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Version finale

36th Legislature, 1st Session
(March 2, 1999 au March 9, 2001)

Wednesday, November 3, 1999 - Vol. 36 N° 14

Consultation générale sur la place de la religion à l'école


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Table des matières

Auditions


Intervenants
Mme Madeleine Bélanger, présidente
Mme Solange Charest, vice-présidente
M. François Legault
M. Gilles Labbé
Mme Fatima Houda-Pepin
M. Claude Béchard
M. Pierre-Étienne Laporte
M. Serge Geoffrion
* Mme Élisa Landry, Coalition en faveur du droit des parents
de choisir l'école de leur préférence
*M. Émile Robichaud, ICM
*M. Normand Laurin, Mouvement des Cursillos francophones
*M. Pierre Métivier, idem
*M. André Pilette, idem
*Mme Ginette Pilette, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Quinze heures vingt et une minutes)

La Présidente (Mme Bélanger): Je déclare la séance de la commission de l'éducation ouverte. Je rappelle que le mandat de la commission est de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur la place de la religion à l'école.

Est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. Mme Houda-Pepin (La Pinière) remplace M. Bergman (D'Arcy-McGee).


Auditions

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. Alors, à l'ordre du jour aujourd'hui, nous avons, à 15 heures, la Coalition en faveur du droit des parents de choisir l'école de leur choix; à 16 heures, Institut catholique de Montréal; puis, à 17 heures, le Mouvement des Cursillos francophones. Alors, je demanderais à la Coalition en faveur du droit des parents de choisir l'école de leur préférence de bien vouloir s'approcher à la table.

Mesdames, monsieur, bonjour. Alors, je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire, qui sera suivi d'un échange entre les ministériels et l'opposition pendant 40 minutes, 20 minutes d'un côté et 20 minutes de l'autre. Alors, je demanderais à la porte-parole de bien vouloir s'identifier et de présenter les personnes qui l'accompagnent.


Coalition en faveur du droit des parents de choisir l'école de leur préférence

Mme Landry (Élisa): Bonjour. Mme la Présidente, M. Legault, Mmes et MM. les membres de la commission parlementaire, au nom de la Coalition en faveur du droit des parents de choisir l'école de leur préférence, merci de nous recevoir aujourd'hui. Permettez-moi d'abord de présenter les personnes qui m'accompagnent. Ce sont des membres de l'exécutif de la Coalition. À ma droite, Mme Lucie Girard, présidente de l'Assemblée des directeurs et directrices d'office diocésain d'éducation; M. Bernard Racicot, de Direction chrétienne, représentant de la communauté protestante; Mme Isabelle Deschamps, de l'Association Marie-Reine. À ma gauche, Mme Lorette Noble, pour The Catholic Women's League of Canada, section Québec, représentante de la communauté anglophone; et Mme Jocelyne Saint-Cyr, présidente de l'Association des parents catholiques du Québec.

La Coalition représente 66 organismes qui se sont ralliés autour des trois principes suivants: premièrement, le droit des parents de choisir l'école qui répond le mieux à leur préférence ainsi que son projet éducatif – vous reconnaîtrez là le libellé de l'article 4 de la Loi sur l'instruction publique; deuxièmement, le rejet de toutes les solutions uniformes et réductrices des différences; troisièmement, l'importance d'un débat démocratique sur la place de la religion à l'école. Donc, j'apporterai des précisions et des commentaires au mémoire que nous avons déjà présenté au lieu de lire intégralement des parties de ce mémoire.

La Coalition propose une alternative à la solution préconisée par le rapport Proulx, une alternative qui s'inscrit dans la continuité historique, une alternative qui favorise les changements progressifs, prenant en compte la diversité plutôt que le balayage total de la situation actuelle, une alternative qui laisse large place au choix des parents et, du même fait, prend acte que rien n'est clairement tranché dans la population par rapport à la place de la religion à l'école. C'est d'ailleurs une des conclusions du sondage Léger & Léger commandé par la Coalition, dont vous pourrez prendre plus largement connaissance, puisque je vous le déposerai en copie intégrale à la fin de notre rencontre d'aujourd'hui. Notre position s'inscrit donc autour du leitmotiv suivant: Le choix des parents, un droit à préserver.

Vous comprendrez aisément, Mmes et MM. les commissaires, que nous sommes contre toute solution qui serait décrétée sans égard aux droits des parents de choisir, qu'elle soit d'inspiration laïque ou confessionnelle. Nous croyons que toute réforme en matière de formation religieuse à l'école publique n'a d'avenir que dans la mesure où elle tiendra compte des attentes de la population, un bassin d'opinions plus large que l'expression des parents et que celle des syndicats. Cependant, sur cette question, nous croyons que la voix des parents, leur droit de choisir demeurent un incontournable, puisqu'en cette matière on leur a toujours reconnu, et à juste titre, une place prépondérante.

Nous aimerions néanmoins souligner l'importance capitale que nous accordons à celles et à ceux qui font l'école, à celles et à ceux qui sont en service auprès de la population scolaire. Leur apport est indispensable, la réforme sur la place de la religion à l'école devra compter sur leur expertise et faire appel à leurs compétences. Comme le confirme le sondage commandé à la firme Léger & Léger, après la famille, c'est à l'école et à ses intervenants que les parents accordent leur confiance pour la formation religieuse à l'école.

En raison du caractère commun de l'école publique québécoise, nous insistons sur l'importance que l'école de quartier et les services de formation religieuse qu'elle dispense soient ouverts à tous les élèves. Nous considérons que, au terme de ce débat et en raison de nouveaux aménagements, si des parents étaient contraints, en quelque sorte, en raison de la liberté de conscience et de religion ou de leurs convictions religieuses, étaient contraints, dis-je, d'inscrire leurs enfants à l'école privée, c'est qu'ils auront perdu l'accès à l'école publique. Nous souhaitons néanmoins que l'article 42 de la Charte québécoise relatif à l'existence d'écoles privées soit maintenu, afin que les parents conservent leur droit de choisir entre l'école publique et l'école privée.

Quant au statut de l'école, nous proposons, au choix des milieux, trois modèles, soit l'école à statut confessionnel, l'école à statut laïque et l'école sans statut. Ce choix a été conforté par les données du dernier sondage Léger & Léger. Vous remarquerez que nous n'avons pas insisté sur le cadre dans lequel l'école à statut confessionnel ou laïque pourrait s'inscrire. Ce qui nous importe, ce n'est pas le format, mais la possibilité pour les parents de choisir l'école de leur préférence. Nous laissons donc au ministre de l'Éducation le soin d'en déterminer le cadre: école à projet particulier ou autre encadrement.

Nous suggérons des services s'accordant au statut de l'école, des cours d'enseignement confessionnel ou non confessionnel qui laissent une marge pour le choix entre les différents types de cours et l'enseignement moral. Quant aux différents types de services d'animation, ils seraient toujours ouverts à tous, mais de participation libre. Dans tous les cas, nous recommandons un encadrement légal approprié, le recours à la clause «nonobstant» en l'absence de garanties équivalentes, donc un mécanisme légal ouvrant la possibilité à des écoles et à des services confessionnels de différentes confessions. Il n'est pas écarté non plus que ce mécanisme soit aussi nécessaire pour l'enseignement culturel des religions. Nous recommandons également le maintien de l'article 41 de la Charte québécoise dans son intégralité.

(15 h 30)

Le dernier sondage Léger & Léger confirme que les parents tiennent majoritairement plus aux services qu'au statut. À cet égard, le choix annuel des parents pour l'enseignement religieux confessionnel demeure un fait incontestable. Par conséquent, nous souhaitons qu'il y ait des garanties suffisantes pour le maintien des services là où le statut confessionnel serait abandonné pour une école sans statut. Nous ne prétendons pas offrir un traitement égalitaire avec notre alternative. Il nous semble que le droit à l'égalité, poussé à l'extrême, peut conduire au légalisme et faire perdre de vue l'essentiel: les personnes, notamment les jeunes. Dans les circonstances, nous croyons que la solution proposée constitue un traitement équitable. Au lieu de restreindre les droits accordés aux catholiques et aux protestants, nous proposons de les étendre à d'autres confessions. À cet égard, nous croyons qu'il serait nécessaire de circonscrire la portée de l'article 5 de la Loi sur l'instruction publique, qui prévoit que l'élève peut choisir entre l'enseignement religieux catholique, ou protestant, ou celui d'une autre confession. Nous proposons d'ouvrir l'école aux traditions religieuses universellement reconnues ou selon d'autres critères ou paramètres établis par des spécialistes de la question. Il nous apparaît clair que les groupes religieux radicaux n'ont pas leur place à l'école. L'école est un lieu d'éducation et non un lieu de propagande.

Pour contrer l'intégrisme religieux ou l'intégrisme laïque dans le milieu scolaire et permettre à l'école de remplir sa mission éducative, nous estimons que les programmes relatifs à la formation religieuse des élèves inscrits au curriculum doivent être soumis aux mêmes normes, conditions et exigences qui président à l'élaboration des autres programmes d'études approuvés par le ministère, y compris la démarche d'apprentissage et les principes pédagogiques sous-jacents à cette dernière. Seuls les contenus doctrinaux propres aux confessions, qu'ils soient dans le cours d'enseignement religieux, ou confessionnel, ou dans un cours d'enseignement culturel des religions, seraient sous la juridiction des Églises respectives. Nous souhaitons également que les rites, c'est-à-dire les activités cultuelles des différentes confessions, ne soient pas introduits à l'école. Puisque l'objectif de la formation religieuse offerte à l'école n'est pas de former des croyants de quelque confession que ce soit, l'école n'est pas le lieu désigné pour tenir des activités cultuelles de façon régulière. Si, dans des circonstances particulières, une école avalisait une ou des activités cultuelles, de telles activités ne devraient exclure aucun élève et devrait respecter les convictions religieuses de tous les élèves du groupe à qui elles s'adressent.

Quant aux personnels qui dispenseront ces services en enseignement ou en animation, et cela, dans tous les modèles d'école, nous nous inscrivons fortement contre l'idée qu'il s'agisse de personnels des Églises, coordonnés par elles et sous leurs responsabilités. Nous réaffirmons que tous les services doivent être rendus par un personnel compétent ayant une formation adéquate à l'emploi des commissions scolaires et ainsi répondre aux règles établies au plan de classification des personnels des commissions scolaires et être conformes aux dispositions des conventions collectives négociées entre l'État et les syndicats.

En plus de leur pouvoir politique de citoyens et de citoyennes, les parents peuvent maintenant participer à la gestion de l'école par le conseil d'établissement. Cependant, les parents présents au conseil d'établissement ne s'attendent pas à décider ce que l'école offrira au curriculum ni à appliquer une décision sans avoir fait appel à la participation du milieu. Une fois le cadre établi par le ministre sur la place de la religion à l'école, les membres du conseil d'établissement s'attendent à consulter les parents selon les pouvoirs qui leur sont départis par la loi n° 180 pour déterminer ce qui sera le plus convenable pour leur milieu. Nous proposons une démarche qui fait confiance à la capacité des milieux de choisir ce qui leur convient le mieux, une démarche d'autodétermination dont le terme serait le consensus des parents des enfants qui fréquentent l'école, une démarche assortie de compromis, où les concepts de majorité et de minorité deviennent des indicateurs au lieu d'être les seuls facteurs déterminants, une démarche qui engage les personnes concernées ou leurs représentants tout au long du processus. Comme vous le savez, pour initier un changement auprès d'individus ou de collectivités, après une information adéquate, le meilleur gage de succès, c'est leur liberté d'entrer dans le changement, leur droit de choisir, c'est leur acquiescement au changement.

L'école québécoise constitue un pôle intégrateur important pour les élèves de différentes origines ethniques et religieuses, donc un facteur de cohésion sociale. Nous croyons qu'elle remplit sa mission de socialisation par l'ensemble de ses activités, y compris par les cours d'enseignement religieux confessionnel, et qu'elle la poursuivra dans la mesure où les services offerts dans de nouveaux aménagements demeureront ouverts à tous les élèves dans le respect de leurs convictions religieuses. Je me permets ici de faire référence à une étude sur les tendances reflétées par la presse écrite du 7 décembre 1998 à août 1999, une étude qui a été faite par Léger & Léger pour les besoins internes de la Coalition. Donc, les grandes questions relatives à l'éducatif, au rôle de l'école, notamment la religion à l'école, le processus d'intégration des néo-Québécois n'apparaissent pas dans le débat, du moins dans la presse écrite. Nous souhaitons que ces grandes questions soient traitées avant que les aménagements soient mis en place. Puisque le débat est actuellement focalisé sur des fondements philosophiques, juridiques, historiques, et les questions de fond, elles, sont peut-être traitées ailleurs, peut-être ici, mais il nous semble qu'il y aurait lieu de faire des études approfondies.

Nous croyons que la solution proposée par la Coalition avec son ouverture à la diversité est gérable au plan administratif. D'ailleurs, pour ce qui est des différents cours de différentes religions, dans son dernier avis, le Comité catholique présente un scénario qui prouve l'applicabilité d'une solution qui favorise la diversité plutôt que l'uniformité. Nous recherchons une réponse convenable, respectueuse du droit des parents de choisir et soucieuse de prendre en compte les besoins des jeunes Québécoises et Québécois dans leur développement intégral, incluant la dimension spirituelle, quelle que soit leur appartenance religieuse. Les jeunes devraient être le principal axe de référence dans le débat sur la place de la religion à l'école. À la suite d'autres intervenants, dont le Comité épiscopal de l'éducation, nous reconnaissons, et je cite: «Il est de la responsabilité de l'État de s'assurer du respect des droits de chacun en matière de conviction religieuse et de liberté de conscience et de pourvoir à l'égalité des chances de tous les jeunes du Québec, quelle que soit leur origine sociale, ethnique ou religieuse.» Fin de citation.

Selon l'étude préparée pour nous, par la firme Léger & Léger, à partir des médias écrits, les Québécoises et les Québécois ne veulent pas d'affrontement sur la question de la place de la religion à l'école. Au-delà des prises de position de principe favorables ou défavorables au rapport Proulx, le constat d'une même nécessité ressort. Les changements devront être progressifs et laisser place au aux compromis.

Je terminerai avec le constat d'un sociologue, J. Yvon Thériault, de l'Université d'Ottawa, et je cite: «Les citoyens doivent pouvoir se rejoindre et vivre ensemble malgré et à travers leurs différences – j'aurais préféré avec mais on va citer tel quel. De ce point de vue, la société québécoise a réussi son "vivre ensemble" mieux que bien d'autres sociétés occidentales. Chez nous, le pluralisme n'a jamais dégénéré en guerre ni même en conflit inexpiable. Il y a plutôt eu des progrès inestimables dans la tolérance.» Fin de citation. Nous pourrions appliquer ces propos à l'école publique québécoise. Au cours des dernières années, elle a su s'adapter aux nouvelles réalités de la société québécoise. Nous souhaitons qu'au terme du débat actuel elle soit encore plus ouverte sur la diversité en raison de ses nouveaux aménagements sur la place de la religion à l'école. Je vous remercie et je vais me présenter, puisque j'ai oublié de le faire au début. Mon nom est Élisa Landry, et je suis une retraitée du secteur de l'éducation.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme Landry, pour votre présentation. Alors, M. le ministre.

M. Legault: Oui, d'abord, je voudrais vous remercier, vous saluer mesdames et monsieur de la Coalition. Je pense que vous regroupez des organismes qui tiennent au maintien de certaines traditions à l'école. Je pense aussi que le sondage que vous avez commandé nous aide à nous donner comme un nouveau portrait des tendances variées de ce que souhaitent les parents, et je peux vous assurer aussi que le gouvernement a la même préoccupation de trouver des aménagements qui nous permettent d'améliorer notre façon de vivre ensemble et de voir à ce que tous les parents se sentent respectés au Québec. Donc, je pense que votre groupe, votre Coalition, peut nous amener à essayer de trouver ensemble un consensus au Québec et un consensus entre autres chez les parents.

J'ai quelques questions suite à la lecture de votre mémoire. D'abord, vous proposez trois modèles d'école, si je comprends bien, donc une école avec un statut confessionnel qui serait possible pour toutes les religions, si je comprends bien; une école sans statut mais qui offrirait des services confessionnels; ou une école laïque.

D'abord, ma première question, c'est: Comment s'établirait le modèle d'école souhaité par les parents? Est-ce que ce serait un vote majoritaire ou... Comment s'établirait ce choix?

(15 h 40)

Mme Landry (Élisa): Nous aimerions revenir sur la question de consensus. Nous pensons qu'il faut sortir des concepts de minorité et de majorité, puisque, si nous demeurons avec ces concepts, la situation n'évoluera pas et elle va peut-être rester pratiquement semblable à ce qu'elle peut être, parce qu'il y a 80 % et au-delà de catholiques dans la province. Donc, là où les écoles sont catholiques, si les catholiques demeurent majoritaires, la situation ne pourrait pas évoluer si ça on prend juste ce seul facteur, alors que dans le sondage il y a même des catholiques qui voudraient que la situation évolue et qui disent accorder plus d'importance aux services qu'au statut. Alors, nous trouvons important de tenir compte aussi de cette éventualité que, là où le statut est gardé pour garantir les services confessionnels, si l'information adéquate est fournie aux parents, peut-être qu'ils accepteront, avec de bonnes garanties, de laisser aller le statut pour avoir les services qui leur conviennent.

Alors, dans la partie de nos propositions, vous remarquerez que, pour choisir le statut d'une école, c'est assorti de six conditions – je suis à la page 20 du mémoire – dont la première est le consensus, mais la première nommée théoriquement et probablement une des dernières à la fin d'une démarche qui s'appelle un processus, qui est fait de compromis de part et d'autre, qui tient compte, je dirais, des désirs de l'ensemble des personnes qui se retrouvent dans ce quartier et qui ne nous dit pas qu'au terme d'une rencontre, avec bien sûr ce qui n'est pas marqué dans notre mémoire mais qui nous apparaît indispensable, lorsqu'une telle démarche sera faite, pour permettre aux parents de décider du statut de leur école, ça prendra bien sûr de la documentation pour leur permettre de faire cette démarche qui, à mon avis, devrait venir du ministère de l'Éducation pour permettre aux conseils d'établissement de mener une démarche appropriée. Au terme de la démarche, il y aura un consensus.

Pour être plus clair, si dans un milieu on se rend compte, sans regarder pour le moment le concept de minorité et de majorité, qu'il y a des personnes qui souhaitent avoir une école sans statut, d'autres, l'école catholique et peut-être quelques-uns l'école laïque, bien, ils finiront peut-être par accepter par compromis d'avoir une école sans statut à condition d'y avoir des services. Parce que, M. le ministre, je voudrais vous dire qu'on ne se méprend pas sur les chiffres du sondage Léger & Léger. Bien qu'il y ait 9,4 % des répondants et répondantes qui souhaitent des écoles à statut élargi, 30 % et quelques, ou 31 %, qui veulent le statu quo et d'autres qui sont pour l'école sans statut, ces gens-là ne se retrouvent tous à la même place. Ils ne sont pas homogènes. Ceux qui veulent un statut laïque, dans le même milieu... On peut retrouver tout ce monde-là à la même place. Donc, ça va prendre une démarche pour les faire arriver à un consensus. Et le consensus pourrait éventuellement être une école sans statut avec des services, pourvu qu'il y ait des garanties adéquates.

M. Legault: Donc, si je comprends bien, qui en fait trancherait s'il n'y a pas de consensus? Est-ce que vous me dites que, s'il n'y avait pas de consensus, ça serait alors automatiquement une école sans statut? Est-ce que c'est ce que je dois comprendre?

Mme Landry (Élisa): Je pense qu'on pourrait éventuellement comprendre cela en vérifiant avec les parents et les personnes présentes, puisque, vous savez, décidément rien n'est parfait, comme disait le Petit Prince au renard. Notre solution n'est pas parfaite. Elle essaie, au lieu d'exclure, de rejoindre le plus grand nombre possible pour satisfaire le plus grand nombre possible. Et ça me permet d'apporter aussi un complément d'information. On ne souhaite pas que ce soit ouvert, bien que l'idéal ce serait ouvert à toutes les confessions. Mais on pense que, si l'école à statut confessionnel est ouverte à toutes les confessions, c'est un imbroglio administratif impossible. Nous avons indiqué dans le mémoire et dans le texte que j'ai livré tantôt, pour nous, présentement, un des critères, l'école de tradition universellement reconnue... J'écoutais, j'assistais récemment à une conférence où M. Georges Leroux, professeur de philosophie à l'UQAM, parlait de religion à magistère, c'est-à-dire des religions qui sont structurées avec des autorités, une religion révélée, et qui ont des personnes à l'intérieur pour exprimer, indiquer ce que veut dire leur doctrine, sinon tout le monde pourrait interpréter. Ça prend des gens de l'interne pour interpréter leur doctrine. Donc, ça pourrait être un autre paramètre, ça pourrait être des religions à magistère.

Maintenant, on sait que ça ne peut pas être toutes les religions. Il va falloir à un moment donné avoir des paramètres, des critères et des balises. Et, lorsque vous aurez déterminé quelle religion, si vous le déterminez avec des spécialistes de la question, puisque cette étude-là n'est pas encore faite, bien, on pense que, selon le Comité catholique, qui indique que toute école devrait répondre à cinq conditions... Nous en avons ajouté une, qui est celle du consensus, qui arriverait au terme où les gens vont acquiescer au changement. Mais les conditions que nous énumérons à la page 20... D'abord, l'école doit être ouverte à tous les élèves, qu'ils adhèrent ou non à une religion, l'école doit respecter les libertés de conscience et de religion des élèves, l'école doit offrir aux parents et aux élèves un choix d'enseignement correspondant à sa nature d'école confessionnelle, ou sans statut, ou d'école laïque, l'école doit s'engager à promouvoir les valeurs civiques et démocratiques communément admises au Québec, l'école doit suivre le régime pédagogique déterminé par le ministère de l'Éducation pour l'éducation préscolaire et l'enseignement primaire et secondaire.

Et l'autre critère qui nous apparaît important, M. le ministre, c'est le fait qu'on vous laisse la liberté d'inscrire les écoles à statut dans des projets particuliers ou un autre encadrement que vous jugerez valable. Ce n'est pas n'importe comment, de n'importe quelle façon, tout le monde qui souhaite avoir une école à statut. Et, à la limite, je suis d'accord avec ce que vous exprimez: S'il n'y a pas consensus, ce serait une école sans statut avec des services. Tout à fait.

M. Legault: Et comment vous conciliez cette liberté de conscience, dont vous parlez, pour les groupes minoritaires, si l'école a un statut confessionnel? Puis comment vous conciliez ça aussi avec la loi n° 180 où on parle de l'école de quartier? Donc, comment vous conciliez tout ça en pratique? Et puis peut-être, si je vais plus loin, qu'on peut penser par exemple que, dans la grande région de Montréal, on aurait peut-être des écoles laïques, mais probablement pas en région. Donc, comment vous conciliez tout ça là pour respecter le choix de tout le monde?

Mme Landry (Élisa): De toute façon, c'est sûr que, le modèle qu'on présente, il n'y aura pas des problèmes partout pour avoir l'école laïque ou l'école à statut confessionnel d'une autre religion. Je pense que nous sommes assez réalistes là-dessus, et c'est pour ça que ce n'est pas un problème qui va s'étendre à la grandeur de la province, puisque l'école laïque, d'après aussi nos chiffres, elle est peut-être souhaitée par 27 % à 30 %. C'est sûr que dans le terme, ce n'est pas juste les gens de Montréal qui veulent avoir l'école laïque. Mais quand vient le temps – ce sont des perceptions – de choisir, on souhaite que le changement parte de la situation actuelle où les parents pourront faire un changement par rapport à ce qu'ils ont et par rapport à ce qu'il pourrait y avoir.

Donc, on croit que l'école laïque ou confessionnelle d'une autre confession sera plus propre à être appliquée dans la région de Montréal, encore là, puisqu'il faudra qu'il y ait consultation des parents et consensus. Mais il est possible qu'il y en ait moins d'écoles de ce type qu'il pourrait y en avoir, si on regarde juste les chiffres.

M. Legault: Mais je répète ma question, peut-être qu'on ne se comprend pas bien, là. Au niveau du statut confessionnel, quand on a un statut confessionnel dans une école, s'il y a un groupe minoritaire qui n'est pas de cette même religion, comment – vous dites que vous êtes pour la liberté de conscience – un élève dans une école qui a un statut confessionnel autre que sa religion peut se sentir à l'aise et avoir une liberté de conscience complète dans l'école?

Mme Landry (Élisa): Je pense que je devrai faire référence à ce qu'on connaît déjà, et c'est l'école catholique et l'école protestante dans lesquelles j'ai oeuvré pendant plusieurs années. Et je pense qu'on peut très bien recevoir des personnes d'autres convictions religieuses et respecter leurs croyances en ne leur imposant pas des activités qui font référence aux convictions de notre propre religion, des activités obligatoires, en ayant toujours un choix entre l'enseignement religieux de la confession et l'enseignement moral, en ayant des activités... Et, s'il y a plusieurs confessions dans une école, on souhaite que l'animation ne soit pas une animation pastorale de telle ou telle confession, mais qu'elle soit une animation commune, propre, une animation commune multiconfessionnelle ou commune à l'ensemble des élèves qui sont présents dans l'école.

J'ai personnellement oeuvré dans les deux écoles secondaires de Brossard, et vous savez qu'à Brossard c'est une ville où il y a plusieurs communautés ethniques différentes, et il y en avait dans l'école, et je peux vous assurer que les élèves des différentes confessions étaient respectés. Et j'y ai oeuvré comme animatrice de pastorale catholique, mais j'ai pu faire des activités qui n'excluaient aucun élève, où les élèves pouvaient participer à des projets selon leurs propres convictions à eux, tout en participant à des projets qui étaient mus par l'animation pastorale mais qui respectaient bien la liberté de conscience et de religion. Je parle de projets humanitaires, je parle de projets qui font appel à la justice, au sens de l'autre, à l'entraide. Les élèves qui étaient autant en enseignement moral ou en enseignement religieux pouvaient participer à ces projets. Je crois que dans ces modèles d'école, il faudra prévoir quelque chose pour les élèves qui ne seraient pas dans tel cours. S'il y a l'enseignement moral, ils peuvent aller en enseignement moral. Bien sûr, il restera toujours un nombre d'élèves qui ne seraient pas dans l'enseignement confessionnel. Supposons qu'on a quatre enseignements confessionnels de différentes confessions, les autres élèves ont le choix d'aller en enseignement moral, mais, s'ils souhaitaient avoir quelque chose de différent, je pense qu'avec l'animation multiconfessionnelle il y aurait lieu de regrouper les élèves pour faire des activités très valables qui respecteraient les libertés de conscience et de religion.

(15 h 50)

Et supposons qu'il y en a trop ou s'il y a 75 élèves, qu'est-ce que vous feriez? Moi, ce que je ferais, je ferais appel à des gens de la communauté, je créerais des partenariats avec des personnes qui pourraient être des personnes des confessions à qui appartiennent ces élèves. On ne les reséparerait pas en groupes, mais on pourrait faire des activités avec eux qui seraient respectueuses de ce qu'ils sont. Et je pense que toute école, peu importe son statut, si elle est publique et commune, à mon point de vue, c'est sa première caractéristique. Sa dernière, c'est d'être confessionnelle, parce que, dans les faits, quand une école est construite, elle reçoit sa troisième caractéristique souvent deux ans après. Donc, elle est d'abord publique et commune, et, dans notre esprit, ce sont d'abord ces caractéristiques-là qui doivent primer.

M. Legault: D'accord. Maintenant, vous parlez beaucoup, dans votre mémoire, de la formation des enseignants. Bon, vous n'êtes pas sans savoir qu'actuellement on a quand même un certain pourcentage des enseignants, des enseignantes qui enseignent la religion sans être croyants. Vous, vous faites des propositions concernant les enseignants, puis on peut percevoir dans vos propositions un souci pour assurer la qualité de l'enseignement. Et ce que je comprends, là, c'est que vous cherchez une façon d'éliminer les articles de loi qui permettent aux enseignants d'exercer leur droit de refus de dispenser un enseignement confessionnel.

Pourquoi vous faites cette demande, et qu'est-ce que vous pensez de la qualification des enseignants? Est-ce que ça devrait être une responsabilité de l'école et du ministère de l'Éducation, ou est-ce qu'on devrait graduellement transférer cette responsabilité aux Églises?

Mme Landry (Élisa): Sur cette question, nous réaffirmons que nous sommes contre, et fortement contre, que les personnels qui oeuvreraient dans les écoles pour offrir des services que l'école ou que le ministère aurait reconnu comme faisant partie du curriculum... nous nous inscrivons contre que ces personnes viennent des Églises, quelque Église que ce soit.

À la page 22, à la recommandation 10, nous souhaitons que l'enseignement religieux de quelque religion que ce soit ne soit pas inclus nécessairement dans la tâche du titulaire, pour laisser une porte de sortie à ceux qui ne voudraient pas l'enseigner, sans qu'ils soient obligés de demander une exemption, que ce ne soit pas inclus. Et dans notre idée, il s'agit, si le titulaire, pour des raisons x qui soient des raisons de conviction religieuse ou autres, ne souhaite pas faire l'enseignement religieux, de faire appel à des spécialistes.

M. Legault: Parfait.

Mme Landry (Élisa): Ça garantirait la qualité des services offerts, et ça permettrait aux enseignants de ne pas l'enseigner sans demander l'exemption. Parce que vous savez et nous savons qu'il y a un certain nombre d'enseignants qui ne sont pas à l'aise et qui ne demandent pas l'exemption par peur d'être pénalisés, et cette situation-ci, que nous décrivons avec la proposition que nous avons, permettrait à tous les enseignants qui ne souhaitent pas, pour x raisons, sans que ce soit une raison de foi... Parce que l'exemption, actuellement, elle est attachée à une raison de conviction religieuse. Donc, ce n'est pas toujours agréable de faire une demande écrite et d'être exempté, puisqu'on peut être taxé, pour une raison ou pour une autre, d'être un non-croyant qui a déjà enseigné l'enseignement religieux. Donc, en raison du respect des personnes, de leurs droits, de leurs libertés fondamentales, nous souhaitons davantage que ce ne soit pas inclus automatiquement, mais que, par contre, un titulaire qui voudrait le faire volontairement, il ne faudrait pas lui enlever ce droit de vouloir faire son enseignement religieux.

Si vous me le permettez – peut-être que vous me direz que ce n'est pas à ce moment-ci – j'aimerais élargir la question, parce que ça nous arrive souvent, cette question, dans les médias et probablement aussi à cette commission parlementaire, de pratiquants et de non-pratiquants. J'aimerais élargir la question, et souvent, quand on l'entend, ça fait référence à la pratique cultuelle, et il me semble que ça rétrécit énormément ce que c'est qu'avoir des convictions religieuses. Avoir des convictions religieuses, il y a un volet qui est le volet de la pratique cultuelle, mais il y a un volet beaucoup plus large qui est de la pratique de sa religion et de ses convictions dans son agir quotidien, et souvent on entend dans des réactions, on entend dans des affirmations que les parents demandent la religion et ne sont pas pratiquants.

De quelle pratique parle-t-on? Si on parle de la pratique cultuelle, c'est un volet. Mais l'autre volet, c'est la pratique quotidienne – et vous remarquerez qu'il en est question dans le sondage – la religion dans la vie quotidienne des Québécois et des Québécoises. Et là je ne parle pas juste de religion catholique, de religion protestante. Les 1 500 personnes interrogées appartenaient à différentes confessions. Elles affirment que la religion est importante dans leur vie quotidienne. Et j'ai eu sous la main des chiffres, qui venaient de Léger & Léger, d'un autre sondage qu'ils ont fait sur la religion où, à une très grande majorité, les personnes interrogées affirment que la religion influence, que leurs convictions religieuses influencent leurs décisions, influencent leur agir quotidien. C'est une toile de fond à leur vie de tous les jours avec les valeurs qui sont propres à toutes les confessions, de justice, d'entraide, de partage, de respect. Alors, je trouvais important de faire cette distinction: il y a pratique et pratique.

M. Legault: Parfait. Merci beaucoup. Je vais laisser le député de Masson poursuivre.

La Présidente (Mme Bélanger): Il reste une minute.

M. Legault: ...une minute.

Une voix: Une heure.

La Présidente (Mme Bélanger): Non, une minute.

M. Labbé: Alors, merci, Mme la Présidente. Alors, d'abord, je tiens à vous féliciter pour la qualité de votre mémoire, mesdames, monsieur. C'est vraiment un mémoire très complet. On a apprécié beaucoup aussi le sondage à l'intérieur. Je peux vous dire que c'est ce qu'on appelle un mémoire très étoffé. Alors, on vous en félicite.

Alors, ma question est la suivante: Quand vous parlez de l'enjeu éducatif, à la page 5 de votre mémoire comme tel, et je vous cite, vous dites que l'école doit contribuer à «la formation des citoyennes et citoyens responsables, aptes à vivre dans la collectivité, ouverts aux différences, en quête de réponses aux grandes questions existentielles»... Par contre, je lis aussi, vous proposez cependant de laisser aux parents la possibilité de choisir pour leurs enfants un enseignement confessionnel dans la religion de leur choix, ou encore un enseignement moral, ou encore l'enseignement culturel des religions dans les écoles laïques. Alors, ma question est la suivante: Vous ne pensez pas que, selon l'option choisie par les parents, ceci pourrait venir limiter un peu beaucoup l'ouverture des enfants face aux grandes questions existentielles? Et je fais appel un petit peu à votre expérience que vous avez vécue, madame, à Brossard, où vous avez semblé nous dire: Écoutez, compte tenu de différentes ethnies qu'on avait, c'était intéressant de pouvoir permettre à ces gens-là d'avoir des échanges même s'ils n'étaient pas nécessairement dans la même classe.

Mme Landry (Élisa): Je vois que votre question porte davantage sur l'école laïque, parce que, dans cette école laïque, il y aurait un cours d'enseignement culturel des religions. Vous remarquerez que nous avons conservé dans l'école laïque un service d'animation spirituelle et communautaire, et, par le biais de ce service, bien sûr qui serait quand même un service de participation libre, il y aurait lieu d'accompagner les élèves dans les grandes questions qu'ils se posent. Nous considérons que toutes les écoles devraient avoir un lieu d'échange, un lieu où les élèves peuvent poser leurs questions. Alors, si ce n'est pas le cours d'enseignement religieux confessionnel, nous souhaitons qu'à l'intérieur d'autres cours ces questions puissent être posées. À l'intérieur du cours d'enseignement culturel des religions, pour avoir regardé ce qu'il y avait à la fin du rapport Proulx, que je n'ai pas avec moi maintenant, il y a peu d'espace pour ça. Maintenant, en conservant un service d'animation spirituelle et communautaire, ça pourrait constituer un lieu intéressant. Vous remarquerez qu'on l'a transformé. Je dirais, dans notre école laïque, ce n'est pas la même école laïque tout à fait que celle du rapport Proulx, puisque l'enseignement culturel des religions serait offert en option avec l'enseignement moral, alors que, dans le rapport Proulx, il est obligatoire. Donc, pour le respect des consciences et des religions, liberté de conscience, on pense qu'il faut le mettre en option. Quant au cours...

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme Landry. Malheureusement, il y en a d'autres qui vont vous poser des questions. Vous allez pouvoir poursuivre. Alors, Mme la députée La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, Mme Landry, mesdames et monsieur de la Coalition en faveur du droit des parents de choisir l'école de leur préférence, je vous salue. Je vous remercie pour le mémoire assez étoffé, bien documenté, articulé, que vous nous exposez aujourd'hui. Mme Landry, je vous salue à double titre, comme porte-parole de la Coalition et comme citoyenne de La Pinière.

(16 heures)

En fait, ce que vous nous proposez... vous dites que c'est une alternative qui s'inscrit dans la continuité historique mais qui tient compte de la diversité. Vous dites aussi – vous y tenez beaucoup, vous l'affirmez à de nombreuses reprises – que le choix des parents est un incontournable, que c'est vital de maintenir l'article 41 de la Charte. Et, en même temps, dans votre présentation, vous avez dit que, selon les familles, c'est l'école qui est le lieu à qui elles confient leurs enfants et à qui elles font confiance pour leur enseigner la religion. Donc, vous confirmez d'entrée de jeu que l'école est un lieu où doit s'enseigner la religion. C'est bien ça?

Mais, par ailleurs, tout en exposant les trois modèles, c'est-à-dire une école confessionnelle, une école sans statut et une école laïque, vous dites que les parents, ce qui les intéresse, ce à quoi ils tiennent réellement, c'est les services. Ce n'est pas le statut de l'école qui les préoccupe davantage. Donc, votre modèle, finalement, consiste à élargir les privilèges qu'ont les catholiques et les protestants pour intégrer l'ensemble de la diversité religieuse sur un territoire donné.

Alors, sur quelle base est-ce qu'on va faire cet élargissement? Quelles sont les balises que vous y mettez pour permettre justement qu'aucun enfant, qu'aucun jeune ne soit discriminé mais, en même temps, le faire dans l'harmonie et dans le respect de la diversité?

Mme Landry (Élisa): D'abord, souvent on va entendre, pour les services... Là on parle du statut, mais je voudrais ajouter ceci: que les services pourraient être donnés si le nombre le justifie. Et, comme vous parlez des parents, je voudrais ajouter une autre composante. Il nous apparaît important que les services d'une confession soit donnés à l'école dans la mesure aussi – un deuxième critère – où les parents, les adhérents de cette confession le souhaitent. Donc, c'est un deuxième facteur qui nous apparaît important.

Quant au statut de l'école, des balises nous sont données par les conditions que nous exprimons à la page 20 de notre mémoire. Une autre balise: ces écoles pourraient exister dans le cadre de projets particuliers. Et, je dirais, les conditions d'un projet particulier seront déterminées par le ministère. C'est donc des écoles qui seront accordées par le ministre. Donc, projet particulier, les conditions qui sont assorties ici dans la mesure où les gens le souhaitent. Et nous souhaitons aussi qu'il y ait consensus de la population et du milieu, qu'il y ait une entente des gens qui fréquentent ce milieu et qui fréquenteraient l'école de quartier. Et, comme je le disais tout à l'heure, si on n'arrive pas à un consensus, peut-être qu'on pourra, par compromis, accepter d'avoir une école sans statut, avec des services.

Mme Houda-Pepin: Et, en même temps, vous dites que vous êtes conscients et conscientes qu'en voulant ouvrir à la diversité il y a des risques, et vous le soulignez, notamment le fait que des groupes religieux radicaux puissent s'approprier l'espace école pour vouloir faire de l'endoctrinement. Et vous dites: Ce n'est pas la place pour faire de l'endoctrinement.

Mais comment est-ce que vous allez baliser cela? Sur quelle base est-ce qu'on va dire que tel groupe est un groupe radical et ne doit pas entrer dans l'école? Et comment est-ce qu'on va gérer cette réalité-là? Parce que vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a des centaines de religions, il y a des croyances, il y a aussi des sectes. Alors, qui va déterminer quoi?

Tantôt, vous avez parlé, Mme Landry, qu'il faudrait peut-être, dans votre concept de la gestion de la diversité religieuse, se limiter aux religions à magistère, en fait les grandes religions, hein, mais comment tout ça va s'harmoniser?

Mme Landry (Élisa): Nous avons jusqu'à maintenant exprimé des possibles, donc des religions reconnues universellement, des religions qui pourraient être des religions à magistère. Et il est bien sûr que, pour distinguer les religions qui pourraient être à l'école, il faudrait faire appel à des spécialistes dont nous n'avons pas personnellement la spécialisation. Nous pensons qu'il devrait y avoir des spécialistes des religions qui pourraient s'entendre. Mais, en tout état de cause, il nous paraît important que les religions respectent les droits fondamentaux des personnes, c'est-à-dire le droit d'expression, le droit d'y adhérer librement.

Dans leurs principes, quand on regarde les principes des grandes religions et des groupes plus radicaux, il faut qu'ils respectent les personnes, que les personnes puissent adhérer à ces religions et s'en retirer s'ils le veulent également, qu'elles ne soient pas emprisonnées dans une structure de religion. Alors, pour nous, ce sont des critères importants, mais nous aimons quand même laisser le soin de déterminer des balises et des critères à des spécialistes de l'étude des religions, puisque nous n'avons pas la compétence pour le faire.

Mme Houda-Pepin: Hier, nous avons entendu le Forum musulman canadien qui est venu nous présenter son mémoire et nous dire que la diversité religieuse à l'école inclut les espaces pour les prières, ça inclut aussi le respect des codes vestimentaire, alimentaire, et tout ça. Donc, si vous concevez la gestion de la diversité dans le sens étendu du terme, ça pourrait éventuellement amener l'école à vouloir gérer d'autres aspects de la diversité que la diversité religieuse proprement dite. Comment vous réagissez à ça?

Mme Landry (Élisa): Nous autres, il nous apparaît, nous, à la Coalition, qu'il peut y avoir à l'école un lieu où des personnes de différentes confessions peuvent, à leur gré, aller prier sans que ce soient nécessairement des activités organisées par l'école. Par contre, ce qui nous apparaît important, c'est que l'horaire scolaire soit respecté et que ce qu'il y a dans l'école soit respecté au point de départ. Et je pense qu'il va falloir se donner des balises du genre pour pouvoir répondre à cette diversité qui peut rentrer à l'école avec notre proposition, et peut-être avec d'autres propositions. En fait, il faut que l'horaire scolaire des élèves, avec les périodes cours qui sont avec le régime pédagogique, soit respecté.

Mme Houda-Pepin: Vous dites aussi que l'école n'a pas à former les croyants. Tout en voulant avoir des écoles à statut confessionnel, vous voulez avoir aussi l'enseignement religieux à l'école, l'enseignement des religions à l'école, et en même temps l'école ne doit pas former les croyants. Alors, ça sert à quoi d'enseigner la religion, et quels sont les aspects sur lesquels on doit mettre plus d'emphase pour que cet enseignement soit à la fois religieux sans que ça soit une transmission de la foi?

Mme Landry (Élisa): D'abord, il faut penser que l'enseignement religieux de quelque confession que ce soit est une contribution au développement de l'élève, doit l'aider à son intégration, doit l'ouvrir sur sa vie intérieure, peu importe la confession qui serait à l'école. Il faut se dire aussi qu'au niveau des programmes d'enseignement religieux le rapport peut être aussi plus large. Et actuellement, si nous regardons les programmes d'enseignement qui existent, ils peuvent, dans, je dirais, le respect de ceux qui sont présents à l'école, sans former des croyants, inviter ou proposer à ceux qui sont là et qui sont déjà croyants de cette confession de continuer, alors que ceux qui ne seraient pas de cette confession, ça leur ferait connaître une autre confession.

Je pense particulièrement aux programmes d'enseignement religieux actuels. Vous savez, dans les classes d'enseignement religieux actuelles, nous avons des enfants catholiques, nous avons des enfants catholiques de parents qui pratiquent tous les volets de la pratique religieuse, y incluant le volet cultuel. Nous avons des enfants de parents qui ont délaissé le volet cultuel et qui ont gardé les autres volets. Nous avons des enfants qui sont d'autres confessions, et les parents les ont inscrits pour qu'ils connaissent mieux la culture québécoise. Lorsque le cours d'enseignement religieux est donné... Je vais vous donner un exemple du langage qu'il y a présentement dans les programmes d'enseignement religieux pour être respectueux de la diversité des élèves qui sont inscrits, et je pense qu'il devrait en être de même des cours d'enseignement religieux de toutes autres confessions. Donc, ce qu'on appelle en langage inclusif... vous savez, avant ça, dans nos programmes d'enseignement religieux ou de catéchèse, on disait: Jésus nous invite à faire telle chose. On disait ça à l'ensemble des élèves. Il faut répondre aux exigences de la foi chrétienne, et Jésus nous invite à poser tel geste. Présentement, en raison de cette diversité d'élèves dans les cours d'enseignement religieux, le langage utilisé est le suivant: Les chrétiens et les chrétiennes de foi catholique croient que Dieu les invite à. C'est sûr que, pour l'élève croyant, ça va l'aider à mieux vivre sa foi. Pour l'élève qui n'est pas catholique, il comprend qu'est-ce que les chrétiens et les chrétiennes vivent et qu'est-ce qui leur est demandé.

Je ne sais pas si ça répond précisément à votre question, sinon vous pourriez me la repréciser de façon plus claire. Mais il faut que le cours d'enseignement religieux, peu importe la confession, soit respectueux de l'ensemble des élèves qui seront présents dans ce cours.

(16 h 10)

Mme Houda-Pepin: Au fait, on cherche tous le respect de la diversité. C'est dans le comment qu'on essaie de trouver les stratégies, les méthodes et les façons de faire. Vous avez dit, Mme Landry, qu'il faut sortir de la dichotomie majorité-minorité lorsqu'on parle de la diversité religieuse. Et alors, le débat qu'on fait n'est pas nécessairement à cause du fait qu'on a une majorité qui a des privilèges et des minorités qui n'en ont pas. Comment on peut en sortir mais en même temps continuer à en débattre? Est-ce que vous avez fait une réflexion là-dessus?

Mme Landry (Élisa): La réflexion que nous avons faite jusqu'à maintenant, c'est qu'on ne devrait pas garder des concepts uniques pour décider du statut de l'école, puisqu'à ce moment-là ça ne nous permettrait pas d'ouvrir nécessairement l'école à d'autres confessions ou de permettre de laisser aller le statut. Donc, pour être respectueux de la liberté de conscience et de religion, notre option veut dire que, même s'il y avait 90 % soit de musulmans soit de catholiques, ça ne devrait pas être le facteur déterminant et le seul pour décider du statut d'une école. Il faudrait que l'ensemble de la population scolaire, des représentants avec le conseil d'établissement, avec une démarche prévue pour arriver à une décision, puissent choisir quelque chose qui convient à l'ensemble du milieu.

Mme Houda-Pepin: Dans votre modèle d'école confessionnelle, à statut confessionnel, en fait, ce que vous proposez, c'est une multiconfessionnalité, n'est-ce pas?

Mme Landry (Élisa): Oui.

Mme Houda-Pepin: La coexistence de plusieurs religions à l'école. Actuellement, il existe des écoles qui sont monoconfessionnelles, ça veut dire des écoles musulmanes, des écoles juives, etc. Qu'est-ce que vous dites de ça? C'est un acquis, c'est là, ça fait partie de l'école publique, il y a de nombreux enfants de différentes confessions qui fréquentent ces écoles-là. Comment vous les situez, ces écoles, par rapport à vos trois modèles?

Mme Landry (Élisa): C'est-à-dire que, nous, on ne veut pas faire un balayage de la situation actuelle en proposant une solution qui imposerait un modèle. Nous souhaitons davantage que le modèle qui pourrait advenir fasse place à la concertation des milieux, à leur autodétermination, fasse place à ce que les gens en présence dans un milieu, dans un quartier, puissent se prononcer sur ce qu'ils souhaitent pour leur milieu. Donc, ce qui existe actuellement, on ne veut pas le balayer, on veut partir de ce qui existe pour faire progresser la situation.

Ce qu'on voit, c'est qu'il y a deux pôles, hein. On pourrait dire qu'il y a deux pôles: il y a le pôle les écoles confessionnelles et la solution Proulx des écoles laïques. Nous, nous voulons proposer une alternative, et nous voyons bien que d'autres groupes proposent également des alternatives qui seraient une avenue mitoyenne entre les extrêmes. Nous sommes convaincus que la situation actuelle, le statu quo, ça doit changer et que c'est important de répondre aux attentes de la population. Mais, d'autre part, nous sommes convaincus que ce n'est pas nécessairement une solution uniforme imposée à l'ensemble qui répondrait aux désirs de la population. C'est pourquoi nous cherchons une avenue mitoyenne qui part de la situation actuelle pour la faire évoluer.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci beaucoup, Mme Landry, Mme Noble, Mme Saint-Cyr, Mme Girard, M. Racicot et Mme Deschamps. Je m'excuse de ne pas avoir assisté à la présentation de votre mémoire, que j'ai lu, j'étais avec des gens de mon comté, que je salue. Mais je dirais que la première question – et peut-être qu'elle a été posée, vous me le direz – quand on regarde les modèles que vous voulez mettre en place, cette ouverture-là et les trois types d'écoles, il y a des gens qui disent que, si on va trop loin dans la multiconfessionnalité, il y a des risques que dans certains quartiers on se retrouve avec un phénomène de ghettoïsation.

C'est-à-dire qu'à partir du moment où il y aura une école qui aura plus d'enseignement religieux de tel type il y a un risque que cette école-là devienne un lieu de ghetto pour certaines religions, et tout ça. J'aimerais vous entendre là-dessus. Qu'est-ce que vous avez à répliquer à cet argument-là de ceux qui disent que la multiconfessionnalité est finalement ouvrir la porte à une ghettoïsation des écoles?

Mme Landry (Élisa): Bien, il me semble, et il nous semble que, pour un risque, une peur, une crainte qu'à un endroit il y ait un problème, il nous apparaît risqué de dire: On va faire ou appliquer une solution uniforme parce qu'à un endroit il y aurait un risque, une crainte, une peur que là il arrive un problème. Nous faisons confiance aux balises et aux règles qui seraient établies par le ministre. Et c'est pour ça que nous croyons beaucoup à un cadre qui pourra être le projet particulier ou un autre cadre. Et nous y tenons qu'il y ait des balises. Et ces balises vont nettement restreindre les écoles à statut, catholiques, protestantes ou autres, mais on veut faire évoluer la situation actuelle vers du neuf.

M. Béchard: Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député d'Outremont, il reste quatre minutes. Si vous voulez donner des réponses plus courtes.

M. Laporte: Merci, Mme la Présidente. J'aurais deux petites questions. La première, c'est que, si je vous ai bien compris, la fonction d'enseignement de la religion, ce n'est pas la transmission de la foi.

Mme Landry (Élisa): Vous m'avez bien comprise.

M. Laporte: Bon. Mais je ne suis pas tout à fait clair sur la fonction d'enseignement religieux. Si ce n'est pas la transmission de la foi, c'est quoi? C'est la transmission d'un rapport à la transcendance? Qu'est-ce que c'est, la fonction de l'enseignement de la religion, à vos yeux, n'est-ce pas? Ça, c'est ma première question.

Et la deuxième question, c'est sur les propos que vous avez tenus sur les activités cultuelles. Parce que vous nous avez dit: L'école n'a pas pour fonction de former des croyants, donc on ne devrait pas y tenir d'activités qui soient cultuelles ou de rite. Mais il y a des états limites là-dedans. Qu'est-ce qu'on fait avec les écoles juives, par exemple, où la séparation entre ce qui est cultuel et enseignement de la religion est loin d'être aussi marquée que ça peut l'être dans le cas de l'enseignement catholique, par exemple? Vous comprenez ma question?

Mme Landry (Élisa): Je vois bien votre question. Je vais d'abord répondre à votre première question au niveau du rapport à la foi. Pour nous, on ne fera pas de distinction, puisqu'on parle d'enseignement religieux ou confessionnel ouvert à d'autres confessions. Donc, le cours d'enseignement religieux propose une manière d'être humain à partir de convictions, propose une façon différente, fait appel à la vie intérieure, propose un univers qui est centré, je dirais, autour de croyances, sans inviter les personnes à du prosélytisme, à, je dirais, devoir confesser leurs croyances, à être respectueux. Il aide aussi à l'intégration de valeurs, et des valeurs qui peuvent être larges à différentes confessions; je pense à la religion catholique qui est sûrement centrée autour de la personne de Jésus, mais, si c'est une autre confession, ce seront des valeurs qui seront centrées autour d'autres personnes. Mais, lorsqu'elle seront proposées, elles devront être respectueuses des élèves qui sont présents dans ce cours.

M. Laporte: On a eu ici, en commission parlementaire, un témoignage qui nous a été présenté par la directrice du Département d'études religieuses de l'Université Concordia, qui allait tout à fait dans ce sens. C'est-à-dire que, pour elle, la religion n'a pas pour effet de former des prosélytes, n'est-ce pas. Au contraire, ça peut avoir pour effet de former des gens qui sont pleins d'amour pour les autres, qui sont pleins de respect pour les autres, qui sont pleins de tolérance pour les autres. Mais il y a toujours le problème des minorités là-dedans, c'est-à-dire que l'enfant qui est d'une religion minoritaire ne se retrouvera-t-il pas avec un problème d'estime de soi dans une école où, vous l'avez mentionné tantôt, il pourrait être exposé à un enseignement de tradition chrétienne mais sans que les chrétiens soient aussi exposés à un enseignement qui soit celui des ses propres traditions natives? Qu'est-ce qu'on fait dans le cas de ces enfants-là, du point de vue de leur développement personnel?

Mme Landry (Élisa): De leur développement personnel et de leurs propres traditions.

M. Laporte: Oui.

Mme Landry (Élisa): Il m'apparaît important qu'il y ait des aménagements de créés, il est vrai, pour ne pas que les élèves soient exclus. C'est sûr que, actuellement, lorsqu'il y a un cours d'enseignement religieux, plusieurs élèves s'y inscrivent probablement parce que les parents, au lieu de les envoyer en enseignement moral, puisqu'ils n'ont pas le cours d'enseignement religieux de leur confession, choisissent cet enseignement-là. Nous, nous proposons de l'élargir d'une certaine façon. C'est sûr qu'on ne peut pas dire présentement et on ne veut pas proposer que toutes les religions aient leur place à l'école, puisque ce serait administrativement non gérable. Nous souhaitons élargir au plus grand nombre possible, mais en élargissant au plus grand nombre possible, ce n'est pas encore tout le monde. Et c'est pour ça qu'on propose que, ceux qui ne seraient pas présents là et à cause de leurs convictions, il puisse y avoir quelque chose qui leur soit offert, soit à partir du service d'animation commun, que ces élèves-là retrouvent une activité qui ne les pénaliserait pas parce qu'ils ne se sentent pas rejoints par l'activité religieuse de leur confession. Bien sûr...

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, merci, Mme Landry. Malheureusement, le temps est terminé.

Mme Landry (Élisa): Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, on vous remercie beaucoup de votre présentation. Nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 20)

(Reprise à 16 h 24)

La Présidente (Mme Bélanger): La commission reprend ses travaux. Alors, je demanderais à l'Institut catholique de Montréal de bien vouloir prendre place à l'avant. Je demanderais au porte-parole de bien vouloir s'identifier et de présenter les personnes qui l'accompagnent. J'aimerais peut-être faire une petite remarque: si c'était possible que les réponses soient un petit peu moins longues, parce que j'ai plusieurs députés qui demandent la parole et, étant donné que le temps est limité, bien, on manque de temps pour poser des questions.


Institut catholique de Montréal (ICM)

M. Robichaud (Émile): Nous essaierons d'être disciplinés, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Je vous remercie. Alors, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire qui sera suivi d'échanges entre les parlementaires pour 40 minutes.

M. Robichaud (Émile): Merci, Mme la Présidente. Donc, Mme la Présidente, la commission, Mmes et MM. les députés, M. Laporte, député d'Outremont, puisque c'est dans ce comté que nous avons le plaisir de vivre, d'abord je voudrais vous présenter des membres de la Fondation et de l'Institut. Je ferai tantôt les distinctions. Donc, je vous présente, à ma gauche, Mme Thérèse Baron, présidente de la Fondation des Amis de l'Institut catholique de Montréal, Mme Thérèse Bozic, qui est la directrice générale de la Fondation des Amis de l'Institut catholique de Montréal, et Mme Louise Trahan, la directrice des études et de l'enseignement à l'ICM. Mon nom est Émile Robichaud. Après avoir fait une longue carrière dans l'éducation, secteur public, je suis maintenant le directeur général de l'Institut catholique de Montréal.

Je me permettrai, Mme la Présidente, très rapidement, de parcourir avec vous ce document qui est court et qui dit bien, je pense, ce qu'il a à dire, d'abord vous présenter l'Institut catholique de Montréal dont, vous l'avez vu, la devise est La joie d'apprendre, la passion d'enseigner .

Fondé en 1978 par le cardinal Paul Grégoire, l'Institut catholique de Montréal a ouvert ses portes le 3 septembre 1985. Notre Institut s'inscrit dans la grande tradition des instituts catholiques de France. Il y en a cinq en France, instituts catholiques: Paris, Lyon, Angers, Lille et Toulouse. Paris, entre autres, compte plus de 15 000 étudiants. Il faut dire qu'il existe depuis 115 ans; nous avons bonne espérance, dans 115 ans, d'être au même niveau.

L'ICM offre à tous ceux et celles qui rêvent d'écoles plus marquées par l'esprit communautaire, par l'entraide, par l'attention aux autres un milieu de formation professionnelle de grande qualité au sein duquel ils peuvent aussi vivre dans le quotidien leur idéal et apprendre ainsi à le recréer dans les écoles où ils oeuvreront plus tard. Le projet de l'ICM se résume en quelques mots: nourrir la joie d'apprendre pour que les maîtres que nous formons aient la passion d'enseigner.

L'Institut accueille aussi les étudiantes et les étudiants d'autres confessions religieuses qui acceptent de respecter son caractère propre. L'Université de Montréal et l'Institut ont signé une entente à l'effet que les étudiants admis et inscrits à l'Université de Montréal dans le programme du Baccalauréat en éducation préscolaire et primaire peuvent s'inscrire à l'Institut catholique de Montréal pour se préparer à l'enseignement dans toutes les écoles primaires. C'est donc dire que nos étudiants reçoivent à la fin de leurs études un Baccalauréat en éducation préscolaire et en enseignement primaire de l'Université de Montréal.

Maintenant, la Fondation des Amis de l'Institut catholique de Montréal. Même s'il offre la moitié des cours du programme universitaire du Baccalauréat en éducation préscolaire et enseignement primaire, l'ICM ne reçoit aucune subvention gouvernementale. Une fondation, la Fondation des Amis de l'Institut, assume tous les coûts de cette formation universitaire. La généreuse contribution des Amis de l'ICM constitue donc un précieux apport à l'éducation québécoise, un apport qui pourrait être encore plus grand si l'Institut pouvait accepter autant de candidats qu'il aimerait le faire.

Nous en arrivons maintenant au coeur de notre rapport, de notre mémoire. Tout d'abord, deux citations qui nous mettent en appétit. La première, du rapport Proulx: «Cette option délaisse la voie de la socialisation aux identités verticales, autrement dit, celles qui nous rattachent à nos racines familiales ou communautaires.» Et une citation d'Alain Finkielkraut que vous connaissez bien, dans son dernier livre, L'ingratitude , qui dit ceci: «L'homme sans nombril est un droit-de-l'hommiste déchaîné mais un citoyen détestable.»

Notre première considération porte sur la rupture du contrat social. Les sociétés civilisées, pour assurer leur cohésion, ne peuvent s'en remettre aux seules lois et chartes. Elles se doivent de respecter le contrat social souvent implicite mais fondamental au sens propre du terme, celui qui fonde leur existence parce qu'il en constitue le fondement, l'assise même. La loi qui créait en 1964 le ministère de l'Éducation contenait l'important attendu suivant, et je cite: «Attendu que les parents ont le droit de choisir des institutions qui, selon leurs convictions, assurent le mieux le respect des droits de leurs enfants.» C'était un aspect important du contrat social.

La Charte québécoise des droits et libertés de la personne, adoptée par l'Assemblée nationale du Québec le 27 juin 1975, affirmait, à l'article 41, et je cite: «Les parents ou les personnes qui en tiennent lieu ont le droit d'exiger que, dans les établissements d'enseignement publics, leurs enfants reçoivent un enseignement religieux ou moral conforme à leurs convictions, dans le cadre des programmes prévus par la loi.»

(16 h 30)

Le rapport Proulx, en favorisant l'enseignement culturel des religions et en souhaitant la modification de l'article 41 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne rompt ce contrat social et remet en question les droits historiques d'une majorité de Québécois, droits historiques qui ont, depuis la fondation de la Nouvelle-France et surtout depuis la Conquête, assuré la sauvegarde et l'épanouissement du peuple québécois. En effet, la solution envisagée par le rapport Proulx, aux dires même de ses auteurs, délaisse la voie de la socialisation aux identités verticales, autrement dit celles qui nous rattachent à nos racines familiales ou communautaires. En revanche, elle favorise celle des idées horizontales, c'est-à-dire celles qui façonnent les idéaux partagés en commun.

Le rapport Proulx, pour en arriver à cette proposition, donne de la Charte des droits de la personne une interprétation que nous ne partageons pas. Nous croyons en effet, comme M. Pierre Gaudet, de la Faculté de théologie de Laval, qu'il y a des courants de pensée qui critiquent l'application que l'on fait des chartes comme étant liées à une conception universaliste et abstraite du droit, qui ignore les situations concrètes et historiques des communautés. Nous nous inscrivons donc dans ces courants de pensée qui contestent cette approche universaliste et abstraite. M. Gaudet ajoute fort pertinemment: «Les jeunes d'aujourd'hui n'ont-ils pas besoin de découvrir leur propre enracinement, tant sur le plan de l'histoire du Québec que sur celui de leurs traditions religieuses?»

Ici, c'est un aspect important de notre mémoire. En effet, si l'on n'y prend garde, l'État des droits risque de compromettre l'avenir et l'existence même de l'État de droit. Le Québec moderne acceptera-t-il de devenir ce qu'Alain Finkielkraut appelle une république procédurale et post-tribale de purs citoyens.

La grande majorité des Québécois ont accepté l'amendement apporté en décembre 1997 à l'article 93 de la Constitution de 1867 parce qu'ils avaient compris que cet amendement ne touchait que les structures administratives, contrairement, remarquez bien, à ce qu'il y avait bien d'inscrit dans le rapport des états généraux, où on disait: Il faudra régler en même temps le statut et des structures et des écoles. Or, il semble bien que ceux qui auraient dû les éclairer se sont tus. En effet, cet amendement à l'article 93 ne faisait que rendre légalement possible le voeu exprimé dans le rapport final de la Commission des états généraux en 1996, donc plus d'un an avant l'amendement 93: «Il nous semble donc que le gouvernement du Québec doit emprunter la démarche qui permette de régler en même temps le cas du statut confessionnel des commissions scolaires et celui des écoles.» C'était un extrait du rapport final de la Commission des états généraux.

En demandant l'amendement en question, le gouvernement du Québec se donne donc les moyens de déconfessionnaliser tout le système d'éducation et donc de déconfessionnaliser les écoles. Le rapport Proulx s'inscrit dans la même lignée et veut donner à l'État québécois les moyens de mener à terme une entreprise dont les Québécois ignoraient l'ultime objectif. Il serait pour le moins paradoxal que, dans la foulée du rapport Proulx, on retire aux majorités catholiques et protestantes des droits que leur reconnaissait la Charte canadienne des droits, à l'article 29, et que ces deux majorités ont perdus à la suite d'une demande d'amendement présentée par leur propre gouvernement.

La première recommandation du rapport Proulx, dont tout le reste découle, montre bien ce que nous appelons poliment un paradoxe. Et nous citons ici le rapport Proulx: «Nous recommandons que le gouvernement du Québec et l'Assemblée nationale confirment la primauté qu'ils accordent au droit à l'égalité de tous et à la liberté de conscience et de religion garantis par la Charte des droits et libertés de la personne du Québec et la Charte canadienne des droits et libertés et, en conséquence, qu'ils ne reconduisent pas ou abrogent les clauses dérogatoires à ces droits et libertés qui font actuellement partie des lois sur l'éducation.» Ainsi donc, des clauses qui respectaient intégralement ces deux chartes jusqu'à ce qu'on amende 93 sont devenues du jour au lendemain dérogatoires. C'est presque une insulte à l'intelligence des Québécois que d'oser ainsi invoquer contre les voeux de la majorité une situation créée de toute pièce par ceux-là mêmes qui l'exploitent aujourd'hui à leur profit.

Maintenant, comment s'en sortir? Nous proposons une solution respectueuse de la majorité des écoles: des écoles libres, entre guillemets, dans un réseau diversifié. La solution Proulx est inacceptable. C'est, pour reprendre l'expression de M. Louis O'Neill, «la technique de la coupe à blanc. On veut, ajoute-t-il, une société égalitaire où il ne reste que les souches dont on fera une étude méticuleuse dans un cours de culture religieuse – ce qu'on appelle l'enseignement culturel des religions. C'est un projet de société qui fait penser à un cimetière entretenu avec soin».

Le Québec mérite mieux que cela. Nous proposons donc que le Québec s'inspire de la solution française et parte d'où la France laïque et républicaine est rendue et non d'où elle est partie, c'est-à-dire: Nous proposons de faire l'économie des querelles laïcardes du XIXe siècle français.

La loi française du 31 décembre 1959, dite loi Debré, se lit comme suit – et je me plais à faire remarquer qu'il s'agit bien d'un État laïque et républicain: «Dans les établissements privés qui ont passé un des contrats prévus ci-dessous, l'enseignement placé sous le régime du contrat est soumis au contrôle de l'État – comme on le fait ici au Québec d'ailleurs pour l'enseignement privé. L'établissement – et ceci est important – tout en conservant son caractère propre, doit donner cet enseignement dans le respect total de la liberté de conscience. Tous les enfants, sans distinction d'origine, d'opinions ou de croyances, y ont accès.»

Il faudrait souligner ici qu'il y a actuellement dans ces écoles dites libres françaises de 18 % à 20 % des jeunes Français qui s'y retrouvent, ce qui est considérable. Cette école, subventionnée à près de 90 % par l'État – et je me plais à répéter laïque et républicain français – accepte donc les enfants «sans distinction d'origine, d'opinions ou de croyances». C'est en fait le statut actuel des écoles du Québec, c'est-à-dire celui d'une confessionnalité ouverte, à ceci près que cette loi rend possible l'existence d'écoles cohérentes. Tous les enfants sont les bienvenus, mais leurs parents et eux-mêmes s'engagent à respecter le caractère propre de l'école. Entendons-nous bien, ce statut d'école libre – c'est-à-dire, il est libre de se donner un statut, si vous me permettez le jeu de mots – ne serait jamais imposé à qui que ce soit. Nous souhaitons tout simplement qu'existe la possibilité pour les parents qui le désirent de choisir pour leurs enfants une école qui, selon leurs convictions, assure le mieux le respect des droits de leurs enfants et de le faire autant – et nous insistons là-dessus – au secteur public qu'au secteur privé.

Il serait en effet démocratiquement inacceptable que le choix d'une école qui répond aux attentes d'un bon nombre de parents ne puisse se faire qu'au secteur privé. Nous préconisons donc le respect de la diversité des formules. Certaines écoles offriront seulement l'enseignement culturel des religions si c'est le voeu de la majorité des parents. D'autres iront plus loin en offrant l'enseignement religieux et l'animation pastorale sans statut particulier pour l'école. D'autres, enfin, se donneront un caractère propre qui pourrait être protestant, musulman, catholique, juif, et ce, à l'intérieur du réseau public d'éducation. Nous aimons beaucoup les mots «caractère propre» parce qu'il semble que le mot «statut» fasse souvent problème, alors que peut-être, si on parlait du caractère propre, ça éviterait beaucoup de querelles liés à des mots.

Nous croyons, avec M. Louis O'Neill, que ceux qui croient à la valeur du message chrétien ne demandent pas l'exclusivité, simplement un espace décent où ils pourront dialoguer en toute liberté avec des jeunes en quête de sens pour leur vie. Il ajoute: «Il devrait y avoir moyen d'obtenir le respect de ces droits sans être obligé de s'engager dans une guerre scolaire.»

Pour aborder le XXIe siècle, les jeunes qui fréquentent nos écoles auront à vivre dans un monde complexe caractérisé par sa diversité. La solution unique préconisée par le rapport Proulx rendra impossible l'apprentissage du pluralisme de la société québécoise, puisqu'elle exige au départ, la neutralité absolue: c'est une solution abstraite contraire à la complexité de la vie. Solution dangereuse aussi parce qu'elle refuse l'essentiel de l'identité québécoise nourrie par deux racines: la langue et la religion.

(16 h 40)

Le Québec se doit d'être aussi sage et prudent que les arbres, dont un sage a écrit: «Ils ont assez de conscience biologique pour savoir qu'il ne faut pas couper le contact avec ses racines pour survivre.» Que nous le voulions ou pas, la religion est une des deux racines du Québec contemporain, et le fait que cette appartenance puisse ne pas nous plaire ne change rien à la réalité historique et sociologique. Entre parenthèses, je pense que c'est ce qui explique ce qu'il y a toujours de mystérieux dans les sondages.

Félix-Antoine Savard nous met en garde: «Les feuilles tombent, mais les racines demeurent. Et meurt la tête quand meurent les racines. Il est bien difficile de faire l'histoire des racines, il est beaucoup plus simple de les renier. Mais alors, que devient la tête?» L'effroyable taux de suicide chez les jeunes dont est affligé le Québec devrait nous donner à réfléchir. «Et meurt la tête quand meurent les racines», disait le poète. Nos jeunes ont donc besoin que la société les aide à s'enraciner, à donner un sens à leur vie plutôt que de faire le vide autour d'eux. Le rapport Proulx nous offre un bel édifice abstrait et cohérent dans sa rationalité, mais il ne tient pas compte des vraies exigences de la liberté, assises même de l'avenir de toute société.

L'ethnologue Lévi-Strauss, un des plus grands ethnologues de ce siècle, dans un remarquable texte, placé en annexe, a écrit ce qui suit, et je cite: «La liberté véritable ne peut avoir qu'un contenu concret: elle est faite d'équilibres entre de petites appartenances ou de menues solidarités. Ce contre quoi les idées théoriques qu'on proclame rationnelles s'acharnent; quand elles sont parvenues à leur fin, il ne reste plus qu'à s'entredétruire. Nous observons aujourd'hui le résultat.» Fin de la citation.

Isolé en Amérique, le Québec francophone doit relever le grand défi de l'identité collective. Il n'y parviendra qu'en respectant les «équilibres entre des petites appartenances, de menues solidarités». Lévi-Strauss nous a mis en garde contre «les idées théoriques rationnelles» qui s'acharnent contre ces réalités vivantes. Le rapport Proulx, parce qu'il incarne l'une de ces «idées théoriques rationnelles», nous place en quelque sorte devant l'alternative suivante: respecter les chartes des droits de la personne ou respecter les droits et libertés des personnes vivantes et incarnées qui ont bâti, qui bâtissent et qui bâtiront le Québec. Nous souhaitons que le Québec choisisse la voie de la diversité, celle que la vie a elle-même choisie. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Robichaud. Alors, M. le ministre.

M. Legault: Oui, bien, d'abord je voudrais vous remercier, d'abord M. Robichaud, qui est bien connu dans les milieux de l'éducation, un ex-directeur d'école. Mme Baron, bonjour, merci, Mme Brissette Bozic, M. Bozic et Mme Trahan. Merci pour la présentation de votre mémoire, qui fait que finalement, bon, ça vient un peu nous aider à mieux cerner, entre autres, la formation des futurs maîtres en nous disant comment on peut faire pour le faire finalement dans le respect des personnes des différentes traditions religieuses.

Vous, vous nous dites que vous souhaitez des écoles libres, un peu comme on a en France. C'est ce que vous venez de nous dire, et vous proposez, donc, différents types d'écoles: des écoles sans statut mais aussi des écoles avec ce que vous appelez un caractère propre, donc un caractère propre protestant, un caractère propre musulman, un caractère propre catholique, juif, etc. En France, vous le savez sûrement, les écoles libres sont privées. D'abord, ma première question: Est-ce que vous souhaitez que les écoles confessionnelles au Québec deviennent des écoles privées?

M. Robichaud (Émile): Absolument pas, M. le ministre, ça serait tout à fait contraire à notre pensée. Les écoles françaises libres sont privées mais subventionnées à 90 %, alors c'est, disons, du 9 sur 10 public.

M. Legault: Ici, c'est 60 %, oui.

M. Robichaud (Émile): Oui, c'est ça. Ici, c'est 60 %. C'est semi-public, ici.

M. Legault: C'est ça.

M. Robichaud (Émile): Non, je pense qu'il ne faudrait absolument pas que l'enseignement confessionnel soit lié au fait qu'une école soit privée. Je donnais l'exemple de l'école française parce que je pense que c'est un modus vivendi qu'on a trouvé. En France, on fait la différence, puis je pense qu'elle est intéressante, entre... On dit que toute école est une communauté éducative et que dans les écoles à caractère propre, il y a une communauté chrétienne qui est à l'intérieur de l'école, quand il s'agit de l'école catholique.

Je pense qu'il n'y a rien... De toute façon, cette ouverture d'esprit, c'est ce qui se vit au Québec. Parce que j'en ai fait beaucoup, des rencontres, dans le Québec depuis six mois, je suis allé dans toutes les régions du Québec. Et justement dans un endroit quelqu'un m'a dit: Bien, M. Robichaud, qu'est-ce que vous faite avec l'école suivante: il y a, dans notre école, 50 catholiques, 25 protestants, quatre musulmans, etc.? Et j'ai fait la réponse suivante: Mais comment est-ce que ça fonctionne dans votre école? On m'a dit: Ça fonctionne extrêmement bien. C'est une très belle école. Alors, la question que je me suis posée, c'est: Pourquoi vous voulez changer quelque chose à ça?

C'est évident qu'actuellement les catholiques, à Montréal entre autres, ont accepté dans leurs écoles des gens de différentes appartenances religieuses, sans que ça crée d'éclats. Je pense qu'il serait normal qu'une école publique ait un caractère propre mais dans le sens français du terme. J'insiste bien sur le fait que la loi française Debré dit bien: L'établissement, tout en conservant son caractère propre, doit donner cet enseignement dans le respect total de la liberté de conscience.

Je pense qu'à ce moment-là il est essentiel qu'il y ait... L'exemple que je donne, c'est la fontaine et la source. Dans toutes les écoles du monde – les grandes écoles catholiques du monde – des gens de toute appartenance religieuse y envoient leurs enfants. La fontaine est belle. Les gens ne connaissent pas toujours la source. Mais ça serait naïf par ailleurs de penser que l'eau de la fontaine va rester belle longtemps si on coupe la source.

Alors, je pense que le caractère propre de ces écoles, qu'elles soient catholiques, protestantes ou juives, bien, c'est des écoles qui ont une source, ce qui n'empêche pas les autres gens d'y venir. Chez les catholiques en tout cas vous savez très bien que l'accueil a été très grand. Donc, l'école peut avoir un caractère propre et en fait elle peut faire bénéficier les autres de cette cohérence qui la fait vivre.

La religion n'a pas que des effets négatifs. Au contraire, je pense que, s'il y a dans cette école une source solide, les autres pourront en profiter. D'ailleurs, dans les autres écoles du monde – catholiques – où des gens d'autres religions viennent, c'est pour ça qu'ils y viennent, parce qu'il y a une source.

M. Legault: D'abord, M. Robichaud, je vous ferais remarquer qu'en France il n'y a pas de charte des droits et libertés et puis que la liberté de conscience et de religion n'est pas protégée comme au Québec. Mais mettons ça de côté, là. J'aimerais ça, vous entendre...

M. Robichaud (Émile): C'est donc dommage. Ha, ha, ha!

M. Legault: J'aimerais ça, vous entendre sur...

M. Robichaud (Émile): C'est donc dommage qu'on mette ça de côté. Ha, ha, ha!

M. Legault: ...quelle est la différence, selon vous, entre une école qui a un caractère propre et une école confessionnelle qui a un statut confessionnel. C'est quoi, les différences que vous voyez, juste pour que je comprenne votre concept?

M. Robichaud (Émile): Bien, c'est ça. Une école qui a un caractère propre, c'est une école confessionnelle.

M. Legault: Donc, c'est la même chose. C'est juste un changement de terminologie.

M. Robichaud (Émile): Oui, mais c'est important parfois de changer des termes parce que les gens s'accrochent. Le danger, c'est que, par exemple, les gens peuvent penser, quand on parle de statut... Il y a au statut quelque chose qui est très rigide. On dit: Bien, si ça a un statut catholique, c'est évident qu'on va... on nous dit presque qu'on va demander un billet de confession pour admettre les enfants.

M. Legault: D'accord. Mais il n'y a pas de différence, là, c'est juste un changement d'appellation.

M. Robichaud (Émile): Non. C'est un caractère propre parce que ça avait comme caractère d'être catholique. Ça peut être juif, ça peut être... Mes collègues tantôt parlaient d'une école à caractère particulier. Bon, voilà.

M. Legault: D'accord. Et selon vous est-ce qu'on devrait avoir des écoles laïques pour ceux qui le désirent?

M. Robichaud (Émile): Sans l'ombre d'un doute. C'est l'essentiel de notre pensée.

M. Legault: Et vous pensez que ça serait praticable?

M. Robichaud (Émile): Sûrement, sûrement. Il y a Montréal, il y a l'extérieur de Montréal. Maintenant, il faut faire attention quand on parle de Montréal. Montréal, ce n'est pas la ville qu'on pense. Il est évident que, si on rencontre des gens dans l'est de Montréal, si on rencontre des gens dans Outremont, si on rencontre des gens dans différents quartiers de la ville, c'est très homogène, la ville.

Moi, j'ai été pendant 18 ans directeur de l'école Louis-Riel, et ce que je peux vous dire, c'est que, quand les minorités nous ont fait un reproche confessionnel, elles ont toujours fait un reproche dans le sens que ce n'était pas assez confessionnel. Donc, il ne faut pas partir du principe que le fait qu'une école soit catholique ça va nécessairement créer des problèmes et éloigner les minorités, au contraire.

M. Legault: Mais dans le système que vous proposez, comment et par qui serait déterminé le type d'école, à savoir est-ce que c'est une école sans statut, une école à caractère propre? Comment se ferait le choix et par qui?

M. Robichaud (Émile): Le choix se fait par les structures actuellement existantes. Dans une école de quartier, ça se ferait par les gens qui fréquentent cette école, par les parents des élèves qui fréquentent l'école.

M. Legault: Donc, par le conseil d'établissement à majorité simple? Comment vous voyez ça?

M. Robichaud (Émile): Ah bien, ça, vous savez ce que c'est que les problèmes de majorité. Il va falloir...

M. Legault: Ha, ha, ha!

M. Robichaud (Émile): Ha, ha, ha! Ce n'est jamais possible. Ça, il y a des choses qu'il faudra étudier. Mais dans mon esprit il y aura une décision à prendre. On pourra l'encadrer, on pourra prendre les moyens voulus pour qu'elle soit la plus respectueuse possible des gens. Mais, si c'est ce que vous voulez nous faire dire, je vais le dire, je n'ai aucune espèce d'objection à un moment donné à ce que la décision prise par une majorité ne soit pas nécessairement celle que tous les gens de l'école auraient prise. Bien sûr qu'à l'intérieur de l'école il y aura des gens qui sont en minorité et qui ne sont peut-être pas toujours satisfaits du statut en question. Mais ça je vous dirai que ça ne m'effraie pas.

M. Legault: Pourquoi?

(16 h 50)

M. Robichaud (Émile): Ça ne m'effraie pas parce qu'on l'a fait dans d'autres domaines. On nous parle beaucoup dans le rapport Proulx de l'égalité des citoyens. Or, tout le monde sait qu'actuellement les citoyens québécois ne sont pas égaux, déjà. Il est évident que, si je m'appelle Krishna Mourky, que je suis né à Nouvelle-Delhi, et que je viens pour inscrire mon fils à l'école Morton, on me demande d'où je viens. Si à un moment donné je dis que je viens de Nouvelle-Delhi, on me dit que mon fils n'a pas les mêmes droits que M. Watson qui a fait son cours dans le West Island, dont l'enfant peut fréquenter l'école anglaise.

Donc, déjà, au Québec, les citoyens ne sont pas égaux. Les citoyens n'ont pas les mêmes droits, et ça, je pense que c'est très bien. Je pense qu'heureusement on l'a fait. Mme Beaudoin le soulignait avant-hier, si on n'avait pas pris ces mesures-là, la majorité francophone ne serait presque plus une majorité. Donc, on n'avait pas le choix. Voici un cas où on a pris une décision.

Beaucoup de gens nous disent: La religion, la langue, ce n'est pas la même chose. Mais, moi, je pense qu'un jour ou l'autre il va falloir honnêtement reconnaître que la majorité a aussi des droits, que les droits historiques aussi existent et que je ne pense pas qu'Émile Robichaud s'amenant au Koweit s'attende à trouver au Koweit une école où on va... je ne convaincrai sûrement pas les gens de l'école du Koweit de renoncer à leur statut d'école musulmane pour que mon fils catholique ne soit pas malheureux dans cette école-là. Je suppose que les musulmans qui viennent ici sont aussi intelligents que moi et qu'ils vont accepter la même chose. Je suppose ça.

M. Legault: Maintenant, vous dites dans votre mémoire que la solution unique qui est préconisée par le rapport Proulx va rendre impossible l'apprentissage du pluralisme. Qu'est-ce que vous voulez dire par là? À quelle recommandation du rapport Proulx vous pensez lorsque vous dites ça?

M. Robichaud (Émile): Je pense à son idée de n'avoir qu'un seul type d'école. Je pense qu'il faut que les enfants apprennent qu'il existe différentes façons d'organiser les écoles, qu'il existe différents caractères propres. Alors, il faut que les enfants vivent de cette façon-là, comme, nous, nous l'avons fait d'ailleurs. Je pense qu'il ne faut pas dramatiser ce côté-là. Moi, j'ai vécu dans une grande école polyvalente de milieu urbain et j'ai appris ... une chose: chacune des écoles ne peut pas respecter tous les droits et toutes les différences. C'est impossible. Si on fait ça, si on en arrive à faire ça, on ne respecte plus rien parce qu'il n'existe plus rien; ça va être une moyenne épouvantable. Vous savez ce que c'est qu'une moyenne? On a un pied dans l'eau bouillante, un pied dans l'eau gelée et on est moyennement confortable. Mais il reste qu'on gèle d'un côté et on brûle de l'autre. Alors, je pense que le danger de ces moyennes-là, monsieur, c'est ça.

M. Legault: On va laisser l'eau froide, l'eau chaude. On parle de l'apprentissage du pluralisme. Comment la solution que vous proposez pourrait favoriser l'apprentissage du pluralisme, puisque, selon votre proposition, les élèves seraient séparés selon le type d'école ou selon le choix de cours? Je parle juste de l'apprentissage du pluralisme.

M. Robichaud (Émile): Les élèves, dans la société québécoise, dans la société montréalaise, apprendraient qu'il y a des enfants musulmans dans leur école musulmane, qu'il y a donc des musulmans qui ont leur type d'école, qu'il y a des catholiques qui ont leur type d'école, qu'il y a des juifs qui ont leur type d'école et que ces gens-là vivent très heureux dans la société, comme on fait à Montréal d'ailleurs. On vit très heureux ensemble. Alors, la diversité, c'est d'apprendre que, la diversité, ce n'est pas le fait de faire disparaître toutes les différences, la diversité, c'est le fait de pouvoir vivre dans les différences. Je pense que c'est cela qui est essentiel.

M. Legault: Mais, à ce moment-là, le dialogue entre les communautés se ferait à quel endroit?

M. Robichaud (Émile): Il se fait très bien. Il se fait actuellement très bien. Je pense qu'il n'y a pas de problème à Montréal avec les gens. Sauf que, au nom de la cohésion sociale, on va créer des problèmes énormes. Vous savez que le vice-président de l'Association des écoles juives, M. Pfeiffer, a bien dit que jamais on ne parlera du Christ dans aucune école juive, et il a raison de le dire. Mais ce qu'on est en train de faire, on est en train de soulever des problèmes qui n'existaient même pas dans la société québécoise. Au nom du pluralisme, on est en train de faire en sorte que les différences s'affrontent.

Alors, vous avez raison. Vous posiez la question clé. Est-ce qu'une société pluraliste, c'est une société où il y a tellement peu de différences entre les gens qu'ils vivent tous ensemble sans même s'apercevoir qu'ils sont différents les uns des autres ou si c'est une société où des gens apprennent à vivre à l'intérieur d'une façon de vivre, tout en respectant les autres? C'est clair que la question est là. Nous sommes de ceux qui pensons que, si on fait ce que le rapport Proulx fait, c'est-à-dire des identités verticales... Moi, comme Québécois, je serais bien malheureux qu'on décide que ce qui compte maintenant, c'est les identités horizontales au détriment des identités verticales rattachées à l'histoire, à la famille, etc. Je serais bien malheureux de vivre dans un système comme ça.

M. Legault: Je pense que votre position est claire et je vais laisser mon collègue le député de La Prairie poursuivre au niveau des questions.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de La Prairie.

M. Geoffrion: Oui. Merci, Mme la Présidente. Mesdames, messieurs, merci de votre présence. Je pense que vos propos démontrent effectivement que ce n'est pas un débat qui est très, très simple, qu'il y a plusieurs courants de pensée à l'intérieur même des catholiques. Votre mémoire le prouve, le rapport Proulx également. Et je suis étonné de voir que vous êtes finalement aussi en désaccord presque complet avec les recommandations du rapport Proulx. Il y a le Comité catholique du Conseil supérieur qui a déposé son mémoire Renouveler la place de la religion à l'école . Donc, il y a beaucoup de questionnement.

Moi, je voudrais vous entendre sur une partie de votre mémoire. Vous avez insisté même deux fois en disant, bon: Nous proposons que le Québec s'inspire de la solution française et parte d'où la France est rendue. Et vous avez souligné à deux reprises une école laïque et républicaine. Dans le préambule du rapport Proulx, on y lit que finalement tout ce débat-là se fait dans une perspective qui est une perspective de la laïcité ouverte. Si je comprends bien les expressions, et vous allez m'éclairer là-dessus, j'ai presque l'impression finalement que, ce que vous proposez, ça va plus loin que le rapport.

M. Robichaud (Émile): Ce qu'on propose, c'est la confessionnalité ouverte, parce que M. Proulx parle de la...

Une voix: Laïcité.

M. Robichaud (Émile): ...laïcité ouverte. Alors, il y a quelque chose de bizarre dans notre société, on aime ça s'autoflageller, alors à ce moment-là on parle de laïcité ouverte. Moi, je ne vois pas pourquoi, si on parle de laïcité ouverte, on ne parlerait pas de confessionnalité ouverte. Parce que ce que le Québec vit actuellement, dans une ville comme Montréal... Puis, moi-même, remarquez bien, j'ai été 35 ans à la direction d'école; le fameux cas de l'élève qu'on a refusé dans notre école parce que c'était un méchant protestant ou je ne sais pas, en tout cas, moi, je ne l'ai jamais vécu. J'ai dit à la télévision, à maintes reprises: Apportez-moi un cas, j'aimerais avoir un vrai cas d'une vraie personne à qui le directeur a dit: Tu es un méchant protestant, je te refuse. Il ne nous a jamais été apporté.

Je pense que le Québec vit actuellement un cas, un beau cas, de confessionnalité ouverte. Par exemple, quand on me dit: Oui, mais dans telle école de Montréal, une école comme Marie-Favery, par exemple, vous avez 15 religions différentes dans cette école-là réputée catholique, et tous ces gens-là vivent très heureux ensemble, donc je me dis: Avant de détruire ça, examinons ça. Comment ça se fait que ça s'est passé de cette façon-là? C'est que c'était une école à confessionnalité ouverte. Moi, quand j'étais directeur à l'école Louis-Riel, j'avais, chez nous, des élèves bouddhistes, j'avais des élèves protestants, j'avais des témoins de Jéhovah. Tous ces gens-là étaient là. Puis jamais on ne refusait un élève parce qu'il était... Alors, on vivait une confessionnalité ouverte.

Ce que je crains dans notre société, c'est qu'on soit en train de donner, avec le rapport Proulx, une réponse de grande générosité pour soustraire les Québécois d'une épouvantable situation. Puis, quand je regarde l'épouvantable situation, je ne la vois pas. Alors, j'ai l'impression que c'est une réponse énorme à un problème qui n'existe pas. C'est ce que j'ai, moi, après avoir vécu dans ce système-là depuis 42 ans, comme système scolaire. J'ai vécu tous les niveaux de ce système-là. J'ai été cinq ans membre du Conseil supérieur de l'éducation; je n'ai jamais vu là cette espèce de fermeture qu'on veut nous imputer. Je n'ai jamais vu non plus dans une école... parce qu'il y avait trois bouddhistes à l'école Louis-Riel, je ne les ai jamais sentis malheureux non plus, jamais.

Je pense qu'on aurait intérêt à se dire: Est-ce qu'on veut remplacer... Moi, je pose la question contraire: Une confessionnalité ouverte par une laïcité fermée? Bon. Parce que, là, on nous parle de laïcité ouverte contre une confessionnalité fermée. Moi, je dis non, ce n'est pas ça, mon diagnostic. Mon diagnostic, c'est: on veut remplacer une confessionnalité ouverte par une laïcité fermée, et je n'accepte pas ça. Parce que je n'accepte pas qu'on nous impute à nous, les Québécois, des attitudes pareilles, que je n'ai jamais connues dans mon milieu. Puis par respect pour mes collègues puis par respect pour les Québécois, je me dis: On n'est pas comme ça, on est capable de s'organiser nos problèmes sans blesser qui que ce soit. La preuve, c'est que c'est ce qui existe dans nos écoles actuellement.

La Présidente (Mme Charest): M. le député de La Prairie.

M. Geoffrion: Oui, c'est parce que, bon...

La Présidente (Mme Charest): Rapidement, il vous reste à peine trois minutes.

M. Geoffrion: Vous avez étudié... Bon, votre Institut existe depuis une vingtaine d'années. Vous êtes des gens qui connaissez le sens des mots; vous citez des sociologues, des philosophes européens, français, donc on sent très bien que vous avez une bonne prise sur ce sujet-là. Là, j'ai un blanc de mémoire. Ça va. Je vais passer. J'ai vraiment...

La Présidente (Mme Charest): Vous avez perdu votre idée.

M. Geoffrion: Oui.

La Présidente (Mme Charest): Bien, écoutez, si ça revient on pourra peut-être voir.

M. Geoffrion: Oui, c'est ça, merci. Je m'excuse, là.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le député de La Prairie. Maintenant, je passerais la parole au critique de l'opposition, le député de Kamouraska-Témiscouata.

(17 heures)

M. Béchard: Merci, Mme la Présidente. D'abord, M. Robichaud, bienvenue, ainsi que Mme Baron, Mme Bozic, M. Bozic et Mme Trahan. Je vous dirais que votre mémoire apporte un atout, ou un plus philosophique, aux échanges que nous avons depuis quelques jours. Vous avez une vision, je vous dirais, de la société et de son évolution et de la définition de l'identité collective qui vient carrément, dans la conclusion, en contradiction avec un autre groupe qui prétend avoir exactement les mêmes choses, et je vais faire le lien.

Vous mentionnez, à votre mémoire, à la page 8: «Isolé en Amérique, le Québec francophone doit relever le grand défi de l'identité collective: il n'y parviendra qu'en respectant les équilibres entre de petites appartenances, de menues solidarités.» Je pense que tout ça est à la base de votre approche. Hier, nous avons reçu le Mouvement national des Québécois qui, lui, dit se donner comme but, dans le respect des différences, de contribuer au développement de l'identité québécoise commune et de favoriser l'intégration de toutes les personnes et de tous les groupes à une même société pluraliste et démocratique ayant le français comme langue nationale.

Il y a, je dirais, quand on entend la défense de chacune des argumentations... Dans l'approche que vous préconisez, d'ouverture, vous choisissez l'ouverture et la définition de l'identité par la reconnaissance, je dirais, de la multiplicité et de l'évolution de la société québécoise. Dans cet aspect-là, est-ce que vous croyez qu'il peut y avoir dans votre approche un peu ce que le Mouvement national des Québécois nous a dit hier: c'est qu'à force de vouloir reconnaître tout le monde on en perd notre identité nationale?

Est-ce qu'il y a une façon, pour vous, de répondre à ces arguments-là, de répondre au fait qu'il y a certains groupes qui ont peur qu'en ouvrant trop, en reconnaissant trop de multiplicité ou de multiconfessionnalité, on en vienne, comme me soufflait à l'oreille, la présidente, à perdre notre latin mais aussi à perdre de notre identité? Qu'est-ce que vous répondez à ces gens-là?

M. Robichaud (Émile): Quand l'Union soviétique s'est effondrée, on a constaté une chose, M. le député, on a constaté que, dans les pays de l'ancienne Union soviétique qui avaient gardé une identité nourrie par autre chose que le stalinisme ou le collectivisme, ces pays-là avaient survécu. C'est le cas de la Pologne, par exemple. Donc, je pense qu'il serait un peu court de penser que, si on veut bâtir l'homo quebecensis comme on a bâti l'homo sovieticus, on va arriver à faire quelque chose.

Je pense que les gens de ma génération ont appris, pas à notre détriment à nous, mais au détriment de nos contemporains d'autres pays, ce que c'était que ces projets de société où on décide, à la base et à l'école, de prendre les moyens voulus pour bâtir le citoyen idéal, l'homo sovieticus. C'est un rêve extraordinaire, l'homo sovieticus. Dans toute l'URSS, jusqu'en 1989, pensaient les gens, il y avait un seul type de citoyen, c'était l'homme soviétique, c'était de toute beauté, et un seul type d'école justement que madame a vu. Mais, quand le mur s'est effondré – et on voit aujourd'hui, les nouvelles en sont remplies, des Tchétchènes, tout ça, ça saute à un moment donné – on se rend compte que ce n'était pas vrai.

Alors, moi, je me méfie, je me méfierai toujours de toute solution qui veut nous faire croire que, si à l'origine on forme les citoyens selon un modèle que l'État décide, on va réussir à faire des collectivités fortes. Je pense, M. le député, que jamais on fera des collectivités fortes de cette façon-là. Ce que Finkielkraut disait: La grandeur de la France, ce n'est pas sa culture, c'est l'importance que la culture a chez elle. Je pense que la force de la collectivité québécoise, ce sera toujours cette capacité qu'elle a toujours eue d'accepter les gens qui viennent chez nous, mais de faire en sorte qu'ils deviennent des Québécois. Ça, je pense que c'est extrêmement important. Et ce serait infiniment triste qu'on oblige des gens...

Je vous donne un petit exemple, monsieur. On a appris à nos étudiants, à l'Institut catholique, ceci: Si vous voulez donner de l'importance à vos étudiants dans votre classe, faites l'inventaire au début de l'année de tous les types d'origine de vos étudiants et, au cours de l'année, dans les textes de français, soumettez-leur, pour étudier, des textes qui sont des traductions françaises de grands auteurs de leur pays. Vous n'avez pas idée des conséquences que ça a quand le petit Japonais revient chez lui en disant à son père: Tu sais, à l'école aujourd'hui, en français, on a étudié un très beau texte d'un auteur japonais. C'est comme ça qu'on va valoriser les gens. Ce n'est pas en essayant de faire oublier leur origine qu'on va faire une collectivité forte, c'est en se nourrissant de l'origine de ces gens-là, de tout ce qu'ils nous apportent, si on y croit.

M. Béchard: Oui, merci. J'aimerais vous entendre aussi sur le lien que vous faites entre la question du statut comme tel de l'école, le statut confessionnel ou le type d'école, et l'enseignement qui est à l'intérieur. Pour vous, ce sont deux éléments qui ont un lien fondamental et qui sont reliés de très près.

M. Robichaud (Émile): Oui.

M. Béchard: Est-ce qu'on pourrait penser avoir un système où, sur la question des structures comme telles, on pourrait déconfessionnaliser les structures ou enlever le statut comme tel, mais garder à l'intérieur une ouverture à la multiconfessionnalité? Selon vous, cette approche-là, le fait de faire vraiment, je dirais, la suite de la déconfessionnalisation des commissions scolaires au niveau de ce qu'il y a de structures tout en conservant l'enseignement comme tel, le contenu, est-ce que c'est un défi qui peut être relevé? Et, sinon, quels sont les risques d'aller dans cette voie-là?

M. Robichaud (Émile): Puisque ce n'est pas le premier scandale que je vais faire, je vais en faire un autre.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Robichaud (Émile): La vie m'a appris, M. le député, que les gens qui ont les moyens, peu importe comment ça s'appelle, finissent par donner à leurs enfants des écoles qui ont un statut. Je ne voudrais absolument pas qu'un jour au Québec, pour pouvoir avoir une école à statut confessionnel, il faille avoir des sous. S'il fallait qu'un jour il faille être riche pour fréquenter une école qui vive selon l'idéal que le Christ nous a tracé, s'il fallait être riche pour le faire, ça ne serait pas un beau succès.

Moi, je pense que, de toute façon, on n'évitera jamais les écoles à statut. Mais ne soyons pas hypocrites, les gens qui en ont les moyens finissent par donner des statuts à leurs écoles. Moi, je me dis: Soyons honnêtes et faisons en sorte que les gens du secteur public, pour qui j'ai toujours oeuvré, aient un véritable choix à faire et que ça leur soit offert. Ces gens-là n'ont pas les moyens qu'on a, nous, de nous défendre, ils n'ont pas les moyens que beaucoup d'entre nous ont eus de mettre leurs enfants dans des écoles privées. On disait de l'école Louis-Riel, et j'en étais fier, que c'était l'école privée du secteur public. On refusait chez nous 400 élèves par année. Jamais, M. le député, pour entrer à l'école Louis-Riel, il n'y a eu un seul examen d'admission basé sur la valeur intellectuelle des enfants, c'était ouvert vraiment à tout le monde.

Je pense que de dire qu'on va faire des écoles sans statut, ce serait de tromper les gens. Peut-être qu'officiellement il n'y en aura pas, mais les gens finiront par se donner des statuts, quels qu'ils soient, ne serait-ce que l'école qui a comme statut de réunir les enfants des gens qui ont les moyens de se donner une école. Alors, ça, il faut éviter ça. Je pense qu'il faut jouer franc jeu. Si au Québec il n'y a personne qui se donne un statut d'école catholique, bien il n'y en aura pas, c'est aussi clair que ça, mais, s'il y a des gens qui veulent s'en donner, s'il y en a deux, s'il y en a trois, s'il y en a quatre, il y en aura trois ou quatre. Mais ne lions pas l'accès à une école cohérente à la fortune des gens.

M. Béchard: Quand il est question du statut comme tel, et de l'application, et de la reconnaissance, et de la mise en place de l'ouverture à la multiconfessionnalité, il y a des gens qui – et vous avez sans doute entendu ma question tantôt, mais c'est parce qu'on se la fait souvent poser aussi – disent qu'il y a des craintes de ghettoïsation. On nous dit: À partir du moment où on commence à reconnaître d'autres religions, à ouvrir à la multiconfessionnalité, bien là il y a des risques qu'on se retrouve dans des écoles qui vont devenir des minighettos, où on va attirer les gens dans certaines écoles parce qu'on y fait un enseignement religieux x au lieu d'un tel autre. Bon. Est-ce que vous avez réfléchi sur cette question-là? Quelles sont vos premières remarques là-dessus?

M. Robichaud (Émile): Ah! j'ai beaucoup réfléchi. J'ai beaucoup réfléchi. Ha, ha, ha!

M. Béchard: Je n'ai pas dit que vous n'aviez pas réfléchi. Avez-vous réfléchi, entre autres, sur cette question-là? Ha, ha, ha!

M. Robichaud (Émile): Ah! Oui, oui, entre autres. Oui, oui, j'ai beaucoup réfléchi à cette question-là. Je taquine toujours d'ailleurs mes amis de la CEQ en disant que le seul vrai ghetto qu'il y a au Québec, c'est la CEQ, puisque, si on n'est pas membre de la CEQ, on ne peut enseigner dans aucune école du Québec. Donc, à ce moment-là, le mot «ghetto», je ne l'aime pas, parce que c'est drôle qu'on appelle toujours «ghetto» des choses que... C'est une espèce d'accusation qu'on lance contre les autres.

Moi, je ne vois pas pourquoi... Je parlais du cas des écoles juives tantôt. Les Juifs nous ont dit, avec raison, que jamais il ne serait question du Christ dans leur école puis jamais... Il serait odieux d'aller dire à un Juif que son école rabbinique est un ghetto. Je pense que, ça, ça serait le comble, au moins, de l'indélicatesse. Alors, je ne vois pas pourquoi, si ce n'est pas un ghetto chez les Juifs, ce serait un ghetto chez nous.

(17 h 10)

Deuxièmement, moi, je me dis: Ça va bien, actuellement. Moi, j'ai fait le tour du Québec, ou à peu près. Que ça soit à Sainte-Croix-de-Lotbinière, à Montréal, à Granby, moi, je peux vous dire une chose, c'est que les gens se demandent pourquoi on veut mettre la hache dans des choses qui fonctionnent bien. Ça, c'est clair. À Granby, il y a deux semaines, il y avait 250 jeunes couples entre 30 et 45 ans qui étaient là et qui m'ont dit ceci – ça va vous faire sourire: Bien, M. Robichaud, pourquoi vous ne publiez pas un rapport Caldwell-Robichaud? Là, ça serait clair. Et j'ai dit: On va le faire. Je vous l'annonce, on va le faire. On va faire un rapport. Et, si les gens nous demandent: Qui vous a mandatés? bien on va répondre: Le peuple nous a mandatés. Bon. Il ne sera pas long, il va avoir 30 pages, puis tout le monde va être capable de le lire, ce qui est déjà quelque chose d'assez remarquable.

Mais je pense qu'il faut arrêter de se culpabiliser puis de s'autofouetter comme ça. Pourquoi est-ce que nos écoles seraient des ghettos? Hein? Pourquoi, parce que notre école est catholique, elle serait un ghetto puis pourquoi est-ce que l'école des musulmans n'en est pas un? Parce qu'on n'oserait jamais dire à un musulman que son école est un ghetto. On aurait peur d'avoir une... sur le dos puis de se ramasser vous savez où. Bon.

Donc, je pense qu'il va falloir qu'on apprenne à se respecter. Et ce que je trouve de détestable dans ce qui nous arrive depuis la publication du rapport Proulx, c'est que je ne me reconnais pas, je ne reconnais aucun de mes enfants et de mes petits-enfants, je ne reconnais aucun de mes maîtres dans la description qu'on nous fait de ce que nous avons été. Je ne nous reconnais pas. Mon grand-père était cultivateur à Saint-Denis de Kamouraska. Il avait fait toutes ses études au séminaire Sainte-Anne-de-la-Pocatière. Et mon grand-père avait un taureau qui s'appelait Astyage-du-sable, fils d'Alix et de Vénus Descoteaux. C'est inscrit dans les livres de généalogie du bétail canadien.

Alors, je pense qu'il est temps qu'on arrête de se culpabiliser. Je pense qu'il faut arrêter ça et qu'on se dise un jour que les Québécois, ce n'est pas vrai qu'on a fait des ghettos. Nos écoles, ce n'est pas des ghettos. Ce n'est pas vrai que notre confessionnalité est fermée. Notre confessionnalité est ouverte. Maintenant, qu'il faille faire des accommodements... Il faut se dire une chose, ces accommodements-là se font déjà. La vie est en train de les faire. Pourquoi est-ce qu'on interviendrait avec nos gros sabots dans des situations qui sont en train de se régler d'elles-mêmes?

M. Béchard: Merci, M. Robichaud. Je vais aller vérifier en fin de semaine chez nous, voir si, dans les états de Saint-Denis, ma paroisse, il y a bel et bien ces données-là. Ha, ha, ha!

M. Robichaud (Émile): Si vous ne les trouvez pas, je vous les apporterai. Oui, oui. Ah! c'est bien sûr.

M. Béchard: On échangera sur le...

M. Robichaud (Émile): Joseph Auguste Robichaud de Saint-Denis-De La Bouteillerie.

M. Béchard: C'est ça, chez nous. Merci.

La Présidente (Mme Charest): Merci. M. le député d'Outremont.

M. Laporte: M. Robichaud, mesdames, monsieur. Vous nous dites que ça va bien, actuellement. Moi, dans mon comté qui est un comté où il y a une hétérogénéité culturelle, ethnique, religieuse très élevée et linguistique, j'ai l'impression que, oui, ça va bien. Mais les prévisions démographiques sont à l'effet que, dans 15 ans, sur l'île de Montréal, on va se retrouver avec à peu près 30 % de la population qui sera d'origine allophone, 22 % qui sera d'origine anglophone et 56 %, ou 57 %, ou 54 % qui sera d'origine francophone.

La question que je vous pose, c'est: À quelles conditions, selon vous, la confessionnalité ouverte dont vous avez nous parlé sera-t-elle en mesure de relever le défi de l'hétérogénéité qui s'en vient, là? Je suis tout à fait de votre avis sur le diagnostic que vous posez sur la situation actuelle, mais à quelles conditions cette confessionnalité ouverte pourra-t-elle relever le défi d'une hétérogénéité sur l'île de Montréal qui, selon les prévisions démographiques les plus conservatrices, sera de beaucoup supérieure à celle qu'on a maintenant?

M. Robichaud (Émile): Benazir Bhutto, qui était la première ministre du Pakistan, à qui on a posé la question, un jour: Où est-ce que vous avez fait vos études? racontait qu'elle avait fait ses études dans une école dirigée par des religieuses anglaises, mais des religieuses irlandaises du XIXe siècle avec toute la rigueur que vous devinez. Et, à ce moment-là, elle disait: Toutes les jeunes filles de la bourgeoisie pakistanaise font leurs études dans cette école des religieuses irlandaises catholiques. Les gens disaient: C'est quand même illogique. Vous êtes musulmane, pourquoi est-ce que vous allez dans une école catholique? Elle a répondu ceci: Nos parents nous disent: Cette école catholique est une école cohérente. Et les gens, les catholiques qui vivent là-dedans sont cohérents. Alors, vous allez aller dans cette école catholique pour apprendre la cohérence. Et, quand vous aurez appris la cohérence, vous passerez ça sur l'islam et vous serez des musulmanes convaincues. Bon. Ce n'étaient quand même pas des imbéciles qui disaient ça, c'est des gens qui savaient de quoi il s'agissait.

M. le député, si on nous permet, pour une fois, de faire de vraies écoles à caractère propre catholique, et cohérentes, je pense que les gens viendront chez nous. Et, plus que ça, je serais encore plus méchant que ça – ça va être la quatrième fois, là – je pense que beaucoup des gens qui s'opposent à nous, qui nous appellent des ghettos, ce qu'ils veulent nous empêcher de faire, c'est des bonnes écoles. Je suis rendu méchant comme ça. Je peux me permettre ça, à mon âge, de dire des choses comme ça, hein? Je pense qu'on a peur qu'on fasse des bonnes écoles. Parce que, qu'on nous permette... Mais de faire des vraies écoles cohérentes, pas des écoles catholiques dont la moitié des professeurs demandent l'exemption – ils ont le droit – pour ne pas enseigner la religion, une école où on enseigne une espèce de religion – permettez l'expression – molasse, où on n'exige rien, où on ne demande rien.

Ce n'est pas ça que je veux, moi. Ce qu'on veut, nous, il n'y en aura pas du tout, d'école catholique, s'il n'y en a pas, mais qu'on nous permette de faire de véritables écoles catholiques dont l'essentiel, ça ne sera pas d'apporter des croyances aux enfants, ça sera d'apporter aux enfants un modèle de vie qui s'appelle Jésus-Christ, qu'on nous permette de le faire. Qu'on arrête de faire nos chicanes de théologiens et qu'on nous permette de donner accès aux enfants... Dans le sens où les évêques français l'ont dit: Exposer et proposer n'est pas imposer. Qu'on nous donne des lieux où on pourra exposer et proposer aux enfants l'idéal évangélique sans leur imposer quoi que ce soit et je vous prie de me croire que, dans 15 ans, ces écoles-là seront remplies des gens dont vous parlez, j'en suis profondément... mais qu'on nous permette de le faire, qu'on nous permette d'avoir des professeurs.

Vous savez, quand je demande à mes amis français: Mais qu'est-ce que ça veut dire que votre histoire de communauté éducative et de communauté chrétienne? ils nous disent: Voici, dans une école catholique française, le professeur qui enseigne là peut être un agnostique, il n'a pas à être croyant. On ne lui demande pas de dire que c'est important d'aller à la messe, mais on lui interdit de dire que c'est niaiseux d'aller à la messe, par exemple.

C'est ça, le problème de nos écoles, M. le député, c'est que, depuis des années, il se fait trop de choses là-dedans. On dit n'importe quoi. La religion, c'est une espèce de fourre-tout. Souvent, on ne sait pas où on s'en va. Bon. Alors, faisons une école cohérente, une école à l'intérieur de laquelle on va respecter ce à quoi on croit, et je pense que dans 15 ans on sera peut-être les gens qui accueilleront le plus de ces allophones qui ne résisteront pas à la qualité qu'on va leur offrir.

La Présidente (Mme Charest): ...M. Laporte, M. le député d'Outremont, excusez.

M. Laporte: L'autre question que je voudrais vous poser, c'est... Moi, une des réserves que j'ai sur le rapport Proulx, c'est que je trouve qu'il accorde à l'école, comme acteur de la cohésion sociale, une importance démesurée. Il y a d'autres facteurs de cohésion sociale dans une société que l'école et d'autres facteurs plus importants. Par exemple, l'égalité socioéconomique est un facteur très important de cohésion sociale, et ça n'a pas beaucoup à voir avec l'école.

Donc, vous, de votre point de vue, qu'est-ce que vous portez comme jugement sur cet aspect du... Vous avez mentionné tantôt le rapport Proulx comme étant une affirmation très forte de la mission de cohésion sociale de l'école. Qu'est-ce que vous avez comme évaluation de cette partie-là du rapport, vous?

La Présidente (Mme Charest): M. Robichaud, rapidement, parce que le temps est déjà écoulé. S'il vous plaît, allez-y.

M. Robichaud (Émile): Je pense, M. le député, que l'école a un rôle fondamental à jouer, parce qu'il ne faut pas non plus sous-estimer son rôle. Elle a un rôle plus important à jouer parce que, à la maison, je ne blâme personne, mais les parents n'ont souvent plus le temps de donner le temps qu'il faudrait. Bon. L'école a un rôle fondamental à jouer. Mais vous avez raison par ailleurs de dire que ce n'est pas l'école seule qui peut former des citoyens. Ça, c'est très important. Parce que, si on retient l'hypothèse qu'il faut qu'au sortir de son école l'élève soit devenu un bon citoyen québécois à 100 % pure laine, là, je pense que là c'est extrêmement dangereux parce que cette école-là n'est plus un lieu de formation, c'est un lieu d'endoctrinement, et ça, c'est extrêmement dangereux.

La Présidente (Mme Charest): Merci. Alors, messieurs et mesdames de l'Institut catholique de Montréal, nous vous remercions pour votre mémoire et pour votre participation.

(17 h 20)

M. Robichaud (Émile): Merci, Mme la Présidente, MM. et Mmes les députés.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Charest): À l'ordre! Nous allons reprendre maintenant les travaux de la commission. J'inviterais le Mouvement des Cursillos francophones à prendre place. S'il vous plaît! Alors, j'invite le Mouvement des Cursillos francophones à prendre place, nous allons reprendre nos discussions.

Alors, nous avons déjà du retard, nous allons procéder. Je demanderais aux représentants du Mouvement des Cursillos francophones de se présenter. Vous avez 20 minutes pour nous présenter votre mémoire.


Mouvement des Cursillos francophones

M. Laurin (Normand): Mme la vice-présidente, les membres de la commission. Nous tenons à vous remercier pour cette invitation et de nous laisser cette chance d'exprimer nos vues sur la place de la religion à l'école.

Alors, le Mouvement des Cursillos est un mouvement de chrétiens et chrétiennes engagés dans leur foi, dans leur milieu. Depuis leur implantation au Québec, plus de 60 000 personnes ont oeuvré dans ce mouvement reconnu par l'Église catholique. Réunis en congrès au campus Notre-Dame-de-Foy ici, à Québec, les 13 et 15 août dernier, les participants, au nombre de 450 personnes de toutes les régions du Québec, ont endossé ce mémoire et ses recommandations qui leur furent présentés.

Alors, il me fait plaisir de vous présenter les membres qui ont formé ce comité: alors, à mon extrême droite, M. Pilette, André Pilette, de Otterburn Park, Mme Julien, Louise Julien, de Québec, de la région de Québec, M. Pierre Métivier de la région de Montréal, à ma gauche, M. Serge Séguin de Granby et ici Mme Pilette, Ginette Pilette, qui est l'épouse de M. Pilette. Et Normand Laurin, membre du Cursillo. Alors, je laisse la parole à M. Pierre Métivier qui va nous présenter, pendant 20 minutes, le mémoire.

La Présidente (Mme Charest): Merci. M. Métivier, s'il vous plaît.

M. Métivier (Pierre): Oui. M. le ministre, Mme la Présidente, mesdames, messieurs. Nous partageons ici avec vous une même préoccupation et un même sujet d'étude. Notre mémoire comporte trois parties et une annexe sur la liberté religieuse à l'école. Il importait tout d'abord de nous donner comme une perspective de fond, un horizon auquel nous pourrions nous référer. Alors, nos premières considérations nous servent ainsi d'appui et d'arrière-plan dans notre examen du rapport Proulx et pour nos propres recommandations. Alors, je ferai de l'une et de l'autre partie une présentation autour d'éléments que nous jugerons plus essentiels pour nos échanges, en vous confiant le soin de compléter par le mémoire lui-même ce qui y sera ici nécessairement partiel et incomplet.

Nos considérations préalables: sur la dimension religieuse de l'être humain, sur l'enseignement religieux à l'école, sur le droit des parents de réclamer un tel enseignement. Qu'il suffise de rappeler brièvement que la dimension religieuse porte notre recherche de sens. Non seulement nous vivons, nous agissons, mais nous cherchons un sens à ce que nous sommes, à ce que nous faisons, à ce qui nous arrive, un sens qui va au-delà du seul présent, qui va au-delà d'un espace de vie. Comme le mystère de nos vies nous échappe dans ce qu'il a d'essentiel, il ne peut être saisi que dans une autre lumière, dans un rapport à ce qui en est l'au-delà.

Comme le soulignait jadis Fernand Dumont, la dimension religieuse nous apporte aussi dans notre vécu un nécessaire recul. Elle permet à l'être humain de se saisir à distance de son présent et des tâches qui l'y enfermeraient. Par là même, elle fait partie d'une formation qu'il jugeait fondamentale.

Cette dimension religieuse ne se développe qu'en passant par une religion. Nous soulignons dans notre mémoire comment la tradition judéo-chrétienne, tout en s'appuyant sur notre dimension religieuse, vient la déployer de manière riche et profonde. Par ses apports exceptionnels sur le sens de Dieu, de la vie et de nous-mêmes, cette tradition fonde non moins le plus bel humanisme. Nous y trouvons un esprit de fraternité, un sens élevé de la dignité humaine, un appel à construire au milieu de nous un royaume d'amour, de justice et de paix.

L'enseignement religieux à l'école. Ce qui fait partie de la condition humaine ne doit-il pas trouver une place dans la formation intégrale de l'être humain et du jeune en particulier? Le développement et la culture de l'esprit ne se limitent pas à des savoirs et à des habilités, ils s'ouvrent non moins aux questions de sens et de valeurs.

Le jeune traverse une période de sa vie où il construit son identité, où il se cherche des raisons de vivre et d'espérer. Il est confronté pour la première fois à des grandes questions, parfois dans un contexte tragique. Ce serait gravement irresponsable de la part de la société de ne pas l'accompagner dans sa recherche, de ne pas dégager pour lui un espace éducatif où ses questions peuvent être portées.

La place de l'enseignement religieux à l'école fait appel à d'autres questions. Par exemple, à qui appartient l'école? Nous reprenons ici la position tenue par Jean-Paul Desbiens et François Caron. Je cite: «De qui l'école est-elle la propriété exclusive? Réponse: De la société. L'école n'appartient ni à l'État, ni aux enseignants, ni aux parents, ni aux Églises. Cela ne veut pas dire qu'ils n'ont rien à y faire. Ils ont à y voir, mais selon des responsabilités composées verticalement et non pas exclusives l'une de l'autre.» Fin de la citation.

Ainsi, d'après les auteurs, l'État est premier responsable de la répartition des ressources financières; les enseignants sont premiers responsables de la pédagogie; les parents, premiers responsables de ce qui a trait à l'instruction religieuse et à la formation morale de leurs enfants; les Églises, premières responsables de ce qui a trait au contenu de l'enseignement religieux. Retenons, comme on le voit par ce qui précède, qu'il s'agit de responsabilités composées verticalement et non pas exclusives l'une de l'autre.

Est-ce que la laïcité de l'État s'oppose à l'enseignement religieux? L'école est neutre. En ce sens, l'État est neutre, en ce sens qu'il ne doit pas être lié à aucune religion. Il n'est pas lié non plus à aucune forme d'art, à aucune école de médecine, à aucun type d'industrie. Pourtant, il intervient dans ces domaines et son souci est de le faire avec une certaine justice.

Plus fondamentalement, l'État, tout en étant neutre, est au service de la société, et non l'inverse. La société, elle, n'est pas neutre, indifférenciée, et sa diversité fait sa richesse. Comme société, elle a une physionomie qui lui est propre. Elle est historiquement marquée, culturellement développée. En bon gestionnaire, l'État doit administrer selon les besoins d'une société donnée et de ses gens.

De ce que l'État est neutre et laïque ne découle donc pas que l'école doit l'être, que l'enseignement doit l'être. Il y a des options qui correspondent aux sociétés et à leurs identités, aux besoins des gens qui les composent, aux rapports qui se sont élaborés dans leur histoire.

(17 h 30)

Je rappelle ici le mot de Paul Ricoeur, probablement le plus grand philosophe français contemporain: «Je crois qu'il faudrait avoir, pour aborder les problèmes liés à la laïcité, davantage de sens historique et moins de sens idéologique.»

Le droit naturel et fondamental des parents de choisir pour leurs enfants, c'est un droit naturel, c'est-à-dire fondé sur une nature des choses et non sur une quelconque législation ou décision humaine. Si l'enfant appartient, entre guillemets, à quelqu'un, c'est bien à ses parents. De façon habituelle et normale, il est sous leur responsabilité en tout domaine, celui de l'éducation inclus, tant qu'il n'est pas arrivé à s'appartenir pleinement à lui-même. Ce droit des parents est fondamental. Il existait bien avant l'apparition récente des chartes et il était reconnu dans les faits. Faut-il le rappeler, les chartes ne créent pas les droits naturels et fondamentaux, elles ne font que les reconnaître et les protéger. L'enfant est d'abord un être humain et non un citoyen, le fils ou la fille de ses parents. Par eux, il est situé dans leurs diverses appartenances: humaine, religieuse, sociale, civile. Il vit et se développe dans diverses communautés locales, elles-mêmes englobées dans des communautés plus larges, le tout composant la société dite civile.

L'éducation d'un enfant ne peut donc revenir en premier lieu qu'aux parents. C'est à eux de choisir, d'après leur jugement, ce qui est meilleur pour les leurs et de s'employer à le leur procurer. Leurs possibilités et compétences comme éducateurs ayant des limites de divers ordres, l'école vient prendre la relève. Elle est le fait de communautés et d'appartenances et, finalement, de la société civile elle-même. L'école est ainsi le prolongement de la mission éducative des parents à travers celle des communautés et de la société elle-même.

Le rapport Proulx. Le rapport Proulx propose une école publique, partout neutre et laïque, avec une place faite à un enseignement culturel des religions, un service d'animation à la vie religieuse et spirituelle. Il s'agit là d'un réaménagement radical dans la perspective d'une laïcité dite ouverte. La faiblesse majeure du rapport Proulx, ou son habileté, c'est de nous présenter sa vision et sa solution comme étant pratiquement nécessaires, comme s'imposant en toute objectivité, sans autre choix possible. Il y a bel et bien d'autres manières de voir.

Sur la place de la religion à l'école, le rapport Proulx soutient que l'État doit s'imposer une neutralité égalitaire. Cette neutralité sera finalement de type républicain, au nom de l'égalité fondamentale de tous les citoyens, et, par voie de conséquence, il doit opter pour une école neutre, publique. De tels énoncés supposent que l'État a un rôle et une responsabilité à l'école. Mais quels sont-ils? L'État remplace-t-il les parents et la société civile ou est-il à leur service dans la poursuite de leurs tâches éducatives? Comment penser un réel partenariat avec parents et société civile si, en éducation, on est en présence de «l'État décide tout»? Ne vaudrait-il pas mieux respecter le droit fondamental des parents et favoriser le développement d'une société civile forte et active par son implication en éducation?

Le quasi-monopole que l'État centralisateur exerce en éducation n'a pas toujours été le sien et il pourrait ne pas l'être un jour. Il est d'ailleurs jugé sévèrement. A-t-on interrogé et remis en cause ce monopole? A-t-on vraiment questionné le rôle de l'État en éducation? Ce n'est pas l'État qui éduque, mais ce sont les parents et la société civile qui le font. Son rôle ne serait-il pas celui d'un soutien et d'un support aux parents et à la société civile? Éventuellement, il aurait un rôle de complément. Si l'école est obligatoire, si toute personne a le droit à une instruction publique gratuite, si l'État prélève des fonds à cette intention, il lui revient de fournir le soutien financier et de voir à ce qu'effectivement toute personne puisse recevoir cette instruction et donc qu'il y ait partout des écoles. Et à ces rôles s'ajouterait un rôle de vigilance et, le cas échéant, de rappel pour tout ce qui touche aux valeurs du «vivre ensemble». Un droit de soutien et de complément, un droit de regard, d'intervention ne constituent pas un droit premier tout court, de décision et de réglementation.

Les libertés religieuses et de conscience et le droit à l'égalité. Nous avons ici le noyau dur du rapport Proulx. Il est toutefois bien étonnant que le souci de défendre les libertés religieuses et de conscience nous amène finalement tout au contraire à la suppression de son exercice lui-même. À l'école, le seul enseignement religieux sera un cours culturel des religions obligatoire pour tous. Il est encore très étonnant que l'exercice de la liberté religieuse doive s'accompagner d'un prix à payer. L'enseignement confessionnel ne pourra avoir sa place que dans l'école privée, pour laquelle les parents devront défrayer une part importante de ses coûts. N'est-ce pas introduire une discrimination et un obstacle? Il est à se demander si le droit à l'égalité ne l'emporte pas sur les libertés religieuses et de conscience elles-mêmes, tant il est omniprésent.

Et cela conduit à deux principes. Un principe de paralysie: ou tous, ou personne. C'est ce principe qu'utilise le rapport Proulx: ou bien tous les élèves auront un enseignement religieux conforme à leur religion, ou bien aucun ne l'aura. Et voilà comment le pluralisme est sacrifié. Qu'on nous permette une comparaison, tout simplement une comparaison. Si elle devait être appliquée aux villes, Québec, Montréal, Sherbrooke, Rimouski n'auraient pas le droit d'avoir une université parce que l'État ne peut pas l'offrir à Gaspé, à Mont-Laurier, à Granby. Parlerait-on alors d'un pas en avant, de quelque chose de meilleur pour le Québec? Où tous, ou personne: l'alternative ne s'impose pas. Le bon sens nous dit immédiatement qu'il s'agit là d'une question de nombre et non de discrimination. Et l'autre principe, l'autre règle à laquelle nous sommes conduits par ce principe égalitaire, c'est le principe du commun dénominateur retenu, ce qui conduit à une règle d'insignifiance. Dans sa version faible, le cours culturel des religions ne serait qu'information, on ne ferait que du «surfing» sur les religions. Dans sa formation plus élaborée, il serait réflexion sur le phénomène religieux. Mais, avant d'arriver à cette réflexion, il faut d'abord passer par une appropriation de sa propre culture. On ne remplace pas des cours de langue par un cours général de linguistique.

Cette question des libertés et du droit à l'égalité est complexe. Alors, nous en faisons une annexe assez développée. L'égalité des êtres humains entre eux est celle de leur égale dignité fondamentale. Cette dignité est à ce point importante qu'elle est protégée et promue par un ensemble de droits et libertés. En regard de cet ensemble, l'égalité des êtres humains consiste à être protégé de la même façon, à être soumis aux mêmes exigences et conditions devant la loi, avoir accès aux mêmes biens et services. Quand il s'agit de l'école, le volet impératif est obligatoire. Rien ne doit être imposé qui soit contraire aux convictions. L'autre volet, celui du souhaitable, vise ce qui est possible en fait d'enseignement religieux. Ici, on doit tenir compte de la nature des ressources de l'école. L'école n'étant pas un supermarché ni le lieu d'un préceptorat, il y a toujours la question du nombre, et la question du nombre n'est pas discriminatoire.

Est-ce que le rapport Proulx est la solution attendue? Si on compare par rapport à la déclaration de Mme Pauline Marois en date du 27 mars 1997, c'est un contre-pied. Le groupe de travail s'est enfermé dans une approche juridique. Quand le droit est entendu de manière rigide et serrée, c'est la trappe: rien ne passe, tout le monde est neutre. Et alors, la finalité du droit se détruit elle-même. La finalité du droit, c'est pour permettre aux gens divers de vivre dans un même espace. Et ça conduit à un sorte de paralysie. Sous apparence de progrès, c'est un recul considérable, une approche abstraite dominée par le juridisme. On écarte la voie progressive, la recherche du compromis. Et ce qu'on sacrifie est considérable, l'enseignement religieux confessionnel qui est souhaité par une large majorité de la population, les besoins spirituels des jeunes sont méconnus.

(17 h 40)

Enfin, ce qu'on nous propose est plutôt décevant. Le rapport Proulx ne correspond pas à notre société, il ne l'accompagne pas dans ses attentes en matière d'enseignement religieux. Il lui impose plutôt une vue abstraite qui doit la remodeler. Était-ce là, son mandat? Vouloir que tout devienne laïque et neutre, est-ce que vraiment mieux que de souhaiter que tout demeure catholique ou protestant? N'est-ce pas l'autre extrême à éviter?

La Présidente (Mme Charest): Merci, monsieur. Le temps est maintenant écoulé. Alors, nous allons procéder aux échanges, et, dans un premier temps, je vais demander à M. le ministre de l'Éducation de vous interroger. M. le ministre.

M. Legault: D'abord, M. Métivier, M. Laurin, Mme Julien, M. Pilette, Mme Pilette, M. Séguin, merci beaucoup pour votre mémoire et votre présence ici, à l'Assemblée nationale.

Votre mouvement, évidemment on le sait tous, est très engagé dans la communauté. Vous représentez des gens et des groupes de toutes les régions du Québec. Donc, je pense que c'est un apport précieux ici, à la commission. On voit tout de suite aussi, dans votre mémoire, que vous avez le souci du respect des droits. Votre mémoire est très fouillé. Vous posez de nombreuses questions. Ce qui est clair aussi, c'est que vous êtes, je pense, comme nous, un peu à la recherche d'une voie qui respecte toutes les traditions. Donc, je vous remercie encore une fois pour votre mémoire.

J'ai quelques questions. D'abord, vous nous dites que vous souhaitez que les parents puissent déterminer le statut de l'école. Est-ce qu'il s'agit, à ce moment-là, de tous les parents? Vous nous parlez d'un vote majoritaire. Comment vous voyez cette décision et qu'est-ce qui arrive avec les parents qui ne sont pas majoritaires? Ou qu'est-ce qui arrive avec une école où, par exemple, on aurait trois blocs: un bloc à 35 %, un autre à 35 % puis un troisième aussi à 30 % ou 35 %? Qu'est-ce qui arrive quand il n'y a pas de majorité? Comment ça s'articule en pratique, ce vote majoritaire?

M. Métivier (Pierre): Je pense que, lorsqu'il n'y a pas de majorité très grande, il est préférable pour les parents d'opter pour un statut non confessionnel. D'ailleurs, dans le mémoire que les évêques ont présenté aux états généraux sur l'éducation en 1995, c'était leur solution. Là où le statut pose difficulté, là où le statut empêche une cohésion, bon, il faut simplement aller à une école sans statut confessionnel, quoi. Ce n'est pas une question, vous savez, de majorité. Je pense que, lorsqu'on est sur un territoire où il y a plusieurs confessions de représentées, il ne s'agit pas tout simplement de dire: On est majoritaire, on va l'avoir. Il s'agit que les parents, avec une conscience sociale, avec une conscience des autres, disent: Qu'est-ce que c'est qui est meilleur pas simplement pour nous, mais pour l'ensemble du territoire? Alors, là, je pense que, lorsque éventuellement cette démarche sera faite, les parents seront invités à avoir une conscience sociale et non pas tout simplement défendre leur petit morceau.

M. Legault: Dans la vision que vous avez du futur système scolaire, donc ça serait seulement les parents, si je comprends bien, ça ne serait pas le conseil d'établissement. Donc, le personnel scolaire ne serait pas du tout impliqué dans le choix du statut de l'école. Est-ce que c'est comme ça que je dois bien comprendre?

M. Métivier (Pierre): Il me semble que c'est le droit fondamental des parents. Alors, là-dessus, est-ce que les enseignants ont un droit? Là, moi, je m'en tiens au droit fondamental. Les enfants sont les enfants de quelqu'un, et ce sont les parents qui ont le premier droit.

La Présidente (Mme Charest): Oui, monsieur.

M. Legault: Ça va.

La Présidente (Mme Charest): Vous voulez rajouter quelque chose?

M. Métivier (Pierre): Non, ça va.

M. Legault: Donc, a priori, au nom d'une certaine cohésion à l'intérieur de l'école entre les parents, les élèves, le personnel scolaire, vous ne voyez pas l'utilité, a priori, de consulter le personnel scolaire?

M. Métivier (Pierre): Bien, je pense qu'il peut être consulté, mais finalement je crois que la décision revient aux parents.

M. Legault: Parfait.

M. Métivier (Pierre): Et là je pense qu'il y a des consensus qu'on peut élaborer. Je pense que les Québécois ont le sens du compromis, ce n'est pas des gens extrémistes, et on voit ça encore dans le rapport Léger. Les gens sont quasiment pour tout, mais, quand il s'agit pour eux de choisir, bien, là, ils choisissent. Mais, quand même, ils donnent une ouverture aux autres.

Alors, il me semble que, sur un territoire où il y a plusieurs dénominations, plusieurs confessions de représentées, je pense qu'à ce moment-là les parents, avec une conscience sociale, moi, je les inviterais à aller plutôt vers un statut non confessionnel. Il ne faut pas que le statut soit un obstacle, et c'était déjà dit par les évêques en 1995.

M. Legault: Vous comprenez bien qu'en prenant position pour garder un statut confessionnel à nos écoles au Québec, automatiquement, ça nous amène à utiliser les clauses dérogatoires. Vous êtes d'accord avec ça, je suppose. Vous nous dites d'ailleurs dans votre mémoire que le recours à la clause dérogatoire permet à l'État de se soustraire à certains articles de la Charte, et, je vous cite, «au nom de valeurs supérieures à promouvoir». Qu'est-ce que vous entendez par «valeurs supérieures à promouvoir»? Valeurs qui justifieraient le recours aux clauses dérogatoires?

M. Métivier (Pierre): Les clauses dérogatoires nous permettent, je dirais, de mettre ensemble deux ordres de réalités: vous avez des réalités qui sont plus permanentes, qui sont plus essentielles, qui sont définies par les chartes, et vous avez des réalités qui sont plus contextuelles, plus historiques. Bon. Vous avez deux ordres de pouvoirs: un pouvoir juridique et un pouvoir politique. La clause dérogatoire nous permet de mettre ensemble ces deux types de réalités – essentielles, contextuelles, historiques – mettre ensemble pouvoir juridique et pouvoir politique. Et ce qui est intéressant, c'est que, dans le système juridique lui-même, on fait une place pour le politique. On lui dit: Il peut y avoir des raisons supérieures où, pour, je dirais, telle communauté, à cause de la diversité, à cause de l'histoire, à cause de la culture, il pourrait y avoir une valeur supérieure à promouvoir pour un temps, parce que tout ce qui est contextuel évolue dans le temps. C'est pour ça que les clauses dérogatoires sont pour cinq ans. Je pense que, s'il y a un statut confessionnel, ça ne veut pas dire que la liberté de conscience et la liberté religieuse ne seraient pas protégées.

M. Legault: Mais je reviens sur les valeurs supérieures. Selon vous, à l'école, quelles sont ces valeurs supérieures qu'on doit promouvoir?

M. Métivier (Pierre): Il y a des valeurs sans doute spirituelles, des valeurs d'appropriation de sa tradition. Si vous avez un statut confessionnel, vous avez un projet éducatif qui permet d'aller plus loin dans le sens des valeurs qui sont conformes à ce statut confessionnel.

M. Legault: Et à ce moment-là, est-ce que je dois comprendre que le respect des libertés de conscience et de religion, ça ne fait pas partie de ces valeurs supérieures?

M. Métivier (Pierre): Oui. Une école peut avoir un statut confessionnel et prévoir un enseignement bien sûr confessionnel. Mais il peut y avoir autre chose. Il peut y avoir un enseignement confessionnel pour une autre confession et il y a l'enseignement moral. Voyez-vous, la liberté de conscience et la liberté religieuse ont deux volets. Il y a un volet négatif, un volet obligatoire. Personne n'est obligé à. Personne ne sera obligé, dans le cas d'un statut catholique, à suivre des cours, un enseignement religieux confessionnel catholique. Et l'autre aspect de la liberté de conscience, c'est un aspect positif. On essaie de faire ce qui est possible. Alors, même si l'école a un statut confessionnel, s'il y a un nombre suffisant de protestants, de juifs, oui, il y a un enseignement pour eux aussi.

M. Legault: Donc, si je comprends bien, ce que vous suggérez, vous dites: C'est possible d'avoir une école qui a un statut confessionnel et, en même temps, avoir dans cette école l'enseignement de plusieurs religions?

(17 h 50)

M. Métivier (Pierre): Exact.

M. Legault: Mais est-ce que vous ne pensez pas que c'est un petit peu en contradiction, là, de par son statut confessionnel, une école, bien, tout son projet, toute la vie de l'école est un peu teintée par ce statut? Est-ce que vous ne pensez pas que c'est un peu contradictoire avec l'effet d'avoir des cours d'autres religions que la religion pour laquelle on a un statut à l'école?

M. Métivier (Pierre): Je ne croirais pas, parce que, à l'intérieur d'une confession, on est appelé à une sorte d'ouverture, une sorte, je dirais, de justice pour les autres. Alors, le projet serait teinté, oui. Et là je pense que la question, on peut y répondre par un autre aspect, et vous avez un aspect géographique. Bon. C'est sûr que la région de Montréal, s'il y a un statut confessionnel, ça serait peut-être bon que, proche, il y ait un statut aussi laïque ou un statut non confessionnel. Alors, à l'intérieur d'une grande ville, les distances ne sont pas très longues. Alors, là, je dirais que la liberté de conscience, la liberté religieuse seraient davantage favorisées en disant: Bon, il y a une école particulière à statut confessionnel, mais il y en a une à côté à laquelle vous pouvez aller. Et il y en a une qui est sans statut confessionnel. Alors, le problème se pose différemment en région, si on veut, à l'extérieur de Montréal et de la banlieue de la couronne, mais là vous avez des fortes concentrations qui sont, je dirais, catholiques. Alors, pourquoi, dans un sens, leur interdire un enseignement qui irait un petit peu plus loin tout en offrant la possibilité, si le nombre le suffit, pour d'autres?

La Présidente (Mme Charest): Oui, M. Pilette.

M. Pilette (André): Vous semblez parler du statut avec beaucoup de... Ça a l'air d'être très problématique, cette affaire-là. Puis ça a l'air que, administrativement, vous allez avoir des problèmes. Mais je pense que vous avez écouté tout à l'heure M. Robichaud, puis il a dit: Ce n'est pas important, ça. C'est sûr que c'est important qu'il y ait un statut qui soit déterminé par les parents, mais que... Par exemple, les messieurs qui étaient musulmans, qui envoyaient leurs enfants dans une école catholique en Irlande ou dans ce coin-là pour qu'ils aient une formation sérieuse, ils ont dit: Quand vous reviendrez dans votre pays, bien, là, vous serez musulmans avec toute la cohésion que ça détermine.

Dans une école où il y a plusieurs dénominations, si on vit bien ce qu'on a à vivre, il n'y aura pas d'anticohésion sociale entre les élèves qui vont être là, ils vont être heureux de s'acclimater à ce qui est là. Alors, moi, je ne vois pas de problème majeur, parce que depuis le début de l'après-midi vous posez continuellement cette question-là sur les statuts et les statuts. On les détermine, les statuts, mais on vit, on est là, puis on fait un projet qui a du bon sens, puis les gens, ils vont être heureux. Si ça fait un obstacle tellement grand que, là, vous en faites un problème, c'est un faux problème, à mon sens. Puis j'ai travaillé très longtemps dans les écoles puis je pense bien que ce n'est pas ça qui fait le problème. L'histoire des ghettos qui va revenir tout à l'heure, j'en suis sûr, c'est une question qui va revenir, la déghettoïsation et le reste... Merci.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. Pilette. Mais, vous savez, M. le ministre est ici pour poser des questions. Allez-y. Vous avez quelques commentaires à rajouter?

M. Laurin (Normand): Oui. Pour ajouter à la réponse au ministre, il semble avoir une difficulté de gestion, et les membres de la commission Proulx également voient la difficulté de gestion avec les recommandations qu'on connaît. Mais je crois que c'est de minimiser les capacités de gestion de nos élus, également de nos gens qui travaillent ici, au gouvernement. Je crois qu'on ne doit pas sacrifier les droits des parents de choisir pour leurs enfants à cause d'une difficulté de gestion et je crois que le droit de choisir des parents doit l'emporter sur la difficulté de gestion. Je pense que c'est nous, ensemble, qui devons déterminer le processus et le plan d'action tels que proposés par nous et par plusieurs mémoires.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. Laurin.

M. Legault: Peut-être juste une dernière question et ça va être toujours sur le statut de l'école. Je persiste et je signe. Comment vous voyez la conciliation, finalement, entre le fait de dire qu'on donne un statut confessionnel à une école, un statut musulman, juif, catholique... Disons qu'on prend des écoles à Montréal qui auraient un statut confessionnel et qu'on aurait, dans un quartier, un parent qui souhaiterait ne pas envoyer ses enfants dans une école qui a un statut confessionnel autre que sa propre religion. Comment vous conciliez ça avec l'approche qu'on a développée au Québec, de dire: Les enfants devraient aller à l'école de quartier, c'est-à-dire l'école la plus près de la maison? Comment vous conciliez ça? Peut-être que vous allez me donner la réponse.

Mme Pilette (Ginette): Bien, je pense que surtout dans une région comme à Montréal, si l'enfant ne veut pas avoir d'école à statut, il peut aller dans une autre école, parce que les écoles sont très rapprochées. Ou bien ça, ou bien avoir la possibilité d'un enseignement moral, ou encore, même s'il y a très, très peu d'élèves dans cette école à statut, bien, qu'il aille soit à la bibliothèque ou... s'il n'y a pas un nombre suffisant.

M. Legault: O.K. Mme la Présidente, je vous laisse continuer.

La Présidente (Mme Charest): Alors, merci, M. le ministre. Avant de passer la parole à l'opposition officielle, j'aurais une petite question à vous poser. J'ai lu votre mémoire avec intérêt et je constatais que vous trouvez qu'il serait «irresponsable et même désastreux que l'école, qui se veut éducative, laisse le jeune à lui-même sans vraiment accompagner sa recherche et sa réflexion spirituelle, particulièrement en ce temps de sa vie où son identité est fragile». Vous avez même affirmé que «l'école est le lieu d'une formation la plus intégrale et complète qui soit». À partir de ce constat, je pense qu'il y a plusieurs personnes qui peuvent être d'accord avec vous, dans le sens d'être irresponsable de ne pas accompagner le jeune dans sa recherche spirituelle. Mais, moi, je voudrais savoir: Est-ce que vous pensez à une religion en particulier ou à toutes les religions? Aux jeunes de quelle religion vous faites référence?

M. Métivier (Pierre): Je fais référence à la dimension religieuse. Je ne fais pas référence à une religion en particulier. Je fais référence à la dimension religieuse qui fait partie de la personne humaine. Et, si l'école veut développer d'une façon intégrale la personne humaine, et c'est reconnu par le rapport Proulx, alors, à ce moment-là, il faut se soucier de cette dimension religieuse, cette dimension religieuse qui est porteuse de questions de sens, alors que les jeunes sont un peu déboussolés devant rien. Je pense que, à travers cette dimension religieuse prise en compte et développée dans un enseignement confessionnel, alors, à ce moment-là, ils auront plus de repères pour se situer et pourront commencer à développer ou affermir une identité. Ils ne seront pas devant rien. Mais je ne dis pas que c'est religion catholique, musulmane, protestante, c'est la dimension... Et la dimension religieuse, c'est comme une dimension de langage. On est tous des parlants, on est tous capables de langage, mais cette dimension de langage ne se développe qu'en passant par une langue, et la dimension religieuse, c'est la même chose, c'est une dimension qui ne se développe qu'en passant par. Soi-disant, nous, nous sommes... On a comme deux principes: promotion du pluralisme et, en même temps, souci éducatif. Il n'y a pas une éducation qui se fait dans la neutralité.

La Présidente (Mme Charest): Oui. Par ailleurs, vous n'êtes pas sans savoir que plusieurs prétendent que ce n'est pas à l'école d'accompagner les jeunes et que ça relève beaucoup plus des communautés de foi ou des parents. Alors, j'aimerais ça, vous entendre, rapidement, parce qu'il très peu de temps sur ça, sur ce que je viens d'avancer.

M. Métivier (Pierre): Je dirais que ce n'est pas exclusif. Les parents s'en occupent, les communautés confessionnelles s'en occupent, et aussi l'école, mais ils s'en occupent différemment.

La Présidente (Mme Charest): Mais pourquoi l'école plus que d'autres intervenants? Pourquoi l'école?

M. Métivier (Pierre): Parce que l'école, elle est conçue comme dans le prolongement de la mission éducative des parents.

La Présidente (Mme Charest): Merci. M. le critique de l'opposition officielle et député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Laurin, Mme Julien, M. Métivier, M. Pilette, Mme Pilette et M. Séguin, bienvenue à cette commission parlementaire, et je dirais que je vais être extrêmement gêné de poser une question sur la ghettoïsation; vous m'avez volé mon scoop. Mais je verrai plus tard si ça vaut la peine de la poser.

(18 heures)

J'ai plutôt envie de vous entendre sur un élément qui n'est pas nécessairement approché dans votre mémoire mais qui est sous-tendu à toute la question de la place de la religion à l'école, et le problème se pose autant dans le cas où on irait dans le sens du rapport Proulx que dans le cas où on irait vers une confessionnalité plus ouverte. À partir d'où et quand et comment on détermine ce qu'est une religion, ce droit de cité, qui... Est-ce qu'on se fie... Il y a des gens qui viennent dire: Bon, bien, il y a certaines bases comme les écrits, les choses traditionnelles qu'on entend, mais tout le phénomène des nouvelles religions, des sectes, il y en a qui ont des appréhensions, qui disent: Bien, est-ce que ça veut dire qu'aussitôt qu'il y a 10, 12 parents ou 15 parents qui vont demander un enseignement religieux x puis on n'est pas sûr que c'est vraiment une religion ou pas... Et toute la question se pose aussi dans le cadre de la mise en place d'un éventuel cours de culture des religions, cette même question-là. Quelles sont vos réflexions là-dessus, sur où commence, où se termine et à quel phénomène religieux ont doit accorder ces possibilités-là ou pas?

M. Pilette (André): Je pense que vous vous faites tout un melting pot, là, vous mélangez les sectes...

M. Béchard: Volontairement.

M. Pilette (André): Volontairement?

M. Béchard: Oui, oui. Ha, ha, ha!

M. Pilette (André): O.K. Vous faites un mélange entre les sectes, l'institution religieuse. D'abord, c'est les grandes religions qui devront être acceptées, c'est sur demande, et il faut que ce soit la majorité ou le consensus des parents. Et je pense qu'ici on a prouvé, au Québec, que les parents sont capables de s'entendre puis que ça ne sera pas une chicane à tout finir, cette histoire-là, qu'il n'y a pas un vrai problème là.

M. Béchard: Oui, bien... allez-y, si vous voulez poursuivre.

M. Pilette (André): En plus des grandes religions, des grandes religions mondiales, là, il y a aussi les religions qui ont un magistère auquel on peut se référer. Et ensuite, à l'heure actuelle, bon, il y a des spécialistes qui peuvent vous donner facilement des critères pour distinguer ce qui est religion et ce qui est secte. En général, les sectes nient la liberté. En général, les sectes, c'est un endoctrinement, et les sectes retirent les gens de la société tandis que les grandes religions, les religions mondiales, au fond, lancent les gens dans une société. Alors, là, vous avez des spécialistes qui vous disent à partir de quand, quels sont les critères. Il y a des attitudes qui sont des attitudes de secte, je viens de vous en mentionner une, là: négation de la liberté individuelle, conception très négative du monde, quoi.

M. Béchard: Qui, en bout de ligne, selon vous, aurait le dernier mot sur ces questions-là? On a actuellement les structures, autant au Conseil supérieur de l'éducation qu'au ministère de l'Éducation, confessionnelles, catholiques et protestantes, mais avec cette ouverture-là. Et qui aurait, je dirais, la tâche de voir un peu à cette détermination-là de ce qu'on entend par les religions qui ont droit de cité, et à partir de quel moment, bon, bien, là, c'est peut-être le caractère de secte qui prend plus de place?

Selon vous, est-ce qu'il y aurait lieu de mettre en place ou de trouver quelque part une espèce d'arbitre ou de structure neutre qui, de façon objective, dirait: Bien, écoutez, ce phénomène religieux là ne correspond pas à ce qu'on entend par enseignement religieux? Parce que ça va être une problématique, et d'autant plus dans les prochaines années, qui va venir constamment. Est-ce que, selon vous, il pourrait y avoir quelqu'un quelque part qui aurait ce rôle-là de façon neutre?

M. Métivier (Pierre): Je dirais que la réponse qu'on peut donner aurait comme deux volets. Tout d'abord, il faut faire appel à des spécialistes. Il y a des spécialistes qui disent, là, qu'ils sont capables de tracer la frontière entre religion et secte. Alors, je pense qu'il faut faire appel à eux. Je vous ai donné des critères, mais il y en a d'autres.

Deuxièmement, qui on mettrait là? Bon, on est dans une structure, je dirais, décisionnelle, hein. Mais moi, je me dirais: Oui, il faut des spécialistes qui vont être consultés, et probablement qu'ils vont arriver facilement à un consensus, et, après ça, il y a une instance décisionnelle, et là c'est le ministère de l'Éducation, jusqu'à maintenant, avec le Comité catholique, le Comité protestant ou...

M. Béchard: Il y a des groupes qui ont fait des présentations à date et qui disaient, sur cette question-là, qu'il y a peut-être lieu de remplacer les deux sous-ministres qu'on a actuellement et les structures au Conseil supérieur de l'éducation, à caractère confessionnel, par un comité multiconfessionnel qui pourrait se pencher sur ces questions-là mais qui, en même temps, pourrait voir à l'évolution de la formation, par exemple, des enseignants, des programmes et de ce qui est contenu à l'intérieur. Est-ce que vous croyez que ce type d'organisme là pourrait répondre, s'il est formé de spécialistes, à ces questions-là? Et sous-question: On a eu un groupe hier qui nous a dit qu'eux veulent participer, en tant que groupe religieux, à l'élaboration du programme qui va les concerner. Est-ce que vous croyez que c'est possible de réaliser ça aussi?

M. Métivier (Pierre): Moi, je pense que vous avez une suggestion qui est très bonne, d'élargir les comités, ce qui était catholique et protestant, s'il y a d'autres religions qui peuvent être représentées...

M. Laurin (Normand): Je crois que c'est une question qu'il faut évaluer dans le temps.

M. Métivier (Pierre): Dépendant des besoins.

M. Béchard: Il y a aussi des gens qui sont venus et qui nous ont dit: Bon, peu importe l'approche qu'on prend, il va falloir y aller par étapes. Selon vous, quel est l'échéancier raisonnable qu'on pourrait se donner pour en arriver à cette ouverture-là à la multiconfessionnalité? Parce qu'il faut former les maîtres, il faut former les programmes, il faut un peu réorganiser tout ça. Est-ce que vous avez pensé à un type d'échéancier avec lequel on pourrait vivre et arriver avec des résultats?

M. Métivier (Pierre): Pas particulièrement, mais je pense qu'il y a une première décision qui doit intervenir, qui est, à savoir: Est-ce qu'on accepte une confessionnalité ouverte? Est-ce qu'on va dans ce sens-là? Alors, si la décision intervient, après ça il y a une mise en place, il peut y avoir un délai d'un an, deux ans pour permettre qu'on organise.

M. Béchard: O.K. Il y a aussi des gens qui disent que, dans la possibilité d'avoir une confessionnalité ouverte, on devrait y aller selon l'évolution des étudiants et des enseignements, c'est-à-dire que, oui, pour le primaire, on pourrait y aller avec une ouverture à la multiconfessionnalité, même pour le premier cycle du secondaire, mais cette fois-là avec le choix des étudiants comme tel, et qui se disent, bien, en terminant, au secondaire IV et V: Pourquoi ne pas ramener tout le monde dans une espèce de tronc commun une fois qu'on a vu ce qui nous concerne, ce qui, à ce moment-là, pourrait être le cours de culture des religions? Est-ce que vous croyez qu'une option comme ça mérite d'être analysée ou si, dans le fond, on est mieux d'évacuer ce scénario-là, et tout ça? C'est parce que je regardais un peu les critiques que vous faites sur le cours culturel, à la page 35 de votre mémoire. Ça met un peu de plomb dans l'aile à cette suggestion.

M. Métivier (Pierre): Oui. C'est-à-dire qu'on n'a pas de programme, hein. C'est difficile de juger. Alors, je vous ai dit tout à l'heure qu'on pouvait avoir tout simplement des informations. Ça, c'est la formule simple d'un cours culturel, mais vous pouvez avoir un cours culturel où là on prend position sur le phénomène religieux, et c'est autre chose.

Je reviens à votre question. Il y a deux éléments que j'aimerais vous apporter. Je pense que prochainement, du côté des grandes confessions chrétiennes, du côté des grandes dénominations chrétiennes, on pourra s'en aller vers un cours confessionnel oecuménique. On a déjà une Bible oecuménique, on a des facultés de théologie qui sont oecuméniques, pourquoi il n'y aurait pas une expérimentation d'un cours confessionnel oecuménique offert pour les chrétiens des grandes dénominations? Ça veut dire catholiques, anglicans, ça veut dire luthériens, ça veut dire Église réformée, ça veut dire orthodoxes. Je pense qu'on s'en va vers ça. Or, ça, c'est peut-être un élément qui simplifierait, une espèce de cours confessionnel mais à coloration oecuménique. On n'est pas si loin que ça les uns des autres.

Deuxième réponse que j'aimerais faire à propos de secondaire IV et V. Moi, la suggestion telle qu'à un moment donné je l'ai lue dans les journaux, je pouvais la trouver intéressante de la manière suivante: ce serait bon qu'à un moment donné des catholiques aillent présenter à des musulmans, des musulmans viennent présenter à des catholiques... et une espèce, je dirais, de dialogue, pas tout simplement de dire: On a des connaissances, mais, maintenant – et ça, c'est intéressant – dans un deuxième temps, plutôt le dialogue, mais pas le dialogue en partant de cours culturels, le dialogue interreligieux. Et ça, je verrais ça très bien, IV et V, dialogue interreligieux.

La Présidente (Mme Charest): Il y a M. Pilette qui voulait ajouter quelque chose. Oui, allez-y.

M. Pilette (André): Vous parlez du cours de culture des religions puis vous semblez vouloir même le mettre un petit peu partout au niveau de tout le système scolaire. Moi, je pense que le...

M. Béchard: Non. Juste...

(18 h 10)

La Présidente (Mme Charest): Allez-y, M. Béchard.

M. Béchard: Oui, merci, Mme la Présidente. Pas tout le long du secondaire.

M. Pilette (André): Mais là, vous avez dit IV et V.

M. Béchard: Oui, mais ce n'est pas tout le long, il y a I, II, III avant; c'est juste en secondaire IV et V.

M. Pilette (André): Oui.

M. Béchard: Il y a des gens qui ont dit: Pour terminer l'enseignement religieux, il serait peut-être opportun de terminer par un enseignement plus large et culturel des religions.

La Présidente (Mme Charest): M. Laurin.

M. Laurin (Normand): Ça serait une seconde étape.

M. Béchard: Pardon?

M. Laurin (Normand): Ça serait une seconde étape. Il y aurait l'enseignement religieux et, en quatrième, cinquième secondaire, la culture, une ouverture.

M. Béchard: C'est ça, c'est ça. Exactement.

M. Pilette (André): Je pense que le cours de culture des religions n'est pas un cours d'enseignement religieux. Je vais vous donner un exemple, puis vous allez très bien comprendre. Moi, j'enseigne les mathématiques. Si, pendant un cours de mathématiques, je parle d'histoire des mathématiques, puis c'est beaucoup ça, ils vont sortir de la classe, ils ne sauront pas grand-chose sur comment calculer, puis tout ça. Le cours d'enseignement de culture des religions, c'est un cours d'histoire puis ça n'a pas d'affaire là, à mon sens. Et je pense qu'on devait simplement y toucher un peu à un moment donné pendant le secondaire V, malgré qu'on a eu des gens, des élèves qui ont été tout croches à partir de ce cours-là parce que ça a mal été donné. En tout cas, c'est mon point de vue.

M. Béchard: Merci.

La Présidente (Mme Charest): Merci. M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Oui. Merci, Mme la Présidente. D'abord, j'ai juste un commentaire: Je trouve que vous avez une grande foi dans les spécialistes, n'est-ce pas, pour décider de ce qui est une religion légitime et ce qui n'est pas une religion légitime. Vous prenez le cas du bouddhisme, par exemple, là. Je vais vous trouver 50 spécialistes qui trouvent que c'est une religion, puis je vais vous en trouver 50 qui disent que ça n'en est pas une. Donc, là, on a un problème. Il ne faut pas le nier, là, il y a un problème, un problème de décision de qu'est-ce qui est une religion légitime et qu'est-ce qui n'est pas une religion légitime dans le cadre de l'exercice d'un projet scolaire. Bon, ça, c'est un commentaire que je fais, là.

Moi, ce que je trouve très intéressant dans votre mémoire, c'est que vous, vous affirmez d'entrée de jeu la priorité du droit des parents. Vous dites: C'est un droit naturel, ça prédomine sur les chartes. On pourrait discuter de ça longtemps, là. Et on voit que c'est parce que vous faites cette affirmation-là que vous en arrivez à dire, comme vous l'avez dit, que l'école a une fonction d'enseignement religieux parce que vous dites que l'école est un prolongement, finalement, de la fonction parentale. Quand vous dites: Les parents ont comme mission de transmettre la foi, et puis l'école étant l'extension des parents, il y a aussi cette même mission, la foi ou ce que vous avez appelé le sens ou... Ce n'est pas un préjugé que j'exprime, là. Et vous avez une grande confiance en la capacité des parents d'arriver à des consensus sur les, disons, façons d'agir en matière d'enseignement religieux. Vous avez vraiment une confiance inébranlable dans la capacité des parents d'arriver à des décisions consensuelles. Dans une société qui va être beaucoup plus hétérogène que la société qu'on connaît aujourd'hui – il y a 100 000 musulmans à Montréal, dans 15 ans il y en aura peut-être 150 000, 135 000 – est-ce que vous faites encore confiance à la capacité des parents d'arriver à des consensus dans des situations qui seraient assez différentes de la nôtre maintenant?

M. Métivier (Pierre): Oui. Je peux répondre?

La Présidente (Mme Charest): M. Métivier.

M. Métivier (Pierre): Oui. Je pense que, tout d'abord, les parents ne sont pas seuls, les parents peuvent être éclairés, les parents peuvent être consultés, eux-mêmes peuvent consulter. C'est ça. Ils ne sont pas tout seuls.

Deuxièmement, moi, je dirais, par rapport aux difficultés – il y en a des difficultés – que nous avons peut-être deux stratégies ou deux voies d'approche: une première voie d'approche, c'est de dire: Ça, ça va être très difficile. Oui, ça peut être très difficile dans quelques cas, et on oublie la majorité des cas, des écoles où ce serait relativement facile. Alors, on parle du plus difficile pour dire: Bien – le principe de la paralysie – ce n'est pas possible là, donc ce ne sera pas possible ailleurs. Prenons à l'inverse. Allons où c'est possible, quitte, à ce moment-là, à dire: Il y a peut-être des endroits où ça va être carrément très difficile. Pourquoi, à ce moment-là, ne pas dire: Il y a des exceptions, il y a des exemptions. Moi, je me dis: On est dans des situations complexes, à la fois Montréal et le reste de la province. Je veux dire, si ça marche pour l'ensemble d'un territoire pour une majorité d'écoles, allons-y. Il y a des difficultés, on les réglera l'une après l'autre, et pas mettre le spectre des difficultés puis dire: Il y a des difficultés ici ou là, et donc on va tout raser le reste. Ça m'apparaît qu'il y a deux voies d'approche, là, et je pense qu'il faut y aller du côté d'une voie dans laquelle rentrent une majorité de situations. Et il va y avoir des cas d'exemption, et on fera des exemptions, on réfléchira.

M. Laporte: Mais vous avez dit tantôt que...

La Présidente (Mme Charest): Rapidement, il reste à peine deux minutes.

M. Laporte: ...dans le cas où il n'y aurait pas de décision consensuelle, il n'y aurait pas de statut confessionnel, finalement. En prenant les cas d'exception, il n'y a pas de décision consensuelle du point de vue des parents d'une localité. Là, qu'est-ce qui arrive? Vous dites qu'il n'y a pas de statut confessionnel, et qu'est-ce qui arrive dans cette école-là? Qu'est-ce qui arrive dans cette école-là?

M. Métivier (Pierre): Un statut non confessionnel, quoi. Une école sans statut confessionnel, c'est possible.

M. Laporte: Donc, on fait quoi, l'enseignement culturel de la religion ou l'enseignement moral ou... Qu'est-ce qu'on fait?

M. Métivier (Pierre): Si les parents, même s'il n'y a pas de statut, sont assez nombreux pour demander un enseignement confessionnel, pourquoi pas?

La Présidente (Mme Charest): Alors, je suis désolée, mais ainsi s'achèvent les travaux de la commission. Je remercie, avant de terminer, le Mouvement des Cursillos francophones pour la qualité de leur mémoire et de leur échange.

Et j'ajourne sine die les travaux au jeudi 4 novembre, à 9 h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

(Fin de la séance à 18 h 17)


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