(Neuf heures trente-huit minutes)
Le Président (M. Kelley): Tout le monde est présent maintenant. Alors, mesdames et messieurs, je déclare la séance de la Commission de l'éducation ouverte. Pour une dernière fois, je vais vous rappeler que le mandat de la commission est de terminer les audiences sur les enjeux entourant la qualité, l'accessibilité et le financement des universités au Québec.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Aucun, M. le Président.
Auditions (suite)
Le Président (M. Kelley): Et, à l'ordre du jour, on va procéder dans l'ordre suivant: nous entendrons BIOQuébec, l'Union des consommateurs, et après ça il y aura des remarques finales formulées par les membres de la commission.
Alors, j'invite tout le monde encore une fois d'éteindre leurs téléphones cellulaires et, sans plus tarder, je vais céder la parole à M. Élie Farah, qui est le président du conseil d'administration de BIOQuébec. M. Farah, la parole est à vous.
BIOQuébec
M. Farah (Élie): M. le Président de la commission, M. le ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, mesdames et messieurs, permettez-moi d'abord de vous remercier de nous écouter aujourd'hui, nous donner l'opportunité de présenter la position de BIOQuébec. Je suis accompagné aujourd'hui par M. Perry Niro, directeur général de BIOQuébec, et par Dr Jean-Marc Juteau, vice-président senior d'une compagnie qui s'appelle REPLICor.
BIOQuébec est l'association qui regroupe les entreprises de biotechnologie du Québec. L'association a été fondée en 1991. Aujourd'hui, elle compte 240 membres, dont une centaine de membres d'entreprises, particulièrement dans le secteur de la santé et de l'agroalimentaire. Et notre mandat est certainement de promouvoir les intérêts de nos membres.
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(9 h 40)
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J'aimerais, dans un premier temps, vous expliquer le modèle d'affaires de la biotechnologie. L'industrie de la biotechnologie a un modèle d'affaires qui est un peu différent du modèle traditionnel, et j'aimerais me permettre de vous l'expliquer, d'expliquer le contexte dans lequel on gravite.
Les entreprises de biotechnologie, au départ, prennent une invention, et leur but, c'est de l'amener... c'est d'amener ces inventions-là au marché. Pour ce faire, il faut passer à travers un long processus réglementaire, et ce processus-là s'étale sur une période de sept à 10 ans lors desquels les entreprises ne génèrent généralement pas de revenus. Donc, on parle d'un processus qui est long, coûteux. On parle d'investissements de l'ordre de 50 millions de dollars pour amener un nouveau médicament sur le marché. Et, au cours des ces années-là, les entreprises se financent en vendant des positions d'équité à des firmes de capital de risque. Et, dans ce contexte-là, leur principal actif est leur portefeuille de propriété intellectuelle. Donc, toute l'importance de l'innovation et de la valorisation de ces innovations-là comme moyen d'arriver avec un produit sur le marché.
Si on regarde le processus réglementaire, on passe d'abord par des étapes où on démontre l'efficacité d'une nouvelle invention, d'un nouveau médicament, ce qu'on appelle in vitro ? ça veut dire dans des laboratoires, dans du verre ? et après ça on détermine ou on prouve l'efficacité et l'innocuité de ces produits-là chez les animaux, ce qu'on appelle la phase préclinique, et après ça on les amène, on les teste chez l'humain, avant de pouvoir aller les commercialiser, une fois que les approbations réglementaires sont obtenues.
Ce processus est très risqué. On parle qu'une drogue qui commence au laboratoire, il y en a une sur 10 000 qui va se rendre sur le marché. Quand vous êtes dans la phase préclinique, où vous testez un médicament chez l'animal, vous avez 5 % de chances de vous rendre sur le marché. Quand vous êtes au début des phases cliniques, vous avez 15 % de chances de vous rendre sur le marché. La journée où vous avez dépensé votre 50 millions, vous avez déposé votre demande d'approbation à la FDA ou à Santé Canada, vous avez encore 17 % de chances de vous voir refusé. Juste pour vous donner un ordre de grandeur, la Food and Drug Administration des États-Unis a approuvé, en 2002, 17 nouveaux médicaments et, l'année dernière, en 2003, 25 nouveaux médicaments. Donc, il y a beaucoup d'appelés et peu d'élus.
La majorité des entreprises de biotech poursuivent un modèle d'affaires où on veut amener ces produits-là à un stade où on peut accorder des accords de licence à des entreprises pharmaceutiques qui ont la capacité de commercialiser ces inventions-là et qui ont la capacité financière d'assumer les coûts des dernières phases d'approbation réglementaire, qui sont très dispendieuses. Donc, ce que l'on voit, c'est que c'est un processus qui est long, coûteux et où la propriété intellectuelle et la science sont les éléments clés du développement de ces entreprises-là.
Si on regarde la situation au Québec, l'industrie de la biotechnologie, au Québec, est relativement jeune. Pour juste positionner dans le temps, BioChem Pharma est devenue une entreprise publique en 1987. La biotechnologie s'est développée d'abord aux États-Unis, surtout dans la région de San Francisco, et ça s'est fait dans les années soixante-dix. Donc, nous, au Québec, en 1991, on avait 17 entreprises de biotechnologie qui créaient 250 emplois. On a connu une croissance très rapide et on s'est retrouvés, en 2000, dans une situation où on avait 90 entreprises du secteur de la santé qui créaient 2 500 emplois. Si on ajoute les centres de recherche, les entreprises pharmaceutiques, on parle de 17 000 emplois au Québec, des emplois de savoir et des employés qui retournent à l'économie québécoise une importante partie de leurs revenus, sous forme de taxes.
Cette industrie de la biotechnologie réside, si vous voulez, sur cinq piliers très importants. Le premier, c'est la science. Si on n'a pas de science, il n'y a pas de compagnie de biotech. Donc, le premier pilier, c'est l'innovation. La deuxième capacité, c'est les ressources humaines. Ça prend des scientifiques compétents pour faire cette recherche, ce développement et amener les produits sur le marché. Le troisième critère, c'est l'infrastructure. Ça prend les centres de recherche, les compétences physiques, pour pouvoir amener ces nouveaux médicaments sur le marché. Quatrième aspect, c'est le capital de risque. Et le cinquième aspect, c'est les incitatifs gouvernementaux, soit les crédits d'impôt à la recherche et développement. Donc, au niveau des travaux de cette commission-là, nous touchons à trois aspects clés du développement de l'industrie de la biotechnologie, soit l'innovation, les ressources humaines et les infrastructures universitaires.
Il faut aussi réaliser que, si on regarde les entreprises biotech au Québec, il y a à peu près 75 % de ces entreprises-là qui sont basées sur de la science qui a émergé, dans une forme ou une autre, de la recherche universitaire.
Il faut aussi prendre en considération que l'industrie de la biotech, c'est très compétitif. Les gouvernements, à travers la planète, ont vu l'opportunité biotech, la niche biotech, et je peux vous dire qu'aux États-Unis il y a 41 États américains qui ont des politiques pro-industrie de la biotechnologie. C'est un marché très compétitif, où les entreprises se font solliciter et même marauder par aussi loin que Singapour ou d'autres États américains. Et on voit d'ailleurs, depuis un certain temps, parce que la biotechnologie arrive... est dans une période de crise... que l'on voit plusieurs États américains arriver avec des mesures très innovatrices pour aider les entreprises dans ce temps de crise.
La biotechnologie a connu une croissance très marquée jusqu'en 1999-2000. À partir de 2000, avec l'éclatement de la bulle boursière, les entreprises ont commencé à en souffrir parce qu'il n'y avait plus la disponibilité de capital qu'il y avait avant. Je dois vous dire aussi que, depuis plusieurs mois, le gouvernement du Québec reconsidère le rôle de l'État dans le capital de risque, ce qui fait que, depuis plusieurs mois, les institutions qui financent habituellement ces entreprises-là, soit les Innovatech, SGF et autres, ont été dans une période et vont rester, d'après les décisions annoncées au cours des derniers jours, vont rester dans une période encore que je vais me permettre d'appeler de transition, où leur capacité d'investir dans les compagnies de biotechnologie reste très limitée, voire inexistante.
Dans ce contexte-là, l'industrie de la biotech du Québec... particulièrement les petites entreprises vivent une période difficile au Québec. Chez BIOQuébec, on a fait un sondage au mois d'octobre dernier et on avait 50 % de nos jeunes... enfin des entreprises de biotech du Québec qui avaient moins d'un an de liquidité, puis je dois vous dire que, pour les plus petites entreprises, la situation ne s'est pas améliorée depuis ce temps-là.
Permettez-moi d'inviter Dr Juteau à vous expliquer le cycle de développement d'une innovation à l'université et le transfert technologique, pour continuer un peu le positionnement.
M. Juteau (Jean-Marc): Bonjour. J'ai vécu des deux côtés de la clôture, soit, dans une vie antérieure, dans un bureau de liaison entreprises-université, ce qu'on appelle un BLEU ou un bureau de transfert des technologies, et maintenant je suis dans une compagnie essaimée d'une université, ce qu'on appelle, dans le jargon, un «spin-off».
La valorisation d'une découverte se fait par deux grands mécanismes, soit la licence ou l'essaimage, c'est-à-dire la création d'une nouvelle entreprise. Par exemple, l'Institut Armand-Frappier a donné naissance à BioChem Pharma, qui est un grand succès québécois, et canadien, et même nord-américain, et aussi l'Université de Sherbrooke, qui a donné naissance à la technologie de la compression de la parole, l'ACELP.
Présentement, chez nos voisins américains, parce qu'on se compare toujours à ce qui se passe au sud ? il n'y a pas juste nous qui le faisons, il y a aussi le reste du monde ? les universités développent les technologies jusqu'à un stade beaucoup plus avancé que nous. Par exemple, le National Institute of Health, le NIH, qui a un fonds de 29 milliards de dollars, permet l'avancement d'un médicament jusqu'à des phases I et II cliniques. On parle de jusqu'à des centaines de millions de dollars américains, avec des inventions... des médicaments qui ne sont même pas dans des compagnies encore. Alors, c'est ce qu'on appelle faire maturer un médicament à l'intérieur d'une université ou d'un centre de recherche.
Présentement, au Québec, on forme des compagnies à un niveau assez intéressant, mais elles sont beaucoup trop jeunes, les technologies sont très jeunes, et, bon, ça crée des problèmes au niveau du développement, ça coûte beaucoup trop cher.
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(9 h 50)
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Aux États-Unis, par exemple le Bay-Dohle Act, qui a été, je crois... c'est dans les années fin quatre-vingt, début quatre-vingt-dix, j'oublie la date, oblige la valorisation de toute technologie ayant utilisé des fonds fédéraux. Nous n'avons pas ça ici, au Québec. Ça se fait tout de même à un certain niveau. Mais le fait d'obliger cette valorisation, les universités et les centres de recherche américains se sont dotés de bureaux de transfert de technologies ou de BLEU très efficaces.
Qu'est-ce qui se passe au Québec? Alors, un grand nombre d'inventions, comme disait M. Farah, mènent à des licences ou des nouvelles compagnies «spin-off». Les chercheurs, ici, il y a un petit problème: ils sont encouragés à publier leurs résultats plutôt qu'à breveter. Alors, la performance des chercheurs québécois et canadiens est plutôt au niveau de la publication. Il est important de mentionner qu'une publication, c'est-à-dire rendre publique une information scientifique, nuit à la brevetabilité mondiale de cette invention. Mais le dépôt de brevet avant la publication n'empêche aucunement la publication. Ici, c'est, comme on dit en anglais, «publish or die», publie ou meurs. Alors, les chercheurs, pour avoir de nouveaux fonds, se doivent de publier, souvent au détriment du brevet. Et le brevet est un véhicule de protection qui permet plus tard de commercialiser.
Dans le domaine de la biotech, une invention, une découverte, un médicament non breveté n'a aucune chance d'être commercialisé, parce que les coûts sont beaucoup trop élevés pour le développement. On parle, pour un médicament, 500 000... 500 millions de dollars. Alors, s'il n'y a pas de brevet qui permet le monopole pour une période importante, il n'y a aucune compagnie qui va développer. C'est très important, pour les chercheurs, pour l'industrie québécoise, d'avoir un nombre de brevets qui protège ce monopole. Et bien entendu, au niveau médicaments, ce sont les grosses pharmaceutiques qui développent en général, mais les retombées peuvent se retrouver au niveau universitaire, petites entreprises et au niveau de la société, bien entendu.
Une parenthèse, ici: la recherche doit rester libre, c'est-à-dire que les grandes découvertes se font en général lorsque les chercheurs sont indépendants de pensée. On ne remet pas ça en question, ici, mais un pourcentage de cette recherche mène à des découvertes ayant un potentiel commercial. Ce potentiel commercial doit être protégé par brevet afin de garantir les retombées économiques, tant au niveau universitaire, industriel ou sociétal. Le fait de publier prématurément plutôt que de breveter l'innovation nuit à la valorisation. Et 70 % des compagnies présentement, au Québec, sont issues de technologies développées à l'université ou dans les centres de recherche.
Nous croyons qu'il faudrait créer des incitatifs pour changer cette culture et encourager le dépôt de brevets. Dans la même veine, il faut encourager la valorisation en tant que telle de la recherche, comme par exemple encourager le chercheur entrepreneur, encourager la collaboration industrie-université, ce qui aura certainement un impact positif sur la société. Les universités, malgré certains efforts, comme les sociétés de valorisation qui ont été créées et qui regroupent certaines universités, travaillent isolément. C'est problématique, car il est difficile pour l'industrie de connaître le pipeline de technologies disponibles dans les universités. C'est très complexe pour une compagnie qui désire acquérir, sous quelque forme, une technologie dans les universités, parce qu'il n'y a pas de guichet automatique, il n'y a pas d'endroit. Il faut aller vraiment dans chaque université, chaque bureau de liaison, et faire du «scouting» à l'intérieur, et ça devient très difficile.
Les bureaux de liaison entreprises-université, les BLEU, ou les bureaux de transfert de technologies, dépendant des universités, représentent l'outil de première ligne au niveau de valorisation. Ces bureaux reçoivent un nombre très important... jusqu'à 100 rapports d'invention par année, pour un nombre d'employés assez restreint. De ces découvertes, seulement une minorité ont un potentiel commercial et brevetable immédiat. Malheureusement, la situation actuelle des bureaux de liaison ne permet pas la pleine valorisation de l'innovation, dû en grande partie à un manque de ressources financières et un manque d'incitatifs à la performance. Merci.
M. Farah (Élie): Nous avons trois recommandations à faire à cette commission. La première, c'est de revoir le modèle actuel des sociétés de valorisation afin d'assurer une meilleure cohésion des efforts de valorisation dans le domaine de la recherche en santé. BIOQuébec, le CQVB, le Centre québécois de valorisation des biotechnologies, Génome Québec et le FRSQ ont d'ailleurs entrepris ensemble une étude sur le modèle de valorisation dans le domaine des sciences de la vie, et nous partagerons les recommandations et les conclusions de ce rapport-là avec toutes les personnes concernées.
La deuxième recommandation est d'exiger des universités des contrats de performance en matière de transfert de technologies et lier une partie du financement public à l'atteinte de critères de performance, notamment en matière de brevet, de licence et de collaboration université-industrie. Dans ce contexte, il y a nécessité de mieux soutenir les BLEU et d'avoir, pour les officiers de ces BLEU là, une rémunération qui est axée sur la performance.
Troisième recommandation, c'est de favoriser la création d'un guichet unique de valorisation des résultats de la recherche universitaire au Québec, qui regroupera les technologies disponibles à potentiel commercial. Merci.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup pour la présentation. On va passer maintenant à la période d'échange avec les parlementaires. Peut-être, on va faire l'alternance et les blocs de 10 minutes. Alors, c'est à vous la parole en premier, M. le ministre.
M. Reid: Merci, M. le Président. Bienvenue aux représentants de BIOQuébec. C'est extrêmement intéressant, tout ce développement qui se fait au Québec, et vous apportez évidemment une lumière qui est la vôtre et qui m'apparaît, à moi, intéressante parce que vous... en quelque sorte vous entamez, jusqu'à un certain point, une sorte de bilan, si je peux me permettre de le dire ainsi, de l'action de VRQ, de Valorisation-Recherche Québec, et vous semblez amener des suggestions qui, en tout cas à ma perception, dans certaines mesures, où on dirait peut-être: On n'a pas bien fait les devoirs ou on n'a pas bien accompli les objectifs. Et j'aimerais vous entendre là-dessus pour commencer. Parce que, quand on dit, par exemple: «Revoir le modèle actuel des sociétés de valorisation et assurer une meilleure cohésion des efforts de valorisation dans le domaine de la recherche en santé», est-ce que cela n'était pas l'objectif de VRQ? Et dans quelle mesure est-ce que... Enfin, moi, j'avais l'impression que ça avait été accompli quand même en bonne partie. Est-ce que c'est une critique constructive que vous faites des modèles adoptés par VRQ ou est-ce que vous dites: On a fait une étape, et il faut en faire une deuxième, et, sans défaire, il faut peut-être changer certaines choses? J'aimerais mieux comprendre le sens de votre intervention par rapport surtout à la recommandation n° 1.
M. Niro (Perry): Alors, au niveau des sociétés de valorisation, je crois que le principe de créer... de ces sociétés était une excellente initiative du gouvernement. Par contre, le modèle, après... avec l'expérience, là ? ça fait à peu près trois ans, trois, quatre ans qu'elles ont été créées, ces sociétés ? on s'aperçoit que ça n'a pas donné des résultats probants en matière de transfert des technologies et de collaboration avec le secteur industriel.
Et l'autre élément qui a milité en défaveur des sociétés de valorisation, il n'y avait pas non plus d'interface plus étroite avec le secteur industriel. Alors ça, c'est un élément qui n'a pas milité en faveur de la performance des sociétés de valorisation, et c'est la raison pour laquelle nous entamons une étude pour revoir le bilan de ces sociétés de notre point de vue et recommander un nouveau modèle. Mais on ne peut pas vous mentionner, à ce moment-ci, quels sont les résultats probants avec un «benchmark» des sociétés de valorisation versus ce qui se passe aux États-Unis et en Europe.
M. Reid: Donc, votre étude, ça va être surtout une comparaison avec ce qui se fait... ou le développement qui se fait ailleurs dans des pays avancés sur le plan de la recherche et de la valorisation?
M. Niro (Perry): On va regarder les deux éléments, les conditions de succès ou d'insuccès au Québec, et comparer également avec des modèles similaires aux États-Unis pour arriver à un nouveau modèle de valorisation.
M. Reid: D'accord. Et vous allez proposer un nouveau modèle, mais qui n'est pas nécessairement une façon... Ce serait refaire l'opération ou...
M. Niro (Perry): ...mentionné, la troisième recommandation, c'est à tout le moins d'avoir un guichet unique pour connaître ce qui se passe dans les silos universitaires. Alors, actuellement, les entreprises, on n'est pas en mesure de pister les innovations dans le secteur universitaire et, à tout le moins pour nous, peut-être on présume des résultats, mais d'avoir une société de valorisation, notamment dans le domaine de la santé... parce que le domaine de la santé, c'est 40 % d'investissement en recherche universitaire au Québec.
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(10 heures)
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M. Reid: Et donc évidemment c'est toujours dans le... J'ai bien compris que c'était dans l'orientation santé évidemment, en recherche en santé en général, les biotechnologies. C'est tout à fait légitime de votre part, bien sûr.
Et, quand vous dites un guichet unique, est-ce que ? parce que j'aime bien voir un peu ce qui s'en vient, là ? est-ce que vous suggérez... est-ce que vos suggestions vont être dans le sens de refaire l'exercice ou dans le sens de créer un guichet qui va être un guichet d'information, en fait qui pourrait être... faire partie des sociétés de valorisation, des BLEU, lorsque les BLEU sont moins bien arrimés avec les sociétés de valorisation, parce que ça existe, et les autres organismes? Est-ce que c'est un peu ça que vous voyez ou si vous voyez vraiment qu'il faut faire une transformation en profondeur?
M. Niro (Perry): Bien, je pense qu'il y a deux éléments. Il y a cet élément-là que vous mentionnez, mais il y a également toute l'interaction avec le secteur industriel. Par exemple, on peut prendre une société comme Merck Frosst, qui travaille sur différents types de thérapies, qui investissent beaucoup en développement économique de technologies, qui font également des études de prospective. Mais est-ce qu'il y a moyen de mettre en lien ces études de prospective là avec ce qui se passe dans le secteur universitaire pour qu'on puisse pister dès... rapidement, au sein des universités, les projets de recherche qui vont dans la direction du marché d'un médicament qu'on évalue chez une grande société pharmaceutique, par exemple? Alors, cet élément d'arrimage, on ne l'a pas actuellement, puis ça, c'est un défaut.
M. Reid: Et donc c'est beaucoup plus... Quand vous employez le mot «dépistage», etc., c'est beaucoup plus une question d'avoir l'information sur ce qui se fait plutôt que les mécanismes financiers de valorisation, par exemple, qui ont été mis en place, si je comprends bien.
M. Niro (Perry): Bien, il y a... de financement également. On peut le voir à deux points de vue. M. Juteau a mentionné qu'aux États-Unis les universités financent elles-mêmes plus en aval la technologie, alors qu'ici c'est surtout le secteur privé qui finance, très en amont pour notre part, ces technologies-là.
M. Reid: D'accord. Je ne sais pas s'il y a des collègues qui ont des questions. Oui.
Le Président (M. Kelley): M. le député de Vimont.
M. Auclair: Merci. Bonjour, messieurs. Moi, ce qui m'intéresse, c'est un petit peu votre vision, que vous avez, de l'université. Parce que, dans ce que vous dites... À la page 4 de votre mémoire, vous dites que ? au deuxième paragraphe ? le but ou la mission essentielle que l'université devrait revenir à, selon vous, c'est: «faire des recherches menant à des innovations et les transmettre à l'industrie». C'est un petit peu le contexte que vous voyez, puis je peux voir un petit peu plus loin votre pensée. Dans le fond, c'est qu'on valorise. Valoriser la recherche, c'est important. C'est important pour le développement du savoir du Québec, bon, des universités également.
Mais, au niveau de ce qu'on a vu, nous, les étudiants semblaient nous dire que la mission essentielle d'une université, c'est beaucoup plus une valorisation du savoir en général puis de permettre... Ils ne valorisaient pas la recherche autant que vous semblez le faire ici. Est-ce que vous pouvez me donner un petit peu plus de... Parce que, pour moi, la mission essentielle, la manière que vous en parlez, c'est vraiment la recherche.
M. Farah (Élie): C'est sûr qu'on regarde, si vous voulez, du point de vue de l'intérêt de notre industrie. Puis le commentaire que nous avons dans le mémoire ne vise pas du tout à minimiser l'importance de la formation qu'offraient les universités. Mais, si on veut bâtir une industrie de la biotechnologie qui est solide, qui est à la fine pointe des technologies, ça prend des innovations. Quand on constate que les trois quarts des innovations qui sont développées dans les entreprises proviennent des universités, il y a à notre avis un processus à améliorer dans le cadre, premièrement, de peut-être mettre un meilleur focus sur les technologies à potentiel commercialisable parce que, souvenez-vous, nous, ce qui nous intéresse, c'est d'amener des produits sur le marché. Donc, nous sommes en faveur de la recherche fondamentale, mais ce qu'on cherche, nous, c'est des produits potentiels.
Donc, dans ce contexte-là, on réalise que, premièrement, la culture générale au Québec, comme l'a dit Dr Juteau, est beaucoup plus axée sur la publication que sur le brevet. Le modèle d'affaires québécois est très différent du modèle d'affaires américain. Le gouvernement américain ne s'implique pas dans le capital de risque; il s'implique massivement, à travers le NIH, à supporter la recherche. Et, dans ce contexte-là, les universités ont le privilège de développer à l'intérieur de leurs murs la recherche beaucoup plus loin que nous le faisons ici. Parce que, la majorité des technologies, ici, on a très hâte de les passer à l'industrie puis, on voit déjà, l'industrie, elle va récupérer la facture sur la propriété intellectuelle, etc. Donc, ce qu'on prône, nous, c'est un peu un changement du modèle d'affaires, du modèle philosophique, mais ça ne vient pas du tout minimiser l'importance du rôle des universités au niveau de l'éducation ou de la formation. En fait, comme je vous l'ai dit un peu plus tôt, le deuxième critère d'importance pour nous, là, c'est la ressource humaine. Et on ne peut pas avoir l'importance de la ressource humaine sans la formation.
M. Juteau (Jean-Marc): Je voudrais mentionner que la plupart des découvertes qui sont faites à l'université impliquent des étudiants postgradués: maîtrise, doctorat et postdoc.
M. Auclair: D'abord, qu'est-ce que selon vous... Parce que, avec tous les étudiants qu'on a rencontrés... Et la position des étudiants était quand même... On dirait qu'ils avaient beaucoup de misère avec le volet recherche lorsque la recherche pouvait venir directement un peu... Prenons une compagnie pharmaceutique qui fait un investissement dans la recherche et qui dirige un petit peu la recherche indirectement. Parce qu'il y a une contrepartie. Tu n'investis pas, dans une université, 10 millions, 20 millions, 30 millions pour ensuite juste laisser partir, là. Tu as une intention derrière, puis c'est tout à fait normal, selon moi. Tu fais un investissement, donc tu attends un retour. Mais comment est-ce qu'on peut changer cette mentalité-là? Parce que les... En tout cas, la perception des étudiants est très sévère envers cette pratique-là.
Le Président (M. Kelley): M. Farah.
M. Farah (Élie): Je vous avoue que je ne vois pas nécessairement le problème. D'abord, la très grande majorité des investissements que les compagnies privées font sont foncièrement au niveau du développement et non pas de la recherche. Donc, l'invention est là, puis on veut l'amener un peu plus tard vers le marché.
Deuxièmement, un des grands foyers d'investissement des compagnies pharmaceutiques au Québec, c'est au niveau de la recherche clinique. Nous avons une abondance de patients qualifiés, puis de scientifiques qualifiés, de médecins qualifiés, et beaucoup de l'argent de ce 75 millions qui est dépensé par année va vers la recherche clinique. Et il est évident que l'industrie, si elle met cet argent dans l'université, elle s'attend à ce qu'on prenne une invention du point a, puis qu'on l'amène vers le point b. Je ne vois pas vraiment le problème. Si l'étudiant veut faire de la recherche fondamentale, bien il pourra le faire à partir des fonds de l'université; il ne le fera pas à partir de fonds d'entreprise. Quand l'entreprise donne de l'argent à l'université, à moins que ce soit une donation, c'est généralement ciblé vers une recherche particulière dans un but précis.
M. Juteau (Jean-Marc): Je voudrais rajouter que la majorité des chercheurs ne reçoivent pas de fonds de l'industrie. Dans les départements, habituellement, c'est un nombre... bon, c'est difficile à évaluer, mais 20 %, 25 % des chercheurs qui reçoivent de l'argent de l'industrie. Le reste des chercheurs ainsi que leurs étudiants gradués travaillent à la recherche fondamentale.
Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Taillon.
Mme Marois: Oui. Merci, M. le Président. Alors, ça me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue à mon tour, et je vous remercie pour votre mémoire et sa qualité.
Je vais commencer par une affirmation que vous faites dans votre mémoire et qui nous amène peut-être à regarder plus globalement votre industrie et le secteur que vous représentez. Vous dites: La nécessité d'une stratégie ciblée. Je suis à la page 6, là, de votre document. «Il y a un délicat arbitrage à faire. Le Québec ne peut être bon dans tout [...] il n'a pas à l'être. À l'heure de la mondialisation, et compte tenu de la vive concurrence qui sévit, le Québec aurait avantage à cibler les domaines de recherche où il a les meilleures chances de percer. Cela exige une concertation accrue entre les divers acteurs afin de planifier des stratégies de recherche autour des filières et des créneaux les plus prometteurs.»n(10 h 10)n Est-ce qu'en ce sens-là vous avez l'impression que les efforts faits dernièrement par le Québec, le gouvernement, par les différents partenaires, qu'il s'agisse de l'industrie, des universités, des centres de recherche, vont dans le bon sens ou qu'il y a un resserrement à faire, et particulièrement du côté des sciences de la vie et des biotechs? Est-ce que vous avez le sentiment qu'il y a eu en ce sens-là vraiment une canalisation des efforts? Et qu'est-ce qu'on devrait faire de différent si on veut qu'apparaissent certains secteurs plus stratégiques dans lesquels on va investir? Je sais que c'est général et large, mais en même temps, si vous le soulevez ? et je suis d'accord que vous le souleviez, que c'est pertinent de le faire ? bien il faut que ça génère ensuite des réponses stratégiques à ça.
M. Farah (Élie): Je vous avoue que vous pouvez regarder la chose de deux façons. Premièrement, vous avez un professeur qui a un champ de compétence de qualité internationale qui arrive avec une invention, puis là le BLEU ou le chercheur lui-même commence à se dire: À qui je pourrais vendre ma technologie, etc.? Ou vous pouvez arriver, grâce à des études de marché ou à la simple rationnelle logique de vous dire: On voit venir un important marché dans un certain domaine thérapeutique.
Et je vais vous donner un exemple bien simple. Je lisais ce matin, dans le journal, dans Le Soleil, qu'on créait, je pense, un centre de recherche sur l'obésité. Bien, je vais vous dire, c'est génial parce que, quand on regarde le problème actuellement, aux États-Unis, c'est nécessaire. Si on regarde, par exemple, les centres d'excellence qu'on a au Québec, par exemple au niveau du contrôle de la douleur ? ce qui a commencé quand Astra a décidé de mettre au Québec son centre de recherche sur la douleur, au début des années quatre-vingt-dix ? quand on regarde certains domaines, au niveau de tout ce qui est santé pour, par exemple, la jeunesse, si vous répondez à un besoin futur du marché, vous avez encore plus de chances d'amener vos produits vers le marché et d'intéresser les entreprises et la recherche.
Donc, la réponse, elle est bicéphale: il faut, d'un côté, faire les études de marché nécessaires, voir venir les prochaines vagues de besoins, parce que, s'il y a besoin, il y a argent, puis s'il y a argent, bien il y a des produits qui vont se rendre sur le marché, mais en même temps ne pas couper nécessairement la recherche fondamentale, comme disait Dr Juteau, de laisser libre, mais, d'une certaine façon, de donner des moyens à cette recherche-là, ce qui émerge de cette recherche-là, à pouvoir se commercialiser, donc arriver avec une culture de dire: Quand on sait qu'on a quelque chose qui vient, d'aller voir les BLEU un peu plus tôt, de ne pas publier avant d'être assuré que la propriété intellectuelle est protégée, etc. Donc, c'est une stratégie à deux axes.
Mme Marois: C'est ça. Est-ce que le travail que vous faites avec les fonds de recherche, et tout le reste, pourrait vous amener à élaborer des stratégies, là, dans la même... pardon, dans le même sens que la question a été soulevée tout à l'heure, à cet égard-là? Est-ce que c'est ça, votre intention, par rapport à la collaboration que vous offrez à vos différents partenaires?
M. Farah (Élie): Absolument. Puis, écoutez, cet effort n'est pas seulement l'effort de BIOQuébec et l'effort des universités, il est l'effort de l'ensemble des joueurs de l'industrie. Exemple: on a vu la création récemment, à Montréal, d'une entreprise qui s'appelle PainCeptor, qui a été financée par le capital de risque, à Montréal. C'est une étape où on vient, si vous voulez, supporter l'excellence de Montréal au niveau du contrôle de la douleur. Dans ce contexte-là, ce n'est pas seulement... C'est plusieurs joueurs, si vous voulez, qui viennent tous compléter leurs activités. Ça commence par l'université, les BLEU, les centres de valorisation, etc. Donc, c'est un effort collectif.
Mme Marois: D'accord. Bon, plus loin dans le mémoire, en fait immédiatement dans les paragraphes qui suivent, vous abordez la question d'une mauvaise circulation de l'information. On l'a un peu discutée tout à l'heure. Vous dites: «L'information stratégique circule mal dans les milieux de la recherche. Les chercheurs hésitent à déclarer les découvertes qu'ils font au bureau de liaison entreprises-universités[...] ? nos fameux BLEU. Bien qu'ils soient porteurs d'innovation...» Et vous dites: «Leur culture entrepreneuriale ? vous allez un petit peu plus loin ? est généralement peu développée et ils sont peu habitués à penser en termes de secteur privé et de marchés», etc. Et vous faites référence à des stratégies utilisées par les universités américaines.
Qu'est-ce qu'on pourrait faire de différent, par rapport à ce qu'on fait maintenant, pour faire en sorte que l'information circule mieux, davantage et de façon plus pertinente?
M. Farah (Élie): Bien, la recommandation que nous avons faite d'avoir un guichet unique de valorisation de ces technologies-là en fait partie. Je pense qu'il y a moyen de disséminer l'information beaucoup plus large qu'on ne le fait actuellement, et d'une façon beaucoup plus ciblée, et être moins réactifs au marché, mais plutôt proactifs à la demande. Je ne sais pas, Jean-Marc, si tu veux ajouter des choses.
M. Juteau (Jean-Marc): Oui. Si on met ensemble toutes les universités, on est à peu près de la grosseur d'une très... du UCLA, par exemple. Bon. Il y a un guichet automatique... un guichet automatique! Pardon. On a besoin d'un guichet automatique, en fait.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Juteau (Jean-Marc): Il y a un guichet unique pour les universités de Californie. Chaque université a son propre bureau de transfert de technologies, mais malgré tout il est facile de trouver les technologies.
Dans les technologies, il ne faut pas oublier qu'il y a certaines technologies qui sont des «blockbusters», mais il y en a beaucoup aussi qui sont des technologies très intéressantes mais qui peuvent plutôt être appliquées dans un portefeuille de technologies. Les sociétés de valorisation qui ont été crées sont très intéressantes, mais ces sociétés de valorisation prennent quelques... Et on parle d'un pourcentage très bas de technologies dans chacune des universités pour les promouvoir, mais le restant de ces technologies là restent à l'université, ne reçoivent aucune promotion, ont peu de brevets déposés, et il y a un problème à ce niveau-là. Aujourd'hui, avec l'Internet, avec tous les outils, il serait assez simple de faire un guichet pour toutes les universités, et je crois en plus qu'on pourrait sauver des coûts à ce niveau-là.
Mme Marois: Je comprends aussi que vous souhaiteriez qu'il y ait des sommes plus importantes d'investies pour aller plus loin dans le processus de recherche appliquée avant qu'on ne passe effectivement à la valorisation ou à la prise en charge par l'entreprise privée. Est-ce que ça aurait par ailleurs comme impact de réduire la demande du côté du capital de risque à l'étape subséquente, s'il y a eu une recherche, ou un travail, ou un processus plus long dans l'étape préalable?
M. Farah (Élie): Comme je l'ai mentionné plus tôt, plus vous avancez dans le développement d'une nouvelle drogue, plus le risque baisse.
Mme Marois: C'est ça.
M. Farah (Élie): Donc, il est certain que, si on regarde les années 1991-2000, je pense que, au niveau du lancement de nouvelles entreprises au Québec per capita, on a certainement dépassé largement le même taux aux États-Unis. Ça, ça veut dire qu'on se lance en entreprise plus tôt, puis ceci s'est fait aussi dans un contexte où les chercheurs se tournaient plus vers le privé pour le financement, mais aussi dans le contexte où les entreprises sont plus à risque parce qu'elles sont beaucoup plus amorçage que démarrage.
Si on regarde le modèle américain, ce qu'on voit, c'est qu'il garde ses technologies à l'intérieur de l'université, il les finance avec le NIH, puis, pour répondre un peu à la question que vous mentionniez juste avant, ce qu'on voit, à ce moment-là, c'est que le scientifique va traditionnellement quitter le milieu universitaire puis devenir un entrepreneur à temps plein, alors qu'on voit beaucoup chez nous, au niveau d'amorçage des entreprises, le chercheur universitaire qui reste quatre jours par semaine à l'université et qui dédie sa cinquième journée ou l'équivalence d'une journée à son entreprise. Et c'est là un peu qu'on lançait le défi de dire aux chercheurs: on se questionne un peu sur votre entrepreneurship parce que, si vous y croyez vraiment et que vous êtes vraiment dédiés à la cause, pourquoi ne pas vous dédier à temps plein à l'entreprise puis essayer de la faire avancer plus vite? Juste d'oser ça aux États-Unis, puis là-bas le risque, au moment où ils posent ce geste-là, est moins risqué que chez nous parce que la technologie a avancé, plusieurs ont échoué, mais le moment où ils se lancent en entreprise, le risque de succès est plus élevé.
Mme Marois: D'accord. Merci.
Le Président (M. Kelley): M. le ministre de l'Éducation.
M. Reid: Oui. Merci, M. le Président. Moi, j'aimerais profiter de votre présence, donc des représentants de l'industrie dans un secteur qui représente une majorité des dépenses de la recherche et de la valorisation, pour vous poser la question un petit peu plus large en termes de valorisation: est-ce que... Quand on parle de valorisation, on pense souvent à investissement, mais en fait c'est plus large que ça et, vous l'avez mentionné, ce n'est pas juste les «blockbusters», c'est beaucoup de choses. Et j'aimerais avoir un peu votre opinion sur, d'abord, qu'est-ce que l'industrie au Québec fait avec les universités sur ces différentes formes de valorisation, de transfert, disons, de connaissances et s'il y a des préférences que vous avez quand on essaie de penser aux universités à moyen, long terme.
On pense évidemment à des participations au capital, que ce soit par l'injection des droits de... des brevets, enfin de la propriété intellectuelle, mais on parle aussi de contrats de recherche, vous en avez mentionné aussi, qui sont plus ciblés, avec des ententes spécifiques sur la propriété intellectuelle et le transfert qui va être fait de la propriété de ça. On pense aussi à des licences, évidemment. C'est une sorte de valorisation qui... Par exemple, j'ai entendu le vice-recteur à la recherche et valorisation de l'Université Columbia à New York qui disait que c'était de loin ce qui était le plus rentable, en termes de revenus, pour l'université. Pour réinjecter dans la recherche et la valorisation, c'étaient les licences, par opposition à des participations au capital, par exemple.
n(10 h 20)n Et encore quelque chose dont il me semble qu'on ne parle pas souvent mais qui constitue peut-être l'une des principales sources de transfert de technologies, c'est le transfert des cerveaux. C'est-à-dire que ? et vous en avez mentionné à plusieurs reprises ? des professeurs, par exemple, vont devenir entrepreneurs et amènent avec eux toute la technologie, la connaissance qu'ils ont. Donc, il y a un transfert de connaissances évident qui procède par le cerveau du professeur. Mais c'est aussi le cerveau des étudiants et des étudiantes ? maîtrise, doctorat, postdoc ? qui, en allant dans une entreprise, en étant embauchés dans une entreprise, amènent un transfert de connaissances qui est souvent extrêmement significatif, qui n'est pas nécessairement valorisé, au sens qu'on ne lui accorde pas toujours la valeur que ça mérite. Et, ce faisant, l'industrie, du moins c'est ce que j'ai constaté jusqu'à il y a quelques années, ne s'investit pas beaucoup non plus dans la formation proprement dite de ces futurs canaux de transferts de connaissances entre l'université et l'industrie qui passent par des cerveaux qui viennent dans l'industrie après avoir passé un certain nombre d'années à faire de la recherche dans une université.
Est-ce que, parmi ces différentes formes de valorisation, l'industrie québécoise s'intéresse à toutes ces formes-là? Est-ce que l'industrie québécoise devrait s'y intéresser? Est-ce que l'université devrait faire quelque chose pour favoriser l'une et l'autre? Et tout ça évidemment dans l'optique où vous dites: Il faudrait changer une culture: plus de brevets mais aussi des incitatifs à la performance, vous avez dit et vous avez écrit aussi, des contrats de performance, dans ce sens d'un plus grand transfert de technologies. Alors, si on regarde les différentes formes de transfert de technologies qui existent, est-ce que l'industrie a des préférences?
M. Juteau (Jean-Marc): Je dois vous dire qu'une des formes de transfert technologique, qui est la licence sans prise de position dans une compagnie, est complètement sous-évaluée au Québec. Depuis plusieurs années, le modèle classique est de former une nouvelle compagnie et, bon, prendre un actionnariat dans cette compagnie-là. Mais il y a beaucoup de risques, et, on le voit aujourd'hui, beaucoup de compagnies tombent et beaucoup de technologies sont laissées pour compte. Bon.
Dans un bureau de transfert des technologies, qui devra toujours exister dans une université, il n'a pas le choix, un chercheur se doit de pouvoir parler à quelqu'un de sa propre institution pour lui faire le rapport de l'invention. Ça, ça devra toujours exister. Ça existe partout dans le monde.
Le problème en ce moment, avec les bureaux de transfert des technologies, qui doivent gérer des contrats de recherche, qui doivent gérer des contrats de confidentialité, qui doivent gérer des contrats de transfert de matériel ? ça, c'est... aucune valeur, il n'y a pas d'argent échangé ? des contrats de licence et des contrats de compagnies dérivées, de «spin-off»... Alors, ça fait beaucoup de choses. Ces gens-là aujourd'hui sont des employés universitaires sans aucun «incentive» et sont un simple département à l'université, au niveau administratif. La valeur donnée ? et j'ai travaillé là trois ans ? à ces gens-là est plus ou moins grande. Et pourtant c'est de l'argent qui est vraiment... c'est de l'argent frais qui est ramené dans l'université, et il y a beaucoup d'argent qui n'est... et ce n'est pas de l'argent du gouvernement, c'est de l'argent de compagnies et, bon, par exemple, de l'argent qui vient des royautés.
Je crois que ces bureaux doivent être à l'intérieur de l'université mais doivent fonctionner comme une compagnie, un modèle d'affaires, c'est-à-dire que ces gens-là doivent prendre des décisions et protéger la propriété intellectuelle. Il faut dire qu'il y a une façon de protéger la propriété intellectuelle qui est très intéressante. On appelle ça des brevets provisionnels, qui ne coûtent pas tellement cher, et c'est ce qu'on appelle ? excusez-moi, j'utilise beaucoup d'anglicismes... c'est le «shotgun approach». Alors, on peut déposer, pour un coût minime, beaucoup de brevets provisionnels et on a un an pour vraiment faire le reste du travail et décider, après un an, si on veut vraiment faire le dépôt à travers les nombreux pays, et là il y a des coûts qui s'attachent à ça.
Alors, les bureaux de transfert des technologies doivent prendre des décisions à ce niveau-là. Ce sont des décisions d'affaires, mais ils doivent gérer un nombre élevé d'inventions. Je crois que les bureaux doivent changer un peu leur modèle de fonctionnement. Ça peut coûter un peu plus cher aussi, mais je crois qu'il va y avoir des retombées économiques importantes à court, et moyen, et long terme dans les universités.
M. Reid: Très intéressant. Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Kelley): Peut-être juste une question. Vous avez parlé de l'importance des ressources humaines. Règle générale, est-ce que nos universités livrent la marchandise? Est-ce qu'il y a assez de main-d'oeuvre qualifiée qui sort de nos universités pour travailler dans vos entreprises?
M. Farah (Élie): En général, je dirais oui. On s'inquiète, chez BIOQuébec et dans les entreprises, de voir que le nombre d'étudiants qui rentrent dans les diverses formations des sciences de la vie est en baisse. Donc, on s'inquiète, si vous voulez, de la position compétitive du Québec à moyen et long terme. D'un autre côté, il reste certains secteurs de formation qui sont peu couverts ou pas assez couverts en ce moment et, à titre d'exemple, tout ce qui est ingénierie de procédés. Nous avons attiré à Montréal la compagnie DSM Biologics à Montréal, qui est un des cinq leaders mondiaux dans le domaine de la fabrication selon les normes de la FDA, les normes GMP, et ces gens-là vont employer beaucoup de personnel qualifié, et c'est un besoin qui n'est pas couvert. Alors, d'un côté, on s'inquiète de voir le nombre d'étudiants qui choisissent les sciences de la vie en baisse et on aimerait que la formation soit un peu plus proche des besoins de l'industrie, des besoins futurs de l'industrie.
Le Président (M. Kelley): Parce que c'était une question qui était soulevée, hier, avec les représentants du campus Macdonald de McGill et le cégep John-Abbott. Alors, je pense qu'on a tout intérêt... Et c'est une des préoccupations, d'une façon beaucoup plus générale, comment on peut encourager nos jeunes de regarder les carrières dans les sciences. J'ai une réussite à date: j'ai une fille à McGill dans les sciences, mais je pense qu'on a tout un intérêt pour soutenir, entre autres, des industries comme la vôtre, d'avoir les jeunes qui s'intéressent... Et je sais qu'il y a beaucoup d'entreprises qui font de la promotion, qui donnent les bourses dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal. La chambre de commerce a travaillé avec beaucoup de commissions scolaires pour encourager les jeunes de choisir les sciences au niveau collégial, et je pense qu'on a une réflexion à faire, un travail à faire pour faire ces promotions.
Monsieur le... Un autre commentaire, M. Farah, avant de passer la parole...
M. Farah (Élie): Juste vous dire que, chez BIOQuébec, on prône la proactivité: on aime voir venir les besoins futurs et même les crises futures et s'ajuster à celles-là, se préparer à les affronter, pour passer à travers ces périodes-là. Donc, on est très proactifs et on offre notre collaboration à tous les partenaires que nous avons dans l'industrie pour avoir un dialogue constructif avec ces gens-là sur les besoins futurs et présents de notre industrie.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. M. le député de Bertrand.
M. Cousineau: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs, bienvenue à cette commission parlementaire. Ma première question, c'est une question très technique. En fin de compte, c'est par curiosité. Vous avez mentionné que, bon, pour amener une molécule sur le marché... bon, en fin de compte, il faut travailler autour de 10 000 molécules avant d'en amener une sur le marché. Il y a l'étape in vitro, vous avez l'étape aussi en laboratoire avec des animaux et puis des cobayes, et puis l'étape au niveau humain, après. Ma question, c'est: ça peut prendre, en moyenne, combien de temps pour passer toutes ces étapes-là pour amener une molécule sur le marché, là?
M. Farah (Élie): Ça varie du... ça dépend de la molécule, le champ thérapeutique qui est ciblé, mais on parle entre sept et 10 ans.
M. Cousineau: Sept et 10 ans?
M. Farah (Élie): Puis c'est généralement une période où la compagnie n'a pas de revenus, à moins qu'elle ait un pipeline de produits, et qu'elle a des produits plus avancés que d'autres, et les produits plus avancés génèrent déjà des revenus de licence.
M. Cousineau: On parlait de 50 millions. Est-ce que c'est 50 millions ou 500 millions?
M. Farah (Élie): Non. Je vais vous dire, il y a deux façons de calculer ça. Vous allez voir dans les médias des chiffres qui peuvent aller jusqu'à 1,5 milliard pour un nouveau médicament qui est amené sur le marché. Ce que ces gens-là font, c'est qu'ils prennent le budget global des entreprises de recherche pharmaceutique, le divisent par le nombre de médicaments qui sont approuvés par la FDA et vous disent: Cette année, on a dépensé 33 milliards, puis il y a eu 25 produits qui ont été approuvés, comme je l'ai dit plus tôt. Donc, ça donne une moyenne de 1 milliard point quelques par produit approuvé. Et, dans ce contexte-là, on fait payer, si vous voulez, aux produits qui réussissent le coût des produits qui échouent.
n(10 h 30)n Si on prend un produit spécifique, je dirais que le coût varie entre 30 millions et 70 millions, dépendant de la complexité de trouver les patients et d'avoir des résultats qui sont statistiquement significatifs pour rencontrer les obligations des agences réglementaires.
M. Cousineau: Ma deuxième question. Vous avez mentionné que, bon, il y a les conditions gagnantes, là, cinq étapes pour amener une découverte à maturité, pour s'exprimer ainsi, là. Bon, vous avez parlé évidemment de la science comme telle, on vient d'en parler un petit peu, vous avez parlé des ressources humaines, des infrastructures, du capital de risque et puis évidemment des incitatifs.
Ma question a deux volets. Dans cette chaîne-là de conditions gagnantes, à quelle place est le maillon faible présentement, ou les maillons faibles, ici, au Québec? Un.
Puis, deux, les incitatifs. Bon, on a vu qu'en 2003-2004, bon, les crédits d'impôt liés à la recherche ont été coupés, mais c'est revenu dans le budget actuel. À part les crédits d'impôt, là, quels sont les incitatifs que vous voyez pour améliorer la situation des chercheurs?
M. Farah (Élie): Écoutez, permettez-moi d'abord de ne pas être d'accord avec vous parce que nous n'avons pas vu... Nous étions ici, la semaine dernière, pour la présentation du budget, puis on n'a pas vu le retour des crédits d'impôt aux entreprises de biotech. Alors, permettez-moi juste de vous dire... C'était une des demandes, au fait, qu'on avait faites dans les consultations prébudgétaires.
M. Cousineau: ...trompé.
Mme Marois: ...malheureusement.
M. Farah (Élie): Mais je vous avoue que le maillon faible, actuellement, de l'industrie, le talon d'Achille de l'industrie, aujourd'hui, c'est le financement. Écoutez, on a fait un sondage... BIOQuébec a fait une présentation à la commission Brunet au mois d'octobre dernier. Puis on voulait arriver à la commission Brunet avec des faits. Et on avait fait ce sondage auprès de nos industriels, puis la moitié des entreprises avaient répondu, puis il y avait plus que 53 % à peu près des entreprises qui avaient moins d'un an de liquidité. Puis ce qu'on voit aujourd'hui, c'est que les compagnies les plus avancées, celles qui représentent le risque le plus bas, ont réussi, depuis ce temps-là, à se financer. Et ce qu'on voit, que le modèle d'affaires au Québec est en train de changer, on voit des rondes de financement plus importantes, moins de rondes de financement, et qui prennent malgré tout autour de 14 mois pour arriver à maturité. Donc, ce qui va couler surtout les entreprises actuellement, c'est le manque d'argent.
Si je reviens à votre deuxième question ? et je reviens à mon commentaire initial qui disait que le principal actif d'une entreprise de biotechnologie, dans la phase où elle n'a pas encore généré de revenus, ce qui lui permet de se financer, c'est sa propriété intellectuelle ? nous préconisons, chez BIOQuébec, de renforcer ce portefeuille de propriétés intellectuelles des entreprises. Et, dans ce contexte, nous avions proposé une mesure qui coûtait à peu près 2 ou 3 millions au gouvernement, et c'était de créer un crédit d'impôt à la propriété intellectuelle qui serait dédié aux coûts de dépôt, défense, rédaction de brevets, et on le copiait, si vous me permettez le terme, sur le modèle des crédits d'impôt à la communication financière. Donc, ce qu'on suggérait au gouvernement, c'est de couvrir jusqu'à 125 000 $ par année de coûts de propriété intellectuelle par entreprise et d'accorder un crédit d'impôt de 40 % de cette somme-là, ce qui voulait dire un retour d'un maximum de 50 000 $ par année par entreprise.
Moi, je pense que, dans le contexte où le financement est difficile et il faut sortir du Québec en ce moment pour se faire financer, il faut rencontrer les critères d'analyse des financiers hors Québec et hors Canada. Et nos entreprises au Québec sont beaucoup plus jeunes, moins matures, moins développées que les Américains, ont des capitalisations qui sont largement inférieures à celles que les Américains mettent sur leurs radars, donc il est très difficile pour une compagnie québécoise, surtout une jeune compagnie, d'aller chercher l'intérêt de ces gens-là parce qu'ils nous rient dans la face, je vous le dis franchement. Quand on leur dit: On veut lever 5 ou 10 millions, bien où, nous, on a besoin de trois ou quatre investisseurs pour faire le 10 millions, aux États-Unis, un seul investisseur va faire 15 ou 20 millions. Donc, on ne parle pas du tout de la même échelle.
Et, juste pour terminer, ce qu'on préconise, nous... On comprend la situation du gouvernement, on comprend très bien les contraintes du gouvernement et on dit au gouvernement en général: Retirez-vous au fur et à mesure que le risque baisse. Mais, si on veut bâtir une industrie de la biotech au Québec, il faut que le gouvernement et les sociétés de valorisation restent très présents au niveau du démarrage et de l'amorçage des entreprises.
M. Cousineau: Le danger, si évidemment, les propositions que vous amenez concernant les crédits d'impôt à la propriété intellectuelle, si ce n'est pas en place, le danger, c'est de voir l'exode des cerveaux vers d'autres régions puis vers d'autres... Merci, monsieur.
Le Président (M. Kelley): Ça va? O.K. Merci beaucoup aux représentants de BIOQuébec pour une perspective unique. Je pense que vraiment vous avez amené de la matière à réflexion pour les membres de la commission. Alors, merci beaucoup pour votre présentation ce matin.
Je vais suspendre quelques instants et je vais inviter les représentants de l'Union des consommateurs de prendre place.
(Suspension de la séance à 10 h 35)
(Reprise à 10 h 39)
Le Président (M. Kelley): Alors, je vais juste... Un mot de bienvenue aux représentants de l'Union des consommateurs qui ont l'honneur d'être le dernier, mais pas le moindre, de nos témoins. Nous avons commencé, je pense, il y a sept semaines maintenant, et alors c'est à vous d'avoir, au niveau des témoins, le mot de la fin. Alors, sans plus tarder, je vais passer la parole à M. Luc Rochefort, qui est de l'Union des consommateurs. M. Rochefort, la parole est à vous.
Union des consommateurs
M. Rochefort (Luc): Bonjour, mesdames, messieurs. Je vous présente Mme Hélène Talbot, de l'ACEF du Nord de Montréal, et mon nom est Luc Rochefort, de l'Union des consommateurs. Avant de commencer, nous aimerions vous remercier de nous avoir invités à cette commission parlementaire.
D'abord, mesdames, messieurs, membres de la commission, nous avons été surpris de constater que le gouvernement avait déjà arrêté ses choix en matière de régime de prêts et bourses, avant même les conclusions de cette commission. Ces choix qui incidemment ne vont pas dans la direction que nous souhaitons. À cet égard, d'ailleurs, nous aimerions déposer et appuyer cette lettre de la FEUQ, qui traite de cette question et aussi au niveau de l'endettement.
Nous avons modifié notre présentation, suite aux ajustements prévus au régime des prêts et bourses annoncés la semaine dernière. Notre présentation se divise en quatre parties: le contexte, l'intervention aux niveaux primaire et secondaire, l'intervention aux niveaux collégial et universitaire et nos recommandations.
n(10 h 40)nMme Talbot (Hélène): D'abord, l'Union des consommateurs est un organisme à but non lucratif qui regroupe huit ACEF, le Regroupement des consommateurs d'assurances ainsi que des membres individuels.
La mission de l'Union des consommateurs est de représenter et défendre les consommateurs en prenant en compte de façon particulière les intérêts des ménages à revenus modestes. Les interventions de l'union s'articulent autour des valeurs chères à ses membres, soit la solidarité, l'équité et la justice sociale, ainsi que l'amélioration des conditions de vie des consommateurs aux plans économique, social, politique et environnemental.
L'Union des consommateurs a publié, en octobre 2003, un manifeste pour lutter contre la pauvreté dans lequel nous défendons les huit droits fondamentaux adoptés par Consumers International. Nous retrouvons parmi ceux-ci le droit à l'éducation. L'union croit que les efforts pour briser le cercle vicieux de la pauvreté doivent débuter dès le primaire, et ce, dans le but de permettre à tous de saisir les occasions et les possibilités qui pourraient s'ouvrir à eux. Comme l'indiquait Centraide Québec en septembre 2000, dans un document intitulé Une société qui se tire dans le pied, la richesse sans l'équité crée l'exclusion, ce qui sous-entend que, à plus ou moins longue échéance, les coûts de la pauvreté, de l'exclusion et des inégalités sociales risquent de compromettre gravement, sinon d'anéantir les fruits de nos efforts et de nos acquis.
Le Conseil du bien-être social constate que des compressions dans le secteur de l'éducation ont souvent débouché sur l'imposition de frais scolaires pour certaines activités que les familles démunies ne peuvent donc se permettre de payer, faisant des écoles un lieu d'exclusion sociale. La pauvreté favorise le décrochage scolaire, et le décrochage entraîne des coûts humains ? une partie de la population ne peut s'épanouir, créer, produire ? mais aussi des coûts en argent ? augmentation du chômage, moins de recettes fiscales.
Ainsi, en éducation, tout le monde ne part pas du même pied. Lorsqu'une famille dispose d'un très faible revenu, les coûts reliés à l'éducation peuvent représenter un obstacle important. Des études ont démontré que le taux de décrochage est deux fois plus élevé chez les jeunes vivant dans une famille à faibles revenus. Selon le Conseil régional de l'île de Montréal, le taux de décrochage scolaire, dans certains milieux défavorisés de Montréal, dépasserait 40 %. Des recherches ont déjà démontré que le milieu socioéconomique a une grande influence sur la poursuite des études. Ainsi, les étudiants résidant dans les milieux plus défavorisés économiquement accèdent en moins grand nombre au collégial et sont également moins nombreux à obtenir un diplôme d'études collégiales.
L'endettement engendré par les études postsecondaires est très élevé, et les emplois ne sont pas toujours au rendez-vous. Car, même s'il est vrai que les jeunes diplômés s'en tirent mieux sur le marché du travail que les jeunes sans diplôme, le taux de chômage ne cesse d'être plus élevé chez les jeunes que chez leurs aînés. De plus, depuis quelques années, nous assistons à une augmentation très importante du niveau d'endettement des étudiants, qui éprouvent de plus en plus de difficultés à rembourser leurs prêts étudiants. Aujourd'hui, le remboursement moyen s'élève à plus de 13 000 $. Pourtant, il est reconnu que l'accès à l'éducation devrait permettre une certaine égalité des chances et pourrait agir de façon efficace sur la prévention de la pauvreté. Le gouvernement doit donc intervenir afin d'améliorer l'accessibilité aux études postsecondaires, tant aux niveaux primaire et secondaire qu'aux niveaux collégial et universitaire.
L'intervention aux niveaux primaire et secondaire. Une étude réalisée en Ontario montre qu'une majorité des étudiants qui entreprennent des études universitaires ont pris leur décision avant l'âge de 14 ans. Les efforts déployés par le ministre de l'Éducation doivent viser à cerner très tôt et à cibler davantage les forces et les faiblesses des étudiants afin de pouvoir les aider à effectuer adéquatement leur choix de carrière.
Plusieurs facteurs socioéconomiques auront naturellement plus souvent une influence négative sur les choix des jeunes issus de milieux plus modestes. Selon Statistique Canada, parmi les variables décrivant l'expérience à l'école secondaire, on a constaté que l'engagement social et la moyenne générale étaient clairement prédictifs du report des études postsecondaires. Les possibilités de reporter l'inscription aux études postsecondaires étaient presque deux fois plus grandes pour les répondants ayant déclaré un faible engagement social à l'école secondaire, comparativement à leur pairs ayant déclaré de hauts niveaux d'engagement social. L'engagement social à l'école permettrait donc, par le biais de nouvelles rencontres, par la multiplication des centres d'intérêt, d'accéder à une vision plus positive des études, non seulement au niveau secondaire, mais aussi au niveau postsecondaire.
De plus, l'encadrement des étudiants au secondaire devrait aussi permettre et valoriser leur éducation en gestion de leurs finances personnelles. Des explications concrètes sur le système de prêts et bourses permettraient aux étudiants d'évaluer plus sciemment l'accessibilité aux études postsecondaires. Cette formation pourrait aussi leur permettre de mesurer les revenus potentiels d'un emploi et les coûts des études nécessaires pour acquérir les connaissances pertinentes en informant les étudiants sur les coûts réels que représentent les études universitaires: les frais d'inscription, les frais afférents, les frais de survie.
M. Rochefort (Luc): Maintenant, au niveau postsecondaire, le principe d'égalité d'accès et les frais de scolarité. Le système d'éducation que l'on connaît aujourd'hui tire son origine du rapport Parent qui démontrait que le coût des études postsecondaires était le principal obstacle qui empêchait la poursuite des études. Le rapport recommandait de réduire graduellement les frais de scolarité jusqu'à la gratuité à tous les niveaux de l'éducation.
Augmenter les frais de scolarité risque d'affecter l'un des enjeux majeurs de nos politiques en matière d'éducation, à savoir l'accessibilité pour tous à une formation postsecondaire. Le ministère de l'Éducation doit élaborer des stratégies qui permettront d'enrayer la discrimination en lien avec l'origine socioéconomique des étudiants québécois.
Selon la stratégie d'innovation du gouvernement canadien, en 2004, plus de 70 % des nouveaux emplois créés au Canada exigeront des études postsecondaires, dont 25 %, un diplôme universitaire. Seulement 6 % des nouveaux emplois seront occupés par des personnes n'ayant pas terminé leurs études secondaires.
L'accessibilité aux études universitaires et le coût des études sont intimement liés. Prenons, par exemple, ce qui se passe dans les autres provinces canadiennes. La présidente de la Fédération des étudiants en médecine du Canada constatait que l'augmentation des frais de scolarité à l'Université de Toronto, qui passait de 5 000 $ par année en 1997 à 15 000 $ par année en 2003, avait provoqué un changement quant à l'origine socioéconomique des nouveaux étudiants. «En conséquence, il y a moins de diversité dans les salles de cours, car les familles à faibles revenus trouvent plus difficile de payer le coût des études.» En trois ans, à l'Université Western Ontario, le revenu moyen annuel des parents des étudiants et des étudiantes en médecine est passé de 80 000 $ à 142 000 $ par année.
L'Association du Barreau canadien a souligné les résultats d'une enquête à la ? voyons, excusez-moi... d'une enquête à l'interne qui conclut qu'il y a de moins en moins d'étudiants en droit provenant de familles ayant des revenus de moins de 60 000 $. L'association s'inquiète de l'avenir des jeunes du secondaire qui se questionnent sur l'intérêt et la justification de dépenser 22 000 $ par année pour des études en droit alors que le salaire des jeunes avocats est de moins en moins élevé.
Les frais affectent donc les choix de spécialisation des étudiants, du fait de l'endettement croissant lié aux prêts. Les frais de scolarité ne doivent jamais être un obstacle aux études universitaires. Les frais élevés ont un effet discriminatoire, puisque l'aide financière disponible et l'endettement qui en résulte peuvent amener certains étudiants à faire des choix qui iront à l'encontre de leurs champs d'intérêt. L'endettement, dans certains cas, n'équivaut pas à un investissement.
Le gouvernement devrait se positionner clairement en ce sens pour préserver et enrichir la qualité de sa main-d'oeuvre, tout en haussant la qualité de vie de l'ensemble de sa population.
L'accessibilité pour tous aux études représente donc un enjeu majeur pour la société québécoise alors que formation et emploi sont plus étroitement liés que jamais. Toute mesure qui aurait pour effet de restreindre l'accès à l'éducation supérieure représenterait une grave erreur qui aurait des effets néfastes pour l'ensemble de notre société.
Concernant le principe de l'accessibilité financière aux études et du régime des prêts et bourses, le régime des prêts et bourses doit permettre et faciliter l'accès aux études postsecondaires. Pourtant, la semaine dernière, le ministre de l'Éducation annonçait, avant même la fin de la commission parlementaire, les nouvelles couleurs du programme des prêts et bourses qui entreront en vigueur en septembre prochain. M. Reid affirmait entre autres, dans Le Devoir de vendredi dernier: «Il y aura une augmentation de l'endettement [pour] la plupart des cas, parce qu'il y aura plus de prêts et les bourses seront moins généreuses.» Le ministre aurait précisé du même souffle que le nouveau système de remboursement proportionnel au revenu du diplômé permettrait de limiter les dommages. Il ajoute plus tard: C'est la philosophie du gouvernement, ayant comme conséquence l'endettement plus important des étudiants. «Il faut vivre selon nos moyens. Je pense que c'est ça qu'il est le plus important de comprendre. Et, selon nos moyens, ça veut dire qu'il y a des choses qu'on peut difficilement faire encore.»n(10 h 50)n Ces nouvelles politiques amènent l'Union des consommateurs à se questionner sérieusement sur le principe universel d'accessibilité aux études universitaires. Nous croyons que l'endettement étudiant devrait être réduit au minimum afin de permettre l'insertion des nouveaux travailleurs au marché du travail, leur épanouissement dans le milieu de vie de travail, et ainsi soutenir l'économie générale du pays, et favoriser le développement des familles.
De plus, pour inciter les jeunes à poursuivre les études, il faut mettre en place une stratégie pour contrer l'endettement. Les étudiants québécois ne doivent pas arriver au terme de leurs études écrasés par un niveau d'endettement qui compromette leur pleine contribution dans les activités économiques, familiales et sociales.
Nous croyons également que le gouvernement n'a pas respecté ses engagements en augmentant l'endettement des étudiants provenant des milieux plus démunis et de la classe moyenne. L'écart des revenus familiaux entre les pauvres et les riches tend à augmenter. L'État aurait plutôt dû favoriser l'obtention de bourses pour les personnes provenant des milieux modestes et de la classe moyenne.
Concernant la contribution parentale, le calcul de la contribution parentale doit être établi selon le revenu familial net. Comme l'indique le document de consultation du CCAFE, «aucune contribution n'est exigée en dessous d'un revenu minimal après impôt se situant entre 26 100 $ au Nouveau-Brunswick et 32 500 $ en Colombie-Britannique. Au Québec, si les parents vivent ensemble, l'exemption est de 21 885 $ avant impôt.» La contribution parentale exigée des parents québécois est beaucoup plus élevée que dans les autres provinces et affecte directement les familles à faibles revenus ainsi que la classe moyenne.
Le seuil du revenu sur lequel il y a exemption des contributions doit être élevé, bien au-delà du seuil de la pauvreté des familles. Le seuil minimum devrait se trouver au-dessus du niveau de la moyenne canadienne, soit à plus de 45 000 $.
Concernant les familles monoparentales, les lacunes actuelles du Programme de prêts et bourses entraînent des conséquences graves pour les parents étudiants et leurs enfants en n'assurant pas de couverture adéquate de leurs besoins. En raison de cet appauvrissement, plusieurs se voient dans l'obligation de renoncer au projet de parfaire leur éducation en vue d'améliorer leurs conditions de vie et celles de leurs enfants.
Concernant le Programme de remise de dette, le Programme de remise de dette cible actuellement les étudiants ayant obtenu une bourse à tous les trimestres de leurs études. De plus, ce programme vise seulement les bousiers ayant respecté le parcours standard des études, et ce, pour favoriser la poursuite en continu des études. Pourtant, ce sont les étudiants les plus démunis qui ont tendance à étudier à temps partiel, à abandonner les cours, à prendre une pause pendant leurs études, et ainsi de suite.
Concernant le remboursement proportionnel au revenu, il permet aux étudiants de rembourser leurs prêts dans des conditions plus acceptables, malgré les aléas du marché du travail ou l'augmentation éventuelle des charges familiales. Cette formule offre aux étudiants l'assurance que le remboursement de leur dette pourra s'effectuer dans des conditions raisonnables, même avec un niveau d'endettement élevé et un revenu modeste.
Pourtant, le remboursement des prêts doit être limité dans le temps afin de permettre une plus grande marge de manoeuvre aux ex-étudiants ayant des difficultés financières. Limiter la durée et le taux du remboursement permettrait aux personnes de se sortir d'un endettement endémique lorsque les revenus espérés, suite à l'obtention du diplôme, ne sont pas au rendez-vous. À l'échéance de la période de remboursement convenue, la dette serait automatiquement effacée, peu importe le pourcentage du capital effectivement remboursé. De plus, la dette serait effacée en cas de décès, en cas de blessures ou de maladies qui entraînent un handicap permanent.
Par contre, nous nous opposons à la manière dont le RPR s'instaure en devenant effectif simultanément à une hausse des prêts et à une baisse des bourses. Le RPR ne doit pas devenir l'unique mesure utilisée par le gouvernement. Entre autres, les frais de scolarité doivent être gelés, le Programme de remise de dette à la fin des études, renouvelé, et les bourses, augmentées. Nous nous questionnons dorénavant sur l'effet de la perspective d'endettement sur la poursuite des études. Des mesures prises la semaine dernière sont opposées à nos positions.
Maintenant, nos recommandations.
Considérant qu'en 2004 plus de 70 % des nouveaux emplois créés au Canada exigeront des études postsecondaires; et
Considérant que l'endettement des ex-étudiants peut être problématique:
L'Union des consommateurs recommande la poursuite du réengagement financier des gouvernements fédéral, dans le cadre du transfert aux provinces, et provincial, dans l'éducation primaire, secondaire et postsecondaire, pour permettre à toutes les personnes d'avoir accès à une éducation qualifiante, et ce, à un coût abordable.
Nous recommandons, aux niveaux primaire et secondaire:
Que les efforts déployés par le ministère de l'Éducation visent à cerner très tôt et ciblent davantage les forces et les faiblesses des étudiants afin de pouvoir les aider à effectuer adéquatement leur choix de carrière;
Que le gouvernement réinvestisse dans les activités parascolaires afin de promouvoir les effets positifs de l'expérience scolaire et ainsi promouvoir la poursuite des études, et ce, non seulement au secondaire, mais aussi au primaire;
Que la formation en gestion des finances personnelles se poursuive au secondaire;
Qu'une formation sur le système des prêts et bourses, sur l'endettement lié aux études postsecondaires et sur les revenus des emplois visés soit aussi dispensée.
Maintenant, aux niveaux collégial et universitaire, nous recommandons:
Que les frais de scolarité soient gelés;
Malgré les annonces de la semaine dernière, que les prêts soient maintenus à leurs niveaux actuels, et les bourses, augmentées. L'État doit favoriser l'obtention de bourses pour les personnes provenant des milieux modestes et de la classe moyenne en général;
Que le seuil du revenu qui sert au calcul des contributions parentales soit relevé bien au-delà du seuil de la pauvreté des familles, soit à 45 000 $;
Que les dépenses qui servent de base au calcul de l'aide financière soient calculées selon les coûts et les besoins réels;
Que le programme de remise de dette opte pour un mode de remboursement axé sur la diplomation, augmentant ainsi la possibilité des plus démunis d'obtenir la réduction de leurs dettes. Le fait d'être boursier ou non n'a plus d'importance dans la réduction de la dette. L'obtention du diplôme devient l'élément déclencheur de la réduction de la dette;
Que le mode de remboursement proportionnel au revenu soit mis à l'essai en respectant les modalités énoncées précédemment;
Que le RPR s'échelonne sur une durée maximale de 10 ans; et enfin
Qu'à l'échéance la dette soit effacée automatiquement.
Merci beaucoup.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Je vais passer la parole maintenant au ministre de l'Éducation et député d'Orford.
M. Reid: Merci, M. le Président. Bienvenue à la délégation de l'Union des consommateurs et à Mme Talbot, qui est coordonnatrice de l'ACEF.
Peut-être une petite remarque: j'ai des membres de ma famille qui ont travaillé pour les ACEF, et une des choses qu'il faut apprendre, il faut aider tout le monde à comprendre, c'est qu'il faut faire des choix, quand on a un budget limité, et je pense que vous comprendrez facilement qu'à l'échelle du Québec, c'est la même chose. Et nous avons fait des choix. Nous avons fait les choix de l'accessibilité, les choix de la qualité: l'accessibilité pour toutes les personnes qui veulent aller à l'université, et c'est une croissance importante qui demande des fonds importants, en termes de financement universitaire, pour engager les professeurs qu'il faut, et assurer la qualité de la formation, et ne pas diminuer cette qualité, de telle sorte que tout le monde ait accès à une formation de qualité. Nous avons fait aussi le choix de la lutte à la pauvreté; nous avons fait le choix d'intervenir tôt dans les écoles, par différents programmes, en conservant les programmes.
Alors, évidemment ces choix-là nous demandent de faire par ailleurs certains changements. Nous recevons avec beaucoup de respect les opinions que vous avez exprimées et nous pensons que nous allons profiter également de votre connaissance et de votre savoir-faire pour être certains que le programme de RPR, de remboursement proportionnel au revenu, il ne soit pas caricaturé, d'une part, et, d'autre part, atteigne vraiment ses objectifs. Et là-dessus nous tenons compte et nous allons tenir compte de ce que vous dites, mais nous aimerions également que vous nous donniez plus de détails, que ce soit maintenant ou plus tard, pour nous aider à faire en sorte que nous répondions vraiment à la situation de ceux et celles qui sortent avec leur diplôme universitaire et qui n'ont peut-être pas la chance de rentabiliser ce diplôme et d'ainsi faire partie des meilleurs salariés de notre société.
J'aimerais... Ma question, en fait, concernant toute l'appréciation que vous avez faite et l'ensemble de la vision que vous nous présentez de la situation, en fait... Et c'est intéressant parce que nous sommes sur la même longueur d'onde, à savoir que, quand on agit tôt, on risque d'avoir effectivement, à l'autre bout de la ligne, moins de difficultés d'intégration, etc., et un cheminement qui permette d'arriver plus vite à cette fin-là.
On s'est beaucoup intéressés, dans cette commission parlementaire, à la situation des régions, sachant que Montréal ou des sous-ensembles de Montréal sont aussi des régions. Mais les situations varient énormément, et on a vu, de par les représentations, par exemple, des directions d'université ou des associations étudiantes, que la situation des régions pouvait varier beaucoup. Dans les recommandations que vous faites, est-ce que... Quand on regarde avec la perspective de cette disparité régionale des conditions, des conditions de vie, des conditions d'emploi aussi par la suite, est-ce que ça vous permet d'amener certaines nuances, disons, qui pourraient nous aider à mieux tenir compte de la situation, qui est très diverse, entre les différentes régions ou parfois entre différents secteurs de Montréal?
n(11 heures)nM. Rochefort (Luc): Au niveau de l'endettement en général, c'est sûr que les emplois en région sont un petit peu moins disponibles lorsqu'on obtient un diplôme de l'université. C'est une évidence, et on reçoit beaucoup de monde directement dans les ACEF qui nous reflètent cette situation-là. Et c'est pour ça, entre autres, que nous aimerions qu'il y ait plus... une augmentation des bourses et une baisse des prêts, justement pour contrer cet endettement-là, qui peut nuire justement en région, entre autres en région... aussi en région de Montréal et de Québec, l'endettement étudiant et l'effort des étudiants de se lancer dans l'économie et dans le... en fait dans le roulement de l'économie. Car, si un étudiant est endetté pendant un peu plus de 10 ans ? et ça, s'il est capable de bien rembourser ses prêts universitaires ? il ne sera pas capable de bien partir, en fait d'avoir les fonds nécessaires pour démarrer une famille, de se lancer directement dans l'achat de maison, entre autres, et de participer à un fonds de retraite.
Donc, tout est lié, du départ à la fin. Si une personne ne peut pas commencer, fonder sa famille et obtenir ses objectifs financiers avant l'âge de 35 ans parce qu'il y a une partie de son salaire qui est déjà prise pendant 10 ans, les 10 premières années de sa vie, ça va affecter directement les fonds de pension, entre autres. Finalement, les choix du début affectent les choix au niveau de la pension.
M. Reid: Et donc est-ce qu'il y a d'autres caractéristiques régionales qui vous viennent à l'esprit qui pourraient être intéressantes pour la commission, mis à part le fait que, par exemple, les emplois sont moins disponibles? Est-ce que les salaires... vous constatez que les salaires sont également moins élevés ou est-ce que ça, ce n'est pas une différence notable?
M. Rochefort (Luc): Les salaires, c'est sûr, d'après moi, qu'ils sont moins élevés en région. Si on va directement en région de la Gaspésie, entre autres, avec les emplois saisonniers, c'est sûr que ça affecte les salaires.
M. Reid: Est-ce qu'il y a d'autres caractéristiques qui vous viennent à l'esprit au niveau de ces disparités régionales et de leur impact?
M. Rochefort (Luc): Pas particulièrement.
M. Reid: Est-ce que... Par exemple, on a entendu, nous, ici des gens de différentes régions qui mentionnaient que les services, par exemple, universitaires qui sont donnés lorsqu'on est assez loin d'une université ? on pense à la Côte-Nord, par exemple, où il y a des services universitaires à Sept-Îles, Baie-Comeau... Et on nous a dit que plus on était en mesure d'offrir des services universitaires qui n'obligeaient pas les jeunes à quitter leur région, plus évidemment non seulement on retenait des gens dans la région, des jeunes dans la région, mais plus aussi on pouvait avoir un impact sur la situation par la suite de ces jeunes-là, en termes de l'endettement ou en termes de... notamment de l'endettement, parce que, si on n'habite pas chez ses parents, forcément on a plus de dépenses, et ce n'est pas uniquement les bourses qui peuvent, dans la plupart des cas du moins, payer pour ça, même dans la situation aujourd'hui, là, avant qu'on fasse un changement à l'aide financière. Est-ce que c'est quelque chose qui vous interpelle aussi?
M. Rochefort (Luc): Évidemment, nous sommes en train de faire une petite étude, présentement, au niveau des étudiants du collégial-universitaire, et ça touche directement l'endettement parallèle aux prêts et bourses, l'endettement des prêts et bourses et en plus l'endettement face aux cartes de crédit. On est au tout début de la recherche, car la recherche s'échelonne sur un an et demi, mais nos premières constatations révèlent en fait que les étudiants qui demeurent chez leurs parents sont moins endettés, et de loin, que les étudiants qui n'habitent pas chez leurs parents, et la situation est très facilement identifiable.
Habituellement, les parents qui ne vivent pas chez leurs parents, ils ont les prêts et bourses, mais le problème n'est pas nécessairement les prêts et bourses. C'est que, lorsque les étudiants vont chercher des prêts et bourses à leur institution financière, la première chose, ils se font proposer une carte de crédit, peut-être non seulement une carte de crédit, mais le pire fardeau maintenant, qu'on croit un des pires ? mais que ça en est en fait le pire ? c'est la marge de crédit. Donc, ces deux nouveaux types d'endettement, qui surviennent automatiquement lorsqu'on arrive à l'université, au cégep puis qu'on a droit aux prêts et bourses parce qu'il faut qu'on aille voir notre institution financière, et ça vient automatiquement... Même si on refuse d'un premier coup, ils vont insister, insister et insister. Donc, c'est sûr que les étudiants qui ne demeurent pas chez leurs parents sont plus endettés que les autres.
M. Reid: C'est très intéressant, M. le Président. Je vous remercie beaucoup parce que vous avez une perspective unique qu'on n'a pas eu l'occasion d'entendre jusqu'à maintenant, alors que pourtant on est rendus à la fin de la commission. Merci beaucoup.
Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Taillon.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, je veux souhaiter bienvenue à l'Union des consommateurs. C'est avec grand plaisir qu'on vous reçoit. Vous êtes effectivement le dernier groupe à être entendu et vous n'êtes pas le moindre, représentant un segment des intérêts de la population québécoise qui est particulièrement pertinent dans le cadre de nos travaux.
Depuis le début de nos travaux d'ailleurs, nous déclarons nos intérêts comme participants à la commission, dans le sens où un a étudié à telle université, un autre a participé à telle activité dans une organisation, et je dois dire aux membres de cette commission et à mes collègues que j'ai travaillé, au tout début de ma carrière, dans les ACEF. J'ai travaillé même à la mise en place et à la fondation d'une des premières ACEF du Québec, dans l'Outaouais. Alors, je voulais le mentionner. Et j'ai fait donc de l'éducation budgétaire, de l'animation, de l'information avec beaucoup d'intérêt et en me permettant aussi, à cette occasion, sûrement de mieux comprendre encore ce qu'était la situation de gens à revenus modestes ou même dans un état de pauvreté.
Bon. Votre mémoire est particulièrement intéressant, et nous partageons... Vous le savez sans doute déjà, mais nous partageons vos conclusions et nous partageons aussi l'amendement que vous faites, ce matin, à votre mémoire, parce que nous avons été profondément déçus ? et, quand je dis «nous», je parle de l'opposition ? nous avons été particulièrement déçus, ma formation politique, des décisions prises par le ministre, alors que la commission n'a même pas fini ses travaux, déçus de la décision d'abord d'endetter davantage les étudiants, à la hauteur d'au moins 64 millions de dollars, puisqu'on transfère en bourses... c'est-à-dire en prêts ce qui était versé autrement en bourses. Or, on sait que ces bourses, si elles sont versées, c'est parce qu'elles étaient nécessaires, sinon on ne le ferait pas. Les critères sont assez serrés, d'ailleurs vous en parlez, pour qu'on puisse conclure cela. Donc, nous étions déçus bien sûr de cette décision, et plus que déçus.
Et par ailleurs c'est un peu inquiétant aussi de voir que le ministre nous annonce cela en même temps qu'il ne peut pas nous dire sur la base de quel scénario le remboursement proportionnel au revenu va être implanté. Alors, il y a là, on va en convenir, une grande improvisation. Remarquez que ça n'est pas très différent de ce qui se passe au gouvernement depuis un certain temps, mais je ne veux pas vous mettre ces mots dans la bouche, ce sont les miens, et je suis capable de les porter.
Alors, je veux maintenant venir à des questions plus concrètes. Je sais qu'il y a de mes collègues aussi qui veulent intervenir parce qu'on se sent beaucoup interpellés par votre mémoire sur la question de l'accessibilité ? et c'est un des objets de notre commission ? et en particulier de l'accessibilité des étudiants en région.
On sait qu'il y a un rattrapage encore à faire, au niveau du Québec, sur le niveau de diplomation universitaire et on constate que malheureusement c'est en région... Je sais que certains députés de l'autre côté n'aiment pas ça m'entendre le dire, mais c'est des faits objectifs. En région, l'écart de diplomation est plus élevé que dans les centres urbains, et donc on a un rattrapage à cet égard à faire. Qui dit rattrapage dit efforts supplémentaires. On va donc vous en parler un peu plus longuement.
Dans votre mémoire, vous abordez la question de l'intervention précoce, mais là précoce à un autre niveau que celui auquel on pense habituellement. Parce que, quand on dit «intervention précoce auprès des enfants», on pense aux enfants 0-3 ans, 0-4 ans, mais ici vous nous parlez des études des niveaux primaire et secondaire et vous faites référence à une étude qui a été réalisée en Ontario sur le fait... et qui conclut qu'une majorité des étudiants qui entreprennent des études universitaires ont pris leur décision avant l'âge de 14 ans. Qu'est-ce que vous croyez que le ministère de l'Éducation ou le gouvernement du Québec, avec toutes ses institutions, devrait faire pour inciter, si on veut, les jeunes à... amener les jeunes ? pas les inciter comme les amener ? à être mieux informés, à être mieux préparés à prendre cette décision?
M. Rochefort (Luc): D'abord, on parle également que... En fait, je voudrais juste reprendre mon petit document. J'essaie de retrouver notre petite étude de Statistique Canada.
Mme Marois: De toute façon, dans votre mémoire, évidemment ça se trouve au niveau... à la page 8, là, des niveaux primaire, secondaire.
M. Rochefort (Luc): Oui, c'est sûr que, nous, on recommande, à plusieurs niveaux, d'investir justement dans les niveaux primaire et secondaire. Suite aux études qu'on a lues, entre autres l'étude qui provient de l'Ontario que les étudiants prenaient leur décision avant l'âge de 14 ans, il y a une étude aussi, similaire de Statistique Canada qui dit que les étudiants qui participent à des activités parascolaires ont plus tendance à aller à des études postsecondaires. Et ça, l'étude de Statistique Canada révèle que c'est pour plusieurs raisons. Entre autres, les personnes qui viennent de milieux défavorisés où les études ne sont pas... en fait ne sont pas primées peuvent avoir de meilleures relations avec un nouveau groupe d'enfants avec lesquels ils vont pouvoir connecter et ainsi avoir l'espoir... prendre en considération le fait d'aller, disons, au cégep ou à l'université, dû justement à leur nouveau cercle d'amis. En fait, les activités parascolaires, c'est justement ça, c'est amener d'autres amis à l'intérieur même des écoles primaires et secondaires.
n(11 h 10)n Ensuite, nous parlons, au niveau des investissements primaire et secondaire... le retour de la formation en gestion des finances personnelles. Tantôt, on parlait justement de l'endettement parallèle, et nous croyons que l'endettement parallèle provient, entre autres ? parce que, en consultation budgétaire, on fait beaucoup de prévisions budgétaires, parce que c'est la base du budget, entre autres... que le gouvernement devrait geler les frais de scolarité en fait pour plusieurs raisons, dont celle-ci: c'est de permettre aux étudiants du secondaire, disons du secondaire III ou IV, de pouvoir s'asseoir, regarder combien ça coûte l'université, le cégep et faire une planification budgétaire à cet égard-là. Sinon, si les frais de scolarité ne sont pas gelés, si d'un coup les frais de scolarité accotent ceux de l'Ontario ou du reste du Canada, en dedans de deux ans quelqu'un va faire une planification budgétaire, un plan budgétaire pour aller à l'université et va arriver dans le trou directement de 3 000 $, 4 000 $, 5 000 $.
Nous, nous croyons d'ailleurs qu'une des grandes limites à l'accessibilité au cégep et à l'université, c'est justement la prévision de l'endettement. Car, on le sait, les jeunes commencent à travailler de plus en plus tôt, et de ce fait l'argent rentre dans leurs poches pas mal plus vite, et, un coup que l'argent est rentré dans les poches, on veut toujours en avoir un peu plus. Donc, la comparaison est assez facile à faire: devrais-je faire 300 $ par semaine ou m'endetter pour 30 000 $?, entre autres, disons, avec les frais d'intérêts, s'il s'endette pour 18 000 $, s'il s'embarque et obtient un D.E.C.
Alors, pour nous, amener un genre de formation au secondaire justement pour comparer les coûts des études postsecondaires et les coûts reliés, disons, à un emploi espéré permettrait justement d'amener les jeunes à contrer certaines barrières et les amener à atteindre plus facilement le cégep et l'université. Bien, peut-être pas plus facilement, mais les convaincre plus facilement.
Mme Marois: Non, c'est très intéressant, votre analyse à cet égard-là. J'ai remarqué aussi que vous souhaitiez que le cours sur le budget consommation puisse être préservé dans le cours d'économie familiale. Bon, je suis consciente qu'il a été modifié, mais je crois que l'objectif que vous recherchez, de formation à ce sujet, peut être préservé à l'intérieur des cours qui vont être donnés au secondaire par l'intermédiaire de projets ou des fameuses compétences transversales. Même si on en a fait parfois des gorges chaudes, ça reste l'acquisition de savoir-être, de savoir-faire, et, dans ce contexte-là, ce que vous suggérez peut tout à fait être pris en compte, à mon point de vue, dans le nouveau programme qui s'implantera, là, avec un an de retard, mais qui s'implantera quand même dès l'an prochain.
Un dernier commentaire, puisque vous avez mentionné que vous étiez d'accord avec les propos de la FEUQ, je vous ai bien entendus. D'ailleurs, celle-ci, la Fédération étudiante universitaire du Québec, fait parvenir ce matin, je crois, une lettre au président de la commission. Elle a été déposée, cette lettre, ce matin. Et la FEUQ en fait se dit scandalisée par les propos du premier ministre, qui considère que les coupures à l'aide financière aux études sont équitables. Je le cite simplement. J'aimerais que vous m'indiquiez si vous êtes d'accord avec ce point de vue émis par la FEUQ.
M. Rochefort (Luc): Sont équitables?
Mme Marois: Pardon. Le premier ministre a mentionné cette semaine, dans une entrevue, que les coupures à l'aide financière aux études étaient équitables.
M. Rochefort (Luc): O.K.
Mme Marois: Vous me permettrez de mettre «sic» entre... à la fin, là, mais...
M. Rochefort (Luc): Nous croyons que le gouvernement Charest avait promis aucune augmentation des frais de scolarité à l'université, l'an passé, lors des élections. Présentement, d'après nous, augmenter les prêts et abaisser les bourses, ça équivaut à une hausse des frais de scolarité justement pour les personnes les plus endettées de la société, car, en bout de ligne, ils vont payer plus cher. Et, pour nous, c'est directement une augmentation des frais de scolarité.
Mme Marois: D'accord. Merci.
Le Président (M. Kelley): J'ai des demandes de parole. Le ministre ou le député de Vimont? Le ministre va commencer? M. le député d'Orford.
M. Reid: Oui. Ça va être assez court, je vais passer la parole au député de Vimont. La commission devait finir sur une note politique. Alors, politique oblige, évidemment je ne peux laisser passer... être silencieux à ce qui a été dit. Je pense qu'il est facile de faire des gorges chaudes, mais il est important de voir que nous avons fait des choix et que ces choix-là sont tout à fait différents de ceux qui ont été faits par la députée de Taillon lorsqu'elle était elle-même ministre de l'Éducation. Rappelons-nous que, pendant deux années de suite, on a enlevé des sommes considérables du système d'éducation. Nous avons fait, pour la deuxième année, exactement le contraire. Nous avons fait des choix, dont j'ai parlé tout à l'heure, et je pense qu'il n'y a pas lieu, à aucun moment, de regretter ces choix. Ces choix sont ceux qui vont permettre d'avoir, au Québec, une éducation de qualité à tous les niveaux, y compris en agissant très tôt dans notre système.
Par ailleurs, une autre petite remarque. Quand on nous mentionne que nous n'avons pas arrêté encore les détails du système de RPR, c'est tout à fait normal, volontaire, parce que... Et on parle d'improvisation, mais je pense que, là, c'est des mots qu'on peut choisir et ce ne sont certainement pas les mots qui correspondent à la réalité. Nous prenons le temps qu'il faut. Nous prenons le temps ? vous ne m'en voudrez pas, parce que évidemment c'était une invitation... Nous prenons le temps qu'il faut pour nous assurer que ce système de RPR soit adéquat et corresponde vraiment aux besoins des diplômés ? parce qu'on parle bien de personnes qui ont fait des études ? du Québec. Et là-dessus nous voulons tirer profit de l'expertise de groupes, et en particulier de nos invités de ce matin, qui ont une expertise là-dessus, et déjà des choses qui ont été dites ce matin nous seront utiles pour nous assurer d'avoir un RPR qui fonctionne bien. Nous allons prendre tout le temps qu'il faut pour nous assurer que ce RPR, qui va être une pièce importante de l'accessibilité universitaire, puisse être le meilleur possible. En ce sens-là, M. le Président, j'ai fait ce que la politique m'obligeait à faire, politique oblige, et je vais passer maintenant la parole, si vous permettez, à un de mes collègues.
Le Président (M. Kelley): M. le député de Vimont.
M. Auclair: M. Rochefort, Mme Talbot. Mme Talbot, moi, j'étais très intéressé par un commentaire que vous avez fait dans le tout début de votre texte, quand vous dites que l'investissement dans les universités, dans le fond, est un... ça permet de combattre indirectement la pauvreté, si j'ai bien saisi, dans votre début de texte. Donc, ça revient un petit peu à dire ce que le ministre a dit, c'est-à-dire que les coupures qui ont été faites dans le passé ont indirectement entraîné une hausse de la pauvreté, et le réinvestissement qui est fait en ce moment dans les universités va permettre justement d'attaquer... ou d'aider la lutte à la pauvreté. C'est ce que je comprends, là, dans le principe de base, là.
Le Président (M. Kelley): La parole est maintenant à nos témoins, s'il vous plaît. Juste pour le bénéfice de nos témoins, on met la table parce que le prochain défi pour la commission va être l'étude des crédits budgétaires. Alors, je pense qu'on a un avant-goût de la saveur des discussions qu'on aura après Pâques. Alors, si on peut revenir et... demande d'un collègue, la parole est maintenant aux témoins.
M. Rochefort (Luc): Par un lien direct, comme vous voulez nous le faire constater...
Une voix: ...
M. Rochefort (Luc): Non, mais parce que, amené avec des conclusions aussi frappantes sans avoir des chiffres devant nous... Nous, la seule chose qu'on peut vous dire, c'est qu'en guise de prévention ? on parle beaucoup de santé présentement ? il y a beaucoup d'études qui disent, entre autres, que la meilleure prévention à la santé est l'éducation. Ensuite, il y a une autre prévention à la santé que personne ne parle non plus: le logement. Alors, ça en est, ça, de la prévention. Mais je ne voudrais pas dire que présentement ce qui arrive, c'est par rapport aux années passées, parce que je n'ai pas les chiffres devant moi.
M. Auclair: Donc, vous êtes heureux de voir qu'il y a eu des investissements au niveau de l'habitation qui sont faits, au niveau des HLM, et tout ça.
n(11 h 20)n Mais ce qui m'intéresse, moi, beaucoup, puis c'est sur une note plus sérieuse... Et pour les chiffres, ce serait... Même, moi, j'étais très impliqué au niveau des banques alimentaires, et tout ça, donc j'ai vu beaucoup l'impact de ce que pouvaient avoir justement les situations des gens en question de crise pour voter, et tout ça. Directement, on sait que ? puis je suis d'accord avec vous ? que l'éducation des gens... plus que les gens sont formés plus qu'ils vont être capables donc d'évoluer, d'avoir des meilleurs salaires... donc contre la pauvreté.
Vous avez mis dans votre document, ce que j'ai trouvé très intéressant... Vous avez abordé la réalité aux niveaux primaire, secondaire, ce qui est très intéressant, l'évolution, dans le fond. Auriez-vous des suggestions à faire pour justement s'assurer qu'il y a une continuité malgré tout l'effort qui a été fait? Puis, bon, il y a la question des valorisations des formations aux niveaux cégep, secondaire et la valorisation aussi à l'université, parce qu'il ne faut pas, non plus, négliger un pour l'autre, ce qu'on a malheureusement fait peut-être trop dans le passé. Comment vous stimuleriez justement l'intérêt des familles les plus démunies face à l'éducation? Comment est-ce qu'on peut trouver... Parce que vous êtes directement sur le terrain. C'est sûr que, oui, bon, leur donner les outils, et tout ça, les moyens économiques d'avoir plus, mais, comment on peut stimuler... Quels types de programmes verriez-vous? Le stimuli de... au niveau de justement les entraîner vers l'éducation?
Mme Talbot (Hélène): Bien, je pense qu'il faut leur donner une information adéquate, aux jeunes, adéquate et réaliste. Ce qu'on rencontre, nous autres, on rencontre surtout les ex-étudiants, après avoir terminé leurs études, qui se retrouvent avec un niveau d'endettement assez élevé, et certains nous disent: Avoir su, peut-être que j'aurais travaillé un peu plus, je me serais moins endetté. Ce n'est pas évident, là. C'est quand on finit nos études qu'on se retrouve avec un endettement 10 000 $, 20 000 $, 30 000 $, 40 000 $, dans certains cas, et... Donc, je pense qu'il faut faire de la prévention, il faut faire de la bonne information, tout en ayant un milieu scolaire agréable pour donner le goût aux jeunes de continuer d'aller à l'école.
Entre autres, au niveau budgétaire, l'ACEF du Nord a conçu un document qui s'appelle Budget étudiant. La première partie consiste à faire toute la prévention au niveau de l'endettement. On explique qu'est-ce qu'une carte de crédit, qu'est-ce qu'un prêt étudiant, bon, ainsi de suite, les marges de crédit. Et la deuxième partie, c'est un budget, mais un budget avec différents scénarios. Tantôt, vous parliez des jeunes en région, qui souvent ont à se déplacer pour venir étudier dans les plus grands centres, ne savent pas trop: Est-ce que je devrais me prendre un appartement seul, est-ce que je devrais le prendre avec des colocs, et ainsi de suite? Donc, on a fait différents scénarios justement pour éviter un endettement grave à la fin des études.
Ça fait que je crois qu'il y a différentes façons. Il y a le milieu scolaire, rendre ça agréable, donner le goût aux jeunes de continuer d'aller à l'école, mais il y a aussi de faire de la prévention, justement pour ne pas qu'ils se retrouvent avec un endettement problématique à la fin. C'est là qu'on les rencontre surtout, mais il faut tenir compte de ça, prévenir.
Le Président (M. Kelley): Un dernier mot, M. Rochefort, avant de passer la parole à Mme la députée de Chauveau.
M. Rochefort (Luc): Si je peux me permettre de compléter aussi, nous venons tout juste de publier notre manifeste pour lutter contre la pauvreté et là-dedans nous donnons justement des trucs de... bien, des recommandations pour la prévention à la lutte contre la pauvreté. Et justement, là-dedans, il y a certains trucs, comme réinvestir dans l'aide aux devoirs scolaires, entre autres, et améliorer le sort directement des familles, parce que les enfants, à quel endroit ils vivent, c'est dans les familles. Si on améliore le sort des familles, on a de fortes chances d'améliorer le sort des enfants. Alors, si vous voulez, je peux vous le déposer et, pour ceux qui sont intéressés, j'en ai plusieurs copies.
Documents déposés
Le Président (M. Kelley): Le document est reçu. Mme la députée de Chauveau.
Mme Perreault: Oui. Merci, M. le Président. Alors, bonjour à vous deux. Je veux simplement ajouter aux commentaires de mon collègue. Il y a évidemment l'accessibilité, et on a parlé beaucoup du problème de financement au niveau de l'accessibilité. Il y a plusieurs groupes qui sont venus nous dire aussi: Souvent, dans la perception, ce n'est pas une question de finances, les raisons pour lesquelles les gens plus démunis ou avec des moins hauts salaires n'accèdent pas aux études universitaires. Alors, il y a des gens qui sont venus nous dire: Il y a d'autres raisons que celle-là. Ce n'est pas juste une question financière. C'est souvent une question de stimulation familiale, etc., qui fait en sorte que... Bon, les parents n'étaient pas universitaires et ils n'ont pas vu l'importance peut-être de stimuler l'accessibilité aux études.
Donc, oui, il peut y avoir une raison financière, mais il y en a certains qui nous ont dit: Ce n'est pas ça, la principale raison. Les jeunes, ils ne vont pas à l'université, d'abord parce qu'ils ont une perception qu'ils ne peuvent pas accéder à ça. Alors, il faut peut-être voir d'autres solutions, parce que, au Québec, c'est ici que ça coûte le moins cher, c'est ici qu'on a le meilleur système de prêts et bourses, puis encore là on en a moins qui y vont. Alors, il faut essayer de trouver peut-être d'autres raisons. Et j'aimerais ça vous entendre là-dessus parce que, comme mon collègue l'a dit, vous êtes proches, vous êtes sur le terrain, et ça, c'est important. Puis je terminerais en vous disant de se poser aussi les bonnes questions puis d'essayer de trouver des solutions.
M. Rochefort (Luc): Premièrement, nous, si tous les étudiants ne se rendent pas à l'université, on n'a aucun problème face à ça. On a la technique collégiale qui est excellente aussi, qui donne de très bons emplois. Donc, l'accessibilité à l'université, nous, dans le fond, c'est pour les étudiants qui veulent y aller et en fin de compte qui ont les notes pour y aller. Les techniques également, au cégep, c'est très bon, et on apprécie également les personnes qui obtiennent un diplôme d'études professionnelles. On n'a aucun problème avec ça. L'important, c'est de s'outiller pour arriver sur le marché du travail et de pouvoir justement vivre et non pas survivre.
Ensuite, dans notre présentation, nous parlions que, selon une étude ? je ne me souviens plus de laquelle ? il y avait 40 %, sinon 50 % de décrochage, seulement sur l'île de Montréal, dans les milieux défavorisés. Alors, vous me disiez qu'il n'y a pas seulement les facteurs économiques, mais ça, ça en est un. Sauf qu'on parle de milieux défavorisés. Est-ce que, lorsqu'on parle de milieux défavorisés, les personnes, les familles et les personnes sont assez outillées, d'un point de vue monétaire, pour amener les jeunes à s'intéresser, entre autres, à l'école? Parce qu'il y a d'autres priorités. Ça peut être autant que: Mon jeune va travailler; on a besoin de l'argent puis on a de la misère à arriver. Ça peut être aussi platement perçu que ça.
Et aussi nous recommandons, entre autres, de réinvestir dans les activités parascolaires, justement pour amener les cercles d'amis à tirer de leur côté les personnes qui n'avaient pas imaginé d'aller au cégep ou à l'université.
Mme Perreault: Un dernier commentaire peut-être, M. le Président. Alors, j'imagine que vous accueillez avec enthousiasme le plan de lutte à la pauvreté qui va peut-être faciliter... en tout cas permettre à des familles qui sont moins favorisées de retourner au travail. Je pense à ceux qui sont sur la sécurité du revenu, etc. C'est un commentaire que je vous faisais.
Une voix: Bon commentaire.
Le Président (M. Kelley): M. le député des Îles-de-la-Madeleine.
M. Arseneau: Merci beaucoup, M. le Président. Madame, monsieur, bienvenue à l'Assemblée nationale. M. le Président, il est intéressant, je pense, et je ne sais pas si ça a été planifié comme ça ou choisi, mais c'est extrêmement intéressant qu'on ait l'Union des consommateurs avec nous, ce matin, pour conclure les travaux de cette commission. Dans le fond, c'est le dernier groupe, le dernier mémoire qu'on reçoit, et c'est intéressant parce que vous avez touché, je pense, à un des trois éléments ou trois mandats de cette commission: la question de l'accessibilité. C'est au coeur de votre présentation et de votre mémoire ce matin.
M. le Président, je veux rassurer les gens quant au fait évidemment que ça prenne parfois une couleur politique. Je pense que c'est tout à fait normal et c'est sain en démocratie. Et nous sommes des politiciens, je pense, tous autour de cette table, d'abord et avant tout, et je comprends que parfois c'est plus visible. Je pense que le député de Vimont a bien réalisé que c'était peut-être gros un peu, mais je pense que c'est normal de toute façon des deux côtés de la table.
Cependant, on a des chiffres, on a des statistiques. Et pourquoi peut-être ça a pris une tournure un peu plus politique? Il y a eu le dépôt ce matin, dans cette commission, de la lettre de la Fédération étudiante universitaire du Québec. Je pense qu'ils sont très concernés, et ça a été déposé à la commission même, donc tout le monde, on en a. Et, quand on regarde ? je vais m'abstenir de lire le premier paragraphe, là, qui... mais le deuxième paragraphe, sur l'endettement, on dit: «Au Québec, 40 % des jeunes sont bénéficiaires de l'Aide financière aux études[...]. Cette proportion s'élève à plus de 60 % chez les étudiants fréquentant les universités en région.»n(11 h 30)n Nous avons eu, avec les étudiants en administration de l'Est du Canada, alors que j'ai posé la question, je crois, la semaine dernière, le représentant de l'Université du Québec à Rimouski qui nous a dit que c'était 70 %, à l'Université du Québec à Rimouski, qui bénéficiaient de cette aide et qui avaient besoin de cette aide pour aller...
Donc, les chiffres que l'on a et les chiffres que vous nous donnez... Dans votre mémoire, vous mentionnez, entre autres, que le Québec n'a pas d'autre choix que d'améliorer l'accessibilité aux études postsecondaires et vous parlez, là, du gouvernement canadien qui, dans sa stratégie d'innovation, là, dit qu'«en 2004 plus de 70 % des nouveaux emplois créés au Canada exigeront des études postsecondaires ? 70 % ? dont 25 %, un diplôme universitaire». Et vous ajoutez ? c'est encore dans la citation: «Seulement 6 % des nouveaux emplois seront occupés par des personnes n'ayant pas terminé leurs études secondaires.» Je voudrais dire, pour peut-être le bénéfice de la députée de Chauveau qui a posé une question sur la pauvreté, précédemment, que, dans votre document que vous venez tout juste de nous déposer, vous parlez de l'éducation et vous dites: Cependant, «en éducation, tout le monde ne part pas du même pied. Lorsqu'une famille dispose d'un très faible revenu, les coûts reliés à l'éducation représentent un obstacle important.» Et, si on n'a pas, dans les régions, un taux de diplomation aussi élevé, c'est peut-être qu'on a un taux de décrochage plus important plus tôt, à part des décisions fondamentales d'aller ou non à l'université. Et vous dites plus loin, là: «L'endettement...» Et donc le député de Vimont pourra, pendant Pâques, avec son livre de chevet sur ce que vous venez de déposer... «L'endettement engendré par les études postsecondaires est très élevé et les emplois ne sont pas toujours au rendez-vous.» En plus. C'est une autre réalité.
Or, la semaine dernière, j'ai posé la question aux étudiants en droit des collèges de l'Est du Canada parce que, pour moi, c'est fondamental, la question de l'accessibilité aux études universitaires, parce qu'on sait qu'il y a 40 ans ? et, tout le long de la commission, on a amené ces chiffres-là et on ne s'entend pas nécessairement... mais, voilà 40 ans, le Québec, on a pris une décision de démocratiser l'éducation et l'enseignement, incluant l'enseignement aux études supérieures, et c'est vrai qu'on a fait des progrès, mais c'est vrai qu'il y a encore des progrès à faire. Et, dans les régions du Québec, il y a ? et on avait des gens de la Côte-Nord au début de la semaine ? des réalités qui font en sorte qu'on a du chemin à faire.
Alors, moi, je veux... j'aimerais vous entendre, puisque... sur la question de l'accessibilité, en particulier dans les régions, alors qu'on sait que, l'accès à l'université, il y a souvent une question culturelle, il y a souvent une question de première génération d'accès aux études universitaires, donc il y a une première décision à prendre d'aller à l'université ou, pour des familles ou des parents, de soutenir un enfant qui va aller à l'université.
On sait aussi qu'il y a l'éloignement, dans les régions. On sait aussi qu'il y a la pauvreté, il y a le travail saisonnier, ces choses-là. Vous ne pensez pas qu'avec la décision, avec la décision que vous dénoncez et que nous dénonçons, de transférer des bourses en prêts avec un endettement que la famille, la famille et le jeune qui doit prendre la décision d'aller à l'université... ça augmente le risque de l'endettement, donc moins de rentabilité, et qu'on va directement avoir un impact sur l'accessibilité? Je sais que ma question est longue, mais je veux vous entendre là-dessus.
M. Rochefort (Luc): Je pense qu'on avait entamé un peu la réponse à cette question-là au début en disant que, nous, on se questionnait sur la prévision d'endettement lorsqu'on est au secondaire pour aller chercher un bac ou un D.E.C. et se questionner sur: O.K., j'ai de l'argent, je peux avoir de l'argent directement dans mes poches aujourd'hui ou m'endetter de, disons, 10 000 $, 15 000 $ pendant 10 ans. Et le 10 ans, c'est très minimum parce que, si une personne n'a pas les revenus suffisants, il ne pourra pas rembourser. Il va se faire payer un cours sur l'assurance chômage, disons, la 9e année, et on rajoute encore un autre 10 ans avant que la personne puisse rembourser, puisqu'il ne pourra pas faire faillite pendant encore un autre 10 ans.
C'est pour ça, entre autres, qu'on s'est beaucoup questionnés sur la question. Et nous croyons que, bien que le fait d'aller à l'université ou non ou d'entamer des études collégiales ou non a beaucoup rapport à la famille, si le père ou la mère sont allés au collège ou à l'université, bien ça a beaucoup rapport aussi avec les fonds de la famille, avec: Est-ce que, où que je me situe présentement, si j'ai la possibilité de travailler pour atteindre un certain salaire, faire une comparaison entre le salaire et un investissement de six ans, disons, pour aller chercher un bac en faisant le D.E.C. et le bac, est-ce que ça vaut vraiment la peine? Nous, on se questionne vraiment là-dessus parce que, avec le taux d'inflation qui n'arrête pas d'augmenter, entre autres au niveau d'Hydro-Québec, des garderies, ça affecte directement la vision des jeunes de justement partir... commencer une famille. Mais en plus l'université, c'est bien beau, mais tout le monde veut... bien, en fait je m'en allais dire: Tout le monde veut aller à l'université, mais ceux qui veulent aller à l'université, ça peut être un très gros fardeau de voir l'endettement quand on sait, entre autres, qu'on a déjà un enfant, et notre enfant, ça devient la priorité.
Le Président (M. Kelley): Ça va, M. le député?
M. Arseneau: Donc, ça frappe directement sur l'accessibilité à l'université, donc on risque d'avoir... de reculer?
M. Rochefort (Luc): Bien, c'est sûr que, nous, augmenter les prêts pour baisser les bourses, c'est comme si on augmentait directement les frais scolaires parce que, en bout de ligne, l'année prochaine ou dans deux, trois ans, quand on va terminer l'université, qu'est-ce que ça veut dire, c'est que les étudiants vont être plus endettés et vont avoir reçu moins de bourses, ce qui est une conséquence directe.
Le Président (M. Kelley): Merci. Le mot de la fin. M. le ministre.
M. Reid: Oui, un petit mot. Et je ne veux pas vous entraîner sur le sentier politique, rassurez-vous. Je pense que vous en avez été assez les victimes jusqu'à maintenant. Je voudrais juste profiter du fait que vous soyez là pour vous offrir mes félicitations pour le travail que vous faites parce que j'ai été à même de voir ? parce que j'ai passé une année au gouvernement fédéral, et l'office du consommateur relevait de moi ? j'ai été à même de voir qu'il y a une province, au Canada, où ça marche, la protection du consommateur, c'est le Québec. Et je suis sûr que, pour une grande raison, là, c'est parce que vous faites un bon travail, et je veux vous en féliciter personnellement. Merci.
Une voix: On est d'accord avec lui.
Le Président (M. Kelley): Au moins sur cette question, il y a l'unanimité autour de la table. Alors, sur ce, je vais dire aux représentants de l'Union des consommateurs: merci beaucoup pour votre présentation ce matin. Je vais suspendre quelques instants, et on va revenir avec les remarques finales.
(Suspension de la séance à 11 h 37)
(Reprise à 11 h 40)
Le Président (M. Kelley): ...maintenant à la dernière rubrique, et ça, c'est la question des remarques finales. Je propose 25 minutes pour chacune des formations politiques, en commençant avec Mme la députée de Taillon. Donc, Mme la députée, la parole est à vous.
Remarques finales
Mme Pauline Marois
Mme Marois: Alors, je vous remercie, M. le Président. Effectivement, la commission parlementaire sur la qualité, l'accessibilité et le financement des universités est terminée. Je voudrais d'abord remercier les membres de la Commission de l'éducation, d'abord vous-même, M. le Président, mes collègues tant du côté gouvernemental que de notre côté, que du côté de l'opposition, pour leur travail au sein de cette commission. Vous allez me permettre cependant de remercier plus particulièrement mes collègues pour leur assiduité, leur intérêt et la qualité des questions et des interventions, qui nous ont permis d'éclairer davantage nos travaux. Je crois que ces questions ont alimenté le débat qui a eu lieu et qui se continuera bien sûr dans les semaines et les mois qui viennent. Je voudrais aussi remercier le personnel de la commission pour sa disponibilité.
Je me permets de rappeler brièvement que près de 90 groupes ont été entendus depuis le 17 février 2004. Ceux-ci nous ont fait part de leur vision de la qualité et de l'accessibilité et de leurs points de vue sur le financement des universités. Un travail impressionnant. Des visions parfois diamétralement opposées ont été entendues, mais cependant toutes avaient en commun le fait de mettre l'éducation au coeur de leurs priorités. Je voudrais aussi donc les remercier pour leur travail, leur contribution à cette commission. Et, nous l'avons constaté toutes et tous ensemble, les mémoires étaient d'une qualité remarquable.
Nous avons donc parlé du réseau universitaire, de ses acquis, de ses nombreuses réussites, mais aussi et surtout de ce qu'il reste à faire afin que ce réseau continue d'être à la hauteur des attentes et du potentiel de ceux et de celles qui font l'université.
Je disais, à l'ouverture de la commission, que l'université est un lieu d'ébullition des idées, un lieu d'action, une source de présence intellectuelle et économique. Son potentiel est absolument extraordinaire. J'ai fait une erreur, cependant. Je constate que j'aurais plutôt dû dire que tout le réseau de l'éducation, dans son ensemble, avec tous ses artisans, était un tel lieu. J'ai aussi dit que nous voulions tous d'une université à la hauteur de nos ambitions et que ces ambitions étaient grandes. La commission nous a confirmé que tout le monde au Québec avait donc l'avenir des universités à coeur.
Nous nous rappellerons aussi que le but ultime de cette commission est de replacer l'étudiant au coeur du projet universitaire. Le ministre doit se le rappeler régulièrement, sinon je me chargerai de le faire.
Nous avons donc entendu des propos des plus intéressants, d'abord sur la qualité. Certains consensus semblent se dégager de tout ce que nous avons entendu, et j'espère qu'on ne me tiendra pas rigueur si, en les nommant, j'en oublie quelques-uns ou que j'en omets. Je vais tenter plutôt de dresser... ou de présenter, pardon, un bref résumé et non faire l'éventail des propositions entendues.
Nous avons entendu et lu notamment: que l'université doit rester un haut lieu de savoir et d'enseignement telle qu'elle est et existe maintenant, et je suis tout à fait d'accord avec cela; que l'équilibre entre la recherche et l'enseignement doit être préservé et même amélioré, tout en se rappelant que la transmission du savoir est la première mission de l'institution. Il y a donc une revalorisation nécessaire de la fonction d'enseignement dans les universités. Le niveau d'activité de recherche, le nombre de publications des chercheurs ne sont pas un gage instantané de la transmission du savoir aux étudiants, et nous avons constaté surtout que souvent le manque de professeurs était plutôt une des causes de cette réalité.
Il nous semble évident également... il nous semble également, pardon, que le taux de diplomation ne soit pas toujours ? et je fais les nuances ? ne soit pas toujours le meilleur indicateur possible de la réussite du projet universitaire. Je conviens cependant qu'il est difficile de trouver un autre indicateur qui soit quantifiable, mais je crois qu'on doit faire un effort pour imaginer ce qui nous permettrait de constater la réussite aussi autrement.
Plusieurs groupes ont souligné l'importance de la qualité des ressources physiques, et en particulier les étudiants ? et ils ont été, je crois, unanimes à le faire, à chaque fois qu'ils sont venus avec un mémoire à la commission ? donc la qualité des ressources physiques, qu'il s'agisse de locaux, de laboratoires, de bibliothèques, et on nous a souligné l'importance de ces ressources, tant en ce qui concerne l'évaluation de l'université que ce qui est nécessaire pour l'encadrement des étudiants. Si les ressources sont inadéquates, parfois cela peut avoir un effet négatif sur l'encadrement, sur la qualité de la recherche et aussi sur la transmission des savoirs.
À plusieurs reprises, on nous a mentionné que les universités ne doivent pas être à la remorque des besoins spécifiques, pointus de l'économie du savoir. Au contraire, elles doivent être un phare; elles doivent guider cette économie.
On a pu constater que la qualité des diplômes n'est pas contestée, mais on recommande généralement davantage de formation générale et citoyenne au premier cycle universitaire. On s'inquiète de la surspécialisation au baccalauréat, qui semble donc peu souhaitée, et les personnes entendues veulent que l'on s'assure que l'université apprenne ? et c'est venu à plusieurs reprises ? apprenne comment penser et non nécessairement quoi penser.
Je crois que la difficulté du recrutement professoral a fait l'unanimité. Il y a beaucoup à faire dans ce domaine, et les prochaines années seront cruciales en termes de déplacement de masses critiques, qu'on pense à la retraite, qui sera le lot d'un grand nombre d'enseignants, d'administrateurs de nos universités, et par ailleurs à la volonté que nous avons de voir augmenter la clientèle. Les deux facteurs combinés auront donc un effet encore plus significatif sur le recrutement professoral et les risques de compétition qui en découlent et qui pourraient miner, je crois, le climat interuniversitaire, ce qui ne serait pas souhaitable. Donc, il faudra se préoccuper de ces questions.
Évidemment, les universités en région, dans ce contexte, craignent d'être perdantes et proposent donc des mesures de soutien particulier pour attirer et retenir les professeurs en région, et je suis d'accord avec leur point de vue.
Une autre question qui a été abordée largement est celle des chargés de cours. Certains établissements ont mentionné que cela les préoccupait, de même que les artisans eux-mêmes, tant au niveau de la qualité que de l'encadrement des étudiants, que de la participation à la vie universitaire de ces mêmes chargés de cours. Quoi qu'il en soit, j'ai compris que le ministre s'était engagé à faire une enquête sur la situation des chargés de cours dans les universités, comprenant tant leur statut, leurs conditions de travail, leur apport, leur participation au milieu universitaire, leur potentiel comme professeurs réguliers, si tant est que ce soit évidemment leur ambition. Nous sommes donc d'accord, et j'ai suggéré que le Conseil supérieur de l'éducation pourrait être sollicité pour participer à une telle évaluation.
Le problème du recrutement professoral semble donc être très sérieux et en particulier dans le domaine de la santé, en médecine et en sciences infirmières. Je veux parler maintenant donc d'un problème un petit peu plus pointu. On nous l'a mentionné à l'occasion de différentes présentations, et je crois que ce problème devrait être résolu. J'inviterai donc le ministre à faire un état de situation sur l'enseignement des pratiques médicales dans les universités québécoises et, compte tenu des engagements du Parti libéral en santé, je crois que cet état de situation nous permettrait d'obtenir un portrait exact nous permettant de proposer un certain nombre de pistes de solution.
L'argent distribué par Ottawa pour la recherche semble déranger quelque peu, entre autres quant à la compétition parfois générée entre les universités, malgré le succès extraordinaire de nos universités à cet égard, qui ont su aller chercher non seulement leur part, mais plus que la part en tout cas que nous représentons en termes de population. Certains nous ont cependant dit craindre pour la liberté intellectuelle et académique lorsqu'une telle pratique était très orientée. Les biais imposés parfois par le fédéral, j'ai compris, seront à l'agenda du ministre de l'Éducation dans ses rencontres à venir avec des représentants du gouvernement central, et je partage avec ce dernier cette préoccupation.
n(11 h 50)n Plusieurs mémoires ont fait état des frais directs et indirects de la recherche, qui demeurent problématiques pour la majorité des intervenants entendus en commission. Je suis consciente que des bonifications ont été apportées pour mieux les reconnaître, mais il semble qu'il y ait encore un travail à accomplir, du côté des contrats gouvernementaux, qui ne couvrent pas, actuellement, l'ensemble des frais indirects de recherche. Une politique gouvernementale, une manière de faire, pourrait-on dire, devrait sans doute s'élaborer ou s'établir à cette fin.
Du côté des étudiants-chercheurs, on nous a souligné que leur statut mérite davantage de reconnaissance, et c'est vrai tant au niveau interne de l'université qu'au niveau de leur participation, de la propriété intellectuelle ou de l'Aide financière aux études, de même que de l'accès, pour eux, aux mesures de la politique familiale qui pourraient leur permettre de mieux concilier études et famille. Je crois qu'un pas est nécessaire dans cette voie, compte tenu de l'importance des diplômés des cycles supérieurs, tant pour la recherche que pour le recrutement professoral à venir, puisque c'est la source première évidemment de recrutement.
En matière de valorisation de la recherche, les crédits d'impôt à la recherche sont regrettés par tous les intervenants concernés par de tels crédits, directement ou indirectement. Évidemment, on a toujours mentionné que les sciences sociales étaient... on a souvent mentionné ? pardon ? que les sciences sociales étaient le parent pauvre aussi de la recherche fondamentale, parce qu'on constate bien qu'il y a peu d'entreprises intéressées à soutenir ce type de recherche ou à investir à cet égard-là. Et, comme les résultats ne sont pas nécessairement applicables immédiatement, on semble moins en reconnaître l'importance. Je crois qu'on doit à cet égard développer des stratégies pour mieux soutenir la recherche en sciences sociales.
Enfin, il a été clairement établi par les mémoires déposés que les trois fonds subventionnaires québécois en matière de recherche devaient minimalement être rétablis à la hauteur de ce qu'ils étaient avant les coupures imposées dans l'avant-dernier budget. Et on a même plaidé pour une importante bonification de ces fonds, permettant ainsi de mieux couvrir les besoins de ceux qui font la recherche et permettant bien sûr de financer davantage de projets de recherche qui reçoivent la cote d'excellence et que malheureusement on doit mettre de côté.
Sur l'accessibilité maintenant, je ne crois pas surprendre personne en m'insurgeant à nouveau contre le budget qui vient d'être déposé à Québec. Nous en avons eu d'ailleurs... nous avons eu, ce matin, des témoignages à cet égard éloquents.
Au beau milieu d'une commission parlementaire portant sur l'accessibilité aux études universitaires, le ministre ampute de 64 millions les bourses des bénéficiaires du programme d'Aide financière aux études. Est-ce qu'il faut vraiment rappeler que ceux qui ont une bourse sont les plus pauvres parmi les étudiants? Certes, ces bourses deviennent des prêts, mais ces prêts, ce sont des dettes.
La hausse des clientèles universitaires est financée, actuellement, par les étudiants les plus pauvres. Je crois que c'est une attitude qui est condamnable. Je crois que cela frise le mépris. Parce que qu'avons-nous entendu, à cette commission, sur cette question? Et j'imagine que le ministre a entendu la même chose que nous, j'en suis même certaine. Une majorité claire d'intervenants ont plaidé en faveur du gel des frais de scolarité. Plusieurs ont plaidé bien sûr pour l'indexation annuelle des droits de scolarité. Quelques-uns, dont la Commission-Jeunesse du Parti libéral, ont plaidé pour un dégel important des droits de scolarité. Mais à peu près tout le monde ? en fait, je dirais, tout le monde ? a plaidé pour le maintien ou l'amélioration de l'accessibilité. Les propositions de hausses de frais de scolarité d'ailleurs s'accompagnaient généralement d'une demande pour des bourses plus généreuses pour les moins nantis, justement pour préserver l'accessibilité et donner une chance égale à ceux et à celles qui avaient le talent et la volonté de poursuivre des études universitaires de pouvoir le faire, et cela, sans s'endetter davantage.
Le ministre a bien dû entendre la même chose que moi. Il sait qu'environ 40 % des étudiants universitaires bénéficient de l'Aide financière aux études. Mais il a dû entendre aussi les plaidoyers extraordinaires des régions pour préserver l'accessibilité sur leur territoire. Et dans leur cas le taux de diplomation est inférieur à la moyenne québécoise, et le nombre de bénéficiaires de l'Aide financière aux études est parfois de 20 % supérieur à la moyenne nationale. Est-ce que le ministre réalise qu'il vient de faire mal aux régions du Québec, pas juste aux étudiants, en transformant les bourses en dettes, en prêts? Est-ce qu'on a évalué... Est-ce que le ministre a évalué l'impact qu'aura cette mesure sur le taux de participation aux études universitaires des jeunes qui proviennent de familles moins bien nanties ou qui proviennent des régions?
Nous avons d'ailleurs entendu de vibrants témoignages en faveur d'une bonification de l'Aide financière aux études. Que ce soit la contribution parentale à revoir, la contribution de l'étudiant, le montant des prêts et bourses en lien avec la pauvreté, en lien avec certaines situations spécifiques, il a pratiquement été convenu que le système devait être revu, amélioré dans le sens plus généreux du terme. J'imagine que le ministre m'entend bien, parce que nous devons lever certains freins et favoriser ainsi les études.
D'ailleurs, dans la foulée de la décision prise par le ministre de transformer les bourses en prêts, on constatera qu'il nous dit vouloir consulter les étudiants, consulter les différents partenaires, mais il me semble que, avant de s'aventurer sur une telle voie, avant de prendre une telle décision, il aurait pu à tout le moins faire quelques scénarios, de telle sorte que les gens puissent savoir quel impact cette décision aurait sur leurs finances personnelles. Sans choisir l'un ou l'autre des scénarios, au moins en faire une évaluation. Et je déplore cela, M. le Président. D'ailleurs, si lui n'a pu le faire, comment se fait-il que la FEUQ, la Fédération étudiante universitaire du Québec, a pu faire de tels scénarios? Il me semble que cela relevait du simple bon sens.
Il est apparu aussi, sinon unanimement, d'une façon assez large, qu'on souhaitait une loi-cadre pour régler la question des frais afférents et qui viendrait confirmer le gel des frais de scolarité. Peu importe ce que comprendra cette loi, elle demeure attendue et réclamée.
Quant à l'endettement étudiant, même si le ministre nous a dit, à l'étude des crédits provisoires, qu'il n'en avait pas été question, j'estime que plusieurs intervenants ont soumis des réflexions bien à propos sur celui-ci. Oui, les gens ont souligné... ont proposé qu'on puisse adopter une forme de remboursement proportionnel au revenu ou encore un impôt postuniversitaire. C'est un peu flou, mais ce sont des propositions qui sont venues dans la perspective de permettre à des étudiants diplômés de rembourser leurs dettes d'étude ou de participer au financement de leurs études à la hauteur de leurs moyens. Le ministre a choisi l'une de ces avenues, à ce moment-ci, le remboursement proportionnel au revenu, mais on a compris, je le mentionnais, qu'il ne sait pas encore comment cela va s'appliquer. J'espère qu'à tout le moins il consultera à partir de certaines hypothèses plutôt que ce qu'il a fait à l'occasion de cette commission.
Nous avons beaucoup entendu parler d'accessibilité aux études en région. L'importance des ressources technologiques, matérielles, telles que les locaux, les laboratoires, les bibliothèques, évidemment ne fait que se confirmer lorsque l'étendue du territoire à couvrir est aussi vaste. Les intervenants en provenance des régions non desservies géographiquement par une université ont plaidé pour une carte de cours plus diversifiée, pour des créneaux en recherche, de même que pour une enveloppe fermée, garantie afin de protéger leur offre de service actuelle, et cela, malgré le petit nombre d'étudiants concernés ou inscrits.
n(12 heures)n Les frais exigés des étudiants étrangers ont occasionné également un débat à cette commission. Une majorité d'intervenants recommandent d'augmenter les bourses d'exemption, notamment pour des étudiants qui fréquenteraient les universités en région, ou encore on nous a suggéré de favoriser une aide financière plus adéquate, ou leur permettre de travailler hors campus. D'autres groupes ont souligné qu'une part... ont souligné, pardon, que le dégel et une révision du mode de financement leur permettraient ? et ça, ce sont en particulier les universités ? de conserver les droits payés par les étudiants. Je crois que ces questions méritent d'être approfondies avant que quelque décision que ce soit ne soit prise à cet égard. Mais j'estime que cependant plusieurs propositions intéressantes ont été faites à la commission, notamment pour attirer davantage d'étudiants étrangers au Québec et en région en particulier.
Quant à la formation continue, un volet important de la formation universitaire, il semble qu'un état de situation complet et détaillé doit être fait, c'est du moins ce que j'en ai compris. Le ministre a acquiescé à cette demande, et bien sûr je recevrai tout cela avec beaucoup d'intérêt. Le financement de la formation continue fait l'objet d'une étude actuellement, c'est ce que j'ai aussi entendu, étude qui devrait être rendue publique sous peu. Il me semble que la volonté de la majorité des intervenants entendus ne soit pas à l'effet de faire contribuer davantage les étudiants à ce chapitre, mais plutôt que ce rôle est dévolu soit à l'État ou aux employeurs, aux représentants des entreprises.
Il apparaîtra évident aux membres de la commission que les universités en région et même les régions insistent sur l'importance des créneaux pour leur développement. La recherche universitaire, un levier de développement économique, revêt, elle aussi, une importance capitale pour les régions. Il faudra donc trouver des formules pour les encourager dans cette voie porteuse d'avenir et de développement économique.
Maintenant, la question du financement. Je l'avais dit à l'ouverture de la commission, je le redis à la fermeture: il est dommage, il est même décevant que le gouvernement n'ait pas présenté d'orientations en ce sens, qu'il n'ait pas présenté à tout le moins quelques scénarios pour fins de débat ou de discussion. Le document, aussi bien documenté soit-il, aussi bien fait soit-il, est vide d'orientations gouvernementales. Est-ce un manque de transparence, un manque de vision ou une combinaison des deux? Plusieurs ont déploré ce fait, d'autres ont fait des propositions parfois audacieuses. Il y a cependant un consensus, je dirais même unanimité: il manque au moins 375 millions pour rattraper la moyenne des universités canadiennes, évidemment des millions récurrents. Pour le reste, les opinions divergent, mais les besoins de financement sont clairement importants, énormes: ressources professorales à salaire compétitif, bibliothèques, entretien différé accumulé, nouvelles immobilisations pour couvrir les nouveaux besoins, tels la hausse des effectifs étudiants, laboratoires, équipement informatique de pointe, etc.
Il nous apparaît qu'il faut: maintenir et même bonifier la formule de dons de contrepartie pour les fondations universitaires ? cette mesure est appréciée, surtout en région; trouver des moyens fiscaux pour encourager les dons privés aux fondations universitaires. Je suis persuadée que le ministre de l'Éducation fera des représentations auprès de son collègue des Finances parce qu'il faut trouver des solutions au manque de popularité de cette pratique, comparativement à ce qui se passe ailleurs, dans les autres universités au Canada.
Vous m'indiquez qu'il me reste deux minutes, je vais y aller assez rapidement.
Il nous apparaît que les entreprises privées seront appelées à jouer un rôle plus grand dans le financement universitaire. Il s'agit de leur contribution sociale, je crois, souhaitable, nécessaire et normale aussi, au-delà de ça, bien sûr une contribution dont ils retrouvent les effets dans la formation d'employés de qualité. Par contre, évidemment, une inquiétude quant aux liens qu'il pourrait y avoir trop étroits ? trop étroits, c'est ça ? entre l'université et l'entreprise, sur lesquels il faudra donc être prudent.
Tout le monde souhaite que le Québec se développe au rythme de l'économie du savoir et que cette bataille soit menée avec sérénité bien sûr, c'est pourquoi l'augmentation du nombre de diplômés universitaires est un objectif qu'il faut poursuivre. On a demandé à la commission la possibilité d'établir un financement pluriannuel de façon à optimiser la planification et le développement des universités. Je sais la difficulté que cela comporte. Il faut cependant pouvoir s'y pencher.
Le ministre de l'Éducation a dû comprendre, comme les membres de cette commission, qu'il est clair, pour une grande majorité d'intervenants, que l'argent des contribuables québécois qui est à Ottawa pourrait servir de marge de manoeuvre aux universités. L'éducation est une priorité pour les Québécoises et les Québécois. C'est un champ de compétence exclusif du Québec. Nous avons compris de plusieurs que, si le besoin se faisait sentir de recréer une coalition nationale pour aller chercher notre argent, le ministre aurait beaucoup d'appuis, à commencer, M. le Président, par le nôtre.
En dernier lieu, il me semble que le mécanisme d'imputabilité soit à revoir afin de préserver à la fois l'autonomie des universités et la saine gestion de la dépense des fonds publics. On a réclamé un exercice plus rigoureux, plus transparent.
En conclusion, M. le Président, lors de l'ouverture de cette commission, j'avais rappelé qu'il y avait eu une politique à l'égard des universités, une politique scientifique, une politique de financement des universités également. Ces réflexions avaient porté sur la qualité, l'accessibilité et le financement des universités. Les mémoires présentés ont contribué à bonifier l'imposante réflexion qui avait été entamée à ce sujet.
Sur le financement, qui était l'enjeu le plus probable de cette commission, j'avais rappelé que c'était la clé de cette commission et que le ministre la détenait dès l'ouverture de celle-ci, en février. Le budget n'aura pas rendu justice à la qualité des débats de cette commission sur le financement des universités. Tout doit être mis en oeuvre pour protéger la qualité remarquable de nos institutions d'enseignement universitaire. Elles doivent continuer de pouvoir se positionner favorablement sur l'échiquier canadien, américain et mondial.
Le cadre financier des libéraux prévoyait un financement de 30 millions pour 2004-2005. Ce financement manque à l'appel actuellement. Nous l'avons constaté aux crédits, et le ministre lui-même l'a admis. Ce devait être le budget des valeurs libérales; j'espère sincèrement qu'il y a erreur. Je m'attends du ministre de l'Éducation qu'il rectifie le financement des universités, qu'il s'engage à entamer une deuxième phase de financement. Le précédent gouvernement avait porté la première phase du réinvestissement à plus de 3 millions... 300 millions récurrents au terme du Sommet du Québec et de la jeunesse. Je l'invite à faire autant en sorte que cette commission... pardon, à faire en sorte que cette commission n'ait pas été vaine et... au bénéfice de tous ceux et de celles qui y ont fait un travail remarquable.
Vous comprendrez, M. le Président, que l'une des valeurs importantes pour notre formation politique, c'est de préserver non seulement la qualité, mais aussi l'accessibilité à l'université. Nous plaidons donc pour que les attentes exprimées par les étudiants soient reçues positivement et qu'en ce sens le gel des frais de scolarité puisse être maintenu et qu'on ne fasse pas par la porte d'en arrière ce qu'on ne veut pas faire ou dit ne pas faire par la porte d'en avant, ce qui semble malheureusement être le cas dans les dernières décisions prises par le ministre.
Si l'éducation est une priorité pour le gouvernement, la démonstration reste encore à faire. J'invite le ministre à prendre acte de ce qui s'est dit en cette salle d'audience, et à défendre ce dossier avec vigueur, et à le faire avec fermeté. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme la députée de Taillon. Alors, un léger dépassement. Alors, je permets 27 min et 30 s pour le parti ministériel. Alors, la parole est à vous, M. le ministre.
M. Pierre Reid
M. Reid: ...c'est 30 secondes de plus, M. le Président, on pourra donner un petit 30 secondes.
M. le Président, nous terminons, aujourd'hui, un exercice qui a été extrêmement éclairant et stimulant pour tous les membres de cette commission et pour tous ceux et celles ? et je sais qu'ils sont nombreux dans les universités et ailleurs ? qui ont suivi nos travaux.
Ce fut un long périple de presque deux mois, mais dont l'intérêt n'a faibli en aucun instant. Au contraire, j'ai le sentiment que les problématiques et les perspectives se sont comme tissées pour former une sorte d'espace public sur lequel on peut maintenant compter pour la suite des choses, à la manière d'un ensemble de paramètres de référence dont on n'aura plus besoin de faire la démonstration. Référer à la commission parlementaire sur les universités sera de soi porteur de signification.
Notre commission aura à formuler ses conclusions. Il ne me revient pas de m'y substituer. Je veux plutôt profiter de ce temps de parole destiné aux remarques finales pour partager les grandes lignes de ma lecture de ce qui s'est passé ici, des messages que nous y avons entendus, des enseignements que nous pouvons en tirer et aussi pour évoquer quelques pistes concernant la manière d'y donner des suites appropriées.
M. le Président, nous devons d'abord prendre acte qu'il s'est vraiment passé quelque chose ici au cours des dernières semaines. Disant cela, je ne pense pas seulement à la première que constitue une consultation parlementaire aussi ouverte et aussi longue sur un ensemble de questions et de problématiques relatives à l'institution universitaire. À lui seul, le fait n'est pas banal et il a déjà valeur historique, il faut le dire. Je pense surtout aux progrès sans précédent que la compréhension de la réalité universitaire semble avoir franchi dans l'espace public de discussion.
n(12 h 10)n Depuis le début de l'année en effet, nourris par les mémoires nombreux et étoffés présentés ici, nourris aussi par les échanges tenus en cours de séance, les médias ont donné un large écho aux universités, à leur rôle, à leurs défis, à leurs réalisations, à leurs besoins et à leurs difficultés. La compréhension de la mission de l'université dans notre société s'est significativement accrue, comme en témoigne aussi le nombre élevé de citoyens et de citoyennes qui, sur le terrain, tiennent à donner leur point de vue sur les universités. Ma conviction est que cette commission a été un important catalyseur et a déjà puissamment contribué à accroître notre conscience collective de l'importance de l'université pour notre avenir.
Je salue donc avec reconnaissance tous les organismes qui sont venus nous présenter des mémoires articulés et manifestement basés sur des démarches institutionnelles de réflexion et d'approfondissement. Je remercie aussi les médias d'avoir assuré le relais avec constance et d'avoir résisté à la tentation d'abandonner leurs reportages sous prétexte qu'il n'y avait plus de ? entre guillemets ? nouvelles. Ils ont compris, eux aussi, que cette commission avait la taille d'un événement et qu'il était dans l'intérêt public de permettre à la population d'en être tenue informée.
Au cours de nos travaux, M. le Président, nous avons vu se forger et s'affirmer un certain nombre de convictions que je qualifierais volontiers de consensuelles et que je veux consigner comme des éléments pouvant désormais avoir valeur de référence.
La mission et le rôle des universités, d'abord. Je note la conviction, unanimement partagée, que les universités, et avec elles l'ensemble de la mission éducative, sont au coeur de toute perspective d'avenir. Sans la connaissance et la compétence dont les universités font profession, pas de participation aux circuits mondiaux du savoir, pas de développement à la valeur ajoutée, pas de prospérité à long terme et sûrement pas de possibilité de briller parmi les meilleurs, mais sûrement, au contraire, des risques énormes pour notre capacité de construire une société juste et démocratique.
L'université et l'ensemble de nos institutions éducatives sortent ainsi grandies de ces semaines de travaux. Les voix sont convergentes; c'est l'éducation et le savoir qui sont et seront, partout au Québec, la clé de toute perspective de développement. Plus de gens que jamais sont maintenant convaincus que le savoir et la compétence sont les ressources les plus déterminantes, celles qui font et feront la différence. Personne n'est venu nous dire, sourire en coin, que l'université, c'est bien beau mais bien loin des enjeux de la réalité. Au contraire, toutes les aires d'intérêt et d'intervention, entreprises, gens d'affaires, groupes sociocommunautaires, monde municipal, organismes de développement, leaders régionaux, étudiants, professeurs, dirigeants... Et ils sont venus nombreux pour appuyer leurs universités et nous dire leur conviction que le savoir et la compétence sont les clés de notre avenir et que les universités représentent un enjeu collectif de première grandeur. Les universités, c'est notre affaire à tous.
La thématique de la qualité a été largement commentée et selon des approches diverses et complémentaires, dont je note aussi une affirmation renforcée au sein de l'opinion publique. De la qualité, on peut d'abord dire qu'il y a unanimité autour de sa nécessité. Je le soulignais au départ, et on m'a solidement confirmé à cet égard, compromettre la qualité n'est pas une option. C'est qu'il y a, inhérente à la mission même de l'université, une exigence de qualité à défaut de laquelle on s'exclurait soi-même des circuits du savoir, qui, comme on sait, se construisent et s'accréditent autour des meilleurs et condamnent les médiocres à une marginalisation assurée.
Au chapitre de la qualité, je note également que les intervenants estiment que les universités québécoises sont de qualité et que leurs professeurs et leurs étudiants, leurs productions aussi, soutiennent les comparaisons les plus exigeantes, et cela, diversement selon les créneaux privilégiés sur l'ensemble du territoire. Bien plus, personne n'est venu nous dire qu'on pourrait hiérarchiser les institutions et consentir ici ou là, notamment dans les établissements de petite taille ou en région, à ce que la qualité soit moins évidemment au rendez-vous. Au contraire ? la CREPUQ l'a fait dès le premier jour ? on a affirmé clairement que toutes nos universités sont et doivent être de qualité, sans concession, sans compromis.
Les diplômés des universités québécoises sont accueillis dans les meilleures institutions du monde et ils sont capables de concurrencer au top niveau. Nos chercheurs aussi. Mais cela n'est jamais acquis une fois pour toutes. Les décors peuvent même changer très vite à cet égard. Les intervenants sont très conscients de cette volatilité. C'est pourquoi ils ont souvent parlé de la qualité comme d'un enjeu au sens strict du terme. Ils ont bien perçu aussi que ce n'est pas un enjeu facultatif ou négociable.
L'accessibilité est un objectif dont l'opportunité et la nécessité ont été considérées ici comme allant de soi. Personne n'est venu nous dire qu'il faudrait limiter ou contraindre l'accès à l'université. Je le note avec grande satisfaction, car il nous est arrivé, au cours des années, d'entendre des gens prétendre qu'il y a trop de monde à l'université et que, s'il y en avait moins, le niveau monterait et que ça coûterait moins cher. L'entreprise de démocratisation et de scolarisation n'est pas terminée, et les chiffres concernant l'accès et la fréquentation ne doivent pas occulter ? je le disais au départ ? le fait que nous n'avons pas encore fait le plein de la fréquentation universitaire des jeunes Québécoises et Québécois.
L'accessibilité renvoie à des réalités aux multiples facettes, aux réalités géographiques d'abord. À cet égard, on a pu observer une belle unanimité sur la nécessité de soutenir les universités oeuvrant en région et, dans les régions où il n'y a pas d'université, d'assurer l'accès aux services et aux ressources universitaires. On a vu d'ailleurs comment les communautés régionales s'engageaient déjà dans ce sens, avec l'appui du ministère.
L'accessibilité a aussi des dimensions financières qui sont complexes à analyser, on le sait, dans la mesure où elles sont indissociables des choix personnels de même que des perceptions et des aspirations familiales et sociales. Celles et ceux qui ont maintenu le maintien du gel... qui ont soutenu ? pardon ? le maintien du gel des droits à la scolarité convenu par notre gouvernement ont invoqué des motifs essentiellement liés à l'accessibilité. Celles et ceux qui ont suggéré un régime de remboursement des prêts d'études proportionnel au revenu l'ont également fait pour des motifs d'accessibilité. C'est dans la même perspective d'ailleurs que j'ai récemment annoncé la mise en place d'un tel régime de remboursement proportionnel au revenu, en même temps que j'annonçais une hausse du plafond des prêts, soucieux de maintenir en ce sens le niveau de l'aide disponible et, tout à la fois, de tenir compte de la capacité réelle de rembourser. La réintroduction et la simplification du Prêt pour ordinateur, la prise en compte des pensions alimentaires et l'extension du Programme de prêts et bourses aux personnes ayant le statut de réfugiés, des mesures que j'ai aussi annoncées, visent les mêmes objectifs d'accessibilité.
Enfin, comme des intervenants l'ont affirmé ou évoqué, l'accessibilité à l'université ne peut pas être isolée de l'ensemble du cheminement scolaire réalisé à travers les diverses étapes définies par notre système: réussite au secondaire, au primaire même, réussite au collégial, choix d'orientation et de réorientation scolaire et professionnelle, durée et continuité des études antérieures, jonctions et passerelles entre les ordres d'enseignement. On se rend bien compte que beaucoup se joue avant l'université.
On se rend bien compte aussi que le système d'éducation ne peut pas être totalement conçu comme une route conduisant à l'université et que des alternatives doivent être offertes aux élèves et aux étudiants, de même que des possibilités de bifurcation et même de retour. Je crois à cet égard que la table est mise pour notre forum sur l'avenir de l'enseignement collégial, dont j'annoncerai aujourd'hui même, dans quelques instants, le lancement des opérations.
Le financement a sans surprise été au centre des positions présentées à cette commission. Plusieurs universités en ont même fait l'essentiel de leurs mémoires, convaincues que là est la clé de la capacité de maintenir et d'accroître la qualité et que toutes les solutions à envisager doivent garantir le maintien et l'accroissement de l'accessibilité. Cette manière de lier les trois thèmes de nos travaux structurait d'ailleurs le mandat même de notre commission, et dès le départ, j'en ai confirmé l'à-propos.
Parmi les convictions qui, à la faveur de nos travaux, se sont affirmées dans l'opinion publique, il y a sûrement celle que la qualité universitaire a son prix. À moins de consentir à en avoir juste pour son argent, la qualité de l'activité universitaire doit être adéquatement soutenue sur le plan financier. La qualité du savoir et de la compétence ne peut pas être l'apanage des riches, mais il est clair qu'elle ne peut pas être à rabais. Le prétendre serait ignorer les dures réalités de la concurrence mondiale actuelle et se mettre infailliblement en piste pour des déclassements terriblement coûteux pour le développement social et économique à des coûts finalement plus élevés que ceux de la qualité.
Le Québec investit beaucoup dans ses universités. En témoignent notamment l'augmentation de 6,3 % contenue aux crédits 2004-2005 et la série imposante des investissements récemment annoncés, notamment pour les facultés de médecine et pour les nombreux projets financés de concert avec la FCI. Ces efforts considérables, comme ceux des dernières années d'ailleurs, ont été salués par les intervenants, qui montrent bien ainsi qu'ils ne sont pas en dehors du réel. Pourtant, à l'instar de notre gouvernement, je l'ai reconnu dès le départ, par rapport à leurs concurrentes canadiennes, nos universités disposent de moins de ressources. Je n'ai pas changé d'idée là-dessus, les intervenants non plus.
n(12 h 20)n À quelle hauteur se situe cet écart? C'est à suivre constamment, ainsi que le prévoit elle-même l'étude conjointe CREPUQ-MEQ régulièrement citée. C'est à suivre parce que, par définition et par exigence de la méthode elle-même, il s'agit d'une réalité fluide et changeante que l'évolution dans les autres provinces canadiennes peut rapidement faire varier à la baisse comme à la hausse. C'est pourquoi, même si elle a été constante, la référence aux conclusions de cette étude n'a pas donné lieu ici à une guerre de chiffres, et je n'ai moi-même aucunement alimenté une telle guerre de chiffres comme si j'avais intérêt à ce que l'écart soit plus ou moins important. Ce qu'on peut dire, à ce moment-ci, c'est que tout le monde reconnaît la nécessité que nos universités disposent de plus de ressources, notre gouvernement le premier.
Il faut donc réinvestir. Je l'affirme même si les crédits déposés la semaine dernière ne prévoient pas le réinvestissement souhaité, ce que je reconnais sans ambages. Mais je ne dois pas être le seul à estimer que, à défaut de réinvestir dès maintenant, nous investissons très significativement dans les universités. Et je ne me défile pas pour autant. Je tiens seulement à rappeler que notre commission n'a pas encore conclu et que l'année 2004-2005 est encore jeune.
Cela étant dit, les propos entendus ici nous obligent à enrichir la problématique du seul réinvestissement global. Les intervenants ont été nombreux en effet à faire état de leur situation particulière, aussi bien les établissements que les groupes y exerçant des fonctions diverses. C'est dire ? et c'est que je veux souligner ici ? qu'aucun réinvestissement éventuel ne nous permettra de faire l'économie de discussions relatives à la répartition des sommes investies entre les universités, car personne, j'imagine bien, n'escompte que le réinvestissement entendu se fera et au seul prorata des budgets actuels et que, à côté de cela, on financera les besoins particuliers de tout le monde. Une répartition purement mécanique et proportionnelle des sommes réinvesties n'apporterait pas de solution adéquate à de nombreux problèmes particuliers dont on nous a fait part ici dans des récits et des exposés qui ne comptent pas pour peu dans la perception que nous avons tous d'avoir beaucoup appris sur les réalités institutionnelles concrètes.
Les universités seront inévitablement conviées à discuter entre elles et avec le ministère des questions relatives à la répartition des sommes investies. Je sais que ce sont là des questions difficiles et à fort potentiel de division, mais là-dessus aussi nous comptons sur nos universités. S'agissant des sources de réinvestissement attendues, les positions ont pu s'exprimer et s'expliciter. Au terme de nos travaux, elles seront donc mieux connues et comprises, mais elles ne sont guère plus consensuelles et elles pourraient en justifier certains de parler d'impasse ou de quadrature du cercle. Pour ma part, je parlerais aujourd'hui volontiers d'une croisée des chemins. Les voies possibles en sont connues. Elles ne s'excluent pas l'une l'autre d'ailleurs, même si aucune ne rallie tout le monde.
Nos travaux l'ont confirmé à souhait, il n'y a pas un nombre illimité de sources possibles de financement. En simplifiant les choses et en amalgamant les variantes, on peut même soutenir qu'il y en a essentiellement trois: les fonds publics, les droits de scolarité, la contribution du secteur privé. Ce sont là trois voies qu'on peut qualifier de voies étroites.
Les fonds publics, d'abord. C'est la voie privilégiée par plusieurs intervenants, parfois de manière exclusive. Mais, je l'ai dit dès le départ, il n'est pas réaliste de penser que l'État québécois est capable d'assumer seul des réinvestissements de l'ordre de ceux qu'on a mentionnés ici, non plus qu'au rythme également évoqué ici. L'État fera tout ce qu'il peut, tout en tenant compte de l'ensemble de ses obligations et de ses responsabilités.
Concernant les droits de scolarité, je constate que l'engagement gouvernemental de maintenir leur gel a permis qu'on en parle avec une certaine sérénité. Je constate aussi par ailleurs que les positions demeurent fortement campées à cet égard. On peut seulement souhaiter que le temps nous aidera à trouver des terrains de discussion qui permettent de dépasser ce qui, pour le moment en tout cas, a l'allure de monologues tenus en parallèle.
Quant à la contribution du secteur privé, plusieurs idées ont été émises, allant d'hypothèses à caractère fiscal à des perspectives de partenariats nouveaux, en passant par une participation accrue au financement de la formation continue. Ces idées seront à examiner. Mais, du même souffle, je ne peux m'empêcher de noter l'expression récurrente de réticences et de craintes de la part de plusieurs intervenants à l'égard de l'intrusion possible du secteur privé dans la dynamique de l'autonomie institutionnelle et de la liberté académique. Déjà importante en recherche surtout, cette participation des entreprises soulève des appréhensions dont il nous faudra aussi faire l'examen.
Sommes-nous dès lors condamnés à l'impuissance ou à l'inaction? La conclusion tirée par plusieurs à l'effet qu'il appartiendra au gouvernement de prendre ses responsabilités et de trancher est-elle la seule position possible et souhaitable? Je ne le pense pas. Je suis plutôt d'avis que les travaux et l'atmosphère de cette commission nous permettent de penser que des maturations de perspective sont encore possibles et que le débat public pourra se poursuivre justement pour faire de cette impasse apparente qu'elle se transforme en croisée des chemins.
M. le Président, à l'ouverture de nos travaux, je vous avais fait part des paramètres à l'aide desquels j'allais me mettre en mode écoute, de même que des convictions qui m'animaient alors: la société du savoir comme enjeu de justice sociale et de démocratie, la qualité comme enjeu polyvalent et non négociable, les universités comme force motrice pour le développement de tout le Québec. Ce que j'ai entendu ici me confirme que ma grille de lecture était féconde. C'est beaucoup autour de ces paramètres en effet que les convictions et les arguments se sont exprimés. Avec le recul, j'ai même l'impression qu'il s'agit là des courants de fond les plus structurants, ceux qui ont traversé l'ensemble des interventions, tels des repères dont le débat public devra dorénavant tenir compte.
Que faire maintenant? Beaucoup, en réalité. D'abord, la commission aura à poursuivre sa réflexion, à conclure et, si elle le juge à propos, à formuler ses recommandations. Pour sa part, le gouvernement aura aussi à déterminer la manière dont il s'acquittera de ses engagements et, à plus long terme, la manière dont il entend configurer le financement des universités. Les travaux de notre commission l'éclaireront sûrement sur les décisions qu'il aura à prendre.
Entre-temps, j'engagerai mon ministère à poursuivre, de concert avec les universités, un certain nombre de travaux. Je pense ici en particulier à la mise au point d'une nouvelle grille de pondération des activités d'enseignement qui approche de l'étape des décisions. Je pense aussi à la refonte du financement des frais indirects de la recherche, une refonte basée sur le principe de l'utilisateur-payeur et sur celui, qui relève du bon sens, que le Québec ne doit pas payer deux fois et se suppléer à ceux qui n'assument pas les frais qu'ils entraînent.
Il y a également d'autres dossiers à entreprendre plus formellement. Je pense ici surtout au financement des clientèles additionnelles, dont les taux en vigueur, fixés de bonne foi par le gouvernement précédent, ont néanmoins des effets inflationnistes de distorsion interinstitutionnelle et d'incitation à la course aux clientèles. La manière de financer les étudiants étrangers devra également être réexaminée en concertation avec le ministère des Relations internationales.
Certaines suggestions visant à faciliter la contribution du secteur privé et à améliorer l'apport des donateurs personnels seront aussi à analyser de plus près avec le ministère du Revenu et le ministère des Finances. L'objectif de ces opérations de bonne gestion, M. le Président, n'est pas de faire des économies mais de nous assurer d'une répartition toujours plus judicieuse des ressources disponibles.
En matière d'accessibilité, les travaux conjoints du ministère, de la CREPUQ et de la FEUQ se poursuivront afin que soient mieux balisées la définition et la gestion des frais afférents et afin de préparer ainsi l'encadrement législatif annoncé concernant l'accessibilité aux études. En cours de route, j'ai aussi pris note du souhait exprimé par des groupes de chargés de cours que l'étude d'ensemble réalisée à la fin des années quatre-vingt soit reprise et mise à jour. Je réitère, ce matin, l'accueil positif que j'ai déjà donné à cette requête. En concertation avec les chargés de cours et avec les universités, le ministère s'emploiera à définir la meilleure manière de mener ce projet à terme dans des délais raisonnables.
Concernant le statut des étudiants-chercheurs, le ministère poursuivra aussi des discussions déjà entreprises pour améliorer leur statut et leurs conditions d'emploi selon un partage des responsabilités des uns et des autres qu'il reste évidemment encore à préciser.
De son côté, le ministère doit s'imposer une discipline plus serrée afin de faire connaître plus tôt les données nécessaires à la gestion de l'année courante. Nous reconnaissons que les indications en provenance du ministère arrivent tardivement. Il n'y a pas là un choix délibéré de sa part, c'est plutôt un effet attribuable au calendrier budgétaire lui-même. Le ministère s'engage tout de même à tout faire pour remédier à une situation qui dure depuis plusieurs années et qui ne facilite pas la tâche des administrateurs universitaires. La définition d'un horizon budgétaire de plus long terme devrait accompagner les prochaines phases de réinvestissement dans les universités.
M. le Président, tout le monde sait combien le déséquilibre fiscal canadien est déterminant pour tout ce dont nous avons discuté autour de cette commission, et le budget fédéral présenté le mois dernier laisse le problème entier. Le gouvernement québécois ne dispose d'aucune marge de manoeuvre pour financer adéquatement les coûts relatifs à ces champs de responsabilité, un champ de compétence exclusive, dans le cas de l'éducation. Je comprends qu'il n'y a pas de divergence entre nous à ce sujet. Il nous faut encore et encore exiger collectivement la correction des distorsions dont la commission Séguin et de nombreux autres intervenants ont identifié la réalité et les conséquences.
n(12 h 30)n M. le Président, sous votre gouverne, nous avons participé à un exercice démocratique d'une grande profondeur et nous avons bénéficié d'une réflexion nuancée, parfois contrastée, mais toujours pertinente de la part de ceux qui sont venus nous faire part de leurs points de vue, de leurs préoccupations et de leurs suggestions. Je vous remercie pour l'intelligence, la finesse, l'impartialité et l'humour avec lesquels vous avez présidé nos travaux. Je voudrais également offrir les mêmes remerciements au vice-président de la commission. Merci à mes collègues du parti gouvernemental pour leur intérêt constant et éclairé. Merci à nos collègues de l'opposition pour leur participation active. Merci à mes collaborateurs du cabinet et du ministère, ceux que l'on a vus ici et ceux qui ont travaillé dans l'ombre pour appuyer nos travaux. Merci au personnel de la commission et de l'Assemblée nationale pour leur empressement à faciliter notre travail. Et surtout merci à tous les groupes et organismes qui nous ont envoyé des mémoires et qui sont venus échanger avec nous. Nos institutions démocratiques sont vraiment de grandes choses et des acquis de valeur irremplaçables. Je me réjouis. Je suis très fier d'en avoir vécu un très bel épisode. Merci, M. le Président.
Le président, M. Geoffrey Kelley
Mémoires déposés
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. le ministre. Avant de terminer nos travaux, il me reste un devoir d'intendance, c'est le dépôt des mémoires des cinq groupes qui n'ont pas été... ne souhaitaient pas être entendus. Alors, le mémoire du Conseil du statut de la femme, le mémoire de M. Harold Geltman, le mémoire de M. Jean Lengellé, le mémoire du Syndicat général des professeurs et professeures de l'Université de Montréal et le mémoire de M. Kengo Teschigawara sont déposés.
Et un mot de la fin qui revient au président. Je pense qu'on a commencé avec, entre autres, le témoignage de l'Université Laval, qui a cité la déclaration de Glion, qui est d'une qualité magnifique, qui indique que vraiment nos universités sont peut-être la création la plus importante du dernier millénaire. Alors, ça, c'est une grande... Et, quand on voit les composantes de la mission de nos universités, elles sont nombreuses. Il y a le transfert du savoir, il y a la formation, il y a la préparation des personnes pour le marché du travail, mais il y a également toute la notion d'un esprit critique, créer une atmosphère pour l'innovation, qui est très importante, et de préparer les bons citoyens, les bonnes citoyennes pour la société québécoise. Alors, je pense qu'on est capables, depuis sept semaines, de voir toutes ces composantes mises en évidence.
Je remercie le ministre pour l'ouverture qu'il a faite, pour les membres de la commission, de prendre le temps pour formuler un rapport qui peut comprendre les recommandations. C'est un petit peu innovateur pour la commission d'avoir cette possibilité de réfléchir sur les commentaires que tous les groupes ont faits et d'essayer d'avoir... ajouter dans les recommandations pour pousser le débat sur le rôle du financement, la qualité et l'accessibilité des universités dans la société québécoise.
Juste en terminant, je vais également dire merci beaucoup, premièrement à tous les membres de la commission. C'est un très beau travail. Je suis très fier du travail que nous avons accompli ensemble. 19 séances, 92 mémoires, 87 témoins qui sont venus ici, c'est vraiment un très beau travail. Merci beaucoup pour votre dévouement, qui souligne l'importance des universités dans notre société.
Également, merci beaucoup au cabinet et au ministère de l'Éducation, qui a fourni les résumés des mémoires pour les membres de la commission. C'est un bel exemple de collaboration. Alors, merci beaucoup pour votre contribution aussi, le personnel de l'Assemblée nationale, la transcription, la télédiffusion et finalement le personnel de la commission, notamment le secrétaire, M. Jolicoeur, qui a composé avec tous les témoins, les changements d'horaire, et tout le reste, avec beaucoup de patience et diligence.
Alors, sur ce, j'ajourne nos travaux sine die, et merci encore à tout le monde.
(Fin de la séance à 12 h 33)