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Education
(Dix heures trois minutes)
M. PROULX (président): La séance est ouverte. Nous donnons
la parole à M. Cardinal.
M. LESAGE: M. le Président, pour avoir la parole, M. Cardinal
doit évidemment obtenir le consentement du comité. D'ailleurs, si
l'on s'en souvient bien, hier, j'ai demandé la réunion du
comité pour discuter d'une chose extrêmement urgente, soit la
crise aiguë qui sévit dans le domaine de l'éducation.
J'aurais une sériede questions et de problèmes à exposer.
Et c'est à ce sujet que f aimerais entendre les explications et les
réponses de M. Cardinal.
Maintenant, M. le député de Vaudreuil-Soulanges a
également des questions à poser et des explications à
demander. Je crois qu'il serait dans l'intérêt de tous et de la
bonne marche des travaux du comité que je puisse faire un exposé
de la situation telle que nous la voyons et que M. le député de
Vaudreuil-Soulanges puisse faire la même chose. Ensuite, nous entendrons
avec grand plaisir M. Cardinal. Auparavant, nous voudrions lui souligner des
points sur lesquels nous avons besoin de ses explications, s'il en a à
donner, d'autant plus que le comité se réunit à la demande
de celui qui vous parle.
Alors, j'aimerais bien exposer en détail les raisons qui ont
motivé ma demande, hier.
M. LE PRESIDENT: M. le député de Champlain.
M. BELLEMARE: M. le Président, d'abord, l'article 429 de notre
règlement a servi de prétexte à un long débat lors
de l'étude des crédits du ministère. On retrouve cela dans
les journées des 10, 11, 12, 13, 14, 15, 17 et 20 juin. A ce
moment-là, en vertu de Particle 429, on avait décidé que
l'honorable M. Cardinal, ministre de l'Education, avait le droit de se faire
entendre.
Ceci étant fait, ce geste étant posé il y a eu hier
une demande de motion de l'honorable chef de l'Opposition pour que le
comité il en fallait absolument une puisse siéger
en soirée.
Comme il faut l'unanimité de la Chambre pour décider en
une telle occurrence, parce que la Chambre ne siège pas, nous avons fait
une contreproposition pour demander que, ce matin, le comité de
l'Education se réunisse. Ceci, à la demande du chef de
l'Opposition qui a dit, hier soir, qu'il voulait entendre le ministre de
l'Education donner son point de vue sur la situation extrêmement
aiguë qui sévit dans le domaine scolaire actuellement. Et
ça, M. le Président, c'est aux pages 4228, 4229 et 4230 des
débats de l'Assemblée législative. Alors, vu que le
problème existe, puisqu'on connaît déjà les effets
qui ont été signalés par le chef de l'Opposition, je crois
qu'on pourrait entendre d'abord un exposé de la situation, qui serait
fait par M. le ministre Cardinal, quitte à poser toutes les questions
qui pourraient venir à la suite de son exposé. Ce serait
peut-être bien que l'on sache véritablement ce que le
ministère de l'Education a fait et je crois que vos questions seront
certainement opportunes en tout temps, lorsque son exposé, qui est
très sommaire, sera fait.
M. LESAGE: J'ai moi-même, M. le Président, un exposé
à faire sur la situation telle que nous la voyons. C'est à partir
de cette situa-tion-là, et lorsque l'exposé que j'ai l'intention
de faire sera complété par le député de
Vaudreuil-Soulanges, que nous voudrions entendre le ministre de l'Education. En
effet, il y a des points précis dans mon exposé et je crois que,
pour la bonne marche des travaux du comité, il est essentiel que nous
procédions de cette façon. Après tout, j'ai bien dit hier
que nous voulions entendre M. Cardinal, mais je me suis dispensé, hier,
pour éviter un débat de procédure, d'exposer en
détail les points sur lesquels nous voulions entendre M. Cardinal.
J'étais prêt à le faire hier dans le cadre du débat
sur la motion d'ajournement. Mais, lorsque le gouvernement a accepté que
le comité siège ce matin, eh bien, j'ai remis à ce
matinl'exposé que j'avais l'intention de faire hier sur la situation
telle que nous la voyons, dans le but d'entendre M. Cardinal sur les points que
j'avais l'intention de soulever et que le député de
Vaudreuil-Soulanges avait également l'intention de soulever.
M. BELLEMARE: Alors, M. le Président, nous allons entendre M.
Cardinal.
M. LESAGE: Est-ce que je comprends, M. le Président, que l'on
veut bâillonner l'Opposition?
M. BELLEMARE: Non. Nous allons entendre M. Cardinal et, après
cela, nous entendrons les questions.
M. LESAGE: Non, on ne limitera pas les questions.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESAGE: Le ministre du Travail n'a pas à dicter ses
ordonnances. Le chantage ne se fera pas!
M. BELLEMARE: M. le Président, si le chef de l'Opposition veut le
prendre sur ce ton, je ne le prendrai pas. Je dirai au chef de l'Opposition que
ce n'est pas avec ses invectives et ses insultes qu'il va me faire chanter.
Comprenez-vous cela? Je dis que nous allons suivre ici la procédure.
M. LAPORTE: M. le Président, je cite la dernière phrase du
ministre à l'effet qu'il va suivre la procédure et qu'il
déclare que seuls les membres du comité ont droit de parole. Si
le ministre du Travail a des choses à faire dire à M. le ministre
de l'Education, le ministre de l'Education soufflera les réponses
à M. le ministre qui les fera connaître à ce comité.
C'est ça que dit le règlement.
M. BELLEMARE: Dommage que l'honorable député, leader de
l'Opposition, soit en retard! Nous avons décidé ça avant
qu'il arrive. Il y avait ici une tradition.
M. LAPORTE: La tradition, vous êtes en train de l'assassiner
tranquillement!
M. BELLEMARE: II a été prouvé ici, dans les
documents que les 10, 11, 12, 13, 14 et 17 juin, qu'une procédure avait
été acceptée unanimement en vertu de l'article 429.
UNE VOIX: Suivez donc une procédure!
M. BELLEMARE: En vertu de l'article 429. C'est pour donner le
numéro de l'article au député. Alors, nous allons demander
à M. le Président...
M. LESAGE: J'aurais un mot à dire et je pense bien...
M. LE PRESIDENT: Un instant. Est-ce que je peux dire un mot, messieurs
les membres? Je ne suis pas un spécialiste en droit et en
procédure. Est-ce que nous pouvons voter là-dessus,
messieurs.
M. LESAGE: Non. Avant que le vote se prenne, j'aurais un mot à
dire et je demanderais de ne pas être bâillonné.
M. LE PRESIDENT: Je laisse la parole au député de
Louis-Hébert.
M. BELLEMARE: Oui, je n'ai pas d'objection.
M. LESAGE: Le ministre du Travail a parlé de chantage,
d'invectives...
M. BELLEMARE: C'est vous qui avez commencé à parler de
chantage. Je n'accepterai pas ça de vous. C'est clair, ça!
M. LESAGE: M. le Président, est-ce que j'ai la parole?
M. BELLEMARE: Non. Vous ne l'aurez pas pour m'insulter et dire que j'ai
fait du chantage avec les ouvriers.
M. LESAGE: Certainement.
M. BELLEMARE: C'est vous qui avez fait ça.
M. LESAGE: Certainement.
M. BELLEMARE: C'est faux, et je vous le prouverai en temps et lieu.
DES VOIX: A l'ordre!
M. BELLEMARE: C'est vous qui avez marchandé avec les ouvriers.
Vous les avez fait chanter à coups de millions.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESAGE: Le ministre du Travail fait constamment chanter les ouvriers
en menaçant les ouvriers de la Régie des alcools, par exemple, de
passer ça à l'entreprise privée.
M. BELLEMARE: Oui, et on verra si ça n'arrive pas un de ces
jours!
M.BOUSQUET: Est-ce que vous pouvez nous donner l'assurance que le chef
de l'Opposition et le député de Chambly auront l'occasion de
donner, au complet, l'exposé qu'ils se proposent de faire.
DES VOIX: D'accord, d'accord.
M. LAPORTE: M. le Président, Je reviens à ce que je disais
tout à l'heure. Je pense que la façon la plus raisonnable
d'éviter des incidents qui pourraient être
désagréables pour tout le monde, c'est encore de suivre le
règlement à moins que nous n'en venions à ce que nous
avons appelé fréquemment, un « gentlemen's agreement
» sur la procédure.
La procédure est claire, elle est évidente. Même si
le ministre du Travail brandissait toutes les traditions voulues, on ne peut
accepter de modifier le règlement que s'il y a unanimité et,
encore, c'est l'Assemblée législative en
comité plénler ou en assemblée qui peut le faire.
L'article 429 est clair: Ni les étrangers... Je m'excuse que M. le
ministre à nos yeux puisse être officiellement un «
étranger », il n'a jamais été élu
député à l'Assemblée législative.
DES VOIX: Ce ne sera pas long. UNE VOE: Il ne le sera jamais.
M. BELLEMARE: On vous invite à répéter cela
après le 4.
UNE VOE: Oui j'y serai puis je vais le répéter dans
Bagot.
DES VOE: Nous allons y être, nous aussi. Vous ne serez pas seuls
cette fois-ci.
M. LAPORTE: Puisque vous êtes candidat dans Bagot, M. le Ministre,
vous aurez sûrement la parole à votre première
assemblée publique. Ici le règlement vous l'interdit, sauf si
nous pouvons nous entendre sur une procédure qui puisse, comme la
dernière fois, vous permettre de vous exprimer en dépit du fait
que jamais vous ne vous êtes fait élire à
l'Assemblée législative.
L'article 429 dit: Ni les étrangers pas même les
députés qui ne sont pas membres du comité M. le
Président, c'est sérieux. Nous sommes huit membres du
comité. Nous avons le droit, en vertu de l'article 429, de nous
exprimer. Les autres députés qui ne sont pas membres, s'ils n'ont
pas la permission du comité, ne peuvent pas s'exprimer. A plus forte
raison, un étranger. Ce que nous disons, c'est tout simplement ceci:
C'est à notre demande, hier après-midi, que le comité de
l'Education siège ce matin. Il est prévu, pour d'autres
comités, que celui qui propose la convocation ou la formation d'un
comité en est automatiquement membre. Celui qui propose la formation
d'un comité détermine la date et l'endroit de la première
réunion. Tout cela est dans notre règlement, M. le
Président. Si on peut faire, en partant de là, simplement des
recoupements, il est normal que celui qui a proposé la réunion du
comité, le chef de l'Opposition, ait ce matin le premier la parole pour
expliquer à ce comité les raisons pour lesquelles il a
demandé que le comité siège. Ce n'est pas à la
demande du gouvernement, c'est nous qui avons des raisons bien précises
pour demander la tenue de cette réunion. Il est normal que ce soit le
chef de l'Opposition qui ait la parole le premier pour expliquer cela. Si on
veut s'entendre sur ça, nous n'avons pas d'objection, loin de là
à entendre le ministre. On ne peut jamais l'entendre devant les
députés! Nous n'avons pas d'objection à ce que le ministre
de l'Education puisse s'exprimer devant ce comité, mais qu'il ne nous
demande pas, lui qui n'est pas député, deux privilèges
particuliers: celui de parler et de parler le premier.
Alors, M. le Président, pour toutes ces raisons, je demande, ou
que le chef de l'Opposition ait le droit de parole le premier, ou alors que le
règlement 429 soit rigoureusement appliqué. Il n'y a pas de vote,
M. le Président. Vous l'appliquez ou vous ne l'appliquez pas, le
règlement.
M. BELLEMARE: M. le Président, tout d'abord, il y a une tradition
qui veut que, dans notre règlement, en vertu de l'article premier, il
peut y avoir des ententes de session. Et le même comité de
l'Education, qui a siégé ici les 10, 11, 12, 13, 14, 17 et 20
juin...
UNE VOE: C'était pour l'étude des crédits de
l'Education, ce n'est pas pareil.
M. BELLEMARE: ... ceux qui avaient siégé sur ce
comité avaient été convoqués et, à ce
moment-là, il y avait eu une entente prise à l'effet qu'en vertu
de l'article 429 un débat avait justement surgi, comme ce matin
et si vous relisez les débats du temps, on avait donné la
permission à M. Cardinal de se faire entendre. C'est pour faciliter les
échanges de points de vue et aussi pour activer la procédure des
débats et les études des crédits. Il serait bien mal
séant, ce matin, de vouloir empêcher l'honorable ministre, M.
Cardinal, qui est la principale victime, puisqu'on en fait une victime. On dit
que vous n'êtes pas élu, que vous êtes ici parce qu'on le
veut bien.
M. LESAGE: C'est l'auteur de la crise!
M. BELLEMARE: Voyez-vous comment c'est! Voyez-vous dans quelle sorte
d'objectivité il se place? Une partisanerie effrontée, un mauvais
esprit, en partant.
M. LAPORTE: Ce qui ne vous viendrait jamais à l'idée,
à vous!
M. BELLEMARE: J'essaie, du moins, de ne pas tomber dans ses erreurs.
J'essaie bien de ne pas tomber dans ses erreurs.
M. LAPORTE: Vous trébuchez souvent! M. BELLEMARE: Pas ce matin.
M. le Pré-
sident, pour ne pas perdre un temps précieux en
procédures, comme d'habitude d'ailleurs, les quatre cinquièmes de
la première partie de la session ont été faits de cela
avant l'ajournement du 5 juillet. On a cherché à faire de la
procédure pour tâcher d'immobiliser le gouvernement.
UNE VOIX: Qu'est-ce que vous faites, présentement?
M. BELLEMARE: Il y a eu des éditoriaux, il y a eu des
journalistes qui l'ont dit avec beaucoup de raison. M. le Président, ce
matin, soyons donc bons princes. Acceptons donc que le ministre a quelques
remarques à faire. Il va les faire dans un sens très objectif, il
va donner la situation, il va faire le point. Vous aurez tous le droit de
parole. Tous ceux qui voudront parler, vous aurez ce droit, c'est bien normal
et c'est bien logique. Il est normal que celui à qui le comité
est appelé à poser des questions, donne son point de vue en
partant. Après cela, l'exposé de l'honorable chef de
l'Opposition, l'exposé du député de Vaudreuil-Soulanges,
du leader de l'Opposition, de tous ceux qui voudront parler. C'est seulement
cela. C'est une question de détail et de bonne entente.
M. LAPORTE: Si c'est une question de détail, pourquoi tant
insister?
M. BELLEMARE: Bon, justement, pourquoi ne partons-nous pas sur le bon
pied?
M. LAPORTE: C'est ça, partons.
M. BELLEMARE: Je prétends que, actuellement, sans monter le ton,
j'espère bien que l'on va finir par s'entendre, que l'on ne partira pas
dans un débat acrimonieux comme a voulu le faire, tout à l'heure,
un autre membre du comité. Nous ne ferons pas cela. Je voudrais que l'on
reste calme. S'il y en a un qui voudrait être calme, c'est moi. Vous
savez combien j'en al de la misère! C'est sûr, c'est connu.
D'un autre côté, M. le Président, je ne recherche ce
matin aucun éclat. Je voudrais simplement que l'on fasse dans un bon
esprit... Le trouble n'est pas dans le comité, ici, il est en dehors.
C'est justement pour cela que l'on se réunit, pour connaître les
aléas et les données du problème. On va partir gentiment.
Le ministre va faire son exposé vous allez voir que ce n'est pas
long il va donner son point de vue, cela va être très
court, et ensuite ce sera le tour de l'honorable chef de l'Opposition, comme
cela se fait en Chambre, comme cela se fait dans tous les comités. On
donne la parole d'abord à celui qui représente le
ministère, c'est toujours ce qui s'est fait, et ensuite l'Opposition,
par la voix de son chef et par la voix de ses autres membres, peut se faire
entendre.
Je ne vois pas pourquoi, ce matin, nous ferions une demi-heure de
procédures pour partir. Partons donc sur le bon pied! Restons donc dans
un bon esprit! Travaillons donc ensemble à réussir à
régler, à trouver des solutions à un problème aigu!
Le chef de l'Opposition disait que c'est une crise extrêmement aiguë
dans le domaine scolaire. Le responsable du ministère de l'Education est
ici, il va faire son exposé très bref, il va vous donner son
point de vue. Vous allez avoir, peut-être, la chance de ramasser des
questions qui rendront service à tout le monde, et nous allons partir
sur un bon pied, dans un bon esprit, pas dans un esprit de chicane. On n'est
pas ici pour se chicaner, je pense, messieurs, ni pour s'insulter, sinon nous
allons nous fâcher et nous n'irons nulle part.
Le chef de l'Opposition, c'est l'homme qui fait exprès. Il fait
exprès. Quand il veut être de bonne humeur, c'est l'homme le plus
agréable qui soit.
M. LESAGE: J'espère que le ministre du Travail ne peut pas dire
cela sans rire» Qu'il pense à lui-même!
M. BELLEMARE: Oui, mais moi, je fais des efforts, toujours! Vous, vous
n'avez pas l'air d'en faire beaucoup. Alors, messieurs, ne faisons pas de
chichi pour rien, commençons donc. C'est important. Juste une
déclaration faite de principes de base, et tout de suite après,
la parole sera à l'honorable chef de l'Opposition, et nous allons
procéder sans aucune acrimonie. Pardon?
UNE VOIX: La seule préoccupation, c'est d'occuper le
comité.
M. BELLEMARE: J'essaie de partir sur un bon pied, ce matin. N'y
aurait-il pas moyen de s'entendre? Il va faire sa déclaration, elle
n'est pas longue, elle est précise. Après cela, le chef de
l'Opposition prendre la relève. Vous ferez tous votre exposé, et
le député de Vaudreuil-Soulanges et l'on répondra à
vos questions, il répondra à vos questions. Il me semble que ce
serait une procédure élémentaire. Je pense que ce serait
normal. Et, dans les circonstances, cela va aider tout le monde. Autrement,
nous allons commencer encore une chicane qui va durer combien de temps? Cela
n'a pas de bon sens. Ce n'est
pas ici que l'on devrait se chicaner. Si nous voulons nous chicaner,
chicanons-nous en Chambre.
Mo LE PRESIDENT: Le député de
Trois-Rivières a demandé la parole.
M. GABIAS: M. le Président, merci de m'avoir accordé la
parole.
Etablissons dès le départ que j'ai droit de parole, parce
que je suis membre du comité. J'ai écouté avec beaucoup
d'attention les remarques du leader gouvernemental qui appelaient au pacifisme.
J'espère qu'elles ont été bien reçues de la part de
l'Opposition. J'ai également écouté avec beaucoup
d'attention les remarques du leader de l'Opposition, ainsi que celles du chef
de l'Opposition.
Nous sommes ici en vertu d'une décision qui a été
prise hier en Chambre, car c'est la Chambre qui a convoqué à
l'unanimité le comité de l'Education. Pourquoi la Chambre
a-t-elle décidé, à l'unanimité, de réunir ce
matin le comité de l'Education? C'est à la suite d'une motion du
chef de l'Opposition demandant que le comité de l'Education siège
- je saute sa demande d'hier soir pour entendre le ministre de
l'Education.
UNE VOIX: C'est ça.
M. GABIAS: Cela a été la demande même du chef de
l'Opposition en Chambre, hier. A ce moment, le chef de l'Opposition devait
savoir que M. Cardinal n'était pas député élu,
comme il sait qu'il va être député élu le 4
décembre prochain. Et, c'est à la demande même du chef de
l'Opposition, formulée dans ses propres termes, que la Chambre, à
l'unanimité, y compris le leader de l'Opposition, a accepté la
convocation du comité de l'Education pour entendre le ministre de
l'Education.
Or, que s'est-il passé cette nuit, M. le Président, pour
que le leader de l'Opposition vienne, ce matin, contredire son chef?
UNE VOIX: Bien, non.
M. GABIAS: Bien, oui. Parce qu'il ne veut pas que son chef ait raison.
Parce qu'à la suite de la motion de son chef nous sommes ici pour
entendre le ministre de l'Education.
M. LAPORTE: C'est fort.
UNE VOIX: Il s'agissait d'y penser,
M. GABIAS: C'est fort, M. le Président.
M. LESAGE: C'est fulgurant comme raisonnement.
M. GABIAS: Etant un aveu du leader de l'Opposition, c'est vraiment
fort.
UNE VOIX: Vous allez de mieux en mieux.
M. LESAGE: Les étudiants des CEGEP le disent: Il est fort en
«ketchup».
M. GABIAS: Le leader de l'Opposition a peut-être des raisons bien
particulières pour faire entendre ce matin le chef de l'Opposition avant
le ministre de l'Education. Ce n'est pas à moi de lui prêter des
motifs, ce n'est pas à moi de lui sonder les reins et le coeur, et je ne
le ferai pas. Mais, il est certain que le leader de l'Opposition a des raisons
bien particulières pour contredire la demande de son chef faite en
Chambre, hier.
M. LAPORTE: Ce sera un discours historique, il n'y a pas d'erreur!
M. GABIAS: Tout cela, M. le Président, pour conclure qu'il y a
une contradiction flagrante entre l'attitude de l'Opposition, ce matin, et
l'attitude de l'Opposition, hier après-midi, en Chambre. De plus, je
soumets que le comité ne peut pas aller à l'encontre d'une
décision unanime de la Chambre. Or, la Chambre a décidé de
convoquer ce matin le comité de l'Education pour entendre l'honorable
Cardinal. Je soumets que l'honorable Cardinal doit être entendu en
premier, quitte, ensuite, à établir des procédures.
UNE VOIX: C'est ça!
M. LAPORTE: M. le Président, le député de
Trois-Rivières est placé pour se rappeler qu'il y a
déjà eu des gens qui ont été convoqués
unanimement, qu'un comité a déjà été
convoqué unanimement par la Chambre et que, devant ce comité, ont
été convoqués unanimement des témoins, ce qui n'a
pas voulu dire que les témoins se sont installés au bout ou au
milieu de la table et ont commencé à parler sans en avoir obtenu
la permission du comité.
M. GABIAS: A quoi faites-vous allusion?
M. LAPORTE: Je fais allusion à d'autres occasions ou le
comité a siégé.
M. GABIAS: Nommez-le donc, ce comité-là?
M. LAPORTE : Je n'ai pas à sonder vos reins ou votre coeur.
M. GABIAS: Nommez-le donc, ce comité-là? M. LAPORTE:
Alors, M. le Président... M. GABIAS: Nommez-le donc.
M. LAPORTE: Non, mais qu'est-ce que cela peut changer à
l'argumentation? C'est le comité qui vous a condamné pour avoir
attaqué sans raison un de vos collègues.
M. GABIAS: Bon. Alors, M. le Président ce n'est pas l'endroit
pour vider la question, mais je préviens mon collègue qu'elle
sera vidée.
M. LAPORTE: C'est précisément la raison pour laquelle je
n'avais pas cru devoir rappeler quel était le comité. Ce sont les
événements, la procédure. C'est le député
lui-même qui a insisté pour qu'on les mentionne, sans raison.
Je dis qu'on a convoqué des témoins devant ce
comité en vertu de notre règlement et qu'on a
procédé par questions et par réponses. Nous avons
posé des questions aux témoins. Ils ont répondu. Devant ce
comité, qui a été convoqué unanimement par une
décision de l'Assemblée législative, le ministre de
l'Education est un témoin.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est fort!
M. LAPORTE: Si nous nous entendons sur une procédure, nous
n'avons pas d'objection. Mais, nous n'eccepterons pas ce matin - ce ne serait
pas raisonnable - que le ministre de l'Education ait la parole avant le chef de
l'Opposition qui, encore une fois, a le droit strict d'expliquer à ce
comité...
DES VOIX: Vote, vote, vote!
M. LAPORTE: M. le Président, m'accorde-riez-vous, au moins, la
chance de finir de parler? Je suis membre du comité M. le
Président, f ai peut-être alors le droit de terminer mon
exposé? Alors, je répète deux choses: D'abord, que la
procédure est claire; deuxièmement, que le chef de l'Opposition
devrait normalement dire à ce comité pour quelles raisons il en a
demandé la convocation. C'est pour cette raison qu'il devrait parler en
premier. Nous n'avions aucune objection à tout ce que le ministre nous a
dit sur un ton très paternel. Cela va se faire tranquillement, sans
chicane, sans élever la voix. Nous voulons simplement inverser le
rôle que normalement nous devrions suivre. On veut qu'il dise au ministre
pourquoi il l'a convoqué ici. Il peut peut-être parler pendant une
heure et ne pas répondre du tout aux questions du chef de l'Opposition.
Il ne sait pas ce qu'il y a dans son discours.
UNE VOIX: II répondra après.
M. LAPORTE: II nous a convoqués ici pour répondre à
des questions précises. Laissez-le, au moins, poser les questions avant
de répondre.
UNE VOIX: Laissez-le faire le point dans la province.
M. LE PRESIDENT: Serait-il possible de citer le texte exact du chef de
l'Opposition? « Le plus bel hommage que nous pourrions lui rendre serait
de siéger, ce soir, en comité de l'Education pour entendre le
ministre. » Alors, nous sommes en démocratie. Je respecte votre
volonté.
M. LESAGE: M. le Président, je ne voudrais pas
répéter tout ce que f ai dit tout à l'heure, mais nous
savons fort bien que, lorsqu'un député fait une proposition, il
a, le premier, le droit de parole pour exposer les motifs de sa proposition. Je
crois qu'il serait normal, les règles de la Chambre s'appliquant en
comité, que ce soit celui qui a fait la proposition d'entendre le
ministre de l'Education qui donne les motifs pour lesquels il a fait cette
proposition ou cette suggestion, parce qu'il ne s'agissait pas d'une motion
formelle. Ceci, afin que le ministre de l'Education soit en mesure de
répondre ad rem aux remarques et à l'exposé de motifs que
j'ai l'intention de faire. Je crois que c'est raisonnable. J'éviterai
d'employer des mots qui pourraient mettre le feu aux poudres.
Je ne voudrais pas que les députés de l'Opposition aient
le sentiment d'être privés de leurs droits fondamentaux de
représentants du peuple.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Hyacinthe.
M. BOUSQUET: J'approuve la dernière phrase du chef de
l'Opposition à l'effet que l'Opposition ne doit pas être
bâillonnée.
M. LESAGE: J'ai évité d'employer le mot «
bâillonnée » pour ne pas mettre le feu aux poudres.
M. BOUSQUET: Oui, d'accord. Alors, personne ne veut bâillonner
l'Opposition. Mais, puisque nous venons ici étudier l'ensemble de la
crise scolaire, pour épargner du temps, est-ce qu'il ne serait pas bon
que le ministre de l'Education nous donne d'abord une vue
générale de la situation, étant donné qu'il a
sûrement des renseignements plus complets que l'Opposition et,
deuxièmement, qu'il a des renseignements de première main? Je
suis sûr que de cette façon nous pourrions abréger les
débats, quitte, en-
suite, à laisser l'Opposition poser toutes les questions qu'elle
voudra bien poser.
DES VOIX: C'est ça.
M. LE PRESIDENT: Messieurs, serait-il possible, au début, de
faire accepter l'article 429?
M. LESAGE: Nous l'acceptons, mais nous ne lui donnons pas
l'interprétation que vous lui donnez.
M. BELLEMARE: Alors, accepté?
M. LESAGE: Non, non, nous ne sommes pas d'accord. Si vous voulez que ce
soit M. Cardinal, prenez le vote.
M. LE PRESIDENT: Qui propose le vote? UNE VOIX: Je propose. UNE VOIX: On
vote sur quoi?
M. LE PRESIDENT: M. le député de Bellechasse, sur quelle
proposition votons-nous?
M. LOUBIER: Pour ne pas faire de chinoiserie, nous votons tout
simplement pour savoir si M. Cardinal prend la parole le premier, oui ou
non.
M. GABIAS: Faites voter le chef de l'Opposition en premier et le
député de Chambly va voter contre.
M. LE PRESIDENT: Nous allons prendre le vote pour savoir si M. Cardinal
doit prendre la parole le premier»
M. Bellemare.
M. BELLEMARE: Oui.
M. LE PRESIDENT: M. Bergeron.
M. BERGERON: Oui.
M. LE PRESIDENT: M. Binette Absent. M. Bousquet.
M. BOUSQUET: Oui.
M. LE PRESIDENT: M. Gabias.
M. GABIAS: L'honorable Cardinal doit parler le premier.
M. LE PRESIDENT: M. Gardner.
M. GARDNER: Oui.
M. LE PRESIDENT: M. Gérin-Lajoie.
M. GERIN-LAJOIE: Non.
M. LE PRESIDENT: M. Goldbloom.
M. GOLDBLOOM: Non.
M. LE PRESIDENT; M. Grenier.
M. GRENIER: Oui.
M. LE PRESIDENT: M. Harvey Absent. M. Houde.
M. HOUDE: Non.
M. LE PRESIDENT; M. Laporte.
M. LAPORTE: Non.
M. LE PRESIDENT: M. Lesage.
M. LESAGE: Non.
M. LE PRESIDENT: M. Loubier.
M. LOUBIER: Oui.
M. LE PRESIDENT: M. Maltais.
M. MALTAIS: Oui.
M. LE PRESIDENT: M. Masse.
M. MASSE: Oui.
M. LE PRESIDENT: M. Morin.
M. MORIN: Oui.
M. LE PRESIDENT: M. Pearson.
M. PEARSON: Non.
M. LE PRESIDENT: M. Tremblay.
M. TREMBLAY: Oui.
M. LE PRESIDENT: M. Vaillancourt.
M. VAILLANCOURT: Non.
M. LE PRESIDENT: Le vote est favorable pour donner la parole à M.
Cardinal.
M. CARDINAL: M. le Président, nobles députés de
l'Opposition, j'ai lu et relu avec attention la motion du chef de l'Opposition
qui a désiré m'entendre sur la crise scolaire au Québec Je
conçois qu'il préfère m'entendre ici plutôt que dans
Bagot et qu'il manifeste par là une anxiété...
UNE VOIX: Cela me paraît normal quand même.
UNE VOIX: C'est un bon début.
M. LESAGE: M. le Président, nous avons un témoin qui fait
de la politique. Il se déclare lui-même hostile en partant.
M. CARDINAL: On manifeste probablement de l'anxiété pour
ma présence après le 4 décembre prochain.
M. BELLEMARE: Oui, oui.
M. CARDINAL: De toute façon, il faut toujours être
sérieux et se rendre compte d'après les exemples qui ont
été donnés par le chef de l'Opposition, d'étudiants
du secondaire se promenant dans les rues de Québec, que ce qu'il appelle
une crise scolaire, c'est un mouvement d'étudiants et de jeunesse...
M. BELLEMARE: A l'ordre, à l'ordre! On est capable de l'entendre
et après cela...
M. CARDINAL: Je parle des termes qui sont dans la proposition, dans la
motion, c'est un mouvement d'étudiants et de jeunesse que l'on a
retrouvé à Paris, à Rome, à Bonn, à Mexico
et ailleurs. On peut, comme certains députés l'ont fait pendant
cette crise, faire de la politique provinciale ou paroissiale avec ceci et
aider avec d'autres moyens, non pas à résoudre la crise, mais
à l'envenimer; ou on peut, très positivement, envisager les
problèmes tels qu'ils sont, en face, et tenter deles régler dans
le meilleur intérêt du Québec.
Je ne sais pas si on aurait aimé mieux, avec cette crise, arriver
aux situations qui se sont produites dans les villes que j'ai
mentionnées ou si on aime mieux se retrouver aujourd'hui devant la
situation présente où, sur 23 collèges d'enseignement
général et professionnel, qui sont en état de
fonctionnement, il y en a deux où des pourparlers viennent de se
terminer pour rentrer, un où la reprise a été votée
et où les étudiants sont rentrés en chantant
c'était le premier, c'était Lionel-Groulx et tous les
autres où la rentrée est effectuée.
Quant au secondaire, ce n'est qu'en quelques rares endroits que des
étudiants, pour des questions de bancs, d'équipement, de
tablettes, ont imité leurs aînés et sont sortis dans les
rues de Québec ou de Laval-des-Rapides pour d'ailleurs rentrer par la
suite. Ces questions, d'ailleurs, concernant le secondaire, regardaient les
instances locales je ne pense pas que ce soit au niveau du ministre que
des questions qui ont été soulevées dans ces cas doivent
être réglées. C'est d'abord la responsabilité des
commissions scolaires locales dont c'est le rôle de voir à ce que
les étudiants aient ce qui leur est nécessaire pour poursuivre
leurs études.
Les causes de cette crise, je les résume très
brièvement: l'importation de certains concepts étrangers et un
minétisme évident.
L'influence de certains mouvements tels que l'UGEQ et même la
JEC.
L'attitude angoissée, il faut le reconnaître, des jeunes
face à une société où ils ne se sentent pas
vraiment actifs avant l'âge de 24, 25, ou 26 ans.
La crainte de ne pas avoir de place tantôt à
l'université.
La crainte de ne pas avoir de place sur le marché du travail.
Je ne dis pas pour le moment si ces craintes sont ou non
justifiées.
Les grands termes de cette revendication, on les connaît,
c'était l'université du Québec et surtout sa filiale, la
deuxième université de langue française à
Montréal, une certaine qualification économique assurée
pour permettre l'ouverture de débouchés aux étudiants; une
meilleure information sur ces débouchés et sur l'action de
l'Etat; une participation plus grande des étudiants aux décisions
qui les concernent et la question des prêts-bourses au sujet desquels,
cette année, il y a eu, non pas comme je l'ai entendu à maintes
reprises, une diminution des bourses pour une augmentation des prêts,
mais une augmentation des prêts, une augmentation des bourses portant le
tout de $32.5 millions à plus de $40 millions.
L'attitude du gouvernement et du ministre de l'Education dans cette
crise - ceux qui l'ont suivie peuvent s'en rappeler - a été tout
d'abord d'adjoindre à son cabinet quelqu'un qui puisse aider le ministre
à suivre à chaque heure ce qui se passait; à prendre les
attitudes les plus adéquates dans les circonstances; à
réprouver la force ou la violence ou certains modes d'occupation comme
moyens d'action; à en appeler à mille reprises au dialogue, et
à faire ce dialogue sur la place publique à plusieurs reprises;
à apporter au conseil des ministres des dossiers pour que les
décisions, particuliè-
rement quant à l'université, soient prises; à
présenter une politique et du ministère et du gouvernement quant
à l'action des ministères économiques; à offrir aux
étudiants une participation dans une action socio-économique pour
les mois prochains; et, enfin, je soulignerai l'ouverture d'esprit du
gouvernement devant cette crise.
Encore hier soir, je mentionnais aux étudiants que toutes les
études qu'ils ont pu faire, que toute la documentation qu'ils ont pu
recueillir, s'ils voulaient bien la rendre disponible pour le ministère,
nous serions les premiers à l'étudier avec eux.
Comme conclusion, la crise au niveau collégial et universitaire
est pratiquement terminée au moment où je vous parle.
L'université est très faiblement touchée et l'a
été, d'ailleurs, très faiblement. Le gouvernement fera en
sorte de recueillir soigneusement les résultats et les fruits positifs
de ce que nous avons vécu et de rechercher dans le dialogue
l'évolution harmonieuse du monde étudiant dans toute la
collectivité du Québec.
Je ne veux pas allonger cet exposé, comme je l'ai fait au mois de
juin passé, à répondre à des questions. Comme l'a
fait le ministre du Travail tantôt, je rappelle quand même que,
dans ces deux livres des Débats du mois de juin, il y a
déjà eu une multitude de questions auxquelles des réponses
ont été données.
M. LAPORTE: Apparemment, cela n'a pas réglé les
problèmes!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): A l'ordre!
M. CARDINAL: Je pense que je n'ai pas interrompu, tantôt le
député de Chambly dans ses exposés...
M. LAPORTE: Vous n'aviez même pas le droit de parole!
M. CARDINAL: Messieurs, je crois que c'est votre interprétation
de l'article 429. Il semblerait que...
M. LAPORTE: Quatre-cent-vingt-neuf, sauf votre respect.
M. CARDINAL: J'avais dit 429, monsieur. Et l'article qui dit qu'on ne
doit pas répondre une deuxième fois à des questions
posées, si je ne me trompe pas, c'est 679!
M. LAPORTE: Vous le savez, tout ça ne nous servira à rien,
c'est dommage!
M. CARDINAL: C'est vous qui le dites, nous verrons après.
Revenons...
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'on pourrait recommencer à faire
attention, là?
M. CARDINAL: Revenons à ce que nous disions si je n'avais
pas été retardé, j'aurais déjà
terminé - je suis donc prêt à répondre aux questions
qui seront posées. Si certaines de ces questions sont très
précises et demandent des recherches au ministère, je les
ferai.
Cependant, je pense qu'il vaut mieux, plutôt que de perdre un
temps précieux soit avec la procédure ou avec des exposés
pour quelque fin que ce soit, permettre à l'assemblée de
continuer ses travaux et au ministre de continuer son travail. Merci.
M. LESAGE: M. le Président, je ne comprends pas très bien
quel intérêt les membres du comité qui siègent en
face de nous pouvaient avoir à insister pour que le ministre de
l'Education ait, le premier, le droit de parole pour faire le point sur la
situation et exposer... Pardon?
M. BELLEMARE: Pourquoi revenir sur un vote? Faites donc votre
exposé!
M. LESAGE: M. le Président, je ne reviens pas sur le vote qui a
été pris. Je dis purement et simplement que je ne comprends pas
l'insistance des députés qui siègent en face de moi
à donner la parole d'abord au ministre de l'Education pour exposer la
politique du gouvernement. Cela, je l'ai compris de moins en moins au fur et
à mesure que j'entendais le ministre de l'Education accoucher d'une
souris.
Le ministre de l'Education n'a fait aucun exposé de la politique
gouvernementale et des mesures que le gouvernement a l'intention de prendre
pour guérir les causes fondamentales de la crise aiguë qui n'est
pas encore terminée. Cette crise aiguë dans le domaine de
l'Education n'est pas encore terminée, n'en déplaise au ministre
de l'Education. Il suffit de suivre les journaux, d'écouter la radio et
la télévision pour comprendre que le ministre de l'Education
prend ses désirs pour des réalités. La crise n'est pas
terminée, loin de là. Il y a encore occupation de CEGEP, il y a
encore des facultés...
M. CARDINAL: D'un CEGEP.
M. LESAGE: Que ce soit au singulier ou au pluriel, il y a occupation
dans les CEGEP et il
y a encore des facultés qui ont été prises en main.
Je ne crois pas avoir interrompu le ministre de l'Education, M. le
Président
M. CARDINAL: Vous affirmez des choses qui ne sont pas
véridiques.
M. LESAGE: J'aurais pu interrompre facilement le ministre de l'Education
pour le ramener à la réalité lorsqu'il a fait son
intervention. Je me suis dispensé de le faire.
UNE VOIX: II se pense déjà premier ministre.
M. LESAGE: Mais il ne le sera jamais, car il ne sera jamais
député; alors, cela n'a pas d'importance. Il y a eu, hier encore,
des protestations au niveau de l'enseignement secondaire des tout jeunes et,
n'en déplaise au ministre de l'Education, f ai des renseignements
précis à l'effet qu'il ne s'agissait pas d'une question de livres
et de crayons, mais qu'il s'agissait de manifestations des élèves
du secondaire pour appuyer les revendications des élèves des
CEGEP et pour manifester leur mécontentement envers la situation
actuelle. Le ministre de PEducation tente de donner, comme cause de la crise,
l'importation de concepts étrangers. Je ne sais pas s'il s'agit du
concept de la contestation; ce n'est pas un concept étranger, c'est un
concept universel. Il existe à tous les niveaux de la
société et il est essentiel, aujourd'hui, que ceux qui ont
l'autorité admettent la contestation. Il ne s'agit pas d'un concept
étranger; je le répète, il s'agit d'un concept
universel.
Le ministre a donné ensuite, comme cause de la crise, la crainte,
chez les étudiants des CEGEP en particulier, de ne pas avoir
accès, premièrement, à l'université et,
deuxièmement, au marché du travail. Je suis parfaitement
d'accord. Il a donné comme cause également le fouillis qui
existe. Il n'a pas dit le fouillis, mais il a parlé du système de
prêts-bourses. Je n'ai pas prétendu, pour ma part, qu'il y avait
eu diminution des bourses, mais je dis qu'il existe un fouillis dans le domaine
des prêts-bourses. L'attitude du gouvernement, dit-il, a
été, premièrement, d'adjoindre à son cabinet
personnel quelqu'un qui le mettrait au courant, au jour le jour, de ce qui se
passe.
Imaginez-vous si c'est une mesure de nature à régler les
conflits et à régler la crise! C'est enfantin, M. le
Président. C'est absolument enfantin aussi de présenter des
politiques quant à l'action des ministères économiques.
J'y reviendrai tantôt et l'on verra justement que le gouvernement dont il
fait partie n'a jamais rien fait, jamais, dans le domaine
économique.
La cause principale, fondamentale de la crise que nous avons dans le
domaine estudiantin, c'est que le gouvernement n'a rien fait depuis deux ans et
demi pour préparer des situations, des ouvertures comme on dit
communément, pour nos étudiants soit du domaine professionnel,
soit du domaine universitaire.
Les problèmes les plus cruciaux, M. le Président, à
l'heure actuelle dans le domaine de l'éducation, ont trait justement
à l'accessibilité des étudiants à
l'université et au marché du travail, à la formation
technique et professionnelle, à l'orientation ça c'est
essentiel des élèves, à la programmation des cours
des CEGEP et à la politique des prêts-bourses, sans compter de
nombreuses autres questions connexes, comme la formation des maîtres ou
d'autres questions comme le regroupement des commissions scolaires, les droits
linguistiques de la minorité anglophone au Québec, la
confessionnallté de l'enseignement, les subventions aux commissions
scolaires, l'enseignement universitaire, la création de la
deuxième université de langue française. Ce sont autant
d'aspects où le gouvernement actuel a créé un fouillis,
aspects que prend actuellement ce qu'il est convenu d'appeler la crise de
l'éducation.
Dans le cas des CEGEP, il est certain que les retards accumulés
au ministère de l'Education à partir de juin 1966 ont
été un facteur important de la malheureuse improvisation qui a
suivi. Cela a été une improvisation dans le domaine des CEGEP,
c'est bien de cela qu'il s'agit. C'est la faillite d'une lamentable et
malheureuse improvisation du gouvernement. L'improvisation des CEGEP, qu'est-ce
que cela a donné depuis quelque temps? Des étudiants qui
n'étudient pas et des professeurs qui n'enseignent pas. Cela a
donné un fouillis indescriptible. L'improvisation des CEGEP a
été la démission du ministre de l'Education. Oui, sa
démission. Il ne propose rien.
M. GRENIER: C'est votre discours de Bagot que vous
répétez.
M. LESAGE: L'Improvisation des CEGEP... M. le Président, quand je
déciderai d'aller dans Bagot, je saurai ce que j'aurai à dire et
je n'aurai certainement pas besoin d'avoir un souffleur du nom de Grenier.
UNE VOE: Si vous répétez votre discours de 1966, ça
va être amusant.
M. LAPORTE: Ce serait peut-être moins amusant pour
l'éducation.
M. TREMBLAY: Cela nous a valu la victoire, mon cher ami. Je ne vous ai
pas parlé de tracteurs encore, ne soyez pas blessé.
M. LAPORTE: ... les discours les plus stupides, les plus
rétrogrades présentés pas l'honorable ministre.
M. TREMBLAY: M. le Président, je dirai tout de suite, pour mettre
les choses au point, que je n'ai jamais répété les
discours du député de Chambly.
M. LAPORTE: Non, parce qu'à ce moment-là, vous auriez
passé au moins pour intelligent.
M. TREMBLAY: Je ne suis pas un vendeur de tracteurs, je regrette.
M. LAPORTE: Non, vous êtes un vendeur des idées les plus
rétrogrades et les plus stupides qui ont cours dans...
DES VOIX: A l'ordre!
M.TREMBLAY: Je ne vends pas votre vieux stock!
M. LAPORTE: Chaque fois qu'il parle, le climat s'envenime et
devient...
UNE VOIX: Vous ne lui donnez pas de chance.
M. LESAGE: L'improvisation des CEGEP a été la
démission d'un ministre et de tout un gouvernement.
M. BELLEMARE: Continuez!
M. LESAGE: Nous sommes en face d'une crise que le gouvernement et le
ministre ont eux-mêmes contribué à créer. Ils ont
été franchement les principaux facteurs de la crise. C'est
ça la cause: l'improvisation gouvernementale dans le domaine des CEGEP a
créé une profonde inquiétude dans toute la population du
Québec, inquiétude dont on peut difficilement mesurer les effets
néfastes, effets qu'elle pourra avoir sur l'ensemble de ce que je
considère une vitale réforme de l'éducation au
Québec, que nous avions commencée dans l'ordre alors que nous
étions au pouvoir.
L'improvisation des CEGEP, c'est l'oeuvre de l'Union Nationale. C'est
l'oeuvre d'un parti.
Et, là, je pense que le député de Frontenac devrait
écouter, parce qu'il a contribué à cela, lui, activement.
Il avait choisi de faire de la petite politique au sujet de la
confessionnalité des écoles lui, il l'a fait dans
Frontenac...
DES VOIX: A l'ordre, à l'ordre!
M. LESAGE: ... du regroupement des commissions scolaires et du droit des
parents en éducation.
M. BELLEMARE: Si on voulait discuter objectivement, sans s'attaquer aux
personnes, je pense que tout le comité en
bénéficierait.
M. LESAGE: Des péchés d'autobus.
M. BELLEMARE: M. le Président, si l'on veut s'attaquer aux
personnes, cela ne deviendra plus une rencontre. Pourquoi vous attaquer aux
personnes? Continuez donc à lire, là.
M. LESAGE: Si j'ai bien compris, le député de Frontenac
s'est attaqué à mol?
M. GRENIER: J'ai simplement dit que vous vous étiez trompé
de feuille.
M. GABIAS: On s'attaque aux personnes!
M. LESAGE: La responsabilité du gouvernement dans la crise des
CEGEP, je vais en établir les causes. Premièrement, par suite du
retard d'au moins un an dans l'adoption de la loi créant les CEGEP, il a
fallu accélérer indûment le pas dans son application. La
loi a été votée le 17 juin 1967 et les premiers CEGEP ont
été ouverts au mois de septembre de la même année,
avant que leurs structures n'aient été réellement et
efficacement élaborées.
Deuxièmement, il y a eu improvisation dans l'élaboration
du programme d'études des CEGEP. La commission formée pour
élaborer le programme d'études n'a pas eu assez de temps pour
bien structurer une nouvelle forme d'études contenant à la fois
la section traditionnelle des collèges classiques et la section
professionnelle préparant les techniciens.
En conséquence, la section professionnelle a été
négligée, provoquant ainsi une déraisonnable affluence des
étudiants dans le secteur général.
Troisièmement, il y a eu une négation de l'esprit tout
autant que de la lettre du rapport Parent. Le rapport Parent prévoyait
la création d'instituts basés sur le regroupement des
institutions d'enseignement existantes. Le gouvernement de l'Union Nationale a
procédé par la centralisation des CEGEP auprès des
collèges classiques, ce qui a provoqué une augmentation
considérable des dépenses et les délais qui s'ensuivent,
par suite de l'abandon des installations dans les écoles existantes et
des achats de nouveaux équipements dans les CEGEP, tout cela
créant des conditions de travail Impossibles pour les
élèves des CEGEP.
Quatrièmement, le programme d'études des CEGEP, pour
l'année scolaire 1968-1969, a été structuré de
telle sorte qu'il a éliminé, à toutes fins pratiques, la
section professionnelle, considérée par le rapport Parent comme
nécessaire pour le progrès et le développement du
Québec.
Je pense que c'est de cette façon que la crise des CEGEP est
devenue une réalité. Et qu'a fait le ministre de l'Education face
à la crise? Le 16 octobre dernier, il a fait une déclaration dont
j'ai le texte ici distribué par l'Office d'information et de
publicité déclaration qu'il aurait voulue habile je
l'ai lue et relue mais qui, en fait, constitue à elle seule une
admission sans réserve de la faillite de la politique gouvernementale
dans l'établissement des CEGEP au Québec.
Tout d'abord, il y a eu admission par le ministre de l'incurie
gouvernementale quant au développement et à la promotion
industrielle du Québec par le présent gouvernement. Or, ce
développement économique et cette promotion industrielle du
Québec sont seuls capables de créer en nombre et en
qualité suffisants les 500,000 nouveaux emplois nécessaires pour
absorber les jeunes qui gagneront le marché du travail d'ici 1973-1974.
Dans ce qui constitue, je crois, un véritable aveu d'impuissance de son
propre gouvernement, le ministre déclare c'est à la page
19 du texte que j'ai devant moi : « Si, par son insistance sur les
débouchés d'après les CEGEP, la crise actuelle avait
réussi à rappeler l'urgence de créer des emplois nouveaux
et par conséquent de procéder à une certaine planification
économique, elle aura eu, au moins, un aspect positif ».
Qu'est-ce que le ministre nous dit en faisant cette déclaration?
Il nous dit que le gouvernement n'a pas encore réalisé l'urgence
d'une politique visant à la création de nouveaux emplois
c'est cela qu'il nous dit dans ce texte qu'il a prononcé et un
développement...
M. GABIAS: Et encore...
M. LESAGE: ... et un développement rationnel de l'économie
du Québec. Ce n'est pas surprenant parce qu'il n'y a jamais personne de
l'Union Nationale qui a compris cela.
UNE VOIX: Voyons!
M. LESAGE: II a fallu la crise actuelle pour rendre le gouvernement
conscient de ses responsabilités. Je ne sais pas combien de fois,
évidemment, à ce moment-là, le ministre de l'Education a
plus ou moins eu connaissance, il était dans d'autres sphères
d'activité, mais de- puis deux ans et demi l'Opposition a pressé
le ministère de bouger en matière économique. Combien de
fois? des centaines, des centaines et des centaines de fois mes
collègues et moi, nous avons attiré l'attention du gouvernement
justement sur ces 500,000 nouveaux emplois qu'il fallait créer; sur le
besoin qu'il y avait de planifier le développement économique du
Québec.
Combien de fois avons-nous mis le gouvernement en garde contre les
méfaits de ce que nous avons appelé « l'ultra-conservatisme
» de sa pseudo-politique budgétaire en matière
d'investissements publics? Notre rôle de l'Opposition est clair et nous
l'avons joué. Nous étions conscients tout au long, et dès
le début, des dangers énormes que faisaient courir au
Québec et à sa jeunesse la politique conservatrice et
périmée de nos jours du gouvernement actuel.
En avril 1967, nous avons condamné la politique régressive
du gouvernement après le budget de M. Dozois, le premier budget, qui au
moment où les investissements privés diminuaient, après
avoir détruit la confiance des investisseurs dans la stabilité
politique du Québec, eh bien, le gouvernement ne trouvait pas mieux que
de réduire les investissements publics, d'accroître les taxes et
réussit à augmenter le chômage et l'inflation. Nous avions
insisté sur ce manque de confiance dans l'avenir du Québec qui
caractérisait le premier budget de l'Union Nationale, préparait
des réveils douloureux pour la jeunesse, et nous y sommes. Cela l'est,
le réveil, avec la crise que nous subissons.
M. GABIAS: Pas sûr.
M. LESAGE: En avril 1968, même situation, même sorte de
budget; réduction des investissements publics et augmentation des taxes.
C'est certainement cela que f ai dit, M. le Président.
M. GABIAS: Ah, non!
M. LESAGE: J'ai dit que le budget en 1967 était de nature
à créer le chômage et l'inflation. C'est textuel, j'ai dit
la même chose après le budget périmé et conservateur
d'une politique absolument inacceptable en 1968, et c'était le moyen
d'augmenter le chômage...
M. GABIAS: La preuve?
M. LESAGE; ... d'empêcher la création de nouveaux
emplois.
M. GABIAS: C'est parce que...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESAGE: On a toujours eu la même réponse. La
réponse est conservatrice et fait preuve d'un manque de planification,
d'un manque...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Il va falloir en revenir à la crise
actuelle de l'éducation.
M. GABIAS: C'est ça.
M. LE PRESIDENT: Nous sommes réunis, ce matin, afin de discuter
des problèmes de l'éducation.
M. LESAGE: Eh bien, M. le Président, il a fallu encore une fois
et je reviens à la déclaration du ministre que la
situation se transforme en une véritable crise pour que le gouvernement
ose s'avouer conscient d'un problème économique. Cela, c'est le
ministre de l'Education lui-même qui l'a fait le 16 octobre, il n'y a pas
tellement longtemps, il y a quelques jours. Il a fallu que les étudiants
occupent les écoles pour que les ministres comprennent. Qu'est-ce qu'ils
entendent faire? Cela, c'est fondamental. Est-ce que le gouvernement va changer
sa politique budgétaire? Est-ce que le gouvernement va se donner une
véritable politique économique? Je crains que non. Je crains que
la crise pour les ministériels ne soit pas encore assez aiguë.
Imaginez la clairvoyance, M. le Président, et le réalisme du
ministre de l'Education. II a décidé je cite, c'est
à la page 23 de son texte du 16 octobre « de proposer
à ses collègues des ministères économiques et du
plan il l'a répété tout à l'heure en
d'autres termes une table ronde où seront confrontés les
problèmes de développement économique et de
développement des ressources humaines ».
Une table ronde, c'est la réponse du gouvernement à la
crise dans le domaine de l'éducation. Ce sera sans doute, quand on
connaît le ministre de l'Education et ses collègues, une table
ronde où l'on tournera en rond. C'est tout ce qu'on sait faire du
côté du ministère.
M. LOUBIER: Elle est bonne!
M. LESAGE: Il me semble que le ministre de l'Education devrait
être sérieux. De deux choses l'une. Ou bien le ministre comprend
vraiment la situation présente et il propose un changement radical de la
politique économique du gouvernement; ou bien le ministre n'a rien
compris, et alors, il propose une prosaïque table ronde où, comme
d'habitude, on ne fera rien.
M. GABIAS: Rien comprendre, ça, c'est le cas de l'Opposition.
M. LESAGE : Quant à nous, du parti libéral, nous sommes
bien placés pour presser le gouvernement de se débarrasser du
conservatisme de sa politique économique s'il veut relever le
défi des 500,000 emplois nouveaux qu'il faut créer. C'est le
ministre des Finances actuel, le député de Saint-Jacques qui a
lui-même admis l'efficacité de la politique de progression
économique, de dynamisme économique, suivie de 1960 à
1966, en reconnaissant, dans l'annexe de son premier discours du budget, comme
on le sait, au printemps 1967: « C'est aux investissements massifs des
dernières années 1960 à 1966 qu'il faut attribuer le
processus expansionniste dans les secteurs industriels dont l'économie
toute entière a bénéficié. » Et le
député de Saint-Jacques ajoutait: « En 1966, le nombre des
nouveaux emplois au Québec atteint 104,000. »
Une politique budgétaire dynamique, une politique d'expansion
économique, de l'imagination, de la hardiesse dans la conduite des
affaires économiques de l'Etat, et dans l'espace d'un an, en 1966,
104,000 nouveaux emplois ont été créés. Et 5 fois
104, cela fait 520,000. Nous aurons besoin de ces 500,000 nouveaux emplois pour
nos jeunes d'ici cinq à six ans.
J'espère que le ministre de l'Education va aller vraiment
à la source de tout le mal. L'insécurité que sentent les
étudiants des CEGEP et des universités est due à cette
cause profonde qui leur fait voir partout une augmentation du chômage,
qui leur fait constater l'absence de politique dynamique de la part d'un
gouvernement ultra-conservateur pour créer les nouveaux emplois qui leur
permettront de vivre une vie normale, d'assurer leur avenir et celui de leur
famille, lorsqu'ils créeront un foyer.
C'est ça, le grand mal. C'est profond. Le ministre de
l'Education, il lui reste quatre ou cinq semaines à faire partie du
cabinet. Alors, il me semble qu'il pourrait se servir de ce temps-là
pour convaincre ses collègues.
M. GRENIER: C'est le discours de Bagot.
M. LESAGE: J'aurai bien d'autres choses à dire dans Bagot,...
M. GRENIER: Ce ne sera pas si bon que cela.
M. HOUDE: Par ses proposeurs...
M. LESAGE: Le ministre, dans sa déclaration du 16 octobre, a
admis je l'ai dit tantôt - la faillite de la politique
économique de l'Union Nationale depuis deux ans et demi. Il ne s'est pas
arrêté là. Il y est allé aussi d'un « mea
culpa » personnel, tout en tirant une flèche à son
prédécesseur immédiat au ministère de l'Education,
le premier ministre actuel.
M. GABIAS: Laissez-le parler, ce sera plus intéressant.
M. LESAGE: C'est à la page 20 du texte distribué par
l'Office d'information et de publicité: « Force nous est de
constater que les étudiants ont boudé les options
professionnelles, même les plus à la mode. Cela me paraît
regrettable et significatif. » En effet, M. le Président, cela
paraît à bien des Québécois fort regrettable. C'est
la raison d'être elle-même des CEGEP qui est mise en cause et c'est
tout l'esprit du rapport Parent qui s'en trouve faussé, au moins quant
au volume 2. C'est regrettable, comme a dit le ministre, mais c'est aussi
significatif, comme a également dit le ministre. C'est très
significatif de l'échec du gouvernement, de l'échec du ministre
de l'Education et de son prédécesseur immédiat.
Ce ne serait peut-être pas si terrible, évidemment, si la
faillite de l'enseignement professionnel des CEGEP n'avait été
que constatée par l'Opposition, je pense bien que tous mes amis d'en
face vont l'admettre. L'Opposition, diront-ils, est là pour critiquer,
d'accord. Mais quand des étudiants ont occupé des collèges
et en occupent encore quand ils occupent des collèges, c'est pour
le faire savoir quand les parents manifestent parce qu'il y a des
parents qui ont manifesté et quand l'association des professeurs
de l'enseignement technique et professionnel parle à qui veut l'entendre
du fouillis indescriptible de la formation professionnelle, le ministre a
raison, c'est très significatif.
Le plus extraordinaire, c'est que le ministre s'abstienne
complètement et ça, c'est dans le texte ici, et il n'a
rien proposé ce matin, non plus de proposer quelque solution que
ce soit pour remédier à la situation, sauf un vague, très
vague programme d'action socio-économique étudiante. C'est la
conclusion de sa déclaration du 16 octobre. Pourtant, le rapport Parent
insistait pour que le ministre de l'Education voie à assurer une
meilleure orientation des étudiants. Est-ce que le ministre de
l'Education entend assurer de meilleurs services d'orientation? Cela aussi,
c'est essentiel. Cela manque. Il n'en dit rien. Il ne s'engage pas, ou il n'ose
pas s'engager. Je ne parle pas d'orienter les étudiants de force, mais
je parle d'excellents services d'orientation qui vont faire comprendre aux
jeunes, par exemple, ce qu'il peut y avoir d'emplois à venir, d'emplois
rémunérateurs dans le domaine de l'informatique, dans le domaine
des ordinateurs, dans le domaine de la technique moderne de l'administration
des affaires. Mais pour cela, il faut de l'orientation. Il faut renseigner les
étudiants à fond, presque individuellement, par des orienteurs
pour leur faire comprendre et admettre que l'avenir, il est là, chez
nous. Il faut que cela soit accompagné d'une politique économique
et d'un développement industriel dynamique, parce que c'est seulement
à ce moment-là que les élèves comprendront bien que
l'avenir, c'est là qu'il est. Et on aura guéri la plus grande
partie du mal si, en même temps, on ajuste les programmes en
conséquence et si les programmes eux-mêmes ne constituent pas une
incitation aux élèves à suivre plutôt des cours de
formation générale que des cours de formation technique et
professionnelle.
Je ne sais pas si le ministre entend faire revivre, par exemple, les
comités conjoints et permanents de consultation entre l'enseignement
professionnel et le monde du travail. Le ministre a dit qu'il avait
consulté. Du moins, il l'a fait dire par son sous-ministre ou son
sous-ministre a dit pour lui, le 5 octobre, qu'il avait obtenu la collaboration
des milieux professionnels. Peut-être, mais ce ne sont pas les
comités qui existaient: comités de travail et de consultation
permanents entre le monde de l'enseignement professionnel et le monde du
travail. Les comités ont été mis en veilleuse, depuis
1966. Le ministre n'en dit pas un mot. On ne sait pas.
Je pense que je me répète et je le
répète au coeur du problème des CEGEP, il y a la
question d'orientation. D'ailleurs, le ministre lui-même l'a dit tout
à l'heure. Encore faut-il agir. Ce n'est pas nouveau, ce problème
d'orientation.
En 1964, en Chambre, Je disais; « Cette année, nous
proposerons à la Chambre d'établir un véritable
ministère de l'Education il n'y en avait pas, cela date seulement
de 1964 un véritable ministère de l'Education qui adaptera
notre régime d'enseignement aux réalités actuelles.
» C'est ce que nous avons commencé à faire et nous
étions en bonne voie jusqu'en 1966, alors que tout est tombé.
Oui, les programmes gouvernementaux ont été
abandonnés, et je n'en veux pour preuve que tous les chiffres qui sont
publiés sur le chômage, sur la récession économique
dans le Qué-
bec, sur le fait qu'il y a plus de chômeurs au Québec que
dans les provinces de l'Atlantique...
M. BELLEMARE: A l'ordre!
M. LESAGE: ... ce qui ne s'était jamais vu auparavant.
M. LE PRESIDENT: Revenons à l'éducation.
M. LESAGE: Certainement, tant qu'il y aura du chômage comme il y
en a...
M. LE PRESIDENT: Revenons à l'éducation!
M. LESAGE: ... l'éducation n'aboutira sur rien, et c'est
là une des causes principales de la crise scolaire.
M. GABIAS: A quoi le parti libéral attribue-t-il sa
défaite en 1966?
M. LESAGE: Dès le tout début de la réforme
scolaire...
UNE VOIX: Le créateur du Québec!
M. LESAGE: C'est vous qui le dites, je vous remercie. Des le tout
début de la réforme scolaire...
UNE VOIX: II accepte ça!
M. LESAGE: ... la politique du gouvernement libéral,
c'était de mettre en place un système d'éducation qui
répondrait aux réels besoins de la vie économique au
Québec. Une suffit pas pour un ministre de regretter ses erreurs, faire
des mea culpa, comme le ministre en a fait dans sa déclaration il
faut au moins tenter de les corriger.
Il s'est contenté de regrets, comme on en voit à la page
22 de son texte, ce qui va bien de pair avec l'irresponsabilité et
l'immobilisme du gouvernement dont il fait partie. Il est bien dans son
milieu.
Enfin, toujours dans sa déclaration du 16 octobre 1968, le
ministre a affirmé que le projet de loi créant une
deuxième université de langue française au Québec
était maintenant prêt. Le ministre décrit l'organisation
juridique de cette deuxième... Je l'ai entendu à la
télévision, hier soir, aussi, au programme Caméra 68 et je
n'ai rien appris de plus que ce que je pouvais savoir par les
déclarations antérieures du ministre. Tout ce qu'il fait, c'est
réitérer sa promesse à l'effet qu'elle sera ouverte en
septembre 1969 et dire que ça s'étudie depuis déjà
un bon bout de temps. Il a dit un an, hier soir.
Le ministre parle des cadres juridiques, mais il est silencieux sur
l'essentiel. Quels seront les besoins prioritaires que devra satisfaire cette
deuxième université? Quels sont-ils, les besoins prioritaires?
Quel sera l'accent donné à l'université du Québec
qui est l'ensemble et à cette deuxième université de
langue française à Montréal quant aux disciplines qui y
seront encouragées? Cela, nous ne l'avons pas entendu du ministre.
Il nous a dit que c'était devant le conseil des ministres, qu'il
espérait que ce soit étudié le plus rapidement possible et
il nous demandait d'attendre. Attendre, attendre!
Nous avons été habitués avec le gouvernement
actuel, vous savez, à attendre. Le ministre de l'Education est bien dans
son milieu, je le répète, puisqu'il nous fait attendre
encore.
M. GABIAS: Vous allez attendre longtemps parce que nous sommes là
pour 20 ans!
M. LESAGE: Attendre! Exemple, l'affaire de Saint-Léonard. C'est
dans le domaine de l'éducation. Certainement, M. le Président.
Cela fait partie de la crise scolaire actuelle. Voilà quatre mois que le
problème est posé. Comme solution, le ministre s'est
contenté de demander aux intéressés d'attendre que les
officiers de son ministère lui aient fait rapport et qu'il ait
étudié le rapport. Cela c'était au début. On a
ainsi attendu jusqu'au moment où la situation s'est
détériorée par l'occupation de l'école
Aimé-Renaud. Là, il ne fallait plus attendre; il fallait agir,
agir vite, et on a apporté une solution cocasse à un
problème que j'appelle un problème physique.
Mais quant au fond du problème lui-même, celui du droit des
parents de choisir la langue d'enseignement pour leurs enfants aux niveaux
élémentaire et secondaire, on doit continuer d'attendre encore.
Cette fois-ci, paraît-il, on attend le rapport du comité de
restructuration scolaire.
Or, il semble bien que ce n'est pas dans le mandat de ce comité
et que le comité ne se prononcera pas sur cette question qui doit
être réglée par les législateurs à
l'instigation du gouvernement. D'autant plus que nous connaissons aujourd'hui
l'essentiel des recommandations du comité de restructuration scolaire de
Montréal. On attend encore. Je pense qu'il est temps, M. le
Président, que l'Assemblée législative reconnaisse
formellement aux parents du Québec le droit de faire instruire leurs
enfants dans la langue officielle de leur choix.
En conclusion, M. le Président, je soumets que les membres du
comité, de même que les
députés et les contribuables du Québec, ont le
devoir de demander au ministre de l'Education de préciser, et sans
détour, sa politique et celle du gouvernement dont il fait partie sur
les problèmes que je viens d'évoquer. Je crois également
de mon devoir et de mon droit de demander au ministre des explications valables
sur certains autres aspects du problème scolaire et étudiant,
aspects que je décrirai brièvement comme suit;
Premièrement, de nombreuses écoles ont ouvert leurs portes
cette année avec plusieurs semaines de retard, parce qu'elles n'avaient
pas les locaux, les volumes ou l'équipement technique nécessaires
pour dispenser un enseignement adéquat.
Deuxièmement, j'attire son attention sur les retards
injustifiés dans la construction de plusieurs écoles, ce qui
oblige les commissions scolaires à dispenser l'enseignement suivant des
horaires baroques et confus.
Troisièmement, la Fédération des commissions
scolaires du Québec s'inquiète de l'absence de véritable
politique de regroupement des commissions scolaires.
Quatrièmement, j'attire son attention sur le gaspillage des fonds
publics lorsque le gouvernement ne verse pas à temps les subventions
dues aux commissions scolaires, ce qui oblige ces dernières à
emprunter auprès des banques et des caisses populaires des sommes
très considérables et à payer indûment des frais
élevés. D'ailleurs, à plusieurs reprises, j'ai
attiré son attention, par lettres ou par télégrammes, sur
des cas patents de négligence dans les paiements.
Cinquièmement, l'inaction du gouvernement dans la mise sur pied
d'une réforme du financement des commissions scolaires, tel que promis
dans son programme de 1966, par le parti auquel il adhère. Qu'est-ce que
le gouvernement attend pour soulager les petits propriétaires
fonciers?
Sixièmement, comment va-t-il régler le fouillis continuel
dans le système des prêts-bourses?
Septièmement, il y a menace de grève des enseignants. Il
faudrait que le gouvernement se branche, parce que cette menace de grève
et de cela j'en ai eu connaissance personnellement crée un
climat insupportable, tant chez les enseignants que chez les parents et chez
les étudiants.
M. ROY: Des informations personnelles.
M. LESAGE: Huitièmement, M. le Président, je dis que la
politique de formation des maîtres est, dans son ensemble, un
échec. Cela a, d'ail- leurs, été constaté par des
gens beaucoup plus qualifiés que moi: le Conseil supérieur de
Pé-ducation et les associations professionnelles d'enseignants du
Québec
Enfin, neuvièmement, j'attire son attention sur le manque de
coordination et de planification je reviens un peu à ce que j'ai
dit tantôt dans le développement et l'expansion des
universités québécoises.
M. le Président, je considère que tout le domaine de
l'éducation au Québec, à cause de l'incurie du
gouvernement actuel et de son ministre de l'Education, est dans un fbullis
épouvantable. Cela ne justifie pas la violence. Je suis parfaitement
d'accord avec le ministre. Je ne puis accepter que Pon agisse en n'observant
pas la loi, mais il faudrait absolument que le gouvernement, et
particulièrement le ministre de l'Education, montre un peu de «
leadership ».
S'il y avait plus de vie, moins de tâtonnement, moins de ces
fameuses tables rondes, le gouvernement savait seulement où il va, eh
bien, je pense que nous pourrions espérer au Québec la paix
sociale dans le domaine estudiantin, dans le domaine scolaire. Que le
gouvernement et le ministre prennent donc leurs responsabilités! C'est
ça que je leur demande, parce qu'ils ne font rien. Les problèmes
sont nombreux, il sont aigus et on n'apporte aucune solution. Tant que le
gouvernement ne prendra pas en main toute la situation, tant que le ministre
n'apportera pas des mesures susceptibles de régler le fond des
problèmes, tant qu'il n'y aura pas une nouvelle orientation & la
politique gouvernementale, eh bien, nous ne pouvons pas espérer que nos
jeunes puissent poursuivre leur éducation dans la paix et dans la
sérénité.
M. GERIN-LAJOIE: M. le Président, il
se-rait-peut-être...
M. LE PRESIDENT: M. le futur député... M. CARDINAL: M. le
Président...
M. LESAGE: M. le Président, est-ce que je pourrais demander que
le président s'abstienne de partisanerie politique? C'est le moins qu'on
pourrait demander à un jeune...
M. GRENIER: C'est le chef de l'Opposition qui devrait donner l'exemple
là-dessus...
M. LESAGE: Je pense qu'il conviendrait que les députés
exposent les détails de ce que je viens d'exposer, assez
brièvement, pour que le ministre de l'Education qui a déjà
parlé d'ailleurs, puisse donner une réponse complète.
M. LE PRESIDENT: Je pense que, après l'exposé du chef de
l'Opposition, il conviendrait peut-être que le ministre de l'Education
puisse répondre. M. Cardinal, s'il vous plaît.
M. CARDINAL: M. le Président...
M. LE PRESIDENT: M. Cardinal, le ministre de l'Education, va
répondre à chaque intervention.
M. MICHAUD: Il a déjà parlé...
M. CARDINAL: M. le Président, est-ce qu'on pourrait avoir la
parole, s'il vous plaît?
M. MICHAUD: Ce ne sera pas long, il ne pourra pas répondre
à ça.
M. GRENIER: C'est votre chef qui a décidé ça.
M. GABIAS: Il a une façon de bâillonner les membres,
continuellement.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Messieurs à l'ordre! M.
Cardinal...
M. GERIN-LAJOIE: M. le Président, pour faciliter le travail du
comité, je me demande s'il ne serait pas plus utile et on
éviterait des pertes de temps si le comité le permettait encore
une fois pour ne pas faire de chicane de procédures me permettait
de faire une intervention à ce moment-ci pour compléter celle du
chef de l'Opposition, ceci permettrait au ministre de l'Education de
répondre un peu plus à l'ensemble, parce que, il y a
évidemment des regroupements, des complémentarités entre
les interventions.
M. LESAGE: Cela donne du complémentaire.
M. LE PRESIDENT: M. Cardinal a la parole.
M. CARDINAL: M. le Président, je vais accepter que le
député de Vaudreuil-Soulanges prenne la parole après le
chef de l'Opposition. Probablement que le premier est incomplet et que le
deuxième sera ajouté à ce discours électoral que je
viens d'entendre.
M. GERIN-LAJOIE: M. le Président, après l'exposé
que vient de faire le chef de l'Opposition, exposé qui a
été axé dans une large mesure sur les questions d'ordre
économique et tou- te la question du développement
économique pour vraiment assurer des débouchés à la
jeunesse qui est actuellement dans nos écoles ou celle qui viendra au
cours des prochaines années, je pense que je me dois d'aller un peu
davantage dans les détails d'une situation dans le domaine de
l'éducation directement, qui frise vraiment la catastrophe et qui
pourrait avoir des conséquences désastreuses non seulement pour
une génération de Québécois mais aussi pour tout
l'avenir du Québec.
Le ministre nous a dit tout à l'heure que la crise de l'Education
ou la crise scolaire actuelle, spécifiquement celle à laquelle
nous avons eu à faire face depuis environ trois semaines, est
terminée ou pratiquement terminée ce matin. C'est-à-dire
que les CEGEP revoient les élèves réintégrer leurs
classes dans presque tous les cas ou tous les cas, nous dit-il, et qu'à
l'université c'est à peu près la même situation,
quoique je pense que le ministre admet que dans certaines facultés,
à Montréal, en particulier, peut-être à
Québec, cette réintégration n'est pas encore faite. Mais,
indépendamment de la réintégration des classes par les
étudiants, je me dois de dire tout de suite au début de cet
exposé que je me propose de faire, que cela ne signifie pas que la crise
est réglée.
Bien loin de là. Les élèves qui retournent dans les
CEGEP et à l'université ne sont plus les élèves qui
y étaient il y a trois semaines. Les professeurs qui reprennent leurs
cours dans les CEGEP et les universités ne sont plus les mêmes
professeurs que ceux qui étaient là il y a trois semaines. Les
administrateurs de ces institutions ne sont plus, non plus, les mêmes
administrateurs que ceux qui étaient là il y a trois
semaines.
Il s'est passé quelque chose au Québec, quelque chose de
grave en surface et de très sérieux en profondeur, qui laissera
des marques très profondes. Sûrement qu'avec la
réintégration des classes par les élèves et par les
professeurs, on se trouve en face d'une nouvelle phase et d'une nouvelle forme
de la crise scolaire au Québec, crise qui est loin d'être
réglée.
Pendant l'été, c'est-à-dire pendant l'ajournement,
soit la période de juillet, août et septembre, j'ai eu l'occasion,
sans doute comme plusieurs d'entre nous, députés, fonctionnaires
ou autres personnes, de circuler dans la province de Québec. J'ai
rencontré, comme bien d'autres sans doute, des parents, des
éducateurs, des administrateurs scolaires, des étudiants; des
étudiants comme tout le monde, mais aussi des leaders étudiants
et des contribuables, en général, une catégorie globale
qu'il ne faut jamais oublier.
Chez toutes ces catégories de citoyens, c'est le malaise et
l'inquiétude. Le plus souvent, c'est le désarroi et, trop
fréquemment, c'est même une véritable panique chez toutes
ces catégories de citoyens. Tant d'argent, tant d'efforts, tant de
transformations de régime de vue depuis quelques années pour
aboutir où? Pour aboutir à ce qu'on a vu depuis quelque temps et
à tout ce qu'on soupçonne quand on gratte un peu, en dessous de
la surface.
Le ministre, lui, nous donne bien l'impression qu'il n'a rien vu de tout
cela, qu'il n'a rien vu venir, en particulier, Jusqu'à ce qu'à la
mi-octobre il se réveille brusquement comme d'un cauchemar. Et, pour
parler de la sorte, je me base sur sa déclaration du 16 octobre aux
journalistes, qu'il a ouverte par les paragraphes suivants: « Le
Québec connaît, depuis une dizaine de jours, une période de
contestation étudiante dont la physionomie s'est modifiée
continuellement et quotidiennement. Les thèmes de cette contestation
n'ont pas toujours été clairement exprimés par les
étudiants eux-mêmes qui déclarent volontiers suspendre
leurs études et occuper leurs établissements pour
réfléchir et identifier les problèmes. »
Le ministre continuait: « Il est bien évident qu'il ne
saurait être question de réprouver globalement un mouvement qui,
en plus de s'inscrire dans un contexte mondial d'éveil de la jeunesse,
est motivé par une incontestable sincérité. On ne peut que
porter àl'actif d'une collectivité le désir de ses
éléments jeunes d'identifier clairement les problèmes qui
la confrontent et de réfléchir collectivement sur les solutions
à apporter. »
Comme c'est rassurant, M. le Président! Mais, je continue la
lecture: « Si le ministre de l'Education, au nom de l'ensemble des
citoyens, ne peut d'aucune façon approuver des manifestations qui
paralysent un système d'enseignement élaboré au coût
de lourds investissements humains et financiers, il ne peut, par ailleurs, que
voir d'un bon oeil les efforts de lucidité déployés par la
majorité des étudiants. »
Déclaration vraiment ni chair, ni poisson où l'on veut
ménager la chèvre et le chou. Et le ministre continuait: «
Le ministre souhaite ardemment le ministre en est à
l'époque des voeux qu'au plus tôt les
éléments actuels permettent de dégager des formules plus
parfaites de participation, qui élargissent le rôle des
étudiants dans l'élaboration des décisions qui les
concernent, avec, comme seules limites, l'efficacité et la
rationalité que devra respecter toute forme nouvelle de dialogue qui
pourrait être proposée.
Et un peu plus loin, le ministre disait: « Si ce sont les
étudiants des collèges qui ont contesté avant ceux des
universités, c'est sans doute que les CEGEP représentent
actuellement le lieu de la plus grande lucidité et du plus grand
dynamisme du système scolaire ». Eh bien, M. le Président,
ce n'est plus de la naïveté que de s'exprimer de la sorte
j'hésite à employer cette expression personnellement, je
trouve que c'est de la bêtise. Ce n'est pas parce que les
étudiants des CEGEP ont une plus grande lucidité que c'est
là que la crise a éclaté récemment. C'est tout
simplement - et cela est évident pour tous les citoyens du
Québec, sauf pour le ministre de l'Education - si l'éclatement a
eu lieu dans les CEGEP, c'est tout simplement parce que c'est là
qu'existe le plus grand fouillis, c'est là qu'existe la plus grande
inquiétude, c'est là qu'existe le plus grand malaise à
travers tout le système d'éducation du Québec. Nous
n'avons pas besoin de chercher plus loin la raison pour laquelle c'est dans les
CEGEP et non pas dans les universités ou dans d'autres secteurs de
l'enseignement que l'éclatement qu'on sait s'est manifesté depuis
quelques semaines.
M. GABIAS: C'est un beau témoignage...
M. GERIN-LAJOIE: Et je dirai ceci de plus, que l'objet du malaise et du
mécontentement généralisé qu'on constate depuis
quelque temps dépasse de beaucoup la question de l'université et
celle du développement économique auquel a
référé le ministre dans sa déclaration du 16
octobre. Les manifestations d'étudiants des dernières semaines ne
sont que l'explosion la plus récente et la plus spectaculaire, sans
doute, d'une véritable crise de l'éducation qui fermente depuis
des mois à la faveur d'une administration gouvernementale de plus en
plus tra-cassière, de plus en plus incohérente, de plus en plus
inerte. Le ministre de l'Education a beau parler, dans la partie que j'ai lue
tout à l'heure de sa déclaration du 16 octobre, d'un mouvement
qui s'inscrit dans un contexte mondial d'éveil de la jeunesse, il
n'échappera pas aussi aisément à la responsabilité
de rendre compte des affaires de son administration au Québec
Les députés ou aspirants députés ne sont pas
ici simplement pour se dire entre eux des choses gentilles. Ils sont ici pour
contrôler la marche des affaires publiques et s'efforcer de faire la
lumière sur les questions d'intérêt général.
C'est pourquoi l'Opposition libérale a de-
mandé la réunion d'urgence de ce comité et a
l'intention de soulever des problèmes précis sur lesquels nous
demandons au ministre de l'Education de s'expliquer. Il y a d'abord une grande
catégorie de problèmes, ceux des administrateurs scolaires au
Québec. J'en viendrai tout à l'heure aux problèmes qui
touchent les autres catégories de personnes engagées dans le
domaine de l'éducation. Le problème des administrateurs scolaires
d'abord.
Premièrement, le blocage des constructions d'écoles.
Comment se fait-il que dans le discours du budget prononcé par le
ministre des Finances en mars 1967, on nous annonçait la mise en
chantier, au cours de l'année budgétaire qui allait commencer, de
131 écoles secondaires, réparties dans toutes les régions
du Québec, pour une somme d'environ $125 millions, alors qu'une fraction
seulement de ce programme a été réalisée au cours
de l'année? Comment se fait-il que dans son discours du budget de fin
mars 1968, le ministre des Finances nous annonçait un nouveau programme
de construction d'écoles secondaires pour une somme totale compte
tenu de la contribution des commissions scolaires régionales
elles-mêmes de près de $170 millions, alors qu 'une minime
fraction de ce montant a été engagée jusqu'à
maintenant.
Comment se fait-il que le ministère de l'Education impose aux
architectes, aux ingénieurs et aux administrateurs scolaires de
recommencer continuellement les plans de construction d'écoles, de faire
à répétition, de mois en mois, des pèlerinages
à Québec pour rencontrer les fonctionnaires du ministère
de l'Education, qui réclament sans cesse et chaque fois de nouvelles
modifications sans pouvoir présenter de normes écrites, sans
pouvoir présenter à l'avance les exigences du ministère
quant aux plans de construction des écoles? Comment se fait-il que nous
assistions à un gel à peu près systématique, stole
bureau du ministre, des projets de construction d'écoles qui ont
été complétés, et approuvés par les
fonctionnaires et au sujet desquels ces pauvres fonctionnaires ne savent plus
quelles raisons donner pour l'absence d'autorisation du ministère
à procéder à la demande de soumissions et, dans d'autres
cas, à l'octroi des contrats de construction et à la mise en
chantier? Situation tellement sérieuse, tellement grave que des
fonctionnaires aussi consciencieux que ceux que nous avons au ministère
de l'Education, aussi désireux de protéger le ministère et
de respecter la solidarité et le secret qu'exigent leurs fonctions, se
sentent, à un moment donné, obligés de dire aux
commissaires d'écoles, aux architectes ou aux ingénieurs que les
projets de lettre d'autorisation sont rendus sur le pupitre du ministre et
qu'on en attend des nouvelles. Et, on en attend des nouvelles pendant des
semaines et pendant des mois.
Deuxième problème des administrateurs scolaires, celui du
blocage des projets d'ameublement et d'équipement des écoles
déjà construites.
M. BELLEMARE: Je ne veux pas être désagréable envers
l'honorable député, mais je pense qu'il est à revenir sur
un débat antérieur qui a été fait pendant
l'étude du budget. Je dis à l'honorable député que,
si c'est son intention de continuer dans cette direction-là, nous
n'atteindrons pas l'objectif que tous nous recherchons, celui de constater les
raisons fondamentales de la crise étudiante et non de
répéter ce qui a été dit lors de l'étude du
budget. Je pense que le député est plus objectif que cela et
qu'il devrait revenir sur le véritable problème qui est
créé par la crise actuelle des CEGEP.
Je ne pense pas que les règlements vous permettent de faire une
rétrospective de tout ce qui a été discuté lors de
l'étude des crédits, comme vous le faites actuellement.
M. GERIN-LAJOIE: M. le Président, je comprends l'esprit dans
lequel le ministre du Travail fait son intervention, mais il comprendra et vous
comprendrez que, pour nous de l'Opposition et nous avons le sentiment
qu'il en est de même pour l'ensemble de la population la crise
scolaire actuelle n'est pas un incident de trois semaines au cours desquelles
les étudiants ont occupé leurs institutions. La crise scolaire,
à l'heure actuelle, au Québec, est une situation qui a des causes
multiples. Comme j'ai voulu le souligner au tout début de mon
intervention, l'éclatement auquel nous avons assisté depuis trois
semaines est l'éclatement d'une situation qui a fermenté depuis
des mois, d'une situation dont nous avons eu l'occasion de parler dans une
certaine mesure, soit à l'occasion de l'étude des crédits
de l'Education, soit à l'occasion de questions ou de courts
débats à l'Assemblée législative, mais d'une
situation qui persiste et qui prend de nouvelles formes à l'heure
actuelle.
Je pense que, si du côté du gouvernement, on jugeait que la
crise scolaire actuelle n'a aucune relation avec les faits dont je suis en
train de parler, on ne ferait que la démonstration très claire et
très nette qu'on ne comprend pas ce qu'est la crise scolaire. On n'en
comprend pas les causes et, par conséquent, on ne prend pas les moyens
d'y remédier.
Je suis sûr, M. le Président, que le ministre du Travail,
en particulier, ne voudra poser aucune objection à ce que, du
côté de l'Opposition, nous décrivions, à
l'intérieur d'une limite de temps bien raisonnable, les causes
véritables que nous voyons à la base de la crise actuelle de
l'éducation.
Quand je mentionne, comme deuxième problème auquel les
administrateurs scolaires ont à faire face, celui du blocage des projets
d'ameublement et d'équipement d'école, j'ai en vue, en
particulier, pas les blocages du mois de juin, pas les blocages du mois d'avril
ou du mois de mars, mais les blocages actuels, le 23 octobre 1968, qui
contribuent au climat d'ensemble que nous pouvons tous constater au
Québec, si nous avons le moindrement les yeux ouverts, et qui font entre
autres que la crise actuelle est loin d'être réglée par la
réintégration des classes de la part de groupes
d'étudiants et de groupes de professeurs.
Comme troisième problème auquel les administrateurs
scolaires ont à faire face, je veux signaler celui des retards de deux
ans dans l'approbation des états financiers des commissions scolaires.
Pas de changement depuis l'étude du budget, l'étude des
crédits du ministère de l'Education.
Quatrième problème dans cette catégorie, celui du
retard dans la publication des normes budgétaires du ministère de
l'Education.
Cinquième problème, M. le Président, retard dans
l'approbation des budgets dont on a parlé déjà. Des
retards qui ne sont pas en voie d'être corrigés. Retards que le
ministre de l'Education, que le gouvernement de la province laissent se
prolonger sans cesse et qui sont l'un des multiples éléments qui
constituent le tableau à la base de la crise scolaire actuelle.
Sixièmement, retards dans l'approbation des contrats de transport
d'écoliers dont on n'a pas parlé lors de l'étude des
crédits du ministère de l'Education.
Septièmement, retards dans les paiements des subventions aux
commissions scolaires qui n'ont pas été réglés et
se sont aggravés depuis le mois de juin 1968.
Huitièmement, emprunts bancaires à court terme pour
financer les salaires et autres dépenses courantes qui
s'élèvent à un chiffre astronomique d'environ $200
millions.
Neuvièmement, aujourd'hui, cet automne, pas le printemps dernier,
des professeurs pas payés dans des commissions scolaires.
Voilà autant de problèmes auxquels ont à faire face
les administrateurs scolaires.
Une deuxième catégorie de problèmes, maintenant,
ceux auxquels les professeurs ont à faire face. Mentionnons, tout
d'abord, ces négociations qui n'aboutissent pas, qui traînent en
longueur, sans jamais se régler. Je n'ai pas l'Intention de faire un
débat sur cette question, mais je veux la mentionner comme un
élément d'une grande importance dans le tableau que je suis en
voie de dresser. Voilà plus d'un an que les véritables
négociations ont commencé et où en est-on vraiment? Il
s'ensuit un climat d'insécurité, avec le spectre permanent d'une
grève de professeurs comme une épée de Damoclès sur
la tête des élèves, des parents tout autant que des
professeurs. Il s'ensuit aussi un ralentissement du travail chez les
professeurs. On sait jusqu'à quel point, dans presque toutes les
commissions scolaires, les enseignants sont rendus à faire uniquement le
strict nécessaire en vertu de leurs conditions d'engagement, enlevant
tout esprit, tout coeur au travail et se refusant à toutes les
tâches incidentes qui requièrent depuis toujours, du temps
supplémentaire non compté de leur part et qui, aujourd'hui,
placent les administrations scolaires dans une situation impossible.
En rapport avec les professeurs, il y a toute la question de la
formation des maîtres à laquelle le chef de l'Opposition a fait
allusion en passant. On se trouve ici, selon le témoignage du Conseil
supérieur de l'éducation, selon le témoignage des
enseignants, selon le témoignage de combien de groupements, devant
l'absence à peu près totale d'une politique rationnelle de la
formation des maîtres, absence qui s'élargit de jour en jour et
qui élargit le fossé séparant l'enseignement donné
aux futurs maîtres et l'enseignement que ceux-ci seront appelés
à dispenser dans les écoles.
Les organismes qui ont été créés par le
ministère jusqu'à maintenant, pour orienter et mettre en marche
la réforme scolaire dans la formation des maîtres, n'ont rien
produit qui vaille outre que le règlement numéro 4, et le
programme-cadre de la formation des maîtres.
Rien de concret n'a été réalisé
jusqu'à maintenant alors qu'on sait, selon les statistiques, les
projections fournies par le rapport Parent, que d'ici 1971, ce sont 30,000
enseignants qu'il faudra former, préparer pour satisfaire aux besoins de
nos écoles. Pourtant les écoles normales gouvernementales sont
plongées dans la confusion et l'insécurité.
Depuis deux ou trois ans, les écoles normales privées
disparaissent une à une, par épuisement, en l'absence de toute
politique gouvernementale à leur sujet. Quant à la transition des
écoles normales existantes vers les facultés universitaires, les
sciences de l'éducation, c'est la confusion la plus complète.
Une troisième catégorie de problèmes, ceux
auxquels les étudiants eux-mêmes ont à faire face.
Les problèmes les plus aigus des étudiants gravitent autour des
CEGEP, bien sur. Mais, ils touchent inévitablement, le niveau secondaire
qui prépare au CEGEP et le niveau universitaire sur lequel
débouche, pour tout son enseignement de formation
générale, le CEGEP.
Eh bien, dans ce domaine, un premier problème est celui de
l'imprécision des conditions d'admission au CEGEP. On n'a pas à
fréquenter bien longtemps les étudiants du Secondaire V, dans
l'une ou l'autre de nos commissions scolaires régionales, pour se rendre
compte du climat d'insécurité qui existe à cause,
précisément, du manque de précision des conditions
d'admission au CEGEP. Les professeurs, les directions générales
de nos commissions scolaires régionales convoquent les étudiants
du Secondaire V en séances d'information pour finalement leur dire
qu'ils n'ont pas de renseignements suffisamment précis du
ministère pour répondre à leurs questions sur les
exigences qu'on leur imposera pour leur admission au CEGEP l'an prochain.
Deuxième problème, celui de l'improvisation et du
changement tardif des programmes du Secondaire V et du CEGEP. Ici on n'a pas
besoin de fréquenter longtemps des élèves de ce niveau ou
de fréquenter longtemps des professeurs pour constater qu'au cours du
mois de septembre et du mois d'octobre 1968, dans nos écoles, on a
reçu des instructions de modifier les programmes des étudiants du
Secondaire V qui se dirigent vers les CEGEP, de modifier les programmes des
CEGEP eux-mêmes, au point que des étudiants qui se sont vus donner
au début de leur année scolaire, au début de septembre, ce
qu'on appelle des grilles, des programmes, des calendriers ou des horaires
d'étude, se voient imposer des modifications avec des substitutions de
cours et cela, je le dis bien, une fois engagés depuis quelques semaines
dans leur année scolaire.
Troisième problème auquel les étudiants ont
à faire face, celui de la disparition de l'enseignement
professionnel.
M. GABIAS: Est-ce que le député de
Vaudreuil-Soulanges...
M. GER1N-LAJOIE: Voilà un sujet d'envergure sur lequel il importe
particulièrement d'insister parce qu'on sait jusqu'à quel point
il a été mis en relief au cours des dernières semaines,
par les étudiants et également par diverses catégories
d'enseignants...
M. GABIAS: M. le Président, est-ce que le député de
Vaudreuil-Soulanges me permettrait une question? Seulement une question, bien
poliment, monsieur?
M. GERIN-LAJOIE: Je pense que le ministre pourra poser ses questions
plus tard, étant donné les circonstances, le travail du
comité.
M. GABIAS: C'est parce que...
M. GERIN-LAJOIE: Je pense qu'il vaut mieux que je continue mon
exposé et le ministre pourra...
M. GABIAS: Non, c'est parce...
M. GERIN-LAJOIE: ... répondre aux questions et le ministre des
Affaires financières...
M. GABIAS: Institutions.
M. GERIN-LAJOIE: ... pourra poser ses questions au ministre de
l'Education...
M. GABIAS: Institutions financières.
M. GERIN-LAJOIE: S'il veut avoir recours à l'ancien ministre,
bien, je serai bien disponible.
M. GABIAS: Non, non, mais simplement quelques...
M. GERIN-LAJOIE: Alors, M. le Président, on a...
M. GABIAS: Je comprends qu'on ne veut pas que je pose la question?
M. LE PRESIDENT: Non.
M. GERIN-LAJOIE: Récemment, M. le Président,...
M. GABIAS: Très bien.
M. GERIN-LAJOIE: ... on a constaté que ce sujet était non
seulement un élément important dans la crise scolaire actuelle
mais qu'il pourrait provoquer une crise grave dans toute la vie globale du
Québec au cours des années et des générations
à venir.
Encore ici, ce n'est pas le langage d'un homme politique, ce n'est pas
le langage d'un homme de l'Opposition.
M. GRENIER: C'est votre discours de Bagot.
M. GERIN-LAJOIE: Alors pour ceux qui ne lisent pas les journaux, qui ne
sont pas renseignés sur la situation scolaire dans leur comté, je
dirai simplement que le mot à mot que je viens d'employer vient des
participants universitaires au colloque CEGEP « An 2 » qui s'est
tenu récemment à l'université Laval. C'est le langage
presque mot à mot du Conseil supérieur de l'éducation,
c'est le langage d'un bon nombre d'éducateurs, de professeurs,
actuellement engagés dans le système d'éducation du
Québec et c'est le langage tenu par un grand nombre d'étudiants
eux-mêmes, soit individuellement, soit par les porte-parole de leurs
associations.
M. GABIAS: Et parmi eux...
M. GERIN-LAJOIE: Je pense que les députés membres de ce
comité et ceux qui sont ici présents sans être membres du
comité, feraient mieux de cacher un peu leur ignorance et de
s'éviter des rires comme ceux que l'on a entendus tout à
l'heure.
Or voilà, M. le Président, que le ministre, dans sa
déclaration du 16 octobre...
M. ROY: C'est sans politique. C'estpresque mot à mot mais
politisé, comme vous avez le don de le faire. Toujours en
dépréciant les autres, vous passez pour un grand homme. Un grand
homme dans des escabeaux sans marches, on vous reconnaît.
M. GERIN-LAJOIE: Alors, M. le Président, je vais faire l'honneur
au député de Joliette de croire qu'il a un peu plus
d'intelligence qu'il en a manifesté et je vais vous
répéter ce que j'ai dit...
UNE VOIX: Il ne connaît rien là-dedans!
M. GERIN-LAJOIE: ... et il osera répéter que c'est une
phrase politisée et transformée par moi. J'ai dit qu'on a entendu
récemment que la situation faite à l'enseignement professionnel
au niveau des CEGEP pourrait provoquer au Québec non seulement une crise
de l'éducation, mais une crise grave pour le développement de
l'ensemble de la société québécoise. Si le
député de Joliette croit qu'il y a la moindre nuance de
politisation dans une expression ou une formulation comme celle que je viens
d'employer, eh bien, qu'il se plaise à le redire. Je pense que les
éducateurs, les étudiants et les parents sauront davantage la
façon dont ils doivent juger le député de Joliette et ceux
de ses collègues qui réagissent comme lui devant un
problème aussi sérieux que celui que nous sommes en voie de
discuter et qui touche aussi profondément l'avenir non seulement des
jeunes qui sont dans les écoles mais de toute une
génération de jeunes Québécois et de jeunes
Québécoises.
M. le ministre, dans sa déclaration du 16 octobre a eu
j'hésite à employer le mot, il n'est pas vraiment gentil, c'est
celui que j'ai pris en note en rédigeant mon document de travail
le ministre a eu, ce que j'appelle l'outrecuidance d'imputer cette situation
faite à l'enseignement professionnel aux étudiants
eux-mêmes.
A la page 20 du texte remis à la presse le 16 octobre, le
ministre disait: « Mais que les étudiants dénoncent le
sous-développement des options professionnelles dans les CEGEP, cela me
semble équivaloir à condamner les choix libres qu'ils ont fait
eux-mêmes en s'inscrivant massivement dans les options
préuniversitaires. »
Et le ministre continue il faut rappeler son texte au complet sur
ce sujet en particulier: « Par exemple, nous avons inauguré dans
onze CEGEP un cours professionnel en informatique qui est à la fois une
technique de pointe et un secteur du marché du travail dont nous savons,
après étude, qu'il offre des débouchés très
nombreux auxquels le Québec ne pourra suffire dans l'état actuel
des choses pour dix ans à venir. Il y a place dans ces onze CEGEP pour
1,500 étudiants en informatique, analystes et programmeurs. A peine 500
étudiants se sont inscrits.
Les besoins connus et identifiés, par un comité
consultatif avec l'industrie, se chiffrent à 1,800 analystes et
programmeurs par année pendant dix ans. Voilà 18,000
débouchés d'assurés, 18,000 emplois nouveaux dans un seul
secteur. « Et je continue la citation: « On pourrait multiplier des
exemples semblables mais force nous est de constater que les étudiants
ont boudé les options professionnelles même les plus à la
mode, cela me paraît regrettable et significatif, l'adéquation de
l'économie et de l'éducation ne pourra se réaliser s'il
faut ajuster le marché du travail aux orientations scolaires des
étudiants. »
Plus loin le ministre dit: « Posé ainsi à l'envers,
c'est bien sûr que le problème débouche sur la
constestation globale de la société ». Je me demande
toutefois si c'est la façon la plus réaliste et la plus
constructive pour l'avenir du Québec.
Eh bien, M. le Président, je réponds au ministre de
l'Education: Non. La faute, elle n'est pas aux étudiants, pas même
pour un iota. Non, M. le Président, il n'y a pas besoin, comme le
ministre le dit ailleurs dans sa déclaration,
« de contigentement des orientations » que ce soit à
la russe ou autrement; ça, ce n'est pas tiré de sa citation.
M. le Ministre, commencez par organiser un service efficace
d'information professionnelle, d'orientation et d'incitation à
l'égard des occupations en demande, comme celle dont vous avez
donné un exemple; cela fait lamentablement défaut.
Deuxièmement, faites des directives écrites et des
séances d'information à l'intention des responsables des
inscriptions, des registraires comme on les appelle parfois, dans les CEGEP,
pour qu'ils cessent de conseiller à presque tous les jeunes
indistinctement de tenter leurs chances dans les options
préuniversitaires en leur disant qu'en cas d'insuccès ils
pourront toujours tomber, oui tomber, c'est le mot qu'on emploie, en
professionnel.
Troisièmement, changez les programmes pour cesser d'exiger, des
étudiants en professionnel, presque autant d'études de
philosophie et de matières spéculatives que s'ils étaient
en préuniversitaire et cela, en plus des études proprement
techniques qu'on exige de ces étudiants.
Quatrièmement, changez aussi les programmes pour cesser d'imposer
aux étudiants du technique, du professionnel en général,
un nombre d'heures par semaine substantiellement plus grand que celui qu'on
exige des étudiants en préuniversitaire.
M. le Ministre, si vous savez prêter l'oreille, vous entendrez
d'autres suggestions valables de la part de vos fonctionnaires, de la part des
éducateurs qui ont quotidiennement la main à la pâte.
Et j'en arriverai ici à la quatrième catégorie de
problèmes touchants directement les étudiants, le manque de
liaison entre l'école et le monde du travail, problème qui n'est
pas nouveau, bien sûr, problème qui n'est pas d'aujourd'hui, ni
d'il y a un an ni d'il y a deux ans bien sûr, mais problème qui,
loin d'être envoie de solution, est en voie de pourrissement. On pourrait
donner de multiples exemples, de multiples illustrations des formes que prend
ce manque de liaison entre l'école et le monde du travail.
Qu'est-ce qu'on fait dans votre ministère M. le Ministre, par
exemple, pour régler le problème suivant, qui se présente
dans diverses régions rurales et pratiquement dans tous les milieux du
Québec, situation comme celle des étudiants qui sortent du niveau
de l'enseignement de métiers, comme c'était le cas jusqu'à
maintenant.
Ils sortent de l'enseignement de métiers au mois de juin dernier,
avec les spécialités dans lesquelles on les forme, dans ces
écoles ou à ce niveau d'enseignement. Ils se présentent
sur le marché du travail mais ne peuvent pas trouver d'emplois à
cause des règlements des corporations professionnelles ou des
comités paritaires, ou d'autres groupements qui regroupent les diverses
occupations, les diverses professions.
On sait jusqu'à quel point, dans le milieu du travail, on exige
un apprentissage. Qu'est-ce qu'on fait, M. le Ministre, à votre
ministère, au ministère du Travail, au gouvernement de la
province en général, pour s'assurer que nos jeunes, qui sortent
de nos écoles de métiers et qui sortiront demain des options
professionnelles de l'enseignement secondaire et la même chose
s'appliquera vraisemblablement à ceux qui sortiront des options
professionnelles des CEGEP - ne se voient pas fermer la porte au travail, dans
les diverses occupations pour lesquelles ils ont été
préparés.
Je pourrais, et les députés en cette Chambre pourraient
donner des exemples, comme le député de Charlevoix, par exemple,
des cas bien précis, un relevé statistique fait sur un nombre
considérable d'étudiants qui, au sortir de l'école de
métiers, se sont vu refuser l'entrée dans des métiers, se
sont vu refuser l'entrée à l'apprentissage et ont
été obligés d'aller gagner leur vie dans la coupe du bois
ou autrement, et perdre à jamais le bénéfice,
vraisemblablement à jamais, des études qu'ils ont faites et de la
préparation spécifique qu'ils ont reçue pour une fonction
de travail.
On pourrait parler de tous ces comités de liaison entre
l'école et le monde du travail. Le ministre a parlé, dans sa
déclaration du 16 octobre, d'un certain nombre de comités, une
vingtaine ou une trentaine qui fonctionnent régulièrement depuis
deux ans pour assurer la liaison entre la direction générale de
l'enseignement collégial et le monde de l'industrie. Eh bien, le
ministre pourrait sûrement nous donner la liste de ces comités, la
liste des membres qui en font partie, la date de formation de ces
comités, le nombre de séances qu'ils ont tenues.
M. le Président, je peux affirmer une chose sur laquelle le
ministre n'a jamais donné de renseignements contraires. C'est qu'il
existait, il y a deux ans, un grand nombre de comités de liaison entre
des écoles de métiers ou instituts de technologie, entre des
institutions scolaires locales et le monde du travail. Or, ces comités
de liaison ont été laissés en veilleuse depuis ce temps.
Et je parle en pleine connaissance de
cause, après avoir eu l'occasion de parler personnellement
à certains membres de ces comités dans certains milieux de la
province, et en plus d'avoir entendu des témoignages venant par des
intermédiaires.
Cinquième problème auquel les étudiants ont
à faire face, l'imprécision des conditions d'admission à
l'université.
M. le Président, est-ce que les membres de cette Chambre, les
membres de ce comité, est-ce que le ministre de l'Education et ses
fonctionnaires, est-ce que les autres membres du conseil des ministres n'ont
pas entendu de nombreux étudiants des CEGEP manifester à haute
voix et à répétition leur inquiétude profonde
résultant de l'imprécision des conditions d'admission à
l'université, au sortir des CEGEP? On répète aux
étudiants, c'est le cas des professeurs et des dirigeants de nos
institutions, que tout le monde qui sera passé par les options de
formation générale ne sera pas nécessairement admis
à l'université, qu'il n'y aura pas de place pour tout le monde et
qu'on ne sait pas les conditions qui seront imposées pour l'admission en
telle ou telle faculté. On parle souvent en termes de pourcentage dans
les résultats scolaires. Faudra-t-il 65% de réussite aux examens
pour être admis à l'université? Faudra-t-il 70%, 75%,
80%?
M. le Président, sous l'ancien système, un étudiant
qui avait son B. A. savait qu'il avait automatiquement une entrée
à l'université, sauf, peut-être, en faculté de
médecine. Partout ailleurs, l'admission était automatique. Il
fallait changer le système pour toutes les raisons mises clairement de
l'avant par le rapport Parent, mais il ne fallait pas, en transformant notre
système, créer un tel état d'imprécision et de
désarroi au point que les étudiants, en entrant au CEGEP, ne
puissent pas savoir quels résultats ils devront obtenir pour se voir
assurer l'accès à l'université.
Vous voyez d'ici la situation qu'on est en train de créer pour un
nombre évidemment inconnu, mais vraisemblablement considérable,
de jeunes garçons et de jeunes filles. On les laisse s'engager dans les
études de formation générale, donc
préuniversitaires, ne préparant à aucune fonction de
travail, pendant deux ans de CEGEP, et à la fin de ces études de
CEGEP, il peut se trouver qu'on dise à ces étudiants : La porte
de l'université vous est fermée.
C'est une situation intolérable, qui est l'un des multiples
éléments qui constituent le tableau de la crise scolaire.
Sixième problème auquel les étudiants ont à
faire face: le problème de manque de places à l'université
et spécifiquement pour les étudiants de langue française
dans la grande région mé- tropolitaine de Montréal, ce qui
pose le problème de la deuxième université de langue
française à Montréal.
Dans sa déclaration du 16 octobre le ministre prend des pages et
des pages pour nous dire qu'il a beaucoup étudié, que ses
fonctionnaires et certains autres collaborateurs extérieurs au
ministère ont beaucoup étudié et que le ministre est
maintenant prêt à entrer dans une phase qu'il appelle - au
ministère de l'Education on a toujours un langage bien à soi - de
la planification active.
On a planifié, depuis un an, depuis deux ans, depuis trois ans,
depuis quatre ans. Maintenant on va faire quelque chose qui n'est pas de la
planification, ça va être de la planification active. Eh bien, que
ce soit de la planification active ou de la planification tout court, ce n'est
pas ce dont la population du Québec, ce n'est pas ce dont les
étudiants du Québec ont besoin. C'est de l'action, c'est de la
mise en oeuvre. Ce sont des choses concrètes dont la population du
Québec a besoin.
Et en ce qui concerne l'établissement d'une seconde
université de langue française à Montréal, je
trouve fantastique, mais de façon fort décevante, que le ministre
consacre tant de pages dans sa déclaration du 16 octobre, à nous
dire que depuis qu'il est là, qu'avant qu'il soit là, pendant que
le premier ministre actuel était ministre de l'Education, on a beaucoup
étudié. Je ne sais pas si le ministre actuel de l'Education fait
abstraction des études faites par la commission Parent, dont elle a
rendu compte dans son rapport? Je ne sais pas si le ministre de l'Education
fait abstraction du rapport du comité d'étude
présidé par M. Guy Rocher, qui a été remis au
ministère de l'Education autour de décembre 1965. Je ne sais pas
si le ministre de l'Education fait abstraction de tout le travail qui avait
été fait avant son arrivée, avant même
l'arrivée de son prédécesseur immédiat au
ministère de l'Education, par les fonctionnaires de ce
ministère.
Et ce qu'il y a de plus grave, c'est que le ministre, avec une assurance
qui pourrait être désarmante si on ne connaissait pas le fond du
problème, nous dit, à la télévision, depuis
quelques semaines, il nous a dit à ce comité, déjà,
il nous a répété, par la voie de sa déclaration aux
journaux, il nous a dit tout à l'heure qu'elle va être faite,
l'université du Québec et que, en particulier le campus de
Montréal va être ouvert au mois de septembre 1969.
Eh bien, je dis que le ministre se prépare et prépare
malheureusement au Québec tout entier, au sujet de cette deuxième
université française à Montréal, une nouvelle
crise. Le
ministre de l'Education en préparant, en ayant
préparé, en ayant continuellement préparé, selon ce
qu'il dit, en catimini, en comité du ministère, en comité
restreint avec quelques groupes extérieurs, son projet de
deuxième université française à Montréal, je
dis que c'est tout le contraire, de la façon dont on doit aujourd'hui,
procéder, de la façon qui fait l'objet des revendications
fondamentales du monde de l'éducation, que ce soit chez les
étudiants, chez les professeurs, chez les administrateurs scolaires, la
méthode de la participation.
Le ministre nous dira qu'il a engagé la participation de certains
milieux extérieurs en communiquant des notes, en communiquant la
substance d'avant-projets, à des associations étudiantes,
à des universités ou associations d'universités, à
d'autres associations du monde de l'enseignement, que ce soit dans le domaine
de la formation des maîtres, dans quelque autre secteur particulier de
l'éducation.
Mais, ce que je dis aujourd'hui, c'est que ce genre de participation est
fort insuffisant. C'est une participation qui a été
utilisée au ministère de l'Education depuis des années.
C'est une participation qui a fait la démonstration de son insuffisance.
A preuve, le retrait des étudiants de la plupart des comités
conjoints du ministère de l'Education. C'est une méthode qui est
absolument insuffisante et insatisfaisante pour l'ensemble des secteurs de la
population qui s'intéressent au développement de
l'éducation.
Quand le ministre nous dit dans sa déclaration que le projet est
rendu sur la table du conseil des ministres, quand le ministre nous dit qu'il
faudrait bien que le projet soit adopté par le Parlement du
Québec avant la fin de 1968, donc d'ici deux mois, pour que l'affaire
soit juridiquement sur pied au début de 1969, je dis que le ministre se
condamne lui-même. Il avoue d'avance que son projet ne peut pas se
réaliser. Le ministre doit savoir tout de suite qu'il ne peut pas
compter sur les députés de cette Chambre, ni d'un
côté ni de l'autre, je l'espère, pour adopter, en l'espace
de quelques heures, ou en l'espace de quelques jours, quelque projet que ce
soit qu'il nous soumettra.
Si le ministère de l'Education, avec le travail de ses deux
ministres successifs depuis deux ans et demi, le travail de ses fonctionnaires
relativement nombreux jamais de façon suffisante probablement
ses fonctionnaires compétents et expérimentés, si
les collaborateurs extérieurs dont il a pu utiliser les services ont mis
des années à réaliser le projet qui nous sera soumis
éventuellement, si des groupements étudiants, si le Conseil
supérieur de l'éducation ont mis des semaines, sinon des mois
à étudier des projets qui leur ont été soumis par
le ministre de l'Education, je pense bien qu'il ne doit pas s'attendre que les
députés de cette Chambre, tenus dans l'ignorance totale de tout
ce qui s'est fait à ce sujet, depuis deux ans, tenus dans l'ignorance de
tous les documents qui ont été mis en circulation, tenus dans
l'ignorance de toute information dont disposaient les fonctionnaires, dont ont
été mis au courant les divers collaborateurs extérieurs ou
les différentes associations extérieures, pourront, en l'espace
de quelques jours, absorber toute cette matière, faire les consultations
qui s'imposeront, parce qu'aucun des membres de cette Chambre n'a la science
infuse, faire à l'Assemblée législative et en
comité les débats qui s'imposeront. Tout cela en l'espace de
quelques jours.
Le ministre ne fait pas que se tromper, ce serait en pareille
hypothèse manifester un profond mépris, ce serait je le
mets au conditionnel un profond mépris du Parlement. Si les
fonctionnaires et les corps extérieurs ont eu des mois et des
années pour étudier la chose, les députés auront
droit, dans l'intérêt public, à un certain nombre de
semaines pour étudier la chose en faisant les consultations
extérieures qui s'imposeront.
Devant une pareille situation, je ne vois pas comment le ministre peut
espérer réaliser son projet d'avoir une loi adoptée avant
la fin de 1968, surtout qu'aucun projet de loi n'est actuellement devant la
Chambre, surtout que le premier ministre, dans ses conversations avec le chef
de l'Opposition, conversations auxquelles il a été fait
écho à l'Assemblée législative hier, n'a fait
aucune allusion à la possibilité même qu'un tel projet de
loi soit présenté. Conversations au cours desquelles le premier
ministre a dit au chef de l'Opposition qu'on allait, au cours des prochaines
semaines, finir le plus rapidement possible la session commencée et
liquider les choses déjà connues, les choses déjà
rendues publiques en plus de quelques projets de loi spécifiques qui ont
été énumérés par le premier ministre au chef
de l'Opposition, projets au nombre desquels ne se trouve rien qui ressemble de
près ou de loin à un projet de constitution d'une seconde
université de langue française à Montréal ou d'un
projet de constitution d'une université du Québec.
Il y a un septième problème auquel les étudiants
ont à faire face je ne m'y attarderai pas, parce que d'autres y
ont fait écho substantiellement, le chef de l'Opposition lui-même
en dehors de cette Chambre, bien d'autres celui
du financement des études collégiales et universitaires.
Le problème de la gratuité sur lequel le gouvernement n'annonce
aucune politique, aucune calendrier de réalisation. Il y a tout le
problème des normes d'octroi, des certificats de prêts et des
bourses, normes qui changent en plein début d'année scolaire.
Troisièmement, problème d'imputation d'un revenu de
travail d'été, même à tous les étudiants qui
n'ont pas travaillé de l'été et auxquels le chef de
l'Opposition a non seulement fait allusion mais dont il a parlé en
détail, parce que la situation économique qui prévaut au
Québec n'a pas permis de trouver de l'emploi.
Quatrièmement, le problème des taux d'intérêt
des prêts aux étudiants, intérêt qui a
été porté récemment de 5 3/4% à 7 5/8%.
Augmentation de taux d'intérêt qui justifie combien
complètement les objections que l'Opposition libérale avait
faites à l'adoption du projet de loi des prêts et des bourses en
décembre 1966, alors que nous avions critiqué le gouvernement de
ne pas inscrire dans le texte de loi le taux d'intérêt des
prêts qui seront chargés aux étudiants, alors que sous
l'ancienne loi, l'intérêt était fixé par la loi et
ne pouvait pas être majoré par simple arrêté en
conseil.
Cinquième problème de financement des études, celui
des retards inouïs, non seulement de ceux dont nous avons parlé au
mois de juin, dans l'octroi des bourses, dans l'octroi des certificats ou
autorisation de prêts, mais de ceux qui existent même encore
aujourd'hui, au mois d'octobre, le 23 octobre 1968, dans la remise des formules
pour les demandes de bourses et de prêts.
Il y a finalement, M. le Président, un problème dont on
n'a pas parlé, je pense, en public, depuis le changement de
gouvernement. C'est l'ensemble des problèmes relatifs aux fonctionnaires
du ministère de l'Education. On sait jusqu'à quel point
l'administration d'un ministère dépend de la compétence,
du nombre, de l'esprit de travail et de la détermination des
fonctionnaires qui appuient le ministre. Eh bien, je dis que le ministre de
l'Education est en train, depuis des mois, de miner la confiance de ses
fonctionnaires, ce qui a pour effet de nuire substantiellement au
fonctionnement du ministère.
On entend déjà, de la part du public, des plaintes au
sujet de la politisation du régime de bourses, du choix des
professionnels par les commissions scolaires.
C'est Pun des problèmes qui expliquent en partie la crise
scolaire. En deuxième lieu, le problème des conseillers
spéciaux du ministre qui pénètrent à
l'intérieur du ministère pour prendre les décisions
à la place des fonctionnai- res ou pour imposer les décisions du
cabinet du ministre. Troisièmement, les rumeurs non démenties par
le ministre jusqu'à maintenant, donc sources de minage de confiance,
rumeurs non démenties et je voudrais bien l'entendre
démentir.
C'est Pune des raisons pour lesquelles nous avons convoqué le
comité, pour entendre le ministre sur cette question-là comme sur
les autres. Rumeurs non démenties, le démembrement plus ou moins
prochain du ministère de l'Education...
M. GABIAS: Ce ne sera jamais ce que l'ancien ministre a fait!
UNE VOIX: C'est une habitude de rendre hommage chez eux!
M. GERIN-LAJOIE: ... en transformant l'administration de
l'équipement scolaire au ministère des Travaux publics. Ce n'est
pas nouveau. Le transfert des services de financement de l'éducation au
ministère des Finances, les problèmes du transfert des services
d'aide aux étudiants à un ministère comme celui de la
Famille et du Bien-Etre social. «Pose croire que des rumeurs comme
celles-là ne sont pas fondées. Mais je dis que des rumeurs comme
celles-là, qui ne sont pas démenties par le ministre, sont de
nature à miner la confiance des fonctionnaires qui ne sont pas
renseignés et que le ministre a le devoir de faire la lumière sur
des questions comme celles-là tout autant que sur les autres que j'ai
mentionnées.
M. GABIAS: Qui vous renseigne?
M. GERIN-LAJOIE: II y a le problème, M. le
Président,...
M. GABIAS: Qui vous renseigne?
M. GERIN-LAJOIE: M. le Président, je n'ai pas besoin des
interventions, à ce moment-ci, du député de
Trois-Rivières. Mais le député de Trois-Rivières
doit savoir très bien que tout député en cette Chambre qui
est le moindrement à son devoir entend de nombreux témoignages
d'administrateurs scolaires et entend de nombreux témoignages de
professionnels. Il entend de nombreux témoignages de professeurs, de
toutes catégories de citoyens qui sont constamment et quotidiennement
par la nature de leurs fonctions, en contact avec les fonctionnaires. On n'a
pas besoin d'être en contact direct avec les fonctionnaires du
ministère de l'Education pour entendre des rumeurs comme
celles-là et j'ai
employé le mot « rumeurs » à dessein, pour que
le ministre puisse faire la lumière qu'il jugera à propos de
faire.
Je suis bien à l'aise de parler du sujet dont je traite parce que
depuis deux ans et demi que j'ai cessé d'occuper mes anciennes fonctions
de ministre de l'Education, je me suis abstenu, volontairement, d'entrer en
contact directement avec les fonctionnaires du ministère de l'Education.
Je m'en suis abstenu par délicatesse. Le ministre actuel et son
prédécesseur le savent, je pense, et les fonctionnaires
évidemment sont à même d'en témoigner auprès
de leur ministre. Les choses dont je viens de parler sont, selon le langage
même que j'ai employé, des rumeurs, dans certains cas, des
plaintes, dans d'autres cas, des renseignements rapportés que le
ministre a le devoir d'éclaircir.
Il y a finalement, M. le Président, la question du gel des
dossiers au cabinet du ministre.
M. GABIAS: II lance les rumeurs! J'ai eu le privilège d'apprendre
ce matin que le député de Vaudreuil-Soulanges lance ces
rumeurs!
M. GERIN-LAJOIE: Je pense que les membres de cette Chambre ont le devoir
de se tenir les yeux ouverts. Si nous avions pris la responsabilité, il
y a six mois, nous, de cette Chambre, qui étions en contact avec les
étudiants, qui rencontrions les divers étudiants comme tous les
députés, tous les citoyens de la province et tous les
journalistes avaient l'occasion d'en rencontrer...
M. GABIAS: Les leaders de l'UGEQ.
M. GERIN-LAJOIE: ... si nous avions pris la responsabilité...
M. GABIAS: Les leaders de l'UGEQ.
M. GERIN-LAJOIE: ... de parler ouvertement à cette Chambre de ce
qui se préparait, des mouvements étudiants qui étaient en
train d'être fomentés, pour prévenir le ministre, pour
l'inviter à prévenir les coups, on nous aurait accusés,
bien sûr,...
M. GABIAS: Les leaders de l'UGEQ.
M. GERIN-LAJOIE: ... comme le député de
Trois-Rivières à ce moment-ci veut m'accuser. Notre devoir n'est
pas de dire qu'on va ménager telle ou telle personne, qu'on va
s'abstenir de faire écho à des choses qui se disent partout dans
la province, notre devoir c'est de faire la lumière, c'est de rapporter
ce que nous savons, c'est d'exposer des faits, des situations, des malaises,
des inquiétudes qui existent dans la population et c'est notre devoir
d'inviter le ministre de l'Education, comme c'est le cas dans tous les autres
domaines de l'administration provinciale, d'inviter les responsables de
l'administration publique à faire le point, à apporter de la
lumière, à rassurer s'ils en sont capables les divers secteurs de
la population.
Ce n'est pas quand les débats sont soulevés, quand les
pots sont cassés, comme dans le cas de la crise scolaire
particulièrement aiguë qu'on a vécu depuis trois semaines,
qu'il est le plus opportun d'intervenir. Si nous en avions parlé six
mois plus tôt, si le ministre avait posé des gestes dans un grand
nombre des sujets que nous venons de toucher, six mois plus tôt, je pense
que la crise scolaire n'aurait pas connu l'acuité qu'elle a connue.
M. GABIAS: Est-ce que le député a consulté les
leaders de l'UGEQ?
M. GERIN-LAJOIE: M. le Président, j'ai donné une longue
énumération de problèmes.
M. GABIAS: Les leaders de l'UGEQ?
M. GERIN-LAJOIE: Certains diront que c'est un long réquisitoire.
Pourtant je n'ai fait qu'effleurer un ensemble de problèmes auxquels on
a fait face dans le domaine de l'Education. Tout cela, pour employer le langage
du ministre de l'Education, ce n'est pas un contexte mondial d'éveil de
la jeunesse, c'est un contexte bien québécois, un contexte qui
relève de la responsabilité du ministre de l'Education du
Québec et qui relève de la responsabilité du gouvernement
du Québec. C'est dans ce contexte strictement québécois,
que le ministre de l'Education invite les étudiants et invite les
professeurs au dialogue.
Le ministre oublie-t-il que le dialogue suppose la confiance, et
croit-il vraiment qu'une administration aussi incohérente et aussi
inerte que celle du ministère qu'il dirige depuis un an, inspire
confiance à ceux qui s'occupent directement de l'éducation et
à l'ensemble de la population?
Ce comité est réuni pour permettre au ministre d'apporter
toute la lumière possible sur la question. Je n'ai pas touché le
problème fondamental de la participation réelle, par opposition
à une participation seulement nominale des étudiants à la
marche de nos institutions scolaires. Cette question, en particulier, ne peut
pas se régler par des gestes administratifs ou législatifs de la
même façon que la gran-
de partie des questions que f ai soulevées tout à
l'heure.
Cette question fondamentale de la participation des étudiants
à la marche de nos institutions scolaires, que ce soient les CEGEP, que
ce soient les universités, que ce soient d'autres institutions, elles se
réglera progressivement dans le dialogue et par le développement
de relations nouvelles à l'intérieur même de chacune des
institutions scolaires et avec l'assentiment du ministère de
l'Education. Mais ce dialogue, ce développement de relations nouvelles
suppose précisément comme condition préalable la confiance
que je viens de mentionner. Cest donc là, sur le plan de la confiance,
que doit se situer le premier objectif du ministre de l'Education.
En terminant cette intervention, je dirai que si j'ai employé par
moments un langage qui a pu paraître dur ce n'est pas à cause des
sentiments que f entretiens à l'égard du ministre ou de ses
collaborateurs, mais c'est uniquement pour traduire la profondeur de
l'inquiétude et du malaise que ressentent un très grand nombre de
jeunes, un très grand nombre des parents et des éducateurs du
Québec. C'est au sujet de cette inquiétude et de ce malaise que
nous attendons du ministre de l'Education des explications, des choses
précises et des gestes concrets au cours des prochains jours en
commençant par 1'énumération qu'il nous en donnera
à la séance de ce comité.
M. CARDINAL: M. le Président.. M. LE PRESIDENT: Un instant!
UNE VOIX: M. le Président, sur un point de règlement.
DES VOIX: II n'a pas le droit de parole.
M. LE PRESIDENT: Un instant, M. Cardinal s'il vous plait, vous avez la
parole... A l'ordre: s'il vous plaît, à l'ordre!
UNE VOIX: Le chef ne veut pas qu'il commence à parler.
M. GABIAS: II vous a bâillonné, votre chef!
M. CARDINAL: M. le Président, s'il vous plaît...
M. LAPORTE: M. le Président, j'invoque le règlement. Nous
avons accordé tout à l'heure, en suspendant l'application de
l'article 429 de notre règlement, le droit de parole à un membre
du Conseil législatif.
M. LOUBIER: C'est vous qui l'aviez invité à parler.
M. LAPORTE: Il n'est pas un député à
l'Assemblée législative. Est-ce que je dois comprendre
qu'après avoir suspendu l'application du règlement 429 pour
permettre à un non-député, pour qui nous avons d'ailleurs
beaucoup de respect, d'adresser la parole à ce comité, on va
maintenant interdire la parole à un député? J'aimerais
qu'on réponde à cette question-là.
M. LE PRESIDENT: M. Cardinal, s'il vous plaît, a la parole.
M. LAPORTE: Vous avez tout à l'heure avec beaucoup de
sérénité, ce dont vous faites preuve actuellement,
demandé un vote sur la suspension de l'article 429: Ni les
étrangers, ni les députés...
M. GABIAS: Vous avez demandé d'entendre M. Cardinal et vous ne
voulez plus l'entendre.
M. LE PRESIDENT: M. le député de
Trois-Rivières.
M. LAPORTE: M. le Président, est-ce que je peux vous poser une
question? Est-ce que l'article 429 est suspendu ou s'il ne l'est pas?
M. GABIAS: Le député de Chambly...
M. BELLEMARE: Suivant les procédures, il ne reste qu'une
demi-heure, puis vous voulez faire de la procédure, vous voulez
empêcher le ministre d'avoir le temps de répondre.
M. LAPORTE: Je pose une question.
M. BELLEMARE: C'est clair, on a eu deux heures, on a enduré
pendant deux heures. Un peu de « fair play ». Donnez donc au
ministre la chance de répondre au lieu de tuer le temps sur la
procédure!
M. LESAGE: M. le Président, tout ce que nous demandons, c'est que
l'article 429 ne s'applique pas aux députés et qu'ils puissent
à leur tour adresser la parole. Nous n'avons certainement aucune
intention de demander la parole avant le conseiller législatif. Tout
simplement, étant donné que nous avons suspendu l'application de
l'article 429 cela prend deux secondes en ce qui concerne M.
Cardinal, il devrait l'être, a fortiori pour les députés de
l'Assemblée législative.
M. GABIAS: M. le Président, j'avais la parole.
M. LESAGE: Nous ne demandons pas que la parole soit donnée au
député de Gouin. Nous demandons que son droit soit reconnu et
immédiatement M. Cardinal prendra la parole. Il n'y a pas de question de
procédure, c'est aussi simple que cela.
M. GABIAS: C'est aussi simple que ça, c'est une manoeuvre
maladroite de la part de l'Opposition.
M. LESAGE: M. le Président, le député n'a pas le
droit de dire que c'est une manoeuvre.
M. GABIAS: C'est une manoeuvre maladroite de la part de
l'Opposition.
M. LESAGE: S'il veut une chicane de procédure, on va la faire.
Nous n'en voulons pas, nous.
M. GABIAS: Hier, en Chambre, l'Opposition a fait une motion non
annoncée, par laquelle elle a substitué deux de ses membres pour
que ce matin deux autres membres aient le droit de parole. Ceux qui ont
été substitués ont été le chef de
l'Opposition et le leader parlementaire. Si, à ce moment, l'Opposition
avait voulu que le député de Gouin prenne la parole,
c'était d'en substituer un troisième. C'était aussi simple
que ça.
M. LAPORTE: M. le Président, il y a une question claire qui a
été posée. On va laisser parler le ministre sans
hésitation. Est-ce qu'il est admis que tous les députés,
membres ou non du comité, auront droit de parole, l'article 429 ayant
été suspendu? J'aimerais que le président
réponde.
M. LE PRESIDENT: Nous avons changé les noms des
députés hier soir. On aurait pu changer le nom du
député de Gouin.
M. LAPORTE: Est-ce que l'article 429 est suspendu, oui ou non?
M. BOUSQUET: M. le Président, je pense qu'on s'était
entendu pour donner d'abord la parole à M. Cardinal. En tout cas, on l'a
accepté, à la suite du chef de l'Opposition et du
député de Vaudreuil-Soulanges. Pourquoi ne s'en tient-on pas
à cela?
M. GABIAS: C'est une manoeuvre maladroite.
M. LE PRESIDENT: Il y a deux députés de l'Opposition qui
ont eu la parole. Il me semble qu'il reviendrait au ministre de
répondre.
M. LAPORTE: La question que l'on vous pose n'est pas celle-là,
Cela va être simple, ça. va être réglé. Est-ce
que l'article 429 est suspendu, oui ou non? Qu'est-ce que nous avons fait tout
à l'heure quand nous avons voté?
M. LOUBIER: J'ai été celui qui a proposé le vote.
Et, à ce moment-là, j'ai eu le soin de souligner que je ne
voulais pas faire de chinoiseries de règlement. Le vote ou la
proposition que je faisais était à l'effet de laisser parler M.
Cardinal. Il n'a pas été question, à ce moment-là,
de suspension de l'article 429.
M. LAPORTE: Vous insistiez pour que vos collègues n'aient pas la
parole.
M. LOUBIER: Ce n'est pas cela, M. le Président, mais le sens du
vote sur lequel on s'est prononcé, j'ai pris la peine de le
souligner, en disant que je ne voulais pas verser dans les chinoiseries de
règlement, citer les articles se résumait à donner
la parole I M. Cardinal.
M. CARDINAL: M. le Président, s'il vous plait. Je pense qu'on
peut se poser la question après plutôt qu'auparavant et me
permettre de répondre.
J'ai laissé parler le député de
Vaudreuil-Soulanges, après que M. le chef de l'Opposition se fut
exprimé. Vous vous rappelez ceci?
M. LESAGE: Vous l'avez laissé parler...?
M. CARDINAL: J'avais demandé la parole, M. le chef de
l'Opposition, si vous vous en rappelez. C'est enregistré
aujourd'hui.
M. LESAGE: J'ai laissé parler!...
M. GABIAS: C'est un langage plus poli que celui du chef de
l'Opposition!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BELLEMARE: Si on avait voulu vous répondre...
M. LESAGE: J'ai dit cela en riant! M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. CARDINAL: M. le Président, nous devions parler de la crise
scolaire et j'ai réalisé
qu'à un moment l'Opposition semblait enfin vouloir élever
le débat. Malheureusement, on sait que, vers la fin, on est revenu
à des choses qui ne concernaient même pas la crise scolaire. De
toute façon, les réponses à ces mille questions qui ont
été posées existent. Certaines réponses ont
déjà été données. C'est à se demander
si l'Opposition lit et écoute. Les autres réponses pourraient
être données. C'est évidemment une question de temps.
Et quand je parle de réponses, il faudrait reprendre chacun de
ces deux discours pour voir les répétitions, les contradictions,
et même l'évocation de rumeurs.
Je préfère m'en tenir aux principes, et essayer de
reprendre, puis-je dire dans l'ordre, ce qui a été si longuement
exprimé cet avant-midi.
Au début de son intervention, le chef de l'Opposition, à
plusieurs reprises, est revenu en parlant de CEGEP, au singulier ou au pluriel,
qui seraient occupés. C'est un détail, un détail quand
même important dans cette crise. J'ai un bulletin de conjoncture au 23
octobre 1968, à 9 h 30. A ce moment-là, aucun collège
d'enseignement général et professionnel n'était
occupé. La faculté des sciences sociales de l'université
de Montréal était occupée en partie, à la suite
d'un vote, pour l'occupation, de 700 étudiants sur un nombre qui
dépasse 2,000 à cette faculté.
A l'université Laval, malgré un vote contre l'occupation,
les locaux de l'administration étalent encore occupés et les
locaux des Beaux-Arts sont présentement occupés. Je fais
grâce des détails que Je pourrais donner autour de ces
renseignements.
Le chef de l'Opposition a aussi mentionné au début de son
intervention que je n'aurais peut-être pas admis la contestation. Je
pense que le texte qu'il a si souvent cité en partie, selon ce que cela
faisait son affaire ou non, indique clairement au contraire qu'à
plusieurs reprises, et pendant la crise, et avant la crise, j'ai accepté
cette contestation, j'ai rencontré les étudiants. Et je dirai au
député de Vaudreuil-Soulanges que ce n'est même pas il y a
six mois que ceci était prévisible. Cela était même
prévisible avant. Dès décembre 1967, j'avais invité
l'UGEQ à me rencontrer. J'ai aussi rencontré les étudiants
en juin. Je les al aussi rencontrés en septembre. J'ai rencontré
les étudiants, avant que ne commence la crise, à la
télévision, ils étalent les représentants de
presque toutes les associations étudiantes.
J'ai continué à les rencontrer pendant cette crise, la
dernière rencontre ayant eu lieu au CEGEP de Limoilou, jeudi dernier,
alors que j'ai rencontré les représentants étudiants de
dix-neuf collèges d'enseignement général et
professionnel.
L'accès à l'université, l'accès au
marché du travail, le « fouillis » invoqué dans les
prêts-bourses, la formation technique et professionnelle, la
programmation des collèges d'enseignement général et
professionnel sont tous des sujets qui se rapportent directement à cette
crise. Et malgré les affirmations des deux personnes qui se sont
exprimées avant moi, malgré la négation que l'on veut
faire à l'effet qu'il y a un phénomène, non pas dans tout
le Québec mais de la terre, un phénomène étudiant
et de jeunesse, il ne faut pas rattacher cette crise à de petits
détails de rumeurs, à des questions administratives cette
crise aurait eu lieu de toute façon au Québec et ce n'est
pas ce qui s'est passé lors des débats sur les crédits au
mois de juin, ni même le colloque sur les CEGEP qui a pu créer la
crise, ce colloque n'a pu qu'être l'occasion qui a été
donnée aux étudiants, non pas de la faire débuter, elle
avait commencé, mais de la manifester d'une façon plus
publique.
Je reviendrai sur chacun de ces sujets. Quant à la question de
langue, sur laquelle, pendant la crise de Saint-Léonard, l'Opposition
s'est bien installée dans le silence, il est certain que le premier
ministre...
M. GERIN-LAJOIE: M. le Président, je me dois de soulever une
question de règlement et de privilège. Les membres de
l'Opposition, le chef de l'Opposition en tête et plusieurs de ses
collègues sont intervenus sur cette question lors de l'étude des
crédits du ministère de l'Education, ici-même, alors que le
premier ministre du temps est venu prêter main-forte au ministre de
l'Education, qui selon jugement du premier ministre, je suppose, en avait bien
besoin...
M. GABIAS: Comme vous, vous avez prêté main-forte à
votre chef.
M. GERIN-LAJOIE: ... et nous avons pris position très clairement
sur l'attitude à prendre dans cette crise de Saint-Léonard.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. LESAGE: La vérité a ses droits, tout de même!
M. BELLEMARE: Si la vérité a ses droits, nous aurions pu
répondre à votre discours, tout
à l'heure, presque mot à mot, parce qu'il y avait des
contradictions flagrantes avec ce qui existait et ce qui existe
aujourd'hui.
M. LESAGE: Vous nous conterez ça.
M. CARDINAL: M. le Président, si on m'avait laissé finir
ma phrase, on n'aurait pas eu besoin de question de privilège. Dans la
question de Saint-Léonard, il est exact, je le reconnais, que des
débats ont été tenus en juin sur le début de cette
crise alors qu'il s'agissait de l'élémentaire. Si j'avais pu
terminer ma phrase, j'aurais repris ce dont a parlé tantôt le chef
de l'Opposition, la question de l'école Aimé-Renaud, qu'il a
restreinte à une question purement physique. Je reviens donc au fil du
sujet.
M. GABIAS: Il a gardé le silence.
M. CARDINAL: Il faut noter que, dans cette crise, les étudiants
eux-mêmes n'ont jamais contesté les CEGEP. Jamais ce niveau
d'enseignement qui est nouveau et c'est une des raisons pour lesquelles
il est plus dynamique n'a été contesté par les
étudiants. Ils ont eux-mêmes, contrairement à l'Opposition,
porté le débat sur un plan beaucoup plus élevé.
Puisque l'Opposition a fait de cette crise un débat où l'on veut
attaquer le gouvernement, attaquer le ministre, j'aurais pu, dans mon premier
exposé, demander ce qu'on a fait entre 1960 et 1966 pour le regroupement
des commissions scolaires, la formation des maîtres, l'enseignement
supérieur, le renouveau pédagogique.
Si rien n'est fait encore aujourd'hui, je me demande ce qui a
été fait alors. Les causes de cette crise, je les ai
brièvement rappelées dans ma courte déclaration du
début. Je les ai reprises dans cette déclaration du 16 octobre,
qui n'a été citée qu'en partie, et qui a d'abord
été distribuée, non par l'Office de l'Information, mais
d'abord par le ministère.
Il est évident que, par la suite, des copies ont
été mises à la disposition de tous les
députés, de tous les étudiants, du public en
général et des moyens d'information.
Les CEGEP ont été créés par le bill 21, loi
du 17 juin 1967. Ce n'est pas à compter de ce moment qu'il y a eu
improvisation. Déjà, au ministère, on le sait, un travail
énorme avait été accompli, particulièrement au
cours de Fannée qui venait de s'écouler et, par
conséquent, les premiers collèges, au nombre de douze qui se sont
ouverts au début de septembre 1967, et les onze autres qui se sont
ouverts à la rentrée 1968 n'ont pas été
improvisés, loin de là.
Les programmes d'étude ont été
étudiés avec soin et l'Opposition elle-même reconnaît
que des comités mixtes ont fait un excellent travail. Mais, dans cette
création des collèges, il faut voir les problèmes comme
ils sont, les voir en face, et surtout, ne pas les politiser pour en faire des
éléments de discussion purement partisans. Il y avait dans la
création des CEGEP inhérente à la création de
nouveaux niveaux, de niveaux gratuits, d'une démocratisation de
l'enseignement, un certain nombre de problèmes qu'il fallait
prévoir et dont certains, d'ailleurs, avaient été
prévus dès le rapport Parent.
Devant la chambre de commerce, la semaine dernière, je me suis
exprimé assez longuement sur le sujet pour indiquer qu'il était
inévitable qu'en offrant à 38,000 étudiants la
possibilité de faire 14 ou 15 années de scolarité, de se
rendre au seuil de l'université, il est impossible que ces
étudiants ne viennent pas en grand nombre, ne s'Interrogent pas sur leur
avenir et choisissent selon une tradition qui est peut-être
particulière au Québec, selon des traditions qui étaient
particulières à certains collèges, des programmes, des
options, qui apparaissaient non pas plus faciles, mais qui leur paraissaient
plus accessibles.
Dans le texte du 16 octobre, on mentionne que des étudiants ont
eux-mêmes boudé certaines options, je ne nie pas ce texte. Et
c'est après information prise qu'on peut l'affirmer. Les options en
informatique, en aéronautique, en maritime, en administration sont
offertes à ces étudiants, et, on le mentionne aussi dans le
texte.
Nous mentionnons ces 18,000 postes qui peuvent être ouverts. Mais,
il est normal que des gens qui n'auraient même pas pensé à
se rendre au collège, qui n'avaient jamais de leur vie eu la
possibilité de se rendre jusqu'à l'université, y songent
pour le plus grand nombre une fois rendus dans les collèges.
Ceci n'est pas une situation de crise en soi. C'est une situation que
non seulement il faut étudier, mais à laquelle des remèdes
seront apportés. Lorsque ces collèges ont été
créés, non seulement ils ont été
créés à partir des collèges classiques, mais ils
ont été créés par l'intégration en plusieurs
endroits, des collèges dits classiques, des instituts de technologie,
des écoles d'infirmières et desautres institutions au niveau
collégial qui existaient dans chacune des régions.
Il est vrai que, parce que les contribuables doivent payer pour
l'établissement de ces collèges, pour le fonctionnement de ces
collèges, pour la gratuité des études dans ces
collèges, que tous les collèges qui ont été
créés jusqu'à présent l'ont été
à partir d'institutions existantes, d'équipement
déjà disponible, de profes-
seurs déjà dans l'enseignement, plutôt que de
créer, c'est-à-dire de faire des choses nouvelles à partir
de rien, d'abandonner d'une part ce qui existait et d'établir des CEGEP,
non pas 23 dans deux ans, mais peut-être 23 dans 5 ans, 8 ans, 10
ans.
Lors des débats sur les crédits, ici, les membres de
l'Opposition eux-mêmes voyaient un état d'injustice dans le fait
que dans certains endroits de leur comté, il n'y a pas de
collège.
Il n'est certainement pas possible de prévoir une planification
qui permette d'établir un réseau de plus d'une trentaine de
collèges en partant absolument de théories, d'idéaux et de
principes, sans se servir des forces vives que nous avions dans les domaines
que je viens de mentionner. Et c'est ce qui a été fait par le
gouvernement pour, en même temps, assurer cette démocratisation de
l'enseignement, assurer cette gratuité, permettre à la fois,
à des Québécois, à des jeunes, de se rendre au
seuil de l'université ou de les mieux préparer au marché
du travail.
Je pense que ceci est un fait; on sait qu'il y a présentement 24
corporations de collèges, la vingt-quatrième étant ce
collège de langue anglaise de la région de Montréal
où la corporation a été créée de
façon à permettre aux administrateurs, qui étaient d'abord
en comité provisoire, d'établir le plus tôt possible ce
collège de langue anglaise, dans la région de
Montréal.
C'est un tour de force que d'avoir créé en peu de temps,
sans improvisation, à partir de rapport d'une mission qui avait
planifié 23 collèges que les plus ardents contestataires n'ont en
aucun moment contestés.
M. GABIAS: Très bien.
M. CARDINAL: On a cité à plusieurs reprises mon texte du
16 octobre pour me faire croire que j'avais avoué des choses ou que
j'avais reconnu des inepties ou des défauts ou des carences au
gouvernement actuel. Il est facile de prendre n'importe quel texte de 25 pages,
de le couper et de l'interpréter. Je regrette, ce texte est public,
certains journaux l'ont donné en entier et à pleine page et je
m'en réfère à l'interprétation qu'en donnera la
population intelligente du Québec.
Quant à la planification économique, aucun pays ne peut en
un jour planifier son économie. Qu'est-ce que le gouvernement
précédent a fait pour, aujourd'hui, se permettre de nous juger et
de nous dire où nous en sommes? Qui a créé l'Office du
plan? Est-ce que cet office a été créé avant,
pendant ou après la crise? Le premier plan français date de 1945.
Est-ce que cela a empêché la crise scolaire à Paris et
est-ce qu'elle a été dans les proportions que nous avons connues
ici? On pourrait comparer aussi, avec d'autres pays j'y reviendrai
peut-être, si j'ai le temps ...
M. GABIAS: Prenez le temps, prenez le temps.
M. CARDINAL: Les comités professionnels ne sont pas en veilleuse.
Je ne vois pas pourquoi il serait nécessaire de dire les jours et les
heures de leurs réunions, le nom des personnes qui les composent et tout
le reste. Il y a parmi ces comités, présentement, un sur
l'aérotechnique au niveau collégial, qui a remis son rapport en
juillet 1967. Il y en a un sur les archives médicales au niveau
collégial qui a remis son rapport en juin 1968. Il y en a un en
bibliothéconomie au niveau collégial dont nous attendons les
recommandations. Il y en a un en foresterie au secondaire et au
collégial qui a remis son rapport en août 1968. Il y en a un en
imprimerie au secondaire où les études sont en cours. Il y en a
deux en informatique au niveau collégial dont les rapports sont
entrés en août 1968. Il y en a un en métallurgie au
secondaire et au collégial, rapport en août 1968. Il y en a un sur
les meubles et bois ouvrés, secondaire et collégial, rapport
déjà remis. Il y en a un sur les mines, secondaire et
collégial, rapport en septembre 1968. Un sur les papeteries,
collégial, rapport en juillet 1967. Un sur les pêcheries,
secondaire et collégial, rapport en septembre 1968. Un sur la
photographie, secondaire et collégial, en août 1968. Un sur le
plastique, secondaire et collégial, en septembre 1968.
Un sur la radiologie, collégial, les recommandations sont
attendues. Un sur les sciences commerciales, secondaire et collégial,
recommandations attendues. Un où il y a des députés, sur
les sciences humaines, au niveau collégial. Un fait des études en
cours sur les sciences infirmières au niveau collégial. Un autre
sur les sciences infirmières, au niveau secondaire, rapport
déjà remis. Un sur les techniques dentaires, au niveau
collégial, en juillet 1967. Un sur les techniques médicales, qui
est à son début au niveau collégial et un sur les
textiles, aux niveaux secondaire et collégial, rapport remis au mois
d'août 1968.
DES VOIX: Bravo!
M. CARDINAL: Ce ne sont pas les programmes qui sont en cause...
UNE VOIX: Formidable!
M. CARDINAL; La preuve, ce que vous-même nous avez
mentionné sur l'informatique! En fait certaines classes sociales, jusque
là écartées, peuvent enfin espérer quitter
l'école plus tard qu'après une septième année,
après une dixième année, après une douzième
année, après CPES et ceci est nouveau pour Québec. Ceci,
c'est un phénomène qui changera les débouchés qui
s'offriront à ces étudiants. Et j'en appelle à une de vos
affirmations, lorsque vous parliez des étudiants qui sortaient du niveau
des écoles techniques et qui n'étaient plus
préparés pour le marché actuel: C'est justement ce
phénomène des collèges qui intéresse aujourd'hui
d'autres pays que celui du Québec, qui permettra à cette
société du Québec de se modifier et d'offrir des
débouchés qui n'existaient pas auparavant puisqu'il y aura des
hommes préparés pour les remplir et qu'on ne soit pas
obligé, comme en informatique, d'importer de l'extérieur pour
remplir des postes qui ne sont pas remplis présentement par des jeunes
Québécois.
UNE VOIX: Quand même, vous n'avez pas grand succès.
UNE VOIX: A l'ordre!
M. LESAGE: Non, il s'en plaint.
M. CARDINAL: Qu'un gouvernement responsable, par la voix d'un de ses
ministres dans un texte publié, identifie clairement les
problèmes qui se posent plutôt que de les cacher, je pense que
cela ne diminue ni le ministre, ni le gouvernement, mais que cela honore le
gouvernement qui a le courage de le faire.
L'économie allemande est l'une des plus dynamiques du monde
actuellement, on le re-connaît. Cela a-t-il empêché Berlin,
Bonn, Cohn-Bendit? L'on parle de projet de loi pour la deuxième
université de langue française. Si l'on référait
à ce que j'ait dit depuis le premier décembre 1967, en aucun
moment je n'ai promis, je n'ai mentionné, je n'ai dit, je n'ai
évoqué qu'il y aurait une loi pour la création de la
deuxième université de langue française. J'ai même
à la télévision, à plusieurs reprises, et dans
plusieurs déclarations, mentionné que ce n'est pas sûr que
ce serait une loi et que, très probablement, que ce ne sera pas une
loi.
J'ai mentionné dans mon texte, cependant, que la création
de cette deuxième université de langue française, dans mon
opinion, me paraissait devoir être reliée à une future
université que l'on a appelée, et que l'on appelle encore
Université du Québec. Et j'ai mentionné, ce qui est
un fait, que le dossier avait été remis au conseil des ministres,
non seulement pour étude mais pour exécution.
D'ailleurs, ce ne sont pas les cadres juridiques de cette
université qui me préocupent d'abord, mais les cadres
pédagogiques et je réfute l'affirmation qui a été
faite qu'en aucun moment je me suis exprimé sur ce sujet. Il est exact
que je ne me suis jamais exprimé devant la Chambre à ce sujet,
puisque je n'étais pas député, ceci est aussi un fait que
je reconnais, mais ceux qui ont voulu lire les discours que j'ai
distribués à tous les députés depuis que je suis
ministre de l'Education, peuvent retrouver dans ces textes plusieurs
informations sur la façon dont le ministre a pu considérer dans
ces cadres pédagogiques, dans ces structures pédagogiques, dans
ces priorités, dans ces urgences, cette deuxième
université de langue française à Montréal.
Et je rappelle tout particulièrement que, dès le 31
octobre 1967, dès le 1er décembre 1967 au colloque de
l'université de Montréal et en plusieurs occasions, j'ai
mentionné que l'une des priorités pour les départements,
écoles oufacul-tés de cette université serait la formation
des maîtres. J'ai mentionné aussi que cette université ne
serait pas construite selon le plan traditionnel que nous avons dans nos
universités mais qu'au contraire ce serait une université
nouvelle et c'est pourquoi des études longues, importantes ont
été accomplies et le seront encore avant que l'université
n'ouvre ses portes en septembre 1969.
M. LESAGE: Comment a-t-il pu dans sa déclaration à la
presse dire: Dès qu'une loi...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): A l'ordre!
M. LESAGE: ... créant l'Université du Québec sera
adoptée, et seulement à ce moment-là j'aurai le pouvoir
d'agir? Pourquoi se démentir comme cela?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Le ministre a la parole.
M. CARDINAL: M. le Président, je ne me démens en rien.
Dès que la loi de l'université du Québec sera
passée, je ne me démens en rien si cela a été
publié. Je viens de mentionner et je répète que je n'ai
pas parlé de loi d'une deuxième université de langue
française.
M. LESAGE: Mais dès que la loi de l'Université du
Québec aura été adoptée.
M. CARDINAL: C'est exactement ce que je viens de dire.
M. LESAGE: Oui, mais pourvu que ça vienne!
M. GERIN-LAJOIE: Dès que la loi sera passée les lettres
patentes seront émises à l'université à
Montréal.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. CARDINAL: Mais s'il y a une Université du Québec, il
faut une loi.
UNE VOIX: Il faut une loi. M. CARDINAL: C'est exact
M. LESAGE: Il faudrait que la loi soit passée avant janvier.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! M. LOUBIER: Ne vous
fâchez pas!
M. LE PRESIDENT: Lorsque M. Gérin-Lajoie parlait tout à
l'heure, le ministre de l'Education écoutait religieusement et sans dire
un seul mot. Je demande qu'on écoute religieusement le ministre.
M. CARDINAL: Merci M. le Président. Je regrette, M. le chef de
l'Opposition, je ne me suis en rien démenti. J'ai tout simplement
répété, en d'autres mots, ce qui était dans ce
texte et je ne nie et ne renie aucune des phrases de ce texte. Quant au
regroupement des commissions scolaires, je dois rappeler, malgré les
affirmations qui ont été faites, que c'est la
Fédération même des commissions scolaires qui a
demandé de prendre à sa charge le regroupement. Je serais donc
surpris qu'ils soient inquiets que le ministère n'ait pas fait adopter
une loi ou n'ait pas pris d'autres moyens. Lorsque je les ai rencontrés,
en décembre 1967, je leur ai même dit que j'approuvais leur
façon volontaire de procéder à ce regroupement pourvu que
ce regroupement se fasse dans un délai que j'ai qualifié de
court.
Quant à la grève des enseignants, l'on sait que, ces
derniers, au lieu d'avoir devant eux uniquement un ministre pour discuter, sont
face à un ministre délégué qui représente le
gouvernement et que ce ministre n'est pas le ministre de l'Education. Vous
savez tous, et je pense que c'est une information que l'Opposition devrait
connaître, que le ministre de l'Education ne se
désintéresse pas de cette question, au contraire, mais qu'il
respecte la responsabilité qui était donnée à un de
ses collègues, responsabilité d'ailleurs qu'il assume avec
maîtrise quelles que soient les affirmations...
Quant à la planification, si on me permet, au niveau
universitaire, l'on sait et les députés le savent, eux qui sont
en Chambre, que la loi du Conseil... Je regrette, il n'y a aucune
désollda-risation, c'est au contraire une marque de solidarité
que de reconnaître la responsabilité d'un collègue et de
collaborer avec lui, plutôt que de faire des déclarations à
ses lieu et place.
M. GERIN-LAJOIE: Le ministre me permettra de signaler simplement que
nous avons...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! UNE VOIX: Il est une heure
passée.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. le député, M. le ministre
avait la parole.
M. LESAGE: Je crois qu'il y a lieu d'ajourner.
M. LAPORTE: M. le Président, si vous me permettez de dire un mot.
Si vous voulez vérifier, je suis membre du comité, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT: Oui, M. Laporte, de Chambly.
DES VOIX: De Chambly, de Chambly.
M. CARDINAL: Je permets que vous m'interrompiez!
M. LAPORTE: Faites votre discours, M. le Ministre, je vous en prie. Vous
êtes ministre, vous allez peut-être finir par dire quelque
chose.
UNE VOIX: A-t-il fini sa motion d'ajournement?
M. LAPORTE: Sur la motion d'ajournement, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Allez-y, M. le Député.
M. LAPORTE: Je voudrais, M. le Président, avec
l'impartialité exceptionnelle dont vous faites preuve jusqu'ici vous
suggérer peut-être avez-vous même le droit
d'écouter les gens de l'Opposition je voudrais vous
suggérer, et à partir de tout de suite, M. le Président
je ne voudrais pas que vous en soyez offusqué, je par-
le très sérieusement que ce comité
étudie a fond le problème de l'éducation. Nous voudrions
que vous fassiez un premier rapport à l'Assemblée
législative, à la suite de cette première réunion,
pour demander, en vertu de l'article 430 que ce comité soit
autorisé, en vertu de l'article, excusez-moi...
M. LE PRESIDENT: Article 813, peut-être? Non.
M. LAPORTE: En vertu de l'article 405, que vous demandiez à la
Chambre la permission pour ce comité de convoquer des témoins,
parce que nous avons l'intention d'en convoquer pour bien éclaircir,
pour bien préciser certaines choses que nous avons l'intention de
faire.
UNE VOIX: Non, non!
M. LAPORTE: M. le Président, j'ai encore la parole. Nous avons
bien l'intention, puisque nous sommes en présence, dans cette province,
d'une crise majeure... Jamais, dans l'histoire de la province de Québec,
n'avons-nous en matière d'éducation traversé une crise
aussi sérieuse que celle que nous connaissons actuellement.
M. le ministre de l'Education nous a posé, a posé
lui-même certains problèmes, il a fait certaines affirmations.
Nous avons le droit, et j'espère que ce droit, M. le Président,
ne nous sera pas nié, de demander à entendre des témoins
venant du ministère de l'Education, venant des commissions scolaires,
venant de tous les secteurs de la population, qui peuvent avoir un
intérêt dans la solution des problèmes de l'Education. Le
ministre a été excellent jusqu'ici pour trouver des causes.
Apparemment c'est pour trouver des solutions qu'il y a des problèmes. Il
nous a dit...
UNE VOIX: Les a-t-il trouvées?
M. GABIAS: II les a toutes trouvées, c'est cela qui vous
choque.
M. LAPORTE: M. le Président, je suis toujours sur la question.
J'entends dire à ce comité pourquoi. Nous avons l'intention de
convoquer des témoins pour avoir...
M. CARDINAL: Pour repartir la crise?
M. LAPORTE: ... pour avoir des... Si on compte seulement sur vous pour
l'arrêter, cela n'a pas l'air d'aller vite.
M. BOUSQUET: Non, mais les solutions sont toutes trouvées.
M. LAPORTE: Si on me laissait parler pour qu'on en finisse, M. le
Président. J'ai interrompu, mais pas souvent, et brièvement. Je
voudrais, M. le Président, qu'on me laisse terminer. Je n'en ai pas pour
longtemps. Il est temps, je pense, que ce comité, que cette Chambre
sache où nous allons. Le ministre n'a pas répondu aux questions
que nous avons posées, et nous avons l'intention d'avoir devant nous des
témoins, témoins dont nous sommes en train de préparer la
liste et que nous nous ferons un devoir de soumettre à ce comité.
Je suis convaincu que tout le monde voulant être éclairé,
que ce soit unanimement que la motion que je fais actuellement sera
adoptée.
M. LE PRESIDENT: M. le député de Bellechasse.
M. GABIAS: II a passé son été à les
consulter. Vous lui faites un affront.
M. BELLEMARE: M. le Président, nous avons entendu ce matin la
déposition de l'Opposition. Nous avons écouté très
solennellement les accusations qui ont été portées par le
chef de l'Opposition et le député de Vaudreuil-Soulanges. Nous
avons répondu immédiatement à la demande du chef de
l'Opposition, hier, de faire siéger le Comité de
l'éducation ce matin. Il a siégé. Le ministre de
l'Education a commencé à répondre à certains
arguments qui ont été faits ce matin, je n'ai pas d'objection
à ce que le comité puisse siéger immédiatement
après les travaux de la Chambre, cet après-midi, si c'est urgent.
Dès que nous aurons passé aux affaires du jour, si les honorables
députés veulent siéger cet après-midi, nous
pourrons continuer, puisque c'est un problème important...
M. GABIAS: Ce soir aussi.
M. BELLEMARE: ... et si nous n'avons pas terminé à six
heures, nous pourrons peut-être ajourner à demain matin, à
neuf heures trente, pour continuer à entendre les autres
députés du comité qui veulent se faire entendre.
Je crois que ce n'est pas en voulant faire le procès de toute une
administration que nous réussirons à régler un
problème et à entendre les dépositions de témoins
qui pourraient ici ne rapporter rien de plus que ne le peut celui qui a la
responsabilité et qui est ministre, qui peut,
lui, répondre à titre de mandaté à toutes
les questions que l'Opposition peut poser. Je pense que c'est dans ce climat
que nous devons maintenir le comité de l'Education, si nous ne voulons
pas en faire un cycle, où chacun viendra faire sa petite campagne
électorale.
Ce n'est pas dans ce but-là, et je sais que les honorables
membres de l'Opposition veulent tenir le comité en séance, mais
je dis que nous pourrons donner, avec beaucoup de collaboration, à
l'Opposition, le temps voulu pour qu'elle s'exprime et que les réponses
soient faites par l'honorable ministre, et les autres membres du comité
de l'Union Nationale qui en font partie, pourront peut-être aussi avoir
des sujets à traiter.
Alors, si vous n'avez pas d'objection, M. le Président, je
demanderais l'ajournement à cet après-midi, après les
travaux à l'ordre du jour. Nous reviendrons et nous pourrons continuer
notre travail.
M. LAPORTE: Il y a une motion en discussion.
M. BELLEMARE: Nous aurions voulu siéger ce soir, mais il y a du
conseil des ministres, tel que prévu. Demain avant-midi, si 9 h 30 c'est
trop tard, nous pourrons commencer à 9 heures.
Il y a une séance à la Chambre, demain, à 11
heures.
Alors, s'il y avait moyen de s'entendre sur cette procédure, je
serais bien heureux qu'au sein de ceux qui ont un mandat de ce comité
l'on puisse véritablement faire ce que notre devoir parlementaire nous
oblige de faire et vous, les honorables membres de l'Opposition, faire valoir
vos prétentions et le gouvernement, avec son responsable,
répondre aux questions qui nous seront posées, sans en faire un
procès de toute l'administration et surtout ne pas jeter dans l'opinion
publique que les députés veulent changer la manière de
procéder que nous avons adoptée depuis quelques années,
grâce à ces comités de la Chambre qui siègent et qui
donnent l'occasion aux députés de pouvoir travailler et, je
pense, apporter certaines solutions aux problèmes,,
M. le Président, j'appuie la motion d'ajournement et je serais
très heureux que vous puissiez faire rapport à la Chambre, en
vertu de notre règlement qui dit que vous devez faire rapport et
demander de siéger cet après-midi, après l'appel des
affaires du jour.
M. LE PRESIDENT: La séance est levée.
M. GERIN-LAJOIE: Sur la motion de l'ajournement...
M. LE PRESIDENT: Je ne connais pas encore la procédure,
laissez-moi m'initier, M. le député de Chambly.
M. GERIN-LAJOIE: M. le Président, j'aimerais dire un mot sur la
motion du député de Chambly en amendement...
M. GABIAS: On a connu plus dur que cela,
M. GERIN-LAJOIE: Un mot sur la motion du député de
Chambly, en amendement à la motion d'ajournement. Le
député de Champlain vient de nous adresser la parole et il a pu
donner l'impression à plusieurs d'entre nous, il me l'a donnée
à moi, qu'il considérait cette proposition d'obtenir
l'autorisation d'entendre des témoins comme étant l'ouverture
à la politisation, à l'électoralisme, et à
l'accomplissement, en somme, de fonctions ou de tâches qui ne
relèvent pas de notre comité.
M. BELLEMARE: J'ai dit cela au conditionnel.
M. GERIN-LAJOIE: Ah bon! Alors, je prends la parole du ministre. Je veux
bien insister sur le fait que ce que nous proposons, c'est quelque chose
d'absolument normal, et non seulement dans d'autres Parlements mais
également dans le nôtre. Le Comité de l'éducation a
déjà entendu des témoins. Il a déjà entendu
des fonctionnaires, par exemple, lorsqu'on a étudié le projet de
bill pour créer les CEGEP, le bill 21 du temps. Nous avons
interrogé nous-mêmes les fonctionnaires de notre choix et le
ministre de l'Education du temps s'y est très bien prêté.
D'autres comités de ce Parlement ont entendu des témoins à
toutes sortes d'occasions, soit à l'occasion de projet de loi en
particulier, soit à l'occasion d'autres études. Evidemment que
dans d'autres Parlements, comme aux Etats-Unis, c'est également le cas.
Je sais que le gouvernement actuel songe à la revision de notre
régime parlementaire. On a eu, pour la première fois de notre
histoire, un ministre titulaire d'un ministère important qui ne
siégeait pas en Chambre. C'était notre droit de critiquer la
chose, mais je pense que le gouvernement conviendra qu'il est très
important, au moins, de compenser une telle situation par un travail de
comité où les choses peuvent se discuter de façon
très aérée et, pour atteindre cet objectif, il est
très très important de pouvoir entendre les témoins.
Alors, j'ai voulu simplement mettre en lumière, M. le
Président, à la suite de ce qu'a dit le député de
Champlain, que ce que nous pro-
posons n'est pas quelque chose qui sort de l'ordinaire, n'est pas
quelque chose qui n'a pas de bon sens, n'est pas quelque chose qui est de
nature simplement électorale. Au contraire, cela entre dans nos
habitudes, cela entre dans le cadre de notre règlement et cela entre
dans le cadre de la démocratie telle qu'elle existe, même dans
d'autres pays. Alors, des choses aussi normales, M. le Président,
devraient, je pense, recueillir l'assentiment de l'ensemble des membres de ce
comité et éventuellement de l'ensemble des membres de
l'Assemblée législative. C'est pourquoi j'appuie la proposition
du député de Chambly à l'effet que dans le rapport que
notre président fera à l'Assemblée législative, il
demande pour le comité la permission d'entendre et de convoquer des
témoins.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que l'on prend le vote sur cela, messieurs les
membres du comité?
M. LAPORTE: La proposition est à l'effet que vous fassiez rapport
à la Chambre demandant la permission de convoquer des témoins
devant ce comité.
M. LE PRESIDENT: Vote, s'il vous plaî! M. Bellemare,...
M. GABIAS: Est-ce que, pour le moment, il est nécessaire de
convoquer...
M. GERIN-LAJOIE: II y a une proposition du député de
Chambly, ce n'est pas le député de Trois-Rivières qui l'a
faite.
M. LAPORTE: Peut-être allons-nous me laisser formuler la
proposition comme je le veux? La proposition que je fais est que vous fassiez
rapport à cette Chambre, à l'Assemblée législative,
demandant pour le comité parlementaire sur l'éducation, en vertu
de l'article 405, le droit de convoquer des témoins.
M. LE PRESIDENT: Alors, nous prenons cette proposition-là au
vote.
M. Bellemare? Contre. M. Bergeron? Contre. M. Binette? Pour. M.
Bousquet? Contre. M. Gabias? Contre. M. Gardner? Contre. M. Gé
rin-Lajoie? Pour. M. Goldbloom? Pour. M. Grenier? Contre. M. Harvey ? Pour. M.
Houde. Pour. M. Laporte? Pour. M. Lesage? Pour. M. Loubier? Contre. M. Maltais?
Contre. M. Masse? Contre. M. Morin? Contre. M. Pearson? Pour. M. Tremblay
(Chicoutimi)? Contre. M. Vaillancourt? Pour. Proposition rejetée.
M. BELLEMARE: II reste à faire rapport des travaux. Est-ce qu'on
accepte la proposition de siéger cet après-midi après les
ordres...
M. LESAGE: Ce qu'on appelle les ordres du jour.
M. BELLEMARE: Oui, oui, après les affaires...
M. LE PRESIDENT: Accepté. (13 h 17)
(Neuf heures trente-sept minutes)
M. PROULX (président du comité): A l'ordre, messieurs!
M. le ministre de l'Education.
M. CARDINAL: Je continuerai cet exposé que j'avais
commencé en réponse aux questions, aux accusations et aux autres
affirmations de l'Opposition. Pour enchaîner à ce que je
mentionnais hier, je rappelle que ce que l'on a appelé la crise scolaire
n'est certainement plus dans sa période critique, que ce matin la
situation est encore meilleure qu'hier. La crise n'est certainement pas
meilleure, la situation est meilleure.
M. LESAGE: C'est ça.
M. CARDINAL: Je ne voudrais pas que l'Opposition, voulant manifester son
dépit vu que cette crise se termlne,fasse un débat qui, dans le
fond, s'est déjà fait lors de la réunion des
crédits, lors de la séance du comité des crédits
où toutes les questions scolaires ont été revues.
Cependant, je reprends où j'en étais la question des
collèges d'enseignement général et professionnel, des
conditions d'admission à ces collèges et des conditions
d'admission à l'université. Selon l'Opposition, il y aurait
imprécision quant aux conditions d'admission au CEGEP. Ces conditions,
confirmant ce que l'on a affirmé, sont bien définies. Elles ont
été publiées, à cent mille exemplaires, en mars
dernier, en mars 1968. D'ailleurs ce petit document qui indique ces conditions
d'admission a été distribué au moment du débat sur
les crédits.
Cette brochure a été distribuée dans toutes les
écoles secondaires du Québec en particulier.
Pour assurer la coordination entre les CEGEP du point de vue des
admissions, un bureau d'admission a été établi pour les
dix CEGEP de la région de Montréal et, ailleurs, en dehors de
Montréal, les CEGEP vont travailler en collaboration, par exemple
conjointement à Limoilou et Sainte-Foy, Jonquière et
Chicoutimi.
Quant aux conditions d'admission à l'université,
contrairement à ce qui a été affirmé et
contrairement à ce que c'était auparavant on me dit que
les conditions d'admission à l'université étaient
précises autrefois; elles étaient tellement précises que
l'on pouvait entrer àl'univer-sité avec un baccalauréat ou
avec une onzième année ou avec une douzième année
selon les facultés, selon les écoles et selon les
universités ces conditions aujourd'hui sont précises et
con- nues des étudiants. Elles sont exposées dans l'annuaire de
l'enseignement collégial 1968-1969, pages 43 à 47.
Les profils d'admission à l'université ont
été déterminés à la suite d'une longue
série de réunions entre les représentants des
universités, du ministère et des collèges. J'ai ici
l'annuaire de l'enseignement collégial 1968-1969 et, à titre
d'exemple, si je prends la page 43, je lis les structures d'accueil
universitaires et les cours exigés: sciences, structures d'accueil et
cours exigés. Tous les détails sont donnés avec les
numéros des cours, le sujet du cours face aux facultés ou
écoles ou département où cet accueil est permis en vertu
des cours dont le profil est donné.
Ces profils d'admission, je le répète, ont
été déterminés non pas unilatéralement mais
à la suite de longues séries de réunions. Des milliers de
professeurs ont participé à ces réunions qui ont
débuté dès le mois de janvier 1967 au moment même
où l'Assemblée législative commençait
l'étude du bill 21, bill qui devait être adopté pour
devenir la loi-cadre permettant la création des collèges
d'enseignement général et professionnel.
Ces réunions, soit des comités, soit des professeurs, se
sont poursuivies durant toute l'année scolaire 1967-1968, à deux
niveaux. D'une part, entre le réseau des collèges d'enseignement
général et professionnel et la direction générale
de ce niveau au ministère. D'autre part, entre la même direction
générale et les universités.
Aussi bien au sujet des conditions d'admission à
l'université qu'au sujet des programmes des collèges, il n'y a
pas eu de changement après le début de l'année scolaire,
comme on l'aurait laissé entendre.
M. GERIN-LAJOIE: On l'a affirmé.
M. CARDINAL: On l'a affirmé? Je serai d'autant plus ferme qu'il
n'y a pas eu de changement.
M. GERIN-LAJOIE: C'est vrai quand même.
M. CARDINAL: Certains changements au programme ont été
apportés, mais pas après le début de l'année
scolaire. Ils ont été apportés en juin dernier, à
la suite de consultations auprès des responsables des disciplines dans
les collèges.
Tous les CEGEP étaient alors représentés. Les
nouveaux programmes ont été imprimés dans l'annuaire pour
le mois d'août. Il n'est donc pas exact d'affirmer que les programmes ont
été modifiés après septembre ou octobre.
II faut d'ailleurs souligner que les programmes du niveau
collégial sont des programmes-cadres qui ne prévoient pas dans
tous les détails, ce que chaque professeur doit enseigner chaque jour.
Il y aura constamment, localement, dans chacun des collèges ou dans
certains collèges des revisions de programmes; si c'est ce qu'on entend
par modifications de programmes, ceci n'est pas tout à fait la
même chose. C'est une nécessité que les collèges
puissent, sur place, d'après les demandes des étudiants,
d'après leur choix, modifier parfois ce qui avait été
prévu. Mais ces programmes demeurent quand même dans les cadres
établis par le ministère.
Il est possible cependant et ici je ne ferai pas d'affirmation
radicale que certaines facultés des arts aient pu modifier le
programme du collégial.
Mais il n'y a pas eu de modifications par le ministère au cours
de l'année ou après que l'année fut commencée.
Quant aux conditions d'admission à l'université, elles ont
fait l'objet d'une session le printemps dernier. Ces modifications ont
été rendues publiques au mois de mal 1968. En fait foi ce
numéro d'Hebdo-Education du 28 mai 1968, dont la manchette est: Revision
des programmes d'études dans les collèges publics. Modifications
des conditions d'admission aux structures d'accueil universitaires.
Donc, les conditions d'admission dans les collèges pour les
étudiants qui quittent le secondaire sont actuellement connues d'eux, et
les étudiants qui sont dans les collèges savent, depuis cet
automne, quelles sont les conditions d'admission dans les facultés ou
dans les écoles au niveau universitaire. Ces conditions d'admission
doivent, cependant, être distinguées de ce qu'on appelle «
l'accessibilité ». En ce sens que, lorsque nous affirmions
qu'avant la création des collèges, tout étudiant qui avait
un baccalauréat était sûr d'être admis dans une
faculté, sauf peut-être en médecine, ceci pouvait
être vrai généralement, mais pas nécessairement dans
tous les cas.
Dans certaines facultés, avant la création des
collèges, parfois jusqu'à deux ans avant la création de
ces collèges, il y avait déjà des examens d'admission et
tous les étudiants n'étaient pas sûrs d'être admis du
simple fait qu'ils possédaient un baccalauréat.
Il est évident que la création des collèges, qui a
amené une population de 38,000 étudiants au niveau
collégial, comme je l'indiquais hier, crée un nouveau
problème, un problème de masse pour l'admission dans les
universités. De l'aveu même des contestataires, de l'aveu
mê- me des étudiants, ce n'est pas dans la région de
Québec, ni de Sherbrooke que le problème est vraiment aigu et se
posera. C'est dans la région de Montréal, et c'est pourquoi il a
été prévu, pour septembre 1969, la création de
cette deuxième université de langue française.
Si je continue à suivre les notes que j'ai prises pendant
l'exposé du chef de l'Opposition, il a parlé, je pense que je le
cite à la lettre, de « fouillis ou de retard » dans l'aide
aux étudiants. Je pense que parler de fouillis ou de retard,
actuellement, ne correspond pas à la réalité. Le service
d'aide aux étudiants a commencé dès le 15 octobre à
émettre, cette année, des certificats de prêts. Pour cette
année, 6,500 certificats ont été expédiés la
semaine dernière.
Quant aux formulaires de demandes de prêts et bourses, toutes
celles qui ont été reçues avant la date limite du 30
septembre ont été remplies. Ici, je dois quand même
mentionner des faits.
Beaucoup d'étudiants qui font des demandes sont eux-mêmes
en retard dans leur demande. C'est-à-dire que leur demande n'entre pas
à la date limite prévue. Ceci ne veut pas dire qu'ils sont
privés de leur bourse. Mais ceci fait nécessairement courir des
retards dans ces cas-là.
Cette année, évidemment, on nous répond que la
grève de la poste a causé des retards durant cette période
et que cela explique les retards des étudiants. Mais toutes les demandes
reçues par le ministère, avant la date limite, ont
été remplies.
Au service de l'aide aux étudiants, les derniers 1,200
formulaires demandés avant le 1er octobre seront expédiés
avant la fin de cette semaine. Des jours supplémentaires de délai
ont été accordés aux étudiants pour demander des
formulaires même s'il y avait un retard. Après le 30 septembre,
mais avant le 5 octobre, 2,500 demandes ont été reçues.
Ces demandes seront remplies ces jours-ci.
Au 23 octobre, c'est-à-dire hier, 52,834 formulaires remplis
étaient parvenus au service. C'est-à-dire près de 53,000
demandes. Si l'on se base sur l'expérience de l'année
dernière et que l'on fait des comparaisons qui pourraient être
valables ce n'est pas une prophétie mais une prévision
on pourrait s'attendre que d'autres demandes entrent encore. Il est
possible, d'ici le 15 novembre, par exemple, qu'il y ait 20,000 autres demandes
qui entrent. A ce moment-là, évidemment, on pourrait
évoquer qu'il y a des retards pour 20,000 cas.
M. GERIN-LAJOIE: Est-ce que le ministre me permettrait une question? Je
ne veux pas
l'Interrompre sur ce qu'il vient de dire. Est-ce que le ministre a dit
que les demandes de formulaires de prêts ou bourses faites avant le 30
septembre seraient remplies au complet, d'ici la fin d'octobre?
M. CARDINAL: D'ici la fin de la semaine, ou de la fin du mois, si vous
voulez, pour être absolument sûr. Oui. Maintenant, je
répondrai encore plus précisément. Il peut arriver pour
toutes sortes de raisons techniques que certaines demandes reçues avant
la date reçoivent une réponse en retard.
M. GERIN-LAJOIE: La date du 30 septembre?
M. CARDINAL: Le 30 septembre. Vous savez que tout ceci est un
procédé qui se fait mécaniquement et que, dès qu'il
y a sur ces cartes perforées ou sur les demandes la moindre erreur
technique, il peut arriver qu'il y ait des cas exceptionnels, si vous voulez,
qui ne soient pas reçus par les machines.
M. LESAGE: C'est le phénomène du rejet?
M. CARDINAL: Oui, c'est ça. C'est le phénomène du
rejet et le ministre en est fort conscient. Normalement, à ce
moment-là, il reçoit les plaintes qui sont faites par ceux qui,
exceptionnellement, ont connu cette aventure. Ceci se rencontre, d'ailleurs,
dans tous les services mécanisés. Que ce soient les
enregistrements pour voiture, etc.
Je réfère ici à Hebdo-Education du 10 septembre
1968, à la rentrée scolaire, dont le titre était: Le
service de l'aide aux étudiants a expédié 76,695
formulaires de demandes de prêts-bourses. Le service de l'aide aux
étudiants au ministère de l'Education, avait
expédié au moment de la rentrée scolaire, ce nombre de
formulaires de demandes de prêts-bourses pour l'année
1968-1969.
Le système de prêts-bourses n'est pas un système
idéal. C'est bien évident. Je veux rappeler ici ce qu'en
plusieurs occasions j'ai déclaré. Le système idéal
dans la situation, disons des années présentes, serait
probablement l'éducation gratuite jusqu'au niveau de l'enseignement
universitaire inclusivement.
Contrairement aussi à ce qui a été affirmé,
il est faux de prétendre que rien n'a été fait à ce
sujet. Lorsque, récemment, le montant des prêts a
été augmenté sans que le montant des bourses ne soit
diminué, j'ai présenté un mémoire prévoyant
le remplacement éventuel de ce système par un système de
gratuité sur une période de temps, au niveau universitaire. M.
GERIN-LAJOIE: Présenté où?
M. CARDINAL: Au conseil des ministres. La gratuité scolaire au
niveau universitaire ne peut certainement pas se faire dans une seule
année et certainement pas cette année. Je pense que le
gouvernement, comme l'Opposition, comme les contribuables, se rend compte que,
dans la situation budgétaire actuelle, non seulement du Québec
mais de tout le pays et même des autres pays, il est impossible que les
contribuables puissent ajouter au fardeau qu'ils supportent déjà,
une somme additionnelle qui pourrait s'évaluer à environ $20
millions par année universitaire qui deviendrait gratuite sur la base du
nombre d'étudiants présentement dans les universités.
Si cette gratuité s'établit, elle peut s'établir
année par année sur une période de temps. A ce
moment-là, le système de prêts-bourses doit être
remplacé par un nouveau système d'aide pour les étudiants
qui, malgré la gratuité, ne pourraient quand même pas se
rendre à l'université. C'est probablement à partir de ce
document confidentiel remis au conseil des ministres que des rumeurs seraient
parties à l'effet que le service de l'aide aux étudiants serait
transféré au Bien-Etre social. II n'y a rien de fondé dans
cette rumeur, sauf cette étude faite au ministère et sauf ce
mémoire remis au conseil des ministres.
Dans les demandes ou les affirmations ou les accusations de
l'Opposition, il était question ensuite...
M. LAPORTE: Est-ce que M. le ministre aurait objection à
déposer le document dont il vient de faire lecture, quant à la
gratuité...
M. LESAGE: Bien oui, mais quand on...
M. CARDINAL: Le document a été remis au conseil des
ministres...
M. LESAGE: Quand on dit ce qu'il y a dans le document, normalement
d'après nos règlements, on est censé...
M. BELLEMARE: Non, c'est un jeu de mots. M. GABIAS: Pas
d'intérêt public.
M. GERIN-LAJOIE: II ne faudrait pas trop s'abriter derrière des
documents confidentiels quand même.
M. BELLEMARE: Non, mais il y a une limite...
M. LE PRESIDENT: Ce sont des explications générales, ce
n'est pas...
UNE VOIX: On ne va pas faire une chicane... M. GERIN-LAJOIE: Non, on ne
peut pas...
M. CARDINAL: Alors, M. le Président, c'est la première
fois que je cite un document que je ne dépose pas sur cette table. Je
n'ai donc pas l'habitude de m'abriter derrière des documents
confidentiels. Je parle pendant ces débats, M. le
Député.
Quant à la formation des maîtres, j'ai rappelé hier
qu'il était exact que la réforme de l'éducation n'a pas
commencé par la réforme de la formation des maîtres. J'ai
rappelé qu'il s'est fait peu de chose quant à la formation des
maîtres, avant 1966. Au début du mois d'août dernier, un
document a été remis à tous les moyens d'information,
document s'intitulant: Bilan de la réforme de la formation des
maîtres. Ce document a été remis aux moyens d'information,
à ce moment-là, alors que la Chambre ne siégeait pas, pour
diverses raisons qui d'ailleurs ont été mentionnées hier
par l'Opposition.
D'une part, le Conseil supérieur, au cours du mois de juillet,
avait remis au ministre, pendant son absence, un rapport sur la formation des
maîtres, rapport qui avait d'ailleurs paru auparavant dans les journaux
sous des titres laissant croire ou laissant entendre que le mémoire du
conseil supérieur était un blâme envers le ministère
de l'Education.
Le premier surpris de cette interprétation du rapport du conseil
supérieur fut le conseil supérieur. D'autres groupes ont alors
lancé cette idée que le ministère n'avait rien fait pour
la réforme de la formation des maîtres. C'est pourquoi ce bilan a
été établi, bilan 1968.
Si je résume ce bilan sur la formation des maîtres - et je
pense que c'est important d'y revenir l'on constate qu'en novembre 1964
il y avait la publication de la deuxième partie du rapport Parent.
D'ailleurs, cela a été mentionné hier, si je ne me trompe,
par le chef de l'Opposition. En novembre de cette année 1964, la
commission Parent faisait donc paraître la deuxième partie de son
rapport et cette deuxième partie contenait entre autres choses un
certain nombre de recommandations sur la formation des maîtres.
Le ministère de l'Education a évidemment, sûrement,
pris acte de ce rapport. En février 1965 était constitué
le comité de planification de la formation des maîtres. En mars
1966, le député de Vaudreuil-Soulanges s'en rappelle, le
règlement numéro 4 était adopté.
Le règlement numéro 4, on pourrait le résumer
très brièvement en rappelant qu'il instaurait un régime de
probation pour les candidats à l'enseignement. Le règlement
numéro 4 fixait la durée minimale de la formation
psycho-pédagogique. C'était un cadre qui était
établi. Le même règlement, on en a discuté lors des
débats sur les crédits, créait un comité pour
conseiller le ministre.
En janvier 1967, après que le ministre qui m'a
précédé eut déclaré que la formation des
maîtres lui paraissait prioritaire, il y avait création du
comité de la formation des maîtres. Le comité de la
formation des maîtres a été formé dans la suite
logique de l'adoption du règlement numéro 4 dont l'article 5 se
lit comme suit: «Pour l'application du présent règlement,
le ministre de l'Education constitue un comité de la formation des
maîtres qu'il doit consulter dans les matières
énumérées à l'article 6».
M. GERIN-LAJOIE: A quelle date a-t-il été mis sur
pied?
M. CARDINAL: Janvier 1967. Je pense qu'il n'est pas nécessaire de
relire les articles 5 et 6 de ce règlement qui est public. Le
comité s'est réuni à 18 reprises du 16 janvier au 24
octobre 1967. Il a étudié, entre autres, les sujets suivants:
critère d'approbation des programmes de formation des maîtres,
aménagement des centres de formation des maîtres, stages
d'enseignement, recrutement des futurs enseignants, enseignants non
légalement qualifiés, règlements des écoles
normales, systèmes d'approbation. Un comité de travail
parallèle au comité de la formation des maîtres a
été créé en juillet 1967 pour étudier, entre
autres, les sujets suivants:les fonctions de l'enseignement et la carte
géographique des institutions de formation des maîtres.
Après une première année de fonctionnement, le
comité a fait son bilan et s'est donné un nouveau style de
travail, après avoir consulté tous les organismes susceptibles de
participer à ces travaux. Toujours dans le domaine de la formation des
maîtres, en novembre 1966 ceci est après le 5 juin 1966
création de la direction générale de la formation
des maîtres. Vous vous rappelez qu'à cette époque des
changements importants de structure ont été apportés au
ministère de l'Education, et c'est à cette occasion que la
direction générale de la formation des maîtres a
été mise sur pied. Désormais ou à compter du moment
de la création de cette direction générale, tout ce qui
concerne la for-
mation des maîtres relevait d'une unique et même
responsabilité. Bien plus, au ministère, pour la première
fois, un seul organisme coordonnait et intégrait tous les types, tous
les secteurs, tous les genres d'institutions de formation des maîtres,
que ce soit de l'enseignement des métiers, de l'enseignement au niveau
collégial, de l'enseignement à la maternelle, et même de
l'enseignement au niveau universitaire.
Je ne veux pas rappeler ici toutes les fonctions de cette direction
générale, ni énumérer les institutions qui en
dépendent. Mentionnons, cependant, que la création, je le
rappelle, date de novembre 1966, que, un an après, en novembre 1967,
lors de mon arrivée au ministère, cette direction
générale, dont les membres étaient au début environ
42, cette direction générale avait un personnel d'environ 100
personnes.
En même temps que cet effort se poursuivait au ministère,
pour coordonner tout ce qui concernait la formation des maîtres, les
structures des institutions concernant la formation des maîtres
étaient non seulement étudiées mais revues. Je le
rappelle, tout récemment la commission pour l'intégration des
institutions de formation des maîtres était créée.
Si l'on fait cependant un retour en arrière, en septembre 1967, il y
avait aussi la création de la mission des projets expérimentaux
dans le domaine de la formation des maîtres. C'est-à-dire qu'en
plus des services contenus dans la direction générale de la
formation des maîtres, dont les responsabilités sont
définies et stables, la direction générale a voulu mettre
sur pied une mission permanente d'animation chargée de projets divers
dans les secteurs qui recoupent nécessairement le champ
d'activité de cette direction.
A l'origine, les membres de cette mission s'occupaient exclusivement du
projet SEMEA, stage d'entraînement aux méthodes d'éducation
active dont il fut également question au cours du débat sur les
crédits au mois de juin 1968.
Mais en plus de poursuivre ce projet SEMEA sous une forme
renouvelée, en 1967-1968, la mission mettait sur pied un projet
semblable pour les professeurs des écoles normales, ce que l'on a
appelé SEMEA-PEN. Un peu plus tard, au printemps 1968,
j'annonçais le projet REPERES, réseau d'expérimentation
pour la préparation des élèves-maîtres au renouveau
à l'élémentaire et au secondaire.
Et comme on le sait, j'ai aussi annoncé ce projet
expérimental entre l'université Laval et l'école normale
Laval et ce programme de recyclage des professeurs qu'on a appelés non
légalement qualifiés.
Pour ce qui est des institutions, il est important de comprendre qu'il
était nécessaire, dans un sens, vu que la réforme de la
formation des maîtres n'avait pas vraiment démarré,
d'établir des structures avant de pouvoir intégrer toutes les
institutions qui existaient déjà après avoir
planifié, après avoir défini un réseau. C'est
pourquoi cette mission d'intégration a été le dernier
geste posé après que 23 collèges d'enseignement
général et professionnel eurent été
créés. C'est-à-dire que cette mission a pour principal
mandat de voir comment, dans tout le territoire du Québec, un
réseau peut être établi pour la formation des maîtres
par l'intégration soit au niveau collégial, soit au niveau
universitaire, des institutions, ou des organismes, ou des écoles qui
existent dans le domaine de la formation des maîtres.
Cette mission créée en juin 1968 a donc pour but de
terminer l'opération de regroupement et de donner ainsi suite à
certaines recommandations du rapport Parent. Les modalités de
coordination ont été annoncées lors du débat sur
les crédits. Si l'on se rappelle bien ce qui s'est produit, c'est
justement devant ces débats que f ai annoncé la création
de cette mission de coordination. Je ne rappellerai pas ici tout ce que j'ai
alors dit et qui est d'ailleurs inscrit dans le journal des Débats, pour
le comité des crédits de l'Education. Depuis juin 1968, cette
mission a déjà commencé ses travaux dans les
régions du Québec où l'urgence était la plus
grande, ce qui d'ailleurs avait été aussi mentionné lors
de la création de cette mission.
Dans les années qui viennent de se terminer, le nombre des
écoles normales ou des établissements de formation de mafires a
donc diminué et la réforme a donné lieu à leurs
diversifications. L'on sait que, dans les nouvelles structures, il faudra des
maîtres à chacun des niveaux et qu'à cause de la
polyvalence, tant au niveau secondaire qu'au niveau collégial, ces
maîtres, en plus d'une formation générale, devront
posséder une formation particulière qui évidemment doit
être donnée dans les institutions appropriées.
Quant au perfectionnement même des professeurs, à leur
perfectionnement ou à leur recyclage et en passant, même si
ce n'est pas ma responsabilité directe, on a pu constater par les
journaux de ce matin que les négociations avec les professeurs se
poursuivent d'une façon plus que satisfaisante donc, pour les
professeurs des écoles normales, outre l'amélioration des
conditions de travail, la réforme du secteur de la formation des
maîtres s'est caractérisée par l'élaboration et
Papplication de plans très éten-
dus de perfectionnement Par exemple, au cours des dernières
années, 5% des effectifs professoraux ont obtenu chaque année des
congés avec solde sans compter les cours que les professeurs ont suivis
en plus d'assumer en tout ou en partie leur tâche normale
d'enseignement.
Ces plans de recyclage ou de perfectionnement prennent diverses formes
que je rappelle brièvement, soit, comme je viens de le dire, des
congés avec solde, des stages en France avec solde, des
demi-congés avec solde, des cours d'été, des cours de fin
de semaine.
A ces facilités qui sont offertes aux maîtres, il faut
ajouter le système de bourses de recherche relatives à
l'enseignement et, tout particulièrement, il faut rappeler ce qui
a aussi été dit lors du débat sur les crédits
l'existence de l'Institut de recherche pédagogique qui permet,
justement, d'aider les professeurs qui veulent se perfectionner au moyen de la
recherche.
Parallèlement à cet effort pour permettre le
perfectionnement et le recyclage des professeurs, des cours de perfectionnement
ont été créés pour faire acquérir de
nouvelles connaissances. Je ne veux pas rappeler le projet SEMEA qui a
formé 240 moniteurs dans des stages intensifs.
Je rappelle cependant aussi le recyclage en mathématiques, les
cours d'été pour l'acquisition de connaissances nouvelles, le
plan de perfectionnement du Nord-Ouest québécois, qui est un plan
spécial qui a été mis sur pied en collaboration avec la
CEQ et l'université de Montréal, à l'intention des
professeurs du Nord-Ouest québécois. Ce plan veut permettre aux
enseignants de régions défavorisées sur le plan de
l'enseignement supérieur de profiter des avantages de
l'université sans avoir à sortir de leur région.
Des cours ont été aussi donnés aux enseignants non
légalement qualifiés. C'est un plan qui leur a été
offert et qui permettra à ceux qui ne possèdent pas la
qualification légale d'obtenir, d'ici 1972 ou 1973, sans perdre de temps
ni perdre leur emploi, cette qualification légale.
Non seulement les institutions, le ministère, les professeurs ont
fait l'objet d'actions de la part du gouvernement et de la part du
ministère dans ce domaine de la formation des maît tres, mais
aussi les étudiants ont bénéficié de l'attitude du
gouvernement et du ministère. A compter de l'année scolaire
1967-1968, les candidats au brevet A inscrits au cycle professionnel et au
cours pour bacheliers ès arts, dans les écoles normales
privées, jouissent d'un régime d'allocations de scolarité
leur assurant la quasi-exemption des frais de scolarité.
Ce qui est visé par le ministère, c'est de rendre non
seulement accessible mais attrayante l'étude pour les futurs
maîtres. Ces travaux du ministère ne se sont pas faits en vase
clos ni en catimini. La plupart de ces projets, de ces réalisations se
sont faites avec la participation des intéressés. Les
étudiants-maîtres ne sont pas des consommateurs de services du
ministère de l'Education. Us constituent eux-mêmes des agents de
leur propre formation.
Deux nouveaux programmes ont aussi été établis dans
le domaine de la formation des maîtres et tout particulièrement en
même temps que les deux cycles de cours étaient refaits et
distingués, un système de promotion par matières
était établi. Et, de plus, les cours à options
étaient établis avec enrichissement des orientations.
Ces orientations ont été fort diversifiées et on
retrouve ces orientations dans les domaines maternel,
élémentaire, secondaire, de l'enfance inadaptée, de
l'enseignement professionnel, de l'enseignement de métiers, de
l'initiation au travail, de l'éducation physique, etc.
Tous ces faits que je viens de mentionner manifestent l'esprit qui anime
le présent gouvernement dans le domaine de la formation des
maîtres. Et non seulement, le gouvernement, par son ministère et
son ministre, a posé ces gestes, mais toutes les suggestions
réalisables dans les cadres du budget et qui viennent du conseil
supérieur sont bienvenues et ne sont pas considérées,
comme certains ont bien voulu le croire, comme des critiques du
ministère ou du ministre.
Dans le prolongement de l'ensemble de ces politiques que je viens
d'exposer à propos de la formation des maîtres, je suis en mesure,
aujourd'hui, de faire part d'une décision aux membres du comité,
et j'en fais part d'abord à des députés, les moyens
d'information ne l'ont pas encore appris. Quand on m'en donne l'occasion, j'en
profite.
M. LAPORTE: Ce ne sera pas un trop gros choc?
M. LE PRESIDENT; A l'ordre!
M. CARDINAL: Vous pourrez me la donner, à l'avenir. Dans le
prolongement de l'ensemble de ces politiques, je suis en mesure de faire part,
aux membres du Comité de l'éducation, d'une décision au
niveau des structures même du ministère de l'Education. Cette
décision de principe est à l'effet de regrouper la direction
générale de la formation des maîtres et la direction
générale de l'enseignement supérieur.
UNE VOIX: Vive l'action!
M. CARDINAL: Ceux qui ont suivi les événements peuvent
voir dans quel contexte se situe cette décision. D'une part, les
étudiants membres de l'UGEQ qui avaient demandé à
être membres de la mission d'intégration des institutions de
formation de maîtres, avaient par la suite pris l'attitude de se retirer
parce que cette direction n'était pas au niveau de l'enseignement
supérieur. Il était particulièrement question de cette
attitude en public, lors de l'émission « Tirez au clair »,
alors que j'ai rencontré les étudiants.
D'autre part, dans les recommandations du Conseil supérieur de
l'éducation, une recommandation dans ce sens se retrouve aussi. Et
enfin, nous constatons, comme l'un de mes honorables collègues vient de
le souligner, démontrant qu'il a parfaitement compris ce que je venais
de dire, que ceci est loin d'indiquer un éclatement ou un morcellement
du ministère, mais au contraire, un regroupement des forces du
ministère.
M. GABIAS: Et ce n'est qu'un commencement.
M. CARDINAL: Les modalités de ce regroupement...
M. LAPORTE: Ah! ce n'est pas fini?
M. CARDINAL: Quant à moi, ce serait fini, vous savez.
M. LE PRESIDENT: « Commediente, com-mediente ».
M. CARDINAL: Je continue au sujet de la formation des maîtres. Les
modalités de ce regroupement...
M. LAPORTE: Quand ils ont applaudi, je pensais que c'était
fini.
UNE VOIX: Cela recommence. UNE VOIX: Cela stimule.
M. BELLEMARE: D'ailleurs, si vous aviez à faire des discours,
vous seriez bien long.
M. GABIAS: A la fin, cela va être un tonnerre
d'applaudissements.
M. LAPORTE: Oui?
M. GABIAS: Vous allez vous unir à nous.
M. CARDINAL: Alors, dans le domaine de la formation des maîtres,
on a soulevé, à plusieurs reprises, la question à savoir
si nous formons assez de maîtres présentement au
Québec.
Dans l'enseignement, le rythme actuel de ce que je pourrais appeler
« la production de maf-tres » indique, au contraire, que la
situation nous permet d'être plus optimistes qu'elle ne l'était en
1966. C'est-à-dire que les besoins pour 1968-1969 sont amplement
satisfaits, selon les renseignements dont le ministère dispose
présentement, par la venue sur le marché de 5,600 finissants
d'école normale et d'environ 1,200 diplômés
d'université possédant une formation pédagogique sans
compter les apports étrangers dans le cadre de la coopération
franco-québécoise tout particulièrement.
Le domaine de la formation des maîtres se rapporte donc, à
la fois, au collège d'enseignement général et
professionnel et au niveau de la planification de l'enseignement
universitaire.
Dans les autres questions si je peux employer ce terme
posées par l'Opposition, questions qui étaient plutôt des
affirmations, l'on a repris l'un des termes de la contestation qui était
l'accessibilité au marché du travail,,
Je rappelle ici que tout en étant membre du gouvernement, je suis
d'abord responsable de l'Education et que ce domaine de l'emploi dépasse
évidemment le domaine de l'Education. Cependant, en ce qui concerne
l'éducation et l'emploi dans le présent débat, comme
depuis le début du phénomène de la contestation
étudiante, on a fait au gouvernement une large place aux
problèmes de la liaison entre le système d'enseignement et le
monde du travail.
Et de fait, par exemple, bien avant la contestation, un comité
interministériel avait été créé entre le
ministère du Travail, le ministère du Bien-Etre social et le
ministère de l'Education. Cette liaison existait donc déjà
auparavant non seulement la liaison mais le fonctionnement de ce
comité c'est pourquoi je l'ai souligné dans ma
déclaration du 16 octobre dernier, mention qu'on s'est bien gardé
de faire lorsqu'on lisait des extraits de ce texte.
Dans cette déclaration, j'ai surtout abordé le
problème sous l'angle des débouchés. Ou, si l'on veut,
comme l'a mentionné le savant député de
Vaudreuil-Soulanges, sous l'angle de l'adéquation entre le
développement de l'éducation et le développement de
l'économie du Québec. Je ne reviendrai pas sur le sujet. Mais, je
crois important de souligner certaines initiatives du minis-
tère de l'Education pour offrir à tous les jeunes qui
doivent s'orienter dans cette direction, un enseignement professionnel de
qualité répondant d'aussi près que possible aux exigences
du marché du travail, non seulement d'aujourd'hui mais surtout, comme je
l'ai mentionné hier, de demain.
Sur le plan des structures, au niveau collégial, j'ai
déjà insisté sur le fait que, malgré les
affirmations faites, nous avons attaché une importance toute
spéciale aux options professionnelles, aux programmes relatifs à
ces options et tout particulièrement, j'en ai mentionné
quelques-unes hier, aux options professionnelles correspondant aux secteurs de
pointe. Je rappelle: information, aéronautique, techniques
administratives, etc.
Je pense qu'il faudrait que les membres de l'Opposition aient la
patience de lire la liste des spécialités professionnelles qui
sont offertes dans les CEGEP. Il s'agit d'une brochure où, à la
page 13, on donne cette liste. Ces spécialités se rattachent
toutes à tous les secteurs de l'économie: primaire, secondaire,
tertiaire.
J'en donne un très bref résumé, en passant:
affaires et ventes, applications thermiques, bi-bliothéconomie, chimie
industrielle, etc.
M. LE PRESIDENT: M. le photographe, il ne vous sera pas permis de
prendre des photos. Je m'excuse, en tant que président, je ne peux
accepter. A moins que... Je suis ici pour faire appliquer les
règlements.
M. LAPORTE; M. le Président, je viens de consulter du regard le
leader, je crois qu'on n'aurait pas d'objection à ce qu'il prenne une
photo ou deux.
M. GERIN-LAJOIE: On n'a pas d'objection à ce qu'il ait pris une
photo.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que l'angle est important?
M. LAPORTE: J'aimerais mieux qu'il prenne des photographies de ce
côté-là.
M. LE PRESIDENT: Toujours de biais.
M. CARDINAL: Maintenant que l'Opposition, par un de ses porte-parole,
vient justement d'affirmer qu'il recherchait la publicité, je pourrais
reprendre mon texte.
M. GERIN-LAJOIE: On serait mieux de donner plus de publicité
à ce dont parle le ministre.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est pour les « comics », cette
photo?
M. GERIN-LAJOIE: Le point que j'ai soulevé hier, ce n'est pas que
les spécialités n'existent pas, c'est qu'elles ne sont pas
connues des jeunes, c'est cela qui est un problème.
M. CARDINAL: Si vous permettez, je reprends justement là,
honorable député de l'Opposition. Dans cette brochure qui a
été distribuée à 100,000 exemplaires aux jeunes, il
y a justement aux pages 12 et 13 la longue liste de ces
spécialités.
Cette liste de spécialités qui n'est pas une liste
théorique sur papier, mais qui existe dans les programmes, est d'une
grande importance pour la formation de techniciens pour l'industrie du
Québec ainsi que pour le secteur des services. Il faut se rappeler quand
même, encore une fois, que beaucoup de jeunes quittaient autrefois
l'école bien avant la fin du collégial. Ces jeunes ne pouvaient
pas bénéficier d'une formation technique ajoutée à
une formation générale. Si l'on ne perd pas de vue que les CEGEP
sont justement à l'an deux, que 50% d'entre eux ont été
créés cette année, sont donc à leur première
année qui n'est pas complétée; si l'on tient compte,
encore une fois, que le fait de démocratiser l'enseignement, le fait
d'offrir un enseignement gratuit à ce niveau, créait
nécessairement des problèmes ici, je me permets, de
m'arrêter un instant sur ce terme « problème », c'est
que dès que l'on parle d'éducation, dès que l'on parle du
ministère de l'Education, dès que l'on parle du ministre de
l'Education, dès que l'on parle du gouvernement lorsqu'il agit en
matière d'éducation, l'on voit toujours des
problèmes...
M. GERIN-LAJOIE: Le ministre, ça, c'est un problème.
M. LESAGE: C'est un enfant-problème.
M. CARDINAL: ... je pense que l'on crée, justement autour de
l'éducation, l'impression non pas qu'un certain nombre de
réalisations sont accomplies, mais que sans cesse un certain nombre de
problèmes sont créés. Il est sûr que la solution
apportée non pas aux problèmes mais à un certain nombre de
situations, crée une nouvelle situation qui elle-même a besoin
d'être corrigée, puisque nous sommes justement dans une
période de réforme et qu'il n'y a pas lieu d'être surpris
que l'on voie cette conjoncture de problèmes, qu'il y a lieu, au
contraire, de constater que le gouvernement, comme je l'in-
diquais dans mon document du 16, non seulement vole cette situation
difficile, non seulement reconnaisse les problèmes, non seulement avoue
les difficultés qu'il rencontre, mais tente par tous les moyens de
résoudre ces problèmes et réussisse à le faire,
comme on vient de le voir dans cette crise scolaire qui s'achève.
En revenant au marché du travail, au niveau secondaire, afin de
permettre d'atteindre, le plus rapidement possible, les objectifs de la
polyvalence, surtout afin de pouvoir donner à tous les jeunes qui
doivent recevoir un enseignement professionnel à ce niveau, la formation
qu'ils sont en droit de recevoir, le ministère a décidé
d'intégrer, dans les meilleurs délais, les écoles de
métiers relevant de sa Juridiction aux commissions scolaires
régionales.
Cette politique, c'est le ministre lui-même qui l'a
annoncée le 22 mars dernier dans un texte qui a été aussi
rendu public.
Grâce à la collaboration de tous les
intéressés, je veux dire les administrateurs scolaires, les
professeurs, les directeurs, le personnel de soutien, etc., 49 écoles de
métiers sur un peu plus d'une soixantaine sont à l'heure actuelle
intégrées à des régionales.
Si après une annonce, le 22 mars dernier, les
cinq-sixièmes des écoles de métiers sont
intégrées, je me demande si ceci est de l'immobilisme. Sur le
plan des programmes, au niveau collégial je ne veux pas revenir
sur ce que j'ai mentionné il y a quelques instants, sur l'existence de
ces programmes au niveau secondaire, je ne veux pas rappeler non plus ce
qui a été dit lors du débat sur les crédits, sur
l'existence de tous ces programmes qui ont, alors, été
analysés.
D'ailleurs, il y a toute une série de documents à la
disposition des étudiants et, évidemment, de l'Opposition
à la suite de travaux qui ont été effectués au
ministère. Sur le plan de l'orientation, M. le chef de l'Opposition, au
niveau collégial, il faut d'abord noter que l'admission au CEGEP et le
choix d'un programme d'études résultent en grande partie du
travail d'orientation continue qui se fait ou doit se faire au secondaire.
M. LESAGE: Il devrait s'y faire en tout cas.
M. CARDINAL: J'ai dit: Qui se fait ou doit se faire avec les moyens qui
sont à la disposition du Québec Deuxièmement, que la
première session du programme de CEGEP comporte peu de
spécialisation, de façon, justement, à permettre aux
étudiants, une fois rendus dans les collèges, de mieux choisir
leur concentration ou spécialisation.
D'ailleurs, je réfère, ici, à deux documents. L'un
s'intitule « Mes projets d'orientation » septembre 1968...
M. GERIN-LAJOIE: II s'adresse à nous? M. LE PRESIDENT: Il
était peut-être au...
M. CARDINAL: Non, ça s'adresse à l'étudiant
M. GERIN-LAJOIE: Non.
M. LESAGE: M. le Président, s'il vous plaît, ne soyez pas
trop partisan !
M. CARDINAL: Le ministre est orienté d'une façon
très précise ces jours-ci. Les projets d'orientation, septembre
1968, qui sont destinés, comme le comprennent tous les étudiants,
aux étudiants - eux le comprennent et « Le
répertoire des cours et des Institutions à l'intention des
élèves des cours élémentaire et secondaire.
»
M. HOUDE: Est-ce qu'on peut en avoir une copie?
M. CARDINAL: Oui, certainement. Tous les documents dont je parle ce
matin, sauf le seul document confidentiel que j'ai évoqué, sont
à la disposition de tous ceux qui en font la demande par
l'Intermédiaire du ministère de l'Education.
UNE VOIX: Ils ont été distribués, ces
documents?
M. CARDINAL: D'ailleurs, ils ont été distribués
à plusieurs reprises dès la publication. Actuellement, la
distribution se fait aux députés, se fait à ceux qui sont
sur la liste du ministère, se fait à ceux qui en font la demande,
se fait aux écoles élémentaires, secondaires, aux
collèges, etc.
M. GABIAS: M. le Ministre, M. le Président, si l'Opposition a
pris connaissance de ces documents-là elle n'aurait dû jamais
convoquer le comité.
M. LESAGE : Nous nous abstenons d'interrompre le ministre. Je ne vois
pas beaucoup le député de Trois-Rivières...
M. CARDINAL: M. le Président...
M. LE PRESIDENT: Continuez M. le Ministre. Cela va bien.
M. LESAGE: Je n'ai pas de permission à donner.
M. LE PRESIDENT: Non.
M. CARDINAL: Je n'en ai pas demandé non plus!
M. LESAGE: Non.
M. LE PRESIDENT: Vous n'en avez pas besoin!
M. CARDINAL: Je disais donc qu'au niveau de l'orientation, il faut se
rappeler aussi que les études dans les collèges d'enseignement
général et professionnel se divisent en six secteurs. Je les
rappelle: sciences et techniques physiques, sciences et techniques biologiques,
sciences et techniques humaines, sciences et techniques administratives, arts
et enfin lettres.
Les statistiques qui voudraient distinguer entre étudiants
professionnels et étudiants du général, du moins pour les
étudiants de la première session du CEGEP, peuvent difficilement
être valides. C'est pourquoi des affirmations, à
l'emporte-pièce, comme certains contestataires ou certains moyens
d'information ont pu faire, à l'effet que 70% ou 75% ou j'ignore combien
d'étudiants prenaient le cours de formation générale, ce
sont des choses qui sont très peu vérifiables.
Il faudrait pour établir de semblables statistiques, diviser les
étudiants par année et ensuite diviser dans les secteurs que j'ai
indiqués. Il est exact, cependant, si l'on regarde la situation en
général, sans vouloir établir des statistiques
précises que les étudiants ont jusqu'à présent,
plutôt choisi des options que l'on pourrait appeler
générales ou humaines, plutôt que des options
techniques.
D'ailleurs je me permets ici de rappeler, ce que j'ai mentionné
lors des rencontres avec les étudiants, que j'ai demandé une
analyse en profondeur sur cette question de façon à avoir des
résultats aussi précis que possible, pour vérifier les
affirmations qui ont été faites.
Dans les CEGEP, dans le personnel des collèges d'enseignement
général et professionnel, il y a un service d'orientation et de
psychologie. Ces services d'orientation et de psychologie sont aussi en
organisation comme les collèges eux-mêmes le sont. La plupart des
collèges comptent déjà un personnel de départ,
quelques collèges sont déjà fort bien
équipés. Les statistiques suivantes donnent une idée plus
précise du personnel en place ou autorisé pour l'année en
cours dans chacun des collèges. Si l'on prend les 23 collèges, on
se rend compte que le personnel d'orientation s'établit à 41, le
personnel de psychologie à 19, ce qui fait un total de 60 personnes. Je
pense qu'il n'est pas nécessaire de donner pour chacun d'eux le nombre
de personnes en orientation ou en psychologie. Et encore une fois, ces 60
personnes dans 23 collèges ne représentent que le début de
ce système d'orientation.
Dans certains cas, les conseillers en orientation et les psychologues ne
sont pas à temps plein, c'est vrai. Cependant, au fur et à mesure
que s'organiseront les collèges, s'organisera aussi ce service. Ce
personnel travaille en collaboration grâce à la commission de
psychologie et d'orientation de la Fédération des collèges
d'enseignement général et professionnel et, depuis août
dernier, en relation avec un premier professionnel de l'orientation,
engagé à la direction générale du collégial.
Cette collaboration ira d'ailleurs en augmentant.
M. BELLEMARE: D'accord.
M. CARDINAL: Je pourrais reprendre les mêmes informations au
niveau secondaire. Je préfère vous rappeler que le
ministère diffuse chaque année aux élèves des
répertoires de ces cours des institutions de cours secondaire et que
tous ces documents sont à votre disposition.
En conclusion sur l'éducation et l'emploi, le ministère
n'avait pas attendu les événements récents pour se poser
les problèmes et trouver des solutions en relation entre
l'éducation et l'emploi.
Il faudrait mentionner à nouveau ce qui a été dit
en juin, les travaux d'opération-départ qui étaient
l'inventaire des besoins de formation pour les adultes dans le territoire de
chaque régionale, les travaux réalisés par des
comités formés dans chaque régionale, les rapports qui
forment une documentation considérable sur la situation de la
main-d'oeuvre dans chaque région, tant au ministère de PEducation
qu'au ministère du Travail, une équipe de chercheurs faisant une
étude pour la région de Montréal. Il faudrait aussi
ajouter les travaux réalisés à la direction
générale de la planification, soit les besoins de main-d'oeuvre
dans le secteur de l'enseignement aussi bien que sur l'ensemble des besoins
auxquels le ministère de l'Education doit répondre. J'ai
confié à un groupe de travail la coordination des
activités de tous ces autres groupes.
En plus du projet d'action socio-économique étudiante dont
j'ai fait état le 16 octobre dernier, d'autres projets sont en voie
d'élaboration et donneront lieu très bientôt à une
action
précise. Par exemple, le relevé systématique des
orientations, création d'une banque d'information, l'utilisation des
services de Radio-Québec, utilisation des services des ministères
du Bien-Etre social, du Travail, des Richesses Naturelles, de l'Industrie et du
Commerce.
Le problème des relations sur l'éducation et l'emploi est
évidemment un problème fondamental pour une collectivité
comme le Québec. Il ne sera pas résolu dans l'immédiat, il
ne le sera peut-être jamais entièrement, il faut l'admettre une
fois pour toutes et ne pas faire de drame avec une situation dont le
gouvernement est parfaitement conscient et pour laquelle il apporte les
meilleures solutions.
Est-ce à dire que, parce que le problème se pose
aujourd'hui, il faille renoncer à une politique de scolarisation des
jeunes? Est-ce que, comme on l'a annoncé, l'on aura des chômeurs
plus instruits et que, pour cette raison, on doit cesser la
démocratisation de l'enseignement? Ne jouons pas sur deux tableaux. Nous
ne pouvons pas en même temps alimenter le taux de scolarisation et nous
inquiéter de ce que nous ayons plus de gens instruits. Procéder
de cette façon, c'est de la démagogie, c'est créer de
l'insécurité, c'est manifester un manque de
pondération.
Je termine en rappelant ceci: construire un pays est déjà
un défi constant. Il importe que nous donnions aux jeunes d'aujourd'hui
les moyens de relever ce défi mieux que n'ont pu le faire les
générations qui ont précédé. Et le
gouvernement actuel, comme le ministre de l'Education, sont sans cesse
penchés sur ce problème de la création d'un Québec
plus fort grâce à une meilleure éducation donnée aux
étudiants du Québec.
Avant que l'on ajourne...
M. LESAGE: Il est moins dix...
M. CARDINAL: ... j'ajouterais que je n'ai pas fini de répondre
aux exposés de l'honorable chef de l'Opposition et du
député de Vaudreuil-Soulanges.
M. GERIN-LAJOIE: Ils sont...
M. LE PRESIDENT: M. le ministre des Affaires culturelles?
M. LESAGE: ... vous n'avez même pas commencé.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je peux vous poser une question? A quelle
heure ajournons-nous?
M. LE PRESIDENT: Tout de suite.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, je réserve mon intervention.
M. LESAGE: Il s'agit de répondre d'une façon efficace, ce
n'est pas commencé.
UNE VOIX: Ce n'est pas fini?
M. LESAGE: Ce n'est même pas commencé.
M. BELLEMARE: Messieurs, nous allons ajourner le comité à
une date qui sera annoncée en Chambre et vous serez prévenus par
le moyen d'information que nous avons, par le billet déposé sur
nos bureaux.
M. LAPORTE: On ne pourrait pas siéger cet après-midi
pendant que la Chambre va siéger?
M. BELLEMARE: Non, je pense que... nous n'aurons pas le temps.
M. LE PRESIDENT: La séance est ajournée. (10 h 49)
(Neuf heures trente minutes)
M. PROULX (président du comité): A l'ordre, messieurs I La
troisième séance du comité de l'Education est ouverte. Je
demande au ministre de l'Education de continuer son exposé.
M. CARDINAL: Je suis bien d'accord, M. le Président.
M. le Président, après avoir parlé des
collèges d'enseignement général et professionnel, de
l'orientation dans ces collèges, du marché du travail, je reviens
à la planification de l'enseignement supérieur pour indiquer un
certain nombre de travaux qui ont été effectués au sein du
ministère et pour énumérer les projets qui sont
actuellement en cours.
J'ai mentionné à plusieurs reprises qu'il y avait certains
projets à l'étude et je vais indiquer à quel stade ils
sont rendus.
Quant à l'université du Québec, qu'il faut
distinguer de la deuxième université de langue française,
j'ai mentionné à quelques reprises qu'un dossier avait
été remis, récemment, au conseil des ministres pour
étude et pour que des décisions soient prises.
L'université du Québec serait une structure, dont la
deuxième université de langue française à
Montréal serait ce que je pourrais appeler une filiale, ainsi que les
autres centres universitaires. Dans les dossiers préparés pour
chacun des projets, des prévisions sont présentées au
sujet des besoins personnels, des besoins en équipement et en locaux,
des clientèles et des programmes, et des coûts. Ces dossiers font
tous partie de la documentation actuellement à l'étude au conseil
des ministres.
Quant au conseil des universités, les députés
savent que le projet est au feuilleton, que le projet de loi a
été déposé et, en résumé, le mandat
essentiel du conseil des universités est de faire des recommandations au
ministre au sujet de la coordination et de la planification de l'enseignement
supérieur.
Lorsque j'ai parlé des collèges, j'ai parlé aussi
de la formation des maîtres. La commission d'intégration se
rapporte à la fois au niveau collégial et au niveau de
l'enseignement supérieur. Cette commission doit regrouper les
écoles normales et les autres institutions de formation des
maîtres, en grande partie au niveau de l'enseignement
supérieur.
J'ai indiqué, la semaine dernière, qu'il y avait un
regroupement, d'ailleurs, des deux directions générales, celles
de la formation des maîtres et de l'enseignement supérieur.
Au niveau de la planification aussi de l'enseignement supérieur,
présentement se poursuit au ministère un inventaire des locaux et
une analyse de leur utilisation. Le travail avait déjà
été réalisé en 1966-1967 par une firme
américaine de spécialistes et le travail a été
poursuivi en collaboration par la direction générale de
l'enseignement supérieur et les universités.
Quant aux investissements universitaires, la loi qui a été
adoptée l'été dernier exige la préparation d'un
programme d'investissements pour cinq ans, ce programme étant
revisé chaque année et ce programme, d'ailleurs, étant
déposé, d'après la loi, devant l'Assemblée
législative.
Le problème qui se pose dans la planification de l'enseignement
supérieur et qui paraît frapper davantage les étudiants,
c'est le problème des places disponibles pour septembre 1969, alors que
termineront, à la fois, les étudiants de ce que nous appelons les
collèges classiques et les étudiants qui viennent des
collèges d'enseignement général et professionnel. Comme,
en moyenne, une année est enlevée pour ceux qui terminent dans
les collèges, il y aurait le phénomène de ce qu'on appelle
la double promotion. C'est-à-dire qu'en septembre 1969, se
présenteront aux portes des universités ceux qui obtiendront un
baccalauréat ès arts et ceux qui auront un diplôme
d'études collégiales. Ce phénomène de la double
promotion est un phénomène qui ne se produira qu'une fois, qui
s'étendra, évidemment, année après année,
pour ceux qui sont arrivés à une première année
d'université, et le ministère s'est bien rendu compte que ce
problème se poserait et l'a étudié
immédiatement.
La direction générale de l'enseignement supérieur
complète dans le moment l'Inventaire détaillé des locaux
déjà existants et de leur utilisation pour l'année
dernière, c'est-à-dire 1967-1968. La direction
générale doit maintenant établir un taux optimum
d'utilisation pour chaque type de locaux existants et la comparaison entre ce
taux optimum et le taux effectif donnera le nombre de places disponibles, une
fois l'ajustement fait, dans les locaux déjà existants, dans les
universités déjà créées.
La direction générale fait cette étude, la
soumettra au sous-comité des investissements universitaires et en
publiera les résultats probablement en janvier ou, au plus tard, en
février prochain.
Pour réaliser cette étude, le directeur
général de l'enseignement supérieur a formé un
groupe de travail qui comprend des personnes qui viennent de la
Conférence des recteurs et principaux d'université, de l'UGEQ, de
la Fédération des associations de professeurs, des syndicats.
Le mandat de ce groupe de travail est de déterminer ce taux
optimum d'utilisation des locaux universitaires, y compris ceux de
Trois-Rivières et de Chicoutimi et je l'ajoute particulièrement
ce matin, à la suite de ce que j'ai vu dans les journaux, ainsi que les
écoles normales gouvernementales, qu'elles soient à
Trois-Rivières ou ailleurs, et de déterminer la capacité
de recevoir de nouveaux étudiants en septembre 1969, par
universités, par facultés, sans oublier la deuxième
université de langue française qui sera créée pour
cette date de septembre 1969.
Dans les remarques qui ont été faites et ici je
serai très bref, parce que je l'ai déjà indiqué, il
ne s'agit pas d'une responsabilité directe du ministre de l'Education
il a été question des négociations dans le domaine
de l'enseignement. La semaine dernière j'ai souligné que cette
responsabilité des négociations, au niveau du conseil des
ministres, était confiée au ministre d'Etat
délégué à la Fonction publique, l'honorable Marcel
Masse.
Je n'ajouterai que deux mots à ce sujet, pour dire que, comme
ministre de l'Education, je me réjouis du fait que plusieurs conventions
collectives ont été signées ou complétées au
cours des derniers mois, dans le domaine de l'enseignement, sans affrontement,
sans grève. Mentionnons, en particulier, la convention avec le syndicat
des professeurs de l'Etat du Québec, c'est-à-dire les professeurs
des écoles normales, des écoles des Beaux-Arts, conservatoires,
écoles de l'enseignement spécialisé. Ceci s'est fait le
1er juin 1968. Convention avec le syndicat professionnel des enseignants
ce sont les enseignants des collèges classiques le 13 août
1968. Convention signée avec le collège de Sainte-Foy,
c'est-à-dire les enseignants de ce collège, qui est un CEGEP, et
le gouvernement et l'association des professeurs de ce collège, le 6
septembre 1968.
Quant aux demandes qui sont présentement faites par la CEQ,
encore une fois, la responsabilité en incombe au gouvernement par
l'intermédiaire du responsable désigné. Je ne veux pas
ajouter autre chose sur ce sujet, mais simplement rapporter que les
négociations malgré ce qu'il en paraît, se sont faites
cette année sans qu'il y ait de grèves ou de difficultés
particulières dans le cas de plusieurs syndicats.
Un sujet qui a été mentionné aussi à
l'occasion des débats de ce comité et au sujet duquel il y a un
fait nouveau, c'est qu'à plusieurs reprises, lorsqu'on a parlé de
questions de langue ou d'immigration, j'ai mentionné que j'attendais le
rapport du comité de restructuration sco- laire de l'Ile de
Montréal. J'ai reçu, hier après-midi, à
Montréal, à huis clos, le rapport de ce comité. Ce
comité devait, à l'origine, remettre son rapport à la fin
de septembre. Il avait demandé un court délai d'un mois de
grâce pour en faire l'impression,. Ce délai lui avait
été accordé et il ne l'a même pas utilisé en
entier. C'est donc hier, le 28, que le président de ce comité, M.
Pagé, en présence de tous les membres du comité, m'a remis
ce rapport. Ce rapport n'a pas été rendu public, il a
été remis au ministre qui le remettra, sans délai, au
conseil des ministres, avec recommandation de l'étudier, de le rendre
public au moment jugé opportun. Le gouvernement s'est engagé
déjà, par son premier ministre, à prendre les dispositions
nécessaires pour donner suite à ce rapport.
Dans la question de la formation et de l'orientation des immigrants, on
sait de plus qu'une loi du ministère de l'Immigration est
présentement discutée. J'ai cependant ajouté qu'avant
même que ce ministère ne soit créé, il existait, non
seulement au Secrétariat de la province, mais aussi au ministère
de l'Education, des organismes qui s'occupaient des immigrants.
En mai 1967, le ministère de l'Education annonçait la
création d'un service de formation des immigrants rattaché,
à ce moment-là, à la direction générale de
l'éducation permanente. Ce service, sous la direction de M. Mario
Buzzanga a déjà rendu d'importants services aux immigrants dans
des domaines comme l'organisation de cours de langue, l'organisation de cours
de civisme ou d'initiation à la vie canadienne et
québécoise et l'étude de l'équivalence de
diplômes étrangers.
L'expérience de la dernière année a montré
que les activités d'un tel service de formation des immigrants touche au
ministère plus qu'une seule direction générale. C'est
pourquoi le ministère, actuellement, tout en attendant que la Loi du
ministère de l'Immigration soit adoptée et que ce
ministère crée ses propres organismes, organismes avec lesquels
le ministère de l'Education veut collaborer, le ministère de
l'Education étudie actuellement la possibilité que ce service
général soit rattaché directement au bureau des
sous-ministres sous le nom de Service d'orientation et de formation des
immigrants.
Le ministre vient de recevoir un rapport qui a été
préparé par ce service, avec les commentaires de ses
sous-ministres il vient à peine de le recevoir, il n'a pas pu
encore même en prendre connaissance parce qu'il était aux
réunions de ce comité le ministre de l'Education pourra
donc collaborer avec le ministère de l'Immigration en lui fournissant
les détails sur
ce qui a dû être accompli au niveau du ministère de
l'Education pour les immigrants.
Une autre question qui a été soulevée ici à
ce comité, c'est celle du financement des commissions scolaires. On sait
que c'est un problème délicat qui n'est pas né d'hier, qui
n'a pas été créé par le présent
gouvernement, les retards dans l'approbation des budgets ou des états
financiers sont des retards cumulatifs. Il y a des problèmes
réels, nous en avons convenu au mois de juin dernier, lors de
l'étude des crédits du ministère de l'Education. Le
ministre de l'Education connaît la situation, tout comme son
collègue, l'honorable ministre des Finances. Nous savons que nous ne
pourrons pas corriger d'emblée dans une semaine, d'une façon
complète, cette situation. C'est d'ailleurs ce qui avait
été dit lors de l'étude des crédits du
ministère de l'Education. La gravité et la complexité du
problème, reliées aux questions de fiscalité scolaire,
d'administration scolaire, de structure scolaire, du nombre de commission
scolaires, des services administratifs du ministère, sont telles qu'une
revision en profondeur de la politique de financement des commissions scolaires
s'impose et le gouvernement le reconnaît.
Cette revision, d'ailleurs, est commencée depuis plusieurs mois
où l'on fait la recherche de solutions d'ensemble aux problèmes.
Ceci se fait à un comité conjoint du ministère des
Finances et du ministère de l'Education. Ce travail a commencé au
mois de janvier dernier.
Le premier ministre lui-même a demandé, dès les
premiers jours de son mandat c'était le premier ministre Johnson
à ce moment-là d'intensifier les travaux et le premier
ministre actuel que j'ai rencontré à ce sujet a fait la
même demande.
Nous étudions même actuellement la possibilité de
préparer, en collaboration avec le plus d'intéressés
possible, appelons cela un livre blanc si vous voulez, sur le financement des
commissions scolaires. C'est qu'il faudrait que les députés, les
ministres et la population reconnaissent la situation financière des
commissions scolaires et qu'une analyse soit faite des facteurs qui expliquent
cette situation, que les prévisions sur les besoins futurs des
commissions scolaires, comme on le fait au niveau de l'enseignement
supérieur, pour des périodes de cinq ou dix ans, soient faites,
compte tenu de l'évolution de la clientèle au niveau des
maternelles on sait que ceci se développe beaucoup aux
niveaux élémentaire et secondaire en vue, cette étude,
d'éliminer les retards et aussi les arrérages dans les
subventions dues aux commissions scolaires, pour assurer un équilibre
plus constant entre les revenus et les dépenses de fonctionnement des
commissions scolaires, pour compléter le programme de construction des
écoles secondaires - je le souligne selon une saine politique
financière - pour contrôler la croissance des coûts dans les
commissions scolaires - dans le discours du budget, on référait
à cette croissance des coûts pour améliorer
l'administration du financement des commissions scolaires, tant au niveau des
commissions scolaires qu'au niveau du ministère.
Les membres de la Chambre savent, par les questions qui ont
été posées en Chambre de février à juillet
dernier, par les réponses qui ont été données
à chacune de ces questions, que nous attachons, au ministère, une
attention toute spéciale aux cas qui nous sont signalés de
retards effectifs ou prévus dans le paiement des traitements du
personnel des commissions scolaires. Je dois souligner que, dans ce domaine, la
Fédération des commissions scolaires et les associations
d'enseignants, dans plusieurs cas, nous ont rendu des services
appréciables en signalant les cas constatés aux responsables du
financement au ministère. Dans d'autres cas, malheureusement, cette
collaboration n'existe pas et nous avons plus de difficultés.
Hier, le 28 octobre, au ministère, j'ai fait la
vérification. Il n'y avait aucun cas signalé de retard dans le
paiement des traitements du personnel des commissions scolaires. Il n'y a eu
aucune intervention directe auprès de la direction
générale de financement du ministère de l'Education
à ce sujet.
Il est aussi certain qu'une étude semblable qui est
commencée je l'ai mentionné en janvier devrait
corriger certains aspects du système d'imposition foncière aux
fins scolaires et devrait aussi régulariser le recours au système
bancaire dans le processus du financement des dépenses des commissions
scolaires.
Je veux souligner, ici comme je le disais lors de la
première réunion de ce comité- qu'un gouvernement doit
reconnaître les difficultés qui se présentent.
L'Opposition, à ce moment-là, peut critiquer la situation. Mais
le rôle du gouvernement est de tenter, devant un problème comme
celui du financement des commissions scolaires, non pas de donner des
réponses qui laisseraient croire à des solutions magiques mais de
faire des études sérieuses en collaboration avec le
ministère des Finances dans les limites des contraintes qu'imposent la
situation financière non seulement du Québec mais de tout le pays
on voit ce qui vient de se produire au fédéral en
tenant compte de la capacité de payer qu'ont les contribuables de la
province, même pour l'éducation qui est l'une des
priorités, mais qui n'est pas la seule.
Il ne s'agit pas, pour régler ce problème, de
renoncer à poursuivre la réforme de l'enseignement; il ne
s'agit pas de renoncer à un investissement de capital pour l'avenir, il
faut cependant équilibrer la partie des dépenses
d'opération et d'investissement de capital, il faut certainement
réaménager les conditions dans lesquelles s'effectuent et vont
s'effectuer ces investissements, compte tenu des moyens de la
génération actuelle même si l'on travaille dans ce domaine
pour la génération future.
Le problème qui se pose devait nécessairement se poser,
lorsqu'on songe à l'explosion démographique dans les milieux
étudiants à tous les niveaux lorsqu'on songe que tout le
système de financement est fondé sur une longue tradition qui
n'est plus conforme au mode de vie et à la vie économique
actuelle. Le ministère des Finances et le ministère de
l'Education préparent donc conjointement cette étude et, si la
décision de préparer vraiment un livre blanc est prise, ce livre
sera déposé à l'Assemblée législative le
plus tôt possible, c'est-à-dire dès le début de
l'année 69.
D'ici là ces deux ministères collaborent à la
solution des problèmes les plus urgents qui sont à leur
connaissance. Je soulignerai que, au ministère de l'Education, ceci est
suivi de très près, même s'il peut arriver, à cause
du grand nombre de commissions scolaires, que certains cas ne soient pas
portés immédiatement ànotre attention.
Dans le domaine du financement des commissions scolaires justement, il y
a un problème qui s'est posé cette année, c'est celui du
transport des élèves. On se rappellera que le conseil des
ministres a élargi les règles qui avaient été
établies, qu'un montant additionnel de $400,000 a été mis
à la disposition du ministère à cette fin. Au moment
même où la semaine dernière, l'Opposition soulevait le
problème de l'approbation des contrats de transport
d'élèves, la situation était la suivante: Tous les
contrats pour le transport des élèves soumis avant le 10
septembre 1968 avaient été étudiés et
approuvés. Ce qui représente environ 600 contrats.
Toutes les situations urgentes signalées au ministère
depuis le 10 septembre 1968 ont fait l'objet d'une réponse au moins
verbale de la part des services du ministère de l'Education et sont
présentement à l'étude. Présentement une centaine
de dossiers comportant des projets de contrats et surtout des avenants des
modifications des contrats soumis après le 10 septembre 1968 sont
à l'étude, mais l'étude de ces cas ne suppose ni ne
nécessite ni n'implique une suspension du service du transport des
étudiants.
L'étude porte sur la détermination des sommes qui peuvent
être subventionnées selon les règles établies,
règles d'abord établies dans les directives fournies aux
commissions scolaires sur les dépenses admissibles et modifiées
par la décision du mois dernier du conseil des ministres.
Quant à la construction des écoles qui est dans le
même domaine et la suite logique de ce que je viens d'indiquer il
faut se rendre compte que, très fréquemment, il y a des
modifications aux plans, modifications assez nombreuses jusqu'à il y a
quelques mois, parce que certains architectes n'étaient pas familiers
avec les exigences d'une école secondaire polyvalente. Depuis, les
changements nécessaires sont moins nombreux. Par ailleurs, des revisions
ont été faites je l'ai indiqué au mois de juin
dernier pour s'assurer que la construction serait faite à un
coût moindre. Nous avons indiqué en juin les diminutions de
coût pour ces écoles. Grâce, par exemple, à un
système d'analyse et de surveillance des plans et devis, les coûts
de construction ont pu être comprimés tout en maintenant la
qualité des constructions.
Je donne un exemple. Il y a un an, le coût au pied carré
était de $17.25. En septembre 1968, ce coût était
réduit à $15.30, ce coût comprenant les bâtiments,
l'ameublement intégré et l'aménagement
intérieur.
Des rumeurs voulaient qu'il y ait blocage au niveau du conseil des
ministres. Je désire affirmer, avec beaucoup de fermeté et de
précision, que le ministre ne bloque aucun dossier au niveau de son
bureau. Il peut arriver qu'un dossier vienne au bureau du ministre et que
celui-ci décide qu'il doit faire l'objet d'une étude
particulière. Or, le dossier retourne, à ce moment-là, au
service général. C'est une excuse facile et je dois le
dire parce qu'à quelques reprises le fait s'est produit, et
immédiatement j'ai rétabli les faits pour quelqu'un qui
est pris au téléphone ou devant un représentant d'une
commission scolaire, de dire: Le ministre n'a pas encore donné son
accord.
En aucun cas, que ce soit pour la construction des écoles ou que
ce soit dans d'autres domaines, je n'ai comme système de bloquer au
niveau du cabinet ou du bureau du ministre.
Le discours du budget indiquait que l'on consacrerait environ $170
millions à la construction d'écoles secondaires, y compris la
part dont le financement est assuré par les commissions scolaires. Selon
les prévisions actuelles le montant mentionné dans le coût
du budget serait atteint
Au ministère on serait effectivement en mesure
d'accélérer encore davantage la mise en chantier d'écoles
secondaires mais il faut se rendre à l'évidence qu'il y a un
problème de
disponibilité budgétaire et que la construction doit se
faire selon ces disponibilités. Même si le ministre de l'Education
préférait qu'il n'y ait pas de limites financières, il
doit évidemment accepter, comme je le mentionnais tantôt, que le
programme de construction des écoles demeure dans les limites
tolérables au point de vue budgétaire, en tenant compte des
possibilités d'emprunt de la province, de la perception des impôts
et des montants utilisables par le gouvernement pour tous les
ministères.
On rejoint donc un problème financier global qui se pose pour
tous les ministères au Québec et dans les autres provinces.
Actuellement il y a 21 écoles secondaires terminées, 54 autres
écoles en chantier. Si l'on répartit les projets: six sont au
stade de l'approbation des soumissions; deux au stade de l'ouverture des
soumissions; 24 au stade de l'approbation des plans d'exécution; 23 au
stade de la présentation des plans d'exécution; 17 au stade de
l'approbation de l'avant projet; neuf, de Papprobation des esquisses; 20, de la
présentation des esquisses; 31, de la transmission du programme
technique et 20 de l'approbation de principe, ce qui fait un total de 227
écoles terminées, en chantier ou à divers stades.
La réponse très précise à ce problème
se rattache aussi à l'étude des disponibilités
financières et du financement des commissions scolaires, les commissions
scolaires devant elles-mêmes assumer une partie du financement de cette
construction et devant, pour ce faire, procéder elles-mêmes
à des emprunts.
Pour résumer, l'Opposition a indiqué un certain nombre de
problèmes. Le gouvernement connaissait déjà ces
problèmes. J'ai indiqué pour plusieurs d'entre eux, je pense, ce
qui s'était fait, ce qui se fait, ce qui est à l'étude,
soit au niveau du gouvernement ou au niveau interministériel ou au
niveau du ministère de l'Education pour résoudre ces
problèmes. Résoudre ces problèmes, ce sont
déjà des termes qui mériteraient d'être
nuancés.
Si tout ce qui concerne l'éducation est toujours appelé
« problème », quel que soit celui qui est ministre ou qui
sera ministre de l'Education, on pourrait toujours parler de problèmes
d'éducation. L'éducation est justement l'une de ces choses qui ne
cessera jamais, et celui qui me fait face et qui m'a
précédé à ce poste, devrait savoir lui-même
quels sont les problèmes dans le sens que je viens de dire, qu'il a
dû affronter.
Je pense qu'il serait plus positif de cesser de parler des
problèmes de l'éducation ou de la crise de l'éducation
pour que chacun prenne ses responsabilités dans ce domaine. Il y a peut-
être un fait, c'est que l'on parle peut-être trop des
problèmes de l'éducation et que le ministère n'a
peut-être pas le loisir d'informer suffisamment la population de tout ce
qu'il fait. Et quand il le fait, comme lors de la remise de ce bilan sur la
formation des maîtres, ces bilans qu'il offre à la Chambre et au
public, ces communiqués qu'il émet, ne font pas la manchette
comme les situations des crédits, au contraire. Il y a donc ici un
aspect qui n'est pas un aspect de la réalité mais de la
façon dont on envisage une situation donnée.
On sait, par exemple, que ce que l'on a appelé la crise scolaire
au niveau des collèges, crise qui s'achevait en ce qui concerne
l'occupation au moment où ce comité a commencé ses
délibérations. Vous savez qu'il n'y a présentement que
l'école des Beaux-Arts de Montréal où il y a encore une
occupation. A l'université de Montréal, les étudiants de
la faculté des sciences sociales ont décidé de retourner
aux études. Il ne reste que la théologie qui peut peut-être
contester sa charte pontificale. Et il y a un petit problème qui s'est
posé à l'école normale de Trois-Rivières,
problème que nous réglerons dès aujourd'hui, parce qu'il
semble qu'il s'agit beaucoup plus d'un malentendu que d'un problème
réel.
Je pense donc que le gouvernement actuel, ne peut être justement
accusé d'Immobilisme en matière d'éducation parce qu'il a
accéléré, d'une façon ralsonnée, le
processus et tous les chiffres et les faits que j'ai donnés en sont, je
pense, l'indication.
Les termes utilisés dans le public, au comité, ou à
la télévision, tels que « fouillis », ne
décrivent pas, je pense, la situation et n'aident pas à la
résoudre. Même si les étudiants des collèges sont
retournés dans les collèges, il est évident et je
suis d'accord ici avec les étudiants qu'au lendemain de leur
retour, ils ne sont plus dans la même situation qu'ils étaient
avant d'avoir ou quitté ou occupé ces collèges.
J'ai, encore hier, rencontré un groupe d'étudiants au
niveau collégial, et je dirais que la grande majorité, et non pas
une certaine minorité qui les a animés à certains
endroits, la grande majorité de ces étudiants, après cette
expérience qu'ils ont vécu, sont maintenant prêts au
dialogue avec le ministère de l'Education, avec le ministre, avec le
gouvernement. Ceux qui ne sont pas prêts au dialogue, messieurs, si vous
les avez écoutés, vous vous rendez compte que ce n'est pas le
ministre qu'ils contestent, ils contestent autant, comme ils l'ont dit
eux-mêmes, le ministre, le ministère, le gouvernement,
l'Opposition et tous ceux qui la composent. Et, par conséquent, on ne
peut pas faire de re-
proche au gouvernement, ni pour l'opinion, ni pour l'action de ces
personnes qui ne s'occupent pas de problèmes scolaires et qui contestent
globalement la société dans laquelle nous vivons. Et je ne pense
pas que l'Opposition conteste ni la forme de notre gouvernement, ni la
société dans laquelle nous vivons.
M. CARDINAL: On pourra soutenir que je n'ai pas répondu à
toutes les questions, à toutes les questions de détail.
J'ajouterai que toutes les questions qui ont été posées
pourraient recevoir des réponses précises avec dossiers à
l'appui. Mais, ceci prendrait, comme nous pouvons le deviner et je pense
que nous devons l'admettre un travail assez important du
ministère. Plusieurs jours de travail. Comme je l'ai déjà
dit au débat sur les crédits, en juin dernier, je suis toujours
à la disposition des députés, qu'ils soient d'un
côté ou de l'autre de la Chambre, pour les renseigner sur ce qui
se passe au ministère de l'Education et pour répondre de mon
mandat de ministre de l'Education. Bientôt, j'espère que les
événements prouveront que je saurai répondre en Chambre de
ce mandat.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chambly.
M. LAPORTE: M. le Président, je remercie le ministre de ce long
exposé. C'est la première ou la deuxième fois qu'il a
Poccasion devant ceux qui ne sont pas ses pairs d'expliquer ou de
tenter d'expliquer sa politique. Je vais, cela ne le surprendra peut-être
pas, différer d'opinion sur le sens qu'il a voulu donner à son
intervention et, particulièrement, sur des choses qu'il n'a pas
dites.
M. le Président, au risque de paraître
désagréable, ce qui ne m'arrive pas trop souvent je
l'espère je voudrais exprimer publiquement le regret que le
premier ministre ne soit pas présent aux réunions de ce
comité.
M. BELLEMARE: M. le Président, je vous demanderais, avec votre
permission, de ne pas permettre à l'honorable député de
continuer en ce sens-là, en vertu de l'article 264.
M. LAPORTE: En vertu de quoi? M. BELLEMARE: L'article 264.
M. LAPORTE: N'ai-je pas le droit de dire cela?
M. BELLEMARE: C'est-à-dire que vous avez peut-être le
droit, mais cela serait injuste.
M. LAPORTE: Ah! bien cela...
M. BELLEMARE : M. le Président, vous avez déjà
formulé en Chambre deux griefs à l'endroit d'un ancien premier
ministre qui je pense n'a jeté aucun lustre sur votre
intervention. Je crois que nous devrions éviter ces choses-là,
quand on sait la responsabilité qu'a actuellement le premier ministre de
la province; alors qu'en outre nous parlons de collégialité, que
nous parlons de distribuer des tâches. Le chef de l'Opposition
lui-même n'a-t-il pas dit, dernièrement, qu'il fallait repenser
notre système parlementaire et voir à donner à d'autres
des responsabilités? Je ne pense pas que l'honorable
député soit justifié de continuer dans cette veine,
d'accuser le premier ministre de ne pas être dans ce comité.
Il m'a demandé personnellement de l'y représenter, de
représenter aussi le ministère comme tous mes collègues le
font. Mais, M. le Président, je pense que l'honorable
député comprendra com.-ne moi que la tâche qui incombe
présentement au premier ministre de la province est une tâche
lourde de responsabilité. Une tâche exigeant qu'il donne aux
problèmes d'administration une attention toute particulière.
M. LAPORTE: J'ai fait, M. le Président, preuve de beaucoup de
patience, je ne crois pas que le règlement permette au
député et ministre du Travail de me donner des leçons de
savoir-faire.
M. BELLEMARE: Si les règlements... Non, mais par exemple j'ai
en vertu de l'article 264 le droit, M. le Président
en tant que député de défendre un de mes
collègues absent.
M. LAPORTE: Oui, mais attendez que je l'aie attaqué.
M. BELLEMARE: Oui, mais je vous vois venir parce que les journaux vous
ont déjà pressenti... M. le Président, je ne voudrais pas
voir se renouveler en Chambre les scènes désagréables qui
s'y sont déjà produites...
M. LAPORTE: Bien, si tout le monde veut se taire, nous verrons les
raisons que j'ai à donner. Après nous pourrons en discuter.
M. BELLEMARE: Mais je dis que, M. le Président, si le leader
parlementaire, si l'honorable député de Chambly voulait
comprendre la situation, lui, qui est déjà un parlementaire assez
aguerri aux débats de l'Assemblée Légis-
lative et des comités il a siégé dans cette
Chambre, dans ce comité, pendant plusieurs années ne
devrait pas se servir de ces arguments contre le premier ministre pour
souligner que celui-ci n'est pas au comité ce matin. Il m'a
demandé de le remplacer.
M. LAPORTE: Bien...
M. BELLEMARE: C'est difficile, M. le Président, d'être
partout, surtout pendant que nous avons à régler ces
problèmes difficiles.
M. LAPORTE: Je regrette que le premier ministre ne soit pas
présent. Si l'on m'avait laissé ajouter la deuxième
phrase, c'est celle-ci: Sans doute le premier ministre est-il un homme
très occupé. Deuxièmement, je trouve absolument normal que
le premier ministre ne participe pas personnellement à toutes les
séances de nos comités.
C'est un homme très occupé et il serait même anormal
que le premier ministre continue à être présent partout
dans nos réunions. Mais, je vais donner les raisons pour lesquelles le
premier ministre devrait être présent au comité. Si, par
hasard, vous trouvez qu'il y a là quelque attaque contre lui, vous me le
direz.
Je dis qu'actuellement il s'agit d'un débat d'une très
grande importance. Le ministre lui-même a dit que ce débat ou ce
problème a une dimension mondiale. Le ministre de la Culture en France,
M. Malraux, devant une situation je ne dirais pas semblable mais analogue, a
dit qu'il s'agit d'une « crise de civilisation ». En France,
pendant la crise scolaire, c'est le premier ministre qui parlait au nom du
gouvernement. J'aurais aimé qu'il en fût de même dans la
province de Québec.
Deuxièmement, au moment où la crise scolaire a
éclaté chez nous, le premier ministre actuel n'avait pas encore
assumé toute la responsabilité du gouvernement. Ce comité,
c'était pour lui la première occasion de tracer devant les
députés les grandes lignes de la politique de son gouvernement,
de dire à la population en général, aux professeurs et aux
élèves, quelle orientation le gouvernement actuel, dont il vient
d'assumer la direction, entend donner a la société
québécoise.
Troisièmement, M. Bertrand, avant qu'il ne fût premier
ministre, a été ministre de l'Education, du 16 juin 1966
jusqu'à novembre 1967. Il avait des comptes à rendre à ce
comité. Il n'aurait pas dû s'y dérober.
Et, quatrième raison, M. le Président, le problème
que nous étudions dépasse la compé- tence d'un seul
ministre, si intelligent, si aimable soit-il. Plusieurs ministères, ceux
de l'Education, de la Fonction publique, du Travail, des Finances, sont
impliqués dans le problème que nous étudions actuellement.
A tel point qu'à deux ou trois reprises au moins, le ministre a dit:
Ceci n'est pas de ma compétence. Je tâche de m'occuper de mon
secteur et je laisse à mes collègues le soin de s'occuper du
leur.
Seul le premier ministre était autorisé à parler,
sur tous les plans, au nom de son gouvernement. Je dis donc que son absence
prive ce comité de la possibilité d'avoir des réponses
globales sur toutes les questions qui se posent en matière
d'éducation.
M. le Président, je reproche au premier ministre, pour toutes ces
raisons, de ne pas avoir été ici.
M. BELLEMARE: Ce n'est pas gentil.
M. LAPORTE: Qu'est-ce qu'on nous a dit? Je ne m'attendais pas à
recevoir des compliments pour avoir dit cela.
M. LOUBIER: Pourquoi ne reprochez-vous pas à quatre de vos
députés de ne pas être ce matin au comité? Quatre
sur neuf! Je vous ferai remarquer que 40% des membres du comJ-té
représentant l'Opposition ne sont pas ici ce matin.
DES VOIX: C'est ça.
UNE VOIX: Vous n'avez même pas l'excuse d'avoir des
responsabilités sérieuses.
M. LAPORTE: Que vous preniez quatre de nos députés pour
des premiers ministres, c'est flatteur. Mais, ils ne le sont pas.
M. LOiJBIER: Le député de Chambly peut faire des sophismes
et des mots d'esprit quand il voudra pour tenter d'écarter les... C'est
que, brutalement, nous constatons qu'au moment où il se plaint, que le
premier ministre, qui n'est pas membre de ce comité, ne soit pas ici, il
comprenne que le premier ministre peut être occupé ailleurs. Qu'il
comprenne que le premier ministre décide de donner des
responsabilités complètes à ses ministres,...
M. LAPORTE: Le ministre est extrêmement intéressé,
mais il faudrait peut-être constater...
M. LOUBIER: M. le Président, il est tout de même
indécent d'entendre le député de Chambly
signaler l'absence du premier ministre de façon, je ne dirais pas
mesquine, mais je dirai un mot plus faible, plus élégant, plus
parlementaire. Au moment où il s'indigne de l'absence du premier
ministre qui n'est pas membre du comité, 40% de la
délégation du parti de l'Opposition qui devait faire partie de ce
comité, est absente ce matin» Et cela prouve
l'intérêt qu'il porte au problème de l'éducation et
de la crise actuelle, s'il y a crise.
M. LAPORTE: Ah, oui! cela change énormément les
détails! J'aimerais maintenant, si vous autorisez encore, M. le
Président, des digressions aussi flagrantes, que le ministre nous dise
s'il n'était pas normal que le chef du gouvernement, face à la
situation scolaire la plus tragique que nous ayons vécu dans toute
l'histoire de la province de Québec, vienne lui-même nous dire
quelle est l'attitude de son gouvernement.
M. LOUBIER: Si je le comprends, c'est une question.
M. LAPORTE : Non, ce n' est pas une question.
M. LOUBIER: M. le Président, sur un point d'ordre, le
député de Chambly a dit qu'il voudrait que le ministre
réponde à la question: Ne serait-il pas normal que le premier
ministre soit ici ce matin, parce qu'il est chef du gouvernement?
M. LAPORTE: Dites pourquoi.
M. LOUBIER: M. le Président, le premier ministre a fait des
déclarations publiques au cours des perturbations que nous avons
connues. Le ministre de l'Education est responsable de l'éducation. Le
premier ministre a été ministre de l'Education, à ce
moment-là il pouvait répondre en Chambre continuellement aux
questions de l'Opposition, aux points d'interrogation de l'Opposition, il
pouvait continuellement répondre de son administration et si
l'Opposition, à ce moment-là, ne s'est pas
réveillée pour poser des questions, qu'elle n'en blâme pas
le premier ministre actuel.
M. LAPORTE: M. le Président, la population pourra porter
jugement. Le premier ministre était membre du comité
j'avais terminé cette partie-là j'avais donné
quatre raisons...
M. LESAGE: Souvenez-vous de 1966, vous n'aviez que 14% et vous avez
gagné. J'ai des souvenirs cuisants.
M. LAPORTE: J'avais quatre raisons sérieuses qui, à mon
avis, pourraient...
M. GRENIER: Dialogue, dialogue, ils sont deux.
M. LAPORTE: M. le Président, vous allez perdre le contrôle
de votre comité.
UNE VOIX: Laissez parler le député de Beauce.
M. LE PRESIDENT: Messieurs, s'il vous plaît, à l'ordre, le
député de Chambly seul à le droit de parole.
M. LESAGE : Cela n'a pas paru jusqu'à maintenant.
M. LE PRESIDENT: Voulez-vous laisser parler le député de
Chambly s'il vous plaît. Je demanderais au député de
Louis-Hébert de laisser parler le député de Chambly.
DES VOIX: A l'ordre!
M. LAPORTE: Je demanderais à M. le Président de faire
preuve d'une petite dose d'impartialité. On peut bien s'amuser à
faire des blagues, M. le Président, mais vous avez une
responsabilité devant ce comité. Et ceux de vos collègues
qui ont présidé d'autres comités se sont montrés,
autrement que vous, à la hauteur de la situation.
DES VOIX: A l'ordre!
M. BELLEMARE: M. le Président, je pense qu'on oublie les articles
de notre règlement qui demandent d'abord le respect à la
présidence.
M. le Président, je ne pense pas que le chef de l'Opposition
puisse employer de ces termes qui sont antiparlementaires et qu'il ne devrait
pas surtout donner ce mauvais exemple. Il peut y avoir des échanges,
c'est sûr. Les présidents des comités d'ailleurs ont le
droit de prendre part à toutes les discussions dans un comité,
c'est leur droit, c'est reconnu par notre livre de procédures. Notre
règlement le prévoit, il dit que le président a le droit,
lui, comme président, de prendre part à toutes les
délibérations et même d'apporter son opinion. Cela est dans
notre règlement. C'est écrit textuellement. Je pense, M. le
Président, que ces accusations à l'endroit de la
présidence sont malvenues et que nous ne gagnerons rien ce matin
à continuer ces interventions malheureuses.
M. LAPORTE: Si je n'avais pas été interrompu si
fréquemment, je serais déjà fort avancé dans mon
intervention.
Je ne voudrais pas que mes paroles aillent au-delà de ma
pensée.
Je voudrais même à votre endroit, M. le Président,
vous qui êtes président, être en mesure de dire autre chose
que ce qu'on dit parfois en anglais, qu'on a beaucoup de respect pour la
« chaise ». Je voudrais bien que celui qui l'occupe soit
également digne de notre respect.
UNE VOIX; A l'ordre!
M. LAPORTE: Je vous compte au nombre de mes amis et je voudrais
également que ceci puisse être vrai à l'avenir.
M. GABIAS: M. le Président, vous avez donné la parole au
député de Chambly...
M. LAPORTE: Celui de Trois-Rivières ne l'a pas.
M. GABIAS: ... au lieu du député de Louis-Hébert.
Lui, il ne sait rien.
M. LAPORTE: Mais quand avez-vous donné la parole au
député de Trois-Rivières, M. le Président?
M. LE PRESIDENT: Je demanderais à tout le monde de manifester un
peu de collaboration s'il vous plaît.
UNE VOIX: Je suis d'accord.
M. LE PRESIDENT: II nous reste une demi-heure de travail. Je demanderais
la collaboration de tous et je veux garder l'amitié de tous,
spécialement celle du député de Chambly.
M. LAPORTE: Si vous m; prenez par l'émotion, M. le
Président...
UNE VOIX: Nous sommes voisins!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. LAPORTE: M. le Président, qu'est-ce que nous a dit le ministre
de l'Education? Je l'ai écouté attentivement je m'excuse
d'avoir été absent, peut-être dix minutes pendant toute son
intervention j'ai pris des notes et j'ai relu la transcription de ce
qu'il nous avait dit.
En somme, pendant deux heures, le ministre de l'Education nous a dit
qu'il a été un élè- ve studieux, qu'il a
été aussi diligent qu'il était capable de l'être,
qu'il a fait tout en son pouvoir afin de normaliser la situation dans le
domaine de l'éducation.
Je suis disposé, personnellement, à lui rendre ce
témoignage qu'il a été excellent élève et
qu'il a donné le maximum de ce qu'il était en mesure de donner de
son propre témoignage. Il a fait tout cela... et il a
échoué lamentablement!
Il a fait tout cela, mais les étudiants ont quand même
provoqué la pire crise scolaire de l'histoire de notre province. Il a
fait tout cela et les professeurs j'en donnerai malheureusement la
preuve tout à l'heure sont plus mécontents que jamais dans
la province de Québec, mécontentement qui serait purement
théorique s'il ne se traduisait par des pertes de temps inouïes
pour les élèves de la province de Québec. Il a fait tout
cela et les professeurs sont plus mécontents que jamais.
Le ministre de l'Education a fait tout son possible mais jamais les
parents ont été à ce point inquiets. Nous sommes des
parents nous-mêmes, la plupart d'entre nous. Jamais les parents auront
été autant taxés je le prouverai tout à
l'heure je prouverai qu'ils n'ont jamais été autant
taxés pour que leurs enfants reçoivent dans la province de
Québec aussi peu d'instruction en 1968.
Il a fait tout cela et il a abouti à ce
résultat-là. Qu'est-ce qu'il lui reste à faire au
ministre? Je sais que le ministre visite fréquemment Paris. Là,
aussi, il y a eu, en mai dernier, une grave crise scolaire, plus grave que la
nôtre sans doute. Je me demande s'il faudra attendre ce degré de
gravité pour juger que c'est grave!
Là aussi, il y a un ministre de l'Education qui est certainement
allé voir le président de la République, pas pour lui dire
qu'il avait manqué son coup, mais pour aller lui réciter, au
président de la République, tout ce qu'il avait fait pour
normaliser l'éducation en France. Il a tout fait cela lui aussi, en
France. Il a certainement été dire, mutatis mutandis, tout ce que
le ministre nous a dit ce matin, et ce, pendant plusieurs heures. Le
résultat? Il a été invité à présenter
sa démission et il a démissionné!
Dans une fonction comme celle qu'occupe le ministre, ce n'est pas la
quantité de travail qui compte malgré que ce soit bien
nécessaire ce sont les résultats. Les résultats?
Une partie importante des CEGEP qui ont été vidés de leurs
élèves. Dans la province de Québec, pour la
première fois, le drapeau de l'anarchie a flotté sur certaines
écoles.
M. GABIAS: Et vous l'attisez!
M. LAPORTE: M. le Président, le résultat? Des milliers et
des milliers de journées d'écoles se sont perdues et se perdent
encore dans la province de Québec.
M. GABIAS: Et vous l'encouragez!
M. LAPORTE : Je dis au ministre, qui a été moins
tenté d'aborder de front le problème que nous avons à
résoudre, d'aborder sans détour, directement, le ou les
problèmes qui doivent retenir notre attention. Il nous a brossé
une fresque merveilleuse de ce qu'est le ministère de l'Education, de
tous les services que le ministère offre, de la publicité que le
ministère a faite autour des options qu'il propose aux
élèves. Ce n'est pas cela que l'on a à discuter ce
matin.
Qu'est-ce qu'il nous a dit de la création d'une deuxième
université française à Montréal? Qu'est-ce qu'il
nous a dit du régime des prêts-bourses? Qu'est-ce qu'il nous a
dit, le ministre, de l'accessibilité des diplômés au
marché du travail? Ce sont les trois problèmes fondamentaux qui
ont été répercutés aux quatre coins de la province
de Québec par des étudiants inquiets, furieux à un moment
donné. S'imagine- t-on qu'il n'y a que les élèves qui sont
inquiets? Je sais qu'il y a des députés ici qui ont dû
recevoir comme nous des douzaines de téléphones de parents qui
nous disent: Qu'est-ce que ça nous donne d'envoyer nos fils au CEGEP?
Nous ne savons même pas s'ils vont pouvoir trouver du travail. On leur
offre un emploi actuellement, nous nous demandons si nous ne leur
suggèrerions de le prendre.
Cette inquiétude des élèves se traduit par une
inquiétude beaucoup plus profonde des parents. Qu'est-ce qu'il nous a
dit, M. le Ministre, de la deuxième université française?
Il a promis que l'université de langue française, la
deuxième, ouvrirait ses portes en septembre 1969. C'est la
réédition d'une promesse qui a été faite à
la télévision à plus d'une reprise.
Quelle sorte d'université va s'ouvrir à Montréal,
si tant est qu'elle ouvre en 1969? Une université qui a
été préparée en consultation avec qui? Une
université qui offrira quel éventail de cours? Une
université qui sera située où? Pas un mot de toutes ces
questions, M. le Président, rien! Le ministre n'a même pas
été en mesure de nous dire si cette université ferait
l'objet d'un projet de loi ou si elle serait le fruit d'une sorte de
génération spontanée à l'intérieur des
services du ministère. Cela, c'est le problème de la
deuxième université française à
Montréal.
Or, ni les étudiants j'en ai rencontrés en fin de
semaine, M. le Président, des gens qui rentrent au CEGEP, qui rentraient
hier ni les professeurs ils sont devenus de grands lecteurs de
journaux, les étudiants, depuis que cette crise a éclaté
ni les uns ni les autres ne sont satisfaits de cette déclaration
du ministre.
Quand même le ministre nous dirait ce matin, tant qu'il le voudra,
qu'ils ont tort, les étudiants ont la conviction et le ministre n'a rien
dit jusqu'ici devant ce comité pour faire disparaître cette
conviction, qu'on ne les a jamais consultés et qu'on va leur servir au
mois de septembre un plat tout cuit sans qu'on ne leur ait jamais
demandé, sans qu'on ne les ait jamais consultés sur les
ingrédients qui allaient y entrer.
Qu'est-ce que le ministre attend sur un problème aussi grave
qu'une deuxième université française, avec un
député qui en promet une autre dans son propre comté
à Trois-Rivières, en disant qu'il y aurait des priorités
sur cette université qu'est-ce que le ministre attend, M. le
Président, pour prendre la route à son tour, lui, pour
répéter l'opération 55, descendre de sa tour d'ivoire,
pour aller rencontrer les parents, les élèves, les professeurs,
tous les intéressés, les consulter publiquement sur ce que sera
cette deuxième université française? On ne la bâtira
pas deux fois cette deuxième université française. Il faut
que dès sont départ elle réponde aux besoins et que tous
ceux qui actuellement brandissent avec raison partout les mots
consultation-dialogue, que ces gens-là aient l'impression qu'ils ont
été consultés. Et que cela se fasse une fois encore sur la
place publique! L'ancien ministre a pris ce risque-là deux fois. Ce
n'était pas drôle de faire le tour de la province de
Québec. Il a pris ce risque-là deux fois. Ce n'était pas
drôle de partir faire le tour de la province de Québec, de
rencontrer des contradicteurs publics. Il y en aurait des contradicteurs
aujourd'hui.
M. BOUSQUET: Et avec quel succès!
M. LAPORTE: M. le Président, des remarques aussi stupides que
celle-là face à un problème aussi grave que cela, je ne
les accepte pas.
M. BOUSQUET: Je dis tout simplement que cela a été une
opération manquée. Je ne dis pas que l'ancien ministre de
l'Education n'était pas bien intentionné, mais cette
tournée...
M. LAPORTE : M. le Président, ce sera la dernière partie
de mon intervention: d'où nous sommes partis, ce que nous avons remis au
gouvernement qui nous a suivis, et ce qu'il en a fait.
Nous verrons alors qui a transformé en un échec ce qui
s'annonçait comme un grand succès! Cela a commencé au
cours d'une campagne électorale dont il faudra malheureusement
parler.
M. GABIAS: L'électoralisme.
M. LAPORTE: Il est encore temps de prévenir...
M. GABIAS: L'électoralisme. UNE VOIX: Ah, c'est effrayant!
UNE VOIX: Deux Maltais qui ne partagent pas la même
idée...
M. LAPORTE: Il est encore temps de prévenir le ministre, que du
train où vont les choses le risque est très grand que les
débuts de sa deuxième université de langue
française ne soient catastrophiques. Loin d'en être heureux, je
vous dis, selon les renseignements que nous avons actuellement et c'est
l'endroit pour en discuter, que vous courez un risque très
sérieux. Si notre intervention parvient à faire éviter ce
risque, ce n'est pas l'Opposition qui en tirera profit, c'est le gouvernement.
Nous pourrions facilement dire ce matin: M. le Ministre, vous êtes sur la
bonne route, continuez et vous aurez un succès total. Mais je vous dis
non.
J'ai rencontré des étudiants en fin de semaine, lors d'une
réunion tout à fait étrangère aux problèmes
de l'éducation. J'ai causé avec ces étudiants assez
longuement. Ils ne sont fiers, actuellement, d'à peu près
personne dans notre société.
M. GABIAS: Surtout pas du député de Chambly.
UNE VOIX: Non, c'est vrai.
M. LAPORTE: M. le Président, ils ne sont fiers d'à peu
près personne dans notre société...
UNE VOIX: C'est donc gentil, ça!
M. LAPORTE : Ils m'ont dit que ce qui les inquiète plus qu'autre
chose actuellement, c'est la perspective que cette université de langue
française s'ouvre à Montréal en septembre et qu'ils ne
soient, ni de près ni de loin, intéressés à sa
préparation et, plus tard, à son administration.
M. le Président, au sujet des prêts-bourses, qu'est-ce que
le ministre nous a dit? Il s'est contenté d'affirmer que son
ministère a augmenté le nombre de millions mis à la
disposition des prêts-bourses. Est-ce que le ministre croit
sérieusement qu'il a résolu le problème par cette seule
déclaration?
Voici quelques-unes des questions...
M. BELLEMARE: Il a expliqué le rouage des
prêts-bourses.
M. LAPORTE: M. le président, le ministre sait fort bien que je ne
me laisserai pas arrêter pas ses propos. Aussi bien alors de me laisser
aller. Je vais dire tout ce que j'ai à dire, tout, tout, tout! C'est
inutile de m'interrompre, car ce ne sera que plus long et
désagréable. Vous allez avoir l'occasion de répondre tant
que vous voudrez, mais j'ai des choses à dire et, si elles ne sont pas
fondées, vous pourrez me répondre. Si ces choses sont
fondées vous pourrez apporter certains correctifs.
M. BELLEMARE: Il faudrait être juste là, il n'a jamais dit
qu'il y avait des millions, il a donné le nouveau processus. Or, les
parents...
M. LAPORTE: Oui, je vais parler de tout ça.
M. BELLEMARE: Il faudra le dire.
M. LAPORTE: Voici quelques-unes des questions auxquelles le ministre a
négligé de répondre à notre satisfaction. Est-ce
que le système actuel a été établi en collaboration
avec les parents et avec les étudiants? Cela est un reproche qu'on fait
actuellement. Les parents ne sont absolument pas dans le coup! Les
étudiants se sentent absolument étrangers à la
préparation des normes.
Ils ont des choses à dire, les étudiants. Ce que je vais
rapporter, ici, ça me vient d'un étudiant également.
Deuxième chose, est-ce qu'il est vrai que de nombreux
étudiants, dans la province de Québec, reçoivent des
bourses dont ils n'ont pas besoin? Est-ce que c'est vrai qu'il y a d'autres
étudiants, très nombreux, qui en ont besoin et qui n'en
reçoivent pas? Est-il vrai que dans certaines institutions c'est
grave, M. le président, quand on dit qu'on manque d'argent partout au
ministère de l'Education l'arrivée de de la bourse est le
début d'une course vers tous les magasins pour acheter des autos-neige,
des stéréos et tout ce que vous voudrez? Est-ce vrai ou non? Ce
sont des étudiants qui m'ont demandé ça, en fin de
semaine.
Quand va-t-on avoir des réponses très précises
là-dessus? Quand va-t-on placer les étudiants,
véritablement, face à leurs responsabilités en leur
disant: Vous allez participer, vous, à fond, pas superficiellement,
à la sélection? Vous allez nous dire qui? II y a des
étudiants, et un grand nombre, qui en ont terriblement besoin de la
bourse et du prêt. Il y en a d'autres qui se promènent en disant:
Toi, t'es un pas-fin, tu as dit la vérité et tu n'as pas eu de
bourse. Moi, j'ai menti et je l'ai eu ma bourse, moi.
Cela crée un climat effroyable, effroyable.
Il ne faut pas imaginer que tous les matins, au ministère les
fonctionnaires se lèvent en disant: A qui est-ce que l'on jouerait bien
un tour, ce matin? Mais la conséquence, chez les étudiants, c'est
qu'ils disent: ils sont tous pareils, ces gars-là. Ils favorisent les
riches et les pauvres sont encore plus pauvres quand arrive le temps d'aller
à l'université.
C'est un problème extrêmement sérieux. Quand
aurons-nous une réponse à cela? Quelles sortes d'enquêtes
ont été faites récemment sur des cas qui sont connus? Je
me retiens de donner le nom de l'institution, je ne le donnerai pas. Je dis
qu'à un moment donné, il est arrivé des bourses. Elles ont
été remises aux élèves par le procureur. Il a dit:
Tu dois tant au collège, il te revient $582, voici $582 en argent, $780
en argent, $600 en argent. Des élèves sont partis vers tous les
coins de la ville acheter ce que j'ai dit, des autos-neige, des
stéréos... Est-ce vrai ou non? Et si c'est vrai, qu'est-ce qu'on
fait pour mettre fin à ce scandale terrible, ôter le pain de la
bouche des étudiants qui en ont besoin pour d'autres qui se moquent de
nous, par-dessus le marché?
C'est le député de Chambly qui demande cela? NonI La
question a été posée publiquement samedi dernier par un
étudiant du nom de Martel, qui fréquente le CEGEP
Edouard-Montpe-tit. Il a posé la question, lui, en disant: Quand va-t-on
régler le problème des étudiants qui n'en ont pas besoin
et qui en reçoivent et des autres, qui en ont besoin et qui n'en ont
pas?
J'aimerais que le ministre nous donne des réponses à
cela.
Comment se fait-il que le paiement des bourses d'études a
été fait, l'an dernier, avec des retards tels que cela a
compromis l'année scolaire d'un certain nombre d'étudiants?
On se demande parfois comment il se fait que nous sachions cela? Est-ce
que le ministre ou le député a fait une enquête? Pas du
tout. Invité à parler aux élèves d'un certain CEGEP
le directeur m'a pris à l'écart en disant: Je ne voudrais pas
dire cela à haute voix. Voulez- vous exercer des pressions sur le
gouvernement pour que les bourses soient payées? C'est en train de
démoraliser toute mon institution. Les jeunes vont perdre leur
année, parce qu'ils pensent seulement à leurs problèmes
financiers. Est-ce vrai ou non?
Quelles mesures va-t-on prendre pour que cela cesse, pour que les
étudiants qui ont droit à des bourses les reçoivent en
temps utile, et que cesse le quémandage et le marchandage à la
banque, et partout, pour tâcher d'obtenir de l'argent?
Le ministre n'a répondu à aucune de ces questions, M. le
Président. Après sa déclaration, comme avant, le
deuxième problème majeur invoqué par les étudiants
reste entier, le problème des prêts-bourses.
Troisième problème, l'accessibilité au
marché du travail. Là, le ministre a répondu de
façon fort habile, M. le Président, û a dit deux choses :
la responsabilité de la planification ne relève pas de moi, et
deuxièmement, il existe en France, depuis plusieurs années,
l'Office du plan, des plans quinquennaux de même qu'en Allemage et les
étudiants se sont quand même révoltés.
Le ministre était satisfait de pareille déclaration!
Puisqu'il y avait un plan quinquennal en France et que les étudiants se
sont révoltés. Cela nous justifie probablement de n'en pas avoir.
Mais de toute façon, dit-il, cela ne relève pas de sa
juridiction, c'est un autre de ses collègues qui s'occupe de la
planification. Et ce fut tout, M. le Président.
Nous nous serions attendus à ce que le ministre nous donne son
avis, lui, homme d'affaires de réputation, doublé d'un homme qui
a connu le milieu à fond, qu'il nous donne son avis sur l'avenir
économique du Québec, sur les dispositions d'urgence qu'il
faudrait prendre pour absorber sur le marché du travail les centaines de
milliers de jeunes qui y auront accès d'ici quelques années.
Je ne sais pas, M. le Président, ce qu'on lui aurait
répondu, à M. le ministre, dans les conseils d'administration
où il siégeait, s'il avait dit: Nos concurrents ont fait de la
planification et cela n'a pas donné de résultats. Donc, nous n'en
ferons pas.
En résumé, relativement aux trois griefs précis des
étudiants, la deuxième université française, les
prêts-bourses, l'accessibilité au marché du travail, je dis
que rien n'est réglé. Les réponses sont absolument non
satisfaisantes.
Les étudiants sont mécontents. Le ministre semble
considérer comme une grande victoire le fait que les étudiants
soient retournés aux
études. Ils y sont rentrés aux études mais ils ont
la conviction que rien n'est réglé. Je vais me faire dire encore
une fois par le député de Trois-Rivières que je le
souhaite, hélas, je ne le souhaite pas, loin de là, mais j'ai dit
au ministre qu'il y a si peu de chose de réglé, que la crise va
probablement éclater de nouveau et de partout en janvier 1969. Ce sont
des renseignements que nous avons et que le ministre a sans doute.
Je trouve, M. le Président, que c'est assez sérieux pour
que le ministre aille au-delà des déclarations
générales.
Le ministre a dit qu'il avait fait son possible, que tout était
maintenant rentré dans l'ordre? Je pense que c'est aller un peu vite en
affaires. A cause de l'inertie du gouvernement j'aurai les documents
pour établir cela dans quelques minutes à cause des
retards injustifiables dans le ministère que dirige le ministre de
l'Education, il y a 17,554 élèves de la province de
Québec, dans une seule régionale, 17,554 élèves
dans une seule régionale qui ont perdu quatre semaines de classe au
début de l'année, 14,000 de ces élèves perdent
actuellement une journée de classe par semaine, et au moment où
le ministre rend le témoignage que tout est rentré dans l'ordre,
il y a 3,500 élèves dans cette seule régionale qui
perdent, eux, chaque semaine, deux jours et demi de classe. 14,000 qui perdent
une journée par semaine le vendredi, il n'y a pas de classe
et 3,500 qui ne font que deux jours et demi de classe par semaine. Et
ces mêmes élèves ont perdu un mois au début de
l'année.
Ce gaspillage scandaleux équivaut à ce jour à une
perte de 550,000 jours de classe, seulement dans la commission scolaire
régionale Chambly. Il y a à cela deux causes, qui, toutes les
deux ont leur source sur le bureau du ministre ou de ses collègues.
Le ministre nous a dit tantôt: Nous avons fait
énormément de travail pour signer des conventions collectives
avec les fonctionnaires de ceci, les professeurs de cela. Il y a une chose qui
est sûre, c'est que la convention collective qui est actuellement
négociée au niveau provincial avec les professeurs n'est pas
signée. Le bill 25, derrière lequel le gouvernement s'est
retranché pendant un an et demi, n'est plus en vigueur. Entre le bill 25
et la signature de la convention collective, le gouvernement n'a rien
prévu, rien du tout. C'est la pagaille la plus complète,
notamment à la régionale Chambly, que je connais
particulièrement. Le gouvernement a envoyé à cette
régionale et aux autres, j'imagine, des renseignements contradictoires.
C'est pour cela que je voulais que nous fassions venir des témoins, M.
le Président, pour savoir qui a raison.
Est-ce le député de Chambly qui se trompe ou si c'est le
gouvernement qui s'est trompé? Nous redemanderons peut-être, tout
à l'heure, de faire venir des gens pour nous expliquer ce qui s'est
passé. On a envoyé deux documents contradictoires aux commissions
scolaires. L'un disait: Tenez-vous-en strictement à votre ancienne
convention collective parce que c'est elle qui reste en vigueur en vertu du
code du travail vu que le bill 25 est caduc. Trois semaines plus tard, ou un
mois plus tard, une autre directive contradictoire, alors que des
démarches nombreuses avaient été faites avec les
syndicats. Cette directive dit: La convention collective de travail qui a
précédé le bill 25, c'est fini, elle est morte à
toutes fins pratiques. Négociez pour l'avenir.
M. le Président, c'est la Fédération des
commissions scolaires qui a envoyé cela.
M. CARDINAL: Aht
M. LAPORTE: Ah! Ah! Là, heureusement, il y avait le bill 25 et,
maintenant, il y a la commission scolaire. Nous allons parler des deux,
messieurs.
M. BELLEMARE: Est-ce que l'honorable député voudrait
ajourner, parce qu'il faudrait retourner à nos bureaux?
M. LAPORTE: Ah, oui! D'ailleurs j'aime autant que cette deuxième
partie forme un tout. Je n'ai pas d'objection.
M. LE PRESIDENT: Le comité est ajourné sine die.
M. BELLEMARE: Le comité est ajourné sine die. Est-ce que
nous pourrions siéger vendredi après-midi? Demain, c'est le
comité des régies gouvernementales. Je comprends que le chef de
l'Opposition doit assister à une réunion jeudi matin,
l'Exécutif...
M. LESAGE: Oui, c'est entendu!
M. BELLEMARE: Alors, vendredi matin, l'ordre du jour comprend
pour notre part une séance de règlements... Vendredi
après-midi, peut-être...
M. LESAGE: Tout dépend de ce qu'il y aura en Chambre...
M. BELLEMARE: Nous pouvons peut-être...
UNE VOIX: Cela dépend des débats...
M. BELLEMARE: Nous pouvons tenter de remettre...
UNE VOIX: Approximativement, il s'agira des mêmes
parlementaires... Donc, les régies vont siéger au moins mercredi
et jeudi...
M. LE PRESIDENT: Sine die, mutatis, mutandis.
(10 h 48)