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Commission permanente de l'éducation,
des affaires culturelles et des communications
Etude du projet de loi no 22
Loi sur la langue officielle
Séance du mardi 18 juin 1974
(Dix heures dix minutes)
M. GRATTON (président de la commission permanente de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre,
messieurs!
Alors, tel qu'annoncé hier soir, la commission entendra
aujourd'hui les organismes suivants: l'Association des directeurs
généraux des commissions scolaires protestantes; le
Département de linguistique de l'Université du Québec
à Montréal; le Comité Canada; The Association of
Protestant School Business Officials of Québec; la Société
nationale populaire du Québec; le Mouvement Québec
français et le Mouvement national des Québécois.
J'invite donc immédiatement M. Dougherty de l'Association des
directeurs généraux des commissions scolaires protestantes
à bien vouloir se présenter à la barre, s'il vous
plaît.
M. BEAUDOIN: M. le Président, est-ce que vous seriez d'accord que
le Comité Canada soit entendu en premier lieu ? Nous avons
conversé avec M. Dougherty auparavant et il serait d'accord pour qu'on
présente notre mémoire en premier, si vous n'avez pas
d'objection.
LE PRESIDENT (M. Gratton): II semble que la demande auprès de la
commission est la suivante: Que le Comité Canada, à cause d'un
engagement antérieur, passe à la place de l'Association des
directeurs généraux des commissions scolaires protestantes, ce
qui voudrait dire que celle-ci passerait en troisième, à la place
du Comité Canada. Est-ce que la commission accepte cette demande?
M. CHARRON: C'est le cas de le dire, on commencerait par la fin ce
matin.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, qu'il en soit ainsi! J'invite donc M.
J. L. Beaudoin, directeur général du Comité Canada,
à bien vouloir se présenter et nous présenter ceux qui
l'accompagnent.
Comité Canada
M. BEAUDOIN: M. le Président, encore là, il y a eu
peut-être une petite confusion. C'est le président du
Comité Canada qui présentera le mémoire, M. Louis
Rochette. Alors, si vous voulez faire la correction. M. Louis Rochette,
président du Comité Canada.
LE PRESIDENT (M. Gratton): J'invite M. Rochette à se
présenter immédiatement. Je vous inviterais, M. Rochette,
dès le départ, à bien vouloir, pour les fins du journal
des Débats, nous présenter les personnes qui vous accompagnent ce
matin.
M. BEAUDOIN: M. le Président, à ma droite, M. Paul Racine,
vice-président du Comité Canada; M. Louis Rochette,
président du Comité Canada, et Me Jules Blanchet,
secrétaire du Comité Canada.
M. ROCHETTE: M. le Président, M. le ministre et membres de la
commission parlementaire, le Comité Canada est un organisme national
composé de membres provenant de tous les coins du pays, qui entendent
conjuguer leurs efforts en vue d'améliorer et d'accroître
l'unité canadienne en favorisant les échanges et les rapports
harmonieux entre les divers groupes ethniques et, en particulier, entre les
deux groupes fondateurs de la nation, les francophones et les anglophones qui y
oeuvrent depuis des générations.
Tout ce qui, de près ou de loin, est de nature à
améliorer ou détériorer ces rapports attire naturellement
notre attention. Or, le projet de loi 22, portant sur la langue officielle,
fait justement cela. D'une part, il assure aux français la place
prépondérante qui lui revient au Québec, ce qui aura pour
effet de clarifier et d'améliorer les rapports linguistiques entre
francophones et anglophones dans le domaine du travail et des affaires.
Mais, d'autre part, le projet comporte des imprécisions. On y
soupçonne même des omissions qui nous paraissent de nature
à envenimer passablement les choses, notamment au chapitre qui traite de
la langue dans le domaine de l'enseignement.
Compte tenu des risques de dissensions et de querelles
débilitantes que peuvent comporter ces imprécisions ou omissions,
Comité Canada doit assumer pleinement son rôle en attirant
l'attention du législateur sur quelques faits et quelques principes.
Nous vivons dans un pays qui a hérité des plus grandes
traditions démocratiques. Instinctivement, nous proclamons que tous les
citoyens sont égaux devant la loi et, au Québec, nous estimons
que ce principe s'applique à tous, aux francophones, aux anglophones et
aux immigrants. Ici, avec la permission de la commission, j'aimerais intercaler
des remarques additionnelles que nous venons de vous distribuer en annexe.
Alors, nous nous référons à l'annexe A
premièrement: Droits linguistiques.
La langue est l'instrument de culture le plus important d'une
collectivité. Cet instrument devient prépondérant et
officiel quand une majorité de citoyens, dans cette collectivité,
en ont absolument besoin pour communiquer entre eux.
Mais le fait qu'une langue s'impose à une
majorité de citoyens dans une collectivité donnée
ne confère pas à cette langue des droits exclusifs et absolus.
Dans une société évoluée, la majorité
linguistique est tenue de tenir compte des droits de la langue de la
minorité, surtout si cette minorité tient ces droits de
circonstances historiques.
Au Canada, la majorité des citoyens parlant l'anglais, soit parce
que c'est leur langue maternelle, soit parce que c'est leur langue d'adoption.
Ces citoyens, soit plus de 72 p.c. de la population canadienne, ont absolument
besoin de l'anglais pour communiquer entre eux.
Mais, au sein de cette majorité, vit une collectivité,
soit près de 28 p.c. de la population canadienne, dont la langue
maternelle est le français. Cette minorité, à cause de son
importance numérique et à cause de droits acquis en vertu de son
ancienneté en terre américaine, a droit à ce qu'on
reconnaisse et respecte sa langue. C'est ce qu'a voulu faire le gouvernement
canadien en reconnaissant au français, et ce au même titre que
l'anglais, un caractère officiel au Canada.
Au Québec, la majorité des citoyens parlent le
français, soit parce que c'est leur langue maternelle, soit parce que
c'est leur langue d'adoption.
Ces citoyens, soit près de 85 p.c. de la population
québécoise, ont absolument besoin du français pour
communiquer entre eux.
Mais, au sein de cette majorité, vit une collectivité,
soit près de 15 p.c. de la population québécoise dont la
langue de communication est l'anglais. Cette minorité, à cause de
son importance numérique et économique, et à cause de
droits acquis, en vertu de son ancienneté au Québec, a droit
à ce qu'on reconnaisse et respecte sa langue. C'est ce que fera le
gouvernement si, dans son projet de loi no 22 sur la langue officielle, non
seulement il affirme la prépondérance du français au
gouvernement, sur les lieux de travail et dans le monde des affaires, mais
définit aussi clairement le statut de l'anglais, lui reconnaissant droit
de cité au Québec et ce, au même titre que le
français.
Droits collectifs et individuels. Non sans raison, les
théoriciens définissent la langue comme un héritage
collectif qui commande la vénération et la sollicitude de tous
ceux qui la parlent. Si cet héritage se trouve menacé, il importe
de prendre tous les moyens, même draconiens, pour en assurer la
sauvegarde. Comme ces moyens risquent de piétiner certaines
libertés individuelles, on en vient à discuter deux
catégories de droits: les droits collectifs et les droits individuels.
La langue étant un bien collectif, on la fait relever des droits
collectifs.
Poussant plus loin le raisonnement, on décrète que les
droits collectifs passent avant les droits individuels. Cette opinion jouit
d'une certaine vogue et on la met de l'avant pour réclamer une loi
linguistique draconienne.
Nous avons la conviction qu'il s'agit là d'un sophisme dangereux.
Si, au nom des droits collectifs, on cherchait à imposer indûment
une langue, et ce, sous prétexte qu'on la croit menacée et qu'on
la considère essentielle à l'identité d'une
collectivité, pourquoi n'imposerait-on pas aussi éventuellement
un système, une idéologie ou une religion qu'on jugerait
également essentielle à l'identité d'une
collectivité?
Tout au cours de l'histoire, des visionnaires, des princes, des tyrans
ont tenté d'établir des droits collectifs au détriment de
droits individuels avec les résultats terrifiants qu'on sait: guerres,
insurrections, conflits, etc.
Loin de nous l'intention de minimiser l'importance des droits
collectifs, mais la priorité qu'on semble vouloir leur reconnaître
en certains milieux, nous inquiète. Conformément à la
tradition scolastique, il nous apparaît que les droits de l'individu sont
antérieurs à ceux de la collectivité et en
conséquence prévalent sur eux.
Ceci dit, cependant, nous avons la conviction qu'un gouvernement habile
comme a souvent su l'être le gouvernement du Québec, peut, dans le
domaine de la langue, sauvegarder des droits collectifs évidents sans
brimer les droits individuels essentiels. Toutefois, il nous semble que, dans
sa rédaction présente, la loi 22 n'apporte pas pleinement cette
assurance.
Si vous voulez retourner au texte original.
Les droits des francophones. D'abord quelques faits. Le Québec a
toujours passé pour un exemple de tolérence et de largeur de vue
dans ses rapports avec ses minorités et en particulier avec sa
minorité anglophone. A cet égard on l'a souvent cité en
exemple dans les autres régions du pays. Aussi nous paraît-il
regrettable de constater qu'à moins de modifier la rédaction de
certains articles, le projet de loi 22 risque fort de compromettre cette
réputation enviable.
Il importe peut-être aussi de souligner le fait que c'est au
Québec et en particulier dans la métropole que le
caractère biculturel du pays s'affirme avec le plus de force et le plus
d'éclat.
C'est au Québec que les deux langues officielles, français
et anglais, cohabitent avec le plus d'harmonie. Enfin, c'est incontestablement
au Québec que le biculturalisme s'affirme avec le plus
d'élégance au pays. Nombreux sont les Canadiens qui croient que
le Québec ouvre la voie en ce domaine et nous avons le vif sentiment
d'interpréter leurs désirs en souhaitant que le Québec
continue à servir d'exemple au reste du pays dans cette
expérience éminemment constructive.
A la page 3 de l'annexe maintenant. Incidemment, nous nous permettons de
signaler qu'il entre dans les fonctions du Comité Canada d'inciter les
autres grands centres culturels du pays à suivre l'exemple du
Québec dans le domaine du biculturalisme. Notre organisme comprend que
le Québec peut parfois se montrer las de servir d'exemple et d'avoir
trop peu d'imitateurs. Mais il reste convaincu qu'en ce domaine, c'est celui
qui donne l'exemple, qui ouvre les voies de l'avenir en ce pays.
Retournons au texte. Le projet de loi 22
contient quantité d'excellentes choses. Et nous nous
réjouissons que plusieurs de ses articles correspondent à peu de
chose près à des suggestions que nous nous étions permis
de faire dans des mémoires antérieurs. Ainsi nous nous
réjouissons de voir que le projet affirme nettement la
prépondérance du français. Nous trouvons logique et normal
que cette langue devienne la langue officielle de l'Etat
québécois. Mais nous nous étonnons de voir que le projet
ne fait nulle part mention de l'autre langue officielle du pays, qui est
l'anglais, c'est-à-dire la langue seconde normale des francophones
québécois.
Le projet a recours à des formules plutôt vagues pour
distinguer l'école où la langue d'enseignement sera le
français et l'école où la langue d'enseignement sera
l'anglais.
Nous croyons que l'imprécision et le vague en pareil domaine peut
se révéler nocif tant aux francophones qu'aux anglophones et peut
compromettre par le fait même des relations harmonieuses entre les deux
groupes. Expliquons-nous.
On précise que le français sera obligatoire à
l'école où la langue d'enseignement sera l'anglais, mais on
n'indique nulle part que la langue seconde, c'est-à-dire l'anglais, sera
au programme des écoles où la langue d'enseignement sera le
français.
On sent bien que, dans l'esprit du législateur, il va de soi que,
dans les écoles où la langue d'enseignement sera le
français, on enseignera également la langue seconde,
c'est-à-dire l'anglais. Mais une loi ne dit que ce qu'elle dit. Aussi,
compte tenu de l'attitude plutôt hostile de plusieurs milieux enseignants
à l'égard de l'anglais, on est justifié de trouver
imprudent de ne pas spécifier dans la loi que la langue seconde sera
enseignée dans les écoles où la langue d'enseignement sera
le français.
Celui qui voudrait prendre au pied de la lettre le texte de la loi dans
sa rédaction actuelle pourrait facilement soutenir que la langue seconde
n'a pas à être enseignée dans les écoles où
la langue d'enseignement sera le français. Tel que rédigé,
le projet de loi oblige les anglophones à avoir une connaissance des
deux langues officielles du pays s'ils veulent obtenir un diplôme, alors
que les francophones n'ont pas l'obligation d'avoir une connaissance de leur
langue seconde, l'anglais, pour obtenir le leur. Certains nationalistes
à courte vue peuvent voir là une douce vengeance, mais, en
réalité, la loi se trouve à obliger les anglophones
à être bilingues, ce qui leur ouvrira plus de portes demain sur le
marché du travail, alors qu'on incite presque les francophones à
demeurer unilingues, ce qui est de nature à les isoler et à les
écarter de quantité d'emplois.
La loi vise le noir, mais elle tue le blanc. Rançon de son
imprécision, il nous apparaît qu'à la longue ce manque de
précision se révélera discriminatoire pour les
francophones; les anglophones seront bilingues, les francopho- nes seront
unilingues avec tous les inconvénients que cela comportera pour eux.
En conséquence, nous croyons qu'en toute prudence la loi devrait
spécifier que la langue seconde sera aussi obligatoire dans les
écoles où la langue d'enseignement sera le français. Si
vous voulez vous référer à la page 4 de l'annexe,
maintenant, en d'autres termes, il faut à l'article 52 la contrepartie
qui va de soi: Les programmes d'études doivent assurer la connaissance
de la langue anglaise, parlée et écrite, aux élèves
qui reçoivent l'enseignement en langue française et le ministre
de l'Education doit prendre les mesures nécessaires à cet
effet.
Il nous apparaît que le gouvernement ne veut pas instaurer un
système d'écoles bilingues au Québec. Compte tenu de la
prépondérance évidente du français en cette
province, on ne peut que donner raison au gouvernement. Un système
bilingue voudrait dire que l'enseignement dans toutes les écoles du
Québec serait dispensé moitié en français,
moitié en anglais, ce qui serait irréaliste.
Mais dire non à l'école bilingue n'implique aucunement
qu'il faille aussi dire non à la langue seconde. Les écoles du
Québec où la langue d'enseignement sera le français
n'échappent pas à la règle. Et pour ces écoles, la
langue seconde est évidemment l'anglais.
Il reste à savoir quelle doit être la part de la langue
seconde dans les écoles où la langue d'enseignement sera le
français. Nous venons de voir que moitié moitié serait
irréaliste. N'y aurait-il pas moyen d'établir une proportion qui
soit à la fois pratique et équitable pour les deux groupes
linguistiques? Si par exemple on établissait pour toutes les
écoles du Québec que l'enseignement serait désormais
dispensé dans une proportion de 80 p.c. dans la langue d'enseignement et
20 p.c. dans la langue seconde, n'y aurait-il pas des chances que personne ne
se trouverait lésé et tous y trouveraient leur profit.
A la lumière des plaintes portées ces dernières
années contre l'école et pour assurer la stabilité et la
satisfaction des écoles des deux groupes linguistiques, il semble qu'il
va falloir un effort sérieux du côté du ministère de
l'Education pour assurer une meilleure qualité de l'enseignement des
langues dans plusieurs écoles du Québec.
Veuillez retourner au texte original.
Les droits des anglophones. L'article 48 du projet de loi
inquiète, à juste titre croyons-nous, la minorité
anglophone du Québec. Dans cet article, l'anglais, la langue
continentale, et l'une des deux langues officielles du pays, a les apparences
d'un simple idiome qu'on tolère, une langue qui ne jouirait d'aucun
statut légal au Québec. Le français est sans conteste la
langue prépondérante au Québec. Certains
considèrent même qu'il devrait être désigné
langue nationale du Québec, l'anglais devant être
considéré comme une des deux langues officielles.
Mais loin de nous l'intention de nous chicaner sur les termes. Nous
croyons que la minori-
té anglophone a des droits acquis au Québec et que la
protection légale de ses droits acquis ne léserait et ne
diminuerait en aucune manière les droits du français. Nous
croyons qu'anglophones et francophones ne peuvent faire autrement que de vivre
en bons termes au Québec. Cette coexistence constructive et
désirable ne saurait être possible que dans le respect des droits
légitimes de chacun.
A cause toujours de son imprécision, nous croyons que le projet
de loi 22 dans sa rédaction présente pourrait
éventuellement signifier, pour la minorité anglophone, la perte
de ses droits acquis en matière linguistique et d'enseignement.
Encore une fois, le Comité Canada ne doute aucunement que dans
l'esprit du législateur, il n'est absolument pas question de contester
aux anglophones du Québec leurs droits acquis dans le domaine de la
langue et de l'enseignement. Mais il reste que, dans sa formule
présente, le projet de loi ne contient aucun article garantissant
explicitement aux anglophones du Québec leurs droits acquis en
matière de langue et d'enseignement. Dans l'intérêt commun
des deux communautés linguistiques du Québec, la loi devrait
comporter une telle garantie.
Personne n'ignore que les anglophones du Québec ont toujours eu
droit à leurs écoles. Nous ne voyons pas quelle difficulté
il y aurait à ce que ce droit acquis soit à l'avenir
spécifiquement assuré dans une loi aussi importante que celle
concernant la langue officielle du Québec.
Un autre droit acquis, tant pour les anglophones que pour les
francophones du Québec, a trait à la liberté pour les
parents du choix de la langue d'enseignement pour leurs enfants (liberté
actuellement garantie par la loi 63).
Il appert que l'entrée en vigueur de la loi 22 sur la langue
officielle abolira automatiquement la loi 63 garantissant la liberté de
choix pour les parents de la langue d'enseignement pour leurs enfants. En
conséquence, nous croyons qu'il faut que la loi 22 contienne un article
garantissant explicitement cette liberté de choix.
Les droits des immigrants. Il nous apparaît que, dans l'esprit du
législateur, la liberté pour les parents de choisir la langue
d'enseignement de leurs enfants se trouve implicitement maintenue pour les
citoyens francophones et anglophones de la province, de même que pour les
immigrants anglophones. Pour ce qui est des immigrants d'origine autre
qu'anglophone, ils devront obligatoirement s'inscrire dans des écoles
où la langue d'enseignement sera le français.
Nous n'entendons absolument pas contester le bien-fondé de ces
dispositions de la loi. Il nous apparaît logique qu'au Québec,
l'immigrant, d'origine autre qu'anglophone, se voie intégré
à l'école où la langue d'enseignement sera le
français, mais à condition toutefois que, dans ces écoles,
il puisse s'initier sérieusement aux rudiments de la langue seconde,
c'est-à-dire l'anglais. En prenant de pareilles précautions, le
législateur démontrera qu'il considère tous les citoyens
du Québec les immigrants y compris égaux devant la
loi.
Nous avons intentionnellement éliminé de notre
mémoire toute question de détail. Nous nous sommes bornés
aux principes, surtout ceux qui nous paraissent essentiels aux bons rapports
entre les deux grandes communautés linguistiques du Québec et
à l'intégration harmonieuse des immigrants établis dans
cette province.
Messieurs, je vous remercie.
LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Rochette, nous vous remercions et j'invite
le ministre de l'Education à commencer la période de
questions.
M. CLOUTIER: M. le Président, je voudrais tout d'abord remercier
le Comité Canada pour son mémoire qui contient des points
extrêmement intéressants dont le gouvernement tiendra certainement
compte. Il est écrit dans un style modéré et je tiens
à le souligner. Cela n'est pas toujours le cas. Je note que le
Comité Canada porte un jugement général sur le projet de
loi 22 en s'inscrivant en faveur de son objectif, à savoir faire du
français la langue officielle, assurer sa prépondérance
suivant l'expression utilisée dans le mémoire et que le
Comité Canada considère que ce projet de loi contient
quantité d'excellentes choses. Je cite. Cependant, il semble que la
préoccupation du Comité Canada porte surtout sur les droits
individuels.
Certains jugements, ici et là, me portent à penser que le
comité a l'impression que les droits individuels des anglophones, qui
constituent une minorité, ne seraient peut-être pas suffisamment
préservés. J'aimerais que, par la bouche de son président,
le comité puisse expliciter un peu cela. Le gouvernement, dans
l'économie de son projet de loi, tient à aller le plus loin
possible en ce qui concerne la prééminence du français,
langue officielle, mais il tient en même temps, sur le plan individuel,
à conserver les droits qui ont été acquis, peu importe les
querelles juridiques, par la minorité anglophone depuis
déjà très longtemps.
M. ROCHETTE: M. le ministre, nous ne croyons pas que le projet de loi
vise à diminuer les droits des anglophones. Nous croyons qu'il
pêche plutôt par ommission, en ne garantissant pas la
continuité de ces droits. Même si, dans l'intention du
législateur aujourd'hui, il n'est pas question de porter atteinte aux
droits acquis, le fait qu'il ne soit pas mentionné, qu'il ne soit pas
garanti de façon explicite peut, à la longue, avoir le même
effet que si on voulait réellement les retirer, ces droits acquis.
M. CLOUTIER: M. le Président, vous considérez qu'il
faudrait préciser davantage dans certains articles les droits des
anglophones?
M. ROCHETTE: C'est cela, nous croyons qu'ils devraient être
précisés.
M. CLOUTIER: Avez-vous l'impression que, ce faisant, nous diminuerions
les droits des francophones que nous cherchons, justement, à
affirmer?
M. ROCHETTE: Non, je ne crois pas que nous diminuerions en aucune
façon les droits des francophones. Si vous me permettez, comme il y a
ici plusieurs membres de notre groupe, dont un vice-président du
Comité Canada, M. Paul Racine, j'aimerais lui laisser l'occasion de
faire quelques remarques sur ce point.
M. RACINE: Si vous me permettez, M. le ministre, comme le disait notre
président, nous voyons le projet de loi 22 comme un projet de loi
absolument positif qui favorise beaucoup, si vous voulez, la présence du
français au sein du Québec, mais dans tout le bill ou le projet
de loi 22, nous remarquons qu'il n'y a rien de positif pour dire, si vous
voulez, à nos collègues de langue anglaise qui vivent avec nous
ici au Québec, que, dans la même mesure où nos droits
seront protégés, affirmés et auront probablement une
prépondérance...
M. CLOUTIER: Je vais vous interrompre. Ce que vous dites, c'est que
c'est positif pour les francophones et négatif pour les anglophones?
M. RACINE: Non, je dis que c'est plutôt ignoré, que cela ne
leur assure pas, si vous voulez, d'une façon claire et nette les
mêmes droits que l'on réclame sur le symbole de la
majorité, qu'également on devra contracter ou qu'on contracte
l'obligation de respecter les droits des anglophones ou les droits des
minorités. On pense que tout en affirmant la valeur de nos droits ou la
présence de ces droits, en même temps, on devrait souligner dans
le projet de loi de façon positive qu'on ne diminue pas pour autant les
droits et qu'on assure également la présence des droits acquis du
monde anglophone. On a vécu comme cela depuis le commencement de notre
histoire et c'est ce qui a fait de nous probablement une province aux couleurs
bien différentes des autres. On croit qu'on a eu un héritage
très précieux en ayant la bonne fortune de vivre dans une
province où on peut s'exprimer comme majorité française,
mais, à l'occasion, en anglais pour la conduite de nos affaires, pour
des raisons économiques ou autres. On croit aussi que c'est une chose
essentielle que ces droits soient protégés et de façon
positive.
M. CLOUTIER: M. le Président, vous ne pensez pas que si l'on
essaie de changer une situation, changer un rapport de forces entre deux
langues et c'est ce qu'essaie de faire ce projet de loi, à ce
moment-là il faut nettement mettre l'accent sur le français
puisque c'est le français qu'on cherche à protéger.
M. ROCHETTE: Si vous me permettez, le fait de reconnaître certains
droits acquis aux anglophones ne brimerait en rien les droits du
français qui sont protégés comme jamais par l'introduction
d'une loi comme celle-ci.
M. CLOUTIER: Bien que les droits du français soient
protégés comme jamais par cette loi.
M. ROCHETTE: Certainement, je le reconnais.
M. BLANCHET: Vous voudriez qu'on fasse des précisions. J'ai
déjà travaillé au mémoire qui fut
présenté jeudi dernier par la Chambre de commerce de la province
parce que je suis un de ses conseillers juridiques. Evidemment, à
l'article 48, la Chambre provinciale nous suggère de faire un changement
qui est établi dans son mémoire à la page 8 et, à
l'amendement 8-1, elle y va dans les détails en disant que
l'enseignement se donne en langue française et anglaise dans les
écoles. Enfin, ce sujet a été discuté la semaine
dernière, et je pense que Comité Canada serait sûrement
d'accord sur une proposition semblable. Je ne voudrais pas que la commission
discute de nouveau ces points de vue. Je soumets respectueusement que le
Comité Canada est obligé, étant donné sa charte et
son organisme bona fide de faire valoir ici des positions
générales. C'est très difficile pour nous d'aller produire
un document particulier parce que nous sommes un ensemble canadien et, tant et
aussi longtemps que le Québec sera au Canada, nous serons obligés
d'agir comme cela. Je vous remercie.
M. HARDY: M. le Président, est-ce que vous croyez vraiment qu'il
soit nécessaire d'inscrire dans la loi l'obligation d'enseigner
l'anglais à l'école française comme langue seconde pour
atteindre cet objectif?
M. BLANCHET: Je le crois. M. HARDY: Vous le croyez? M. RACINE: Nous le
croyons.
M. HARDY: Mais comment, à ce moment-là, pouvez-vous
expliquer... Partant de ce principe, il faudrait dire que tous les programmes
d'enseignement doivent se retrouver dans la Loi de l'instruction publique.
M. RACINE: Non.
M. HARDY: Pourquoi la langue seconde et pas l'enseignement de l'histoire
du Canada, par exemple? Pourquoi?
M. RACINE: Si vous voulez, je vais poser votre question à
l'inverse. Pourquoi est-ce que dans un projet de loi vous ne déciderez
pas, un bon matin, que l'histoire sainte, cela ne fait plus partie de notre
culture? Pourquoi cela?
M. HARDY: C'est-à-dire que là...
M. RACINE: La langue anglaise, dans la mesure où on doit s'en
servir tant pour les biens qu'elle nous apporte, pourquoi est-ce qu'on la
brimerait ou pourquoi la laisserait-on tomber comme étant une
présence qui n'a pas sa raison d'être dans le contexte des droits
linguistiques? Je pense que la façon de penser aujourd'hui, chez
beaucoup de Canadiens français qui ont eu l'avantage d'apprendre
également la langue anglaise, cela fait partie de leur richesse
culturelle. Ce n'est pas simplement le français qui est leur richesse
culturelle. A l'origine cela l'est, mais le complément du savoir de la
langue anglaise pour eux tout de même reste un actif précieux
qu'ils ne sont pas prêts à perdre.
M. HARDY: Je pense que là vous confondez la richesse culturelle
sur le plan individuel et sur le plan collectif. De toute façon, pour
qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, je pense que personnellement je suis
aussi convaincu que vous pouvez l'être de la nécessité de
l'enseignement de la langue seconde anglaise dans les écoles
françaises; mais là où je ne peux comprendre votre
raisonnement, comme je vous l'ai laissé entendre tantôt, c'est
qu'on doive mettre cela dans une loi. Je ne vois pas comment vous pouvez
affirmer dans un même mémoire qu'il est normal que la langue
française soit prépondérante et en même temps venir
nous dire que dans la loi on doit assurer l'obligation d'enseigner la langue
française dans les écoles anglaises et la langue anglaise dans
les écoles françaises. Si ce n'est pas mettre deux langues sur un
pied d'égalité, je ne sais pas ce que c'est. Vous exigez le
même traitement à la langue seconde française qu'à
la langue seconde anglaise et, après cela, vous nous parlez de
prépondérance.
M. RACINE: Est-ce que je peux, M. le Président? Si vous me
permettez on ne dit pas qu'on les place sur un pied d'égalité,
pas plus qu'on voudrait vous suggérer que le pourcentage que l'on
suggère est un pourcentage précis sur le plan de la
prépondérance. On dit simplement ceci. On dit que, s'il est vrai
qu'il est important que chez les francophones la culture à la base dans
l'enseignement pour les préparer à l'école de la vie sur
tous ses plans, cela doit être le français, on doit
également faire reconnaître cela aux enseignants.
Il faut surtout dire à nos enfants qu'il faut tout de même
qu'il y ait une préparation, enfin des avantages de la langue anglaise
parce que, sur le marché du travail et dans les codes de la vie que l'on
vit aujourd'hui, il ne faut pas se faire croire que nous sommes limités
aux barrières de Québec. Il faut également préparer
nos gens à être capables, de prendre assez
d'expérience...
M. HARDY: M. Racine, nous admettons tout ça, mais tout ce que je
voudrais, c'est que vous fassiez suffisamment confiance au bon jugement et au
bon sens des francophones pour qu'ils reconnaissent eux-mêmes la
nécessité d'apprendre l'anglais sans le leur imposer dans une
loi. Je considère, M. Racine, que c'est manifester un paternalisme et un
manque total de confiance envers les francophones que de leur dire: Mes
enfants, vous avez besoin d'apprendre l'anglais pour vivre et, parce que ce
besoin est très important, nous allons c'est le
législateur qui parlerait à ce moment vous imposer
l'obligation d'apprendre l'anglais dans une loi. Personnellement, encore une
fois, il ne faut pas qu'il y ait d'ambiguïté sur l'objectif
poursuivi, je suis d'accord avec vous. Mais je considère que, si nous
faisions cela dans une loi, ce serait manifester un manque très grand de
confiance envers les francophones, ce serait de leur dire: Vous ne
réussirez pas à réaliser vous-mêmes la
nécessité d'apprendre l'anglais, on va vous l'imposer dans une
loi. Votre proposition, à mon avis, va à l'encontre du principe
de la prépondérance de la langue française et
également va à l'encontre de cette confiance que l'on doit
manifester à la majorité. De plus je termine
là-dessus, M. le Président et ne pense pas avoir abusé de
mon droit de parole depuis le début des travaux, je pense que je
pourrais terminé je pense que le brillant juriste, qui est assis
à votre gauche, reconnaîtra qu'il serait un peu illogique, si on
fait appel uniquement à ses talents de juriste, de mettre, dans une loi,
des parties de programme d'enseignement, parce que, à toutes fins
pratiques, c'est ce que vous demandez. Vous nous demandez, pour la langue,
d'indiquer dans une loi, ce qui doit normalement se retrouver dans des contenus
de programme.
M. ROCHETTE: M. le Président, dans vos remarques, vous avez
mentionné qu'on ne peut imposer, aux parents francophones, que leurs
enfants apprennent l'anglais, en mettant une disposition dans la loi pour que
ça devienne obligatoire. En même temps que vous dites ça,
par cette même loi, vous enlevez la liberté à ces
mêmes parents de choisir la langue d'enseignement de leurs enfants.
M. HARDY: A quel endroit dans la loi?
M. ROCHETTE: Dans les dispositions de la loi 63 qui disparaissent
aujourd'hui. Le fait de faire disparaître ces dispositions.
M. HARDY: Si nous avons lu le même texte de loi, la liberté
de choix pour les autochtones demeure assujettie à un modérateur
qui est d'ordre pédagogique, mais le principe fondamental de la loi 22,
un des principes fondamentaux de cette loi reconnaît la liberté de
choix aux autochtones.
M. RACINE: Si vous me permettez, M. le Président, le fait qu'il y
ait un projet de loi,
est-ce que ce n'est pas une manifestation positive que
déjà nous avons le droit de prétendre qu'il y aura
peut-être certains différends sur le plan de la langue qui vont
s'amorcer? Est-ce que le fait que le projet de loi 22, qui est en notre
présence, soit là et qu'on le discute ce matin, n'est pas
déjà une restriction à la façon de bien vouloir
être les propres chefs de sa détermination, à savoir si on
veut le français dans une mesure ou dans l'autre? On
légifère actuellement pour nous dire: Vous devrez être plus
français. Absolument d'accord. Mais parce qu'on fait ça,
automatiquement, je crois que nous venons brimer un peu les privilèges
de ceux qui sont tout de même les fondateurs de cette nation. Parce que
la loi en soi n'a pas un caractère absolument positif. Elle a un
caractère de défiance ou elle laisse interpréter à
certains encroits un caractère de méfiance; on se met dans la
position forte et on ne veut pas reconnaître que d'autres gens, qui ont
déjà des droits, qui partent des mêmes années que la
confédération, auront également des droits. Pourquoi
est-ce qu'on les ignore? Pourquoi est-ce qu'on en fait pas mention? Il n'y a
pas confusion quand on en fait mention. On dit simplement que le respect des
droits de ceux qui sont là...
M. HARDY: Vous dites qu'on les ignore...
M. RACINE: ... ne sera pas mis de côté, même sur le
plan de l'enseignement.
M. HARDY: Vous dites qu'on les ignore et tantôt, au cours de la
journée, M. François-Albert Angers viendra nous dire qu'on les
reconnaît d'une façon exagérée.
M. RACINE: Disons qu'il y a deux façons de l'interpréter.
Peut-être que vous le poussez d'une façon trop positive. Remarquez
on n'a rien contre, on aime bien cela, mais on veut que cela se fasse dans un
climat de bonne foi et où la présence des gens...
M. HARDY: Si vous me permettez une réflexion toute
personnelle...
M. RACINE: Parce que c'est nécessaire.
M. HARDY: ... sans être d'accord avec M. Angers, je
considère plus normal que M. Angers dise des choses comme il les dit,
que des francophones disent des choses comme celles que vous dites.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, avant de céder la parole au
chef de l'Opposition, j'aimerais rappeler au public dans la galerie qu'il est
interdit, selon les règlements de l'Assemblée nationale,
d'applaudir ou de manifester de quelque façon que ce soit. L'honorable
chef de l'Opposition.
M. MORIN: M. le Président, j'aimerais, si vous voulez bien,
revenir au mémoire, à la page 2. Vous y dites, sous le chapitre
intitulé "Les droits des francophones", au second paragraphe: "II
importe peut-être aussi de souligner le fait que c'est au Québec,
et en particulier dans la métropole, que le caractère biculturel
du pays s'affirme avec le plus de force et le plus d'éclat."
Savez-vous, messieurs, que selon le rapport Gendron, 53 p.c. des
francophones de la région de Montréal font usage des deux langues
au travail et que seulement 31 p.c. des anglophones le font? A Montréal,
toujours selon le rapport Gendron, le bilinguisme est une condition d'obtention
du premier emploi et il est exigé deux fois plus souvent pour les
francophones que pour les anglophones. Connaissiez-vous ces faits? Si vous les
connaissiez, que signifient alors les quatre lignes que je viens de lire?
M. ROCHETTE: Je crois, M. le Président, que des faits, comme
vient de le mentionner M. Morin, existent certainement. Il y a une
évolution graduelle qui se fait. On n'a pas à retourner tellement
en arrière pour retrouver Montréal comme une ville à
majorité anglophone et encore moins loin, pour y voir une
prépondérance encore plus marquée de l'anglais, langue des
affaires. L'évolution se fait graduellement, elle va en
accélérant et il est certain qu'une loi comme la loi 22 permettra
d'accélérer encore plus la prépondérance du
français, non seulement comme langue culturelle, mais aussi dans le
domaine des affaires.
M. MORIN: Alors, si je comprends bien, ce serait à cause de cette
accélération du caractère biculturel que dans la
région de Montréal on retrouve 70 p.c. des écoliers
francophones du Québec qui fréquentent l'école
anglaise?
M. BEAUDOIN: Pardon, 70 p.c?
M. MORIN: 70 p.c. des écoliers francophones qui
fréquentent l'école anglaise se trouvent dans la région de
Montréal.
M. BEAUDOIN: Pour l'ensemble du Québec.
M. MORIN: Oui.
M. BLANCHET: De l'ensemble du Québec.
M. MORIN: C'est cela. C'est ce que vous appelez
l'accélération du caractère biculturel du pays? Est-ce que
vous connaissiez ces chiffres?
M. ROCHETTE: Non. Vous me citez des chiffres que je n'ai pas
moi-même à ma disposition...
M. MORIN: C'est le rapport Duchesne pour votre renseignement.
M. ROCHETTE: Je les tiens pour acquis
puisque vous les mentionnez vous-même, c'est signe que vous avez
dû les vérifier. 70 p.c. de quelle quantité, de quel
nombre? Je l'ignore; mais de toute façon, je crois que justement parce
que Montréal est la métropole et qu'elle groupe près de la
moitié de la population du Québec, il est probablement assez
normal que ce soit à Montréal que se trouve la majorité
des francophones qui fréquentent l'école anglaise. Il est certain
que vous ne retrouveriez pas de proportion semblable dans un petit village du
Saguenay ou du Lac-Saint-Jean où il n'y a pas d'école anglophone.
A ce moment-là, il ne peut pas avoir de pourcentage de ces enfants qui
vont à l'école anglophone.
M. MORIN: C'est vous qui nous présentez la métropole comme
étant une sorte de paragon où le caractère biculturel du
pays s'affirme avec le plus de force et le plus d'éclat. Moi, je vous
dis que cette région est une région d'anglicisa-tion.
M. BEAUDOIN: M. Morin...
M. ROCHETTE: Si vous me le permettez, je m'oppose à ceci. J'ai
moi-même fréquenté l'école anglaise du choix de mes
parents, lorsque j'étais enfant.
M. MORIN: Et voyez ce que cela donne aujourd'hui.
M. ROCHETTE: Vous pouvez trouver cela déplorable, si vous le
voulez, mais je me considère encore comme un francophone; ma langue
maternelle est le français et je la parle mieux que l'anglais.
M. MORIN: Est-ce que vous saviez que 88 p.c. des immigrants et 63 p.c.
des francophones du Québec qui s'assimilent à l'anglais vivent
dans la région de Montréal? Oui, les francophones qui
s'assimilent sont surtout des francophones montréalais.
M. CLOUTIER: Ah bon!
M. BLANCHET: M. le Président, nous avons noté dans notre
mémoire que le caractère de bilinguisme apparaît beaucoup
plus à Montréal; vous venez de le prouver, M. le chef de
l'Opposition, que c'est plus bilingue à Montréal qu'ailleurs.
C'est bien sûr.
M. MORIN: Et plus assimilateur aussi.
M. BLANCHET: Bien oui, mais si les Canadiens français de
Montréal veulent bien apprendre l'anglais comme langue seconde au point
de pouvoir prendre des postes très importants, je pense que c'est leur
affaire et que cela les regarde. C'est une discussion qui va peut-être un
peu loin en rapport avec le bill qui est présenté ici, parce
qu'on comprend qu'en principe le bill 22 est un avancement. C'est bien
sûr, mais de là à dire, M. le chef de l'Opposition, que le
bilinguisme à Montréal n'existe pas, je pense que c'est l'endroit
dans tout le Canada où il existe le plus.
M. MORIN: Me Blanchet, personne ne conteste la chose. Ce qu'on vous
conteste...
M. BLANCHET: Non, c'est ce que nous avons dit.
M. MORIN: ... c'est d'en faire une sorte d'exemple à suivre,
parce que c'est bien cela que vous voulez dire? "Le caractère biculturel
du pays s'affirme avec le plus de force et le plus d'éclat". Nous vous
disons que c'est une situation d'assimilation. C'est cela que vous voulez?
C'est cela que vous êtes venus défendre, ce matin?
M. BLANCHET: C'est bien sûr qu'à Montréal il y a
plus de bilinguisme que partout ailleurs au Canada. C'est ce qu'on dit.
M. MORIN: Oui, et vous êtes heureux de cette situation?
M. RACINE: M. le Président...
M. BLANCHET: Je pense que c'est important que le Canadien
français, que le Québécois soit bilingue, s'il veut
prendre des postes importants au Québec et au Canada. Je pense que c'est
un facteur très important. Je ne vais pas plus loin que cela, mais je
vous le dis.
M. MORIN: Est-ce que je vous comprends bien, Me Blanchet? Pour avoir un
poste important dans l'économie québécoise, il faudrait
connaître l'anglais, il faudrait être parfaitement bilingue. Cela
s'applique à tous les niveaux et il n'y a pas à y
échapper.
M. BLANCHET: C'est un des éléments nécessaires, M.
le chef de l'Opposition.
M. MORIN : Et vous êtes satisfaits de cette situation,
Comité Canada?
M. BLANCHET: Comme élément nécessaire, j'en suis
satisfait, mais il faut autre chose, par exemple. Il faut que l'on connaisse
absolument comment va le domaine économique. Il faut aussi avoir des
écoles pour nous apprendre comment on doit régir les affaires
pour être aussi bons que les Anglais en affaires. Je pense qu'ils ont
commencé avant nous. Evidemment, cela n'est pas le domaine de la
langue.
M. MORIN : Je vois que vous avez de très forts complexes à
l'égard des anglophones, Me Blanchet. Vous avez l'air de nous dire que
c'est la seule façon de réussir même au Québec.
M. BLANCHET: C'est un des éléments nécessaires, M.
le chef de l'Opposition.
M. MORIN: Est-ce que vous estimez que c'est une situation normale?
M. BLANCHET: Que ce soit un élément nécessaire,
oui, d'apprendre l'anglais pour mieux réussir au Québec.
M. MORIN: Est-ce que vous êtes satisfait de cette situation
où, pour obtenir, comme vous le dites, un très haut poste, il
faille connaître l'anglais?
M. BLANCHET: Monsieur, je suis ici devant votre commission et je suis
heureux d'y être, vu que le gouvernement a décidé de
présenter le bill 22, qui a un caractère positif. Nous sommes
ici...
M. MORIN: Nous sommes heureux de vous accueillir aussi.
M. BLANCHET: ... pour tenter d'améliorer ce bill suivant notre
point de vue. Je ne suis pas ici en opposition, M. le Président.
M. CLOUTIER: L'Opposition vient de manifester son accord envers le bill
22.
M. MORIN: Je suis heureux d'accueillir ces messieurs, comme ils sont
heureux d'être là, c'est tout.
M. CLOUTIER: Parfait.
M. ROCHETTE: M. le Président...
M. MORIN: Si M. Rochette, je crois, veut continuer, je n'ai pas
d'objection.
M. ROCHETTE: Oui. M. le Président, sur les dernières
paroles que vient de prononcer M. Morin, ce n'est pas exclusif au Québec
où, pour atteindre les plus hauts postes dans le domaine des affaires,
surtout avec les échanges internationaux tels qu'ils sont aujourd'hui,
il faut avoir une connaissance de l'anglais. La même chose se
présente pour le citoyen français en France, pour le Danois au
Danemark, pour le Suédois en Suède. Ce n'est pas limité
ici.
Je prends mon expérience personnelle, je n'aurais pas le poste
que j'ai aujourd'hui si je ne connaissais pas de façon convenable
l'anglais pour pouvoir traiter des affaires de l'entreprise que je
représente un peu partout dans le monde.
M. MORIN: En réalité, vous n'auriez pas le poste que vous
avez aujourd'hui si le Québec n'avait pas créé la SGF et
n'avait pas repris à son compte Marine Industrie, c'est-à-dire si
la collectivité québécoise ne vous avait pas donné
la chance d'être où vous êtes.
M. ROCHETTE: Je pense que vous sortez un peu du contexte. On a
sûrement des choses comme...
M. MORIN: Vous m'avez vous-même apporté cet exemple
personnel. Je me permets de le commenter.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que je peux fermer...
M. MORIN: Non, je n'ai pas complété.
M. RACINE: M. le Président, je vois d'après la
déclaration que vient de faire le chef de l'Opposition, qu'il y a des
pourcentages très forts qui ont tendance, comme vous le citez
vous-même d'ailleurs, à avoir un choix, au point de vue de
l'enseignement de la langue, qui penche beaucoup plus du côté de
l'anglophone que du côté français. Mais savez-vous que pour
en arriver là... Si vraiment c'est le cas, vous venez d'expliquer qu'on
était bien mal préparé et qu'on avait un choix qui
méritait d'être révisé. Quand les gens qui sont
libres de faire le choix de leurs décisions selon leur bon vouloir et
selon ce qu'ils pensent qu'il peut leur arriver de mieux, et à leur
famille et à leurs enfants, comment m'expliquez-vous que les gens ont
une tendance dans le domaine de l'éducation, à 70 p.c. ou
à 80 p.c, d'aller du côté anglais? C'est que
précisément nous n'avons peut-être pas reconnu de
façon assez évidente que, si on veut ajouter au savoir qu'on a,
à la culture qu'on a, aux exigences de la vie moderne par rapport aux
communications qui... Aujourd'hui, on ne peut plus vivre sous des coupoles qui
sont isolées.
M. MORIN: Messieurs...
M. RACINE: Cela veut dire qu'il faut être mieux
préparé. Cela ne veut pas dire qu'il faut abdiquer devant ce qui
est vrai, ce qu'on a, ce qu'on possède à l'origine; cela veut
dire qu'il faut savoir davantage, qu'il faut connaître davantage pour
obtenir aujourd'hui des postes à un niveau supérieur. Je crois
qu'il faut être bien préparé. Dans la formation, je crois
que la langue anglaise, comme la langue d'autre nations, est certainement une
chose qui s'impose. Alors, on dit simplement ceci: Si on veut mieux
préparer nos Canadiens français à être des gens
d'élite et encore davantage, pourquoi ne pas leur dire qu'en même
temps qu'on veut protéger le caractère ethnique, c'est
nécessaire qu'il y ait un pourcentage de reconnaissance des droits de
ceux qui vivent conjointement et collectivement avec nous, même s'ils
représentent la majorité? Le jour où on voudra oublier
complètement ou mettre de côté le droit de la
minorité dans l'Etat qu'est le Québec, j'aurais grandement peur
que, sur un autre plan, qui est peut-être le plan canadien, les gens nous
paient la même politesse; et encore là, cela ne nous
placerait pas à l'avance. C'est cela qu'il faut défendre.
Je crois qu'il faut préparer nos gens à avoir plus de savoir,
plus de connaissances. Il ne faut pas chercher à diminuer
l'intérêt ou le pouvoir des choses qu'ils peuvent apprendre et
connaître et partant de là, la langue, parce que c'est essentiel
pour les communications.
M. MORIN: Messieurs du Comité Canada, si vous êtes venus
nous dire que l'anglais est utile dans le domaine des affaires et qu'il faut
l'apprendre, nous sommes d'accord. Mais ce n'est pas cela que vous êtes
venus soutenir. Vous êtes venus nous dire, enfin de compte, si j'ai bien
lu votre mémoire, que les jeunes Québécois francophones
peuvent aller à l'école anglaise, si tel est leur bon
vouloir.
M. RACINE: Si c'est le choix de leurs parents.
M. MORIN: Non! La vraie solution et celle que vous auriez dû
préconiser, si vous étiez d'authentiques Québécois,
c'est qu'on apprenne correctement le français dans les écoles
françaises et l'anglais dans les écoles françaises...
M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. RACINE: Quand vous dites: Si on est d'authentiques
Québécois...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!
M. HARDY: Je conçois très bien qu'on puisse
différer d'opinion avec ceux qui comparaissent devant nous. Je pense que
je l'ai manifesté. Mais je ne pense pas, au nom de la liberté et
de la démocratie, que l'on dise aux témoins, comme le chef de
l'Opposition a tenté de le faire: Vous devriez dire telle chose. M. le
Président...
M. MORIN: Bien non!
M. HARDY: ... le député de Sauvé en est rendu au
point...
M. MORIN: J'exprime mon opinion.
M. HARDY: ... de dicter aux comparants ce qu'ils doivent dire. Nous
sommes ici pour savoir ce qu'ils ont à dire. Nous pouvons qualifier leur
intervention, mais je ne pense pas que nous ayons à dicter des
réponses.
M. MORIN: Bon! M. le Président, il ne s'agit pas...
LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est une question de règlement.
M. MORIN: ... de leur dire ce qu'ils doivent penser, ils sont assez
grands garçons pour savoir ce qu'ils pensent. Ce que je leur dis, c'est
que j'aurais attendu d'eux qu'ils soutiennent qu'il fallait bien enseigner
l'anglais dans les écoles françaises, et non pas le
système qu'ils sont venus nous proposer, qui est un système
d'assimilation.
M. HARDY: Pas d'accord!
M. MORIN: Je pense que le ministre...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Non, j'en conviens...
M. RACINE: M. Morin...
LE PRESIDENT (M. Gratton): J'aimerais profiter de l'occasion pour
rappeler qu'en vertu de l'article 9...
M. RACINE: M. le Président, cette déclaration du chef de
l'Opposition...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Vous pourrez continuer après.
J'aimerais rappeler que l'audition d'aujourd'hui n'est pas pour engager un
débat entre le Comité Canada et les membres de la commission,
mais bien pour que la commission se renseigne. On doit admettre seulement les
questions qui nous permettent de nous renseigner. J'aimerais également
faire remarquer à la commission qu'il reste environ quinze minutes
à l'audition du Comité Canada et qu'étant donné
l'horaire chargé nous avons sept organismes à entendre
avec un total de séances d'environ sept heures il nous faudra
nous limiter à ce que prévoit le règlement,
c'est-à-dire une heure pour chaque organisme. J'invite le chef de
l'Opposition à compléter ses questions.
M. MORIN: Merci beaucoup, M. le Président. Aux pages 4 et 5 de
votre mémoire, vous invoquez constamment la notion de "droits acquis" de
la minorité anglophone. Vous avez un juriste parmi vous, qui est Me
Blanchet. Ce dernier connaît sûrement le sens exact en droit de
l'expression "droits acquis". J'attendrais de vous ou de lui qu'il nous dise
exactement ce que vous avez voulu dire, car je dois attirer votre attention sur
le fait qu'en droit constitutionnel les droits acquis n'existent pas, comme la
commission Gendron vient de le constater une fois de plus. Qu'avez-vous voulu
dire exactement? Est-ce que vous avez voulu employer l'expression dans son sens
technique, comme j'imagine que c'est le cas puisque vous avez
présenté un mémoire qui entend se tenir sur le plan
juridique, ou bien lancez-vous cela en l'air comme ça, comme une
expression purement poétique?
M. BLANCHET: Nous laissons la poésie, je pense, à nos
honorables amis de l'Opposition.
Pour être éminemment pratique, les droits acquis, je pense,
dans une société bien organisée...
M. MORIN: Vous êtes "pratiques" dans votre financement aussi, mais
continuez...
M. BLANCHET: Je n'ai rien entendu. C'est difficile de comprendre. Je
parlais à ce moment. Nous avons bien voulu présenter le fait que
les droits acquis, dans une société moderne, devaient être
considérés surtout par un gouvernement, surtout par une
Assemblée nationale. Je pense que c'est important et que c'est
fondamental. Et si nous l'avons mis, c'est parce que nous avons, non seulement
une vision, mais une vue canadienne qui se tient. Si le projet de loi 22 avait
été présenté dans un Etat qui ne faisait pas partie
d'une fédération, je suis d'accord avec vous, M. le chef de
l'Opposition, on n'aurait pas quand-chose à dire vis-à-vis des
droits acquis. Mais comme le Québec fait partie de l'entité
canadienne et que nous sommes tous des Canadiens jusqu'à preuve du
contraire je pense qu'en droit, on peut l'affirmer, on doit
l'affirmer alors, c'est pour cela que nous maintenons les droits acquis.
Je pense que c'est important que nous l'ayons mentionné parce que nous
sommes fiers du fait que nous sommes encore au Canada.
M. MORIN: Est-ce que vous entendez par cela, Me Blanchet, que vous
reconnaissez la validité des droits acquis, même si cela n'existe
pas en droit constitutionnel?
M. BLANCHET: Je pense que toute société, tout
gouvernement, toute Assemblée nationale qui est élue, qui
représente un peuple, qui représente tous les citoyens d'un pays
doit considérer les éléments constituants de la
société qu'elle représente. Je pense que c'est fondamental
aussi.
M. MORIN: Bien. M. le Président du comité, j'aimerais vous
poser une ou deux questions sur vos structures et votre financement. Si j'ai
bien compris, à la lecture de la petite brochure que vous nous avez fait
parvenir, vos membres proviennent essentiellement des affaires, des compagnies,
des sociétés commerciales ou industrielles et le calcul de leurs
cotisations se fait d'après le nombre d'employés et
d'après le revenu net. Est-ce bien cela?
M. BEAUDOIN: C'est laissé libre. C'est laissé libre. C'est
tout simplement un barème, tel qu'indiqué: Suggestions, tout
simplement.
M. MORIN: Bien. Est-ce que j'ai bien compris? Vos membres sont d'abord
et avant tout des sociétés commerciales et industrielles?
M. ROCHETTE: Non. Nous avons environ 10,000 membres. Ce que vous voyez
dans la brochure, ce sont les membres du conseil d'administration.
M. MORIN: Oui, mais est-ce que vous avez des membres individuels?
M. BLANCHET: Oui.
M. MORIN: Qui paient en fait combien de cotisation?
M. BLANCHET: $5. M. MORIN: Combien?
M. BEAUDOIN: $5 et ils ont droit à un abonnement à un
magazine qui s'appelle Opinion Canada que vous recevez vous-même
d'ailleurs, que nous faisons parvenir à tous les membres élus au
Canada.
M. MORIN: Bien sûr. Est-ce que ce calcul de cotisations, qui est
indiqué dans votre brochure, s'applique seulement aux
sociétés? C'est bien cela? Quelle proportion de votre budget de
$402,000 pour l'année 1974 vient des sociétés commerciales
et quelle proportion vient des membres individuels?
M. BEAUDOIN: II est incontestable que la plus grande proportion vient
des sociétés indis-trielles. C'est absolument véridique.
Nous n'avons pas l'intention de le contester non plus.
M. MORIN: Quel pourcentage?
M. BEAUDOIN: Peut-être 60 p.c.
M. MORIN: Pas plus que cela?
M. BEAUDOIN: Pas plus que cela, non.
M. MORIN: Vous touchez combien de cotisations individuelles?
M. BEAUDOIN: Nous touchons environ 5,000 à 6,000 cotisations
individuelles.
M. MORIN: 5,000 à 6,000.
M. BEAUDOIN: Mettez cela à $5, à ce moment, vous avez un
projet...
M. MORIN: Cela fait $25,000 sur un budget de $400,000. Ce n'est pas 60
p.c, cela.
M. ROCHETTE: Remarquez que c'est plus que cela. C'est un minimum, $5. De
nombreux membres donnent plus que cela. Dans le budget total, il y a aussi des
contributions des différents niveaux de gouvernement,
fédéral et provinciaux.
M. MORIN: Vous avez des subventions?
M. BEAUDOIN: C'est ce qui fait les 60 p.c, M. le Président.
M. ROCHETTE: C'est cela.
M. MORIN: Vous avez des subventions?
M. RACINE: Quand vous dites qu'on a des subventions, ce sont des
subventions qu'on a pour des fins spécifiques, pour l'aide à la
jeunesse ou l'aide aux jeunes. Ce sont des fonds, si vous voulez, qu'on
administre à la demande de l'un ou l'autre des gouvernements ou encore
pour des programmes conjoints, qui vont directement, non pas aux fonds de
l'organisation, mais pour des programmes, enfin, qui sont en...
M. MORIN: Est-ce que c'est extrabudgétaire ou si c'est compris
dans votre budget de $400,000?
M. BEAUDOIN: C'est compris dans le budget.
M. MORIN: Combien touchez-vous ou avez-vous touché en 1973 de
subventions du gouvernement du Québec?
M. BEAUDOIN: Est-ce que c'est absolument nécessaire de
répondre, M. le Président?
M. MORIN: Oui, cela nous éclairerait sur votre organisme. On l'a
fait pour d'autres organismes.
M. BEAUDOIN: Vous pouvez vérifier aux comptes publics. En fait,
si c'est la réponse que vous voulez, on peut vous donner la
réponse. Sur un projet de $300,000 d'un programme qui se nomme
"Eté du Canada", où nous allons échanger cet
été environ 2,500 étudiants dont environ 600 viennent du
Québec, nous avons une subvention de $7,000 qui nous est
accordée. Je ne crois pas que ce soit exagéré.
M. MORIN: $7,000 de qui?
M. BEAUDOIN: $7,000 du gouvernement du Québec.
M. MORIN: Bien. Qu'est-ce que vous touchez comme subvention du
gouvernement canadien maintenant?
M. BEAUDOIN: Cela, monsieur, vous pouvez vérifier auprès
du gouvernement canadien. Je ne crois pas qu'on soit ici pour vous donner nos
comptes, en fait.
M. MORIN: Vous êtes libres de répondre, mais cela nous
éclairerait.
M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement. Il est
rare que je sois d'accord avec l'honorable député de
Sauvé, mais je pense que ses questions sont totalement pertinentes. Je
pense que c'est un peu, comme devant un tribunal...
M. CHARRON: Cessez de nous interrompre, alors!
M. HARDY: Très bien, je vais me taire. M. CHARRON: Bon,
continuons.
M. HARDY: Si vous ne voulez pas... M. le Président, ce n'est pas
le député de Saint-Jacques...
M. CHARRON: Depuis quand invoque-t-on le règlement pour dire
qu'on est d'accord sur une question qui est en train de se poser?
M. HARDY: M. le Président, j'invoque le...
M. CHARRON: A moins de vouloir passer pour un francophone qui maltraite
le Comité Canada, à moins de vouloir...
M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. CHARRON: II n'y a pas de règlement là-dedans. La
question est pertinente, il a le droit de la poser.
M. HARDY: M. le Président, voulez-vous demander...
M. CHARRON: M. le Président, je vous prie de respecter le
règlement. Il n'a pas d'affaire à interrompre...
M. HARDY: M. le Président, j'ai invoqué le
règlement.
LE PRESIDENT (M. Gratton): J'aimerais entendre le point de
règlement du ministre des Affaires culturelles.
M.HARDY: M. le Président, je comprends...
M. CHARRON: S'il veut se donner des airs de francophile, il le fera
ailleurs!
M. HARDY: ... que le député de Saint-Jacques ne comprend
absolument rien au règlement, qu'il ne comprend absolument rien au
déroulement d'une telle commission. J'invoque le règlement, parce
que, comme membre de cette commission, j'ai les mêmes droits que le
député de Sauvé. Je considère que les questions du
député de Sauvé sont nécessaires à la bonne
compréhension...
M. CHARRON: Alors,laissez-le aller!
M. TARDIF: Ferme donc ta boite, Charron!
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !
M. HARDY: M. le Président, voulez-vous demander au
député de Saint-Jacques de se taire?
UNE VOIX: II n'est pas capable.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que...
M. HARDY: M. le Président, je considère que les questions
posées en leur présence sont nécessaires, parce que le
témoignage formulé par les comparants est lié à
leur crédibilité dans une certaine façon. Je pense que le
député de Sauvé, lorsqu'il pose des questions, je pense
bien, ne les pose pas pour son parti, ne les pose pas pour son
intérêt personnel, mais les pose pour l'intérêt
général de la commission, donc pour tous les membres de la
commission.
Or, en tant que membre de la commission, je dis que je suis
intéressé à savoir quelles sont les sources de financement
de ce comité parce que cela peut avoir une influence quelconque sur leur
prise de position.
M. CHARRON: Vous voulez faire la manchette demain matin.
M. TARDIF: Bien voyons donc, Charron, ils sont capables de la faire!
M. MORIN: Je voudrais revenir à la subvention
fédérale. Au cours de l'année 1973 et pour 1974, si vous
en avez reçu également, de combien sont-elles?
M. RACINE: Si vous me permettez, nous n'avons pas en main ici tous les
chiffres. On voudrait vous répondre avec beaucoup de précision,
on n'aura aucune sorte d'objection à vous faire parvenir, si vous
voulez, par les voies normales, nos états financiers, nos chiffres,
parce que c'est un mouvement canadien, c'est une chose publique et on n'a
aucune sorte d'objection. Mais la chose que je voudrais vous faire remarquer
à ce stade-ci, qui est très importante, et qui va de pair un peu
avec les questions que vous semblez vouloir suggérer, c'est ceci. Bien
que ce soit un organisme à caractère national qui défend
un droit, je ne dirai pas égal, mais selon les droits acquis ou les
présences, et qui respecte beaucoup la présence de ceux qui sont
en place, leur langage, leur culture, leur façon d'agir, je ferai
remarquer que le Comité Canada, cette année, a comme
président un canadien francophone, comme vice-président...
UNE VOIX: Alors, cela...
M. RACINE: Non, mais c'est important, parce que nous sommes tout de
même neuf provinces dont une française. Comme vice-prési-
dents sur cinq vous remarquerez qu'il y a deux autres Canadiens
français...
M. MORIN: Vous en trouverez toujours pour cela.
M. CHARRON: Des Canadiens français de service, vous en aurez
toujours.
M. RACINE: Ce que je veux vous dire, c'est ceci. Je pense que c'est
important que vous l'écoutiez. Précisément, on a deux
autres Canadiens français là; comme secrétaire national,
on a un autre Canadien français et vous savez pourquoi?
M. CHARRON: On a un gouverneur général aussi.
M. RACINE: C'est parce que tous ceux-là savent également
parler l'anglais. Cela nous avance.
M. CHARRON: On a un gouverneur général aussi.
LE PRESIDENT (M. Gratton): H reste deux minutes à l'audition du
groupe et j'aimerais accorder la parole, dans mon désir de
répartition équitable du temps, au député de
Laporte.
UNE VOIX: Cela va.
M. MORIN: Mais, je n'ai pas terminé, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je comprends, mais il est 11 h 15.
M. BEAUDOIN: Ajouté à ce que M. Charron a...
M. MORIN: Cest quand même un organisme important, je pense qu'on
pourrait leur consacrer encore quelques minutes.
M. BEAUDOIN: M. le Président, est-ce que je peux ajouter quelque
chose? Je pense que M. Charron a avancé un point qui est assez blessant.
Des francophones de service. Je voudrais vous faire remarquer qu'à la
dernière élection il restait 70 p. c. de Canadiens. On ne peut
pas nier cela. Alors, il reste tout de même 70 p.c. de Canadiens qui ne
sont pas des francophones de service.
M. CHARRON: Je suis parfaitement d'accord sur le résultat de
l'élection à le constater dans les urnes par rapport aux
citoyens, mais ceux qui les manipulent de ce genre, et des Canadiens
français de service comme vous en êtes actuellement, cela c'est
une autre affaire.
M. HARDY: La manchette.
M. TARDIF: Des séparatistes de service. LE PRESIDENT (M.
Gratton): A l'ordre! UNE VOIX: II va en rester plusieurs.
M. TARDIF: Un séparatiste de service comme vous.
M. HARDY: Vous répétez toujours la même chose. Vous
avez la manchette quand même.
M. MORIN: M. le Président, je voudrais tout simplement, non pas
poser une question, mais faire un dernier commentaire.
M. DEOM: Un point de règlement.
M. MORIN: M. le Président, le hasard... Oui?
M. DEOM: J'ai cédé mon droit de parole, M. le
Président, parce que vous m'aviez dit que la période était
terminée, mais cette période n'était pas terminée
et j'ai des questions à poser.
LE PRESIDENT (M. Gratton): II reste une minute et trente secondes.
M. MORIN: Je pense que les deux députés peuvent avoir
quelques minutes de plus.
M. CLOUTIER: Dans ce cas-là, nous allons discuter parce qu'il
faut tout de même que cette commission puisse fonctionner d'une
façon valable. Nous avons sept groupes à entendre, mais nous nous
sommes toujours entendus sur une répartition. Je n'ai pas d'objection
pour ma part à ce qu'on ajoute cinq minutes au temps réparti,
mais il faudrait que le parti ministériel puisse également
s'exprimer. Nous avons laissé l'Opposition parler, nous avons même
laissé insulter les invités, ce qui est une chose que je
réprouve pour ma part, mais que je commenterai à
l'Assemblée nationale, lors du débat en deuxième lecture,
parce que c'est tout de même très significatif que l'Opposition
traite constamment de non-Québécois ceux qui ne sont pas de son
avis. Mais chaque chose en temps et lieu. Alors, M. le Président, cinq
minutes me paraissent adéquates.
M. MORIN: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, est-ce que la commission est d'accord
pour que nous continuions jusqu'à 11 h 20?
UNE VOIX: Au plus tard.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, qu'il en soit ainsi.
M. MORIN: M. le Président, je voudrais simplement dire ceci et je
le dis en tout respect pour les comparants. Le hasard a voulu qu'en 1964 j'aie
été convoqué par ceux qui ont pris l'initiative de
créer Comité Canada, ceux qui ont lancé ce projet;
peut-être ces messieurs n'y étaient-ils pas à ce
moment-là. Je suis allé à la première
réunion pour voir s'il y avait quelque possibilité de trouver un
terrain d'entente.
C'était en 1964. Je me suis rendu compte en arrivant là
que je connaissais quelques-unes des personnes qui s'y trouvaient, que j'avais
affaire à un groupe de députés ou d'organisateurs
libéraux fédéraux. Aussi ai-je pris la porte après
la première réunion.
M. HARDY: NPD.
M. MORIN: Je me demande si, à la suite du mémoire qui nous
a été soumis ce matin, ce n'est pas encore exactement le
même décor que nous avons devant nous. C'est un décor, j'ai
l'impression, et le contenu de votre mémoire le prouve. Messieurs, les
vrais membres du Comité Canada, ceux qui vous financent, ne sont pas
là aujourd'hui. C'est vous qu'ils ont envoyé. J'aimerais bien
voir les vrais membres, ceux qui paient.
M. BEAUDOIN: ... vraiment, M. Morin.
M. RACINE: Je peux vous dire que ce que vous venez d'affirmer,
excusez-moi de prendre des mots directs, c'est une des faussetés
à peu près les plus monumentales...
M. MORIN: Vous n'y étiez peut-être pas; j'y étais
moi, en 1964.
M. RACINE: Ecoutez, à l'origine...
M. HARDY: C'est leur marque de commerce.
M. RACINE: ... j'en connais des gens qui étaient là
à l'origine et qui étaient des adeptes d'autres partis politiques
de vouloir dire: Moi, pour ma part, je ne crois pas que je suis un
libéral fédéral. Je ne crois pas ça, je peux
vous l'affirmer et j'ai contribué depuis plusieurs années pour
les services que ça rend vouloir affirmer... Je remarque que
c'est un groupe et je ne vois pas... Ecoutez, la présence...
M. MORIN: Vous niez que les organisateurs du Comité Canada,
à l'origine, étaient des organisateurs libéraux
fédéraux?
M. RACINE: Si vous me permettez, moi, je n'ai pas le temps d'être
négatif comme vous, je ne suis pas payé pour ça. Alors, je
veux simplement dire ceci: Restez négatifs. Voici un organisme, M. le
Président et M. le ministre, qui a à coeur l'intérêt
du bill 22 et on croit que c'est notre rôle de venir donner une opinion
objective, honnête, favorable sur ce que le
Parlement a l'intention de faire en apportant, si vous voulez, certaines
suggestions que l'on voudrait également positives pour toute la nation
canadienne-française, pour les francophones d'abord et pour ceux qui
participent avec nous, si vous voulez, à l'édification de cette
nation. C'est pour ça qu'on est ici. On n'est pas ici pour savoir si M.
Morin pense comme nous ou non. Je pense que jamais on ne pourra penser la
même chose.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Laporte.
M. DEOM: M. le Président, à la page 5, vous dites:
Personne n'ignore que les anglophones ont toujours eu droit à leurs
écoles". Ma question est la suivante: Est-ce que par ceci, vous voulez
indiquer que le gouvernement du Québec devrait amender l'article 93 de
la constitution canadienne?
M. ROCHETTE: II faudrait que j'aie devant moi cet article pour savoir
exactement ce que vous voulez dire.
M. DEOM: En vertu de la constitution canadienne, je ne pense pas que les
anglophones ont toujours eu droit à leurs écoles. C'est l'article
93 qui spécifie la confessionnalité et non la question
linguistique.
M. BEAUDOIN: C'est un fait.
M. DEOM: Est-ce que vous proposez qu'on amende l'article 93 de la
constitution?
M. BEAUDOIN: Je l'ai suggéré. M. DEOM: Merci.
M. CHARRON : M. le Président, j'ai une question très
simple. Les membres de la commission auront certainement noté, à
la lecture de votre mémoire, que ce genre de position que vous avez pris
jusqu'à présent, n'avait été pris que par des
anglophones; certains avec un ton de panique, d'autres de façon plus
modérée mais peu importe, le fond, l'intégral était
une position anglaise. Je me demande, à la lecture de votre
mémoire, qui est un vaste tableau de l'assimilation, à mon avis,
si vous ne croyez pas que votre texte aurait gagné de la
limpidité, de la clarté, de la solidité s'il avait
été rédigé en anglais. Parce que je crois que la
pensée aurait été fidèlement traduite et qu'elle a
beaucoup plus de difficultés à se poser comme cela.
M. TARDIF: Question, question!
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!
M. TARDIF: Laissez-le répondre maintenant!
M. RACINE: Quand même qu'on aurait pu avoir...
M. CHARRON: M. Racine, si vous permettez, quand vous affirmez, par
exemple, à la page 2, de votre mémoire, avec une certaine audace,
j'imagine, que c'est à Montréal que le bilinguisme a atteint son
sommet d'élégance, vous n'êtes certainement pas dans les
mêmes quartiers que je fréquente à Montréal et celui
que je représente ici pour parler d'élégance du
bilinguisme.
Je voulais vous demander si vous avez véritablement songé
à traduire votre mémoire, pour que son esprit, son sens, sa
position fondamentale soient explicitement traduits sans détour, sans
forcer les mots, sans vocabulaire tiraillé, mais que la véritable
pensée de votre organisme soit transmise aussi fidèlement que
possible à la commission parlementaire.
M. BEAUDOIN: Pour notre information, au Comité Canada, nous avons
l'habitude de produire tous nos documents bilingues, français et
anglais, alors, ne vous inquiétez pas, nous allons le faire en anglais
aussi.
M. CHARRON: Mais est-ce que habituellement, vous le faites en anglais ou
si vous le faites plus souvent en français?
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre messieurs!
M. BEAUDOIN: Absolument pas! On le compose en français.
M. CHARRON: Alors, cela veut dire que le mal est déjà fait
en dedans?
M. BEAUDOIN: C'est ce que vous pensez. M. CHARRON: Si j'ai bien
compris.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, messieurs du Comité Canada, au
nom de la commission, nous vous remercions. J'invite maintenant le
Département de linguistique de l'Université du Québec
à Montréal et son porte-parole, M. Denis Dumas, à se
présenter, s'il vous plaît. Je vous inviterais à nous
présenter les gens qui vous accompagnent.
Département de linguistique de
l'Université du Québec à Montréal
M. DUMAS: On m'a nommé porte-parole surtout parce qu'on avait
besoin d'un nom qui apparaisse quelque part, mais en fait nous sommes tous une
équipe à représenter le département de linguistique
de l'université du Québec à Montréal. Je vous les
présente. A commencer par la droite, M. André Dugas, Mme
Madeleine Saint-Pierre, Mme Claire Asselin, M. Philippe Barbeau, M. Guy Labelle
et M. Alain Beaulieu.
Le mémoire que nous avons présenté à la
commission représente en fait la position officielle et publique du
département de linguistique de l'Université du Québec
à Montréal. Cette position a été débattue et
adoptée lors d'une séance spéciale de l'assemblée
départementale. L'esprit dans lequel ce travail a été
fait, d'abord d'analyse critique, de débat ensuite et finalement de
formulation d'un certain nombre de propositions précises que vous
entendrez tout à l'heure, a été fait dans l'esprit
suivant. Nous n'avons absolument pas voulu nous substituer au
législateur, surtout pas pour la rédaction du libellé des
articles. Nous avons simplement voulu affirmer très haut les
dispositions essentielles que, selon nous, tout projet de loi linguistique au
Québec doit absolument garantir.
Avant de procéder à la lecture de notre mémoire qui
est très court, nous aimerions souligner quelques erreurs de typographie
survenues malheureusement à cause des délais très courts
impartis. A la première page, à la première ligne,
succédé sans s. A la page 3, première ligne du
deuxième paragraphe: la Suisse est en réalité. A la
troisième ligne du bas de la même page, il faudrait enlever la
virgule après entre autres. Celle-là est d'une importance
capitale. A la page 7, c'est purement typographique, dans la première
ligne du deuxième attendu, sous-tendre devrait sans doute se
présenter en deux mots avec trait d'union. A la page 9, au paragraphe
numéroté 11, l'affichage, etc., on devrait lire au début
de la parenthèse, par exemple, panneaux-réclame, enseignes
lumineuses. Finalement à la page 11, il ne s'agit pas bien sûr,
à la troisième ligne de la fin du premier paragraphe, de
l'article L33, mais de l'article 133.
Nous aimerions souligner que des copies du texte de notre mémoire
sont disponibles aux représentants de la presse et que nous-mêmes,
nous serons disponibles après l'audience pour répondre à
leurs questions.
Préambule. Bien que les ministres qui se sont
succédé à l'Education et aux Affaires culturelles de
l'Etat du Québec aient fait appel aux services de linguistes lorsque le
domaine linguistique était concerné création des
programmes-cadres de français, de l'Office de la langue
française, de la Commission d'enquête sur la situation de la
langue française au Québec, de la loi 63 nous estimons
que, dans le passé, cette consultation a été par trop
restreinte et dirigée.
C'est, par contre, un fait reconnu que le milieu universitaire et en
particulier les linguistes se soient très peu manifestés à
propos du problème linguistique. Nous estimons que la mesure
concrète de la présentation du projet de loi 22 commande
maintenant de notre part des mises au point ayant pour but de réaffirmer
ou de mettre en évidence un certain nombre de principes linguistiques
pertinents sur lesquels nous croyons que notre formation universitaire et
professionnelle nous autorise à nous prononcer.
Les professeurs du Département de linguistique de
l'Université du Québec à Montréal
s'inquiètent des nombreuses initiatives louables mais
désordonnées que prennent les députés et ministres
du Québec dans le domaine linguistique.
Le tout nouveau projet de loi 22 indique, dans la présentation
qu'en fait M. le ministre de l'Education, une volonté ferme de doter le
Québec d'une loi réglementant l'usage des langues de
communication dans le domaine de l'éducation, de l'industrie et du
commerce.
Cependant, la force même du texte de ce projet
révèle de graves imprécisions. En outre, il accuse des
contradictions flagrantes entre le principe fondamental du français
langue officielle et les applications pratiques par lesquelles on entend le
faire observer. On n'a qu'à faire le compte du nombre de "peut", "mais",
"cependant", "néanmoins" qu'on y trouve pour s'en convaincre. Enfin, ce
projet de loi définit et circonscrit de façon trop
grossière l'exercice d'une ou de plusieurs langues concurremment
utilisées. Ajoutons que ce texte fait preuve d'un silence
inquiétant en ce qui a trait au secteur des moyens de communication.
Pourtant, la clarté, la précision, la cohérence et la
concision sont toujours de mise dans toutes les langues, y compris le
français du Québec.
En dernier lieu, nous considérons, à titre de simples
citoyens, que l'ensemble du projet de loi constitue une insulte à
l'intelligence et au bon sens de tous les Québécois. En effet,
comment donner son adhésion à un projet de loi dont les
contraintes essentielles restent à spécifier par des
règlements ultérieurs? Comment souscrire à l'idée
de remettre entre les mains d'un seul homme, le ministre de l'Education,
l'avenir de la langue, des institutions et de la culture de la
communauté québécoise?
C'est à ces divers plans que se situe notre intervention
collective. Le texte qui suit fera état successivement: des principes
linguistiques fondamentaux dont il faut tenir compte dans l'élaboration
de toute politique concernant le français du Québec; d'un
ensemble de propositions ayant trait â la langue d'enseignement, à
la langue des moyens de communication et à la langue de travail et des
relations publiques.
M. BARBEAU: Principes linguistiques en cause. Premièrement, le
bilinguisme institutionnel et le bilinguisme individuel.
Le terme de bilinguisme est souvent utilisé sans les
précisions qui en délimitent la portée exacte. En fait, il
existe deux types de bilinguisme : le bilinguisme institutionnel et le
bilinguisme individuel. Un pays officiellement bilingue ou trilingue, comme la
Belgique, le Canada ou la Suisse, n'est pas nécessairement un pays
où tous les individus sont bilingues ou trilingues, mais plutôt un
pays où deux ou trois groupes d'unilingues cohabitent, le plus souvent
sur des territoires distincts.
Ainsi, la Suisse est en réalité composée d'au moins
trois territoires officiellement unilingues,
et c'est uniquement l'Etat fédéral suisse qui se
définit comme officiellement trilingue. Quant à lui, l'Etat
fédéral canadien se définit bien comme officiellement
bilingue mais le Québec, seul, est un territoire bilingue alors que les
neuf autres provinces sont des territoires unilingues.
Il est certain que, pour l'individu, la connaissance de plus d'une
langue est enrichissante et même utile, mais pour une
collectivité, il est irréaliste de faire en sorte que l'ensemble
de ses membres deviennent bilingues. L'histoire confirme que l'état de
bilinguisme collectif est un stade forcément transitoire aboutissant
toujours à un nouvel état d'unilinguisme, celui de la langue
dominante. Ainsi, un Québec bilingue évolue nécessairement
vers l'unilinguisme anglais. Il en découle que le gouvernement
québécois a la responsabilité de garantir l'existence et
le maintien de la langue maternelle, entre autres en excluant l'apprentissage
trop hâtif de l'anglais comme langue seconde.
Deuxième principe, la langue est un bien collectif.
Poser, comme le fait le premier attendu du projet de loi 22, que "la
langue française est un patrimoine national et qu'il incombe au
gouvernement du Québec de tout mettre en oeuvre pour en assurer la
prééminence et pour en favoriser l'épanouissement", c'est
reconnaître, sans ambiguïté, la réalité
supra-individuelle du langage.
Parler de liberté individuelle en matière de langage,
c'est méconnaître le caractère social contraignant de
celui-ci. Contrairement à la religion, par exemple, où l'individu
est libre de pratiquer ou de ne pas pratiquer et, à la rigueur, de
pratiquer la religion de son choix, l'exercice de la parole est
entièrement subordonné à la langue de la
collectivité. On peut en user comme bon nous semble du moins dans
les limites de l'intercompréhension mais elle ne nous appartient
pas en propre, elle est avant tout la propriété de la
communauté linguistique dans laquelle l'individu s'insère.
Le gouvernement du Québec doit être le garant de cette
propriété collective. Toute politique qu'il propose concernant
cette propriété doit nécessairement subordonner aux droits
de la collectivité francophone les droits des individus ou des
minorités non francophones.
Le troisième principe: la liberté de choix de la langue
d'enseignement.
Si la langue est un bien collectif sur lequel un individu ou une
minorité d'individus n'a pas juridiction, le droit de choisir la langue
d'enseignement revendiqué par certains constitue, en
réalité, un privilège ou un avantage issu des conditions
particulières qui ont caractérisé, jusqu'ici,
l'organisation de l'enseignement du Québec.
Il est certain que tout individu possède le droit à
l'instruction, et que l'Etat a le devoir d'en assurer l'exercice aux membres de
la collectivité, en utilisant une partie des impôts versés
par ses commettants. Par contre, la liberté de choix de la langue
d'enseignement est un droit strictement individuel, et le devoir de l'Etat ne
va pas jusqu'à accorder le privilège d'une instruction en langue
chinoise, kurde ou anglaise.
Au Québec, le droit à l'instruction est le droit d'une
collectivité qui se définit comme francophone. Le système
scolaire mis en place par l'Etat doit donc être défini comme
francophone, à l'image de la collectivité pour laquelle il est
institué. L'individu ou la minorité qui veut exercer son droit de
choisir une langue d'enseignement autre que celle qui est officiellement
reconnue dans le système scolaire doit, par conséquent, assumer
la responsabilité de le faire en marge du système scolaire
national.
Il découle de ces principes fondamentaux que les minorités
linguistiques non aborigènes qui vivent au Québec sont toutes
égales en regard du réseau scolaire national. En outre, parce que
tout immigrant qui choisit de venir s'établir au Canada, non seulement
est censé être au courant de la réalité linguistique
canadienne, mais doit aussi assumer les conséquences de cette
réalité, et parce que tout immigrant non francophone qui choisit
de venir s'établir au Québec, en particulier, doit assumer du
même coup la responsabilité de s'intégrer dans une
communauté dont le français est la langue nationale et officielle
et dont le réseau scolaire est défini comme francophone, il
découle aussi de ces principes fondamentaux que l'immigrant anglophone
qui s'établit au Québec jouit d'un statut égal à
celui de l'immigrant ne parlant ni anglais ni français.
Le quatrième: les moyens de communication.
Si la langue est un bien collectif de nature sociale, son état de
santé est étroitement tributaire du milieu social et culturel
ambiant. On imagine mal qu'elle puisse se développer ou même
simplement continuer de vivre si elle est soumise à des pressions
linguistiques étrangères trop fortes.
Il est indéniable qu'un environnement massivement et
qualitativement perturbateur sur le plan linguistique doit être tenu
partiellement responsable de la difficulté à exercer la parole
par chaque individu.
L'Etat du Québec, parce qu'il est le garant de
l'épanouissement et de la vitalité du français, a donc le
devoir de légiférer en matière de communication, en
particulier celle qui est véhiculée par les techniques
audio-visuelles.
MME ASSELIN: Les propositions.
ATTENDU que la langue constitue un patrimoine national qu'il faut
préserver et sur lequel l'Etat a le devoir de
légiférer;
ATTENDU que les principes énoncés plus haut doivent
sous-tendre toute politique ayant trait à la langue;
Nous proposons ce qui suit : 1. Le français est la seule langue
officielle
du Québec. Cela implique que le français est reconnu comme
étant la seule langue possédant un statut juridique.
I. Le français, langue d'enseignement. 2. Toute personne qui
réside au Québec a le droit d'inscrire son enfant à une
école du réseau d'enseignement public; elle peut cependant se
prévaloir du droit d'inscrire son enfant dans un établissement
privé. 3. L'enseignement du réseau scolaire public du
Québec, à tous les niveaux (préscolaire,
élémentaire, secondaire, collégial et universitaire) est
dispensé dans la langue officielle. Cette disposition implique le
remplacement du double réseau scolaire actuel par un réseau
scolaire unique francophone. 4. Son considérées, entre autres,
comme institutions privées pouvant être déclarées
d'intérêt public, les institutions dans lesquelles la langue
d'enseignement n'est pas le français. 5. L'enseignement du
français comme langue seconde est obligatoire dans les institutions
privées dès le premier cycle de l'élémentaire. 6.
L'enseignement de l'anglais ne peut se faire au niveau préscolaire et
élémentaire dans les écoles du réseau public. 7. Le
gouvernement du Québec doit assurer l'enseignement en langue maternelle
aux Exquimaux et aux Amérindiens de son territoire, sous réserve
de l'apprentissage du français comme langue seconde obligatoire. Cela
implique que le gouvernement provincial entreprendra des pourparlers avec le
gouvernement fédéral en vue de rapatrier la juridiction que doit
exercer le Québec sur les Esquimaux et les Amérindiens de son
territoire.
II. Le français, langue de communication. 8. La presse
écrite. a) La presse écrite de langue française
révise les modalités de publication de toute information autre
que journalistique (publicité, petites annonces, etc.); des
spécialistes, groupés sous une instance gouvernementale, lui
offrent des services adéquats et vérifient la teneur des textes
après publication. b) La presse écrite de langue anglaise
conserve le caractère original de ses publications. Elle est cependant
tenue de publier les annonces et la publicité du gouvernement du
Québec dans la langue officielle. c) Le gouvernement du Québec
voit à l'établissement, dans les plus brefs délais, d'une
agence de presse québécoise. 9. La télévision et la
radio. a) Les films et les annonces publicitaires doivent être
conçus et réalisés par des agences
québécoises francophones. b) Le gouvernement du Québec
entreprend des pourparlers avec le gouverne- ment fédéral en vue
de récupérer sa juridiction sur les chaînes de radio et de
télévision; cela implique, entre autres, la redistribution des
permis de diffusion au prorata de la population de chaque groupe linguistique.
10. Nonobstant les modalités de l'éventuelle politique
gouvernementale sur la production et la diffusion du cinéma, tout fils
projeté commercialement, s'il n'est pas doublé en
français, doit être, au moins, sous-titré en
français. 11. L'affichage (panneaux-réclame, enseignes
lumineuses), les contrats, l'étiquetage de produits, les factures,
reçus, menus, cartes des vins, certificats de garantie, notice qui
accompagnent les produits et les spécifications techniques se font en
français. 12. Dans sa portion linguistique, la signalisation
routière provinciale et municipale se fait exclusivement en
français.
III. Le français, langue de travail et de relations publiques.
13. Toute personne physique ou morale doit assurer ses services au public en
français. 14. a) La langue à utiliser pour les relations
publiques entre employeurs et salariés ainsi que pour les autres
documents des entreprises prescrits par la loi est le français. b) Les
relations publiques comprenant les contrats individuels et collectifs, tant
verbaux qu'écrits, entre employeurs et salariés qui ont avec
l'emploi un rapport direct ou indirect. c) Les relations publiques entre
employeurs et salariés comportent aussi, entre autres: i) toutes les
relations entre employeurs et salariés qui se déroulent au niveau
de l'entreprise sous forme d'ordres, de communications, de publications, de
réunions de service ou de réunions du personnel, de service
social, de service de la médecine du travail, d'oeuvres sociales, de
cycles de perfectionnement, de procédures disciplinaires, d'accueil,
etc.; ii) les relations qui se déroulent au niveau de l'entreprise au
sein des divers conseils, comités, bureaux, groupes de travail, etc., ou
entre l'employeur et la délégation syndicale, ainsi que les
relations avec ou au sein de tout autre organe qui serait créé
par voie légale ou par voie de concertation collective en vue
d'institutionnaliser ces relations; iii) toutes les relations entre l'employeur
et les institutions de droit privé ou public qui trouvent leur origine
dans les rapports de travail.
M. DUMAS: En conclusion, nous sommes convaincus que l'ensemble de nos
propositions concerne plusieurs aspects intimement liés et qu'à
ce titre ils forment un tout indissociable. Notre position suppose le refus du
projet de loi 22 tel que rédigé, ainsi que l'abrogation ou la
révision de toute loi ou partie de loi existante, par exemple, de la loi
63 ou l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, dont
l'effet est contraire à celui des propositions ci-avant
énoncées.
Selon des modalités à fixer par règlements, ce
projet de législation linguistique devrait s'appliquer progressivement
sur une période de cinq ans et ce à compter de son adoption par
l'Assemblée nationale.
Pour des raisons de méthode, nous considérons que les
questions relatives à la norme adoptée pour la langue
d'enseignement, au dirigisme linguistique exercé par le gouvernement et
à la coexistence normale des divers usages régionaux du
français québécois constituent un problème à
part sur lequel nous nous réservons de prendre position en temps et
lieu.
Pour terminer, il va sans dire que nous manifestons notre opposition la
plus totale vis-à-vis de l'instauration d'un système de
privilèges et de récompenses aux entreprises qui accepteraient
d'appliquer chez elles un quelconque programme de francisation. La loi devra
les obliger à se franciser, ce qui n'est pas une faveur qu'elles font
à la collectivité; elles ont, au contraire, l'obligation stricte
de le faire pour s'y intégrer. Nous sommes à la disposition de la
commission.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Merci. Le ministre de l'Education.
M. CLOUTIER: M. le Président, je remercie les
représentants du Département de linguistique de
l'université du Québec à Montréal pour la
présentation de leur mémoire. Je crois comprendre qu'il ne s'agit
pas d'une association mais qu'il s'agit d'un certain nombre d'individus qui
travaillent au sein d'un département universitaire. Est-ce que je me
trompe?
M. DUMAS: Il ne s'agit pas d'un certain nombre d'individus, il s'agit
d'abord d'une entité qui a une existence juridique et qui est un
département au sein de la constituante de Montréal de
l'université du Québec.
M. CLOUTIER: J'en conclus que vous représentez ce
département officiellement. Ce département compte combien de
professeurs ou d'enseignants?
M. DUMAS: Le département comporte officiellement 22 postes.
M. CLOUTIER: Alors, vous représentez donc 22 personnes?
M. DUMAS: Oui, exactement.
M. CLOUTIER: Merci. Je voudrais, simplement, avant la seule question que
je vais vous poser, apporter une précision, parce que vous laissez
entendre dans votre mémoire que c'est le ministre de l'Education qui se
voit confier la responsabilité de la langue. Ce n'est pas tout à
fait exact. Le texte de la loi prévoit qu'il s'agira du ministre
nommé par le lieutenant-gouverneur en conseil. C'est par hasard que
c'est le ministre de l'Education qui présente ce projet de loi. Comme le
projet de loi, une fois adopté, couvre plusieurs secteurs, il y aura
à ce moment un ministre qui en aura la responsabilité
générale. C'est un point de détail, mais j'ai tenu quand
même à apporter la précision. Dans le plan que vous
proposez, qui s'éloigne, bien sûr, du projet de loi 22, j'ai
l'impression, et vous me corrigerez si j'ai tort, que vous tenez compte surtout
de la majorité au Québec?
M. DUMAS: Effectivement.
M. CLOUTIER: C'est bien cela, n'est-ce pas? Est-ce que vous admettez
qu'un gouvernement, quel qu'il soit, représente à la fois la
majorité et la minorité?
M. DUMAS: C'est très juste.
M. CLOUTIER: Alors, comment conciliez-vous votre approche, qui est une
approche de majorité, par rapport à celle d'un gouvernement
responsable qui, suivant votre propre aveu, représente la
majorité et la minorité?
M. DUMAS: Si je peux me permettre de répondre là-dessus,
je pense que d'autres parmi mes camarades pourront ajouter ce qu'ils voudront
bien.
M. CLOUTIER: Je ne veux pas vous mettre en difficulté. Ce n'est
pas mon...
M. DUMAS: Non, sûrement pas.
M. CLOUTIER: J'ai toujours adopté le même ton ici à
la commission. Je n'engage pas de débat, je cherche simplement à
apporter un certain éclairage. Comme il est très net dans votre
mémoire que vous construisez votre plan linguistique à partir de
la majorité vous me l'avez confirmé j'aimerais
quand même savoir comment vous imaginez le rôle d'un gouvernement
qui, lui, est obligé de tenir compte de la majorité et de la
minorité qu'il représente juridiquement.
M. DUMAS: Nous nous plaçons strictement du point de vue de la
francophonie québécoise, s'entend. Nous avons voulu dire d'abord
clairement au gouvernement notre opinion sur ce que doit être, au moins
au niveau des principes, son rôle, c'est-à-dire celui de garantir
l'existence de la majorité. Ceci n'implique absolument pas qu'il doive
pour autant dénier des droits qui appartiendraient à des
minorités.
Cependant, nous prétendons que la première chose à
faire est de garantir l'existence de la majorité et, bien sûr, de
ne pas se servir de textes de loi pour brimer les minorités.
M. CLOUTIER: Mais, dans le plan que vous proposez ce sera ma
dernière question où situez-vous la minorité?
M. DUMAS: Laquelle?
M. CLOUTIER: La minorité anglophone.
M. DUMAS: Je pense que, advenant le cas où un projet de loi qui
garantirait des points tels que ceux que nous avons développés,
si elle décide toujours de rester au Québec, elle y sera
bienvenue.
M. CLOUTIER: C'est cela. Alors, vous envisagez, sans le souhaiter,
j'imagine, le départ de la minorité anglophone.
M. DUMAS: Absolument pas.
M. CLOUTIER: Ah bon! Je vous demande des précisions.
M. DUMAS: Tout ce que nous disions au fond, c'est que nous
préconisons l'établissement d'un réseau d'enseignement
public unique et non pas bicéphale.
M. CLOUTIER: C'est cela.
M. DUMAS: Unique et qui se définira comme francophone.
M. CLOUTIER: Parfait, merci.
M. BARBEAU: Je peux peut-être ajouter une information
supplémentaire. Je pense qu'il est temps, maintenant, qu'on puisse
penser à l'assimilation par les francophones de la minorité,
qu'elle soit anglophone, tchèque ou n'importe quelle. C'est un
réflexe qu'on peut maintenant considérer, étant
donné que notre prise de conscience du fait québécois et
de la francophonie québécoise est parvenue à un certain
terme de maturité. Par ailleurs, l'action d'un gouvernement en face des
minorités, en particulier la minorité anglophone, doit se faire
de telle sorte que lorsqu'elle décide de faire un projet de loi, que ce
projet de loi n'entre pas en contradiction avec les droits qu'une
minorité peut avoir, mais encore faut-il que ces droits existent
réellement. Nous pensons qu'en ce qui concerne les droits linguistiques,
il n'y en a pas énormément qui tiennent.
Par conséquent, ce que nous proposons dans l'ensemble du projet,
qui est en réalité un contre-projet au projet de loi 22, ne
dénie pas les droits de minorités, en ce sens que nous
préservons les droits fondamentaux comme celui de l'instruction, nous
permettons à toutes les minorités de pouvoir s'insérer
dans le système scolaire francophone. Par contre, comme nous le disons,
si ces minorités à titre d'individus ou de collectivités
décident de se tenir en marge du système fait pour la
majorité, comme il n'y a pas de droits fondamentaux de violés,
c'est à leurs risques et périls. Je pense que c'est une attitude
saine et solide.
LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de
Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, je veux remercier les
représentants du département de linguistique également
pour la qualité du mémoire qu'ils nous ont apporté ce
matin. J'aimerais prendre certaines dispositions particulières du
mémoire pour avoir des explications supplémentaires et,
également, peut-être vous signaler certaines omissions, enfin,
certains points où j'aurais aimé, en votre qualité de
linguistes, entendre votre position. Vous ne l'avez pas fait par écrit,
il vous est toujours possible de le faire maintenant à la table de la
commission.
Une question d'ordre général pour commencer avant de
prendre les différentes dispositions du mémoire. Vous affirmez
à la page 2, dans votre préambule, qu'à titre de simples
citoyens, cette fois, vous considérez l'ensemble du projet de loi comme
une insulte à l'intelligence et au bon sens de tous les
Québécois. Puis-je vous dire que vous n'êtes pas les
premiers à faire cette affirmation non plus puisque nous sommes ici pour
la sixième journée, jusqu'ici le gouvernement n'a eu que deux
béquilles, celle de la Chambre de commerce et le fameux comité
que vous avez entendu juste avant vous. Le reste des gens ont effectivement
qualifié le projet de loi à peu près de la même
façon. Or, le gouvernement, sur ces deux béquilles, doit donc
faire face de nouveau aune critique de ce genre. J'aimerais que vous expliquiez
en quel sens vous considérez le projet de loi 22 comme une insulte
à l'intelligence et au bon sens de tous les Québécois.
M. DUMAS: Je pense que c'est principalement dans le sens suivant, c'est
pourquoi nous n'avons pas accepté, en faisant une analyse critique
détaillée devant la commission, de tomber un peu dans le
même piège. Les critiques qui sont revenues le plus souvent au
moment de la séance spéciale où l'assemblée
départementale a débattu la question, c'était que
finalement, dans les attendus et surtout dans les premiers paragraphes
d'à peu près tous les articles, on affirmait gros comme le bras
une espèce de oui viscéral et inconditionnel à la
prépondérance ou à la priorité du français.
Mais dans les paragraphes deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf et
dix, on disait un tas de petits non qui assuraient toutes les portes de sortie
possibles vis-à-vis du oui qu'on a pourtant fait passer cousu de fil
blanc dès le premier paragraphe, c'était disons, le sens de
notre
critique générale vis-à-vis du texte du projet de
loi lui-même.
M. CHARRON: D'accord. Vous voulez dire ce que tout le monde a
signalé ici, anglophones comme francophones, c'est-à-dire le
manque de clarté...
M. DUMAS : Le manque de clarté, c'est autre chose, je pense.
C'est une critique à part qu'on peut faire aussi.
M. CHARRON: C'est une critique à part, vous voulez dire la
structuration du projet de loi, enfin, l'affirmation d'un principe et sa
contradiction inhérente dans les paragraphes qui suivent. Hier, il y
avait un témoin important, le président de la Centrale de
l'enseignement du Québec qui se demandait dans son mémoire:
S'agit-il de machiavélisme politique ou de naïveté
impardonnable? Je cite textuellement la CEQ. A votre avis, lorsque vous
qualifiez cela d'insulte à l'intelligence et au bon sens des
Québécois, c'est que vous prenez la structuration telle que faite
dans le projet de loi par le parti gouvernemental, non pas comme une
naiveté impardonnable, mais comme un calcul politique. En ce sens, c'est
insultant. Est-ce exact?
M. DUMAS: Remarquez qu'un texte si bien structuré pour faire
passer toute l'ambiguïté possible est ouvert à toutes les
interprétations.
M. CHARRON: D'ailleurs, si vous aviez assisté à toutes les
séances de la commission, on en a la preuve depuis le début;
à partir du même article, il y a des gens qui apportent des
versions tout à fait contradictoires. Depuis le début, le
ministre se retire dans ses nuages et n'apporte aucun éclairage, non
plus, que la commission est parfaitement en droit d'avoir. Puis-je vous
demander, au chapitre du bilinguisme institutionnel et individuel, cette fois
en tant que linguiste et non pas en tant que simple citoyen vous avez eu
la réaction que la grande majorité des Québécois
ont eue ... Quand on a interprété les sondages, dont vous
avez pris connaissance, j'imagine, comme tout le monde, ceux qui ont
été publiés il y a maintenant presque deux semaines,
à la question ambiguë où les gens répondaient sur le
statut que devrait avoir la langue, enfin les 1,200 Québécois
interrogés, pour autant que c'est un échantillon
représentatif, ce que je crois... On a apporté comme explication
que les gens, exactement comme vous le décrivez dans votre
mémoire, ayant fait un choix individuel quant à l'utilité
d'une seconde langue, et interrogés sur le caractère
institutionnel du bilinguisme, faisaient la transposition de l'individu
à l'Etat. Je me demande si, comme linguiste, vous pouvez nous dire si le
choix individuel d'une connaissance d'une seconde langue, etc., pour
s'affermir, pour se réaliser, doit comporter une contrepar- tie
institutionnelle, dans le sens que si vraiment faciliter à quelqu'un
l'apprentissage d'une seconde langue, dans son esprit, inciterait son
environnement à épouser également la deuxième
langue. Ou, est-ce que sur le plan linguistique proprement dit, on peut
apprendre une seconde langue, maîtriser une seconde langue, sans que
l'environnement où on est n'épouse cette seconde langue au
même titre que nous le faisons?
M. DUMAS: Si j'essaie de résumer votre question, vous nous
demandez si nous sommes d'avis d'affirmer, jusque dans les lois, la distinction
que nous avons faite entre le bilinguisme individuel et le bilinguisme
institutionnel?
M. CHARRON: Est-ce que le bilinguisme individuel est favorisé ou
nécessite le bilinguisme institutionnel? Voilà, c'est
peut-être encore plus clair. Est-ce qu'on devient mieux bilingue
individuellement quand tout l'appareillage, l'environnement
institutionnel...
M. DUMAS: Je pense qu'il y a deux choses. Disons, au départ,
qu'il est toujours possible à une personne d'apprendre n'importe quelle
langue seconde, même en dehors de tout milieu culturel, d'une part.
D'autre part, il est bien sûr qu'un milieu culturel ambiant ou au moins
voisin ou familier, à cause d'une quelconque caractéristique,
favorise un bain culturel dans lequel, évidemment, peut s'exercer
l'apprentissage de cette langue seconde. Cependant, je pense qu'il est clair,
dans notre texte, que nous adoptons une position très
particulière qui n'est pas strictement linguistique, mais plus globale;
nous nous exprimons là en tant que linguistes et en tant que citoyens,
et en tant que personnes, bien sûr. Nous ne croyons pas que
l'enseignement des langues secondes doive s'appuyer nécessairement par
la reconnaissance juridique des langues secondes. Je pense que, poussé
à la limite, ça devient strictement absurde et on se retrouverait
au Québec avec 25 réseaux d'enseignement public ayant autant de
dénominations linguistiques. Nous sommes carrément pour un
réseau d'enseignement public, d'une part, qui soit francophone, pour une
législation des communications qui mette à sa vraie place le
français que nous voulons être la seule langue officielle du
Québec Nous sommes bien conscients également que ça
implique aussi que le français sera langue de travail.
Donc, la position que nous prenons continue, au plan juridique, de faire
des distinctions absolument fondamentales entre bilinguisme individuel et
bilinguisme institutionnel. Non seulement nous continuons de faire la
distinction, nous disons même que, dans le texte de la loi, l'anglais ne
doit pas avoir de reconnaissance juridique à cause tout simplement d'un
état de fait qui fait que c'est lui, ici au Québec, la langue
dominante des deux qui sont principalement en opposition.
Cependant, cela ne veut pas dire pour autant que nous allons, au
contraire, dans un texte de loi, réglementer par le menu détail,
en allant invoquer un quelconque pourcentage ou l'autre, l'enseignement de
telle ou telle langue seconde, y compris l'anglais. Il est bien entendu, je
pense, qu'en hommes et en femmes réalistes, nous sommes bien conscients
que, de toute façon, il faudra bien que l'anglais soit quelque chose
comme la première langue seconde, à cause tout simplement d'un
état de fait. Mais pour autant nous n'allons pas, au contraire,
jusqu'à préconiser la continuation, par exemple, d'un
système d'enseignement bicéphale défini par deux
dénominations linguistiques.
M. CHARRON: D'accord! Iriez-vous jusqu'à dire, comme linguiste,
que si le Québec se dotait d'un véritable unilinguisme sur le
plan institutionnel, je veux dire si on appliquait réellement l'article
1 du projet de loi, autrement dit, les Québécois en quête
de bilinguisme individuel et soucieux d'apprendre une deuxième langue
je suis parfaitement d'accord avec vous, si vous me permettez d'ajouter
au jargon que la langue seconde prioritaire devrait être l'anglais
seraient quand même encore favorisés pour l'apprentissage de cette
langue seconde, même si le Québec était unilingue
institutionnel, en ce sens que la proximité vous êtes le
premier groupe à y faire mention des moyens de communication,
l'entrée de la télévision et de la radio anglaises n'est
pas par le fait même interdite. La proximité de la
littérature, de l'ouverture des bibliothèques publiques
comportant nombre d'ouvrages en anglais, etc., et l'environnement continental
où nous nous trouvons, la proximité, la présence,
même au sein du Québec, d'une minorité de 13 p.c.
d'anglophones, tout cela ferait que le jeune Québécois en
quête de bilinguisme individuel, même s'il vit dans un état
unilingue institutionnel, aurait encore plus de facilité que le jeune
Français ou le jeune Suisse ou le jeune Allemand à
connaître la langue anglaise du fait que cette présence constitue
un atout pour quelqu'un qui veut aller le chercher.
Je vous signale simplement que moi, par exemple, si j'ai une
connaissance moyenne de l'anglais, c'est principalement par ces atouts de
l'extérieur, l'environnement comme vous le disiez. Je reprends une
question qui a souvent été posée, je ne sais plus par quel
député ministériel, selon laquelle l'instauration de
l'unilinguisme institutionnel serait un désavantage quant à
l'apprentissage d'une seconde langue.
MME SAINT-PIERRE: Je voudrais...
M. DUMAS: Je crois que Madeleine Saint-Pierre aimerait vous
répondre.
MME SAINT-PIERRE: Je pense, que sous-jacente à cette question, il
y aurait peut-être la question de bilinguisme qui est accompagné
ou non de diglossie. En linguistique ou socio-linguistique, on pense souvent
à ces deux notions connexes. Le bilinguisme, s'il est individuel, peut
être un état transitoire vers l'unilinguisme; c'est-à-dire
que si, dans la vie d'un individu, à un moment donné, il est mis
devant les faits d'apprendre une deuxième langue, pour quelque raison
que ce soit, pour travailler ou encore parce qu'il voyage, il est très
probable que cet individu va opter pour une des deux langues qu'il
connaît. Il peut devenir unilingue, et il est très difficile pour
la plupart des gens de maintenir en équilibre stable les deux langues
qu'ils connaissent, si une langue domine dans leur vie sur l'autre. Si elle
domaine soit par leur travail, leur famille, etc., alors au niveau collectif,
il est également assez utopique de penser qu'un état de
bilinguisme est un état qui dure. C'est un état de transition
vers l'unilinguisme car il y a la plupart du temps c'est très
difficile de rencontrer le cas contraire une valeur différente
attribuée aux deux langues en présence, une langue étant
considérée comme hiérarchiquement, socialement plus
importante, plus efficace.
M. CHARRON: Plus rentable.
MME SAINT-PIERRE: On a vu l'exemple tout à l'heure de ce
sentiment de diglossie au Québec qui est exprimé. Quand on dit,
pour avoir un meilleur emploi, pour avoir une meilleure situation sociale, pour
trouver un emploi: J'ai besoin de l'anglais, ce n'est plus devenir bilingue,
c'est avoir besoin de l'anglais. Autrement dit, s'il était seulement
anglophone, il ne se poserait pas la question du bilinguisme, mais il dirait:
Ma langue me sert à trouver une meilleure situation, à trouver un
emploi, à avoir aussi une promotion dans mon emploi.
Cela est le reflet même d'une situation de diglossie. Au
Québec, on peut le voir à partir du cas des immigrants qui
s'intègrent et qui s'assimilent à 95 p.c. au système
anglophone.
M. CLOUTIER: M. le Président, est-ce que le député
de Saint-Jacques me permettrait d'intervenir pour simplement poser une question
pour mon édification personnelle?
M. CHARRON: Certainement.
M. CLOUTIER: Je ne voudrais pas transformer la discussion en discussion
académique et je sais que cela plaît à l'Opposition
mais c'est la deuxième fois que l'on amène cette notion de
diglossie. Les professeurs de français en avaient également
parlé.
J'ai toujours compris, et vous me corrigerez si j'ai tort, que la
diglossie était la coexistence de la même langue, mais sous une
forme normale et sous une forme dégradée. Autrement dit,
l'état de diglossie serait la coexistence du français et du
"jouai" ici, comme l'état de
diglossie en Suisse exemple que j'ai déjà fourni
est la présence de l'allemand littéral et du
"schweiss-deutsch" de sa forme dérivée. Corrigez-moi si j'ai
tort, parce que je ne voudrais pas qu'à la suite de concepts mal
définis, on aille édifier des théories.
MME SAINT-PIERRE: Oui.
M. CLOUTIER: II s'agirait d'un tout autre phénomène, si
vous mettez en présence l'anglais, qui est évidemment une langue
dominante sur le continent, et le français de par sa position
précise. Pourriez-vous m'éclairer?
MME SAINT-PIERRE: A l'origine, le terme "diglossie" a été
défini en 1959 par Ferguson, si vous voulez avoir plus d'information,
comme l'état d'une situation linguistique dans lequel deux langues
parlées par la communauté linguistique étaient en rapport
hiérarchisé, l'une étant considérée comme
supérieure, servant les tâches dites importantes comme la langue
de l'administration, la langue de la religion, les sermons dans les
églises, les situations officielles et "formelles". On utilisait une
variété de langue. Pour les situations familières...
M. CLOUTIER: II s'agissait de la même langue, parce qu'il faut
bien distinguer le concept politique du concept linguistique. C'est à
des linguistes que je parle.
MME SAINT-PIERRE: Oui, mais je voudrais...
M. CLOUTIER: Sur le plan linguistique, j'ai toujours compris qu'il
s'agissait de la même langue. Ai-je tort?
MME SAINT-PIERRE: Oui, mais je voudrais vous expliquer un peu
l'évolution de la notion de diglossie qui a été
apportée vers les années 1965, entre autres, par Fishman
je vais finir ma première définition où la
variété qui était utilisée pour les besoins
familiaux, le langage spontané, la langue maternelle, en fin de compte
qui n'était pas propagée par les systèmes d'enseignement
je n'appellerai pas cela une langue dégradée, parce qu'en
linguistique on ne porte pas de jugement de valeur de telle sorte
c'était la langue qui servait les besoins de communication
quotidienne.
Or, vers 1965, on voit l'extension, si vous voulez, de ce concept de
diglossie à toutes les situations où deux langues sont en contact
et une de ces deux langues est jugée comme plus importante, soit encore
pour des besoins de promotion sociale, avancement social, et jugée comme
supérieure par rapport à l'autre. Je pense qu'une illustration de
cet état peut très bien se voir dans le Québec actuel.
M. CLOUTIER: Si vous pouviez répondre à ma question, vous
m'éclaireriez vraiment. C'est que j'aime bien avoir des concepts qui
sont précis. Est-ce qu'il y a état de diglossie... Allons, soyez
poli, M. le jeune député. Essayons donc de parler entre adultes
!
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!
M. CLOUTIER: Dans le cas particulier, les deux sont incompatibles. Ce
que j'aimerais savoir, c'est s'il doit s'agir de la même langue.
M. CHARRON: ... je vous ai permis de poser des questions...
MME SAINT-PIERRE: Pas nécessairement, parce qu'il serait long de
faire la différence entre dialecte et langue. Est-ce que
l'interintelligibilité permet de parler de deux variétés
d'une même langue? Je ne crois pas que, dans le cas de l'arabe dialectal
et l'arabe classique, il y ait nécessairement
interintelligibilité.
M. CLOUTIER: II ne s'agit pas d'un état de diglossie.
MME SAINT-PIERRE: C'est un exemple de diglossie au sens où deux
variétés...
M. CLOUTIER: Parce que tous les cas d'exemples de diglossie que je
connais, il s'agit de la même langue sous deux formes
différentes.
MME SAINT-PIERRE: Dans le cas, par exemple, du guarani et de l'espagnol
en Uruguay, il y a diglossie. Ils ne sont pas deux variétés de la
même langue.
M. CLOUTIER: Alors, en somme, vous adoptez surtout l'approche politique,
et moi j'adopte surtout l'approche linguistique.
MME SAINT-PIERRE: Je dirais que j'adopte l'approche
socio-linguistique.
M. CLOUTIER: Ce n'est pas mal.
M. MORIN: M. le ministre, la notion de diglossie.
M. CLOUTIER: Le jouai...
MME SAINT-PIERRE: Vous adoptez la position linguistique...
M. CLOUTIER: C'est cela. J'adopte la position linguistique en
définissant la diglossie.
MME SAINT-PIERRE: ... qui a été...
M. CHARRON: Parce qu'elle fait politiquement votre affaire.
M. CLOUTIER: Ecoutez, soyons sérieux.
MME SAINT-PIERRE: ... à l'origine de la définition. Les
exemples de diglossie qu'on a donnés...
M. HARDY: La discussion est un peu trop sérieuse pour le
député de Saint-Jacques.
M. MORIN: Est-ce qu'on pourrait se mettre d'accord, M. le ministre, pour
dire que la notion a évolué et que, primitivement, elle avait
peut-être le sens que vous lui donniez tout à l'heure, mais
qu'avec les méthodes sociales, de plus en plus sociales de la
linguistique, on a vu le concept évoluer vers le sens qui vient
d'être défini devant la commission.
MME SAINT-PIERRE: A toutes les situations qu'il y avait...
M. CLOUTIER: C'est-à-dire, on l'a politisé.
M. MORIN: Non, on l'a éclairé avec la sociologie. Ce n'est
pas la même chose.
M. CLOUTIER: Maintenant, le jouai, qui est quand même un
phénomène ici, constitue-t-il, à vos yeux, une forme
dégradée de français, compte tenu des apports
étrangers?
M. HARDY: Le député de Saint-Jacques a fait semblant de
comprendre.
MME SAINT-PIERRE: Linguistiquement parlant, je ne sais pas ce qu'est le
jouai. Il y a, dans le jouai, une dimension folklorique que des
littéraires ont propagée, enfin, on s'est servi de ce mot, mais
linguistiquement parlant, le jouai est impossible à définir. Qui
parle le jouai et qui ne parle pas jouai? Quels sont les éléments
qu'on entrerait dans une description du jouai? Quels sont les
éléments qu'on laisserait tomber? Certains disent: Les
archaïsmes font partie du jouai. Certains autres disent : Les anglicismes
font partie du jouai. Les autres disent: Les sacres et les jurons font partie
du jouai. Il y a une dimension folklorique derrière cela que les
linguistes ne peuvent pas retenir.
M. CLOUTIER: Je vous remercie de vos éclaircissements. Je vous
remets maintenant entre les mains du député de Saint-Jacques
à qui nous souhaitons bonne chance.
M. TARDIF: II n'y a pas de danger!
M. CHARRON: M. le Président, est-ce que je peux demander...
M. MORIN : Le ministre politise le débat.
MME SAINT-PIERRE: Je n'ai pas eu le temps de répondre.
M. CHARRON: ... à la page 5 de votre mémoire, s'il vous
plaît, lorsque vous affirmez que si une minorité peut assumer la
responsabilité de le faire en marge du système scolaire national,
dans les propositions que vous faites à un autre chapitre, vous
mentionnez même que vous seriez d'accord pour que cette minorité,
si elle se donne des écoles privées, soit inscrite sous le
chapitre des lois existantes et qui permet à l'Etat de subventionner les
écoles privées. Donc, vous reconnaissez la possibilité,
pour l'Etat, de subventionner, à même les fonds publics dont
certains viennent de cette minorité il faut le reconnaître
l'enseignement dans leur langue.
M. DUMAS: Partiellement, tout au moins, notre objectif était le
suivant: Etant donné les délais très courts, il nous
semblait plus important de bien mettre en lumière et de les affirmer
très hautement les principes qui nous apparaissaient absolument
fondamentaux. Un de ceux-là et absolument premier, si vous
voulez, dans toute la question de la langue d'enseignement était
pour nous d'affirmer qu'il ne devrait y avoir qu'un système
d'enseignement public qui se définisse comme francophone.
A partir du moment où on dit que les minorités d'autres
langues que le français peuvent, si on veut, et doivent assumer la
responsabilité si elles n'acceptent pas de s'intégrer au
système scolaire public francophone, doivent, à ce moment, le
faire à leurs frais, nous entendons évidemment que cela se ferait
sous la forme d'écoles privées. Nous n'avons pas examiné
tous les détails. Nous sommes d'accord sur le principe que même
ces écoles privées, qui utiliseraient comme langue d'enseignement
une langue autre que le français, et cela ne comprend pas uniquement
d'éventuelles écoles anglaises, mais des écoles que voudra
bien se donner n'importe quelle minorité ethnique sur le territoire du
Québec... Nous envisageons bien cependant d'éviter le
piège qui consisterait à retrouver tout le PSBGM
fractionné en 150 écoles privées à Montréal.
Nous estimons que ce sera le devoir du ministère de l'Education
d'établir des critères pour l'admission des écoles
privées et pour leur admissibilité aux subventions
gouvernementales qui font évidemment qu'on ne se retrouvera pas en face
d'un PSBGM privé.
M. CHARRON: Bien. Est-ce que vous êtes d'accord sur la position de
l'Opposition et du ministre de la Justice pour reconnaître que le libre
choix n'est pas un principe, ni un droit acquis, mais bien une mesure pratique
qui peut être accordée par le législateur ou qui peut
être retirée par le législateur?
M. DUMAS: Je pense que nous l'avons clairement établi dans le
texte. Nous estimons que le fameux principe de la liberté de choix de la
langue d'enseignement n'a rien à voir avec des droits, mais est
strictement un privilège issu d'une situation historique
particulière. Vous
avez pu voir également, je pense, que par contre, nous
considérons le fait que les Esquimaux et les Amérindiens puissent
obtenir du gouvernement tout ce qui est nécessaire à leur assurer
l'enseignement en langue maternelle, que ce n'est pas une question de droits
acquis, mais c'est véritablement dans ce cas un droit qui, je pense, a
une reconnaissance internationale et qu'on appelle le droit du premier
occupant.
Quant à ce qu'on a appelé, dans le cas de la
minorité anglophone, des droits acquis, nous estimons qu'il s'agit
purement et simplement de privilèges et que cela n'a rien à voir
avec la notion de droits.
M. CHARRON: Quant à la page 9 de votre mémoire,
êtes-vous conscient du carcan constitutionnel dans lequel nous
évoluons? Vous dites, au paragraphe b): "le gouvernement du
Québec entreprend des pourparlers avec le gouvernement
fédéral en vue de récupérer sa juridiction sur les
chaînes de radio et de télévision". Est-ce que vous avez
inscrit ce paragraphe en étant conscient que celui qui nous fait
l'honneur de sa présence passagère à la commission
aujourd'hui, le ministre des Communications, est effectivement depuis quelques
mois déjà embourbé dans des négociations qui n'ont
jamais apporté de résultat? Est-ce que vous avez inscrit ce
paragraphe dans l'intention de signaler au ministre des Communications l'appui
des Québécois aux positions qu'il revendique?
M. DUMAS: Je pense que nous avons vu la nécessité
d'entreprendre des négociations avec le fédéral pour le
rapatriement dont les modalités restent à
déterminer, bien sûr de la juridiction sur les
chaînes de radio et de télévision, comme une
nécessité fondamentale. En quelque sorte, le fait que des
négociations, dont nous avons eu vent par les journaux, bien sûr,
comme tout le monde, sont à l'heure actuelle en voie de se faire ou en
voie de se défaire, c'est une autre histoire. Ce qui nous a retenus
surtout, c'était pour nous l'affirmation d'une nécessité
que nous jugeons fondamentale.
M. CHARRON; Une dernière question, cette fois à titre de
linguistes, nous avons eu plusieurs discussions depuis le début des
travaux de la commission et, encore hier soir, le président de la
Centrale de l'enseignement du Québec a consacré, je crois, deux
ou trois pages de son mémoire à cette question de l'enseignement
de la langue seconde, aux expériences vécues dans d'autres pays
et à la fameuse question: A quel âge pouvons-nous introduire, dans
un système d'enseignement, l'apprentissage d'une langue seconde, sans
que cela ne nuise à la connaissance fondamentale qu'un individu doit
avoir de sa langue maternelle et pour qu'en même temps on puisse dire
qu'à un certain âge, le plus tôt possible, il ait une
connaissance de la langue seconde qu'il recherche? Le président de la
centrale a fait état de l'expérience anglaise, je crois si
ma mémoire est fidèle qui dit que l'enseignement de la
langue seconde ne saurait débuter à l'élémentaire.
Le gouvernement actuel, dans son plan de développement des langues, a
complètement laissé à l'initiative des commissions
scolaires une décision à prendre là-dessus, ce qui veut
dire qu'une commission scolaire peut l'introduire à la première
année, comme ailleurs on peut l'introduire à la cinquième
année, il n'y a pas de politique cohérente dans ce domaine au
Québec.
Quelle est l'opinion de linguistes quant à cette question de
l'heure d'arrivée de l'apprentissage d'une langue seconde?
M. DUMAS : Mon camarade Barbeau va vous répondre.
M. BARBEAU: La question de savoir à quel âge doit commencer
l'apprentissage de la langue seconde, si c'est nocif, si c'est pernicieux,
etc., cela a fait l'objet de nombreuses études, plus ou moins
scientifiques, les une très, les autres à un degré
moindre, etc. Finalement, il est très difficile à l'heure
actuelle de se prononcer sur la valeur de l'une ou de l'autre hypothèse,
à savoir si l'enseignement d'une langue seconde est bon dès le
plus jeune âge et donne d'excellents résultats, ou si, au
contraire, l'enseignement d'une langue seconde doit attendre que la langue
maternelle soit assurée. C'est une question qui n'est pas
tranchée. Je ne pense pas qu'elle puisse être tranchée sur
une base scientifique. D'ailleurs, nous n'avons pas pris une position comme
telle là-dessus. Par contre, il y a un point de vue dont il faut tenir
compte quand il s'agit évidemment de planifier au niveau d'un
réseau scolaire. Il faut tenir compte de la situation linguistique. Or,
la situation linguistique, état de diglossie dans le Québec, fait
que la maîtrise de la langue maternelle n'est absolument pas
assurée chez l'enfant et, à un degré moindre
peut-être, chez l'adulte; maîtrise à tous les points de vue,
c'est-à-dire, en gros, sur le plan phonétique, sur le plan
lexical, sur le plan de la syntaxe et tout cela, on peut vraiment dire que le
jeune enfant n'a pas maîtrisé parfaitement sa langue maternelle,
d'où d'ailleurs la grande difficulté d'enseigner le
français à l'heure actuelle dans les écoles.
Compte tenu de cela, c'est ce qui motive notre position sur le plan
linguistique, nous disons que la situation de langue dominante de l'anglais, de
l'environnement anglais, etc., est un élément perturbateur dans
l'acquisition de la langue maternelle et que, par conséquent, dans le
réseau scolaire francophone, il faut retarder pour s'assurer ou au moins
avoir une espèce d'assurance que la maîtrise de la langue
maternelle puisse être correctement faite. Après, on peut penser
à l'acquisition d'une langue seconde. De toute façon, aucun
scientifique ne pourra prétendre que l'acquisition d'une langue
seconde ne peut pas se faire à l'âge de l'adolescence ou
à l'âge adulte. A 34 ans, on peut apprendre une langue seconde,
tout comme on peut l'apprendre à 25 ans. C'est une question de
dispositions personnelles. Qu'il y ait plus de facilité à un
niveau de l'enfance, peut-être. Effectivement, il peut y en avoir. Par
contre, il y a des études qui démontrent que l'état de
bilinguisme chez l'enfant, autrement dit la maîtrise de deux langues, la
maîtrise plus ou moins grande de deux langues peut peut-être avoir
des conséquences sur le plan émotif et sur le plan psychologique.
La question n'est pas réglée, mais la question n'est pas claire
non plus. Donc, ce sont de graves décisions qu'on prend lorsqu'on
décide d'instituer l'enseignement d'une langue seconde au niveau
primaire.
M. CHARRON: Merci beaucoup.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Beauce-Sud.
M. ROY: M. le Président, à la page 3 de votre
mémoire, toujours avec les mêmes réserves et je
tiens à le signaler, parce qu'à chaque fois que je prends la
parole sur ce projet de loi, j'ai l'impression de négocier on dit
à l'avant-dernière partie de votre dernier paragraphe: "Ainsi, un
Québec bilingue évolue nécessairement vers l'unilinguisme
anglais". D'autres groupes qui sont venus devant la commission parlementaire
ont tenté et essayé de nous prouver le contraire. J'aimerais bien
avoir de votre groupe plus de précision au sujet de cette
affirmation.
MME SAINT-PIERRE: Ici, il est question de bilinguisme collectif. Tout
à l'heure, j'ai essayé d'expliquer que, quand il s'agit de
bilinguisme collectif, il y a peu de situations où l'une des deux
langues n'est pas dominante sur l'autre. Dans le cas du Québec, si on
arrivait à un bilinguisme collectif pour les Québécois
bilinguisme ici sous-entendant toujours anglais-français
il est certain que l'anglais dans le contexte nord-américain, est
dominant. Alors, tôt ou tard, en une ou deux générations,
l'assimilation est certaine. C'est ce qui est sous-entendu.
M. ROY: Je vous remercie. Est-ce que le projet de loi 22, tel que
présenté actuellement, favorise ce bilinguisme
intégral?
MME SAINT-PIERRE: Dans les principes, il favorise l'unilinguisme, mais
au moment de l'énonciation du texte même, il ne le garantit plus.
Il y a ambiguïté. Il y a des "peut", des "néanmoins", il y a
des diminutifs, et c'est ici, pour préserver peut-être plus un
droit de nécessité et d'opportunité, que nous avons
proposé l'unilinguisme français, puis les moyens d'y arriver
à cet unilinguisme. C'est entre droits que certains appellent acquis et
qui ne sont pas finalement des droits acquis, puisqu'il ne s'agit pas de droits
civils, et la nécessité de survivre comme francophones, que nous
avons opté pour la nécessité. C'est devant une
assimilation possible et certaine dans le cas du Québec, dans un cas
où tous les gens seraient bilingues, que nous voulons prendre les
mesures pour empêcher cela.
M. ROY: De toute façon... Oui?
M. BARBEAU: Je voudrais préciser la pensée de ma
collègue. Le cas d'assimilation d'une minorité par une
majorité linguistique quelconque se fait habituellement et
systématiquement lorsqu'un tas de conditions sont
réalisées: conditions économiques, conditions politiques,
conditions sociales, culturelles et conditions de prestige d'une des deux
langues. Lorsque toutes ces conditions sont réunies en faveur d'une
langue, il y a à coup sûr assimilation. Par contre, il faut dire
une chose. On peut freiner l'assimilation. Il y a des cas de populations, de
peuples entiers qui ont résisté à l'assimilation lorsque
ce peuple ou cette communauté, en l'occurrence la minorité
francophone d'Amérique du Nord, a une conscience très forte de
son identité linguistique. C'est probablement l'un des critères
qui permet la résistance à l'assimilation. Or, je pense que
justement une politique qui permettrait de concrétiser ce sentiment
d'appartenance à un groupe différent linguisti-quement autonome
pourrait permettre la résistance à l'assimilation. C'est chose
possible. Par exemple, le cas des Grecs, quand ils ont été
envahis par les Turcs, etc. Ils ont résisté à
l'assimilation par les Turcs. Pourquoi? Parce que la langue grecque, à
cette époque, était un symbole de prestige et que les Grecs ne
voulaient pas entendre parler du turc, bien qu'ils étaient
économiquement et politiquement dominés par les Turcs, mais ils
ont réussi à tenir le coup. Voyez-vous?
Alors, je pense que les conditions pour une résistance à
l'assimilation au Québec sont réunies dans la mesure où le
Québec pourra se donner des instruments adéquats et pas
simplement des principes qui peuvent être dilués par des
dispositions.
M. ROY: En somme, vous êtes convaincus que le gouvernement doit
prendre ses responsabilités et donner des garanties.
M. BARBEAU: Absolument.
M. ROY: Je ne suis pas sûr du gouvernement.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Si le député de Beauce-Sud me
permet, la période allouée est terminée; est-ce qu'il
serait du désir de la commission de prolonger jusqu'à midi et
trente?
M. ROY: J'aurais seulement une question à poser.
M. MORIN: Je le suggère, M. le Président, parce que nous
avons encore des questions à poser.
M. BONNIER: Midi et trente.
M. CLOUTIER: Je ferais remarquer que le parti ministériel n'a
pratiquement pas eu le temps de poser des questions.
LE PRESIDENT (M. Gratton): II sera le prochain.
M. ROY: M. le Président, je n'ai certainement pas abusé
des questions ce matin.
M. CLOUTIER: Je ne parle pas du Parti créditiste.
M. ROY: C'est la première fois ce matin que je prends la parole
à la commission. Chose curieuse, à chaque fois que je prends la
parole, on arrive toujours avec des délais.
M. CLOUTIER: Ecoutez, comment voulez-vous fonctionner autrement?
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Beauce-Sud.
M. ROY: M. le Président, ma dernière question est la
suivante. Dans la dernière page de votre mémoire, vous demandez
le rejet de la loi. Advenant le cas des dangers que la loi soit acceptée
intégralement, telle que présentée par le gouvernement,
iriez-vous jusqu'à demander le retrait de la loi 22?
M. DUMAS: Je pense que, carrément, nous demandons non seulement
le retrait de la loi, mais le retrait du simple projet de loi.
M. ROY: D'accord, merci.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Taschereau.
M. BONNIER: M. le Président, j'ai lu avec beaucoup
d'intérêt le mémoire et surtout écouté les
commentaires parce que je pense que sur le plan de la linguistique, il y a eu
des propos intéressants. Cependant, étant donné que le
groupe représente en fait 22 personnes qui sont des spécialistes
dans le domaine de la linguistique, voici ma préoccupation fondamentale
par rapport à l'option indéniablement assez tranchée que
le groupe a prise. Est-ce que vous pensez que cette option vient du fait que
vous êtes des spécialistes en matière linguistique et
qu'évidemment, à cause de vos études, de vos discussions,
vous avez pris cette option qui est influencée beaucoup plus par une
théorie lin- guistique? Ou bien, diriez-vous qu'à cause de vos
recherches dans le milieu du Québec, recherches socio-économiques
par exemples, surtout sociales, ça vous aurait portés à
cette option? Cela m'intéresserait de savoir votre point de
départ.
M. DUMAS: Notre point de départ, c'est que nous sommes des
personnes humaines et, de plus, des citoyens québécois.
Evidemment...
M. BONNIER: Oui, cela, on l'est tous.
M. DUMAS: Oui, évidemment, nous avons un intérêt
particulier à la question puisque nous sommes des spécialistes de
la linguistique. Evidemment, nous sommes aussi des citoyens et nous avons
chacun des options politiques. Je pense que toutes les distinctions qu'on
pourrait faire entre l'homme simplement, le citoyen, le linguiste et aussi
beaucoup d'autres dimensions qu'il faudrait rajouter, sont purement et
simplement des distinctions de raison, parce que globalement, bien sûr,
nous prenons position comme personnes, et en particulier, comme linguistes.
M. BONNIER: En fait, je pense que cela n'est pas nécessairement
comme linguistes, c'est beaucoup plus comme personnes, mais spécialistes
de la linguistique aussi.
M. DUMAS: C'est comme personnes... M. BONNIER: Cela donne...
M. DUMAS: Nous l'avons affirmé d'ailleurs dans le
préambule, nous prenons position comme linguistes, comme citoyens et
aussi toutes les dimensions qui y sont rattachées parce que nous n'avons
pas de don d'ubiquité et nous ne pouvons pas nous couper en quatre. Je
pense d'ailleurs que, puisqu'on en est aux questions de
représentativité, peu de personnes dans cette assemblée
pourraient s'engager de façon certaine sur un terrain aussi
glissant.
M. BONNIER: Non, ce n'est pas du tout négatif...
M. DUMAS: D'accord.
M. BONNIER: ... mon point d'interrogation. C'est simplement pour savoir
quel est votre point de départ. Je voulais le décanter tout
simplement.
MME SAINT-PIERRE: En fait, dans ce projet, il y a des aspects
linguistiques, des aspects psycho-linguistiques et des aspects
socio-linguistiques qu'il est difficile de dissocier. C'est en tant que
linguistes, mais en tant que faisant des recherches aussi dans des contextes
assez précis et en couvrant un peu la littérature des situations
de bilinguisme ou de langues en contact
dans le monde, qu'on s'aperçoit que finalement la force des
choses fait...
M. BONNIER: Mais, est-ce que vous avez été à
même de faire vous-mêmes, à votre département, des
recherches quant au mode de comportement des gens du Québec, tant du
côté anglais que du côté français, et
l'influence l'un sur l'autre, ou si vos expériences sont plutôt
des expériences qui viennent de la Grèce ou d'ailleurs?
Jusqu'à quel point vos points de vue sont ancrés dans la
réalité québécoise?
M. DUMAS: André Dugas va vous répondre.
M. DUGAS: En réalité, on travaille nécessairement
toujours avec du matériel linguistique, pour des fins linguistiques,
avec des étudiants qui sont en linguistique; il y a
énormément de travaux qui sont faits...
M. BONNIER: Oui.
M. DUGAS: ... avec des étudiants et qui concernent des
motivations, des attitudes des gens vis-à-vis de l'apprentissage des
langues. Il y a les programmes de formation de professeurs, dont le ministre
Cloutier est au courant, le projet de formulation, le programme de formation de
professeurs de langue maternelle et de langue seconde, ce sont les
témoignages qu'on ramasse et qui sont énormes sur la situation du
français et des langues au Québec.
M. BONNIER: Par ailleurs, on a bien affirmé tout à l'heure
qu'en ce qui regarde l'immersion dans une langue seconde et à quel
moment il était opportun de le faire ou de ne pas le faire, les
études...
Je pense qu'on l'a dit d'une façon bien objective, parce qu'on
aurait pu dire: Moi, je suis spécialiste et c'est prouvé que
c'est mieux d'une façon ou de l'autre. Je pense qu'on a dit qu'on
n'était pas encore rendu au bout de notre rouleau.
M. DUGAS: Attendez un peu. Je vais prendre votre question autrement. Je
pense que vous demandez si on est ici pour des fins politiques ou pour des fins
de spécialistes en la matière.
M. BONNIER: Je n'ai pas utilisé du tout les mots "fins
politiques". Non, ce n'est pas cela, c'est parce que, moi je suis beaucoup plus
du domaine socio-économique.
M. DUGAS: Oui.
M. BONNIER: A ce moment-là, quand je fais une affirmation ou que
je prends une position, j'essaie de m'y référer à partir
de certaines recherches. Je me demandais si vos recherches étaient de
type social, disons socio-économique ou plutôt des recherches de
type linguistique?
M. DUGAS: Puisque vous vous préoccupez du domaine
socio-économique, est-ce que ce texte vous agrée ou non,
c'est-à-dire dans la conclusion? Quand on dit que la loi devrait obliger
les compagnies à se franciser, c'est là le moyen par excellence
de s'intégrer à la communauté.
M. BONNIER: Je ne voudrais pas prolonger le temps de la commission, mais
je me pose des interrogations sérieuses quant à vos
considérations au point de vue réaliste, par exemple que, dans
les journaux anglais, il y ait des annonces françaises ou des choses de
ce genre.
M. DUMAS: Je comprends mieux maintenant le sens de votre question,
monsieur. Il est évident que nous travaillons d'abord comme linguistes,
mais cela, nous devons le faire auprès de personnes chez qui, tout comme
nous, tout comme vous, il est impensable de détacher diverses
dimensions. Dans ce sens, si, pour des raisons de méthodes, nous sommes
des linguistes nous attachant d'abord à des principes linguistiques,
bien que cela puisse déborder et devenir ou socio-linguistique ou
psycho-linguistique, nous ne pouvons vraiment jamais perdre de vue que les
personnes auprès desquelles nous travaillons sont inscrites dans un
contexte social, dans un contexte économique, dans un contexte culturel
et aussi dans un contexte politique.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, il est déjà 12 h
31...
M. DUMAS: M. le Président, si vous permettez, j'aimerais
finalement faire une remarque, qui vient non pas de moi personnellement, mais
sans doute de tout le groupe qui est réuni ici. Je voudrais revenir sur
la notion de langue dégradée que M. le ministre de l'Education a
employée tout à l'heure.
En tant que linguistes, évidemment, non seulement nous ne savons
pas ce qu'est une langue dégradée, mais nous prétendons
que cela n'existe pas. Linguistiquement, il n'existe que des langues.
Evidemment, elles peuvent être mortes comme le latin ou le grec classique
ou elles peuvent être vivantes pour peut-être pas encore
très longtemps, comme le français au Québec, et nous nous
opposons absolument à cette notion. Il n'y a que des langues qui
fonctionnent. La notion de langue dégradée est bien une notion
politique, mais pas du tout linguistique.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, mesdames et messieurs...
M. MORIN: M. le Président, j'aurais deux observations à
faire. Le député de Gouin et moi-même n'avons pu poser nos
questions.
M. BEAUREGARD: M. le Président, question de règlement. Nos
règlements prévoient
que vous donniez un traitement équitable à chaque membre
de cette commission. Je veux bien ne pas poser les questions que j'avais
préparées étant donné que le temps est
écoulé. Je vous signale peut-être pour le
bénéfice des autres séances, que vous devriez donner un
temps équitable à chaque membre de la commission. Moi, j'aurais
au moins cinq ou six questions. Je vois des contradictions flagrantes dans ce
mémoire. J'aurais aimé les poser. Peut-être que les
personnes qui sont ici auraient pu me répondre.
LE PRESIDENT (M. Gratton): II n'y a pas de doute que, depuis le
début...
M. MORIN : M. le Président, j'aurais moi-même des questions
à poser à ce groupe. Est-ce qu'on ne pourrait pas l'inviter
à revenir plus tard cet après-midi?
LE PRESIDENT (M. Gratton): Malheureusement, comme on l'a signalé,
il nous reste environ six heures de séance, c'est-à-dire cinq
heures de séance. Il nous reste encore cinq groupes à entendre et
j'aurais peur que, si nous prolongions avec ce groupe-ci, il nous faudrait,
à ce moment, demander aux derniers groupes de ne pas comparaître
aujourd'hui, ce qui créerait un précédent très
malheureux.
M. MORIN: M. le Président, je voudrais vous souligner le fait
qu'en fin de compte avec ce système où vous convoquez d'avance un
nombre considérable d'organismes, nous n'arrivons qu'à effleurer
les mémoires qui nous sont soumis.
M. HARDY: Monsieur...
M. CLOUTIER: C'est une question de règlement. Je sais que le chef
de l'Opposition lorsque je lui ai dit, à un moment, qu'il voulait
allonger les débats, a nié cette affirmation, laquelle
affirmation est d'ailleurs contraire à ce qu'a dit le chef du Parti
québécois...
M. MORIN: M. le Président, je regrette...
M. CLOUTIER: ... mais il reste que nous avons montré, jusqu'ici,
la plus grande ouverture d'esprit. Nous voulons entendre le plus de groupes
possible, nous voulons leur permettre de s'exprimer. H n'y a pas un groupe qui
n'a pas eu plus de temps que ne le prévoient les règlements et
nous nous sommes même entendus, l'Opposition et le parti
ministériel, à savoir que, lorsque la période est
terminée, nous tenons compte d'une rallonge, et nous nous entendons sur
la rallonge. A 12 h 23, nous avons décidé que nous irions
jusqu'à 12 h 30. Il n'y a pas d'autre façon de procéder.
Moi-même, j'ai trouvé le débat extrêmement
intéressant. Je pourrais poser des dizaines de questions, mais il faut
quand même comprendre qu'il y a d'autres groupes qui veulent se faire
entendre. Par conséquent, M. le Président, je crois qu'il faut
mettre fin ici au débat. Le vrai problème ne se situe pas
tellement dans les rallonges qu'on peut donner, mais dans le fait qu'il
faudrait tenter de donner un temps à peu près égal au
parti ministériel et à l'Opposition, ce qui n'est pas toujours le
cas. En fait, personnellement, je me limite à des périodes de
questions très courtes pour permettre à mes collègues de
s'exprimer. Alors, voilà exactement la situation, M. le
Président. Je regrette. Je ne crois pas qu'il soit possible de faire
revenir le groupe. Ce serait au détriment des autres groupes, même
si ce serait très intéressant pour la commission.
M. MORIN: M. le Président...
M. ROY: Est-ce que le ministre me permettrait de poser une question?
M. MORIN: Un instant, M. le député. M. le
Président, je ne sais pas si le ministre veut insinuer que l'Opposition
tente d'allonger les débats. Ce n'est pas le cas.
M. HARDY: Ha! Ha! Ha! C'est un euphémisme.
M. MORIN: Je vois que le ministre des Affaires culturelles nous
prête des intentions. C'est bien dans sa manière. Mais je dirai au
ministre que, si nous voulions faire de l'obstruction, on n'en finirait plus
avec chaque groupe. Jusqu'ici, je pense que le ministre peut nous rendre le
témoignage que nous n'avons pas abusé de notre droit d'interroger
les témoins, que nous l'avons fait avec sérieux et je ne voudrais
pas qu'il gâte le climat en insinuant que nous essayons de faire de
l'obstruction.
M. CLOUTIER: Je ne parlais pas du chef de l'Opposition. Je parlais du
chef du Parti québécois qui, dans les journaux, a bel et bien dit
qu'il tentait, par tous les moyens possibles, d'allonger les travaux de cette
commission de manière à reporter le projet no 22 à
l'automne pour mobiliser ses troupes. Il ne faut quand même pas
être naif.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !
M. MORIN: M. le Président, je regrette. J'ai une mise au point
à faire.
LE PRESIDENT (M. Gratton): II pourrait la faire...
M. MORIN: II est certain qu'en commission plénière,
après la seconde lecture, nous ferons notre possible, mais en
commission, en ce moment...
M. HARDY: Cela fait partie de la stratégie du Parti
québécois.
M. MORIN: ... nous y mettons tout le
sérieux que le ministre lui-même veut y mettre. Que cela
soit bien clair.
M. CLOUTIER: C'est vrai. Je l'avoue. Mais Je crois que le chef de
l'Opposition conviendra avec moi qu'une fois que nous nous sommes entendus sur
les règles du jeu, que nous avons de beaucoup assouplies, il faut s'en
tenir à cela. Sinon, comment voulez-vous ne pas pénaliser les
autres groupes? Je ne pense pas actuellement au gouvernement. Je pense aux
autres groupes qui sont convoqués. Il y a un groupe qui est ici depuis
dix heures et qui ne passera pas avant quatre heures ou quatre heures
trente.
M. MORIN: M. le Président, j'ai deux points à faire
valoir.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, je m'excuse, je pense qu'on a
déjà fini.
M. MORIN: M. le Président, non...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, la commission suspend ses travaux
jusqu'après la période des questions, soit aux environs de 16
heures. Nous entendrons à ce moment l'Association des directeurs
généraux des commissions scolaires protestantes. Messieurs, nous
avions convenu qu'à midi trente, nous terminerions. Nous avons
continué jusqu'à...
M. ROY: M. le Président, je vais vous poser une question sur une
question de règlement.
M. MORIN: Le député a une question de règlement et
vous refusez de l'entendre.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Quelle est la question de
règlement?
M. ROY: La question de règlement, bien, le ministre est
parti.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Quelle est la question de règlement?
Ce n'est pas lui qui...
M. ROY: Sur la question de règlement, je voulais savoir si tous
les organismes qui ont été convoqués seront effectivement
ici cet après-midi. Cela aurait été important de le
savoir.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui.
M. ROY: Parce que si tous les organismes, s'il y a deux ou trois
organismes...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je vous donne la réponse. Ds seront
ici. La réponse est là.
M. MORIN: Question de règlement. Quand nous sera remise la liste
que le ministre nous a promise hier soir?
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le ministre donnera sûrement sa
réponse à la reprise des travaux à 16 heures.
M. MORIN: Le ministre n'a pas quitté la salle encore. Est-ce que
nous pouvons avoir une réponse, s'il vous plaît?
LE PRESIDENT (M. Gratton): La commission suspend ses travaux
jusqu'à cet après-midi, après la période des
questions.
(Suspension de la séance à 12 h 37)
Reprise de la séance à 16 h 6
M. GRATTON (président de la commission permanente de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre,
messieurs !
Pour le bénéfice du journal des Débats, j'aimerais
faire l'énumération des membres de la commission pour la
séance de cet après-midi, soit M. Boutin (Johnson); M. Charron
(Saint-Jacques); M. Déom (Laporte); M. Cloutier (L'Acadie); M. Hardy
(Terrebonne); M. Lachance (Mille-Iles); M. Tardif (Anjou); M. Morin
(Sauvé); M. Brown (Brome-Missisquoi); M. Beauregard (Gouin); M. Roy
(Beauce-Sud); M. Saint-Germain (Jacques-Cartier); M. Veilleux (Saint-Jean).
Liste des organismes et procédure
LE PRESIDENT (M. Gratton): Avant d'appeler le premier organisme à
venir témoigner, j'aimerais faire une courte mise au point sur deux
questions qui ont été soulevées après la suspension
des travaux de la séance de ce matin, soit celle du chef de l'Opposition
concernant la liste des organismes, et également celle soulevée
par le député de Gouin concernant la répartition du temps
pour les questions. Sur la première, sur la liste des organismes,
l'honorable ministre de l'Education.
M. CLOUTIER: M. le Président, l'article 3 de nos règles de
pratique se lit de la façon suivante: "Après l'expiration de la
date où les mémoires doivent être présentés,
le secrétaire des commissions en dresse la liste qu'il fait parvenir
à chaque membre accompagnée des mémoires et des
résumés". La date étant expirée, le
secrétaire de la commission m'a informé que la liste était
prête et qu'il avait l'intention de la faire parvenir à chaque
membre, tel que stipulé.
M. MORIN: Est-ce que nous l'aurons cet après-midi, M. le
Président?
M. CLOUTIER: Très certainement, M. le Président. Il y a,
à cette liste, un appendice, parce que tous les mémoires n'ont
pas été reçus, mais, dans la plupart de ces cas, il y a eu
une lettre d'intention disant que le mémoire allait parvenir. Il y aura
la liste principale avec cet appendice.
M. CHARRON: Mais est-ce que nous aurons copie des mémoires plus
de douze heures à l'avance ou 24 heures à l'avance, comme c'est
le cas actuellement?
M. CLOUTIER: C'était impossible à cause du
règlement et à cause du fait que la date d'expiration
n'étant pas intervenue, tous les mémoires n'étaient pas
disponibles. Maintenant, le secrétaire de la commission m'informe que
c'est possible. Je vous suggérerais de vous adresser à lui.
M. CHARRON: Pour avoir l'ensemble des mémoires?
M. CLOUTIER: Je ne sais pas s'il est capable de vous fournir l'ensemble
des mémoires, compte tenu du fait qu'ils ne sont pas tous parvenus,
comme je l'ai indiqué, mais très certainement pourrez-vous
obtenir les mémoires que vous souhaiterez à moyen terme.
M. CHARRON: Bien.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, quant à la deuxième
question, soit celle du député de Gouin sur la répartition
de la période des questions, je pense que les membres de la commission
conviendront qu'il n'est pas du jugement de la présidence ou de celui
qui assume la présidence de la commission, à un moment
donné, d'interpréter les règlements, mais bien seulement
de les faire appliquer.
Le règlement et je répéterai, pour le
bénéfice de toutes les personnes présentes, le texte de
l'article 8 de nos règles de pratique concernant les commissions
parlementaires: "La durée limite allouée à chaque personne
ou groupe pour un exposé sommaire de son mémoire est de 20
minutes et le temps alloué aux membres de la commission pour la
période des questions est de 40 minutes, réparties
équitablement entre les partis. Ces périodes peuvent être
prolongées, si la commission le juge à propos".
Ceci ne veut pas nécessairement dire qu'au moment où la
commission doit normalement suspendre ses travaux, il soit possible pour la
commission de prolonger les débats. C'est seulement avec l'assentiment
unanime de la commission qu'il nous est possible de le faire. Par contre, quant
à la répartition équitable entre les partis, j'aimerais
suggérer et dire que c'est le barème que je tâcherai de
faire respecter, à savoir que le temps de 40 minutes, même s'il
est prolongé, soit divisé à 50/50 entre les
députés ministériels et les députés de
l'Opposition. Je n'ai pas de jugement de valeur à porter
là-dessus, mais j'oserais croire que ceci devrait, normalement,
satisfaire les députés et de la gauche et de la droite. On
pourrait faire la même chose dans le cas où la commission,
à la majorité, décide d'accorder un temps
supplémentaire à la période d'une heure prévue au
règlement, c'est-à-dire diviser ce temps-là
également à 50/50 lorsque c'est possible.
L'honorable député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, cette directive que vous nous
donnez, je suis heureux de vous entendre la prononcer de cette façon
parce que je crois que le principal acquis que nous avions eu, lors de la
discussion entre les leaders du gouvernement, de l'Opposition, le ministre
et moi-même, était marqué par la souplesse que l'un
et l'autre voulaient apporter à l'étude des mémoires qui
nous sont soumis par le public. Je crois que votre façon
d'interpréter l'article 8 du règlement, s'il devait s'appliquer
comme tel jusqu'à la fin de nos travaux, irait également dans
l'esprit de souplesse que nous avions convenu à cette époque.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je suis très heureux de l'entendre et
j'ose croire, je le répète, que je pourrai compter sur la
collaboration de chacun des membres de la commission dans ce sens.
M. CHARRON: Ce qui ne veut pas dire, M. le Président, qu'il n'y
aura pas d'accrochage jusqu'à la fin de nos travaux.
M. MORIN: M. le Président, ce qui m'inquiète un peu, c'est
de voir que comparaissent surtout des organismes très importants tous
rassemblés au début de nos travaux.
Au lieu de constituer un calendrier où l'on aurait eu chaque jour
des organismes très importants, d'envergure nationale et des organismes
de moindre importance qui auraient permis de donner un peu plus de temps aux
organismes de premier plan, on nous amène tous les organismes de premier
plan au départ. Ceci m'inquiète pour plusieurs raisons. D'abord,
parce que ça ne nous permet pas de consacrer à chaque organisme
le temps dont il devrait normalement pouvoir disposer pour expliciter son
mémoire, pour répondre à toutes les questions des partis
qui sont membres de cette commission.
Deuxièmement, cela m'inquiète aussi parce que je constate
qu'on a tendance à faire passer les organismes anglophones au
début et que, par la suite... je ne sais pas si on n'est pas à
créer une situation où l'on pourra dire: Maintenant, nous avons
entendu tous les organismes importants, alors on a entendu à peu
près tout ce qu'il y avait à dire, on commence à se
répéter; donc ça suffit, la discussion a suffisamment
duré. Je m'inquiète de cela, M. le Président, je ne peux
pas vous le cacher. J'aimerais bien que le gouvernement fasse connaître
ses intentions. J'aimerais qu'on nous donne l'assurance que nous allons
entendre tous ceux qui veulent être entendus.
M. CLOUTIER: M. le Président, j'ai répondu à au
moins dix reprises à cette question. Je n'ai pas l'intention d'y
revenir. J'ai expliqué dans quelle condition une commission
parlementaire fonctionnait et l'importance qu'il y avait de suivre le
règlement de manière à ne pénaliser aucun des
groupes. Le secrétaire des commissions est obligé de convoquer
les groupes d'après les règlements, il le fait, nous essayons
d'avoir la plus grande marge de manoeuvre possible. Jusqu'ici nous avons pu,
dans le cas de certains groupes, allonger considérablement le
débat. Je crois que si nous étions réalistes, nous
commencerions immédiatement, ce qui va peut-être nous permettre
justement de donner plus de temps à quelques-uns des groupes. Mais je ne
vois pas comment nous pouvons procéder autrement.
LE PRESIDENT (M. Gratton): J'invite immédiatement M. Dougherty,
président de l'Association des directeurs généraux des
commissions scolaires protestantes à bien vouloir nous présenter
au tout début les personnes qui l'accompagnent et nous faire sa
présentation.
Association des directeurs généraux des commissions
scolaires protestantes
M. DOUGHERTY: M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de
la commission, the Association of Directors General of Protestant School Board
have prepared a very concise brief. Respecting the language of majority...
LE PRESIDENT (M. Gratton): You can sit down.
M. DOUGERTHY: ... je veux vous présenter M. Andrew Roy who will
deliver the general comments in French.
M. ROY (Andrew): M. le Président, soyez complètement
à l'aise, vous pouvez m'appeler Roy, si vous voulez, je me
considère comme polyvalent. L'Association des directeurs
généraux des commissions scolaires protestantes regroupe 31
associations et elle comprend environ 25 directeurs généraux et
directeurs généraux adjoints. J'espère que tout le monde
connaît assez bien le rôle d'un directeur général
dans une commission scolaire. Je crois que notre rôle, assez souvent, est
de régler les chicanes qui existent entre les commissions scolaires et
le ministère de l'Education.
Je crois que j'ai raison de dire que les directeurs
généraux sont les premiers membres du personnel de cadre des
commissions scolaires.
M. le Président, j'espère que vous allez me dispenser de
la lecture de notre mémoire aujourd'hui. C'est assez court et, comme
vous le voyez assez facilement, nous avons soulevé trois points.
Peut-être qu'au lieu de donner lecture du mémoire, vous nous
permettrez tout simplement de le commenter, comme administrateurs
d'écoles. Notre préoccupation primordiale, c'est l'application du
projet de loi 22 et ce qu'on veut faire cet après-midi, si possible,
c'est attirer votre attention, comme administrateurs d'écoles, sur les
difficultés qui pourraient découler de l'application du projet de
loi.
Comme point de départ, M. le Président, on déplore,
mais on accepte que les immigrants, qui ne sont ni catholiques, ni protestants,
n'aient pas de droits linguistiques au Québec;
on le tient pour acquis. Mais on veut réaffirmer, comme
directeurs généraux de commissions scolaires protestantes, les
droits des catholiques de fréquenter des écoles catholiques et
les droits des protestants de fréquenter des écoles protestantes,
si les écoles protestantes sont reconnues comme protestantes par le
comité protestant du Conseil supérieur de l'éducation.
C'est notre opinion que les protestants ont quelques droits, ici au
Québec, qui sont, comme je viens de le dire, des droits confessionnels.
Si on fait allusion à Victoria Régina, chapitre 27, article 26,
on voit que les commissaires d'écoles et que les syndics d'écoles
ont le droit d'organiser et de gérer leurs écoles
séparées.
En plus, si on fait allusion aux Statuts refondus pour le Bas-Canada, de
1861, section 65, paragraphes 1 et 2, on voit, à ce moment-là,
que le syndic d'école protestante et également les commissions
protestantes avaient le droit de choisir les professeurs, de régler le
programme d'études et de choisir tous les manuels scolaires, sauf les
manuels scolaires ayant trait à l'enseignement religieux.
Nous ne savons pas si de ces droits découlent des droits
linguistiques ou non. On pose tout simplement la question, mais on n'a pas de
prise de position là-dessus.
La question, parmi les directeurs généraux, qui nous
tourmente le plus, c'est la suivante qui découle un peu des droits
confessionnels, des droits des protestants de fréquenter des
écoles protestantes. Si demain, M. le Président, j'ai une demande
d'un parent d'un petit italien qui ne peut parler ni français, ni
anglais, qui se présente au bureau du principal et qui se déclare
protestant, ce petit garçon et ses parents ont-ils le droit de
fréquenter une école protestante ou non? C'est la question que
plusieurs de mes collègues se posent à l'heure actuelle.
Si, à toutes fins pratiques, à l'heure actuelle, les
écoles protestantes dispensent un enseignement protestant à la
suite de ce que je viens de dire, est-ce qu'on peut prévoir dans
l'avenir un troisième réseau d'écoles de langue
française, un géré par des commissions scolaires
catholiques, un réseau privé et un autre réseau
d'écoles de langue française géré par des
commissions scolaires protestantes?
Alors, dans l'application, M. le Président, du projet de loi 22,
c'est surtout la question de confessionnalité qui nous semble ne pas
être étudiée en profondeur, dans l'élaboration du
projet de loi 22. C'est surtout cette question qui nous tracasse. J'aimerais
bien vous demander si peut-être vous pouvez éclaircir nos
pensées sur ce point.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que ceci termine votre
représentation?
M. DOUGHERTY: Oui.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, j'invite immédiatement le
ministre de l'Education à commencer la période des questions.
M. CLOUTIER: M. le Président, je désire remercier
l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires
protestantes...
M. DOUGHERTY: I cannot hear you.
M. CLOUTIER: Est-ce que vous m'entendez maintenant?
Je désire vous remercier, en tant que représentants de
l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires
protestantes, pour la présentation de votre mémoire. C'est une
brève présentation et ceci donnera peut-être aux membres de
la commission l'occasion de le discuter en profondeur.
Je n'ai pas l'intention de faire de commentaires en ce qui concerne les
aspects constitutionnels. La majorité, sinon la totalité des
groupes anglophones qui se sont présentés devant nous, a
soulevé ces points. J'ai eu l'occasion, ainsi que d'autres membres de la
commission, de faire le point là-dessus, et de démontrer
du moins, je le crois que la loi 22, quels que soient ses mérites
ou quelles que soient les opinions que l'on puisse entretenir à son
sujet, est constitutionnelle, qu'elle ne vient pas en conflit avec l'article 93
de la constitution canadienne, qu'elle ne vient pas, non plus, en conflit avec
la Loi fédérale sur les langues officielles.
Je voudrais vous poser une seule question. Est-ce que vous souhaiteriez
qu'une loi linguistique au Québec institutionnalise le bilinguisme?
En effet, à parcourir votre mémoire, j'ai eu l'impression
que vous tentiez, par vos amendements, de transformer le projet de loi 22 en
donnant une importance égale à l'anglais et au français,
alors que le projet de loi 22 donne une importance plus grande, une
priorité très nette au français.
M. ROY (Andrew): Quand on a fait allusion à l'article 1: "Le
français est la langue officielle du Québec...", la question
qu'on s'est posée était la suivante: On peut dire la même
chose au Nouveau-Brunswick. Comme l'a soulevé hier soir Me Scott dans un
article qui a paru dans la section D du Montreal Star, ce qu'on cherche, c'est
une précision de cet article. Si on dit tout simplement: "Le
français est la langue officielle du Québec...", c'est bien beau
de dire cela. La langue française est officielle au Nouveau-Brunswick
également. Cela ne dit pas que la langue anglaise n'est pas sur le
même pied.
M. CLOUTIER: Et la législation au Manitoba? La langue anglaise
est officielle. Il y a rien d'incompatible à ce qu'une province, compte
tenu de sa population, décide de faire de la langue parlée par sa
majorité la langue officielle. Le cas du Nouveau-Brunswick est
peut-être particulier, en ce sens qu'au Nouveau-Brunswick on peut
difficilement parler de majorité et de minorité. On est
pratiquement en présence de deux majorités ou de deux
minorités à quelque pourcentage près.
II ne semble pas y avoir d'incompatibilité entre une
démarche comme celle-ci dans la mesure où les droits individuels
sont préservés. Or, il semble bien que, dans le projet de loi 22,
ces droits individuels sont préservés.
Je n'ai pas d'autre question.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le chef de l'Opposition.
M. MORIN: M. le Président, je voudrais me référer
d'abord à la page un de votre mémoire dans laquelle vous parlez,
messieurs, du défaut vous dites le manque, j'imagine que cela
veut dire le défaut de reconnaître l'anglais comme langue
d'enseignement pour tous ces citoyens canadiens et immigrants qui ont choisi la
langue française dans des milieux où la population anglophone est
suffisamment nombreuse pour offrir un enseignement pédagogique viable.
Vous dites qu'en conséquence votre association estime que le projet de
loi 22 contredit les politiques et les législations du Canada sur le
bilinguisme et le biculturalisme.
J'aimerais que vous nous indiquiez quelles lois canadiennes, quelles
lois fédérales sont contredites par le projet de loi sur lequel
vous avez soumis votre mémoire?
M. ROY: (Andrew): M. le Président, je suis certain que M. Morin
lit régulièrement le Montreal Star et qu'il a eu la
réponse hier soir, dans ce qui a paru dans la section D. Je pourrais
facilement vous donner exactement la réponse à la question que M.
Scott vous a donnée. Désirez-vous que je le
répète?
M. MORIN: J'imagine que vous l'avez lue vous-mêmes attentivement
et que vous êtes prêt à répondre à ma
question.
M. ROY (Andrew): D'accord! M. MORIN: Alors, faites-le donc!
M. ROY (Andrew): Cela dépend premièrement de
l'interprétation de votre titre I, encore une fois: Le français
est la langue officielle du Québec. Si, par exemple, le gouvernement du
Québec décidait d'abandonner la traduction de ses lois en
anglais, c'est ceci qu'a dit M. Scott hier soir: "Section 133 of the BNA Act
has not been amended. And that is the section which provides that the laws of
Quebec must be in the two languages."
M. MORIN: Est-ce que vous savez que cet article s'appliquait
également au Manitoba et qu'en 1890 la province du Manitoba a
décidé néanmoins d'appliquer comme seule langue officielle
la langue anglaise?
M. ROY (Andrew): M. Morin, j'en suis bien conscient. Je viens d'assister
à un congrès de directeurs généraux des centres
urbains à Banff, il y a quinze jours, où j'ai siégé
avec le directeur général de la ville de Winnipeg. Mais cet
après-midi, je pensais qu'on était ici pour discuter le projet de
loi 22, ici, au Québec...
M. MORIN: De quoi parlez-vous?
M. ROY (Andrew): ...et non pas à Winnipeg.
M. MORIN: De quoi pensez-vous que nous parlons en ce moment?
M. ROY (Andrew): Vous avez posé la question, vous m'avez
demandé si je connais ce qu'il se passe au Manitoba. Je sais très
bien ce qui se passe à Saint-Boniface.
M. MORIN: C'est pour vous dire je ne sais pas si vous l'admettrez
que l'interprétation qui est donnée dans le
Montréal Star de l'article 133 n'est peut-être pas conforme aux
précédents constitutionnels de ce pays. Elle n'est
peut-être même pas conforme au texte de l'article 133.
M. DOUGHERTY: If I might respond to this for the purpose of this
article, the English text is the official text. And the English text, its
reads: ... "runs counter to..." It was not our intention that we were saying it
was contradictory to law. It was our first intention to say: It was running
counter to what was happening we hoped in the rest of Canada.
In the context of bilingualism, it was hoped that legislation in Canada
since 1970, in particular 1966 and 1967, if you might had back that far, but
that the trend was to increase bilingualism and to increase the rights of
minority, not to subdue these. We said: "... runs counter to..." Mais en
français, c'est un peu différent.
M. MORIN: Quelle que soit l'expression que vous ayez utilisée
pour traduire: "... runs counter to...", est-ce que vous n'admettrez pas dans
ce cas...
M. DOUGHERTY: ... seems to be going in the opposite direction.
M. MORIN: Bien. Est-ce que vous n'admettrez pas, dans ce cas, que la
législation de la Colombie-Britannique, de l'Alberta, de la
Saskatchewan, du Manitoba, de l'Ontario, du Nouveau-Brunswick, de Terre-Neuve,
de la Nouvelle-Ecosse, en somme de toutes les provinces, sauf le Québec,
"seems to be going in the opposite direction? " Répondez audiblement, je
ne vous entends pas.
M. ROY (Andrew): M. le Président, je ne sais pas où vous
prenez vos renseignements. Comme je viens de vous dire, je reviens d'un
congrès qui réunissait tous les directeurs généraux
des grands centres du Canada et justement, durant
deux jours, nous avons consacré une partie de nos études
à l'enseignement du français en dehors du Québec Ce qui
m'étonne, c'est l'intérêt qui se manifeste à l'heure
actuelle dans toutes les autres provinces en ce qui concerne le bilinguisme, le
biculturalisme.
M. MORIN: Attention! On ne vous parle pas de supprimer l'enseignement de
l'anglais au Québec en ce moment. Ne nous répliquez pas en nous
disant qu'il est question d'étendre l'enseignement du français
dans les autres provinces. Il n'est pas question de supprimer l'enseignement de
l'anglais au Québec, ni du côté des ministériels, ni
du côté de l'Opposition. Je ne sais pas quelle image vous vous
faites des intentions du gouvernement ou des intentions de l'Opposition. Est-ce
que c'est votre impression que le gouvernement, avec son projet, ou
l'Opposition, dans son programme, tente de supprimer l'enseignement de
l'anglais au Québec? Est-ce que c'est votre impression?
M. ROY (Andrew): Un point d'ordre, M. le Président. Est-ce que je
suis obligé de répondre à ces questions?
LE PRESIDENT (M. Gratton); Vous êtes totalement libre de
répondre ou de ne pas répondre.
M. ROY (Andrew): Dans ce cas je n'ose pas répondre.
M. MORIN: Vous n'osez pas répondre. Ecoutez, vous êtes
entièrement libre; toutefois, vous nous laisserez libres aussi
d'interpréter vos silences ou vos abstentions. Vous dites ce sera
ma seconde question et sans doute la dernière aussi, pour laisser le
temps au député de Saint-Jacques de poser ses propres questions
vous dites avec raison à la page 2; "Le défaut de
reconnaître le fait que les commissions scolaires protestantes ont des
droits bien établis par l'Acte de l'Amérique du Nord britannique
constitue sans doute un fait dominant de la situation actuelle". Vous avez
raison d'invoquer l'article 93, tout à fait raison. Il est
évident que les commissions scolaires protestantes ont des droits bien
établis en vertu de l'article 93, de même que,
présumément, les commissions scolaires catholiques des autres
provinces, au moins celles qui étaient touchées par l'article 93,
c'est-à-dire l'Ontario, par exemple, le Nouveau-Brunswick et, plus tard,
par le truchement du British North America Act de 1870, le Manitoba. Mais vous
avez semblé indiquer, dans votre exposé oral, en vous fondant sur
l'article du Montreal Star que l'article 93 protégeait également
les droits linguistiques.
Je ne sais dans quelle mesure vous voulez reprendre ces propos à
votre compte, mais je dois vous dire que, dans les trois autres provinces
où cet article s'est appliqué, c'est-à-dire le
Nouveau-Brunswick, le Manitoba et l'Ontario, l'enseignement public en
français a été supprimé au cours des années.
Il ne faudrait pas nous opposer cet article ici au Québec, alors
qu'à sa face même, il ne porte que sur les droits confessionnels.
Si vous invoquez l'article 93 comme protégeant les droits linguistiques,
il faudra que vous teniez compte de ce qui s'est passé, d'abord au
Nouveau-Brunswick, ensuite au Manitoba et ensuite, avec le règlement 17,
en Ontario. Je ne sais si vous avez quoi que ce soit à répondre
à cela, mais cela m'intéresserait de connaître votre
réaction parce que, autrement, vous nous donnerez l'impression que vous
vous servez de deux poids, deux mesures.
M. ROY (Andrew): Je prétends tout simplement, M. le
Président, que les protestants ont des droits qui
précèdent la Confédération, des droits
confessionnels et peut-être, à la suite de cela, je le dis et je
le répète, peut-être qu'il en découle des droits
linguistiques. Je ne suis pas ici pour les discuter, on va laisser ça
aux juristes.
J'aimerais bien cependant attirer votre attention sur le fait qu'avant
la confédération, les protestants, les dissidents, les
commissaires d'école protestantes avaient quelques droits; ils avaient
le droit de choisir leurs manuels scolaires, de gérer leurs
écoles, de choisir leur personnel. Je vous demande bien franchement si,
aujourd'hui, une commission scolaire a le droit de choisir ses manuels
scolaires, d'engager ses professeurs. Est-ce que ces droits confessionels ne
pourraient pas aller à l'encontre d'un bill 22? Comme administrateur
d'école, je vois des problèmes et je viens justement de vous en
soulever un. Je serais bien intéressé à savoir, si le bill
22 passait, si vous étiez dans ma position, M. Morin, quelle serait
votre réponse à cette question.
M. MORIN: Nous nous opposons au bill 22, M. Roy, vous le savez fort
bien. Peut-être pas pour les mêmes raisons que vous, mais nous nous
y opposons également. Mais j'aimerais faire remarquer qu'avec vos
arguments et ceux qui sont parus dans le Montreal Star, on fait de la langue
une religion.
M. ROY (Andrew): On fait...?
M. MORIN: De la langue une religion; c'est un peu neuf au plan
consitutionnel.
M. ROY (Andrew): M. Morin, si on veut parler de facteurs historiques, je
m'excuse de faire allusion à ça, mais peut-être que
l'élément protestant fait exactement la même chose que ce
qui s'est produit dans une autre communauté avant 1960.
M. MORIN: Donnez-nous des détails, je ne vous suis pas.
M. ROY (Andrew): Non, je ne donne pas plus de détails.
M. CHARRON: M. le Président, puis-je enchaîner aux
questions de l'Opposition? Si vous allez du côté
ministériel, ça m'est égal.
LE PRESIDENT (M. Gratton): On peut peut-être passer du
côté ministériel pour revenir ensuite à
l'Opposition. Le député d'Anjou.
M. TARDIF: Je vous dirai tout de suite, monsieur, que le fait de ne pas
répondre mine votre crédibilité et que nous avons tout
intérêt à savoir ce que les gens pensent. Je pense que de,
votre côté, vous avez tout intérêt à essayer
de répondre aux questions, même si vous n'êtes pas
complètement satisfaits des questions qui sont posées. Quoi qu'il
en soit, à la page 2 de votre mémoire, vous dites: L'association
s'oppose au défaut de reconnaître le fait que le meilleur avenir
pour le Québec dépend d'une population bilingue. Est-ce que vous
voulez dire par ça que, nécessairement, toute la population du
Québec devrait être bilingue?
M. ROY (Andrew): Je m'excuse, je n'ai pas saisi votre question.
Auriez-vous l'obligeance de la répéter, s'il vous
plaît?
M. TARDIF: Ce que je veux dire, c'est ceci: En haut de la page 2 de
votre mémoire, vous dites: L'association s'oppose au défaut de
reconnaître le fait que le meilleur avenir pour le Québec
dépend d'une population bilingue. C'est vous qui dites ça. Est-ce
que, à ce moment-là, vous insistez pour que toute la population
du Québec soit bilingue?
M. DOUGHERTY: No, it is not our intent that this be forced upon anyone.
First of all, the brief that we submitted tries to be a conservative reasoning
between quite radical approaches we consider and, secondly, as employees, it is
our feeling that any legislation must be a democratic one leaving in the hands
supposedly of those who are being ruled the right to decide for themselves.
In this context, it is felt that it is advantageous for individuals to
be bilingual. If individuals are not bilingual, it does not mean that the
province is not bilingual. What I am saying is it is quite possible to have a
bilingual province, without each individual being forced to be bilingual.
We do not believe it is quite possible to force this upon every
individual, but it should be a choice and it should be promoted to give them
the opportunity, if possible, to be bilingual, and by bilingual, I mean
English-French.
M. TARDIF: Maintenant, si vous estimez que les institutions au
Québec doivent être bilingues, vous ne pensez pas qu'elles
devraient l'être également dans les autres provinces?
M. ROY (Andrew): On accepte cela à 100 p.c.
M. TARDIF: Oui.
M. ROY (Andrew): Et je crois que, quand je vais à
l'extérieur de la province, je suis le meilleur ambassadeur pour
convaincre mes amis à l'extérieur, dans l'Ouest, que c'est
justement dans ce but qu'ils devraient oeuvrer.
M. TARDIF: Oui, mais vous dites que...
M. ROY (Andrew): Complètement d'accord.
M. TARDIF: ... vous acceptez cela à 100 p.c. Vous ne trouvez pas
que cela commence à être assez, après une centaine
d'années, que le Québec soit la seule province qui soit
effectivement bilingue et qu'on doive se fier nécessairement à la
bonne foi et au désir manifesté par les autres provinces de se
montrer éventuellement peut-être bilingues?
M. ROY (Andrew): Oui, mon cher monsieur. Mais si vous vous promenez sur
Berard Inlet à Vancouver, demain soir, combien de Canadiens
français allez-vous rencontrer?
M. TARDIF: Non, ce n'est pas cela.
M. ROY (Andrew): C'est tout simplement, et...
M. TARDIF: Ce n'est pas cela qui est le fond de la question. Vous dites
que les institutions devraient être bilingues au Québec et que
nécessairement elles devraient l'être également dans le
reste du Canada, pour les autres provinces. Ne pensez-vous pas qu'au
Québec on en a donné l'exemple pendant 100 ans et qu'il serait
peut-être nécessaire, maintenant qu'on a vu que cela n'a
peut-être pas servi à grand-chose, de récriminer pour
exiger du bilinguisme dans les autres provinces? Au cours des 100
dernières années, cela n'a pas donné grand-chose. Vous ne
pensez pas qu'il serait peut-être temps qu'on légifère en
fonction des intérêts prioritaires de la majorité, tout en
conservant à ceux qui sont minoritaires ici certains droits qui sont
inclus dans le projet de loi no 22?
M. DOUGHERTY: I think it was clearly stated in our introduction that we
are quite in favour of supporting and encouraging French. I think this is quite
clearly established. And I think, partly in response to your question, that
more has been done, we talk about a hundred years, but more has been done in
the last six years about promoting French in the English schools than has been
done in the previous hundred years.
Part of this has been done in the spirit of bill 63. Most of it has been
done because of the organization, the positive orientation toward French that
has been established by Protestant school boards and part of this has been
encou-
raged by the directors generals as an association, and as directors
generals as individuals.
We are not stating that the rest of Canada is an ideal. We would like to
feel, if you want to compare with the rest of Canada, that we are far ahead of
the rest of Canada today. And I would like to see Quebec stay ahead of the rest
of Canada in promoting this.
M. TARDIF: Vous avez sans doute raison lorsque vous dites qu'il y a eu
de l'amélioration dans l'enseignement du français comme langue
seconde au cours des dernières années. Je pense personnellement
qu'il était temps qu'il en soit ainsi. Mais, d'un autre
côté, je vous pose la question suivante: Considérant le
fait que les cinq millions de francophones au Québec n'ont pas 220
millions de personnes autour d'eux pour s'arc-bouter physiquement,
économiquement et culturellement, vous ne pensez pas qu'il serait normal
qu'on légifère prioritairement en fonction des
intérêts de la majorité et qu'on laisse certains droits aux
anglophones, mais certainement pas des droits qui se comparent à ceux
des francophones? Vous ne pensez pas cela? Si je comprends bien, vous avez fait
une équation. Il y a plusieurs groupes anglophones qui sont venus ici
jusqu'à présent. L'équation est la suivante: On a toujours
été des leaders dans ce domaine. On devrait continuer à
l'être, nonobstant les dangers que la culture canadienne-française
peut encourir au Québec. Et l'autre équation, c'est que
bilinguisme égale, en fin de compte, bien souvent, parler anglais. Je
pense personnellement que les groupes anglophones qui sont venus ainsi que
vous-mêmes, vous êtes en rupture de ban avec la majorité ici
au Québec.
Un des exemples que je vois, c'est lorsqu'à la page 3 vous faites
allusion à différentes modifications qui pourraient être
apportées. Vous acceptez sans doute que le français soit une
langue officielle, qu'il ait un droit de priorité sur les autres
langues.
Mais si je prends vos modifications éventuelles aux articles 6 et
9, on y voit que 9 p.c. de Canadiens français, qui habiteraient une
municipalité, n'auraient pas le droit à une administration
publique municipale de langue française. Vous ne trouvez pas cela
contradictoire avec l'énonciation de votre principe voulant que vous
reconnaissez la priorité à la langue française?
M. DOUGHERTY: It is one share here of economics as far as we are
concerned, as well as serving the "milieu".
M. TARDIF: Oui, mais si on doit se fier exclusivement monsieur,
je m'excuse de vous interrompre à l'économique, cela ne
m'apparaît pas comme étant votre meilleur argument, parce que,
à ce moment-là on va tout faire exclusivement en français
et ce sera l'unilinguisme français. Je pense que ceux, qui vont
écoper le plus, ce ne seront certainement pas les Canadiens
français, mais ce seront les Anglo-Canadiens, si on se sert
exclusivement des questions économiques pour mettre de l'avant un
principe qui ne se concilie absolument pas avec votre déclaration de
principe liminaire, voulant que le français doit être prioritaire
au Québec.
En fait, vous ne voyez pas de contradiction entre le fait que, dans un
endroit où il y a 90 p.c. de gens de langue anglaise, tout doit se faire
en anglais alors que vous reconnaissez au Québec une priorité
à la langue française.
M. DOUGHERTY: It does not seem logical even though we are prepared to
promote French. It does not seem logical that a totally English organization
operating in English must publish its public notices in French. We do not have
the facilities. We do not think that we ever will have and, first of all, if
the school board has the authority to engage its personnel, you are
automatically stipulating the quality of personnel that it must engage. You are
making French as the option in engaging this personnel.
M. TARDIF: Je pense que, en conclusion, M. le Président, ce
groupe serait peut-être beaucoup plus honnête intellectuellement
si, au tout départ, il ne reconnaissait pas la priorité au
français et demandait ou exigeait plutôt un bilinguisme
intégral. Quant à moi, je pense personnellement, si d'autres
groupes anglophones continuent à mettre de l'avant un principe qui
m'apparaft aussi inapplicable que le bilinguisme intégral,
éventuellement, on pourra se réveiller avec des lendemains qui
seront malheureux, je pense bien, pour tout le monde au Québec.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: Juste une couple de questions, M. le Président, que
j'aimerais poser à M. Dougherty. C'est cela, c'est bien votre nom?
M. DOUGHERTY: Oui, Dougherty.
M. SAMSON: Premièrement, M. Dougherty, est-ce que vous parlez
vous-même français?
M. DOUGHERTY: Non, pas couramment.
M. SAMSON: Comment pouvez-vous soutenir, comme vous l'avez fait
tantôt, le fait que vous êtes en faveur, de la promotion et
d'encourager le français, alors que vous n'avez pas cru bon pour
vous-même d'en faire une promotion?
M. DOUGHERTY: For the very simple reason, when I grew up in the province
of
Quebec as an English Canadian, I did not have the chance to send my kids
to the French school; bill 22 would keep me in the same category. My children
of six years old and three years old are now bilingual.
Since I was 25 years old, j'ai bien essayé de parler le
français, mais c'est une chance que je n'ai pas eue avant 25 ans.
M. SAMSON: Comment expliquez-vous le fait que vous n'avez pas pu envoyer
vos propres enfants à des écoles francophones, parce qu'il n'y en
avait pas ou quoi?
Je m'adresse à M. Dougherty, s'il vous plaît, je voudrais
bien avoir sa réponse.
M. ROY (Andrew): J'ai vécu la même expérience,
est-ce que je...
M. SAMSON: C'est de M. Dougherty que je veux avoir une réponse,
non pas de M. Roy. Lequel des deux est M. Dougherty? C'est lui. Bon, c'est
à lui que je m'adresse. C'est de lui que je veux avoir une
réponse. Pourquoi vous n'avez pas pu envoyer vos enfants dans des
écoles françaises? Il doit y avoir une raison, puisque vous dites
que vous n'avez pas pu le faire.
M. DOUGHERTY According to the terms of bill 22 as I understand it, in
order to change, they would have to pass a test established by some civil
service to determine that they had sufficient French before they would be
admitted to French schools.
M. SAMSON Mais avant le bill 22?
M. DOUGHERTY: This is, as I understand it, presently with the terms of
bill 22. And if my children had sufficient knowledge to pass the test, I would
not need to send them to the French school.
M. SAMSON: Mais avant le bill 22, est-ce que vous avez essayé
d'envoyer vos enfants à des écoles françaises?
M.DOUGHERTY: I did not hear him. Avant maintenant?
M. SAMSON: Avant maintenant, est-ce que vous avez essayé
d'envoyer vos enfants...?
M. DOUGHERTY: Avec la loi 63? Oui.
M. SAMSON: Oui, puis? Est-ce que vos enfants sont actuellement dans des
écoles françaises?
M. DOUGHERTY: Dans une classe bilingue, 50 p.c. en français et 50
p.c. en anglais. J'en ai seulement un en première année. Un
instant !
M. SAMSON: Ah bon! Alors, il va peut-être falloir étendre
le projet de loi 22 à d'autres domaines. M. le Président...
M. DOUGHERTY: C'est une situation...
M. SAMSON: ... je note, à la page 2, paragraphe 2, "Le manque de
reconnaître le fait que le meilleur avenir pour le Québec
dépend d'une population bilingue". Ceci est votre interprétation.
C'est votre opinion, si je comprends bien. Peut-être que M. Roy peut me
répondre. C'est votre opinion, que l'avenir du Québec est
avec...
M. ROY (Andrew): C'est souhaitable.
M. SAMSON: C'est souhaitable. Dans les démarches que vous avez
faites et dans les voyages que vous nous avez mentionnés tantôt,
à l'extérieur du Québec, dans les autres provinces, dans
quelle proportion, selon vous, sont-ils aussi intéressés que vous
à ce que la même chose se produise sur leur territoire,
c'est-à-dire du Manitoba, de la Saskatchewan ou des autres provinces du
Canada?
M. ROY (Andrew): M. le Président, je dirais que, parmi mes
collègues, ils sont intéressés à garder le pays
unifié, et ils savent fort bien qu'il faut bouger dans les autres
provinces pour garder le pays ensemble.
M.SAMSON: Quelles sont les démarches concrètes, selon
vous, qui ont été faites par vos collègues, ceux que vous
mentionnez?
M. ROY (Andrew): Si vous prenez, par exemple, le cas du John Oliver High
School à Vancouver, je dirais qu'au John Oliver High School il y aura
une augmentation assez considérable des étudiants à partir
du secondaire I où on enseigne le français depuis cinq ans. Je
dirais que la même chose se répète dans les autres
provinces dans l'Ouest.
M. SAMSON: Maintenant, comment expliquez-vous le fait que cela a pris si
longtemps avant qu'ils se décident à faire quelque chose.
M. ROY (Andrew): C'est difficile pour vous, peut-être, de
comprendre, mais dans mon cas, monsieur...
M. SAMSON: Je veux avoir votre opinion. Je ne suis pas ici pour vous
dire ce que je veux. Je veux votre opinion.
M. ROY (Andrew): Ce n'est pas facile pour un anglophone d'apprendre le
français. Je sais pendant combien d'étés j'ai
fréquenté les cours d'été à
l'université McGill pour apprendre le peu de français que je
possède à l'heure actuelle. Je sais que je travaille en
français tous les jours. Pour quelqu'un de l'extérieur qui a,
disons une période par jour dans son école, en
français, c'est très difficile de devenir bilingue
après une période par jour pendant cinq ans au secondaire.
M. SAMSON: M. le Président, une dernière question,
advenant que je regrette, mais je n'ai pas eu le temps de parcourir tout
votre mémoire tout ce que vous suggérez dans votre
mémoire ne soit pas accepté par la commission, est-ce que votre
association irait jusqu'à demander plutôt le retrait complet du
projet de loi 22?
M. ROY (Andrew): Non, je dirais que non. Tout ce qu'on veut, c'est qu'il
y ait une formule qui pourrait faire avancer le sort de la majorité et,
en même temps, respecter quelques droits de la minorité.
M. SAMSON: Vous n'avez peut-être pas saisi ma question comme il
faut. Advenant que les suggestions que vous faites dans votre mémoire ne
soient pas retenues par la commission parlementaire et que le projet de loi 22
ne soit pas amendé selon vos suggestions, est-ce que, plutôt que
de ne pas le voir amendé selon vos suggestions, vous
préféreriez le voir retiré?
M. DOUGHERTY: I would say that, as an employee group, you already heard
our employer group yesterday whose prime position is to ask it to be withdrawn.
I do not think it would be wise for us to speak and even to answer directly the
question that you ask.
M. CHARRON: Ils ont dit de le retirer.
M. SAMSON: Si j'ai bien compris, vos employeurs ont demandé de le
retirer. Vous êtes un employé modèle !
M. DOUGHERTY: C'est la position du QAPSB.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, je vais revenir avec vous, si vous
le permettez, sur le terrain proprement scolaire et essayer de vous
réchapper sur ce terrain.
Vous avez dit, lorsque vous avez entrepris le dépôt de
votre témoignage, que c'est comme administrateurs scolaires que vous
vous posiez... Vous êtes, a dit M. Roy, comme directeurs
généraux des commissions scolaires protestantes, peut-être
le personnel de cadre le plus important, et donc, vous aurez à
administrer cette loi et à l'appliquer.
Ce que j'ai trouvé tout à fait curieux, au moment
où je m'apprêtais, en attendant la fin des questions du
député de Rouyn-Noranda, à aborder la question sous
l'angle sous lequel vous nous aviez invités à l'aborder, c'est
d'entendre une phrase de M. Dougherty qui, à mon avis, a simplement
prouvé qu'il n'a pas compris une loi dont il sera chargé de
l'application, éventuellement, si jamais elle était
adoptée.
Quand vous avez dit que si le projet de loi 22 était
adopté et appliqué, vous ne pourriez pas placer vos enfants dans
des écoles françaises, à moins de leur faire passer un
test, je vous demande où vous avez vu cela dans le projet de loi.
M. DOUGHERTY: Dans le projet de loi 22?
M. CHARRON: Dans le projet de loi 22. Je me tue à le
répéter à tous les anglophones qui se sont
succédé à la table, il n'y a pas de test obligatoire,
nulle part. C'est le statu quo, exactement comme vous, vous jugez de la
connaissance suffisante d'un enfant francophone ou italien avant de l'admettre
dans vos écoles, de la même façon un principal
d'école francophone jugera, à son mérite, à son
propos, à la façon dont il l'entendra... Parce que l'article 50,
si vous le lisez avec moi, dit très bien: "It is the function of each
school board, regional school board and corporation of trustees to determine to
what class, group or course any pupil may be assigned, having regard to his
aptitudes in the language of instruction". C'est clair. C'est le statu quo.
C'est ce que vous avez déjà actuellement.
M. DOUGHERTY: Dans l'article 49, avant...
M. CHARRON: L'article 49 dit: "Les élèves doivent
connaître suffisamment la langue d'enseignement pour recevoir
l'enseignement dans cette langue". Qui établira les critères de
cela? Vous? Le ministère n'apporte aucun règlement
actuellement.
M. DOUGHERTY: I would think that this is exactly...
M. CHARRON: Si vous me permettez, avant que vous ne
répondiez...
M. DOUGHERTY: Oui.
M. CHARRON: ... puisque vous êtes des employés
fidèles comme disait le député de Rouyn-Noranda, vos
employeurs hier m'ont répondu qu'effectivement ils relèveraient
d'eux-mêmes, sans critère précis venant du ministère
ou de la loi, pour analyser la connaissance d'usage. Ceci peut être: Do
you speak English? Yes, I speak English, et voilà, la connaissance
d'usage vient d'être faite et vous êtes admis dans l'école
anglaise ou vice versa. C'est ce qui se passe actuellement, comme le droit de
la commission scolaire à placer un élève à son
groupe. Vous le savez. Vous êtes administrateur scolaire. C'est le statu
quo. A Brossard, on a décidé, cette année,
devant l'inaction du ministre de l'Education, de profiter de cette
disposition qui existe déjà aux lois de l'éducation, de
prendre les enfants qui s'inscrivaient à l'école anglaise et de
les inscrire à un niveau inférieur pour ainsi décourager
l'assimilation des francophones à l'école anglaise. Mais tout
cela existe déjà.
M. DOUGHERTY: I believe that this is exactly the intent of this bill and
if it is the intent of the bill to protect the freedom of choice, then we are
in favor of the bill.
M. CHARRON: Ah! C'est cela.
M. DOUGHERTY: If it is the understood. However, we find that this is not
quite the intent as we believe it to be and if it is not...
M. CHARRON: II ne faut pas que vous preniez le "traficage" qu'a fait le
ministre pour le texte français. C'est fait pour l'opinion publique
francophone. Il faut que vous preniez la portée réelle du projet
de loi et la portée réelle du projet de loi est la liberté
de choix qui, pour le ministre de l'Education, est un principe, pour son
collègue de la Justice est une mesure pratique, peu importe, la
liberté de choix est intégralement maintenue. Le ministre le dit.
En vertu de l'article 51, le ministre peut imposer des tests et le ministre a
déjà dit lui-même que c'était dans des cas où
la situation l'y obligerait: Laval, Brossard, Saint-Léonard. Enfin, vous
les connaissez les cas où la situation obligerait le ministre à
intervenir.
Mais, jusqu'au moment où le ministre intervienne je
m'excuse de prendre ce temps, mais c'est important puisque vous me dites que
vous seriez en faveur du bill le jour où vous l'auriez bien compris
c'est ce que le projet de loi dit actuellement, la liberté de
choix est intégralement maintenue. Il en demeurera à vous, comme
administrateurs scolaires, de placer les enfants au niveau où vous
voulez les placer, exactement comme dans le cas actuel, c'est à vous de
le faire. Et la question, M. Roy, que vous posiez tantôt quand vous vous
demandiez si un enfant d'Italien, un jeune Italien, ne parlant ni anglais, ni
français, vous arrivait et vous disait : Je suis protestant, si vous
deviez le prendre, vous l'envoyez à l'école française
protestante. Il en existe. Le respect de sa confessionnalité, dans les
dispositions de l'article 93 de la constitution, etc.. Remarquez, comme vous
l'a dit le chef de l'Opposition, que cela n'a pas embarrassé les autres
provinces, mais si nous autres, cela nous embarrasse encore, on veut respecter
la confessionnalité, vous lui direz: Oui, monsieur, vous avez droit
d'avoir un enseignement dans votre foi, mais en français. Alors, je vous
demande simplement, parce que le député de Laporte est toujours
soucieux du règlement...
M. TARDIF: On ne peut pas en dire autant de vous.
M. CHARRON: Je vous demande simplement si vous êtes d'accord avec
moi pour dire que le projet de loi actuellement, pour vous, comme
administrateurs scolaires, ne change rien, en fin de compte, dans les
dispositions que vous avez faites, à moins que le ministre quitte ses
nuages et décide de venir nous informer de la portée du projet de
loi.
M. CLOUTIER: Allons, M. le Président,...
M. CHARRON: Jusqu'à ce moment, nous en sommes exactement au
même point.
M. CLOUTIER: ... demandez donc au député de Saint-Jacques
de cesser de provoquer les membres de la commission parce qu'il a devant lui un
auditoire qui semble lui plaire.
M. CHARRON: On ne peut pas en dire autant, quand vous aviez la Chambre
de commerce...
M. CLOUTIER: Si nous étions à huis clos, le
député de Saint-Jacques se tairait et là nous pourrions
mesurer la pauvreté de sa pensée.
M. CHARRON: M. le Président, lorsque nous sommes à huis
clos, le ministre est habituellement dans les rideaux.
M. CLOUTIER: Nous mettons fin à cet échange, soyons
sérieux.
M. CHARRON: On ne met pas fin à cet échange, je m'excuse
si cela vous embarrasse. Vous utilisez actuellement le mécontentement
anglophone pour vous gagner des appuis chez les francophones.
M. CLOUTIER: M. le Président, il existe un règlement. Sur
une question de règlement.
M. CHARRON: Nous avons l'occasion...
M. CLOUTIER: Je déteste invoquer le règlement, parce que
je veux que chacun puisse s'exprimer, mais il y a tout de même une
signification à une commission parlementaire, c'est qu'elle a pour fin
d'entendre les témoins, de leur permettre de s'exprimer et de permettre
aux membres de la commission de poser des questions, non pas pour faire de la
politique de façon détournée, mais pour s'éclairer.
Or, le député de Saint-Jacques fausse entièrement
actuellement la signification de la commission parlementaire. C'est la raison
pour laquelle le débat aura lieu à l'Assemblée nationale
comme il se doit. Je n'ai pas l'intention de m'y prêter, quelles que
soient les provocations.
M. CHARRON: Vous êtes sur le même point de règlement,
M. le Président. Je fausse peut-être la signification de la
commission parlementaire, mais j'aimerais que le ministre
me prouve que je fausse la signification du bill. C'est cela qui est
important.
M. TARDIF: Règlement...
M. CHARRON: Ce n'est pas au député de Laporte de me donner
ces précisions, on a un ministre qui est censé être
responsable, encore pour quelques jours.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!
M. CHARRON: Qui devrait être en mesure de nous donner des
renseignements là-dessus.
M. DEOM: Votre temps est écoulé.
M. CHARRON: Je vous demande simplement, monsieur, c'est la question que
je vous ai posée, si les articles 48, 49 et 50 actuellement, à
vous, comme administrateur scolaire, posent des modifications
considérables, puisque c'est vous qui aurez éventuellement
à appliquer cette loi.
M. DOUGHERTY: On the point of order, Mr President, if we were in favour
of the contents of bill 22, we would not be here. We presented a brief to
question certains articles. I do not believe that it is right for us to be
submitted or even to respond to certain items from the Opposition.
M. CHARRON: Ce sera jugé. Ce que vous venez de dire là,
c'est une position politique.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! La dernière question est
par le député de Laporte.
M. DEOM: M. le Président, je suis toujours surpris des longs
préambules du député de Saint-Jacques, parce que, devant
la commission parlementaire des communications, on nous a dit que la langue
était une dimension minimale de la culture. Je me demande donc pourquoi
il prend tant de temps pour poser ses questions.
M. CHARRON: C'est...
M. DEOM: La mienne sera beaucoup plus précise. Vous nous avez
parlé de bilinguisme et vous vous êtes référé
à Vancouver en indiquant qu'à Vancouver il n'y avait pas lieu
pour les Canadiens d'apprendre le français. Pensez-vous qu'on peut se
faire le même raisonnement et qu'on puisse dire qu'au Québec, pour
une grande partie de la population, ce n'est pas absolument obligatoire qu'elle
apprenne l'anglais?
M. ROY (Andrew): Auriez-vous l'obligeance de répéter votre
question? Excusez-moi, mais je n'ai pas tout à fait saisi.
M. DEOM: En parlant de bilinguisme intégral, vous nous avez
donné l'exemple de Vancouver. Vous nous avez dit que vous ne voyiez pas
la nécessité pour les gens de Vancouver d'apprendre le
français, parce qu'ils ne l'utilisaient pas. Dans ce même ordre
d'idées, est-ce que vous seriez d'accord pour constater la même
situation au Québec et pour accepter que, pour une très grande
majorité des Québécois, il n'y a pas de
nécessité d'apprendre l'anglais?
M. ROY (Andrew): Pour répondre à votre question, je dirais
que c'est utile pour la majorité de savoir parler anglais, pour la
minorité, c'est indispensable.
M. DEOM: Mais vous ne répondez pas à ma question, en tout
cas. Pensez-vous que le bilinguisme intégral est possible? Est-ce que
vous imaginez, vous référant à votre...
M. ROY (Andrew): Au Québec, M. le député?
M. DEOM: Non, dans l'ensemble du Canada.
M. ROY (Andrew): Non, je ne crois pas.
M. DEOM: Vous ne croyez pas au bilinguisme intégral?
M. ROY (Andrew): Je le souhaiterais.
M. DEOM: Pourquoi l'appliquerait-on à ce moment-là au
Québec seulement?
M. ROY (Andrew): Premièrement, je dirais parce que les
anglophones sont suffisamment nombreux ici. Nous avons à peu près
20 p.c. qui sont d'expression anglaise. Au Nouveau-Brunswick, on pourrait avoir
des districts bilingues, en Ontario aussi, mais quand vous commencez à
parler de l'Ouest, alors je dirais qu'il n'y a pas une agglomération de
Canadiens français assez nombreuse pour faire une force suffisante pour
motiver la majorité à parler français. Pour apprendre une
langue seconde, M. le député, il faut être motivé.
Je dirais que c'est un manque de motivation dans l'Ouest.
M. DEOM: Merci.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, merci. J'invite donc The
Association of Protestant School Business Officials of Quebec à bien
vouloir se présenter à la table, s'il vous plaît.
M. DOUGHERTY: Merci, M. le Président. LE PRESIDENT (M. Gratton):
M. Boule?
M. BOULE: C'est moi. Mais M. Scarfoney va parler avant moi.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, si vous voulez commencer par nous
présenter les gens, si vous voulez vous asseoir, s'il vous
plaît.
Association des administrateurs protestants du
Québec
M. SCARFONEY: M. James Boule, à ma droite, président de
notre association, M. H. Sylvia, vice-président de notre association. Je
suis Franco Scarfoney, un des directeurs de notre association.
M. le Président, nous avons pensé présenter notre
mémoire en français, mais vu que le député de
Saint-Jacques a suggéré au Comité Canada de
présenter son mémoire en anglais, et étant donné,
nous n'en faisons pas un secret, que nous sommes plus à l'aise en
anglais qu'en français, si vous voulez, M. le Président, nous
allons présenter notre mémoire en anglais. C'est M. James Boule
qui va lire notre mémoire.
M. BOULE: M. le Président, messieurs. The Association of
Protestant School Business Officials of Quebec is concerned primarily with the
business functions of the educational field. One of its aims is to provide
through its members to their employers and to the government "input" on
relevant matters. In this context, the Association believes it is obliged to
express its opinion on the proposed bill 22.
We question seriously the interpretation being placed on statistics in
reaching the conclusion that the language of the majority is indeed being
eroded in its use and strength in the Québec of today. The increased use
of French in business and industry and the degree of bilingualism of the
non-Francophone population provide ample evidence to the contrary.
We question the wisdom of taking coercive steps under any guise as a
means for achieving the pre-eminence of any language or culture.
We question the wisdom of elected representatives abrogating the policy
making function to civil servants. Bill 22, as proposed, leaves too much power
in the hands of the technocrats and is thus an open invitation for abuse in its
application.
We question the wisdom of dividing a populace into segments with unequal
status. It is not by such means that the art of human communication can be
stimulated. Rather, attitudes will harden and stresses will develop. No modern
society can afford the luxury of such divisive forces.
Each citizen is a potential contributory to the economic well being and
growth of the province. We cannot accept that an elected government in a
democratic society shall legislate the advancement of any segment at the
expense of another. Our growing society requires capital and an influx of
people. We can see nothing in this proposed legislation which encourages
either. On the contrary, we believe there will be a resultant exodus of
both.
Many aspects of the legislation are unrealistic in terms of the best
utilization of manpower and abilities. The enforced substitution of linguistic
criteria over managerial skills is counterproductive.
For these reasons, we strongly recommend that the government withdraw
bill 22. A more vigorous effort must be made to stimulate the currently
available means at its disposal to encourage and facilitate the development of
a truly bilingual citizenry: one which is prepared and willing to respect the
cultural and linguistic heritage of each individual.
By such means, the economic aspirations of all Quebecers may best be
served and the culture of each of its elements will be preserved. And I submit
this for your amusement if nothing else.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Thank you, Mr Boule. Le ministre de
l'Education.
M. CLOUTIER: M. le Président, je désire remercier
l'Association des administrateurs protestants du Québec pour nous avoir
présenté son mémoire. Je n'aurai qu'une seule question.
Dans ce mémoire, on semble se demander s'il est nécessaire de
prendre des mesures coerciti-ves pour obtenir la prééminence
d'une langue ou d'une culture. Est-ce à dire que vous
préféreriez que le gouvernement n'intervienne absolument pas en
matière linguistique par voie législative?
M. BOULE: At the moment, I find certain ambiguities in articles 21, 23,
38, 46 and 47.
M. CLOUTIER: Ce n'est pas ma question. Vous dites dans votre
mémoire que vous préféreriez qu'il n'y ait pas de mesures
coercitives en matière de langue et de culture. Je vous
réfère au troisième paragraphe. Est-il recommandable, vous
demandez-vous, de prendre des mesures coercitives sous n'importe quelle forme
pour obtenir la prééminence de n'importe quelle langue ou
culture? Je vous demande si vous auriez préféré que le
gouvernement n'intervienne pas du tout en matière linguistique par voie
législative?
M. BOULE: I would prefer bill 63.
M. CLOUTIER: D'accord, je m'en doutais un peu. Maintenant, est-ce que je
dois conclure que vous êtes satisfaits de la situation actuelle, telle
qu'elle existe, en matière linguistique?
M. BOULE: Yes.
M. CLOUTIER: C'est ça. Est-ce que vous pouvez admettre que la
majorité francophone ici puisse ne pas être satisfaite?
M. BOULE: I am not so sure that that is right. I have heard certain
statistics exposed by Mr Bourassa. I questioned those statistics. I find
it difficult to believe. But then, may be, it is probably because I come
from an area of the province where French and English still coexist.
M. CLOUTIER: Parfait. Merci, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le chef de l'Opposition.
M. MORIN: Monsieur, je voudrais commencer par vous dire que nous sommes
tout â fait d'accord sur certaines parties de ce mémoire, en
particulier le quatrième paragraphe où vous dénoncez le
pouvoir discrétionnaire qui est laissé entre les mains, comme
vous le dites, des technocrates, situation qui entraîne le risque d'abus
dans l'application de la loi. Nous sommes d'accord sur cela; je tiens à
vous le dire. Cela étant dit, j'ai quelques questions à vous
poser sur votre second paragraphe. Vous nous dites, et le dernier opinant l'a
répété il y a un instant, que vous vous demandez
sérieusement quelle interprétation donner aux statistiques
établissant que la langue de la majorité au Québec est
effectivement en train d'être rongée dans son emploi dans le
Québec d'aujourd'hui. Est-ce que vous avez pris connaissance du rapport
Gendron sur cette question?
M. BOULE: Oui.
M. MORIN: Donc, vous aurez pu constater que, dans la région de
Montréal en particulier, 53 p.c. des francophones font usage des deux
langues au travail mais seulement 31 p.c. du côté anglophone. Vous
aurez pu prendre également connaissance du fait qu'à
Montréal, le bilinguisme est une condition d'obtention du premier emploi
plus souvent pour les francophones, beaucoup plus souvent, que pour les
anglophones. A ces chiffres je pourrais ajouter beaucoup d'autres
considérations, comme par exemple la suivante: dans la région de
Montréal, l'assimilation ne donne qu'un gain net de 1,600 individus ou
personnes au français contre un gain net de 87,000 à l'anglais.
Est-ce que ces chiffres ne vous ont pas fait réfléchir sur
l'état actuel de la langue française au Québec?
M. BOULE: I do not have access to your figures, but I have certain
figures in front of me which indicate that the population of the province of
Quebec is 6,027,000. The French population is 3,668,000. As a percentage that
is just a little bit better than 50 p.c. of the total population in the
province of Québec.
There are 632,000 English and there are other very substantial segments
of the population who are of either ethnic groups.
M. MORIN: Où avez-vous pris ces chiffres-là? Je pense que
des deux côtés de la table, nous serions curieux de le savoir.
M. BOULE: From the statistics that have just been released, it concerns
the population, official language, language most often spoken at home, and sex
from the Census Division, 1971.
M. MORIN: Est-ce que vous avez des pourcentages aussi, devant vous?
M. BOULE: The percentages, I have not worked them out.
M. MORIN: Et vous... M. BOULE: But...
M. MORIN: ... nous dites que, sur la base de ces chiffres, un peu plus
de 50 p.c. des habitants du Québec sont francophones?
M. BOULE: There are 3,668,000 French Canadians in the province of
Quebec.
M. CHARRON: Ecoutez...
M. BOULE: Do you have 5 million? According to some fellow over here, you
have 5 million.
M. ROY: J'ai l'impression qu'ils ont ajouté les
libéraux.
M. MORIN: Non je crois que... Est-ce que vous pourriez nous faire
parvenir copie de ces statistiques...
M. BOULE: Peut-être après.
M. MORIN : Cela vient du recensement?
M. BOULE: 1971.
M. CHARRON: Voyons donc!
M. SAMSON: M. le Président...
M. CHARRON: II y a toujours un bout...
M. SAMSON: Est-ce que le chef de l'Opposition me permettrait une petite
question?
M. MORIN: Oui.
M. SAMSON: Dans les chiffres que vous venez de mentionner...
M. BOULE: Oui.
M. SAMSON: ... vous n'avez pas dans vos statistiques, le pourcentage de
langue française et le pourcentage de langue anglaise, plutôt que
les groupes ethniques? Parce qu'il n'y a rien qui nous dit de quelle langue ou
à quelle communauté, soit francophone ou anglophone...
M. BOULE: There are...
M. SAMSON: ... ces groupes ethniques se sont joints.
M. BOULE: ... 632,000 English and there are 1,663,000 English and
French-speaking people in the province of Quebec.
M. SAMSON: Mais le partage entre les deux, quel est-il?
M. BOULE: The other million people are made up of both. These are
bilingual people. 1,663,000...
M. SAMSON: Un instant, bilingues d'accord, mais de langue
française d'abord, cela fait combien?
M. BOULE: 3,668,000...
M. SAMSON: Non ce n'est pas cela, l'autre million dont vous nous avez
parlé.
M. MORIN: De toute façon, je veux bien accepter vos chiffres,
monsieur, mais vous allez être obligés d'admettre que le
français en prend un coup et que la situation est bien plus grave que
celle que je connaissais.
M. BOULE: I doubt that.
M. MORIN: Parce que je m'étais fondé simplement sur les
statistiques fédérales de 1971...
M. CHARRON: Cela vaut ce que ça vaut.
M. MORIN: ... qui nous dit qu'au Québec il y a 6,027,765
personnes...
M. BOULE: Oui.
M. MORIN: ... dont 789,185 anglophones, 4,867,250 francophones et
371,330 personnes classées comme étant autres. Cela ne correspond
pas tout à fait avec vos chiffres, mais remarquez, si vous insistez, je
suis prêt à vous suivre sur votre terrain.
M. BOULE: I do not see what this adds to the argument, to begin
with.
M. MORIN: Comment?
M. BOULE: I do not see what this adds to the argument.
M. MORIN: C'est que vous avez l'air de dire qu'il n'y a pas de
problème linguistique au Québec. Remarquez que, si je me
plaçais de votre point de vue, j'imagine que les problèmes de la
minorité francophone à l'intérieur du Canada et de la
majorité francophone à l'intérieur du Québec me
paraîtraient peut-être très lointains. Mais je pense que ce
n'est pas à vous de nous dire s'il y a problèmes ou pas. Je vous
le dis en tout respect, parce que vous, nos invités...
M. BOULE: At the moment, I do not really see any problem in Quebec with
the present system that we have. We are here at this meeting today, it is being
entirely conducted in French.
M. MORIN: Pour vous, c'est tout à fait exact, il n'y a pas de
problème.
M. BOULE: You have... M. MORIN: ... mais enfin...
M. BOULE: ... the right. You have all the rights and prerogatives that
you wish at the moment.
M. MORIN: Oui?
M. BOULE: The only thing you are trying to do with bill 22 is to
legalize it and make it more...
M. MORIN: Non, non.
M. BOULE: ... it would appear to me.
M. MORIN: Je suis comme vous, messieurs, opposé au bill 22. Ne me
faites pas dire ce que je n'ai pas dit. Je constate simplement...
M. CLOUTIER: Probablement.
M. MORIN: ... que vos chiffres sont un peu bizarres.
Laissez-moi maintenant vous poser une autre question. Vous nous dites
"que l'emploi croissant de la langue française dans le domaine du
travail et de l'industrie et le niveau de bilinguisme que l'on retrouve dans
les milieux non francophones nous donnent la preuve du contraire",
c'est-à-dire prouveraient que la langue française est loin
d'être en danger au Québec. Est-ce que vous pourriez nous dire
quelle est la langue de travail chez les administrateurs protestants du
Québec?
M. BOULE: L'anglais.
M. MORIN: C'est l'anglais.
M. BOULE: Certainement.
M. MORIN: Est-ce que c'est uniquement l'anglais?
M. BOULE: Non.
M. MORIN: Est-ce que vous employez le français?
M. BOULE: Parfois.
M. MORIN: Quand?
M. BOULE: When we arrive in Quebec.
M. MORIN: Comme aujourd'hui.
M. BOULE: Every morning when I open my mail.
M. MORIN: Oui.
M. BOULE: I conduct my business in French, because it is all received in
French, "mon ami".
M. MORIN: Et, est-ce que vous répondez en français?
M. BOULE: Si c'est nécessaire.
M. MORIN: Et cela représente quel pourcentage?
M. BOULE: I do not feel that, under the existing laws in the province of
Quebec, it is necessary.
M. MORIN: Bien, c'est parce que...
M. BOULE: At the moment, any person can write to any other person in
French and can be responded in English and vice versa.
M. MORIN: Soyons bien précis.
M. BOULE: And this is the basic right of any human being.
M. MORIN: Très bien. Soyons posés de part et d'autre,
monsieur. Je ne cherche pas du tout à vous coincer. Je cherche
simplement à savoir quelle est la pratique chez les administrateurs
protestants. Vous venez nous dire que les milieux non francophones voient leur
niveau de bilinguisme s'élever. J'aimerais savoir ce qu'il en est dans
votre milieu, puisque c'est celui que vous connaissez le mieux. Vous ne pouvez
pas venir nous parler de l'industrie, puisque vous n'y êtes pas, mais
dans votre milieu d'administrateurs protestants du Québec, quelle est la
pratique?
M. BOULE: Basically, we are English-speaking people. So therefore we
conduct our business in English. When it is necessary to conduct our business
in French, with our French counterpart here in Quebec, in the ministry of
Education... And I must say to their benefit that most of the people that we
deal with in the Department of Education are quite bilingual and we have no
feeling of prejudice whatsoever in our dealings with the Department of
Education.
M. MORIN: Non, vous savez, là-dessus il n'y a pas de
problème. Quand un anglophone ne sait pas le français ou
s'exprime mal en français, nous sommes tout à fait
disposés à l'entendre en anglais. C'est ce que nous faisons cet
après-midi et c'est sans doute ce que fait le ministère.
Là-dessus, tout le monde est d'accord, mais nous aimerions
connaître, lorsque vous n'avez pas affaire au pouvoir, autrement dit
lorsque vous n'êtes pas en position de demandeur, quand on s'adresse
à vous dans la correspondance, quelle est votre attitude. Vous me dites
que vous répondez en français quand c'est nécessaire.
M. BOULE: When it becomes an economic necessity for me to hold on my
job.
M. MORIN: Oui.
M. BOULE: As an individual...
M. MORIN: Oui.
M. BOULE: ... on that basis, I assure you, Sir, that I will do it and be
able to do it.
M. MORIN: Bien. Vous recevez de la correspondance en français
chez les administrateurs protestants du Québec. Vous recevez de la
correspondance comme celle-là assez souvent? Tous les matins, me
dites-vous?
M. BOULE: Practically every day, we receive correspondence from the
Department of Education in French. There is no problem with that.
M. MORIN: Je ne parle pas du ministère. Je comprends très
bien...
M. BOULE: D'autres correspondances aussi.
M. MORIN: Oui?
M. BOULE: Certainement.
M. MORIN: Est-ce que vous répondez en français à
vos correspondants français?
M. BOULE: Cela dépend.
M. MORIN: Cela dépend de quoi?
M. BOULE: That depends on who it is.
M. MORIN: Ah! Expliquez-moi cela.
M. BOULE: The difference is that if I happen to know the individual
involved and if he is someone I know that does not speak English, I have no
hesitancy whatsoever about trying to use my poor French at the moment and put
it into correspondence. But the fact is that I do not see the real need for a
bill that is bill 22. I mean I am not against some of the
philosophy in here, I am not against some of the theory in here. I think
it is good. Within the context of Quebec, I see nothing wrong with the basic
philosophy of bill 22. What I see wrong with bill 22 is the way it is written
in certain clauses.
M. MORIN: J'ai une dernière question.
M. BOULE: All right, I can name you a dozen clauses if you wish; but I
do not like articles 21, 23, 38, 46, 47, 67, 87,104, 51, 35, 36.
M. MORIN: J'espère que le ministre sait compter en anglais.
Bien.
Messieurs, une dernière question.
M. BOULE: The contexts of these clauses are easily understood, but they
leave too much latitude in their application.
M. MORIN: Là-dessus, je vous ai dit que nous étions
d'accord, que ce projet de loi pèche par imprécision. Croyez bien
que nous ferons valoir les arguments qu'il faut faire valoir en temps et
lieu.
J'ai une dernière question à vous poser. Vous dites:
"Est-il recommandable ..." attendez, en anglais, "We question the
wisdom" "Est-il recommandable de prendre des mesures coerci-tives sous
n'importe quelle forme pour obtenir la prééminence de n'importe
quelle langue ou culture"? Est-ce que vous ne savez pas que dans de nombreux
pays, on a imposé une langue officielle ou des langues officielles pour,
précisément, obtenir la "prééminence", pour sauver,
quelquefois même , la langue du pays, et la protéger contre un
certain nombre d'agressions extérieures? Est-ce que vous ne savez pas
que cela s'est fait dans de nombreux pays?
M. BLANK: Quels pays?
M. MORIN: II y a énormément de pays où il y a des
langues officielles.
M. BLANK: Oui, mais quels pays ont imposé une...
M. MORIN: J'ai posé la question, ensuite je vous
répondrai. J'ai posé au témoin...
M. BLANK: Je veux savoir quels pays... UNE VOIX: ... répondre
tout à l'heure.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !
M. BOULE: Perhaps the imposition of an official language has been
practiced in other countries and throughout history, but I think, if you start
with very early history, go back to the Macedonians, Egyptians, Romans,
Germans, you will find that the imposition of a language on another group has
never had, as far as I know history happen to be one of my favourite
subjects has never, to my knowledge, given the desired results in the
long run, over a long period...
M. MORIN: Oui, sauf au Manitoba.
M. BOULE: ... and I do not think... Manitoba... You are talking about
5,000 French Canadians in a total population of 988,000, I think it is a
disgrace that these people have not been recognized as a group with their
language rights...
M. MORIN: C'était bien plus que 5,000 au départ; il n'en
reste plus que 5,000 aujourd'hui.
M. BOULE: Oui, peut-être.
M. MORIN: Mais si on doit vous nommer des pays pour répondre au
député, on pourrait faire le tour de l'Europe, et en trouver une
bonne dizaine. Il y a des lois sur les langues officielles dans la plupart des
pays nordiques dont la Finlande...
M. BOULE: Mr Morin, two wrongs do not make a right.
M. MORIN: Oui, mais je tiens à vous dire qu'il y a eu beaucoup de
cas... Dans 34 Etats américains, au cour de l'histoire des Etats-Unis,
il y a eu des lois qui imposaient l'anglais, contre l'allemand, contre
l'espagnol, contre le français, contre tout venant, n'est-ce pas? Et que
ceci est encore fait aujourd'hui dans des pays tout à fait
civilisés, tout en respectant dans certains cas les droits des
minorités. Nous ne sommes pas en train de vous dire, comprenons-nous
bien, qu'on veut vous priver de vos écoles, par exemple. H n'est pas
question du tout de cela. J'espère que vous n'êtes pas venus ici
avec cette idée. Parce qu'alors vous êtes évidemment partis
du mauvais pied dans votre comparution.
Non, c'est tout ce que j'ai à dire, M. le Président, mais
je trouve que vous auriez eu peut-être intérêt à
écrire un mémoire un peu plus réfléchi, un peu
mieux documenté et un petit peu plus long. Une page comme cela pour
traiter de problèmes aussi fondamentaux, monsieur, c'est un petit peu
court.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Rouyn-Noranda.
M. BOULE: Your comments... May I answer to this? Your comments are well
received, relative to the one-page document submitted. I must admit, when we
sat down to do it, we did not think that this one page or a hundred pages would
be taken very seriously. So, in the...
M. MORIN: Vous dites que le gouvernement
n'aurait pas accueilli un mémoire plus substantiel? Je m'en
étonnerais beaucoup.
M. CHARRON: Ou alors, c'est parce que vous connaissez bien le
ministre.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Rouyn-Noranda.
M. BOULE: The interest and amusement that this one page has afforded at
the gathering here today, are appreciated.
If it were necessary, we will be quite happy to submit something in the
great deal of more detail but I submit that perhaps, by the time these hearings
are finished, sufficient revision will be made to bill 22, to make it more
acceptable to all of us.
At the moment, it is not acceptable. It is not acceptable to you and it
is not acceptable to me as it is presently written and it is not acceptable to
my colleagues as it is presently written.
The basic philosophy, the basic contacts of the document are understood
and I am not in disagreement with those basic philosophies, and neither are the
people who I work with but the fact is that the document as it is written right
now, with all the respect to Dr Cloutier, turns me off and it turns me off in
many ways. And I think enough has been said.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: Quant à nous, on ne tiendra pas rigueur à
l'association d'avoir présenté un document d'une seule page. Cela
fait partie des libertés des associations et des individus de
débattre le sujet à leur façon. Mais je voudrais,
immédiatement, dire que nous partageons peut-être un point de vue
que vous énoncez dans votre document. Nous partageons le point de vue du
retrait du projet de loi pour des raisons, probablement, différentes des
vôtres, sûrement différentes des vôtres, mais, quand
même, nous partageons ce point de vue.
Cependant, en interrogeant les responsables, les représentants de
cette association, je voudrais leur demander s'ils ne trouvent pas
contradictoire le paragraphe 2, par exemple, où vous dites: "On se
demande sérieusement quelle interprétation fut donnée
quant aux statistiques déterminant que la langue de la majorité
au Québec est, effectivement, en train d'être rongée dans
son emploi et sa force dans le Québec d'aujourd'hui. L'emploi croissant
de la langue française dans le domaine du travail et de l'industrie et
le niveau du bilinguisme que l'on retrouve dans les milieux non francophones
nous donnent preuve du contraire".
Ne trouvez-vous pas qu'il y a contradiction entre ce paragraphe, cet
énoncé de principe et la déclaration que vous avez faite
tantôt prétendant, d'après les statistiques que vous nous
avez démontrées et qui sont les vôtres, que les parlant
français ne sont pas plus nombreux qu'environ 50 p.c. au
Québec?
Alors, si les statistiques que vous avez énoncées sont
valables, d'une part, cela voudrait dire, selon vous toujours, que les
Canadiens français parlant français ou les parlant
français au Québec ne sont pas plus nombreux qu'environ 50 p.c.
alors que, dans le paragraphe 2, vous soutenez qu'il n'y a pas de danger pour
la langue française parce que cela va en s'accrois-sant et que c'est la
grande majorité.
Ne trouvez-vous pas qu'il y a quand même là une
contradiction flagrante?
M. SCARFONEY: Si vous regardez les chiffres qu'on vous donne pour la
population anglophone, même ces chiffres sont réduits, la
contradiction est là. Nous parlons maintenant de 638,000 anglophones au
Québec, ce qui veut dire que le restant de ce groupe se retrouve dans la
catégorie des bilingues où on retrouve 1,663,790 bilingues au
Québec.
M. SAMSON: Oui, d'accord, mais...
M. SCARFONEY: Donc, il n'est pas question que la population francophone
au Québec soit en train de diminuer, mais plutôt qu'il y a un
certain nombre de gens au Québec qui croient que le bilinguisme peut
être une solution plus valable que l'unilinguisme, soit-il francophone ou
anglophone.
M. SAMSON: Oui, mais selon votre interprétation, dans le groupe
que vous considérez, selon les statistiques que vous nous avez
données tantôt, comme bilingue, qu'est-ce que le mot "bilingue"
veut dire? Est-ce que c'est rattaché à la communauté
francophone de la majorité ou rattaché à la
communauté anglophone de la minorité? Quelle est votre
interprétation?
M. SCARFONEY: Peut-être puis-je vous donner un peu d'histoire
à mon sujet particulièrement et peut-être au sujet de
beaucoup d'autres ressortissants italiens. Ma famille a laissé l'Italie
il y a plus de 100 ans et s'est baladée autour du monde. Pendant plus de
100 ans, nous avons appris plusieurs langues. Nous avons subi l'immersion dans
plusieurs cultures. Nous n'avons jamais perdu notre culture italienne ce qui
veut dire que les statistiques que le chef de l'Opposition nous jette à
la figure à chaque minute, que 70 p.c. des francophones des
écoles anglaises se retrouvent dans l'île de Montréal, que
c'est un signe d'assimilation...
Je pense, pour ma part, que de connaître une langue, apprendre une
langue, être éduqué dans une langue, cela ne veut pas dire
être assimilé
dans une culture. Je ne sais pas si tout cela répond à
votre question, mais si vous voulez une réponse plus précise, je
vais vous dire que bilingue pour moi, c'est quelqu'un qui peut s'exprimer, soit
en français, soit en anglais, ou bien en d'autres langues, et ça
ne veut aucunement dire qu'il a perdu son héritage culturel ou sa
culture.
M. SAMSON: Je voudrais connaître un petit peu vos intentions ou
vos interprétations, lorsque vous mentionnez un volume de bilingues,
dans votre idée, c'est quoi? Est-ce que ce sont des gens appartenant
à la communauté anglophone ou à la communauté
francophone? Quel est le pourcentage de ceux-là? Je pense que c'est ce
que j'ai demandé tantôt et on ne m'a pas fourni la réponse
là-dessus.
Selon vos statistiques, selon les statistiques que vous nous avez
données, quel est le pourcentage? Puisque vous avez pris votre exemple
personnel, je pense qu'on peut prendre l'exemple d'autres aussi. Je parle
très mal l'anglais, mais je parle un peu l'anglais. On peut
peut-être me considérer comme bilingue, mais je n'accepterais pas
qu'on me considère comme faisant partie de la communauté
anglophone.
M. SCARFONEY: Je trouve que c'est bien fondé.
M. SAMSON: Oui, votre raison? C'est sûrement bien
fondé.
M. SCARFONEY : Les statistiques que nous avons ici sous la main ne nous
disent pas quel pourcentage de 1,663,000 individus est d'origine francophone et
d'origine anglophone. Je me demande si la question est valable.
M. SAMSON: Si vous vous posez la question à savoir si la question
est valable, je vous la retourne de la façon suivante. Pourquoi à
ce moment, insistez-vous tant dans le deuxième paragraphe? Parce que
dans le deuxième paragraphe, vous semblez insister en mentionnant qu'il
n'y a pas de danger au Québec pour la langue française, il n'y a
aucun danger. Est-ce que c'est bien cela que j'ai compris? Remarquez bien que
mon interrogatoire n'est pas pour vous accuser de quoi que ce soit. Je cherche
à obtenir le plus de renseignements possible. C'est mon rôle.
M. SCARFONEY: Alors pour retourner au paragraphe 2, c'est seulement par
des expériences personnelles qu'on peut vous répondre. On peut
vous dire que beaucoup d'employeurs anglophones, même au niveau des
commissions scolaires protestantes dans lesquelles nous travaillons, ont fait
beaucoup de démarches pour que les employés acquièrent un
certain degré de bilinguisme par des cours qui sont donnés
à tous les employés sans frais, à longueur d'année
et auxquels on n'est pas forcé, mais en même temps, on nous
suggère de participer à ces cours pour que notre connaissance de
la langue française puisse être accrue, augmentée.
M. SAMSON: M. le Président,... Pardon?
M. DEOM: Sur une question de règlement. On s'était entendu
que l'Opposition avait 20 minutes, et elle est déjà rendue
à 23 minutes.
M. SAMSON: M. le Président, j'ai une petite question, une
dernière. Si on me le permet, d'accord, sinon, je suis bien prêt
à respecter l'entente que vous avez faite. Pour la petite question,
oui... Sixième paragraphe. "Tout citoyen est partie intégrante du
bien-être économique de l'accroissement de la province. Nous ne
pouvons pas accepter qu'un gouvernement élu dans une
société démocratique puisse légiférer
l'épanouissement d'une partie de la population aux dépens de
l'autre." Dans votre esprit, que veut dire: On ne peut pas accepter que le
gouvernement légifère et dépense les deniers publics pour
une partie de la population aux dépens de l'autre?
M. BOULE: Again, we are talking about a specific paragraph of the bill
which deals with how a business conducts its affairs, how a ministerial
government conducts its affairs, how an industry will advertise its business,
and so on and so forth. These are all things which to me denote pressure, undue
pressure, by a government to change the basic structure of a particular
organization and that is coerciveness.
M. SAMSON: Ne croyez-vous pas...
M. BOULE: And if they do not do it, there is going to be legislation
which is going to help and force them to do it.
M. SAMSON: Ne croyez-vous pas que lorsque vous parlez...
M. BOULE: Like the way they called it in Nazi Germany between 1933 and
1939.
M. SAMSON: Remarquez que je ne vous donne pas ma position concernant ce
sujet qui se retrouve dans le bill, je pose la question, mais ne trouvez-vous
pas que des deniers dépensés par un gouvernement pour la
promotion d'une langue, par exemple, ne proviendraient pas de la
majorité qui est la majorité de la langue concernée?
M. BOULE: For me, it should be the will of the board of directors of any
compagny, how it conducts its affairs.
M. SAMSON: Je pense qu'on ne s'est pas bien compris, M. le
Président.
M. BOULE: In other words... Non. J'ai compris ce que vous avez dit.
M. SAMSON: Ce que j'ai dit, suivant la réponse que vous me
donnez, il ne semble pas qu'on se soit bien compris.
M. BOULE: Oh! I think so.
M. SAMSON: Si vous m'avez bien compris, je vous dis que j'ai mal compris
ce que vous avez donné comme réponse. Je n'ai pas d'autre
question, M. le Président. On ne se comprendra pas plus à
l'avenir.
M. BOULE: Bon!
LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de
Laporte.
M. DEOM: M. le Président, je voudrais savoir combien de membres
vous représentez dans cette association of Protestant School Business
Officiais?
M. BOULE: We have approximately 100 people.
M. DEOM: Et de quelle façon avez-vous élaboré votre
représentation? Est-ce que c'est une décision de votre
exécutif ou si cela a été élaboré avec les
100 membres?
M. BOULE: No. We had a general meeting on May 31st.
M. DEOM: Est-ce qu'on peut vous demander si c'est un consensus
général?
M. BOULE: Of the people present? Yes. About 60 people of the total
membership were present.
M. DEOM: Et cela a été un consensus
général.
M. BOULE: Oui.
M. DEOM: Me référant à ce que vous dites dans votre
troisième paragraphe: We question the wisdom, etc.
M. BOULE: Yes, again, I refer to articles 21, 23, 38, 46, 47.
M. DEOM: Non. Laissez-moi finir ma question. Est-ce qu'à partir
de ce que vous affirmez là on pourrait conclure que vous n'êtes
pas d'accord sur la Loi fédérale sur les langues officielles qui,
elle aussi, a imposé deux langues officielles au Canada?
M. BOULE: No. I do not like that either.
M. DEOM: Vous n'êtes pas d'accord avec la Loi
fédérale sur les langues officielles?
M. BOULE: I do not like any law which detracts from my basic rights as a
human being to make a decision relative to my own family. That, I do not like.
And as a French Protestant, a descendant of Huguenots, I have a valid reason to
think that way.
M. MARCHAND: You do not think that the law is good for Canada?
M. BOULE: I did not say that, I did not think that bilingualism was not
good for Canada. I think bilingualism is good in any country. I think that for
any government to legislate, that it must be, I think that is bad.
M. DEOM: Si je peux continuer, à votre paragraphe 4, vous dites:
"We question the wisdom of elected representatives abrogating the policy making
function to civil servants".
Ma question est: Où, dans le bill, voyez-vous que nous proposons
de confier aux technocrates le pouvoir de réglementation?
M. BOULE: Articles 67, 87,104 and 51.
M. DEOM: Est-ce que vous considérez, à ce moment, que le
ministre ou le cabinet, agissant par arrêté en conseil, agit en
technocrate?
M. BOULE: Let us take article 51, for instance, I do not believe that
the minister himself though rule...
M. DEOM: L'article 51 dit: "The Minister of Education may however,
etc..." Vous considérez que le ministre de l'Education est un
technocrate.
M. BOULE : I am saying that the technocrats will legislate that policy
in application.
M. DEOM: Mais comment expliquez-vous ça? Le ministre est d'abord
un député élu, et c'est après avoir
été élu comme député qu'il devient ministre.
Par réglementation, ça veut dire que c'est le cabinet tout
entier.
M. BOULE: We all have good intentions when we get up in the morning.
M. DEOM: Non, mais...
M. BOULE: No, I mention you how I feel about it. You are asking me, and
I am answering you how I feel about it.
M. DEOM: Essayez de ne pas être trop émotionnel. Il s'agit
d'être rationnel dans ce débat et de me dire où, dans la
loi, on confie à des technocrates le pouvoir de réglementation.
Quand on dit dans la loi: "Le ministre...
M. BOULE: In other words, you are telling me that the minister, all by
himself, arrived at bill 22.
M. DEOM: Mais êtes-vous conscients des mécanismes
élémentaires du parlementarisme anglais? Vous savez comment
fonctionne le parlementarisme anglais, j'espère? Le cabinet, dans le
parlementarisme anglais, ce sont des élus du peuple, non? We are working
under the parliamentary system, what I am telling you is that you do not seem
to be familiar throughout the basic...
M. BOULE: Familiar enough to know the basic...
M. DEOM: ... mecanism of parliamentary system.
M. BOULE: Well, familiar enough to know that the minister does not, by
himself, arrive at the certain regulations that are put forth in Parliament. So
therefore, there is a very solid involvement by technocrats and they certainly
do influence the ultimate decision that are reached.
M. DEOM: Ah! Là, vous changez...
M. BOULE: This is what I mean by that particular cause.
M. DEOM: ... un peu votre position.
M. BOULE: Oh, no, it does not change the position !
M. DEOM: Oui, mais quand vous dites: "abrogating", dans la mesure
où je peux apprécier l'anglais, c'est un terme extrêmement
péjoratif. Et là, vous dites: Les fonctionnaires
suggèrent. Ce n'est pas tout à fait la même chose.
M. BOULE: Peut-être. But, anyway, in view of the fact that you are
absolutely bilingual as you are, why do not we continue the debate in
English?
M. DEOM: Well. I respect your right to speak English and I think you
should respect my right to speak French.
M. BOULE: Right.
M. DEOM: Under article 133 of the British North America Act.
M. BOULE: That is right.
M. DEOM: Je continue. Vous êtes d'accord avec moi
qu'effectivement, dans le bill 22, on n'a pas concédé aux
technocrates le pouvoir de réglementation. Vous dites: Les technocrates
vont recommander certaines choses, mais il reste que ce sont des hommes
élus, soit les membres du cabinet, qui décident de la
réglementation.
M. BOULE: That is unfortunate.
M. DEOM: Avec un mécanisme additionnel de publication dans la
Gazette officielle...
M. BOULE: It is unfortunate that, at that level, such a bill could be
produced.
M. DEOM: Mais, comment pensez-vous que les gouvernements modernes
fonctionnent, en Angleterre, par exemple, en France, aux Etats-Unis? Comment
pensez-vous qu'ils fonctionnent?
M. BOULE: Autocratically, I would suspect from this meeting today.
M. DEOM: Est-ce que vous êtes familier avec les travaux de la
commission?
M. BOULE: There is not point in discussing... I do not wish to continue
this discussion.
M. DEOM : Alors, on peut passer à une autre chose. A un moment
donné, vous dites dans votre quatrième paragraphe: "We question
the wisdom of dividing a populace into segments with unequal status".
M. BOULE: That is right.
M. DEOM: Et plus loin, vous dites: "Rather, attitudes will harden and
stresses will develop". Ma question est la suivante. Les attitudes de qui vont
se durcir, pensez-vous? Celle des francophones ou des anglophones?
M. BOULE: Peut-être les "both". Perhaps both.
M. DEOM : Comment?
M. BOULE: In other words...
M. DEOM: Pourquoi?
M. BOULE: ... we could have a Northern Ireland in Quebec.
M. DEOM: Pardon?
M. BOULE: You heard me.
M. DEOM: Non, non. Je m'excuse.
M. TARDIF: M. le Président, j'aimerais invoquer le
règlement. Il semble que monsieur a dit quelque chose d'important et on
voudrait qu'il le répète, parce qu'on ne l'a pas entendu, moi, du
moins, et le député de Laporte également.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Would you care to repeat?
M. BOULE: Simply, you are asking me
whether I consider to hardening of attitudes a possibility. I consider
the real possibility for both English and French and other ethnic groups, to be
taking positions on this thing which could be very troublesome and would be
very unfortunate, because it is so ruddy unne-cessery.
You have bill 63, you have the rights of individuals protected at the
moment, they have a freedom of choice, they make their own decisions relative
to their own particular families, the agreements can be reached, within the
Education Act at the moment, to conduct your affairs in this way. I cannot see
how you can improve on bill 63 very much with a bill such as this one, as it is
presently written.
M. DEOM: Le bill 63, est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire
que cela a aussi durci les attitudes?
M. BOULE: Non. It does not harden. Bill 63 encourages...
M. DEOM: Est-ce que vous lisez...
M. BOULE: ... dialogue between two ethnic groups.
M. DEOM: Est-ce que vous lisez les enquêtes d'attitude?
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je veux vous faire remarquer que la
période des questions de 40 minutes s'est terminée à 5 h
50. Je n'ai aucune objection, si c'est là le souhait de la commission,
que nous continuions jusqu'à six heures, 18 heures...
M. DEOM: M. le Président, j'aimerais...
M. MORIN: Oui, je pense, M. le Président, qu'on peut continuer;
les questions du député ne sont pas sans intérêt.
J'espère que le député de Saint-Jacques et un autre
député ministériel qui avaient des questions pourront se
faire entendre au moins brièvement.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Pour statuer là-dessus, la commission
pourra en décider, mais j'ai noté ici que l'Opposition a
accaparé environ 29 minutes jusqu'ici et que le parti ministériel
en est rendu à treize ou quatorze minutes.
M. CLOUTIER: M. le Président, dans ce cas, allongeons la
période jusqu'à six heures. Nous permettons alors
d'équilibrer un peu cette anomalie. Comme, de toute façon, nous
aurons sans doute terminé avec ce groupe, cela nous permettra de
commencer à vingt heures avec un autre groupe.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Laporte.
M. DEOM: Je continue. Dans votre mémoire, au paragraphe 7, je
pense, vous dites: "Many aspects of the legislation are unrealistic in terms of
the best utilization of manpower and abilities. The enforced substitution of
linguistic criteria over managerial skills is counter-productive". Je voudrais
savoir où, dans le bill 22, vous voyez qu'on substitue des
critères linguistiques à des critères de gestion.
M. BOULE: Actually, all of article 35. M. DEOM: Article 35? M. BOULE:
Yes, 35.
M. DEOM: Où, dans cet article, voyez-vous qu'on substitue des
critères linguistiques?
M. BOULE: "The francization programs which must be adopted and applied
by business firms wishing to obtain the certificates mentioned above, must,
while taking account of the situation of each firm, relate especially to: the
knowledge that the management and the personnel must have of the official
language; the francophone presence in management; the language in which the
manuals, catalogues, written instructions and other documents distributed to
the French-speaking personnel must be drawn up, the provisions that the
business firms must make for communication in French by the members of their
personnel, in their work, among themselves and with their superior
officers".
M. DEOM: D'après vous, dans cet article, on substitue des
critères linguistiques. J'en perds mon latin, je devrais dire mon
anglais.
M. BOULE: Particularly in section (d).
M. DEOM: Quand on dit "must, while taking account of the situation of
each firm, relate especially to", dans mon esprit, ce n'est pas limitatif.
M. BOULE: Well, that is as you are interpreting it.
M. DEOM: A moins que je perde mon anglais.
M. BOULE: We are only expressing an opinion on how we interpret the
article. So, therefore, we are suggesting that this particular article be
better written. That is all!
M. DEOM: Qu'est-ce que vous voulez de mieux que "while taking account of
the situation of each firm"?
M. SCARFONEY: Peut-être que je pourrais répondre à
cette question en me référant à une phrase que, je crois,
le ministre des Affaires
culturelles a dite ce matin à propos de paternalisme.
Je trouve que cette clause est du paternalisme dans le fait que
n'importe quelle industrie, compagnie ou entreprise qui veut s'établir
au Québec, cela va de soi, elle va faire l'impossible pour avoir du
personnel qui est sinon bilingue, au moins, dans un certain pourcentage,
francophone, étant donné qu'elle doit faire affaires dans la
province de Québec.
Pour pouvoir faire affaires avec le gouvernement, il faut obtenir un
certificat du gouvernement dans lequel on dit que cette compagnie, cette
entreprise est effectivement francophone ou a suivi un programme de
francisation. A ce moment, je me dis que c'est du paternalisme. N'importe
quelle entreprise qui a ses affaires à coeur, son argent, va faire
l'impossible elle-même pour arriver à ce but. Maintenant, on dit:
Non, il faut avoir un certificat pour avoir accès à un tas de
choses. Qui va donner ce certificat? Une régie. Donc, ce n'est plus le
ministre de l'Education. C'est sous recommandation de la régie. C'est le
lieutenant-gouverneur en conseil.
M. DEOM: Oui, mais vous savez ce que cela veut dire,
"recommandation"?
M. SACRFONEY: Oui, des deux côtés.
M. DEOM: Vous êtes des administrateurs. "Recommends" et "approves"
sont deux choses bien différentes.
M. SCARFONEY: Oui, je comprends bien cela. Mais on retrouve d'autres
articles dans lesquels on voit par exemple... Je n'ai pas l'article sous la
main. Si vous me donnez une seconde pour le retrouver. Je ne sais pas si vous
m'excusez...
M. VEILLEUX: M. le Président, en revenant sur l'article 35, si je
vous ai bien compris, vous n'êtes pas contre le principe établi
dans l'article 35?
M. SCARFONEY: Le principe du bilinguisme...
M. VEILLEUX: Non, non.
M. SCARFONEY: ... et la présence francophone dans l'industrie,
dans le domaine des entreprises privées, des entreprises publiques, ce
sont des choses qui vont de soi. On voit, par exemple, qu'il n'y a pas de lois,
jusqu'à présent je suppose, je ne suis pas vraiment au
courant qui disent que, par exemple, la majorité des
employés d'Hydro-Québec doivent parler français, etc. Ce
sont des entreprises publiques qui font affaires avec le public, et je vois
bien, par exemple, qu'elles doivent avoir une connaissance de la langue
française pour pouvoir faire leurs affaires.
M. VEILLEUX: Etes-vous contre le principe que, dans l'industrie
privée, il existe des programmes de francisation?
M. SCARFONEY: Oui.
M. VEILLEUX: Etes-vous contre cela?
M. SCARFONEY: Oui. Etant donné que c'est imposé par une
loi, je suis contre cela. Etant donné qu'on me dit ce que je dois faire
dans mon entreprise pour qu'elle soit rentable.
M. VEILLEUX: Si je vous comprends bien, vous accepteriez et je
pourrais vous donner, dans le comté de Saint-Jean, le nom d'une
industrie où tout se fait en anglais que cela continue. Je veux
bien être clair. Quand le personnel, non pas les cadres, mais le
personnel ouvrier est à 99 p.c. francophone, vous accepteriez que dans
cette industrie, on n'établisse pas de programme de francisation. C'est
cela?
M. SCARFONEY: Mon opinion personnelle...
M. VEILLEUX: Dans un cas comme celui-là, accepteriez-vous qu'on
établisse un programme de francisation?
M. SCARFONEY: Le problème qui se pose est qu'on ne peut pas faire
une différence entre les entreprises qui adoptent d'elles-mêmes un
programme de francisation et les entreprises qui ne le font pas. Alors,
maintenant on s'amène avec une loi ce qu'on appelle en anglais
"blanket" qui couvre tout le monde, alors tout le monde est assujetti
à la même loi et doit se prévaloir de certificats à
ce moment pour obtenir des contrats, des services, des subsides du
gouvernement.
M. VEILLEUX: Est-ce que vous admettez avec moi que les lois sont faites,
assez souvent je dirais dans la majorité des cas à
cause des exceptions qu'on peut retrouver ici et là. S'il n'y avait pas
ces exceptions, comme le cas que je vous mentionne, probablement, on ne serait
pas obligé d'en arriver à cela. C'est peut-être cela aussi.
Il faut se demander pourquoi la loi arrive, pourquoi on arrive, par exemple,
avec l'article 35, pourquoi on arrive avec un tel article. C'est
peut-être parce qu'il y a des cas isolés.
Je vous dis que, dans le comté de Saint-Jean, il y a beaucoup
d'industries à Saint-Jean. Il y en a au-delà de 80 et, à
ma connaissance, il y a une industrie où on n'accepte aucunement que
quelqu'un s'exprime en français à l'intérieur de
l'industrie. C'est peut-être à cause d'un cas particulier comme
celui-là qu'un gouvernement est obligé d'arriver à une loi
générale.
M. TARDIF: Très bien.
M. SCARFONEY: Mais le contenu de la loi...
M. VEILLEUX: Je vais vous donner un exemple. Si tous les gens,
lorsqu'ils passent près d'une école, roulaient en automobile
à 20 milles à l'heure, le gouvernement n'aurait pas
été obligé d'établir une réglementation
disant que, dorénavant, lorsqu'on passe à côté d'une
école, on doit circuler à 20 milles à l'heure. C'est parce
qu'il y a des gens qui circulent à une vitesse de 75 ou 80 milles
à l'heure. C'est la même chose là-dedans.
M. SCARFONEY: Je ne sais pas si je peux poser une question, mais je vous
demande, par exemple, si vous avez deux entreprises qui vous font un devis pour
un certain travail, laquelle choisirez-vous?
Vous allez choisir l'entreprise qui a un certificat de francophonisation
émis par la régie ou bien vous allez choisir l'entreprise qui va
vous faire le meilleur travail au moindre coût?
M. VEILLEUX: Je ne nommerai pas l'industrie en question, elle
mériterait d'être nommée, mais je ne la nommerai pas. Je
trouve inacceptable que, dans une municipalité comme Saint-Jean, on
retrouve même un cas d'exception comme cela. Je ne me considère
pas comme extrémiste, et les gens sont loin de me classer comme cela,
notamment le député de Saint-Jacques, mais je ne peux accepter un
cas comme celui-là. La loi prévoit qu'un anglo- phone, dans une
industrie francophone, pourra faire valoir ses droits dans sa langue exactement
comme un francophone.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, messieurs, il est 18 heures. Au nom de
la commission, nous vous remercions. Avant de suspendre, pourrais-je
suggérer à la commission, étant donné que nous
devons entendre trois organismes ce soir, que nous reprenions les travaux
à 20 heures plutôt qu'à 20 h 15?
M. CLOUTIER: D.accord. M. MORIN: Non, écoutez...
M. CLOUTIER: D'accord, pour une excellente raison, c'est que nos
règlements le prévoient. C'est par dérogation que nous
acceptons 8 h 15.
M. MORIN: M. le Président, est-ce que les membres de cette
commission ne conviendraient pas qu'il est déjà passé 6
heures et que, si nous recommençons à 8 heures, de toute
façon, nous aurons de la difficulté à avoir le quorum.
M. CLOUTIER: Je ne crois pas. Nos députés ont toujours
été ici. Nous attendrons l'Opposition, si nécessaire.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, la commission suspend ses travaux
jusqu'à ce soir, 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 3)
Reprise de la séance à 20 h 1
M. GRATTON (président de la commission permanente de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre,
messieurs!
J'invite M. Jean-Jacques Roy, secrétaire général de
la Société nationale populaire du Québec, à bien
vouloir s'avancer à la table et présenter celui qui l'accompagne,
s'il vous plaît.
Société nationale populaire du
Québec
M. ROY (Jean-Jacques): Je voudrais présenter à la
commission mon compagnon, M. Jacques Rochefort, membre de la
Société nationale populaire du Québec. Je dois aviser la
commission que j'ai assisté cet après-midi en Chambre à la
période des questions et j'aurais peut-être quelques remarques qui
ne sont pas inscrites dans le mémoire. Après la lecture du
mémoire, j'aurai aussi quelques remarques à faire, qui ne sont
pas dans le mémoire actuellement.
A la pensée que j'avais à présenter ce
mémoire au nom de notre société, j'étais un peu
timide, n'étant pas habitué à faire ce genre de travail.
Je pensais vraiment le faire dans les meilleures dispositions possible. J'ai
assisté cet après-midi à la période des questions
en Chambre et je croyais la députation libérale des gens
distingués, polis et dignes de représenter le peuple
québécois. Cependant, à la suite de ce que j'ai entendu de
la part de la députation cet après-midi: interruptions,
impolitesses, cris, et j'en passe, je me rassure donc et je pense que je vais y
aller, étant assuré que le ton de ce mémoire est mieux que
ce qui s'est passé en Chambre cet après-midi.
M. CLOUTIER: Est-ce qu'on laisse passer cela?
M. OSTIGUY: M. le Président, est-ce qu'on doit entendre les
commentaires des sessions qui se déroulent ou si on doit entendre les
commentaires selon les mémoires qui devaient être
présentés?
M. ROY (Jean-Jacques): La Société nationale populaire du
Québec, fondée en 1965...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!
M. TARDIF: Quand quelqu'un a la parole, il faudrait laisser la personne
parler.
UNE VOIX: La première chose qu'il faudrait que vous
sachiez...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs! M. Roy, je vous
inviterais, s'il vous plaît, à faire votre présentation et
à vous limiter autant que possible au temps alloué par le
règlement, soit celui de 20 minutes, et nous pourrons peut-être
reprendre ensuite la période de questions et, à ce moment, vous
aurez peut-être la chance d'émettre des opinions.
M. ROY (Jean-Jacques): Je vous remercie de votre remarque. Mes
interventions personnelles étaient terminées à ce
moment-ci.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Allez-y.
M. ROY (Jean-Jacques): Présentation. La Société
nationale populaire du Québec, fondée en 1965, est un organisme
groupant des citoyens québécois préoccupés par les
problèmes de leur Etat national.
Depuis sa fondation, notre groupement s'est surtout employé
à promouvoir un Québec unilingue français dans les plus
brefs délais possible.
Si notre organisme adopte une position ferme à l'égard des
mesures à prendre pour sauvegarder la langue française au
Québec, c'est que nous sommes de ceux qui croient que son existence
même est menacée dans la mesure où un effort sérieux
ne sera pas fait pour corriger la présente situation, dans la mesure
où une politique radicale ne serait pas mise en oeuvre incessamment.
La position de la SNPQ sur la langue au Québec est en apparence
quelque peu radicale, mais elle est jugée fort normale par les
anglophones qui l'appliquent sans remords dans les neuf autres provinces du
Canada en faveur de l'anglais.
Le projet de loi 22, tel que présenté actuellement, est un
nouvel acte de démission de la part du Québec, un net recul.
C'est une loi destinée à faire de privilèges consentis
à la minorité anglo-québécoise des droits formels,
favorisant en cela le lent, mais inéluctable processus d'assimilation
qui affecte les citoyens du Québec.
Nous affirmons que ce sont les droits imprescriptibles de la
majorité francophone qui sont en danger au Québec et non les trop
nombreux privilèges dont jouit, à notre détriment, la
minorité anglophone du Québec.
Préambule. Nous sommes de ceux qui croient que le Québec
doit être aussi français que le Canada est anglais. Or, tout nous
porte à constater que l'avenir de la langue française n'est
même pas assuré au Québec. Ily a des quartiers
entiers de Montréal, des municipalités entières de la
région métropolitaine où le français est à
peu près inconnu et où on ne lui consent même pas les
privilèges d'une langue seconde. Ces ghettos doivent disparaître,
leur existence au coeur de Québec fait de Montréal une ville au
visage essentiellement anglais.
Il y a près d'un million de Québécois francophones
qui doivent, chaque jour, ou travailler en anglais ou s'adresser à leurs
supé-
rieurs dans cette langue. Cette situation doit cesser: seule une
législation adéquate saura obliger les entreprises
québécoises, canadiennes ou étrangères à
respecter un droit aussi fondamental que celui de travailler dans sa
langue.
Il en est de même pour l'éducation et l'intégration
des immigrants. Ces derniers ne seront québécois que dans la
mesure où ils seront francophones. Mais il nous faudra d'abord changer
d'attitude; un immigrant ne s'assimile pas à un peuple
colonisé.
Positions. Le Québec doit être un Etat fort dans tous les
domaines. Ceci implique que l'Etat québécois doit posséder
une véritable politique linguistique. Selon nous, ce n'est
peut-être que la mise en place progressive de l'unilinguisme
français. Le Canada n'est d'ailleurs pas un pays bilingue, mais aux neuf
dixièmes unilingue anglais.
Le bilinguisme officiel et généralisé au
Québec n'est rien d'autre qu'un génocide consciemment et
machiavéliquement imposé à la nation
québécoise. Plus encore, l'imposition de l'anglais comme langue
de travail dans la majorité des établissements commerciaux et
industriels du Québec est inacceptable et généralement mal
acceptée.
Le Québec doit normaliser sa situation; la langue
française doit devenir la seule langue officielle sur tout le territoire
québécois et, pour ce faire, il ne suffit pas de le dire. Il faut
légiférer pour qu'il n'y ait qu'un seul système
d'éducation public pour tous et que ce système soit de langue
française.
Recommandations. Le projet de loi 22 doit être retiré ou
amendé de façon à: 1-Instaurer franchement l'unilinguisme
français au Québec. 2-Abolir progressivement les écoles
publiques de langue anglaise. 3-Nationaliser les trois universités de
langue anglaise. 4-Abolir le bilinguisme au niveau des règlements et des
conseils municipaux ainsi qu'à celui de l'Assemblée nationale et
de la fonction publique québécoise. 5- Rendre obligatoire l'usage
du français comme langue de travail dans toutes les entreprises. Si
nécessaire, une période d'adaptation maximum de cinq ans peut
être tolérée. 6- Faire du français la langue
d'affichage. L'usage de l'anglais ou d'une autre langue pour rendre l'affiche
bilingue étant frappée d'une taxe, comme cela se pratique dans
certains cantons suisses.
Maintenant, M. le Président, est-ce que vous me donnez la
permission de donner des explications qui ne sont pas incluses dans le
mémoire? Ce ne sera pas long, je pense, environ trois ou quatre
minutes.
LE PRESIDENT (M. Gratton): D'accord.
M. ROY (Jean-Jacques): J'aurais peut-être des communications
à formuler à ces mes- sieurs, si chatouilleux au niveau de la
politesse, savoir qu'à Saint-Léonard, aux dernières
nouvelles, cette défaite et cette honte de 1969, les italophones sont
anglicisés ou vont aux écoles anglaises maintenant à 86
p.c. Ce sont les dernières nouvelles que j'ai eues hier d'un type qui
est très près, c'est-à-dire qu'il milite là,
à Saint-Léonard, un type digne de foi. Si M. le ministre veut son
nom, peut-être me permettra-t-il de le nommer ici ou après.
M. ROY (Beauce-Sud): Quel pourcentage avez-vous dit?
M. ROY (Jean-Jacques): J'ai dit 86 p.c, M. Roy. Si nous avons
accepté de présenter ce mémoire, c'est que la situation du
français n'a cessé de se dégrader au Québec depuis
que l'Union Nationale, appuyée en cela par les libéraux, ont
voté l'hypocrite et traîtresse loi 63 qui, sous un titre qui se
voulait le protecteur de la langue française, permettait aux mêmes
Québécois de langue française d'aller aux écoles
anglaises, permettait aussi aux immigrants d'aller aux écoles
anglaises.
Les événements depuis 1969 ont donné raison aux
adversaires de la loi 63. Nous ne pouvons croire que des élus du peuple
peuvent, en toute lucidité, voter une pareille loi sans en ressentir, au
plus profond de leur être de francophones, du dégoût et des
remords pour leur geste posé. Pour expliciter les recommandations II et
VI de ce mémoire, voici une suggestion que nous faisons au gouvernement
afin de l'aider à rendre le français enseigné
progressivement dans les écoles anglaises: Que le gouvernement instaure,
dans les écoles anglaises, dès septembre prochain, au niveau
primaire et secondaire, l'enseignement en français des
mathématiques et des sciences. Il n'y a pas, selon nous, de meilleur
moyen pour inciter un élève à continuer ces cours dans
cette langue après.
D'ailleurs, le défunt département de l'instruction
publique, sous la direction de M. Omer Desaulniers, vers les années 1950
peut-être un peu avant 1950 ou après 1950, je l'ignore
avait permis l'enseignement aux immigrants, dans des écoles
françaises, des mathématiques et des sciences en anglais pour les
aider à apprendre l'anglais. Ces deux écoles sont à
Montréal et se nomment Saint-Philippe Benizi et
Notre-Dame-de-la-Défense.
Les immigrants d'alors, maîtrisant ces deux matières en
anglais, commencèrent à remplir par la suite des écoles de
langue anglaise et des écoles supérieures. Nous pensons que, si
cela a valu pour leur faire apprendre l'anglais, cela vaut pour leur faire
apprendre le français. En fait, c'est un moyen.
Avec le projet de loi 22 qui, selon nous, place sur un pied
d'égalité l'anglais et le français, au lieu d'y aller
franchement en favorisant le français, notre suggestion est une
manière d'aider le gouvernement à être franc au
lieu de perpétuer une ambiguïté. Oui ou non, nous
nous demandons si M. Bourassa, M. Cloutier ou les autres sont capables de
prendre leurs responsabilités et de se tenir debout en disant: Au
Québec, c'est en français. Nous nous posons la question.
Si les écoles de langue française ont été
assez bonnes pour vous, M. Cloutier, M. le ministre, pour M. Roy, pour M.
Morin, pour M. Bourassa, pourquoi ne le seraient-elles pas pour les autres?
Cela devient quasiment du racisme.
Pour ce qui est de la recommandation VI, quant à l'affichage,
voici: Que le gouvernement fasse en sorte, dans toute affiche publique,
commerciale, etc., que le français ressorte plus que sa version
anglaise, et que, dans toute autre affiche bilingue, l'anglais soit
taxé, soit par une demande de permis ou autrement. Cela
éviterait, par exemple, un commerçant dans des régions que
l'on connaît au Québec où il n'y a pas un Anglais à
dix milles à la ronde et on voit : Boucher-Butcher; Bière-Beer.
C'est absolument ridicule.
Messieurs, nous sommes à votre disposition.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le ministre de l'Education.
M. CLOUTIER: M. le Président, je désire remercier la
Société nationale populaire du Québec pour son
mémoire. J'aurai deux ou trois courtes questions. La première est
la suivante :
J'aimerais savoir combien de membres compte la Société
nationale populaire du Québec...
M. ROY (Jean-Jacques): M. le ministre...
M. CLOUTIER: ... et de quelle façon... Je m'excuse, je n'ai pas
terminé.
M. ROY (Jean-Jacques): Oui.
M. CLOUTIER: De quelle façon le mémoire a
été conçu, a été présenté aux
membres de la société pour son approbation?
M. ROY (Jean-Jacques): M. le ministre, je vais vous expliquer. La
Société nationale populaire compte 102 membres...
M. CLOUTIER: 102 membres...
M. ROY (Jean-Jacques): ... et si vous voulez, si vous permettez, M.
Rochefort pourrait peut-être aller vous porter ce qu'on appelle la
décortication, si on veut, des titres de nos membres, soit un avocat, un
fonctionnaire...
M. CLOUTIER: C'est le nombre...
M. ROY (Jean-Jacques): ... en fait, on l'a fait, M. le ministre, on peut
aller vous la porter.
M. CLOUTIER: Vous êtes très gentil, mais vous pouvez
peut-être vous en tenir à mes questions.
M. ROY (Jean-Jacques): Oui.
M. CLOUTIER: II y a donc 102 membres dans la Société.
M. ROY (Jean-Jacques): Oui.
M. CLOUTIER: La société compte un exécutif
probablement ou conseil d'administration...
M. ROY (Jean-Jacques): Oui, de huit membres. C'est cela, oui.
M. CLOUTIER: Alors, de quelle façon le mémoire a-t-il
été présenté aux membres? Lors d'une
assemblée générale régulière, j'imagine?
M. ROY (Jean-Jacques): Je vais vous expliquer. A la
Société nationale populaire, nous sommes des gens qui se
connaissent, en fait, nous sommes un groupe social.
M. CLOUTIER: C'est cela.
M. ROY (Jean-Jacques): Le mémoire a été
préparé, M. le ministre, depuis 1968.
M. CLOUTIER: Alors, il est donc antérieur à la loi 22 et
constitue des prises de position bien connues de la société.
M. ROY (Jean-Jacques): C'est cela. Maintenant, il se produit ceci. En
1968, on voulait le présenter, lors de l'adoption du projet de loi 85.
Mais le projet de loi 85 ayant été retiré,
évidemment nous ne l'avons pas présenté parce que nous
n'avons pas été convoqués. C'était évident.
Alors, nous l'avons gardé aux archives.
M. CLOUTIER: Je pense que vous avez répondu à mes
questions de façon satisfaisante. Je vous remercie, surtout en ce qui
concerne la représentativité de votre groupement.
Mais, ma deuxième...
M. ROY (Jean-Jacques): Excusez-moi. Vous permettez que je vous demande
quelque chose? Vous m'avez demandé comment il avait été
préparé, c'est-à-dire que je n'ai pas terminé. Nous
l'avons adapté aux circonstances actuelles.
M. CLOUTIER: Ah bon!
M. ROY (Jean-Jacques): Nous n'avons pas pris des choses de 1968 pour les
déposer à cette table ce soir. Nous avons travaillé avec
trois personnes, M. Paul Rochon si vous voulez les noms M. Paul
Soulard et moi-même.
M. CLOUTIER: C'est cela.
M. ROY (Jean-Jacques): Maintenant...
M. CLOUTIER: Et vous l'avez présenté à
l'assemblée générale.
M. ROY (Jean-Jacques): Non. Nous ne l'avons pas présenté,
mais si vous permettez, nous le présenterons et nous sommes
persuadés qu'il n'y aura aucune difficulté à le
présenter...
M. CLOUTIER: Vous êtes persuadé que vos 102 membres, dans
une assemblée générale régulièrement
constituée, seront d'accord sur cette position.
M. ROY (Jean-Jacques): Je vais vous expliquer encore. Pour être
membre de notre société, il faut trois conditions sine qua non et
ces trois conditions sont, premièrement, la langue française
prioritaire, deuxièmement, la souveraineté du Québec, et
troisièmement, l'école lai: que de langue
française.
M. CLOUTIER: Alors, ceci m'amène à ma deuxième
question. Est-ce que vous considérez que la souveraineté du
Québec est essentielle pour que votre proposition puisse être
réalisée?
M. ROY (Jean-Jacques): Je vais vous donner mon idée franche. Je
ne considère pas qu'il est absolument indispensable d'avoir un
Québec indépendant pour faire ceci.
M. CLOUTIER: Mais pour devenir membre de votre société, il
faut adhérer à l'option de la souveraineté.
M. ROY (Jean-Jacques): Oui, c'est cela.
M. CLOUTIER: Je crois que c'est très clair. Je vous remercie.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le chef de l'Opposition.
M. MORIN: M. le Président, j'aimerais demander à nos
invités, en premier lieu, au sujet des idées dont ils nous font
part à la première page de leur mémoire, si, dans leur
esprit, il existe une différence entre l'unilinguisme des institutions
et la connaissance de l'anglais ou du français par les individus. Je
veux savoir, me référant à l'expression Québec
unilingue français, si vous faites une distinction entre l'unilinguisme
de l'Etat, des institutions, des divers organismes qui font partie de l'Etat,
d'une part, et, d'autre part, l'unilinguisme ou le bilinguisme des individus,
des personnes.
M. ROY (Jean-Jacques): M. le chef de l'Opposition, quant à la
première partie de votre question, dans notre esprit, l'unilinguisme
signifie ce qui est public, dont, évidemment, le gouvernement, les
institutions, et je ne pense pas que nous puissions aller jusqu'à dire
qu'on peut interdire le bilinguisme au niveau des individus comme option
personnelle. Je ne pense pas qu'on puisse interdire à une personne
d'apprendre l'anglais, si elle le veut, ou d'apprendre l'italien, si elle le
veut.
M. MORIN: Votre mémoire n'a pas pour effet, si je comprends bien,
de nier aux individus la faculté d'apprendre toutes les langues qu'ils
voudront.
M. ROY (Jean-Jacques): Voulez-vous répéter? Je n'ai pas
saisi...
M. MORIN: J'ai dit que votre mémoire n'a pas pour effet de priver
les individus d'apprendre toutes les langues qu'ils voudront.
M. ROY (Jean-Jacques): Evidemment pas. On est dans un pays
civilisé, écoutez...
M. MORIN: Pourriez-vous développer votre pensée
là-dessus? Cela pourrait compléter peut-être le
mémoire, le rendre plus précis sur ce point.
M. ROY (Jean-Jacques): M. Rochefort pourrait répondre.
M. ROCHEFORT: Disons que je pense que le mémoire est quand
même assez clair dans les recommandations faites au gouvernement. Au
niveau de la langue du travail, la langue d'enseignement, aussi la langue
d'affichage et toutes ces choses, on demande que la langue française
soit la seule qui soit employée, à tous ces niveaux. D'autre
part, je ne vois pas pourquoi on serait contre le fait qu'une personne, pour
augmenter sa culture, apprenne l'anglais, le russe, ou une autre langue. Je
pense qu'il serait peut-être normal jusqu'à un certain point,
étant donné que nous vivons en Amérique du Nord, que les
personnes soient peut-être intéressées à apprendre
l'anglais à un moment donné.
M. MORIN: Vous nous dites que vous êtes de ceux qui estiment que
l'existence de la langue française est menacée dans la mesure
où un effort sérieux n'est pas fait pour corriger la situation
présente, dans la mesure où une politique radicale n'est pas mise
en oeuvre incessamment. J'aimerais que vous disiez à cette commission
les faits qui sont à votre connaissance et qui vous permettent
d'affirmer que l'existence même de la langue est en danger, parce que
vous ne nous les mentionnez qu'en passant. J'aimerais que vous nous donniez un
peu plus de renseignements.
M. ROY (Jean-Jacques): D'accord, M. le chef de l'Opposition. M. le
Président, pour expliciter davantage, je ne pense pas que ce soit un
mystère pour tout Montréalais de vieille souche je ne
dirais pas de souche récente, mais tout de même de vieille souche
de s'apercevoir que Montréal devient de plus en plus anglais.
Tous les jours, je parle anglais, au
niveau de la façade du moins. Si on va sur la rue, si on
arrête à l'aéroport de Dorval, on voit que Montréal
n'est tout de même pas une ville de langue française. Maintenant,
ce dont on s'aperçoit et ceux qui ont des enfants surtout à
Montréal s'en rendent plus compte... Il y a maintenant et cela je
l'ai vécu moi-même des quartiers où un Canadien
français, s'il entre le moindrement dans un magasin avec un sigle ou
avec un papillon... Je citerai un cas. La semaine dernière, rue
Saint-Laurent, dans le bout des Grecs, dans le bout de Prince-Arthur, il y a un
gars qui est entré dans un magasin avec un papillon du Parti
libéral.
Il y a quatre Grecs qui l'ont entouré pensant que c'était
un péquiste. Cela est vrai, je pourrais vous emmener le gars ici
à n'importe quel moment. Il ne faut pas parler, il ne faut rien dire, il
faut absolument s'oublier, faire comme si on n'existait pas pour avoir la paix,
rentrer dans nos rangs, rentrer dans nos maisons, rentrer dans nos choses. Il y
a seulement au moment des fêtes populaires qu'il y a une grande
tolérance. Même à ce moment-là, le maire Drapeau a
jugé bon de passer un règlement antimanifestation et antiparade
de la Saint-Jean-Baptiste et anti-tout ce que vous voulez.
Comme autre exemple, il suffit d'aller au coin des rues Papineau et
Jean-Talon. Vous entrez dans les magasins, il faut que vous parliez italien,
c'est clair. Si vous parlez français, vous n'êtes pas servi. Le
gars ne comprend pas. Il n'est pas nécessaire d'être un
phénix pour savoir cela. Maintenant, si on va au parc Extension, c'est
dans le bout de la gare Jean-Talon et de l'avenue du Parc, là, c'est
grec et du côté des Grecs, vous avez aussi une contestation. Vous
avez des Grecs qui sont pour le pouvoir grec en Grèce actuellement, qui
sont, je dirais, de droite, et vous avez les Grecs avant-gardistes qui sont
plutôt contestataires et de temps en temps on en a avec nous de
ceux-là, mais disons que c'est assez rare, c'est exceptionnel. En fait,
si vous allez dans Côte-des-Neiges, si vous allez dans l'ouest, si vous
allez dans Hampstead et si vous allez dans Mont-Royal, ce sont des ghettos. La
ville de Mont-Royal a même mis une clôture pour qu'on ne passe pas,
le long de la rue MacEachran et du boulevard L'Acadie, ce n'est pas nouveau
cela. Les gars de Montréal savent cela. Ils ont caché la
clôture parce qu'ils étaient trop gênés, ils avaient
peur dans le temps du FLQ; ils avaient mis une petite bombe pour faire sauter
la petite clôture. Ils ont eu bien peur. Ils ont mis à peu
près 500 policiers pour faire attention à cela. Ils l'ont
cachée avec de gros arbustes. Tout le long du boulevard L'Acadie, les
enfants canadiens-français ne peuvent pénétrer dans
Mont-Royal. Il ne faut pas mélanger le monde. En fait, c'est cela,
Montréal actuellement. Quand on dit que dans la ville de Mont-Royal,
vous avez des Canadiens français, je me demande ce qu'ils font
là. Il n'y a pas un maudit nom de rue en français
là-dedans. Est-ce assez fort? H y avait même une rue qui
s'appelait Hocquart, d'après un ancien gouverneur de la Nouvelle-France.
Il y en a un qui s'est aperçu de l'erreur. On a mis un L à la
place du H et aujourd'hui c'est Locquart. Est-ce assez fort? Fanatique comme
cela, c'est épouvantable. On vient nous taxer de fanatisme. On leur
donne tout. On leur donne nos écoles.
Un autre exemple. Je ne veux pas me mettre en évidence outre
mesure j'ai participé il y a quatre à cinq ans, à
un comité de parents à l'école où allait mon fils.
C'était l'école Saint-Philippe-Apôtre, sur la rue
Mar-guette, près de la rue Bélanger. Il nous est arrivé un
M. Saint-Onge, de la zone scolaire no 4 à Montréal avec un tas de
chansons. Ce monsieur voulait que le comité de parents prenne une
décision. Il voulait nous embarquer avec lui. N'eût
été le fait que je m'en suis aperçu, j'ai averti tous les
parents lors d'une assemblée, on perdait notre école pour la
passer aux Italiens du même quartier Bélanger. Il se servait, ce
monsieur, du règlement no 1 du rapport Parent.
Ce règlement no 1 dit que, pour avoir, je pense, des classes
à aires ouvertes, ça prend un plus grand nombre
d'élèves en même temps. Donc, en ayant des petites
écoles un peu partout, ces gens ne peuvent appliquer leur
règlement d'aire no 1. A ce moment-là, ils ferment les
écoles et donnent ça aux Italiens. Après ça, on
leur demande aussi: Le règlement no 1, qu'est-ce que vous en faites? On
va attendre l'année prochaine. Il y a cinquante raisons, ça
n'arrive jamais, ce sont des chansons, ce sont des prétextes. Aussi,
disons que la rue Sainte-Catherine dans l'Ouest, tout le monde va là
à Montréal; on sait bien que ça n'a pas l'air d'une ville
française. C'est très visible. Je pense bien que les membres de
la commission ici qui vont à Montréal n'ont pas l'impression
d'arriver à Québec. Ici, c'est tout de même plus
français qu'à Montréal.
Disons que ce ne sont pas les anglophones, ce ne sont pas les anglais
anglophones, j'en ai marre de cette expression ce sont les
immigrants qui anglicisent Montréal et servent de cheval de Troie au
pouvoir, à l"'establishment" anglais, pour angliciser la ville de
Montréal. A part les quartiers, comme je disais tanôt, de
Hampstead, Mont-Royal, Westmount, une partie de Verdun, LaSalle,
Saint-Pierre... Là, on se rétrécit de plus en plus, on est
rendu au boulevard Pie IX, je pense et il n'en reste presque plus. Le reste,
c'est de l'immigrant.
Maintenant, disons qu'à la ville de Montréal... On me
demande de préciser, je peux préciser. Même pour entrer
comme pompier à Montréal, on exige l'anglais. Si le gars ne parle
pas anglais, il ne sera pas pompier.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Beauce-Sud.
M. ROY (Jean-Jacques): Je pense, M. le chef
de l'Opposition, que j'ai donné quelques exemples. Si...
M. MORIN: C'est bien. Le président ne me permet pas d'aller plus
loin. C'est à vous maintenant, M. le député, de poser des
questions.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Beauce-Sud.
M. ROY (Beauce-Sud): J'ai seulement une question à poser
concernant les questions qui vous ont été posées par le
ministre. Vous avez bien dit tout à l'heure que pour être membre
de votre association, il y avait trois conditions fondamentales. Je ne veux pas
revenir sur cette question. La question que je veux poser, c'est: Vous avez
bien déclaré et je voudrais être sûr d'avoir bien
compris, que la question linguistique, pour vous, ne fait pas partie, autrement
dit, d'une option constitutionnelle globale. Vous savez ce que je veux dire?
C'est que la question linguistique, vous la voyez de façon
différente: elle devrait être traité de façon
différente à ce moment-ci. Est-ce que j'ai bien compris?
M. ROY (Jean-Jacques): C'est-à-dire que c'est un peu ça
mais ce n'est pas tout à fait ça et si vous voulez, je vais
expliquer. Pour être membre chez nous, il faut évidemment un type
qui est partisan pour que l'avancement du français soit assez
progressif; d'accord? Maintenant, nous n'avons pas d'objection: si
l'Assemblée nationale, dans le système confédératif
actuel, peut régler à notre satisfaction l'histoire de la langue
française, on est bien d'accord sur ça.
M. ROY (Beauce-Sud): Mais vous ne la voyez pas dans un tout complet?
M. ROCHEFORT: Si vous me permettez... M. ROY (Beauce-Sud): Oui.
M. ROCHEFORT: ... je pourrais parler un peu plus là-dessus. Ce
qu'on veut dire, c'est que pour nous il serait normal que dans un Québec
souverain, la question linguistique soit sûrement, facilement et
rapidement réglée. Mais nous, on considère que le
gouvernement actuel, dans le système confédératif a les
pouvoirs nécessaires pour faire de nos propositions une loi et la mettre
en vigueur immédiatement.
M. ROY (Beauce-Sud): En somme, vous voyez que le gouvernement du
Québec actuel a les pouvoirs nécessaires pour pouvoir prendre
position et agir dans ce sens.
M. ROY (Jean-Jacques): Non seulement on dit qu'on veut qu'il les ait
mais on dit qu'il les a. S'il ne le fait pas, c'est parce qu'il ne le veut pas;
c'est ça qu'on dit. Evidemment, ça ne se fait jamais et ça
fait des années que ça dure; à ce moment-là,
qu'est-ce qu'on dit? On va faire la souveraineté et on va la faire
nous-mêmes.
M. ROY (Beauce-Sud): Ce n'est pas une question de souveraineté,
mais une question de responsabilité pour le gouvernement au pouvoir.
M. ROY (Jean-Jacques): Oui, d'accord.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député d'Anjou.
M. TARDIF: M. le Président, au bas de la page 1, dans le
mémoire présenté par la Société nationale
populaire du Québec, on lit ce qui suit: "Le projet de loi 22, tel que
présenté actuellement, est un nouvel acte de démission de
la part du Québec. Un net recul. C'est une loi destinée à
faire de privilèges consentis à la minorité
anglo-québécoise des droits formels, favorisant en cela le lent
mais inéluctable processus d'assimilation qui affecte les citoyens du
Québec".
La question que je ne pose est la suivante: Est-ce que vous croyez que,
si le maintien du libre choix existe pour les gens qui sont ici Je ne
parle pas des nouveaux arrivants éventuels, nous en discuterons plus
tard, si vous voulez, je ne vais m'attaquer qu'à la question de ceux qui
sont ici actuellement le fait de fréquenter une école
anglaise pendant quelques années conduit inévitablement à
un processus d'assimilation?
M. ROY (Jean-Jacques): Je vais commencer une réponse et M.
Rochefort ajoutera d'autres détails.
M. TARDIF: Aucune objection.
M. ROY (Jean-Jacques): Le fait d'aller dans une école anglais,
s'il n'y avait pas l'état d'esprit qui règne dans ces
écoles... On ne montre pas dans ces écoles la littérature
française. Qu'est-ce qui arrive au gars? Il parle français chez
lui, sort de l'école avec des auteurs américains dans la
tête ainsi que des auteurs anglais. En fait, il devient quoi? Il devient
un Canadien français qui pense anglais. Ce n'est pas fameux comme
Canadien français.
M. TARDIF: Est-ce que vous diriez la même chose du chef de
l'Opposition qui a fréquenté les écoles de langue
anglaise?
M. MORIN: Pardon? C'est inexact.
M. TARDIF: C'est vrai, vous êtes allé à McGill et,
par la suite, en Angleterre.
M. MORIN: C'est différent. L'université McGill n'est pas
une école.
M. TARDIF: Une institution d'enseignement, si vous
préférez.
M. MORIN: Ah!
M. TARDIF: Parce que... non, un instant.
M. MARCHAND: Parfait bilingue.
M. TARDIF: C'est cela qu'il y a; la recommandation no 3, c'est
nationaliser les trois universités de langue anglaise. Je vais arriver
à cela tout à l'heure, mais je vais prendre les
éléments un à la fois, si vous permettez. Donc, est-ce que
vous diriez à ce moment-là que le chef de l'Opposition qui a
fréquenté des institutions d'enseignement de langue anglaise est
nécessairement un assimilé?
M. ROY (Jean-Jacques): Vous me parlez, je vais m'adresser à vous.
Est-ce que le chef de l'Opposition a été à l'école
primaire anglaise?
M. TARDIF: C'est à lui de répondre, mais je veux vous
affirmer une chose. Un instant, je vous ai dit qu'il était allé
à l'université de langue anglaise.
M. ROY (Jean-Jacques): Vous jouez sur les mots, vous patinez comme
d'habitude.
M. TARDIF: Un instant. D'abord, pour commencer...
M. MARCHAND: Un instant!
M. ROY (Jean-Jacques): Vous, je ne vous ai pas parlé, chose !
M. MARCHAND: Moi non plus, mais je vais vous parler par exemple.
M. TARDIF: M. le Président, ce grossier personnage devrait
être rappelé à l'ordre.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!
M. ROY (Jean-Jacques): En parlant de grossier personnage...
M. TARDIF: Un instant! Vous allez écouter. Avez-vous compris?
Vous vous prenez pour un autre, alors que vous représentez 102 personnes
et que cela fait neuf ans que vous existez.
M. ROY (Jean-Jacques): C'est tout. C'est tout.
M. TARDIF: Vous êtes une espèce de petit minable !
M. ROY (Jean-Jacques): Oui, c'est vrai. Je suis fier d'être un
Canadien français minable!
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!
M. ROY (Jean-Jacques): Vous ne me ferez pas avoir honte de
moi-même, vous autres, ce soir, ici.
LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Roy, je vous invite, s'il vous
plaît, à garder votre calme.
M. ROY (Jean-Jacques): D'accord.
LE PRESIDENT (M. Gratton): J'invite les membres de la commission
à en faire autant, et si cet échange devait se
répéter, nous devrons mettre fin immédiatement à
l'audition de votre groupe.
M. ROY (Jean-Jacques): Très bien, M. le Président.
M. MORIN: M. le Président, je voudrais rappeler à l'ordre
également mes collègues qui sont un peu responsables de cet
échange.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je l'ai fait.
M. MORIN: Oui. Je vous en remercie. Si on avait laissé le
comparant dire tout ce qu'il avait à dire, sans l'interrompre, je pense
que ces événements fâcheux ne seraient pas survenus. Je
demanderais au député d'Anjou, qui a une meilleure
éducation que cela, de faire attention à la façon dont il
traite nos invités. Je l'en prie.
M. CLOUTIER: Je suis entièrement d'accord sur ce que dit le chef
de l'Opposition. Entièrement d'accord. Cependant, je dois lui rappeler
qu'il a lui-même, et son parti, été extrêmement
je choisis mes mots, en ce moment rigoureux vis-à-vis de
certains groupes, surtout de groupes anglophones. Je n'ose dire grossier. Dans
le cas du député de Saint-Jacques, c'était de la
grossièreté et j'espère que cela ne se
répétera pas.
M. MORIN: M. le Président, je ne m'en prendrais pas au
député d'Anjou s'il se montrait rigoureux avec toute personne qui
comparaft ici. Il le sait très bien. Mais être rigoureux, c'est
une chose et être poli, cela en est une autre !
M. CLOUTIER: Je crois que c'était vraiment de l'impolitesse dans
le cas du Parti québécois.
M. MARCHAND: Nous n'avons d'exemple à prendre de personne!
LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, j'invite le député
d'Anjou à continuer.
M. TARDIF: M. le Président, je vais reposer ma question et je lui
demande de ne pas faire de commentaire sur la façon dont je pose les
questions. Je vous ai posé une question bien
précise, qui était une question globale, avant que nous
arrivions à un cas particulier. Je vous soulignais ce cas particulier,
qui n'a pas fait votre affaire. Est-ce que, nécessairement, la
fréquentation par un élève, ou un étudiant, d'une
institution d'enseignement de langue anglaise mène à
l'assimilation, pour une personne qui est déjà ici? Je ne parle
pas d'un nouvel arrivant éventuel.
M. ROY (Jean-Jacques): Ecoutez, je vais tenter d'y répondre. Je
vais y aller calmement. Pour un Canadien français, disons un
Québécois de langue française, qui va à
l'école française, à Québec, à
Trois-Rivières ou chez lui, jusqu'à sa neuvième
année je ne sais pas comment cela marche aujourd'hui, l'histoire
du secondaire V et tout cela et même s'il va à
l'université McGill, monsieur, il va rester Canadien français.
Mais ce n'est pas tout le monde. Vous savez qu'il y en a beaucoup qui virent en
chemin. Aussitôt qu'ils poignent un Anglais, ils deviennent fous comme de
la merde et ils s'imaginent qu'ils sont au pouvoir et qu'ils sont
bourrés d'argent et ils n'ont rien dans leurs poches. C'est le
côté colonisé de l'affaire. Mais mettons ça de
côté.
Je ne pense pas qu'un type intelligent, qui a été dans une
école de langue française et qui s'en va à McGill fasse un
mauvais Canadien français.
M. TARDIF: A ce moment-là, on pourrait maintenir la
liberté de choix pour ceux qui sont ici, si je vous suis bien?
M. ROY (Jean-Jacques): Non, pas du tout. M. TARDIF: Pour quelle
raison?
M. ROY (Jean-Jacques): Je viens de vous le dire, monsieur. M. Rochefort
va vous expliquer cela.
M. ROCHEFORT: Je pense qu'il faut situer dans son ensemble pourquoi une
personne va envoyer ses enfants dans une école anglophone au primaire ou
au secondaire, lorsqu'elle est francophone. Je pense que c'est tout simplement
pour donner à ses enfants une plus grande chance d'avancement dans la
société où nous vivons. Tantôt, mon confrère
relevait plusieurs exemples. Ainsi, pour devenir pompier, il faut être
bilingue, des choses comme celle-là. Si l'enfant, dès le niveau
primaire ou secondaire, est acheminé vers une école anglophone,
il va recevoir une éducation anglophone, avec la culture anglophone qui
doit se greffer à cette éducation. Il va aussi avoir des amis,
des copains de classe anglophones et il va se créer un certain milieu
autour de cela.
Il est certain que l'enfant qui suit son cours primaire et secondaire
dans une école française et qui veut augmenter ses connaissances
on considère qu'une personne rendue à douze ans de
scolarité en langue française doit quand même avoir une
certaine connaissance, une certaine force linguistique, si vous me prêtez
l'expression, va peut-être vouloir entreprendre des études dans
des écoles ou des institutions anglophones. Rendu à ce
moment-là, d'une part, elle s'est quand même créé un
univers français. D'autre part, elle a une force francophone, si vous me
prêtez l'expression encore une fois, pour résister à ces
forces. D'autre part, il y a plus de chance à ce moment-là que,
si c'est pour aller fréquenter une université anglophone, ce soit
pour acquérir plus rapidement la connaissance d'une langue seconde tout
en gardant sa langue maternelle, tout en la pratiquant et en continuant de
vivre dans son milieu francophone.
M. TARDIF: J'accepterais sans doute une bonne partie de votre
raisonnement en ce qui a trait aux nouveaux arrivants éventuels qui,
eux, doivent choisir entre une culture de langue française et une
culture de langue anglaise, mais certainement pas pour ceux qui sont ici
actuellement.
M. ROCHEFORT: Si le président me le permet, je faisais ces
remarques pour les gens qui sont ici actuellement.
M. TARDIF: Oui, j'ai parfaitement compris cela.
M. ROCHEFORT: J'y répondais directement.
M. TARDIF: J'ai parfaitement compris. C'est pour cela que j'ai dit que
j'accepterais une bonne partie de vos remarques, mais pour les nouveaux
arrivants éventuels, parce que je n'aime pas tellement le terme
d'immigrants, qui, eux, partent d'une troisième culture, qu'elle soit
norvégienne, allemande ou japonaise, cela n'a aucune espèce
d'importance pour les fins de la discussion, et qui doivent choisir ici entre
une culture française ou une culture anglaise. Quoi qu'il en soit, je
vous poserai une dernière question quant à votre troisième
recommandation. Qu'est-ce que vous voulez dire lorsque vous recommandez la
nationalisation des trois universités de langue anglaise? Je comprends
qu'on puisse nationaliser une compagnie de pâtes et de papiers et que
cela n'en fera pas nécessairement une compagnie de langue
française. Mais en ce qui a trait aux universités, j'aimerais que
vous m'expliquiez ce que vous entendez par le terme "nationaliser". Est-ce que
cela veut tout simplement dire franciser ou si vous voulez dire que l'Etat va
en devenir propriétaire et va en avoir le contrôle absolu, un
contrôle plus grand que celui qui existe actuellement de la part de
l'Etat ou du ministère de l'Education?
M. ROCHEFORT: J'aimerais faire remar-
quer au député d'Anjou qu'il a très bien compris le
mot "nationaliser". Il est pris dans le vrai sens du terme, en ce sens que,
pour nous, il ne s'agit pas seulement de rendre l'université
francophone. Si vous connaissez très bien les universités
anglophones de Montréal, ces universités sont
généralement pour les anglophones une façon de donner un
système d'éducation de grande qualité à leurs
enfants, à leurs compatriotes en ce sens qu'ils s'arrangent, d'une part,
pour recevoir des fonds gouvernementaux et, d'autre part, pour recevoir une
énorme quantité de fonds privés qui leur permettent de
donner une bonne instruction aux anglophones de niveau supérieur.
Or, nous considérons que, d'une part, il faut les nationaliser
pour les rendre francophones, et d'autre part, leur permettre de vraiment vivre
en université francophone, c'est-à-dire permettre à tous
les citoyens du Québec de pouvoir aller s'instruire dans ces
universités, et non pas d'être là comme des
tolérés, mais comme des personnes qui sont vraiment chez
elles.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce qu'il y a d'autres questions?
M. CLOUTIER: Peut-être, M. le Président, une
dernière question du côté ministériel. Vous vous
êtes dits souverainistes au début de cet entretien, et comme
plusieurs groupes nationalistes qui vous ont précédés,
vous souhaitez, ou plus exactement, vous exigez l'abolition progressive des
écoles publiques de langue anglaise.
Il y a un seul parti qui est souverainiste ici au Québec, c'est
le Parti québécois. Le Parti québécois a
l'intention de maintenir le secteur anglophone de l'éducation. Je crois
que cela fait partie de son programme, et de toute façon, les
représentants du Parti québécois l'ont confirmé
à plusieurs reprises au cours de ces séances.
Je voudrais savoir comment vous conciliez cela avec l'option
souverainiste, et si vous considérez que le Parti
québécois ne va pas assez loin.
M. ROY (Jean-Jacques): Tout d'abord, j'ai une correction à faire,
je ne suis pas président général. Je fus président
pendant sept ans, maintenant, je suis secrétaire
général.
M. CLOUTIER: On reste toujours président, je peux vous appeler
président quand même.
M. ROY (Jean-Jacques): Maintenant, nous devons dire, M. le
Président, que la Société nationale populaire n'est pas le
Parti québécois. Nous trouvons nous, à la SNPQ, la
position du Parti québécois faible...
M. CLOUTIER: C'est cela. Vous prenez la position du Parti
québécois.
M. ROY (Jean-Jacques): ... en matière de langue. Officiellement,
je parle officiellement dans le programme, nous la trouvons faible.
M. CLOUTIER: Très bien!
M. ROY (Jean-Jacques): Mais cependant, pour les grandes circonstances,
nous nous rallions.
M. CLOUTIER: Merci beaucoup, messieurs.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors messieurs, nous vous remercions, et
j'invite à l'instant même M. François-Albert Angers, du
Mouvement Québec français, à bien vouloir s'approcher de
la table, s'il vous plaît.
Mouvement Québec français
M. ANGERS: Messieurs les membres de la commission, je crois que vous
connaissez tous le Mouvement Québec français. Enfin, il est
peut-être bon de préciser, pour le dossier, que le Mouvement
Québec français est une sorte de front commun dont les membres
sont les présidents de huit associations dont deux sont
montréalaises et six sont d'envergure québécoise, qui sont
parmi les associations qu'on peut compter comme les plus représentatives
de l'ensemble des milieux québécois, puisque cela comprend les
deux grandes centrales syndicales, la Fédération des travailleurs
du Québec, et la Confédération des syndicats nationaux; la
Centrale de l'enseignement du Québec qui groupe les enseignants; le
Mouvement national des Québécois qui groupe dans tout le
Québec, ce qu'on pourrait appeler la petite classe moyenne;
l'Association québécoise des professeurs de français, qui
est aussi une association d'enseignants, particulièrement
intéressés au français; l'Union des producteurs agricoles,
donc, la grande association qui représente les agriculteurs du
Québec, et finalement, la Société Saint-Jean-Baptiste de
Montréal et l'Alliance des professeurs de Montréal.
J'ai ici avec moi, dans le moment, M. André Gaulin, qui
représente l'Association québécoise des professeurs de
français; M. Henri Laberge, qui représente la Centrale de
l'enseignement du Québec; M. Léo Jacques, qui représente
le Mouvement national des québécois; M. Gaston Miron, qui
représente la commission technique; il devrait y avoir M. Yvan
Sénécal, qui est quelque part, de la Saint-Jean-Baptiste de
Montréal.
Pardon?
M. MARCHAND: Tous des organisateurs libéraux.
M. ANGERS: Oui... Des gens qui ne font pas de politique et qui
s'occupent des intérêts de leurs associations.
M. MARCHAND: C'est la meilleure. Pas de politique. Des
séparatistes!
M. ANGERS: Pas organisateurs politiques, en tout cas.
M. MARCHAND: Seulement séparatistes! D'accord.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!
M. ANGERS: Alors, le mémoire que nous...
M. MORIN: J'ai un point d'ordre.
M. ANGERS: ... voulons vous présenter...
M. MORIN: M. le Président, un instant, voulez-vous.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le chef de l'Opposition sur une question de
règlement.
M. MORIN: J'estime que les interruptions qui viennent d'avoir lieu sont
tout à fait regrettables. Je pense qu'aucun mouvement, aucune
association qui a comparu devant cette commission parlementaire depuis que les
comparutions ont commencé n'a été traitée de la
sorte. S'il y a des députés qui confondent le fait de
s'intéresser aux questions politiques avec le fait de faire de la
politique, j'estime que ce n'est pas leur place autour de cette table. Je leur
demanderais de respecter les gens qui comparaissent. Nous avons jusqu'ici
réussi assez bien à nous entendre pour que chacun ait sa
complète liberté d'expression. Si, dès le départ,
nous faisons des interruptions intempestives qui tendent à identifier
qui que ce soit avec des partis politiques, si, dès le départ,
avant même qu'ils n'aient parlé, nous agissons de la sorte, je
crains que l'ambiance de cette commission ne soit appelée à se
détériorer.
M. VEILLEUX: Sur la question de règlement soulevée par le
député de Sauvé...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saint-Jean.
M. VEILLEUX: ... je tiens à dire ceci. J'ai trouvé le
député de Sauvé très subtil dans sa réponse,
compte tenu que, ce matin, lui-même faisait exactement la même
remarque pour un groupe de personnes qui sont venues ici déposer devant
la commission parlementaire, en l'occurence le Comité Canada.
M. MORIN: M. le Président, je tiens à faire
remarquer...
M. VEILLEUX: Je n'ai pas terminé. J'ai la très nette
impression qu'il est fort possible que quelques membres de la commission
parlementaire soient portés à suivre l'exemple du chef de
l'Opposition officielle, en l'occurence le député de
Sauvé.
M. MARCHAND: M. le Président, comme je suis l'attaqué, je
dois ajouter que le député de Saint-Jacques a été-
extrêmement impoli et également le chef de l'Opposition du parti
séparatiste envers le Comité Canada.
M. MORIN: Je reconnais...
M. SAMSON: Je pense qu'on devrait donner la chance à tout le
monde à ce moment-ci et permettre à M. Angers de continuer.
M. MARCHAND: Vous avez le droit de dire ce que vous voulez.
M. CLOUTIER: Excellente idée. Nous sommes d'accord avec votre
parti.
M. MORIN: M. le Président, j'ai un mot à dire sur cette
question. Si les députés ont des questions à poser
à nos invités sur leurs allégeances ou sur le financement
de leur mouvement, comme nous l'avons fait ce matin à l'endroit du
Comité Canada, ils sont les bienvenus quand viendra le moment de le
faire, mais je pense que jusqu'ici, nous avons réussi à
l'égard de tous nos invités...
M. MARCHAND: Restez-en là.
M. MORIN: ... à les recevoir cordialement...
M. MARCHAND: Restez-en là.
M. MORIN: ... à tout le moins au départ; c'est ce climat
qui est compromis, je crois.
M. MARCHAND: D'accord.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Sur la question de règlement, je pense
que la suggestion du député de Rouyn-Noranda est excellente et
j'invite M. Angers...
M. CLOUTIER: Elle a d'autant plus de poids que le Parti
créditiste est ici au complet ce soir.
LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Angers, je vous en prie.
M. ROY: Vous ne pouvez pas en dire autant.
M. CLOUTIER: Ecoutez. C'était pour détendre
l'atmosphère.
M. SAMSON: Je vous souhaite d'en faire autant.
M. CLOUTIER: On n'en finira pas.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!
M. MARCHAND: Depuis qu'ils sont deux, il n'y en a pas un du même
parti.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!
M. ROY: Vaut mieux être deux que cent deux.
M. ANGERS: Le Mouvement Québec français, comme vous le
savez déjà, parce qu'il est un front commun, représente ou
exprime ce sur quoi les huit mouvements considérés sont unanimes,
sans aucune déficience ou sans aucune faiblesse. Nous n'exprimons pas
d'idées en dehors de ces points sur lesquels nous sommes unanimes,
laissant au-delà de ces questions fondamentales aux mouvements
eux-mêmes, chacun d'entre eux, d'exprimer les différentes
politiques qu'ils peuvent avoir sur d'autres aspects du problème
linguistique.
En ce qui concerne ce que nous exposons, c'est l'approbation unanime des
huit mouvements en question.
A cause de cela, parce que déjà nous l'avons dit dans des
mémoires, nous avons un accord fait sur l'essentiel, sur ce qui est
fondamental dans cette question. Ce dont nous voulons essayer de vous saisir,
ce soir, c'est de l'importance du geste que l'Assemblée nationale
s'apprête à poser et de ses conséquences historiques et
constitutionnelles.
Par conséquent, nous avons l'intention d'aller au coeur
même de ce problème. Je ne vous cacherai pas que notre
mémoire a pu ou pourra vous paraître dur pour les hommes
politiques qui nous gouvernent, tout particulièrement depuis cinq ans.
Nous y sommes obligés par la nécessité de vous
sensibiliser davantage à la gravité du geste que vous êtes
en train de poser, dans l'histoire de notre peuple avec toutes ses traditions
et après tous ses combats. Nos sévérités sont,
cependant, fondées sur des faits et sur des idées. Nous
espérons vous voir les discuter à leur mérite,
plutôt qu'en fonction des personnalités et des partis politiques
que vous pouvez estimer concernés.
Ceci étant dit, le Mouvement Québec français vous
le déclare tout net dès le départ. Il est
profondément scandalisé de la présentation du projet de
loi que le gouvernement a soumis à l'Assemblée nationale sous le
titre de Loi sur la langue officielle. Et cela, tout spécialement en
cette année 1974, un mois tout juste avant la date du 200e anniversaire
de la proclamation à Londres de l'Acte de Québec, charte
fondamentale de nos inaliénables libertés françaises.
Dans notre déclaration du vendredi 24 mai 1974, nous avons
parlé, au sujet de cette loi, de véritable trahison de nos droits
les plus sacrés. Et trahison il y aurait indiscutablement à voter
une telle loi, et cela, au sens le plus strict et le plus objectif du terme par
rapport aux faits et aux données relatives au problème en cause.
Nous voulons encore croire que si le gouvernement ne l'a pas vu, c'est qu'il
lui manque la perception suffisamment aigüe des principes et
problèmes juridiques impliqués; peut-être parce qu'il est
surtout dominé par la peur des réactions de la minorité
anglophone. C'est pourquoi nous essaierons encore une fois d'exprimer encore
plus clairement devant cette commission pourquoi le bill 22 est scandaleux de
la part du gouvernement qui a en main les destinées de la seule nation
francophone d'Amérique.
Le Mouvement Québec français, qui se compose des
organismes intermédiaires les plus représentatifs de l'ensemble
du peuple québécois, s'est donné beaucoup de mal et a
consacré beaucoup de temps et d'argent pour approfondir cette question.
Dans deux mémoires au premier ministre, entre autres, il avait
indiqué très clairement au gouvernement les mesures essentielles
minimales qui s'imposaient en matière linguistique pour correspondre aux
droits et aux aspirations du Québec, qui est fondamentalement et doit
rester intégralement un Québec français. Il avait non
moins signalé au gouvernement que, dans un esprit juridique vraiment
français, il convenait d'abord de s'en tenir à l'essentiel et
d'établir d'abord séparément dans une loi
constitutionnelle le statut de principe du français, seule langue
officielle du Québec, sans rien de plus dans cette loi, sous la seule
réserve des garanties constitutionnelles contenues pour l'anglais dans
l'AANB, à l'article 133.
Pour que les réalités correspondent au principe
général, il importait cependant d'amender en même temps,
par une autre loi, la Loi de l'instruction publique, afin de corriger l'erreur
du bill 63. Il est en effet incohérent, contradictoire de
décréter une seule langue officielle et nationale à
l'intérieur d'un territoire et de reconnaître
l'égalité de droits et la liberté de choix de deux ou
plusieurs langues dans le système scolaire de ce pays. Il fallait donc
remettre le français à sa place comme seule langue fondamentale
de l'école et définir alors les droits minoritaires que, dans
notre deuxième projet de loi, nous consentions à
reconnaître aux seuls véritables anglophones
généreusement, très généreusement
définis.
La commission Gendron, ayant ensuite assez bien défini les
pouvoirs du Québec en matière linguistique, notre deuxième
mémoire faisait état de ses conclusions sur le pouvoir de
l'Assemblée nationale d'amender l'article 133. Il demandait un tel
amendement au texte constitutionnel et la définition des droits
minoritaires dans une loi spéciale et statutaire pour que la situation
soit plus claire quant au caractère du français d'être
vraiment la seule langue officielle du Québec.
Nous consentions à nous contenter de cela pour le début,
quitte à voir clair ensuite, selon les événements et
circonstances, sur les lois spécifiques qui pourraient se
révéler nécessaires pour permettre au français de
prendre la place concrète à laquelle il a droit comme langue de
travail.
La réaction générale au bill 22 montre que le
gouvernement eut été mieux avisé de suivre les
conseils du Mouvement Québec français.
A vouloir surprotéger l'anglais, il s'est créé, en
somme, autant de problèmes qu'il y a d'articles, la plupart inutiles ou
néfastes dans le projet de loi actuel.
Notre premier objet de scandale, c'est qu'au moment même où
il dit vouloir défendre l'avenir français du Québec, notre
gouvernement n'ait réussi à faire que la preuve de ce qu'il est
au moins à demi assimilé et qu'il a l'esprit aussi bijuridique
qu'il se veut bilingue. Il y avait deux façons d'établir le
statut officiel du français au Québec. La première, qui
correspond aux traditions juridiques françaises, consistait à
proclamer les principes nécessaires pour l'établissement et le
respect du français comme langue officielle effective. Il aurait
appartenu ensuite aux tribunaux d'apprécier les situations où des
citoyens se seraient estimés lésés dans leurs droits
à ce sujet et des mécanismes auraient pu être prévus
pour faciliter le règlement des griefs et en éliminer le
coût au personnes lésées. C'est ainsi que procède
notre système de droit civil du français. Au-delà des lois
spécifiques auraient pu intervenir pour orienter les décisions
des tribunaux sur l'interprétation de la loi fondamentale ou
définir le cas de griefs plus flagrants de sorte que, devant
l'évidence légale de culpabilité, personne n'ait plus le
goût de les pratiquer à l'égard des francophones.
La deuxième façon correspond aux traditions britanniques
et consistait à énumérer, en autant d'articles, les
circonstances où l'usage et l'exigence du français seraient
considérés comme un droit du citoyen émanant d'un droit
coutumier relatif à l'usage courant de la langue française au
Québec. Or, dans sa Loi sur la langue officielle, le gouvernement
pratique les deux systèmes juridiques à la fois. Selon l'un, il y
a proclamation générale (article 1) en faveur du français.
Selon l'autre, on énumère toute une série de cas
spécifiques en faveur surtout de l'anglais, même s'il paraît
qu'on veut spécifier davantage certains droits relatifs au
français. Il apparaît assez nettement que c'est surtout le
désir de protéger l'anglais qui a inspiré ces articles
bien plus qu'une nécessité de donner son sens plein à
l'article 1.
En fonction des habitudes des tribunaux, en pareil régime de
droit, les articles énumératifs risquent, quant au
français, d'être autant d'éléments encore plus
limitatifs de la signification du principe général formulé
à l'article 1. Et comme au surplus, chacun des articles où
l'anglais est mentionné constitue autant de droits nouveaux en faveur de
l'anglais sur le plan légal, il est clair que l'anglais prend
progressivement figure de langue non moins officielle que le français,
surtout étant donné le champ très vaste
concédé à l'exercice du droit à l'anglais dans
l'ensemble des articles.
Est-ce parce que le gouvernement en est parfaitement conscient qu'il n'a
pas osé intituler sa loi:
Loi du français langue officielle; mais tout en laissant voir au
public que le titre ne regarde que le français seul. On notera qu'en
français et probablement pour les tribunaux, non moins vu la
teneur de la loi et les deux systèmes juridiques pratiqués en
même temps Loi de la langue officielle ne signifie pas
nécessairement que le projet ne rend qu'une seule langue officielle.
Tout dépend du contenu de la loi car le titre peut n'avoir qu'une
signification de portée universelle: loi sur la question du
problème de la langue officielle au Québec. Ici, la solution que
la loi donne au problème est nettement dans le sens de deux langues
officielles. Comment les tribunaux l'entendront-ils?
Notre première réaction de scandale tient donc dans la
sorte d'indignité que constitue une loi aussi mal faite, aussi loin de
l'esprit français du droit, alors que son objet est ou devrait
être d'affirmer à la face du monde le caractère
français du Québec.
Le deuxième objet de scandale que constitue cette loi, c'est
qu'après tant d'années de tergiversations, ce soit ce texte
indigne qu'on nous apporte précisément en 1974, en ce 200 e
anniversaire de l'Acte de Québec. C'était l'occasion où
jamais de retrouver la véritable signification de nos droits tels que
nous les garantis Sa Majesté britannique elle-même dans cette
charte fondamentale de nos libertés françaises. Le bill 22
dénote que notre propre gouvernement n'y comprend rien et est
prêt, sinon à les abandonner complètement, en tout cas
à les diluer considérablement pour on ne sait trop quel plat de
lentilles. Voilà bien où le mot trahison prend tout son sens
d'objectivité.
Et comment pourrait-on le prétendre trop fort quand on sait que
plusieurs de nos ancêtres sont allés sur les champs de bataille de
la rébellion, y sont morts ou sont ensuite montés sur
l'échafaud pour protester contre la violation des droits du peuple
français du Québec à se gouverner lui-même selon ses
institutions.
Tout le projet de loi 22 est construit, en effet, comme si le
gouvernement croyait que le Québec est juridiquement un pays bilingue.
Si bien qu'il nous le présente comme une grande conquête
gagnée par des esprits déjà très audacieux, mais se
défendant de l'extrémisme, qui seraient en train de faire reculer
l'anglais dans ses droits pour donner au français un
similica-ractère d'officialité.
Or, la vérité, depuis 1774, c'est que le gouvernement du
Québec est celui d'un pays français, juridiquement établi
comme tel, et où l'anglais ne dispose que de droits très
limités tels que les a fixés l'article 133 de l'AANB.
Il est vrai qu'en pratique et dans l'usage quotidien, l'anglais s'est
taillé une place concrète envahissante, au point qu'il met
aujourd'hui en danger l'avenir même du français au Québec.
Cela résulte du rôle économique dominant d'entreprises
multinationales, surtout américaines, donc anglophones, mais encore
plus, au départ et toujours, de l'entêtement des Anglo-
Canadiens, ceux de Montréal tout particulièrement,
à refuser de reconnaître l'Acte de Québec et à agir
comme si la proclamation de 1763 n'avait jamais été
rescindée. Mais cette situation de fait n'est fondée sur aucun
régime de droit. Elle est, au contraire, en contradiction avec le
régime de droit que nous sommes toujours fondés à rendre
efficace.
Le malheur, c'est que cette situation ambivalente a jeté beaucoup
de confusion dans nos esprits, et que, raisonnant à la française
pour interpréter du droit anglais, beaucoup des nôtres, et tout
particulièrement notre actuel gouvernement, estiment la situation de
fait conforme aux dispositions constitutionnelles qui, par l'article 133 de
l'AANB, auraient établi, au Canada fédéral et au
Québec, le bilinguisme officiel. C'est parce que cela est faux et que le
bill 22 est construit sur cette fausseté qu'il y a, encore une fois
très objectivement, trahison de notre héritage culturel. Sous le
prétexte de sauver cet héritage, parce qu'on extirperait le
français d'un cadre supposé bilingue pour lui donner une certaine
primauté sur l'anglais, le bill 22 procède, au contraire,
à la liquidation de toute une partie de nos droits pour
reconnaître à l'anglais des droits jusqu'ici inexistants et dont
l'établissement est totalement injustifié.
Il est à noter que cette admission de la signification bilingue
de l'article 133 n'est ni partagée, ni professée par les juristes
anglo-canadiens. Nous sommes à peu près seuls, du Québec,
à avoir ridiculement le pas sur cette question, sauf que les politiciens
anglo-canadiens n'ont pas manqué de nous y encourager en feignant de
prétendre que le même article, rédigé de la
même façon et pour le Canada fédéral et pour le
Québec, signifiait unilinguisme à Ottawa et bilinguisme à
Québec. Si bien qu'à Ottawa il a fallu une autre loi et
non la pure et simple application de l'article 133 pour établir
le bilinguisme officiel tout court. Et si la cour Suprême a émis
l'opinion, dans l'affaire du maire Jones, que cette loi était
constitutionnelle, ce n'est pas en vertu de l'argument que l'article 133 avait
déjà établi un tel régime, mais bien qu'ayant une
signification plus restreinte, il n'interdisait cependant pas d'aller plus
loin.
La situation linguistique du Québec s'infère
aisément de l'article 133 si on y applique l'interprétation du
droit coutumier anglais par rapport au droit statutaire. Mais il y a plus. Il y
a justement l'Acte de Québec qui en est le fondement constitutionnel
écrit. L'article 133 est venu poser une limite précise à
l'exercice plein des droits qui découlent de l'Acte de Québec et
qu'aucune autre loi n'a affecté depuis jusqu'au bill 63. Le
Québec est intégralement français de droit. La
constitution de 1791 n'a fait que confirmer ce fait en séparant le
Canada en deux provinces, dans l'intention déclarée de donner aux
Anglo-Canadiens leur province et de laisser au Québec le droit de se
perpétuer français: a) par la reconfirmation de l'Acte de
Québec, donc de la perpétuation des droits et coutumes
français; b) par l'attribution d'une Législature fonctionnant par
la règle de la majorité et permettant ainsi au peuple
français du Québec (Bas-Canada) de légiférer selon
sa langue, ses institutions et ses lois.
L'avènement du gouvernement responsable en 1840, encastré
ensuite dans le régime con-fédératif sous l'empire des
articles 92 et 133, assurait, sous l'autorité même du roi
d'Angleterre, la perpétuation de l'Etat français
d'Amérique. Devant l'extrême gravité de ce que comporte le
bill 22 comme révision fondamentale de nos droits et de notre
héritage culturel, il importe donc d'aller au fond de cette question.
C'est en prenant pleinement conscience seulement qu'on peut voir que ce bill
est en train de faire du Québec d'un Etat français en droit, un
Etat bilingue, plus bilingue qu'il ne l'a jamais été
officiellement et juridiquement. Refaisons donc les étapes historiques
de la préservation du caractère français et non bilingue
ou biculturel du Québec.
Le fondement en est l'établissement français qu'a
constitué la Nouvelle-France, de 1608 à 1760. La conquête a
paru interrompre cette situation et, de fait, toujours traumatisés par
cet événement, trop des nôtres, en commençant par
l'actuel gouvernement, en sont restés au choc de la proclamation de 1763
et à la reconnaissance de la prédominance de l'anglais ou,
à tout le moins, de son droit à l'égalité avec le
français. C'est un fait que la proclamation de 1763 a mis en marche
l'entreprise d'anglicisation du Canada. Mais justement, elle a
été rescindée et déclarée nulle et de nul
effet, comme si elle n'avait jamais existée, par l'Acte de
Québec.
A partir de là, l'interprétation juridique en fonction de
laquelle doit être appréciée notre situation nous fut
donnée par les juristes de la Couronne britannique eux-mêmes,
lorsqu'ils furent appelés à se prononcer sur l'opportunité
et la validité de la proclamation de 1763.
LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Angers... M. ANGERS: Oui.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je m'excuse, j'aimerais que la commission me
donne une directive. Je note que vous en êtes à peu près
à la moitié de votre présentation et nous avons
passé au-delà des vingt minutes permis par le règlement.
Je me demande si la commission pourrait à ce moment-ci se prononcer,
à savoir combien de temps vous devriez prendre pour compléter
votre présentation, étant donné que toute la
période de questions y est...
M. CHARRON: M. le Président, sur votre appel au règlement,
puis-je suggérer à la commission que, vu l'importance du groupe
que nous entendons actuellement, nous permet-
tions à M. Angers de finir la lecture de son mémoire?
M. CLOUTIER: M. le Président, nous sommes consentants...
M. ROY: ... de permettre à M. Angers de compléter son
mémoire.
M. CLOUTIER: Je suis certainement d'accord sur le principe, cependant
pour moi, tous les groupes sont importants et je suis obligé de penser
aux groupes suivants. Or, nos délibérations se terminent à
onze heures, de par le règlement et de par les instructions que nous
avons reçues de l'Assemblée nationale.
Il faut donc s'arranger pour que nous puissions également
entendre l'autre groupe. Je n'ai donc pas d'objection à ce que le
président du Mouvement Québec français termine sa lecture
et nous pourrions peut-être, comme nous procédons toujours, ceci
réduisant la période de questions; une fois que la période
des questions normale sera terminée, nous verrons quelle heure il est,
et nous verrons quel temps supplémentaire nous pouvons donner à
la période des questions, de façon à tenir compte de
l'autre groupe.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, allez-y, M. Angers.
M. ANGERS: Merci. Il est difficile de résumer ce mémoire
parce que l'argumentation est très importante, à mon sens.
La plupart des opinions données au roi concouraient dans le
même sens et se trouvaient bien synthétisées dans la
formule du procureur Yorke en 1766: "Il n'y a pas une maxime de droit coutumier
plus certaine, disait-il au roi, que celle qui déclare qu'un peuple
conquis conserve ses anciennes coutumes jusqu'à ce que le
conquérant introduise de nouvelles lois."
Je ne saurais trop souligner ce texte qui est devenu la base de nos
institutions juridiques et vous faire porter votre attention sur le terme:
"Jusqu'à ce que le conquérant introduise de nouvelles lois". Tout
est resté comme avant, français, tant que de nouvelles lois ne
changent pas la situation. C'est extrêmement important pour comprendre
notre droit et ce qui se passe au Québec.
Il était dit ailleurs que l'introduction abrupte de telles lois
constituerait une mesure oppressive dans une province depuis aussi longtemps
française que l'était le Canada. A tout événement,
c'était déjà dire au roi que la proclamation de 1763
était probablement inconstitutionnelle, puisqu'elle ne s'appuyait pas
sur une loi du Parlement.
C'est après des avis juridiques de ce genre,
répétés entre 1763 et 1774, que le Parlement de
Westminster vota l'Acte de Québec, dès 1774, en y
déclarant que les lois et coutumes françai- ses au Québec
n'avaient jamais cessé d'exister, sauf que l'acte substituait
définitivement le droit criminel anglais au droit criminel
français. Ces opinions et ces événements nous donnent le
filon à suivre ensuite pour juger de la situation constitutionnelle du
français. Quelles sont les lois qui ont été votées
depuis 1774 sur la langue? Or, il n'en est aucune qui ait jamais, sauf
l'article 133 et le bill 63, restreint les droits pléniers du
français et conféré quelque droit général
d'officialité à l'anglais, depuis ce temps.
On a objecté souvent que l'Acte de Québec ne parle pas de
la langue française. Donc, conclut-on explicitement ou implicitement, le
Québec était dès lors bilingue, puisque inclus dans
l'Empire britannique. Ce raisonnement à la française
méconnaît totalement l'économie de la tradition juridique
britannique, où le droit non écrit constitue le droit
fondamental, que les lois écrites, statutaires, ne font que
préciser. La situation constitutionnelle et juridique de la langue
française prend racine dans le droit coutumier, ce que note Yorke. Et
par suite, l'Acte de Québec ratifie le caractère français
du Québec dans sa langue comme dans ses institutions, puisque aussi bien
la proclamation de 1763 n'avait pas spécifiquement aboli l'usage de la
langue française.
Les seules législations qui survinrent après 1791
concernaient l'usage des langues française et anglaise à la
Législature. Et l'utilisation du droit criminel anglais, prescrit par
l'Acte de 1774, entraîna la pratique de l'usage égal de l'anglais
et du français devant les tribunaux. La législation de 1840 sur
l'anglais ne saurait retenir l'attention puisqu'elle fut, elle aussi,
rescindée. L'article 133 de l'AANB vint ensuite en 1867 ratifier l'usage
libre de l'anglais à la Législature et devant les tribunaux sans
rien de plus, comme la pratique s'était établie jusque-là.
Le texte des commentaires réciproques de Macdonald et de Cartier,
parlant au nom de deux majorités, celle du Canada à Ottawa et
celle du Québec, montre clairement qu'il ne s'agissait de
protéger que ces deux pratiques sous la garantie de la loi sans rien y
changer.
Dorion, à la Conférence de Québec, s'est
inquiété de l'avenir du français dans le Canada
fédéral. Il le voyait bien mal en point, soumis à une
majorité anglaise. Sur quoi se lève Sir John A. Macdonald pour
dire ceci : "I desire to say that I agree with my honourable friend that as it
stands just now the majority governs; but in order to cure this, it was agreed
at the Conference to embody the provisions that the use of the French language
should form one of the principles upon which the Confederation should be
established and that its use, as at present, should be guaranteed by the
Imperial Act". "As at present" signifiait évidemment les prescriptions
que l'on retrouve à l'article 133: Parler français à la
Chambre des communes comme au Parlement de l'Union et plaider en
français devant les tribunaux fédéraux. A quoi
Cartier répondit pour garantir les mêmes avantages aux
Anglais dans Québec : "I will add to what has been stated c'est
Cartier qui parle alors on for Upper Canada, that is was also necessary
to protect the English minorities in Lower Canada with respect to the use of
their language, because in the Local Parliament of Lower Canada the majority
will be composed of French Canadiens. The members of the Confederation will
desire that it should not be in the power of that majority to
décrète the abolition of the use of the English language in the
Local Legislature of Lower Canada, anymore that it will be in the power of the
Federal Legislature to do so with respect to the French language. I will also
add that the use of both languages will be secured in the Imperial Act."
Donc, il est bien clair que ce qu'on a fait est exclusivement et
uniquement cela. Il est donc on ne peut plus clair que l'article 133 n'a fait
qu'étendre aux Anglais, dans un Québec clairement reconnu
français, les mêmes droits que l'on garantissait au
français au niveau fédéral. Le Québec était
reconnu dès ce moment comme étant ou devant être aussi
français que le Canada restait anglais, avec le seul droit limité
de l'usage de l'anglais ou du français réciproquement dans les
deux Parlements et devant les tribunaux.
Aussi bien, quand le Mouvement Québec français vous a
demandé la proclamation écrite du français langue
officielle du Québec, a-t-il toujours souligné qu'il ne
s'agissait pas d'établir un nouveau système de droit, mais de
confirmer seulement le droit déjà existant, coutumier, en en
faisant du droit écrit pour que les anglophones soient forcés de
la reconnaître et cessent de se complaire, comme ils se sont toujours
complu, à en ignorer l'existence et à se comporter comme si
l'Acte de Québec n'avait jamais été voté par le
Parlement de leur propre souverain.
Dans cette perspective, personne de bonne foi et d'honneur ne peut nier
la gravité des gestes posés en 1969 par le gouvernement Bertrand,
avec le concours entier de l'Opposition libérale d'alors, gestes que
s'apprête, en somme, à répéter en plus vaste encore,
le présent gouvernement. Encore une fois, seule l'ignorance des faits
réels de notre histoire et la confusion répandue dans nos esprits
par plus de cent ans de propagande procanadienne sans trait d'union, de
négation donc de notre identité propre et de nos droits comme
peuple et comme nation dans l'histoire, ignorance et confusion trop
réelles, peuvent retenir au bord de l'accusation de traîtrise dans
la trahison même.
Il est évident qu'en 1969, l'anglais, langue juridiquement
établie par le projet de loi 63 comme jouissant du libre choix dans
l'enseignement, se voyait reconnaître un droit qu'elle n'avait jamais
possédé au Québec, même si, effectivement, nous
avions laissé s'exercer dans la pratique concrète ce libre choix.
Cela ne peut être nié ou démontré par aucune
argutie, sauf par celle de la fausse interprétation de l'article 133.
Quand Jean-Jacques Bertrand soutenait, en 1969, que le bill 63 ne changeait
rien, ce qui n'était même pas exact par rapport aux faits
concrets, qu'il ne faisait qu'exprimer, disait-il, une situation reconnue
depuis toujours, il faisait sans doute preuve d'une bonne connaissance de notre
faiblesse ou de notre générosité envers la minorité
anglaise au Québec, mais il faisait preuve, en même temps, d'une
bien piètre carence de sens juridique et d'une triste
méconnaissance de l'importance du droit dans les institutions d'une
nation.
Si le gouvernement actuel fait voter le projet de loi 22, qu'il
défend actuellement avec le même genre d'arguments par rapport aux
situations concrètes que les anglophones occupent dans les diverses
sphères de notre vie nationale, il fera preuve des mêmes carences
et des mêmes méconnaissances.
Il est extrêmement pénible de voir des législateurs,
et surtout en des matières constitutionnelles toujours si
délicates, montrer une pareille absence de sens juridique et de sa
portée dans l'histoire constitutionnelle d'un peuple, de voir des
législateurs donc des fabrica-teurs de droits, ne pas faire la
différence entre des situations de fait et des situations de droit,
raisonner et légiférer comme si ce n'était pas une chose
que d'avoir le droit de faire ou d'exiger quelque chose, et une toute autre que
des pratiques qui se sont développées parce qu'elles
n'étaient pas interdites jusque-là ou qu'elles étaient
tolérées.
Et voilà qu'à la faveur de confusion va se trouver mis en
jeu l'héritage culturel de tout un peuple par la transformation tout
à coup en droits garantis par un texte légal de situations qui
relèvent d'un tout autre ordre et dont la reconnaissance juridique ne
saurait s'imposer à la conscience, même la plus civilisée
qui soit.
Une situation de fait qui n'a pas de support de droit est tout
simplement une chose que la loi n'a pas réglementée, mais qui
reste toujours sujette à la réglementation. Le simple fait de
n'avoir pas interdit une chose pendant un certain temps ne saurait non plus
être confondu avec une coutume au sens juridique et donner prise à
la notion de droits acquis. Autrement, on se trouverait dans la situation
absurde de ne jamais pouvoir légiférer pour modifier un ordre
ancien.
C'est sans doute en vertu de l'idée de droits acquis qu'il y a
généralement opposition aux lois rétroactives, mais les
lois qui viennent changer une situation de fait trouvent leur fondement dans
les exigences du bien commun et de la justice. Personne ne saurait avoir des
droits acquis à perpétuer l'injustice et à violer le bien
commun. Aussi, si une législation spécifique s'impose à
l'heure actuelle au sens d'une loi constitutionnelle de base, ce n'est pas pour
ériger en droits les conséquences des abus dominateurs et le
mépris des lois des Anglo-Canadiens au Québec, mais bien pour
leur
interdire ce qui doit l'être, pour que le français soit
effectivement langue officielle.
Au Québec, nous sommes en ces matières sous le
régime du droit coutumier que décrivait le procureur York. Il
serait absurde que la conduite dominatrice d'un conquérant lui
conférât des droits acquis à perpétuer sa
domination. Ce qui fait coutume alors, ce ne sauraient évidemment
être les faits de domination du conquérant, mais bien les us et
coutumes du peuple conquis qui restent le droit du pays tant que des lois ne
les ont pas changés. Le fait que les Anglais aient continué de
parler anglais à Montréal et ailleurs au Québec, au
mépris des droits et coutumes reconnus explicitement aux Canadiens
français par George III, et que ceux-ci aient dû subir ou
tolérer ce fait par faiblesse ou générosité ne peut
évidemment pas être la source d'un nouveau droit coutumier qui
détruisait l'autre.
Or, ce que le projet de loi 22 s'apprête à faire, c'est de
détruire toute une partie de ce droit coutumier, de changer la coutume
par une loi dont le résultat en est une consolidation de droits nouveaux
au profit des anglophones. Ce que le conquérant n'osa jamais faire en
cent ans de domination coloniale, ni laisser faire en plus de cent ans de
fédéralisme dominé par les Anglo-Canadiens, voilà
que notre gouvernement français du Québec est en train d'y
procéder. C'est tout simplement aberrant !
Cet éclairage était nécessaire pour bien faire
ressortir la gravité, bien plus la véritable trahison de nos
droits les plus sacrés que constitue le projet de loi 22. Et c'est
là le troisième scandale du projet de loi 22 que nous voulons
dénoncer. Voyons en effet ce qu'il signifie en regard de notre situation
historique.
Dans un Québec, juridiquement, constitutionnellement
français, les Canadiens français ont laissé les
anglophones libres d'utiliser leur langue, de l'imposer même dans les
relations individuelles courantes du commerce et du travail et de se donner des
écoles selon leur langue. Ils ont poussé la courtoisie
jusqu'à consentir à s'imposer l'anglais dans de nombreuses
réunions, parce qu'un ou quelques Anglais ne connaissaient pas le
français. Cette situation est devenue si abusive qu'elle menace l'avenir
linguistique et culturel du Québec français. Le gouvernement du
Québec décide enfin de légiférer pour mieux
établir les obligations relatives à l'usage du français au
Québec. Mais, du même coup, il rend obligatoires aussi toute une
série de nouvelles dispositions pour garantir aux anglophones qu'ils
pourront légalement exiger le respect des pratiques abusives qu'ils ont
imposées aux Canadiens français ou qu'il faudra leur
reconnaître un droit aux services qui relèvent de la pure
courtoisie dans le cadre d'un pays normal.
Il faut dire tout d'abord que ces prescriptions en faveur de l'anglais
sont odieuses, humiliantes, outrageantes pour le peuple qué-
bécois. Pensons que pendant le dernier siècle, le gouvernement du
Québec a laissé les anglophones bafouer notre langue, nous
refuser de la reconnaître dans les relations du travail et du commerce,
sans jamais intervenir pour assurer le redressement des torts. La Greater
Montreal Protestant School Board, par exemple, a refusé, pendant des
années et des années, des écoles françaises aux
protestants français sans que le gouvernement lève même le
petit doigt pour établir la liberté de choix des parents à
la langue d'enseignement.
Mais il s'empressera de voter le projet de loi 63 pour forcer les
Canadiens français de Saint-Léonard à donner des
écoles anglaises même pas à des anglophones, mais à
des citoyens de descendance italienne. Et maintenant qu'il songe à
protéger un peu plus les droits du français par des lois
écrites, il se croit obligé d'anticiper, par tout un appareil
légal, les présumées vexations dont des anglophones
pourraient risquer d'être victimes dans l'exercice par les
Québécois de leur droit au français. H y a là une
insulte publique jetée à la face de la nation
québécoise qui est complètement intolérable.
Pourquoi le gouvernement de Québec ne pratique-t-il pas à
l'endroit des relations de francophones à anglophones les mêmes
attitudes incitatrices qu'il estime normal d'appliquer à ceux qui nous
ont opprimés dans nos droits linguistiques en ce siècle de
Confédération?
Enfin, le quatrième scandale de ce projet de loi 22, c'est qu'au
plan constitutionnel, le gouvernement ne paraît pas se rendre compte que
ce qu'il fait aboutit à élargir, donc bien loin de la
restreindre, la portée de l'article 133 de l'AANB. Après tous les
débats de ces dernières années, la signification des
luttes poursuivies, les promesses même du gouvernement d'une
législation qui réglerait la question de la permanence du
français au Québec, le projet de loi 22 donne l'impression que
nous vivons dans un monde de fous, où nos gouver-nents, à la
solde d'on ne sait trop quel pouvoir extérieur à nous, ne font
que se moquer de la population.
L'article 133 original limitait aux points suivants la place de
l'anglais au Québec: Droit de parler anglais à l'Assemblée
et rédaction en anglais des procès-verbaux et des lois; droit de
plaider en anglais devant les tribunaux.
Par le projet de loi 22, les habitudes suivantes deviennent garanties
comme des droits en addition à l'article 133: 1 obligation morale
de fournir des versions anglaises des documents officiels (article 2
obligation aux municipalités qui le font déjà et dont 10
p.c. des administrés sont de langue anglaise de continuer à
rédiger leurs textes et documents officiels en anglais; la version
anglaise étant alors aussi authentique que la française
obligatoire (article 9); 3 obligation pour l'administration publi-
que d'accepter de toute personne, même morale, qu'elle s'adresse
à elle en anglais (article 11); 4 l'anglais, langue officielle
à égalité du français dans les organisations
municipales et scolaires dont les administrés sont en majorité de
langue anglaise (article 13); 5 possibilité reconnue juridiquement
de pouvoir être unilingue anglais dans les postes administratifs du
gouvernement (article 14); 6 droit de parler anglais en assemblées
délibérantes, non plus seulement à l'Assemblée
nationale, comme dans l'article 133, mais ainsi partout dans l'administration
publique (article 15); 7 droit de rédiger en anglais
également les contrats conclus au Québec avec l'administration
publique (article 17); 8 obligation morale créée aux
entreprises d'utilité publique et de transport, et aux corps
professionnels de fournir une version anglaise des avis, communications,
formulaires et imprimés destinés au public (article 20); 9
obligation morale aux employeurs de donner en anglais leurs avis,
communications et directives lorsque leur personnel est en partie de langue
anglaise (article 24); 10 droit conféré à une
majorité simple de salariés syndiqués présents
à une assemblée de négocier en anglais et de
rédiger les conventions collectives en anglais, avec version
française seulement obligatoire (article 26); 11 droit de libre
choix entre l'anglais et le français pour la formulation des griefs
(article 28) et des procédures qui les accompagnent (article 29);
12 droit d'obtenir la rédaction en anglais comme en
français des contrats d'adhésion, des contrats où figurent
des clauses de style imprimées, ainsi que les bons de commande, les
factures et les reçus imprimés (article 39); 13 droit de
tout consommateur d'exiger un contrat d'achat en anglais; 14 droit pour
les commissions scolaires de donner l'enseignement en langue anglaise, si elles
ont déjà commencé à le faire, avec interdiction de
cesser de le faire ou de commencer à le faire si elles ne le font
déjà, sans l'autorisation du ministre.
Insistons sur le vrai tableau qui se dégage maintenant: Avant le
bill 22 et le bill 63, le français a seul, de droit coutumier, tous les
droits partout, sauf à s'opposer à l'exercice par les anglophones
des points limités prescrits par l'article 133 de l'AANB. Par le bill 22
qui prétend affirmer la primauté du français, celui-ci
doit au contraire reculer, en droit, devant toute la série des exigences
que les anglophones seront dorénavant en droit de faire valoir et nous
obliger à respecter.
Le Mouvement Québec français ne saurait assez dire, ni
dire assez fort qu'il s'oppose formellement à toute addition de droits
nouveaux à ceux qui sont conférés aux anglophones dans
Québec par l'article 133, sauf en ce qui concerne les questions
scolaires au sujet desquelles le Mouvement Québec français
accepte, il commence à le croire beaucoup trop
généreusement, l'amendement du bill 63 selon les clauses qu'il
vous a soumises dans son projet de loi no 2.
La situation courante démontre déjà qu'au
Québec, en dépit du caractère très limitatif de
l'article 133, l'anglais a pu s'assurer une place plus que confortable sans
aucune de ces garanties légales auxquelles les anglophones n'ont pas
droit. Les clauses scolaires que nous acceptons à leur profit sont
déjà plus généreuses que celles que leur
congénères des autres provinces accordent aux minorités
francophones. Si les anglophones du Québec veulent y conserver leurs
caractéristiques propres, les clauses scolaires précitées
leur en fournissent tous les moyens. Quant au reste, le Mouvement Québec
français ne veut entendre parler d'aucune clause légale assurant
des droits à l'anglais, que les anglophones apprennent à se
comporter envers nous avec la courtoisie qui sera de nature à engendrer
de notre part une attitude généreuse à leur
égard.
Si on passe du point de vue droit au point de vue pratique, qu'est-ce
que gagne effectivement le français dans le projet de loi 22? En fait,
les articles qui veulent préciser la signification de l'article 1 ne
déclarent devoir être français que ce qui l'est
déjà:
Article 8: documents de l'administration publique;
Article 9 : documents des institutions municipales et scolaires à
plus de 90 p.c. français;
Article 12: langue interne de l'administration publique;
Article 14: connaissance du français pour l'admission et la
promotion dans l'administration publique, avec exception quand même
permise pour des unilingues anglais s'ils ne sont pas en contact avec le
public;
Article 16: traduction en français des jugements prononcés
en anglais.
Dans tout ce domaine de l'administration publique, on ne fait
guère qu'affirmer par le détail une situation de droit que
proclame l'article 1 et qui est déjà pratique courante.
L'énumération ne fait, en définitive, qu'affaiblir la
portée de l'article 1, vu que le tout est assorti de la série des
droits créés à l'anglais pour nous rendre obligatoire ce
que nous avons déjà concédé par courtoisie ou subi
par domination.
La portée du projet de loi est plus significative en ce qui
concerne les entreprises d'utilité publique et les professions, mais
toujours au prix de droits nouveaux créés en faveur de l'anglais.
Et c'est la même chose, en beaucoup plus limité, dans le domaine
de la langue de travail, mais toujours au prix de la création de droits
nouveaux pour les anglophones. Tout ce que le français peut gagner
concrètement de la loi reste du domaine de l'hypothétique, et
d'autant plus incertain que la loi ne prévoit aucune sanction contre
ceux qui y contreviendraient, sauf en ce qui concerne les malheureux
employés de l'Office de la langue française qui pourraient se
rendre coupables d'indiscrétion.
Aussi bien, le Mouvement Québec français
tient à dire solennellement qu'il n'acceptera jamais, pas plus
qu'il n'a accepté la première version du bill 63, cette nouvelle
version d'une même veine qui étend cette fois la règle du
"libre choix juridique" à tous les domaines de la vie
québécoise. Même si la loi est votée, nous refusons
d'avance de la reconnaître au nom de toutes les couches de la population
que nous représentons. L'esprit qu'elle véhicule et la
construction en sont si mauvais que nous demandons, quant à nous, le
retrait pur et simple, et immédiat, du bill et la présentation
à l'Assemblée nationale, dès le début de l'automne
prochain, d'un texte nouveau, vraiment conforme aux aspirations de notre
nation.
Nous voulons ajouter quelques mots sur la partie de la loi qui concerne
l'enseignement. Par l'article 118 du bill 22, le gouvernement abroge purement
et simplement le bill 63. Et il se prépare sans doute à faire
fond sur cette suppression radicale pour prétendre qu'il a
réglé la question.
Mais la réalité est bien différente, car l'article
48 montre que l'article 118 ne constitue qu'une parodie d'abolition du bill 63
pour y substituer l'équivalent. L'article 48 nous répète
d'ailleurs la même comédie que nous avait jouée le bill 63:
"L'enseignement se donne en français dans tout le système
scolaire... mais il peut aussi bien se donner en anglais au gré des
parents". C'est le genre de formulation qui permet de pratiquer l'art des
citations tronquées pour tromper les électeurs au cours des
campagnes électorales. On a dit que, dans tout le système
scolaire, l'enseignement se donne en français.
L'article 48, de même, prescrit que "l'enseignement se donne en
langue française dans les écoles régies par les
commissions scolaires..." Mais c'est tout de suite après pour dire qu'il
se donne finalement en français ou en anglais. Le principe des deux
langues officielles dans le régime scolaire est donc maintenu. Il est
inacceptable et formellement contradictoire de l'article 1, en fonction duquel
il ne serait censé n'y avoir qu'une seule langue officielle au
Québec. L'histoire des tests de contrôle de la capacité de
suivre les classes de l'une ou l'autre école est de nature
pédagogique et n'a rien à voir avec le problème
fondamental en cause. Quant aux pouvoirs de décision que se
réserve le ministre, il ne saurait y avoir de domaine où le
principe en soit moins acceptable. On ne place pas une mesure qui relève
du droit constitutionnel et des droits fondamentaux de tout un peuple ou des
minorités dans les mains d'un ministre.
Les articles qui concernent tous ces points font toujours foi de la
confusion qui existe dans les esprits gouvernementaux entre situation de droit
et situation de fait. Ce que la loi règle par la remise à
l'arbitraire du ministre, ce sont les situations de fait: Laissera-t-on telle
commission scolaire commencer à établir les classes anglaises ou
cesser d'en tenir? Laissera-t-on tel ou tel enfant francophone s'inscrire dans
une classe anglaise, et à quelles conditions? Mais cela même
suppose que la langue anglaise est aussi officielle dans notre système
scolaire que la langue française. Cela est inadmissible.
La seule primauté que la loi accorde au français, c'est
d'y obliger les enfants d'immigrants qui ne savent ni le français ni
l'anglais. Or, dans le cadre du reste de la loi, cet article 49 devient alors
tout simplement odieux. Finalement, le premier énoncé de
l'article 48 quant à la place du français dans l'enseignement au
Québec ne s'applique vraiment et totalement qu'à ceux qui ne
connaissent ni l'une ni l'autre des deux langues, ainsi
considérées comme les deux langues officielles de notre
système d'enseignement. A défaut de l'existence d'un
système général français qui s'applique
rigoureusement à tous, avec liberté de choix pour des classes
anglaises à des minorités bien définies seulement, on
prive les immigrants de cette catégorie d'un droit qu'on accorde
à tous les autres citoyens ou non-citoyens sans autre distinction que
celle-là. Cela aussi est inadmissible.
Le Mouvement Québec français vous a déjà
indiqué dans un projet de loi type les changements qu'il attend à
la situation créée par le bill 63. C'est là un minimum sur
lequel aucun compromis n'est possible. De plus en plus, nous devenons chaque
jour plus conscients que la difficulté à accepter ces
propositions vient de ce que nous retenons l'existence de classes anglaises
auxquelles ensuite tout le monde voudrait avoir accès. Si la situation
ne se dénoue pas prochainement, il nous faudra avant longtemps
considérer que la seule solution compatible avec la vie normale de
l'Etat français du Québec serait la solution normale de toutes
les nations normales, une seule école dans la langue nationale et la
disparition complète de toute école ou classe anglaise publique,
en tenant compte d'une période d'années d'adaptation pour ne pas
engendrer de malaises indus à ceux qui fréquentent
déjà l'école anglaise.
Conclusion. Le Mouvement du Québec français avait
demandé, premièrement, que le français soit
proclamé seule langue officielle au Québec par amendement
constitutionnel; deuxièmement, que le bill 63 soit amendé de
façon à n'accorder l'école anglaise qu'aux seuls
véritables anglophones; troisièmement, que l'article 133 de
l'AANB soit amendé pour que les droits minoritaires soient
transférés de cet article constitutionnel à une loi
ordinaire.
Or, le bill 22 ne fait rien de tout cela. Au lieu de s'inspirer de la
tradition française, laquelle pose surtout les principes du droit, on
nous donne plutôt, selon les habitudes juridiques britanniques, une loi
de type statutaire qui procède par 1'énumération de cas
particuliers, de sorte que les droits du français deviennent
limités par les droits particuliers qui donnent droit de cité
à l'anglais. Il ressort de tout cela que si le français est
langue officielle en vertu de l'article 1, l'anglais le sera à peu
près autant par la vertu de l'ensemble de la loi.
Or, l'utilité d'une loi du français langue officielle ne
venait pas de ce que le français avait besoin de se faire donner des
droits nouveaux, il les avait déjà à peu près tous,
mais de ce qu'il était devenu nécessaire de
légiférer pour clarifier cette situation par du droit
écrit. C'est donc une idée saugrenue que celle qui a
présidé à la rédaction du présent projet de
loi de profiter de la situation pour élaborer de toutes pièces
une charte nouvelle des droits de l'anglais au Québec de telle sorte que
celui-ci deviendra juridiquement plus bilingue qu'il ne l'a jamais
été. Le Mouvement Québec français ne peut, dans les
circonstances, que dénoncer une telle entreprise et vous dire que si le
projet de loi n'est pas retiré, il fera tout en son pouvoir pour obliger
le gouvernement à se montrer plus respectueux des droits et des
libertés du peuple québécois.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je remercie M. Angers. Je
répète encore la disposition du règlement de
l'Assemblée nationale qui exige que le public ne manifeste d'aucune
façon, et je demanderais la collaboration de tous. J'aimerais aussi
demander une directive à la commission notez que la
présentation a duré, à toutes fins pratiques, 55 minutes
que la commission décide du temps qui sera alloué pour la
période des questions qui doit être répartie entre les
partis. Est-ce que quelqu'un pourrait m'éclairer?
M. CHARRON: Je voudrais entendre la proposition du ministre.
M. CLOUTIER: M. le Président, compte tenu du fait qu'il y a un
autre groupe qui a droit à sa présentation et qu'il faut compter
20 minutes plus 40 minutes pour l'autre groupe, le solde me paraîtrait
pouvoir être affecté au Mouvement Québec français,
ce qui nous mènerait au maximum jusqu'à dix heures, ce qui
constitue un allongement de la période normale.
M. ROY: Une vingtaine de minutes. Il est évident qu'une vingtaine
de minutes pour poser des questions à la suite d'un mémoire aussi
élaboré, ça nous place dans une situation dans laquelle il
va nous falloir des choix extrêmement limités.
M. CLOUTIER: C'est exact, M. le Président, c'est le choix du
Mouvement Québec français qui a préféré lire
son mémoire, lequel se tient et apporte une argumentation
complète.
M. ROY: II a tenu à le lire mais à notre demande, parce
que nous avons demandé tout à l'heure...
M. CLOUTIER: A notre demande, la commission était d'accord.
M. ROY: Moi, j'aimerais bien qu'on définisse quand même une
certaine période de temps pour chacun des partis.
M. CLOUTIER: II y a vingt minutes, ce qui donne, suivant l'entente
acceptée par l'Opposition, moitié moitié, moitié
pour le parti ministériel et moitié pour l'Opposition.
M. CHARRON: M. le Président, on a voulu depuis le début
fonctionner avec le plus de souplesse possible. Je pense que pour les deux
derniers organismes entendus avant le Mouvement du Québec
français, nous n'avons même pas employé tout le temps que
nous avions pour le faire dans la parfaite connaissance du travail que cette
commission a à faire au cours des prochains jours. Mais il reste que
ç'a été une décision gouvernementale que de nous
placer à un tel endroit de nos travaux de la commission l'étude
du mémoire du Mouvement Québec français.
Je ne veux en sous-estimer aucun je serais mal placé pour
le faire, parce que j'ai été impressionné par plusieurs
des mémoires déjà signalés mais s'il est un
mémoire que cette commission attendait et, je pense, le ministre de
l'Education aussi bien que les représentants de l'Opposition, c'est
celui du Mouvement Québec français qui s'est fait, plus que
n'importe quel autre groupe, le porte-étendard de cette question.
Nous devons entendre par la suite le Mouvement national des
Québécois. Si nous pouvons entendre ce soir, à la suite de
nos questions, la lecture du mémoire du Mouvement national des
Québécois, procédons demain matin, dès l'ouverture
des travaux, à la période des questions du Mouvement national des
Québécois.
M. CLOUTIER: Ceci est totalement impossible, M. le Président.
M. CHARRON: Pourquoi ceci est-il totalement impossible?
M. CLOUTIER: Parce qu'il y a d'autres organismes qui sont
convoqués. Le secrétariat de la commission doit quand même
fonctionner et, si nous commençons à décaler les
organismes, même si j'ai toujours montré la plus grande ouverture
et je continue de la montrer... Maintenant, j'ai peut-être une suggestion
qui peut vous aider à sortir de l'impasse. Je constate que le
président directeur général du Mouvement national des
Québécois, qui doit venir après, est en ce moment le
voisin immédiat, si je ne me trompe, du président du Mouvement
Québec français. On peut peut-être déduire que les
positions sont à peu près les mêmes. Est-ce qu'il ne
pourrait pas y avoir entente entre les deux groupements?
M. CHARRON: Ce n'est pas à eux de faire entente. M. le
Président, je reviens sur cette
question de règlement, encore une fois d'une façon
très modérée, et sans chercher à envenimer le
débat. Je pense qu'on aborde une question qui est importante et qui ne
doit pas être tranchée à la légère. Le
ministre nous dit que c'est absolument impossible de remettre à demain
matin la période de questions que nous aurions avec le Mouvement
national des Québécois. Il dit cela parce que lui nous impose
à chaque matin une liste de témoins en nous disant: C'est cela
aujourd'hui, ils passent tous et ils doivent tous passer avant onze heures.
C'est impossible; le ministre à ce moment profite déjà
d'un pouvoir discrétionnaire qui n'avantage pas les travaux de la
commission.
M. CLOUTIER: Désolé, M. le Président. M. CHARRON:
C'est vous...
M. CLOUTIER: II y a un règlement et ce règlement est
très, très clair. Nous l'avons interprété largement
de manière à donner le plus de temps possible aux organismes et
je suis encore d'accord pour le faire.
M. CHARRON: Mais je suis convaincu, M. le Président, que, par
exemple, une préparation judicieuse de notre travail d'aujourd'hui
aurait voulu que ce soir, nous ayons uniquement le Mouvement Québec
français.
M. CLOUTIER: Ce n'est pas juste, M. le Président.
M. CHARRON: Et que vous l'ayez...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!
M. CLOUTIER M. le Président, je m'excuse quelle
justice envers les autres organismes? J'ai le plus grand respect pour tous les
organismes qui se présentent ici sans distinction et je crois qu'il y a
un règlement qu'il faut tout de même appliquer même si on
l'interprète largement, comme nous l'avons toujours fait.
M. ROY: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Si vous permettez, M. Jacques semblait
prêt à donner une réponse à la suggestion du
ministre...
M. JACQUES: Mais écoutez, à votre suggestion, M. le
ministre, je peux vous dire qu'en ce qui nous concerne, nous n'avons absolument
aucune objection à revenir demain matin ou même d'ici quelques
jours pour vous présenter notre point de vue.
M. CLOUTIER: Ce n'est pas ma suggestion, parce que nous avons
déjà, à cause de nos règlements, convoqué
des organismes plusieurs jours à l'avance. Et dans toutes les
commissions parlementaires, c'est ainsi qu'on procède, on termine les
organismes à entendre le jour même. Ma suggestion était
tout simplement peut-être que vous pourriez envisager, étant
donné que vous faites déjà partie de cet organisme qu'est
le Mouvement Québec français, de réduire votre temps,
à la suite d'un accord.
M. JACQUES: Oui, sauf que nous envisageons peut-être le
problème d'un autre point de vue, d'autres aspects que nous voulons
soulever dans notre mémoire.
M. CLOUTIER: Peut-être pourriez-vous à ce moment-là
déposer votre mémoire dont nous prendrons connaissance?
M. MORIN: M. le Président, je regrette, nous voulons avoir tout
le loisir d'interroger aussi bien cet organisme que le Mouvement Québec
français.
M. CLOUTIER: Ne perdez pas de temps, il reste un quart d'heure avant dix
heures.
M. MORIN: Je tiens à dire ceci. Le ministre invoque le
règlement, mais il oublie qu'il est intervenu un accord entre les divers
partis sur l'emploi du temps et il a été convenu que, sans
dépasser les bornes du raisonnable, nous ferions preuve de souplesse
lorsque, à l'occasion, il se présenterait des mémoires
plus substantiels que d'autres. Or c'est bien à ma connaissance
et je pense que le ministre n'en disconviendra pas le mémoire le
plus substantiel qui nous ait été soumis depuis le début
de nos sessions.
M. CLOUTIER: Je ne porte pas...
M. MORIN: En tout cas, l'un des plus substantiels.
M. LOUTIER: Je ne porte pas de jugement de valeur, parce que, je vous
l'ai dit, pour moi, tous les organismes sont aussi importants et tous les
mémoires qui ont été présentés
méritent autant de respect.
M. MORIN: Autant de respect, mais ils ne sont...
M. CLOUTIER: II ne faut pas...
M. MORIN: ... pas tous aussi substantiels.
M. CLOUTIER: ... qu'un parti politique, parce qu'un mémoire
semble lui donner raison sur certains plans...
M. MORIN: Non, il n'est pas question de cela. M. le Président,
vraiment j'en voudrais au
ministre s'il commençait à me prêter des intentions
comme celles-là.
M. CLOUTIER: II me semble que l'on m'en prête en ce moment,
alors...
M. MORIN: M. le ministre, n'est-il pas vrai que nous avons
accordé à des organismes anglophones, qui nous ont fait l'honneur
de nous envoyer une lettre d'une page, une heure, une heure et quart, une heure
et demie?
M. CLOUTIER: C'était votre choix. Je n'ai posé qu'une
courte question. J'ai peut-être une autre suggestion. Nous pourrions
prolonger après onze heures.
M. MORIN: Cela, c'est déjà mieux.
M. CLOUTIER: II ne peut pas y avoir d'autre formule. Je veux bien
montrer, par cette recommandation, que je ne cherche pas du tout à
restreindre la discussion, mais je suis obligé de tenir compte, en toute
justice, des autres organismes et s'il était possible d'aller
jusqu'à 11 h 15, cela nous donnerait peut-être une demi-heure pour
conduire notre discussion.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Beauce-Sud sur la
question de règlement.
M. ROY: Sur le point de règlement, M. le Président, au
tout début, la semaine dernière et je me
réfère à une discussion que nous avions eue et à
une décision que nous avons prise nous avions fait
référence à d'autres commissions parlementaires qui ont
siégé pour des questions importantes, mais non moins importantes
que celles que nous discutons à l'heure actuelle, des commissions
parlementaires auxquelles j'ai participé. Nous avons même, pendant
deux heures ou trois heures, interrogé le même organisme. Nous
avions relevé ce fait la semaine dernière, il avait
été discuté que, à la lumière des
événements et au fur et à mesure que se
dérouleraient les travaux de la commission, on pourrait juger chaque cas
à son mérite. A ce moment-là, je prends les paroles
mêmes du ministre "chaque cas à son mérite".
Nous avons ce soir et ce n'est pas l'Opposition, ni le Parti
québécois, ni le Parti créditiste qui a la
responsabilité de convoquer les associations devant la commission
parlementaire deux mémoires extrêmement importants
je ne parle pas au nom du Parti québécois pas plus qu'au nom du
Parti libéral tous les deux. Il y a le Mouvement Québec
français. Je ne veux pas faire de discrimination, mais tout le monde
doit quand même admettre son caractère de
représentativité. Nous avons aussi le Mouvement national des
Québécois. Personne n'ignore au Québec que ces deux
organismes ont toujours accordé une importance capitale, une
priorité aux questions fondamentales qui sont à l'étude
présentement. J'estime qu'il serait normal...
M. CLOUTIER: C'est un discours.
M. ROY: M. le Président, je n'ai pas abusé de mon droit de
parole jusqu'à maintenant. J'estime qu'il serait normal à ce
moment-ci que s'il faut qu'un organisme revienne demain matin devant la
commission parlementaire pour que nous puissions l'interroger, on prenne le
temps d'étudier ces questions, d'étudier ces mémoires.
M. CLOUTIER: M. le Président...
M. ROY: J'ai dit, et je ne veux pas aller au fond de la question, que
nous avons une question fondamentale actuellement à l'étude. Pour
ma part, je ne voudrais pas être limité à poser deux
questions de deux minutes chacune.
M. CLOUTIER: M. le Président, il ne peut pas être question,
je le regrette, de reconvoquer cet organisme demain matin. Ceci, c'est par
respect pour les autres organismes, indépendamment du fait que notre
règlement est clair à cet égard.
En revanche, je suis prêt à allonger, si c'est le
désir de la commission, la période de ce soir aussi longtemps
qu'on le souhaitera, à la condition que cela reste dans des limites
raisonnables. Qu'on me fasse des suggestions!
UNE VOIX: Onze heures trente.
M. CLOUTIER: La suggestion que l'on fait paraît raisonnable.
M. MORIN: Tout à l'heure, M. Léo Jacques a indiqué
qu'il serait prêt à revenir non pas demain matin, comme vous venez
de le suggérer, mais peut-être à une autre date. Est-ce que
ce ne serait pas une solution?
M. CLOUTIER: Non, M. le Président, parce que le problème
va se poser...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!
M. MORIN: Mais on parle de respect des organismes qui se
présentent devant nous. Je pense qu'on devrait commencer par respecter
celui qui vient de nous soumettre un mémoire d'une très haute
qualité.
M. CLOUTIER: Nous lui donnons tout le temps nécessaire si nous
siégeons jusqu'à onze heures trente. Nous avons encore beaucoup
plus de temps que ce que nous avons consacré à la plupart des
organismes. Je ne crois pas que ce soit un manque de respect.
M. VEILLEUX: M. le Président, quant à moi, j'abonde dans
le sens du ministre de l'Education. Je regardais la liste de ceux qui ont
à se présenter prochainement. Hier, notamment, la Centrale de
l'enseignement du Québec s'est présentée. La CSN ou des
filiales de la CSN auront à se présenter, la FTQ, la
Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, l'Association des
professeurs de Montréal viendront aussi. Si
on prend une demi-heure ou trois quarts d'heure avec le Mouvement
Québec français et la dernière heure avec le Mouvement
national des Québécois, je pense que cela nous permettra de poser
des questions. Si on n'a pas terminé avec eux, on pourra les poser aux
organismes qui sont membres du Mouvement Québec français. On les
leur posera à ce moment-là.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, si vous permettez, je me sens
passablement éclairé, sauf que je n'ai pas encore l'heure
à laquelle nous finirons. Il faudrait peut-être quelqu'un pour en
faire une motion.
M. MORIN: Mais, M. le Président, je voudrais poser une question:
Est-ce que le ministre peut nous assurer que nous allons entendre les
organismes qui viennent d'être mentionnés par le
député de Saint-Jean?
M. OSTIGUY: M. le Président, je voudrais faire une motion afin
que nous siégions jusqu'à onze heures trente ce soir.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que cette motion...
M. BURNS: M. le Président, sur une question de règlement.
Je pense que cette motion n'est pas recevable. Vous n'avez pas le droit
actuellement, c'est bien dommage, vous êtes obligés de
siéger aux heures de la Chambre, c'est tout.
UNE VOIX: C'est cela.
M. BURNS: Si vous faites une motion pour siéger en dehors des
heures de la Chambre...
M. MARCHAND: II vous reste dix minutes.
UNE VOIX: On est obligé de siéger aux heures de la
Chambre?
M. CLOUTIER: Alors, je suis désolé. Nous avons fait notre
possible.
M. BURNS: Non, écoutez...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!
M. MARCHAND: Le leader parlementaire refuse au mémoire
d'être reçu.
M. BURNS: M. le Président, je veux qu'on s'entende bien. On va
rétablir un certain nombre de faits. Je pense qu'on a eu une
réunion préliminaire, le ministre de l'Education, le leader
parlementaire du gouvernement, un des responsables de l'Opposition à
cette commission, soit le député de Saint-Jacques, le leader de
l'Opposition, le Président de l'Assemblée nationale, le
député de Beauce-Sud, le député de Gatineau, qui
préside, le député de Roberval, qui est
vice-président de l'Assemblée nationale et qui, à
l'occasion, vient présider cette commission. Je pense qu'il y a une
chose qui a été clairement établie et je pense que je
peux, même si les débats n'ont pas été
enregistrés, citer presque verbatim ce que nous avons dit. Cela a
été que lorsqu'il est évident qu'un mémoire ne peut
pas se traiter à la légère, et je me souviens le
ministre de l'Education pourra m'endosser là-dessus que j'ai
même dit: Lorsqu'il y a un mémoire au sujet duquel il est
évident qu'on ne peut le régler du revers de la main à
l'intérieur d'une heure, on va mettre une certaine flexibilité
dans les règlements.
M. CLOUTIER: Ce que nous avons fait jusqu'à maintenant.
M. BURNS: Ce que j'entends jusqu'à maintenant, écoutez,
même si je ne suis pas ici, je l'entends parfois de mon bureau par
l'entremise de la transmission directe, ce que j'entends depuis le début
: Vos 20 minutes sont finies, vos 40 minutes sont finies, l'heure est finie.
Ecoutez...
M. CLOUTIER: C'est votre parti qui a accepté cela, la suggestion
50-50.
M. BURNS: Non, ce que le chef de l'Opposition vient de vous dire, c'est
que vous avez un mémoire d'une importance telle qu'on pense qu'on doive
s'y arrêter. Je vous ai dit, également, M. le ministre de
l'Education, lors de cette rencontre, que si vous, vous avez
décidé, pour des raisons stratégiques ou autres qui vous
appartiennent, de bâcler l'audition...
M. CLOUTIER: Pardon! Pardon!
M. BURNS: Je vous ai dit cela, M. le ministre.
M. CLOUTIER: Des raisons stratégiques... C'est vous actuellement
qui faites perdre le temps...
M. BURNS: Si vous avez décidé de bâcler l'audition
des mémoires, c'est votre problème. L'Opposition en tout
cas, en ce qui concerne le chef de l'Opposition et le député de
Saint-Jacques, et j'ai eu connaissance que le député de
Beauce-Sud m'en ait parlé à certaines occasions partage
notre opinion là-dessus.
M. CLOUTIER: M. le Président...
M. BURNS: Nous voulons, en ce qui nous concerne, entendre toutes les
parties qui sont intéressées à nous dire quelque chose
là-dessus. Est-ce clair une fois pour toutes qu'on puisse dire qu'on va
entendre les gens le temps qu'ils ont des choses à nous dire? On vous a
même dit, M. le ministre je vous le demande encore
une fois, je vous prends à témoin qu'il
n'était pas question, en ce qui nous concernait, lorsqu'un
mémoire, parce qu'il s'attaquait à un point particulier,
d'utiliser une heure. Si, évidemment, il y avait un point...
M. CLOUTIER: Si nous perdions moins de temps en débats de
procédure. C'est la première fois d'ailleurs...
M. BURNS: Ne venez pas me dire que je perds du temps.
M. CLOUTIER: ... que cela se produit.
M. BURNS: C'est la première fois que je viens à votre
"moses" de commission.
M. CLOUTIER: Oui, mais je ne suis pas tout à fait sûr qu'il
y ait intérêt à ce que vous reveniez.
M. BURNS: Ne me blâmez pas! Je vais venir plus souvent, cela m'a
l'air, de la façon que cela marche...
M. CLOUTIER: Ecoutez, M. le Président, soyons sérieux
!
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!
M. CLOUTIER: Non seulement avons-nous montré le plus de souplesse
possible, c'est que nous ne convoquons même pas, contrairement à
ce qui se fait dans les autres commissions parlementaires, un groupe à
l'heure comme le règlement nous le demande. Nous nous sommes
donné un battement d'une heure. En fait, nous avons pu entendre hier la
CEQ pendant une très longue période, parce qu'il s'est
trouvé qu'un groupe ne s'est pas présenté. Mais je ne vois
pas comment une commission parlementaire peut fonctionner de manière
efficace si on ne procède pas comme nous avons procédé
depuis le début, avec le maximum de souplesse. Alors, pour ma part, je
suis d'accord à procéder.
M. ROY: M. le Président, ce n'est pas la première fois que
la commission parlementaire siège et qu'il y a une commission
parlementaire qui reçoit des organismes. On a procédé
ailleurs. Je l'ai dit et je l'ai répété tout à
l'heure. Il y a eu l'étude de la Loi 45; il y a eu le code des
professions. On a pris le temps nécessaire. Qu'est-ce qui presse tant
aujourd'hui pour qu'on ne prenne pas le temps de questionner...
M. CLOUTIER: Rien ne presse. M. ROY: ... les gens...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!
M. ROY: ... suite aux ententes que nous avions prises, lors des
discussions que nous avons eues.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous plait!
M. ROY: Je ne dis pas que nous avions eues, mais lorsque nous nous
sommes rencontrés pour faire le point et tâcher d'en venir
à un arrangement qui permettrait à tout le monde de pouvoir se
faire entendre, et qui nous donnerait le temps nécessaire de poser les
questions qu'on a l'intention de poser.
M. CLOUTIER: M. le Président, nous avons effectivement fait une
entente qui portait sur les heures de début et de fin des commissions.
Nous avons également dit que nous mettrions le maximum de souplesse, ce
que nous avons fait depuis le début.
Mais nous ne pouvons pas préjuger, lorsqu'on convoque les
organismes, de l'intérêt que l'Opposition ou que le parti
ministériel pourra porter à tel mémoire ou à tel
autre mémoire. Nous nous sommes donné aujourd'hui un battement
d'une heure. Tous les organismes se sont présentés, ce qui n'a
pas été le cas hier. Alors, je ne vois pas comment nous pouvons
procéder autrement. Il n'y a aucune urgence. Nous fonctionnons à
un rythme qui est parfaitement raisonnable et je souhaiterais que l'on entende
cet organisme. Si les instructions de la Chambre nous obligent à lever
la séance à onze heures, nous lèverons la séance
à onze heures.
M. BURNS: Ce qu'on vous demande, M. le ministre, c'est seulement de ne
pas être nerveux. C'est seulement ce que nous vous demandons.
M. CLOUTIER: C'est un peu facile. M. BURNS: Non. Je suis bien
sérieux.
M. CLOUTIER: Je ne crois pas avoir été très nerveux
depuis le début de ces...
M. BURNS: Non, mais on vous dit tout simplement qu'il y a des
mémoires, vous avez des gens comme le...
M. CLOUTIER: Vous faites perdre le temps à ce groupe.
M. BURNS: Non. Nous ne faisons pas perdre le temps.
M. CLOUTIER: Cela sera votre problème.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !
M. SAINT-GERMAIN Cela fait 25 minutes...
M. BURNS: M. le Président, j'étais en train de dire au
ministre que ce que nous voulons...
M. CLOUTIER: On le sait ce que vous voulez. C'est de gagner le plus de
temps possible.
M. BURNS: Pas du tout. La meilleure preuve que cela n'est pas vrai,
c'est qu'on a accepté de siéger le lundi, qu'on s'est
forcé, qu'on s'est fendu...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!
M. BURNS: ... vous savez quoi pour siéger le vendredi...
M. TARDIF: Nommez-le!
M. BURNS: Est-ce que c'est quelque chose cela? Est-ce que c'est un
désir de faire avancer les travaux de la commission?
M. CLOUTIER: Ce qui s'est passé ici avant que vous n'arriviez
à la commission, vous avez l'air de venir d'une commission
où...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!
M. BURNS: Je suis allé entendre les "con-neries" du ministre du
Tourisme, de la Chasse et de la Pêche en bas.
M. CLOUTIER: C'est ce qui vous a énervé. Alors, on
écoute le groupe.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que la commission donne son
consentement unanime pour siéger en dehors des heures de
l'Assemblée nationale?
M. TARDIF: Jusqu'à 11 h 30.
LE PRESIDENT (M. Gratton): ... la première question que j'avais
posée à la commission.
M. CLOUTIER: Très volontiers.
M. TARDIF: Oui, nous sommes d'accord.
M. CLOUTIER: On m'a toujours dit que la commission pouvait
décider cela. Il ne faudrait pas que ce soit le leader qui s'y
oppose.
M. BURNS: Je n'ai pas à m'y opposer. Je vous dis tout simplement:
Continuez les travaux. Je vous suggère bien humblement, bien
respectueusement, de continuer les travaux normalement et lorsqu'on sera rendu
à 10 h 55...
M. MARCHAND: C'est le leader du parti séparatiste qui va conduire
l'Assemblée nationale.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!
M. CLOUTIER: Lorsque nous serons rendus à 10 h 55, nous
reposerons le problème. Est-ce que cela signifie que nous allons
recommencer le débat?
M. BURNS: Ce n'est pas cela que je vous dis. Je vous dis qu'en
théorie vous n'avez pas le droit de siéger. Je vous donne mon
humble opinion.
LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est exact.
M. BURNS: En théorie, vous n'avez pas le droit de siéger
après 11 heures à moins du consentement. S'il reste cinq ou dix
minutes pour terminer l'audition d'un mémoire, je pense bien que mes
collègues de l'Opposition n'auront pas objection à vous donner ce
consentement. Ce que nous ne voulons pas actuellement, c'est qu'on se bouscule
l'un l'autre et, par respect pour les gens qui sont venus ici, qu'on les
bouscule en leur disant: Dépêchez-vous parce qu'on va s'imposer de
siéger jusqu'à 11 h 30 et il y en a un autre qui attend. C'est
cela que nous ne voulons pas que vous disiez aux gens qui viennent ici.
M. CLOUTIER: Nous n'avons jamais dit cela.
M. BURNS: Surtout quand il s'agit de gens comme le MQF.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!
M. MORIN: Si vous permettez, sur un point de privilège. C'est la
seconde fois aujourd'hui que le ministre insinue ou même déclare
que nous tentons de faire de l'obstruction. Si nous avions voulu faire de
l'obstruction, je puis assurer le ministre que nous n'aurions pas encore
entendu cinq mémoires. Parce que le ministre, visiblement, ne sait pas
ce qu'est de l'obstruction, il le saura peut-être plus tard, au cours de
cet été. En ce moment...
M. CLOUTIER: Je prie l'opinion publique de le noter.
M. MORIN: ... depuis le début de cette commission et
jusqu'à ce que nous ayons entendu tous les mémoires qui nous ont
été soumis, nous n'avons pas fait d'obstruction, nous n'en ferons
pas; mais nous entendons cependant et je tiens à le
répéter respecter les gens qui se présentent devant
nous. Nous entendons leur donner tout le temps qu'il convient et
vous-même, à ce qu'on m'a
dit, lors de cette rencontre, vous aviez convenu qu'il fallait faire
preuve de souplesse...
M. CLOUTIER: C'est ce que nous avons fait depuis le début...
M. MORIN: ... et à l'occasion...
M. CLOUTIER: ... mais dans des limites raisonnables. Nous ne pouvons pas
convoquer un seul groupe pour la soirée. Hier, la CEQ a
été entendue pour la plus grande partie de la soirée pour
l'excellente raison que les autres groupes ne se sont pas
présentés. Si cela avait été le cas ce soir, j'en
aurais été pour ma part très heureux, et cela m'aurait
permis aussi de poser un tas de questions auxquelles je devrai renoncer, mais
il faut tout de même tenu-compte des réalités. Je
suggère que nous procédions.
M. MORIN: M. le Président, est-ce que je pourrais vous
suggérer qu'à l'avenir on ne convoque pas sept organismes par
jour, mais six, lorsque nous avons un nombre d'heures comparable à celui
dont nous avons disposé aujourd'hui?
M. CLOUTIER: Ils sont déjà convoqués. Evidemment,
ils sont convoqués dans les limites du règlement. Le
secrétaire des commissions ne reçoit pas mes ordres. Le
secrétaire des commissions fonctionne selon les demandes qu'il a
reçues et il convoque un organisme à l'heure en se gardant le
plus de battements possible.
M. MORIN: C'est le secrétariat des commissions, si j'ai bien
compris, qui décide de convoquer sept organismes par jour.
M. CLOUTIER: Le secrétariat des commissions applique un
règlement.
M.MORIN: M. le Président, ce n'est pas réaliste d'agir de
la sorte. Nous en sommes conduits à nous montrer négligents
à l'endroit des personnes qui comparaissent devant nous.
M. CLOUTIER: Voulez-vous qu'on les entende au lieu de continuer à
discuter inutilement. Les positions sont bien établies, je crois.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, messieurs, j'attends toujours une
directive de la commission.
M. CLOUTIER: Je souhaiterais que l'on puisse continuer.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je pense que l'on peut commencer la
période des questions.
M. CLOUTIER: Qu'on commence à entendre le Mouvement Québec
français, pour ma part, comme je connais bien les positions de cet
organisme, je ne poserai pas de question pour permettre à mes
collègues de s'exprimer. Ensuite, nous verrons quel temps nous avons et,
si la commission peut continuer, nous continuerons. Je ne demande pas
mieux.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le chef de l'Opposition.
M. MORIN: M. le Président, j'aimerais revenir sur ce qui me
parait être un point fondamental dans l'argumentation juridique qui nous
a été soumise ce soir par le Mouvement Québec
français. Si j'ai bien compris votre raisonnement, messieurs, vous nous
dites que jusqu'à ce que l'article 133 vienne modifier la situation
constitutionnelle, c'est-à-dire jusqu'à 1867, la langue
française était dans les faits la langue officielle du
Québec. Je pense avoir lu quelque part que le porte-parole actuel du
Mouvement Québec français a utilisé l'expression "langue
en possession d'Etat". J'ai remarqué ce soir qu'il n'a pas, du moins
à ma connaissance, utilisé cette expression à nouveau dans
son exposé. Je la trouvais, pour ma part, extrêmement utile pour
décrire le statut de la langue de 1760 à 1867. Est-ce que, M. le
porte-parole, vous voudriez bien revenir sur cette question et nous donner
quelques explications supplémentaires?
M. ANGERS: M. le Président, l'expression "en possession d'Etat",
ce n'est pas moi qui l'ai inventée. D'ailleurs, elle est d'un juriste et
il semble bien qu'elle était courante dans le temps quand on discutait
de ces questions. Celui qui l'emploie il n'était pas le seul
mais celui qui l'emploie d'une façon toute spéciale,
c'était Thomas Chapais, quand il fait l'histoire des luttes juridiques
et constitutionnelles et des droits du français au Québec.
Evidemment, c'est simplement une façon de dire ce que j'ai dit
autrement, en restant tout simplement dans l'argumentation du procureur Yorke,
selon laquelle la langue française était de droit coutumier la
loi de la langue officielle du Québec. C'est ce que cela veut dire,
n'est-ce pas? Ce qui a bien été expliqué par les juristes
du temps et que nous avons souvent de la difficulté à comprendre
parce que nous raisonnons à la française. Nous pensons toujours
à des textes de loi. Quand il n'y a pas de texte de loi, nous nous
imaginons qu'il n'y a pas de droit.
C'est ainsi que Thomas Chapais, d'ailleurs, explique pourquoi dans les
capitulations, on n'a pas garanti les droits de la langue française.
C'est une chose que nos historiens racontent souvent. Justement, ce qu'il
explique, c'est qu'en vertu du droit des gens de l'époque, en vertu du
droit international de l'époque, il était bien entendu que les
coutumes, les lois, la langue d'un peuple conquis, en vertu du droit des gens,
restaient les droits, la langue du pays. Alors, cela a été
confirmé par le procureur Yorke, tant que des lois ne viennent pas
spécifiquement les changer. C'est vraiment la
notion de langue en possession d'Etat, c'était simplement une
façon d'exprimer que, selon le droit coutumier, la langue
française était restée la langue du Québec et
qu'elle n'avait pas besoin d'être garantie par les capitulations pour
l'être, qu'elle l'était du fait du droit des gens, et qu'elle est
restée jusqu'en 1867, d'une façon intégrale, sauf à
ce moment, par des habitudes qui se sont prises je vous ai
expliqué pourquoi à cause de l'introduction du droit
criminel anglais qui a amené des plaidoiries en anglais devant les
tribunaux du Québec, et à cause aussi de l'habitude qu'on a prise
au Parlement de parler aussi l'anglais, parce qu'il y avait des Anglais qui
étaient là.
Cela a été ratifié par une loi. Cela a
été consacré par la loi de 1867. C'est tout ce qu'elle
signifie. Encore une fois, la langue française a toujours
été la langue officielle du Québec de plein droit.
Il faut comprendre encore une fois le droit britannique. Ce qui en a
été changé, c'est ce qui a été mis dans des
lois. Il n'y a jamais rien eu d'autres de mis dans des lois que l'article 133,
sauf des épisodes... En 1840, il y a eu une tentative pour exclure le
français de l'Assemblée et cela a été
rescindé. Alors, c'est bien ce que voulait dire langue en possession
d'Etat. Cela veut dire langue par le droit coutumier, langue qui était
la langue du pays et qui n'a jamais été changée, qui n'a
jamais été touchée par aucune loi écrite de la part
du nouveau maître.
M. MORIN: M. le porte-parole, vous mentionniez la tentative de 1840 qui
est l'un des exemples qui nous permet d'illustrer cette idée que vous
développiez que les anglophones du Québec n'ont jamais
accepté l'Acte de 1774. Je pourrais vous mentionner un autre exemple
historique. Je ne sais s'il est à votre connaissance. Lorsque
l'Assemblée du Bas-Canada a été créée en
1791 elle a commencé à siéger en 1792, fin 1792, ou
début 1793 la même question s'est posée en janvier
1793 au sein même de l'Assemblée et le groupe des anglophones
voulait que la seule langue employée à l'Assemblée soit
l'anglais.
M. ANGERS: Tout à fait.
M. MORIN: C'est à la suite d'un très long débat,
très orageux, que, finalement, le français a retrouvé ses
droits naturels à l'Assemblée. Est-ce que vous connaissiez cet
autre exemple?
M. ANGERS: C'est tout à fait exact. C'est Papineau pas
Louis-Joseph, mais l'autre qui a alors fait le discours le plus
éclatant. La question tournait autour du président de la Chambre,
l'Orateur, et justement les anglophones dans la Chambre prétextaient
qu'on ne pouvait pas élire un président qui ne savait pas
l'anglais. Justement, on a fait valoir, et Papineau a fait un discours en
disant c'est une chose qu'on devrait retenir qu'il ne pouvait pas
être admis qu'en ce pays, un homme soit privé d'occuper une
situation parce qu'il ne sait pas l'anglais. Je pense que c'est une phrase qui
tombe bien à l'heure actuelle et dont il faudra se souvenir. C'est
exactement ce qu'il a dit et on a élu l'Orateur qui ne savait que le
français. Alors, cela a été les premières luttes
françaises qui se sont faites et, selon ce qui avait alors
été décidé à Londres, la majorité a
affirmé que la langue française était la langue du pays,
c'était la langue qui devait se parler à l'Assemblée et
que l'Orateur celui qu'on appelait l'Orateur, le président
pouvait être élu parfaitement ne sachant que le français et
ne comprenant pas l'anglais. C'est exactement ce qui s'est passé, comme
vous le dites, et c'est une autre confirmation.
M. MORIN: Pour nous rappeler cet événement, nous avons,
au-dessus de la Chambre d'Assemblée, de l'autre côté
non pas ici, de l'autre côté un tableau semblable
à celui-ci qui représente le moment où Chartier de
Lotbinière prend la défense des droits du français. Je
dirai c'est peut-être le moment de le dire que trop peu de
nos hommes publics connaissent ces luttes d'ordre constitutionnel qui ont
dû être menées dans le passé et que, si nos hommes
publics étaient mieux enracinés dans la connaissance des droits
historiques de notre peuple, des droits constitutionnels de notre peuple,
jamais ils ne se laisseraient aller aux abandons et aux trahisons dont vous
avez parlé.
M. CLOUTIER: Est-ce que je pourrais poser une question au chef de
l'Opposition?
M. MORIN: Très volontiers.
M. CLOUTIER: Est-ce qu'il parle en tant qu'ancien président du
Mouvement Québec français ou s'il parle actuellement en tant que
député de Sauvé?
M. MORIN: M. le Président, c'est une question qui n'honore pas le
ministre de l'Education. Lui-même, je n'irai pas lui demander s'il nous
parle ici en tant que je ne sais plus trop quel animateur de je ne sais plus
trop quelle émission. Je serais mal venu de le faire. Non. J'ai toujours
respecté le droit du ministre de siéger ici comme ministre de
l'Education et j'entends bien qu'il respecte mon droit de siéger comme
député et comme chef de l'Opposition.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que le chef de l'Opposition... Non,
simplement une remarque. On voudrait bien continuer dans la même veine
que précédemment. Est-ce que le chef de l'Opposition pense
pouvoir compléter ses questions dans les prochaines cinq minutes?
M. MORIN: Oui.
LE PRESIDENT (M. Gratton): De façon à
répartir...
M. MORIN: Cinq minutes? Oui. Cela dépend évidemment de la
façon dont nos invités répondront. Mais je voudrais
maintenant passer à autre chose.
M. ANGERS: M. le Président, je voudrais préciser ici que
tout le mémoire que nous faisons a pour objet d'essayer de saisir les
députés de l'importance du geste qu'on est en train de poser,
puisque c'est la première grande loi linguistique qui est votée
à l'Assemblée nationale depuis 1760. La première, sauf le
bill 63. C'est la gravité de ce geste qu'il faut considérer, au
moment justement où on donne légalement des droits à
l'anglais qui n'existent pas, qui n'ont jamais existé et qu'il n'a
jamais eus. Je crois qu'on n'insistera jamais assez sur la gravité du
moment actuel à ce point de vue.
M. MORIN : II est bien certain que si nos hommes publics avaient les
racines profondes qu'ils devraient avoir, une connaissance minimale qu'ils
devraient posséder du droit constitutionnel de ce pays et de nos droits
historiques, ils n'agiraient pas aujourd'hui comme ils agissent. Ce qui me
"catastrophe", c'est que cette ignorance que l'on trouve chez nos hommes
publics, apparemment, ne va faire que s'aggraver puisqu'on n'enseigne
même plus l'histoire de façon obligatoire au niveau secondaire;
cela vient encore aggraver la situation actuelle. Il y a déjà
suffisamment de Québécois et d'hommes publics qui ne connaissent
pas notre histoire, qui ne savent pas d'où nous venons, qui ne savent
pas quelles ont été les luttes constitutionnelles que nous avons
eu à mener dans le passé et qui, aujourd'hui, bien sûr,
pensent qu'ils ont trouvé la solution à tous nos maux dans
l'abandon de nos droits les plus enracinés dans l'histoire.
M. le Président, je voudrais poser une autre question. On dit
quelquefois, je l'ai entendu dans la bouche d'hommes d'Etat
fédéraux, mais également même dans cette enceinte,
que l'article 133 établit deux langues officielles au Québec,
établit le bilinguisme au Québec. Je crois que c'est une
affirmation qu'il convient de décortiquer. Vous y avez fait allusion et
je pense qu'il serait bon que, peut-être, vous donniez quelques
détails. Je vous pose la question directe sous cette forme: Est-ce que
l'article 133 établit oui on non le bilinguisme au Québec?
M. ANGERS: C'est tout à fait faux. Cela n'a jamais
été admis par les juristes et chaque fois, d'ailleurs, que nous
du Québec, pour des fins politiques, pendant longtemps, avons
essayé d'obtenir le bilinguisme officiel au Canada en invoquant
l'article 133, toujours les juristes nous ont donné la réponse:
L'article 133 n'a jamais fait du Canada un pays bilingue... D'ailleurs, un
jour, M. Saint-Laurent l'a dit à la Chambre au grand scandale de
beaucoup de
Québécois: Aucun des droits du français n'existe au
Canada autrement que par la voie de législation qui pourrait nous
être donnée par la volonté de la majorité. Seuls
deux points sont garantis par l'article 133, le droit de parler français
aux Communes et le droit de plaider en français devant les tribunaux.
C'est bien clair et on ne trouvera pas d'opinion juridique qui dise que
l'article 133 a fait du Canada un pays bilingue. Ce qu'on a essayé de
faire et je l'ai dit dans le texte, les Anglo-Canadiens ont essayé de
nous dire: Ah oui! c'est vrai le Canada n'est pas bilingue, mais le
Québec est bilingue en vertu de l'article 133. Je mets au défi
tous ceux qui sont ici de lire l'article 133, comme ce qui est dit, c'est la
même chose, exactement. Les deux sont ensemble dans le Parlement du
Canada et à la Législature du Québec; par
conséquent, c'est un texte qui est exactement parallèle. Si ce
n'est pas bilingue pour le Canada, ce n'est pas bilingue pour le Québec.
Ce n'est pas possible, parce que c'est trop le même texte. Evidemment,
c'est le jeu des Anglo-Canadiens de nous faire croire ça, mais c'est
complètement faux. L'article 133, d'ailleurs on l'a vu par ce que
Macdonald a dit, n'a fait que donner aux Anglais dans le Québec et aux
Français au fédéral le droit de parler français ou
anglais aux deux Assemblées et de plaider français ou anglais
devant les deux types de tribunaux. Je l'ai lu, le texte tantôt,
relisez-le. C'est tout ce qu'il y a, les mots "as at present", c'est assez
clair; il ne s'agissait pas d'autre chose. Les juristes anglo-canadiens,
consultez-les tous, ils ont toujours répondu à ceux qui faisaient
des campagnes pour le Canada bilingue: L'article 133 n'existe pas. On n'est pas
obligé de faire le bilinguisme à cause de l'article 133. Je crois
que c'est très clair, ça. Si c'était nécessaire
d'apporter des textes, on pourrait en apporter des tonnes.
M. MORIN: Je pense que c'est un point très important, M. le
Président, et il faudrait que tous les membres de cette commission se
pénètrent de ce point. Je voyais récemment sous
l'autorité si importante et respectée du professeur Scott, qui a
été mon maître, mais qui semble avoir changé
d'idée avec les années, que l'anglais est langue officielle au
Québec.
Il parle de l'article premier du projet de loi que nous étudions
en ce moment en disant: "This is a very misleading article, because English is
also an official language in the province of Quebec".
Je crois que cela est faux au départ. L'anglais n'est pas langue
officielle au Québec, pas plus qu'il ne l'était à Ottawa
jusqu'à l'adoption de la Loi sur les langues officielles. Je crois que
ce point devrait être admis de tous. Je vois le ministre qui acquiesce,
je pense qu'il a compris, d'ailleurs, depuis longtemps, ce point
extrêmement important.
M. ANGERS: Que tout le monde lise l'article 133 et je ne vois pas
comment on peut en
sortir autrement que de prétendre, ou les deux sont officielles,
ou les deux ne le sont pas. Il faut que ce soit la même chose pour le
Canada et le Québec. La distinction, que les anglophones de
Montréal ont souvent essayé de faire entre les deux, ne peut pas
tenir juridiquement, cela ne peut pas, c'est le même texte.
M. MORIN: La position juridique diffère désormais entre
Québec et Ottawa parce qu'à Ottawa on a adopté une loi qui
n'est pas de nature constitutionnelle, mais une loi ordinaire.
M. ANGERS: C'est cela. Une loi ordinaire. Vous avez vu le dernier
jugement de la cour Suprême, qui donne une opinion sur le fait
apporté probablement... parce que c'est cela. C'est même
discuté au Canada anglais de savoir si on peut proclamer le
français langue officielle au Canada parce que, selon certains juristes,
l'article 133 a défini une fois pour toutes les droits du
français dans le Parlement fédéral et remarquez bien que
si cela triomphait la même chose serait vraie au Québec. La loi 22
serait inconstitutionnelle, si le point de vue du maire Jones avait
triomphé. Parce que la cour Suprême aurait déclaré
qu'on ne pouvait pas ajouter aux droits de l'article 133. Si la loi 22 peut
être constitutionnelle, c'est parce que le maire Jones a perdu sa cause
et que la cour Suprême a l'air de dire: Non, évidemment l'article
133 ne dit que cela. Mais il n'a pas dit qu'on ne pouvait pas faire autre
chose, en plus, plus tard, c'est ce que la cour Suprême vient de dire.
Mais elle dit bien que l'article 133 ne fait que cela, elle le
répète.
M. MORIN: Une dernière question, M. Angers. Je me tourne
maintenant vers l'article 133, tel que vous l'aviez inclus dans le projet
initial du MQF. Si j'ai bien compris, depuis que les experts de la commission
Gendron ont affirmé à quatre contre un ou à trois
contre un, je ne sais plus que l'article 133 pouvait de toute
façon être modifié par la Législature, par
l'Assemblée nationale du Québec, vous nous dites
désormais: Puisque la commission Gendron a reconnu cela, que
l'Assemblée nationale prenne ses responsabilités et sorte de la
constitution les droits concernant les deux langues! C'est bien cela que vous
nous dites?
M. ANGERS: C'est cela.
M. MORIN: Pourriez-vous expliciter, je veux être assuré que
j'ai compris votre mémoire sur ce point?
M. ANGERS: C'est bien cela. Ce sera au moins une recommandation de la
commission Gendron favorable au français qui sera appliquée.
M. MORIN: En ce qui me concerne, M. le Président, et à
moins que je ne revienne sur quelque point plus tard, j'ai terminé.
LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de
Beauce-Sud.
M. ROY: M. le Président, quelques mots seulement. J'aurais
quelques questions à poser. Je veux quand même remercier et
féliciter le Mouvement Québec français pour la
qualité du mémoire qu'il nous a présenté. Je pense
que pour les membres de la commission, ainsi que pour plusieurs membres du
côté ministériel en particulier, cela a sans doute
été un bon cours d'histoire pour leur rappeler l'histoire et les
événements qui ont marqué le cours des ans de l'histoire
de notre peuple, de notre nation.
Je ne sais pas si le Mouvement Québec français est au
courant, mais il y aurait peut-être une suggestion que je pourrais leur
faire à ce moment-ci. Nous avons des informations que l'enseignement de
l'histoire n'est plus obligatoire dans nos écoles. Alors il y aurait
peut-être un excellent travail que le Mouvement Québec
français pourrait faire pour tâcher de convaincre le ministre, de
façon à éviter que nos jeunes, notre future
génération, ne connaissent pas notre vraie histoire du
Québec. Le député de Rouyn-Noranda me dit que la
même histoire soit enseignée également aux anglophones.
M. le Président, dans votre mémoire, à l'article
22: "Le Mouvement Québec français ne saurait assez dire ni dire
assez fort qu'il s'oppose formellement à toute addition de droits
nouveaux à ceux qui sont conférés aux anglophones dans le
Québec par l'article 133, sauf en ce qui concerne les questions
scolaires, au sujet desquelles le Mouvement Québec français
accepte".
J'aimerais que vous me disiez quelles sont les questions scolaires que
le Mouvement Québec français acceptent?
M. ANGERS: C'est très précis, n'est-ce pas? Le
gouvernement l'a déjà parce que nous avions commencé...
Notre premier mouvement a été de rencontrer le premier ministre
et de lui soumettre deux mémoires qui comportaient deux projets de loi.
Un qui était l'amendement constitutionnel nécessaire pour rendre
le français langue officielle, seul. Le deuxième, sur le bill 63.
Ce que nous avons accepté et pas parce que nous croyons que les
Anglais y ont droit, ce n'est pas une question de droit, mais enfin, c'est une
composition, un geste qui était posé par le Mouvement
Québec français qui avait pour objet de faciliter le
règlement de la question du français c'était que les
écoles anglaises continuent d'exister, non pas comme un système
parallèle, mais dans un système français unique, un seul
système scolaire, l'enseignement se fait partout en français,
mais en permettant que les classes anglaises soient créées pour
les véritables anglophones. Nous avions été très
larges dans notre définition pour le spécifier. Véritables
anglophones, cela voulait dire tous les citoyens, tous ceux prenons le
moment du vote de la loi tous les citoyens canadiens de langue
maternelle anglaise et tous
les citoyens canadiens qui ont commencé ou avaient
commencé, au moment du vote de la loi, à envoyer leurs enfants
à l'école anglaise.
Remarquez bien qu'on nous a traités d'extrémistes.
Même M. le ministre s'est permis de nous traiter d'extrémistes.
Mais c'était une concession d'ailleurs, vous le voyez par les
autres mouvements qui viennent ici que nous avions faite dans l'espoir
que cela aiderait à régler le problème. Comme je vous le
dis, je commence à trouver que nous avons été trop
généreux, parce que cela a nui à la solution du
problème. Enfin, c'était notre solution. Il y aura des classes
anglaises. Qui ira à ces classes anglaises? Des personnes bien
déterminées, celles qui dans le temps, on espérait
que le bill 63 ne serait pas voté et que ce serait en novembre 1969
le 25 novembre 1969, étaient à l'école anglaise
déjà et aussi, pour l'avenir, tous ceux qui sont citoyens de
langue maternelle anglaise. Par conséquent, cela excluait les nouveaux
immigrants de langue anglaise, puisqu'ils n'étaient pas citoyens
canadiens au moment du vote de la loi. Voilà quelle était notre
proposition.
M. ROY (Beauce-Sud): En somme, c'est un système d'écoles
anglaises, mais à l'intérieur d'un système scolaire unique
francophone.
M. ANGERS: C'est cela.
M. ROY (Beauce-Sud): Merci, M. Angers. Ma dernière question. Nous
demandons, quant à nous, le retrait pur, simple et immédiat du
bill 22. Vous avez demandé le retrait du bill 22, nous sommes
entièrement d'accord. Nous le demandons depuis le début de la
commission. J'ai toujours espoir que le ministre finira par nous annoncer la
bonne nouvelle d'un moment à l'autre, ce qui, malheureusement, ne vient
pas. Nous demandons la présentation, à l'Assemblée
nationale, dès le début de l'automne prochain, d'un nouveau texte
vraiment conforme aux aspirations de notre nation.
Pourriez-vous préciser davantage ce que devrait contenir le
nouveau texte de loi?
M. ANGERS: D'abord, il devrait y avoir deux textes. Un des vices
principaux du texte actuel, c'est de ne pas régler le problème de
la langue officielle par un amendement constitutionnel seul, de telle
façon que les effets de la loi, les énumérations que l'on
peut mettre dans une loi n'aient pas un effet restrictif, puisque, dans notre
droit à nous, qui est de tradition britannique, une fois qu'on a
proclamé une règle générale et un principe, tout
article détaillé qu'on ajoute ensuite ajoute autant de
restrictions à l'article premier. Il faut bien penser à cela dans
notre droit.
Si on veut que la loi ne soit pas restrictive, il faut que la loi
fondamentale ne pose que des principes. Il faudrait un amendement
constitutionnel sur le français, langue officielle, seul. L'autre loi
qu'il faudrait voter, c'est la loi qui serait estimée nécessaire
pour corriger les abus dont souffre le français. Là, il faut bien
se placer dans la perspective de notre droit. Il ne s'agit pas de donner droit
aux Anglais par des textes juridiques de choses qu'ils ont déjà
et qu'on leur laisse déjà faire. Ils n'ont pas le droit de
l'avoir. Il ne faut pas le mettre dans la loi. Ce qu'il faut, c'est
légiférer et dire ce que les Anglais doivent respecter en ce qui
concerne le français. Par définition, tout ce qui ne sera pas
obligatoire pour le français ne sera pas défendu pour l'anglais,
pas besoin de le mentionner.
Comme je le dis quelque part dans le texte, que les Anglais fassent
comme nous, qu'ils soient courtois à notre égard et qu'ils se
comportent bien. On a toujours été assez généreux
pour eux. Je pense qu'ils ne souffriront pas de se trouver dans cette situation
où on les laissera continuer à faire des choses en anglais,
très probablement.
Ce ne sera pas un droit pour eux. Mais si cela ne nous gêne pas,
on les laissera faire sans les embarrasser. Ce n'est pas nécessaire de
mettre cela dans la loi et de leur en faire un droit, et qu'ils nous
embêtent avec le droit. C'est cela que je trouve humiliant d'ailleurs,
puisque, en face du monde, cette loi a l'air de dire que nous avons toujours
maltraité les Anglais au Québec et qu'il faut faire un effort,
dans un article de loi, pour leur permettre d'avoir des textes en anglais, pour
leur permettre de faire ceci en anglais. Les gens vont regarder cela et vont
dire: Dans ce pays, les Anglais ne pouvaient rien faire; ils ne pouvaient
même par parler leur langue entre eux. Il faut mettre des articles dans
la loi pour le leur permettre. Il faut pas que cela paraisse. Cela n'a pas de
sens que cela soit fait.
Ce qui est honteux, c'est que dans notre propre pays, nous soyons
obligés de voter des lois pour forcer les Anglais à
reconnaître le français, parce que cela devrait être
suffisant qu'on dise que le français est la langue officielle du
Québec, il aurait dû suffire de l'Acte de Québec en 1774
pour que les Anglais nous respectent. La vérité, c'est qu'ils ne
nous ont jamais respectés. Là aussi, il faudrait qu'on connaisse
notre histoire. Il faudrait qu'on voie tout de suite ce qui s'est passé
immédiatement après l'Acte de Québec, comment les Anglais
ont commencé à nous faire peur tout de suite, et parce qu'on nous
avait donné la vallée du Mississipi, se promener dans le
Québec et faire peur aux Canadiens en leur disant: Vous savez, ils vont
vous envoyer en haut. Ils ont mis ce pays avec le Québec pour vous
envoyer vivre avec les sauvages dans les hauts pays. Tâchez de signer
cela. Signez une pétition avec nous autres pour qu'on retire l'Acte de
Québec. Cela a été le commencement d'une histoire qui n'a
jamais cessé depuis. D'ailleurs, j'ai assisté cet
après-midi, vous avez vu l'invraisemblable, n'est-ce pas? vous avez vu
un monsieur venir nous dire qu'il n'y a que 3,668,000 Canadiens français
véritables. Eh bien, messieurs, vous lirez la pétition de 1773,
et vous
verrez les Anglais de Montréal écrire au roi et dire au
roi: On a beaucoup exagéré le nombre des Canadiens au Canada. Ils
ne sont que 75,000 et nous sommes plus de 3,000. Voilà! Vous avez
entendu cela...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous plaît!
M. ANGERS: Nous avons entendu la même chose cet après-midi
après deux cents ans. C'est vraiment invraisemblable.
M. ROY: L'histoire se répète. Alors, M. Angers, si j'ai
bien compris votre mémoire, d'ailleurs vous êtes
entièrement d'accord, le projet de loi 22 tel que présenté
par le gouvernement, malheureusement, ne fait que légaliser le statu quo
actuel et donner un statut juridique à ce que nous avons convenu comme
étant appelé de la générosité ou de la
tolérance de notre part.
Actuellement, vis-à-vis du débat qui se déroule
présentement, et suite à votre longue expérience que vous
avez dans ces questions, je vais vous poser une question d'appréciation
personnelle. Je vous laisse entièrement libre de me répondre ou
pas.
Croyez-vous actuellement que la façon dont se déroule le
débat autour de cette loi 22 est bénéfique pour nous, les
Québécois francophones?
M. ANGERS: Il est évident que c'est très mauvais, parce
que cela ne fait qu'encourager la population à croire que les Anglais
ont des droits, qu'il faut les respecter, les respecter comme des droits, et
non pas tout simplement comme des personnes avec qui on traite et à qui
on n'imposera pas des choses qui n'ont pas de bon sens. L'esprit de ce projet
de loi, justement, est complètement faux et très mauvais, parce
qu'il n'est pas situé dans la ligne de notre histoire, et il n'est pas
dans la perspective de notre droit, de nos traditions juridiques
réelles, même les britanniques, parce qu'on s'est imaginé,
apparemment, qu'il n'y avait pas de mal à prononcer des droits pour
l'anglais vu que les Anglais, dans des municipalités de 10 p.c.
d'Anglais font leurs travaux en anglais. Ecoutez, puisqu'ils l'ont toujours
fait, reconnaissons-leur un droit. C'est-à-dire qu'on interdit, à
ce moment, à 90 p.c. de la population dans ces municipalités de
forcer leurs commissaires à faire les textes en français. C'est
quand même invraisemblable.
Alors, il est tout à refaire, et c'est pour cela qu'il faut le
retirer et le reprendre, parce qu'il est juridiquement mal construit. Je donne
le bénéfice du doute. Je ne peux pas croire que le gouvernement a
fait cela en connaissance de cause. Je ne peux pas le croire.
M. ROY: J'aurais une dernière question. Je vous remercie, M.
Angers, mais je vais laisser le député de Saint-Jacques qui veut
vous questionner sur le même sujet.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je dois intervenir ici pour dire que
l'Opposition a occupé les dernières 30 minutes et je suis
sûr qu'elle n'en voudra pas à la présidence si je reconnais
le député de Laporte pour quelques questions.
Le député de Laporte.
M. LABERGE: Je voudrais ajouter quelque chose pour répondre
à la question du député de Beauce-Sud qui a demandé
si la façon dont le débat se déroulait actuellement
pouvait être bénéfique ou maléfique pour la
situation du français. Evidemment, l'appréciation de cela peut
varier selon le point de vue où on se place. D'un certain point de vue,
je pense que cela peut être très bénéfique en ce
sens que cela sera l'occasion peut-être d'un réveil populaire sur
la question des droits du français au Québec. Je pense que cela a
été l'occasion, entre autres, depuis la loi 63 jusqu'à
aujourd'hui, de la naissance de mouvements comme le MQF et l'occasion de
développer justement ces thèses qu'on vient présenter ici
et qu'on aura l'occasion de diffuser dans la population.
Je pense que si le projet de loi 22 est adopté, il aura
évidemment des effets juridiques néfastes, mais il aura aussi,
probablement, l'effet de secouer la population québécoise et de
lui faire prendre conscience du fait que ses gouvernants sont en train de la
trahir et elle verra peut-être à résoudre le
problème par d'autres moyens.
M. ROY: Mais voici...
M. DEOM: Je m'excuse, M. le député de Beauce-Sud.
M. ROY: Continuez.
M. LABERGE: Je voudrais aussi ajouter quelque chose au sujet de la
question de la langue d'enseignement, au sujet des lois dont vous avez
parlé tout à l'heure, que le MQF désire. Au sujet de la
langue d'enseignement, évidemment, depuis 1969, on s'est battu pour le
retrait de la loi 63. La position que les mouvements qui sont aujourd'hui au
MQF ont commencé à dopter dès 1969, dont la CEQ, la CSN
à peu près à cette époque c'est autour de 1969
qu'on a justement commencé à la définir de façon
précise en définissant ce qu'on entendait pas une
législation sur la langue d'enseignement. Déjà à ce
moment, en 1969, on prenait des positions que le ministre Choquette a
adoptées hier, selon lesquelles le libre choix de la langue
d'enseignement n'est pas un principe de base, que cela ne peut être
accordé que comme une question de pratique et dans un cas très
précis. Nous aussi étions prêts à l'accorder non pas
comme un droit acquis, mais comme mesure pratique pour régler la
question linguis-
tique d'une minorité précise qui est la minorité
anglophone.
Dès 1969, cette position était défendue par
l'actuel député de Saint-Jean, qui siégeait au conseil
provincial de la CEQ à l'époque et qui a même
proposé...
M. VEILLEUX: Question de privilège. Je tiens à dire au
représentant de la CEQ et du Mouvement Québec français,
comme je l'ai dit hier au président de la Centrale de l'enseignement du
Québec, que les discussions qui se tenaient au conseil provincial,
à l'époque, comme aujourd'hui, étaient des discussions
à huis clos. Si on veut sortir les propos qu'ont pu tenir d'autres
représentants qui ne sont pas membres de l'Assemblée nationale,
je suis bien prêt. On va laisser tomber le huis clos et on va sortir tout
ce que les gens ont pu dire sur n'importe quoi à l'époque. Qu'on
s'en tienne au huis clos lorsqu'une décision au conseil provincial... Et
je me souviens fort bien de la demande de Raymond Laliberté,
président de la Corporation des enseignants du Québec à
l'époque, que ce qui se disait là devait être à huis
clos. Ne me forcez pas à sortir des choses que j'ai tenues à huis
clos depuis ce temps parce qu'à l'époque, comme membre du conseil
provincial, j'avais accepté que cela soit à huis clos.
M. LABERGE: Je ne parle pas des déclarations qui ont
été faites au conseil provincial. Je parle de propositions qui
sont inscrites au procès-verbal, qui sont des propositions explicitement
mentionnées et dont le proposeur est M. Veilleux.
M. DEOM: M. le Président, sur une question de
règlement.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Laporte.
M. ROY: J'avais une dernière question.
M. DEOM: M. le Président, sur une question de
règlement.
LE PRESIDENT (M. Gratton): On va y revenir peut-être un peu plus
tard.
M. ROY: Non.
LE PRESIDENT (M. Gratton): J'avais déjà reconnu le
député de Laporte.
M. ROY: C'est justement sur le complément...
LE PRESIDENT (M. Gratton): La commission doit ajourner à 11
heures, comme vous le savez...
M. ROY: Oui.
LE PRESIDENT (M. Gratton): ... et la répar- tition
équitable dont parle l'article 9 me force à accorder la parole au
député de Laporte.
M. ROY: C'est en complément de la réponse de...
M. MARCHAND: Le séparatiste de Beauce-Sud.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Laporte.
M. DEOM: M. le Président...
M. ROY: Je ne peux quand même pas laisser cela comme
ça.
UNE VOIX: Qu'est-ce que cela vient faire là-dedans le
séparatisme?
M. DEOM : Je pense qu'il est essentiel qu'on puisse entendre l'autre
organisme et je me limiterai. Je proposerai qu'après les questions on
entende immédiatement l'autre organisme qui me parait au moins aussi
représentatif, sinon plus, que l'organisme qui est devant nous ce soir.
J'ai deux petites questions. La première est la suivante: M. Angers,
comment avez-vous élaboré votre mémoire et qui
était présent lors de l'adoption du mémoire?
M. ANGERS: Le mémoire que nous avons préparé, c'est
une très longue histoire en ce qui nous concerne, parce que c'est
basé sur des études qui sont faites depuis longtemps et qui ont
été adoptées durant plusieurs congrès. Il est clair
que nous avons un stock de documents, de mémoires, de prises de position
qui sont à la base de chacun des mouvements qui comportent et qui
composent le MQF. Ces choses sont des choses acquises et nous n'avons pas
besoin de les convoquer à chaque fois. Au Mouvement Québec
français, comme je vous l'ai dit, à partir de ces prises de
position qui sont unanimes, qui ont été acceptées
auparavant par les congrès des grands organismes qui en font partie,
nous avons une commission technique qui est chargée d'étudier les
questions, de préparer les mémoires, de les rédiger, de
les mettre en forme, et ensuite, ils sont soumis à la réunion du
MQF où viennent les huit représentants, soit le président
lui-même, soit l'assistant direct du président, qui revoient le
mémoire et qui font les corrections finales. C'est cela qui donne le
mémoire.
M. MORIN: M. le Président, le député de Laporte a
été membre du Mouvement Québec français...
M. DEOM: Oui, c'est justement...
M. MORIN: ... il connaît donc les réponses à ses
propres questions.
M. DEOM: ... pourquoi je lui pose ces questions, M. le
député de Sauvé.
M. MORIN: Ah bon! Mais vous connaissez déjà la
réponse, M. le député.
M. MARCHAND: Vous n'aviez pas compris.
M. DEOM: C'est pour lui poser la question subsidiaire. Est-ce que, M.
Angers, tous les organismes affiliés ont ratifié ce
mémoire dans leur assemblée générale?
M. ANGERS: Tous les quoi?
M. DEOM: Les organismes affiliés, que vous mentionnez dans votre
première page, ont ratifié ce mémoire?
M. ANGERS: Cela dépend de ce que vous voulez dire. Tous les
présidents qui sont membres du MQF ont vu ce mémoire et l'ont
ratifié. Maintenant, cela n'a pas été soumis à leur
congrès, mais enocre une fois, il n'y a rien dans cela qui n'a pas
déjà été approuvé par leur congrès,
parce que nous n'avons pas...
M. MARCHAND: Ils l'ont approuvé. M. ANGERS: Pardon?
M. MARCHAND: Est-ce que les membres l'ont approuvé?
M. ANGERS: Ecoutez, ce que je vous répète, ce sont des
choses qui sont approuvées depuis longtemps. Il n'y a rien de nouveau
dans cela. Les exposés, vous les retrouvez dans les mémoires
antérieurs qu'on a faits au premier ministre. Vous le retrouverez dans
les résolutions de la CSN, de la FTQ...
M. MARCHAND: Demandez donc à la population du Québec,
demandez-lui donc si elle approuve votre mémoire?
M. ROY: Voulez-vous rappeler le député loyaliste à
l'ordre, s'il vous plaît!
M. MARCHAND: D'accord. M. ANGERS: Le mémoire... LE PRESIDENT (M.
Gratton): A l'ordre!
M. ANGERS: Le mémoire que nous avons fait là...
M. MARCHAND: Le député séparatiste de Beauce ou le
failli, on l'appelle comme on veut.
M. ANGERS: Le mémoire que nous avons fait là, je dirais
qu'il n'a presque pas comme tel à être approuvé par la
population. Il concerne l'histoire, les documents historiques, les bases
juridiques de tout cela. Même si la population ne pensait pas que c'est
cela, c'est tout simplement parce qu'elle ne serait pas informée. Mais
le fait important, c'est que les organismes, leur tête, leur
congrès, ont approuvé ces idées, savent parfaitement de
quoi il s'agit, sont d'accord avec cela.
M. DEOM: II revient que seulement les présidents des associations
affiliées ont approuvé le mémoire. Ma deuxième
question et c'est la dernière: Dans votre page 29...
M. ANGERS: Page 29?
M. DEOM: ... de votre conclusion, vous dites: Or, l'utilité d'une
loi...
M. MARCHAND: ... de ta tête.
M. DEOM: ... du français langue officielle ne venait pas de ce
que le français avait besoin de se faire donner des droits nouveaux, il
les avait déjà à peu près tous. Or, si
j'interprète bien votre pensée, c'est que d'après le
Mouvement Québec français, le français avait tous les
droits. Il n'est pas nécessaire de légiférer sur le
français comme langue officielle.
M. ANGERS: Je vous demande pardon, M. Déom, c'est écrit en
toutes lettres pourquoi il faut légiférer. Il faut
légiférer dans l'esprit de notre droit, dans l'esprit
précis de notre droit. Pourquoi? Parce que le droit non écrit
n'est pas respecté. C'est ce qui se passe toujours. Dans un
régime de droit non écrit, dans un régime de droit
coutumier, le droit existe quand même, les tribunaux jugent
d'après ce droit coutumier. Ils établissent des jugements, il y a
de la jurisprudence. Il arrive, à un moment donné, soit deux
choses : ou bien une certaine partie de la population ne respecte plus le droit
coutumier, ou bien à un moment donné, les tribunaux rendent un
jugement qui n'est pas considéré comme étant conforme
à l'esprit de ce droit. C'est à ce moment que le
législateur doit intervenir dans les deux cas. Dans un cas, pour
éviter des procès trop nombreux et faire respecter le droit
coutumier, en définissant par une loi, par un texte légal, droit
statutaire, ce qui doit être respecté, ou le deuxième, en
changeant la décision du tribunal et en légiférant en sens
inverse pour bien démontrer qu'au point de vue du législateur, le
tribunal s'est trompé. Pourquoi faut-il légiférer au
Québec à l'heure actuelle?
Parce que les Anglo-Canadiens refusent de respecter le caractère
français du Québec. C'est la seule et unique raison pour laquelle
il faut légiférer parce qu'en France il n'y a pas de
français langue officielle. En Angleterre non plus, quoique en
Angleterre, c'est un cas assez curieux. On a été obligé de
voter une loi pour imposer l'anglais aux tribunaux dans les années 1700,
1500 ou quelque chose comme cela. Alors, c'est cela la raison. Il faut
légiférer parce que le droit coutumier n'est pas respecté
par les Anglo-Canadiens et que même les Canadiens français sont en
train d'en perdre le
sens et de croire que le Québec est bilingue et que les Anglais
ont autant de droits que nous au Québec. C'est la raison pour laquelle
il faut, à l'heure actuelle, à tout prix,
légiférer, établir par écrit ce qui est coutumier
et refréner les abus de ceux qui ne respectent pas le droit coutumier du
Québec en matière linguistique.
M. DEOM: M. le Président, je remercie M. Angers. Cela aurait
été très agréable de poursuivre la discussion parce
que tantôt il joue avec le droit coutumier et il joue avec le droit
nouveau. Mais, comme il y a un autre organisme qui doit être entendu ce
soir, je propose qu'on passe immédiatement à l'autre organisme
qui m'apparaît, encore une fois, comme je l'ai dit tantôt, plus
représentatif que l'organisme actuel.
M. MIRON: M. le Président, M. le ministre de l'Education
s'enquiert souvent sans doute de la représentativité des groupes,
mais en plus de tous les organismes qui sont ici, il a été
témoin lui-même que nous avons déposé devant lui
231,000 signatures et ce ne sont pas des signatures seulement des groupes ici,
ce sont des signatures qui ont été faites rue par rue. Il y avait
une pétition de principes d'une page, élaborant tous ces
principes que l'on retrouve dans le mémoire. Alors, je me demande quel
organisme intermédiaire a plus de 231,000 membres. Il y a eu, M. le
ministre est-ce que vous vous en souvenez, M. le ministre?
231,000 signatures qui ont été déposées devant vous
et qui ont signé tous ces principes.
M. CLOUTIER: M. le Président, je n'ai pas oublié cette
soirée.
M. MIRON: Un par un, rue par rue. Alors, je crois que c'est une certaine
représentativité.
M. CLOUTIER: Je n'ai pas oublié cette soirée, M. le
Président...
M. MIRON: Bon. Alors, vous vous souvenez des signatures...
M. CLOUTIER: ... parce que je n'avais pas été
particulièrement frappé par la tolérance, l'ouverture
d'esprit et la courtoisie dont parle le mémoire du président
à la façon dont j'avais été reçu alors que
j'étais l'invité du Mouvement Québec français.
M. MIRON: Je n'ai pas à tenir compte des contingences de la
soirée, mais je parle de la représentativité, des 231,000
signatures qui ont été déposées.
M. CLOUTIER: Je dirais que les contingences de la soirée m'ont
effrayé sur ce qui arriverait si, par hasard, on essayait justement de
brimer nos minorités ou qu'on essayait justement de
légiférer d'une façon aussi radicale.
M. MIRON: Je crois que c'est la majorité qui a été
brimée au cours de 230 ans d'histoire.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !
M. MIRON: Je veux simplement ajouter à cela, à l'intention
de l'autre monsieur qui s'enquérait tout à l'heure de l'histoire,
qu'Antoine-Aimé Dorion a été le leader du Parti
libéral qui a lutté contre la confédération dans
ses grandes campagnes de 1852 et 1854. Le leader du Parti libéral a
épousé les thèses mêmes de la séparation. Il
a prôné le rejet de la confédération. C'est le
leader, l'ancêtre du Parti libéral...
M. MARCHAND: J'invoque le règlement.
M. MIRON: ... et je m'étonne que le Parti libéral perde
ainsi les gens de son histoire.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Question de règlement.
M. MARCHAND: M. le Président, j'invoque le règlement. Je
pense que nous devons passer à l'autre.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Si la commission le permettait, il y aurait
une courte dernière question du député de
Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président...
M. CLOUTIER: II faudrait s'assurer qu'elle ne sera pas très
longue à cause de l'autre organisme, il ne faudrait surtout pas qu'elle
entraîne de débats.
M. CHARRON: M. le Président, ce n'est pas une question, en fait.
M. Angers, je veux prendre uniquement les deux dernières lignes de votre
mémoire où vous dites que le Mouvement Québec
français fera tout en son pouvoir, même si la loi était
adoptée, pour obliger le gouvernement à se montrer plus
respectueux des droits des libertés du peuple
québécois.
Je veux terminer cette comparution de votre groupe à la table de
la commission en vous exprimant l'avis de l'Opposition et la satisfaction de
l'Opposition de voir que vous terminez ce mémoire d'une impressionnante
qualité par le fait et le signal que vous demeurez au combat. Je peux
vous signaler uniquement, M. Angers, très sincèrement
également, que malgré la déception que beaucoup de
Québécois éprouvent devant le projet de loi actuel, si
nous en sommes rendus à avoir un gouvernement
québécois...
M. SAINT-GERMAIN: S'il vous plaît, écou-
tez, il est onze heures moins le quart, on permet une dernière
question par amabilité et voilà que le député de
Saint-Jacques nous fait un discours. Je crois qu'on ne doit pas laisser
indéfiniment abuser de notre bonne volonté et de notre esprit de
collaboration. La démocratie existe dans tous les sens. Si on perd un
temps indéfini à entendre le député de
Saint-Jacques, ce sont ceux que nous recevons qui vont en souffrir.
M. MORIN: M. le Président, le député de
Saint-Jacques a dit qu'il serait bref et qu'on le laisse terminer, ce sera
beaucoup plus simple.
Procédure
M. SAINT-GERMAIN: M. le Président, il n'est permis que de poser
des questions à la commission et le règlement est très
clair.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, je présume que le
député de Saint-Jacques terminera son intervention par une
question.
M. CHARRON: Je vous l'avais promis, M. le Président, jusqu'avant
d'être interrompu.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Allez-y!
M. CHARRON: Je veux simplement dire à M. Angers et ses
collaborateurs que, malgré la déception que vous pouvez
éprouver, comme bien des Québécois, devant cette
législation en particulier, dites-vous bien une chose, c'est que, si on
assiste aujourd'hui à une législation sur la langue du
gouvernement du Québec, il n'y a probablement pas de groupe plus
responsable que le vôtre pour avoir conduit le gouvernement du
Québec à prendre cette disposition. Malheureusement, elle n'a pas
été dans le sens que nous espérions.
M. SAINT-GERMAIN: J'exigerais, M. le Président, que le
règlement soit maintenu.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Merci, messieurs du Mouvement Québec
français. J'invite immédiatement le Mouvement national des
Québécois à s'avancer.
M. CHARRON: M. le Président, j'invoque le règlement.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saint-Jacques sur
une question de règlement.
M. CHARRON: Avant d'entendre le prochain groupe et avant même
qu'il s'approche de la table, je pense que j'ai à présenter une
motion. J'aimerais voir la commission la débattre immédiatement.
Nous en sommes à notre sixième journée de séance.
Tantôt, cette commission a fait preuve d'une souplesse et d'une largeur
de vue exemplaire et je dirais traditionnelle des travaux de commission
parlementaire. Tantôt, et c'est plus récent, on a mis une
rigidité et on est intervenu à coups de points de
règlement pour interrompre des interventions de membres de la commission
parlementaire, ce qui a certainement constitué à gâcher le
climat. La cause principale, M. le Président, certains pourront dire,
c'est le règlement, l'article 8 de nos règles de pratique de
travaux de la commission. Je ne suis pas d'accord pour faire porter le
blâme de l'aridité de nos travaux et de la difficulté de
nos travaux uniquement à cet article.
Je crois, M. le Président, que vous l'avez appliqué, suite
à l'entente que soulignait le député de Maisonneuve dans
son intervention de tout à l'heure, avec beaucoup de souplesse. Le
problème n'est pas là, M. le Président. C'est lorsque nous
voulons nous prévaloir de la dernière phrase de l'article 8 des
règles de pratique, c'est-à-dire celle qui permet à une
commission, lorsqu'elle le juge à propos, d'étendre la
période de témoignages des invités et, par la suite, des
questions des différents membres des différents partis qui
forment la commission parlementaire. Nous sommes en fait privés de cette
possibilité de prolongation, du fait que, chaque matin où nous
arrivons à la commission parlementaire, le ministre dépose une
liste d'organismes que nous devons entendre ce jour-là qui, vous l'avez
remarqué, M. le Président, font chacun exactement une heure.
On invite un témoin par heure de séance de commission que
nous avons, ce qui nous empêche de nous prévaloir de la
deuxième phrase de l'article 8 et d'étendre le débat
à l'occasion. Remarquez que nous n'en avons pas fait une règle
coutumière, nous avons même à l'occasion sur deux
témoignages aujourd'hui, été en deçà des 40
minutes prévues aux questions et nous y avons consenti très
fortement.
Mais, M. le Président, le problème vient du fait que le
ministre de l'Education, maître d'oeuvre de l'horaire de travail de cette
commission, est celui qui choisit et qui dispose savamment de chacune des
dépositions que nous devons entendre, au point que nous en sommes
réduits à écouter en fin de soirée un
témoignage aussi important que le Mouvement Québec
français et éventuellement celui du Mouvement national des
Québécois. Je crois que le mal est, à l'origine, dans les
directives que donne à cette commission le ministre sans en avoir
d'ailleurs, je dois vous le dire, aucune possibilité qui figure dans le
règlement actuel.
C'est pourquoi, M. le Président, pour continuer à assurer
un travail harmonieux de la commission et pour continuer à entendre et
interroger les témoins avec au moins autant de respect qu'eux ont mis de
diligence à remplir un mémoire et à se pencher sur la
question, pour le faire d'une façon aussi courtoise qu'eux l'ont fait
à se rendre à notre invitation, à se déplacer
à Québec, puisque la commission a refusé de se
déplacer et à se rendre chez nous pour nous apporter le
témoignage qu'ils vivent dans chacun des coins du Québec, je
crois que le ministre doit en tenir compte et ne plus charger l'horaire des
travaux de cette commission d'une façon qui soit indue.
Au nom de l'Opposition officielle, je fais motion pour que le
secrétaire des commissions convoque pour le lundi à la
séance de la commission permanente de l'éducation, des affaires
culturelles et des communications un maximum de cinq témoins; pour les
séances des mardi, mercredi et jeudi, un maximum de six témoins
et, pour la séance du vendredi, un maximum de trois témoins. Ceci
fait, M. le Président, que, sans bousculer les travaux de la commission,
nous pourrons nous prévaloir de cette règle adoptée par
l'Assemblée nationale qui nous permet de prolonger la période de
questions à un témoin de la commission parlementaire, sans
être obligés de nous faire dire à chaque occasion, au
moment où nous voulons nous prévaloir de ce droit: Ecoutez, j'ai
décidé qu'il en passerait huit par jour, il en passera sept par
jour et c'est sept par jour qu'il va passer.
Ce n'est pas la façon traditionnelle de travailler en commission
parlementaire. J'en suis à ma cinquième année à la
commission parlementaire. J'ai travaillé sur des projets de loi moins
importants que le projet de loi 22. Je me souviens du code des professions, je
me souviens du projet de loi 65, je me souviens du projet de loi 28, or, s'il
en était un qui était de nature linguistique et
controversé, c'était bien celui-là.
Pourtant, le ministre de l'Education de l'époque ne nous arrivait
pas à chaque matin de la commission parlementaire en nous disant: Vous
en savez sept à avaler aujourd'hui ou c'est vous autres qui y perdrez et
ce sont eux qui seront bousculés. Je pense que, si nous nous entendons
de la même façon que nous nous sommes entendus sur les autres
dispositions prévalant aux travaux de la commission et que nous nous
fixons... Nous connaissons nos capacités physiques chacun sans penser
que nous sommes des surhommes.
Nous devons aussi estimer dans nos positions les capacités
physiques de ceux qui nous endurent et qui attendent à compter de dix
heures du matin qu'on les convoque à cette table, même s'ils
doivent n'y arriver qu'à la toute fin de la séance; nous devons
tenir compte de ne pas bousculer trop de gens inutilement et prendre les choses
telles qu'elles viennent. Que voulez-vous! C'est un projet de loi non seulement
important, mais controversé qui a suscité un grand nombre de
mémoires. Tous et chacun, le ministre de l'Education en premier, doivent
se plier à cette réalité. Notez, M. le Président,
que je ne voudrais pas qu'on interprète ma motion comme une motion
dilatoire. Je ne veux pas dire que cette commission devra entendre deux
organismes par jour. Ce serait vraiment ridicule et ce serait vraiment trop
long, mais je pense que les nombres que j'ai proposés suffisent à
un travail harmonieux de la commission.
Je vous fais de nouveau lecture de ma motion, M. le Président, en
terminant mon intervention: Qu'à l'avenir, le secrétaire des
commissions convoque, pour la séance de lundi, de la commission
permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des
communications, un maximum de cinq témoins, parce que le lundi nous
siégeons de deux heures l'après-midi à onze heures du
soir.
Pour les séances de mardi, mercredi et jeudi, un maximum de six
témoins, parce que nous siégeons de dix heures du matin à
onze heures du soir. Pour la séance du vendredi, un maximum de trois
témoins parce que nous siégeons de onze heures à quatre
heures de l'après-midi.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que je peux avoir une copie de la
motion? Le ministre de l'Education.
M. CLOUTIER: M. le Président, je serai bref. Avant que nous
passions au vote, nous allons nous opposer à cette motion pour les
raisons suivantes. La première raison, c'est lorsque nous nous sommes
mis d'accord sur les heures de la commission, nous avons effectivement
accepté d'être le plus souple possible, mais nous avons
accepté d'être le plus souple possible en tentant compte du temps
respectif de comparution des divers organismes.
C'est ainsi, par exemple et je m'en souviens de façon
très claire que nous nous sommes dit que si nous avions à
prolonger pour un organisme donné, qui nous paraissait devoir recevoir
une attention plus considérable, nous nous arrangerions, par la suite,
pour entendre moins longtemps un autre organisme. Il n'a jamais
été question, à ce moment, de limiter le nombre
d'organismes qui devaient comparaître devant la commission.
Nous avons reçu à peu près 180 demandes. Nous
souhaitons entendre le plus d'organismes possible et, de manière
à entendre le plus d'organismes possible, il est nécessaire
d'appliquer, dans cet esprit de souplesse dont je viens de parler, le
règlement. Nous convoquons six ou sept organismes par jour suivant le
nombre d'heures à notre disposition, avec un battement d'une heure qui
permet de tenir compte de la souplesse dont je vous ai parlé et qui
permet également de tenir compte du fait qu'il peut arriver à
l'Assemblée nationale que la prolongation des débats retarde le
début de la commission l'après-midi.
D'ailleurs, j'ai signalé qu'il nous avait été
possible d'entendre un certain nombre d'organismes plus longtemps que d'autres
organismes parce qu'il y en a qui se sont désistés. Chaque fois
que nous convoquons six ou sept organismes, il y a toujours la
possibilité qu'il y en ait qui se désistent. A ce moment, le
programme de la journée s'en trouve bouleversé.
Les convocations se font à l'avance. Elles
sont d'ailleurs faites. Je me souviens que le PQ était d'accord
pour qu'on les convoque le plus longtemps possible d'avance, même avec un
préavis plus long que les 48 heures qui nous sont maintenant permises.
Les organismes sont convoqués pour toute la semaine prochaine.
Ce soir, par exemple, j'ai demandé qu'exceptionnellement la
commission commence à huit heures pour que nous ayons plus de temps, et
je me souviens même que le PQ n'était pas tout à fait
d'accord. Le PQ aurait préféré que nous commencions
à 8 h 15. Je voulais, justement, par cette souplesse, montrer qu'il
fallait donner le plus de temps possible aux organismes que nous allions
entendre.
M. le Président, je résume en disant que c'est
certainement l'intention du gouvernement d'entendre les organismes qui sont
convoqués, qu'il a l'intention de montrer le plus de souplesse possible
à l'intérieur des règlements, à l'intérieur
d'un cadre raisonnable, et qu'il n'a pas l'intention de voter en faveur de
cette motion.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Beauce-Sud.
M. ROY: M. le Président, nous avons, à l'heure actuelle,
des règles de pratique qui ont été adoptées lors
d'une séance du 26 avril 1972, donc depuis un peu plus de deux ans, mais
des règles de pratique qui ont été faites pour donner une
indication, en quelque sorte, et faire en sorte que lorsque des organismes sont
convoquées devant la commission parlementaire de l'Assemblée
nationale, il y ait une certain règle de procédure qui soit
suivie.
M. le Président, dans ces règles de pratique, je pense
qu'on a oublié une chose. On a oublié qu'à l'article 8, il
y a une phrase à la fin de l'article 8 et, pour le
bénéfice des membres de la commission, je vais lire l'article au
complet. "La durée limite allouée à chaque personne ou
groupe pour un exposé sommaire de son mémpire est de 20 minutes,
et le temps alloué aux membres de la commission pour la période
des questions est de 40 minutes, réparties équitablement entre
les partis".
Voici le point principal qui fait que j'appuierai la motion du
député de Saint-Jacques. "Ces périodes peuvent être
prolongées, si la commission le juge à propos". Or, dans le cadre
extrêmement rigide dans lequel on nous a placés, on ne peut pas se
prévaloir, à moins d'être obligé de faire un
débat de procédure à chaque fois ce qui est
extrêmement désagréable pour les membres de la commission;
c'est encore beaucoup plus désagréable pour nos invités et
ceux qui assistent à nos délibérations on ne peut
pas se prévaloir de cette deuxième disposition de l'article 8,
à cause du cadre trop rigide et à cause du nombre d'organismes
qui sont convoqués devant la commission parlementaire. C'est pourquoi,
M. le Prési- dent, je trouve que la proposition du député
de Saint-Jacques est même encore très généreuse,
parce que cinq organismes à la commission parlementaire le lundi, cela
suppose au moins cinq heures de délibérations en accordant une
heure à chaque organisme.
Mais si on prend dix minutes ou quinze minutes additionnelles, il arrive
toujours des questions de règlement, des questions de procédure,
souventefois pendant le cours de nos délibérations. M. le
Président, on est obligé de retarder, et il y a des organismes
qui sont convoqués devant la commission parlementaire et qui ne peuvent
pas comparaître.
M. le Président, j'aurais encore d'autres observations à
faire sur cette motion. Comme il est 11 heures, je vais faire une autre motion:
Proposer que nos débats soient ajournés à demain matin
où on reprendra la discussion sur la motion du député de
Saint-Jacques.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que la motion du député
de Beauce-Sud est agréée?
M. CLOUTIER: Oui.
M. BURNS: C'est automatique, M. le Président.
M. CLOUTIER: Automatique.
LE PRESIDENT (M. Gratton): La commission ajourne ses travaux â
demain, dix heures, et vous me permettrez peut-être après
l'ajournement de vous dire quels sont les organismes qui comparaîtront
demain. Le premier est composé de plusieurs organismes, soit le St
Patrick's Society of Montreal, St Andrew's Society of Montreal, Caledonian
Society of Montreal, The Irish Protestant Benevolent Society of Montreal et St
David's Society of Montreal. C'est un organisme. La Fédération
des travailleurs du Québec; le Comité protestant du Conseil
supérieur de l'éducation; The Federation of English-speaking
Catholic Teachers Inc.; Association des cadres scolaires du Québec;
Provincial Association of Catholic Teachers; Conseil du patronat du
Québec. Sept organismes et quant au Mouvement national des
Québécois, je pense que la commission décidera,
probablement au début de ses travaux demain matin, quand il sera
entendu, si cela sera demain ou plus tard.
M. MORIN: Est-ce qu'on doit laisser entendre aux représentants du
Mouvement national des Québécois qu'ils devraient être
prêts à comparaître demain?
LE PRESIDENT (M. Gratton): Non. Je ne pense pas. Je pense qu'on doit
laisser entendre que la décision sera probablement prise par la
commission demain.
(Fin de la séance à 23 h 1 )