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Version finale

28th Legislature, 3rd Session
(February 20, 1968 au December 18, 1968)

Wednesday, October 23, 1968 - Vol. 7

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Comité de l'éducation


Journal des débats

 

Education

(Dix heures trois minutes)

M. PROULX (président): La séance est ouverte. Nous donnons la parole à M. Cardinal.

M. LESAGE: M. le Président, pour avoir la parole, M. Cardinal doit évidemment obtenir le consentement du comité. D'ailleurs, si l'on s'en souvient bien, hier, j'ai demandé la réunion du comité pour discuter d'une chose extrêmement urgente, soit la crise aiguë qui sévit dans le domaine de l'éducation. J'aurais une sériede questions et de problèmes à exposer. Et c'est à ce sujet que f aimerais entendre les explications et les réponses de M. Cardinal.

Maintenant, M. le député de Vaudreuil-Soulanges a également des questions à poser et des explications à demander. Je crois qu'il serait dans l'intérêt de tous et de la bonne marche des travaux du comité que je puisse faire un exposé de la situation telle que nous la voyons et que M. le député de Vaudreuil-Soulanges puisse faire la même chose. Ensuite, nous entendrons avec grand plaisir M. Cardinal. Auparavant, nous voudrions lui souligner des points sur lesquels nous avons besoin de ses explications, s'il en a à donner, d'autant plus que le comité se réunit à la demande de celui qui vous parle.

Alors, j'aimerais bien exposer en détail les raisons qui ont motivé ma demande, hier.

M. LE PRESIDENT: M. le député de Champlain.

M. BELLEMARE: M. le Président, d'abord, l'article 429 de notre règlement a servi de prétexte à un long débat lors de l'étude des crédits du ministère. On retrouve cela dans les journées des 10, 11, 12, 13, 14, 15, 17 et 20 juin. A ce moment-là, en vertu de Particle 429, on avait décidé que l'honorable M. Cardinal, ministre de l'Education, avait le droit de se faire entendre.

Ceci étant fait, ce geste étant posé il y a eu hier une demande de motion de l'honorable chef de l'Opposition pour que le comité — il en fallait absolument une — puisse siéger en soirée.

Comme il faut l'unanimité de la Chambre pour décider en une telle occurrence, parce que la Chambre ne siège pas, nous avons fait une contreproposition pour demander que, ce matin, le comité de l'Education se réunisse. Ceci, à la demande du chef de l'Opposition qui a dit, hier soir, qu'il voulait entendre le ministre de l'Education donner son point de vue sur la situation extrêmement aiguë qui sévit dans le domaine scolaire actuellement. Et ça, M. le Président, c'est aux pages 4228, 4229 et 4230 des débats de l'Assemblée législative. Alors, vu que le problème existe, puisqu'on connaît déjà les effets qui ont été signalés par le chef de l'Opposition, je crois qu'on pourrait entendre d'abord un exposé de la situation, qui serait fait par M. le ministre Cardinal, quitte à poser toutes les questions qui pourraient venir à la suite de son exposé. Ce serait peut-être bien que l'on sache véritablement ce que le ministère de l'Education a fait et je crois que vos questions seront certainement opportunes en tout temps, lorsque son exposé, qui est très sommaire, sera fait.

M. LESAGE: J'ai moi-même, M. le Président, un exposé à faire sur la situation telle que nous la voyons. C'est à partir de cette situa-tion-là, et lorsque l'exposé que j'ai l'intention de faire sera complété par le député de Vaudreuil-Soulanges, que nous voudrions entendre le ministre de l'Education. En effet, il y a des points précis dans mon exposé et je crois que, pour la bonne marche des travaux du comité, il est essentiel que nous procédions de cette façon. Après tout, j'ai bien dit hier que nous voulions entendre M. Cardinal, mais je me suis dispensé, hier, pour éviter un débat de procédure, d'exposer en détail les points sur lesquels nous voulions entendre M. Cardinal. J'étais prêt à le faire hier dans le cadre du débat sur la motion d'ajournement. Mais, lorsque le gouvernement a accepté que le comité siège ce matin, eh bien, j'ai remis à ce matinl'exposé que j'avais l'intention de faire hier sur la situation telle que nous la voyons, dans le but d'entendre M. Cardinal sur les points que j'avais l'intention de soulever et que le député de Vaudreuil-Soulanges avait également l'intention de soulever.

M. BELLEMARE: Alors, M. le Président, nous allons entendre M. Cardinal.

M. LESAGE: Est-ce que je comprends, M. le Président, que l'on veut bâillonner l'Opposition?

M. BELLEMARE: Non. Nous allons entendre M. Cardinal et, après cela, nous entendrons les questions.

M. LESAGE: Non, on ne limitera pas les questions.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESAGE: Le ministre du Travail n'a pas à dicter ses ordonnances. Le chantage ne se fera pas!

M. BELLEMARE: M. le Président, si le chef de l'Opposition veut le prendre sur ce ton, je ne le prendrai pas. Je dirai au chef de l'Opposition que ce n'est pas avec ses invectives et ses insultes qu'il va me faire chanter. Comprenez-vous cela? Je dis que nous allons suivre ici la procédure.

M. LAPORTE: M. le Président, je cite la dernière phrase du ministre à l'effet qu'il va suivre la procédure et qu'il déclare que seuls les membres du comité ont droit de parole. Si le ministre du Travail a des choses à faire dire à M. le ministre de l'Education, le ministre de l'Education soufflera les réponses à M. le ministre qui les fera connaître à ce comité. C'est ça que dit le règlement.

M. BELLEMARE: Dommage que l'honorable député, leader de l'Opposition, soit en retard! Nous avons décidé ça avant qu'il arrive. Il y avait ici une tradition.

M. LAPORTE: La tradition, vous êtes en train de l'assassiner tranquillement!

M. BELLEMARE: II a été prouvé ici, dans les documents que les 10, 11, 12, 13, 14 et 17 juin, qu'une procédure avait été acceptée unanimement en vertu de l'article 429.

UNE VOIX: Suivez donc une procédure!

M. BELLEMARE: En vertu de l'article 429. C'est pour donner le numéro de l'article au député. Alors, nous allons demander à M. le Président...

M. LESAGE: J'aurais un mot à dire et je pense bien...

M. LE PRESIDENT: Un instant. Est-ce que je peux dire un mot, messieurs les membres? Je ne suis pas un spécialiste en droit et en procédure. Est-ce que nous pouvons voter là-dessus, messieurs.

M. LESAGE: Non. Avant que le vote se prenne, j'aurais un mot à dire et je demanderais de ne pas être bâillonné.

M. LE PRESIDENT: Je laisse la parole au député de Louis-Hébert.

M. BELLEMARE: Oui, je n'ai pas d'objection.

M. LESAGE: Le ministre du Travail a parlé de chantage, d'invectives...

M. BELLEMARE: C'est vous qui avez commencé à parler de chantage. Je n'accepterai pas ça de vous. C'est clair, ça!

M. LESAGE: M. le Président, est-ce que j'ai la parole?

M. BELLEMARE: Non. Vous ne l'aurez pas pour m'insulter et dire que j'ai fait du chantage avec les ouvriers.

M. LESAGE: Certainement.

M. BELLEMARE: C'est vous qui avez fait ça.

M. LESAGE: Certainement.

M. BELLEMARE: C'est faux, et je vous le prouverai en temps et lieu.

DES VOIX: A l'ordre!

M. BELLEMARE: C'est vous qui avez marchandé avec les ouvriers. Vous les avez fait chanter à coups de millions.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESAGE: Le ministre du Travail fait constamment chanter les ouvriers en menaçant les ouvriers de la Régie des alcools, par exemple, de passer ça à l'entreprise privée.

M. BELLEMARE: Oui, et on verra si ça n'arrive pas un de ces jours!

M.BOUSQUET: Est-ce que vous pouvez nous donner l'assurance que le chef de l'Opposition et le député de Chambly auront l'occasion de donner, au complet, l'exposé qu'ils se proposent de faire.

DES VOIX: D'accord, d'accord.

M. LAPORTE: M. le Président, Je reviens à ce que je disais tout à l'heure. Je pense que la façon la plus raisonnable d'éviter des incidents qui pourraient être désagréables pour tout le monde, c'est encore de suivre le règlement à moins que nous n'en venions à ce que nous avons appelé fréquemment, un « gentlemen's agreement » sur la procédure.

La procédure est claire, elle est évidente. Même si le ministre du Travail brandissait toutes les traditions voulues, on ne peut accepter de modifier le règlement que s'il y a unanimité et, encore, c'est l'Assemblée législative en

comité plénler ou en assemblée qui peut le faire. L'article 429 est clair: Ni les étrangers... Je m'excuse que M. le ministre à nos yeux puisse être officiellement un « étranger », il n'a jamais été élu député à l'Assemblée législative.

DES VOIX: Ce ne sera pas long. UNE VOE: Il ne le sera jamais.

M. BELLEMARE: On vous invite à répéter cela après le 4.

UNE VOE: Oui j'y serai puis je vais le répéter dans Bagot.

DES VOE: Nous allons y être, nous aussi. Vous ne serez pas seuls cette fois-ci.

M. LAPORTE: Puisque vous êtes candidat dans Bagot, M. le Ministre, vous aurez sûrement la parole à votre première assemblée publique. Ici le règlement vous l'interdit, sauf si nous pouvons nous entendre sur une procédure qui puisse, comme la dernière fois, vous permettre de vous exprimer en dépit du fait que jamais vous ne vous êtes fait élire à l'Assemblée législative.

L'article 429 dit: Ni les étrangers — pas même les députés qui ne sont pas membres du comité — M. le Président, c'est sérieux. Nous sommes huit membres du comité. Nous avons le droit, en vertu de l'article 429, de nous exprimer. Les autres députés qui ne sont pas membres, s'ils n'ont pas la permission du comité, ne peuvent pas s'exprimer. A plus forte raison, un étranger. Ce que nous disons, c'est tout simplement ceci: C'est à notre demande, hier après-midi, que le comité de l'Education siège ce matin. Il est prévu, pour d'autres comités, que celui qui propose la convocation ou la formation d'un comité en est automatiquement membre. Celui qui propose la formation d'un comité détermine la date et l'endroit de la première réunion. Tout cela est dans notre règlement, M. le Président. Si on peut faire, en partant de là, simplement des recoupements, il est normal que celui qui a proposé la réunion du comité, le chef de l'Opposition, ait ce matin le premier la parole pour expliquer à ce comité les raisons pour lesquelles il a demandé que le comité siège. Ce n'est pas à la demande du gouvernement, c'est nous qui avons des raisons bien précises pour demander la tenue de cette réunion. Il est normal que ce soit le chef de l'Opposition qui ait la parole le premier pour expliquer cela. Si on veut s'entendre sur ça, nous n'avons pas d'objection, loin de là à entendre le ministre. On ne peut jamais l'entendre devant les députés! Nous n'avons pas d'objection à ce que le ministre de l'Education puisse s'exprimer devant ce comité, mais qu'il ne nous demande pas, lui qui n'est pas député, deux privilèges particuliers: celui de parler et de parler le premier.

Alors, M. le Président, pour toutes ces raisons, je demande, ou que le chef de l'Opposition ait le droit de parole le premier, ou alors que le règlement 429 soit rigoureusement appliqué. Il n'y a pas de vote, M. le Président. Vous l'appliquez ou vous ne l'appliquez pas, le règlement.

M. BELLEMARE: M. le Président, tout d'abord, il y a une tradition qui veut que, dans notre règlement, en vertu de l'article premier, il peut y avoir des ententes de session. Et le même comité de l'Education, qui a siégé ici les 10, 11, 12, 13, 14, 17 et 20 juin...

UNE VOE: C'était pour l'étude des crédits de l'Education, ce n'est pas pareil.

M. BELLEMARE: ... ceux qui avaient siégé sur ce comité avaient été convoqués et, à ce moment-là, il y avait eu une entente prise à l'effet qu'en vertu de l'article 429 — un débat avait justement surgi, comme ce matin — et si vous relisez les débats du temps, on avait donné la permission à M. Cardinal de se faire entendre. C'est pour faciliter les échanges de points de vue et aussi pour activer la procédure des débats et les études des crédits. Il serait bien mal séant, ce matin, de vouloir empêcher l'honorable ministre, M. Cardinal, qui est la principale victime, puisqu'on en fait une victime. On dit que vous n'êtes pas élu, que vous êtes ici parce qu'on le veut bien.

M. LESAGE: C'est l'auteur de la crise!

M. BELLEMARE: Voyez-vous comment c'est! Voyez-vous dans quelle sorte d'objectivité il se place? Une partisanerie effrontée, un mauvais esprit, en partant.

M. LAPORTE: Ce qui ne vous viendrait jamais à l'idée, à vous!

M. BELLEMARE: J'essaie, du moins, de ne pas tomber dans ses erreurs. J'essaie bien de ne pas tomber dans ses erreurs.

M. LAPORTE: Vous trébuchez souvent! M. BELLEMARE: Pas ce matin. M. le Pré-

sident, pour ne pas perdre un temps précieux en procédures, comme d'habitude d'ailleurs, les quatre cinquièmes de la première partie de la session ont été faits de cela avant l'ajournement du 5 juillet. On a cherché à faire de la procédure pour tâcher d'immobiliser le gouvernement.

UNE VOIX: Qu'est-ce que vous faites, présentement?

M. BELLEMARE: Il y a eu des éditoriaux, il y a eu des journalistes qui l'ont dit avec beaucoup de raison. M. le Président, ce matin, soyons donc bons princes. Acceptons donc que le ministre a quelques remarques à faire. Il va les faire dans un sens très objectif, il va donner la situation, il va faire le point. Vous aurez tous le droit de parole. Tous ceux qui voudront parler, vous aurez ce droit, c'est bien normal et c'est bien logique. Il est normal que celui à qui le comité est appelé à poser des questions, donne son point de vue en partant. Après cela, l'exposé de l'honorable chef de l'Opposition, l'exposé du député de Vaudreuil-Soulanges, du leader de l'Opposition, de tous ceux qui voudront parler. C'est seulement cela. C'est une question de détail et de bonne entente.

M. LAPORTE: Si c'est une question de détail, pourquoi tant insister?

M. BELLEMARE: Bon, justement, pourquoi ne partons-nous pas sur le bon pied?

M. LAPORTE: C'est ça, partons.

M. BELLEMARE: Je prétends que, actuellement, sans monter le ton, j'espère bien que l'on va finir par s'entendre, que l'on ne partira pas dans un débat acrimonieux comme a voulu le faire, tout à l'heure, un autre membre du comité. Nous ne ferons pas cela. Je voudrais que l'on reste calme. S'il y en a un qui voudrait être calme, c'est moi. Vous savez combien j'en al de la misère! C'est sûr, c'est connu.

D'un autre côté, M. le Président, je ne recherche ce matin aucun éclat. Je voudrais simplement que l'on fasse dans un bon esprit... Le trouble n'est pas dans le comité, ici, il est en dehors. C'est justement pour cela que l'on se réunit, pour connaître les aléas et les données du problème. On va partir gentiment. Le ministre va faire son exposé — vous allez voir que ce n'est pas long — il va donner son point de vue, cela va être très court, et ensuite ce sera le tour de l'honorable chef de l'Opposition, comme cela se fait en Chambre, comme cela se fait dans tous les comités. On donne la parole d'abord à celui qui représente le ministère, c'est toujours ce qui s'est fait, et ensuite l'Opposition, par la voix de son chef et par la voix de ses autres membres, peut se faire entendre.

Je ne vois pas pourquoi, ce matin, nous ferions une demi-heure de procédures pour partir. Partons donc sur le bon pied! Restons donc dans un bon esprit! Travaillons donc ensemble à réussir à régler, à trouver des solutions à un problème aigu! Le chef de l'Opposition disait que c'est une crise extrêmement aiguë dans le domaine scolaire. Le responsable du ministère de l'Education est ici, il va faire son exposé très bref, il va vous donner son point de vue. Vous allez avoir, peut-être, la chance de ramasser des questions qui rendront service à tout le monde, et nous allons partir sur un bon pied, dans un bon esprit, pas dans un esprit de chicane. On n'est pas ici pour se chicaner, je pense, messieurs, ni pour s'insulter, sinon nous allons nous fâcher et nous n'irons nulle part.

Le chef de l'Opposition, c'est l'homme qui fait exprès. Il fait exprès. Quand il veut être de bonne humeur, c'est l'homme le plus agréable qui soit.

M. LESAGE: J'espère que le ministre du Travail ne peut pas dire cela sans rire» Qu'il pense à lui-même!

M. BELLEMARE: Oui, mais moi, je fais des efforts, toujours! Vous, vous n'avez pas l'air d'en faire beaucoup. Alors, messieurs, ne faisons pas de chichi pour rien, commençons donc. C'est important. Juste une déclaration faite de principes de base, et tout de suite après, la parole sera à l'honorable chef de l'Opposition, et nous allons procéder sans aucune acrimonie. Pardon?

UNE VOIX: La seule préoccupation, c'est d'occuper le comité.

M. BELLEMARE: J'essaie de partir sur un bon pied, ce matin. N'y aurait-il pas moyen de s'entendre? Il va faire sa déclaration, elle n'est pas longue, elle est précise. Après cela, le chef de l'Opposition prendre la relève. Vous ferez tous votre exposé, et le député de Vaudreuil-Soulanges et l'on répondra à vos questions, il répondra à vos questions. Il me semble que ce serait une procédure élémentaire. Je pense que ce serait normal. Et, dans les circonstances, cela va aider tout le monde. Autrement, nous allons commencer encore une chicane qui va durer combien de temps? Cela n'a pas de bon sens. Ce n'est

pas ici que l'on devrait se chicaner. Si nous voulons nous chicaner, chicanons-nous en Chambre.

Mo LE PRESIDENT: Le député de Trois-Rivières a demandé la parole.

M. GABIAS: M. le Président, merci de m'avoir accordé la parole.

Etablissons dès le départ que j'ai droit de parole, parce que je suis membre du comité. J'ai écouté avec beaucoup d'attention les remarques du leader gouvernemental qui appelaient au pacifisme. J'espère qu'elles ont été bien reçues de la part de l'Opposition. J'ai également écouté avec beaucoup d'attention les remarques du leader de l'Opposition, ainsi que celles du chef de l'Opposition.

Nous sommes ici en vertu d'une décision qui a été prise hier en Chambre, car c'est la Chambre qui a convoqué à l'unanimité le comité de l'Education. Pourquoi la Chambre a-t-elle décidé, à l'unanimité, de réunir ce matin le comité de l'Education? C'est à la suite d'une motion du chef de l'Opposition demandant que le comité de l'Education siège - je saute sa demande d'hier soir — pour entendre le ministre de l'Education.

UNE VOIX: C'est ça.

M. GABIAS: Cela a été la demande même du chef de l'Opposition en Chambre, hier. A ce moment, le chef de l'Opposition devait savoir que M. Cardinal n'était pas député élu, comme il sait qu'il va être député élu le 4 décembre prochain. Et, c'est à la demande même du chef de l'Opposition, formulée dans ses propres termes, que la Chambre, à l'unanimité, y compris le leader de l'Opposition, a accepté la convocation du comité de l'Education pour entendre le ministre de l'Education.

Or, que s'est-il passé cette nuit, M. le Président, pour que le leader de l'Opposition vienne, ce matin, contredire son chef?

UNE VOIX: Bien, non.

M. GABIAS: Bien, oui. Parce qu'il ne veut pas que son chef ait raison. Parce qu'à la suite de la motion de son chef nous sommes ici pour entendre le ministre de l'Education.

M. LAPORTE: C'est fort.

UNE VOIX: Il s'agissait d'y penser,

M. GABIAS: C'est fort, M. le Président.

M. LESAGE: C'est fulgurant comme raisonnement.

M. GABIAS: Etant un aveu du leader de l'Opposition, c'est vraiment fort.

UNE VOIX: Vous allez de mieux en mieux.

M. LESAGE: Les étudiants des CEGEP le disent: Il est fort en «ketchup».

M. GABIAS: Le leader de l'Opposition a peut-être des raisons bien particulières pour faire entendre ce matin le chef de l'Opposition avant le ministre de l'Education. Ce n'est pas à moi de lui prêter des motifs, ce n'est pas à moi de lui sonder les reins et le coeur, et je ne le ferai pas. Mais, il est certain que le leader de l'Opposition a des raisons bien particulières pour contredire la demande de son chef faite en Chambre, hier.

M. LAPORTE: Ce sera un discours historique, il n'y a pas d'erreur!

M. GABIAS: Tout cela, M. le Président, pour conclure qu'il y a une contradiction flagrante entre l'attitude de l'Opposition, ce matin, et l'attitude de l'Opposition, hier après-midi, en Chambre. De plus, je soumets que le comité ne peut pas aller à l'encontre d'une décision unanime de la Chambre. Or, la Chambre a décidé de convoquer ce matin le comité de l'Education pour entendre l'honorable Cardinal. Je soumets que l'honorable Cardinal doit être entendu en premier, quitte, ensuite, à établir des procédures.

UNE VOIX: C'est ça!

M. LAPORTE: M. le Président, le député de Trois-Rivières est placé pour se rappeler qu'il y a déjà eu des gens qui ont été convoqués unanimement, qu'un comité a déjà été convoqué unanimement par la Chambre et que, devant ce comité, ont été convoqués unanimement des témoins, ce qui n'a pas voulu dire que les témoins se sont installés au bout ou au milieu de la table et ont commencé à parler sans en avoir obtenu la permission du comité.

M. GABIAS: A quoi faites-vous allusion?

M. LAPORTE: Je fais allusion à d'autres occasions ou le comité a siégé.

M. GABIAS: Nommez-le donc, ce comité-là?

M. LAPORTE : Je n'ai pas à sonder vos reins ou votre coeur.

M. GABIAS: Nommez-le donc, ce comité-là? M. LAPORTE: Alors, M. le Président... M. GABIAS: Nommez-le donc.

M. LAPORTE: Non, mais qu'est-ce que cela peut changer à l'argumentation? C'est le comité qui vous a condamné pour avoir attaqué sans raison un de vos collègues.

M. GABIAS: Bon. Alors, M. le Président ce n'est pas l'endroit pour vider la question, mais je préviens mon collègue qu'elle sera vidée.

M. LAPORTE: C'est précisément la raison pour laquelle je n'avais pas cru devoir rappeler quel était le comité. Ce sont les événements, la procédure. C'est le député lui-même qui a insisté pour qu'on les mentionne, sans raison.

Je dis qu'on a convoqué des témoins devant ce comité en vertu de notre règlement et qu'on a procédé par questions et par réponses. Nous avons posé des questions aux témoins. Ils ont répondu. Devant ce comité, qui a été convoqué unanimement par une décision de l'Assemblée législative, le ministre de l'Education est un témoin.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est fort!

M. LAPORTE: Si nous nous entendons sur une procédure, nous n'avons pas d'objection. Mais, nous n'eccepterons pas ce matin - ce ne serait pas raisonnable - que le ministre de l'Education ait la parole avant le chef de l'Opposition qui, encore une fois, a le droit strict d'expliquer à ce comité...

DES VOIX: Vote, vote, vote!

M. LAPORTE: M. le Président, m'accorde-riez-vous, au moins, la chance de finir de parler? Je suis membre du comité M. le Président, f ai peut-être alors le droit de terminer mon exposé? Alors, je répète deux choses: D'abord, que la procédure est claire; deuxièmement, que le chef de l'Opposition devrait normalement dire à ce comité pour quelles raisons il en a demandé la convocation. C'est pour cette raison qu'il devrait parler en premier. Nous n'avions aucune objection à tout ce que le ministre nous a dit sur un ton très paternel. Cela va se faire tranquillement, sans chicane, sans élever la voix. Nous voulons simplement inverser le rôle que normalement nous devrions suivre. On veut qu'il dise au ministre pourquoi il l'a convoqué ici. Il peut peut-être parler pendant une heure et ne pas répondre du tout aux questions du chef de l'Opposition. Il ne sait pas ce qu'il y a dans son discours.

UNE VOIX: II répondra après.

M. LAPORTE: II nous a convoqués ici pour répondre à des questions précises. Laissez-le, au moins, poser les questions avant de répondre.

UNE VOIX: Laissez-le faire le point dans la province.

M. LE PRESIDENT: Serait-il possible de citer le texte exact du chef de l'Opposition? « Le plus bel hommage que nous pourrions lui rendre serait de siéger, ce soir, en comité de l'Education pour entendre le ministre. » Alors, nous sommes en démocratie. Je respecte votre volonté.

M. LESAGE: M. le Président, je ne voudrais pas répéter tout ce que f ai dit tout à l'heure, mais nous savons fort bien que, lorsqu'un député fait une proposition, il a, le premier, le droit de parole pour exposer les motifs de sa proposition. Je crois qu'il serait normal, les règles de la Chambre s'appliquant en comité, que ce soit celui qui a fait la proposition d'entendre le ministre de l'Education qui donne les motifs pour lesquels il a fait cette proposition ou cette suggestion, parce qu'il ne s'agissait pas d'une motion formelle. Ceci, afin que le ministre de l'Education soit en mesure de répondre ad rem aux remarques et à l'exposé de motifs que j'ai l'intention de faire. Je crois que c'est raisonnable. J'éviterai d'employer des mots qui pourraient mettre le feu aux poudres.

Je ne voudrais pas que les députés de l'Opposition aient le sentiment d'être privés de leurs droits fondamentaux de représentants du peuple.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Hyacinthe.

M. BOUSQUET: J'approuve la dernière phrase du chef de l'Opposition à l'effet que l'Opposition ne doit pas être bâillonnée.

M. LESAGE: J'ai évité d'employer le mot « bâillonnée » pour ne pas mettre le feu aux poudres.

M. BOUSQUET: Oui, d'accord. Alors, personne ne veut bâillonner l'Opposition. Mais, puisque nous venons ici étudier l'ensemble de la crise scolaire, pour épargner du temps, est-ce qu'il ne serait pas bon que le ministre de l'Education nous donne d'abord une vue générale de la situation, étant donné qu'il a sûrement des renseignements plus complets que l'Opposition et, deuxièmement, qu'il a des renseignements de première main? Je suis sûr que de cette façon nous pourrions abréger les débats, quitte, en-

suite, à laisser l'Opposition poser toutes les questions qu'elle voudra bien poser.

DES VOIX: C'est ça.

M. LE PRESIDENT: Messieurs, serait-il possible, au début, de faire accepter l'article 429?

M. LESAGE: Nous l'acceptons, mais nous ne lui donnons pas l'interprétation que vous lui donnez.

M. BELLEMARE: Alors, accepté?

M. LESAGE: Non, non, nous ne sommes pas d'accord. Si vous voulez que ce soit M. Cardinal, prenez le vote.

M. LE PRESIDENT: Qui propose le vote? UNE VOIX: Je propose. UNE VOIX: On vote sur quoi?

M. LE PRESIDENT: M. le député de Bellechasse, sur quelle proposition votons-nous?

M. LOUBIER: Pour ne pas faire de chinoiserie, nous votons tout simplement pour savoir si M. Cardinal prend la parole le premier, oui ou non.

M. GABIAS: Faites voter le chef de l'Opposition en premier et le député de Chambly va voter contre.

M. LE PRESIDENT: Nous allons prendre le vote pour savoir si M. Cardinal doit prendre la parole le premier»

M. Bellemare.

M. BELLEMARE: Oui.

M. LE PRESIDENT: M. Bergeron.

M. BERGERON: Oui.

M. LE PRESIDENT: M. Binette — Absent. M. Bousquet.

M. BOUSQUET: Oui.

M. LE PRESIDENT: M. Gabias.

M. GABIAS: L'honorable Cardinal doit parler le premier.

M. LE PRESIDENT: M. Gardner.

M. GARDNER: Oui.

M. LE PRESIDENT: M. Gérin-Lajoie.

M. GERIN-LAJOIE: Non.

M. LE PRESIDENT: M. Goldbloom.

M. GOLDBLOOM: Non.

M. LE PRESIDENT; M. Grenier.

M. GRENIER: Oui.

M. LE PRESIDENT: M. Harvey — Absent. M. Houde.

M. HOUDE: Non.

M. LE PRESIDENT; M. Laporte.

M. LAPORTE: Non.

M. LE PRESIDENT: M. Lesage.

M. LESAGE: Non.

M. LE PRESIDENT: M. Loubier.

M. LOUBIER: Oui.

M. LE PRESIDENT: M. Maltais.

M. MALTAIS: Oui.

M. LE PRESIDENT: M. Masse.

M. MASSE: Oui.

M. LE PRESIDENT: M. Morin.

M. MORIN: Oui.

M. LE PRESIDENT: M. Pearson.

M. PEARSON: Non.

M. LE PRESIDENT: M. Tremblay.

M. TREMBLAY: Oui.

M. LE PRESIDENT: M. Vaillancourt.

M. VAILLANCOURT: Non.

M. LE PRESIDENT: Le vote est favorable pour donner la parole à M. Cardinal.

M. CARDINAL: M. le Président, nobles députés de l'Opposition, j'ai lu et relu avec attention la motion du chef de l'Opposition qui a désiré m'entendre sur la crise scolaire au Québec Je conçois qu'il préfère m'entendre ici plutôt que dans Bagot et qu'il manifeste par là une anxiété...

UNE VOIX: Cela me paraît normal quand même.

UNE VOIX: C'est un bon début.

M. LESAGE: M. le Président, nous avons un témoin qui fait de la politique. Il se déclare lui-même hostile en partant.

M. CARDINAL: On manifeste probablement de l'anxiété pour ma présence après le 4 décembre prochain.

M. BELLEMARE: Oui, oui.

M. CARDINAL: De toute façon, il faut toujours être sérieux et se rendre compte d'après les exemples qui ont été donnés par le chef de l'Opposition, d'étudiants du secondaire se promenant dans les rues de Québec, que ce qu'il appelle une crise scolaire, c'est un mouvement d'étudiants et de jeunesse...

M. BELLEMARE: A l'ordre, à l'ordre! On est capable de l'entendre et après cela...

M. CARDINAL: Je parle des termes qui sont dans la proposition, dans la motion, c'est un mouvement d'étudiants et de jeunesse que l'on a retrouvé à Paris, à Rome, à Bonn, à Mexico et ailleurs. On peut, comme certains députés l'ont fait pendant cette crise, faire de la politique provinciale ou paroissiale avec ceci et aider avec d'autres moyens, non pas à résoudre la crise, mais à l'envenimer; ou on peut, très positivement, envisager les problèmes tels qu'ils sont, en face, et tenter deles régler dans le meilleur intérêt du Québec.

Je ne sais pas si on aurait aimé mieux, avec cette crise, arriver aux situations qui se sont produites dans les villes que j'ai mentionnées ou si on aime mieux se retrouver aujourd'hui devant la situation présente où, sur 23 collèges d'enseignement général et professionnel, qui sont en état de fonctionnement, il y en a deux où des pourparlers viennent de se terminer pour rentrer, un où la reprise a été votée et où les étudiants sont rentrés en chantant — c'était le premier, c'était Lionel-Groulx — et tous les autres où la rentrée est effectuée.

Quant au secondaire, ce n'est qu'en quelques rares endroits que des étudiants, pour des questions de bancs, d'équipement, de tablettes, ont imité leurs aînés et sont sortis dans les rues de Québec ou de Laval-des-Rapides pour d'ailleurs rentrer par la suite. Ces questions, d'ailleurs, concernant le secondaire, regardaient les instances locales — je ne pense pas que ce soit au niveau du ministre que des questions qui ont été soulevées dans ces cas doivent être réglées. C'est d'abord la responsabilité des commissions scolaires locales dont c'est le rôle de voir à ce que les étudiants aient ce qui leur est nécessaire pour poursuivre leurs études.

Les causes de cette crise, je les résume très brièvement: l'importation de certains concepts étrangers et un minétisme évident.

L'influence de certains mouvements tels que l'UGEQ et même la JEC.

L'attitude angoissée, il faut le reconnaître, des jeunes face à une société où ils ne se sentent pas vraiment actifs avant l'âge de 24, 25, ou 26 ans.

La crainte de ne pas avoir de place tantôt à l'université.

La crainte de ne pas avoir de place sur le marché du travail.

Je ne dis pas pour le moment si ces craintes sont ou non justifiées.

Les grands termes de cette revendication, on les connaît, c'était l'université du Québec et surtout sa filiale, la deuxième université de langue française à Montréal, une certaine qualification économique assurée pour permettre l'ouverture de débouchés aux étudiants; une meilleure information sur ces débouchés et sur l'action de l'Etat; une participation plus grande des étudiants aux décisions qui les concernent et la question des prêts-bourses au sujet desquels, cette année, il y a eu, non pas comme je l'ai entendu à maintes reprises, une diminution des bourses pour une augmentation des prêts, mais une augmentation des prêts, une augmentation des bourses portant le tout de $32.5 millions à plus de $40 millions.

L'attitude du gouvernement et du ministre de l'Education dans cette crise - ceux qui l'ont suivie peuvent s'en rappeler - a été tout d'abord d'adjoindre à son cabinet quelqu'un qui puisse aider le ministre à suivre à chaque heure ce qui se passait; à prendre les attitudes les plus adéquates dans les circonstances; à réprouver la force ou la violence ou certains modes d'occupation comme moyens d'action; à en appeler à mille reprises au dialogue, et à faire ce dialogue sur la place publique à plusieurs reprises; à apporter au conseil des ministres des dossiers pour que les décisions, particuliè-

rement quant à l'université, soient prises; à présenter une politique et du ministère et du gouvernement quant à l'action des ministères économiques; à offrir aux étudiants une participation dans une action socio-économique pour les mois prochains; et, enfin, je soulignerai l'ouverture d'esprit du gouvernement devant cette crise.

Encore hier soir, je mentionnais aux étudiants que toutes les études qu'ils ont pu faire, que toute la documentation qu'ils ont pu recueillir, s'ils voulaient bien la rendre disponible pour le ministère, nous serions les premiers à l'étudier avec eux.

Comme conclusion, la crise au niveau collégial et universitaire est pratiquement terminée au moment où je vous parle. L'université est très faiblement touchée et l'a été, d'ailleurs, très faiblement. Le gouvernement fera en sorte de recueillir soigneusement les résultats et les fruits positifs de ce que nous avons vécu et de rechercher dans le dialogue l'évolution harmonieuse du monde étudiant dans toute la collectivité du Québec.

Je ne veux pas allonger cet exposé, comme je l'ai fait au mois de juin passé, à répondre à des questions. Comme l'a fait le ministre du Travail tantôt, je rappelle quand même que, dans ces deux livres des Débats du mois de juin, il y a déjà eu une multitude de questions auxquelles des réponses ont été données.

M. LAPORTE: Apparemment, cela n'a pas réglé les problèmes!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): A l'ordre!

M. CARDINAL: Je pense que je n'ai pas interrompu, tantôt le député de Chambly dans ses exposés...

M. LAPORTE: Vous n'aviez même pas le droit de parole!

M. CARDINAL: Messieurs, je crois que c'est votre interprétation de l'article 429. Il semblerait que...

M. LAPORTE: Quatre-cent-vingt-neuf, sauf votre respect.

M. CARDINAL: J'avais dit 429, monsieur. Et l'article qui dit qu'on ne doit pas répondre une deuxième fois à des questions posées, si je ne me trompe pas, c'est 679!

M. LAPORTE: Vous le savez, tout ça ne nous servira à rien, c'est dommage!

M. CARDINAL: C'est vous qui le dites, nous verrons après. Revenons...

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'on pourrait recommencer à faire attention, là?

M. CARDINAL: Revenons à ce que nous disions — si je n'avais pas été retardé, j'aurais déjà terminé - je suis donc prêt à répondre aux questions qui seront posées. Si certaines de ces questions sont très précises et demandent des recherches au ministère, je les ferai.

Cependant, je pense qu'il vaut mieux, plutôt que de perdre un temps précieux soit avec la procédure ou avec des exposés pour quelque fin que ce soit, permettre à l'assemblée de continuer ses travaux et au ministre de continuer son travail. Merci.

M. LESAGE: M. le Président, je ne comprends pas très bien quel intérêt les membres du comité qui siègent en face de nous pouvaient avoir à insister pour que le ministre de l'Education ait, le premier, le droit de parole pour faire le point sur la situation et exposer... Pardon?

M. BELLEMARE: Pourquoi revenir sur un vote? Faites donc votre exposé!

M. LESAGE: M. le Président, je ne reviens pas sur le vote qui a été pris. Je dis purement et simplement que je ne comprends pas l'insistance des députés qui siègent en face de moi à donner la parole d'abord au ministre de l'Education pour exposer la politique du gouvernement. Cela, je l'ai compris de moins en moins au fur et à mesure que j'entendais le ministre de l'Education accoucher d'une souris.

Le ministre de l'Education n'a fait aucun exposé de la politique gouvernementale et des mesures que le gouvernement a l'intention de prendre pour guérir les causes fondamentales de la crise aiguë qui n'est pas encore terminée. Cette crise aiguë dans le domaine de l'Education n'est pas encore terminée, n'en déplaise au ministre de l'Education. Il suffit de suivre les journaux, d'écouter la radio et la télévision pour comprendre que le ministre de l'Education prend ses désirs pour des réalités. La crise n'est pas terminée, loin de là. Il y a encore occupation de CEGEP, il y a encore des facultés...

M. CARDINAL: D'un CEGEP.

M. LESAGE: Que ce soit au singulier ou au pluriel, il y a occupation dans les CEGEP et il

y a encore des facultés qui ont été prises en main. Je ne crois pas avoir interrompu le ministre de l'Education, M. le Président

M. CARDINAL: Vous affirmez des choses qui ne sont pas véridiques.

M. LESAGE: J'aurais pu interrompre facilement le ministre de l'Education pour le ramener à la réalité lorsqu'il a fait son intervention. Je me suis dispensé de le faire.

UNE VOIX: II se pense déjà premier ministre.

M. LESAGE: Mais il ne le sera jamais, car il ne sera jamais député; alors, cela n'a pas d'importance. Il y a eu, hier encore, des protestations au niveau de l'enseignement secondaire des tout jeunes et, n'en déplaise au ministre de l'Education, f ai des renseignements précis à l'effet qu'il ne s'agissait pas d'une question de livres et de crayons, mais qu'il s'agissait de manifestations des élèves du secondaire pour appuyer les revendications des élèves des CEGEP et pour manifester leur mécontentement envers la situation actuelle. Le ministre de PEducation tente de donner, comme cause de la crise, l'importation de concepts étrangers. Je ne sais pas s'il s'agit du concept de la contestation; ce n'est pas un concept étranger, c'est un concept universel. Il existe à tous les niveaux de la société et il est essentiel, aujourd'hui, que ceux qui ont l'autorité admettent la contestation. Il ne s'agit pas d'un concept étranger; je le répète, il s'agit d'un concept universel.

Le ministre a donné ensuite, comme cause de la crise, la crainte, chez les étudiants des CEGEP en particulier, de ne pas avoir accès, premièrement, à l'université et, deuxièmement, au marché du travail. Je suis parfaitement d'accord. Il a donné comme cause également le fouillis qui existe. Il n'a pas dit le fouillis, mais il a parlé du système de prêts-bourses. Je n'ai pas prétendu, pour ma part, qu'il y avait eu diminution des bourses, mais je dis qu'il existe un fouillis dans le domaine des prêts-bourses. L'attitude du gouvernement, dit-il, a été, premièrement, d'adjoindre à son cabinet personnel quelqu'un qui le mettrait au courant, au jour le jour, de ce qui se passe.

Imaginez-vous si c'est une mesure de nature à régler les conflits et à régler la crise! C'est enfantin, M. le Président. C'est absolument enfantin aussi de présenter des politiques quant à l'action des ministères économiques. J'y reviendrai tantôt et l'on verra justement que le gouvernement dont il fait partie n'a jamais rien fait, jamais, dans le domaine économique.

La cause principale, fondamentale de la crise que nous avons dans le domaine estudiantin, c'est que le gouvernement n'a rien fait depuis deux ans et demi pour préparer des situations, des ouvertures comme on dit communément, pour nos étudiants soit du domaine professionnel, soit du domaine universitaire.

Les problèmes les plus cruciaux, M. le Président, à l'heure actuelle dans le domaine de l'éducation, ont trait justement à l'accessibilité des étudiants à l'université et au marché du travail, à la formation technique et professionnelle, à l'orientation — ça c'est essentiel — des élèves, à la programmation des cours des CEGEP et à la politique des prêts-bourses, sans compter de nombreuses autres questions connexes, comme la formation des maîtres ou d'autres questions comme le regroupement des commissions scolaires, les droits linguistiques de la minorité anglophone au Québec, la confessionnallté de l'enseignement, les subventions aux commissions scolaires, l'enseignement universitaire, la création de la deuxième université de langue française. Ce sont autant d'aspects où le gouvernement actuel a créé un fouillis, aspects que prend actuellement ce qu'il est convenu d'appeler la crise de l'éducation.

Dans le cas des CEGEP, il est certain que les retards accumulés au ministère de l'Education à partir de juin 1966 ont été un facteur important de la malheureuse improvisation qui a suivi. Cela a été une improvisation dans le domaine des CEGEP, c'est bien de cela qu'il s'agit. C'est la faillite d'une lamentable et malheureuse improvisation du gouvernement. L'improvisation des CEGEP, qu'est-ce que cela a donné depuis quelque temps? Des étudiants qui n'étudient pas et des professeurs qui n'enseignent pas. Cela a donné un fouillis indescriptible. L'improvisation des CEGEP a été la démission du ministre de l'Education. Oui, sa démission. Il ne propose rien.

M. GRENIER: C'est votre discours de Bagot que vous répétez.

M. LESAGE: L'Improvisation des CEGEP... M. le Président, quand je déciderai d'aller dans Bagot, je saurai ce que j'aurai à dire et je n'aurai certainement pas besoin d'avoir un souffleur du nom de Grenier.

UNE VOE: Si vous répétez votre discours de 1966, ça va être amusant.

M. LAPORTE: Ce serait peut-être moins amusant pour l'éducation.

M. TREMBLAY: Cela nous a valu la victoire, mon cher ami. Je ne vous ai pas parlé de tracteurs encore, ne soyez pas blessé.

M. LAPORTE: ... les discours les plus stupides, les plus rétrogrades présentés pas l'honorable ministre.

M. TREMBLAY: M. le Président, je dirai tout de suite, pour mettre les choses au point, que je n'ai jamais répété les discours du député de Chambly.

M. LAPORTE: Non, parce qu'à ce moment-là, vous auriez passé au moins pour intelligent.

M. TREMBLAY: Je ne suis pas un vendeur de tracteurs, je regrette.

M. LAPORTE: Non, vous êtes un vendeur des idées les plus rétrogrades et les plus stupides qui ont cours dans...

DES VOIX: A l'ordre!

M.TREMBLAY: Je ne vends pas votre vieux stock!

M. LAPORTE: Chaque fois qu'il parle, le climat s'envenime et devient...

UNE VOIX: Vous ne lui donnez pas de chance.

M. LESAGE: L'improvisation des CEGEP a été la démission d'un ministre et de tout un gouvernement.

M. BELLEMARE: Continuez!

M. LESAGE: Nous sommes en face d'une crise que le gouvernement et le ministre ont eux-mêmes contribué à créer. Ils ont été franchement les principaux facteurs de la crise. C'est ça la cause: l'improvisation gouvernementale dans le domaine des CEGEP a créé une profonde inquiétude dans toute la population du Québec, inquiétude dont on peut difficilement mesurer les effets néfastes, effets qu'elle pourra avoir sur l'ensemble de ce que je considère une vitale réforme de l'éducation au Québec, que nous avions commencée dans l'ordre alors que nous étions au pouvoir.

L'improvisation des CEGEP, c'est l'oeuvre de l'Union Nationale. C'est l'oeuvre d'un parti.

Et, là, je pense que le député de Frontenac devrait écouter, parce qu'il a contribué à cela, lui, activement. Il avait choisi de faire de la petite politique au sujet de la confessionnalité des écoles — lui, il l'a fait dans Frontenac...

DES VOIX: A l'ordre, à l'ordre!

M. LESAGE: ... du regroupement des commissions scolaires et du droit des parents en éducation.

M. BELLEMARE: Si on voulait discuter objectivement, sans s'attaquer aux personnes, je pense que tout le comité en bénéficierait.

M. LESAGE: Des péchés d'autobus.

M. BELLEMARE: M. le Président, si l'on veut s'attaquer aux personnes, cela ne deviendra plus une rencontre. Pourquoi vous attaquer aux personnes? Continuez donc à lire, là.

M. LESAGE: Si j'ai bien compris, le député de Frontenac s'est attaqué à mol?

M. GRENIER: J'ai simplement dit que vous vous étiez trompé de feuille.

M. GABIAS: On s'attaque aux personnes!

M. LESAGE: La responsabilité du gouvernement dans la crise des CEGEP, je vais en établir les causes. Premièrement, par suite du retard d'au moins un an dans l'adoption de la loi créant les CEGEP, il a fallu accélérer indûment le pas dans son application. La loi a été votée le 17 juin 1967 et les premiers CEGEP ont été ouverts au mois de septembre de la même année, avant que leurs structures n'aient été réellement et efficacement élaborées.

Deuxièmement, il y a eu improvisation dans l'élaboration du programme d'études des CEGEP. La commission formée pour élaborer le programme d'études n'a pas eu assez de temps pour bien structurer une nouvelle forme d'études contenant à la fois la section traditionnelle des collèges classiques et la section professionnelle préparant les techniciens.

En conséquence, la section professionnelle a été négligée, provoquant ainsi une déraisonnable affluence des étudiants dans le secteur général.

Troisièmement, il y a eu une négation de l'esprit tout autant que de la lettre du rapport Parent. Le rapport Parent prévoyait la création d'instituts basés sur le regroupement des institutions d'enseignement existantes. Le gouvernement de l'Union Nationale a procédé par la centralisation des CEGEP auprès des collèges classiques, ce qui a provoqué une augmentation considérable des dépenses et les délais qui s'ensuivent, par suite de l'abandon des installations dans les écoles existantes et des achats de nouveaux équipements dans les CEGEP, tout cela créant des conditions de travail Impossibles pour les élèves des CEGEP.

Quatrièmement, le programme d'études des CEGEP, pour l'année scolaire 1968-1969, a été structuré de telle sorte qu'il a éliminé, à toutes fins pratiques, la section professionnelle, considérée par le rapport Parent comme nécessaire pour le progrès et le développement du Québec.

Je pense que c'est de cette façon que la crise des CEGEP est devenue une réalité. Et qu'a fait le ministre de l'Education face à la crise? Le 16 octobre dernier, il a fait une déclaration dont j'ai le texte ici — distribué par l'Office d'information et de publicité — déclaration qu'il aurait voulue habile — je l'ai lue et relue — mais qui, en fait, constitue à elle seule une admission sans réserve de la faillite de la politique gouvernementale dans l'établissement des CEGEP au Québec.

Tout d'abord, il y a eu admission par le ministre de l'incurie gouvernementale quant au développement et à la promotion industrielle du Québec par le présent gouvernement. Or, ce développement économique et cette promotion industrielle du Québec sont seuls capables de créer en nombre et en qualité suffisants les 500,000 nouveaux emplois nécessaires pour absorber les jeunes qui gagneront le marché du travail d'ici 1973-1974. Dans ce qui constitue, je crois, un véritable aveu d'impuissance de son propre gouvernement, le ministre déclare — c'est à la page 19 du texte que j'ai devant moi — : « Si, par son insistance sur les débouchés d'après les CEGEP, la crise actuelle avait réussi à rappeler l'urgence de créer des emplois nouveaux et par conséquent de procéder à une certaine planification économique, elle aura eu, au moins, un aspect positif ».

Qu'est-ce que le ministre nous dit en faisant cette déclaration? Il nous dit que le gouvernement n'a pas encore réalisé l'urgence d'une politique visant à la création de nouveaux emplois — c'est cela qu'il nous dit dans ce texte qu'il a prononcé — et un développement...

M. GABIAS: Et encore...

M. LESAGE: ... et un développement rationnel de l'économie du Québec. Ce n'est pas surprenant parce qu'il n'y a jamais personne de l'Union Nationale qui a compris cela.

UNE VOIX: Voyons!

M. LESAGE: II a fallu la crise actuelle pour rendre le gouvernement conscient de ses responsabilités. Je ne sais pas combien de fois, évidemment, à ce moment-là, le ministre de l'Education a plus ou moins eu connaissance, il était dans d'autres sphères d'activité, mais de- puis deux ans et demi l'Opposition a pressé le ministère de bouger en matière économique. Combien de fois? des centaines, des centaines et des centaines de fois mes collègues et moi, nous avons attiré l'attention du gouvernement justement sur ces 500,000 nouveaux emplois qu'il fallait créer; sur le besoin qu'il y avait de planifier le développement économique du Québec.

Combien de fois avons-nous mis le gouvernement en garde contre les méfaits de ce que nous avons appelé « l'ultra-conservatisme » de sa pseudo-politique budgétaire en matière d'investissements publics? Notre rôle de l'Opposition est clair et nous l'avons joué. Nous étions conscients tout au long, et dès le début, des dangers énormes que faisaient courir au Québec et à sa jeunesse la politique conservatrice et périmée de nos jours du gouvernement actuel.

En avril 1967, nous avons condamné la politique régressive du gouvernement après le budget de M. Dozois, le premier budget, qui au moment où les investissements privés diminuaient, après avoir détruit la confiance des investisseurs dans la stabilité politique du Québec, eh bien, le gouvernement ne trouvait pas mieux que de réduire les investissements publics, d'accroître les taxes et réussit à augmenter le chômage et l'inflation. Nous avions insisté sur ce manque de confiance dans l'avenir du Québec qui caractérisait le premier budget de l'Union Nationale, préparait des réveils douloureux pour la jeunesse, et nous y sommes. Cela l'est, le réveil, avec la crise que nous subissons.

M. GABIAS: Pas sûr.

M. LESAGE: En avril 1968, même situation, même sorte de budget; réduction des investissements publics et augmentation des taxes. C'est certainement cela que f ai dit, M. le Président.

M. GABIAS: Ah, non!

M. LESAGE: J'ai dit que le budget en 1967 était de nature à créer le chômage et l'inflation. C'est textuel, j'ai dit la même chose après le budget périmé et conservateur d'une politique absolument inacceptable en 1968, et c'était le moyen d'augmenter le chômage...

M. GABIAS: La preuve?

M. LESAGE; ... d'empêcher la création de nouveaux emplois.

M. GABIAS: C'est parce que...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESAGE: On a toujours eu la même réponse. La réponse est conservatrice et fait preuve d'un manque de planification, d'un manque...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Il va falloir en revenir à la crise actuelle de l'éducation.

M. GABIAS: C'est ça.

M. LE PRESIDENT: Nous sommes réunis, ce matin, afin de discuter des problèmes de l'éducation.

M. LESAGE: Eh bien, M. le Président, il a fallu encore une fois — et je reviens à la déclaration du ministre — que la situation se transforme en une véritable crise pour que le gouvernement ose s'avouer conscient d'un problème économique. Cela, c'est le ministre de l'Education lui-même qui l'a fait le 16 octobre, il n'y a pas tellement longtemps, il y a quelques jours. Il a fallu que les étudiants occupent les écoles pour que les ministres comprennent. Qu'est-ce qu'ils entendent faire? Cela, c'est fondamental. Est-ce que le gouvernement va changer sa politique budgétaire? Est-ce que le gouvernement va se donner une véritable politique économique? Je crains que non. Je crains que la crise pour les ministériels ne soit pas encore assez aiguë. Imaginez la clairvoyance, M. le Président, et le réalisme du ministre de l'Education. II a décidé — je cite, c'est à la page 23 de son texte du 16 octobre — « de proposer à ses collègues des ministères économiques et du plan — il l'a répété tout à l'heure en d'autres termes — une table ronde où seront confrontés les problèmes de développement économique et de développement des ressources humaines ».

Une table ronde, c'est la réponse du gouvernement à la crise dans le domaine de l'éducation. Ce sera sans doute, quand on connaît le ministre de l'Education et ses collègues, une table ronde où l'on tournera en rond. C'est tout ce qu'on sait faire du côté du ministère.

M. LOUBIER: Elle est bonne!

M. LESAGE: Il me semble que le ministre de l'Education devrait être sérieux. De deux choses l'une. Ou bien le ministre comprend vraiment la situation présente et il propose un changement radical de la politique économique du gouvernement; ou bien le ministre n'a rien compris, et alors, il propose une prosaïque table ronde où, comme d'habitude, on ne fera rien.

M. GABIAS: Rien comprendre, ça, c'est le cas de l'Opposition.

M. LESAGE : Quant à nous, du parti libéral, nous sommes bien placés pour presser le gouvernement de se débarrasser du conservatisme de sa politique économique s'il veut relever le défi des 500,000 emplois nouveaux qu'il faut créer. C'est le ministre des Finances actuel, le député de Saint-Jacques qui a lui-même admis l'efficacité de la politique de progression économique, de dynamisme économique, suivie de 1960 à 1966, en reconnaissant, dans l'annexe de son premier discours du budget, comme on le sait, au printemps 1967: « C'est aux investissements massifs des dernières années 1960 à 1966 qu'il faut attribuer le processus expansionniste dans les secteurs industriels dont l'économie toute entière a bénéficié. » Et le député de Saint-Jacques ajoutait: « En 1966, le nombre des nouveaux emplois au Québec atteint 104,000. »

Une politique budgétaire dynamique, une politique d'expansion économique, de l'imagination, de la hardiesse dans la conduite des affaires économiques de l'Etat, et dans l'espace d'un an, en 1966, 104,000 nouveaux emplois ont été créés. Et 5 fois 104, cela fait 520,000. Nous aurons besoin de ces 500,000 nouveaux emplois pour nos jeunes d'ici cinq à six ans.

J'espère que le ministre de l'Education va aller vraiment à la source de tout le mal. L'insécurité que sentent les étudiants des CEGEP et des universités est due à cette cause profonde qui leur fait voir partout une augmentation du chômage, qui leur fait constater l'absence de politique dynamique de la part d'un gouvernement ultra-conservateur pour créer les nouveaux emplois qui leur permettront de vivre une vie normale, d'assurer leur avenir et celui de leur famille, lorsqu'ils créeront un foyer.

C'est ça, le grand mal. C'est profond. Le ministre de l'Education, il lui reste quatre ou cinq semaines à faire partie du cabinet. Alors, il me semble qu'il pourrait se servir de ce temps-là pour convaincre ses collègues.

M. GRENIER: C'est le discours de Bagot.

M. LESAGE: J'aurai bien d'autres choses à dire dans Bagot,...

M. GRENIER: Ce ne sera pas si bon que cela.

M. HOUDE: Par ses proposeurs...

M. LESAGE: Le ministre, dans sa déclaration du 16 octobre, a admis — je l'ai dit tantôt - la faillite de la politique économique de l'Union Nationale depuis deux ans et demi. Il ne s'est pas arrêté là. Il y est allé aussi d'un « mea culpa » personnel, tout en tirant une flèche à son prédécesseur immédiat au ministère de l'Education, le premier ministre actuel.

M. GABIAS: Laissez-le parler, ce sera plus intéressant.

M. LESAGE: C'est à la page 20 du texte distribué par l'Office d'information et de publicité: « Force nous est de constater que les étudiants ont boudé les options professionnelles, même les plus à la mode. Cela me paraît regrettable et significatif. » En effet, M. le Président, cela paraît à bien des Québécois fort regrettable. C'est la raison d'être elle-même des CEGEP qui est mise en cause et c'est tout l'esprit du rapport Parent qui s'en trouve faussé, au moins quant au volume 2. C'est regrettable, comme a dit le ministre, mais c'est aussi significatif, comme a également dit le ministre. C'est très significatif de l'échec du gouvernement, de l'échec du ministre de l'Education et de son prédécesseur immédiat.

Ce ne serait peut-être pas si terrible, évidemment, si la faillite de l'enseignement professionnel des CEGEP n'avait été que constatée par l'Opposition, je pense bien que tous mes amis d'en face vont l'admettre. L'Opposition, diront-ils, est là pour critiquer, d'accord. Mais quand des étudiants ont occupé des collèges et en occupent encore — quand ils occupent des collèges, c'est pour le faire savoir — quand les parents manifestent — parce qu'il y a des parents qui ont manifesté — et quand l'association des professeurs de l'enseignement technique et professionnel parle à qui veut l'entendre du fouillis indescriptible de la formation professionnelle, le ministre a raison, c'est très significatif.

Le plus extraordinaire, c'est que le ministre s'abstienne complètement — et ça, c'est dans le texte ici, et il n'a rien proposé ce matin, non plus — de proposer quelque solution que ce soit pour remédier à la situation, sauf un vague, très vague programme d'action socio-économique étudiante. C'est la conclusion de sa déclaration du 16 octobre. Pourtant, le rapport Parent insistait pour que le ministre de l'Education voie à assurer une meilleure orientation des étudiants. Est-ce que le ministre de l'Education entend assurer de meilleurs services d'orientation? Cela aussi, c'est essentiel. Cela manque. Il n'en dit rien. Il ne s'engage pas, ou il n'ose pas s'engager. Je ne parle pas d'orienter les étudiants de force, mais je parle d'excellents services d'orientation qui vont faire comprendre aux jeunes, par exemple, ce qu'il peut y avoir d'emplois à venir, d'emplois rémunérateurs dans le domaine de l'informatique, dans le domaine des ordinateurs, dans le domaine de la technique moderne de l'administration des affaires. Mais pour cela, il faut de l'orientation. Il faut renseigner les étudiants à fond, presque individuellement, par des orienteurs pour leur faire comprendre et admettre que l'avenir, il est là, chez nous. Il faut que cela soit accompagné d'une politique économique et d'un développement industriel dynamique, parce que c'est seulement à ce moment-là que les élèves comprendront bien que l'avenir, c'est là qu'il est. Et on aura guéri la plus grande partie du mal si, en même temps, on ajuste les programmes en conséquence et si les programmes eux-mêmes ne constituent pas une incitation aux élèves à suivre plutôt des cours de formation générale que des cours de formation technique et professionnelle.

Je ne sais pas si le ministre entend faire revivre, par exemple, les comités conjoints et permanents de consultation entre l'enseignement professionnel et le monde du travail. Le ministre a dit qu'il avait consulté. Du moins, il l'a fait dire par son sous-ministre ou son sous-ministre a dit pour lui, le 5 octobre, qu'il avait obtenu la collaboration des milieux professionnels. Peut-être, mais ce ne sont pas les comités qui existaient: comités de travail et de consultation permanents entre le monde de l'enseignement professionnel et le monde du travail. Les comités ont été mis en veilleuse, depuis 1966. Le ministre n'en dit pas un mot. On ne sait pas.

Je pense que — je me répète et je le répète — au coeur du problème des CEGEP, il y a la question d'orientation. D'ailleurs, le ministre lui-même l'a dit tout à l'heure. Encore faut-il agir. Ce n'est pas nouveau, ce problème d'orientation.

En 1964, en Chambre, Je disais; « Cette année, nous proposerons à la Chambre d'établir un véritable ministère de l'Education — il n'y en avait pas, cela date seulement de 1964 —un véritable ministère de l'Education qui adaptera notre régime d'enseignement aux réalités actuelles. » C'est ce que nous avons commencé à faire et nous étions en bonne voie jusqu'en 1966, alors que tout est tombé.

Oui, les programmes gouvernementaux ont été abandonnés, et je n'en veux pour preuve que tous les chiffres qui sont publiés sur le chômage, sur la récession économique dans le Qué-

bec, sur le fait qu'il y a plus de chômeurs au Québec que dans les provinces de l'Atlantique...

M. BELLEMARE: A l'ordre!

M. LESAGE: ... ce qui ne s'était jamais vu auparavant.

M. LE PRESIDENT: Revenons à l'éducation.

M. LESAGE: Certainement, tant qu'il y aura du chômage comme il y en a...

M. LE PRESIDENT: Revenons à l'éducation!

M. LESAGE: ... l'éducation n'aboutira sur rien, et c'est là une des causes principales de la crise scolaire.

M. GABIAS: A quoi le parti libéral attribue-t-il sa défaite en 1966?

M. LESAGE: Dès le tout début de la réforme scolaire...

UNE VOIX: Le créateur du Québec!

M. LESAGE: C'est vous qui le dites, je vous remercie. Des le tout début de la réforme scolaire...

UNE VOIX: II accepte ça!

M. LESAGE: ... la politique du gouvernement libéral, c'était de mettre en place un système d'éducation qui répondrait aux réels besoins de la vie économique au Québec. Une suffit pas pour un ministre de regretter ses erreurs, faire des mea culpa, comme le ministre en a fait dans sa déclaration — il faut au moins tenter de les corriger.

Il s'est contenté de regrets, comme on en voit à la page 22 de son texte, ce qui va bien de pair avec l'irresponsabilité et l'immobilisme du gouvernement dont il fait partie. Il est bien dans son milieu.

Enfin, toujours dans sa déclaration du 16 octobre 1968, le ministre a affirmé que le projet de loi créant une deuxième université de langue française au Québec était maintenant prêt. Le ministre décrit l'organisation juridique de cette deuxième... Je l'ai entendu à la télévision, hier soir, aussi, au programme Caméra 68 et je n'ai rien appris de plus que ce que je pouvais savoir par les déclarations antérieures du ministre. Tout ce qu'il fait, c'est réitérer sa promesse à l'effet qu'elle sera ouverte en septembre 1969 et dire que ça s'étudie depuis déjà un bon bout de temps. Il a dit un an, hier soir.

Le ministre parle des cadres juridiques, mais il est silencieux sur l'essentiel. Quels seront les besoins prioritaires que devra satisfaire cette deuxième université? Quels sont-ils, les besoins prioritaires? Quel sera l'accent donné à l'université du Québec qui est l'ensemble et à cette deuxième université de langue française à Montréal quant aux disciplines qui y seront encouragées? Cela, nous ne l'avons pas entendu du ministre.

Il nous a dit que c'était devant le conseil des ministres, qu'il espérait que ce soit étudié le plus rapidement possible et il nous demandait d'attendre. Attendre, attendre!

Nous avons été habitués avec le gouvernement actuel, vous savez, à attendre. Le ministre de l'Education est bien dans son milieu, je le répète, puisqu'il nous fait attendre encore.

M. GABIAS: Vous allez attendre longtemps parce que nous sommes là pour 20 ans!

M. LESAGE: Attendre! Exemple, l'affaire de Saint-Léonard. C'est dans le domaine de l'éducation. Certainement, M. le Président. Cela fait partie de la crise scolaire actuelle. Voilà quatre mois que le problème est posé. Comme solution, le ministre s'est contenté de demander aux intéressés d'attendre que les officiers de son ministère lui aient fait rapport et qu'il ait étudié le rapport. Cela c'était au début. On a ainsi attendu jusqu'au moment où la situation s'est détériorée par l'occupation de l'école Aimé-Renaud. Là, il ne fallait plus attendre; il fallait agir, agir vite, et on a apporté une solution cocasse à un problème que j'appelle un problème physique.

Mais quant au fond du problème lui-même, celui du droit des parents de choisir la langue d'enseignement pour leurs enfants aux niveaux élémentaire et secondaire, on doit continuer d'attendre encore. Cette fois-ci, paraît-il, on attend le rapport du comité de restructuration scolaire.

Or, il semble bien que ce n'est pas dans le mandat de ce comité et que le comité ne se prononcera pas sur cette question qui doit être réglée par les législateurs à l'instigation du gouvernement. D'autant plus que nous connaissons aujourd'hui l'essentiel des recommandations du comité de restructuration scolaire de Montréal. On attend encore. Je pense qu'il est temps, M. le Président, que l'Assemblée législative reconnaisse formellement aux parents du Québec le droit de faire instruire leurs enfants dans la langue officielle de leur choix.

En conclusion, M. le Président, je soumets que les membres du comité, de même que les

députés et les contribuables du Québec, ont le devoir de demander au ministre de l'Education de préciser, et sans détour, sa politique et celle du gouvernement dont il fait partie sur les problèmes que je viens d'évoquer. Je crois également de mon devoir et de mon droit de demander au ministre des explications valables sur certains autres aspects du problème scolaire et étudiant, aspects que je décrirai brièvement comme suit;

Premièrement, de nombreuses écoles ont ouvert leurs portes cette année avec plusieurs semaines de retard, parce qu'elles n'avaient pas les locaux, les volumes ou l'équipement technique nécessaires pour dispenser un enseignement adéquat.

Deuxièmement, j'attire son attention sur les retards injustifiés dans la construction de plusieurs écoles, ce qui oblige les commissions scolaires à dispenser l'enseignement suivant des horaires baroques et confus.

Troisièmement, la Fédération des commissions scolaires du Québec s'inquiète de l'absence de véritable politique de regroupement des commissions scolaires.

Quatrièmement, j'attire son attention sur le gaspillage des fonds publics lorsque le gouvernement ne verse pas à temps les subventions dues aux commissions scolaires, ce qui oblige ces dernières à emprunter auprès des banques et des caisses populaires des sommes très considérables et à payer indûment des frais élevés. D'ailleurs, à plusieurs reprises, j'ai attiré son attention, par lettres ou par télégrammes, sur des cas patents de négligence dans les paiements.

Cinquièmement, l'inaction du gouvernement dans la mise sur pied d'une réforme du financement des commissions scolaires, tel que promis dans son programme de 1966, par le parti auquel il adhère. Qu'est-ce que le gouvernement attend pour soulager les petits propriétaires fonciers?

Sixièmement, comment va-t-il régler le fouillis continuel dans le système des prêts-bourses?

Septièmement, il y a menace de grève des enseignants. Il faudrait que le gouvernement se branche, parce que cette menace de grève — et de cela j'en ai eu connaissance personnellement — crée un climat insupportable, tant chez les enseignants que chez les parents et chez les étudiants.

M. ROY: Des informations personnelles.

M. LESAGE: Huitièmement, M. le Président, je dis que la politique de formation des maîtres est, dans son ensemble, un échec. Cela a, d'ail- leurs, été constaté par des gens beaucoup plus qualifiés que moi: le Conseil supérieur de Pé-ducation et les associations professionnelles d'enseignants du Québec

Enfin, neuvièmement, j'attire son attention sur le manque de coordination et de planification — je reviens un peu à ce que j'ai dit tantôt — dans le développement et l'expansion des universités québécoises.

M. le Président, je considère que tout le domaine de l'éducation au Québec, à cause de l'incurie du gouvernement actuel et de son ministre de l'Education, est dans un fbullis épouvantable. Cela ne justifie pas la violence. Je suis parfaitement d'accord avec le ministre. Je ne puis accepter que Pon agisse en n'observant pas la loi, mais il faudrait absolument que le gouvernement, et particulièrement le ministre de l'Education, montre un peu de « leadership ».

S'il y avait plus de vie, moins de tâtonnement, moins de ces fameuses tables rondes, le gouvernement savait seulement où il va, eh bien, je pense que nous pourrions espérer au Québec la paix sociale dans le domaine estudiantin, dans le domaine scolaire. Que le gouvernement et le ministre prennent donc leurs responsabilités! C'est ça que je leur demande, parce qu'ils ne font rien. Les problèmes sont nombreux, il sont aigus et on n'apporte aucune solution. Tant que le gouvernement ne prendra pas en main toute la situation, tant que le ministre n'apportera pas des mesures susceptibles de régler le fond des problèmes, tant qu'il n'y aura pas une nouvelle orientation & la politique gouvernementale, eh bien, nous ne pouvons pas espérer que nos jeunes puissent poursuivre leur éducation dans la paix et dans la sérénité.

M. GERIN-LAJOIE: M. le Président, il se-rait-peut-être...

M. LE PRESIDENT: M. le futur député... M. CARDINAL: M. le Président...

M. LESAGE: M. le Président, est-ce que je pourrais demander que le président s'abstienne de partisanerie politique? C'est le moins qu'on pourrait demander à un jeune...

M. GRENIER: C'est le chef de l'Opposition qui devrait donner l'exemple là-dessus...

M. LESAGE: Je pense qu'il conviendrait que les députés exposent les détails de ce que je viens d'exposer, assez brièvement, pour que le ministre de l'Education qui a déjà parlé d'ailleurs, puisse donner une réponse complète.

M. LE PRESIDENT: Je pense que, après l'exposé du chef de l'Opposition, il conviendrait peut-être que le ministre de l'Education puisse répondre. M. Cardinal, s'il vous plaît.

M. CARDINAL: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: M. Cardinal, le ministre de l'Education, va répondre à chaque intervention.

M. MICHAUD: Il a déjà parlé...

M. CARDINAL: M. le Président, est-ce qu'on pourrait avoir la parole, s'il vous plaît?

M. MICHAUD: Ce ne sera pas long, il ne pourra pas répondre à ça.

M. GRENIER: C'est votre chef qui a décidé ça.

M. GABIAS: Il a une façon de bâillonner les membres, continuellement.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Messieurs à l'ordre! M. Cardinal...

M. GERIN-LAJOIE: M. le Président, pour faciliter le travail du comité, je me demande s'il ne serait pas plus utile — et on éviterait des pertes de temps si le comité le permettait encore une fois pour ne pas faire de chicane de procédures — me permettait de faire une intervention à ce moment-ci pour compléter celle du chef de l'Opposition, ceci permettrait au ministre de l'Education de répondre un peu plus à l'ensemble, parce que, il y a évidemment des regroupements, des complémentarités entre les interventions.

M. LESAGE: Cela donne du complémentaire.

M. LE PRESIDENT: M. Cardinal a la parole.

M. CARDINAL: M. le Président, je vais accepter que le député de Vaudreuil-Soulanges prenne la parole après le chef de l'Opposition. Probablement que le premier est incomplet et que le deuxième sera ajouté à ce discours électoral que je viens d'entendre.

M. GERIN-LAJOIE: M. le Président, après l'exposé que vient de faire le chef de l'Opposition, exposé qui a été axé dans une large mesure sur les questions d'ordre économique et tou- te la question du développement économique pour vraiment assurer des débouchés à la jeunesse qui est actuellement dans nos écoles ou celle qui viendra au cours des prochaines années, je pense que je me dois d'aller un peu davantage dans les détails d'une situation dans le domaine de l'éducation directement, qui frise vraiment la catastrophe et qui pourrait avoir des conséquences désastreuses non seulement pour une génération de Québécois mais aussi pour tout l'avenir du Québec.

Le ministre nous a dit tout à l'heure que la crise de l'Education ou la crise scolaire actuelle, spécifiquement celle à laquelle nous avons eu à faire face depuis environ trois semaines, est terminée ou pratiquement terminée ce matin. C'est-à-dire que les CEGEP revoient les élèves réintégrer leurs classes dans presque tous les cas ou tous les cas, nous dit-il, et qu'à l'université c'est à peu près la même situation, quoique je pense que le ministre admet que dans certaines facultés, à Montréal, en particulier, peut-être à Québec, cette réintégration n'est pas encore faite. Mais, indépendamment de la réintégration des classes par les étudiants, je me dois de dire tout de suite au début de cet exposé que je me propose de faire, que cela ne signifie pas que la crise est réglée.

Bien loin de là. Les élèves qui retournent dans les CEGEP et à l'université ne sont plus les élèves qui y étaient il y a trois semaines. Les professeurs qui reprennent leurs cours dans les CEGEP et les universités ne sont plus les mêmes professeurs que ceux qui étaient là il y a trois semaines. Les administrateurs de ces institutions ne sont plus, non plus, les mêmes administrateurs que ceux qui étaient là il y a trois semaines.

Il s'est passé quelque chose au Québec, quelque chose de grave en surface et de très sérieux en profondeur, qui laissera des marques très profondes. Sûrement qu'avec la réintégration des classes par les élèves et par les professeurs, on se trouve en face d'une nouvelle phase et d'une nouvelle forme de la crise scolaire au Québec, crise qui est loin d'être réglée.

Pendant l'été, c'est-à-dire pendant l'ajournement, soit la période de juillet, août et septembre, j'ai eu l'occasion, sans doute comme plusieurs d'entre nous, députés, fonctionnaires ou autres personnes, de circuler dans la province de Québec. J'ai rencontré, comme bien d'autres sans doute, des parents, des éducateurs, des administrateurs scolaires, des étudiants; des étudiants comme tout le monde, mais aussi des leaders étudiants et des contribuables, en général, une catégorie globale qu'il ne faut jamais oublier.

Chez toutes ces catégories de citoyens, c'est le malaise et l'inquiétude. Le plus souvent, c'est le désarroi et, trop fréquemment, c'est même une véritable panique chez toutes ces catégories de citoyens. Tant d'argent, tant d'efforts, tant de transformations de régime de vue depuis quelques années pour aboutir où? Pour aboutir à ce qu'on a vu depuis quelque temps et à tout ce qu'on soupçonne quand on gratte un peu, en dessous de la surface.

Le ministre, lui, nous donne bien l'impression qu'il n'a rien vu de tout cela, qu'il n'a rien vu venir, en particulier, Jusqu'à ce qu'à la mi-octobre il se réveille brusquement comme d'un cauchemar. Et, pour parler de la sorte, je me base sur sa déclaration du 16 octobre aux journalistes, qu'il a ouverte par les paragraphes suivants: « Le Québec connaît, depuis une dizaine de jours, une période de contestation étudiante dont la physionomie s'est modifiée continuellement et quotidiennement. Les thèmes de cette contestation n'ont pas toujours été clairement exprimés par les étudiants eux-mêmes qui déclarent volontiers suspendre leurs études et occuper leurs établissements pour réfléchir et identifier les problèmes. »

Le ministre continuait: « Il est bien évident qu'il ne saurait être question de réprouver globalement un mouvement qui, en plus de s'inscrire dans un contexte mondial d'éveil de la jeunesse, est motivé par une incontestable sincérité. On ne peut que porter àl'actif d'une collectivité le désir de ses éléments jeunes d'identifier clairement les problèmes qui la confrontent et de réfléchir collectivement sur les solutions à apporter. »

Comme c'est rassurant, M. le Président! Mais, je continue la lecture: « Si le ministre de l'Education, au nom de l'ensemble des citoyens, ne peut d'aucune façon approuver des manifestations qui paralysent un système d'enseignement élaboré au coût de lourds investissements humains et financiers, il ne peut, par ailleurs, que voir d'un bon oeil les efforts de lucidité déployés par la majorité des étudiants. »

Déclaration vraiment ni chair, ni poisson où l'on veut ménager la chèvre et le chou. Et le ministre continuait: « Le ministre souhaite ardemment — le ministre en est à l'époque des voeux — qu'au plus tôt les éléments actuels permettent de dégager des formules plus parfaites de participation, qui élargissent le rôle des étudiants dans l'élaboration des décisions qui les concernent, avec, comme seules limites, l'efficacité et la rationalité que devra respecter toute forme nouvelle de dialogue qui pourrait être proposée.

Et un peu plus loin, le ministre disait: « Si ce sont les étudiants des collèges qui ont contesté avant ceux des universités, c'est sans doute que les CEGEP représentent actuellement le lieu de la plus grande lucidité et du plus grand dynamisme du système scolaire ». Eh bien, M. le Président, ce n'est plus de la naïveté que de s'exprimer de la sorte — j'hésite à employer cette expression — personnellement, je trouve que c'est de la bêtise. Ce n'est pas parce que les étudiants des CEGEP ont une plus grande lucidité que c'est là que la crise a éclaté récemment. C'est tout simplement - et cela est évident pour tous les citoyens du Québec, sauf pour le ministre de l'Education - si l'éclatement a eu lieu dans les CEGEP, c'est tout simplement parce que c'est là qu'existe le plus grand fouillis, c'est là qu'existe la plus grande inquiétude, c'est là qu'existe le plus grand malaise à travers tout le système d'éducation du Québec. Nous n'avons pas besoin de chercher plus loin la raison pour laquelle c'est dans les CEGEP et non pas dans les universités ou dans d'autres secteurs de l'enseignement que l'éclatement qu'on sait s'est manifesté depuis quelques semaines.

M. GABIAS: C'est un beau témoignage...

M. GERIN-LAJOIE: Et je dirai ceci de plus, que l'objet du malaise et du mécontentement généralisé qu'on constate depuis quelque temps dépasse de beaucoup la question de l'université et celle du développement économique auquel a référé le ministre dans sa déclaration du 16 octobre. Les manifestations d'étudiants des dernières semaines ne sont que l'explosion la plus récente et la plus spectaculaire, sans doute, d'une véritable crise de l'éducation qui fermente depuis des mois à la faveur d'une administration gouvernementale de plus en plus tra-cassière, de plus en plus incohérente, de plus en plus inerte. Le ministre de l'Education a beau parler, dans la partie que j'ai lue tout à l'heure de sa déclaration du 16 octobre, d'un mouvement qui s'inscrit dans un contexte mondial d'éveil de la jeunesse, il n'échappera pas aussi aisément à la responsabilité de rendre compte des affaires de son administration au Québec

Les députés ou aspirants députés ne sont pas ici simplement pour se dire entre eux des choses gentilles. Ils sont ici pour contrôler la marche des affaires publiques et s'efforcer de faire la lumière sur les questions d'intérêt général. C'est pourquoi l'Opposition libérale a de-

mandé la réunion d'urgence de ce comité et a l'intention de soulever des problèmes précis sur lesquels nous demandons au ministre de l'Education de s'expliquer. Il y a d'abord une grande catégorie de problèmes, ceux des administrateurs scolaires au Québec. J'en viendrai tout à l'heure aux problèmes qui touchent les autres catégories de personnes engagées dans le domaine de l'éducation. Le problème des administrateurs scolaires d'abord.

Premièrement, le blocage des constructions d'écoles. Comment se fait-il que dans le discours du budget prononcé par le ministre des Finances en mars 1967, on nous annonçait la mise en chantier, au cours de l'année budgétaire qui allait commencer, de 131 écoles secondaires, réparties dans toutes les régions du Québec, pour une somme d'environ $125 millions, alors qu'une fraction seulement de ce programme a été réalisée au cours de l'année? Comment se fait-il que dans son discours du budget de fin mars 1968, le ministre des Finances nous annonçait un nouveau programme de construction d'écoles secondaires pour une somme totale — compte tenu de la contribution des commissions scolaires régionales elles-mêmes — de près de $170 millions, alors qu 'une minime fraction de ce montant a été engagée jusqu'à maintenant.

Comment se fait-il que le ministère de l'Education impose aux architectes, aux ingénieurs et aux administrateurs scolaires de recommencer continuellement les plans de construction d'écoles, de faire à répétition, de mois en mois, des pèlerinages à Québec pour rencontrer les fonctionnaires du ministère de l'Education, qui réclament sans cesse et chaque fois de nouvelles modifications sans pouvoir présenter de normes écrites, sans pouvoir présenter à l'avance les exigences du ministère quant aux plans de construction des écoles? Comment se fait-il que nous assistions à un gel à peu près systématique, stole bureau du ministre, des projets de construction d'écoles qui ont été complétés, et approuvés par les fonctionnaires et au sujet desquels ces pauvres fonctionnaires ne savent plus quelles raisons donner pour l'absence d'autorisation du ministère à procéder à la demande de soumissions et, dans d'autres cas, à l'octroi des contrats de construction et à la mise en chantier? Situation tellement sérieuse, tellement grave que des fonctionnaires aussi consciencieux que ceux que nous avons au ministère de l'Education, aussi désireux de protéger le ministère et de respecter la solidarité et le secret qu'exigent leurs fonctions, se sentent, à un moment donné, obligés de dire aux commissaires d'écoles, aux architectes ou aux ingénieurs que les projets de lettre d'autorisation sont rendus sur le pupitre du ministre et qu'on en attend des nouvelles. Et, on en attend des nouvelles pendant des semaines et pendant des mois.

Deuxième problème des administrateurs scolaires, celui du blocage des projets d'ameublement et d'équipement des écoles déjà construites.

M. BELLEMARE: Je ne veux pas être désagréable envers l'honorable député, mais je pense qu'il est à revenir sur un débat antérieur qui a été fait pendant l'étude du budget. Je dis à l'honorable député que, si c'est son intention de continuer dans cette direction-là, nous n'atteindrons pas l'objectif que tous nous recherchons, celui de constater les raisons fondamentales de la crise étudiante et non de répéter ce qui a été dit lors de l'étude du budget. Je pense que le député est plus objectif que cela et qu'il devrait revenir sur le véritable problème qui est créé par la crise actuelle des CEGEP.

Je ne pense pas que les règlements vous permettent de faire une rétrospective de tout ce qui a été discuté lors de l'étude des crédits, comme vous le faites actuellement.

M. GERIN-LAJOIE: M. le Président, je comprends l'esprit dans lequel le ministre du Travail fait son intervention, mais il comprendra et vous comprendrez que, pour nous de l'Opposition — et nous avons le sentiment qu'il en est de même pour l'ensemble de la population — la crise scolaire actuelle n'est pas un incident de trois semaines au cours desquelles les étudiants ont occupé leurs institutions. La crise scolaire, à l'heure actuelle, au Québec, est une situation qui a des causes multiples. Comme j'ai voulu le souligner au tout début de mon intervention, l'éclatement auquel nous avons assisté depuis trois semaines est l'éclatement d'une situation qui a fermenté depuis des mois, d'une situation dont nous avons eu l'occasion de parler dans une certaine mesure, soit à l'occasion de l'étude des crédits de l'Education, soit à l'occasion de questions ou de courts débats à l'Assemblée législative, mais d'une situation qui persiste et qui prend de nouvelles formes à l'heure actuelle.

Je pense que, si du côté du gouvernement, on jugeait que la crise scolaire actuelle n'a aucune relation avec les faits dont je suis en train de parler, on ne ferait que la démonstration très claire et très nette qu'on ne comprend pas ce qu'est la crise scolaire. On n'en comprend pas les causes et, par conséquent, on ne prend pas les moyens d'y remédier.

Je suis sûr, M. le Président, que le ministre du Travail, en particulier, ne voudra poser aucune objection à ce que, du côté de l'Opposition, nous décrivions, à l'intérieur d'une limite de temps bien raisonnable, les causes véritables que nous voyons à la base de la crise actuelle de l'éducation.

Quand je mentionne, comme deuxième problème auquel les administrateurs scolaires ont à faire face, celui du blocage des projets d'ameublement et d'équipement d'école, j'ai en vue, en particulier, pas les blocages du mois de juin, pas les blocages du mois d'avril ou du mois de mars, mais les blocages actuels, le 23 octobre 1968, qui contribuent au climat d'ensemble que nous pouvons tous constater au Québec, si nous avons le moindrement les yeux ouverts, et qui font entre autres que la crise actuelle est loin d'être réglée par la réintégration des classes de la part de groupes d'étudiants et de groupes de professeurs.

Comme troisième problème auquel les administrateurs scolaires ont à faire face, je veux signaler celui des retards de deux ans dans l'approbation des états financiers des commissions scolaires. Pas de changement depuis l'étude du budget, l'étude des crédits du ministère de l'Education.

Quatrième problème dans cette catégorie, celui du retard dans la publication des normes budgétaires du ministère de l'Education.

Cinquième problème, M. le Président, retard dans l'approbation des budgets dont on a parlé déjà. Des retards qui ne sont pas en voie d'être corrigés. Retards que le ministre de l'Education, que le gouvernement de la province laissent se prolonger sans cesse et qui sont l'un des multiples éléments qui constituent le tableau à la base de la crise scolaire actuelle.

Sixièmement, retards dans l'approbation des contrats de transport d'écoliers dont on n'a pas parlé lors de l'étude des crédits du ministère de l'Education.

Septièmement, retards dans les paiements des subventions aux commissions scolaires qui n'ont pas été réglés et se sont aggravés depuis le mois de juin 1968.

Huitièmement, emprunts bancaires à court terme pour financer les salaires et autres dépenses courantes qui s'élèvent à un chiffre astronomique d'environ $200 millions.

Neuvièmement, aujourd'hui, cet automne, pas le printemps dernier, des professeurs pas payés dans des commissions scolaires.

Voilà autant de problèmes auxquels ont à faire face les administrateurs scolaires.

Une deuxième catégorie de problèmes, maintenant, ceux auxquels les professeurs ont à faire face. Mentionnons, tout d'abord, ces négociations qui n'aboutissent pas, qui traînent en longueur, sans jamais se régler. Je n'ai pas l'Intention de faire un débat sur cette question, mais je veux la mentionner comme un élément d'une grande importance dans le tableau que je suis en voie de dresser. Voilà plus d'un an que les véritables négociations ont commencé et où en est-on vraiment? Il s'ensuit un climat d'insécurité, avec le spectre permanent d'une grève de professeurs comme une épée de Damoclès sur la tête des élèves, des parents tout autant que des professeurs. Il s'ensuit aussi un ralentissement du travail chez les professeurs. On sait jusqu'à quel point, dans presque toutes les commissions scolaires, les enseignants sont rendus à faire uniquement le strict nécessaire en vertu de leurs conditions d'engagement, enlevant tout esprit, tout coeur au travail et se refusant à toutes les tâches incidentes qui requièrent depuis toujours, du temps supplémentaire non compté de leur part et qui, aujourd'hui, placent les administrations scolaires dans une situation impossible.

En rapport avec les professeurs, il y a toute la question de la formation des maîtres à laquelle le chef de l'Opposition a fait allusion en passant. On se trouve ici, selon le témoignage du Conseil supérieur de l'éducation, selon le témoignage des enseignants, selon le témoignage de combien de groupements, devant l'absence à peu près totale d'une politique rationnelle de la formation des maîtres, absence qui s'élargit de jour en jour et qui élargit le fossé séparant l'enseignement donné aux futurs maîtres et l'enseignement que ceux-ci seront appelés à dispenser dans les écoles.

Les organismes qui ont été créés par le ministère jusqu'à maintenant, pour orienter et mettre en marche la réforme scolaire dans la formation des maîtres, n'ont rien produit qui vaille outre que le règlement numéro 4, et le programme-cadre de la formation des maîtres.

Rien de concret n'a été réalisé jusqu'à maintenant alors qu'on sait, selon les statistiques, les projections fournies par le rapport Parent, que d'ici 1971, ce sont 30,000 enseignants qu'il faudra former, préparer pour satisfaire aux besoins de nos écoles. Pourtant les écoles normales gouvernementales sont plongées dans la confusion et l'insécurité.

Depuis deux ou trois ans, les écoles normales privées disparaissent une à une, par épuisement, en l'absence de toute politique gouvernementale à leur sujet. Quant à la transition des écoles normales existantes vers les facultés universitaires, les sciences de l'éducation, c'est la confusion la plus complète.

Une troisième catégorie de problèmes, ceux

auxquels les étudiants eux-mêmes ont à faire face. Les problèmes les plus aigus des étudiants gravitent autour des CEGEP, bien sur. Mais, ils touchent inévitablement, le niveau secondaire qui prépare au CEGEP et le niveau universitaire sur lequel débouche, pour tout son enseignement de formation générale, le CEGEP.

Eh bien, dans ce domaine, un premier problème est celui de l'imprécision des conditions d'admission au CEGEP. On n'a pas à fréquenter bien longtemps les étudiants du Secondaire V, dans l'une ou l'autre de nos commissions scolaires régionales, pour se rendre compte du climat d'insécurité qui existe à cause, précisément, du manque de précision des conditions d'admission au CEGEP. Les professeurs, les directions générales de nos commissions scolaires régionales convoquent les étudiants du Secondaire V en séances d'information pour finalement leur dire qu'ils n'ont pas de renseignements suffisamment précis du ministère pour répondre à leurs questions sur les exigences qu'on leur imposera pour leur admission au CEGEP l'an prochain.

Deuxième problème, celui de l'improvisation et du changement tardif des programmes du Secondaire V et du CEGEP. Ici on n'a pas besoin de fréquenter longtemps des élèves de ce niveau ou de fréquenter longtemps des professeurs pour constater qu'au cours du mois de septembre et du mois d'octobre 1968, dans nos écoles, on a reçu des instructions de modifier les programmes des étudiants du Secondaire V qui se dirigent vers les CEGEP, de modifier les programmes des CEGEP eux-mêmes, au point que des étudiants qui se sont vus donner au début de leur année scolaire, au début de septembre, ce qu'on appelle des grilles, des programmes, des calendriers ou des horaires d'étude, se voient imposer des modifications avec des substitutions de cours et cela, je le dis bien, une fois engagés depuis quelques semaines dans leur année scolaire.

Troisième problème auquel les étudiants ont à faire face, celui de la disparition de l'enseignement professionnel.

M. GABIAS: Est-ce que le député de Vaudreuil-Soulanges...

M. GER1N-LAJOIE: Voilà un sujet d'envergure sur lequel il importe particulièrement d'insister parce qu'on sait jusqu'à quel point il a été mis en relief au cours des dernières semaines, par les étudiants et également par diverses catégories d'enseignants...

M. GABIAS: M. le Président, est-ce que le député de Vaudreuil-Soulanges me permettrait une question? Seulement une question, bien poliment, monsieur?

M. GERIN-LAJOIE: Je pense que le ministre pourra poser ses questions plus tard, étant donné les circonstances, le travail du comité.

M. GABIAS: C'est parce que...

M. GERIN-LAJOIE: Je pense qu'il vaut mieux que je continue mon exposé et le ministre pourra...

M. GABIAS: Non, c'est parce...

M. GERIN-LAJOIE: ... répondre aux questions et le ministre des Affaires financières...

M. GABIAS: Institutions.

M. GERIN-LAJOIE: ... pourra poser ses questions au ministre de l'Education...

M. GABIAS: Institutions financières.

M. GERIN-LAJOIE: S'il veut avoir recours à l'ancien ministre, bien, je serai bien disponible.

M. GABIAS: Non, non, mais simplement quelques...

M. GERIN-LAJOIE: Alors, M. le Président, on a...

M. GABIAS: Je comprends qu'on ne veut pas que je pose la question?

M. LE PRESIDENT: Non.

M. GERIN-LAJOIE: Récemment, M. le Président,...

M. GABIAS: Très bien.

M. GERIN-LAJOIE: ... on a constaté que ce sujet était non seulement un élément important dans la crise scolaire actuelle mais qu'il pourrait provoquer une crise grave dans toute la vie globale du Québec au cours des années et des générations à venir.

Encore ici, ce n'est pas le langage d'un homme politique, ce n'est pas le langage d'un homme de l'Opposition.

M. GRENIER: C'est votre discours de Bagot.

M. GERIN-LAJOIE: Alors pour ceux qui ne lisent pas les journaux, qui ne sont pas renseignés sur la situation scolaire dans leur comté, je dirai simplement que le mot à mot que je viens d'employer vient des participants universitaires au colloque CEGEP « An 2 » qui s'est tenu récemment à l'université Laval. C'est le langage presque mot à mot du Conseil supérieur de l'éducation, c'est le langage d'un bon nombre d'éducateurs, de professeurs, actuellement engagés dans le système d'éducation du Québec et c'est le langage tenu par un grand nombre d'étudiants eux-mêmes, soit individuellement, soit par les porte-parole de leurs associations.

M. GABIAS: Et parmi eux...

M. GERIN-LAJOIE: Je pense que les députés membres de ce comité et ceux qui sont ici présents sans être membres du comité, feraient mieux de cacher un peu leur ignorance et de s'éviter des rires comme ceux que l'on a entendus tout à l'heure.

Or voilà, M. le Président, que le ministre, dans sa déclaration du 16 octobre...

M. ROY: C'est sans politique. C'estpresque mot à mot mais politisé, comme vous avez le don de le faire. Toujours en dépréciant les autres, vous passez pour un grand homme. Un grand homme dans des escabeaux sans marches, on vous reconnaît.

M. GERIN-LAJOIE: Alors, M. le Président, je vais faire l'honneur au député de Joliette de croire qu'il a un peu plus d'intelligence qu'il en a manifesté et je vais vous répéter ce que j'ai dit...

UNE VOIX: Il ne connaît rien là-dedans!

M. GERIN-LAJOIE: ... et il osera répéter que c'est une phrase politisée et transformée par moi. J'ai dit qu'on a entendu récemment que la situation faite à l'enseignement professionnel au niveau des CEGEP pourrait provoquer au Québec non seulement une crise de l'éducation, mais une crise grave pour le développement de l'ensemble de la société québécoise. Si le député de Joliette croit qu'il y a la moindre nuance de politisation dans une expression ou une formulation comme celle que je viens d'employer, eh bien, qu'il se plaise à le redire. Je pense que les éducateurs, les étudiants et les parents sauront davantage la façon dont ils doivent juger le député de Joliette et ceux de ses collègues qui réagissent comme lui devant un problème aussi sérieux que celui que nous sommes en voie de discuter et qui touche aussi profondément l'avenir non seulement des jeunes qui sont dans les écoles mais de toute une génération de jeunes Québécois et de jeunes Québécoises.

M. le ministre, dans sa déclaration du 16 octobre a eu — j'hésite à employer le mot, il n'est pas vraiment gentil, c'est celui que j'ai pris en note en rédigeant mon document de travail — le ministre a eu, ce que j'appelle l'outrecuidance d'imputer cette situation faite à l'enseignement professionnel aux étudiants eux-mêmes.

A la page 20 du texte remis à la presse le 16 octobre, le ministre disait: « Mais que les étudiants dénoncent le sous-développement des options professionnelles dans les CEGEP, cela me semble équivaloir à condamner les choix libres qu'ils ont fait eux-mêmes en s'inscrivant massivement dans les options préuniversitaires. »

Et le ministre continue — il faut rappeler son texte au complet sur ce sujet en particulier: « Par exemple, nous avons inauguré dans onze CEGEP un cours professionnel en informatique qui est à la fois une technique de pointe et un secteur du marché du travail dont nous savons, après étude, qu'il offre des débouchés très nombreux auxquels le Québec ne pourra suffire dans l'état actuel des choses pour dix ans à venir. Il y a place dans ces onze CEGEP pour 1,500 étudiants en informatique, analystes et programmeurs. A peine 500 étudiants se sont inscrits.

Les besoins connus et identifiés, par un comité consultatif avec l'industrie, se chiffrent à 1,800 analystes et programmeurs par année pendant dix ans. Voilà 18,000 débouchés d'assurés, 18,000 emplois nouveaux dans un seul secteur. « Et je continue la citation: « On pourrait multiplier des exemples semblables mais force nous est de constater que les étudiants ont boudé les options professionnelles même les plus à la mode, cela me paraît regrettable et significatif, l'adéquation de l'économie et de l'éducation ne pourra se réaliser s'il faut ajuster le marché du travail aux orientations scolaires des étudiants. »

Plus loin le ministre dit: « Posé ainsi à l'envers, c'est bien sûr que le problème débouche sur la constestation globale de la société ». Je me demande toutefois si c'est la façon la plus réaliste et la plus constructive pour l'avenir du Québec.

Eh bien, M. le Président, je réponds au ministre de l'Education: Non. La faute, elle n'est pas aux étudiants, pas même pour un iota. Non, M. le Président, il n'y a pas besoin, comme le ministre le dit ailleurs dans sa déclaration,

« de contigentement des orientations » que ce soit à la russe ou autrement; ça, ce n'est pas tiré de sa citation.

M. le Ministre, commencez par organiser un service efficace d'information professionnelle, d'orientation et d'incitation à l'égard des occupations en demande, comme celle dont vous avez donné un exemple; cela fait lamentablement défaut.

Deuxièmement, faites des directives écrites et des séances d'information à l'intention des responsables des inscriptions, des registraires comme on les appelle parfois, dans les CEGEP, pour qu'ils cessent de conseiller à presque tous les jeunes indistinctement de tenter leurs chances dans les options préuniversitaires en leur disant qu'en cas d'insuccès ils pourront toujours tomber, oui tomber, c'est le mot qu'on emploie, en professionnel.

Troisièmement, changez les programmes pour cesser d'exiger, des étudiants en professionnel, presque autant d'études de philosophie et de matières spéculatives que s'ils étaient en préuniversitaire et cela, en plus des études proprement techniques qu'on exige de ces étudiants.

Quatrièmement, changez aussi les programmes pour cesser d'imposer aux étudiants du technique, du professionnel en général, un nombre d'heures par semaine substantiellement plus grand que celui qu'on exige des étudiants en préuniversitaire.

M. le Ministre, si vous savez prêter l'oreille, vous entendrez d'autres suggestions valables de la part de vos fonctionnaires, de la part des éducateurs qui ont quotidiennement la main à la pâte.

Et j'en arriverai ici à la quatrième catégorie de problèmes touchants directement les étudiants, le manque de liaison entre l'école et le monde du travail, problème qui n'est pas nouveau, bien sûr, problème qui n'est pas d'aujourd'hui, ni d'il y a un an ni d'il y a deux ans bien sûr, mais problème qui, loin d'être envoie de solution, est en voie de pourrissement. On pourrait donner de multiples exemples, de multiples illustrations des formes que prend ce manque de liaison entre l'école et le monde du travail.

Qu'est-ce qu'on fait dans votre ministère M. le Ministre, par exemple, pour régler le problème suivant, qui se présente dans diverses régions rurales et pratiquement dans tous les milieux du Québec, situation comme celle des étudiants qui sortent du niveau de l'enseignement de métiers, comme c'était le cas jusqu'à maintenant.

Ils sortent de l'enseignement de métiers au mois de juin dernier, avec les spécialités dans lesquelles on les forme, dans ces écoles ou à ce niveau d'enseignement. Ils se présentent sur le marché du travail mais ne peuvent pas trouver d'emplois à cause des règlements des corporations professionnelles ou des comités paritaires, ou d'autres groupements qui regroupent les diverses occupations, les diverses professions.

On sait jusqu'à quel point, dans le milieu du travail, on exige un apprentissage. Qu'est-ce qu'on fait, M. le Ministre, à votre ministère, au ministère du Travail, au gouvernement de la province en général, pour s'assurer que nos jeunes, qui sortent de nos écoles de métiers et qui sortiront demain des options professionnelles de l'enseignement secondaire — et la même chose s'appliquera vraisemblablement à ceux qui sortiront des options professionnelles des CEGEP - ne se voient pas fermer la porte au travail, dans les diverses occupations pour lesquelles ils ont été préparés.

Je pourrais, et les députés en cette Chambre pourraient donner des exemples, comme le député de Charlevoix, par exemple, des cas bien précis, un relevé statistique fait sur un nombre considérable d'étudiants qui, au sortir de l'école de métiers, se sont vu refuser l'entrée dans des métiers, se sont vu refuser l'entrée à l'apprentissage et ont été obligés d'aller gagner leur vie dans la coupe du bois ou autrement, et perdre à jamais le bénéfice, vraisemblablement à jamais, des études qu'ils ont faites et de la préparation spécifique qu'ils ont reçue pour une fonction de travail.

On pourrait parler de tous ces comités de liaison entre l'école et le monde du travail. Le ministre a parlé, dans sa déclaration du 16 octobre, d'un certain nombre de comités, une vingtaine ou une trentaine qui fonctionnent régulièrement depuis deux ans pour assurer la liaison entre la direction générale de l'enseignement collégial et le monde de l'industrie. Eh bien, le ministre pourrait sûrement nous donner la liste de ces comités, la liste des membres qui en font partie, la date de formation de ces comités, le nombre de séances qu'ils ont tenues.

M. le Président, je peux affirmer une chose sur laquelle le ministre n'a jamais donné de renseignements contraires. C'est qu'il existait, il y a deux ans, un grand nombre de comités de liaison entre des écoles de métiers ou instituts de technologie, entre des institutions scolaires locales et le monde du travail. Or, ces comités de liaison ont été laissés en veilleuse depuis ce temps. Et je parle en pleine connaissance de

cause, après avoir eu l'occasion de parler personnellement à certains membres de ces comités dans certains milieux de la province, et en plus d'avoir entendu des témoignages venant par des intermédiaires.

Cinquième problème auquel les étudiants ont à faire face, l'imprécision des conditions d'admission à l'université.

M. le Président, est-ce que les membres de cette Chambre, les membres de ce comité, est-ce que le ministre de l'Education et ses fonctionnaires, est-ce que les autres membres du conseil des ministres n'ont pas entendu de nombreux étudiants des CEGEP manifester à haute voix et à répétition leur inquiétude profonde résultant de l'imprécision des conditions d'admission à l'université, au sortir des CEGEP? On répète aux étudiants, c'est le cas des professeurs et des dirigeants de nos institutions, que tout le monde qui sera passé par les options de formation générale ne sera pas nécessairement admis à l'université, qu'il n'y aura pas de place pour tout le monde et qu'on ne sait pas les conditions qui seront imposées pour l'admission en telle ou telle faculté. On parle souvent en termes de pourcentage dans les résultats scolaires. Faudra-t-il 65% de réussite aux examens pour être admis à l'université? Faudra-t-il 70%, 75%, 80%?

M. le Président, sous l'ancien système, un étudiant qui avait son B. A. savait qu'il avait automatiquement une entrée à l'université, sauf, peut-être, en faculté de médecine. Partout ailleurs, l'admission était automatique. Il fallait changer le système pour toutes les raisons mises clairement de l'avant par le rapport Parent, mais il ne fallait pas, en transformant notre système, créer un tel état d'imprécision et de désarroi au point que les étudiants, en entrant au CEGEP, ne puissent pas savoir quels résultats ils devront obtenir pour se voir assurer l'accès à l'université.

Vous voyez d'ici la situation qu'on est en train de créer pour un nombre évidemment inconnu, mais vraisemblablement considérable, de jeunes garçons et de jeunes filles. On les laisse s'engager dans les études de formation générale, donc préuniversitaires, ne préparant à aucune fonction de travail, pendant deux ans de CEGEP, et à la fin de ces études de CEGEP, il peut se trouver qu'on dise à ces étudiants : La porte de l'université vous est fermée.

C'est une situation intolérable, qui est l'un des multiples éléments qui constituent le tableau de la crise scolaire.

Sixième problème auquel les étudiants ont à faire face: le problème de manque de places à l'université et spécifiquement pour les étudiants de langue française dans la grande région mé- tropolitaine de Montréal, ce qui pose le problème de la deuxième université de langue française à Montréal.

Dans sa déclaration du 16 octobre le ministre prend des pages et des pages pour nous dire qu'il a beaucoup étudié, que ses fonctionnaires et certains autres collaborateurs extérieurs au ministère ont beaucoup étudié et que le ministre est maintenant prêt à entrer dans une phase qu'il appelle - au ministère de l'Education on a toujours un langage bien à soi - de la planification active.

On a planifié, depuis un an, depuis deux ans, depuis trois ans, depuis quatre ans. Maintenant on va faire quelque chose qui n'est pas de la planification, ça va être de la planification active. Eh bien, que ce soit de la planification active ou de la planification tout court, ce n'est pas ce dont la population du Québec, ce n'est pas ce dont les étudiants du Québec ont besoin. C'est de l'action, c'est de la mise en oeuvre. Ce sont des choses concrètes dont la population du Québec a besoin.

Et en ce qui concerne l'établissement d'une seconde université de langue française à Montréal, je trouve fantastique, mais de façon fort décevante, que le ministre consacre tant de pages dans sa déclaration du 16 octobre, à nous dire que depuis qu'il est là, qu'avant qu'il soit là, pendant que le premier ministre actuel était ministre de l'Education, on a beaucoup étudié. Je ne sais pas si le ministre actuel de l'Education fait abstraction des études faites par la commission Parent, dont elle a rendu compte dans son rapport? Je ne sais pas si le ministre de l'Education fait abstraction du rapport du comité d'étude présidé par M. Guy Rocher, qui a été remis au ministère de l'Education autour de décembre 1965. Je ne sais pas si le ministre de l'Education fait abstraction de tout le travail qui avait été fait avant son arrivée, avant même l'arrivée de son prédécesseur immédiat au ministère de l'Education, par les fonctionnaires de ce ministère.

Et ce qu'il y a de plus grave, c'est que le ministre, avec une assurance qui pourrait être désarmante si on ne connaissait pas le fond du problème, nous dit, à la télévision, depuis quelques semaines, il nous a dit à ce comité, déjà, il nous a répété, par la voie de sa déclaration aux journaux, il nous a dit tout à l'heure qu'elle va être faite, l'université du Québec et que, en particulier le campus de Montréal va être ouvert au mois de septembre 1969.

Eh bien, je dis que le ministre se prépare et prépare malheureusement au Québec tout entier, au sujet de cette deuxième université française à Montréal, une nouvelle crise. Le

ministre de l'Education en préparant, en ayant préparé, en ayant continuellement préparé, selon ce qu'il dit, en catimini, en comité du ministère, en comité restreint avec quelques groupes extérieurs, son projet de deuxième université française à Montréal, je dis que c'est tout le contraire, de la façon dont on doit aujourd'hui, procéder, de la façon qui fait l'objet des revendications fondamentales du monde de l'éducation, que ce soit chez les étudiants, chez les professeurs, chez les administrateurs scolaires, la méthode de la participation.

Le ministre nous dira qu'il a engagé la participation de certains milieux extérieurs en communiquant des notes, en communiquant la substance d'avant-projets, à des associations étudiantes, à des universités ou associations d'universités, à d'autres associations du monde de l'enseignement, que ce soit dans le domaine de la formation des maîtres, dans quelque autre secteur particulier de l'éducation.

Mais, ce que je dis aujourd'hui, c'est que ce genre de participation est fort insuffisant. C'est une participation qui a été utilisée au ministère de l'Education depuis des années. C'est une participation qui a fait la démonstration de son insuffisance. A preuve, le retrait des étudiants de la plupart des comités conjoints du ministère de l'Education. C'est une méthode qui est absolument insuffisante et insatisfaisante pour l'ensemble des secteurs de la population qui s'intéressent au développement de l'éducation.

Quand le ministre nous dit dans sa déclaration que le projet est rendu sur la table du conseil des ministres, quand le ministre nous dit qu'il faudrait bien que le projet soit adopté par le Parlement du Québec avant la fin de 1968, donc d'ici deux mois, pour que l'affaire soit juridiquement sur pied au début de 1969, je dis que le ministre se condamne lui-même. Il avoue d'avance que son projet ne peut pas se réaliser. Le ministre doit savoir tout de suite qu'il ne peut pas compter sur les députés de cette Chambre, ni d'un côté ni de l'autre, je l'espère, pour adopter, en l'espace de quelques heures, ou en l'espace de quelques jours, quelque projet que ce soit qu'il nous soumettra.

Si le ministère de l'Education, avec le travail de ses deux ministres successifs depuis deux ans et demi, le travail de ses fonctionnaires relativement nombreux — jamais de façon suffisante probablement — ses fonctionnaires compétents et expérimentés, si les collaborateurs extérieurs dont il a pu utiliser les services ont mis des années à réaliser le projet qui nous sera soumis éventuellement, si des groupements étudiants, si le Conseil supérieur de l'éducation ont mis des semaines, sinon des mois à étudier des projets qui leur ont été soumis par le ministre de l'Education, je pense bien qu'il ne doit pas s'attendre que les députés de cette Chambre, tenus dans l'ignorance totale de tout ce qui s'est fait à ce sujet, depuis deux ans, tenus dans l'ignorance de tous les documents qui ont été mis en circulation, tenus dans l'ignorance de toute information dont disposaient les fonctionnaires, dont ont été mis au courant les divers collaborateurs extérieurs ou les différentes associations extérieures, pourront, en l'espace de quelques jours, absorber toute cette matière, faire les consultations qui s'imposeront, parce qu'aucun des membres de cette Chambre n'a la science infuse, faire à l'Assemblée législative et en comité les débats qui s'imposeront. Tout cela en l'espace de quelques jours.

Le ministre ne fait pas que se tromper, ce serait en pareille hypothèse manifester un profond mépris, ce serait — je le mets au conditionnel — un profond mépris du Parlement. Si les fonctionnaires et les corps extérieurs ont eu des mois et des années pour étudier la chose, les députés auront droit, dans l'intérêt public, à un certain nombre de semaines pour étudier la chose en faisant les consultations extérieures qui s'imposeront.

Devant une pareille situation, je ne vois pas comment le ministre peut espérer réaliser son projet d'avoir une loi adoptée avant la fin de 1968, surtout qu'aucun projet de loi n'est actuellement devant la Chambre, surtout que le premier ministre, dans ses conversations avec le chef de l'Opposition, conversations auxquelles il a été fait écho à l'Assemblée législative hier, n'a fait aucune allusion à la possibilité même qu'un tel projet de loi soit présenté. Conversations au cours desquelles le premier ministre a dit au chef de l'Opposition qu'on allait, au cours des prochaines semaines, finir le plus rapidement possible la session commencée et liquider les choses déjà connues, les choses déjà rendues publiques en plus de quelques projets de loi spécifiques qui ont été énumérés par le premier ministre au chef de l'Opposition, projets au nombre desquels ne se trouve rien qui ressemble de près ou de loin à un projet de constitution d'une seconde université de langue française à Montréal ou d'un projet de constitution d'une université du Québec.

Il y a un septième problème auquel les étudiants ont à faire face — je ne m'y attarderai pas, parce que d'autres y ont fait écho substantiellement, le chef de l'Opposition lui-même en dehors de cette Chambre, bien d'autres — celui

du financement des études collégiales et universitaires. Le problème de la gratuité sur lequel le gouvernement n'annonce aucune politique, aucune calendrier de réalisation. Il y a tout le problème des normes d'octroi, des certificats de prêts et des bourses, normes qui changent en plein début d'année scolaire.

Troisièmement, problème d'imputation d'un revenu de travail d'été, même à tous les étudiants qui n'ont pas travaillé de l'été et auxquels le chef de l'Opposition a non seulement fait allusion mais dont il a parlé en détail, parce que la situation économique qui prévaut au Québec n'a pas permis de trouver de l'emploi.

Quatrièmement, le problème des taux d'intérêt des prêts aux étudiants, intérêt qui a été porté récemment de 5 3/4% à 7 5/8%. Augmentation de taux d'intérêt qui justifie combien complètement les objections que l'Opposition libérale avait faites à l'adoption du projet de loi des prêts et des bourses en décembre 1966, alors que nous avions critiqué le gouvernement de ne pas inscrire dans le texte de loi le taux d'intérêt des prêts qui seront chargés aux étudiants, alors que sous l'ancienne loi, l'intérêt était fixé par la loi et ne pouvait pas être majoré par simple arrêté en conseil.

Cinquième problème de financement des études, celui des retards inouïs, non seulement de ceux dont nous avons parlé au mois de juin, dans l'octroi des bourses, dans l'octroi des certificats ou autorisation de prêts, mais de ceux qui existent même encore aujourd'hui, au mois d'octobre, le 23 octobre 1968, dans la remise des formules pour les demandes de bourses et de prêts.

Il y a finalement, M. le Président, un problème dont on n'a pas parlé, je pense, en public, depuis le changement de gouvernement. C'est l'ensemble des problèmes relatifs aux fonctionnaires du ministère de l'Education. On sait jusqu'à quel point l'administration d'un ministère dépend de la compétence, du nombre, de l'esprit de travail et de la détermination des fonctionnaires qui appuient le ministre. Eh bien, je dis que le ministre de l'Education est en train, depuis des mois, de miner la confiance de ses fonctionnaires, ce qui a pour effet de nuire substantiellement au fonctionnement du ministère.

On entend déjà, de la part du public, des plaintes au sujet de la politisation du régime de bourses, du choix des professionnels par les commissions scolaires.

C'est Pun des problèmes qui expliquent en partie la crise scolaire. En deuxième lieu, le problème des conseillers spéciaux du ministre qui pénètrent à l'intérieur du ministère pour prendre les décisions à la place des fonctionnai- res ou pour imposer les décisions du cabinet du ministre. Troisièmement, les rumeurs non démenties par le ministre jusqu'à maintenant, donc sources de minage de confiance, rumeurs non démenties et je voudrais bien l'entendre démentir.

C'est Pune des raisons pour lesquelles nous avons convoqué le comité, pour entendre le ministre sur cette question-là comme sur les autres. Rumeurs non démenties, le démembrement plus ou moins prochain du ministère de l'Education...

M. GABIAS: Ce ne sera jamais ce que l'ancien ministre a fait!

UNE VOIX: C'est une habitude de rendre hommage chez eux!

M. GERIN-LAJOIE: ... en transformant l'administration de l'équipement scolaire au ministère des Travaux publics. Ce n'est pas nouveau. Le transfert des services de financement de l'éducation au ministère des Finances, les problèmes du transfert des services d'aide aux étudiants à un ministère comme celui de la Famille et du Bien-Etre social. «Pose croire que des rumeurs comme celles-là ne sont pas fondées. Mais je dis que des rumeurs comme celles-là, qui ne sont pas démenties par le ministre, sont de nature à miner la confiance des fonctionnaires qui ne sont pas renseignés et que le ministre a le devoir de faire la lumière sur des questions comme celles-là tout autant que sur les autres que j'ai mentionnées.

M. GABIAS: Qui vous renseigne?

M. GERIN-LAJOIE: II y a le problème, M. le Président,...

M. GABIAS: Qui vous renseigne?

M. GERIN-LAJOIE: M. le Président, je n'ai pas besoin des interventions, à ce moment-ci, du député de Trois-Rivières. Mais le député de Trois-Rivières doit savoir très bien que tout député en cette Chambre qui est le moindrement à son devoir entend de nombreux témoignages d'administrateurs scolaires et entend de nombreux témoignages de professionnels. Il entend de nombreux témoignages de professeurs, de toutes catégories de citoyens qui sont constamment et quotidiennement par la nature de leurs fonctions, en contact avec les fonctionnaires. On n'a pas besoin d'être en contact direct avec les fonctionnaires du ministère de l'Education pour entendre des rumeurs comme celles-là et j'ai

employé le mot « rumeurs » à dessein, pour que le ministre puisse faire la lumière qu'il jugera à propos de faire.

Je suis bien à l'aise de parler du sujet dont je traite parce que depuis deux ans et demi que j'ai cessé d'occuper mes anciennes fonctions de ministre de l'Education, je me suis abstenu, volontairement, d'entrer en contact directement avec les fonctionnaires du ministère de l'Education. Je m'en suis abstenu par délicatesse. Le ministre actuel et son prédécesseur le savent, je pense, et les fonctionnaires évidemment sont à même d'en témoigner auprès de leur ministre. Les choses dont je viens de parler sont, selon le langage même que j'ai employé, des rumeurs, dans certains cas, des plaintes, dans d'autres cas, des renseignements rapportés que le ministre a le devoir d'éclaircir.

Il y a finalement, M. le Président, la question du gel des dossiers au cabinet du ministre.

M. GABIAS: II lance les rumeurs! J'ai eu le privilège d'apprendre ce matin que le député de Vaudreuil-Soulanges lance ces rumeurs!

M. GERIN-LAJOIE: Je pense que les membres de cette Chambre ont le devoir de se tenir les yeux ouverts. Si nous avions pris la responsabilité, il y a six mois, nous, de cette Chambre, qui étions en contact avec les étudiants, qui rencontrions les divers étudiants comme tous les députés, tous les citoyens de la province et tous les journalistes avaient l'occasion d'en rencontrer...

M. GABIAS: Les leaders de l'UGEQ.

M. GERIN-LAJOIE: ... si nous avions pris la responsabilité...

M. GABIAS: Les leaders de l'UGEQ.

M. GERIN-LAJOIE: ... de parler ouvertement à cette Chambre de ce qui se préparait, des mouvements étudiants qui étaient en train d'être fomentés, pour prévenir le ministre, pour l'inviter à prévenir les coups, on nous aurait accusés, bien sûr,...

M. GABIAS: Les leaders de l'UGEQ.

M. GERIN-LAJOIE: ... comme le député de Trois-Rivières à ce moment-ci veut m'accuser. Notre devoir n'est pas de dire qu'on va ménager telle ou telle personne, qu'on va s'abstenir de faire écho à des choses qui se disent partout dans la province, notre devoir c'est de faire la lumière, c'est de rapporter ce que nous savons, c'est d'exposer des faits, des situations, des malaises, des inquiétudes qui existent dans la population et c'est notre devoir d'inviter le ministre de l'Education, comme c'est le cas dans tous les autres domaines de l'administration provinciale, d'inviter les responsables de l'administration publique à faire le point, à apporter de la lumière, à rassurer s'ils en sont capables les divers secteurs de la population.

Ce n'est pas quand les débats sont soulevés, quand les pots sont cassés, comme dans le cas de la crise scolaire particulièrement aiguë qu'on a vécu depuis trois semaines, qu'il est le plus opportun d'intervenir. Si nous en avions parlé six mois plus tôt, si le ministre avait posé des gestes dans un grand nombre des sujets que nous venons de toucher, six mois plus tôt, je pense que la crise scolaire n'aurait pas connu l'acuité qu'elle a connue.

M. GABIAS: Est-ce que le député a consulté les leaders de l'UGEQ?

M. GERIN-LAJOIE: M. le Président, j'ai donné une longue énumération de problèmes.

M. GABIAS: Les leaders de l'UGEQ?

M. GERIN-LAJOIE: Certains diront que c'est un long réquisitoire. Pourtant je n'ai fait qu'effleurer un ensemble de problèmes auxquels on a fait face dans le domaine de l'Education. Tout cela, pour employer le langage du ministre de l'Education, ce n'est pas un contexte mondial d'éveil de la jeunesse, c'est un contexte bien québécois, un contexte qui relève de la responsabilité du ministre de l'Education du Québec et qui relève de la responsabilité du gouvernement du Québec. C'est dans ce contexte strictement québécois, que le ministre de l'Education invite les étudiants et invite les professeurs au dialogue.

Le ministre oublie-t-il que le dialogue suppose la confiance, et croit-il vraiment qu'une administration aussi incohérente et aussi inerte que celle du ministère qu'il dirige depuis un an, inspire confiance à ceux qui s'occupent directement de l'éducation et à l'ensemble de la population?

Ce comité est réuni pour permettre au ministre d'apporter toute la lumière possible sur la question. Je n'ai pas touché le problème fondamental de la participation réelle, par opposition à une participation seulement nominale des étudiants à la marche de nos institutions scolaires. Cette question, en particulier, ne peut pas se régler par des gestes administratifs ou législatifs de la même façon que la gran-

de partie des questions que f ai soulevées tout à l'heure.

Cette question fondamentale de la participation des étudiants à la marche de nos institutions scolaires, que ce soient les CEGEP, que ce soient les universités, que ce soient d'autres institutions, elles se réglera progressivement dans le dialogue et par le développement de relations nouvelles à l'intérieur même de chacune des institutions scolaires et avec l'assentiment du ministère de l'Education. Mais ce dialogue, ce développement de relations nouvelles suppose précisément comme condition préalable la confiance que je viens de mentionner. Cest donc là, sur le plan de la confiance, que doit se situer le premier objectif du ministre de l'Education.

En terminant cette intervention, je dirai que si j'ai employé par moments un langage qui a pu paraître dur ce n'est pas à cause des sentiments que f entretiens à l'égard du ministre ou de ses collaborateurs, mais c'est uniquement pour traduire la profondeur de l'inquiétude et du malaise que ressentent un très grand nombre de jeunes, un très grand nombre des parents et des éducateurs du Québec. C'est au sujet de cette inquiétude et de ce malaise que nous attendons du ministre de l'Education des explications, des choses précises et des gestes concrets au cours des prochains jours en commençant par 1'énumération qu'il nous en donnera à la séance de ce comité.

M. CARDINAL: M. le Président.. M. LE PRESIDENT: Un instant!

UNE VOIX: M. le Président, sur un point de règlement.

DES VOIX: II n'a pas le droit de parole.

M. LE PRESIDENT: Un instant, M. Cardinal s'il vous plait, vous avez la parole... A l'ordre: s'il vous plaît, à l'ordre!

UNE VOIX: Le chef ne veut pas qu'il commence à parler.

M. GABIAS: II vous a bâillonné, votre chef!

M. CARDINAL: M. le Président, s'il vous plaît...

M. LAPORTE: M. le Président, j'invoque le règlement. Nous avons accordé tout à l'heure, en suspendant l'application de l'article 429 de notre règlement, le droit de parole à un membre du Conseil législatif.

M. LOUBIER: C'est vous qui l'aviez invité à parler.

M. LAPORTE: Il n'est pas un député à l'Assemblée législative. Est-ce que je dois comprendre qu'après avoir suspendu l'application du règlement 429 pour permettre à un non-député, pour qui nous avons d'ailleurs beaucoup de respect, d'adresser la parole à ce comité, on va maintenant interdire la parole à un député? J'aimerais qu'on réponde à cette question-là.

M. LE PRESIDENT: M. Cardinal, s'il vous plaît, a la parole.

M. LAPORTE: Vous avez tout à l'heure avec beaucoup de sérénité, ce dont vous faites preuve actuellement, demandé un vote sur la suspension de l'article 429: Ni les étrangers, ni les députés...

M. GABIAS: Vous avez demandé d'entendre M. Cardinal et vous ne voulez plus l'entendre.

M. LE PRESIDENT: M. le député de Trois-Rivières.

M. LAPORTE: M. le Président, est-ce que je peux vous poser une question? Est-ce que l'article 429 est suspendu ou s'il ne l'est pas?

M. GABIAS: Le député de Chambly...

M. BELLEMARE: Suivant les procédures, il ne reste qu'une demi-heure, puis vous voulez faire de la procédure, vous voulez empêcher le ministre d'avoir le temps de répondre.

M. LAPORTE: Je pose une question.

M. BELLEMARE: C'est clair, on a eu deux heures, on a enduré pendant deux heures. Un peu de « fair play ». Donnez donc au ministre la chance de répondre au lieu de tuer le temps sur la procédure!

M. LESAGE: M. le Président, tout ce que nous demandons, c'est que l'article 429 ne s'applique pas aux députés et qu'ils puissent à leur tour adresser la parole. Nous n'avons certainement aucune intention de demander la parole avant le conseiller législatif. Tout simplement, étant donné que nous avons suspendu l'application de l'article 429 — cela prend deux secondes — en ce qui concerne M. Cardinal, il devrait l'être, a fortiori pour les députés de l'Assemblée législative.

M. GABIAS: M. le Président, j'avais la parole.

M. LESAGE: Nous ne demandons pas que la parole soit donnée au député de Gouin. Nous demandons que son droit soit reconnu et immédiatement M. Cardinal prendra la parole. Il n'y a pas de question de procédure, c'est aussi simple que cela.

M. GABIAS: C'est aussi simple que ça, c'est une manoeuvre maladroite de la part de l'Opposition.

M. LESAGE: M. le Président, le député n'a pas le droit de dire que c'est une manoeuvre.

M. GABIAS: C'est une manoeuvre maladroite de la part de l'Opposition.

M. LESAGE: S'il veut une chicane de procédure, on va la faire. Nous n'en voulons pas, nous.

M. GABIAS: Hier, en Chambre, l'Opposition a fait une motion non annoncée, par laquelle elle a substitué deux de ses membres pour que ce matin deux autres membres aient le droit de parole. Ceux qui ont été substitués ont été le chef de l'Opposition et le leader parlementaire. Si, à ce moment, l'Opposition avait voulu que le député de Gouin prenne la parole, c'était d'en substituer un troisième. C'était aussi simple que ça.

M. LAPORTE: M. le Président, il y a une question claire qui a été posée. On va laisser parler le ministre sans hésitation. Est-ce qu'il est admis que tous les députés, membres ou non du comité, auront droit de parole, l'article 429 ayant été suspendu? J'aimerais que le président réponde.

M. LE PRESIDENT: Nous avons changé les noms des députés hier soir. On aurait pu changer le nom du député de Gouin.

M. LAPORTE: Est-ce que l'article 429 est suspendu, oui ou non?

M. BOUSQUET: M. le Président, je pense qu'on s'était entendu pour donner d'abord la parole à M. Cardinal. En tout cas, on l'a accepté, à la suite du chef de l'Opposition et du député de Vaudreuil-Soulanges. Pourquoi ne s'en tient-on pas à cela?

M. GABIAS: C'est une manoeuvre maladroite.

M. LE PRESIDENT: Il y a deux députés de l'Opposition qui ont eu la parole. Il me semble qu'il reviendrait au ministre de répondre.

M. LAPORTE: La question que l'on vous pose n'est pas celle-là, Cela va être simple, ça. va être réglé. Est-ce que l'article 429 est suspendu, oui ou non? Qu'est-ce que nous avons fait tout à l'heure quand nous avons voté?

M. LOUBIER: J'ai été celui qui a proposé le vote. Et, à ce moment-là, j'ai eu le soin de souligner que je ne voulais pas faire de chinoiseries de règlement. Le vote ou la proposition que je faisais était à l'effet de laisser parler M. Cardinal. Il n'a pas été question, à ce moment-là, de suspension de l'article 429.

M. LAPORTE: Vous insistiez pour que vos collègues n'aient pas la parole.

M. LOUBIER: Ce n'est pas cela, M. le Président, mais le sens du vote sur lequel on s'est prononcé, — j'ai pris la peine de le souligner, en disant que je ne voulais pas verser dans les chinoiseries de règlement, citer les articles — se résumait à donner la parole I M. Cardinal.

M. CARDINAL: M. le Président, s'il vous plait. Je pense qu'on peut se poser la question après plutôt qu'auparavant et me permettre de répondre.

J'ai laissé parler le député de Vaudreuil-Soulanges, après que M. le chef de l'Opposition se fut exprimé. Vous vous rappelez ceci?

M. LESAGE: Vous l'avez laissé parler...?

M. CARDINAL: J'avais demandé la parole, M. le chef de l'Opposition, si vous vous en rappelez. C'est enregistré aujourd'hui.

M. LESAGE: J'ai laissé parler!...

M. GABIAS: C'est un langage plus poli que celui du chef de l'Opposition!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BELLEMARE: Si on avait voulu vous répondre...

M. LESAGE: J'ai dit cela en riant! M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. CARDINAL: M. le Président, nous devions parler de la crise scolaire et j'ai réalisé

qu'à un moment l'Opposition semblait enfin vouloir élever le débat. Malheureusement, on sait que, vers la fin, on est revenu à des choses qui ne concernaient même pas la crise scolaire. De toute façon, les réponses à ces mille questions qui ont été posées existent. Certaines réponses ont déjà été données. C'est à se demander si l'Opposition lit et écoute. Les autres réponses pourraient être données. C'est évidemment une question de temps.

Et quand je parle de réponses, il faudrait reprendre chacun de ces deux discours pour voir les répétitions, les contradictions, et même l'évocation de rumeurs.

Je préfère m'en tenir aux principes, et essayer de reprendre, puis-je dire dans l'ordre, ce qui a été si longuement exprimé cet avant-midi.

Au début de son intervention, le chef de l'Opposition, à plusieurs reprises, est revenu en parlant de CEGEP, au singulier ou au pluriel, qui seraient occupés. C'est un détail, un détail quand même important dans cette crise. J'ai un bulletin de conjoncture au 23 octobre 1968, à 9 h 30. A ce moment-là, aucun collège d'enseignement général et professionnel n'était occupé. La faculté des sciences sociales de l'université de Montréal était occupée en partie, à la suite d'un vote, pour l'occupation, de 700 étudiants sur un nombre qui dépasse 2,000 à cette faculté.

A l'université Laval, malgré un vote contre l'occupation, les locaux de l'administration étalent encore occupés et les locaux des Beaux-Arts sont présentement occupés. Je fais grâce des détails que Je pourrais donner autour de ces renseignements.

Le chef de l'Opposition a aussi mentionné au début de son intervention que je n'aurais peut-être pas admis la contestation. Je pense que le texte qu'il a si souvent cité en partie, selon ce que cela faisait son affaire ou non, indique clairement au contraire qu'à plusieurs reprises, et pendant la crise, et avant la crise, j'ai accepté cette contestation, j'ai rencontré les étudiants. Et je dirai au député de Vaudreuil-Soulanges que ce n'est même pas il y a six mois que ceci était prévisible. Cela était même prévisible avant. Dès décembre 1967, j'avais invité l'UGEQ à me rencontrer. J'ai aussi rencontré les étudiants en juin. Je les al aussi rencontrés en septembre. J'ai rencontré les étudiants, avant que ne commence la crise, à la télévision, ils étalent les représentants de presque toutes les associations étudiantes.

J'ai continué à les rencontrer pendant cette crise, la dernière rencontre ayant eu lieu au CEGEP de Limoilou, jeudi dernier, alors que j'ai rencontré les représentants étudiants de dix-neuf collèges d'enseignement général et professionnel.

L'accès à l'université, l'accès au marché du travail, le « fouillis » invoqué dans les prêts-bourses, la formation technique et professionnelle, la programmation des collèges d'enseignement général et professionnel sont tous des sujets qui se rapportent directement à cette crise. Et malgré les affirmations des deux personnes qui se sont exprimées avant moi, malgré la négation que l'on veut faire à l'effet qu'il y a un phénomène, non pas dans tout le Québec mais de la terre, un phénomène étudiant et de jeunesse, il ne faut pas rattacher cette crise à de petits détails de rumeurs, à des questions administratives — cette crise aurait eu lieu de toute façon au Québec — et ce n'est pas ce qui s'est passé lors des débats sur les crédits au mois de juin, ni même le colloque sur les CEGEP qui a pu créer la crise, ce colloque n'a pu qu'être l'occasion qui a été donnée aux étudiants, non pas de la faire débuter, elle avait commencé, mais de la manifester d'une façon plus publique.

Je reviendrai sur chacun de ces sujets. Quant à la question de langue, sur laquelle, pendant la crise de Saint-Léonard, l'Opposition s'est bien installée dans le silence, il est certain que le premier ministre...

M. GERIN-LAJOIE: M. le Président, je me dois de soulever une question de règlement et de privilège. Les membres de l'Opposition, le chef de l'Opposition en tête et plusieurs de ses collègues sont intervenus sur cette question lors de l'étude des crédits du ministère de l'Education, ici-même, alors que le premier ministre du temps est venu prêter main-forte au ministre de l'Education, qui selon jugement du premier ministre, je suppose, en avait bien besoin...

M. GABIAS: Comme vous, vous avez prêté main-forte à votre chef.

M. GERIN-LAJOIE: ... et nous avons pris position très clairement sur l'attitude à prendre dans cette crise de Saint-Léonard.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. LESAGE: La vérité a ses droits, tout de même!

M. BELLEMARE: Si la vérité a ses droits, nous aurions pu répondre à votre discours, tout

à l'heure, presque mot à mot, parce qu'il y avait des contradictions flagrantes avec ce qui existait et ce qui existe aujourd'hui.

M. LESAGE: Vous nous conterez ça.

M. CARDINAL: M. le Président, si on m'avait laissé finir ma phrase, on n'aurait pas eu besoin de question de privilège. Dans la question de Saint-Léonard, il est exact, je le reconnais, que des débats ont été tenus en juin sur le début de cette crise alors qu'il s'agissait de l'élémentaire. Si j'avais pu terminer ma phrase, j'aurais repris ce dont a parlé tantôt le chef de l'Opposition, la question de l'école Aimé-Renaud, qu'il a restreinte à une question purement physique. Je reviens donc au fil du sujet.

M. GABIAS: Il a gardé le silence.

M. CARDINAL: Il faut noter que, dans cette crise, les étudiants eux-mêmes n'ont jamais contesté les CEGEP. Jamais ce niveau d'enseignement qui est nouveau — et c'est une des raisons pour lesquelles il est plus dynamique — n'a été contesté par les étudiants. Ils ont eux-mêmes, contrairement à l'Opposition, porté le débat sur un plan beaucoup plus élevé. Puisque l'Opposition a fait de cette crise un débat où l'on veut attaquer le gouvernement, attaquer le ministre, j'aurais pu, dans mon premier exposé, demander ce qu'on a fait entre 1960 et 1966 pour le regroupement des commissions scolaires, la formation des maîtres, l'enseignement supérieur, le renouveau pédagogique.

Si rien n'est fait encore aujourd'hui, je me demande ce qui a été fait alors. Les causes de cette crise, je les ai brièvement rappelées dans ma courte déclaration du début. Je les ai reprises dans cette déclaration du 16 octobre, qui n'a été citée qu'en partie, et qui a d'abord été distribuée, non par l'Office de l'Information, mais d'abord par le ministère.

Il est évident que, par la suite, des copies ont été mises à la disposition de tous les députés, de tous les étudiants, du public en général et des moyens d'information.

Les CEGEP ont été créés par le bill 21, loi du 17 juin 1967. Ce n'est pas à compter de ce moment qu'il y a eu improvisation. Déjà, au ministère, on le sait, un travail énorme avait été accompli, particulièrement au cours de Fannée qui venait de s'écouler et, par conséquent, les premiers collèges, au nombre de douze qui se sont ouverts au début de septembre 1967, et les onze autres qui se sont ouverts à la rentrée 1968 n'ont pas été improvisés, loin de là.

Les programmes d'étude ont été étudiés avec soin et l'Opposition elle-même reconnaît que des comités mixtes ont fait un excellent travail. Mais, dans cette création des collèges, il faut voir les problèmes comme ils sont, les voir en face, et surtout, ne pas les politiser pour en faire des éléments de discussion purement partisans. Il y avait dans la création des CEGEP inhérente à la création de nouveaux niveaux, de niveaux gratuits, d'une démocratisation de l'enseignement, un certain nombre de problèmes qu'il fallait prévoir et dont certains, d'ailleurs, avaient été prévus dès le rapport Parent.

Devant la chambre de commerce, la semaine dernière, je me suis exprimé assez longuement sur le sujet pour indiquer qu'il était inévitable qu'en offrant à 38,000 étudiants la possibilité de faire 14 ou 15 années de scolarité, de se rendre au seuil de l'université, il est impossible que ces étudiants ne viennent pas en grand nombre, ne s'Interrogent pas sur leur avenir et choisissent selon une tradition qui est peut-être particulière au Québec, selon des traditions qui étaient particulières à certains collèges, des programmes, des options, qui apparaissaient non pas plus faciles, mais qui leur paraissaient plus accessibles.

Dans le texte du 16 octobre, on mentionne que des étudiants ont eux-mêmes boudé certaines options, je ne nie pas ce texte. Et c'est après information prise qu'on peut l'affirmer. Les options en informatique, en aéronautique, en maritime, en administration sont offertes à ces étudiants, et, on le mentionne aussi dans le texte.

Nous mentionnons ces 18,000 postes qui peuvent être ouverts. Mais, il est normal que des gens qui n'auraient même pas pensé à se rendre au collège, qui n'avaient jamais de leur vie eu la possibilité de se rendre jusqu'à l'université, y songent pour le plus grand nombre une fois rendus dans les collèges.

Ceci n'est pas une situation de crise en soi. C'est une situation que non seulement il faut étudier, mais à laquelle des remèdes seront apportés. Lorsque ces collèges ont été créés, non seulement ils ont été créés à partir des collèges classiques, mais ils ont été créés par l'intégration en plusieurs endroits, des collèges dits classiques, des instituts de technologie, des écoles d'infirmières et desautres institutions au niveau collégial qui existaient dans chacune des régions.

Il est vrai que, parce que les contribuables doivent payer pour l'établissement de ces collèges, pour le fonctionnement de ces collèges, pour la gratuité des études dans ces collèges, que tous les collèges qui ont été créés jusqu'à présent l'ont été à partir d'institutions existantes, d'équipement déjà disponible, de profes-

seurs déjà dans l'enseignement, plutôt que de créer, c'est-à-dire de faire des choses nouvelles à partir de rien, d'abandonner d'une part ce qui existait et d'établir des CEGEP, non pas 23 dans deux ans, mais peut-être 23 dans 5 ans, 8 ans, 10 ans.

Lors des débats sur les crédits, ici, les membres de l'Opposition eux-mêmes voyaient un état d'injustice dans le fait que dans certains endroits de leur comté, il n'y a pas de collège.

Il n'est certainement pas possible de prévoir une planification qui permette d'établir un réseau de plus d'une trentaine de collèges en partant absolument de théories, d'idéaux et de principes, sans se servir des forces vives que nous avions dans les domaines que je viens de mentionner. Et c'est ce qui a été fait par le gouvernement pour, en même temps, assurer cette démocratisation de l'enseignement, assurer cette gratuité, permettre à la fois, à des Québécois, à des jeunes, de se rendre au seuil de l'université ou de les mieux préparer au marché du travail.

Je pense que ceci est un fait; on sait qu'il y a présentement 24 corporations de collèges, la vingt-quatrième étant ce collège de langue anglaise de la région de Montréal où la corporation a été créée de façon à permettre aux administrateurs, qui étaient d'abord en comité provisoire, d'établir le plus tôt possible ce collège de langue anglaise, dans la région de Montréal.

C'est un tour de force que d'avoir créé en peu de temps, sans improvisation, à partir de rapport d'une mission qui avait planifié 23 collèges que les plus ardents contestataires n'ont en aucun moment contestés.

M. GABIAS: Très bien.

M. CARDINAL: On a cité à plusieurs reprises mon texte du 16 octobre pour me faire croire que j'avais avoué des choses ou que j'avais reconnu des inepties ou des défauts ou des carences au gouvernement actuel. Il est facile de prendre n'importe quel texte de 25 pages, de le couper et de l'interpréter. Je regrette, ce texte est public, certains journaux l'ont donné en entier et à pleine page et je m'en réfère à l'interprétation qu'en donnera la population intelligente du Québec.

Quant à la planification économique, aucun pays ne peut en un jour planifier son économie. Qu'est-ce que le gouvernement précédent a fait pour, aujourd'hui, se permettre de nous juger et de nous dire où nous en sommes? Qui a créé l'Office du plan? Est-ce que cet office a été créé avant, pendant ou après la crise? Le premier plan français date de 1945. Est-ce que cela a empêché la crise scolaire à Paris et est-ce qu'elle a été dans les proportions que nous avons connues ici? On pourrait comparer aussi, avec d'autres pays — j'y reviendrai peut-être, si j'ai le temps — ...

M. GABIAS: Prenez le temps, prenez le temps.

M. CARDINAL: Les comités professionnels ne sont pas en veilleuse. Je ne vois pas pourquoi il serait nécessaire de dire les jours et les heures de leurs réunions, le nom des personnes qui les composent et tout le reste. Il y a parmi ces comités, présentement, un sur l'aérotechnique au niveau collégial, qui a remis son rapport en juillet 1967. Il y en a un sur les archives médicales au niveau collégial qui a remis son rapport en juin 1968. Il y en a un en bibliothéconomie au niveau collégial dont nous attendons les recommandations. Il y en a un en foresterie au secondaire et au collégial qui a remis son rapport en août 1968. Il y en a un en imprimerie au secondaire où les études sont en cours. Il y en a deux en informatique au niveau collégial dont les rapports sont entrés en août 1968. Il y en a un en métallurgie au secondaire et au collégial, rapport en août 1968. Il y en a un sur les meubles et bois ouvrés, secondaire et collégial, rapport déjà remis. Il y en a un sur les mines, secondaire et collégial, rapport en septembre 1968. Un sur les papeteries, collégial, rapport en juillet 1967. Un sur les pêcheries, secondaire et collégial, rapport en septembre 1968. Un sur la photographie, secondaire et collégial, en août 1968. Un sur le plastique, secondaire et collégial, en septembre 1968.

Un sur la radiologie, collégial, les recommandations sont attendues. Un sur les sciences commerciales, secondaire et collégial, recommandations attendues. Un où il y a des députés, sur les sciences humaines, au niveau collégial. Un fait des études en cours sur les sciences infirmières au niveau collégial. Un autre sur les sciences infirmières, au niveau secondaire, rapport déjà remis. Un sur les techniques dentaires, au niveau collégial, en juillet 1967. Un sur les techniques médicales, qui est à son début au niveau collégial et un sur les textiles, aux niveaux secondaire et collégial, rapport remis au mois d'août 1968.

DES VOIX: Bravo!

M. CARDINAL: Ce ne sont pas les programmes qui sont en cause...

UNE VOIX: Formidable!

M. CARDINAL; La preuve, ce que vous-même nous avez mentionné sur l'informatique! En fait certaines classes sociales, jusque là écartées, peuvent enfin espérer quitter l'école plus tard qu'après une septième année, après une dixième année, après une douzième année, après CPES et ceci est nouveau pour Québec. Ceci, c'est un phénomène qui changera les débouchés qui s'offriront à ces étudiants. Et j'en appelle à une de vos affirmations, lorsque vous parliez des étudiants qui sortaient du niveau des écoles techniques et qui n'étaient plus préparés pour le marché actuel: C'est justement ce phénomène des collèges qui intéresse aujourd'hui d'autres pays que celui du Québec, qui permettra à cette société du Québec de se modifier et d'offrir des débouchés qui n'existaient pas auparavant puisqu'il y aura des hommes préparés pour les remplir et qu'on ne soit pas obligé, comme en informatique, d'importer de l'extérieur pour remplir des postes qui ne sont pas remplis présentement par des jeunes Québécois.

UNE VOIX: Quand même, vous n'avez pas grand succès.

UNE VOIX: A l'ordre!

M. LESAGE: Non, il s'en plaint.

M. CARDINAL: Qu'un gouvernement responsable, par la voix d'un de ses ministres dans un texte publié, identifie clairement les problèmes qui se posent plutôt que de les cacher, je pense que cela ne diminue ni le ministre, ni le gouvernement, mais que cela honore le gouvernement qui a le courage de le faire.

L'économie allemande est l'une des plus dynamiques du monde actuellement, on le re-connaît. Cela a-t-il empêché Berlin, Bonn, Cohn-Bendit? L'on parle de projet de loi pour la deuxième université de langue française. Si l'on référait à ce que j'ait dit depuis le premier décembre 1967, en aucun moment je n'ai promis, je n'ai mentionné, je n'ai dit, je n'ai évoqué qu'il y aurait une loi pour la création de la deuxième université de langue française. J'ai même à la télévision, à plusieurs reprises, et dans plusieurs déclarations, mentionné que ce n'est pas sûr que ce serait une loi et que, très probablement, que ce ne sera pas une loi.

J'ai mentionné dans mon texte, cependant, que la création de cette deuxième université de langue française, dans mon opinion, me paraissait devoir être reliée à une future université que l'on a appelée, et que l'on appelle encore

Université du Québec. Et j'ai mentionné, ce qui est un fait, que le dossier avait été remis au conseil des ministres, non seulement pour étude mais pour exécution.

D'ailleurs, ce ne sont pas les cadres juridiques de cette université qui me préocupent d'abord, mais les cadres pédagogiques et je réfute l'affirmation qui a été faite qu'en aucun moment je me suis exprimé sur ce sujet. Il est exact que je ne me suis jamais exprimé devant la Chambre à ce sujet, puisque je n'étais pas député, ceci est aussi un fait que je reconnais, mais ceux qui ont voulu lire les discours que j'ai distribués à tous les députés depuis que je suis ministre de l'Education, peuvent retrouver dans ces textes plusieurs informations sur la façon dont le ministre a pu considérer dans ces cadres pédagogiques, dans ces structures pédagogiques, dans ces priorités, dans ces urgences, cette deuxième université de langue française à Montréal.

Et je rappelle tout particulièrement que, dès le 31 octobre 1967, dès le 1er décembre 1967 au colloque de l'université de Montréal et en plusieurs occasions, j'ai mentionné que l'une des priorités pour les départements, écoles oufacul-tés de cette université serait la formation des maîtres. J'ai mentionné aussi que cette université ne serait pas construite selon le plan traditionnel que nous avons dans nos universités mais qu'au contraire ce serait une université nouvelle et c'est pourquoi des études longues, importantes ont été accomplies et le seront encore avant que l'université n'ouvre ses portes en septembre 1969.

M. LESAGE: Comment a-t-il pu dans sa déclaration à la presse dire: Dès qu'une loi...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): A l'ordre!

M. LESAGE: ... créant l'Université du Québec sera adoptée, et seulement à ce moment-là j'aurai le pouvoir d'agir? Pourquoi se démentir comme cela?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Le ministre a la parole.

M. CARDINAL: M. le Président, je ne me démens en rien. Dès que la loi de l'université du Québec sera passée, je ne me démens en rien si cela a été publié. Je viens de mentionner et je répète que je n'ai pas parlé de loi d'une deuxième université de langue française.

M. LESAGE: Mais dès que la loi de l'Université du Québec aura été adoptée.

M. CARDINAL: C'est exactement ce que je viens de dire.

M. LESAGE: Oui, mais pourvu que ça vienne!

M. GERIN-LAJOIE: Dès que la loi sera passée les lettres patentes seront émises à l'université à Montréal.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. CARDINAL: Mais s'il y a une Université du Québec, il faut une loi.

UNE VOIX: Il faut une loi. M. CARDINAL: C'est exact

M. LESAGE: Il faudrait que la loi soit passée avant janvier.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! M. LOUBIER: Ne vous fâchez pas!

M. LE PRESIDENT: Lorsque M. Gérin-Lajoie parlait tout à l'heure, le ministre de l'Education écoutait religieusement et sans dire un seul mot. Je demande qu'on écoute religieusement le ministre.

M. CARDINAL: Merci M. le Président. Je regrette, M. le chef de l'Opposition, je ne me suis en rien démenti. J'ai tout simplement répété, en d'autres mots, ce qui était dans ce texte et je ne nie et ne renie aucune des phrases de ce texte. Quant au regroupement des commissions scolaires, je dois rappeler, malgré les affirmations qui ont été faites, que c'est la Fédération même des commissions scolaires qui a demandé de prendre à sa charge le regroupement. Je serais donc surpris qu'ils soient inquiets que le ministère n'ait pas fait adopter une loi ou n'ait pas pris d'autres moyens. Lorsque je les ai rencontrés, en décembre 1967, je leur ai même dit que j'approuvais leur façon volontaire de procéder à ce regroupement pourvu que ce regroupement se fasse dans un délai que j'ai qualifié de court.

Quant à la grève des enseignants, l'on sait que, ces derniers, au lieu d'avoir devant eux uniquement un ministre pour discuter, sont face à un ministre délégué qui représente le gouvernement et que ce ministre n'est pas le ministre de l'Education. Vous savez tous, et je pense que c'est une information que l'Opposition devrait connaître, que le ministre de l'Education ne se désintéresse pas de cette question, au contraire, mais qu'il respecte la responsabilité qui était donnée à un de ses collègues, responsabilité d'ailleurs qu'il assume avec maîtrise quelles que soient les affirmations...

Quant à la planification, si on me permet, au niveau universitaire, l'on sait et les députés le savent, eux qui sont en Chambre, que la loi du Conseil... Je regrette, il n'y a aucune désollda-risation, c'est au contraire une marque de solidarité que de reconnaître la responsabilité d'un collègue et de collaborer avec lui, plutôt que de faire des déclarations à ses lieu et place.

M. GERIN-LAJOIE: Le ministre me permettra de signaler simplement que nous avons...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! UNE VOIX: Il est une heure passée.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. le député, M. le ministre avait la parole.

M. LESAGE: Je crois qu'il y a lieu d'ajourner.

M. LAPORTE: M. le Président, si vous me permettez de dire un mot. Si vous voulez vérifier, je suis membre du comité, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Oui, M. Laporte, de Chambly.

DES VOIX: De Chambly, de Chambly.

M. CARDINAL: Je permets que vous m'interrompiez!

M. LAPORTE: Faites votre discours, M. le Ministre, je vous en prie. Vous êtes ministre, vous allez peut-être finir par dire quelque chose.

UNE VOIX: A-t-il fini sa motion d'ajournement?

M. LAPORTE: Sur la motion d'ajournement, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Allez-y, M. le Député.

M. LAPORTE: Je voudrais, M. le Président, avec l'impartialité exceptionnelle dont vous faites preuve jusqu'ici vous suggérer — peut-être avez-vous même le droit d'écouter les gens de l'Opposition — je voudrais vous suggérer, et à partir de tout de suite, M. le Président — je ne voudrais pas que vous en soyez offusqué, je par-

le très sérieusement — que ce comité étudie a fond le problème de l'éducation. Nous voudrions que vous fassiez un premier rapport à l'Assemblée législative, à la suite de cette première réunion, pour demander, en vertu de l'article 430 que ce comité soit autorisé, en vertu de l'article, excusez-moi...

M. LE PRESIDENT: Article 813, peut-être? Non.

M. LAPORTE: En vertu de l'article 405, que vous demandiez à la Chambre la permission pour ce comité de convoquer des témoins, parce que nous avons l'intention d'en convoquer pour bien éclaircir, pour bien préciser certaines choses que nous avons l'intention de faire.

UNE VOIX: Non, non!

M. LAPORTE: M. le Président, j'ai encore la parole. Nous avons bien l'intention, puisque nous sommes en présence, dans cette province, d'une crise majeure... Jamais, dans l'histoire de la province de Québec, n'avons-nous en matière d'éducation traversé une crise aussi sérieuse que celle que nous connaissons actuellement.

M. le ministre de l'Education nous a posé, a posé lui-même certains problèmes, il a fait certaines affirmations. Nous avons le droit, et j'espère que ce droit, M. le Président, ne nous sera pas nié, de demander à entendre des témoins venant du ministère de l'Education, venant des commissions scolaires, venant de tous les secteurs de la population, qui peuvent avoir un intérêt dans la solution des problèmes de l'Education. Le ministre a été excellent jusqu'ici pour trouver des causes. Apparemment c'est pour trouver des solutions qu'il y a des problèmes. Il nous a dit...

UNE VOIX: Les a-t-il trouvées?

M. GABIAS: II les a toutes trouvées, c'est cela qui vous choque.

M. LAPORTE: M. le Président, je suis toujours sur la question. J'entends dire à ce comité pourquoi. Nous avons l'intention de convoquer des témoins pour avoir...

M. CARDINAL: Pour repartir la crise?

M. LAPORTE: ... pour avoir des... Si on compte seulement sur vous pour l'arrêter, cela n'a pas l'air d'aller vite.

M. BOUSQUET: Non, mais les solutions sont toutes trouvées.

M. LAPORTE: Si on me laissait parler pour qu'on en finisse, M. le Président. J'ai interrompu, mais pas souvent, et brièvement. Je voudrais, M. le Président, qu'on me laisse terminer. Je n'en ai pas pour longtemps. Il est temps, je pense, que ce comité, que cette Chambre sache où nous allons. Le ministre n'a pas répondu aux questions que nous avons posées, et nous avons l'intention d'avoir devant nous des témoins, témoins dont nous sommes en train de préparer la liste et que nous nous ferons un devoir de soumettre à ce comité. Je suis convaincu que tout le monde voulant être éclairé, que ce soit unanimement que la motion que je fais actuellement sera adoptée.

M. LE PRESIDENT: M. le député de Bellechasse.

M. GABIAS: II a passé son été à les consulter. Vous lui faites un affront.

M. BELLEMARE: M. le Président, nous avons entendu ce matin la déposition de l'Opposition. Nous avons écouté très solennellement les accusations qui ont été portées par le chef de l'Opposition et le député de Vaudreuil-Soulanges. Nous avons répondu immédiatement à la demande du chef de l'Opposition, hier, de faire siéger le Comité de l'éducation ce matin. Il a siégé. Le ministre de l'Education a commencé à répondre à certains arguments qui ont été faits ce matin, je n'ai pas d'objection à ce que le comité puisse siéger immédiatement après les travaux de la Chambre, cet après-midi, si c'est urgent. Dès que nous aurons passé aux affaires du jour, si les honorables députés veulent siéger cet après-midi, nous pourrons continuer, puisque c'est un problème important...

M. GABIAS: Ce soir aussi.

M. BELLEMARE: ... et si nous n'avons pas terminé à six heures, nous pourrons peut-être ajourner à demain matin, à neuf heures trente, pour continuer à entendre les autres députés du comité qui veulent se faire entendre.

Je crois que ce n'est pas en voulant faire le procès de toute une administration que nous réussirons à régler un problème et à entendre les dépositions de témoins qui pourraient ici ne rapporter rien de plus que ne le peut celui qui a la responsabilité et qui est ministre, qui peut,

lui, répondre à titre de mandaté à toutes les questions que l'Opposition peut poser. Je pense que c'est dans ce climat que nous devons maintenir le comité de l'Education, si nous ne voulons pas en faire un cycle, où chacun viendra faire sa petite campagne électorale.

Ce n'est pas dans ce but-là, et je sais que les honorables membres de l'Opposition veulent tenir le comité en séance, mais je dis que nous pourrons donner, avec beaucoup de collaboration, à l'Opposition, le temps voulu pour qu'elle s'exprime et que les réponses soient faites par l'honorable ministre, et les autres membres du comité de l'Union Nationale qui en font partie, pourront peut-être aussi avoir des sujets à traiter.

Alors, si vous n'avez pas d'objection, M. le Président, je demanderais l'ajournement à cet après-midi, après les travaux à l'ordre du jour. Nous reviendrons et nous pourrons continuer notre travail.

M. LAPORTE: Il y a une motion en discussion.

M. BELLEMARE: Nous aurions voulu siéger ce soir, mais il y a du conseil des ministres, tel que prévu. Demain avant-midi, si 9 h 30 c'est trop tard, nous pourrons commencer à 9 heures.

Il y a une séance à la Chambre, demain, à 11 heures.

Alors, s'il y avait moyen de s'entendre sur cette procédure, je serais bien heureux qu'au sein de ceux qui ont un mandat de ce comité l'on puisse véritablement faire ce que notre devoir parlementaire nous oblige de faire et vous, les honorables membres de l'Opposition, faire valoir vos prétentions et le gouvernement, avec son responsable, répondre aux questions qui nous seront posées, sans en faire un procès de toute l'administration et surtout ne pas jeter dans l'opinion publique que les députés veulent changer la manière de procéder que nous avons adoptée depuis quelques années, grâce à ces comités de la Chambre qui siègent et qui donnent l'occasion aux députés de pouvoir travailler et, je pense, apporter certaines solutions aux problèmes,,

M. le Président, j'appuie la motion d'ajournement et je serais très heureux que vous puissiez faire rapport à la Chambre, en vertu de notre règlement qui dit que vous devez faire rapport et demander de siéger cet après-midi, après l'appel des affaires du jour.

M. LE PRESIDENT: La séance est levée.

M. GERIN-LAJOIE: Sur la motion de l'ajournement...

M. LE PRESIDENT: Je ne connais pas encore la procédure, laissez-moi m'initier, M. le député de Chambly.

M. GERIN-LAJOIE: M. le Président, j'aimerais dire un mot sur la motion du député de Chambly en amendement...

M. GABIAS: On a connu plus dur que cela,

M. GERIN-LAJOIE: Un mot sur la motion du député de Chambly, en amendement à la motion d'ajournement. Le député de Champlain vient de nous adresser la parole et il a pu donner l'impression à plusieurs d'entre nous, il me l'a donnée à moi, qu'il considérait cette proposition d'obtenir l'autorisation d'entendre des témoins comme étant l'ouverture à la politisation, à l'électoralisme, et à l'accomplissement, en somme, de fonctions ou de tâches qui ne relèvent pas de notre comité.

M. BELLEMARE: J'ai dit cela au conditionnel.

M. GERIN-LAJOIE: Ah bon! Alors, je prends la parole du ministre. Je veux bien insister sur le fait que ce que nous proposons, c'est quelque chose d'absolument normal, et non seulement dans d'autres Parlements mais également dans le nôtre. Le Comité de l'éducation a déjà entendu des témoins. Il a déjà entendu des fonctionnaires, par exemple, lorsqu'on a étudié le projet de bill pour créer les CEGEP, le bill 21 du temps. Nous avons interrogé nous-mêmes les fonctionnaires de notre choix et le ministre de l'Education du temps s'y est très bien prêté. D'autres comités de ce Parlement ont entendu des témoins à toutes sortes d'occasions, soit à l'occasion de projet de loi en particulier, soit à l'occasion d'autres études. Evidemment que dans d'autres Parlements, comme aux Etats-Unis, c'est également le cas. Je sais que le gouvernement actuel songe à la revision de notre régime parlementaire. On a eu, pour la première fois de notre histoire, un ministre titulaire d'un ministère important qui ne siégeait pas en Chambre. C'était notre droit de critiquer la chose, mais je pense que le gouvernement conviendra qu'il est très important, au moins, de compenser une telle situation par un travail de comité où les choses peuvent se discuter de façon très aérée et, pour atteindre cet objectif, il est très très important de pouvoir entendre les témoins.

Alors, j'ai voulu simplement mettre en lumière, M. le Président, à la suite de ce qu'a dit le député de Champlain, que ce que nous pro-

posons n'est pas quelque chose qui sort de l'ordinaire, n'est pas quelque chose qui n'a pas de bon sens, n'est pas quelque chose qui est de nature simplement électorale. Au contraire, cela entre dans nos habitudes, cela entre dans le cadre de notre règlement et cela entre dans le cadre de la démocratie telle qu'elle existe, même dans d'autres pays. Alors, des choses aussi normales, M. le Président, devraient, je pense, recueillir l'assentiment de l'ensemble des membres de ce comité et éventuellement de l'ensemble des membres de l'Assemblée législative. C'est pourquoi j'appuie la proposition du député de Chambly à l'effet que dans le rapport que notre président fera à l'Assemblée législative, il demande pour le comité la permission d'entendre et de convoquer des témoins.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que l'on prend le vote sur cela, messieurs les membres du comité?

M. LAPORTE: La proposition est à l'effet que vous fassiez rapport à la Chambre demandant la permission de convoquer des témoins devant ce comité.

M. LE PRESIDENT: Vote, s'il vous plaî! M. Bellemare,...

M. GABIAS: Est-ce que, pour le moment, il est nécessaire de convoquer...

M. GERIN-LAJOIE: II y a une proposition du député de Chambly, ce n'est pas le député de Trois-Rivières qui l'a faite.

M. LAPORTE: Peut-être allons-nous me laisser formuler la proposition comme je le veux? La proposition que je fais est que vous fassiez rapport à cette Chambre, à l'Assemblée législative, demandant pour le comité parlementaire sur l'éducation, en vertu de l'article 405, le droit de convoquer des témoins.

M. LE PRESIDENT: Alors, nous prenons cette proposition-là au vote.

M. Bellemare? Contre. M. Bergeron? Contre. M. Binette? Pour. M. Bousquet? Contre. M. Gabias? Contre. M. Gardner? Contre. M. Gé rin-Lajoie? Pour. M. Goldbloom? Pour. M. Grenier? Contre. M. Harvey ? Pour. M. Houde. Pour. M. Laporte? Pour. M. Lesage? Pour. M. Loubier? Contre. M. Maltais? Contre. M. Masse? Contre. M. Morin? Contre. M. Pearson? Pour. M. Tremblay (Chicoutimi)? Contre. M. Vaillancourt? Pour. Proposition rejetée.

M. BELLEMARE: II reste à faire rapport des travaux. Est-ce qu'on accepte la proposition de siéger cet après-midi après les ordres...

M. LESAGE: Ce qu'on appelle les ordres du jour.

M. BELLEMARE: Oui, oui, après les affaires...

M. LE PRESIDENT: Accepté. (13 h 17)

(Neuf heures trente-sept minutes)

M. PROULX (président du comité): A l'ordre, messieurs!

M. le ministre de l'Education.

M. CARDINAL: Je continuerai cet exposé que j'avais commencé en réponse aux questions, aux accusations et aux autres affirmations de l'Opposition. Pour enchaîner à ce que je mentionnais hier, je rappelle que ce que l'on a appelé la crise scolaire n'est certainement plus dans sa période critique, que ce matin la situation est encore meilleure qu'hier. La crise n'est certainement pas meilleure, la situation est meilleure.

M. LESAGE: C'est ça.

M. CARDINAL: Je ne voudrais pas que l'Opposition, voulant manifester son dépit vu que cette crise se termlne,fasse un débat qui, dans le fond, s'est déjà fait lors de la réunion des crédits, lors de la séance du comité des crédits où toutes les questions scolaires ont été revues. Cependant, je reprends où j'en étais la question des collèges d'enseignement général et professionnel, des conditions d'admission à ces collèges et des conditions d'admission à l'université. Selon l'Opposition, il y aurait imprécision quant aux conditions d'admission au CEGEP. Ces conditions, confirmant ce que l'on a affirmé, sont bien définies. Elles ont été publiées, à cent mille exemplaires, en mars dernier, en mars 1968. D'ailleurs ce petit document qui indique ces conditions d'admission a été distribué au moment du débat sur les crédits.

Cette brochure a été distribuée dans toutes les écoles secondaires du Québec en particulier.

Pour assurer la coordination entre les CEGEP du point de vue des admissions, un bureau d'admission a été établi pour les dix CEGEP de la région de Montréal et, ailleurs, en dehors de Montréal, les CEGEP vont travailler en collaboration, par exemple conjointement à Limoilou et Sainte-Foy, Jonquière et Chicoutimi.

Quant aux conditions d'admission à l'université, contrairement à ce qui a été affirmé et contrairement à ce que c'était auparavant — on me dit que les conditions d'admission à l'université étaient précises autrefois; elles étaient tellement précises que l'on pouvait entrer àl'univer-sité avec un baccalauréat ou avec une onzième année ou avec une douzième année selon les facultés, selon les écoles et selon les universités — ces conditions aujourd'hui sont précises et con- nues des étudiants. Elles sont exposées dans l'annuaire de l'enseignement collégial 1968-1969, pages 43 à 47.

Les profils d'admission à l'université ont été déterminés à la suite d'une longue série de réunions entre les représentants des universités, du ministère et des collèges. J'ai ici l'annuaire de l'enseignement collégial 1968-1969 et, à titre d'exemple, si je prends la page 43, je lis les structures d'accueil universitaires et les cours exigés: sciences, structures d'accueil et cours exigés. Tous les détails sont donnés avec les numéros des cours, le sujet du cours face aux facultés ou écoles ou département où cet accueil est permis en vertu des cours dont le profil est donné.

Ces profils d'admission, je le répète, ont été déterminés non pas unilatéralement mais à la suite de longues séries de réunions. Des milliers de professeurs ont participé à ces réunions qui ont débuté dès le mois de janvier 1967 au moment même où l'Assemblée législative commençait l'étude du bill 21, bill qui devait être adopté pour devenir la loi-cadre permettant la création des collèges d'enseignement général et professionnel.

Ces réunions, soit des comités, soit des professeurs, se sont poursuivies durant toute l'année scolaire 1967-1968, à deux niveaux. D'une part, entre le réseau des collèges d'enseignement général et professionnel et la direction générale de ce niveau au ministère. D'autre part, entre la même direction générale et les universités.

Aussi bien au sujet des conditions d'admission à l'université qu'au sujet des programmes des collèges, il n'y a pas eu de changement après le début de l'année scolaire, comme on l'aurait laissé entendre.

M. GERIN-LAJOIE: On l'a affirmé.

M. CARDINAL: On l'a affirmé? Je serai d'autant plus ferme qu'il n'y a pas eu de changement.

M. GERIN-LAJOIE: C'est vrai quand même.

M. CARDINAL: Certains changements au programme ont été apportés, mais pas après le début de l'année scolaire. Ils ont été apportés en juin dernier, à la suite de consultations auprès des responsables des disciplines dans les collèges.

Tous les CEGEP étaient alors représentés. Les nouveaux programmes ont été imprimés dans l'annuaire pour le mois d'août. Il n'est donc pas exact d'affirmer que les programmes ont été modifiés après septembre ou octobre.

II faut d'ailleurs souligner que les programmes du niveau collégial sont des programmes-cadres qui ne prévoient pas dans tous les détails, ce que chaque professeur doit enseigner chaque jour. Il y aura constamment, localement, dans chacun des collèges ou dans certains collèges des revisions de programmes; si c'est ce qu'on entend par modifications de programmes, ceci n'est pas tout à fait la même chose. C'est une nécessité que les collèges puissent, sur place, d'après les demandes des étudiants, d'après leur choix, modifier parfois ce qui avait été prévu. Mais ces programmes demeurent quand même dans les cadres établis par le ministère.

Il est possible cependant — et ici je ne ferai pas d'affirmation radicale — que certaines facultés des arts aient pu modifier le programme du collégial.

Mais il n'y a pas eu de modifications par le ministère au cours de l'année ou après que l'année fut commencée.

Quant aux conditions d'admission à l'université, elles ont fait l'objet d'une session le printemps dernier. Ces modifications ont été rendues publiques au mois de mal 1968. En fait foi ce numéro d'Hebdo-Education du 28 mai 1968, dont la manchette est: Revision des programmes d'études dans les collèges publics. Modifications des conditions d'admission aux structures d'accueil universitaires.

Donc, les conditions d'admission dans les collèges pour les étudiants qui quittent le secondaire sont actuellement connues d'eux, et les étudiants qui sont dans les collèges savent, depuis cet automne, quelles sont les conditions d'admission dans les facultés ou dans les écoles au niveau universitaire. Ces conditions d'admission doivent, cependant, être distinguées de ce qu'on appelle « l'accessibilité ». En ce sens que, lorsque nous affirmions qu'avant la création des collèges, tout étudiant qui avait un baccalauréat était sûr d'être admis dans une faculté, sauf peut-être en médecine, ceci pouvait être vrai généralement, mais pas nécessairement dans tous les cas.

Dans certaines facultés, avant la création des collèges, parfois jusqu'à deux ans avant la création de ces collèges, il y avait déjà des examens d'admission et tous les étudiants n'étaient pas sûrs d'être admis du simple fait qu'ils possédaient un baccalauréat.

Il est évident que la création des collèges, qui a amené une population de 38,000 étudiants au niveau collégial, comme je l'indiquais hier, crée un nouveau problème, un problème de masse pour l'admission dans les universités. De l'aveu même des contestataires, de l'aveu mê- me des étudiants, ce n'est pas dans la région de Québec, ni de Sherbrooke que le problème est vraiment aigu et se posera. C'est dans la région de Montréal, et c'est pourquoi il a été prévu, pour septembre 1969, la création de cette deuxième université de langue française.

Si je continue à suivre les notes que j'ai prises pendant l'exposé du chef de l'Opposition, il a parlé, je pense que je le cite à la lettre, de « fouillis ou de retard » dans l'aide aux étudiants. Je pense que parler de fouillis ou de retard, actuellement, ne correspond pas à la réalité. Le service d'aide aux étudiants a commencé dès le 15 octobre à émettre, cette année, des certificats de prêts. Pour cette année, 6,500 certificats ont été expédiés la semaine dernière.

Quant aux formulaires de demandes de prêts et bourses, toutes celles qui ont été reçues avant la date limite du 30 septembre ont été remplies. Ici, je dois quand même mentionner des faits.

Beaucoup d'étudiants qui font des demandes sont eux-mêmes en retard dans leur demande. C'est-à-dire que leur demande n'entre pas à la date limite prévue. Ceci ne veut pas dire qu'ils sont privés de leur bourse. Mais ceci fait nécessairement courir des retards dans ces cas-là.

Cette année, évidemment, on nous répond que la grève de la poste a causé des retards durant cette période et que cela explique les retards des étudiants. Mais toutes les demandes reçues par le ministère, avant la date limite, ont été remplies.

Au service de l'aide aux étudiants, les derniers 1,200 formulaires demandés avant le 1er octobre seront expédiés avant la fin de cette semaine. Des jours supplémentaires de délai ont été accordés aux étudiants pour demander des formulaires même s'il y avait un retard. Après le 30 septembre, mais avant le 5 octobre, 2,500 demandes ont été reçues. Ces demandes seront remplies ces jours-ci.

Au 23 octobre, c'est-à-dire hier, 52,834 formulaires remplis étaient parvenus au service. C'est-à-dire près de 53,000 demandes. Si l'on se base sur l'expérience de l'année dernière et que l'on fait des comparaisons qui pourraient être valables — ce n'est pas une prophétie mais une prévision — on pourrait s'attendre que d'autres demandes entrent encore. Il est possible, d'ici le 15 novembre, par exemple, qu'il y ait 20,000 autres demandes qui entrent. A ce moment-là, évidemment, on pourrait évoquer qu'il y a des retards pour 20,000 cas.

M. GERIN-LAJOIE: Est-ce que le ministre me permettrait une question? Je ne veux pas

l'Interrompre sur ce qu'il vient de dire. Est-ce que le ministre a dit que les demandes de formulaires de prêts ou bourses faites avant le 30 septembre seraient remplies au complet, d'ici la fin d'octobre?

M. CARDINAL: D'ici la fin de la semaine, ou de la fin du mois, si vous voulez, pour être absolument sûr. Oui. Maintenant, je répondrai encore plus précisément. Il peut arriver pour toutes sortes de raisons techniques que certaines demandes reçues avant la date reçoivent une réponse en retard.

M. GERIN-LAJOIE: La date du 30 septembre?

M. CARDINAL: Le 30 septembre. Vous savez que tout ceci est un procédé qui se fait mécaniquement et que, dès qu'il y a sur ces cartes perforées ou sur les demandes la moindre erreur technique, il peut arriver qu'il y ait des cas exceptionnels, si vous voulez, qui ne soient pas reçus par les machines.

M. LESAGE: C'est le phénomène du rejet?

M. CARDINAL: Oui, c'est ça. C'est le phénomène du rejet et le ministre en est fort conscient. Normalement, à ce moment-là, il reçoit les plaintes qui sont faites par ceux qui, exceptionnellement, ont connu cette aventure. Ceci se rencontre, d'ailleurs, dans tous les services mécanisés. Que ce soient les enregistrements pour voiture, etc.

Je réfère ici à Hebdo-Education du 10 septembre 1968, à la rentrée scolaire, dont le titre était: Le service de l'aide aux étudiants a expédié 76,695 formulaires de demandes de prêts-bourses. Le service de l'aide aux étudiants au ministère de l'Education, avait expédié au moment de la rentrée scolaire, ce nombre de formulaires de demandes de prêts-bourses pour l'année 1968-1969.

Le système de prêts-bourses n'est pas un système idéal. C'est bien évident. Je veux rappeler ici ce qu'en plusieurs occasions j'ai déclaré. Le système idéal dans la situation, disons des années présentes, serait probablement l'éducation gratuite jusqu'au niveau de l'enseignement universitaire inclusivement.

Contrairement aussi à ce qui a été affirmé, il est faux de prétendre que rien n'a été fait à ce sujet. Lorsque, récemment, le montant des prêts a été augmenté sans que le montant des bourses ne soit diminué, j'ai présenté un mémoire prévoyant le remplacement éventuel de ce système par un système de gratuité sur une période de temps, au niveau universitaire. M. GERIN-LAJOIE: Présenté où?

M. CARDINAL: Au conseil des ministres. La gratuité scolaire au niveau universitaire ne peut certainement pas se faire dans une seule année et certainement pas cette année. Je pense que le gouvernement, comme l'Opposition, comme les contribuables, se rend compte que, dans la situation budgétaire actuelle, non seulement du Québec mais de tout le pays et même des autres pays, il est impossible que les contribuables puissent ajouter au fardeau qu'ils supportent déjà, une somme additionnelle qui pourrait s'évaluer à environ $20 millions par année universitaire qui deviendrait gratuite sur la base du nombre d'étudiants présentement dans les universités.

Si cette gratuité s'établit, elle peut s'établir année par année sur une période de temps. A ce moment-là, le système de prêts-bourses doit être remplacé par un nouveau système d'aide pour les étudiants qui, malgré la gratuité, ne pourraient quand même pas se rendre à l'université. C'est probablement à partir de ce document confidentiel remis au conseil des ministres que des rumeurs seraient parties à l'effet que le service de l'aide aux étudiants serait transféré au Bien-Etre social. II n'y a rien de fondé dans cette rumeur, sauf cette étude faite au ministère et sauf ce mémoire remis au conseil des ministres.

Dans les demandes ou les affirmations ou les accusations de l'Opposition, il était question ensuite...

M. LAPORTE: Est-ce que M. le ministre aurait objection à déposer le document dont il vient de faire lecture, quant à la gratuité...

M. LESAGE: Bien oui, mais quand on...

M. CARDINAL: Le document a été remis au conseil des ministres...

M. LESAGE: Quand on dit ce qu'il y a dans le document, normalement d'après nos règlements, on est censé...

M. BELLEMARE: Non, c'est un jeu de mots. M. GABIAS: Pas d'intérêt public.

M. GERIN-LAJOIE: II ne faudrait pas trop s'abriter derrière des documents confidentiels quand même.

M. BELLEMARE: Non, mais il y a une limite...

M. LE PRESIDENT: Ce sont des explications générales, ce n'est pas...

UNE VOIX: On ne va pas faire une chicane... M. GERIN-LAJOIE: Non, on ne peut pas...

M. CARDINAL: Alors, M. le Président, c'est la première fois que je cite un document que je ne dépose pas sur cette table. Je n'ai donc pas l'habitude de m'abriter derrière des documents confidentiels. Je parle pendant ces débats, M. le Député.

Quant à la formation des maîtres, j'ai rappelé hier qu'il était exact que la réforme de l'éducation n'a pas commencé par la réforme de la formation des maîtres. J'ai rappelé qu'il s'est fait peu de chose quant à la formation des maîtres, avant 1966. Au début du mois d'août dernier, un document a été remis à tous les moyens d'information, document s'intitulant: Bilan de la réforme de la formation des maîtres. Ce document a été remis aux moyens d'information, à ce moment-là, alors que la Chambre ne siégeait pas, pour diverses raisons qui d'ailleurs ont été mentionnées hier par l'Opposition.

D'une part, le Conseil supérieur, au cours du mois de juillet, avait remis au ministre, pendant son absence, un rapport sur la formation des maîtres, rapport qui avait d'ailleurs paru auparavant dans les journaux sous des titres laissant croire ou laissant entendre que le mémoire du conseil supérieur était un blâme envers le ministère de l'Education.

Le premier surpris de cette interprétation du rapport du conseil supérieur fut le conseil supérieur. D'autres groupes ont alors lancé cette idée que le ministère n'avait rien fait pour la réforme de la formation des maîtres. C'est pourquoi ce bilan a été établi, bilan 1968.

Si je résume ce bilan sur la formation des maîtres - et je pense que c'est important d'y revenir — l'on constate qu'en novembre 1964 il y avait la publication de la deuxième partie du rapport Parent. D'ailleurs, cela a été mentionné hier, si je ne me trompe, par le chef de l'Opposition. En novembre de cette année 1964, la commission Parent faisait donc paraître la deuxième partie de son rapport et cette deuxième partie contenait entre autres choses un certain nombre de recommandations sur la formation des maîtres.

Le ministère de l'Education a évidemment, sûrement, pris acte de ce rapport. En février 1965 était constitué le comité de planification de la formation des maîtres. En mars 1966, le député de Vaudreuil-Soulanges s'en rappelle, le règlement numéro 4 était adopté.

Le règlement numéro 4, on pourrait le résumer très brièvement en rappelant qu'il instaurait un régime de probation pour les candidats à l'enseignement. Le règlement numéro 4 fixait la durée minimale de la formation psycho-pédagogique. C'était un cadre qui était établi. Le même règlement, on en a discuté lors des débats sur les crédits, créait un comité pour conseiller le ministre.

En janvier 1967, après que le ministre qui m'a précédé eut déclaré que la formation des maîtres lui paraissait prioritaire, il y avait création du comité de la formation des maîtres. Le comité de la formation des maîtres a été formé dans la suite logique de l'adoption du règlement numéro 4 dont l'article 5 se lit comme suit: «Pour l'application du présent règlement, le ministre de l'Education constitue un comité de la formation des maîtres qu'il doit consulter dans les matières énumérées à l'article 6».

M. GERIN-LAJOIE: A quelle date a-t-il été mis sur pied?

M. CARDINAL: Janvier 1967. Je pense qu'il n'est pas nécessaire de relire les articles 5 et 6 de ce règlement qui est public. Le comité s'est réuni à 18 reprises du 16 janvier au 24 octobre 1967. Il a étudié, entre autres, les sujets suivants: critère d'approbation des programmes de formation des maîtres, aménagement des centres de formation des maîtres, stages d'enseignement, recrutement des futurs enseignants, enseignants non légalement qualifiés, règlements des écoles normales, systèmes d'approbation. Un comité de travail parallèle au comité de la formation des maîtres a été créé en juillet 1967 pour étudier, entre autres, les sujets suivants:les fonctions de l'enseignement et la carte géographique des institutions de formation des maîtres.

Après une première année de fonctionnement, le comité a fait son bilan et s'est donné un nouveau style de travail, après avoir consulté tous les organismes susceptibles de participer à ces travaux. Toujours dans le domaine de la formation des maîtres, en novembre 1966 — ceci est après le 5 juin 1966 — création de la direction générale de la formation des maîtres. Vous vous rappelez qu'à cette époque des changements importants de structure ont été apportés au ministère de l'Education, et c'est à cette occasion que la direction générale de la formation des maîtres a été mise sur pied. Désormais ou à compter du moment de la création de cette direction générale, tout ce qui concerne la for-

mation des maîtres relevait d'une unique et même responsabilité. Bien plus, au ministère, pour la première fois, un seul organisme coordonnait et intégrait tous les types, tous les secteurs, tous les genres d'institutions de formation des maîtres, que ce soit de l'enseignement des métiers, de l'enseignement au niveau collégial, de l'enseignement à la maternelle, et même de l'enseignement au niveau universitaire.

Je ne veux pas rappeler ici toutes les fonctions de cette direction générale, ni énumérer les institutions qui en dépendent. Mentionnons, cependant, que la création, je le rappelle, date de novembre 1966, que, un an après, en novembre 1967, lors de mon arrivée au ministère, cette direction générale, dont les membres étaient au début environ 42, cette direction générale avait un personnel d'environ 100 personnes.

En même temps que cet effort se poursuivait au ministère, pour coordonner tout ce qui concernait la formation des maîtres, les structures des institutions concernant la formation des maîtres étaient non seulement étudiées mais revues. Je le rappelle, tout récemment la commission pour l'intégration des institutions de formation des maîtres était créée. Si l'on fait cependant un retour en arrière, en septembre 1967, il y avait aussi la création de la mission des projets expérimentaux dans le domaine de la formation des maîtres. C'est-à-dire qu'en plus des services contenus dans la direction générale de la formation des maîtres, dont les responsabilités sont définies et stables, la direction générale a voulu mettre sur pied une mission permanente d'animation chargée de projets divers dans les secteurs qui recoupent nécessairement le champ d'activité de cette direction.

A l'origine, les membres de cette mission s'occupaient exclusivement du projet SEMEA, stage d'entraînement aux méthodes d'éducation active dont il fut également question au cours du débat sur les crédits au mois de juin 1968.

Mais en plus de poursuivre ce projet SEMEA sous une forme renouvelée, en 1967-1968, la mission mettait sur pied un projet semblable pour les professeurs des écoles normales, ce que l'on a appelé SEMEA-PEN. Un peu plus tard, au printemps 1968, j'annonçais le projet REPERES, réseau d'expérimentation pour la préparation des élèves-maîtres au renouveau à l'élémentaire et au secondaire.

Et comme on le sait, j'ai aussi annoncé ce projet expérimental entre l'université Laval et l'école normale Laval et ce programme de recyclage des professeurs qu'on a appelés non légalement qualifiés.

Pour ce qui est des institutions, il est important de comprendre qu'il était nécessaire, dans un sens, vu que la réforme de la formation des maîtres n'avait pas vraiment démarré, d'établir des structures avant de pouvoir intégrer toutes les institutions qui existaient déjà après avoir planifié, après avoir défini un réseau. C'est pourquoi cette mission d'intégration a été le dernier geste posé après que 23 collèges d'enseignement général et professionnel eurent été créés. C'est-à-dire que cette mission a pour principal mandat de voir comment, dans tout le territoire du Québec, un réseau peut être établi pour la formation des maîtres par l'intégration soit au niveau collégial, soit au niveau universitaire, des institutions, ou des organismes, ou des écoles qui existent dans le domaine de la formation des maîtres.

Cette mission créée en juin 1968 a donc pour but de terminer l'opération de regroupement et de donner ainsi suite à certaines recommandations du rapport Parent. Les modalités de coordination ont été annoncées lors du débat sur les crédits. Si l'on se rappelle bien ce qui s'est produit, c'est justement devant ces débats que f ai annoncé la création de cette mission de coordination. Je ne rappellerai pas ici tout ce que j'ai alors dit et qui est d'ailleurs inscrit dans le journal des Débats, pour le comité des crédits de l'Education. Depuis juin 1968, cette mission a déjà commencé ses travaux dans les régions du Québec où l'urgence était la plus grande, ce qui d'ailleurs avait été aussi mentionné lors de la création de cette mission.

Dans les années qui viennent de se terminer, le nombre des écoles normales ou des établissements de formation de mafires a donc diminué et la réforme a donné lieu à leurs diversifications. L'on sait que, dans les nouvelles structures, il faudra des maîtres à chacun des niveaux et qu'à cause de la polyvalence, tant au niveau secondaire qu'au niveau collégial, ces maîtres, en plus d'une formation générale, devront posséder une formation particulière qui évidemment doit être donnée dans les institutions appropriées.

Quant au perfectionnement même des professeurs, à leur perfectionnement ou à leur recyclage — et en passant, même si ce n'est pas ma responsabilité directe, on a pu constater par les journaux de ce matin que les négociations avec les professeurs se poursuivent d'une façon plus que satisfaisante — donc, pour les professeurs des écoles normales, outre l'amélioration des conditions de travail, la réforme du secteur de la formation des maîtres s'est caractérisée par l'élaboration et Papplication de plans très éten-

dus de perfectionnement Par exemple, au cours des dernières années, 5% des effectifs professoraux ont obtenu chaque année des congés avec solde sans compter les cours que les professeurs ont suivis en plus d'assumer en tout ou en partie leur tâche normale d'enseignement.

Ces plans de recyclage ou de perfectionnement prennent diverses formes que je rappelle brièvement, soit, comme je viens de le dire, des congés avec solde, des stages en France avec solde, des demi-congés avec solde, des cours d'été, des cours de fin de semaine.

A ces facilités qui sont offertes aux maîtres, il faut ajouter le système de bourses de recherche relatives à l'enseignement et, tout particulièrement, il faut rappeler — ce qui a aussi été dit lors du débat sur les crédits — l'existence de l'Institut de recherche pédagogique qui permet, justement, d'aider les professeurs qui veulent se perfectionner au moyen de la recherche.

Parallèlement à cet effort pour permettre le perfectionnement et le recyclage des professeurs, des cours de perfectionnement ont été créés pour faire acquérir de nouvelles connaissances. Je ne veux pas rappeler le projet SEMEA qui a formé 240 moniteurs dans des stages intensifs.

Je rappelle cependant aussi le recyclage en mathématiques, les cours d'été pour l'acquisition de connaissances nouvelles, le plan de perfectionnement du Nord-Ouest québécois, qui est un plan spécial qui a été mis sur pied en collaboration avec la CEQ et l'université de Montréal, à l'intention des professeurs du Nord-Ouest québécois. Ce plan veut permettre aux enseignants de régions défavorisées sur le plan de l'enseignement supérieur de profiter des avantages de l'université sans avoir à sortir de leur région.

Des cours ont été aussi donnés aux enseignants non légalement qualifiés. C'est un plan qui leur a été offert et qui permettra à ceux qui ne possèdent pas la qualification légale d'obtenir, d'ici 1972 ou 1973, sans perdre de temps ni perdre leur emploi, cette qualification légale.

Non seulement les institutions, le ministère, les professeurs ont fait l'objet d'actions de la part du gouvernement et de la part du ministère dans ce domaine de la formation des maît tres, mais aussi les étudiants ont bénéficié de l'attitude du gouvernement et du ministère. A compter de l'année scolaire 1967-1968, les candidats au brevet A inscrits au cycle professionnel et au cours pour bacheliers ès arts, dans les écoles normales privées, jouissent d'un régime d'allocations de scolarité leur assurant la quasi-exemption des frais de scolarité.

Ce qui est visé par le ministère, c'est de rendre non seulement accessible mais attrayante l'étude pour les futurs maîtres. Ces travaux du ministère ne se sont pas faits en vase clos ni en catimini. La plupart de ces projets, de ces réalisations se sont faites avec la participation des intéressés. Les étudiants-maîtres ne sont pas des consommateurs de services du ministère de l'Education. Us constituent eux-mêmes des agents de leur propre formation.

Deux nouveaux programmes ont aussi été établis dans le domaine de la formation des maîtres et tout particulièrement en même temps que les deux cycles de cours étaient refaits et distingués, un système de promotion par matières était établi. Et, de plus, les cours à options étaient établis avec enrichissement des orientations.

Ces orientations ont été fort diversifiées et on retrouve ces orientations dans les domaines maternel, élémentaire, secondaire, de l'enfance inadaptée, de l'enseignement professionnel, de l'enseignement de métiers, de l'initiation au travail, de l'éducation physique, etc.

Tous ces faits que je viens de mentionner manifestent l'esprit qui anime le présent gouvernement dans le domaine de la formation des maîtres. Et non seulement, le gouvernement, par son ministère et son ministre, a posé ces gestes, mais toutes les suggestions réalisables dans les cadres du budget et qui viennent du conseil supérieur sont bienvenues et ne sont pas considérées, comme certains ont bien voulu le croire, comme des critiques du ministère ou du ministre.

Dans le prolongement de l'ensemble de ces politiques que je viens d'exposer à propos de la formation des maîtres, je suis en mesure, aujourd'hui, de faire part d'une décision aux membres du comité, et j'en fais part d'abord à des députés, les moyens d'information ne l'ont pas encore appris. Quand on m'en donne l'occasion, j'en profite.

M. LAPORTE: Ce ne sera pas un trop gros choc?

M. LE PRESIDENT; A l'ordre!

M. CARDINAL: Vous pourrez me la donner, à l'avenir. Dans le prolongement de l'ensemble de ces politiques, je suis en mesure de faire part, aux membres du Comité de l'éducation, d'une décision au niveau des structures même du ministère de l'Education. Cette décision de principe est à l'effet de regrouper la direction générale de la formation des maîtres et la direction générale de l'enseignement supérieur.

UNE VOIX: Vive l'action!

M. CARDINAL: Ceux qui ont suivi les événements peuvent voir dans quel contexte se situe cette décision. D'une part, les étudiants membres de l'UGEQ qui avaient demandé à être membres de la mission d'intégration des institutions de formation de maîtres, avaient par la suite pris l'attitude de se retirer parce que cette direction n'était pas au niveau de l'enseignement supérieur. Il était particulièrement question de cette attitude en public, lors de l'émission « Tirez au clair », alors que j'ai rencontré les étudiants.

D'autre part, dans les recommandations du Conseil supérieur de l'éducation, une recommandation dans ce sens se retrouve aussi. Et enfin, nous constatons, comme l'un de mes honorables collègues vient de le souligner, démontrant qu'il a parfaitement compris ce que je venais de dire, que ceci est loin d'indiquer un éclatement ou un morcellement du ministère, mais au contraire, un regroupement des forces du ministère.

M. GABIAS: Et ce n'est qu'un commencement.

M. CARDINAL: Les modalités de ce regroupement...

M. LAPORTE: Ah! ce n'est pas fini?

M. CARDINAL: Quant à moi, ce serait fini, vous savez.

M. LE PRESIDENT: « Commediente, com-mediente ».

M. CARDINAL: Je continue au sujet de la formation des maîtres. Les modalités de ce regroupement...

M. LAPORTE: Quand ils ont applaudi, je pensais que c'était fini.

UNE VOIX: Cela recommence. UNE VOIX: Cela stimule.

M. BELLEMARE: D'ailleurs, si vous aviez à faire des discours, vous seriez bien long.

M. GABIAS: A la fin, cela va être un tonnerre d'applaudissements.

M. LAPORTE: Oui?

M. GABIAS: Vous allez vous unir à nous.

M. CARDINAL: Alors, dans le domaine de la formation des maîtres, on a soulevé, à plusieurs reprises, la question à savoir si nous formons assez de maîtres présentement au Québec.

Dans l'enseignement, le rythme actuel de ce que je pourrais appeler « la production de maf-tres » indique, au contraire, que la situation nous permet d'être plus optimistes qu'elle ne l'était en 1966. C'est-à-dire que les besoins pour 1968-1969 sont amplement satisfaits, selon les renseignements dont le ministère dispose présentement, par la venue sur le marché de 5,600 finissants d'école normale et d'environ 1,200 diplômés d'université possédant une formation pédagogique sans compter les apports étrangers dans le cadre de la coopération franco-québécoise tout particulièrement.

Le domaine de la formation des maîtres se rapporte donc, à la fois, au collège d'enseignement général et professionnel et au niveau de la planification de l'enseignement universitaire.

Dans les autres questions — si je peux employer ce terme — posées par l'Opposition, questions qui étaient plutôt des affirmations, l'on a repris l'un des termes de la contestation qui était l'accessibilité au marché du travail,,

Je rappelle ici que tout en étant membre du gouvernement, je suis d'abord responsable de l'Education et que ce domaine de l'emploi dépasse évidemment le domaine de l'Education. Cependant, en ce qui concerne l'éducation et l'emploi dans le présent débat, comme depuis le début du phénomène de la contestation étudiante, on a fait au gouvernement une large place aux problèmes de la liaison entre le système d'enseignement et le monde du travail.

Et de fait, par exemple, bien avant la contestation, un comité interministériel avait été créé entre le ministère du Travail, le ministère du Bien-Etre social et le ministère de l'Education. Cette liaison existait donc déjà auparavant — non seulement la liaison mais le fonctionnement de ce comité — c'est pourquoi je l'ai souligné dans ma déclaration du 16 octobre dernier, mention qu'on s'est bien gardé de faire lorsqu'on lisait des extraits de ce texte.

Dans cette déclaration, j'ai surtout abordé le problème sous l'angle des débouchés. Ou, si l'on veut, comme l'a mentionné le savant député de Vaudreuil-Soulanges, sous l'angle de l'adéquation entre le développement de l'éducation et le développement de l'économie du Québec. Je ne reviendrai pas sur le sujet. Mais, je crois important de souligner certaines initiatives du minis-

tère de l'Education pour offrir à tous les jeunes qui doivent s'orienter dans cette direction, un enseignement professionnel de qualité répondant d'aussi près que possible aux exigences du marché du travail, non seulement d'aujourd'hui mais surtout, comme je l'ai mentionné hier, de demain.

Sur le plan des structures, au niveau collégial, j'ai déjà insisté sur le fait que, malgré les affirmations faites, nous avons attaché une importance toute spéciale aux options professionnelles, aux programmes relatifs à ces options et tout particulièrement, j'en ai mentionné quelques-unes hier, aux options professionnelles correspondant aux secteurs de pointe. Je rappelle: information, aéronautique, techniques administratives, etc.

Je pense qu'il faudrait que les membres de l'Opposition aient la patience de lire la liste des spécialités professionnelles qui sont offertes dans les CEGEP. Il s'agit d'une brochure où, à la page 13, on donne cette liste. Ces spécialités se rattachent toutes à tous les secteurs de l'économie: primaire, secondaire, tertiaire.

J'en donne un très bref résumé, en passant: affaires et ventes, applications thermiques, bi-bliothéconomie, chimie industrielle, etc.

M. LE PRESIDENT: M. le photographe, il ne vous sera pas permis de prendre des photos. Je m'excuse, en tant que président, je ne peux accepter. A moins que... Je suis ici pour faire appliquer les règlements.

M. LAPORTE; M. le Président, je viens de consulter du regard le leader, je crois qu'on n'aurait pas d'objection à ce qu'il prenne une photo ou deux.

M. GERIN-LAJOIE: On n'a pas d'objection à ce qu'il ait pris une photo.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que l'angle est important?

M. LAPORTE: J'aimerais mieux qu'il prenne des photographies de ce côté-là.

M. LE PRESIDENT: Toujours de biais.

M. CARDINAL: Maintenant que l'Opposition, par un de ses porte-parole, vient justement d'affirmer qu'il recherchait la publicité, je pourrais reprendre mon texte.

M. GERIN-LAJOIE: On serait mieux de donner plus de publicité à ce dont parle le ministre.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est pour les « comics », cette photo?

M. GERIN-LAJOIE: Le point que j'ai soulevé hier, ce n'est pas que les spécialités n'existent pas, c'est qu'elles ne sont pas connues des jeunes, c'est cela qui est un problème.

M. CARDINAL: Si vous permettez, je reprends justement là, honorable député de l'Opposition. Dans cette brochure qui a été distribuée à 100,000 exemplaires aux jeunes, il y a justement aux pages 12 et 13 la longue liste de ces spécialités.

Cette liste de spécialités qui n'est pas une liste théorique sur papier, mais qui existe dans les programmes, est d'une grande importance pour la formation de techniciens pour l'industrie du Québec ainsi que pour le secteur des services. Il faut se rappeler quand même, encore une fois, que beaucoup de jeunes quittaient autrefois l'école bien avant la fin du collégial. Ces jeunes ne pouvaient pas bénéficier d'une formation technique ajoutée à une formation générale. Si l'on ne perd pas de vue que les CEGEP sont justement à l'an deux, que 50% d'entre eux ont été créés cette année, sont donc à leur première année qui n'est pas complétée; si l'on tient compte, encore une fois, que le fait de démocratiser l'enseignement, le fait d'offrir un enseignement gratuit à ce niveau, créait nécessairement des problèmes — ici, je me permets, de m'arrêter un instant sur ce terme « problème », c'est que dès que l'on parle d'éducation, dès que l'on parle du ministère de l'Education, dès que l'on parle du ministre de l'Education, dès que l'on parle du gouvernement lorsqu'il agit en matière d'éducation, l'on voit toujours des problèmes...

M. GERIN-LAJOIE: Le ministre, ça, c'est un problème.

M. LESAGE: C'est un enfant-problème.

M. CARDINAL: ... je pense que l'on crée, justement autour de l'éducation, l'impression non pas qu'un certain nombre de réalisations sont accomplies, mais que sans cesse un certain nombre de problèmes sont créés. Il est sûr que la solution apportée non pas aux problèmes mais à un certain nombre de situations, crée une nouvelle situation qui elle-même a besoin d'être corrigée, puisque nous sommes justement dans une période de réforme et qu'il n'y a pas lieu d'être surpris que l'on voie cette conjoncture de problèmes, qu'il y a lieu, au contraire, de constater que le gouvernement, comme je l'in-

diquais dans mon document du 16, non seulement vole cette situation difficile, non seulement reconnaisse les problèmes, non seulement avoue les difficultés qu'il rencontre, mais tente par tous les moyens de résoudre ces problèmes et réussisse à le faire, comme on vient de le voir dans cette crise scolaire qui s'achève.

En revenant au marché du travail, au niveau secondaire, afin de permettre d'atteindre, le plus rapidement possible, les objectifs de la polyvalence, surtout afin de pouvoir donner à tous les jeunes qui doivent recevoir un enseignement professionnel à ce niveau, la formation qu'ils sont en droit de recevoir, le ministère a décidé d'intégrer, dans les meilleurs délais, les écoles de métiers relevant de sa Juridiction aux commissions scolaires régionales.

Cette politique, c'est le ministre lui-même qui l'a annoncée le 22 mars dernier dans un texte qui a été aussi rendu public.

Grâce à la collaboration de tous les intéressés, je veux dire les administrateurs scolaires, les professeurs, les directeurs, le personnel de soutien, etc., 49 écoles de métiers sur un peu plus d'une soixantaine sont à l'heure actuelle intégrées à des régionales.

Si après une annonce, le 22 mars dernier, les cinq-sixièmes des écoles de métiers sont intégrées, je me demande si ceci est de l'immobilisme. Sur le plan des programmes, au niveau collégial — je ne veux pas revenir sur ce que j'ai mentionné il y a quelques instants, sur l'existence de ces programmes — au niveau secondaire, je ne veux pas rappeler non plus ce qui a été dit lors du débat sur les crédits, sur l'existence de tous ces programmes qui ont, alors, été analysés.

D'ailleurs, il y a toute une série de documents à la disposition des étudiants et, évidemment, de l'Opposition à la suite de travaux qui ont été effectués au ministère. Sur le plan de l'orientation, M. le chef de l'Opposition, au niveau collégial, il faut d'abord noter que l'admission au CEGEP et le choix d'un programme d'études résultent en grande partie du travail d'orientation continue qui se fait ou doit se faire au secondaire.

M. LESAGE: Il devrait s'y faire en tout cas.

M. CARDINAL: J'ai dit: Qui se fait ou doit se faire avec les moyens qui sont à la disposition du Québec Deuxièmement, que la première session du programme de CEGEP comporte peu de spécialisation, de façon, justement, à permettre aux étudiants, une fois rendus dans les collèges, de mieux choisir leur concentration ou spécialisation.

D'ailleurs, je réfère, ici, à deux documents. L'un s'intitule « Mes projets d'orientation » septembre 1968...

M. GERIN-LAJOIE: II s'adresse à nous? M. LE PRESIDENT: Il était peut-être au...

M. CARDINAL: Non, ça s'adresse à l'étudiant

M. GERIN-LAJOIE: Non.

M. LESAGE: M. le Président, s'il vous plaît, ne soyez pas trop partisan !

M. CARDINAL: Le ministre est orienté d'une façon très précise ces jours-ci. Les projets d'orientation, septembre 1968, qui sont destinés, comme le comprennent tous les étudiants, aux étudiants - eux le comprennent — et « Le répertoire des cours et des Institutions à l'intention des élèves des cours élémentaire et secondaire. »

M. HOUDE: Est-ce qu'on peut en avoir une copie?

M. CARDINAL: Oui, certainement. Tous les documents dont je parle ce matin, sauf le seul document confidentiel que j'ai évoqué, sont à la disposition de tous ceux qui en font la demande par l'Intermédiaire du ministère de l'Education.

UNE VOIX: Ils ont été distribués, ces documents?

M. CARDINAL: D'ailleurs, ils ont été distribués à plusieurs reprises dès la publication. Actuellement, la distribution se fait aux députés, se fait à ceux qui sont sur la liste du ministère, se fait à ceux qui en font la demande, se fait aux écoles élémentaires, secondaires, aux collèges, etc.

M. GABIAS: M. le Ministre, M. le Président, si l'Opposition a pris connaissance de ces documents-là elle n'aurait dû jamais convoquer le comité.

M. LESAGE : Nous nous abstenons d'interrompre le ministre. Je ne vois pas beaucoup le député de Trois-Rivières...

M. CARDINAL: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Continuez M. le Ministre. Cela va bien.

M. LESAGE: Je n'ai pas de permission à donner.

M. LE PRESIDENT: Non.

M. CARDINAL: Je n'en ai pas demandé non plus!

M. LESAGE: Non.

M. LE PRESIDENT: Vous n'en avez pas besoin!

M. CARDINAL: Je disais donc qu'au niveau de l'orientation, il faut se rappeler aussi que les études dans les collèges d'enseignement général et professionnel se divisent en six secteurs. Je les rappelle: sciences et techniques physiques, sciences et techniques biologiques, sciences et techniques humaines, sciences et techniques administratives, arts et enfin lettres.

Les statistiques qui voudraient distinguer entre étudiants professionnels et étudiants du général, du moins pour les étudiants de la première session du CEGEP, peuvent difficilement être valides. C'est pourquoi des affirmations, à l'emporte-pièce, comme certains contestataires ou certains moyens d'information ont pu faire, à l'effet que 70% ou 75% ou j'ignore combien d'étudiants prenaient le cours de formation générale, ce sont des choses qui sont très peu vérifiables.

Il faudrait pour établir de semblables statistiques, diviser les étudiants par année et ensuite diviser dans les secteurs que j'ai indiqués. Il est exact, cependant, si l'on regarde la situation en général, sans vouloir établir des statistiques précises que les étudiants ont jusqu'à présent, plutôt choisi des options que l'on pourrait appeler générales ou humaines, plutôt que des options techniques.

D'ailleurs je me permets ici de rappeler, ce que j'ai mentionné lors des rencontres avec les étudiants, que j'ai demandé une analyse en profondeur sur cette question de façon à avoir des résultats aussi précis que possible, pour vérifier les affirmations qui ont été faites.

Dans les CEGEP, dans le personnel des collèges d'enseignement général et professionnel, il y a un service d'orientation et de psychologie. Ces services d'orientation et de psychologie sont aussi en organisation comme les collèges eux-mêmes le sont. La plupart des collèges comptent déjà un personnel de départ, quelques collèges sont déjà fort bien équipés. Les statistiques suivantes donnent une idée plus précise du personnel en place ou autorisé pour l'année en cours dans chacun des collèges. Si l'on prend les 23 collèges, on se rend compte que le personnel d'orientation s'établit à 41, le personnel de psychologie à 19, ce qui fait un total de 60 personnes. Je pense qu'il n'est pas nécessaire de donner pour chacun d'eux le nombre de personnes en orientation ou en psychologie. Et encore une fois, ces 60 personnes dans 23 collèges ne représentent que le début de ce système d'orientation.

Dans certains cas, les conseillers en orientation et les psychologues ne sont pas à temps plein, c'est vrai. Cependant, au fur et à mesure que s'organiseront les collèges, s'organisera aussi ce service. Ce personnel travaille en collaboration grâce à la commission de psychologie et d'orientation de la Fédération des collèges d'enseignement général et professionnel et, depuis août dernier, en relation avec un premier professionnel de l'orientation, engagé à la direction générale du collégial. Cette collaboration ira d'ailleurs en augmentant.

M. BELLEMARE: D'accord.

M. CARDINAL: Je pourrais reprendre les mêmes informations au niveau secondaire. Je préfère vous rappeler que le ministère diffuse chaque année aux élèves des répertoires de ces cours des institutions de cours secondaire et que tous ces documents sont à votre disposition.

En conclusion sur l'éducation et l'emploi, le ministère n'avait pas attendu les événements récents pour se poser les problèmes et trouver des solutions en relation entre l'éducation et l'emploi.

Il faudrait mentionner à nouveau ce qui a été dit en juin, les travaux d'opération-départ qui étaient l'inventaire des besoins de formation pour les adultes dans le territoire de chaque régionale, les travaux réalisés par des comités formés dans chaque régionale, les rapports qui forment une documentation considérable sur la situation de la main-d'oeuvre dans chaque région, tant au ministère de PEducation qu'au ministère du Travail, une équipe de chercheurs faisant une étude pour la région de Montréal. Il faudrait aussi ajouter les travaux réalisés à la direction générale de la planification, soit les besoins de main-d'oeuvre dans le secteur de l'enseignement aussi bien que sur l'ensemble des besoins auxquels le ministère de l'Education doit répondre. J'ai confié à un groupe de travail la coordination des activités de tous ces autres groupes.

En plus du projet d'action socio-économique étudiante dont j'ai fait état le 16 octobre dernier, d'autres projets sont en voie d'élaboration et donneront lieu très bientôt à une action

précise. Par exemple, le relevé systématique des orientations, création d'une banque d'information, l'utilisation des services de Radio-Québec, utilisation des services des ministères du Bien-Etre social, du Travail, des Richesses Naturelles, de l'Industrie et du Commerce.

Le problème des relations sur l'éducation et l'emploi est évidemment un problème fondamental pour une collectivité comme le Québec. Il ne sera pas résolu dans l'immédiat, il ne le sera peut-être jamais entièrement, il faut l'admettre une fois pour toutes et ne pas faire de drame avec une situation dont le gouvernement est parfaitement conscient et pour laquelle il apporte les meilleures solutions.

Est-ce à dire que, parce que le problème se pose aujourd'hui, il faille renoncer à une politique de scolarisation des jeunes? Est-ce que, comme on l'a annoncé, l'on aura des chômeurs plus instruits et que, pour cette raison, on doit cesser la démocratisation de l'enseignement? Ne jouons pas sur deux tableaux. Nous ne pouvons pas en même temps alimenter le taux de scolarisation et nous inquiéter de ce que nous ayons plus de gens instruits. Procéder de cette façon, c'est de la démagogie, c'est créer de l'insécurité, c'est manifester un manque de pondération.

Je termine en rappelant ceci: construire un pays est déjà un défi constant. Il importe que nous donnions aux jeunes d'aujourd'hui les moyens de relever ce défi mieux que n'ont pu le faire les générations qui ont précédé. Et le gouvernement actuel, comme le ministre de l'Education, sont sans cesse penchés sur ce problème de la création d'un Québec plus fort grâce à une meilleure éducation donnée aux étudiants du Québec.

Avant que l'on ajourne...

M. LESAGE: Il est moins dix...

M. CARDINAL: ... j'ajouterais que je n'ai pas fini de répondre aux exposés de l'honorable chef de l'Opposition et du député de Vaudreuil-Soulanges.

M. GERIN-LAJOIE: Ils sont...

M. LE PRESIDENT: M. le ministre des Affaires culturelles?

M. LESAGE: ... vous n'avez même pas commencé.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je peux vous poser une question? A quelle heure ajournons-nous?

M. LE PRESIDENT: Tout de suite.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, je réserve mon intervention.

M. LESAGE: Il s'agit de répondre d'une façon efficace, ce n'est pas commencé.

UNE VOIX: Ce n'est pas fini?

M. LESAGE: Ce n'est même pas commencé.

M. BELLEMARE: Messieurs, nous allons ajourner le comité à une date qui sera annoncée en Chambre et vous serez prévenus par le moyen d'information que nous avons, par le billet déposé sur nos bureaux.

M. LAPORTE: On ne pourrait pas siéger cet après-midi pendant que la Chambre va siéger?

M. BELLEMARE: Non, je pense que... nous n'aurons pas le temps.

M. LE PRESIDENT: La séance est ajournée. (10 h 49)

(Neuf heures trente minutes)

M. PROULX (président du comité): A l'ordre, messieurs I La troisième séance du comité de l'Education est ouverte. Je demande au ministre de l'Education de continuer son exposé.

M. CARDINAL: Je suis bien d'accord, M. le Président.

M. le Président, après avoir parlé des collèges d'enseignement général et professionnel, de l'orientation dans ces collèges, du marché du travail, je reviens à la planification de l'enseignement supérieur pour indiquer un certain nombre de travaux qui ont été effectués au sein du ministère et pour énumérer les projets qui sont actuellement en cours.

J'ai mentionné à plusieurs reprises qu'il y avait certains projets à l'étude et je vais indiquer à quel stade ils sont rendus.

Quant à l'université du Québec, qu'il faut distinguer de la deuxième université de langue française, j'ai mentionné à quelques reprises qu'un dossier avait été remis, récemment, au conseil des ministres pour étude et pour que des décisions soient prises. L'université du Québec serait une structure, dont la deuxième université de langue française à Montréal serait ce que je pourrais appeler une filiale, ainsi que les autres centres universitaires. Dans les dossiers préparés pour chacun des projets, des prévisions sont présentées au sujet des besoins personnels, des besoins en équipement et en locaux, des clientèles et des programmes, et des coûts. Ces dossiers font tous partie de la documentation actuellement à l'étude au conseil des ministres.

Quant au conseil des universités, les députés savent que le projet est au feuilleton, que le projet de loi a été déposé et, en résumé, le mandat essentiel du conseil des universités est de faire des recommandations au ministre au sujet de la coordination et de la planification de l'enseignement supérieur.

Lorsque j'ai parlé des collèges, j'ai parlé aussi de la formation des maîtres. La commission d'intégration se rapporte à la fois au niveau collégial et au niveau de l'enseignement supérieur. Cette commission doit regrouper les écoles normales et les autres institutions de formation des maîtres, en grande partie au niveau de l'enseignement supérieur.

J'ai indiqué, la semaine dernière, qu'il y avait un regroupement, d'ailleurs, des deux directions générales, celles de la formation des maîtres et de l'enseignement supérieur.

Au niveau de la planification aussi de l'enseignement supérieur, présentement se poursuit au ministère un inventaire des locaux et une analyse de leur utilisation. Le travail avait déjà été réalisé en 1966-1967 par une firme américaine de spécialistes et le travail a été poursuivi en collaboration par la direction générale de l'enseignement supérieur et les universités.

Quant aux investissements universitaires, la loi qui a été adoptée l'été dernier exige la préparation d'un programme d'investissements pour cinq ans, ce programme étant revisé chaque année et ce programme, d'ailleurs, étant déposé, d'après la loi, devant l'Assemblée législative.

Le problème qui se pose dans la planification de l'enseignement supérieur et qui paraît frapper davantage les étudiants, c'est le problème des places disponibles pour septembre 1969, alors que termineront, à la fois, les étudiants de ce que nous appelons les collèges classiques et les étudiants qui viennent des collèges d'enseignement général et professionnel. Comme, en moyenne, une année est enlevée pour ceux qui terminent dans les collèges, il y aurait le phénomène de ce qu'on appelle la double promotion. C'est-à-dire qu'en septembre 1969, se présenteront aux portes des universités ceux qui obtiendront un baccalauréat ès arts et ceux qui auront un diplôme d'études collégiales. Ce phénomène de la double promotion est un phénomène qui ne se produira qu'une fois, qui s'étendra, évidemment, année après année, pour ceux qui sont arrivés à une première année d'université, et le ministère s'est bien rendu compte que ce problème se poserait et l'a étudié immédiatement.

La direction générale de l'enseignement supérieur complète dans le moment l'Inventaire détaillé des locaux déjà existants et de leur utilisation pour l'année dernière, c'est-à-dire 1967-1968. La direction générale doit maintenant établir un taux optimum d'utilisation pour chaque type de locaux existants et la comparaison entre ce taux optimum et le taux effectif donnera le nombre de places disponibles, une fois l'ajustement fait, dans les locaux déjà existants, dans les universités déjà créées.

La direction générale fait cette étude, la soumettra au sous-comité des investissements universitaires et en publiera les résultats probablement en janvier ou, au plus tard, en février prochain.

Pour réaliser cette étude, le directeur général de l'enseignement supérieur a formé un groupe de travail qui comprend des personnes qui viennent de la Conférence des recteurs et principaux d'université, de l'UGEQ, de la Fédération des associations de professeurs, des syndicats.

Le mandat de ce groupe de travail est de déterminer ce taux optimum d'utilisation des locaux universitaires, y compris ceux de Trois-Rivières et de Chicoutimi et je l'ajoute particulièrement ce matin, à la suite de ce que j'ai vu dans les journaux, ainsi que les écoles normales gouvernementales, qu'elles soient à Trois-Rivières ou ailleurs, et de déterminer la capacité de recevoir de nouveaux étudiants en septembre 1969, par universités, par facultés, sans oublier la deuxième université de langue française qui sera créée pour cette date de septembre 1969.

Dans les remarques qui ont été faites — et ici je serai très bref, parce que je l'ai déjà indiqué, il ne s'agit pas d'une responsabilité directe du ministre de l'Education — il a été question des négociations dans le domaine de l'enseignement. La semaine dernière j'ai souligné que cette responsabilité des négociations, au niveau du conseil des ministres, était confiée au ministre d'Etat délégué à la Fonction publique, l'honorable Marcel Masse.

Je n'ajouterai que deux mots à ce sujet, pour dire que, comme ministre de l'Education, je me réjouis du fait que plusieurs conventions collectives ont été signées ou complétées au cours des derniers mois, dans le domaine de l'enseignement, sans affrontement, sans grève. Mentionnons, en particulier, la convention avec le syndicat des professeurs de l'Etat du Québec, c'est-à-dire les professeurs des écoles normales, des écoles des Beaux-Arts, conservatoires, écoles de l'enseignement spécialisé. Ceci s'est fait le 1er juin 1968. Convention avec le syndicat professionnel des enseignants — ce sont les enseignants des collèges classiques — le 13 août 1968. Convention signée avec le collège de Sainte-Foy, c'est-à-dire les enseignants de ce collège, qui est un CEGEP, et le gouvernement et l'association des professeurs de ce collège, le 6 septembre 1968.

Quant aux demandes qui sont présentement faites par la CEQ, encore une fois, la responsabilité en incombe au gouvernement par l'intermédiaire du responsable désigné. Je ne veux pas ajouter autre chose sur ce sujet, mais simplement rapporter que les négociations malgré ce qu'il en paraît, se sont faites cette année sans qu'il y ait de grèves ou de difficultés particulières dans le cas de plusieurs syndicats.

Un sujet qui a été mentionné aussi à l'occasion des débats de ce comité et au sujet duquel il y a un fait nouveau, c'est qu'à plusieurs reprises, lorsqu'on a parlé de questions de langue ou d'immigration, j'ai mentionné que j'attendais le rapport du comité de restructuration sco- laire de l'Ile de Montréal. J'ai reçu, hier après-midi, à Montréal, à huis clos, le rapport de ce comité. Ce comité devait, à l'origine, remettre son rapport à la fin de septembre. Il avait demandé un court délai d'un mois de grâce pour en faire l'impression,. Ce délai lui avait été accordé et il ne l'a même pas utilisé en entier. C'est donc hier, le 28, que le président de ce comité, M. Pagé, en présence de tous les membres du comité, m'a remis ce rapport. Ce rapport n'a pas été rendu public, il a été remis au ministre qui le remettra, sans délai, au conseil des ministres, avec recommandation de l'étudier, de le rendre public au moment jugé opportun. Le gouvernement s'est engagé déjà, par son premier ministre, à prendre les dispositions nécessaires pour donner suite à ce rapport.

Dans la question de la formation et de l'orientation des immigrants, on sait de plus qu'une loi du ministère de l'Immigration est présentement discutée. J'ai cependant ajouté qu'avant même que ce ministère ne soit créé, il existait, non seulement au Secrétariat de la province, mais aussi au ministère de l'Education, des organismes qui s'occupaient des immigrants.

En mai 1967, le ministère de l'Education annonçait la création d'un service de formation des immigrants rattaché, à ce moment-là, à la direction générale de l'éducation permanente. Ce service, sous la direction de M. Mario Buzzanga a déjà rendu d'importants services aux immigrants dans des domaines comme l'organisation de cours de langue, l'organisation de cours de civisme ou d'initiation à la vie canadienne et québécoise et l'étude de l'équivalence de diplômes étrangers.

L'expérience de la dernière année a montré que les activités d'un tel service de formation des immigrants touche au ministère plus qu'une seule direction générale. C'est pourquoi le ministère, actuellement, tout en attendant que la Loi du ministère de l'Immigration soit adoptée et que ce ministère crée ses propres organismes, organismes avec lesquels le ministère de l'Education veut collaborer, le ministère de l'Education étudie actuellement la possibilité que ce service général soit rattaché directement au bureau des sous-ministres sous le nom de Service d'orientation et de formation des immigrants.

Le ministre vient de recevoir un rapport qui a été préparé par ce service, avec les commentaires de ses sous-ministres — il vient à peine de le recevoir, il n'a pas pu encore même en prendre connaissance parce qu'il était aux réunions de ce comité — le ministre de l'Education pourra donc collaborer avec le ministère de l'Immigration en lui fournissant les détails sur

ce qui a dû être accompli au niveau du ministère de l'Education pour les immigrants.

Une autre question qui a été soulevée ici à ce comité, c'est celle du financement des commissions scolaires. On sait que c'est un problème délicat qui n'est pas né d'hier, qui n'a pas été créé par le présent gouvernement, les retards dans l'approbation des budgets ou des états financiers sont des retards cumulatifs. Il y a des problèmes réels, nous en avons convenu au mois de juin dernier, lors de l'étude des crédits du ministère de l'Education. Le ministre de l'Education connaît la situation, tout comme son collègue, l'honorable ministre des Finances. Nous savons que nous ne pourrons pas corriger d'emblée dans une semaine, d'une façon complète, cette situation. C'est d'ailleurs ce qui avait été dit lors de l'étude des crédits du ministère de l'Education. La gravité et la complexité du problème, reliées aux questions de fiscalité scolaire, d'administration scolaire, de structure scolaire, du nombre de commission scolaires, des services administratifs du ministère, sont telles qu'une revision en profondeur de la politique de financement des commissions scolaires s'impose et le gouvernement le reconnaît.

Cette revision, d'ailleurs, est commencée depuis plusieurs mois où l'on fait la recherche de solutions d'ensemble aux problèmes. Ceci se fait à un comité conjoint du ministère des Finances et du ministère de l'Education. Ce travail a commencé au mois de janvier dernier.

Le premier ministre lui-même a demandé, dès les premiers jours de son mandat — c'était le premier ministre Johnson à ce moment-là — d'intensifier les travaux et le premier ministre actuel que j'ai rencontré à ce sujet a fait la même demande.

Nous étudions même actuellement la possibilité de préparer, en collaboration avec le plus d'intéressés possible, appelons cela un livre blanc si vous voulez, sur le financement des commissions scolaires. C'est qu'il faudrait que les députés, les ministres et la population reconnaissent la situation financière des commissions scolaires et qu'une analyse soit faite des facteurs qui expliquent cette situation, que les prévisions sur les besoins futurs des commissions scolaires, comme on le fait au niveau de l'enseignement supérieur, pour des périodes de cinq ou dix ans, soient faites, compte tenu de l'évolution de la clientèle au niveau des maternelles — on sait que ceci se développe beaucoup — aux niveaux élémentaire et secondaire en vue, cette étude, d'éliminer les retards et aussi les arrérages dans les subventions dues aux commissions scolaires, pour assurer un équilibre plus constant entre les revenus et les dépenses de fonctionnement des commissions scolaires, pour compléter le programme de construction des écoles secondaires - je le souligne selon une saine politique financière - pour contrôler la croissance des coûts dans les commissions scolaires - dans le discours du budget, on référait à cette croissance des coûts — pour améliorer l'administration du financement des commissions scolaires, tant au niveau des commissions scolaires qu'au niveau du ministère.

Les membres de la Chambre savent, par les questions qui ont été posées en Chambre de février à juillet dernier, par les réponses qui ont été données à chacune de ces questions, que nous attachons, au ministère, une attention toute spéciale aux cas qui nous sont signalés de retards effectifs ou prévus dans le paiement des traitements du personnel des commissions scolaires. Je dois souligner que, dans ce domaine, la Fédération des commissions scolaires et les associations d'enseignants, dans plusieurs cas, nous ont rendu des services appréciables en signalant les cas constatés aux responsables du financement au ministère. Dans d'autres cas, malheureusement, cette collaboration n'existe pas et nous avons plus de difficultés.

Hier, le 28 octobre, au ministère, j'ai fait la vérification. Il n'y avait aucun cas signalé de retard dans le paiement des traitements du personnel des commissions scolaires. Il n'y a eu aucune intervention directe auprès de la direction générale de financement du ministère de l'Education à ce sujet.

Il est aussi certain qu'une étude semblable qui est commencée — je l'ai mentionné en janvier — devrait corriger certains aspects du système d'imposition foncière aux fins scolaires et devrait aussi régulariser le recours au système bancaire dans le processus du financement des dépenses des commissions scolaires.

Je veux souligner, ici — comme je le disais lors de la première réunion de ce comité- qu'un gouvernement doit reconnaître les difficultés qui se présentent. L'Opposition, à ce moment-là, peut critiquer la situation. Mais le rôle du gouvernement est de tenter, devant un problème comme celui du financement des commissions scolaires, non pas de donner des réponses qui laisseraient croire à des solutions magiques mais de faire des études sérieuses en collaboration avec le ministère des Finances dans les limites des contraintes qu'imposent la situation financière non seulement du Québec mais de tout le pays — on voit ce qui vient de se produire au fédéral — en tenant compte de la capacité de payer qu'ont les contribuables de la province, même pour l'éducation qui est l'une des priorités, mais qui n'est pas la seule.

Il ne s'agit pas, pour régler ce problème, de

renoncer à poursuivre la réforme de l'enseignement; il ne s'agit pas de renoncer à un investissement de capital pour l'avenir, il faut cependant équilibrer la partie des dépenses d'opération et d'investissement de capital, il faut certainement réaménager les conditions dans lesquelles s'effectuent et vont s'effectuer ces investissements, compte tenu des moyens de la génération actuelle même si l'on travaille dans ce domaine pour la génération future.

Le problème qui se pose devait nécessairement se poser, lorsqu'on songe à l'explosion démographique dans les milieux étudiants à tous les niveaux — lorsqu'on songe que tout le système de financement est fondé sur une longue tradition qui n'est plus conforme au mode de vie et à la vie économique actuelle. Le ministère des Finances et le ministère de l'Education préparent donc conjointement cette étude et, si la décision de préparer vraiment un livre blanc est prise, ce livre sera déposé à l'Assemblée législative le plus tôt possible, c'est-à-dire dès le début de l'année 69.

D'ici là ces deux ministères collaborent à la solution des problèmes les plus urgents qui sont à leur connaissance. Je soulignerai que, au ministère de l'Education, ceci est suivi de très près, même s'il peut arriver, à cause du grand nombre de commissions scolaires, que certains cas ne soient pas portés immédiatement ànotre attention.

Dans le domaine du financement des commissions scolaires justement, il y a un problème qui s'est posé cette année, c'est celui du transport des élèves. On se rappellera que le conseil des ministres a élargi les règles qui avaient été établies, qu'un montant additionnel de $400,000 a été mis à la disposition du ministère à cette fin. Au moment même où la semaine dernière, l'Opposition soulevait le problème de l'approbation des contrats de transport d'élèves, la situation était la suivante: Tous les contrats pour le transport des élèves soumis avant le 10 septembre 1968 avaient été étudiés et approuvés. Ce qui représente environ 600 contrats.

Toutes les situations urgentes signalées au ministère depuis le 10 septembre 1968 ont fait l'objet d'une réponse au moins verbale de la part des services du ministère de l'Education et sont présentement à l'étude. Présentement une centaine de dossiers comportant des projets de contrats et surtout des avenants des modifications des contrats soumis après le 10 septembre 1968 sont à l'étude, mais l'étude de ces cas ne suppose ni ne nécessite ni n'implique une suspension du service du transport des étudiants.

L'étude porte sur la détermination des sommes qui peuvent être subventionnées selon les règles établies, règles d'abord établies dans les directives fournies aux commissions scolaires sur les dépenses admissibles et modifiées par la décision du mois dernier du conseil des ministres.

Quant à la construction des écoles — qui est dans le même domaine et la suite logique de ce que je viens d'indiquer — il faut se rendre compte que, très fréquemment, il y a des modifications aux plans, modifications assez nombreuses jusqu'à il y a quelques mois, parce que certains architectes n'étaient pas familiers avec les exigences d'une école secondaire polyvalente. Depuis, les changements nécessaires sont moins nombreux. Par ailleurs, des revisions ont été faites —je l'ai indiqué au mois de juin dernier — pour s'assurer que la construction serait faite à un coût moindre. Nous avons indiqué en juin les diminutions de coût pour ces écoles. Grâce, par exemple, à un système d'analyse et de surveillance des plans et devis, les coûts de construction ont pu être comprimés tout en maintenant la qualité des constructions.

Je donne un exemple. Il y a un an, le coût au pied carré était de $17.25. En septembre 1968, ce coût était réduit à $15.30, ce coût comprenant les bâtiments, l'ameublement intégré et l'aménagement intérieur.

Des rumeurs voulaient qu'il y ait blocage au niveau du conseil des ministres. Je désire affirmer, avec beaucoup de fermeté et de précision, que le ministre ne bloque aucun dossier au niveau de son bureau. Il peut arriver qu'un dossier vienne au bureau du ministre et que celui-ci décide qu'il doit faire l'objet d'une étude particulière. Or, le dossier retourne, à ce moment-là, au service général. C'est une excuse facile — et je dois le dire parce qu'à quelques reprises le fait s'est produit, et immédiatement j'ai rétabli les faits — pour quelqu'un qui est pris au téléphone ou devant un représentant d'une commission scolaire, de dire: Le ministre n'a pas encore donné son accord.

En aucun cas, que ce soit pour la construction des écoles ou que ce soit dans d'autres domaines, je n'ai comme système de bloquer au niveau du cabinet ou du bureau du ministre.

Le discours du budget indiquait que l'on consacrerait environ $170 millions à la construction d'écoles secondaires, y compris la part dont le financement est assuré par les commissions scolaires. Selon les prévisions actuelles le montant mentionné dans le coût du budget serait atteint

Au ministère on serait effectivement en mesure d'accélérer encore davantage la mise en chantier d'écoles secondaires mais il faut se rendre à l'évidence qu'il y a un problème de

disponibilité budgétaire et que la construction doit se faire selon ces disponibilités. Même si le ministre de l'Education préférait qu'il n'y ait pas de limites financières, il doit évidemment accepter, comme je le mentionnais tantôt, que le programme de construction des écoles demeure dans les limites tolérables au point de vue budgétaire, en tenant compte des possibilités d'emprunt de la province, de la perception des impôts et des montants utilisables par le gouvernement pour tous les ministères.

On rejoint donc un problème financier global qui se pose pour tous les ministères au Québec et dans les autres provinces. Actuellement il y a 21 écoles secondaires terminées, 54 autres écoles en chantier. Si l'on répartit les projets: six sont au stade de l'approbation des soumissions; deux au stade de l'ouverture des soumissions; 24 au stade de l'approbation des plans d'exécution; 23 au stade de la présentation des plans d'exécution; 17 au stade de l'approbation de l'avant projet; neuf, de Papprobation des esquisses; 20, de la présentation des esquisses; 31, de la transmission du programme technique et 20 de l'approbation de principe, ce qui fait un total de 227 écoles terminées, en chantier ou à divers stades.

La réponse très précise à ce problème se rattache aussi à l'étude des disponibilités financières et du financement des commissions scolaires, les commissions scolaires devant elles-mêmes assumer une partie du financement de cette construction et devant, pour ce faire, procéder elles-mêmes à des emprunts.

Pour résumer, l'Opposition a indiqué un certain nombre de problèmes. Le gouvernement connaissait déjà ces problèmes. J'ai indiqué pour plusieurs d'entre eux, je pense, ce qui s'était fait, ce qui se fait, ce qui est à l'étude, soit au niveau du gouvernement ou au niveau interministériel ou au niveau du ministère de l'Education pour résoudre ces problèmes. Résoudre ces problèmes, ce sont déjà des termes qui mériteraient d'être nuancés.

Si tout ce qui concerne l'éducation est toujours appelé « problème », quel que soit celui qui est ministre ou qui sera ministre de l'Education, on pourrait toujours parler de problèmes d'éducation. L'éducation est justement l'une de ces choses qui ne cessera jamais, et celui qui me fait face et qui m'a précédé à ce poste, devrait savoir lui-même quels sont les problèmes dans le sens que je viens de dire, qu'il a dû affronter.

Je pense qu'il serait plus positif de cesser de parler des problèmes de l'éducation ou de la crise de l'éducation pour que chacun prenne ses responsabilités dans ce domaine. Il y a peut- être un fait, c'est que l'on parle peut-être trop des problèmes de l'éducation et que le ministère n'a peut-être pas le loisir d'informer suffisamment la population de tout ce qu'il fait. Et quand il le fait, comme lors de la remise de ce bilan sur la formation des maîtres, ces bilans qu'il offre à la Chambre et au public, ces communiqués qu'il émet, ne font pas la manchette comme les situations des crédits, au contraire. Il y a donc ici un aspect qui n'est pas un aspect de la réalité mais de la façon dont on envisage une situation donnée.

On sait, par exemple, que ce que l'on a appelé la crise scolaire au niveau des collèges, crise qui s'achevait en ce qui concerne l'occupation au moment où ce comité a commencé ses délibérations. Vous savez qu'il n'y a présentement que l'école des Beaux-Arts de Montréal où il y a encore une occupation. A l'université de Montréal, les étudiants de la faculté des sciences sociales ont décidé de retourner aux études. Il ne reste que la théologie qui peut peut-être contester sa charte pontificale. Et il y a un petit problème qui s'est posé à l'école normale de Trois-Rivières, problème que nous réglerons dès aujourd'hui, parce qu'il semble qu'il s'agit beaucoup plus d'un malentendu que d'un problème réel.

Je pense donc que le gouvernement actuel, ne peut être justement accusé d'Immobilisme en matière d'éducation parce qu'il a accéléré, d'une façon ralsonnée, le processus et tous les chiffres et les faits que j'ai donnés en sont, je pense, l'indication.

Les termes utilisés dans le public, au comité, ou à la télévision, tels que « fouillis », ne décrivent pas, je pense, la situation et n'aident pas à la résoudre. Même si les étudiants des collèges sont retournés dans les collèges, il est évident — et je suis d'accord ici avec les étudiants — qu'au lendemain de leur retour, ils ne sont plus dans la même situation qu'ils étaient avant d'avoir ou quitté ou occupé ces collèges.

J'ai, encore hier, rencontré un groupe d'étudiants au niveau collégial, et je dirais que la grande majorité, et non pas une certaine minorité qui les a animés à certains endroits, la grande majorité de ces étudiants, après cette expérience qu'ils ont vécu, sont maintenant prêts au dialogue avec le ministère de l'Education, avec le ministre, avec le gouvernement. Ceux qui ne sont pas prêts au dialogue, messieurs, si vous les avez écoutés, vous vous rendez compte que ce n'est pas le ministre qu'ils contestent, ils contestent autant, comme ils l'ont dit eux-mêmes, le ministre, le ministère, le gouvernement, l'Opposition et tous ceux qui la composent. Et, par conséquent, on ne peut pas faire de re-

proche au gouvernement, ni pour l'opinion, ni pour l'action de ces personnes qui ne s'occupent pas de problèmes scolaires et qui contestent globalement la société dans laquelle nous vivons. Et je ne pense pas que l'Opposition conteste ni la forme de notre gouvernement, ni la société dans laquelle nous vivons.

M. CARDINAL: On pourra soutenir que je n'ai pas répondu à toutes les questions, à toutes les questions de détail. J'ajouterai que toutes les questions qui ont été posées pourraient recevoir des réponses précises avec dossiers à l'appui. Mais, ceci prendrait, comme nous pouvons le deviner — et je pense que nous devons l'admettre — un travail assez important du ministère. Plusieurs jours de travail. Comme je l'ai déjà dit au débat sur les crédits, en juin dernier, je suis toujours à la disposition des députés, qu'ils soient d'un côté ou de l'autre de la Chambre, pour les renseigner sur ce qui se passe au ministère de l'Education et pour répondre de mon mandat de ministre de l'Education. Bientôt, j'espère que les événements prouveront que je saurai répondre en Chambre de ce mandat.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chambly.

M. LAPORTE: M. le Président, je remercie le ministre de ce long exposé. C'est la première ou la deuxième fois qu'il a Poccasion — devant ceux qui ne sont pas ses pairs — d'expliquer ou de tenter d'expliquer sa politique. Je vais, cela ne le surprendra peut-être pas, différer d'opinion sur le sens qu'il a voulu donner à son intervention et, particulièrement, sur des choses qu'il n'a pas dites.

M. le Président, au risque de paraître désagréable, ce qui ne m'arrive pas trop souvent — je l'espère — je voudrais exprimer publiquement le regret que le premier ministre ne soit pas présent aux réunions de ce comité.

M. BELLEMARE: M. le Président, je vous demanderais, avec votre permission, de ne pas permettre à l'honorable député de continuer en ce sens-là, en vertu de l'article 264.

M. LAPORTE: En vertu de quoi? M. BELLEMARE: L'article 264.

M. LAPORTE: N'ai-je pas le droit de dire cela?

M. BELLEMARE: C'est-à-dire que vous avez peut-être le droit, mais cela serait injuste.

M. LAPORTE: Ah! bien cela...

M. BELLEMARE : M. le Président, vous avez déjà formulé en Chambre deux griefs à l'endroit d'un ancien premier ministre qui — je pense — n'a jeté aucun lustre sur votre intervention. Je crois que nous devrions éviter ces choses-là, quand on sait la responsabilité qu'a actuellement le premier ministre de la province; alors qu'en outre nous parlons de collégialité, que nous parlons de distribuer des tâches. Le chef de l'Opposition lui-même n'a-t-il pas dit, dernièrement, qu'il fallait repenser notre système parlementaire et voir à donner à d'autres des responsabilités? Je ne pense pas que l'honorable député soit justifié de continuer dans cette veine, d'accuser le premier ministre de ne pas être dans ce comité.

Il m'a demandé personnellement de l'y représenter, de représenter aussi le ministère comme tous mes collègues le font. Mais, M. le Président, je pense que l'honorable député comprendra com.-ne moi que la tâche qui incombe présentement au premier ministre de la province est une tâche lourde de responsabilité. Une tâche exigeant qu'il donne aux problèmes d'administration une attention toute particulière.

M. LAPORTE: J'ai fait, M. le Président, preuve de beaucoup de patience, je ne crois pas que le règlement permette au député et ministre du Travail de me donner des leçons de savoir-faire.

M. BELLEMARE: Si les règlements... Non, mais par exemple j'ai — en vertu de l'article 264 — le droit, M. le Président — en tant que député — de défendre un de mes collègues absent.

M. LAPORTE: Oui, mais attendez que je l'aie attaqué.

M. BELLEMARE: Oui, mais je vous vois venir parce que les journaux vous ont déjà pressenti... M. le Président, je ne voudrais pas voir se renouveler en Chambre les scènes désagréables qui s'y sont déjà produites...

M. LAPORTE: Bien, si tout le monde veut se taire, nous verrons les raisons que j'ai à donner. Après nous pourrons en discuter.

M. BELLEMARE: Mais je dis que, M. le Président, si le leader parlementaire, si l'honorable député de Chambly voulait comprendre la situation, lui, qui est déjà un parlementaire assez aguerri aux débats de l'Assemblée Légis-

lative et des comités — il a siégé dans cette Chambre, dans ce comité, pendant plusieurs années — ne devrait pas se servir de ces arguments contre le premier ministre pour souligner que celui-ci n'est pas au comité ce matin. Il m'a demandé de le remplacer.

M. LAPORTE: Bien...

M. BELLEMARE: C'est difficile, M. le Président, d'être partout, surtout pendant que nous avons à régler ces problèmes difficiles.

M. LAPORTE: Je regrette que le premier ministre ne soit pas présent. Si l'on m'avait laissé ajouter la deuxième phrase, c'est celle-ci: Sans doute le premier ministre est-il un homme très occupé. Deuxièmement, je trouve absolument normal que le premier ministre ne participe pas personnellement à toutes les séances de nos comités.

C'est un homme très occupé et il serait même anormal que le premier ministre continue à être présent partout dans nos réunions. Mais, je vais donner les raisons pour lesquelles le premier ministre devrait être présent au comité. Si, par hasard, vous trouvez qu'il y a là quelque attaque contre lui, vous me le direz.

Je dis qu'actuellement il s'agit d'un débat d'une très grande importance. Le ministre lui-même a dit que ce débat ou ce problème a une dimension mondiale. Le ministre de la Culture en France, M. Malraux, devant une situation je ne dirais pas semblable mais analogue, a dit qu'il s'agit d'une « crise de civilisation ». En France, pendant la crise scolaire, c'est le premier ministre qui parlait au nom du gouvernement. J'aurais aimé qu'il en fût de même dans la province de Québec.

Deuxièmement, au moment où la crise scolaire a éclaté chez nous, le premier ministre actuel n'avait pas encore assumé toute la responsabilité du gouvernement. Ce comité, c'était pour lui la première occasion de tracer devant les députés les grandes lignes de la politique de son gouvernement, de dire à la population en général, aux professeurs et aux élèves, quelle orientation le gouvernement actuel, dont il vient d'assumer la direction, entend donner a la société québécoise.

Troisièmement, M. Bertrand, avant qu'il ne fût premier ministre, a été ministre de l'Education, du 16 juin 1966 jusqu'à novembre 1967. Il avait des comptes à rendre à ce comité. Il n'aurait pas dû s'y dérober.

Et, quatrième raison, M. le Président, le problème que nous étudions dépasse la compé- tence d'un seul ministre, si intelligent, si aimable soit-il. Plusieurs ministères, ceux de l'Education, de la Fonction publique, du Travail, des Finances, sont impliqués dans le problème que nous étudions actuellement. A tel point qu'à deux ou trois reprises au moins, le ministre a dit: Ceci n'est pas de ma compétence. Je tâche de m'occuper de mon secteur et je laisse à mes collègues le soin de s'occuper du leur.

Seul le premier ministre était autorisé à parler, sur tous les plans, au nom de son gouvernement. Je dis donc que son absence prive ce comité de la possibilité d'avoir des réponses globales sur toutes les questions qui se posent en matière d'éducation.

M. le Président, je reproche au premier ministre, pour toutes ces raisons, de ne pas avoir été ici.

M. BELLEMARE: Ce n'est pas gentil.

M. LAPORTE: Qu'est-ce qu'on nous a dit? Je ne m'attendais pas à recevoir des compliments pour avoir dit cela.

M. LOUBIER: Pourquoi ne reprochez-vous pas à quatre de vos députés de ne pas être ce matin au comité? Quatre sur neuf! Je vous ferai remarquer que 40% des membres du comJ-té représentant l'Opposition ne sont pas ici ce matin.

DES VOIX: C'est ça.

UNE VOIX: Vous n'avez même pas l'excuse d'avoir des responsabilités sérieuses.

M. LAPORTE: Que vous preniez quatre de nos députés pour des premiers ministres, c'est flatteur. Mais, ils ne le sont pas.

M. LOiJBIER: Le député de Chambly peut faire des sophismes et des mots d'esprit quand il voudra pour tenter d'écarter les... C'est que, brutalement, nous constatons qu'au moment où il se plaint, que le premier ministre, qui n'est pas membre de ce comité, ne soit pas ici, il comprenne que le premier ministre peut être occupé ailleurs. Qu'il comprenne que le premier ministre décide de donner des responsabilités complètes à ses ministres,...

M. LAPORTE: Le ministre est extrêmement intéressé, mais il faudrait peut-être constater...

M. LOUBIER: M. le Président, il est tout de même indécent d'entendre le député de Chambly

signaler l'absence du premier ministre de façon, je ne dirais pas mesquine, mais je dirai un mot plus faible, plus élégant, plus parlementaire. Au moment où il s'indigne de l'absence du premier ministre qui n'est pas membre du comité, 40% de la délégation du parti de l'Opposition qui devait faire partie de ce comité, est absente ce matin» Et cela prouve l'intérêt qu'il porte au problème de l'éducation et de la crise actuelle, s'il y a crise.

M. LAPORTE: Ah, oui! cela change énormément les détails! J'aimerais maintenant, si vous autorisez encore, M. le Président, des digressions aussi flagrantes, que le ministre nous dise s'il n'était pas normal que le chef du gouvernement, face à la situation scolaire la plus tragique que nous ayons vécu dans toute l'histoire de la province de Québec, vienne lui-même nous dire quelle est l'attitude de son gouvernement.

M. LOUBIER: Si je le comprends, c'est une question.

M. LAPORTE : Non, ce n' est pas une question.

M. LOUBIER: M. le Président, sur un point d'ordre, le député de Chambly a dit qu'il voudrait que le ministre réponde à la question: Ne serait-il pas normal que le premier ministre soit ici ce matin, parce qu'il est chef du gouvernement?

M. LAPORTE: Dites pourquoi.

M. LOUBIER: M. le Président, le premier ministre a fait des déclarations publiques au cours des perturbations que nous avons connues. Le ministre de l'Education est responsable de l'éducation. Le premier ministre a été ministre de l'Education, à ce moment-là il pouvait répondre en Chambre continuellement aux questions de l'Opposition, aux points d'interrogation de l'Opposition, il pouvait continuellement répondre de son administration et si l'Opposition, à ce moment-là, ne s'est pas réveillée pour poser des questions, qu'elle n'en blâme pas le premier ministre actuel.

M. LAPORTE: M. le Président, la population pourra porter jugement. Le premier ministre était membre du comité — j'avais terminé cette partie-là — j'avais donné quatre raisons...

M. LESAGE: Souvenez-vous de 1966, vous n'aviez que 14% et vous avez gagné. J'ai des souvenirs cuisants.

M. LAPORTE: J'avais quatre raisons sérieuses qui, à mon avis, pourraient...

M. GRENIER: Dialogue, dialogue, ils sont deux.

M. LAPORTE: M. le Président, vous allez perdre le contrôle de votre comité.

UNE VOIX: Laissez parler le député de Beauce.

M. LE PRESIDENT: Messieurs, s'il vous plaît, à l'ordre, le député de Chambly seul à le droit de parole.

M. LESAGE : Cela n'a pas paru jusqu'à maintenant.

M. LE PRESIDENT: Voulez-vous laisser parler le député de Chambly s'il vous plaît. Je demanderais au député de Louis-Hébert de laisser parler le député de Chambly.

DES VOIX: A l'ordre!

M. LAPORTE: Je demanderais à M. le Président de faire preuve d'une petite dose d'impartialité. On peut bien s'amuser à faire des blagues, M. le Président, mais vous avez une responsabilité devant ce comité. Et ceux de vos collègues qui ont présidé d'autres comités se sont montrés, autrement que vous, à la hauteur de la situation.

DES VOIX: A l'ordre!

M. BELLEMARE: M. le Président, je pense qu'on oublie les articles de notre règlement qui demandent d'abord le respect à la présidence.

M. le Président, je ne pense pas que le chef de l'Opposition puisse employer de ces termes qui sont antiparlementaires et qu'il ne devrait pas surtout donner ce mauvais exemple. Il peut y avoir des échanges, c'est sûr. Les présidents des comités d'ailleurs ont le droit de prendre part à toutes les discussions dans un comité, c'est leur droit, c'est reconnu par notre livre de procédures. Notre règlement le prévoit, il dit que le président a le droit, lui, comme président, de prendre part à toutes les délibérations et même d'apporter son opinion. Cela est dans notre règlement. C'est écrit textuellement. Je pense, M. le Président, que ces accusations à l'endroit de la présidence sont malvenues et que nous ne gagnerons rien ce matin à continuer ces interventions malheureuses.

M. LAPORTE: Si je n'avais pas été interrompu si fréquemment, je serais déjà fort avancé dans mon intervention.

Je ne voudrais pas que mes paroles aillent au-delà de ma pensée.

Je voudrais même à votre endroit, M. le Président, vous qui êtes président, être en mesure de dire autre chose que ce qu'on dit parfois en anglais, qu'on a beaucoup de respect pour la « chaise ». Je voudrais bien que celui qui l'occupe soit également digne de notre respect.

UNE VOIX; A l'ordre!

M. LAPORTE: Je vous compte au nombre de mes amis et je voudrais également que ceci puisse être vrai à l'avenir.

M. GABIAS: M. le Président, vous avez donné la parole au député de Chambly...

M. LAPORTE: Celui de Trois-Rivières ne l'a pas.

M. GABIAS: ... au lieu du député de Louis-Hébert. Lui, il ne sait rien.

M. LAPORTE: Mais quand avez-vous donné la parole au député de Trois-Rivières, M. le Président?

M. LE PRESIDENT: Je demanderais à tout le monde de manifester un peu de collaboration s'il vous plaît.

UNE VOIX: Je suis d'accord.

M. LE PRESIDENT: II nous reste une demi-heure de travail. Je demanderais la collaboration de tous et je veux garder l'amitié de tous, spécialement celle du député de Chambly.

M. LAPORTE: Si vous m; prenez par l'émotion, M. le Président...

UNE VOIX: Nous sommes voisins!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. LAPORTE: M. le Président, qu'est-ce que nous a dit le ministre de l'Education? Je l'ai écouté attentivement — je m'excuse d'avoir été absent, peut-être dix minutes pendant toute son intervention — j'ai pris des notes et j'ai relu la transcription de ce qu'il nous avait dit.

En somme, pendant deux heures, le ministre de l'Education nous a dit qu'il a été un élè- ve studieux, qu'il a été aussi diligent qu'il était capable de l'être, qu'il a fait tout en son pouvoir afin de normaliser la situation dans le domaine de l'éducation.

Je suis disposé, personnellement, à lui rendre ce témoignage qu'il a été excellent élève et qu'il a donné le maximum de ce qu'il était en mesure de donner de son propre témoignage. Il a fait tout cela... et il a échoué lamentablement!

Il a fait tout cela, mais les étudiants ont quand même provoqué la pire crise scolaire de l'histoire de notre province. Il a fait tout cela et les professeurs — j'en donnerai malheureusement la preuve tout à l'heure — sont plus mécontents que jamais dans la province de Québec, mécontentement qui serait purement théorique s'il ne se traduisait par des pertes de temps inouïes pour les élèves de la province de Québec. Il a fait tout cela et les professeurs sont plus mécontents que jamais.

Le ministre de l'Education a fait tout son possible mais jamais les parents ont été à ce point inquiets. Nous sommes des parents nous-mêmes, la plupart d'entre nous. Jamais les parents auront été autant taxés — je le prouverai tout à l'heure — je prouverai qu'ils n'ont jamais été autant taxés pour que leurs enfants reçoivent dans la province de Québec aussi peu d'instruction en 1968.

Il a fait tout cela et il a abouti à ce résultat-là. Qu'est-ce qu'il lui reste à faire au ministre? Je sais que le ministre visite fréquemment Paris. Là, aussi, il y a eu, en mai dernier, une grave crise scolaire, plus grave que la nôtre sans doute. Je me demande s'il faudra attendre ce degré de gravité pour juger que c'est grave!

Là aussi, il y a un ministre de l'Education qui est certainement allé voir le président de la République, pas pour lui dire qu'il avait manqué son coup, mais pour aller lui réciter, au président de la République, tout ce qu'il avait fait pour normaliser l'éducation en France. Il a tout fait cela lui aussi, en France. Il a certainement été dire, mutatis mutandis, tout ce que le ministre nous a dit ce matin, et ce, pendant plusieurs heures. Le résultat? Il a été invité à présenter sa démission et il a démissionné!

Dans une fonction comme celle qu'occupe le ministre, ce n'est pas la quantité de travail qui compte — malgré que ce soit bien nécessaire — ce sont les résultats. Les résultats? Une partie importante des CEGEP qui ont été vidés de leurs élèves. Dans la province de Québec, pour la première fois, le drapeau de l'anarchie a flotté sur certaines écoles.

M. GABIAS: Et vous l'attisez!

M. LAPORTE: M. le Président, le résultat? Des milliers et des milliers de journées d'écoles se sont perdues et se perdent encore dans la province de Québec.

M. GABIAS: Et vous l'encouragez!

M. LAPORTE : Je dis au ministre, qui a été moins tenté d'aborder de front le problème que nous avons à résoudre, d'aborder sans détour, directement, le ou les problèmes qui doivent retenir notre attention. Il nous a brossé une fresque merveilleuse de ce qu'est le ministère de l'Education, de tous les services que le ministère offre, de la publicité que le ministère a faite autour des options qu'il propose aux élèves. Ce n'est pas cela que l'on a à discuter ce matin.

Qu'est-ce qu'il nous a dit de la création d'une deuxième université française à Montréal? Qu'est-ce qu'il nous a dit du régime des prêts-bourses? Qu'est-ce qu'il nous a dit, le ministre, de l'accessibilité des diplômés au marché du travail? Ce sont les trois problèmes fondamentaux qui ont été répercutés aux quatre coins de la province de Québec par des étudiants inquiets, furieux à un moment donné. S'imagine- t-on qu'il n'y a que les élèves qui sont inquiets? Je sais qu'il y a des députés ici qui ont dû recevoir comme nous des douzaines de téléphones de parents qui nous disent: Qu'est-ce que ça nous donne d'envoyer nos fils au CEGEP? Nous ne savons même pas s'ils vont pouvoir trouver du travail. On leur offre un emploi actuellement, nous nous demandons si nous ne leur suggèrerions de le prendre.

Cette inquiétude des élèves se traduit par une inquiétude beaucoup plus profonde des parents. Qu'est-ce qu'il nous a dit, M. le Ministre, de la deuxième université française? Il a promis que l'université de langue française, la deuxième, ouvrirait ses portes en septembre 1969. C'est la réédition d'une promesse qui a été faite à la télévision à plus d'une reprise.

Quelle sorte d'université va s'ouvrir à Montréal, si tant est qu'elle ouvre en 1969? Une université qui a été préparée en consultation avec qui? Une université qui offrira quel éventail de cours? Une université qui sera située où? Pas un mot de toutes ces questions, M. le Président, rien! Le ministre n'a même pas été en mesure de nous dire si cette université ferait l'objet d'un projet de loi ou si elle serait le fruit d'une sorte de génération spontanée à l'intérieur des services du ministère. Cela, c'est le problème de la deuxième université française à Montréal.

Or, ni les étudiants — j'en ai rencontrés en fin de semaine, M. le Président, des gens qui rentrent au CEGEP, qui rentraient hier — ni les professeurs — ils sont devenus de grands lecteurs de journaux, les étudiants, depuis que cette crise a éclaté — ni les uns ni les autres ne sont satisfaits de cette déclaration du ministre.

Quand même le ministre nous dirait ce matin, tant qu'il le voudra, qu'ils ont tort, les étudiants ont la conviction et le ministre n'a rien dit jusqu'ici devant ce comité pour faire disparaître cette conviction, qu'on ne les a jamais consultés et qu'on va leur servir au mois de septembre un plat tout cuit sans qu'on ne leur ait jamais demandé, sans qu'on ne les ait jamais consultés sur les ingrédients qui allaient y entrer.

Qu'est-ce que le ministre attend sur un problème aussi grave qu'une deuxième université française, avec un député qui en promet une autre dans son propre comté à Trois-Rivières, en disant qu'il y aurait des priorités sur cette université — qu'est-ce que le ministre attend, M. le Président, pour prendre la route à son tour, lui, pour répéter l'opération 55, descendre de sa tour d'ivoire, pour aller rencontrer les parents, les élèves, les professeurs, tous les intéressés, les consulter publiquement sur ce que sera cette deuxième université française? On ne la bâtira pas deux fois cette deuxième université française. Il faut que dès sont départ elle réponde aux besoins et que tous ceux qui actuellement brandissent avec raison partout les mots consultation-dialogue, que ces gens-là aient l'impression qu'ils ont été consultés. Et que cela se fasse une fois encore sur la place publique! L'ancien ministre a pris ce risque-là deux fois. Ce n'était pas drôle de faire le tour de la province de Québec. Il a pris ce risque-là deux fois. Ce n'était pas drôle de partir faire le tour de la province de Québec, de rencontrer des contradicteurs publics. Il y en aurait des contradicteurs aujourd'hui.

M. BOUSQUET: Et avec quel succès!

M. LAPORTE: M. le Président, des remarques aussi stupides que celle-là face à un problème aussi grave que cela, je ne les accepte pas.

M. BOUSQUET: Je dis tout simplement que cela a été une opération manquée. Je ne dis pas que l'ancien ministre de l'Education n'était pas bien intentionné, mais cette tournée...

M. LAPORTE : M. le Président, ce sera la dernière partie de mon intervention: d'où nous sommes partis, ce que nous avons remis au gouvernement qui nous a suivis, et ce qu'il en a fait.

Nous verrons alors qui a transformé en un échec ce qui s'annonçait comme un grand succès! Cela a commencé au cours d'une campagne électorale dont il faudra malheureusement parler.

M. GABIAS: L'électoralisme.

M. LAPORTE: Il est encore temps de prévenir...

M. GABIAS: L'électoralisme. UNE VOIX: Ah, c'est effrayant!

UNE VOIX: Deux Maltais qui ne partagent pas la même idée...

M. LAPORTE: Il est encore temps de prévenir le ministre, que du train où vont les choses le risque est très grand que les débuts de sa deuxième université de langue française ne soient catastrophiques. Loin d'en être heureux, je vous dis, selon les renseignements que nous avons actuellement et c'est l'endroit pour en discuter, que vous courez un risque très sérieux. Si notre intervention parvient à faire éviter ce risque, ce n'est pas l'Opposition qui en tirera profit, c'est le gouvernement. Nous pourrions facilement dire ce matin: M. le Ministre, vous êtes sur la bonne route, continuez et vous aurez un succès total. Mais je vous dis non.

J'ai rencontré des étudiants en fin de semaine, lors d'une réunion tout à fait étrangère aux problèmes de l'éducation. J'ai causé avec ces étudiants assez longuement. Ils ne sont fiers, actuellement, d'à peu près personne dans notre société.

M. GABIAS: Surtout pas du député de Chambly.

UNE VOIX: Non, c'est vrai.

M. LAPORTE: M. le Président, ils ne sont fiers d'à peu près personne dans notre société...

UNE VOIX: C'est donc gentil, ça!

M. LAPORTE : Ils m'ont dit que ce qui les inquiète plus qu'autre chose actuellement, c'est la perspective que cette université de langue française s'ouvre à Montréal en septembre et qu'ils ne soient, ni de près ni de loin, intéressés à sa préparation et, plus tard, à son administration.

M. le Président, au sujet des prêts-bourses, qu'est-ce que le ministre nous a dit? Il s'est contenté d'affirmer que son ministère a augmenté le nombre de millions mis à la disposition des prêts-bourses. Est-ce que le ministre croit sérieusement qu'il a résolu le problème par cette seule déclaration?

Voici quelques-unes des questions...

M. BELLEMARE: Il a expliqué le rouage des prêts-bourses.

M. LAPORTE: M. le président, le ministre sait fort bien que je ne me laisserai pas arrêter pas ses propos. Aussi bien alors de me laisser aller. Je vais dire tout ce que j'ai à dire, tout, tout, tout! C'est inutile de m'interrompre, car ce ne sera que plus long et désagréable. Vous allez avoir l'occasion de répondre tant que vous voudrez, mais j'ai des choses à dire et, si elles ne sont pas fondées, vous pourrez me répondre. Si ces choses sont fondées vous pourrez apporter certains correctifs.

M. BELLEMARE: Il faudrait être juste là, il n'a jamais dit qu'il y avait des millions, il a donné le nouveau processus. Or, les parents...

M. LAPORTE: Oui, je vais parler de tout ça.

M. BELLEMARE: Il faudra le dire.

M. LAPORTE: Voici quelques-unes des questions auxquelles le ministre a négligé de répondre à notre satisfaction. Est-ce que le système actuel a été établi en collaboration avec les parents et avec les étudiants? Cela est un reproche qu'on fait actuellement. Les parents ne sont absolument pas dans le coup! Les étudiants se sentent absolument étrangers à la préparation des normes.

Ils ont des choses à dire, les étudiants. Ce que je vais rapporter, ici, ça me vient d'un étudiant également.

Deuxième chose, est-ce qu'il est vrai que de nombreux étudiants, dans la province de Québec, reçoivent des bourses dont ils n'ont pas besoin? Est-ce que c'est vrai qu'il y a d'autres étudiants, très nombreux, qui en ont besoin et qui n'en reçoivent pas? Est-il vrai que dans certaines institutions — c'est grave, M. le président, quand on dit qu'on manque d'argent partout au ministère de l'Education — l'arrivée de de la bourse est le début d'une course vers tous les magasins pour acheter des autos-neige, des stéréos et tout ce que vous voudrez? Est-ce vrai ou non? Ce sont des étudiants qui m'ont demandé ça, en fin de semaine.

Quand va-t-on avoir des réponses très précises là-dessus? Quand va-t-on placer les étudiants, véritablement, face à leurs responsabilités en leur disant: Vous allez participer, vous, à fond, pas superficiellement, à la sélection? Vous allez nous dire qui? II y a des étudiants, et un grand nombre, qui en ont terriblement besoin de la bourse et du prêt. Il y en a d'autres qui se promènent en disant: Toi, t'es un pas-fin, tu as dit la vérité et tu n'as pas eu de bourse. Moi, j'ai menti et je l'ai eu ma bourse, moi.

Cela crée un climat effroyable, effroyable.

Il ne faut pas imaginer que tous les matins, au ministère les fonctionnaires se lèvent en disant: A qui est-ce que l'on jouerait bien un tour, ce matin? Mais la conséquence, chez les étudiants, c'est qu'ils disent: ils sont tous pareils, ces gars-là. Ils favorisent les riches et les pauvres sont encore plus pauvres quand arrive le temps d'aller à l'université.

C'est un problème extrêmement sérieux. Quand aurons-nous une réponse à cela? Quelles sortes d'enquêtes ont été faites récemment sur des cas qui sont connus? Je me retiens de donner le nom de l'institution, je ne le donnerai pas. Je dis qu'à un moment donné, il est arrivé des bourses. Elles ont été remises aux élèves par le procureur. Il a dit: Tu dois tant au collège, il te revient $582, voici $582 en argent, $780 en argent, $600 en argent. Des élèves sont partis vers tous les coins de la ville acheter ce que j'ai dit, des autos-neige, des stéréos... Est-ce vrai ou non? Et si c'est vrai, qu'est-ce qu'on fait pour mettre fin à ce scandale terrible, ôter le pain de la bouche des étudiants qui en ont besoin pour d'autres qui se moquent de nous, par-dessus le marché?

C'est le député de Chambly qui demande cela? NonI La question a été posée publiquement samedi dernier par un étudiant du nom de Martel, qui fréquente le CEGEP Edouard-Montpe-tit. Il a posé la question, lui, en disant: Quand va-t-on régler le problème des étudiants qui n'en ont pas besoin et qui en reçoivent et des autres, qui en ont besoin et qui n'en ont pas?

J'aimerais que le ministre nous donne des réponses à cela.

Comment se fait-il que le paiement des bourses d'études a été fait, l'an dernier, avec des retards tels que cela a compromis l'année scolaire d'un certain nombre d'étudiants?

On se demande parfois comment il se fait que nous sachions cela? Est-ce que le ministre ou le député a fait une enquête? Pas du tout. Invité à parler aux élèves d'un certain CEGEP le directeur m'a pris à l'écart en disant: Je ne voudrais pas dire cela à haute voix. Voulez- vous exercer des pressions sur le gouvernement pour que les bourses soient payées? C'est en train de démoraliser toute mon institution. Les jeunes vont perdre leur année, parce qu'ils pensent seulement à leurs problèmes financiers. Est-ce vrai ou non?

Quelles mesures va-t-on prendre pour que cela cesse, pour que les étudiants qui ont droit à des bourses les reçoivent en temps utile, et que cesse le quémandage et le marchandage à la banque, et partout, pour tâcher d'obtenir de l'argent?

Le ministre n'a répondu à aucune de ces questions, M. le Président. Après sa déclaration, comme avant, le deuxième problème majeur invoqué par les étudiants reste entier, le problème des prêts-bourses.

Troisième problème, l'accessibilité au marché du travail. Là, le ministre a répondu de façon fort habile, M. le Président, û a dit deux choses : la responsabilité de la planification ne relève pas de moi, et deuxièmement, il existe en France, depuis plusieurs années, l'Office du plan, des plans quinquennaux de même qu'en Allemage et les étudiants se sont quand même révoltés.

Le ministre était satisfait de pareille déclaration! Puisqu'il y avait un plan quinquennal en France et que les étudiants se sont révoltés. Cela nous justifie probablement de n'en pas avoir. Mais de toute façon, dit-il, cela ne relève pas de sa juridiction, c'est un autre de ses collègues qui s'occupe de la planification. Et ce fut tout, M. le Président.

Nous nous serions attendus à ce que le ministre nous donne son avis, lui, homme d'affaires de réputation, doublé d'un homme qui a connu le milieu à fond, qu'il nous donne son avis sur l'avenir économique du Québec, sur les dispositions d'urgence qu'il faudrait prendre pour absorber sur le marché du travail les centaines de milliers de jeunes qui y auront accès d'ici quelques années.

Je ne sais pas, M. le Président, ce qu'on lui aurait répondu, à M. le ministre, dans les conseils d'administration où il siégeait, s'il avait dit: Nos concurrents ont fait de la planification et cela n'a pas donné de résultats. Donc, nous n'en ferons pas.

En résumé, relativement aux trois griefs précis des étudiants, la deuxième université française, les prêts-bourses, l'accessibilité au marché du travail, je dis que rien n'est réglé. Les réponses sont absolument non satisfaisantes.

Les étudiants sont mécontents. Le ministre semble considérer comme une grande victoire le fait que les étudiants soient retournés aux

études. Ils y sont rentrés aux études mais ils ont la conviction que rien n'est réglé. Je vais me faire dire encore une fois par le député de Trois-Rivières que je le souhaite, hélas, je ne le souhaite pas, loin de là, mais j'ai dit au ministre qu'il y a si peu de chose de réglé, que la crise va probablement éclater de nouveau et de partout en janvier 1969. Ce sont des renseignements que nous avons et que le ministre a sans doute.

Je trouve, M. le Président, que c'est assez sérieux pour que le ministre aille au-delà des déclarations générales.

Le ministre a dit qu'il avait fait son possible, que tout était maintenant rentré dans l'ordre? Je pense que c'est aller un peu vite en affaires. A cause de l'inertie du gouvernement — j'aurai les documents pour établir cela dans quelques minutes — à cause des retards injustifiables dans le ministère que dirige le ministre de l'Education, il y a 17,554 élèves de la province de Québec, dans une seule régionale, 17,554 élèves dans une seule régionale qui ont perdu quatre semaines de classe au début de l'année, 14,000 de ces élèves perdent actuellement une journée de classe par semaine, et au moment où le ministre rend le témoignage que tout est rentré dans l'ordre, il y a 3,500 élèves dans cette seule régionale qui perdent, eux, chaque semaine, deux jours et demi de classe. 14,000 qui perdent une journée par semaine — le vendredi, il n'y a pas de classe — et 3,500 qui ne font que deux jours et demi de classe par semaine. Et ces mêmes élèves ont perdu un mois au début de l'année.

Ce gaspillage scandaleux équivaut à ce jour à une perte de 550,000 jours de classe, seulement dans la commission scolaire régionale Chambly. Il y a à cela deux causes, qui, toutes les deux ont leur source sur le bureau du ministre ou de ses collègues.

Le ministre nous a dit tantôt: Nous avons fait énormément de travail pour signer des conventions collectives avec les fonctionnaires de ceci, les professeurs de cela. Il y a une chose qui est sûre, c'est que la convention collective qui est actuellement négociée au niveau provincial avec les professeurs n'est pas signée. Le bill 25, derrière lequel le gouvernement s'est retranché pendant un an et demi, n'est plus en vigueur. Entre le bill 25 et la signature de la convention collective, le gouvernement n'a rien prévu, rien du tout. C'est la pagaille la plus complète, notamment à la régionale Chambly, que je connais particulièrement. Le gouvernement a envoyé à cette régionale et aux autres, j'imagine, des renseignements contradictoires. C'est pour cela que je voulais que nous fassions venir des témoins, M. le Président, pour savoir qui a raison.

Est-ce le député de Chambly qui se trompe ou si c'est le gouvernement qui s'est trompé? Nous redemanderons peut-être, tout à l'heure, de faire venir des gens pour nous expliquer ce qui s'est passé. On a envoyé deux documents contradictoires aux commissions scolaires. L'un disait: Tenez-vous-en strictement à votre ancienne convention collective parce que c'est elle qui reste en vigueur en vertu du code du travail vu que le bill 25 est caduc. Trois semaines plus tard, ou un mois plus tard, une autre directive contradictoire, alors que des démarches nombreuses avaient été faites avec les syndicats. Cette directive dit: La convention collective de travail qui a précédé le bill 25, c'est fini, elle est morte à toutes fins pratiques. Négociez pour l'avenir.

M. le Président, c'est la Fédération des commissions scolaires qui a envoyé cela.

M. CARDINAL: Aht

M. LAPORTE: Ah! Ah! Là, heureusement, il y avait le bill 25 et, maintenant, il y a la commission scolaire. Nous allons parler des deux, messieurs.

M. BELLEMARE: Est-ce que l'honorable député voudrait ajourner, parce qu'il faudrait retourner à nos bureaux?

M. LAPORTE: Ah, oui! D'ailleurs j'aime autant que cette deuxième partie forme un tout. Je n'ai pas d'objection.

M. LE PRESIDENT: Le comité est ajourné sine die.

M. BELLEMARE: Le comité est ajourné sine die. Est-ce que nous pourrions siéger vendredi après-midi? Demain, c'est le comité des régies gouvernementales. Je comprends que le chef de l'Opposition doit assister à une réunion jeudi matin, l'Exécutif...

M. LESAGE: Oui, c'est entendu!

M. BELLEMARE: Alors, vendredi matin, l'ordre du jour comprend — pour notre part — une séance de règlements... Vendredi après-midi, peut-être...

M. LESAGE: Tout dépend de ce qu'il y aura en Chambre...

M. BELLEMARE: Nous pouvons peut-être...

UNE VOIX: Cela dépend des débats...

M. BELLEMARE: Nous pouvons tenter de remettre...

UNE VOIX: Approximativement, il s'agira des mêmes parlementaires... Donc, les régies vont siéger au moins mercredi et jeudi...

M. LE PRESIDENT: Sine die, mutatis, mutandis.

(10 h 48)

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