(Neuf heures trente-six minutes)
Le Président (M. Kelley): Alors, mesdames et messieurs, je constate quorum des membres de la Commission de l'éducation. Donc, je déclare la séance de la commission ouverte.
Je rappelle que le mandat de la commission est de tenir une consultation générale sur les enjeux entourant la qualité, l'accessibilité et le financement des universités au Québec.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Soucy (Portneuf) remplace Mme Delisle (Jean-Talon).
Le Président (M. Kelley): Bienvenue, M. le député, parmi nous pour ces discussions sur l'avenir de nos universités.
Je vais rapidement lire l'ordre du jour, qui est le suivant. Cet avant-midi, nous entendrons l'École nationale d'administration publique, le Conseil du patronat et la Télé-université. Cet après-midi, nous poursuivrons avec l'Université du Québec en Abitibi et une dizaine d'organismes qui ont présenté des mémoires en appui à celui de l'UQAT. Tous ces groupes vont être entendus dans le bloc de trois heures après la période de questions cet après-midi.
Pour tout le monde qui a des téléphones cellulaires, je vous invite de les éteindre, s'il vous plaît.
Auditions (suite)
Et maintenant, sans plus tarder, je veux céder la parole aux représentants de l'École nationale d'administration publique. Je pense que c'est M. Proulx qui prend la parole. Alors, la parole est à vous. Bonjour.
École nationale
d'administration publique (ENAP)
M. Proulx (Marcel): Merci, M. le Président. Je suis Marcel Proulx, je suis le directeur général de l'École nationale d'administration publique. Je suis accompagné de Mme Louise Laflamme, qui est directrice des finances à l'école, et de M. Luc Bernier, qui est le directeur de l'enseignement et de la recherche.
Merci d'abord de nous recevoir et de nous donner l'occasion de faire valoir le point de vue de l'école sur les questions, qui intéressent la commission, à la fois de l'accessibilité, de la qualité et du financement des universités.
Il faut vous dire d'entrée de jeu que nous sommes, et de très loin, le plus petit établissement universitaire québécois. Nous représentons, pour ceux qui aiment les chiffres, 1/2 de 1 % du réseau universitaire québécois en termes de clientèle. Mais nous sommes, et ça nuance aussi le propos initial, probablement la plus grande école d'administration publique du monde francophone et une des plus grandes du monde entier. Vous comprendrez que l'École nationale d'administration publique chinoise nous dépasse en taille et que, dans le monde asiatique, nous commençons à avoir quelques concurrents, mais donc, toutes proportions gardées, nous sommes une institution qui, pour une école d'administration publique, est une école de grande taille mais, à l'échelle universitaire, de taille relativement petite.
Dans ce contexte, vous comprendrez qu'il serait déraisonnable qu'un petit établissement comme le nôtre veuille infléchir les politiques gouvernementales concernant à la fois la qualité mais aussi le financement des universités sur la base de nos particularités. Donc, nous nous sommes retrouvés, dans la préparation de ce mémoire, dans une situation un peu particulière où nous croyons que notre établissement joue un rôle fondamental dans le développement non seulement de l'administration publique, mais dans le développement du Québec, mais qu'en même temps nous comprenons que notre petite taille ferait que, si on voulait orienter l'ensemble des politiques en fonction de nos particularités, nous serions et vous seriez sans doute dans une situation un peu délicate.
Heureusement, le document de cadrage des travaux de la commission nous fournissait une ouverture extraordinaire en soulignant l'importance que les politiques gouvernementales relatives aux universités fassent preuve de souplesse pour reconnaître les particularités des établissements universitaires. Et je dois dire que c'est une ouverture dont nous profiterons largement et dont nous avons profité dans notre mémoire, parce qu'il nous semble que des politiques relatives aux universités devraient pouvoir tenir compte des particularités d'un établissement comme le nôtre.
Un peu d'histoire, si vous le voulez bien. Je vous rappellerai que l'ENAP a été créée en 1969, comme l'ensemble du réseau de l'Université du Québec, au moment où, au Québec, nous venions de vivre une croissance, qui a continué par la suite, importante de l'administration publique et où le gouvernement du Québec se rendait compte qu'il était nécessaire d'améliorer la formation des gestionnaires publics.
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(9 h 40)
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À l'époque, nous avions envoyé à l'ENA, en France, des cohortes d'étudiants. On voyait bien la limite de ce type de pratique, et le gouvernement du Québec s'est dit: Il nous faut... Dans un contexte où le métier d'administrateur public était déjà, à l'époque, vu comme un métier qui n'était pas un métier d'amateur, et qui est de moins en moins un métier d'amateur, il nous fallait, à l'image de ce qu'on retrouve un peu partout dans le monde, une école d'administration publique vouée spécifiquement à la formation des administrateurs publics.
On a été tentés, à l'époque, de pencher vers le modèle français, qui est le modèle qu'on retrouve un peu partout dans le monde, d'une école intégrée à l'administration, une école gouvernementale, mais on a choisi, et il nous semble, surtout vu avec le recul, que c'était un excellent choix, d'intégrer l'école d'administration publique dont se dotait le Québec, de l'intégrer au réseau universitaire québécois. Ça avait l'immense avantage de non seulement avoir une institution qui formait les administrateurs publics, mais d'avoir aussi une ouverture sur tout ce qui concerne la production et le transfert des compétences. Et, dans le monde moderne où on parle beaucoup de lien entre la production de compétences en économie du savoir et le transfert des compétences, d'avoir une école qui n'est pas qu'une école de formation mais qui est aussi une école qui plus largement s'intéresse au développement de l'administration publique, c'était, de notre point de vue, maintenant avec le recul, nous semble-t-il, un excellent choix.
En créant l'ENAP, on se retrouvait peut-être avec une question qui reste une question existentielle pour les petits établissements: Est-ce qu'un établissement de la taille de l'école est un établissement universitaire viable? Je dois dire, là-dessus on a probablement trouvé une solution qui nous offre le meilleur des deux mondes. Nous avons créé, le Québec a créé une institution forte, dotée d'un conseil d'administration qui l'ancre dans le milieu, avec une vocation unique, celle de la formation, du développement de l'administration publique ? quand on n'a qu'une vocation comme celle-là, vaut mieux être bon ? et donc cette vocation spécialisée. Et en même temps, en nous intégrant à ce qui était à l'époque le réseau naissant de l'Université du Québec, nous avions la possibilité, et nous avons toujours la possibilité, de profiter des effets de synergie et des économies d'échelle, notamment en matière administrative, reliés à l'appartenance à un réseau plus vaste et un réseau décentralisé qui nous permet d'assumer complètement notre mission tout en profitant des effets d'ensemble.
L'ENAP est donc, vous l'aurez compris, une école d'exception, exceptionnelle par sa différence par rapport aux autres établissements et, nous osons croire, exceptionnelle aussi par ses réalisations.
L'ENAP, si on veut parler globalement de ses fonctions, assume les fonctions traditionnelles d'une université qui n'intervient qu'aux deuxième et troisième cycles. Nous avons conclu, après plusieurs études initiales mais qui ont été répétées par la suite, qu'il valait mieux faire la formation des administrateurs publics aux seuls deuxième et troisième cycles, le premier cycle, traditionnellement, et c'est bien ainsi, offrant une formation de base dont on souhaite que bénéficient les administrateurs publics.
Donc, l'école a des programmes de maîtrise apparentés aux programmes de M.B.A. mais avec un accent très fort sur toutes les particularités du secteur public, notamment dans le champ des politiques publiques, des programmes destinés pour l'essentiel à la formation de gestionnaires. 80 % de nos étudiants et étudiantes sont en organisation, sont soit des gestionnaires, soit s'y préparent et viennent donc se former à la gestion, et un 20 % de jeunes qui se forment et qui sont formés chez nous à des fonctions d'analyste et de soutien à la gestion. Nous avons aussi un programme de doctorat depuis quelques années qui forme des spécialistes pointus en administration publique dont le Québec aura de plus en plus besoin. Et nous avons évidemment, comme toutes les universités, une activité importante de recherche et de développement en gestion et en politique publique.
À cet égard, l'ENAP s'apparente à toutes les universités, mais nous disons chez nous que l'ENAP est une université, mais une université plus, parce qu'à la mission traditionnelle de formation et de recherche de l'ENAP s'ajoute une mission que nous avons appelée «de services aux organisations». Nous croyons que le développement des organisations publiques et le développement de l'administration publique passent non seulement par des programmes de formation crédités, mais aussi par un ensemble de services, dont le perfectionnement. À une époque où on parle de plus en plus de formation à vie, il est important d'être actif en matière d'actualisation des compétences des gestionnaires. Les compétences changent, on a de nouvelles attentes, et nous avons une activité considérable de formation qu'on n'ose pas appeler continue, puisque même nos programmes de maîtrise sont pour la plupart des programmes de formation continue, mais des programmes d'actualisation pointue des compétences.
Nous offrons aussi aux organisations ce qu'on pourrait appeler en mode slogan des services de connaissance au service d'actions, c'est-à-dire des activités de recherche commanditées, d'intervention et de conseil. Encore là, les administrations publiques ont besoin d'une réflexion souvent extérieure mais portée par une institution qui est en phase avec son milieu, ancrée dans son milieu, et nous offrons ce genre de service à une très large échelle. Nous offrons aussi, dans cette gamme des services aux organisations, des services d'évaluation des compétences et notamment en matière de sélection et de développement des cadres.
Ces activités de services aux organisations font non seulement partie de la mission de l'école, mais ils contribuent à sa viabilité financière. Nous sommes une des rares institutions universitaires au Québec et au Canada dont presque la moitié du budget, 45 % cette année, est constituée de revenus autonomes, ce qui contribue à faire en sorte que le pilier des services aux organisations renforce par ailleurs le pilier de l'enseignement crédité sur le plan financier comme sur le plan intellectuel. Donc, nous pensons que nous avons trouvé une formule vertueuse qui fasse en sorte que nos deux volets de la mission se soutiennent mutuellement.
L'ENAP est aussi très présente à l'international. C'est moins au coeur de notre mission, mais nous croyons ? et c'est de plus en plus vrai ? qu'il est utile et nécessaire d'exporter le savoir-faire québécois en matière d'administration publique. On est, au Québec, souvent assez critique à l'égard de notre administration publique, mais, vue de l'extérieur, notre administration publique, à plusieurs égards, et nos administrateurs publics ont des forces impressionnantes dont on souhaite bénéficier à l'extérieur. Et donc nous faisons l'exportation du savoir-faire québécois non seulement en matière de formation en administration publique, qui est notre propre savoir-faire, le savoir-faire de nos professeurs, mais aussi le savoir-faire de ministères, d'organismes et d'administrateurs publics partout dans l'administration avec qui nous travaillons.
Nous sommes présents en international dans une vingtaine de pays. Et encore là je ne voudrais pas avoir l'air trop mercantile, mais encore là notre mission de coopération internationale contribue de façon importante, marginale mais malgré tout importante, au financement et à la viabilité économique d'une institution comme la nôtre.
Une des caractéristiques fortes de l'ENAP et sur laquelle nous insistons beaucoup, nous insisterons en particulier dans notre plan stratégique qui est en cours de finalisation, c'est sur le caractère «enracinée dans le milieu». Nous voudrions être reconnus comme une école ancrée dans son milieu, en phase avec son milieu. C'est une caractéristique forte, cet ancrage dans le milieu, de l'Université du Québec, vous l'avez entendu de la part des collègues des institutions à vocation régionale, et nous nous réclamons de la même volonté d'inscrire l'ensemble de nos activités dans le milieu et d'être constamment en phase dans le milieu. Pour l'ENAP, cela se fait notamment par l'intermédiaire d'un conseil d'administration.
Quand je disais tout à l'heure: Il y a des vertus à être une institution indépendante mais intégrée dans un réseau, une de ces vertus est de posséder un conseil d'administration qui, contrairement à ce qu'on voit dans beaucoup d'universités, est constitué pour l'essentiel de représentants du milieu, du milieu de la fonction publique et de l'ensemble des réseaux de la santé, de l'éducation, du milieu municipal. Cela oblige l'ENAP à rester vertueuse dans son arrimage dans le milieu. Nous avons un conseil d'administration vigoureux, impressionnant qui nous rappelle constamment que notre existence ne tient qu'à la manière pas de répondre servilement aux besoins de notre milieu, mais d'être constamment en phase à la fois dans l'enseignement mais aussi dans les services que nous rendons aux organisations.
Nous sommes aussi ancrés dans le milieu par les partenariats institutionnels que nous avons établis avec différents acteurs dans le milieu. Avec le gouvernement du Québec, nous signerons prochainement, si la tendance se maintient, une entente de partenariat avec le gouvernement du Québec. Nous avons déjà une entente de partenariat avec le gouvernement fédéral pour la formation de la relève au Québec, avec des villes et avec diverses associations, regroupements d'administrateurs publics.
Nous sommes aussi ancrés dans le milieu, par la force des choses, par nos clientèles. Quand votre formation s'adresse à des gens qui sont en organisation et qui viennent chez vous pour améliorer leurs compétences, ils vous obligent constamment à être en prise directe avec ce qui se passe dans le milieu. Encore là, nous sommes vertueux parce que notre environnement, notre conseil d'administration, nos étudiants nous obligent à être constamment pertinents, sinon ils nous abandonnent, dans le cas de nos étudiants, et, dans le cas de notre conseil d'administration, ils nous rossent, ce qu'ils ne font pas heureusement.
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(9 h 50)
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Donc, nous avons des programmes de plus en plus en partenariat avec le milieu, y compris d'ailleurs dans le champ de la formation créditée. Nous pensons qu'il est important d'offrir aux organisations, à des fins notamment de formation de la relève, des programmes que nous pouvons, dans le respect des exigences universitaires, sans baisser la qualité, mais que nous pouvons négocier, discuter et adapter aux besoins du milieu. Nous le faisons avec le gouvernement du Québec, nous le faisons avec des regroupements et nous le faisons aussi avec l'administration fédérale.
Donc, nous avons la prétention d'être une école indépendante qui valorise à la fois la liberté académique et l'indépendance universitaire, mais ancrée, en phase dans son milieu, et ce n'est pas incompatible. C'est parfois un peu plus compliqué à concilier, mais ce n'est pas incompatible, au contraire.
Notre école est aussi une école nationale. Le mot «nationale» dans École nationale d'administration publique n'est pas que décoratif, il rend compte de la mission de l'ENAP de formation sur l'ensemble du territoire, et c'est aussi une particularité de l'ENAP. L'ENAP a des campus ? même si le terme n'est pas tout à fait français, on n'en a pas trouvé de meilleur ? des campus régionaux à Québec et à Montréal, où se retrouvent à peu près la moitié de notre clientèle, mais aussi à Gatineau, à Saguenay et à Trois-Rivières.
En plus, nous avons une présence partout sur le territoire, où nous arrivons à constituer, souvent avec l'aide de promoteurs locaux, des groupes d'administrateurs publics qui souhaitent que nous participions à leur formation. Ainsi, nous avons été et nous sommes encore à Sherbrooke, en Beauce, à Joliette et, en partenariat avec l'Université du Québec, à Rimouski, en Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine. Nous souhaitons d'ailleurs dans le futur accentuer cette présence régionale, ce caractère national de notre établissement, parce que nous recevons, partout au Québec, des appels du pied d'administrateurs publics qui nous disent: Nous avons aussi besoin, autant que les administrateurs publics des grandes régions, des grandes régions et des grandes villes du Québec, de votre apport en matière de formation, et nous comptons là-dessus ? j'en dirai quelques mots tout à l'heure ? sur l'enseignement à distance.
Quelques mots rapidement sur la clientèle: 1 700 étudiants, ce qui est à la fois beaucoup et peu; 80 % sont des gestionnaires ou se forment à des fonctions de gestion, 20 % d'analystes. Une croissance considérable au cours des quatre dernières années, puisque notre effectif étudiant a crû de 50 % et que nous voyons que ce phénomène devrait croître. Enfin, je ne veux pas inquiéter notre directeur d'enseignement et de la recherche, peut-être ne pas croître, mais que nous devrions maintenir ce taux de croissance avec des fluctuations au cours des années. Parce que vous savez comme moi que le renouvellement de l'effectif, et en particulier de l'effectif de gestion, dans les organisations publiques sera considérable au cours des prochaines années et qu'on voit poindre, après des années difficiles, l'émergence d'une culture de formation dans les administrations publiques qui fait qu'on valorise, ce qu'on n'a pas toujours fait, les études en gestion pour exercer des métiers de gestionnaires publics. Nous avons plus de 5 000 diplômés dont plusieurs occupent des postes de direction stratégiques dans les organisations publiques, à la fois la fonction publique et celle des réseaux.
Sur la question de l'accessibilité, pour en venir au propos qui vous intéresse particulièrement, il faut vous dire qu'à l'ENAP la question de l'accessibilité se pose en des termes un peu particuliers par rapport à ce qu'on observe dans d'autres établissements, notamment les établissements présents au premier cycle. Pour nous, la question de l'accessibilité se pose d'abord en termes de capacité de répondre à la demande. La demande de formation en administration publique n'a jamais été aussi forte, aussi insistante, et on s'attend de l'ENAP, dont on, dans le milieu, exagère parfois la taille... Nous sommes heureux de voir qu'on nous perçoit comme une grande école, sur le plan symbolique, c'est très bien, mais nous restons malgré tout, par notre effectif, un petit établissement, un petit établissement qui est soumis à des pressions fortes parce qu'à chaque fois qu'apparaissent des besoins la question qui se pose à l'ensemble de l'école, c'est: Que fait l'école? Nous avons des besoins, nous souhaitons que vous soyez présent. Et pour nous l'accessibilité consiste à être capable de répondre présent à ces besoins.
Notre accessibilité se manifeste aussi par notre volonté de répondre aux besoins des clients là où ils se trouvent. Il y a des administrateurs publics partout au Québec ? je l'ai évoqué tout à l'heure, il n'est pas utile d'en rajouter. C'est aussi pour nous, l'accessibilité, l'obligation dans laquelle on se trouve de répondre aux besoins en termes de méthodes et d'outils pédagogiques, aux besoins de clientèles qui sont en organisation, qui souhaitent que nos formations soient ancrées dans l'action puis tournées vers l'action, qui souhaitent que nos formations tiennent compte de l'environnement dans lequel ils se trouvent.
Sur la qualité, nous sommes dans la même situation un peu particulière. Pour nous, la qualité fait partie depuis toujours des pressions qui s'exercent sur nous. Quand vos clients, vos étudiants ont 45 ans en moyenne ? ça rajeunit ? qu'ils sont dans les organisations, qu'ils prennent des cours le soir, ils s'attendent à ce que la formation qu'on leur donne soit une formation de qualité et pertinente, d'autant plus que la plupart d'entre eux ne viennent pas chez nous pour obtenir un diplôme mais viennent... Parce que, vous le savez, les diplômes, dans l'administration publique, en particulier les diplômes de maîtrise, ne vous assurent aucun avantage. Ils viennent chez nous malgré cela parce qu'ils estiment que la formation qu'ils reçoivent va les aider, va leur permettre de mieux assumer leurs fonctions. Donc, des étudiants exigeants, des étudiants si exigeants qu'ils nous abandonnent volontiers quand nos formations ne sont pas de qualité. Encore là, nous avons un principe de réalité qui nous oblige à faire dans la qualité.
Par ailleurs, nous utilisons systématiquement les outils d'évaluation, évaluation de tous les enseignements mais aussi évaluation de nos programmes. Vous avez entendu d'ailleurs, de la part de nos collègues, sur cette question de la qualité, des présentations portant sur les mécanismes qui sont de bons mécanismes d'évaluation des programmes que nous pratiquons évidemment.
Un mot finalement sur le financement. Nous sommes dans une situation particulière, mais nous n'avons jamais cru que notre établissement avait besoin de privilèges en matière de financement. Nous nous sommes accommodés... Parce que ça fait partie du statut universitaire, nous nous sommes accommodés, dans l'histoire, des règles de financement des universités. Cependant, nous endossons totalement ? je dis «cependant», mais c'est dans la foulée de ce qui précède ? les propos de nos collègues de la CREPUQ et de l'Université du Québec, aux mémoires desquels d'ailleurs nous avons participé, sur le nécessaire financement des universités et sur la pauvreté relative des institutions universitaires par rapport à leur mission. Et nous vivons de la même façon que les autres établissements cette situation.
Sur les frais de scolarité, thème qui a beaucoup intéressé cette commission, nous devons dire que nous sommes dans une situation un peu particulière, puisque 80 % de nos étudiants ne paient pas directement leurs frais de scolarité. Étant en organisation, les organisations paient pour leurs frais de scolarité, ce qui fait que nous ne nous sentons pas à l'avant-scène du débat sur cette question, pas plus que nos étudiants d'ailleurs. Cependant, nous croyons qu'il revient à l'État, au gouvernement et au Parlement, de déterminer quelle est la meilleure façon de financer les universités, et nous ne souhaitons pas avoir de position tranchée sur cette question.
Quelques mots cependant sur notre propre situation en matière de financement. Je vous ai déjà dit que le financement de l'école repose à 45 % sur des revenus autonomes, ce qui nous permet d'être moins vulnérables que d'autres probablement face aux fluctuations. Il n'empêche que les compressions budgétaires dans le domaine de l'éducation nous ont affligés lourdement, d'autant plus lourdement que notre conseil d'administration insiste, et c'est bien ainsi, pour que nous n'ayons pas de déficit. La femme de César doit être irréprochable, et une école d'administration doit, en matière de gestion budgétaire, faire preuve de saine gestion, et nous l'avons pratiquée. Nous l'avons pratiquée à nos dépens, puisque nous avons charcuté allégrement dans notre corps professoral en ne remplaçant pas les professeurs qui sont partis et en arrivant au point qui était presque la limite existentielle dans l'effectif professoral. Depuis quelques années, depuis trois ans en fait, grâce aux réinvestissements, nous avons pu commencer à reconstituer notre corps professoral, mais nous souhaitons que cette impulsion que nous avons pu donner puisse se maintenir dans un contexte où la pression est de plus en plus considérable.
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(10 heures)
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Dans ce contexte, pour nous, un des enjeux majeurs, c'est le financement des nouvelles clientèles. Nous savons qu'il existe un débat dans le réseau sur la nécessité de financer à 100 % les clientèles additionnelles et que pour certains ce financement des clientèles additionnelles à 100 % paraît un peu hérétique, dans la mesure où, si l'effectif global étudiant augmentait au Québec, il y aurait une sorte d'augmentation automatique du budget des universités... ou des budgets des universités.
Cependant, dans notre cas, nous soulevons que nous sommes dans une situation particulière, à la fois parce que nous sommes aux deuxième et troisième cycles mais aussi parce que nous sommes dans un contexte en forte expansion, les besoins sont de plus en plus considérables, et que nous serions particulièrement désolés de devoir contingenter nos services alors que nous sommes les seuls, pensons-nous, à pouvoir les offrir dans le contexte actuel, parce que nous arrivons à des effets de seuil où la croissance de nos clientèles se traduit par un nécessaire investissement majeur à la fois sur le plan de l'effectif professoral et sur le plan des locaux. Nous avons des besoins régionaux... Je termine, M. le Président.
Le Président (M. Kelley): Oui. Peut-être, en conclusion. C'est intéressant, mais le temps file, alors...
M. Proulx (Marcel): Nous souhaitons aussi, sans entrer dans les détails, que les formules de financement, qui sont souvent pensées pour les grands établissements ? c'est bien ainsi ? tiennent compte des particularités de petits établissements comme le nôtre, dont les méthodes pédagogiques sont souvent très différentes de celles qui sont utilisées dans les grands ensembles. Nous avons limité volontairement la taille de nos cours, volontairement et aussi parce que nous aurions perdu nos étudiants autrement. Nous avons volontairement investi dans des méthodes pédagogiques qui sont coûteuses et qui sont lourdes, et nous souhaitons que les formules de financement intègrent cela.
En conclusion, M. le Président, je vous dirais que nous souhaitons que l'énoncé de principe qui était dans les travaux préparatoires de la commission à l'effet que le réseau universitaire permette une souplesse et permette à des établissements comme le nôtre non seulement de maintenir leur situation, mais d'assumer pleinement leurs fonctions, que ce principe-là soit appliqué en ce qui nous concerne et que nous puissions bénéficier de la souplesse qui est déjà prévue dans le système, de la souplesse dans les règles et dans les modes de fonctionnement, comme nous bénéficions, à l'intérieur de l'Université du Québec, de la souplesse d'une structure décentralisée. Merci.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. C'est fort intéressant qu'une École d'administration publique aussi, comme une École des hautes études commerciales, qu'on a vue cette semaine, est très consciente aux enjeux budgétaires. Alors, c'est bien noté. Il y avait un léger dépassement dans le temps, alors je propose 15 minutes pour les deux côtés de la table. Et je vais donner la parole au ministre de l'Éducation et député d'Orford.
M. Reid: Merci, M. le Président. Vous me permettrez de commencer par offrir toutes mes félicitations à la députée de Taillon, qui a reçu hier soir une décoration de l'Ordre de la Pléiade. C'est un ordre qui honore les personnalités qui se sont distinguées dans le développement de la francophonie.
Des voix: ...
M. Reid: Oui, hein? Je voudrais peut-être souligner aussi que M. Lucier, que vous connaissez parce qu'il m'accompagne souvent dans le développement de la commission, a été également, lui aussi, décoré de l'Ordre de la Pléiade.
Je voudrais souhaiter la bienvenue au directeur général de l'ENAP et à toute la délégation, de même qu'aux gens de l'Université du Québec, au président et vice-président, et commencer tout de suite par une question sur la recherche et les frais indirects. Enfin, ça regroupe en même temps les autres que vous avez mentionnées dans votre rapport, au moins à la page 5 et 6. À la page 5, vous dites: «Mais étant donné la proximité que l'ENAP entretient avec les milieux de pratique, il est naturel pour ses professeurs de se tourner en grande partie vers la recherche commanditée.» Vous souhaitez que la recherche commanditée soit davantage valorisée, à la page suivante, et reconnue dans l'évaluation des universités, etc.
Et en fait ma question va porter plus sur les frais indirects, à la page 9, où vous dites, à la fin du premier paragraphe: «L'ENAP endosse le principe à l'effet que chaque pourvoyeur de fonds devrait être amené à assumer les frais directs et indirects des recherches qu'il finance.» La raison pour laquelle c'est intéressant, c'est que votre clientèle est, pour une grande part, je l'imagine, donc, des organismes publics. Et nous avons déjà eu des commentaires à l'effet que les frais indirects de la recherche, surtout maintenant, pour toutes les recherches, toutes les subventions québécoises, sont désormais... même si ça n'a pas changé l'enveloppe, mais sont désormais reconnus à 55 %, 60 %, 65 %, mais que la recherche commanditée, on n'a pas... et on ne jouit pas autant ? c'est des commentaires qu'on nous a faits ? de cette volonté des commanditaires de payer les frais indirects ? des frais directs, oui, mais les frais indirects, non ou très peu.
Et ce serait intéressant d'avoir votre point de vue, parce que je pense que beaucoup des organismes en cause étaient des organismes du gouvernement du Québec, et donc ça nous interpelle directement, effectivement, comme ministère de l'Éducation, et j'aimerais que vous élaboriez un peu là-dessus. Quelle est la nature de la problématique que vous vivez, dans votre cas?
M. Proulx (Marcel): Vous le savez, il est extrêmement difficile d'obtenir de nos commanditaires du secteur public l'équivalent des frais indirects de recherche qu'on obtient par ailleurs pour la recherche subventionnée. Je dois dire que nous avons du mal à convaincre nos partenaires qu'il est raisonnable d'obtenir de tels frais indirects.
Actuellement, nous réussissons, dans la plupart des cas, à obtenir ce que nous appelons pas des frais indirects, parce que personne ne comprend ce que cela veut dire, mais des marges de l'ordre... de frais administratifs de l'ordre de 30 %, parfois 20 %, parfois un peu moins, dans la mesure où il y a une sorte d'ambiguïté. On considère que nous faisons partie du milieu, que nous bénéficions de privilèges par rapport au secteur privé ? qui doit aller en appel d'offres, alors que nous négocions de gré à gré les services que nous offrons ? et on a du mal à convaincre, dans beaucoup de milieux, les gens que, de ce fait, nous ajoutions une marge de 30 %, sans parler du 40 % ou du 45 % qu'il faudrait demander.
Et nous avons à plusieurs reprises indiqué, même au ministère de l'Éducation, que nous nous retrouvions dans une situation un peu embêtante où, même au ministère de l'Éducation, nous n'arrivons pas à obtenir 40 % ou 45 %. Puis en même temps il faut comprendre que les organisations publiques ne sont pas très riches, n'ont pas des moyens considérables et, en particulier dans les périodes difficiles sur le plan budgétaire, négocient de façon très serrée. Et c'est, je dirais, la contre-partie de notre partenariat. Nous faisons partie de la famille, nous sommes en lien fort avec les organisations publiques, et on nous demande: Bien, soyez raisonnables, quand même, et en plus vous êtes subventionnés.
Comment peut-on expliquer à un acteur public que notre subvention, qui finance des études universitaires, ne peut pas être détournée aux fins d'offrir des services de recherche commanditée au ministère? Nous n'avons pas encore trouvé totalement la clé. Nous négocions ferme, mais, s'il arrivait qu'un jour on nous impose ou on considère de facto que le 40 %, 45 % de frais indirects devrait être imposé à nos commanditaires de recherche et qu'on l'escompte dans les subventions, ce serait une tragédie pour nous, à moins qu'on réussisse à convaincre les autres ministères, y compris, je dirais, M. le ministre, les services de votre propre ministère.
M. Reid: J'ai bien reçu le message, M. le Président. Peut-être une autre question rapidement sur la notion de pertinence. À la page 5, vous amenez cette notion; c'est une notion très intéressante. On a eu l'occasion de parler de ça de façon toujours assez indirecte, je dois dire, dans la commission. Et, puisque vous l'abordez et que vous en faites un thème, en le soulignant... À la page 5, vous dites, par exemple: «L'ENAP conçoit la pertinence comme un pont à construire entre l'accès aux études et l'accès à la réussite.» Un peu plus loin, vous dites: «La pertinence lui semble l'une des meilleures mesures de rétention et d'accès à la réussite.» Est-ce que, bon, parce que... Et vous dites aussi, et j'imagine que c'est ce que ça veut dire, grosso modo: «...[une réponse adaptée] à leurs besoins ? donc, des gens qui veulent se faire former ou qui veulent participer à une formation ? et [proche] de leur pratique professionnelle.» Est-ce que c'est la notion de pertinence que vous retenez pour vos propres critères? Et, dans tous les cas, comment est-ce que vous opérationnalisez cette notion de pertinence, à l'intérieur de l'ENAP?
M. Proulx (Marcel): La notion de pertinence est au coeur de notre plan stratégique et, pour nous, c'est d'abord et avant tout le fait que nous nous identifions ? un peu à la manière des écoles de médecine ? à nos milieux de pratique. Et, comme je l'ai évoqué tout à l'heure, nos étudiants viennent rarement chez nous chercher un diplôme, en particulier, là, 80 % d'étudiants qui sont en organisation ne viennent pas chercher un diplôme, ils viennent chercher une formation pertinente. Et le message qu'ils nous lancent partout, dans tous les cours et à tous les professeurs, est toujours le même: À quoi cela sert-il? Et le défi, c'est d'arriver à convaincre nos étudiants que les modèles, les perspectives, les outils qu'on leur propose sont des outils qui vont avoir, à court, à moyen et à long terme une résonnance dans leur milieu. Le test de la pertinence, c'est d'abord celui-là.
C'est aussi le test de la pertinence en matière de recherche. Nous pensons qu'une école d'administration publique doit contribuer aux débats publics actuels, avec la distance et le recul nécessaire, mais que nous n'avons pas intérêt à nous réfugier dans une sorte de tour d'ivoire confortable qui consisterait à jouer les gérants d'estrade, de l'extérieur. Il nous arrive de jouer les gérants d'estrade, mais sur les enjeux actuels, et nous pensons que ça aussi, en matière de recherche, nous avons intérêt à être pertinents.
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(10 h 10)
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Ça a aussi orienté nos efforts en matière de développement de la recherche. Pendant des années, on a considéré que notre performance en recherche subventionnée était un peu faible, en oubliant que notre performance en matière de recherche commanditée et en matière de production d'ouvrages ? qui ne sont pas très valorisés, dans la communauté universitaire, mais qui étaient beaucoup lus par les administrateurs publics ? correspondait à notre mission d'influence, je dirais, dans le secteur public, et que le test de la pertinence, pour nous, c'est le test de l'influence. Nous avons commencé à le mesurer à travers nos systèmes d'évaluation.
Ce qu'on souhaite, c'est bien sûr que les pairs trouvent que ce que nous faisons est correct, mais que le milieu nous renvoie une image d'une institution utile et nécessaire. Et le jour où nous cesserons d'être utiles et nécessaires au secteur public québécois, il n'y aura pas de raison de maintenir une école comme la nôtre.
M. Reid: Merci.
Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Maskinongé.
Mme Gaudet: Merci, M. le Président. Merci pour la présentation de votre mémoire. En page 8 de votre mémoire, vous nous parlez de la formation créditée et adaptée aux besoins spécifiques d'une organisation. Cette formation est offerte en cohorte fermée. Est-ce que vous croyez que cette formation créditée pourrait être financée au complet par le client institutionnel?
M. Proulx (Marcel): Il faut vous dire que, chez nous, les clients institutionnels ne sont pas de grandes organisations pour qui la formation représente un élément marginal des coûts. Dans le secteur public, nous sommes dans un créneau un peu particulier où, s'il arrivait que nous fassions financer par des clients institutionnels l'ensemble des études, nous nous retrouverions dans la situation où ce que ne verse pas le ministère de l'Éducation devrait être versé par un autre acteur public. Dans le contexte actuel de pauvreté relative du secteur public, nous pensons que ce serait désastreux pour ces programmes.
Ce que nous souhaitons, cependant ? et vous l'avez sans doute lu dans notre mémoire ? c'est d'obtenir la possibilité dans certains cas, lorsque les services que nous offrons sur mesure à des organisations publiques impliquent des coûts de conception, des coûts d'adaptation, des études de cas, des exercices qui sont adaptés au milieu, que dans ce cas-là nous puissions refacturer des frais indirects, pour utiliser le jargon des universités, donc des «frais de scolarité plus», si on veut, qui soient à la mesure de nos coûts. Parce que faire du sur mesure, en formation créditée, ce n'est pas moins coûteux, c'est beaucoup plus coûteux.
Mais je ne vois pas très bien comment un regroupement d'établissements de santé et de services sociaux de la région de Joliette ? pour parler d'un cas qui est un cas réel où nous avons offert une formation sur mesure ? pourrait verser plus que ce qu'il verse déjà pour ses formations sur mesure.
Le Président (M. Kelley): Ça va? M. le député de Charlesbourg.
M. Mercier: Merci, M. le Président. Madame, messieurs, bienvenue à nouveau à l'Assemblée nationale et devant cette commission parlementaire. J'aimerais aborder, puisque vous avez abondamment parlé tout à l'heure, lors de votre allocution, de répondre aux besoins où ils se trouvent... du volet international, soit marginal, à ce que vous disiez à la page 3 du mémoire. Et j'ai peut-être trois petites questions que je vais vous défiler en cascade ou en rafale.
Vous dites effectivement, dans ce paragraphe, que, bon, il y a de la formation non créditée et créditée, à distance également, notamment, et que «ces activités ne sont pas subventionnées par le ministère de l'Éducation». Et c'est ce que j'ai retenu. J'aimerais d'abord que vous nous donniez des exemples de formation à distance. Et j'aimerais également, peut-être, savoir s'il y a une quelconque collaboration avec la TELUQ, puisqu'elle se spécialise à ce niveau. Et également j'aimerais savoir quel organisme assume les coûts de la formation créditée pour ces projets sur la scène internationale, et j'aimerais peut-être avoir des exemples.
M. Proulx (Marcel): Jusqu'à maintenant, les programmes que nous avons offerts à l'international ont été financés par l'Agence canadienne de développement international, l'ACDI. Nous l'avons fait un peu partout dans le monde, selon un mode qui est un mode en présentiel et généralement pas crédité. Jusqu'à maintenant, ce qu'on a fait, c'est essentiellement de la formation de formateurs en administration publique, donnant un effet de levier, plus des interventions ponctuelles.
La formation créditée est apparue récemment dans notre offre de formation internationale, il y a quatre ou cinq ans, de mémoire, pour la formation, en collaboration avec l'Université de Sherbrooke, au Mali, à une clientèle d'administrateurs fiscaux d'un ministère malien, où nous avons expérimenté une formule intéressante où nous commencions la formation à distance, expédiant les textes, tout ce qui est matériel préparatoire, envoyant un professeur pendant une dizaine de jours animer les groupes, réfléchir, travailler ensemble, laissant des travaux et continuant le travail à distance, par échanges.
Et cette formule nous est apparue si fructueuse que nous avons demandé une subvention à la fois dans le cadre d'un programme important de l'ACDI, mais aussi un financement de Valorisation-Recherche Québec pour concevoir entièrement à distance un programme... la moitié de notre programme de maîtrise ? un D.E.S.S., dans notre jargon ? à l'intention de l'international. Nous sommes actuellement à concevoir ce programme. Il y en a pour à peu près un tiers. Les subventions de Valorisation-Recherche Québec nous obligeaient à avoir un partenaire privé, ce qui fait que nous avons recours à un partenaire privé plutôt qu'à Télé-université. Mais toutes les formes de collaboration en ce domaine sont valorisées. Avec la taille que nous avons, nous devons faire avec les collaborations.
Nous avons aussi un financement... nous avons obtenu un financement assez rare de la part de l'agence britannique d'aide au développement, pour faire de la formation des administrateurs publics au Rwanda, dans un contexte que vous savez difficile, et nous venons d'obtenir une nouvelle subvention de l'ACDI pour continuer ce type de formation à distance au Rwanda. Dans le cas de la première formation, il s'agissait d'une transformation majeure de l'administration publique, une nouvelle loi de l'administration publique, de nouvelles exigences, et c'est nous qui avons remporté la compétition, par rapport à des firmes... en compétition avec des firmes britanniques, donc nous n'en étions pas peu fiers. Et l'expérience a été utile, puisque le gouvernement rwandais a demandé à ce que nous continuions, et nous le faisons avec des fonds de l'ACDI.
Pour l'avenir, nous comptons avoir recours davantage au financement d'organismes internationaux, souvent plus généreux et qui nous permettent de démultiplier notre action, parce qu'on voit les limites du financement par l'ACDI. Mais je dois dire que, dans ce domaine, notre position est ferme: nous ne détournerons pas de fonds qui devraient être consacrés à la formation au Québec pour faire de la formation à l'international; nous pensons que l'international doit être fait ? tout en étant généreux ? sur une base d'affaires.
M. Mercier: Merci.
Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Taillon.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, ça me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue à mon tour à cette commission, au nom de ma formation politique. Je veux remercier le ministre pour avoir souligné l'honneur qui m'a été rendu hier soir et dont je suis très fière. Je l'en remercie. Et je veux, par votre intermédiaire aussi, féliciter votre sous-ministre, qui a reçu la même reconnaissance.
Bon. Alors, je veux revenir sur votre mémoire, à quelques questions un peu plus pointues ou plus générales, c'est selon, sur la question évidemment du financement lié à l'accessibilité.
À la page 6 de votre mémoire, vous identifiez un certain nombre de... c'est-à-dire, pendant les pages qui précèdent, vous identifiez un certain nombre d'exemples quant à la souplesse dans les règles d'évaluation de la qualité comme de la performance des universités, et vous nous dites: «L'ENAP propose en ce sens qu'en matière d'évaluation comme de financement des universités, on s'appuie non seulement sur des indicateurs qui conviennent à l'ensemble des établissements, mais également sur des indicateurs conformes à la situation et à la réalité de l'école, [...] donc aptes à traduire l'atteinte des objectifs et des engagements qu'elle s'est fixés.» Moi, ma préoccupation, c'est de voir comment concrètement cela peut s'appliquer. Est-ce que vous avez développé un modèle? Est-ce que vous avez élaboré un certain nombre de critères? Qu'est-ce que vous nous suggéreriez pour pouvoir répondre adéquatement à ce que vous souhaitez à cet égard?
M. Proulx (Marcel): Nos remarques à ce sujet concernaient principalement toute la question de la reddition de comptes. Nous considérons ? puisque nous l'enseignons dans nos formations, nous pensons que nous devons le pratiquer ? qu'il est important que les établissements publics, quels qu'ils soient, rendent des comptes de l'utilisation qu'ils font des fonds publics et rendent des comptes de la réalisation de leurs objectifs.
Ce qui nous a inquiétés, à une certaine époque, c'était le danger qu'on nous impose des objectifs qui s'appliquaient à d'autres établissements et qui s'avèrent moins pertinents chez nous. Je pense ici au taux de diplomation, par exemple. Il est assez classique d'évaluer les universités sur leur taux de rétention d'étudiants, sur leur taux de diplomation ? pour utiliser un terme qui n'est pas très français. Chez nous, dans la mesure où nos clientèles sont à temps partiel et ne souhaitent pas toujours obtenir un diplôme, souhaitent apprendre, faire des choses, ils sont dans des situations professionnelles, sinon personnelles, qui font en sorte que la poursuite des études le soir à temps partiel est quelque chose d'assez lourd.
Si on nous fixe un barème d'évaluation, un critère d'évaluation fondé sur le taux de rétention, nous pensons que ça ne tient pas compte de notre situation particulière. Nous avons indiqué, dans notre mémoire, que notre taux de rétention est de l'ordre de 80 %, mais ça ne s'applique qu'à nos étudiants à temps complet, qui sont des jeunes, et pour lesquels les critères applicables aux autres s'appliquent chez nous.
n(10 h 20)n C'est dans cet esprit que nous avons un peu rapidement brossé cette idée d'une évaluation fondée sur nos propres plans stratégiques. Notre plan stratégique comportera un ensemble d'objectifs que nous nous sommes fixés, avec un ensemble d'indicateurs, et nous souhaitons que, pour l'avenir, la reddition de comptes que nous ferons ? de bonne grâce ? s'appuie sur nos propres objectifs. Il y a des objectifs plus difficiles à mesurer, celui de la pertinence par exemple, mais on pourrait s'attendre à ce que notre pénétration dans le milieu soit considérable.
Nous faisons des efforts considérables, et nous pouvons en témoigner, pour accentuer notre présence, notamment, dans la région de Gatineau actuellement, où nous pensons que nous n'avons pas été suffisamment présents. Nous pensons qu'on doit, avec l'enseignement à distance, être plus présents dans l'Est du Québec, en collaboration, en partenariat avec d'autres établissements, et nous souhaitons être évalués là-dessus. Et ce n'est qu'un échantillon des indicateurs que nous souhaitons voir intégrés dans notre reddition de comptes.
Mme Marois: Ce serait en quelque sorte un contrat de performances particulier, qui vous serait particulier. Est-ce que vous iriez jusqu'à dire: Voilà, je prépare mon plan stratégique, je le dépose au ministère, je le discute, je le négocie, à la limite, et par la suite je rends les comptes en fonction de ça et le reste suit? Est-ce que vous seriez prêts à aller jusque-là, ou c'est la perspective dans laquelle vous vous situez à l'heure actuelle?
M. Proulx (Marcel): C'est la perspective générale dans laquelle on se situe par rapport à notre propre conseil d'administration, qui nous demande de rendre des comptes dans cette perspective. Et nous serions assez à l'aise de rendre des comptes effectivement sur la base des objectifs que nous nous sommes nous-mêmes fixés.
Mme Marois: Et donc ça répondrait à ce que vous souhaitez qui soit retenu pour tenir compte de votre particularité et de la spécificité de votre clientèle?
M. Proulx (Marcel): Dans l'esprit de la chose, oui.
Mme Marois: D'accord. Je pense que ça vient éclairer encore mieux ce que vous apportez dans votre mémoire.
À la page 8, vous faites aussi une recommandation ou une proposition qui va un peu dans le sens de la discussion qu'on vient d'avoir, je crois. On dit: «L'école propose [...] qu'on considère les particularités de sa clientèle et de ses méthodes d'enseignement dans la pondération des disciplines et qu'on lui accorde un facteur équivalent aux sciences humaines.» Remarquez que les HEC sont venus en nous faisant la même démonstration ou la même recommandation pour ce qui est de l'administration. J'aimerais que vous m'explicitiez davantage ce que ça signifie pour vous et quelles analyses vous avez faites pour arriver à cette conclusion-là.
M. Proulx (Marcel): Vous savez que la formule de financement des universités est une formule complexe, c'est un équilibre extrêmement délicat, et nous avons beaucoup de sympathie pour ceux qui ont à la définir et à la mettre en équilibre. Cependant, en ce qui nous concerne, comme nous sommes assimilés aux sciences de l'administration, nous considérons que la méthode actuelle, qui implique qu'on finance les universités sur la base des coûts observés, nous met dans une situation un peu injuste dans la mesure où, pour toutes sortes de raisons que nous comprenons bien ? et nous sommes tout à fait solidaires de nos collègues des HEC ? dans les grands établissements, en gestion, le nombre d'étudiants dans les classes est très sensiblement plus élevé que ce que nous pratiquons, de sorte que les coûts observés en sciences de l'administration sont beaucoup inférieurs à nos coûts réels à nous.
Et, si on nous applique de façon quasi mécanique ? et je comprends qu'on doive le faire, à certains moments ? mais quasi mécanique la règle selon laquelle, bien, mutatis mutandis, faire de la formation aux HEC et faire de la formation à l'ENAP, c'est la même chose, nous nous retrouvons dans une situation très difficile, parce que nous maintenons nos clientèles étudiantes, nous ne mettons pas plus de 25 étudiants dans une salle de cours, nous utilisons des méthodes qui sont assez coûteuses et, d'une certaine manière, nous nous apparentons bien davantage à ce qu'on fait en relations industrielles qu'à ce qu'on fait actuellement, peut-être forcés et contraints, dans les grands établissements qui donnent des formations du MBA.
Donc, peut-être une prise en compte de nos particularités qui ferait que nous ne serions pas mécaniquement assimilés aux sciences de l'administration, à moins que les choses ? et on le souhaite ? que les choses changent beaucoup pour le financement des programmes de MBA.
Mme Marois: Je comprends. Il faudrait que ce soit encore amélioré pour les MBA, pour que vous ayez à ce moment-là un effet de retombées comparable, où on vous traite en tenant compte de vos particularités. Et je pense que c'est quand même assez bien démontré aussi dans votre mémoire et dans votre présentation.
Une brève question encore, M. le Président, et mon collègue voudrait pouvoir intervenir aussi. Vous faites référence dans votre mémoire au fait que vous utilisez de plus en plus... ou que vous souhaitez le faire, utiliser les moyens de formation à distance. On va recevoir, dans quelques minutes, là, ou dans les heures qui viennent, les représentants de la TELUQ. Est-ce que vous avez des partenariats avec la TELUQ en ce sens-là, ou vous développez vous-même vos propres outils pédagogiques ou didactiques pour assurer cette formation à distance? Et est-ce que c'est très développé, ces outils, chez vous?
M. Proulx (Marcel): C'est encore tout à fait embryonnaire, comme je vous le disais. C'est d'abord à l'intention de l'international, parce que nous avons trouvé le financement pour concevoir des cours à distance. C'est extrêmement... Faire de la bonne distance, en particulier par voie électronique, c'est extrêmement coûteux. Et nous avons obtenu une subvention qui nous amenait explicitement à n'avoir recours qu'au secteur privé, c'est une des particularités de notre système.
Nous souhaitons par ailleurs aller chercher l'expertise là où elle se trouve, et en particulier chez les collègues des autres établissements du réseau de l'Université du Québec que l'université certes, mais aussi l'Université du Québec à Trois-Rivières, qui a une bonne expertise dans ce domaine. Et tous ceux qui pourront contribuer à notre offre de formation seront les bienvenus, en particulier ceux qui ont déjà commencé à organiser, à préparer des cours qui sont compatibles avec la formation que nous donnons, donc, en sciences de la gestion. On n'a pas toujours trouvé, à Télé-Université, ce qu'il nous fallait, on n'avait pas toujours les sous... En fait, on n'avait pas les sous, dans le passé, pour financer ce genre d'opération, de sorte que nous avons été relativement discrets. Nous serons plus actifs dans l'avenir.
Mme Marois: D'accord. Merci.
Le Président (M. Kelley): M. le député des Îles-de-la-Madeleine.
M. Arseneau: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, je suis heureux de vous souhaiter la bienvenue à l'Assemblée nationale.
Vous abordez, dans votre mémoire, à la page 7, la question du financement puis de la stabilité en termes de prévision, de capacité, là, de prévoir et de planifier les revenus que vous aurez. Et vous abordez aussi le caractère national, enfin, de l'ENAP et vous pensez au mode de fonctionnement multicampus, et en fait toutes les installations qui vous seront nécessaires, et tout ce que ça coûte pour donner la formation en ligne, la formation à distance. Vous avez parlé des Îles-de-la-Madeleine. C'est très bien, on est très heureux de cela. Mais, en même temps, vous dites que ça vous pose des problèmes de gestion ? alors, si, vous, vous avez des problèmes de gestion, on peut penser que les problèmes sont sérieux. Alors, vous parlez de l'enveloppe qui vous est dévolue et que l'enveloppe qui vous est accordée pour votre mission particulière est susceptible d'une remise en question à chaque ronde de financement, d'où l'instabilité.
Alors, ma question est la suivante. Comme vous plaidez pour votre horizon de cinq ans... Je ne veux pas nécessairement aider le ministre de l'Éducation, ce n'est pas mon rôle et ma fonction, mais, quoiqu'on a les mêmes préoccupations, on peut, hein, souhaiter aussi lui donner un coup de main. Mais, vous savez, l'Assemblée nationale du Québec a adopté hier une motion unanime dénonçant et demandant au gouvernement fédéral canadien de reconnaître le déséquilibre fiscal et, par le fait même, de régler cette question de déséquilibre fiscal. C'est unanime dans cette Assemblée nationale.
Alors, ma question est la suivante: Est-ce que vous pensez que le gouvernement du Québec, que le ministre de l'Éducation a une marge de manoeuvre de ce côté-là? Comment vous conciliez votre recommandation, votre demande et la marge de manoeuvre ou la problématique avec laquelle est pris le ministre de l'Éducation? C'est une question... je sais qu'on la pose à des gestionnaires.
M. Proulx (Marcel): Est-ce que je pourrais dire que nous avons beaucoup de sympathie pour le ministre de l'Éducation et de la situation, qu'on comprend difficile, dans laquelle se retrouvent tous les ministres d'Éducation, d'ailleurs, et tous les ministres, de façon générale, lorsqu'il s'agit de réclamer davantage de budget pour le secteur qui est le leur? Et c'est vrai qu'il est tentant d'avoir l'air ou de présenter l'image de gens qui demandent plus d'argent sans se poser la question d'où va venir cet argent.
n(10 h 30)n Par ailleurs, il faut bien dire que nous sommes, en ce qui nous concerne, dans une niche écologique vulnérable. Nous sommes doublement affectés par les difficultés financières des gouvernements: d'une part, parce que ça affecte le financement universitaire, d'autre part, parce que ça affecte nos clients. Nous ne sommes que dans le secteur public et nous n'avons pas de position de repli, comme d'autres types d'établissement qui se disent: Le jour où le gouvernement aura plus de mal à financer certains secteurs, où l'emploi dans le secteur public aura l'air temporairement moins attrayant parce qu'il y a un gel d'effectifs ? qu'on comprend par ailleurs ? bien, nous nous réfugierons dans le secteur privé ou dans les clientèles du secteur privé. Nous n'avons pas cette possibilité puisque 100 % de notre financement, même si on a 45 % de financement autonome, 100 % de notre financement ou à peu près vient de l'État, d'une façon ou d'une autre.
Donc, je ne voudrais pas avoir l'air ? et je pense que, si je l'avais, je serais sans doute célèbre ? de dire: Nous avons la solution à tous les problèmes de financement du secteur de l'éducation. Malheureusement, nous n'avons pas la solution miracle et nous sommes forcés de dire: Nous parlons de notre situation, nous souhaitons, en ce qui nous concerne, qu'on puisse avoir une sorte de stabilité. Puis, en même temps, comme spécialistes de l'administration publique, nous savons bien que le principe de base, dans l'administration publique, c'est celui de l'annualité des budgets et que, tous autant qu'on l'est, nous sommes dépendants de ce phénomène. Mais, si on pouvait trouver quelque part, et pas seulement dans le secteur de l'éducation, mais ailleurs, une façon d'avoir des budgets qui soient en plus longue période, ce serait certainement, dans le secteur de l'éducation, un baume sur... je n'ose pas dire sur nos blessures, mais ce serait une solution à certains de nos problèmes.
Parce que, actuellement, nous recrutons massivement, parce que nous en avons eu les moyens grâce à nos augmentations de clientèles, parce que nous avons fait ce qu'il fallait, et nous nous inquiétons de ce qui pourrait arriver si les financements baissaient alors que nous avons créé des dépenses structurelles. Nous ne voudrions pas nous retrouver dans la situation qui serait la situation d'une entreprise prudente, qui consiste à dire: Ne recrutons pas, de grâce, parce qu'on ne sait pas ce que sera l'avenir. Nous parions sur l'avenir et nous parions sur le fait que la société québécoise valorise ses universités, en a besoin, et nous nous croisons les doigts.
Mme Marois: Merci.
Le Président (M. Kelley): Alors, merci beaucoup. Nous avons noté vos commentaires sur l'imputabilité, parce que c'est devant cette même commission que vous êtes imputables, alors... Et le travail que l'ENAP... J'ai déjà participé, comme président de la Commission de l'administration publique, au colloque à l'ENAP sur le développement des indicateurs de performance, alors nous avons bien noté vos commentaires. Et, si vous avez des solutions qui peuvent aider les membres de la commission à mieux encadrer notre exercice d'imputabilité, ces commentaires sont toujours les bienvenus. Alors, merci beaucoup pour cette présentation ce matin.
Et, sur ce, je vais suspendre quelques instants. Et j'invite les représentant du Conseil du patronat de prendre place, s'il vous plaît.
(Suspension de la séance à 10 h 32)
(Reprise à 10 h 36)
Conseil du patronat du Québec (CPQ)
Le Président (M. Kelley): Alors, bienvenue aux représentants du Conseil du patronat du Québec, qui, je pense... Ce n'est pas la première fois que vous avez présenté un mémoire devant une commission à Québec. Alors, encore une fois, bienvenue. Et, sans plus tarder, je vais céder la parole à son président, M. Taillon, Gilles Taillon.
M. Taillon (Gilles): Merci beaucoup, M. le Président. Je vais vous présenter d'entrée de jeu les gens qui m'accompagnent: donc, à ma gauche, Mme Diane Bellemare, qui est vice-présidente recherche, au conseil; à ma droite, Me Anne Le Bel, qui est vice-présidente aux communications, au développement stratégique.
Alors, ça nous fait grandement plaisir d'être avec vous. Nous voulons vous remercier, la Commission de l'éducation, de nous donner la possibilité de faire connaître le point de vue du milieu des affaires sur les universités au Québec. Je ne ferai pas la lecture du mémoire. Je vais y aller d'une synthèse, pour ensuite qu'on puisse échanger ensemble sur le mémoire lui-même.
Alors, le défi auquel nous convie le document ministériel, dans le fond, c'est un peu comment assurer un enseignement universitaire de classe mondiale, augmenter l'accessibilité, le tout dans une conjoncture de capacité limitée du gouvernement d'investir davantage. C'est tout un défi qui nous est posé là. Et, dans notre programme d'action, au Conseil du patronat du Québec, un programme d'action qui a été adopté par l'ensemble de nos instances, nous avons fait une place de choix à l'éducation, à la nécessité de faire de l'éducation une priorité si on veut permettre de prospérer dans un contexte d'environnement mondial de forte concurrence. Ça devient la valeur ajoutée essentielle au développement de l'économie du Québec. Donc, vous comprenez l'intérêt que l'on porte ce matin à la cause de l'éducation, et vous allez le ressentir dans notre présentation.
Avant de vous présenter les éléments de solution que nous avançons, nous aimerions, M. le Président, faire deux observations, deux observations préalables, donc. La première pour signifier un certain inconfort de notre part à aborder la qualité et le financement de l'éducation sous l'angle universitaire uniquement, plutôt que dans un cadre plus global. À notre point de vue, un débat sur le financement universitaire en appelle un autre sur le financement de l'ensemble de notre système, puisqu'il s'agit, on le sait bien, de vases communicants, au plan gouvernemental à tout le moins. De plus, pour les entreprises, la formation des travailleurs qualifiés n'est pas l'apanage exclusif du réseau universitaire. Il faut parallèlement accroître la fréquentation des secteurs de la formation professionnelle et technique, puisque nous traînons de la patte à ce chapitre par rapport aux autres pays de l'OCDE.
La pénurie qui est déjà à nos portes dans plusieurs métiers menace la capacité de concurrencer de nos entreprises, principalement les PME, qui ont plus de difficultés à retenir les diplômés de la formation professionnelle et technique que les grandes entreprises, qui sont capables de payer davantage. Et, à notre point de vue, insister trop et uniquement pour accroître la part du financement du gouvernement dans le réseau universitaire pourrait compromettre notre capacité d'investir en formation professionnelle et technique.
À la fin de notre présentation, nous reviendrons sur cette question avec une proposition que nous croyons réconciliatrice. Voilà pour la première observation.
n(10 h 40)n Deuxième observation. Dans l'actuelle situation budgétaire du Québec, le maintien du discours du gel des droits de scolarité est un non-sens. Il nous apparaît évident que les universités québécoises ont atteint un point de déséquilibre entre les services qu'on leur demande de livrer et le financement qu'on leur accorde. Ce manque à gagner, tel que l'a démontré la Conférence des recteurs et des principaux d'université du Québec ? une association qui est membre du Conseil du patronat ? donc le manque à gagner s'établit à 375 millions de dollars pour espérer une certaine parité avec les autres provinces canadiennes.
Compte tenu du piège budgétaire dans lequel se dépêtre le gouvernement du Québec, c'est un véritable non-sens que les partis politiques du Québec restent prisonniers d'une promesse de geler les frais de scolarité sans aucune possibilité d'une plus grande participation des étudiants, à moins que, pour maintenir le statu quo, on soit prêt soit à laisser se déqualifier et se dégrader l'enseignement universitaire, qu'on soit prêt soit à revoir le fonctionnement du réseau universitaire, notamment une dérégionalisation ou une rationalisation des programmes, ou soit qu'on soit prêt à accroître davantage le fardeau fiscal des particuliers et des entreprises.
Plutôt que ces scénarios catastrophes, nous avançons, nous, des solutions de trois ordres. Une première solution serait une augmentation simultanée des frais de scolarité et des prêts et bourses. À notre point de vue, il faut augmenter le financement des universités par une hausse progressive des droits de scolarité et rejoindre, sur un certain nombre d'années, la moyenne canadienne. Parallèlement et comme condition sine qua non à l'amélioration de l'accessibilité, le système de prêts et bourses du Québec doit être modifié et bonifié. Comme plusieurs pays de l'OCDE, le gouvernement peut opter pour une formule variable qui tienne compte à la fois du coût réel de certains programmes de formation et de remboursements de prêts sur une période plus longue, compte tenu du revenu moyen futur des diplômés à leur entrée sur le marché du travail.
Notre proposition d'augmentation tant des frais que des prêts, dans une proportion qui resterait équivalente à la situation actuelle, pourrait amener des revenus nets supplémentaires de plus de 300 millions dans les universités, une fois pris en compte les coûts de bonification du régime des prêts et bourses ? environ 300 millions de dollars, donc au net. Voilà pour le premier ordre de solutions.
Deuxième ordre de solutions: le soutien de mesures propres à favoriser l'accessibilité. Et nous avons ici cinq ou six suggestions, qui se retrouvent bien sûr dans notre mémoire. D'abord, cibler et avantager, dans les programmes de prêts et bourses, les clientèles démunies. Deuxièmement, assortir le versement des prêts et bourses à une obligation de réussite. Contrer, donc, ce qui constitue, pour le système d'éducation, un étalement sans diplomation extrêmement perturbateur pour les coûts de système. Ça aurait un deuxième effet, c'est qu'on conscientiserait davantage les étudiants et on éviterait sans doute un endettement, qui peut être douloureux pour les années futures, des étudiants diplômés. Troisième mesure propre à favoriser l'accessibilité, assouplir les conditions de remboursement, donc étaler sur une plus longue période. Quatrième piste de solution dans la volonté d'améliorer l'accessibilité ? et le ministre de l'Éducation connaît bien ce type de programmes ? c'est favoriser la mise en place de programmes travail-études, enseignement coopératif. C'est bon pour l'entreprise, c'est bon pour l'étudiant: ça permet à l'étudiant d'obtenir une rémunération et ça permet aux entreprises, directement, de participer au financement de l'enseignement universitaire. Cinquième ordre de solutions pour favoriser l'accessibilité aux études et à la diplomation, c'est développer une offre de formation continue sur les lieux de travail, mieux adaptée aux besoins des entreprises et des travailleurs.
Bref, nous vous disons: Dans ce domaine, il faut sortir d'un créneau qui est beaucoup trop scolaire, à la fois dans la reconnaissance des acquis, dans la dispensation de l'enseignement et dans les lieux de dispensation. Voilà la deuxième série de mesures que nous préconisons.
Troisième solution possible et souhaitable: c'est la mise à niveau de notre système d'éducation avec ceux des autres provinces et des autres pays. Et, à cet effet, nous pensons qu'il y a lieu de revoir en profondeur notre système, notre structure du système d'enseignement. Il y a eu plusieurs aménagements, au cours des 40 dernières années, beaucoup de réformettes, mais pas de réforme en profondeur. Et ce que nous proposons, c'est une réforme de la structure de notre système d'enseignement, de l'ordre primaire-secondaire jusqu'à l'ordre de l'enseignement supérieur, comme solution possible à la mise à niveau et, comme je vous l'annonçais d'entrée de jeu, dans une perspective de réconcilier les besoins des différents ordres d'enseignement.
Donc, ce que nous souhaitons que le ministre, que le gouvernement et bien sûr que l'ensemble des partis politiques abordent, c'est une réforme donc qui entraînerait une année additionnelle de formation générale au secondaire qui serait préparatoire aux études supérieures, universitaires; la disparition des deux années de formation générale au cégep; le renforcement des cégeps, collèges communautaires et institutions d'enseignement supérieur responsables entièrement de la formation professionnelle et technique, avec possibilité de décerner des baccalauréats dans certaines spécialités techniques ? donc, un peu les collèges communautaires des provinces voisines et des États-Unis; et bien sûr le relèvement progressif des droits de scolarité universitaires à la moyenne canadienne, avec un ajustement correspondant des prêts et bourses, tel qu'on l'a souligné tantôt.
Ces diverses modifications, à notre point de vue, rendraient nos universités concurrentielles, seraient de nature à valoriser la formation professionnelle et technique comme programme d'enseignement supérieur et non plus comme une formation de seconde zone, particulièrement pour la formation professionnelle. Elles feraient économiser, dans la pratique, une année de scolarité au trésor public et une année d'endettement aux parents et aux étudiants.
M. le Président, voilà en synthèse l'essentiel de nos propos eu égard aux questions posées par le document ministériel.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Taillon. Je vais maintenant passer à la période d'échange. Alors, peut-être deux blocs de 10 minutes, pour faire l'alternance, compte tenu de l'heure. Alors, je vais commencer un premier bloc de 10 minutes à ma droite, avec le ministre de l'Éducation.
M. Reid: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord souhaiter la bienvenue à M. Taillon et à son équipe et souligner aussi l'implication de M. Taillon, de longue date, en éducation. Je l'ai connu, pour ma part, il était directeur général d'une commission scolaire, et donc il connaît bien cet environnement-là. Il connaît aussi bien l'environnement des cégeps parce qu'il a été longtemps impliqué. Et je pense qu'il connaît bien aussi l'environnement universitaire pour s'être impliqué dans de nombreux programmes ou de nombreuses initiatives.
Il y a deux questions qui m'intéressent beaucoup et qui se touchent. D'une part, vous annoncez, vous ne proposez pas, mais vous annoncez que la régionalisation des universités ou la présence des universités en région est quelque chose qui risque de disparaître ou de s'amenuiser au profit d'universités plus centrales. Et je vais simplement lire là-dessus pour voir si on a bien compris. À la fin de la page 8, vous dites: «Ou encore, le Québec devra procéder ? alors on parle de choix, là ? à des choix difficiles et remettre en question la régionalisation des établissements d'enseignement. L'exode de la population des régions et la polarisation des fonds publics pour subvenir aux centres universitaires en croissance dans les grands centres paraît inévitable.» Alors, j'aimerais que vous élaboriez un petit peu là-dessus.
Et on ne peut pas s'empêcher de faire le parallèle entre ça et la recommandation que vous faites de revoir en profondeur la structure de la formation au Québec, et, entre autres choses là-dedans, bon, d'intégrer la formation professionnelle, formation technique, de lui donner plus d'importance, et également de permettre aux collèges, dans cette idée-là, de progresser, et pour certains d'entre eux du moins, vers des formations universitaires. En particulier, vous avez mentionné formations universitaires dans des filières techniques, des bacs, par exemple, vous avez dit. Avec la Fédération des collèges et d'autres intervenants, il a été aussi mention que, dans certains environnements mais régionaux ? parce que les cégeps sont bien répartis ? il y aurait des possibilités pour que la clientèle étudiante ne commence pas son exode en allant suivre un bac ailleurs, que certains bacs pourraient être faits dans un contexte de cégep ou par des cégeps, un peu dans la formule que vous mentionnez de collèges communautaires qu'on retrouve un peu partout au Canada et même aux États-Unis. Et, entre les deux, il y a comme une apparente contradiction, à moins que ce soit une complémentarité.
Autrement dit, vous prévoyez que des universités qui sont situées en région risquent à un moment donné de devoir faire l'objet de choix, et, sans le proposer, mais vous entrevoyez que ça fait partie des choix que le gouvernement du Québec aura peut-être à faire dans les années qui viennent, étant confronté à cette question de dénatalité, et, d'autre part, les collèges, qui pourraient être traités de la même façon, si on regarde... autrement dit, il y aurait des choix à faire, parce que les collèges subissent aussi la dénatalité de façon importante, mais qui seraient appelés peut-être à jouer un rôle, dans certains secteurs, de petites universités. Est-ce qu'il y a complémentarité? Ou peut-être... Éclairez-moi sur cette question-là et les deux aspects, là, qui... l'un semble dire: On va concentrer, et l'autre semble dire: On va décentraliser un certain nombre d'activités de nature plus universitaire, si on restructure le système.
n(10 h 50)nM. Taillon (Gilles): Alors, M. le Président, en fait, situons bien le contexte de ce que vous avez cité à la page 8, M. le ministre. D'abord, nous disons: Dans un contexte du maintien du gel des droits de scolarité et d'une situation financière gouvernementale difficile, on pourrait envisager des réformes du réseau universitaire qui entraîneraient peut-être une remise en cause de la régionalisation, qui pourrait entraîner une remise en cause des programmes dispensés dans les centres urbains.
Mais je vous ai dit très rapidement, d'entrée de jeu: C'est une situation catastrophe à laquelle nous ne souscrivons pas. Nous pensons qu'il y a d'autres solutions, notamment le dégel des droits de scolarité. Je suis conscient du contexte politique dans lequel les partis sont placés, mais il nous appartient, je pense, de vous inviter, sur un horizon de moyen terme, à revoir ces questions-là. Donc, il y a cela.
Mais il y a aussi une réforme possible de notre système d'enseignement qui permettrait, là, d'accentuer, même, la régionalisation sans remettre en cause la régionalisation de l'Université du Québec, par exemple. Dans les secteurs où il n'y a pas d'universités, on pourrait utiliser les collèges communautaires ou les cégeps pour dispenser bien sûr l'ensemble de la formation professionnelle et technique ? ce serait leur mission de base ? mais accessoirement, dans les milieux où il n'y a pas de présence régionale d'universités, on pourrait offrir les premières années de baccalauréat, bien sûr, en maillage avec des universités.
À l'époque où on étudiait, nous, on se rappelle que les baccalauréats ès arts étaient des diplômes universitaires dispensés dans les collèges classiques qui étaient affiliés à des universités. Donc, on dit, nous: Il faut peut-être revenir à une situation comme celle-là qui éviterait d'en venir à des situations que j'appelle catastrophes, de remise en cause de la régionalisation ou de rationalisation à outrance des programmes, qui finissent par enlever une capacité de choix aux étudiants, ce qui serait à notre avis dommageable à l'enseignement universitaire, qui éviterait aussi la concurrence qui est peut-être saine dans le domaine de la formation supérieure.
M. Reid: Merci. C'est bon. Ça éclaire.
Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Maskinongé.
Mme Gaudet: Bonjour. Merci pour votre présentation. À la page 11 de votre mémoire, vous suggérez d'augmenter les frais des étudiants étrangers, à l'instar de la London School of Economics, afin d'augmenter la qualité de l'enseignement universitaire. Sur quoi vous basez-vous pour affirmer que les étudiants étrangers seraient prêts à payer considérablement pour poursuivre leurs études au Canada? Les grandes universités internationales comme Oxford, Harvard ne sont-elles pas des cas particuliers?
Le Président (M. Kelley): M. Taillon.
M. Taillon (Gilles): Alors, M. le Président, je vais demander à notre vice-présidente recherche de vous éclairer un peu là-dessus. C'est évident qu'on ne pense pas, au Québec, qu'on puisse aller aux frais de scolarité qui sont demandés dans ces grandes écoles là. Mais on pourrait... Évidemment, on citait cela un peu comme un exemple, qu'on pourrait y aller dans un sens qui nous rapproche de cela. Mme Bellemare.
Mme Bellemare (Diane): Oui, c'est ça. C'est un peu pour faire un peu... exactement comme font aussi les autres provinces, peut-être avoir un petit peu moins d'exemptions pour les étudiants étrangers, et puis relever ces frais de scolarité là. Parce que actuellement, bon, dans certains cas, il y a comme une subvention par en arrière, là, des étudiants étrangers. Donc, c'est une invitation à regarder cette avenue-là dans la voie où on vise à augmenter les frais de scolarité à ceux de la moyenne canadienne. Donc, si on veut y aller progressivement, bien on a peut-être des ajustements à regarder de ce côté-là.
M. Taillon (Gilles): Les ressources additionnelles nous permettraient d'exceller davantage, permettraient aux universités d'exceller davantage. On serait davantage attractif pour les milieux étrangers. Alors donc, nous, on dit: C'est une combinaison qui est gagnante.
Mme Gaudet: Merci.
Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Taillon.
Mme Marois: Oui. Alors, merci, M. le Président. Je veux vous souhaiter la bienvenue à mon tour, au nom de ma formation politique. Ça me fait plaisir de vous voir là. Votre mémoire soulève beaucoup de questions, questions intéressantes, tire certaines conclusions, certaines avec lesquelles je suis moins en accord, mais on aura l'occasion d'échanger sur cela.
Peut-être une première remarque générale sur les propos que vous avez tenus dans votre présentation tout à l'heure ou en réponse au ministre ? mais je pense que c'est à la fin de votre présentation. Ça m'a semblé un petit peu cavalier comme propos, quand vous dites: On a procédé plutôt à des réformettes, et là maintenant il faudrait procéder à une véritable réforme. Je suis un peu étonnée d'entendre ça, parce que, suite aux états généraux, en 1996, il y a eu des réformes majeures qui ont été engagées, et d'ailleurs qui sont toujours en cours, en train de s'implanter. Je pense à toute la réforme de l'enseignement primaire-secondaire; je pense à toute la politique de formation continue; la politique des universités. Alors, ça m'étonne un petit peu d'entendre cela.
Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas des éléments de nos institutions, des aspects de nos institutions qu'on doit revoir, questionner, puis c'est le sens des discussions qu'on a ici, à cette commission. Mais je vois mal comment on pourrait s'engager dans une autre réforme sans avoir pris en compte les impacts des réformes déjà engagées. Même dans le cas des cégeps, il y a une réforme qui a été engagée au début des années quatre-vingt-dix ? 1992, 1993, 1994 ? dont il faut faire, à mon point de vue, le bilan avant de songer à aller dans une voie différente.
Et surtout que ? et là je vais aborder une question plus pointue ? lorsqu'on questionne les entreprises dans les enquêtes de relance, et vous en êtes, là, et vous connaissez bien cela, M. le président, quand on questionne les entreprises, la réponse qu'ils nous donnent sur le niveau de satisfaction de la formation des travailleurs et des travailleuses qu'ils embauchent, autant au niveau professionnel, au niveau technique qu'au niveau universitaire, est très élevée, généralement est au-deçà de 85 %. On nous identifie des facteurs qui sont plus de l'ordre comportemental, on nous dit: Les gens ont de la difficulté à communiquer, difficulté à résoudre des problèmes complexes, difficulté à faire des synthèses ? hein, je pense que vous connaissez bien ces conclusions-là ? mais, sur la formation, sur le fond des choses, les réponses sont très positives. Alors, je suis un petit peu étonnée de vous entendre à cet égard-là. J'aimerais ça que vous justifiiez vos propos.
Le Président (M. Kelley): M. Taillon.
M. Taillon (Gilles): O.K. Alors, je vais y aller de deux commentaires, puisque je pense que Mme Marois soulève deux questions différentes. La première, où j'ai d'entrée de jeu signifié que je pensais qu'on n'avait pas une réforme de l'ensemble du système mais plutôt des réformes par ordre, je persiste et je signe, je pense qu'on n'a pas fait une réforme majeure. Les états généraux de 1996 ont donné des éléments de réforme importants au niveau de l'enseignement primaire et secondaire, bravo, il ne s'agit pas de remettre ça en question, il s'agit de poursuivre. Mais je ne pense pas qu'on est allé très loin dans une remise en cause de l'ensemble du système et des liens entre les différents ordres, et notre proposition vise davantage cela.
Deux, la réforme du collégial, à l'époque de Mme Robillard, est allée à accorder davantage d'autonomie dans les collèges. Nous souhaitons, nous, dans notre proposition, aller encore plus loin. Et on pense que... On sait déjà ce qu'a donné la réforme Robillard en termes de résultats, on pense qu'il faut aller davantage plus loin. Quand je disais... c'était évidemment synthétique, ma présentation, mais un véritable ordre d'enseignement collégial avec beaucoup d'autonomie pour dispenser des formations de grande qualité de niveau supérieur, je disais: Il faut aller plus loin dans l'autonomie de ces institutions-là. Donc, en fait, il faut revoir l'ensemble sans jeter le bébé avec l'eau du bain, sans jeter les réformes en cours.
Mais les états généraux de 1996, c'est une bonne réforme ? je veux faire plaisir à l'ancienne ministre de l'Éducation, sans doute, mais je partage cela parce que je l'ai vécue, à l'époque, de près ? c'est une bonne réforme pour le primaire-secondaire. Déjà, à Sherbrooke, le ministre en a parlé, on était déjà rendu très près des dispositions de la réforme de 1996, de Mme Marois ? appelons-la «la réforme Marois» ? mais il faut aller plus loin. Là, ça bloque.
n(11 heures)n Deuxièmement, oui, il y a une satisfaction, et nos propres sondages, nos propres déclarations l'ont toujours dit, il y a une satisfaction sur la qualité de la formation. Mais le problème n'est pas là, il n'est pas en termes de qualité, il est en termes de quantité. On manque de diplômés. O.K.? Donc, ceux qui sortent sont bien bons, mais il n'y en a pas assez qui sortent et ça prend trop de temps à voir les diplômés sortir. On le sait, en formation technique, par exemple, après cinq ans, une diplomation à 50 %, bien il y a un effet de pénurie sur les entreprises. Et en général les grandes entreprises qui ont les moyens de payer bien leurs diplômés du collégial réussissent à attirer les finissants, mais ceux qui pâtissent et ceux qui subissent les conséquences sont les petites entreprises, il n'y a plus de diplômés pour elles. Et c'est cela qu'il faut corriger. Et, dans nos sondages des trois dernières années où on nous dit: La qualité de la formation, c'est bon, on nous dit en même temps: Le problème premier, O.K., des entreprises, c'est la qualité de la main-d'oeuvre disponible à engager. Donc, on a... Nous, on réconcilie qu'il en manque. Ceux qui sont là sont bons, mais ça en prend d'autres. Et nos propositions visent à faire en sorte qu'il y ait davantage d'engouement pour la formation professionnelle et technique.
En fait, notre raisonnement, M. le Président, est à l'effet qu'on pense, nous, que, si on sort la formation professionnelle du niveau secondaire, on va inciter ceux qui ont une intelligence plus pratique à être intéressés à l'enseignement supérieur qui va se donner dans un collège. C'est le pari que l'on fait parce que les autres paris qu'on a faits n'ont pas donné les résultats escomptés.
Alors, on a fait beaucoup de campagnes de promotion, on est encore en campagne de promotion, et on dit: Il y a un impact limité à ces campagnes-là, on le sait. Il faut trouver un motif d'attirance, là, d'attraction pour les étudiants, de dire: La formation professionnelle et technique, c'est une formation qui est de niveau supérieur. Je quitte l'école secondaire pour aller ailleurs. C'est ça qui est derrière notre raisonnement.
Mme Marois: Bon. O.K. Alors là, je suis contente de cette précision-là parce que j'avais un petit peu de difficultés à vous suivre tout à l'heure et dans votre mémoire. Je comprends que vous n'êtes pas d'accord avec la proposition qui a été présentée par la Fédération des commissions scolaires mais que vous verriez davantage un rattachement de la formation professionnelle au niveau de l'enseignement collégial ou supérieur, finalement. Est-ce que je conclus ça à tort ou à raison?
M. Taillon (Gilles): Vous avez très bien compris, et vous concluez à raison.
Mme Marois: D'accord. Bon.
M. Taillon (Gilles): En fait, il y a d'excellentes intuitions dans la proposition de la Fédération des commissions scolaires. D'ailleurs, le Conseil du patronat, le président, a été consulté sur ce rapport-là. Nous avons dit: Il y a d'excellentes intuitions, notamment la disparition de la formation générale au cégep, l'introduction d'une année, mais il y a un chaînon manquant, à notre point de vue, eu égard à la formation professionnelle et technique, que j'ai tenté de corriger ce matin. Et nous avions fait les mêmes représentations ? représentations dans le sens que je vous les donne ? à la Fédération des cégeps qui a aussi fait un travail sur le développement de son réseau un peu en parallèle à ce que fait la Fédération des commissions scolaires.
Donc, vous avez bien compris, Mme Marois: Nous sommes dans la ligne de la proposition de la Fédération des commissions scolaires, avec un important bémol.
Mme Marois: D'accord. Je reviendrai plus tard. Votre mémoire ne fait pas du tout état de la contribution du privé au financement des universités. Est-ce que vous avez, sur cette question, une proposition ou des idées à nous présenter? Vous savez qu'il y a certaines associations étudiantes, dont la FAECUM qui a suggéré qu'il y ait un pourcentage de pris sur la masse salariale des employeurs pour financer, entre autres, les fonds de dotation... Il y a toute la question du financement de la recherche, mon collègue reviendra tout à l'heure sur cela. Qu'avez-vous à nous proposer concrètement sous cet angle?
Le Président (M. Kelley): M. Taillon.
M. Taillon (Gilles): Oui, M. le Président. En fait, je l'ai peut-être abordé indirectement, mais je vais répéter, et peut-être qu'on va pouvoir répondre directement à la question. D'abord, nous parlons, nous, de l'importance des programmes coopératifs qui entraînent une contribution importante du secteur privé. Les universités qui ont développé ces programmes-là savent qu'ils se réalisent en conjonction avec le privé, qui obtient un service, bien sûr, mais qui assume un coût. Donc, il y a une contribution directe. Moi-même, comme ancien employeur, j'ai déjà eu recours à ce programme-là. Ça coûte quelque chose, là, ce n'est pas gratuit pour les entreprises. Donc, c'est une première intervention.
Fonds de dotation aussi. On a toujours privilégié, au Conseil, l'adoption de mesures fiscales. On l'avait signalé au gouvernement lors de nos rencontres avec les caucus au cours des dernières années. Permettre, donc, des mesures fiscales qui seraient favorables à la constitution de fonds de dotation.
Une hausse des taxes aux entreprises pour financer davantage l'éducation: dans le contexte concurrentiel dans lequel on est, je vous l'ai dit, on ne le privilégie pas. On ne pense pas actuellement qu'on soit dans une situation où on peut majorer les impôts des particuliers. Je pense que c'est absolument impossible. Du côté des entreprises, on pense qu'on est à peu près à égalité dans la compétition et dans la concurrence, par rapport à la fiscalité des entreprises, avec nos concurrents principaux. Il faudrait plutôt l'améliorer que la détériorer, que détériorer cet avantage compétitif là. Donc, évidemment, toute nouvelle taxe, comme je l'ai lu de certains groupes qui sont venus devant vous, nous apparaît une solution qui a le même niveau de catastrophe que les scénarios de régionalisation des universités ou de rationalisation des programmes. Ça ne nous apparaît pas des avenues à retenir.
Le Président (M. Kelley): Alors, il reste 12 minutes pour le parti à ma droite. Alors, Mme la députée de Chauveau.
Mme Perreault: Oui. Merci, M. le Président. Bonjour à vous trois. Je vais peut-être un peu revenir sur ce que ma collègue la députée de Taillon a... elle est intervenue tout à l'heure. Je comprends de vos propos que vous avez une préoccupation immense par rapport à la formation professionnelle et technique, par rapport aux besoins des entreprises. Dans votre mémoire, à la page 14, vous allez assez loin dans le sens que vous dites: «Accéder à l'université ne doit pas être un critère de réussite sociale.» Ça, je le comprends. Mais, en même temps, vous dites: «Certains perdent leur temps à l'université.» Or, on sait que c'est ici, au Québec, malgré le fait que nos frais de scolarité soient les moins élevés, et tout ça, qu'on forme le moins d'universitaires. Moi, je comprends un peu de vos propos que vous semblez dire qu'on devrait, je ne sais pas... Il y a comme quelque chose que je ne comprends pas. Est-ce qu'on doit aller chercher notre formation professionnelle et technique chez nos universitaires, alors qu'on n'en a pas suffisamment, ou est-ce qu'on doit élargir ça? J'aimerais que vous soyez plus clair là-dessus parce que, moi, ça m'apparaît un peu contradictoire.
M. Taillon (Gilles): Alors, M. le Président, nous allons tenter d'être plus clairs. Je vais céder la parole à notre vice-présidente recherche, mais je voudrais tout simplement dire que nous insistons sur l'importance de la formation professionnelle et technique mais aussi sur l'importance de la formation universitaire. Nous ne disons pas qu'il faut négliger l'université au profit de la formation professionnelle et technique ou l'inverse au détriment, là. Il faut mener les deux en parallèle. Mais, dans les entreprises, on a besoin de diplômés universitaires, mais on a aussi besoin de diplômés techniques. Donc, nous, on dit: Il faut réconcilier ces deux éléments-là. Quant à votre question précise, je vais demander à Mme Bellemare.
Mme Bellemare (Diane): Moi, je vais simplement vous dire que le Québec, au niveau de la formation universitaire, se compare avantageusement bien avec la plupart des autres pays de l'OCDE. On fait mieux que la France. On fait moins bien que les États-Unis, et, aux États-Unis, les droits de scolarité dans les universités sont beaucoup plus élevés. Donc, la question de l'accessibilité à l'université n'est pas seulement une question de droits de scolarité. C'est une question qui est complexe, mais les droits de scolarité... Puis, quand on regarde les études à cet effet, il n'y a pas vraiment rien qui nous montre que les droits de scolarité élevés vont être absolument néfastes à l'accessibilité. Avec un bon régime de prêts et bourses et avec des incitatifs de toutes sortes dans notre société, l'accessibilité et le résultat de la diplomation universitaire peuvent être acquis.
Mme Perreault: Merci.
Le Président (M. Kelley): Oui, M. Taillon.
M. Taillon (Gilles): Mais je vous dirais: On chemine longtemps dans notre réseau d'enseignement. Il faut se questionner à savoir: Est-ce qu'on passe trop de temps? Et le temps qu'on y passe, il y a un coût à cela. Quand on regarde les statistiques du ministère de l'Éducation, on situe bien cela. Le Québec investit davantage dans son système d'éducation en fonction de notre richesse collective. Il y a certainement lieu d'améliorer nos systèmes pour éviter qu'il y ait une perte de temps. Je vous le signalais tantôt.
Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Maskinongé.
Mme Gaudet: Merci, M. le Président. Moi, j'aimerais vous entendre sur la formation continue. Je pense qu'on peut être d'accord que la formation continue est un apport important à l'entreprise. Est-ce que, au niveau du financement de la formation continue, les employeurs ne pourraient pas investir davantage à ce financement? Et quelle forme cela pourrait-il prendre, d'autant plus que vous recommandez que la formation se donne en entreprise?
M. Taillon (Gilles): Disons d'abord que les employeurs investissent déjà beaucoup en formation continue. On sait que, en moyenne, les entreprises mettent beaucoup plus que le minimum requis par la loi, du 1 %. En moyenne, les entreprises investissent 2 %, et plus la taille est grande, plus cette proportion-là est importante.
n(11 h 10)n Maintenant, là où il y a des difficultés en formation continue ? et c'est un peu ce qu'on vous soulignait dans notre mémoire ? c'est qu'il va être important de faire en sorte que cette formation continue là, où on investit beaucoup, l'État doit investir aussi, mais que cette formation-là soit pratique pour les entreprises. Donc, il faut s'assurer qu'on sort un peu de la filière trop scolaire qu'on retrouve en formation continue. C'est un peu le sens de notre préoccupation.
En reconnaissance des acquis, par exemple, il est important qu'on ait peut-être davantage une agence autonome qui intervienne dans ce domaine-là. Parce que c'est sûr que, quand tu demandes à un collège ou à une école d'analyser un curriculum pour évaluer si la personne a les équivalences, il est tentant de mettre quelques prérequis de scolarisation avant de dire que c'est équivalent, parce que les prérequis de scolarisation, ça représente des revenus pour les institutions. Donc, on vous dit, nous: Il y a ce jeu-là, là, qui risque d'être une enfarge.
Le ministre disait tantôt: Je suis quelqu'un qui a vécu dans ce réseau-là, je le connais bien. En 1984, on parlait de reconnaissance des acquis; la politique du précédent gouvernement en parle, mais on est encore au stade du discours. Nous, on dit: Il faut passer de la parole à l'acte, et l'acte, ça veut dire faire en sorte de développer des mécanismes qui vont permettre que l'investissement qui est fait par les entreprises soit rentable pour elles puis bien sûr pour les clients. Et, d'autant plus qu'on a besoin d'immigrants au Québec, on sait que la reconnaissance des acquis est souvent une clé fondamentale pour retenir les immigrants qui arrivent ici.
Le Président (M. Kelley): M. le ministre.
M. Reid: Merci, c'est très intéressant, toutes les réponses que vous nous donnez. Je voudrais revenir sur un élément où vous parlez d'assouplir les conditions de remboursement pour les prêts dans une section qui commence par une augmentation des droits de scolarité. On peut être tenté ? et je vais le faire ? de faire un rapprochement avec ce qui a été fait au Royaume-Uni par le premier ministre Blair et vous demander: Est-ce que c'est un rapprochement qui est juste, ou est-ce que c'est plus général, vos remarques, ou si c'est quelque chose qui peut aller aussi loin que certains éléments de la proposition Blair, dans laquelle les étudiants remboursent sous la forme, finalement, de leur... via leur rapport d'impôts et dépendant effectivement de la somme qu'ils ont comme revenu net, et auquel cas ceux qui n'ont jamais de revenu net supérieur à un certain montant ne paient jamais et que, pour eux, ça revient à une gratuité? Enfin, il y a un certain nombre d'éléments. Est-ce que vous êtes allés aussi loin que ça ou si c'est une remarque qui est plus générale?
M. Taillon (Gilles): Je vous dirais d'abord: La base de notre mémoire, là, là-dessus, c'est de dire: Un, il faut être clair; si on augmente les droits de scolarité, il faut augmenter proportionnellement les prêts et bourses. Une fois cela dit, dans la manière maintenant dont on pourrait organiser le système, on a laissé de la place au gouvernement pour déterminer les meilleurs modes. On a signalé l'exemple de l'Angleterre. Je vais demander à la vice-présidente à la recherche de vous dire un peu dans quel sens il nous apparaît qu'il y a des éléments intéressants dans la proposition anglaise. Il y a peut-être des éléments à éviter aussi.
Mme Bellemare (Diane): La proposition anglaise, elle est relativement complexe, la mise en oeuvre aussi s'étale sur plusieurs années. Dans l'ensemble, il y a des choses intéressantes sur l'étalement du remboursement des prêts. Ça, je pense que c'est quelque chose qui peut être même considéré, là, rapidement. Donc, en fonction des gains des étudiants, on peut étaler la période de remboursement, et donc le coût pour le gouvernement qui est le coût d'intérêts, bon, c'est sûr qu'il y a un coût là, mais c'est relativement minime.
C'est une proposition audacieuse, là, la proposition anglaise. Nous, je pense qu'on l'a trouvée intéressante. On serait prêts en tout cas à consulter beaucoup nos membres sur cette proposition-là si le gouvernement avait l'intention d'aller dans cette direction.
Le Président (M. Kelley): Ça va? Alors, Mme la députée de Taillon.
Mme Marois: Oui, merci, M. le Président. Je vais revenir sur une des affirmations que vous faites dans votre mémoire et qui concerne un mythe de l'enseignement universitaire, à l'effet qu'il ne profiterait pas à tout le monde mais plutôt au quart de la population qui est celle qui a des revenus supérieurs à la moyenne, des étudiants qui viennent de familles dont les revenus sont supérieurs à la moyenne.
Moi, j'ai un peu de difficultés, je vais vous dire, avec ça parce que, si en plus on augmentait les frais de scolarité, on va rendre l'accessibilité encore plus difficile pour les gens qui viennent de familles dont les revenus sont en dessous de la moyenne. Mais là où j'ai encore plus de difficultés, c'est que, lorsqu'on forme quelqu'un à l'université, si c'est un médecin, c'est un administrateur, c'est une enseignante, si c'est une ingénieure, c'est toute la société ensuite qui bénéficie de cette formation. C'est l'entreprise ? vous le dites vous-même ? qui bénéficie de la formation qu'on a donnée, à l'université. Et, en ce sens-là, je trouve que c'est un peu... enfin, c'est un sophisme qui ne me convient pas vraiment, je vous le dis, et auquel je n'adhère pas parce que, si on va dans le sens inverse, on risque d'amplifier ce phénomène-là.
On parlait tout à l'heure des États-Unis, et c'est toujours intéressant de se comparer avec nos voisins, puisque c'est avec eux qu'on est en concurrence. Mais n'oublions pas qu'aux États-Unis il y a une population importante qui est complètement marginalisée, qui n'a pas accès aux soins de santé, qui n'a pas accès à l'école, qui n'est pas diplômée. Alors, il faut toujours être prudent à cet égard-là. Alors, je voulais vous faire la remarque parce que je suis un petit peu mal à l'aise avec cela. Bon.
Je vais aller maintenant sur une autre question qui est la participation des entreprises et leur contribution à la formation des travailleurs et des travailleuses. Vous le dites, et ça a été abordé un peu tout à l'heure, vous dites que la formation n'est pas suffisamment adaptée aux besoins des entreprises et que vous souhaiteriez que ce soit un peu plus sur mesure. Une chose qui m'a un peu étonnée, et vous avez, sur ça, si je ne m'abuse, été d'accord avec le gouvernement: ils ont enlevé l'obligation qui était faite aux entreprises qui avaient une masse salariale s'étalant entre 250 000 $ et 1 million, ils ont enlevé l'obligation... c'est-à-dire ces entreprises ont vu leur obligation de contribuer au fonds de formation de la main-d'oeuvre suspendue.
Je trouve que c'est un peu contradictoire par rapport à l'attente qu'ont les entreprises d'une formation adaptée, continue, où justement les partenaires du marché du travail avaient prévu des mécanismes pour qu'on réponde de façon plus pointue, plus spécifique, plus adaptée aux besoins de formation des entreprises. Est-ce que ce n'est pas un recul, dans un sens, à cet égard et un message contradictoire qu'on envoie à la société québécoise lorsqu'on dit: Ne contribuez pas, ce n'est pas si important que ça. Puis on sait qu'ils n'en feront pas, de la formation, s'ils ne contribuent pas parce que ce sont de toutes petites entreprises et qu'ils n'ont pas les moyens. Mais le fonds leur permettait d'aller rechercher de l'aide pour ensuite former leur monde.
Le Président (M. Kelley): M. Taillon.
M. Taillon (Gilles): Oui. Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, le sophisme n'est pas de nous. Mme Marois fait une assertion qui n'est pas la nôtre. Nous, on dit, là ? c'est un constat, ce n'est pas un mythe, c'est un constat: Ceux qui fréquentent l'université viennent davantage des milieux plus favorisés. C'est un constat; ça, c'est la situation actuelle. Nous, on dit: Si on veut aider les universités, il faut permettre, dans un premier temps, une hausse des frais de scolarité, mais il faut aussi ne pas sacrifier l'accessibilité, donc aider les étudiants. Et ciblons davantage une clientèle démunie pour les aider davantage et peut-être les amener davantage à l'université que le constat que nous faisons qu'ils n'y viennent pas suffisamment. Donc, c'est notre proposition. On dit là: Dans l'augmentation des frais de scolarité, on peut hausser les seuils, mais on peut aussi mettre des modalités qui font en sorte d'avantager davantage ceux dont les revenus des familles ne permettent pas d'y accéder. Donc, ça, c'est notre première intervention.
Deuxième élément: sur le 1 %, nous avons appuyé le gouvernement, oui, et ce n'est pas, pour nous, un recul; c'est un progrès. C'est un progrès sur la base du constat qu'on a fait que 40 % des entreprises de masse salariale de moins de 1 million de dollars payaient un chèque au ministère du Revenu plutôt que de faire de la formation. Elles en faisaient, de la formation, ces entreprises-là, mais... elles en faisaient, mais c'était trop complexe, les normes administratives étaient trop tatillonnes, et elles préféraient faire un chèque que d'affecter des gens, dans les petites entreprises, à remplir les formulaires administratifs d'Emploi-Québec.
Cependant, vous regarderez les orientations que la Commission des partenaires où nous siégeons a données sur la façon d'aider les entreprises qui sont maintenant désassujetties, qui ne sont plus enferrées dans les processus administratifs, de les aider à compléter de la formation sans être tenues ou sans avoir la menace, le bâton. On fait des propositions où on va utiliser le fonds payé par les grandes entreprises qui n'en font pas, de formation, pour aider les petites. Donc, nous atteignons cet objectif-là, mais on a enlevé les enfarges qui étaient véritablement dommageables à la formation en entreprise.
Mme Marois: Oui, mais il y en avait quand même 60 % qui en faisaient, hein?
M. Taillon (Gilles): Oui, ils vont continuer à en faire.
Mme Marois: Oui, mais, deux, est-ce que la façon de faire, ça n'aurait pas été, là... Je me permets d'être complètement en désaccord, vous le savez ça fait un long moment. Mais pourquoi n'aurions-nous pas plutôt enlevé les entraves, les embûches, simplifié le programme, pour continuer à envoyer un seul message qui est de dire: La formation continue, c'est important, qu'on ait un, deux ou trois employés dans son entreprise, c'est probablement encore plus important quand on en a un, deux ou trois parce que ce sont souvent des travailleurs, des travailleuses qui ont moins de formation, qui occupent des emplois précaires, ce sont de toutes petites entreprises. Alors donc, j'ai un petit peu de problèmes avec ça parce qu'à 250 000 $ de masse salariale, là, mettons que, tu sais, ce n'est pas 150 personnes, hein, c'est sept, huit, 10 personnes, hein, pas plus, à moins qu'ils soient bien en dessous du salaire minimum.
M. Taillon (Gilles): M. le Président, nous sommes, avec le temps, devenus sceptiques parce que les collègues de ce côté de la Chambre, qui étaient au gouvernement, ont eu le temps de faire les aménagements, et ça ne s'est jamais fait. Donc, nous étions sceptiques, et nous avons définitivement encouragé le nouveau gouvernement à procéder de façon rapide plutôt que de façon administrative.
n(11 h 20)nMme Marois: J'ai le goût de vous renvoyer un peu la balle parce que vous êtes au Conseil des partenaires aussi. C'est un travail conjoint qui se fait. On convient de cela, hein?
M. Taillon (Gilles): Absolument, Mme la ministre, mais vous savez que le Conseil des partenaires est bipartite, même tripartite. Il y a un rôle d'arbitre du gouvernement, vous avez eu l'occasion de jouer ce rôle-là. L'autre gouvernement a l'occasion de le faire aussi. Alors, je vous le dis: Sans présumer, nous sommes satisfaits des arbitrages qui ont été faits.
Mme Marois: J'ai un collègue qui veut...
Le Président (M. Kelley): Oui, il vous reste deux minutes, M. le député de Bertrand.
M. Cousineau: Merci, M. le Président, merci, M. le Président. Bonjour, bienvenue à cette commission parlementaire. Ma consoeur la députée de Taillon a parlé tantôt de recherche et développement. Vous en parlez à la page 9 et un petit peu en 10, et puis vous parlez de la symbiose importante entre les universités puis l'entreprise privée au niveau de la recherche. On le voit très bien, là, et puis... Mais vous parlez beaucoup aussi concernant les frais de scolarité, puis vous dites que c'est un des problèmes présentement au sous-financement des universités, les frais de scolarité.
Votre prédécesseur, M. Ghislain Dufour, sur une autre tribune, dernièrement, précisait que la coupure de 6 %... la coupure des crédits d'impôt, attribués aux entreprises privées, en recherche et développement, ça a été une très grave erreur du gouvernement actuel. Est-ce que vous vous inscrivez dans cette façon de... dans cette optique-là? De un. Puis, de deux, est-ce que vous pensez que ces coupures de crédits d'impôt aux entreprises en recherche et développement affectent d'une façon négative la participation du privé au niveau universitaire en recherche et développement?
M. Taillon (Gilles): Alors, très brièvement, M. le Président, en réaction au dépôt du premier budget Séguin, nous avions signalé que nous étions tout à fait en désaccord avec la coupure des crédits en recherche et développement. Nous étions favorables à une remise en cause de l'aide aux entreprises, de certaines subventions, mais pas dans le secteur de la recherche et développement. Rappelez-vous nos interventions publiques à l'occasion du budget.
M. Cousineau: Je voulais que vous le rementionniez ici aujourd'hui. Donc, vous allez dans le même sens.
M. Taillon (Gilles): Ah! C'est fait.
M. Cousineau: Donc, merci.
Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Champlain.
Mme Champagne: Alors, bonjour, bienvenue à notre commission. Écoutez, je vais revenir sur la formation. Même au niveau secondaire, vous en parlez dans votre mémoire, et ça m'intéresse parce que ça me rejoint également. En page 6, vous dites que l'abandon scolaire important au secondaire, particulièrement chez les garçons, là... Il y a une moyenne, au niveau des garçons de 19 ans, de 23,9 %, et de 13,4 % chez les filles du même âge, en comparaison avec un 14 % de Québécois qui possèdent une formation universitaire. Je pense que c'est un constat avec une grande réalité de terrain. Et là vous arrivez en disant: Écoutez, il faut peut-être les rattraper, là, pour les intéresser ? et ça, je partage ça entièrement ? puis on perd trop de temps à l'école et on les échappe davantage parce qu'ils se trouvent une petite jobine, comme on dit, là, puis ils s'en vont travailler, puis ils n'obtiennent pas de diplôme.
Alors, moi, j'aimerais ça vous entendre sur le fait de, quand vous parlez de réduction de formation entre le niveau collégial et le niveau universitaire, vous voyez ça comment concrètement? On enlève une année au niveau collégial, on refait le tout, on revoit le tout? C'est quoi, votre vision là-dessus? Parce que je pense que là également il y a une façon de faire des économies importantes.
M. Taillon (Gilles): Oui. Alors, notre position est assez claire. On dit: Actuellement, au cégep, il y a deux ans de formation générale. On dit, nous: On abolit cela et on fait une année de formation générale additionnelle au secondaire pour ceux qui se destinent à la formation universitaire. Donc, une année de plus au secondaire, deux de moins au collège, pour les gens qui veulent aller à l'université.
Par ailleurs, il faut absolument que la formation professionnelle et technique soit intégrée ? donc fin des cloisons ? dans un continuum qui pourrait être davantage valorisé et faire en sorte que les étudiants, après un secondaire IV, par exemple, puissent accéder au collège en formation professionnelle, qu'ils puissent ensuite aller en formation technique avec des passerelles, ce qui serait beaucoup plus facile dans un contexte d'intégration des deux réseaux. C'est le sens de notre proposition.
Mme Champagne: Donc, en fait, si je comprends bien, tout le professionnel technique, vous le voyez partir de la gestion ? peut-être pas, en tout les cas je vous pose la question ? de niveau secondaire pour s'en aller vers une gestion collégiale.
M. Taillon (Gilles): Absolument.
Mme Champagne: Mais vous ajoutez une année au niveau secondaire.
M. Taillon (Gilles): Oui.
Mme Champagne: Très générale, évidemment.
M. Taillon (Gilles): Oui.
Mme Champagne: Un petit peu année d'orientation, peut-être?
M. Taillon (Gilles): Oui, année, dans le fond, préparatoire aux études supérieures, pour faire en sorte qu'après un secondaire V... Je pense qu'envoyer les étudiants de secondaire V à l'université, ce serait un peu rapide. Il faut une année de transition, une année préparatoire aux études supérieures, qui serait une 12e année, si on peut s'exprimer ainsi, là, après le secondaire V, un secondaire VI, qui permettrait de se préparer à l'enseignement universitaire. Ils arriveraient à l'université, comme les étudiants de l'Ontario, après un secondaire VI.
Mme Champagne: Merci.
Mme Gaudet: Une petite question complémentaire à celle de...
Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Maskinongé.
Mme Gaudet: Merci. Est-ce que l'année supplémentaire au secondaire dont vous parlez serait une année optionnelle pour ceux... ou une année obligatoire, une année optionnelle, dans le sens préparatoire à l'université.
M. Taillon (Gilles): Obligatoire, donc, pour ceux qui veulent aller à l'université.
Mme Gaudet: Obligatoire pour ceux qui veulent aller à l'université.
M. Taillon (Gilles): Puis inexistante pour ceux qui veulent s'en aller en formation professionnelle et technique.
Mme Gaudet: Merci. Ça complète ma compréhension de votre réponse. Merci.
Le Président (M. Kelley): Alors, sur ce, merci beaucoup. On a assisté à un débat vigoureux dans la famille Taillon, si j'ai bien compris, mais les commentaires du Conseil du patronat sont toujours fort pertinents. On a la relève de la main-d'oeuvre à travers la société québécoise, et c'est un enjeu important pour les membres de la commission.
Sur ce, je vais suspendre quelques instants et j'invite les représentants de Télé-université de prendre place.
(Suspension de la séance à 11 h 27)
(Reprise à 11 h 30)
Le Président (M. Kelley): Bienvenue aux représentants de Télé-université. Je suis prêt maintenant à céder la parole à Mme Louise Bertrand, la directrice générale.
Télé-université (TELUQ)
Mme Bertrand (Louise): Merci. M. le Président, M. le ministre, Mme la porte-parole de l'opposition en matière d'éducation, Mmes et MM. les membres de la commission, permettez-moi d'abord de vous présenter les personnes qui m'accompagnent: le directeur de l'enseignement et de la recherche, M. Raymond Duchesne, à ma gauche; à ma droite, la directrice des ressources humaines, Mme Francine Verreault. Se trouvent également dans la salle la directrice des ressources financières, Mme Louise Boucher, et le secrétaire général, M. Pierre LeGallais.
Au nom de la Télé-université, je vous remercie de nous donner l'occasion de nous exprimer sur les enjeux majeurs que sont la qualité, l'accessibilité et le financement pour l'avenir des universités. Université d'accessibilité par excellence créée il y a plus de 30 ans, la Télé-université accomplit sa mission d'enseignement et de recherche par le mode particulier de la formation à distance. Grâce aux cours et aux programmes offerts par la Télé-université, des centaines de milliers de Québécois ont eu accès à la formation universitaire au cours des 30 dernières années.
En reconnaissant à la Télé-université un statut d'université à part entière ? elle possède ses lettres patentes depuis 1992 ? et en lui confiant la responsabilité de développer une expertise de formation à distance, on peut dire des décideurs québécois qu'ils ont été des visionnaires. Ce qui pouvait paraître à l'époque un pari ambitieux se retrouve aujourd'hui au coeur de l'évolution du système universitaire. En effet, le développement du télé-enseignement et, partant, de formations bimodales qui combinent les avantages respectifs de la formation campus et du télé-enseignement, ce développement, donc, est de mieux en mieux reconnu ici et à l'échelle internationale comme un enjeu majeur de qualité et d'accessibilité pour l'avenir et une réponse aux attentes croissantes à l'égard des universités. Avec la Télé-université, le Québec dispose d'un atout exceptionnel que lui envient avec raison d'autres systèmes et d'autres pays et qu'il faut faire prospérer.
Promouvoir le développement du télé-enseignement ne signifie nullement remettre en question l'enseignement sur campus. En nous fondant sur notre expérience, notre expertise et l'analyse que nous faisons de l'évolution du télé-enseignement, nous voulons optimiser la contribution de la Télé-université au système universitaire québécois. Pour ce faire, il faut réunir deux conditions: d'une part, la définition d'une plateforme institutionnelle et structurelle qui va permettre à la Télé-université d'assurer sa pleine capacité d'action et de répondre aux attentes de la population; d'autre part, des engagements de financement public qui soient à la hauteur des besoins et des possibilités qui s'offrent.
La Télé-université, M. le Président, M. le ministre, c'est plus de 16 000 étudiants par année, dont 93 % à temps partiel. C'est aussi une programmation aux trois cycles universitaires, une activité de recherche de haut calibre reconnue dans le monde, notamment dans le secteur des environnements de formation et du téléapprentissage. Voilà notre université: un établissement qui peut compter sur des ressources humaines qui ont développé des compétences distinctives, une infrastructure et un déploiement technologique à la fois efficace et complexe, résultat de plus de 30 ans d'expérience. Les artisans de la Télé-université se sont intéressés et ont contribué à toutes les facettes de la formation à distance, à ses fondements pédagogiques, psychologiques, technologiques bien avant l'engouement généralisé provoqué par le développement accéléré des technologies de l'information et des communications. Cette avance que détient le Québec, grâce à la Télé-université dont il s'est doté, il lui revient, je pense, de la préserver et de la faire fructifier.
Le premier thème sur lequel la commission nous interpelle, c'est celui de la qualité de l'enseignement. Sous ce rapport, vous le savez, la formation à distance n'a pas toujours eu bonne presse. Parler de qualité de la formation universitaire et associer le mode à distance fait encore sourciller certains, qui confondent télé-enseignement, formation à distance avec cours par correspondance ou vidéocassettes, dont je ne nie pas l'utilité, mais qui ne décrivent ni ne définissent le mode d'accomplissement de ces missions par notre université et sa contribution spécifique.
La qualité du télé-enseignement s'incarne dans plusieurs éléments: la rigueur scientifique obligée des cours, l'efficacité et l'ampleur des stratégies pédagogiques, la qualité du matériel didactique, le professionnalisme de l'encadrement, la fiabilité des technologies et de la logistique. La qualité du télé-enseignement s'incarne aussi par l'intégration continuelle et, je dirais, à un degré exceptionnel en milieu universitaire des résultats de recherche de nos professeurs spécialisés en téléapprentissage à nos activités d'enseignement. Les retombées de la recherche sur l'enseignement sont directes et immédiates et bénéficient sans délai à nos étudiantes et à nos étudiants. Au fil des ans, ce sont des dizaines de milliers de dollars en subventions qui ont été investis dans ces recherches.
À titre d'exemple, les modèles d'ingénierie didactique et les plateformes, comme Explora, qui sont utilisées par la Télé-université pour la conception et la diffusion des cours résultent des recherches de nos professeurs. Le Laboratoire en recherche informatique cognitive et environnement de formation de la Télé-université jouit d'une réputation internationale et dispose d'équipements de pointe pour supporter nos activités. La Télé-université est aussi l'hôte du Centre interuniversitaire de recherche en téléapprentissage et du LORNET, le Learning Object Repositories Network, un réseau pancanadien financé à hauteur de 7,5 millions de dollars par le CRSNG.
Nous sommes et demeurons à la fine pointe des développements au niveau international grâce à nos professeurs, nos chercheurs et à l'application que nous faisons de leurs résultats dans nos enseignements, grâce aussi à la compétence de nos professionnels pédagogiques, de nos tuteurs et chargés d'encadrement. Le corps professoral de la Télé-université affiche une performance remarquable tant en matière de qualifications que d'obtention de subventions de recherche. Plus de 86 % des professeurs détiennent un doctorat, et le niveau moyen de subventions de recherche par professeur compte parmi les meilleurs du réseau de l'Université du Québec. Cependant, la taille restreinte du corps professoral, eu égard à l'offre de formation, s'est traduite, avec les années, par des ratios cours-professeur et étudiants-professeur très élevés. Cette situation pose trois défis au corps professoral déjà surchargé:
1° la révision et la mise à jour d'une banque de cours qui a crû considérablement;
2° l'encadrement plus étroit des étudiants, en particulier aux cycles supérieurs; et
3° le maintien des activités de recherche dont dépend aussi la qualité de la formation.
La capacité de maintenir une programmation qui réponde adéquatement aux besoins sociétaux constitue dans ce cadre un défi de plus en plus difficile à relever.
La qualité du télé-enseignement passe enfin par une infrastructure technologique adaptée, efficace et fiable, aussi bien pour supporter la logistique de diffusion et de gestion de l'enseignement que pour assurer la qualité de production des cours et favoriser l'efficacité des apprentissages. Des investissements importants ont été consentis depuis 10 ans dans l'infrastructure technologique, et le rythme de ces investissements ne saurait ralentir sans compromettre la qualité des services éducatifs. Encore une fois, il importe de confirmer les choix qui ont été faits il y a 30 ans, lors de la création de la Télé-université.
Le second thème sur lequel la commission nous invite à nous pencher est l'accessibilité aux études universitaires. Soulignons d'emblée que qualité et accessibilité doivent aller de pair, l'une ne pouvant être privilégiée au détriment de l'autre.
La Télé-université, je l'ai dit, constitue le choix de plus de 16 000 étudiants à temps partiel par année, soit environ 2 600 étudiants en équivalents temps plein. Bien que significatif, ce niveau d'effectif étudiant ne permet pas de mettre entièrement à profit le potentiel de la Télé-université.
Si la formation à distance connaissait au Québec un taux d'utilisation équivalent à la moyenne des taux observés en Grande-Bretagne ou en Espagne, par exemple, ce sont 12 000 étudiants en équivalents temps plein que la Télé-université pourrait desservir. Or, d'une part, le niveau des effectifs qu'il nous est possible d'atteindre est trop bas et ne nous permet pas de tirer pleinement profit de toutes les économies d'échelle que nous autoriserait notre structure organisationnelle et technologique. D'autre part, et plus important encore, le nombre de Québécois qui profitent actuellement de la formation à distance pour répondre à leurs besoins est bien inférieur aux besoins réels de formation que nous sommes en mesure de constater par notre écoute du milieu et des étudiants potentiels qui entrent en contact avec nous.
n(11 h 40)n La contribution que peut apporter la Télé-université pour favoriser l'accessibilité aux études universitaires pour les Québécois peut se définir très simplement: enrichir et élargir, par la mise en place d'une nouvelle structure organisationnelle adéquate, l'offre de formation proposée aux citoyens du Québec via le télé-enseignement. C'est fondamentalement pour élargir cette offre de formation, de programmation à distance que nous travaillons au rattachement de la Télé-université à l'UQAM, un projet qui fait l'objet de discussions et de travaux conjoints depuis 2002. Ce projet, en permettant la création d'une grande université bimodale, multiplierait les possibilités pour les étudiants de l'ensemble du réseau de l'Université du Québec, qui pourraient alors combiner formation à distance et formation en classe. Ce rattachement rendrait aussi accessibles, pour la formation en classe, des matériaux de grande qualité qui sont réalisés pour la distance. Il permettrait de préserver l'expertise universitaire de la Télé-université, sa densité et le dynamisme qui lui est propre.
À cet égard, il est fondamental d'éviter l'éparpillement des ressources en formation à distance, en misant plutôt sur le développement des acquis de la Télé-université. Sur la base d'un ancrage institutionnel renouvelé et solide, il devient possible d'offrir aux composantes du réseau de l'Université du Québec une valeur académique nouvelle et réelle pour leur mission de formation.
Le développement des technologies de l'information et des communications a permis à toutes les universités de moderniser leur stratégie d'enseignement en utilisant l'Internet comme véhicule de diffusion de matériel didactique. Cette évolution intéressante de la pédagogie universitaire ne saurait être assimilée toutefois au mandat de la formation à distance qui a été confié à la Télé-université. En effet, le fait qu'un établissement universitaire soit en mesure de produire des documents pédagogiques récupérables à distance n'est pas identique à la mise en oeuvre d'un véritable système d'enseignement à distance. En effet, un tel système présente des dimensions pédagogiques, logistiques et de service ainsi que des dimensions stratégiques de recherche qui dépassent la production et la diffusion de documents didactiques. Dans le même sens, une offre de formation universitaire à distance à la fine pointe requiert une concentration d'expertise et une masse critique d'activités, notamment parce qu'un système adéquat de diffusion du télé-enseignement doit reposer sur une infrastructure logistique et technologique complexe, dont le coût ne peut être amorti que sur un large volume d'inscriptions.
Songer par ailleurs à réduire l'expertise unique de la Télé-université à un comptoir de services qui serait détaché des lieux et des masses critiques de formation et de recherche témoigne d'une méconnaissance de la nature et de la réalité de la formation à distance. On ne saurait en effet couper la pédagogie de la distance et la technopédagogie de la conception même des contenus de connaissance. Envisager la formation à distance comme un processus linéaire, où la conception des contenus peut être séparée de leur mise en forme pédagogique et technologique et être confiée à des acteurs oeuvrant dans des milieux différents, relève d'une vision réductrice du télé-enseignement. Une telle conception dichotomique du contenant et du contenu est aussi épistémologiquement et concrètement insoutenable.
Ce que nous cherchons à mettre en oeuvre, c'est un élargissement de la programmation accessible à distance par une combinaison nouvelle et prometteuse des outils de la formation à distance et de l'enseignement sur campus au bénéfice de l'ensemble de la population québécoise. Il s'agit là d'un apport au potentiel remarquable pour faire face aux enjeux de qualité et d'accessibilité des prochaines années.
Au sein de l'Université du Québec, le rattachement de la Télé-université à l'UQAM procurerait l'accès à un bassin de professeurs de grande qualité, à des programmes déjà bien établis, à des cours déjà structurés dans une grande variété de domaines scientifiques. Ce projet met de l'avant une proposition de collaboration avec les établissements du réseau, notamment les universités en région, élaborée dans un esprit de complémentarité et de services aux étudiants et reposant sur quatre axes: le partage des ressources éducatives, le développement de projets en partenariat, le soutien des cohortes régionales et l'intégration de l'offre de formation à distance à l'ensemble du réseau de l'Université du Québec. L'objectif est de soutenir la programmation offerte en région, d'aider les universités à préserver une offre de cours diversifiée, et ce, même en cas de variation à la baisse de la taille de leur cohorte d'étudiants, et d'assurer le maintien d'un service de télé-enseignement de haute qualité, efficace et productif au bénéfice de l'ensemble de la société québécoise.
Le troisième thème sur lequel nous sommes interpellés est celui du financement. À l'instar des autres établissements, la Télé-université est touchée par le sous-financement du réseau universitaire québécois. Ce sous-financement pèse sur notre développement et compromet notre potentiel d'action. Comme le confirment les études qui font consensus, un réinvestissement dans les universités est urgent et il doit relever, ou continuer de relever, plutôt, selon nous d'un effort collectif de la société québécoise. La Télé-université appuie la position du gouvernement du Québec de maintenir le gel des droits de scolarité. Les caractéristiques socioéconomiques de notre population étudiante la rendent en effet très sensible à toute augmentation des coûts de la formation universitaire. Selon une enquête qui a été menée auprès des nouveaux inscrits de l'automne 2001, 37 % de nos étudiants proviennent de milieux socioéconomiques faibles. 15 % des étudiants des programmes de certificat et 21 % de ceux des programmes de baccalauréat se disent dans une situation financière précaire. Par ailleurs, à peine 22 % de nos étudiants ont un parent ayant poursuivi des études universitaires et 75 % sont des étudiants de première génération, c'est-à-dire dont aucun des deux parents n'a poursuivi d'études universitaires, comparativement à un taux de 70 % pour l'ensemble du réseau de l'Université du Québec. Nous estimons que, pour une portion significative de nos étudiants, la hausse des droits de scolarité représenterait un réel obstacle.
Je conclurai en rappelant à nouveau que le Québec dispose, avec la Télé-université, d'un atout majeur. La possibilité lui est donnée de tirer pleinement parti de plus de 30 ans de réalisations et d'investissements publics. La Télé-université, c'est une réussite de la société québécoise, un succès qu'il faut faire prospérer. C'est dans cette perspective, M. le Président, M. le ministre, que nous envisageons notre avenir.
Notre proposition en est une de coopération et de mise en commun des efforts et des ressources des universités pour arriver à faire mieux ensemble que ce que nous pouvons accomplir séparément. Nos projets s'inscrivent fondamentalement dans une vision stratégique du développement du télé-enseignement au Québec et se situent de ce fait en continuité avec l'esprit et la vision qui ont mené à la création, il y a 30 ans, de l'Université du Québec et, en son sein, d'une université d'avant-garde. Il faut aujourd'hui s'assurer d'en utiliser tout le potentiel en remédiant au sous-financement et en favorisant le redéploiement de la Télé-université au bénéfice de notre réseau et de la population du Québec. Nous sommes convaincus que les valeurs qui nous animent trouveront écho auprès du gouvernement, qui devrait y souscrire et les soutenir adéquatement. Je vous remercie.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Bertrand. Avant de passer la parole au ministre, avec le ministre et la députée de Maskinongé, on a assisté à un exemple de télé-enseignement, pas au niveau universitaire, mais au niveau d'une école à Kangiqsualujjuaq. Alors, il y avait des jeunes qui jouaient au violon, et le professeur était, de mémoire, à Buckingham, je pense. Mais, dans une grande salle, au Grand Nord du Québec, on a vu la possibilité de ce télé-enseignement. La parole est à vous, M. le ministre.
M. Reid: Merci, M. le Président. Je voudrais souhaiter la bienvenue à Mme Bertrand, la directrice générale, et à sa délégation, et aussi au recteur de l'UQAM, je pense, qui est également présent.
Le mémoire que vous avez déposé et votre présentation parlent beaucoup de ce projet de rattachement à l'UQAM. Vous savez très bien que j'ai eu pour ma part des représentations de recteurs d'universités en région qui sont très inquiets de ce projet de rattachement à l'UQAM. Et je dois vous dire ? et j'aimerais vous entendre plus en détail là-dessus ? que ce que je lis dans le mémoire et ce que vous dites ne me semble pas, a priori, là, être de nature à, disons, apaiser ces inquiétudes-là. Et laissez-moi vous lire, par exemple, et vous poser une question directe là-dessus, ça vous permettra d'élaborer un peu sur toute cette question-là, à la page 15, dans le chapitre 4.3 sur le soutien aux universités en région, vous écrivez: «Le projet de rattachement de la Télé-université à l'UQAM, actuellement à l'étude dans les deux établissements, fait une large [part] aux universités en région. Il comporte une proposition de collaboration de la Télé-université et de l'UQAM avec les universités régionales, élaborée dans un esprit de complémentarité et de service aux étudiants.» Est-ce que cette proposition-là est sue, connue, et quelles sont les réactions des universités en région?
Évidemment, je dois vous dire aussi que le développement des universités en région est une préoccupation. C'est certainement la mienne, et je pense que, d'après les questions qui ont été posées par tout le monde, c'est une préoccupation de l'ensemble des membres de la commission et que, là-dessus, c'est dans cette perspective-là qu'on voudrait bien comprendre ce que vous dites. Et vous dites effectivement que vous avez à coeur que le projet vise le développement des universités en région. Maintenant, quand on regarde quels sont les moyens, les méthodes, on ne trouve pas beaucoup de détails là-dessus, à ce stade-ci. Je sais qu'il faudrait peut-être que j'attende le projet avant de me prononcer, mais c'est peut-être l'occasion, puisque vous en avez parlé, de nous expliquer un peu mieux qu'est-ce que ça comporte.
n(11 h 50)n Mais encore une fois, quand vous dites qu'il y a un projet pour participer et pour laisser une place aux universités en région, est-ce que cette proposition-là, qui est mentionnée chez vous, a eu un écho auprès des directions d'universités qui sont susceptibles d'être visées par cette proposition-là, et quel est cet écho?
Mme Bertrand (Louise): Bien. Alors, le projet lui-même, c'est un projet d'envergure, bien sûr. Nous avons travaillé en parallèle sur un protocole de rattachement entre la Télé-université et l'UQAM et en parallèle donc à ce projet de collaboration avec les universités du réseau. Tout de suite après, je vous donnerai quelques éléments complémentaires.
Nous sommes actuellement, au sein du réseau de l'Université du Québec, en discussion. Il est clair que, le projet de rattachement TELUQ-UQAM, une partie intégrante de ce projet est un projet de partenariat avec les universités du réseau, celles en région et les autres universités qui composent le réseau. Donc, c'est une partie tout à fait, je dirais, importante de ce projet. Il est très clair pour nous que la mise sur pied d'une université bimodale, comme on souhaite le faire, c'est dans la perspective d'offrir plus, et notamment aux universités et à la population en région, pour soutenir, par exemple dans le cas de programmes particuliers où les cohortes en région ne permettent pas de maintenir l'offre, donc pour soutenir cette offre. Nous le faisons déjà mais à plus petite échelle.
Je ne voudrais pas essayer de tout vous dire en même temps, mais permettez-moi de vous donner un exemple, un exemple au hasard: la Télé-université offre, en collaboration avec toutes les universités du réseau, les universités à vocation générale, dont l'UQAM, un certificat en planification financière. Les premiers cours sont offerts partout ou pas mal partout. Or, il arrive qu'en région les cohortes par la suite ne soient pas suffisantes pour offrir les cours pour compléter le certificat. Alors, les étudiants peuvent suivre ces cours à distance à la Télé-université et vont diplômer dans leur université d'attache. Donc, c'est un exemple et c'est ce qu'on voudrait faire, je vous dirais, à plus grand volume, mais ce n'est pas uniquement ce que propose la convention de partenariat que nous sommes à discuter actuellement.
Je vous donne quelques éléments de détail. Donc, le développement d'activités de télé-enseignement, ce dont on parle ici, ce sont des projets de développement d'activités qui peuvent être produits, et diffusés et/ou, je dirais, conjointement. La disponibilité des produits éducatifs, ce qu'on a en tête ici ? et il faut voir que c'est extrêmement important quand on regarde l'évolution du télé-enseignement actuellement ? c'est la mise à la disposition de toutes les universités du réseau d'une banque d'objets d'apprentissage. Une banque d'objets d'apprentissage, ce sont tous les éléments qui peuvent composer un cours qui est offert en télé-enseignement, donc qui sont regroupés dans une banque, et tous les professeurs du réseau peuvent avoir accès à cette banque qui est aussi alimentée par tous les professeurs du réseau et non pas seulement par la Télé-université. Donc, on peut tirer des éléments à la pièce pour composer un cours soit offert en classe ou offert à distance. C'est une composante extrêmement importante, et je dirais qu'il y a beaucoup d'avenir, hein, pour l'enseignement universitaire.
D'autres éléments également que nous proposons aux universités en région, c'est d'accueillir des groupes d'étudiants qui sont constitués dans l'université en région avec des modalités d'encadrement qui vont permettre à ces étudiants de garder le lien avec leur université en région, donc offrir un encadrement qui soit défini avec l'université en région, de sorte qu'on puisse garder à ce groupe d'étudiants, je dirais, certains éléments qui sont spécifiques à l'université dont ils proviennent.
Alors, ce sont ce genre d'exemples que nous souhaitons développer avec nos collègues des universités, des établissements membres du réseau de l'Université du Québec. À l'heure actuelle, comme je vous dis, nous sommes en discussion avec eux pour s'assurer de répondre à leurs besoins et d'être en mesure aussi d'offrir un service de la plus grande qualité possible et à l'ensemble de la population.
M. Reid: Peut-être, pour prendre un exemple qui me vient essentiellement, parce que nous avons rencontré, hier, le Conseil d'orientation des services universitaires du secteur est de la Côte-Nord, qui travaille actuellement et depuis en fait de nombreuses années avec l'Université du Québec à Chicoutimi... Et vous parliez tout à l'heure de créer des cohortes, et on nous a parlé de ça effectivement, hier, comme un exemple que, si on avait des possibilités meilleures en termes de technologie, on pourrait peut-être aller faire une cohorte en rassemblant des personnes qui veulent avoir de la formation dans les endroits éloignés comme tels, suffisamment éloignés pour que ce soit impossible de voyager une ou deux fois par semaine.
Est-ce que vous pourriez lever le voile un peu sur ce que vous préparez et nous donner une idée dans quelle mesure est-ce que TELUQ, si oui ou non, effectivement peut aider et participer au développement donc d'une desserte de services universitaires dans des régions qui en ont besoin mais pour lesquelles il y a des difficultés, où la distance est problématique? Est-ce que ce que vous préparez serait quelque chose qui pourrait être en appui, ou quelque chose où il n'y a rien à voir, ou quelque chose qui, au contraire, risque d'être en concurrence avec des efforts que pourrait faire l'Université du Québec à Chicoutimi avec la corporation en question?
Mme Bertrand (Louise): Alors, loin de nous l'idée de venir en concurrence. Ce que nous voulons offrir au réseau de l'Université du Québec, c'est un support, un support dans le cadre de projets comme celui-là, par exemple. Actuellement, la Télé-université a une offre qui est quand même intéressante mais limitée. Et, même en capacité de support, je vous dirais que, pour répondre aux besoins de nos propres étudiants, nous utilisons à plein toutes nos ressources, et on peut difficilement ajouter des demandes supplémentaires. On fonctionne à plein actuellement, mais c'est justement pour permettre, dans toutes les combinaisons possibles, je vous dirais, la formation universitaire. Alors, nous ne sommes pas les promoteurs d'une forme pure ou impure de quoi que ce soit. Il s'agit ici de permettre au réseau de l'Université du Québec toutes les combinaisons que l'on est en mesure d'envisager maintenant et dont on va découvrir la richesse au cours des prochaines années, donc de pouvoir offrir toutes ces combinaisons.
Alors, par exemple... Je ne connais pas en détail le projet auquel vous faites allusion, mais je vous donnerai par ailleurs un exemple sur lequel nous avons travaillé récemment avec l'Université du Québec à Chicoutimi et l'Université du Québec à Rimouski, sur une programmation pour des personnes qui font de l'encadrement auprès des aînés. Alors, nous travaillons avec eux sur ce projet et nous offrons un cours à distance. Des cohortes sont créées dans les régions avec les universités régionales, et nous pouvons venir en support en termes d'encadrement, par exemple.
Donc, c'est ce genre de projets que nous voulons rendre... ce genre et d'autres genres, je vous dirais, parce que les combinaisons sont multiples, et l'évolution que l'on peut prévoir, par exemple dans les 10 prochaines années, est tout à fait remarquable. Donc, il faut dès maintenant se doter d'une capacité d'intervention qui va nous permettre de travailler avec toute la richesse et tout le potentiel que l'on a actuellement. C'est vraiment le sens profond du projet sur lequel on travaille actuellement.
Alors donc, pour le projet en question, comme je vous dis, ce que l'on veut, c'est offrir le meilleur service possible en support, en collaboration... Toutes les combinaisons sont bonnes, je vous dirais.
Le Président (M. Kelley): Alors, Mme la députée de Taillon.
Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Je vous souhaite la bienvenue à mon tour au nom de ma formation politique. Je suis très heureuse d'avoir pu prendre connaissance de votre mémoire. Il m'a fait plaisir d'en prendre connaissance, et c'est particulièrement intéressant.
Et je voudrais continuer dans la même veine dans laquelle s'est engagé le ministre. J'aimerais comprendre quelles sont les résistances à votre projet. Parce que je comprends qu'il y en a, hein? Et je comprends qu'une des inquiétudes, selon ce que disait le ministre, c'est que votre projet non seulement n'atteigne pas l'objectif que vous vous fixez de mieux servir la population québécoise à travers les universités en région, mais que ça puisse... ou qu'il y ait un risque d'un effet contraire. C'est ce que j'ai compris, là, je ne veux pas interpréter incorrectement les propos. Je voudrais que vous m'expliquiez quelles sont actuellement les résistances que, vous, vous percevez, puisque vous y travaillez depuis 2002 et que le projet n'est pas encore réalisé, un an et demi ou deux plus tard.
Mme Bertrand (Louise): D'abord, je vous dirais que, si le projet n'est pas réalisé un an et demi ou deux plus tard, ce n'est pas à cause des résistances que l'on pourrait trouver sur notre passage.
Mme Marois: C'est important de le clarifier...
Mme Bertrand (Louise): Tout à fait.
Mme Marois: ...parce que, actuellement, c'est l'impression que ça laisse, là, quand on entend le dernier dialogue.
M. Reid: C'est un projet complexe, je pense.
Mme Bertrand (Louise): Alors, je vous remercie de la question et de me donner l'occasion de le préciser. Il s'agit d'un projet extrêmement compliqué, où deux établissements universitaires doivent mettre en commun leurs ressources, leurs programmations, et deux universités qui sont différentes. Lorsqu'on essaie de mettre en commun des ressources de la formation à distance avec la formation campus, c'est extrêmement différent.
n(12 heures)n Je dirais également que ce projet a été fait, au sein de la Télé-université et au sein de l'UQAM, dans un grand respect des communautés. Donc, nous avons... et nous continuons à faire des consultations extrêmement importantes auprès de tous, tous, tous les groupes de notre communauté, y compris les étudiants, donc, et tous les groupes d'employés, les professeurs, et ainsi de suite. Donc, c'est la raison pour laquelle ce projet est un projet qui est long mais dont le potentiel, je dirais, est extrêmement important et vaut la peine qu'on continue à y travailler.
Alors, la nature des résistances, ce sera selon ma perception, parce que je n'oserais pas parler au nom de mes collègues, vous comprendrez bien. Cependant, je vous dirais qu'il y a à peu près deux ans, jour pour jour, nous étions, à la Télé-université, devant la Commission permanente de l'éducation et nous étions questionnés de façon très détaillée sur les projets de collaboration que nous avions avec les autres universités et pourquoi c'était aussi difficile d'aboutir. Et le sens de la réponse: à l'époque, les universités étaient encore ? sont toujours, mais étaient encore ? à essayer de récupérer des situations difficiles qui ont été vécues au cours des années quatre-vingt-dix. Donc, à chaque fois qu'il y avait possibilité de perdre, je dirais, un certain nombre d'étudiants, que ce soit vrai ou non, à chaque fois qu'il y avait une perception que ça pourrait se réaliser, c'était perçu comme dangereux.
Les résistances que je peux sentir à l'heure actuelle... Je vous présenterais peut-être l'affaire différemment. Je dirais que nous avons travaillé dans le projet beaucoup à l'interne des deux établissements parce qu'il fallait s'assurer d'abord qu'il y avait un potentiel, d'abord que c'était possible et que les gens de nos deux universités y adhéraient, y voyaient là un projet d'avenir, et se sentaient à l'aise, et pourraient donner suite et faire de ce projet ce qu'on veut qu'il soit.
Et je pense que le temps que nous avons consacré en discussions avec nos collègues du réseau est à ce jour assez limité. Donc, il y a des discussions importantes à avoir pour mieux expliquer, pour bien expliquer ce qu'est le projet, pour bien comprendre quelles sont les objections des autres universités et pour bien faire comprendre que l'idée du projet n'est pas d'enlever quoi que ce soit à qui que ce soit. C'est de permettre de faire plus, c'est de permettre à des étudiants en région de rester en région et de pouvoir poursuivre et terminer un programme universitaire avec l'appui de la Télé-université pour quelques cours, par exemple. C'est vraiment ça, l'essence du projet.
Mme Marois: Bon, je pense que ça répond un peu mieux à la question, en tout cas ça l'éclaire davantage, disons. Pas que ça répond mieux, mais ça l'éclaire davantage.
Je vais revenir, dans ce sens-là aussi, à une autre affirmation que vous faites dans votre document et qui rejoint les propos que vous avez eus et l'analyse que vous avez faite jusqu'à maintenant. Vous dites: «Nous tenons à souligner à la commission qu'il nous apparaît coûteux et inefficace de disséminer l'offre de formation à distance dans plusieurs établissements.» Et vous faites référence, dans les textes qui précèdent, à votre entente éventuelle avec l'Université du Québec à Montréal en disant: «Il nous apparaît [...] qu'un renouvellement du cadre organisationnel de la Télé-université devient nécessaire pour assurer le développement de tout son potentiel.» Et, à la fin du paragraphe, vous dites: «À cet égard, il est fondamental d'éviter l'éparpillement des ressources en formation à distance en misant plutôt sur une capitalisation des acquis de la Télé-université [donc] compter sur une université à distance de pointe au service de l'ensemble de [la] population.»
Alors, je veux vous entendre sur cet aspect-là, parce que, évidemment, actuellement, l'impression qui est laissée par l'analyse du contexte des nouvelles technologies... en analysant le contexte de nouvelles technologies et de leur apport à la société, c'est qu'on peut se lancer... tous les établissements pourraient se lancer dans les techniques de formation à distance ou dans le modèle de la formation à distance parce que les techniques sont disponibles et que donc ça facilitera l'accessibilité. On le souhaite bien sûr, mais vous semblez avoir quelques réticences, en tout cas, quant au fait qu'on développe un peu partout ces nouvelles technologies sans qu'il y ait nécessairement une masse critique ou une connaissance en profondeur de cette réalité-là. Je veux vous entendre là-dessus.
Mme Bertrand (Louise): Avec plaisir. D'abord, nous ne sommes pas du tout réfractaires au fait que les nouvelles technologies soient utilisées un petit peu partout. Je pense que ce qu'il est important de bien préciser ici, c'est que le maintien d'un système de formation à distance est... n'est pas, je devrais dire, possible à plusieurs exemplaires au Québec, en tout cas ce ne sera pas ce qu'il y a de plus performant, me semble-t-il, pour l'ensemble du réseau québécois.
Je vais vous donner un exemple très concret, parce que, effectivement, on l'a dit, je l'ai répété dans la présentation, toutes les universités utilisent... Et c'est très bien, ça améliore la pédagogie universitaire, on est convaincus de ça. Mais, par exemple, à la Télé-université ? je vous donne un exemple ? nous offrons l'inscription continue. C'est une mesure d'accessibilité, compte tenu des caractéristiques de nos étudiants. L'inscription continue, ça veut dire que l'étudiant peut s'inscrire n'importe quelle journée de l'année et il commence quelques jours plus tard. Pour supporter cette caractéristique ? et ce n'en est qu'une, là, il y en a d'autres, je vous donne celle-là ? pour supporter ça, ça veut dire une infrastructure, des modes de gestion qui sont distincts. Et je pense qu'il est important de permettre à ce système de formation à distance de continuer d'évoluer comme il l'a fait depuis la création de la Télé-université. Ça ne veut pas dire priver qui que ce soit de formation à distance, mais il serait plus opportun, nous semble-t-il, d'avoir une université à distance qui continue de se développer, qui continue de développer sa recherche, et de réinvestir, et d'évoluer pour le bien-être de tout le monde ici, là.
Donc, ça ne veut pas dire que les autres ne peuvent pas ou ne devraient pas utiliser les technologies, offrir la récupération à distance de matériels didactiques, ainsi de suite, mais, à plusieurs exemplaires, de reproduire un système de formation à distance qui ? on l'a dit dans le mémoire, je pense, et à plusieurs reprises ? est un système qui est relativement lourd et qui est le résultat d'une évolution des pratiques depuis 30 ans, ce ne serait pas, me semble-t-il, ce qui est le plus judicieux.
Mme Marois: D'ailleurs ? je cherchais la référence, mais je vais y aller de mémoire ? vous dites que, si, par comparaison à ce qu'il se fait dans les autres pays, vous exploitiez tout le potentiel ou nous exploitions tout le potentiel de l'enseignement à distance, c'est près de 100 000 personnes... plus de 100 000 personnes qu'on pourrait voir fréquenter ou utiliser les services de la formation à distance. Est-ce que j'ai bien saisi, là?
Mme Bertrand (Louise): Oui, dans le mémoire, nous parlons de 12 000 étudiants équivalents temps plein. Donc, si on regarde... Je vous donnais l'exemple de la Grande-Bretagne et de l'Espagne. Il y a d'autres exemples qui sont encore plus, je dirais, frappants, mais qui sont moins près de nos systèmes peut-être, par exemple en Asie. La pénétration de la formation à distance dans les structures d'enseignement à tous les niveaux et au niveau universitaire est plus élevée. Donc, ce n'est pas un record à atteindre nécessairement, mais nous pensons qu'il est possible de tirer mieux parti... et de toucher plus de personnes, et, attention, des personnes qui ne fréquenteraient pas l'université sans la formation à distance, donc d'en toucher plus par la formation à distance.
Mme Marois: Oui, c'est ça. J'ai dit: Il y a 120 000, mais c'est 12 000. C'est quatre fois ce que vous... cinq fois ce que vous faites maintenant, hein?
Mme Bertrand (Louise): Tout à fait.
Mme Marois: C'est ça. Exactement. Bon. Est-ce que j'ai encore un peu de temps?
Le Président (M. Kelley): Ou peut-être je vais faire l'alternance...
Mme Marois: L'alternance? Parfait.
Le Président (M. Kelley): ...et je vais revenir après. Mme la députée de Maskinongé.
Mme Gaudet: Bien, en continuité avec la question de ma collègue la députée de Taillon, j'aimerais peut-être que vous nous donniez de l'information à savoir pourquoi le réseau de la Télé-université ne s'est pas développé au même titre que les exemples que vous venez de citer.
n(12 h 10)nMme Bertrand (Louise): En fait, il s'est bien développé quand même, le réseau de la Télé-université, je vous l'ai dit, mais je pense que, bon, il faudrait une analyse historique assez compliquée, que je ne prétends pas connaître et que je ne prétends pas vous faire ici, ce matin, non plus, sur l'évolution des universités à distance ailleurs, mais les besoins devaient être, je dirais, plus précisément définis, et peut-être que les populations à rejoindre étaient aussi plus nombreuses.
Donc, je pense que la Télé-université est quand même, et je l'ai dit, et ce n'est pas pour faire joli, je dirais... La Télé-université, c'est une réussite et, il y a 30 ans, d'avoir eu l'idée et d'avoir accepté l'idée de faire une université à distance, c'était quand même d'avant-garde, je dirais. Donc, on a développé ça. D'autres provinces canadiennes n'en ont pas. On a une université très ressemblante en Alberta, avec l'Université d'Athabasca, mais d'avoir, au Québec, développé cette université à distance, c'est déjà beaucoup. Cependant, je pense que les besoins qui étaient affirmés ou qui étaient présentés n'étaient peut-être pas suffisamment bien reliés, je dirais, aux possibilités de la distance. Et puis je vous dirais, vous le savez très bien, que la popularité de la formation à distance a évolué beaucoup avec l'arrivée des technologies de l'information et des communications.
Mme Gaudet: Merci.
Le Président (M. Kelley): M. le député de Charlesbourg?
M. Mercier: Merci, M. le Président. Mesdames, monsieur, bienvenue à cette commission parlementaire. Et, pour continuer justement sur ces nouvelles technologies, j'aimerais revenir à la page 18 de votre mémoire et au point 5.4, toujours au stade de projet. Nous avons abondamment abordé le soutien aux universités régionales mais également, et c'est ce qui retient mon attention, «l'implantation d'un portail pour tout le secteur de la formation à distance québécois». Et tout à l'heure vous avez dit qu'il y aurait peut-être une banque d'objets d'apprentissage, une espèce de réseau. J'aimerais savoir quelle serait la dynamique, c'est-à-dire la collaboration avec les autres partenaires, dont les universités. Et tout à l'heure la députée de Taillon mentionnait à bon escient que les nouvelles technologies sont utilisées un petit peu partout, et vous avez corroboré à cet effet. Donc, comment est-ce que vous articuleriez cette espèce... ce portail et aussi ? et je rajoute en sous-question ? comment cela serait financé?
Mme Bertrand (Louise): Alors, dans la section à laquelle vous faites allusion, du mémoire, on dit: Des missions particulières pourraient être... Donc, c'est, je dirais, en surplus. Mais ce qu'on voulait bien montrer, c'est que, compte tenu des compétences que nous avons développées, de l'expérience que nous pouvons offrir, nous sommes en mesure d'offrir un portail pour l'ensemble du secteur de la formation à distance au niveau du Québec. Ce n'est pas, je dirais, de l'impérialisme, c'est une offre de collaboration à tous ceux qui voudraient bien utiliser ce portail. Il me semble que ce pourrait être là une façon intéressante d'avoir en un seul lieu ce qui est possible et disponible au Québec. Donc, c'est, je vous dirais, une illustration de ce qui pourrait être fait, de la part que pourrait avoir la Télé-université pour l'ensemble de la formation à distance au Québec.
M. Mercier: Mais ? si vous me permettez, M. le Président ? alors ce serait volontaire, si je vous comprends bien.
Mme Bertrand (Louise): Ce serait... oui, ça peut être volontaire sans problème, là. Ce n'est pas une obligation, je dirais, d'avoir ce type de portail, mais ce serait intéressant de le faire. Et puis je ne suis pas sûre de bien saisir votre question, c'est-à-dire la difficulté que vous voyez. Ce serait effectivement volontaire. Nous travaillons en collaboration avec d'autres universités. Nous travaillons également en collaboration avec d'autres acteurs de la formation à distance au Québec, et on se dit que ça pourrait être une bonne idée.
Maintenant, ça existe, par exemple, au niveau canadien. Nous sommes membre de l'Université virtuelle canadienne, qui offre un portail pour toutes les universités canadiennes qui font de la formation à distance, et l'Université virtuelle canadienne offre ce type de portail. Donc, la personne qui est intéressée à avoir une formation en formation à distance, en visitant le site de l'Université virtuelle canadienne et en sélectionnant, par exemple, des secteurs, des disciplines scientifiques, peut voir quels sont les partenaires qui offrent de la formation à distance dans telle ou telle discipline, et des liens sont faits avec les sites des partenaires. Donc, c'est ce genre de portail qui pourrait aussi être offert au niveau du Québec.
M. Mercier: D'accord. Très rapidement, M. le Président.
Le Président (M. Kelley): Continue.
M. Mercier: Toujours sur... en ce qui concerne les nouvelles technologies, mais notamment l'Internet, quelle est la proportion, justement, de cours qui sont offerts, là, sous forme d'Internet par rapport, par exemple, à d'autres types de matériel didactique, dont les imprimés ou les cédéroms, et autres?
Mme Bertrand (Louise): Notre banque de cours actuellement compte 325, 330 cours. Là-dessus, tous les cours bénéficient de l'encadrement par télématique si l'étudiant le souhaite. Donc, l'étudiant qui le souhaite a un encadrement télématique, et je vous dirais que l'évolution est extrêmement rapide. Les étudiants, de plus en plus, y voient un intérêt certain. Mais ceux qui le désirent continuent à avoir un encadrement téléphonique.
Les cours qui sont offerts entièrement sur l'Internet ou qui sont offerts sans papier, disons, avec des cédéroms et tout, sur la banque, il y en a 45, à l'heure actuelle, à peu près. Et je vous dirais peut-être, pour compléter l'information, c'est que nous devons prendre garde, dans l'évolution que nous faisons de nos modes d'enseignement, d'être adaptés aux capacités d'absorption de nos étudiants. Donc, à partir du moment où un étudiant ne dispose pas, par exemple, de l'Internet haute vitesse, si ce que nous voulons lui transmettre est extrêmement lourd et qu'il doit s'asseoir pendant une heure devant son ordinateur avant de récupérer ce qu'on lui offre, ce n'est pas intéressant. Donc, il nous faut faire le lien entre des gens ? il y en a encore quand même quelques-uns, il y en a quand même encore un bon pourcentage ? qui n'ont pas accès du tout à Internet et d'autres étudiants qui sont extrêmement bien équipés et qui sont extrêmement exigeants aussi. Alors, c'est un défi que l'on relève, ce passage, je dirais, du mode plus traditionnel, avec des outils pédagogiques et didactiques qui faisaient moins appel à la technologie, vers un mode où c'est entièrement sur l'Internet.
M. Mercier: Et c'est ce pour quoi je vous posais la question, parce qu'il y a quand même beaucoup de gens encore qui ne sont pas branchés et encore plus qui ne sont pas branchés haute vitesse. Je vous remercie.
Mme Bertrand (Louise): Tout à fait, mais nous sommes conscients et nous y prenons garde.
Le Président (M. Kelley): Deux minutes. M. le ministre.
M. Reid: Rapidement. En même temps, ça ramène un petit peu... c'est peut-être notre ignorance aussi qu'il faut excuser. Les cours souvent, bon, quand on a des distances à franchir, peuvent être faits en présentiel, je veux dire, on peut déplacer les profs. Ça se fait aussi de plus en plus avec la technologie ? on mentionnait ça tantôt ? avec la téléconférence. Mais est-ce que TELUQ ne se concentre pas davantage sur des cours de formation où l'étudiant fait ça à son rythme avec papier, cassettes, cédéroms ou accès à Internet, auquel cas ça veut dire que, pour chacun de ces didacticiels ou enfin de ces cours, il y a un investissement considérable qui doit être fait parce qu'il faut prévoir un ensemble de choses, et donc ça prend une clientèle qui est assez grande également, ce qui expliquerait peut-être que des universités qui ont moins de moyens ont peut-être moins investi dans ce type de matériel? D'abord, est-ce que je me trompe, là, dans un premier temps? Et, sinon, est-ce qu'au Québec il y a beaucoup d'universités qui ont effectivement mis des énergies pour préparer ce type de matériel à distance, et surtout quand on considère les méthodes plus actuelles utilisant Internet?
Mme Bertrand (Louise): Alors, vous avez raison de dire que l'enseignement de la Télé-université, par le mode de la formation à distance, vise la plus grande autonomie de l'étudiant. Donc, il peut étudier à son rythme, au moment où il le souhaite, avec un encadrement bien sûr extrêmement présent. Mais le matériel que nous lui offrons doit lui permettre de cheminer le plus possible de façon autonome, bien sûr toujours avec des personnes qui assurent son encadrement. C'est donc dire que les objets didactiques que nous préparons sont extrêmement raffinés, en termes de mise en forme pédagogique, je dirais.
Donc, effectivement il y a un investissement important, et on lie trop souvent l'investissement uniquement à la technologie. Mais il y a une réflexion pédagogique. Si on veut assurer un apprentissage de qualité, il y a cette réflexion pédagogique et cette mise en forme pédagogique qui est extrêmement importante aussi. Il y a toutes sortes de caractéristiques des objets pédagogiques que nous faisons qui doivent être respectées pour assurer une qualité de l'apprentissage. Donc, effectivement les cours demandent du temps, de l'énergie et des investissements. Maintenant, certaines universités ont commencé à faire ce genre de formation à distance, d'autres utilisent différentes versions aussi. On parlait tout à l'heure de vidéoconférences, de différents éléments. Je vous signale par ailleurs qu'en vidéoconférence, c'est un mode que nous utilisons mais surtout aux cycles supérieurs, par exemple, dans le cadre de séminaires avec les étudiants gradués ou ce genre d'activités. Donc, oui, ça demande un investissement en temps, en énergie et en ressources, et effectivement vous avez raison, donc.
Je m'excuse, je pense que j'ai perdu la deuxième partie de votre question.
M. Reid: C'est-à-dire, est-ce que vous avez de la concurrence? Dans le fond, une autre façon de le dire.
Mme Bertrand (Louise): Nous avons une certaine concurrence, mais je dirais qu'effectivement elle est... C'est une concurrence, si on peut parler ainsi, là... Je n'aime pas parler de concurrence et vous non plus.
M. Reid: Ce que je voulais dire... Ma question, quand je l'ai posée, c'était: Est-ce que d'autres universités, selon vous, ont effectivement fait des investissements importants dans la préparation de matériel semblable?
Mme Bertrand (Louise): Je ne crois pas que certaines universités aient investi de façon massive dans le type de formation à distance que nous faisons, pour répondre clairement à votre question.
Le Président (M. Kelley): Notre collègue le député de Beauce-Nord aimerait poser une question. Alors, ça prend un consentement. Il n'y a pas d'objection. Alors, à vous la parole, M. le député.
M. Grondin: Merci, M. le Président. Alors, vous comprendrez que Beauce-Nord, c'est une région, et puis, moi, je vois... Cet outil-là que vous proposez... en tout cas que vous travaillez, c'est très, très bien pour les régions éloignées parce qu'on... C'est sûr qu'il y a beaucoup d'étudiants qui aimeraient aller à l'université, mais on n'a pas toujours les moyens. Parce que, quand on est en région, il faut penser qu'il faut que notre enfant, si vous voulez, il faut qu'il... soit qu'on lui achète une auto soit qu'on lui prend un logement dans la ville où il va, et c'est des coûts énormes. Alors, ce n'est pas tous les parents qui sont capables de supporter ça. Et je trouve que cet outil-là, moi, répondrait... En tout cas, dans les régions éloignées, c'est... même si la Beauce n'est pas tellement éloignée.
n(12 h 20)n Mais, moi, ma fille, présentement elle étudie à Montréal, et puis j'évalue les coûts entre 10 000 $ et 12 000 $ par année. Et je suis persuadé que ce n'est pas tous les parents qui sont capables de le faire. Alors, peut-être que l'enfant prend un autre chemin puis qu'il aurait désiré aller à l'université. Bien, moi, l'outil que vous proposez aujourd'hui, je trouve ça formidable pour régler un problème dans les régions. Parce que, en région, on parle... À Montréal, vous avez le transport en commun. Dans plusieurs villes, vous avez le transport en commun. En région, on paie un certain pourcentage pour le transport en commun qu'on a à Montréal, mais on ne l'a pas dans la région. Il faut se déplacer par nos propres moyens. Et en tout cas, moi, j'abonde dans le sens de continuer.
Parce que, moi, dans la région de la Beauce, on a les services universitaires Beauce-Appalaches qui desservent... qui donnent des services, mais ils sont confrontés avec d'autres lois qui ont été changées, là, dernièrement. Avant, on pouvait avoir des cours avec à peu près 20 étudiants, on pouvait former des coops. Aujourd'hui, je pense qu'ils ont monté ça à 30 étudiants. Alors, ça éloigne encore le cours parce que des fois c'est difficile, en région, de regrouper 20... 30 étudiants pour un cours. Souvent, qu'est-ce qu'il arrive, bon, bien là les étudiants délaissent ou ils s'en vont dans la ville ou...
Alors, c'est un paquet de problèmes que les gens nous apportent, là, puis je vois votre approche en tout cas résoudre plusieurs problèmes qu'on a en région. Alors, ce n'est pas une question, c'est un commentaire.
Mme Bertrand (Louise): Si vous permettez, M. le Président, ça me permettrait...
Le Président (M. Kelley): Oui. Répondre au commentaire.
Mme Bertrand (Louise): ...l'occasion quand même de conclure. Tout à fait, bien sûr, le potentiel de la formation à distance, comme vous le soulignez, est extrêmement important. Et je voudrais vous quitter en mettant en évidence encore une fois la potentialité de l'enseignement bimodal pour les étudiants qui non seulement peuvent prendre un cours à distance et un cours en présence dans un programme, mais l'évolution que l'on voit au cours des prochaines années, c'est aussi que, dans un même cours par exemple, on pourrait avoir des déplacements moins fréquents des étudiants qui, plutôt qu'aller 15 semaines sur campus, pourraient y aller trois, quatre ou cinq semaines pour faire des travaux d'équipe, des discussions, je ne sais quoi, ou des laboratoires ou... et, entre ces rencontres, peuvent utiliser les moyens de la formation à distance pour avancer dans le développement de leurs connaissances. Donc, les possibilités du bimodal sont multiples. Et il m'apparaît tout à fait indispensable que le Québec se dote d'une capacité d'exploiter tout ce potentiel.
Le Président (M. Kelley): Oui, Mme la députée de Taillon.
Mme Marois: Oui. Merci, M. le Président. Je vais aborder une autre question qui est dans votre mémoire, et qui est intéressante, et qui est liée aussi au mandat de notre commission, eu égard à la question du financement. C'est la formation continue. À la page 14 et 15 de votre mémoire, il y a un développement sur cette question. Vous indiquez, entre autres, que «la Télé-université est particulièrement bien [adaptée] à la formation continue, au sens de formation en cours d'emploi ou de "formation tout au long de la vie", qui n'est [pas un effet de] conjoncture mais [qui est] une réalité», bien présente dans toute notre réalité. Et vous indiquez que vous estimez «que la formation continue devrait [donc] bénéficier du même soutien financier que la formation initiale, pour des motifs relatifs à l'accessibilité, à l'économie et à l'équité». Est-ce que vous avez prévu une façon de procéder pour reconnaître cela concrètement, et donc comment le ministère devrait transférer les sommes pour tenir compte de cette réalité-là?
Mme Bertrand (Louise): En fait, plus loin dans le texte, si vous poursuivez la lecture...
Mme Marois: Je l'ai lu au complet.
Mme Bertrand (Louise): Si vous poursuivez la lecture maintenant, je devrais dire, on indique, à la page 15... Je pense que l'exemple est assez frappant, quand on dit: Pourquoi est-ce qu'on devrait traiter différemment une technicienne de 36 ans, bon, etc. Donc, il est très... Je dirais que le concept de formation initiale et de formation continue, notamment par cette notion de formation tout au long de la vie, va devenir de plus en plus flou parce que certaines personnes entreprennent des études universitaires à 30 ans, par exemple, et c'est une formation initiale. Est-ce qu'il faut la considérer comme formation continue parce qu'ils ont déjà été sur le marché du travail? Donc, c'est une notion de plus en plus floue. Et je pense qu'on doit financer de la même façon, notamment pour cette raison, en termes d'équité.
Ça me permettrait de faire une petite digression, si vous me le permettez, pour vous dire qu'à la Télé-université, en ce qui a trait à la formation créditée sur mesure, dont il a été question également ici, nous avons des pratiques qui me semblent présenter un certain intérêt. Nous travaillons, par exemple ? des exemples récents ? avec l'Ordre des CGA, nous avons travaillé avec le Mouvement Desjardins, et la façon dont on fonctionne avec ces organismes qui font une demande, c'est de leur demander d'investir dans le développement des contenus, du matériel didactique avec nous, de sorte qu'une partie de ce matériel peut être utilisé pour de la formation générale, et ils en financent aussi une partie qui leur est plus spécifique. Donc, je pense qu'il y a des possibilités pour permettre d'avoir une contribution des acteurs sociaux qui souhaitent un service très précis de l'université, mais que, en termes de formation continue, ça m'apparaît difficile, dans la mesure où, comme je vous disais, c'est une notion qui m'apparaît de plus en plus floue.
Mme Marois: Merci. J'ai une collègue encore...
Le Président (M. Kelley): Il vous reste une dernière question. Mme la députée de Champlain.
Mme Champagne: Bonjour. Bienvenue. Question très pratique: Un étudiant qui s'inscrit chez vous dans une formation par communication, là, indirecte, cet étudiant-là, il a des coûts à assumer. Est-ce qu'il est assujetti... est-ce qu'il peut avoir accès à des prêts et bourses, est-ce qu'il a des coûts... est-ce qu'il évite des coûts énormes, le fait de suivre à distance sa formation? Alors, de façon concrète et pratique, ça lui coûte combien de moins pour réussir peut-être un même cours parce qu'il ne peut pas le suivre chez lui, il ne se donne pas, ou bien parce qu'il est hors région, là?
Mme Bertrand (Louise): Alors, les coûts de la formation pour l'étudiant, les frais de scolarité et tout, bien sûr c'est la même chose que dans les autres universités. L'étudiant paie les mêmes...
Mme Champagne: Comme s'il était sur un campus? Ça lui coûte le même coût?
Mme Bertrand (Louise): Les mêmes droits de scolarité.
Mme Champagne: Même chose? O.K.
Mme Bertrand (Louise): Oui, tout à fait. Nous avons des frais afférents qui sont bas si on se compare à l'ensemble du réseau universitaire, là. Le réseau de l'Université du Québec et la Télé-université ont des frais afférents qui sont bas.
Mme Champagne: Je m'excuse. Frais afférents, vous entendez surtout matériel pédagogique?
Mme Bertrand (Louise): Ce sont les autres... Non. Le matériel pédagogique, nous demandons aux étudiants d'acquérir certains documents. Par exemple, si on lui demande de disposer d'un livre, on lui vend au prix coûtant. Donc, les frais afférents, ça compte aussi des frais d'administration dans les programmes, et ainsi de suite, d'admission et tout, là, ces frais qui sont connexes, si on veut.
Et, pour répondre à votre question très pratique, nos étudiants ont accès au Programmes de prêts et bourses de la même façon que tous les étudiants du Québec. Et, nous l'avons souligné dans le mémoire, le fait que les prêts et bourses soient maintenant accessibles aux étudiants à temps partiel est une excellente nouvelle pour nos étudiants. Nous l'avons dit, 93 % de nos étudiants sont à temps partiel, et nous avons vu une croissance significative des dossiers d'étudiants qui font une demande de prêts et bourses, des étudiants à temps partiel.
Mme Champagne: Merci.
Le Président (M. Kelley): Peut-être un dernier commentaire, M. le député de Bertrand. Il vous reste vraiment une minute. Alors...
M. Cousineau: Bien, rapidement, à la fin de votre mémoire, vous avez une série de tableaux qui sont très éloquents, là, surtout la progression de la population étudiante à partir de... à la page 21. Juste une question sur le taux de placement: Est-ce que vous avez des statistiques sur le taux de placement des étudiants qui terminent à la...
Mme Bertrand (Louise): Nous n'avons pas de statistiques précises sur le taux de placement, je vais vous dire, pour deux bonnes raisons. D'abord, parce que la Télé-université est une petite université, et nous n'avons pas de bureau de recherche institutionnelle, par exemple. Donc, nous ne sommes pas aussi bien nantis, en termes de statistiques, que nous le souhaiterions, je vais le dire comme ça.
n(12 h 30)n D'autre part, nos étudiants sont en majorité des gens qui sont déjà sur le marché du travail, pour plusieurs d'entre eux. Vous avez entendu tout à l'heure, quand je vous parlais des caractéristiques de nos étudiants, on peut comprendre que ce sont des gens qui ne sont pas au sommet des échelles salariales dans la société québécoise. Donc, ce sont des gens qui ont déjà, pour plusieurs d'entre eux, un emploi et qui cherchent à améliorer leur situation professionnelle. Donc, comment on peut dire? Ils sont déjà en emploi. Est-ce que le diplôme leur permet d'accéder à l'emploi qu'ils désirent? C'est très difficile de répondre à votre question. Nous ne disposons pas à l'heure actuelle des statistiques nécessaires.
M. Cousineau: Merci.
Le Président (M. Kelley): Sur ce, merci infiniment pour ce portrait de la jonction entre les nouvelles technologies et l'enseignement. Et, sur ce, je vais suspendre nos travaux jusqu'après la période des affaires courantes, vers 15 heures cet après-midi. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 12 h 31)
(Reprise à 15 h 18)
Le Président (M. Kelley): Alors, on est prêts de recommencer nos travaux cet après-midi. Et, tout au long de la commission, un des thèmes qui était souvent évoqué, c'est l'innovation et la créativité de nos régions. Et je pense qu'on a un exemple concret cet après-midi que la commission va faire ses travaux autrement, suite à la suggestion qui a été faite, entre autres, par les représentants de la région de l'Abitibi-Témiscamingue. Alors, je veux dire un mot de bienvenue, mais juste pour expliquer aux personnes qui vont suivre nos travaux à la maison que, plutôt de faire les groupes et les présentations de 15, 20 minutes un après l'autre, la proposition de la région d'Abitibi, c'était d'avoir un genre de miniforum, ou un colloque, ou un bloc sur les questions qui touchent les enjeux pour les universités et la formation en général dans l'Abitibi.
Alors, au nom de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, le Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue, la Corporation de l'enseignement et de la formation d'Amos-région, la Corporation de développement de la formation et de l'enseignement supérieur de La Sarre, la Corporation de la formation professionnelle et de l'enseignement supérieur et ville de Rouyn-Noranda, l'Association étudiante du campus de l'UQAT à Val-d'Or, la Corporation de développement de l'enseignement supérieur de la Vallée-de-l'Or et la Corporation de développement de l'enseignement supérieur et organismes du Témiscamingue, vous êtes les bienvenus. Je ne sais pas c'est qui qui va lancer la balle, mais le format proposé, c'est une présentation, au nom de ces groupes, de plus ou moins une cinquantaine de minutes; après ça un échange, un dialogue avec les membres de la commission.
n(15 h 20)n Alors, sans plus tarder, est-ce que c'est vous, M. Arsenault, ou M. Gauthier qui va... Peut-être vous, M. Arsenault, ou M. Gauthier. C'est à vous la parole.
Université du Québec
en Abitibi-Témiscamingue (UQAT)
et organismes de l'Abitibi-Témiscamingue
M. Arsenault (Jules): Je vous remercie, M. le Président. Je remercie aussi la commission d'avoir accepté de jouer le jeu de regrouper un ensemble de présentations de mémoires, et c'est à l'image de l'Abitibi-Témiscamingue. Les gens qui sont ici ne sont pas regroupés à cause de la commission. Il y a des corporations de développement de l'enseignement supérieur qui existent depuis plus de 20 ans. Donc, c'est un partenariat avec le milieu, c'est un support avec le milieu depuis des années.
Je vais vous présenter les gens qui m'accompagnent. Je vais prendre un peu de temps parce que c'est des gens qui méritent d'être présentés parce qu'ils font l'université, ils font l'enseignement supérieur dans le quotidien: donc le président du conseil, M. Gauthier, qui est aussi président de Proximédia, donc c'est quelqu'un qui ne gagne pas sa vie à l'université mais autrement; M. Jean-Claude Beauchemin, qui est maire de la ville de Rouyn-Noranda ? vous savez que la ville et la corporation ont présenté un mémoire commun; M. Guy Lemire, qui est D.G., encore pour quelques périodes, du Conseil régional de développement; Mme Johanne Jean, qui est vice-rectrice; M. Claude Bigué, qui gagne sa vie comme avocat mais qui est vice-président de la Corporation d'Amos.
Et d'autres gens m'accompagnent aussi, je pense qu'il faut les présenter, puis ils pourront répondre aux questions: M. Jean-Claude Bergeron, qui est président de la commission scolaire du Lac-Témiscamingue; M. Jean Turgeon, qui est secrétaire général de l'université; Mme Mélanie Roy, qui est... l'Association étudiante de Val-d'Or; Mme Annette Morin, qui est une étudiante de l'UQAT, une graduée de l'UQAT, et qui est membre de la Corporation de La Sarre; Mme Janet Mark, qui est une employée à la coordination au campus de Val-d'Or; M. Jean Séguin, qui est président de la Corporation de La Sarre; M. Jacques Talbot, qui est président de la corporation de Val-d'Or; M. Daniel Lampron, qui est responsable... qui est notre directeur du centre d'Amos; M. Luc Bergeron, qui est vice-recteur aux ressources; Mme Nancy Crépeault, qui est étudiante à Val-d'Or.
Une voix: Gérard.
M. Arsenault (Jules): Ah! Il était complètement au fond. M. Gérard Laquerre, qui est président de la Corporation de Rouyn-Noranda.
M. le Président, la présentation de l'université va aller sur les grands mandats donnés à la commission, c'est-à-dire l'accessibilité, la qualité, le financement. Je donnerai la parole à différents intervenants au cours de la présentation. On ne reprendra pas les mémoires qui vous ont été présentés, vous les avez lus. Mais, avant de débuter ces trois volets-là, j'aimerais parler d'un dossier majeur pour le développement du Québec, c'est l'occupation du territoire. Vous savez que ça me tient à coeur, je l'ai souligné à notre dernière rencontre au mois de septembre.
Je crois que le Québec, à cause de la rareté des ressources, aurait intérêt à rééquilibrer la présence... la démographie sur l'ensemble du territoire québécois. Lorsque les régions demandent des subventions supplémentaires pour maintenir une petite école, maintenir un programme au cégep ou maintenir un programme à l'université parce qu'il n'y a pas assez de monde, et en même temps les grands centres demandent des espaces supplémentaires, demandent d'autres choses parce qu'il y a trop de monde, il me semble qu'il faut avoir une politique d'équilibre. Un gars de voile comme moi, lorsque le bateau est mal balancé, on perd de la vitesse, on perd de l'énergie, et ça coûte plus cher.
Donc, ce qu'on souhaiterait, dans le cadre du développement de l'éducation et... du Québec, c'est qu'on rétablisse, au niveau de l'ensemble du gouvernement, une déconcentration, un meilleur équilibre de l'appareil de l'État sur le territoire, qu'on donne l'exemple, et du ministère de l'Éducation qui peut jouer un rôle dans ce volet... répartisse un peu mieux et développe des créneaux d'excellence. On voit, dans le réseau de l'Université du Québec... on a présenté des propositions. C'est en train de se mettre en place; il faut poursuivre dans ce domaine-là.
L'UQAT a fait le test de cette approche sur son propre territoire. Elle a développé, dans ses campus, des spécificités, et c'est ce qu'on veut vous présenter dans les prochaines minutes. Les spécificités: des vocations particulières pour Amos, La Sarre, Val-d'Or, le Témiscamingue, et ça fonctionne très bien parce qu'il y a des communautés qui portent ces dossiers-là avec fierté pour contribuer à un meilleur développement de l'Abitibi-Témiscamingue, du Nord-du-Québec et, je vous dirais, pour le développement du Québec. Seul le réseau de l'Université du Québec peut permettre ce développement harmonieux, et on aurait intérêt, la société québécoise, à en faire un partenaire privilégié dans une politique d'occupation du territoire.
Je vais commencer par faire parler les gens sur ces spécificités-là. Donc, je vais demander à M. Claude Bigué de présenter un peu qu'est-ce que ça veut dire, une occupation du territoire, pour les gens d'Amos.
Le Président (M. Kelley): M. Bigué, bonjour.
M. Bigué (Claude P.): Alors, bonjour. Mon nom est Claude Bigué. Je suis avocat de profession. Et c'est bien important, ma participation aujourd'hui, pour moi, parce que l'Université du Québec, dans ma région et partout dans le territoire, j'y crois. Remarquez que j'ai passé toute la journée aujourd'hui et même presque toute une journée de préparation. Moi, ça ne me rapporte rien, je ne gagne pas d'argent. C'est vous dire combien le milieu d'Amos, qui est représenté par moi, croit à la présence de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue et plus particulièrement sur son territoire.
Moi-même, comme professionnel, avocat de pratique privée, on a des bureaux dans quatre villes de la région, c'est-à-dire deux en Abitibi-Témiscamingue, qui sont Val-d'Or et Amos, et Matagami, Lebel-sur-Quévillon, qui sont dans le Nord-du-Québec, notre région voisine. Alors, c'est pour dire que, même dans le privé, ça se vit, le développement en réseau.
Je suis assisté aujourd'hui par une personne qui va être en mesure peut-être plus que moi de répondre à certaines questions qui vous intéressent, M. Daniel Lampron, qui est le directeur du campus d'Amos, qui est là.
Alors, à titre de vice-président de la Corporation de l'enseignement et de la formation d'Amos-région, qu'on appelle la CEFAR... cette présentation-là est faite pour vous dire que l'organisme en question existe depuis environ 24 ans. C'est la première corporation qui a vu le jour en Abitibi-Témiscamingue, et elle est actuellement composée de 29 membres de notre milieu socioéconomique d'Amos et de la MRC d'Abitibi.
Le but de notre présentation est un appui ferme et fort au mémoire de notre université, qui est l'UQAT, et je vous parle plus spécifiquement de la contribution spécifique du campus d'Amos à l'UQAT, c'est-à-dire qu'on vise des créneaux de recherche reliés aux ressources naturelles dans le cadre d'un développement durable, et plus particulièrement par la sylviculture intensive dans le domaine forestier et en ce qui concerne la ressource hydrique, c'est-à-dire l'eau. Nos atouts pour cela sont la proximité des ressources, des territoires et des gens sur lesquels portent les recherches. On a aussi accès en deuxième lieu à du personnel technique, des métiers expérimentés dans la région immédiate, et on travaille en partenariat: université, cégep, commissions scolaires et entreprises. Donc, tout ceci amène une participation dynamique et un support du milieu ainsi que de toute la région.
Alors, mon premier secteur de recherche, c'est la sylviculture intensive avec l'aménagement faunique. Évidemment, le tout vise au maintien de la biodiversité par une première zone, qui est la protection intégrale du milieu forestier. On vise aussi un rendement accru et continu des forêts dans une zone de sylviculture adaptée au peuplement naturel et aussi une zone de culture intensive pour la production de plantations à croissance rapide, ce qu'on appelle la ligniculture, et ceci, à proximité des usines de transformation, et ceci, dans nos terres qu'on a, qui sont inutilisées, soit celles qui sont en friche pour certaines et, d'autres, les forêts qui sont dégarnies. Alors donc, nous avons de la main-d'oeuvre et des terres disponibles.
En ce qui concerne le volet aménagement faunique, qui est corollaire, bien évidemment il faut mesurer toutes les répercussions des traitements sylvicoles, de la sylviculture sur la faune, c'est-à-dire ce qui habite la forêt. Alors, la sylviculture est un domaine d'intérêt pour l'ensemble du Québec, pour le Canada, vu la place prépondérante de la forêt boréale, c'est-à-dire la forêt du nord, dans l'exploitation forestière québécoise actuelle.
n(15 h 30)n Le deuxième secteur de recherche du campus d'Amos, ce sont les ressources hydriques, c'est-à-dire l'eau. Je pense que vous avez entendu parler de la qualité exceptionnelle de l'eau, qui a été reconnue mondialement par des prix attribués à trois villes de l'est de l'Abitibi en 2001 et 2002. Je parle ici des villes d'Amos, de Barraute et de Senneterre.
Vous savez que la problématique actuelle pour l'eau est mondiale, canadienne et même québécoise, c'est-à-dire qu'on assiste à une préoccupation de la diminution de la quantité d'eau douce pour la consommation. Alors, on va en assurer la pérennité. Également, on a une préoccupation de maintenir la qualité de l'eau en la protégeant. Alors, en présence d'une abondance et d'une très grande qualité de l'eau des eskers de l'Abitibi, on a un besoin de recherche sur le territoire pour une meilleure connaissance de la ressource afin d'assurer la pérennité des eskers qui recouvrent l'eau et de l'eau.
Le programme de recherche, déjà amorcé et soutenu par l'Université du Québec, dans son plan de développement 2003-2008, au campus d'Amos, comprend: premièrement de faire un bilan et une cartographie; deuxièmement, une hydrogéologie détaillée de l'esker le plus important, soit celui de La Motte-Berry, qui mesure plusieurs dizaines de kilomètres de long. C'est celui qui alimente, entre autres, la ville d'Amos en eau potable. Et aussi l'usine d'Eaux Vives Harricana, qui produit l'eau Esker, c'est sur cet esker-là, qui est le plus connu, le plus étudié à date et qui mérite évidemment la continuation du travail de l'Université du Québec pour en faire la diffusion, de toute cette recherche-là, ainsi que la mise en place d'outils de gestion pour le territoire.
Alors, en résumé, les domaines visés par le campus d'Amos de l'UQAT sont des domaines innovateurs, où les enjeux sont: premièrement, de développer des créneaux de recherche et, deuxièmement, poursuivre l'objectif de décentralisation de la recherche sur le territoire. En fait, nous réalisons que l'UQAT fait ce qu'elle préconise, c'est-à-dire l'occupation du territoire et du développement régional. Les besoins, bien c'est de développer des programmes d'études incluant des étudiants de maîtrise et de doctorat, qui sont essentiels dans les activités de recherche. Évidemment, pour tout ça, ça prend une implication concrète et financière du gouvernement du Québec dans tous ces projets innovateurs qui visent à assurer le développement durable.
Qu'est-ce qui a permis tout ce développement? C'est, entre autres, un plan de développement universitaire, celui de l'UQAT, qui a prévu l'ajout d'une ressource humaine, c'est-à-dire d'un cadre, par l'UQAT, au campus d'Amos, et cela a eu comme effet de créer un engouement, un dynamisme et pour l'UQAT, dans la région d'Amos et le reste de l'Abitibi, et pour le milieu envers l'UQAT. Et ceci évidemment n'est pas sans créer des retombées positives pour toute la région de l'Abitibi-Témiscamingue. Je vous remercie.
Le Président (M. Kelley): M. Jules Arsenault.
M. Arsenault (Jules): Un exemple d'une capacité de spécialiser le milieu, et ces spécialités que vient de présenter M. Bigué sont uniques au Québec. Un deuxième exemple, je demanderais au maire de Rouyn-Noranda de nous faire une présentation pour lui qu'est-ce que la spécialisation en Abitibi-Témiscamingue.
M. Beauchemin (Jean-Claude): Alors, bonjour tout le monde. Merci de me donner ces quelques minutes où je vais essayer d'en profiter au maximum pour tenter de vous faire sentir l'importance de cette université pour l'Abitibi-Témiscamingue.
Vous savez que c'est devenu un lieu commun ? alors, je n'insisterai pas trop longtemps ? de dire à quel point nos régions vivent une période cruciale de leur histoire, nos régions ressources en particulier, où elles sont en période de restructuration totale. Je suis maire de Rouyn-Noranda depuis bientôt un an et demi et je peux vous dire que la population chez nous, à Rouyn-Noranda... mais, dans mes fonctions, je rencontre des gens de toute la région de façon régulière, la préoccupation des gens est vraiment l'avenir de cette région, une population, comme dans toutes les régions du Québec ? j'insiste là-dessus ? qui se demande c'est quoi qu'on a maintenant comme avenir avec les changements. Je n'insiste pas plus là-dessus, je suis certain que vous le savez aussi bien que moi à quel point ces préoccupations-là sont profondes dans la population.
Ce que je veux profiter de l'occasion pour vous dire, c'est à quel point nous avons décidé, en Abitibi-Témiscamingue, et décidé par la force des choses... c'est de miser sur notre université pour que notre région passe et entre résolument dans une nouvelle phase de son histoire. Pour ça, je vais me servir de deux points en particulier: d'abord, un élément de mission qu'on souhaite avoir pour cette université, mais aussi aborder la question des moyens qui doivent leur être donnés. Et là, cette préoccupation, là je la mets devant vous en disant que l'université a, au Québec, l'enseignement universitaire, le monde universitaire au Québec a cette grande mission d'assurer une habitation dynamique de l'ensemble du territoire et donc cet outil-là.
Première mission, l'élément de mission, j'aimerais essayer vraiment que... Des fois, j'aurais envie de vous dire que c'est un maire impatient puis en colère qui parle... On est une région minière, de loin la plus importante au Québec. On est une région où se concentre à un très haut niveau l'expertise minière, non seulement les mines, mais une expertise développée par les hommes et les femmes d'une région à tous les niveaux professionnels, depuis le mineur jusqu'au professionnel qui travaille. Et maintenant il serait temps, pour développer notre université, qu'on obtienne enfin que la formation en génie minier et recherche en génie minier, que ce soit maintenant une mission qui soit confiée à notre université. J'aurais besoin des heures pour tout vous expliquer ça, mais il me semble que le gros bon sens permet d'en dire beaucoup.
Actuellement, cet enseignement est réparti dans deux universités de Montréal et une université de Québec, puis, nous autres, par des ententes particulières, notre université a mis le pied dans cet étrier. Mais on reste à une époque où le gouvernement s'angoisse puis, je veux dire, on dit: On n'a plus le moyen de tout faire comme avant. On a trois facultés de génie minier qui s'étiolent faute d'étudiants. Puis on a encore le moyen de garder ça puis d'empêcher que, là où le travail se fait, là où l'industrie se situe d'une façon particulière... que ça piétine. Alors que, avec un mandat donné à cette université-là, l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue pourrait jouer un rôle, le rôle qu'elle doit maintenant jouer pour convertir justement toute l'économie, toute la société régionale. Alors ça, ça me semble un exemple de mission, et ça, c'est une décision gouvernementale que ça prend. On a besoin d'un leadership du gouvernement qui dit: C'est vrai, c'est le gros bon sens, puis il faut aller dans ce sens-là. Après ça, je sais que c'est difficile.
Mais d'ailleurs je peux vous dire une affaire: Si c'est moi qui parle de ça puis si j'ai insisté pour que ce soit moi, c'est parce que je sais que nos amis de l'université, qui passent leur temps à bâtir des partenariats avec les autres universités, ils sont peut-être un peu plus embêtés que moi pour les revendiquer, même. Parce que c'est dur de passer son année puis ses années à négocier avec ses collègues des autres universités, puis ils viennent dire: Il faudrait que ce soit chez nous. Moi, comme maire de Rouyn, je peux me permettre ce luxe-là puis je n'aurai pas besoin de parler aux gens de Polytechnique, ou de Laval, ou de McGill, demain, pour leur dire: Bien, écoutez, je suis un bon gars pareil. Moi, s'ils ne me trouvent pas un bon gars, ce n'est pas bien, bien grave. Mais par ailleurs je tiens à dire qu'on ne veut pas un mandat... un monopole exclusif pour faire tout, tout seul, chez nous. On a des collaborations qui vont se poursuivre puis qu'on aurait intérêt à poursuivre. Mais il faut donner à nos universités régionales en général, la nôtre en particulier, des missions particulières.
Je vais très vite sur le reste parce que Lemire va me frapper quand j'aurai été trop long. Une fois qu'on aura... Ça nous prend des missions, mais ça nous prend aussi des moyens. Comme maire de Rouyn-Noranda, je peux vous dire que j'ai été l'autre fois enchanté parce que j'ai participé avec les gens de l'université à l'ouverture de nouveaux locaux loués dans le privé sur la rue commerçante du quartier Noranda, où ils ont regroupé toute une série d'organismes et de chercheurs, tout ça, une quarantaine de personnes. Je veux dire, c'est vrai qu'on est en train de convertir notre économie, c'est vrai qu'on est en train de convertir notre société puis montrer qu'il y a un après pour nos régions, après l'exploitation simplement intensive puis basic, là, de nos ressources naturelles.
L'économie du savoir, le savoir, l'intelligence a sa place en région et vient dans la suite des choses, dans la suite de notre histoire régionale. Cependant, là aussi on a besoin d'une décision politique. Ce n'est pas normal d'être obligé que l'université se contente, à même ses fonds à elle, de devoir aller louer 5 000 pi² dans une rue commerçante, et elle devrait avoir... Parce que ça aussi, c'est la mission de l'université, vous le savez, pouvoir être équipée pour accueillir les équipes de professeurs, de chercheurs, puis de bâtir toutes les synergies. Moi, bravo aux gens de l'université chez nous qui font ça, mais ça n'a pas de bon sens, puis on ne peut pas s'imaginer que l'université va continuer à jouer son rôle puis va pouvoir le jouer puissamment dans l'avenir si elle n'a pas les équipements de base nécessaires. Vous savez, le centre de recherche dont on parle, c'est un petit centre de 3 000 m², ce n'est pas la mer à boire, mais c'est indispensable.
n(15 h 40)n Alors, c'est les deux points que je voulais vous montrer. Ce sont deux décisions à faire, et, pour la première, je pense qu'on a... Est-ce qu'on est assez riches pour continuer à avoir trois, quatre facultés qui s'agitent chacune dans leurs coins, alors qu'on pourrait... Et c'est l'avenir économique qui en dépend, du Québec. Mais les gens qu'on amène de même, les chercheurs, ces professionnels-là, il faut leur donner un minimum de conditions de travail. Alors, je vous remercie de m'avoir écouté.
M. Arsenault (Jules): Merci, M. Beauchemin. Un dernier intervenant sur cette approche d'occupation de territoire et spécialisation de nos centres, ce qu'on souhaiterait pour l'ensemble du Québec: M. Lemire, qui est directeur général du Conseil régional de développement.
M. Lemire (Guy): En fait, moi, je voulais aborder la question d'en quoi c'est l'université d'une région. D'abord, il faut savoir que son nom même est celui de sa région, et c'est quand même la caractéristique des bâtisseurs qui ont voulu que, dans son identité même, les gens de tous les coins s'apparentent à cette université-là. Autre illustration de ce type de courant là, le type de délégation qu'on a fait aujourd'hui, on n'avait pas du tout de problème à recruter des gens qui voulaient venir ici ? au contraire, c'étaient les limites normales d'une telle délégation ? pour montrer que tout le monde voulait comme essayer de venir apporter son moment de conviction, eux-mêmes, aussi.
La question aussi de cette université-là qui est une université d'une région, c'est sa formule déconcentrée qui fait que toutes les forces vives des principaux territoires de notre région, territoires des MRC de même que dans le Nord-du-Québec, les gens se retroussent les manches chacun à leur manière, d'abord dans le milieu... généralement dans le milieu industriel, mais aussi il embarque aussi des gens du milieu communautaire, du milieu social, du milieu culturel et du milieu socioéconomique, pour faire en sorte que cette université-là donne un enseignement de base, mais aussi allume toutes les spécificités des territoires. On l'a vu, l'illustration d'Amos par les ressources hydriques puis les ressources forestières, sur d'autres territoires, tout ce qu'on peut faire par rapport à la recherche sur le boeuf de créneau, à Val-d'Or, sur la question des technologies souterraines de communication et autochtone. Bref, vous voyez que l'université, en se déployant, en se déconcentrant sur sa région, allume, là, des acteurs nouveaux qui s'impliquent. Donc, chacun redouble d'ardeur pour ça.
Une autre petite caractéristique qu'il est important de voir, c'est qu'au moment où les leaders d'opinion qui étaient assis à la table du Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue avaient un fonds de développement la première des décisions qui avaient été prises, c'était de consacrer un minimum de 20 % pour soutenir les unités et les chaires de recherche de l'université. Donc, des gens, des élus de tous les coins, des leaders socioéconomiques avaient fait ce choix-là de consacrer 20 % d'enveloppe et par après ? pas juste de se contenter de soutenir la recherche ? ont essayé de soutenir l'institution dans des moments de crise, comme quand il a été question du problème autour du bachotage des gens en sciences comptables ou encore quand la formation en sciences sociales était en péril. Les gens ont sorti de l'argent du Fonds de développement régional, en ont fait comme une priorité.
Je pense qu'au moment où il y a eu une demande des gens de la Vallée-de-l'Or pour faire en sorte qu'on ait des ressources additionnelles pour lancer la programmation en faveur des autochtones les gens ont ressorti de l'argent de la poche du trésor régional. Je pense aussi au moment où il a été question de faire de la vidéoconférence dans la région, personne n'avait les moyens dans leur budget de base, mais on a pris de l'argent du Fonds de développement régional. Ça a été un consentement spontané de la part de la population pour garantir que cette université-là pénétrait sur tous les territoires par la vidéoconférence.
Il y a aussi l'adhésion du monde, des gens et des classes populaires, pour financer des éléments comme la fondation. Je ferais un parallèle: quand la Ligue nationale avait son club à Québec, c'était reconnu que tout le monde adhérait aux Nordiques, même les chauffeurs de taxi avaient comme leurs billets, eux autres aussi. Chez nous, c'est un peu le même parallèle, les gens... ce n'est pas juste la grande industrie qui finance sa fondation, c'est le monde ordinaire, par leur participation. Parce que, en quelque part, même s'ils n'ont pas tous une scolarisation d'ordre universitaire, ils croient à l'importance de l'institution, parce qu'elle est reconnue, elle est sur le terrain. Donc, ils adhèrent. Il y a le bénévolat aussi du milieu industriel, et du milieu commercial, et du milieu institutionnel, qui est bien important parce que ces bénévoles-là siègent sur les unités de travail, les unités de recherche, les chaires. Et enfin plusieurs groupes de travail donc apportent leur contribution bénévole en sus de leurs responsabilités professionnelles.
Et c'est une université aussi qui atterrit dans les petites collectivités. Récemment, dans le cadre de la planification stratégique quinquennale, l'université est allée consulter les gens, pas juste dans les grands pôles, est allée dans des communautés de 1 500, de 2 000 et de 3 000 habitants, autant en Abitibi-Témiscamingue que dans le Nord-du-Québec, pour avoir le pouls du milieu puis le pouls de la population. Et se déranger comme ça, vous savez comment que c'est onéreux en termes de temps pour les administrateurs, mais il était important pour eux autres d'être sur le terrain, et les gens en étaient reconnaissants.
En fait, aussi c'est une université qui a ses maillages, ses partenariats, on a vu... On va vous décrire tantôt certains partenariats avec les autochtones, les partenariats avec Télébec, les partenariats avec Tembec, les partenariats avec l'ensemble de l'industrie, et même d'autres universités ailleurs, et même des ambitions vers le Grand Nord du Québec et peut-être, j'espère, un jour, vers le Nord-Est ontarien, et enfin une université qui soutient la communauté par la généreuse participation de ses administrateurs, et de ses employés surtout, et ses professeurs sur plein de commissions, sur plein de groupes de travail, donc une université qui apporte cette générosité-là sur le terrain. Et c'est tellement vrai que le terrain, le monde de la rue, quand il parle du recteur chez nous, ce n'est pas Son Honneur, Sa Révérence, M. le recteur, c'est Jules qu'il l'appelle, parce qu'il est vu et reconnu, un peu partout dans la région, comme Jules, hein? Ça veut dire... Ce n'est pas un jules, c'est Jules!
Et tout ça pour une belle finalité, c'est s'instruire d'abord. Moi, j'en ai un, cas, bien patent chez nous. Ma conjointe puis trois de mes quatre enfants à date ont fait leur scolarité universitaire à l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue et sont installés là. Et je suis convaincu que, s'ils avaient suivi un autre parcours, un, peut-être, ils n'auraient pas acquis cette scolarité-là, parce qu'ils n'auraient peut-être pas... ils auraient peut-être laissé, pour toutes sortes de raisons, avant ou, s'ils étaient allés ailleurs, là les risques de... revenir dans la région augmentaient.
Donc, cette institution-là, de chez nous: une université de région qui scolarise le monde de la place, et le défi est encore plus grand, et enfin elle reconvertit, elle rechange le paysage industriel par la recherche, et ça, c'est un facteur indispensable dans notre région. Voilà.
M. Arsenault (Jules): Merci, Guy. Ce qu'on voulait montrer dans cette présentation, c'est la capacité. S'il y avait une volonté de l'État de spécialiser, de donner des services sur l'ensemble du territoire, vous êtes certains que vous allez avoir des partenaires pour vous accompagner et nous soutenir dans les projets. Je voulais donner la parole peut-être à mon président, il est très bref, pour montrer un partenariat avec le privé, dans les télécoms souterraines.
M. Gauthier (Roger): Bonjour. En fait, Jules a oublié de mentionner que j'étais aussi un diplômé de l'UQAT. Avant d'étudier à l'UQAT à temps partiel, j'étais un drop-out de cégep. J'ai commencé comme technicien installateur et j'ai fini comme vice-président de Télébec plusieurs années après. Maintenant, je suis président d'une entreprise qui a créé, dans les trois dernières années, 180 emplois à Rouyn-Noranda. Si ce n'était pas... si ça n'avait pas été de l'UQAT, je ne pense pas... il y a une partie de ça qui ne serait probablement pas arrivé.
Je veux vous parler d'un exemple de percée. Il y avait, en Abitibi-Témiscamingue, une compagnie de cellulaires, qui s'appelait Télébec Mobilité, qui devait remettre un pourcentage de ses revenus en recherche en télécommunications sans fil, puis cet argent-là partait à tous les ans pour s'en aller dans un fonds national à Mobilité Canada, puis on n'en voyait pas grand-chose. En 1997, on s'est assis avec les gens de l'UQAT, les gens de Télébec Mobilité, de CANMET puis on a dit: Il y a des problèmes en Abitibi-Témiscamingue en télécommunications sans fil souterraines. Ça fait qu'à partir de là on a rapatrié ces sommes-là en Abitibi puis, avec la croissance que l'industrie du cellulaire a eue et le fait aussi qu'à Télébec Mobilité et Télébec s'est joint Northern Telephone, en Ontario, donc le pourcentage de revenus disponibles était de plus en plus important. Donc, avec un 40 000 $ par année, à ce moment-là, qui pouvait être consenti à de la recherche, en mai 2005, on aura totalisé, avec tous les partenariats qu'on a ajoutés à ça, puis tout ça, 2 150 000 $ en recherche en télécommunications sans fil souterraines.
Ça, ça a permis à des étudiants en maîtrise de venir faire de la recherche chez nous. Quand vous parlez d'une douzaine d'étudiants en maîtrise et au doctorat qui étudient en télécommunications sans fil souterraines dans une place comme Val-d'Or, je peux vous dire que c'est noté et remarqué. Et pour vous dire que probablement qu'il n'existerait pas de recherche en télécommunications sans fil souterraines si ces partenaires-là n'avaient pas été en place. Puis, si on parle d'un domaine spécialisé, pointu, je pense que ça peut en être un bon exemple. Puis, en pointe d'humour, je pense que voilà là une façon d'occuper le territoire en profondeur.
n(15 h 50)nM. Arsenault (Jules): Ça va mettre le... Sur ce premier volet de l'occupation de territoire, je voudrais juste signaler, en terminant avec ce point-là, que, grâce au réseau d'universités du Québec, l'État aujourd'hui peut se permettre de développer l'ensemble du territoire. Dans les constituantes du réseau dans les régions, il y a plus de 160 000 diplômés, des chercheurs, des gens de qualité pour accompagner l'État s'il y avait une volonté d'occuper le territoire et de développer le Québec.
Mon deuxième point touche le premier mandat de la commission, c'est l'accessibilité. Le président du réseau, dans sa présentation, a fait état comment l'UQ a changé l'accessibilité sur l'ensemble du territoire par ses programmes, par ses façons de faire, par sa présence, par le découpage de la formation, par sa capacité d'admettre, de reconnaître l'expérience. Je ne reviendrai pas là-dessus. Je voudrais proposer à la commission d'entendre deux témoignages, un témoignage individuel, comment ce réseau a pu changer la vie d'une personne, et on pourrait le répéter pour l'ensemble du Québec, et comment collectivement ce réseau est en train de changer toute l'accessibilité, la formation des communautés des premières nations. Et, en terminant, pour maintenir l'accessibilité économique, l'Association étudiante de Val-d'Or aimerait témoigner. Donc, un témoignage individuel, Mme Annette Morin.
Mme Morin Drouin (Annette): Bonjour.
Le Président (M. Kelley): Bonjour.
Mme Morin Drouin (Annette): Moi, j'ai fait un retour aux études en 1988, à l'âge de 34 ans, j'avais trois enfants, je travaillais comme serveuse de table en chef d'une salle à manger. J'ai décidé de retourner aux études pour un but premier, c'était d'être avec mes enfants sur les heures de repas. C'était le but premier qui m'avait poussée aux études. J'avais commencé à ce moment-là un cours au cégep. Le deuxième cours, j'ai une enseignante qui me dit: Tu devrais t'impliquer puis demander une ouverture de dossier à l'université. Avec ton expérience de travail, tu serais probablement éligible. Je ne voulais pas suivre des cours à l'extérieur de La Sarre parce que ça me donnait plus de 100 km juste aller, puis, avec trois enfants, puis en travaillant, puis avec... je trouvais ça impensable. Ça fait que ce que j'ai fait, j'ai demandé une ouverture de dossier à l'université, j'ai été acceptée sur une base d'expérience pertinente. J'avais aussi un secondaire V. Puis je me suis embarquée dans des études que... J'ai été 15 ans sans y aller à l'école, j'ai été 15 ans à y aller après.
J'ai fait un certificat en administration, qui s'est donné à La Sarre. Puis, comme je trouvais que j'étais très motivée, puis ça allait bien, je me suis inscrite en même temps dans un certificat en comptabilité, l'automne suivant, un certificat en relations de travail, puis ensuite, un peu plus tard, un bac en enseignement en administration des affaires. À partir du printemps 1993, j'ai commencé à être diplômée dans un secteur, donc, celui de l'administration pour commencer. Ensuite, je faisais changer mes dossiers pour arriver à l'automne en terminant en comptabilité puis, au printemps 1994, j'avais mon certificat aussi en relations des affaires. J'ai à ce moment-là changé d'emploi, j'ai occupé un poste de commis-comptable suite à mes études, pour débuter ensuite un poste d'enseignante au cégep, pour commencer, et aussi dans un centre de formation professionnelle un petit peu avant de terminer mon baccalauréat en administration des affaires, que j'ai terminé en 1996.
Le 4 janvier 1998, j'ai quitté l'enseignement pour devenir contrôleur, un poste de contrôleur chez un concessionnaire automobile. Ça allait très bien. À ce moment-là, j'ai décidé de me réinscrire, mais cette fois-ci dans une maîtrise en administration des affaires. Mes enfants étaient un peu plus vieux, ça fait qu'à ce moment-là je me permettais aussi de voyager à Rouyn et à Val-d'Or pour le faire. Mais tous les premiers... le certificat puis le bac, je les ai faits tous... sauf un que j'ai fait par Télé-université et un que j'ai fait dans la région d'Amos, tous les autres, je les ai suivis sur notre territoire, à La Sarre. Puis je ne les aurais pas faits avec des jeunes enfants. J'avais trois enfants dont la dernière, quatre ans, comme je vous avais dit, je n'aurais pas fait ce cheminement-là en me déplaçant et en travaillant comme je faisais.
En janvier 1999, j'ai commencé pour la commission scolaire du Lac-Abitibi comme conseillère pédagogique puis, deux ans et demi après, j'ai eu un poste de directrice adjointe au Centre de formation professionnelle aussi. Toutes ces choses-là, ça été rendu possible grâce à mon cheminement que je faisais, en même temps de l'enseignement, aussi mes études que je faisais. J'ai terminé, au printemps 2000, mon M.B.A. avec le volet pour cadre. Ce même automne, j'ai débuté une formation de deuxième cycle ? un petit peu malade peut-être, là ? mais dans le diplôme d'études en administration scolaire, que j'ai commencé à ce moment-là, diplôme d'études supérieures, là, deuxième cycle. Cette formation était aussi dispensée à La Sarre. Je l'ai fini juste, juste avant les Fêtes, le 19 décembre de cette année, en terminant mon dernier cours à Amos. Mais tous les autres cours aussi, je les ai faits à La Sarre. Le 1er août 2001, comme je vous ai dit, j'ai occupé le poste de directrice adjointe, puis le 1er juillet 2003, j'ai le poste de directrice de centre de formation professionnelle.
Tout ça, c'est un peu fou. Je ne demanderais jamais à personne d'autre de le faire, même pas à quelqu'un que je lui en voudrais un peu, peut-être, parce que j'ai tout le temps travaillé 35 heures à 40 heures-semaine tout en faisant ces études-là. Mes enfants partaient pour l'école, puis, si j'avais une demi-heure, j'ouvrais le livre avant de retourner à mon emploi, puis c'est comme ça que je travaillais.
Je remercie aussi l'université de m'avoir permis de suivre ces formations-là sur notre territoire. Je remercie aussi mon conjoint qui m'a permis, qui m'a soutenue avec les enfants dans cette formation-là. Pour l'instant, je me dis: Je vais arrêter un peu les études, là, au moins pour un an ou deux. Je ne dis pas que je ne continuerai pas après, parce que j'aime ça apprendre, puis avec toutes les possibilités qu'on a. Je n'aurais jamais obtenu le poste que j'ai présentement si l'université n'avait pas été à La Sarre, disponible sur notre territoire, ça, j'en suis très consciente, puis je ne l'aurais pas fait, me déplacer 100 km et plus, là. À Montréal, en 100 km, tu as plus de trois universités; à La Sarre, là, la seule qui est plus proche est à plus de 100 km.
Ça fait que j'ai été 15 ans sans aller à l'école, ça fait plus de 15 ans que j'y vais, puis je ne dis pas que je ne continuerai pas. Puis c'est aussi dynamisant pour mes enfants, parce que ma plus vieille était de l'âge secondaire quand j'ai commencé, au début de son secondaire, puis voir la mère aux études, à table donner des explications à l'enfant, elle s'est motivée plus, elle aussi, aux études. Ça fait que je vous remercie de m'avoir permis de faire mon témoignage.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup.
M. Arsenault (Jules): Derrière toutes les statistiques qu'a présentées le réseau, il y a beaucoup d'Annette Morin sur le territoire québécois. Il faut maintenir l'accessibilité et changer la vie des gens qui peuvent contribuer d'une meilleure façon au développement de la société québécoise. Un témoignage plus collectif pour les premières nations.
Mme Mark (Janet): Alors, bonjour. Pour commencer, j'aimerais peut-être vous donner juste une petite idée sur le territoire québécois: l'Abitibi-Témiscamingue, le Nord-du-Québec et la Côte-Nord regroupent à elles seules 53 % des autochtones du Québec. Et puis, en Abitibi-Témiscamingue, les nations qu'on retrouve en majorité sont les Algonquins et les Cris. On retrouve d'autres nations aussi, mais ce sont les deux en majorité. Au niveau de la linguistique, c'est sûr qu'on retrouve au moins trois communautés algonquines qui parlent le français comme langue seconde, le reste des communautés algonquines utilisent l'anglais, ainsi que tous les Cris dans les neuf communautés dans la Baie-James.
Contrairement à la population québécoise et canadienne, chez les autochtones, la population est nettement plus jeune que la moyenne canadienne. On parle de 53 % qui sont âgés de moins de 25 ans. La croissance démographique est très importante, on parle... selon une étude qui a été faite par la Commission royale sur les peuples autochtones, elle est deux fois plus rapide que la population canadienne. Juste pour vous donner un exemple: en 1991, on parlait de 720 600 autochtones au Canada, et, en 2011, on parle de 1 million. Il y a une croissance, là, on parle d'une croissance d'environ 42 %. Et, si on regarde ce qui se passe dans les universités au niveau du Québec, il y a quand même... on prévoit une baisse de 11 % à l'intérieur des universités.
Alors, suite à une étude que j'ai réalisée, en 2002-2003, au niveau des besoins de formation auprès des premières nations, il y a 367 autochtones cris et algonquins qui ont participé à cette étude-là, et ce qui est ressorti, c'est qu'il y a au moins 77 % de ces personnes-là, qui ont entre 16 ans et 59 ans, qui veulent retourner aux études. On parle de 68 % des gens qui aimeraient venir étudier à Val-d'Or.
Il y a trois domaines sur neuf qu'on a ciblés et qui vont démarrer à l'automne 2004. Il y a administration, comptabilité et travail social. Et présentement, au moment où on se parle, on parle déjà de 50 demandes d'admission qui sont reçues de la part des communautés cries et algonquines. Et, pour le temps partiel, présentement on couvre environ huit communautés, autant chez les Algonquins que chez les Cris. Il y a des programmes qui sont offerts aussi chez les Inuits. Alors, pour l'automne 2004, à temps complet et à temps partiel, à Val-d'Or, au campus de Val-d'Or, on prévoit entre 100 et 150 nouveaux étudiants autochtones. Alors, il ne faut pas oublier que ça, ça a un grand impact sur les individus, sur leurs familles et aussi les collectivités autochtones aussi.
n(16 heures)n Pour 2005, on poursuit à offrir les mêmes programmes qu'on va démarrer, mais on ajoute aussi d'autres programmes, dont sept nouveaux qu'on pourrait démarrer dès l'automne 2005, et développer trois nouveaux programmes aussi qui n'existent pas à l'UQAT.
Au niveau de l'accessibilité, toujours selon la Commission royale, un des obstacles qui a été identifié, c'est l'accessibilité, c'est l'éloignement. Les études postsecondaires, les universités sont trop loin, et les programmes ne conviennent pas aux valeurs et à la culture des premières nations. Alors, l'UQAT a fait beaucoup, est de plus en plus présente auprès des communautés et répond de plus en plus aux besoins des premières nations aussi. Dans certaines communautés, il y a certains étudiants qui vont avoir le choix de faire un certificat en administration, par exemple, à temps partiel, dans leur communauté, sur une période de trois ans. Et, pour un autre étudiant, il pourrait décider de venir, à l'automne, à Val-d'Or, à temps plein, pour faire un certificat. En dedans d'un an, le certificat serait terminé.
Alors, il y a d'autres communautés aussi. Par exemple, dans La Vérendrye, il y a la communauté de Kitcisakik où ils n'ont pas les infrastructures. Alors, pour eux, c'est beaucoup plus facile de venir au campus de Val-d'Or poursuivre leur formation. Val-d'Or, c'est une plaque tournante auprès des communautés autochtones. Et puis, si on parle de nos réussites, jusqu'à ce jour, auprès des Cris, des Algonquins et des Inuits, on parle de 75 gradués et ça, ça n'inclut pas les autochtones qui sont dans les groupes réguliers. Alors, quand même, il y en a plus que 75 aussi.
Une des particularités de l'UQAT, c'est que c'est une des rares institutions allochtones qui engage des professionnels autochtones, puis ça, ça a un grand impact sur le recrutement, sur la promotion des programmes, sur les demandes qu'on reçoit, et la confiance, et la communication est beaucoup plus facile à établir auprès des communautés autochtones aussi. On a aussi un comité d'orientation qui est composé majoritairement de premières nations, à Val-d'Or, et puis on développe aussi des services. Dès l'automne, il y a des ateliers qui sont offerts auprès des étudiants pour mieux les outiller dans leurs études.
Pour finir, j'aimerais parler du pavillon des premières nations. Contrairement au reste de la population, on parle beaucoup d'exode des jeunes vers les centres urbains. Les premières nations, eux, ont beaucoup plus tendance à migrer vers les centres urbains aussi, mais Val-d'Or, c'est une ville où de plus en plus les Cris, les Algonquins viennent vivre, à Val-d'Or. Et puis un des avantages pour eux, c'est que c'est près de leur communauté. Alors, ils peuvent retourner à la maison les fins de semaine où c'est beaucoup plus facile. Puis, depuis un an, on remarque que la clientèle augmente de façon fulgurante. Et puis, selon le plan de développement qu'on avait, c'est qu'on s'attendait à avoir 200 étudiants dans le pavillon, mais je pense qu'on va avoir les 200 étudiants avant que le pavillon soit construit. Alors, il va falloir trouver un endroit où offrir les cours, parce que, déjà là, juste cet automne, on parle de 15 nouveaux cours, à chaque semaine, qui sont offerts. Alors ça, c'est notre casse-tête qu'on va avoir à l'automne prochain. Alors, c'est sûr qu'on a un besoin au niveau de personnels, de locaux, et on a un très grand besoin à ce niveau-là.
Alors, il ne faut pas oublier que les autochtones, oui, on parle beaucoup de décrochage scolaire, sauf que ceux qui reviennent aux études, ce sont des adultes. C'est beaucoup des adultes qui reviennent. Et puis les organisations autochtones ne veulent plus de formation non créditée. Alors ça, c'est quelque chose qu'ils ont demandé. Ils veulent avoir des programmes crédités, et ça aura beaucoup d'impact au niveau des communautés, parce que les étudiants qui sont là présentement sont des modèles aussi et sont des modèles de comportement aussi. Alors, ça aura un grand impact positif. Merci.
M. Arsenault (Jules): Merci, Janet. Mélanie, l'accessibilité et contraintes économiques.
Mme Roy (Mélanie): Bien, bonjour. Moi, je suis étudiante à l'université en travail social puis je représente évidemment l'Association étudiante du campus Val-d'Or. Comme on le sait, depuis l'automne passé, on a beaucoup entendu parler de la question du dégel des frais de scolarité, ce qui a beaucoup inquiété les étudiants de l'UQAT. En fait, ce que les étudiants craignent, c'est l'augmentation des frais de scolarité puis les réductions des dépenses dans le domaine de l'éducation, que ce soit un obstacle à l'accessibilité des études.
On sait que le ministère de l'Éducation prétend que les études postsecondaires, elles sont accessibles, parce qu'on se fie sur le nombre d'inscriptions dans les universités, qui est demeuré relativement stable depuis les 10 dernières années. Par contre, ce qu'on ne nous dit pas, c'est qu'il y a de plus en plus d'étudiants aisés puis d'étudiants internationaux qui s'inscrivent, alors que les inscriptions chez les gens plus défavorisés diminuent. Il y a même une étude, qui a été publiée par Statistique Canada, qui révèle que les étudiants qui ont des revenus élevés ont 2,5 fois plus de chances de faire des études universitaires que les étudiants qui sont plus défavorisés.
La pauvreté étudiante, c'est une préoccupation très importante au sein de notre université. D'ailleurs, suite à l'initiative de certaines étudiantes en travail social puis avec l'aide de l'Association étudiante, il y a la Fondation d'aide Lucien-Cliche qui a été mise sur pied, il y a quelques années, justement pour venir en aide aux étudiants qui vivent dans une situation précaire. La fondation reçoit de nombreuses demandes d'aide financière, soit en bons d'épicerie, en bons d'essence ou de matériel scolaire. On peut constater qu'il y a réellement un besoin dans notre université.
Il y a un sondage qu'on a effectué l'automne passé auprès des étudiants du Centre d'études supérieures Lucien-Cliche, qui démontre qu'il y a 53 % des étudiants qui avouent que leurs principaux soucis financiers sont liés justement aux frais de scolarité. Donc, 40 ans après le rapport Parent, on s'aperçoit que les frais de scolarité sont plus élevés qu'ils ne l'ont jamais été, puis les prêts et bourses ne répondent pas adéquatement aux besoins des étudiants.
On est inquiets finalement de la direction que va prendre l'éducation dans notre région puis on dénonce le fait que le système d'éducation soit un peu à la merci de l'économie, finalement. Moi, je suis mère monoparentale, j'ai deux petites filles de 4 et 6 ans. Je suis très impliquée dans ma communauté, dans mon milieu, autant pour la cause étudiante que pour la cause des femmes. Je travaille d'arrache-pied aussi pour obtenir mon bac. La précarité étudiante, moi, je m'y connais beaucoup. Mais, en même temps, je me sens privilégiée. Je me sens privilégiée d'être sur les bancs de l'université puis d'avoir accès à des études, puis je trouve ça important qu'on investisse encore dans l'éducation. Merci.
M. Arsenault (Jules): Merci, Mélanie. Je vais essayer, vu que le temps passe, de regrouper les deux derniers volets en parlant de qualité et financement.
Les baisses démographiques. Vous savez que l'UQAT s'est donné un patrimoine académique de base. On pense que, dans une région, on doit former ses maîtres. Une région doit former ses maîtres, ses administrateurs, ses infirmières, ses travailleurs sociaux, et présentement la baisse démographique fait que, dans ces programmes, on a de moins en moins d'étudiants, et il faut maintenir cette programmation-là. Si on n'ajoute pas de ressources, si on ne change pas la façon de financer les universités, c'est la qualité de ces programmes qui est menacée.
La qualité est aussi touchée par la capacité de l'UQAT à retenir et à attirer des professeurs de qualité. L'UQAT, c'est le club ferme des autres universités en termes de corps professoral. On forme les professeurs. Une fois qu'ils sont formés, qu'ils ont été aux organismes subventionnaires, qu'ils ont un bon C.V., ils s'en vont ailleurs. Depuis que je suis à la direction de l'université, je vous l'ai mentionné déjà, c'est 34 professeurs que nous avons perdus. Il faut absolument, pour maintenir la qualité, avoir une mesure particulière pour former les maîtres que l'UQAT forme. Présentement, Janet parlait tout à l'heure des maîtres autochtones, mais l'UQAT supporte présentement un professeur à Toronto qui est en train de faire son doctorat. C'est la seule façon de former la relève. On souhaite retenir les gens. Il faut un programme particulier pour former la relève dans de petits établissements comme le nôtre.
n(16 h 10)n La performance de l'UQAT en recherche aussi menace la qualité de la formation. Le top 50 en recherche au Canada place l'UQAT, tous paramètres confondus, la 39e université canadienne en termes de recherche; lorsqu'on ramène le ratio par professeurs, elle est en 21e place; lorsqu'on ramène le ratio par étudiants de deuxième et de troisième cycle, en troisième place dans les universités canadiennes. Ce n'est pas des chiffres de l'UQAT. Cette performance en recherche fait que l'UQAT, l'an dernier, a exécuté pour 7 millions de recherche, avec des frais indirects de 225 000 $. Quand on sait que les frais indirects coûtent entre 40 % et 60 % des coûts de subvention d'exécution, l'UQAT est en train de prendre des ressources qui devraient aller à la formation, ou en train de laisser ses actifs se détériorer, ou en train de ne pas supporter comme il faut les chercheurs du corps professoral pour supporter la recherche. Il faut absolument que le gouvernement du Québec et le gouvernement canadien, les ministères, les organismes subventionnaires et les entreprises, par des avantages fiscaux, puissent payer ces frais indirects, ça menace la qualité de la formation. On souhaite que le gouvernement donne suite à cela.
Cette performance, si on avait les sous, permettrait aussi... On a souligné les manques d'espace, les autochtones. Le maire l'a souligné tout à l'heure, pour les équipes de recherche, il y a un manque d'espace, reconnu par le ministère, de 3 000 m2, présentement. Il faut absolument créer ces espaces, parce que là aussi c'est la qualité qui est menacée. On a attendu un an et demi pour 1 million d'équipements parce qu'on n'avait pas de place pour les installer. Pour des gouvernements qui manquent de ressources, c'est lorsqu'on a ces montants-là qu'il faut absolument régler le problème d'espace.
Il faut assurer la qualité aussi en donnant du support aux jeunes universités comme l'UQAT pour l'ouverture des nouveaux programmes. L'UQAT s'est spécialisée, est seule à offrir le Bac en multimédia au Québec. On a développé ce programme-là sans aucune ressource pour implantation des programmes, 600 000 $ qui ont été pris à même les enveloppes d'opération. Ça menace la qualité de la formation et l'accessibilité. Il faut redonner accès à ces supports-là.
La formation pratique. Présentement, quand on forme des maîtres, quand on forme des travailleurs sociaux, il faut que la partie pratique se fasse dans le vrai milieu. Enseigner à Radisson, là, ce n'est pas comme enseigner à Montréal. Et il faut que l'on puisse envoyer les maîtres faire leur pratique dans des vrais milieux. Mais, lorsqu'on envoie des étudiants faire leur pratique, il y a des coûts supplémentaires. Il faut qu'ils gardent leur logement soit à Val-d'Or ou à Rouyn, puis ensuite ils se prennent un logement à Matagami, à Lebel-sur-Quévillon, au Témiscamingue, et les professeurs qui encadrent, il faut qu'ils fassent ces déplacements-là. Il n'y a pas de frais ajustés pour maintenir la qualité des ces programmes-là. On souhaiterait qu'on en tienne compte dans le financement des universités.
L'UQAT ? je vais terminer là-dessus ? souscrit à la position de la CREPUQ de réinvestir pour ramener la moyenne québécoise à la moyenne canadienne dans le financement des universités. On souhaiterait que le gouvernement du Québec ait un intérêt particulier pour le réseau de l'Université du Québec, qu'il y ait une mission particulière d'accessibilité. Avant qu'on le crée, les universités n'allaient pas sur le territoire parce qu'il y avait des coûts supplémentaires. Et c'est important de supporter le réseau de l'UQ dans cette mission d'accessibilité et d'occupation du territoire.
Pour l'UQAT, je mettrais en garde le gouvernement, le ministère lorsqu'on travaille avec deux paramètres. Tout ce qui est formule de prorata, financement uniquement par les clientèles, ça pénalise l'établissement parce qu'on a toujours des petits programmes et nos coûts de formation sont indépendants des clientèles. Qu'on ait 15 étudiants dans le programme de génie, 25 ou 30, les coûts sont fixes, les revenus sont variables. C'est impossible de développer.
Je mettrais en garde aussi lorsqu'on utilise les coûts moyens disciplinaires. Lorsqu'on utilise les coûts moyens disciplinaires, des établissements comme le nôtre ont des coûts disciplinaires très élevés, lorsqu'on a des grands volumes de clientèle, des coûts disciplinaires plus bas, et, lorsqu'on fait la moyenne puis qu'on finance les universités à partir de la moyenne, bien les établissements comme le nôtre n'en ont pas assez, les établissements qui sont plus bas en ont trop. Ils diront... On ne dira pas ça. Mais la moyenne, c'est ce que ça fait. C'est ce que ça fait lorsqu'on utilise des moyennes. Donc, on pense que ces approches-là devraient être gérées avec beaucoup de prudence lorsqu'on finance des petits établissements comme le nôtre.
On souhaite qu'il y ait un réinvestissement des supports dans les programmes, je dirais, pour s'assurer un meilleur développement des régions du Québec et une accessibilité, une plus grande démocratie. Parce que des gens instruits, au Québec, dans les régions, partout, c'est la base de la liberté, c'est la base de la démocratie. C'est pour ça qu'il faut réinvestir en éducation. Je vous remercie.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup pour ces présentations. Alors, je vais gérer le temps avec souplesse. Qu'est-ce qu'on veut établir, c'est un climat de dialogue avec les intervenants de l'Université de Québec Abitibi-Témiscamingue et les autres représentants de ces communautés. Alors, la parole est à vous, M. le ministre.
M. Reid: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord souhaiter la bienvenue ? et vous me permettrez cette familiarité, parce qu'on m'y a invité ? à Jules, M. le recteur, M. le maire de Rouyn-Noranda, M. le président de la commission scolaire de Lac-Témiscamingue, et également tous les distingués participants de la délégation, qui viennent de Val-d'Or, de Rouyn-Noranda, de La Sarre et d'Amos, et j'espère que je n'en ai pas oublié. Je voudrais aussi remercier de leurs témoignages les personnes qui ont parlé tout à l'heure, et en particulier cette personne, cette dame qui étudie depuis 15 ans et surtout qui n'a pas le goût d'arrêter. Ça, c'est intéressant.
Lors de ma visite à l'automne dernier ? c'est la première visite que j'ai faite en région d'ailleurs ? j'ai été extrêmement impressionné par beaucoup de choses, beaucoup d'innovations, beaucoup d'innovations dans les écoles, et j'y reviendrai tout à l'heure par rapport aux questions amérindiennes, autochtones. Et j'ai été impressionné aussi, et beaucoup, par ce niveau de concertation qui existe dans la région, en particulier cette Table interordre ? je pense que c'est son nom ? et qui regroupait des directeurs généraux et le recteur aussi, je pense, et le cégep, et qui discutait de questions très globales et qui faisait en sorte qu'on maximise le rôle que l'université et tout le système d'éducation peuvent avoir dans le développement de la région, à tout point de vue.
J'aimerais, si c'est possible, parce que c'est peut-être... J'ai trouvé des choses, dans les régions et en particulier dans la vôtre, qui peuvent être des modèles pour d'autres et qui peuvent nous inspirer dans certaines actions ou certains développements qui pourraient se faire au Québec. Et j'aimerais peut-être, pour le bénéfice de tous les membres de la commission, qui n'ont peut-être pas eu la chance, tous et toutes, d'aller visiter effectivement les lieux, que vous nous parliez un petit peu de cette Table interordre, son origine, ses objectifs, ses réalisations, parce qu'il me semble que c'est quelque chose de particulièrement intéressant et qui pourrait inspirer beaucoup d'autres régions au Québec.
M. Arsenault (Jules): Merci, M. le ministre. Il ne faut pas dire Pierre, parce que, quand tu l'appelles Pierre, il paraît que c'est... Puis là, si tu l'appelles M. le ministre, il paraît qu'il y a beaucoup de distance puis qu'il s'en vient une brique. Bien, je vais l'appeler Pierre.
La Table interordre est venue de... Vous savez que l'UQAT, dans son développement, a eu besoin de tous les partenaires de l'éducation, des partenaires du territoire. L'UQAT partage, en termes d'infrastructures, la bibliothèque, les laboratoires avec le collège. Sur l'ensemble du territoire, souvent on se retrouve collèges, universités et souvent avec les commissions scolaires.
n(16 h 20)n Dans un développement harmonieux de la programmation, des programmes professionnels au niveau des cégeps et des commissions scolaires, et avec l'université, on a cru bon, très tôt, de se coordonner, parce que les équipements d'un niveau servent à tous les autres niveaux. Amos est un exemple particulier dans la formation des travailleurs forestiers. Le cégep a un centre de transfert puis utilise les mêmes infrastructures, et l'UQAT, à son niveau universitaire, utilise les mêmes structures. Donc, l'origine de la coordination de la Table interordre vient de la rareté des ressources et de l'intelligence des gens de la région d'utiliser à meilleur escient les ressources que l'État met au service de la commission scolaire, des cégeps... du cégep ? parce qu'il n'y en a pas «des» ? et de l'université.
Et c'est une façon de faire le développement qui nous est propre, et ce qui évite aussi les décalages, une meilleure intégration interordre. Parce que souvent, on pense, le cégep dit: Les commissions scolaires préparent mal les étudiants, l'université dit que le cégep prépare mal les étudiants. Lorsqu'on est à la même table, on peut mieux se coordonner et s'assurer ces transitions-là. D'ailleurs, l'approche des D.E.C.-bacs, qu'on trouve de plus en plus sur le territoire, vient d'un projet pilote de 1995, à Val-d'Or, pour mieux former... mieux intégrer la formation au niveau collégial et universitaire. Donc, la collaboration interordre existe depuis plusieurs années en Abitibi-Témiscamingue.
Le Président (M. Kelley): Un complément de réponse.
M. Lemire (Guy): Je suis coprésident de la table avec quelqu'un du milieu scolaire. Ce qui a amené les milieux socioéconomiques et sociocommunautaires à participer aussi avec les artisans du monde scolaire, c'était d'amener les informations sensibles, donc de ne pas déconnecter le milieu de préoccupations qui pourraient venir soit du milieu industriel, ou du milieu communautaire, ou autre, qu'ils peuvent communiquer là des besoins.
À titre d'exemple, récemment on s'est aperçus, en faisant une étude importante sur le vieillissement de la main-d'oeuvre, qu'un nombre important de travailleuses et travailleurs spécialisés, dans notre région, près de 3 000, et c'est beaucoup quand on sait qu'il y a 60 000 personnes sur le marché du travail, alors près de 3 000 travailleuses ou travailleurs spécialisés vont quitter le marché du travail, et puis on doit faire face à ce problème-là.
Alors, en introduisant des... pas juste des perceptions, mais les informations de ce type-là, en plus de perceptions du milieu externe, ça permet d'harmoniser le travail, et cette harmonisation-là, entre autres, il y a quelques années, a servi, pas pour dans le cas de l'UQAT mais dans le cas du milieu primaire et secondaire, surtout à travailler l'harmonisation de l'offre de service pour la formation professionnelle et d'éviter des batailles traditionnelles, donc qu'on voyait avant, de ce côté-là. Alors, c'est vraiment de l'harmonisation à tous les égards entre le milieu scolaire et le milieu socioéconomique.
Le Président (M. Kelley): ...
M. Reid: Merci. Merci, M. le Président. J'ai beaucoup de questions, mais je voudrais en poser deux, une double en fait, et je vais laisser la parole à mes collègues par la suite. Je pense qu'il nous reste quand même beaucoup de temps, je pourrai y revenir.
Sur la recherche, ma compréhension, c'est que l'université a une performance, que vous avez montrée, qui est exceptionnelle, surtout en considérant sa taille par comparaison à d'autres, son positionnement géographique, etc. Cette performance-là dépend aussi de certains choix. L'université a visé des créneaux de recherche contractuelle, si j'ai bien compris, et détrompez-moi si je me trompe, qui a permis d'avancer rapidement, malgré son jeune âge, et d'avoir des performances intéressantes.
Et c'est très intéressé, ma question, parce qu'on réfléchit beaucoup à cette problématique et on veut encourager ce type de choses, mais ça pose des problèmes, que vous avez abordés ou esquissés. J'aimerais que vous, peut-être, les précisiez un peu plus. Et le type de soutien, vous avez parlé de frais indirects, pourriez-vous en dire un peu plus? Est-ce qu'il y a d'autres types de soutien? Parce que nous sommes en train de regarder ces choses-là justement.
M. Arsenault (Jules): Vous savez, c'est par nécessité que l'UQAT a développé la recherche. Parce qu'on s'est essayé dans les méthodes traditionnelles, c'est-à-dire par des programmes de formation, et on sait qu'il y a des milliers de programmes de formation au Québec si on prend au niveau universitaire, et, lorsqu'on arrive ? puis le maire l'a souligné tout à l'heure ? puis qu'on demande un programme de formation en mines, alors qu'il y en a trois qui ne fonctionnent pas, c'est difficile d'en ajouter un quatrième, vous allez comprendre. Et, lorsqu'on présentait pour des demandes de programmes, il y en avait déjà, ça existait. Et l'UQAT a dit: On va... puis il y a une barrière à l'entrée lorsqu'on demande des programmes. Il faut avoir l'autorisation du ministre pour offrir un programme. Il n'y a pas de barrière à l'entrée pour la recherche. Il s'agit juste d'être bon, d'avoir des équipes performantes, de trouver des partenaires, soit dans le privé soit les organismes subventionnaires, pour le financer. Donc, pas de barrière à l'entrée, seulement la compétence. Et on aime les défis, on a relevé le défi, et ce qui nous fait qu'on est rendus.
Ça amène des problèmes parce que, lorsqu'on n'a pas de programme... Les espaces sont donnés à partir des programmes, les subventions sont données à partir des programmes, de fait ce qui place l'UQAT aujourd'hui dans une situation difficile, parce que, si on n'ajoute pas des programmes de maîtrise et de doctorat pour soutenir la recherche, un, nos professeurs ne pourront pas à long terme rester performants. Et je pense que ce n'est pas la mission de l'université, de faire de la recherche uniquement, si on ne forme pas la relève des chercheurs, donc ça nous prend des étudiants de deuxième et de troisième cycle. L'exemple que donnait M. Gauthier tout à l'heure, en télécoms souterraines, il y a des étudiants. Les étudiants que M. Gauthier parlait tout à l'heure, ce sont des étudiants de l'Université Laval, ce sont des étudiants de l'INRS, ce sont des étudiants des autres universités. Donc, les espaces, les subventions vont ailleurs.
Donc, dans le développement de l'université, je pense qu'il faut ajouter les programmes dans la programmation de l'UQAT, dans les créneaux de recherche spécialisée qui sont propres à notre région. Quand on parle des secteurs, il y a eu un choix stratégique dans le secteur mines. Présentement, on a trois chaires dans le secteur des mines, trois chaires dans le secteur de la foresterie, des équipes performantes en agro, mais pas de programme. Donc, ces performances-là en recherche ont un impact encore plus grand sur les frais indirects. Parce que les frais indirects, ça sert à faire deux choses: à donner les services, lorsqu'on a une subvention donc, il faut ouvrir des postes, engager du personnel, les finances, les télécoms, les ordinateurs, donc, le chauffage, les espaces, donc il y a une partie de services, il y a une partie espaces. Donc, on est en manque d'espaces et on n'a pas de support pour les services.
Nous, on souhaite... Donc, le fait qu'on a misé sur cette stratégie-là, qui fonctionne bien, est en train de pénaliser l'UQAT puis menacer la qualité de la formation. L'urgence, M. le ministre, l'UQAT, en termes de besoins financiers, on évalue à à peu près 3,5 millions nos besoins par année, récurrents. Mais une grande partie de cela, si elle était payée par les frais indirects, si on avait notre 50 % sur le 7 millions, l'UQAT serait en mesure de maintenir la qualité. Mais la grande problématique, c'est dû à notre performance et le fait qu'on a de la difficulté à faire payer les frais indirects, principalement par les ministères et par les compagnies.
M. Reid: Peut-être...
Le Président (M. Kelley): Sur le même sujet, ou...
M. Reid: Oui, c'est sur le même sujet.
Le Président (M. Kelley): O.K.
M. Reid: C'est juste pour avoir un peu plus de détails. Si vous avez... C'est peut-être trop compliqué d'expliquer ici. Si vous avez élaboré des formules, peut-être nous les faire parvenir. Vous connaissez M. Gendreau, qui est ici, à ma droite, et qui est responsable de ces questions-là au ministère, et ce serait certainement quelque chose d'utile pour qu'on puisse voir... Parce que les formules sont forcément plus complexes. Parce que, si on parle de ministère, en principe le ministère devrait payer, d'une part. D'autre part, si on parle entreprise privée, il faut faire attention de ne pas en arriver à un subventionnement de la recherche contractuelle. Mais néanmoins il semble bien, parce que ce n'est pas la première fois qu'on en entend parler d'ailleurs à cette commission, qu'il y ait matière à regarder de plus près cette question et à agir là-dessus, et nous allons tenter de le faire.
Le Président (M. Kelley): C'est bien noté. Mme la députée de Taillon.
Mme Marois: Oui, merci, M. le Président. Alors, ça me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue à mon tour, au nom de ma formation politique, et je veux d'entrée de jeu excuser mon collègue M. Gendron, qui avait...
Une voix: ...
Mme Marois: ...excusez-moi, le député d'Abitibi-Ouest, qui avait d'autres obligations, bien je pense qu'il devait retourner plus rapidement dans sa région, dans la vôtre, mais il me prie de vous saluer bien chaleureusement.
n(16 h 30)n D'abord, je veux vous remercier toutes et tous pour la qualité des mémoires que vous avez présentés. J'ai pu les lire en fait d'un couvert à l'autre et constater que chacun, avec son angle, avait vraiment une approche particulière témoignant de l'activité de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, de son apport et des attentes aussi à l'égard d'une part du ministère de l'Éducation et sûrement à l'égard du gouvernement et de notre commission, qui pourra éventuellement proposer ou faire un certain nombre de recommandations.
Il y a eu des témoignages aussi émouvants, je voudrais le souligner d'une façon toute particulière, de gens qui nous ont dit comment ils ont atteint les postes qu'ils occupent maintenant ? je pense à madame, je pense à M. le président du conseil. Et je pense que c'est peut-être la meilleure façon de dire l'importance et la signification de l'apport d'une université comme l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue pour les gens qui habitent la région. Je pense que, M. Arsenault, vous recevez aussi un appui impressionnant de votre communauté peut-être pour la dernière présentation que vous allez faire comme recteur. Ça témoigne sûrement de l'appui qu'on vous a accordé et qu'on vous accorde encore à ce titre bien sûr et compte tenu de l'engagement que vous avez eu et que vous aurez encore pour quelque temps, me dit-on, à l'égard de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue.
Je voudrais aborder avec vous... Mon collègue le député de Blainville voudrait pouvoir participer à nos débats si, M. le Président, nos collègues le permettent.
Le Président (M. Kelley): On va chercher un consentement, mais je pense qu'on...
Mme Marois: D'accord. Comme porte-parole en matière de développement régional, j'imagine que ce serait particulièrement intéressant qu'il puisse intervenir et poser des questions. Et, comme il participe à une autre commission, bien c'est un petit peu normal qu'on puisse lui permettre d'intervenir à ce moment-ci.
Mais vous allez me permettre de mettre au jeu d'abord une première question que vous soulevez dans votre mémoire et qui est le fait que l'État québécois puisse adopter une politique d'occupation du territoire. Je vais peut-être d'abord commencer par le passé avant de projeter vers l'avenir. Il y a eu un certain nombre d'efforts, un certain montant d'efforts qui a été fait pendant les dernières années pour soit reconnaître des créneaux dans différentes régions, et que les régions définissaient elles-mêmes, soit pour adopter des politiques, entre autres en matière fiscale, en matière de soutien à la recherche et au développement. Je pense à tous les crédits liés à l'appui au développement industriel ou au secteur secondaire pour passer justement de l'exploitation de la ressource à sa transformation. J'aimerais vous entendre quant aux effets de ces politiques-là et quant aux suites qui devraient y être données.
Et j'ajoute à cela, puisqu'il y a des partenaires du développement économique régional qui sont là aujourd'hui ? pas seulement le développement économique d'ailleurs, autant le développement social, culturel bien sûr ? qu'il y a eu des institutions qui vous ont accompagnés et qui ont permis à la région de se concerter. Comment imaginez-vous l'avenir en ce sens-là, par rapport aux changements qui sont apportés aux institutions? Je pense, entre autres, évidemment au rôle des CRD, qui sont profondément remis en question et qui... institutions qui seront remplacées par les conférences régionales des élus.
M. Arsenault (Jules): C'est évident que, dans une politique d'occupation du territoire, il faut s'assurer que les élus sont entendus, mais il faut s'assurer aussi que la société civile peut être entendue. C'est majeur dans le développement. Et, sans la société civile, qui est une participation, je ne dis pas... Je ne veux pas la quantifier, mais elle me semble essentielle pour recréer l'équilibre et avoir une vue du développement de l'ensemble d'un territoire. Il y aura certainement une période d'ajustement. Il y aura certainement une période d'ajustement ? et là M. Lemire pourra certainement répondre mieux à cette question que moi-même parce que je ne suis pas un élu ? mais, je pense, une politique d'occupation du territoire, il y a des volets qui viennent de la région, mais il y a des volets aussi qui dépendent du gouvernement, qui dépendent aussi du ministère de l'Éducation.
Je vais donner un exemple sur l'occupation du territoire, comment on pourrait changer des choses simplement, qui ne coûte pas un sou, pas un sou. Vous savez que le ministère donne des exemptions de droits de frais de scolarité pour les étudiants étrangers. Il y en a quelques milliers. Savez-vous combien l'UQAT en a? Une. Quand je parle du prorata qui n'était pas une mesure pour... C'est ça, le drame. On n'a pas besoin de mettre des incitatifs pour les étudiants étrangers pour aller à McGill ou à Laval, mais, lorsqu'on veut avoir une politique d'occupation du territoire, on sait que ces étudiants-là viennent chez nous, font des études des fois de premier cycle, poursuivent aux deuxième et troisième cycles et souvent s'installent dans les régions. Il me semble qu'on pourrait avoir des politiques qu'on donne une cinquantaine de congés aux frais de scolarité aux universités du Québec en région.
Ça, c'est une décision. Quand je parle d'une politique d'occupation du territoire, c'est ça. Ce n'est pas des sous, c'est décider que les régions sont importantes, qu'on va les développer, qu'on va donner... essayer d'augmenter la population par des mesures... des choix politiques. Les prorata, les mesures comme cela ne sont pas suffisantes pour que les régions se développent. Il faut un geste politique. On pourrait le prendre sur le financement, les prorata, sur... Est-ce que les nouvelles conférences régionales des élus, par rapport au CRDAT peuvent avoir un impact là-dessus? Je pense que c'est plutôt la décision du gouvernement de décider d'occuper le territoire.
Je vais donner un exemple. Saint-Roch, à Québec, c'est merveilleux, et les gens... Ce midi, on est allé luncher au siège social, avez-vous vu le changement qu'on a fait dans Saint-Roch? Il y a eu une volonté politique d'occuper un territoire qui est dans la ville de Québec et d'attirer du développement, et on peut le faire pour les régions, mais ça prend une décision politique de changer les choses. Les mesures courantes ne sont pas suffisantes. Je laisserais peut-être... Là, je donne un petit exemple, mais je pourrais donner... Dans une autre commission que j'ai présidée l'an dernier, on a proposé de mieux répartir l'appareil de l'État concernant la gestion des ressources naturelles. Ça peut se faire, on va augmenter la qualité, on va augmenter un meilleur partenariat entre le gouvernement puis les établissements du réseau d'universités du Québec, un meilleur partenariat entre les entreprises, un meilleur service, mais ça dépend de l'État. Sur les CRE puis sur le CRD.
Le Président (M. Kelley): M. Lemire.
M. Lemire (Guy): Quand ça dépend du milieu, je pense qu'on doit composer avec, je dirais, la culture de chacun des milieux. Chez nous, en Abitibi-Témiscamingue, il y a une longue tradition de prise en main puis de concertation qui existait depuis une quarantaine d'années. Et tant les élus que les représentants de la société civile, en dépit de ceux qui étaient en accord ou en désaccord avec la réforme récente, ont fait le choix de faire encore une fois front commun au nom de la nécessaire concertation, au nom du nécessaire réseautage chez nous, compte tenu de la grandeur de la région, hein? C'est le format de la Belgique, puis, quand on extensionne le territoire socioéconomique ou éducatif, c'est le Nord-du-Québec qui se rajoute à ça. Alors, c'est comme nécessaire, ces maillages-là.
n(16 h 40)n Si, à l'époque où notre CRD, qui était composé autant d'élus que de civils, avait signé cinq ou six, de mémoire, ententes spécifiques garantissant un financement de chaires à l'UQAT, ou d'unités de recherche, ou le fonctionnement par la vidéoconférence, je pense bien qu'avec les outils qui seront nôtres... Jules parlait des outils qui appartiennent à l'État. Nous, quand on regarde, avec les outils qui sont nôtres, bien c'est un choix spontané puis naturel de la région, d'investir et de soutenir l'université, et pas juste l'université, le collège, autant par les fonds qui nous sont donnés et des fois par la force de cerveaux ou de muscles qui peut accompagner tous les bénévoles qui sont autour de ça. Alors, je ne crois pas que la prochaine structure vienne déjouer cette intention-là, profonde, inscrite chez les gens, de se concerter et, deuxièmement, de soutenir l'institution d'enseignement supérieur.
Une voix: M. Gauthier, je pense, voulait ajouter.
Le Président (M. Kelley): M. Gauthier.
M. Gauthier (Roger): Je pense qu'on a une expérience en développement régional en Abitibi-Témiscamingue où, quand il y a eu des changements de structures, on a souvent été les premiers prêts à s'y adapter. On pense aux ententes ACCORD récemment, on pense aux changements qu'il y a eu lors des sommets socioéconomiques de 1986, puis tout ça. Je pense que c'est des personnes qui font changer les choses, et, quand les structures s'adaptent, en Abitibi-Témiscamingue, les personnes ont une capacité ou une agilité qu'on ne retrouve pas partout au Québec.
Le Président (M. Kelley): Peut-être je vais aller maintenant à Mme la députée de Maskinongé, et je vais revenir au député de Blainville après.
Mme Marois: ...à ce moment-là, on occupera moins de temps par la suite. Si M. le député pouvait... parce qu'il est en commission.
Le Président (M. Kelley): Vous avez une autre commission, si j'ai bien compris? O.K. M. le député de Blainville, et après ça je vais retourner à ma droite.
M. Legendre: Merci, M. le Président. Merci à tout le monde pour la belle collaboration. Alors, M. le recteur, chers amis de l'Abitibi-Témiscamingue, M. le maire, c'est un plaisir que de pouvoir vous entendre, puis je dois vous dire qu'évidemment, comme porte-parole en matière de régions... très content de voir que votre premier chapitre est justement l'occupation du territoire, très content aussi d'entendre dire que la concertation, ce bel esprit de concertation se continue, se continue avec les CRE ou malgré les CRE, on peut interpréter ça différemment, parce que je pense qu'effectivement, en matière de développement régional, cette notion de concertation, bien, ça a été une marque de commerce chez vous, ce l'est aussi, je pense, dans d'autres régions, et c'est tout à fait essentiel.
Ce qui m'a frappé... Puis ma question va être par rapport à votre toute première recommandation. Et j'ai bien aimé quand vous dites dans votre mémoire: «À nous maintenant d'être proactifs, de renverser les tendances et de contrer les phénomènes de décroissance qui nuisent au plein épanouissement du Québec.» Je pense que vous avez tout à fait raison à cet égard, il va falloir être collectivement proactifs, il ne faudra pas laisser les choses aller, il faut combattre ce phénomène. Et je suis sûr que vous avez mesuré vos mots dans la recommandation, et c'est là-dessus que j'aimerais que vous élaboriez, dans votre recommandation, quand vous parlez d'«adopter une politique ferme, ouverte et innovatrice». Je suis certain que vous y avez pensé, à chacun de ces mots-là, et que vous pourriez peut-être... comme conditions préalables au développement durable des régions. Alors, j'aimerais ça que vous élaboriez sur ces thèmes principaux de cette première recommandation en regard de l'occupation du territoire.
M. Arsenault (Jules): Nous, on est convaincus que c'est un choix de société, de développer un ensemble du pays, du territoire. Quand on dit «une politique ferme», lorsque la ministre responsable du Développement régional a passé chez nous sur la réorganisation, j'avais souhaité que, dans le préambule du projet, on déclare le projet collectif. On était habitués, nous, dans les dernières années, dans les universités, à des contrats de performance pour arriver à des résultats. Présentement, on connaît la démographie du Québec, dans cinq ans, dans 10 ans, dans une politique d'occupation de territoire... Présentement, s'il y avait 75 % dans les grands centres puis 25 % sur le territoire ? c'est l'inverse de la Finlande ? si on veut changer cette proportion-là, et ça coûterait moins cher à l'État ? je pense que je l'ai dit d'entrée de jeu ? c'est des objectifs de ce type-là, clairs: où on veut en être dans 10 ans, dans 20 ans, dans l'occupation du territoire du Québec en termes de population, présence sur le territoire en termes de l'appareil de l'État. Je l'ai déjà donné: juste la province voisine a décidé que le ministère des Mines puis d'occupation du Nord ne serait pas à Toronto, serait à Sudbury. C'est des choix clairs d'occupation du territoire, de développement du territoire.
Innovatrice, je pense qu'on peut prendre des mesures. J'ai eu l'occasion... Une mesure innovatrice, je viens d'en signaler une tantôt, de mieux répartir les bourses. On peut avoir... On a mis des incitatifs pour retenir les entreprises sur le territoire, mais il ne faut pas oublier que, derrière une entreprise, derrière toute organisation, il y a des hommes et des femmes qui font la différence. Et ce qu'il faut amener sur le territoire, c'est des hommes et des femmes de qualité. Et, lorsqu'on veut avoir des hommes et des femmes de qualité, il faut prendre les moyens. Des moyens, on a donné des congés fiscaux ? j'en ai déjà parlé ici, je pense, je ne sais pas si c'est cette commission ? des congés fiscaux aux entreprises pour qu'elles s'installent en région. Mais pourquoi ne pas prendre des mesures pour que des jeunes, des personnes s'installent en région? On peut donner des avantages fiscaux pour qu'ils s'installent.
Supposons qu'on veut déplacer des plus hauts salariés, des leaders, on peut mettre des plafonds fiscaux dans les régions. Vous allez voir qu'il y a des gens qui ont de l'influence, qui sont des hauts dirigeants et, lorsqu'on laisse les mesures naturelles, les sièges sociaux, sauf des convaincus comme Tembec qui a installé son siège social à Témiscaming-Sud, les autres ne s'installeront pas sur le territoire, mais, si on mettait des avantages fiscaux... C'est ça, une politique claire, innovatrice, transparente de l'occupation du territoire. Et on peut changer les choses assez rapidement si on a la volonté de le faire.
Le Président (M. Kelley): Ça va? Mme la députée... M. Le maire.
M. Beauchemin (Jean-Claude): Si vous permettez, moi, j'aimerais ajouter un témoignage là-dessus. Je suis maire d'une ville, 40 000 habitants mais répartis sur un vaste territoire ? à ce niveau-là, j'aime bien ça parce que ça ressemble un peu au Québec ? et il y a des parties de ce territoire-là qu'on a laissé s'étioler. C'est une chose à laquelle je pense qu'il faut qu'on soit bien conscients comme Québécois. Aujourd'hui, ces milieux-là sont tellement détériorés... Je ne le nommerai pas ici, mais j'ai un quartier particulier en tête, ville minière, mine fermée, quartier... Comme un quartier ne meurt pas, quand on le laisse s'étioler, tout se dégrade, et il vient un moment où on ne peut plus laisser les choses se dégrader.
Ce que ça va nous coûter pour passer au travers, j'en frémis. Il y a des fois je me réveille la nuit pour y penser. Puis, au niveau du Québec, c'est ça aussi. Si on laisse nos régions s'étioler, à un moment donné il va y avoir un coût à ça. Et je pense que vous savez tous de quoi je parle. Mais ça des fois on est porté à l'oublier. Il y a peut-être... ça coûte peut-être quelque chose, agir, mais le coût de ne pas agir va être épouvantable. Or, pour agir, ce n'est pas compliqué, là, c'est nos richesses humaines qu'il faut développer.
Moi, je suis maire dans une ville, je suis un élu dans une région où on a des taux de scolarité, de diplomation, là, de formation un petit peu inférieurs. On n'est pas des ignorants, pas des colons, mais nos moyennes régionales sont en bas de Montréal, en bas de Québec, en bas de Sherbrooke. Alors, on est en retard puis on prend du retard puis... Aujourd'hui, je lisais, dans un mémoire qui a été déposé devant vous: La connaissance a remplacé les richesses naturelles comme premier facteur de développement. Je me dis, si je veux m'en sortir, si l'Abitibi veut s'en sortir, il faut non seulement qu'on rattrape Montréal, Québec, Sherbrooke sur le plan intellectuel, il faudrait qu'on vous dépasse pour avoir une chance de rattraper.
Alors, moi, je vous dis, comme dirigeants de cette nation-là, parlementaires, il faut qu'on puisse faire ça parce que c'est l'intérêt de tout le Québec de nous permettre de nous développer. Ce n'est pas l'intérêt seulement de l'Abitibi-Témiscamingue qui est là. Et l'outil privilégié... Si on est ici si nombreux aujourd'hui, c'est parce que, comme dans toute bonne région, on a nos esprits de clocher, puis on a nos divisions, puis on a du plaisir avec. Mais il y a des choses qui nous rassemblent, sur lesquelles il n'y en a pas, de division, puis une de ces choses-là, que je dirais la principale, c'est l'UQAT, je rappelle, la première université qui a porté le nom d'une région. C'est en train de faire école. Ça, ça ne nous divise pas, l'UQAT. On est tous convaincus.
n(16 h 50)n La ville de Rouyn, là, quand on a eu le plan de développement de l'université qui a été sorti, il y avait des investissements partout là-dedans. C'est un plan qui parle d'occupation du territoire, pas le développement de l'université à Rouyn, le développement de l'université partout en région. Bien, le conseil municipal, on a adopté une résolution: On appuie le plan avec tous ses aspects, dans toutes les villes jusqu'au Nord-du-Québec. On a besoin que ça se fasse, le Québec a besoin que ça se fasse. On ne peut pas laisser des désastres se préparer partout. Où est-ce qu'on va aboutir? Puis je peux vous dire, comme élu, petit niveau local, il y a des quartiers qu'on a laissé se détériorer. Pas drôle.
Le Président (M. Kelley): C'est fort intéressant. Comme Montréalais, j'ai réagi. Il y a le même argumentaire qu'on peut faire à l'intérieur d'une ville parce que souvent le... Vous avez évoqué, M. Arsenault, dans les remarques préliminaires, construire les écoles qui débordent, et tout le reste. Mais, même à l'intérieur de la région métropolitaine d'où je viens, on a souvent les mêmes phénomènes. Mme la députée de Maskinongé.
Mme Gaudet: Merci, M. le Président. Merci pour votre présentation. Je crois que c'est M. Gauthier qui a parlé d'un projet de recherche en communications souterraines. Vous nous avez parlé d'un réel succès dans le partenariat entre l'État, l'UQAT et l'entreprise privée. Plusieurs groupes sont venus en cette commission nous dire qu'on devrait encadrer mieux la recherche. Ils sont venus nous parler de leur inquiétude quant à la liberté académique. Alors, j'aimerais entendre votre position quant à la place du privé en recherche et en enseignement universitaire.
M. Gauthier (Roger): Pour ceux qui ont des inquiétudes pour ce qui est de la liberté académique, nous avons remis, la semaine dernière, un doctorat honoris causa à Richard Desjardins alors qu'on a plusieurs entreprises du monde des ressources naturelles qui subventionnent notre fondation. Ça fait que ça, ça pourrait peut-être rassurer certaines personnes.
Ceci étant dit, dans le dossier de recherche que je vous mentionnais, l'entreprise qui la supporte a accepté que, par exemple, toute la propriété intellectuelle appartienne aux universités qui y participent. Et, autre exemple de partenariat, il y a quatre universités qui travaillent à ce projet-là et il y a neuf professeurs qui supervisent ce projet de recherche là, qui sont de Laval, d'Ottawa, de l'INRS et de l'UQAT. Et tout récemment Polytechnique ont demandé de se joindre au groupe.
Donc, en tout cas, dans ce dossier en particulier là, les subventionnaires ont même laissé aller la propriété intellectuelle aux universités. Donc, je pense qu'on a eu un exemple, là, où... Et peut-être que ça adonne bien. Une compagnie de télécommunications a tout avantage à ce que le territoire qu'elle dessert se développe. Ça fait que ça a été assez facile de convaincre les gens de Télébec ? et c'est souvent facile de les convaincre, j'en étais à l'époque ? que le développement régional, c'est une bonne affaire pour la compagnie qui dessert ces régions-là. Donc, à ce moment-là ça a été des intérêts communs de développement qui ont permis ces ententes-là.
M. Arsenault (Jules): J'ajouterais, Mme la députée: Tous nos contrats à l'université, de recherche, ont une clause spécifiant que le fait d'accepter ne nous enlevait aucunement le droit, dans la liberté académique, de se prononcer.
L'inquiétude... Les entreprises s'attendent... à court terme réagissent mal mais s'attendent du monde universitaire la rigueur scientifique. Et, lorsqu'on ne le fait pas, à court terme ils sont peut-être satisfaits, à long terme on va être les premiers à renier les universités, les chercheurs universitaires qui n'auront pas la rigueur scientifique et l'éthique. Ça, on en est convaincu, à l'UQAT, et, si on est capable de donner un doctorat honoris causa à Frank Dottori, ce qui a déjà été fait, à M. Frank Dottori, on est capable aussi d'en donner un à Richard Desjardins.
Mme Gaudet: Alors, ce que je comprends, c'est que l'investissement du privé ne vous inquiète pas. Vous êtes capables de l'encadrer.
M. Arsenault (Jules): Oui.
Mme Gaudet: J'aurais une autre question sur l'occupation du territoire, et là je m'adresserais à M. Lemire. Vous avez parlé d'une décentralisation, une ouverture des frontières vers les régions périphériques du Nord-du-Québec et du Nord-Est ontarien. J'aimerais que vous explicitiez davantage cette option intéressante que vous nous avez présentée et j'aimerais aussi que vous nous disiez concrètement qu'est-ce qu'il vous manque, là, pour aller plus loin dans cette initiative.
M. Lemire (Guy): En fait, ce qu'on s'est aperçu comme territoire, comme... Les leaders du développement socioéconomique de la région se sont aperçu que nos relations traditionnelles avec les territoires du sud de la province n'avaient pas toujours été des formules gagnant-gagnant de chaque côté, et on s'est aperçu que réellement, si on veut jouer avec les outils qu'on a, les pairs avec qui on travaille, c'est-à-dire ceux qui sont dans le domaine des richesses naturelles, ceux qui sont dans le domaine du réseautage des connaissances, etc., il fallait peut-être plus regarder ce qui était dans notre environnement immédiat, et c'était spontanément le Nord-du-Québec. Tout en respectant les limites administratives, hein?
Comme par exemple, on a un comité de maximisation des retombées des travaux d'Hydro-Québec à la Baie-James. On le fait en partenariat avec celui du Nord-du-Québec pour respecter ce que j'appellerais «les prérogatives territoriales». Mais on s'est aperçu que, si on voulait vraiment faire du développement régional, il fallait faire de petits pointillés plus larges que notre région. Le premier pointillé est monté vers le nord, et on est revenu en englobant le Nord-Est ontarien, qui sont des gens avec qui on fait affaire au plan commercial, au plan industriel et au plan récréatif depuis l'ouverture dans notre propre région.
Alors, on l'a peut-être négligé un peu trop ces dernières années, mais on reprend contact. Et c'est là nos territoires d'appartenance économique et sociale, et, on espère, éducative. À preuve, tout le développement a déjà commencé avec les Cris et les Inuits aussi, qui fait que l'Université du Québec est allée là chercher sa crédibilité pour être capable un jour d'être un centre d'excellence en formation et en accompagnement des Amérindiens, mais de toute la planète s'il faut, puisqu'on veut l'ouvrir d'abord dans les deux langues puis ensuite on s'ouvrira à ceux d'ailleurs. C'est ambitieux, mais c'est ça qui est la base du développement.
Ça va être la même chose avec des alliances avec éventuellement des partenaires du Nord-Est ontarien, mais là là-dessus ce n'est pas ma responsabilité, c'est bien plus celle de l'université, de faire ces maillages avec les universités de Nipissing ou de Sudbury. Mais, dans ce qui est des partenariats socioéconomiques ? en tourisme on l'a déjà, un peu en éducation, on l'a aussi en développement socioéconomique ? c'est avec le Nord-Est ontarien et le Nord-du-Québec qu'on veut désormais regarder nos alliances et notre développement. Ça ne répond peut-être pas au deuxième volet de votre question cependant.
Mme Gaudet: Mais, je me disais, pour aller un peu plus loin dans cette initiative, est-ce qu'il y a des besoins particuliers ou...
M. Lemire (Guy): Ce sont les mêmes. D'abord, le premier besoin ? et c'est à nous de le résoudre ? c'est la sincérité de notre volonté de faire du développement dans le plus grand respect de ceux qui occupent déjà ces territoires voisins là, ce qui est déjà un premier apprentissage important. Mais le second, c'est d'avoir ces possibilités-là ? Jules l'a évoqué ? au niveau des stages, par exemple, quand il s'agit de l'Université du Québec, d'être capables d'aller offrir des stages ailleurs ou offrir un enseignement ailleurs en tenant compte des énormes frais de déplacement puis de la technologie suffisante. C'est la même chose dans les autres secteurs.
Nos défis, quand on part avec des petites boîtes ou des petites «shops» comme on opère, comme les nôtres, puis d'aller dans l'immensité du territoire, vous le savez, c'est des défis reliés au déplacement, à la spécialité des communications. Mais ça, on n'y échappe pas, personne. C'est un défi même que probablement le gouvernement affronte avec tous ses ministères.
n(17 heures)nM. Arsenault (Jules): J'ajouterais: Il me semble que ça prendrait une meilleure coordination entre les provinces sur l'éducation, sur la recherche. Vous savez que la bande argileuse de l'Abitibi-Témiscamingue et le Nord-Est ontarien, ce sont les mêmes types de sol. Et, lorsqu'on arrive en foresterie, les compagnies forestières opèrent dans les deux provinces. Les producteurs miniers opèrent souvent dans les deux provinces. Et, lorsqu'on veut créer des pôles de recherche, c'est la même problématique dans le Nord-Est ontarien que dans le Nord-Ouest québécois. Même problématique. Les compagnies ne veulent pas participer deux fois pour résoudre les mêmes problèmes. Donc, il faudrait trouver, avec la participation du gouvernement canadien, créer des pôles qui servent l'ensemble du territoire, parce que le territoire est grand. Et je dirais: Un ajustement aussi.
Je vais vous donner un exemple. On n'a pas eu l'occasion, parce qu'on manquait de temps, d'entendre M. Bergeron, mais je vous donne un exemple en éducation, formation des maîtres. Au Québec, ce n'est pas permis à un disciplinaire, quelqu'un qui a un bac en mathématiques, en sciences, de devenir professeur, au Québec, à partir de son bac. Donc, avant ça, on avait un système qui permettait de faire un certificat en psychoéducation. Et présentement le Québec ne permet plus cela. Mais la personne qui est présentement au Témiscamingue, qui a son bac en mathématiques, s'en va à Sudbury, fait son certificat en psychoéducation, revient au Québec, passe l'examen de gestion du système scolaire du Québec et a son permis d'enseignement.
Lorsqu'on travaille dans des frontières près des frontières, il faut un meilleur arrimage entre les systèmes d'éducation, entre les politiques de développement et de la recherche pour mieux utiliser les ressources aussi bien au niveau de l'Ontario, du Québec. Et je vais vous donner un exemple très concret en agroalimentaire. Il y a un laboratoire de recherche important du gouvernement ontarien qui est à New Liskeard, à quelques kilomètres, cinq minutes, qu'on pourrait partager, qu'on pourrait, dans notre pôle de créneaux de boeuf, développer du boeuf qui réponde à nos types du boeuf de l'Ouest, et les deux provinces seraient gagnantes, et le gouvernement canadien serait prêt à nous accompagner là-dedans. Mais il faut se permettre des choses, être un peu plus souple dans les mesures d'adaptation.
Mme Gaudet: Merci beaucoup.
Le Président (M. Kelley): M. le député de Portneuf.
M. Soucy: Alors, merci, M. le Président. Alors, évidemment, je vais joindre ma voix à celle des autres qui se sont exprimés avant, en début de séance: le fait de vous voir tous en si grand nombre représenter votre région, alors vous démontrez évidemment le très grand esprit de concertation que vous avez, puis c'est tout à votre honneur.
Puis je voudrais aussi souligner la réponse à la question qui a été adressée à M. Lemire du CRCDQ, parce qu'il est venu nous dire: Les changements de structure... Puis, vous aussi, vous avez dit d'ailleurs, comme président: Les changements de structure, finalement ce n'est rien. Ce que j'ai compris, c'est: Amenez-la, votre structure, on va l'adapter, nous autres, on est capables de travailler, là. C'est ce que j'ai compris de vos propos, puis je suis bien content d'entendre ça parce que le développement des régions, ça prend des gens dynamiques comme vous autres, des hommes et des femmes qui veulent retrousser leurs manches puis qui disent: Regarde, là, la structure, il n'y a rien là, nous autres, on est en arrière de ça, puis on travaille fort, puis la société civile, elle est là. Elle est là, elle est dynamique. Aujourd'hui, elle est parmi vous, puis elle sera encore là demain. Alors, pour moi, ça, c'est un message qui me faisait plaisir à entendre. Puis en tout cas je vous félicite parce que vous avez une approche qui est proactive, puis on a besoin de ça dans le développement d'aujourd'hui, d'autant plus qu'on parle de changements. Vous comprendrez que, comme gouvernement, on en apporte aussi, des changements. Puis je pense que vous avez décidé de prendre le taureau par les cornes, puis merci beaucoup.
Ma question s'adresserait à M. le maire: Tantôt, lorsque vous vous êtes exprimé, vous avez parlé du territoire étiolé. Je sentais entendre «étalement». Est-ce que c'est ça que vous vouliez dire? Parce que j'aurais aimé ça faire un parallèle entre le fait que, au niveau du Québec, on veut évidemment occuper le territoire puis s'étendre, hein, étendre les activités gouvernementales un peu partout en région, puis, comme maire, c'est comme si j'entendais: Bien là il ne faudrait pas trop développer une municipalité, puis ça coûte cher. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.
M. Beauchemin (Jean-Claude): Non. Je me suis sans doute mal exprimé. Merci de me permettre de me corriger. Ce que je dis, c'est que, au contraire, c'est que le territoire du Québec est occupé. Une de nos caractéristiques, c'est que, évidemment, le gros de la population du Québec est concentré dans la vallée du Saint-Laurent, mais on est allés occuper un très, très vaste territoire alors qu'on n'est pas très nombreux.
Tant qu'on a eu une société assez rurale, des grosses familles, hein, on occupait la place, il n'y avait pas de problème. D'ailleurs, on l'occupait parce qu'on manquait de terres. Mais on est arrivé à une autre étape où il y a des villes, des régions où la démographie change: plus d'enfants, on ferme les écoles des villages, tout ça. C'est ça que j'appelle... c'est à ça que je référais, là, l'étiolement du territoire, et je dis qu'on n'a pas les moyens de laisser faire ça.
Vous savez, nous autres, on est dans une région minière. Une région minière, là, on est familiers avec un phénomène: la mine ferme, puis elle faisait vivre la ville, ça fait qu'on a des villes qui ont fermé, mais on a surtout des villes qui ont continué à vivre, mais il n'y a plus d'activité économique dedans. Alors là, tout se dégrade, mais les gens restent là. On a eu, dans les dernières années, la question de Murdochville. Beaucoup de gens, là: On va fermer ça. Mais ça ne se ferme pas, une ville. Et, quand ça ne se ferme pas puis que ça reste là... Alors, c'est ça que je dis: Si on laisse aller les choses, ça va nous coûter extrêmement cher tantôt.
Je profite de votre question pour ajouter une autre affaire. Actuellement, nous autres, au Québec, là, les mines, c'est encore extrêmement important. Je reviens à ma question du génie minier. Les mines, c'est extrêmement important. On vient de traverser une longue période, le prix des métaux était déprimé, moins d'exploration, toutes sortes de phénomènes. Le Québec a une expertise considérable dans le domaine minier. Cette expertise-là évidemment est dans ses universités, mais elle est sur le terrain. Il y a des mineurs, il y a des prospecteurs, il y a des équipements entiers, il y a des professionnels, des comptables, des avocats.
Et ce qui est inquiétant à un moment donné, là, c'est qu'on s'aperçoit que ça aussi, ça se dégrade, ça se déglingue. Les gens ne travaillent plus. Quand tu es dans une phase de creux, les gens ne travaillent plus au Québec. Alors là, ils s'en vont travailler en Afrique, ils s'en vont travailler en Amérique latine. On part des projets, puis, aïe, là, on s'inquiète: On va-tu avoir le monde pour le faire, des jeunes qui vont vouloir travailler dans les mines, des techniciens qui vont être capables d'être contremaîtres dans les mines, des géologues qui vont... Le phénomène, il est québécois. Quand on dit: Il y a trois facultés puis il n'y a pas d'étudiants ? je pense que, M. le ministre, vous connaissez très bien ce domaine-là ? c'est un problème en mautadit quand tu as des facultés pas d'étudiants. Mais le Québec est en train, à cause de ça, cet éparpillement de ses ressources, de perdre, là ? des fois, on est inquiet de ça ? son expertise, ses connaissances dans le domaine minier. On est en pointe mondiale, au Québec, comme société, là. La preuve, c'est que ceux qui veulent se développer, en particulier en Amérique latine, en Afrique, où est-ce qu'ils vont chercher leur expertise? Ils viennent la chercher ici. Et ça demeure une des forces économiques du Québec. Est-ce que tantôt on va perdre...
Alors, moi, je vous dis: Vous pouvez contribuer à la prospérité de l'ensemble du Québec en donnant à notre région... dire: Aïe, c'est chez vous qu'il y a ces affaires-là, là, occupez-vous en donc, puis, nous autres, parce qu'on est l'État, on va donner le signal à tout le monde. Parce que ce n'est pas rien que l'État qui va tout changer. Moi, ce que j'attends, c'est que l'État donne un signal, puis après ça les entreprises auront... Vous savez, il y a bien des centres de recherche dans le domaine minier qui ne sont pas installés en Abitibi. Puis, si on parle de ça aux gens dans les ministères, ils vont dire: Oui, mais ce n'est pas nous autres qui décident; l'entreprise privée est majoritaire là-dedans. Puis c'est vrai. Mais ces entreprises privées là n'ont jamais reçu le signal que l'État québécois veut que ce soit dans les régions. Jules Arsenault parlait tantôt: Le gouvernement ontarien l'a fait. On n'a pas besoin d'aller... On va aller dans l'Europe du Nord, puis c'est fait aussi. Mais restons à côté, chez nos voisins. Ils l'ont fait à un moment donné, eux autres. Ils ont dit: Sudbury, tel ministère, telle expertise, le signal étant clair. Mais je vous dis que ce n'est pas juste l'intérêt de l'Abitibi. Si on laisse s'en aller ça aussi, ça va se déglinguer tantôt.
Une université pas d'étudiants, je ne sais pas trop ce que ça peut faire, moi. Je ne suis pas un spécialiste des universités, mais il me semble que c'est absurde. Il faut... Puis, si on disait: Vous voulez vous former en génie... Ça existe dans d'autres pays. La formation, dans les mines, là, ce n'est pas à Paris que ça se fait, en France. Ça s'est installé dans les pays où il y avait des mines. Puis, quand un étudiant français veut faire des études dans les mines, bien il s'en va là. Puis pourtant on sait que les gens, en France, ils aiment ça vivre à Paris. Mais ça fait aussi que les étudiants africains puis des étudiants de l'est de l'Europe, puis tout ça... On le sait parce qu'on en a chez nous, qui viennent ensuite enseigner chez nous. Ils s'en vont dans le nord de la France puis ils se forment. Et l'expertise, c'est toujours bien pas... Tu sais, mais ils ont organisé leur affaire.
n(17 h 10)n Alors, on a besoin du signal de l'État, que, vous autres, vous le donniez. Il y a des affaires que vous ne pourrez pas à notre place. Quand je dis qu'il faut, nous autres, devenir plus instruits que les gens, tout ça, là, on ne vous demande pas de le faire à notre place. Si on ne le fait pas, vous ne pourrez pas. Mais donnez le signal. Vous parliez de changements, monsieur. Je lisais le premier ministre Charest, l'autre fois ? très belle déclaration, quant à moi ? il disait: Il nous reste juste la voie du changement. Il y a bien des sens qu'on peut donner à ça, tu sais. Moi, je le pense effectivement, puis on est nombreux à le penser au Québec, que ça prend du changement. Et le changement, là, on peut donner plusieurs interprétations à ça. Puis le changement, à un moment donné, je pense que c'est de prendre des mesures puis dire: Ce n'est pas juste couper des programmes puis ceci, cela, c'est de dire: Gardons notre système, là, puis faisons-le marcher autrement.
Le Président (M. Kelley): Alors, courte question, Mme la députée de Chauveau ou... parce que, après ça, je vais aller...
Mme Perreault: Merci, M. le Président. Alors, je vais joindre ma voix à celle de mes collègues pour saluer votre exemple de partenariat. J'irais même jusqu'à dire que vous donnez le goût de votre région, à vous voir tous ensemble, avec les témoignages et tout, c'était extrêmement intéressant. Je vous le dis avec toute ma sincérité.
J'aimerais... Vous avez parlé tout à l'heure de Richard Desjardins à qui vous avez remis un doctorat honoris causa. Je vais me permettre de vous dire que, dans une autre vie, j'étais recherchiste, et les dossiers de la forêt étaient les dossiers dont je me suis occupée, et Richard Desjardins a été un des premiers qui a sonné le glas sur notre gestion forestière au Québec. Aujourd'hui, on doit... on a commencé à amorcer une commission d'étude sur notre gestion forestière, et je sais que la forêt boréale en Abitibi est extrêmement importante. Et, avec la crise du bois d'oeuvre actuellement, vous vivez quand même une situation qui n'est probablement pas facile.
J'aimerais vous entendre sur... Et tout à l'heure mon collègue d'Abitibi-Est était près de moi. Il me parlait de la forêt de recherche de Duparquet. Alors, je lui parlais un petit peu de la forêt, il m'a dit: Oui, on a une forêt de recherche. J'aimerais vous entendre par rapport au partenariat que vous affichez, et tout ça. Qu'est-ce que vous faites? Je sais que l'université, vous avez... Qu'est-ce que vous faites, l'université, avec les industries forestières, la recherche que vous faites notamment au niveau de l'aménagement forestier, etc? J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Arsenault (Jules): En foresterie, l'UQAT avait trois grands dossiers à réaliser. D'abord, protéger notre grand laboratoire, donc créer la forêt de recherche de Duparquet. Parce que la recherche en foresterie, ça prend des années, des décennies, et présentement je suis membre de la commission d'étude... Les prévisions, vous savez qu'on les fait sur 150 ans. Donc, premier dossier: protéger cette forêt-là où on avait des travaux depuis 15 ans. Ça a amené la collaboration du ministère, des entreprises forestières ? pour les nommer Norbord et Tembec ? à concéder ces territoires-là en termes de production.
Deuxième grand dossier, c'était de s'assurer la pérennité des cerveaux pour faire la recherche. Premier volet: Est-ce que les entreprises veulent faire de la recherche? Nous, on a comme façon de travailler partout sur le territoire, la seule façon, puis c'est la même chose à l'intérieur de l'université sur des projets: Est-ce que tu es prêt à mettre quelques ressources financières, du temps pour soutenir le projet?
Le premier test qu'on a fait: on a mis sur pied une chaire industrielle, une chaire industrielle qui est financée, une chaire conjointe l'UQAM et l'UQAT, une chaire industrielle sur l'aménagement forestier durable, financée à 50 % par l'industrie, 50 % par le CRSNG. S'ajoutaient à ça des ententes spécifiques avec le gouvernement du Québec pour poursuivre la recherche. Cet investissement-là des gens des entreprises du milieu nous amenait à aller chercher deux autres chaires de recherche du millénaire, et on est en train de créer une équipe pour au moins les 15 prochaines années, à sécuriser les chercheurs, la matière grise. On a eu beau faire cela, il nous manquait des sous pour créer les espaces physiques. Je vous ai parlé tantôt que le problème d'espace... On a réussi. Avec l'appui du gouvernement du Québec, on va créer une station de recherche forestière dès le printemps. Tout ça se fait en partenariat d'abord avec les entreprises, avec l'université et la participation de l'État.
Donc, ce qui nous manque présentement dans ce volet-là, c'est s'assurer... Lorsqu'on crée des ententes spécifiques majeures avec le gouvernement du Québec, lorsqu'on a des ententes ? je pense à un dossier que M. le ministre connaît certainement, les initiatives régionales stratégiques du fédéral, où on ne peut pas avoir les frais indirects dans ces dossiers-là ? il faut absolument qu'on trouve une façon de faire payer les frais indirects au ministère. Ça enlèverait la pression juste sur le ministère de l'Éducation, et donner des exemples... servir d'exemple aux entreprises. Donc, ce qu'on fait présentement, c'est ce qui se passe en forêt de Duparquet.
Dans cette approche-là s'est développé un autre volet. Vous savez que la commission sénatoriale... Bien, on a parlé tantôt des gens d'Amos pour... Si la forêt est surexploitée, on veut en protéger une partie. Le gouvernement du Québec a décidé d'en protéger 8 %, complètement protéger. Ensuite, on veut avoir une exploitation multiressources sur un bloc d'à peu près 60 %, 70 %. Pour compenser les pertes, l'UQAT et le réseau de l'Université du Québec, les équipes de recherche pensent qu'on devrait avoir un volet majeur de sylviculture intensive, de miniculture pour produire des arbres. Et c'est l'équipe qu'on est en train de développer à Amos, la sylviculture intensive et la miniculture.
S'ajoute à cela, dès lors qu'on fait les travaux sylvicoles, s'assurer qu'est-ce qu'on veut faire avec la matière, l'arbre, le bois. Donc, dès les travaux sylvicoles, on peut influencer la qualité du bois si on veut en faire un déroulage, si on ne veut pas qu'il y ait de noeuds. Donc, on a une autre chaire de recherche qui est train de se développer là-dessus. C'est les travaux qu'on fait présentement dans le domaine de la foresterie.
Le Président (M. Kelley): Je pense... Je vais retourner à... Mais je suis certain que le ministre des Ressources naturelles a pris bonne note de tous les points que vous avez soulevés. Et bienvenue, M. le ministre. Alors, juste pour l'intendance, on a maintenant... Les questions qui venaient à ma droite ont pris environ 39 minutes. J'ai 22 minutes à ma gauche. Alors, je pense, je vais céder la parole à Mme la députée... M. le député des Îles-de-la-Madeleine.
M. Arseneau: Merci beaucoup, M. le Président. Ça va permettre à ma collègue la députée de Taillon de... de revenir en forme.
M. le Président, je suis très heureux de pouvoir m'adresser aux gens de la région de l'Abitibi-Témiscamingue. J'ai été aussi très impressionné par la qualité de la présentation, le style. On n'est pas, M. le Président, ici, habitués à, je dirais, des mises en scène comme celle qui nous a été faite cet après-midi. Et, je pense, c'est tout à l'honneur des gens de la région d'Abitibi-Témiscamingue qui nous ont proposé cette présentation tout à fait différente, tout à fait originale, remplie d'émotion même, je dirais, et, Mme Morin, vous avez vraiment, je pense, marqué cette présentation, et lorsqu'il est question de ténacité, lorsqu'il est question de formation continue et lorsqu'il est question des efforts qu'on doit consentir justement pour pouvoir persévérer dans le cheminement scolaire.
M. le Président, comme ça fait presque plus que deux heures qu'on est avec les gens de l'Abitibi, je me permettrai un court préambule, et je vous promets que ma question va être tout à fait pertinente et tout à fait sérieuse. Mais on a parlé beaucoup d'occupation du territoire, et je voudrais dire aux gens de l'Abitibi-Témiscamingue que leur université est parmi les jeunes universités du Québec parce que c'est dans les... C'est la dernière université? Non.
Une voix: C'est la dernière.
M. Arseneau: C'est la dernière? C'est la dernière. Donc, c'est la plus jeune université du Québec. Votre région est parmi les plus jeunes régions du Québec, et je dirais que les liens... que le Québec est petit, est tissé serré. Et, quand on parle d'occupation du territoire, il y a des gens des Îles-de-la-Madeleine, par exemple, qui sont allés en Abitibi, M. le Président, comme colons, dans les années trente, et ce n'était pas... Des gens de ma famille aussi, le frère de mon grand-père, qui n'était pas un Arseneau, M. le Président.
M. Arsenault (Jules): C'étaient des Jules.
Le Président (M. Kelley): Peut-être des Jules. Ils l'ont, les Arsenault.
M. Arseneau: Alors, je pense que ça nous démontre à quel point le Québec justement est petit, est tissé serré, et que l'occupation du territoire, ce n'est pas un problème qui est nouveau. C'est un problème qui est constant.
n(17 h 20)n Alors, ceci étant dit, M. le Président, je voudrais ramener le débat à un niveau très concret et terre-à-terre. On a eu ce matin par exemple, devant cette commission, le Conseil du patronat qui a été de façon très claire et très nette... Et j'ai encore leur mémoire devant les yeux, où ils ont fait un portrait plutôt préoccupant de l'avenir des universités au Québec, et ils ont dit: Bon, à l'heure des choix, le gouvernement est dans une impasse financière, le gouvernement est prisonnier d'une promesse de geler les frais de scolarité. Or, les scénarios ne sont pas nombreux en regard des sources de financement. Et le Conseil du patronat, dans son mémoire, nous dit encore: «Ou encore, le Québec devra procéder à des choix difficiles et remettre en question la régionalisation des établissements d'enseignement.» Alors, je ne sais pas si vous comprenez ce qui est en cause parce que, d'un côté, vous nous faites la démonstration et un plaidoyer extrêmement pertinent en regard de l'importance des universités en région pour l'occupation du territoire, alors que bien sûr le ministre et le gouvernement auront des choix extrêmement douloureux à faire en regard du financement. D'un autre côté, vos étudiants ? et on pourra peut-être y revenir tantôt ? recommandent un gel des frais de scolarité.
Alors, dans votre mémoire, vous nous présentez des solutions et des avenues. Vous dites, par exemple, qu'il faudrait revenir à une formule de financement des nouveaux programmes.
Moi, je vous pose la question: Est-ce qu'on doit, par exemple, revenir avec une formule qui permettrait de soutenir le développement des nouveaux programmes, entre guillemets, «at large», ou est-ce qu'on doit s'en tenir par exemple, pour les universités en région, à des programmes spécifiques en regard des réalités dans ces régions-là? C'est ça, la question que je vous pose. Elle est très terre-à-terre, et j'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Arsenault (Jules): Sur le financement des nouveaux programmes, lorsqu'on est la dernière main et lorsque les programmes, probablement pour l'ensemble du Québec... Le besoin de soutenir le développement des nouveaux programmes n'était pas pertinent pour l'ensemble du Québec, mais, pour un établissement qui vient de naître, si on enlève la mesure à ce moment-là, c'est très difficile de faire le développement. Donc, je pense que toute approche mur à mur, que ce soit en éducation, que ce soit dans le domaine de la foresterie que je suis en train d'examiner sur une autre table, toutes les approches mur à mur, c'est mal adapté. Les individus sont différents, les régions du Québec sont différentes et il faut se permettre... oser la différence. La vie vient de la différence. La vie vient de la différence. Juste avec des mâles, on ne va pas loin. La vie vient de la différence. Lorsqu'on respecte la différence dans un conseil d'administration, lorsqu'on permet la différence, on enrichit. Si le Québec permet la différence dans le développement de ses institutions, accepte la différence, vous savez, c'est le Québec en entier qui va s'enrichir, se développer, les Québécois et les Québécoises.
Donc, quand je dis «des nouveaux programmes», je ne dis pas d'avoir des mesures mur à mur, mais on est porté à normer. Je pense qu'il faut normer, mais vous allez admettre: lorsqu'on norme, lorsqu'on norme, on ne normera pas pour 2,5 % de la population qui est l'Abitibi-Témiscamingue, ce serait un drame, ce serait un drame pour la société québécoise. Lorsqu'on fait des normes pour l'ensemble du Québec, il y a pratiquement, si on ne fait pas de mesures d'ajustement, juste la délinquance qui permet aux régions de se développer. Il y a pratiquement juste la délinquance.
Donc, ce qu'on souhaite pour le développement, lorsqu'on dit «nouveaux programmes», c'est de permettre la différence, ne pas avoir des mesures mur à mur et oser arbitrer. On a de la difficulté à prendre des décisions arbitrées. On aimerait... Derrière des normes, ça semble facile, mais c'est souvent la catastrophe. Donc, les régions sont différentes, les établissements sont différents et il faut permettre à... S'exprimer, c'est la richesse de notre pays.
M. Arseneau: M. le Président, j'aurais juste un petit complément pour les gens du Conseil régional de développement. Vous parlez, à la page 6: «Les statistiques démontrent que seulement 15 % des étudiants qui quittent la région pour étudier à l'extérieur reviennent s'y implanter.» Je pense qu'on vit ça dans pas mal d'autres régions, hein, les régions sont semblables. «Nous sommes d'avis que cet exode au profit des grands centres pourrait avoir le même effet à l'inverse si l'on favorisait la venue d'étudiants de l'extérieur. Comme la plupart de nos jeunes qui quittent pour leurs études décident de travailler là où ils ont étudié, les étudiants de l'extérieur qui viendront étudier chez nous risquent de s'établir ici et d'y faire carrière.» C'est extrêmement... Je veux dire, c'est extrêmement intéressant de voir cette proposition. Mais, concrètement, quels sont les moyens qu'on pourrait prendre? Parce que, moi aussi, je crois à ça. Je crois, par exemple, que, aux Îles-de-la-Madeleine, on n'a aucun problème à avoir des spécialistes et des médecins parce qu'on a une qualité de vie en région qui est intéressante. Et je crois à ça aussi, qu'on pourrait attirer des étudiants peut-être pour les mêmes raisons. Qu'est-ce qu'il faudrait à ce moment-là? Qu'est-ce qu'il faudrait comme mesures, concrètement? À quoi vous pensiez?
Le Président (M. Kelley): M. Gauthier.
M. Gauthier (Roger): On a, par exemple, un baccalauréat en multimédia qui est unique chez nous et où la majorité des étudiants ? et d'ailleurs il est en croissance ? qui sont à ce bac-là, je pense qu'on est rendus à... une plus grande partie des étudiants viennent de l'extérieur de la région. C'est un bac qu'on a développé sans aide au démarrage, et tout ça, mais malgré tout on tire bien notre épingle du jeu. Mais ça, ça en est un exemple.
On a parlé tantôt de créneaux qu'on a développés par nos propres initiatives qui peuvent être appuyées par la possibilité d'atteindre et d'obtenir des programmes, et tout ça. Donc, c'est de venir soutenir ce qu'on fait bien puis de nous permettre d'avoir une certaine exclusivité dans certains de ces domaines-là où on excelle. Ça, ça en est une façon aussi de renforcer ces créneaux d'excellence là dans la région.
M. Arsenault (Jules): Donc, l'exemple du multimédia, comme dit M. Gauthier, a mené aussi à établir des partenariats. On a un partenariat avec le cégep de Matane qui est en multimédia, avec le collège Mérici ici, à Québec, où les étudiants, à partir des techniques, viennent en Abitibi-Témiscamingue compléter leur programme. C'est un nouveau programme, mais la journée ? et quand je parle d'une politique d'occupation du territoire ? qu'on va donner ce programme-là à Montréal ou à Laval, la clientèle ne viendra plus en Abitibi-Témiscamingue. Et ce qui est majeur, il est en train de se développer des entreprises autour de cela à force qu'on va former sur le territoire. Les gens viennent sur le territoire, développent des goûts. Les entreprises, on sait qu'il va y avoir du personnel qualifié. C'est cela. J'ai déjà demandé au ministre de protéger ces programmes-là, d'en garder un peu l'exclusivité ou le leadership ? peut-être dans un meilleur terme ? pour protéger ces programmes-là. Donc, c'est important de protéger cela. On protège des programmes pour d'autres, des grandes universités, des universités de grande taille ? parce que toutes les universités sont grandes, il y en a qui ont plus d'étudiants que nous.
M. Lemire (Guy): Je compléterais parce qu'on travaille beaucoup aussi ? et ça, c'est tout l'ensemble de la communauté ? à créer un milieu de vie. Parce que ce n'est pas juste d'aller sur un campus. Vous le savez, de mémoire, quand on fait un bac ou un programme de maîtrise, c'est qu'on passe un certain nombre d'années dans un milieu donné. Et la communauté, notamment à Rouyn-Noranda ? puis c'est vrai aussi à Val-d'Or et sans doute à Amos, mais je connais moins les exemples ? a tout fait pour que la cité devienne étudiante, hein, Rouyn-Noranda, c'est même son slogan, de sorte que la communauté prépare un milieu de vie. Mais il faut aussi que ça se fasse sur le campus par toutes sortes de mesures incitatives.
On parlait du baccalauréat en multimédia. J'ai une de mes filles qui le suit, ce baccalauréat-là, et, parce qu'il y a eu des initiatives prises au sein même du corps professoral, des échanges avec l'Europe, elle a pu en bénéficier, donc, d'aller faire un bout en multimédia là-bas puis de revenir ici aussi. Donc, c'est quelqu'un qui va être tout le temps reconnaissante de ce moment-là et va certainement, en restant en région, en redonner à l'institution. Donc, elle-même contribue au milieu de vie, hein. C'est un jeu donnant, donnant là-dedans.
Et, quant à d'autres mesures, je pense que le Forum québécois des jeunes, avec le concours des jeunes sur l'ensemble des territoires du Québec, a aussi déposé un certain nombre de mesures. Je ne voudrais pas en défendre une parce que je ne me suis pas permis ? et notre organisation non plus ? d'en faire l'examen ou l'analyse. Je ne sais pas si elles sont réalistes, mais j'ai vu décliner un certain nombre de mesures que les jeunes ont eux-mêmes déposées, et je pense que les analystes de la commission pourraient mieux que moi vérifier qu'est-ce qui est pertinent pour le budget québécois ou, je dirais, pour satisfaire des idéaux de jeunes.
n(17 h 30)n Moi, la notion d'avoir de l'espoir, je pense qu'elle est fondamentale, et je pense que, nous, on peut donner, pendant ce parcours-là dans nos institutions, cette notion-là d'espoir parce que le milieu de vie est intime, et le milieu de vie est diversifié, puis c'est ça que je pense qui est important dans le campus. Il y en a qui peuvent faire des grands, grands campus. Mais, un peu comme on disait à la ministre des Communautés culturelles récemment dans un autre mémoire, on lui disait: Vous ne nous ferez pas accroire que, sur 47 000 immigrants qui viennent au Québec par année, il n'y en a pas un 5 000, 6 000 qui viennent de régions du monde et, parmi ce 5 000, 6 000 là, un 700, 800 ou 1 000 qui recherchent de la paix, de la tranquillité, des grands espaces. La même chose s'applique. On peut recruter des étudiants de partout qui aimeraient ça, le type de campus, le type d'expérience de vie qu'on propose en Abitibi-Témiscamingue, mais ça prend les ouvertures d'esprit pour ça.
M. Beauchemin (Jean-Claude): J'aimerais profiter de la question, si vous permettez, pour signaler une autre chose à laquelle, personnellement en tout cas, puis je ne veux pas engager les autres mais je pense qu'ils vont dire comme moi, on est très attachés, là, c'est suite à ce que vous disiez, à la déclaration du Conseil du patronat ce matin. L'UQAT, c'est aussi une très grande université québécoise, c'est l'UQ, l'Université du Québec. Et ça, je sais... Puis, moi, je mets ma voix là-dedans parce que, pour nous autres, en région puis dans les régions du Québec, l'UQ, c'est extrêmement important.
Il y a beaucoup de gens, là, quand ils parlent de rationaliser, et tout ça, ils ont tendance à oublier ça. L'UQAT, c'est une université à part entière, mais c'est aussi une composante d'une institution extraordinaire, nationale extraordinaire, et qui a un rôle considérable à jouer dans plusieurs régions du Québec, en fait dans toutes les régions du Québec. Je pense que, si, à un moment donné, on peut espérer quelque chose, y compris aux Îles-de-la-Madeleine puis chez vos voisins, les Gaspésiens, sur la Côte-Nord, c'est parce qu'il y a quelque chose à Rimouski. Puis, s'il y a quelque chose à Rimouski, c'est parce qu'il y a l'UQ. Alors là, je pense qu'il faut essayer de calmer un peu ceux qui... Puis je pense que c'est vrai qu'il y a des problèmes à Montréal aussi, moi, je ne méprise pas ça, mais il y a des gens, à un moment donné, là, qu'une fois qu'ils ont quitté le coeur de Montréal, là, ils n'ont plus une grande vision du Québec.
Alors, moi, bravo au réseau de l'UQ. Cette commission-là, je pense qu'il y a quelque chose à dire là-dessus là puis...
Le Président (M. Kelley): M. Gauthier.
M. Gauthier (Roger): Moi, je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de membres du Conseil du patronat qui aient une adresse en dehors des grands centres. Ça fait qu'en termes de représentativité... Et, si on pense aux Domtar de ce monde et à plusieurs entreprises comme ça, il n'y aurait pas grand patrons à Montréal s'il n'y avait pas les régions ressources pour fournir des ressources pour les faire vivre. Donc, il y a tout un débat là-dessus.
Nous, on a relevé quelques exemples dernièrement où les régions exportent des capitaux vers les grands centres. Pensons au Fonds de solidarité des travailleurs qui a recueilli 90 millions en Abitibi-Témiscamingue et en a réinvesti 14, dont une bonne partie qui sont gérés par Montréal. Pensons à différents fonds régionaux comme ça, pensons à tous nos ordres professionnels où il sort de l'argent des régions qui est dépensé dans les grands centres. En tout cas, il pourrait y avoir un très beau dossier, un très beau débat sur qui qui subventionne qui.
Je sais que... En tout cas, je pense que le Conseil du patronat est formé généralement de gens qui ont suivi le flot de ça pour aller où... et c'est des individus qui ont des opinions qu'ils ont le droit d'avoir, mais je pense que, si le Québec existait sans les régions, ça ferait dur.
Le Président (M. Kelley): Non, non. Et je ne veux défendre personne, mais je pense juste de remettre en contexte les commentaires du Conseil du patronat. Ils ont dit que, s'ils ne trouvent pas les solutions aux crises de financement de nos universités, il y aura des choix difficiles qui s'imposent. Alors, je pense... Ce n'est pas à moi à les défendre, mais je pense que c'est très important. Juste, ce n'est pas qu'ils disent qu'il faut menacer les établissements en région, mais je pense qu'ils voulaient juste souligner l'importance de trouver une solution à la question du financement de nos institutions. Et je ne veux pas continuer le débat, mais... Ils ne sont pas ici, mais je pense que c'est important de dire que «in context over» commentaires qu'ils ont formulés ce matin.
Nous sommes maintenant arrivés à kif-kif dans le temps. Alors, je propose peut-être... Huit minutes qui restent, les deux formations. Le ministre veut intervenir, une couple de ses collègues ont des courtes questions, mais, si on peut se discipliner peut-être à poser les questions plus brièvement, répondre un petit peu plus brièvement... J'aime beaucoup l'atmosphère, mais le temps file. Alors, je dois jouer l'arbitre un petit peu. La parole est à vous, M. le ministre.
M. Reid: Vous allez m'en vouloir, M. le Président, parce que ma question est une question qui est unique mais avec trois volets.
Le Président (M. Kelley): Comme d'habitude.
M. Reid: D'abord, je voudrais vous dire, M. le recteur, que j'ai beaucoup aimé la terminologie que vous avez adoptée quand vous avez parlé de protéger le leadership de certains programmes. C'est tellement une terminologie qui m'intéresse que je vais l'adopter maintenant plutôt que des termes d'exclusivité qui sont beaucoup plus négatifs que la réalité qu'elle détermine. Et, dans ce sens-là, on a déjà eu l'occasion de le faire, depuis que je suis en poste, avec notamment le cégep de Jonquière, avec Art et technologie des médias, et c'est exactement ce que nous avons fait, protéger son leadership, depuis 25 ans.
Dans la foulée de la question du député de Îles-de-la-Madeleine sur... Vous avez parlé de la façon d'attirer les étudiants dans les régions, d'une façon générale, et je voudrais vous dire... Je voudrais reprendre un peu ce dont on a parlé depuis le début à ce sujet-là, à la fois des étudiants internationaux ? et on a pris bien note des suggestions que vous avez faites, qui me semblent avoir du potentiel intéressant ? également des étudiants et étudiantes autochtones ? et on a même dit qu'ils pourraient devenir des étudiants internationaux autochtones en plus, là ? mais, dans un premier temps, donc qui ne sont pas forcément dans la région immédiate au moment où on se parle et, d'autre part, une problématique très spéciale qui est celle d'étudiants en recherche mais qui sont inscrits dans des programmes de recherche qui sont dans d'autres universités: l'INRS, vous avez parlé de l'INRS, Laval et autres universités. Tout ça évidemment ce que je comprends, c'est que c'est pour avoir des étudiants-chercheurs, chercheuses pour qu'effectivement les contrats de recherche puissent, d'une part, se réaliser dans un milieu universitaire et avec, donc, les étudiants qu'on forme en même temps.
Est-ce que là-dessus vous avez des... Ou est-ce que vous pourriez rapidement, malheureusement le temps passe, mais nous donner une idée de la stratégie d'ensemble que vous visez? Parce j'ai au moins identifié trois origines différentes, donc, des étudiants étrangers au sens large. On comprend qu'il pourrait y avoir un impact et un effet de levier, là, s'il y avait une politique qui était changée sur l'attribution des exemptions de droits de scolarité. Mais, d'une façon plus générale, je suis sûr qu'il y a des étudiants et des étudiantes de par le monde qui seraient extrêmement heureux et heureuses d'avoir la formation de première qualité qu'offre l'UQAT, et je n'ai aucun doute là-dessus.
Est-ce que vous faites quelque chose pour aller les chercher ou est-ce qu'on peut faire quelque chose pour vous aider à le faire? Au niveau des autochtones, je comprends qu'il y a le pavillon autochtone qui est évidemment la clé de voûte de ce développement-là ? corrigez-moi, si je me trompe. Et, au niveau de la recherche, est-ce qu'il y a quelque chose de spécial qui pourrait être fait? Parce que, comme vous l'avez expliqué, l'étudiant, étudiante étant inscrit dans une autre université, c'est l'autre université qui a les subventions, les espaces, etc. Est-ce qu'il y a quelque chose qui devrait changer là-dessus?
Alors, c'est dense comme question. Si jamais vous pensez qu'on n'a pas le temps d'y répondre, gênez-vous pas pour m'envoyer ça sur papier.
M. Arsenault (Jules): Je vais commencer peut-être par les étudiants qui sont inscrits dans les autres établissements. Je vous ai expliqué la stratégie de développement de l'UQAT à partir de la recherche, mais il ne faut pas oublier que le développement de l'UQAT à partir de la recherche se fait en partenariat: les chaires de recherche conjointes. En mines, on est en partenariat avec Polytechnique. Ce partenariat-là, dans la recherche, nous permet... On vient de signer une entente, il y a deux mois, pour avoir le programme de maîtrise, partager un programme de maîtrise avec Polytechnique, en Abitibi-Témiscamingue. C'était une première étape. Une deuxième étape, on pense que les étudiants, dans un partenariat avec l'UQAT, les étudiants de Poly auraient intérêt à venir passer une partie, une année de leur bac ou deux ans de leur bac en Abitibi-Témiscamingue parce que les mines y sont.
Donc, je pense que le partenariat est en train de se faire à partir de la recherche. On devrait avoir, avec le temps, les programmes et comptabiliser la clientèle à l'UQAT ? c'était notre stratégie de départ ? et ne pas avoir besoin de demander une autorisation d'ajouter un nouveau programme dans les établissements. Parce qu'on est convaincus qu'une fois que les gens vont avoir passé chez nous, le choix naturel va être l'Abitibi-Témiscamingue. Donc, ça, c'est notre porte d'entrée.
On a réussi, avec l'Université de Sherbrooke, à avoir, comme ça, la maîtrise et le doctorat en sciences cliniques, et, avec l'UQAM, dans l'autre partenariat de recherche, on a réussi à avoir la maîtrise en biologie et le doctorat en environnement. Donc, notre stratégie est en train de... On est en train de corriger les choses, mais la route est longue, vous comprendrez, pour arriver à cela, et il faut supporter tout le premier volet de développement, s'assurer qu'on a les ressources. Donc, on est en bonne voie. Il s'agit juste que le ministère nous accompagne, puis, quand il voit ces extensions ou ce partage de programme, qu'on voit ça dans la stratégie globale du développement du Québec.
n(17 h 40)n Les autochtones. Pour supporter ce projet-là, un, on va avoir des problèmes un peu linguistiques. Est-ce qu'on peut permettre à une université comme l'UQAT de devenir bilingue? Parce que, si on veut que les communautés travaillent ensemble, il faut un peu de flexibilité. Présentement, l'UQAT ou le réseau de l'Université du Québec ne peut pas émettre un diplôme en anglais. On peut émettre un diplôme en français, en faire une traduction anglaise, mais le diplôme reste le vrai diplôme. Donc, pour aller plus loin dans le développement, on est en train de travailler. Le personnel de l'université, une grande partie de notre personnel est en train de suivre des cours d'anglais pour devenir parfaitement bilingue pour desservir ces communautés, mais, lorsqu'on veut un rapprochement, il faut se respecter un peu dans ces moyens-là.
Il faut aussi permettre d'assouplir nos programmes, l'adaptation, et offrir un support particulier. On a eu, je pense, je vous l'ai déjà souligné, M. le ministre, un taux de succès dans un programme de baccalauréat en travail social, une cinquantaine d'étudiants qui ont commencé un programme, des autochtones, et on en a diplômé tout près de 45, 42. 45? 45. C'est notre record de taux de rétention à l'UQAT et c'est avec les communautés autochtones. Pourquoi? Parce que le ministère nous a soutenus dans l'encadrement des étudiants. Et ces mesures-là, exceptionnelles dans ces cas-là, il va falloir, si on développe les programmes, maintenir cet encadrement pour les premières nations. Ils sont à un autre moment dans leur développement.
Il faut, comme a souligné Janet tout à l'heure, se donner des espaces pour les accueillir, parce qu'ils quittent leurs communautés. Il faut se donner des moyens parce que, même si on donne la formation à Val-d'Or, lorsque arrive le moment des stages, les stages, il faut qu'ils se passent dans leurs communautés. Et Val-d'Or, là, c'est à cinq heures d'avion d'Ivujivik, là. Je ne sais pas si vous le savez, là, c'est cinq heures d'avion pour aller à Ivujivik de Val-d'Or. Donc, lorsqu'on veut envoyer l'étudiant en stage dans son milieu, si on veut, il va falloir avoir des mesures pour le soutenir. Et il va falloir nous aider à former des maîtres des premières nations.
Donc, quand je dis: Est-ce qu'il y a des mesures pour aller plus loin puis attirer ces clientèles? Oui, on va les attirer, les clientèles autochtones ? puis pas seulement peut-être du Québec, des autres provinces canadiennes ? si on respecte ces mesures-là de langue, d'encadrement et de possibilité de faire des stages.
La clientèle internationale. La clientèle internationale vient à l'UQAT. Dans le domaine de la foresterie, depuis qu'on a le doctorat en environnement, nos performances de recherche font qu'on attire de la clientèle internationale, mais il faut avoir les programmes. Donc, on a des étudiants des pays scandinaves, des États-Unis, de l'Europe, de la Russie. Ils viennent lorsqu'on fait de la qualité, lorsqu'on a les programmes et qu'ils sont pertinents. Donc, sur ces trois volets-là, je pense qu'on est en mesure... il faut avoir du support pour poursuivre le développement de la programmation.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Malheureusement, ça fait le huit minutes à ma droite, alors il ne reste que le huit minutes à ma gauche. Alors, Mme la députée de Taillon.
Mme Marois: Merci beaucoup. Je trouve ça passionnant de vous entendre, c'est vraiment très intéressant et stimulant de voir comment il y a chez vous des idées ? nous le savions déjà ? mais en plus des projets très concrets et très précis pour mieux répondre à votre communauté puis en même temps permettre à ce que cette communauté, cette région puisse se développer.
Je ne reviendrai pas là-dessus, mon collègue l'a abordé, et vous en avez parlé beaucoup, mais je pense qu'un des éléments majeurs de votre mémoire ? et qui est appuyé par l'ensemble de la région ? c'est qu'il y ait des adaptations à toutes les mesures de soutien à l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue pour faire en sorte que soit... Je pense à toute la question des stages, vous le soulignez dans ça, il y a un travail particulier à faire, la question autochtone ? j'y reviendrai ? les groupes, le démarrage des programmes. Et, s'il y a une leçon, je crois, qu'on peut tirer ou s'il y a une information qu'on peut tirer de ce que vous nous apportez, c'est la nécessité qu'il y ait des adaptations qui tiennent compte de vos réalités, et à ce moment-là ça vous donnera des ailes pour pouvoir continuer votre développement et la formation des gens de la région, de même que l'investissement en recherche et le développement de la collectivité.
Vous parliez tout à l'heure d'un exemple, que vous avez trouvé particulièrement intéressant, de développement, en allant à votre siège social, j'imagine, dans le quartier Saint-Roch. Mais je peux vous dire que ça prenait deux ingrédients: ça prenait une volonté locale, c'était le maire de Québec, et ça prenait une volonté politique au niveau national, un appui du gouvernement du Québec, sinon jamais ce que vous avez vu aujourd'hui ne se serait réalisé, je peux vous l'assurer. Et je comprends que vous faites un peu le même appel au gouvernement actuel pour qu'il puisse vous appuyer et vous accompagner dans vos projets, et ils sont nombreux.
J'aurais aimé ça vous entendre revenir sur la question du génie minier pour peut-être démontrer comment c'est difficile, même si les acteurs s'entendent, c'est difficile d'aller au bout d'une démarche et que cette démarche donne des résultats s'il n'y a pas certains changements qui sont apportés, structurellement parlant, et si on ne bouscule pas un peu les acteurs. Vous le savez, on a tenté de le faire et on n'est pas encore... Si je comprends, le processus n'a pas encore abouti complètement ou à pleine satisfaction.
Mais ma question maintenant... Si vous avez des commentaires à faire sur ça, j'aimerais ça les entendre. Parce que j'aurais aimé ça que vous nous racontiez un peu la petite histoire, même si chacun de vous l'a abordée, M. Beauchemin ou vous-même, M. Arsenault. On le sait tous les efforts que vous avez mis pour y arriver, et vous n'êtes pas encore au bout de vos peines.
Mais je veux revenir sur toute l'approche à l'égard des peuples autochtones et de l'offre de service. Je trouve ça absolument intéressant. Je voudrais savoir où vous en êtes, d'une part, sur le pavillon ou la maison que vous souhaiteriez construire pour pouvoir accueillir, si j'ai bien compris, dans le sens où il y a des distances énormes et puis à un moment donné il faut offrir la possibilité à des gens d'avoir un milieu de vie qui va rendre accessible... qui va leur permettre d'avoir accès ensuite à la formation, et, d'autre part, le fait... Combien d'abord vous avez déjà formé de gens des communautés autochtones? Et, quand vous dites «avoir recours à des professeurs, des enseignants qui viennent des milieux autochtones», est-ce qu'ils viennent des communautés actuelles ou... c'est-à-dire qu'ils vivent actuellement dans les communautés ou vous allez à l'extérieur des communautés pour recruter les professeurs?
M. Arsenault (Jules): Je laisserais peut-être Janet répondre à cette question et je reviendrai sur les clientèles qu'on a déjà.
Mme Marois: Oui.
Le Président (M. Kelley): Mme Mark.
Mme Mark (Janet): Oui, merci. Bon. Il y aurait tellement de choses à dire par rapport à ce dossier-là. Parce que, moi, je vais vous dire, depuis que j'occupe le poste d'agente de liaison auprès des premières nations, depuis août 2003, ça a beaucoup... on voit les demandes... Parce que, suite à l'étude qui a été réalisée en 2002-2003, il y a eu au moins 10 organisations autochtones qui ont été rencontrées et puis il y a eu au moins 291 individus qui ont répondu à un questionnaire. Et, suite à ça, ce qu'on a ressenti, c'est que les gens, beaucoup des autochtones qui ont participé à ça, c'était comme: Bon, vous êtes venus chercher c'était quoi nos besoins, maintenant c'est comme...
Mme Marois: Quelle sera la réponse.
Mme Mark (Janet): C'est ça, on veut... Parce que les gens nous questionnaient beaucoup. Et puis, déjà là, l'UQAT avait déjà offert le bac en travail social auprès des Cris, dont près de 45 Cris qui ont gradué. Et, pour ce programme-là, je sais que tous les professeurs qui ont donné les cours à l'intérieur de ça étaient des autochtones. Il y en a qui sont venus bien entendu de partout, hein, de toutes les provinces, dans l'Ouest. Puis c'est certain que le programme a été offert à temps partiel, alors c'est échelonné, je crois, sur six, sept ans peut-être. Alors, les cours s'offraient dans les communautés, ça pouvait être une semaine, deux semaines, et par la suite les professeurs retournaient dans les villages.
n(17 h 50)n Là, maintenant on est rendu à l'étape où on va offrir trois nouveaux programmes à temps plein à Val-d'Or. Et, juste pour vous donner une idée, depuis janvier, suite à une promotion, une pub qu'on a faite auprès des Cris et des Algonquins, on a eu au moins 150 demandes d'information sur les programmes. Puis ce qu'on vit, la difficulté peut-être qu'on vit présentement, c'est qu'il y a beaucoup de Cris qui désirent venir étudier à Val-d'Or. Et je regarde juste auprès de la Commission scolaire crie, eux vont financer pas loin de 500 étudiants qui vont étudier à l'extérieur de la province au niveau postsecondaire. Alors, pour la Commission scolaire crie, c'est un gros avantage pour eux d'envoyer leurs étudiants à Val-d'Or au lieu de les envoyer à l'extérieur de la province.
Puis c'est ça, une des difficultés qu'on vit présentement, c'est qu'il y a un grand intérêt, et puis là ce que je remarque, c'est que la majorité des admissions qui ont été faites viennent beaucoup des Cris, mais on manque de ressources, aussi, humaines pour être plus présents au niveau des Algonquins, qui sont plus au Témiscamingue puis même dans d'autres régions aussi, là.
Alors, je pense, ça, c'est une aide dont on a besoin aussi: d'avoir plus de ressources humaines. Et, moi, je mets beaucoup d'emphase aussi... c'est d'avoir du personnel autochtone aussi. Parce que, veux veux pas, ça, on le voit, les autochtones quand ils appellent, bon, quand ils regardent nos noms, ils savent tout de suite, bon: Tu es Cri, tu es Algonquin. Alors...
Mme Marois: Ça facilite les contacts et échanges.
Mme Mark (Janet): Ça facilite beaucoup, beaucoup les... Alors ça, ça paraît, on le voit. Puis, je veux dire, tout ce qui est mis en place pour pouvoir aider les étudiants, on les met en place aussi. On a des recueils de texte qu'on a montés avec Nancy Crépeault aussi, l'été passé, pour sensibiliser le milieu sur la venue des étudiants autochtones à Val-d'Or. On a des dîners-conférences mensuels qu'on organise pour, encore là, sensibiliser les gens, pour mieux se connaître aussi. Alors, il y a beaucoup de choses qui se fait présentement.
M. Arsenault (Jules): Je demanderais peut-être à la vice-rectrice de répondre aux clientèles. Vous savez qu'on dessert les deux communautés inuites du Nord, les neuf communautés cries et les neuf communautés algonquines.
Mme Jean (Johanne): Si je vous fais le portrait actuel, en date d'aujourd'hui, on est le 18 mars, le portrait d'aujourd'hui, actuellement on a un groupe qui est en cheminement dans les deux communautés inuites du Nord, à peu près une vingtaine d'étudiants qui sont au certificat en enseignement nordique. On a une vingtaine d'étudiants qui sont au Lac-Simon, à qui on offre le baccalauréat en enseignement préscolaire, primaire. On vient tout juste de terminer avec une quinzaine d'étudiants, à Pikogan, toujours en éducation au niveau d'un certificat. On a actuellement le certificat en sciences comptables et le certificat en sciences de la gestion offert à temps partiel dans six communautés cries du Nord.
Donc, nos professeurs se déplacent, bien entendu, sur le territoire cri pour offrir la formation de façon peut-être un peu plus intensive, mais ils se déplacent. Puis on a actuellement aussi... Bon. Ça fait à peu près le tour, je vous dirais, actuellement des programmes qu'on offre avec lesquels on a des communautés cries à l'intérieur de ces programmes-là. Ça, c'est sans compter tout ce qui est actuellement en train de s'ajouter au niveau de la formation continue. Notamment avec les communautés cries, on a des projets qui sont actuellement en train de se mettre en place.
Mme Marois: Je veux simplement ajouter, M. le Président, si vous me le permettez, qu'aux questions que vous soulevez, M. Arsenault, sur la nécessité d'adapter et la formation et la possibilité d'utiliser une autre langue pour l'enseignement, les diplômes émis dans une autre langue aussi, moi, je crois qu'on doit regarder ça et accueillir ça très favorablement parce qu'il faut être, je dirais, ouvert à la possibilité de soutenir, accueillir, former et permettre de rendre encore plus autonomes les peuples autochtones. Je pense que c'est ce qui va faire aussi qu'on va continuer d'avoir de meilleures relations et que le territoire québécois va se développer avec les peuples qui l'habitent aussi. Alors...
M. Arsenault (Jules): Ça me fait plaisir de l'entendre.
Mme Marois: Voilà, c'est ce que je voulais partager avec vous en terminant cette commission.
Le Président (M. Kelley): Et il n'y a aucune objection au niveau de la présidence. Alors, je vous laisse le mot de la fin, M. Arsenault, parce que notre temps est...
M. Arsenault (Jules): Je pense que l'UQAT, avec le support du réseau, participe à construire un Québec où les hommes et les femmes vont avoir un degré de liberté supérieur pour faire un pays où c'est plus agréable à vivre. Et je reviendrais à la citation que le réseau a mis au début de son mémoire, puis, moi, je vais conclure avec: «L'éducation est un pilier essentiel du droit de l'homme, de la démocratie, du développement durable et de la paix [...] elle doit donc devenir accessible à tous, tout au long de la vie.» Et principalement au comité des premières nations qui ont un retard à rattraper. Je vous remercie.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Arsenault. C'est à moi le dernier mot, et je pense que le mot est «formidable», parce que je trouve la présentation que vous avez faite ensemble, le portrait que vous avez dressé de votre région a donné beaucoup de matières à réflexion aux membres de la commission. Merci beaucoup pour l'innovation, la créativité de faire ça en groupe, et c'était une session ? je pense que je parle au nom de l'ensemble des membres de la commission ? qui était fort enrichissante pour les membres. Le président a noté les travaux qui se font en communauté autochtone, qui est toujours un dossier que je regarde de près.
Alors, sur ça, merci infiniment, et j'ajourne nos travaux au mardi 23 mars, à 9 h 30. Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 17 h 57)