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Commission permanente de l'éducation,
des affaires culturelles et des communications
Etude du projet de loi no 22
Loi sur la langue officielle
Séance du lundi 17 juin 1974
(Quatorze heures sept minutes)
M. GRATTON (président de la commission permanente de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre,
messieurs! La commission reprend l'audition des organismes sur le bill 22. Mais
avant de procéder, j'aimerais faire savoir à la commission qui
sont les membres de cette commission. Ce sont M. Dufour (Vanier), M. Charron
(Saint-Jacques), M. Déom (Laporte), M. Cloutier (L'Acadie), M. Hardy
(Terrebonne), M. Choquette (Outremont), M. Tardif (Anjou), M. Morin
(Sauvé), M. Brown (Brome-Missisquoi), M. Beauregard (Gouin), M. Bonnier
(Taschereau), M. Roy (Beauce-Sud), M. Veilleux (Saint-Jean).
Aujourd'hui, les organismes qui sont appelés à
témoigner sont les suivants: la Fédération des
associations italiennes du Québec, la Québec Association of
Protestant School Boards, la Société des traducteurs, the United
Church of Canada, la Corporation des enseignants du Québec,
c'est-à-dire cinq organismes. J'invite donc immédiatement M.
Pietro Rizzuto, président de la Fédération des
associations italiennes du Québec, à bien vouloir s'approcher et
à nous présenter les gens qui peuvent l'accompagner.
Fédération des associations italiennes
du Québec
M. RIZZUTO: M. le Président, j'ai avec moi le premier
vice-président de la fédération, M. Montini, qui est le
responsable des études faites pour les affaires linguistiques et
l'éducation pour la fédération. J'ai aussi avec moi le
deuxième vice-président, M. Moretti, et le secrétaire de
la fédération, M. Manno. Nous serons à votre disposition,
si vous jugez utile que nous répondions à vos questions.
LE PRESIDENT (M. Gratton): J'aimerais vous rappeler, M. Rizzuto, que les
règlements prévoient une période de vingt minutes pour la
présentation de votre mémoire et une période de quarante
minutes pour permettre aux députés déposer les questions
qui s'imposent. Vous avez la parole.
M. RIZZUTO: M. le Président, si vous me permettez avant de
commencer le mémoire, j'aurais voulu poser une question aux membres de
la commission. Je pense que cette question est importante pour nous et nos
arguments, pour les questions qui vont être posées. A plusieurs
reprises, on a entendu des déclarations, même de la part des
membres de la commission. Nous nous interrogeons sur ces déclarations,
surtout nous, les Néo-Canadiens ou les
Néo-Québécois, et quand on parle de la province de
Québec, nous voulons être réellement
éclairés. Nous ne dirions pas qu'elles ne sont pas exactes mais
nous voulons avoir des éclaircissements là-dessus.
Si je peux donner des exemples personnels, je suis un immigrant, je suis
arrivé ici au Canada, dans la province de Québec, je suis devenu
Canadien. Au moment où j'ai prêté serment devant le juge de
la citoyenneté du Canada, on m'a garanti les mêmes
privilèges, les mêmes droits et les mêmes respects que tout
citoyen au Canada.
Après certaines déclarations faites par des membres du
gouvernement, députés de l'Assemblée, il semblerait qu'il
y ait des groupes d'individus qui ont des droits acquis dans la province de
Québec, qui, comme moi et comme trois quarts de million
approximativement, ont leurs enfants. On s'attend d'avoir les mêmes
privilèges et, paraît-il, nous n'aurions pas les mêmes
privilèges que ces gens.
Je voudrais avoir une explication ou une réponse, afin de savoir
réellement sur quoi on se base et pourquoi nous n'aurions pas les
mêmes privilèges que ces gens qui ont des droits acquis dans la
province de Québec.
M. CLOUTIER: M. le Président, je me demande s'il ne vaudrait pas
mieux que la fédération présente son mémoire et la
discussion nous permettra peut-être d'apporter des
éclaircissements en cours de route. Si je comprends bien la question que
l'on pose, on désire savoir si tous les citoyens ont exactement les
mêmes droits? La réponse est oui, sans un moment
d'hésitation. Mais comme je ne pense pas que ce soit le lieu pour
engager un débat, je suggérerais qu'il y ait présentation
du mémoire et lors des questions, nous pourrons peut-être apporter
des précisions.
M. RIZZUTO: M. le Président, c'est que moi, si je sais d'avance
que je n'ai pas les mêmes droits, cela me permettra de me conformer, dans
mes questions, à notre mémoire. Si j'ai des droits comme tout
Canadien, cela me permettra de discuter comme tout citoyen. C'est
extrêmement important que je sache si j'ai les mêmes droits ou non
que les autres dans la province de Québec.
M. CLOUTIER: Je comprends mieux maintenant. Tous les citoyens canadiens
ont les mêmes droits.
M. RIZZUTO: M. le Président, encore la semaine dernière
j'ai lu un article dans la Presse disant que tous devraient aller à
l'école française, sauf les anglophones qui ont des droits acquis
au Québec, au Canada si vous voulez et
c'est une des raisons. Il y a eu d'autres déclarations depuis des
mois, depuis des années, mais la plus récente, celle de la
semaine dernière dit que les anglophones du Québec ont des droits
acquis. L'article dit également que nous, les Néo-Canadiens ou le
reste de la société du Québec, nous n'en avons pas. C'est
normal que je me pose la question. Depuis quatre ou cinq jours, on ne peut que
constater des déclarations semblables.
M. CHOQUETTE: M. le Président, il est évident que, comme
président de la Fédération des associations italiennes du
Québec, vous êtes venu vous asseoir à cette commission
parlementaire pour faire des représentations en faveur des membres de
votre fédération et, en particulier, des gens d'origine
italienne.
Vous avez donc les droits de venir ici exprimer votre point de vue.
Lorsque vous posez une question qui a autant d'envergure que celle de savoir si
vous avez tous les droits de tous les autres Canadiens, vous comprenez que
c'est une question à laquelle il est impossible de répondre,
parce que, même au Canada, tous les gens n'ont pas les mêmes
droits.
Si vous allez en Ontario, vous n'aurez pas les mêmes droits. Si
vous allez en Colombie-Britannique, vous n'aurez pas les mêmes droits.
Par conséquent, il n'est pas exact, et c'est une question, à mon
sens, qui n'est pas justifiée pour vous d'arriver et de dire: Est-ce que
j'ai les droits de tous les autres Canadiens? Il est évident que vous
avez un certain nombre de droits en commun avec tous les Canadiens et tous les
Québécois, mais cela ne veut pas dire que vous avez
intégralement les mêmes droits, parce que cela dépend des
situations respectives des gens.
Je crois que vous posez mal le problème en abordant la discussion
sur un plan aussi général et en posant une question à
laquelle il n'est pas possible de donner une véritable réponse.
Je pense 'que mon collègue, le ministre de l'Education, lorsqu'il vous
invitait à aborder vos représentations, vous indiquait
peut-être la voie, c'est-à-dire vous demandait de nous exprimer
votre point de vue en tant que Canado-Italien ou que Québécois
d'origine italienne en nous disant: Quels sont vos problèmes
particuliers? Quel est votre vue sur les problèmes que soulève ce
projet et loi et quels sont vos objectifs?
M. RIZZUTO: M. le Président, avant de poser réellement des
questions valables ou de donner des arguments valables, je veux savoir dans
quelle situation je me trouve au Québec. Si je n'ai pas les droits de
tout le monde, c'est normal que je m'en tienne à des droits qui me sont
permis.
M. Choquette parle, je pense, des droits que peuvent avoir les gens des
différentes provinces dans le Canada. Je pense bien qu'on parle des
droits canadiens. Je me situe encore dans le Canada. On devrait savoir
réellement, autant que les citoyens et les autorités du
gouvernement, quelles sont les lois pour la société.
M. CHOQUETTE: M. Rizzuto, permettez-moi une interruption. De quels
droits parlez-vous? Dites-nous de quels droits. Quand vous dites: Est-ce que
j'ai les mêmes droits que les autres Canadiens, je vous demande de quels
droits vous nous parlez. Droits en regard du code criminel? Droits en regard du
code civil? Droits en regard des lois d'éducation? De quels droits nous
parlez-vous?
M. RIZZUTO: Je parle des droits en général, comme cela m'a
été confirmé par le gouvernement canadien, M.
Choquette.
M. CHOQUETTE: Mais, M. Rizzuto, je suis un député et un
ministre provincial. Je n'ai pas les mêmes droits qu'un
député ou un ministre fédéral. Je suis un
Québécois. J'ai les droits d'un Québécois. Je n'ai
pas les droits d'un Ontarien.
M. RIZZUTO: Non, mais...
M. CHOQUETTE: Mais de quels droits nous parlez-vous?
M. RIZZUTO: Pourquoi déviez-vous de la situation? Je veux savoir
si j'ai les mêmes droits ou si je ne les ai pas. C'est facile pourtant.
Vous devriez le savoir si on a les mêmes droits ou non.
M. CHOQUETTE: Mais non, cela ne se résout pas comme cela.
M. RIZZUTO: Pourquoi n'est-ce pas facile? C'est tellement
compliqué d'être dans son droit? On n'a pas le droit.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !
Messieurs, si vous le permettez, je pense qu'on ne veut sûrement
pas engager un débat ni là-dessus, ni sur autre chose. On est ici
pour entendre vos représentations, M. Rizzuto. Je vous inviterais
à faire vos représentations et à poser vos questions comme
si tous les droits étaient vôtres. Vous avez sûrement le
droit de vous exprimer au nom de votre association devant cette commission
parlementaire. C'est le but de la convocation d'aujourd'hui. Je vous invite
à y aller sans aucune réserve, sans aucune contrainte. Je suis
sûr que les questions ou les sujets qui pourront être
soulevés seront traités de la même façon, dans votre
cas que dans le cas de tout le monde. Je vous invite donc à faire votre
présentation, si vous voulez.
M. RIZZUTO: Merci, M. le Président. Si je comprends bien, on a
les mêmes droits que tout le monde.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Absolument!
M. RIZZUTO: Parfait!
M. MONTINI: Je pense qu'en s'engageant là-dessus, puisqu'on a les
mêmes droits, et je pense bien qu'on parlait de droits humains, M.
Choquette, pour vous répondre, on voudrait bien soulever certains
points. D'abord, on aimerait souligner qu'on accepte que la langue
française doit être prioritaire au Québec. On en est
pleinement conscient et on l'accepte pleinement. Elle doit être
favorisée même. C'est-à-dire que, dans la situation
actuelle du Québec, elle doit être prioritaire et
favorisée. Donc, c'est à partir de là, je pense, que notre
intervention, aujourd'hui, se pose, et que nos interventions
précédentes aussi se sont posées, puisque, depuis un an,
la fédération, je pense, a parlé dans ce sens. Acceptant
la langue française comme langue prioritaire, on accepte aussi les
droits fondamentaux des Québécois français. A ce moment,
par rapport au bill 22, intégralement, comme jugement global, on doit
dire, on a un point d'acceptation et non de rejet total, même si on doit
rejeter ou essayer à certains moments, de proposer des changements par
rapport à certains chapitres ou à certains paragraphes de ce
bill. C'est notre position, au moins, au point de départ, pour qu'on
sache qu'on n'est pas là tout simplement pour rejeter quelque chose au
départ.
Mais ce que M. Rizzuto vient de dire tantôt est très
important. Nous voulons savoir si nous sommes acceptés comme citoyens
à part entière, puisque, à un certain moment, les
minorités anglaises semblent avoir je ne parle pas de droits, je
parle de privilèges certains privilèges.
Leur statut est conservé. Or, je me pose la même
question.
Est-ce que, moi, citoyen, est-ce que, moi immigrant reçu, qui
suis là, je suis citoyen à part entière? Et à
partir de cela, on fonde toute notre argumentation. Et j'aimerais vous
présenter d'abord un certain nombre d'attendus sur lesquels on ne
discutera pas puisqu'on pourrait, avec vous, les défendre; mais, il faut
vous présenter certains autres points qu'on considère presque
aussi importants que les attendus, sans avoir aucun droit là-dessus.
Donc, on ne parlera pas au niveau des droits ou de l'absence de droits.
On considère que le Québec, dans le domaine de
l'éducation, a une tradition bien établie de justice envers les
groupes minoritaires. On considère et on accepte cette tradition qui le
distingue des autres groupes majoritaires en Amérique du Nord, que cela
soit au Canada ou aux Etats-Unis, même si avant de partir ce matin, j'ai
eu des nouvelles pour l'Etat du Maine et pour deux autres Etats des Etats-Unis
où, s'il y a 20 élèves demandant que l'enseignement soit
donné dans leur langue, ce- la est accepté. Par exemple: Floride,
Maine, et le Massachusetts. Mais, comme je l'ai dit, cette tradition nous
distingue quand même des autres Etats du Canada et des Etats-Unis, cette
tradition est un exemple unique que le français est la langue de la
majorité, donc langue prioritaire, ce qu'on a exactement dans le projet
de loi 22. A cause des événements historiques, culturels,
économiques, sa survie doit être garantie et même
favorisée. Par conséquent, c'est un devoir de tout citoyen
et cela fait un an qu'on continue à le dire, et on croit à
cela du Québec d'apprendre la langue française et on avait
même suggéré des moyens.
Le gouvernement du Québec doit donc assumer ses
responsabilités sur ses sujets. Il doit donc légiférer
s'il le veut, mais avec tout cela à l'esprit, il serait bon qu'on
considère les points suivants que nous considérons des
réalités:
Que dans la législation, le gouvernement doit respecter les
droits de l'individu vous posez la question au moins, les droits
humains; qu'afin de jouir de tous les avantages économiques, une
souplesse quant au changement de lieu devient nécessaire et par le fait
même, la connaissance de l'anglais est essentielle en Amérique du
Nord; que c'est donc d'une importance vitale pour tout citoyen du Québec
d'apprendre la langue anglaise; que toute loi juste qui essaie de
légiférer dans le domaine de l'instruction publique ou dans le
domaine linguistique tout court, doit s'appliquer à tout
Québécois et non seulement à une minorité; que
c'est un devoir du gouvernement québécois de voir que
l'enseignement de la langue seconde ait une qualité telle qu'il devienne
un enseignement valable et une condition de promotion à tous les niveaux
de l'enseignement public; que, dans le contexte actuel, chaque parent, au
Québec, ait le droit indéniable je dis bien dans le
contexte actuel du choix de la langue d'enseignement qui lui semble le
mieux adapté à son enfant; que ceux qui poursuivent
l'unilinguisme tiennent la langue pour liée à une culture,
à des attaches traditionnelles et, dans certaines situations, à
des problèmes de survie, de réussite et de statut social; et que
l'individu totalement bilingue soit parfaitement conscient de ces relations,
mais qu'il soit en même temps capable d'ajuster sa pratique du langage
à l'environnement social, démontrant par là qu'il
appartient à plus d'un milieu donné.
Avec tout cela à l'esprit, on a essayé de relire le
document et, dans ce qui est important dans les quatre premiers chapitres, on
n'a pas apporté de changement majeur, même s'il y aurait des
souhaits qu'on pourrait exprimer à un certain moment.
Les changements fondamentaux qu'on retrouve dans le projet de loi 22,
c'est par rapport au chapitre V, le chapitre sur l'enseignement. Nous
proposons, nous recommandons de corri-
ger le chapitre en essayant de rester, comme M. Cloutier le disait bien,
dans l'esprit de la loi, dans l'esprit de celle qui est là. On a
essayé vraiment de l'interpréter dans ce sens, même si on a
présenté des changements majeurs.
Je dois vous avouer aussi que le paragraphe 49, faute de temps on
a voulu consulter beaucoup de gens est mal formulé. On en a
été conscient, mais, à la dernière minute, il y a
eu des changements à l'assemblée générale dans
toutes les commissions et on l'a formulé d'une façon boiteuse, en
gardant l'ancienne formulation. Mais on va vous expliquer ce qu'on veut dire
dans ce paragraphe. On s'excuse du français, puisque cela a
été changé sur-le-champ. Cela a été dimanche
avant même qu'on sache qu'on pouvait retarder la déposition du
projet.
Au paragraphe 48, on le lira étant donné que vous avez
tous la loi: "L'enseignement se donne en langue française dans les
écoles régies par les commissions scolaires, les commissions
scolaires régionales et les corporations de syndics". Tout ce qu'on
ajoute c'est "et les écoles privées". C'est qu'on voudrait
inclure aussi les écoles privées. Ces organismes cela
change un peu doivent, cependant, donner l'enseignement en langue
anglaise lorsqu'un nombre suffisant d'enfants éligibles à
fréquenter une classe en fait la demande. C'est pour clarifier un peu
l'élément que les commissions ne peuvent ni commencer, ni cesser.
Ensuite, on garde le dernier point: La commission scolaire du
Nouveau-Québec peut aussi donner l'enseignement, dans leurs langues, aux
Indiens et aux Inuit.
L'article 49, le paragraphe dont on avait dit qu'il y a eu des
malentendus. Je vais vous les exprimer d'abord en peu de mots. Ce qu'on veut
dire à l'article 49, c'est que tout citoyen et tout immigrant
reçu qui est là actuellement, avant que la loi n'entre en
vigueur, aient les mêmes droits face à la langue
d'enseignement.
Que les nouveaux immigrants, tous c'est cela que vous ne trouvez
pas dans le document aient aussi le choix du système
d'enseignement seulement après avoir suivi trois ans d'immersion en
français. Cela veut dire que tous devraient avoir trois ans d'immersion
en français. Cependant, on voudrait que ce soit aussi inscrit dans la
loi que les nouveaux immigrants doivent être formellement
renseignés de la situation linguistique et scolaire du Québec
avant de quitter leur pays d'origine. Là, nous mettons un petit
paragraphe: Que les dispositions contenues dans le paragraphe
précédent ne s'appliqueraient pas aux enfants qui ont
déjà commencé leurs études primaires, ni aux autres
enfants nés de mêmes parents, ni aux enfants d'immigrants
résidant au Québec avant l'entrée en vigueur d'une telle
loi, ni aux citoyens. On aimerait que ce soit inclus parce que vous savez mieux
que moi que nous, malgré que nous soyons citoyens depuis 1890, nous
serons toujours des immigrants; qu'on se réfère au rapport
Parent. C'est dans les chiffres du rapport Parent.
Il appartient à chaque principal cela aussi on l'a
changé parce que c'était réservé aux commissions,
en se basant sur le règlement no 7, au paragraphe 11, puisque c'est
là que c'était marqué; peut-être que les mots ne
sont pas tout à fait les mêmes, nous avons traduit de l'anglais
avec son corps professoral de déterminer la classe, le groupe ou
le cours auquel un élève doit être intégré,
eu égard aux critères d'admissibilité exposés
à l'article précédent. Nous avons trouvé que
c'était un fait, que c'est par droit, que ce n'est pas tout à
fait contradictoire avec ce qui existe, parce que la commission peut
déléguer cela au principal. Mais, dans le contexte actuel
où on laisse beaucoup de liberté, où on essaie de partager
les pouvoirs, on verrait très mal que tout soit centralisé
à nouveau. C'est pour cela que nous ramenons le règlement no 7,
au paragraphe 11.
A l'article 51, vu les éléments énoncés plus
haut, la connaissance suffisante de la langue française ou anglaise n'y
étant plus, puisqu'on a réservé les éléments
un peu plus haut, pour nous cela devient inutile. Cela serait par le fait
même éliminé, puisqu'il y a l'autre critère qu'on a
soulevé.
On lit tel quel l'article 52 et on y ajoute d'autres
éléments. Les programmes d'étude doivent assurer la
connaissance de la langue française parlée et écrite aux
élèves qui reçoivent l'enseignement en langue anglaise et
le ministre de l'Education doit prendre les mesures nécessaires à
cette fin. Les programmes d'étude doivent aussi assurer la connaissance
de la langue anglaise parlée et écrite aux élèves
qui reçoivent l'enseignement en langue officielle du Québec.
C'est l'élément que nous avons ajouté à cause aussi
de nos réalités. On parle souvent de qualité; alors,
pourquoi ne pas l'inclure dans la loi telle quelle si on y croit vraiment?
Il est résolu enfin de corriger l'article 128 du chapitre 5 du
projet de loi no 22 par l'article suivant: De septembre 1974, on
considère beaucoup plus réaliste et moins illusoire de mettre au
moins 1975. Et le reste demeure tel quel.
C'est un peu la position qui partait de notre position
précédente dans laquelle on avait souvent exprimé que,
pour une loi juste, pour qu'elle soit respectée, elle doit s'appliquer
à tout le monde, qu'à la fois l'anglais doit être bien
enseigné dans le contexte dans lequel on vit et dans tous les principes
que j'ai énoncés plus haut et, si on veut être beaucoup
plus réalistes, que les gens qui sont là aient le choix et pour
les autres à un certain moment, qu'on les mette, d'accord, dans une
immersion française de trois ans, parce qu'ensuite il le pourrait
éventuellement, si le système s'occupe de les intégrer
comme il faut... Par exemple, les classes d'accueil cette année ont
attiré 75 p.c. de la population présente, même si, en
chiffres absolus, c'est illusoire, c'est dans les 300, mais peu
importe, c'est 75 p.c. des gens des classes d'accueil cette année
qui ont été attirés. Si, avec les trois ans d'immersion
qu'on propose, le système et la qualité s'amélioraient, il
y a une grande solution au problème qu'on voit actuellement.
C'est à partir de là que je reviens aux questions,
puisqu'on accepte les droits fondamentaux des Québécois
français, puisqu'on accepte aussi et qu'on demande un statut égal
pour tous les gens qui sont là, immigrants ou citoyens; on voudrait un
statut égal pour tous les gens à venir. Je le dis à
nouveau, on se base uniquement sur le pur droit humain, parce que la
possibilité de relations égalitaires entre individus n'existerait
pas si un gars entre avec moi et a des droits différents. C'est
uniquement sur ce droit que je demande l'égalité pour tous; en
plus, l'autre droit des gens qui sont là. J'aimerais avoir une
réponse à ce niveau. D'abord, je pose la question de M. Rizzuto
tantôt parce, que ça devient important à ce moment-ci:
Est-ce qu'on a tous, les immigrants je dis bien les immigrants
résidants à ce moment pour ne pas se confondre les
mêmes droits que les citoyens qui sont là? Et si oui, pourquoi le
projet de loi l'a-t-il oublié?
LE PRESIDENT (M. Gratton): Merci, messieurs. Nous passons maintenant
à la période des questions. L'honorable ministre de
l'Education.
M, CLOUTIER: M. le Président, je remercie la
Fédération des associations italiennes du Québec de son
mémoire. Je note avec plaisir que cette fédération est
d'accord sur les objectifs que poursuit le projet de loi 22. Ces
réserves portent surtout dans le secteur de l'enseignement et le
mémoire comporte un certain nombre de recommandations que le
gouvernement étudiera très certainement. A ce propos, j'aurais
une seule question. Cependant, avant de la poser, je voudrais, peut-être,
pour qu'il n'y ait pas de malentendus le ministre de la Justice aura
l'occasion d'y revenir dire clairement que les citoyens canadiens au
Québec se trouvent dans la même situation, qu'ils soient
nés ou qu'ils aient été naturalisés. En posant la
question de cette façon, on évite peut-être une discussion
trop académique sur la nature des droits. Autrement dit, quelle que soit
la façon dont on devient citoyen canadien, on se trouve exactement
traité de la même façon.
Ceci dit, je voudrais simplement relever une affirmation que le
président vient de faire, à savoir qu'il est important, pour
qu'une loi soit juste, qu'elle s'applique à tout le monde.
Or, j'ai l'impression que, dans le projet de loi 22, quels que puissent
être ses mérites, peu importe pour l'instant, le chapitre de
l'enseignement s'applique à tout le monde. La liberté de choix
est maintenue, mais elle est liée à une condition qui en est une
d'ordre pédagogique et cette condition est la même pour les
anglopho- nes, pour les francophones, pour les citoyens canadiens d'une autre
origine et pour les nouveaux immigrants.
Alors, en quoi, et c'est ma question, y a-t-il discrimination ou y
a-t-il injustice par rapport à un traitement qui doit être
équitable et identique pour tous?
M. MONTINI: Je vous pose une question en répondant à votre
question, puisque vous posez des questions en répondant aux
questions.
M. CLOUTIER: II ne faudrait quand même pas s'y tromper. C'est mon
rôle de poser des questions...
M. MONTINI: Oui.
M. CLOUTIER: ... parce que la raison d'être...
M. MONTINI: La question est une réponse.
M. CLOUTIER: ... de la commission est d'éclairer le
gouvernement.
M. MONTINI: La question est une réponse et, M. le
Président, puisqu'on se base sur un critère, celui de
connaître suffisamment la langue pour pouvoir appartenir à un
groupe, je vous pose donc ma question. D'abord, y a-t-il, et c'est impossible,
je vous donne la réponse moi-même si vous dites non, c'est
déjà discriminatoire par le fait même un test
objectif validé pour le moment? Non, parce qu'il ne peut pas être
appliqué.
Deuxièmement, le test qu'on peut appliquer à des
immigrants et celui qu'on peut appliquer à des anglais ne sont pas les
mêmes.
Troisièmement, le test permettra-t-il à un Anglais moyen,
même déficient, de réussir cet examen?
Quatrièmement, le test permettra-t-il, puisqu'il est basé
sur des niveaux, à un moment donné, d'aller loin? Ce
critère est tellement subjectif que, dans la subjectivité, il y a
discrimination même.
M. CLOUTIER: On peut, M. le Président, ne pas aimer le
critère choisi dans la rédaction actuelle, qui est le
critère du test. Mais je ne crois pas que l'on puisse dire et
votre réponse me l'indique que la loi est injuste, en ce sens
qu'elle imposerait à un groupe des conditions qui ne seraient pas les
mêmes pour les autres groupes. Les tests sont tout à fait
objectifs et il est courant d'utiliser des tests pour déterminer les
niveaux; ceci se fait partout, il y en a actuellement plusieurs dizaines qui
sont utilisés dans plusieurs commissions scolaires du Québec.
M. le Président, j'ai terminé mes questions.
LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable chef de l'Opposition.
M. MORIN: M. le Président, je voudrais d'abord dire toute la
satisfaction que l'Opposition ressent à accueillir nos invités et
à constater que cette association, à plusieurs reprises dans le
passé et aujourd'hui encore, reconnaît le caractère
français du Québec.
Nous estimons quant à nous que votre organisme a fait preuve
d'ouverture d'esprit sur ce plan. Cela ne veut pas dire que nous soyons
d'accord sur toutes les positions de détail que vous ayez prises, mais
il me semble que c'est une bonne base sur laquelle établir une
discussion franche.
La première question que je voudrais vous poser est
destinée à confirmer cette impression, que votre
Fédération me donne, depuis deux ou trois ans que je suis ses
prises de position, ses déclarations, son cheminement en matière
linguistique.
Est-ce vraiment, comme j'ai cru le comprendre, votre désir
profond de vous intégrer à la société
québécoise? J'entends cela, compte tenu de vos origines, car je
ne suis pas de ceux qui croient à faire du Québec un "melting
pot" intense, compte tenu de votre "italianité", laquelle, à mon
avis, doit être conservée; laquelle doit se voir reconnaître
le droit à l'existence dans la société
québécoise. Compte tenu de cela, est-ce vraiment votre
désir de vous intégrer à la vie sociale, économique
et politique du Québec?
M. MONTINI: Si je vous répondais en vous disant qu'on est des
Québécois, est-ce que cela répondrait à votre
question?
M. MORIN: Ce serait magnifique.
M. MONTINI: C'est ce que j'avais dit au tout début. C'est
l'objectif pour lequel on est venu ici cet après-midi. Ce n'est pas pour
revendiquer des droits, mais c'est plutôt pour construire un
Québec, parce qu'on sentait que le bill 22 ne pourrait pas aller
là où il voudrait arriver.
M. MORIN: M. le Président, on vient de confirmer l'impression que
ces messieurs nous donnent depuis déjà quelques temps au
Québec. Même si, sur le plan des modalités, nous cherchons
tous des solutions qui soient justes si cela est votre point de départ,
j'estime que c'est déjà un grand pas de franchi.
J'ai, pour ma part, été éduqué avec un
certain nombre de camarades italiens durant mes études. Il y en avait un
qui portait un bien grand nom italien, puisqu'il s'appelait Malatesta, l'autre
s'appelait Biffi. En ce qui concerne mon camarade Biffi, il occupe une place
tout à fait honorable dans la société
québécoise; il fait une très belle carrière au
Québec. Cela a été traditionnellement je crois que
vous en êtes conscients, messieurs l'attitude des
Québécois d'origine italienne, ici au Québec,
jusqu'à ces toutes dernières années, alors que s'est
posée la question linguistique. Les jeunes Italiens allaient à
l'école française sans qu'il y ait la moindre difficulté.
C'était l'exception, ceux qui allaient à l'école anglaise,
jusqu'à ces dernières années.
D'autre part et ce serait ma seconde question vous pensez
qu'il convient d'apprendre l'anglais, de bien connaître l'anglais puisque
nous vivons sur un continent qui compte 215 millions d'anglophones et que,
même au Québec, la connaissance de cette langue est fort utile.
Là-dessus, nous n'en disconvenons pas.
Je voudrais vous poser la question suivante: Si vous étiez
assurés j'emploie votre propre vocabulaire, à la page 3 de
votre mémoire que la connaissance de la langue anglaise serait
donnée à vos enfants dans le système scolaire
québécois, si ce système était français
à la base, est-ce que cela répondrait à votre
anxiété fondamentale de faire apprendre à vos enfants la
langue anglaise en plus de la langue française?
M. MONTINI: Partiellement, parce que la question repose sur un si
hypothétique. Je pense qu'on parle en intellectuel. Je vous
réponds à la fois en vous disant ceci: La réponse qu'on a
essayé de formuler contient à la fois un certain compromis. On
croit que les classes d'accueil portent fruit. Cela apparaît par les
chiffres.
Si cela est vrai, puisqu'on accepte, pour tous les nouveaux immigrants,
trois années d'immersion française, je me dis, à ce
moment, que ces citoyens sont tellement habiles à discerner par
eux-mêmes, sans qu'il y ait un "si" au préalable, qu'ils
pourraient automatiquement rester dans le système.
M. CLOUTIER: M. le Président, il est important que le
président réponde à la question du chef de l'Opposition
parce que c'est une question fondamentale.
M.MORIN: M. le Président, je ne veux absolument pas bousculer nos
invités. Je crois qu'il faut que nous fassions ce raisonnement ensemble,
à petits pas. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de leur dire:
Voilà, vous devez répondre.
M. CLOUTIER: Vous verrez ce que sera à très petits
pas.
M. MORIN: Eh bien...
M. MONTINI: Je vous remercie infiniment.
M. MORIN: Nous pouvons prendre les deux hypothèses. Je ne pense
pas que vous ayez des objections.
M. MONTINI: Ce sont vraiment les deux qu'il fallait prendre, parce que
je ne pouvais répondre seulement...
M. MORIN: Alors, prenons les deux hypothèses. Première
hypothèse: L'enseignement de l'anglais n'existe pas ou est très
mal donné dans les écoles françaises.
M. MONTINI: J'ajouterai de plus que c'est ce qui a attiré les
immigrants italiens, parce qu'on représente les Italiens. On ne
représente pas les autres. C'est ce qui a attiré les Italiens
dans le système. Dans le rapport de M. Cloutier, qui a paru
dernièrement dans la Presse, on disait que 83.7 p.c. sont dans les
écoles anglaises. C'est causé par quoi? Sinon par ce souci de
bilinguisme, de parler les deux langues. Là où on l'a
trouvé, c'est uniquement dans le système anglais, pour le moment,
généralement.
M. MORIN: Puis-je vous poser une petite question entre
parenthèses, pour ne pas briser le cheminement de notre raisonnement
commun. Est-ce que, dans les écoles anglaises, ils ont vraiment
trouvé un enseignement correct et suffisant de la langue
française?
M. MONTINI: Les écoles anglaises permettaient l'enseignement du
français dès la première année, alors que les
écoles françaises ne le permettent pas, même si une loi...
Vous parlez de loi, je vous dis oui. Vous avez raison. Mais pensez à la
CECM, à l'application.
M. MORIN: Bien.
M. MONTINI: Ce fameux si 26 ou 27 parents le demandent, ce n'est jamais
appliqué. C'est même indiqué de ne pas l'appliquer. Ce
qu'on trouve actuellement dans la réalité, c'est que les
écoles anglaises effectivement offrent le français dès la
première année, et les gens qui sont sortis de là semblent
le prouver. Je voudrais être un peu orgueilleux et vous dire:
Regardez-nous. Ils semblent prouver moi, je ne suis pas sorti de
l'école anglaise, malgré tout qu'ils peuvent parler les
deux. Pour le moment, j'ai une chose positive. Je sais que, si je m'en vais par
là, je l'apprends. Je ne veux pas parler, à ce moment, de
préjugés, ils nous ont refusés, et puis de la merde
excusez le mot ils nous ont refusés dans ce sens. Je pense que
c'est...
M. MORIN: Vous semblez bien Français, par votre vocabulaire, en
tout cas.
M. MONTINI: Oui, cela peut-être une crainte, à ce moment,
de le devenir trop.
M. MORIN: Bien.
M. MONTINI: Je continue l'argument. M. MORIN: Oui,
s'il-vous-plaît.
M. MONTINI: Je pense que je vous rejoins à ce moment. Lorsque
vous aurez changé le premier et les classes d'accueil, je dirai à
M. Cloutier: Vous avez raison. C'est une preuve cette année. Mais je
dois aussi, de l'autre côté... je ne peux pas marcher sur un plan
qui dit: Enlève-moi la liberté actuellement. Je ne parle pas,
dans le sens, sur un "si".
M. MORIN: J'ai compris le raisonnement. On a vu cette première
hypothèse. J'ai parfaitement suivi votre raisonnement. Maintenant,
prenons l'autre hypothèse. Peut-être une hypothèse qui peut
se réaliser en quelques années ou à long terme, je ne sais
pas; je ne veux pas entrer dans le détail. Je veux simplement vous
demander: Si les Québécois d'origine italienne se trouvaient
devant un système scolaire qui assure vraiment une bonne connaissance de
l'anglais, dans quel système préféreraient-ils
s'inscrire?
M. MONTINI: Je pense que répondre par le système
j'aurais de la difficulté à me prononcer pour les autres
mais ce dont je serais certain, c'est que, s'il y a, comme vous dites,
l'accueil, s'il y a à la fois cette langue enseignée comme il
faut, je pense que personne n'hésiterait à choisir ce qu'il aime
le plus. C'est le système qui leur convient le plus, qui est le plus
près d'eux.
M. MORIN: Et, en l'occurence, si j'ai bien compris, ce serait le
système...
M. MONTINI: Vous connaissez la réponse. M. MORIN: Ce serait le
système français.
M. MONTINI: En l'occurrence, oui, mais à condition vraiment...
C'est donc dire qu'on ne peut pas, actuellement, accepter, par le fait
même un "si" au départ de la loi, puisque la réalité
est bien différente. Deuxièmement, parce qu'on ne peut pas
accepter non plus une discrimination par rapport aux gens, si on le met pour
ces gens qui vont venir, pour qu'ils soient capables d'échanger à
part entière avec l'autre immigrant qui vient aussi. Ceux qui sont au
même niveau, au moins, on devrait les traiter exactement de la même
façon.
M. MORIN: Oui, autrement dit, le système scolaire
québécois porte une lourde responsabilité à votre
endroit en n'ayant pas assuré des dispositions qui vous permettent de
vous intégrer pleinement à la société
québécoise sans que vous ayez l'impression de perdre quelque
chose.
M. MONTINI: Je pense que vous venez de toucher un point très
important.
Va-t-on légiférer pour les intégrer ou va-t-on
plutôt les intégrer sans légiférer? C'est presque la
réponse, parce que toute votre question et tout votre raisonnement
arriveraient à cette réponse et je crois davantage au
deuxième point.
M. MORIN: Oui.
M. MONTINI: Mais s'il le faut, parce que je crois, effectivement, que le
gouvernement a le devoir de défendre la langue, si on croit vraiment
à cela, qu'on le fasse, mais qu'on le fasse d'une manière
complète. Qu'on ne joue pas à l'incertitude, si on connaît
suffisamment, si on ne connaît pas suffisamment, si le premier ministre
peut changer d'opinion du jour au lendemain, si le monsieur de la commission
scolaire, je peux l'acheter et si l'autre, je n'arrive pas à l'acheter.
Ces critères sont tellement subjectifs et discriminatoires...
M. MORIN: Oui.
M. MONTINI: ... je pense que c'est un jeu de cartes, un jeu de hasard,
et par le fait même, c'est vendre le Québec. C'est pour cela que
je vous disais que nous sommes venus ici, non pas pour défendre
seulement les droits des immigrants à venir, nous sommes venus aussi
pour cela, parce que j'ai été immigrant, mais aussi parce que je
suis citoyen. C'est aussi pour cela que je le défends. Quant à y
être, qu'on fasse une loi claire. C'est dans ce sens qu'on avait
proposé ce mémoire afin d'arriver à une loi claire, qu'on
avait essayé de trouver d'autres critères moins discriminatoires,
parce que si on cache la discrimination en arrière de critères
subjectifs, je m'excuse, mais en bon Canadien français, on dit: Mon
oeil.
M. MORIN: En bon Québécois aussi. J'aimerais vous poser
une autre question. Compte tenu de vos déclarations passées, que
nous avons suivies du côté de l'Opposition avec beaucoup
d'intérêt, avec beaucoup de sympathie même, on a
l'impression que vous nous dites, par moment: Messieurs les
Québécois, branchez-vous donc! Vous connaissez aussi cette
expression?
M. MONTINI: Oui.
M.MORIN: Branchez-vous donc! Décidez donc ce que vous voulez et
qu'on sorte de l'incertitude actuelle où on ne sait pas très bien
où le Québec s'en va. Est-ce que je me trompe? J'ai eu cette
impression à vous lire, que vous étiez dans l'incertitude quant
à savoir ce que le Québec veut pour son avenir et que, devant
cette incertitude, vous vous sentiez vous-mêmes incertains.
M. MONTINI: C'est exactement là-dessus, mais je clarifie, par
exemple, parce que ce que je veux dire exactement, c'est qu'en arrière
de la pensée de l'individu, il y a toujours l'individu.
M. MORIN: Bien sûr.
M. MONTINI: C'est exactement là-dessus. Nous avons tenu tellement
à nous identifier une fois pour toutes au Québec comme Italiens
et non comme Canadiens français ou comme Canadiens anglais. Les Italiens
sont des Anglais je peux écouter les Canadiens français me le
dire et j'entends aussi les Canadiens anglais me dire que les Italiens sont des
Canadiens français. Or, je pense que nous avons quand même une
position autonome tout en étant des citoyens à part
entière.
M. MORIN: Je voudrais maintenant éclaircir un ou deux passages de
votre mémoire pour bien comprendre votre pensée. Je pense, en
particulier, aux changements que vous proposez à l'article 49. Vous
dites: "Les élèves dont la langue maternelle est le
français peuvent fréquenter les cours dispensés par le
système français". Est-ce que ce "peuvent" est choisi à
dessein? Quel est son sens précis? Est-ce qu'il comporte une
faculté ou une obligation?
M. MONTINI: Je précise l'idée que j'ai exprimée
avant de lire le paragraphe 49. Ce paragraphe étant le paragraphe
contesté lors de l'assemblée générale de dimanche
soir et le document devant vous parvenir à deux heure lundi, on a
dû le corriger sur le champ en gardant l'ancienne formulation qui disait
autre chose. Le sens du "peuvent" est donc le suivant: Pour les citoyens
parce que l'on dit aussi: "... pour les Anglais, si la langue maternelle est
l'anglais ... On dit tout simplement ceci : Que pour les gens qui sont
là, citoyens ou immigrants reçus, qu'ils aient tous le libre
choix. Pour les autres, les immigrants à venir, et à nouveau,
pour tous, qu'ils aient l'immersion en français pendant trois ans. C'est
le sens qu'on voulait donner à notre point de vue.
M. MORIN: Je pense à vos déclarations antérieures
aussi et je n'arrive pas à voir le lien logique entre ce paragraphe 49
et certaines des choses que vous avez dites auparavant. Je voudrais que vous
m'éclairiez. J'ai lu quelque part dans mon dossier que vous n'acceptiez
pas la discrimination entre les immigrants d'origine anglophone et les
immigrants d'origine non anglophone. J'ai lu quelque part une de vos prises de
position qui est très nette là-dessus. Tout le monde doit
être sur le même pied. Pas de discrimination. Mais je vois ici:
"Les élèves dont la langue maternelle est l'anglais peuvent
fréquenter leur cours dans le système anglais". Est-ce que cette
phrase s'applique seulement à ceux qui sont déjà au pays
et non pas aux immigrants?
M. MONTINI: Seulement aux gens qui sont au pays.
M. MORIN: Ah vraiment!
M. MONTINI: C'est pour cela que je pense qu'on pourrait le biffer
complètement ou presque tout en gardant le dernier point: "Les nouveaux
immigrants doivent être informés... " On voudrait garder cela,
mais ce qui est important, c'est qu'on voudrait, pour tous les gens qui sont
là, qu'ils aient le libre choix et que la même
égalité existe par rapport aux autres, qu'il n'y ait pas de
distinction entre deux classes d'immigrants.
On ne parle plus ni d'anglophones, ni de francophones, même si la
formulation pourrait légalement s'appliquer uniquement aux gens qui ne
parlent ni anglais ni français. Ce n'est pas là qu'on vous le
dit. Même si vous avez un document, comme je dis, l'erreur n'a pas
été découverte après, elle s'est glissée
dans des discussions de table avec plusieurs individus. Il a fallu corriger,
mais le document était déjà parti vers Québec.
M. MORIN: Oui, parce qu'autrement on se demande comment c'est
conciliable avec vos déclarations antérieures.
M. MONTINI: Ce n'est pas conciliable du tout.
M. MORIN: Bon. Cela éclaircit quand même la situation.
Maintenant, j'ai encore une ou deux questions à vous poser. Ce "bain
d'immersion" de trois ans, est-ce qu'il est fondé sur des travaux
scientifiques, psychologiques, sur des travaux qui ont étudié le
comportement des jeunes immigrants dans le milieu québécois, ou
bien si c'est un chiffre plus politique que scientifique? Vous comprenez le
sens de ma question?
M. MONTINI: Je comprends très bien. Le chiffre trois n'est pas un
chiffre fatidique. H est basé sur une étude du chiffre un,
c'est-à-dire les classes d'accueil, d'abord. Mais je me suis
demandé pourquoi ne pas aller un tout petit peu plus loin et donner
c'est là, à un certain moment, l'esprit de collaboration
qu'on a cru offrir plus plus de possibilités d'améliorer
le système de la qualité d'enseignement de la langue seconde. Je
dis que un semble bon, classes d'accueil 1972, 1973, 1975; je pense même
si je ne me trompe pas j'ai le chiffre, mais par coeur, il m'est
difficile de vous le dire - 1972?
M. CLOUTIER: 1972 qui porte sur à peu près 300
enfants.
M. MONTINI: J'ai les chiffres, mais cela m'échappe actuellement.
Ils sont donc actuellement dans le système français. Je me dis
que si cela n'est pas suffisant pour un gouvernement pour le pousser à
créer cette même ambiance et de donner ce qu'on désire
aussi, la qualité de la langue seconde, voilà pourquoi je vous
réponds à la première question que vous avez posée,
c'est bon que je ne me base pas sur un "si". Si cela s'applique, je dis que
vous avez automatiquement la francisation.
M. MORIN: Maintenant, les bases scientifiques ne me semblent pas
très sûres.
M. MONTINI: ... un seul exemple, comme je dis, et les autres bases
scientifiques comme telles, si on voulait trouver des bases scientifiques,
l'étude faite à McGill par Turner, je pense, est tout à
fait dans l'autre sens, puisqu'on croit qu'une loi du genre, touche aussi un
aspect très politique, parce qu'il parle de l'enseignement de deux
langues, le bilinguisme. Il faudrait à ce moment, s'embarquer dans la
langue seconde de la maternelle. D'après les études actuelles que
l'on peut connaître, ce serait plutôt l'inverse. C'est ce que la
loi semble proposer.
M. MORIN: Oui.
M. MONTINI: II faudrait aller dans l'autre système, mais on ne
voulait pas embarquer là-dessus, puisque premièrement, c'est un
fait, c'est une étude longitudinale de sept ans. On ne connaît pas
tout à fait les échantillons. On connaît tellement peu de
choses et c'est laissé à l'étude.
M. MORIN: Oui. En fait, trois ans, c'est un peu court.
M. MONTINI: Trois ans, c'est qu'on peut se baser. Cela peut...
M. MORIN: Cela peut être cinq ans aussi?
M. MONTINI: Cela peut être le critère de la
citoyenneté proposé actuellement par le fédéral et
ce mouvement électoral. Cela peut être aussi bien ce
critère, mais on ne pourrait pas s'attaquer uniquement à l'aspect
citoyenneté, puisqu'il y a bien des immigrants qui sont citoyens
à part entière, mais qui malheureusement ou heureusement pour des
raisons tout simplement psychologiques personnelles, n'accepteront jamais de
devenir des citoyens, sans pour autant, être des citoyens.
M. MORIN: Oui.
M. MONTINI: C'est pour cela qu'on a pensé "chiffre" plutôt
que "définition".
M. MORIN: Oui, ce qui m'inquiète un peu quant à trois ans,
c'est que, si je m'en tiens à votre déclaration initiale
d'intention, qui est vraiment de vouloir vous intégrer à la
société québécoise, trois ans d'immersion, cela me
paraît un peu mince. Je me place dans votre propre perspective et je
trouve cela un peu mince comme exigence.
M. MONTINI: A tel point qu'à un certain moment, le citoyen, on
l'a dit plus haut, a tous les droits, pourquoi ne pas le permettre à
l'autre qui le deviendrait?
M. MORIN: Maintenant, une dernière question. J'en aurais mille,
M. le Président, mais je dois me limiter, puisque le temps nous manque.
On pourrait passer des heures avec nos invités, parce que vraiment, nous
avons devant nous une association qui est très au fait des
problèmes des immigrants et qui pourrait certainement nous apprendre
encore mille et une choses.
Je vous pose une dernière question toujours d'ordre technique.
Les trois ans d'immersion dont vous parlez, est-ce à l'école ou
si cela pourrait avoir lieu avant l'école?
M. MONTINI: Vous comprenez que je pourrais vous poser la question. Les
citoyens, est-ce que vous les différenciez?
M. MORIN: Non, je voudrais que vous répondiez...
M. MONTINI: Ce serait la première question, certainement.
Dès qu'il devient un citoyen à part entière, on n'a pas le
droit d'y toucher. D'après moi, même s'il n'a pas un papier, dans
la mesure où je ne veux pas toucher les autres citoyens qui sont
là aujourd'hui, je n'aurai pas le droit non plus après, lorsque
je les accepte comme citoyens. A nouveau, on présente deux
critères, deux statuts, deux niveaux, des citoyens de deuxième
ordre. C'est la raison fondamentale. Mais je dis cependant qu'il y a plus dans
ce que nous proposons. C'est à nous à le gagner. C'est à
nous de l'avoir.
M. MORIN: Mais je vous posais une question tout à fait technique
parce que, sur la question du statut du citoyen par rapport à ceux qui
ne le sont pas devenus, cela serait un très beau débat juridique
de savoir si la loi peut s'appliquer aux uns et pas aux autres, si leur statut
est vraiment différent au regard de la loi en matière
d'enseignement au Québec. Ce serait un très beau débat que
je pourrais avoir, par exemple, avec le ministre de la Justice, mais nous
pouvons remettre cela à plus tard. La question que je vous posais
était la suivante: ces trois ans d'immersion, est-ce que vous pensiez
à trois années scolaires, c'est-à-dire à
l'école proprement dite ou si, parmi les trois ans, il pourrait se
trouver un an, deux ans, voire toute la période de trois ans en
formation préscolaire, maternelle ou autre?
M. MONTINI: Cela peut-être selon la date d'entrée en
vigueur. Je prends un exemple. Cela peut me permettre de répondre. Si
j'arrive avec un fils de... Je sais...
M. MORIN: C'est important ma question, parce que vous voyez venir la
suivante...
M. MONTINI: La question était très pertinente, c'est pour
cela que je vous réponds en prenant un exemple.
M. MORIN: C'est cela.
M. MONTINI: Si j'arrive avec un fils de quatre ans, ce gars commence par
les classes d'accueil, cela fait la première année; la maternelle
est la deuxième année; la première année est la
troisième année, et à ce moment-là il aurait le
droit de choix. Si j'arrive avec un fils de deux ans, il va faire ses trois ans
et devenir citoyen. Mais, dans les hypothèses les plus impossibles,
d'après moi, après trois ans, il a tellement collaboré
qu'il est Québécois. C'est peut-être là le
débat qu'on devrait faire à un certain moment pour savoir s'il
est vraiment citoyen. Je vais plus loin. Un enfant qui naît de ces
mêmes parents est Canadien. Or, je pense que vous nous obligez à
nous mettre sur deux niveaux. Vous répondez en nous disant: Envoyez-le
trois ans, de la première à la troisième, parce que c'est
là le cycle obligatoire actuellement. Ce serait automatiquement
pénaliser beaucoup de gens. Je ne crois pas à cela. Je pense que
notre position se veut une position de justice basée, comme je dis, pas
sur des droits acquis d'ailleurs vous avez même répondu
à quelqu'un: Ce n'est pas cela, les droits acquis mais
basée vraiment sur les droits humains d'égalité, du
citoyen à part entière.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, vous me permettrez de vous faire
remarquer qu'il reste environ dix minutes. J'invite le chef de
l'Opposition...
M. MORIN: J'avais encore plusieurs autres questions, M. le
Président, mais étant donné que nous sommes
bousculés, j'y renonce volontiers.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, l'honorable député de
Beauce-Sud.
M. ROY: M. le Président, à mon tour, je veux en profiter
pour féliciter et remercier la Fédération des associations
italiennes du Québec de s'être donné la peine de venir
présenter un mémoire devant la commission parlementaire afin de
nous exposer son point de vue sur le projet de loi 22. J'ai remarqué,
dans votre mémoire, que vous avez indiqué certains principes, que
vous avez fait des recommandations et surtout que vous avez proposé des
amendements, surtout au chapitre 5 de la loi, concernant les articles 48, 49,
50 et 51. Advenant que le gouvernement n'amende pas lesdits articles, tel que
vous l'avez demandé, et advenant que le projet de loi 22 soit
présenté devant l'Assemblée nationale tel que
formulé présentement, je vous pose la question suivante: Est-ce
que vous préféreriez, si vous aviez à choisir, qu'il n'y
ait pas de loi 22 plutôt que d'avoir une loi 22 telle
que celle que nous avons actuellement entre les mains?
M. MONTINI: Oui.
M. ROY: Vous préférez ne pas avoir de loi 22? Merci.
LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable ministre de la Justice.
M. CHOQUETTE: M. le Président, je voudrais à mon tour
féliciter la Fédération des associations italiennes du
Québec pour le mémoire qui nous a été
présenté cet après-midi. Je crois que ce mémoire,
sans que j'exprime une approbation à tout ce qu'il contient, apporte
quand même des éléments très positifs pour les fins
de la discussion que nous avons sur le bill 22. Le premier aspect positif que
j'y retrouve, c'est une reconnaissance de l'anglais comme langue seconde dans
le système français. Je crois qu'en signalant cet aspect, la
Fédération des associations italiennes du Québec souligne
une préoccupation très pratique de la part de beaucoup de
citoyens et de parents du Québec qui se rendent compte qu'il ne suffit
pas de faire les autruches et de faire semblant que l'on puisse ignorer
l'existence de la langue anglaise même au Québec.
Je pense que la preuve est faite, de façon abondante, de
l'utilité, comme l'a dit le chef de l'Opposition mais moi je dis,
de la nécessité pour les citoyens québécois
de langue française ou néo-canadiens d'avoir un usage ou une
connaissance très convenable de l'anglais et ceci pour accéder
à certains postes de commande et pour réussir dans les
carrières qu'ils entreprennent. Par conséquent, sur le plan
pratique, je trouve que le fait, pour la Fédération des
associations italiennes du Québec, d'avoir souligné cette
nécessité de la connaissance de l'anglais pour les citoyens du
Québec est un apport positif aux discussions.
Je dois dire aussi que j'ai trouvé un autre point qui m'a
impressionné dans le mémoire de la fédération.
C'est celui qui se réfère à l'immersion, pendant trois
ans, que l'on imposerait aux immigrants qui arriveraient au Québec. Je
crois que si la fédération a fait cette suggestion, c'est parce
qu'elle se rend compte qu'au Québec nous sommes dans un milieu qui veut,
de façon prépondérante, être français et
qu'il est temps que le gouvernement l'affirme d'une façon très
claire et précise. Je crois qu'en inscrivant cette disposition quant
à la fréquentation du système scolaire français par
les nouveaux immigrants, l'on a simplement été dans la logique du
français prioritaire qui était un des principes posés au
départ par la fédération.
Cependant, j'aimerais soulever cette question de l'attachement qu'ont
certains pour le libre choix ou le prétendu libre choix de la langue
d'enseignement. Je ne connais pas de pays, je ne connais pas d'endroit au monde
où il y ait un libre choix pour les parents d'envoyer leurs enfants dans
un système scolaire ou un autre et qui n'est pas de leur propre langue.
Le Québec est unique à ce point de vue, où des parents de
langue française peuvent dire: Nous, nous dirigeons nos enfants vers le
système anglais. Je ne vois pas ce qui justifie le maintien du libre
choix comme principe ou, du moins, je ne vois pas ce qui le justifie au niveau
des principes. Car, à mon sens, il ne s'agit pas d'un principe, il
s'agirait, tout au plus, d'une mesure pratique à laquelle le
législateur pourrait consentir à certaines conditions. Par
conséquent, je ne vois pas pourquoi la Fédération des
associations italiennes se fonde sur ce principe du libre choix comme
étant une donnée fondamentale du problème. J'ajouterais
à cela qu'il me semble qu'une majorité qui impose un
régime linguistique, et spécialement un régime
linguistique au point de vue scolaire, ne doit pas seulement l'imposer à
des immigrants, mais elle doit se l'imposer à elle-même.
Evidemment, j'exprime des opinions personnelles, je ne lie personne par
mes propos aujourd'hui, mais mon avis est que si l'on veut parler
d'égalité des citoyens et d'égalité des droits, on
ne peut pas décemment faire de distinction entre les droits de la
majorité et les droits de ceux qui arrivent au pays. A mon sens, ceux
qui arrivent au pays doivent accepter le système juridique du pays. Ceci
est incontestable et ils n'ont pas à rouspéter ou à
vouloir mettre en cause ce système. Encore faut-il que la
majorité accepte ce système, s'y plie et l'adopte comme le sien.
C'est la seule justification, à mon sens, sur le plan politique
et je ne me situe pas tellement sur le plan juridique parce qu'on peut
très bien dire qu'un immigrant, avant de venir au Québec, n'a
aucun droit et, par conséquent, on pourrait le forcer à adopter
toutes sortes de systèmes d'éducation différents de la
majorité politiquement parlant, sur un plan d'ordre moral, si la
majorité veut imposer des conditions à des nouveaux immigrants,
il faut que ce soient ces mêmes conditions, qui s'appliquent à
cette majorité, qu'elle est prête à accepter.
C'est à ce point de vue que je ne crois pas à la
théorie du libre choix; je ne crois pas à la doctrine ou au dogme
du libre choix; je ne crois pas qu'il y ait de tels principes qu'il faille
consacrer législativement. Je pense que, si on doit le reconnaître
dans une certaine mesure, c'est au plan de la pratique, c'est au plan des
usages, c'est au plan du pratico-pratique, c'est-à-dire de la vie
politique qui se déroule suivant certaines données. Il faut faire
des compromis, à un moment donné, il faut donner des
libertés, mais cela ne se justifie pas d'une façon absolue. C'est
donc dire, M. le Président, que j'abonderais personnellement dans le
sens qui nous est suggéré par la Fédération des
associations ita-
liennes à l'effet que l'immersion française est valable
pour les Néo-Canadiens qui arriveront au Québec, mais elle est
également valable pour les Québécois.
C'est une opinion préliminaire que j'exprime, mais je la
sortirais sur le plan pratique de cet aspect sur lequel vous avez
insisté, à mon sens, à bon droit, c'est-à-dire la
nécessité absolue que l'on enseigne la langue seconde, soit la
langue anglaise dans le système francophone et qu'on donne une formation
très suffisante dans la langue anglaise. Ceci, à mon sens, me
paraît correspondre à des impératifs pratiques.
M. RIZZUTO: M. le Président, si je peux faire un commentaire sur
ce que vient de dire M. Choquette, nous n'avons jamais dit que nous devons
imposer ou dire quoi faire au gouvernement ou à la majorité du
Québec, il n'en a jamais été question. Il ne sera jamais
question d'imposer quoi que ce soit et on ne voudrait pas vous dire quoi faire.
Comme on fait partie de la société du Québec, on fait des
recommandations et je pense que, lorsqu'elles sont bien justifiées et
bien étudiées, cela peut être utile avant de prendre des
décisions.
Je donne raison à M. Choquette quand il dit qu'un gouvernement ou
la majorité peut dire aux gens s'ils doivent aller à
l'école française ou anglaise et qu'ils peuvent choisir.
Où je ne suis pas d'accord, c'est que le même gouvernement ou la
même société se sert de ses droits pour imposer la langue
à un groupe et donner les privilèges à un autre
groupe.
Nous ne pouvons pas être d'accord. On ne se poserait pas de
questions si on passait une loi pour tout le monde. Mais on s'en posera si on
dit que tel groupe aura le choix et tel autre groupe ne l'aura pas. C'est
justement la question qu'on se pose. On ne dit pas que l'on ne veut pas
l'avoir. Pour régler ces points, on dit: II faut avoir le choix comme
tout le monde. S'il n'y a pas de choix pour personne, on va se soumettre aux
lois, aux autorités et, même si c'est le contraire, on est des
gens qui veulent se soumettre aux lois, on veut respecter les lois, mais on
veut les juger, nous aussi, à savoir si elles sont bonnes ou non.
M. CHOQUETTE: Mais, M. Rizzuto, c'est dans ce sens que je sais
intervenu. Je ne sais pas si vous avez compris ce que j'ai dit. J'ai dit qu'on
devait légiférer en fonction de la majorité et que, les
Néo-Canadiens et les immigrants, s'ils devaient avoir un régime
juridique, que ce régime juridique devrait se rapprocher du
régime de la majorité. Vous comprenez ce que je veux dire? Je
veux dire que...
M. RIZZUTO: Tout le monde est compris dans cela?
M. CHOQUETTE: Vous avez bien compris ce que je disais?
M. RIZZUTO: Oui, oui.
M. CHOQUETTE: C'est dans le même sens que ce que vous venez de
dire.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, messieurs...
M. RIZZUTO: Si on parle du projet de loi lui-même, si vous
voulez...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Si vous permettez, M. Rizzuto.
M. RIZZUTO: Oui.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je m'excuse, mais en vertu de l'article 8 de
nos règles de pratique, je veux vous faire remarquer que le temps
alloué se termine. Est-ce qu'il est du désir de la commission de
continuer pour quelques minutes?
M. CHARRON: J'ai deux questions, M. le Président.
M. CLOUTIER: II faudrait, comme d'habitude, s'entendre sur une certaine
période. L'Opposition a parlé abondamment, je n'ai pas
l'intention de le lui reprocher, bien au contraire. Je crois que dix minutes
représenteraient certainement un maximum et qu'à ce moment, M. le
Président, il serait juste de conserver cinq minutes pour le parti
ministériel si un de mes collègues désirait prendre la
parole, alors que le député de Saint-Jacques puisse
peut-être tenter de condenser sa pensée dans cinq minutes.
M. MORIN: Est-ce qu'il y a un député gouvernemental qui
veut prendre la parole?
M. HARDY: On ne le sait pas, attendez.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que dix minutes conviendraient
à la commission?
M. CHARRON: Je vais poser mes questions, M. le Président, elles
ne sont pas tellement longues. D'ailleurs...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: ... elles partent de la déclaration que vient de
faire le ministre de la Justice, je pense que personne ne peut être
inattentif à la portée des paroles que vient d'avoir le ministre
de la Justice. Je veux bien croire qu'il nous a signalé qu'il parlait
comme individu, mais, à cette table, nous devons le considérer
comme membre du cabinet, je pense, vous comme moi.
Les affirmations très catégoriques de l'individu
Choquette, si vous me permettez l'expression, nous ont quand même
éclairés. M. le ministre de la Justice a, une fois pour toutes,
je pense, et pour le reste des travaux de la
commission, fait un énoncé qui avait besoin d'être
fait aux travaux de cette commission, c'est-à-dire le fait que, lorsque
nous discutons de ce libre choix, il est faux d'en parler comme d'un droit
acquis pour quiconque, il est faux d'en parler comme un principe, a-t-il
même dit, mais nous devons l'aborder comme une mesure pratique, laquelle
peut être retirée, comme laquelle peut être
étendue.
Il a même dit, si j'ai pris les notes fidèlement: Une
mesure pratique à laquelle le législateur pourrait consentir
à certaines conditions et à laquelle il ne peut pas consentir
aussi si le législateur... Si j'ai bien compris l'intervention du
ministre de la Justice, surtout lorsqu'il aborde ce genre de question, le
législateur est libre de consentir ou non et, s'il consent, à
certaines conditions. C'est une affirmation, je pense, qui est d'importance.
Vous en conviendrez avec moi, M. Rizzuto, surtout après les travaux de
la semaine dernière où le ministre de l'Education avait
peut-être tenu des propos sensiblement différents.
D'ailleurs, un endroit aussi où le ministre de la Justice nous
apporte un nouvel éclairage qu'on n'avait pas eu aux travaux de la
commission et je vais vous demander votre avis là-dessus, M.
Rizzuto c'est lorsque le ministre de la Justice affirme il est le
premier, je pense, de la majorité libérale à l'affirmer
qu'il n'est pas question, comme vous le demandez, de faire des classes
et que ce qu'on exige des immigrants, comme le Parti québécois le
demande dans sa position, on doit également l'exiger de la
majorité. Sur ce goût de la certitude que vous avez
signalé, en réponse aux questions du chef de l'Opposition, je
puis simplement vous signaler que tous les groupes qui ont défilé
avant vous, et d'avance, pour avoir lu certains mémoires, je sais que
certains groupes qui viendront après vous font aussi expression du
même goût de certitude. On a besoin d'une loi qui s'applique pour
tout le monde, pour tous les Québécois de quelque origine qu'ils
soient et surtout pour ceux qui vont venir comme vous êtes venus nous
aider à construire le Québec.
Mais, à cette affirmation du ministre de la Justice, que nous
défendons à la table de cette commission, depuis qu'elle
siège et depuis que le débat est en cours, je veux vous demander:
Quelle serait la réaction de votre groupe à une décision
du législateur qui viendrait à retirer cette mesure pratique
qu'est le libre choix, depuis la loi 63, et à la retirer à tout
le monde, c'est-à-dire en commençant par nous? Ce n'est certes
pas notre intention de légiférer à l'encontre de ceux qui
vont venir construire le Québec avec nous, mais si les francophones, qui
sont majoritaires à cette table, à cette Assemblée et dans
le Québec, prenaient la décision d'aller ensemble s'inscrire
uniquement dans le réseau d'enseignement français où ils
travailleraient d'arrache-pied à perfectionner un enseignement de la
langue seconde ce qui, je vous le signale, est en même temps une
cause d'érosion des francophones aussi bien que chez vous d'inscriptions
à l'école anglaise est-ce que cette décision
claire, précise, cette certitude qui émanerait de
l'Assemblée nationale et qui ne ferait, comme vient de le souhaiter le
ministre de la Justice, aucune distinction entre les droits de la
majorité et de la minorité, mais qui s'imposerait à tout
le monde telle qu'une loi doit le faire, quelle serait la réaction de
votre groupe à une décision collective des
Québécois comme vous êtes un
Québécois, et vous nous l'avez signalé si elle
devait être prise au cours de la présente session?
M. MONTINI: Je pense que, sans se prononcer sur aucune allégeance
politique, on n'a pas de réponse à donner. C'est clair et net.
Mais je pense que le problème n'est pas là. On est venu pour
construire, parce qu'on croit à un besoin de la langue, mais ce besoin
est un peu radical, probablement. Je pense que ce n'est pas à moi de
m'engager à ce niveau, en tant que groupe. Je m'engage en tant que
Québécois et, pour le moment, j'ai l'impression qu'on a besoin et
de l'anglais et du français. Les systèmes actuels qui sont
là semblent permettre cela. Je trouve difficile de pouvoir
répondre à une question si restrictive qui, à la fois,
engagerait autant sans savoir en quoi. A la fois, tantôt, j'avais
répondu rapidement: Non, et je tiens à dire pourquoi. C'est parce
que cela montrerait une mauvaise foi, M. Roy. Quand je vous dis qu'on serait
pour le bill 63, cela démontrerait une mauvaise foi de la part du
gouvernement s'il ne voulait pas changer dans le sens positif. On évolue
vraiment dans le sens de construire, non pas de briser et de rebâtir.
C'est très difficile, briser et rebâtir, alors que je crois
davantage qu'on peut construire en y mettant les mêmes
éléments que vous avez soulevés tantôt.
M. CHARRON: C'est-à-dire?
M. MONTINI: C'est-à-dire qu'on puisse apprendre l'anglais, qu'on
puisse apprendre le français et qu'on puisse à la fois avoir la
liberté.
M. CHARRON: Est-ce que je peux vous demander si le reste du projet de
loi, à l'extérieur des chapitres de la langue d'enseignement,
vous apparaît convenable ou, je dirais, profitable au français,
tel que dans le préambule, on affirme l'intention du législateur,
et il irait donc dans le sens de vos remarques au fait que vous acceptez "que
le français est la langue de la majorité: elle est donc la langue
prioritaire, et que, à cause des événements historiques,
culturels et économiques, sa survie doit être garantie et
même favorisée"?
Avez-vous l'impression c'est ma dernière question
que les autres chapitres que vous
n'avez pas traités dans votre mémoire mais que vous
avez quand même parcourus, parce que vous êtes un
Québécois constituent le maximum de ce que ce gouvernement
des Québécois pourrait faire dans le respect des attendus que
vous avez déposés aux premières lignes de votre
mémoire?
M. MONTINI: Ce dont je suis certain, c'est qu'ils constituent un pas
vers...
M. CHARRON: Avez-vous l'impression, vous, que la place que l'anglais
continuerait à occuper dans la vie collective des
Québécois, à la suite de la loi 22, serait réduite
par rapport à la place qu'il occupe déjà actuellement?
M. MONTINI : Pourriez-vous répéter la question?
M. CHARRON: Est-ce que la loi 22 signifie, à vos yeux de
Québécois, une restriction quant aux droits, aux acquis, à
la situation de force, je dirais, dans certains domaines, qu'occupe l'anglais
actuellement dans la vie collective des Québécois?
M. MONTINI: J'ai de la misère à voir où vous voulez
en arriver.
M. CHARRON: Est-ce une...
M. CLOUTIER: M. le Président, je sais ce qu'il essaie de vous
faire dire.
M. MONTINI: Je le sais, moi aussi. C'est que je ne peux pas
répondre à ce que...
UNE VOIX: Soyez prudent.
M. MONTINI: ... vous demandez carrément. Je pense que c'est tout
l'esprit contraire à notre démarche, ce que vous demandez. Je
crois sérieusement que ma démarche, avec celle de tout le
comité, est une démarche qui voulait être positive. La
critique, vous l'avez lue dans les journaux. On l'a faite au gouvernement. On a
fait de la critique qui pouvait être en soit négative, mais pas le
sens négatif, c'est parce qu'on a vu les éléments de
rechange, de construction; et en tant que citoyen, moi, j'ai l'impression que
je n'ai jamais le droit de critiquer qui que ce soit sans avoir la
possibilité de le restructurer. C'est ce que je propose actuellement au
gouvernement, puisque j'ai l'impression qu'il y a des pas à faire
encore. C'est tout ce dont je suis conscient, parce qu'autrement, faire des pas
à moitié où il faut... où tout change surtout, des
éléments seconds comme peut-être quelques immigrants. C'est
là qu'on ne marcherait plus. C'est injuste. C'est la raison pour
laquelle on est venu, pour construire un Québec, mais je crois et
c'est la promesse que j'ai émise que le projet de loi 22 est un
pas vers cette construction.
M. CLOUTIER: M. le Président, je pense que maintenant que
l'Opposition s'est bien enferrée, on pourrait peut-être passer
à un autre groupe.
M. RIZZUTO: M. le Président, est-ce que je pourrais poser une
question à M. Charron?
LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui.
M. RIZZUTO: M. Charron, en arrivant, j'ai posé la question
à tout le monde. Je vous pose la question personnellement. Est-ce que
vous croyez qu'on peut obliger tout le monde dans le Québec, à
part les anglophones, parce qu'ils ont des droits acquis dans le Québec?
Quelle est votre position là-dessus?
M. CHARRON: Je ne crois pas qu'on ait déjà répondu,
pas simplement nous, mais bien d'autres également, à la question
des droits acquis des anglophones. Il n'y a pas de droits acquis dans le
secteur scolaire, pas plus qu'ailleurs, des anglophones au Québec
actuellement. Si vous me posez cette question est-ce que je pars avec un
boulet aux pieds qui s'appellerait les droits acquis des anglophones que
j'ai moi-même augmentés... C'est d'ailleurs pourquoi, M. Rizzuto,
je peux aborder la question de la langue d'enseignement avec les mêmes
principes que vous avez cherchés, c'est-à-dire un goût de
certitude, une loi qui s'applique à tout le monde au même endroit.
Je ne parle pas de droits acquis à qui que ce soit au départ.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, messieurs...
M. RIZZUTO: Je m'excuse. Je vais de nouveau poser la question, parce
que, quand je parlais d'un article de la semaine passée, justement je
voyais un article à votre nom qui disait que vous seriez d'accord que
tout le monde doit être obligé d'aller à l'école
française, sauf les anglophones, puisqu'ils ont des droits acquis.
Probablement, ce sont les journalistes qui ont dû mal prononcer cela ou
quelque chose. Je n'y tiens pas de dire que c'est vrai ou que ce n'est pas
vrai. Je vous ai posé la question et vous venez de répondre. Je
vous remercie.
Comme on n'a plus le temps, je remercie tout le monde de nous avoir
donné la possibilité de pouvoir être devant vous et de
donner nos points de vue et nos recommandations; j'espère que vous en
tiendrez compte.
Comptez sur nous, la seule position qu'on a à la
fédération, c'est d'être utiles, d'essayer de travailler
pour l'harmonie, pour le bien de tous les Québécois. Quand on
pourra être utile, on est à votre disposition. Merci,
messieurs.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, au nom de la commission...
M. MONTINI : Juste un mot à cause de la
représentativité. On a reçu un télégramme,
avant
de partir, de la Confédération nationale italo-canadienne,
qui regroupe 400 associations autour du Canada. Si vous permettez, je vais vous
le lire.
Il n'est pas tellement long et il parle exactement au sujet de cette
conférence: "L'exécutif national du Congrès national des
Italo-Cana-diens, après avoir examiné et discuté le bill
22 proposé par le gouvernement du Québec, juge que le bill est
discriminatoire envers certains groupes ethniques, y inclus les Italo-Canadiens
résidant au Québec. L'exécutif désire donc donner
tout son appui à la position assumée par la
Fédération des associations italiennes du Québec dans le
but de protéger les droits fondamentaux des Italo-Canadiens du
Québec, comme citoyens de ce pays avec des droits identiques à
ceux de tous les autres citoyens." Cela était pour la
fédération et nous avons à la fois un mandat de bien des
citoyens non associés car, dans l'espace de trois jours, on a pu en
rencontrer 13,000; si vous vouliez des éléments, on pourrait vous
en amener.
Nous vous remercions infiniment de votre attention.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Au nom de la commission, merci infiniment de
votre mémoire. J'invite maintenant the Québec Association of
Protestant School Boards et son président, M. Douglas Sheldrick,
à bien vouloir s'avancer, s'il vous plaît.
M. MORIN: Ce serait pour défendre le droit à la parole du
député de Saint-Jean, M. le Président. Je suis sûr
qu'il aurait eu quelques questions tout à fait pertinentes et
courtes...
M. DEOM: C'est parce que les travaux sont suspendus pour quelques
minutes.
LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Sheldrick.
The Québec Association of Protestant School
Boards
M. SHELDRICK: Honourable members of the Parliamentary committee, may I
introduce those who have accompagnied me? On my right, Mr O. Kiar, who is the
first vice-president of the Québec Association of Protestant School
Boards and chairman of the St. Maurice School Board; Mr Robert Cooling,
chairman of the Eastern Québec Regional School Board; Mr Chris Wilson,
chairman of the Greater Québec School Board and Mr Don MacCulloch,
general secretary of the QAPSB.
LE PRESIDENT (M. Gratton): May I remind you, Sir, that we have 20
minutes for your presentation and another 40 minutes for questions from the
members of the commission? Please, go ahead.
M. SHELDRICK: Thank you. Our brief is very short, Mr President, and with
your permission, I would like to just go over it. It is less than one page. The
Québec Association of Protestant School Boards warmly supports sound
approaches to the promotion of the vigor and quality of the French language
both in Québec and throughout Canada. After careful examination of bill
22, our member boards share the opinion that its clauses, if enforced, would
not accomplish those objectives. They foresee also that its passage would work
seriously to the disadvantage of Québec, culturally and economically,
and also to the detriment of francophone interest in the other provinces of
Canada.
Attention is drawn to the fact that, with due consideration for the two
main founding races, Canada as a nation has, by federal law democratically
adopted, two official languages, English and French. In response to this
legislation, this association in Québec and similar organizations in
other provinces have been faithfully and successfully promoting bilinguality.
The school boards represented by this association have been, particularly
successful in this matter.
Actions projected by bill 22 are in direct violation of this federal
law. Moreover, clauses almost everywhere throughout bill 22 infringe the basic
rights of every individual person residing in Québec, as now universally
accepted by the free world.
Under these circumstances, the Québec Association of Protestant
School Boards has no alternative but to request the withdrawal of bill 22.
To add to our brief, I would like to make a few comments which will
explain the rational for our particular approach. I should say that we
represent some 35 protestant school boards in the province and our policy is
bilingualism, as we have said.
I would like to point out that in the national theatre, when we attend
the Canadian School Trustees Association meetings, or when we meet with the
directors from the equivalent associations from other provinces, we make it our
business to interpret the requirements of the francophones in Quebec and to
give them an understanding of what happens in this province in a way that they
otherwise would not get. We have found them receptive and we have found a
continual improvement in provinces across Canada, notably in Ontario, in
Alberta, in Manitoba and in other provinces as well.
We do not propose to debate this bill clause by clause, since it does
not fulfill, in our opinion, its alleged purpose. As a matter of fact, some of
our component boards will be presenting briefs to you independently and some of
them, although they are not dealing with the bill clause by clause, will
perhaps go into deeper detail as to the reasons why they find the bill
unsatisfactory.
But we would like to say that we feel the
effective way of strengthening French can be accomplished by positive
steps, not by the negative steps of denigrating English. These positive steps
we would see as being: the improvement of the teaching of French in all of the
schools; improvement of the teachers of French, and steps to bring
understanding and increase sympathy between the two founding races; an
impartiality in the teaching of history, far-sighted funding in support of all
these aims, and finally, encouraging immigrant children to achieve bilinguality
in the same manner as for any other citizen.
Sometimes I wonder whether it is generally realized that
English-speaking people in Quebec entertain nothing but aspirations for the
welfare and the progress of all of Quebec, socially, economically and
culturally, but to do that in an ambiance of equality for all of our citizens.
We see no purpose in creating an adversary situation. We have tried to
cooperate in every way possible in the furtherance of bilinguality and we think
we have been reasonably successful. I would like to point out too that in this
province of Québec, there are said to be something like and I do
not think it is less than this figure 1,300,000 people who have chosen
English as their primary tongue. And these come from all sorts of ethnic
groups, not only people of the Anglo-Saxon race, but the Italian, the Greek,
the Ukrainian, the Chinese and ever so many other types of ethnic groups. These
are what make up the anglophones of Québec. And in fact, we are the
fourth largest English-speaking province in Canada.
Now, these people have contributed and will contribute tremendously to
the future welfare of this province, but to live and do their business and to
make the contribution that they would like to continue making, they will need
equal freedom for English as for French.
This is the appeal that would like to make. We feel that the role of
government is a protective body for the rights of all the people, not just
those who happen to be in the majority, nor any one part, and we think too that
there are greater things at stake here than merely the future of Québec,
because there is the future of Canada. And Canada, you must recognize, stands
internationally as one of the leading nations in the world. They have a
tremendous respect when we send our forces abroad, they go for peace-keeping.
We assist under-developed countries. We stand for freedom of all, including the
immigrants. That is something to be treasured and something that the world
values very highly. So, anything that threatens the unity of this country is
very much to be worried about. That is why we feel so strongly that this bill
must be withdrawn.
We find that in Europe, there are several countries which have several
languages, all of which flourish side by side. We think that the French
language has done very weel in Québec for 300 years. We are proud to
live with francophones as neighbours. We find this a dynamic province in which
to live, but we think that some of that can be lost and perhaps a great deal of
it can be lost, if we lose sight of this overall basic principle of liberty as
generally accepted by the free world today.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Thank you. J'invite maintenant le ministre de
l'Education à commencer la période de questions.
M. CLOUTIER: M. le Président, je remercie le Québec
Association of Protestant School Boards, plus particulièrement le
colonel Shel-drick. Je l'ai écouté avec beaucoup
d'intérêt et j'ai constaté qu'il mettait beaucoup
d'émotion dans sa présentation. Je me demande si on a vraiment,
au sein de cette association, évalué le projet de loi 22 tel
qu'il est. Je dois avouer que je suis un peu surpris parce que je ne crois pas
que cette loi représente une initiative radicale au point de justifier
je sais que le colonel Sheldrick comprend le français pour avoir
parlé souvent avec lui des réactions.
Are you following me, most of you? Well, I have always spoken French to
Colonel Sheldrick. I am a bit surprised, gentlemen, to hear your brief and I
heard it with great sympathy. I feel that bill 22 is only aiming at a
reasonable solution here in Québec and I wonder if and please do
take my statement in the same spirit that I make it you do not have a
certain tendency to overdramatize the situation. I will only ask two questions.
My first question refers to the statement where you say: "Actions projected by
bill 22 are in direct violation of this federal law". You are referring most
likely to the Law on official languages. I do not think that such a statement
can be made unless you can prove that you are right. It is my duty to ask you:
How is bill 22 coming in violation with the federal law? Which articles are in
violation with the federal law? Because it is the assumption of the government
that it is not in violation with the federal law and, if it is in in violation
with the federal law, the government is certainly prepared to correct it.
Because the government does not wish to be in violation with the federal law. I
believe this is clear. So, I made my statement, if it is in violation, we will
change it. So, on what article do you think it is in violation?
My second question is: You say: "Moreover, clauses almost everywhere
throughout bill 22 infringe the basic rights of every individual person
residing in Quebec as now universally accepted by the free world". This is a
very important statement indeed, because this is not what the government wants
to do. So, if we are doing this, please would you point out in the
bill where the individual rights are infringed upon? Actually, we do not
wish to infringe upon any individual rights and if you have heard some of the
groups who came here before the commission, we are precisely accused of
protecting the rights of the English-speaking here in Quebec. So, this is a
rather strange situation. On the one hand, there are groups who say that not
only we are not infringing on individual rights, but we are protecting
individual rights to too great an extent, and on the other hand, we have groups
who consider exactly the reverse. So, it is absolutely necessary for me to get
answers on those two points. What are the articles in this bill who are
violating the federal law and where are the articles who are infringing on
individual rights?
M. SHELDRICK: Honorable Minister, I would say that when there are two
official languages, that makes two languages of equal rights in the country and
steps are being made to correct the situation where that is not the case and
when you legislate a situation which puts English into a secondary category in
Quebec, I find that inconsistant.
M. CLOUTIER: I am sorry, Mr President, if I may interrupt. I am sure
that you have read the federal law. The federal law applies to federal
institutions, which means that what we are doing in Québec is perfectly
compatible with the linguistic policies of the federal government.
For instance, Saskatchewan has made English its official language. This
does not prevent Saskatchewan from taking all steps in order to protect its
minorities. New Brunswick, where you have a different mixed up population, 40
p.c. of French-speaking, 60 p.c. of English-speaking, has chosen to make two
official languages, French and English. Ontario has indicated clearly that
English was the official language. But again, its French minority is receiving
decent treatment. Nothing, nothing and this is the assumption of the
government, if you can prove that we are wrong, we are going to correct our
approach prevent Québec from making French the official language
while giving to its English-speaking citizens their rights.
M. SHELDRICK: Well, we look in Québec as being similar to any
other province in Canada; here we have two founding races, it is true, we have
two founding races in other provinces as well. All of these citizens should
have equal rights. Now, answering your second question, treating particularly
not of the education field but let us select the field of the
professions...
M. CHOQUETTE: If you permit an interruption, you have more rights in
Québec then are possessed elsewhere. Take before the courts, for
example. The French and English languages remain before the courts. Taking the
National Assembly, the French and English languages remain. But in the other
provinces, the French language has no status whatsoever before the courts,
except the federal courts. So, you have more rights in Québec than you
have elsewhere.
M. SHELDRICK: It is not my purpose. As I said in the initial point, I am
not a lawyer and I do not propose to pretend to be able to answer to your legal
arguments in detail. It is general philosophy that I can give you and the
feeling of the community which I represent. And the point that I wanted to make
was that, taking the professions for instance, it seems to me that your bill
sets up a situation which favors... For instance, take among engineers, which
is a field with which I am entirely familiar. If a man wants to go out to do
business as a consulting engineer, he must be able to show a complete fluency
in French before he can even try to get business. As I read the law, he could
remain in his office as long as he did not go out to talk to a customer. Now,
does that allow equally quality for two citizens, an anglophone and a
francophone, when one can go out and get business and the other cannot? Maybe
they have been operating in the province for the last 15, 20 or 25 years;
suddenly one finds that he is excluded from his profession. Not to me; it is
not equality.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, je remercie l'Association
québécoise des commissions scolaires protestantes de nous avoir
apporté ce court et catégorique mémoire. Le chef de
l'Opposition aura d'ailleurs quelques questions sur certaines affirmations
contenues dans votre mémoire. Moi, j'aimerais prendre avec vous, puisque
vous êtes des dirigeants scolaires, le chapitre de la langue
d'enseignement dans le projet de loi, sur lequel vous ne vous étendez
pas aussi longuement qu'on l'aurait pensé de la part d'une association
aussi importante que la vôtre. Je croyais que les remarques je
pouvais même deviner les oppositions que vous aviez au projet de loi 22,
si je devais me fier aux précédents témoignages
anglophones vous auraient amenés, comme administrateurs
scolaires, à critiquer d'une façon plus sévère ou
plus sérieuse les dispositions du chapitre V que ne l'ont fait les
anglophones qui vous ont précédés à la commission.
Peu importe, vous avez choisi de vous en tenir aux
généralités, c'est donc mon devoir d'aller dans les
détails.
Actuellement, sous l'empire de la loi 63, comment les commissions
scolaires protestan-
tes opèrent-elles lorsqu'il s'agit de recruter des
étudiants? Existe-t-il actuellement, au sein de vos associations, des
critères d'admissibilité aux classes anglaises pour qui que ce
soit? Est-ce qu'il existe des tests d'aptitude pédagogique? Est-ce qu'il
existe des catégories spéciales où un étudiant, qui
n'aurait pas la connaissance d'usage de la langue anglaise qui prédomine
dans le secteur protestant de l'éducation au Québec, serait
placé dans un groupe spécial où il devrait subir des
contraintes pédagogiques différentes, soit des heures de
rattrapage de cours ou quoi que ce soit? Quel est le tableau actuel, lorsqu'il
s'agit pour vous d'accueillir des étudiants qui ne sont pas de langue
maternelle anglaise dans les écoles protestantes du Québec?
M. SHELDRICK: I will ask Mr Kiar to reply.
M. KIAR: Under bill 63, parents have the right to choose the language of
instruction for their children. Be there Roman Catholics, be there
English-speaking, be there Protestants, be there French-speaking, be there
Italians, they have the right to choose the language instruction for their
children. When a parent chooses to send a child to a Protestant school where
the language of instruction is English and that child, who is going to attend
that school, has a mother tongue which is French or Italian, that child is
brought into the school with the understanding that, after a trial period, we
do not rely on subjective test, we rely on the objective test of, how do you
say it in French, "le pratique". We practically test that child for a month,
possibly two months, in the classroom. After that period of time, the ability
of that child to be absorbed at that level in our school system has been
determined. At that time, the question is discussed with the parents involved,
and the child is placed in a level where he can manage to take his instruction
in the English language.
M. CHARRON: Si l'enfant est en première année, vous ne
pouvez quand même pas le descendre de niveau. Il est à la
première année. Est-ce qu'il y a des classes spéciales
actuellement dans vos commissions scolaires?
M. KIAK: Malheureusement, le gouvernement n'a pas jugé
approprié de nous passer l'argent nécessaire pour couvrir
complètement ces possibilités. En effet, nous sommes
obligés de créer des classes spéciales pour nos enfants,
tout en demandant quelquefois des efforts supplémentaires de la part de
nos enseignants. Il faut dire que nos enseignants sont assez enthousiastes dans
ce sens-là, nous avons une coopération étroite. Dans
certaines circonstances, dans les écoles plus grandes donc, il
faut se rendre compte que notre population anglaise est dispersée
sensiblement partout dans la province, nos écoles sont plutôt
petites mais dans le cas où nous avons des écoles assez
grandes, nous avons réussi à créer des classes
spéciales pour enseigner l'anglais, pour permettre à des enfants
qui entrent dans notre système, qui ont une langue maternelle autre que
l'anglais, d'apprendre l'anglais suffisamment pour entrer à leur niveau,
lorsqu'ils ont laissé une école française.
M. CHARRON: Ceci veut dire que certaines commissions scolaires ont pris
l'initiative de faire de l'immersion rapide en langue anglaise, pour que
l'étudiant puisse rattraper le niveau normal où il doit se
trouver à son âge?
M. KIAR: II faut dire premièrement que ce n'est pas un processus
rapide. Apprendre une deuxième langue n'est jamais rapide. Donc, cela
peut durer un an, peut-être deux ans, selon les aptitudes de l'enfant en
question. Il y en a qui vont apprendre très vite et d'autres qui seront
plus lents à apprendre la langue anglaise. Je veux souligner en plus,
avant que la question ne soit posée, que nous ne recrutons pas des
élèves de langue française, de langue italienne ou
d'autres langues.
Si les parents ont fait le choix, nous attendons les demandes de ces
parents.
M. CHARRON: Vous voulez dire que vous ne faites pas de publicité
ni de panneaux-réclame pour aller...
M. KIAR: Aucune publicité.
M. CHARRON: Je comprends. Je pense que cela se fait déjà
assez facilement d'ailleurs avec la bénédiction du gouvernement.
Mais je veux vous demander si le processus que vous m'avez défini est
effectivement étendu à l'ensemble des commissions scolaires
protestantes, si c'est la même chose partout qui est suivie,
c'est-à-dire que c'est après avoir vérifié
l'aptitude pédagogique, pour reprendre un mot du gouvernement, d'un
étudiant que vous décidez à quel niveau vous devez
l'inscrire. Est-ce qu'il arrive souvent que vous refusez des
étudiants?
M. KIAR: Cela est déjà arrivé. Pas souvent, je le
suppose. Dans notre école, cela n'est pas arrivé souvent.
M. CHARRON: Non, parce que les commissions scolaires ont
évidemment un avantage matériel à avoir un plus grand
nombre d'étudiants, il va sans dire.
M. KIAR: Evidemment.
M. CHARRON: Suivant les normes du ministère, il est avantageux
pour une commission protestante d'avoir plus d'étudiants, parce qu'elle
va recevoir plus du ministère, c'est bien sûr.
M. KIAR: Evidemment, dans une petite école de 200
élèves, à partir de la maternelle jusqu'au secondaire V,
vous avez un problème énorme. Mais nous réussissons
à en venir à bout.
M. CHARRON: Si on regarde ensemble le chapitre de la langue
d'enseignement tel que proposé alors que la mesure pratique et le libre
choix ont été reconnus dans le chapitre V, je voudrais vous
demander en quoi ce qui est au chapitre V diffère de la situation
actuelle. Car, comme je le vois, et je vous demande si c'est votre façon
de le voir, on dit à l'article 50: "It is the function of each school
board, regional school board and corporation of trustees to determine to what
class, group or course any pupil may be assigned, having regard to his
aptitudes in the language of instruction". Est-ce que ce n'est pas
déjà ce qui existe actuellement, ce que vous venez de
m'expliquer, à savoir qu'il appartient à chaque commission
scolaire, commissions scolaires régionales comme les vôtres,
corporations de syndics je ne sais pas si vous en regroupez de
déterminer la classe, le groupe ou le cours auquel un
élève peut être intégré, eu égard
à ses aptitudes dans la langue d'enseignement?
Je veux dire que, pour un parent francophone, demain matin, qui voudra
vous emmener son enfant ou un Italien qui voudrait vous emmener ses enfants,
vous aurez encore la même responsabilité, une fois qu'il aura fait
son choix, que celle que vous avez actuellement. L'empire de la loi 63 et la
façon de procéder depuis qu'on vit sous la loi 63 ne sont
aucunement changés.
Quand on dit, à l'article 49, que les élèves
doivent connaître suffisamment la langue d'enseignement pour recevoir
l'enseignement dans cette langue, c'est un principe, mais il n'y a aucune
modalité d'affirmée, il n'est aucunement question que vous soyez
obligés d'imposer un test quelconque, il n'est aucunement question que
vous puissiez agir avec d'autres critères que ceux avec lesquels vous
avez traditionnellement agi, c'est-à-dire que c'est à vous de
juger le degré de connaissance suffisante et d'établir le niveau
où l'enfant doit aller, exactement comme actuellement.
La seule disposition nouvelle, c'est la discrétion que le
tout-puissant ministre se garde, à l'article 51, dans le cas où
cela irait très mal, d'intervenir et d'imposer des tests, mais il n'est
pas dit... On dit: Peut, cependant, imposer des tests, conformément aux
règlements, que personne d'ailleurs connaît encore aujourd'hui et
que le ministre ne veut pas nous révéler. Vous pouvez bien voir
qu'on ne peut pas considérer l'article 51 comme une restriction
fantastique au statu quo actuel qui est répété aux
articles 48, 49 et 50.
J'ai eu des discussions...
M. BONNIER: Votre question est intéressante, mais j'ai
l'impression que vous répondez à votre question en même
temps.
M. CHARRON: Oui.
M. BONNIER: Est-ce qu'on pourrait avoir la réaction...
M. CHARRON: Bien sûr. J'étais à dire, pour que vous
me répondiez, que la semaine dernière, on a eu des
témognages d'anglophones un peu cabrés, si vous voulez.
Je pense, comme on a eu l'occasion de le démontrer, qu'ils
invoquaient des statistiques ou des droits acquis présupposés
qui, en fait, n'existaient nulle part excepté dans leur esprit.
Vous-mêmes, d'ailleurs, ce midi, vous n'avez pas péché par
modestie quand M. Sheldrick a affirmé qu'il y avait au Québec
1,300,000 anglophones. Je pense qui si on se base, tout le monde, sur le
même recensement, il y en a 789,000 dont c'est la langue maternelle. Il
n'y en a que 946,000 qui disent que c'est une langue d'usage. Je pense que vous
avez l'extrapolation facile. Je comprends, parce que cela apporte des revenus
aux commissions scolaires.
Mais je voudrais vous demander si mon interprétation des articles
48, 49 et 50 diffère de la vôtre. En quel endroit avez-vous une
contrainte? Vous a-t-on retiré des droits, imposé des
contraintes, vous a-t-on manqué de respect ou quoi encore, dans ce
chapitre qui répète, à notre avis, je vous l'ai dit, la
loi 63?
M. KIAR: Je veux répéter ce que M. Sheldrick a dit tout
à l'heure. Ce n'était pas notre intention de venir ici
aujourd'hui discuter les articles un par un. Notre approche était
simplement une approche globale, et je pense que le groupe qui est passé
avant nous cet après-midi a très bien expliqué la position
que nous appuyons. La loi 22 crée une situation en triangle. En effet,
vous avez trois sortes de citoyens dans la province. Notre principe, le
principe que nous appuyons, c'est celui des deux langues dans notre pays et
dans notre province, la langue anglaise et la langue française. Nous
insistons, comme le dit notre mémoire, pour que ce principe soit
applicable aux trois catégories de citoyens, les immigrants, nouveaux et
anciens, les anglophones, les francophones.
M. CHARRON: Ecoutez, je ne peux pas vous blâmer de ne pas
répondre à ma question et de vouloir vous en tenir aux clauses
générales, excepté que vous êtes peut-être le
groupe d'administrateurs scolaires, du côté anglais, le plus
protestant que nous aurons jamais à cette table. Je pense que ce qui est
le plus intéressant pour les membres de la commission, c'est de
vérifier votre appréciation des articles 48, 49 et 50. Ou alors,
je dois considérer que votre refus de répondre équivaut
à me donner raison. Mais c'est très important pour nous de le
savoir, parce qu'il y a encore une liste considérable de groupes
anglophones qui vont venir nous dire que la liberté de choix leur est
arrachée, que c'est un droit acquis qui leur est en-
levé, même si ce n'est qu'une mesure pratique; comme disait
le ministre de la Justice, on va continuer à nous dire que c'est un
droit acquis, que c'est un principe fondamental des sociétés
humaines. Je pense que le groupe le plus apte à nous donner une
véritable version dans l'application pratique, parce que c'est vous qui
allez voir à l'appliquer cette loi, si elle est jamais votée par
entêtement par le gouvernement, ces articles 48, 49, 50, est-ce que cela
change quelque chose dans votre façon habituelle, je dirais, et
numériquement prouvée d'assimiler des francophones dans vos
écoles et d'assimiler des immigrants? Après cette question, je
n'en ai plus, parce que l'essentiel de votre mémoire, par la suite,
vient de prendre un sérieux coup de barre.
M. SHELDRICK: Mr President, I think that clause 50 has to be read after
reading 49, which says that "Pupils must have a sufficient knowledge of the
language of instruction to receive their instruction in that language. "Pupils
who do not have a sufficient knowledge of any of the languages of instruction
must receive their instruction in French".
Now, this is a denial of human rights, because the parents of the child
may want to have the instruction in English. It is for them to choose. That is
why that particular part of bill 63 was a good fair law. This denies that. That
is what this amounts to. It then goes on in clause 50 and says that it is the
function of each school board, regional school board...
M. CHARRON: Comme actuellement, M. Sheldrick, comme actuellement, comme
vous le faites aujourd'hui.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Beauce-Sud.
M. CHARRON: Attendez. On peut, peut-être, avoir une
réponse. Est-ce que je dois considérer la réponse que vous
venez de donner comme étant votre appréciation des articles 48,
49 et 50? C'est très important. Il n'y aura pas de groupe plus important
que le vôtre pour nous éclairer là-dessus.
M. SHELDRICK: As I have said at the outset, Mr Chairman, I do not
propose to take each clause of this bill, here and now, and go through it. I do
not think that this is the place for that sort of thing.
M. CHARRON: Très bien.
M. SHELDRICK: We have expressed our point of view. He have expressed it
in a broad sense, in the Québec sense, in the national sense and that is
the prupose of our group coming here today to do that. I did not propose to
take clause by clause, to criticize the bill. I do not think either you or we
have the time to do that in the light of the attitude which we find ourselves
and with relations to this bill. I want to emphasize again that we are very
sympathetic with the future of Quebec. I feel that Anglophones of various
ethnic groups have contributed immesurably to the growth of this province. I do
not think that we take second place to anyone and we feel at home here, we are
part of it and we want to remain so and we find it a very difficult thing said
and to be told that our language is in the second or third or some other place.
That is the whole situation and I think that we have said all I need to say, Mr
Chairman.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Beauce-Sud.
M. ROY: J'aurais environ trois questions à poser à nos
interlocuteurs. Ma première question est la suivante. Vous dites dans
votre mémoire, et je cite le deuxième paragraphe, de la version
française: "Le fait que le Canada, en tant que nation et en vertu d'une
loi fédérale adoptée selon le processus
démocratique, a deux langues officielles, l'anglais et le
français, doit rester présent à l'esprit. En
réponse à cette législation, cette association
québécoise et des organisations identiques dans d'autres
provinces et en toute bonne foi, et avec succès, ont promu le
bilinguisme".
J'aimerais avoir quelques exemples, à un certain moment, des
efforts que vous avez faits, non pas que j'ai des doutes à l'esprit,
mais j'aimerais que cela soit précisé à l'intention des
membres de la commission, de l'effort qui aurait été fait par
votre association en vue de promouvoir le bilinguisme, particulièrement
au Québec.
M. KIAR: Dans le milieu francophone, il y a des bilingues et il y en a
qui sont unilingues. Dans le milieu anglophone, il y a des bilingues et des
unilingues. Vous avez en avant de vous des ministres de notre gouvernement
provincial qui sont bilingues. Il y en a d'autres qui ne sont pas bilingues. Je
suppose qu'une des raisons pour lesquelles les ministres ont été
nommés est en partie parce qu'ils étaient bilingues.
C'était utile parce que, évidemment, malgré ceux qui rient
en arrière de moi, il faut absolument que ces personnes fassent affaires
avec les Etats-Unis et le reste du monde.
Nous croyons que le système d'éducation d'une province
comme la nôtre est le plus bel outil pour faire avancer le principe du
bilinguisme. Vous avez en avant de vous cinq personnes de la communauté
anglophone. Sur les cinq, il y en a trois qui sont bilingues ou habiles comme
moi je ne parle pas parfaitement le français à
parler l'anglais et le français. Il y en a un parmi les cinq qui est
habile dans une troisième langue. Donc, il me semble que le
problème du bilinguisme devrait être résolu,
premièrement. Deuxièmement,
dans nos écoles provinciales, nous avons fait un effort
extrêmement louable pour faire avancer ce principe.
Il faut dire, comme le groupe qui nous a précédés
cet après-midi, que du doté francophone, les efforts laissent
à désirer. Nous croyons aussi que, si des efforts ne sont pas mis
du côté francophone, ce sont les francophones qui en souffriront
simplement parce que, comme cela a déjà été dit,
nous demeurons dans un milieu de 210 millions d'anglophones.
La question que le français devra être la langue principale
dans la province, nous ne la combattrons pas du tout. Nous sommes d'accord.
Mais nous insistons sur le fait que la langue anglaise soit à un niveau
égal à la langue française.
M. ROY: Vous m'avez répondu, si j'ai bien compris, de l'effort
qui a été fait du côté francophone en vue de
promouvoir le bilinguisme. Ma question n'était pas sur la question du
principe. Je voulais savoir ce que votre association avait fait pour promouvoir
la cause du bilinguisme dans vos écoles à vous autres. J'aimerais
qu'on me donne quelques exemples. Par exemple, je vais me permettre de
préciser davantage ma question. Est-ce que dans toutes les écoles
affiliées, situées au Québec présentement, il y a
des cours de français qui se donnent à tous les niveaux, au
niveau primaire, au niveau secondaire et aux niveaux supérieurs,
même dans les parties les plus unilingues anglophones? Est-ce qu'il y en
a partout?
M. KIAR: A ma connaissance, toutes nos écoles protestantes
enseignant le français à partir du premier niveau
élémentaire. Parfois, nous commençons à la
maternelle. Etant un produit de notre système, il démontre un peu
la réussite que nous avons eue.
M. ROY: Pour enseigner le français, est-ce que vous avez des
professeurs francophones à votre service?
M. KIAR: Dans mon école, chez nous, nous avons un professeur
catholique francophone qui enseigne le français au secondaire. Le
professeur à l'élémentaire, une femme, est francophone.
Elle commence l'enseignement du français au premier niveau de
l'élémentaire jusqu'au secondaire.
M. ROY: Je vais peut-être un peu dans les détails, mais je
pense que c'est quand même assez important. Comme vient de le dire celui
qui a parlé avant moi, vous êtes l'association la plus
représentative en quelque sorte pour nous donner le maximum
d'informations de ce côté. Vous dites que, dans votre
école, vous avez un professeur francophone pour enseigner la langue
française, mais est-ce que vous pourriez me dire, dans l'ensemble,
combien de professeurs francophones vous avez dans votre réseau
d'écoles, dans les écoles qui vous sont affiliées?
M. KIAR: Celles qui concernent le secteur de la Mauricie, nous avons un
total de 4.5 professeurs de français qui enseignent tous les jours, une
heure par classe, le français, à tous les niveaux; à
l'élémentaire, c'est un peu moins. C'est pour un total d'environ
800 élèves.
M. ROY: Pour un total de 800 élèves, mais dans le
Québec?
M. KIAR: Pardon?
M. ROY: Dans le Québec, vous parlez d'un secteur de 800
élèves, mais dans l'ensemble?
M. KIAR: Je n'ai aucune...
M. ROY: Dans l'ensemble des écoles qui vous sont
affiliées. Vous m'avez donné la réponse, à l'aide
d'un pourcentage?
M. KIAR: Je crois que nos écoles, dans la Mauricie, sont
égales aux autres écoles protestantes dans le reste de la
province. Même dans certaines écoles, nous avons des classes
d'immersion complète en français pour deux ou trois ans
consécutifs.
M. ROY: Croyez-vous que ce pourcentage de 4.5 peut vous donner
satisfaction? Est-ce que cela donne satisfaction? Est-ce que cela répond
aux objectifs?
M. KIAR: Non, si le gouvernement pouvait nous donner encore de l'argent,
on ferait encore plus d'efforts.
M. MACCULLOCH: Si vous me permettez, je peux vous donner un chiffre
assez intéressant. A la commission scolaire de l'agglomération de
Montréal, qui a à peu près 55 p.c. de tous les
élèves protestants dans la province de Québec, 27 p.c. de
leurs instituteurs sont de langue maternelle française. Ce sont tous les
chiffres pertinents que nous avons actuellement.
M. ROY: Mais au niveau des écoles protestantes, vous avez
également des écoles protestantes francophones complètes
qui vous sont affiliées.
Ce dont je veux parler, c'est du secteur anglophone. Par exemple, dans
mon comté, il y a une école francophone protestante qui
probablement vous est affiliée, au Québec Protestant School Board
de toute façon, elle doit vous être affiliée en
définitive mais c'est francophone à 90 p.c, près de
95 p.c. Il est évident que la moyenne peut changer, mais ce que je veux
savoir, pour le bénéfice des membres de la commission, dans le
secteur anglophone plus particulièrement, j'aimerais avoir les chiffres
précis dans le secteur anglophone uniquement.
M. SHELDRICK: May I just throw on something here on this question of
what we are doing in teaching French in Greater Montreal? We have about four
different alternative types of methods. We have, what we call, French immersion
and kindergarten one, two and three. We have immersion in grade seven following
on the normal old fashion program and we have the 40 p.c. of subjects in High
School taken in French and we have no doubt whatsoever that we are going to be
turning out and are turning out already students who are going to be able to be
bilingual in this province. We have about three elementary schools and have had
them for years, dispensing language education completely in French. We now have
a French High School for the Protestant francophones.
M. ROY: Dans les cours que vous donnez en langue française, je
pense bien que, pour voir quelle peut être l'efficacité
précise à la fin du niveau secondaire... Est-ce que vous avez des
chiffres pour nous dire quel est le pourcentage des étudiants qui
terminent leur cours secondaire dans vos écoles et qui sont bilingues?
J'aimerais que le monsieur, à la droite de M. le Président,
réponde s'il vous plaît.
M. SHELDRICK: I find it is very difficult to give you a precise answer
on that. I know that, as far back as the fifties, students, who are graduating
from the High School in my community, are able to have what you might call a
working knowledge of French. But I am sure that a very high proportion of our
students today are coming out with much better than what you call a working
knowledge of French. You know, you cannot take other subjects in French and
learn them unless you are able to absorb the language, and when you have High
School students doing 40 p.c. of their subjects in French, they are certainly
going to become bilingual, except for those who just do not have the mental
capacity. I cannot give you a precise figure on that and we do not even yet
know which of the some three or four different methods which we are using is
the best. All of these are still under evaluation and will be for years until
we know which is the best approach to bilinguality. We are very concerned with
the whole area of education as regard even in the pre-school child.
M. ROY: Est-ce que vos écoles, actuellement,
bénéficient de subventions accordées par le gouvernement
fédéral dans le cadre des grands programmes de bilinguisme
canadien?
M. KIAR: Nous savons que l'argent a été reçu par la
province, mais répondre d'une façon définie à votre
question, c'est impossible, parce que toute subvention passe par l'entremise du
ministère de l'Education, que ce soit l'argent du fédéral
ou du provincial. Nous ne le savons pas.
M. ROY: J'aimerais quand même avoir des précisions de ce
côté. M. le Président, deux autres courtes questions. Il y
en a une qui m'inquiète d'une façon un peu spéciale. Dans
votre premier paragraphe, vous dites: Elle prévoit aussi en
parlant de votre association et en parlant de la loi 22 que son adoption
irait sérieusement à l'encontre des intérêts
culturels et économiques du Québec et se ferait au
détriment des francophones des autres provinces. Quand vous dites que
cela pourrait se faire au détriment des francophones des autres
provinces, j'aimerais que vous me donniez des précisions à ce
sujet.
M. SHELDRICK: As you can imagine, we just came back about ten days ago
from Vancouver where they were having the annual meeting of the Canadian School
Trustees' Association and bill 22 has caused a fury all across this
country.
One of the men came to me from one of the other provinces with a
resolution and he said: What do you think? Do you think we should put this
forward? He said: We are very, very concerned. Just as we are beginning to make
progress and getting bilinguality and treating our francophone minority
properly, Québec comes up with bill 22. I read his resolution and I
said: Well, it says; you express grave concern and you tell me that you are not
trying to get this into the political arena because I said this is the last
time you want that into the political arena in Canada just before a federal
election. I said: I cannot see anything wrong with your expressing grave
concern, if you want to bring it to the floor. It came to the floor of that
meeting and it was debated at great length and I, as a director from
Québec, had to get up and tell them to cool it. Because I said: When we
left Québec, we have not even finished reading bill 22, we do not know
the full significance of it. We intend to study it. We are going to do our
homework, as we always do and we will deal with our problems in our home
province first; before you get all excited. And so they withdrew that
resolution after due debate because of the action largely that we took from
Québec. So, you have really stirred up a good deal of worry.
I had a call from the radio station in Vancouver, from CBM out there and
they wanted to talk to... they had a call in from Mme Lavoie-Roux, the chairman
of the CECM in Montréal or for me. Unfortunately, the whole FCSCQ is not
a member of the Canadian School Trustees' Association, much to our regret. So,
I was the only one, I called back to the station and asked her what it was she
wanted. She said she wanted someone who could speak in French to the people
in
BC who wanted to hear what we were doing in teaching French in the
province of Québec. I immediately arranged that Mr Cooling, who sits
over here, should go to the station, and he did, and spoke to them among that
subject.
This is the kind of thing that bill 22 has stirred up in the rest of
Canada and we were, in that particular association, with a thousand delegates
present visitors and guests, able to get them to cool it.
M. CHARRON: Vous auriez pu, M. Sheldrick, pour calmer la population de
Vancouver, où vous étiez, lire les articles 48, 49, 50, leur dire
que ça ne changeait rien au statut de la minorité et les inciter
à faire la même chose, peut-être, en français, aux
gens de la Colombie-Britannique. Vous auriez pu leur dire qu'il n'y a pas une
minorité au Canada, même sous la loi 22, en vertu des articles 48,
49 et 50, qui, sur le plan scolaire, sera mieux traitée que la
vôtre.
M. ROY: La dernière question, puisque vous demandez dans le
dernier paragraphe le retrait du projet de loi 22 ce que j'ai
demandé, probablement pas pour les mêmes raisons j'aimerais
savoir si le gouvernement, à la suite du retrait de son projet de loi
22, éventuellement, si le gouvernement acquiesçait à votre
demande, s'il allait plus loin et retirait le bill 63, quelle serait votre
position face au retrait du bill 63 qui a été adopté, si
ma mémoire est bonne en 1969?
M. SHELDRICK: The big thing about bill 63, if it is desirable, is that
it gives to parents the rights which, up to that point, were vested in school
boards. Now, when school boards behave themselves and give parents the rights
that they should have, there is no problem. But bill 63, in that particular
respect, was really a good thing because it guaranteed to the parent and if
there was some intransigent school boards somewhere which was not doing justice
to these parents, then, that law, in that respect, guaranteed that right. There
are other clauses, however, in bill 63 and in regulation 6, particularly, with
which we did not agree.
M. ROY: Dois-je comprendre que vous seriez contre son retrait?
M. SHELDRICK: You are asking if our association is against the
withdrawal of bill 63, is that the question? To the extent that it takes away
the rights of the parent, I think we would be.
But to the extent that it corrects other faults which are in it, we
would not be.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Monsieur...
M. SHELDRICK: That is a crazy kind of an answer, but that is the only
way I can answer the question.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Monsieur, j'aimerais vous faire remarquer
qu'il nous reste à peine sept ou huit minutes pour compléter
l'audition de ce groupe et j'ai reconnu le député de Laporte.
M. DEOM: M. le Président, il me reste sept minutes, si je
comprends bien.
M. MORIN: M. le Président, je me suis également inscrit
sur votre liste et j'imagine que j'aurai tout le temps nécessaire pour
interroger les témoins car j'ai moi aussi des questions.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Si c'est le désir de la commission,
parce que j'ai plusieurs noms d'inscrits actuellement. On va commencer par
l'honorable député de Laporte.
M. ROY: Moi, je suis prêt à donner mon consentement, M. le
Président, qu'on permette...
LE PRESIDENT (M. Gratton).: L'honorable député de
Laporte.
M. ROY: ... de poser des questions jugées importantes et qu'on
prenne le temps de discuter. Je comprends que le député de
Terrebonne puisse être pressé...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !
M. MORIN: M. le Président, ce serait bon que le
député sache que j'ai l'intention de poser des questions, parce
que s'il prend entièrement les sept minutes, il serait mal venu par la
suite de me priver de mon droit de parole.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, je vous ferai remarquer que je
minute aussi bien que possible, je répartis le temps aussi
équita-blement que possible, tel que le veut le règlement et je
pense que, si on s'éternise dans un débat de procédure
présentement, nous aurons écoulé le temps et même le
député de Laporte n'aura pas le temps de poser ses questions. Je
le prie de le faire immédiatement.
M. DEOM: Je vais faire vite, M. le Président. Deux questions. Mr
Sheldrick, referring to when you talked about the dynamism of the Québec
society, in your estimation, which situation would most favor the dynamism of
Québec society, the maintenance of the status quo which you are
proposing, I understand, for the bill 22? And as a subquestion: In your
estimation, has Ontario lost its dynamism, when French became the second
language?
M. SHELDRICK: To your first question, I think that when you get in an
area where you appear to be bringing out legislation which is
in any century pressive and forcing people into situations which are
inimical to them, you immediately have lost ground. Whereas if you have people
working together in unanimity and each in control of... We have two cultures
here, francophone and anglophone and I think that we, each, make the thing more
dynamic by retaining the purity of those cultures, but by having a proper
friendly interchange. This has vastly improved in the course of the last few
years in the educational field and enriched both of us I think. I think it is
very important that we retain control of our culture and of course, language is
the key to culture. I think that the secret of dynamism in the province of
Québec or anywhere else, is a friendly relationship, not setting up an
adversory situation. That is really the essence of my argument, of our
argument. First of all, I am not close enough to know all the details of
Ontario in the way I do of Québec, but I would feel that there has been
a vast improvement in the situation in Ontario, and there were injustices
there. They are not all cleared up yet, but they are working at it and making
sizeable improvements. I do not know, Sir, whether that answers your question
adequately.
M. DEOM: To a certain extent, but it has not actually answered my
question. But nevertheless, here is my second question. You mentioned that you
have 35 Protestant school boards affiliated with your association. You said at
one point that members of the boards would probably present briefs with... My
question is: Are your board members going to present briefs that are most
similar to the one that you have already presented, and has this brief been
discussed with your 35 school boards?
M. SHELDRICK: We have a board of directors which is representative of
all those boards which meet monthly. The policies which we follow have to be
based on a majority opinion in those directors meetings, and we were very
careful to make sure we always are whenever we present a brief on
anything, that we consult fully and we would like to have been, in this
instance and have said that unanimous. In the first draft of the
brief, we put that in, but we did find that one or two boards did not want to
say: Withdraw the bill, they wanted to say to have the bill amended to say to
have the bill amended.
Then, they went into detail about all the amendments they wanted, so
that we removed the word "unanimous". We could not state that every board
wanted it withdrawn. A few of our boards might be contented with having it
amended. Some of the briefs which will be presented to you will be quite
lengthy, maybe nine or ten pages and they will go into philosophy much more
deeply that we have.
M. DEOM: But would they generally follow the same position?
M. SHELDRICK: Yes. M. DEOM: Thank you.
M. SHELDRICK: Thank you very much for this opportunity to have been able
to ...
LE PRESIDENT (M.Gratton): Mr Sheldrick, I am sorry, but the chief of the
Official Opposotion has some questions. Si la commission est d'accord, nous
pourrions continuer l'interrogatoire jusqu'à quatre heures trente.
Adopté?
Le chef de l'Opposition.
M. MORIN: Je crois que j'aurai suffisamment de temps pour poser mes
questions, M. le Président. J'aimerais demander à nos
invités comme première question, étant donné
l'accent qu'ils ont mis dans leur court mémoire sur la loi
fédérale et sur l'usage en matière linguistique dans le
"monde libre", pour employer leur expression, avec quelle loi
fédérale les projets actuels sont en contradiction.
Comprenons-nous bien, je n'entends pas défendre le projet actuel, je
veux simplement être éclairé...
M. CLOUTIER: Ce n'est pas si mal.
M. MORIN: ... sur les arguments en question.
M. SHELDRICK: This is the same question which Mr Cloutier asked a few
moments ago.
M. MORIN: Le ministre vous a donné son opinion. Moi, je vous
demande la vôtre. J'aimerais savoir à quelle loi vous faites
allusion et à quel article de cette loi.
M. SHELDRICK: The Official Languages Act.
M. MORIN: Quel article?
M. SHELDRICK: As I said earlier, I am not a lawyer. I do not propose to
enter into an analysis of the laws in that matter.
M. MORIN: Mais, enfin, M. le président de l'association, vous
avez fondé votre mémoire, un mémoire qui comprend quatre
ou cinq paragraphes, au moins pour un cinquième sur l'argument qui veut
que ce soit en violation directe de la loi fédérale. Vous
comprenez qu'à titre de membre de cette commission, j'estime que vous
devez pouvoir établir vos prétentions. C'est un de vos principaux
arguments, si j'ai bien compris, ou est-ce que vous avez dit cela en passant?
Is this perfunctory or is this essential?
M. SHELDRICK: It is certainly based on fact.
M. MORIN: On fact? M. SHELDRICK: Yes. M.MORIN: Quel fait?
M. SHELDRICK: Read the clauses of the bill and you will find continual
infringements upon the rights of the individual.
M. MORIN: Dans quel domaine? Est-ce que vous pensez seulement à
l'éducation ou à d'autres aspects?
M. SHELDRICK:Not only in the educational sense but also for professional
men, for business, for labour.
M. MORIN: Quelles sont les dispositions pertinentes de la Loi
fédérale sur les langues officielles?
M. SHELDRICK: One would think in reading the bill that it were set up
with a view to favouring one race over all others. That is a basic infringement
of humain rights.
M. MORIN: Non. Les droits fondamentaux de l'homme, nous y viendrons dans
quelques instants. C'est également une question importante que vous
soulevez, mais c'est dans le praragraphe suivant. Pour l'instant, je m'en tiens
à votre affirmation qui veut que les projets du gouvernement soient en
violation directe de la loi fédérale et vous me dites qu'il
s'agit de la Loi fédérale sur les langues officielles. Je vous
demande quel article de cette loi est en cause.
M. SHELDRICK: Once again, and this is the third time that I have made
this statement, I do not propose to become a lawyer here or to pretend
something I am not. This is a matter for courts. I do not think we are in a
court at the moment, and I do not think that you have any right to ask me this
question.
M. MORIN: Do you have any right to invoke it if I have no right to
question you about it?
M. SHELDRICK: Well, you have a right to question me, of course, and I am
glad you are. But the point is that you are asking me for legal opinions, and
that is not my role.
M. MORIN: Non, M. le Président de l'Association, vous avez
invoqué un argument juridique dans votre mémoire. Alors, je
voudrais comprendre la portée et le sens de cet argument. Vous avez fait
une affirmation; je veux la comprendre. Je vous demande les détails;
vous affirmez que c'est en violation directe de la loi fédérale.
Je vous dis: Oui, mais dites-moi quel article. C'est donc que vous avez lu la
loi fédérale, puisque vous l'invoquez. Alors, dites-moi quel
article ou quelle disposition.
M. SHELDRICK: The only reply I think I can make, further to what I have
already said, is that I am very glad that the honorable minister of Education
made a statement a while ago that if it is in breach of law, he would like to
know about it because he does not want any breach of the law. I think that it
should be lawyers who decide whether or not it is or it is not.
M. MORIN: Bon! Si je comprends bien, vous êtes incapable de
répondre à ma question.
M. CHARRON: Vous voulez faire un virage.
M. SHELDRICK: I think I have answered your question. You asked us
whether we were serious or whether we were just sort of doing some guess-work
here. We never do guess-work. We always have counsel's opinion.
M. MORIN: Très bien! Alors, je vous demande de quel article de la
loi fédérale il s'agit. Vous ne faites pas de devinettes,
dites-vous. Vous avez étudié la loi sérieusement,
sûrement, puisque vous faites une affirmation très entière.
Je vous demande quel est, quels sont les articles en cause.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs...
M. MORIN: Je note qu'il n'y a pas de réponse. Je pose la seconde
immédiatement pour épargner du temps, M. le Président.
Dans le paragraphe suivant, vous dites: "Moreover, clauses almost
everywhere throughout bill 22 infringe the basic rights of every individual
person residing in Québec as now universally accepted by the free
world".
Dans votre témoignage plus tôt, aujourd'hui, vous avez
laissé entendre, je crois, qu'il s'agissait de droits de l'homme.
N'est-ce pas?
La question suivante est celle-ci: A quel pays du "monde libre"
faites-vous allusion, et à quels droit humains ou droits de l'homme
faites-vous allusion exactement?
M. SHELDRICK: Well, the United Nations have brought out a statement on
what they consider to be basic human rights. Canada has its own statement of
what are basic human rights. To give you one example of what is behind that
paragraph. Let us take the situation where you put in the hands of civil
servants the role of being a sort of "Inquisition" who can oversee and make
judgments which may go well beyond the powers inherent in the law. I think the
free world feels that laws should state what they want done in detail, and that
the role of the civil servants should be to interpret that, not to rate
regulations from it, which may expand upon it and carry it to extents which may
infringe the rights of citizens.
Then you set up a board where you have, I think, nine members of which
three is a quorum and this is a situation which does not look to us like
justice or liable to give you a fair answer under all circumstances.
These are just a few examples to illustrate what is behind paragraph
four.
M. MORIN: Si je vous ai bien compris, dans ce paragraphe, vous pensez,
non pas au choix de la langue, mais aux pouvoirs arbitraires qui sont
confiés au ministre où à la Régie. D'après
la réponse qui m'a été donnée, j'ai eu l'impression
que le président de l'association songe, lorsqu'il parle des droits
individuels dans le monde libre, non pas au choix de la langue au
Québec, mais aux pouvoirs discrétionnaires qui sont
laissés au ministre et à la Régie de la langue par le
projet de loi no 22.
M.SHELDRICK: Mr President, I would like to express our appreciation for
the opportunity to present our brief and to speak to it. Thank you very much
indeed on behalf of our...
M. MORIN: A moins que vous ne vouliez vous défiler, je n'ai pas
terminé mes questions. Je vous ai posé une question. Vous ne
m'avez pas répondu.
M. SHELDRICK: I am sorry, Sir. It is terminated. We have presented our
brief.
M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement. Nous
avions convenu d'aller jusqu'à quatre heures trente, il est maintenant
cinq heures moins vingt-cinq.
M. CHARRON: La rescousse.
M. MORIN: Dois-je comprendre...
M. HARDY: C'est le règlement.
M. MORIN: ... messieurs, que vous ne voulez pas répondre aux
questions que nous vous posons?
M. HARDY: J'invoque de nouveau le règlement.
UNE VOIX: J'ai compris.
M. HARDY: Lors d'une séance antérieure, un autre membre de
la commission a demandé aux membres de la commission de respecter les
personnes qui se présentaient devant nous. Je pense que nous devons
témoigner de ce respect pour toutes les personnes qui se
présentent devant nous, qu'elles soient d'origine française,
d'origine anglaise ou néo-canadienne et je pense que la façon
d'agir, actuellement, du député de Sauvé, constitue un
manque de respect pour les témoins. Je pense qu'il est clair que le
président se préparait à mettre fin à son
témoignage et la façon très peu astucieuse et très
peu délicate du député de Sauvé ne fait pas honneur
au poste qu'il occupe.
M. MORIN: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Sur la question de règlement?
M. MORIN: ... j'ai posé exactement les questions dans le
même sens que le ministre de l'Education tout à l'heure...
M. HARDY: Je ne parle pas des questions.
M. MORIN: ... et je ne suis même pas allé aussi loin que le
ministre. Je n'ai fait que poser des questions. J'estime que ces messieurs, non
invités, doivent, dans toute la mesure du possible, éclairer la
commission. Je ne pense pas avoir manqué, fût-ce une seconde,
à la politesse élémentaire qui est due aux
comparaissants.
M. HARDY: Ils sont libres de répondre ou de ne pas
répondre.
M. MORIN: Ils sont libres de répondre ou de ne pas
répondre, mais Us doivent nous dire si oui ou non ils entendent
répondre. Je trouve que le ministre des Affaires culturelles fait de la
démagogie de façon absolument inadmissible.
M. HARDY: M. le Président, j'invoque de nouveau le
règlement...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !
M. HARDY: ... et je dirai au député de Sauvé qu'il
se comporte en petit maître d'école et non pas en
député.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!
M. CHARRON: Le voilà encore dans les rideaux.
M. MORIN: J'ai posé une question aux comparants et je n'ai pas eu
de réponse. Dois-je comprendre, Messieurs, que vous avez maintenant
terminé votre témoignage et que vous n'entendez pas
répondre plus avant?
M. KIAR: ... M. le Président, je pourrais peut-être
répondre à la question qui a été soumise par un
petit exemple qui m'est arrivé, cela doit faire quatre ou cinq ans. Je
m'étais assis à la table avec le ministre de l'Education. A sa
droite, il y avait un fonctionnaire. Une question avait été
posée au ministre sur un tel sujet, je ne me rappelle plus ce que
c'était. C'était une question, en ce temps, concernant le bill
72. La question avait été posée au ministre. Il a
commencé à répondre et le fonctionnaire lui a
touché l'épaule; ils ont eu un petit caucus tous les deux
ensemble, au bout de la table. En
effet, ce que le ministre avait dit, il a tout repris cela et il a
recommencé parce qu'apparemment le ministre n'avait pas donné la
réponse qu'il aurait dû donner, d'après l'opinion du
fonctionnaire.
D'un autre côté, cela donne un exemple de nos craintes au
point de vue du sujet que vous avez amené. En effet, trop de pouvoirs
vont se loger chez les fonctionnaires publics, au lieu de chez les membres de
notre gouvernement élu.
M. CLOUTIER: Question de privilège.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le ministre de l'Education.
M. MORIN: Sur un point de règlement sans doute?
M. CLOUTIER: Non, il y a des questions de privilège de par le
règlement général. Je voudrais simplement que celui qui
vient de raconter cette anecdote précise qu'il ne s'agissait pas de
l'actuel ministre de l'Education.
M. KIAR: D'accord. J'ai dit que cela faisait quatre ou cinq ans.
Donc...
M. CLOUTIER: Oui, mais de manière qu'il n'y ait pas
d'ambiguïté, je tenais à apporter cette
précision.
M. ROY: ... je ne vous ai pas demandé tout à l'heure si
l'indépendance prévalait...
M. CLOUTIER: M. le Président, quand je dis quelque chose j'en
prends toute la responsabilité.
M. MORIN: M. le Président, je crois que le dernier
répondant a répondu effectivement à ma question. Si ce
paragraphe porte sur les pouvoirs discrétionnaires accordés au
ministre ou, dans votre esprit, aux fonctionnaires, je vous dirai et
c'était le sens de ma question tout à l'heure, jusqu'à ce
que je sois interrompu abruptement que nous sommes d'accord que ce
projet de loi laisse trop de pouvoirs discrétionnaires au ministre. Si,
par ce paragraphe, vous entendez invoquer les droits de l'homme à
l'encontre de la langue française au Québec, je serai
obligé de vous faire remarquer qu'il n'existe pas de pays, en tout cas
pas de pays non anglophone qui confère des droits à un
système public d'écoles anglaises et qui permet aux parents de
choisir la langue scolaire de leurs enfants. Je suis obligé de vous dire
cela. Peut-être le saviez-vous déjà, peut-être ne le
saviez-vous pas. C'eût été très simple de me dire
tout de suite, comme on vient de le faire, que vous ne visez que les pouvoirs
discrétionnaires du ministre. Là-dessus, nous sommes
d'accord.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, mes sieurs de l'association, merci au
nom de la commission. J'invite immédiatement la Société
des traducteurs du Québec à se placer à la barre. La
Société des traducteurs du Québec remplace
d'ailleurs, on l'avait annoncé au début de la séance
l'Association des mines de métaux du Québec
incorporée. Si je ne m'abuse, le porte-parole de la
société est M. André Desrochers.
Société des traducteurs du
Québec
M. DESROCHERS: M. le Président, vous avez bonne mémoire.
Je suis le porte-parole et je suis depuis quelques jours le président de
la société. Permettez-moi de vous présenter mes
collègues qui composent avec moi la délégation. Ici,
à ma gauche, M. Raymond Frenette, vice-président; à la
gauche de M. Frenette, Mlle Denise Lemay, vice-présidente; à ma
droite, Mme Aline Manson-Daoust, membre du conseil d'administration et
chargée du dossier sur la reconnaissance professionnelle; à mon
extrême droite, M. Victor Jaar qui est aussi membre du conseil
d'administration et qui est représentant au conseil de la section de la
ville de Québec. M. le Président et messieurs les membres de la
commission...
M. HARDY: Pour éviter que ceci constitue un
précédent, je n'ai pas personnellement d'objection à ce
que nous entendions les propos de cette association, mais une lecture rapide du
mémoire me laisse croire que l'endroit où elle se présente
n'est pas tout à fait l'endroit indiqué. Je pense qu'elle devrait
plutôt se présenter devant la commission sur les corporations
professionnelles. Encore une fois, je dis ceci tout simplement pour que cette
situation ne constitue pas un précédent, parce qu'à ce
moment-là toutes les corporations professionnelles qui désirent
avoir des amendements à leur loi pourraient profiter de la commission
parlementaire des affaires culturelles, de l'éducation et des
communications pour venir ici. Si cette association a des suggestions
pertinentes à faire sur la loi 22 et que ce mémoire ne soit qu'un
incident à son propos, je ne voudrais pas être plus formaliste
qu'il ne le faut, mais je voudrais bien qu'il soit entendu que le but de la
présente commission parlementaire est d'étudier le projet de loi
22 et non d'étudier des problèmes d'ordre professionnel.
M. MORIN: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable chef de l'Opposition.
M. MORIN: Comme le mémoire le montre, le projet de loi a des
conséquences pratiques pour cette association et de ce point de vue nous
sommes heureux de lui souhaiter la bienvenue. Nous estimons que tous les
citoyens de la province de Québec ont le droit de se faire entendre,
quelle que soit la façon dont le projet de loi les frappe ou les
atteint. C'est pourquoi,
contrairement à ce qu'a dit le ministre, je soutiendrai que les
comparants ont le droit d'être entendus et que toutes les associations
qui auront été touchées d'une manière ou d'une
autre par le bill 22 ont le droit...
M. HARDY: M. le Président, j'ai vu des politiciens... J'invoque
le règlement. M. le Président, j'ai déjà vu des
politiciens malhonnêtes intellectuellement, mais comme le
député de Sauvé, jamais. Je n'ai pas dit que ce groupe
n'avait pas le droit de se faire entendre, j'ai pris la peine de bien nuancer
ma pensée, mais malhonnête comme le député de
Sauvé est...
M. CHARRON: Le mieux aurait été de vous fermer tout
simplement.
M. HARDY: M. le Président, ce n'est pas le député
de Saint-Jacques qui va me dicter ce que j'ai à dire ou ne pas dire.
M. CHARRON: Non, je m'en aperçois. Je sais que vous
fonctionnez...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!
M. HARDY: Vous auriez été mieux d'être plus
sérieux lors de l'étude des crédits du ministère
des Affaires culturelles, plutôt que de vous contenter de poser des
questions insignifiantes.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !
M. MORIN: M. le Président, c'est malheureux qu'il n'y ait pas de
rideaux dans cette pièce, parce que le ministre serait
déjà rendu au plafond.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. ROY: C'est probablement la raison pour laquelle il expose à
intervalles réguliers.
M. HARDY: M. le Président, venant du député de
Beauce-Sud, ces remarques démontrent que ce dernier a un sens de
l'humour absolument incomparable. M. le Président, sur la question de
règlement, je tiens à bien souligner qu'il n'a jamais
été...
M. CHARRON: II insiste.
M. HARDY: Oui, j'insiste pour démasquer votre
malhonnêteté intellectuelle.
M. CHARRON: Quelle opération! Allez-y, mon cher ami.
M. HARDY: Je sais que c'est une opération très difficile
et qui prendrait des mois et des années, tellement elle est
ancrée.
M. MORIN: Nous n'en demandons pas tant.
M. CHARRON: Je ne sais pas si vous le savez, mais vous vous livrez en
spectacle d'une façon assez particulière.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!
M. HARDY: M. le Président, le député de
Saint-Jacques, qui profite habituellement, non pas de ce théâtre
qui est trop restreint, mais de l'Assemblée nationale pour faire ses
bouffonneries, lui aussi a un drôle de sens de l'humour.
M. MORIN: Bon! Maintenant c'est assez. Revenons à nos
moutons.
M. HARDY: Je n'ai pas terminé, et aussi longtemps que vous allez
m'interrompre, cela va allonger les propos.
M. CHARRON: Croiriez-vous que c'est cela le ministre des Affaires
culturelles?
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !
M. HARDY: M. le Président, je sais que le député de
Saint-Jacques s'imagine un jour être ministre des Affaires culturelles,
mais je pense bien que ses rêves ne se réaliseront jamais.
M. CHARRON: Avec le ministère qui va rester, je vous
assure...
M. HARDY: Donc, M. le Président, je disais que je n'ai aucune
objection à ce que l'association devant nous se fasse entendre, mais ce
que je...
M. MORIN: Ah bon!
M. HARDY: C'est ce que j'avais dit. Vous relirez mes propos.
M. MORIN: Vous nous rassurez.
M. HARDY: M. le Président, dire que c'était professeur
d'université. Pauvres élèves!
M. le Président, ce que je voulais tout simplement dire, c'est
que l'on ne profite pas de cette assemblée...
M. CHARRON: Pauvres affaires culturelles!
M. HARDY: ... que l'on ne profite pas de cette commission pour faire
porter la majeure partie des interventions sur des problèmes d'ordre
professionnel et je pense que les gens qui sont devant nous, qui sont beaucoup
plus honnêtes intellectuellement que ceux qui siègent à
votre gauche, ont très bien compris le sens de mes propos.
M. CHARRON: Vous essayez de vous corriger.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, messieurs...
M. MORIN: M. le Président, je suis très heureux que le
ministre des Affaires culturelles nous sorte de la mauvaise
interprétation dans laquelle il nous avait plongés et
réaffirme...
M. HARDY: Vous étiez le seul à l'avoir.
M. MORIN: ... plongé.
M. HARDY: Vous étiez le seul à l'avoir.
M. MORIN: ... le droit des comparants de se faire entendre.
M. HARDY: Vous étiez le seul que votre
malhonnêteté... vous inspirait.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, à l'ordre, messieurs! Je
vous avoue ne jamais avoir été aussi éclairé sur
une question de règlement. J'invite donc M. Desrochers à faire sa
représentation tout en sachant qu'il ne s'agit pas là d'un
précédent mais que...
M. CHARRON: Abstraction faite du ministre.
LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Desrochers.
M. DESROCHERS: M. le Président et MM. les membres de la
commission, puisque vous avez la bonté de faire peut-être une
anicroche au règlement pour consentir à nous entendre, je vous
avouerai au départ que nous avons abordé la rédaction de
ce mémoire avec une certaine appréhension et je dois
reconnaître qu'il se situe une certaine ambiguïté. C'est une
interprétation, je pense, dans une certaine mesure, qui peut se
défendre. Nous nous sommes nous-mêmes interrogés un certain
temps à savoir si nous devions comparaître devant la commission et
c'est en toute confiance envers la largeur d'esprit et la compréhension
de la commission que nous avons décidé, en définitive, de
faire entendre notre voix.
M. CHARRON: Vous voyez.
M. DESROCHERS: Et la polémique, qui s'est engagée avant
même que notre mémoire ne soit lu, m'invite à vous le lire
pour dissiper dans la mesure du possible cette polémique. Notre
mémoire étant très bref, je pense que vous me permettrez
de vous le lire tout simplement, ce serait la meilleure façon de lancer
le débat.
Le débat, qui s'est engagé sur le projet de loi sur la
langue officielle, le projet de loi no 22, intéresse au plus haut point
la Société des traducteurs du Québec. Si la
société n'entend pas intervenir sur les questions proprement
politiques de ce débat, elle croit qu'il est de son devoir d'attirer
l'attention du législateur sur l'importance que ne saurait manquer de
revêtir la fonction de traduction pour assurer au Québec la
qualité de la langue de l'administration publique, des professions, du
travail, des affaires et des enseignements.
La Société des traducteurs du Québec a
été constituée en 1943 par des lettres patentes sous
l'empire de la troisième partie de la Loi des compagnies. Depuis qu'en
1967, le Cercle des traducteurs et la Corporation des traducteurs
professionnels du Québec se sont fusionnés avec la
société, celle-ci regroupe au-delà de 800 membres, sans
doute la majorité des traducteurs professionnels exerçant au
Québec. De l'avis de la société, il ne fait aucun doute
qu'étant donné l'importance de la place que la traduction occupe
dans le milieu québécois, il est indispensable d'encadrer la
profession de traducteur dans une corporation dotée des organes de
contrôle et des pouvoirs disciplinaires dont jouissent des professions
reconnues.
Dans le mémoire qu'elle a soumis en 1969 à la commission
d'enquête sur la situation de la langue française et sur les
droits linguistiques au Québec, la société a
formulé quatre recommandations qu'elle estimait nécessaires
à l'assainissement de la langue et à la création d'une
politique linguistique: a) l'adoption officielle de la norme du français
établi par l'Office de la langue française; b)la normalisation
des modes de formation du traducteur; c) l'encouragement à la recherche
terminologique; d)l'organisation de la profession de traducteur.
Deux de ces objectifs se retrouvent manifestement dans le projet de loi,
à savoir la formation de commissions de terminologie et la
transformation de l'Office de la langue française en régie de la
langue française. En revanche, la société ne peut que
déplorer l'absence de toute disposition propre à garantir les
qualités de la langue traduite. Il est pourtant à craindre que la
masse de traductions, qui résultera de l'entrée en vigueur de la
Loi sur la langue officielle, ne donne naissance à une
génération spontanée de traducteurs non qualifiés
et de compétence douteuse. Ainsi, devient-il d'autant plus urgent de
donner suite au projet de reconnaissance de la profession de traducteur que la
société a présenté en juin 1972 à la
commission spéciale sur les professions et qui reprenait, pour
l'essentiel, le projet de loi privé qu'elle avait déjà
déposé devant l'Assemblée nationale en mars 1969.
Ces interventions n'ayant pas eu de suite, la société a
soumis à l'Office des professions et au Conseil interprofessionnel du
Québec en mars 1974, une demande de constitution en corporation à
titre réservé. Dans le dossier qu'elle a soumis à l'appui
de sa demande, la société a démontré qu'elle
répondait aux critères de l'article 25 du code des professions et
qu'elle disposait déjà de plusieurs des mécanismes de
contrôle requis des professions reconnues, notamment l'exigence d'une
formation universitai-
re, un examen d'agrément, des cours de perfectionnement et un
code de déontologie.
Notre recommandation précédée d'un bataillon
d'attendus.
Attendu que le gouvernement du Québec a déposé
devant l'Assemblée nationale un projet de loi visant à faire du
français la langue officielle du Québec;
Attendu que la qualité du français au Québec
dépend dans une large mesure de la qualité de la traduction qui
s'y pratique;
Attendu que le projet de loi prévoit expressément la
formation de commissions de terminologie et l'institution de programmes de
francisation, notamment aux articles 35, 47, et 58;
Attendu que le fonctionnement des commissions de terminologie et
l'efficacité des programmes de francisation seront fonction de la
qualité des traducteurs qui s'y emploieront;
Attendu qu'il y a lieu d'assurer un service professionnel de
qualité à la population québécoise au niveau de la
traduction;
Attendu que la Société des traducteurs du Québec
regroupe la majorité des traducteurs professionnels exerçant au
Québec et qu'elle est prête à accéder au statut de
corporation professionnelle et à en assumer les obligations, la
Société des traducteurs du Québec prie instamment la
commission parlementaire de l'éducation, des affaires culturelles et des
communications, d'appuyer la demande de constitution en corporation à
titre réservé qu'elle a présentée à l'Office
des professions et sollicite l'honneur de comparaître devant la
commission pour lui exposer plus en détail son point de vue et pour
répondre du présent mémoire.
La seconde partie de notre recommandation, messieurs, vous nous l'avez
accordée. Quant à la première, nous sommes ici pour en
répondre devant vous.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Merci, M. Desrochers. L'honorable ministre de
l'Education.
M. CLOUTIER: M. le Président, je désire remercier la
Société des traducteurs du Québec. Je pense, à
l'analyse, que le mémoire est pertinent et, même s'il ne donnera
probablement pas lieu à de très nombreuses questions, il
s'insère certainement dans l'optique des auditions que nous avons eues
jusqu'ici. Je me contente de souligner que la Société des
traducteurs est le premier organisme, et peut-être même le seul
cela reste à voir qui a souligné le très
grand intérêt de la création des commissions de
terminologie et du souci de la qualité de la langue.
M. le Président, je n'ai pas de question particulière.
M. CHARRON: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de
Saint-Jacques.
M. CHARRON: ... comme le ministre, et contrairement au ministre des
Affaires culturelles, le juge également fort pertinent l'apport que
vient d'apporter à la commission la Société des
traducteurs du Québec. Je voudrais...
M. HARDY: Faute de fonds, on est malhonnête.
M. CHARRON: ... vous poser une seule question, mais qui,
peut-être, par la réponse, pourra en entraîner d'autres.
C'est que vous affirmez, au bas de la page 2, qu'à votre avis,
l'application de la loi 22 entraînera une masse de traductions qui
résultera de l'entrée en vigueur de la loi sur la langue
officielle et vous craignez, en ce sens-là, que cela ne donne naissance
à une génération spontanée de traducteurs. Quand
vous affirmez qu'il y aura une masse de traductions qui découlera de ce
projet, à partir de quel chapitre, ou à quel endroit en
particulier, vous êtes-vous fait cette opinion?
M. DESROCHERS: Je pense, M. Charron, justement par curiosité,
tantôt, pendant que j'écoutais le groupe qui nous
précédait délibérer avec vous, j'ai pris le soin de
noter quelques articles du projet de loi qui, advenant son adoption, donneront
lieu à des travaux de traduction. Je vois, par exemple à
l'article 8, on dit: Les textes et documents officiels peuvent être
accompagnés d'une version anglaise. Quelqu'un devra la préparer,
cette version anglaise.
M. CHARRON: Si vous me permettez, on va les prendre un par un, comme
cela.
M. DESROCHERS: Remarquez que cela n'est pas une liste exhaustive, mais
enfin...
M. CHARRON: Allez-y, je reviendrai par la suite, un par un.
M. DESROCHERS: Je note, par exemple, qu'à l'article 11, toute
personne a le droit de s'adresser à l'administration publique en
français ou en anglais, à son choix. Je ne connais pas
l'intention du législateur. Je suppose que, si on s'adresse à
l'administration en anglais, elle répondre en anglais. Je ne sais pas.
Mais à supposer qu'elle réponde en anglais et qu'elle dicte en
français, quelqu'un devra traduire.
A l'article 13, on dit que le français et l'anglais sont les
langues de communication interne des organismes municipaux et scolaires dont
les administrés sont en majorité de langue anglaise. Evidemment,
cet article n'est peut-être pas le mieux indiqué de tous et on
peut peut-être le passer sous silence. J'ai noté à
l'article 16 que le ministre de la Justice doit faire en sorte que les
jugements prononcés en anglais soient traduits dans la langue
officielle.
A l'article 20, les entreprises d'utilité pu-
blique peuvent faire accompagner d'une version anglaise les textes et
documents qu'elles destinent au public. S'il y a avantage à ce qu'on
continue la liste, on peut la continuer. Les employeurs, en vertu de l'article
24, doivent rédiger en français les avis, communications et
directives qu'ils adressent à leur personnel, et peuvent cependant les
faire accompagner d'une version anglaise, dans certains cas. Je pense que j'ai
donné suffisamment d'exemples pour démontrer que traduction il y
a et traduction il y aura au Québec.
M. CLOUTIER: M. le Président, ce qu'essaie de démontrer le
président de l'association et ce qu'essaie de démontrer le
député de Saint-Jacques sont deux choses différentes.
M. CHARRON: Je vais continuer, M. le Président.
Vous avez fait vous-même deux distinctions quant à la masse
de traduction et de bilinguisa-tion découlant du bill 22, entre le
secteur public, lorsque que vous entrez dans le chapitre III, et l'article 24
qui le suit. C'est ce qui devrait s'appliquer normalement au secteur
privé. Je pense que le statut des traducteurs ne peut être le
même à un endroit et à l'autre.
Pour ce qui est de la langue officielle dans le secteur public, je pense
que vous avez parfaitement raison d'être venus à cette commission
nous indiquer que c'était une responsabilité gouvernementale et
qu'il aura donc des mesures à prendre par la suite si jamais cette loi
devait être appliquée à rencontre des désirs des
Québécois.
Pour la suite, je pense que ce sera la responsabilité du secteur
privé. Je veux revenir au chapitre... Il y a eu des témoins avant
vous, évidemment et nous sommes ici depuis la semaine
dernière entre autres, le président du Syndicat des
fonctionnaires du Québec. J'ai fait avec lui, article par article,
l'étude du projet de loi, en particulier les chapitres de
l'administration publique où le syndicat est directement
concerné. A chaque endroit, le président, M. Harguindeguy, me
confirmait que c'était déjà la pratique habituelle dans
laquelle ses syndiqués, ceux de la fonction publique
québécoise, travaillaient.
Autrement dit, les textes et les documents officiels souvent
accompagnés d'une version anglaise existent déjà. C'est le
statu quo. Il me disait également, à d'autres endroits, que toute
personne a le droit de s'adresser à l'administration publique en
français ou en anglais à son choix. C'est déjà le
statu quo. Que le français et l'anglais deviennent les deux langues
officielles des municipalités où il se trouverait 10 p.c.
d'anglophones, c'est déjà le cas. Même à certains
endroits, il y a des dispositions qui augmentent les privilèges de
l'anglais par rapport au statut actuel.
Nous ne voulons pas vous mettre en contradiction avec le
témoignage de M. Harguindeguy, nous voulons vous demander si cette masse
de traduction que vous affirmez exister n'existe pas déjà. Quel
est alors le statut des traducteurs membres de votre société
actuellement dans le gouvernement du Québec, puisque le gouvernement du
Québec fait déjà énormément de versions
comme il continuera à le faire avec la loi 22? Il s'adresse très
fréquemment au public en anglais. A cause de tout cela, il doit donc
exister quelque part des traducteurs. Est-ce que ce sont des membres de votre
société? Est-ce que ce sont eux qui ont des remarques à
faire sur le projet de loi?
M. DESROCHERS: Votre question, M. Charron, si vous me le permettez, est
passablement complexe. Je vais essayer d'en saisir tous les aspects.
M. CHARRON: D'accord.
M. DESROCHERS: D'abord nous avons effectivement beaucoup de nos membres
qui sont dans la fonction publique. M. Jaar, ici, est fonctionnaire du
gouvernement provincial. Il est au ministère des Communications. Les
traductions de l'administration publique, j'imagine, et non seulement
j'imagine, je suis convaincu qu'elles émanent en majorité de
traducteurs qui sont à l'emploi de la fonction publique. Tous ces
traducteurs ne font pas nécessairement partie de la corporation. Cela
répond à la dernière partie de votre question.
Pour répondre à la première partie de votre
question, je pense que je répondrai de deux façons. D'abord, dans
le secteur public à proprement parler, si les articles que j'ai
évoqués tantôt ne sont à votre esprit que la
reconduction d'un état de fait, je pense que cet état de fait,
étant maintenant institutionnalisé ou légalisé,
pourra peut-être exiger une plus grande rigueur de la part des
professionnels de la traduction.
M. CHARRON: Je suis d'accord avec vous.
M. DESROCHERS: En seconde partie, il ne faut pas oublier l'institution
de ces programmes de francisation et de ces commissions de terminologie
où il faudra une collaboration entre l'entreprise privée et le
secteur public. Nous croyons que le traducteur a un rôle à jouer
dans le fonctionnement de ces commissions et de ces programmes.
M CHARRON: A votre avis, la création de ces programmes de
francisation, d'incitation, d'ailleurs, que toutes les entreprises demeurent
parfaitement libres de prendre ou de ne pas prendre, dans l'hypothèse
où une entreprise accepterait, considérez-vous que votre travail
à vous, comme traducteurs professionnels, se fera plutôt au niveau
de l'administration publique à ce moment-là qu'à
l'échelle même de l'entreprise?
M. DESROCHERS: Pour l'instant, les modalités sont très
vagues, mais je pense que nous sommes en mesure de participer à ces
commissions. Nous sommes en mesure de participer à ce travail. Notre
rendement sera d'autant meilleur que nous aurons un certain statut qui nous
permettra d'exiger de nos membres l'excellence et de l'imposer à la
population.
M. CHARRON: Ce vague que vous notez et que tout le monde sent autour de
ce projet de loi, peut-être que le ministre est en mesure de nous
l'expliquer. Ces programmes de francisation...
M. CLOUTIER: Ne posez pas trop de questions remplies de jugements de
valeur.
M. CHARRON: Ce programme de francisation.
M. CLOUTIER: Vous ne ratez pas une occasion. C'est gênant pour nos
invités.
M. CHARRON: ... M. le ministre, s'il a à s'appliquer, à
quel endroit les membres de la Société des traducteurs auront-ils
à y travailler? Est-ce que ce sera au niveau des entreprises mêmes
ou si ce sera au niveau de la banque de terminologie? Par la suite, les
entreprises seront libres de l'appliquer à leur façon à
leur propre niveau.
M. CLOUTIER: Si le président me permet de répondre, je
n'ai pas d'objection, mais ce n'est quand même pas la raison de
convocation de cette commission. Je n'ai pas d'objection à apporter
certaines précisions qui sont utiles.
M. CHARRON: Cela éclairerait tout le monde, à commencer
par les membres de la société.
M. CLOUTIER: La réglementation qui sera sinon
déposée dans tous ses détails, mais tout au moins
largement expliquée, lors de la discussion en commission élue,
apportera toutes les précisions nécessaires de ce point de vue.
Il existe, à l'Office de la langue française, des programmes de
refrancisation depuis 1970. Ces programmes se font en collaboration avec
l'entreprise et les traductions qui ont dû se faire, se sont faites au
sein de l'entreprise, dans la plupart des cas, si j'excepte un ou deux projets
pilotes.
M. CHARRON: Dans ces cas précis, est-ce que les traducteurs
étaient des traducteurs professionnels que le gouvernement recommandait,
ou que l'entreprise trouvait d'elle-même?
M. CLOUTIER: Le seul cas auquel je pense est celui de l'Aigle d'Or,
alors que les travaux terminologiques, dans le secteur du pétrole, se
sont faits en relation avec la France, dans le cadre des accords mixtes. Nous
avons eu un certain nombre de spécialistes français. C'est la
raison pour laquelle je ne suis pas sûr que ce soit le lieu d'entrer dans
tous les détails. Ce que je voudrais dire, c'est que les traducteurs
auront très certainement leur place dans le cadre de ces deux
programmes, parce que je ne voudrais pas laisser subsister l'impression que
notre loi en est une de traduction. Loin de là. A mon tour d'amener
certaines nuances. Il s'agit bel et bien d'une loi qui donne la priorité
au français partout et qui n'instaure pas le bilinguisme. Loin de
là.
Cependant, il est bien évident que, dans les secteurs techniques,
et c'est le cas des programmes de refrancisation, il y aura un besoin accru de
traduction.
M. CHARRON: Combien de traducteurs sont actuellement à l'emploi
de l'Office de la langue française?
M. DESROCHERS: Ma collègue me fait remarquer que tout d'abord,
pour ma part, je n'ai pas de statistiques précises là-dessus
...
M. CLOUTIER: Je crois que le président de l'association devrait
répondre qu'il n'est pas compétent pour répondre à
une question comme celle-là. Je crois qu'il s'agit véritablement
d'un problème qui relève de l'office. Ne vous sentez pas
obligé de répondre.
MME MANSON-DAOUST: Nous pourrions avoir le nombre de ceux qui
travailleraient à l'Office de la langue française, mais
actuellement, ce sont surtout des terminologues qui sont à l'office. Il
y a peu de traducteurs véritablement qui sont à l'office et qui
sont membres de notre société.
M. JAAR: Si vous me permettez, M. le Président, étant
donné que je suis à la tête de la section de Québec,
et je suis aussi fonctionnaire, je peux vous dire que nous sommes à peu
près un tiers des fonctionnaires traducteurs membres aussi de la
société, actuellement. A ma connaissance, très peu de
traducteurs de l'Office de la langue française sont membres de la
société. Ils sont très peu nombreux.
M. CLOUTIER: C'est exact. Oui.
M. CHARRON: Quand vous dites qu'un tiers des fonctionnaires traducteurs
sont membres de la société, combien cela veut-il dire, en nombre
absolu?
M. JAAR: Je dois vous avouer que nous n'avons pas de chiffres. J'ai
dû m'adresser au chef de service, aux traducteurs qui travaillent dans
différents ministères, pour préparer les listes. Ce n'est
pas facile, parce qu'il y a des fois où leur profession ou leur travail
n'est pas bien défini. Nous n'avons pas de chiffres précis
à ce sujet.
MME MANSON-DAOUST: Le problème qui complique la traduction, c'est
que souvent les gens font de la traduction en plus de faire autre
chose. Ce que nous voulons souligner, en tant que traducteurs, c'est la
qualité du travail que nous voulons faire. Si le volume de traduction
est amplifié dans les premiers temps, pour pouvoir franciser un certain
nombre de textes, il ne faut pas que n'importe qui fasse de ia traduction.
C'est le gros problème que nous avons actuellement, quand nous voulons
essayer de déterminer le nombre de gens qui font de la traduction.
Beaucoup de gens sont spécialistes d'un domaine et se mettent à
traduire dans ce domaine. C'est là que se pose le problème de
mauvaise traduction, très souvent. Il nous semble que le projet de loi,
en demandant une francisation et en multipliant les traductions, peut
créer un nombre de traducteurs improvisés.
M. CHARRON: Je comprends l'aspect politique que vous apportez en ce
sens. Plusieurs des programmes de francisation, par exemple, qui pourraient
découler de ce projet de loi ou des initiatives privées qui ont
déjà été prises dans ce domaine, ont donné
lieu à plusieurs commentaires sur la qualité du français,
par exemple, que certaines entreprises, dans l'étiquetage ou ailleurs,
allaient donner à une version qu'on voit naturellement anglaise, mais
qu'on a traduite pour le marché local. Si je comprends bien le sens de
votre déposition, vous voudriez qu'il y ait également dans la loi
des dispositions qui obligeront les entreprises à se conformer à
un minimum de qualité quant au français qu'elles utiliseront
à la suite de l'application d'un programme de francisation.
Je vous demande si c'est ce rôle de surveillance quant à la
qualité du français traduit qui découlerait... Est-ce
qu'il n'est pas déjà prévu dans le projet de loi, à
vos yeux, et quelles sont les dispositions précises que vous
exigeriez?
M. DESROCHERS: Je pense que, implicitement, M. le député
de Saint-Jacques si je fais erreur, je vous prie de me corriger
vous faites allusion à la question terminologique. Il est très
important que la Régie de la langue française exerce une fonction
de censure sur le vocabulaire technique, mais ce n'est pas la Régie de
la langue française qui va traduire, qui va appliquer ce vocabulaire
dans un texte donné. La régie va fournir les outils, les
matériaux qui sont constitués par le vocabulaire, mais c'est le
traducteur qui devra les utiliser.
M. CHARRON: Vous avez certainement vécu, comme consommateur,
l'expérience que bien des Québécois ont connue, soit
l'expérience d'acheter un produit dont les indications sont dans une
telle langue le mode d'emploi, le mode d'usage que l'unilinguisme
anglais aurait été largement satisfaisant à ce moment.
Alors, quelle est la disposition qu'un Etat peut prendre, à votre avis,
pour s'assurer une traduction de qualité? Est-ce à dire qu'on
devrait ajouter aux pouvoirs de la Régie de la langue française
la possibilité d'intervenir dans les marchés privés et de
faire retirer des produits, par exemple, s'ils ne sont pas...
M. DESROCHERS: Je ne sais pas. Je ne suis pas législateur. C'est
vous, messieurs les législateurs, qui pouvez trancher cette question.
Nous sommes ici pour vous fournir des suggestions et une suggestion que nous
pouvons vous fournir est celle de donner au groupe de traducteurs qui le
sollicite depuis plusieurs années et qui prétend répondre
aux critères, les pouvoirs juridiques, le statut de corporation
professionnelle qui lui permettra d'exercer ces contrôles en votre nom,
comme vous l'avez fait pour 38 autres corporations.
M. CHARRON: D'accord.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Beauce-Sud.
M. ROY: J'aurais une question et j'ai bien peur que cela soit une
question indiscrète à l'intention de nos interlocuteurs, question
bien indiscrète puisqu'on dit que la société n'entend pas
intervenir sur les questions proprement politiques de ce débat. Alors,
comme le projet de loi 22 est quelque chose qui nous intéresse tous, je
vais poser une question parce que pour moi, cette question de la langue est
fondamentale et doit être discutée et traitée en dehors de
toute option constitutionnelle globale. J'aimerais bien savoir si la
société comme telle, sans entrer dans des questions purement
politiques, vis-à-vis des objectifs, si vous avez examiné le
projet de loi 22 à l'égard des objectifs et si vous êtes
satisfait du projet de loi 22 comme tel ou si vous avez beaucoup de
réserves. Soyez bien à l'aise pour me répondre.
M. DESROCHERS: Je répondrai à cette question et je
répondrai sans ambages que nous n'avons aucun mandat de nos commettants
et que nous ne pouvons pas nous prononcer sur le texte, qui est devant nous,
dans son ensemble. Nous sommes certainement favorables à l'implantation
d'une politique linguistique au Québec Oui, c'est indubitable. Nous
sommes aussi favorables à ce que la langue qui se parle au
Québec, fût-elle le français, l'anglais ou les deux
à la fois, soit une langue digne d'une collectivité
cultivée.
M. ROY: Je n'insisterai pas davantage.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le chef de l'Opposition.
M. MORIN: Nous avons la chance d'avoir des traducteurs devant nous.
Est-ce que je pourrais me pencher avec vous sur le préambule de la loi?
Est-ce que vous avez devant vous
le préambule du projet de loi no 22? Je prendrai le premier
"attendu": "Attendu que la langue française doit être la langue de
communication courante de l'administration publique..." que nous voyons traduit
en anglais par: "Whereas the French language should be the ordinary language of
communication in the public administration." Est-ce que cette traduction est
correcte à votre avis?
M. DESROCHERS: Cest une consultation gratuite, si je comprends bien?
Peut-être que mes collègues...
M. MORIN: En quelque sorte. Non. Je voudrais votre opinion en tant que
Société de traducteurs sur...
M. DESROCHERS: Est-ce qu'il y a un de mes collègues qui pourrait
se hasarder à ce piège?
M. MORIN: C'est une question technique. Il n'y a pas de "piège"
derrière la question.
M. HARDY: M. le Président...
M. MORIN: J'aimerais vous demander si, autrement dit "doit" est
correctement...
M. HARDY: M. le Président, j'invoque de nouveau le
règlement.
M. MORIN: ...traduit par "should".
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le ministre des Affaires culturelles.
M. HARDY: M. le Président, j'invoque de nouveau le
règlement. Il est évident qu'en tant que membre de la commission
je serais très heureux de connaître la réponse à la
question formulée, mais je voudrais également que les
témoins se sentent tout à fait libres de répondre ou de ne
pas répondre.
M. MORIN: Oui, ils sont libres et ils ne sont pas obligés de
répondre.
M. HARDY: M. le Président, est-ce que je peux terminer? Est-ce
que le professeur...
M. MORIN: Ils sont libres.
M. HARDY: Est-ce que le professeur, député de
Sauvé, me concède le droit de parole?
M. MORIN: Ils sont libres de répondre, c'est bien
évident.
M. HARDY: Est-ce que je peux parler à cette commission? Vous
êtes le seul qui a le droit de parole.
M. MORIN: Qu'est-ce qui vous en empêche?
M. HARDY: Vous, avec vos murmures. M. le Président, à
titre de membre, je vais invoquer le règlement. Est-ce que l'aspirant
président de la commission a quelque chose à dire?
M. ROY: D'abord, je vais rectifier: Je ne suis pas aspirant
président de la commission du tout, parce que je veux prendre part au
débat.
M. HARDY: M. le Président, je voulais tout simplement souligner
que les témoins qui sont actuellement devant la commission, sont tout
à fait libres de répondre ou de ne pas répondre, puisque
la question du député de Sauvé est une opinion
professionnelle. Ils ne sont pas venus ici en tant que spécialistes pour
nous donner des opinions. Ils sont venus ici pour traiter des relations entre
le projet de loi 22 et les conséquences que cette loi pourraient avoir
sur leur profession en tant que telle. Je voudrais tout simplement que les
témoins se sentent tout à fait libres de répondre ou
non.
M. MORIN: II est évident, M. le Président, que les
témoins sont libres. D'ailleurs, il n'est pas besoin de le leur
rappeler; ils le savent. Ce sont des citoyens, sans doute, auxquels on n'a pas
besoin de rappeler comme cela, à tout propos, qu'ils sont libres de
répondre aux questions qui leur sont posées. J'aimerais
simplement répéter ma question. Je pourrais la poser, au fond,
à toutes les associations qui comparaissent, mais étant
donné que vous êtes, de surcroît, des traducteurs, il
m'intéresse d'avoir votre avis là-dessus, si vous voulez bien
nous le donner.
M. DESROCHERS: Ecoutez, je ne sais pas, parce que la question que vous
me posez est très périlleuse. Je pense que pour y
répondre, il faut qu'on s'appuie sur le projet de loi tout entier. En
somme, vous me demandez si le mot "de" est bien traduit par "in". J'avoue ne
pas me...
M. MORIN: "Doit" est bien traduit par "should"?
M. DESROCHERS: Oui, "should be"... Enfin, vous savez, j'avais
buté...
MME MANSON-DAOUST: En fait, c'est une question d'interprétation
du législateur. C'est admis de dire ce que vous pensez.
M. DESROCHERS: ... sur une autre difficulté. Je pense que c'est
inutile. Vous savez, on peut avoir une discussion qui va être, à
mon sens, futile. Est-ce que la langue de l'administration, cela veut dire la
langue interne à l'administration, donc, "in administration"?
M. MORIN: Non.
M. DESROCHERS: Ou est-ce que c'est la langue avec des
ressortissantes...
M. MORIN: Non, c'est une autre difficulté.
M. DESROCHERS: Le "doit" et le "should be", c'est...
M. MORIN: Vous avez raison, il y a plusieurs difficultés dans ce
paragraphe et dans ceux qui suivent. Je me demandais tout simplement si,
à votre avis, on doit traduire "doit" par "should"?
M. CLOUTIER: Je pourrais peut-être régler le
problème en disant que, pour ma part, je ne suis pas entièrement
satisfait de la qualité de cette traduction. Je pense que pour un
certain nombre de précisions qu'il faudra apporter, elles le seront en
commission et lues en temps et lieu. Peut-être aurions-nous dû
faire appel à la corporation.
M. DESROCHERS: Nos services vous sont acquis.
M. MORIN: M. le Président, puis-je attirer l'attention des
traducteurs aussi sur le quatrième attendu: "Attendu que la langue
française doit être omniprésente dans le monde des
affaires, etc., et attirer leur attention sur la traduction qui a
été donnée de cette expression d'omniprésence, et
leur dire qu'effectivement, leurs services seraient grandement requis par le
ministère de l'Education ou, en tout cas, par l'organisme qui a
assuré la traduction de ce préambule.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saint-Jean.
M. VEILLEUX: Si jamais il vous manque un traducteur, vous pourrez fort
bien prendre comme membre de votre corporation le député de
Sauvé, parce qu'il maîtrise très bien l'anglais.
M. MORIN: J'en serais très honoré.
M. VEILLEUX: Je voulais tout simplement leur poser la question suivante.
Vous présentez, ou du moins la présentation du projet de loi 22
constitue pour vous un motif raisonnable supplémentaire pour demander
aux députes que votre corporation ou la Société des
traducteurs ait une reconnaissance à l'intérieur du code des
professions.
Si le gouvernement du Québec avait déposé un projet
de loi décrétant l'unilinguisme français, est-ce que vous
auriez pu vous présenter devant la commission parlementaire pour
demander que votre société soit reconnue, compte tenu qu'il y
aurait des possibilités de disparition ou une possibilité plus
grande de travail, compte tenu que les compagnies privées, le
gouvernement, etc., auraient dû recourir à vos services pour
discuter ou envoyer des documents à l'extérieur du
Québec?
M. ROY: Question intelligente, très intelligente.
MME MANSON-DAOUST: A cette question, on peut répondre que,
même en cas d'unilinguisme français, il faut considérer la
situation du Québec. Le Québec étant entouré de
régions et de pays anglophones, il est impossible qu'il n'y ait pas,
à un moment donné, une traduction vers le français ou vers
l'anglais, dans un sens ou dans l'autre, ne serait-ce que pour communiquer avec
l'extérieur. Donc, il y aura toujours un minimum, un besoin de
traduction.
M. VEILLEUX: Merci.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce qu'il y a d'autres questions? Sinon,
au nom de la commission, nous vous remercions, messieurs, mesdames, de la
société, tout en vous souhaitant bonne chance dans vos
revendications.
J'appelle maintenant The United Church of Canada et son porte-parole, Mr
Batstone. Mr Batstone?
United Church of Canada
M. BATSTONE: Mr President, I am Bat-stone, the chairman of the Montreal
Presbytery of United Church of Canada. At my right, Reverend Ralph Watson, the
executive secretary of the Presbytery; on my left, Mr Martin Campbell, a lay
member of the Presbytery. We thought we would outline just briefly some of the
thougths which you already have before you.
Let me say, at the beginning, that the Montreal Presbytery represents a
part of the United Church of Canada, not only in Canada, but in Quebec. It is
composed of persons, both clergy and lay, representing more than 100 different
churches, more than 72,000 people whose first language is French or Italian,
Hungarian, Japanese, Indian and English. The brief we have presented to you, we
have discussed with the French representatives of our communion of which they
are something like 2,500. However, we regret that time did not permit us to
deal with each of the other groups, not only to deal with the other groups, but
to prepare a thoughtful and detailed brief as we would like to present. Our
task today is not to become involved in the legal intents, because we feel that
bill 22, while it does not pose any threat to our way of worship, there are
many social concerns and, as a Church, we are always concerned with the social
implications in our society. It is not our object to suggest that the status
quo should be protected because, I think, as a Church, we have been in the
forefront of changing the status quo and that is necessary. But we are
concerned about the best interest of Canada and Quebec, both
French-speaking and English-speaking, and other groups.
We feel that this bill does not recognize the vital needs of the
French-speaking minority in North America and there are several areas which
give us some concern. One of which is that there is no status given to English
as an official language; secondly, that there is nothing to actively promote
the teaching of French in English schools and we feel that this legislation
could be protective and insular. And history has proved that no culture can
florish in the protective surroundings.
We feel that the Bill has not made sufficient attempt to acknowledge the
fact that French Canada must, in all its ways, culturally and economically,
speak English in order that it might negociate with the United States and a
great deal of the rest of Canada.
Another point that gives us some concern is the wide executive scope
given in formulating the rules and carrying out the rules of this Act. We feel,
as we have stated at one place, that various individuals, not necessarily
elected, would be given wide powers to introduce their will in their scope, for
many things would be present. I think our Church in the Montreal area has been
most interested in bilingualism; it has spared no effort, financially or
otherwise, in promoting French among its clergymen and we are doing a great
deal so that we can relate to the French majority in which our Church finds
itself. Perhaps at this point that Mr Watson who has been associated with the
Presbitery in an executive capacity for some time, can outline to you some of
the efforts being made by the Church to relate to the French community.
M. WATSON: Mr President, our Church, as our chairman has mentioned, has
been involved in dealing with social and political issues over many years and
dealing, it believes, always with the whole man, man and society. Over our
history in Canada and in Québec, while we have been a Protestant Church
and largely Anglo-Saxon, we have always had an association with French
Protestants and French from foreign groups within the province of
Québec. About ten years ago, when the situation in Québec and in
Canada began to be discussed, with regard to bilinguism and biculturalism in a
new way, our Church took seriously the situation that Canada found itself in,
and it took every opportunity to promote a better understanding between
French-speaking and English-speaking Canadians. It also took every opportunity
to make possible the maximum development of individuals and groups, both
French-speaking and English-speaking. And as far as ten years ago now, our
Church has been involved with the matter in particular; we organized and set up
a commission on bilingualism and biculturalism which made its presentations to
the Royal Commission of that day. Among the many things which they recommended,
as I recall, were such things as where there exists, say, a substantial
minority of either language anywhere in Canada, that such person should be able
to communicate with and be communicated to, by all levels of government. And
also, in another area, we urged the official declaration of two official
languages in Canada and that each province should accept and promote the fact.
And then, just two years ago, we had another commission which met end its basic
purpose was to look at the situation again in Canada with a view to assisting
the United Church of Canada and its 3 million members to understand the
situation, both in Québec and in Canada, with regard to bilingualism and
biculturalism.
And among these specific things that we did, we made every effort so
that our French-speaking congregations within our organization could have an
organization that will allow them to express, in every way possible, their own
freedoms, their own ideals and their own goals as a French-speaking in Reformed
or Protestant Church. At the same time, we adopted policies to provide for a
better understanding through study papers, through our National Church papers
of the situation, both in Québec and in Canada, and to encourage and
financially support, for instance, every pastor, in Québec or those
coming in to Québec, to gain a working knowledge of French and, at the
present time, we feel that we are having some success with this particular
endeavour and we hope to be able to continue in that way.
But our basic concern has been for the freedom of individuals to
exercise, within their own culture and within their own language ability, their
own freedoms to develop and get, at the same time, to be involved with one
another.
This has been something of the work of our Church and it is out this
kind of background that we make our presentation to you and it is out of this
kind of background that we approach bill 22 and, in the other relevant matters
that deal with us, as citizens in Canada and in Québec.
M. BATSTONE: That will conclude what we have to say now. We will be very
happy, either of us, to attempt to answer any question you may have.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Thank you, gentlemen. L'honorable ministre de
l'Education.
M. CLOUTIER: Je remercie the United Church of Canada de son
mémoire et la présentation que son président en a fait. Je
voudrais d'abord m'assurer que je suis compris, si je parle
français.
M. CAMPBELL: Je peux comprendre, oui.
M. CLOUTIER: Je n'aurai qu'une question. A la lecture du mémoire,
j'ai l'impression que ce que souhaiterait la United Church serait une loi dont
le principe reviendrait au bilinguisme au Québec. Est-ce que je me
trompe?
M. CAMPBELL: Generally, that is correct.
M. CLOUTIER: C'est cela. J'en conclus donc que, dans l'opinion de votre
groupe, la loi actuelle, le projet de loi 22, ne consacre pas le bilinguisme,
bien au contraire.
M. CAMPBELL: It is not given enough weight to the fact that there are a
large number of English-speaking people in the province of Québec who
have a historical interest in speaking the English language. But our larger aim
is to show that, by necessarily restricting the teaching of French in English
schools, or English in French schools, the people of the province of
Québec will be limited in their dealings in North America.
M. CLOUTIER: Mais à quel endroit de la loi y a-t-il restriction
de l'enseignement des langues secondes?
M. CAMPBELL: Perhaps the word "restriction" is too broad. There is no
encouragement given to English-speaking persons to learn the French
language.
M. CLOUTIER: II y a un article de la loi, un article précis, soit
l'article 52...
M. CAMPBELL: There is an...
M. CLOUTIER: ... que je vous suggérerais de lire.
M. CAMPBELL: There is an absence in provisions.
M. CLOUTIER: Les dispositions se retrouvent dans un plan qui s'appelle
le plan de développement des langues et il ne serait pas
approprié de les prévoir dans un texte législatif. Enfin,
je n'ai pas l'intention d'entreprendre un débat peut-être
là-dessus, je voulais simplement m'assurer que, dans votre esprit, ce
que vous reprochez surtout au projet de loi 22, c'est le fait qu'il ne va pas
assez loin sur le plan du bilinguisme ou dans le sens de la reconnaissance des
droits des anglophones. Merci.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le chef de l'Opposition.
M. MORIN: M. le Président, je me réjouis de voir l'Eglise
Unie du Canada comparaître devant cette commission. J'ai eu l'occasion
à maintes reprises dans le passé de suivre leurs prises de
position à leurs déclarations sur les questions qui nous
intéressent aujourd'hui.
Je sais que vous vous intéressez à ce problème
depuis déjà plusieurs années. Je me réjouis
également du souhait que vous formulez à la première page
de votre mémoire, où vous dites qu'il est à souhaiter que
la commission parlementaire et l'Assemblée nationale accorderont
à ce projet de loi le temps et l'attention nécessaires.
C'est avec raison que vous avez souligné et regretté que
seulement trois semaines aient été accordées pour la
présentation de ces mémoires. Quoi qu'il en soit, vous
voilà maintenant devant la commission et j'aurais quelques questions
à vous poser.
La première est la suivante. A la page 2 de votre mémoire,
vous consacrez deux longs paragraphes aux objections qu'auraient pu faire
valoir ou que pourront faire valoir d'autres groupes intéressés
à l'encontre du projet de loi 22 ou à l'encontre de toute
politique autre que celle qui est contenue dans le projet de loi 22, en faveur
du français. Est-ce que vous êtes d'accord avec les opinions
exprimées par ces autres groupes? Est-ce que vous endossez dans ces deux
paragraphes les opinions émises par ces groupes?
M. CAMPBELL: Do I understand the question correctly to the effect that
we necessarily state that the provisions mentioned are unconstitutional? Is
that the trust of your question?
M. MORIN: C'est cela. Est-ce que vous êtes d'accord? Est-ce que
vous reprenez ces arguments à votre compte?
M. CAMPBELL: Not necessarily. We believe that in this particular form,
it would be not worthwhile to waste a great deal of time in needless legal
debates. Our particular organization is not affected by anyone of these
provisions, except in a very general sense. It is highly debatable whether or
not we would have a legal interest to contest anyone of the provisions of this
Act.
Therefore, in stressing that there may well be and that is as far
as we go constitutional or other difficulties, we merely wish to draw to
the attention of this commission that there are potential problems. But having
heard some of the other groups, I believe the commission is probably well aware
of some of these potential problems. That is the sole purpose of placing within
our brief these particular notations.
M. MORIN: Mais pourquoi les mentionnez-vous? Est-ce purement en passant?
Is it strictly perfunctory or does it have any meaning for you?
M. CAMPBELL: If you wish us to be more specific, article 26.3 of the
Universal
Declaration of Human Rights grants to parents a prior right to decide
the kind of education should be given to children. Paragraph 2 of article 26
says that education should be directed to the full development of the human
personality and to the strengthening of respect for human rights and
fundamental freedoms. It shall promote understanding, tolerance and friendship
among all nations, racial or religious groups and shall further the activities
of the United Nations for the maintenance of peace.
Now, we admit that there may well be large numbers of countries which do
not necessarily adopt these provisions, but we would prefer to see, within this
bill 22, provisions tending to promote understanding, tolerance and friendship
among all nations.
The fact that there has been such an outcry shows that perhaps it is
possible to interpret this bill as not containing such provisions. But I way
that "en passant", and not as a particular interest of our congregations.
M. MORIN: Eh bien, M. Campbell,"en passant," est-ce que vous pourriez
nous dire s'il existe des pays où l'on a considéré que
l'article 26 de la déclaration universelle des droits de l'homme
s'applique à la langue d'enseignement?
M. CAMPBELL: I cannot name any specific country, but I do not see why
that would necessarily limit Quebec's right to enact such legislation.
M. MORIN: Est-ce que vous pouvez nous mentionner un pays,
peut-être, un pays qui ne soit pas anglophone naturellement, et qui
établit un système d'enseignement anglophone et permet aux
parents d'y inscrire leurs enfants?
M. CAMPBELL: Again, I state that there is no particular limitation on
Quebec's right to enter into such legislative enactments. Merely being the
first should not necessarily lock any activity by your particular
commission.
M. MORIN: Bien! En tout cas, toujours "en passant", je vous dirais que,
dans ces deux paragraphes, il se trouve plusieurs erreurs, qui sont graves,
parce que vous semblez les reprendre à votre compte. Mais je
n'insisterai pas, puisque vous-mêmes, vous n'entendez pas accorder plus
d'importance qu'il ne faut à cet aspect de la question. Je crois
cependant qu'il faudrait peut-être que vous examiniez la chose de plus
près, pour vous rendre compte que le Québec pourrait très
bien sans contrevenir ni au moindre engagement international, ni
même à la moindre loi fédérale
établir, par exemple, un système d'enseignement
entièrement français au Québec. Je ne crois pas que cela
irait à l'encontre de quoi que ce soit. Je tiens à vous le dire,
"en passant", parce que c'est un élément qui peut-être a
son poids dans le débat actuel. Si vous le voulez bien, nous pourrions
passer à la page 3. Vous nous dites, au premier paragraphe: Les deux
groupes doivent être protégés. Est-ce que, dans
l'état actuel du droit québécois, les protestants du
Québec n'ont pas droit à leurs écoles? Est-ce qu'ils ne
sont pas déjà protégés?
M. CAMPBELL: Article 93 of the British North America Act grants certain
shall we say protection to Protestant and Catholic groups, but it
is based on denominational grounds.
M. MORIN: Bien. Mais ce que je vous demande, c'est quelle protection
vous pensez perdre, à l'heure actuelle.
M. CAMPBELL: It is not necessarily a question of losing protection. I
think the emphasis of the bill is wrong in the sense that it seeks to protect.
It is our opinion that no group can survive when it seeks to protect itself by
legislation which blocks free interchange of ideas, and so on. It would
be...
M. MORIN: Mais est-ce que... Oui?
M. CAMPBELL: ... better if, in our opinion, legislation stressing the
bilingual aspect of Québec were adopted, rather that trying to protect,
rather have legislation to move out, to expand.
M. MORIN: Puisque vous nous dites que vous êtes sceptique devant
la possiblité de protéger un groupe, pourriez-vous nous dire
alors ce que vous êtes venus nous demander? Est-ce que vous n'êtes
pas en train de nous demander, justement, de protéger la langue anglaise
au Québec?
M. CAMPBELL: It is not a question of protecting English rights in
Québec or the English-speaking rights in Québec. It is a question
of protecting the French people in Québec.
This particular legislation, in a sense, shows a type of tragedy that
the French-speaking people must resort to this type of legislation to protect
their interests. It is a shame when a group of people of a certain language
must say: we need legislation to protect us; our own society is not strong
enough to.
The English-speaking community, in Québec can probably flourish
to a certain extent, with the right that it has now, because it is ultimately
the dominant language in North America which is the context of Québec.
Therefore, we say among ourselves, as English-speaking Quebecers: We want to
maintain the strength of the French culture. We
want to maintain the strength of the English culture in Québec
because, only with a knowledge of these two languages, can a person in
Québec, English-speaking or French-speaking, live in Québec and
in Canada and in North America. Therefore, we way: Strengthen French-speaking
institutions as much as possible. Strengthen English-speaking institutions as
much as possible, but provide that as much as possible both people in both
groups can understand the language of the others.
M. MORIN: C'est très bien et je suis d'accord avec vous quand
vous dites que c'est vraiment la fin de tout quand un peuple est obligé
d'utiliser la loi pour se protéger. C'est vraiment grave, effectivement,
comme situation. Mais est-ce que vous niez que, dans certaines circonstances,
cela soit nécessaire?
M. CAMPBELL: I do not think that the circumstances in Québec, at
this time, have reached that point. I think that everywhere we look, in the
City of Montréal, throughout the Province of Québec itself, in
Québec City, evidence of the strength that French language is there. We
do not need legislation like this to guarantee it. This legislation, whatever
its defects, whatever its advantages, will not necessarily ultimately decide
the future of French in French Canada.
M. MORIN: Est-ce que vous admettez que vous êtes mal placé
pour décider ces questions pour nous?
M. CAMPBELL: As an English-speaking Quebecer, I, perhaps, have a great
deal of experience being in a minority position.
M. MORIN: Oui. Est-ce que vous admettez, cependant, que les francophones
du Québec puissent avoir une autre perception du problème que la
vôtre?
M. CAMPBELL: Certainly.
M. MORIN: Vous admettez que les francophones du Québec peuvent
même ressentir le besoin de législation et de sanction pour
protéger leur langue? Vous admettez cela?
M. CAMPBELL: Certainly. They are ultimately the only people to choose
the best course of action, but there is nothing wrong with certainly other
people saying: I think you have gone too far or I think you are not doing
enough.
M. MORIN: Oui. Je respecte ce droit et je trouve que vous êtes, de
toutes les associations qui ont comparu devant nous, l'une de celles qui sont
les plus ouvertes à la discussion. Nous avons eu des groupes qui
étaient beaucoup moins ouverts et, dès qu'ils se sentaient
coincés un peu, refusaient d'aller plus loin dans la discussion. De ce
point de vue, je vous félicite. Je trouve que vous répondez
à nos questions. Mais si j'ai bien compris votre passage à la
page 3, c'est essentiellement, du paragraphe un jusqu'au paragraphe six, le
bilinguisme intégral que vous nous proposez.
M. CAMPBELL: As much as possible, yes.
M. MORIN: Si c'est bon pour le Québec, est-ce que vous admettez
que cela serait bon aussi pour les autres provinces?
M. CAMPBELL: Where there are significant minorities and I would
be prepared to adopt the 10 p. c. rule mentioned by the BB Commission I
think that the provinces, which do not respect the place of those minorities,
are retrogressive, shall we say, or failing in their duties to all citizens
within their borders.
M. MORIN: Est-ce que l'Eglise Unie du Canada est intervenue dans les
autres provinces historiquement ou récemment pour défendre les
minorités francophones ou les minorités catholiques? Est-ce que
vous pourriez nous donner des exemples de cela?
M. WATSON: The United Church, through its general council which is its
highest governing body, has, in 1972, at its meeting in Western Canada, adopted
some of the regulations which I briefly outlined at the beginning, and has, in
fact, activily, through this kind of promotion of legislation within the
Church... Legislation always has its limitations in terms of converting people,
but so far as we have been able to dialogue, so far as we have been able to
present the kind of opinions which we have represented here in this particular
section of page 3, we have done what we can in other provinces, as well as in
Québec to support this kind of thinking in other provinces, as it
affects French-speaking people or Catholic people. I would say that the last
commission, which we had and on which I was a member and where some of the
things which I outlined verbally were adopted, was a commission composed of
people from across Canada. They shared in the kind of thinking that we have
here in this particular section and it was adopted by our Church and has been
promoted by the Church through the congregations through the regions of Canada,
as a national policy of our Church.
M. MORIN: Est-ce que l'Eglise Unie a comparu devant les instances
fédérales lors de l'adoption de la Loi sur les langues
officielles?
M. WATSON: One of the recommendations, which we made to the Royal
Commission on bilingualism and
biculturalism, was the promotion of two official languages across Canada
and that it should be adopted by the provinces as well as by the federal
government.
M. MORIN: Si je comprends bien, vous auriez été en faveur
d'un système d'écoles françaises et anglaises d'un bout
à l'autre du Canada?
M. WATSON: Yes. I would say, in our Church, while we have not every one
with us in our point of view, the point of view that has been at least adopted
by the majority and by the courts of the Church, has been to support a
bilingualism across Canada, the right of French-speaking Canadians, in any part
of Canada where there is a substantial minority, for their own schools, to
maintain their own language and their own culture.
M. MORIN: Bien.
M. BATSTONE: If I may add to that. I do not have the exact figures,
perhaps Mr Watson may give the exact figures of the proportion of French to
English across Canada. But practically all the relevant material that relates
to the whole Church is, at considerable effort and expense, produced in both
French and English, wrote in the whole United Church in Canada. So, that people
in every province, from Newfoundland to British Columbia, would get bilingual
material. This is being done.
M. MORIN: Que voulez-vous dire par "bilingual material"?
M. BATSTONE: Practically everything that is sent out from Toronto, which
is the headquarters of the United Church of Canada, is sent out in two
languages. Even though...
M. MORIN: Je sais cela et je sais que votre Eglise a fait des efforts
particuliers dans ce domaine. Mais ce qui m'inquiète un peu, c'est que
votre intérêt est-ce que je me trompe? remonte
à 1972. Or, les droits du français et les droits des catholiques,
dans tout le Canada, ont été abolis avant cette date, en sorte
qu'aujourd'hui il se fait bien tard pour les protéger. Vous savez que
les droits garantis, protégés, pour revenir à ce dont nous
discutions tout à l'heure, par le British North America Act de 1870, par
le Manitoba Act, par le British North America Act de 1867 à
l'égard du Nouveau-Brunswick, que ces droits n'ont pas été
respectés, même s'ils étaient inclus dans la constitution.
Vous savez que le français dans les écoles confessionnelles du
Manitoba, du Nouveau-Brunswick a été aboli; le français
dans les écoles publiques a été aboli et cela a
entraîné des conséquences historiques considérables
qui font qu'aujourd'hui il est bien tard pour intervenir. Je me demande,
messieurs, si vous estimez qu'il est possible de redresser cette situation.
Vous êtes intervenus en 1972, mais le recensement de 1971 démontre
déjà que les minorités sont en voie de disparition, sauf
peut-être dans une ou deux régions attenantes au Québec.
Qu'avez-vous à dire à cela?
M. CAMPBELL: It is very difficult to deal with other provinces without
the specific facts, of course. I think it would be best if we limited ourselves
to this discussion on this bill frankly. It is difficult for us to pluck out
from memory some positions taken earlier. I admit that in many parts of the
country the rights and so on of the various minority groups have not been
respected as they have in Québec. This is regrettable; wherever it is
possible, our Church has tried to, in many ways, redress the unbalanced, but I
think we would be best to limit this... There will be too general discussions
without valid factual background.
M. BATSTONE: To add to what you are saying, I must admit that perhaps I
find a little more difficult to get the exact nature of what you say, but I
think I have the spirit of it.
I think the English people are the first to admit, and the English
people in the United Church of Canada are the first of the first, to admit that
we have not made all the effort that was necessary over the years to promote
the two languages throughout Canada. Yes, we have been the first to admit it,
but in the passed five, six, seven, ten years, we were really going all the way
in trying to promote this and I think the committee which prepared the speech
feels that the atmosphere, perhaps, if Bill 22 were looked at detail by detail,
by all the people of Canada, but the majority of people of Canada will probably
never even read bill 22. They will read what the papers say about it in
Kingston, Toronto and Winnipeg and that is where they get their opinion. We can
see that this might very well upset the whole effort that we are trying to
make. We think that we are really on the way in the Church with this and there
is fears that the publicity, whether right or wrong, that the bill is getting
will upset all of this.
M. CHOQUETTE: Excuse me, but do you think that the media are
misrepresenting the bill 22 and its intent?
M. BATSTONE: If you read the...
M. CHOQUETTE: That they are making a caricature of this bill?
M. BATSTONE: If you read some of the papers, I will not mention any
paper in Ontario, but if you read some of the Ontario papers, they are making a
lot of mileage out of it.
M. CHOQUETTE: I think you are right. M. BATSTONE: Yes.
M. MORIN: M. le Président, je pourrais continuer longtemps parce
que ces messieurs de l'Eglise Unie ont certainement apporté dans le
passé une contribution importante dans ce domaine et je tiens à
leur dire. Quel que soit le sort de ce projet de loi et quel que soit le sort
du Canada ou du Québec, je crois que vos efforts, de toute façon,
seront toujours utiles.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Beauce-Sud.
M. ROY: M. le Président, je vous remercie. J'avais deux questions
à poser et elles ont été posées. Alors, mon
intervention se limitera à ce que je viens de dire.
LE PRESIDENT (M. Gratton): On vous remercie. Est-ce qu' il y a d'autres
questions à l'endroit de...
M. CHOQUETTE: Est-ce qu'on peut faire un commentaire?
M. ROY: Le ministre ne veut pas et surtout le ministre des Affaires
culturelles.
M. CHOQUETTE: Je vais poser une question d'abord.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Une question de l'honorable ministre de la
Justice.
M. CHOQUETTE: Would you say that your presentation and what you have
told us is made in an oecumenical spirit?
M. BATSTONE: I would think so. We did talk to some of the other Churches
from which, in fact, one of the other Churches in Montreal, we did them the
favor of bringing here their brief to day and, in due course, I imagine it will
come before you.
But in the United Church of Canada, we are always well out in front, and
we were able to get our brief in within the original deadline that you had
stated for accepting briefs, but because of the shortage of the time, we could
only discuss with them verbally, and tell them something about what we were
doing but to say that it was a joint oecumenical effort, I do not think we can
say that, although we did keep them informed of what we were doing.
LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député d'Anjou.
M. TARDIF: M. le Président, j'aurais une courte question qui ne
sera précédée d'aucun préambule. A la page 2, en
bas, vous dites: "Le presbytère émet certaines réserves
sur les intentions et la mise en pratique de cette politique d'assurer la
prééminence de la langue française au point de priver les
Québécois d'expression française de communiquer avec le
reste de l'Amérique du Nord." Est-ce qu'à votre avis le projet de
loi no 22, qui vise à accorder une prééminence à la
langue française, empêche les Québécois d'expression
française de communiquer avec le reste de l'Amérique du Nord en
anglais? Si oui, j'aimerais que vous m'expliquiez comment. Troisième
partie de ma question, est-ce que vous croyez que c'est absolument
nécessaire pour tous les Québécois, y compris
l'agriculteur du Lac-Saint-Jean, de pouvoir parler anglais?
M. WATSON: I do not think that that is a goal that we can... It might be
an ideal we would wish to attain across Canada, both for English-speaking
people in Vancouver, to be able to speak French, to participate in
Québec society. That may be our ideal, but we doubt if we will ever
attain it but where people are coming together, we would hope that that would
be the ideal. And I would think that so far as the people in Lac-Saint-Jean are
concerned or any other area, maybe that the ideal there is much less than the
ideal that would pertain, we will say, in the city of Montréal, with
regard to French people knowing English and English people knowing French to
deal with North America. I think the ideal varies in degree according to the
circumstances, I think it has to.
M. TARDIF: Je pense que vous n'avez pas répondu aux deux
premières parties de ma question qui étaient de savoir comment le
projet de loi 22 qui vise à accorder une certaine
prééminence à la langue française, empêche
les Québécois d'expression française de pouvoir
communiquer avec le reste de l'Amérique du Nord. En somme, ce que vous
semblez vouloir dire, vous semblez faire l'équation suivante. La
prééminence de la langue française signifiera, à
toutes fins pratiques, l'unilinguisme et ne permettra pas aux francophones du
Québec d'apprendre l'anglais pour communiquer avec le reste de
l'Amérique du Nord.
Si j'interprète bien votre pensée, pouvez-vous m'expliquer
comment le projet de loi va empêcher je vous cite mot à mot
les Québécois d'expression française de communiquer
avec le reste de l'Amérique du Nord?
M. CAMPBELL: Along the provisions in the Act tending to promote the
instruction of English in the schools, that would tend to limit the right of
communications, the ease of communications.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, il est 6 heures. La commission
suspend ses travaux jusqu'à 20 h 15, alors que nous compléterons
les discussions avec l'Eglise Unie.
I assume that you can return at 8:15?
M. CAMPBELL: We have made all the points that we wished to make. Quite
frankly, I do not know...
Perhaps if there are no other questions, we could terminate?
LE PRESIDENT (M. Gratton): Well, it seems that the Member for
Saint-Jacques still has some questions for you.
M. CHARRON: A 8 h 15.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Is it possible for you to remain?
M. BATSTONE: If we have come this far, I think we can continue. We will
do it.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Thank you very much.
M. MORIN: Merci. (Suspension de la séance à 18
heures).
Reprise de la séance à 20 h 15
M. GRATTON (président de la commission permanente de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre,
messieurs!
J'aimerais attirer l'attention des membres de la commission qu'il reste
environ 20 minutes pour terminer la période des questions avec la United
Church of Canada, et au moment de la suspension, la parole était au
député d'Anjou.
M. TARDIF: M. le Président, à la dernière question
que j'ai posée aux représentants de l'Eglise Unie du Canada,
ceux-ci nous ont dit qu'ils auraient préféré trouver dans
le texte de loi, de façon formelle, des incitations pour l'apprentissage
de l'anglais.
Je pose une dernière question qui est peut-être
hypothétique, mais qui vise à savoir s'il y aurait
possibilité qu'éventuellement le projet de loi 22 puisse
mériter un appui chez vous. Si dans un texte formel, soit dans ce projet
de loi ou dans un autre projet de loi quel qu'il soit, on y inscrivait en
toutes lettres ce que l'on retrouve à l'article 52, mais pour la langue
anglaise, à savoir que les programmes d'études doivent assurer la
connaissance de la langue anglaise, parlée et écrite, aux
élèves qui reçoivent l'enseignement en langue
française, est-ce que, à ce moment, vous reconnaîtriez la
nécessité d'assurer une prééminence à la
langue française, et est-ce que les principes sous-jacents que l'on
rencontre dans le projet de loi mériteraient votre approbation?
M. CAMPBELL: Generally, we are in favor of any provision which
encourages the instruction in English. The English-speaking students acquire a
knowledge of spoken and written French. Also, we wish to add that it would be
wise for those members of the population who speak French to receive some
English instruction, hopefully on a par with the quality of French instruction
given in English schools.
M. TARDIF: Ce que je veux savoir, c'est si c'était inscrit dans
une loi ou dans une autre, savoir qu'il serait nécessaire d'avoir une
connaissance suffisante de la langue anglaise pour réussir son
secondaire au secteur français, est-ce qu'à ce moment vous
reconnaîtriez le principe de la prééminence qui est inscrit
dans le projet de loi no 22, et est-ce que les principes fondamentaux de ce
projet de loi mériteraient votre approbation?
M. CAMPBELL: As I said, anything which encourages the instruction of
French and the instruction of English is fine. The principle we wish to
adoption is bilingualism.
It is difficult to deal with the provisions of the law as it is,
additional amendments would have to be looked at specifically.
M. TARDIF: Vous ne pourriez pas vous prononcer en faveur, même
si...
M. CAMPBELL: Articles 6 and 52 are fine as fer as it goes. We suggested
that additional provisions could be added which would encourage the instruction
in French.
M. TARDIF: Oui, et si le même principe qu'on retrouve à
l'article 52 s'appliquait à la langue anglaise, ma question est la
suivante: Est-ce qu'à ce moment le projet de loi rallierait
fondamentalement votre approbation?
M. CAMPBELL: As far as education is concerned, probably, yes. But we
would have to look at the specific provision.
M. TARDIF: Mais vous ne pouvez pas vous prononcer quant aux autres
chapitres?
M. CAMPBELL: No. Your particular question deals with section 52 and so
on.
M. TARDIF: Cela n'est pas ça du tout, en fait. Je pense qu'il y a
une certaine irréconcilia-bilité de vues entre vous et moi. Si je
comprends bien, même si on assurait l'enseignement de l'anglais de
façon adéquate, vous continueriez à croire à un
bilinguisme intégral. Est-ce que c'est ainsi?
M. CAMPBELL: The general principle is that the bilingual nature of
Canada must be respected as far as possible across the country, in all aspects,
not just education. This is the general thrust of our position. Therefore,
insofar as provisions encourage the instruction in both languages of both
groups, we support this bill and our members also do support it. As for other
provisions, we would have to look at each particular section on its own merits
and ask whether or not the general policy which we have tried to put before you
is met by the various provisions.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Bro
me-Missisquoi.
M. BROWN: Gentlemen, you were saying that you have 70,000 members. How
many counties would this involve in the Province of Quebec? How many counties
would you have a religious center in?
M. WATSON: First of all, our area concerned jurisdiction is the Montreal
area, the 50 mile radius of Montreal, but then, we have also in the Province of
Quebec United Churches mainly located in the Gaspé and the Hull-Ottawa
areas but our main area of jurisdiction for which we are representing the
United Church is the greater Montreal area and about a 50 mile radius around
the city.
M. BROWN: As a cross-section of population, what type of people have you
consulted in dealing with your brief?
M. BATSTONE: I think we stated, at the beginning that we do represent in
the Montreal Presbytery, practically every group, language group in Canada. As
the particular concerned was the French group in this case, this was the first
that we talked about. Time prevented us in going into anymore detail about what
the Hungarians, the Japanese, the Italians of which we have congregations in
Montreal, congregations which workship in that particular language. But we did
work with the French, of course, in our own communion.
M. BROWN: But the dealing with workers and professional people and the
things of this type, have you had a good contact and representation with them
regardless of what their race or language might be?
M. BATSTONE: On the commission itself, which we set up in our
presbytery, we had representatives from the community, the home and school. We
had business, member, one of the members was a member of the Board of Trade,
another member was a business man, president of this company, housewives, we
had a pretty good cross section of our community.
M. BROWN: About how many would you hazard to guess that you contacted
dealing with questions and discussions of the bill?
M. BATSTONE: Directly, on our commission, the subcommittee and the
committee as a whole, something like 25 people.
M. WATSON: I wonder if I might just elaborate just a little further by
saying that, of course, we had a relatively short time to get our brief
together, but, at the same time, as I mentioned earlier in the afternoon, we
had a fairly long history of dealing with this particular situation within
Canada, so that the membership that we represent, the kind of approach that we
have suggested in the brief, is generally shared and supported by them. Not
that they have been able to see this particular brief, the 70,000, but the
attitudes expressed, the philosophy expressed in the brief, have been before
them on many other occasions through commissions on bilingualism and
biculturalism.
When we present this brief, because of the shortage of time, it is gone
to the Executive of the "consistoire de Montréal", and it has been
approved by them. But, generally speaking, the sentiments that are here are
shared by the Churches and the certification of that has come over the years as
we have shared these ideas together in the past. We had very little time to do
it in the last three weeks but it has grown, it has not been a
subject which we have only discussed in the last three weeks; it is
something that we are aware of within our community, over a long period of
time.
M. BROWN: Thank you, Mr President.
LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de
Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, dans le même esprit que l'a
fait le chef de l'Opposition à l'égard des représentants
de l'Eglise unie du Canada, j'aimerais aborder plus spécifiquement
certains points mentionnés dans le mémoire.
A la page 3, si je prends le paragraphe qui suit la nomenclature, en six
points, des exigences que vous formulez, vous dites: "L'on ne peut apporter son
appui à un tel projet de loi que s'il poursuit ces fins". Vous exprimiez
avant la nomenclature en six points cette phrase. En conséquence, une
législation de la nature du présent projet de loi doit
prévoir: un, deux, trois, quatre, cinq, six... D'accord, nous sommes
situés.
J'aimerais reprendre avec vous les six exigences que vous posez pour que
vous apportiez votre appui au projet de loi actuel ou à un autre qui
pourrait venir du gouvernement. Quant au premier point, vous exigez que les
débats à l'Assemblée, les procédures judiciaires,
les lois et autres documents officiels de la province soient
rédigés en français et en anglais. Est-ce que vous avez
tenu compte que le gouvernement actuel avait refusé de retirer l'article
133 de la constitution et donc, que les débats à
l'Assemblée, les procédures judiciaires, les lois seront en
français et en anglais?
Lorsque vous exigez que les autres documents de la province soient
rédigés en français et en anglais, est-ce que vous avez lu
l'article 8 du projet de loi qui ajoute, à ce qui était
déjà contenu dans l'article 6, que les textes et les documents
officiels peuvent être accompagnés d'une version anglaise? Ainsi,
votre première exigence au sujet du projet de loi se trouve
intégralement respectée dans le projet de loi actuel.
Plus loin si vous me permettez le deuxième point
lorsque vous exigez que les personnes puissent s'adresser et recevoir des
communications de l'administration publique soit en français, soit en
anglais est-ce que vous avez lu l'article 11 du projet de loi qui dit que toute
personne a le droit de s'adresser à l'administration publique en
français ou en anglais, à son choix?
Quand vous dites, à l'article 3, que les services de nature
professionnelle devront être disponibles au public en français et
en anglais, est-ce que vous avez lu l'article 21 du projet de loi qui dit que
les corps professionnels pourront utiliser les deux langues dans l'exercice de
leur profession, à moins qu'ils aient une connaissan- ce d'usage du
français, ce que, notez bien, la majorité est en droit
d'exiger?
Quand vous dites, au paragraphe 4 de vos exigences, que la
publicité dans le public soit française et anglaise, est-ce que
vous avez lu l'article 43 du projet de loi qui dit que l'affichage public doit
se faire en français, ou à la fois en français et en
anglais, sauf dans la mesure prévue dans le règlement, que ni
vous ni moi ne connaissons actuellement.
Quand vous dites, également au même paragraphe, que la
publicité dans le public soit faite en français et en anglais,
est-ce que vous avez lu l'article 20 du projet de loi qui dit que les
entreprises d'utilité publique et les corps professionnels doivent
émettre dans la langue officielle les avis, communications et
formulaires? Avez-vous lu le deuxième paragraphe qui contredit le
premier et qui dit: Les textes et documents susdits peuvent néanmoins
être accompagnés d'une version anglaise?
Quand vous posez, comme cinquième exigence, que toute personne
à l'emploi de l'administration publique soit capable de servir une
personne en français et en anglais, avez-vous lu l'article 11 du projet
de loi qui autorise chaque citoyen du Québec à s'adresser dans sa
langue au gouvernement, donc de recevoir une réponse là-dedans?
Quand, sixièmement, vous posez comme exigence que les avis
publiés soient publiés en anglais et en français et autres
dispositions similaires, est-ce que vous avez lu l'article 9 du projet de loi
qui dit que les organismes municipaux et scolaires dont au moins dix pour cent
des administrés sont de langue anglaise ce sont les deux tiers
des municipalités du Québec, si vous regardez cela comme il se
doit la ville aura un caractère bilingue dans ses actes
officiels?
Je vous réfère encore à l'article 20 qui a les
mêmes dispositions. Autrement dit, ce que je suis en train de vous
demander, c'est: Est-ce que les six exigences que vous posez pour porter votre
appui au projet de loi de votre gouvernement ne sont pas déjà
respectée intégralement dans les articles du projet de loi 22 et
que le bilinguisme que vous réclamez aux débats, à
l'Assemblée, dans l'administration publique, dans les services de nature
professionnelle, dans la publicité et dans les avis des
municipalités et corporations scolaires est déjà bien
respecté par le parti au pouvoir qui a, à chaque endroit,
répété et répondu aux exigences que vous
formulez?
J'aimerais savoir si votre analyse du projet de loi diffère
à ce point de celle de tous les autres groupes que nous avons entendus
à la table de cette commission et qui disent qu'à trop
d'endroits, selon certains groupes, le caractère, les privilèges
de l'anglais sont intrinsèquement maintenus et même à
certains endroits, comme certains témoins nous l'ont signalé,
agrandis.
M. CAMPBELL: No wonder you want a dinner to get that one through; that
is quite a
mouthful. First of all, I think we should stress that the six points
which we have raised are not necessarily limitative. The very last sentence on
paragraph 6 has another similar disposition. We are prepared to add to this if
necessary. But I think you should not forget the line immediately below
paragraph 6, which says, in the English version at least : "To the extent that
this bill achieves those ends it is worthy of support". To deal with your
specific points, one by one, and it will take a great deal of time to go
through this...
M. CHARRON: Je m'excuse, est-ce que les textes français et
anglais que vous nous avez fournis sont les versions intégrales?
M. CAMPBELL: Je peux lire en français: "On ne peut apporter son
appui à un tel projet de loi que s'il poursuit ses fins". Je
réfère à ce paragraphe.
M. CHARRON: Oui, je vous l'ai cité aussi.
M. CAMPBELL: First of all, section 8 states, in the English version:
"Official texts and documents may be accompanied with an English version". The
"may" does not have a formal obligation on the Legislature. It is something
which is discretionary. It is this we object to, we believe that there is
provision that states that official texts and documents must be accompagnied or
must be in English and French would meet with our requirements. In section II,
the word in used is "every person may address the public administration in
French or in English as he may choose". It says nothing about receiving
communication from the public administration. It says: "may address the public
administration".
Section 21. We agree that any professional organization given service to
the public should be able to give that service in the language of the person
seeking the service. Section 21, we believe, is perfectly in order and we have
no quarrel with it. We have mentioned it as being one of the principles which
should be respected by the law. In fact, it does so respect that principle and,
to that extent, be supported. That is clearly stated in this particular
provision. I believe you also referred to section 43, publicity. I think that
public signs must be drawn up in French or in both French and another
language.
Again there is protection for the use of French, but the use of another
language is perhaps discretionary, or in both French and another language, the
discretion is there. Public signs are something very important, I think in
particular of road signs and so on, with many tourists and so on coming in to
Québec; it would be very disadvantageous for the province to limit
instructions to tourists to French only, for an example, but this, I do not
think, is a crucial point, I do not know whether or not they have really no
objection to seeing public signs in French alone.
You also mentioned several other sections. Section 20, as you quite
correctly pointed out, is somewhat contradictory but, again, the second
paragraph is: "The texts and documents mentioned above may nevertheless be
accompanied with an English version." We accept the fact that the English
version would be protected, but the word "may" again, does not lead one to
believe that there is a formal obligation.
M. CHARRON: Vous aimeriez mieux "must", soit "must be accompanied".
M. CAMPBELL: Yes, that would be consistant with our basic...
M. CHARRON: Alors...
M. CAMPBELL: ... principle.
M. CHARRON: ... ce que vous exigez, c'est ni plus ni moins que le statut
égal de l'anglais par rapport au français?
M. CAMPBELL: I think that point was made before. Yes.
M. CHARRON: C'est ce que je voulais vous entendre dire à nouveau,
parce que vous vous imaginez bien que les caractères
discrétionnaires que vous pouvez craindre de voir jouer à
l'encontre de vos intérêts, qui sont loi, la majorité
francophone est, devant ce gouvernement en particulier, d'autant plus
justifiée de craindre qu'ils puissent jouer à l'encontre de ses
intérêts. Personne ne peut oublier le caractère particulier
que prend une langue officielle dans le projet de loi actuel. Je vous rappelle
simplement l'exemple du Manitoba où votre groupe ethnique est
majoritaire et fortement majoritaire. On n'a pas lésiné 25
minutes avant de poser une question. En 1890, on a décidé que
c'était l'anglais qui devenait la langue officielle du Manitoba. Il y a
eu une loi d'adoptée. L'article 1 dit: L'anglais est la langue
officielle du Manitoba, de son Parlement et de ses tribunaux. L'article 2 dit:
La loi entre en vigueur aujourd'hui. Cela s'est terminé comme cela. Le
gouvernement actuel veut faire du français la langue officielle. C'est
ce qu'il affirme dans l'article 1. Mais il confère à chacun des
articles qui suivent un statut que je vous prierais de considérer comme
privilégié par rapport à n'importe quelle autre langue et
n'importe quelle minorité.
J'aimerais aborder la question de l'éducation et de la langue
d'enseignement sur laquelle vous avez passé assez rapidement. Est-ce que
vous concevez que le projet de loi actuel limite l'enseignement de
l'anglais.
M. CAMPBELL: First of all, I think I
should reiterate the point that we made. We have no particular interest
in debating the question of instruction, education generally. We have made that
reasonably clear. But for your interest, you could perhaps read the second
paragraph of article 48: "Such bodies may provide instruction in English;".
That again is a discretionary matter. The first paragraph reads: "The language
of instruction shall be French in the schools governed by the school boards,
the regional school boards and the corporations of trustees". "Such bodies may
provide instruction in English;". It is our position and we can debate if you
wish in a great length and a great inutility, the constitutional aspects of
this; but, frankly, our position has been that in both French schools and in
English schools, both language groups should receive instruction in the other
official language of Canada. That is our position in a nutshell.
M. CHARRON: J'ai également lu cela dans votre mémoire,
lorsque vous dites qu'il serait préférable d'encourager
l'enseignement du français dans les écoles anglaises et de
l'anglais dans les écoles françaises. Je pense qu'il y a pas mal
d'ententes entre les groupes pour le fait d'améliorer l'enseignement des
langues secondes dans chacun des systèmes, mais c'est parce que vous
avez fait précéder cette phrase d'une affirmation dans laquelle
vous dites: Au lieu de limiter l'enseignement de l'anglais, on devrait faire
ceci et cela. Je vous demande à quel endroit vous avez vu, dans le
projet de loi...
M. CAMPBELL: In the second paragraph of article 48: "Such bodies may
provide instruction in English;". It is not a clear cut duty. "The language of
instruction shall be French in the schools governed by the school boards...
Such bodies may provide instruction in English;".
Again, as I stated, our particular concern is not so much with education
per se, our particular concern is with promoting both English and French within
the province and within Canada.
M. CHARRON: D'accord.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Gentlemen of the United Church, we thank you
very much for your presentation.
J'invite maintenant la Centrale de l'enseignement du
Québec...
M. BATSTONE: Thank you for hearing us so courteously. We want to show
you that the United Church of Canada and Québec will continue to be
interested and concerned with every issue which affects the French-speaking and
the English-speaking community. Thank you very much!
LE PRESIDENT (M. Gratton): We thank you.
J'invite M. Yvon Charbonneau, le président de la Centrale
d'enseignement du Québec.
M. Charbonneau, je vous inviterais à présenter, s'il vous
plaît, ceux qui vous accompagnent.
Centrale de l'enseignement du Québec
M. CHARBONNEAU: A ma gauche, M. Léonce Pelletier, qui est
directeur général de la CEQ, et, à ma droite, M. Michel
Agnaieff, qui est directeur de l'information à la CEQ.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Merci.
M. CHARBONNEAU: M. le Président, messieurs les parlementaires,
messieurs les ministres promus parce que bilingues, selon ce qu'a dit M.
Sheldrick cet après-midi, je dois vous dire que c'est avec passablement
d'hésitation que la CEQ, que le Conseil provincial de la CEQ nous a
autorisés à présenter notre point de vue devant cette
commission parlementaire, parce que nous avons déjà
goûté à certaines commissions parlementaires, et aussi,
parce qu'avant que le débat ne commence, au niveau de la commission
parlementaire, le ministre de l'Education semble s'être bien campé
dans son fauteuil ministériel et nous a avisés qu'il serait
intraitable sur le fond. C'était assez pour faire reculer des moins
hardis que nous. Cependant...
LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Charbonneau, si vous me permettez une
courte parenthèse, j'inviterais les gens dans les galeries du public
à bien vouloir s'abstenir de manifester d'une façon quelconque,
le règlement de l'Assemblée nationale ne le permettant pas. Nous,
de notre côté, nous tâcherons de ne pas réagir non
plus. M. le Président de la centrale.
M. CHARBONNEAU: Enfin, comme vous le voulez.
Je dois vous dire aussi que nous avons surmonté cette
hésitation, mais je dois dire quand même, en préambule, que
nous nous sentons vraiment humiliés, comme Québécois,
comme Québécois francophones, comme travailleurs, comme
travailleurs de l'enseignement, d'avoir à venir parader, défiler
devant une commission parlementaire pour défendre le statut du
français au Québec, pour venir commenter un projet de loi qui,
d'après nous, ne va pas dans le sens souhaitable pour la majorité
francophone au Québec. C'est humiliant, pour des représentants
d'une fraction de la majorité francophone, de venir défiler
à la queue leu leu derrière des groupes minoritaires que nous
respectons, dont nous respectons les droits, de venir défiler à
côté d'associations
anglophones qui ne sont mêmes pas capables de répondre aux
questions que vous leur posez.
C'est difficile. Nous nous sentons vraiment à genoux, comme
Québécois francophones, quand nous venons discuter
forcément, en de tels termes, d'un projet de loi
présumément orienté à faire du français la
seule langue officielle. Nous imaginons assez bien la satisfaction mal
dissimulée parfois, du ministre de l'Education et du gouvernement, de
voir s'organiser ce que j'appellerais cette espèce de combat de coqs
linguistique cet après-midi, le ministre des Affaires culturelles
a même parlé de théâtre. "Messieurs, il y a d'autres
théâtres pour cela", a-t-il lancé à quelqu'un
c'était un mot qui en laissait dire long un certain plaisir donc
que nous constatons à voir ce combat de coqs organisé où
des anglophones viennent ici à tour de rôle lancer des cris de
guerre contre le bill 22, sans même pouvoir soutenir d'argumentation
sérieuse leur point de vue, sans même pouvoir vous assurer qu'ils
ont même lu le projet de loi; ils viennent ici pour réclamer et
pour vous blâmer de ne pas avoir mis dans le projet de loi ce que
pourtant vous avez mis. Une espèce de faux combat de coqs, par
conséquent, où il y a une opposition qui, en principe, doit se
manifester entre, avez-vous dit dès le lancement du projet de loi, deux
extremis mes.
Pourtant, vous avez pris toutes les précautions, nous
semble-t-il, pour rassurer ces soi-disant extrémistes anglophones qui
viennent ici comme des figurants incapables, encore une fois, de soutenir ce
qu'ils avancent.
Nous avons tout de même décidé de venir à
cette commission parlementaire parce que nous croyons que les
Québécois francophones, malgré tout, doivent avoir ce
sursaut d'énergie et de dignité de venir exprimer leur
nausée à ce projet de politiques ou, en tout cas, leur rejet de
ce projet de loi 22 qui ne fait pas du français la seule langue
officielle malgré son titre. Ce projet de loi qui, d'après nous,
est un projet de loi d'un nain politique, un projet de loi qui soustrait une
fois pour toutes du domaine législatif la question linguistique,
malgré les apparences, tout en faisant mine de légiférer,
globalement, de façon très large sur la question linguistique,
qui par ses nombreux trous, par ses nombreuses exceptions, par ses nombreux
oui, mais, oui, mais, en arrive à soustraire du domaine
législatif, finalement, et pour longtemps, tout le débat
linguistique.
Ce projet de loi qui élargit le champ d'usage statutaire du
français comme langue officielle tout en faisant mine de le restreindre,
ce projet de loi, à notre avis, non pas qui demande ou qui exige la
démission du ministre, mais qui prend état, je crois, d'une
certaine forme de démission devant l'avenir de la majorité
francophone au Québec.
J'aurais une question à poser dès le début. Etant
donné que nous avons entendu comme tout le monde, le soir de
l'élection au mois d'octobre, le premier ministre dire que sur les
questions importantes, étant donné la majorité
numérique qu'il détient que le gouvernement détient
il y aurait des commissions parlementaires itinérantes
c'est-à-dire qu'elles pourraient se déplacer d'une région
à l'autre pour aller écouter les gens de très près,
est-ce que cette commission parlementaire sera itinérante jusqu'à
un certain point dans le sens annoncé par le premier ministre?
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je présume que vous me posez la
question, à moi?
M. CHARBONNEAU: Oui, ou à quelqu'un qui est en...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Malheureusement, je ne suis pas
habilité à donner des réponses à ces questions. Je
pense, d'ailleurs, qu'il est bon de souligner qu'il y a une motion dans ce sens
qui a été défaite dès la première
séance...
M. CHARRON: J'ai présenté une motion en ce sens la
première journée, elle a été défaite par la
majorité gouvernementale. L'Opposition officielle appuyée par les
députés créditistes qui siègent en commission
avaient voté en faveur de cette motion.
M. CHARBONNEAU: Je dois vous dire que le conseil provincial de la CEQ
qui est l'organisme suprême entre les congrès, avait vivement
souhaité que cette commission parlementaire puisse se déplacer et
aller rencontrer sur les lieux des représentants des syndicats
d'enseignants un peu partout. Est-ce qu'au moins, M. le Président, on
peut être assuré que chacun des affiliés de la CEQ qui a
envoyé un mémoire dans les délais au ministre ou à
cette commission parlementaire, sera directement et lui-même entendu
à la commission parlementaire, parce qu'il y a eu des rumeurs voulant
qu'une fois que la centrale a passé, les affiliées sont
automatiquement passées?
LE PRESIDENT (M. Gratton): En fait, comme on l'a dit dès le
début et comme on le répète, la commission entendra, dans
la mesure où c'est possible, tous les organismes qui ont demandé
à être entendus.
M. CHARBONNEAU: Parce que vous comprenez que le point est d'importance.
Si, d'une part, la commission parlementaire n'est pas itinérante, et
que, d'autre part, par hypothèse, on n'admet pas ici tous les organismes
régionaux, vous comprendrez qu'on est dans un cul-de-sac et dans une
contradiction importante. On aimerait avoir l'assurance, parce que cela suppose
une certaine préparation. Ce sont des gens qui viennent d'un peu partout
dans le Québec et ils aiment bien être assurés à
l'avance que leur point de vue sera directement entendu ici. On aimerait bien
le savoir, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je vous avoue que je suis très mal
placé pour donner des références, car en fait, ce sera
à la commission de décider de quelle façon elle
procédera et jusqu'à quel point elle entendra des...
M. HARDY: M. le Président, est-ce que, là-dessus, je peux
poser une question? Est-ce que vos questions impliquent que vos organisations
locales n'ont pas approuvé le mémoire que vous présentez
ce soir?
M. CHARBONNEAU: Vous avez parfaitement mal compris, monsieur.
M. HARDY: Non, c'est une question que je pose.
M. CHARBONNEAU: Elles n'impliquent rien du tout dans ce sens. C'est que
les affiliées que nous avons ont des données régionales,
des statistiques sur les régions, sur les mouvements d'anglicisation,
par exemple, suite à la loi 63, dans le Saguenay, dans la région
de Shawinigan, à Montréal, à Québec. J'aime bien
savoir ici si ces gens auront l'occasion de venir vous expliquer les mouvements
d'anglicisation, suite à la loi 63. Pour un exemple. Il y a eu d'autres
conflits linguistiques et scolaires un peu partout, je pense à Laval, je
pense à la banlieue de Montréal, un peu partout dans le
Québec, dans l'Outaouais. Il y a des phénomènes avec
coloration particulière régionale qui se sont produits. Je ne
crois pas vraiment qu'il soit du ressort de la centrale d'expliquer tous ces
phénomènes. Je veux m'assurer que nos affiliées pourront
venir vous dire réellement ce qui s'est passé dans leur
région. C'est très important pour nous, étant donné
que la commission parlementaire n'est pas itinérante, que nous puissions
acheminer ici, à votre connaissance, les dossiers que nous avons
accumulés.
M. MORIN: M. le Président, je voudrais dire que les raisons que
le président de la CEQ vient d'invoquer, sont exactement celles qui
m'ont amené l'autre jour à appuyer la motion du
député de Saint-Jacques. C'est parce que les problèmes
varient d'une région à l'autre, que nous avons proposé
cette commission itinérante. Je ne vous cacherai pas, M. le
président de la centrale, que nous avons des inquiétudes dans le
sens de celles que vous venez de mentionner.
Nous avons lu avec une certaine inquiétude des passages de
certains articles de journaux qui laissaient entendre que peut-être le
gouvernement cherchait ou chercherait à mettre un terme aux comparutions
devant cette commission, le jour où il estimerait nécessaire de
le faire.
On nous dit: La commission décide de sa propre procédure
et c'est la commission qui tranchera. Mais nous savons bien que derrière
la majorité de la commission se dissimule le gouvernement. Je ne ferai
que dire, pour l'instant, que nous partageons vos craintes.
M. ROY: M. le Président, je me serais peut-être permis
d'ajouter que nous allons tenir, en ce qui nous concerne, à ce que la
commission parlementaire entende tous les organismes qui ont manifesté
l'intention de venir se présenter devant la commission parlementaire,
à moins que le gouvernement acquiesce à notre demande et à
la demande de ceux qui sont ici ce soir de retirer son projet de loi.
LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Charbon-neau.
M. CHARBONNEAU: M. le Président, je pense que ma question est
restée sans réponse de la part de celui qui pourrait ce soir nous
donner une orientation et je pense que ça commande la
présentation de ce mémoire. Vous comprendrez que si le ministre
de l'Education nous dit : Une fois que la centrale est passée, les
affiliées ne seront pas reçues, ça commande une
présentation bien particulière, parce qu'à ce moment je
devrai annexer, joindre ou inclure à ma présentation une
quantité de statistiques régionales alors que ce ne sera pas le
cas si on m'assure que les affiliées seront reçues ici.
M. CLOUTIER: M. le Président, il y a un règlement, la
commission aura à suivre ce règlement. Il ne m'est pas possible
de préjuger de ses décisions, de donner d'assurance. Nous sommes
prêts à écouter le mémoire de tous les organismes
qui sont appelés. Pour l'instant, la CEQ est devant nous, et je serai,
pour ma part, très heureux d'assister à sa présentation.
Je la souhaite la plus complète possible.
M. CHARBONNEAU: Est-ce que c'est le maximum, pensez-vous, M. le
Président, qu'on peut obtenir comme indication?
LE PRESIDENT (M. Gratton): II semble que oui pour le moment.
M. CHARBONNEAU: Très bien, nous pourrons nous reprendre plus
tard.
Je voudrais saluer l'arrivée de M. Roger Lapointe, qui
était un enseignant tout comme moi il y a quelques années; il est
maintenant député libéral du comté de
Labelle-Laurentides.
M. LAPOINTE: Je voudrais saluer mon confrère de Mont-Laurier, M.
Charbonneau.
M. CHARBONNEAU: Je voudrais vous dire aussi que Roger Lapointe a
été président de syndicat bien avant que je ne le sois,
à l'époque.
M. LAPOINTE: C'est ça.
M. CHARBONNEAU: Et dans l'enseignement privé et dans
l'enseignement public.
M. MORIN: Est-ce que vous croyez avoir eu quelque influence sur lui?
M. CHARBONNEAU: Enfin!
M. MORIN: Nous verrons comment il votera sur le bill 22, si jamais il y
a un vote.
M. CHARBONNEAU: J'espère qu'il se souviendra réellement de
certaines convictions que je n'espère pas trop
éloignées.
La question linguistique revêt une extrême gravité,
mais elle est loin d'être la seule à se poser à la
collectivité québécoise. L'aliénation du peuple
québécois, une nation de salariés à la recherche
d'une patrie, est d'abord de nature économique, et elle découle
de la position que son écrasante majorité occupe dans le
processus de production, le bas de l'échelle.
Le problème linguistique n'est par conséquent que la
répercussion de cet état de choses sur le plan culturel, et,
à trop vouloir isoler la question linguistique de son contexte, à
mon avis on procède comme un médecin qui s'occupe davantage de la
maladie que du malade.
Le Québec ne réussira à régler de
façon définitive son problème qu'au moment où il
aura la volonté et le courage politique de procéder à la
repossession des leviers de contrôle de son économie et à
la réappropriation de son patrimoine de richesses naturelles et à
la réorientation de son économie dans le sens de la satisfaction
des besoins collectifs. Ce sera l'entreprise d'un peuple en voie
d'émancipation économique, sociale et nationale.
Un objet de transformation globale ne contredit pas toutefois la
nécessité de tenter de régler des éléments
du problème linguistique et ce, à toutes les occasions
possibles.
Bien loin de mériter le qualificatif d'extrémistes dont on
nous a affublés en haut lieu ils ne sont pas loin d'ici la
position de la CEQ s'inspire des principes suivants : La langue nationale est
un bien collectif et non pas un bien de consommation individuel. Elle ne
saurait être non plus la simple résultante des choix individuels
ou des choix des sous-groupes composant l'ensemble du Québec. La langue
nationale est un instrument de cohésion, ceci explique la logique de
notre position sur la langue d'enseignement. L'existence d'une langue nationale
forte est compatible avec le maintien de langues minoritaires.
La situation géographique du Québec, la volonté
d'entretenir des liens d'égal à égal avec d'autres Etats
du monde ce n'est pas nécessairement les Etats américains
un par un nous imposent d'assurer un enseignement efficace de l'anglais
et des autres langues étrangères et la minorité dite
anglophone ne constitue pas, nous le savons, un bloc monolitique et ce qui
sépare un travailleur salarié anglophone d'un travailleur
salarié francophone est bien moindre que ce qui les unit. Comme
principe, également, le respect du bien des élèves
actuellement engagés dans le système scolaire anglais, celui de
l'immigrant par l'aménagement d'une structure efficace d'accueil, celui
des droits de la minorité anglaise décantés des
privilèges abusifs devra caractériser le train des mesures
d'application. La CEQ demande le retrait du projet de loi 22. Ce projet de loi,
nous le ressentons comme une triple agression à notre égard:
à titre de Québécois: le français est une condition
de vie; à titre de travailleurs francophones: le français est
véritablement une condition de travail des plus essentielles, et,
à titre de travailleurs de l'enseignement: le français est notre
outil de travail et est l'objet de notre travail, pour une bonne part d'entre
nous. Dans le premier chapitre...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je m'excuse, si vous me permettez, est-ce que
vous avez l'intention de faire la lecture de tout le mémoire?
M. CHARBONNEAU: A moins que cela ne vous indispose.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Non. Vous ne m'indisposez pas
personnellement, mais je remarque que, selon le règlement, il reste cinq
minutes pour la partie de la présentation et j'aimerais que la
commission me donne une directive, à savoir si nous devons dès
maintenant prolonger cette période ou si nous vous inviterons
plutôt à résumer le mémoire de façon que nous
passions à la période de questions plus rapidement.
M. ROY: M. le Président, si vous me le permettez, je pense
qu'étant donné que c'est le dernier mémoire que nous avons
ce soir, nous avons toute la soirée. Comme le mémoire de la CEQ
est un mémoire très important, j'estime qu'on devrait prendre le
temps nécessaire pour que le mémoire soit lu de façon que
nous puissions prendre des notes bien que je l'aie étudié
personnellement pour permettre à tous les membres de la
commission de prendre des notes et que nous puissions revenir après
poser des questions. Je pense que la Corporation des enseignants du
Québec avec ce mémoire et compte tenu de ses fonctions, de son
rôle dans la collectivité québécoise, devrait
mériter une attention spéciale.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que c'est là le voeu de la
commission?
M. CHARRON: Certainement.
M. CLOUTIER: M. le Président, je n'aurai certainement pas
d'objection non plus à ce que la CEQ lise son mémoire. Une fois
le mémoire lu, nous pourrons voir combien il reste de temps et nous
pourrions, à ce moment-là, nous entendre sur la période de
discussion. Il faudrait prévoir une période de discussion
raisonnable
de manière à ne pas créer de
précédent vis-à-vis des autres organismes, mais, moi
aussi, je souhaite que la CEQ puisse s'exprimer.
M. CHARBONNEAU: A quelle heure est-ce qu'on termine ici? Dix heures et
demie...
M. CLOUTIER: Non. Commençons par lire le mémoire qui,
normalement, devrait être terminé dans cinq minutes, mais prenez
tout le temps nécessaire. Ensuite, nous verrons combien de temps il
reste dans le cadre des règlements et nous nous entendrons, au sein de
la commission, pour voir combien de temps pour la discussion...
M. CHARRON: La commission est maîtresse de ses travaux, M.
Charbonneau.
M. CHARBONNEAU: Je remercie...
M. MORIN: En principe, nous avons jusqu'à 11 heures.
M. CHARBONNEAU: Dans le premier chapitre, nous énumérons
un certain nombre de commentaires et nous présentons notre analyse des
premiers chapitres du projet de loi, nous réservant dans le
deuxième chapitre des commentaires sur le chapitre V en particulier, les
langues d'enseignement et, dans un troisième chapitre, l'enseignement
des langues.
La Centrale de l'enseignement du Québec réclame depuis
déjà plusieurs années une législation linguistique
faisant du français la seule langue officielle du Québec
déjà plusieurs années, c'est-à-dire depuis
février 1969 exactement et la langue réelle du travail,
des affaires et de l'administration. Nous voulons bien admettre que l'anglais
puisse être utilisé comme langue d'enseignement pour une partie de
l'enseignement dispensé aux véritables anglophones natifs du
Québec. Voilà une affirmation que nous avons tenu à placer
dans le premier paragraphe de notre premier chapitre de sorte que l'on cesse
d'agiter l'épithète d'extrémiste à propos de notre
position. Mais, nous n'avons jamais admis que le français et l'anglais
aient, comme langue d'enseignement, un statut juridique équivalent ou
quasi équivalent. C'est dans cet esprit que nous avons combattu le bill
63 en 1969 et que nous en demandons toujours le rappel.
Le gouvernement s'est bien trompé s'il a cru que nous pouvions
nous satisfaire de déclarations de principe ronflantes. Qu'il soit bien
clair que nous n'accepterons pas de payer n'importe quel prix pour l'article
premier du projet de loi 22. Le Titre du bill est un mensonge, l'article 1 nous
semble une supercherie. Le bill 22 aurait dû s'intituler plus justement:
Une loi définissant les statuts respectifs des deux langues officielles
et reconnaissant au français une certaine priorité protocolaire.
Etant donné l'esprit général des 130 articles du projet de
loi, étant donné que l'article premier devra être
interprété en fonction de cet esprit général, la
signification réelle de cet article pourrait s'exprimer comme suit: II
n'y a pas d'autres langues officielles pour l'ensemble du Québec que le
français et l'anglais. Le français est la première langue
officielle et l'anglais est la seconde langue officielle. Sauf exception
prévue par la loi, et dans la mesure prévue par les
règlements, le français peut avoir priorité sur l'anglais.
Toutefois, dans la plupart des cas, chacun pourra s'exprimer dans la langue
officielle de son choix. Tout ce qui se dit ou s'écrit dans les deux
langues répond aux exigences de la loi. A notre point de vue, cette
formulation n'est nullement caricaturale, elle ne fait que traduire l'esprit
qui se retrouve à travers toutes les portes ouvertes et la cascade
d'exceptions qui marque l'ensemble des autres articles, après l'article
permier.
Créer deux langues officielles. Nous ne voyons vraiment pas
comment on pourrait raisonnablement prétendre que l'adoption du projet
de loi 22, tel que rédigé, n'accorderait pas à l'anglais
un réel statut de deuxième langue officielle, statut applicable
à tous les secteurs de la vie régis par les lois
québécoises. Qu'est-ce, en effet qu'une langue officielle? Au
sens large, il s'agit d'une langue dont le statut est proclamé ou
explicitement reconnu par une autorité compétente. En ce sens,
une langue est officielle dès qu'elle est explicitement reconnue par
législation comme langue nationale, comme langue prioritaire, comme
langue seconde ou autrement ou encore, dès que la loi qui
reconnaît nommément une fonction, des attributions ou des droits
qui ne sont pas reconnus aux langues qui ne sont pas nommées par la loi.
Voilà, au sens large, ce qu'on peut appeler une langue officielle et,
selon tous ces critères, l'anglais est une langue officielle en vertu du
projet de loi 22.
Dans un sens plus restreint, la langue officielle, c'est la langue de la
législation, de l'administration publique, des tribunaux, des
délibérations officielles, des contrats et de tout autre document
ayant ou pouvant avoir des effets juridiques. C'est la langue dans laquelle
doit être rédigé tout texte officiel susceptible
d'être invoqué pour une question de droit. Dans un sens comme dans
l'autre, l'anglais sera effectivement très officiel si le projet de loi
22 est adopté.
En effet, plus de la moitié des articles de la loi font
directement référence à la langue anglaise, alors qu'un
seul article, l'article 48, fait référence, mais sans les nommer,
aux langues des Indiens et des Inuit du Nouveau-Québec. On mentionne
souvent la possibilité que le texte français puisse être
accompagné d'une version anglaise, aux article 8, 17, 20, 24, 36 et 39,
sans indiquer qu'il peut être aussi accompagné d'une version dans
une troisième langue. Est-ce à dire alors que toute version
dans une autre langue est interdite? Ou est-ce à dire que la
version en langue anglaise peut être exigible? Dans un cas comme dans
l'autre, on reconnaît à l'anglais un statut officiel exclusif par
rapport aux langues qui ne sont pas nommées dans la loi.
Le privilège reconnu à l'anglais par l'article 133 de
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique d'être langue officielle
de législation et des tribunaux est maintenu. Notons toutefois que le
caractère officiel de l'anglais, octroyé par l'article 133,
était strictement limité aux délibérations du corps
législatif, à la publication des textes de loi et aux
procédures des tribunaux. Ce qui ne veut pas dire que l'anglais
était formellement interdit dans les autres secteurs de la vie
collective du Québec, mais seul le français avait un statut de
langue officielle générale, non limité à l'un ou
l'autre des secteurs déterminés. En 1969, le bill 63 est venu
faire officiellement de l'anglais l'une des deux langues d'enseignement,
juridiquement sur le même pied que le français.
Ce qu'on nous propose maintenant avec le projet de loi 22, c'est
d'étendre le statut officiel de l'anglais à tous les secteurs
importants de la vie québécoise. Désormais, si le projet
de loi 22 est voté, toute personne physique ou morale pourra s'adresser
à l'administration publique en français ou en anglais, à
son choix, mais non pas dans une autre langue; c'est l'article 11. En
assemblée délibérante, dans l'administration publique,
à tous les niveaux et dans toutes les régions du Québec,
les interventions dans les débats officiels pourront se faire en
français ou en anglais, au choix des intervenants, mais dans aucune
autre langue. Cela va donner un caractère statutaire au genre de
conversation qu'il y a eu cet après-midi en assemblée
parlementaire, où l'anglais semblait déjà devenu une
langue officielle, par extension, et nous n'étions pas ici à
l'Assemblée nationale, mais dans une commission non élue, selon
l'expression employée, et pourtant l'anglais semblait déjà
avoir un statut de langue officielle de communication.
Le français et l'anglais seront langues de la communication
interne dans les organismes municipaux et scolaires dont les administrés
sont en majorité de langue anglaise, article 13. Les organismes
municipaux et scolaires, dont 10 p.c. des administrés sont de langue
anglaise il y en a des milliers devront produire en
français et en anglais leurs textes et documents officiels, les deux
versions ayant alors la même valeur juridique, l'article 9. Les tribunaux
du Québec pourront prononcer leurs jugements en anglais seulement s'ils
le désirent, mais le ministre de la Justice devra alors faire en sorte
que ces jugements soient traduits dans l'autre langue officielles, article 16.
Evidemment, ce n'est pas long quand il y a seulement sept mots.
Le français et l'anglais seront donc les langues officielles de
l'administration publique, le français jouissant d'un statut de langue
officielle prioritaire.
Dans les entreprises d'utilité publique et dans la pratique
professionnelle ainsi que dans le monde du travail, la priorité du
français est encore théoriquement affirmée mais, partout,
l'anglais est explicitement et officiellement établi comme langue
seconde officielle.
De plus, l'affirmation théorique de la priorité du
français apparaît beaucoup plus sous forme de voeu pieux que sous
forme d'obligation vraiment contraignante. Il n'y aurait guère, dans ces
chapitres, que l'article 19 pour affirmer de façon contraignante la
priorité absolue du français, mais de façon bien moins
contraignante que la loi 19, d'auguste mémoire, qui renfermait des
sanctions pour d'autres types de violation. On n'a pas vu de $5,000 ni de
$50,000 comme sanction pour ceux qui contreviendraient à cette loi.
Pourtant cela avait été rédigé par le même
parti et les mêmes hommes.
Mais il arrive que cet article entre en contradiction avec le principe
général énoncé à l'article 11, de sorte que
partout où le français est exigé, l'anglais est
également permis. Mais sans doute pas seulement à la façon
dont toutes les autres langues peuvent également être permises
(c'est-à-dire comme versions complémentaires non officielles et
non exigibles au texte officiel, obligatoire et exigible,) puisque seul
l'anglais est explicitement mentionné. En fait, on crée une
obligation morale à produire sur demande des versions anglaises quasi
officielles de tous les textes français officiels et obligatoires. On a
même prévu dans ce projet de loi des cas où le texte
anglais sera le texte officiel avec priorité sur la version
française également obligatoire (voir articles 26 et 29).
Dans le monde des affaires, c'est nettement le bilinguisme
français-anglais qui est privilégié. Le texte du bill,
à ce chapitre, se fait suppliant à l'endroit des maîtres de
l'économie pour qu'ils daignent accorder au moins
l'égalité de traitement à la langue des
Québécois. L'article 41, combiné à l'article 119,
constitue une incitation directe aux consommateurs unilingues à exiger
des contrats bilingues. Aucune sanction n'est prévue contre ceux qui
n'accorderaient pas au français un traitement convenable, mais des
cadeaux sont offerts aux entreprises qui se soumettront de bon coeur aux
supplications de la loi. Aveu de faiblesse, porte ouverte au remerciement,
cette pratique est également immorale en ce qu'elle exige d'un peuple
qu'il paie ses exploiteurs pour que ceux-ci accordent à la langue du
pays un minimum de respect. Hem! Hem! Ce n'est pas l'émotion. Ne vous en
faites pas.
Dans une autre partie de ce mémoire, nous allons faire
connaître en détail nos positions sur la langue d'enseignement et
sur l'enseignement des langues, ce qui est pour nous bonnet blanc, blanc
bonnet. Mais nous tenons à affirmer tout de suite que l'ensemble du
projet de loi nous apparaît inacceptable parce qu'il ne fait pas du
français et nous l'avons prouvé par une vingtaine
d'exemples, d'illustrations la seule
langue officielle du Québec, parce qu'il reconnaît un
caractère très officiel à l'anglais un peu partout,
à peu près à tous les points de vue que nous avons
énumérés et parce qu'il ne prévoit aucune mesure
vraiment efficace pour assurer à notre langue une réelle
primauté dans tous les secteurs de la vie québécoise.
Le projet de loi 22 aura aussi pour effet de soustraire la question
linguistique à la responsabilité du pouvoir législatif en
transférant cette responsabilité au pouvoir
discrétionnaire du ministre responsable, du cabinet et d'une
régie bien édentée. Ce gouvernement aime gouverner par
décrets et par règlements. Je crois que cela méritait une
pause. Les textes législatifs sont en passe de devenir de simples
occasions d'énumérer les domaines de plus en plus nombreux
où s'appliquera désormais le pouvoir discrétionnaire des
arrêtés en conseil et des règlements.
Nous allons maintenant aborder plus particulièrement le chapitre
qui traite de la langue de l'enseignement. Je crois que ce chapitre
présente une politique que beaucoup ont commentée en la
qualifiant de confusion générale, mais qui, d'après nous,
est d'une confusion très claire sur les intentions ou plutôt les
non-intentions, les velléités du gouvernement de trancher un
certain noeud gordien. Que le français soit la langue de l'enseignement
dans un Québec où le français est la seule langue
officielle ne devrait même pas faire l'objet d'une discussion tant il est
normal, comme c'est le cas dans la majorité des pays civilisés,
que la langue de la majorité soit celle du système
d'éducation en même temps que l'instrument
privilégié pour assurer le maximum de cohésion
nationale.
Or, l'article 1 du projet de loi 22 qui proclame que le français
est la seule langue officielle du Québec est tellement
édulcoré par le chapitre V consacré à la langue de
l'enseignement, que cette proclamation tient, à l'examen le moindrement
attentif des multiples restrictions ou concessions de ce projet de loi, du plus
pur calcul politique ou d'une très grande naïveté.
En effet, dans ses implications concrètes, tout le chapitre V du
projet de loi met en évidence le "velléitarisme" de l'article 118
qui fait mine d'abolir la loi 63. En outre, en tentant de modifier les
paragraphes 3e et 4e de l'article 203 de la Loi de l'instruction publique qui
consacrent le libre choix des parents quant à la langue de
l'enseignement, le bill 63, l'article 115 du projet de loi devient
inopérant, voire incompréhensible, quand on le confronte à
l'article 51, dont l'application demeure alors des plus problématiques.
En effet, les tests visant à évaluer la connaissance de la langue
reposent sur les pouvoirs tout aussi discrétionnaires qu'arbitraires
dévolus par voie de règlements à venir au ministre de
l'Education.
Nous sommes particulièrement étonnés que l'on soit
aussi prompt à laisser à l'arbitraire local probablement
dans des buts de politi- que de décentralisation le pouvoir de
décider dans un domaine aussi névralgique que celui de la langue
d'enseignement, qui est une des premières responsabilités
fondamentales du gouvernement. Pourtant, pour des questions beaucoup moins
importantes, comme c'est le cas, par exemple, dans certaines discussions
concernant la sécurité d'emploi des enseignants, les mises
à pied pour surplus de personnel, et tant d'autres questions, pour des
questions moins fondamentales par rapport à l'avenir du Québec,
les commissions scolaires demeurent encore sous le joug d'une excessive
centralisation. Et voici que, quand arrive l'assiette linguistique, on la
refile à ses partenaires locaux.
Comment ne pas être aussi médusés par le silence
total du projet de loi au sujet des CEGEP, au sujet du secteur universitaire,
au sujet du secteur privé d'enseignement pourtant en plein essor dans le
Québec et qui devrait préoccuper davantage le ministre?
Devrait-on conclure qu'il s'agit là d'une démission ou d'un
oubli?
Il est inadmissible que seulement cinq des 130 articles de ce projet de
loi soient consacrés à la langue de l'enseignement, mais pour ce
qu'ils contiennent, ils étaient déjà assez nombreux, nous
l'admettons, et qu'à ce chapitre on ait fait la preuve d'un refus
évident de prendre position en faveur de la plus
élémentaire démocratie qui, normalement, est l'expression
de la majorité. Dans un contexte comme celui dans lequel se débat
la majorité francophone, cela eût été non pas un
exemple pour le monde entier, mais tout simplement l'affirmation d'une
dignité enfin retrouvée. Assez tristement, hélas, ce
projet de loi consacrera, s'il est adopté par une deputation
majoritairement francophone, un précédent tristement historique,
celui de représentants d'un peuple majoritaire et de combien, mais sans
échine, humiliés, veules, qui mettent leur fierté à
respecter coûte que coûte les pressions et les supposés
droits d'une des minorités, même au risque de handicaper
l'identité de la majorité.
L'école est le premier instrument collectif que se donne une
nation civilisée qui veut préserver et transmettre son patrimoine
national. Et puisqu'on ne transmet pas un patrimoine national comme on transmet
un chèque bilingue, la nécessité d'une langue nationale
s'impose et seule une langue nationale et commune à toutes les ethnies
qui composent une nation peut garantir cette cohésion et ce sentiment
d'appartenance sans lesquels il n'y a plus cohésion, mais juxtaposition
d'individus ou de communautés culturelles ou de groupes d'objectifs ou
d'intérêts divergents.
Pour qu'une telle langue nationale existe, il faut qu'elle soit
perçue comme un bien collectif et la pierre d'assise de la nation.
Commentant un jugement de la Cour européenne des droits de
l'homme, un éminent
juriste a émis l'avis qu'il ne faut pas distraire les droits dits
"de l'homme" de leur enracinement économique et social. Et je cite: "Le
droit de l'homme y perd l'absolu et l'intangibilité dont on le pare
quelque peu hâtivement. Plutôt qu'un droit individuel, il devient
en quelque sorte un droit "social" en tant qu'il se pose en une relation de
l'individu à la société, dans l'équilibre de leurs
exigences respectives, problématique à tout prendre plus conforme
à la notion de personne humaine que l'individualisme "classique". Il
postule le respect des exigences d'un être qui trouve au sein d'un corps
social sa voie de perfection, plutôt que d'un être qui jouit en
dehors de celle-ci des principes de sa perfection."
Nous prétendons que tous les Québécois, qu'ils
soient natifs du Québec ou immigrants, doivent être reconnus comme
des égaux en dignité et en droit. Voilà une affirmation
qu'il convient mal de qualifier d'extrémiste.
Nous croyons que les individus devraient être
protégés contre toute discrimination fondée sur l'origine
ethnique, que nous devrions reconnaître à chacun le droit à
l'originalité et garantir une certaine protection aux diverses langues
maternelles des Québécois au niveau des relations d'ordre
privé.
Les groupes minoritaires qui veulent conserver leur langue maternelle
respective doivent aussi pouvoir communiquer entre eux et avec le groupe
majoritaire au moyen d'une langue commune. Ils doivent pouvoir participer de
plein droit à la vie économique et politique du Québec
d'où une nécessité pour eux de savoir s'exprimer dans la
langue nationale des Québécois. Si ce principe était mis
en application et respecté, on n'assisterait pas à ce spectacle
extrêmement triste et indigne de nous auquel nous assistons, comme
c'était le cas ce soir et cet après-midi, où des gens
viennent ici et sont incapables de répondre à des questions
posées en français. Es sont même incapables de
répondre en anglais à des questions posées en
français par des représentants de la population. Nous l'avons vu
cet après-midi.
Puisque la majorité des Québécois reconnaît
que le français au Québec est un bien collectif, il s'agit donc,
dans les circonstances bien particulières d'agressions multiples
où nous nous débattons, d'établir le statut du
français en fonction, d'abord, des droits collectifs de ceux qui parlent
cette langue plutôt que des intérêts particuliers des
individus ou des sous-groupes habitant le Québec. C'est ce que tous les
autres au Canada ont compris.
Au premier chef, le respect de ce principe implique donc que soit
créé un système scolaire francophone unifié
desservant les citoyens québécois de toute provenance
linguistique ou de toute croyance. Le français ne sera vraiment la
langue officielle que s'il devient la langue de telles administrations
publiques.
Nous admettons que, concurremment avec la langue nationale, la langue
maternelle puisse être aussi la langue de l'enseignement dans le cas des
enfants véritablement anglophones et québécois, esquimaux
ou amérindiens. Pour ces groupes particuliers, les uns étant
arrivés avant nous et les autres quelque peu après nous, tout de
même, nous concédons même qu'il puisse exister des
écoles ou des classes à l'intérieur de ce réseau
scolaire intégré. Cependant, on doit reconnaître, dans les
faits, le principe fondamental de l'école pour tous les autres
groupes.
J'espère qu'on retiendra bien ce paragraphe avant de nous classer
au niveau des extrémistes, non que nous ayons peur du nom, mais nous
savons ce qui se cache en dessous comme possibilité de démagogie
pour démolir des thèses qui ont pourtant du bon sens.
Nous sommes d'avis qu'il ne suffirait plus d'abroger la loi 63, mais
qu'il faut en réparer les effets d'érosion subis par la
majorité francophone depuis 1969.
D'après certains calculs, d'après certains chiffres
livrés au public par le ministre de l'Education devant cette commission
parlementaire, il y aurait environ 23,000 à 25,000 élèves
de langue française inscrits à l'école anglaise et environ
10,000, qui ont fait le trajet inverse, anglophones qui se sont inscrits
à l'école française.
Ce dernier volet de la situation est tout à fait normal au moment
où on se considère une majorité qui a un pouvoir normal
d'attraction et d'assimilation dans un contexte donné. C'est normal
qu'au moins 10,000 enfants anglophones s'inscrivent à des écoles
françaises, mais les 25,000 et la courbe croissante de ce transfert
linguistique devraient nous inquiéter, nous faire sourciller au plus
haut point. Ces 25,000 élèves, de toute façon,
n'enlèvent pas moins de 1,135 postes d'enseignants francophones au
Québec. Je suis sûr que cela fait sourire certaines personnes,
sauf celles qui ont à régler actuellement le problème de
surplus de personnel.
Nous exigeons donc le rapatriement immédiat des francophones
passés au secteur anglophone depuis 1969, le retour progressif à
l'école française des enfants d'immigrants, anglophones ou
autres, qui ont choisi l'école anglaise depuis 1969, depuis le moment du
bill 63. Nous réclamons l'interdiction pour les francophones de
s'inscrire aux classes ou écoles spécialement
aménagées pour ceux que nous appellerions dans notre
hypothèse de réseau scolaire unifié avec dispositions
spéciales pour les vrais Anglais ceux que nous appellerions alors
"la véritable minorité anglophone du Québec" à
laquelle nous sommes disposés encore une fois à reconnaître
certains aménagements particuliers, dans l'espoir qu'ils comprennent
qu'il est dans leur intérêt de comprendre qu'une minorité
est en train de lutter pour sa propre existence, ce qui suppose qu'elle recourt
à des moyens qui peuvent paraître inutiles ou
exagérés à des majorités anglo-saxonnes
confortablement établies dans leur sécurité
économique et culturelle.
Nous reconnaissons d'emblée que, dans tout
système moderne d'éducation, l'enseignement des langues
étrangères constitue un enrichissement culturel important, tout
en répondant parfois, pour un certain nombre de personnes dans une
population donnée, à des exigences d'ordre pratique
incontestables. Nous n'avons donc aucunement comme objectif de confiner ou
d'enfermer la communauté francophone du Québec dans un ghetto
hostile aux cultures étrangères. La géographie même
nous interdit de devenir une enclave fermée aux relations
socio-économiques avec le continent nord-américain.
Toutefois, nous nous opposons à ce que l'enseignement des langues
étrangères se fasse au détriment des priorités
fondamentales de notre système scolaire et au détriment de notre
vie collective dans ce qu'elle a de plus précieux: son
intégrité linguistique, son identité culturelle, voire sa
propre survie.
Avant d'aborder cette question de l'enseignement des langues, il nous
semble impérieux que nous examinions la situation concrète dans
laquelle nous sommes. Les conditions préalables à cet
enseignement ne nous convaincront que davantage de la nécessité
de corriger d'abord l'injustice dont est victime la majorité
francophone.
Comme tant d'autres Québécois depuis 1969, nous avons
conspué l'infâme loi 63, nous avons demandé sa radiation.
Comme tous les oppositionnistes d'alors, nous appréhendions les effets
corrosifs de cette loi au détriment de notre majorité. Mais
quatre ans plus tard, des études fouillées confirment nos
craintes d'alors, et, à partir de maintenant, ce n'est plus
d'hypothèses échafaudées par des extrémistes qu'il
s'agit, c'est de statistiques et de faits bien vérifiables qui
crèvent les yeux de tout le monde, sauf, bien entendu, les yeux
fermés.
Les dispositions frelatées du projet de loi 22 relatives à
la langue de l'enseignement donnent gain de cause aux minorités
possédantes qui, grâce à un "lobbying" puissant, pourront
maintenir, à même les deniers publics, leur système
public-privé d'enseignement.
Contradictoirement et compte tenu d'une opinion publique dont on
entretient sciemment les préjugés, c'est encore la langue de la
minorité que le projet de loi 22 consacrera comme la langue de la
sécurité et de la réussite dans la vie. Déjà
très alarmante, la tendance aux transferts linguistiques s'accrof-tra et
ce n'est surtout pas la mascarade du test ministériel qui changera cet
état de fait, d'après nous. Cet hypothétique test
relèverait de l'arbitraire ministériel et il serait
appliqué par les commissions scolaires avec toute la bonne
volonté, la compétence, l'ouverture d'esprit qu'on
reconnaît, même au ministère de l'Education, à ces
instances tellement démocratiques et dynamiques. Ce test serait une
incitation de plus à une anglicisation plus précoce, non pas par
conversion... comme nous avons fait l'erreur de l'écrire, quoique avec
le colonel Sheldrick, je crois que l'immersion ne suffirait pas, il faudrait
vraiment espérer une conversion. Tout de même pour les plus jeunes
enfants, nous pourrons procéder par immersion ou autrement des tout
jeunes enfants. Il n'y a là que fumisterie et comédie, que
tentative de maintenir de façon évidente la primauté des
options individuelles sur les droits collectifs, que volonté
délibérée de donner un air de libéralisme à
une politique dictée par les intérêts d'une minorité
qui s'est si bien exprimée dans la langue de son choix dans le rapport
Fantus. "We would accept a few crazy things" je n'en ai pas mis long,
pour ne pas faire plus dur que ça fut la réponse d'un
eminent financier anglophone à qui l'on demandait d'accepter quelques
changements au statut de la langue au Québec (Presse, 25 mai 1974).
S'il est vrai de dire que l'enseignement est une fonction politique, il
est assurément vrai d'affirmer que l'enseignement des langues au
Québec est devenu une tâche ingrate et explosive. Cet enseignement
est d'une portée stratégique évidente, non seulement de
notre point de vue, enseignants ou francophones ce que nous savons
depuis toujours pour la classe dominante et son Etat. A preuve, tout le
soin manifesté par le ministre de l'Education à accoucher en
avril 1973 d'un ambitieux plan de développement de l'enseignement des
langues de $100 millions en cinq ans. A preuve, les nombreux
arrêtés en conseil précédant ou accompagnant ce plan
et certaines dispositions du décret régissant nos conditions de
travail au chapitre 8 des conditions de travail et au chapitre 7 des plans de
perfectionnement, lesquels sont venus tranquillement, par toutes sortes de
biais, insidieusement, en dehors des débats publics, préparer les
structures et les mentalités à la bilinguisation progressive des
francophones.
Comment interpréter autrement cet investissement massif dans le
perfectionnement des professeurs d'anglais, langue seconde, alors que le
français même dépérit à vue d'oeil? Comment
interpréter autrement cette directive ministérielle imposant au
niveau élémentaire l'engagement en toute priorité de
spécialistes de l'enseignement de l'anglais comme langue seconde et
à compter de la première année, si c'est voulu par la
commission scolaire, alors que les enfants de ce niveau d'enseignement ne
reçoivent aucune éducation physique, artistique ou musicale
satisfaisante dans le Québec, alors que le réseau d'enseignement
préscolaire est très sous-développé au
Québec, alors qu'il y a des besoins criants en enseignement pour
l'enfance inadaptée, en enseignement professionnel, en éducation
permanente, alors que les "dropouts" quittent l'école par milliers?
D'où vient l'imposition par toutes sortes de moyens
détournés, décrets, arrêtés en conseil, plans
très dispendieux, bien sûr financés en sous-main par le
fédéral, mais officiellement
très dispendieux, d'où vient cette espèce
d'imposition, de ce chambardement des priorités normales de
l'école si ce n'est de vouloir asservir à des fins politiques
l'école québécoise et le travail des enseignants?
Nous pensons que le problème de l'enseignement du français
est avant tout un problème politique et qu'on ne saurait enseigner une
langue qui n'a pas d'assises et de raison sociale, une langue
dégradée par la promiscuité linguistique anglophone, une
langue humiliée et sans utilité publique dans le monde de tous
les jours. Aussi, préconisons-nous de toutes nos forces un certain
nombre de mesures de guerre, c'est-à-dire un état d'urgence quant
à l'enseignement du français à tous les
Québécois, à tous les niveaux du réseau scolaire.
Nous connaissons les critiques fort justifiées qui ont cours dans le
public, qui sont reprises de temps en temps par les têtes d'affiche en
milieu scolaire, sur la qualité du français appris dans les
écoles. Nous devons dire que nous nous sommes naïvement
lancés à fond de train dans la réforme scolaire il y a une
dizaine d'années et que les professeurs de français se sont
engagés avec une bien légitime appréhension dans les
programmes-cadres de français il y a trois ou cinq ans. Nous nous
retrouvons, après dix ans d'efforts, les vivres coupés, les
priorités chambardées, privés des moyens d'aller plus loin
et de mieux faire. Certes, on nous propose des cours de linguistique et des
magnétophones à la douzaine un par enseignant de
français s'il le faut, cela me surprendrait qu'il n'y ait pas un vendeur
là-dessous mais le problème n'est pas là. Ce n'est
pas à la langue que les Québécois ont mal, c'est à
leur être tout entier et de la façon la plus totale et la plus
intime.
Nous proposons donc de considérer comme prioritaire
l'enseignement de la langue nationale des Québécois
accompagné et nous insistons là-dessus parce que notre
point de vue c'est qu'on n'isole pas la question linguistique de son contexte
socio-culturel et économique d'un programme global de
repossession de notre culture, d'acculturation à notre propre condition
de Québécois, ce qui comporte un enseignement intensif de notre
propre histoire, de notre culture et de nos conditions de vie
économiques et politiques. On sait ce que pensent les
spécialistes de l'enseignement de l'histoire qui ne se donne pas
actuellement à tous les élèves du niveau secondaire.
Par ailleurs, nous sommes convaincus de l'importance de l'enseignement
des langues au Québec. La langue nationale et les langues
étrangères doivent trouver place dans notre système
d'enseignement et être enseignées de façon efficace selon
des méthodes pédagogiques adaptées à chacune
d'elles. Mais l'enseignement des langues ne doit se faire ni d'une façon
anarchique, ni en fonction d'impératifs étrangers à notre
situation, à nos besoins, à nos aspirations collectives comme
majorité.
Sous cet angle, le plan de développement de l'enseignement des
langues adopté en avril 1973 fait montre d'une improvisation totale du
point de vue même de la pédagogie et de la psycholinguistique. Ce
plan ne s'étaie sur aucune étude sérieuse, ni
étrangère ni locale, quant aux exigences à respecter dans
l'implantation d'un tel programme.
Nous dénonçons le fait que soit financé par l'Etat
un enseignement de l'anglais dès la première année dans
les écoles élémentaires francophones. Avec maints
spécialistes en la matière, nous condamnons aussi l'imprudence,
voire l'irresponsabilité et l'illogisme de cette démission devant
une certaine opinion publique sondée, nous l'avouons, qui cherche
à appliquer au Québec, sans examen critique suffisant, une
technique pédagogique conçue ailleurs.
Dans un pays aussi fortement sécurisé sur le plan culturel
et linguistique que l'Angleterre, on a cru nécessaire de lancer, en
1963, un programme de recherche des plus complets, étalé sur une
période de sept ans, de la deuxième année de
l'école primaire à la deuxième année de
l'école secondaire et touchant environ 13,000 élèves
répartis en deux groupes.
Pour l'un des groupes, l'enseignement du français débute
dès l'âge de huit ans, avec un programme oral à raison de
quelque 30 minutes par jour. L'enseignement du français débute,
pour le deuxième groupe, à l'âge de onze ans. Voilà
tout le soin qu'on a mis à expérimenter l'implantation de
l'enseignement d'une langue seconde dans un pays aussi sûr que
celui-là au point de vue culturel et économique.
Parmi les questions fondamentales auxquelles cette étude a
cherché à répondre, on trouve celle-ci, pour montrer quel
était l'objectif visé par cette recherche, quelles étaient
les préoccupations des responsables de l'éducation dans ce pays,
nous citons cette question: La maîtrise d'une langue
étrangère est-elle vraiment facilitée du fait qu'on
commence à l'enseigner à huit ans plutôt qu'à onze
ans? Eux en doutaient. L'introduction d'une langue étrangère
à l'école primaire aidera-t-elle ou nuira-t-elle au
développement intellectuel et au rendement scolaire de
l'élève? Les Britanniques se posaient cette question. Nous avions
trouvé la réponse. Doit-on posséder un minimum d'aptitudes
pour que l'enseignement d'une langue étrangère soit valable? Ils
ont pris le temps d'étudier cette question. Nous ne nions pas
l'engouement qu'ont certains parents ou certains responsables scolaires pour
l'enseignement de plus en plus tôt, de plus en plus précoce, de
l'anglais. Les marchands de bilinguisme ont grand succès et l'utopie se
vend bien.
Le bilinguisme, faut-il le rappeler une fois de plus, n'est pas une
valeur en soi. Il ne devrait pas être question de le proposer comme la
panacée à une prétendue ouverture au monde pour les
Québécois. Au niveau individuel, il est avantageux, à
certaines conditions, et il est parfois nécessaire et très
souvent utile de savoir parler deux langues, de savoir parler l'anglais pour un
francophone dans le Québec. Au niveau des institutions politiques, il en
va
autrement. Là où on le pratique, il représente un
moindre mal, mais pour l'ensemble d'un peuple, nous soutenons que le
bilinguisme, comme fait social, est un état anormal et pathologique.
Il est une source d'infériorité, il est une étape
transitoire dans le passage d'un unilinguisme à un autre. Il est une des
caractéristiques les plus évidentes d'un peuple en train de
perdre sa culture et son identité. Lorsque deux peuples vivent
côte à côte, que l'un d'eux est unilingue, les 1,300,000 du
colonel Sheldrick, et l'autre bilingue, c'est le peuple unilingue qui assimile
et qui domine. Les chiffres de M. Castonguay, de nombreuses études
unilingues, le démontrent fort bien. C'est le peuple unilingue qui a les
moyens d'imposer sa langue comme langue normale de toutes les relations entre
ces deux peuples. Ce fait a été prouvé cet
après-midi, puisque les unilingues anglo-protestants ont imposé
au ministre de l'Education d'une majorité francophone de parler anglais.
C'est le peuple unilingue qui crée pendant que l'autre copie et
traduit.
Extrémisme? Racisme? Ignorance du contexte nord-américain
et des impératifs économiques? Voilà en
résumé les arguments que certains nous servent chaque fois que
nous tenons de pareils propos. Et pourtant, c'est avec d'aussi fallacieux
arguments que ces mêmes gens font fi, ont négligé de
prendre des avis auprès des spécialistes les plus
autorisés dans ces matières. La réalité est que
nous vivons au Québec dans un contexte où la langue dominante
n'est pas celle de la majorité. Quand, dans un pays unilingue, on
propose l'apprentissage d'une langue seconde, on suppose déjà que
le contexte socio-économique, linguistique, familial et culturel est
d'abord unilingue, ce qui n'est pas le cas pour le Québec.
Aucune politique des langues ne doit ignorer cette mise en garde
fondamentale au risque de favoriser l'assimilation de la langue
française déjà très avancée dans les
régions de Montréal et même de Québec, là
où sont concentrés plus des deux cinquièmes de la
population francophone du Québec.
A l'adresse de ceux qui nous accusent de pessimisme, de
défaitisme, nous citons ces extraits d'une étude menée par
des professeurs de l'Université du Québec à Rimouski: "De
l'avis de la plupart des linguistes, c'est l'étude des professeurs
Tremblay et Martinez, de langue française, dans le contexte bilingue
où elle se trouve, ne vivra plus guère d'un demi-siècle au
Québec. "Nonobstant les raisons socio-linguistiques, la langue
française ne sera qu'une langue qu'on ne parle qu'après cinq
heures du soir et cette langue à ce moment-là est
déjà une langue morte. C'est déjà le cas de
plusieurs milliers de francophones qui sont obligés de parler anglais
toute la journée. Ils parlent un peu français dans le
métro, quand le chauffeur peut parler aussi français. "La langue
française est menacée dans ses structures les plus profondes,
syntaxiques principalement, et c'est là le réel danger
envisagé par la linguistique. Avant d'entreprendre l'apprentissage d'une
langue seconde, il importe, messieurs, d'assurer avant tout la maîtrise
pour tous, y compris pour les protestants, de la langue maternelle de la
majorité. "Or, la maîtrise de la langue maternelle dans des
conditions idéales professeurs compétents, milieux
familial et social adéquats, motivation personnelle satisfaisante
est assurée vers l'âge de 12-14 ans, c'est toujours l'étude
de spécialistes que je cite, c'est-à-dire l'âge
correspondant au niveau secondaire. Si nous prenons connaissance de plus
récentes recherches sur l'état de la langue française au
Québec, il ne nous est pas possible, disent ces spécialistes, de
"débuter" l'apprentissage de la langue seconde avant 14-15 ans et
même seize ans en étant très prudents."
Et je continue de les citer. "La position qui veut que l'apprentissage
d'une langue seconde débute le plus tard possible, insiste sur le fait
que la langue maternelle, comme instrument de pensée, n'est pas
seulement une acquisition de phonèmes entendus et imités sur un
modèle idéal, mais qu'elle est aussi un système de
structures mentales très complexes, qu'on ne maîtrise pas
nécessairement, devant être acquis dans des conditions
idéales avant d'entreprendre l'apprentissage des structures d'une
deuxième langue.
Selon cette théorie, il importe peu que le cerveau soit
malléable ou non. Il importe surtout que la langue maternelle ne soit
pas perturbée dans ses structures profondes par une autre langue
possédant des structures semblables ou radicalement différentes.
Selon les plus récentes recherches tendant à déterminer
l'âge d'apprentissage de la langue seconde, la plupart des savants fixent
cet âge environ vers la douzième année chronologique. Cet
âge requis est déterminé dans le but d'un apprentissage
fonctionnel, c'est-à-dire dans le but de permettre un meilleur
apprentissage possible de la langue seconde et aussi dans le but
d'éviter tout danger de confusion avec la langue maternelle et les
autres manières inscrites au programme scolaire: mathématiques,
musique, etc. De fait, nous croyons que le débat amorcé sur la
question de l'âge d'acquisition d'une langue seconde démontre
ce débat a été amorcé par l'implantation
prématurée du plan d'avril 1973 que le problème n'a
pas été envisagé là où il aurait dû
l'être.
En effet, tout linguistique peut constater malgré ses
appartenances à une école linguistique donnée, qu'il y a
des enfants qui réussissent à acquérir une langue seconde
sans perturber la langue maternelle et d'autres qui se voient coincés
entre les deux systèmes linguistiques, sans assimiler correctement l'un
ou l'autre système.
Pour le linguiste, le problème de l'âge d'ap-
prentissage d'une langue seconde se pose de la manière suivante:
il doit déterminer comment et jusqu'à quelle limite la langue
seconde influence la langue maternelle, c'est-à-dire dans quel
état se trouve celle-ci, et, de plus, quelles sont ses chances de
survie. Il nous faut d'abord remarquer que l'avance du jeune enfant au niveau
de l'apprentissage de la prononciation n'est pas en soi une condition
nécessaire et suffisante pour accepter d'emblée le début
de l'apprentissage d'une langue seconde à la maternelle ou à
l'école élémentaire."
Certes, pour beaucoup de professionnels oeuvrant dans les secteurs
économique, technologique et industriel, ces considérations
forcément succinctes, ne les persuaderont sans doute pas que la langue
française peut avoir une utilité pragmatique et qu'elle ne
favorise pas comme l'anglais la communication technologique, juridique et
économique.
Voilà la réponse des spécialistes Tremblay et
Martinez: Comment, à partir d'une conception semblable, pouvons-nous
maintenir la langue française à un niveau d'utilisation lui
permettant d'être plus vivante... d'abord, ce réflexe que le
français ne peut pas avoir cette qualité d'échange au
niveau des échanges économiques, technologiques et techniques
autant que l'anglais. Si on a cela comme première impression à
propos du français, comment peut-on maintenir la langue française
à un niveau d'utilisation lui permettant d'être plus vivante... et
lui assurant, dans un contexte nord-américain, une vie à long
terme? Comment prétendre introduire l'enseignement de l'anglais à
l'élémentaire sans conclure que cet enseignement conduit à
la perte de la langue maternelle? Nous pensons qu'il faut en premier lieu,
à travers tout cela, démontrer et faire valoir l'utilité
pragmatique autant que culturelle de la langue française. Il est faux
d'affirmer que la langue française n'est pas une langue
appropriée pour véhiculer la pensée scientifique et
technologique. Personne ne peut prouver que la langue française n'est
pas propice à l'utilisation d'un vocabulaire administratif ou
technologique (domaines de l'application hydroélectrique,
aérospatiale, nucléaire, océanographique,
téléphonique, bref tous les domaines de pointe dans la recherche
appliquée).
Nous vivons, au Québec, dans une situation de diglossie qui rend
déjà très pénible l'enseignement du français
à des élèves à qui on apprend très tôt
que là où il y a de l'argent, là il y a de l'anglais et
vice-versa. Là où il y a l'anglais, là est l'argent. Ce
n'est pas avec l'achat de milliers de magnétophones qu'on leur donnera
le goût de vivre en français puisque tout l'environnement
constitue une constante menace d'acculturation. En conséquence, le
simple bon sens et c'est humiliant d'avoir à le rappeler
ne nous dicte-t-il pas qu'il faut d'abord assurer la maîtrise par tous.
D'ailleurs, voilà où est la priorité. Bien avant
l'enseignement des langues secondes aux francophones, assurer d'abord la
maîtrise par tous les Québécois de la langue nationale
avant d'introduire à l'élémentaire, par-dessus le
marché, l'enseignement d'une langue étrangère. A l'appui
de cette thèse, voyons ce qu'en dit le professeur Caston-guay qui
reprend à son compte les avis de spécialistes aussi
réputés que le professeur Stern et Carrol: "II peut y avoir
d'autres retombées négatives du fait de l'enseignement
hâtif d'une langue seconde, à part celle bien connue de
l'interférence linguistique et conceptuelle avec la langue maternelle
et, par ricochet, avec les autres matières scolaires. Le plus redoutable
pour le Québec en ce moment serait une évolution vers le
bilinguisme social c'est cela le pas que certains représentants
cet après-midi vous disaient.vous accordaient comme étant en voie
d'être franchi un pas de plus vers le bilinguisme social,
dernière étape avant l'assimilation linguistique: Jusqu'à
quel point le bilinguisme social est-il possible? Qu'arrive-t-il lorsqu'une
communauté, comme telle, dispose de deux systèmes
différents de communication? Un examen tout récent et très
fouillé de l'expérience linguistique canadienne depuis la
Confédération jusqu'en 1972 confirme la loi empirique que deux
langues de force inégale ne peuvent coexister en contact intime et que
la plus faible des deux doit inévitablement disparaître".
Enconséquence, nous réclamons la suppression
immédiate de l'enseignement de l'anglais à
l'élémentaire dans le secteur francophone, parce qu'il est
inutile et nuisible; et en retour, nous demandons que l'anglais s'enseigne de
la façon la plus compétente possible au niveau secondaire,
à côté d'un certain nombre d'autres langues
étrangères.
Par ailleurs, nous sommes entièrement d'accord avec ceux qui
souhaitent un enseignement de langues étrangères qui soit de la
plus haute qualité.
A cet avis et à cette fin, nous sommes prêts à
collaborer à la mise en oeuvre des moyens qui pourraient permettre
l'atteinte de cet objectif, notamment en ce qui a trait à la formation
des enseignants aux méthodes pédagogiques les plus
appropriées en fonction des divers milieux socio-économiques,
à la structuration des programmes qui permettront un apprentissage actif
des langues étrangères.
Toutefois, nous sommes d'avis que cet apprentissage ne devrait
débuter qu'au niveau secondaire et ce, sans préjudice quant
à l'enseignement de la langue nationale. Nous dénonçons,
entre autres choses, le fait actuellement permis et prévu et, en quelque
sorte, ordonné par le ministère de l'Education d'un nombre de
périodes égales au niveau secondaire pour l'enseignement de
l'anglais et du français. Cinq périodes d'anglais, cinq
périodes de français au niveau secondaire. Si la semaine compte
six jours, six-six; sept-sept, si c'est une semaine de sept jours. C'est
absolument abominable comme cadre d'enseignement des deux langues au niveau
secondaire.
Cela, c'est parce que vous les avez retenus, M. le Président.
La maîtrise d'une langue étrangère est beaucoup plus
une question d'intensité et de méthode qu'une question
d'années. Ce n'est pas parce qu'on étale l'enseignement de
l'anglais pendant quatre ans de secondaire, trois ans de primaire pour les
commissions scolaires qui sont en train de l'autoriser à compter de la
quatrième ou de la troisième année et, pour celles qui le
veulent, à compter de la première année, ce n'est pas
parce qu'on égrène pendant tout ce nombre d'années
quelques minutes d'enseignement de l'anglais que ces élèves
sauront très bien l'anglais à la fin du secondaire. Cela est
prouvé, c'est un gaspillage actuellement de la manière que c'est
organisé.
Ce n'est pas en saupoudrant un petit trente minutes par-ci,
par-là. Tout cela n'est qu'un divertissement. Tout cela n'est qu'un
chambardement des priorités normales de l'école au niveau
élémentaire.
La maîtrise d'une langue étrangère étant
beaucoup plus une question d'intensité et de méthodes qu'une
question d'années... Parce qu'on a vu que, même avec ce grand
nombre d'années, il y a des personnes très âgées de
langue anglaise qui ne parviennent ni à comprendre ni à parler le
français, même quand ils s'adressent aux représentants de
la population francophone du Québec
Les résultats seront certes plus satisfaisants que ceux
actuellement obtenus au niveau de secondaire V après sept ans d'efforts
dispersés et inutiles.
Notre conclusion sera celle-ci: La loi 63 et ce non moins calculé
projet de loi 22 constituent deux gifles notre secrétaire avait
cru comprendre deux gaffes, mais cela revenait au même, elle a
très bien rétabli le sens deux gifles monumentales à
la dignité de la majorité francophone. L'abrogation de l'un et le
retrait de l'autre sont les seuls gestes décents que doit poser un
gouvernement qui se dit si soucieux des valeurs démocratiques.
C'est le ministre de l'Education lui-même qui, s'adressant au
public très choisi de la Chambre de commerce du district de
Montréal, le 13 novembre 1973, affirmait: "Qu'une politique linguistique
ne peut être conçue dans l'abstrait pour être efficace ou
plus simplement applicable. Elle doit s'appuyer sur les réalités
d'une société donnée, autrement dit elle est soumise
inévitablement à certaines contraintes qu'un gouvernement
responsable ne peut ignorer."
Evidemment, ce mot "contrainte" employé par le ministre de
l'Education ne dit pas tout. Quand on a lu le rapport Fantus, on peut se faire
une certaine idée tout de même. Quand on est à quinze jours
d'une campagne électorale remportée avec un tel succès,
évidemment ce sont là de belles paroles devant la Chambre de
commerce qui les a bien rendues ici d'ailleurs il n'y a pas longtemps.
Mais le ministre poursuivait: "Je n'hésite pas à dire
qu'une politique linguistique qui ne serait pas acceptable par une
majorité de citoyens et qui dresserait une partie de la population
contre une autre non seulement serait vouée à l'échec,
mais encore irait à l'encontre même du but recherché."
Le combat de coqs linguistique que vous avez organisé, messieurs
de la majorité, n'est-il pas l'opposition d'une partie de la population
à une partie de la population? Et si c'est cela, le ministre a
lui-même condamné toute loi qui provoquerait une levée de
boucliers d'une partie de la population contre l'autre.
Mais l'abrogation de la loi 63, le retrait du projet de loi 22 sont les
deux seuls gestes décents à poser maintenant. La
souveraineté culturelle passe d'abord par le respect de nous-mêmes
et les Québécois de langue française n'ont que faire d'une
souveraineté proclamée en principe, mais quotidiennement soumise
à un régime d'exception.
Come travailleurs de l'enseignement, nous ne pouvons accepter un projet
de loi qui incite, en dépit des tests, les jeunes
Québécois à l'assimilation parce qu'il maintient et qu'il
agrandit le statut officiel de l'anglais comme langue seconde officielle, ce
que nous avons prouvé en première partie. Que l'on sache bien que
les travailleurs de l'enseignement que nous représentons ne se feront
pas les complices d'un tel calcul politique.
Il faut vraiment avoir perdu le sens de la réalité,
être coupé des besoins scolaires qui sont des besoins sociaux au
Québec pour nous asséner un tel projet de loi. Ces mêmes
gens, qui ne sont pas si loin de nous physiquement parlant qui
nous disent de ne pas faire de politique à l'école, ont fait de
l'école et de notre travail d'enseignement un rouage de leur domination
politique. La CEQ ne craint pas d'affirmer que les enseignants,
malheureusement, font bien moins de politique dans les écoles que les
politiciens ne font de politique sur le compte de l'école.
A compter de maintenant, nous devons nous rappeler que la
libération linguistique n'est pas suffisante en soi, que toutes les
libérations se tiennent, mais que celle-ci peut nous donner le
goût de la dignité, de la liberté et nous donner, au fond,
le goût un peu plus de nous-même. Aussi, préconisons-nous,
de toutes nos forces, l'état d'urgence quant à l'enseignement du
français à tous les Québécois et à tous les
niveaux du réseau scolaire.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs de la commission, nous avons
maintenant passé une heure et vingt minutes à l'audition du
mémoire de la CEQ. Est-ce que vous seriez prêts à me donner
une directive quant au temps que nous devons passer à la période
de questions?
M. MORIN: Oui. Il est prévu, d'après les arrangements qui
ont été faits la semaine dernière, que nous pourrons
consacrer le lundi, toute la période qui va jusqu'à onze heures
du
soir, aux comparants. Je ne vois aucune raison pour laquelle nous ne
continuerons pas jusqu'à onze heures ce soir, étant donné
qu'il n'y a pas d'autres invités devant nous. Je vous le propose.
M. CLOUTIER: J'ai toujours pour ma part été le plus souple
possible quant à l'audition de ceux qui comparaissent devant la
commission et je demanderais simplement au chef de l'Opposition s'il ne
craindrait pas de créer un précédent par rapport à
d'autres organismes et s'il ne préférerait pas limiter
peut-être la discussion jusque vers dix heures trente.
M. MORIN: En ce qui me concerne, non, je ne voudrais pas. Je voudrais
simplement que nous commencions dès maintenant à poser nos
questions. Nous verrons jusqu'où cela nous mènera. C'est un
mémoire substantiel. Tous les mémoires qui nous ont
été soumis vous le savez, M. le ministre n'avaient
pas cette importance. Nous avons passé une heure à deux reprises
et même une heure et quart ou une heure et demie cet après-midi
sur des "mémoires" qui n'étaient en fait que des lettres d'une
longueur d'une page. Je crois qu'avec un mémoire de seize pages, nous
pourrions bien y consacrer quelques minutes de plus.
M. CLOUTIER: Je suis entièrement d'accord.
M. MORIN: Merci.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le ministre de l'Education.
M. CLOUTIER: Je voudrais remercier la CEQ pour son mémoire. Il a
certainement le mérite de la clarté. Comme je connais depuis
longtemps la position de cet organisme, et comme le mémoire a couvert
tous les aspects de ses positions, je n'ai pas de question à poser pour
l'instant.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, je veux remercier également
le président de la centrale de l'enseignement du Québec et ceux
qui l'accompagnent, de ce mémoire qui constitue, je dois le dire, sans
minimiser son importance, un pas de plus fait par tous les témoins qui
ont déjà déposé à la table de cette
commission, à l'encontre du projet de loi 22 et qui constitue, je
dirais, un pas de plus également dans l'isolement du gouvernement
à sa position originale, qui est celle du projet de loi 22.
M. Charbonneau, je crois que le chef de l'Opposition interviendra avec
moi par la suite pour l'ensemble de votre mémoire. J'aimerais aborder
plus spécifiquement avec vous les questions qui ont trait à la
langue de l'enseignement telle que vous en traitez dans votre mémoire.
Je crois, à moins que je ne me trompe, que vous étiez
présent cet après-midi dans la salle au moment où je
posais des questions au représentant de la Quebec Association of
Protestant School Boards et où, très simplement je lui demandais
de m'expliquer la façon dont, lui, entendait et expliquait les
dispositions des articles 48, 49, 50, 51, éventuellement si vous voulez
le joindre 52, pourquoi pas tout le chapitre 5 du projet de loi 22 sur la
langue d'enseignement.
Je ne sais pas si c'est à cela que vous faisiez
référence quand vous disiez tout à l'heure qu'un membre de
la commission n'avait pas obtenu de réponse cet après-midi. Je
crois que, si ce n'était pas le cas, vous auriez pu le faire, à
ce moment, parce qu'effectivement je n'ai pas reçu de réponse aux
questions que je posais, qui sont les mêmes que l'Opposition pose
à tous les groupes anglophones, c'est-à-dire, pour l'amour du bon
Dieu, comment avez-vous lu le projet de loi pour en venir à monter dans
les rideaux comme vous le faites, alors que les articles 48, 49 et 5*0
expriment le statu quo.
Je veux vous poser cette question à vous aussi, parce que dois la
poser, non seulement aux anglophones, mais aux francophones. Est-ce qu'à
votre avis les dispositions des articles 48, 49 et 50 équivalent ou
à peu près au statu quo en ce qui s'appelle cette mesure pratique
comme l'a défini le ministre de la Justice cet après-midi, ce qui
est pour le ministre de l'Education, un droit acquis, mais peu importe, ce
libre choix dont tout le monde parle, et qui, semble-t-il, aux dires de
plusieurs témoins, serait révoqué actuellement ou
littéralement abrogé et ne figurerait plus. Comment la CEQ
envisage-t-elle ces articles?
M. CHARBONNEAU: Nous qualifions tout le chapitre 5 de vaste manoeuvre de
confusion d'abord. Faisant mine de préciser le régime qui
prévaut, en ce qui concerne la langue de l'enseignement en concordance
avec le premier titre du projet ce serait la langue française
faisant mine d'être concordant avec tout cela, ce que nous y
voyons, c'est la consécration définitive de la possibilité
de deux réseaux d'enseignement dans le Québec, un en langue
française et un en langue anglaise. Même si dans certaines
dispositions de la fin du projet de loi il y a un paragraphe, le paragraphe
115, je crois, qui prétend abroger la loi 63, ce que nous voyons dans
les paragraphes 48 à 52, c'est une réintroduction avec une petite
nuance sur laquelle nous allons revenir, du principe de base qui prévaut
depuis 1969 jusqu'à maintenant, c'est-à-dire la création
de deux réseaux scolaires dans le Québec. Même si c'est
tricoté d'une façon un peu plus savante, des paragraphes 48
à 52, c'est encore cela qui est le fondement de cette politique. C'est
ce que nous y voyons en tout cas. A partir de là, vraiment, c'est du
pareil au même.
M. CHARRON: C'est l'article...
M. CHARBONNEAU: Pour nous, c'est une répétition du statu
quo. Le seul élément nouveau qui arrive sur la table en
discussion, c'est dans le cas de l'article 51 de la question du test.
Pour nous, ce n'est pas du tout une innovation, c'est plutôt une
espèce de mesure qui va tromper peut-être un certain nombre de
personnes, mais qui n'empêchera pas c'est ça qui est
vicieux dans la situation actuelle que la politique linguistique en
milieu scolaire soit finalement la résultante de choix individuels. Cela
n'empêchera tout de même pas ça.
Là je ne critique même pas le test; si on veut fouiller
cette hypothèse de test, on s'aperçoit que toutes les
hypothèses sont permises en arrière de cette notion de test. Qui
va le faire? C'est uniforme. Une fois que ce sera échafaudé au
niveau du ministère, qu'est-ce que les commissions scolaires vont en
faire, elles qui sont de plus en plus autonomes?
M. CHARRON: Surtout quand s'appliquera-t-il également? Parce
qu'il n'est pas obligatoire.
M. CHARBONNEAU: Tout est ouvert de ce côté. On sait que les
commissions scolaires revendiquent fièrement leur autonomie depuis un
certain temps. Le ministre s'apprête à leur accorder plus
d'autonomie et à décentraliser davantage toute l'organisation
scolaire au Québec; il faut vraiment douter des possibilités
d'appliquer de façon pratique le test auquel auraient pensé les
ministériels ou le gouvernement.
C'est la seule mention nouvelle. Mais ça n'empêche pas
je le répète, c'est ça qu'il nous paraît
fondamental de bien mettre en relief que finalement il y aura encore des
transferts linguistiques vers l'école anglaise, moyennant cette petite
enjambée du test que trouveront à contourner évidemment
encore là les éléments qui ont le plus d'argent dans le
Québec, les parents qui sont capables de payer des cours spéciaux
à leurs enfants, qui sont capables de les envoyer dans des écoles
privées pour apprendre un peu d'anglais, qui sont capables de payer une
session d'été ou de faire voyager leurs enfants durant
l'été dans un des Etats voisins, qui sont capables enfin de faire
en sorte que ce test puisse n'être qu'une simple formalité.
En réalité la seule question que pourrait comporter ce
test, c'est: Do you speak English? Et si l'élève répond
oui, ça va être encore mieux que le colonel Sheldrick cet
après-midi.
M. CHARRON: Diriez-vous que l'article 50, tel que rédigé
dans le projet de loi, où on dit qu'il appartient à chaque
commission scolaire, commission scolaire régional et corporation de
syndics, de déterminer la classe, le groupe ou le cours auquel un
élève peut être intégré, eu égard
à ses aptitudes dans la langue d'enseigne- ment... Notez qu'on ne parle
pas du test, le test c'est le ministre qui se le réserve en vertu de
l'article 51; si jamais ça va mal quelque part, sous pression publique,
un Saint-Léonard, un Brossard, un Laval, le ministre peut intervenir
avec le test.
Mais sans ça c'est à la discrétion comme vous dites
pour reprendre le vocabulaire suave du ministre de l'Education
des instances décentralisées. Les instances
décentralisées ont-elles actuellement dans votre pratique de
l'enseignement et du monde de l'enseignement, M. Charbonneau, ce pouvoir?
Est-ce que ce sont elles qui établissent la classe, le groupe ou le
cours auquel un élève peut être intégré?
M. CHARBONNEAU: II me pareil que les commissions scolaires ont une
certaine possibilité de classer les étudiants selon certaines
rubriques ou certains points de référence mentionnés
à l'article 50. Mais il me parait qu'en ce qui concerne le choix d'une
langue d'enseignement, on ne peut pas se permettre d'avoir une mosaïque de
politiques locales.
Il y a, je crois, 225 commissions scolaires environ dans le
Québec, si on compte les régionales et les locales; il y a une
certaine transformation constante des juridictions des commissions scolaires,
mais peu importe, il y en a au-delà de 200. Et à ce moment
chacune pourrait avoir son brin de politique, une poussée par ci, une
poussée par là, une politique ici, une politique là, et
à l'intérieur du Québec, on se retrouverait avec un grand
nombre de modalités d'application d'une soi-disant politique
linguistique. On s'apercevrait au bout de la course qu'il n'y en a pas de
politique linguistique, parce que chacune peut effectuer le classement et
répondre aux pressions du milieu, si un milieu a 25 p.c. d'anglais, si
un autre en a 10 p.c. et si un autre n'a pas d'anglophone, en fait, selon
toutes les colorations régionales que nous puissions imaginer. Il me
paraît que si le ministre de l'Education profite de cette occasion pour
nous parler de décentralisation, c'est à peu près
l'équivalent d'une abdication sur ce qu'il y a de plus fondamental comme
une des responsabilités d'un ministre de l'Education dans un Etat
à majorité francophone ici.
M. CLOUTIER: Si c'était, M. Charbonneau, le même test
parce que la loi telle que rédigée le permet
imposé aux commissions scolaires partout sur le territoire
québécois...
M. CHARBONNEAU: Je vous ai dit...
M. CLOUTIER: ... est-ce que vos objections tomberaient?
M. CHARBONNEAU: Elles ne tomberaient pas parce que j'ai pris la peine
tout à l'heure de préciser qu'indépendamment de ce que
vous feriez ou du degré de force ou d'obligation que vous donneriez
à ce test, ce qui est
mauvais à la base, c'est que des individus puissent, par leur
choix personnel, contrevenir à un bien collectif, à l'essor ou
à la promotion du bien collectif qu'est la langue française pour
la majorité francophone par la juxtaposition et l'addition à
travers les années et l'accumulation des décisions et des tests
réussis quels qu'ils soient. On arriverait encore à se retrouver
au bout de la course avec des transferts linguistiques et on n'a plus le moyen
actuellement d'accepter ce genre de transfert linguistique ici au Québec
en faveur de l'anglais.
M. CLOUTIER: Cest cela, c'est une option. Parce qu'il est bien
évident que le test peut restreindre, mais n'interdit pas les transferts
dans certaines conditions. Ce que vous souhaitez, c'est la création d'un
réseau unique, en quelque sorte, alors que, soit dit en passant, vous
êtes au courant probablement, le PQ a ici même et même
publiquement dit qu'il souhaitait deux réseaux d'éducation ici au
Québec et était même disposé à donner des
garanties au réseau anglophone.
M. CHARRON: Je ne sais pas si c'est une perche ou un panier que
s'imagine me poser le ministre de l'Education...
M. CLOUTIER: Non. Je fais ma politique moi aussi. Je crois qu'il ne faut
pas qu'il y ait de l'ambiguïté et j'aimerais bien que les positions
de votre parti soient clairement établies.
M. CHARRON: J'ai simplement repris, à peu près dans le
même style que la CEQ le fait dans son témoignage, que nous
considérons qu'il peut exister un réseau scolaire pour les gens
qui sont, comme dit M. Charbonneau, véritablement anglophones,
c'est-à-dire ceux qui sont de langue maternelle anglaise ou ceux qui
sont déjà inscrits dans le système parce que, par votre
faute et la faute de ceux qui ont laissé croupir le système, il
se trouve des gens inscrits et il n'est pas question maintenant de les retirer
de... une fois qu'ils...
M. CLOUTIER: Ce n'est pas ce que souhaite la CEQ. Relisez le
mémoire. La CEQ souhaite la disparition du réseau. Je ne sais pas
si j'interprète bien votre pensée, M. le Président, vous
me corrigerez. Elle souhaite la disparition du réseau anglophone, elle
est prête à concevoir des aménagements à
l'intérieur du réseau unique intégré qui est un
réseau francophone et souhaite même le rapatriement de tous les
élèves, c'est-à-dire de tous ceux qui, depuis plusieurs
années, au fond depuis la loi 63, ont transféré dans le
réseau anglophone. Cela va très loin. Alors, c'est pour cela que
je voudrais que vous réfléchissiez un peu avant d'approuver trop
vite.
M. CHARRON: M. le Président, je veux demander à M.
Charbonneau d'expliquer la position de la Centrale de l'enseignement du
Québec sur l'intégration des immigrants.
M. CHARBONNEAU: Même si le ministre de l'Education soulève
ou émet certaines remarques dans le sens qu'il y a des
différences entre la position de la CEQ et la position du PQ, cela ne
fait que montrer que nous ne sommes pas une succursale si évidente.
M. CLOUTIER: Vous dites: Une succursale si évidente. Je vous
cite...
M. CHARBONNEAU: Si évidente que vous l'avez dit à un
moment donné dans certaines envolées.
M. CHARRON: Les envolées du ministre de l'Education, faites
attention!
M. CHARBONNEAU: II y a beaucoup plus...
M. CHARRON: Vous manquez quelque chose quand vous en manquez une!
M. CHARBONNEAU: II y a beaucoup plus d'envolées que
d'atterrissages!
M. CLOUTIER: Rappelez donc le député de Saint-Jacques
à l'ordre avant qu'il fasse des bêtises.
M. CHARBONNEAU: Alors, en ce qui concerne les immigrants...
M. CHARRON: II est même très élégant,
même dans ses envolées. On a de la classe, beaucoup de classe.
M. CLOUTIER: C'est ce dont il est jaloux!
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!
M. CLOUTIER: Calmez votre jeune compagnon!
M. MORIN: Revenons à nos moutons.
LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de
Saint-Jacques.
M. CHARBONNEAU: Alors, en ce qui concerne notre politique linguistique,
je crois que le ministre de l'Education ne nous a pas mal
interprétés. Cependant, il n'a pas été complet dans
son résumé en ce qui concerne nos exigences ou nos souhaits
si vous aimez mieux, M. Déom, nos souhaits, nos exigences
à l'encontre des blessures que notre majorité francophone a
subies depuis quatre ans. Nous préconisons l'instauration d'un
réseau scolaire
public intégré ou unifié et ce que nous
répétons ici à l'occasion d'un débat sur la langue
est à joindre à ce que nous avons déjà dit à
propos d'autres projets de loi concernant le regroupement des commissions
scolaires, lois 27, 28, 72, etc.
Nous préconisons que, dans le Québec, il faut que la
gestion des affaires scolaires dans le milieu soit confiée à des
commissions scolaires qui donnent des services à la population de leur
territoire, quelles que soient la langue, la croyance, ou même un
enseignement de type non confessionnel, mais que ce soit donné par une
instance intégrée, unifiée. A partir de là, c'est
ce que nous voulons dire par l'expression "réseau scolaire public
unifié francophone". Pourquoi francophone? Parce que toute
administration publique dans le Québec, d'après nous, doit
être francophone, et à l'intérieur de ce réseau de
commissions scolaires dispensant ces enseignements, nous acceptons qu'il y ait
certaines formes d'aménagements sous forme d'écoles ou de classes
dans des écoles, des aménagements à la disposition de la
minorité, mais de la véritable minorité anglophone.
D'après nous, nous avons pris comme ligne de partage des eaux, 1969,
moment où le bill 63 a été adopté. C'est un
critère comme un autre, on aurait pu remonter en 1961, au dernier
recensement. Mais nous pensons qu'il y a eu des débats suffisamment
perturbateurs dans le Québec depuis 1969 sur la question linguistique
depuis le bill 63, nous pensons que cette loi a été vraiment une
date historique dans le Québec à tel point que nous croyons
pouvoir considérer ce critère comme valable.
Les immigrants, anglophones ou non anglophones, qui arrivent au
Québec, à compter de maintenant ou qui sont arrivés au
Québec depuis 1969, depuis la loi 63, nous pensons qu'ils devraient
obligatoirement être dirigés vers les écoles francophones.
Comme mesure d'adaptation ou d'acculturation, il est bien clair que nous sommes
prêts à un train de mesures souples, progressives. Il est bien
clair que, si on veut que les Italiens qui sont venus ici aujourd'hui ou que
d'autres minorités aiment vivre en français, s'intègrent
réellement et harmonieusement à la majorité francophone,
cela ne peut pas se faire par des contraintes pesant sur les individus comme
tels, des contraintes rigoureuses et détestables qui feraient en sorte
que ces gens auraient l'impression d'être introduits de force dans un
milieu hostile. Ce n'est pas notre politique, ce ne serait pas notre
manière d'appliquer une telle politique. Alors, il pourrait y avoir des
possibilités graduellement, au niveau de l'enseignement donné
à compter de quatre ans. Nous réclamons de toute façon des
maternelles et des prématernelles pour tous les enfants du Québec
et non seulement les enfants d'immigrants. Il est bien sûr que par des
mesures commençant à l'adresse des jeunes enfants, des immigrants
inclusivement, nous pourrions peu à peu introduire ces jeunes enfants
d'immigrants dans le cercle de vie francophone puisque, par ailleurs, dans
notre esprit, d'autres dispositons assureraient, mais vraiment cette fois, la
primauté du français à tout point de vue social et
économique, dans les affaires, dans le travail, le français
étant devenu une langue qui a de l'attrait, il nous serait assez facile
d'imaginer des mesures d'intégration progressive pouvant, par exemple,
recouvrir les premières années du cours élémentaire
inclusivement. Cela pourrait être à compter de quatre ans,
jusqu'à huit ans ou neuf ans, il pourrait y avoir un enseignement
décroissant incluant une bonne partie d'enseignement fait dans la langue
maternelle des individus. Mais, à travers ça, il y aurait une
tendance, il y aurait une poussée, je ne dis pas de contrainte sur les
individus mais nous disons de contrainte au point de vue des tendances. Peu
à peu, il y a un sens à cette politique et peu à peu, les
immigrants deviennent francophones parce que les rouages les ont
intégrés et assimilés progressivement. Ne craignons pas le
mot, il faut chercher comme majorité à assimiler les
minorités, sinon, c'est l'inverse qui se produira. Nous ne sommes pas
encore prêts à concéder cela.
M. CHARRON: M. Charbonneau, vous affirmez au haut de la page 8 de votre
mémoire que plutôt que de chercher à devenir un exemple
pour le monde entier comme l'a prétendu le ministre de l'Education, nous
devrions plutôt nous contenter de l'affirmation d'une dignité
enfin retrouvée. Vous mentionnez dans la dernière partie de ce
paragraphe que, s'il est adopté par une députation
majoritairement francophone, ce projet de loi et cette décision
constitueront un précédent historique que vous qualifiez dans les
lignes qui suivent et j'ai remarqué que, quand vous avez lu ce passage,
tout à l'heure, vous avez insisté de façon
particulière. Est-ce que je peux vous inviter encore à
préciser l'insistance que vous avez mis à la lecture de ce
texte.
M. CHARBONNEAU: Cela fait partie des humiliations que nous avions
prévues, que de répéter des paragraphes comme ça,
en venant devant une commission parlementaire. Nous sommes dans une terre, dans
un pays où la population est à 80 p.c. francophone, nous sommes
face à une Assemblée nationale dominée par une
majorité écrasante composée elle-même d'une
majorité écrasante de francophones à l'intérieur
même et nous avons connu, depuis des générations, des
problèmes aigus du côté linguistique, du côté
du développement de notre culture, du côté de notre
développement socio-économique. Il y a des études à
la douzaine maintenant et que ne conteste même pas le ministre; dans
aucun de ses exposés, il ne prend la peine de réfuter ces
études, de toute façon, les études de Castonguay,
certaines études du rapport Gendron, les études que j'ai
citées tout à l'heure, il ne prend même pas la
peine de les réfuter. Des dizaines et des dizaines
d'études, de statistiques montrent l'évolution de la
collectivité francophone que le ministre appelle la communauté
francophone à l'intérieur du Québec.
Nous savons maintenant où nous allons, où nous nous
dirigeons, s'il n'y a pas de politique plus noble, plus digne de la
majorité qui est adoptée maintenant. Nous nous retrouvons avec le
projet de loi 22 devant une espèce d'éblouissement pour
naïfs, une espèce de grand parapluie plein de trous, une
législation d'envergure mondiale, que sûrement on se passera sur
les tables des sommets de la francophonie. Pourtant, c'est un grand manteau
plein de trous, à chaque fois que vous ouvrez un volet de ce projet de
loi, vous retrouvez un mais, une exception, une possibilité, vous
retrouvez, reformulée, après l'affirmation initiale, en faveur du
français, une affirmation toute aussi importante, qui n'est pas dans le
titre cependant, en faveur du maintien ou de la reconnaissance de la langue
anglaise.
Cela a consacré de façon définitive le statut
officiel de l'anglais et du français, avec une certaine priorité,
nous l'admettons, nous l'avons dit; le premier paragraphe parle du
français et le deuxième de l'anglais, c'est une priorité.
Il faut être sérieux. Alors, avec un certain type de
priorité, des lettres plus grosses ou je ne sais trop, on verra à
l'application. Il y a toutes sortes de règlements qui viendront, de
toute façon, on ne les a pas vu, personne, enfin, personne d'entre nous,
le monde ordinaire. Alors, cette politique linguistique qui s'en vient ici va
certainement établir le caractère officiel de l'anglais à
une série de domaines où l'anglais n'était pas reconnu de
façon aussi explicite, comme langue officielle. Bien sûr, je pense
qu'au fond cela correspond à une certaine philosophie de gouvernement
qui voit où son peuple se dirige et lui dit : Va-t-en par là,
ça presse. Bien sûr, on sent, on sonde, on vient à se faire
une idée, d'où s'en va instinctivement, naturellement la
collectivité québécoise, c'est la majorité
francophone. Cela se sent ces choses. On fait des sondages pour pouvoir
l'expliciter et ensuite on dit: Voici, nous légiférons comme
ça. Il faut que cela aille de cette façon.
C'est une certaine philosophie de gouvernement, bien sûr. Je pense
que ce n'est pas ce genre de politique dont nous avons besoin, si on pense que
cette majorité francophone doit être maîtresse sur son
territoire, avoir un essor, une vie propre, un projet social, économique
et politique qui lui appartienne en fonction de son identité.
Nous n'avons absolument aucune indication de volonté de la part
du gouvernement d'aller dans ce sens, sous aucun de ses angles à
l'examen sérieux du projet de loi. Un grand manteau plein de trous, un
bill pour boiteux, oui, mais, oui, mais, oui, mais.
M. CHARRON: M. Charbonneau, je regrette de vous avoir demandé de
refaire ce que vous avez considéré comme une humiliation devant
la table de la commission, mais si je vous ai demandé de le faire, c'est
parce qu'il y a encore des gens qui espèrent que l'immense
majorité gouvernementale trouvera au moins une ou deux exceptions
à l'exception de ceux qui essaient de devenir temporairement les
Arsène Lupin de la langue française, mais pour d'autres qui se
trouvent dans cette majorité, des hommes pour qui l'humiliation dont
vous parlez déclenchera un sursaut de dignité, à un moment
donné, il y en a encore qui espèrent. Je dois vous dire que je ne
suis pas de ceux-là. Je vous remercie d'avoir répondu à
mes questions.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Beauce-Sud.
M. ROY: M. le Président, toujours avec les mêmes
réserves du début, parce qu'à chaque fois que je parle du
projet de loi 22, j'ai toujours l'impression de marchander et de
négocier ce que nous avons le plus à nous, notre langue, je dois
dire que c'est à peu près la seule chose actuellement que nous
avons au Québec qui nous appartienne et qui n'est pas taxée, du
moins pas taxée encore.
Si je regarde l'article 31, je me demande si le projet de loi 22 est
adopté, nous n'aurons pas à payer des taxes pour
récompenser les autres de parler notre langue.
Je retrouve justement dans le mémoire de la CEQ des principes et
des propos que j'avais tenus lors de l'ouverture de la commission
parlementaire, ce qui prouve une chose. Je pense que le ministre commencera
à se rendre compte dans quel soulier il est, pour ne pas dire dans
quelle culotte il se trouve, à se rendre compte, que tous les
Québécois et que de plus en plus de Québécois font
bloc contre le projet de loi 22.
Ma question va être très courte, parce que je
considère toujours que la culture, la langue et la fierté d'une
nation ne se négocient pas. J'ai une seule question à poser au
président de la CEQ. Seriez-vous d'accord pour dire que le ministre de
l'Education devrait être assez patriote et assez courageux pour retirer
son projet de loi dès maintenant?
M. CHARBONNEAU: Je pense que c'est un plaisir pour moi d'être
contraint de le répéter; c'est bien clair, au risque de passer
pour une succursale créditiste cette fois-là.
M. CLOUTIER: M. le Président de la CEQ, le vrai risque n'est pas
de votre côté, il est du côté du député
de Beauce-Sud quand il vous attaquera à l'Assemblée nationale et
qu'il se plaindra des enseignants.
M. ROY: M. le Président, je me dois d'invoquer le
règlement.
M. CLOUTIER: Régulièrement.
M. ROY: Le ministre veut aller un peu loin. Attendons que les
débats arrivent au fur et à mesure. Je n'ai jamais eu peur de
dire ce que je pense et j'ai encore démontré ce soir que je n'ai
pas peur de dire ce que je pense.
M. CLOUTIER: Ce serait trop...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Lauren
tides-Labelle.
M. LAPOINTE: M. le Président, si on regarde quelques paragraphes
du mémoire de la CEQ, le paragraphe 2 de la page 1 et l'avant-dernier
paragraphe, il est dit que le Québec ne réussira à
régler de façon définitive son problème qu'au
moment où il aura la volonté et le courage politique de
procéder à la repossession des leviers de contrôle de son
économie. A la fin, on dit: "A compter de maintenant, nous devons nous
rappeler que la libération linguistique n'est pas suffisante en soi, que
toutes les libérations se tiennent".
Est-ce qu'on doit comprendre que la CEQ lie la question linguistique
à l'indépendance économique du Québec?
M. CHARBONNEAU: M. le Président, je dois dire que j'ai
été bien touché d'entendre Roger relire certains
paragraphes de notre mémoire avec vraiment beaucoup de
compréhension. Cela me rappelait certaines époques où il
le lisait parce que c'étaient ses convictions. Cela l'est
peut-être encore d'ailleurs. C'est pourquoi il questionne. C'est clair
qu'il y a des liens à établir entre la libération
linguistique, la question linguistique et l'épanouissement, le
développement et la possession de nous-mêmes en entier.
C'est bien évident, je l'ai dit tout à l'heure, ce n'est
pas à la langue... Qui a déjà vu cela quelqu'un qui a mal
à la langue? On dirait qu'on est actuellement en train de se faire
croire qu'on a mal à la langue. C'est un des aspects de notre
problème. Si on a des problèmes linguistiques, c'est parce qu'il
y a tout un environnement qu'on ne possède pas. Il y a toutes sortes de
leviers de commande du destin, de l'avenir de notre collectivité que
nous ne possédons pas. Cela a des répercussions sur l'aspect
linguistique. Alors, nous n'extrayons pas de son contexte ce qui y est si
intimement relié. Bien sûr, il y a des liens à
établir, et nous sommes en train, à côté de beaucoup
d'autres groupes populaires dans le Québec, de définir peu
à peu des volontés de changer ces choses. C'est pourquoi nous
affirmons que ces diverses libérations se tiennent, mais qu'on ne nous
fasse pas dire que nous sabordons le débat linguistique en vertu d'une
lutte idéologique globale. Je sais que ces tentations ont
déjà effleuré certains porte-parole en haut lieu, pas si
loin d'ici. Mais qu'on ne nous fasse pas dire que l'idéologie supplante
notre réalisme. Même si nous faisons ces liens qu'il faut faire et
qu'il faut être fier de faire entre les divers aspects de notre
libération collective, nous avons le réalisme de proposer une
politique linguistique, même si nous savons qu'elle est très
difficile à réaliser comme telle, extraite d'un projet global.
Nous savons qu'elle est difficile à réaliser, peut-être
même impensable à réaliser, extraite de son contexte. Mais
nous aurions l'impression, le sentiment de manquer à notre devoir actuel
si nous nous refusions à des propositions qui ne font injure à
personne qu'on y songe à deux reprises qui ne font injure
aux droits de personne dans le Québec, ni des immigrants, ni des
anglophones, qui, bien loin de faire injure aux droits des francophones,
permettraient de donner plein espoir à la majorité francophone au
point de vue de son développement.
Nos propositions ne sont une attaque contre personne, ne sont
extrémistes en rien. Personne ne pourrait nous dire que nous proposons
quelque chose, aveuglés par une idéologie. Cependant tout se
tient.
M. LAPOINTE: Je me passerai de commentaires, M. le Président, sur
les remarques de mon ami Yvon, au tout début. Cela pourrait soulever un
débat.
De toute façon, j'aurais une autre question. Si on va à la
page 2, vous parlez du respect du bien des élèves actuellement
engagés dans le système scolaire anglais, celui des immigrants
par l'aménagement d'une structure efficace d'accueil et celui des droits
de la minorité anglaise. A la page 8, vous dites que tous les
Québécois, qu'ils soient natifs du Québec ou immigrants,
doivent être reconnus comme des égaux en dignité et en
droit; Nous croyons que les individus devraient être
protégés contre toute discrimination fondée sur l'origine
ethnique.
A la page 9, vous me direz s'il peut y avoir une contradiction, vous
dites: "Nous exigeons le rapatriement immédiat des francophones
passés au secteur anglophone depuis 1969, le retour progressif à
l'école française des enfants d'immigrants anglophones et autres
qui ont choisi l'école anglaise depuis 1969; nous réclamons
l'interdiction pour les francophones de s'inscrire aux classes ou écoles
spécialement aménagées pour ceux que nous appellerions la
véritable minorité anglophone du Québec, etc."
Il me semble y avoir une contradiction entre ces divers paragraphes.
M. CHARBONNEAU: Je pense que cette question nous donne l'occasion de
préciser vraiment... Je vais essayer d'être encore plus clair que
tout à l'heure, mais c'est la même question qui m'est posée
cette fois-ci encore. Je pense que c'est l'équivalent. C'est
l'explication de notre politique linguistique face aux immigrants ou face
à la minorité, puisque vous nous parlez de respect des droits des
minorités à travers tout cela et que tout le monde doit
être sur le même pied; enfin, je revois la même
question au fond. Ce que nous préconisons, c'est
l'étalement dans le temps de l'intégration et de l'assimilation
des minorités, des immigrants et de la minorité ou des
anglophones depuis 1969. Ce qui implique le rapatriement au secteur francophone
des élèves francophones qui ont choisi l'anglais depuis 1969.
Cette loi n'aurait pas dû exister. D'ailleurs, le
législateur fait mine de la retirer. Nous pensons que, s'il est
conséquent, il devrait en réparer les effets.
Premièrement, les francophones qui ont choisi l'école
anglaise depuis 1969 devraient être réintroduits là
où ils n'auraient jamais dû cesser d'aller à
l'école. Je ne pense pas que cela soit faire injure à leurs
droits. Je vais y aller point par point parce que je pense qu'il y a trois
catégories dans votre question.
Quant aux francophones, il est normal que, d'abord, ils épousent
à fond leur condition de francophones. Il est normal qu'ils aillent
à l'école élémentaire francophone et à
l'école secondaire française aussi parce que c'est là
qu'ils deviendront des citoyens québécois à part
entière, des membres de la collectivité francophone. C'est
ça que ça veut dire: la langue nationale, facteur de
cohésion. Pour eux, je ne vois aucun problème d'injustice ou quoi
que ce soit.
Qu'en est-il maintenant pour ce qui est des immigrants arrivés au
pays depuis 1969, qu'ils soient d'origine anglaise ou non? Premièrement,
si cette catégorie de personnes est actuellement inscrite à
l'école anglaise par choix fait depuis 1969, nous demandons le retour
progressif au secteur francophone de ces gens; retour progressif, il y a le
principe de l'étalement dans le temps. Il s'agit de programmer
l'affaire, il s'agit d'adopter le principe, il s'agit de créer une
tendance je pense que c'est cela une politique et ensuite, qu'on
programme l'affaire. Dans quelques années, ces gens, qui sont
actuellement dans le secteur anglophone, qui portent à 1,300,000, sans
doute, la minorité anglophone dont parlait le colonel cet
après-midi, parmi ces 1,300,000, il doit certainement ramasser des
Français et des Italiens. Alors, nous pensons que c'est nettement
gonflé et que cela doit revenir progressivement à l'école
française. Il s'agit de programmer, il s'agit de vouloir, comme homme
politique, que cela se fasse. Je ne pense pas que cela soit faire injure
à leurs droits. Ils sont, à ce moment, lancés dans un
cadre qui est conforme aux aspirations minimales de la majorité.
Qu'arrive-t-il au sujet des Anglais, des vrais Anglais? On ne remonte
pas à un siècle en arrière, en 1969. Que cela soit des
Anglais devenus Anglais par immigration, assimilation ou quoi que ce soit, on
ne se fatigue pas avec cela. Des vrais Anglais, ceux que nous aidait à
définir notre ami Veilleux au Conseil provincial de 1969, à la
CEQ, quand il faisait voter, en amendement à nos politiques
linguistiques préconisant l'unilinguisme, de bien considérer que
les Néo-Québécois arrivés au pays en février
1969 devaient être considérés comme membres à part
entière de la minorité anglaise. Et nous étions d'accord
sur les propositions Veilleux de l'époque.
M. VEILLEUX: C'était une...
M. ROY: M. Veilleux ne nous a jamais dit cela.
M. CHARBONNEAU: Cest un cachottier. Il n'y a pas si longtemps qu'il
commence à s'asseoir du côté de l'Opposition. Jacques, il y
a encore de l'espoir.
M. CLOUTIER: Vous êtes venu ici pour faire du recrutement?
M. VEILLEUX: Je tiens à vous dire d'ailleurs, je l'ai
déjà dit à une précédente séance de
la commission parlementaire que le simple fait que je sois assis de ce
côté-ci, ne veut pas nécessairement dire que je faisais
partie de l'Opposition.
M. MORIN: Non. Non. Je vous assure que non.
M. VEILLEUX: Mes collègues...
M. CHARBONNEAU: Pas nécessairement.
M. VEILLEUX: ... sont tellement nombreux de l'autre côté
que cela prend quelqu'un de ce côté-ci. C'était la fois
où, lorsqu'on pouvait discuter avec une certaine cohésion...
Mais je n'ai pas l'intention de ressortir des choses qui se sont
passées au conseil provincial parce que je suppose, à
l'époque, et je me souviens que, lorsque nous avions ces discussions,
cela se faisait à huis clos et cela devait rester à
l'intérieur du conseil provincial, parce qu'il y a bien des choses, M.
Charbonneau, que je pourrais relever de l'époque et je pourrais vous
mettre en contradiction avec aujourd'hui aussi.
M. CHARBONNEAU: Ne revenez pas.
M. VEILLEUX: Quand vous mentionnez, vous répondez à la
question de mon collègue et du député de Saint-Jacques, je
pense que vous faites mention quand même d'un point important qui est le
transfert de francophones dans le secteur anglophone. Vous aviez dit tout
à l'heure que des associations locales ou régionales de la
corporation avaient des statistiques sur le passage des francophones dans le
secteur anglophone.
M. CHARBONNEAU: Oui.
M. VEILLEUX: Mais est-ce que la raison principale qui a fait que ces
francophones se sont transférés ou ont
préféré le secteur anglophone au secteur francophone...
est-ce que vous avez la ou les raisons qui amènent les francophones
à passer dans ce secteur?
M. CHARBONNEAU: La raison nous semble être le choix des parents.
Il n'y a pas même à répondre à des
questionnaires.
M. VEILLEUX: Non, pourquoi?
M. CHARBONNEAU: C'est le choix d'un certain nombre de parents.
M. VEILLEUX: Oui, mais pourquoi les parents...
M. CHARBONNEAU: Je vais vous dire quelque chose là-dessus...
M. VEILLEUX: Ce que je veux dire, M. Charbonneau, c'est pourquoi les
parents ou des parents font ce choix?
M. CHARBONNEAU: Oui. Il y a la question de M. Hardy qui s'en vient, il y
a la vôtre qui est posée et il y a le troisième volet de la
question de M. Lapointe qui n'a pas encore trouvé sa réponse.
M. HARDY: C'est la même.
M. CHARBONNEAU: D'accord. On répon-ira à cela en
même temps. La troisième de Roger, le troisième volet,
c'était :Crée-t-on des situations d'injustice? J'avais
analysé le sort ou la situation des francophones qui ont choisi
l'école anglaise, les immigrants. J'étais en train d'expliquer
notre politique concernant les véritables anglophones, ceux qui avaient
choisi l'école anglaise en 1969. Notre politique prévoit que,
pour ces gens, il y a une possibilité d'avoir des écoles ou des
classes où la langue d'enseignement soit la langue anglaise, leur langue
maternelle. Ces gens non plus, dans notre politique, ne se voient brimés
en aucune façon. C'est notre manière à nous, en respectant
le principe qui est le principe premier de notre politique, que la langue
française comme langue officielle est un bien collectif qui doit
être tout d'abord objet de politique, avant que l'on ne s'évertue
à protéger ou à définir les droits ou les
situations des groupes minoritaires, nous respectons ces minorités, mais
avant de s'ingénier à trouver des formules pour toutes les
minorités, nous aimerions que le gouvernement s'ingénie à
faire un sort clair à l'avenir de la majorité. Il me semble que
cela a du bon sens? N'est-ce pas Roger?
M. LAPOINTE: Cela ne convainc pas, M. le Président, il y a une
certaine contradiction quand même entre les trois paragraphes que j'ai
énumérés, particulièrement le principe qu'on
apporte à la page 2 par rapport aux autres paragraphes que j'ai lus. De
toute façon, je n'ai pas d'autres questions.
M. CHARBONNEAU: Roger, est-ce qu'il n'y a pas une contradiction entre
l'annonce faite par le premier ministre le soir de son élection de
permettre aux commissions parlementaires de parcourir le Québec sur des
questions importantes? Ce n'est pas important cela, M. Lapointe?
M. LAPOINTE: Je ne veux pas soulever un débat ici. La commission
a pris une décision à ce sujet.
M. CHARBONNEAU: Etiez-vous là quand...
M. LAPOINTE: Je pense bien qu'on peut entendre ici les gens qui veulent
se faire entendre. C'est ce qu'on fait dans le moment.
M. CHARBONNEAU: Je présume que vous êtes...
M. LAPOINTE: C'est ce qu'on a fait toute la semaine dernière et
c'est ce qu'on fera dans toutes les semaines qui vont suivre.
M. CHARBONNEAU: J'ose croire que vous ne détesteriez pas avoir
une commission parlementaire à Sainte-Agathe ou Mont-Laurier?
Pour la question de M. Veilleux, qui semble être celle de M.
Hardy, nous pensons que ce problème ne trouverait pas sa solution par le
biais du projet de loi 22.
M. VEILLEUX: M. Charbonneau, dans des régions comme par exemple
l'Outaouais, pour ne mentionner que celle-là, il y a un pourcentage
d'ailleurs même à Saint-Jean de parents francophones
qui ont choisi pour leurs enfants le secteur anglophone. Je vous demande si
vous connaissez les raisons principales qui font que des parents francophones,
un jour, font ce choix?
M. CHARBONNEAU: Oui, et nous avons maintes fois exprimé notre
compréhension profonde du choix que font certains parents, qui son
très souvent des travailleurs ce n'est pas seulement une certaine
élite qui fait ce choix qui choisissent le plus tôt
possible l'enseignement en anglais pour leurs enfants.
Nous avons exprimé notre compréhension publique pour ces
personnes qui font ces choix et, jusqu'à un certain point, nous trouvons
que ce sont les gens les plus lucides, des gens qui ont en quelque sorte fait
un choix, choix pas mal semblable à celui que le gouvernement
s'apprête à faire, que, de façon définitive, de
toute manière, quoi qu'on y fasse, le succès dans la vie, c'est
en anglais.
D y a ce choix. Ce n'est pas nécessairement clair, M. Hardy, pas
nécessairement un choix
explicite. Si vous demandez au travailleur à $5,000, $6,000 ou
$7,000 par année, pourquoi il fait ce choix, il va dire: Pour que mon
enfant n'ait pas les problèmes que j'ai eus, moi; pour que mon enfant ne
soit pas privé de promotion, ne soit pas privé de tel ou tel
poste qui m'a filé sous le nez quand j'étais plus jeune.
Probablement qu'ils vont vous répondre dans ce sens, dans les meilleurs
cas. Il y a d'autres personnes qui peuvent le faire pour d'autres type
d'intérêts, mais je parle de moyenne et j'essaie d'être de
bonne foi.
A ce moment, ça montre, M. Veilleux, à mon avis, pour
avoir une conclusion à ce raisonnement, que les travailleurs sont
forcément conditionnés par le milieu socio-économique
où prévaut l'anglais. La langue du succès, la langue de
l'épanouissement, la langue du développement, la langue des hauts
salaires, de la promotion sociale, Sheldrick l'a dit, même pour les
ministres, c'est l'anglais.
Ce sont quand même des données fondamentales et un
travailleur qui choisit ça pour son enfant, jusqu'à un certain
point, il est lucide, parce qu'il a désespéré que ce
gouvernement change des choses.
M. HARDY: M. Charbonneau, votre réponse à la question de
M. Veilleux nous démontre que vous patinez aussi bien que certains
politiciens.
M. VEILLEUX: Pour revenir au sujet...
M. CHARBONNEAU: On va prendre la bonne partie de cette affirmation, si
vous le permettez soit que les politiciens patinent.
M. VEILLEUX: M. Charbonneau, je n'aurai plus le temps de vous poser de
questions s'il commence à y avoir une discussion de
procédure.
LE PRESIDENT (M. Gratton): J'aimerais simplement rappeler aux membres de
la commission qu'il reste six minutes et que le chef de l'Opposition a
demandé le droit de parole.
M. VEILLEUX: Est-ce le chef de l'Opposition, M. le Président, qui
a la parole ou moi?
LE PRESIDENT (M. Gratton): Non. C'est vous qui l'avez, mais je vous
demanderais d'être aussi concis que possible.
M. VEILLEUX: Cela fait à peine quinze secondes. Cet
après-midi, je n'ai pas été capable de poser de questions,
manque de temps, je ne voudrais quand même pas que cela m'arrive ce
soir.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Allez-y, cher ami.
M. VEILLEUX: Ce qui revient à dire, si je vous comprends bien, M.
Charbonneau, que l'enseignement de la langue seconde, par exemple, dans le
secteur secondaire, aurait pu être déficient jusqu'ici dans le
secteur francophone, ce qui fait que, possiblement, à un certain moment,
les parents posent ce choix.
M. CHARBONNEAU: C'est un autre facteur qui a pu être à la
base du choix d'un certain nombre. Tout à l'heure, j'ai bien pris soin
de le dire, je crois qu'il faut d'abord expliquer les choses par leur fondement
réel, les choix socio-économiques m'apparaissaient plus
fondamentaux. Il y a certainement aussi des gens, des adultes, des personnes
qui ayant eu elles-même la chance d'acquérir une bonne
connaissance de l'anglais se rendent compte que l'enseignement de l'anglais au
niveau de l'école secondaire laisse à désirer, mais ne
laisse pas à désirer nécessairement pour certaines raisons
que l'on cite quelquefois. Il y a quand même cinq heures d'enseignement
de l'anglais par semaine sur 35 périodes, le même nombre de
périodes que pour l'enseignement du français qui se donne
actuellement au secondaire.
M. VEILLEUX: Vous allez dire avec moi que ce n'est pas le fait qu'il y
ait cinq heures qui peut faire qu'une langue peut être apprise ou non,
c'est le programme qui a quand même son importance, la préparation
que peuvent avoir les enseignants, cela a aussi son importance et les
méthodes d'enseignement aussi.
M. CHARBONNEAU: Nous croyons vraiment que ce n'est pas la
quantité...
M. VEILLEUX: On pourrait peut-être en arriver à deux heures
en langue anglaise dans le secteur francophone et les étudiants qui
sortiraient du secteur secondaire pourraient s'exprimer ou pourraient
comprendre du moins un peu mieux l'anglais qu'ils le comprennent à
l'heure actuelle avec cinq heures. Ce n'est pas le nombre d'heures qui compte,
comme en français aussi d'ailleurs. Nous avions discuté avec
l'Association des professeurs de français du Québec longuement la
semaine passée de l'enseignement du français comme langue
maternelle dans les écoles du secteur francophone.
Nous avions trouvé conjointement le député de
Saint-Jacques, le représentant de l'Association des professeurs de
français et moi-même, certaines raisons qui faisaient que
l'enseignement pouvait être déficient, notamment dans la langue
maternelle et que ce n'était pas nécessairement dû aux
enseignants, mais à un manque de préparation, compte tenu, je me
souviens, de l'euphorie des méthodes nouvelles dans l'enseignement il y
a quelques années, lorsque j'étais moi aussi, en même temps
que vous, président de mon association dans ma région.
M. CHARBONNEAU: Je voudrais souligner
à ce propos qu'il y a un développement qui répond
exactement à votre préoccupation, M. le député
Veilleux, c'est à la page 15, quand nous exprimons très
clairement que nous sommes prêts à contribuer à la mise en
oeuvre de moyens qui permettront un meilleur enseignement de la langue seconde.
Mais quand nous voyons le ministre parler de tests comme porte d'accès
à l'enseignement en anglais et que, par ailleurs, nous faisons un lien
avec certaines dispositions du plan de développement d'enseignement des
langues qui prévoit la possibilité d'enseigner l'anglais
dès la première année, nous voyons déjà le
ministre préparer par des structures, comme il l'a si souvent dit, sa
politique linguistique de bilinguisation progressive sur le plan social.
Puisqu'en permettant, à compter de la première année,
à ceux qui le désirent, pour les francophones qui le
désirent, d'apprendre l'anglais à l'école
élémentaire, ces gens réussiront un test à la fin
de l'élémentaire pour passer à l'école anglaise
s'ils le désirent. On voit le nid qui se prépare par des mesures
administratives jamais discutées en Assemblée nationale.
M. VEILLEUX: Je termine, M. le Président, en citant la page 4,
où la centrale dit: "Plus de la moitié des articles de la loi
font directement référence à la langue anglaise". Disons
que j'ai fait un rapide relevé des quelque cent articles et j'en ai
remarqué 21 sur 130 où on mentionnait la langue anglaise. Dans
mon esprit, c'est pour limiter l'application de cette langue plutôt que
de lui donner une valeur officielle, comme vous semblez le démontrer
dans votre mémoire. Mais là, ça devient, de votre part
comme de ma part, de l'interprétation. Si je lis votre mémoire,
c'est entendu que vous n'avez pas la même interprétation de la
langue anglaise lorsqu'on la mentionne dans le projet de loi.
M. CHARBONNEAU: II y a tout le chapitre des dispositions finales, le
chapitre des enquêtes et le chapitre de la régie de la langue avec
toute sa composition, il y a à peu près quinze articles
là-dessus. Naturellement, ce n'est pas de ces articles dont on parle,
c'est de ceux qui essaient de poser un principe au niveau du statut de la
langue. Presque tous ces articles sont immédiatement démolis ou
troués par une disposition reconnaissant à 1 anglais une certaine
forme de statut officiel.
M. VEILLEUX: Ce que je voulais vous dire, c'est que j'ai noté 21
articles sur 130.
LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable chef de l'Opposition.
M. MORIN: M. le Président, même si je me rends compte,
à ma grande surprise, que la Centrale de l'enseignement du Québec
est une pépinière de députés libéraux,
j'aurais quelques questions à vous poser. A vrai dire, j'aurais eu de
nombreuses questions, mais nous nous som- mes fait un point d'honneur
jusqu'ici, de terminer vers onze heures.
J'aurais aimé vous interroger sur les conséquences, pour
les enseignants, de l'accélération du dépeuplement des
écoles francophones; c'eût été un chapitre où
vous auriez certainement eu beaucoup de choses à nous apprendre.
J'aurais aimé vous interroger aussi sur l'attitude des jeunes dans nos
écoles, à l'égard de l'enseignement de l'anglais et du
français aussi, car nos jeunes, sur le plan psychologique, même
jusqu'à l'université, me paraissent passablement
mêlés lorsqu'ils abordent cette question.
Je me contenterai d'une seule question, parce qu'elle m'a
intrigué plus que les autres, et j'avoue que j'ai plus à
apprendre sur le programme d'enseignement des langues que sur les autres
aspects. Vous m'avez beaucoup étonné; j'aurais cru que des
études à tout le moins préliminaires avaient
été entreprises par le ministère ou par les commissions
scolaires avant d'appliquer ce programme. Pourrais-je vous demander d'abord si
on vous a consulté, à tout le moins? Et quels ont
été les préparatifs en vue de ce programme d'enseignement
du français?
M. CHARBONNEAU: En ce qui concerne la préparation et
l'élaboration d'un tel plan de développement d'enseignement des
langues, je dois dire que nous n'avons jamais su que cela était en
préparation et je crois ne pas faire erreur en disant qu'il en va de
même pour nos collègues spécialisés en enseignement
du français.
M. MORIN: Le programme nous est arrivé comme un cheveu sur la
soupe? Sans préparation?
M. CHARBONNEAU: Oui. Comme une nouvelle à travers les barreaux.
C'était en avril 1973.
M. MORIN: Vous avez parlé, M. le Président, des
"retombées négatives" de ce programme d'enseignement des langues,
pour employer le vocabulaire du professeur Castonguay. Est-ce que vous pourriez
être un peu plus précis? Quelles sont, d'après votre
expérience, les retombées négatives...
M. CHARBONNEAU: Du plan? M. MORIN: Du plan.
M. CHARBONNEAU: Du plan en question.
D'abord, nous trouvons que ce plan, sous une enveloppe très
générale de plan de développement de l'enseignement des
langues, en réalité, à l'intérieur de l'allocation
des sommes et des millions relativement parlant à l'importance au niveau
numérique de ceux qui parlent l'anglais et le français à
l'intérieur des diverses dispositions relatives au perfectionnement des
enseignants, notamment ce que nous avons
étudié plus particulièrement. Il y a une
priorité relative, compte tenu de ceux qui parlent les deux langues,
accordée au perfectionnement des professeurs de langue seconde, de
langue anglaise. C'est prouvé, nous avons fait des recherches
là-dessus relativement au nombre de ceux qui parlent ces langues.
Il y a des dispositions dans ce plan qui font que des bourses sont
octroyées selon un meilleur contexte, avec plus de
bénéfice, plus facilement, pour ceux qui enseignent l'anglais
comme langue seconde que pour ceux qui iraient enseigner le français aux
anglophones. C'est un aspect que nous avons étudié.
Les retombées sont encore en train de se préciser. Si on
me parle d'une étude scientifique sur la qualité relative de la
connaissance du français et de l'anglais, de ceux qui aujourd'hui sont
en sixième année primaire, parce qu'ils auraient commencé
à apprendre l'anglais en troisième année, par rapport
à ceux qui autrefois... Vous voyez le genre d'études auquel il
faut se livrer. On n'a pas ce genre de données ici. Ce que nous savons,
par exemple, ce sont les conclusions auxquelles en sont arrivés les
professeurs de français et les professeurs d'anglais comme langue
seconde au Québec. Ces deux groupes de professeurs ont tenu des
congrès récemment, ont tenu des colloques, et on dit
qu'actuellement, en ce qui concerne en tout cas les professeurs de
français, la priorité devait être vraiment accordée
à tout niveau. Il y a un état d'urgence à créer
autour de l'enseignement du français à tout niveau jusqu'au
niveau collégial et universitaire et dans l'enseignement privé,
puisque cela occupe plusieurs millions du budget de l'éducation
maintenant.
En ce qui concerne l'enseignement de l'anglais, les professeurs de
l'Association SPEA, Société des professeurs de l'enseignement de
l'anglais comme langue seconde ont dit dans un récent colloque ou
congrès qu'il était devenu très difficile en quelque sorte
de motiver les francophones à l'enseignement de l'anglais pour des
raisons qui leur apparaissaient non pas nécessairement
pédagogiques mais d'ordre à la fois psychologique et
pédagogique. Il y a une espèce de résistance à se
faire enfoncer pour eux, à se faire en somme violenter au niveau de
l'apprentissage d'une langue qui leur apparaît comme
étrangère et comme celle du dominant. C'est l'expression
même utilisée par les professeurs de l'enseignement de l'anglais
comme langue seconde.
Je crois que ces deux témoignages nous indiquent vraiment vers
quelle situation déplorable on se dirige. Il y a une motivation
décroissante de la part des francophones à apprendre le
français, parce qu'ils savent que la langue des promotions est la langue
anglaise. Il n'y a même pas de motivation évidente pour les
francophones à apprendre l'anglais, parce que c'est la langue de la
fraction dominante de la société.
Or, on se dirige peu à peu vers la dégradation de notre
possibilité de nous exprimer. C'est extrêmement pénible,
cette situation. C'est vers cela qu'on se dirige peu à peu, un peuple
sans langue finalement.
M. MORIN: Oui.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, M. Charbonneau...
M. MORIN: Ces propos rejoignent, M. le Président, des
constatations semblables que j'ai faites au niveau de l'enseignement
universitaire. C'est ce même climat qu'on retrouve et chez les
enseignants et aussi chez les universitaires.
M. le Président, je voudrais remercier la centrale non seulement
de la qualité des idées qu'elle est venue défendre devant
nous aujourd'hui, mais de la vigueur qu'elle y a mise, et c'est à regret
je le dis bien, je le souligne c'est à regret que je dois
constater que le temps est écoulé.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, messieurs de la CEQ, au nom de la
commission, merci infiniment. J'aimerais, avant d'ajourner la
séance...
M. CHARBONNEAU: M. le Président, est-ce que vous auriez une
réponse à la question à savoir si chacune des
affiliées va pouvoir présenter ses propres statistiques parce que
vous avez constaté maintenant qu'il est onze heures et que je n'ai pas
eu l'occasion d'exposer les données régionales des transferts
linguistiques. C'est très important que les législateurs mesurent
régionalement parlant. On se fait l'illusion, M. le Président,
que le problème existe à Montréal, dans l'Outaouais, c'est
généralement admis, mais on ignore que le problème est
devenu crucial, même au Saguenay Lac-Saint-Jean, même dans
la ville de Québec, même dans une région comme Shawinigan,
et en plusieurs autres endroits. Il y a des écoles dites anglaises
actuellement qui sont fréquentées par des majorités de
transfuges francophones. C'est très important que l'Assemblée
nationale soit informée, région par région, de ce dossier.
Je n'ai pas eu le temps d'aborder cela ici. Il faut que cela se sache. Il faut
que cela se dise. Puisque la commission ne veut pas venir à la
population, je crois que ce serait normal que la population puisse venir
à la commission.
M. MORIN: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je suis complètement d'accord avec
vous, M. Charbonneau. Je suis sûr que la commission fera tout ce qui est
possible pour entendre toutes ces filiales.
Avant d'ajourner...
M. MORIN: Je conteste, je m'excuse. Le ministre nous a promis pour ce
soir la liste de toutes les personnes physiques et morales qui désirent
comparaître devant la commission. Puis-je lui demander si nous pourrions
avoir cette liste maintenant?
M. CLOUTIER: M. le Président, ce que j'ai dit, c'est que,
d'après le règlement, le secrétaire des commissions devait
attendre la fin du dépôt des mémoires. Si je ne m'abuse
c'est demain, quatre heures, n'est-ce pas? C'est ce soir, quatre heures?
Alors, je vais demander au secrétaire de la commission quand il
pourra donner la liste. Demain matin? Alors demain matin.
M. MORIN: Bon!
M. CLOUTIER: II faut quand même comprendre que, sur le plan
administratif, le secrétaire a besoin de quelques heures, après
la limite des dépôts, pour pouvoir terminer cette liste.
M. MORIN: Si nous avons la liste demain matin, nous en serons
entièrement satisfaits.
J'ai une seconde question avant de passer à la liste de ceux qui
comparaîtront demain. J'aimerais savoir ce qu'il adviendra des deux
associations qui n'ont pas comparu aujourd'hui, c'est-à-dire
l'Association des mines de métaux du Québec Inc., et le Conseil
des fédérations ethniques de la province de Québec. Est-ce
que ces deux associations vous ont fait parvenir des télégrammes
se décommandant? Pour quelle raison? Quand vont-elles
comparaître?
LE PRESIDENT (M. Gratton): Les informations que j'ai obtenues cet
après-midi indiquent que les deux organismes en question sont
reportés à la fin de la liste et seront probablement... Non?
Elles sont déjà à l'horaire pour vendredi?
M. MORIN: Laquelle n'est pas sûre de comparaître?
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le Conseil des fédérations
ethniques de la province de Québec n'a pas encore indiqué s'il
pourra comparaître et quand.
M. MORIN: Autrement dit, cet organisme n'est pas
écarté.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Quant à l'Association des mines de
métaux du Québec Inc., elle comparaîtra vendredi de cette
semaine.
M. MORIN: Très bien. Donc, ces deux organismes ne sont pas
écartés et nous aurons le loisir de les entendre.
M. CLOUTIER: M. le Président, je ne peux pas m'engager des
semaines à l'avance sur des organismes précis. Nous suivons le
règlement. Nous avons démontré la plus grande
disponibilité. Nous avons, à plusieurs reprises, quand un
organisme ne pouvait pas venir à un moment précis, tenté
de le placer à un autre moment. Il est bien évident qu'un
organisme qui ne se présente pas et s'il n'a pas été
possible à la commission d'en tenir compte, il se trouve à
être éliminé. C'est le règlement qui le veut. Je ne
vois pas pourquoi nous aurions un débat maintenant là-dessus.
Nous avons pu régler chaque cas d'espèce. Nous avons d'ailleurs
convenu que nous tenterions de trouver des solutions devant chaque
problème.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Pour terminer, j'aimerais aviser les membres
de la commission des organismes qui comparaîtront demain. Dans l'ordre,
l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires
protestantes, le Département de linguistique de l'Université du
Québec à Montréal, le Comité Canada, The
Association of Protestant School Business Officials of Quebec, la
Société nationale populaire du Québec, le Mouvement
Québec français et le Mouvement national des
Québécois; donc sept organismes. Sur ce, la commission ajourne
ses travaux à demain matin, dix heures.
(Fin de la séance à 23 h 9)