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Version finale

37th Legislature, 1st Session
(June 4, 2003 au March 10, 2006)

Tuesday, February 17, 2004 - Vol. 38 N° 13

Consultation générale sur les enjeux entourant la qualité, l'accessibilité et le financement des universités au Québec


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-neuf minutes)

Le Président (M. Kelley): Bonjour, mesdames et messieurs, collègues, membres de la Commission de l'éducation. Je constate le quorum, donc je déclare la séance de la Commission de l'éducation ouverte.

Peut-être, avant de procéder à nos travaux ce matin, la semaine passée a été une triste semaine pour l'éducation au Québec, et nous avons perdu deux grands amis de notre réseau de l'éducation. Alors, je veux juste prendre quelques instants pour rendre hommage, premièrement, à l'ancien ministre de l'Éducation et député d'Argenteuil, Claude Ryan, qui était, entre autres, mon premier patron en politique. J'ai travaillé dans son cabinet pendant quatre ans, et c'était un homme tout à fait remarquable, qui était très dévoué à l'avancement de l'éducation dans la société québécoise, qui... Sa maîtrise de la langue française était, je pense, un exemple, pour tout le monde, à suivre. C'est vraiment quelqu'un qui a travaillé jour et nuit ? et je peux témoigner personnellement qu'il a travaillé jour et nuit ? pour l'avancement de l'éducation.

n (9 h 40) n

Et j'ai eu le privilège d'assister, à l'Université Laval, au moment qu'il a reçu un doctorat honoris causis au mois de juin 2000. Il a laissé quelques phrases qui, je pense, sont importantes et peut-être peuvent nous inspirer dans nos travaux sur le rôle des universités dans la société québécoise. Je cite M. Ryan:

«Je voudrais souligner [...] l'appui que la société doit donner à l'université. Cet appui est nécessaire parce que l'université forme les scientifiques, les techniciens et les professionnels instruits dont la société aura de plus en plus besoin. Mais il est également nécessaire en raison du besoin que la société humaine aura toujours, pour mieux se connaître, se comprendre et se diriger, de lieux où sera cultivée comme un bien précieux et inviolable la liberté de l'intelligence et où celle-ci pourra s'adonner avec autant de zèle à l'approfondissement des questions à la fois les plus élevées et les plus apparemment dénuées d'importance qui se posent à l'esprit humain[...]. Sans préjudice de l'apport concret qu'on doit en attendre pour l'étude de problèmes directement reliés à la marche de la société, le premier service de l'université envers la société est et doit demeurer l'exploration et la diffusion du savoir à l'abri de tout assujettissement à des intérêts extérieurs et à des critères de performance étroitement utilitaires.» Alors, quelqu'un avec une formation en histoire, je ne peux que partager ces mots de mon ancien patron.

Deuxièmement, on a appris, en fin de semaine, la nouvelle triste du décès de M. François Tavenas qui était... un long service auprès des universités au Québec. Il était plus récemment recteur de l'Université Laval; il était vice-principal et professeur en génie civil à l'Université de McGill; et il était également doyen de la Faculté des sciences et de génie de l'Université de Laval.

Alors, ces deux personnes ont fait une très grande contribution aux universités, à l'enseignement au Québec. Alors, je demande à l'ensemble des personnes ici, s'il vous plaît, de se lever et, bon, respecter un moment de silence à la mémoire de Claude Ryan et François Tavenas.

n (9 h 43 ? 9 h 44) n

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Le mandat de la commission est de tenir une consultation générale sur les enjeux entourant la qualité, l'accessibilité et le financement des universités au Québec.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Bernier (Montmorency) remplace Mme Perreault (Chauveau) et M. Bourdeau (Berthier) remplace M. Cousineau (Bertrand).

Le Président (M. Kelley): Bienvenue, messieurs, à notre commission. L'ordre du jour pour aujourd'hui, je pense qu'il est assez clair. On va commencer avec les remarques préliminaires d'une durée... jusqu'à 10 h 30. Après ça, on va entendre, dans l'ordre suivant: le Conseil supérieur de l'éducation, suivi par la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec. Et, cet après-midi, nous entendrons le Conseil de la science et de la technologie, l'Université du Québec, l'Université McGill et, enfin, la Centrale des syndicats du Québec et la Fédération du personnel professionnel des universités et de la recherche.

Alors, est-ce qu'il y a des questions sur le fonctionnement de nos travaux? Sinon, je vais céder la parole à M. le ministre de l'Éducation et le député d'Orford pour les remarques préliminaires.

Remarques préliminaires

M. Pierre Reid

M. Reid: Merci, M. le Président. Vous me permettrez d'abord de vous souhaiter un bon anniversaire, parce que c'est aujourd'hui votre anniversaire.

Le Président (M. Kelley): Apparemment.

M. Reid: L'ouverture de cette commission parlementaire marque la réalisation d'un important engagement de notre gouvernement: susciter un large débat sur la qualité, l'accessibilité et le financement de nos universités. À en juger par le nombre ? plus de 90 ? et la qualité des mémoires reçus, on peut estimer que l'appel a été entendu, assurément parce que cet appel faisait écho à des préoccupations bien présentes dans les universités et dans l'ensemble de la société québécoise.

Le parti politique qui a été porté au pouvoir, en avril dernier, ne se trompait donc pas en proposant que se tienne un tel débat et en le balisant comme il l'a fait dans son programme d'action, c'est-à-dire en liant indissociablement la question du financement à deux impératifs incontournables, la qualité et l'accessibilité. L'enjeu est dès lors campé, assurer un financement adéquat à nos universités en vue de maintenir de hauts standards de qualité et en garantissant l'accessibilité que commande le progrès même de notre collectivité.

M. le Président, c'est avec beaucoup d'ouverture que j'aborde nos travaux. Mes collègues et moi-même serons ici en mode d'écoute, soucieux de comprendre et de soupeser les points de vue exprimés et les solutions proposées. Comme en témoignent les mémoires, les questions et les problématiques elles-mêmes sont largement connues et ne feront manifestement pas l'objet de beaucoup de divergence. En revanche, les réponses et les solutions à retenir forment un éventail dont les extrémités vont parfois jusqu'aux options contraires, voire même contradictoires.

Nous aurons donc à faire ensemble un exercice de discernement en reconnaissant modestement que, si les solutions étaient si évidentes pour tout le monde, il y a sans doute un bon moment qu'on les aurait adoptées. C'est ce que le document préparé pour la présente consultation a voulu traduire. Nous avons voulu y établir, sur chacun des trois thèmes étudiés, une sorte d'état des lieux qui fait émerger les questions que nous portons et que nous pouvons considérer comme les vraies questions. Nous n'avons surtout pas voulu nous accaparer et, par le fait même, confisquer le terrain de la discussion en y formulant d'emblée des prises de position qui auraient eu pour effet de rétrécir ou de freiner le débat. Les signataires des mémoires l'ont compris qui se sont bien retrouvés dans cet état des lieux et qui en ont fait le tremplin d'explorations riches et diversifiées.

Écoute, ouverture, disponibilité caractériseront donc notre attitude au cours de cette commission parlementaire, mais ce serait tromper que de laisser croire qu'être ouvert à tout, c'est être prêt à n'importe quoi. Il y a des faits et des nécessités qui s'imposent. Il y a des tendances lourdes qui s'affirment. Il y a aussi, surtout même, des valeurs auxquelles nous tenons, des principes dont il n'est pas question de s'écarter, des convictions qui inspirent notre action. Les uns et les autres dessinent le lieu d'où, pour ma part, je serai à l'écoute et que je tiens à expliciter en guise de remarques préliminaires.

Je formulerai brièvement quatre remarques. D'abord, une première remarque sur la société du savoir comme enjeu de justice sociale et de démocratie. 40 ans après la Grande Charte de l'éducation de Paul Gérin-Lajoie et le rapport Parent, plus personne chez nous ne se demande vraiment si l'éducation fait partie de la mission de l'État. La mission éducative est bel et bien devenue une tâche incessible, inaliénable des États modernes. C'est là un progrès à saluer et à protéger comme la prunelle de nos yeux. Fort de cette conviction, notre gouvernement fait de l'éducation une mission essentielle et prioritaire. C'est que le développement et la qualification des personnes, le progrès et la diffusion des connaissances, l'innovation sociale et technologique sont devenus les principaux moteurs du développement des sociétés, de leur prospérité économique et de leur qualité de vie sans doute, mais aussi de leur santé démocratique, de leur capacité de vivre dans la justice et l'équité et de s'inscrire ainsi dans le durable.

Nous le savons, la liberté s'exerce d'abord par la connaissance et par la capacité d'intervenir avec compétence dans son environnement. L'ignorance ne peut pas être un chemin de participation et de responsabilité citoyenne. C'est vrai aussi des collectivités. Les populations éduquées ont bien davantage accès à la santé, à la prospérité économique, à la libre expression culturelle et démocratique et, pourvu qu'elles en décident ainsi, à une vie sociale plus juste et plus équitable. L'instruction ne rend pas plus juste, tant s'en faut, mais elle permet à plus de gens de comprendre les enjeux mêmes de la justice et d'avoir la capacité de participer à leur mise en oeuvre.

n (9 h 50) n

Nous sommes nombreux ici, ce matin, à avoir été parmi les premières générations à bénéficier de notre système d'éducation, à pouvoir accéder à des formations supérieures et à avoir ainsi la possibilité de participer à la construction et au progrès de notre société. Cette expérience, j'en suis sûr, donne à notre affirmation concernant le caractère essentiel de l'éducation un poids de conviction qui va bien au-delà de la seule affirmation abstraite. Il n'y a rien d'abstrait pour des gens de nos générations à dire que cette expérience est la source de notre volonté que cela soit aussi possible pour nos enfants et pour tous les enfants du Québec. Oui, c'est l'éducation qui, au Québec, a brisé les inégalités économiques et sociales et permis des promotions sociales sans précédent. Et c'est encore en éducation que se bâtit l'avenir des sociétés, celles qu'on dit avancées comme celles qui sont en développement et celles qu'on laisse malheureusement encore pour compte.

Les universités sont au coeur de la réussite de cet énorme défi; elles en sont même le vecteur avancé. C'est essentiellement par elles que nous pouvons participer aux circuits continentaux et mondiaux du savoir et de l'innovation. C'est chez elles que, pour l'essentiel, s'acquièrent les qualifications professionnelles les plus poussées. C'est très largement par elles que passe la construction de cette société du savoir dont nous savons tous qu'elle est devenue la condition de tout progrès et de tout avenir de qualité. Nous savons aussi qu'à défaut d'y participer nous risquerions de rester sur le quai de la gare à regarder le train passer, et cela, il n'en est pas question.

Nous ne discuterons sans doute pas longtemps pour convenir de l'importance d'activités universitaires ayant des standards de qualité capables de soutenir les comparaisons les plus exigeantes. L'enjeu, ici, ne se réduit pas au simple confort ou à la fierté d'être parmi les meilleures nations. L'enjeu de fond, c'est la qualité de notre vie économique, sociale et démocratique. Les universités sont et doivent être le fer de lance de ce combat, car c'en est un, littéralement. Et, pour être fer de lance, elles doivent rester en prise sur notre société et sur ses objectifs démocratiques d'équité et d'égalité des chances. Locomotives, oui, et bien attachées au convoi. Peloton de tête, oui, mais jamais perdu de vue.

En reformulant nos convictions concernant leur qualité et leur capacité concurrentielle, nous n'oublierons pas que les universités sont et doivent demeurer solidaires de l'ensemble de notre société et qu'elles ouvrent les chemins de la liberté auxquels aspirent et s'initient les enfants et les adolescents, les jeunes et les moins jeunes qui sont à l'école, au collège et sur le marché du travail. C'est ma conviction et c'est une conviction essentiellement libérale, comme l'écrivait ce grand Québécois qu'a été Claude Ryan, et je cite: «Être libéral en politique, c'est [...] mettre au premier rang les valeurs de liberté, de justice et de démocratie.»

Ma deuxième remarque, M. le Président, porte sur la qualité comme une réalité à multiples facettes. La qualité n'est pas une réalité univoque, une quantité qui se mesure en litres ou en kilogrammes. C'est qu'elle renvoie nécessairement à l'appréciation et au jugement, et donc tout aussi nécessairement à des références qui peuvent être différentes. C'est le cas des universités comme des autres institutions ou des autres secteurs d'activité. L'appréciation de leur qualité varie en fonction des paramètres que l'on décide de privilégier. Les universitaires eux-mêmes le savent et l'expérimentent quasi quotidiennement, eux qui sont soumis aux règles de la collégialité scientifique et pédagogique et à l'évaluation par leurs pairs, ces remparts irremplaçables contre la tentation toujours possible de la nature humaine de vouloir décréter ex cathedra ce qui est scientifiquement vrai, probable ou faux.

Quand nous parlons de la qualité d'une université et de ses pratiques, nous ne sommes pas pour autant renvoyés à nos seules préférences personnelles. Depuis longtemps, en Occident, et de manière très systématique depuis l'énorme développement universitaire de la seconde moitié du XXe siècle, des consensus ont émergé autour d'un certain nombres d'indicateurs repris, nuancés, améliorés au sein des protocoles d'évaluation en vigueur dans les universités elles-mêmes aussi bien que dans un nombre croissant d'instances externes d'évaluation et d'accréditation. Il s'en est progressivement dégagé des repères permettant, sinon de mesurer, du moins de cerner ce qui mérite d'être jugé de qualité.

Pour les professeurs, par exemple, le jugement de qualité prendra en compte la teneur de leur formation et la renommée des lieux et des maîtres fréquentés, le poids et l'influence de leurs publications, la reconnaissance de leurs activités de recherche et de création, leur performance en enseignement, y compris l'appréciation qu'en font les étudiants, leur apport à la vie institutionnelle, leur rayonnement dans la communauté locale, régionale, nationale et internationale, etc.

Pour les étudiants, on prendra en compte le niveau de leur préparation, la maîtrise vérifiée de leurs connaissances et de leurs compétences, l'atteinte des objectifs poursuivis, les résultats obtenus aux examens externes, l'autonomie intellectuelle et professionnelle acquise, leur engagement social et communautaire, la satisfaction des employeurs qui les embauchent, l'accueil qui leur est fait par les institutions étrangères, etc.

Quant aux établissements eux-mêmes, on tiendra d'abord compte de cette qualité du corps professoral et du corps étudiant que je viens d'évoquer, bien sûr, et du caractère plus ou moins engageant et stimulant qui s'en dégage pour l'ensemble de l'environnement institutionnel. On fera aussi état du calibre des programmes offerts, des équipements de laboratoire et bibliothèques, de l'ouverture à la communauté régionale, nationale et mondiale, du rayonnement externe, de leur capacité de transfert et d'innovation, des brevets générés, des partenariats avec les groupes sociaux et avec les entreprises, de leur participation au développement socioéconomique et culturel, de leur capacité d'attirer des étudiants étrangers, etc., et, en dernière analyse, de la renommée institutionnelle globale, quelque chose d'assez atmosphérique, j'oserais dire, qui se situe au confluent de la mesure chiffrée, de la perception et de l'image de prestige.

Disons-le d'emblée, sans arrogance mais sans complexe, vues à l'aune de ces repères courants, les universités québécoises sont des institutions de haute qualité, cela ne fait aucun doute. Il n'y a aucune complaisance à l'affirmer haut et fort. Les indicateurs parlent d'eux-mêmes, et les observateurs les plus exigeants l'attestent régulièrement. Prenons-en acte ensemble au moment de plaider pour un meilleur financement et ne laissons pas entendre, ne serait-ce que par volonté stratégique de persuasion, que la qualité de nos universités serait à la dérive comme si nous doutions nous-mêmes de la valeur des diplômes qu'elles émettent, de l'enseignement qu'elles dispensent et de la recherche qu'elles réalisent. N'hésitons pas davantage à affirmer notre volonté que cette qualité soit maintenue, améliorée même, s'il est vrai que, partout autour de nous, on se donne des moyens accrus pour garder le cap et soutenir la concurrence mondiale. Je le dis clairement: compromettre cette qualité n'est pas une option.

Du même souffle, je veux aussi dire ma conviction que nous ne pourrons pas promouvoir des choix tronqués en ces matières. Je pense, ici, notamment aux accents parfois unilatéraux qui sont mis sur le niveau des subventions de recherche comme critère de la qualité institutionnelle. Ces dernières années, des sommes énormes ont été investies à ce chapitre, notamment par le gouvernement fédéral, qui ont résulté en une forte concentration des ressources et qui ont induit une véritable restructuration du paysage universitaire canadien. Nos universités en ont tiré beaucoup, et c'est tant mieux, mais il ne faut pas que nous en retenions une vision stratégique à sens unique.

Les universités sont d'abord des lieux de formation pour celles et ceux qui les fréquentent. À l'université, même la recherche garde ses finalités essentielles de formation. Newman ne faisait pas dans le romantisme quand il enseignait que ce sont les étudiants qui donnent sens à l'université. Et Herbert Simon ne faisait pas dans la métaphore lorsqu'il avançait qu'une majorité des énormes investissements dans la recherche universitaire trouvait sa justification dans la diffusion efficace des connaissances de pointe auprès des étudiants.

Ayons cela bien présent à l'esprit au moment où nous discuterons de qualité, car, à tous les cycles, c'est pour acquérir des formations et des compétences reconnues et de haut niveau que les étudiants fréquentent l'université. Et la qualité de la réponse donnée à cette attente fondamentale pourrait bien, en dernière analyse, constituer le coeur de la qualité d'un établissement universitaire, le reste faisant figure en fait de moyens.

Ma troisième remarque, M. le Président, porte sur le rôle des universités dans le développement de tout le Québec. Elle porte sur ce qu'on appelle couramment le développement régional, mais je tiens d'emblée à prendre les précautions nécessaires pour éviter deux pièges courants à ce sujet. Le premier consiste à laisser croire que le développement régional concerne les seules régions éloignées, périphériques ou ressources par opposition au développement des grands centres, voire de la seule métropole. Non, je veux être clair, le développement dont je parle concerne l'ensemble des régions du Québec, l'ensemble de notre territoire et l'ensemble des communautés qui y vivent.

Le second piège à éviter, c'est celui de croire que le développement des régions est un enjeu qui ne concernerait que chacune des régions, une sorte de chacun pour soi. Non, autant il appartient à chaque région d'assurer elle-même son développement et de trouver les solutions qui lui conviennent, autant il faut considérer que la réussite de chacune des régions est une affaire d'intérêt général. C'est bien d'un enjeu global qu'il s'agit, puisqu'il y va de la manière même dont nous voulons aménager le territoire national et le développement de nos communautés, de notre environnement et de nos modes de vie, de notre culture et de notre identité. En ce sens, le développement régional est un enjeu national.

n(10 heures)n

On ne le redira jamais assez, les universités ne peuvent pas ne pas être au coeur de ces dynamiques de développement, car elles en sont l'un des moteurs. C'est vrai à Montréal, à Québec et partout ailleurs au Québec. Par leurs activités d'enseignement, de recherche, de création, par leur intégration dans la collectivité et à la faveur de partenariats de toute nature, les universités sont et doivent être pour les communautés de toutes les régions des acteurs essentiels de stimulation, de développement et de participation à la société du savoir. En matière de développement régional, les universités font partie des solutions et non des problèmes ni des contraintes. C'est le cas des régions où les universités sont effectivement implantées. C'est et ce doit être le cas partout où l'offre de services universitaires peut contribuer efficacement à l'enracinement des populations, au développement des compétences, au dynamisme entrepreneurial, à la qualité de vie tout court.

Je considère que nos échanges et leurs suites devront tenir compte de cet impératif de développement régional qui tout à la fois comporte des enjeux de qualité et d'accessibilité. Notre organisation universitaire ne serait pas de la qualité voulue si elle n'intégrait pas cette dimension de l'accessibilité et, par elle, les impératifs d'un développement harmonieux de l'ensemble du Québec, d'autant plus que, au Québec, nous n'avons pas encore fait le plein en matière de scolarisation universitaire, et nul n'est besoin d'insister pour rappeler qu'on ne peut pas tout faire partout. Cela, on le sait, et personne n'en fait vraiment la demande.

En revanche, on ne laissera surtout pas entendre qu'il y a des niveaux inférieurs de qualité qui seraient bien suffisants pour certaines régions, alors que le gabarit mondial serait la norme pour d'autres régions. Nous voulons la qualité partout, quelle que soit la taille des institutions ou des activités et quelles que soient les facettes qu'il convient d'y accentuer et quels que soient les choix stratégiques qu'il convient d'y faire. Le confinement d'une quelconque région du Québec dans les ligues mineures de la qualité ne constitue pas une option.

M. le Président, tels sont les trois grands repères qui baliseront mon écoute et mon analyse des propositions exprimées au cours de cette commission parlementaire: le rôle des universités dans la construction d'une société du savoir juste et démocratique; la poursuite de la qualité universitaire dans toutes ses facettes; la contribution des universités au développement équilibré de l'ensemble des régions du Québec. C'est en fonction de ces balises, qui constituent aussi pour moi des objectifs prioritaires, qu'il nous faudra parler de financement. Et j'y viens dans ma quatrième et dernière remarque.

M. le Président, nous ne mettrons pas longtemps à nous entendre sur la nécessité d'un financement qui soit à la hauteur des objectifs poursuivis et des enjeux en cause, non plus que sur l'importance des ressources dont nos universités ont besoin, que nous nous entendions ou non sur les chiffres eux-mêmes. Oui, il en coûte cher pour avoir un système universitaire de qualité. Bien avant son arrivée au gouvernement, ma formation politique l'avait reconnu et n'hésitait pas à parler de la nécessité d'un redressement financier. Nous n'avons pas changé d'idée.

Nous savons que, même si elles disposent de ressources importantes par rapport à notre richesse collective, les universités québécoises n'ont pas en main des ressources équivalentes à ce dont disposent leurs concurrentes canadiennes. Peu importent les chiffres précis, dont la validité peut toujours être discutée et qui sont forcément sujets aux fluctuations propres à toutes les comparaisons établies entre des systèmes en mouvement, il est vrai que les universités québécoises réussissent à faire très bien avec des moyens comparativement moindres.

Les discussions seront forcément plus vives sur les solutions concrètes à trouver. Où prendre les ressources dont nous convenons de la nécessité alors que notre capacité collective de payer est limitée et que les finances publiques, ici comme ailleurs, subissent des pressions énormes et ne comportent pratiquement pas de marge de manoeuvre? Il serait trompeur de le cacher, l'État québécois ne peut pas, sans compromettre l'ensemble de ses obligations sociales, accroître sa contribution au financement des universités à la hauteur de tous les chiffres que nous entendrons au cours de nos travaux.

À la recherche de solutions, les intervenants aborderont la question des droits de scolarité: certains en faveur d'un dégel, d'autres pour le maintien du gel. Il faudra les écouter et avec d'autant plus de sérénité que le gouvernement s'est engagé à maintenir le gel pour la durée du présent mandat et que cet engagement ne sera pas remis en question. Mais nous aurions tort de ne pas profiter de ce temps d'arrêt pour nous interroger sur la viabilité à long terme de ce choix social et politique, notamment au regard des choix faits par d'autres sociétés avancées en Amérique, en Europe et ailleurs dans le monde.

Et puis on ne pourra pas passer sous silence le problème lancinant du déséquilibre fiscal canadien qu'il faudra bien pouvoir briser le plus tôt possible. Les annonces faites récemment par le gouvernement fédéral concernant le régime canadien de prêts étudiants permettront peut-être un peu d'oxygène, mais tout cela est encore imprécis, et surtout cela ne corrigera pas les distorsions dont la commission Séguin et bien d'autres intervenants ont identifié la réalité et les conséquences.

Je sais que diverses idées seront mises ici sur la table. Nous les écouterons avec attention dans l'espoir qu'elles nous aideront à sortir de ce qui, certains jours, a des allures de quadrature du cercle. Il nous faut d'autant plus trouver des solutions que les enjeux, eux, ne sont pas facultatifs. La qualité et l'accessibilité de nos universités sont des impératifs incontournables de notre développement économique, culturel et social.

M. le Président, je souhaite ardemment, au-delà de toute partisanerie étroite, que nous soyons ici en mode solution et que nous fassions converger nos convictions profondes et nos appuis aux universités québécoises. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. le ministre. Maintenant, Mme la députée de Taillon et porte-parole de l'opposition officielle. Mme la députée.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, bon anniversaire. M. le ministre, chers collègues, mesdames et messieurs, nous procédons, ce matin, à l'ouverture de la commission parlementaire qui va porter sur la qualité, l'accessibilité et le financement des universités québécoises.

Je vais commencer... je vais aborder cette question sous trois angles, en particulier des angles positifs, mais aussi une note un peu plus critique, et, pour commencer évidemment, se rappeler que deux grandes... deux grands personnages du monde de l'éducation nous ont quittés il y a à peine quelques jours, comme vous le rappeliez, M. le Président.

D'abord, je pense bien sûr à M. Claude Ryan, ancien ministre de l'Éducation. Nous savons qu'il était particulièrement préoccupé par non seulement la qualité de l'éducation, mais par le fait que nos jeunes devaient trouver leur voie pour leur permettre de réaliser leurs objectifs et d'atteindre leurs idéaux. Il a particulièrement travaillé à la question de la formation professionnelle et technique; il s'est préoccupé de la formation des maîtres, et bien sûr de tout ce qui concernait la question des universités. Nous savons que c'était un homme rigoureux, exigeant pour lui-même et ses collaborateurs. Sa contribution à l'histoire du Québec aura été bien sûr considérable.

Je voudrais aussi souligner le départ de M. Tavenas, ancien recteur de l'Université Laval et ancien président d'ailleurs de la CREPUQ. Je souhaite offrir mes sincères condoléances à son épouse et à ses enfants de même qu'à ses proches et amis et ses collaborateurs. On l'a connu bien sûr au cours d'une fructueuse carrière universitaire. Les fonctions ministérielles que j'ai occupées au gouvernement ont fait en sorte que j'ai croisé cet homme à plusieurs reprises sur différents dossiers pendant plusieurs années. C'était un homme engagé pour la cause de l'enseignement supérieur, un travailleur acharné, un homme de vision qui savait à quel point le développement universitaire était lié au développement social.

Je sais qu'il aurait suivi avec intérêt les travaux que nous amorçons aujourd'hui. Alors que ses funérailles sont célébrées au Luxembourg en ce moment même, je veux saluer sa mémoire et son héritage intellectuel. Je crois que c'est un moment triste pour toute la communauté universitaire et particulièrement pour celle de l'Université Laval. M. Tavenas aurait certainement parlé volontiers de l'éducation. D'ailleurs, certains mémoires font part de sa contribution, on pourra le constater.

Maintenant, dans un registre un peu plus heureux, je dois dire que c'est avec beaucoup d'enthousiasme que j'assisterai et participerai à ces discussions sur l'éducation. La quantité de mémoires reçus ? plus de 90 ? témoigne d'un intérêt marqué pour l'éducation. J'aimerais saluer au passage la qualité des mémoires et des réflexions qui nous ont été déposés. Il s'est fait un excellent travail de la part de tous ceux qui se sont manifestés, et ce, malgré le peu de temps accordé pour accomplir une telle tâche.

Nous allons parler essentiellement du réseau universitaire, de ses acquis, de ses réussites, mais surtout et aussi de ce qu'il reste à faire afin que ce réseau soit à la hauteur des attentes et du potentiel de celles et de ceux qui la font. La qualité de l'université restera néanmoins toujours tributaire de la qualité des gens qui la font. L'institution sert de lieu de recherche de solutions, de lieu pour des idées en gestation, en éclosion, en explosion. Si elle est dans une case bien à elle, c'est qu'elle contribue justement à former celles et ceux qui vont changer la société. Elle est la courroie entre le savoir, la transmission du savoir, la recherche constante du savoir et le savoir-être.

n(10 h 10)n

La position générale défendue par ma formation politique est connue. En matière de qualité, nous favorisons le rayonnement international et interculturel, un ajout de ressources professorales, de ressources techniques et immobilières. Nous voulons des universités fortes en région, ayant leur créneau d'excellence. L'université est un lieu d'ébullition des idées, un lieu d'action, une source de présence intellectuelle et économique. Son potentiel est extraordinaire. Nous voulons tous d'une université à la hauteur de nos ambitions, et je crois, j'ose croire que nos ambitions sont grandes.

En ce qui concerne l'accessibilité. ma formation politique a toujours privilégié la solidarité et l'égalité des chances de départ en matière d'éducation. C'est une question de conviction profonde. Nous souhaitons donc que l'accessibilité aux études soit maintenue à son niveau actuel, sinon améliorée, dans le but de permettre au plus grand nombre d'avoir accès au banc des universités. Jamais les ressources financières ne doivent empêcher un individu d'aller au bout de ses talents, de ses aptitudes et d'aller le plus loin possible sur sa route. Quant au gel, nous serons en sa faveur tant que les principaux intéressés en ressentiront le besoin réel.

Du côté du financement, nous sommes en faveur d'un réinvestissement majeur au bénéfice des universités. Je ne pense pas qu'il soit souhaitable que l'État se désengage d'une mission aussi fondamentale que l'éducation, le ministre le soulignait lui-même. Mais nous sommes intéressés à explorer toutes les avenues de financement, excluant une plus grande charge financière pour l'étudiant. Je m'explique sur ce point.

Le Québec a assisté à une indéniable démocratisation de l'enseignement supérieur. Les chiffres fournis par le ministère de l'Éducation sont éloquents. Le taux de participation des jeunes de 18 à 24 ans provenant de milieux moins favorisés a progressé substantiellement depuis plusieurs années. Ceux dont le revenu parental se situe sous la barre des 25 000 $ est passé de 9 %, en 1979, à 19 %, en 1997. Chez ceux dont le revenu parental se situe entre 25 000 $ et 50 000 $, ce taux de participation est passé de 10 % à 21 %. Ce sont des chiffres pris dans un certain nombre de documents de consultation et ce sont des chiffres pour l'ensemble canadien.

Du même souffle, plus de 25,6 % des jeunes pouvaient espérer obtenir un diplôme de baccalauréat en 2001. Le Québec s'est même fixé 30 % comme objectif en 2010. Bien sûr, malgré les droits de scolarité protégés, un nombre encore trop peu élevé d'individus fréquentent des universités. Est-ce que parce que les droits en vigueur au Québec sont trop bas? Je ne pense pas. Mais il n'y a certes pas de corrélation entre une hausse des frais de scolarité et une hausse de la fréquentation.

Comme vous le constatez, M. le Président, j'ai la même grippe que vous.

Cela pourrait difficilement constituer une autre chose qu'un certain frein, du point de vue de l'accessibilité. Ce qui est extraordinaire dans les chiffres que j'ai mentionnés, c'est l'amélioration globale de la qualité de vie de ces gens et ses répercussions sur l'économie en général. La société tire de grands bénéfices à investir en éducation et à parfaire la démocratisation de celle-ci. Investir en éducation augmente directement le capital humain, ce que l'OCDE définit comme l'ensemble des connaissances et des compétences des travailleurs. Or, il y a un lien direct entre l'augmentation du capital humain, la productivité et l'amélioration du taux de croissance de notre richesse collective par habitant.

Les données 2003 de l'OCDE évoquent le taux de rendement social de l'investissement dans l'éducation. Si tout le monde sait qu'il existe un lien positif direct entre les niveaux d'études et le revenu, l'aspect du bénéfice social, en revanche, est moins connu. Le bénéfice social inclut le gain de productivité associé à l'investissement dans l'éducation et tout un éventail d'avantages non économiques possibles tels que la baisse de la criminalité, l'amélioration de la santé, le renforcement de la cohésion sociale et le développement de la participation citoyenne, peut-on lire encore dans les indicateurs 2003 de l'OCDE. Ce sont des gains associés à l'investissement en éducation de manière générale de même qu'en enseignement supérieur.

Je le dis sans gêne et je le répète souvent: je crois que la priorité d'un gouvernement devrait être l'éducation, pas la santé, bien que cette dernière soit également importante. Je crois fermement que, plus une population est éduquée, formée, diplômée, plus elle a de chances de se sortir du cercle vicieux de la pauvreté. Plus éduqués, les gens font davantage de prévention, ce qui ne manque pas d'avoir des conséquences sur les dépenses en santé. Si une population est davantage éduquée, elle s'ouvre sur le monde, sur les autres cultures, et sa participation citoyenne s'en trouve globalement améliorée.

Les services de garde éducatifs, par exemple, permettent de déceler dès le plus jeune âge certains problèmes de comportement afin que des correctifs soient apportés le plus tôt possible. Une population davantage formée représentera un capital humain sur lequel les entreprises pourront compter, ce qui ne manque pas d'en attirer plusieurs en sol québécois.

Les données de l'OCDE en éducation, pour 2003, nous confirment que, pour certains pays, l'augmentation de la proportion des travailleurs du savoir explique près de 30 % de la progression de l'emploi durant les années quatre-vingt-dix. Il est d'ailleurs estimé qu'une année d'études supplémentaire a à long terme un effet de 6 % sur la production économique. Dans un monde résolument axé sur l'économie du savoir, le Québec a tout à gagner en investissant pour qualifier sa jeunesse, il va sans dire. Reste à savoir à quelle hauteur et selon quels principes.

La commission parlementaire dont nous entamons les travaux aujourd'hui est certes conforme au programme électoral libéral et aux engagements que nous connaissons. La Commission de l'éducation devra faire une analyse rigoureuse de la situation des universités en gardant en mémoire que la mission première de cet exercice est de recentrer les institutions sur les étudiants, en relation directe bien sûr avec le discours inaugural et tel que stipulé dans le document de consultation rendu public par le ministre juste avant Noël.

Que nous soumet le gouvernement pour cet exercice? Le document servant à la consultation évoque effectivement la question de la qualité, de l'accessibilité et du financement de notre réseau universitaire. Il en collige les principales données. Il y a parfois une grande absente, et c'est celle d'une orientation. On ne connaît pas la position du gouvernement en matière de financement, puisqu'il ne nous soumet aucun scénario pour améliorer ou revoir les éléments appelés à la commission parlementaire.

Bien que toujours ravie de participer à des discussions sur l'éducation et bien que je souhaite ardemment que ces discussions servent à alimenter les débats et les choix sociaux qui en découleront, je me permets d'émettre des réserves quant à la pertinence des motifs justifiant la tenue de cette commission parlementaire, et je m'explique.

Les universités québécoises ont été conviées à de grands rendez-vous dans les dernières années. Elles ont été appelées à modifier leur fonctionnement pour mieux s'arrimer avec la société et avec ses attentes. Le premier rendez-vous dont tous se souviennent encore, j'en suis certaine, a été celui du Sommet sur l'économie et l'emploi, de 1996. Il faut se rappeler qu'à cette époque pas si lointaine les finances publiques québécoises et canadiennes ? faut-il le dire ? se confrontaient à de sérieuses difficultés. Pour assurer la pérennité des services publics, il fallait redresser sérieusement la situation des dépenses de l'État et atteindre l'équilibre budgétaire. On se rappellera aussi qu'à cette époque le déficit réel des finances publiques était de 5,7 milliards, tel qu'inscrit au livre des crédits et tel que vérifié par le Vérificateur général.

Ce sommet, que l'opposition avait alors qualifié de «grand-messe péquiste», a mené à un consensus et a permis de convenir d'un nouveau pacte social au Québec. Toujours dans le but d'assurer la pérennité de la mission sociale de l'État, tous ont convenu que l'heure était à l'atteinte du déficit zéro. Ce fut une période que plusieurs qualifient d'austère et difficile, j'en conviens, mais elle a été essentielle pour préserver de nombreux acquis. Il est vrai que les universités ont payé cher cette bataille, comme beaucoup d'autres secteurs de la société. Nous leur reconnaissons un apport important dans la victoire remportée par toutes les Québécoises et tous les Québécois à cet égard. L'exercice colossal qu'a été l'atteinte du déficit zéro a rencontré son objectif.

Et, comme nous reconnaissions le sous-financement du réseau universitaire et de tout le réseau de l'éducation, un autre grand rendez-vous s'est dessiné, celui du Sommet du Québec et de la jeunesse, en 2000. Cette étape a été particulièrement importante, car elle a célébré la victoire de l'atteinte de l'équilibre budgétaire qui nous permettait de préserver l'héritage que nous laissions à la jeunesse québécoise. Le gouvernement a alors demandé à la jeunesse de cibler les interventions qui devaient être faites pour répondre à ses aspirations. Ce sommet nous a donné un consensus social quant à l'importance des sommes qui devaient être réinvesties en éducation et en particulier dans nos universités.

Pendant ce temps, se joignait à cette réflexion la première politique à l'égard des universités. Je le rappelle, nous étions en 2000. Ce fut un chantier de plusieurs mois où les universités ont été appelées encore une fois à collaborer. Cette politique ? elle fête ses quatre ans d'existence ? fait état: des attentes de la société face aux universités: des enjeux de l'accès au réseau universitaire; de la répartition géographique des ressources; de la qualité de la formation et de la recherche; du manque de ressources professorales; des besoins matériels, techniques et immobiliers; de la pertinence des programmes universitaires; de la compétitivité et de la visibilité des universités québécoises dans le monde en vue de favoriser, entre autres, leur apport à la communauté. Je viens de dresser une liste de constats faisant partie de la politique québécoise à l'égard des universités.

n(10 h 20)n

Si je compare maintenant ces constats au document de consultation présenté par le ministre de l'Éducation, j'y trouve une redondance déconcertante. Ce gouvernement veut-il vraiment réinventer la roue? L'entreprise de destruction des acquis à laquelle nous assistons a-t-elle des racines si profondes que tout ce qui porte la griffe d'un gouvernement du Parti québécois doit être discarté, revu, refait, resigné? Les besoins quant à la qualité et les missions fondamentales des universités québécoises auront-ils changé de façon si abrupte en quatre ans qu'il faille revoir en profondeur tout le réseau universitaire? Je ne crois pas que les attentes de la société face à la qualité de la formation et de la recherche dans les universités aient changé beaucoup pendant ce temps. Je ne crois pas non plus que les enjeux de l'accessibilité et de l'accès aux études supérieures soient très différents aujourd'hui de ce qu'ils étaient en 2000.

Or, nous sommes conviés pour parler de qualité, d'accessibilité et de financement des universités. Il reste donc le financement, le véritable enjeu de cette commission, et nous savons que cette partie est intimement liée à la qualité et à l'accessibilité.

La politique de financement des universités et les contrats de performance qui ont suivi dans le fil de l'histoire récente des universités ont permis une première phase de réinvestissement dans les universités de l'ordre de 300 millions additionnels et récurrents. Ce réinvestissement a été largement perçu comme une bouffée d'oxygène dans les universités. Enfin, après les sacrifices, des sommes majeures étaient réinvesties en éducation et permettaient aux universités de poursuivre leurs missions.

Je me rappelle les réactions à la signature des contrats de performance. Certains parlaient d'outils à la mesure d'un rêve. Je cite ici les propos de l'ancien recteur de l'Université de Sherbrooke, aujourd'hui ministre de l'Éducation, qui disait à la signature des contrats de performance, et je le cite: «Le ministre [de l'Éducation] a été sensible à plusieurs de nos arguments et il nous a octroyé plus que le minimum dont nous avions besoin. Ainsi, le rattrapage de 10 millions [...] pour les années 1996-2000 nous permet de [...] consacrer dès maintenant à l'atteinte de nos objectifs en matière de créneaux d'excellence, plutôt que de poursuivre notre ronde de compression.» Ou encore: «Le contrat de performance et le réinvestissement majeur qui en découle vont permettre à l'Université de Sherbrooke de jouer un rôle de premier plan avec tout le leadership et [...] le succès qu'on lui connaît.» Avouons que ces déclarations étaient un baume pour une ministre des Finances et qu'elles arrivaient à point nommé après un réel effort budgétaire.

Nous étions rendus à aller encore plus loin, à prévoir la deuxième phase de réinvestissement dans les universités, soit la somme progressive de 200 millions additionnels et récurrents, quand la population a choisi autrement. Nous prenons acte de ce verdict, mais j'accepte difficilement le processus de démolition et de désengagement qui s'ensuit. Je ne suis pas certaine non plus que c'était là le mandat qu'a reçu le gouvernement libéral de la part de la population québécoise.

Nous sommes rendus au bilan des contrats de performance, à redessiner le financement universitaire et ses modalités d'application afin de permettre une nouvelle phase d'investissement dans nos universités. Les mémoires présentés à la commission sont solides, novateurs, documentés et animeront de riches discussions en ce sens. Voilà une autre note positive que l'on peut accorder à la commission.

Quoi qu'il en soit, en matière de financement nous faisons face aux réalités suivantes. Il y a urgence de réinvestir dans les universités québécoises, nous reconnaissons tous cet état de fait. Il y a un déficit annuel de ressources de plus de 375 millions chez les universités québécoises pour être comparables aux universités canadiennes, selon le rapport conjoint du ministère de l'Éducation et de la CREPUQ.

Le cadre financier du Parti libéral prévoit réinvestir 60 millions récurrents au terme d'un mandat. En comptant les coûts du système pour l'éducation seulement, cela représente un manque à gagner de plus de 3 milliards de dollars en 2008. Il y a eu pour 53 millions de compressions dans les universités cette année que le ministre s'est engagé à remettre après la commission parlementaire. Cela s'appelle un jeu de bascule en termes de finances publiques. Et, s'il ne met pas deux fois ce montant au prochain budget, il projette une compression dans les années à venir.

Le privé est toujours le bienvenu pour augmenter sa part de financement. Cela fait partie aussi de sa contribution à la formation du capital humain dont il bénéficie. Encore faut-il baliser cet effort avec des règles tant éthiques que fiscales. Bien que le précédent gouvernement ait institué dans la politique de financement une subvention de contrepartie aux dons dans les universités, il semble qu'il reste encore beaucoup à faire, beaucoup de chemin à faire en ce sens pour favoriser une augmentation des revenus provenant des fonds de dotation.

Le débat pourrait être très intéressant à ce niveau, et je souhaite que nos interlocuteurs nous éclairent dans leurs divers points de vue. Comment augmenter le financement des universités? Qui doit financer davantage? L'État? L'entreprise privée? Les étudiants? Dans quelle proportion? Ces questions sont celles mises sur la table à cette commission. N'est-ce pas là l'enjeu véritable de cette commission parlementaire? Nous entendrons des positions étoffées mais qui divergent parfois radicalement.

Par exemple, peut-on envisager un mécanisme de crédit d'impôt ou d'incitatif fiscal pour qu'une entreprise trouve cela particulièrement intéressant de donner à une université? Un autre exemple: des associations étudiantes proposent de puiser une partie des sommes manquantes d'un pourcentage donné de la masse salariale des entreprises assujetties à la loi favorisant le développement de la main-d'oeuvre pour aller chercher du financement additionnel aux universités. Bien que cette approche semble contraire à l'approche idéologique préconisée par le Parti libéral, elle a le mérite d'être franchement intéressante et novatrice quand on étudie la question de la part du financement du privé.

D'ailleurs, quand on parle d'idéologie, on se rappellera que le gouvernement a choisi de soustraire les entreprises dont la masse salariale se situait entre 250 000 $ et 1 million de la loi favorisant le développement de la main-d'oeuvre, favorisant ainsi clairement les entreprises au détriment de la formation des travailleurs.

Les frais de scolarité, quant à eux, devraient être gelés pour la durée du mandat. J'ai compris que le ministre de l'Éducation avait confirmé à nouveau cet engagement ce matin.

Il existe aussi des pistes intéressantes pour financer davantage nos universités. Estimons un moment combien on irait chercher en ajustant les frais de scolarité à la moyenne canadienne. Ce serait les faire passer de 1 862 $ à 4 025 $ environ, une hausse moyenne de 2 163 $ par étudiant, ce qui représente entre 385 millions et 447 millions de ressources additionnelles.

À titre d'exemple, si on double les frais de scolarité, cela représente beaucoup d'argent et des choix financiers importants pour un étudiant. Pourtant, cela représente simplement huit ou neuf semaines du versement de la part du Québec à l'insidieux phénomène du déséquilibre fiscal avec Ottawa si l'on considère que le Québec perd 50 millions par semaine. Le ministre des Finances doit être en profond accord avec cette assertion, puisque celui-ci doit livrer un combat sans merci pour récupérer les sommes qui nous reviennent. Évidemment, ces huit ou neuf semaines, dans une situation où le déséquilibre fiscal serait réglé, équivaudraient au montant qu'on irait chercher en doublant les frais de scolarité mais sans que les étudiants ne paient un sou de plus pour étudier. Et la somme comble le manque à gagner dans le réseau, cela sans augmenter l'actuelle contribution de l'État, cela également sans inciter une augmentation des revenus provenant des fonds de dotation.

On peut imaginer maintenant, si le financement provenant des autres sources que les droits de scolarité augmentait, quelle pourrait être la hauteur de la pleine marge de manoeuvre disponible pour les universités québécoises. Le gouvernement du Québec affirme depuis longtemps déjà que l'argent provenant du déséquilibre fiscal serait réinvesti en éducation, en santé, pour les familles, les trois grandes priorités des Québécoises et des Québécois. J'y vois certes là l'avenue la plus intéressante pour le gouvernement du Québec, puisque chacune et chacun y trouveraient leur compte, et l'accessibilité aux études universitaires serait garantie.

Voilà donc beaucoup d'énergie dépensée à revoir le réseau universitaire. Ce n'est pas cependant en vain, puisque l'on aura le plaisir d'entendre parler d'éducation. Il est seulement dommage que ce soit pour refaire une partie du travail que nous avons fait récemment.

Je me permets le questionnement suivant: si c'est tout à fait louable ? et cela l'est ? de dialoguer avec les partenaires de l'enseignement supérieur, le ministre peut-il également envisager de s'occuper d'autres aspects aussi urgents pour mobiliser le monde de l'éducation afin de parler des solutions à apporter, que ce soit au décrochage scolaire, à la réussite des garçons, à l'écart grandissant entre les filles et les garçons dans la poursuite d'études supérieures, aux impacts du changement démographique sur le système d'éducation, au taxage dans les cours d'école, au décrochage des jeunes professeurs, au soutien qu'il faut leur apporter, à l'activité physique et à l'obésité? Ces sujets ne manquent certainement pas, à ce titre, d'intérêt. Peut-être que le gouvernement devrait aussi s'occuper de sujets peu discutés et qui méritent également un débat de société.

Les membres de cette commission savent que j'ai été présidente du Conseil du trésor et ministre des Finances. Forte de cette expérience, je puis vous dire que, puisque le gouvernement doit déposer un budget de dépenses en mars ? les crédits budgétaires ? les grands arbitrages sont désormais terminés.

n(10 h 30)n

Le ministre de l'Éducation connaît la hauteur des sommes qui seront réinvesties en éducation, plus particulièrement dans les universités. Je crois que cette donnée est celle qui manque aux intervenants que nous entendrons. Pourtant, ce montant représente la clé de la commission parlementaire, et le ministre la détient. C'est à lui de nous dire quelle est la hauteur du réinvestissement qu'il réserve dans les universités, puisque nous allons débattre de la provenance de cet argent et de ses modalités de dépense. Il s'agit de savoir de combien d'argent on dispose, quelle est la part du financement qu'il faut aller chercher ailleurs que dans les coffres de l'État. C'est à lui de nous convaincre que les conclusions du débat et les discussions de cette commission parlementaire n'auront pas été à tout le moins un peu déterminées d'avance.

Je nous souhaite sincèrement des échanges fructueux, des échanges qui nous permettront d'évaluer, d'analyser les diverses sources de financement pour mieux soutenir nos universités au plus grand bénéfice de la jeunesse québécoise et de toute la société québécoise. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme la députée. Est-ce qu'il y a d'autres remarques, M. le ministre? Vous avez un document que vous voulez déposer?

M. Reid: Oui, c'est plutôt un document que je voudrais déposer, M. le Président, si vous me permettez. Nous avons parlé depuis tout à l'heure de François Tavenas. M. Tavenas, sachant que la commission parlementaire allait se tenir bientôt, m'a fait parvenir, le 27 janvier 2004, une lettre de quelques pages que j'aimerais déposer à la commission, M. le Président, une lettre que je considère... qui, de par son contenu, représente un petit peu son testament comme universitaire québécois, comme quelqu'un qui a consacré la majeure partie de sa vie professionnelle aux universités québécoises. Alors, je voudrais déposer cette lettre, M. le Président.

Document déposé

Le Président (M. Kelley): Le document est déposé. S'il n'y a pas d'autres interventions, j'invite maintenant les représentants du Conseil supérieur de l'éducation d'approcher, et on va commencer en rappelant que...

Auditions

Bonjour, M. Proulx. Vous êtes un habitué de nos commissions parlementaires, mais je vais juste rappeler que vous avez plus ou moins 20 minutes pour faire votre présentation. Après ça, il y aura un échange d'une quarantaine de minutes avec les parlementaires: 20 minutes pour les députés ministériels et 20 minutes pour les députés de l'opposition. Alors, peut-être, on va procéder par des blocs de 10 minutes pour faire une certaine alternance dans nos questions. À vous la parole, M. Proulx.

Conseil supérieur de l'éducation (CSE)

M. Proulx (Jean-Pierre): M. le Président, merci infiniment de votre accueil. Je me permets de vous saluer ainsi que tous les membres de cette commission et vos invités qui sont derrière moi. Je voudrais, au départ, rappeler très brièvement ce que c'est que le Conseil supérieur de l'éducation. Depuis que j'en assume la présidence, j'ai pu constater que ce n'était pas toujours un organisme totalement bien connu. Rappelons que ce Conseil supérieur a été créé en 1964. Donc, il célèbre cette année son quarantième anniversaire de naissance tout comme le ministère de l'Éducation, puisqu'il a été créé en même temps et par la même loi, le fameux bill 60.

La mission essentielle du Conseil supérieur de l'éducation, dit sa loi constituante, c'est de collaborer avec le ministre de l'Éducation et de collaborer bien sûr à sa mission et à la mission générale de l'éducation au Québec en fournissant essentiellement des avis, soit que le conseil en prenne l'initiative ou soit que le ministre en fasse la demande. Et, en l'occurrence, c'est en réponse à l'invitation que M. le ministre de l'Éducation nous a faite que nous nous trouvons aujourd'hui, ici, à vous entretenir du sujet de cette commission.

Le Conseil supérieur de l'éducation est formé de 22 membres issus des milieux de l'éducation très généralement et issus aussi des milieux socioéconomiques. Le Conseil supérieur de l'éducation ne donne pas des avis d'experts. Nous ne sommes pas un groupe d'experts; nous sommes un groupe de citoyens et nous donnons donc des avis que je qualifierais de démocratiques parce qu'ils reposent d'abord et avant tout sur l'écoute attentive et méthodique du milieu, et le mémoire que nous vous présentons aujourd'hui n'échappe pas à cette règle. Bien sûr, nous écoutons aussi les experts et nous délibérons de façon critique et démocratique entre nous pour arriver à ces résultats. Le conseil aussi comporte cinq commissions permanentes dont l'une qui s'appelle la Commission de l'enseignement et de la recherche universitaires, et c'est grâce à ses travaux que nous pouvons aujourd'hui vous présenter l'avis que nous vous présentons.

Je suis accompagné, aujourd'hui, de Mme Claire Prévost-Fournier, à mon extrême droite, qui est la secrétaire générale du conseil; ainsi que de Mme France Picard, qui est la coordonnatrice de la Commission de l'enseignement et de la recherche universitaires.

Comme il me manquera probablement de temps pour conclure, je vais faire ma conclusion tout de suite.

Le Président (M. Kelley): Vous êtes un habitué, alors...

M. Proulx (Jean-Pierre): Le message central que nous voudrions laisser à cette commission est fort simple, il tient en quelques lignes: l'État, de l'avis du Conseil supérieur de l'éducation, doit soutenir financièrement les universités, il doit les soutenir de manière constante, il doit le faire à long terme et à un niveau suffisant. Pour leur permettre quoi? Deux choses: d'accomplir l'intégralité de leur mission ? ce sur quoi nous reviendrons ? et de relever les défis conjoncturels ou plus conjoncturels et même parfois structurels qui se posent actuellement. Et pourquoi cela? Parce que l'université est une institution sociale, culturelle et éducative dont la présence est cruciale pour assurer le bien-être de la population québécoise à long terme. Pour tout dire, le financement des universités est une affaire de bien commun.

Au-delà et en deçà des questions soulevées par la présente consultation, notre présence aujourd'hui à cette commission est une occasion de rappeler un certain nombre de principes fondamentaux, certaines positions structurantes en s'appuyant sur des avis nombreux que le Conseil supérieur de l'éducation a émis au cours des récentes années sur les universités. Signalons le dernier rapport annuel qui portait sur la relève du corps professoral. Signalons aussi un avis important que nous avons fait, il y a trois ou quatre ans, sur la mission des universités, un autre avis sur le partenariat, un autre avis, qui me vient à l'esprit, sur l'articulation entre la recherche et l'enseignement ou la formation.

Nous n'avons pas la prétention de répondre aujourd'hui à l'ensemble des éléments qui constituent le menu de cette consultation, nous n'en avions pas les moyens. Nous avons voulu centrer surtout notre attention sur un certain nombre de points sur lesquels je vais attirer votre attention. Mais, au départ, il m'apparaît opportun, sinon important, de rappeler à cette commission les valeurs, c'est-à-dire ce qui est important pour le conseil comme, pensons-nous, pour la société québécoise et pour les membres de cette commission, les valeurs sur lesquelles repose, nous semble-t-il, la mission universitaire, car ces valeurs sont au-delà de l'activité quotidienne des universités, ces valeurs sont porteuses d'un projet de société. Elles constituent aussi des exigences permanentes pour les universités et elles appellent aussi le soutien de l'État. Et en lisant le document préparatoire à cette commission, il nous a été loisible et nous avons été heureux de constater qu'elles inspirent aussi le fondement de cette consultation.

Ces valeurs sont, au premier chef, la mission de formation supérieure des Québécoises et des Québécois. Il faut insister sur ce mot de «formation». Les universités servent d'abord à former des Québécoises et des Québécois et bien sûr à participer à la formation d'autres qui nous viennent heureusement d'autres pays.

Autre valeur importante, c'est la contribution majeure des universités à l'avancement, à la diffusion et à la conservation des savoirs.

La troisième valeur, que j'aurais dû mettre, je crois, en premier lieu, c'est la place primordiale et significative des étudiantes et des étudiants envers le projet universitaire. Nous pourrions avoir une vision essentiellement productiviste de l'université et calculer son rendement au nombre de citations qu'on retrouve dans les publications universitaires, dans le taux de subventions que les conseils dispensent aux universités, mais le coeur de la vie universitaire, ce sont les étudiantes et les étudiants. Et je crois que ce qui... et le conseil croit aussi qu'il faut avoir d'abord et avant tout non pas une vision productiviste des universités, mais une vision humaniste des universités, c'est-à-dire qui mette les élèves... pas les élèves, les étudiantes et les étudiants au coeur de leurs projets.

n(10 h 40)n

Quatrième valeur: la démocratisation et l'accès en pleine égalité des étudiantes et des étudiants, selon le mérite. Cette démocratisation bien sûr s'est accrue au cours des années, mais elle n'est pas terminée, nous le savons tous.

Enfin, dernier bloc de valeurs, devrais-je dire, qui sont essentielles à la mission universitaire: la liberté académique, la probité scientifique, la rigueur, l'éthique et l'exercice de la fonction critique.

Dans notre contribution à cette commission, nous allons souligner quatre grandes questions au-delà de l'introduction que je viens de vous proposer. D'abord, revenir sur la mission de l'université comme référence obligée pour son développement et son financement. Deuxièmement, un regard sur les acquis et la nécessité de poursuivre les efforts dans un contexte de fragilisation d'un certain nombre de questions ou d'un certain nombre d'éléments relatifs à la vie universitaire. Troisièmement, nous allons parler brièvement du pilotage du système par les politiques publiques et d'un certain nombre de conséquences que ce pilotage entraîne, conséquences qui appellent quelques réflexions critiques, vous le verrez. Quatrièmement, l'importance de renforcer la vigie à tous les niveaux de la vie universitaire, y compris celle qui est extra-universitaire au niveau du gouvernement. Et enfin quelques remarques sur les besoins actuels et futurs de financement.

Premièrement donc, la mission de l'université et sa portée, mission toujours pertinente. Je le rappelle, elle sera ici une redondance, mais elle a son importance, la première mission, c'est la formation supérieure des Québécoises et des Québécois. Cela passe par la production bien sûr, la conservation et la transmission des savoirs contribuant ? et je me permets d'insister sur ce petit bout de phrase que je vais dire ? contribuant à l'avancement de l'humanité. Les universités ne sont pas que des boîtes à produire des connaissances, ce sont des maisons qui produisent des connaissances parce que l'humanité progresse à travers cela.

La formation supérieure des Québécois, c'est bien sûr, passe par ses activités de scolarisation de la population, la qualification supérieure initiale et continue, la formation de la relève scientifique et des professeurs et aussi, je le dis en passant, la formation des maîtres au primaire et au secondaire. Elle passe aussi par une troisième voie qui est essentielle dans une société, la fonction critique. Et enfin elle joue des rôles connexes: conservation du patrimoine, développement des communautés locales, innovation technologique et sociale.

Trois remarques en lien avec ce que je viens de dire, trois remarques sur trois points plus spécifiques, les projets en partenariats. Cela fait partie des politiques publiques, et le Conseil supérieur de l'éducation a donné son accord ou son aval ou favorise cela, mais il est important en même temps, comme il l'a souligné dans un avis publié il y a quelques années, de saisir les implications de cela. En d'autres termes, le conseil pense que les partenariats entre universités et autres corps sociaux sont importants, mais ils doivent se faire à travers un certain nombre de balises qui sont précisément liées à la mission universitaire: au premier chef, le respect de la liberté académique; deuxièmement, que ces partenariats se situent dans les priorités de l'université; troisièmement, que les partenariats respectent ou s'insèrent dans le projet ou favorisent les projets des étudiants. Bref, pour tout dire, les partenariats ont leur sens dans la mesure où ils s'inscrivent dans la mission de l'université et, au premier chef, la formation des étudiants à tous les cycles.

Deuxième remarque, toujours en lien avec la mission, l'articulation enseignement et recherche. Nous avons pu observer que le soutien au recrutement et à l'intégration des nouveaux professeurs sont essentiellement surtout tournés vers la recherche. La consultation que nous avons faite au moment de la production du rapport annuel sur le renouvellement du corps professoral a montré cela à l'évidence. Nous pensons qu'il faut... que la recherche est essentielle et déterminante et importante dans le cadre de la mission universitaire, elle est une composante incontournable, mais il faut maintenir l'équilibre entre la recherche et l'enseignement dans une perspective toujours présente de formation des étudiantes et des étudiants. Bref, il faut prendre en considération la mission de formation des étudiants qui repose toujours, du point de vue du conseil, sur une articulation forte des activités d'enseignement et de recherche. En d'autres termes, dissocier recherche, enseignement et formation est une voie qui ne nous semble pas souhaitable.

Troisièmement, toujours dans le cadre de la mission et en regard d'une question posée dans le cadre de cette même consultation, les contributions spécifiques des universités. Le conseil a apporté, au cours de ces années, un souci à la place des universités en région. Il croit toujours à la pertinence de la place des universités en région, d'abord parce qu'il y a, en deçà ou en amont de cette question, une question fondamentale pour le Québec qui est celle, entre guillemets, de l'occupation du territoire.

Nous avons fait, au cours de... Chaque année, nous faisons une tournée en région et nous avons pu observer, comme sans doute vous-mêmes, parlementaires qui venez en partie des régions éloignées, comment les régions sont en voie parfois de régression de développement. Les universités ont leur place dans les régions, notamment pour assurer la place de l'ensemble des Québécois sur le territoire, mais aussi pour des raisons qui sont liées à leur mission propre: essentiellement le rehaussement de la scolarité dans les régions, bien sûr le développement régional, bien sûr le défi particulier du recrutement.

Le conseil ne souhaite pas que les universités en région soient différenciées en fonction des cycles d'enseignement. Il croit au contraire qu'elles doivent se différencier par la complémentarité des missions spécifiques qui leur sont données. Et nous avons pu observer, et d'autres sans doute parmi vous aussi, que les universités en région offrent très souvent des créneaux d'excellence dans leur particularisme régional, et cela est bien sûr à soutenir.

En somme, comme vous aurez pu le constater, l'énoncé de mission des universités est inspirant. Il devrait servir à guider le financement, à éclairer les décisions gouvernementales et à éclairer les universités face à leurs demandes au sein du gouvernement. Et, s'il y avait un objectif essentiel à viser au cours de cette commission, ce serait que les travaux de cette commission mènent à un consensus fort sur sa mission, sur la mission des universités et sur leur implication.

M. le Président, je crois que vous m'avez fait signe.

Le Président (M. Kelley): Il reste cinq minutes.

M. Proulx (Jean-Pierre): Merci beaucoup. Deuxième question que nous voulions aborder: la consolidation des acquis. On se situe dans le peloton de tête, au Québec, pour la scolarisation postsecondaire. Il y a progression aux deuxième et troisième cycles. L'accès s'est démocratisé. On accueille plus d'adultes. La recherche a sérieusement augmenté, mais un certain nombre d'acquis sont fragiles. Par exemple, la fréquentation n'est pas la même partout dans les régions. On observe encore des écarts d'origine sociale. Le retard des garçons sur les filles se manifeste maintenant à l'université de façon manifeste ? pardon, excusez cette redondance.

Au plan de la réussite, il y a des fluctuations au niveau du baccalauréat qui sont à examiner de plus près, et on constate aussi des écarts avec le Canada et les États-Unis.

Le développement de la recherche. La pérennité du financement n'est pas assurée. Le financement est soumis aux priorités gouvernementales. Nous avons observé aussi malheureusement des diminutions des budgets des organismes subventionnaires.

n(10 h 50)n

Et bien sûr, le renouvellement du corps professoral, qui est une question importante et de l'heure dans les universités, est un défi manifeste et qui pose des problèmes très pointus au moment où nous nous réunissons. Il y a donc des efforts intenses à faire autour de cette question-là et, au-delà de la controverse qu'a fait surgir la parution du rapport annuel du conseil, il est manifeste que, au cours des prochaines années, sinon des prochains mois, les universités vont devoir faire face à un défi absolument important.

Je devrai passer, M. le Président, puisque vous m'avez fait signe que le temps passait. Je vais aller directement à la dernière partie de notre intervention sur les éléments relatifs au financement. Premier défi pour l'heure: hausser l'accès à l'université et la réussite des études. Il y a des besoins pressants dans les universités relatifs au soutien à l'organisation scolaire, à l'encadrement des étudiants, si on prend au sérieux la mission et les valeurs importantes que sont la présence des étudiants, des besoins pressants aussi concernant la pédagogie universitaire. Comment, vous demandiez-vous tout à l'heure, revaloriser la qualité de l'enseignement? C'est, entre autres, en mettant l'accent sur la pédagogie universitaire, et il y a encore un bout de chemin à faire important à cet égard-là.

Deuxièmement, le développement de la recherche pose des questions importantes actuellement. Il y a manifestement encore des progrès à faire de ce point de vue. À tous égards, la recherche... l'articulation recherche et formation demande des investissements. L'engagement encore plus grand des professeurs est important. La formation d'un plus grand nombre de chercheurs s'impose. Des infrastructures plus fortes sont à développer et de même qu'évidemment la création d'environnements propices à la formation.

Le renouvellement du corps professoral est à court terme ? et je me répéterai là-dessus, mais puisque nous venons d'attirer l'attention du ministre de l'Éducation et de la communauté québécoise sur cette question-là, j'y reviens brièvement... Il y aura un recrutement intense à faire de ce point de vue là à la fois pour pallier l'attrition, développer des nouveaux créneaux, augmenter le nombre d'étudiants aux cycles supérieurs, développer des compétences nouvelles en recherche et aussi assumer la condition dans laquelle va se faire ce renouvellement, qui est celle de la concurrence internationale et qui est manifeste. Le financement des études aussi demandera et demande incessamment des investissements, notamment pour assurer des meilleures bourses aux étudiants et en particulier l'augmentation des bourses aux cycles supérieurs.

M. le Président, il m'a fallu aller un peu plus rapidement que je n'avais prévu. J'espère que la période de questions permettra, le cas échéant, de revenir sur certains points que les parlementaires jugeront les plus pertinents. Je vous remercie et je remercie la commission de son écoute attentive.

Le Président (M. Kelley): Parfait, merci beaucoup, M. Proulx. Je sais que c'est un grand sujet. Alors, de condenser tout ça dans une vingtaine de minutes, ce n'est jamais facile, mais merci beaucoup pour les commentaires.

Nous avons convenu, M. le ministre, peut-être de commencer avec vous pour une dizaine de minutes, de retourner à l'opposition pour une dizaine de minutes et de retourner au parti ministériel pour une autre dizaine de minutes et de compléter avec l'opposition alors pour faire une certaine alternance.

Alors, je ne jouerai pas ça trop strictement, mais peut-être un premier bloc de 10 minutes, et la parole est à vous, M. le ministre.

M. Reid: Oui. Bonjour, monsieur. J'aimerais peut-être vous entendre pour qu'on réussisse bien à concilier d'une part l'avis sur le renouvellement du corps professoral, qui a été émis à l'automne, et l'affirmation que vous venez de faire sur le fait que les universités sont confrontées... seront confrontées dans un avenir certain à un défi de taille concernant le renouvellement du corps professoral. Je suis sûr que c'est conciliable et que c'est bien concilié, mais j'aimerais bien entendre, pour ma part, et je pense que tout le monde en profitera, d'avoir cette perspective un peu... J'ai l'impression que c'est plutôt une question de perspective temporelle, pour ma part, et vous allez nous expliquer un petit peu si c'est de cela dont il s'agit.

Le Président (M. Kelley): M. Proulx.

M. Proulx (Jean-Pierre): Le renouvellement du corps professoral est lié d'abord à des conditions concrètes qui sont celles d'abord de l'attrition normale en fonction de l'âge des professeurs qui ressemble, en gros, à ce que je suis, puisque je suis de cette génération. Et par conséquent il y a donc là... l'ensemble des universités nous ont souligné que c'était la principale source qui les amenait à renouveler leur corps professoral. Pas uniquement.

Deuxièmement, il y a aussi le développement de nouveaux créneaux. Les politiques publiques, tant du Québec que du gouvernement du Canada, ont amené des... et bien sûr les évaluations et la liberté académique des universités les ont amenées à songer à des créneaux de développement nouveaux. Et par conséquent au moins ces deux variables-là entraînent bien sûr la nécessité de renouveler le corps professoral d'une façon importante.

Le conseil, pour sa part, a estimé qu'au cours des prochaines années au minimum, selon la méthode que le conseil a utilisée pour faire cette évaluation, il est prévu de renouveler... d'embaucher quelque 3 000 professeurs au cours des cinq prochaines années et que, de cela, 2 025 postes viendraient de l'attrition pour combler les départs et un peu plus de 1 000 sont des postes additionnels. Au total, l'effort total de recrutement est estimé par le conseil à environ 37 % du corps professoral de l'automne 2001. C'est donc évidemment un effort absolument intense de recrutement qui s'impose aux universités. Et le débat qui s'en est suivi depuis nous a montré que d'autres corps sociaux qui viendront vous parler en provenance des universités estiment que la demande est plus forte. Mais, en ce qui nous concerne, c'est déjà un effort très intense de recrutement.

M. Reid: D'accord. Merci. Peut-être une autre question, M. le Président.

Le Président (M. Kelley): Oui, M. le ministre.

M. Reid: Vous mentionnez... vous parlez d'une question qui touche le financement des universités, parce qu'il s'agit du financement de la recherche, et vous soulevez cette question du financement ? dont on entend parler par les chercheurs aussi ? du financement de multiples sources, le fractionnement en quelque sorte du financement de la recherche dont se plaignent souvent les chercheurs. Et là-dessus vous donnez quelques éléments. J'aimerais vous entendre un peu plus sur la problématique et sur des solutions que vous entrevoyez ou des avenues, des pistes possibles à explorer de solution.

Le Président (M. Kelley): M. Proulx.

M. Proulx (Jean-Pierre): Oui. D'abord, nous avons pu observer qu'à l'intérieur même du gouvernement du Québec il y a ? comment dire donc? ? un fractionnement de la prise en considération des besoins de recherche et d'enseignement. Le ministère que vous présidez s'y intéresse du point de vue du financement, le ministère du Développement économique régional s'y intéresse du point de vue des contenus et gère les organismes subventionnaires qui relèvent de la compétence du Québec. Donc, d'une part, à l'intérieur même du gouvernement du Québec, il y a ce fractionnement.

Et, soit dit en passant, le conseil a des inquiétudes par rapport à cette question-là d'abord parce que la mission que se donne l'État par rapport à la recherche et au développement technique et scientifique n'est pas évidente. D'abord, parce que ça a varié dans le temps, au cours des dernières années. Cette dimension-là s'est promenée d'un ministère à l'autre. Et, deuxièmement, nous ne sommes pas certains que de rattacher les organismes subventionnaires au ministère du Développement économique correspond bien à la mission même des universités au regard de la recherche qui n'est pas, elle, liée qu'au développement économique. La recherche vise le développement global de la société tant aux plans de vue culturel, social, économique, de la santé, etc. Donc, il y a là un problème d'articulation que nous avons observé et qui inquiète les membres du conseil, d'une part.

n(11 heures)n

D'autre part, il y a bien sûr l'investissement massif du gouvernement fédéral en matière de recherche, notamment à partir des chaires de recherche. Là, nous nous sommes inquiétés de cela, du fait que ça intervient de façon structurante dans la mission des universités dans la mesure où, par ces chaires de recherche ? qui, entre guillemets, sont à prendre ou à laisser ? ça induit le développement interne des universités.

Il est évidemment très difficile pour une université qui a besoin de ressources de refuser ces chaires-là. Je me souviens que, il y a quelques années, on avait parlé des actions structurantes des universités, et ce n'est pas pour rien qu'à l'époque ça s'appelait «structurant». Mais, aujourd'hui, ça ne s'appelle plus comme ça, mais ce ne l'est pas moins. Et donc, là, il y a des problèmes d'articulation entre le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada.

Le conseil n'a pas de recette magique à vous proposer là-dessus, mais il souhaite que le gouvernement se préoccupe grandement de cela, de concert bien sûr avec les universités elles-mêmes. Et aussi ça induit des pratiques, soit dit en passant, qui vont au-delà de la structuration des champs de recherche des universités, mais ça induit aussi des pratiques sur la carrière professorale.

Par exemple, lorsque les chaires de recherche exigent que les nouveaux professeurs que l'on va embaucher aient déjà un dossier de recherche accompli, ça envoie des messages au regard par exemple de la fonction d'enseignement. Lorsqu'on oblige les professeurs à être libérés des tâches d'enseignement pour accomplir de la recherche... On peut, on doit être en faveur de la recherche, là n'est pas la question, mais cela induit ces questions-là aussi, et la commission devrait, me semble-t-il... nous semble-t-il, s'intéresser de façon précise à ces questions-là.

M. Reid: Merci. Est-ce que je peux encore poser une question, M. le Président?

Le Président (M. Kelley): Oui, une dernière question dans ce bloc.

M. Reid: Alors, vous, vous abordez certains aspects en parlant de fragilité du système universitaire sous certains aspects. J'en ai quelques-uns ici, quelques-uns de ces aspects: la disparité importante du taux de scolarisation selon les régions; les écarts qui persistent selon l'origine sociale malgré le rattrapage accompli; le retard scolaire des garçons aux ordres d'enseignement qui se répercute sur le taux d'accès au collégial et à l'université.

J'aimerais savoir, étant donné que vous avez ? et le conseil a fait le tour de la question ? regardé ce qui se passe ailleurs, et tout ça, comment est-ce que nous nous comparons en termes de ces éléments de fragilité sur lesquels vous attirez notre attention. Comment nous nous comparons à d'autres sociétés avancées?

M. Proulx (Jean-Pierre): Très honnêtement, M. le ministre, je ne me sens pas capable de répondre de façon adéquate à votre question. La franchise m'impose de vous le dire tout spontanément, à moins que ma collègue, qui est une spécialiste du dossier...

Mme Picard (France): On n'a pas fait de comparaison internationale, parce que...

Le Président (M. Kelley): Pour les fins de l'enregistrement... Pardon, madame, si vous voulez vous identifier pour les fins de l'enregistrement.

Mme Picard (France): France Picard, du Conseil supérieur de l'éducation. Nous n'avons pas fait, lors de notre avis sur la réussite des étudiants, de comparaison internationale. On en a fait au niveau de la réussite, et, comme M. Proulx le disait dans sa présentation, on sait que le Québec se situe parmi le peloton de tête.

Il y a des études qui ont été faites, par contre, au Conseil de l'Europe, sur l'accès... Et c'est une question qui préoccupe d'autres systèmes, à savoir comment le Québec précisément, à l'intérieur du Canada et au regard de ces pays-là, se situe. On n'a pas examiné la question, là, de manière fine.

M. Reid: Et sur les questions de disparité régionale, par exemple?

Mme Picard (France): Dans l'avis sur la réussite, on arrivait sensiblement au même portrait qui est celui qui est dressé dans le document de consultation, à savoir que la scolarisation en région et dans les régions éloignées, là, est plus faible et qu'il y a certaines régions, là, qui en sortent gagnantes. Donc, le portrait est similaire à celui que vous avez dressé.

M. Reid: Et cette préoccupation, qui est une préoccupation dans beaucoup de pays ou dans beaucoup de provinces canadiennes, est une situation qui est comparable à une autre au niveau des régions?

Mme Picard (France): On n'a pas creusé cette question-là.

M. Reid: D'accord, d'accord. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Kelley): Ça va, pour le moment? Je vais passer la parole maintenant à Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Je vous souhaite la bienvenue à nos travaux, M. le président du Conseil supérieur, de même qu'à vos collaboratrices, au nom de ma formation politique et de mes collègues.

Votre mémoire est particulièrement intéressant, bien ramassé, et je partage ? je pense que vous avez dû l'entendre un peu dans mes propos d'introduction ? je partage votre point de vue à l'effet que l'étudiant et l'étudiante doit être au coeur de la préoccupation de l'université. C'est pour eux et elles que l'université existe. Après ça, on peut conclure ou déduire qu'il y a un impact significatif important, majeur sur le développement d'une collectivité, d'une société, par le fait qu'on aura formé des gens, mais il reste que c'est d'abord pour elles et pour eux qu'on est là.

Je veux revenir dans votre mémoire à deux ou trois éléments mais un premier, entre autres, justement ? et ça rejoint un peu les questions du ministre de l'Éducation ? c'est l'articulation des activités d'enseignement et de recherche pour soutenir la formation des étudiants.

Je suis à la page 11 du mémoire. Vous dites, bon: «Les mesures mises en oeuvre dans les établissements, pour soutenir le recrutement des professeurs, l'intégration des nouveaux professeurs [...] le maintien de ceux qui y travaillent déjà, sont davantage tournées vers le soutien du rôle de recherche dans la carrière professorale que [celui de l'enseignement].»

Là, vous continuez dans le dernier paragraphe de la page 11: «Pour le conseil, les activités de recherche sont, sans contredit, une composante essentielle de la mission universitaire, de la formation des étudiants à tous les cycles[...]. Toutefois, il importe d'établir un équilibre entre les activités de recherche et d'enseignement, pour servir véritablement la formation des étudiants.»

Ma question est la suivante: Est-ce que vous avez le sentiment que cet équilibre n'existe pas à l'heure actuelle et qu'il y aurait des gestes à poser pour nous assurer qu'on retrouve un tel équilibre?

M. Proulx (Jean-Pierre): Il est difficile de poser un jugement péremptoire sur cela existe ou n'existe pas. Ce que le conseil a pu observer, c'est qu'il y a ? et ce n'est pas nouveau ? il y a...

D'abord, disons au départ que, dans toute université, il y a une tension permanente que j'appellerais structurante et même structurelle, une tension naturelle entre la mission d'enseignement et la mission de recherche. Cette tension a été par ailleurs accentuée et, à la limite, exacerbée par les attentes sociales, les attentes gouvernementales, les politiques publiques, la concurrence internationale, la société du savoir pour en quelque sorte accorder une prépondérance à la mission de recherche. Et conjoncturellement, au moment de la préparation du rapport annuel sur le renouvellement du corps professoral, nous avons pu observer des signes qui manifestement vont dans le sens de ce poids qui est toujours mis sur la recherche, ne serait-ce que de façon symbolique, mais qui montre bien cette tendance-là, par exemple dans la concurrence pour embaucher des professeurs dans les universités.

Les vice-recteurs que nous avons consultés, lorsqu'on leur a demandé par exemple: Quelles sont vos stratégies?, eh bien, ce qui intéresse un professeur qu'on va recruter ailleurs, dans une autre université, c'est au départ non pas sa tâche d'enseignement qui lui sera dévolue, mais la qualité des équipements et des laboratoires qui lui seront confiés. Et parfois, pour attirer des professeurs ? vous allez dire c'est symbolique, mais c'est quand même significatif ? on dit: On va vous dégrever d'enseignement pour les prochaines... pour un certain nombre d'années.

Alors, cela manifeste bien, dans la hiérarchie des valeurs, l'importance que prend la recherche dans les universités. Et voilà pourquoi le conseil n'a pas hésité à dire, dans son avis, qu'il fallait assurer un meilleur équilibre, un rééquilibrage entre la recherche et l'enseignement. Pourquoi? Parce que je reviens à ce que nous appelions la mission fondamentale: la mission fondamentale, c'est la formation des Québécoises et des Québécois.

Les universités ne pourraient pas, manqueraient à leur mission ? ce n'est pas ça qui est le cas ? mais manqueraient à leur mission si, à la limite, elles devenaient des boîtes de recherche. Les universités ne peuvent pas être ça. Elles sont des maisons qui sont destinées à la formation des personnes. Donc, ça, c'est une tendance observée qui fait partie ? je me répète, mais je me résume, qui fait partie ? de la tension normale. Mais le Conseil supérieur a senti le besoin d'attirer l'attention, dans son rapport annuel, sur cette question-là.

n(11 h 10)n

Mme Marois: D'accord. Je pense que ça rejoint effectivement une préoccupation qu'on doit avoir aussi à la commission et, comme société en général, dont l'État doit essentiellement se préoccuper: cet équilibre fondamental entre la fonction d'enseignement, mais qui est d'abord la première mission, et évidemment la recherche.

Vous avez mentionné tout à l'heure, dans une des réponses au ministre, je crois, que... ou dans votre intervention, que l'action d'Ottawa ne facilitait pas nécessairement l'établissement de priorités ou avait une telle influence sur les priorités que, selon qu'on rendait disponibles des sommes... Votre propos a été même de dire: Bon, on n'a pas le choix; on le prend ou on n'a pas les sous. Est-ce que, sur ça, vous pensez qu'il y aurait une action à mener et qui impliquerait ou engagerait tous les décideurs des milieux de l'éducation? Parce qu'on sait qu'il y a des responsabilités, bon, liées à nos juridictions respectives, mais on constate que, malgré des représentations, malgré des recommandations, on a toujours la tendance du côté d'Ottawa à vouloir venir verser ici et là des sommes quand même assez considérables. Et il me semble qu'on devrait avoir ces sommes-là bien sûr, mais est-ce qu'il n'y aurait pas une façon de se mobiliser pour dire: Ce n'est pas la façon de faire et donc, oui, versez ces sommes à l'éducation, et on s'assurera qu'elles soient réparties selon les priorités que nous établirons?

M. Proulx (Jean-Pierre): Le conseil n'a pas voulu se mettre le doigt entre l'arbre et l'écorce. Si vous me passez...

Mme Marois: Je comprends ça, mais nous avons quand même le problème. Alors donc, je vous le soumets.

M. Proulx (Jean-Pierre): Oui, c'est ça. D'abord, cette question, pour faire une remarque générale, fait partie, entre guillemets, de la négociation sociale et politique propre à la vie canadienne depuis déjà un bon moment, et je pense que, de ce point de vue là, les choses vont continuer sur cette lancée.

Par ailleurs, à titre d'illustration, ce n'est pas ce que le conseil a fait, mais je me souviens très bien que, dans une autre vie où j'étais journaliste, au moment où les actions structurantes du gouvernement canadien ont... et qui ressemblent à certains égards... le gouvernement du Québec et les universités s'étaient entendus pour avoir une plateforme commune pour régler ces questions-là. Je m'en souviens très bien, j'étais journaliste et c'est moi qui avais rendu compte de ça au journal Le Devoir, à l'époque. Mais je ne vous dis pas qu'il faut refaire ça, puisque je n'ai pas la compétence pour vous proposer une telle façon d'agir.

Dans l'avis que nous avons... pardon, dans le rapport annuel toutefois ? je vous le signalerai, pour les fins de votre échange, à la page 96 de ce document ? la recommandation, au ministre de l'Éducation, au ministre du Développement économique et régional était «de prendre en compte les questions relatives au renouvellement du corps professoral et à la rétention des professeurs dans les concertations fédérales-provinciales». En d'autres termes, ce que le conseil vous recommandait, c'était de mettre clairement ceux-là, n'est-ce pas, à l'agenda des relations fédérales-provinciales, de ne pas esquiver cette question-là, mais, au contraire, d'en prendre...

Deuxièmement, «d'intercéder auprès des organismes subventionnaires fédéraux de recherche afin qu'ils considèrent la spécificité du cheminement de carrière des femmes dans la détermination des critères des programmes de soutien au renouvellement ou à la rétention du corps professoral». C'est une recommandation un peu plus pointue, mais qui a son importance compte tenu des politiques québécoises en matière d'égalité et d'équité sur la place des femmes.

Voilà au moins deux recommandations. Mais la première évidemment est plus structurelle. Cette question-là doit faire l'objet, nous semble-t-il au conseil, des délibérations ou des négociations fédérales-provinciales.

Le Président (M. Kelley): Peut-être une dernière question dans ce bloc ou...

Mme Marois: Oui, s'il vous plaît. Pour revenir maintenant à la question du financement, à la page 25 de votre rapport vous indiquez sur la question du financement, en vous référant aux différents défis énumérés concernant les formes... concernant les universités, on dit ceci: Il nécessite... «Pour le conseil, le caractère public des universités québécoises ne fait aucun doute, et, à ce titre, il nécessite un engagement gouvernemental affirmant la prépondérance du financement public.» D'ailleurs, vous aviez déjà, en 1996, émis un avis et vous le citez dans le mémoire.

«Le financement public des universités est non seulement un gage de l'indépendance nécessaire à ces dernières pour accomplir leur mission, mais il donne aussi à l'État les moyens de formuler des attentes à l'endroit du système universitaire et de les soutenir en conséquence.»

Moi, j'aimerais que vous m'indiquiez comment vous croyez nécessaire et utile de baliser par ailleurs le financement privé, si tant est que la majorité du financement devrait rester public. Et je comprends qu'il devrait rester public par l'intermédiaire des transferts vers les universités, donc à partir des revenus généraux de l'État, que ces revenus soient des taxes sur le capital, des taxes sur le revenu ou sur les profits.

Le Président (M. Kelley): M. Proulx.

M. Proulx (Jean-Pierre): D'abord, je vous dirai que, sur cette question-là, vous serez plus éclairés très bientôt par le comité d'accès... Attendez, il s'appelle le CCAFE, mais je n'arrive jamais à me souvenir du nom jusqu'à bout. Ma collègue...

Mme Picard (France): Le Comité consultatif sur l'accessibilité financière aux études.

M. Proulx (Jean-Pierre): Exactement, le Comité consultatif sur l'accessibilité financière...

Mme Marois: ...l'accessibilité aux études.

M. Proulx (Jean-Pierre): ...qui est un organisme indépendant, mais qui est rattaché au conseil et qui viendra vous entretenir la semaine prochaine. Donc, vous serez plus éclairés, de façon plus spécifique, sur cette question-là.

Néanmoins, sur la question de principe, M. le Président ? madame ? sur la question de principe, la balise permanente qu'il faut toujours garder en vue et que le conseil invite à garder en vue, c'est celle du respect de la mission universitaire. Même si le financement des universités devait passer par un accroissement du financement privé comme certains le soulèvent, c'est déjà le cas dans la mesure où il se fait des partenariats par exemple... même s'ils ne sont pas nécessairement des partenariats financiers, ce sont des partenariats de ressources, il demeure néanmoins capital que la mission universitaire soit intégralement respectée même à travers le financement privé. Et ça, ça nous apparaît une valeur primordiale à préserver au plan des principes.

Pour l'heure, madame... M. le Président, vous me permettrez de ne pas aller plus loin dans la réponse parce que je ne me sens pas la compétence pour répondre de façon plus pointue à votre question.

Mme Marois: D'accord. Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Proulx. M. le ministre, tout en rappelant que j'ai également une demande de votre collègue Mme la députée de Maskinongé. M. le ministre.

M. Reid: Oui. Je voudrais revenir un petit peu sur la question des sommes qui vont à la recherche surtout et de la part du gouvernement fédéral. C'est certain que, comme vous l'avez souligné, nous inscrivons cet élément-là à l'agenda des discussions que nous avons avec le gouvernement fédéral.

Cependant, ce qui est intéressant, et vous avez répondu tout à l'heure quant aux moyens, mais ce qui serait intéressant, c'est d'en savoir un petit peu plus sur la nature et l'ampleur du problème, parce que, évidemment, on a vu graduellement... Je pense que la députée de Taillon était en poste comme ministre de l'Éducation lorsqu'on a, au Québec, accepté pour la première fois des systèmes de contrepartie avec la Fondation canadienne de l'innovation. Et ensuite il y a eu beaucoup de projets toujours avec des contreparties, c'est-à-dire donc les projets viennent du fédéral et la contrepartie doit être donnée par le gouvernement du Québec qui, à ce moment-là, perd un petit peu de son impulsion propre quant aux enjeux poursuivis par la recherche au Québec, et on a ensuite des phénomènes comme les chaires où c'est encore plus évident, et donc le gouvernement du Québec, depuis déjà plusieurs années, a accepté cette situation.

Cependant, le problème est devenu de plus en plus visible, Et un des objectifs de cette commission, c'est d'essayer de bien comprendre ce phénomène, de bien en comprendre l'ampleur et de bien en comprendre la nature exactement, de cette intervention et de ce en quoi elle affecte notre capacité, comme gouvernement québécois, d'influencer et d'orienter nos choix de la recherche universitaire et des grands secteurs des enjeux de la recherche universitaire.

Alors, j'aimerais si vous pouviez nous parler un petit peu et nous donner votre point de vue sur pas nécessairement les moyens, réactions, mais plutôt la nature et l'ampleur de cette intervention.

n(11 h 20)n

M. Proulx (Jean-Pierre): M. le Président, sur les aspects techniques ou sur les aspects pointus de la question de M. le ministre, je dois honnêtement vous dire que je n'ai pas la compétence pour y répondre, et je crois que d'autres intervenants seront plus en mesure de le faire, je dois le dire modestement.

Mais ce qui est certain, c'est que la multiplication du nombre d'intervenants dans la mission universitaire pose aux universités un problème qui est, pour l'heure, notable, et cela doit être pris en compte. Le conseil voulait insister surtout sur la prise en compte du problème parce qu'il a été observé, il a été noté par les universités, et le conseil le sait.

Dans les dimensions particulières, je laisserai le soin... à des experts qui vivent au quotidien ces dimensions-là le soin de vous éclairer davantage.

M. Reid: Merci.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Maskinongé.

Mme Gaudet: Merci, M. le Président. Moi, j'aimerais revenir sur la réussite et l'obtention des grades universitaires de nos jeunes Québécois. Alors, vous mentionnez dans votre rapport, en page 15, que des écarts persistent sur le plan de l'obtention d'un grade universitaire entre le Québec, le Canada, les États-Unis ou le Royaume-Uni. Alors, est-ce que vous pouvez nous parler des pourquoi, hein? Pourquoi est-ce que ces écarts persistent considérant les efforts qui sont faits?

Et j'aborderais les frais de scolarité. Est-ce que vous croyez que le gel des frais de scolarité est un indicateur et favorise ou non la réussite ou l'obtention de grades universitaires du plus grand nombre?

Le Président (M. Kelley): M. Proulx.

M. Proulx (Jean-Pierre): Encore une fois, sur cette question-là, le CCAFE, qui viendra vous voir, vous éclairera davantage. C'est leur mission propre de vous... Mais, sur le fond de votre question, à la première partie de la question pourquoi y a-t-il le retard, je crois ? mais c'est une opinion personnelle, à la limite ? je crois que l'histoire du Québec explique en partie ce retard.

La mission de l'éducation au Québec s'est développée il y a 40 ans, à partir de la création du ministère de l'Éducation, et le retard connu du Québec à l'époque a été d'ailleurs un des moteurs de la réforme de l'éducation. Il est possible, sinon probable, que ce retard historique n'a pas été totalement rattrapé à cause de cela, parce que ça ne fait tout de même qu'une génération et demie. Alors, cela est possible.

Sur la deuxième question des frais de scolarité, le conseil n'a jamais, à ma connaissance, fourni d'avis spécifique sur cette question-là. Donc, il n'y a pas de... je n'ai pas d'avis particulier à vous fournir là-dessus. Néanmoins, il est certain ? et vous l'avez observé dans le document de consultation ? que l'endettement des étudiants au Québec est manifestement plus grand qu'ailleurs au... pardon, l'endettement ailleurs au Canada est manifestement plus grand qu'au Québec.

Des voix: ...

M. Proulx (Jean-Pierre): J'allais me tromper.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Proulx (Jean-Pierre): Ça aurait été une bonne... Alors ça, il y a derrière cela un choix de société, que nous avons fait, qu'il en soit ainsi, et il appartient au gouvernement, à l'issu de ce débat-là ou dans quelque temps, quand il le jugera opportun, de décider s'il renouvelle ses choix ou s'il les maintient. Mais, comme père de famille, je ne suis pas choqué que mes enfants aient des dettes moins importantes qu'ailleurs.

Mme Gaudet: Absolument. Est-ce que vous avez des solutions, des pistes de réflexion pour augmenter ce taux de diplomation de nos jeunes Québécois? Mis à part les frais de scolarité, là, bien, on croit que ce n'est pas nécessairement un indicateur... Considérant que, aillant le taux d'endettement le plus bas, on a de la difficulté à rejoindre le taux de diplomation de nos voisins, quelle solution pourrait être envisagée?

M. Proulx (Jean-Pierre): Oui, certainement, madame. Là-dessus, le Conseil supérieur de l'éducation a longuement réfléchi. Il vous avait proposé, il y a quatre ans déjà, un avis qui s'appelle Réussir un projet d'étude universitaire: des conditions à réunir, et nous avons réfléchi avec les universités sur cette question-là.

D'abord, signalons qu'il n'y a pas de... il n'y a pas de recette magique à la réussite. C'est un ensemble de facteurs qui doit être pris en compte. Deuxièmement, la réussite ne se mesure pas qu'à l'obtention du diplôme; elle se mesure à travers les différentes étapes de la vie universitaire, et la première étape, c'est certainement l'intégration à l'université. Arriver à l'université après un cégep, arriver d'une région dans une métropole, c'est déjà, pour un étudiant, un phénomène important qui change sa vie. Les universités doivent ? ils le font, du reste, mais il s'agit d'améliorer ça ? favoriser par des mesures diverses l'intégration de leurs propres étudiants à l'université, donc une série de mesures qui touchent cela.

Deuxièmement, et cela, c'est extrêmement important et ce n'est pas lié... c'est lié tout à fait à la question du financement: une fois qu'un étudiant est entré à l'université, l'encadrement des étudiants et particulièrement son encadrement pédagogique. Ça vaut aussi bien au premier cycle qu'aux cycles supérieurs. Et l'encadrement, ça suppose des ressources, ça suppose que les professeurs aient la possibilité et la disponibilité et le temps, et aussi qu'ils aient la conviction que c'est ça qu'il faut faire.

Quand nous parlions tout à l'heure de l'équilibre entre l'enseignement et la recherche, nous parlons aussi de cela. Un professeur qui est entièrement obsédé ou qui ne serait obsédé que par ses subventions de recherche au détriment de ses étudiants ne favorise pas la réussite de ces étudiants, nécessairement. Il favorise la réussite de son obtention de subvention, mais pas nécessairement de ses étudiants au premier cycle et même au deuxième cycle.

Troisièmement, un étudiant qui est inscrit dans un parcours scolaire doit persévérer. Vous avez sans doute remarqué, par les statistiques que vous avez dans votre document, que tous les étudiants qui s'inscrivent à un baccalauréat, qui s'inscrivent à une maîtrise, qui s'inscrivent à un doctorat ne terminent pas leurs études. Cela peut dépendre du talent qu'ils ont ou qu'ils n'ont pas ou qu'ils ont plus ou moins, mais cela peut dépendre aussi des conditions réelles et concrètes dans lesquelles ils exercent leur métier d'étudiante et d'étudiant. Donc, les mesures relatives au soutien à la persévérance sont une autre manière de favoriser la réussite éducative.

Une autre dimension aussi...

Le Président (M. Kelley): Peut-être la dernière aussi, parce que le bloc s'achève. Alors...

M. Proulx (Jean-Pierre): Très bien...

Le Président (M. Kelley): Encore... M. Proulx.

M. Proulx (Jean-Pierre): Oui, bien sûr. Ce sera la dernière, mais elle m'apparaît tout à fait importante. J'y ai fait allusion dans ma présentation générale, c'est la qualité pédagogique déployée par les professeurs d'université.

L'intérêt et la réussite des élèves reposent... Pardon, la réussite des élèves repose aussi en partie sur l'intérêt qu'on a dans nos études, et l'intérêt dépend aussi dans une large mesure des talents pédagogiques ou des habiletés pédagogiques des professeurs d'université. De ce point de vue là, étant moi-même professeur à l'université, je pense que les universités ont encore un petit bout de chemin à faire pour favoriser le développement et les habiletés pédagogiques de leurs propres professeurs. Je m'arrêterai là, parce que j'aurais pu continuer sur d'autres mesures.

Le Président (M. Kelley): Oui. Merci beaucoup, M. Proulx. Je n'aime pas arrêter ça. Malheureusement, M. le député de Vimont, le temps alloué au côté ministériel est épuisé. Il reste six minutes pour le côté de l'opposition. Si j'ai bien compris, Mme la députée de Taillon et, après ça, M. le député des Îles.

Mme Marois: C'est ça, M. le Président. Simplement une remarque ? et mon collègue voudrait pouvoir interroger M. Proulx ? sur la question de l'intervention du fédéral en matière, entre autres, de recherche demandant une contrepartie des universités.

C'est vrai que nous avons convenu à l'époque d'une entente pour qu'au moins on respecte ? et ça, ça a été difficile parce que, au départ, ça n'a pas été le cas... au moins, qu'on respecte l'ordre des priorités qui allaient être établies par Québec. Parce que, avec la Fondation canadienne, on allait chercher 40 %; 40 % devaient venir du gouvernement ? ce n'est pas rien, hein, c'est une contrepartie plus que significative ? et un 20 % qui devait venir des partenaires.

Donc, nous avions convenu que ce seraient les priorités du Québec et que les projets seraient jugés par les pairs, hein, on s'en souviendra. La première partie de l'entente, c'est-à-dire pendant la première partie de la durée de l'entente, ça a été plus ou moins respecté. Après ça, on est revenus à la charge, et généralement ils ont respecté ça.

Mais il reste que, à partir du moment où ça s'initie par nos institutions ? ce qui est correct ? c'est difficile pour nous ensuite ? et vous le savez, vous êtes aux prises avec ça ? c'est difficile pour nous ensuite de dire: Bien, ce n'est pas un bon projet puis on ne mettra pas le 40 % alors que ce sont de bons projets. Mais, évidemment, on n'est pas en contrôle à ce moment-là et de l'ordre des priorités et aussi du fait qu'on va mettre l'argent ici ou ailleurs. Alors, il y a sûrement un travail à faire, à continuer à faire de ce côté-là. Mon collègue voudrait pouvoir poser une question plus précise.

n(11 h 30)n

Le Président (M. Kelley): M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau: Merci, M. le Président. À mon tour, je veux souhaiter la bienvenue aux gens du Conseil supérieur de l'éducation. M. Proulx, les avis du Conseil supérieur sont toujours très clairs. Et votre conclusion, en début de présentation, était on ne peut plus limpide en ce qui concerne le mandat ou le rôle de l'État quant à ses responsabilités en regard du financement des universités.

J'ai été... pas étonné, mais j'ai bien apprécié votre mémoire en ce qui touche les défis. D'abord, la question de l'accessibilité. Et les gens ont abordé toute la question de la diplomation de nos jeunes au niveau universitaire. Et, quand on regarde les chiffres effectivement, par exemple, pour la région Gaspésie?Les Îles, on sait que c'est la seule région du Québec qui n'a pas d'université d'ailleurs sur son territoire, mais un taux de jeunes... la population... 15 ans et plus avec un diplôme universitaire, 6,1 %; le Bas-Saint-Laurent, 6,2 %; la Côte-Nord, 6,9 %. Évidemment, quand on va dans les grands centres, Québec et Montréal, 16 % pour Québec, 20 %. Et ça indique peut-être qu'il y a des jeunes des régions qui vont dans les centres urbains et qui ne reviennent pas dans leur milieu, peut-être parce qu'ils ne trouvent pas l'intérêt pour la recherche, et tout.

Sans aller là-dedans, le quatrième défi dont vous parlez, vous faites un lien, je dirais... le cinquième défi, à la page 24, entre la formation continue, l'éducation des adultes et le développement régional. C'est très intéressant. Il y a une phrase à la page 25... Parce qu'il n'est pas nécessairement évident de parler de formation continue juste dans les régions, ce n'est pas juste dans les régions qu'on parle de formation continue. Mais vous faites le lien avec le développement régional, c'est quand même intéressant. Mais, dans les deux cas, la dernière phrase de ce paragraphe à la page 25, vous dites: «Il est clair que ces rôles ? en termes de formation continue et de développement régional ? nécessitent des ressources humaines et financières pour s'y consacrer.»

Est-ce que, selon vous, le financement actuel des universités ? je ne parle pas du niveau de financement comme le mode de financement, la façon dont le financement est attribué aux différentes universités sur le territoire québécois ? tient compte de ces responsabilités ou du rôle que devrait jouer l'université en regard de la formation continue et du développement régional?

Le Président (M. Kelley): Mon collègue a habilement posé une question à plusieurs volets, mais si vous pouvez répondre en à peu près deux, trois minutes, s'il vous plaît, M. Proulx.

M. Arseneau: J'ai parlé vite, M. le Président, pour lui permettre de...

M. Proulx (Jean-Pierre): Écoutez...

Le Président (M. Kelley): J'ai bien noté.

M. Proulx (Jean-Pierre): ...il est de commune notoriété, M. le Président, que la formation continue n'est pas financée à la hauteur des aspirations et des besoins. Voilà pourquoi le gouvernement a lui-même mis sur pied un comité pour travailler sur la question du financement de la formation continue dont le rapport est sans doute imminent. Alors, ça, donc, ça fait partie des choses communément connues, que cela est insuffisant, et donc il faudra attendre quelque peu, là-dessus, les conclusions de ce rapport. Pourriez-vous me rappeler brièvement l'autre volet de votre question?

M. Arseneau: Est-ce que le mode... pas le niveau de financement, mais le mode de financement actuel des universités sur le territoire québécois tient compte des responsabilités qu'ils pourraient avoir dans le développement régional? On sait que la présence d'une université dans une région, c'est un moteur extraordinaire pour le développement.

M. Proulx (Jean-Pierre): Honnêtement, je ne saurais pas vous dire de façon technique parce que, là, vous faites référence à des formules de financement. Très honnêtement, je ne connais pas la réponse précise à votre question.

Ce qui m'apparaît évident par ailleurs, c'est que la diversité et les conditions réelles dans lesquelles les régions sont... Nous sommes précisément allés dans la région d'où vous êtes, l'automne dernier. Le conseil est allé en Gaspésie rencontrer les gens des Îles-de-la-Madeleine. Il est manifeste que les conditions de vie dans les régions, et particulièrement dans la vôtre, nécessitent une sorte de péréquation qui tienne compte de ces difficultés-là. Ce n'est pas au niveau universitaire, mais c'est au niveau de l'enseignement primaire et secondaire.

La commission scolaire de Chic-Chocs, pour prendre cet exemple-là, a la distance qu'il y a entre Montréal et Montmagny. Ça veut dire que, pour se rendre au siège social de la commission, c'est long. Sur votre île chérie... ou sur vos îles chéries, il faut aller à Gaspé pour aller au cégep, c'est plus compliqué. Bref, ces conditions d'exercice de la formation continue en particulier posent des questions qui supposent un financement adéquat pour tenir compte de ces conditions-là. Mais, sur les faits précis, sur les formules, j'avoue que je ne suis pas au courant des détails.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup pour cette réponse. Dommage que notre collègue le député d'Ungava n'est pas ici, si on veut parler des distances. Mais, sur ça, M. Proulx, les représentants du Conseil supérieur de l'éducation, merci beaucoup pour le mémoire et également pour la liste, à la fin, des autres avis du conseil qui peuvent aider les membres de la commission pour nos travaux.

Je vais suspendre pour quelques instants et j'invite les représentants de la Conférence des recteurs et principaux du Québec de s'avancer. On va suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 35)

 

(Reprise à 11 h 39)

Le Président (M. Kelley): Alors, j'invite tout le monde à prendre place, s'il vous plaît. On va recommencer. Mes collègues.

Alors, bienvenue aux représentants de la Conférence des recteurs et principaux des universités du Québec. Avant de vous céder la parole, je vais demander tout de suite le consentement de mes collègues d'un léger dépassement. On va respecter l'heure accordée à la conférence, donc on va terminer nos travaux à à peu près 12 h 40, si j'ai bien calculé. Alors, sur ce, à vous la parole, M. Lacroix.

Conférence des recteurs et des principaux
des universités du Québec (CREPUQ)

M. Lacroix (Robert): Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais présenter les personnes qui m'accompagnent aujourd'hui. Il y a d'abord Pierre Moreau. Il est là à titre de président du Comité des affaires académiques de la CREPUQ. Depuis lors, évidemment, on l'a élevé à titre de président de l'Université du Québec. Voyez comment ça vous réussit bien d'être président d'un comité de la CREPUQ. Edwin Bourget, qui est président du Comité de la recherche de la CREPUQ. Évidemment, il est de l'Université de Sherbrooke. Et évidemment notre directeur général perpétuel, Jacques Bordeleau, que tout le monde connaît bien. Mais, pour ceux qui ne le connaissent pas, je vous le présente, Jacques Bordeleau.

n(11 h 40)n

Avant d'entrer dans le vif du sujet, M. le Président, vous me permettrez de prendre un instant pour souligner... et rendre hommage à notre collègue et ami François Tavenas, qui est mort subitement la semaine dernière au grand étonnement de tous. Et François a été, vous le savez, un grand leader de la communauté universitaire bien sûr au Québec, mais il l'est de plus en plus aussi... il l'était dans le monde, en Europe en particulier.

Il a été recteur de l'Université Laval. Il a été président de la CREPUQ. Il a fait un travail remarquable. Il a été de toutes les grandes opérations pour des investissements plus considérables dans les universités, pour leur internationalisation et pour l'excellence en recherche. Alors, je voudrais lui rendre hommage, c'était un collègue que nous aimions bien. D'ailleurs, le ministre de l'Éducation était un de ses grands amis aussi. Alors, je voulais rendre hommage à François Tavenas avant d'entrer dans le vif du sujet.

Ceci dit, notre document, vous l'avez lu, et je voudrais simplement en faire ressortir, dans les minutes qui me sont allouées, des éléments principaux qui nous paraissent, à travers ce mémoire, comme étant les plus importants. Ces éléments, nous voudrions en discuter avec vous. Nous voudrions qu'ils fassent partie du débat qui s'ouvre ce matin, débat qui a été ? je tiens à le souligner à la commission parlementaire ? bien alimenté par un document de consultation bien fait, qui posait de bonnes questions.

Nous n'avons pas répondu et nous ne répondrons pas à l'ensemble des questions, la raison étant très simple: certaines questions s'adressent à des groupes particuliers, d'autres seront mieux répondues par des institutions particulières. Nous nous sommes donc limités au niveau plus agrégé, à un niveau plus systémique, et c'est pourquoi notre mémoire a été concentré sur un certain nombre d'éléments.

Trois grandes interventions: l'impact de la scolarisation et de la recherche universitaire, je dirai quelques mots de cela; le financement des universités, bien sûr, j'en dirai quelques mots, c'est le coeur même de notre mémoire: et, enfin, le réinvestissement, une urgence, quelques principes et des scénarios. Le but donc de cette présentation est de passer à travers chacune de ces sections.

Scolarisation, recherche universitaire. Si on parle de scolarisation, soyons très clairs, deux chiffres résument très bien l'effort colossal que le Québec a fait au cours des 40 dernières années: 1962-1963, 23 000 étudiants dans les universités québécoises; de nos jours, aujourd'hui même, 250 000 étudiants et étudiantes dans les universités québécoises. Effort colossal, développement très énergique.

Cela dit, nous partions de très loin et nous ne sommes pas encore arrivés à bon port. Si l'on se compare évidemment au reste du Canada, particulièrement l'Ontario, nous savons très bien que, au sein de la population, la diplomation universitaire est de quelque 21,6 % au Québec, elle dépasse les 24 % en Ontario. Et l'Ontario est à la traîne évidemment des États-Unis à cet égard-là. Donc, oui, nous avons fait un long chemin; non, le chemin n'est pas terminé.

Par tous les indicateurs que l'on puisse examiner ? et vous les avez ici et là dans notre mémoire ? vous allez réaliser que cet effort colossal fait par le Québec, mon Dieu! que ça a été une bonne décision. C'était l'investissement, à mon avis, le plus rentable, le plus productif que le Québec pouvait faire, et cet investissement-là a eu un impact considérable sur les individus bien sûr et, par la suite, sur l'ensemble de notre société québécoise: impact sur l'emploi, impact sur le chômage, impact sur les revenus des individus, réduction des écarts de revenu entre certaines collectivités du Québec et aussi, vous le savez tous, impact exceptionnel sur le Québec comme milieu de savoir et sur le Québec comme milieu reposant sur la connaissance.

La recherche n'a pas moins connu une évolution fulgurante au Québec. Là encore, deux chiffres disent tout: 1972-1973, il y avait 46 millions de dollars de subventions et de contrats de recherche dans les universités; au moment où je vous parle, ça dépasse le milliard. Donc, à l'évidence, là aussi un développement de la recherche extrêmement important, développement de la recherche cependant qui, compte tenu du sous-financement des coûts indirects de la recherche, a probablement nui à certains développements de nos autres missions dans les universités québécoises et aussi dans les autres universités du reste du Canada, je tiens à le souligner. Cela était moins grave en période courante, mais, en période de sous-financement, ça devient encore plus catastrophique.

Au-delà évidemment de la quantité, ce qui nous importe, c'est la qualité. La qualité, les universités québécoises s'en sont bien occupées. Elles s'en sont bien occupées dans chacune des institutions par l'évaluation de leurs programmes, par l'évaluation de leur recherche. Elles s'en sont bien occupées aussi collectivement, au sein de la CREPUQ, en se donnant les moyens de faire évaluer les processus d'évaluation que nous avions dans nos propres institutions par des éléments externes à nos propres institutions. Ce modèle d'évaluation de la qualité, ce modèle de gouvernance de nos institutions, ce modèle d'imputabilité des universités québécoises, on doit s'enorgueillir, il fait l'honneur du Québec un peu partout dans le monde actuellement, et c'est justement ce que François Tavenas nous laissait un peu en testament sans le savoir dans la lettre qu'il nous a envoyée suite à une étude en profondeur qu'il a faite du système européen.

Passons maintenant au financement des universités. Le financement des universités évidemment, quand on regarde ça, on regarde ça du côté des revenus et du côté des dépenses. Là encore ? on va se résumer à quelques chiffres sans caricaturer ? du côté des revenus, deux grosses sources de revenus: subventions gouvernementales, frais de scolarité. Les deux sources de revenus sont contrôlées par l'État, donc on n'a pas grand marge de manoeuvre à cet égard-là. Au niveau des dépenses, 74 % de nos dépenses sont des dépenses salariales, le reste sont des dépenses non salariales. Là aussi, c'est extrêmement contraignant en termes de flexibilité qu'on peut avoir pour répondre à des soubresauts du financement dans nos propres institutions.

Le niveau des ressources doit être situé dans son contexte historique, mais aussi dans son contexte géographique, dans quel environnement vivons-nous au Québec. Dans son contexte historique, je crois qu'il faut rappeler ? même si on l'a dit fréquemment ? il faut rappeler qu'au milieu des années quatre-vingt-dix nous avons vécu des compressions énormes dans les universités. 25 % de nos subventions de base ont été coupées, c'était de l'ordre de 300 millions. Nous ne portons pas de jugement sur la nécessité de le faire, d'accord, l'état des finances publiques l'obligeait probablement. Mais, le constat est net, ça a été une coupure forte, importante. Et à partir de là évidemment la situation de sous-financement des universités s'est perpétuée pendant 10 ans avec un début de redressement important de l'année 2000-2001 à l'année 2001... 2002-2003, trois années de redressement. Mais, malgré ces trois années de redressement, l'écart par rapport à nos comparables du reste du Canada reste très considérable d'après une étude que nous avons faite conjointement avec le ministère de l'Éducation, l'année dernière.

Soyons très clairs à cet égard, par rapport à nous-mêmes ? comparons-nous pas aux autres dans un premier temps ? par rapport à nous-mêmes, si l'on avait voulu maintenir les conditions que les universités pouvaient offrir à leurs étudiants et leurs étudiantes en 1994-1995, les universités auraient dû recevoir, sur une période de 10 ans, 2 milliards de dollars de plus qu'elles ont reçu. Ça, c'est par rapport à nous-mêmes, d'accord? Si, maintenant, je me compare au reste du Canada, des universités comparables, je dois ajouter 900 millions de dollars à ce 2 milliards. Donc, la facture du sous-financement des universités québécoises depuis 10 ans par rapport au reste du Canada, et malgré un réinvestissement que nous avons beaucoup apprécié, est de l'ordre de 2,9 milliards de dollars. Le pire de tout cela évidemment, c'est que ce manque à gagner se creuse année après année au rythme de 375 millions de dollars.

n(11 h 50)n

Le boulet que doivent traîner les universités grossit de jour en jour. Il va venir qu'on ne sera plus capable de le traîner. Il va nous tirer par en arrière si ça continue. C'est exactement ce qui est arrivé en Grande-Bretagne. Regardez le cas de la Grande-Bretagne. Actuellement, on va faire passer les frais de scolarité pour générer 2,4 milliards de dollars de plus aux universités... ça ne comblera que 10 % de leur sous-financement. Ça fait 25 ans qu'ils sous-investissent, eux. C'est une situation dramatique, incontrôlable et ingérable. Il ne faut pas que le Québec s'embarque dans cette situation-là.

Le sous-financement a des conséquences réelles, concrètes et nombreuses. Sur l'encadrement des étudiants, d'abord. Cet encadrement s'est nettement détérioré. Pour retrouver la situation de 1994-1995, il nous faudrait présentement 1 340 professeurs réguliers, plein temps de plus dans nos institutions universitaires. Nos laboratoires d'enseignement, nos salles de cours se sont dégradés. Nos bibliothèques se sont dégarnies, elles ne se sont pas modernisées. Partout où les ressources sont plus abondantes que dans nos institutions, les bibliothèques des universités sont devenues des centres d'information extrêmement modernes où étudiants, professeurs et chercheurs se regroupent, travaillent ensemble, font avancer leur savoir. Sur l'informatisation de notre enseignement, nous avons fait des efforts, mais certainement pas au rythme que nous aurions dû le faire. Nos services étudiants évidemment souffrent de notre sous-financement. Et enfin, vous le savez tous, la qualité de nos milieux de vie, à cause de l'entretien différé, que nous n'avons plus de choix à faire parce que nous étions sous-financés, a dramatiquement changé l'allure de nos campus.

Les universités québécoises ont donc un rattrapage considérable à faire par rapport à celles du reste du Canada et de l'Amérique du Nord. C'est une situation extrêmement grave, puisqu'elle a déjà commencé et continuera d'avoir un impact extrêmement négatif sur la qualité de notre main-d'oeuvre hautement qualifiée et... sur notre capacité d'innovation à terme.

La formule de financement, c'est une opération extrêmement complexe, et, dites-vous une chose, je n'entrerai pas dans les détails. Tous ceux qui y ont travaillé ne voudraient pas me voir entrer dans ces détails-là, d'ailleurs. On y travaille depuis un an. La première phase est terminée; nous sommes dans la deuxième phase de cette opération qui vise, en concertation avec le ministère de l'Éducation, donc le gouvernement du Québec, à arriver à une formule de financement des universités qui soit transparente, qui soit efficace, et qui soit aussi équitable, et qui tienne compte évidemment des spécificités des institutions québécoises. Nous y travaillons et nous y arriverons. Nous aimerions bien aussi dans l'avenir avoir des engagements pluriannuels, sur une base de trois ans. Pourquoi? Les contraintes des universités, vous le voyez, sont telles que ces mouvements drastiques d'une année à l'autre entraînent évidemment des blessures à nos institutions difficilement guérissables à terme.

Le réinvestissement, il y a urgence, pas besoin de vous le dire. Il y a des principes qui doivent le guider, et nous vous soumettons certains scénarios à titre d'illustration. Il y a urgence d'un réinvestissement majeur, puisque, chaque année, le boulet grossit. Chaque année, c'est 300, 400 millions qui s'ajoutent au déficit passé. Les universités ont jugé qu'il était de leur devoir d'explorer tous les scénarios qu'il était possible d'envisager pour l'avenir. Cependant, quelles que soient les options de refinancement que le gouvernement retiendra ? et c'est son choix, et c'est lui qui en a la responsabilité ? il est impératif qu'elles respectent un certain nombre de principes.

Le premier principe: maintien de l'engagement de l'État dans le financement des universités. Il n'est pas question que l'État se retire en trouvant d'autres sources de revenus.

Deuxième principe: le binôme accessibilité-qualité. Il faut maintenir et, si possible, augmenter l'accessibilité à nos institutions, mais l'augmenter dans un contexte de qualité. Autrement, l'accessibilité est un leurre si elle se fait au détriment de la qualité des formations que l'on donne à nos jeunes et à nos moins jeunes dans nos institutions.

Troisième principe: le principe d'équité interinstitutionnelle de même que la prise en compte de la diversité des établissements universitaires québécois.

Les scénarios que nous proposons le sont à titre d'illustration et pour mieux baliser une discussion incontournable sur les modes de réinvestissement. M. le ministre, vous l'avez dit vous-même, ce n'est pas parce qu'on a décidé de geler les frais de scolarité qu'on ne peut pas en parler. Chaque institution universitaire peut privilégier l'un, l'autre ou une combinaison particulière de ces scénarios en fonction de sa spécificité, des caractéristiques de ses clientèles étudiantes et de l'éventail de ses programmes. Donc, il n'y a pas de mur-à-mur à cet égard-là.

Avant d'entrer dans ces scénarios cependant, j'aimerais évidemment dire quelques mots pour souligner que, dans le discours du trône du 2 février dernier, le gouvernement fédéral s'est engagé à moderniser le programme canadien de soutien financier aux étudiants. Le ministre Pettigrew confirmait, dans les jours qui ont suivi, que le Québec, qui a son propre programme depuis environ 35 ans, aura sa part des fonds fédéraux comme par le passé. Il est essentiel, M. le ministre, que les fonds provenant du gouvernement fédéral à ce titre demeurent dans le secteur universitaire et qu'une fois que le gouvernement du Québec se sera assuré que le programme québécois d'aide financière soit au moins équivalent du programme fédéral les sommes ainsi dégagées soient une première mesure qui vienne pallier au sous-financement des universités. C'est avec vigilance, M. le ministre, que toute la communauté universitaire québécoise veillera à ce que ce scénario, nous l'espérons, soit respecté.

Ceci dit, entrons dans les scénarios du mémoire lui-même. Le premier scénario, nous vous l'avons illustré dans notre mémoire, c'est le scénario de la voie fiscale, c'est-à-dire du fonds consolidé de l'État. Et on s'est dit, dans le fond, si, au lieu de baisser les impôts au rythme de 1 milliard, on les baissait un petit peu moins et qu'on prenait 375 millions pour mieux financer les universités, ça voudrait dire quoi pour M. et Mme Tout-le-monde? Ça voudrait dire que, pour les individus qui ont des revenus de moins de 25 000 $, ça leur coûterait 0,47 $ par semaine et, pour ceux qui ont des revenus de plus 60 000 $, en moyenne ça leur coûterait quelque 7 $ par semaine pour avoir des universités qui sont de calibre comparable a celles du reste du Canada.

Le rattrapage de la moyenne canadienne, deuxième scénario, vous est illustré au tableau 5 de la page 21. Là aussi, vous vous apercevez qu'un rattrapage sur cinq ans, ce que ça veut dire en termes d'augmentation de frais de scolarité, ce que ça veut dire aussi en termes de génération de revenus pour les institutions universitaires. Nous pouvons faire la moitié de cela sur cinq ans. Vous avez aussi des chiffres qui vous disent un peu ce que ça veut dire et qui balisent un peu la discussion à cet égard-là, qui nous donnent au moins des ordres de grandeur autant au niveau des revenus pour les universités que des frais de scolarité à devoir être payés par les étudiants.

L'indexation des droits de scolarité, ça, c'est un autre enjeu. Évidemment, ces droits de scolarité sont non indexés depuis 1994-1995, ce qui veut dire qu'en termes réels les frais de scolarité valent maintenant 1 391 $. En dollar évidemment de 1994-1995, nous devrions avoir des frais de scolarité de 2 000 $. Si donc on avait voulu avoir un gel des frais de scolarité en termes réels et non pas en terme nominal, bien ils seraient de 2 000 $ maintenant, et les étudiants paieraient exactement ce qu'on payait en 1994-1995. Cette opération donnerait aux universités présentement, de façon récurrente, 60 millions de dollars. Et, sur 10 ans, les universités auraient eu 250 millions de dollars de plus.

La modulation des droits de scolarité. Vous avez un premier tableau, le tableau 6, qui vous est présenté. Ce tableau-là vous donne les taux de rendement privés ? j'insiste sur le mot «privés» ? de l'investissement en éducation. Ça veut dire les taux de rendement net d'impôt et en termes réels, tenant compte de l'inflation aussi. Vous vous apercevez que ces taux de rendement là sont élevés, importants, non négligeables et fort variables selon les secteurs disciplinaires. Un jeune médecin qui a fait un cours de médecine de six ans fera, en termes réels, sur sa carrière, par rapport à un jeune qui a seulement fait un D.E.C., 2,3 millions de dollars de plus net d'impôt. Comprenons-nous bien, c'est gros, c'est important comme somme, et vous voyez que ces taux de rendement là sont systématiquement positifs mais aussi variables d'un secteur disciplinaire à l'autre.

n(12 heures)n

Par ailleurs, vous vous apercevez, au tableau 7, qu'il y a une variation dans le pourcentage que les étudiants paient de leurs coûts de formation. Ce pourcentage passe de 6 % à quelque 20 %, dépendant des secteurs. Évidemment, on s'est demandé si tout le monde, par équité entre les étudiants, payait la même proportion de ses études, surtout compte tenu du fait que, là où les coûts sont élevés, les rendements semblent être relativement aussi élevés, mais on s'est dit: Si on faisait juste ça au niveau du premier cycle seulement, sans le faire au niveau du deuxième et troisième cycles, c'est 50 millions de dollars que ça rapporterait aux universités de plus.

Alors, voilà pour l'ensemble des scénarios que nous soumettons à titre d'illustration, et nous avons toujours dit dans notre mémoire qu'il fallait nous assurer que, quelques mesures qui soient prises par le gouvernement du Québec, elle devaient ne pas nuire à l'accessibilité; bien au contraire, l'aider. Mais il y a diverses façons de le faire. D'autre pays l'ont fait et le Québec pourrait très bien le faire aussi.

Donc, dans notre mémoire, nous sommes allés à l'essentiel, M. le Président, et sans détour. Nous espérons qu'il vous convaincra de l'incontournable nécessité d'un réinvestissement massif dans les universités du Québec. Il en va de l'avenir de nos jeunes, de nos moins jeunes et donc de l'ensemble de la société québécoise. M. le Président, merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Lacroix. M. le ministre.

M. Reid: Merci, M. le Président. Bienvenue à la délégation de la conférence. Je vais vous poser des questions ? et je pense que tout le monde aura un peu la même réaction ? des questions qui s'adresseront à la conférence, mais peut-être, dans certains cas, seront-elles mieux... trouveront-elles des réponses plus faciles quand les institutions, les établissements eux-mêmes viendront faire leur propre présentation.

Ma première question qui suit ce dont le président Lacroix a parlé, c'est la réaction ou la cooptation des étudiants et des étudiantes du Québec par rapport à des scénarios qui sont proposés et qui, dans la majorité des cas, font intervenir des modifications à ce qui est devenu dans certains cas un peu un dogme de gel de droits de scolarité. Dans quelle mesure est-ce qu'on sait les réactions ou on connaît les réactions de groupes de jeunes ou de groupes d'étudiantes ou d'associations d'étudiantes... étudiantes, c'est-à-dire?

M. Lacroix (Robert): M. le ministre, vous les connaissez mieux que moi. Ils vous en parlent régulièrement et ils viendront s'exprimer d'ailleurs devant la commission. Donc, ce n'est pas à moi de leur imputer quelque réaction que ce soit.

Le but ici de... La présentation de scénarios avait plus un but éducatif qu'un but de convaincre les associations étudiantes de leur justesse. Donc, je pense qu'ils seront bien en mesure de vous renseigner à cet égard-là, et je leur laisse le choix.

M. Reid: Concernant une question qu'on a posée tout à l'heure, que j'ai posée tout à l'heure au Conseil supérieur de l'éducation concernant le nombre de professeurs et l'embauche, vous avez été clair là-dessus, mais j'aimerais, si c'est possible d'élaborer un petit peu plus sur les... de voir un peu comment est-ce que ça se situe dans le temps, parce que, le financement, c'est aussi une question de temps; vous avez parlé vous-même d'avoir des financements qui sont pluriannuels... Et comment est-ce que la problématique de l'embauche des professeurs, la problématique des ressources nécessaires pour l'embauche de professeurs... parce qu'on peut embaucher des professeurs parce qu'on a des besoins nouveaux ou rétablir des niveaux, parce qu'on remplace les professeurs qui partent, on peut aussi avoir des coûts qui sont impliqués parce que les coûts d'embauche et salariaux de professeurs, même si ça ne ressemble pas, et de loin, au salaire des joueurs de hockey, on sent de plus en plus qu'il y a une différentielle qui existe dans l'embauche, et donc comment est-ce que...

J'aimerais, si possible, nous donner une idée de comment ça se déroule dans le temps, quand on parle des années, cette année et les années qui viennent, de telle sorte qu'on puisse aussi éventuellement, au cours de cette commission, regarder un peu les éléments de financement et les besoins de financement sur une période pluriannuelle pour être peut-être capables de répondre à une de vos demandes.

Le Président (M. Kelley): M. Lacroix.

M. Lacroix (Robert): Écoutez, d'abord, le premier gros enjeu ? et vous le savez bien, M. le ministre ? c'est l'enjeu du renouvellement, du remplacement. Nous aurons donc dans les années qui viennent et, je dirais, sur une période d'une dizaine d'années, nous aurons en moyenne, année après année, quelque 700 professeurs, 750 professeurs à remplacer dans les universités québécoises, et ça, évidemment... et ça, c'est sur l'ensemble de la période que cela se passe.

Ce remplacement, il est déjà inscrit dans la démographie même de notre corps professoral et il résulte d'une étude démographique extrêmement sérieuse qui a été faite à la CREPUQ avec les banques de données CREPUQ, que seule la CREPUQ possède d'ailleurs, et donc, déjà, c'est un morceau énorme.

En plus de ça, il faut qu'il y ait croissance. Pourquoi faut-il qu'il y ait croissance? Pour deux raisons. La première, c'est qu'il y aura croissance des clientèles étudiantes. Elle existe, cette croissance, elle va se poursuivre, cette croissance, et il faut qu'elle se poursuive, cette croissance, si l'on veut que le pourcentage de la population ayant un diplôme universitaire au Québec rejoigne au moins ce qu'on a dans le reste du Canada. Comme il y aura stabilité des gens de 18 ans à 25 ans pour encore... d'ici 2014, si leur taux de participation à l'éducation universitaire s'accroît ? et il doit s'accroître ? donc, à l'évidence, nos clientèles s'accroîtront. L'éducation des adultes puis les formations continues doivent s'accroître; donc, à l'évidence, il y aura accroissement à ce niveau-là. S'il y a accroissement, c'est le premier facteur où nous devrons accroître le nombre de professeurs, au moins pour maintenir la qualité.

Deuxième facteur. Nous sommes sous-financés, nous sommes en manque d'encadrement. Il faut retrouver au moins la situation de 1994-1995. Ces deux éléments là mis ensemble, c'est en moyenne 350 à 400 professeurs de plus par année que nous devrons embaucher dans les universités.

Bien sûr, vous allez me dire: On a le choix. On a le choix de ne pas remplacer les profs, on a le choix de ne pas augmenter le nombre de profs au Québec. C'est simple, si vous voulez réduire la demande de profs, vous avez juste à nous couper les fonds, il n'y en aura pas, de demandes de profs. Mais, si on veut avoir des universités comparables à ce qu'on a dans le reste du Canada, compte tenu des augmentations de clientèles et compte tenu du rattrapage que l'on doit faire, c'est 1 000 professeurs par année au moins dans les neuf prochaines années, 9 000 au total, à peu près équivalent du nombre de profs qu'on a actuellement au Québec. Donc, on a fait une étude superbe à la CREPUQ pour cela, vous en avez certainement pris compte. Voilà, M. le ministre.

Le Président (M. Kelley): M. le ministre.

M. Reid: Oui. En fait, il y a des questions intéressantes. J'espère que nous aurons l'occasion de parler concernant la formule de financement et concernant ses effets, entre autres sur les disparités régionales ou sur la correction de disparités régionales, des formules de financement qui ont été changées il y a quelques années, qui ne tiennent pas compte... qui financent, par exemple, à 100 % toutes les clientèles sans tenir compte peut-être de coûts qui pourraient être différentiels selon les types de clientèles ou selon les types de formation.

Mais j'aimerais plutôt poser une question sur... parlant des régions, donc sur cette présence... est-ce que... parce qu'on pourrait la poser à chaque établissement bien sûr mais au président de la Conférence des recteurs: Est-ce qu'on s'entend bien au niveau de la CREPUQ sur cet objectif qui est celui que j'ai énoncé, qui est le nôtre ? au début, lors de mes notes inaugurales ? que la mission d'enseignement, de recherche, cette définition de la qualité qui est globale, qui est basée sur évidemment la formation des étudiants dans cette mission de recherche et de formation générale... Est-ce que cette mission-là, on s'entend pour dire qu'elle est essentielle partout, dans toutes les régions et dans tous les établissements du Québec, ou si c'est quelque chose qui est controversé à l'intérieur de la CREPUQ?

M. Lacroix (Robert): Écoutez, M. le ministre, je ne sais pas s'il y a un consensus à la CREPUQ. Vous avez été président de la CREPUQ, vous connaissez les consensus de la CREPUQ. Mais je vais... je pense que...

M. Reid: Il y en a. Il y en a.

M. Lacroix (Robert): Il y en a. Je pense qu'il est clair, pour les gens alentour de la table du conseil d'administration de la CREPUQ, que les institutions universitaires en région au Québec sont non seulement là pour demeurer, mais elles sont aussi là pour se développer en qualité et en quantité. Donc, il n'y a pas d'ambiguïté en ce qui nous concerne, à cet égard-là. Elles jouent un rôle de formation et d'accessibilité incontournable et elles jouent aussi un rôle sur le développement économique, social et culturel de leur région qui est aussi irremplaçable.

Cela dit, je crois que le gouvernement doit bien voir à concentrer, même au niveau des régions, comme on le fait à Montréal, comme on peut le faire ailleurs, à bien concentrer les ressources pour bien s'assurer d'une efficacité maximum de ces investissements à cet égard-là. Donc, il n'y a pas d'ambiguïté à la CREPUQ, à cet égard-là. Il n'y en a pas, d'ambiguïté, à cet égard-là.

Le Président (M. Kelley): Ça va?

M. Reid: Oui.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Taillon.

n(12 h 10)n

Mme Marois: Oui. Merci, M. le Président. Alors, bienvenue à nos travaux. Je vais revenir sur cette question soulevée par le ministre. En fait, vous liez étroitement qualité et recherche dans la mission universitaire. La place enviable de la recherche sur l'échiquier universitaire est attribuée en partie bien sûr aux contributions que l'on peut aller chercher du côté des fonds subventionnaires ou des mesures fiscales qui permettent à des entreprises d'investir en recherche et développement. Et on sait comment ça a eu un impact en tout cas sur la croissance des sommes investies au Québec en matière de recherche et développement dans les dernières années, puisqu'on a dépassé la moyenne de croissance des pays de l'OCDE. Et la part que l'on met, je crois, actuellement dépasse la moyenne canadienne. Bon.

Mais cependant, actuellement, on sent un certain effritement parce que, d'abord, on a vu les fonds subventionnaires... on a vu leur crédit diminuer et on a vu les mesures fiscales aussi réduites lors du dernier budget. Pour vous, est-ce que c'est un sujet d'inquiétude? Est-ce que vous avez mesuré ce que ça pouvait signifier ou est-ce que vous en sentez déjà les effets, particulièrement du côté des fonds subventionnaires parce que c'est là justement qu'on va aller chercher les sommes pour les maîtrises, les doctorats et les postdoc?

M. Lacroix (Robert): Mme Marois, juste d'abord... la grande question. J'entendais tantôt le président du Conseil supérieur de l'éducation vous parler de cette tension continuelle entre recherche et enseignement dans nos institutions universitaires. C'est une tension qui a existé depuis qu'on a des universités modernes où la recherche y a été intégrée et elle va exister encore dans 100 ans.

Cependant, on doit être très clair, à cet égard-là. Il faut bien comprendre que, de plus en plus, les gens de deuxième et troisième cycles que nous allons former massivement... On en est rendu là, à ce que l'on manque des gens de maîtrise et doctorat de plus en plus. Et on ne forme pas ces gens-là sans avoir une intensité de recherche très considérable.

Oui, j'ai des profs à l'Université de Montréal qui donnent seulement deux cours, mais ils encadrent sept étudiants de doctorat et 10 étudiants de maîtrise. Ils forment la relève scientifique et professionnelle de demain. Leur rôle est crucial, et ce n'est pas seulement une question, là, de choix en recherche et enseignement. Au niveau des études supérieures en particulier, la performance recherche est cruciale.

Mais revenons à votre question sur les fonds subventionnaires. C'est dramatique, littéralement dramatique d'abord cette compression qui a été faite aux fonds subventionnaires québécois, dramatique et inadmissible. Inadmissible parce qu'on ne peut pas diviser éducation et recherche au niveau universitaire. Donc, si on donne priorité à l'éducation au Québec et priorité à l'éducation universitaire, il faut donner priorité à la recherche qui soutient cette formation universitaire.

Donc, cette première coupure importante, de l'ordre pratiquement de 7 %, a déjà des impacts dans chacune de nos institutions. Des équipes sont à risque. Des équipes ne sont plus subventionnées. Des regroupements stratégiques qui avaient un impact considérable sur la qualité de la recherche et notre performance au niveau des subventions de recherche fédérales ne peuvent pas être formés. Ces regroupements ne peuvent pas être formés actuellement parce que les fonds n'existent pas. Donc, c'est un impact considérable.

Je crois... nous avons, au niveau de la CREPUQ, rencontré à quelques reprises le ministre Audet. Nous lui avons envoyé un certain nombre de lettres à cet égard-là. Donc, je vais être très clair: ça ne peut pas continuer et ça ne doit pas continuer.

Mme Marois: Quant aux mesures fiscales, est-ce que vous avez un avis sur cette question?

M. Lacroix (Robert): Les mesures fiscales, je vais être très franc avec vous, je ne peux pas vous dire que, nous, au niveau universitaire, nous ayons vu présentement... Je ne sais pas si Edwin aurait quelque chose à rajouter à cet égard-là peut-être.

M. Bourget (Edwin): Disons que...

Le Président (M. Kelley): Juste pour les fins de l'enregistrement, vous identifier s'il vous plaît.

M. Bourget (Edwin): Oui. Edwin Bourget. Il est certain qu'au niveau du financement provenant de partenariats de recherche dans toutes les... partenariats de recherche avec l'entreprise privée, ces partenariats se sont accrus considérablement dans les dernières années. Et il y a eu un changement certain d'approche des entreprises à collaborer, à établir des partenariats de recherche avec... avec les universités dont les crédits fiscaux, les abattements fiscaux ne sont certainement pas étrangers. Donc, on parle de croissance, là, facilement de... même doublement dans certains cas, et il est certain que ça a eu un impact, un impact majeur.

Maintenant, je pense qu'il faut voir ces partenariats-là aussi comme étant des partenariats de formation. Les gens bien sûr font faire des contrats de recherche, mais, dans tous les cas ou la plupart des cas, ces contrats impliquent des étudiants diplômés, donc des étudiants de deuxième et troisième cycles. Et, lorsqu'on parle de recherche ? et là je vais insister et ramener peut-être ce que M. Lacroix mentionnait tout à l'heure ? lorsqu'on parle de recherche dans les universités, on parle de formation, on parle de formation aux deuxième et troisième cycles, formation à et par la recherche ou formation par l'enseignement. Mais il n'y a pas de déconnexion dans ces modes de formation. Il n'y a pas d'institut de recherche où il ne se fait que de la recherche dans les universités; on fait de la formation. Et les octrois de recherche sont obtenus uniquement dans le but de faire de la formation. On n'accepterait pas qu'un professeur fasse uniquement de la recherche pour faire de la recherche; ça ne fonctionne pas. Donc, on oblige nos profs ? on n'a pas besoin de les obliger ? à encadrer les étudiants diplômés donc de deuxième et troisième cycles. Donc, je pense qu'il faut faire attention en utilisant le mot «recherche». Le mot «recherche» signifie formation dans les universités.

Mme Marois: Et il y a donc toujours une part effectivement de formation pour ceux et celles qui font de la recherche. Il y a une obligation, comme vous dites, qui ne semble pas lourde pour les gens, puisqu'ils agréent à cela, mais il y en a toujours une.

M. Bourget (Edwin): En fait, c'est très lourd. C'est très lourd parce que les gens... parlez à des chercheurs qui s'investissent dans la recherche, ces gens-là font des semaines de 60 heures facilement. Ils travaillent les fins de semaine. Ils sont un peu partout. Donc, c'est lourd. Sauf qu'évidemment ils apprécient ce qu'ils font, ils aiment ce qu'ils font et ils aiment former des étudiants par du mentorat ou par du tutoriat...

Mme Marois: De la supervision, de l'encadrement.

M. Bourget (Edwin): Donc, c'est une façon différente de former, mais c'est toujours dans un contexte de formation.

Mme Marois: D'accord. Est-ce qu'il nous reste encore un peu de temps?

Le Président (M. Kelley): Oui, oui, une autre question.

Mme Marois: Bon. Oui, une autre question. Et là je vais revenir sur une des hypothèses sur laquelle vous élaborez dans votre mémoire, c'est la question de la modulation des droits de scolarité en fonction évidemment d'un taux de rendement lié au fait que ? je pense que ça va de soi, on va en convenir assez facilement ? quelqu'un qui sort de médecine est susceptible d'avoir un revenu un peu plus élevé que quelqu'un qui sort d'histoire ou de sociologie par exemple, de sciences humaines, en général, hein? On va convenir de ça, c'est observable, vous le faites aussi.

Donc, vous dites: On peut moduler les droits de scolarité en fonction de ce taux de rendement et des différences de revenu qu'on peut imaginer et projeter dans le temps. Est-ce que, par ailleurs ? parce que c'est une autre de vos hypothèses sur le fait qu'on procède par l'impôt général que le gouvernement s'apprêterait à réduire ? on n'obtient pas le même résultat, compte tenu que notre système est très progressiste, hein, on s'entend, dans le sens où nous demandons davantage à ceux qui ont un haut revenu de contribuer par leur impôt au paiement des services généraux qu'offre l'État? Alors, est-ce qu'on ne pourrait pas imaginer un système qui combinerait un peu cette préoccupation que vous avez ? je sais que ça avait déjà été étudié, mais j'essaie, de mémoire, de me souvenir, là, puis je vais sûrement retrouver ça d'ici la fin de la commission ? est-ce qu'on ne peut pas imaginer qu'on demanderait à ces professionnels, une fois formés, une contribution supplémentaire ? déjà, il y en a une, on se comprend, par leur impôt ? mais une contribution supplémentaire qui viendrait reconnaître ce taux de rendement pour les étudiants dans les différents secteurs de... différents champs de formation?

M. Lacroix (Robert): Mme Marois, d'abord... Ça va?

Mme Marois: Oui, ça va, parfait.

M. Lacroix (Robert): D'abord, il faut réaliser que, si l'impôt était si progressif qu'elle enlevait tout bénéfice d'investissement en éducation, vous n'auriez pas le type de rendement privé net après impôt que vous avez ici. Donc, ça veut dire... Et tout individu, qu'il soit éduqué ou non éduqué, s'il fait des revenus élevés, il est taxé puis il subit les mêmes échelles...

Mme Marois: On s'entend.

M. Lacroix (Robert): Donc, comprenons-nous bien, là, la progressivité de l'impôt est reliée au revenu et n'est pas reliée à l'éducation.

Mme Marois: Vous avez raison.

M. Lacroix (Robert): D'accord? Et, si l'éducation, de par son fait propre, de par l'investissement spécifique qu'on y a fait, donne un rendement aussi élevé socialement, on peut se demander la question: Est-ce que l'ensemble de la collectivité ne peut pas demander aux principaux bénéficiaires d'en remettre un peu plus? Je pense que c'est une question qui est saine à se poser. Tu sais, juste dire: Ils paient plus d'impôts parce qu'ils ont plus de revenus, bon. Maintenant, on peut très bien imaginer à cet égard-là un système évidemment où l'individu remettrait en fonction de ses revenus futurs.

n(12 h 20)n

Le danger qu'il y a toujours dans ce système-là et qu'il faut éviter, et qu'un système par exemple à la britannique qui a tous ses défauts mais qui a certaines qualités... quand vous remettez, à partir de vos revenus, un certain endettement que vous avez encouru pour retirer des revenus plus élevés, remarquez-le, ça n'entraînera pas les étudiants à choisir des carrières essentiellement payantes dans leur domaine disciplinaire. Pourquoi? Parce que, s'ils font des revenus plus élevés, il vont devoir remettre davantage de leurs dettes; s'ils font des revenus moins élevés, ils en remettront moins. C'est un système qui existe ailleurs. C'est un système qu'on peut adapter au Québec, si on veut l'adapter. C'est un système qui peut être partiel ou total.

Mais vous avez tout à fait raison, je pense que, quand l'on constate de telles disparités de rendement, même la société serait un petit peu mal à l'aise de leur dire: Écoutez, pourquoi vous n'en mettez pas un peu plus dans la cagnotte, là? Pourquoi vous demandez à tout le monde de payer pour vous, alors que vous pourriez nous aider vraiment à payer pour ceux qui n'ont pas les moyens d'aller à l'université? C'est ça qui est l'affaire.

Donc, moi, je pense que vous avez raison de dire: Il y a certainement une possibilité d'avoir un système qui non seulement ne réduira pas l'accessibilité, mais pourrait même l'améliorer, l'accessibilité, tout en trouvant des sources de financement qui puisent davantage aux principaux bénéficiaires.

Le Président (M. Kelley): Ça va? Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Merci, M. le Président. Moi, je suis préoccupée par plusieurs éléments. Évidemment, on n'a pas toute la journée pour pouvoir discuter avec vous. Je voudrais vous parler de démographie.

On a parlé tout à l'heure... Notre collègue député qui représente les Îles-de-la-Madeleine parlait de ? avec ceux qui vous ont précédés ? régions, de l'importance finalement des universités, de la formation qui est liée au développement économique des diverses régions. Mais on sait qu'au Québec notre courbe démographique n'est pas à la hausse, mais elle est plutôt vers le bas; elle est décroissante. Et j'imagine qu'un organisme comme le vôtre a certainement fait des études ou a certainement des statistiques sur ce qui va se passer en termes de clientèle, mettons, d'ici 10 ans.

On parle du financement des universités, d'accessibilité, de refinancement, d'investir abondamment. Moi, je suis parfaitement d'accord avec vous. Mais vous dites aussi ? parce que c'est lié à ma question ? vous dites dans votre mémoire... vous parlez d'équité: «Enfin, le réinvestissement à venir ? ça, c'est à la page 19, je vous cite ? devrait respecter le principe d'équité interinstitutionnelle, de même que la diversité des établissements.»

Au moment où on entreprend ces travaux, est-ce que vous croyez... est-ce que vous pourriez nous éclairer en fait sur certaines perspectives d'avenir par rapport à cette formation qui est donnée non seulement dans nos centres urbains, mais ailleurs aussi? Comment on fait pour s'assurer du maintien de la qualité de la formation et de la recherche, puisque les deux sont liées dans ce qu'on discute aujourd'hui, en région, et tout ça lié évidemment au facteur démographique? J'ai peine à imaginer que, dans 25 ans, on va se réveiller un jour puis on va se dire: Bien, on aurait dû y penser. Et on a une panoplie de services qui sont offerts, de formation et de... dans les diverses régions du Québec, qu'elles soient rurales ou urbaines, et je ne voudrais pas qu'on ait escamoté cet élément-là de notre réflexion.

M. Lacroix (Robert): Écoutez, c'est une vaste question; les démographes du ministère de l'Éducation s'y sont penchés régulièrement, se sont des fois trompés, des fois ils tombaient juste.

Le problème... le problème est extrêmement complexe. Il est d'autant plus complexe dans les régions, vous avez tout à fait raison. Pourquoi il est complexe? Premier élément, c'est que la démographie ne nous aide pas, hein? On a une population qui stagne et qui va être en vieillissement d'ici un certain nombre d'années, d'une part.

D'autre part, le solde migratoire du Québec au sein du Canada est déficitaire depuis 1962, d'accord, au rythme qui varie entre 13 000 et 50 000 pertes d'individus par année. L'immigration qui vient de l'extérieur, on en a. Mais, l'immigration externe, de façon générale, se localise dans les grands centres urbains. Ce n'est pas unique au Québec, c'est comme ça partout dans le monde, hein? Les immigrants qui arrivent au Canada, ils s'en vont à Toronto, Vancouver, Montréal. Même les amener à Calgary, là, vous avez besoin de faire beaucoup, beaucoup de promesses.

Donc, vous voyez bien dans quelle situation on se retrouve. Même les grands centres urbains ne connaissent pas la croissance qu'ils devraient connaître. Si vous regardez la croissance de Montréal par rapport à Toronto, par rapport à Vancouver ou par rapport à Calgary, ça fait pitié, ça fait pitié, d'accord? Or, à l'évidence, quand vous vous en allez dans les régions, vous compliquez encore plus le problème. Si, à ce problème démographique là, comme il se fait dans tous les pays du monde, un certain nombre de jeunes préfèrent aller étudier dans des grands centres urbains parce qu'ils croient devoir y travailler plus tard, bien là vous venez encore de rajouter une autre strate à votre problème naissant. Donc, il est évident que ? il ne faut pas se le cacher ? il y a un grave problème de démographie qui se complexifie dans les régions du Québec à un rythme effarant.

Peut-on s'en sortir? Bien, à l'évidence, moi, je crois ? et je le disais tantôt ? qu'on ne pourra pas s'en sortir partout de la même façon. Ce ne serait pas possible. Le Québec ne pourrait pas se payer ça, d'accord? Il va falloir qu'il y ait des concentrations régionales d'excellence qui soient telles... d'ailleurs, qui soient telles qu'elles puissent attirer des gens de partout au Québec et du monde.

Je vais prendre juste un exemple. Je ne veux pas en faire une fleur à Edwin, là; il n'a pas l'habitude de m'en faire de toute façon. Prenez l'Université de Sherbrooke. C'est une université en région, hein?

M. Bourget (Edwin): ...

M. Lacroix (Robert): Bien oui!

M. Bourget (Edwin): Oui.

M. Lacroix (Robert): Et c'est une université qui a trouvé une spécificité, qui a développé des caractéristiques qui lui sont particulières et qui a réussi des choses extraordinaires. On peut faire ça à Chicoutimi, on peut faire ça ? ça se fait d'ailleurs ? dans d'autres régions du Québec. Ce sont ces caractéristiques-là... Vous savez, l'Université de Sherbrooke attire, quoi... 40 % de ses étudiants sont de la région de Sherbrooke et le reste vient d'ailleurs.

M. Bourget (Edwin): 80 % de l'extérieur de la région de Sherbrooke.

M. Lacroix (Robert): De l'extérieur. Bon. Ce que je veux dire: il y a donc possibilité... On va bien servir une région à la condition que cette région non seulement serve ses propres individus, mais puisse être un bassin d'attraction pour des gens qui viennent d'ailleurs. Et ça va être des échanges: des gens peuvent partir d'une région pour s'en aller à Montréal, à Sherbrooke et vice versa. Là, le problème, c'est le problème du sens unique mur à mur, à toutes fins, pour certaines régions.

Donc, je vous le dis, madame, si j'avais une solution à cela, probablement que je me lancerais en politique.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Delisle: Est-ce que vous me permettez...

Le Président (M. Kelley): Très rapidement, parce que vous avez des collègues qui...

Mme Delisle: Oui, je veux juste... Est-ce que je comprends donc, lorsque vous parlez de concentrations de compétences régionales, qu'il faudra qu'il y ait... J'ai utilisé le mot «regroupements», là, ce n'est peut-être pas le bon terme.

M. Lacroix (Robert): Tu sais, on a déjà... Oui, mais on a déjà des zones de concentration qui existent déjà. Les universités en région, elles sont là. Ce qu'il faut, c'est que ces universités-là prennent de la densité, mais surtout pas continuer à en faire ailleurs, il faut...

Mme Delisle: Est-ce qu'on est prêts à le faire?

M. Lacroix (Robert): Pardon?

Mme Delisle: Est-ce que les universités sont prêtes à faire ça?

M. Lacroix (Robert): Bien, ça, vous leur demanderez, là, quand ils passeront. J'espère que oui...

Mme Delisle: ...

M. Lacroix (Robert): ...j'ai comme l'impression que oui, et j'ai le président de l'Université du Québec au côté de moi. Mais là vous n'êtes pas président de l'Université du Québec. Vous pouvez dire un mot, si vous voulez.

Le Président (M. Kelley): M. Moreau.

M. Moreau (Pierre): Pierre Moreau. Je serai de retour à 3 heures cet après-midi.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Delisle: Je poserai ma question. Merci.

M. Moreau (Pierre): Je vais vous répondre avec plaisir.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Vimont.

M. Auclair: Merci, M. le Président. Messieurs, vous parlez beaucoup du défi à venir pour les universités au niveau du renouvellement du corps professoral. On sait que ce n'est pas seulement un défi qui est pour vous, les universités, mais bien tout l'ensemble des métiers et des professions du Québec.

Juste un petit élément. Vous parlez d'environ 1 000 par année, 1 000 professeurs par année. Toutefois, lorsqu'on regarde, il y a eu quand même le Conseil supérieur de l'éducation qui, lui, a mis un petit bémol là-dessus en disant que les besoins ne sont pas si alarmants que ça et qu'on pourrait suffire à la demande. Est-ce que votre 1 000 professeurs vient du ratio de 18,5 professeurs-étudiants? C'est de là, je pense, que vos calculs sont établis.

Puis, dans le deuxième volet de ma question, c'est que, à ce niveau-là, est-ce qu'on peut dire qu'aujourd'hui le service ou la formation offerte aux étudiants est de moindre qualité parce qu'ils sont rendus à 22, 23 professeurs-étudiants dans leur ratio? Parce que, quand même, dans les rapports de ce qu'on a entendu par les étudiants, ça ne semble pas jouer tant que ça au niveau de leurs commentaires. Ce n'est pas de là qu'était le problème mais beaucoup plus sur justement le corps professoral qui était très présent en recherche et moins disponible.

n(12 h 30)n

M. Lacroix (Robert): Écoutez, je vais essayer d'être bref et clair. Le Conseil supérieur de l'éducation prévoyait 406 professeurs par année pour le renouvellement. Évidemment, c'était basé sur une enquête auprès des universités, tu sais, le renouvellement, là. Et ça, c'est très dangereux, ces genres d'enquêtes là. La raison est très, très simple, c'est que, plus vous allez dans des unités de taille réduite, plus leur capacité effectivement de prévoir qui va partir, à quel moment, à quel âge, je ne le sais pas trop, puis mes budgets ne me permettent pas d'engager... Bien, c'est pour ça qu'il faut faire ça. Généralement, ces études-là se font au niveau agrégé parce que les erreurs s'annulent. Et, au niveau agrégé, vous regardez le comportement agrégé des profs. Alors, nous, quand on l'a fait avec nos banques de données et avec des méthodes démographiques les plus usuelles et les plus modernes à cet égard-là, bien, nous, on ne trouve pas évidemment 400 professeurs par année, on en trouve entre 600 et 700 qu'il va falloir remplacer à cause du renouvellement. Et ça, ce sont nos banques de données agrégées qui nous le donnent, et c'est nettement mieux de le faire comme ça que de le faire au niveau de chacune des unités ou cumuler les erreurs.

Deuxième élément... Et donc je me dis: là, nous avons entre 200 et 300 professeurs par année d'écart avec le Conseil supérieur de l'éducation. Strictement technique, d'accord? J'aime mieux la mienne que la leur.

L'autre écart évidemment, c'est l'écart de la croissance. Là, évidemment, nous avons des hypothèses extrêmement conservatrices sur les croissances de clientèle, O.K.? Mais nous disons: sur une période de cinq, six ou sept ans, il faudrait quand même retrouver les taux d'encadrement qu'on avait en 1994-1995. Même si on fait ça, on va être encore en retard par rapport au reste du Canada compte tenu que ça ne comble pas tout le sous-financement. Si le Québec ne veut pas qu'on fasse ça, là, on a des gros, gros problèmes. C'est notre devoir, nous, à la Conférence des recteurs, de dire: Le maintien d'une qualité minimale et d'une concurrentialité minimale des universités, bien vous devrez ajouter 350 à 400 professeurs de plus par année pour la croissance étudiante et le rétablissement des normes d'encadrement. Vous mettez les deux ensemble, vous arrivez à peu près à 1 000. Bien, c'est ça, la différence.

M. Auclair: L'impact de la recherche...

Le Président (M. Kelley): Dernier commentaire? Dernier commentaire?

M. Auclair: L'impact de la recherche à ce niveau-là...

M. Lacroix (Robert): L'impact de la recherche...

M. Auclair: Le fait qu'on valorise de plus en plus la recherche, je comprends les valeurs, mais...

M. Lacroix (Robert): Oui. Non, comprenons-nous bien, l'impact de la recherche... On en a parlé tantôt, les profs qui sont engagés à l'université sont des profs qui vont effectivement partager leur temps entre recherche et enseignement. C'est ça, la vocation d'un prof d'université, d'accord? Et il va le faire, et on sait que les universités québécoises se dirigent de plus en plus massivement vers le deuxième et troisième cycles pour répondre aux nouveaux besoins du Québec. Vous ne pouvez pas commencer à diminuer l'apport de la recherche dans les universités si vous voulez vous diriger vers ces niveaux-là. Au contraire, la densité de recherche devra s'accroître et les milieux d'excellence de recherche devront se démultiplier pour répondre à ce nouveau défi.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Dernier bloc de huit minutes. Une courte question, Mme la députée de Taillon, et après ça...

Mme Marois: Oui. Bien, j'ai des collègues qui voudraient pouvoir intervenir. Une question très simple: Est-ce que vous avez toujours convenu que la hauteur du réinvestissement nécessaire est de 375 millions en vertu, là, des études que vous avez faites avec le ministère de l'Éducation et votre organisme, et donc jamais le ministre n'a remis cela en question ni le ministère?

M. Lacroix (Robert): Pas à date.

Mme Marois: D'accord.

M. Lacroix (Robert): Mais je voudrais rajouter une chose à cet égard-là. Le 375 millions, qui résulte d'une étude, je crois, la plus sérieuse qu'on ait pu faire au Québec avec les données les plus susceptibles d'être les bonnes puis les méthodes les plus susceptibles d'être les meilleures, bon, on peut bien contester, là, mais je... et avec les hypothèses les plus conservatrices... Quand je dis 375 millions, ça veut dire la chose suivante, là: chaque fois qu'on ne les met pas, les 375 millions, on crée des blessures à nos institutions universitaires que le 375 millions ne réparera pas, hein? Quand je viendrai vous parler de l'Université de Montréal, je vous dirai qu'il me manque à peu près 150 000 monographies dans mes bibliothèques que j'aurais dû avoir si j'avais eu un financement comparable à ce que j'avais en 1994-1995. Quand j'aurai un budget équitable pour remplir ma mission, les 150 000 monographies, je ne pourrai pas plus les acheter, là, je vais reprendre le train au moment où je suis rendu en gare. Et c'est pour ça que je dis: Le boulet de 2,9 milliards, là, ce n'est pas le 375 millions qui va le régler, on va en régler une petite partie. Et pour pouvoir boucher ces trous, colmater les brèches, on devra aller encore puiser dans le 375 millions pour réparer les dégâts du passé et on courra encore après le reste du Canada parce qu'on n'aura pas un budget courant qui est équivalent au leur.

Donc, c'est très important de retenir ces deux aspects-là, d'accord? Donc, 375 millions, oui, mais, même à cela, on va avoir beaucoup de choses à réparer dans le passé.

Mme Marois: D'accord, merci.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Berthier? Pardon, M. le député de Berthier.

M. Bourdeau: Merci, M. le Président. Vous parlez beaucoup de dégel, d'indexation, de modulation dans vos scénarios, mais malheureusement vous ne parlez pas de l'endettement étudiant qui, à long terme, a des conséquences néfastes, comme on le sait, sur la poursuite des études. Vous-même, vous le dites, vous manquez de gens à la maîtrise, vous manquez de gens au doctorat, et on le sait, que le taux d'endettement fait en sorte que les étudiants revoient leur avenir. Ça a aussi des conséquences sur les choix familiaux qui ont, eux, une influence néfaste sur la problématique du choc démographique qu'on va connaître au cours des années, qui va faire en sorte qu'on va avoir encore plus de difficultés à financer nos réseaux publics. Je crois personnellement que l'éducation doit rester un bien public payé par l'ensemble des contribuables et non simplement par les utilisateurs.

En quoi le choix de faire payer plus les étudiants et non la société en entier serait équitable tant entre les générations... Et en quoi ça améliorerait l'apport que l'université pourrait faire à la société?

M. Lacroix (Robert): Toute une longue question. Si j'avais une heure pour y répondre, mais combien vous donnez de temps, M. le Président?

Le Président (M. Kelley): Oh, peut-être pas une heure, mais...

M. Lacroix (Robert): Quelques minutes? Je pense qu'on pourrait faire un long débat sur cela. Il faut bien remarquer évidemment que, quoi qu'il arrive aux frais de scolarité et quoi qu'il est arrivé aux frais de scolarité ailleurs, la part des frais de scolarité reste toujours relativement faible par rapport au total des coûts de l'éducation. Tu sais, former un jeune en médecine vétérinaire, ça coûte au-delà de 30 000 $ par année. Et, quand vous payez 2 000 $ par année, il reste qu'il y en a 28 000 $ qui sont payés par la collectivité. Entendons-nous sur cela. Si les frais de scolarité passaient à 4 000 $, il en resterait encore 26 000 $ payés par la collectivité. Donc, il n'y a pas grand désengagement de l'État à cet égard-là. Ça, c'est le premier point. Donc, ça reste très marginal, là, dans...

Deuxième point, c'est la question de l'endettement. La question de l'endettement, évidemment on peut se la poser, mais je n'ai jamais vu quelqu'un qui décidait de faire un investissement et qui refusait de s'endetter pour le faire. La personne qui achète sa première maison, s'il la paie 125 000 $, il va s'endetter généralement de 100 000 $. Il ne viendra pas voir le gouvernement pour dire: Écoute, je viens de m'endetter de 100 000 $, veux-tu m'aider, je ne suis pas capable de le payer? La personne qui s'achète une auto la paie 23 000 $ généralement, sa première auto. Au bout de quatre ans, elle ne vaudra quasiment rien. Il ne demande pas au gouvernement de la payer, c'est un investissement qu'il a fait.

L'investissement en éducation, pour un individu, a aussi ce rendement privé qui est tel que l'individu peut faire le choix de cet investissement-là ou de ne pas le faire. Mais tout individu qui comprend très clairement le rendement réel de cet investissement-là ne peut pas hésiter à le faire. Le grand problème dans tout cela évidemment est le suivant: il ne faut pas que ces choix-là empêchent l'accessibilité. Il faut trouver les moyens de le faire et il faut que l'endettement, qui reste un endettement tout à fait raisonnable dans le contexte d'un investissement qui a été fait, puisse aussi être absorbable sur une période de temps qui fait que l'individu pourra avoir une vie normale par la suite. Et tout ça, je pense, est possible pour un gouvernement qui voudrait bien gérer ces enjeux-là.

Le Président (M. Kelley): Un dernier court commentaire ou...

M. Bourdeau: Oui. Oui. Nous avons fait le choix, au Québec, de financer l'universalité d'un système de santé, un système de santé qui, pour moi, est une dépense. Je crois que le Québec devrait continuer à faire le choix de société de dire... Et je ne mets pas en cause le choix de société de l'universalité du système de santé. Au contraire, je crois qu'il doit rester dans l'équité entre les générations. Mais je crois aussi que le Québec devrait continuer à faire le choix de faire en sorte que l'université soit un bien public et un bien payé par tous les contribuables et non simplement par les utilisateurs.

Et je crois que la société est d'accord: 57 % des gens sont contre le dégel des frais de scolarité. Je pense que, déjà là, ça démontre une volonté de la société. Et je crois que jouer dans... à court, moyen ou long terme, jouer dans les frais de scolarité va faire en sorte qu'on va nuire, on va nuire à ce choix de société et au développement de la société.

Le Président (M. Kelley): M. Lacroix.

M. Lacroix (Robert): Écoutez, évidemment c'est un choix que vous partagez et que le gouvernement peut très bien partager, et je n'ai pas de problème avec ça. Mais, si ce choix implique que le coût de cela, c'est la diminution systématique de la qualité de la formation, ce choix-là est fait au détriment de ceux qui sont en train de se faire éduquer présentement. Donc, moi, je veux bien que le gouvernement fasse un choix. Mais, s'il choisit effectivement que c'est effectivement un financement essentiellement public, merci, envoyez-nous le chèque, 375 millions.

Une voix: ...

Le Président (M. Kelley): C'est ça. Merci beaucoup, M. Lacroix et les autres représentants de la Conférence des recteurs et des principaux du Québec. On va maintenant suspendre nos travaux jusqu'à 14 heures. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 12 h 40)

 

(Reprise à 14 h 6)

Le Président (M. Kelley): Alors, on reprend nos travaux. Je rappelle aux membres de la commission que le mandat est de tenir une consultation générale sur les enjeux entourant la qualité, l'accessibilité et le financement des universités au Québec. C'est maintenant le tour du Conseil de la science et de la technologie de nous adresser la parole. Mme Tremblay, la parole est à vous.

Conseil de la science et de la technologie (CST)

Mme Tremblay (Hélène P.): Bonjour, M. le Président. Alors, peut-être commencer par un début normal en disant que le Conseil de la science et de la technologie a été créé en 1983, en vertu d'une loi qui lui confère à ce moment-là le mandat de conseiller le ministre sur toute question relative à l'ensemble du développement scientifique et technologique. Il se compose de 15 membres qui sont nommés par le gouvernement et qui proviennent des milieux de la recherche, de l'enseignement supérieur, des affaires, du travail, de l'information scientifique et technique ainsi que des secteurs public et parapublic, de même que trois observateurs gouvernementaux.

Alors, je suis aujourd'hui accompagnée par un certain nombre des membres du conseil, en commençant par ma droite, M. Pierre-André Julien, de l'Université du Québec à Trois-Rivières; M. Denis Poussart, de l'Université Laval; M. Jean Nicolas, de l'Université de Sherbrooke ? vous voyez déjà qu'on représente un certain nombre d'universités; et, à ma gauche, Suzanne D'Annunzio, qui est la secrétaire générale du conseil; et Jean-Pierre Robitaille, qui est chercheur au Secrétariat et qui s'est occupé de rédiger l'avis... le mémoire, pardon.

Alors, le conseil accorde depuis plusieurs années beaucoup d'attention à la question de la structuration du système national d'innovation pour l'ensemble du Québec, lequel système confère aux universités un rôle stratégique de premier plan pour la compréhension et le développement de l'innovation à la fois technologique, organisationnelle et sociale dans l'ensemble des entreprises et des organisations québécoises. C'est ce qui explique pourquoi nous sommes ici, cet après-midi.

Toutefois, nous n'avons pas fouillé l'ensemble des questions soulevées par le document préparatoire soumis par le ministère. Nous miserons surtout, cet après-midi, sur nos travaux récents ou en cours, notamment ceux relatifs à la relève en science et technologie, et celui qui s'en vient sur la culture scientifique et technique.

La présentation respectera comme ordre du jour de traiter successivement les trois grandes tâches universitaires, à savoir l'enseignement, la recherche et les services à la collectivité, puisque nous considérons que les questions qui nous sont posées en ce qui concerne le triptyque qualité, accessibilité et financement ne méritent pas des réponses identiques, selon la fonction qu'on envisage. Et, de plus, le conseil s'attarde moins à regarder la situation actuelle qui prévaut au sein des universités que d'essayer de mettre en jeu les principales attentes qui s'adressent aux universités au cours des prochaines années et, par conséquent, les obligations qui en découleront pour l'ensemble ou pour chacun des grands groupes de partenaires concernés.

Alors, en matière d'enseignement d'abord, nous tenons à distinguer entre les attentes qui concernent la formation initiale des attentes qui concerneront la formation continue. En ce qui concerne la formation initiale, nous sommes, au conseil ? je le dirais avec une référence qualitative personnelle ? nous sommes peut-être plus optimistes que d'autres groupes, mais nous considérons qu'effectivement l'accessibilité n'est pas à nos yeux le défi le plus crucial qui se présentera aux universités au cours des prochaines années, notamment parce qu'au conseil nous prônons l'atteinte des objectifs qui sont fixés par le MEQ au bac de 3O % et nous croyons que, si la tendance se maintient, le taux sera atteint de façon réaliste. Nous pourrons y revenir à la période de questions.

n(14 h 10)n

En revanche, le grand défi en matière de formation initiale au cours des prochaines années ? nous n'insisterons, nous non plus, jamais suffisamment sur ce point ? c'est véritablement la question de la qualité des formations qui vont être acquises par les diplômés, et les diplômés des trois cycles, incluant le doctorat, n'est-ce pas, M. Nicolas?

Alors, quand on parle de qualité, c'est un vocable très général qui doit être décliné de façon différente, selon qu'on parle de disciplines particulières ou de formation destinée à des emplois particuliers. Mais on peut insister de façon générale pour dire que la qualité renvoie, règle générale pour nous, à la question de la qualité de l'acquisition de connaissances et de compétences de base qui vont permettre aux diplômés d'obtenir deux vertus extrêmement importantes une fois rendus dans leur vie adulte, à savoir, d'une part, la capacité de faire face aux défis de la société qu'ils vont avoir à modeler mais aussi, d'autre part, à acquérir la polyvalence qui va leur permettre effectivement, une fois à l'entrée du marché du travail, de trouver un emploi conforme à leurs compétences, nonobstant le fait que les emplois sont de plus en plus difficiles à prévoir.

La qualité concerne également la question d'un système rigoureux d'assurance de la qualité de la part des universités, qu'il s'agisse d'assurance de la qualité à l'échelle des établissements eux-mêmes de manière à respecter les priorités et les objectifs que chacun des établissements se donne, mais aussi un système d'assurance de qualité qui sera défini et rigoureux à l'échelle de l'ensemble du système universitaire québécois.

Les universités ont développé jusqu'à maintenant un système très élaboré d'évaluation des programmes, un système qui se veut un système d'évaluation de la qualité des programmes. Et nous nous permettons de faire remarquer que le système jusqu'à maintenant a peut-être davantage mis l'accent sur l'évaluation des intrants et des processus et peut-être moins l'accent sur les résultats obtenus. Notamment, quand on parle de résultats obtenus, on fait référence ici à la qualité des diplômes décrochés par les étudiants, à leurs habilités... aux habilités qu'ils auront acquises et à leur mobilité sur le marché du travail. Et ce commentaire s'adresse également aux étudiants du doctorat. De plus, nous pourrions faire allusion à l'efficacité comme vertu recherchée, à savoir que, à l'échelle de l'ensemble du système universitaire, on pourrait souhaiter qu'il y ait davantage d'évaluations par grands secteurs disciplinaires qui soient faites de façon plus systématique.

Si nous continuons aussi à parler d'efficacité, nous soulignerions le besoin, pour le système universitaire, d'assurer une meilleure complémentarité de cours ou de parties de cours avec les programmes qui sont offerts au niveau collégial, notamment en encourageant le développement de passerelles, par exemple, sous la formule des D.E.C.-bacs. Il est également souhaité par le conseil ? ce qui sera confirmé dans son avis sur la relève qui s'en vient dans quelques semaines ? souhaité donc un rapprochement, notamment avec les comités sectoriels main-d'oeuvre afin de faciliter les ajustements conjoncturels exigés par le marché du travail.

En matière de financement, toujours dans le contexte de l'enseignement... de la formation initiale. Ce que nous pourrions dire en matière du financement, c'est que, d'une part, nous n'avons pas fait d'étude pour pouvoir fixer la largeur de l'écart en termes de déficit pour les universités à l'heure actuelle. Mais, si nous voulons être cohérents avec ce que nous avons dit jusqu'à maintenant, il va de soi qu'on insistera pour que les budgets de fonctionnement alloués aux universités concordent effectivement pour mettre l'accent sur la reconnaissance de la qualité des formations acquises, tout en adhérant d'aussi près que possible aux priorités et aux cibles définies par les établissements.

En ce qui concerne le niveau de financement, même si le conseil n'a pas fait d'étude sur la question de l'écart... de l'ampleur du déficit, le conseil fait quand même remarquer qu'il n'y a que deux pays parmi 26 pays recensés de l'OCDE, qui sont l'Australie et la Norvège, qui ont connu une baisse de leur niveau de financement par ETP en dollars constants entre 1995 et 2000, et que cette situation exceptionnelle pour le Québec devrait être, à nos yeux, corrigée.

En ce qui concerne les frais de scolarité, puisque c'est un sujet d'actualité pour cette commission, le Conseil de la science et de la technologie est un juste reflet de la société actuelle, puisque, au moment où nous en avons discuté en conseil, la moitié des membres qui se sont prononcés étaient en faveur d'une hausse significative des frais de scolarité et l'autre moitié est en faveur d'un gel des frais. Sauf que la discussion nous a permis de faire ressortir un certain nombre de variables qu'il nous sera possible de vous présenter au moment de la période de questions si vous le souhaitez.

La conclusion peut-être essentielle à laquelle nous sommes parvenus, c'est: quelle que soit la décision qui sera prise, nous demandons au gouvernement d'être très prudent, puisque la priorité absolue doit toujours être l'atteinte des cibles, en termes de taux d'obtention de diplômes. Et le conseil aussi fera une proposition dans le cadre de l'avis sur la relève pour aussi, pour le doctorat, fixer une cible de 1,3 %, c'est-à-dire le taux d'obtention de diplôme qu'on observe actuellement aux États-Unis. Maintenant, en matière de formation continue. La difficulté avec la formation continue, c'est que nous n'avons pas de données récentes; elles remontent à 1997. Surtout en matière de formation liée à l'emploi, on constatait par ailleurs que le Québec est à la traîne de l'ensemble des provinces canadiennes et que le Canada lui-même n'avait pas une position enviable quand il se comparait à l'ensemble des pays normaux de référence. Or, il est clair pour le conseil que, au cours des prochaines années, la formation continue ne sera plus un luxe réservé à une élite. Au contraire ? on en discutait justement dernièrement ? certains des membres du conseil sont particulièrement alarmés, disons, ou inquiets, ou préoccupés par l'accélération de la production dans les connaissances et qu'il devient donc extrêmement difficile de rester à jour, en particulier évidemment dans le monde du travail et qu'il devient tout à fait impensable qu'un jeune diplômé puisse acquérir l'ensemble des connaissances requises pour gérer efficacement son environnement de travail. Et donc la formation continue va devenir une nécessité absolue pour l'ensemble des travailleurs, incluant les travailleurs hautement qualifiés.

Or, ici, là, si on parle donc... excusez-moi, pour la question de la formation continue, le vocable qui nous semble le plus adapté serait celui de l'accessibilité. En ce qui concerne la qualité, il faudra voir qu'encore là la qualité devra se décliner de façon particulière dans la mesure où les conditions de pertinence de la formation continue sont beaucoup plus importantes lorsqu'on parle de formation et évidemment en emploi que lorsqu'on parle de formation initiale.

En ce qui concerne le financement de la formation continue, le critère qui a déjà été entendu, à savoir qu'il est intéressant de faire le lien entre le financement et l'identité des bénéficiaires de la formation, en l'occurrence nous fait conclure qu'effectivement en matière de formation continue on peut prétendre sans se tromper que les bénéficiaires de la formation continue sont bien davantage l'employé et son employeur que la société en général, et je le dis évidemment en termes relatifs par rapport à la formation initiale. Alors, il y a vraisemblablement là possibilité de charger des frais de scolarité différentiels plus élevés donc lorsqu'il s'agit des étudiants en formation continue que lorsqu'il s'agit des étudiants en formation initiale. Et l'approche n'est pas anodine, puisqu'on me faisait remarquer, la semaine dernière, qu'à l'Université de Sherbrooke il y aurait 9 000 étudiants actuellement à l'Université du troisième âge. Et donc c'est une tendance avec le vieillissement de la population, mais aussi le goût de la population qui rentre à la retraite de continuer à se perfectionner. Il y a vraiment là une piste importante, disons, de réflexion.

En matière de recherche, le maître mot dans le triptyque, selon nous, serait l'accessibilité des universités, une plus grande ouverture donc à ce qu'on appelle, nous, la demande sociale. Alors, au cours des dernières années et encore actuellement, le conseil a fait de nombreuses études pour montrer l'importance de la recherche universitaire, de la recherche et développement pour soutenir l'innovation.

Alors, il est très clair qu'on valorise les relations très étroites entre les universités et les entreprises commerciales, notamment celles de haute technologie, mais le conseil ne se limite pas à ce groupe de partenaires potentiels. L'année dernière, on a fait un avis qui portait sur le secteur du bâtiment, donc un secteur traditionnel, qui montrait à quel point un secteur dit traditionnel a besoin de recherche et développement pour réussir à affronter les défis qui l'attendent au cours des prochaines années, et donc qui ont besoin formellement du concours des universitaires. Il en est de même d'un avis qu'on a fait sur le secteur des services qui montre que l'innovation dans le secteur des services se matérialise de façon originale par rapport au secteur manufacturier et que, si on veut vraiment être efficaces dans le soutien aux entreprises de services qui, rappelons-le, représentent 75 % des entreprises québécoises, il faut alors moduler l'intervention pour tenir compte de leur spécificité. Et, encore là, il est évident que la recherche universitaire aura un rôle très significatif à jouer.

n(14 h 20)n

Nous sommes sur le point de sortir un avis sur l'innovation au sein des municipalités. Et je pense ne pas révéler d'informations confidentielles: je ne vous surprendrai pas en disant que les municipalités pourraient certainement innover bien davantage. Or, on constate que les relations entre les municipalités et l'université ne sont pas très fortes. Ce n'est pas le partenaire privilégié, loin de là, des municipalités quand elles souhaitent innover, et pourtant ce serait une collaboration qui pourrait promettre de devenir extrêmement fructueuse. Et encore, nous n'avons pas étudié les relations possibles entre les chercheurs universitaires et les groupes associatifs, les commissions scolaires, l'économie sociale. Alors, le conseil souhaite effectivement ou constate que, au cours des prochaines années, les collaborations pourront être beaucoup plus... pourront se multiplier, se diversifier, au grand avantage des milieux de pratique et de la population en général.

Le conseil ajoute par ailleurs que, en vertu d'un projet très important à ses yeux de prospective qu'il a lancé l'année dernière, donc le conseil ajoute également que la communauté scientifique, et la communauté universitaire en particulier, sera invitée à être beaucoup plus attentive à ce qu'on appelle, nous, la demande sociale en nouveau savoir, et donc la demande sociale non pas seulement des groupes constitués ou des entreprises commerciales, mais aussi de la population en général, et que cela suppose de notre part d'avoir une compréhension beaucoup plus fine et également systémique des besoins en question pour essayer d'y répondre de la manière la plus efficace. Et donc l'accessibilité nous semble le maître mot pour la recherche au cours des prochaines années.

Je pourrais aussi ajouter la question de la pertinence à l'échelle du système universitaire donc qui serait un vocable tout aussi approprié. Et je rappellerai le besoin donc pour les universitaires, au cours des prochaines années, d'assurer un équilibre intelligent entre les priorités de recherche et développement qui répondront à l'exploitation potentielle des découvertes scientifiques qui sont les leurs, mais un équilibre donc entre ce développement de la recherche orientée par la science et, d'une autre part, les besoins de recherche qui proviendront de la demande sociale québécoise.

En termes de financement en ce qui concerne la recherche, évidemment nous pourrons souligner l'effet extrêmement bénéfique des programmes de financement des infrastructures des dernières années. Conviendrons-nous, nous, également que, pour les prochaines années, le grand défi sera probablement un défi de financement des ressources humaines à la fois pour le fonctionnement des infrastructures mais aussi évidemment pour l'embauche du corps professoral. Et nous nous permettons de souligner les grandes vertus du programme des chaires d'excellence, qui avait été lancé il y a quelques années, puisqu'elles permettaient... le programme permettait à la fois aux universités de bien planifier leurs besoins de ressources humaines mais aussi de pouvoir les embaucher sur un horizon assez long pour recruter les personnes optimales à leurs yeux. Et j'ajouterai, en termes de financement, le défi donc supplémentaire de donner une capacité de payer ou un pouvoir d'achat aux groupes dont nous venons implicitement de parler et donc de donner un pouvoir d'achat aux groupes qui ne sont pas formellement identifiés au secteur commercial. On pourra éventuellement aussi, à la période des questions, parler des fonds de dotation ou des fondations universitaires.

Alors, maintenant, le service à la collectivité, et donc j'arrive vers la fin effectivement. Alors, nous faisons ici une distinction entre les services internes et les services externes. En ce qui concerne les services internes, nous dirions que le maître mot serait davantage une question d'efficacité. On pourrait souhaiter que les universités soient, elles aussi, des institutions aussi innovantes que possible et que... on pourrait remarquer notamment, en termes de gestion interne, puisque le processus de prise de décision actuellement ? je me permettrai d'utiliser une expression plus personnelle ? mais est assujetti à une double structure de gestion, à la fois collégiale et hiérarchique, ce qui fait que la prise de décision est extrêmement lourde et souvent très longue.

En ce qui concerne les services externes, le rapport de conjoncture que le conseil va produire dans deux mois portera sur la culture scientifique et technique et insistera, accordera de nombreux chapitres pour montrer l'importance d'un plus grand dialogue encore entre les scientifiques et la population en général, ce qui suppose notamment que les scientifiques occupent une place encore plus grande sur la place publique, soient plus présents sur la place publique, notamment avec les médias. Mais ce n'est pas, cette fois-ci, selon nous, un enjeu particulièrement financier, c'est davantage un enjeu relié à la reconnaissance de ces activités-là dans les tâches des professeurs et éventuellement un encouragement explicite de la part des fonds subventionnés.

Alors, si je résume mon résumé, pour bien laisser la marque sur les messages essentiels que le conseil souhaite livrer, disons que, pour chacune des grandes fonctions que nous avons traitées, nous dirions que les principaux défis pour la formation initiale portent sur la qualité de la formation et sur le financement public de la formation initiale. En ce qui concerne la formation continue, c'est davantage, selon nous, une question d'accessibilité. Pour ce qui est de la recherche, c'est d'abord et avant tout une question d'accessibilité à la recherche sociale et de pertinence économique et sociale de la recherche qui est menée dans le milieu universitaire, de même que le financement de l'innovation sociale et le financement du fonctionnement des infrastructures et du recrutement des ressources professorales. Et, en termes de services à la collectivité, nous dirions qu'en ce qui concerne les services internes, il s'agit davantage d'une question d'efficacité, et en ce qui concerne les services externes, il s'agit davantage d'une question d'accessibilité.

Je m'en voudrais de terminer sans mentionner l'importance qu'au conseil nous accordons aux soucis que nous aurons ou que le gouvernement aura lorsqu'il tentera de résoudre la question du sous-financement des universités, de ne pas le traiter en vase clos, mais de s'intéresser à la santé financière de l'ensemble du système d'éducation. Et nous faisons ici particulièrement référence au système collégial, puisque, si nous faisons un lien formel entre la qualité et l'accessibilité, d'une part, et le financement, d'autre part, en milieu universitaire, cela est aussi vrai en milieu collégial. Alors, je vous remercie.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Tremblay. À vous la parole, M. le ministre.

M. Reid: Oui. Je voudrais souhaiter la bienvenue à Mme Tremblay et aux membres de la commission... du conseil, pardon. Il y a plusieurs questions intéressantes, j'espère avoir le temps de les poser toutes. Dans un premier temps, à la fin ? je prends la façon dont c'est écrit ? à la fin du résumé exécutif que vous avez fourni où on parle des régions, on dit: «Il appert par ailleurs que les universités situées dans les régions ressources auront à faire face, toutes proportions gardées, à une demande plus considérable en matière de services à la collectivité ? je comprends que vous l'avez définie de façon assez large tout à l'heure ? que les établissements situés dans les grands centres. Le conseil préconise des formules de financement adaptées à leurs réalités particulières.» Puisque le financement est une préoccupation de la commission, est-ce que vous avez des suggestions plus spécifiques là-dessus ou est-ce que vous pouvez nous référer à des suggestions plus spécifiques sur des financements adaptés à des réalités particulières, et quitte à prendre des exemples peut-être de différentes régions?

Le Président (M. Kelley): Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Hélène P.): Je laisserai tantôt la parole à Pierre-André, puisqu'on en avait... on s'était un petit peu préparés à répondre ensemble aux questions. Mais je dirai peut-être avant de lui céder la parole que, dans la mesure où on insiste sur un financement davantage orienté au résultat de qualité de la prestation universitaire, cela suppose nécessairement de tenir compte par conséquent des cibles, les priorités que se donnent chacun des établissements et donc des cibles qu'ils se donnent également, et ça suppose donc un financement beaucoup plus modulé ou singularisé en fonction des universités. Et, par conséquent, si le financement s'oriente de cette façon-là, accepte la singularisation des universités, c'est une voie sûrement favorable pour permettre aux universités en région d'avoir un financement propre aux priorités qu'ils voient en termes notamment de services à leur milieu. Mais je laisserais Pierre-André continuer.

M. Julien (Pierre-André): Donc, j'ajouterais simplement que les universités ont un rôle très particulier dans les régions à cause de l'absence de la variété de ressources pour les acteurs des régions. À Montréal ou à Québec, vous avez... Prenons le cas des firmes conseils. Vous avez une variété de firmes conseils spécialisées dans les différents secteurs ou dans les... et avec des ressources très, très variées, alors qu'en région vous avez les firmes comptables, vous avez quelques firmes conseils en génie, mais vous avez une variété très limitée de ressources complémentaires pour soutenir le développement des entreprises face à l'économie de la connaissance. Et, dans ce sens-là... Et malheureusement les universités en région manquent autant sinon plus de ressources variées que les universités dans les grands centres. Et, je pense, quand on parle de modulations, ces modulations positives, il faut faire un effort pour toutes les universités, mais il faut faire un effort particulier dans les régions pour fournir ces ressources-là, pour fournir une variété de ressources. Et, encore une fois, les universités en région ont un rôle très particulier, très... beaucoup plus important dans un sens que les universités dans les grandes villes qui font face à une concurrence ou à des réponses beaucoup plus larges de la société économique... socioéconomiques.

Mme Tremblay (Hélène P.): Oui, est-ce que je peux compléter également?

Le Président (M. Kelley): Mme Tremblay.

n(14 h 30)n

Mme Tremblay (Hélène P.): Le conseil, nous couvrons très large pour une toute petite équipe. Alors, des fois, on aborde des sujets sans vraiment les fouiller suffisamment, surtout pour le genre de questions pointues que vous posez. Mais, si on continue sur la lancée de la demande sociale et donc de la capacité de payer ou donner un pouvoir d'achat à des groupes qui ont besoin de recourir à des universités mais qui n'ont pas nécessairement la capacité de payer, c'est évident que cette démarche-là, une fois que le modèle financier pourra être arrêté, c'est évident que ça va donner un avantage que n'ont pas dans le moment les régions, qu'on pense à toutes les interventions qui se font dans les secteurs très traditionnels, manufacturiers, mais aussi les secteurs traditionnels de services, mais aussi tous les services sociaux, les services des organismes communautaires, les commissions scolaires, etc. Ça peut être une... En tout cas, c'est le canal logique qui pourrait être utilisé, puis donner une issue que les régions n'ont pas actuellement.

Le Président (M. Kelley): M. le ministre.

M. Reid: Je comprends que la mesure dont vous parlez, par exemple, de donner des moyens à des organismes, disons, locaux, ça pourrait être une des mesures, disons, adaptées dont vous parlez au niveau du financement des universités, par exemple, d'accord?

Une autre question sur... Vous avez parlé encore une fois, juste à l'instant, des mesures résultant de la qualité, des mesures qualitatives. Et vous avez parlé un peu plus tôt de la qualité des diplômes en donnant des exemples de la qualité des diplômes, la mesure des habiletés acquises, la mobilité comme étant des aspects plus quantitatifs de mesure de la qualité. Est-ce que vous pourriez élaborer un petit peu plus là-dessus? Et finalement, si on voulait changer ou faire évoluer des choses, ça pourrait prendre quelle forme par rapport à ce qui existe aujourd'hui ou ce serait confié à qui?

Je mets beaucoup, parce que peut-être que vous n'êtes pas allés aussi loin que ça. Mais, si vous pouvez développer un petit peu plus, ce serait utile.

Mme Tremblay (Hélène P.): Je ne suis pas seule, là, mais la question est à développement.

Pour ce qui est de la qualité, on peut partir, par exemple, des commentaires qui ont été faits par les employeurs et qui sont récurrents à travers le temps. Ce qu'on attend des finissants du collégial mais aussi de l'université, on attend de plus en plus des étudiants non pas d'avoir de plus grandes compétences en termes de spécialités, de champs de spécialité acquis, mais effectivement de plus grandes compétences transversales, et on en nomme une série dans le document: la capacité de travailler en équipe, la capacité de communiquer, de gérer, disons, l'environnement de travail, etc. Pour nous, on le résume peut-être d'une façon qui n'est pas très originale, mais assez claire, c'est beaucoup développer la capacité d'apprendre à apprendre, finalement.

Mais un autre argument ou un autre élément qui est pertinent ici, c'est que, quand on parle de qualité, ça va être aussi la capacité de nos étudiants, dès la sortie, de trouver un emploi vraiment conforme à leurs compétences, et ça suppose, vu que les emplois sont très imprévisibles, de donner à nos finissants une formation qui va les rendre polyvalents. Alors, c'est à leur avantage personnel, parce que leur emploi va être appelé à évoluer, quel qu'il soit, mais, en plus, c'est d'augmenter la capacité ou la probabilité de se trouver un emploi, parce que, dans la vie, sur la relève qui s'en vient, le conseil va faire remarquer que, dans le moment, si le marché du travail se resserre indéniablement au cours des prochaines années, on constate quand même que, quand on descend à un niveau plus fin d'analyse, il y a des secteurs disciplinaires dans lesquels les finissants ont de la difficulté à se trouver un emploi ou sont dans des emplois sous-qualifiés pour eux. Et donc, plus ils seront polyvalents, plus ils seront capables d'aller chercher justement les occasions ou en tout cas les opportunités de travail qui correspondront le mieux possible à leur profil.

En ce qui concerne le processus d'évaluation de la qualité, là, on ne sera pas systématique, mais, dans le moment, il y a vraiment les politiques d'évaluation des programmes qui sont déjà en place et qui sont utilisées. On peut penser qu'ils sont lourds, que c'est peut-être aussi lent, les processus complets d'évaluation des programmes, mais c'est peut-être davantage dans le cadre de ces politiques-là qu'il faut effectivement se donner des critères beaucoup plus fins ou mieux ajustés aux cibles que l'établissement se donne lui-même et des critères davantage orientés justement aux résultats qu'ils obtiennent à travers les finissants qu'ils diplôment.

Il y a aussi évidemment ? mais je pense que c'est M. Lacroix, ce matin, qui mentionnait l'intervention de la CREPUQ en ce qui concerne l'évaluation des politiques institutionnelles d'évaluation des programmes... Il y a sûrement un rôle systématique ou à l'échelle du système à jouer en termes de qualité... à assurer en termes de qualité. À l'échelle internationale, dans le moment, les institutions ou les pays développent des systèmes très élaborés d'assurance de qualité qu'on suit peut-être d'un petit peu trop loin à notre goût, parce que ces programmes-là souhaitent accroître la mobilité et la transparence, la transparence des outils d'évaluation, mais aussi la mobilité des étudiants et des finissants, et ce serait peut-être à l'avantage du Québec de suivre, pour l'ensemble du système, de beaucoup plus près ce qui se passe à l'étranger pour en profiter et peut-être imiter les éléments de ces concepts-là qu'ils développent et qu'on juge pertinents pour le Québec.

Est-ce que quelqu'un veut ajouter quelque chose?

M. Reid: Est-ce que je peux poser encore une petite question?

Le Président (M. Kelley): Oui. Une dernière courte question.

M. Reid: Je veux en profiter...

Le Président (M. Kelley): Ou est-ce qu'il y a un complément de réponse ou...

M. Reid: Oui, c'est un complément. Oui, j'aurai peut-être la chance...

Le Président (M. Kelley): Est-ce qu'il y a un complément de réponse? Comme vous voulez.

M. Poussart (Denis): Bien, je donnerais peut-être simplement comme exemple de cette tendance ce que notre président décrit ici dans le cas des ingénieurs en Amérique du Nord, par exemple. Les recommandations très spécifiques sur la facture des programmes de génie font maintenant valoir comme objectifs absolument essentiels cette polyvalence, cette ouverture vers la capacité d'appréhender des problèmes qui sont a priori mal définis, de travailler dans un contexte multidisciplinaire d'interaction avec d'autres types de spécialistes. Donc, il y a effectivement cette pression internationale pour aller dans ce sens-là. Et c'est déjà très, très présent. Il suffit d'insister pour que ça se fasse encore davantage.

M. Reid: Je peux revenir après?

Le Président (M. Kelley): On va revenir après. Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je vais revenir d'ailleurs sur certaines questions soulevées. Bienvenue. Ça me fait plaisir, au nom de ma formation politique, de vous accueillir à notre commission.

Bon. Je veux revenir sur la question de la formation continue et particulièrement de la formation liée à l'emploi. À la page 6 de votre mémoire, vous nous dites que le conseil croit que les universités devraient augmenter leur niveau d'activité. Bon. Vous aviez un retard marqué en formation continue; les données ne sont pas pour l'instant complètement à jour. Il y a une étude sur la question qui vient. J'ai rencontré, dans la dernière année, beaucoup de représentants d'universités, de collèges aussi, de cégeps. Et ce que je constate ? et peut-être est-ce que je me trompe ? mais j'ai l'impression qu'il y a une très grande préoccupation à l'égard de la formation continue dans toutes les universités en région, mais qu'on la sent moins, cette préoccupation-là ? ou peut-être est-ce la taille des établissements qui fait que ça apparaît moins ou on le mentionne moins, qu'on la sent moins ? dans les universités implantées en milieu métropolitain ou ici, par exemple, dans la Capitale-Nationale et que ça reste une préoccupation très grande de toutes les universités en région. Et est-ce que vous sentez cette différence-là?

Et vous nous dites que donc on devrait augmenter le niveau d'activité des universités. En quel sens? Dans quelle perspective? Et sur la base de quelle évaluation de besoins?

Mme Tremblay (Hélène P.): Alors, pour ce qui est de la sensibilité plus grande des universités en région que des universités métropolitaines, vous me permettrez de vous demander un peu de patience, vous aurez sûrement une excellente raison... une excellente explication par les gens qui nous suivent.

Mme Marois: ...Université du Québec.

Mme Tremblay (Hélène P.): Alors, comme les gens de l'UQ, on n'a pas, je ne pense pas, à moins que des collègues puissent me corriger, on n'a pas de réponse à ça autre que des intuitions personnelles, ce qui ne vaut pas très... qui n'est pas très présent cet après-midi.

Pour ce qui est maintenant de l'importance de la formation continue ou de l'importance qu'on y accorde, dans l'avis sur la relève qui s'en vient, qui n'est pas encore terminé, on va donner le peu de statistiques qu'on a. On plaide moins pour les résultats atteints dans le passé ? on a les données de 1997. On sait que, même pour les travailleurs hautement qualifiés, donc les finissants de D.E.C., les diplômés de D.E.C. et de l'université, que, même s'ils suivent davantage d'activités de formation continue que les diplômés de cycles antérieurs, quand on les compare, je crois, aux autres provinces, on n'a pas à se gargariser de la quantité d'activités qui sont suivies par nos travailleurs hautement qualifiés au Québec.

Mais on n'a pas... on n'a pas de base de données très solide, on l'admet. Il y a une étude très importante qui s'en vient en 2004 et qu'on va tous regarder de très près. On en est plutôt, nous aussi, à l'étape de la prescription, disons. C'est qu'on est obligés de constater que, dans le cadre d'analyse du marché du travail qu'on fait, un des quatre piliers majeurs pour soutenir le resserrement du marché du travail, c'est la formation continue des personnes et qu'il y a là une tâche extrêmement lourde ou extrêmement exigeante, mais nécessaire ou obligatoire.

Si on a moins de personnes disponibles sur le marché du travail en termes généraux sur le long terme, il va falloir qu'on soit beaucoup plus souples pour l'ajustement des personnes qui sont déjà en emploi. Je ne parle même pas des jeunes retraités qu'on voudra rapatrier dans le milieu du travail, mais la formation continue va devenir une exigence pour rester à jour dans les emplois qui sont offerts. C'est pour nous une nécessité, là, incontournable à l'heure actuelle.

Maintenant ? excusez-moi ? pour ce qui est du rôle des universités, on convient même dans le mémoire ? dit très rapidement ? que les universités, en termes de formation continue, n'ont pas le monopole. Il y a aussi les cégeps qui font de la formation continue des travailleurs hautement qualifiés, et une formation qui peut être très adaptée. Puis il y a aussi de plus en plus d'entreprises privées qui se sont développées, notamment, semble-t-il, avec la loi n° 90. 90, c'est ça.

Mme Marois: C'est ça, la loi sur...

Mme Tremblay (Hélène P.): Je ne me trompe pas avec la 95.

Mme Marois: ...le 1 % d'investissement de la masse salariale.

n(14 h 40)n

Mme Tremblay (Hélène P.): Exactement. Alors, avec la loi n° 90, c'est ça, il y a eu beaucoup d'activités qui se sont vraisemblablement développées, mais on est loin... on est assuré que, quand on regarde l'état de la formation continue à l'étranger, il est impossible qu'à sept ans de distance on ait pu atteindre des niveaux de formation comparables avec les pays étrangers. Alors, pour nous, c'est...

Mme Marois: Et donc vous pensez qu'il y a un réel rattrapage à faire de ce côté-là et une adaptation à faire. Je vais poser ma question autrement: Est-ce que vous avez le sentiment que les universités sentent l'urgence de cela?

Mme Tremblay (Hélène P.): On nous dit... Oui. On nous dit en privé... C'est que des anecdotes ne font pas des statistiques, là.

Mme Marois: Ils ne vous écoutent pas derrière, ils ne vous écoutent pas derrière, il y a juste moi qui vous écoute.

Mme Tremblay (Hélène P.): Non, c'est ça. Parce qu'ils vont répondre, vous leur poserez votre question piège. Même si on a un nouveau président à l'UQ...

Mme Marois: Je ne veux pas vous embêter mais, dans le fond, il faut essayer de faire les constats, là.

Mme Tremblay (Hélène P.): On nous dit, dans les universités, qu'il s'en fait déjà beaucoup. Alors... Puis sous toutes les formes. Mais, c'est ça, une anecdote ne fait pas une statistique. On attend les résultats de 2004 parce que, en 1997, ce n'était pas glorieux.

Mme Marois: Et à ce moment-là on sera plus à même de porter un jugement éclairé et donc de faire un certain nombre de recommandations. Je conviens de cela avec vous.

Bon. Je veux revenir sur une question soulevée par le ministre et que vous abordez dans votre mémoire, c'est à la page 7 de votre mémoire, où vous revenez sur la formation des... former les travailleurs du savoir en conséquence des besoins, de leurs propres besoins, des besoins de l'économie du savoir, etc., et vous dites... Et vous avez fait référence tout à l'heure aux compétences transversales. Dans votre document, on dit: «Cette main-d'oeuvre doit être en mesure d'appréhender des systèmes complexes, d'en comprendre les interactions, de participer à des équipes de travail multidisciplinaires...» Bon. J'en passe. On dit: «De tels desiderata sont d'ailleurs invariablement rapportés par les enquêtes réalisées auprès d'employeurs de diplômés récents. D'après leurs patrons, en effet, les diplômés maîtrisent très bien les connaissances techniques de leurs disciplines [...] mais plusieurs habiletés génériques manquent à l'appel.» Et là on fait rappel des compétences transversales aussi qui sont reliées beaucoup au savoir-être, si on veut, et autres savoirs du type de l'expression de la communication: «expression orale et écrite, créativité et imagination, capacité à résoudre des problèmes complexes...»

Est-ce que vous pouvez constater ou vous avez le sentiment ou l'impression qu'à partir des réformes engagées, parce qu'il y a deux réformes majeures qui ont été engagées, une, d'une part, aux niveaux primaire et secondaire, une autre au collégial qui, elle, a été engagée au début des années quatre-vingt-dix, quatre-vingt-treize, quatre-vingt-quatorze, qu'on se prépare à corriger ou que cela va aider à corriger cette situation qui est constatée dans toutes les enquêtes de relance effectivement qui sont faites auprès des employeurs? C'est vrai aux niveaux professionnel et technique, c'est vrai au niveau collégial, et là dans le fond vous nous dites que c'est même vrai au niveau universitaire.

Mme Tremblay (Hélène P.): Pour le collégial, je ne serais pas placée pour répondre à votre question. Par ailleurs, pour les niveaux primaire et secondaire, une réponse au moins partielle est possible, puisqu'on aborde la question dans le rapport de conjoncture sur la culture scientifique et technique qui s'en vient. Il faudrait quand même, en préambule, que je vous dise que les cibles ou les attentes sociales en ce qui concerne les profils de sortie, disons, des jeunes à la fin du secondaire ont déjà beaucoup changé. Et les exigences en termes de formation en science et technologie au sens sciences sociales et humaines et sciences pures appliquées, etc., pas juste sciences pures et appliquées, mais en termes d'exigences vont devenir incontournables quel que soit l'emploi auquel le finissant du secondaire se destine. Alors, nos cibles changent, il faudra se le rappeler.

Mais, dans le cadre du rapport de conjoncture, on a même fait des consultations auprès des milieux concernés et on a conclu que la réforme, à nos yeux ? puis là il va falloir que je fasse une phrase assez longue, là, avec un point virgule entre les deux ? la réforme, on la croit bien engagée en théorie. L'approche par problème interdisciplinaire, l'approche proche des milieux, proche des préoccupations des jeunes, on pense qu'elle est bien conçue.

Une des craintes qu'on a ? et si vraiment le sujet vous intéresse, vous m'inviterez à parler du rapport de conjoncture qui s'en vient parce qu'on aborde ce sujet-là de façon assez élaborée ? mais une des craintes qui s'en vient, c'est quelle est la formation des maîtres pour être capables de donner vraiment, dans le cadre de projets qui se veulent intégrateurs, une formation vraiment de qualité en ce qui concerne la science et la technologie. Et là la préoccupation est davantage peut-être science et technologie au sens antérieur du terme sciences pures et appliquées. Et là, ça, c'est une question majeure, et donc la réforme dans ses intentions, on l'appuie, disons, mais, dans la réalité, il va falloir la suivre de très près parce qu'on n'est pas sûrs que le résultat va être au bout de l'exercice.

Mme Marois: D'accord. Merci. Pour l'instant, ça va.

Le Président (M. Kelley): Merci. M. le ministre.

M. Reid: J'aimerais revenir un peu, si vous me permettez, M. le Président, à la question de la formation continue. C'est assez intéressant de voir une suggestion de mettre à contribution l'étudiant et son employeur, après avoir dit évidemment que la formation continue n'est plus un luxe limité... réservé aux élites, si j'ai bien noté vos propos.

Les universités, elles-mêmes, semblent croire que la croissance de la fréquentation universitaire va être très importante et qu'une partie qui explique cette croissance, c'est la formation continue. Je pense qu'il y a beaucoup d'indicateurs dans ce sens-là. Cette formation continue va donc ainsi probablement apporter une pression considérable sur les finances universitaires mais sur les finances publiques si cette croissance est financée, selon les politiques actuelles, à 100 % des coûts historiques.

Il existe déjà, dans certains cas, des ententes entre des employeurs et des universités pour faire des cohortes particulières, mais je n'ai jamais entendu, pour ma part, parler d'une politique plus générale où un étudiant qui veut s'inscrire à un cours, qui n'est pas uniquement un cours contracté en quelque sorte avec une entreprise, doive payer plus parce qu'on a un gel des droits de scolarité ou encore qu'on demande à son employeur de payer plus, à moins qu'on sorte complètement du système de financement par l'État.

Est-ce que, là-dessus, vous avez eu l'occasion d'élaborer un peu plus sur cette question de droits de scolarité différenciés, de la réceptivité également? Parce que c'est la première fois qu'on en parle à la commission, bien sûr. Est-ce que vous avez eu la possibilité de ramasser un peu d'informations là-dessus ou de réfléchir sur cette question-là?

Mme Tremblay (Hélène P.): Bien sincèrement, non. À moins que des collègues, encore là, me contredisent et veuillent y apporter des précisions. C'est beaucoup plus une approche théorique ou, disons, basée sur un certain nombre de principes qui justifient la conclusion à laquelle on arrive.

D'une part, on pourrait voir en formation continue que les universités, en partie, peuvent jouer un rôle supplétif par rapport à l'ensemble des entreprises privées ? disons-le ? qui se développent pour offrir des services qui peuvent, à certaines occasions, être aussi valables, même si on insiste pour dire que les universités sont extrêmement bien outillées pour donner la formation continue en termes d'équipements, en termes de ressources humaines évidemment, etc., en termes d'accessibilité.

Mais le principe a été évoqué d'ailleurs ce matin, c'est le principe du rendement, privé ou public, de la formation. Et dans la mesure où il est indéniable que rendu... On parle bien de formation liée à l'emploi. Et la difficulté sera de mettre en oeuvre ce principe-là, parce que ce n'est pas toujours facile à couper au couteau. L'adulte qui rentre... qui vient à l'université, revient-il pour une formation continue en emploi ou une formation personnelle? Ça prend... Ça va presque prendre, là, à la limite, une gestion individualisée des cas. Mais le principe nous permet effectivement de dire qu'il est indéniable qu'un employé qui arrive en milieu de travail... Surtout quand ce sont des ententes entre employeurs et universités, le code est assez clair. Le rendement est davantage privé à la fois pour l'employé mais aussi pour l'employeur.

J'en profite pour dire... On insiste aussi pour développer, comme on commence à le faire d'ailleurs avec Emploi-Québec, tout le système de reconnaissance des acquis, parce qu'il va falloir aussi stimuler les employés à s'engager davantage dans les exercices de formation continue. On ne peut pas dire... Ce n'est pas toujours l'enthousiasme. Il y a beaucoup de barrières personnelles. D'ailleurs, ne serait-ce que pour les femmes qui ont des familles, là, il y a des barrières. Mais il y a aussi des barrières à l'emploi pour retourner en formation continue. Et donc, en tout cas, il va falloir regarder aussi ces éléments-là, cela va de soi, là.

M. Reid: Bon. En fait, la dernière question amenait un peu une question sur les droits de scolarité différenciés pour un cas particulier. Vous avez, tout à l'heure, dit que vous seriez peut-être disposés à parler de suggestions ou de paramètres concernant les discussions... qui résultent des discussions que vous avez eues, où vous étiez à moitié pour, moitié contre le gel des droits de scolarité.

Mme Tremblay (Hélène P.): De dire qu'on va vous offrir des paramètres, non. Peut-être que le mieux que nous ferons dans le fond, c'est de résumer la réflexion qui a cours actuellement, du moins une partie de la réflexion, en la traduisant en un certain nombre de variables. Et donc, quand on parle de formation... de frais de scolarité, d'une part, on constate comme vous que la corrélation entre les frais de scolarité et l'accessibilité n'est pas parfaite. On comprend bien que, par exemple, en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick, en Ontario, les frais de scolarité sont supérieurs, et pourtant l'accessibilité aussi est supérieure. En France, les frais de scolarité sont nuls, et pourtant l'accessibilité est inférieure qu'aux États-Unis où les frais de scolarité peuvent facilement dépasser 10 000 $US. Sauf que, là, si vous êtes intéressés, on a des données pour montrer qu'aux États-Unis, à l'intérieur des États... entre les universités, il y a une très, très grande diversité des frais de scolarité, et il y a des États... ou des universités où les frais de scolarité ne sont pas supérieurs à ceux du Québec.

n(14 h 50)n

Cela étant dit... par conséquent, c'est-à-dire, plutôt, c'est que l'accessibilité ne dépend pas seulement des frais de scolarité, cela va de soi. Il faut regarder un certain nombre de variables de façon intégrée, à savoir aussi la générosité des programmes de prêts et bourses, je ne vous apprends rien, mais aussi le climat socioculturel d'une société donnée à un moment donné de son histoire, l'importance, par exemple, qu'une société donne ou la renommée qu'elle accorde, la réputation qu'elle accorde à ses diplômés, à ses travailleurs hautement qualifiés.

Cela étant dit, on constate, à l'inverse... comme ancienne économiste, je vais prendre une expression d'économie en disant, par contre, que la demande de formation universitaire n'est absolument pas inélastique au prix. Il est très clair que, si les frais de scolarité augmentent, on ne peut pas prétendre que ça n'aura pas d'impact sur les étudiants, et donc c'est pour ça qu'on conclut, comme conseil, qu'il faut être très prudent. Et ce sur quoi le conseil insiste, c'est qu'une fois que les cibles sont acceptées, comme la cible du taux d'obtention du bac au Québec, quand on se dit qu'on devrait atteindre 30 % d'ici 2010, il faut faire en sorte que, quels que soient les moyens qu'on utilise, il faut atteindre la cible parce que ça devient une nécessité sociale.

Et on peut dire aussi... J'en profite parce que je pensais qu'on parlerait beaucoup de recherche, à cause de la mission du conseil. Au doctorat, on devrait suggérer une cible de 1,3 %, parce que le MEQ ne fournit pas de cible, à notre connaissance, au doctorat ni à la maîtrise. Et pourquoi le 1,3 %? On se dit que c'est une cible souhaitable. C'est un choix de société. C'est le niveau d'obtention de diplôme qu'atteignent actuellement les États-Unis. C'est à cause aussi de l'effet de structuration de la réalité économique et sociale qu'entraîne un nombre élevé de diplômés universitaires, de diplômés du doctorat. Mais, encore là, on dit que c'est une cible réaliste, d'ici 2010, à la condition qu'on poursuive de façon agressive dans l'engagement qui a été pris de soutenir la recherche et le développement, et donc l'innovation, ce qui est à l'avantage de la société québécoise.

M. Julien (Pierre-André): Je poursuis sur la formation continue en faisant le lien avec la recherche. Je suppose que, dans cette idée de formation continue, vous commencez à penser déjà que ce n'est pas la formation continue traditionnelle où quelqu'un arrête de travailler, va à l'université et retourne. Le rapport Gibbons pour l'UNESCO montre que la formation continue va être de plus en plus continue, en continu, c'est-à-dire sans arrêt, tout en travaillant, et ça fait partie... Et là, quand on parle de frais de scolarité, on ne sait plus qu'est-ce que ça veut dire parce qu'il n'y a pas d'arrêt pour étudier. Il y a une osmose qui va se faire graduellement entre les centres de recherche, la formation aux deuxième et troisième cycles et la réalité de la société, donc une intégration jusqu'à un certain point.

On ne sait pas, encore une fois, comment ça va... Il va y avoir plusieurs formes de formations continues, mais ça peut être quelque chose entre une intégration de l'université dans la réalité, dans la société, avec des liens d'étudiant et d'employé, et pas uniquement au point de vue affaire. Ça peut être dans des théâtres. Ça peut être des troupes de théâtre qui en même temps sont reliées à l'université avec une faculté d'art, et une intégration entre les étudiants et le théâtre ou le développement d'autres formes artistiques. Alors, à ce moment-là, on ne sait pas.

Dans le cas des coûts, on sait normalement quand ça commence, quand ça finit. Là, on s'en va dans quelque chose où on ne saura pas quand ça va commencer, quand ça va se terminer, et si ça va être de la recherche ou de l'enseignement ou quelque chose d'absolument... ou quelque chose d'intégré, et le rapport Gibbons nous dit, lui, que ça va être complètement intégré, et c'est le défi des 10 prochaines années.

Donc, il faut se poser la question de façon beaucoup plus large: comment, lorsqu'on parle de frais de scolarité ou d'autres coûts, faire face à quelque chose qui devient flou, qui devient des projets, là? Quand on vient à l'école primaire ou secondaire, le développement de la pensée par projet, ça va être un système comme ça au niveau universitaire.

Et là les régions... Dans les grandes villes, probablement que les ressources vont être suffisantes pour rencontrer ces défis-là, mais, dans les régions, il va falloir faire des efforts particuliers pour que les régions ne prennent pas trop de retard par rapport à ces changements entre enseignement, recherche et développement de la société.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Julien. Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Oui, merci, M. le Président. Je pense que c'est un débat particulièrement intéressant parce que c'est une réalité dans laquelle on est déjà, hein, on en convient. Vous qui travaillez, entre autres, au niveau des petites et moyennes entreprises, vous le savez, comment il est nécessaire que les gens viennent chercher des connaissances, les confrontent dans leur milieu de travail, etc.

Dans votre document, à la page 10, vous faites référence à l'effort relatif plus grand au Québec qu'aux États-Unis et dans le reste du Canada du partenariat en termes de recherche avec le privé. Les gens souvent ignorent ça, pensant que, chez notre grand voisin, c'est plutôt l'inverse. Évidemment, tout est relatif, là, et puis c'est des proportions, mais on dit que la recherche universitaire en partenariat représente donc par rapport au PIB un effort relatif beaucoup plus considérable au Québec que dans le reste du Canada, en Ontario et aux États-Unis. Alors, c'est intéressant de soulever cela.

Et vous abordez ensuite, et vous l'avez fait dans votre présentation aussi, que le financement privé de la recherche ne bénéficie pas de façon égale à toutes les disciplines. Ainsi, la part de la recherche universitaire financée par les entreprises s'élève aujourd'hui au Québec à 19,5 % en sciences naturelles, 7,9 % en sciences sociales. Puisque la part du financement fédéral alloué au Québec est un peu plus forte en sciences naturelles qu'en sciences sociales, c'est l'administration provinciale qui prend ici la relève. Donc, nous finançons 28,1 % de la recherche en sciences sociales, en 2001, contre 18,2 % en sciences naturelles.

Comment faire en sorte que des institutions autres que le gouvernement ? parce que je pense que ça viendra sans doute d'institutions ? puissent se sentir interpellées et concernées par la recherche en sciences sociales et décident d'y investir? Vous faisiez référence aux municipalités tout à l'heure. Est-ce qu'il y a d'autres institutions qui pourraient contribuer ou est-ce qu'il y a d'autres avenues à privilégier? Parce que les sciences sociales ne peuvent pas demeurer le parent pauvre de la recherche. On sait comment les comportements dans une société, la culture, c'est probablement parfois... enfin pas toujours, mais parfois beaucoup plus fondamental que les sciences appliquées, alors... et puis, de ce côté-là, on a encore un bout de chemin à faire.

Mme Tremblay (Hélène P.): Je voudrais quand même pouvoir signaler au préalable que les fonds subventionnaires jouent un rôle stratégique par rapport à l'intention ou au résultat recherché.

En ce qui concerne d'autres institutions, on pourrait au moins parler de façon assez compétente, je dirais, de l'environnement propre aux municipalités. Et donc les municipalités sont un très bel exemple d'organisations qui peuvent être à la fois l'objet ou le producteur plutôt d'innovations à la fois technologiques, sociales et culturelles.

Or, je dirais qu'il y a en partie une question de culture. Pour investir, il faut être convaincu que c'est important pour l'avenir ou pour relever les défis qui sont les leurs, et donc ça suppose qu'il y a un travail de sarpe, j'allais dire, mais un travail qui exige beaucoup de persévérance au sein des municipalités seules et en groupe, collectivement, à travers leurs associations, et toutes leurs associations: les associations politiques, les associations de cadres supérieurs, les associations professionnelles, qu'il y a vraiment un travail collectif pour les sensibiliser.

Et donc, c'est sûr que les municipalités vont sûrement parler de budget nécessaire pour le financement de ces recherches-là, mais il y a aussi une capacité interne d'en faire davantage, ne serait-ce qu'en vertu du nombre élevé de travailleurs hautement qualifiés qui sont à l'intérieur des municipalités. Les innovations dans le secteur des services ne viennent pas d'une équipe qui est située dans un laboratoire particulier. C'est tout à fait transversal à l'ensemble, je dirais, règle générale, des gens hautement qualifiés au sein de l'organisation. Et donc les municipalités en ont beaucoup, de travailleurs hautement qualifiés. Il pourrait y avoir de très belles collaborations pour investir davantage dans la recherche sociale.

Mais j'ajouterai qu'il ne faut pas non plus exclure les entreprises commerciales, puisque l'innovation sociale, on le dit maintenant, comprend également ou est très proche de l'innovation organisationnelle. Et un constat qui est fait dans beaucoup de secteurs industriels actuellement, ce n'est peut-être pas seulement l'innovation technologique qui est l'enjeu des prochaines années, c'est l'innovation organisationnelle. Et donc les sciences sociales et humaines ont un rôle stratégique à jouer aussi dans le secteur commercial pour les aider à traverser les défis qui leur sont propres.

n(15 heures)n

M. Nicolas (Jean): J'aimerais rajouter un mot sur ces questions d'innovations scientifiques, technologiques, d'innovations sociales organisationnelles. J'aimerais, pour revenir sur la qualité, souligner qu'il y a une troisième dimension à l'innovation, qui est extrêmement importante, qui est celle de l'innovation dans la formation, et on en parle peu, on n'en parle jamais. Et, si vous êtes, par exemple, actuellement un chercheur ou un professeur qui cherche à innover dans la formation et que concrètement il essaie de trouver de l'aide quelque part, il se tourne vers leurs organismes de recherche qui lui disent: Ce n'est pas notre rôle. Il se tourne vers le ministère de l'Éducation qui dit: Nous n'avons pas de fonds pour ça. Et il fait quoi? Et je pense que, si on veut améliorer la qualité de la formation puis donner des incitatifs, et donner de l'émulation, il va falloir penser à trouver, par des moyens appropriés, à lancer de l'innovation en formation. Et regardez également ce qui se passe dans d'autres pays, vous allez voir, cette dimension innovation de la formation est très, très présente. Si la connaissance est si importante, la façon d'acquérir le savoir, le savoir agir, le savoir interagir, il faut la travailler et il faut effectivement se donner les moyens de le faire. Alors, concrètement, je pense que tout support à l'innovation dans la formation, et pas juste à l'innovation scientifique ou l'innovation sociale, serait la bienvenue. Opinion plus personnelle...

Le Président (M. Kelley): Merci, M. Nicolas.

Mme Tremblay (Hélène P.): Mais partagée par les membres de son conseil.

Le Président (M. Kelley): Alors, M. Nicolas et Mme Tremblay sont sur la même longueur d'onde sur cette question. Mme la députée de Champlain.

Mme Champagne: ...deux minutes?

Le Président (M. Kelley): Oui, deux minutes.

Mme Champagne: Écoutez, pour aller un peu dans le sens de la formation et du retour un peu vers les plus jeunes, est-ce que le conseil est très près dans ses pensées d'une approche de recherche, que ce soit en sciences, en technologie ou autrement, face aux tout-petits de primaire, secondaire, collégial, universitaire, cette espèce de lien là que j'ai toujours de la difficulté à voir et à saisir? Je me dis toujours que, si le lien ne se fait pas à la base, on échappe quelque chose. Alors, est-ce que le conseil s'est penché, par des études ou autrement, sur l'importance de créer ces liens-là rapidement, immédiatement? Et, si c'est le cas, est-ce que ça se fait déjà?

Le Président (M. Kelley): Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Hélène P.): Vous parlez de liens...

Mme Champagne: De liens... Je regarde les profs d'université qui font justement du travail de recherche dans leurs fonctions auprès du niveau primaire, niveau secondaire, niveau collégial. On entend beaucoup parler au niveau collégial, le lien est comme naturel. Quand on regarde le niveau du primaire, il y a un travail à faire là au niveau social. Je trouve qu'il y a un travail énorme à faire là. C'est peut-être là qu'on perd les étudiants qu'on pourrait déjà récupérer, parce que ce sont des enfants intelligents, mais l'intérêt n'a jamais été élevé ou sollicité.

Mme Tremblay (Hélène P.): On pourrait... Les membres de mon conseil vous diraient que ça fait plusieurs réunions où ils me demandent qu'on puisse prioriser un sujet de recherche sur le thème que vous proposez, mais je ferais remarquer que le Conseil supérieur de l'éducation ? M. Proulx est passé ce matin ? ils sont en train de faire un avis sur la recherche dans le secteur... sur la recherche universitaire, mais utile au milieu de l'éducation, et donc pourrait combler un certain nombre de vos objets de préoccupation ou de votre curiosité.

Cela étant dit, par contre, le conseil, on a fait, dans le cadre du rapport de conjoncture et des études préalables... on s'est penché davantage sur la question de la formation à la science et à la technologie. Et là, nous, on a beaucoup insisté sur... ou on va insister, là ? il n'est pas encore paru, le rapport en question ? on va beaucoup insister sur l'importance de l'intérêt et... bon, du début des connaissances, là, mais des intérêts des jeunes, notamment au primaire et ensuite au secondaire en ce qui concerne les sciences et la technologie.

Le Président (M. Kelley): Ça va. Merci beaucoup, Mme Tremblay. Merci pour la qualité du mémoire et la façon que vous avez de mettre en évidence le nouveau contexte pour les enjeux de nos universités et de la recherche. Alors, sur ça, j'invite maintenant les représentants de l'Université du Québec à prendre place.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Kelley): ...les membres de la commission de prendre place, s'il vous plaît.

Alors, un mot de bienvenue aux représentants de l'Université du Québec. Et rebonjour à M. Moreau qui était parmi nous ce matin sous un autre chapeau. Alors, la parole est à vous, M. Moreau.

Université du Québec (UQ)

M. Moreau (Pierre): Alors, merci beaucoup. Merci de nous accueillir. Je suis là pour vous parler du mémoire de la direction de l'Université du Québec. C'est une direction qui est toute légère. Elle a un président évidemment, deux vice-présidents et un secrétaire général. Alors, j'ai, à ma droite, M. Michel Quimper, qui est secrétaire général et, à ma gauche, Jacques Plamondon, qui occupe le poste de vice-président à l'administration. J'occupais, jusqu'à mercredi dernier, le poste de vice-président à l'enseignement et recherche. Alors, le poste est à combler maintenant.

Je veux vous dire aussi, en remarques préliminaires, que ça ne fait pas très longtemps que je suis président, comme vous devinez, et pas très longtemps que je suis à l'Université du Québec. Ça fait un an et demi que je suis dans cette institution, et j'ai encore un regard externe à cette université même si, après y avoir passé un an et demi en enseignement et en recherche, dans le coeur de la mission, je dirais, j'ai aussi compris le fonctionnement détaillé de cette université. Mais c'est ce regard un peu externe et ce mélange que je voudrais partager avec vous.

Le plan de notre présentation est très simple. Le fil conducteur sera notre mission. Je voudrais vous parler de notre mission et de l'impact qu'elle a par rapport aux préoccupations de cette commission. Je vais vous parler de notre mission en réseau, je vais vous parler de notre mission d'accessibilité, notre mission de réussite, notre mission aussi de développement de tout le Québec et, à la fin, je vais vous parler de notre responsabilité face à notre mission.

Alors, tout d'abord, notre mission. Il y a quelques éléments qui, je pense, valent la peine d'être soulevés. D'abord, l'Université du Québec a un statut un peu unique, elle est la seule université au Québec à avoir été créée par l'État québécois. Elle émane d'une loi de l'Assemblée nationale, et, par ce fait-là, l'Assemblée nationale lui a confié cette mission. Cette mission nous vient de l'Assemblée nationale.

Une mission, d'abord, d'accessibilité, et ce n'est pas étonnant que vous allez m'entendre en parler. Vous ne serez pas étonnés non plus de savoir que cette mission-là nous apporte des valeurs, des valeurs de lutte à l'exclusion, par exemple, et que cela est très important pour nous et dans notre comportement en tant qu'université. Et, aujourd'hui, après avoir reçu cette mission de l'État québécois, je voudrais vous dire que 70 % de nos étudiants à l'Université du Québec sont des étudiants de première génération, c'est-à-dire des étudiants qui... ni le père ni la mère n'ont fait des études universitaires, et on sait que c'est plus difficile, aller intéresser ces gens à venir faire des études à l'université.

L'État québécois nous a aussi donné une mission de formation des maîtres pour l'ensemble du territoire, et c'est inscrit dans la loi.

n(15 h 10)n

L'État québécois nous a donné une mission de développement scientifique du Québec, et aujourd'hui l'Université du Québec se classe 12e au Canada pour ses activités de recherche. Je vous rappelle qu'on a 35 ans. J'ai remarqué, ce matin, que le Conseil supérieur avait été créé avant nous. Donc, on est une jeune université, et déjà nous occupons le 12e rang au Canada, et le tout premier pour les universités qui n'ont pas de faculté de médecine, là où il y a énormément d'activités de recherche. Alors, sans faculté de médecine, nous sommes les premiers au Canada.

Le gouvernement nous a aussi donné une mission de présence active sur tout le territoire et de développement des régions. Et, aujourd'hui, nous occupons... nous avons des centres de formation... des universités et des centres de formation dans 54 villes et municipalités au Québec. Et pour mes collègues des autres universités qui ont quelques centres de formation hors campus... ils vont comprendre la logique qu'il y a derrière, et la logistique qu'il y a derrière cette organisation, et les ressources que ça demande pour pouvoir être accessible avec tous ces centres de formation hors campus.

Notre mission ? et notre université aussi ? est unique dans le sens qu'on nous a confié cette mission, à un réseau d'établissements, un réseau qui fait l'envie de plusieurs, surtout ces jours-ci, puisque je pense que vous voyez facilement l'atout formidable que ça peut être d'être constitué en réseau en 2004, la façon de mettre les choses ensemble pour s'acquitter de notre mission, et vous pouvez compter sur nous pour défendre ce réseau farouchement.

Le réseau est constitué de six établissements à vocation générale, et j'ai envie de vous faire faire un petit tour du Québec. Si vous regardez la page couverture de notre mémoire, vous allez les suivre avec moi: à Montréal, on retrouve l'Université du Québec à Montréal; à Gatineau, l'UQO, l'Université du Québec en Outaouais; à Rouyn-Noranda, l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue; Trois-Rivières, l'UQTR; nous retrouvons aussi, à Chicoutimi, l'UQAC, l'Université du Québec à Chicoutimi; et, à Rimouski, l'UQAR, l'Université du Québec à Rimouski.

Il y a, dans notre réseau, trois écoles supérieures: à Québec, on retrouve l'ENAP, l'École nationale d'administration publique, la Télé-université; et, à Montréal, on retrouve l'ETS, l'École de technologie supérieure. Dans les deux villes, on retrouve aussi notre Institut national de recherche scientifique, l'INRS, qui est à la fois à Québec, à la fois à Montréal, tout comme l'ENAP d'ailleurs, et la TELUQ qui sont très présents à Montréal.

Ce réseau de l'Université du Québec a 78 000 étudiants. Ça fait de notre université la plus grande au Canada. Dommage que mon collègue Robert Lacroix soit déjà parti, mais je voulais lui faire cette blague: En parlant de la plus grande université au Canada, évidemment je parle en taille. Il y a 375 000 diplômés de l'Université du Québec qui sont dans notre société. Il y a 5 500 enseignants chez nous, dont 2 200 qui sont professeurs. Voilà pour qui nous sommes.

J'aborde maintenant notre mission d'accessibilité. C'est au coeur de cette commission parlementaire. On est très heureux de pouvoir vous en parler parce que, je pense ? et c'est toujours ce regard un peu externe encore ? l'Université du Québec est la championne de l'accessibilité au Québec. C'est grâce à elle que plusieurs maintenant ont eu accès à une formation universitaire, et je veux vous l'illustrer très rapidement.

L'Université du Québec a créé son École de technologie supérieure, qui était la seule à pouvoir donner accès à des détenteurs de D.E.C. techniques à des études universitaires. Avant cette École de technologie, les détenteurs de D.E.C. techniques n'avaient pas accès sans faire un long détour, par revenir à la formation générale au collège pour pouvoir enfin accéder à l'université. Aujourd'hui, l'ETS est l'école de génie qui a la plus forte progression.

Elle a été vraiment à l'avant-garde, l'Université du Québec, lorsqu'elle a créé la Télé-université et qu'elle s'est préoccupée du télé-enseignement, toujours dans cette mission d'accessibilité. Et, aujourd'hui, des dizaines de milliers de personnes ont terminé des études universitaires grâce à la Télé-université.

Elle s'est donné plusieurs D.E.C.-bacs pour mieux arrimer et mieux accueillir les finissants des D.E.C., techniques surtout, avec les programmes de baccalauréat de l'université.

Elle partage entre elles une cinquantaine de programmes pour les rendre accessibles dans les autres établissements qui sont répandus sur le territoire québécois. Elle reconnaît avec beaucoup d'ouverture les acquis et donc améliore l'accessibilité en entrant chez elle des gens qui ont passé par un autre cheminement que le cheminement classique. Et, je vous le répète, elle entretient 54 centres de formation hors campus. Ils sont répartis partout sur le territoire.

Elle est aussi très accessible au niveau du deuxième et troisième cycles, des cycles supérieurs, et c'est très important. Il y a environ 10 000 étudiants, un petit peu moins de 10 000 étudiants, aux cycles supérieurs à l'Université du Québec, dont la moitié sont dans les régions. Et, quand on sait le taux de succès qu'on a de retenir les gens quand ils ont étudié ? et là on est aux deuxième, troisième cycles ? dans les régions, ce n'est pas banal que de les voir dans cette région.

Alors, l'Université du Québec, je pense ? j'espère vous convaincre ? au niveau de l'accessibilité, est très active, mais sa situation devient très précaire, et c'est là le message principal que je veux vous passer aujourd'hui. Elle a absolument besoin d'un réinvestissement pour lui permettre de poursuivre le développement de son corps professoral. L'Université du Québec, quand on parlait plus tôt, ce matin, des coupures dans les années quatre-vingt-dix... Elle avait 20 ans. Elle était en pleine construction de son corps professoral. Il n'était pas complètement formé encore, et là sont arrivées les vagues de coupures. Et, comme les autres, elle a dû plier la tête et traîner une charge un peu plus lourde, mais elle l'a fait. Mais là, aujourd'hui, c'est très important de pouvoir réinvestir pour qu'elle se remette à constituer son corps professoral.

Elle a aujourd'hui 55 % de ses cours qui sont donnés par des chargés de cours. Donc, vous voyez l'urgence de donner maintenant les moyens de construire son corps professoral. Et ce n'est pas tout que d'engager des professeurs, il faut les soutenir. Ils ont besoin d'un laboratoire souvent éclairé, chauffé de préférence. Ils ont besoin de gens pour les aider à entretenir leur équipement. Ils ont besoin de toute une infrastructure. Et donc avec ces professeurs viennent aussi toutes les charges pour l'université.

Pour qu'elle demeure accessible, pour qu'elle continue à mettre sur pied des programmes très innovateurs, pour développer ses créneaux de recherche ? et on en a parlé plus tôt ? l'Université du Québec a absolument besoin d'un investissement pour développer son corps professoral. La CREPUQ parle de 375 millions, vous l'avez entendu ce matin. Nous souscrivons tout à fait à cela, et cela représente pour nous à peu près 90 millions d'investissements qui sont nécessaires.

J'enchaîne sur notre mission de réussite parce que je veux vous faire voir que, pour nous, la mission d'accessibilité, nous nous en acquittons, mais nous avons à coeur aussi, après les avoir acceptés chez nous, ces étudiants, de les faire réussir. Et donc nous parlons chez nous maintenant d'accès non plus à l'université, mais d'accès au diplôme. Et, pour pouvoir les aider à accéder au diplôme, il est important pour nous de bien comprendre le profil de notre clientèle. Si on veut intervenir de façon pertinente, les amener à obtenir leur diplôme, nous cherchons à bien les connaître. On a investi pas mal de ressources pour bien connaître nos étudiants, et je veux vous faire voir un peu le profil de la clientèle étudiante à l'Université du Québec.

Je vous l'ai dit en tout début de présentation, 70 % de nos étudiants sont de première génération. 45 % sont à temps partiel, par rapport à 30 % dans l'ensemble du réseau québécois, et ça, ça implique toute une organisation pour accueillir ces étudiants, ces étudiantes à temps partiel: les horaires des cours le soir, la disponibilité, tout cela qui est impliqué. 65 % de nos étudiants cumulent travail et études, et, de ce 65 % là, 85 % travaillent plus de 15 heures par semaine. Et ça, toutes les études sont unanimes là-dessus, il y a facteur très élevé de risque de réussite pour les étudiants qui ont une charge de travail aussi importante. On déploie des efforts importants pour amener nos étudiants à compléter leur diplôme. Là-dessus, nos taux de diplomation se comparent à l'ensemble du territoire québécois. C'est pour ça qu'il est très important pour nous ? c'est ce cri d'alarme qu'on vient vous lancer ? d'avoir ce réinvestissement qui est réclamé par toutes les universités.

n(15 h 20)n

Mais vous avez posé la question ce matin: Où prendre l'argent qu'on a besoin? Nous ne voulions pas éviter la question. Là-dessus, nos idées sont claires: compte tenu de notre mission, compte tenu du profil de notre clientèle, compte tenu de nos étudiants, nous appuyons la position du gouvernement sur les frais de scolarité. Une augmentation aurait un effet négatif sur notre clientèle. Je sais qu'il y a plein d'études ? et vous êtes au courant, on vous alimente ? où on fait le lien entre les frais de scolarité, les taux... la hausse des frais de scolarité et le taux de réussite. Nous, nous avons aussi des études et, sur nos clientèles, nous vous lançons aussi un cri d'alarme: Attention, nous croyons que cela aura un effet négatif sur notre clientèle. 40 % de notre clientèle provient de milieux qu'on dit à faibles revenus. 25 % se déclarent en situation financière précaire à l'arrivée à l'université, et je pense qu'il faut être très prudent de ce côté.

La mission maintenant de développement du territoire et de tout le Québec. Ici, le troisième message que je veux vous passer, c'est que l'État québécois a donné à toute l'Université du Québec la mission de développer le territoire québécois. Alors, quand on regarde... Prenons, par exemple, l'Université du Québec à Rimouski, qui travaille dans l'Est du Québec. Elle n'est pas seule ? c'est l'idée que je veux vous faire comprendre ? il y a neuf autres établissements derrière l'Université du Québec à Rimouski qui fournissent des programmes, qui font de la recherche et qui alimentent cette université pour qu'elle puisse bien jouer son rôle dans l'Est du Québec. Donc, cette mission est donnée à tout le réseau.

Et, pour vous faire bien comprendre cet élément-là, si vous regardez toutes les villes qui ont des universités au Québec, il n'y a qu'à Sherbrooke où l'Université du Québec n'est pas présente. Partout ailleurs, elle est là. Et, si vous excluez Montréal, où on est très présent avec l'UQAM, avec l'ETS, avec l'INRS, vous excluez Québec, où on a la TELUQ, l'ENAP, et Sherbrooke, partout ailleurs il n'y a que l'Université du Québec. Donc, c'est vraiment une mission qui a été donnée pour l'ensemble du territoire québécois.

Et là, à moins de vouloir ratatiner le Québec, c'est très important d'investir dans l'Université du Québec, parce que, là, vous investissez forcément dans toutes ces régions. Et j'ai sorti mon crayon pour vous faire voir un petit principe très simple, c'est l'effet de levier. Quand on cherche à lever une charge, vous savez, on a un point d'appui, bien, à l'Université du Québec, là vous êtes directement dans chacune des régions du territoire québécois pour pouvoir avoir cet effet de levier.

Cet investissement, qui est important pour nous, va nous permettre, aux établissements ? c'est une notion qui est très importante ? d'avoir un éventail de programmes de formation qui couvrent la base. Il faut préserver cela dans chacune des régions où nous sommes. Tout en même temps, dans certains domaines, que nos établissements soient les premières références, cela aussi, c'est important, et ils le sont.

En conclusion, maintenant, je veux terminer en vous disant que l'Université du Québec est aussi responsable de sa mission. Et elle est une université en bonne et due forme, cette université. Même si elle est constituée en réseau, c'est une université à part entière qui est maître de sa destinée. Et elle est imputable aussi, et c'est pour ça qu'elle est responsable. Et c'est très important de la laisser continuer à faire son développement comme elle l'entend.

Elle est interpellée de toutes parts ces jours-ci, et c'est pour ça que j'insiste pour vous le dire: elle doit être à la maîtrise d'oeuvre de son développement. Elle est très ouverte à écouter toute proposition pour qu'on puisse améliorer notre façon d'enseigner et l'enseignement supérieur au Québec, mais elle est prête à discuter de l'enseignement supérieur de tout le système québécois. On ne laissera pas singulariser l'Université du Québec. Elle est une université comme les autres. Et regardez comment elle s'est acquittée de sa mission jusqu'à maintenant ? j'espère que j'ai pu vous le faire réaliser ? elle a eu un formidable développement depuis 35 ans. C'est une université qui est dynamique, c'est une université qui a le vent dans les voiles. Il faut la laisser faire, et je suis convaincu qu'elle sera à la hauteur des aspirations des Québécoises et des Québécois. Merci beaucoup.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Moreau, pour votre présentation. La parole est à vous, M. le ministre.

M. Reid: Merci beaucoup. Bienvenue au président et au vice-président de l'Université du Québec. Et félicitations, M. Moreau, pour votre toute récente nomination à la présidence.

Vous parlez, dans votre mémoire, de reconnaître, de la part du gouvernement, le rôle des universités dans le développement régional, sous-entendu évidemment que beaucoup de composantes de l'Université du Québec ont un rôle crucial. Parfois, ce sont les uniques... comme vous venez de dire, les uniques universités à proximité.

Quand on dit reconnaître, évidemment on pense tout de suite reconnaissance par des financements particuliers ou autrement. Est-ce que vous pourriez élaborer un petit peu plus s'il y a autre chose que des questions de financement ou alors, dans ces financements, qu'est-ce que ça nous indique comme paramètres ou quels sont les paramètres qu'on devrait retenir pour l'associer très étroitement à ce rôle particulier dans notre développement régional?

M. Moreau (Pierre): Alors, il y a deux parties à cette réponse. Quand on regarde... D'abord, M. le ministre, j'ai bien aimé vos propos d'ouverture, où vous avez parlé de toutes les régions du Québec. Et j'insiste pour dire que c'est comme ça qu'on voit l'Université du Québec. Il y a bien sûr ces établissements communément appelés en région, mais il y a aussi un établissement dans la région de Montréal-Est, il y a un établissement un peu...

Alors, ce que l'on souhaitait soulever dans le mémoire en parlant de reconnaissance, c'est de regarder que font... quelle est la mission qui est donnée aux universités et comment s'en acquittent-ils. Voilà une façon de reconnaître la qualité d'une université. Et, nous, on a une mission d'accessibilité. Ça a été donné par la loi qui nous a créés. Alors, reconnaissons que nous sommes accessibles et qu'on peut mesurer la qualité d'une université de cette façon-là aussi.

Il y a, au niveau financier, bien sûr, des éléments à aborder. Entretenir 54 centres de formation hors campus, ça, ça demande des ressources. Ça demande d'abord des ressources professorales. Il faut reconnaître aussi l'éloignement de nos universités, la taille de nos universités qui, dans certaines régions, peut être assez petite, cette taille, et ça, ça implique aussi un financement qui est important et différent pour nous.

Peut-être que je peux passer...

Le Président (M. Kelley): M. Plamondon?

M. Moreau (Pierre): ...la parole à mon collègue.

Le Président (M. Kelley): Oui, M. Plamondon.

M. Plamondon (Jacques A.): Jacques Plamondon, vice-président à l'administration. Je pense que vous trouverez dans notre mémoire des considérations sur ce qui est en train d'advenir, là, de notre grille de financement et l'approche que l'on préconise. Parce que les travaux qui ont été menés jusqu'à maintenant, qui sont passablement techniques ? donc, je n'entrerai pas là-dedans ? les travaux ont été menés très bien et avec la satisfaction de l'ensemble des universités québécoises.

Notre adhésion cependant aux premiers résultats dont on dispose était une adhésion conditionnelle à ce que, au moment où on intégrera les universités en région, l'on accepte, par décision du politique, de moduler les fameux coûts observés qui doivent servir d'étalon pour le financement des étudiants dans nos établissements. Et donc on demande, à travers notre mémoire, que, pour tenir compte de la dimension régionale, pour tenir compte des dimensions de taille, d'éclatement, on module, je dirais, les règles de financement et qu'on reconnaisse que le simple fait de se retrouver à distance des grands centres, éclaté sur le territoire, de taille modeste entraîne des obligations qui sont plus difficilement respectées, là, dans nos opérations courantes.

n(15 h 30)n

Vous trouverez aussi une idée fort intéressante ? et je suis étonné que mon président ne l'ait pas mise de l'avant, mais... parce qu'il en est l'instigateur ? c'est un programme MOBILUQ. Ce qu'on sait, dans la contribution des universités en région ? et ça, le témoignage est constant à travers notre réseau ? c'est que les jeunes que l'on forme en région ont plus de chances, d'une certaine façon, d'élire domicile dans les régions dont ils proviennent. Donc, on a un facteur, au moment où il y a un exode des jeunes des régions vers les centres urbains, que notre présence et notre action maintiennent dans les territoires la présence des étudiants diplômés. Et l'idée qui est apparue dans cela, c'était de multiplier les chances en instaurant un programme à l'échelle du Québec, un programme que, pour le moment, on appelle MOBILUQ, pour lequel le vice-président à l'enseignement et la recherche a déjà consenti beaucoup d'efforts et de moyens financiers ? enfin, à la mesure de nos moyens ? mais qui consisterait à amener en région des étudiants qui pourraient venir des grands centres ou l'inverse, mais tout ça pour susciter un intérêt pour la vie en région, pour la contribution que les étudiants peuvent faire au développement régional. Et c'est en ce sens-là probablement qu'on pourrait incarner de façon meilleure l'idée, là, que l'Université du Québec, dans son ensemble, a une vocation de développer toutes les régions du Québec.

Le Président (M. Kelley): M. le ministre.

M. Reid: Oui, une deuxième question. On parle de décroissance démographique et on parle aussi de couverture du territoire ou, en d'autres termes, occupation, je ne sais pas, du territoire, autrement dit, donner des services à la grandeur du Québec. Et, vous avez cité mon discours de ce matin, c'est pour moi quelque chose de très important. Mais, en même temps, quand on essaie de voir les deux, c'est une équation qui paraît difficile, décroissance démographique et couvrir l'ensemble du territoire, où les gens sont de plus en plus dispersés, si on parle de la décroissance démographique, et donc ce n'est pas un enjeu qui est petit.

Et, moi, j'aimerais vous entendre sur cet enjeu et aussi peut-être sur une dimension, surtout à un moment où on commence à réfléchir sur l'avenir des collèges: comment est-ce que les collèges peuvent nous assurer que, pendant les 20 ou 30 prochaines années, on pourra obtenir d'eux, de cet ordre d'enseignement, les mêmes services qu'on a eus comme collectivité depuis 30, 35 ans. J'aimerais vous entendre sur ce que vous avez déjà fait en relation avec les collèges, parce que je sais qu'il y a plusieurs constituantes qui travaillent... qui ont fait des choses intéressantes, et dans l'optique de justement répondre aux besoins sur le territoire, alors que la population... la démographie diminue. Et aussi est-ce que, dans cet esprit-là, quand on regarde dans l'avenir... est-ce que c'est une orientation déterminante de l'Université du Québec, cette relation avec l'ordre collégial?

Le Président (M. Kelley): M. Moreau.

M. Moreau (Pierre): Alors, il y a plusieurs éléments à votre question. Tout d'abord, nous adhérons parfaitement à l'objectif que s'est donné l'État québécois d'atteindre un niveau de 30 % de détenteurs d'un diplôme de premier cycle, de baccalauréat. Et je veux vous dire que, pour y arriver, il va falloir se préoccuper de clientèles un peu moins traditionnelles. Et vous serez peut-être surpris d'apprendre que, malgré la démographie que vous évoquez, malgré notre présence sur tout le territoire, l'Université du Québec est l'université qui a eu la plus forte augmentation de clientèle cette année. Et comment allons-nous chercher ces nouvelles clientèles? En s'ouvrant, en étant accessible, et je vous ai décrit le profil. Donc, oui, ça prend énormément d'efforts et, oui, il faut soutenir ces efforts-là avec des professeurs, c'est notre premier message. Mais cela, je pense, nous permettra de continuer à le faire, et il y a beaucoup de chemin encore à parcourir de ce côté-là.

Pour ce qui est des liens avec les collèges, nous sommes très près déjà des collèges. Si vous allez voir l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, là, le lien est même physique. On partage... Il y a un corridor aérien qui va du collège à l'université, et on partage la bibliothèque, on partage les services. Il y a certainement des choses comme ça à explorer et à augmenter ce type de lien, mais c'est très important ? je veux vous passer aussi ce message-là ? c'est très important de ne pas singulariser l'Université du Québec, là. Les liens avec les collèges que l'Université du Québec pourrait entretenir, si c'est bon pour nous, si c'est bon en région, c'est bon partout. Et il faut aussi que tout le monde se serre les coudes et s'associe avec les collèges. Et, là-dessus, on a fait, je pense bien, office de leader pour admettre des collégiens chez nous et travailler avec les collèges. Dans les régions... et vous savez comment la société est tissée serrée, comment les collèges travaillent de pair avec les universités, avec leurs centres de transfert pour le développement de la région et de...

Alors, les niveaux de collaboration, comme on les fait déjà, je pense qu'ils sont souhaitables, il faut les garder, mais il faut faire attention de ne pas singulariser l'université et de la projeter dans une autre ligue qui serait différente. Elle se retrouverait peut-être toute seule sur sa patinoire lorsque, là, maintenant, elle se... je pense, se compare avantageusement aux universités québécoises et canadiennes.

Le Président (M. Kelley): En alternance, je vais aller maintenant à Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue à notre commission. Il me fait plaisir de vous accueillir au nom de la formation politique et de mes collègues.

Je veux revenir sur une des dernières interventions que vous avez faites concernant votre accord avec l'objectif d'augmenter le niveau d'obtention de baccalauréats à 30 %. Je me souviens quand on l'avait fixé d'ailleurs, c'est à la suite de la Commission des états généraux de l'éducation. Vous disiez: Il faudra, pour y arriver, se préoccuper de clientèles moins traditionnelles. Alors, est-ce que vous avez adopté une stratégie particulière pour contribuer à l'atteinte de cet objectif comme réseau de l'Université du Québec? Et, quand vous parlez de clientèles moins traditionnelles, vous faites référence à quoi en particulier? Est-ce qu'entre autres la question de la formation continue est un élément, etc.?

M. Moreau (Pierre): Alors, je me souviens de votre question de formation continue qu'il faut que j'aborde, que vous avez évoquée un peu plus tôt. Notre stratégie est très simple, elle était dictée par notre mission, c'était l'accessibilité. Alors, on s'est donné la peine d'aller chercher ces clientèles-là, et ça demande une organisation différente. 15 % de nos étudiants sont des étudiants dits traditionnels, c'est-à-dire des jeunes de 20 ans qui sortent du collège et qui entrent à l'université directement. 15 %, je dirais, seulement pour vous illustrer les efforts qu'on fait.

Nous avons évoqué dans notre mémoire la possibilité d'avoir des moyens financiers parce que... Je n'insistais pas trop, je sais que tout le monde vous martèle le message qu'on manque de sous, mais nous avons quand même mis une recommandation. C'est pour essayer d'être plus présent dans les milieux moins traditionnels pour essayer de recruter ces jeunes-là. Et il y a toutes sortes de façons de le faire. On envoie, par exemple, nos étudiants dans leur ancienne école secondaire inciter ces jeunes en disant: Moi, j'étais assis à votre place il y a quelques années et maintenant je suis à l'université, et vous êtes capables, vous aussi. Enfin, ce genre de message là. Mais ça prend des moyens pour déployer ça, et on fait toujours des choix difficiles avec les ressources qu'on a. On essaie d'investir dans ce type d'activité, mais ce n'est pas toujours facile.

Pour ce qui est de la formation continue que vous abordez, oui, je pense que c'est aussi une clientèle non traditionnelle, mais qui va le devenir très rapidement. Et, je fais aussi écho à votre question précédente, je pense que votre sentiment que, dans les régions, on s'occupe plus de la formation continue vient de ce tissage serré dont je parlais il y a quelques moments et où les établissements sont très à l'écoute des besoins des gens autour d'eux. Mais il y a des choix importants à faire. C'est le même professeur qu'on manque qui doit enseigner parce qu'on veut le mettre en contact avec ces gens-là qu'on a admis chez nous et qui doit aussi faire de la recherche, et de haut niveau, parce que, lorsqu'on a besoin de lui en formation continue, c'est sûrement un des experts au niveau national, international, et en plus partager son temps pour aider la communauté, et on le fait. On le fait aussi partout, pas qu'en région.

Mais là le goulot d'étranglement, c'est la charge de travail des professeurs et non pas ? à l'Université du Québec, en tout cas ? et non pas la volonté de le faire. La volonté est là, mais il y a une limite physique à ce que nos professeurs sont capables de faire dans 24 heures.

Mme Marois: Je suis d'accord avec vous. Donc, vous avez adopté une stratégie et vous comptez contribuer à l'atteinte de cet objectif à une certaine hauteur. Est-ce que vous l'avez fixée ou...

M. Moreau (Pierre): Non...

Mme Marois: D'accord.

M. Moreau (Pierre): ...on ne l'a pas fixée, mais on est... Oui, on a une stratégie d'accessibilité qu'on continue de mettre en forme. Et, pour la formation continue, on se sert de notre réseau et on est en train de constituer un noyau où c'est tout le réseau qui pourrait répondre maintenant à des besoins, quels qu'ils soient. Et ça, on est en train de monter cette coordination-là. Voilà comment on entend augmenter.

Mme Marois: C'est très intéressant. Je pense que monsieur... Vous vouliez intervenir, M. Plamondon?

Le Président (M. Kelley): M. Plamondon.

n(15 h 40)n

M. Plamondon (Jacques A.): Oui. Si vous permettez, simplement ajouter que, concernant nos clientèles ? là, je parle au pluriel parce qu'on peut parler de nos clientèles traditionnelles ou de nos clientèles d'éducation continue qui ont été effectivement une explication du grand essor de l'Université du Québec ? dans le mémoire, en page 9, on cite une étude qui s'appelle ICOPE. Et le président tout à l'heure faisait allusion à cette étude en disant: On a essayé de bien les connaître, nos étudiants. Et ICOPE existe depuis les tout débuts de la discussion qui a été faite sur les facteurs de réussite. Donc, au fil des années, on a amélioré effectivement nos manières d'intervenir auprès des étudiants pour hausser la persistance aux études et la réussite. Donc, on a ce souci-là pour nos étudiants de premier cycle plus traditionnels, mais aussi pour ceux qui sont en éducation continue qui reviennent à l'université ou qui font des études à l'université en même temps qu'ils sont en emploi.

Mme Marois: Bon. Pour revenir... ou en continuité avec ce que vous disiez tout à l'heure, à savoir que la charge de travail des professeurs était particulièrement lourde parce que, au même, on demandait d'assumer beaucoup de responsabilités, en fait d'assumer toutes les responsabilités et souvent, portant un poids plus lourd parce que seul pour l'assumer dans sa discipline ou dans son secteur de recherche...

Et dans votre document ? et puis je l'ai entendu à plusieurs reprises en rencontrant les représentants des différentes Universités du Québec en région... c'est la fameuse grille de financement. Et vous en parlez, là, à la page 19 où vous dites dans vos recommandations 20 et 21:

«Que les travaux en cours sur la grille de financement soient poursuivis sur la base d'une analyse des coûts observés, qu'on y intègre les observations menées dans les universités de petite taille et que les résultats soient ensuite pondérés à la lumière d'une comparaison entre les revenus disciplinaires perçus au Québec et ceux des universités ontariennes dans les mêmes champs disciplinaires;

«Qu'au terme de ces travaux, on adopte une nouvelle grille...»

Bon, ce qu'on nous mentionne ? et puis j'aimerais ça que vous m'en parliez un peu ? ce qu'on nous mentionne ou ce qu'on m'a mentionné, c'est qu'évidemment, quand on regarde les universités à grand volume, qui doivent supporter les mêmes frais fixes que vous avez à supporter... peut-être dans une proportion un petit peu moins grande, mais il reste que vous avez les mêmes frais fixes, mais beaucoup moins d'étudiants pour contribuer à la couverture de ces frais fixes, cela vous demande un financement particulier. Bon.

Alors, un, est-ce que vos collègues à l'intérieur de la conférence, de la CREPUQ, sont d'accord pour qu'il y ait une approche différenciée à l'égard des Universités du Québec en région et compte tenu de cette réalité? Et est-ce que vous sentez aussi de la part du ministère une volonté ferme d'aller en ce sens? Et, à la fin de vos travaux, est-ce que vous allez être capables d'évaluer la hauteur des corrections à apporter en sus, là, de la correction globale reliée aux 375 millions de dollars?

M. Moreau (Pierre): Je répondrais oui à vos trois questions: oui pour la CREPUQ, oui pour pouvoir cibler une... Mais je vais laisser mon collègue qui est vice-président à l'administration et qui a participé aux travaux sur la grille de financement avec les collègues des autres universités vous répondre de façon plus précise.

M. Plamondon (Jacques A.): Oui. J'ai parlé tout à l'heure de cette grille de financement, et c'était effectivement pour appeler à une modulation. Maintenant, dans les faits, les travaux sont intenses, sont menés en concertation entre la CREPUQ et le ministère de l'Éducation. Depuis cette année, on a ajouté la dimension d'intégrer les universités en région dans les études qui vont conduire à l'adoption de la fameuse grille qui pourra ensuite permettre la distribution. Et, jusqu'à maintenant, effectivement, on a un soutien assez ferme de la part des autres représentants à la CREPUQ, c'est-à-dire qui proviennent des autres universités et une grande, grande écoute de la part du ministère, donc on est très confiant.

Maintenant, il fallait, pour cette commission, bien sûr rappeler les bases sur lesquelles on travaille de bonne foi à élaborer la fameuse grille qui au bout... Parce que, ici, il y a aussi un rôle pour les politiques, hein, qui apparaît ici parce que, une fois la grille adoptée, il pourrait y avoir des raisons que les politiques veuillent bonifier une grille pour développer un secteur quelconque des champs disciplinaires.

Par exemple, si on constate une pénurie d'infirmières, on pourrait, à travers une grille comme celle-là, la moduler pour encourager les établissements qui développent des sciences infirmières. Alors, de telle sorte que ces travaux-là, moi, je pense qu'ils sont d'une très grande importance, qu'ils sont menés avec beaucoup, beaucoup de bonne collaboration de la part de tous les intervenants et que ça a des possibilités d'application fort intéressantes pour l'avenir de nos universités.

Maintenant, ça ne change en rien, par ailleurs, les besoins quant au niveau de l'enveloppe globale, hein? Distribuer l'argent... On distribue l'argent qui est là, et donc le cri d'alarme...

Mme Marois: Juste une... Est-ce qu'il y a un délai de fixé pour arriver à des résultats? Est-ce qu'il y a un échéancier?

M. Plamondon (Jacques A.): Bien, pour le ministère, je pense qu'il voudrait l'appliquer dès l'an prochain. Maintenant, c'est des travaux qui sont assez ardus et qui supposent des études. Alors, oui, on travaille en fonction d'un objectif comme celui-là et on espère bien arriver à des résultats.

Mme Marois: D'accord. Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Alors, merci. Messieurs, bonjour. Moi, je suis restée un peu sur mon appétit lorsque vous avez répondu au ministre tout à l'heure, lorsqu'on a parlé de la démographie et du lien à faire avec la baisse au niveau démographique et la rétention finalement de vos diplômés dans les régions respectives, dans les régions où se trouvent des constituantes de l'Université du Québec. Vous avez mentionné tout à l'heure, M. le président, que... Vous sembliez mentionner que vous pouviez faire la relation entre les études qui sont faites en région à travers divers programmes et la capacité de rétention de ces diplômés-là dans les régions respectives.

Moi, j'aimerais savoir si vous avez des statistiques pour nous démontrer à quel niveau finalement se situe cette capacité de rétention là. Non pas que je mette en doute du tout ce que vous avancez, au contraire. Je pense que c'est important, par contre, pour qu'on puisse se faire une tête, là, quand on parle du financement des universités, du rehaussement aussi du financement. J'ai appris à connaître l'Université du Québec, si je me souviens, lors d'une présentation qui avait été faite par votre prédécesseur. Je ne connaissais vraiment pas les constituantes. Moi, je suis une fille de Québec, donc vous comprendrez que je suis assez chauvine avec l'Université Laval. Toutefois, ceci étant dit, j'ai appris à connaître et à mesurer l'importance des constituantes en région. Alors, c'est important pour nous de connaître ce que... Sur une période, je ne sais pas, moi, de 25 ans, de 30 ans, est-ce que... Parce que les régions vont se vider, il n'y aura pas d'étudiants finalement pour accéder à ces établissements-là, est-ce qu'on est dans la bonne voie ou pas?

Le Président (M. Kelley): M. Moreau.

M. Moreau (Pierre): Il y a beaucoup d'éléments à votre question. Je dirais qu'il y a plusieurs stratégies qu'on emploie pour garder un nombre important d'étudiants dans nos établissements qui sont plus en région, parce que je pense que c'est à eux que vous faites allusion: tout d'abord, des créneaux d'excellence que l'on tente de développer et qui attireront des étudiants parce que c'est là que se font les meilleurs travaux reconnus internationalement. Et, pour vous expliquer cela un petit peu plus à fond, c'est très difficile, mais nous y arrivons, et je pourrais vous énumérer des pistes que nous avons explorées dans différents établissements de créneaux d'excellence. Mais le point de départ, ce sont des choix, et c'est très difficile pour une université de faire ce genre de choix. Ce sont ce que, moi, j'appelle les choix de Sophie. Il faut amener notre communauté universitaire à choisir entre plusieurs choses. Et ils y tiennent beaucoup, et là on dit: On va développer plutôt cela et on le fait.

Je peux vous donner des exemples. À Chicoutimi, par exemple, l'aluminium, les travaux qui se font sur le givre. Peut-être que vous ne saviez pas que n'importe quelle compagnie aérienne au monde qui veut faire homologuer un nouveau produit pour dégivrer ses avions doit l'apporter à Chicoutimi pour le faire homologuer. C'est le centre qui est reconnu internationalement. Alors, on a fait des choix, et là on est très bien positionné, et on espère ainsi attirer des gens, de nos étudiants parce que c'est là que ça se passe.

n(15 h 50)n

Deuxième chose que l'on cherche à faire ? Jacques Plamondon l'a abordé brièvement tantôt ? c'est un programme de mobilité. On a travaillé et on a vu aussi beaucoup... insisté sur la mobilité des jeunes. Nous, on pense qu'on a un réseau extraordinaire pour favoriser la mobilité et on est à mettre en place un système qui va amener des étudiants des grands centres faire une partie de leur baccalauréat, de leurs études dans un établissement en région avec, sur place, des comités d'accueil d'étudiants qui sont capables et qui ont comme mission, eux, d'intégrer ces étudiants en mobilité dans la région où ils sont en leur faisant faire des stages en milieu de travail dans la région où ils sont, sachant que, la plupart du temps, les étudiants y retournent après. Après s'être insérés dans une région, ils y retournent.

Et, sur cette question-là, je n'ai pas de données précises pour vous donner, ce n'est que qualitatif, ce que je peux vous dire. Pour avoir travaillé de près avec des étudiants et qu'on cherchait à envoyer un peu partout dans le monde étudier, eh bien ils voulaient y retourner après parce qu'ils ont compris une autre façon de vivre ou d'être. Et tout dépend de la destination évidemment. Je pense que d'envoyer de nos étudiants dans des milieux de travail dans ces régions-là, les imbriquer dans le tissu de la région, ça, c'est une autre façon d'augmenter.

Et, dernier point, tout notre déploiement à l'international est d'attirer dans nos régions des étudiants qui nous viennent de l'étranger, et là on a aussi une chance extraordinaire d'avoir notre réseau. Alors, on est en train ? et c'est un dossier qu'on a à la commission de planification de notre université ? on est en train de se déployer, de se séparer, à travers le réseau, les différents continents et les différents pays, chacun de nos établissements étant une antenne servant les neuf autres et chaque antenne s'insérant là-bas, se rapprochant des autres universités, connaissant le milieu pour ensuite alimenter notre système de mobilité. Et on a l'occasion de dire aux étudiants à l'étranger que venir à l'Université du Québec, c'est peut-être passer quelque temps à l'Université du Québec à Montréal et ensuite faire un saut à l'Université du Québec à Chicoutimi. Alors, on a cet avantage-là, on peut les attirer directement à Chicoutimi en passant par Montréal et ensuite ? c'est ça ? et ensuite les envoyer à Montréal quand ils seront venus à Chicoutimi.

Mme Delisle: Merci.

Le Président (M. Kelley): ...question complémentaire du ministre, mais je vais essayer de préserver un petit peu de temps pour Mme la députée de Maskinongé. Il nous reste quatre minutes, alors si ça peut être bref.

M. Reid: Très court, M. le Président. Très court. M. le président de l'Université du Québec, vous avez abordé la question des créneaux d'excellence. J'ai eu l'occasion moi-même, ces dernières années, de voir que cette politique a donné des résultats assez exceptionnels dans certaines universités. On voit l'Université du Québec à Trois-Rivières qui reçoit plus de la moitié de ses étudiants d'ailleurs que sa région. On voit Rimouski qui en arrive même... qui a une reconnaissance internationale, mais qui arrive même avec des problèmes typiques des grands centres, c'est-à-dire réussir à trouver des spécialistes qui, dans certains cas, ne se retrouvent que dans les pays étrangers, Europe ou ailleurs. Il se trouve néanmoins des gens pour penser que, au Québec comme dans le reste du Canada, on devrait peut-être multiplier des universités de premier cycle. Et ce qu'on voit et ce que vous dites, c'est que, dans le fond ? et j'aimerais vous l'entendre dire clairement ? c'est que l'Université du Québec a fait des choix qui sont des choix de premier, deuxième et troisième cycles, a fait des choix d'avoir des universités qui ne sont pas que de premier cycle, des universités où il y a de la recherche, des créneaux d'excellence. Et j'aimerais entendre de la bouche du nouveau président de l'Université du Québec que ce choix-là est bien un choix pour rester, un choix pour l'avenir et un choix qui correspond à ses vues.

Le Président (M. Kelley): M. Moreau.

M. Moreau (Pierre): Alors, ça me fait grand plaisir de vous confirmer ce que vous venez de dire, c'est le coeur même d'une université. C'est très important d'être présent à tous les cycles et c'est très important de pouvoir mettre en contact nos étudiants au baccalauréat avec des chercheurs. Il y a, par osmose, un transfert, une façon, une logique, une façon de penser, et c'est ça qui va les inciter à aller aux deuxième et troisième cycles. Et l'accessibilité dont on parlait, M. le ministre, plus tôt, elle s'exprime aux deuxième et troisième cycles. Et, quand on parle de développement régional et d'entreprises dérivées qui sortent des universités, ce sont des étudiants de deuxième, troisième cycles qui les génèrent très souvent avec, bien sûr, l'encadrement des professeurs. Donc, il est essentiel de maintenir une accessibilité aux trois cycles.

Par contre, on n'a peut-être pas les ressources pour avoir, au niveau du troisième cycle, par exemple, tous les programmes, et c'est pour ça que l'on se concentre et qu'on dit qu'on a le droit, là, de viser l'excellence internationale et on fait ces choix qui sont difficiles, tandis que, au premier cycle, c'est important pour nous d'avoir tout un éventail de programmes pour bien servir les gens, et on les partage entre nous d'ailleurs pour pouvoir le faire de façon plus efficace. Mais c'est très important de ne pas faire de nous des établissements de premier cycle. Et, j'y faisais allusion dans mes propos au début, laissez-nous être responsables de notre développement, il n'y a aucune crainte que l'on devienne des établissements de premier cycle seulement, je peux vous en assurer. J'espère que maintenant vous l'êtes.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Pour le dernier bloc, Mme la députée de Taillon, il vous reste neuf minutes.

Mme Marois: Oui. Ah, bon, on est... ça va. Alors, il y a de mes collègues qui veulent aussi soulever quelques questions.

Vous abordez aussi, comme d'autres avant vous l'ont fait et d'autres vont le faire plus tard, la question de l'innovation, et pas seulement la valorisation de l'innovation technologique, mais l'innovation... technologique ou scientifique, mais l'innovation sociale. En fait, elle peut être scientifique et sociale, mais l'innovation technologique. Alors donc, l'innovation sociale. Et vous dites: «En conséquence, l'Université du Québec recommande: que le gouvernement, à l'instar de la valorisation de la recherche à des fins de transfert technologique, soutienne également financièrement la valorisation de la recherche à des fins d'innovation sociale.»

Je sais que l'Université du Québec a plusieurs champs d'intervention en matière... ou plusieurs préoccupations et champs d'intervention en matière d'innovation sociale. Qu'on pense seulement à l'économie sociale ou au développement communautaire, hein? On sait qu'il y a des efforts faits en ce sens et de la recherche faite en ce sens. Est-ce que vous avez une recommandation précise en termes de sommes qui pourraient être allouées à cette fin? Et quelle sorte d'appuis autres devraient être apportés à la question de l'innovation sociale?

M. Moreau (Pierre): Tout d'abord, pour nous, c'est très important d'aborder la question... On parle souvent de société du savoir, nous disons: Société du savoir, oui, mais de tout le savoir. Et le transfert que l'on cherche à faire des résultats de recherche des universités, jusqu'à maintenant, on a investi beaucoup dans le transfert technologique, les résultats de recherche dans le monde technologique, et nous en sommes, et c'est parfait, et il faut le faire, et de plus en plus. Et, à ce sujet, nos établissements ont même de la difficulté à entrer dans des sociétés de valorisation en payant leur part pour pouvoir valoriser les résultats de leurs recherches.

Mais la façon de faire le transfert technologique n'est pas la même que pour le transfert social qu'on appelle l'innovation sociale. Et les modèles qui ont été mis en place et financés... Et on a VRQ qui a investi dans des sociétés de valorisation. Ce modèle-là fonctionne pour le transfert technologique, ne fonctionne pas pour le transfert social ou l'innovation sociale. Il faut repenser un autre modèle, et on a fait là-dessus, cet automne, une réunion à l'intérieur de nos établissements pour s'interroger: Quel modèle pourrions nous proposer à la société québécoise pour faire de l'innovation sociale? Et des grandes lignes qui sont sorties de cette rencontre étaient qu'il y a... tout d'abord, il faut que ce soit, dans ces cas-là, à double sens. Ce n'est pas à sens unique de l'université vers la société, mais il faut avoir des antennes qui ne font pas qu'émettre, mais qui sont capables de recevoir, d'écouter les besoins et de pouvoir ajuster.

n(16 heures)n

Et là-dessus un des plus beaux exemples, je pense, c'est l'Institut santé et société à l'Université du Québec à Montréal où on voit des gens qui travaillent ensemble avec... par exemple, en psychologie avec des gens qui sont sur la rue aussi, juste là, à la sortie de l'université et qui se parlent des besoins de chacun. Ça, c'est à double sens, et, pour ça, il faut mettre en place un système comme ça. Et peut-être qu'on pourrait penser à avoir un VRQ, Valorisation-Recherche Québec, mais recherche de tout le savoir et pas uniquement de recherche technologique, et c'était à ça qu'on faisait allusion en disant: Ça vaudrait la peine, pour notre société, d'investir dans le transfert de toute autre activité de recherche en sciences humaines, en sociologie et dans le domaine des arts et faire ce transfert, et là il n'y a pas beaucoup d'appuis encore pour faire cela.

Mme Marois: D'accord, merci.

Le Président (M. Kelley): M. le député des Îles-de-la-Madeleine, il vous reste cinq minutes.

M. Arseneau: Merci beaucoup, M. le Président. Je suis très heureux de pouvoir intervenir, M. Moreau. D'abord, je vous remercie pour votre présentation, une présentation dynamique, une bonne présentation, une présentation convaincante.

L'Université du Québec, vous nous l'avez dit, existe depuis 35 ans, et je pense qu'il n'y a pas de doute qu'au Québec, au cours des 35 dernières années, des 40 dernières années, il y a eu une démocratisation de l'accès aux études supérieures au Québec pour les jeunes du Québec. Et, si on est rendu à 25,6 % à peu près et qu'on vise 30 %, qu'on a rejoint l'OCDE puis qu'on se compare aux autres, je pense que vous avez raison, c'est en grande partie dû et attribuable à l'Université du Québec et à ses composantes dans les régions du Québec.

Alors, comme je suis un individu assez pratique, j'ai trouvé, dans votre mémoire, une phrase qui m'apparaît une phrase très importante. Vous savez, on a avec nous le ministre de l'Éducation qui n'a pas contesté jusqu'à maintenant les demandes de 375 millions, que vous nous faites en groupe et collectivement. Il y a quand même une phrase, à la page 18 de votre mémoire, qui dit: «La formule de financement dite "historique" a pénalisé, dès l'origine, les établissements de l'Université du Québec de façon très sévère, particulièrement les établissements en région.»

Alors, peut-être pour aider ? je pense que c'est M. Plamondon qui... dans la formule, on pourrait tenir compte des facteurs... J'aimerais vous demander si vous avez chiffré la pénalité qu'aurait subie l'Université du Québec ou ce qu'elle aurait dû obtenir. Je ne sais pas si vous avez chiffré ça. Mais on a avec nous le ministre, peut-être qu'il pourrait nous donner des indications là-dessus. J'aimerais savoir si vous pensez que l'Université du Québec a été pénalisée de façon dramatique. Est-ce qu'elle aurait un rattrapage à faire?

C'est sérieux, cette question-là. Parce que, vous savez, vous parlez de première génération, vous parlez de 15 % de vos étudiants qui sont des étudiants dits traditionnels, vous avez une préoccupation qui vous honore en ce qui concerne la capacité de payer des étudiants. Par exemple, vous appuyez le gel des frais de scolarité. Est-ce que vraiment l'Université du Québec a été pénalisée? Si oui, de combien? Et une autre question courte: Est-ce que vous avez une stratégie pour retenir en région les chercheurs universitaires? Parce que c'est un défi, ça?

Le Président (M. Kelley): Un parlementaire expérimenté qui pose une question en plusieurs volets. Vous avez plus ou moins deux minutes pour essayer de répondre, M. Moreau.

M. Moreau (Pierre): Écoutez, je vais laisser la parole à mon collègue pour vous le chiffrer précisément, mais je pense que j'y ai fait allusion dans mes propos. Nous étions en pleine croissance quand les vagues de financement sont arrivées, et là on a été pénalisés à ce moment-là aussi. Depuis, la formule de financement a été corrigée, mais le manque à gagner par contre, là, c'est difficile à chiffrer. Et je lui passe la parole en vous disant: Oui, je pense qu'il faut investir. Si vous cherchez à être efficaces avec votre investissement, je pense que vous devez regarder très attentivement l'Université du Québec, parce que je pense que l'on a un effet très important. Et tantôt je parlais de ne pas ratatiner le Québec et d'investir à l'Université du Québec, parce que c'est vraiment investir dans l'ensemble du territoire, et je pense qu'on a fait la preuve ? enfin, je suis très heureux d'entendre vos commentaires ? de tous les efforts qu'on fait pour être accessibles et s'acquitter de notre mission.

Maintenant, pour les chiffres, je laisse mon collègue... Je ne sais pas s'il a la réponse, d'ailleurs.

Le Président (M. Kelley): M. Plamondon.

M. Plamondon (Jacques A.): Non. Je ne mettrai pas de chiffres, M. Arseneau, M. le Président. Tout simplement, je vais dire cependant que l'essor de l'Université du Québec s'est fait avec, d'une certaine façon, un patrimoine initial plus pauvre que les universités qui étaient déjà établies et donc qu'on a mesuré, au cours des années, je dirais, les pénalités et qui se traduisent par le fait qu'on est l'université qui avons proportionnellement le plus de chargés de cours. Alors, nous ne nous plaignons pas de la présence des chargés de cours, au contraire, je pense que ce sont des gens qui font de belles contributions au développement de notre université, à la démocratisation du savoir. Mais, en même temps, on a un chemin à parcourir pour corriger et arriver à un niveau semblable à celui des autres universités.

La nouvelle manière de financer les universités, qui a été instaurée avec la nouvelle formule, d'une certaine façon corrige pour l'avenir, parce qu'il y a une autre manière de financer les universités que sur la base de ce qu'on appelait la méthode historique. Mais je reprends un peu la comparaison de M. Lacroix, ce matin, qui vous disait: Mais, si on corrige à un moment donné pour un établissement puis qu'on arrive à répondre à ses besoins, je dirais, sur une base annuelle, ça ne compense pas pour les retards du passé.

Dans certains cas, ça a été reconnu lors du réinvestissement, mais il reste encore beaucoup de chemin à faire pour certains de nos établissements, et c'est dans ce sens-là qu'on rappelait cette dimension-là. Ça nous paraissait très important pour mettre en perspective nos recommandations sur la méthode de distribution.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup aux représentants de l'Université du Québec et félicitations encore, M. Moreau, pour votre nomination. De toute évidence, vous serez un excellent ambassadeur pour l'Université du Québec. On va suspendre quelques instants, et j'invite les représentants de l'Université McGill de prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 6)

 

(Reprise à 16 h 10)

Le Président (M. Kelley): J'invite tout le monde à prendre place, s'il vous plaît. Alors, si tout le monde est prêt... On est dans l'aire de transparence. Alors, il y a quelques instants, la députée de Jean-Talon s'est identifiée comme chauvine parce que l'Université Laval est dans son comté. Alors, à mon tour, une partie de l'Université McGill, le campus Macdonald, est dans le comté de Jacques-Cartier. Je suis un diplômé de McGill et maintenant un parent d'une étudiante à McGill. Alors, pour déclarer nos intérêts et les mettre sur la place publique, je m'identifie clairement avec quelqu'un qui va suivre la prochaine présentation avec un vif intérêt. Alors, je veux pour une première fois accueillir la nouvelle principale de McGill, Heather Munroe-Blum, et également M. Vinet et M. Yalovsky devant nous aujourd'hui. Et, Mme Munroe-Blum, la parole est à vous et welcome.

Université McGill

Mme Munroe-Blum (Heather): Merci. M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les commissaires, nous sommes ravis d'être parmi vous aujourd'hui. Je vous remercie de m'avoir invitée à prendre la parole devant la commission parlementaire.

Je suis accompagnée de mes collègues, Pr Luc Vinet, comme vous avez entendu, Pr Vinet est le vice-principal exécutif de McGill; et mon collègue, Pr Morty Yalovsky, le vice-principal des finances et administration de McGill.

Nous vous félicitons d'avoir eu la sagesse et, je pense, le courage aussi de commencer d'examiner ces questions cruciales, questions sur l'avenir des universités, et, par conséquent, sur celui du Québec. Je suis fière d'être rectrice principale d'une université québécoise. Je suis fière aussi d'être née au Québec et d'être de retour, et je crois que nos universités ont été au coeur du développement du Québec moderne et de la société moderne. Les universités sont cruciales comme sources principales de la croissance: le talent, l'enseignement distinct, l'investissement, les valeurs civiles et des idées novatrices. Et je suis fière aussi d'être principale de McGill. Pas à cause de la perfection de McGill, pas du tout. McGill a presque 200 ans, et, comme toute personne âgée, a fait des erreurs. Cependant, McGill d'aujourd'hui est différente que vous imaginez. Et McGill, comme toujours, est un trésor québécois et distinct reconnu mondialement pour son excellence, et, comme toutes ses institutions soeurs, McGill a des besoins urgents d'aide, a besoin d'une nouvelle politique des universités. Pas pour elle-même, mais pour les citoyens du Québec et pour nos enfants et les enfants de nos enfants.

Au cours des 30 dernières années, les leaders du Québec ont fait des investissements stratégiques et sages dans les universités, et les résultats sont impressionnants. Le Québec a un excellent réseau universitaire, et nous avons, au Québec, trois des 10 universités canadiennes à forte intensité de recherche. C'est magnifique. Il y a beaucoup d'intérêt et de passion au Québec concernant l'enseignement supérieur. Aussi, il y aura beaucoup d'idées pour vous et pour informer le travail crucial de cette commission. Mais une chose est certaine, nous visons tous les mêmes résultats: un réseau universitaire accessible de haute qualité et qui offre des choix et des programmes variés.

And our system is at risk. It is fragile because of the underfunding. Vous connaissez bien les arguments de la CREPUQ sur le sous-financement des universités et le fait que l'accessibilité et la qualité laissent à désirer. Our system is grossly underfunded and the underfunding threatens our ability to play the important role that we must and should play for Québec. And this is true for McGill as it is for the other universities in the Québec system. I turn now to provost Vinet to talk about the effect of underfunding on McGill.

M. Vinet (Luc): Merci, Mme la principale. M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les commissaires, deux volets à cette brève intervention. Je veux d'abord réaffirmer notre engagement et notre détermination à valoriser pour le bénéfice de tous cette institution quasi bicentenaire qu'est McGill et réaffirmer aussi notre volonté à faire en sorte que tous les Québécois s'approprient toujours davantage cette grande université. Je veux ensuite souligner à mon tour que le sous-financement qui afflige l'ensemble du réseau universitaire mine aussi sérieusement nos efforts.

C'est sur l'excellence que l'extraordinaire réputation internationale de McGill s'est bâtie, et nous n'avons de cesse d'entretenir et d'accroître cette qualité essentielle. J'aimerais mentionner à cet égard quelques-unes de nos toutes récentes réalisations simplement pour illustrer un peu ce propos en enseignement, en recherche et au niveau du rayonnement.

Sur le plan de l'enseignement, on a créé tout récemment un baccalauréat arts et sciences afin d'offrir un parcours humaniste et scientifique à ceux de nos étudiants qui ont des intérêts multidisciplinaires. Autre exemple, la mise sur pied, conjointement avec l'Université de Sherbrooke et l'École polytechnique, du premier véritable programme en génie microélectronique au Canada.

Maintenant, quand il s'agit d'illustrer la vitalité de McGill en recherche par une ou deux initiatives, on a l'embarras du choix. Je mentionnerai simplement que le leadership de McGill en génomique et en proténomique est absolument incontournable et, en fait, pour prendre un autre exemple, qu'il en va de même pour les technologies de la musique avec la création toute récente du Centre interdisciplinaire de recherche sur les médias en musique.

Sur le plan du rayonnement, on joue aussi sur plusieurs registres. Pensons, par exemple, à la vulgarisation scientifique par le truchement du Musée Redpath ou encore aux transferts technologiques. J'en passe évidemment beaucoup.

Ce succès, c'est beaucoup au talent de ses professeurs et de ses étudiants que McGill le doit. À McGill, enseignement et recherche vont main dans la main, vont de pair. Nos professeurs doivent tous contribuer à ces deux aspects interdépendants de la transmission du développement des connaissances et, de fait, leurs évaluations portent d'ailleurs sur ces deux dimensions de leurs tâches professorales.

Comme la plupart des universités, McGill est en plein renouvellement de son corps professoral. Ainsi avons-nous engagé au cours des trois dernières années 400 professeurs, et il nous faudra continuer de la sorte à raison de 100 professeurs par année jusqu'à l'an 2010. C'est une entreprise à hauts risques, une entreprise qui offre des possibilités tout à fait uniques qu'il faut optimiser. Je peux à cet égard témoigner que nous attirons des professeurs exceptionnels, et ce, en partie grâce à la collaboration du gouvernement du Québec et du gouvernement du Canada. L'an passé, ces professeurs provenaient de 35 pays.

Nous vous présentons en fait dans notre mémoire l'une de ces recrues, Vicky Kaspi, une astrophysicienne de réputation internationale et qui, avant de venir à McGill, était en poste au MIT. Alors, nous sommes absolument fiers d'avoir la capacité de rapatrier au pays des gens comme elle. Et vous avez dans notre mémoire une citation que je vous invite à consulter.

La qualité de McGill, c'est aussi celle de ses étudiants. Ils nous viennent de partout et forment une communauté multiculturelle où l'on s'enrichit au contact de l'autre. Les Québécois francophones, qui forment 20 % de notre corps étudiant, ont ainsi à McGill le monde à la maison. Julien Faucher, aussi présenté dans notre mémoire, est de ceux-là. Il est né à Québec, étudie en génie électrique et est le récipiendaire de la prestigieuse bourse de doctorat Tomlinson. Ces quelques éléments témoignent, je l'espère, de l'engagement social de McGill et de la passion que nous déployons à faire fructifier le potentiel de cette grande institution.

n(16 h 20)n

Je reviens maintenant au sujet qui nous réunit aujourd'hui. Depuis une dizaine d'années, à cause du sous-financement qui afflige les universités du réseau québécois, celles-ci ne peuvent plus se mesurer à leurs concurrentes sur le plan de la qualité et de l'accessibilité. Le système d'enseignement postsecondaire est donc dans une situation de crise. Il nous faut le reconnaître et réagir avec énergie et détermination. En effet, malgré les efforts des trois dernières années, le financement des universités du Québec se situe bien au-dessous de la moyenne canadienne. Vous l'avez entendu, je vais le répéter: 375 millions de dollars pour le seul exercice financier 2002-2003 par rapport aux systèmes universitaires des autres provinces du Canada, et quant au sous-financement relatif accumulé au cours des 10 dernières années, on le chiffre à 2,6 milliards de dollars.

Les conséquences de ce sous-financement relatif sont très sérieuses. Nous avons de plus en plus de difficultés à attirer et retenir professeurs et étudiants. Dans un marché de plus en plus concurrentiel pour les étudiants et les professeurs, l'état de nos infrastructures est très préoccupant. Nos buildings sont souvent dans un état déplorable. Les collections de nos bibliothèques s'appauvrissent. Nous ne sommes pas en mesure d'offrir une aide financière adéquate aux étudiants qualifiés. Et enfin, malgré des succès notables, nous faisons moins que nous ne pourrions pour appuyer la société et l'économie du Québec par le transfert des fruits de la recherche universitaire à la communauté et au marché.

Donc, après avoir examiné le problème sous-jacent, celui du sous-financement, de plusieurs façons et après avoir consulté collègues du monde entier, nous en sommes arrivés à certaines conclusions. Et je vais maintenant laisser à notre principale le soin de vous les présenter.

Mme Munroe-Blum (Heather): Vous avez nos six recommandations. Elles sont en français. Puis je pense que je parle en anglais un peu, si vous me permettez. But I think you have them in front of you.

First of all, I'll just review them very briefly and I'm sure you've heard this a great deal today: we simply must have a competitively funded system of universities here in Québec. You know that the competition for talent, for professors, for students is not local, it's Canada wide and it's international. In fact, the competition for talent has never been fiercer than it is today. Therefore, we recommend strongly that we move immediately to the average of the funding of the Canadian system and that we aim over time to be a true Canadian leader in this.

Second, if it were possible for government to fund high levels of accessibility and sustain permanent quality through the purse of government alone, we would not be having this «commission» right now. No government anywhere can alone or almost alone, with low frozen tuition fees, finance accessibility at acceptable levels or sustainable quality. Public universities of course will always depend on stable effective core funding from the Government, but it is absolutely imperative that we increase the overall envelope of support for our universities and that we do this by growing revenues from all possible sources.

What are these sources? Certainly, the federal Government, and we believe there is more the federal Government can do with respect to supporting graduate students as well as research and, indeed, some dimensions of internationalization. We believe it is possible to grow a culture of philanthropy in Québec and to provide opportunities for every university in Québec to have some endowment. This has been shown to be the case in other jurisdictions. There are tax measures, there are matching programs that would facilitate this. We believe there's more opportunity as well to improve our ability to attract resources into Québec through research successes.

But finally ? and I'm leaving it to the last point ? it is also true that no well-supported publicly funded university system can do so with minimal contribution from students. We believe that it's important to look at all of these sources of support. Si on hausse les droits de scolarité, il faudra augmenter l'aide financière d'autant. Les deux vont ensemble. Avec les deux, il est possible de hausser l'accessibilité et aussi la qualité. We simply must increase the competitiveness of our funding.

Third, we have created in Québec, over the last three decades and more, a wonderful system, a diverse system of universities. We believe that, by having the diversity, the different missions within the Québec university system, we're serving Québec better. Students and potential students have more choice. They have more choice of programs. They have more choice of location. This is important, it should be recognized and celebrated.

But, fourth and leading from this point, different universities have different missions. Each of these missions has a value. All of them need effective levels of funding, but, as the Principal of McGill, I urge you to think of the important role that research-intensive universities play in the life of Québec. We have our special needs, we make very special contributions and we ask that you recognize these.

Fifth, keep investing in research. Québec was pioneering in understanding the important role of university research in growing the culture, the social values, the economic prosperity and, indeed, the health of the jurisdiction. We say: Stay the course, maintain this advantage and look to Ottawa to do the same.

Finally, we urge that, within universities with similar missions, the Government of Québec fund universities in a stable, transparent and fair manner and that it do so on a multiyear basis.

Nous attendons avec intérêt vos questions et nous vous remercions de parrainer cette cruciale consultation. Merci.

Le Président (M. Kelley): Thank you very much, Dr Munroe-Blum. Alors, la parole est à vous, M. le ministre.

M. Reid: Merci. Bienvenue à Mme la principale, au vice-principal et au provost. Tout d'abord, dans un premier temps, sur la question que vous venez d'aborder, les droits de scolarité, vous proposez qu'il y ait une certaine liberté de pouvoir proposer des droits de scolarité selon les universités, avec un encadrement bien sûr. Je ne peux pas m'empêcher de penser à l'effet que pourrait avoir ? et peut-être avez-vous toutes les réponses, j'aimerais les entendre ? une augmentation, par exemple, qui pourrait être très importante à McGill, puisque McGill a une réputation internationale bien connue et donc une possibilité d'attirer des étudiants et des étudiantes qui seraient prêts à payer des droits de scolarité comparables aux droits américains, par exemple. Je ne peux pas m'empêcher de poser la question: Quel impact cela aurait-il sur le rôle que McGill doit aussi jouer dans le développement de la région montréalaise dans son ensemble et aussi le rôle que McGill a toujours joué, et joue encore, et le rôle qu'elle est appelée à jouer auprès de la communauté anglophone, particulièrement la communauté anglophone de Montréal, dans ce sens que n'y a-t-il pas un risque que McGill devienne, dans un tel cas où les droits de scolarité seraient équivalents à ce qu'on peut voir d'universités similaires aux États-Unis, seraient tellement élevés qu'on en priverait la communauté anglophone, par exemple, de Montréal ou qu'on rendrait l'accès à McGill extrêmement difficile à la communauté anglophone de Montréal ou à d'autres étudiants ou étudiantes du Québec?

Mme Munroe-Blum (Heather): Peut-être, je commence et puis je tourne au provost. McGill is a Québec university. It is a public university. I came here to be principal of a public university that's serving Québec. The unique nature of the student body at Québec is something that we value greatly, and we believe that McGill could not have the diverse student body that it does anywhere else in the world. Our commitment is whatever we're able to do to make sure that every qualified student to come into McGill has the opportunity to participate in the programs of McGill. This is not something we can currently do with our levels of funding. We like the proportionality of the student population. We believe it gives a great opportunity to Québec students to meet students from around the world, this enriches the quality of the university experience. We don't intend to change that.

n(16 h 30)n

M. Vinet (Luc): Vous m'avez entendu dans ma présentation indiquer qu'un de nos engagements fondamentaux est de faire en sorte que les Québécois, de plus en plus, s'approprient l'Université McGill. Alors, pour être conséquents avec ça, notre engagement est clair. Et la réponse tient en fait en deux mots, à votre question, c'est: engagement et imputabilité. C'est un engagement que nous prenons, et, de fait, c'est essentiel pour nous de préserver les proportions d'étudiants québécois, qu'ils soient francophones et anglophones, qui viennent à McGill, et ça, envers et contre tout, envers et contre des intérêts plus pécuniaires qui pourraient se présenter. Et, pour être garant de ça, évidemment, c'est notre imputabilité par rapport à cet engagement face, par exemple, au bâilleur de fonds qu'est le gouvernement.

M. Reid: Merci. J'aurais une autre question concernant votre recommandation n° 4, donc où vous parlez des universités à forte intensité de recherche. Vous dites à la toute fin que, si l'on reconnaît le rôle distinctif que jouent ces universités à forte intensité de recherche, il importe aussi de reconnaître leurs besoins particuliers. Étant donné que nous avons devant nous les représentants d'une université qui est la plus ancienne université à forte intensité de recherche sans doute au Canada, j'aimerais peut-être vous donner l'occasion de nous donner quelques-uns de ces besoins particuliers qui correspondent à une université à forte intensité de recherche et, en particulier, donc aux besoins de McGill.

Mme Munroe-Blum (Heather): I would say one of the greatest needs has to do with... Well, there are two domains, le premier est le support pour les étudiants de troisième cycle, deuxième et troisième cycles et... It should be noted that, in many parts of the Western world, graduate students receive total support for their studies. The competition to the south of the border is extremely intense in this regard. In fact, it may be of interest to «les commissaires» to know that many of the private universities in the United States, take Harvard, for example, or Yale, are really federally supported universities when it comes to graduate student programs. We think this is a great model for Canada, by the way, to have this balance and it's something worth considering.

The other is the nature of the infrastructure of a research-intensive university. And I would say, as we heard earlier with our colleague representing the UQ system, that every university in Québec is feeling the impact of underfunding on infrastructure. But research-intensive universities that work hard to integrate the research activities to professors, to enrich the quality of teaching, have special needs with respect to infrastructure, and we are really suffering in that regard.

M. Vinet (Luc): Peut-être ajouter, je pense, à ça, étudiants gradués. Mais qui dit forte intensité de recherche veut dire que nos professeurs passent évidemment une partie significative de leur temps à faire de la recherche, d'où l'intensité. Donc, on a besoin d'une répartition de professeurs-chercheurs appropriés pour la mission qui nous occupe et, à cet égard-là, donc il y a aussi les espaces qui sont critiques. Les laboratoires dans certains secteurs deviennent de plus en plus sophistiqués et, dans ces mêmes secteurs, les fonds de démarrage ont pris des proportions astronomiques. Pour vous donner une idée, le MIT, mon analogue au MIT indiquait que les fonds de démarrage là-bas pour leurs nouveaux professeurs, c'est 800 000 $. Si on respectait cette norme-là avec nos 100 professeurs qu'on engage par année, ça représenterait 80 millions de dollars par année. Alors, bon, c'est évidemment exagéré, parce que tous nos profs n'ont pas ces besoins-là, mais couper ça par quatre, ça vous donne déjà une idée de ce dont on a besoin pour compétitionner.

Mme Munroe-Blum (Heather): Peut-être un petit mot de Pr Yalovsky.

M. Yalovsky (Morty): Oui. À cause que je suis la personne qui signe tous les chèques dans l'université, alors je connais les autres problèmes. Et un des problèmes qu'on a mentionnés, c'est le problème des coûts indirects de la recherche. Nous sommes très heureux avec l'avancement qu'on a fait au Québec, dans les années passées, mais ce n'est pas assez. Quand nous avons un système comme nous avons, des bâtiments patrimoniaux qu'on utilise pour la recherche, que nous avons des besoins de fonds de démarrage, quand nous avons des besoins pour la chaleur pour des vieux bâtiments, et il n'y a pas... On reconnaît qu'il n'y a pas, dans les derniers budgets, beaucoup d'argent pour la maintenance différée, «deferred maintenance», ce sont des problèmes pour nous de plus.

Le Président (M. Kelley): Peut-être une toute dernière.

M. Reid: Une précision là-dessus.

Le Président (M. Kelley): Oui.

M. Reid: Juste une précision là-dessus, parce qu'on parle de frais ou de coûts indirects de la recherche et, bon, vous amenez d'autres éléments de maintenance de bâtiments, etc., mais les coûts indirects de la recherche, comme on les entend, il y a un comité qui a évalué que ça devait être entre 55 % et 65 %. Dans le dernier budget, nous avons payé et prévu donc ce montant-là, 55 % à 65 %, pour tout ce qui est de subventions du gouvernement du Québec. Et donc est-ce que c'est au-delà de ça en termes de besoins? Parce que, bon, la principale a parlé aussi du fait qu'on devrait demander au fédéral d'imiter ce qu'on a fait, là, au niveau des subventions fédérales. Mais est-ce qu'on parle de quelque chose de plus que ça quand on parle, dans la recommandation 5, des coûts indirects?

M. Yalovsky (Morty): Parce qu'on a... Vous avez raison avec les coûts de 50 % et 65 %. Mais il y a aussi un domaine assez grand dans le domaine biomédical, où les frais sont seulement, je crois, à 15 %. Et, avec une université de recherche, une université avec un grand Département de médecine, ce n'est pas assez dans les domaines de santé et biologie, des choses comme ça.

Le Président (M. Kelley): Ça va pour le moment?

M. Reid: Oui.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci. Alors, je vous souhaite la bienvenue à mon tour au nom de ma formation politique. Ça me fait plaisir de vous rencontrer à nouveau. On a eu l'occasion d'échanger à quelques reprises sur les orientations de McGill. J'ai eu aussi l'occasion de visiter un peu les installations.

Je veux revenir sur la page 5 de votre mémoire où vous parlez d'écarts de financement, entre autres, sur le manque à gagner en termes de fonctionnement que vous évaluez à 62 millions par année. On a vu, avant vous, l'Université du Québec, tout le réseau de l'Université du Québec avec ses constituantes qui évidemment nous disent: On a des problèmes sérieux de financement à cause de notre petite taille, en région, de l'importance des services qu'on doit rendre sur un grand territoire, le fait qu'on a des petits groupes et qu'un même prof a une charge de travail très lourde, etc. Bon. Alors est-ce que, lorsqu'on considère ce qui se passe du côté des universités de plus petite taille et ce qui se passe à McGill, il n'y a pas un équilibre finalement qui s'établit? Et le 62 millions, vous le faites essentiellement sur la base de l'effectif que vous avez aux différents cycles. Mais est-ce que les universités ne sont pas financées à la tête de pipe, comme on dit, là, au nombre d'étudiants qui fréquentent l'université?

Le Président (M. Kelley): M. Vinet.

M. Vinet (Luc): Oui. Évidemment, les étudiants sont financés, mais le problème de base en est un de compétitivité par rapport à la concurrence. Alors, il faut toujours ramener les choses à ce point de vue là. Et, quand on examine les revenus par étudiant ? toutes sources confondues ? des universités canadiennes concurrentes, là, si on prend cet échiquier-là, alors là ce qui est mis à notre disposition à même l'enveloppe ne couvre pas ce que les autres peuvent couvrir, alors mine donc notre capacité, si on parle de recrutement de professeurs, de présenter des offres qui sont concurrentielles avec ce que les autres font. Alors, c'est la base fondamentale pour cette évaluation du sous-financement qui est présentée.

Maintenant, le chiffre de 62 millions vient aussi d'un examen comparé des allocations de revenus à l'intérieur de l'enveloppe provinciale, et là il y a différents effets qui jouent au détriment de McGill ou qui ont joué, dans le passé, à son détriment et qui sont élaborés. Alors, il y a... je veux être clair, là, il y a deux bases sur lesquelles McGill n'y trouve pas vraiment son compte: une base interne et une base de comparaison relative. Alors, on espère que les choses puissent se rétablir. La recommandation de Mme Munroe-Blum sur la formule de financement vise des objectifs d'équité. Et le message le plus important ici, je pense, c'est celui du sous-financement relatif. McGill est solidaire des universités québécoises. Ensemble, on va trouver comment se partager l'enveloppe. Mais, dans le moment, globalement prises, nos universités ne peuvent plus concurrencer les universités du reste du pays.

n(16 h 40)n

Mme Marois: D'accord, je comprends bien. Je reviens sur toujours la question du financement. Votre sixième recommandation dit ceci: «Le financement d'une université devrait être fonction du regroupement d'universités auquel elle appartient tout en valorisant la diversité de ces regroupements.» Un financement public opportun, stable, prévisible, transparent, efficace et équitable. «Un cadre pluriannuel de financement est éminemment souhaitable.» Et vous n'êtes pas les premiers à faire cette recommandation, elle est venue de d'autres universités, mais je ne pense pas qu'on ait soulevé la question aujourd'hui.

Vous savez qu'au niveau du budget du gouvernement du Québec il y a une prévision triennale, mais généralement il n'y a pas d'engagement triennal ? je pense que je ne me trompe pas en disant ça ? si mon souvenir est bon, alors ce qui fait que c'est un peu difficile. Je comprends cependant parfaitement bien cette attente et je la partage, mais elle est incompatible avec nos propres règles de comptabilité, si on veut. Alors, j'aimerais cependant que vous m'en parliez un peu davantage. Si le Dr Vinet veut intervenir ou si vous voulez le faire en anglais, sentez-vous bien à l'aise.

Mme Munroe-Blum (Heather): Oui. Je comprends la plupart en français, mais je suis encore une étudiante de la langue française puis je parle un peu en français. I believe in education and learning and I'm a living example of being a student in this regard.

Multiyear funding is absolutely imperative to be able to plan our programs to actually reach out and determine how to improve accessibility, how to grow quality, how to create programs of education and research that are truly innovative, that meet the needs of Québec but also have an international place in the world. On year-by-year funding where we simply don't know what's coming around the corner, it lowers everyone's aspiration. It lowers our sense that we can do great things. It lowers our ability to meet the needs of the population of Québec. And we really urge you to think about how best to move into a multiyear funding framework.

We have engaged ? McGill and in fact every university within the Québec system ? in very creative partnerships, not just with each other but also with other partners, with industry in a research context, with international partners, with universities and foundations outside of Québec that bring investment, bring talent, bring knowledge networks into Québec. I cannot tell you how difficult it is to persuade other organizations to partner with us when we can't make a commitment that goes beyond one year, and sometimes, within the year, we wonder what's coming down the pike for the years that we're in. It's absolutely critical.

Madam, I'd like to just respond also to your earlier question and say again: our goal is not to undermine in any way the distinct contribution that anyone part of the system makes, quite the opposite. I think it's a great strength of Québec that we have diversity in our system. The problem is we're not achieving the accessibility and the quality that we want. The only solution is to grow the envelope of resources and the Government of Québec cannot do it alone.

Mme Marois: D'accord. Est-ce que...

Le Président (M. Kelley): Une dernière question et on va...

Mme Marois: Une petite dernière question. Vous revenez sur le fait qu'il y a, bon, les frais différentiels pour les étudiants étrangers aux cycles supérieurs. Vous dites: «...devraient être éliminés si le gouvernement accorde aux universités la responsabilité de fixer les droits de scolarité.» Mais, par ailleurs, un peu plus loin, dans le document, je pense que c'est à la page 23, vous souhaitez que les étudiants étrangers puissent payer des sommes supplémentaires et que les sommes puissent être conservées à l'université. Nous avons déjà eu cette discussion-là ensemble. La difficulté, c'est qu'actuellement ce n'est pas ça, hein, c'est compensé, c'est-à-dire que vous n'avez pas plus de ressources parce que vous recevez plus d'étudiants étrangers et qu'ils paient davantage déjà, de toute façon, que les étudiants québécois ou canadiens. Mais le problème que ça poserait, c'est que, là, on commencerait à voir un véritable déséquilibre dans le financement des universités si on vous laisse les ressources chez vous et que, ailleurs, dans une autre université qui en... et que ça vous permet de couvrir un certain nombre de frais que l'autre université ne pourrait pas couvrir parce qu'elle n'a pas le même nombre d'étudiants étrangers. Alors, moi, je trouve qu'en termes d'équité ça pose un vrai problème. Ça rejoint un peu la question que posait le ministre.

Mme Munroe-Blum (Heather): C'est une bonne question. We are proud to contribute to the strength of the Québec university system. We do not begrudge the fact that some of the resources that we bring in, in fact, tens of millions of dollars a year that McGill brings into Québec get redistributed within the system. What we care about is that we have no incentive to do that. We have no «marge de manoeuvre» with that. We believe it's absolutely critical that we have some kind of contrat avec le gouvernement du Québec qui offre des «incentives» pour cette sorte d'activité, and I think it's... You can't constrain us at the top and constrain us at the bottom and have us suffering with our deplorable buildings, and our underfunded programs, and the risk of losing the professors and students we attract.

So, if you want to use us, and we would be happy to, with a distinctive contribution that McGill can make to Québec, free us up to do it in a way that's profitable for McGill, that allows McGill to benefit as well as the people of Québec and the universities of Québec. We believe there's a solution in the middle there. We believe that the promise of the «premier ministre du Québec» to freeze tuition fees in this mandate should not apply to students outside of Québec. We believe it also should not apply to indexation. As one example, we would, at McGill, as we believe, if we had the opportunity to grow tuition fees, make a commitment to growing student aid. We would want to give some aid to international students as well as generate new revenues to support Québec students at McGill. We believe this can be a win-win situation with a strong commitment to Québec.

Mme Marois: Merci.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Vimont.

M. Auclair: Bonjour. J'aurais deux petites questions rapides. La première, vous êtes une université qui valorise beaucoup la recherche, et je me demandais, du point de vue des étudiants, le fait que vous avez beaucoup de professeurs qui sont justement dans la recherche, comment est-ce que les étudiants de premier cycle réagissent au fait qu'ils n'ont peut-être pas l'accessibilité à des professeurs de haut niveau. Ça, c'est le premier volet.

M. Vinet (Luc): Alors, d'abord, je vais marteler toujours le même message: s'il advient que les étudiants n'ont pas accès aux professeurs qui font de la recherche, c'est un problème de sous-financement, parce que le modèle d'une université comme McGill à forte intensité de recherche, c'est de mettre justement en contact, en relation les étudiants au premier cycle avec des praticiens, avec des gens qui font de la recherche. Et ce n'est pas un modèle qui est nécessairement celui qui convient à tout le monde, mais pour ceux qui y sont intéressés, ça les met donc dans l'esprit de recherche et ça développe leur formation de cette façon-là.

Donc, il ne faudrait pas comprendre que nos étudiants ne sont pas en contact avec des professeurs réguliers parce que ceux-ci sont impliqués dans la recherche. À McGill, ça, ce n'est vraiment pas le modèle, et on est tout à fait opposés à un système à deux niveaux avec ceux qui enseignent et ceux qui font de la recherche. Tous ceux qu'on a attirés avec des chaires de recherche du Canada, les détenteurs de chaires du Canada ? et, pour nous, c'était toujours des gens qu'on a recrutés à l'externe ? ne sont aucunement libérés d'enseignement pour des fins de recherche. C'est un principe sacro-saint qui est le nôtre et qui justement est en prise sur cette philosophie que les deux activités vont de pair et que les étudiants vont en bénéficier.

M. Auclair: Et le deuxième volet... C'est juste pour clarifier. Dans vos affirmations, le deuxième point, si je ne me trompe pas, vous parlez de... vous affirmez qu'on devrait encourager les partenariats et vous parlez de mesures dissuasives à cet égard qui existent. Est-ce que vous pouvez me donner certains exemples de mesures dissuasives qui existent en ce moment?

n(16 h 50)n

Mme Munroe-Blum (Heather): I think the example of international students that we just spoke about is a great example. International students cost more to bring in. We believe they contribute enormously to the life of Québec's students at the university. We believe they also become tremendous knowledge networks for our universities and for Québec in the future. But it is very tough, I have to tell you, when it costs more to bring university students in from outside of Québec. We believe there's a great advantage for Québec in doing that. And in effect there's a disincentive to do it because we have less money than it costs to support them. It's one example, but I would say again: When we're working with industry, say for example... As provost Vinet said: We've been working very hard to create innovative new academic programs. We need to know that we can fund them when we undertake them. There are opportunities to do some of this in partnership with the private sector, but if we don't know what we can bring to the table on a multiyear basis, industry simply won't be interested in participating.

M. Auclair: Thank you.

Le Président (M. Kelley): Sur le même sujet, M. le ministre.

M. Reid: Parce que, tout à l'heure, sur cette question, cette recommandation 2, vous avez parlé aussi de philanthropie ou de culture philanthropique. Alors, est-ce que vous pouvez élaborer aussi sur les... soit les mesures dissuasives ou les mesures incitatives au niveau philanthropie? Parce que parfois ce sont des questions législatives, ou des règles fiscales, ou des éléments comme ça. Est-ce que c'est de ça dont il s'agit ou s'il y a plus que ça?

Mme Munroe-Blum (Heather): A culture of philanthropy in Canada is a very new thing. 20 years ago, there were less than a handful of universities out of the over 100 universities that had any capacity to raise money from alumni and, if you'll permit me to... I don't look back to Ontario with any fondness, I'm so happy to be here, but let me use Ontario as an example as you have in the commission parlementaire's document.

The Government of Ontario was very, very interested in allowing the newer universities, the regional universities to have some opportunity to raise revenues beyond government support. The Government of Ontario created a $400 matching program for student aid. The regional universities at the time were very upset. The regional universities said: We will not benefit from this program. The same old research-intensive universities, McMaster, Queen's, Western, Waterloo, Toronto will win all of this money and we won't get any.

And the program was: for every dollar, for every dollar that a university raises as a gift from anyone, the Government would match one dollar to create endowment in support of student. It was astonishing the success that the regional universities had matching a dollar on a dollar. Add to that tax incentives, so that allows people who don't have a lot of money to make a contribution. But add to that then a tax incentive that allows those who are very wealthy to make a contribution and have that matched overnight, a university that has never had a penny of endowment can grow a significant endowment.

It's one example, but it was so powerful that the new Liberal Government in Ontario took the example of the old Conservative Harris Government and just created a new $400 000 000 fund to do it again on its own.

M. Yalovsky (Morty): Je peux y aller à la suite?

Le Président (M. Kelley): M. Yalovsky.

M. Yalovsky (Morty): Merci. Je peux ajouter juste un peu. Dans la semaine prochaine, nous allons faire une petite présentation avant le Comité du financement, et une des choses qu'on va suggérer à ce comité, c'est la... the elimination of capital gains tax. Quand on a fait des «changes» dans... je crois que c'était en 1997... No? 1997. Quand on a fait des «changes», on a vu une augmentation du fonds de dotation ? peut-être personne n'a en tête ? premièrement, dans le domaine des «gifts of stock», et on a fait la présentation parce que ça peut nous aider dans l'université puis aussi peut-être dans les hôpitaux et les autres institutions.

Mme Munroe-Blum (Heather): C'est bien pour les hôpitaux aussi.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Une question très brève, parce que mon collègue voudrait intervenir. J'aimerais peut-être m'adresser en particulier au Dre Munroe-Blum. Vous qui avez connu les autres universités, entre autres ontariennes, est-ce que ce financement pluriannuel est accessible ou existe dans les autres universités canadiennes? Vous allez excuser mon ignorance, mais je ne le sais pas.

Mme Munroe-Blum (Heather): I don't actually know currently what the experience is across Canada. I would say if we could do it, we would be real leaders in getting it right. The multiyear funding that I know from British Columbia, from Alberta, from Ontario has come on a program-specific basis versus a system-wide basis.

Mme Marois: Merci. Oui?

M. Vinet (Luc): Je peux peut-être intervenir un petit peu là-dessus.

Le Président (M. Kelley): M. Vinet.

M. Vinet (Luc): Je ne connais... je ne sais pas comment les gouvernements, en Ontario, par exemple, peuvent arriver à assurer le financement. D'ailleurs, une formule que le prédécesseur de Mme Munroe-Blum ? et vous le connaissez, Bernard Shapiro ? quand il était sous-ministre d'Éducation en Ontario, avait mis sur place, c'est un financement qui utilise des corridors. Et donc, s'il y a des fluctuations des populations étudiantes à l'intérieur d'un certain corridor, on ne s'occupe pas de faire des changements, et le contrat entre, disons, le gouvernement et les universités se fait sur cette base-là. Alors ça, c'est un élément de stabilité, si vous voulez. Et ça, ça existe, c'est comme ça que ça fonctionne.

Mme Marois: Mais quand ça monte?

M. Vinet (Luc): Non. Alors, ce sur quoi...

Mme Marois: Il y a une variation, là, il y a un écart, là.

M. Vinet (Luc): Il y a une variation permise à l'intérieur de ce corridor, le financement est maintenu, et si ça va vers le bas ou vers le haut, là, il faut renégocier l'affaire.

Mme Marois: D'accord, O.K., ça va.

Mme Munroe-Blum (Heather): And that, it allows stability, predictability with respect to enrollment and what would come from enrollment. And then there are the other envelopes of support. They get negotiated on a year-over-year basis.

Mme Marois: D'accord. Merci.

Le Président (M. Kelley): Une dernière question, M. le député de Berthier.

M. Bourdeau: Merci. Moi, c'est plutôt au niveau du choix, de vous donner le choix de fixer les frais. Et vous dites qu'on n'a aucune augmentation de frais qui ferait en sorte de réduire l'accessibilité à l'éducation. Vous dites: En comparaison avec les autres provinces, les autres universités un peu partout dans le monde, où ça a été fait, il n'y a pas de problème, il n'y a pas eu d'accessibilité.

Mais la problématique ? et en Grande-Bretagne présentement ils la vivent ? si on vous donne le droit d'augmenter les frais à un maximum... si on les balise à un maximum, qu'est-ce qui risque d'arriver? C'est que, mettons, si on prend l'exemple de la Grande-Bretagne à 7 200 $, vous, McGill, vous dites: On va mettre à 7 200 $, à peu près toutes les universités ? comme ça se passe présentement en Grande-Bretagne ? vont monter à 7 200 $. Pourquoi? Parce qu'ils ne vont pas vouloir avoir l'air, premièrement, d'une université qui ne vaut pas 7 200 $. Pour le prestige, ils vont monter à 7 200 $. Et l'autre raison: ils veulent un financement équivalant aux autres universités pour pouvoir se développer à l'équivalent des autres universités. Ce qui va arriver avec nos universités, par exemple, en région, les UQ, comme M. Moreau disait tout à l'heure, pour eux une augmentation des frais de scolarité ferait en sorte de les toucher directement.

Et, dernier petit point par rapport à ça, vous dites aussi qu'aucun État, aucune société ne peut se payer le luxe d'avoir un système financé à 100 % par l'État, un système d'éducation. Pourtant, on finance à 100 % un système qui s'appelle la santé. Pourquoi on ne ferait pas la même chose avec l'éducation? C'est un choix de société, je crois, c'est un choix de vie. On subventionne à 100 %, puis je suis d'accord avec ça, avec le système de santé, je n'ai aucun problème, puis mes parents et mes grands-parents vont sûrement s'en servir plus rapidement que moi, mais je pense que l'éducation pourrait être aussi subventionnée à 100 % sans que ça cause de problème. Au contraire, c'est un investissement, et c'est prouvé que, quand on investit en éducation, à long terme, on sauve des coûts. J'aimerais ça vous entendre plus sur ça.

Le Président (M. Kelley): Mme Munroe-Blum.

n(17 heures)n

Mme Munroe-Blum (Heather): Si vous êtes content avec l'accessibilité et la qualité du système du réseau des universités du Québec, il n'y a pas un problème, oui. Mais ce n'est pas le cas que nous avons maintenant un niveau d'accessibilité qui est bon pour les Québécois et les Québécoises.

M. Vinet (Luc): Je peux peut-être prendre le relais. Pour répéter la question, je pense, sur laquelle il est important d'avoir consensus pour commencer, c'est le sous-financement des universités, hein? Bon, on part de là. Donc, si on reconnaît le problème, là, il faut essayer d'y trouver une solution. Là, le point de vue qui est avancé en est un qui est pragmatique et de dire que, si on observe les différentes sociétés qui ont été confrontées au même problème, on n'a pas trouvé de solution qui était exclusivement gouvernementale. Alors, peut-être qu'on peut y arriver. Là, c'est une contribution simplement à la réflexion qu'on apporte, ce n'est pas du tout un principe ou un dogme auquel on est attachés. Mais, de manière pragmatique, on est sceptiques, et pas que les finances du Québec sont dans un état complètement déplorable, mais on n'est quand même pas dans l'abondance, et donc il y a cette première question qui est soulevée.

Et alors c'est... et la même chose pour la santé. Ce n'est pas que la santé est sans problèmes, hein, on a toutes sortes de problèmes. Et ce qu'on est ici pour vous dire, c'est qu'il ne devrait pas y en avoir que pour la santé, parce que la santé d'une société passe aussi par l'éducation. Alors là on a l'air de mettre tous nos oeufs dans la santé, et puis ça laisse l'enseignement supérieur en grande souffrance. La question est pour nous, comme collectivité: Comment allons-nous résoudre cette question-là? Et, si on ne la résout pas, si on la repousse dans le temps, en disant: Bien, il faut que ce soit par le financement public uniquement, et puis, si ça prend cinq ans, bien ce sera comme ça, nos universités ne tiendront pas la route, ne souffriront plus la comparaison avec les concurrentes du reste du Canada. Et est-ce que c'est l'avenir qu'on veut réserver à nos enfants, un enseignement supérieur de moindre qualité?

Alors, c'est un plaidoyer un peu dramatique que je fais, mais je pense qu'on est à l'heure des choix très, très sérieux, et il faut les faire ensemble en tant que société.

Mme Munroe-Blum (Heather): Nous avons maintenant au Québec un «reverse» de Robin des bois. We have a reverse Robin Hood in Québec right now. We have families that can afford to send one child to a Canadian university outside of Québec at $8 000 per year tuition, one child to go down to the United States, between $30 000 U.S. and $40 000 U.S., and to send a third child to a Québec university for $1 800, while at the same time there are young people in Québec who cannot afford to go to university, who cannot afford to have the quality of university that they deserve. I think it is a question for all of us to decide what is it that we want in Québec, what are the values that we're going to put in place as we figure out how to get a level of accessibility and sustained quality for Quebeckers that they deserve, that we deserve.

Le Président (M. Kelley): Sur ce, merci infiniment aux représentants de McGill. Et en terminant, Dr Munroe-Blum: Welcome back again to Québec, and, as I said to your predecessor ? because we're meeting the new directors, the new leadership of our universities in Québec ? I'm sure you will continue to be an excellent ambassador for the University of McGill. Merci beaucoup.

Je vais suspendre nos travaux quelques instants. Et j'invite la Centrale des syndicats du Québec et la Fédération du personnel professionnel des universités et de la recherche de s'avancer, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 17 h 4)

 

(Reprise à 17 h 7)

Le Président (M. Kelley): Je vais demander aux membres de reprendre leur place et à la Centrale des syndicats du Québec.

Des voix: ...

Le Président (M. Kelley): Alors, M. le ministre. Vous êtes très poli, mais peut-être on va les laisser faire la présentation avant de passer à la période d'échange avec nos invités. Un mot de bienvenue aux représentants de la Centrale des syndicats du Québec et également à la Fédération du personnel professionnel des universités et de la recherche. Peut-être, M. Parent, vous pouvez commencer et présenter les personnes qui vous accompagnent.

Centrale des syndicats du Québec (CSQ)
et Fédération du personnel professionnel
des universités et de la recherche (FPPU)

M. Parent (Réjean): Merci, M. le Président. Donc, à ma gauche, Mme Carole Demers, qui est présidente de la fédération des professionnelles et professionnels d'universités; Bernard Gaucher, qui est membre de l'exécutif et secrétaire de la fédération; et Véronique Brouillette, qui est conseillère au Service de l'action professionnelle et sociale à la CSQ.

Donc, on va se lancer dans la mêlée dès à présent. D'abord, en commençant par vous remercier pour l'audience accordée en saluant, je dirais, les qualités d'écoute du ministre et en lui indiquant qu'on partage son souci d'accompagnement des étudiantes, des étudiants dans la réussite. De ce côté-là, je dirais que, pour avoir eu l'occasion d'échanger précédemment avec lui, on est à la même heure et on partage la même préoccupation, et le débat qui s'amorce nous apparaît effectivement essentiel.

Cependant, on pourrait difficilement décoller ce débat-là de l'ensemble québécois. Là, c'est sûr qu'on va focaliser sur les universités, mais il faut regarder ça dans un cadre d'un budget d'État, dans un cadre où on nous parle beaucoup de modernisation, mais aussi la modernisation, c'est vers 2050, qu'on la souhaite, et donc plus préoccupés effectivement de garantir une accessibilité partout sur le territoire du Québec, garantir la qualité des services universitaires et en même temps rappeler que c'est une responsabilité d'État. Et, dans ce sens-là, donc, c'est évident qu'on voit plutôt... vous le verrez à travers les solutions, là.

n(17 h 10)n

Carole Demers présentera les volets plus, je dirais, de terrain, de recherche, travail professionnel, enseignement, là, ce qui a trait à la qualité et l'accessibilité. Mais vous verrez que, au niveau du financement, comme centrale, on se loge à une enseigne. On dit: Compte tenu que c'est une responsabilité d'État, que c'est une richesse pour la collectivité, donc, oui, un financement adéquat. On va déjà souscrire au fait qu'il y a un sous-financement, qu'il y a nécessité de le relever, mais on pense que ça doit être porté par l'ensemble de la société québécoise. Et je laisserais Carole faire les deux premiers chapitres du mémoire, puis je viendrai conclure sur le financement.

Le Président (M. Kelley): Mme Demers.

Mme Demers (Carole): Bonjour. Alors, oui, je vais vous présenter notre réflexion mais plus par grandes idées. Ça ne suivra pas nécessairement, là, l'ordre de présentation que vous avez dans le mémoire, mais on a essayé de regrouper notre réflexion sous des thèmes principaux.

Alors, nous sommes d'accord avec la plupart des participants aujourd'hui qui affirmaient que les universités offrent encore une formation de bonne qualité au Québec et qu'elle se compare avantageusement aux autres universités tant au plan national qu'international. Cependant, les temps sont plutôt difficiles, et nous sommes inquiets par rapport à l'avenir des universités. Alors, nous espérons que la réflexion qui s'amorce par cette commission permettra de trouver des avenues pour soutenir les universités dans leur développement global, en ayant pour but la recherche d'une plus grande qualité.

La mission première de l'université est la réussite sociale et professionnelle des étudiantes et étudiants et la formation de citoyennes et citoyens responsables dans un contexte de développement du savoir et de participation à l'avancement de la société. Cette mission, pour nous, se réalise en trois volets qui sont indissociables: l'enseignement, la recherche et les services à la collectivité.

Nous allons commencer par ce troisième volet, car, si tous s'entendent sur l'importance des deux premiers, nous avons quelques inquiétudes sur l'avenir des services à la collectivité. Le terme est absent du document de consultation qui nous a été soumis, bien que ces services soient souvent sous-jacents à la réalisation de bien des activités universitaires.

Pour nous, les services à la collectivité sont très importants, car il permettent aux universités d'être présentes dans le milieu et ainsi de mieux répondre aux besoins des communautés. Ils permettent aux universités de jouer un rôle actif dans la collectivité. Ils favorisent le transfert des connaissances entre l'université et les utilisateurs des services. De plus, l'implication d'une université dans son milieu incite les étudiantes et étudiants à faire de même et ainsi favorise leur intégration sociale et professionnelle. Cette présence dans le milieu participe à la rétention des jeunes dans leur région ou leur collectivité et suscite souvent des retours aux études.

Alors, par les termes services à la collectivité, on pense principalement aux services de développement ou d'animation des groupes communautaires, aux formations offertes aux entreprises, aux nombreux partenariats qui sont développés depuis plusieurs années, à certaines formations offertes aux adultes qui reviennent aux études et aux différentes recherches-actions dans les milieux. Il semble donc important de reconnaître que les services à la collectivité sont un volet de la mission universitaire et donc qu'il doit faire partie de la stratégie de financement public des universités.

C'est l'étudiant lui-même qui est au coeur de sa réussite. Les universités doivent donc, selon nous, axer leur action de formation sur le besoin des étudiants. Alors, c'est donc sous cet angle qu'on abordera les deux autres volets de la mission: l'enseignement et la recherche.

Les étudiantes et étudiants qui fréquentent les universités ont bien changé depuis les 20 dernières années. Ils travaillent à temps partiel, souvent même à temps plein. Ils sont pères ou mères de famille. Ils font des retours aux études après une assez longue absence. Ils sont plus mobiles et ils sont souvent adeptes des technologies de l'information et des communications. De plus, toutes les universités ouvrent maintenant leurs portes aux étudiants étrangers qui n'ont ni la même culture ni le même bagage académique. Ces réalités demandent donc aux universités d'adapter constamment leur développement aux besoins exprimés afin de faciliter le cheminement des étudiants vers la réussite. Il faut penser aux activités liées directement à l'enseignement mais aussi aux activités qui visent l'intégration et la persévérance aux études.

Dans ce contexte, les universités doivent pouvoir développer des méthodes pédagogiques adaptées aux nouvelles réalités et assurer le développement d'offres de programmes diversifiés afin de mieux répondre aux besoins et de rendre plus accessible la formation universitaire. On peut penser à l'utilisation des technologies, à la formation à distance, la formation par Internet et au développement de nombreux programmes courts, et ce, aux différents cycles d'études.

Les universités doivent pouvoir développer aussi des services de soutien, d'intégration et d'encadrement orientés vers les clientèles québécoises en mutation mais aussi vers les étudiants venant de l'étranger qui ont des besoins bien particuliers. Elles doivent de plus prévoir la formation et le soutien pour les personnels qui sont concernés par ces activités. Les universités doivent aussi développer et soutenir des activités qui ont pour but de faciliter l'intégration sociale et professionnelle, tout en aidant à la persévérance. On pense ici aux stages, par exemple, et, bien sûr, aux programmes offerts sous le régime coopératif qui mettent en contact direct les étudiants avec les milieux de vie et les milieux de travail.

De plus, afin de susciter l'intérêt pour la poursuite des études aux cycles supérieurs, il faut impliquer les étudiantes et étudiants dès le premier cycle dans les activités de recherche, et il faut inciter les professeurs-chercheurs à être en contact direct avec les étudiants du premier cycle, y compris par l'enseignement.

Le renouvellement du corps professoral aussi nous préoccupe beaucoup, et ce, dans toutes les universités. Toutes les universités doivent pouvoir compter sur des professeurs de haut niveau et impliqués dans leur milieu. Elles doivent aussi veiller à maintenir un sain équilibre entre les différents volets de la tâche des professeurs. Un partage des responsabilités administratives avec le personnel professionnel pourrait être un exemple de solution qui permettrait de soulager les professeurs de certaines responsabilités qui leur demandent finalement beaucoup de temps.

En ce qui concerne les plus petites universités pour qui le recrutement et la rétention sont plus difficiles, le développement de programmes de cycles supérieurs, là évidemment où le patrimoine académique le permet, augmenterait le bassin de personnes dotées d'une formation de haut niveau pouvant devenir professeurs et aiderait à la rétention de ceux-ci par le développement de la recherche dans ces domaines. Les programmes des fonds québécois de recherche ? donc les fonds subventionnaires ? dédiés à la relève sont, à ce propos, d'une très grande importance. La réalité des chargés de cours, qui s'est aussi largement transformée depuis 20 ans, serait à revoir, tant au niveau du rôle, de l'implication, de la présence dans la vie universitaire qu'au niveau des conditions de travail qui sont les leurs.

Au niveau de la recherche maintenant, nous savons que la recherche de haut niveau est un secteur névralgique de l'économie du savoir, et le Québec s'y positionne actuellement très bien, mais il doit pouvoir continuer à le faire. Nous voulons souligner ici l'apport des trois fonds de recherche québécois. Et là on parle du Fonds de la recherche en santé du Québec, du Fonds québécois de recherche sur la nature et les technologies et du Fonds québécois de recherche sur la société et la culture. L'existence de ces organismes québécois voués au développement de la recherche ici a permis de subventionner des recherches concrètes sur notre réalité, a aidé à l'amélioration des conditions de vie et a participé à la croissance économique, sociale et culturelle du Québec. Nous croyons donc qu'il faut réaffirmer l'importance de ces fonds et en augmenter le financement public, contrairement à ce qui lui est arrivé dans le dernier budget où les crédits alloués à ces fonds ont été amputés de 7 %.

Nous croyons qu'il est important donc d'augmenter leur financement pour poursuivre le développement de la recherche au Québec, principalement dans les universités, pour favoriser les retombées directes de la recherche auprès de la population québécoise, pour consolider le rôle joué par les chercheurs québécois dans le rayonnement canadien et international du Québec, pour appuyer le rôle formateur de la recherche dans les universités, pour aider les étudiantes et étudiants à la poursuite des études aux cycles supérieurs par les bourses que versent ces organismes et enfin permettre aux universités de poursuivre leur engagement direct dans la collectivité dans laquelle ils sont.

Je voudrais souligner de plus, ici, le rôle des professionnelles et professionnels de recherche afin d'en reconnaître l'apport dans le développement et la réalisation des projets de recherche. Les professionnels de recherche sont présents dans les activités de recherche bien sûr, mais ils sont aussi présents auprès des étudiants de cycles supérieurs en participant ainsi à leur formation et à leur encadrement dans les activités de recherche. Ils sont présents lors des travaux qui entourent les demandes de subventions, mais ils le sont aussi lors de la publication des résultats. Ils sont souvent l'élément de stabilité d'un groupe de recherche. Et vous le savez peut-être, mais nous travaillons depuis plusieurs années avec ces personnes afin de faire reconnaître leur apport au volet recherche des universités, tant au niveau de la formation à la recherche que de la formation par la recherche, et ainsi leur garantir de meilleures conditions de carrière et de travail et une meilleure intégration à la communauté universitaire.

n(17 h 20)n

Parlons maintenant de l'accessibilité. Et nous allons aborder cette question principalement par le biais des universités en région. Les autres éléments, les frais de scolarité, aide financière, seront repris par M. Parent lors de sa conclusion. Je pense que M. Moreau a fait un bon plaidoyer pour les universités du Québec, mais effectivement on ne peut nier l'effet de la présence des universités en région sur leur milieu. Elles ont permis de hausser le niveau de scolarisation des populations concernées. Elles ont aidé à garder les jeunes dans leur milieu. Elles ont aidé à créer des milieux de vie plus dynamiques. Elles ont augmenté l'accessibilité géographique de la formation universitaire. Elles ont permis le développement de recherche liée directement aux besoins des régions. Elles sont un moteur de développement économique, social et culturel.

Il faut donc assurer le maintien et le développement des universités en région tant dans l'enseignement, dans la recherche et dans les services à la collectivité. Il faut reconnaître leurs particularités tant au point de vue des expertises développées dans des domaines spécifiques qu'au point de vue des difficultés inhérentes à leur positionnement géographique. Il faut donc inciter les universités en région à poursuivre le développement des pôles d'expertise ou des créneaux d'excellence, tout en les aidant à maintenir un patrimoine de base adéquat. Il faut envisager l'ouverture à des types ou modèles particuliers de formation en lien avec des réalités régionales ou pour régler certains problèmes régionaux. On peut penser à soulever la question des exclusivités de formation, par exemple, ou des collaborations entre universités. Il faut aussi tenir compte de l'impact des réformes de certains programmes, comme celle des programmes de formation à l'enseignement au secondaire, qui a eu pour effet de fragiliser, dans certaines régions, les universités considérablement, au point où certaines ont dû retirer l'offre de certaines disciplines, d'autres ont réussi à les maintenir mais à des coûts très élevés en raison de l'éclatement des effectifs étudiants dans ces profils.

Nous sommes inquiets de l'effet à long terme de telles décisions tant sur le bassin de ressources disponibles en région que sur l'exode d'une partie des étudiantes et des étudiants. En région, il faut savoir faire preuve de souplesse et d'adaptabilité bien sûr, et la polyvalence est une dimension de la formation dont l'importance ne doit pas être sous-estimée. Mais il faut s'assurer que les moyens financiers nécessaires à la mise en oeuvre de telles réformes en région feront aussi partie des réflexions et des décisions qui seront prises.

Il faut reconnaître aussi pour les universités en région l'importance de la formation à distance. Ces universités ont développé une très grande expertise en cette matière, expertise basée sur la connaissance des besoins du milieu et des particularités régionales. La formation à distance est un outil essentiel pour permettre à ces universités de bien remplir leur mission, et nous croyons qu'elle doit continuer à relever de leur responsabilité.

Il faut aussi reconnaître certaines difficultés particulières liées au recrutement et à la rétention du corps professoral, nous en avons parlé tout à l'heure. Alors, nous pensons qu'il faut reconnaître l'importance de l'existence des universités en région, tant au niveau de l'accessibilité aux études que du rôle essentiel joué dans le maintien et le développement de ces régions, et prévoir un financement public adapté à leur réalité.

Maintenant, nous allons glisser un mot sur l'évaluation et l'imputabilité. Comme nous venons de voir, la mission des universités, elle est vaste et complexe. Plusieurs éléments y entrent en action et y sont tous interreliés. Nous sommes en accord avec l'évaluation et l'imputabilité des établissements universitaires. Cependant, nous pensons que cette évaluation ou cette imputabilité doit tenir compte des différentes facettes de la mission des universités. Les critères et indicateurs doivent donc tout autant prendre en compte les composantes qualitatives que quantitatives afin d'avoir un véritable portrait d'ensemble des activités universitaires.

De plus, toute évaluation doit comprendre un suivi afin d'améliorer réellement les activités d'une institution. Une évaluation sans suivi serait, pour nous, une activité inutile. Elle devrait évidemment avoir pour but de trouver des moyens d'aider les universités à mieux remplir leur mission qui est, nous le répétons, la réussite des étudiantes et étudiants et la formation des citoyennes et citoyens responsables.

M. Parent (Réjean): Et sur le financement, je vais aller, je dirais, au coeur des recommandations qui figurent dans notre mémoire. D'abord, un, sur le financement public, et je pense qu'on souscrit, on l'a indiqué, on souscrit, je dirais, à l'évaluation qui est faite par le milieu et le fait qu'effectivement quand on dit: Les universités crient famine, je pense qu'on a resserré, resserré, mais on est à la limite des coupures qui sont exerçables. On enregistre des déficits et, dans ce sens-là, il y a nécessité de rehausser de façon significative le financement, et on pense et on est convaincus que, comme c'est un service public, ça doit être d'ordre public et donc financé public.

Autre recommandation. On invite le gouvernement à faire des pressions utiles sur Ottawa. On pense que dans le Transfert social canadien, la formule s'avère perdante pour Québec. Mais, en sus, si on tient compte du déséquilibre fiscal, si on tient compte des surplus qui s'empilent à Ottawa pendant qu'à Québec on se tire dans tous les coins, que ce soit en santé, là, ou en éducation, dans ce sens-là, je vais réitérer la proposition que je faisais au ministre des Finances hier au soir: On est prêts à aller manifester avec le gouvernement, nous autres, à Ottawa, pour ramener les sommes qui sont nécessaires au financement des cours des universités. Il peut compter sur notre appui.

Sur les droits de scolarité. Sur les droits de scolarité, on se situe à l'enseigne du gel. Je dirais que, écouter notre coeur, ce serait plutôt du genre que ça devrait être gratuit, y compris l'université. Mais, bon, je veux dire, on ne lèvera pas un lapin, là, on va en rester au gel au moment où on se parle. Et on souscrit difficilement à des arguments à l'effet que, dans le reste du Canada... puis il faudrait monter... mais, en même temps, on va augmenter l'aide aux étudiants. Donc, moi, je pense que, là, l'État a le contrôle sur les frais de scolarité. À partir du moment où on les libéralise puis on va vouloir compenser par l'aide aux étudiants... Parce que ç'a un effet. Qu'on le veuille ou pas, quand on augmente les frais de scolarité, ç'a une incidence: les plus démunis de notre société, on leur ferme les portes des universités. Et là on va vouloir compenser par une aide... Donc, un financement public assumé publiquement.

Donc, dans ce cadre-là, je dirais un accès qui est égal à l'université, qui favorise finalement l'entrée, y compris d'étudiantes, d'étudiants qui proviendraient de milieux plus défavorisés. Et, dans ce sens-là, l'aide aux étudiants, je dirais qu'on n'a pas réécrit le mémoire, on avait déjà procédé à une comparution avec le Comité consultatif sur l'accès financière aux études, de ce côté-là, on peut faire parvenir le mémoire qu'on avait déposé, mais je présume que le ministre en a déjà copie, donc on n'a pas repris ce train-là.

Et une loi cadre, en conclusion, sur l'aide financière, dans le sens où, compte tenu de l'étranglement des universités, compte tenu du gel des frais de scolarité, on a trouvé une façon un peu détournée finalement de hausser la taxe aux études pour les étudiantes, les étudiants: c'est toutes sortes de frais inhérents qui ont été amenés, que ce soit dans le logement, que ce soit dans les volumes, que ce soit dans l'occupation d'un vestiaire. Donc, dans ce sens-là, je pense qu'il y a lieu aussi de faire un certain ménage dans la maison.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Parent. Je sais qu'il y a les députés qui ont d'autres obligations, alors on va diviser le temps qui reste en quatre blocs de huit minutes. Alors, la parole est à vous, M. le ministre.

M. Reid: Oui, merci, M. le Président. Les professionnelles et les professionnels de recherche jouent un rôle capital dans les universités et en même temps se retrouvent un petit peu dans un rôle transversal à double titre.

Dans un premier temps évidemment, dans une même université, les gens que vous représentez vont aller de ceux qui vont aider les étudiants, les étudiantes au niveau des services aux étudiants, par exemple, jusqu'aux professionnels de recherche qui, eux aussi, sont impliqués évidemment dans l'aide ou dans la formation parce qu'ils vont soutenir les étudiants qui font de la recherche ou qui apprennent à devenir chercheurs ou chercheuses.

D'un autre côté, sur un autre axe, les personnels que vous représentez sont aussi transversaux, mais à travers tout le Québec, c'est-à-dire qu'on trouve du personnel dans les universités qui ont une fonction peut-être plus orientée recherche... ou, en tout cas, qui sont plus intensives en termes de recherche et, à l'opposé, des universités qui sont en train de développer cette capacité avec un... plus ou moins... enfin, avec des étapes plus ou moins avancées.

Moi, j'aimerais vous entendre là-dessus, sur cette espèce de dichotomie qu'il semble y avoir parfois entre le premier cycle, les étudiants qui arrivent puis qui ont besoin d'animation... Et, vous en parlez, les professionnels jouent un rôle extrêmement important. Et l'animation, pas uniquement au niveau de la vie quotidienne, c'est aussi au niveau de l'enseignement des premières années qui complète le travail de professeurs, etc., du point de vue pédagogique. Et, de l'autre côté, au niveau recherche, alors qu'on entend parfois encore aujourd'hui cette dichotomie ou cette opposition apparente: recherche versus enseignement. Où est-ce que vous vous situez? Étant donné que vous avez la chance de fréquenter des professionnels donc que vous représentez de tous ces milieux, enfin de tous ces rôles, de toutes ces missions. Et de façon... la même question se pose aussi pour l'autre axe transversal dont j'ai parlé, c'est-à-dire d'universités qui sont très, très axées, orientées recherche par rapport à d'autres universités pour lesquelles cette intensité de recherche est encore en développement.

n(17 h 30)n

Le Président (M. Kelley): M. Parent.

M. Parent (Réjean): ...vous allez devoir préciser votre question, M. le ministre, quand vous parlez de dichotomie ou d'opposition, comment est-ce qu'on se situe entre les enseignants et les chercheurs, entre...

M. Reid: C'est plutôt que vous avez la chance d'avoir des personnes qui travaillent dans tous ces aspects-là, autrement dit, et peut-être que ça peut donner des éléments de conciliation interne qui doivent se faire. Ou les discussions sont peut-être à l'interne. Vous avez peut-être résolu, déjà fait tout le travail qu'on fait dans une commission parlementaire dans vos réunions internes entre les personnes qui vivent justement ces réalités parfois, en apparence du moins, opposées, et je ne sais pas si... On veut profiter de cette expérience que vous avez déjà depuis un certain nombre d'années.

M. Parent (Réjean): Je vais vous faire profiter de l'expérience...

M. Reid: De Carole, en particulier.

M. Parent (Réjean): ...de notre présidente.

Le Président (M. Kelley): Mme Demers.

Mme Demers (Carole): Oui. Alors, c'est vrai qu'on a effectivement, je pense, la chance, d'une certaine façon effectivement de représenter des gens qui interviennent à tous les niveaux dans une université, qui sont à la fois près des étudiants, qui sont en soutien aux professeurs, qui sont près de l'administration, qui sont en recherche, qui sont souvent même conseillers au recteur. Dans certaines universités, ces gens-là sont dans notre association et...

Une voix: ...

Mme Demers (Carole): Oui, c'est vrai. Moi, je pense que c'est une chance effectivement parce que ça nous... effectivement, ça nous oblige à regarder l'université dans son ensemble et donc, comme je le disais tout à l'heure, d'être sensibles à tous les volets de la mission universitaire et, je pense, d'avoir réalisé qu'ils sont tous interreliés et qu'il ne faudrait pas effectivement, je dirais, en privilégier un aux dépens des autres parce que ce sont les deux autres qui en souffriraient.

Pour nous, c'est totalement interrelié. Et les professionnels, par exemple, qui donnent des services, comme vous l'avez dit tout à l'heure, aux étudiants, par exemple, par l'animation, par l'aide financière, finalement rejoignent les mêmes étudiants que les professionnels de recherche quand ils sont dans les laboratoires avec eux. Quand nos professionnels, par exemple, travaillent à l'évaluation des programmes, au développement de nouveaux programmes, bien ils sont effectivement en lien avec les mêmes personnes qui vont suivre ces programmes, qu'ils soient au niveau du premier, du deuxième ou du troisième cycle. Donc, effectivement, je pense que ça permet peut-être d'avoir cette sensibilité qui nous fait dire d'ailleurs, comme le disait le président de l'Université du Québec, que les universités doivent toutes avoir ces trois volets: la recherche, l'enseignement et les services à la collectivité, et qu'ils sont tous les trois indispensables vraiment à la réalisation de la mission de l'université.

On disait tout à l'heure la réussite des étudiants, mais la réussite, ce n'est pas juste leur accessibilité, qu'ils viennent s'asseoir à l'université. Mais la réussite, c'est qu'ils obtiennent des diplômes, qu'ils aillent aux études supérieures et ensuite qu'ils deviennent des gens actifs dans leur milieu et des citoyens responsables. Et je pense qu'effectivement les gens qu'on représente nous ramènent souvent à cette réalité qui concerne les trois volets. Et, quand on fait des réflexions du type qui nous amène à celle qu'on vous présente aujourd'hui, on la fait effectivement avec des représentants de gens qui travaillent dans les trois volets de la mission. Et peut-être qu'effectivement ça développe une sensibilité plus grande à cette réalité.

M. Reid: C'est beau. Est-ce que c'est la même recherche d'équilibre entre ces trois aspects, ces trois volets de la mission qui vous fait dire et ce qui peut apparaître a priori paradoxal que, d'un côté, on déplore que parfois il y a une survalorisation des activités de recherche par opposition à des activités liées à l'enseignement, mais en même temps, presque du même souffle, on dit: Pour aider au recrutement dans les régions, il faudrait développer davantage la recherche et pour pouvoir plus facilement attirer des professeurs qui aujourd'hui ? jeunes professeurs, etc. ? sont très attirés par des environnements de recherche qui sont intéressants et compétitifs? Et est-ce que c'est la même explication, parce que, a priori, on pourrait penser que c'est un peu paradoxal?

Mme Demers (Carole): C'est vrai, on pourrait penser qu'il y a là une dichotomie. Cependant, c'est ce que je vous disais tout à l'heure, nous, on pense que les étudiants, pour qu'ils soient stimulés dans leur milieu, il faut qu'il y ait une vie universitaire, oui, qu'ils aient un sentiment d'appartenance, oui, mais il faut que la formation soit dynamique. Et, pour nous, une formation dynamique implique nécessairement de la recherche et des cycles supérieurs qui, par leurs travaux, ramènent au premier cycle des nouveautés, des ouvertures et des développements. Alors, ça semble dichotomique, mais, pour nous, c'est lié, et c'est pour ça qu'on dit que, oui, dans les petites universités, il faut trouver des solutions pour ouvrir des programmes de cycles supérieurs, former une population plus scolarisée et trouver un bassin de personnes qui pourront enseigner. Oui, parce que, pour nous, ce que je vous disais, ça semble dichotomique, mais c'est lié, totalement lié ensemble, et c'est ce qui permet, à notre avis, la dynamique interne des institutions, et c'est ce qui fait que ça devient des milieux de vie intéressants pour les jeunes.

M. Reid: C'est très intéressant, M. le Président, et je pense que vous répondez très bien. Il n'y a pas de paradoxe, tel que vous l'expliquez, mais ce que vous dites aussi, c'est de faire très attention que les efforts de recherche sont récupérés aussi par les étudiants de premier cycle, et je pense que c'est un peu là où vous trouvez l'équilibre entre les deux. Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Ma question, elle est aussi dans le même sens parce que vous recommandez formellement, hein... Enfin, c'est un bon développement dans votre mémoire sur le fait qu'il y ait une participation des étudiants de premier cycle, s'entend, à des activités de recherche, de telle sorte que même ça ait un effet de rétention des étudiants pour qu'ils passent ensuite au deuxième et au troisième cycles. Est-ce que vous avez pensé à l'ordre des moyens pour arriver à ça ou vous pensez qu'il y a déjà dans les universités actuellement des façons de procéder qui s'inscrivent dans cette perspective-là?

Mme Demers (Carole): ...les moyens peuvent être de différents ordres, j'imagine, dépendant de la réalité de chacune des institutions. Et souvent une institution plus petite permet un transfert des connaissances qui est peut-être plus facile que dans une grande institution. Ce qui est certain, c'est que ? et on le dit dans le document ? c'est qu'il faut trouver un moyen d'inciter les professeurs-chercheurs à trouver un intérêt à être en lien direct avec les étudiants de premier cycle. C'est sûr qu'ils peuvent en trouver un dans le sens que plus ils intéresseront des étudiants de premier cycle, plus ils pourront former aux deuxième et troisième cycles des gens intéressants, mais je pense qu'il y a là sûrement un élément important de leur redonner le goût du premier cycle.

Et là je ne voudrais pas rentrer non plus dans ce qui fait la carrière des professeurs et, à certains endroits, la surévaluation de la fonction recherche des professeurs pour l'avancement de la carrière qui peut-être a amené une certaine volonté de professeurs d'être plutôt axés vers la recherche pour assurer une carrière. Donc, je pense qu'il y aurait certainement une réflexion à faire là avec l'ensemble de l'université pour essayer de retrouver, de revaloriser la fonction enseignement au premier cycle comme étant fondamentale pour le développement aussi des universités et des cycles supérieurs.

Mme Marois: Vous intervenez, dans votre première recommandation, pour mentionner que vous trouvez qu'on donne la part congrue aux services à la collectivité, qui est l'une des missions des universités. Alors, au-delà du fait qu'on le retrouve peut-être moins dans le document présenté par le ministère et le gouvernement, on ne retrouve pas cette mission nommée, est-ce que vous sentez que, dans les faits ? et là vous avez des expériences dans différents milieux ? est-ce que vous sentez que, dans les faits, il y a moins d'attention d'accordé aux services à la collectivité?

Et, bon, pour moi, services à la collectivité évidemment, ça va autant du côté de l'aide aux entreprises que du support à des organismes communautaires ou, enfin, c'est très, très large, hein, on s'entend sur la même définition. Là encore, c'est plus des intuitions, une observation spontanée que je peux faire. J'ai l'impression quand même que, dans les universités, on se préoccupe de ces questions-là et qu'on s'en préoccupe d'autant plus qu'on veut que l'université soit bien ancrée dans son milieu. Alors, je vous dis une chose et son contraire pour que vous puissiez me contredire ou confirmer ce que je dis.

Mme Demers (Carole): Je ne voudrais pas vous contredire, mais absolument pas, parce que c'est vrai que les deux réalités existent. Nous ne voulons pas dire que les universités ne s'en préoccupent pas, au contraire. Ce qu'on a senti cependant depuis un certain nombre d'années, c'est que les moyens étant moins grands, il y a peut-être eu une certaine dérive... peut-être que le terme est fort, mais à plutôt orienter les services à la collectivité vers ce qui pouvait être... rapporter de l'argent, disons, ou être un peu plus rentable, entre guillemets. Et donc, ça, on a senti une certaine dérive. Et effectivement les universités sont très ouvertes, là, bon, à plein de partenariats avec les entreprises, mais on sent qu'il y a moins de possibilités pour des groupes communautaires, par exemple, ou pour des recherches à vocation plus sociale.

n(17 h 40)n

Si on sent... Ce n'est pas un moindre intérêt, je ne le pense pas, c'est vraiment, je pense, une question de moyens. Et c'est pour ça qu'on ramenait la question au niveau aussi du financement, pour que le financement puisse permettre aux universités de retrouver cette vocation qu'ils ont beaucoup eue au début, il y a 20 ans à peu près, où les services à la collectivité de l'époque d'ailleurs étaient plutôt axés vers les groupes communautaires, vers... tandis que maintenant on sent que c'est plutôt porté vers des cours aux entreprises ou des trucs comme ça qui sont bons, qui sont... Il faut que ça se fasse, il faut qu'il y ait ce lien, mais on est un peu inquiet par rapport à l'autre portion des services à la collectivité.

Mme Marois: Dans votre document... Est-ce que ça va? J'ai encore une petite question, parce que, après ça, j'ai des collègues qui veulent intervenir aussi. À la partie concernant l'enseignement, à la page 11 de votre mémoire, vous dites qu'un des moyens de se faire... Ah oui, c'est... En fait, on parle de l'enseignement en disant que les enseignants doivent se préoccuper de fonctions administratives, et vous dites: Plusieurs activités administratives pourraient être confiées au personnel professionnel «afin de permettre aux professeurs de mettre plus d'accent sur les volets "enseignement", "recherche" et "services à la collectivité"». Je dois dire, c'est la première fois que je l'entends dit comme ça, j'ai déjà vu ça dans d'autres réseaux, mais qu'on met le doigt sur cette réalité. Est-ce que vous pensez à des activités en particulier ou à des situations que vous pouvez nous identifier?

Mme Demers (Carole): Je peux vous donner quelques exemples, parce qu'il y en aurait beaucoup. Bon, par exemple, quand on parle de la recherche, on sait qu'au niveau de la recherche, dans un programme de recherche, il y en a un gros volet qui touche le côté plus administratif, plus clérical, plus relations avec les organismes subventionnaires, et tout ça. Et ça, il y a déjà quand même une certaine partie de ce travail qui est donnée à des professionnels. On peut retrouver aussi ces volets administratifs, par exemple, dans certaines charges, comme les professeurs qui sont directeurs de départements, ou qui sont responsables de programmes, ou qui sont, bon, en charge, par exemple, de certains volets de la formation continue.

Ce qu'on dit, c'est qu'il y a là une expertise professionnelle qui pourrait très bien permettre de dégager les professeurs d'un certain niveau de leurs responsabilités administratives. Ils pourraient en garder la responsabilité professionnelle, la responsabilité académique évidemment dans la formation, mais qu'un certain côté de leur travail plus administratif, plus, bon, clérical, mais pas dans le sens négatif du terme, pourrait être donné à des professionnels. Il y a des universités qui ouvrent beaucoup cette voie actuellement, mais on pense que ça pourrait se faire encore plus et dégager une partie du temps des professeurs.

Mme Marois: D'accord. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Jean-Talon

Mme Delisle: Merci, M. le Président. Alors, merci d'être là. Vous avez affirmé deux choses tout à l'heure qui m'ont vraiment fait plaisir, enfin lorsque vous dites qu'il est temps qu'on revienne au premier cycle... Je vous mets peut-être des mots dans la bouche que vous n'avez pas prononcés, je m'en excuse, mais j'ai cru comprendre que vous souhaitiez vraiment qu'on revienne, que les professeurs reviennent vraiment à enseigner au premier cycle. Non pas qu'ils n'enseignent pas du tout, mais que, pour vous citer un peu incorrectement, qu'il semblait y avoir une dérive ces dernières années vers la recherche. Nous... Moi, je l'entends sur le terrain. Je l'entends non seulement de la part des représentants des étudiants, des associations étudiantes, mais même chez des étudiants, là, qui n'ont rien à voir avec ces associations-là, des gens que je rencontre, soit des étudiants, des gens, là, de ma famille ou des amis, des amis des amis, là, et ils déplorent ça, et jusqu'à peut-être... Vous mentionnez qu'il en va même de la motivation, des fois, à suivre ce cours-là. Bon.

L'autre élément que vous avez soulevé qui me touche particulièrement, c'est le fait que, au fil des ans, on ait comme laissé de côté tout... peut-être pas à 100 %, mais une grande partie de cette implication sociale ou de... Et ça, je trouve ça important que vous le souleviez parce que l'université a aussi une mission au sein de la collectivité. Que ce soit en région ou que ce soit dans les grands centres, peu importe, l'université est un moteur de développement économique. Ce n'est pas juste l'individu qui doit primer, mais on a quelque chose à remettre à la société aussi ? je ne veux pas faire un grand sermon ici, mais ça, je le pense profondément ? et on le voit dans nos organismes communautaires et la grande difficulté qu'on a à recruter des... Il y a une certaine génération, là, qui a été laissée-pour-compte, je pense, sans porter de jugement de valeur. Je n'ai pas de statistiques, mais qu'on tente de recruter des bénévoles, dans une catégorie d'âge, là, on ne les retrouve pas parce qu'ils n'ont pas été incités à remettre à la société. Alors, ça me fait plaisir de vous l'entendre dire. J'espère que ça ne tombe pas dans l'oreille de sourds. Ça ne veut pas dire que qu'est-ce que nos universités nous ont donné était nécessairement incomplet, mais c'est peut-être un message, je pense, qui peut nous ramener sur le... aux vraies valeurs, là, qui doivent nous motiver.

Moi, j'aimerais vous entendre ? après ce long préambule ? je voudrais vous entendre sur comment on peut ramener justement ou comment on peut créer cet équilibre, ce juste équilibre entre la recherche et l'enseignement. Là, honnêtement, là, je le veux pour le premier cycle. Je comprends qu'aux deuxième et troisième cycles c'est partie prenante, là, de la tâche professorale, mais comment on ramène cette dynamique-là? Puis je sais que vous allez me parler, là, que ça prend les fonds nécessaires pour engager des professeurs, je pense que je réponds moi-même à ma question, mais il y a une dynamique qui manque, là, puis je ne sais pas comment on peut la... faire passer ce message-là.

Le Président (M. Kelley): Mme Demers.

Mme Demers (Carole): Oui. C'est-à-dire que la réponse aurait plusieurs volets, dans le sens que je ne pense pas qu'il y ait une seule façon de ramener l'intérêt pour l'enseignement au premier cycle. Tout d'abord, je ne prends pas pour acquis que les professeurs n'ont pas un intérêt à enseigner au premier cycle. Moi, je ne prends pas ça pour acquis. Et, c'est un peu ce que je disais tout à l'heure, il y a certainement dans l'évaluation qui est faite d'un professeur pour l'avancement dans sa carrière... il y a certainement, dans certaines universités, une incitation à plus choisir le volet recherche que le volet enseignement, puisque c'est plus valorisé pour l'avancement de la carrière. Donc, je pense qu'il y aurait là certainement une réflexion à faire dans les universités pour ramener la valeur de l'enseignement au premier cycle, ramener ça probablement aussi dans la carrière des professeurs, mais que ce soit aussi connu que c'est valorisant, parce que, nous, on est convaincus qu'un étudiant qui est motivé dans ses études de premier cycle, qui a accès à des professeurs qui font de la recherche, va être lui-même plus intéressé à aller vers des études de cycle supérieur. Donc, pour nous, il faut ramener cette valeur.

Et, moi, je ne dis pas du tout non plus que l'enseignement donné par les chargés de cours n'est pas de qualité, ce n'est absolument pas ça que l'on veut dire, mais on ne demande pas ou on ne permet pas aux chargés de cours d'avoir cette implication, par exemple, en recherche. Souvent, ce sont des gens qui ont une très grande expérience et qui donnent de très bons cours, mais, nous, on pense que c'est important qu'à l'intérieur d'un programme de premier cycle il y ait suffisamment de professeurs-chercheurs qui sont en lien direct avec les étudiants pour que, un, le programme, que la formation soit dynamique, qu'elle soit plus intéressante pour l'étudiant, que l'étudiant qui se voit, par exemple, en deuxième ou troisième année de son premier cycle, amené à travailler avec des étudiants à la maîtrise ou au doctorat ou avec des professeurs-chercheurs, ça... premièrement, sûrement, ça le valorise et ça risque de développer chez eux des vocations qui n'auraient pas existé autrement.

Alors, c'est pour ça que je dis qu'il n'y a pas qu'une seule solution. Évidemment, c'est sûr qu'on peut parler d'argent. Et je pense que, si les universités avaient plus d'argent, bien il y aurait plus de professeurs. Et, ayant plus de professeurs, ils auraient probablement plus de temps pour l'enseignement. Mais ça, vous aviez déjà répondu à cette facette. Mais...

Mme Delisle: ...on répond à nos questions.

Mme Demers (Carole): Mais, moi, je suis d'avis que ce n'est pas le seul moyen cependant de redonner cette facette, de revaloriser l'enseignement et de créer cette dynamique qui pourrait amener la persévérance, la réussite et le lien avec les études supérieures.

Le Président (M. Kelley): M. le ministre, un dernier commentaire ou...

M. Reid: Non, là-dessus... Est-ce que mon temps est écoulé, là?

Le Président (M. Kelley): Oui, il y a un petit peu de temps qui reste. Une dernière question.

M. Reid: Bien, c'était... J'aurais peut-être juste une petite question, j'ai été... Tout à l'heure, j'ai saisi au vol que vous avez... quand vous avez parlé de la formation à distance, que vous demandiez de... vous recommandiez de donner la responsabilité aux universités qui ont cette expertise, etc. Est-ce qu'il est question de faire autre chose? Est-ce qu'il y a une problématique que je ne connais pas ou...

n(17 h 50)n

Mme Demers (Carole): Certains... bien, certains de mes membres, parce que j'ai des membres qui sont quand même responsables de la formation à distance dans leurs universités et qui ont une très grande expertise, même au Canada et à l'extérieur du Canada... Et on est un peu dans le monde des rumeurs, mais vous savez ce que c'est, le monde universitaire, et il y a eu des rumeurs comme quoi, bon, il y aurait peut-être une volonté peut-être de centraliser la formation à distance pour permettre des équipes de plus haut niveau et de meilleure qualité. Et j'avoue que ça inquiète profondément les personnes que l'on représente parce que ces personnes croient que le fait de maintenir cette responsabilité au niveau régional permet un lien plus direct avec la région. Alors, oui, il y a une certaine inquiétude chez nous.

M. Reid: Merci.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Champlain.

Mme Champagne: Oui, bonjour. Écoutez, on a eu le bonheur, il y a très peu de temps, avec ma collègue de Taillon, d'aller à l'Université du Québec à Trois-Rivières et de rencontrer de nombreux groupes qui nous ont fait valoir leur vision de l'université peut-être pas idéale, mais du moins fonctionnelle. Or, si on parle au niveau des professionnels, on les a également rencontrés, on parle au niveau des chargés de cours, on les a également rencontrés, on parle également au niveau de l'administration. Et je regarde aujourd'hui tout ce qu'on a entendu en commission, chacun veut développer son potentiel, veut le faire avec les meilleures énergies et les meilleurs moyens qu'il y a, mais il n'y a pas d'argent. Et, moi, je sais pertinemment que, oui, on peut bien aller, tout le monde, avec une pancarte le chercher à Ottawa, mais ce n'est pas sûr qu'il va arriver nécessairement plus vite, O.K.? On s'entend bien là-dessus, mais ça ne veut pas dire que l'effort ne doit pas être fait, là, dans un premier temps.

Dans un deuxième temps, je sais également ? avec une petite pointe d'humour, il est près de 6 heures ? que M. le ministre de l'Éducation sait probablement déjà, au moment où on se parle, un peu de quel montant il va disposer ? en tout cas, c'est sur le point de se faire ? pour le prochain budget. Puis là, s'il n'a pas d'argent, moi, j'en conclus, à 6 heures moins 10, 17 h 50 et quelques, qu'il y a des choses qui ne se feront pas puis qu'il va y avoir des choix très difficiles à faire, et ça, je l'ai constaté.

On a pris une journée complète pour le faire, n'est-ce pas, et je pense que la conclusion est simple, que, s'il n'y a pas un réinvestissement ou des choix cruels à faire, il n'y aura pas de fonctionnement logique. Parce que, moi, le constat que je fais également, c'est que les étudiants sont un petit peu démobilisés, et de un. Et, de deux, l'enseignement est moins bien encadré ? je ne dirais pas mal encadré, ce n'est pas vrai ? moins bien encadré, parce qu'il n'y a pas de ressources, tu ne peux pas encadrer, et que la recherche, bien, ils passent les trois quarts de leur temps, tout en adorant faire ça, à courir les sommes d'argent, le financement, les fonds d'aide pour venir à bout de faire des recherches qui soient valables.

Alors, il y a une espèce de constat qui n'est pas noir, à mes yeux à moi, mais qui suscite une réflexion tellement profonde... Et j'espère que les commissions qu'on va vivre encore pendant quelques semaines vont nous amener à des solutions. Et, si je me réfère à des régions comme celle de Trois-Rivières ? puis on peut aller partout en région de la même façon ? on a évidemment un volume inexistant. Vous savez, demain matin, je ne rêve pas en couleur, Montréal, Québec ne s'en viendra pas étudier à Trois-Rivières. Je pense que, même avec le meilleur des programmes, ça va être peu. On va en avoir, mais peu.

J'ai entendu tantôt qu'il y avait des possibilités, que même McGill y pensait, qu'il y a des cours qui pourraient se faire en collaboration. Ça se fait déjà, mais le volume n'est pas là. Et puis des classes de 50, puis 60, puis 75, et 80 élèves, ça existe. Tu ne les encadres pas de la même façon que quand tu en as 30 ou 35. Je viens de ce monde-là, donc je l'ai vécu, moi aussi.

Alors, je pense que si, en quelque part, le financement n'est pas là, ce soir, à l'heure qu'il est là, il est évident que tous les gens qui sont passés ici nous ont dit la même chose: il y a des choix difficiles qui vont devoir se faire, on va devoir couper ou l'enseignement va être de moindre qualité. Et ça, je trouverais ça excessivement regrettable, parce que l'enseignement, tu le donnes, tu le donnes bien, sinon les gens ne terminent pas ce qu'ils ont commencé. Il n'y a pas de rétention, on ne termine pas son bac. Si tu ne termines pas ton bac, tu ne fais pas plus ton deuxième puis ton troisième cycles.

Alors, je comprends, moi aussi, là, toute l'idée d'amener le premier cycle en contact avec nos chercheurs, je trouve ça important, mais, en tout cas, il y a un équilibre qui ne se fait pas. Alors, je vais demeurer avec de nombreuses questions et contente de suivre la suite de la commission, M. le Président et M. le ministre.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, madame...

Mme Champagne: Voilà, c'est ce que j'avais à dire. Pas vraiment de question, puisque vous m'avez répondu à de nombreuses questions...

Le Président (M. Kelley): Avez-vous des réactions, M. Parent, ou...

M. Parent (Réjean): Oui. J'aurais un commentaire à faire sur la remarque de la députée. Je ne le sais pas, j'ai l'impression qu'elle lançait rapidement la serviette par rapport à Ottawa, et, moi, je pense que, quand...

Mme Marois: ...un autre moyen pour ça

M. Parent (Réjean): Je pense qu'il y a comme un... il y a un consensus. Il y a un consensus: il y a un sous-financement. Je pense qu'à peu près, là, de façon générale, on dit: Ça prend des apports financiers supplémentaires pour conserver des universités, je dirais, qui permettent un service de qualité, pas nécessairement concurrentiel avec Berkeley ou Harvard, là, on s'entend, mais qui vont faire en sorte que les enfants du Québec puissent s'instruire et aller loin en carrière. Donc, de ce côté-là, ça prend du financement.

On dit: Ottawa, là, il y a une partie de l'argent qui est là, et, moi, je pense que, du côté gouvernemental, le ministre des Finances lui-même manifestait son agacement la semaine passée et il doit continuer de le manifester.

L'autre morceau, moi, je pense que ce serait irresponsable, dans le contexte actuel, dans le contexte actuel, quand on dit: Il y a des besoins criants, que de continuer à parler de réduction d'impôts. Je pense que, avant de réduire les impôts, il faudrait peut-être regarder, là, à quelle heure on est, quels sont les besoins. Parce que je trouve ça assez drôle que quelqu'un se prive de revenus pour dire: On a besoin d'argent pour financer les réseaux qui sont publics, qui sont essentiels à la population et, en même temps, dire: Ah, un instant, là, on va se couper des revenus. Tu sais, il y a comme de quoi là... il y a une intervention qui est à faire aussi au niveau de Québec d'avoir de la mesure dans la vague des engagements de réduction d'impôts.

L'autre aspect ? puis je pense que Mme Demers vous l'a indiqué assez clairement ? il y a des améliorations qui peuvent être apportées qui ne sont pas nécessairement très coûteuses, et ça, il va falloir le prendre en compte aussi. Je regarde juste la question d'enseignement au premier cycle. Il y a peut-être une orchestration... Là, on a régime qui est supporté beaucoup par les chargés de cours. Puis là je ne mets pas en cause... je ne dis pas que le travail qui est fait par les chargés de cours est mal fait, mais il y a peut-être, à l'intérieur, je veux dire, d'une enveloppe financière qui existe actuellement, avec un faible apport, une façon, je dirais, de consolider cette portion enseignement, que ce soit sur une base de coordination, de formation. Et, de ce côté-là, là, on ne parlera pas de milliards, mais, avec l'argent qu'on a, avec les ressources qu'on a, il y a peut-être une façon, je dirais, effectivement de brancher, ou d'augmenter, ou d'améliorer tout au moins la perception, parce que, effectivement, on l'entend, cette perception, toute la dynamique, l'enseignement à l'université. Donc, peut-être qu'on a les instruments, les outils. Ils sont peut-être mal placés actuellement... mais, avec certains efforts, être en mesure, je veux dire, de remplir cette préoccupation, là, de la dimension enseignement au premier cycle tout en tenant compte des éléments qui avaient été amenés par Carole précédemment.

Le Président (M. Kelley): ...j'ai deux demandes. Alors, très rapidement.

Mme Marois: Très, très rapidement. Bon, évidemment, nous sommes très conscients qu'il y a des batailles au quotidien à faire pour s'assurer que la correction est apportée sur le déséquilibre fiscal. On l'a noté d'entrée de jeu, je pense que le gouvernement actuel est aussi conscient de cela. On a une autre solution, nous, qui est de changer le système. Pas seulement de le transformer, mais de le changer. Ça, c'est un autre débat, on l'aura à d'autres tribunes. Mais une question...

Une voix: ...

Mme Marois: Oui, c'est ça, un problème à la fois. Parfois, en aborder un globalement, ça permet de solutionner tous les autres, hein? Il ne faut pas oublier ça non plus.

Le Président (M. Kelley): ...conclure à 18 heures, peut-être on peut laisser ça à côté pour le moment.

Mme Marois: Alors, il y a eu une proposition qui est venue... qui va venir, là, qui va nous être présentée par les jeunes des universités, qui propose, si le gouvernement n'a pas les moyens ou il dit qu'il n'a pas les moyens de rehausser complètement le financement universitaire, de passer par une contribution qui serait prise à même la masse salariale, une cotisation de l'ordre de 0,18 %. Est-ce que ça vous apparaît une solution qui peut être évaluée ou envisagée?

M. Parent (Réjean): ...

Mme Marois: Pardon?

M. Parent (Réjean): La masse salariale de qui?

Mme Marois: De l'ensemble des travailleurs et travailleuses du Québec, mais évidemment...

M. Parent (Réjean): Ça, ça s'appelle des impôts, ça.

Mme Marois: Ça s'appelle des impôts, ça, c'est sûr. Mais c'est un peu dans la foulée de la loi du 1 %. Vous comprenez?

M. Parent (Réjean): Bien, j'essaie de vous... Moi, je vous dis, en termes imposition, je pense qu'à ce niveau-là, dans un premier temps... je pense qu'il faudrait cesser de parler de réduction, commencer par faire la liste des besoins. On sera en mesure de voir effectivement à partir de ces besoins, c'est quoi, le niveau de baisse qui est pensable et possible. Et quand j'entends crier en santé, quand j'entends crier... On parle d'universités, on va parler éducation primaire, secondaire, on va parler de collégial. Ça fait qu'il me semble qu'avant de dire: On va se couper les revenus, là, on va arrêter de travailler puis on va tomber en pension, là, il y a peut-être intérêt à refaire le tour puis à regarder les besoins.

Le Président (M. Kelley): Mais...

M. Reid: ...

Le Président (M. Kelley): Dernière réaction, M. le ministre?

n(18 heures)n

M. Reid: Une dernière petite question. J'ai été très intéressé tout à l'heure dans la proposition que vous avez faite d'essayer de favoriser des modèles où les professionnels, par exemple, vont aider au niveau de dégager les professeurs de certaines tâches pour leur permettre de jouer plus pleinement leur rôle, etc. Et vous savez que c'est une proposition qui rencontre certaines difficultés intersyndicales, en particulier, parce que les chargés de cours souhaitent aussi, dans certains cas, pouvoir faire la même chose, et il y a des questions d'accréditation, et tout ça. Est-ce que vous pensez que c'est suffisamment important, cette question, et il y a suffisamment de potentiel pour résoudre les problèmes du système universitaire ? enfin, certains de ses problèmes ? pour qu'on puisse, à la suite de la commission parlementaire, penser peut-être réunir les différentes centrales en cause, les universités et essayer de trouver une façon de faire avancer ce dossier qui piétine depuis un certain nombre d'années?

Le Président (M. Kelley): Très rapidement, Mme Demers.

Mme Demers (Carole): Oui. C'est difficile, très rapidement...

Le Président (M. Kelley): Non, je sais fort bien.

Mme Demers (Carole): ...parce que c'est toute une question qui est posée là. Moi, je pense qu'il faut... Je disais tout à l'heure qu'il y a des réflexions nécessaires à faire au niveau du retour au premier cycle des professeurs-chercheurs. Je pense qu'il y a aussi une réflexion à faire sur le partage des responsabilités à l'intérieur des institutions. Je ne vous dis pas que c'est facile, je ne vous dis pas que mes membres seront nécessairement, bon, prêts, tous, à le faire, mais je pense que, oui, il faut regarder les choses, d'une part, comme le disait Mme la députée tout à l'heure, parce que, s'il n'y a pas d'argent, on n'est quand même pas pour jeter des pans complets de nos institutions.

Donc, oui, je pense qu'il faut regarder des choses. Je pense qu'il faut le faire avec beaucoup de doigté parce qu'on touche des questions qui existent depuis des années. On touche effectivement des syndicats qui sont là depuis plus de 30 ans, donc qui ont déjà une vie, qui ont une dynamique. Donc, c'est sûr que ce n'est pas un sujet facile, mais je pense qu'il y a certainement avantage à discuter de la question. Maintenant, quel serait le forum le plus approprié? Je ne le sais pas. Mais, oui, je pense qu'il y aurait quelque chose à regarder là.

M. Parent (Réjean): Un miniforum pour commencer...

M. Reid: Un miniforum. Ha, ha, ha! Merci.

Le Président (M. Kelley): Alors, sur ce, je veux dire merci beaucoup aux représentants de la Centrale des syndicats du Québec et de la Fédération du personnel professionnel des universités et de la recherche. Et, sur ce, je vais ajourner nos travaux au mardi 24 février, à 9 h 30, dans cette même salle. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 18 h 2)


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