To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Committee on Education

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Committee on Education

Version finale

36th Legislature, 1st Session
(March 2, 1999 au March 9, 2001)

Thursday, November 25, 1999 - Vol. 36 N° 21

Consultation générale sur la place de la religion à l'école


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions


Intervenants
Mme Madeleine Bélanger, présidente
Mme Solange Charest, vice-présidente
M. Serge Geoffrion, président suppléant
M. François Legault
M. Claude Béchard
Mme Margaret F. Delisle
M. Gilles Labbé
M. Lawrence S. Bergman
M. Claude Cousineau
M. Jean-François Simard
Mme Fatima Houda-Pepin
*M. André Caron, FCSQ
*M. Berthier Dolbec, idem
*M. Robert Pleau, idem
*Mme Diane Ratcliffe, ACSAQ
*M. Jeff Polenz, idem
*Mme Monique Séguin, APM
*M. Daniel Choquette, idem
*M. Pierre Émery, AMDES
*M. Jacques Delfosse, idem
*M. Bernard Normand, ICEA
*Mme Andrée Ménard, PROMIS
*M. Juan Jose Fernandez, idem
*Mme Francine Hausselman, Association québécoise des professeurs
de morale et de religion
*M. Jean-Denis Beauregard, idem
*M. William J. Smith, Bureau de recherche sur la politique scolaire
*M. Bassam Derbas, APCI
*M. Ibrahim Boushaba, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Onze heures trente minutes)

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, la commission de l'éducation débute ses travaux. Je rappelle le mandat de la commission: le mandat de la commission est de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur la place de la religion à l'école.

Est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Il n'y a pas de remplacements, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, je vais vous faire part de l'ordre du jour. Ce matin – c'était supposé être à 11 heures, il y a un peu de retard – nous avons la Fédération des commissions scolaires du Québec, que j'invite à prendre place à la table, pour ensuite recevoir l'Association des commissions scolaires anglophones du Québec, pour une suspension à 13 heures.


Auditions

Alors, je rappelle à nos invités qu'ils ont 20 minutes pour présenter leur mémoire, qui sera suivi d'un échange avec les groupes parlementaires de 20 minutes chacun, et je demanderais au porte-parole de bien vouloir s'identifier et d'identifier les personnes qui l'accompagnent.


Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ)

M. Caron (André): Merci, Mme la Présidente. Mon nom est André Caron. Je suis président de la Fédération des commissions scolaires du Québec. À ma gauche, Mme Manon Beaudry-Roberge, vice-présidente, ainsi qu'à ma droite MM. Berthier Dolbec et Robert Pleau qui sont conseillers au dossier.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. Alors, vous pouvez commencer à nous présenter votre mémoire.

M. Caron (André): Merci beaucoup. La Fédération des commissions scolaires du Québec représente depuis plus de 50 ans le principal réseau de commissions scolaires. Elle regroupe maintenant les 60 commissions scolaires francophones ainsi que la commission scolaire du Littoral. L'objectif de la Fédération est de défendre les intérêts de ses membres et de faire avancer la cause de l'éducation au Québec.

Ici, je tiens à souligner que le mémoire que la Fédération des commissions scolaires du Québec vous présente veut refléter la position de l'ensemble des commissions scolaires du Québec. La Fédération est un organisme provincial qui, par le fait même, doit présenter les diverses tendances exprimées un peu partout au Québec par ses membres. Comme vous serez en mesure de le constater, la position des commissions scolaires témoigne d'une assez grande diversité d'opinions, diversité, dans le fond, à l'image de la société québécoise. C'est donc sur la trame de fond d'une diversité d'opinions et de l'absence d'un consensus que nous allons bien humblement vous livrer les positions exprimées par les commissions scolaires et les tendances qu'on peut y dégager sur la place de la religion à l'école.

La remise en question de la place de la religion à l'école touche aux fondements mêmes de notre système public d'enseignement et nous interpelle toutes et tous. En raison de l'importance et des conséquences des enjeux, le ministre de l'Éducation avait invité en juin dernier le milieu à prendre le temps nécessaire afin de mener un débat serein. C'est dans cet esprit que la Fédération et les commissions scolaires ont désiré travailler, et c'est pour cette raison que nous avions demandé un report de la commission parlementaire, dont le début des travaux annoncé prenait difficilement en compte la réalité scolaire, c'est-à-dire les vacances d'été, les élections des membres des conseils d'établissement, la rentrée scolaire et les dossiers en cours.

Dans le document ou dans le mémoire que vous avez devant vous, à la section 1, vous avez sommairement le processus que la Fédération des commissions scolaires et que les commissions scolaires ont suivi dans ce dossier.

À la section 2, on fait un rappel des grandes orientations du rapport Proulx, et je me permets de vous les citer, soit le respect des droits et des libertés des personnes, le statut de l'école commune ouverte à toutes et tous, l'enseignement culturel des religions, l'animation à la vie spirituelle et religieuse commune à toutes et à tous et l'ouverture de l'école à la communauté en dehors des heures de classe pour l'enseignement confessionnel. C'est à partir de ces grandes orientations que les commissions scolaires ont été invitées à effectuer leur réflexion.

Les positions des commissions scolaires reflètent généralement la volonté des parents. Un premier principe se dégage de la position de chacune des commissions scolaires et il est commun à toutes, c'est-à-dire l'absolue nécessité de garantir le maintien de la transmission des valeurs spirituelles, humaines, patrimoniales à tous les élèves et à tous les niveaux. Cette transmission des valeurs est fondamentale en ce qu'elle répond à la quête de sens que tous les élèves manifestent.

Les commissions scolaires appuient également leur position sur un second principe, soit celui de la cohérence et du respect de la responsabilisation de l'école, responsabilisation qui a été accrue lors des dernières législations, d'ailleurs.

À la section 4, vous retrouvez un portrait du réseau des commissions scolaires francophones dont voici les grandes lignes. Parmi les 60 commissions scolaires qui composent ce réseau, seulement huit d'entre elles ont moins de 90 % d'élèves déclarés catholiques. En ce qui a trait aux élèves déclarés de foi protestante, 47 commissions scolaires comptent 20 élèves ou plus. Concernant les élèves appartenant à une autre foi, 58 de nos commissions scolaires ont 20 élèves ou plus qui sont déclarés. De plus, il est aussi à noter qu'autour de 28 000 élèves se déclarent n'appartenir à aucune religion.

Maintenant, la position des commissions scolaires sur l'épineuse question. Avec la disparité des populations et des milieux à desservir, les commissions scolaires n'ont pas et ne peuvent pas avoir une position unique. Leurs réactions varient selon les milieux et les besoins exprimés par les parents.

Concernant le choix des parents et le respect des droits et des libertés des personnes, la majorité des commissions scolaires considèrent que le choix majoritaire des parents doit primer sur le respect absolu des droits et des libertés des personnes.

Concernant le statut de l'école, le tiers des commissions scolaires considèrent que le statut confessionnel de l'école n'est pas nécessaire. Un autre tiers des commissions scolaires demandent que le statut confessionnel de l'école soit conservé si la majorité des parents le désirent.

Concernant la nature de l'enseignement religieux à l'école, la majorité des commissions scolaires demandent le maintien de l'enseignement religieux catholique et protestant et de la formation morale. Le tiers des commissions scolaires sont en faveur d'une ouverture à d'autres religions si les parents le demandent et là où le nombre le justifie. Quelques commissions scolaires sont en faveur de l'enseignement culturel des religions, et cela, à tous les niveaux. Près de la moitié des commissions scolaires considèrent que l'enseignement culturel des religions pourrait être offert au niveau du deuxième cycle du secondaire. Par ailleurs, la position est partagée quant à savoir si cet enseignement devrait être offert de façon obligatoire ou optionnelle.

Concernant le genre d'animation religieuse à offrir, un peu plus du quart des commissions scolaires veulent que le programme d'animation pastorale ou religieuse soit conservé tel quel. Près du quart d'entre elles considèrent que le programme présentement offert chez elles a déjà été adapté à la situation. Plus du tiers sont en faveur d'animation de vie spirituelle et religieuse ouverte à tous.

Concernant le moment où doit être offert l'enseignement religieux professionnel, une majorité des commissions scolaires demandent que l'enseignement religieux confessionnel continue à faire partie du curriculum. En somme, la position majoritaire des commissions scolaires, qui est le reflet de celle des parents d'ailleurs, c'est de conserver l'enseignement religieux catholique et protestant à l'école. Cependant, un certain nombre de commissions scolaires, à la fois sensibles aux divers courants de pensée et à l'expression des besoins propres à leur milieu, manifestent une ouverture à des changements.

Au-delà des cinq orientations du rapport Proulx, d'autres volets ont été abordés par les commissions scolaires, dont notamment le rôle des conseils d'établissement, le rôle des Églises et celui de l'État. Concernant le rôle des conseils d'établissement, le tiers des commissions scolaires sont d'avis qu'il appartient à ces conseils de convenir du statut de l'école. Par ailleurs, près de la moitié des commissions scolaires considèrent que la décision quant au maintien de l'animation pastorale ou religieuse ou à la vie spirituelle doit continuer de relever de l'État.

Sur le rôle de l'Église, les commissions scolaires sont d'avis que les Églises doivent continuer à jouer leur rôle et même à participer davantage.

En ce qui a trait au rôle de l'État, les commissions scolaires souhaitent généralement son maintien, principalement au niveau de l'établissement des programmes et du financement. Au chapitre VII du mémoire, vous avez une synthèse de ce qui a été dit auparavant dans la section précédente.

(11 h 40)

Et, à la section 8, on y va de nos inquiétudes, et, en effet, de grandes inquiétudes demeurent en rapport avec les deux approches préconisées, soit la laïcité des écoles et l'ouverture de l'école à d'autres religions. Concernant la laïcité des écoles, les craintes exprimées ont principalement trait au fait que cette approche risque de créer un vide, soit par l'abandon des valeurs transmises présentement par l'enseignement religieux confessionnel. Plusieurs commissions scolaires ne voient pas comment l'enseignement culturel des religions pourrait véhiculer les valeurs spirituelles, humaines et patrimoniales dont les jeunes ont besoin. Des commissions scolaires trouvent que l'approche est trop théorique et ne répond pas aux besoins d'acquisition de valeurs et de quête de sens des jeunes, surtout au niveau primaire. Certaines commissions scolaires ont émis des commentaires à l'effet qu'il serait plus éclairant si un modèle pratique de cette approche leur était présenté. Avec la faible proportion de commissions scolaires qui favorisent cette approche, il nous semble que la société québécoise ne soit pas encore prête, partout au Québec, à faire un tel virage.

Concernant l'ouverture de l'école à d'autres religions, il y a une appréhension sur cette ouverture, appréhension exprimée par la crainte de devoir ouvrir l'école à n'importe quel mouvement soi-disant religieux. Il apparaît absolument nécessaire que des critères de reconnaissance devront être bien définis. Les commissions scolaires trouvent également que cette approche risque de générer des problèmes en ce qui a trait à l'application du concept «là où le nombre le justifie». Selon elles, des critères devront ici aussi être établis.

Une autre inquiétude a trait aux tensions ou conflits possibles entre les élèves en lien avec la présence de plusieurs mouvements religieux. L'histoire du monde nous enseigne à cet égard que la tolérance n'est pas la vertu première des religions et qu'il en faudra une bonne dose de tolérance aux diverses religions pour être capables de cohabiter.

Une quatrième source d'inquiétude est liée aux droits des catholiques et des protestants d'exiger l'enseignement religieux quel que soit leur nombre. L'introduction du concept «là où le nombre le justifie» risque de se traduire par un recul pour eux.

Enfin, les commissions scolaires appréhendent que cette nouvelle approche se traduise par une autre augmentation des coûts qu'elles ne pourraient assumer sans priver les élèves d'autres services pédagogiques.

La position de chacune des commissions scolaires reflète les tendances et les aspirations de leur milieu respectif. La Fédération se devant de respecter la position de chacune des commissions scolaires ne peut prétendre faire la promotion ou la défense d'une orientation unique. Nous devons représenter toutes les commissions scolaires membres, et les recommandations qui figurent ci-après traduisent les grandes tendances qui se dégagent de leur réflexion.

Ainsi, considérant que la société québécoise est appelée à exercer un choix qui s'avérera fondamental pour la formation de nos jeunes de demain;

Considérant que les commissions scolaires vivent des situations nettement diversifiées liées aux besoins de leur milieu respectif, ce qui les amène à prendre des positions différentes;

Considérant les positions et les inquiétudes formulées par les commissions scolaires, qui ne disposaient pas de toute l'information requise lors de leur réflexion;

Considérant que les positions des commissions scolaires, bien que diversifiées, s'appuient sur deux principes communs, à savoir la garantie du maintien de la transmission des valeurs spirituelles, humaines et patrimoniales à tous les élèves et la garantie de la cohérence et du respect de la responsabilisation de l'école conformément aux dernières législations;

Considérant que la majorité des commissions scolaires sont favorables au maintien de l'enseignement religieux catholique et protestant de même que de la formation morale à l'intérieur du curriculum;

Considérant qu'un certain nombre de commissions scolaires manifestent de l'ouverture à des changements variant entre l'enseignement d'autres religions à l'école et la mise en oeuvre d'un programme d'enseignement culturel des religions;

Considérant que les positions et les inquiétudes des commissions scolaires constituent un reflet fidèle des tendances qui prévalent au sein de l'ensemble de la collectivité québécoise;

La Fédération des commissions scolaires du Québec recommande au gouvernement de respecter, comme premier paramètre incontournable et en conformité avec les plus récentes législations, l'intégrité du choix manifesté par les parents et les élèves relativement à la place de la religion à l'école et au maintien de l'enseignement religieux catholique et protestant ainsi que la formation morale comme éléments constituants du curriculum;

De prendre le temps nécessaire pour effectuer les diverses études jugées pertinentes afin que la société québécoise puisse disposer de toute l'information appropriée lui permettant d'exercer de la façon la plus éclairée possible son choix quant à la place de la religion à l'école, choix qui sera déterminant pour la formation de nos jeunes de demain;

De reconduire, à compter de l'an 2001, les clauses dérogatoires pour une autre période suffisante afin de permettre la réalisation des études, des recherches et des expérimentations qui s'avéreront indispensables à la poursuite d'une réflexion profonde et à la prise d'une décision réfléchie;

D'examiner l'hypothèse de l'ouverture de l'école à l'enseignement religieux d'autres religions en retenant comme principes fondamentaux: la nécessité d'une demande formulée par les parents ou l'élève, le concept du nombre justifiant, la définition de critères limitant l'accès aux grands courants religieux et le respect des chartes. Cette étude devra également comprendre une analyse approfondie de la faisabilité pédagogique, organisationnelle et financière de ladite hypothèse;

De définir un programme d'enseignement culturel des religions adapté au second cycle du secondaire et de l'offrir de façon expérimentale et à titre de projet-pilote – par exemple, d'une durée de deux ou trois ans, comme ceux que vivent présentement certaines commissions scolaires – aux commissions scolaires qui désireraient en faire l'expérience;

Et, enfin, de garantir, conformément aux décisions qui seront arrêtées, la disponibilité de toutes les ressources humaines, matérielles et financières requises aux commissions scolaires pour en assurer la mise en place et une saine gestion sans pour autant pénaliser les élèves quant aux autres services pédagogiques à leur offrir.

Merci de votre attention, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Caron. Alors, M. le ministre.

M. Legault: D'abord, M. Caron, M. Pleau, M. Dolbec et Mme Beaudry-Roberge, merci d'être ici, ce matin, avec nous et merci pour votre mémoire.

Bien sûr, la Fédération des commissions scolaires représente des milliers de parents qui sont au coeur de l'éducation de leurs enfants. Vous avez fait un grand travail malgré les délais serrés, donc, incluant une consultation. C'est certain que les commissions scolaires sont au coeur des orientations de chaque milieu qu'on doit se donner pour le développement des écoles, vous êtes au coeur du terrain. Vous avez eu aussi, comme on s'en est souvent parlé, des changements importants à gérer au cours des dernières années. Vous l'avez bien fait, mais il y en a un autre qui s'annonce concernant la place de la religion à l'école. Je suis certain que vous pouvez nous aider.

Vous savez, on essaie de trouver un consensus, hein? Et c'est certain qu'il y a des difficultés qui se posent, des difficultés en termes de gestion, des difficultés, entre autres, au niveau du statut confessionnel des écoles, du traitement égal de tous les citoyens, et, dans votre proposition, vous nous demandez de poursuivre des études, donc de continuer à faire des études sur la place de la religion à l'école et de faire aussi des expérimentations, entre autres sur l'enseignement culturel des religions, et vous nous dites que, pendant cette période-là, on devrait prolonger les clauses dérogatoires. Donc, je pense que le moins qu'on puisse dire, c'est que vous nous lancez un appel à la prudence, un grand appel à la prudence. Qu'est-ce qui vous fait penser que la population du Québec n'est pas prête à des changements significatifs en matière de confessionnalité scolaire?

M. Caron (André): Ce qu'on dit dans notre mémoire, c'est le reflet, O.K.? C'est que les consultations qui ont été menées, les gens... Les positions sont partagées. Et, je vous donne un exemple, à l'intérieur même de notre conseil général, il y a même une commission scolaire qui, sur son territoire à elle, a trois positions différentes. Pourtant, on est à l'intérieur d'un même milieu, d'une géographie très restreinte, et 21 commissaires d'école ne s'entendent pas sur une position commune. Comment on peut prétendre maintenant qu'au Québec, avec le territoire géographique qu'on connaît et la disparité des cultures, on pourrait s'entendre? Pour nous autres, ça a été au départ une constatation que jamais on ne pourrait arriver à un consensus. Pas parce qu'on ne le recherchait pas, mais on a dû vite se rendre compte, dans la réalité, qu'on ne serait pas capable d'en avoir un consensus.

Donc, face à ce constat-là d'échec de consensus, bien, on a dit: Au moins, on va aller lire sur le terrain, via nos commissions scolaires, c'est quoi qu'ils en pensent. Et, d'ailleurs, annexées au mémoire – j'aurais dû vous le préciser au départ – vous avez plusieurs annexes qui vont vous démontrer, par rapport aux questions qu'on avait, les tendances qui se dégagent, et on peut décoder à travers ces tableaux-là qu'on peut quasiment décoder les régions. Ce n'est pas vrai, par exemple, que les cultures au centre-ville de Montréal et dans la région du Saguenay ou dans la région de la Gaspésie sont pareilles. Même si on le voulait, elles ne sont pas pareilles. La réalité, c'est ce qu'elle nous dit.

(11 h 50)

Donc, c'est dans ce contexte-là que, nous, on invite le gouvernement à être prudent. Et, si on parle de religion, juste vous dire qu'on a pris à peu près 30 ans à changer notre statut confessionnel de commission scolaire en statut linguistique, hein, on a mis 30 ans à travailler là-dessus, tout le monde ensemble, et là, au sujet de la religion à l'école, on essaie de faire ça dans une couple d'années. En tout cas, nous, on ne voit pas l'urgence... En tout cas, les membres ne voient pas l'urgence de précipiter une décision, et c'est de là la recommandation de prolonger la dérogation et de prendre le temps de faire les choses comme il faut pour ne pas imposer à la grandeur du Québec des solutions mur à mur qui pourraient, en tout cas dans certains milieux, n'être pratiquement pas applicables. C'est dans ce contexte-là.

M. Legault: De façon pratique, là, combien de temps vous pensez qu'on devrait se laisser? Puis quelles devraient être les prochaines étapes que vous voyez?

M. Caron (André): Bien, nous, on pense que, pour faire des choses sur le terrain, des projets qui sont significatifs, ça serait autour de trois à cinq ans. Et je pense que le Québec est capable de vivre un autre cinq ans avec le statu quo face à ce dossier-là. Nous, il ne nous est pas apparu urgent – en tout cas, les membres – qu'un virage soit fait. Et, si dans des milieux il y avait une urgence de décelée, bien, c'est peut-être ces milieux-là qu'on devrait privilégier pour faire les expériences-pilotes en premier.

M. Legault: Vous ne pensez pas que le statu quo, justement, c'est... Comme vous dites, il y a des groupes qui ont des opinions différentes, mais, même de choisir le statu quo, c'est comme de privilégier la position d'un des groupes, et vous ne pensez pas que ça serait possible de faire certains changements significatifs tout de suite – je pense, par exemple, au statut confessionnel des écoles – pour montrer une certaine ouverture, tout en continuant à avoir un enseignement religieux à l'école? Est-ce que vous ne pensez pas qu'il y aurait des gestes qu'on pourrait poser assez rapidement?

M. Caron (André): Nous, ce qu'on vous livre ce matin, Mme la Présidente, c'est le reflet du sondage. La très grande majorité nous dit: Laissez ça comme c'est là. Je voudrais bien, M. le ministre, vous dire autre chose ce matin, mais, moi, ce que les membres donnent de consultation, c'est que la très grande majorité disent: Comme ça va là, ça va bien. Bon. Peut-être qu'il y aurait lieu d'y avoir certains changements, mais là on n'a pas questionné nos commissions scolaires sur le souhaitable puis l'essentiel, puis le nécessaire, on a consulté sur les éléments qu'on avait, et la résultante de la consultation, c'est que la très grande majorité nous disent: Statu quo.

M. Legault: Mais prenons un cas concret, là. Si on a une école où la majorité des parents souhaitent garder le statut confessionnel de l'école – je parle surtout du statut confessionnel, je ne parle pas de l'enseignement religieux – disons un statut catholique, qu'est-ce que vous proposez qu'on fasse avec des parents qui seraient minoritaires, mais qui souhaiteraient une école laïque, ou une école avec aucun statut, ou ouverte sur différentes religions? Qu'est-ce qu'on fait avec ces parents-là? Est-ce qu'il n'y a pas un problème – puis je ne parle pas nécessairement des chartes – de discrimination qu'il faut quand même regarder?

M. Caron (André): Bien, moi, je pense que c'est la situation qu'on vit aujourd'hui. Il y en a des situations où il y a des parents qui ne sont pas confortables avec le statut confessionnel de l'école, et à ce moment-là, à mon avis, soit l'option de la morale ou ils ont toujours le choix, comme la Loi de l'instruction publique le permet, d'inscrire leur élève dans une autre école. Et, moi, je pense que la très grande majorité des parents, s'ils décident, dans une école, que c'est ça, il faut avoir un minimum de respect face à cette majorité-là. Et, moi, à mon avis, les cours de morale ont été introduits... Je ne prétends pas avoir une connaissance très pointue de tout le dossier, mais les cours de morale ont été introduits justement pour adresser la problématique que vous venez de soulever, qu'il y a des parents qui n'étaient pas confortables avec soit l'enseignement religieux catholique ou protestant, et ils s'en allaient avec l'enseignement moral pour avoir le minimum de valeurs à leurs jeunes.

M. Legault: Mais je comprends l'enseignement moral, de dire finalement: Un parent qui ne souhaite pas avoir un enseignement religieux catholique ou protestant pour son enfant, qu'il puisse choisir, donc, l'enseignement moral. Mais ce dont je parle, c'est du statut confessionnel de l'école. Vous dites: Si le parent n'est pas satisfait du statut confessionnel de l'école, il peut aller à une autre école. Mais qu'est-ce qu'on fait dans la situation où il n'y a pas, dans le quartier ou autour, d'écoles ouvertes, laïques ou autres que des écoles à statut confessionnel? Qu'est-ce qu'on fait, en pratique, pour respecter un minimum de règles pour ne pas être discriminatoire envers ces groupes?

M. Caron (André): Compte tenu que la question est pratique, je vais demander à M. Dolbec d'y répondre.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Dolbec.

M. Dolbec (Berthier): On a fait l'examen de beaucoup de projets éducatifs de nos écoles, puis vous savez qu'un très, très grand nombre de nos écoles détiennent un statut confessionnel actuellement, et on s'est aperçu que, dans les communautés locales, les gens sont très, très soucieux de respecter tout le monde. Bien, dans le fond, le statut confessionnel de l'école, qu'est-ce qu'il vient faire? Il ajoute au projet éducatif de l'école comme tel. Il pourrait ne pas exister, puis l'école pourrait quand même avoir des objectifs ou des valeurs reliés à la religion à l'intérieur de son projet éducatif. Mais ce dont on s'est aperçu, c'est que, quand les écoles développent leur projet éducatif – et c'est là, c'est le concret des choses, c'est les objectifs que tu te proposes pour une année, les activités que tu vas privilégier, les priorités que tu vas avoir – les écoles sont respectueuses de tout le monde. On n'a pas reçu, jamais, de plaintes de parents qui étaient liées au projet éducatif d'une école et on s'est aperçu que, même dans le programme d'animation pastorale des écoles, qui est relié à la religion catholique, le programme est adapté à l'ensemble des élèves. On ne parle plus d'un programme typiquement religieux, c'est un programme d'animation pastorale qui est basé sur le vécu des élèves, les événements qui surviennent dans la vie de l'école, dans la vie des élèves, des familles et de la communauté puis qui met en évidence les valeurs que les gens dans la communauté partagent.

M. Legault: Donc, j'essaie juste de voir, là, peut-être une question directe: Est-ce que vous pensez que, si on faisait une proposition ou on suggérait aux parents d'abolir les statuts confessionnels, mais en leur donnant des garanties concernant l'enseignement religieux, c'est possible de vendre cette idée-là à la majorité des parents, la grande majorité des parents?

M. Dolbec (Berthier): La réponse, ça serait la qualité des garanties, parce que, nous, dans notre manière de décoder les points de vue, on s'est aperçu que la motivation des parents était liée beaucoup au fait que... Est-ce qu'on nous retire l'enseignement religieux maintenant? Est-ce que c'est l'étape 1 qui précède l'étape 2? Bon, les gens nous ont révélé ça. Quand on a questionné des commissaires d'école, ils nous ont dit: C'est le langage qu'on se fait tenir tant qu'on a le statut confessionnel à l'école. Pourtant, l'enseignement religieux n'est pas lié à ça, il est lié au régime pédagogique. Mais je pense que, si on éclairait... Et, quand M. Caron vous disait tantôt: Il y a un travail de réflexion qui n'a pas eu le temps de s'approfondir, il y a eu de la documentation qu'on n'a pas pu donner aux parents à la base, il y a de ça là-dedans. Les gens se sont attachés à ça comme à une police d'assurance.

M. Legault: Parfait. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Merci, Mme la Présidente. Bienvenue, madame et messieurs. Dans votre mémoire, vous ne vous êtes pas prononcés sur la proposition du rapport Proulx à l'effet de mettre les locaux de l'école à la disposition des groupes religieux, alors j'aimerais vous entendre là-dessus. Je suppose que c'est M. Dolbec, l'aspect pratique, alors, dites-moi, est-ce que, dans un milieu rural, tout comme dans un milieu urbain, parce que... et avec les contraintes de plusieurs groupes religieux à la fois, est-ce que... Vous avez quand même une idée là-dessus. Comment ça pourrait se faire? Ou pourquoi c'est impossible?

M. Dolbec (Berthier): Le principe de mettre les locaux de l'école à la disposition de groupes religieux, c'est simple, c'est traité par la Loi sur l'instruction publique. Chacune des écoles est invitée à rendre ses équipements et ses facilités disponibles à sa communauté, ce qui veut dire tout groupe dans la communauté. C'est évident qu'on ne pourrait pas ouvrir une salle de danse, nécessairement, à but lucratif dans des locaux d'école, mais desservir sa communauté, ça veut dire répondre à une gamme, à une panoplie de besoins, puis actuellement les écoles le font. Puis, à des fins religieuses, il y a des écoles qui le font. Maintenant, là, ce qu'il faut distinguer, outre votre question, c'est à l'intérieur de l'horaire de la journée scolaire ou non. Mais, comme la consultation ne nous a pas amenés dans ce genre de terrain là... Dans le fond, c'est une question qui est fort pertinente si on envisage que l'enseignement religieux n'est plus du curriculum scolaire, mais une responsabilité dans la communauté. Comme on n'a aucune tendance exprimée de cette nature-là, donc on n'a pas abordé.

(12 heures)

On sait que c'est difficile d'organisation. Parce qu'on s'est dit, par exemple, au primaire, la gestion de l'horaire est un petit peu plus facile, on pourrait éventuellement déterminer que le vendredi – je donne un exemple tout à fait fictif – à 15 heures, le programme scolaire pourrait cesser puis il y aurait une plage de temps disponible pour des groupes religieux, pour rejoindre les jeunes. Mais c'est un scénario qui est totalement fictif puis, à l'école secondaire, ça deviendrait éminemment complexe d'introduire dans des plages qu'on réserve du temps pour que les communautés religieuses puissent rejoindre les élèves. Ça deviendrait très complexe à cause des structures de calendrier des écoles secondaires et des structures d'horaire. Puis du transport scolaire.

Mme Charest: Mais vos commissions scolaires ne se sont pas prononcées de toute façon sur ce sujet.

M. Dolbec (Berthier): Non.

Mme Charest: Vous ne vous êtes pas prononcés non plus sur l'abolition, oui ou non, du comité catholique et du comité protestant et les postes de sous-ministres comme tels. On a entendu plusieurs groupes venir nous dire qu'il fallait les abolir, d'autres nous ont dit que non, qu'il fallait les maintenir, qu'il fallait même prévoir un élargissement, genre comités aviseurs pour lesquels on devrait inclure d'autres communautés religieuses pas seulement protestantes et catholiques, mais peut-être musulmane, bouddhiste, enfin, les principales religions. J'aimerais quand même vous entendre là-dessus. La Fédération, quand même, elle consulte ses membres – ça, c'est une chose – elle a une opinion aussi par rapport au dossier, alors, ça serait quoi?

M. Caron (André): Je vais demander à M. Pleau de vous adresser la réponse.

M. Pleau (Robert): Oui.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Pleau.

M. Pleau (Robert): Concernant la consultation. La consultation n'a pas porté sur ce genre de question, elle a été centrée vraiment sur les cinq grandes orientations du rapport Proulx. Par ailleurs, au niveau de la structure gouvernementale, l'approche, en tout cas, qu'on peut avoir puis qui a été discutée à l'interne, bon, je pense qu'il y en a plusieurs qui l'ont dit, que la structure gouvernementale pourrait être différente, même dans le contexte actuel, et l'approche qui a été développée ou avancée par Me Garant, c'est une approche qu'on trouve intéressante, bien qu'elle n'ait pas fait l'objet de réflexion entre les membres, là. C'est une approche qui apparait intéressante.

Par ailleurs, on ne verrait pas nécessairement que l'organisme qu'il préconisait, qui relèverait ou qui se rapporterait directement à l'Assemblée nationale... on pense plutôt de ce genre d'organisme-là, si c'était mis en place, ça devrait plutôt se rapporter au ministre de l'Éducation, étant donné toutes les responsabilités du ministre de l'Éducation eu égard à l'enseignement puis à l'élaboration des programmes d'enseignement religieux.

Donc, s'il y a une ouverture à d'autres religions et qu'il y a un genre de structure qui se met en place, je pense que le ministre de l'Éducation a un rôle majeur qu'il continue à jouer, là.

Mme Charest: Et je vois que vous n'êtes pas d'accord avec le fait d'instaurer un enseignement culturel des religions obligatoire pour tous. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Caron (André): On n'a pas décodé... En tout cas, ce que les membres exprimaient, c'est qu'ils auraient aimé avoir des exemples avec des choses très concrètes qu'ils auraient pu voir sur leur terrain. En l'absence de ça, ils ont dit: Bon, bien, pour nous autres, là, on aimerait avoir des choses, des projets. Et c'est dans ce sens-là qu'on est venu accrocher notre recommandation de faire les projets-pilotes et voir vraiment les conséquences.

Mme Charest: Vos réponses m'amènent à vous demander comment s'est effectuée votre consultation. Est-ce que c'est l'envoi du rapport Proulx dans chacune des commissions scolaires? Puis à partir de ça, est-ce qu'il y a eu des ressources humaines pour expliquer le rapport? Comme ça s'est fait, la consultation sur le rapport, parce que ça m'apparait quand même très divisé? Et je ne pense pas que ça reflète strictement la situation du Québec. Je ne nie pas que la situation est différente d'une région à l'autre. Moi, je viens du Bas-Saint-Laurent, ce n'est pas la même chose qu'à Montréal, on le sait très bien en partant. Mais il me semble qu'il y a d'autres choses. J'essaie de voir: Est-ce que c'est le type de consultation qui vous amène à avoir un mémoire très fragmenté en termes d'opinion?

M. Caron (André): M. Pleau était vraiment le responsable de la...

Mme Charest: Et ce n'est pas un reproche, c'est juste pour mieux comprendre le type de réponses que vous avez pu apporter. Oui?

M. Pleau (Robert): Le mode de consultation qui a été utilisé, en fait, c'est que les présidents des commissions scolaires avaient convenu de faire une consultation mais qu'il appartenait à chacune des commissions scolaires de structurer et de consulter, d'établir les modalités de consultation. Il y a eu un document de préparé par la Fédération, qui a été remis aux commissions scolaires purement à titre consultatif. Les commissions scolaires pouvaient l'utiliser intégralement ou utiliser une autre formule, c'était au choix, selon l'autonomie des commissions scolaires. Et un bon nombre de commissions scolaires ont consulté les parents, les conseils d'établissement, d'autres y sont allées avec des questionnaires qu'elles ont envoyés par la poste. Donc, il n'y a pas eu une forme unique de consultation, ça a été multiple.

Mme Charest: Oui. C'est ça, je vois qu'il n'y avait pas de cadre de consultation uniforme pour l'ensemble des commissions scolaires.

M. Pleau (Robert): Non.

Mme Charest: O.K. Merci.

M. Caron (André): Peut-être tout simplement pour ajouter en complément de réponse, c'est qu'il faut comprendre que les membres de la Fédération, ce sont les commissions scolaires. Et nous, on consulte les commissions scolaires ou les conseils de commissaires. Les outils qu'eux se donnent, ils leur sont propres. On a fourni des exemples mais on ne pouvait pas imposer un mode de consultation sur leur terrain à eux.

Mme Charest: O.K. C'est correct. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va? M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, Mme la Présidente. M. Caron, M. Pleau, M. Dolbec et Mme Beaudry-Roberge, bienvenue et merci de votre présence ici. Vous excuserez notre retard, on a dû rectifier certains faits que le ministre avait avancés. Mais je tiens à vous assurer que le mémoire que vous présentez non seulement est extrêmement important, mais est aussi important parce que, dans le fond, la réforme, quelle qu'elle soit, c'est vous qui allez devoir l'appliquer et c'est vous qui allez vivre avec ce qui va se passer au cours des prochains mois et peut-être pour longtemps par la suite.

Un des premiers poins que je vais voir avec vous est relatif à ce que vous mentionnez à la page 8, quand vous mentionnez que le choix majoritaire des parents doit primer sur le respect absolu des droits et libertés de la personne. Dans cet esprit-là, effectivement hier, avant-hier, M. Lucier, qui est venu, l'ancien sous-ministre de l'Éducation qui est venu, nous disait que, dans le fond, le système actuel, la loi actuelle permettrait de garder l'enseignement religieux comme on l'a et permettrait aussi d'avoir une certaine ouverture là ou il y a des demandes.

Est-ce que, pour votre période de transition et pour la mise en place, ce ne serait pas, je dirais, comme on le mentionnait, un peu de pédagogie à faire, de dire que pour ceux qui veulent ouvrir à d'autres religions et tenter certaines expériences, les outils sont déjà là? Est-ce que ce n'est pas le premier constat qu'on devrait faire dans le cas de votre proposition?

M. Caron (André): Et c'est pour ça d'ailleurs qu'on propose des projets-pilotes, pour pouvoir...

M. Béchard: Dans le cadre de la loi actuelle et des articles actuels...

M. Caron (André): Exactement.

M. Béchard: ...qui ne demanderaient aucune modification législative immédiatement. La seule chose qu'ils demanderaient à ce moment-là, c'est la reconduction des clauses dérogatoires.

M. Caron (André): Exactement.

M. Béchard: O.K.

M. Caron (André): Pour pouvoir faire une analyse approfondie puis une étude, disons, vraiment de terrain et non théorique.

M. Béchard: Et on mentionnait dans cette approche-là qu'on conservait les droits et que, je dirais, l'extension, la mise en place de nouveaux cours avec la loi actuelle ne permettrait pas de reconnaître nécessairement de nouveaux droits. Et le fait qu'après ça on soit pris avec des droits acquis, les gens disent... Est-ce que cette approche-là, pour vous, c'est plausible, c'est correct, ce serait la meilleure des solutions à avoir immédiatement?

M. Caron (André): Pour nous autres, c'est tout à fait plausible. Dans le fond, c'est comme, si on pouvait l'exprimer ainsi, un statu quo amélioré.

M. Béchard: Un statu quo qui bouge. Ha, ha, ha! Je vous mentionnerais, même si on y va de cette façon-là, toute la question de l'élaboration des nouveaux programmes, des nouveaux outils, le comment, le par qui et tout ça. Il y a le Conseil supérieur de l'éducation, le comité catholique, qui nous proposait de faire en sorte, avant de mettre en place le nouveau programme, finalement avant de répondre aux demandes des parents, que ce devrait être les différentes confessions religieuses elles-mêmes qui pourraient faire la demande au ministère de l'Éducation, et que le ministère, avec certains critères, le nombre, le type de religion et tout ça, pourrait reconnaître ces cours-là avant finalement, pour ne pas faire en sorte que les commissions scolaires soient prises à faire elles-mêmes...

M. Caron (André): L'arbitrage.

M. Béchard: ...les programmes et à décider en bout de ligne. Par contre, hier, on a eu une autre approche qui nous disait: Bien, écoutez, il faudrait être capable, au niveau local, même au niveau des conseils d'établissement, que ce soit les gens qui sont là qui développent eux-mêmes des programmes qui correspondent aux besoins de leur milieu. J'aimerais savoir laquelle des deux approches pour vous pourrait être la plus plausible et la plus réalisable dans le cadre de vos projets-pilotes. Parce que, même si on dit qu'on y va à la pièce, il faut quand même avoir un départ de programme quelque part.

M. Caron (André): Il faut qu'il y ait un rendement quelque part. M. Dolbec.

(12 h 10)

M. Dolbec (Berthier): La logique est: Tant que l'enseignement religieux fait partie du curriculum scolaire, il est de la compétence du ministre de l'Éducation d'adopter les programmes d'études. Si on se place dans une période expérimentale de transition, l'idée qu'un groupe religieux pourrait développer une hypothèse de programme, éventuellement voir à l'expérimenter, il faudrait que ce soit sous la responsabilité du ministre de l'Éducation. Ça voudrait dire qu'il va falloir que le ministre de l'Éducation puisse examiner la pertinence du projet, la conformité avec d'autres enseignements, parce qu'on est dans une réforme de l'éducation.

L'hypothèse d'expérience locale – projets développés localement – est aussi pertinente, et aussi en tenant compte du fait que le ministre est constamment responsable du curriculum scolaire. Si éventuellement on décidait d'avoir deux, trois ans d'expériences-pilotes, il faudrait que ce soit guidé par le ministre de l'Éducation.

M. Béchard: Il y a un endroit dans votre mémoire où vous mentionnez que la tolérance... J'essaie de le retrouver. Une de vos inquiétudes concernant l'ouverture de l'école à d'autres religions, à la page 15, c'est: les «conséquences qu'une telle approche est susceptible d'engendrer telles que des tensions ou des conflits entre les élèves en lien avec la présence de plusieurs mouvements religieux de différentes tendances sous un même toit». Et vous mentionnez: «L'histoire du monde nous enseigne à cet égard que la tolérance n'est pas la vertu première des religions et qu'il en faudra une bonne dose aux diverses religions pour être capables de cohabiter.»

C'est finalement un des grands enjeux. Il y a deux grandes écoles de pensée. C'est-à-dire que soit on met en place une possibilité d'ouverture et on est conscient et on est confiant que les jeunes pourront vivre ensemble... Il y a même des gens qui nous disaient aller à leur cours de religion, de différentes confessionnalités, et jouer quand même au ballon dans la cour de l'école après. Puis il y a l'autre tendance qui dit: Non, on ne doit pas mélanger du tout.

Selon vous, cette déclaration que vous faites face à la tolérance comme telle, est-ce que c'est à ce point important et à ce point dangereux par rapport à ce que vous vivez actuellement? Parce qu'il y a des commissions scolaires, comme vous le mentionnez, M. Caron, qui ont déjà différentes religions au sein même de leur école. Est-ce que vous pensez que le fait d'avoir une heure ou deux par semaine d'enseignement religieux comme tel pourrait enlever la tolérance qu'on a actuellement, la diminuer ou l'augmenter?

M. Caron (André): Dans le fond, c'est un élément de prudence qu'on signale là. Parce que l'actualité nous démontre – puis c'est dans d'autres pays, fort heureusement – qu'il y a des conflits majeurs. Et il y en a qui perdurent depuis des années et des années, des décennies. Donc, on ne prétend pas, nous... Ce n'est pas parce qu'on s'appelle Québécois qu'on est à l'abri de ces affaires-là. Donc, dans ce contexte-là et avec les exemples qu'on a au niveau international, on se dit: Soyons prudents, si on le fait, pour ne pas justement inciter ou mettre des gens en situation, qui à ce moment-là vont être obligés de gérer la crise. D'ailleurs, on en a vu, je pense, certaines crises dans les dernières années, au Québec, justement reliées là-dessus, les droits de porter ci puis de porter ça. Donc, c'est un élément de prudence qu'on introduit dans le mémoire, tout simplement. On ne prétend pas qu'on possède la vérité. Mais ça se fait ailleurs; il faut y penser avant d'arriver là.

M. Béchard: Ce que j'aimerais savoir de vous, c'est l'impact que vous croyez du cours de religion comme tel. Parce qu'il y a des gens qui disent aussi: Il ne faut pas en faire non plus tout un plat, c'est deux heures par semaine. Et quand on parle d'écoles publiques ouvertes laïques sans projet particulier d'enseignement uniquement sur les questions religieuses, il y a des gens qui disent: Peut-être qu'on a tendance à exagérer l'impact que ça peut avoir. Moi, ce que j'aimerais savoir de vous, c'est: Est-ce que vous pensez que le fait de faire de l'enseignement multiconfessionnel aurait un impact positif ou négatif sur cette tolérance-là, cet apprentissage-là de la diversité?

M. Caron (André): Moi, à mon avis, ce n'est pas nécessairement dans le deux heures de l'enseignement de la religion que le problème va surgir, c'est justement à l'extérieur de ce deux heures-là parce que les gens vont s'identifier. Vous savez comment des jeunes ça peut être, hein? Juste de ne pas porter la même couleur de calotte que les autres, ils se marginalisent. Donc, à ce moment-là, on peut penser qu'au niveau de la religion il risque d'y avoir des intolérances qu'on aurait, dans le fond, par notre décision, mises en place. C'est pour ça qu'on invite à une prudence de ce côté-là.

M. Béchard: Votre dernière recommandation traite qu'il faudra garantir la disposition des ressources humaines, matérielles et financières. Il y a des gens qui sont venus ici, qui nous ont dit qu'au niveau, entre autres, des ressources humaines présentement il y avait certains problèmes qui étaient soulevés parce que souvent les enseignants, on disait que 20 % à 25 % ne se sentent pas à l'aise de faire de l'enseignement religieux. Il y a même 5 % qui demandent carrément une dérogation pour ne pas procéder à l'enseignement religieux. Est-ce que vous pensez qu'au-delà des ressources financières ou même matérielles, au niveau des ressources humaines, est-ce qu'on peut penser à un système quelconque, que ce soit des spécialistes ou autres, pour arriver à avoir des gens qui veulent et qui peuvent faire de l'enseignement religieux et que ça ne devienne pas uniquement un cours pour compléter une tâche? Et est-ce que vous pensez que les prérequis actuels sont suffisants, doivent être améliorés ou on doit changer au niveau de la formation des maîtres?

M. Caron (André): Les échos que j'ai à ce moment-ci du milieu, il ne m'apparaît pas qu'il y ait des problèmes majeurs. Je comprends, oui, vous notez certains pourcentages de gens qui ne veulent pas. Bon. On entend ça. Mais très globalement, en tout cas, à mes oreilles, moi, il n'y a pas de problème majeur dans les écoles ni dans les commissions scolaires. Et les gens semblent avoir trouvé un genre de modus vivendi, puis là ça fonctionne, puis il n'y a pas de conflit. Donc, si, par contre, on amène une pléiade de religions dans les écoles, ou de l'enseignement, bien là disons qu'on risque de multiplier la problématique.

M. Béchard: Sur les clauses dérogatoires, on a présentement un système qui est en place pour deux ans avec les clauses. Vous mentionnez qu'il faut extensionner pour une autre période d'autres études. Et c'est un peu finalement ce que vous dites: On ne peut pas se baser uniquement sur le rapport Proulx pour aller de l'avant, il faut aussi voir quelles sont les autres alternatives. Dans ce type d'étude – il y a certaines critiques qui ont été faites, par exemple, sur la composition du groupe qui a étudié la question de la religion à l'école, sur le type de consultations qui ont été faites – comment on peut arriver à avoir vraiment une approche d'étude, je dirais, neutre, ouverte? Est-ce qu'il faut consulter tout le monde?

Parce que vous êtes conscients, je pense, comme nous, que peu importe qui fera l'étude, peu importe comment sera composé le groupe et quelle sera la méthode, il y aura toujours en bout de ligne des gens pour dire: Non, ce n'était pas neutre. Comment on peut arriver là à vraiment mettre en place un système de consultation et d'étude de ces questions-là qui respecte, je dirais, les choix et l'avis des parents, qui respecte d'abord et avant tout les enfants et qui respecte l'évolution de la société québécoise? Parce que je pense que, dans votre proposition, c'est la prudence. Il faut étudier la question. Moi, je me dis: Même si on étudie la question, comment on peut s'assurer que ces études-là soient neutres, crédibles et acceptées par la plus grande majorité possible de gens au Québec?

M. Caron (André): C'est pour ça qu'on jumelle deux choses: et les études et les projets-pilotes. Et M. Dolbec, je sens qu'il est capable de nous donner un exemple.

M. Dolbec (Berthier): Il y a deux, trois éléments qui sont vraiment majeurs puis on pourrait... Si on attendait en ne touchant pas à ça, on serait au même point. C'est quoi un enseignement culturel des religions satisfaisant? C'est quelque chose qui est théorique. Puis, si on veut amener les parents à choisir une option différente, il faut les amener à avoir une connaissance plus réelle, plus pratique de ce qu'on leur offre à la place. Actuellement, c'est une chose qui est théorique, ils ne peuvent pas apprécier la chose. L'autre élément, l'animation religieuse non confessionnelle à l'école, ça aussi, c'est comme trop théorique, c'est trop abstrait actuellement. Si on avait des expériences de réalisées et documentées, que les gens puissent avoir une idée plus concrète de ce qu'on leur offre comme services à la place de ce qu'on veut remplacer, ça serait éminemment plus facile. On aurait probablement beaucoup plus de facilité à faire cheminer les gens.

M. Béchard: Merci. Moi, ça va aller, Mme la Présidente. Mes collègues avaient des questions.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Madame, messieurs, bonjour. Moi, je voudrais vous ramener aux statistiques que vous avez mises en annexe de votre mémoire, que je trouve infiniment révélatrices de notre société, des parents et des enfants. Vous avez, entre autres, à la première page, la répartition selon la religion déclarée, puis c'est par ordre décroissant du pourcentage du nombre d'élèves catholiques. Et le fort pourcentage, le très, très fort pourcentage de parents qui se déclarent catholiques, c'est quand même assez important là. Ça, c'est un premier commentaire.

(12 h 20)

Je voulais vous dire aussi que, quand on regarde la façon dont votre consultation a été menée, je suis restée un peu sur mon appétit quant aux 13 commissions scolaires qui ont choisi une autre forme de consultation que celle de l'envoi d'un questionnaire. Est-ce que vous avez des échos finalement de ce type de consultation qui a été faite et puis quelles auraient pu être les réponses des parents ou les recommandations que les parents auraient faites? Je trouve ça très difficile pour vous évidemment aujourd'hui parce que finalement c'est vrai que c'est un rapport qui nous laisse en attente de solutions ou de propositions. Parce qu'on est ici finalement, tout le monde, pour la même chose: essayer de voir de quelle façon on va vivre avec les réalités d'aujourd'hui.

J'ai aussi une question – c'est un peu pêle-mêle – j'aimerais savoir quel a été le taux de retour des questionnaires. Moi, j'ai vu le questionnaire qui a été envoyé, entre autres, dans ma commission scolaire. Est-ce que c'est un retour dont le pourcentage est assez élevé ou est-ce que c'est moyen? Parce que ça peut nous aider, en tout cas, dans notre démarche de réflexion, quant à savoir: Si on a 99 % – puis je prends un exemple – de parents d'élèves qui sont de confession catholique dans une école mais que finalement il y a peut-être huit parents qui ont répondu au questionnaire, bien, là, à un moment donné, pour se faire une idée, il y a comme un problème, là. Alors, ça, pour moi, c'est important.

Parce qu'on sait que c'est difficile dans une société de perdre quelque chose à quoi on a toujours tenu, puis je pense qu'au Québec ça se reflète peut-être davantage. Alors, c'est sûr que d'avoir des écoles qui sont de confessionnalité catholique – en tout cas, je vais parler pour l'ensemble des écoles, ici, dans ma région – puis, du jour au lendemain, dire aux parents: Vous allez perdre ça... On leur explique qu'on est passé des commissions scolaires confessionnelles à des commissions scolaires linguistiques, ils l'ont peut-être vu passer, mais ça, ils vont voir passer ça pas mal plus, là. Bon.

Alors, je voulais savoir quel était le taux de participation, puis je voulais aussi vous demander, M. Caron – ou peut-être que c'est M. Dolbec – concernant la grille-matière et la possibilité d'enseigner, bon, la culture des religions par rapport à l'enseignement religieux, vous avez dit tout à l'heure que le statut confessionnel – en tout cas, à moins que je vous aie mal compris – c'était une chose, évidemment, l'enseignement religieux, c'en est une autre, puis qu'on pouvait avoir l'un sans avoir le statut confessionnel. Je ne sais pas si je vous ai bien compris, là. Si c'est ce que vous avez dit, l'enseignement religieux, à ce moment-là, à l'intérieur du curriculum, est-ce qu'on doit considérer qu'il est sur le même pied qu'un cours de géographie ou un cours de mathématique ou bien est-ce qu'on doit vraiment, pour revenir à ce dont vous parliez tout à l'heure, la transmission des valeurs...

Je voudrais reprendre exactement ce que vous avez dit, que c'était un principe, en fait, dont il fallait absolument tenir compte: «C'est l'absolue nécessité de garantir le maintien de la transmission des valeurs spirituelles, humaines et patrimoniales à tous les élèves et à tous les niveaux.» Ça, moi, je pense que c'est le coeur de ce dont vous avez parlé ce matin. Est-ce que ça doit être considéré comme une autre matière, au même titre que les autres?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Caron.

M. Caron (André): Bon, on aurait bien aimé, nous autres aussi, avoir une position commune et très forte, à 100 % de nos commissions scolaires et des parents qui sont là, qui nous arrivent avec une position. O.K., on aurait bien aimé ça pour donner le meilleur éclairage possible à cette commission parlementaire. Malheureusement, on a dû baisser pavillon là-dessus.

Sur le taux de pourcentage, 80 % de nos commissions scolaires ont répondu au sondage, avec leur méthode à elles, bien sûr, parce qu'on avait respecté leur autonomie. Mais je pense que c'était quand même un taux significatif de réponse. Dans les délais qu'on avait, même s'ils ont été prolongés, avec les outils qu'on avait, pour nous, la consultation, c'est très satisfaisant. Le résultat n'est peut-être pas aussi satisfaisant qu'on aurait voulu, mais le taux de participation est excellent.

Sur la deuxième, vous avez raison – juste avant de passer la parole à M. Dolbec – les parents, dans le fond, c'est une police d'assurance – ça a été dit tantôt. C'est quelque chose de connu versus quelque chose qui est théorique. Donc, ils s'en vont sur la police d'assurance, c'est bien évident. M. Dolbec.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Dolbec.

M. Dolbec (Berthier): Il reste que, si vous me permettez, sur les grandes positions sur lesquelles il y avait consultation, c'est les deux tiers des réponses exprimées qui sont ensemble. Ce n'est pas si éparpillé que ça, là. Tu as les deux tiers – tu as un os, là – des gens qui ont dit: Nous, on veut le maintien de l'enseignement religieux, on veut le maintien du statut confessionnel des écoles, de l'animation pastorale ou religieuse. C'est quand même significatif, là.

Je dois ajouter également qu'il y a eu un débat au conseil général de la Fédération, les 60 présidents de commissions scolaires ont débattu de l'approche, de la consultation, des tendances, se sont influencés sur la manière d'opérer chez eux, puis quand on vous dit qu'il y a eu de la disparité, ce n'est pas un phénomène négatif. Si quatre, cinq commissions scolaires ont réalisé un sondage systématique auprès de tous les citoyens desservis par la commission scolaire, c'est très exigeant de faire ça. Quatre, cinq commissions scolaires ont été jusque là. C'est énorme. D'autres ont pris en compte le point de vue de tous les conseils d'établissement et du comité de parents, du conseil des commissaires et en assemblée publique. D'autres ont tenu des assemblées délibérantes là-dessus.

La dernière chose que je voulais vous dire...

La Présidente (Mme Bélanger): En conclusion.

M. Dolbec (Berthier): Oui. Les commissions scolaires disent que, pour la période actuelle, l'enseignement religieux, ça doit rester dans le curriculum, donc c'est une matière scolaire.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, merci, M. Dolbec, M. Pleau, Mme Beaudry-Roberge et M. Caron de votre participation.

Nous allons suspendre 30 secondes.

(Suspension de la séance à 12 h 26)

(Reprise à 12 h 27)

La Présidente (Mme Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît!

Bienvenue à la table, Mme Séguin et M. Choquette. Je vous demanderais de vous présenter...


Association des commissions scolaires anglophones du Québec (ACSAQ)

Mme Ratcliffe (Diane): Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Bélanger): ...et de présenter la personne qui vous accompagne.

Mme Ratcliffe (Diane) : Merci, Mme la Présidente. M. le ministre...

La Présidente (Mme Bélanger): Un instant.

Mme Ratcliffe (Diane): Ah!

M. Béchard: Mme la Présidente, étant donné qu'il reste une demi-heure, est-ce qu'on pourrait avoir le consentement pour poursuivre après 13 heures pour laisser le temps à la Fédération...

La Présidente (Mme Bélanger): Bien, ça, habituellement, on le demande à 13 heures.

M. Béchard: Oui, mais juste pour voir, parce que, si on ne l'a pas, il va falloir réduire dans la présentation pour avoir un temps de questions après, là. C'est pour ça.

La Présidente (Mme Bélanger): Oui. Bon. Là, naturellement, on devait commencer à 11 heures, on a commencé à 11 h 30, ce qui veut dire que nous avons une demi-heure de retard. Alors, ce que le porte-parole dit, c'est qu'il y aura consentement à 13 heures pour poursuivre un 15 minutes de plus. Si c'est possible de résumer votre mémoire, au lieu de prendre 20 minutes, prendre un petit 15 minutes, puis un 15 minutes de questionnement de chacun des côtés, bien là, ça... Parce qu'il y a des gens qui ont un caucus puis il y a d'autres activités qui sont en cours.

Mme Ratcliffe (Diane): On fera notre possible.

La Présidente (Mme Bélanger): On vous remercie.

Mme Ratcliffe (Diane): Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, Mmes et MM. les députés, mon nom est Diane Ratcliffe et je suis présidente de l'Association des commissions scolaires anglophones du Québec. Je suis accompagnée du directeur général de l'Association, M. Jeff Polenz. Nous vous remercions de nous recevoir ce midi à l'occasion de cette commission parlementaire de l'éducation sur la place de la religion à l'école.

L'Association existe depuis 1929 et a évolué au cours des années avec les législations dans le domaine de l'éducation. Historiquement, l'Association regroupait les commissions scolaires protestantes, mais, depuis l'avènement des commissions scolaires linguistiques, nous nous sommes déconfessionnalisés. Aujourd'hui, nous regroupons les neuf commissions scolaires anglophones du Québec, ce qui représente 182 commissaires d'école provenant de partout au Québec, desservant une population de plus de 108 000 élèves. Vous comprendrez donc que nous suivions toute nouvelle réforme du système scolaire avec le plus grand intérêt.

(12 h 30)

Le document que nous venons commenter aujourd'hui, intitulé Laïcité et religions: perspective nouvelle pour l'école québécoise , ou plus communément nommé le rapport Proulx, représente une étape importante dans le contexte de la réforme scolaire au Québec. Au cours des quatre dernières années, ce contexte a été marqué par un grand nombre de délibérations, de consultations et de législations modifiant considérablement le système de l'enseignement public de cette province. C'est dans ce climat de changements profonds que nous venons vous soumettre notre avis. Nous allons d'abord tenter de vous brosser une image du contexte tel que nous le vivons, nous ferons par la suite un certain nombre de commentaires et nous conclurons par les recommandations que nous transmettons à cette commission.

L'Association demande aux membres de cette commission de reconnaître que la question de la place de la religion à l'école devrait être examinée dans le contexte des réformes scolaires présentes et futures. Toutefois, il faut admettre que le système scolaire a déjà fait face, au cours de ces dernières années, à des changements intenses et de grande portée, si importants que, de l'aveu de bon nombre de personnes, ils sont sans précédent depuis le début des années soixante.

Le remplacement des 158 commissions scolaires confessionnelles par 69 commissions scolaires linguistiques fut, sur le plan politique et opérationnel, une grande entreprise. La volonté politique de structurer les commissions scolaires en fonction du critère linguistique a été facilitée par le vaste consensus des Québécoises et Québécois et, après de longs débats publics, le temps était venu de commencer à déconfessionnaliser le système scolaire de notre province.

Pour la communauté anglophone, la création de commissions scolaires linguistiques a permis la consolidation d'écoles et de services anglophones sous la responsabilité d'une nouvelle structure imputable à l'ensemble de la communauté sans égard à l'appartenance religieuse. Toutefois, si la déconfessionnalisation des structures des commissions scolaires a eu l'aval du public, on ne peut en dire autant de celle des écoles et de l'abolition de l'enseignement religieux dans le cadre du programme d'études. D'ailleurs, le gouvernement a reconnu, en 1996, que la déconfessionnalisation radicale du système éducatif public n'était pas possible, et ce, malgré la recommandation de la Commission des états généraux. Nous n'avons pas besoin de décrire ici tous les événements qui suivaient cette recommandation, mais souvenons-nous simplement que les droits et privilèges des écoles confessionnelles n'étaient pas en jeu lors du remplacement des commissions scolaires confessionnelles par des commissions scolaires linguistiques. D'ailleurs, il avait même été confirmé que le statut confessionnel de toute école publique et le droit des parents de choisir entre l'enseignement religieux catholique ou protestant et l'enseignement moral seraient maintenus dans les lois du Québec en attendant l'analyse du groupe de travail présidé par M. Proulx.

Pour de nombreux parents, citoyennes et citoyens de la communauté anglophone, on y voyait un type de compromis. En échange de la déconfessionnalisation des commissions scolaires, les écoles maintiendraient leur statut confessionnel et les parents conserveraient leur droit de choisir entre l'enseignement confessionnel ou non dans le cadre du programme d'études. Cette perception de compromis fut renforcée par l'adoption de la loi n° 180 par l'Assemblée nationale où l'on enchâssait les dispositions permettant aux parents de choisir.

Pour la majorité au sein des groupes consultés par l'Association lors de la préparation du mémoire, le principe du choix des parents à l'égard de l'enseignement confessionnel ou non est très important. Selon un grand nombre de parents du réseau scolaire anglophone, remplacer les choix actuels par un cours obligatoire portant sur une perspective culturelle des religions basée sur des valeurs neutralistes constitue une rupture radicale et peu justifiée avec le rôle traditionnel que l'école a joué dans la promotion des valeurs morales et spirituelles auprès des élèves.

Pour plusieurs, un climat de stabilité à l'égard de l'enseignement religieux à l'école et du choix des parents avait clairement été établi pendant le processus menant à la mise en place des commissions scolaires linguistiques. Nous croyons qu'il est essentiel que les membres de la commission de l'éducation saisissent ce contexte pour bien comprendre les commentaires qui suivent.

Il est évident que, parmi les membres de l'Association, on retrouve plusieurs points de vue différents. En effet, la communauté desservie par les commissions scolaires anglophones est très diversifiée et donne donc lieu à une grande diversité d'opinions. Toutefois, il n'y a pas de large consensus parmi nos commissions scolaires soutenant une rupture radicale avec le statu quo. Ainsi, compte tenu de la diversité à laquelle nos relativement nouvelles commissions scolaires linguistiques doivent faire face ainsi qu'à des nombreux défis concernant l'implantation de toute une série de réformes scolaires, il faut donc leur donner la marge de manoeuvre et le temps nécessaires pour s'adapter aux nombreux changements. Introduire une autre réforme radicale à l'heure actuelle pourrait nuire à la création des communautés scolaires cohésives au sein de nos commissions scolaires.

Il est clair que le groupe de travail présidé par M. Proulx était préoccupé par de nombreuses questions juridiques se rapportant à la Charte des droits et libertés de la personne du Québec et la Charte canadienne des droits et libertés. Au coeur même de cette préoccupation, s'inscrit le fait que le gouvernement du Québec doit recourir à la clause «nonobstant» de la Charte canadienne des droits et libertés afin de protéger juridiquement les dispositions de la Loi sur l'instruction publique pour que celles-ci ne soient pas contestées sur une base de liberté de conscience et de religion ou encore de principe d'égalité de toutes et de tous comme le garantissent les deux chartes.

Bien que nous ne voulions pas entamer un débat sur les aspects juridiques et politiques de l'utilisation de la clause «nonobstant», il faut tout de même faire deux commentaires. D'abord, le fait que la Charte canadienne contienne une disposition permettant au gouvernement d'imposer des contraintes raisonnables à la liberté de religion indique clairement que ces droits ne sont pas absolus et que le législateur peut, en faisant preuve de discernement, décider de procéder à des accommodements raisonnables pour les citoyennes et citoyens qui pourraient être soumis à des pratiques discriminatoires. De plus, rappelons que la Loi sur l'instruction publique accorde aux parents le droit de choisir entre l'enseignement catholique, protestant ou moral, sans égard au statut confessionnel de l'école. Ajoutons qu'une commission scolaire peut aussi, à la demande d'un conseil d'établissement, organiser l'enseignement moral et religieux d'une confession autre que catholique ou protestante. Il faut également souligner que le gouvernement autorise et soutient un réseau d'écoles privées qui fondent leur mission sur la confession et offrent une autre alternative à certains parents.

La deuxième remarque porte sur la recommandation du groupe de travail concernant un cours obligatoire de culture religieuse pour remplacer les options offertes à l'heure actuelle. Selon eux, le cours serait neutre sur le plan confessionnel et respecterait le principe d'égalité de toutes et de tous. Toutefois, si, dans l'organisation de ce nouveau cours, certains groupes religieux s'opposent à la façon dont ils sont traités, le gouvernement pourrait se voir obligé de recourir, encore une fois, à la clause «nonobstant» pour protéger juridiquement ce nouveau cours.

Bien que des juristes puissent s'interroger sur les avantages et les inconvénients du modèle actuel d'un point de vue juridique, nous croyons que la grande majorité des parents et intervenants de la communauté scolaire anglophone ne partagent pas cette préoccupation. Les préoccupations de notre association en tant que représentante de commissions scolaires sont fondées sur quelques considérations pratiques que nous abordons maintenant avec vous.

Nous trouvons donc que la situation actuelle ne nous permet pas de favoriser un réaménagement radical à court terme, tel que suggéré par le rapport Proulx. Toutefois, il y a un certain nombre de commentaires et de recommandations que nous pouvons partager avec vous concernant le modèle actuel.

D'abord, les commissions scolaires sont obligées d'assurer, par l'article 225 de la Loi sur l'instruction publique, que des ressources humaines et matérielles nécessaires soient disponibles. Or, à ce jour, les montants disponibles sont largement insuffisants. Si les législateurs confèrent des responsabilités aux commissions scolaires, ils doivent s'assurer que les fonds nécessaires soient disponibles.

(12 h 40)

Deuxièmement, le temps actuellement alloué aux programmes en vigueur, confessionnels ou non, déjà prescrit dans le régime pédagogique, n'a pas fait l'objet de longs débats. Au primaire, les autres matières obligatoires peuvent voir leur temps réaménagé, pourvu que les objectifs du programme soient atteints. Puisque la refonte du curriculum vise, entre autres, à introduire une flexibilité accrue, il serait important de faire ici un examen de plus, en profondeur, du temps prescrit à l'enseignement religieux et moral.

Troisièmement, il serait opportun d'explorer la possibilité d'introduire dans le nouveau programme d'études centré sur la citoyenneté certains des objectifs du rapport se rapportant à la sensibilisation des élèves aux différentes valeurs religieuses. Un tel module pourrait s'avérer particulièrement intéressant au secondaire où les élèves ont atteint un certain niveau de maturité.

Ainsi, en guise de conclusion, nous vous soumettons les recommandations suivantes:

Que le législateur reconnaisse la réalité des points de vue diversifiés au sein de la société québécoise et n'apporte à l'heure actuelle aucun changement radical à l'approche actuelle relative à la place de la religion à l'école;

Que, en ce qui concerne le statut confessionnel, le législateur respecte et maintienne les dispositions actuelles de la Loi sur l'instruction publique prévoyant une révision obligatoire au plus tard en 2001;

Que le législateur respecte le principe que les obligations imposées par la loi aux commissions scolaires à l'égard de l'enseignement religieux et moral dispensé soient subventionnées totalement par l'État;

Que le ministre de l'Éducation étudie, dans le cadre de la refonte du curriculum, le temps prescrit à l'enseignement religieux et moral;

Que le législateur donne aux commissions scolaires la marge de manoeuvre juridique nécessaire pour procéder aux accommodements raisonnables afin de s'acquitter de leurs obligations prescrites par la Loi sur l'instruction publique. Merci de votre attention.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme Ratcliffe. Alors, M. le ministre.

M. Legault: Oui. D'abord, Mme Ratcliffe et M. Polenz, merci d'être ici aujourd'hui, merci pour votre mémoire. Vous nous parlez de changements. Effectivement, comme je l'ai dit tantôt à M. Caron – je pense que ça s'applique bien sûr à vous aussi puis sur des plus grands territoires – il y a eu des changements importants à mettre en place au cours des dernières années, qui sont encore en train d'être mis en place dans vos neuf grandes commissions scolaires qui ont des grands territoires. Aussi, vous êtes sûrement au courant, vous avez sûrement remarqué que, dans la communauté anglophone, il y a des opinions qui sont diversifiées, le moins qu'on puisse dire, entre autres du côté – puis on a eu des groupes qui sont venus ici... Du côté des catholiques, on voit là qu'ils tiennent beaucoup au statut confessionnel des écoles; par contre, c'est beaucoup moins vrai du côté des protestants.

Bon, vous favorisez le statu quo. Ce qu'on essaie de faire, je pense, ici, tout le monde, c'est essayer de trouver un consensus qui montre une certaine évolution, qui tient compte aussi de l'évolution de notre société. Donc, je pense que c'est dans ce contexte-là qu'il faut essayer de garder une bonne collaboration pour pouvoir y arriver.

Vous nous dites, aux pages 6 et 7 de votre mémoire, que le contexte de la mise en place des commissions scolaires linguistiques, c'est un élément qui ne favorise pas un réaménagement radical à court terme du modèle actuel. Ma première question, ce serait: Qu'est-ce qui serait, selon vous, un réaménagement non radical?

Mme Ratcliffe (Diane): Ce serait un réaménagement qui était décidé et qui aurait évolué avec les parents dans les écoles naturellement. Comme vous avez commencé vos commentaires avec le fait qu'il y a des situations différentes, des points de vue diversifiés... on était un système protestant, et là, maintenant, on a fait un mariage, dans le fond. On vit ensemble. Les catholiques, les protestants et tous les autres, on vit ensemble. Ça fait que c'est un contexte différent aujourd'hui et c'est un nouveau contexte. Je crois qu'à long terme – et, quand je dis «à long terme», ça peut être de deux, trois, quatre ans, je ne sais pas, mais ça va dépendre des écoles et des communautés – la population va elle-même évoluer. Au moment où il y aura des écoles qui seront peut-être plus catholiques que d'autres et où les parents vont vouloir garder le statut confessionnel, il y en a aura d'autres qui ne voudront pas le garder. On a donné le pouvoir aux conseils d'établissement, dans la loi n° 180, de surveiller, comment je pourrais dire? de faire la demande à leur population pour établir un statut confessionnel ou non dans l'école. Peut-être qu'on devrait laisser évoluer d'ici aux prochaines quelques années pour que les gens vivent avec le système actuel.

M. Legault: Vous nous parlez du mariage entre les catholiques et les protestants. Vous savez aussi, puis vous l'avez sûrement remarqué, qu'il y a aussi d'autres minorités religieuses, il y a aussi des partisans d'une école plus laïque. Je reviens aux gestes qui ne seraient pas trop radicaux, qui pourraient être posés à court terme: Est-ce que vous verriez une certaine ouverture, est-ce que ce serait pensable d'avoir une certaine ouverture à certains gestes? Tantôt, la Fédération des commissions scolaires francophones en suggérait certains. Est-ce qu'il y a certains gestes que vous pourriez voir?

Mme Ratcliffe (Diane): Comme M. Caron a dit, il y aurait certainement des milieux qui favoriseraient des programmes-pilotes. Ça dépend du milieu. Il faut que la décision soit faite, prise par les parents du milieu, les parents de l'école.

M. Legault: Mais vous ne pensez pas que, si on laisse les parents décider, à un moment donné, bien, ça va être une question de la majorité et que, d'un côté, il risque d'y avoir une minorité qui soit négligée? Dans un contexte, puis je ne le dis pas sous une forme juridique, mais est-ce qu'il n'y a pas aussi une forme discriminatoire qui est rattachée à notre façon de faire les choses en termes d'enseignement de la religion? Puis, je pense, entre autres, tantôt on avait la suggestion de la Fédération des commissions scolaires francophones, de dire: On pourrait commencer, au moins sous une forme expérimentale, à avoir un enseignement culturel des religions au secondaire. Bon. Il semblait aussi y avoir une certaine ouverture, en autant qu'on fasse une bonne pédagogie, à peut-être penser abolir les statuts confessionnels des écoles en garantissant l'enseignement religieux. Est-ce que, vous aussi, vous voyez une certaine ouverture pour des gestes d'ouverture comme ceux-là?

Mme Ratcliffe (Diane): Ah oui! Ça existe en ce moment. Il y aurait certainement des ouvertures parmi certaines écoles. Mais il ne faut pas oublier non plus que, en ce moment, chaque parent, dans chaque école, peu importe la confessionnalité de l'école, a le choix et doit demander, peut demander l'enseignement catholique, moral ou protestant, dans chaque école. Ça fait que, nous, en ce moment, on vit avec la loi comme telle, qui impose sûrement des difficultés, surtout vis-à-vis la disponibilité des coûts associés à ça. Mais on vit avec la loi comme telle.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Polenz, vous voulez rajouter?

M. Polenz (Jeff): Oui, merci, Mme la Présidente. Je pense que c'est important de souligner que les commissions scolaires, en vertu de la Loi sur l'instruction publique, sont obligées, d'ici l'an 2001, de revoir, en consultation avec les parents de chaque école, le statut confessionnel de chaque école. Ce qu'on constate à l'heure actuelle, c'est que, surtout dans la grande région de Montréal, dans le réseau scolaire anglophone, on prévoit qu'il y aura peut-être plusieurs écoles qui, à la suite de la création des commissions scolaires linguistiques et suite à une certaine évolution, de réflexion, si on veut, vont décider effectivement de demander soit une révocation de leur statut ou bien des aménagements. Quant à la question de l'enseignement religieux en soi, on recommande dans notre mémoire que, peut-être au niveau secondaire, la question d'un enseignement religieux au point de vue culturel, il est peut-être possible d'intégrer un tel module à l'intérieur du nouveau programme sur la citoyenneté.

(12 h 50)

M. Legault: D'abord, juste une précision, M. Polenz. Quand on a reconduit les clauses dérogatoires en juin 1999, on a aboli cette condition-là au niveau des statuts pour 2001. Donc, toute la question est sur la table actuellement. Puis je répète ma question: Est-ce que, dans un geste d'ouverture, vous seriez prêts à considérer l'abolition du statut confessionnel des écoles tout en conservant un certain enseignement religieux, puis même en offrant certaines garanties pour l'enseignement religieux? Je pense, entre autres, aux parents qui y tiennent beaucoup.

Mme Ratcliffe (Diane): D'après notre communauté, non, pas en ce moment. D'après ce qu'ils nous disent, non.

M. Legault: Et qu'est-ce que vous suggérez aux parents qui sont soit pour l'école laïque ou soit dans des groupes religieux minoritaires et qui n'ont pas la chance d'avoir dans leur quartier une école qui soit autre que confessionnelle, protestante ou catholique? Qu'est-ce que vous leur suggérez? Qu'est-ce qu'on a à leur offrir?

Mme Ratcliffe (Diane): Bien, présentement, dans la loi, comme je l'ai dit auparavant, les parents ont le choix. Ils peuvent demander, dans chaque école, n'importe quelle confessionnalité... ils peuvent demander, et on doit, comme école, fournir les ressources pour leur donner leur choix de religion, catholique, protestante ou morale.

M. Legault: Mais je ne parle pas de l'enseignement...

Mme Ratcliffe (Diane): Non, non, du statut...

M. Legault: ...je parle du statut confessionnel de l'école, ce qui est différent.

Mme Ratcliffe (Diane): Oui, je comprends qu'est-ce que vous me demandez. Mais, d'après nous, de l'avis de nos commissions scolaires, ce n'est pas le choix en ce moment d'enlever le statut confessionnel.

M. Legault: Donc, vous pensez qu'il n'y aurait pas d'ouverture de ce côté-là?

Mme Ratcliffe (Diane): Pas en ce moment.

M. Legault: O.K. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va? M. le député...

M. Labbé: ...

La Présidente (Mme Bélanger): Oui, un petit peu.

M. Labbé: Un petit peu? Alors, on va prendre juste un petit peu de temps.

La Présidente (Mme Bélanger): Une petite question avec une petite réponse.

M. Labbé: D'accord. Merci, Mme la Présidente. Alors, je pense qu'on pourrait aller dans le sens...

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Masson.

M. Labbé: Oui, c'est beau, merci. Alors, merci pour la présentation de votre mémoire et bienvenue.

Peut-être une petite question très rapide, compte tenu que le temps est pas mal écoulé. Alors, vous parlez dans votre mémoire, au niveau des recommandations, du temps prescrit à l'enseignement religieux et moral, vous semblez le remettre en question. J'aimerais vous entendre un petit peu plus là-dessus.

Mme Ratcliffe (Diane): Bien, la religion, en ce moment, c'est le seul sujet, dans le régime pédagogique, où le temps est prescrit, et, quand on a fait nos recherches, on a trouvé que c'était drôle un petit peu, mais c'est comme ça, c'est juste la religion qui a un temps prescrit, à ce moment-ci, dans le régime pédagogique.

M. Labbé: Est-ce que ce serait pour l'augmenter à ce moment-là que vous voulez la réévaluer ou si ce serait pour...

Mme Ratcliffe (Diane): Non.

M. Polenz (Jeff): Plutôt diminuer. Je pense que ce que certaines gens nous ont indiqué lors de notre consultation, c'est qu'ils se posent la question, à savoir s'il ne serait pas possible d'aménager le temps ou bien le contenu du programme actuel dans une période de temps moins que le temps prescrit. Alors, on crée une certaine marge de manoeuvre pour d'autres sujets. C'est dans ce sens-là.

M. Labbé: D'accord. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre.

M. Legault: Oui. Mme Ratcliffe, vous nous disiez tantôt qu'il n'y avait pas d'ouverture pour le statut confessionnel des écoles. On me rappelait qu'on a eu ici, en commission, la communauté protestante qui est venue nous dire qu'elle était d'accord avec l'abolition du statut confessionnel des écoles. Évidemment que, parmi les parents que vous représentez, il y a plusieurs protestants. Donc, quand vous dites qu'il n'y a pas d'ouverture, je voudrais juste peut-être vous laisser préciser exactement ce que vous voulez dire.

Mme Ratcliffe (Diane): Je peux juste parler pour les commissions scolaires, les élus. Alors, ce n'est peut-être même pas représentant de tous nos parents dans le système, ce n'est peut-être même pas représentant d'un point de vue personnel.

M. Legault: Donc, ça veut dire que, contrairement à la Fédération des commissions scolaires, tantôt, ce n'est pas suite à des consultations auprès des parents, la position que vous prenez...

Mme Ratcliffe (Diane): Non.

M. Legault: ...c'est vraiment les commissaires d'écoles.

Mme Ratcliffe (Diane): Exact.

M. Legault: D'accord. O.K. Merci. Je laisse peut-être une dernière question à mon collègue de...

M. Labbé: Non, ça va aller.

M. Legault: Ça va aller? Parfait.

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va aller? O.K. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Oui, merci, Mme la Présidente. Mme Ratcliffe, M. Polenz, merci de votre présence, bienvenue. Merci de votre mémoire. Je vous dirais d'entrée de jeu que je regardais les premières pages relatives à l'historique, si on veut, du débat actuel au cours des dernières années, et ça m'amène à comprendre un petit peu votre réflexion en ce qui a trait aux garanties que vous demande le ministre ou à l'ouverture sur le statut comme tel des écoles. Mais j'aimerais que vous reveniez un petit peu sur...

Suite aux modifications à l'article 93 de la Loi constitutionnelle et aux différents engagements qui avaient été pris à ce moment-là, vous semblez avoir certains doutes en ce qui a trait à la suite, et vous mentionnez même que, selon un grand nombre de parents du réseau scolaire anglophone, remplacer les choix actuels par un cours obligatoire portant sur une perspective culturelle des religions basée sur des valeurs neutralistes constitue une rupture radicale et peu justifiée avec le rôle traditionnel de l'école, et vous faites aussi le lien avec tout ce qui s'est passé autour de 93. J'aimerais peut-être que vous reveniez plus en détail là-dessus. Selon vous, la situation actuelle, si on veut être conséquent avec les engagements qu'a pris le gouvernement quand il a modifié l'article 93, en 1997, 1996, les suites logiques seraient le statu quo ou, finalement, l'application de la loi telle qu'on la connaît et avec les dispositions qui permettent une certaine ouverture. J'aimerais que vous fassiez peut-être le portrait de tout ça et peut-être que ça aiderait tout le monde à comprendre pourquoi vous avez des doutes ou des réticences face aux modifications au statut confessionnel des écoles.

Mme Ratcliffe (Diane): Je vais laisser la parole à M. Polenz.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Polenz.

M. Polenz (Jeff): Je pense que c'est important de rappeler que, lors du débat entourant la mise en place des commissions scolaires, il y avait certainement, à l'intérieur ou au sein de la communauté scolaire anglophone, disons, une certaine réticence à aller dans ce sens-là non seulement... ou pas parce que nécessairement ils étaient en désaccord avec la mise en place des commissions scolaires, mais surtout leur crainte par rapport au statut confessionnel de leurs écoles puis la place de l'enseignement religieux dans les écoles.

Or, quand on voit certaines interventions, certains engagements faits à l'époque, puis on cite dans notre mémoire les déclarations faites par la ministre de l'Éducation et le ministre des Affaires gouvernementales devant le Comité mixte, à Ottawa, à l'époque, il y avait comme, disons, une lecture faite par certains dans le milieu anglophone, une espèce de compromis pour la mise en place des commissions scolaires linguistiques et, veux veux pas, cette lecture-là était implantée dans l'esprit de beaucoup de groupes, puis surtout les anglo-catholiques, à savoir que le gouvernement, en mettant en place les commissions scolaires linguistiques, donnerait aux communautés locales, les écoles, une certaine stabilité quant au statut confessionnel de leurs écoles et quant à la place de l'enseignement religieux dans les écoles.

Et c'est un constat qu'on a fait. Il y avait comme une espèce de compromis entendu et c'est cette réalité-là que nous sommes en train, disons, de statuer. Et c'est pourquoi une approche, disons, qui suit un peu les lignes conductrices du rapport Proulx, à ce moment-ci, nous semble un peu trop radicale et en contresens avec le sentiment que les gens ont eu à l'époque, en 1996-1997.

M. Béchard: Si le gouvernement allait dans le sens du rapport Proulx, tel que certaines résolutions du parti gouvernemental le proposent, pour vous, ça serait une brisure avec ces engagements-là qui ont été pris en 1996-1997. Et la question que je me pose, c'est: Quelles seraient les prochaines étapes? Est-ce que vous pensez que ces engagements-là... le fait de ne pas respecter la suite et la cohérence des engagements qui ont été pris, jusqu'où ça pourrait nous mener? Parce que c'est l'autre question que je me pose. On peut dire que, bon, oui, il n'y a pas de suite, mais est-ce que ça pourrait entraîner certaines réactions, puis je ne dirais pas des poursuites? Quels sont les outils ou de quelle façon les gens, chez vous, pourraient réagir à un tel événement?

Mme Ratcliffe (Diane): Bien, nos commissions scolaires, en ce moment... si j'ai bien compris votre question, quelle sorte...

M. Béchard: De réactions.

(13 heures)

Mme Ratcliffe (Diane): Bon, ils ont pas mal une solidarité vis-à-vis ce point de vue là, mais il faut bien dire qu'il y a certaines commissions scolaires qui seraient peut-être plus ouvertes, O.K., à changer le statut, ça, c'est sûr et certain. Mais le fait que des commissions scolaires sont ensemble en ce moment, ça devient un peu plus compliqué.

M. Béchard: À la page 5 de votre mémoire, vous parlez beaucoup d'accommodements raisonnables, des contraintes raisonnables, et de tout ce qui a autour de ça, avec les clauses dérogatoires. Dans une association comme la vôtre, avec des commissions scolaires qui ont beaucoup de territoires, et tout ça, quelle serait, selon vous, l'interprétation qu'on pourrait faire d'«accommodements raisonnables»? C'est-à-dire, jusqu'où vous pourriez aller en disant: Bien, nous, on a tout fait ce qu'on peut pour répondre, par exemple, à la notion d'accommodements raisonnables, pour offrir les cours comme, actuellement, ils peuvent être demandés par les conseils d'établissement; nous, on a tout fait et on ne peut pas le faire? Parce que cette notion-là, d'accommodements raisonnables, semble être très floue pour plusieurs, pour beaucoup de gens. Selon vous, c'est quoi, l'interprétation qu'on y fait? Jusqu'où on doit aller en tant que commission scolaire, surtout dans votre cas où vous avez des territoires, dans certains cas, immenses, pour respecter la notion d'accommodements raisonnables?

Mme Ratcliffe (Diane): On fait notre possible pour respecter les demandes des parents, mais ça devient très difficile parce que, dans certains cas, dans certaines écoles, on nous demande... disons, cinq élèves qui veulent la religion catholique, 10 élèves qui veulent la religion protestante et la grosse majorité veulent la morale. Ça, c'est certains cas. Ça peut être le contraire dans une autre école. Ça fait qu'on fait notre possible pour accommoder, mais on vit avec qu'est-ce qui est prescrit, qu'est-ce qui est dit dans la loi, c'est notre obligation.

M. Béchard: Est-ce qu'il vous est arrivé des cas où les gens ont contesté des décisions en disant: Vous n'avez pas fait tout ce qui était possible de faire, vous n'avez pas mis en place les accommodements raisonnables? Est-ce que vous avez des exemples où c'est déjà arrivé?

Mme Ratcliffe (Diane): Non, pas encore, parce qu'on a vraiment fait tout ce qui était possible pour accommoder nos parents.

M. Béchard: Toujours un peu le même point, vous mentionnez que, finalement, la loi actuelle... C'est à la page 6 de votre mémoire: «La commission scolaire peut, à la demande d'un conseil d'établissement, organiser l'enseignement moral et religieux d'une confession autre que catholique ou protestante.» Est-ce que, dans la pratique, c'est utilisé? Est-ce que vous avez des conseils d'établissement qui ont fait ce genre de demande là à date? Et, si oui, lesquels et comment ça marche? Et, sinon, pourquoi, selon vous, alors qu'il y a déjà une ouverture, je dirais, dans la loi et peu de gens y ont recours?

Mme Ratcliffe (Diane): Je vais donner la parole... Je sais qu'il y a probablement des écoles à Montréal, sur l'île de Montréal, qui ont fait ces mêmes demandes, mais là, au point de vue pratique, je ne suis pas au courant.

M. Polenz (Jeff): À ma connaissance, il y a très peu d'écoles qui ont fait un suivi ou une demande dans ce sens-là. Mais, au fur et à mesure que la loi sera, peut-être, plus connue par les conseils d'établissement, j'imagine que, dans les années à venir, les commissions scolaires seront appelées à répondre de plus en plus à des demandes qui vont dans ce sens-là, et ça pourrait causer des problèmes au niveau de la gestion de ces programmes. C'est évident que le manque de ressources, le manque de temps à l'intérieur de l'horaire, à l'intérieur du curriculum... quand tu es rendu à une école où il y a quatre choix effectivement, morale, protestante, catholique, morale... plus un quatrième, là, ça pourrait poser des difficultés.

M. Béchard: Selon vous, si on faisait la promotion de la loi actuelle, c'est-à-dire avec les possibilités qu'elle offre justement sur cette ouverture-là, est-ce que, selon vous, ça serait suffisant comme première étape vers une ouverture peut-être plus grande? Et quand vous parlez de la difficulté à offrir des programmes comme tels, quel serait le mécanisme le plus approprié pour reconnaître des programmes, pour les mettre en place, pour faire le suivi, pour dire: Bon, tel élément doit se retrouver à l'intérieur de tel ou tel programme? Si on veut que la loi soit appliquée et qu'une commission scolaire puisse organiser un enseignement autre, il faut, quelque part, qu'elle ait des points de repère, à moins que ce soit la commission scolaire qui élabore elle-même le programme autre. Comment vous voyez cette mécanique-là?

Mme Ratcliffe (Diane): Moi, je crois que c'est beaucoup au choix des parents et c'est ça que nos parents nous disent. Ceux qui ont beaucoup d'appartenance avec les écoles catholiques en ce moment veulent garder le statut confessionnel; ceux qui viennent des écoles protestantes, eux, ils sont moins portés à faire la même demande. Mais c'est que même ceux qui sont dans le secteur protestant, dans les écoles anciennes protestantes, ne veulent pas enlever le choix des parents des écoles catholiques. Comprenez-vous? Ça fait que personne ne veut s'insulter l'un l'autre. Pour nous, comme commission scolaire, on serait capable de fournir si on avait les ressources. Je crois que c'est vraiment aux parents, aux conseils d'établissement, à la communauté locale de décider quel sorte de programme de religion ils veulent dans leurs écoles. Je ne pense pas que c'est à nous à décider pour eux.

M. Béchard: Oui, sur quelle sorte de programme, mais, je dirais, sur la confection de ces programmes-là, il faut que quelque part... Oui, les parents peuvent décider, mais est-ce que le ministère doit se dire: Bien, on va offrir cinq, six ou 10 sortes ou formes de cours? Et comment on peut reconnaître lesquels auront la possibilité de cité ou pas? Et même si on veut respecter, dans le cadre de la loi actuelle, l'ouverture qui est faite, qui, en bout de ligne, doit approuver les programmes et les mettre disponibles?

Mme Ratcliffe (Diane): Je crois qu'ensemble on devrait viser une formule qui dit... on dit, en anglais, «where numbers warrant», où on a assez de demandes.

M. Béchard: Oui, une masse critique.

Mme Ratcliffe (Diane): Bon, bien, là, ça justifie la présentation, l'«accommodation».

M. Béchard: Oui. J'aimerais revenir aussi sur la notion dont vous parlez à la page 7 et qui a été abordée un petit peu par mon collègue de Masson, c'est-à-dire le fait «d'introduire dans le nouveau programme d'études centré sur la citoyenneté certains des objectifs ayant trait à la sensibilisation des élèves aux différentes valeurs religieuses». Si je mets ça en relief avec les difficultés que vous voyez à la mise en place d'un cours culturel des religions comme tel, est-ce que vous ne pensez pas que ça serait peut-être s'attirer plus de problèmes qu'autre chose qu'essayer d'entrer à l'intérieur d'un cours sur la citoyenneté une dimension religieuse qui pourrait être scrutée à la loupe par certains groupes pour dire: Pourquoi on parle davantage de ça? alors, on va parler aussi de cette autre confession religieuse là aussi? Je ne vois pas pourquoi vous amenez un peu cette solution qui risquerait peut-être de créer encore plus de problèmes qu'autre chose.

M. Polenz (Jeff): Non, je pense que le sens de notre proposition ici, c'était de dire: Écoute... S'ils ont bien compris, disons, les grandes lignes du nouveau cours, nouveau programme proposé dans le rapport Proulx, il nous semblait que ça serait peut-être intéressant d'intégrer au moins les principes, sans savoir le contenu du programme que le groupe Proulx a proposé, mais, au moins, intégrer les principes et les idées dans un programme qui est déjà prévu dans le nouveau curriculum. C'est dans ce sens-là.

M. Béchard: O.K. Une dernière petite question. À la page 8, à la dernière de vos recommandations, vous indiquez: «Que le législateur donne aux commissions scolaires la marge de manoeuvre juridique nécessaire pour procéder aux accommodements raisonnables afin de s'acquitter de leurs obligations prescrites...» Quelle est la marge de manoeuvre qui vous manque? Quels sont les outils législatifs dont vous auriez besoin pour remplir cette obligation-là que vous avez?

M. Polenz (Jeff): C'est notre façon de dire: reconduire la clause «nonobstant».

M. Béchard: O.K., pour...

M. Polenz (Jeff): Une certaine période de temps.

M. Béchard: ...le temps d'une transition ou aussi longtemps que nécessaire?

M. Polenz (Jeff): Pour que le statu quo puisse évoluer.

M. Béchard: O.K. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de D'Arcy-McGee pour une petite question.

M. Bergman: Merci, Mme la Présidente. Mme Ratcliffe, M. Polenz, merci pour votre présentation aujourd'hui. Vous avez parlé du choix des parents comme... raisonnables, là où le nombre le justifie. Il y a des groupes qui émettent des craintes concernant l'ouverture de l'école à d'autres religions, des craintes qu'il peut y avoir des valeurs qui seront à l'encontre de nos valeurs comme société québécoise. Il y a des groupes qui émettent des craintes, des peurs, entre les différents groupes religieux, mais d'autres qui pensent que c'est même de l'intolérance dans notre société. C'est quoi, votre opinion, si vous ouvrez les écoles aux différentes religions? Est-ce que c'est négatif ou positif? À mon sens, je vois un positif.

(13 h 10)

Mme Ratcliffe (Diane): D'ouvrir les portes à toutes les religions? Comme on fait en ce moment? Parce que c'est ça, en fait, qu'on fait en ce moment. Même si nos écoles ont un statut confessionnel soit catholique ou protestant, les portes sont quand même ouvertes et, comme on disait, dans la loi, on nous oblige d'offrir chaque religion. D'après moi, et je suis certaine, d'après la majorité de nos membres, c'est sûr et certain que, quand on vit ensemble, on vient à se comprendre puis on développe un niveau de tolérance qui bénéficie à tout le monde.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, merci, Mme Ratcliffe et M. Polenz, de votre présentation. La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures, et je demande la ponctualité, si c'est possible.

(Suspension de la séance à 13 h 11)

(Reprise à 15 h 4)

La Présidente (Mme Bélanger): La commission reprend ses travaux. Je vais vous donner l'horaire de cet après-midi: 15 heures – pour une fois, on est à l'heure – l'Alliance des professeures et professeurs de Montréal; à 16 heures, l'Association montréalaise des directions d'établissement scolaire; à 17 heures, l'Institut canadien d'éducation des adultes; à 18 heures, la suspension.

Alors, bienvenue à la table, l'Alliance des professeures et professeurs de Montréal. Alors, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire qui sera suivi d'échanges avec les membres du côté ministériel et les membres de l'opposition pendant 20 minutes chaque côté. Alors, si vous voulez bien vous présenter et présenter la personne qui vous accompagne.


Alliance des professeures et professeurs de Montréal (APM)

Mme Séguin (Monique): Alors, je suis Monique Séguin, présidente de l'Alliance des professeurs de Montréal, et je suis accompagnée de M. Daniel Choquette, un employé-conseil à l'Alliance des professeurs de Montréal.

Bonjour. Alors, je manque un peu d'expérience. Ha, ha, ha! Je vais y aller en disant que je me suis préparée un peu à vous rencontrer et en vous disant que, somme toute, ce que j'avais à faire, c'est mon métier habituel, l'enseignement, que j'avais à vous présenter ma matière, à vous l'expliquer, et que j'avais aussi à répondre à vos questions. Je suis à l'aise là-dedans normalement, quoique mon ratio soit légèrement plus élevé. Et je suis d'autant plus à l'aise que je suis un prof rattaché au champ de morale et enseignement religieux. Donc, c'est un sujet que je possède bien.

Alors, je vais commencer en vous disant qu'on vient de vous distribuer ce que, moi, j'appellerais... C'est le prof en moi. On sort la maîtresse de son école, mais pas l'école du professeur. On vous a fait une fiche pédagogique où vous allez pouvoir suivre grosso modo notre intervention, en plus du mémoire qu'on vous a envoyé.

Alors, je dirais que je tiens à préciser d'entrée de jeu que nous ne reprendrons pas tous les aspects de la question de la confessionnalité scolaire. En ce sens, ce n'est pas tellement un autre mémoire, mais plutôt un témoignage que nous souhaitons livrer ici au nom des membres de l'Alliance. J'évoquerai tout de même les mémoires dans lesquels nous avons déjà traité de ce débat et des changements que nous souhaitons voir enfin se concrétiser. Nous serons ou nous tenterons d'être brefs, car les textes de nos positions antérieures demeurent disponibles, tout comme les mémoires auxquels nous avons souscrit au sein de la Coalition pour la déconfessionnalisation du système scolaire et à titre de syndicat affilié à la CEQ; ces textes qui seront consignés dans le bilan de cette commission parlementaire.

Nous voulons simplement témoigner, en appui à l'option d'une laïcité ouverte, de la réalité que nous observons en classe et dans nos écoles pour expliquer le cheminement qui nous a conduit à préconiser des changements. Notre intention n'est donc pas de refaire les analyses déjà exposées dans le rapport du Groupe de travail sur la place de la religion à l'école, mais plutôt de rappeler les paramètres des débats que nous avons déjà menés avec nos membres.

Bien que notre syndicat jouisse d'une certaine notoriété, il n'est pas inutile de rappeler dans les circonstances qu'il représente depuis le début du siècle les enseignantes et les enseignants à l'emploi de l'actuelle commission scolaire de Montréal, qu'il est incorporé en vertu de la Loi des syndicats professionnels depuis 1944, période où son nom spécifiait son allégeance catholique, tout comme était soumise à l'Église diocésaine la Commission des écoles catholiques de Montréal dont le tiers du conseil des commissaires était, à l'époque, désigné par l'archevêché.

Bien que cette pratique ait changé avec la restructuration scolaire, résultat des recommandations du rapport Parent, on sait que le statut confessionnel de notre commission scolaire a été maintenu jusqu'à l'année dernière, après que l'abrogation de l'article 93 de la Constitution canadienne eut enfin permis l'instauration, en lieu et place des commissions scolaires confessionnelles, des commissions scolaires linguistiques. Ce bref rappel d'une histoire que tout le monde connaît vise simplement à souligner que nos membres ont participé à cette évolution qui a transformé la société québécoise et modifié ses institutions, indépendamment des vagues d'immigration qui se sont succédé depuis les années cinquante.

L'Alliance des professeurs catholiques de Montréal a elle-même laïcisé son nom dès les années soixante, au moment de la Révolution tranquille, comme la plupart des institutions de la société civile, mais, à cette époque, cela ne signifiait pas encore qu'il fallait pour autant cesser d'enseigner la religion. Pendant que la pratique religieuse et les références sociales changeaient profondément, nos membres tentaient d'adapter leur enseignement pour tenir compte de ce nouvel environnement sans déroger aux exigences d'un programme national imposé par le Comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation.

Certes, à Montréal, notre rencontre avec des élèves issus de l'immigration nous a sensibilisés à la pluralité religieuse en même temps que nous avons découvert la diversité ethnique, mais cela se déroulait simultanément dans les régions avec la mutation de la société québécoise de souche française et catholique. Cela ne s'est d'ailleurs pas fait sans remous ni sans provoquer de sérieuses réflexions. En effet, ce n'est qu'en 1981, dans le cadre de la restructuration scolaire de l'île de Montréal, que nous avons revendiqué l'exemption de l'enseignement religieux, mais aussi la déconfessionnalisation des structures scolaires sans modification majeure de l'enseignement religieux comme tel.

Nous avons ensuite réclamé, trois ans plus tard, que la promotion des valeurs chrétiennes ne puisse se faire que dans le cadre des cours d'enseignement religieux et des activités de pastorale et non pas dans l'ensemble des cours et des activités auxquels participaient les élèves, comme l'exigeait la politique officielle de notre commission scolaire à l'époque. Faut-il rappeler que l'allégeance catholique de la majorité des membres élus du Conseil des commissaires souffrait alors de quelques excès bien connus, ce qui avait pour effet de faire fuir la clientèle francophone vers la commission scolaire protestante, plus discrète quant à son caractère confessionnel, mais sous la gouverne de la communauté anglophone?

(15 h 10)

En 1987, c'est en réponse à une consultation du Comité catholique du CSE que nous demandions de réintroduire le droit à l'exemption de l'enseignement religieux et l'affectation des ressources pour l'enseignement moral non confessionnel, mais nous invitions aussi le Comité catholique à élargir le débat sur la confessionnalité au-delà des structures en définissant une nouvelle formation morale qui aurait intégré les valeurs véhiculées par les diverses religions qui étaient déjà représentées dans nos écoles à cette époque.

Ce n'est qu'après avoir essuyé bien des refus que notre organisation a résolument opté, au début des années quatre-vingt-dix, pour la laïcisation complète du système d'éducation. C'est alors que s'est formée, en 1993, la Coalition pour la déconfessionnalisation du système scolaire. En 1994, l'assemblée générale de l'Alliance réclamait donc l'abolition de l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, la laïcisation de toutes les structures, depuis le ministère jusqu'aux écoles publiques, et l'assurance que des mesures seraient prises pour le reclassement des enseignantes et des enseignants ainsi que du personnel professionnel touchés par ces changements.

La position que nous avons défendue devant la Commission des états généraux sur l'éducation en 1995 précisait toutefois qu'il y aurait place dans l'école laïque pour un enseignement religieux non confessionnel. «L'évolution des croyances et des pratiques religieuses au Québec, écrivions-nous, aussi bien que le pluralisme confessionnel accentué par l'immigration doivent nous amener à réviser non seulement nos structures scolaires confessionnelles au profit d'écoles laïques, mais aussi le type d'enseignement qu'on y offre en matière religieuse. Une école laïque ne prônerait aucun dogme, laissant cette mission aux différentes Églises et aux familles de leurs fidèles. Elle transmettrait toutefois un enseignement de l'histoire des religions dans une perspective culturelle et sociale.»

Cette position, nous l'avons réitérée en 1997, lors de la consultation ministérielle sur le projet de politique d'intégration scolaire et d'éducation interculturelle. Ce cheminement s'est fait toujours collectivement, dans le respect des réalités que vivent nos membres, dont nous avons le mandat de défendre les intérêts sociaux, économiques et professionnels aussi bien que l'amélioration des conditions de travail. C'est en vertu de ce mandat que nous sommes intervenus à plusieurs reprises depuis trois décennies pour réclamer l'adaptation des structures scolaires aux réalités contemporaines et défendre non seulement le droit de nos membres d'être exemptés d'enseigner la religion si cela heurtait leurs convictions, mais aussi le libre choix pour les élèves d'une option permettant à leurs parents de les soustraire à l'obligation de suivre les cours de religion. Force est d'admettre que, pour les uns comme pour les autres, les objectifs n'ont pas été atteints.

Cela nous amène à trois constats. Le premier constat qui justifie ce triste bilan est celui des enseignantes et des enseignants qui, au primaire surtout, n'ont jamais pu se prévaloir de leur droit à l'exemption sans risquer d'y perdre au change, comme on l'a démontré dans le mémoire de la CEQ, en raison des conditions assorties à l'exemption, à savoir que cela n'est possible dans les faits que dans la mesure où la tâche de l'enseignante ou de l'enseignant concerné peut être complétée autrement. Les problèmes d'organisation sont tels dans la plupart des cas que nos membres préfèrent s'imposer cet enseignement même si cela heurte leurs convictions.

Le deuxième constat que font les parents comme les profs, c'est qu'il a fallu mener une véritable lutte contre le pouvoir établi à la CECM de l'époque pour permettre aux élèves d'être exemptés d'enseignement religieux, puisque les parents ne recevaient même pas de la commission scolaire le formulaire réglementaire du gouvernement. De surcroît, les élèves qui ont pu finalement s'inscrire au cours de morale n'ont pas vraiment eu droit aux mêmes égards que leurs collègues inscrits en catéchèse et en enseignement religieux catholique, les privilèges d'un encadrement et d'activités stimulantes étant réservés trop souvent à ces derniers dans nos écoles catholiques.

Un troisième constat s'impose. De l'avis même des tenants de la confessionnalité scolaire aussi bien que des partisans de la laïcité, on déplore d'une façon générale la piètre connaissance des faits religieux qui ont jalonné l'histoire universelle et on ignore l'apport important de l'Église catholique dans notre histoire nationale. Cette ignorance est remarquée particulièrement chez les jeunes Québécoises et les jeunes Québécois de vieille souche catholique, surtout quand on les compare à certains de leurs camarades issus de l'immigration dont le milieu familial demeure attaché aux traditions religieuses ancestrales de leur pays d'origine. Cette méconnaissance des jeunes Québécois envers la religion de leurs parents n'est pas le lot exclusif de ceux qui ont délaissé l'enseignement religieux au profit du cours de morale, c'est un constat tout aussi observable chez bien des jeunes qui sont inscrits en enseignement religieux, catholique ou protestant, tant dans les régions que dans la métropole. La connaissance du patrimoine religieux est pourtant un argument qu'invoquent nombre de ceux qui revendiquent le maintien de l'enseignement religieux confessionnel.

Un renouvellement ou une nouvelle perspective. Les constats que nous avons évoqués ont amené l'Alliance à envisager dans une autre perspective la question de la religion à l'école. Ne répondant ni aux attentes de nos membres ni à celles des élèves et de leurs parents, le régime d'exemption a démontré son inutilité. Compte tenu de l'importante discrimination qu'imposent à un nombre croissant d'élèves et de familles les privilèges consentis aux catholiques et aux protestants, le régime actuel n'est plus assujetti, et le recours temporaire aux clauses dérogatoires doit cesser le plus tôt possible.

Cela ne signifie pas que nous soyons insensibles à la problématique que pose la formation religieuse des jeunes de toutes croyances qui fréquentent nos classes. Le cheminement que nous avons fait avec nos collègues de toutes les régions réunis en instance de notre centrale syndicale et à titre de membres fondateurs de la Coalition pour la déconfessionnalisation du système scolaire démontre l'importance que nous accordons à ces questions. Notre réflexion s'est enrichie de celles des membres de cette Coalition provenant de divers horizons, notamment de la part du regretté père Julien Harvey dont le Mouvement justice et foi a livré devant cette commission un témoignage sincère de la volonté de certains catholiques d'évoluer dans le respect de leurs convictions autant que de celles des autres groupes religieux et laïques dans notre société.

De plus, nous constatons nous-mêmes dans nos écoles que les parents et les élèves plus âgés qui s'expriment sur cette question ne souhaitent rien d'autre que d'aménager un espace éducatif qui transcende les croyances religieuses pour partager les valeurs communes inspirées des idéaux humanistes qui fondent notre civilisation. Malheureusement, la polarisation du débat entre les opposants et les tenants de la proposition qui nous est faite réduit la perspective à une affaire de clans et risque selon nous de faire dévier la trajectoire. Il semble de plus en plus qu'une large majorité de citoyens souhaitent un changement, mais que les craintes que suscite la campagne d'opposition conduite par certains groupes d'obédience catholique en incitent plusieurs à vouloir offrir les enseignements religieux confessionnels distinctement à tous ceux qui le demandent à la condition que le nombre le justifie. On a même récemment entendu parler qu'une vingtaine de demandes suffiraient.

Cette fausse piste nous semble résulter d'une incompréhension des objectifs poursuivis. Ils sont selon nous de deux ordres: éducatif et social. L'enjeu est d'ordre éducatif, puisque, en ce qui nous concerne, c'est d'abord une meilleure formation de l'élève. Une formation qui favorise le développement intégral, dont nul ne conteste qu'il englobe l'épanouissement de la spiritualité comprise au sens strict du terme pour désigner ce qui est dégagé de toute matérialité, comme le définit le dictionnaire Larousse.

La transmission des valeurs humanistes sur lesquelles se fonde notre civilisation fait partie de cette formation. Ici, c'est la mission de l'école qui est questionnée. Au fil des débats, on se demande si l'école appartient à la société civile, à l'État ou aux parents. Nous serions tentés de dire qu'elle appartient aux enfants parce que l'école a pour mission première d'instruire et que les enfants ont le droit d'y recevoir une formation intellectuelle sans prosélytisme, mais dans cette logique l'école relève de l'État, qui doit non seulement en définir la mission, mais aussi les enseignements en toute neutralité et indépendance face aux divers ministères religieux.

C'est aussi un enjeu social. S'il est légitime que les jeunes aient accès à une formation religieuse librement consentie ou choisie par leurs parents quand ils sont en bas âge, ce droit individuel ne peut pas s'opposer à la nécessité de maintenir à l'intérieur de l'école publique un régime égalitaire sans discrimination. L'école a aussi une mission de socialiser. C'est le fondement de la politique d'intégration scolaire et d'éducation interculturelle que le gouvernement a publiée il y a à peine deux ans sous le titre Une école d'avenir . Cet enjeu est au coeur du débat sur la déconfessionnalisation du système scolaire.

(15 h 20)

Alors que le réseau public a pu éviter l'éclatement social en intégrant de façon dynamique et novatrice les élèves immigrants, la perspective d'écoles séparées en fonction de critères religieux vient compromettre cette cohésion du système scolaire et, à moyen terme, la paix sociale partout où seraient marginalisés les enfants qui ne bénéficieraient pas de services équivalents d'enseignement religieux. On a réussi à éviter dans nos écoles montréalaises ces clivages sociaux quand se sont multipliés les groupes ethniques en développant un réseau de classes d'accueil permettant l'intégration harmonieuse en classes ordinaires. Nous devons relever ce nouveau défi d'intégration au plan confessionnel, car les effets d'une ségrégation religieuse ne seraient pas moins menaçants dans les autres régions qu'ils ne le sont à Montréal.

En effet, la piste qui consiste à offrir plusieurs enseignements confessionnels entraînerait inévitablement la concentration dans certaines écoles de groupes majoritaires et multiplierait le régime de privilèges actuellement consentis aux écoles catholiques et protestantes ou, pire, elle instaurerait des écoles dédiées exclusivement à un groupe religieux, favorisant des ghettos qui feraient obstacle à l'intégration scolaire et à l'éducation interculturelle.

Des choix s'imposent. Il ne nous semble pas utile de revenir sur les recommandations du rapport Proulx à l'effet de laïciser l'ensemble des structures administratives du ministère et du Conseil supérieur. L'analyse qui est faite dans les mémoires auxquels nous avons référé précédemment démontre clairement la nécessité de procéder à ces changements. Il semble d'ailleurs se dégager dans la revue de presse que nous avons consultée un consensus à cet effet, en concordance avec la laïcisation récente des commissions scolaires.

Le problème de la laïcisation des écoles et le cas des comités catholique et protestant sont plus complexes, puisque certains tenants de l'option confessionnelle semblent vouloir faire du statut de l'école une monnaie d'échange dans un processus de négociation pour préserver, dans d'éventuelles écoles laïques, l'enseignement confessionnel ou encore pour justifier un statut confessionnel particulier à certaines écoles vocationnelles. Comme nous l'expliquions précédemment, il est bien évident à nos yeux que toutes ces tentatives de limiter la laïcisation du système d'éducation ne pourraient qu'invalider la réforme envisagée.

Le projet qui nous est soumis est par ailleurs silencieux sur un aspect précis de la réforme, puisque le mandat ministériel ne l'incluait pas: c'est celui du financement d'écoles privées ethniques ou religieuses. Dans la logique du système, seules les écoles privées non subventionnées...

La Présidente (Mme Bélanger): Deux minutes.

Mme Séguin (Monique): ...devraient pouvoir maintenir leur caractère confessionnel, et leur financement devrait être assuré par les groupes religieux ou les familles qui les choisissent dans le respect des droits fondamentaux. Permettez-nous de rappeler que, de l'avis des juristes consultés sur cette question, ce droit ne signifie pas pour autant que l'État ait l'obligation de financer cette formation religieuse à partir du moment où cette pratique, même si elle est reconnue dans la Charte québécoise, implique une discrimination telle qu'il faille avoir recours systématiquement aux clauses dérogatoires.

Nous souscrivons donc aux recommandations relatives à l'abolition du caractère confessionnel des écoles et du réseau scolaire public ou subventionné. Nous avons justifié notre choix d'abolir l'enseignement religieux confessionnel à l'école en nous appuyant sur des principes de droit et de justice dans une société pluraliste. Ces exigences pourraient se satisfaire d'une école laïque qui n'offrirait aucune forme d'initiation au phénomène religieux. L'idée d'ajouter au curriculum scolaire un cours d'enseignement culturel et historique des religions ne s'inscrit donc pas en remplacement d'un enseignement religieux confessionnel parce qu'ils ne poursuivent pas les mêmes objectifs.

La Présidente (Mme Bélanger): En conclusion, s'il vous plaît.

Mme Séguin (Monique): La conclusion, certainement. J'espère que vous allez me suivre, si vous permettez, dans ma fiche pédagogique.

Alors, je m'en vais à la page 10, pour ceux qui me suivent.

Prenant appui sur le mandat que l'État québécois confère à l'école pour instruire, éduquer et socialiser les jeunes dans une perspective d'intégration sociale et d'éducation interculturelle, les membres de l'Alliance souscrivent aux orientations générales du Groupe de travail sur la place de la religion à l'école.

Nous avons constaté à maintes reprises que, malgré tous les efforts pour actualiser la mission de l'école dans le cadre confessionnel qui régit le système scolaire actuellement, ces objectifs ne peuvent être poursuivis. Nous préconisons l'abolition de l'enseignement religieux confessionnel pour que cesse la discrimination envers nos élèves qui ne sont pas de foi catholique ou protestante ou encore envers celles et ceux qui ne se réfèrent à aucune religion.

Notre démarche au sein de notre centrale syndicale, aussi au contact des élèves et de leurs parents, de même que nos échanges de points de vue avec les citoyennes et les citoyens qui adhèrent avec nous à la Coalition nous ont amenés à considérer une nouvelle perspective pour instruire les jeunes sans prosélytisme, sans pour autant les priver de la richesse que recèlent les diverses religions qui ont façonné notre civilisation et celles qui ont marqué l'histoire du monde. Nous ne souhaitons donc pas que se perde cet héritage, comme d'aucuns le prétendent. J'irais donc en disant: L'État... Non...

Une voix: Si on devait rejeter...

Mme Séguin (Monique): Si on devait rejeter la proposition d'un enseignement religieux non confessionnel, c'est une école laïque, sans aucune forme d'enseignement religieux, que nous devrions revendiquer pour respecter les valeurs qu'a choisies notre société dans le respect des chartes et la reconnaissance du droit international. Notre société préfère-t-elle vraiment une laïcité ouverte ou une école fermée aux faits religieux? Dans cette école, les enfants n'auraient pas la chance d'acquérir les rudiments qui leur permettent de comprendre les autres religions et ne pourraient pas profiter de la richesse de ce patrimoine commun.

L'État n'aura pas d'autre choix, tôt ou tard, que de trancher au profit du droit et de la justice si notre société veut demeurer démocratique. Nous attendons des parlementaires d'aujourd'hui, qui ont la responsabilité de préserver la démocratie et d'assurer la cohésion sociale, qu'ils prennent acte de l'évolution dans notre société et qu'ils mènent à terme cette nouvelle Révolution tranquille.

J'ai été certainement plus longue que j'aurais voulu l'être...

La Présidente (Mme Bélanger): Oui, malheureusement, il va y avoir moins long de discussion.

Mme Séguin (Monique): C'est ça.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, il faut respecter l'heure. Alors, M. le ministre.

M. Legault: Oui. Mme Séguin, M. Choquette, merci d'être ici. Merci pour votre mémoire qui est très bien fait et aussi pour la petite fiche pédagogique que vous nous amenez aujourd'hui sous forme de questions et réponses, là, on voit vos qualités pédagogiques. L'Alliance des professeurs de Montréal représente sûrement le groupe d'enseignants qui est le plus au coeur de la diversité puis du pluralisme religieux. Donc, en étant à Montréal, vous êtes sûrement sur la première ligne, des témoins privilégiés, vous vivez au quotidien, dans les classes, ce pluralisme, mais je répète pour la suite de nos discussions que ce qu'on recherche, c'est un consensus. Donc, on recherche, à cette commission, ici, un scénario qui recevrait l'adhésion du plus grand nombre possible de personnes au Québec. Donc, je suis certain que vous pouvez nous aider à nous donner l'aspect plus pratique de ce qui se vit dans le milieu pluriculturel que vous connaissez.

Vous nous recommandez dans votre mémoire un enseignement culturel des religions obligatoire pour tout le monde, pour tous les enfants. Il y a plusieurs spécialistes, entre autres certains qui sont venus nous voir ici, en commission, qui nous ont dit qu'ils pensaient que les enfants, un peu comme pour l'apprentissage de la langue, devaient d'abord connaître leur tradition religieuse, donc la tradition religieuse à laquelle ils appartiennent, avant de se familiariser avec d'autres traditions religieuses, qu'est-ce que vous pensez de cette opinion?

Mme Séguin (Monique): Moi, je pense, entre autres, qu'on doit – ma première question – se demander si cet enseignement-là, il doit être enseigné à l'école publique, c'est-à-dire si c'est à l'école publique que l'enfant doit avoir ses premières connaissances au niveau de la religion. Et, vous voyez notre réponse, notre réponse, c'est de dire non. Maintenant, on pense, nous, que, lorsqu'un enfant va fréquenter l'école et qu'il va avoir accès à un cours historique des religions, dépendamment de son niveau, il n'aura pas accès nécessairement à la même formation.

Je vais vous donner un exemple. J'enseigne en première année, c'est bien évident que le niveau de formation que je peux donner, à ce moment-là, à un élève, c'est de lui faire prendre connaissance qu'il y a plusieurs religions, un peu comme en géographie il peut prendre connaissance qu'il y a plusieurs pays, donc qu'il y a une diversité. Maintenant, de là à approfondir nécessairement, à l'intérieur de chacune des religions, là, quels sont les éléments, je pense que ce n'est certainement pas dans le premier cycle du primaire qu'on doit faire ça. Donc, il y a un programme à établir qui va tenir compte de l'élève, qui va tenir compte de son degré de maturation. Mais, pour ce qui est de ceux qui pensent qu'il faut premièrement connaître sa religion, nous, on dit: Oui, c'est à la maison, c'est à l'église, ça ne peut pas être dans nos écoles.

(15 h 30)

M. Legault: Il faut quand même accepter, je pense, le fait que, bon, certains parents, pour toutes sortes de bonnes ou mauvaises raisons, ne donnent pas cet enseignement religieux à la maison. Donc, est-ce que vous pensez que c'est possible, sans avoir reçu cet enseignement religieux, de passer tout de suite à un enseignement culturel des religions dès la première année ou la deuxième année au primaire?

M. Choquette (Daniel): Est-ce que je peux participer...

M. Legault: Oui, allez-y.

M. Choquette (Daniel): ...à la réponse à votre question, M. le ministre? Je pense que votre question, elle situe bien, justement, la distinction qu'on doit faire entre l'enseignement de ce qu'est la religion, la sienne propre et les autres, et la transmission de la foi comme telle. Notre position, principalement, elle vise à ne pas transmettre la foi à l'école parce que les enfants sont issus d'un milieu qui ne partage pas nécessairement la même foi.

Et là je ne parle pas seulement du volet pluriethnique ou de leur origine culturelle, mais au sein même de la société québécoise et même à l'extérieur de Montréal – parce qu'on a tendance souvent à opposer Montréal et les régions – il y a des pratiques religieuses fort diversifiées depuis un bon nombre d'années, au Québec, qui font que les enfants dans les régions, comme à Montréal, et même s'ils sont tous de même souche ethnique, si vous me permettez l'expression dans les circonstances... qui font qu'il y a des référents qui sont différents.

Et, quand ils se retrouvent dans la même classe, à l'école, peu importe le niveau, oui, dans la mission qui revient à l'école d'instruire, on doit leur enseigner quels sont les paramètres, quelles sont les balises, quelles sont les définitions des religions, mais autant la leur que celle des autres petits camarades qui viennent d'autres religions ou dont les parents, les familles ne participent pas sur une base confessionnelle à leur spiritualité. Et ça, c'est une autre nuance qu'on doit enseigner à l'école, et nous en sommes conscients. Il ne faudrait pas qu'il y ait d'équivoque ici, entre nous. Nous pensons que la dimension spirituelle fait partie du développement intégral de la personne et qu'il revient à l'enseignant, effectivement, d'y contribuer en classe, peut-être pas plus que les familles, l'entourage, mais dans la mesure de notre mandat d'instruire.

Donc, il nous semble qu'en transmettant ces connaissances-là dans un cours, qu'il y ait une approche davantage, on a dit culturelle – mais le rapport Proulx nous explique qu'il y avait un petit peu une difficulté à trouver le mot juste pour décrire ce type d'enseignement – ça nous permettrait de faire comprendre aux enfants sur quelles bases se fonde leur propre religion, celle de leurs camarades, mais aussi sur quelles bases se fonde le cheminement spirituel des autres petits amis dont les parents n'épousent aucune religion et qui eux-mêmes pourraient vouloir faire leur cheminement sur une base laïque.

Alors, c'est dans ce sens-là qu'on ne se défile pas, si vous me permettez, de notre rôle d'enseigner et de transmettre la religion, mais qu'on veut qu'il y ait une démarcation claire là où il s'agit de transmission de la foi. Et c'est à ce niveau-là qu'il appartient en exclusivité aux familles et aux Églises... Et c'est ça, je pense, l'essence de la recommandation qui nous est faite dans le rapport de M. Proulx et de ses collègues.

Mme Séguin (Monique): Moi, je rajouterais, si vous me permettez, à ça que, si des parents peuvent ne pas se sentir habilités ou prêts à faire ce travail-là, je pense que les Églises le sont. Je pense d'ailleurs que la majorité des Églises le font déjà. Je ne doute pas que l'Église catholique soit capable de faire exactement ce qui se fait ailleurs. Ce n'est pas parce qu'elle l'a pas encore officiellement fait qu'elle est incapable de le faire. Je pense qu'elle a tout ce qu'il faut pour faire ce travail-là.

M. Legault: Votre position, donc, c'est de retirer l'enseignement religieux – je ne parle pas de l'enseignement culturel, mais de l'enseignement religieux catholique et protestant – et aussi d'abolir le statut confessionnel des écoles. Si je comprends bien, c'est ça votre position?

M. Choquette (Daniel): Oui.

Mme Séguin (Monique): Oui.

M. Legault: Comment vous voyez, d'après vous, qu'on devrait faire ce geste, cette transition? Est-ce que vous voyez un geste unilatéral du gouvernement qui se ferait assez rapidement? Qu'est-ce que vous suggérez comme étant les prochaines étapes pour appliquer votre proposition?

Mme Séguin (Monique): Écoutez, nous sommes en pleine réforme de l'éducation, le gouvernement est à modifier le curriculum, alors vous voyez que nous sommes justement dans le moment de le faire, de procéder, de resituer aussi. Parce que, si on veut que notre cours soit accessible à tout le monde et qu'il soit obligatoire, on ne veut pas nécessairement penser prendre le même modèle, c'est-à-dire qu'il apparaisse à chaque année puis de façon obligatoire, comme le cours d'enseignement religieux apparaît. Donc, il y a à repenser, au niveau du curriculum, l'espace qu'on va faire à l'école primaire, le cours qu'on va donner. Et, au fur et à mesure qu'on transformera le curriculum dans nos écoles, on va pouvoir intégrer, somme toute, les applications en fonction du nouveau statut de l'école.

Maintenant, on doit savoir, pour le secondaire, si on procédait rapidement, vous savez que les élèves sont soit en enseignement religieux ou en morale, alors ça ne poserait pas de problème technique. En attendant que l'application du curriculum soit rendue au secondaire, les élèves suivront le cours de formation morale.

M. Legault: Ma question était plutôt... Vous me répondez de façon administrative. Mais je pensais surtout aux parents qui souhaitent conserver un enseignement religieux dans nos écoles puis même, dans certains cas, conserver le statut confessionnel des écoles. La transition, là... On a eu plusieurs groupes, incluant la CEQ, la FTQ, qui sont venus nous dire que ça prend une période de transition, que ce n'est pas ni souhaitable ni possible d'agir sans un certain nombre d'étapes et une bonne période de transition. Est-ce que vous êtes de cet avis-là ou vous pensez qu'il faudrait agir plutôt rapidement? Parce que vous nous dites: Il faut agir maintenant. Donc, je me disais: Est-ce que vous voulez dire «rapidement» quand vous dites «maintenant»?

Mme Séguin Monique): Moi, je pense qu'il faut agir maintenant. Pour moi, ce n'est pas nécessairement aujourd'hui même, ça peut être dans un délai de deux ans. Ce qu'on pense, c'est qu'on est prêts maintenant, avec tous les débats qu'on a faits, à trancher, à aller plus loin. Il ne nous reste qu'une structure à laïciser, c'est nos écoles primaires et secondaires; tout le restant, dans cette société, l'est. Et on pense qu'on est prêts.

Nous, personnellement, nous avons fait, dans ce débat-là, dans ce cheminement-là, je dirais, un pas en avant. Vous parliez de consensus tantôt; nous, ça fait partie du consensus. Parce qu'à l'origine j'avoue que l'Alliance était partie à une laïcité pure, point. Et tout notre cheminement nous a amenés à dire non. Il y a vraiment une richesse dans la transmission des connaissances religieuses, et, somme toute, c'est une histoire des différentes grandes religions qui va permettre à tout le monde d'avoir la même information, de comprendre mieux son voisin et de s'intégrer. Donc, cet enseignement-là va être très positif et pourrait se faire dans les prochaines années.

Quand on parle de transition, j'ai comme le goût de vous dire... de ne pas vous relancer la question, de vous dire: Si c'est de permettre entre autres que des élèves ou des écoles puissent dispenser des cours d'enseignement catholique, du bouddhisme, la réponse est non. Ça ne fait pas partie des périodes de transition parce que, somme toute, ce n'est pas parce qu'on multiplierait les privilèges qu'on serait dans une situation plus de droit. Et, si vous lisez attentivement notre mémoire, vous allez voir que, nous, un élément qui nous inquiète entre autres, c'est le phénomène de ghetto que ça va créer, entre autres sur l'île de Montréal, si jamais c'était ça que vous envisagiez comme des moyens transitoires.

M. Legault: Mais est-ce que vous réalisez qu'en suggérant un enseignement culturel des religions ça n'élimine pas toute la question du choix des religions? C'est-à-dire, vous nous dites: On aurait peut-être des ghettos si on choisissait juste un certain nombre de religions. Mais toute la question se pose avec l'enseignement culturel des religions: Quelles sont les religions qui seront enseignées à l'intérieur du cours d'enseignement culturel des religions? Quelles sont les religions qui seront exclues? Sur quelles bases se feront ces choix? Comment vous voyez ce choix-là des religions qui seront retenues à l'intérieur de l'enseignement culturel des religions?

Mme Séguin (Monique): Je pense que Daniel se meurt de vous répondre.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Choquette (Daniel): C'est vrai qu'on aurait pu davantage être explicites, mais vous savez comme nous les pièges de se mettre à nommer sans exclure. Mais, essentiellement, notre pensée fondamentale, c'est que ça devrait être ce qu'on appelle les grandes religions qui ont contribué à la civilisation occidentale et aux civilisations des autres parties du monde. Je risquerai quand même de nommer... parce que ça ne fait de doute pour personne que le catholicisme est une grande religion dans le monde, que le bouddhisme, que l'islam sont des grandes religions de référence. Mais nous pensons plus à cet ordre-là pour éviter justement de devoir faire un listing.

Mais il faut aussi se dire que c'est évolutif. Parce que, de la même façon qu'il y a tout un courant de nouvelles religions qui ne peuvent pas être occultées dans les enseignements qu'on va donner aux jeunes et qui sont beaucoup plus récentes, il faudra faire état de ces réalités-là. Mais on ne voudrait pas que ce soit le marché des religions, ce cours-là. Il ne s'agira pas de pondérer: Est-ce qu'on va en donner un peu plus pour les catholiques que pour les bouddhistes ou pour d'autres? Est-ce qu'on va intégrer ou pas certaines nouvelles religions au détriment de d'autres? Il s'agit d'expliquer le phénomène religieux dans son ensemble et d'illustrer à travers certaines religions les plus importantes de quelle façon elles ont contribué à l'évolution de nos sociétés.

M. Legault: Mais, vous savez, au Québec, on a recensé plus de 1 000 religions. Est-ce que vous pensez que de choisir les religions que vous venez de mentionner, ce n'est pas justement un peu discriminatoire, aussi discriminatoire que de choisir l'enseignement de quelques religions à l'école?

(15 h 40)

M. Choquette (Daniel): C'est pour ça que je nous invite à ne pas rentrer dans le listing et que je donne à titre d'exemple des grandes religions. Mais vous savez comme moi qu'on n'y échappera pas, à moins que vous me disiez que notre enseignement culturel des religions devrait exclure le catholicisme. Ça m'étonnerait fort parce que le critère que j'ai évoqué, c'est celui, entre autres, dans la mesure où elles ont contribué au développement de nos sociétés, de nos civilisations. Et là je pense que, celles que j'ai nommées, j'ai joué de prudence. Mais je suis conscient comme vous qu'à vouloir allonger la liste on va en faire un marché des religions, et ça, ce serait l'antithèse de la démonstration qu'on doit faire avec cet enseignement-là.

Mme Séguin (Monique): Il y a certainement un espace en secondaire IV et V pour même un chapitre ou pour étudier de façon spécifique même le phénomène des sectes au XXe siècle. Il y a cet espace-là. Je pense qu'il va falloir le regarder aussi.

Vous savez, c'est un défi de taille, là. Pour nous, ça aurait été plus facile – d'ailleurs, on vous l'écrit dans le mémoire – de dire non à ça. Parce qu'il va falloir le pondre, le programme, il va falloir, même au niveau des enseignants comme tels, s'habiliter à enseigner ça. Sauf qu'on pense que ça vaut la peine puis que, comme société, on y gagnerait, ce serait un enrichissement d'avoir ce type de cours là.

M. Legault: Parfait. Merci beaucoup.

Mme Séguin (Monique): C'est moi qui vous remercie.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Bertrand.

M. Cousineau: Merci, Mme la Présidente. Mme Séguin et M. Choquette, bienvenue. Je me suis fait un devoir de lire le mémoire que vous déposez d'un bout à l'autre parce que, au début de ma carrière, en 1971, 1972, 1973, j'étais membre de l'Alliance des professeurs de Montréal. Alors, écoutez, j'ai retenu deux points. À la page 10, vous y avez fait allusion, les sectes. Puis vous précisez que ce serait à l'État de baliser ce qu'on entend par secte ou pas. Qu'est-ce que vous entendez par balises? Quelles seraient les balises que, vous, vous fixeriez?

Mme Séguin (Monique): Lorsqu'on a rédigé cette partie de texte là, on faisait référence au fait que: Est-ce qu'on peut permettre dans les écoles qu'il y ait de l'animation religieuse? Et on s'est dit, bien, l'école, c'est un lieu public. Donc, à partir du moment où l'école, c'est un lieu public, somme toute, ce serait assez particulier qu'on refuse. D'ailleurs, c'est les CE, les conseils d'établissement, qui vont avoir la responsabilité de gérer la location des écoles après les heures de cours, et ainsi de suite. On ne peut pas nier ça. Mais ce qu'on dit cependant, c'est que ça pourrait être délicat.

Qu'est-ce qui pourrait être délicat? Bien, effectivement, un conseil d'établissement pourrait être dans une situation où une secte possède tous les statuts, entre autres, qu'il lui faut pour être reconnue comme secte ou religion officielle, mais les CE pourraient, dans le fond, très bien ne pas se reconnaître là-dedans. Pourtant, c'est pour ça qu'on disait que c'est dangereux pour eux, que ça pourrait les mettre dans une situation difficile et que nous aurions avantage à baliser ce type de situation là pour ne pas faire en sorte de faire supporter à des citoyens le fait qu'ils rejettent, entre autres, de louer l'école un samedi ou un soir à tel type de secte parce qu'ils jugent que ce n'est pas conforme à leurs valeurs et que, somme toute, ils se retrouvent dans une situation d'être, on va dire, accusés ou poursuivis pour discrimination. Donc, dans ce cadre-là, on pense qu'il faut déterminer ça.

M. Cousineau: Est-ce que... Oui, monsieur.

M. Choquette (Daniel): On comprend bien – ce n'est pas allumé, ça devrait être allumé, ça – que la balise dont il s'agit, ce n'est pas la balise de ce qui se retrouve dans les religions auxquelles on pourrait faire référence et celles auxquelles on ne ferait pas référence. Il s'agit plus de balise quant au niveau de responsabilité des membres des conseils d'établissement face à cette situation-là, parce que, précisément, il n'y en aura plus de balise. À partir du moment où on mettra un enseignement des religions même en dehors de l'horaire scolaire – je pense que, d'ailleurs, le rapport Proulx nous met bien les cartes sur table là-dessus – il n'y aura pas de discrimination possible. Les principes que nous défendons ici seront les mêmes ensuite. Et il faudra être capables d'accorder équitablement à quelque groupe que ce soit qui en fera la demande les mêmes privilèges d'avoir accès aux locaux de l'école à 16 h 30 ou à 18 h 30 pour y faire la transmission de la foi dans toutes les religions qui en feront la demande ou dans toutes les sectes. Il n'y aura pas de balise et de distinction, à ce moment-là.

Ce à quoi on en appelle, c'est que, compte tenu de cette situation dangereuse au plan social et menaçante aussi pour la gestion des écoles et pour les membres des conseils d'établissement, à tout le moins si on prenait cette orientation-là – à laquelle on n'est pas chaud, chaud, je vous l'avoue – il faudrait au moins que le gouvernement supporte mieux les conseils d'établissement. Quant à nous, c'est les mettre un peu dans l'eau bouillante, école par école, individuellement. Ce n'est pas une avenue souhaitable.

Mais on aurait mauvaise grâce, vous l'avouerez, tout comme vous, de décréter que les écoles ne sont plus des biens publics. Ce sont des établissements qui appartiennent à la collectivité, ça a été payé par les taxes de tout le monde, et n'importe qui peut y avoir accès dans la mesure où ce n'est pas évidemment pour des activités qui seraient carrément en contradiction avec la mission de l'État, les valeurs communes. On n'y enseignera pas à tuer, là, si vous me permettez un exemple excessif. Mais, autrement, il est très difficile de s'opposer à ce que les écoles, des biens publics, ne soient pas mises à la disposition des collectivités qui en font la demande.

M. Cousineau: Oui, mais je trouvais quand même le concept de balises intéressant parce que, avec l'émergence des sectes à travers le Québec, à travers le monde présentement, quelque part, il va falloir à un moment donné faire la part des choses.

M. Choquette (Daniel): Ce sera dans le cours. Ce sera dans l'élaboration du contenu, dans le curriculum scolaire du cours des religions que les experts auront peut-être à définir comment on aborde et dans quelle proportion les grands courants religieux ou non religieux.

M. Cousineau: D'accord.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. C'est fini, je regrette. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Que voulez-vous! Merci beaucoup, Mme la Présidente. Mme Séguin, M. Choquette, bienvenue. Merci pour votre mémoire, merci pour certains éclaircissements. Et je vous dirais qu'effectivement comme le dit M. le ministre, vous êtes probablement ceux qui sont directement au centre des différentes propositions qui peuvent être faites et surtout de l'avenir de quelque proposition que ce soit en ce qui a trait à l'enseignement religieux à l'école.

Je remarquais, dans votre synopsis, vous parlez d'enseignement confessionnel hors de l'horaire. Et il y a justement des gens qui sont venus nous dire: Finalement, même le cours culturel des religions, est-ce que c'est un enseignement religieux ou est-ce que c'est de la matière, un cours d'histoire... La différence entre les deux. Est-ce qu'on parle vraiment d'un enseignement culturel des religions ou plutôt d'une prise de conscience? Parce que, quand vous parlez dans votre mémoire que l'école n'est pas un lieu de transmission des religions, et tout ça, comment on peut faire pour garder cet équilibre-là dans le cours de culture des religions, c'est-à-dire faire en sorte que ce cours-là soit vraiment un cours, je dirais, d'apprentissage, de connaissance, à la limite, d'histoire et non pas un cours dans lequel, par quelque moyen que ce soit, par quelque méthode que ce soit, on réussisse à transmettre quand même de l'enseignement religieux? Est-ce que vous faites cette différence-là? Ou comment on peut s'assurer que c'est un cours de culture des religions ou un cours comme les autres? Il y a des gens qui nous ont dit: C'est une matière comme les autres, c'est comme un cours de mathématiques, on ne se pose pas la question là-dessus. Comment vous voyez les liens qu'on peut faire entre l'aspect religieux comme tel et l'enseignement?

Mme Séguin (Monique): Écoutez, je vous dirais, pour avoir enseigné l'enseignement religieux puis enseigné la morale, tout est dans les objectifs poursuivis par le cours. Lorsqu'on regarde les objectifs poursuivis présentement par les cours d'enseignement religieux, il y a l'objectif de transmettre la foi et non pas essentiellement de transmettre une connaissance. Alors, je pense que... Comme le ministère de l'Éducation pourrait très bien, lorsqu'il va déterminer son programme de l'enseignement de l'histoire des religions, par les objectifs, aller pointer que ce qui est intéressant là-dedans, c'est la transmission de connaissances, mais surtout pas la transmission, entre autres, de la foi.

M. Béchard: Mais comment on peut – puis vous le dites, vous l'avez fait, vous êtes dans la classe – s'assurer que quelque part c'est vraiment un cours de transmission de connaissances et non pas de transmission de la foi? Parce que plusieurs personnes disent que le même débat a lieu, qu'on soit pour la multiconfessionnalité ou pour un cours de culture des religions. La même chose, les mêmes débats se posent. Et, dans le cas de cours culturel des religions, comment on fait pour s'assurer que, justement, ça ne devient pas indirectement un cours de transmission de la foi?

Mme Séguin (Monique): Bien, Daniel veut vous répondre. Je vais compléter peut-être.

M. Béchard: Allez-y.

M. Choquette (Daniel): J'aurais le goût de partir par un exemple – déformation professionnelle. À partir du moment où vous dites, en classe: Voici, le Dieu vivant est dans la sainte hostie, là, vous avez une version univoque et vous transmettez une croyance, et il n'y en a pas d'autres. À partir du moment où vous précédez ça en disant: Chez les catholiques – puis il y en a peut-être plusieurs dans la classe – lorsque le prêtre, à l'église, lève la sainte hostie, il représente le Dieu vivant, vous donnez un concept, vous ne le transmettez pas comme un dogme de foi.

Il faut donc faire attention. Ce n'est pas la simple multiplicité des religions qui fait que le cours est différent, c'est l'intention, comme vous le disait Mme Séguin. C'est la transmission de la foi qui actuellement fait problème dans les choix de notre société, dans les écoles catholiques particulièrement. Chez les protestants, on sait que les pratiques sont un peu différentes au niveau de l'enseignement religieux.

(15 h 50)

Quant à votre question: Comment s'en assurer? je vous dirai que le ministre serait peut-être mieux habilité que moi même à vous répondre parce que... Là, il n'a pas le droit de parler, hein.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Choquette (Daniel): Mais, s'il avait le droit de parler, il pourrait vous dire qu'il y a un ensemble de mécanismes prévus à la Loi de l'instruction publique qui permettent de contrôler la qualité des enseignements et le contenu des enseignements à travers les régimes pédagogiques et les programmes. Et ce programme-là ne sera pas laissé à qui veut bien, là, école par école, ni au niveau des commissions scolaires, je l'espère, ce sera un programme national comme les autres. Et là il y a des mécanismes de contrôle rigoureux, aussi bien pour son application que pour la préparation du personnel qui doit l'enseigner.

Mme Séguin (Monique): Je voudrais rajouter, moi, un élément. C'est que j'ai suivi des cours d'histoire à l'université. Là-dedans, j'ai eu des cours qui concernaient, entre autres, la religion et qui n'étaient absolument pas une transmission de la foi. Alors, si, au niveau de l'université, les enseignants sont capables de donner des cours d'histoire qui traitent des grandes religions, les enseignants des écoles primaires et secondaires pourront effectivement le faire, à partir du moment où ça sera clairement identifié que les objectifs sont ça et ils vont atteindre ces objectifs-là. Ça ne dispose pas qu'on va avoir besoin, certainement, de perfectionnement, entre autres, pour pouvoir y arriver.

M. Béchard: Mais, justement, là-dessus, il y a des gens qui sont venus qui ont dit que, dans le fond, le fait d'enseigner un cours d'histoire culturelle des religions, ça prend des gens spéciaux, ça prend encore plus de connaissances que n'importe quel autre cours. Est-ce que vous croyez qu'il faudrait, à ce moment-là, soit former des spécialistes ou former des gens de façon spécifique? Parce que le défi est grand, vous le savez comme moi.

Vous avez sans doute lu tout ce qui a trait, entre autres, aux annexes du rapport Proulx, où on dit: La mise en place d'un cours culturel des religions est extrêmement compliquée au niveau de l'équilibre, au niveau du fait qu'il faut s'assurer de ne pas être trop catholique, pas trop protestant, d'avoir la bonne dose partout et que l'enseignement reflète la même chose. Mais la formation des maîtres, dans ces cas-là, est dans la classe. Est-ce qu'il faut y ajouter? Est-ce qu'il faut donner plus? Est-ce qu'il faut ajouter, je dirais, certains éléments que d'autres enseignants n'ont pas et faire en sorte qu'on ait des spécialistes de cet enseignement culturel des religions là? Parce qu'il y a plusieurs personnes qui disent: Quelqu'un ne peut pas arriver et prétendre aller et enseigner, donner un cours comme ça parce que, quelque part, il y a toujours des risques que l'équilibre soit rompu ou encore qu'on tente justement de transmettre la foi plutôt que les connaissances.

Mme Séguin (Monique): Moi, je suis convaincue qu'au secondaire, entre autres, il va falloir qu'il y ait un cours qui prépare les enseignants, au niveau de la formation des maîtres, soit une option à l'intérieur du cours d'histoire. Là, je ne peux pas vous dire que tout est classé présentement dans ma tête. Mais, oui, il faut penser à la formation des maîtres. D'accord?

Deuxièmement, il faut aussi penser, pour les enseignants qui présentement soit enseignent la formation personnelle et sociale, soit enseignent l'histoire, la morale – je pense que je les ai toutes, là, la formation personnelle, la morale, la religion – et qui seraient intéressés à pouvoir aller vivre des perfectionnements... Parce que, vous avez raison, si on regarde la culture que nous avons présentement et la culture des enseignants présentement... D'ailleurs, je sais que vous avez reçu des mémoires où, entre autres, on fait ressortir qu'une des problématiques, même au niveau de la transmission de la religion catholique, c'est que nos enseignants des écoles primaires et secondaires, ils ne sont pas tout à fait habilités à le faire parce que la culture religieuse, les enseignants, ils ne la possèdent pas nécessairement, principalement en ce qui concerne les professeurs du primaire. Donc, on peut penser que certains enseignants, donc, pourront être intéressés à aller à des perfectionnements, posséder un cours et le transmettre.

M. Béchard: Votre réponse à la troisième question principale, en ce qui a trait à l'activité d'animation religieuse, est à la fois claire, mais je voudrais juste avoir certains points pour être bien précis. Vous indiquez que, finalement, l'animation pastorale, si on peut l'appeler comme ça – parce qu'elle ne sera pas religieuse – pourrait se faire de façon confessionnelle à l'extérieur de l'horaire comme tel. Et, quand vous dites: Peut-elle intégrer des activités culturelles? comment... Au niveau de l'animation, à ce moment-là, c'est beaucoup plus de l'animation sociale et d'écoute qu'avec quelque lien que ce soit au niveau confessionnel. C'est vraiment un nouveau type d'animation que vous proposez. Ce n'est pas de l'animation pastorale, pour ne pas qu'il y ait le moindre lien avec quelque religion que ce soit. C'est de quel type d'animation, au juste, qu'il est question?

Mme Séguin (Monique): Alors, on s'est inspirés un peu de ce qui se passe tout de même dans nos écoles secondaires au niveau de l'animation pastorale. Ils font aussi une animation que, moi, j'appellerais civique lorsqu'ils s'intéressent, entre autres, aux différents problèmes de violence, de pauvreté, de support aux personnes âgées, d'élèves en difficulté. Il y a dans nos écoles secondaires énormément de cette éducation-là, davantage sociale, civique que pastorale. Donc, on pense – et d'ailleurs cette position-là, on la retrouve aussi dans le mémoire de la CEQ – que l'animateur devrait être un animateur à la vie civique et on pense qu'il pourrait même, pas être une référence, mais faire référer des élèves qui s'interrogeraient, qui vivent des drames, que ce soit une mortalité, une violence, et qui manifesteraient le désir d'un support, entre autres, religieux, les orienter vers des gens de leur confessionnalité pour avoir le support nécessaire. Mais l'animation comme telle qu'il ferait à l'école serait aux niveaux sociétal et civique.

M. Béchard: Donc, on pourrait parler d'animation sociale beaucoup plus que pastorale.

Mme Séguin (Monique): Absolument.

M. Béchard: C'est de l'animation sociale, oui.

Mme Séguin (Monique): Un instant. Une petite nuance tout de même.

M. Choquette (Daniel): J'ai l'impression qu'il y a une confusion. Je vais me permettre de tenter de la clarifier. J'ai l'impression d'entendre, à deux niveaux, une question qui porte sur l'animation à l'extérieur de l'horaire scolaire et une réponse qui porte sur l'animation à l'intérieur de l'horaire scolaire.

Ce que nous disons, c'est que – on ne l'a pas mentionné spécifiquement, c'est dans les positions qui ont été défendues davantage dans le mémoire de la Centrale – ce qui resterait d'animation dans l'horaire scolaire plutôt que d'être une animation de type religieux, confessionnel serait plutôt une animation de type civique, d'éducation à la vie civique.

Et ce qui nous a inspirés dans l'horaire scolaire, c'est ce qui se fait souvent par la pastorale actuellement, mais qui n'est pas exclusif à la religion catholique ni même à aucune religion. Ce sont souvent des projets d'engagement social, de protection de l'environnement, de support aux personnes en besoin ou aux personnes âgées. Toute cette vie-là, cette vie, je dirais, même spirituelle à certains égards, à l'école, qui transcende toutes les barrières religieuses, pourrait et devrait continuer de se faire avec les jeunes, toutes catégories confondues, si vous me permettez le terme.

Ce que nous abordons dans notre fiche 3, pour mettre un peu plus en évidence ce qu'on écrivait dans le mémoire, c'est que l'animation, tel que le préconiserait le rapport Proulx – où nous prenons une distance à cet endroit-là – ne devrait pas, si elle doit être de type religieux et confessionnel, se faire à l'intérieur de l'horaire. Tout ce qui demeurerait d'animation religieuse devrait, à l'instar de ce qui est recommandé pour l'enseignement religieux, être déporté après les heures de classe parce que ça ne fait pas partie de la mission de l'école.

Et, à ce moment-là, les activités qui pourraient se faire en dehors, c'est les Églises qui en décideront, ce n'est pas nous. Mais on cite, à titre d'exemple, qu'elles pourraient inclure même des activités de type «cultuel». Je m'excuse de préciser, c'est que souvent on fait le lapsus, à la lecture. Ce n'est pas d'activités culturelles dont on parle dans cette animation qui se ferait dehors, c'est vraiment celles qui appartiendraient au culte spécifique de chaque religion. Et là les bouddhistes pourraient retenir l'école publique du quartier pour y tenir une cérémonie selon leurs rites et transmettre la foi dans le cadre d'activités d'animation. Mais les petits enfants issus de cette religion-là, pendant l'horaire scolaire, avec leurs camarades des autres religions, eux, pourraient quand même avoir des activités qui contribueraient à l'entraide des personnes âgées dans le quartier, à la collecte de fonds pour le camp des jeunes défavorisés ou à d'autres activités. Et, à ce moment-là, il y aurait une rencontre au niveau spirituel, mais qui transcende les confessions religieuses.

M. Béchard: O.K. Juste une petite question, avant de passer la parole à mon collègue. Quand vous dites: Peut-on permettre l'enseignement confessionnel hors de l'horaire? vous ne parlez pas seulement d'activités confessionnelles, ou quoi que ce soit, ou, par exemple, d'initiation aux sacrements, mais vraiment d'enseignement confessionnel. Est-ce que, à ce moment-là, il n'y a pas un risque, étant donné qu'on parle d'enseignement, d'avoir des gens qui vont dire: Bien, à l'extérieur de l'horaire, que ce soit pour le transport scolaire ou toutes sortes d'autres raisons, on ne peut pas y avoir accès, donc il y a un risque de discrimination? Qu'est-ce que vous répondez à ces gens-là?

M. Choquette (Daniel): Il n'y a plus de risque parce que ça n'appartient plus à la mission de l'école. Nous vous disons simplement que ça se passerait à l'école parce qu'on ne peut pas s'objecter à ce que l'école publique payée par les taxes puisse être prêtée ou louée aux Églises. Mais je vous dirai que les Églises pourraient privilégier de ne pas faire leur enseignement dans les locaux de l'école. Ce serait peut-être plus pratique au sous-sol de l'église ou de la mosquée ou du temple bouddhiste. Ils ont souvent des locaux, et certaines religions le font déjà avec beaucoup de dynamisme, hein, et avec succès.

M. Béchard: O.K. Merci. Je passe la parole à mon collègue.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le député. Maintenant, M. le député de D'Arcy-McGee.

(16 heures)

M. Bergman: Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme Séguin et M. Choquette. Vous avez mentionné que la législation des écoles confessionnelles va créer des ghettos. J'aimerais savoir, c'est quoi votre définition des ghettos? Et aussi, pour faire suite à la question de mon collègue, vous dites, dans la section de votre mémoire, Enjeu social , que s'il est légitime que les jeunes aient accès à une formation religieuse librement consentie, ce droit individuel ne peut pas s'opposer à la nécessité de maintenir à l'intérieur de l'école publique un régime à caractère sans discrimination. Mais comment et où est-ce que nos jeunes, qui ont un libre choix, auront cette formation religieuse? Comment est-ce qu'ils vont avoir cette formation?

Mme Séguin (Monique): Je vais commencer pas le phénomène de ghetto. Je pense, entre autres, pour habiter sur l'île de Montréal, que somme toute, s'il y a certains regroupements au niveau ethnique, de façon générale, la ville de Montréal ne représente pas une ville où le phénomène de ghettoïsation est très important. Mais, à partir du moment où une école pourrait dispenser, exemple, un cours au niveau du bouddhisme, étant donné que nous avons le libre choix de l'école, on sait très bien qu'autobus et métro aidant il va y avoir une concentration d'élèves de cette communauté religieuse là ou de ce regroupement religieux là qui vont se ramasser dans ces écoles-là.

Je veux juste vous donner un exemple que nous avons vécu, quelque chose de similaire. Nous avons des écoles présentement qui sont plus tolérantes par rapport au port du voile islamique et on a connu le phénomène de rassemblement dans ces écoles parce que le bouche-à-oreille disait: Là, tu peux y aller. Somme toute, ils se sont ramassés avec ce que moi j'appellerais une population qui ne correspond pas au quartier, donc une certaine forme de regroupement.

Dans ce cadre-là, il nous est difficile de penser que, si on permettait, entre autres, lorsque le nombre le justifie, qu'une école puisse offrir un cours d'enseignement religieux, qu'il ne se créera pas le même phénomène et qu'on ne se ramassera pas qu'on sait qu'à telle école il y a possibilité donc on oriente nos enfants à cet endroit-là. Ça aurait un effet, je vous dirais, au niveau de la ville, mais ça aurait aussi un effet à l'intérieur même de l'école.

Tantôt, vous allez recevoir les directions d'écoles, elles vont pouvoir vous dire que lorsqu'on fait l'organisation scolaire et qu'on donne une contrainte à l'organisation scolaire – exemple, tel cours sur le bouddhisme – ça a pour effet que ça se retrouve, par après, cette contrainte-là, dans d'autres cours comme de français, de mathématiques. Plus on inscrit des contraintes, plus somme toute, à l'intérieur de l'école, les groupes n'éclatent pas nécessairement, il y a des concentrations qui se suivent continuellement. Alors, il y aurait ce phénomène-là à l'intérieur de l'école, qu'on vivrait en vase clos, toujours dans les mêmes cours, et il y aurait aussi le phénomène extérieur. Et, pour nous, ce serait en plus totalement contraire à l'esprit de la réforme qui travaille en éducation, qui travaille davantage autour de l'école de quartier et de l'école à proximité plutôt que d'écoles à partir de projets totalement indépendants du quartier.

Alors, je ne sais pas si j'ai pu m'expliquer correctement sur le phénomène de ghettoïsation à l'interne comme à l'externe. Pour l'autre volet...

La Présidente (Mme Charest): Rapidement, il ne reste qu'une minute.

M. Choquette (Daniel): Écoutez, dans le fond, ce qu'on vous dit, c'est: Oui, c'est légitime. Il ne s'agit pas de percevoir dans notre intervention qu'on veut interdire aux enfants de recevoir la transmission de la foi dans leur religion. Cela a un lieu pour ce faire, c'est l'Église ou le regroupement communautaire et confessionnel. Ce qu'on dit, c'est que ça ne peut pas se faire dans l'école ou de quelque autre manière qui aurait pour effet de faire en sorte que l'école publique n'offrirait pas un traitement équitable à tout le monde. C'est dans ce sens-là qu'on pense qu'il ne faut pas percevoir notre intervention comme un refus de la transmission de la foi, cela est légitime, mais pas dans l'école ni d'aucune façon qui ferait en sorte que l'école publique n'est plus publique.

La Présidente (Mme Charest): M. Choquette, Mme Séguin de l'Alliance des professeures et professeurs de Montréal, les membres de la commission vous remercient pour cet échange. Bonne fin de journée!

Des voix: Merci.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Charest): Maintenant, j'appelle les membres de l'Association montréalaise des directions d'établissement scolaire à prendre place à la table.

Bonjour, messieurs. Je vous demanderais, dans un premier temps, de nous décliner vos noms, de vous présenter, en quelque sorte. Vous avez 20 minutes pour faire l'exposé de votre mémoire. S'ensuivront de chaque côté de la table des discussions: 20 minutes d'un côté, 20 minutes de l'autre.


Association montréalaise des directions d'établissement scolaire (AMDES)

M. Émery (Pierre): Merci. Permettez-moi de vous présenter M. Jacques Delfosse, qui est à ma droite, qui est vice-président de notre Association, ainsi que M. Jacques Monette, qui en est le secrétaire administratif. On s'excuse, Mme Archambault, qui devait être avec nous, a été retenue par maladie.

La Présidente (Mme Charest): Et vous, vous êtes monsieur?

M. Émery (Pierre): Je suis Pierre Émery, le président de l'association.

La Présidente (Mme Charest): Si j'insiste, c'est pour les enregistrements de nos discussions.

M. Émery (Pierre): Parfait, madame.

La Présidente (Mme Charest): Merci.

M. Émery (Pierre): Alors, si vous permettez, nous allons faire la partie théorique de cette session. L'AMDES et son approche. L'Association montréalaise des directions d'établissement scolaire représente plus de 400 directions d'établissement scolaire qui oeuvrent sur une grande partie de l'île de Montréal, soit à la commission scolaire de Montréal et à la commission scolaire de la Pointe-de-l'Île.

Notre analyse, nos remarques et nos recommandations, au regard du rapport du groupe de travail intitulé Laïcité et religions: perspective nouvelle pour l'école québécoise , s'inscrivent dans le contexte de l'éducation à Montréal et reflètent le point de vue des praticiens que nous sommes. Il est évident que les recommandations du groupe de travail touchent l'un des fondements de l'école au Québec et que les décisions que prendra l'Assemblée nationale auront un impact irréversible sur l'avenir de notre société en remaniant le vécu quotidien des établissements d'enseignement, et particulièrement à Montréal.

Le milieu montréalais en 1965. Le milieu social montréalais, à l'époque du rapport Parent, était, dans nombre de quartiers, presque exclusivement francophone et très religieux. La famille constituait une cellule étanche et ses membres étaient ostensiblement pratiquants. La paroisse était très importante et s'avérait le lieu de rassemblement et le centre de la communauté.

Le clergé, fort de son autorité morale, exerçait une grande influence sur les gens et sur les institutions publiques. Les grandes institutions publiques de service telles les hôpitaux, les universités, les collèges classiques, les écoles et même certains syndicats avaient encore des attaches religieuses. Les écoles étaient catholiques ou protestantes et la pratique religieuse était partie prenante de la mission de l'école. Des signes extérieurs de la présence de la religion ornaient les bâtisses et les noms des écoles sont encore là pour en témoigner. L'école représentait somme toute les valeurs de son milieu ambiant.

Le milieu montréalais en 1999. Une trentaine d'années plus tard, qu'en est-il? La société montréalaise a radicalement changé. La famille s'est dénouée, l'influence de l'Église est discrète et la composition de la société est multiethnique. La monoparentalité et les besoins qu'elle engendre ne sont plus l'exception, loin s'en faut, et la famille reconstituée n'a pas les assises de l'hérédité. La paroisse n'a pas de signification pour la très grande majorité des enfants, si ce n'est pour les fêtes sacramentelles, et en particulier la première et souvent unique communion.

(16 h 10)

L'Église n'a pas l'ascendant qu'on lui connaissait. Elle a concédé une bonne part de son rôle au profit de groupes de pression et de regroupements populaires, sans parler du pouvoir qu'exercent les magnats de la finance. Les institutions publiques sont pratiquement toutes déconfessionnalisées. La religion n'est plus affaire d'État. L'homogénéité ethnique, par ailleurs, n'est plus qu'un fait historique. La composition de la population montréalaise est très diversifiée. Des concitoyens d'origines diverses composent la population montréalaise, intégrant ainsi de nouvelles communautés religieuses dans le tissu social. Somme toute, maintenant à Montréal il n'y a plus qu'une voie à suivre mais une multiplicité d'avenues. Les enfants sont le reflet du monde en devenir qui les entourent, ils n'y sont pas étrangers.

Des chiffres éloquents. La comparaison des chiffres des quatre derniers recensements à partir de 1961 nous montre que le nombre de catholiques sur l'île de Montréal, toutes proportions gardées, est passé de 77 % de la population à 69 %, en 1991. Cela signifie que près d'un citoyen sur trois habitant l'île de Montréal n'est pas catholique. Cette donnée est significative lorsqu'on sait que 26 % de notre société vivait à Montréal en 1991 alors qu'ailleurs au Québec, soit 74 % de la population, on était catholique à plus de 92 %. Il ne nous paraît pas risqué d'avancer qu'il est tout à fait plausible que la proportion de catholiques sur l'île de Montréal est moindre de nos jours.

L'environnement social dans l'ensemble du Québec baignerait dans un climat catholique alors qu'à Montréal la dynamique est tout à fait différente. On perçoit sans peine le clivage important qui se répercute sur le vécu de nos établissements scolaires. En effet, au recensement de 1998, le nombre d'élèves francophones de foi catholique sur l'île de Montréal était de 96 453 sur une population totale d'élèves francophones de 141 385, soit 68 %. Il y a, en 1998, 45 000 élèves de foi autre que catholique dans nos écoles. Nous pouvons vous assurer que ce nombre est encore plus élevé aujourd'hui, plus d'un élève sur trois vivant dans nos écoles n'est pas catholique.

Nous constatons, en poussant plus loin notre saisie des données, que les inscriptions de 1997 dans les commissions scolaires du Québec révèlent que les trois commissions scolaires francophones du Québec les plus hétérogènes au plan religieux sont situées sur l'île de Montréal, soit la commission scolaire de Montréal, la commission scolaire Marguerite-Bourgeois, la commission scolaire de la Pointe-de-l'Île. Qu'il nous soit permis de rappeler que nous représentons le personnel de deux de ces commissions scolaires, dont la plus populeuse du Québec.

Nous voyons également que, si l'on prend l'ensemble des enfants vivant sur l'île de Montréal et inscrits dans une des cinq commissions scolaires, soit francophones ou anglophones, qui regroupent le territoire de l'île de Montréal, seulement 60 % sont de foi catholique. Un texte du journal La Presse , édition du 11 septembre 1999, illustre avec acuité notre propos: «Montréal compte la plus forte population d'Arabes au Canada.» Avons-nous besoin de rappeler que cette population s'ajoute aux fortes concentrations confessionnelles de juifs, de musulmans, d'orientaux et de non-croyants? La clientèle de la commission scolaire de Montréal est un reflet de cette réalité, puisqu'au 30 juin 1998 on comptait 65 % d'élèves déclarés catholiques, 5 % d'élèves déclarés protestants et 30 % d'élèves déclarés d'autres religions ou sans religion. Et seulement 58 % de ces élèves avaient comme langue maternelle le français. Il est utile de noter le fait qu'il s'agit de constatations issues de données objectives et non de perceptions, si ce n'est pour quelques extrapolations que notre connaissance empirique du milieu nous permet d'avancer. On peut donc conclure que l'école montréalaise n'est plus monolithique.

La réalité religieuse. Plus d'un élève sur trois n'est pas de confession catholique dans nos écoles. Plusieurs membres du personnel de nos écoles se retrouvent en difficulté quand il s'agit d'enseigner la religion et les croyances qui y sont véhiculés. Nombre d'entre eux ne sont plus nécessairement pratiquants ou même croyants. La pratique religieuse catholique à Montréal est de l'ordre de 10 % alors que pour l'ensemble du Québec elle se situe à 15 %. Le Québec, et plus particulièrement Montréal, est devenu une terre d'accueil où seule la langue commune servira à la cohésion de notre société.

La religion et le respect des lois. L'État a comme responsabilité première de veiller à ce que tous les citoyens soient égaux devant la loi et qu'aucun groupe, même religieux, ne dispose de privilèges particuliers. Il est clair pour les membres de l'AMDES que la foi et la pratique religieuse ne sont pas du ressort de l'État. Les croyances, la foi et la religion relèvent des libertés individuelles et ne peuvent faire l'objet d'une imposition par l'État qui doit se limiter à en permettre l'exercice. L'État doit donc, à notre avis, être neutre et laisser aux parents le soin d'adhérer ou non à une Église ou encore à un regroupement de croyants tout en leur laissant la possibilité d'exister et de proposer leur conception du divin. L'État est le gardien de la morale sociale.

Le Québec, depuis 1975, est régi par sa Charte des droits et libertés de la personne. Il ne peut y avoir, en vertu de cette Charte, de discrimination notamment sur la base de croyances ou de religions. La liberté de conscience et la pratique religieuse sont garanties, et c'est là un droit fondamental. Or, le gouvernement du Québec ne respecte pas la Charte, puisqu'il ne donne pas les mêmes droits à toutes les communautés religieuses. Il se soustrait donc aux chartes et québécoise et canadienne en utilisant la clause dérogatoire sur laquelle nous nous pencherons un peu plus loin. Nous pensons donc qu'il faut modifier l'article 41 de la Charte québécoise et remanier en conséquence la Loi sur l'instruction publique, puisqu'il est tout simplement impossible, à Montréal, d'offrir des cours de religion à la carte, pour les raisons que nous avons exposées précédemment.

La Charte des droits et libertés de la personne du Québec est le fondement de toute l'organisation communautaire québécoise. Elle est d'une importance capitale et elle doit être respectée. Prenons en considération cependant qu'elle a été écrite en 1975 et en conformité avec la situation sociale qui prévalait à ce moment-là. Vingt-cinq ans plus tard, elle a besoin, comme toute loi dynamique, d'être adaptée aux réalités nouvelles. L'article 41 pose problème car il confère un droit aux parents d'exiger que l'école réponde à leurs demandes en matière d'enseignement religieux. Le gouvernement québécois se soustrait de cette obligation d'équité pour tous en utilisant une clause dérogatoire évidemment à la Charte canadienne. Le gouvernement vient d'ailleurs de renouveler cette dérogation pour une période de deux ans. Nous pensons qu'il est temps que le Québec respecte ou modifie la Charte. Nous demandons qu'il la modifie, car on ne pourrait donner à l'école des cours de religion respectant les croyances de chaque composante du milieu montréalais.

Le statut de l'école. Le rôle de l'école. Le rôle de l'école est-il de transmettre la foi et d'inciter les jeunes à la pratique religieuse? L'école est-elle au service des églises? Nous ne le croyons pas. L'école a pour mission d'instruire, de qualifier et de socialiser les enfants afin d'en faire des personnes équilibrées, capables de devenir meilleures et de contribuer à l'enrichissement de notre société. L'école, cependant, n'est pas la seule institution qui doit s'occuper de la formation du jeune. Nous affirmons que l'éducation à la foi et à la pratique religieuse est du ressort des parents et des Églises ou communautés de croyants.

Il nous paraît utile à ce stade-ci de prendre un peu de recul pour signaler que l'élève vit environ 1 200 heures par année à l'école. Or, une année compte quelque 8 700 heures. On peut donc affirmer qu'un enfant est sous la gouverne de l'école pendant 14 % de son temps. Il est temps de cesser de demander à l'école de tout faire, c'est-à-dire ce que d'autres ne peuvent ou ne veulent pas faire. Il y a des responsabilités qui notamment appartiennent aux parents et aux groupes communautaires.

Les valeurs. Une citation parmi tant d'autres nous paraît pertinente et peut nous permettre de nous situer au chapitre des valeurs. Jacques Grand'Maison, en effet, écrit dans L'école enfirouâpée que: «Une valeur, c'est inséparablement un mode particulier d'être, de vivre, de penser, de sentir, de communiquer, d'agir. Un mode à la fois personnel et collectif. Une conduite de vie et une pratique sociale.» L'école doit donc privilégier, dans son projet éducatif et dans les comportements attendus de la part de son personnel et des élèves, des valeurs que l'on retrouve notamment dans la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. La société est donc en droit de s'attendre à ce que l'école développe chez l'élève le sens des autres, l'ouverture, l'aide et le support, le sens du beau, du vrai, de la justice, le sens de la responsabilité et de la tolérance, le sens de l'excellence, le goût du travail bien fait. Nous reconnaissons bien sûr qu'une religion ou une croyance peut constituer une valeur en soi mais nous maintenons qu'il n'appartient pas à l'État de la propager ni à l'école d'enseigner toutes celles du milieu ambiant.

(16 h 20)

Le rapport du groupe de travail propose des options que nous avons analysées en termes de faisabilité à Montréal. Nous ne pouvons accepter le statu quo, car cela fait abstraction de notre réalité multiconfessionnelle. L'option communautarienne, quant à elle, suppose une telle organisation sur le territoire de Montréal qu'elle va drainer les énergies vers la logistique plutôt que la pédagogie et entraîner la disparition de l'école de quartier tout en freinant l'intégration des différentes ethnies.

L'option des écoles à projet particulier nous apparaît distordue puisqu'elle ne favorise pas l'école de quartier et octroie des privilèges à des groupes religieux, ce qui est contraire à l'esprit de la Charte québécoise. Le secteur privé peut toujours répondre aux exigences de ces gens, exigences auxquelles ils devront contribuer financièrement.

La position de l'AMDES. Nous croyons en une école laïque, sans rapport avec une confession religieuse, qui développe des valeurs communes à tous, c'est-à-dire l'école de quartier ouverte à tous et qui rassemble les citoyens quelles que soient leurs différences. Monsieur va continuer.

La Présidente (Mme Charest): C'est M. Delfosse, vous avez dit?

M. Delfosse (Jacques): Jacques Delfosse, oui, c'est ça.

L'enseignement culturel religieux à l'école. Les différentes options. Nous n'adhérons pas à l'option qui propose l'enseignement de toutes les religions et l'enseignement culturel des religions parce que l'État, nous l'avons dit, se doit d'être neutre, que la mission de l'école n'est pas d'assurer l'enseignement religieux et qu'un tel éventail de cours rendrait la gestion pédagogique d'une complexité excessive.

L'option de l'enseignement culturel des religions est intéressante, mais elle fait ressurgir des éléments contradictoires dans la tête des enfants. Nous ne croyons pas, en effet, qu'un élève du primaire puisse faire la part des choses entre le cheminement spirituel qui lui serait inculqué par ses parents et leur communauté religieuse face à un enseignement qui lui fera découvrir toute une panoplie de croyances. Il suffit, pour s'en convaincre, de prendre connaissance des principes directeurs et des éléments de contenu du programme que retient le comité d'experts et à qui le groupe de travail de M. Proulx avait confié le mandat d'examiner la question. Rappelons-nous, à cet égard, la diversité des confessions religieuses qui coexistent à Montréal.

L'option de l'enseignement culturel des religions respecte la Charte des droits et libertés, mais sachons dès maintenant que des parents refuseront la participation de leur enfant à ce type de cours et que, de ce fait, nous allons faire ressurgir la marginalisation d'élèves, ce qui n'est certes pas, présumons-nous, l'intention du législateur. Parler de la religion à l'école est maintenant un sujet très délicat chez nous et, comme nous l'avons soutenu précédemment, ne peut plus être la mission de l'école.

Les programmes scolaires. Nous estimons que les principes directeurs devant sous-tendre l'enseignement culturel des religions devraient être intégrés dans les programmes scolaires du nouveau curriculum. N'oublions pas que nous sommes en pleine révision des programmes. Pourquoi ne pas profiter de cette opération pour intégrer à des cours réguliers les éléments de base relatifs à la teneur des chartes aux principales lois sociales et aux principes qui régissent le comportement d'un bon citoyen?

Nous proposons, à l'AMDES, qu'à l'école il n'y ait aucun enseignement culturel des religions. Nous suggérons, par contre, que l'ensemble des notions de culture et d'histoire des religions soit intégré dans des programmes académiques existants pour parfaire la formation du jeune citoyen. Cette option favorise l'intégration des élèves du quartier sans marginaliser qui que ce soit, ce qui, faut-il le rappeler, exige la modification ou la suppression de l'article 41 de la Charte des droits.

L'animation de la pastorale. Offrir l'animation de la pastorale pour chaque religion est utopique. Il serait plus que difficile de trouver des animateurs qualifiés et sans doute impossible de les intégrer dans les horaires complexifiés à souhait, ce qui s'apparente à la quadrature du cercle tout en nous mettant en face d'une marginalisation parcellaire. Offrir de l'animation commune de la vie religieuse et spirituelle va causer des frictions, discussions pour être certains que tous seront bien servis et sans contrainte dans un milieu aussi multiconfessionnel que Montréal. Comment s'assurer que l'aiguilleur répondra aux aspirations de tous les parents et de leurs enfants? Est-ce que la composition du conseil d'établissement n'aura pas une influence déterminante sur les activités qui sont privilégiées à l'école, pouvant laisser pour compte certaines confessions? C'est risqué d'investir en sachant à l'avance que nous n'atteindrons pas l'objectif visé quant au cheminement spirituel et religieux de l'élève. Nous verrions d'un bon oeil, par ailleurs, qu'il y ait de l'animation religieuse après les heures de classe, mais aux frais des utilisateurs et des groupes dispensateurs. Cette approche témoigne d'une ouverture à tous, sans discrimination, n'obligeant l'école qu'à fournir des locaux et certains services de conciergerie.

Donc, nous privilégions qu'il n'y ait aucun service d'animation pastorale religieuse payé par l'État, cette responsabilité appartient aux Églises. Nous proposons plutôt d'intensifier, là où l'équipe et l'école et son conseil d'établissement le jugent à propos, les services d'animation communautaire sans connotation religieuse. Cela répond souvent aux besoins des jeunes qui apprécient une vie étudiante signifiante à l'école, ce qui valorise la collaboration, l'aide, l'ouverture aux autres, l'écoute, la solidarité et le sens du partage.

La Présidente (Mme Charest): C'est fini?

M. Delfosse (Jacques): Vous avez dit qu'il restait une minute à peu près. C'est ça?

La Présidente (Mme Charest): C'est terminé, mais est-ce que vous avez une conclusion rapide?

M. Delfosse (Jacques): Bien, la conclusion, en fait... Je peux peut-être vous donner la conclusion. Puis ensuite les recommandations sont à la fin. Donc, je vais vous donner simplement la conclusion, pour l'instant.

La Présidente (Mme Charest): Oui. Allez-y, monsieur.

M. Delfosse (Jacques): L'unanimité sur laquelle se fondent les recommandations du groupe de travail présidé par M. Jean-Pierre Proulx constitue certainement un acquis de taille pour fins de discussion. Nous osons croire cependant que notre expérience de l'éducation, au jour le jour, à Montréal, recevra toute la considération voulue. C'est précisément en vertu de cette perspective que nous nous refusons à donner notre aval à l'enseignement culturel des religions de même qu'à l'animation commune de la vie spirituelle et religieuse.

Il est à espérer que le gouvernement ne tardera pas à prendre position et à permettre à l'école de s'acquitter de sa mission primordiale: instruire, éduquer, socialiser. Nous ne nions pourtant pas l'importance de la foi ni de l'enseignement religieux ou de l'apprentissage des rites propres aux différentes confessions. Cette importante mission est à nos yeux la responsabilité conjointe des parents, des Églises et des groupes religieux.

Notre mandat a changé depuis le rapport Parent. L'école va continuer à transmettre les valeurs morales et, pour ce faire, nous demandons que celles-ci soit intégrées dans les programmes des diverses matières. Le temps est propice à une telle adaptation, puisque nous sommes en pleine réforme des programmes.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. Delfosse. Ne vous découragez pas, on a tous votre mémoire et on a lu vos recommandations. Alors, je passe la parole à M. le ministre de l'Éducation. M. le ministre.

M. Legault: Oui. M. Émery, M. Delfosse, M. Monette, merci d'être ici, avec nous, cet après-midi. Et, un peu comme je le disais tantôt aux enseignants qui vous ont précédés, je pense que vous aussi vous vivez au coeur de la diversité religieuse et du pluralisme qu'on connaît. Donc, vous pouvez sûrement nous aider à dégager des orientations pour rechercher la cohésion sociale qui est souhaitable pour tout le monde.

Vous savez sûrement que plusieurs des personnes qui sont venues ici – entre autres, plusieurs parents – ne souhaitent pas voir une cassure radicale dans la position qu'on prendra éventuellement. Et c'est pour ça que je pense que c'est important de se parler d'une période de transition, puis qui dit période de transition dit d'aller informer les parents. Puis je pense que vous allez avoir un rôle important à jouer finalement dans cette période de transition, les directeurs d'établissement.

Bon, vous avez un contact quand même très étroit avec les parents. Et ma première question, c'est d'abord de vous dire... Bon, votre Association, un peu comme la Fédération québécoise des directeurs d'établissement qui est venue nous voir cette semaine, vous réclamez l'application quasi intégrale de la laïcité scolaire. Or, plusieurs groupes – entre autres, on avait ce matin la Fédération des commissions scolaires, puis on pourrait aussi parler de l'Association des directeurs généraux puis de plusieurs autres – jugent que votre approche est pour l'instant, au Québec, irrecevable, notamment de la part des parents.

Comment vous expliquez que votre position, donc la position des directeurs d'établissement, soit si loin de la position des commissions scolaires puis des parents qui sont finalement très près de vos relations quotidiennes?

La Présidente (Mme Charest): M. Émery.

(16 h 30)

M. Émery (Pierre): Je pense, M. le ministre, qu'il faut se replacer dans le contexte et la raison pour laquelle nous sommes assis ici, aujourd'hui. La raison est pour témoigner de ce que nous vivons, du moins, dans nos écoles à Montréal. Et aussi – je ne dis pas que c'est un avantage, c'est un constat – c'est que nous n'avons pas à faire une moyenne par rapport à un organisme qui est au niveau de toute la province. C'est pour ça que la solution, elle est peut-être difficilement exportable, sauf qu'elle rend compte d'une réalité que nous vivons de façon quotidienne.

Pourquoi? Évidemment, quand on parle, comme vous dites, d'application, il est bien évident, M. le ministre, que nous n'avons pas travaillé sur: est-ce que ça doit s'appliquer demain matin ou à plus long terme? Nous voulons simplement rendre témoignage ici au fait que les groupes que nous avons dans nos écoles... Et, en passant, si vous me permettez, je vais ouvrir une parenthèse, il y a évidemment, sur l'île de Montréal aussi, des endroits qui sont exactement comme l'ensemble de la province, c'est-à-dire à forte concentration catholique, etc. Ce n'est pas pour ces gens-là qu'on veut parler aujourd'hui, parce que ces gens-là sont organisés, etc. Ce qu'on vent rendre comme témoignage, c'est le vécu de nos écoles. C'est souvent les parents qui sont évidemment à caractère multiethnique, qui ne font pas partie de nos... qu'on arrive difficilement à avoir... à faire partie de nos conseils d'établissement, à faire partie de nos organismes de consultation réguliers ou bien organisés, et que ces gens-là ont des préoccupations plus quotidiennes, évidemment, souvent aussi pour survivre ou pour vivre, tout simplement. C'est avec ces gens-là que nous devons, nous, composer en grande partie à Montréal, et c'est pour ça que, à ce niveau-là, il est difficile d'arriver à... C'est peut-être ce qui explique, pardon, la différence par rapport à une situation moyenne ou à un positionnement moyen. Alors donc, nous pensons que nous devons... pas être le porte-parole, mais être le porte-parole de la réalité quotidienne de nos écoles, de cette réalité que nous vivons où...

Aussi, il faut penser que, dans une ville comme Montréal, les organismes religieux, ou Églises, ou groupes culturels, c'est l'endroit où ils s'organisent, c'est l'endroit où, souvent, ils ont une maison mère ou un endroit plus précis, un temple, ou quelque chose, ce qui fait qu'on a souvent à travailler ou à communiquer avec des gens qui sont soit bien positionnés à l'intérieur de la communauté, etc. C'est ce qui nous amène à être un peu plus radicaux dans le jugement. Ce n'est pas qu'on ne veut pas l'étaler, c'est qu'on ne voit pas, de façon quotidienne, comment nous allons être capables de procéder en respectant... puisque, si nous partons avec l'idée, M. le ministre, que, dans deux ans, il n'y a plus de clause dérogatoire, nous ne voyons pas comment nous pouvons articuler ce qui peut sortir autre que ce genre de position que nous avons présentement. Alors, je le répète, c'est un point de vue purement praticien, et praticien à Montréal aussi.

M. Legault: Bon. Vous me dites: C'est un point de vue praticien. Moi, c'est justement de ça dont je veux vous parler, là. Tantôt, on avait la Fédération, entre autres, des commissions scolaires qui nous disait: Sur le terrain, on ne voit pas de gros problèmes avec la situation actuelle. On ne voit pas de gros problèmes et on est en train de se créer des problèmes un peu théoriques de discrimination possible. Moi, ce que je voudrais vous entendre dire, là, c'est: Est-ce que, vous, sur le terrain, dans votre vécu... Est-ce que vous voyez des grands problèmes sur le terrain avec la situation actuelle?

La Présidente (Mme Charest): M. Émery.

M. Émery (Pierre): Oui, je pense qu'on peut ajouter, M. le ministre, que, si le tout restait comme il est présentement, c'est-à-dire avec la clause dérogatoire qui se poursuit, etc., c'est que les communautés religieuses savent comment s'orienter présentement. C'est clair au point de vue de la loi qui... Et ça nous amène un vécu que peut-être tout le monde n'est pas bien servi, mais ça n'amène pas de difficultés majeures.

Mais, si on part avec l'idée, M. le ministre, que, dans deux ans, les gens auront à choisir et que l'ensemble des religions pourraient être appliquées, c'est en vertu de cette hypothèse et, probablement, réalité qui va suivre que s'inscrit la position que nous avons présentement. J'espère que je réponds bien, M. le ministre.

M. Legault: Donc, si je comprends bien, il n'y a pas de problème, selon vous, actuellement, il y en aurait dans deux ans si on ouvrait les écoles à toutes les religions. Est-ce que je comprends bien?

M. Émery (Pierre): Effectivement.

M. Legault: Donc, il n'y a pas de problème actuellement.

La Présidente (Mme Charest): M. Delfosse.

M. Delfosse (Jacques): Oui. Il n'y a pas de problèmes majeurs, mais il y a quand même certaines écoles qui, actuellement, avec seulement les catholiques et les protestants et l'enseignement moral, bien entendu, là, ont déjà des problématiques d'organisation. Alors, il est clair que, si on en venait à avoir plus de religions à enseigner au niveau de l'école, bien, je pense que, là, on en aurait des problèmes. Nous, notre point de vue, il est intimement relié au renouvellement du curriculum scolaire, à l'établissement des programmes, aux compétences transversales qu'on veut mettre de l'avant et, quelque part, de se dire: Puisqu'on est en réforme, profitons-en actuellement pour aller... Parce que 2001, hein, ce n'est pas loin, ça, là, on se dit: Bien, pour 2001, organisons-nous pour atterrir, dans le fond, avec un ensemble autant au niveau des programmes, autant au niveau de l'enseignement des religions, pour lequel on dirait: Bon, bien, dorénavant, l'école, elle ne le fera plus, ce bout-là. Elle va continuer à véhiculer des valeurs, elle va continuer à donner l'enseignement moral, etc., mais, au niveau des religions, on va le remettre aux Églises.

Et je pense que Montréal est certainement un terrain propice pour recevoir actuellement ce type de changement. On vient de passer des commissions scolaires catholiques à des commissions scolaires qui sont non confessionnelles. Oui, ça a brassé, mais on a comme décanté de cette problématique-là et on se rend compte que, dans le fond, ça passe. Alors, il s'agit, je pense bien, d'un geste à poser et puis, quelque part, de prendre des décisions autour de cette problématique-là.

M. Legault: Mais, en même temps, au niveau pratique, vous reconnaissez qu'il y a un pourcentage important des parents, même à Montréal, qui souhaitent conserver un enseignement religieux. Et on pourrait même aller plus loin en disant que, d'une certaine façon, ça pourrait être discriminatoire à leur endroit que de leur refuser ce qu'eux souhaitent. Est-ce que je comprends bien?

La Présidente (Mme Charest): M. Émery

M. Émery (Pierre): C'est le principe, M. le ministre, de la démocratie ou bien du principe libéral. C'est toujours la même chose, c'est toujours le même débat qui arrive au niveau... Alors, nous, par contre, on prétend que tous les parents qui font la confrérie de la multiethnicité ne sont pas nécessairement représentés dans les porte-parole et les mécanismes que nous avons. Ils peuvent être représentés, mais, disons, à cause de ce qu'on vit dans nos écoles, à cause des problèmes de langue, des problèmes de s'articuler, etc., ces voix-là ne sont pas représentées. Si on garde les mêmes règles du jeu, c'est différent. Si on change les règles du jeu, il faudra penser un peu différemment.

M. Legault: Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Charest): M. le député de La Prairie.

M. Geoffrion: Bienvenue, messieurs. Il y a une qualité dans votre mémoire, c'est que c'est extrêmement clair et concis. Ça, je peux vous dire ça pour avoir lu la majorité très attentivement. On ne peut pas vous reprocher de ne pas être clair.

Donc, ça m'amène à penser que vous proposez presque un Proulx plus, hein, je pense que c'est comme ça qu'on peut l'interpréter. M. le ministre l'a dit tout à l'heure aux gens de l'Alliance des professeurs, ce qu'on recherche, c'est un consensus, est-ce que vous pensez sérieusement que vos recommandations vont aller chercher ce consensus-là? Vous dites à la page 20, par exemple, que, pour la mise en oeuvre des changements proposés d'ici l'an 2001, il n'y en aura pas de consensus, qu'il va même y avoir des déchirements, etc., entre les parents, mais, avec ce que vous proposez, est-ce que vous pensez que ça va être plus facile d'aller chercher un consensus que ce qui est proposé pour 2001 via les conseils d'établissement? J'aimerais ça vous entendre un petit peu là-dessus.

La Présidente (Mme Charest): M. Émery.

M. Émery (Pierre): Oui. Nous croyons que, dans les milieux que nous représentons – on s'entend – il y aurait moins de situations conflictuelles, puisque, on se rappelle – et je vous remercie de le souligner – nous avons essayé d'être cohérents du début à la fin, là, c'est-à-dire si on sépare un morceau, vous me permettrez d'être... en tout cas, d'apporter des couleurs. Il est bien évident que... Écoutez, si nous parlons de religion dans un endroit comme Montréal, nous sommes dans des endroits où les confessions sont assez articulées aussi, les confessions qu'on reconnaît un peu partout et d'autres qu'on reconnaît peut-être moins. Simplement de penser, quand on parle du nombre suffisant, qu'est-ce que... Ça ne s'interprète sûrement pas de la même façon quand vous avez, à côté de votre école, le coeur de l'organisation – je ne dis pas d'une secte – d'un mouvement religieux organisé que quand il y en a trois éparpillés un peu partout. Alors, des notions de ce genre qui, je pense, on admet facilement qu'elles se posent avec une optique différente pour le restant du Québec, prennent une dimension beaucoup plus importante dans un milieu multiethnique comme le nôtre ou multiconfessionnel aussi. Mais, effectivement, on pense que ça serait plus facilitant pour le milieu que nous représentons.

(16 h 40)

M. Geoffrion: Parce que, bon, à la page 23, vous dites: On recommande, en désaccord avec le rapport Proulx, qu'il n'y ait pas, en lieu et place des cours d'enseignement religieux, donc, un enseignement culturel des religions. Vous dites également qu'il y a lieu de ne pas continuer les services d'animation religieuse et spirituelle pour remplacer ça par des services d'animation communautaire ouverts à tous. Donc, qu'est-ce que vous entendez par des services d'animation communautaire?

M. Delfosse (Jacques): Les services d'animation communautaire, dans le fond, en page 17... C'est en page 17 où on détermine un peu quels sont les éléments à développer au niveau de l'animation communautaire. C'est, dans le fond, la collaboration, l'aide, l'ouverture aux autres, l'écoute, la solidarité et le sens du partage. Dans le fond, vous savez qu'actuellement nos animateurs de pastorale font un excellent travail qui est du type... Bien sûr que sans connotation religieuse... Le travail qui est fait par les animateurs de pastorale, sans connotation religieuse, qui aborderaient, dans le fond, avec nos jeunes les grands problèmes de l'heure, que ce soit la violence, le suicide, etc. Donc, un même type d'approche, un même type de cheminement, mais, à ce moment-là, sans connotation religieuse, compte tenu de la diversité.

Et, juste pour compléter au niveau du consensus, tantôt, quand vous parliez du consensus, je pense que le consensus, ça va être difficile de l'obtenir, parce que, si le consensus, c'est le consensus des personnes qui se font entendre, il ne faut pas rechercher simplement le consensus de la majorité. Parce que, quelque part, la société montréalaise nous permet, à nous, de croire que, si on va chercher simplement le consensus de la majorité, on n'a peut-être pas de problème pour l'instant, mais je pense qu'il faut essayer d'être un peu visionnaires puis de projeter un peu dans l'avenir qu'est-ce qui s'en vient au niveau de la réalité montréalaise.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le député. Maintenant, je passe la parole au critique de l'opposition officielle, le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, Mme la Présidente. M. Émery, M. Delfosse et M. Monette, merci et bienvenue. Un des premiers commentaires qui m'est venu à la lecture de votre mémoire, c'est que, dans le fond, vous dites: La diversité est trop compliquée à mettre en place, il y a trop de difficultés d'application. Et, au moins, quand on prend en considération que ça peut être aussi difficile y aller avec une approche multiconfessionnelle qu'un cours culturel des religions, là-dessus vous êtes extrêmement conséquents. Dans le fond, un ou l'autre, c'est le même problème qui se pose. Mais je me disais qu'il y a peut-être des gens qui vont dire à ces gens-là: Ne serait-ce pas de baisser les bras rapidement devant ce défi de la diversité et de la multiconfessionnalité, que ce soit par un cours de culture des religions ou encore par différentes mesures ou par l'application, carrément, de la Loi sur l'instruction publique actuelle? Vous semblez dire: Au lieu de tenter de faire des aménagements pour tenter de répondre aux besoins confessionnels des gens, bien, faisons table rase, et ce n'est plus le rôle de l'école. Qu'est-ce que vous auriez à répondre aux gens qui pourraient vous dire: Bien, écoutez, on y va avec la solution facile, c'est-à-dire il n'y a plus, carrément, d'enseignement religieux à l'intérieur du curriculum?

M. Émery (Pierre): Si vous me permettez, monsieur, je vais vous répondre par un exemple vécu. Je n'ai pas toujours été président de l'Association, là, je suis directeur d'école, et la dernière école où j'étais s'appelait Les enfants du Monde. Simplement pour vous donner une idée, à l'école, il y avait 165 jeunes qui étaient déclarés catholiques, un protestant, 62, aucun, 83 orthodoxes, 83 musulmans, sept bouddhistes, trois hindouistes, quatre juifs, cinq témoins de Jéhovah. Je vous donne un tableau, si j'avais eu, comme directeur, à organiser... On s'entend pour dire que des groupes, ça a à peu près entre 22 et 25 élèves, là, ce qui veut dire que j'aurais eu à organiser ou j'aurais organisé sept groupes au niveau catholique. Il y a un protestant, je ne sais pas quoi faire avec, là, pour tout de suite. Au niveau aucun, supposons que nous mettons de l'avant un cours d'enseignement culturel. Supposons qu'on le met de l'avant, je serais obligé de former trois groupes, quatre groupes orthodoxes parce qu'il y en a 83, quatre groupes de musulmans. Les sept bouddhistes, est-ce que c'est le nombre suffisant? Je reviens à la question que monsieur a posée tantôt, qui va déterminer si c'est un nombre suffisant? Quatre juifs, cinq témoins de Jéhovah.

Alors, simplement, quand on dit pour répondre à l'ensemble des besoins, à partir de ce que vous dites, monsieur, c'est que je pense qu'il faut arrêter de regarder le problème comme si on avait simplement des catholiques, un petit peu de protestants puis peut-être deux, trois autres. Dans plusieurs milieux de Montréal – et vous savez que nous sommes rendus presque à 50 % multiethniques, et il y en a de foi catholique, évidemment – nous allons avoir cette complexité-là à organiser. Et, je vais même plus loin, quand on va parler du cours d'enseignement culturel, ce n'est pas évident, vous en avez entendu beaucoup s'exprimer ici, même quand on parle des principes directeurs.

Je donne un exemple. Vous savez qu'il y a des regroupements religieux qui n'acceptent pas le phénomène de la fête. Bon. Imaginez-vous que, pour faire comprendre à un enfant au niveau du primaire, évidemment, on part toujours de notre vécu chrétien qui est, exemple, la fête de Noël. C'est une belle réjouissance, comment ça se fait ici, comment ça se fait là-bas, et on fait un tour parce que nous sommes avec des enfants du primaire. Nous prétendons que nous allons avoir les mêmes problèmes, puisque les gens, à partir des manifestations que... parce que les enfants, il va falloir leur donner des manifestations de comment ça se passe dans les autres religions, et il y a des sectes ou des religions pour lesquelles ça va être contre leurs principes de base.

Alors, si on le regarde avec un autre oeil que simplement rendre justice aux catholiques, ça prend une dimension qui est totalement différente. C'est dans cette optique-là que je vous dis, monsieur, que c'est pour nous très difficile d'avoir une gestion pédagogique. Il est reconnu que, si on adoptait toutes les religions, plusieurs écoles auraient à en reconnaître cinq, six, et on irait jusqu'à sept, huit religions différentes. Il faut le gérer et il faut le gérer selon notre Charte québécoise, il faut le gérer équitablement. Et là il y a tout le problème de l'engagement du personnel, vous pouvez comprendre aussi, et comment on va se permettre d'évaluer le contenu quand il est donné par des compétences... quand la foi est donnée par des compétences autres que celles que nous connaissons mieux et que nous évaluons mieux, peut-être, catholiques et protestantes. C'est le genre de questions auquel on n'a pas de réponse. Nous sommes prêts à ouvrir beaucoup si on veut cheminer à ce niveau-là, mais, quand nous avons fait le tour de la situation, c'est peut-être ce qui détermine la position si radicale que vous voyez présentement.

M. Béchard: Mais, M. Émery, vous dites dans une de vos recommandations que, finalement, l'ensemble des notions de culture et d'histoire des religions pourraient être intégrées aux différents programmes que le MEQ revoit actuellement en fonction du nouveau curriculum. Ne serait-ce pas là tout aussi compliqué de déterminer quelles sont les questions de culture et d'histoire des religions qui doivent ou ne doivent pas être intégrées? Parce que, si vous dites que c'est à ce point complexe, pourquoi aussi en même temps vouloir l'intégrer dans d'autres cours? Le cours, par exemple, sur la citoyenneté offre déjà certains grands principes de base, pourquoi tenter de ramener la religion, autant au niveau historique que culturel, dans ces cours-là?

La Présidente (Mme Charest): M. Emery.

(16 h 50)

M. Émery (Pierre): Oui, je pense, pour répondre à votre question, qu'il est évident qu'il y a un désir de l'ensemble des parents ou de la population du Québec de faire connaître les valeurs – je pense surtout aux valeurs chrétiennes – qui ont été présentes dans notre société et qui ont marqué notre société, sauf que, quand nous envisageons de parfaire la culture de nos élèves, qu'ils soient québécois ou autres, à partir de ce biais-là, nous l'envisageons sur le biais de l'histoire, c'est-à-dire qu'il est impossible de parler de l'influence ou des actions qui se sont passées au Québec dans les années cinquante sans parler de l'importance qu'avait le catholicisme dans ces années-là. Et, quand on l'approche à partir de cet angle-là, c'est beaucoup plus facile, c'est beaucoup plus positif et, disons, beaucoup plus objectif – c'est le mot que je cherchais – d'avoir une approche pédagogique qu'à partir...

N'oubliez jamais que, quand on parle de foi, on parle de vie intérieure, et structurer ça devant des jeunes... Et je pense qu'il faut penser – excusez mon lapsus – que nous avons des enfants de cinq ans, et aller jusqu'au... Qu'on parle d'option d'enseignement religieux, on n'a pas de problème avec ça. Qu'on parle à des élèves de secondaire III ou IV de culture de la religion, c'est même souhaitable parce que ça peut leur permettre de faire un choix personnel, et ils sont capables. Mais, nous, on pense à nos écoles dans lesquelles il y a des enfants de cinq ans à 10 ans, on ne sait pas comment relever le défi. Mais nous sommes ouverts à y travailler, par exemple.

M. Béchard: Justement, en parlant d'ouverture et d'être prêt à y travailler, votre solution s'appliquerait à l'ensemble du Québec même si, dans plusieurs des régions, je dirais, à presque 90 %, 95 %, les gens ne voient pas de problème à avoir, à la limite, le statu quo ou, dans d'autres cas, une ouverture à la multiconfessionnalité. Est-ce que vous avez ne serait-ce que sondé ou apporté quelques alternatives à ça? Il y a des gens qui disent: Il faudrait peut-être avoir deux types de solution, une pour la réalité montréalaise et une autre pour la réalité du reste du Québec. Est-ce que vous avez quelques alternatives pour les régions où, à 90 %, 95 %, les gens seraient prêts à garder soit le statu quo ou encore une ouverture à la multiconfessionnalité?

La Présidente (Mme Charest): M. Émery.

M. Émery (Pierre): Oui, je pense, M. le député, que nous devrons regarder cet aspect-là d'un peu plus près et je suis certain que ça va être un point crucial pour le gouvernement. J'ai le goût, simplement, d'ajouter ceci, il y a 10 ans, à Montréal, quand on parlait de multiethnicité, c'était très réservé, sauf que la nature fait que Montréal est une terre d'accueil. Ça fait que ça passe par Montréal et ça prend une dimension avec le temps. Le devoir que nous avions aujourd'hui, c'était de vous rapporter, puisque nous représentons Montréal, le vécu. Mais nous sommes conscients que peut-être ce sera le vécu du Québec, peut-être pas exactement comme ça, parce que ce sera toujours différent, je pense, dans les régions et à Montréal, qui est la terre d'accueil. C'est complètement différent. Mais je pense que ça doit faire partie du début de la réflexion avec les instances gouvernementales pour voir comment on peut s'acheminer.

Vous savez, c'est toujours difficile – et ça, je lève mon chapeau aux instances gouvernementales – de trouver une solution pour le Nord du Québec et le sud-ouest de Montréal, il y a tout un chemin à parcourir. Nous sommes prêts à investir un peu plus si c'est le besoin, mais, nous, nous avions à livrer le vécu, et c'est dans ces termes-là qu'on l'a livré. Mais nous sommes conscients... Mais je pense qu'il y aurait peut-être erreur si on en faisait une moyenne ou si on mettait simplement quelque chose pour Montréal ou quelque chose pour ailleurs. Il y a sûrement moyen de... progression qui peut probablement s'instaurer, et je fais confiance aux instances gouvernementales pour travailler à ce niveau-là. Et nous sommes ouverts, par exemple, à participer si besoin... vous pensez qu'on peut vous aider.

M. Béchard: O.K. Que diriez-vous à ceux qui vous disent que peut-être nous ne sommes pas prêts actuellement à y aller dans une solution aussi directe que la vôtre et qu'il faudrait peut-être y avoir une période de transition de trois, quatre, cinq ans avant d'arriver à une solution comme la vôtre? Est-ce que vous pensez qu'on est prêts maintenant à y aller avec votre solution ou est-ce qu'on doit y aller graduellement?

M. Émery (Pierre): Je pense qu'il y a sûrement des étapes à... Probablement qu'il faut être étapiste comme dans tout, là. Je pense que, si on pouvait arriver, au niveau du Québec, à avoir un développement ou une idée vers quoi on va, toutes les instances pourraient... Et même la nôtre, on pourrait travailler à aider les gens à évoluer dans leur pensée aussi. Écoutez, le feu n'est pas pris, comme disait M. le ministre tantôt. Je reprends que ce n'est pas une obligation demain, sauf que je crois que nous avons une obligation vers le futur. Et, sinon, j'ai le goût de vous dire: Prenons de l'avant avant que les gens nous amènent à l'avant. Alors, dans ce sens-là, il y a sûrement place pour être un peu... pas un peu, sûrement étapiste.

M. Béchard: Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Charest): Merci. M. le député de D'Arcy-McGee, s'il vous plaît.

M. Bergman: Merci, Mme la Présidente. M. Émery, merci pour votre présentation. À la page 12 de votre mémoire, à la section Les différentes options, au dernier alinéa, vous dites que «le secteur privé peut toujours répondre aux exigences de ces gens, exigences auxquelles ils devront contribuer financièrement». Pouvez-vous m'expliquer votre vision derrière cette...

M. Delfosse (Jacques): Oui, certainement. Vous parlez de la phrase qui dit: «Le secteur privé peut toujours répondre aux exigences de ces gens»?

M. Bergman: Oui.

M. Delfosse (Jacques): C'est bien sûr qu'on a l'air quasiment de se débarrasser du problème en disant: Bien, s'il y en a qui veulent s'organiser, qu'ils s'organisent de façon... privément au niveau des religions, mais je pense que, quelque part, l'école publique, actuellement, devrait répondre à l'ensemble de la population. Et, je sais qu'il y a certaines communautés pour lesquelles l'école religieuse est importante, alors, si pour ces communautés-là, l'école religieuse est à ce point importante, je crois que, quelque part, elles doivent en assumer les coûts. Et, quand on dit: Ils devront contribuer financièrement, le sens qu'on veut lui donner, c'est sans être subventionnés, si on veut.

M. Bergman: Mais, si j'accepte qu'est-ce que vous dites, vous créez un système d'enseignement religieux à deux vitesses, car à la page 11 vous dites: «Nous reconnaissons, bien sûr, qu'une religion ou une croyance peut constituer une valeur en soi.» Alors, vous reconnaissez l'importance de l'enseignement religieux, mais vous dites que, si vous voulez l'avoir, vous devez avoir une communauté qui va payer pour. Alors, si la famille ne peut pas avoir une communauté où ce serait payé, l'enfant n'aurait pas cet enseignement religieux. Alors, vous créez un système d'enseignement religieux à deux vitesses.

M. Delfosse (Jacques): Bien, en fait, je pense que le parent... Ce qu'on présuppose, dans le fond, ce qu'on dit, c'est que l'école, en soi, n'a pas à être confessionnelle, à appartenir à une religion en particulier ou à promouvoir une religion en particulier. Une fois qu'on a dit ça, l'école publique étant non confessionnelle, on ouvre quand même la porte à dire que, si la communauté veut offrir des services au niveau de sa religion, au niveau de la croyance, les écoles pourraient être disponibles à des moments autres qu'au moment de la classe justement pour que les jeunes puissent avoir cette formation-là. Mais, dans le fond, l'école n'a pas à se transposer à la mission de l'Église, et l'école publique, quant à nous, ne doit pas être religieuse.

Il y a, je crois, dans le rapport Proulx l'idée de l'école communautarienne qui, elle, dans le fond, dit: Si tu as assez de membres d'une religion dans une école, cette école-là pourrait devenir, mettons, de la religion du nombre de parents qui sont dominants dans cette école-là. Alors, quelque part, nous, on dit: Non plus, ça, ce n'est pas souhaitable parce que, si l'école devenait une école où une communauté ou une religion décidait, bon, parce que le nombre le permet et parce que le conseil d'établissement décidait que ce soit une école d'une religion quelconque, qu'on ne nommera pas, à ce moment-là, cette école-là, il y aurait une concentration d'élèves, et on se retrouverait à un moment où on serait obligés de faire du «bussing» avec des élèves qui proviendraient de plusieurs milieux et on irait à l'encontre, dans le fond, de l'école de quartier. Alors, il fallait mettre une ligne quelque part, et on l'a mise là, dans le fond.

M. Bergman: Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le député. Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Merci de votre mémoire. Je voulais un peu faire suite à la question de mon collègue qui est porte-parole en cette matière. Étant donné que vous avez une position qui est un petit peu plus tranchée, plus drastique peut-être, là, pas dans le mauvais sens du mot, mais enfin très claire...

Une voix: Claire.

(17 heures)

Mme Delisle: C'est ça. Mais on passe d'une politique, finalement, à une autre complètement différente. En termes d'échéancier, on ne peut pas effacer du jour au lendemain ce qui se fait actuellement dans nos écoles. Mon collègue vous a soumis tout à l'heure qu'il y a toute la question de la disparité entre les régions. C'est sûr que, dans les régions et même, je dirais, Québec, qui est une région d'où je viens, il y a effectivement des minorités, mais elles sont très, très minoritaires, là. Et, évidemment, il y a Montréal.

Un échéancier plausible, pour vous, est-ce que c'est 2001, 2002, demain matin? Comment on articule ça finalement, parce que c'est un changement de culture complet, là?

M. Émery (Pierre): Si vous permettez. Non, je crois que ça peut s'inscrire, madame, dans un... je reviens à ce que je disais tantôt, dans probablement une planification dans laquelle tous les éléments que vous venez de mentionner devront être respectés. C'est bien évident qu'il n'y a pas Montréal et... On ne fera pas deux lois, là. Je pense qu'il y a un choix de l'État. Dans un premier temps, il y a un choix à faire au niveau de l'État, et le choix, par la suite, il devra être travaillé, il devra être en modalités, puis voir comment il peut être applicable, parce qu'il y a sûrement des phases qu'on devra mettre de l'avant. Et même dans un cadre comme ceci, je le répète, je crois que ça pourrait être vivable pour un certain temps dans le milieu que nous représentons, dans la mesure où on sait où l'État va et on sait que, étape par étape... on va graduer étape par étape.

C'est évident que, nous, ce qui va sûrement être invivable, et c'est peut-être une réaction qui nous a amenés à la position qui est là, c'est s'il y avait ouverture à toutes les religions. Et là on vous dit: Ça, on ne voit pas comment... et ce n'est pas par manque de volonté ou quoi, on ne peut pas. M. Delfosse disait tantôt: Il y a des endroits où il faut bien reconnaître que nous avons présentement à donner à nos élèves l'enseignement catholique, l'enseignement protestant, ainsi qu'à offrir, du moins, l'enseignement moral; nous n'arrivons pas à l'organiser, compte tenu de la complexité du milieu. Alors, si on en ajoute x, on ne sait pas comment. Et aussi, on pense que les gens qui défendent des confessions religieuses vont prendre toute une autre action, une façon de travailler, si ça devient une ouverture à toutes les religions.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. Émery, M. Delfosse et M. Monette, de l'Association montréalaise des directions d'établissement scolaire. Bonne fin de journée.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Charest): J'appelle les membres de l'Institut canadien d'éducation des adultes. Si vous voulez bien vous présenter à la table. Est-ce que M. Bernard Normand est là? Si vous voulez bien vous installer. Bonjour.


Institut canadien d'éducation des adultes (ICEA)

M. Normand (Bernard): Bonjour.

La Présidente (Mme Charest): Vous êtes bien M. Bernard Normand, le directeur général?

M. Normand (Bernard): Absolument. D'abord, je dois souligner que deux membres de notre conseil d'administration, qui devaient être ici aujourd'hui, ne sont malheureusement pas ici. Donc, je vais tenter de relever le défi de confronter les questions fort ardues autour de ce dossier épineux au Québec.

Si j'ai bien compris, dans un premier temps, je vais faire lecture du mémoire...

La Présidente (Mme Charest): C'est ça.

M. Normand (Bernard): ...que vous avez entre les mains et, ensuite, répondre aux questions.

La Présidente (Mme Charest): Allez-y, M. Normand.

M. Normand (Bernard): Excellent. Merci. Dans un premier temps, je désire remercier les membres de cette commission de me permettre d'apporter le point de vue de l'ICEA sur la place de la religion à l'école.

D'entrée de jeu, indiquons que l'Institut canadien d'éducation des adultes est membre de la Coalition pour la déconfessionnalisation du système scolaire et que ses instances jugent essentiel de participer à ce débat public afin de promouvoir des conditions démocratiques d'exercice du droit à l'éducation.

L'ICEA est une organisation non gouvernementale existant depuis 1946 et représentant près d'une centaine d'organismes provenant des institutions d'enseignement, des organisations syndicales, populaires et communautaires, ainsi que des individus engagés dans le domaine de l'éducation permanente. Ajoutons que l'ICEA est aussi un membre actif de la Commission canadienne de l'UNESCO et du Conseil international d'éducation des adultes.

Comme d'autres organisations de la société québécoise, la naissance de l'ICEA et ses premières années de développement, des années quarante aux années soixante, ont été marquées de manière importante par des organisations syndicales catholiques et par le mouvement d'action catholique. Au fil des ans, depuis la Révolution tranquille, cette influence s'est transformée pour s'inscrire dans un creuset plus large et laïque, lieu de rassemblement de forces sociales autour d'objectifs d'accessibilité et de démocratisation de l'éducation permanente pour les adultes. Bref, je dirais que l'histoire de notre organisation a été traversée par des transformations et par des défis qui ressemblent, pour une part, à ceux touchant aujourd'hui la poursuite du mouvement de déconfessionnalisation du système scolaire québécois.

En somme, cette prise en compte de notre contexte culturel passé et, surtout, la nécessité de poursuivre la démocratisation et la modernisation de notre système éducatif sont les fils conducteurs de notre mémoire. Première partie.

Deuxième partie. Notre lecture du contexte historique et social. De manière sommaire, nous pouvons dégager trois étapes majeures dans l'histoire des rapports entre l'école et la religion au Québec.

La première étape, s'étendant, en gros, de 1867 à la première moitié des années 1960, repose sur l'arrangement institué au XIXe siècle dans le cadre de l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867, arrangement consistant à obliger les législatures provinciales à reconnaître les droits des, et je cite, «sujets catholiques romains» et des «sujets protestants» à des écoles confessionnelles. Rappelons que, au cours de cette période presque centenaire, les écoles du Québec ont été des lieux dirigés principalement par l'Église catholique et par les confessions protestantes.

La deuxième étape, plus récente, renvoie à la période du milieu des années soixante à 1996, à partir de la Révolution tranquille et de son document-phare en éducation, le rapport Parent. Ce rapport a contribué fortement à faire reconnaître le droit à l'éducation pour tous les citoyens et citoyennes et à ouvrir l'ensemble de la société québécoise à une perspective démocratique et moderne du système scolaire. Cependant, en dépit de l'inscription directe de l'éducation dans la sphère publique, avec la reconnaissance de la primauté du rôle de l'État et la création du ministère de l'Éducation en 1964, comme on le sait, la grande majorité des écoles ont conservé en pratique leur statut confessionnel au cours de cette période. Selon plusieurs observateurs, cette situation marque encore notre présent et correspond à un compromis historique dans le cadre d'un pacte social implicite entre l'Église catholique et l'État québécois.

La troisième étape, à mon avis, la plus importante, dans laquelle nous sommes entrés depuis peu, s'est ouverte en 1996 avec la recommandation de la Commission des états généraux sur l'éducation de poursuivre la déconfessionnalisation du système scolaire. Dans cette foulée, nous avons vu se dessiner au Québec un mouvement ayant conduit, en décembre 1997, à la modification même de l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 et au remplacement des commissions scolaires confessionnelles par des commissions scolaires linguistiques. Puis il y a eu la production du rapport Proulx, document qui nous sert aujourd'hui d'outil de référence dans le cadre de cette consultation.

Si nous avons voulu indiquer ce rappel historique là – et là je sors du texte brièvement – c'est que nous croyons que, si nous voulons avoir une perspective d'avenir, une vision d'avenir, il faut absolument suivre les grandes étapes du développement historique et voir au-delà des années immédiates devant nous.

(17 h 10)

Troisième partie. Notre position: pour une école laïque et ouverte. Nous dégageons de ce survol historique que la situation actuelle en matière de liens école-religion est dépassée. Il apparaît donc nécessaire de poursuivre le mouvement actuel de démocratisation de notre système scolaire, ce qui exigera une position courageuse face à l'avenir et respectueuse de notre passé de la part du gouvernement du Québec. À notre avis, les recommandations du rapport Proulx répondent bien, pour l'essentiel, à cette double exigence en mettant de l'avant un système scolaire public laïque fondé sur la liberté de conscience et de religion, sur la primauté des droits à l'égalité de tous les citoyens et sur le respect et l'apprentissage des différences grâce, notamment, à un enseignement non confessionnel des religions. Plus précisément, avec les auteurs du rapport Proulx, nous croyons que le statu quo actuel est tout à fait indéfendable aux plans des faits et du droit.

En effet, le statu quo entraîne des situations de discrimination pour un grand nombre de personnes eu égard aux chartes des droits que nous nous sommes données au Québec et au Canada au cours du dernier quart de siècle. Continuer dans la voie des écoles confessionnelles catholiques et protestantes, c'est contrevenir au principe fondamental de la liberté de conscience et de religion inscrit à l'article 3 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne et c'est aussi aller à l'encontre des nouvelles réalités du Québec d'aujourd'hui, devenu une société diversifiée aux plans culturel et religieux. Encore plus, pourrions-nous avancer, c'est tenter de faire rentrer des personnes dans une camisole de force en niant leur identité propre et leurs convictions intimes.

En plus de contrevenir à des principes reconnus dans la plupart des sociétés démocratiques et développées, le statu quo actuel est contraire à certaines dispositions du droit international des droits de la personne adoptées dans le cadre des Nations unies en 1966, acceptées par les gouvernements canadien et québécois et entrées en vigueur dans notre pays en 1976. Nous pensons ici en particulier à l'article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à l'article 13 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels . Ainsi, on retrouve à l'intérieur de ce dernier article, c'est-à-dire, à l'intérieur de l'article 13 du pacte cité, cette citation-là qui, en quelque sorte, conclut ce mémoire très bref:

«Les États parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à l'éducation. Ils conviennent que l'éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et du sens de sa dignité et renforcer le respect des droits de la personne et des libertés fondamentales. Ils conviennent en outre que l'éducation doit mettre toute personne en mesure de jouer un rôle utile dans une société libre, favoriser la compréhension, la tolérance et l'amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux, ethniques ou religieux...»

Et, dans la partie 3, un élément complémentaire essentiel aussi: «Les États parties au présent Pacte s'engagent à respecter la liberté des parents et, le cas échéant, des tuteurs légaux, de choisir pour leurs enfants des établissements autres que ceux des pouvoirs publics, mais conformes aux normes minimales qui peuvent être prescrites ou approuvées par l'État en matière d'éducation, et de faire assurer l'éducation religieuse et morale conformément à leurs propres convictions.»

Pour inscrire véritablement le Québec dans le cadre de ces engagements internationaux, nous devons dépasser le statu quo présent. En ce sens, l'ICEA est convaincu que la meilleure solution consiste à achever le processus de séparation entre l'État et les confessions religieuses et à activer le développement d'une école à la fois ouverte sur le respect des différences religieuses et engagée à promouvoir une culture axée sur les droits de la personne et la démocratie. C'est le sens des principales recommandations du rapport Proulx, recommandations qui contribuent à faire progresser le Québec dans la voie de la modernité. Merci.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. Normand. Maintenant, M. le ministre de l'Éducation. M. le ministre.

M. Legault: Oui. M. Normand, merci pour votre mémoire. Merci d'être ici cet après-midi. Vous savez que, dans l'exercice qu'on est en train de faire actuellement, ce qu'on recherche, c'est un consensus, un consensus qui essaie d'aller chercher finalement l'appui du maximum de groupes et de personnes possible au Québec. On essaie de faire un rapprochement entre les différentes opinions, les différents groupes et aussi, bien sûr, entre les différentes cultures qu'on retrouve au Québec de plus en plus. Est-ce que vous pensez que votre proposition puisse faire consensus au Québec?

M. Normand (Bernard): D'abord, je vous dirais que, si je fais une lecture de mes journaux quotidiens, adéquate, il n'y a pas de consensus. On va partir d'une réalité. Il y a à l'heure actuelle, ce que je conviens, deux grandes positions qui semblent émerger. Je dirais qu'au point de départ il y avait quatre positions, puis je vais décrire un peu le spectre dans lequel nous sommes. Il y a deux positions extrêmes qui, je pense, sont tombées en cours de route ou étaient très peu présentes.

Plus j'examine la situation, plus je pense que l'option du statu quo, sauf si on le voit à très court terme, elle ne tient pas la route, et même des gens, je dirais, engagés dans la problématique d'une école confessionnelle traditionnelle sont en train de passer sur des positions de la multiconfessionnalité. Donc, cette optique-là, qu'on appelle l'école communautarienne multiconfessionnelle, je pense que c'est une option sérieuse qui mérite d'être examinée et qui devient un remplacement face à la position antérieure qui était celle d'un certain statu quo.

D'autre part, je dirais qu'il y avait deux options historiquement. Celle qui s'est développée depuis les années soixante, d'une école laïque intégrale sans qu'il n'y ait absolument aucun phénomène religieux à l'intérieur de l'école, au fond, le fait qu'il n'y ait absolument aucun élément relié à ce qu'on appelle le phénomène religieux, cette option-là, elle n'est pas défendue par le rapport Proulx, et je pense que beaucoup de gens qui, antérieurement, pouvaient y être intéressés ont été convaincus par le rapport Proulx qu'il faut, compte tenu de notre contexte historique culturel, examiner plutôt ce qu'on appelle une laïcité ouverte sur le phénomène religieux et, à l'intérieur de ça, faire en sorte que, au niveau de nos écoles, on puisse finalement, dans une vision pluraliste mais démocratique, pouvoir, avec un angle de reconnaissance des droits et des égalités de chacun des citoyens, examiner l'appartenance religieuse comme quelque chose d'important, en étant ouvert.

En fin de compte, ça revient à dire, M. le ministre, qu'il y a deux grandes options que nous avons sur notre table comme société québécoise, je pense, et qui ressortent à mon avis, c'est l'option d'une multiconfessionnalité et l'option, d'autre part – celle qui revient au rapport Proulx – qui m'apparaît un compromis, un compromis, je dirais bien, entre une laïcité dure qui ne reconnaît aucunement le phénomène religieux à l'intérieur de l'école et, d'autre part, une position traditionnelle qui posait historiquement que deux religions jouaient un rôle disproportionné et amenaient des discriminations.

Donc, pour conclure sur ce point-là, je vous dirais que nous avons un travail de débat public, comme on le fait maintenant, pour que l'une des deux positions puisse devenir progressivement celle qui rallierait une grande majorité ou une plus grande majorité possible de Québécois et de Québécoises sur la base de principes solides et sur la base d'un travail d'éducation qui va être à faire. Mais, au moment où on se parle, je ne pense pas que le mot «consensus» puisse – je le souhaiterais bien – refléter une réalité à court terme sur lequel on pourrait compter.

M. Legault: Vous, votre choix et votre proposition, c'est un enseignement non confessionnel mais des religions, si je comprends bien.

M. Normand (Bernard): Tout à fait.

M. Legault: Bon. Il y a des spécialistes qui sont venus nous voir et nous ont dit que, selon eux, les enfants, un peu comme pour l'apprentissage d'une langue, doivent d'abord connaître leur tradition, la tradition religieuse à laquelle ils appartiennent, avant de se familiariser avec d'autres traditions religieuses. Qu'est-ce que vous pensez de cette opinion?

M. Normand (Bernard): Je pense que c'est une opinion qui mérite d'être examinée à fond, mais que l'analogie entre la langue et la religion n'est pas tout à fait adéquate là-dedans. Je me rallie plutôt à l'opinion d'un expert qui, justement, écrivait ce matin dans Le Devoir un article de fond sur cette question-là. Je regarde devant moi, et, depuis trois jours, dans Le Devoir , on aide à élever le niveau public, puis il y a des gens qui sont des spécialistes et qui ne sont pas tous de la même opinion. C'est comme lorsqu'on va en cour, il y a des experts sur un bord et sur l'autre. À mon sens, l'opinion qui est sortie ce matin dans Le Devoir , qui a été proposée par un spécialiste qui dit qu'on doit combiner finalement sa propre identité avec l'altérité, reconnaître qu'on est dans une vie sociale où on apprend en se comparant à d'autres, dans un dialogue avec d'autres, je pense que c'est, à mon humble avis, la meilleure méthode pour qu'on ait des citoyens qui, d'une part, puissent dans une société respecter les différents points de vue puis qui, d'autre part, peuvent, je dirais, comme appartenant à une religion, être vraiment convaincus.

(17 h 20)

Il y a toujours une phrase d'un poème de Félix Leclerc que j'aime beaucoup reprendre, parfois, qui n'est peut-être pas très connue, qui dit: Ceux qui ne connaissent qu'une religion, ceux qui ne connaissent qu'une radio, ceux qui ne connaissent qu'un pays, malheureusement, peuvent être des gens bornés, à un moment donné. On apprend par la comparaison et en étant dans un dialogue avec d'autres, et ça nous permet de raffermir nos convictions. Et, là-dessus, moi, je me raccorde plus à l'opinion parmi les gens chrétiens, au Québec, qui, à mon avis, ont étudié le dossier depuis plusieurs années, c'est-à-dire le Centre justice et foi, M. Julien Harvey, et les gens qui ont développé, je pense, une position qui permet que ceux qui ont des convictions religieuses, qui ont des convictions, finalement, elles peuvent s'épanouir beaucoup plus fortement et librement. Et je pense que c'est comme ça qu'on peut à la fois respecter la diversité dans le monde de l'école et respecter finalement le développement d'une foi religieuse pour les gens qui adhèrent à une foi religieuse.

M. Legault: Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Charest): Merci. M. le député de Montmorency.

M. Simard (Montmorency): Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Normand, bienvenue parmi nous. Merci pour la qualité du rapport que vous nous avez remis. Si je ne m'abuse, vous faites partie de la Coalition pour la déconfessionnalisation du système scolaire, et nous avons déjà eu, comme vous le savez, l'occasion de recevoir des représentants de cette Coalition.

Vous nous présentez un mémoire qui, somme toute, est un appui sans équivoque au rapport Proulx, et vous invoquez le respect des chartes des droits, vous invoquez le respect des conventions internationales, vous invoquez l'évolution sociologique et démographique du Québec, donc, pour appuyer cette prise de position en faveur du rapport Proulx. Et sans le dire très directement – on peut lire entre les lignes – vous nous dites: Bon, dans le fond, à notre avis, l'école ne doit pas être le lieu de transmission de la foi. Vous nous dites: C'est à l'Église que revient ce défi.

Vous avez beaucoup insisté, dans votre mémoire, sur l'histoire. Vous nous avez présenté trois belles phases historiques. Et puis, dans le fond, on aurait peut-être pu présenter l'histoire autrement, faire des coupures à d'autres dates, et certains ont présenté, par le passé, ces coupures ailleurs. Notamment, on nous a dit: Écoutez, depuis 1984, il y a eu une évolution. D'ailleurs, il y a toujours eu une évolution de l'enseignement religieux dans nos écoles, marquée depuis 1984, où l'initiation sacramentelle n'a plus lieu, n'a plus cours dans nos écoles depuis cette époque. La préparation au sacrement du pardon, à la première communion, à la confirmation est prise en charge, désormais, par l'école. L'école n'est plus un lieu a priori de transmission de la foi. On n'a plus la responsabilité ou l'obligation d'adhésion à la foi. Beaucoup disent: Écoutez, les cours d'enseignement moral sont d'inspiration catholique, point, ou d'inspiration protestante, point. Alors, dans le fond, beaucoup nous disent: Écoutez, il n'y en a pas tellement, de problèmes. Il y en a tellement pas que même le critique de l'opposition y faisait référence tout à l'heure, pour bien des gens, on pourrait continuer comme ça. Et plusieurs critiquent le rapport Proulx en disant: C'est un marché des religions, l'enseignement culturel des religions. Donc, à votre avis, est-ce qu'on ne pourrait pas continuer comme ça? Est-ce que ce n'est pas changer quatre trente-sous pour...

M. Normand (Bernard): Écoutez, je ne suis pas d'accord avec vous, mais je pense que vous me forcez à aller plus loin à ce niveau-là, et c'est excellent.

Dans un premier sens, je dirais que votre commentaire sur l'évolution historique... évidemment, vous avez raison en disant que ça a été simplifié, pour fins de mémoire, de présenter, si on veut, une fresque historique très brève. C'est évident. J'ai moi-même eu deux grandes filles, qui ont 28 et 30 ans aujourd'hui, qui sont passées par l'école, et j'ai vécu personnellement, comme parent aussi, l'existence des changements, et je l'ai vue. Sauf que je pense qu'on serait à courte vue si ce qui a été posé comme diagnostic par les états généraux sur l'éducation et comme problème qui amène l'Assemblée des élus du Québec à être ici, aujourd'hui, à débattre de cette question-là... à mon avis, on serait à courte vue de la mettre sous le tapis puis de dire: On va y revenir quand ça va être plus mûr.

Je crois qu'il y a eu depuis quelques années, quand même, une évolution des mentalités, et je pense qu'il faut faire une différence entre les lobbies et l'évolution dans la population à ce sujet-là, m'incluant à l'intérieur de ça, c'est évident. Je pense que le sens de la religion s'est modifié dans toutes les sociétés occidentales pour devenir davantage moins une affaire de religion sociologique, ce que certains tendent à défendre aujourd'hui et, à mon avis, ils ne le défendent pas bien, à mon humble avis, et ce qui est une affaire de foi profonde des gens. Je pense qu'il faut prendre ça en note, et qu'à un moment donné... si ce n'est pas en 1999, ça va être à un autre moment donné, mais ce qui va arriver si on n'agit pas, c'est que nécessairement il va y avoir des contestations qui vont se faire de plus en plus nombreuses de la part des citoyens.

Et je pense que, dans le contexte où nous sommes, d'une société de plus en plus pluraliste et multiculturelle au Québec – je lisais la prise de position faite par le représentant du Conseil des relations interculturelles qui en montrait l'importance – on ne peut pas penser à un Québec moderne sans penser à une intégration interculturelle, et là je parle au niveau ethnique, sans penser qu'au niveau de l'aspect religieux on va aussi prendre les devants pour être davantage ouvert. Donc, je pense qu'il y a quelque chose à faire à ce niveau-là. Sinon, on laisse un peu tomber ce qui est comme un débat essentiel et ce qui a été posé correctement, à mon avis, par les états généraux sur l'éducation et ce que de plus en plus de gens reconnaissent, d'autant plus que le gouvernement du Québec est allé chercher, je pense, avec l'appui unanime de l'Assemblée nationale, le fait qu'on modifie la Constitution canadienne dans le cadre où on est, qui est quand même particulièrement corsé et difficile... on va arracher quelque chose, qu'on va gagner comme société; moi, j'ai de la misère à croire qu'on arrêterait. Parce que, si je continue l'évolution historique, je dirais que nous avons passé à l'aspect, d'autre part, que, maintenant, de plus en plus les gens reconnaissent, après que les commissions scolaires soient passées de confessionnelles à linguistiques... Avant, c'était tout le régime qui était confessionnel. Maintenant, il y a les commissions scolaires qui sont devenues linguistiques. Et, si j'ai bien lu M. Côté, si j'ai bien lu les évêques, ils sont prêts à reconnaître que les écoles soient non confessionnelles, mais à la condition expresse qu'on reconnaisse... Donc, toute la société québécoise est à peu près d'accord pour dire: Ça n'a plus de bon sens de lier jusqu'à ce point-là.

Là où il y a une divergence, à mon avis, et compte tenu de la perspective historique – elle est quand même mineure, je crois, il faut regarder la forêt puis les arbres – là où il y a des différences entre les deux positions dont je vous parlais – évidemment, elles sont très cabrées ici... mais, si on regarde l'évolution de ce qui s'est passé depuis plusieurs années, tout le monde va reconnaître que le système scolaire doit être non confessionnel. Mais là où on a un bras de fer, je dirais, dans la dernière étape, c'est concernant le fait: Est-ce que l'enseignement religieux doit être un enseignement sur une base éthique, si on veut, une transmission de foi dans une école, ou bien si ça doit être plus sociologique et historique? C'est autour de ça, là...

La Présidente (Mme Charest): Merci.

M. Normand (Bernard): Oui, je m'excuse.

La Présidente (Mme Charest): Maintenant, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, Mme la Présidente. M. Normand, bienvenue.

M. Normand (Bernard): Merci.

M. Béchard: Vous me permettrez de continuer de renchérir sur les mêmes points, je dirais, que mon collègue de Montmorency. Moi, il y a un petit point dans ce que vous venez de dire qui me chatouille l'oreille un peu, quand vous dites que ce qui reste finalement, ce sont des choses un peu mineures. C'est quand même là... Ce qui est fondamental, c'est ce qui se passe dans l'école. Moi, je suis un de ceux qui disent: Au niveau des structures, bon, on peut toujours avoir toutes sortes de débats, mais ce qui compte, c'est ce qui se passe dans l'école.

Et vous l'avez bien résumé, c'est là que présentement le débat se situe davantage. Sauf que, moi, je dirais, vous avez raison, il y a deux grandes approches: l'approche qu'on y aille avec un cours culturel des religions ou encore qu'on ouvre à la multiconfessionnalité. Et je vous dirais que, à date, dans cette commission, beaucoup de gens sont venus dire que, dans un cas comme dans l'autre, on retrouve à peu près les mêmes problèmes. Là où il y a peut-être des différences majeures, c'est dans l'organisation comme telle. Mais plusieurs personnes nous ont dit que la mise en place du cours de culture des religions est un exercice tout aussi complexe que l'ouverture à la multiconfessionnalité. Alors, comment on peut en arriver à la mise en place d'un cours culturel des religions qui va respecter ce que les gens veulent, ce que les gens demandent?

Et il y a l'autre chose. Quand on parle de consensus, il y a quand même une majorité de parents, je crois, qui veulent qu'il y ait encore de l'enseignement religieux dans les écoles. Qu'est-ce qu'on fait avec ces gens-là?

La Présidente (Mme Charest): M. Normand.

(17 h 30)

M. Normand (Bernard): Oui. Écoutez, vous soulevez des questions fort importantes. Et c'est sûr que j'ai peut-être un peu simplifié encore en disant que ça devient mineur. Ce n'est pas mineur, c'est important, ça touche la vie de l'école, et vous avez parfaitement raison, monsieur, de souligner que ça soulève un débat viscéral et important, tout à fait. Je suis d'accord. Je rectifie un peu cette parole-là; je la regardais sous l'angle historique général. Je vous dirais à ce sujet-là que c'est une source d'inspiration. Et là je vais citer un article, que vous devez aussi bien connaître, qui est sorti dans Le Devoir , le 15 novembre, par rapport à l'Ontario. Je pense qu'on cite souvent l'Ontario pour plusieurs autres éléments en termes de dynamique économique, avec bon droit ou pas. Je pense que, dans ce cas-là, ce qui était posé, et je cite tout simplement: «L'enseignement religieux est permis tant et aussi longtemps qu'il se fait en dehors des heures de classe, qu'il est volontaire et qu'il n'est pas financé par l'État.»

Bon, c'est ce qui se passe, dans la province voisine, sur le même continent, avec une culture des éléments semblable. Je pense que ça nous indique qu'une... je ne dis pas demain matin, là; c'est sûr qu'on vit dans une tension et un débat puis il y a des transitions à penser là-dedans, mais je pense que cette solution-là qui couplerait le fait qu'on pourrait permettre, comme en Ontario, qu'en dehors des heures de classe on soit ouvert et accessible pour les groupes de confession religieuse de pouvoir, finalement, faire comme ils le font, tout en ayant, au niveau de l'école québécoise, des cours d'éducation civique ainsi que des cours non confessionnels des religions... ça fait que le jeune, et la jeune, Québécois serait quand même équipé pour à la fois comprendre le vivre ensemble dans la société, comprendre le phénomène religieux et la culture dans laquelle on est, et, en plus, pour ceux qui professent une confession religieuse, de pouvoir avoir accès à nos locaux. Et je pense que, si je ne me trompe pas, le rapport Proulx préconise, ce sur quoi tout le monde n'est pas d'accord, qu'il y ait une animation pastorale qui est ouverte sur les différentes confessions religieuses. Donc, moi, ça me semble une solution de compromis qui pourrait être adéquate.

Pour ce qui est de la statistique des sondages, il y en a eu beaucoup et très contradictoires, à mon avis, et, là-dessus, je ne voudrais pas m'embarquer, je ne suis pas un spécialiste, mais des gens, souvent, utilisent les chiffres sur un bord comme sur l'autre, n'étant pas spécialistes, ne connaissant pas ça... Je pense qu'il faut respecter le droit des parents, il faut respecter le droit des personnes à tous les niveaux, mais que la meilleure solution m'apparaît objectivement celle qui est préconisée par le rapport Proulx, à mon avis.

M. Béchard: Vous mentionnez à la page 4 de votre mémoire, quand vous parlez du statu quo, que le fait de continuer dans le même système que nous avons actuellement serait peut-être de tenter de faire rentrer des personnes dans une camisole de force en niant leur identité propre et leurs convictions intimes. Il y a des gens qui font exactement la même critique du cours culturel des religions et disent, à la limite... Et, moi, je vous ferais la suggestion. La Loi sur l'instruction publique actuellement permet l'enseignement religieux catholique, protestant, permet aussi d'organiser des cours d'autres confessionnalités sur demande du conseil d'établissement. Si on ajoutait, en option à cette formule-là, le cours de culture des religions, que ce soit sur une base de projet-pilote, pour l'essayer, parce que je pense que vous conviendrez avec moi que, avant de mettre en place une réforme, il y a peut-être une période de transition qu'il faut essayer ou tenter d'en arriver à certains compromis, comme le mentionne souvent le ministre... Mais, si on ajoutait, pour l'instant, ce cours-là de culture des religions, pour voir la popularité qu'il a – est-ce que les gens y ont recours? comment les gens l'acceptent? quelles en sont les critiques? – qu'est-ce que vous auriez à dire de ce type de proposition là?

M. Normand (Bernard): J'ai tendance à ne pas être d'accord, si je veux être congruent avec la présentation du mémoire que l'on a fait. C'est que finalement, ce que nous souhaitons, c'est qu'il y ait un cours d'enseignement non confessionnel des religions pour tous. Ce que ça veut dire, c'est que tous ont l'occasion, dépendamment... Et quand j'ai entendu celui qui m'a précédé tantôt, comme expérience de directeur d'école, parler de la situation dans laquelle il se trouvait, ça m'a encore plus convaincu que, finalement, il y a un risque d'avoir des effets plus de fermeture ou de... je ne dirais pas «ghetto», le mot n'est pas exact, mais de parallélisme que de faire qu'il y ait vraiment un échange interculturel. Et ma crainte, c'est vraiment que la solution de l'école multiconfessionnelle à ce niveau-là soit peu praticable dans les faits même si, théoriquement... S'il y avait, disons, des nombres égaux et que ça allait bien, je dirais: Peut-être qu'on pourrait l'examiner. Mais la réalité que l'on vit au Québec et de plus en plus, c'est que, parmi les différentes religions, ça pose certains problèmes.

Et je vais juste peut-être amener un autre point qui m'a été soulevé, qui est quand même assez délicat, toute la question de l'égalité des femmes et la vision que certaines religions en ont. Par exemple, plusieurs disent – et je n'ai pas la connaissance assez approfondie – que, dans certaines religions, la situation des femmes n'est pas considérée sur la base égalitaire des hommes exactement de la même façon. Qui va décréter, au niveau du gouvernement du Québec ou du ministère, que telle religion, dans une école où ils sont 20, ils peuvent enseigner ça de façon correcte alors qu'on est en contradiction avec notre propre charte comme telle, notre propre Charte des droits, ici? À mon avis, il y a un problème là majeur, parce que, à partir du moment où les pouvoirs publics vont avoir à rentrer pour accréditer de multiples confessions religieuses – au Québec, il y a plus de 80 religions reconnues officiellement – à ce moment-là, c'est une boîte de Pandore qui nous amène beaucoup de problèmes.

À court terme, ça m'apparaît comme une avenue présentée par certains groupes religieux plus importants, pour comme sauver un peu du temps, mais je crois qu'on va arriver au fait que l'État... Si je faisais une comparaison, ce serait, comme à un moment donné un premier ministre a dit, comme rentrer dans la chambre à coucher des gens. On rentrerait dans délimiter qu'est-ce qui, dans la religion, doit être acceptable ou pas. On a des problèmes. Et je verrais très mal qu'un ministre de l'Éducation ou quelqu'un décrète: C'est ça, les bonnes religions, et ça, ce ne sont pas les bonnes religions. Et, comme a dit, je pense, un éditorialiste du Journal de Montréal , à un moment donné, de façon humoristique, il écrivait: «Il n'y a pas d'autres options: ou bien l'école s'ouvre à toutes les religions, mais n'en prêche aucune, ou on devra, à chaque cinq ans, reprendre le débat lorsqu'il faudra renouveler le recours à la clause "nonobstant".»

M. Béchard: M. Normand, qu'est-ce que vous mentionnez aux gens qui disent que, dans le fond, un cours culturel des religions, un des problèmes importants, ce serait la formation des maîtres et que ce serait extrêmement difficile d'enseigner ce type de cours là, ne serait-ce que pour des raisons de neutralité? Comme les gens l'ont mentionné cet après-midi, le fait d'enseigner, je dirais, des connaissances et non pas de transmettre la foi, de quelque façon que ce soit, au niveau de la formation des maîtres, de l'enseignement comme tel, qu'est-ce que vous auriez à répondre aux gens qui disent que c'est... ce n'est pas impossible, tout est possible, mais que ce serait extrêmement difficile de former des gens parfaitement neutres, parfaitement au courant des grands courants culturels des religions, et de s'assurer que ces gens-là – puis je ne me souviens plus qui l'a mentionné, mais, dans le fond, c'est vrai – seraient capables de répondre aux questions les plus déroutantes, c'est-à-dire celles des jeunes et, souvent, des enfants de moins de... 13, 14, 15 ans?

M. Normand (Bernard): Vous soulevez une question fondamentale, mais je vous dirais que le problème se pose aussi maintenant là, se pose beaucoup pour les enseignants. C'est-à-dire que, dans des régions ou dans des endroits où des gens, des enseignants ne sont pas nécessairement de telle confession, ils sont sociologiquement pris dans des situations plus compliquées que la situation dans laquelle on serait. Je pense qu'il y a un devoir de la part des enseignants, qui sont des personnes qui travaillent pour un service public, d'avoir un degré d'objectivité. Mais ce n'est jamais parfait. Moi, je vais vous citer un exemple. Quand j'étais au collège puis que j'ai appris l'histoire, mon professeur d'histoire disait... Il y avait le débat fédéralisme-nationalisme, à l'époque. Bien, écoutez, un professeur d'histoire a les mêmes problèmes aujourd'hui. Puis ce qu'il me disait, l'effort d'objectivité qu'il faisait: quand il y avait une montée de nationalisme, il essayait d'avoir un point de vue un peu plus fédéraliste, et l'inverse, pour essayer de contrebalancer d'une façon. Mais ça se pose pour tout enseignant à tous les niveaux, pas seulement dans ce cours-là. Je pense qu'il y a un devoir de la part de nos enseignants de faire le travail correctement.

M. Béchard: Vous mentionnez dans votre mémoire, à la page 4: «Ils conviennent que l'éducation doit mettre toute personne en mesure de jouer un rôle utile dans une société libre, favoriser la compréhension, la tolérance et l'amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux, ethniques ou religieux et encourager le développement des activités des Nations unies pour le maintien de la paix.» Et c'est une citation, mais du Pacte international . Mais une des questions à la base de ça, c'est toujours: Quelle est la meilleure façon de promouvoir la diversité? Est-ce que c'est par l'intégration à un seul cours, un tronc commun, ou encore, justement, par l'expérimentation de cette diversité-là? Et il y a des gens qui sont venus nous dire qu'ils rêvaient du jour où, après une période de cours, que ce soit le matin ou le midi, d'enseignement religieux pour diverses confessions, après ça de voir les enfants partir, aller jouer au ballon et échanger justement là-dessus. Est-ce que – la question est plus une affirmation – vous croyez que la meilleure façon est un cours culturel des religions? Mais comment s'assurer que ce cours-là soit riche au niveau de la compréhension de la diversité et de la tolérance de la diversité culturelle et religieuse?

(17 h 40)

M. Normand (Bernard): Je dirais qu'il y a deux niveaux dans la question que vous soulevez. Il y a comme ce qu'on peut appeler un socle, qui est les valeurs communes partagées ou l'héritage commun, qui est issu finalement de plusieurs religions. Et je pense que c'est comme les valeurs... Il y a une transmission à faire dans notre société des valeurs communes civiques. Je pense que c'est majeur, ça. Mais, pour ce qui est des différentes religions, je pense qu'on doit introduire le fait qu'il y a des échanges là-dessus. Mais il faut toujours se référer à un socle commun, qui est celui qu'on partage certaines valeurs, qui sont celles de notre société, de nos chartes. Ça, je pense que c'est très, très important, et je pense que c'est comme ça qu'on peut vraiment réussir.

Et vous avez fait référence au multiconfessionnalisme, à tout ça, et au multiculturalisme. Je vous dirais que je fais l'analogie avec ce qui est le modèle québécois concernant l'intégration des nouveaux citoyens par rapport au modèle canadien. La société canadienne, le gouvernement fédéral en particulier, a parlé souvent du modèle multiculturel, et le modèle québécois a été plus d'intégration interculturelle. Je pense que le modèle d'intégration interculturelle, c'est, à mon avis, le plus intéressant. Et le multiculturalisme, de plus en plus on établit des critiques que ça conduit à des ghettos. Je pense que, sur le plan religieux, ça pourrait être la même chose comme effet. Mais c'est mon humble opinion, et je respecte qu'il peut y avoir des opinions différentes, là.

La Présidente (Mme Charest): M. Normand, de l'Institut canadien d'éducation des adultes, les membres de la commission vous remercient. Je suspends les travaux jusqu'à 20 heures, ayant terminé notre mandat.

(Suspension de la séance à 17 h 42)

(Reprise à 20 h 8)

Le Président (M. Geoffrion): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission de l'éducation va reprendre ses travaux. Alors, j'appelle les porte-parole de l'Organisme d'aide aux réfugiés-es et aux immigrants-es à s'avancer à la table, s'il vous plaît.

Bonsoir, madame. Bonsoir, monsieur. Si vous voulez vous identifier, s'il vous plaît.


Organisme d'aide aux réfugiés-es et aux immigrants-es (PROMIS)

Mme Ménard (Andrée): Oui. Ça va comme ça?

Le Président (M. Geoffrion): Oui.

Mme Ménard (Andrée): Moi, mon nom, c'est Andrée Ménard. Je suis la directrice de l'Organisme PROMIS, un organisme d'aide à l'intégration des réfugiés et des immigrants dans Côte-des-Neiges. Et la personne qui m'accompagne...

Le Président (M. Geoffrion): Oui.

M. Fernandez (Juan Jose): Mon nom est Juan Jose Fernandez, et je travaille à l'organisme PROMIS. Je suis responsable de l'accueil et de l'établissement des nouveaux arrivants.

Le Président (M. Geoffrion): Alors, bienvenue à vous deux. Mme Ménard ou M. Fernandez, vous avez 10 minutes pour présenter votre mémoire.

Mme Ménard (Andrée): Vous pourrez nous arrêter quand ça fera 10 minutes.

Le Président (M. Geoffrion): D'accord. On va tenir le temps pour vous.

Mme Ménard (Andrée): M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, bonsoir et merci de nous avoir invités. Parce que nous avons seulement un petit mémoire, mais c'est avec le coeur que nous voulons parler. Ça va? De toute façon, il n'a pas été écrit... Ce qui regarde la confessionnalité avait été présenté à l'intérieur d'un mémoire que nous avions présenté aux états généraux sur l'éducation. Donc, nous ne l'avons pas refait. Sauf que nous sommes convaincus et nous espérons vous convaincre, en tout cas partager avec vous tous notre conviction qu'à cette étape-ci de notre histoire la déconfessionnalisation serait un bien pour notre société.

(20 h 10)

Moi, je suis directrice de cet Organisme dont la mission est celle de l'aide à l'intégration des réfugiés et des immigrants, des nouveaux arrivants, et la promotion de la justice et des droits humains dans le quartier Côte-des-Neiges. Et c'est un peu plus large. Je suis aussi religieuse – je tiens à m'identifier – et je suis convaincue que c'est la meilleure façon pour moi de vivre le message évangélique, de prôner cette vision-là parce que c'est la seule façon d'intégrer tout le monde pour qu'ensemble on puisse bâtir une société avec des valeurs communes et les richesses de tout le monde.

J'imagine qu'à peu près tout le monde connaît le quartier Côte-des-Neiges. C'est le plus beau quartier du Québec. Il y a 65 % d'allophones dans ce quartier-là. L'an dernier, nous avons rencontré... c'est-à-dire que 10 000 personnes venues de 106 pays différents ont reçu soit un service, soit participé à l'une ou l'autre de nos activités. Et, dans nos écoles primaires, il n'y a que deux ou trois petits Québécois de souche. Donc, tous les jours, nous travaillons, nous causons, nous partageons les soucis et les aspirations des adultes autant que des enfants, parce que nous sommes très impliqués aussi dans les écoles du quartier, nous sommes impliqués au niveau du soutien scolaire, nous sommes impliqués aussi au niveau de programmes rapprochement parents–école–communauté et nous siégeons, soit comme parents, soit comme représentants de la communauté, dans quatre écoles dans les conseils d'établissement. Donc, nous sommes très au fait des projets éducatifs.

Dans certaines écoles, il y a beaucoup, beaucoup de Sud-Asiatiques. Nous tenons à venir aujourd'hui parce qu'on pense que ce qui se passe présentement à Montréal et dans des quartiers comme le nôtre, c'est le futur Québec de demain. Donc, je pense qu'il faut avoir une vision qui va jusque-là pour bâtir une société nouvelle ensemble.

C'est sûr que, comme c'est l'intégration qui est au coeur de notre mission, de même que la promotion des droits, la Charte des droits a beaucoup d'importance pour nous, et on pense qu'il ne faut pas y faire de dérogation, ne pas lui faire d'entorse, comme admet qu'il le fait le Conseil supérieur de l'éducation catholique quand il prône la dérogation.

Nous adhérons également pleinement à la politique d'intégration, telle que défendue dans l'énoncé de politique du ministère des Communautés culturelles et de l'Intégration, comme il s'appelait dans le temps, en 1990, et, tout récemment, par la grosse politique d'intégration très importante, à laquelle nous adhérons pleinement, de M. le ministre Perreault, c'est-à-dire du ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, qui prône beaucoup le rapprochement de la vie du milieu.

Et là je fais une petite anicroche, M. le ministre, parce que nous sommes de Côte-des-Neiges, et c'est très difficile de faire le rapprochement des enfants avec leur milieu parce que vous savez qu'il manque des écoles dans le milieu. Alors, c'est un problème grave.

M. Legault: ...

Mme Ménard (Andrée): Très grave. Ha, ha, ha! Et je profite de cette tribune pour en parler, vu qu'on parle d'intégration. Donc, c'est très difficile pour des enfants de s'intégrer dans leur quartier quand il manque à peu près 1 000 places – deux écoles, il y a des préfabriquées, je pense que vous êtes au courant. Et on compte sur vous, M. le ministre, pour régler ça le plus vite possible.

Une voix: ...

Mme Ménard (Andrée): Ha, ha, ha! Merci beaucoup. Alors, je pense que vous aurez compris que nous pensons que les écoles publiques devraient être laïcisées. Et notre compréhension... c'est-à-dire, on adhère pleinement à la définition de la Coalition pour la déconfessionnalisation. C'est-à-dire que, pour nous, l'école laïque québécoise, c'est une école qui se veut ouverte à tous les enfants, sans distinction – et nous savons de quoi nous parlons – elle recherche leur développement intégral, elle se préoccupe d'éduquer aux valeurs qui fondent notre société.

Donc, on pense que ça doit se fonder sur des valeurs communes. D'ailleurs, quand on parle de valeurs même catholiques ou chrétiennes, on parle de démocratie, c'est-à-dire, on parle de respect de la personne, on parle de respect des droits, on parle de liberté, on parle de partage, on parle d'entraide et on parle de tout ça. Mais ce n'est pas l'apanage seulement de la religion catholique. Alors, c'est plus sur des... Maintenant, il y a des accents, c'est sûr, plus ou moins forts dans les différentes religions. Mais c'est ensemble en fait qu'on doit bâtir un projet commun parce que ce sont les valeurs qu'on doit promouvoir et qui sont...

En fait, on pense que l'enseignement culturel des religions serait mieux parce qu'il faut... Nous voyons les enfants tous les jours et, pour avoir un dialogue interreligieux, pour qu'ils comprennent bien, pour qu'ils se comprennent bien les uns et les autres, il faut qu'ils comprennent les choses importantes, les valeurs importantes auxquelles chacun croit. Alors, nous, on pense que l'enseignement culturel des religions est de loin préférable parce que le rôle de l'école, c'est l'enseignement, la transmission des connaissances et la socialisation, ce n'est pas la transmission de la foi. Cette transmission de la foi, nous croyons que c'est le rôle des parents et de l'Église, et c'est complémentaire. Nous pensons que c'est important que, si chacun joue bien son rôle...

Et là, il y a de la place pour les professeurs de morale, il y a de la place pour les professeurs de religion, présentement, qui doivent peut-être penser un peu autrement la façon de le faire, comme c'est suggéré dans le rapport Proulx. Parce que, quand on est avec des valeurs communes, on peut... Moi, je pense qu'un enfant qui a la foi transmise par ses parents ou par son Église, il va pouvoir savoir pourquoi, lui, il prône, il adhère, il intègre cette valeur-là. Il y a différentes sources. Tout le monde ne puise pas à la même source. Toutes les religions sont des sources de valeurs qui se ressemblent énormément. Et ça provoque, ça, la culture commune, un dialogue interreligieux avec les enfants et avec les adultes.

À PROMIS, on a des activités interreligieuses qui sont fort intéressantes. C'est plus pour les adultes, mais ça peut se faire au niveau des enfants, nous en sommes convaincus. En fait, à partir de témoignages d'individus, à partir de rites d'autres religions, on peut intérioriser beaucoup. Et c'est absolument formidable de se découvrir comme ça les uns et les autres.

C'est pour ça que nous adhérons au rapport Proulx en grande majorité, sauf, je dirais, pour les recommandations 8 et 9 parce que, là, il parle de «l'instruction publique autorisant toute école à se doter d'un service commun d'animation de la vie religieuse et spirituelle pour les élèves des différentes confessions présentes à l'école».

Alors, nous pensons – parce que nous réfléchissons beaucoup, ça fait des années, ça fait 12 ans qu'on fait ça – que des petits groupes comme ça, animés, telle religion, telle religion, c'est plus porté à faire des ghettos. Si on veut un dialogue vraiment interreligieux, alors c'est à partir des... On peut échanger. C'est toute une formation que ça prend, mais c'est très intéressant et c'est très important. Alors, que chacun vive des expériences culturelles, religieuses...

Le Président (M. Geoffrion): Vous avez...

Mme Ménard (Andrée): ...je dirais spirituelles. Est-ce que ça fait 10 minutes?

Le Président (M. Geoffrion): Non. Vous avez encore 30 secondes, à peu près. Allez-y rapidement.

Mme Ménard (Andrée): Bon, merci. Je vais conclure. Bien, voilà. Alors, c'est ce que nous pensons. Nous serons heureux de répondre à vos questions. Et puis, moi, je dirais qu'il faut éviter les ghettos absolument.

Alors, dans le petit mémoire qu'on avait ici, je disais: «Nous soutenons que des situations d'injustice et de discrimination surgiront, à la longue, comme résultats d'une politique qui continuerait de ne reconnaître, comme c'est présentement le cas, que les confessionnalités catholique et protestante dans les écoles publiques. Sur quels critères se baserait-on pour ne pas reconnaître les demandes d'intégration de cours sur les religions musulmane ou bouddhiste – par exemple – ou encore d'inclure leurs jours de grandes fêtes fériées dans le calendrier scolaire, pour ne citer que ces deux-là? On répondra peut-être que la possibilité d'ériger des écoles confessionnelles d'autres religions est permise, il y en a plusieurs d'ailleurs à Montréal. Justement, nous pensons – comme c'est d'ailleurs dans le rapport Proulx et plusieurs commissions qui ont travaillé et qui le redisent – qu'un tel système d'éducation "en vase clos" favorise la ghettoïsation et, par conséquent, défavorise le processus d'intégration.»

Le Président (M. Geoffrion): Alors, merci beaucoup, Mme Ménard. La parole est maintenant au ministre.

M. Legault: Oui. D'abord, ça me fait plaisir, Mme Ménard et M. Fernandez, de vous accueillir ici.

Mme Ménard (Andrée): Merci beaucoup.

M. Legault: On sait tous le grand travail que vous faites, Mme Ménard, à Montréal, dans plusieurs organismes communautaires pour intégrer les immigrants à la vie de notre société. Et puis vous le faites très bien, et je vous en félicite.

Mme Ménard (Andrée): Bien, on fait notre possible puis on a une belle équipe pour nous aider.

(20 h 20)

M. Legault: Ha, ha, ha! Justement, je vais essayer peut-être de prendre quelques minutes puis de profiter un peu de votre expérience pour regarder quelques questions. Vous nous dites, dans votre court mémoire, que vous êtes favorables à un cours obligatoire pour tous les élèves, donc un peu l'enseignement culturel...

Mme Ménard (Andrée): Obligatoire pour tous les élèves?

M. Legault: ...des religions proposé par M. Proulx. C'est ce que je comprends?

Mme Ménard (Andrée): Non.

M. Legault: Non?

Mme Ménard (Andrée): Un cours obligatoire pour tous les... Ah oui! de culture des...

M. Legault: Un cours...

Mme Ménard (Andrée): Un cours culturel.

M. Legault: C'est ça, d'enseignement.

Mme Ménard (Andrée): Ah oui! le patrimoine, je n'en ai pas parlé tantôt, mais c'est sûr que le patrimoine... Moi, j'ai vécu 25 ans au Japon, là, puis, c'est ça, j'ai vécu d'autres choses. Mais le patrimoine, moi, je pense que c'est à travers l'histoire beaucoup qu'on le transmet. Il faudrait peut-être porter une attention particulière à l'enseignement de l'histoire parce que, là, le fait religieux, il a été tellement important dans notre histoire qu'en enseignant bien l'histoire, en fait, ça va être beaucoup mieux connu, apprécié et mieux compris. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question, là, par exemple. Non?

M. Legault: Non. Excusez! Mme Ménard, vous nous dites... Bon, vous êtes d'accord avec... Vous proposez un peu ce que propose le rapport Proulx, donc un enseignement culturel des religions.

Mme Ménard (Andrée): Oui.

M. Legault: Est-ce que je dois comprendre que vous proposez cet enseignement et au primaire et au secondaire? Et la raison, je vous le dis tout de suite, ma prochaine question, c'est... On a eu des spécialistes qui sont venus nous dire que l'enfant devait d'abord connaître la tradition religieuse, sa tradition religieuse à laquelle il appartient avant d'être exposé aux autres traditions religieuses. Est-ce que vous vous êtes penchés là-dessus? Est-ce que l'enseignement culturel des religions, vous le proposez dès les premières années, donc à six ans, sept ans, huit ans? Et est-ce que vous pensez que c'est possible vraiment de le faire?

Mme Ménard (Andrée): Bien, là, en fait, je ne suis pas une spécialiste des programmes d'éducation. Moi, je pense qu'il y a une façon de faire adaptée aux différents âges. C'est sûr que la religion de l'enfant de même que sa culture propre, pour son identité, de les avoir bien assimilées, c'est important. C'est le rôle des parents. Maintenant, je comparerais peut-être ça un peu à la langue. Il y a une langue commune, au Québec, c'est la langue française. Chez lui, c'est important que l'enfant apprenne bien sa langue, la perfectionne, mais ça ne l'empêche pas d'apprendre le français. Et, moi, je pense que... D'abord, c'est le rôle... Oui?

M. Legault: Je garde votre parallèle. Est-ce que justement ce n'est pas important d'apprendre sa langue avant d'apprendre d'autres langues, donc, de la même façon, d'apprendre sa religion avant d'apprendre les religions?

Mme Ménard (Andrée): Vous parlez de l'école?

M. Legault: Oui, à l'école.

Mme Ménard (Andrée): Bien, sa religion, on l'apprend chez soi, on l'apprend dans son Église. Ce n'est pas le rôle de l'école du tout, là. Maintenant, moi, je pense... Je ne sais pas, Juan... Je vais passer la parole à Juan, qui a aussi de l'expérience et qui a un petit garçon.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Ménard (Andrée): C'est un immigrant. Ça fait longtemps qu'il est ici.

M. Fernandez (Juan Jose): Bon. C'est évident qu'en principe le rôle de l'État, c'est un rôle de neutralité. Dans le cas du Québec, cette neutralité, ça n'existe pas en ce qui concerne l'éducation. Je m'explique. Il y a des privilèges pour deux religions, deux tendances religieuses, le catholicisme et le protestantisme. Donc, quand arrivent de nouveaux arrivants ici au Québec, ils se rendent compte que les institutions publiques québécoises, comme l'éducation, ça ne reflète pas du tout la réalité qu'eux ils peuvent vivre. L'intégration, je pense que ça passe par l'école.

Alors, pour répondre à la question directement que vous posez concernant: Est-ce qu'on peut faire ça avec les enfants en bas âge? je pense que oui parce que, dans les familles... Et je parle, par exemple, de l'expérience des nouveaux arrivants. Ils ont un univers culturel tellement riche qu'ils veulent préserver à tout prix tout en s'intégrant, pas en créant des ghettos, et je crois que leur richesse religieuse, elle leur vient de la tendre enfance. Ça n'empêche pas, comme le dit Mme Ménard... Évidemment, on ne va pas aller en profondeur sur la question religieuse de chaque enfant. Mais je pense que ce que ça prend au Québec, c'est un dialogue interculturel. Et je pense que le rôle d'un enseignement culturel, ça va aider beaucoup, beaucoup à la tolérance, au respect des différentes composantes de la société.

Alors, moi, je crois que Québec, une société démocratique comme elle est... Déjà, si on pense il y a 50 ans, au Québec, si on avait dit à l'époque que les cégeps ne seraient pas confessionnels, les universités non plus et le réseau des services de santé et services sociaux, on aurait dit: Mais, ce n'est pas possible. Mais c'est possible. Et pourtant les cégeps et les universités sont autant québécois aujourd'hui, comme l'est l'école, aujourd'hui, confessionnelle. Donc, je pense qu'il y a une évolution de la société. Et ça, c'est un irritant pour les nouveaux arrivants, parce que quand ils arrivent, ils ne se reconnaissent pas du tout dans l'institution de l'école. Et je crois – et j'appuie fortement le rapport Proulx – je pense que ça prend la déconfessionnalisation du système scolaire au Québec pour rejoindre et pour perfectionner la démocratie au Québec.

M. Legault: Avec l'expérience que vous avez vécue sur le terrain... Bon. Il y a des groupes qui sont venus nous dire, encore aujourd'hui, qu'on ne voyait pas, sur le terrain, de discrimination importante, donc c'était plutôt théorique, cette discrimination possible envers les groupes religieux minoritaires, par exemple. Est-ce que vous pouvez nous faire part un petit peu de votre expérience? Si vous aviez un bilan à faire de la situation, est-ce que vous avez vécu plusieurs événements où vraiment il y a eu discrimination qui a nui à des élèves?

Mme Ménard (Andrée): Non, je ne pourrais pas dire que... Surtout, dans Côte-des-Neiges, il y a beaucoup de tolérance. Mais je pense qu'il faut aller au-delà de... c'est-à-dire, il n'y a pas de discrimination parce que... Moi, je pense que la discrimination, c'est un peu... Si, par exemple, les musulmans réclament les jours fériés, bien là il y aurait de la discrimination si on ne les accorde pas, des choses comme ça. Comme ils ne réclament pas beaucoup, il y a beaucoup de tolérance. Mais s'ils revendiquent les mêmes droits que la religion catholique ou que la religion protestante a présentement... Si on les accorde, c'est à tout le monde. Comme on disait: Sur quels critères allez-vous dire non? Si on accepte la confessionnalité, moi, je pense que c'est pour tout le monde. Mais je pense que ça nuirait beaucoup à l'intégration, par exemple.

M. Legault: O.K.

M. Fernandez (Juan Jose): Je pourrais peut-être ajouter un cas précis, par exemple. Quand il y a des nouveaux arrivants, ils nous demandent souvent: Pourquoi aujourd'hui c'est congé? Bon. Parfois, c'est une question de congé avec la tradition chrétienne. Mais, eux, ils trouvent que c'est injuste, parce que, finalement, ils disent: Bon, l'institution de l'école, elle devrait être au-delà de la religion. Et ça, c'est un cas concret de discrimination, je veux dire, pas répressive mais très subtile pour dire: Bon, vous êtes dans une société catholique occidentale judéochrétienne.

M. Legault: Merci beaucoup.

Le Président (M. Geoffrion): Est-ce qu'il y a une autre question, rapidement? M. le député de Montmorency, très rapidement. Vous avez une minute, une minute et demie.

M. Simard (Montmorency): Oui, peut-être, soeur Ménard, M. Fernandez, le temps de vous souhaiter la bienvenue parmi nous et de vous féliciter.

Mme Ménard (Andrée): Merci beaucoup.

M. Simard (Montmorency): Ma Soeur, je vais vous faire une confidence. Je fais mon mémoire de maîtrise sur la régionalisation de l'immigration. Et je trouve que c'est une très belle oeuvre sociale, ce que vous faites.

Mme Ménard (Andrée): Bien, justement, on a un projet d'établissement des immigrants en région. C'est notre dernier développement.

M. Simard (Montmorency): Oui, bon, enfin. Et puis vous nous avez dit quelque chose de très intéressant, et je tiens à revenir là-dessus parce que, à ma connaissance, c'est la première fois qu'on y faisait référence lors de ces commissions. Parce que beaucoup de gens ont fait l'équation identité religieuse et identité québécoise, en disant qu'affaiblir ou diluer l'identité religieuse ce serait donc, par conséquent, affaiblir l'identité québécoise. Et vous nous dites: N'oubliez pas que la transmission du patrimoine, c'est une mission fondamentale des cours d'histoire.

Mme Ménard (Andrée): C'est ça.

M. Simard (Montmorency): C'est très important. Mais, dites-moi, très rapidement, qu'est-ce qui fait vraiment problème, très concrètement, dans l'enseignement actuel à Montréal, à Côte-des-Neiges?

Mme Ménard (Andrée): Vous voulez dire l'enseignement en général?

M. Simard (Montmorency): De la religion.

Mme Ménard (Andrée): De la religion? C'est-à-dire que c'est tout le propos, hein. Puisqu'on a senti le besoin de faire une commission parlementaire là-dessus, de faire des mémoires, c'est qu'il y en a un, problème, c'est qu'on en sent un, problème. La société est laïcisée, les services publics le sont. Il y a seulement l'éducation qui ne l'est pas.

M. Simard (Montmorency): Très bien. Et verriez-vous l'enseignement culturel des religions dès le primaire ou seulement rendu au secondaire?

Mme Ménard (Andrée): Bon. Là, j'aurais besoin de réfléchir. Je pense que ça ne se ferait pas de la même façon. C'est certain qu'au secondaire c'est très important. Au deuxième cycle du primaire, c'est probablement très important aussi. Moi, je vois plus, avec les plus petits, de l'animation. C'est encore un peu, première année, cinq ans, six ans, par le jeu, là. Alors, c'est différentes façons d'animer qui font qu'ils peuvent s'ouvrir à des choses nouvelles, à des valeurs nouvelles sans peut-être même s'en rendre compte.

M. Simard (Montmorency): Merci beaucoup.

Le Président (M. Geoffrion): Merci beaucoup, Mme Ménard. Maintenant, la parole au député de Kamouraska-Témiscouata, s'il vous plaît.

Mme Ménard (Andrée): Merci beaucoup.

(20 h 30)

M. Béchard: Oui, merci, M. le Président. Mme Ménard et M. Fernandez. Mme Ménard, permettez-moi de vous transmettre les salutations de mon collègue d'Outremont, M. Laporte, qui m'a prié de vous saluer et de saluer votre travail au sein des organismes d'aide aux réfugiés. Mon collègue de D'Arcy-McGee aussi a quelques questions.

Moi, un des points qui me tracassent, c'est quand vous mentionnez dans votre mémoire, et vous en avez parlé un petit peu aussi dans votre présentation... C'est-à-dire, sur quels critères se baserait-on pour ne pas reconnaître les demandes d'intégration de cours sur les autres religions? Et la même question se pose dans le cas d'un élargissement à l'enseignement d'autres religions confessionnelles que dans le cas du cours culturel des religions. Sur quoi on se base pour dire: Voici les religions qui seront dans un cours d'enseignement culturel des religions et voici sur lesquelles on se base pour ne pas reconnaître telle ou telle religion ou tel ou tel élément religieux dans un cours culturel des religions. Quels sont les critères? Comment on peut apprécier ces éléments-là, selon vous?

Mme Ménard (Andrée): Bien, c'est ça, c'est la question que je pose dans le mémoire.

M. Béchard: Je vous la repose, je vous la relance. Répondez-moi!

Mme Ménard (Andrée): Bien justement, il faudrait absolument que le ministère de l'Éducation en fasse, des critères. Et je crois qu'il aurait de la difficulté. C'est sûr qu'il y a des grandes religions dans le monde. Il y en a beaucoup mais il y en a des principales. Moi, je ne pense pas qu'il faut donner des cours sur les sectes et toutes ces histoires-là. Sauf que les grandes religions qui sont reconnues... On les connaît: le bouddhisme, l'islam, le catholicisme, les protestants. Il y en a d'autres. Mais, franchement, là, M. le député...

M. Béchard: Allons-y! On est là pour ça.

Mme Ménard (Andrée): C'est parce qu'il faut être logique avec les choses. S'il y a une Charte des droits qu'on a acceptée, qu'on veut vivre... Bien là, si on reconnaît des droits spéciaux, enfin... En fait, si on reconnaît la confessionnalité, même telle qu'on la connaît aujourd'hui, il faudrait que le gouvernement réponde à tous ces besoins-là. En fait, s'il se réfère à la Charte, il ne pourrait pas refuser ces droits-là. D'après moi. Est-ce que je me trompe? Je suis avec les personnes du gouvernement.

M. Béchard: Ha, ha, ha!

Mme Ménard (Andrée): Bien, c'est pour ça qu'on parle de laïcisation, d'ailleurs. Oui, M. le député, est-ce que...

M. Béchard: La grande question est que le même débat s'applique dans le cas d'une multiconfessionnalité que dans le cas d'un enseignement culturel des religions. Sur quoi on peut se baser et de quelle façon on peut l'appliquer pour dire que telle religion peut être enseignée, peut être transmise et que telle autre ne peut pas l'être? Et ça, quand on parle, entre autres, d'immigration, c'est extrêmement important. Comment on peut être à la fois un lieu d'accueil où on tente d'accueillir de la meilleure façon que l'on peut tous les gens, d'où ils viennent, qui souhaitent s'établir ici, respecter ce qu'ils veulent comme religion, mais en même temps respecter aussi ce que les gens d'ici veulent comme religion.

Comment on peut, à un moment donné, mettre quelque part une limite ou déterminer: Voici, dans le cours culturel des religions, nous allons parler de tel grand phénomène religieux et surtout nous ne parlerons pas de tel ou tel autre. C'est un peu ça. Et, dans tous les cas, c'est un peu la question fondamentale qui se pose.

Mme Ménard (Andrée): Bien, il n'est pas question de ne pas parler de telle... D'abord, on ne parle pas de transmission de religions, là. En tout cas, nous, on a bien identifié le rôle de l'école comme un enseignement, c'est-à-dire une transmission de connaissances. Ce n'est pas une transmission de religions. Bien, c'est très différent. On ne pense pas que c'est le rôle de l'école de transmettre la foi puis la religion. Là, ça deviendrait un problème.

Mais les connaissances sur toutes les religions, ça, c'est quoi le problème pour le faire? C'est-à-dire, qu'on sache que ça existe, qu'on sache qu'il y a telle fête importante dans leur histoire, qu'elle veut dire telle chose. Par exemple, le premier, on fête ça, le ramadan, nous autres, parce qu'il y a beaucoup de mulsulmans chez nous. Et j'apprends beaucoup. On fête Pâques aussi. Puis on a reçu, l'autre fois, une autochtone qui nous a fait partager sa culture, puis il y a un groupe, demain, de PROMIS, qui va à Odanak pour les rencontrer.

Mais quand on fête le ramadan, on n'a pas juste fait le souper après le coucher du soleil. Il y a quelqu'un de profondément religieux qui est venu pour nous expliquer le sens profond du ramadan. Et savez-vous que ça ressemblait drôlement à notre eucharistie et à nos valeurs? Par exemple, le partage avec les plus démunis, le jeûne, le sens du jeûne. En fait, on apprend beaucoup et on s'aperçoit finalement, quand on peut aller un peu au fond des choses, qu'on est très près les uns des autres. Moi, au Japon, je l'ai vécu beaucoup aussi. Comme les rites de passage et tout ça.

Ce qui est important, ce n'est pas ma religion puis ta religion, là, parce que d'abord, dans toutes les religions, il y en a qui sont pratiquants, il y en a qui ne le sont pas; il y en a qui sont croyants puis il y en a qui ne le sont pas. Ça fait que, tantôt, quand M. le ministre me posait la question, ce n'est pas tout le monde, là, qui a sa religion, non plus, puis ça dépend beaucoup... Ça, ça se fait beaucoup à la maison. Moi, je pense que c'est une culture.

Comme ça nous prend une langue commune, ça nous prend une culture commune. Ensemble, on peut faire des projets. L'engagement civique, l'engagement social, l'engagement communautaire, c'est super important. Puis ça, on peut faire ça ensemble pour bâtir une société ensemble, avec les richesses de tout le monde, où tout le monde se sentirait accepté, aimé et respecté dans ses droits. Pour nous, nous croyons profondément à ça, mais avec des valeurs communes, une culture commune. Je pense qu'on ne peut bâtir rien de solide si ce n'est pas basé sur une culture commune. Et ça, ça rejoint les valeurs plus ou moins d'à peu près tout le monde, mais ça finit par se développer. C'est pour ça que l'école est importante. L'école, c'est primordial dans la vie d'un enfant. C'est la première société, après sa famille, où il pénètre, et si elle n'est pas pluraliste, si elle n'est pas... alors, il y a un problème. Mais je pense que tout le monde pensait qu'il y avait un problème puisqu'on a mis une commission et tout un rapport et que beaucoup de gens se sont penchés sur la question.

Le Président (M. Geoffrion): Merci. M. le député de D'Arcy-McGee avait une question pour vous également.

M. Bergman: Merci, M. le Président. Bienvenue, Mme Ménard. Je suis le député de D'Arcy-McGee, qui est à côté de Côte-des-Neiges. Alors, je suis très fier de l'ouvrage que vous faites dans le district de Côte-des-Neiges et je veux vous féliciter pour votre travail. Vous êtes ma voisine, alors je suis très fier de tout ce que vous faites à Côte-des-Neiges.

Mme Ménard (Andrée): Merci.

M. Bergman: J'aimerais vous demander pourquoi, dans votre mémoire, vous traitez le mot «ghettoïsation» dans un sens négatif, et est-ce qu'on ne peut pas, dans vos mots, être ghettoïsé et à la fois être intégré dans la société québécoise? Est-ce qu'il n'y a pas une grande différence entre les mots «concept d'intégration» et le «concept d'assimilation»? Il semble, en lisant votre mémoire et en vous écoutant, que vous prêtez un sens négatif au concept de ghettoïsation, et moi, je me demande s'il n'y a pas une grande différence. Est-ce qu'on ne peut pas être à la fois ghettoïsé et intégré dans la société?

Mme Ménard (Andrée): Veux-tu répondre à ça? Bien, écoutez, un ghetto, pour moi, ça ne peut pas être positif. Il faudrait changer le mot. Un ghetto, c'est quelque chose d'à part, c'est vase clos, c'est... Alors, nous, on est pour l'intégration, on n'est pas du tout pour l'assimilation, là. Sauf que, autant, si on se dit: Il faut garder la religion dans l'école, tu sais, il faut garder la religion catholique, ça fait un ghetto, ça aussi. Je veux dire, ça fait un vase clos. Là, on parle de personnes qui sont fermées. C'est un manque d'ouverture, un ghetto. Alors, peut-être que... Je ne sais pas, on n'a pas le même concept, là, en regardant un ghetto. Mais nous, on n'est pas pour l'assimilation du tout. On est pour l'intégration. Donc, on pense qu'il faut intégrer tout le monde. Alors, nous, bien, c'est ça, là. Vous dites – plusieurs personnes nous l'ont dit puis ça nous a fait plaisir – que, oui, on fait, avec nos faibles moyens, ce qu'on peut pour l'intégration des personnes qui nous côtoient dans Côte-des-Neiges et qui sont multiculturelles, et nous, on vient simplement vous dire que la laïcisation, ça aiderait beaucoup à bâtir – des écoles, s'entend – une société où tout le monde se sentirait bien. Toi, je vais te laisser répondre, si tu as quelque chose à dire.

M. Fernandez (Juan Jose): C'est juste pour vous donner un exemple. Si on parle de Côte-des-Neiges, on a environ plus de 100 nationalités différentes. Si on disait qu'il faudrait donner des cours confessionnels de toutes les religions, par exemple, nous, on est contre parce qu'on croit – et j'ai peur de le dire parce que je connais peut-être un manque de vocabulaire – la ghettoïsation, c'est effectif qu'elle pourrait se faire.

(20 h 40)

C'est comme quand on parle de langue. Ce n'est pas parce qu'il y a plusieurs langues que, par respect des droits individuels, il faudrait dans chaque école donner la possibilité de développer chaque langue. Imaginez-vous la tour de Babel qui pourrait exister. Je pense que le seul avantage que nous avons en tant que société démocratique au Québec, c'est de rendre l'école laïque qui devrait refléter ce qu'est le Québec d'aujourd'hui. Le Québec d'aujourd'hui, toutes les institutions, sauf le système d'éducation, c'est confessionnel. Alors, moi, quand je rencontre des gens de l'Amérique du Sud et que je vante beaucoup les institutions publiques, notre valeur commune en tant que société de tolérance, mais je me sens très gêné, je l'avoue, avec des professeurs, de dire: Oui, mais au niveau de l'école, on est encore... je ne dirais pas au Moyen Âge mais on a un retard énorme.

Par exemple, dans mon pays, en l'année 1925, on a fait une réforme constitutionnelle dans laquelle on séparait le rôle de l'État et de l'Église. Donc, ça a affecté directement les institutions publiques à tous les niveaux, y compris le système éducationnel. Pourtant, c'est pour ça qu'ils ont craint que la religion majoritaire, soit le catholicisme, puisse être à la baisse. Je vous donne l'exemple de beaucoup de pays d'Amérique latine où ça n'existait pas, la confessionnalité du système éducationnel, et pourtant, ce sont les pays les plus catholiques au monde. Ils pratiquent de plus en plus, ils pratiquent plus que quand l'État avait une religion d'État, le catholicisme. Pourquoi? Parce que l'Église et la communauté de base, ils se sont développés davantage. Alors, au Québec, le manque de pratique religieuse, peut-être que ça pourrait changer, on ne le sait pas. Donc, pour ces parents qui sont très catholiques, qui veulent le statu quo, il faudrait réfléchir peut-être.

Le Président (M. Geoffrion): Malheureusement, c'est tout le temps que nous avons. Mme Ménard, M. Fernandez, merci beaucoup de votre présence devant cette commission.

Nous allons suspendre nos travaux quelques secondes. Merci.

(Suspension de la séance à 20 h 42)

(Reprise à 20 h 43)

Le Président (M. Geoffrion): Si les représentants de l'Association québécoise des professeurs de morale et de religion veulent bien s'avancer à la table, s'il vous plaît.

Alors, madame, monsieur, bienvenue à cette commission. Si vous voulez vous identifier, s'il vous plaît.


Association québécoise des professeurs de morale et de religion

Mme Hausselman (Francine): Je suis Francine Hausselman, présidente de l'AQPMR, l'Association québécoise des professeurs de morale et religieux, et je suis accompagnée de M. Jean-Denis Beauregard, l'ex-président de l'AQPMR. Nous avons aussi un gros, gros chapeau d'enseignants, puisque c'est l'Association qu'on représente, puis notre coeur est gonflé par tous nos jeunes qu'on amène ici avec nous, ce soir.

Le Président (M. Geoffrion): Vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire. On vous écoute.

Mme Hausselman (Francine): Merci. M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés membres de la commission, dans les prochains mois le gouvernement aura à prendre une décision concernant sa politique sur la place de la religion à l'école. Depuis le début de cette commission des gens de tous les milieux sont venus vous présenter leur position et leurs arguments, soit en faveur du maintien de la religion à l'école, soit en faveur de son abolition. Dans sa décision, le gouvernement aura à tenir compte autant de l'évolution de la société québécoise, marquée par sa tradition et sa culture, que de la diversité religieuse qui s'y est installée, et ce, dans le plus grand respect du peuple québécois.

La complexité de la question qui nous intéresse reflète très bien la situation qui se vit à l'école du Québec. C'est une question qui touche autant la collectivité que certains individus en particulier. Le défi du gouvernement sera de trouver un modèle d'organisation scolaire qui saura respecter l'expérience religieuse de chacun tout en étant fidèle au tissu social québécois. Les solutions adoptées marqueront la société de demain, puisqu'il s'agit ici de l'éducation de nos jeunes qui formeront cette société et qui en seront les principaux acteurs.

Les incidences de la décision que le gouvernement prendra seront majeures. La résistance au changement nous assurera-t-elle le statu quo ou l'audace d'une transformation nous propulsera-t-elle dans une société équilibrée, fière de ses racines et de sa culture, mais combien respectueuse de ce qu'elle devient? Permettez-moi de vous présenter les éléments essentiels sur lesquels nous avons basé notre mémoire présenté à votre commission ainsi que quelques aménagements proposés.

Comme enseignants d'enseignement religieux et d'enseignement moral, le développement intégral de la personne et la réussite éducative répondant à la mission de l'école sont primordiaux pour nous. Dans notre mémoire, nous soulignons l'importance que le jeune donne à la spiritualité dans sa quête de sens. Le cours d'enseignement moral et religieux et les cours d'enseignement moral sont des cours qui répondent à des besoins vitaux et fondamentaux essentiels au développement intégral de la personne humaine, lui permettant de développer son intériorité, le sens de la communauté dans le cheminement de foi, s'il est croyant, en fidélité avec la tradition québécoise.

Ainsi, même si le rôle de l'école est d'instruire, de qualifier et de socialiser, il ne faut pas oublier qu'en matière d'éducation les intérêts fondamentaux de l'enfant doivent être garantis par l'État. Ce dernier se doit, comme le dit le rapport Proulx en page 87, de «faire en sorte que l'enfant se prépare de manière adéquate à la vie de citoyen dans une démocratie libérale». Une telle éducation doit comporter le développement de l'autonomie personnelle et de l'esprit critique, un capacité délibérative, une aptitude à la tolérance, une ouverture à la diversité et un sentiment d'appartenance à la collectivité. Ces éléments sont particulièrement le propre de nos cours dont les objectifs expriment en d'autres mots et avec d'autres termes les mêmes exigences que celles mentionnées dans le rapport.

Alors que le comité sur la place de la religion à l'école affirme ne pas avoir réussi à donner une place importante aux jeunes dans son rapport, nous pouvons affirmer que nous tenons nos arguments de l'expertise de nos enseignants qui accompagnent les jeunes dans leur cheminement et leur développement personnel.

Les jeunes eux-mêmes affirment l'importance que le cours donne à tout l'aspect d'ouverture qui y est véhiculé, ouverture sur lui et sur le monde. Mais, nous soulignons dans notre mémoire, le fait que, pour s'ouvrir aux autres, il faut d'abord se connaître soi-même. Si nous voulons former des citoyens compétents, il nous faudra accepter de développer des savoirs, oui, mais aussi des savoir-être, des savoir-faire et des savoir-vivre. Ces différents savoirs vont amener le citoyen que deviendra le jeune à être capable d'exercer son discernement, son autonomie morale, son aptitude critique et sa capacité délibérative.

Pour arriver à ces fins, comment concevoir qu'un des buts du développement de la personne ayant pour objet la dimension religieuse puisse se faire en restant neutre? Il est évident qu'à partir du moment où nous parlons ainsi nous avons déjà pris une certaine option.

Si on souhaite initier l'élève aux différentes cultures, si on veut lui demander de l'ouverture face à ces dernières, il faut d'abord qu'il connaisse ses propres racines ainsi que les traditions culturelles et religieuses qui sont encore très présentes.

N'ayons pas la prétention de savoir, nous, les adultes, ce qui est bon pour nos jeunes et oublier ce qu'ils sont devenus. Depuis le début du débat sur la place de la religion à l'école, on n'a pas souvent entendu les jeunes s'exprimer sur le sujet. Ce sont eux qui sont dans nos classes à suivre les cours ou à les subir, si cela leur a été imposé. Majoritairement, ils y sont par habitude, par respect pour ce que les parents ont choisi pour eux au primaire, parce que ça fait partie de leurs traditions et de leur culture. Ils sont croyants? Oui. Catholiques? Ça, c'est une autre affaire.

(20 h 50)

Quand on leur parle de valeurs religieuses, pas de problème, mais quand on en arrive aux enseignements de l'Église catholique, c'est différent. Nos jeunes sont ouverts, beaucoup plus que leurs parents sur la question religieuse. Ils ont côtoyé, contrairement à leurs parents, d'autres jeunes appartenant à d'autres traditions religieuses. Ils se font expliquer des choses dans leur cours d'enseignement religieux, contrairement à ce que leurs parents ont reçu à l'école. Ils veulent comprendre le phénomène religieux parce que ça fait partie du monde, de leur monde. Nos jeunes sont intelligents. Ils ne sont pas habités par toutes sortes de tabous ou de frustrations occasionnés par la religion.

Ils vivent des expériences très éprouvantes parfois qui les ramènent à l'essentiel de la vie et comprennent l'importance de trouver des réponses à leurs questions, et eux-mêmes le disent: Le cours d'enseignement religieux, c'est le seul endroit où on peut parler de ces choses-là. C'est avec toute cette quête de sens que portent les jeunes que nous sommes ici, ce soir.

Dans une société comme la nôtre, où le développement individuel prime sur tout, il faut faire l'expérience de la gratuité, du don de soi, de l'amour et de la liberté. Il aura besoin de s'exprimer clairement, d'avoir un sens critique dans le respect de lui-même et des autres et être capable d'autonomie. Nous avons aussi constaté que le jeune manifeste une soif d'authenticité et de vérité et que, dans sa quête de sens, il a besoin de réponses où il se sent respecté dans son cheminement et dans ses décisions, ce qui nous amène à vous parler des enseignantes et des enseignants.

Toujours dans la ligne de la réussite éducative, il ne faudra jamais perdre de vue que tous les personnels, et particulièrement les enseignantes et enseignants, prennent une part active dans ce nouveau partenariat qui leur est dévolu par la loi 180. Pour ce faire, les décisions prises par les décideurs doivent favoriser au maximum le jeune qui est au centre de la mission éducative de l'école. Les enseignantes et les enseignants sont de fait des accompagnateurs des jeunes dans leur recherche de sens, dans l'exercice de leur discernement et dans la formation de leur pensée critique.

Ainsi, ils sont des personnes attentives aux besoins des jeunes. Ce sont des gens innovateurs, prêts à prendre le virage, des gens audacieux qui ont le courage de leurs idées, qui sont capables de partager leurs émotions, leurs sentiments et leurs opinions tout en respectant la liberté de chacun, capables d'entretenir avec les jeunes de bonnes relations exemptes de mépris et de rejet, dans le respect de la diversité et de la différence.

Il ne faudrait jamais perdre de vue que les jeunes d'aujourd'hui vivent parfois des drames que même les adultes qui les accompagnent n'ont jamais vécus, et c'est seulement après les avoir écoutés, rassurés et réconfortés que les enseignants peuvent les amener au plus profond de leur être, ce qui suppose l'amour des jeunes et la capacité d'être un mentor.

De plus, ces enseignantes et ces enseignants sont capables de reconnaître autour d'eux les éléments de dilemmes moraux et religieux, d'analyser leurs composantes, de privilégier les alternatives sécurisantes pour les jeunes et pour eux-mêmes, et capables d'affirmer leur foi. Ces personnes font également vivre des expériences d'implication communautaire dans des relations humaines où les jeunes vivent le partage, l'amour, le pardon et l'amitié dans la communauté scolaire et ecclésiale.

Il ne faut jamais oublier que l'enseignant convaincu, vrai et bien dans sa peau, capable de témoigner, peut permettre au jeune de développer la dimension spirituelle de la personne. Le jeune a surtout besoin de témoins et il sait détecter rapidement l'authenticité et la transparence. Le rôle de l'école, c'est d'ouvrir d'abord le jeune à cette dimension spirituelle qui passe par son intériorité en lui offrant une base solide pour qu'il puisse ensuite devenir un adulte mature et bien dans sa peau.

Il devient donc aussi évident et impérieux qu'on doive assurer le respect des règles et des critères déjà établis pour l'embauche du personnel enseignant, même si ces critères sont bien précis, plusieurs commissions scolaires réussissent à faire toutes sortes de manigances pour arriver à leurs fins. Avec la disparition de la formation personnelle et sociale et l'Éducation au choix de carrière, nous demeurons inquiets face à la tâche des enseignants du champ d'enseignement moral et religieux. On retrouvera des enseignants avec au moins 12 groupes qu'ils rencontreront deux fois par cycle. S'il n'y a pas de congé, il vont être chanceux de les rencontrer deux fois par cycle. Il deviendra de plus en plus difficile de suivre les élèves et d'assurer un suivi de matières.

Mais, ce que nous craignons le plus, c'est que l'enseignement religieux devienne des résidus de tâche – des «queues de tâche» qu'on appelle dans notre jargon – qu'on donnera à d'autres enseignants non qualifiés.

Pour ce qui est du primaire, il est important que le ministre s'assure que l'enseignante et l'enseignant ne seront pas pénalisés de quelque façon que ce soit alors qu'ils se prévalent du droit d'exemption de l'enseignement moral et religieux. Aussi devra-t-on faciliter et favoriser l'aménagement de la plage horaire pour permettre ce choix. Nous proposons, par exemple, pour faciliter l'organisation scolaire autour des demandes d'exemption, que deux titulaires fassent des échanges de matières permettant alors de respecter leur choix. L'engagement de spécialistes est aussi intéressant, mais quelle tâche pour ces spécialistes.

Un autre élément important pour nous dans ce dossier, ce sont les parents. Ce sont les parents qui très souvent influencent le jeune dans son choix de cours, et ce choix est imprégné de croyances des parents. Ainsi, le jeune nous arrive bien souvent avec des idées préconçues sur la question religieuse, surtout les élèves d'enseignement moral qui aboutissent en enseignement religieux soit à cause de leur choix de cours, soit à cause d'un échec en enseignement moral. Puisqu'on ne veut pas répéter, leur imposer le même cours deux années de suite, on les incite fortement, dans les bureaux de direction, à choisir un autre cours.

Tous les sondages l'ont prouvé, les parents veulent majoritairement le maintien d'un enseignement religieux à l'école. Nous avons bien dit «d'un enseignement religieux», et ce, à la condition qu'il ne soit pas trop catholique, parce que c'est là que le bât blesse. Les parents veulent, comme pour les jeunes, que les valeurs religieuses et la tradition de laquelle ils sont issus soient transmises à leur enfant. C'est plus flagrant au primaire à cause des sacrements. Les jeunes nous arrivent au secondaire sans être capables de nommer les sacrements qu'ils ont reçus et encore bien moins ce que ça a apporté dans leur vie.

Les parents remettent encore une fois la tâche à l'école de transmettre des valeurs à leur enfant, disant qu'eux ne savent pas comment le faire. Les enseignants, eux, savent comment, puisqu'ils sont formés pour cela, disent-ils. Et quand on explique aux jeunes ce que c'est que des valeurs et qu'on leur présente les valeurs religieuses, ils ne se gênent pas pour dire qu'ils en entendent rarement parler, sinon jamais, à la maison. C'est seulement à l'école qu'on leur en parle.

Une valeur est quelque chose d'important, de tellement important que tu bases ta vie là-dessus. Tu ne peux pas vivre sans cela. Alors, comment quelque chose peut-il être important et ne pas être capable d'en parler? C'est en partenariat avec l'école que cette transmission des valeurs peut se faire. Les parents devront prendre leur rôle d'éducateurs de la foi plus au sérieux s'ils veulent que la tradition religieuse à laquelle ils appartiennent survive.

Nous espérons que le gouvernement laissera aux parents le pouvoir qu'il leur avait donné en juillet 1998, lorsque ce dernier implanta les commissions scolaires linguistiques. Les conseils d'établissement doivent garder le pouvoir de choisir l'école correspondant aux valeurs de leur choix. Ce serait régresser, ce serait un retour en arrière que d'avoir une école qui soit égale pour tous, avec des valeurs uniformes. On ferait un système ressemblant à celui qu'on veut voir disparaître, mais dans l'excès contraire: le gouvernement remplacerait l'Église autrefois omniprésente. On a parlé de dictature pour l'Église, qu'est-ce que ça serait alors de la part de l'État? Oserions-nous appeler ça de la démocratie?

Oui, au nom des droits, on doit laisser les parents décider ce qu'ils veulent pour leurs enfants, mais avoir le droit de choisir amène aussi des responsabilités. Ils devront eux aussi faire leur part dans la transmission des valeurs qu'ils choisiront.

(21 heures)

En terminant, voici quelques propositions. Sans dénigrer le rapport Proulx, le cours d'enseignement culturel des religions pourrait être l'aboutissement à un cheminement et non un point de départ, parce que la religion est intérieure à soi. Comment demander à des jeunes de prendre une distance quand le for intérieur est en processus de construction? C'est un peu comme leur demander d'être objectif quand l'identité n'est pas connue. Pour prendre la mesure de la différence, il faut que le jeune ait compris ce qu'il est et qu'il peut être différent et égal. Il ne faut pas oublier que le jeune a peu de contacts avec son identité personnelle et qu'il devient par le fait même plus vulnérable à l'influence des autres et de l'extérieur. Nous croyons qu'il y a là un manque flagrant de respect du développement psychologique du jeune.

Nous irions jusqu'à proposer à tous les jeunes du premier cycle du secondaire un cours où on les ouvrirait dans un premier temps à toutes les dimensions de leur personne pour ensuite leur présenter un cours à caractère religieux correspondant à leurs aspirations et où ils trouveraient des références selon le vécu familial et ecclésial, ou encore offrir aux jeunes du primaire et du secondaire un cours qui leur permettrait de se connaître, de s'adapter aux changements qui s'opèrent dans leur vie en entrant à l'école secondaire, de s'ouvrir à cette vie intérieure qui les habite, peu importe qu'ils soient croyants ou non ou quelle que soit la religion à laquelle ils appartiennent. Ensuite, au deuxième cycle du secondaire, on pourrait leur donner le choix entre l'enseignement moral, où l'on aborderait la question religieuse, l'enseignement religieux, où le jeune poursuivrait son cheminement, et peut-être l'enseignement culturel des religions.

Selon notre Association, il est primordial de garder l'enseignement moral et religieux au curriculum avec sa place dans la plage horaire afin d'aider le jeune à s'accomplir pour qu'il devienne un être humain bien dans sa peau, conscient de sa vie intérieure qui fait vivre dans tous les sens du terme. Le cours idéal partirait des questions du jeune tout en lui permettant d'exercer un discernement et de faire des choix éclairés apportant le bonheur. La tradition judéochrétienne est importante et toujours présente dans le monde d'aujourd'hui. Le défi est d'adapter le cours aux besoins des jeunes et de découvrir un nouveau langage pour les rejoindre, car nos élèves n'ont pas la culture religieuse ni le langage religieux de leurs parents. Le cours doit leur proposer des références avec la société dans laquelle ils vivent et la tradition culturelle et religieuse d'où ils viennent.

Rappelons donc que l'AQPMR souhaite premièrement que le gouvernement respecte la volonté populaire; deuxièmement, que nous reconnaissions à l'école ses données historiques et patrimoniales; troisièmement, que l'on favorise l'ouverture à l'autre tout en acceptant ses différences; quatrièmement, que les écoles offrent des activités en lien direct avec les besoins sociaux et ecclésiaux du milieu; cinquièmement, que le gouvernement respecte son engagement face aux pouvoirs qu'il a donnés au conseil d'établissement; sixièmement, que l'on maintienne l'animation pastorale même si elle doit s'adapter à un nouveau rôle; et finalement, quel que soit le cours ou les cours retenus par le gouvernement, il importe qu'on redonne à ce ou ces cours le caractère obligatoire par la certification, valorisant ainsi la réussite éducative primordiale pour les jeunes. Parce que, dans la tête des jeunes, si les crédits ne sont pas obligatoires pour l'obtention du diplôme, donc la matière vient de perdre son importance.

En conclusion, nous voudrions faire allusion à la présentation de M. Jacques Tardif sur la conception de l'apprentissage et l'approche par les compétences lors de la première session nationale sur la formation sur la réforme, à Saint-Hyacinthe. Celui-ci parlait d'être attentif aux élèves. Nous, les enseignants d'enseignement religieux, allons au-delà de l'élève. On s'adresse à l'être humain en devenir derrière ce statut d'apprenant. M. Tardif disait qu'on est en rupture...

Le Président (M. Geoffrion): Votre conclusion, s'il vous plaît, madame.

Mme Hausselman (Francine): Je termine. Dans le changement majeur de la réforme, on passe du paradigme de l'enseignement au paradigme de l'apprentissage. Dans ce concept d'apprentissage, on dit qu'apprendre c'est transformer des connaissances pour qu'elles soient viables et transférables. Comment le jeune pourra-t-il le faire si on enlève le pôle de référence encore très présent dans la société québécoise qu'est la tradition judéochrétienne?

Il faut parfois mourir pour renaître plus fort. Nous osons espérer que le gouvernement sera audacieux dans ses décisions. Le statu quo n'est pas souhaitable, car ça ne répond plus aux besoins des jeunes. Nous ne les rejoignons pas, aidons-les à réussir leur vie. Espérons que les changements seront une vraie résurrection. En terminant, M. le Président, je voudrais remercier les membres de la commission d'avoir pris le temps de nous écouter et de nous recevoir.

Le Président (M. Geoffrion): Alors, merci beaucoup, madame. La parole est au ministre, s'il vous plaît.

M. Legault: Oui. Mme Hausselman, M. Beauregard, merci, et merci d'être ici surtout à cette heure. Nous, on aime ça, puis ça fait partie de notre travail, mais une citoyenne et un citoyen qui viennent ici, c'est d'autant plus apprécié.

M. le Président, moi, j'aurais quelques questions à poser. Évidemment, on sent dans votre mémoire l'attachement pour ce que vous faites actuellement à l'école. Et vous êtes prêts des élèves puis vous pouvez sûrement nous aider à essayer de mieux comprendre leurs attentes et puis examiner avec nous les différents scénarios qui sont examinés, tout en gardant en tête ce qu'on essaie d'avoir nous aussi en tête depuis le début, c'est-à-dire qu'on cherche un consensus, donc essayer de voir des compromis, un petit peu, pour les différents groupes.

Ma première question concerne justement les enseignants. Vous avez sûrement vu, dans le rapport Proulx, on nous dit que 35 % des enseignants en enseignement religieux sont mal à l'aise avec cet enseignement. J'ai compris que vous nous faisiez des recommandations. Mais est-ce que vous pourriez nous éclairer un peu sur qu'est-ce que vous proposez exactement comme changements pour justement diminuer ces problèmes?

Mme Hausselman (Francine): Premièrement, je vous dirai que ce n'est pas particulier à l'enseignement religieux. Puisque ça fait 20 ans que je traîne dans les écoles, je peux vous dire que, dans toutes les matières, il y a le même pourcentage d'enseignants qui ne sont pas à leur place. Donc, ce n'est pas particulier à l'enseignement religieux. Il y a des profs de toutes les matières qui enseignent parce que... Bon.

On parlait de foi aussi dans ces statistiques-là. C'est sûr qu'on disait que le jeune veut des enseignants... qu'il est capable de détecter l'authenticité et la sincérité de ces enseignants. Mais je pense qu'il y a des critères établis pour l'embauche des enseignants et, si on respectait ces critères-là... L'enseignant qui est allé chercher les crédits dont il a besoin pour enseigner au primaire et qui est allé chercher sa formation pour le secondaire, il n'investit pas du temps, de son temps personnel et de son argent pour une formation comme ça s'il n'est pas intéressé. Donc, si on respectait les critères d'embauche, on réglerait le problème.

Mais, comme je disais tantôt dans la présentation – j'ai en tête des cas très particuliers dans mon école aussi, puis je suis certaine que ce n'est pas juste dans l'Outaouais que ça se passe, que c'est à travers la province aussi – il y a des gens qui sont engagés parce que ça adonne, parce que ça devient de plus en plus des queues de tâche aussi et puis que c'est vers ça qu'on s'en va. Parce que, en coupant Formation personnelle et sociale et Choix de carrière du bloc Formation de la personne, avec les tâches, les enseignants vont préférer aller enseigner d'autres matières puis ils vont garder quelques groupes. Ils vont préférer avoir moins de groupes, plus de matières. Donc, à ce moment-là, on risque de diluer la qualité des enseignants. Mais je pense que le 35 % auquel on fait allusion dans le rapport Proulx, c'est particulièrement à cause de ces à-côtés là qu'on fait pour accommoder le système scolaire, les difficultés qui se vivent dans certaines écoles, dans plusieurs écoles.

M. Legault: Qu'est-ce que vous recommanderiez de changer pour qu'on vive moins ce genre de problème?

Mme Hausselman (Francine): Bien, ça serait de recommander aux commissions scolaires d'être très aux aguets puis de vraiment insister pour respecter la formation, qu'on engage des enseignants qui sont qualifiés pour enseigner l'enseignement religieux et l'enseignement moral aussi.

M. Legault: Vous incluez là-dedans les enseignants du primaire aussi.

Mme Hausselman (Francine): Aussi.

M. Legault: O.K. Parfait. Maintenant, j'aimerais vous entendre un peu sur le statut confessionnel des écoles. Ce n'est pas clair dans votre mémoire, mais vous semblez dire que l'abrogation du statut entraînerait une diminution de pouvoirs des conseils d'établissement, donc vous n'êtes pas d'accord. Est-ce que vous êtes d'accord ou vous n'êtes pas d'accord avec l'abrogation des statuts confessionnels des écoles?

(21 h 10)

Mme Hausselman (Francine): Ce qu'on pense, ce que l'AQPMR pense et croit, c'est qu'on devrait laisser à chaque conseil d'établissement le soin de choisir le statut que les parents désirent pour leur école. Si, dans un quartier qui est multiculturel, on préfère un tel statut, bien, qu'on choisisse ce statut-là, mais que le statut soit vraiment choisi par les parents dont les enfants fréquentent cette école-là, et tous les services s'ensuivront à partir du statut que les parents auront choisi.

M. Legault: Donc, si je comprends bien, vous suggérez que le statut soit choisi par la majorité des parents. Mais est-ce qu'il n'y a pas un problème discriminatoire envers les minorités, avec une solution comme celle-là?

Mme Hausselman (Francine): Je ne vois pas de discrimination. Je ne sais pas si tu veux rajouter quelque chose. Les gens qui ne partagent pas le choix de la majorité ont toujours l'enseignement moral qui leur est offert.

M. Legault: Non, je parle du statut confessionnel de l'école.

Mme Hausselman (Francine): Le statut. Bien, si la majorité des parents qui sont là sont d'autres religions, par exemple, que le restant de la province, bien là ils pourront choisir le statut qui leur convient. Mais on sait comment peu les parents s'impliquent dans ce choix-là. Je pense que les parents vont devoir... Si la commission n'avait eu que pour effet de sensibiliser les parents au rôle qu'ils doivent prendre et non pas tout remettre à l'État et l'école cette question-là, déjà on aura fait un gros pas. Parce que l'enseignement religieux ne sera pas viable et n'est pas viable, on le sait dans nos classes, quand c'est le seul endroit où le jeune entend parler d'enseignement religieux de quelque type que ce soit. Donc, je ne pense pas qu'il y ait discrimination. Si, dans un certain milieu, on choisit un statut non confessionnel, on va respecter la majorité. Mais, comme on dit dans les réunions syndicales, absents consentants. Si les parents ne s'impliquent pas, bien, tant pis, là.

M. Legault: Mais prenons un cas où les parents s'impliquent et où on a un groupe majoritaire et on a un groupe minoritaire, et où le groupe majoritaire décide d'avoir un statut confessionnel pour sa religion. Est-ce que vous pensez que ce n'est pas discriminatoire pour le groupe minoritaire? Je parle du statut confessionnel. La raison pourquoi j'insiste, c'est parce que, dans votre mémoire, vous nous dites que vous êtes ouverts à l'enseignement d'autres religions. Mais comment on peut penser offrir l'enseignement d'autres religions, par exemple, dans une école qui aurait un statut confessionnel attaché à une religion?

Mme Hausselman (Francine): Je pense que, dans le fond, on pourrait enlever tout statut. C'est ce qui va se faire à l'intérieur. Présentement, la majorité des écoles sont à statut confessionnel puis on ne sait pas vraiment ce qui se passe en dedans, dans les cours puis à l'intérieur. Puis je serais curieuse de savoir combien de parents savent qu'ils peuvent encore choisir le statut de leur école. C'est comme un acquis, et on ne se repose pas la question. Il pourrait ne pas y avoir de statut, comme on l'a fait pour les commissions scolaires. Mais l'important, c'est ce qu'on veut faire vivre à nos jeunes à l'intérieur. C'est une belle étiquette, là, mais qu'est-ce qu'on veut offrir à nos jeunes? Je pense que, dans tout le débat, on a oublié ce jeune-là qui grandit. Puis, si vous avez investi tant de temps à réfléchir sur cette question-là, c'est parce que tout ce qui se fait autour ne rejoint plus le jeune, puis c'est lui qu'on a oublié en cours de route. Le statut, c'est...

M. Legault: Donc, c'est moins important. Mais revenons à l'enseignement religieux, à ce moment-là. Vous nous dites, là, que vous voulez qu'on garantisse l'accessibilité d'un enseignement religieux de type confessionnel pour toutes les grandes religions. Est-ce que, dans des milieux comme Montréal, par exemple, ça ne pose pas des problèmes d'organisation d'avoir une proposition comme celle-là?

Mme Hausselman (Francine): On a des problèmes, comme c'est là, avec une religion. Imaginez, à cinq, c'est sûr que ça va demander...

M. Legault: C'est pour ça que je vous pose la question.

Mme Hausselman (Francine): Oui, ça va demander de l'organisation. Moi, comme enseignante, là, ça fait 20 ans que j'ai vécu la catéchèse puis tout ce qui s'en est suivi jusqu'à aujourd'hui. Quand on propose dans notre mémoire un cours pour ouvrir le jeune à sa spiritualité puis son intériorité, je verrais d'abord ça. Puis, à la fin – je parle surtout au secondaire, mais ça serait applicable aussi au primaire – après ça, on peut lui présenter, à l'intérieur d'un cours, des réponses à ses grandes questions existentielles. Mais, si on part du jeune lui-même, à ce moment-là, on n'a plus de cours...

Ce n'est pas la place, à l'école, pour chacune des religions, mais c'est la place d'un enseignement religieux. Quand on parle de changements majeurs, ça serait ça, là. Puis, pour être capable de comprendre les réponses des grandes questions existentielles des autres religions, il faut d'abord qu'il comprenne la sienne. Donc, oui, on doit partir de la tradition judéochrétienne pour permettre aux jeunes de s'ouvrir aux autres pour comprendre quand on... J'entendais la dame tantôt qui parlait du ramadan, elle faisait beaucoup de rapprochement avec l'eucharistie. Mais, si le jeune ne sait même pas c'est quoi, l'eucharistie, il n'en fera pas de rapprochement. Donc, il doit connaître la sienne avant de s'ouvrir aux autres.

M. Legault: O.K. Mais, la sienne, est-ce que – je reviens à ma question – vous êtes d'accord pour, par exemple, un groupe islamique qui voudrait avoir des cours de religion, de sa religion, donc, qu'on offre des cours pour toutes les grandes traditions religieuses individuellement?

Mme Hausselman (Francine): C'est leur droit. Même présentement, ils auraient pu le demander s'ils avaient voulu. Ça ne s'est pas fait. Là, on en parle, peut-être que les communautés seront plus sensibilisées à ce fait-là. Mais il reste que la pratique religieuse, ce n'est pas à l'école. Puis, moi, dans tout le débat, la question de la religion à l'école ça m'a dérangée beaucoup et ça me dérange parce que ce n'est pas de la religion qu'on fait à l'école, c'est de l'enseignement religieux. Une religion, ça se vit à l'extérieur, c'est de la pratique, c'est des croyances. À l'école, ce n'est pas de la religion. Le débat sur la place de la religion, il n'y a pas de religion à l'école, il y a un enseignement religieux qui va amener le jeune à vivre sa religion à l'extérieur, dans sa famille puis dans son église. Mais il faudrait repenser tout ça pour voir si chacune des religion peut, à l'intérieur d'un cours d'enseignement religieux, prendre une place particulière.

M. Legault: Parfait. Merci.

M. Beauregard (Jean-Denis): Quand vous soulevez une question comme celle-là, M. le ministre...

Le Président (M. Geoffrion): Oui, M. Beauregard.

M. Beauregard (Jean-Denis): ...ça me fait penser un peu au début des polyvalentes lorsqu'on s'est retrouvé avec un paquet d'options et puis qu'on a dit: Bien, ça ne sera jamais possible de donner l'ensemble des options. Pourtant, on a réussi à les donner, ces options-là. Alors, je ne vois vraiment pas pourquoi, si on veut faciliter une organisation... bien, ça suppose évidemment de la souplesse pour pouvoir faciliter l'organisation. Si on ne veut pas faciliter une organisation, si on ne veut pas donner de la souplesse, c'est évident que ça va créer des problèmes d'organisation, c'est certain. Mais il faut quand même être assez souple. On a été capable de le faire avec je ne sais pas combien d'options au niveau du début des polyvalentes, je ne vois pas pourquoi on ne serait pas capable de le faire avec cinq traditions religieuses. Merci.

M. Legault: Parfait. Merci.

Le Président (M. Geoffrion): M. le député de Montmorency.

M. Simard (Montmorency): Merci beaucoup, M. le Président. Mme Hausselman, M. Beauregard, merci d'être parmi nous, merci pour le mémoire qui est bien monté, un mémoire qui est bien articulé et également très bien présenté. Je vous en félicite.

Permettez-moi de reprendre une phrase qui se retrouve en conclusion de votre mémoire, et je vous la cite: «Nous sommes conscients, dites-vous, que les problèmes rencontrés à Montréal sont différents du reste de la province, mais nous ne croyons pas qu'il faille tout chambarder pour régler une situation qui est vécue dans un milieu donné.» Est-ce à dire que vous pourriez envisager un système d'enseignement qui soit propre à Montréal et un autre qui soit différent pour le reste du Québec?

M. Beauregard (Jean-Denis): Disons que, personnellement, je pense qu'il ne faut surtout pas envisager de solution mur à mur. Et ce qui nous est proposé dans le rapport Proulx, c'est effectivement une solution mur à mur. C'est évident que ce qui est vécu à Montréal, ce n'est pas ce qui est vécu à Chicoutimi ou ce qui est vécu en Gaspésie. Ça va supposer une souplesse, ça va supposer une organisation qui soit différente, c'est évident. Mais je ne pense pas qu'on doive se retrouver en situation où on dit: Il y a uniquement ça et il faut penser deux systèmes. Je ne pense pas.

M. Simard (Montmorency): Très bien. Et, sans rentrer dans la technique, quel visage pourrait prendre cette différence dont vous nous parlez entre Montréal et le reste du Québec?

(21 h 20)

M. Beauregard (Jean-Denis): C'est certain que, dans Montréal, il va y avoir beaucoup plus de traditions religieuses qui vont être présentes qu'à l'intérieur du Québec. Si je prends une région comme la région de Saint-Hyacinthe, on ne trouvera probablement pas de musulmans, on ne trouvera pas de Juifs, ou quoi que ce soit. Alors, nécessairement, on va se retrouver avec une situation qui va être totalement différente et on n'aura pas à présenter les mêmes choses dans cette région-là qu'on va être obligé de présenter ailleurs.

M. Simard (Montmorency): Je vous remercie.

Le Président (M. Geoffrion): Merci, M. le député de Montmorency. La parole est au député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, M. le Président. Mme Hausselman, M. Beauregard, merci et bienvenue. Je vous dirais, en première intervention, qu'il y a un paragraphe dans votre mémoire qui m'a frappé, et c'est à la page 10, quand vous dites: «Il ne faudrait jamais perdre de vue que les jeunes d'aujourd'hui vivent parfois des drames que même les adultes qui les accompagnent n'ont jamais vécus; et c'est seulement après les avoir écoutés, rassurés et réconfortés que les enseignantes et enseignants peuvent les amener au plus profond de leur être, ce qui suppose l'amour des jeunes et la capacité d'être un mentor.» Et je vous dirais qu'en lisant ce paragraphe-là je pense qu'on comprend l'importance et on ressaisit de nouveau l'importance qu'ont les enseignants et les enseignantes de nos jours, notamment à un moment où la plupart des jeunes vivent des situations qui sont particulières et où ils trouvent peu de références, en général, dans les gens qui les entourent et dans leur environnement immédiat.

Votre mémoire, à la page 4, parle de la religion comme un facteur de cohésion sociale. Et j'aimerais que vous nous parliez un peu de cette façon-là dont vous abordez la religion. Parce qu'il y a des gens qui sont venus ici et qui ont dit que la religion, au contraire, était peut-être plus un élément de division, de différence, de mise en évidence des particularités de chacun. Et, vous, vous amenez le fait que la religion pourrait devenir un facteur de cohésion sociale. Est-ce que vous pourriez nous expliquer un peu votre vision à ce niveau-là et comment vous pouvez en arriver à dire que la religion, pour vous, est un facteur de cohésion sociale?

Mme Hausselman (Francine): On parle, dans la société... Comme je disais tantôt, à l'école, ce n'est pas de la religion qu'on fait. Donc, le jeune qui, à l'extérieur de l'école, va, avec ses parents, vivre des projets particuliers, soit au niveau social ou ecclésial, à ce moment-là, ça devient cohérent pour lui puis ça lui permet de se sentir quelqu'un dans la société, tandis que... Parce qu'il faudrait que je relise, mais c'est à ça qu'on...

Pour nous autres, c'est bien différent. La religion, c'est ce par quoi on peut initier la discussion à l'école, mais c'est ce qui se vit avec sa famille puis c'est ce qui se vit dans la société. Donc, la religion peut devenir un facteur de cohésion sociale à l'extérieur de l'école. Mais, dans l'école, c'est de l'enseignement religieux, où on lui fait comprendre, où on lui enseigne ce que sa religion, ce que la religion, telle religion, puisqu'on est dans un cours d'enseignement moral et religieux catholique... on lui explique ce que les parents ne lui expliquent pas ou ce que l'Église ne lui explique pas puisqu'il n'y est pas, mais ça lui permet de comprendre ce qu'il va vivre ailleurs. L'école n'est pas un objet de transmission de foi; la foi ne passe pas par là. On est là pour... C'est un enseignement religieux qu'on lui fait, mais ce n'est pas de la religion qu'on lui fait vivre. Pour nous autres, c'est bien différent.

M. Béchard: Mais, ce que vous dites là, même actuellement?

Mme Hausselman (Francine): Absolument.

M. Béchard: Actuellement?

Mme Hausselman (Francine): Absolument.

M. Béchard: Parce qu'il y a des gens qui sont venus dire qu'actuellement les cours de religion, tant catholiques que protestants, c'est davantage de la transmission de foi que de l'enseignement.

Mme Hausselman (Francine): Absolument pas.

M. Béchard: Vous n'êtes absolument pas d'accord avec ça?

Mme Hausselman (Francine): Ah non! C'est des connaissances, c'est de la compréhension. On leur explique ce en quoi les catholiques croient, dépendant du programme, ce en quoi les Juifs vont croire pour qu'ils comprennent, mais, après ça, il faut qu'ils aillent le vivre à l'extérieur. On n'est pas du tout... C'est dans le respect, dans nos classes. Même dans les cours d'enseignement religieux, on a des élèves qui nous arrivent de Montréal, qui ne sont pas croyants du tout puis qui ne sont pas mal à l'aise. Parce que notre objectif, ce n'est pas de transmettre la foi. C'est dans ta vie, c'est dans ta pratique que tu vas aller poursuivre ça. Les gens qui vous ont dit ça, je ne sais pas si c'étaient des enseignants qui connaissaient les contenus. C'est un cours d'enseignement moral ou d'enseignement moral et religieux, ce n'est pas un cours de religion.

M. Beauregard (Jean-Denis): Si vous me permettez.

M. Béchard: Oui, allez-y.

M. Beauregard (Jean-Denis): Je pense aussi qu'à partir du moment où on permet aux gens de s'ouvrir à l'autre, de s'habituer à la tolérance et au respect, ça devient un facteur de cohésion sociale. La tolérance et le respect, c'est des éléments qui sont importants, et l'ouverture à l'autre aussi, c'est un élément qui est important, et ça devient un facteur de cohésion.

M. Béchard: Et, donc, pour vous, M. Beauregard, ce serait une belle façon, avec l'enseignement religieux, de déjà ouvrir à la tolérance, ouvrir à...

M. Beauregard (Jean-Denis): Exactement.

M. Béchard: O.K. À la page 5, de votre mémoire, vous apportez peut-être l'une des critiques les plus dures, je dirais, à l'endroit du rapport Proulx parce que, dans le fond, elles concernent ceux qui sont directement touchés, quand vous dites: «Quand on regarde attentivement le rapport Proulx, on retrouve en quelque sorte l'attitude que l'on reprochait à l'Église, à savoir qu'elle gérait tout. Le rapport, bien qu'il soit très logique, ne respecte pas les besoins des jeunes, n'ayant pas eu les réponses escomptées de ces derniers; il ne respecte pas non plus les besoins de la base qui demande que les cours d'enseignement moral et religieux et d'enseignement moral demeurent dans les écoles...»

Et je vous dis que c'est une des critiques les plus dures parce que, dans le fond, dans ce débat-là, il est facile d'en arriver à dire qu'on fait un débat à la fois politique, juridique, historique, qu'on parle de beaucoup de choses, mais que, dans le fond, on arrive assez rapidement à oublier quels sont les vrais besoins des jeunes. Et j'aimerais que vous nous expliquiez un peu comment vous pouvez en arriver à cette conclusion-là qui, selon moi, est très dure envers le rapport Proulx, c'est-à-dire qu'il ne respecte pas les besoins des jeunes.

Mme Hausselman (Francine): Premièrement, j'ai assisté à trois, quatre présentations de Jean-Pierre Proulx, de son rapport, quand ça a sorti, le printemps passé. Et lui-même, lors d'une de ces présentations-là, avait expliqué la difficulté qu'ils avaient eu de rejoindre les jeunes, puisqu'ils avaient tenté de passer par les conseils étudiants, ils avaient eu très peu de réponses. Et, moi, j'étais très sensible à cette dimension-là, puisque je venais de terminer mon mémoire de maîtrise dont le sujet était La place de l'enseignement religieux à l'école secondaire , et mes sujets de recherche ont été les jeunes. Je ne suis allée questionner que des jeunes. J'en ai interviewé 300. Ce n'est peut-être pas l'ensemble du Québec, mais je pense que les jeunes se ressemblent pas mal partout. Donc, j'avais fait le reproche à Jean-Pierre Proulx, ce reproche-là justement de ne pas être allé voir les jeunes, qui, eux autres, sont capables de dire ce qu'il y a d'essentiel puis ce qui leur manquerait s'il n'y avait pas de cours d'enseignement religieux.

M. Béchard: Mais élaborez là-dessus, justement, sur votre sondage auprès des jeunes. Qu'est-ce qu'ils vous disaient par rapport à l'enseignement religieux, par rapport au système actuel, par rapport au contenu des cours, par rapport à la façon dont on fait l'enseignement religieux. Quels étaient leurs points de vue là-dessus?

Mme Hausselman (Francine): Leurs points de vue, c'était comme je l'ai mentionné tantôt dans ma présentation. D'abord, au début de ma recherche, j'étais convaincue, peut-être désabusée devant l'incohérence entre ce que j'enseignais et la réceptivité que les jeunes avaient. J'étais convaincue que, peut-être, ce serait une bonne affaire de tout sortir ça de l'école, ça serait moins de trouble. Puis, finalement, en jasant avec les jeunes, à cause d'une activité qu'on a dans le programme de cinquième secondaire, où ils ont à faire le bilan de leurs cours d'enseignement religieux, de toutes leurs années, ils en sont venus à dire que, si on enlevait l'enseignement religieux...

(21 h 30)

Puis là leurs problèmes ont commencé à sortir. Quand leurs amis se suicident, quand je parlais d'expériences de vie que les jeunes ont vécues, que nous autres, plusieurs professeurs, n'ont pas vécues – je pense au suicide, je pense à l'avortement que nos jeunes vivent – quand ils arrivent en classe puis qu'ils doivent réfléchir à ces questions-là, c'est dans le cours d'enseignement religieux qu'ils sont capables d'aller en profondeur, d'aller au-delà de la question juste morale, de bien, est-ce que c'est correct ou si ça ne l'est pas, ou sur les droits. Il semble qu'ils peuvent aller réfléchir dans leur intérieur puis qu'on peut discuter à différents niveaux.

Donc, eux autres disent que c'est important, et, je dois quand même être franche avec vous, dans toutes les interviews que j'ai faites, les jeunes m'ont toujours parlé de culture et de tradition religieuse: C'est notre religion, c'est notre peuple, c'est notre histoire, mais il a été très, très, très rarement question de foi. C'est de la culture et de la tradition religieuse.

M. Béchard: Déjà?

Mme Hausselman (Francine): Déjà.

M. Béchard: Dans votre mémoire, justement, à la page 5, quand vous continuez, vous dites: «Quand on lit attentivement le rapport Proulx, force nous est de constater qu'il crée un faux problème. Le problème est dans les irritants que trouvent des individus, des groupes ou des corporations qui n'ont pas su "régler leurs bibites" ou bien encore qui s'attachent à des rites que la société québécoise ne considère plus depuis longtemps comme des irritants.»

Et, quand on lit cette phrase-là, on a l'impression que vous êtes déjà en avant de quelques années sur ce que vous prétendez peut-être des groupes qui viennent, sur cette question-là, finalement régler des vieux comptes qui sont là depuis 15 ans, 20 ans, 30 ans, au-delà des intérêts des jeunes, au-delà de quelque intérêt que ce soit, qui disent: Nous, on poursuit une mission, une vocation qu'on s'est donnée depuis des années. Est-ce que vous pourriez élaborer là-dessus? Parce que, dans le fond, cet élément-là est très dur aussi de votre mémoire. C'est-à-dire que vous venez dire qu'il y a des gens qui ne s'intéressent à cette question que pour régler des comptes, au-delà des intérêts des jeunes, de la réalité sociale que l'on vit, de ce qui se passe dans nos écoles, qu'on a l'impression que c'est un des derniers rounds du match qui oppose les groupes depuis des années.

Mme Hausselman (Francine): Juste le fait qu'on parle de religion, comme je disais tantôt, on n'enseigne pas la religion à l'école. C'est ce que les parents ont vécu, c'est ce que leurs parents ont connu, mais ils n'ont pas connu l'enseignement religieux que les jeunes vivent. Veux-tu parler?

M. Beauregard (Jean-Denis): Disons que, quand on retrouve ça, ce paragraphe-là, on faisait allusion un petit peu à toute la question de la CEQ aussi qui parlait de transmission de foi à l'école, alors qu'à l'école c'est vraiment ne pas connaître les programmes et ne pas connaître l'enseignement religieux qui se donne que de dire que c'est une transmission de foi. Et c'est vraiment retourner en arrière, retourner à il y a 20 ans, 25 ans quand on le présente de cette façon-là, en disant qu'à l'école c'est une transmission de foi qui se fait.

Mme Hausselman (Francine): Je pense que la religion qu'on veut sortir des écoles, ça fait longtemps qu'elle est sortie. Il faudrait qu'ils viennent assister à nos cours. Le gouvernement est en train d'investir des millions pour la réforme qu'on veut instaurer, je dois vous dire qu'il y a plusieurs enseignants qui l'ont déjà commencée, cette réforme-là, à cause des jeunes qui sont là, parce que, sinon, les jeunes, on les aurait perdus de vue. Vous savez, nos jeunes, c'est des zappeurs, au bout de cinq minutes, si tu ne tiens pas le bon discours, ils ont déjà changé de poste, eux autres. Donc, il faut que tu trouves... On parlait de vocabulaire à réinventer pour les rejoindre, c'est tout le défi qu'on à, là. Donc, la réforme est déjà commencée, puis cette religion-là qu'on veut sortir, là, c'est des anciens qui parlent de religion à l'école, ça n'a pas rapport, comme diraient les jeunes. Ça n'a plus rapport.

M. Béchard: Ç'a pas rap.

Mme Hausselman (Francine): Ç'a pas rap.

M. Béchard: Ha, ha, ha! Mme Hausselman, M. Beauregard, à la page 12 de votre mémoire, on a parlé beaucoup, à date, du choix des parents, du choix des enfants, des jeunes, vous, vous amenez l'aspect du respect du choix des enseignants et des enseignantes qui est primordial, surtout au primaire. Et, là-dessus, je vous dirais que c'est une des premières fois, entre autres au niveau du primaire, là, sur le respect du choix des enseignants et enseignantes.

Un des défis qui existe probablement face à quelque opportunité que ce soit et à quelque choix que fera le gouvernement en ce qui a trait à la place de la religion à l'école est justement celui non seulement du choix des parents, des enfants, mais du choix des enseignants. Comment on peut arriver à mettre en place un système qui va justement faire en sorte que l'on respecte le choix des enseignants et, comme vous l'avez décrit dans votre présentation, qui va faire en sorte que ce ne sera pas juste pour combler une tâche ou pour finir une tâche complète ou, je dirais, par second choix ou en dernier choix que les enseignants vont faire de l'enseignement religieux? Est-ce qu'on doit mettre en place un système de spécialistes, de gens qui vont être vraiment formés pour faire l'enseignement religieux? Comment vous voyez cette question-là?

Mme Hausselman (Francine): Comme ça l'est au secondaire présentement – bien, comme ça devrait l'être – ça devrait être la même chose au primaire. Mais, par contre, il reste que, si l'enseignant du primaire, qui a une relation très privilégiée avec ses élèves, veut le faire, c'est l'idéal. Mais, entre ne pas le faire ou le faire par obligation, parce qu'il ne veut pas demander une dérogation parce que la direction de l'école n'est pas ouverte à ça ou que ça lui amène d'autres problèmes, il va le faire quand même, bien, tant qu'à vivre cette situation-là, on pourrait avoir des spécialistes au primaire. Mais je suis convaincue que, si l'enseignant veut le faire, c'est lui qui connaît ses jeunes, puis c'est beaucoup plus facile pour l'enseignant qui vit longtemps, à la journée longue, qu'à un spécialiste qui va venir visiter les jeunes une fois par semaine.

M. Béchard: Merci.

Le Président (M. Geoffrion): Merci. Est-ce que, Mme la députée de Jean-Talon, vous avez une question?

Mme Delisle: Il reste combien de temps?

Le Président (M. Geoffrion): Il reste quelques minutes.

Mme Delisle: Bon. Merci. Je trouve ça très intéressant, l'approche que vous apportez à cette commission. Moi, je voudrais vous ramener vers le jeune et ses besoins. Dans votre mémoire – je suis dans la version plus courte, là – vous faites référence au fait que les jeunes affirment que le cours d'enseignement moral et religieux est important pour des questions de valeurs et de sens à la vie, bon, qu'il développe notre tolérance et permet de connaître notre passé et nos racines. «De plus, nous ne croyons pas pouvoir développer l'autonomie, le discernement, l'attitude critique et la capacité délibérative en restant neutres.» J'ai aussi cru déceler – peut-être que je me trompe – dans votre discours, dans la façon que vous avez de nous présenter ce dossier-là, que vous tenez à ce que ça reste confessionnel, le statut confessionnel de l'école. Est-ce que j'ai bien compris ça?

Mme Hausselman (Francine): Nous autres, notre argument premier, c'est de respecter le choix des parents.

Mme Delisle: C'est parce que vous revenez beaucoup au statut confessionnel, puis je ne sais pas si c'est moi, je ne sais pas si c'est parce qu'il est tard ou si j'ai de la misère à faire la distinction entre le statut confessionnel, le cours d'enseignement religieux, les jeunes qui veulent un cours d'enseignement moral, et on ne veut pas parler de religion, mais il me semble que... En tout cas, en tant que parent et en tant que parlementaire, j'aurais aimé que ce soit plus clarifié, davantage clarifié, ce que les jeunes souhaitent vraiment avoir comme cours.

Mme Hausselman (Francine): Les jeunes n'ont aucune...

Mme Delisle: Je fais la distinction, évidemment, entre la religion puis la pratique de la religion et, évidemment, l'enseignement, ça, c'est sûr. Mais ce n'est pas clair dans mon esprit, ce que vous cherchez à démontrer.

Mme Hausselman (Francine): O.K. Premièrement, le jeune, le statut, il n'a aucune idée de quoi on parle. Lui, ne lui demandez pas: Le statut confessionnel ou pas? Il ne connaît pas ça du tout, que son école est confessionnelle, il n'a aucune idée. Tout ce qu'il sait, c'est qu'il a des cours d'enseignement religieux, et ce qu'il veut dans ses cours d'enseignement religieux, c'est qu'on lui explique pourquoi ses parents l'incitent fortement à être là, qu'est-ce que c'est, ces valeurs-là.

Question pratique religieuse, il aime comprendre. Quand il y a des situations ou s'il va à un service religieux, bien, ça va arriver qu'il va poser des questions sur la pratique religieuse, mais il veut être capable de comprendre le phénomène religieux parce qu'il réalise qu'il n'est pas le seul à croire, qu'il y a d'autres gens qui croient autour de lui. Ce qui intéresse le jeune – on disait que le jeune est intelligent – le jeune veut comprendre ce phénomène religieux là, pourquoi la question... Toute la spiritualité, l'intériorité, le jeune est très ouvert à ça.

Puis on fait la différence entre spiritualité et religion aussi, puis le jeune est capable de faire la différence. Il sait que sa pratique, c'est de la religion, mais il a une grande ouverture à tout le domaine de l'intériorité et de la spiritualité et il sait que c'est là qu'il répond à ses questions. S'il va à la messe le dimanche, ce n'est pas là qu'on va répondre à ses grandes questions, mais, à l'intérieur des cours, où il peut échanger avec les autres, réaliser qu'il n'est peut-être pas le seul qui a pensé au suicide. Mais parce qu'un a été capable de témoigner que, lui, il a trouvé sa force dans sa foi ou dans un ami qui a été là, c'est dans ce sens-là que le cours a été important. Je ne sais pas si je réponds.

Mme Delisle: Oui, mais il y a quand même une distinction à faire entre enseignement religieux et spiritualité, et, si on accepte qu'il y a une distinction à faire là-dessus, quand on parle de spiritualité, on parle aussi de donner un sens à la vie, à la mort, à l'amour à tout ce que nous sommes, finalement, puis tout ce qui nous fait vibrer. Bon.

(21 h 40)

Alors, je veux revenir à l'enseignement religieux, parce qu'il y a des gens, des groupes qui sont venus nous dire – je pense, entre autres, à des protestants, le Comité protestant – qu'ils n'ont aucun problème avec la possibilité d'avoir un cours unique où on retrouverait finalement un enseignement religieux qui recoupe l'ensemble des grandes religions. Pas toutes les religions, mais celles qui sont reconnues, si vous voulez, mondialement. Bon. Comment ça s'inscrit, ça, dans votre volonté de respecter ce dont le jeune a besoin, ce que les parents veulent à l'intérieur, finalement, d'un projet éducatif dans une école?

Mme Hausselman (Francine): Quand on proposait, au premier cycle du secondaire, un cours commun, moi, suite à mon mémoire, j'en arrivais à dire: Avant de proposer quelque religion que ce soit, quelque piste de réponse, il faut d'abord ouvrir le jeune à sa dimension spirituelle. Donc, ce cours commun là qu'on imaginait au premier cycle du secondaire, c'était pour mettre le jeune en contact avec lui. Puis, après ça, tu peux lui proposer un enseignement religieux. Partir des grandes questions du jeune, le jeune qui rentre en secondaire I n'a pas les mêmes questions que le grand du V qui part puis il n'a pas vécu les mêmes expériences. Donc, si on partait, si on développait des programmes à partir des besoins du jeune, après ça, on peut lui proposer ce que les grandes religions lui proposent comme réponses à ses questions, mais tout en ne négligeant pas la religion, ce qu'on a vécu au Québec depuis des années, pour qu'il soit capable de faire des liens, puis, après ça, il va être ouvert aux autres.

Mme Delisle: Merci.

Le Président (M. Geoffrion): Alors, Mme Hausselman, M. Beauregard, on vous remercie beaucoup de votre présence devant la commission. Nous allons suspendre quelques secondes. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 21 h 42)

(Reprise à 21 h 43)

La Présidente (Mme Charest): J'accueille maintenant le Bureau de recherche sur la politique scolaire.

Bonsoir, messieurs. Je vous demanderais, dans un premier temps, de vous présenter. Et vous avez, suite aux présentations, 20 minutes pour faire votre exposé. S'ensuivront de chaque côté de la table des échanges avec vous: 20 minutes, 20 minutes.


Bureau de recherche sur la politique scolaire

M. Smith (William J.): Merci, madame. Je voudrais présenter d'abord mon collègue le professeur Bill Foster, de la Faculté de droit à l'Université McGill. Et, moi, je m'appelle Bill Smith, directeur du Bureau de recherche sur la politique scolaire, également à McGill.

Nous voudrions vous remercier pour cette occasion d'ajouter nos commentaires à ce grand débat. C'est un sujet qui est évidemment très chaud, dû à la température à l'extérieur, j'imagine. La question de la religion à l'école est difficile parce que c'est une question très personnelle, et c'est pourquoi, dans notre mémoire, nous avons insisté sur un examen en profondeur des principes directeurs qui devraient guider le débat sur les questions précises qui, en bout de ligne, sont devant vous comme parlementaires. Dans notre présentation, ce soir, nous voudrions accentuer un principe fondamental dans notre mémoire, à savoir les droits de la personne, et ce, au moyen de quatre points précis.

Le premier point. Contrairement à ce que certains intervenants ont prétendu devant cette commission, la perspective des droits de la personne n'est pas une perspective absolue. Ce n'est certainement pas l'économie des études qui ont été faites pour le Groupe de travail et leur analyse de la perspective des droits de la personne, ce n'est pas l'économie de la jurisprudence actuelle dans ce domaine et ce n'est pas la perspective retenue par le Groupe de travail dans le rapport. Les droits de la personne s'exercent dans un cadre bien établi qui s'appelle les limites raisonnables.

À l'intérieur de ce cadre, il y a des choses qui se décident facilement. Alors, par exemple, lorsque l'État décide de mettre un âge minimal pour avoir un droit de permis de conduire, généralement il n'y a pas trop de contestation là-dessus. Il y a d'autres choses qui se décident avec plus de difficulté, par exemple les débats qu'on a vus il y a plusieurs années sur l'âge obligatoire de la retraite. Alors, bien sûr, il y a des cas précis qui sont plus ou moins difficiles à résoudre, mais, règle générale, on convient tous de la notion de limite raisonnable pour établir un champ de jeu, c'est-à-dire que toute décision ou action gouvernementale doit se faire dans des limites qui sont raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique.

Ce qui nous amène à notre deuxième point, que le recours à la clause dérogatoire doit se restreindre aux cas extrêmes. La clause dérogatoire ou la clause «nonobstant», qu'on appelle, est utilisée évidemment pour écarter ces limites raisonnables. En effet, ce qu'on oublie parfois, c'est que la clause dérogatoire n'est nécessaire que lorsqu'on veut adopter une loi qui est déraisonnable et dont la justification ne peut pas se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique, donc le besoin de la clause dérogatoire pour permettre à la loi d'être adoptée.

Il nous semble que les cas où on peut se sentir à l'aise comme gouvernement, comme société, d'invoquer une telle clause devraient être des cas très rares. De s'en servir pour maintenir les politiques et pratiques quotidiennes dans le système de l'éducation publique, à notre opinion, ne se défend pas. Nous serions d'ailleurs la seule province au Canada à le faire. Ailleurs, la protection de tels privilèges, catholiques et protestants notamment, se justifie sur la base de l'article 93, un choix de société du XIXe siècle. Au Québec, nous venons faire un nouveau choix de XXIe siècle et nous avons rejeté ce régime pour un nouveau régime égalitaire qui respecte les droits de tous les citoyens.

(21 h 50)

Ce qui nous amène à notre troisième point, c'est-à-dire que l'octroi des privilèges aux catholiques et protestants viole nos engagements dans le cadre des droits de la personne sur l'échelle internationale. Dans notre mémoire, nous avons fait mention brièvement du cas Adler qui concernait le non-financement des écoles privées en Ontario, et ce, à la lumière du financement des écoles séparées. Ayant perdu jusqu'à la Cour suprême du Canada à cause de la primauté de l'article 93 et l'article 29 de la Charte canadienne, les plaignants ont poursuivi leur requête pour avoir justice devant le Comité international des droits de la personne, formé sous l'autorité du protocole facultatif du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Au moment où notre mémoire a été soumis, le cas était en cour, mais nous n'avions aucune idée à quel point ça se serait terminé. Mais, maintenant, depuis ce moment-là, la décision du Comité est émise, et ceci, en faveur des plaignants, c'est-à-dire que le Comité international a trouvé que l'octroi de tels privilèges aux catholiques et protestants – mais davantage les catholiques de l'Ontario – viole les dispositions du Pacte international et a donné au gouvernement de l'Ontario 90 jours pour répondre.

Sans commenter ici sur les implications pour l'Ontario ou la viabilité des droits de l'article 93 ailleurs au Canada, cette décision démontre sans équivoque que l'octroi des privilèges aux catholiques et protestants à l'exclusion des adhérents des autres confessions est contraire aux normes internationales des droits de la personne. La décision suggère également qu'en vertu des normes internationales une conclusion semblable serait retenue en ce qui concerne l'utilisation de la clause de dérogation pour sauvegarder de tels privilèges. Advenant que le gouvernement du Québec décide de maintenir les clauses dérogatoires dans la Loi sur l'instruction publique, il devrait tenir compte de cette décision.

Notre quatrième point, c'est de parler très brièvement sur l'option de l'enseignement religieux à l'école et, précisément, de vous suggérer que l'option de l'enseignement moral et non confessionnel devrait être l'option retenue dans le cadre du présent débat. Selon nous, cette option respecte tous les principes directeurs des droits de la personne dont nous avons parlé et auxquels nous avons fait allusion et décrits en détail dans notre mémoire. Elle promeut la mission de l'école publique comme le lieu privilégié de l'intégration de tous les membres de la société sans égard à leur race, origine ethnique, religion, etc.

Elle démontre un respect approprié pour la neutralité de l'État en matière de religion. À savoir, elle ne permet pas l'endoctrinement d'aucune religion, mais, contrairement aux doctrines américaines de la séparation absolue de l'État et de l'Église, elle ne bannit pas la religion de l'école.

Elle fait, d'après nous, la meilleure utilisation des ressources disponibles, et nous prétendons que, à ce moment de notre histoire, on ne peut pas ignorer la question des ressources dans toute considération des politiques. Elle fait la meilleure utilisation des ressources disponibles, car, un, le cours peut se baser sur des cours existants de l'enseignement protestant. Quand le Groupe de travail Proulx a fait son analyse des cours existants, il a trouvé que, malgré le nom «enseignement protestant», le cours, dans les faits, avait beaucoup d'ouverture sur l'ensemble des religions et pouvait donc donner une base pour bâtir un nouveau cours sans commencer à zéro, ce qui, donc, aussi entraîne des économies non seulement pour le développement du cours, mais aussi pour la formation du personnel, et, deuxièmement, dans l'opérationalisation de ces enseignements au futur, évite une multiplicité d'options et du personnel spécialisé avec les coûts afférents.

Pour limiter notre présentation aux points essentiels, on ne parlera pas des autres points que nous avons traités dans notre mémoire, et nous espérons, M. le ministre, membres de la commission, si vous avez des questions là-dessus, qu'on peut en parler dans les minutes qui suivent.

En guise de conclusion, nous voudrions simplement mentionner que le contexte de notre intervention est la récente réforme du système de l'éducation, la réforme peut-être la plus profonde depuis la Révolution tranquille, une réforme qui est toujours en cours et, pour plusieurs raisons, est toujours fragile. L'esprit de cette réforme n'est pas, encore une fois, contrairement aux prétentions de certains, le choix de parents, il est la mise en commun de tous les intervenants scolaires pour promouvoir le meilleur intérêt des étudiants. Étant donné les positions prises par plusieurs groupes, il n'y a probablement aucune solution à cette question qui est susceptible de plaire à tout le monde. M. le ministre, vous avez mentionné tantôt que, comme toujours, on cherche des compromis, et parfois des compromis sont plus difficiles à trouver que d'autres. Dans de telles circonstances, nous croyons que la seule chose à faire est de rendre une décision qui est dans le meilleur intérêt des étudiants, du système scolaire et de la société qu'ils soutiennent. Nous vous remercions.

Le Président (M. Geoffrion): Alors, merci beaucoup, M. Smith. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Legault: Oui. M. Smith, M. Foster, merci pour votre mémoire très détaillé, très fouillé. Merci aussi d'être ici, ce soir, avec nous. Bon, vous nous proposez un principe de laïcisation complète du système. Vous venez de dire que, oui, on cherche un consensus. Non seulement on cherche un consensus, mais j'ajouterais aussi qu'on cherche une évolution progressive, je pense, on veut éviter, tout le monde, une cassure avec la situation actuelle. Je pense que c'est important de faire certains compromis si on veut y arriver.

Vous, dans votre exposé, vous nous montrez comment il est important de respecter l'égalité des personnes, les libertés de conscience et de religion, mais vous montrez aussi comment ça peut être difficile d'atteindre intégralement cet objectif. Il y a parfois aussi – et je pense qu'il faut le dire – des aspects historiques et culturels dont il faut tenir compte, et vous citez d'ailleurs dans votre mémoire plusieurs exemples de litiges qui peuvent survenir, particulièrement sur la place de la religion à l'école.

Est-ce que vous ne croyez pas qu'il est possible, tout en respectant l'esprit des chartes – je dis bien l'esprit des chartes – de respecter aussi le choix des parents à l'effet de dispenser un enseignement religieux qui soit respectueux de leurs convictions?

M. Smith (William J.): Si je comprends bien votre question, M. le ministre, vous visez particulièrement l'enseignement religieux. Il est évident que c'est possible d'offrir un éventail de choix des cours en religion, et, si dans la pratique on offre cette possibilité à tout le monde sans discrimination, qu'on peut respecter les principes des chartes. C'est bien sûr.

Nous croyons quand même qu'il faudrait distinguer entre un respect théorique et ce qui va arriver en pratique. Me Lafontaine, qui est membre de la commission du groupe Proulx, avait dit, lors d'une session que nous avons eue avec eux, il avait fait une remarque que nous avons trouvée très intéressante quand il a dit: La discrimination ne se fait pas en théorie, ça se fait en pratique. Et, donc, il faudra voir, si on offre un tel éventail d'options, qu'est-ce qui va arriver en pratique dans les écoles. Il est bien sûr que, dans certains cas, ça peut offrir des choix véritables à tout le monde et respecter la liberté de religion de tout le monde, et ça va marcher parfaitement bien, mais nous croyons que, dans d'autres circonstances, dans la pratique, ça ne marchera pas de même, il y aura des pressions pour que pas trop de monde demande des choix parce que c'est trop compliqué, puis ça va être plus simple et plus gentil si tout le monde fait ci et fait ça. Et nous avons peur que, dans la pratique, ça va continuer, simplement, ce genre de conflit au niveau de l'école qui, d'après nous, n'est pas bon pour le futur du système public des écoles.

M. Legault: Dans la solution qui est recherchée, est-ce que vous pensez que le Québec doit faire complètement abstraction de son histoire et de sa culture?

(22 heures)

M. Smith (William J.): Il est évident qu'il ne peut pas faire abstraction complète et ignorer complètement son histoire, mais, si on ne fait pas une brisure assez nette avec cette tradition, on ne peut pas sortir d'une situation où il y avait vraiment un groupe majoritaire et un minoritaire privilégiés, avec tout le reste du monde vraiment mis à côté. L'argument de l'histoire, je pense, avec tout le respect, est un argument dangereux. On peut penser à d'autres sociétés où il y avait discriminations de différentes sortes. Et, si on avait permis à l'argument de l'histoire de prévaloir, on aurait toujours une perpétuation de discriminations.

M. Legault: Mais tantôt je vous parlais d'une démarche qui pourrait être progressive. Vous, ce que vous recommandez, c'est la laïcisation totale du système d'éducation public. Puis même vous ajoutez: Ça doit être fait immédiatement. Est-ce que vous pensez que c'est réalisable? Et surtout est-ce que vous croyez sérieusement que ça rejoint les attentes de la majorité des Québécois et des Québécoises?

M. Smith (William J.): Il y a deux questions: Est-ce que c'est réalisable? Est-ce que ça atteint la majorité du monde? Je pense que, dans le premier cas, qu'on le fasse l'an prochain ou en deux ans ou en trois ans, ça ne ferait pas une grande différence. C'est pourquoi nous avons recommandé de procéder le plus rapidement possible.

Nous avons fait un nouveau système avec le système de commissions scolaires linguistiques, et déjà on a transposé à l'intérieur de ce nouveau système linguistique le débat de religion mais peut-être en l'empirant, dans le sens que, dans le passé, le débat sur le système scolaire, le débat de la religion versus d'autres formes d'organisations était un débat au niveau des commissions scolaires, des autres structures. Là, le débat est rendu au niveau de l'école, plus viscéral, plus important. Si on permet à ça de continuer pour plusieurs années en guise de régime transitoire, nous croyons que ça risque simplement d'empirer la situation, contrairement à une période de transition qui permet une transition plus aisément.

Pour ce qui a trait à votre deuxième question, non, sincèrement, si on demande à tout le monde qu'est-ce qu'il pense, non, ce n'est pas ça, le souhait de tout le monde. Mais, encore là, on risque de tomber dans les voeux de la majorité puis, si on tombe dans ce jeu-là, évidemment on ne change rien, on va simplement continuer, comme nous avons fait auparavant, d'accorder des privilèges à la majorité puis d'ignorer les autres.

M. Legault: Donc, pour vous, c'est plus important de respecter les droits de la minorité que de regarder les droits aussi des majorités?

M. Smith (William J.): Je pense que c'est aussi important de respecter les droits des minorités et de conserver les privilèges de la majorité, oui.

M. Legault: Merci.

Le Président (M. Geoffrion): Merci. Est-ce qu'il y a d'autres questions du côté ministériel? Ça va? Pas de question? Alors, la parole est à vous, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci beaucoup, M. le Président. M. le Président, permettez-moi d'abord de saluer M. Smith, M. Foster. Merci de votre présentation, de votre mémoire très fouillé, avec énormément de références autant légales qu'historiques.

Et permettez-moi d'abord d'amorcer la période d'échanges sur... Dans votre mémoire, vous proposez finalement qu'aucun enseignement religieux ne fasse partie du curriculum. Vous parlez d'un enseignement moral non confessionnel offert comme partie du curriculum de l'école élémentaire et du premier cycle du secondaire et que l'enseignement au sujet des religions du monde soit inclus dans le programme d'enseignement moral. Est-ce que vous avez abordé de près ou de loin la possibilité de mettre en place un cours spécifiquement relié à la proposition du rapport Proulx sur la culture comme telle des religions?

M. Smith (William J.): Nous n'avons pas essayé de voir un contenu plus précis dans un tel programme. Le principe que nous voulions avancer, tout simplement, c'est la notion qu'on n'enseigne pas la religion, un peu comme la distinction que madame faisait tantôt, mais que tout cours qui soit inclus dans le curriculum soit un cours qui touche la religion, qui concerne la religion. Mais ce n'est pas un enseignement de la religion. Mais, au niveau d'un programme précis, non, on n'a pas essayé d'aborder même le squelette d'un programme.

M. Béchard: Mais vous n'avez pas regardé les propositions du rapport Proulx, entre autres, sur le cours culturel des religions, où on dit que ça pourrait être un bon moyen de transition entre la situation actuelle et une situation dans laquelle on pourrait aller vers une laïcité complète. Ce cours-là, comme tel, vous ne l'avez pas abordé. Et, dans ce cas-là, quelles seraient les grandes différences avec ce que vous proposez, c'est-à-dire l'enseignement au sujet des religions du monde qui pourrait être inclus dans un programme d'enseignement moral? C'est un peu les différences entre les deux que je veux voir. Quelle est la différence entre ce que propose le rapport Proulx et ce que vous proposez comme enseignement au sujet des religions du monde?

M. Smith (William J.): Je pense qu'au niveau du principe il n'y a pas de différence, en ce que nous comprenons de ces recommandations. Alors, j'ignore les détails de cette proposition, mais, en termes de principe, je ne pense pas qu'il y ait... on n'a pas une position différente.

M. Béchard: O.K. Vous indiquez dans votre mémoire aussi que les écoles confessionnelles pourraient être retenues comme des choix d'écoles privées. Et certains groupes sont venus ici nous dire que, dans le cas, la situation qu'on connaît actuellement au Québec des écoles privées, ce n'est pas au sens clair et propre de vraies écoles privées, c'est-à-dire que l'État finance beaucoup.

Et j'aimerais savoir. Dans ce que vous proposez, qu'il y ait une possibilité d'écoles confessionnelles dans les écoles privées, est-ce que c'est dans le cas d'écoles privées comme on les connaît actuellement ou si c'est dans le cas d'écoles privées qui seraient complètement privées, c'est-à-dire non financées par l'État?

M. Smith (William J.): Je pense que la notion de subvention des écoles privées, c'est une deuxième question, mais évidemment une question qu'on ne peut pas ignorer si on prône que les écoles confessionnelles soient restreintes dans le réseau d'écoles privées.

Tout ce qu'on peut dire là-dessus, c'est que la pratique sur le financement des écoles privées varie énormément, au Canada. Il y a des provinces comme l'Ontario, par exemple, où il n'y a aucun financement, d'autres provinces, comme le Québec et l'Alberta, qui financent les écoles privées en grande partie, et avec d'autres entre ces deux pôles.

Si vous demandez notre opinion strictement sur la question du financement des écoles privées, indépendamment de cette question-ci, moi, je dirais qu'on devrait concentrer nos fonds publics sur les écoles publiques.

M. Béchard: Mais, M. Smith, vous serez d'accord avec moi que, si on parle, dans le cas actuel, qu'il puisse y avoir des écoles confessionnelles dans le cas d'écoles privées comme on les connaît actuellement, quelque part, je pense qu'on n'est pas plus à l'abri de contestations juridiques, dans le sens que des gens pourraient dire: Les écoles privées comme nous les connaissons actuellement sont financées par l'État, ne sont pas de vraies écoles privées, et le fait d'avoir un aspect confessionnel dans ces écoles-là ne fait qu'amener une discrimination. C'est-à-dire que, dans certains cas, si les gens ont la possibilité financière, même si ce n'est pas des écoles privées complètes, d'envoyer leurs enfants dans des écoles confessionnelles et d'autres ne l'ont pas, bien, on crée un système de discrimination.

M. Smith (William J.): La seule chose que nous disent les jurisprudences et canadienne et internationale là-dessus, c'est que si l'État décide de ne donner, par exemple, aucun financement aux écoles privées, il n'y a pas de discrimination à financer les écoles publiques et à ne pas financer les écoles privées. Si l'État décide de donner un financement aux écoles privées, qu'elles soient financées à 50 % ou à 60 %, peu importe, par rapport au système public, mais un financement différent, il n'y a aucun problème non plus.

La seule chose, c'est que, si l'État décide de financer les écoles publiques, qu'il n'exerce aucune discrimination, qu'il ne dise pas, par exemple: On va financer les écoles catholiques, mais pas les écoles juives ou etc. Mais, tant que ce principe est respecté, il n'y a pas de problème de discrimination.

M. Béchard: Donc, il faudrait étendre le financement des écoles privées comme on le connaît actuellement aux autres écoles privées d'autres confessionnalités. C'est-à-dire que, si, par exemple, les écoles juives voulaient se considérer comme des écoles privées et confessionnelles, il faudrait que l'État, le gouvernement du Québec les finance au même titre qu'il finance les autres écoles québécoises catholiques.

M. Smith (William J.): Comme ils le font actuellement.

M. Béchard: Oui, mais, dans la formule de financement, vous serez d'accord avec moi que ce n'est pas les mêmes montants et les mêmes pourcentages dans, par exemple, le cas des écoles privées juives que dans le cas des écoles privées catholiques. Il y a une différence, là. À ce moment-là, on dit: D'un côté, il va y avoir des écoles publiques non financées et laïques, mais, de l'autre, il faut mettre toutes les écoles privées au même niveau aussi. C'est un peu ça, le sens de ce que vous m'amenez.

(22 h 10)

M. Smith (William J.): À ma connaissance du système de financement des écoles privées, il n'y a aucune distinction entre le financement d'une école privée en fonction de sa religion. Il y a des distinctions qui se font au niveau des programmes et des clientèles, exemple, les écoles avec des enfants handicapés. Mais, pour un financement qui se base sur une distinction religieuse, non.

M. Béchard: O.K. Merci.

Le Président (M. Geoffrion): Merci. Mme la députée de La Pinière avait demandé la parole.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. M. Smith et M. Foster, merci beaucoup. C'est un mémoire très fouillé. Vous avez, d'entrée de jeu, dit que la clause dérogatoire ne devrait pas s'appliquer, qu'en fait c'est une façon détournée d'introduire une loi déraisonnable. Et, sur la question de l'histoire, vous avez dit que ça pourrait être dangereux, l'argument de l'histoire, pour maintenir un certain enseignement religieux pour les groupes dominants.

Que répondez-vous à ceux qui disent que l'enseignement de la religion, surtout pour la religion catholique – parce qu'on parle de la majorité – ça fait partie de l'identité des francophones et que, par conséquent, balayer complètement l'enseignement religieux catholique de l'école reviendrait à nier cette identité-là, et le fait de vouloir accommoder les minorités, cela va se traduire par la négation des droits de la majorité? Qu'est-ce que vous répondez? Parce que vous êtes un spécialiste du droit, alors j'aimerais bien vous entendre.

M. Smith (William J.): D'abord, je pense que, lorsqu'un groupe quelconque prétend que la religion fait partie de son identité, je le respecte parfaitement. Je dis tout simplement que ce n'est pas l'école publique qui devrait donner l'expression de sa forme d'identité personnelle ou individuelle dans le sens d'un groupe particulier. Ce n'est pas le rôle de l'État, ce n'est pas le rôle de l'école publique de le faire. Les principes du droit de la personne là-dessus, c'est que les parents ont le droit de faire former leurs enfants, de voir que les enfants reçoivent un enseignement qui respecte leur religion, etc. La jurisprudence partout dans le monde là-dessus, la place pour ça, règle générale, c'est dans les écoles privées. Et, lorsque l'État fait un réseau d'écoles publiques, ce n'est pas le rôle de l'État de le faire.

Mme Houda-Pepin: Et, pour revenir à la proposition que vous faites de l'enseignement moral non confessionnel, j'imagine que vous parlez de la morale laïque ou de l'éducation civique davantage que de la référence confessionnelle comme telle.

M. Smith (William J.): Oui, en tant que moralité, entre guillemets, c'est toute la notion de moralité civique qui n'est pas rattachée à une confession particulière. Mais, comme nous l'avons mentionné dans la recommandation qui suit, nous croyons qu'une telle école devrait aussi inclure un enseignement concernant les religions. Nous croyons qu'il est évident que la religion fait partie des cultures de la société, que c'est une dimension importante non seulement des individus, mais des groupes et que ça devrait faire partie d'un curriculum, mais dans un sens neutre, si vous voulez. C'est un enseignement concernant la religion et pas un enseignement de la religion.

Mme Houda-Pepin: Et justement, pour les religions du monde qui doivent être intégrées dans l'enseignement moral, est-ce que vous pensez que cet enseignement moral avec le volet religions du monde peut être introduit dès l'élémentaire, le primaire et le volet des premiers niveaux du secondaire?

M. Smith (William J.): Oui.

Mme Houda-Pepin: O.K. Très bien. Je vais céder la parole à mon collègue.

Le Président (M. Geoffrion): Alors, M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Merci, M. le Président. Mr. Foster, Mr. Smith, thank you very much for your report. You represent one of the better institutions in North America, and certainly your report does your institution great honor.

There is one phrase that jumped out and which I find very interesting and thought provoking, la phrase: «La démocratie ne signifie pas qu'il faille suivre tout simplement à l'aveuglette la volonté de la majorité, qui peut facilement devenir la tyrannie de la majorité.» I'd like you to expand on that phrase. I find it extremely thought-provoking, and I'd like to hear your thoughts behind that phrase. It's on page 7 of your report, in the section Démocratie et droits des minorités .

M. Smith (William J.): Thank you. Je pense que, dans notre vision de la démocratie – et ce n'est évidemment pas une vision, une perspective propre à nous, c'est des perspectives assez connues – la démocratie ne signifie pas tout simplement un vote majoritaire sur telle ou telle affaire. C'est un peu comme M. le ministre a posé la question au dernier groupe: Qu'est-ce qui arrive dans une école lorsque la majorité décide que cette école devient une école confessionnelle et qu'est-ce qui arrive avec les droits des minorités? C'est vraiment dans ce sens-là.

On ne peut pas se permettre, comme société démocratique, de simplement dire: La majorité, c'est la seule règle qui s'applique. Ce n'est pas vrai. La contrepartie de la démocratie, c'est le respect pour les minorités. Et ça ne veut pas dire qu'on ne respecte pas la majorité. C'est une espèce de droit d'équilibrer les différents droits. Et nous croyons que, dans le cas de la religion à l'école, c'est un acte difficile à accomplir. Et nous devrons être sensibles surtout aux groupes minoritaires qui ont été ignorés dans le passé. Juste à voir la ville de Montréal, les écoles montréalaises pour voir la diversité de la population et voir que c'est le temps que notre système scolaire évolue pour respecter cette nouvelle diversité dans nos écoles.

M. Bergman: Merci.

Le Président (M. Geoffrion): Merci. Bien, écoutez, il restait quelques minutes du côté ministériel. M. le député voulait poser une question. Est-ce que vous maintenez votre décision, votre choix?

M. Simard (Montmorency): Oui, très brièvement, M. le Président.

Le Président (M. Geoffrion): Allez-y rapidement.

Mme Houda-Pepin: On peut le prendre, le temps, si vous voulez.

M. Simard (Montmorency): Bien, j'aurais une petite question, si vous le voulez...

Le Président (M. Geoffrion): Allez-y rapidement, M. le député de Montmorency. L'heure se fait tardive.

M. Simard (Montmorency): Ce sera très rapide. C'est parce que, M. le Président, voyez-vous, j'ai reçu récemment par courrier Internet un message d'un de mes concitoyens, dont je vais taire le nom parce que je vais quand même garder un minimum de confidentialité. Mais je vais me permettre de vous lire, M. Smith et M. Foster – à qui je souhaite la bienvenue d'ailleurs parmi nous – le message, donc, de ce commettant, qui me dit ceci: «Je souhaite que l'Assemblée nationale s'assure qu'on continue d'offrir l'enseignement religieux confessionnel catholique. Je souhaite également que l'animation pastorale soit non seulement maintenue, mais aussi qu'on lui assure les conditions permettant des interventions significatives et efficaces. L'enseignement catholique fait partie de l'éducation que nous avons reçue, elle a contribué à faire de nous ce que nous sommes aujourd'hui, je veux donc que nos enfants bénéficient des mêmes chances que nous avons eues.» Qu'est-ce que vous répondriez à ce commettant de ma circonscription?

M. Smith (William J.): Je dirais d'abord que l'école déjà n'est pas comme l'école que votre citoyen a déjà vécue. L'école a déjà évolué, elle est déjà différente et elle va continuer d'évoluer. Et je pense qu'à un moment donné il est temps de faire des nouveaux choix pour le projet du système scolaire. Un choix d'ailleurs que nous avons fait en décidant ensemble d'éliminer les garanties confessionnelles de l'article 93 pour le Québec, c'était un choix important. Et ça signifie, d'après nous, une brisure avec le passé et de dire que dorénavant on n'aura pas un système scolaire basé sur les confessions traditionnelles catholiques et protestantes, dorénavant on aura un système scolaire qui aura deux assises linguistiques et non pas confessionnelles. Et je dirais que, dans le contexte de ce nouveau système scolaire, il n'y a pas de place dans l'école publique pour l'ancienne école que vous avez vécue dans le passé et que, dans le futur, si vous voulez avoir accès à une telle école, ça devrait être au moyen des écoles privées.

M. Simard (Montmorency): Je vous remercie.

Le Président (M. Geoffrion): Alors, M. Smith, M. Foster, merci de votre présence devant cette commission. Nous allons suspendre nos travaux quelques secondes. Merci. Bon retour.

(Suspension de la séance à 22 h 20)

(Reprise à 22 h 22)

Le Président (M. Geoffrion): J'inviterais maintenant les porte-parole de l'Association des projets charitables islamiques, s'il vous plaît, à se présenter à la table.

Alors, madame, messieurs, bienvenue à cette commission. Je vous demanderais de vous identifier, s'il vous plaît.


Association des projets charitables islamiques (APCI)

M. Derbas (Bassam) : Merci. M. le ministre.

Le Président (M. Geoffrion): Si vous voulez identifier les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît.

M. Derbas (Bassam) : Moi-même, c'est Bassam Derbas, directeur des relations publiques et président du comité d'études. À ma droite, c'est M. Ibrahim Boushaba. À côté, c'est l'imam Hassan Falih de l'Association Azzahra International.

Le Président (M. Geoffrion): Peut-être parler un petit peu plus fort, s'il vous plaît...

M. Derbas (Bassam) : D'accord, d'accord.

Le Président (M. Geoffrion): ...ou plus proche du micro. Enfin, je vous donne le choix.

M. Derbas (Bassam) : D'accord. Je commence par M. Cheikh Hassan Falih, imam de l'Association Azzahra International à Montréal; M. Cheikh Bilal El Joundi, imam et directeur de l'école Ali ibn Abi Talib; à ma gauche, Mme Martine Patry, qui est enseignante à l'école En-Nour de l'Association des projets charitables islamiques; et M. Abdul-Rahman El-Mohamad, secrétaire de l'Association des projets charitables islamiques.

Le Président (M. Geoffrion): Merci. Alors, M. Derbas, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire. On vous écoute.

M. Derbas (Bassam) : Merci beaucoup. M. le ministre Legault, M. le Président de la commission de l'éducation, mesdames et messieurs, au nom de la communauté musulmane du Québec et de l'Association des projets charitables islamiques que nous représentons, je vous remercie de nous avoir invités pour vous présenter notre point de vue et nos commentaires concernant le rapport Proulx, Laïcité et religion à l'école .

D'après les statistiques, la communauté musulmane comptait 12 000 habitants en 1981 et 45 000 en 1991, c'est-à-dire qu'elle a quadruplé en 10 ans. Durant les 10 dernières années, la majorité de l'immigration musulmane est encore plus forte et francophone, ce qui rend encore plus facile son intégration à la société québécoise.

L'école québécoise traverse une phase de profonde mutation structurelle et opérationnelle. Elle passe d'une structure confessionnelle à une structure linguistique. Les éléments de cette réforme, les orientations qui seront données à la nouvelle structure éducative et le rôle des organes au niveau de l'école, de la commission scolaire et du ministère préoccupent notre communauté, d'autant plus qu'ils ont un impact direct sur les besoins spirituels des élèves québécois de foi musulmane.

La communauté musulmane veut contribuer au développement des jeunes en les aidant à réaliser pleinement leurs possibilités physiques, intellectuelles, sociales et spirituelles en tant que bons citoyens. Alors, elle veut apporter sa contribution à l'édification du nouveau système éducatif, d'autant plus que celle-ci va dans l'intérêt, le bien-être et la prospérité de la société québécoise.

La communauté musulmane, à travers l'Association des projets charitables islamiques, vise à travailler et à collaborer avec les Québécois de toutes origines et de toutes croyances pour le bien-être de la société et pour maintenir un Québec fort et prospère. L'Association des projets charitables islamiques, soucieuse de ce qui touche sa société, a pris connaissance du rapport Proulx, intitulé Laïcité et religions: perspective nouvelle pour l'école québécoise . À ce sujet, l'Association a formé un comité d'études qui a consulté les leaders et imams de la communauté musulmane du Québec sur le sujet, entre autres, l'imam et directeur de l'école Ali ibn Abi Talib de Montréal, l'imam et directeur de l'Académie Ibn Sina, l'imam of Nation muslim of Québec, l'imam de la mosquée Ibn Sina de Montréal, l'imam de l'Association Azahra du Québec, l'imam de Azzahra international.

Maintenant, je cède la parole à M. Boushaba, qui va nous donner un bref aperçu sur notre Association et vous lira encore les commentaires du comité d'études concernant le rapport Proulx.

M. Boushaba (Ibrahim): Merci. L'Association des projets charitables islamiques est une association à but non lucratif dont le siège est situé à Montréal, au 6691 avenue du Parc. Elle a été fondée pour propager le vrai enseignement de l'islam, en dehors de toute forme de violence, de laxisme, de repli sur soi et d'intégrisme.

L'Association a pour mission l'intégration et le développement social de la communauté musulmane dans la société d'accueil; la lutte contre la violence et l'intégrisme dans toutes ses formes; répandre l'enseignement correct de l'islam avec l'appui de preuves tangibles et raisonnables et renseigner les musulmans et les non-musulmans au sujet de l'islam; la coopération avec les autres associations musulmanes et non musulmanes pour la promotion et le développement du bien-être de la société québécoise; enfin, assurer une participation active de la femme dans le développement de la communauté musulmane du Québec.

L'Association est la voix de la modération. Elle s'efforce de délivrer la communauté musulmane des viles innovations et des déviations prêchées par les adeptes de la violence. Elle tient fermement à cette position et combat par les paroles et les écrits les groupes terroristes qui prônent la violence, le terrorisme et l'assassinat. Elle dénonce publiquement les violences qui se passent dans plusieurs parties du monde au nom de l'islam et les attentats meurtriers qui en découlent.

(22 h 30)

L'Association est aussi impliquée fortement dans sa communauté par des activités diverses comme, par exemple, les activités socioculturelles et communautaires comme, par exemple, le souper annuel du ramadan, qu'elle organise chaque année, durant le ramadan, pour un certain nombre d'invités du monde des affaires et du monde politique. Aussi, elle organise les fêtes religieuses musulmanes qui donnent l'occasion aux musulmans et aux non-musulmans de se rencontrer et d'échanger dans une ambiance joyeuse, chaleureuse et fraternelle.

Elle a une école qui s'appelle l'école En-Nour, qui est ouverte tous les samedis et qui a pour objectif d'enseigner aux jeunes la culture musulmane et la langue arabe. Elle organise dans ce cadre-là de nombreuses sorties d'activités intellectuelles et sociales pour les jeunes, elle inculque à nos jeunes la modération et aide à leur intégration dans la société d'accueil.

Aussi, nous avons un groupe de scouts qui est enregistré au niveau de Scouts Canada et qui fournit l'occasion à nos jeunes donc d'être des membres de petits groupes d'amitié ayant les mêmes intérêts et de faire une diversité d'activités stimulantes et intéressantes fondées sur le concept de l'apprentissage par la pratique, et de développer leur santé et leur forme physique.

Nous avons aussi des activités sportives telles que le soccer et la natation, etc., pour les jeunes et aussi les adultes.

Un autre volet important des activités de l'Association est la collaboration avec les autres associations qui oeuvrent pour le bien-être de la société québécoise, qu'elles soient musulmanes ou non musulmanes, telle que l'Association druze du Québec, l'Union maronite du Québec, l'Association Azzahra, la Chambre de l'industrie et du commerce Canada-Liban, par exemple.

Durant la crise du verglas, l'Association a ouvert les portes de son centre où une vingtaine de familles ont pu être hébergées durant cette période-là. De même, nous avons offert notre contribution pour aider les réfugiés du Kosovo.

Je passe maintenant aux commentaires qui ont été élaborés par le comité d'étude concernant les recommandations du rapport Proulx. Le premier commentaire est le suivant. Donc, l'abrogation des statuts confessionnels actuels des écoles publiques constitue un des éléments qui vont assurer le consensus social et la cohésion sociale. C'est la garantie pour former des futures générations d'élèves d'une grande ouverture d'esprit et pour bâtir une société harmonieuse et solidaire.

Le deuxième point. Dans un système scolaire non confessionnel, l'enfant québécois de foi musulmane ne sentira aucune forme d'exclusion et de discrimination, il prendra une part plus active dans le système scolaire et un rôle dynamique dans la société.

Le troisième point. L'Association considère que la réussite du système scolaire futur repose sur le respect de toutes les valeurs, les symboles et les coutumes de la civilisation musulmane, et surtout en ce qui a trait aux fêtes religieuses, au ramadan, aux prières, à la tenue vestimentaire et aux exigences alimentaires de la musulmane et du musulman québécois.

Pour assurer un environnement scolaire harmonieux et faciliter l'interaction entre les enfants, le non-musulman doit être sensibilisé aux traditions et coutumes du musulman, d'une manière juste, véritable, en dehors de tout préjugé.

L'APCI, ou l'Association des projets charitables islamiques, considère que la proposition contenue dans le rapport Proulx en ce qui concerne la dotation d'un service commun d'animation de la vie religieuse et spirituelle ne peut aider le musulman dans son cheminement spirituel et ne respecte pas sa liberté de conscience. L'enseignement de l'islam véridique ne peut être donné que par quelqu'un qui a reçu cet enseignement d'une source fiable, en dehors de toute forme d'extrémisme.

L'Association des projets charitables islamiques offre sa contribution et sa participation pour le perfectionnement des enseignantes et enseignants à l'égard de l'enseignement de la culture islamique. Elle mettra à la disposition du ministère toutes les compétences dont elle dispose pour l'encadrement des sessions de formation et de perfectionnement des enseignants et dans l'élaboration du programme d'enseignement. Elle assumera aussi ses responsabilités afin d'assurer l'organisation d'un enseignement ou de services religieux dans les écoles fréquentées par les membres de sa communauté. Cet enseignement aura lieu, bien sûr, en dehors des heures d'enseignement, comme le recommande le rapport Proulx et conformément à la loi qui sera promulguée à ce sujet.

En conclusion, l'Association des projets charitables islamiques considère que les maux de la société proviennent de la perte des valeurs morales et nombreux sont ceux qui partagent cet avis. Nous souhaitons travailler avec les gens concernés pour prendre les mesures nécessaires et aider la société. Plusieurs de nos programmes sont bâtis autour des affaires éducatives, culturelles et sociales. Nous avons aussi l'expérience et la compétence. À cet effet, nous sommes prêts à apporter notre contribution dans l'édification d'une société prospère.

À l'occasion de cette réforme du système scolaire, la communauté musulmane du Québec veut saisir celle-ci pour prendre une part active dans la société québécoise et contribuer à sa richesse en dehors des préjugés. La communauté musulmane, par l'intermédiaire de l'Association des projets charitables islamiques, vous remercie de lui avoir donné l'occasion de vous présenter ses commentaires et souhaite contribuer davantage. Merci.

Le Président (M. Geoffrion): Alors, merci beaucoup, M. Boushaba. La parole est maintenant au ministre de l'Éducation.

M. Legault: Oui. Madame, messieurs, bienvenue à Québec et merci d'être venus si tard avec nous discuter de votre mémoire qui est très intéressant. On le sait tous, la communauté islamique a pris beaucoup d'importance, entre autres, à Montréal et on est, je l'espère, au Québec, encore vu comme étant accueillant, et puis je pense que ça peut être très utile de discuter ensemble ce soir pour voir comment on peut l'être davantage et aussi voir ce que vous avez comme attentes envers notre système d'éducation, surtout en regard de la place de la religion.

D'abord, peut-être une chose que je voudrais préciser, et puis vous le faites aussi dans votre mémoire: l'importance que toutes les communautés fassent preuve de modération et de respect des valeurs démocratiques dans notre société et essaient de rejeter et de s'éloigner le plus possible de toutes les formes d'intégrisme qui peuvent exister dans toutes les religions, d'ailleurs.

Vous nous suggérez – vous appuyez la recommandation – d'ouvrir nos écoles à tous les groupes qui désirent offrir un enseignement religieux en dehors des heures de classe. Est-ce que vous ne craignez pas justement qu'avec une ouverture complète comme celle-là des groupes intégristes en profitent pour entrer dans nos écoles?

M. Boushaba (Ibrahim): Je pense que l'enseignement de l'islam... Il y a un certain nombre de principes et en particulier l'enseignement de l'islam... Comme nous, nous pensons que cet enseignement ne peut être donné que par des personnes dignes de foi et qui ont reçu cet enseignement-là d'une source fiable. Qu'ils aient un comportement irréprochable aussi et qu'ils soient qualifiés pour donner cet enseignement-là à nos enfants. Donc, la communauté musulmane, et en particulier l'Association des projets charitables, tient à ces principes-là pour éviter justement que des gens puissent enseigner à nos enfants des choses qui sont contraires aux valeurs de l'islam, comme, par exemple, le terrorisme, etc., sous toutes ses formes.

(22 h 40)

M. Legault: Donc, vous pensez que, pour éviter ce genre de situation, on devrait mettre en place des mécanismes. Est-ce que vous pensez que les groupes religieux devraient être impliqués pour s'assurer du choix des groupes qui sont acceptés ou non dans nos écoles?

M. Boushaba (Ibrahim): C'est-à-dire, en ce qui concerne la communauté musulmane, il y a un certain nombre de références qui sont là et qui peuvent nous aiguiller ou vous aiguiller à choisir les bonnes personnes pour donner cet enseignement-là.

M. Legault: Mais on a eu ici, en commission, un autre groupe qui représentait votre communauté, qui s'appelait le Forum musulman canadien, et ce groupe est venu nous présenter une proposition qui est complètement différente de celle que vous nous faites ce soir. Sur quelle base on devrait faire le choix du groupe qui viendrait finalement faire la proposition qui est la plus acceptable pour les élèves musulmans?

M. Boushaba (Ibrahim): La communauté musulmane sait qui sont les gens qui sont fiables et qui sont les gens qui ne sont pas fiables.

M. Legault: Mais peut-être que vous pouvez m'éclairer là. Vous, vous êtes l'Association des projets charitables islamiques. Nous, on a eu aussi le Forum musulman canadien. Juste essayer de voir le lien là puis de voir à qui on devrait référer pour faire le choix.

M. Derbas (Bassam): Nous pensons, nous autres, que, pour vraiment comprendre l'islam – a répété notre collègue Ibrahim – que ça prend une source fiable, puis ça prend du monde vraiment irréprochable. Et la communauté musulmane ici, à Québec, ou partout au monde, a des références, des références qui sont des gens qui ont appris la religion à du monde qui est qualifié pour l'enseignement de ces personnes-là. On ne peut pas apprendre vraiment notre religion de n'importe qui, ça prend une personne qualifiée. C'est comme ici, dans nos écoles, pour donner un cours de mathématique, on n'amène pas, par exemple, un professeur de sciences. Donc, ça prend vraiment la personne-ressource, et c'est une personne exemplaire pour la société, c'est une personne qui est loin de toute forme d'intégrisme, qui nous donne un exemple partout dans nos conférences, nous enseignant encore les vraies valeurs de l'islam, l'image réelle qui est loin de toute forme d'intégrisme. C'est ça, nos missions principales, et c'est ça, la voie de la modération.

Donc, le gouvernement, c'est vrai, des fois, il a un choix difficile. Ça, c'est les gouvernements qui vont voir plus tard que c'est ça vraiment la ressource. Ce n'est pas juste nous, c'est la communauté musulmane au monde, c'est ça qui tient l'affaire.

M. Legault: Mais soyons bien concrets là, est-ce que le Forum musulman canadien est un interlocuteur acceptable à vos yeux pour nous ou non?

M. Derbas (Bassam): Est-ce que c'est juste pour vous? Nous, dans ce dossier-là, on a eu quelques coups de téléphone, nous et puis eux autres, puis ça s'est arrêté là. Donc, nous, on tient compte que nous avons beaucoup d'activités au sein de cette société québécoise et avec d'autres communautés aussi qui oeuvrent, encore avec des activités, qui sont fortes dans leur activité ici, à Montréal aussi. Donc, est-ce que, pour vous, vous allez voir lesquels sont en référence? Moi, je laisse vraiment... Ce n'est pas le débat pour savoir ce qui est le bien, je pense que vous êtes du monde qualifié pour savoir l'un ou l'autre, avec peut-être des conférences très rapprochées ou au sein de la communauté aussi.

M. Legault: D'accord. Maintenant, une autre question. Vous avez sûrement vu, dans le rapport Proulx, on propose un enseignement culturel des religions...

M. Derbas (Bassam): Oui.

M. Legault: ...qui inclut les grandes traditions. Bon, il y a plusieurs groupes qui sont venus nous dire qu'ils souhaitaient que ce genre d'enseignement se fasse mais seulement en fin de secondaire, par exemple, en secondaire IV ou V. Est-ce que vous seriez d'accord avec ce genre d'enseignement pour essayer d'avoir des valeurs communes et donner une opportunité aux jeunes de partager justement l'étude de différentes religions dans un même cours?

M. Derbas (Bassam): D'accord, M. le ministre. Dans le cadre du cours proposé par le rapport Proulx, et qui s'intitule le cours d'histoire des religions, ça, c'est un cours qui sera, d'après le rapport de M. Proulx, obligatoire à tous les élèves dans les écoles. En ce qui concerne notre partie à nous autres, le contenu de ce cours-là doit contenir des notions sur les valeurs et les symboles, et les principes et les coutumes de cette civilisation musulmane. En plus de ça, la communauté musulmane considère qu'elle doit être associée pleinement à la fixation des objectifs et à réaliser ces objectifs-là. Ce n'est pas juste à la fixation de ces objectifs, élaborer les programmes et les réaliser ensemble. Ceci permettra d'éviter à nos enfants toute forme de discrimination et d'exclusion de l'école.

Et encore un autre point que j'aimerais soulever là-dessus, dans ces cas-là, le non-musulman aura une idée précise de nos valeurs, des notions de l'islam, qui est loin des préjugés.

M. Legault: Mais est-ce que l'enseignement auquel vous faites référence, c'est à peu près ce que M. Proulx appelle son enseignement culturel des religions?

M. Derbas (Bassam): C'est ça.

M. Legault: Est-ce que c'est la même forme?

M. Derbas (Bassam): C'est la même forme. Mais, comme on dit, nous autres, la partie concernant la religion musulmane doit contenir, à l'intérieur de ce groupe-là, des notions et des symboles dans ce cours-là qui seront vraiment implantés, mais qu'ils soient implantés par du monde encore qui sont de source fiable aussi.

M. Legault: Parfait. Merci beaucoup.

Le Président (M. Geoffrion): Merci, M. Derbas. Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Merci, M. le Président. Bonsoir, messieurs, bonsoir, madame. Moi, j'aimerais avoir une idée combien de personnes sont représentées au sein de votre organisation.

M. Boushaba (Ibrahim): C'est-à-dire la composition de l'Association des projets charitables?

Mme Charest: Oui. Ça regroupe combien de personnes en tant que communauté?

M. Boushaba (Ibrahim): Un chiffre exact?

Mme Charest: À peu près.

M. Boushaba (Ibrahim): Les membres de l'Association sont nombreux. Les membres actifs au sein de l'Association, c'est peut-être une centaine, 150 personnes, quelque chose comme ça. Mais durant les fêtes, durant certaines activités, on regroupe beaucoup plus que ça. Par exemple, dans les fêtes comme les fêtes religieuses annuelles que nous organisons, on peut avoir 1 000 personnes ou plus que ça dans le cadre de ces fêtes-là. On peut regrouper ce nombre-là.

De l'autre côté aussi, nous avons d'autres associations avec qui on a des relations très amicales, comme l'Association Azahra, comme l'école Ali ibn Abi Talib, etc., avec lesquelles nous travaillons, ensemble, avec lesquelles, par exemple, quand il y a un problème ou quand il y a un dossier important, à ce moment-là, on s'associe pour discuter ou pour résoudre ce problème-là.

Mme Charest: Des partenaires naturels?

M. Boushaba (Ibrahim): Oui, c'est des partenaires.

Mme Charest: Dites-moi, vous êtes présents à Montréal.

M. Boushaba (Ibrahim): Oui.

Mme Charest: En plus d'être présents à Montréal, est-ce que vous êtes présents ailleurs au Québec? Et, si oui, à quel endroit?

M. Boushaba (Ibrahim): L'Association des projets charitables islamiques est présente à Montréal, elle est présente à Ottawa.

Mme Charest: À Ottawa, oui?

M. Boushaba (Ibrahim): Oui. Elle est présente à Ottawa, elle est présente à Vancouver, à Toronto. Elle est présente à Philadelphie, elle est présente en Californie et dans plusieurs pays du monde aussi.

Mme Charest: Et tout à l'heure je vous entendais parler de personnes fiables, irréprochables, qualifiées, exemplaires. Et ces qualificatifs qui sont donnés à des personnes pour vous représenter – c'est bien ça – vous les basez sur quels critères ou quelles valeurs? Pour qu'elles soient fiables pour votre communauté, ça veut dire quoi?

(22 h 50)

M. Boushaba (Ibrahim): Sur nos valeurs à nous. C'est en fonction de nos valeurs à nous. C'est-à-dire, une personne fiable, c'est quelqu'un qui a reçu l'enseignement de la religion d'une autre personne fiable, et ainsi de suite, donc qui n'a pas reçu cet enseignement-là de n'importe qui. On reçoit l'enseignement de l'islam à sa source, et donc la personne doit avoir un comportement exemplaire. Pour que je puisse confier mon enfant à quelqu'un, il faut que cette personne-là ait un comportement exemplaire, qu'elle puisse donner l'exemple à cet enfant-là que je vais lui donner, mettre entre ses mains, et donc qu'elle ait reçu l'enseignement de la religion aussi d'une source fiable.

Mme Charest: O.K. Dans le rapport Proulx, à la page 71, entre autres, le rapport dit que l'animation pastorale et religieuse ne soulève pas de difficulté, en tout cas, apparente ou particulière, qu'elle est généralement appréciée, surtout parce que ça permet d'humaniser le travail et, enfin, les contacts interpersonnels et tout ça. Et il y a un groupe de travail sur la place de la religion à l'école qui est venu devant cette commission. L'un des membres, qui s'appelait M. Ammar Sassi, a donné l'exemple d'une école multiethnique où l'animatrice de pastorale a réussi à rallier tous les élèves autour d'activités communes. Et si on relit bien votre mémoire, aux pages 11 et 12, au numéro 4, vous affirmez qu'«un service d'animation spirituelle et religieuse ne peut aider le musulman dans son cheminement spirituel et qu'il ne respecte pas sa liberté de conscience». Alors, j'aimerais vous entendre par rapport à ça. En quoi c'est irrespectueux ou, enfin, ça ne correspond pas à vos attentes?

M. Derbas (Bassam): Peut-être que j'ai une petite clarification à ce sujet-là. Actuellement, dans les écoles où il y a le cours de morale – est-ce que c'est le cas? c'est ça – la plupart des musulmans participent à ces cours-là. D'ailleurs, à l'intérieur de ces cours, il se donne des histoires à propos de l'islam ou d'autres religions.

Des fois, à l'intérieur de ce cours-là, on peut avoir des affaires qui sont contraires à nos principes. L'étudiant qui est à l'intérieur de l'école, primaire ou secondaire, il peut avoir appris quelque chose à la maison. Il arrive à ce cours-là et voit quelque chose de contraire à notre religion. Donc, à l'intérieur de lui-même, il peut y avoir certaines discriminations, certaines exclusions, frustrations, il voit deux choses différentes.

C'est pour ça que nous, on dit: Quelqu'un qui donne ce cours-là, il faut que ce soit quelqu'un qui est fiable et, très important, d'une source fiable. C'est très important, à ce sujet-là. Puis les questions, je pense, on a beaucoup de questions comme ça, de petits exemples. On a pleinement des exemples vraiment, dans le cours de moral actuellement, de qu'est-ce qui se passe dans nos écoles, dans la vie scolaire. Donc, on tient compte vraiment de ça.

Par contre, vis-à-vis de l'histoire, j'ai bien fait la différence entre celle-là puis celle des services communs de religion. C'est deux choses complètement différentes.

Mme Charest: Une dernière question. Vos personnes fiables, elles reçoivent une formation d'une autre personne fiable, mais cette formation, elle a quoi, comme cadre? Je veux dire, c'est quoi, le cadre qui entoure la formation des personnes qui vont être autorisées, en quelque sorte, par votre communauté, à diffuser la connaissance?

M. Boushaba (Ibrahim): C'est une formation qui englobe, bien sûr, la croyance, qui englobe les devoirs du musulman, ce qu'il doit faire, quelles sont les choses, par exemple, qu'il ne doit pas faire. Comme mentir, voler, etc., c'est des choses que l'enfant musulman ou plutôt la personne doit apprendre, ces choses-là, et elle doit les apprendre de façon correcte. Et ces choses-là ne s'apprennent pas de n'importe qui parce que, comme on dit, nous avons un certain nombre d'écoles de jurisprudence en islam et on suit ces écoles-là. Ces écoles-là nous donnent, par exemple: Voilà les concepts de notre religion, voilà les principes, voilà les devoirs du musulman, etc. Donc, c'est ces choses-là que cette personne-là doit apprendre pour pouvoir les donner de façon correcte aux enfants.

Mme Charest: Merci, messieurs.

Le Président (M. Geoffrion): Alors, merci, messieurs. La parole est maintenant au député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, M. le Président. M. Derbas, M. Boushaba, Mme Patry. Madame, messieurs, bienvenue et merci de votre mémoire. Une des premières questions que j'ai, c'est relativement à la proposition 3 de votre mémoire. Et quand vous parlez un petit peu que la réussite du système scolaire repose sur le respect de toutes les valeurs, symboles et coutumes, il est énormément question d'équilibre. Comment on peut en arriver, dans une école, à l'intérieur de cours autant culturel, des religions ou autres, à atteindre cet équilibre-là? Comment on peut faire en sorte que, comme vous le mentionnez, le non-musulman peut être sensibilisé aux traditions et coutumes du musulman de manière juste et véritable, en dehors de tout préjugé et stéréotype, et à l'inverse aussi? Comment on peut atteindre cet équilibre-là, selon vous, dans le système actuel, et quelles seraient vos principales critiques par rapport à la façon dont le système actuel fonctionne?

M. Boushaba (Ibrahim): Actuellement, l'enfant musulman, il ne faut pas le regarder comme étant un enfant spécial, c'est un enfant normal, comme tous les autres. Sauf qu'il a un certain nombre de valeurs, un certain nombre de symboles qu'il peut porter, par exemple. Si on voit, par exemple, un enfant qui fait la prière à l'école, parce que l'enfant musulman, comme tous les musulmans, a des prières obligatoires dans la journée, donc qu'on ne le considère pas comme étant quelqu'un de différent des autres. Donc, si quelqu'un a appris que la prière est obligatoire pour le musulman et qu'il le voit prier, il ne va pas le regarder de façon différente des autres enfants.

Par exemple, nos enfants, ils ont des habitudes alimentaires. Ce n'est pas quelqu'un qui est totalement différent, mais il y a certaines petites choses qui le différencient de l'autre. Il ne mange pas, par exemple, le porc, ou il ne boit pas de vin. C'est des choses qui ne sont pas très courantes, mais l'enfant musulman, il se discipline vers ça. Il ne faut pas le regarder comme étant un enfant spécial, c'est un enfant tout à fait normal, sauf que c'est ces choses-là que nous aimons que les autres connaissent pour qu'ils ne le considèrent pas comme quelqu'un de spécial.

M. Béchard: Comment on peut, dans un cours culturel des religions qui serait peut-être obligatoire pour tous, faire en sorte que les différentes traditions religieuses soient traitées de façon juste et équitable par des personnes formées adéquatement? Est-ce, que pour vous, c'est un défi qu'il semble possible de relever?

M. Boushaba (Ibrahim): Non.

(23 heures)

M. Derbas (Bassam): À cette question-là, je reviens peut-être à ce que je disais tantôt. La partie concernant la religion musulmane doit contenir des notions, cette partie-là du cours que M. Proulx a appelée l'histoire des religions. Donc, cette partie-là, qui parle au nom de l'islam, doit contenir des notions, des symboles, des valeurs et des coutumes de cette civilisation. Si on peut contribuer davantage à instaurer un plan avec les gens concernés, on peut arriver peut-être, à ce cours-là, à dévoiler ces informations à tout le monde dans la classe, ce qui nous concerne vraiment. Et on est prêt à le faire. Merci.

Le Président (M. Geoffrion): Ça va? Alors, Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, madame et messieurs de l'Association des projets charitables islamiques, je vous souhaite la bienvenue parmi nous. Merci pour la présentation du mémoire, surtout à une heure aussi tardive.

Je voudrais reprendre là où le ministre a laissé avec vous son questionnement parce que, effectivement, on a reçu le Forum musulman ici. Ils se disaient représentatif de la communauté et ils étaient accompagnés d'un imam qui relevait de la Ligue islamique mondiale. Peut-être, pour le bénéfice de mes collègues de la commission, que ça serait intéressant que vous nous expliquiez: les projets charitables islamiques, ça a été créé quand? Puisque vous êtes présents dans différents endroits au Canada, aux États-Unis, vous devez certainement avoir aussi une attache avec un pays musulman, lequel? Si vous pouviez faire le portrait, très rapidement.

M. Derbas (Bassam): Oui. Je peux répondre. Ça me fait bien plaisir de répondre à votre question. L'Association des projets charitables islamiques existe depuis 1933. Elle a été fondée au Liban. Ça, c'est peut-être une courte histoire que j'aimerais raconter, mais ça ne sera pas beaucoup. C'était un nom comme tous les autres noms. Actuellement, on peut voir 100 associations, ou 200, ou 300 même, à Québec, ici. Mais qui sont des actifs, qui travaillent activement, moi, je dirais qu'ils ne sont pas nombreux, à Montréal. Donc, c'était vraiment aussi une association qui n'était pas active au sein de notre communauté, ici, au Liban.

En 1982, il y a eu le cheikh Nezzar Halabi qui a présidé cette association-là. Puis c'est une personne d'institutions, c'est-à-dire qu'il a bâti des écoles, des écoles partout au Liban. On a quasiment 13 écoles au Liban, en Suède, à travers le monde. En propageant toujours la vraie image de l'islam qui est loin de toute forme d'intégrisme. Nous, toujours, on peut dire: On travaille avec le musulman et le non-musulman, peu importe sa croyance, pour le bien-être de la société. Nous, on dit toujours qu'on croit et que les autres ont leurs croyances. On peut travailler avec, on peut collaborer avec, mais toujours pour le bien-être de la société aussi.

Donc, en 1982 jusqu'à aujourd'hui. En 1995, maintenant on voit vraiment l'association très active partout au monde. On est vraiment existant dans 38 pays au monde. On a toujours l'intérêt de propager les vraies valeurs de l'islam.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Alors, ici, au Québec, vous avez des écoles, vous avez des associations. Comment sont financées vos activités? Donc, vous faites le lien avec le Liban, mais qui finance les activités et les écoles?

M. Derbas (Bassam): Vraiment, partout au monde, nous, c'est autosuffisant, c'est de nos poches. Chacun paie, contribue, travaille par lui-même. On n'a pas un lien ailleurs au monde avec un pays où on demande de l'argent. Ça, c'est nos forces.

Mme Houda-Pepin: Non, mais les écoles?

M. Derbas (Bassam): Même les écoles. Nos professeurs vont venir à tous les samedis chez nous. Les professeurs, ce sont des bénévoles. Ils travaillent bénévolement. Même nous, ici, on travaille tous bénévolement. Donc, on contribue de nos poches. Et je pense qu'il y a des députés et des ministres qui ont assisté avec nous, à l'occasion de la fête du ramadan, à un souper spécial qu'on fait à tous les ans. La plupart savent: c'est un souper qu'on fait, puis qui coûte pas mal d'argent. Encore du bénévolat qu'on fait, il n'y a pas d'argent. Donc, c'est nous qui vraiment payons pour toutes nos activités, partout au monde. Il n'y a pas un pays qui paie pour nous.

Mme Houda-Pepin: Très bien. Tantôt, quand le ministre vous a mis en relation avec le Forum musulman, je comprends que, lui aussi, il peut être perplexe quand il s'agit de représentativité de la communauté. Vous dites que votre lien-source, c'est avec le Liban. Le groupe qu'on a vu, je pense, la semaine dernière, il y a quelques jours, eux, ils ont davantage de liens et avec le Liban mais aussi avec l'Asie, avec le Pakistan, etc. Est-ce que la difficulté ne vient pas du fait que les groupes comme le vôtre, vous conjuguez la communauté musulmane au singulier alors que, dans la réalité, elle est au pluriel et qu'il n'existe pas une seule communauté musulmane mais plusieurs communautés musulmanes ayant chacune leur appartenance, leur identité, leur culture, leur langue, leurs origines ethniques et leur pays d'origine? Est-ce que la difficulté ne vient pas de là?

M. Boushaba (Ibrahim): Si vous allez visiter notre Association, vous allez voir que, au sein de l'Association, vous allez trouver le Libanais, vous allez trouver l'Algérien, vous allez trouver le Marocain, vous allez trouver le Pakistanais, vous allez trouver le Québécois d'origine. Donc, l'Association des projets charitables islamiques, elle est vraiment multiethnique.

Mme Houda-Pepin: Donc, vous êtes représentatifs?

M. Boushaba (Ibrahim): Et ce qui les réunit, c'est l'islam véridique. C'est cet islam véridique là qui réunit ces gens-là parce qu'ils puisent tous à la même source, qui est cette source-là fiable que nous avons, qui est basée sur les quatre écoles de jurisprudence islamique qui sont: ou les chaféites, ou les malékites ou les hanbalites, et la quatrième étant Abou Hanifa. Donc, les quatre écoles de jurisprudence. Tous ces gens-là prennent la source ici. Et donc, c'est...

Mme Houda-Pepin: Les quatre écoles juridiques auxquelles vous faites référence sont des écoles qui ont vu leur naissance après le Prophète, on est au VIIe siècle.

M. Boushaba (Ibrahim): Oui.

Mme Houda-Pepin: Donc, moi, je vous parle d'aujourd'hui. Je suis à la page 4 de votre mémoire. En bas de page, vous dites que l'Association des projets charitables islamiques, et je vous cite, «affirme que toutes les idées prônées par les groupes intégristes, tels que ceux qui se désignent par "les frères musulmans" et leurs filiales, qui sont: Al-Jamah-Al-Islamia, le FIS et le GIA, dont certains ont des filières très actives ici au Québec, sont totalement contraires aux vraies valeurs de l'islam». Ces filières qui sont présentes au Québec et dont vous avez connaissance, elles se manifestent comment par rapport au débat que nous avons autour de l'école et de la religion à l'école?

M. Boushaba (Ibrahim): Nous, nous combattons ces gens-là.

Mme Houda-Pepin: Non, non. J'ai bien lu, oui.

M. Boushaba (Ibrahim): Nous combattons plutôt les notions prônées par ces gens-là parce qu'elles sont contraires à nos valeurs et aux valeurs de l'islam.

Mme Houda-Pepin: Mais, par rapport au débat qui vous amène aujourd'hui à Québec, c'est-à-dire la place de la religion à l'école, comment ces groupes, dont vous affirmez la présence au Québec et que vous combattez, vous, comment ils se manifestent autour de l'enjeu de la religion à l'école? Ça se présente comment, ça se vit comment? C'est quoi, leurs réclamations autour de cet enjeu-là?

M. Derbas (Bassam): Peut-être que moi-même je prendrai la parole.

Mme Houda-Pepin: À votre guise.

M. Derbas (Bassam): D'accord, ça me fait plaisir. Vraiment, nous, on est là pour montrer l'image de l'islam véridique. Quand vous dites: Comment, eux autres, ils vont se comporter à l'intérieur ou comment ils vont défendre ce système-là? Personnellement, je n'en ai aucune idée, je n'ai pas de mesure pour savoir les mesurer. C'est pour ça qu'on revient de nouveau pour dire qu'il faut que la source soit fiable et vous alliez travailler avec du monde qui n'a pas de lien avec des groupes terroristes. C'est pour ça que nous combattons. Quand on dit «nous combattons», ce n'est pas avec la force, nous combattons avec les notions d'enseignement. On enseigne aux musulmans que ce qu'eux autres prêchent, ça, ce n'est pas l'islam. C'est-à-dire que tuer quelqu'un, ça, nous, on dit: C'est contraire... Eux autres, ils font ça au nom de l'islam. Nous autres, nous disons que tuer quelqu'un au nom de l'islam, ce n'est pas de l'islam. L'islam ne nous demande pas de faire ça. Notre religion ne demande pas de tuer quelqu'un, exemple, qui gouverne dans un pays du monde. Notre islam ne demande pas de tuer quelqu'un ou celui qui travaille avec. C'est pour ça que nous, on est là pour montrer la différence entre ceux qui prêchent ces idées-là, erronées, loin de l'islam, et l'islam ne tient pas compte d'eux autres.

(23 h 10)

Mme Houda-Pepin: Mais ma connaissance des communautés musulmanes m'amène à vous dire qu'on entend exactement le même argument de l'autre côté à votre égard. Mais je ferme la parenthèse là-dessus.

Vous avez, je pense, parlé des interdits alimentaires ou de la tenue vestimentaire. Comment est-ce que les jeunes filles doivent s'habiller pour aller à l'école? Est-ce qu'il y a des spécifications pour vous? Est-ce que vous trouvez que c'est des choses qui ne sont pas nécessaires et qui ne sont pas nécessairement commandées par la religion?

M. Derbas (Bassam): Non, vraiment, ce sont de nos principes. Regardez, on a une personne à côté de moi, ici. Le voile, c'est vraiment de notre religion. On ne peut pas éviter ce qui est vrai de la religion. Vraiment, nos notions comme le hidjab ou d'autres, il faut qu'elles soient comportées à l'école comme c'est de nos valeurs. C'est pour ça qu'on a dit: Il faut l'initier dans un cours d'histoire qu'on a appelé «histoire des religions». Si on peut, tous ces symboles-là, les faire passer dans le cours d'histoire des religions, il n'y aura pas de problème de ce côté-là. Mais ça, ça vient de nos principes.

Mme Houda-Pepin: Il y a, à Montréal, une école musulmane sur la rue Chester, qui existe depuis un certain temps déjà, qui est, je pense, financée par le gouvernement. Est-ce que vous avez des liens avec cette école? Est-ce que vous travaillez ensemble? Quelle est la différence au niveau de l'enseignement que vous donnez dans votre école musulmane?

M. Derbas (Bassam): C'est quoi la différence entre les écoles musulmanes?

Mme Houda-Pepin: Oui, entre celle qui existe déjà, qui est financée par le deniers publics, et la vôtre, parce que vous avez aussi des écoles, n'est-ce pas?

M. Derbas (Bassam): Oui. Vraiment, je n'ai pas d'idée de la façon dont, eux autres, ils fonctionnent. On n'a pas de lien de travail ensemble. J'ignore vraiment de quelle façon, eux autres, ils travaillent. Je n'ai pas de...

Mme Houda-Pepin: Vous savez que l'école existe, quand même.

M. Derbas (Bassam): Je sais, oui, oui. Je suis au courant que l'école existe. Je sais qu'elle a place là-bas mais je n'ai pas vraiment de lien avec, comment est la façon de fonctionner là-bas.

Mme Houda-Pepin: Est-ce que vous estimez que le gouvernement devrait financer les écoles religieuses?

M. Derbas (Bassam): Tel qu'il est stipulé dans le rapport Proulx, lui, il dit, le rapport Proulx: le cours qui se donne après les heures de l'école sera autofinancé par les parents ou par ceux qui veulent vraiment donner ces cours-là, dans cette optique-là. Nous, ça, c'est une question, dépendamment des finances du gouvernement, mais je peux répéter: On est prêt à travailler, à collaborer à ce sujet-là avec le gouvernement. Est-ce qu'il y a de l'argent ou non? On est prêt à travailler pour l'aborder ensemble. Ce n'est pas vraiment l'argent qui va nous amener à travailler ou non.

Mme Houda-Pepin: Il nous reste encore un peu de temps?

Le Président (M. Geoffrion): Quelques minutes. Combien reste-t-il?

Mme Houda-Pepin: Quelques minutes?

Le Président (M. Geoffrion): Deux minutes? Rapidement.

Mme Houda-Pepin: Deux minutes, d'accord. Je voudrais revenir, puisqu'on a quelques minutes, sur la tenue vestimentaire dont vous avez parlé tantôt. À l'école publique, il y a des enfants musulmans, des petites filles musulmanes. C'est quoi que vous suggérez à ces petits filles comme tenue vestimentaire à l'école publique? Je comprends que, lorsque les enfants viennent dans votre école, vous voulez leur montrer qu'il faut s'habiller d'une certaine façon et vous avez un code vestimentaire, n'est-ce pas, dans votre école?

M. Derbas (Bassam): Oui, mais ce n'est pas dans cette optique-là. Je n'ai pas parlé vraiment dans cette optique-là. Nous, on dit: une fille, elle va porter le voile même dans les écoles publiques. Ça, je ne peux pas l'empêcher. Ça, c'est le principe, puis elle va faire ça, comme c'est un devoir de le faire. Ce n'est pas juste donc dans nos écoles religieuses ou d'autres publiques ou qu'elles ne soient pas publiques, ce sont des principes de la religion. Elle va porter le voile. C'est un devoir de le faire.

Mme Houda-Pepin: Oui. Donc, pour vous, la tenue vestimentaire que vous suggérez aux jeunes filles et aux femmes s'applique en dehors de l'espace d'une mosquée ou d'une école musulmane. Ça s'applique à l'ensemble de la société.

M. Derbas (Bassam): Bien, c'est en plein ça.

Mme Houda-Pepin: O.K. Très bien. Merci, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Geoffrion): Alors, madame, messieurs, merci de votre présence devant cette commission. On vous remercie. On vous souhaite un bon retour sur Montréal.

Alors, l'ordre du jour étant épuisé, la commission ajourne ses travaux sine die. Merci.

(Fin de la séance à 23 h 15)


Document(s) related to the sitting