des mesures nécessaires à
cet effet.
Le dernier point que nous aimerions soumettre à votre attention,
c'est que l'association croit que le but visé par la loi sur la langue
officielle pourrait être plus sûrement atteint si l'on accordait
à la régie de la langue française le
statut d'un organisme tout à fait autonome en tant qu'organisme
quasi judiciaire et si des décisions législatives permettaient
d'en appeler de ces décisions.
De plus, nous avons l'impression que les fonctions quasi judiciaires
devraient être assumées par un organisme distinct de celui qui
sera chargé de l'élaboration des programmes de francisation.
Selon le projet de loi 22, la régie assume une fonction
judiciaire jusqu'à un certain point, en même temps qu'elle joue le
rôle d'un ombudsman en matière de langue et celui d'un promoteur
de la langue française. Il est intéressant de noter que la
commission Gendron a recommandé la création de deux organismes
distincts.
Premièrement, une commission chargée de la diffusion du
français et responsable des programmes de francisation;
Deuxièmement, la création du poste de commissaire des
langues qui assumerait des responsabilités semblables à celles
dont a été investi le commissaire des langues officielles du
gouvernement fédéral. Tel que nous les envisageons, ces deux
organismes auraient un statut absolument autonome et relèveraient
directement de l'Assemblée nationale.
En ce qui concerne la composition de la régie, le projet de loi
22 ne prévoit pas de représentation détaillée. Afin
que les groupes intéressées soient convenablement
représentés parmi les neuf membres, nous recommandons que le
projet de loi prévoie la représentation de l'entreprise
privée.
Je tiens à vous remercier, M. le Président, et
messieurs.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Le ministre de l'Education.
M. CLOUTIER: M. le Président, je désire remercier la
division du Québec de l'Association des manufacturiers canadiens de la
présentation de son mémoire.
Voici une autre voix extrêmement importante qui vient de
s'exprimer, car le secteur manufacturier occupe une place très grande
dans l'économie du Québec. Il est intéressant d'ailleurs
de souligner qu'après avoir entendu le Centre des dirigeants
d'entreprise, l'Association des mines de métaux du Québec et
maintenant l'Association des manufacturiers la commission parlementaire a eu la
chance de faire un vaste tour d'horizon d'à peu près tous les
aspects de l'économie québécoise.
Je note que ce groupe adhère au principe du projet de loi 22, et
je le félicite d'apporter un certain nombre de recommandations
très positives. Comme les autres groupes qui l'ont
précédé, il a voulu s'attacher au projet de loi tel que
rédigé, dans le but de l'améliorer et dans le but de le
faire coller le plus possible aux réalités et non pas arriver
avec des prises de position rigoureuses qui seraient, au fond, des positions
préconçues.
Je ferai quatre ou cinq commentaires avant de poser une seule et courte
question. Ces commentaires que je multiplie depuis quelque temps, lorsque les
mémoires me le permettent parce que certains mémoires
n'apportent pas suffisamment de substance pour que je puisse m'exprimer dans
cette perspective me donnent l'occasion d'apporter des
éclaircissements et des précisions.
En ce qui concerne la remarque du dernier paragraphe de la page 2 sur
les règlements, j'ai déjà dit, à plusieurs
reprises, que les principes des règlements, les principales
modalités des règlements seront présentées lors de
la discussion du projet article par article. J'attire simplement l'attention du
groupe sur le fait que le problème qu'il soulève n'existe pas,
parce que, de toute façon, l'article de la loi auquel il se
réfère, l'article 32, ne serait pas applicable avant que les
règlements soient promulgués, de sorte qu'ils peuvent être
complètement rassurés de ce point de vue.
Le deuxième commentaire concerne la définition du mot
"employeur". Dans un projet de loi, on ne définit pas, normalement, les
termes qui sont déjà définis dans d'autres projets de loi.
L'employeur est déjà défini dans le code du travail. Il ne
s'agit pas d'un contremaître. Il ne s'agit pas d'un individu qui occupe
une fonction déterminée. Il s'agit de l'entreprise. Et, ce qui
est demandé par cet article, c'est que l'entreprise fournisse les
services, sans que cela s'attache à une fonction
déterminée. Il reste que, pour ce qui est des autres points du
projet de loi, il y aura dans les règlements des définitions
d'apportées.
Puisque je parle du code du travail, une courte remarque en ce qui
concerne la recommandation touchant les griefs. Ce chapitre a été
négocié avec le Conseil consultatif du travail et de la
main-d'oeuvre. C'est la première fois que je le dis. J'ai
déjà fait état du fait que le chapitre se retrouverait
dans le code du travail puisqu'il y a tout intérêt à ce que
ce code soit une espèce de grande charte dans le monde des relations
entre employeurs et employés. Alors, il s'agit donc d'un chapitre
négocié.
En ce qui concerne la recommandation touchant les permis, elle est tout
à fait pertinente et les règlements feront les distinctions
voulues entre les permis que les hommes d'affaires ont l'habitude d'appeler des
permis vitaux et les permis qui peuvent être considérés
comme des privilèges.
Il est bien évident que l'esprit de cette loi est de donner la
priorité au français, mais n'est pas de créer des
contraintes telles à l'entreprise que nous en arriverions exactement au
but inverse, ce qui serait un manque de réalisme assez extraordinaire.
Cela ne serait pas de la législation, à ce moment, cela serait de
la littérature, sans aucune allusion à d'autres contre-projets
qui ont pu être présentés.
Enfin, un dernier commentaire sur le mémoire. Il s'agit, en ce
moment, des fonctions de la Régie de la langue française. Et je
crois que
vous étiez là lorsque j'ai décomposé les
fonctions de la Régie de la langue française, comme vous le
faites d'ailleurs, entre ses fonctions administratives visant à
l'application de la loi et ses fonctions judiciaires. Nous allons, très
certainement, tenir compte de cette recommandation en ce qui concerne, tout au
moins, la dissociation de ces deux fonctions où il y a une suggestion
intéressante.
Il est bien évident que le gouvernement,
précisément parce qu'il voulait consulter la population, n'est
pas arrivé avec un projet qui donnait tout au départ, avec un
projet qui aurait été, au fond, une espèce de carcan, ne
laissant aucune marge de manoeuvre, ne laissant aucune place pour la
discussion.
Et c'est justement grâce à des mémoires positifs
comme le vôtre et à un bon nombre qui l'a
précédé que nous pouvons tenir compte de ces
recommandations et coller le plus possible aux réalités.
Ma question porte simplement sur votre conclusion, non que je souhaite
un débat là-dessus, mais je crois que vous vous avancez lorsque
vous envisagez la possibilité d'une infraction aux droits humains. Et je
voudrais peut-être que vous m'expliquiez ce que vous avez dans l'esprit
ou en quoi certains aspects du projet de loi pourraient constituer une
infraction aux droits humains.
Je crois comprendre que cela n'est peut-être pas une prise de
position très ferme, que c'est une inquiétude que vous
manifestez, mais je vous laisse le parole.
M. MOISAN: Jean-Marie, voulez-vous répondre?
M. ETHIER: Ici, nous ne référons qu'à une
possibilité. Ce n'est pas effectivement, une affirmation, et nous
acceptons d'ailleurs la réponse que vous avez donnée. L'article 1
dit: "Le français est la langue officielle du Québec".
Habituellement, lorsqu'on a devant nous un projet de loi, l'article 1 comporte
des définitions, ce qu'était un employeur, ce qu'était un
permis. Il est bien sûr, par exemple, que si le mot "permis" allait
être, éventuellement, interprété comme le fait
qu'une entreprise qui n'a pas son certificat de francisation ne puisse obtenir
son permis de faire des affaires, à ce moment, on aurait peut-être
enfreint les droits humains.
M. CLOUTIER: Ah bon! Je comprends.
M. ETHIER: Nous ne référons qu'à une
possibilité.
M. CLOUTIER: Très bien, je vous remercie beaucoup de cet
éclaircissement. C'est tout à fait clair.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: Je remercie également l'Association des
manufacturiers canadiens, division du Québec, pour la
présentation de son mémoire.
Je n'ai que deux questions. La première porte sur une affirmation
faite à la page 2 de votre mémoire qui, à mon avis, entre
en contradiction avec plusieurs autres témoignages et surtout avec le
principe fondamental que nous avions pu sortir ce qu'il y avait de clair dans
les recommandations du rapport Gendron.
En effet vous affirmez: On peut compter sur le secteur manufacturier
pour continuer de consacrer de plus en plus de temps, d'argent et d'efforts en
vue de promouvoir l'utilisation maximale du français dans ses
activités quotidiennes. Cependant, c'est nécessairement dans le
système scolaire de la province que réside la solution permanente
à long terme". Je crois que cette affirmation équivaut, à
mon avis, à affirmer que les efforts dans le monde du travail pour
franciser le Québec sont, en quelque sorte, secondaires. Je ne veux pas
dire dans leur importance, mais vous faites porter le coeur de l'action en vue
de la francisation du Québec sur son système scolaire. Beaucoup
d'autres organismes vous ont précédé à cette table
pour nous dire le contraire. L'argumentation dans le rapport Gendron est
très sérieuse à cet effet, au point que toutes les
initiatives de francisation, dans tous les autres domaines, ne devraient se
faire et n'auront de portée que si l'action principale du gouvernement
se porte dans le monde du travail, c'est-à-dire je ne crois pas
citer textuellement le rapport Gendron, je ne crois pas qu'il emploie cette
expression de faire, du français, une langue rentable.
Lorsqu'on nous assure, je crois bien comprendre, que le français
sera cette langue rentable, on n'aura plus ces déchirements autour de la
langue d'enseignement, parce qu'il n'y aura plus ces exodes de francophones,
permis d'un côté, justifiés comme un droit acquis par le
ministre de l'Education, considérés comme une mesure pratique par
le ministre de la Justice, ou décriés, je dois dire, par d'autres
organismes qui sont passés ici avant vous. Ce problème, en soi,
n'aurait plus l'importance qu'on lui accorde actuellement. On ne se poserait
plus toutes ces questions quant à l'affichage, quant à
l'environnement culturel des Québécois. C'est notre avis, et je
ne m'en fais pas une gloire parce qu'il a été tellement de fois
répété, par des organismes avec tellement plus de
crédibilité, je dois dire, que vous pouvez m'en prêter
à moi, et affirmer que c'est là le coeur du problème et
que c'est donc là que doit résider le coeur de la solution, si
elle doit se porter.
Cette affirmation que vous faites, à mon avis, apporte une douche
d'eau froide à toutes les recommandations que vous pouvez faire dans ce
sens. Elles sont logiques, vos recommandations, à partir de votre
constatation du premier paragraphe de la page 2, que je viens de
vous citer. En ce sens, je ne vous en ferai pas reproche. Je comprends
très bien que le ministre saute dessus, parce que, depuis le
débat des séances de la commission, il n'a pas eu tellement
d'appui. Parce que je conteste cette affirmation au paragraphe 2, je dis:
L'ensemble de vos recommandations, par la suite, je ne peux pas les endosser
dans tous leurs domaines, parce que je vois que vous ne partez pas de la
même constatation que moi, quant à la gravité du
problème linguistique et surtout quant à sa solution.
Peut-être pourriez-vous prendre quelques minutes, et je m'en contenterai,
pour expliquer cette affirmation que vous faites à l'effet que c'est
dans le système scolaire que réside la solution permanente
à long terme, parce que je crois sincèrement que vous êtes
le premier groupe à faire cette affirmation.
M. ETHIER: M. Charron, je pense bien que ceux qui connaissent notre
association savent le rôle que nous avons joué au cours des
dernières années, particulièrement depuis que l'expression
"langue de travail" a commencé à gagner de la popularité,
il y a quelques années. Nous avons participé à des travaux
de recherche pour la commission Gendron. Un appendice ici a demandé
beaucoup de travail à ce moment, ce travail qui avait été
fait pour la commission Gendron. Nous avons, par la suite, consacré
beaucoup de considérations à ce problème.
Comment nous pourrions, par le truchement de notre association,
contribuer à la réalisation plutôt à long terme,
parce que la façon dont cela pouvait se faire, d'une façon
immédiate, la francisation du milieu du travail, on ne la voyait pas et
on ne la voit pas encore, remarquez. Nous avons voulu associer à nos
efforts dans ce sens les entreprises autres que celles du secteur manufacturier
et, un jour, nous avons réussi, par nos interventions et leur
collaboration, à mettre sur pied l'organisation qui s'appelle le centre
linguistique de l'entreprise et qui est intersectorielle, vu que plusieurs de
nos gros membres font partie de ce nouveau corps et aussi il y a de gros
magasins, des entreprises commerciales, comme Steinberg, etc.
Ce travail de recherche en se sens s'est poursuivi ensuite par un corps
devenu autonome et dont c'est la spécialité, qui a établi
et fait accepter dans les entreprises membres et même en dehors, par son
influence, ce que nous avons appelé un bilinguisme institutionnel par
opposition au bilinguisme individuel. Il est sûr que si nos
écoles, il y a 20 ans, avaient appliqué ce que nous recommandons
vis-à-vis de l'article 52, que l'on n'accorde pas de diplômes des
anglophones qui ne possèdent pas une connaissance parlée et
écrite de la langue française et que, de même, on exige des
francophones, au moment de la graduation, qu'ils soient aussi bilingues, nous
n'aurions pas aujourd'hui ce problème de francisation de l'entreprise
parce que nous ferions face à une génération, la nouvelle
génération du monde du travail, qui serait bilingue et que les
cadres seraient interchangeables. On pourrait travailler jusqu'à un
niveau X dans l'entreprise, indépendamment qu'on soit français ou
anglais d'origine, parce qu'on pourrait passer de l'un à l'autre.
M. CHARRON: Me permettez-vous de... M. ETHIER: Oui.
M. CHARRON: Je comprends un peu mieux lorsque vous faites votre
explication en rapport avec votre recommandation d'amendement à
l'article 52. Autrement dit, vous dites: Si tous les finissants de quelque
système d'enseignement que ce soit étaient bilingues, le monde du
travail le serait par le fait même et on ne serait pas en train de faire
des efforts de francisation. Mais là vous apportez une lumière,
sur laquelle je ne suis pas d'accord, d'abord, sur ce que vous exprimez quant
à la francisation du travail. Quand vous faites état des efforts
des dernières années des membres de votre association quant
à la francisation, je veux bien qu'on explique ce que cela veut dire. Si
j'ai bien compris votre affirmation, vous voulez dire qu'il y a quelques
années il y avait des entreprises qui fonctionnaient en étant
unilin-gues anglaises. Elles ont progressivement, à la suite d'efforts
de vos membres, etc., passé à une bilinguisation ;
c'est-à-dire que vous envisagez l'effort de francisation dans le sens de
faire de la place au français au sein de l'entreprise pour
éventuellement en arriver à une égalité des deux
langues. Mais je crois que les organismes qui vous ont
précédé, qui demandent la francisation, veulent dire que
l'on travaille uniquement en français, dans le maximum des choses
possible, à l'exception, ce que tout le monde concède, des
relations avec l'extérieur ou avec l'étranger, etc. Là, je
m'aperçois que par le mot francisation, vous et moi n'entendons pas la
même chose.
Pour vos membres, un programme de francisation veut dire faire de plus
en plus de place au français dans une entreprise qui est
fondamentalement anglaise. Pour d'autres, francisation veut dire faire, dans
une entrerise du français la langue horizontale et la langue verticale
de promotion.
M. ETHIER: Mais il se trouve, M. Charron, qu'en faisant de plus en plus
de place au bilinguisme dans l'entreprise, nous étendons effectivement
la francisation; c'est quand même là qu'on aboutit. Je vous donne
un exemple. Le congrès des relations industrielles de Laval, il y a deux
ans pas celui de cette année, le dernier portait sur le
français langue de travail. On ne peut pas imaginer plus
canadienne-française, comme entreprise, que la maison Bombardier, qui a
un président canadien-français et qui a été
fondée au Canada. Mais il se trouve que c'est une multinationale aussi.
Le directeur des relations publiques expliquait aux
congressistes qu'à 99 p.c, dans l'entreprise, on parle
français. Mais il arrive un niveau où, dans des postes qui se
situent particulièrement dans le domaine des achats, le domaine de la
vente, le domaine de la technique, on doit manifester le caractère
international de l'entreprise. Le chiffre des ventes au Canada est ridicule
comparé à celui des ventes aux Etats-Unis où on compte 47
ou 48 bureaux de vente. II est sûr que le francophone unilingue qui aura
parcouru tous les échelons d'accession à des postes
supérieurs ne pourra jamais devenir le gérant des ventes s'il lui
faut entretenir des relations avec les bureaux de vente américains.
L'ingénieur en charge de la production qui doit correspondre avec des
maisons dont il importe des pièces, en Norvège, en Suisse, en
Allemagne, doit le faire en anglais. Bien sûr, en France, on écrit
en français, parce qu'on a les ressources mais, normalement, tout
l'extérieur se fait en anglais.
Il y a des situations que les meilleurs efforts de francisation ne
pourront changer; les relations interprovinciales, les relations
internationales, l'état de la technique, là où nous
dépendons d'autres pays pour l'importation d'équipement. Dans nos
chiffres de 1969, nous donnons des excuses qui, aujourd'hui, semblent risibles
parce qu'on dit qu'il n'y a pas de technique en français. Mais en cinq
ans, c'est incroyable le progrès qui a été fait de ce
côté.
M. CHARRON: Je ne conteste nullement ce que vous venez de dire quant
à l'importance de la langue anglaise dans le domaine des achats ou des
communications avec l'étranger. Je pense que toutes les
sociétés qui ont fait de leur langue officielle la
véritable langue de travail concèdent ce point. J'imagine bien
qu'une entreprise suédoise qui, effectivement, fabriquerait des
motoneiges pourquoi pas pour rester dans le même domaine en
Suède et qui importerait des Etats-Unis des pièces, à
l'occasion, comme nous le faisons, reconnaîtrait certainement, à
certains postes précis, l'utilité d'une autre langue, pour
effectuer cette chose.
Mais cela n'empêche pas que les Suédois travaillent en
suédois, acquièrent à l'école une excellente
connaissance de la langue seconde. Là-dessus, personne ne vous
contestera. Je termine là-dessus parce que...
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de
Rouyn-Noranda.
M. CHARRON: Merci beaucoup, messieurs.
M. SAMSON: M. le Président, je serai assez bref. Je constate en
lisant votre mémoire, au bas de la page 4 et au début de la page
5, que vous apportez, à moins que je me trompe, un élément
assez nouveau. En effet, vous mentionnez que décerner des diplômes
aux étudiants des écoles anglaises qui ne maîtrisent pas
suffisamment le français, c'est leur refuser l'occasion de donner leur
pleine mesure au Québec. Je trouve cela assez intéressant comme
affirmation. Je n'irai pas plus loin. Disons que la question que je veux vous
poser est la suivante: Si la langue française était davantage
nécessaire dans tous les domaines au Québec comme langue de
travail, dans le domaine de l'industrie, du commerce, etc., l'affirmation que
vous faites serait davantage valable, parce que le besoin se ferait sentir. Ne
croyez-vous pas que plutôt que de continuer avec l'affirmation dans
l'autre sens, pour ce qui est des diplômés de langue
française, il ne serait pas mieux d'intensifier davantage du
côté de la promotion de la langue française dans tous les
domaines de l'activité économique au Québec? Bien que je
retienne évidemment les suggestions que vous faites en ce qui concerne
la langue à être utilisée pour nos communications avec
l'extérieur.
M. ETHIER: M. Samson, j'étais ici le jour de l'ouverture de la
commission et j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt
les notes préalables présentées par le ministre et
particulièrement les contingences dont le ministre entendait tenir
compte dans les discussions relatives à ce projet. Et, parmi
celles-là, il y avait bien sûr la majorité francophone au
Québec, mais qui est, par contre, une minorité dans le contexte
nord-américain.
Je ne crois pas qu'il convienne de se limiter, dans la lecture du
paragraphe, en page 5, à la première phrase seulement. Le
mémoire forme un tout et c'est même relié à notre
conception de l'article 52, où il est prévu, pour le jeune
anglophone, l'obligation d'apprendre le français, mais non, pour le
francophone, celle d'apprendre l'anglais. Nous savons qu'il existe d'autres
programmes à cet effet, mais ce n'est pas dans la présente loi.
Vu ce contexte nord-américain anglophone où nous nous retrouvons
une minorité, voyons les faits en face, nos regretterions que par une
loi qui se voudrait un instrument pour promouvoir les meilleurs
intérêts du Canadien français, on en arrive à la fin
à faire du jeune anglophone le seul bilingue des deux.
C'est pourquoi nous disons: C'est bien d'exiger de l'Anglais, avant de
lui donner son diplôme, qu'il connaisse la langue cela lui
permettra de donner se pleine mesure, ce qu'on attend de lui au Québec
mais notre jeune francophone aussi, ne le négligez pas.
M. SAMSON: Une autre question dans un autre domaine. Vous semblez
inquiétés particulièrement par le pouvoir de
réglementation. Dans votre esprit, si la réglementation
était connue de façon à vous permettre et à
permettre, évidemment, à toutes les associations de faire
connaître leurs réactions à cette réglementation
avant qu'elle soit en vigueur, cela vous rendrait-il service?
M. ETHIER: II est sûr que nous serions
beaucoup mieux éclairés, M. Samson, si nous connaissions
ce qui suivra, les règles générales que la loi
prévoit. Il s'agit d'une loi-cadre. Nous avons vécu
l'introduction d'autres lois-cadres, avec les pouvoirs législatifs
délégués à des fonctionnaires. Nous avons, dans
plusieurs domaines, éprouvé de très sérieuses
difficultés.
Je remarque, cependant j'en prends bonne note, de même que
tous mes collègues, j'en suis sûr l'assurance que nous
donne le ministre aujourd'hui, que, lors de la discussion du projet article par
article, les principes généraux et les règlements les plus
importants seront connus. Je remarque aussi que la loi prévoit
déjà que les règlements connaîtront une publication
dans la Gazette officielle avant leur promulgation, permettant aux
intéressés d'intervenir. Cependant, la période de trente
jours, c'est très peu, parce que la Gazette officielle nous arrive
parfois douze ou quinze jours après sa parution, M. le ministre.
Peut-être que c'est loin, Montréal; peut-être que les
services fédéraux ne sont pas adéquats, mais il arrive que
nous n'ayons pas la Gazette officielle à temps pour nous donner cette
période de trente jours.
M. CLOUTIER: Ce n'est pas un problème, M. le Président.
C'est facile à corriger.
M. ETHR: Dans ce cas...
M. CLOUTIER: Cela peut créer, en effet, une difficulté.
Cela fait partie des modalités.
M. ETHIER: J'ai remarqué, l'autre jour, que vous aviez
affirmé être malléable et non intraitable sur les
modalités.
M. CLOUTIER: Mais intraitable sur les principes.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Saint-Jean.
M. VEILLEUX: M. le Président, je suis bien heureux de rencontrer
l'Association des manufacturiers canadiens, section du Québec, parce que
les entreprises de ma région sont représentées à
votre organisme par la section locale de Saint-Jean. D'ailleurs, c'est un
organisme que j'ai l'occasion de rencontrer au moins cinq ou six fois par
année. J'ai pu remarquer, depuis ma première élection en
1970, du moins dans les discussions internes de l'association locale de
Saint-Jean, une très nette amélioration du français comme
langue parlée dans les délibérations. Je ne sais pas si
c'est l'effet de la loi 63, en 1969, qui a pu apporter cela, mais j'ai pu
remarquer chez les quelques anglophones, gérants d'entreprises qui,
à l'époque, étaient unilingues, une amélioration
pour apprendre la langue française.
Dans votre section locale de Saint-Jean, vous avez, quand même,
des Canadiens français qui sont célèbres au niveau de
l'industrie, qu'il s'agisse du président de la compagnie Singer du
Canada, qui est M. Mercier, du vice-président de la compagnie Ozite, M.
Robert Champagne, ou de plusieurs autres gérants d'industries
très importantes de Saint-Jean, qui sont des francophones.
Vous avez, dans votre mémoire, des statistiques qui
relèvent de 1969. C'est probablement une enquête que vous avez
faite à l'époque, compte tenu de la discussion autour de la loi
63. Il serait peut-être intéressant que vous refassiez, à
l'heure actuelle, la même enquête au sein des mêmes
industries. On pourrait voir s'il y a eu amélioration ou pas dans les
statistiques que vous avez relevées ici. Parce qu'il y avait quand
même certains secteurs, dans les statisit-ques, où il y avait
certaines faiblesses au niveau des industries relativement au français.
Au niveau des industries vous avez fait enquête. Surtout vers la fin:
"Possibilité pour un anglophone unilingue d'accéder à un
poste de surveillant ou de contremaître". Oui, dans 51 p.c. des usines
à Montréal et non, dans 49 p.c. Dans le reste de la province,
oui, dans 28 p.c. et non, dans 72 p.c. Ce serait peut-être
intéressant de savoir aujourd'hui si cette proportion est identique ou
pas. A titre de suggestion je vous dis qu'il y aurait peut-être avantage,
et pour vous et pour les membres de la commission, à reprendre certains
points de votre enquête pour savoir s'il y a eu amélioration ou
pas.
J'ai une question à vous poser. Elle se situe à la page 4.
Elle a trait aux articles 32, 33 et 34. Ce sont les articles qui ont trait aux
certificats de francisation, au permis, etc. Dans le dernier paragraphe, vous
dites: "II est grandement nécessaire que ces articles établissent
la distinction entre les droits qu'a une compagnie d'exploiter une entreprise
légitime et les privilèges qui peuvent lui provenir de
l'administration publique".
Pourriez-vous, concrètement parlant, à partir d'exemples,
donner une image concrète de ce que vous entendez par les droits et les
privilèges que peut avoir une compagnie?
M. ETHIER: Oui. Dans les articles qui concernent le certificat de
francisation et la relation qui a été établie par la
presse entre, par exemple, l'octroi de contrats, si on désire
aujourd'hui faire fabriquer telle chose pour le gouvernement et qu'on choisisse
entre deux entreprises, une qui a son certificat et l'autre qui ne l'a pas,
nous voyons là un privilège. Peut-être qu'il y a
justification de choisir celle-ci plutôt que l'autre parce que son
programme s'intégrait dans le programme gouvernemental et de la
population. Et ceci suit nos questions quant à l'interprétation
du mot permis. Mais nous n'accepterions pas qu'une entreprise, parce qu'elle
n'aurait pas accepté le programme de francisation, pour des raisons qui
lui sont propres, ne puisse pas fonctionner comme entreprise. Cela va.
Peut-être que cela
devient maintenant un critère. Avant c'étaient d'autres
critères, maintenant il y a celui-là de plus. Ce n'est plus une
question de prix. Peut-être que cela a cette importance, mais nous ne
croyons pas qu'il y aurait lieu de dire: Maintenant, non, plus de permis
d'exploiter.
M. VEILLEUX: On va prendre un exemple bien pratique et vous direz si je
me trompe ou non dans l'évaluation que vous faites des droits et
privilèges. Admettons que des investisseurs, dans l'industrie du meuble,
voudraient venir s'établir au Québec et n'accepteraient pas, pour
une considération ou une autre, un programme de francisation, vous ne
verriez pas le gouvernement l'empêcher de s'établir, mais vous
verriez le gouvernement, dans ses demandes de soumissions pour l'ameublement,
inscrire comme critère: ... doit être détenteur d'un permis
de francisation pour pouvoir déposer une soumission. D'après
vous, c'est un critère qui serait réalisable ou du moins
acceptable, mais empêcher les investisseurs de venir s'établir au
Québec, vous ne verriez pas cela. Si je comprends bien, c'est votre
position?
M. ETHIER: C'est l'interprétation qu'il faut attacher aux deux
termes.
M. VEILLEUX: Merci beaucoup.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de
Verchères.
M. OSTIGUY: M. le Président, j'ai pris connaissance, moi aussi,
du mémoire. Je voudrais féliciter les membres de l'Association
des manufacturiers. Voici ma première question. A la page 2, au tout
début de votre mémoire, vous nous dites: Les commentaires et les
propositions suivantes relient au projet de loi 22 la position que notre
division a adoptée depuis longtemps au sujet de la politique
linguistique du gouvernement. Pourriez-vous nous dire quelle fut la
participation de vos huit divisions locales pour aider la division provinciale
à préparer ce mémoire? C'est une première
question.
M. ETHIER: Le mémoire qui est devant vous aujourd'hui?
M. OSTIGUY: Aujourd'hui, oui.
M. ETHIER: La politique linguistique de l'AMC, que nous avons remise en
question ce printemps devant notre exécutif provincial, qui
représente les sections de la province, est la même que celle que
nous avons soutenue devant la commission Gendron. Dès les
premières fuites, dans les journaux, relatives à une politique
linguistique et annonçant qu'un projet de loi serait
déposé incessamment, nous avons tenu à remettre notre
position en question devant notre exécutif, qui compte 90 membres qui
viennent de partout. Nous l'avons remise en question et nous avons
confirmé que tous les points vitaux de notre politique étaient
maintenus. Le temps, bien sûr, entre le dépôt du projet de
loi et l'obligation de placer dans les mains du secrétaire de la
commission permanente le mémoire lui-même n'aurait pas permis que
l'exercice soit répété, mais nous avions notre mandat
depuis mars. Nous avons quand même tenu à réunir un noyau
représentatif de notre exécutif au cours de la fin de semaine
précédant le 10. Nous avons travaillé à ce projet,
que j'ai moi-même porté ici dans l'après-midi du 10.
M. OSTIGUY: Vous nous dites que votre association compte 1,600 membres,
c'est 1,600 industries, bien sûr. Cela voudrait dire à peu
près combien d'ouvriers dans l'ensemble du Québec?
M. ETHIER: En chiffres d'ouvriers, au Québec, cela?
M. OSTIGUY: Au Québec.
M. ETHIER: Nous groupons 1,600 entreprises au Québec. Le nombre
d'ouviers serait difficile à donner, mais j'aimerais dire ici que nous
ne représentons pas exclusivement la grande entreprise. Parce que pour
ce qui est de la grande entreprise au Québec, on sait qu'il n'y a pas
500 entreprises qui emploient 1,000 personnes. Notre moyenne d'employés
par entreprise membre se situe entre 95 et 100. Elle est inférieure
à 100. Alors, c'est 1600 multiplié par 100. On a un chiffre
approximatif plausible, mais variant selon les fluctuations du volume des
affaires. Nous représentons cependant 7 5 p.c. du produit
manufacturé, et au Québec et au pays, ce qui nous donne la voix
représentative dans le secteur.
M. OSTIGUY: A la page 2, sur la législation par
règlements, vous nous dites: "Le projet de loi 22 est une loi-cadre qui
accorde au mécanisme que constituent les règlements des pouvoirs
d'une élasticité exceptionnelle et il est donc difficile de le
commenter logiquement... "Vous ne pensez pas qu'un projet de loi-cadre puisse
être commenté, puisse être discuté logiquement
puisqu'une loi-cadre a des objectifs globaux? Je voudrais que vous nous
expliquiez davantage votre pensée sur ce paragraphe.
M. ETHIER: II y a des pouvoirs que la loi délègue sans
consultation additionnelle. Il y a des pouvoirs qui relèveraient du
ministre; il y a des pouvoirs qui relèveraient de la régie; il y
en a qui relèveraient du lieutenant-gouverneur en conseil. Certains
seraient publiés à l'avance pour discussion, mais pas
nécessairement tous. Ces termes pour lesquels nous venons devant vous,
messieurs, pour demander des définitions, ce n'est pas qu'ils nous
inquiètent d'une façon alarmante. Le mot "permis", par exemple,
nous
avons réussi à le clarifier. Il est sûr que si nous
ne comprenons pas certains termes qui peuvent être
interprétés avec une extension qu'on ne leur connaît pas
à l'avance, cela veut dire pour nous une élasticité
exceptionnelle.
On dit: On ne savait pas ce qu'était un employeur. Est-ce que la
ménagère est un employeur par rapport à sa bonne? Est-ce
que le patron du simple soldat est son sergent, l'état-major de
l'armée ou le ministère de la défense nationale? Il
fallait le situer. On nous dit: L'employeur est celui qui emploie. L'employeur
au sens du code du travail, oui. Mais, dans un autre secteur que le
nôtre, l'employeur n'est pas l'employeur au sens du code du travail.
C'est l'employeur au sens de la loi relative aux relations de travail dans
l'industrie de la construction. Il y en a deux sortes. Il y a des
professionnels et des non-professionnels.
Alors, messieurs, pour nous, il y avait des ambiguïtés. Vous
nous avez invités pour qu'on vous donne des impressions. Nous vous les
avons livrées. Nous avons des inquiétudes. Nous vous les confions
de même. Vous nous avez écoutés respectueusement, nous en
sommes heureux. Tout semble avoir été bien reçu. Il y a
des choses que nous ne connaissons pas et qui nous inquiètent, parce que
nous ne les connaissons pas.
M. OSTIGUY: Vous ne pensez pas que...
LE PRESIDENT (M. Pilote): Le temps est écoulé, je remercie
les représentants de l'Association des manufacturiers canadiens...
M. OSTIGUY: Pas de bill, autrement dit.
LE PRESIDENT (M. Pilote): ... de son mémoire. Soyez
assurés que nous allons prendre en considération vos
recommandations.
Je voudrais mentionner que, mardi, nous entendrons, dans cet ordre, les
organismes suivants: la Chambre de commerce du district de Montréal, le
Congrès juif canadien, région de l'Est le
secrétaire nous a mentionné qu'ils ne se présenteraient
pas mardi la Fédération des commissions scolaires,
l'Association fédérative des étudiants de
l'Université de Sherbrooke, l'Association des professeurs de
l'université Laval, la Société Saint-Jean Baptiste de
Montréal, l'Alliance des professeurs de Montréal.
La commission ajourne ses travaux, à mardi, dix heures
trente.
(Fin de la séance à 13 h 50)