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Version finale

36th Legislature, 1st Session
(March 2, 1999 au March 9, 2001)

Tuesday, November 30, 1999 - Vol. 36 N° 23

Consultation générale sur la place de la religion à l'école


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Table des matières

Auditions

Mémoires déposés

Document déposé

Remarques finales


Autres intervenants
M. Serge Geoffrion, président suppléant
Mme Madeleine Bélanger, présidente
Mme Solange Charest, vice-présidente
M. Gilles Labbé
Mme Fatima Houda-Pepin
M. Claude Cousineau
M. Mario Dumont
M. Pierre-Étienne Laporte
*Mme Manon Massé, FFQ
*Mme Françoise David, idem
*M. Cédrick Pautel, ADQ
*Mme Patricia Saint-Jacques, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Quinze heures une minute)

Le Président (M. Geoffrion): Alors, je déclare ouverte cette commission de l'éducation. Le quorum? On constate qu'il y a quorum, effectivement.

Est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Il n'y a pas de remplacements.

Le Président (M. Geoffrion): Il n'y a pas de remplacements. Donc, je rappelle brièvement le mandat de cette commission, qui est de procéder à une consultation générale et tenir des audiences publiques sur la place de la religion à l'école.


Auditions

Le premier groupe, la Fédération des femmes du Québec, les porte-parole sont déjà en place. Donc, je vous demanderais de vous identifier, s'il vous plaît, Mme David.


Fédération des femmes du Québec (FFQ)

Mme Massé (Manon): Bonjour. Manon Massé, coordonnatrice générale de la Fédération des femmes, et Mme Françoise David – je vais le faire pour elle, c'est rare qu'elle se fait présenter...

Le Président (M. Geoffrion): Bien oui.

Mme Massé (Manon): ... – présidente de la Fédération des femmes du Québec.

Le Président (M. Geoffrion): Alors, bienvenue à vous deux. Mme David, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire.

Mme David (Françoise): C'est Manon qui va commencer.

Le Président (M. Geoffrion): Alors, Mme Massé. Je m'excuse, allez-y.

Mme Massé (Manon): Il n'y a pas de faute. Alors, premièrement, je pense qu'il est important de vous dire au nom de qui nous prenons la parole, cet après-midi. La Fédération des femmes du Québec, c'est plus de 140 groupes de femmes et près de 700 individus qui forment la Fédération des femmes du Québec. Nos membres sont dispersées à travers les 17 régions administratives. Nos membres associatives sont des groupes de femmes, soit des groupes autonomes soit des comités de condition féminine des différents syndicats, et aussi des femmes en Églises.

Les groupes de femmes et les individus sont tant du milieu urbain que rural, donc la Fédération a une vaste diversité dans son membership. Tous les groupes d'âges sont représentés à la Fédération. Nous avons même un comité jeunes très actif dans nos rangs, puisque 10 % de nos membres ont moins de 30 ans.

La Fédération des femmes du Québec, c'est aussi des femmes issues de différentes communautés culturelles. Certaines de nos membres sont athées, d'autres sont croyantes et plusieurs pratiquent différentes religions. La Fédération des femmes représente donc cette vaste diversité que compose la société québécoise.

La position que nous défendrons ici aujourd'hui est le fruit d'une vaste consultation auprès de nos membres. Nous leur avons fait parvenir, au printemps dernier, un outil d'animation pour les aider à susciter un débat, autour de la question, autour d'elles.

Lors de notre assemblée générale du mois de mai dernier, à laquelle participaient plus de 150 femmes représentant, bien sûr, autant d'individus que de groupes membres, nous avons tenu – à l'intérieur, donc, de cette assemblée générale – deux ateliers pour explorer en profondeur le sujet. Finalement, c'est par un vote unanime que les membres de la Fédération des femmes se sont prononcées en faveur de l'école laïque au Québec.

Mme David (Françoise): Alors, je vais essayer de vous présenter ce qui constitue le coeur de notre mémoire, que vous avez probablement lu, donc je ne le relirai pas au complet.

Je voudrais d'abord vous dire pourquoi la Fédération des femmes du Québec a tenu à venir s'exprimer sur le sujet de la déconfessionnalisation des écoles: d'abord, parce que, comme Manon vient de l'expliquer, nous estimons que nous sommes un mouvement social représentatif; deuxièmement, parce que beaucoup d'entre nous sont des mères préoccupées de la question scolaire, comme beaucoup de mères au Québec; et, troisièmement, comme femmes et comme féministes depuis au moins 30 ans, nous avons très souvent remis en question les pouvoirs religieux – ce sur quoi je reviendrai tout à l'heure – et, à cet effet-là, nous trouvons très important de venir vous expliquer ce que nous pensons de l'avenir de l'école au Québec.

Donc, conformément au mandat que nous ont confié nos membres en mai dernier, nous nous prononçons en faveur de l'école laïque pour tous et toutes et pour l'enseignement culturel des religions tel que proposé dans le rapport Proulx. En fait, notre mandat, très précis, il a été voté à l'unanimité avec deux volets: d'une part, oui à une école laïque ou à une école non confessionnelle, mais, d'autre part, nos membres ont tenu à réaffirmer que l'école doit être un lieu de transmission de valeurs sur lesquelles la société québécoise s'entend. Donc, dans ce sens, une école n'est pas neutre. L'école neutre, cela n'existe pas. Une école, c'est un endroit où on partage des valeurs communes, et, pour nous, ces valeurs-là, ce sont celles qui sont contenues dans les chartes.

Maintenant, nous voulons être très claires sur le fait que notre position ne se veut pas hostile à la religion ou à la croyance religieuse ou aux croyances religieuses. Nous croyons simplement que l'école, comme institution publique – et très largement financée par l'État – a sa mission propre et qu'elle doit s'y adonner sans être inféodée à d'autres institutions civiles ou religieuses, aussi importantes soient-elles.

Cependant, comme je le disais, l'école doit promouvoir des valeurs, entre autres les valeurs d'égalité, de fraternité et de respect des droits de la personne, qui sont les valeurs qu'on promeut dans la société québécoise. Donc, l'absence de cours de religion à l'école ne signifie pas un vide sidéral dans lequel il ne se passe rien, et ça, c'est très important.

Pour nous, l'école doit être un lieu de mise en commun, un lieu d'intégration et non un lieu d'exclusion. Et, pour ces raisons, nous pensons que nous devons mettre fin très rapidement aux privilèges qui sont accordés à la foi catholique et à la foi protestante dans le monde scolaire québécois. En fait, la situation actuelle, c'est que l'État, en quelque sorte, supplée au rôle des Églises pour offrir aux enfants des cours de religion, des cours où l'on enseigne les croyances religieuses, des cours où on veut transmettre, au moins en partie, j'imagine, ou en totalité, la foi religieuse et, au fond, ce n'est pas, à notre avis, le rôle de l'État. Deuxièmement, cela va à l'encontre des droits fondamentaux de l'ensemble des citoyens et citoyennes et mine les efforts d'intégration et de cohésion de la société.

Pourquoi est-ce que nous disons cela? D'abord, parce qu'il y a des familles, donc des enfants qui sont non croyants et qu'il nous semble qu'il est important que l'école doive respecter en totalité l'incroyance ou la croyance de l'ensemble des enfants et de leurs familles.

Deuxièmement, parce que, parmi les croyants et les croyantes, il y a une multiplicité des religions et des croyances au Québec. Les temps ont changé. Et, à ce moment-là, il faut se dire que les droits des uns et des unes doivent être les droits des autres, et on viendra plus tard à la solution communautarienne, que nous rejetons parce que nous la croyons impraticable, mais nous ne pouvons pas continuer d'agir dans un système où seules deux religions ont droit de cité dans notre école publique.

Troisièmement, nous pensons que la cohésion sociale, la cohésion dans nos écoles tient aux valeurs communes fondées sur l'adhésion large de la population à nos chartes et non sur la transmission de la foi ou de valeurs promues par des religions, aussi louables soient-elles.

Cela dit, ce que propose le rapport Proulx, à propos des cours d'enseignement culturel des religions, nous paraît tout à fait intéressant et bénéfique pour l'ensemble des enfants. Il nous semble que cet enseignement culturel des religions peut constituer un lieu d'apprentissage de la liberté de conscience, que c'est un lieu d'apprentissage aussi de la tolérance et du respect de diverses croyances. Donc, nous trouvons que c'est une chose intéressante.

(15 h 10)

Cependant, le rapport Proulx propose un service d'animation de la vie religieuse et spirituelle, et, nous, nous optons plutôt pour un service d'animation à la vie civique et communautaire. Au fond, nous n'avons rien contre le fait que la dimension spirituelle fasse partie d'un service d'animation de l'ensemble des élèves avec des activités à caractère social ou associatif, comme d'ailleurs ce qu'on voit en ce moment, mais il faut aller au-delà de la spiritualité. Il faut tout simplement être présents aux enfants et aux jeunes, leur permettre de s'exprimer de différentes façons, leur donner un soutien quand ils ont des problèmes. En fait, c'est souvent ça qui se passe dans l'animation pastorale, mais, nous, nous pensons qu'il faut élargir beaucoup cette notion.

Nous voulons aussi rappeler que nous faisons partie de la Coalition pour la déconfessionnalisation du système scolaire et que, à ce titre, nous endossons les positions générales qui sont énoncées dans le mémoire présenté par la Coalition: donc, une école laïque qui propose des valeurs fondées sur les chartes, l'école comme lieu d'intégration et de cohésion, le respect fondamental – et ça, pour nous – c'est très important, de la liberté religieuse au Québec, mais une école pour tous et pour toutes.

Nous pensons qu'il faut distinguer l'enseignement moral de l'enseignement de la culture des religions; il nous semble que ce n'est pas la même chose. Nous ne pensons pas qu'il faille retenir la solution d'un enseignement à la carte, à la fois pour des raisons philosophiques, je dirais, nous ne pensons pas que c'est la meilleure façon d'amener les enfants à ce qu'on appelle le «vivre ensemble», et, par ailleurs, nous pensons cette solution franchement impraticable si nous voulons l'appliquer à l'ensemble des enfants et des familles qui pratiquent diverses croyances religieuses.

Pour les mêmes raisons, nous ne retenons pas des solutions qui ont été proposées dernièrement, à savoir: on pourrait peut-être se contenter de quatre ou cinq grandes religions universellement reconnues ou qui ont un magistère, disent certains. Là, franchement, je ne sais pas comment on va tracer cette limite entre les religions que nous allons reconnaître et celles que nous ne reconnaîtrons pas. Je pense que nous allons nous créer beaucoup plus de problèmes que ce que nous allons régler.

J'aimerais ensuite apporter deux autres points qui, je le pense, n'ont pas été énormément soulevés au cours de cette commission. D'abord, nous avons pour vous un message de notre Comité jeunes, message endossé par notre conseil d'administration. Ce que nous pensons, à la Fédération des femmes du Québec, c'est qu'on n'a pas beaucoup demandé aux jeunes ce qu'ils pensaient de tout cela. Et, quand nous disons «aux jeunes», nous ne pensons pas seulement aux jeunes de niveau cégep ou universitaire qui sont venus ici se prononcer, nous pensons aux plus jeunes, aux jeunes du secondaire, entre autres, qui auraient certainement eu des idées sur la question.

Il aurait été intéressant que le comité Proulx puisse avoir la possibilité de le faire. Et je pense qu'il aurait été important, il serait important, dans la suite des choses, que nous demandions aux jeunes ce qu'ils pensent d'un débat qui, après tout, les concerne au premier chef. Il nous semble que ça irait dans le sens de ce que le Québec veut faire avec ses jeunes, leur donner accès à la citoyenneté, leur donner accès au débat public, et que, après tout, cette discussion qui va toucher leur vie scolaire devrait être un bon moment pour leur demander leur point de vue.

Finalement nous ne pouvons pas passer sous silence le point de vue plus particulier des femmes et des féministes dans la question de la déconfessionnalisation des écoles. Alors, je vais essayer d'être très claire. D'une part, il faut reconnaître que, depuis 20 ou 30 ans, ce sont d'abord et avant tout les femmes qui ont mis à jour et qui se sont battues contre les inégalités entre les hommes et les femmes. Et je pense que nous devons collectivement reconnaître que, dans les causes de ces inégalités, parmi les causes, il y a eu, entre autres, un certain nombre d'enseignements des Églises, toutes Églises confondues. Ce sont, encore aujourd'hui, des femmes qui, dans plusieurs pays, subissent d'abord et avant tout le joug d'intégrismes religieux.

Donc, le rôle de la religion, au Québec et dans le monde, n'est pas un rôle totalement innocent dans la question des inégalités et de la discrimination des femmes. D'ailleurs, l'analyse féministe des dernières années a démontré très éloquemment de quelle façon les institutions religieuses ont contribué à maintenir les femmes dans des rôles extrêmement stéréotypés.

Bien sûr, les choses ont changé, en particulier au Québec, mais pas au point de nous faire oublier que les positions traditionnelles, par exemple, de l'Église catholique, ont été, et sont encore, en contradiction avec quelques-unes des principales revendications du mouvement des femmes. On pourrait se rappeler l'époque du droit de vote où l'Église catholique n'a pas tellement appuyé les revendications des femmes, mais on pourrait parler, aujourd'hui, de la reconnaissance des couples gais et lesbiennes, en passant par les problèmes touchant la contraception et le droit à l'avortement. Ça, c'est d'une part.

D'autre part, bien sûr, nous reconnaissons que des hommes et des femmes de l'Église, des Églises, des gens de la base, sont solidaires de plusieurs de nos actions de revendications à portée sociale, par exemple, la lutte contre la violence faite aux femmes ou contre la pauvreté des femmes. Mais on n'a pas beaucoup parlé de cette question lorsqu'on s'est mis à discuter de déconfessionnalisation des écoles. Pourtant, les femmes sont quand même concernées au premier chef.

Comment peut-on accepter, par exemple, qu'il y ait enseignement, dans nos écoles, de croyances religieuses, de dogmes, d'enseignement moraux de certaines Églises, en contradiction avec ce sur quoi nous nous sommes entendus comme collectivité québécoise? Il nous semble que ce n'est pas correct.

Donc, je ne vous cacherai pas que les féministes sont plutôt méfiantes face à plusieurs des enseignements officiels des Églises et nous croyons que ces enseignements officiels, pour plusieurs d'entre eux, n'ont pas leur place dans les écoles. On parle toujours, bien sûr, des cours officiels de religion. Ce sont nos valeurs sociales communes, telles qu'elles sont dans nos chartes, telles qu'elles sont inscrites dans les lois de l'Assemblée nationale, qui doivent présider à l'enseignement moral dans les écoles, à des enseignements civiques et à des activités communes avec les enfants.

Cela dit, je veux vous rappeler qu'à la Fédération des femmes du Québec nous côtoyons tous les jours et nous avons, comme membres, des femmes engagées dans l'Église, des femmes chrétiennes ou d'autres confessions, tout comme des femmes qui n'ont pas de religion, et qu'il existe entre nous un immense respect. Je vous dirais même que plusieurs de ces femmes, membres de la Fédération, sont elles-mêmes des féministes contestataires dans l'Église catholique, entre autres.

Donc, ce que nous croyons, c'est qu'il faudrait que nous ayons effectivement, dans nos écoles, un cours de culture des religions mais, nous, nous allons plus loin: nous disons que, dans ce cours de culture des religions, nous devons faire une place aux problématiques des femmes, à leur situation spécifique. Nous devons situer comment agissent les religions par rapport aux besoins et aux préoccupations des femmes et nous devons aussi parler de la place des femmes dans les différentes églises.

En terminant, je vous dirais que, bien sûr, tous les changements proposés devront prendre le temps de se faire et d'être bien faits. Il faudra y mettre les moyens financiers nécessaires. Il faudra s'assurer de former le personnel enseignant, et tout cela, bien sûr, ne peut pas se faire en un jour. Manon va faire la conclusion.

Mme Massé (Manon): Alors donc, on croit que le gouvernement doit avoir le courage politique d'aller de l'avant afin de dissocier une fois pour toutes l'Église et l'État dans le système d'enseignement public. Les réflexions amenées dans le rapport du Groupe de travail sur la religion à l'école constituent certes un jalon important dans l'évolution de la société québécoise. Le débat public soulevé par le rapport Proulx ne doit pas s'éteindre avec la fin de la présente commission. Comme société, nous ne pouvons faire marche arrière. Il faut que le gouvernement du Québec mette tout en oeuvre pour opérer un changement. Bien sûr, des changements aussi importants nécessitent d'y consacrer, comme le disait Françoise, temps, énergie et argent. Mais soyons clairs: si une période de transition est nécessaire, elle doit être encadrée dans un échéancier connu, et les objectifs poursuivis doivent être clairs et connus par tous et toutes. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. Alors, M. le ministre.

(15 h 20)

M. Legault: Oui. Mme David, Mme Massé, merci. Merci pour votre mémoire, merci pour votre présence ici cet après-midi. On sait que la Fédération des femmes du Québec est présente dans tous les débats de société. Donc, c'est un débat évidemment important. Vous défendez un idéal qui s'appuie sur l'égalité et l'équité non seulement entre les femmes et les hommes, mais aussi entre tous les citoyens et citoyennes. Donc, je pense qu'il en est question ici aujourd'hui. Vous nous apportez un point de vue, comme vous l'avez fait sur plusieurs sujets qui concernent notre société.

Vous, Mme David, vous nous avez parlé, il y a quelques minutes, peut-être de la présence très faible des jeunes, entre autres des jeunes du secondaire. Juste vous rappeler que M. Proulx, avec son Groupe de travail, avait sollicité, je pense que c'est 26 écoles secondaires. Malheureusement, on n'a pas eu de réponse puis on n'a pas eu de mémoire non plus, malgré qu'on a eu plus de 250 mémoires. Effectivement, j'aurais souhaité avoir un peu plus les opinions des jeunes.

Mais il y a un sujet que je ne retrouve pas dans votre mémoire, c'est le droit des parents. Vous nous parlez des jeunes, mais vous ne nous parlez pas des parents. Puis vous savez que, dans la Charte québécoise, l'article 41, encore aujourd'hui, protège le droit des parents à avoir, pour leurs enfants, un enseignement religieux. Qu'est-ce que vous pensez du droit des parents? Où se situe le droit des parents, selon vous, dans ce débat sur la place de la religion à l'école?

Mme David (Françoise): Je vais essayer d'aller sur le fond parce que, je vous le dis tout de suite, on n'est pas des expertes juridiques de toutes les questions entourant les articles et puis, bon, en tout cas, toutes ces questions-là qui touchent l'école. Mais, sur le fond des questions, moi, il me semble que le droit des parents, au Québec, c'est le droit d'avoir un enseignement de qualité pour leurs enfants, c'est le droit à ce que l'État donne suffisamment d'argent dans nos écoles publiques pour que ces écoles-là forment des jeunes qui vont penser par eux-mêmes, qui vont être des futurs bons, et bonnes, citoyens. Évidemment, plus les enfants grandissent, l'école doit aussi permettre éventuellement l'acquisition d'apprentissages qui vont les amener vers un métier.

Une fois qu'on a dit ça, est-ce que les parents, tous parents confondus, doivent ou ont le droit de réclamer un cours d'enseignement religieux comme faisant partie du curriculum scolaire? Moi, il me semble que c'est aller très loin. J'ai beaucoup de difficultés à voir, dans cette logique-là, comment on peut donner satisfaction à l'ensemble des parents. Ça me paraît assez impossible.

Si je me souviens bien de tout ce que j'ai lu, on dit aussi évidemment que, oui, les parents ont des droits, mais dans les limites de ce que l'État aussi peut faire. Et ça, l'État nous le dit assez souvent sur d'autres choses, alors je vais m'en servir au moins pour ça. Je pense que, si on donne le droit à tous les parents d'avoir, pour leurs enfants, un enseignement religieux conforme aux croyances des parents, bien là on n'est pas sortis de l'auberge, parce que je n'ai pas fait le décompte, mais il y a certainement plus que quatre ou cinq religions pratiquées au Québec, il y en a probablement une dizaine ou une vingtaine, et on sait très bien qu'il va être pratiquement impossible de donner cet enseignement-là à tous les enfants, pour des raisons que d'autres avant nous ont expliquées.

Si on sort de cette logique-là, il me semble que, à partir de ce moment-là, ce qu'on peut dire aux parents, qui, en fait, sont souvent bien plus inquiets qu'on n'enseigne plus de valeurs à leurs enfants que la question de la religion elle-même, il me semble qu'on peut dire deux choses aux parents, d'une part: L'école continue d'être un lieu de transmission de valeurs, des valeurs publiques communes – et ça, ça se fait déjà à l'intérieur du cours de morale, qui peut sans doute être amélioré, mais il y a déjà des bases – et, deuxièmement, on peut dire aux parents: Voilà, nous vous offrons un cours d'enseignement des cultures religieuses qui va permettre aux enfants d'avoir tout ce patrimoine historique et religieux qui a aussi façonné le Québec, et on ne veut surtout pas nier ça.

Le rapport Proulx propose aussi que les écoles mettent à la disposition des parents de diverses confessions des locaux, après la classe, pour des rencontres de toutes sortes, et ça, on ne s'y objecte mais absolument pas. Mais on n'est pas capable de retenir ce principe du droit des parents comme étant absolu. D'ailleurs, au Québec, personne n'a de droits absolus sur des soins, sur des traitements, sur quoi que ce soit. Alors, il nous semble que, là, il y a des limites à faire.

J'ai une deuxième remarque, aussi, sur cette question – je dis «j'ai», c'est l'opinion de la Fédération. Ce que nous pensons, et je sais que d'autres vous l'ont dit, c'est que les premiers responsables de la transmission de la foi aux enfants, eh bien, ce sont non seulement les Églises, mais les parents. Et je trouve un peu ironique, finalement, que tant de parents se réclament du droit d'être parents en ce qui concerne l'école, alors que nous savons et vous savez que ce n'est pas si fréquent que, dans les maisons, on s'occupe de la transmission de la foi aux enfants. On ne peut pas demander à l'école de faire ce que nous ne faisons pas.

M. Legault: C'est une opinion. Ha, ha, ha!

Mme David (Françoise): C'est une opinion.

M. Legault: Mais oublions peut-être le droit pour quelques instants, parlons plutôt du souhait. Bon. Ce qu'on nous dit, ce qu'on voit dans les sondages, c'est que le souhait d'une majorité de parents, c'est de continuer à avoir un enseignement religieux, donc, pour chaque religion, avec une ouverture, dans un grand pourcentage, à d'autres religions. Puis mettons de côté pour l'instant la question des problèmes organisationnels. Les fédérations de commissions scolaires sont venues nous dire: Vous êtes en train de faire un débat sur des chartes et puis sur des droits juridiques, mais, en pratique, il n'y a pas – c'est ce que les commissions scolaires sont venues nous dire – de problèmes pratiques, dans les écoles, de discrimination ou, en tout cas, s'il y en a, il n'y en a pas beaucoup. Est-ce que, vous, avec l'expérience que vous avez vécue, ou les gens, est-ce qu'on vous a rapporté des problèmes de discrimination sur le terrain dans nos écoles?

Mme David (Françoise): Bien, là, vous me posez deux questions. La première, c'est: Est-il vrai que la majorité des parents québécois souhaitent continuer d'avoir un cours d'enseignement religieux dans les écoles? Là, c'est moi qui diverge d'opinions avec vous parce que nous avons lu, tous les deux, le rapport Proulx. On l'a lu très attentivement, et, à mon avis, ce n'est pas ce qui ressort des enquêtes menées par le comité Proulx.

Je reconnais que, chez les parents catholiques en particulier, les opinions sont plus mitigées. Cela dit, moi, je pense qu'on est capable, comme société, d'aller vers des changements assez importants, en autant qu'on respecte quelque chose qui est très fondamental, et c'est le message que, nous, on a reçu de nos membres de façon très, très claire à notre assemblée générale; en fait, nos membres nous ont dit: Non à l'école laïque, si l'école est pour devenir juste un lieu d'apprentissage académique. Ça, c'était très clair chez nos membres, toutes tendances confondues.

Mais c'était, à l'opposé, tout aussi clair qu'il y avait un oui unanime pour l'école laïque de la part de mères de famille qui étaient des femmes de région, de régions rurales, de la part de religieuses présentes dans la salle comme de la part de toutes nos autres membres, un oui à l'école non confessionnelle dans la mesure où l'école continuait d'être un lieu de transmission des valeurs fondamentales dont on a une liste.

Alors, moi, je mets un gros bémol sur ce qu'on appelle le «souhait des parents». Il y a certainement un souhait d'un certain nombre d'associations qui s'estiment représentatives, ce qui pourrait aussi être discuté à certains moments, mais je ne suis pas du tout certaine, quant à moi, qu'on peut parler d'un souhait des parents en général.

Maintenant, est-ce que la situation actuelle occasionne, sur le terrain, des problèmes de discrimination? Moi, on m'a rapporté, à plusieurs reprises en tout cas, des problèmes d'enfants pour qui les parents choisissent l'enseignement moral, mais pour qui, dans les faits, c'est un peu compliqué. Parce que, quand on est trois et puis que tous les petits copains, les petites copines vont au cours d'enseignement religieux, ce n'est pas tellement amusant pour les enfants. Ce n'est pas tellement intéressant comme situation. Et ça va arriver assez régulièrement que les enfants vont finir par supplier leurs parents de les envoyer au cours de religion parce que, franchement, ils s'ennuient un peu tout seuls. Je trouve que, déjà là, c'est une situation que je qualifierais de malsaine, personnellement.

Donc, je ne veux pas essayer de dire ici – ce n'est pas ce qu'on veut faire – qu'il y a catastrophe appréhendée, au Québec, demain, si, bon, on ne change pas, la semaine prochaine, l'ensemble des structures scolaires. Mais je pense qu'il y a quand même, depuis 20 ou 30 ans, une réflexion qui est amorcée et qu'il faut conclure. Il me semble qu'il faut, un petit peu, arriver dans la modernité et se dire: Qu'est-ce que l'école? C'est ça, la question fondamentale.

(15 h 30)

Quel est le rôle de l'école au Québec? Est-ce que c'est juste de satisfaire les appétits des entreprises? Est-ce que c'est d'enseigner la religion dans les écoles? Moi, je pense que non. L'école, c'est un lieu d'apprentissage civique. C'est aussi un lieu d'apprentissage académique. C'est un lieu communautaire où l'ensemble des enfants doivent se sentir bien ensemble, et il nous semble que la meilleure façon, c'est que les enfants suivent un cours – parce que ça, on le trouve important – d'enseignement des cultures religieuses, cours qui fera une place aux inégalités entre les hommes et les femmes. J'y reviens, parce que ça, j'y tiens.

Mais, pour le reste, il y a des Églises au Québec qui peuvent assurer elles-mêmes la transmission de la foi. Je trouve que c'est leur rôle. Et, comme l'a dit le Centre justice et foi, d'ailleurs, ça serait un très beau défi pour les Églises.

M. Legault: Dans votre proposition, vous ne proposez pas de sortir complètement les religions de l'école. En fait, ce que vous proposez, un peu comme l'a fait Proulx dans son rapport, c'est un enseignement culturel des religions. Il y a des groupes qui sont venus nous dire qu'un enseignement culturel des religions dans les premières années du primaire, ça peut être très difficile pour un enfant de six ans, sept ans, huit ans qui n'a pas encore terminé de former son identité, que c'est très difficile en pratique d'avoir un enseignement culturel des religions. Qu'est-ce que vous en pensez?

Mme David (Françoise): Nous autres, ce qu'on s'est dit comme Fédération, c'est que, n'étant pas des expertes en pédagogie, nous ne voulions pas nous prononcer sur, par exemple: Est-ce que ce cours d'enseignement culturel des religions devrait commencer en première année et se terminer en onzième année? Ça risquerait d'être un peu répétitif, comme le sont les cours actuels, faut-il le dire. Donc, on n'est pas absolument convaincues qu'il faille, chaque année, avoir deux heures par semaine de cours d'enseignement culturel des religions. Mais ça, c'est une discussion, on va vous l'avouer très franchement, qu'on va laisser à des personnes plus expertes que nous en la matière.

Cela dit, de façon sérieuse, moi, je pense que les parents soucieux de transmettre une foi dans une croyance religieuse x ou y à leurs enfants vont le faire habituellement avec des enfants très jeunes. Ce n'est pas à l'âge de 10 ans que les parents vont commencer à le faire, on peut parler d'enfants de deux, trois, quatre ans. En tout cas, moi, c'est comme ça que j'ai été élevée, parce qu'à l'époque nos parents s'occupaient beaucoup de ça et on faisait notre petite prière tous les soirs, j'avais peut-être trois ans.

Donc, je pense qu'un enfant de six, sept, huit ans, s'il appartient à une confession religieuse, sait généralement très bien à quelle confession il appartient. Et, encore une fois, sans me prononcer sur tout l'aspect pédagogique de la chose, je ne vois pas pourquoi cet enfant-là ne pourrait pas être mis en contact avec d'autres réalités, d'autres croyances. C'est d'ailleurs déjà le cas, de toute façon. Combien d'enfants au Québec savent, quand même, que les personnes de la religion juive ont d'autres fêtes que les personnes de la religion catholique et qu'il en va de même pour les musulmans? Quand même, là, nos enfants commencent à connaître ces réalités-là bien plus que nous ne les connaissions.

M. Legault: Vous nous faites une proposition qui est originale, qui est intéressante aussi, d'inclure dans le cours d'enseignement culturel des religions une exploration du rôle des femmes dans plusieurs cultures, et dans le plus grand respect des traditions culturelles de chacun et chacune. Est-ce que vous pourriez nous en dire un petit peu plus, de cette partie de cours que vous verriez ajoutée?

Mme David (Françoise): Bien, écoutez, oui, je pense que ça, c'est la contribution peut-être originale de notre mémoire, parce que, pour le reste, je pense que, mon Dieu, tout a été dit.

Nous autres, on ne pouvait pas s'empêcher, en réfléchissant à cette question de la religion, de quand même revenir sur ce que nous pensons profondément d'un certain nombre de dogmes et d'enseignements des Églises. C'est sûr que celle que nous connaissons le mieux, c'est l'Église catholique, mais il y en a d'autres à travers le monde. En tout cas, je pense qu'il ne se trouvera pas grand monde pour contester que, traditionnellement, la plupart des Églises, sinon toutes, ont été des lieux d'oppression des femmes, ont été des lieux où on a érigé en système les inégalités entre les hommes et les femmes. Je pourrais vous faire une très longue liste de tous ces problèmes. Entre autres, dans l'Église catholique, on pourrait parler du refus des autorités ecclésiastiques d'accorder l'ordination aux femmes; on pourrait parler du pape qui, encore récemment, se prononçait contre la distribution de pilules abortives à des femmes violées au Kosovo, etc.

Alors, évidemment, pour nous autres, ça serait très difficile d'entrevoir un cours de culture des religions sans que – sur la base, toujours, au risque de me répéter, des valeurs qui sont les valeurs communes au Québec et qui incluent l'égalité entre les hommes et les femmes... Ça serait difficile de concevoir une approche pédagogique où, quelque part, on ne dise pas: Oui, voilà ce qu'un certain nombre de religions disent sur les femmes. Ça nous paraît impensable.

Deuxièmement, a contrario, il faut absolument éviter, dans un cours de culture des religions – tout comme dans n'importe quel cours de religion d'ailleurs – que l'on enseigne aux enfants des idées, des opinions, des croyances contraires à ce que sont les valeurs communes au Québec. Alors, j'ai l'impression qu'il y a un certain ménage à faire et je pense que, dans un cours de culture des religions, il faudra accorder une place à la question des femmes.

M. Legault: Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Masson.

M. Labbé: Merci, Mme la Présidente. Alors, Mme David, Mme Massé, merci d'être venues faire la présentation. Compte tenu de ce que vous venez de dire, ça s'enchaîne très bien pour ma question, qui est la suivante.

À la page 3 de votre document comme tel, vous spécifiez que vous êtes ouverts à un service d'animation à la vie civique et communautaire. À l'intérieur même de ça, vous avez un volet que vous avez même identifié – compte tenu de ce que vous venez de dire, ça me surprend un petit peu, là – «offrir un volet animation à la vie spirituelle». Mais là vous l'encadrez très bien, et je pense que je vais vous lire, si vous permettez, la partie pour dire à quel point vous êtes très prudentes à ce niveau-là.

Vous dites: «...à condition que des balises très claires soient établies quant à la définition et à la portée de ce que sous-entend la notion de "spiritualité". Il faudrait surtout veiller à ce que ce service ne devienne pas un autre lieu d'appartenance pour les croyants au détriment des droits des non-croyants.» Moi, j'aimerais savoir de votre part d'abord comment on peut encadrer ce type de cours là. Qui pourrait enseigner ou animer cette partie-là à ce moment-là? Comment vous le voyez, finalement? Et à quoi, surtout, il faudrait faire attention à l'intérieur de ce volet-là, que vous êtes ouvertes à ce que ce soit enseigné comme tel au niveau de la religion?

Mme David (Françoise): Mais là on va être clair. Ici, le rapport Proulx propose un service d'animation de la vie religieuse et spirituelle. Nous, on préfère opter pour un service d'animation à la vie civique et communautaire. Il n'y a pas tant de choses qui nous séparent, dans le fond. Et, oui, on est prêtes à y inclure un volet spiritualité. Mais, dans le fond, ce qu'on essaie de dire, c'est: Ça dépend de ce qu'on entend par là. Si on entend par là que ce service d'animation à la vie civique et communautaire devienne un autre lieu de transmission d'une foi religieuse, là on n'est plus d'accord.

Mais, pour nous, la spiritualité, ça va bien au-delà de strictement dire: Est-ce qu'on croit en Dieu ou on ne croit pas en Dieu? Est-ce que je pratique telle religion ou est-ce que je pratique telle autre religion? Pour nous, quand on parle du mot «spiritualité», on parle de la quête de sens, on parle du sens de la vie, on parle des jeunes, des enfants, des adolescents qui sont continuellement en recherche de: Pourquoi je vis? Quel est le sens de ma vie? Quelles sont les valeurs auxquelles je crois? Qu'est-ce que je veux devenir? Et, pour nous, tout ça, c'est une dimension spirituelle, une dimension un peu philosophique, si vous voulez, et on n'a aucun problème, au contraire, à ce qu'il y ait un lieu dans l'école où les jeunes qui le veulent bien puissent ensemble se poser des questions avec un animateur ou une animatrice qui va les aider, les encadrer, mais pas dans le sens de leur dire ce qu'ils doivent à tout prix penser.

Au fond, on pense plus, nous autres, à un service qui permet aux jeunes de s'exprimer, qui leur permet d'échanger ensemble – parce qu'ils ont terriblement besoin de ça – et à un lieu qui leur permet aussi de donner, d'être inscrits dans le partage, dans l'entraide – comme ça se fait déjà beaucoup, d'ailleurs, dans les écoles. Et ce lieu-là doit être ouvert à tous les jeunes, qu'ils soient croyants ou incroyants, parce que tous les jeunes – ça, on le sait, on en a beaucoup, de jeunes, autour de nous – sont en quête de sens, peut-être des fois un petit peu plus que les adultes, qui s'agitent beaucoup puis qui, peut-être, oublient de réfléchir à des questions auxquelles les jeunes réfléchissent beaucoup.

M. Labbé: D'accord. Je vous remercie, madame. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le député de Masson. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

(15 h 40)

M. Béchard: Merci, Mme la Présidente. Mme David et Mme Massé, merci pour votre mémoire puis votre présentation. Moi, il y a un des points... Quand vous parlez de la possibilité... Vous avez dit, Mme David: Il n'y a pas une urgence à ce point majeure que, si, demain matin, il n'y a pas des changements, la société va tomber sur le dos et il n'y a rien qui va continuer. Certains ont parlé d'une période de transition, de dire: Là, pendant un certain temps, testons les solutions, testons les modèles.

Qu'est-ce que vous penseriez d'une idée qui pourrait être, par exemple, de dire que, au cours des cinq prochaines années, on peut mettre en place le cours de culture des religions, voir qu'est-ce que ça donne, comment on va le composer, qui seront les intervenants appelés, quelles seront les religions desquelles on va parler, est-ce qu'on l'enseigne tout de suite en première année ou on attend juste au deuxième cycle du primaire, ou des choses comme ça, et que, d'un autre côté, on dise aussi: On va appliquer au maximum, je dirais, la marge de manoeuvre législative que nous avons actuellement avec la loi, c'est-à-dire que, là où des conseils d'établissement le demandent, on pourrait avoir d'autres religions?

Une espèce de période où, sans modification législative majeure, on dit: On teste vraiment les modèles, on dit: D'un côté, s'il y a des groupes qui veulent de l'enseignement religieux autre que catholique et protestant, on a déjà des dispositions dans la loi actuelle qui prévoient comment ça peut se faire, et, d'un autre côté, on va mettre en place aussi le cours de culture des religions. Pendant cette période-là, testons les modèles comme il faut, et, après ça, on prendra une décision éclairée. Qu'est-ce que vous penseriez d'un scénario comme ça, qui serait: Voici, au cours des cinq prochaines années, la façon dont on va fonctionner?

Mme David (Françoise): En fait, ce dont vous nous parlez, c'est grosso modo la proposition de Pierre Lucier. J'ai lu le mémoire de M. Lucier, extrêmement intéressant, bien écrit et inspirant. J'ai un peu de difficultés à être d'accord avec sa proposition, qui est un peu la vôtre, et je vais vous dire pourquoi. C'est évident que, quand on se propose de faire des changements qui touchent tout le monde ou presque, qui ont une résonance émotive aussi, il faut le reconnaître, dans la société québécoise, il faut prendre le temps de bien les faire, ces changements. C'est dans ce sens-là que je disais: C'est clair que tout ne sera pas chambardé la semaine prochaine.

Mais, d'un autre côté, je pense qu'il faut, à un moment donné, cesser de tergiverser, parce que ce n'est quand même pas d'aujourd'hui que le débat est sur la table. Il faut, je trouve – et c'est ce que Manon a apporté en conclusion – être clair avec les gens sur l'objectif visé. Quelle que soit la période de transition et quelle que soit la façon de la gérer, cette période de transition, il faut avoir, comme gouvernement et comme opposition, comme Assemblée nationale, l'honnêteté de dire aux gens: Voilà où nous allons. Parce que, sinon, les gens vous écouteront parler de période de transition, de mise en place d'un cours de culture des religions, et puis entre-temps on ne bouge pas trop.

Mais tout le monde va se poser la question suivante: Il arrive quoi après? Et, moi, je trouve que, par respect pour la population, par respect pour les groupes qui sont venus ici présenter toute une série de mémoires, pour tout le monde qui a travaillé fort là-dessus, pour le comité Proulx qui a fait un sacré beau travail, il faut prendre position, il faut oser le faire. Maintenant, une fois qu'on a dit ça, pour nous, ce que ça veut dire, évidemment, compte tenu de l'opinion qu'on a, c'est: Il faudrait qu'on dise: Au bout d'un laps de temps x, le Québec aura un système public d'écoles non confessionnelles, et ça se passera de telle façon.

Entre-temps, comment faut-il assurer cette transition? Bon. Il est évident qu'on ne peut pas du jour au lendemain instaurer un cours d'enseignement culturel des religions de la première à la onzième année sans avoir fait la formation du personnel, sans avoir mis l'argent nécessaire. Mais tout ça, c'est d'évidence. Est-ce que, entre-temps, il faut, comme le propose M. Lucier, se contenter de respecter les droits acquis des protestants et des catholiques? Est-ce qu'il faut ouvrir davantage? C'est ce que j'entends de votre part. Je ne sais pas.

Honnêtement, je suis assez réticente face à des modalités qui, même pour une période de transition, auraient pour effet d'exclure. Ça m'embête beaucoup. Je trouve qu'il y a là un problème démocratique assez important. Alors, si on peut trouver des moyens, dans la période qui s'en vient, à la fois de préparer – mais vraiment préparer sérieusement – les changements qui s'imposent, laisser le temps aux gens, progressivement, de s'y habituer, mais, en même temps, le dire, qu'il y aura un changement, être clair là-dessus, après ça on peut regarder les modalités.

M. Béchard: O.K. Donc, à la limite, ce scénario-là pourrait être plausible à condition qu'on dise: Bien, voici vers où on se dirige dans cinq ans. On peut accorder une période de transition où, tranquillement, on va retirer ou on va remplacer l'enseignement religieux par un cours culturel des religions. Mais, au bout de cinq ans, voici où on va arriver. À la limite, est-ce que ce serait un scénario assez clair?

Mme David (Françoise): Ce que je vous dis, c'est que j'ai de la difficulté à me prononcer là-dessus, parce que, après ça, il faut voir concrètement, sur le terrain, comment on prépare une transition qui doit se terminer avec la déconfessionnalisation des écoles, avec un cours d'enseignement de culture des religions. Donc, il n'y a plus de cours de religion comme tel dans les écoles et, en même temps, on dirait: Mais là, entre-temps, on peut développer plein de cours de religion dans les écoles pour tout le monde qui en veut. Ça me paraît un peu contradictoire.

Et puis, si, d'un autre côté, on dit: O.K., alors, comme on ne veut pas développer tous azimuts plein de cours de religion – parce que, à la fin de la période de transition, on va avoir des joyeux problèmes – on va en garder juste deux, là j'ai aussi un problème, parce que ça fait une longue période de temps où on exclut des gens.

Donc, il me semble que, logiquement, même si tout ne pourra pas se faire du jour au lendemain, il ne faut pas pendant cinq ans ouvrir tous azimuts et au bout de cinq ans fermer. Il y a quelque chose, il me semble, d'illogique là-dedans. Donc, moi, je serais portée à dire: Oui, il faut une période que j'appellerais de préparation aux décisions que nous devons prendre, à leur mise en application, comment la gérer exactement pour que personne ne se sente paniqué, pour que, dans les écoles, ça fonctionne bien. Je pense qu'il faut y réfléchir et je préfère ne pas trop m'avancer sur ce terrain.

M. Béchard: Sur le cours comme tel d'enseignement culturel des religions, il y a, je dirais, deux tendances, c'est-à-dire: il y a les gens qui disent que le cours culturel des religions est un cours d'enseignement religieux et il y a des gens qui sont venus nous dire non, qu'ils préféreraient davantage que ce soit un cours d'histoire. Et ils disent: Écoutez, quand on parle d'histoire, c'est s'en tenir à une approche assez froide des faits et c'est vraiment une matière comme les autres, finalement. Et il y a des gens qui disent – puis je pense que le rapport Proulx va un peu plus dans ce sens-là: C'est plus de l'enseignement culturel des religions. Dans laquelle des deux tendances verriez-vous qu'il serait le plus approprié d'aller?

Mme David (Françoise): Nous autres, comme Fédération, on s'est situées davantage dans le sens d'un cours de culture des religions. Maintenant, évidemment, ça comporte sa dimension historique. Ça, on ne peut pas ne pas en tenir compte. Mais je pense qu'il faut aller dans des dimensions sociologiques, il faut aller dans des dimensions anthropologiques. On peut même aller dans des dimensions politiques, pourquoi pas; ça dépend de l'âge des enfants, là. Mais je pense qu'il faut actualiser tout ça. Il ne faut pas seulement faire un cours d'histoire des religions, je pense qu'il faut parler de la place que les religions occupent en ce moment au Québec et dans le monde, par exemple de la place positive à certains égards, de la place moins positive à d'autres égards, tout ça modulé, évidemment, selon à quelle année les enfants sont rendus, là. Non, je trouve que ça serait trop réducteur, un cours simplement d'histoire des religions.

Il serait intéressant, par exemple... Bien, là, je vous dis ça spontanément, mais ici même, au Québec, en ce moment, il y a des personnes engagées dans des Églises, des personnes qui jouent un rôle social important. Nous, on connaît des femmes, par exemple, impliquées auprès des personnes vivant dans la pauvreté. Pourquoi on ne parlerait pas de tout ça dans un cours de culture religieuse?

M. Béchard: Mais, justement, sur l'élaboration comme telle du cours, il y a des gens qui disent que c'est aussi compliqué, finalement, élaborer le cours culturel des religions, à savoir: Quelles en seront les composantes? De quoi on va parler? Combien de temps? À partir de quel moment? Un peu comme je le mentionnais tantôt, il y a des gens qui disent: C'est aussi compliqué, ça, finalement, que d'ouvrir à la multiconfessionnalité.

Mais, là-dessus, sur la composition comme telle du cours, comment, de quelle façon, par quelle consultation ou par quel projet-pilote ou autre peut-on, selon vous, arriver à un cours culturel des religions qui va avoir un certain contenu, qui va respecter les objectifs que vous vous fixez et, en même temps, qu'on puisse s'assurer dans le meilleur des cas possibles qu'il résiste au test des chartes puis à la discrimination, et tout ça, et à ceux qui vont dire: C'est trop catholique, pas assez protestant, c'est trop musulman? Finalement, le même débat risque d'être transporté au sein même du cours. Comment on peut faire pour éviter ça?

Mme David (Françoise): Écoutez, d'abord, je vous rappelle que ce type de cours a déjà existé au Québec. Il serait peut-être intéressant d'aller revoir nos vieux livres. Deuxièmement, je ne veux pas nier la difficulté de construire ce genre de cours, mais, grand Dieu, on en construit bien d'autres, des cours, au Québec, et ça représente pas mal de difficultés aussi. Je pense qu'il y aurait là, en fait, un exercice démocratique tout à fait fascinant. Mais là, sans vouloir donner de conseil au ministre de l'Éducation, il me semble que...

M. Béchard: Vous pouvez, vous pouvez. Donnez-moi-le à moi, puis on va garder ça entre nous. Ha, ha, ha!

Mme David (Françoise): Vous transmettrez? Il me semble qu'on pourrait très bien imaginer – je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas le faire – que des gens de différentes confessions et aussi des gens qui n'en pratiquent aucune soient capables de s'asseoir autour d'une table. Moi, spontanément, je connais des gens qui seraient prêts à le faire, des gens experts en ces matières, pour justement ensemble essayer de voir qu'est-ce qu'on a envie de dire à nos enfants. Je suis absolument certaine que c'est possible. On a beaucoup de débats au Québec sur toutes sortes de questions où des gens très différents s'assoient ensemble pour essayer de trouver des solutions à divers problèmes. Je ne vois pas pourquoi on ne réussirait pas à le faire là-dessus.

(15 h 50)

M. Béchard: Sur un point que vous apportez qui est extrêmement intéressant... Et ça me rappelait, finalement, que ma première participation à la vie comme député à la commission de l'éducation était sur ce sujet-là, c'est-à-dire la participation des jeunes comme tels dans le débat actuel. Je vous parle de ma première expérience en commission parlementaire. C'était au moment de la loi n° 180 et au moment où la prédécesseure du ministre actuel avait décidé, entre autres, d'enlever le droit de vote des jeunes sur les conseils d'établissement. Et, à moins que je ne me trompe, d'après les rapports que j'ai des échanges qu'a le ministre avec certains des présidents de la préparation du Sommet du Québec et de la jeunesse, c'est un des éléments qu'on reproche beaucoup à la loi n° 180.

Moi, je me dis quelque part: Quand vous parlez d'inclure les jeunes dans le débat, je veux bien. Mais souvent ce sont des grands principes. On se dit: Oui, on va inclure les jeunes. Mais je ne sais pas si c'est parce qu'on est de moins en moins jeune, plus les jours passent, mais on dirait qu'on perd le... Comment aller les chercher? Comment s'assurer que les jeunes que ça concerne... Parce que c'est vrai, ce que vous avez mentionné. On a eu les fédérations étudiantes collégiale et universitaire qui sont venues, mais il n'y a pas d'enseignement religieux dans le curriculum au cégep et à l'université.

Comment on peut faire pour aller chercher les opinions des jeunes au niveau primaire – il y a toujours moyen de le savoir, ça peut être très bien, souvent les meilleures idées viennent de façon très naturelle à ce niveau-là, de façon souvent crue – mais aussi au niveau du secondaire? Comment faire pour inclure les jeunes dans le processus actuel? Parce que les jeunes, aux niveaux primaire et secondaire, je dirais, ne sont pas habitués d'être consultés dans des réformes. On les prend souvent puis on dit: Bon, on a pensé que ce serait bon pour vous, un peu comme c'est arrivé avec la loi n° 180, où on leur a enlevé le droit de vote sur les conseils d'établissement au niveau du secondaire; on a dit qu'on ne voulait pas avoir ce droit de vote là pour les jeunes. Mais comment on peut aller, je dirais, les chercher pour les impliquer dans ce débat-là?

Mme David (Françoise): Mais, je ne sais pas, il me semble que ça ne doit pas être si compliqué. Ils sont là, les jeunes, dans les écoles secondaires; ils sont même un peu captifs ou ils se sentent un peu captifs. C'est probablement plus facile, rejoindre des milliers de jeunes dans des écoles secondaires, que rejoindre, parfois, des citoyens sur certains sujets, parce que les citoyens ou les citoyennes sont éparpillés dans toutes sortes de lieux. Je pense que, si on veut vraiment entamer un dialogue avec... peut-être pas les jeunes de toutes les écoles secondaires du Québec, ce qui serait un gros programme, mais un certain nombre d'écoles, mon Dieu, il me semble qu'on peut en parler avec leurs professeurs, il me semble qu'on peut en parler avec leurs animateurs, animatrices de pastorale ou d'autres personnes qui oeuvrent auprès des jeunes dans les écoles. Et on peut y aller, dans ces écoles-là, on peut aller les voir dans leurs classes. En tout cas, ça me semble être quelque chose qui n'est absolument pas problématique.

M. Béchard: Le dernier point avant de passer la parole à ma collègue de La Pinière. On a beaucoup parlé du fait que, peu importe le cours, peu importe l'ouverture ou non à la multiconfessionnalité, le grand défi était l'enseignement comme tel, de trouver des enseignants et de trouver des enseignants motivés, des gens qui veulent le faire. Étant donné que, notamment au niveau primaire, le corps professoral est en grande partie composé de femmes, quels ont été les commentaires que ces enseignantes-là vous ont apportés sur le malaise sur la façon dont se fait l'enseignement religieux actuellement dans les classes, notamment au niveau du primaire? Comment elles se sentent là-dedans?

Mme David (Françoise): Écoutez, ça, d'autres vous en ont parlé. Nous – comment je vous dirais – on n'a pas consulté de façon directe et précise le corps professoral des enseignantes au primaire. Je pense que ça, le rapport Proulx en parle. Beaucoup d'enseignantes et d'enseignants ne sont pas tellement à l'aise avec l'enseignement religieux. Mais, nous, comme Fédération, très honnêtement, nous ne nous sommes pas allées vers ce corps d'emploi pour leur demander leur opinion, mais j'ai l'impression qu'elles ont dû vous en parler à travers leurs associations.

M. Béchard: Merci.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le député. Maintenant, Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, Mme la Présidente. Alors, à mon tour, Mme David et Mme Massé, je vous souhaite la bienvenue. Votre mémoire est très collé sur le rapport Proulx. Donc, vous endossez un peu la position, avec les différents éléments nouveaux que vous amenez.

Je voudrais revenir à la page 3 de votre mémoire, quand vous proposez un service d'animation à la vie civique et communautaire, qui est en quelque sorte un cours d'éducation civique, j'imagine, qui s'inspire des valeurs de la Charte des droits, et, en même temps, dans ce même cours, vous proposez un volet de la spiritualité.

Or, là, le concept de spiritualité lui-même pose problème, ne serait-ce que dans sa définition. Je me rappelle d'une discussion que j'ai eue avec un groupe de femmes de l'Autre parole, les femmes qui s'investissent dans la religion mais qui veulent faire une relecture de la religion, et qui me disaient, lorsqu'on a parlé de spiritualité, que ça ouvrait la voie, le concept de spiritualité, à beaucoup d'ambiguïtés; même, ça pourrait inclure les sectes, parce que c'est aussi de la spiritualité, etc. Est-ce que vous voyez ce danger ou est-ce que c'est plus clair dans votre esprit, ce que vous entendez par là?

Mme David (Françoise): O.K. Deux choses. D'une part, toute cette question de définir ce qui est une religion et ce qui ne l'est pas, c'est assez compliqué, ça, j'en conviens avec vous. Ça milite d'ailleurs en faveur, justement, qu'il n'y ait pas d'enseignement à la carte, je dirais, des religions dans l'école.

Cependant, quand vous faites référence à la page 3 de notre mémoire, je vous rappelle que ce dont on parle ici, ce n'est pas d'un cours d'enseignement civique dans lequel il y aurait une dimension spirituelle. Ce dont on parle, c'est du remplacement du service d'animation pastorale par un service d'animation à la vie civique et communautaire. Donc, ce n'est pas un cours, c'est plutôt un service offert aux étudiants et aux étudiantes qui élargit la gamme des services par rapport à ce qui se donne en ce moment en animation pastorale.

Comme je l'ai dit tout à l'heure à M. le député, lorsque nous disons que ce service d'animation qui réunit les étudiants peut comprendre une dimension spirituelle, ce à quoi nous faisons référence, ce n'est pas à un enseignement de quoi que ce soit, en fait, mais c'est à, tout simplement, un accompagnement des étudiantes et étudiants qui se posent des questions qui réfèrent à ce que j'ai appelé tout à l'heure la quête de sens. Qu'est-ce qui donne un sens à la vie? Il n'y a pas beaucoup de jeunes qui ne se posent pas ces questions-là.

Je pense que c'est intéressant qu'il y ait, dans les écoles primaires mais surtout secondaires, des personnes qui sont à l'écoute des étudiants, qui peuvent les aider à s'exprimer, à parler ensemble de ces questions-là, et aussi que ce service soit un lieu où les étudiants apprennent à partager, à s'entraider, à donner du temps aux autres. Je sais que certains services d'animation pastorale, en fait, sont des lieux où les étudiants apprennent à militer dans Amnistie internationale. Moi, je suis bien d'accord avec ça. Là, je ne suis plus tellement dans la dimension spirituelle, mais je suis quand même dans une dimension, je pense, hautement humaine avec des valeurs importantes. Donc, pour nous, c'est un peu tout ça, le service qu'on appelle d'animation à la vie civique et communautaire.

Mme Houda-Pepin: D'accord.

La Présidente (Mme Charest): Merci. C'est malheureusement terminé.

Mme Houda-Pepin: Ah! c'est tout le temps qu'il nous reste. Dommage.

La Présidente (Mme Charest): Alors, je remercie la Fédération des femmes du Québec, Mme David et Mme Massé.

(16 heures)

Alors, j'appelle les représentants de l'Action démocratique du Québec à prendre place à la table.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Charest): Alors, l'Action démocratique du Québec, si vous voulez bien prendre place, vous présenter. Vous avez 20 minutes pour faire la présentation de votre mémoire. Il s'ensuivra des questions, des échanges entre les deux côtés de la table et vous-mêmes.


Action démocratique du Québec (ADQ)

M. Pautel (Cédrick): Merci, Mme la Présidente. Je me présente tout d'abord. Cédrick Pautel. Je suis président du Comité sur l'éducation de la Commission politique de l'Action démocratique du Québec. Et je suis accompagné de Mme Patricia Saint-Jacques, qui est membre du Comité sur l'éducation et qui est également une enseignante au niveau secondaire.

Alors, premièrement, je tiens à vous remercier de nous recevoir, de nous donner l'opportunité de discuter avec vous du projet présenté dans le rapport Proulx. Tel que convenu, donc, on va vous présenter sommairement notre mémoire. Je prends pour acquis que, probablement, la plupart d'entre vous avez eu l'occasion d'y jeter un coup d'oeil. On pourra, par la suite, éventuellement, répondre à vos questions.

Comme on l'a souvent entendu dans le cadre de ce dossier, le dossier de la déconfessionnalisation en est un qui soulève beaucoup de questions et beaucoup de préoccupations, et ce, à travers l'ensemble du Québec. C'est un dossier qui est complexe, d'autant plus qu'il ne soulève pas les mêmes préoccupations dans la région de Montréal qu'ailleurs, dans les autres régions du Québec, compte tenu, entre autres, de la composition sociodémographique de la population québécoise et de sa répartition sur le territoire.

Le premier élément qui nous a préoccupés dans la préparation de ce dossier, c'est le fait qu'on a eu l'impression, à travers le rapport Proulx et à travers les échanges qu'on a entendus à ce sujet, que peut-être certains intervenants avaient comme des comptes à régler avec le passé ou considéraient que la création du ministère de l'Éducation du Québec, en 1964, n'était, dans le fond, qu'un premier pas vers la déconfessionnalisation nécessaire du système d'enseignement québécois.

Or, pour ce qui est de l'ADQ, nous, on a approché ce dossier-là de manière sereine. On n'avait pas d'agenda particulier dès le départ. On voulait tout simplement se préoccuper d'une chose, c'est-à-dire respecter le plus possible les droits et libertés des parents et des enfants du Québec et tenir compte effectivement des préoccupations propres à la société québécoise, qui est une société en évolution et dont l'hétérogénéité est un facteur dont il faudra tenir compte dans l'avenir. À notre avis, donc, tenir compte de la volonté légitime des parents de pouvoir donner à leurs enfants une éducation conforme à leurs valeurs confessionnelles, ce n'est pas incompatible avec la volonté que nous avons de développer un sentiment d'appartenance parmi les jeunes Québécois, et ce, peu importe leurs origines culturelles.

Dans le premier chapitre du mémoire, vous avez pu observer qu'on a d'abord voulu tracer un portrait de la situation actuelle. Et nous pensons que c'est important de le mentionner compte tenu que, avant de décider de modifier le système actuellement en place, il vaut certainement la peine de s'arrêter pour prendre connaissance des droits qui sont actuellement consentis aux parents québécois. Et à cet égard notre perception est que, malgré ses difficultés ou malgré ses imperfections, le système actuel de régime confessionnel des écoles offre énormément de choix aux parents, tant en ce qui concerne le statut de l'école que la possibilité d'octroyer un enseignement confessionnel ou laïc conforme à la volonté des parents.

C'est particulièrement le cas, donc, en ce qui a trait à l'enseignement, car vous savez que, malgré ce qu'on entend dire, non seulement les enfants des parents catholiques, protestants et laïcs peuvent bénéficier d'un enseignement conforme à leurs convictions, mais c'est aussi possible pour les enfants de parents de confessions autres que catholique ou protestante. Donc, déjà, à l'intérieur du système en place, plusieurs possibilités sont à la disposition des parents. Et, avant de retrancher ces droits, nous sommes convaincus que les membres de l'Assemblée nationale devraient y réfléchir, compte tenu qu'il s'agirait d'un renversement complet de la situation, c'est-à-dire qu'on passerait d'un système où, à l'heure actuelle, beaucoup de possibilités sont offertes aux parents à un système où il n'y aurait plus qu'une seule possibilité, c'est-à-dire la laïcité intégrale.

Dans le second chapitre de notre mémoire, vous avez pu constater qu'on a insisté sur, nous, ce qu'on considère comme étant la préoccupation principale des membres de l'Assemblée dans cette question. On considère que ça devrait être de respecter, évidemment, la volonté de la population. Et, là-dessus, le rapport Proulx soulève, propose en tout cas, soumet que la population serait majoritairement favorable à une déconfessionnalisation du système scolaire. Nous mettons cette assertion-là en doute en nous basant même sur les données offertes par le rapport Proulx.

On se retrouve, au Québec, donc, dans une situation où 86 % de la population est de confession catholique, 5,2 % de confession protestante, 4,8 % d'autres confessions. Donc, ça fait au-delà de 96 % de la population qui est croyante, qui croit en l'existence de Dieu. Et, sur la base de ces données-là, le rapport arrive à la conclusion qu'il y aurait un consensus pour que cette population à 96 % croyante envoie ses enfants dans des écoles où il ne serait plus possible d'enseigner aucune confession religieuse aux enfants. Alors, même à Montréal, la diversité culturelle qu'on y retrouve n'est pas un argument, à notre avis, compte tenu que, même parmi les immigrants ou les Québécois d'origine récente, ces gens sont en majorité, eux aussi, des gens croyants, qui croient en l'existence d'un Dieu.

Par ailleurs, le rapport propose ou prétend que, comme les Québécois catholiques sont peu pratiquants, eh bien, voilà un autre argument, donc, pour imposer la laïcité à tous les enfants du Québec. Là encore, nous nous opposons à cette assertion parce que c'est, dans le fonds, vous demander, à vous de l'Assemblée nationale, de juger les catholiques du Québec, c'est-à-dire de juger leur façon de pratiquer. Donc, c'est mettre en doute le choix que fait un individu de se déclarer ou de se considérer comme catholique et c'est de commencer à juger qu'il y a des bons catholiques, ceux qui vont à l'Église, et des mauvais ou des faux catholiques, ceux qui n'y vont pas. Et c'est ce que propose le rapport Proulx lorsqu'on le lit de façon approfondie.

Le rapport prétend qu'il y a deux raisons essentiellement pour opter pour la laïcité intégrale, c'est que, dans le cas de Montréal, il y a trop d'hétérogénéité. Il y a des gens de différentes origines, donc il vaut mieux abandonner toutes les confessions, et, dans le cas des régions en dehors de Montréal, les gens, de toute façon, ne pratiquent plus, donc ils ont opté pour la sécularisation mais sans le dire.

Or, nous, nous pensons que ce choix-là, en matière de religion, en matière de confession, c'est un choix qui doit demeurer pour chaque individu, et c'est un domaine où l'Assemblée nationale, lorsqu'elle parle au nom de l'ensemble de la population, doit agir avec prudence dans la mesure où ce n'est pas à l'État d'imposer une vision ou une perception de la religion, c'est plutôt le rôle de l'État de laisser la plus grande marge possible aux citoyens et aux citoyennes pour qu'ils puissent vivre cet aspect-là de leur vie qui est un aspect très personnel, et c'est évidemment vrai aussi pour leurs enfants, leurs propres enfants.

Un autre élément aussi qui nous a un peu désarçonnés dans le rapport – et qui est un élément fondamental parce que c'est un des fondements de la conclusion amenée par le rapport Proulx – c'est lorsqu'on traite du rôle des parents et de la propriété de l'école. Vous savez, il y a toute une série, un chapitre complet, qui traite de à qui appartient l'école. Et c'est un élément quand même assez surprenant parce qu'il nous semble que c'est un renversement de politique, en tout cas, que de prétendre que les parents n'ont plus un rôle déterminant à jouer dans l'éducation de leurs enfants, que la société serait mieux placée qu'eux pour décider.

C'est donc un élément qui nous a désarçonnés. D'autant plus que, vous le savez – on l'a indiqué en page couverture de notre mémoire – le préambule de la Loi sur le ministère de l'Éducation ainsi que de la Loi sur le Conseil supérieur de l'éducation a donné comme objectif fondamental à notre système d'enseignement que tout enfant a le droit de bénéficier d'un système qui favorise le plein épanouissement de sa personnalité. Or, on ne peut pas imaginer, nous, que, pour des parents qui sont croyants, le plein épanouissement de leur personnalité puisse se faire sans enseignement religieux, de la même façon qu'on ne peut pas imaginer que, pour des parents qui seraient non croyants, le plein épanouissement de la personnalité de leurs enfants puisse se faire dans un contexte religieux. On voit donc qu'il y a là une impossibilité de réunir l'ensemble de la population sur cette question, à moins d'offrir le plus de choix possible. Sinon, il faut trancher et il faut trancher en faveur d'un des deux groupes.

Or, les sondages qui sont entre autres mentionnés dans le rapport Proulx démontrent que, là-dessus, la population québécoise est divisée. Il n'y a pas consensus à cet égard. Les données qui sont présentées dans le rapport démontrent justement que les Québécois sont partagés sur la question de la confessionnalité. Et, en ce sens, se placer du côté de la laïcité, ce n'est pas choisir la neutralité parce que, en matière de religion, opter pour la laïcité, ce n'est pas un geste neutre. C'est un geste qui est engagé d'un côté. Et, dans ce sens-là, donc, le rapport Proulx aboutit malheureusement à une conclusion qui nous apparaît erronée, dans le sens où, justement, il vous invite, sur une question où les citoyens sont partagés, à opter pour un groupe au détriment de l'autre, alors que, sur une question comme celle-là, il devrait plutôt vous inviter, à notre avis, à trouver une solution de compromis qui permette à l'ensemble des citoyens de se reconnaître dans la politique adoptée par l'État. D'autant plus qu'il s'agit d'une question, comme je le mentionnais au début, qui est très personnelle en fin de compte.

(16 h 10)

Ce qui nous amène aux recommandations que nous avons formulées. Alors, vous avez vu que nous avons opté finalement pour un système qui essaierait de conserver, dans la mesure du possible, les droits qui sont accordés présentement aux parents québécois, particulièrement les parents catholiques et protestants ainsi que les parents laïques, et d'étendre ces droits-là à l'ensemble des parents du Québec. Cette solution nous apparaît tout à fait viable à partir du moment où l'école adhère à un statut neutre – et non pas laïque, mais vraiment neutre – et dans la mesure, donc, où on peut, à ce moment-là, à l'intérieur d'une école neutre, offrir des enseignements qui soient diversifiés.

Nous adhérons cependant à un des éléments du rapport Proulx qui proposait d'enseigner à l'ensemble des étudiants les valeurs civiques, l'histoire des religions et la culture relative aux religions. Nous pensons effectivement que ça constituerait certainement un enseignement utile pour l'ensemble des enfants du Québec, mais nous souhaiterions simplement ajouter à cela, dans le cas des parents qui le souhaiteraient, un enseignement confessionnel conforme à leurs convictions pour leurs enfants. Cette solution nous paraît être la meilleure dans la mesure où elle rend l'école ouverte à tous ou elle confirme, plutôt – ce qui est déjà un fait – que l'école est ouverte à tous les étudiants, à tous les enfants, et, en même temps, elle permet, à l'intérieur de l'école, d'offrir des services qui soient conformes à la volonté des citoyens.

Puis, concrètement, il faut bien dire que, quand on regarde la carte sociodémographique du Québec, à l'extérieur de la région de Montréal, la mise en oeuvre de cette solution-là ne devrait pas soulever tellement de difficultés parce qu'il y a au-delà de 96 % des citoyens, à l'extérieur de Montréal, qui sont catholiques. Le vrai défi, c'est à Montréal, et c'est là, donc, qu'il faut trouver, justement, une solution qui va pouvoir s'appliquer tant à la réalité de Montréal qu'à la réalité des régions situées à l'extérieur de Montréal. Et nous pensons que la proposition mise de l'avant permettrait cela.

Par ailleurs, nous avons également abordé des questions qui sont importantes mais d'un second ordre, comme la question de la pastorale. Vous avez vu également que nous avons traité des structures supérieures confessionnelles du ministère et du Conseil supérieur de l'éducation. Et nous proposons, en terminant, une période transitoire, étant donné que l'ensemble de ces réformes vont entraîner des changements dans les programmes, vont devoir également être mises en oeuvre et être appropriées par les parents et les directions d'école. Alors, nous proposons que l'Assemblée adopte une période transitoire, utilise la clause «nonobstant» pour une dernière fois, tout simplement pour permettre de mettre en place les changements acceptés.

Donc, voilà la présentation sommaire du mémoire. Nous serions prêts, à ce moment-là, à répondre à vos questions.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. Pautel. Maintenant, je cède la parole au ministre de l'Éducation. M. le ministre.

M. Legault: Oui. D'abord, je voudrais souligner la première présence du député de Rivière-du-Loup à la commission sur l'éducation. Bienvenue. Je voudrais aussi remercier pour leur présence et leur mémoire les représentants de l'Action démocratique du Québec, donc M. Pautel et Mme Saint-Jacques.

Vous nous dites dans votre mémoire que vous appuyez l'utilisation des clauses «nonobstant» de façon transitoire. Vous proposez aussi pour les écoles un statut de neutralité à l'égard de la religion, mais vous souhaitez en même temps maintenir des écoles à projet particulier de type confessionnel, et vous proposez, là où le nombre le justifie, la possibilité aux parents de demander un enseignement religieux conforme à leurs croyances, donc une ouverture à toutes les religions.

Si je regarde, d'abord, quelques-unes de vos propositions, il y en a deux qui me semblent un peu contradictoires. Vous dites que, pour respecter le libre choix des parents en matière de religion, l'école publique devrait être neutre, c'est-à-dire sans statut confessionnel, mais, en même temps, vous recommandez d'autoriser le maintien d'écoles à projet éducatif particulier de type confessionnel. Prenons l'exemple d'une école qui est unique dans un quartier où la majorité des parents choisiraient d'avoir un projet particulier à caractère religieux. Qu'est-ce que vous suggéreriez, à ce moment-là, aux parents d'une religion minoritaire – si je peux m'exprimer ainsi – concernant... Quel rôle ou quel sort vous leur réserveriez dans cette école si elle a un projet particulier à caractère religieux autre que leur religion?

La Présidente (Mme Charest): M. Pautel.

M. Pautel (Cédrick): Merci. Vous n'êtes pas sans savoir, M. le ministre, que ces autorisations-là, c'est vous qui les octroyez et que vous avez une très grande marge discrétionnaire à cet égard. Donc, j'imagine que, si vous vous retrouviez dans une situation où il n'y avait qu'une seule école de disponible, par exemple, dans un village dans une des régions du Québec, vous seriez moins enclin à octroyer un projet particulier. Dans les faits, c'est ce qui s'est passé, c'est ce que vos prédécesseurs ont fait. Ils ont accordé ces statuts particuliers lorsque la situation, dans la région donnée, n'entraînait pas, justement, de forcer les étudiants ou les enfants de l'ensemble de la région à devoir aller à cette école, mais qu'il y avait diversité de choix offerts. Donc, nous pensons simplement à des situations semblables à celles-là.

Il y a, dans les faits, dans certaines régions du Québec, des franco-protestants, entre autres, qui sont minoritaires et qui se sont dotés depuis plusieurs années d'une école à statut particulier, qui ont donc un projet éducatif qui leur est propre. Il faut bien spécifier cependant que l'école est accessible à tous les enfants qui le désirent, qu'ils pratiquent la religion en question ou non. Ça, ça fait partie des obligations que le ministère impose à ces écoles-là. Il ne s'agit donc pas de ghettos et, en même temps, il n'y a pas non plus de discrimination dans l'acceptation des enfants.

Ce qu'on souhaite simplement souligner là-dedans, c'est que c'est certain que, théoriquement, c'est toujours plus facile de présenter une position qui est absolument inattaquable parce qu'elle propose un seul statut pour tout le monde, donc il n'y a pas de critiques possibles. C'est effectivement plus difficile politiquement de présenter des projets qui tiennent compte de la flexibilité, qui proposent de la souplesse, qui sont prêts à faire des compromis, à juger au cas par cas. C'est certain que c'est plus difficile. Mais, nous, nous pensons que, dans cette matière-là, les Québécois sont prêts à ça, même on pense que c'est ce qu'ils souhaitent, que, dans la mesure où il n'y ait pas de discrimination de faite, dans la mesure où tout le monde a la possibilité d'envoyer son enfant dans une école qui lui ressemble, à proximité, donc, dans cette mesure-là, nous pensons que c'est assez réaliste.

M. Legault: Poursuivons dans l'exemple que vous nous donnez. Si on avait une situation d'une école où on a un projet particulier à caractère religieux, prenons un exemple, franco-protestant, si on avait des francophones catholiques autour de cette école qui souhaiteraient envoyer leurs enfants dans cette école, à ce moment-là, est-ce que vous suggéreriez au ministre de l'Éducation d'approuver le projet particulier de cette école ou non?

M. Pautel (Cédrick): En principe, notre position serait, dans la mesure du possible, de l'approuver, à moins que ça soit irréaliste, par exemple parce que le nombre ne le justifierait pas, il n'y aurait pas assez de ressources ou encore parce que, dans la région, comme on l'a dit tout à l'heure, ça créerait un déséquilibre au niveau de l'offre d'enseignement, de l'accessibilité scolaire pour l'ensemble des enfants. C'est pour ça que la règle qu'on a donnée, la règle première, c'est la neutralité de l'école, parce qu'une école neutre, elle, peut donner place à de l'enseignement pour protestants, pour catholiques et même pour tous les autres. Mais, là où la situation particulière peut le permettre, on ne voit pas pourquoi le ministère ou le ministre en particulier ne s'efforceraient pas, dans la mesure du possible, de satisfaire les parents.

M. Legault: D'accord. Maintenant, vous nous dites que, là où le nombre le justifie, vous offririez la possibilité aux parents de demander l'enseignement religieux conforme à leurs croyances. Est-ce que je comprends que vous seriez ouverts à n'importe quelle religion? Et sinon comment feriez-vous le choix des religions qui seraient acceptables ou non acceptables? Qui déciderait, à savoir si cette religion est acceptable ou non? Et est-ce que vous ne pensez pas que ça créerait des problèmes au niveau des enseignants?

M. Pautel (Cédrick): Je vais d'abord répondre à la première partie de la question. Donc, pour ce qui est de la reconnaissance des religions à des fins d'enseignement, c'est pourquoi nous proposons dans le rapport que les deux directions à l'heure actuelle et les deux sous-ministres catholique et protestant qui oeuvrent au sein de votre ministère soient remplacés plutôt par une direction unique qui traite de l'enseignement moral et religieux. Et ça serait à cette direction-là, entre autres, de vous conseiller en cette matière, dans la reconnaissance de religions à des fins d'enseignement, et de vous recommander aussi l'approbation des programmes.

Mais ce n'est pas une situation qui est nouvelle. Déjà, à l'heure actuelle, dans la proposition qui est présentée par le rapport Proulx, on vous propose un programme d'enseignement qui traite de la culture des religions, de l'histoire des religions et on y fait un choix. Ce ne sont pas toutes les religions qui sont représentées, ce ne sont pas toutes les sectes qui ouvrent leurs bureaux le lundi matin sur la rue qui vont être enseignées dans la classe. Donc, déjà, le ministère, à partir du moment où on parle de religions, va devoir faire un certain choix au niveau de la programmation. Donc, il n'y a pas un élément nouveau là-dedans. C'est simplement que ce sera traité différemment, c'est-à-dire que, au lieu d'aller uniquement au niveau de l'histoire des religions et de la culture des religions, et là où le nombre le justifie, il y aura un enseignement confessionnel qui parlera des valeurs religieuses propres aux parents et aux enfants de cette confession.

M. Legault: Maintenant, la deuxième partie, au niveau de l'enseignement, est-ce que, dans votre proposition, on pourra avoir quatre, cinq, six religions différentes dans la même école, et est-ce que ça ne pose pas des problèmes au niveau des enseignants?

La Présidente (Mme Charest): Mme Saint-Jacques.

(16 h 20)

Mme Saint-Jacques (Patricia): Patricia Saint-Jacques. Bien, écoutez. En fonction de ce que je connais de mes collègues qui enseignent la religion, chacun d'entre eux avait, dans sa formation, une théologie. Ils ont quand même une grande ouverture sur l'ensemble des autres religions. Il y a beaucoup de coordonnées là-dedans. D'autre part, il est sûr qu'on parle d'une période où il faudra faire une transition. Alors, je crois que, déjà, depuis longtemps, dans la formation des maîtres, on tente d'améliorer et d'agrandir un petit peu le curriculum de chacun des professeurs, ce qui fait en sorte que, une fois que tout aura été mis en oeuvre, je ne vois aucun problème à ce qu'un professeur qui a déjà des convictions religieuses ou qui est intéressé et sensible aux convictions ou aux différentes religions soit en mesure de l'enseigner. Mais c'est toujours en fonction aussi...

Bon. Il y a la confessionnalité qui va être importante. Entre autres, on va penser aux grandes religions qui vont être présentées. Mais il y a aussi le cadre où, pendant une certaine partie de l'année scolaire, que vous soyez d'obédience protestante ou catholique ou bien musulmane, vous aurez accès quand même à un cours qui va donner enfin l'accès à l'ensemble des étudiants de la culture et des différentes religions. Ça, c'est très important.

En tant que professeur d'histoire, je peux vous dire qu'on a un sérieux problème. Même si la majorité de nos élèves se disent catholiques, il y a un gros problème pour eux quand on leur parle d'histoire du Québec et qu'on parle d'histoire dans les années trente, où les femmes devaient avoir plusieurs enfants, sinon on leur refusait d'aller communier. Et là ils ne comprennent absolument pas et ils sont pourtant catholiques. Et, en ce moment, à mon école, où le nombre le justifie, je vous avouerai que depuis déjà deux mois il y a cinq élèves qui ont droit à un professeur pour l'enseignement protestant, et l'école a tout fait en son pouvoir pour trouver quelqu'un qui était en mesure de l'enseigner dans notre région. Alors, il me semble que, oui, la flexibilité chez les professeurs est là, le désir d'enseigner, et, en fonction d'une amélioration aussi et d'une ouverture dans la formation des maîtres, je pense qu'il n'y aura vraiment aucun problème là-dedans.

M. Legault: Dans le rapport Proulx, on nous dit qu'il y a un certain pourcentage, je pense que c'était 35 %, des enseignants qui se sentent mal à l'aise avec l'enseignement des religions. D'abord, est-ce que vous pensez que c'est réel, avec l'expérience que vous avez vécue? Est-ce que vous pensez que, si on ajoute des religions, on ne pourrait pas augmenter le problème?

Mme Saint-Jacques (Patricia): C'est sûr que, si vous prenez un professeur de français qui se ramasse à enseigner la morale, il n'est peut-être pas très, très à l'aise avec ça. Par contre, je vous ferai part, justement, d'une expérience alors que je faisais mon certificat d'enseignement à l'UQTR. Il n'y avait jamais eu autant d'étudiants dans le cours de théologie pour pouvoir être professeur de morale ou de religion. Et, plus ça va, plus je rencontre des gens qui ont eu cette formation-là. Et, d'ailleurs, de plus en plus les gens s'orientent vers plusieurs matières qui vont parler de théologie. Même moi, en histoire, la majorité de ma formation a été faite en fonction de l'histoire catholique, ce qui me permet de pouvoir l'enseigner, d'ailleurs.

M. Legault: Maintenant, vous nous dites que les parents sont les maîtres-d'oeuvre de l'éducation de leurs enfants. Vous nous dites ça à la page 8. Et vous dites aussi, je vous cite: «...il ne fait aucun doute que l'école soit au service des parents et de leurs enfants.» C'est d'ailleurs le titre de votre mémoire. Est-ce que, selon vous, les parents ont des droits sur les écoles que n'aurait pas le personnel scolaire en ce qui concerne, par exemple, la définition du projet éducatif?

M. Pautel (Cédrick): Le définition du projet éducatif doit se faire au niveau du comité d'établissement, où les parents et les enseignants sont représentés. Mais – parce que c'est un mémoire qui porte sur la confessionnalité des écoles et l'enseignement confessionnel ou non à nos enfants – je pense qu'il n'y a personne de mieux placé qu'un parent pour déterminer quelles sont les valeurs morales et religieuses qui devraient être enseignées à son enfant. Et effectivement, dans le rapport – vous l'avez certainement lu – il y a des pages qui sont assez surprenantes, entre autres où on mentionne que, parce qu'il y a des parents qui abusent de leurs enfants, c'est une preuve que l'État doit intervenir et que les parents ne sont pas toujours les mieux placés pour déterminer ce qui est bon pour leurs enfants ou non. Alors, je ne sais pas si vous adhérez, vous, personnellement, à cette partie-là du rapport, mais ce n'est pas une phrase anodine. Ça soutient, justement, la prétention du rapport Proulx de dire que l'État est bien placé pour choisir la laïcité et l'imposer à tout le monde. Alors, ça, oui, il n'y a aucun doute que nous sommes opposés à ça.

M. Legault: Parfait. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le ministre. Maintenant, le député de Bertrand.

M. Cousineau: Merci, Mme la Présidente. Mme Saint-Jacques, M. Pautel, bonjour. J'ai eu l'occasion de parcourir votre mémoire. Merci de votre présence. Vous signifiez, à la page 15, au niveau des structures, que les directions confessionnelles actuelles devraient être remplacées par ce que vous appelez une direction de l'enseignement religieux et spirituel. Est-ce que vous pouvez donner un petit peu plus d'explications et nous préciser quelle serait la composition de ce comité?

M. Pautel (Patrick): On n'a pas de réflexion à vous transmettre à ce sujet-là. On considère que c'est plutôt une réorganisation interne propre au ministère. Les gens du ministère vont être mieux placés que nous pour aborder cette question. Mais ce qu'on voulait mentionner ou ce qu'on voulait indiquer à cet égard, c'est que, jusqu'à date, la structure du ministère ainsi que du Conseil supérieur de l'éducation représentait le consensus de 1964, ce qui était tout à fait correct.

Maintenant, si on passe à un nouveau système ou à un nouveau consensus, évidemment, les structures devront s'adapter à cette nouvelle réalité. Et je pense, personnellement, qu'il est dans l'intérêt du gouvernement, entre autres du ministre, qu'il y ait des gens qui réfléchissent aux questions religieuses au sein de son ministère, parce que, justement, on ne pourra jamais faire fi totalement de ces questions-là. Les enfants sont soumis présentement à des interventions de la part de sectes religieuses, ils ont à vivre dans un environnement où la religion est présente d'une manière ou d'une autre. Alors, il est préférable que le ministère ait des gens compétents pour réfléchir à ces questions, entre autres dans le cadre de nos propositions, pour recommander l'acceptation ou non de l'enseignement de la religion au sein des écoles et également pour approuver les programmes, de telle sorte, justement, que le ministère soit outillé pour pouvoir mener une réflexion à ce sujet-là.

M. Cousineau: D'accord. Votre dernière recommandation, c'est d'utiliser la clause «nonobstant» d'une façon transitoire. Vous voyez cette transition-là sur quelle période ou combien d'années? Et puis, suite à la clause transitoire, est-ce que ça serait une disparition définitive? Est-ce qu'on pourrait revenir et puis l'utiliser ou ça serait l'abolition complète de la clause transitoire?

M. Pautel (Cédrick): Là-dessus, j'ai été surpris également de lire...

M. Cousineau: De la clause «nonobstant», excusez.

M. Pautel (Cédrick): Pardon?

M. Cousineau: De la clause «nonobstant».

M. Pautel (Cédrick): Oui, de la clause «nonobstant». J'ai été surpris de lire tout ce qui était écrit dans le rapport parce que, justement, le rapport Proulx parle de moralité, finalement, de morale et de confession religieuse, et on tient un discours moraliste à l'égard de la clause «nonobstant». On prétend que la société québécoise devrait être honteuse de recourir à cette clause-là, et vous particulièrement, Mmes et MM. les députés, vous devriez être honteux de recourir à la clause «nonobstant». Ce n'est pas mon discours, c'est celui du rapport.

Personnellement, j'ai le défaut, entre autres, d'être juriste. Alors, je suis très mal à l'aise avec ça parce que, à mes yeux, la clause «nonobstant», c'est plutôt un outil qui replace à la bonne place le pouvoir politique. C'est-à-dire que la clause «nonobstant», c'est de dire aux hommes et aux femmes politiques: En définitive, vous aurez le pouvoir, puisque vous parlez au nom du peuple, de déterminer que, dans certains cas, la Charte des droits et libertés de la personne devrait être mise de côté parce qu'il y va d'un intérêt collectif. Et, dans le rapport, on voudrait vous inciter à hésiter à utiliser cette clause, sous des couverts de moralité.

Nous, on n'aurait pas de difficultés à utiliser la clause «nonobstant» lorsqu'elle est justifiée, parce que ça a été précisément conçu pour que le politique puisse émettre son opinion, prendre des décisions. Et on n'est pas encore rendu, justement, dans une société où les juges ont le dernier mot. La clause «nonobstant», c'est un des derniers bastions qui vous restent à cet égard, alors on ne voit pas pourquoi vous devriez hésiter à l'utiliser.

Par contre, ce qu'on reconnaît, c'est que, effectivement, dans le système actuel les parents québécois ne sont pas tous traités avec égalité. Les parents juifs, ou musulmans, ou d'autres confessions ne sont pas traités équitablement par rapport aux autres parents, et il n'y a pas de raison pour que notre société perpétue cette inégalité qui est tout simplement l'héritage du passé.

Donc, c'est pour ça qu'on propose de reconnaître l'ensemble de ces religions et de donner aux enfants de toutes les religions la possibilité d'avoir un enseignement conforme à leurs convictions ou à celles de leurs parents. Mais l'utilisation de la clause «nonobstant», ça devrait se faire, dans un cas comme celui-là, surtout que c'est transitoire, sans hésitation.

Pour ce qui est du délai, ça m'est difficile de vous donner une réponse précise, mais il nous semble que, dans une période d'un an ou d'un an et demi, l'ensemble des programmes devraient être revus, les parents devraient s'être habitués à la nouvelle façon de procéder et les discussions avec les syndicats devraient être menées à terme, quoique parfois c'est plus long qu'on le pense.

M. Cousineau: O.K. Ça va.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le député. Maintenant, je passe la parole au député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Mme Saint-Jacques, M. Pautel, merci pour votre présentation, bienvenue. Merci pour votre mémoire qui présente la position de l'ADQ dans le débat actuel. Et je vous dirais que je pense que c'est la première fois qu'on entend une position de l'ADQ dans l'actuel débat, et je vous remercie d'être venus nous la présenter.

Sur votre première proposition et dans votre texte de présentation, quand on parle de neutralité de l'établissement par rapport au statut comme tel, vous faites la délimitation bien claire entre le fait que, dans le public, ça doit être neutre, et, dans le privé, ça peut être confessionnel. Mais, dans le cas où, par exemple, dans mon comté, dans le comté du député de Rivière-du-Loup, où, par exemple, des parents disent à l'unanimité: On veut dans une école publique un statut confessionnel, est-ce que vous seriez ouverts à laisser quand même cette marge de manoeuvre là pour que, s'il y a unanimité dans le milieu – que ça soit pour une identification quelconque, que ça soit pour des traditions, que ce soit pour toute autre raison – les parents décident: Bon, chez nous, à Saint-Philippe-de-Néri ou à Saint-Arsène, par exemple, à Rivière-du-Loup, ou dans d'autres municipalités, on dise: L'école va être à statut catholique? Est-ce que vous seriez prêts à laisser cette marge de manoeuvre là au conseil d'établissement?

(16 h 30)

M. Pautel (Cédrick): Bien, nous sommes favorables à la plus grande marge de manoeuvre possible, sauf que, néanmoins, il faut quand même tenir compte du fait que la société québécoise n'est plus celle des années soixante, elle est de plus en plus diversifiée, et ça ne fait que commencer. Ça n'ira peut-être pas aussi loin que le prétend le rapport Proulx, mais certainement que ça va aller en augmentant au cours des prochaines années.

Vous parlez d'unanimité. Est-ce que c'est un cas de figure réel? Vous pensez vraiment qu'on puisse avoir une unanimité sur cette question-là dans une école? Je pense, entre autres, tout simplement à des parents qui seraient, eux, non pas bouddhistes ou hindouistes, mais simplement laïques, qui seraient athées, qui ne souhaiteraient aucun enseignement religieux à leurs enfants ou qui ne souhaiteraient pas que leurs enfants soient dans une école confessionnelle. C'est pour ça que le statut de neutralité est important, parce que la neutralité de l'école permet de sauver l'essentiel: l'enseignement effectif des convictions religieuses ou des convictions idéologiques des parents qui sont athées.

Mais vous soulevez une question qui est intéressante, parce que le rapport Proulx nous mène à une autre forme d'injustice. Le rapport Proulx nous propose de laisser intactes les écoles privées – donc elles pourront être confessionnelles ou non – mais d'imposer la laïcité partout dans les écoles publiques. Le résultat est que, à partir du moment où ces mesures seraient mises en vigueur, il y aurait deux classes de parents au Québec: ceux qui ont les moyens de donner à leurs enfants un enseignement conforme à leurs convictions et les autres, qui sont condamnés à avoir la religion d'État qui est l'athéisme.

M. Béchard: Mais j'amène cette question-là parce que vous savez qu'il y a des gens qui sont venus ici puis qui ont dit que le réseau privé qu'on a actuellement, ce n'est pas un vrai réseau privé et que, si on veut mettre en place quelque position que ce soit, on ne peut pas accorder de privilèges à nos écoles actuellement privées, parce que, dans le fond, ça serait de la discrimination, vu qu'elles sont financées à au-delà de 50 % par l'État. C'est un peu la question que je me posais par rapport à ce que vous amenez, c'est vraiment de le permettre aux écoles privées dans le système actuel. Que répondez-vous à ceux qui vous diraient: Oui, mais, dans le système actuel, ce serait une discrimination parce que nos écoles privées ne sont pas de véritables écoles privées?

Mme Saint-Jacques (Patricia): Mais encore faut-il faire la différence entre différents types d'écoles privées. On a les écoles privées déclarées d'intérêt public, et elles sont subventionnées à ce taux-là, mais les autres ne le sont pas au même point.

D'ailleurs, l'idée est toujours: c'est le choix des parents qui doit primer, et, si un parent désire envoyer ses enfants dans une école privée, il en assume une partie des coûts, et ça fait des économies pour le reste du système. Alors, il me semble que, en partant, en acceptant le fait que le parent a le droit de décider d'un milieu pour son propre enfant, on vient de rendre les vrais droits aux parents, et ça, c'est très important.

La neutralité, ce que ça nous amène aussi, c'est une façon de ne pas teinter les projets éducatifs de certaines écoles. Quand on pense à la région montréalaise, avec la multiplicité ethnique, en ayant la neutralité, là, on n'encadrera pas nécessairement l'ensemble de l'école à l'intérieur d'un type confessionnel particulier. La neutralité va nous permettre d'offrir le service et la formation mais ne teintera pas l'ensemble du projet éducatif de l'école. Comme ça, entre autres, pour les professeurs, si l'école, c'est une école neutre, je n'aurai pas besoin de porter un hidjab si, dans une certaine circonstance, j'étais dans une école où il y a une majorité de gens d'obédience musulmane.

M. Béchard: Donc, vous faites une certaine distinction entre les écoles privées dans ce que vous mentionnez. Mais, dans votre mémoire, vous dites «pour les écoles privées en général», ou vous faites cette distinction-là que, quand elles ne sont pas reconnues, elles sont, je dirais, presque totalement privées?

Mme Saint-Jacques (Patricia): C'est pour toutes les écoles privées. Mais c'est parce que...

M. Béchard: Pour toutes les écoles privées, O.K.

Mme Saint-Jacques (Patricia): C'est parce que, quand les gens disent que l'école privée, elle est fortement subventionnée, ce qu'ils oublient de dire, c'est que ce n'est pas toutes les écoles privées qui le sont. Et, moi, j'en suis la preuve vivante. J'étais dans une école privée déclarée d'intérêt public et qui n'avait pas les mêmes obligations, qui n'avait pas le même taux de subvention que d'autres écoles privées qui m'entouraient.

M. Béchard: Mais ce que vous amenez, c'est quand même pour toutes les écoles privées.

Mme Saint-Jacques (Patricia): Oui.

M. Béchard: Donc, dans ces cas-là – je reviens avec ma question – il y a des gens, qui sont venus ici, qui nous ont dit: Peu importe le système qu'on met en place, on ne peut pas accorder un statut particulier aux écoles privées parce que ce ne sont pas de vraies écoles privées, et on créerait une discrimination, finalement, indirecte, parce que les gens disent: Sans même que les parents aient à payer le coût total de l'école privée, ils auraient un avantage quand même s'ils sont capables de payer un petit peu plus que les autres parents, parce qu'ils pourraient avoir un statut confessionnel. Il y a tout un débat là-dessus.

Mais c'est juste parce que je veux voir avec vous si c'est vraiment pour toutes les écoles privées, parce qu'il y a des gens qui disent: Oui pour les écoles privées non subventionnées et privées presque au complet, ils feront ce qu'ils veulent avec le statut de l'école et avec ce qu'ils enseignent. Mais, à partir du moment où il y a un financement public, ils disent: On ne peut pas avoir un système, finalement, où, dans le public, à 100 % on interdit ou on permet des choses et, dans un système privé à 50-50 ou à peu près, on donne certains privilèges. Je veux juste qu'on soit clair sur cette distinction-là.

M. Pautel (Cédrick): C'est ça. Je ne suis pas sûr que ce soit la bonne façon d'aborder le débat sur l'école privée par le biais d'une discussion sur la confessionnalité du système scolaire. Alors, ce serait un autre débat, mais concrètement, là... Premièrement, si on reprend le cas de figure que vous mentionnez, ça se passait dans un village. J'avais donc l'image qu'il n'y avait peut-être qu'une seule école dans la région en question.

Comme je vous le disais au début, c'est difficile d'imaginer que cette école-là pourrait être autre chose que neutre, compte tenu qu'il y a des parents, dans la région, qui ne sont peut-être pas d'autres confessions religieuses mais qui sont athées et que l'État doit leur permettre, à eux aussi, de donner un enseignement qui soit conforme à leurs convictions à leurs enfants.

Par contre, comme on le disait tout à l'heure, c'est pour ça qu'on laisse une certaine ouverture pour les écoles à projet particulier. Si, dans une région donnée, il y a suffisamment de gens pour éventuellement envisager, de façon réaliste, de les doter d'une école à statut particulier, bien il y aura toujours cette voie de sortie là.

Pour ce qui est de la question des écoles privées, pour tout de suite, à notre connaissance, les écoles privées existent. C'est le ministère qui détermine quel est leur statut, leur niveau de subvention et leurs obligations. C'est une réalité réelle, là, il faut en tenir compte, et traditionnellement – puis il y a même, d'ailleurs, des pactes internationaux là-dessus – les obligations de l'État à l'égard de l'école privée sont assez élevées. On ne peut pas, du revers de la main, leur retirer des droits. De toute façon, dans tout ce dossier-là, votre attitude devrait être de conserver le plus possible les droits actuels des parents, y compris de ceux qui envoient leurs enfants à l'école privée, et, si possible, d'étendre ces droits-là à l'ensemble des parents du Québec.

M. Béchard: Sur justement un des grands défis qu'il y a à la multiconfessionnalité et relié à ce que vous mentionnez, à la page 5 de votre mémoire, sur l'accommodement raisonnable, sur jusqu'où on doit aller ou un organisme doit aller pour atténuer les effets discriminants, comme vous le mentionnez, j'aimerais ça vous entendre là-dessus, parce que c'est une notion...

Je vous dirais que même Patrice Garant, qui est venu faire une présentation ici, a mentionné, sur les accommodements raisonnables, que ce n'est pas toujours très, très clair jusqu'où une commission scolaire, on peut dire qu'elle a fait tous les accommodements possibles et raisonnables, et, d'un autre côté, que, finalement, c'est peut-être une notion qui, tant qu'on ne l'utilise pas, pourrait bien passer, mais le jour où on la confronte, où elle commence et où elle se termine.

J'aimerais ça avoir votre vision de qu'est-ce que serait, pour vous, tous les accommodements raisonnables qu'une commission scolaire ou qu'une école pourrait faire, justement, pour éviter de se retrouver dans une situation discriminatoire.

M. Pautel (Cédrick): Bien, l'accommodement raisonnable, premièrement, il y a le mot «raisonnable», il doit demeurer raisonnable. Puis ça, c'est relativement clair dans la jurisprudence; c'est que ça ne doit pas constituer une contrainte excessive pour l'organisation. Une contrainte excessive, ça peut être d'ordre organisationnel ou financier, mais également de valeurs, je dirais, d'ordre moral. Par exemple, un accommodement qui serait vraisemblablement déraisonnable dans une société comme le Québec, ce serait un accommodement qui ferait en sorte que les femmes ne seraient pas traitées à égalité avec les hommes, parce que, par exemple, ce serait les valeurs véhiculées par une religion. Alors, voilà un accommodement qui serait certainement déraisonnable.

Par ailleurs, modifier les menus à la cafétéria, adapter le calendrier scolaire dans la mesure du possible, ne pas imposer des contraintes au niveau vestimentaire qui ne soient pas justifiées ou nécessaires, vraiment nécessaires, voilà des accommodements qui, vraisemblablement, seraient raisonnables.

Mais là on ne peut pas en traiter et en donner la liste complète, parce que, justement, l'avantage, c'est peut-être la faiblesse de l'accommodement raisonnable, c'est qu'on n'en a pas une image claire dès le début. Mais c'est l'avantage aussi, c'est que ça permet de s'adapter à toutes sortes de situations qu'on ne pourrait même pas imaginer ici ensemble.

M. Béchard: Sur la proposition que vous faites relativement au cours, vous proposez bel et bien que le cours d'enseignement moral laïque soit réformé afin d'inclure l'histoire des religions à l'intérieur de ce cours-là et qu'un cours d'enseignement confessionnel soit élaboré pour chaque confession, là où le nombre le justifie.

Vous parlez d'histoire de religion et non pas de culture de religion, et ce qui a été proposé par Proulx, c'est davantage un cours culturel des religions avec les distinctions qu'il a amenées, c'est-à-dire que ceux qui ne veulent pas nécessairement ouvrir à d'autres confessions religieuses disent: À ce moment-là, l'enseignement culturel des religions est quand même un cours de religion quelque part. Ça fait qu'il essaie de faire l'équilibre.

(16 h 40)

Mais, vous, vous arrivez avec un cours vraiment d'histoire de religions, c'est-à-dire qu'il y aurait le cours qui serait offert pour les confessionnalités, et, de l'autre côté, quand même, un cours d'histoire des religions qui serait probablement le plus neutre possible. Est-ce que vous pensez qu'il serait réalisable et réaliste d'avoir – parce que, surtout si on le met en comparaison avec un cours d'enseignement confessionnel, on veut vraiment quelque chose de neutre, j'imagine, dans le cours d'histoire de religions – un cours d'histoire de religions qui serait parallèle à de l'enseignement confessionnel et qui ne serait pas considéré comme de l'enseignement religieux, qui serait neutre et qui serait vraiment considéré, je dirais, comme une matière comme toutes les autres?

Et, à ce moment-là, en sous-question, il y a quand même des gens – puis vous en avez parlé tantôt – qui ne croient pas, qui sont athées, qui n'ont aucune appartenance religieuse. Qu'est-ce qu'on fait avec ces gens-là? Est-ce qu'on crée une dispense autre, un autre type de cours? Est-ce qu'on les, je dirais... parce que ce n'est pas un... on met en place un cours de morale neutre ou qu'est-ce qu'on fait avec les gens qui ne veulent absolument aucun cours religieux, que ça soit directement ou indirectement?

M. Pautel (Cédrick): Peut-être qu'on n'a pas été clair dans la rédaction du mémoire, mais notre proposition est la suivante: C'est deux cours. Un cours destiné aux enfants qui ne veulent aucun enseignement religieux, c'est le cours de morale actuel, finalement, auquel on ajouterait l'histoire des religions...

M. Béchard: À l'intérieur de ce cours-là.

M. Pautel (Cédrick): ...à l'intérieur de ce cours-là. C'est d'ailleurs une des recommandations du rapport Proulx. Parce que le rapport mentionne que les enfants qui suivent, à l'heure actuelle, l'enseignement moral n'ont aucune formation en matière religieuse et n'ont donc développé aucune sensibilité à cet égard-là. Même si eux-mêmes ne croient pas, ils vivent dans une société où il y a, dans ce cas-ci, 96 % de croyants. Donc, on ajouterait cet élément-là au cours de morale actuel. Ça, c'est pour les gens qui ne veulent pas de religion. Ils auraient donc une connaissance des religions, mais une connaissance qui n'est pas une transmission des valeurs véhiculées par la religion, mais uniquement des faits relatifs à la religion.

De l'autre côté, un cours destiné, lui, aux enfants qui sont de confessionnalité religieuse et qui serait divisé en deux parties – c'est à la page 12 du mémoire – une première partie qui porterait sur les valeurs civiques communes à l'ensemble des Québécois ainsi que sur l'histoire des religions, l'ensemble des religions; et une deuxième partie qui serait propre à leur confession à eux.

Ça m'amène à déborder sur une question que M. Legault avait soulevée tout à l'heure relativement à la réorganisation administrative d'une proposition comme celle-là à l'égard des conventions collectives et des professeurs. Il ne faut pas perdre de vue que la proposition qui est là, finalement, affecte un cours sur l'ensemble du curriculum. Et, dans les faits, comme je viens de le mentionner, il n'y a que la moitié de ce cours-là qui est de nature confessionnelle. L'autre moitié est commune à l'ensemble des élèves, peu importe leur confession religieuse et même commune, et vue de façon plus approfondie pour les enfants qui, eux, ne pratiquent aucune religion.

Donc, ça veut dire que tous les professeurs, en principe, qui ont la formation devraient être capables d'enseigner le cours de morale ainsi que la moitié du cours confessionnel, et ce n'est que la seconde moitié de ce cours-là qui serait spécifique à chaque confession.

C'est de là qu'on parlait également, dans le mémoire, d'accommodements raisonnables ou de flexibilité. Si, dans une région donnée, on n'a pas un professeur compétent pour donner la partie de cours qui porte sur le judaïsme, on devrait avoir suffisamment de flexibilité comme société pour s'adresser à la synagogue et, sur la base d'ententes particulières, obtenir la participation de quelqu'un de la synagogue pour donner cette partie d'enseignement.

M. Béchard: O.K. Justement, là-dessus il y a des gens qui sont venus ici qui ont dit que, peut-être, la meilleure façon de répondre au fait que certains enseignants sont mal à l'aise, ça serait de mettre en place carrément des spécialistes de l'enseignement religieux et des gens qui, un peu comme les enseignants d'anglais ou de certaines matières, font le tour et ont plusieurs groupes et qu'on réserve vraiment une période spécifique à l'enseignement religieux, que ce soit un cours, je dirais, culturel des religions ou si on ouvre à la multiconfessionnalité. Qu'est-ce que vous pensez de ce type d'approche là, au niveau des enseignants? Est-ce que vous pensez que ça les rendrait plus à l'aise? Est-ce que ça pourrait améliorer la qualité de l'enseignement religieux?

Mme Saint-Jacques (Patricia): Je crois que le malaise, en fait, dans ce que je comprends, est surtout du fait que certains enseignants se retrouvent à enseigner ces matières-là alors qu'ils n'ont pas la formation pour. Ça n'arrive pas très régulièrement. On a les professeurs, la majorité ont tous une formation là-dedans ou ont eu une formation, on sait que c'est... qui les amenés à faire l'enseignement de la religion à l'école. Et il me semble qu'en ce moment on nous demande d'être constamment en train de revoir notre formation, de s'ouvrir. Il me semble qu'il n'y a vraiment aucun problème à voir l'amélioration du cours donné à la formation des maîtres pour les professeurs qui voudraient enseigner ces matières.

D'ailleurs, il y en a beaucoup qui se sont rendus compte, quand le rapport Proulx est sorti, que, peut-être, leur propre matière était sur le point d'être évacuée des écoles, et ça les inquiétait.

Je pense que, quand on entend parler de gens qui sont mal à l'aise à enseigner ça, c'est surtout peut-être les gens qui ont le verbe le plus facile qui s'expriment, et ceux qui sont très à l'aise dans leur matière, entre autres l'enseignement moral et l'enseignement religieux, ne font tout simplement pas énormément de vagues.

Mais, en ce moment, ils sont en train de regarder pour d'autres formations. Ça, c'est assez surprenant. On voit beaucoup, beaucoup de professeurs en morale et en religion, en ce moment, essayer d'aller en français, ou en mathématiques, ou dans toutes sortes d'autres matières parce qu'ils voient que, bientôt, ça n'existera plus. Malheureusement pour eux, leur choix était sur le point de peut-être être évacué du curriculum de l'élève.

M. Béchard: Pour la mise en place des changements dont on parle, il y a certaines personnes – et groupes – qui ont parlé d'une période de transition, d'autres ont parlé de projets-pilotes, d'autres ont dit que, avant de bouger, il faut vraiment être certain de ce qu'on va faire.

Ma question est à deux niveaux. D'abord, sur le contenu comme tel: Est-ce que vous croyez qu'avant d'y aller avec un modèle comme vous le proposez, c'est-à-dire une ouverture à d'autres confessions religieuses, il faudrait avoir certains projets-pilotes, certains essais pour voir comment on peut arrimer plusieurs classes de religion, ou quelques classes d'enseignements religieux différents dans les mêmes écoles et au même moment?

D'autre part, toujours dans la mise en place de cette réforme-là, quand vous parlez des clauses dérogatoires, entre autres: Est-ce que vous croyez qu'il serait prudent, de la part du ministre de l'Éducation, avant de mettre en place quelque modèle que ce soit, et pour éviter que ça devienne des sagas judiciaires d'un bord et de l'autre et qu'on conteste, de carrément demander des avis de la cour, de carrément faire lui-même, sur son modèle, un test juridique avant de le mettre en place pour prévoir le coup?

M. Pautel (Cédrick): Mais ce serait certainement une très bonne idée, d'agir avec prudence dans ce dossier, entre autres par des projets-pilotes. La proposition que nous soumettons, en dernier lieu, d'utiliser la clause «nonobstant» – et sans en rougir – va dans ce sens-là.

Par ailleurs, pour ce qui est de la validité juridique du projet éventuel, ça peut être une hypothèse, mais à tous les jours le gouvernement envisage des projets de loi et a des juristes pour le conseiller à cet égard. Donc, ce sera au gouvernement, à ce moment-là, de déterminer la meilleure voie. C'est certain que plus on retirera des droits aux parents, plus il y aura des risques de recours juridiques et plus effectivement on s'enfermera dans une procédure judiciaire et politique de contestation éventuelle. Donc, au lieu de susciter une cohésion sociale autour de cette question qui peut potentiellement nous diviser, ce sera exactement l'effet inverse qu'on aura obtenu: on aura effectivement obtenu la division.

M. Béchard: Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. Du côté ministériel, il reste quatre minutes. Est-ce que vous voulez le prendre? Non? Ça va? Est-ce qu'il y a consentement pour que le député de Rivière-du-Loup pose des questions? Il y a consentement. M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Merci, Mme la Présidente. D'abord, je voudrais souhaiter la bienvenue...

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député, il reste 10 minutes sur l'heure. Alors, vous avez 10 minutes.

M. Dumont: Ah! je ne sais pas si je vais toutes les prendre. La présentation était quand même assez claire et limpide ainsi que les réponses aux questions. Je veux remercier les représentants de l'ADQ qui sont venus faire cette présentation.

Il y a un point sur lequel je voudrais vous entendre plus longuement parce que... Bon. J'adhère à 100 % à toute la notion, et j'ai eu la même réaction, un peu épidermique, en lisant les sections sur les droits des parents et la place qu'aurait supposément l'État, en prenant x comportements déviants de parents, et la place que ça donnerait à l'État. Parce que, si on commence à raisonner comme ça dans toutes les sphères d'activité, c'est le meilleur raisonnement pour dire que l'État doit s'occuper d'absolument tout parce que toute forme de déviance est présente dans n'importe quelle forme d'activité humaine. Donc, à l'extension de ce raisonnement-là, il faut que le gouvernement régimente nos vies, de notre naissance jusqu'à notre décès, sans en échapper la moindre parcelle.

Mais là où je veux vous entendre en regard de ça, c'est sur la notion... C'est une distinction qui est, je pense, d'honnêteté intellectuelle entre la laïcité et la neutralité. Et, sans porter d'accusation au rapport Proulx, je pense qu'il y a eu confusion des genres à ce niveau-là, une confusion entre les deux, qui sont pourtant deux concepts qui, moi, m'apparaissent fort différents.

Je voudrais vous entendre préciser puis aller plus fortement là-dedans sur cette distinction-là qui devra, je pense, dans la politique gouvernementale... C'est une distinction qu'on devra faire a priori avant d'asseoir toute décision.

(16 h 50)

M. Pautel (Cédrick): Effectivement, c'est un des aspects fondamentaux. C'est que le rapport se présente sous une appellation de neutralité, alors qu'il offre finalement la laïcité. Et ce qui est important de souligner là-dedans, c'est que finalement, sur cette question-là, il y a diversité d'opinions, mais la diversité est plus grande qu'on le pense ou du moins plus grande qu'on nous l'a annoncée au départ. Non seulement il y a des gens de différentes confessions au Québec, et il y a de plus en plus de confessions, il y a de plus en plus de gens dans différentes confessions, mais il y a aussi des gens de convictions idéologiques.

Donc, d'un côté, on a des gens qui croient en l'existence d'un Dieu, mais ce n'est pas le même pour tous, et, de l'autre côté, on a des gens qui croient, soit sur la base du marxisme, de l'athéisme ou du rationalisme ou du «scientifisme», qu'il n'y a pas d'existence de Dieu parce qu'on ne l'a jamais prouvée. Et on oppose donc, d'un côté, la rationalité, c'est-à-dire une démonstration rationnelle de l'existence d'un fait ou non, à la foi, qui est exactement l'inverse, c'est-à-dire la croyance sans aucune demande de preuve.

Alors, quand, dans le rapport, on nous présente des arguments rationnels pour nous dire justement... Et j'ai sorti un extrait ici, la page 248 du rapport. Cette partie-là traite du projet de cours communs sur la culture des religions. Je vais vous lire simplement un paragraphe, et vous allez voir que, à la lecture de ce paragraphe, le rapport Proulx ne parle pas de neutralité, il parle de laïcité. On y dit: «Le principe de base sur lequel devrait reposer le nouveau cours exclut tout enseignement confessionnel abordant la ou les religions du point de vue d'une confession particulière. Il écarte également toute intention de cultiver ou de nourrir une foi ou une idéologie donnée ainsi que toute sollicitation à s'engager dans une communauté ou un courant de pensée.»

Alors, on voit bien, justement, que la conclusion du rapport, c'est de dire que ce que nous avons en commun, c'est ce qui peut se démontrer rationnellement et c'est ce qui s'appelle la laïcité. Mais eux la présentent sous le vocable de neutralité. En réalité, dans cette question-là, opter pour la laïcité, ce n'est pas agir de façon neutre exactement, c'est adhérer à la pensée d'une minorité de la population du Québec, dont on doit tenir compte, mais d'une minorité qui compte 3,9 % de la population, comparativement à 96,1 % de la population qui, elle, croit en l'existence d'un Dieu. Alors, dans ce sens-là...

Et c'est encore plus vrai dans les régions, mais c'est vrai également à Montréal, même à travers la diversité: les Montréalais sont davantage des croyants que des non croyants. Et, dans le cas des gens des communautés ethniques, ils sont davantage des pratiquants que des non-pratiquants. Donc, le rapport se sert d'eux pour retirer à leurs enfants un enseignement religieux. Nous, ce que nous proposons, c'est exactement l'inverse. La vraie neutralité de l'État, à notre avis, ce sera lorsque l'État fera en sorte que tous les enfants seront accueillis dans une école, mais que chacun pourra y trouver une partie d'enseignement qui portera spécifiquement sur les convictions qui sont propres à sa famille, qui font partie de son héritage culturel.

M. Dumont: Bien. Ma dernière question va se raccrocher directement à ça. Vous venez de nous dire que, jusqu'à un certain point, le rapport se sert d'eux. Vous ne pensez pas qu'il y a un danger à présenter justement – parce que c'est ce que le rapport fait jusqu'à un certain point – aux gens de toutes les autres régions du Québec où la question ne se posait pas... Parce qu'il y a un vieux proverbe américain qui dit: «If it ain't broken, don't fix it».

On s'entend que, sur une grande partie du territoire québécois, dans un nombre important de commissions scolaires – moi, ça fait cinq ans que je suis élu, là, ça n'a pas beaucoup bousculé à mon bureau de comté sur cette question-là – il y avait un équilibre des plus tranquille – puis je pense que ce n'est pas la seule région du Québec. Et de la façon dont publiquement on explique à des gens de plusieurs régions du Québec – en fait, dans la majorité des régions du Québec – on leur présente les motivations, c'est en mettant ça ni plus ni moins sur le dos des néo-Québécois, des gens qui sont venus construire le Québec avec nous d'un peu partout. Personnellement, je trouve qu'il y a là un danger, c'est-à-dire que...

Et, à ma connaissance, ce n'est pas très fortement eux qui l'ont demandé. Les gens qui se joignent à nous, Québécois de partout, ils sont préoccupés de trouver ici un emploi, une situation économique. Peut-être que je manque de sensibilité – j'ai vécu à Montréal, j'ai étudié à Concordia – je n'ai pas senti une pulsion féroce de la part de ces gens-là pour dire: Il faut faire ces changements-là, puis encore moins en faveur de la laïcité. Parce que, s'ils ont un penchant vers la neutralité, moi, j'en ai entendu plus d'un dire que, à choisir entre la laïcité comme doctrine, entre guillemets, et une forme de religion, ils prendraient la religion, même si ce n'est pas la leur. Alors, il me semble que...

M. Pautel (Cédrick): Mais je pense qu'effectivement les gens de la commission Proulx n'ont pas, eux non plus, senti cette volonté-là, dans les communautés ethniques, de changer le cours des choses, parce que, s'ils l'avaient sentie, ils l'auraient certainement mentionnée. Or, le rapport est absolument muet là-dessus. Vous observerez qu'il n'y a aucun avis d'appui de communautés ethniques au rapport. On ne fait pas référence à des discussions, à des documents qui auraient été soumis par les gens des communautés au nom desquels on prend la parole.

En réalité, le rapport, dès le début, donne un peu sa ligne de pensée, c'est-à-dire on y présente la déconfessionnalisation récente des commissions scolaires comme une première étape devant mener à l'aboutissement naturel qui est la laïcisation complète du régime scolaire québécois. Or, cette question-là, à notre avis, c'est fausser la réalité parce que, lorsqu'on a débattu récemment de la déconfessionnalisation des commissions scolaires, il n'avait jamais été entendu – ça n'avait jamais fait consensus – qu'on s'en irait ensuite, automatiquement, vers la déconfessionnalisation complète du système. Parce que, si ça avait été entendu, bien il n'y aurait pas de commission en ce moment, on ne serait pas en train d'en discuter, ça serait déjà fait.

Alors donc, non seulement on se sert effectivement des communautés culturelles, mais on se sert aussi des gens des régions parce que, comme je le mentionnais au départ, on utilise le fait que les gens des régions n'iraient pas suffisamment souvent à la messe pour dire qu'en fin de compte ils ne sont pas si croyants que ça et que donc l'État est bien placé pour enseigner à leurs enfants un enseignement purement laïque, puisque, eux-mêmes, les parents, n'ont pas le courage de prendre cette décision-là.

Il y a même un endroit, dans le rapport, où on dit que la laïcité, c'est ce qu'on doit faire et que, comme ça ne viendra pas tout seul, il faut que l'État intervienne. Alors, c'est un aveu du fait que ça ne viendra pas tout seul justement parce que ça ne soulève aucun intérêt dans la population et que c'est une demande qui apparaît artificiellement dans le débat politique. En fait, c'est un très bon exemple de ce qu'on appelle l'influence des lobbys. Vous êtes en train présentement de discuter d'un dossier qui intéresse en particulier un lobby qui représente 3,9 % de la population, qui est très actif et qui a embrigadé l'Assemblée nationale dans ce débat.

Et présentement, si vous regardez tout l'argent que nous sommes en train d'investir collectivement dans ce débat, à travers vos salaires, celui de vos conseillers, le temps des gens qui sont venus parler ici, moi, je me pose la question suivante: Compte tenu des problèmes importants que nous avons dans le système d'enseignement secondaire et primaire – je sais, par exemple, que M. le ministre est préoccupé par la question de la réussite chez les garçons, du décrochage scolaire – bien, moi, je vous pose la question suivante, je terminerai là-dessus. Je ne suis pas convaincu que l'ensemble des ressources que nous consacrons à cette question équivaut aux résultats que nous allons obtenir, dans le sens suivant: peu importe la décision que vous allez prendre là-dessus, je doute que la qualité de l'éducation qui sera donnée à mon enfant sera nettement améliorée par rapport à tout l'investissement que nous aurons fait socialement sur ce débat, alors qu'à l'origine il n'y avait pas de demande sociale pour en discuter.

Alors, c'est pour ça qu'à notre avis effectivement il y a tellement de priorités présentement au Québec qu'on aurait pu investir toutes ces énergies et tous ces argents dans des questions comme le décrochage scolaire ou encore la réussite chez les garçons. Et, à notre avis, ça aurait certainement donné des résultats plus importants dans la réussite scolaire des Québécois, des jeunes Québécois, des jeunes Québécoises, que la question de la confessionnalité. Néanmoins, c'est important, la question de la confessionnalité. Mais il n'y avait effectivement pas une demande sociale pour ce débat-là.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, merci, M. Pautel et Mme Saint-Jacques, de votre participation. Nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 58)

(Reprise à 16 h 59)

La Présidente (Mme Bélanger): La commission reprend ses travaux. Je demanderais à M. Gary Caldwell de bien vouloir s'approcher à la table.

Alors, bienvenue, M. Caldwell, puis je vous salue particulièrement, parce que M. Gary Caldwell vient de mon comté: il est de la municipalité de Sainte-Edwidge.

Une voix: ...

La Présidente (Mme Bélanger): Sainte-Edwidge, dans le comté de Mégantic-Compton.


M. Gary Caldwell

M. Caldwell (Gary): Alors, merci beaucoup, Mme la Présidente. Moi aussi, ça me fait plaisir d'être ici. Pour moi, les commissions parlementaires...

La Présidente (Mme Bélanger): ...vous avez 10 minutes pour faire votre présentation.

(17 heures)

M. Caldwell (Gary): ... – oui, oui, oui – c'est ça, un des fleurons de notre démocratie. Mais aussi madame me fait l'honneur d'avoir quitté la Chambre pour venir à cette session, ici, et je voudrais dire, en passant, que madame est, à notre avis, un excellent député. Le conseil municipal de Sainte-Edwidge, dont je fais partie, peut toujours compter sur sa présence et son écoute.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Caldwell. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Bélanger): C'est écrit dans l'histoire de l'Assemblée nationale.

M. Caldwell (Gary): Oui. Ha, ha, ha! Bon. Comme j'ai juste 10 minutes, je vais d'abord me verser un peu d'eau et j'y vais. Alors, je ne lirai pas mon mémoire, je vais lire, à la fin, la conclusion, mais je vais aller d'une façon assez schématique. Est-ce que ça va? Est-ce que je parle assez fort? Oui.

Alors, je pose la question: D'où vient l'école publique? L'école publique, c'est quelque chose qu'on a eu, dans notre tradition, vers la fin du XIXe siècle. C'était soit les églises qui ont mis en place une école publique, c'était les «mechanics institutes» en Angleterre, c'était les «rate payers» en Nouvelle-Angleterre. L'école publique a émergé de la société civile; ce n'est pas l'État qui a mis en place l'école publique. Évidemment, l'État est entré en scène un peu plus tard pour assurer l'égalité des chances parce qu'il y a eu un boom démographique auquel il fallait aider les communautés locales à répondre. Alors, l'État se trouvait à répartir des fonds, se trouvait à avoir à exercer un certain contrôle sur le curriculum et surtout à instituer la scolarisation obligatoire. Alors, c'était une action de l'État.

Avec le temps, le rôle de l'État est devenu étendu. On en est même venu à préconiser les méthodes pour atteindre les objectifs, quelque chose qui était assez surprenant parce que, avant, on se contentait de préciser les objectifs. L'État a érigé un système scolaire qui était une aberration, dans le sens que les écoles n'appartenaient pas à un système, les écoles et l'enseignement se faisaient par les institutions et par la société civile. L'État se contentait de protéger ces institutions, de fixer certains objectifs minimaux, de voir à ce qu'il y ait une certaine égalité des chances. Mais, maintenant, nous avons un système scolaire public, et cette finalité politique, qui est entrée dans ce système, a fait en sorte qu'on a eu une action politique, et la finalité politique, nécessairement, doit avoir un monopole. On ne peut pas gérer la coercition collective, qui est la finalité politique, sans un monopole.

Alors, nous nous sommes ramassés avec un monopole étatique, au Québec, depuis 20 ans dans le système public, un quasi-monopole ou une tendance vers un monopole. On veut, par exemple, réduire les fonds pour les écoles privées d'intérêt public, on voulait enlever les écoles confessionnelles.

Quelles sont les conséquences de ce monopole étatique? Et on n'a pas de différences avec d'autres sociétés en Occident à cet égard-là. Une des conséquences, c'est une détérioration de la qualité de l'enseignement par les phénomènes de bureaucratisation, des intérêts corporatistes, on se demande si on doit distribuer le lait aux enfants, est-ce que ça fait partie de notre tâche. Il y a une déresponsabilisation des parents parce que des parents n'ont pas à s'occuper de l'éducation, il y a un monopole public qui le fait.

Alors, cette détérioration de la qualité de l'éducation, ce qui était la préoccupation qui a amené les états généraux, ça a eu comme conséquence, parmi d'autres, une fuite de l'école publique. Par exemple, dans ma région, un quart de tous les effectifs scolaires secondaires sont dans les écoles privées d'intérêt public, 25 %. C'est plus haut que dans d'autres régions et il y a même le commencement d'une fuite de l'école publique primaire élémentaire, qui fonctionnait très bien pendant la plupart de cette période-là. Alors, il y a eu un effritement de cet espace civique qui était construit par le fait que tout le monde fréquentait les mêmes écoles.

Alors, cette baisse de qualité et cette augmentation du coût – parce que c'est de ça qu'il s'agit – a amené en Occident, partout dans les sociétés de l'Occident, une sorte de prise de conscience. On a dit: Il y a des effets pervers à un monopole étatique qui réduit la qualité, qui augmente le coût. Qu'est-ce qu'on fait? Puis j'y vais d'une façon très schématique.

Alors, partout en Occident, on se dit: Il faut diversifier la prestation des services, c'est-à-dire où l'enseignement se fait, il faut le diversifier. Il faut desserrer le monopole étatique. Alors, on s'est mis à revaloriser des modèles qui avaient une justification historique, par exemple les écoles libres en France, les écoles confessionnelles ailleurs ou des écoles gérées par certaines institutions privées. On parle même de «charter school» – je vais très vite. Mais on s'est dit qu'on avait fait une erreur en laissant s'installer un monopole d'État parce que l'État ne peut pas enseigner. L'État peut protéger ceux qui enseignent, protéger la société civile, assurer certaines choses par la voie de certification des professeurs, et ainsi de suite. Alors, on s'est rendu compte de ça. Alors, la tendance progressive en Occident, c'est de desserrer ce monopole d'État.

Le rapport Proulx – j'y arrive, avec le rapport Proulx – les conséquences du rapport Proulx... Et, en passant, la qualité de la discussion ici, de la présentation qui a été faite avant m'a beaucoup impressionné, mais on voit qu'il y a beaucoup de monde qui est sensible à cette chose. Le rapport Proulx est un pas dans la consolidation du monopole d'État au Québec. Ce qui est diversité, ce qui reste dans notre système, on veut l'enlever. L'école confessionnelle est une partie de cette diversité. On préconise l'école unique, et évidemment, dans le secteur privé d'intérêt public, il va falloir déconfessionnaliser si c'est des fonds publics. C'est une question qui a été débattue tout à l'heure.

Alors, on remplace ça avec un même cours de culture des religions et c'est un cours fait par l'État, conçu par l'État. Alors, c'est une vision républicaine, jacobine du rôle de l'État en éducation. On s'occupe d'un espace civique commun, de l'encourager, on s'occupe de la cohésion sociale. C'est des choses qui sont très importantes, mais l'État ne peut pas faire l'espace civique commun, l'État ne peut pas faire la cohésion sociale. Il peut les protéger, il peut encourager ceux qui les font, mais l'État ne peut pas les créer, il ne peut même pas les reconnaître où il veut les voir.

Alors, c'est un rapport qui est vraiment fait dans la perspective de l'État, et les auteurs sont très cohérents, très francs, et je dois dire que je suis content de ce rapport parce que, finalement, c'était la goutte qui a fait renverser le vase. C'était cette vision élitiste d'une certaine partie de la population – on parlait d'un lobby avant – qui n'envoie pas ses enfants dans les écoles publiques mais qui voulait se prononcer sur ce qui doit se faire dans les écoles publiques. Et ils admettent que c'est une perspective de l'État, et c'est fait par des gens de l'État. C'est-à-dire qu'ils sont tous dans l'appareil.

Alors, je conclus. Je dis qu'il faut rejeter ce rapport-là pour les raisons que je donne en conclusion dans mon rapport parce que c'est l'imposition d'une finalité politique, c'est une vue de l'esprit de ce qui se passe dans l'école. Je n'ai pas le temps, mais, par exemple, l'importance qu'ils attachent aux conseils d'établissement comme un partenariat de l'État. Ça, c'est pour ceux qui connaissent comment ça fonctionne et ce qui s'est passé quand il y a eu un mot d'ordre des syndicats pour immobiliser ces conseils quand ils avaient trop de pouvoir. C'est aussi, on se propose de faire ce qu'on a dit qui n'arriverait pas. Avant d'abroger 93, on a dit: Les milieux qui veulent garder l'école confessionnelle – l'État l'a dit, l'Église l'a dit – peuvent le faire. Maintenant, on propose de faire en sorte que ça ne puisse pas se faire.

Quatrièmement, la population du Québec n'a jamais demandé cette législation obligatoire. La population est ouverte à une école laïque pour ceux qui le veulent. Et, finalement, on se sert de l'État pour les besoins d'une volonté politique, c'est-à-dire qu'on enlève une liberté qui est nécessaire dans une société libérale et pluraliste en faisant de l'école un instrument de l'État.

Alors, je lis le dernier paragraphe, et c'est tout. La grande tradition libérale québécoise n'a pas combattu si longtemps pour s'affranchir du monopole ecclésiastique sur l'école publique pour le voir remplacer, en sourdine, par un monopole étatique. Acquiescer à une telle mainmise équivaudrait à réserver la liberté pour les riches, ceux capables de se payer l'école entièrement privée, ce qui serait dommage pour la démocratie québécoise.

Nous serions séparés, culturellement, en deux sous-cultures, comme l'Amérique contemporaine. On ne pourrait plus connaître le beau milieu démocratique que les enfants Caldwell ont connu à l'école primaire de Sainte-Edwidge-de-Clifton et à la polyvalente de Coaticook des années soixante-dix et quatre-vingt. Cela, c'était une belle cohésion sociale dans un espace civique commun. Les notables de Coaticook envoyaient leurs enfants à la polyvalente.

Dommage que mes petits-enfants risquent de ne pas connaître cet espace civique parce que, comme ça évolue à la polyvalente, suite à l'emprise grandissante de l'appareil étatique sur l'école – il ne se fait pas de sorties, maintenant, pour des raisons qui dépendent de l'emprise de cet appareil – emprise qui serait intensifiée par les mesures prévues dans le rapport Proulx, j'ai bien l'impression que les parents n'y enverront pas leurs enfants, comme la plupart d'entre vous, à moins que cela ne s'améliore d'ici cinq ans. Je vous remercie, Mme la Présidente.

(17 h 10)

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Caldwell. Vous avez dépassé de 1 min 22 s.

M. Caldwell (Gary): C'est quand même un tour de force de dire tout ça dans 11 minutes.

La Présidente (Mme Bélanger): C'est très bien. Alors, M. le ministre.

M. Legault: Oui. M. Caldwell, merci pour votre mémoire et pour votre présence ici. On sait tous que vous avez été membre de la Commission des états généraux sur l'éducation, vous avez été aussi l'auteur de plusieurs publications sur, entre autres, la communauté anglophone au Québec et les changements sociaux au Québec. Et on se souvient tous que, dans cette Commission des états généraux, vous aviez signifié à ce moment-là votre dissidence, entre autres, sur la confessionnalité.

Vous nous dites dans votre mémoire: Il faut faire un grand débat de société sur la place de la religion à l'école. Après les états généraux, après avoir passé ici plus de 50 heures à recevoir plus de 60 groupes – ça, c'est sans compter tout le temps pour lire les mémoires – j'avoue, là, que j'ai de la misère avec votre remarque. Qu'est-ce qu'il faudrait faire de plus selon vous pour consulter davantage?

M. Caldwell (Gary): Je pense que, plus précisément, j'ai dit qu'on avait promis un grand débat sur cette question-là. Moi, je soumets qu'on l'ait eu à l'ouverture des états généraux dans la partie «consultation». Les états généraux ont voyagé à travers toute la province, et il n'y avait pas un seul groupe francophone hors de Montréal, à ma connaissance, qui a demandé la déconfessionnalisation. C'est-à-dire qu'il y a eu un débat à ce moment-là et, dans l'état des choses, l'état de la condition, le premier volume des états généraux, on a dit que la population n'a pas demandé la déconfessionnalisation ou la confessionnalisation obligatoire.

Plus tard, lorsque vous avez fait l'abrogation de 93, il n'y a pas eu de débat. Les gens ne se rendent pas compte encore de ce que ça veut dire, l'abrogation de 93. Ça a été fait de façon unanime par cette Assemblée, ici. Mais les gens, comme disait M. Garant dans son avis au Comité catholique, lorsqu'ils vont se réveiller, ils vont être stupéfaits des conséquences de ça.

Alors, pour répondre à votre question – et je le dis dans mon mémoire – ce que vous faites avec le rapport Proulx et ce qui est proposé avec le rapport Proulx, comme a dit le groupe qui m'a précédé, la population ne l'a pas demandé. Et, si vous voulez changer des choses à ce point-là, il faut un grand débat. Mais, c'est sûr, on est en train d'en avoir un autour du rapport Proulx, bien que le rapport Proulx, je vous le signale, était rendu dans tout l'appareil scolaire avant qu'il ait été déposé au Parlement.

Lorsque M. Proulx vous a rencontrés, c'est-à-dire l'Assemblée nationale, c'était sa vingt-huitième rencontre, et il insistait sur le fait qu'il voulait que ça soit diffusé dans l'appareil scolaire. Il y a un volume qui s'appelle L'implantation des cours de religion qui a circulé dans le système scolaire. Alors, ce que je veux souligner, c'est qu'on passe proche de décider ces choses-là sans que la population ait pu se prononcer. Et, dans beaucoup de conseils d'établissement, aux comités de parents, on a amené des gens à se prononcer sur le rapport Proulx favorablement sans que ça ait jamais été lu, sans qu'ils l'aient lu. Ça, je le sais parce que j'ai un fils qui est dans un conseil d'établissement.

M. Legault: Maintenant, j'essaie de voir, là, en regardant votre mémoire, quelle est votre position sur l'aménagement de la religion à l'école. Et je vous avoue que j'ai beaucoup de difficultés, là. On parle beaucoup du rôle de l'État. Mais est-ce que vous avez des suggestions à faire? Est-ce qu'il faut étendre à plus de religions? Qu'est-ce qu'on fait avec l'animation spirituelle? Je ne vois pas de recommandations. Est-ce que vous avez des recommandations à nous faire?

M. Caldwell (Gary): Mais j'ai fait exprès. Le mot «religion» n'apparaît pas dans mon mémoire. C'est dans le titre parce que, évidemment, c'est le sujet, le point de référence, le rapport Proulx. Dans mon mémoire, je ne parle point de la religion. Pour moi, ce qui est inquiétant avec le rapport Proulx, ce n'est pas ce qui concerne la religion, c'est ce que ça représente en termes d'évacuation des écoles des préoccupations de la société civile – la religion en est une – par l'État.

Alors, je n'ai pas de recommandations précises, sauf... Bon. Je vais répondre parce que vous avez posé la question; je n'en parle pas dans le mémoire. Moi, je ne crois pas, pour être bref, à l'école neutre. Ça n'existe pas, l'école neutre. Il n'y a jamais un vide social. Et il y a beaucoup de parents qui se sont plaints du vide des valeurs qui s'en venait dans les écoles, qui existe dans les écoles depuis longtemps. Mais, pour moi, ça n'existe pas, une école neutre. Si vous enlevez un système de valeurs qui fournit une certaine cohérence, une certaine vision, si vous l'évacuez, il y en aura un autre. Ça sera soit celui de la laïcité – qui est quand même une mobilisation idéologique – ou ça sera d'autres choses moins contrôlables, ça sera l'influence des médias, ça sera la culture de la drogue ou, à la limite, ça sera le marché – Pepsi-Cola, Coca-Cola – qui va devenir le symbole qui va structurer, fournir une certaine adhésion.

Alors, moi, je ne crois pas qu'on devrait enlever la possibilité d'un statut confessionnel, comme vous avez promis à la population que ça sera possible. Et, pour répondre précisément – et ça, je le dis dans le rapport, c'est une de mes raisons – je trouve que vous êtes en train de trahir la population parce que vous lui avez dit, avant d'enlever 93, qu'il resterait toujours la possibilité ou qu'il y avait une volonté politique d'avoir une école confessionnelle.

M. Legault: Je vous rappellerais, M. Caldwell, qu'au même moment où ma prédécesseure a pris cet engagement elle a aussi pris l'engagement justement de créer un groupe de travail qui est devenu, finalement, le Groupe de travail autour de M. Proulx pour se pencher sur la place de la religion. Donc, ça voulait dire qu'il fallait quand même se poser des questions. Donc, je reviens sur votre proposition. Vous dites: Il faut garder le statut confessionnel des écoles.

M. Caldwell (Gary): Pour ceux qui le veulent.

M. Legault: Pour ceux qui le veulent. Et ceux qui n'en veulent pas mais qui ont dans leur quartier une école qui a un statut confessionnel d'une religion autre que celle qu'ils souhaitent, comment vous réagissez? Est-ce que vous pensez que ce n'est pas discriminatoire pour ces personnes?

M. Caldwell (Gary): Oui. Bon. Évidemment, on ouvre un grand débat dont je n'avais pas parlé dans le mémoire, mais je vais essayer de répondre parce que vous m'avez posé la question. Et j'admets que ma position semble un peu radicale, parce que la plupart des gens ont laissé partir les questions du statut confessionnel, ils parlent des cours de religion. Moi, je dis que ça serait souhaitable de garder un statut confessionnel où ils le veulent.

Moi, je pense – beaucoup d'autres l'ont dit – que, en dehors de Montréal, la question ne se pose pas. En passant, Québec ne devient pas plus hétérogène qu'avant. C'est encore la proportion de la population qui est affiliée avec une souche culturelle commune, c'est-à-dire ceux qui sont de langue maternelle francophone, qui augmente. La seule chose qui est arrivée, c'est que, dans le 17 % qui n'est pas francophone, il y a plus de variété, c'est-à-dire que ce qui était anglophone avant, c'est beaucoup plus hétérogène. C'est à Montréal que ça nous frappe plus, parce que les francophones quittent Montréal pour s'établir en banlieue, alors c'est plus intense.

Alors, moi, je ne vois pas de discrimination. Une société ne discrimine pas en gardant des acquis historiques. Le fait d'avoir une école confessionnelle, à part les avantages que ça fournit pour ce qui est de l'éducation – qui est tout à fait un autre débat – ce n'est pas un privilège, c'est un acquis historique qu'il faut aménager comme on l'a fait, par exemple, avec les écoles privées d'intérêt public: on a permis l'établissement de 21 écoles ethniques, qui étaient effectivement des écoles confessionnelles, pour ceux qui n'étaient pas catholiques ou protestants. Alors, cette question de discrimination, d'abord, qui n'existait pas avant d'abroger 93, parce que la Charte dit explicitement: Rien dans la Charte canadienne ne doit porter atteinte aux droits dans 93... Mais c'est vrai, et ce n'est plus là, à 93.

Mais, en autant que le jeune puisse aller à une autre école, choisir une autre école, qu'on prend des aménagements pour respecter le fait qu'il n'est pas de cette tradition-là, alors cette question de discrimination, pour moi... Pour être succinct, si vous appelez ça discrimination, un jour on va dire: La protection qui est accordée à la langue française au Canada, c'est une forme de discrimination. Et, constitutionnellement, les bases qui protègent la langue française au Canada sont exactement du même ordre que celles qui protégeaient la religion quand 93 était là.

M. Legault: Merci beaucoup, M. Caldwell.

M. Caldwell (Gary): O.K.

(17 h 20)

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le ministre. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Caldwell, je n'aurai que peu de questions; mon collègue d'Outremont, M. Laporte, voulait intervenir aussi sur cette question. Moi, il y a une phrase dans votre mémoire, en conclusion, qui m'a frappé et j'aimerais que vous nous en parliez un petit peu plus. Quand vous mentionnez: «La grande tradition libérale québécoise n'a pas combattu si longtemps pour s'affranchir du monopole ecclésiastique sur l'école publique pour le voir remplacé, en sourdine, par un monopole étatique.» Et, tout au long de votre mémoire, vous faites ce lien-là en disant que, finalement, le cours culturel des religions, c'est de remplacer l'Église par l'État dans l'enseignement religieux, dans la transmission – je dirais – pas uniquement des valeurs mais de ce qu'on projette ou qu'on veut projeter comme société. J'aimerais que vous nous parliez un petit peu de cette approche-là.

M. Caldwell (Gary): Oui. On valorise beaucoup la doctrine de la séparation de l'Église et de l'État. C'est très important et c'est cette base-là qu'on a voulue et pour laquelle on s'est battus longtemps, pour que l'Église n'ait pas une emprise dans un domaine qui était de l'État. Alors, ça va, séparation de l'Église et de l'État, c'est très important.

Ce qui est arrivé – et on ne s'est pas rendu compte de ça au Québec – c'est que l'école, est-ce que c'est l'État? Et, quand on veut sortir la religion de l'école, parce que l'école, c'est l'État, et il faut respecter cette doctrine-là, moi, je vous soumets qu'on fait erreur. L'école, ce n'est pas l'État. Alors, en autant que l'emprise de l'Église sur l'école était malsaine lorsque c'était un monopole, l'emprise de l'État... Et je veux soumettre que cette prise de conscience a eu lieu dans tout l'Occident. Depuis 20 ans, on constate que ça, c'est malsain aussi. Alors, il faut faire attention pour qu'on ne se trouve pas dans la même entorse à cette doctrine de séparation de l'Église et de l'État en laissant à l'État une emprise où, dans notre tradition, ce n'est plus justifié. Et je vous soumets que la direction que nous sommes en train de prendre – et le rapport Proulx le reflète – est un pas de réaction en consolidant le monopole de l'État.

Ailleurs en Occident, ce qui est progressiste, c'est de desserrer ce monopole de l'État. Et on voit cette préoccupation... Et d'autres l'ont fait, beaucoup l'ont fait depuis que j'ai écrit ce mémoire-là, Georges Leroux, ceux qui étaient ici avant moi. Il y a dans ce rapport-là une volonté étatique de créer un espace civique commun, de renforcer les coalitions sociales, qui fait en sorte que, pour moi, on viole un autre principe de notre tradition qui est l'indépendance de la société civile. Et c'est la société civile qui éduque, qui porte les valeurs, la culture, qui fait l'éducation, qui permet au maître d'école d'avoir sa pleine autonomie dans la salle de cours. L'État ne peut pas enseigner.

M. Béchard: Juste une petite question sur – il y a quelques groupes qui nous ont parlé de ça aussi – c'est-à-dire un peu la suite de l'amendement constitutionnel de 1997. Vous mentionnez carrément dans votre mémoire que c'était un leurre et qu'on se propose de faire exactement ce qu'on avait dit à la population qui n'arriverait pas. Et là-dessus j'aimerais ça, peut-être succinctement, par des faits... Qu'est-ce qui vous amène à dire ce que vous mentionnez dans votre mémoire?

M. Caldwell (Cary): Et le gouvernement du Québec et l'Assemblée nationale et, à l'époque, le collège des évêques ont dit: Enlever 93 n'empêchera pas ces milieux où il y a une volonté politique de le faire d'avoir une école confessionnelle. Alors, ce n'était pas le cas, et Patrice Garant, son avis n'était pas encore public, il l'a soumis, et le Conseil supérieur de l'éducation ou le Comité catholique – j'oublie lequel, mais je le cite dans le rapport – s'est rendu compte, suite à l'avis de Patrice Garant que, effectivement, sans 93, ça ne serait pas possible. Le rapport Proulx vient entériner cet état de situation. Avec le rapport Proulx, c'est très évident, l'école confessionnelle, où il y a une volonté du milieu de l'avoir, ne sera pas possible. Est-ce que ça répond à votre question?

M. Béchard: Oui, merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Caldwell (Gary): Et, pour moi, c'est une trahison.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Laporte.

M. Laporte: Merci, Mme la Présidente. M. Caldwell, vous avez qualifié... Pardon?

La Présidente (Mme Bélanger): Je m'excuse. J'ai dit «M. le député de Laporte». M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Ce n'est pas grave. Je n'ai pas de problème d'identité.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laporte: Je sais qui je suis. Donc, vous avez qualifié votre position d'un peu radicale. Je pense que c'est très radical, votre position. Moi, je suis un admirateur de vos écrits. Je pense que vous avez repris ici en substance, en fait, l'argumentation que vous avez faite dans un très beau texte qui s'appelle The Decline of Civil Society in Québec . Bon.

Maintenant, je voudrais commencer par vous poser une question là-dessus. Disons que je suis très sensible à la critique que vous faites de la tendance monopoliste et du rapport Proulx. De ce point de vue, vous allez même jusqu'à nous faire la preuve que le rapport Proulx, c'est un rapport réactionnaire, mais non pas un rapport progressiste comme on est porté à le croire, disons, dans un premier temps.

Mais ma première question, c'est: Cette critique de l'école publique comme monopole, qui me paraît être une critique judicieuse, comment faites-vous pour concilier cette volonté qui est la vôtre de mettre fin à ce monopole et, en même temps, de conserver aussi une valeur très importante au Québec, qui est la valeur d'égalitarisme? Là, ici, il y a un véritable problème.

M. Caldwell (Gary): Moi, je pense que ces réconciliations ou cette conservation des acquis, ça se fait à travers des aménagements qui ont été introduits historiquement. Le plus bel exemple – et j'ai dit ça ailleurs: partout en Occident, on cherche à desserrer ce monopole par toutes sortes de formules qui sont un peu risquées. Nous en avons une ici, c'est l'école privée d'intérêt public. Hors de Montréal, l'école privée d'intérêt public est relativement accessible à n'importe qui. Ça coûte moins que ce qu'un Québécois dépense par année sur la Loto-Québec pour y envoyer son enfant. C'est autour de 1 200 $ à 1 500 $, hors de Montréal. C'est un peu différent, Montréal et Québec.

Alors, l'école privée d'intérêt public, c'est un mécanisme que nous avons déjà – et d'ailleurs n'importe qui peut entrer dans une école privée d'intérêt public parce qu'il y a si peu de clientèle maintenant avec la crise démographique – c'est un mécanisme historique qui permet ce choix, cette diversité et qui est relativement égalitaire dans le sens où ça coûte 1 500 $ à 2 000 $. Ce n'est pas ce qui arriverait lorsque nous n'aurions qu'elles, les écoles vraiment privées, où ça va coûter 20 000 $ ou il va falloir s'installer dans une banlieue où les maisons coûtent deux fois plus cher parce que les écoles publiques sont très bonnes dans ce milieu-là.

(17 h 30)

Alors, moi, je pense qu'il y a des aménagements qui viennent des accidents d'histoire, comme l'école libre en France qui est là pour des raisons historiques, et aussi des projets particuliers. Un des plus beaux exemples, un projet particulier au Québec, c'est l'école Louis-Riel à Montréal qui a fonctionné d'une façon très particulière, qui a eu une liste d'attente plus longue que beaucoup d'écoles privées d'intérêt public. Et aussi le statut d'école confessionnelle. Si, à Rivière-du-Loup, il y a un milieu qui veut avoir une école à statut confessionnel et 90 % de la population est d'accord avec ça, est-ce que ce n'est pas égalitaire de faire un aménagement spécial pour les autres? C'est-à-dire je ne pense pas qu'il y ait de formule rationnelle bureaucratique. Il faut se prévaloir des ressources, ce qui est légitimisé par l'histoire des institutions.

Je peux vous dire que hors de Montréal, dans les années soixante-dix, l'école publique confessionnelle au Québec, c'était évacué certainement de son contenu confessionnel... Il y a eu un bel égalitarisme au Québec, à peu près tout le monde au Québec a fréquenté la même école publique primaire. Ce n'est pas le cas au secondaire. Et, moi, je pense que ça a contribué à une certaine culture, ça a continué un certain égalitarisme au Québec. Maintenant, avec les conséquences des effets pervers de ce monopole, nous voyons même la fuite de l'école publique primaire. Il y a même des ministres de l'Éducation ou des députés qui n'envoient pas leurs enfants à l'école publique commune primaire, qui était le cas. Alors, moi, je vous suggère que, sur les questions de la détérioration de la qualité, ça va nous amener vers une situation moins égalitaire qui va nous amener au scénario américain.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, merci, M. Caldwell. Malheureusement, c'est fini. Il reste les remarques finales. Si vous voulez rester pour assister aux remarques finales, vous avez le droit. Alors, nous suspendons pour 30 secondes.

(Suspension de la séance à 17 h 31)

(Reprise à 17 h 32)


Mémoires déposés

La Présidente (Mme Bélanger): La commission reprend ses travaux, mais, avant de donner la parole au député de Kamouraska-Témiscouata, avant de passer aux remarques finales, je dépose la liste des personnes et des organismes qui ont soumis des mémoires qui n'ont pas été entendus. Alors, c'est un dépôt.


Document déposé

Il convient de plus de rendre publiques les informations suivantes, déjà transmises aux membres de la commission. À l'occasion de cette consultation générale, le Secrétariat a reçu, de manière exceptionnelle, un courrier abondant traitant, en de courts messages, de divers aspects du rapport Proulx. Ce courrier a été regroupé sous les catégories suivantes: lettres, cartes et pétitions.

La catégorie lettres comprend huit modèles de lettres signées par différentes personnes et une section appelée «autres lettres» dont le contenu échappe à celui des modèles précédemment identifiés. Cette catégorie contient 2 812 pièces. La catégorie cartes a utilisé cinq modèles. Le Secrétariat en a reçu 21 124. Les pétitions, quant à elles, ont présenté 16 objets de demandes et ont été signées par 7 359 personnes. La commission a également reçu une cassette audio comprenant un message lu et chanté.

Au total, tous ces messages proviennent de 31 295 personnes. Ce chiffre ne comprend pas les pétitions et autres signatures d'appui accompagnant certains mémoires. Je dépose donc la note descriptive de ce courrier.


Remarques finales

Ceci étant déposé, je donne la parole au député de Kamouraska-Témiscouata.


M. Claude Béchard

M. Béchard: Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): 15 minutes.

M. Béchard: Oui, merci. Mme la Présidente, à la fin de cette commission parlementaire, vous me permettrez d'abord de dresser, je dirais, un bref retour sur ce qui avait été dit au début de la présente commission parlementaire. J'avais mentionné, à ce moment-là, que la volonté, du côté de l'opposition officielle, était de se joindre à une volonté commune de changement, de se joindre à une volonté que nous avions tous et toutes, et que je crois nous avons encore, de tenter, dans la mesure du possible, d'en arriver avec des solutions qui permettraient d'éviter le recours aux clauses dérogatoires, la volonté aussi d'en arriver avec une solution qui respecterait le choix des parents et le choix des enfants.

Vous me permettrez de mentionner aussi, Mme la Présidente, que j'avais mentionné au départ, et que je crois encore, et que plusieurs groupes l'ont mentionné, qu'il faut, à partir de maintenant, dans les prochains jours, les prochaines semaines, un agenda de travail clair et précis relativement aux suites que l'on veut donner à cette commission parlementaire et relativement aux intentions réelles du gouvernement dans ce dossier.

On avait aussi, de part et d'autre, à l'époque, mentionné l'importance d'avoir un débat serein où nous serions à l'écoute de toutes les propositions quelles qu'elles soient. Je pense que, grâce à tous les groupes qui se sont présentés ici, nous avons atteint ensemble ces objectifs.

Quand on parle de la présente consultation, il s'agit, je crois, d'une des plus importantes consultations dans l'histoire de l'Assemblée nationale. Ne serait-ce qu'en termes de mémoires, il semble que ce serait la deuxième après la commission parlementaire sur le rapport Arpin, qui avait eu à l'époque 264 mémoires; nous en avons eu 254.

Nous avons eu une consultation de 12 jours d'audiences où nous avons eu plus de 60 heures d'audiences comme telles. Surtout, je pense que, au-delà du nombre d'heures comme tel, au-delà du quantitatif, dans le qualitatif, nous avons eu un grand nombre d'idées, un grand nombre de propositions, un grand nombre de solutions, un grand nombre d'alternatives toutes aussi bien défendues et toutes aussi bien présentées les unes que les autres, et je crois que c'est à l'honneur de tous ceux et celles qui se sont présentés ici.

Ce fut, d'abord et avant tout, pour moi, comme, je l'imagine, aussi, pour mes collègues, extrêmement instructif de participer à ce débat qui est autant politique, juridique qu'historique et qui se retrouve parmi peut-être les débats les plus purs au niveau de la science politique, au niveau du droit et au niveau de l'histoire.

Et je vous dirais qu'on ne peut passer sous silence non plus l'apport du rapport Proulx qui, bien que des gens aient dit qu'ils étaient pour, qu'ils étaient contre, a été un outil d'inspiration important, a été une base de référence importante et a permis aussi à plusieurs, au-delà de dire qu'on soit pour ou qu'on soit contre, de partir de certains des éléments qui étaient présentés pour apporter certaines solutions.

Dans les points comme tels que nous avons abordés, permettez-moi, Mme la Présidente, de rappeler que, au niveau des clauses dérogatoires, plusieurs des solutions qui ont été apportées, autant que ce soit pour aller dans le sens d'un enseignement culturel des religions que vers la multiconfessionnalité, présentent des solutions qui pourraient éviter d'avoir recours aux clauses dérogatoires, comme nous le souhaitons tous depuis le début de ce débat. D'autres souhaitent qu'elles demeurent. D'autres disent qu'il n'y a peut-être pas moyen d'avoir une solution qui éviterait leur recours. Donc, on voit qu'à ce niveau-là il y a une certaine zone grise, une certaine zone de brume; pour d'autres, c'est très clair.

Donc, il serait peut-être utile, surtout pour ne pas animer de façon, je dirais, inadéquate, ce débat, que le gouvernement pense à tester la solution qu'il voudra présenter au niveau d'un renvoi en cour, Cour d'appel du Québec, pour tester vraiment, au niveau juridique, quelle est la portée de la solution qui est mise sur la table et surtout éviter qu'une fois cette solution étant sur la table et ayant, je l'espère, l'appui de l'opposition – si elle est acceptable pour l'opposition – bien, qu'on passe plus de temps à la mettre en place qu'à la défendre au niveau juridique.

Que ce soit la position du ministre qui semble tendre vers une ouverture à la multiconfessionnalité ou la position de son parti qui tend davantage vers le rapport Proulx, nous croyons que les deux solutions devraient d'abord être testées avant, pour éviter que des débats juridiques, au niveau des clauses dérogatoires, ne viennent contourner le débat des effets qu'on veut vraiment y trouver, c'est-à-dire travailler pour les jeunes qui sont dans nos écoles.

Il y a des éléments importants. On a eu, avec la Fédération des commissions scolaires, un sondage qui parlait à la fois, je dirais, des statuts des écoles comme tels, du choix des parents, mais ce qui, pour moi, est encore plus important, c'est-à-dire de l'enseignement qu'on y fera.

D'abord, au niveau du statut, permettez-moi, Mme la Présidente, de vous mentionner que je crois que, à peu près à la quasi-unanimité, beaucoup de gens s'entendent pour dire que, sur le statut comme tel autant des commissions scolaires, du Conseil supérieur de l'éducation que du ministère de l'Éducation comme tel, il ne faut pas aller dans un débat de structure qui peut-être, en bout de ligne, viendrait jeter de l'ombre sur l'objectif qu'on recherche, c'est-à-dire quelle est la meilleure solution pour l'enseignement dans les classes comme tel. Et, à ce niveau-là, permettez-moi de saluer l'initiative que plusieurs ont proposée, c'est-à-dire d'avoir un comité soit multiconfessionnel soit responsable de la religion mais un comité unique au niveau du ministère de l'Éducation pour traiter de l'avenir des questions religieuses dans nos écoles.

Deuxièmement, Mme la Présidente, un élément extrêmement important au niveau du choix des parents. Il est clair, à ce niveau-là, que deux éléments sont là, qu'il y a soit le choix pour respecter ce que les parents veulent, c'est-à-dire de maintenir l'article 41 de la Charte des droits et libertés du Québec et ainsi d'ouvrir – c'est-à-dire de l'assumer, ce choix des parents là – à la multiconfessionnalité, ou encore d'aller dans le sens du rapport Proulx et, à ce moment-là, de modifier cet article 41 là qui, au dire même de Patrice Garant, est extrêmement important et reflète une partie importante de l'identité de la particularité du Québec.

(17 h 40)

Au niveau du choix des parents, il ne faut pas non plus oublier les engagements précédents, et plusieurs l'ont relevé, encore M. Caldwell qu'on vient d'entendre, par rapport aux suites du débat sur l'article 93, en 1997, où, par exemple, dans la communauté anglophone, ils voyaient un genre de compromis dans les engagements de la prédécesseure du ministre actuel, c'est-à-dire de maintenir ce choix-là au niveau des parents. Et je vous dirais que, si l'on veut maintenir ce choix-là des parents, il faut se pencher sur le troisième point extrêmement important du débat actuel – et peut-être le plus fondamental – c'est-à-dire l'enseignement comme tel dans nos écoles.

Si on dit, dans certains mémoires, que la neutralité de l'État est peut-être impossible et que toute neutralité égalitaire de l'État – et le rapport Proulx le reconnaît d'ailleurs – n'exige pas, qu'il s'abstienne de toutes mesures susceptibles de favoriser divers groupes religieux, bien il faudra à ce moment-là que l'État soit équitable et que, s'il veut ouvrir aux différentes cultures et autres religions, ça se fasse en collaboration, je crois, avec les intervenants de ces communautés-là et dans un processus clair qui n'a pas pour objet, je dirais, de renvoyer, sur le dos des commissions scolaires, sur les conseils d'établissement, des décisions douloureuses de reconnaître ou non telle ou telle religion, mais qu'il y ait un processus clair, comme l'a suggéré le Conseil supérieur de l'éducation, le Comité catholique sur la reconnaissance comme telle des religions qui auront le droit de cité dans les écoles.

Mme la Présidente, dans ces solutions au niveau de l'enseignement, on l'a vu à plusieurs reprises, il est extrêmement important de trouver des solutions qui répondent aux attentes, mais des solutions aussi équilibrées, des solutions qui respectent l'évolution de la société québécoise. Et un des élément, moi, qui m'ont frappé de cette commission-là, au niveau de l'enseignement, est le fait qu'il y a actuellement une possibilité d'ouverture à certains autres enseignements confessionnels et que, à ce niveau-là, peu de gens semblent s'en prévaloir actuellement, ce qui, je crois, soulève quelques questions et quelques interrogations.

Suite à la reconnaissance, je dirais, du choix des parents, à la mise en place possible d'enseignements religieux autres, il faudra aussi voir – et certains l'ont suggéré avec beaucoup d'à-propos – s'il y a de la place pour mettre en place le cours d'histoire, culture des religions, notamment au niveau du secondaire IV et V. Je pense que c'est un autre élément que même ceux et celles qui disaient être peu enclins à l'ouverture à la multiconfessionnalité reconnaissaient, et ceux qui étaient ouverts à la multiconfessionnalité le reconnaissaient aussi: en secondaire IV et V, il serait peut-être opportun de terminer avec un cours plus large, comme le cours culturel des religions.

Dans la mise en place, Mme la Présidente, de cette réforme-là, certains ont proposé des projets-pilotes, comme les commissions scolaires, ont proposé un processus pour reconnaître les religions, comme le Conseil supérieur de l'éducation, le Comité catholique, ont proposé aussi un processus avec une période de transition, mais les groupes ont été extrêmement clairs: pas une période de transition pour n'importe quoi mais avec des orientations claires et précises et surtout une idée de l'échéancier.

Je vous dirais que nous sommes devant un échéancier serré, un échéancier de deux ans. Le ministre de l'Éducation a reconduit les clauses dérogatoires pour deux ans en disant que c'est à l'intérieur de ce mandat-là qu'il voulait faire le débat et trouver une alternative. Eh bien, le délai peut paraître serré, mais il semble que, si le ministre est capable de déposer une orientation claire, précise et que les gens savent où le gouvernement s'en va avec cette réforme-là, tous sont prêts à collaborer pour que cette importante réforme ait l'appui qu'elle requiert et ait surtout beaucoup de respect face à ceux qui sont de quelque choix que ce soit.

Un autre élément extrêmement important qu'il ne faut pas oublier dans cette réforme-là et qui est aussi au coeur de la réforme, il s'agit des enseignants. Et on peut dire que c'est beau d'ouvrir à plusieurs confessions, qu'on va aller dans le sens du cours culturel des religions, cependant il faut des gens en bout de ligne pour procéder à cet enseignement-là. Il faut des ressources. Et, si on parle beaucoup de liberté de choix des parents, de choix des enfants aussi, je pense qu'il faut aussi respecter le choix des enseignants. Et, quand on parle du choix des enseignants, c'est qu'il faut trouver des modèles qui permettent non plus que ces cours d'enseignement religieux se fassent pour combler des tâches ou avec peut-être pas toute la volonté ou la détermination que les gens veulent, mais avec des outils appropriés et avec un appui approprié au niveau gouvernemental aussi.

Au niveau des jeunes, des enfants, pour qui cette réforme-là sera faite finalement – bien que, dans le projet de loi n° 180, on ait oublié de faire en sorte qu'au niveau du secondaire ils aient le droit de vote sur les conseils d'établissement – il faudra trouver un moyen de les consulter et de les mettre dans le coup parce que, je crois, M. le ministre, que c'est pour ces gens-là qu'on travaille, ces jeunes-là, et qu'on ne peut pas éternellement penser que nous avons toute la vérité sans vraiment leur demander, à eux, ce qu'ils en pensent et ce qu'ils veulent.

Je vous dirais, en terminant, Mme la Présidente, que les défis du ministre de l'Éducation dans ce dossier-là sont à peu près les suivants: c'est-à-dire un défi de cohérence par rapport aux engagements de sa prédécesseure; un défi d'orientation gouvernementale claire et rapide, que ce soit par projet de loi, par déclaration ministérielle, pour savoir où est-ce qu'on s'en va dans ce dossier-là. On est déjà rendu à moins d'un an et demi de l'échéance des clauses dérogatoires. Il faudra savoir rapidement où est-ce qu'on s'en va.

Un autre défi, c'est d'avoir une solution qui respecte l'évolution de la société québécoise. Beaucoup de gens ont même dit qu'on n'en était peut-être pas rendu à une cassure complète, on n'était peut-être pas prêt à faire ce débat-là. Des gens ont dit qu'on était peut-être prêt depuis longtemps. Mais il y a un lien à ne pas couper au niveau de la confiance avec les parents et avec les gens qui sont au coeur de ces réformes-là.

Il y a un défi de respect de la diversité de la société québécoise et aussi de la nouvelle société québécoise qui, de plus en plus, est moderne, est ouverte, est multiculturelle et peut être enrichissante pour tous et pour toutes si on est capable d'y amener des accommodements acceptables.

Je vous dirais finalement, Mme la Présidente, que, dans les prochaines semaines, les prochains mois, je pense qu'il n'y a personne, sur ce dossier-là, qui veut faire éternellement de la politique ou qu'il y ait quelque gain politique à faire que ce soit. Ce débat-là doit d'abord être un gain politique, un gain social, un gain, je dirais, éducatif pour les enseignants et pour les enfants qui vont avoir ces cours-là dans les prochaines années.

Permettez-moi, en terminant, de remercier sincèrement mes collègues: mon collègue de D'Arcy-McGee qui n'est pas là avec nous ce soir, ma collègue de La Pinière, mon collègue d'Outremont, ma collègue de Jean-Talon, ainsi que les recherchistes qui ont travaillé avec moi dans ce dossier-là, et aussi de remercier, je pense, tous les collaborateurs du ministre de l'Éducation, les gens du ministère, qui, souvent, de façon directe ou par des sourires ou certaines affirmations, nous ont dit qu'on était dans la bonne voie ou dans la mauvaise voie, et je tiens à les en remercier sincèrement.

Je pense que c'est la preuve que tous et toutes, à ce moment-ci, ont fait cette consultation-là dans le meilleur esprit d'ouverture possible, dans le meilleur esprit de collaboration, mais que, maintenant, je vous dirais qu'une des plus grosses consultations que l'Assemblée nationale ait connues doit définitivement se traduire par des actions concrètes, à court terme, avec des orientations claires qui vont nous permettre d'engager le débat pour les prochaines semaines, les prochains mois et les prochaines années. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci beaucoup et félicitations, M. le député.

M. Béchard: J'ai oublié de vous remercier, vous, en passant.

La Présidente (Mme Bélanger): Ha, ha, ha!

M. Béchard: Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Félicitations, M. le député de Kamouraska-Témiscouata. Vous avez pris votre 15 minutes, juste. Alors, M. le ministre.


M. François Legault

M. Legault: Oui. Mme la Présidente, au terme des travaux de cette commission qui a reçu, en juin 1999, le mandat de l'Assemblée nationale de tenir une consultation sur la place de la religion à l'école, je tiens à vous faire part, ainsi qu'à mes collègues, de ma grande satisfaction.

Depuis le 20 septembre, nous avons tenu 13 jours de délibérations démocratiques dans un cadre parlementaire officiel et structuré. Nous avons engagé un débat de société sur un sujet délicat et sensible qui s'est déroulé dans un climat serein, voire convivial.

Témoignant peut-être d'une certaine candeur, je veux vous dire que c'est avec un peu d'appréhensions que je me suis engagé dans ce débat. La religion, au Québec, est une question qui peut soulever des passions, des passions qui peuvent amener les personnes à adopter des attitudes parfois intransigeantes.

Comme certains nous l'ont rappelé, l'histoire du Québec, c'est en bonne partie une histoire religieuse. C'est ce qui explique, sans doute, l'attachement de plusieurs Québécoises et Québécois à un certain héritage, même s'il est difficile aujourd'hui de savoir exactement ce que représente la religion pour les personnes.

(17 h 50)

Dans ce contexte, Mme la Présidente, je me réjouis d'autant plus de constater la qualité des interventions de mes collègues députés du gouvernement et de l'opposition, laquelle a permis de garder nos discussions à un niveau de préoccupations qui fait honneur à nos institutions parlementaires et politiques.

Les membres de cette commission se sont engagés dans ce débat avec une grande ouverture d'esprit et ont accepté de nous faire partager leurs questions et leurs préoccupations. Je les en remercie très sincèrement. Les travaux de la commission vont maintenant permettre au gouvernement de dégager des orientations qui, espérons-le, réussiront à concilier les attentes diverses, parfois même contradictoires, des citoyennes et des citoyens en matière d'éducation religieuse et de sa place à l'école publique. D'ailleurs, je voudrais souligner la qualité du document qui a servi de base à cette discussion, c'est-à-dire le rapport qu'on connaît maintenant sous le nom du rapport Proulx.

Le Secrétariat des commissions a reçu, comme vous le disiez tantôt, Mme la Présidente, au-delà de 30 000 messages et de 254 mémoires. À cela, nous pouvons tous ajouter les interventions de nos concitoyennes et de nos concitoyens, celles qu'ils ont faites auprès de leur député, dans leur bureau de comté ou ailleurs, ainsi que les nombreux articles et les nombreuses lettres qui ont été publiés dans les médias. Plusieurs députés m'ont d'ailleurs parlé du courrier parfois abondant qu'ils ont reçu. C'est dire l'intérêt que la population porte à la question.

Nous avons entendu ici près de 60 groupes qui, me semble-t-il, constituent un échantillon très représentatif de la population intéressée par la question. Nous avons vu défiler dans cette enceinte des représentantes et des représentants des parents, des administrateurs scolaires, du personnel enseignant et des jeunes. Y sont venus aussi des gens de différentes dénominations religieuses représentatives des principaux groupes présents au Québec. Plusieurs universitaires nous ont aussi exprimé leur point de vue. D'autres personnes auraient bien aimé être entendues. Nous ne pouvions malheureusement tous les recevoir. Je veux toutefois les assurer que leur point de vue sera examiné et pris en considération avant d'arrêter nos orientations.

Mme la Présidente, à la fin des présents travaux, je garde comme impression globale qu'une grande majorité des Québécois et des Québécoises s'attendent à une évolution de la réalité confessionnelle dans notre système d'éducation. On souhaite cependant que cette évolution soit progressive. D'emblée, tout le monde reconnaît la diversité des points de vue au regard de la religion et la nécessité de respecter les libertés fondamentales à cet égard. Il y a unanimité au Québec pour que l'école contribue au développement d'une société démocratique, libre et pluraliste.

Nous nous entendons également pour que l'école forme des citoyennes et des citoyens égaux et à la fois différents, des citoyennes et des citoyens se comprenant assez bien pour vivre ensemble. Nous convenons enfin que c'est en prenant appui sur des valeurs humaines fondamentales comme la solidarité et la tolérance que nous parviendrons à construire un avenir commun. Je crois que c'est la direction dans laquelle la population du Québec veut aller, et, pour ma part, j'y souscris. Comme cela nous a été rappelé pendant des audiences de cette commission, dès l'instant où nous aurons décidé ensemble d'une direction, la question est de savoir ce qu'il est opportun de poser comme geste immédiat pour progresser dans cette direction, tout en respectant l'histoire et les traditions québécoises.

Des propos que nous avons entendus pendant les audiences de cette commission, plus de 50 heures d'audiences, je retiens d'abord l'ouverture d'esprit de la très grande majorité des intervenants et des intervenantes au regard du statut confessionnel des écoles. En général, les gens conviennent que l'école publique québécoise doit être ouverte et commune. Ils souhaitent fortement que cette école soit enracinée dans son milieu et qu'elle soit accessible en priorité à l'ensemble des familles qui l'habitent, et ce, quelle que soit leur appartenance religieuse.

Ainsi, ils s'attendent à ce que l'école évolue progressivement dans cette direction et, en conséquence, ils sont prêts à reconsidérer le statut confessionnel de l'école publique. D'ailleurs, les comités confessionnels catholiques et protestants nous ont proposé la généralisation d'une école publique sans statut confessionnel.

Toutefois, je suis conscient que beaucoup de gens associent statut confessionnel et services confessionnels. Plusieurs personnes craignent que, en enlevant le statut, on ferait automatiquement disparaître l'enseignement religieux et l'animation pastorale. Or, on l'a rappelé à quelques reprises pendant la commission, qu'il n'y a pas de lien entre les deux. C'est dans la Loi sur l'instruction publique qu'est formulée l'obligation de fournir des services confessionnels, et ce, indépendamment du statut de l'école. Donc, le droit ou le privilège des élèves de les recevoir est actuellement protégé par la loi, même dans une école qui n'a pas de statut confessionnel.

Cette confusion entre le statut de l'école et le droit à l'enseignement religieux et à l'animation pastorale explique peut-être la réaction d'une partie de la population qui craint de ne plus avoir accès à des services d'éducation religieuse si nous abolissons le statut confessionnel des écoles. Je crois, pour ma part, que l'ouverture et la tolérance dont les Québécoises et les Québécois ont fait preuve à ce jour ne disparaîtront pas en même temps que la protection juridique du statut confessionnel des écoles. Quoi qu'il en soit de la décision que nous prendrons, si le gouvernement décide de franchir cette étape, il devra le faire en prenant le temps de bien expliquer son geste.

Sur ce sujet, je vous réfère aux propos du président du Comité catholique. Celui-ci nous a rappelé l'importance d'informer convenablement les parents, notamment les membres des conseils d'établissement, des étapes qui seront franchies pour se donner une école publique ouverte et commune et, ainsi, s'assurer de leur adhésion à cet objectif. Un changement de cette nature doit bien sûr être expliqué aux gens. Ça prend un certain temps, mais on peut y parvenir si on prend le temps qu'il faut.

Dans un tel contexte, nous comprenons que la situation des écoles religieuses à projet particulier méritent réflexion. Certains nous ont proposé que, en toute logique et cohérence, de tels projets ne devraient plus être autorisés. D'autres nous suggèrent que le ministère de l'Éducation adopte des critères plus sévères pour les encadrer. Là aussi, nous devrons agir avec prudence et dans la perspective d'une évolution progressive.

Une autre tendance qui semble se dégager concerne les structures gouvernementales. Les comités catholiques et protestants ont proposé leur remplacement par un comité consultatif sur les questions religieuses dont la représentation pourrait même être élargie à d'autres confessions religieuses. Cette question mérite d'être examinée en fonction des orientations que nous retiendrons. Toutefois, il est d'ores et déjà acquis que tout service confessionnel, à l'intérieur de l'école, nécessiterait de conserver une interface avec les Églises, notamment catholique et protestante, pour garantir la qualité de ce service.

En ce qui concerne les postes des sous-ministres associés, prévus par la Loi sur le ministère de l'éducation, on peut s'interroger sur leur nécessaire maintien. Je crois qu'il est normal que des modifications soient apportées aux structures ministérielles de l'éducation pour les adapter à une réalité qui évolue.

Je ne crois pas enfin qu'il faille élaborer longuement sur la nomination des membres du Conseil supérieur de l'éducation en fonction de leur appartenance religieuse, catholique ou protestante, comme l'exige encore la loi. Une telle exigence est aujourd'hui pour le moins difficile à justifier.

Deux questions demeurent; elles concernent l'animation pastorale et l'enseignement religieux. En ce qui a trait à la première, il semble y avoir un large consensus pour que le service actuel d'animation pastorale se transforme progressivement en services d'animation communautaire et spirituelle au sein de l'école. De prime abord, c'est un mouvement qui ne semble pas poser trop de difficultés et qui pourrait être amorcé rapidement. Cependant, il y a lieu de s'interroger sur la nature des services à offrir. Doivent-ils être organisés et définis de la même façon au primaire et au secondaire?

Plusieurs groupes ou personnes ont témoigné de la qualité de ces services qui sont actuellement rendus par les animatrices et les animateurs de pastorale, particulièrement au secondaire. Toute évolution de ces services vers une ouverture plus grande à la communauté devra être faite en collaboration étroite avec ces personnes et s'appuyer sur une réflexion plus poussée, notamment sur la place des différentes confessions religieuses et sur les liens à tisser avec les autres services personnels aux élèves.

(18 heures)

De tous les sujets qui ont été abordés pendant les travaux de cette commission, s'il en est un pour lequel il est difficile de tirer une conclusion, c'est celui de l'enseignement religieux confessionnel. Le moins que l'on puisse dire, c'est que les opinions sont partagées.

En ce domaine, Mme la Présidente, il m'apparaît que, même si on ne semble pas renoncer à toute forme d'enseignement religieux, il nous faut minimalement envisager de nouveaux aménagements. D'ailleurs, la Fédération des comités de parents de la province de Québec nous a invités à réviser certaines de nos façons de faire.

J'ai pris note aussi de certaines mises en garde qui nous ont été faites relativement à l'enseignement religieux de type culturel au primaire. Pour plusieurs, dans un processus de formation de l'identité, il semble important que, avant d'être confronté à une autre culture, le jeune puisse bien structurer sa propre identité. Par ailleurs, une grande majorité d'intervenants souhaite que le gouvernement examine sérieusement la possibilité d'offrir un enseignement culturel des religions en quatrième et cinquième secondaire, en lieu et place des cours d'enseignement religieux confessionnels actuellement en vigueur.

Même si plusieurs interrogations ont été soulevées à propos du programme d'enseignement religieux culturel, cela ne signifie pas pour autant qu'il faille l'écarter a priori. Ne devrait-on pas emprunter cette voie sur une base expérimentale au secondaire et questionner davantage son bien-fondé au primaire? De nombreux groupes nous ont fait des propositions constructives à ce sujet. Je pense notamment au Centre justice et foi, aux facultés de théologie de l'Université Laval et de Montréal et au Département des sciences religieuses à l'Université du Québec à Montréal. Je crois que, dans la perspective d'une évolution progressive des choses, les Québécoises et Québécois s'attendent à ce que le gouvernement explore cette hypothèse, particulièrement pour les élèves du deuxième cycle du secondaire.

Au primaire et au premier cycle du secondaire, d'autres questions méritent d'être davantage approfondies. N'y aurait-il pas lieu, comme c'est le cas actuellement avec toutes les matières, de concevoir des programmes par cycle et de traiter le programme d'enseignement religieux comme tous les autres, permettant ainsi aux conseils d'établissement de développer une offre de services adaptés aux particularités de chaque milieu? Les contenus proposés dans ces programmes pourraient-ils être davantage modulés en fonction des caractéristiques sociales et religieuses du milieu? En enseignement religieux catholique et protestant, pouvons-nous penser à un plus grand engagement des Églises par rapport à la formation des jeunes?

Mme la Présidente, comme plusieurs personnes nous l'ont rappelé, quels que soient les choix que nous ferons, il faudra compter avec le temps. Aussi, je suis d'avis qu'une large partie de la population n'accepterait pas que l'on mette fin immédiatement à toute forme d'enseignement religieux. D'ailleurs, la Fédération des commissions scolaires constate que le choix actuellement offert entre l'enseignement religieux catholique et protestant et l'enseignement moral ne pose pas de difficulté dans les écoles. Je compte agir, mais avec prudence, en tenant compte des attentes des parents à ce sujet, ce qui ne nous interdit pas pour autant d'examiner les différentes hypothèses qui nous ont été soumises.

Par delà ces propos, Mme la Présidente, et tout ce que nous avons entendu, je crois qu'il faut ramener la discussion à la question qui nous a été posée par M. Pierre Lucier, et je cite: «La question est dès lors de savoir si nous estimons que la religion est destinée à prendre à l'école publique plus ou moins de place qu'elle n'en occupe actuellement.» Fin de la citation.

Or, l'évolution sociale prévisible, comme on nous l'a maintes fois souligné pendant les audiences de la commission, va vers une distinction plus nette entre religion et école publique. C'est dans ce contexte qu'il nous faudra bien analyser les propositions qui ont été faites relativement à l'élargissement de l'enseignement religieux à d'autres confessions religieuses. Cette voie n'est pas aussi simple qu'elle paraît de prime abord.

Enfin, Mme la Présidente, plusieurs experts, dont notamment le professeur Patrice Garant, qui ont comparu devant la commission, nous ont affirmé que, dans certaines situations, il pouvait être justifié d'utiliser les clauses dérogatoires comme mesure de sauvegarde et dans le but d'éviter des débats judiciaires interminables. L'utilisation de telles clauses ne doit pas être considérée comme un geste déshonorant mais plutôt un moyen exceptionnel de faire un choix de société qui touche les valeurs fondamentales des Québécoises et des Québécois.

En conclusion, Mme la Présidente, je tiens à rappeler aux membres de cette commission les principes sur lesquels je continuerai de m'appuyer pour arrêter les orientations à prendre en matière d'éducation religieuse à l'école: premièrement, les attentes et demandes de nos concitoyennes et concitoyens doivent être évaluées dans la perspective d'une société pluraliste et ouverte; deuxièmement, il convient de donner suite à ces demandes dans le sens d'une démarche progressive qui respecte le rythme d'évolution des mentalités; troisièmement, il importe de traiter ces demandes dans le respect de l'histoire et de la culture québécoises, tout en tenant compte de l'évolution de la société dans laquelle nous vivons aujourd'hui.

J'entends donc respecter rigoureusement ces principes, Mme la Présidente, dans la poursuite de nos travaux, et, au cours des mois qui viennent, nous prendrons le temps de bien considérer les avis qui nous ont été donnés et d'identifier les consensus qui se dégagent ou les compromis auxquels ils peuvent donner lieu. Je souhaite être en mesure, par la suite, de proposer des orientations claires à nos concitoyennes et concitoyens, qui vont dans le sens d'une évolution progressive des choses.

Un dernier mot pour remercier tous les groupes et individus qui ont déposé un mémoire à cette commission, remercier aussi tous mes collaborateurs, députés, membres aussi du ministère de l'Éducation, députés de l'opposition et vous, Mme la Présidente. Nous avons eu un débat de société de qualité, c'est grâce aux excellents mémoires qui nous ont été transmis. Je sais que ces avis ont été préparés à l'intérieur de délais brefs et au beau milieu de l'été, dans une période de l'année où nos activités sont au ralenti. Votre mérite est donc d'autant plus grand. Mme la Présidente, merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le ministre. Alors, la commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 18 h 8)


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