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Version finale

36th Legislature, 1st Session
(March 2, 1999 au March 9, 2001)

Wednesday, March 8, 2000 - Vol. 36 N° 27

Audition des dirigeants d'établissements d'enseignement universitaire dans le cadre de l'examen de leurs rapports annuels


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Table des matières

Auditions


Intervenants
Mme Madeleine Bélanger, présidente
M. Henri-François Gautrin
M. Claude Béchard
M. Claude Cousineau
M. Léandre Dion
M. Jean-François Simard
Mme Solange Charest
M. Serge Geoffrion
*M. Bernard Angers, UQAC
*M. Gilles Bergeron, idem
*M. Ghislain Bourque, idem
*M. Pierre Lapointe, INRS
*M. Dominic Therrien, idem
*Mme Madeleine Gauthier, idem
*Mme Hélène P. Tremblay, idem
*M. Robert Lacroix, UdeM
*M. Luc Vinet, Université McGill
*Mme Ginette Lamontagne, idem
*M. Pierre Bélanger, idem
*M. Morty Yalovsky, idem
*M. Andrew Tischler, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente-six minutes)

La Présidente (Mme Bélanger): Je déclare la séance de la commission de l'éducation ouverte. Le mandat de la commission est d'entendre les dirigeants des établissements d'enseignement de niveau universitaire sur leurs rapports annuels 1997-1998 conformément aux dispositions de la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire.

Est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Dion (Saint-Hyacinthe) remplace Mme Papineau (Prévost) et M. Lamoureux (Anjou) remplace M. Bergman (D'Arcy-McGee).

M. Gautrin: Mme la Présidente, puisque je ne remplace personne, est-ce que je pourrais solliciter de mes collègues leur bienveillance pour pouvoir éventuellement participer aux travaux de cette...

La Présidente (Mme Bélanger): Sûrement.


Auditions

Alors, à l'ordre du jour, l'Université du Québec à Chicoutimi, ce matin, jusqu'à 11 heures; à 11 heures, Institut national de la recherche scientifique; à 12 heures, il y aura la suspension des travaux; pour reprendre à 14 heures, Université de Montréal; et, à 16 heures, Université McGill; pour ajourner à 18 heures.

Alors, je demanderais au porte-parole de bien vouloir s'identifier et d'identifier les personnes qui l'accompagnent. J'aimerais vous dire que vous avez 30 minutes pour faire votre présentation, qui sera suivie d'un échange avec les parlementaires: 30 minutes d'un côté et 30 minutes de l'autre.


Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)

M. Angers (Bernard): Merci, Mme la Présidente. Mon nom est Bernard Angers, je suis recteur de l'Université du Québec à Chicoutimi depuis presque sept ans, sept ans à la fin du mois d'avril. Je suis accompagné à cette table par trois de mes collaborateurs: M. Martin Côté, à ma droite, qui est secrétaire général; Ghislain Bourque, qui est le nouveau vice-recteur à l'enseignement et à la recherche; M. Gilles Bergeron, qui lui aussi est le nouveau vice-recteur à l'administration et aux finances. Et nous avons le privilège évidemment aussi d'avoir trois observateurs dont j'aimerais signaler la présence. Deux représentants de l'association des étudiants AGEUQAC, chez nous: le président, M. Frédéric Dumont, qui est là; il est accompagné d'un vice-président, M. Jean-Pierre Jacques. Et il y a aussi la mémoire institutionnelle, M. Alyre Caron, qui est à notre emploi depuis 1972, du côté de l'enseignement et de la recherche. Voilà pour les présentations.

Aussi, j'ignore comment vous voulez que l'on procède au niveau de la distribution de certains documents, parce qu'il y a certains documents qui vont illustrer nos présentations, puis on aimerait vous les soumettre ou vous les transmettre. À votre convenance.


Documents déposés

La Présidente (Mme Bélanger): Vous pouvez les déposer immédiatement.

M. Angers (Bernard): Parfait. Il y a d'abord une étude sur l'impact de notre institution, qui a été effectuée par M. Bergeron, qui est spécialiste en développement régional; il y a le Bilan de la relance des diplômés ; il y a Portrait de nos alliances ou de nos partenariats . Simplement pour vous indiquer que, contrairement à une prétention soutenue dans certains milieux, nous ne sommes pas complètement des Gaulois, nous sommes ouverts à la réalité évidemment des autres institutions tant québécoises qu'étrangères. Voilà. Merci. Ça fait que c'est des documents de support auxquels je peux faire référence ou sur lesquels vous pouvez évidemment poser des questions, ou sur n'importe quoi.

Mon intention, ce matin, n'est pas très compliquée. Je sais qu'on n'est pas les premiers venus. Vous devez avoir développé certaines habilités à l'égard des universités en en entendant un aussi grand nombre...

Une voix: Merci!

M. Angers (Bernard): Ha, ha, ha! Je présume que vous les aviez au préalable, mais elles se sont affinées, ces habilités. Après quelques observations de départ, j'apprécierais vous parler bien humblement de notre institution, de ce qu'elle est, de son intégration au milieu, et évidemment j'aimerais terminer la présentation à la toute fin par une référence, un cri du coeur, quoi, sur la question générale du financement de nos institutions.

(9 h 40)

Notre institution évidemment existe depuis 30 ans. C'est, quoi, la quatrième ou cinquième fois que nous avons la possibilité de vous en parler. Il est évident que nous aurions souhaité – on sait que ce n'est pas possible – vous recevoir chez nous pour que vous puissiez sentir, et voir, et toucher même notre maison. Et, comme on dit souvent, une image vaut mille mots. Mais on va essayer de vous la traduire ici.

On sait que, pour la plupart d'entre vous, vous connaissez notre milieu, qui est un milieu assez fantastique, le royaume du Saguenay élargi évidemment, qui couvre Sept-Îles et Charlevoix. Il est toujours aussi présomptueux et puis un peu factice d'être obligé de vous parler de nos vertus, mais on va devoir le faire parce que nos concurrents n'ont pas cette caractéristique. Ils n'ont pas pour mission évidemment de signaler nos performances et certaines de nos réalisations, ça fait qu'on se croit tout simplement habilités à vous en parler.

Il est évident que, dans l'état actuel des choses, comme entrée générale, il est de plus en plus difficile pour la direction de l'Université et pour les conseils d'administration d'exercer leurs responsabilités. C'est devenu pas mal plus complexe et, comme je l'indiquais, je terminerai mon exposé en référence à cette situation.

L'UQAC a été créée il y a 31 ans maintenant, avec un certain nombre d'autres entités, par l'Assemblée nationale. Ayant eu la possibilité d'oeuvrer en dehors de l'Université pendant un certain nombre d'années et de retourner dans mon patelin, je suis, en tout cas je me sens habilité à vous dire que, d'après moi – et je le répète presque d'année en année – c'est la plus grande réalisation des gouvernements – au pluriel – au chapitre du développement régional. Les universités oeuvrant en région et l'Université du Québec dans son ensemble, c'est, à mon humble avis, au-delà de tous les programmes qu'on a pu connaître à ce chapitre, la vraie réalisation de l'Assemblée nationale évidemment et des gouvernements au chapitre du développement régional et de la promotion des habitants de ces régions pour le service général de notre société.

Notre institution, elle est née de la volonté des gens du milieu. Elle est partie de quatre institutions préalables: en génie, en commerce, en école normale et en théologie. Elle a été portée par son milieu. Le milieu a créé une fondation et, beau temps, mauvais temps, a supporté son institution et lui a permis de se développer. Notre institution évidemment est très intégrée au milieu dans lequel nous sommes. On aura la possibilité, si vous le jugez à propos, de demander tout à l'heure à M. Bergeron de vous parler un peu de l'étude qu'il a faite de l'impact socioéconomique de notre institution. C'est une institution qui est très intégrée au milieu, qui travaille main dans la main avec les autres institutions d'enseignement, les autres institutions publiques, les entreprises et la communauté régionale. Nos gens sont intégrés – quand je dis «nos gens», c'est notre personnel – à la vie régionale comme ce n'est pas possible.

Le moral présentement à l'intérieur de notre institution, il est très bon. On a des personnels tout à fait remarquables, qui ont consenti à assurer une paix industrielle, entre guillemets, pour les cinq prochaines années. Il nous reste un dossier à résoudre, c'est la question des chargés de cours. Nous avons un beau campus. Nous avons 6 500 étudiants, parce que notre mission, c'est de former des jeunes, des moins jeunes, puis de participer à l'amélioration de notre milieu de vie. À ce jour, nous avons diplômé 31 500 étudiants.

De façon succincte, un peu comme je le disais lors de l'inauguration, il y a à peine une semaine, d'un des joyaux de la recherche chez nous, le givre, j'indiquais que notre Université se considère comme une grande université de dimension modeste, physiquement, mais on ne craint pas la concurrence. Ce qu'on va vous demander, évidemment, c'est d'avoir les moyens d'exercer cette situation.

Au cours de la dernière année... Je vais faire abstraction pour le moment de la situation budgétaire. Il faut vivre. Une institution comme la nôtre, il faut que ça vive. On a des missions à accomplir et on a essayé de les exercer, malgré tout, du mieux possible. Au chapitre de la recherche, évidemment on a eu l'occasion de soumettre et de voir nos projets approuvés tant par le gouvernement du Québec que par la FCI, notamment le givre, notamment des activités du côté de la forêt, du côté de l'étude des populations. Vous avez le document avec vous. Nos projets, dans l'ensemble, ont été acceptés et on continue à maintenir le cap et à animer nos gens pour que le découragement ne s'installe pas dans notre maison. C'est bien important.

En cours d'année, nous avons amorcé aussi une démarche qui s'appelle la préparation d'un schéma directeur ou une tentative d'identifier les lignes directrices pour les cinq prochaines années pour notre institution. Notre plan présent se termine au mois de mai, et l'exercice est commencé tant à l'interne qu'à l'externe. Nous allons faire le tour de la région. Nous allons rencontrer les institutions d'enseignement, nous allons rencontrer les corps publics, les municipalités, nous allons rencontrer les entreprises, tout le monde est invité à dire ce qu'il souhaite pour son institution. Évidemment, il ne faut pas interpréter ça comme un programme général de dépenses; ce n'est pas ça, l'objectif. Mais, indépendamment de la situation actuelle, de nos inquiétudes extrêmement grandes, nous conduisons cette opération le mieux possible.

Au cours de la dernière année, nous avons vu aussi notre clientèle croître légèrement. Nous avons réussi à stabiliser, depuis trois ans, ce déclin en connaissant une croissance raisonnable de nos clientèles.

Présentement, nous conduisons – simplement pour vous montrer l'intégration de notre institution tant dans la région qu'à l'échelle du Québec – une campagne majeure de financement. Elle est en cours et elle devrait se terminer le 30 juin. Nous tentons de lever des fonds pour des montants de 8 000 000 $. La campagne, il lui reste quatre mois, et je vous donnerai, s'il y a des questions, le détail des contributions. Mais ce qu'il faut signaler là-dedans, c'est la foi de nos personnels envers leur institution. Je vous mentionne tout de suite que nos personnels enseignants, nos étudiants, nos personnels de support, nos personnels professionnels et d'encadrement ont contribué à ce jour pour 13 % à la campagne. Ils ont donné plus de 1 000 000 $. Nos étudiants ont été les premiers contributeurs et ils se sont engagés, pour une période de cinq ans, à verser 300 000 $ à la campagne de financement. Par la suite, évidemment nous nous sommes présentés dans nos milieux, nos institutions. La campagne suit son cours, et on devrait atteindre notre objectif à la fin juin, au mois de juillet. Ça a été une occasion, c'est une occasion de constater l'intérêt évidemment et la place importante que notre institution occupe non seulement dans la région, mais à l'échelle du Québec.

Nous avons aussi convenu avec la région ou du moins le territoire de Sept-îles et des environs de règles de fonctionnement pour les cinq prochaines années. Nous avons poursuivi des rapprochements systématiques avec nos cégeps pour définir des passerelles. Et j'indiquais tout à l'heure que nous avons conclu, nous nous sommes assurés d'une paix organisationnelle et industrielle avec nos personnels. Il nous reste évidemment la question des chargés de cours à résoudre. Nous avons poursuivi à travers tout ça une gestion extrêmement serrée de notre maison. Et il est de mon devoir aussi de vous indiquer qu'au chapitre de l'enseignement, nos performances sont là, nous nous classons bien dans les différents concours.

(9 h 50)

Au chapitre de la recherche, nous avons connu une autre année tout à fait exceptionnelle. Nous avons pour plus de 9 000 000 $ de budget affecté à la recherche. Pour une institution de notre dimension, c'est, à mon humble avis, tout à fait remarquable. Et ces revenus et ces dépenses s'effectuent dans le secteur de l'aluminium, de la forêt boréale, des populations, de la géologie, des études régionales, le givre et le verglas – comme vous le savez, c'est une performance tout à fait remarquable là-dedans; elle est neuve, on peut en parler sans blesser nos plus vieux. Et, en sciences de l'éducation, c'est la même chose.

Nous avons poursuivi nos relations avec nos partenaires. Vous allez voir la liste et vous allez constater que notre institution est plus qu'intégrée à son milieu directement régional mais est intégrée à la province et à l'international. International en dehors des frontières canadiennes parce que nous avons des partenariats, si je prends l'exemple du givre, avec Hydro-Québec évidemment, avec Hydro Ontario, avec Hydro Norvège, avec des institutions d'enseignement de la Colombie-Britannique, de la Norvège, de la France. C'est vraiment un consortium de nature internationale. C'est le dernier-né. On en parle de même, mais c'est la même chose du côté de l'aluminium et du côté de Gérard Bouchard dans le secteur de l'étude des populations.

Donc, notre institution, malgré un climat étouffant, pour ne pas dire plus, au chapitre des finances, a continué à maintenir le cap, à protéger son patrimoine de base en enseignement et en recherche puis aussi à tenter d'innover en dépit des contraintes qui sont tout à fait intenables à ce chapitre. On aime ce que l'on fait chez nous. On veut continuer à le faire. On veut former les jeunes et les moins jeunes. Par l'enseignement et la recherche, on veut contribuer à l'amélioration de notre monde et au développement de la région élargie. C'est pour ça qu'on a été créé. On a été créé à ces fins-là, et nous voulons continuer à exercer notre rôle. Et nous n'avons pas l'intention, à ce stade-ci et à un autre stade vraisemblablement, de lâcher prise.

Cependant, il est de notre devoir de vous signaler que plus rien ne va au chapitre des finances, les finances dites d'opération. Comme vous savez, on a deux sources de revenus à ce chapitre: les frais de scolarité et les subsides généraux ou spécifiques qui nous proviennent du ministère de l'Éducation. Bien, les deux sources, au cours des années, ont été, le moins qu'on puisse dire, pas taries, mais ont vu leur débit décroître sur une base continue.

Il faut vous dire que chez nous... Moi, je suis là depuis sept ans; j'arrivais de l'extérieur. Notre institution, pour différentes raisons, avait un déficit. Ça fait que les compressions chez nous, elles ont commencé avant les interventions gouvernementales. Nous avions un déficit de 4 500 000 $. Nous l'avons résorbé, presque. Il nous restait 200 000 $. Par la suite, bien, mon Dieu! les compressions directes et indirectes des gouvernements ont remplacé ce déficit. Nous avons connu, au cours des dernières années, des compressions directes de l'ordre de plus de 20 %, indirectes de plus de 10 %, ce qui fait que, ajoutées au déficit initial évidemment, comme bien d'autres, nous n'avons pas été capables de prendre le dernier «bill». Ce qui fait qu'en dépit de tous les gestes, toutes les mesures que nous avons prises – et j'en ai une liste ici qui est plutôt exhaustive, je vous l'indiquerai – ça ne va plus, ça ne va plus du tout. On prévoit pour la présente année un déficit structurel de l'ordre de 5 700 000 $, probablement 5 800 000 $, qui va se répéter à la hausse d'année en année, au rythme où ça va, à moins évidemment que l'on protège ou que l'on corrige de façon systématique nos bases de financement.

Ici, pour ce qui est de la présentation ou de la technique de la formule de financement, je crois que notre président, Pierre Lucier, qui est ex-sous-ministre de l'Éducation, qui a fort bien connu ça, qui a eu à vivre avec ces formules, vous en a fait une excellente présentation en vous disant que l'Université du Québec a été ou est sous-financée par rapport aux autres institutions, étant financée à la marge du côté des coûts par étudiant. Je n'ai pas de dessin à vous faire là-dessus, la présentation était d'une limpidité incroyable. C'était probablement la meilleure présentation que j'ai eue à date sur les faiblesses historiques d'une formule de financement à l'égard d'un corps constitué qui s'appelle l'Université du Québec dans son ensemble et évidemment chez nous.

Vous n'êtes pas sans savoir que tout ça a eu des effets. Ça s'est traduit évidemment par un nombre moins grand de professeurs réguliers, parce qu'une université ça présume... En tout cas, les universités où on a eu la possibilité d'étudier il y a bien des années avaient un corps professoral qui couvrait 80 %, 85 % des tâches d'enseignement et des activités au sein d'une institution. Or, chez nous, suite à ces différentes contraintes budgétaires et surtout à la formule de financement, bien, mon Dieu! notre corps professoral qui était déjà très faible – pas en qualité, en nombre – a décru, ce qui fait qu'aujourd'hui – puis on a d'excellents chargés de cours, je ne voudrais pas dire que nos gens ne sont pas bons, ils sont excellents; une université, ça prend des gens qui sont là sur une base régulière, qui font de la recherche, qui peuvent exécuter les rôles d'encadrement, qui peuvent exécuter les rôles qui sont prévus à la loi pour le développement régional – ça nous prend des professeurs. Et, mon Dieu! on est à plus de 50 % de notre enseignement qui est donné par les chargés de cours. C'est une situation qui n'a pas de bon sens. Puis je pense que mes collègues et consoeurs vous en ont saisis.

Ce n'est pas nouveau, ce dont on vous parle là. Je voudrais que vous sachiez que, à la demande même du ministre de l'Éducation, nous avons eu la possibilité de le saisir de toutes ces questions en long et en large dans des documents qui lui ont été transmis l'automne dernier et qui identifiaient nommément ces questions. Il est évident qu'une université qui n'a pas un corps professoral régulier, de dimension raisonnable, se pénalise. On pénalise nos étudiants puis on pénalise l'institution et la communauté au chapitre de la recherche, entre autres, parce que généralement les subsides de recherche sont fonction du personnel régulier.

Notre message, ce matin, il est bien simple, c'est que nous n'avons pas l'intention de fermer ni de faire disparaître notre institution ou des pans de mur. Nous n'avons pas l'intention de déstabiliser notre institution. Nous n'avons pas l'intention de l'atrophier. En tout cas, moi, je vous dis que les quelques énergies qu'il me reste, elles vont être consacrées à ça. Pas question de détruire un patrimoine de ce genre chez nous et pour la province de Québec. Il n'en est pas question. Et, moi, à ma manière, je vais essayer d'agir comme rempart. Évidemment qu'on peut contourner, qu'on peut écraser, on peut tout faire ça, mais nous allons défendre notre actif régional. Là, je parle, mais je pourrais vous faire intervenir nombre de personnes de chez nous.

Ce qui fait que, au terme de l'affaire, on est dans un dilemme terrible. Les conseils d'administration, ils ne savent plus sur quel pied danser. Nous, on a des fonctions: il faut enseigner, il faut faire de la recherche, il faut remplacer du personnel, il faut en embaucher. Ça fait que, hier, on a décidé d'en embaucher quelques-uns, c'est notre responsabilité, mais on n'a pas d'argent. On sait qu'on ajoute. C'est un déficit. On engage des dépenses, là, mais on l'a fait parce que notre mission, c'est celle-là. Et, si jamais il y en a qui décident que ce n'est plus cela, bien on les invite à venir expliquer ça à nos populations, que dorénavant l'Université du Québec à Chicoutimi n'exercera plus son rôle de telle ou telle manière. Je peux vous dire que ça pourrait générer, en tout cas, dans des échanges, le moins qu'on puisse dire, des plus courtois. Ils seraient sans doute civilisés.

(10 heures)

Il y a des espoirs à travers tout ça quand même. Le ministre de l'Éducation nous a présenté une politique des universités. Il a reconnu l'existence évidemment d'une réalité fondamentale: l'Université du Québec. C'est écrit dans les statuts, elle est présente partout sur le territoire, il y a des établissements à vocation générale, il y a des écoles spécialisées, c'est un joyau. C'est un joyau, ça. Je le dis puis je pense que mon témoignage a d'autant plus de force que je n'ai pas été élevé là-dedans. C'est fantastique, l'Université du Québec. Je vous le dis! On a des aspirations évidemment autonomistes, un peu tout le monde dans cette boîte-là, puis on essaie de se signaler, mais globalement, quand c'est sérieux, on est tous ensemble. Ça fait qu'on est ensemble dans ce dossier-là.

Nommément, nous autres, comme rôle, on voit notre rôle en matière d'accessibilité puis de promotion régionale dans la politique du ministre de l'Éducation. Ça nous encourage et on est très heureux de ça. On nous reconnaît un rôle à tous les niveaux d'enseignement, y compris la recherche, ce qui est formidable. En tout cas, on reconnaît nos situations de fait. Je présume qu'on nous reconnaîtra la possibilité aussi de développer un certain nombre de choses à travers tout ça. Il y a eu aussi un autre élément encourageant – on n'est pas en mesure de porter de jugement, on n'a rien vu à date, ce qui n'est pas anormal, ce n'est pas nous autres qui menons ça – c'est le Sommet de la jeunesse qui devrait sans doute apporter un baume à tout ça.

Nous, ce qu'on vous dit, le message qu'on veut vous dire, c'est qu'il faut corriger la base de financement de nos institutions; c'est ça qu'il faut corriger. Il faut reconnaître que nos institutions ont le droit de vivre, que nos jeunes puis nos moins jeunes de chez nous ont droit à ça, et qu'on est aussi capables que les gens de Montréal d'enseigner un certain nombre de choses. Comme la gamme, par exemple. Je l'ajoute parce qu'il y en a qui sont scandalisés, ils ont pensé qu'il fallait que ça s'enseigne à Québec ou à Montréal, la gamme. Ça fait que, nous autres, on l'enseigne chez nous, on l'enseigne au niveau d'un Bac en enseignement. On a prévu une option Arts, y compris la musique, et on a fait ça avec le Conservatoire de musique.

Donc, il faut corriger nos bases de financement. Je ne rappellerai pas les propos du président, ils sont d'une limpidité exemplaire; sans doute que sa formation antérieure l'a préparé à ça. Il y a péril en la demeure. C'est très grave, c'est urgent. On n'est pas venus ici comme des quêteux, on vient vous dire que nos gens, chez nous, requièrent, exigent pour l'avenir de la société, notre avenir chez nous, là, ils ont besoin de sommes d'argent nécessaires pour leur permettre de se développer puis surtout d'apporter leur contribution dans cette société. Il est évident que, si on me laissait la possibilité d'illustrer la participation des gens de par chez nous à la vie de notre société, on pourrait en parler longuement. Nos gens performent à peu près partout. Nos premiers finissants, qui n'ont pas encore 50 ans, on les voit se situer au sein d'organismes chez nous d'abord et à l'échelle du Québec. On n'est pas gênés du tout. On performe, on veut performer, puis on n'acceptera pas – là, je vous le dis tout de suite – à partir d'analyses de gens de bureau, de se faire blackbouler. Essentiellement, c'est ça, sans mot dire, entre guillemets, évidemment.

Ça fait que, moi, je voulais vous passer le message qu'il y a urgence d'agir. Il faut corriger nos bases de financement. On va continuer à gérer sainement. Parce que chez nous, là, il y a peut-être une différence. Une autre des différences entre être en région et être dans des grandes agglomérations urbaines, c'est qu'on est imputables. D'abord, tout le monde nous regarde, chez nous, pour toutes sortes de raisons, et chacun nous regarde sous l'angle qui lui sied. Mais on est constamment appelés à expliquer nos gestes de toute nature. Les gens veulent savoir qu'est-ce qu'on fait, pourquoi on le fait. On aurait peut-être pu faire d'autres choses. Quand on est membre d'une famille, là, c'est ça. Notre Université fait partie de la famille du Saguenay–Lac-Saint-Jean, de la Côte-Nord et de Charlevoix et aussi de la grande famille de la société québécoise.

Les mesures de compression, simplement de les lire, là, ça a le don de me tanner. Je vais vous en faire grâce parce que ce n'est pas un état de vie. En tout cas, nous, on a accepté de vivre ça, cet état-là, mais ça ne peut pas durer, ce n'est pas vivable. Notre mission exige que nos intérêts et notre esprit soient tournés vers elle et non pas, par des mesures de toute nature qui ont été faites chez nous comme ailleurs... Vous savez que nos gens ont accepté de couper leur salaire, ce qui n'a pas été fait dans le secteur public, hein. Trompez-vous pas, ça n'a pas été fait. Chez nous, chez mes collègues de l'UQ, nos gens ont accepté des coupures de salaire pendant trois ans, de 2 % à 5 %; ils ont accepté ça. On le leur a expliqué évidemment, puis les gens croient en leur institution. Ils ont fait ça.

Puis on a fait de la réingénierie. On a tout fait ça, ces mosus de patentes-là. Puis on a rationalisé notre banque de cours de façon à faire que plusieurs spécialités pigent à même une banque de cours de façon à introduire un peu la notion des majeures et des mineures dans nos opérations, et bien d'autres encore. Je vous fais grâce de ça, ça a le don littéralement de nous tanner.

Ce qui est plus grave – puis ça, il est de mon devoir de vous le dire – c'est qu'avec ce régime de contraintes là, qui sans doute va finir un de ces bons matins, nous nous sommes privés de sortir, de venir à Québec. On vient à Québec évidemment à l'assemblée des gouverneurs, on vient vous rencontrer à l'Assemblée nationale, ça nous fait plaisir, puis on fait notre devoir en général. Mais je peux vous dire que, dans le secteur de l'éducation... Heureusement qu'on a l'Internet et qu'on a ces systèmes d'information là. Mais il faut se faire voir! Il faut aller voir le monde, il faut rencontrer les gens.

Chez nous, là, pour différentes raisons, d'abord, comme dirait l'autre, ce n'est pas sortable. Puis, quand on va à Montréal, vous savez que c'est le prix d'un voyage à Paris, hein, Montréal-Paris. Je comprends que Montréal, ça vaut Paris, mais c'est ça. Ça fait que, autrement dit, on est à la cenne. Puis il y a une limite à tout ça. Ce qu'on vous dit: Aïe, s'il vous plaît, là! On performe, on va continuer à performer. On n'a pas peur de définir des standards de performance, à condition évidemment qu'ils soient applicables à nos institutions puis qu'ils soient définis aussi par nous-mêmes et non pas dans certaines officines ou dans certains bureaux.

Voilà. Moi, c'est le message que je voulais vous passer ce matin. Je vous remercie de me donner cette possibilité-là. Puis je note avec satisfaction – là, vous allez dire que je ne me mêle pas de mes affaires, ce qui est possible, ça arrive souvent – que la commission parlementaire a évolué au cours des années. Au début, la perception qu'on en avait – qui était sans doute erronée en partie – c'était pour vous assurer que les recteurs et les directeurs des institutions se comportent raisonnablement. Vous avez sans doute constaté finalement, là, que c'est un peu ce qui se passe, et pas mal. Mais vous avez élargi l'affaire, et, moi, ça ne me déplaît pas. Ça ne me déplaît pas, là, que vous acceptiez de nous entendre sur ce que nous sommes, ce que nous voulons être puis ce qu'on ne peut pas être pour différentes raisons. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Angers. Alors, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Peut-être, avant d'aller plus loin, que j'aurais une demande à vous faire, Mme la Présidente. Je ne sais pas s'il y a consentement de l'autre côté pour que M. Bergeron nous fasse peut-être une petite présentation en cinq minutes de l'impact de l'Université dans la région, sans que ce soit pris sur notre temps ou leur temps, puis on répartira le reste du temps après, mais juste pour avoir une idée du document qui nous a été présenté avant qu'on questionne là-dessus. Est-ce que vous êtes d'accord?

La Présidente (Mme Bélanger): Est-ce que vous êtes d'accord?

Une voix: Cinq minutes, oui. Ça va.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, allez-y, M. Bergeron.

M. Bergeron (Gilles): Là-dessus, je pense que notre recteur a bien insisté sur l'importance, sur les liens de solidarité qui existent entre la région et son université, et je partage tout à fait ses propos. Je pense que, dans le fond, l'étude ne fait que l'illustrer avec quelques chiffres. Disons que c'est une étude qui a été réalisée lorsque j'étais professeur au Département de sciences économiques et administratives. Donc, c'est une étude qui a été réalisée plus à titre d'expertise. J'ai fait également ce genre d'étude pour, par exemple, le projet de construction d'une aluminerie à Alma, un projet de 1 000 000 000 $; j'avais également travaillé sur un projet de barrage hydroélectrique sur l'Ashuapmushuan, également sur d'autres projets de nature similaire. Donc, les méthodologies qui ont été appliquées sont des méthodologies classiques dans ce genre d'étude d'impact. Bien sûr, c'est adapté au milieu universitaire.

Ce qu'il est important de constater dans un premier temps, c'est de voir l'importance des universités en région sur l'emploi et sur les revenus qui sont générés par ces activités. C'est un impact classique de toute forme d'activité, mais c'est bon de le signaler ici. Alors, simplement, pour une région comme la nôtre, pour une année-type, que j'ai prise en 1997-1998 parce que j'avais l'information – c'est relativement stable à travers le temps – ça veut dire 1 633 emplois directs et indirects et donc des revenus également de 58 600 000 $ qui sont générés sur une base annuelle dans une région comme la nôtre. Je pense que chacune des universités en région a un impact positif sur l'emploi et sur l'activité économique dans cette région.

(10 h 10)

Ce qui est quand même plus important pour nous, c'est de voir comment les universités en région, et la nôtre de façon spécifique, permettent une plus grande accessibilité à l'enseignement supérieur pour la population des régions. Cette accessibilité, elle est bonifiée de deux façons. D'abord, elle permet à des étudiants qui pourraient être mobiles mais qui étudient en région de faire des économies significatives. Chez nous, sur une base annuelle, je les ai estimées à autour de 5 000 000 $, donc des économies qui permettent à des étudiants qui n'auraient pas nécessairement les moyens de s'endetter d'avoir accès à des études supérieures.

Ce qui est important, c'est de voir aussi que les universités en région permettent à des gens qui sont aptes à un emploi à plein temps de poursuivre des études supérieures que ce soit au niveau du baccalauréat et maintenant de plus en plus au niveau de la maîtrise. Alors, on a estimé chez nous qu'il y en avait 1 797, donc près du tiers de nos étudiants qui travaillent à temps complet et qui poursuivent des études au niveau universitaire. Bien sûr, si ces gens-là voulaient poursuivre des études universitaires à l'extérieur, ils devraient quitter leur emploi, ce qui est un frein important sur le plan de l'accessibilité. Donc, le tiers de nos étudiants ont accès aux études supérieures grâce à la présence d'universités en région.

Troisième type d'impact qui est probablement le plus important, c'est que les universités en région, et l'UQAC de façon plus spécifique, ça permet d'avoir accès à l'économie du savoir et d'y participer de deux façons. Première façon, ça permet de diffuser les connaissances dans le tissu régional, et une économie du savoir exige que les connaissances soient diffusées de plus en plus rapidement dans le tissu régional, dans les organisations, dans les entreprises. On observe chez nous, sur le plan de nos finissants, que 91 % trouvent un emploi après leurs études. De ce 91 %, 75 % trouvent un emploi au niveau des organisations de la région. Donc, tous ceux qui se préoccupent de faire en sorte que les entreprises, les organisations de la région aient accès à des ressources humaines qualifiées doivent s'intéresser au sort des universités en région. Bien sûr, tous ceux qui se préoccupent aussi de l'exode des jeunes peuvent constater que ceux qui étudient en région, de par les liens qu'ils tissent à travers les stages, à travers les communications qu'ils établissent, ça leur permet aussi de trouver un emploi plus facilement au niveau du milieu régional et donc de s'installer dans la région et de constituer une ressource humaine d'avenir.

Deuxième type d'insertion, bien sûr, c'est que les universités en région permettent non seulement de diffuser le savoir, mais permettent de créer un nouveau savoir adapté de façon plus spécifique aux besoins des régions, compte tenu des créneaux d'excellence qui sont établis à l'intérieur des universités de la région. Les problématiques de recherche, les financements, les suivis, les échanges de ressources se font avec des organisations de la région. À ce moment-là, ça permet de développer un savoir qui se diffuse beaucoup plus rapidement dans les organisations régionales et ça permet aux régions de devenir des centres d'innovation. Et vous savez comme moi que l'avenir du Québec et de ses régions passe par une capacité d'innover, et je pense qu'un financement adéquat des universités en région est un élément essentiel pour leur permettre de participer pleinement à l'économie du savoir. C'est un peu ce que nous révèlent les chiffres de cette étude.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Bergeron. Vous avez dépassé un petit peu le cinq minutes, mais pas tellement. Alors, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Donc, on va reprendre. M. Angers, M. Bourque, M. Bergeron, M. Côté, bienvenue, ainsi que les gens qui vous accompagnent: M. Dumont, M. Jacques et M. Caron. D'abord, je vous dirais, au niveau de l'étude de l'impact de l'université en région, ça vient confirmer un petit peu sur certains points des éléments qui ont été apportés par certains de vos prédécesseurs. Là, c'est chiffré selon une certaine méthode, et mon collègue me signalait qu'il avait déjà des questions là-dessus.

Je vais y aller du côté du financement. Quand vous parlez, M. Angers, de l'urgence du financement, vous l'amenez à deux points. D'abord, vous parlez de la situation actuelle, qu'il y a un besoin, un manque à gagner, des déficits, et tout ça, mais, de l'autre aussi, vous soulignez une urgence sur la méthode comme telle, sur les bases de financement, qui est à revoir. Et ce que j'ai cru percevoir de vous, c'est que cette révision-là des méthodes de financement, des bases de financement, était tout aussi urgente à revoir que le financement comme tel.

Là-dessus, je veux vous amener sur un point qui est de savoir: Est-ce que, selon vous, par exemple, dans le prochain budget, si les rumeurs se confirment que les argents devraient servir à rembourser les dettes du réseau universitaire, ça comble votre besoin et votre urgence si ça ne tient qu'à ça, d'une part, et si, d'autre part, les argents autres ne servent qu'à des investissements très ciblés dans des programmes, dans des façons de faire, je dirais dans des possibilités que ce soit uniquement dans certains domaines qu'il y ait de l'argent? Est-ce que, selon vous, ces deux méthodes-là de refinancement sont adéquates et répondent à l'urgence que vous nous mentionniez ce matin?

M. Angers (Bernard): Vous aurez compris, M. le député, qu'il ne m'appartient pas de commenter des possibilités budgétaires ou des intentions budgétaires, je ne les connais pas, mais cependant ce que j'aimerais vous dire, c'est que ce dont nous avons besoin, évidemment, c'est d'argent pour s'assurer qu'on ne crée pas un nouveau service de dette. On a un nouveau poste de dépense maintenant, qui est le remboursement de nos marges de crédit qui s'amplifient. C'est évident que ce n'est pas une situation normale, puis il faut que ça soit absorbé. Ça me paraît évident.

Ce qui est important, c'est de nous donner la possibilité de vivre et de nous développer, et c'est au niveau évidemment des sources de revenu normales qui nous viennent soit de compensations dues au fait que les frais n'ont pas augmenté ou soit résultant de la formule de financement. Ça nous prend un financement de base corrigé parce que la situation va se continuer. C'est-à-dire, dans l'hypothèse où il n'y a qu'une absorption de dettes ou d'engagements déficitaires du passé, il est clair qu'on va continuer. Ça va continuer, ça va recommencer. On décale ça d'un an ou deux. La situation va être aussi intenable.

Pour ce qui est des programmes ciblés, moi, la seule chose que je voudrais vous dire, c'est qu'il faut être très prudent là-dedans en termes de cibles. C'est qui qui va définir ça, des cibles? Ça va nous venir d'où? Il faut être honnête aussi, c'est que les gouvernements ne sont pas des experts en matière de marché de main-d'oeuvre. Ils ont des connaissances, d'autres en ont aussi. Il faut être très prudent dans le choix de ces cibles. Il faut éviter de remplacer nos sociétés interventionnistes du type soviétique qui sont disparues par d'autres. Il n'y a pas de danger sur ce plan-là, sauf que les performances normales d'une administration publique en intervention dans le marché de la main-d'oeuvre, ça ne s'est pas avéré nécessairement un très grand succès à ce jour, et indépendamment des gouvernements, ça.

Donc, la cible, il faut bien la choisir. Il faut que ça soit des cibles qui ont un certain bon sens et qui n'orientent pas des dépenses vers des choses auxquelles on n'a pas pensé, où on ne souhaite pas nécessairement dépenser dans ces secteurs. Il faut être très prudent. Des fois, il me prend des envies de dire qu'il ne faudrait pas arriver à une situation analogue à celle que tous les gouvernements ont vécue à l'égard du fédéral, où on inventait des nouvelles affaires et on disait: Embarquez là-dedans. Il faut faire attention, autrement dit.

Nous, on est pour ça, les interventions qui tiennent compte de la réalité dans laquelle on est actuellement, la réalité du marché du travail. Nos gens sont très sensibles à ça. Nos professeurs, ils connaissent la réalité. Mais ce qu'on ne voudrait pas, c'est des interventions qui disent: Aïe! on s'en va là. Tout d'un coup on se trompe. Je ne sais pas, moi, ça peut arriver qu'on se trompe. Ce n'est pas la première fois que des gouvernements se sont trompés dans des cibles. Indépendamment de la qualité des gens qui sont en place, je ne parle pas d'un parti ou d'un autre, les gouvernements comme tels, ce n'est pas leur hache. Qu'on nous incite à nous orienter vers des programmes qui répondent aux besoins de la nouvelle économie, il est bien évident qu'on est là-dedans. Si on prend l'informatique, nous autres, on est là-dedans: mathématique informatique, génie informatique. On essaie de modifier notre génie pour tenir compte des métaux légers. On est constamment en train d'ajuster nos cibles.

Ce qu'on ne voudrait pas, c'est qu'il y ait une nouvelle patente qui nous arrive du ciel et qui dit que, dorénavant, c'est là-dedans qu'on s'en va. Bien, il faudrait faire attention un peu à ça, parce que des expériences qu'on a vécues dans notre société nous incitent à une certaine prudence. Je ne suis pas inquiet, je suis convaincu que les cibles vont avoir un sens donné, mais je crains énormément, moi, toute cette approche généralisée de directives où tout le monde s'en va par là. J'aime mieux, moi, avoir une couple de possibilités, si vous me parlez, à moi, là. Il ne faut pas que les cibles soient pointues, c'est-à-dire au niveau de l'exercice d'un métier. Ça peut être un ensemble de métiers, ça peut être la performance, ça peut être de la diplomation accrue, ça peut être un certain nombre de choses, mais pas une job bien précise. Il faut être prudent là-dedans.

Mais il ne faut pas présumer – moi, c'est le message que je vais vous dire – il ne faut jamais faire l'hypothèse que les universités sont déconnectées du monde réel. Ça, ça serait la pire erreur à faire. La pire erreur à faire. Parce qu'il y a des antennes. D'abord, il y a des jeunes, on le voit. Les jeunes, c'est eux autres qui décident, qui votent avec leurs pieds puis qui se déplacent. On est obligé d'être conscient. Puis, quand on a des partenariats dans une entreprise, dans une organisation comme la nôtre, on n'est pas déconnecté. L'hypothèse qu'on serait déconnecté, il ne faut pas partir avec ça. C'est une longue réponse, mais pour une question fort complexe.

(10 h 20)

M. Béchard: Mais, si je résume, donc les investissements trop ciblés, vous n'êtes pas...

M. Angers (Bernard): De nature socioprofessionnelle. J'ai bien dit ça.

M. Béchard: ...trop d'accord avec ça. O.K. Au niveau du fait que les investissements viendraient rembourser uniquement la dette des établissements, ce n'est pas nécessairement la bonne façon de faire, puisque vous dites que, si on ne corrige pas...

M. Angers (Bernard): C'est-à-dire que c'est formidable si on a ça, mais ça prend du financement de base.

M. Béchard: O.K. En plus.

M. Angers (Bernard): C'est-à-dire que c'est la clé. Sinon, on va recommencer.

M. Béchard: O.K. Parfait.

M. Angers (Bernard): Nos déficits résultent d'une série de choses, évidemment de compressions ardues, là, qu'on n'a pas été capable de tout prendre, mais d'un financement de base qui mérite d'être ajusté.

M. Béchard: O.K. Donc, pour finir au niveau financier, si on regarde au cours des dernières années, c'est environ 450 000 000 $ qui ont été coupés depuis quatre, cinq ans au niveau universitaire. Et, avec l'engagement du Sommet de la jeunesse que vous rappeliez, c'est 1 000 000 000 $ à terme pour l'ensemble du monde de l'éducation. Si on le divise uniquement pour tenir compte de la récurrence, ça veut dire environ 166 000 000 $ par année d'argent neuf, parce qu'il faut assumer la récurrence selon la méthode des escaliers.

Selon vous, là, ça, est-ce que ça pourrait réussir à combler l'écart ou la dépense par étudiant, par exemple, que vous faites, vous, à Chicoutimi par rapport à ce qui se fait ailleurs? On parle d'une moyenne de 9 500 $ par étudiant au Québec. Je vois dans vos documents que vous êtes autour de 8 500 $ et un petit plus, selon les années. Est-ce que ça, c'est assez, cet argent-là, pour se rendre à un niveau de comparaison avec ce qui se fait ailleurs dans d'autres provinces canadiennes?

M. Angers (Bernard): Vous comprendrez que, moi, pour un, je n'ai pas la responsabilité de parler au nom de l'ensemble des universités. On a une entité, nous autres, qui s'appelle la CREPUQ, au sein de l'UQ; évidemment, on a notre UQ. Mais je peux vous parler de chez nous. Chez nous, là, nous avons, à la demande du ministre lui-même, soumis ce qui nous apparaissait essentiel, un, pour survivre; deux, pour respirer; trois, pour prendre un certain allant. C'est tout. C'est ça, notre mémoire qui a été soumis au ministre de l'Éducation. Au mois de septembre dernier, on a distingué entre la survie immédiate, la nécessité de corriger les bases de financement, qui se traduirait par un ajout d'entités ou un accroissement du corps professoral, et un développement minimal dans certaines cibles que nous jugeons opportunes. Dans ce sens-là.

Je ne peux pas parler pour autres que nous. Je présume que la présidence pourrait faire le portrait global de l'UQ et que la CREPUQ, par ses propres paroles, pourrait y aller pour l'ensemble, mais je présume que les gens ont travaillé tous de la même manière.

M. Béchard: Parfait. Je remarquais dans vos documents, il y a deux points qui ont soulevé beaucoup d'attention. C'est d'abord votre politique d'encadrement au niveau des étudiants, qui est très, très développée, qui va très loin. Aussi, un autre point, c'est relatif à vos taux de placement. Et ça, je regarde les chiffres sur les taux de placement qui nous ont été transmis, et c'est presque tous autour de 90 % et plus. Et, même, je lisais dans vos documents, je pense, de mémoire, que c'est autour de 80 % et quelques en lien direct avec les études.

Est-ce que, selon vous, d'arriver à des taux de placement aussi hauts, des taux de placement aussi hauts reliés aux domaines d'études, c'est une des caractéristiques qui peut venir confirmer – tantôt, on parlait d'indicateurs ou d'investissements ciblés – que finalement vous êtes dans la bonne voie, c'est-à-dire qu'au niveau régional non seulement vous diplômez, non seulement les gens travaillent, mais les gens travaillent aussi dans leur domaine? Est-ce que, pour vous, c'est un des indicateurs les plus importants pour vous indiquer que votre plan d'action est dans le bon sens ou dans le mauvais sens?

M. Angers (Bernard): Avant de passer la parole à M. Bourque, je voudrais simplement vous dire que ça démontre qu'on fait oeuvre utile, puis ça nous réjouit. C'est une façon de mesurer notre présence. M. Bourque.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Bourque.

M. Bourque (Ghislain): Oui, en deux points. Le premier, c'est pour confirmer effectivement que chez nous il y a une sorte de plan de rétention ou de persévérance aux études qui a été mis en place il y a maintenant à peu près trois ans – ça date d'un peu plus longtemps, mais il a été systématisé depuis à peu près trois ans – qui tient compte plus particulièrement des étudiants qui sont à leur première session à l'Université. Et là ça a demandé la collaboration non seulement du service aux étudiants, mais aussi du corps professoral, des chargés de cours, pour qu'un encadrement minimal soit fait dans un premier temps, et optimal ensuite, en cours de session, de manière à ce que l'étudiant arrive à bien s'identifier à sa discipline et plus globalement à l'Université.

Ça donne des résultats très intéressants, parce que, vous le savez, on a chez nous comme ailleurs à lutter contre une certaine forme de décrochage qui est beaucoup identifiée à ce qu'on pourrait appeler la volonté des étudiants de s'autonomiser sur le plan financier. Donc, le danger qui les guette dès lors qu'ils prennent des emplois à l'extérieur de l'Université, c'est qu'ils finissent par décrocher, ils finissent, je dirais, par amplifier leurs besoins sur le plan financier et ensuite font un choix entre les études et le travail, et partant, c'est souvent les études qui sont laissées pour compte.

Donc, il y a un bon plan d'encadrement chez nous, qui a fait ses preuves, et je dirais qu'il est renforcé par certaines mesures qui ne sont pas des mesures inconnues des autres universités. Je vous en donne une. C'est simplement le fait de permettre aux professeurs les plus importants sur le plan de la recherche, les plus porteurs sur le plan de la recherche, permettre à ces professeurs d'enseigner dès la première session aux étudiants pour qu'il y ait une sorte de renforcement de motivation chez les étudiants.

En ce qui regarde maintenant le taux de placement, oui, cela confirme aussi une sorte de prise de position que nous avons à l'UQAC, qui est celle d'articuler l'Université avec non seulement les collèges, mais avec le milieu au complet. Donc, là on parle de partenariat, bien entendu. On parle de complémentarité, mais de la complémentarité la plus symétrique possible. Et, par les allers-retours au niveau des stages, par les allers-retours au niveau des évaluations de programmes, nous arrivons à bien comprendre à quoi tient le développement régional. C'est sur cette base que le taux de placement, je pense, est arrivé à un taux de réussite aussi important.

M. Béchard: Au niveau de l'encadrement des études, vous avez mis en place un système de tutorat, de parrainage, et je dirais un grand nombre de mesures visant justement à faire en sorte que l'action est portée sur l'étudiant. Comment tout ça s'est passé? Est-ce que ça a vraiment demandé un changement de culture ou des interventions plus spécifiques? Parce que plusieurs pourraient dire que, finalement, c'est dans la normalité des choses d'y aller avec un encadrement adéquat. Ces différentes mesures là qui ont été mises en place et aussi dans vos documents, au niveau de votre politique de recrutement qui est très, très forte – vous disiez que vous aviez réussi à mettre fin à la baisse de la clientèle – est-ce qu'il y a un lien entre les deux? Est-ce que c'est un élément de vente aussi qui intéresse les étudiants?

(10 h 30)

M. Bourque (Ghislain): Oui. Enfin, je ne voudrais pas tomber dans le clientélisme, bien évidemment, mais il y a eu des actions portées au niveau global en rapport avec ce qu'on pourrait appeler les stratégies de recrutement et, au niveau local, en ce qui regarde nos politiques d'encadrement. Et ces deux politiques sont associées. C'est-à-dire que le service de recrutement n'a pas voulu établir de stratégie sans consulter le corps professoral, sans amener avec lui le corps professoral dans les cégeps, par exemple, et dans les écoles secondaires, et sans aussi s'assurer qu'il y aurait un suivi à l'inscription.

Donc, il a été très fréquemment utilisé, par exemple, la stratégie suivante: que les profs devaient contacter les étudiants à la période d'inscription, par voie téléphonique, et les rencontrer ensuite sur place quand ils venaient s'inscrire. Et ce premier contact s'est avéré comme un contact décisif, au sens où, lorsque l'étudiant a un ou deux ou trois choix, lorsqu'il a surtout deux ou trois choix de réponse en regard des universités, il va choisir très souvent ou le plus souvent l'université qui se montre intéressée. Et ça, nous l'avons très bien compris, et je pense que les professeurs ont fait oeuvre, je dirais, d'encadrement diligent dans ce dossier-là.

Maintenant, ça ne s'arrête pas là. Il y a aussi, au niveau de la maîtrise et du doctorat, des mesures qui ont été prises. Nous avons chez nous, comment dire, des formulaires d'évaluation d'encadrement qui sont produits à tous les trimestres, ce qui est quand même une habitude nouvelle, puisque, vous le savez, dès lors que les étudiants ont terminé leur scolarité de maîtrise ou de doctorat, souvent on les perd dans la nature, c'est-à-dire qu'ils n'ont plus d'exigences comme telles, d'exigences strictes au niveau de la présence aux cours à fournir, et très souvent on les perd. Donc, on a voulu renforcer ce lien avec l'étudiant en ayant une sorte de procédure d'évaluation d'encadrement trimestre par trimestre.

M. Béchard: Merci. Je vais laisser mes collègues poursuivre. S'il reste du temps, je reviendrai.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le député de Kamouraska-Témiscouata. M. le député de Bertrand.

M. Cousineau: Merci, Mme la Présidente. M. Angers, M. Bourque, M. Bergeron, M. Côté, bienvenue à l'Assemblée nationale, bienvenue à cette commission. D'entrée de jeu, je vous remercie pour les documents que vous nous avez distribués ce matin, parce que c'est très complet. On avait un document qui était surtout axé au niveau statistique, mais maintenant, avec ce qu'on a, c'est très intéressant. Je remarque, dans le document Impacts socioéconomiques: les faits saillants , si on lit le point 5, on parle d'un taux de placement de 92 % pour les étudiants de l'UQAC, puis 81 % de ces étudiants-là travaillent dans le domaine qu'ils ont choisi, 75 % dans la région de Chicoutimi, 25 % à l'extérieur. Alors, toutes ces statistiques-là sont très intéressantes.

Dans l'autre document, vous nous parlez des alliances que vous avez avec différentes universités à travers le monde. C'est très intéressant. Tantôt, vous disiez que vous n'aviez pas l'occasion de sortir souvent, M. le recteur, de votre région, sauf que, lorsqu'on regarde, dans des programmes très stratégiques, les alliances que vous avez avec des universités d'Amérique du Sud, avec les États-Unis, avec le reste du Canada puis surtout en Europe – même on parle de la Lituanie, on parle de France, on parle de Belgique, on parle d'Allemagne – donc vous êtes très, très actif sur le plan international.

Ma première question: J'aimerais vous entendre un petit peu plus sur la façon que ça se vit, ces alliances-là, au niveau de votre Université. Et la deuxième question: J'aimerais savoir quelle est la progression des étudiants internationaux à l'Université de Chicoutimi.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Angers.

M. Angers (Bernard): Oui. Je dirais que chez nous on aime énormément avoir de la visite. On reçoit beaucoup de gens. On aime les recevoir. On est accueillants, et les gens viennent nous voir.

M. Cousineau: J'ai pu comprendre ça.

M. Angers (Bernard): Non, mais ils viennent nous voir. C'est bien important. Puis les seuls déplacements – je le dis, puis je le dis ici, tout à fait sur la place publique – en dehors de nos frontières immédiates, qui peuvent parfois comprendre Montréal, seule la partie académique y a droit. Actuellement, chez nous, il n'y a que les professeurs, les chercheurs qui sortent, à même souvent leurs budgets propres de recherche qui sont prévus soit dans leur chaire ou autrement. Nous, quand on est convoqués ou quand le devoir nous appelle, on peut aller à Montréal, mais exceptionnellement. Puis on vient vous voir, évidemment.

Les alliances. L'objectif de cette présentation-là, elle est bien simple. Moi, ça m'avait frappé quand je suis arrivé à l'Université du Québec à Chicoutimi. J'entendais dire: Vous autres, vous êtes refermés sur vous autres puis vous ne sortez pas. En d'autres termes, vous êtes des insulaires enclavés pas mal. Bon, bien, ne sachant pas, j'ai encaissé. La première fois que ça avait été soulevé, je pense que c'est par M. Gautrin, puis je lui avais répondu. On avait un document qui était plus succinct que ça. Bien là on s'est mis à faire le tour.

Puis nos performances, d'abord elles se mesurent de différentes manières. D'abord, il y a des liens entre nos institutions d'enseignement, nos collègues des cégeps, nos collègues et consoeurs des commissions scolaires de notre territoire. Ça, c'est une chose. La deuxième, c'est avec le parapublic de notre territoire. La troisième, c'est avec les entreprises, la grande entreprise de notre territoire et la petite et la moyenne entreprise, tout particulièrement du côté du Département des sciences économiques et administratives. Ça fait qu'il y a différentes alliances.

En recherche, maintenant. En recherche, on est parti comme institution – ça s'est fait sur un bon nombre d'années – grâce à la Fondation puis surtout grâce à du monde compétent dans la boîte. Ça s'est fait à partir de problèmes ou de problématiques régionales mais d'intérêt universel et assurément québécois et canadien. Si on prend les secteurs de recherche, vous allez les voir ici, c'est relié à la forêt boréale et l'épinette noire. Évidemment que les partenaires, ils sont connus, c'est les entreprises forestières, ce sont les scieries, ce sont les gouvernements et c'est nous autres. Il y a une problématique de recherche qui a été définie. Les partenaires ont été invités à contribuer à cette recherche puis ils ont endossé ou ils endossent la problématique de recherche. Ils n'interviennent pas dans la recherche mais ils endossent. Ce sont des partenaires. Vous avez des partenaires dans ce secteur-là.

Vous allez du côté de l'aluminium. Bien, l'aluminium, évidemment ça intéresse Alcan, c'est bien clair, mais ça intéresse d'autre monde aussi. Dans deux semaines, nous allons annoncer – parce qu'on devrait avoir l'autorisation de l'annoncer, mais je l'annonce pareil – une nouvelle chaire en aluminium. Ça va être une chaire CRSNG avec General Motors. General Motors est venue chez nous. Ils sont venus chez nous puis ils vont partir une chaire avec des professeurs de chez nous. Ça fait qu'il est évident que c'est des partenaires... C'est nord-américain.

Vous allez du côté de la géologie, les mines, les compagnies minières. Notre institution fournit une bonne partie des géologues qui exercent dans le métier. Il se crée des alliances un peu. Vous avez ce secteur-là.

Vous avez Gérard Bouchard, Gérard Bouchard avec l'Institut des populations. Avez-vous pensé à ça? Les gens disent: Aïe! la recherche, ça ne peut pas se faire en région. Je vous expliquerai que non seulement ça ne peut pas ne pas se faire, mais ça devrait se faire de plus en plus en région. Gérard Bouchard a démarré avec une problématique vraiment saguenéenne: l'étude de la population, la sociologie, les mouvements, l'histoire des populations de chez nous. Il a réussi à ramasser toutes les universités de la province de Québec. À ma connaissance, elles sont toutes devenues membres d'une institution. Donc, il a créé des alliances. Et là, évidemment, il y en a de l'extérieur du pays qui s'intéressent à nos affaires puis ils viennent. Ils travaillent tous chez eux, chacun chez soi, mais sur un programme de recherche agréé. Enfin, c'est un partenariat d'affaires.

Ça fait que, dans le secteur de la recherche, c'est toujours comme ça. Le dernier-né et le plus visible, le plus récent, pas comme préoccupation mais comme équipement, c'est le givre. Le givre, évidemment, nos gens ont commencé à s'intéresser à ça il y a peut-être 20 ans, tranquillement, à partir du froid puis du givre, chez nous. Ils se sont intéressés au dégivrage des ailes d'avion, et c'est chez nous. Pour votre information, nous sommes le seul laboratoire en Occident et, même, je dirais presque au monde qui homologue des produits pour dégivrer les ailes d'avion. C'est à Chicoutimi que ça se fait, ça. Je vous le dis ici. Ça fait que le givre, l'autre équipe sur le givre, bien, mon Dieu! la problématique d'Hydro-Québec est connue, la problématique d'Alcan aussi. Alcan a des lignes de transmission. Le froid n'est pas propre à la province de Québec ou à l'Est du Canada. Il y a un peu de froid, semble-t-il, dans les Alpes, puis il y en a un peu dans les pays nordiques, puis il y en a en URSS, il y en a en Chine. Eh bien, mon Dieu! les spécialistes du froid, dans ce domaine-là, c'est un «family compact». On a pris le leadership là-dedans. On les a réunis deux fois à Chicoutimi, tout ce beau monde là, sur ces matières-là. C'est des partenaires. Ils sont partenaires.

Hydro Norvège a investi dans la chaire de M. Farzaneh. Hydro Ontario a investi dans la chaire de Farzaneh. Ce n'est pas Hydro Ontario, c'est je ne sais pas trop quoi, mais la partie qui s'occupe des lignes de transmission, et évidemment Hydro-Québec, Alcan. Ça fait que c'est de même que se sont faites nos alliances chez nous.

(10 h 40)

Nos gens, pour différentes raisons, les chercheurs, ça ne fait pas de publicité. Ça fait que, nous autres, notre job, c'est de faire connaître notre institution, la faire connaître d'abord pour que le monde sache qu'on existe, deuxièmement, pour que le monde sache qu'on est bon puis que ça nous aide évidemment à recruter du monde.

Et on a tenté une expérience, en novembre dernier, nouvelle. Pour nous autres, c'est nouveau, mais ça existe évidemment, il y a des institutions qui ont fait ça depuis longtemps. On a tenté une démarche de portes ouvertes pour faire connaître à nos gens ce qui se passait dans leur institution. On a tenté ça puis on se demandait bien si on allait réussir ou pas. Bien, imaginez-vous que, de 14 heures à 18 heures, on a eu 3 000 personnes, dont 900 jeunes qui ont visité les différentes installations non seulement de recherche, mais d'enseignement, nos équipements, et un peu tout ça. Les professeurs étaient disponibles, le personnel était disponible.

Les alliances sont régionales, elles sont à l'échelle du Québec, elles se font à l'échelle du Canada avec d'autres institutions puis à l'échelle du monde. Nous autres, on n'a pas de problème avec ça. Puis on se dit: La recherche... Là, on force sur l'aluminium, je ne vous apprendrai rien là-dessus. On se dit: Si on a des équipements, si on a des professeurs puis si on a des communications, on peut performer en recherche, puis c'est ce qu'on essaie de faire.

M. Cousineau: D'accord. Ça répond à la première partie. Une petite question rapide maintenant. Ça doit avoir une influence sur les étudiants étrangers internationaux.

M. Angers (Bernard): Oui, c'est ça.

M. Cousineau: Est-ce que c'est en progression?

M. Angers (Bernard): L'objectif de ces alliances, de ces groupes de recherche, évidemment, c'est de former. Il faut toujours se rappeler de ça. Nous autres, on n'est pas des laboratoires qui vendent... en tout cas qui essaient d'inventer indépendamment des étudiants. Ce n'est pas ça. Nous, notre objectif, c'est de former des jeunes de par chez nous et d'ailleurs dans ce domaine-là. Actuellement, dans le nouveau laboratoire du givre, on lui a donné comme objectif d'arriver avec 30 étudiants. Il est rendu à 18. Je ne sais pas quelle est la proportion, mais il y en a probablement la moitié qui est de l'extérieur du pays. Puis là on commence à avoir du monde de par chez nous qui plonge là-dedans, ce qui est fantastique. Il faut quand même protéger...

M. Cousineau: Quel est le pourcentage d'élèves internationaux versus les étudiants québécois?

M. Angers (Bernard): Globalement, je ne l'ai pas. Je ne sais pas si on l'a.

M. Bourque (Ghislain): Ce n'est pas très élevé. Ça pourrait être...

M. Cousineau: Autour de 1 %, 1,5 %?

M. Bourque (Ghislain): 2 %, 1 %, 2 %.

M. Cousineau: Merci.

M. Angers (Bernard): Mais, en recherche, là, la proportion est significative puis elle est en croissance.

M. Cousineau: D'accord. Merci, M. Angers. Mes confrères ont d'autres questions.

Une voix: Merci...

La Présidente (Mme Bélanger): Un instant, là. On va faire l'alternance. Alors, M. le député de Verdun.

M. Dion: Mme la Présidente, est-ce que je peux demander à combien est-ce qu'on est rendu dans le temps? Parce que le temps passe et...

La Présidente (Mme Bélanger): Du côté ministériel, il y a 10 minutes de passées.

M. Dion: Oui. Puis de l'autre côté?

La Présidente (Mme Bélanger): De l'autre côté, il reste 12 minutes.

M. Dion: Il reste 12 minutes.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, vous autres, il vous reste 20 minutes et, de ce côté-ci, il reste 12 minutes.

M. Dion: Merci.

M. Gautrin: Merci. Je vais être relativement bref. Je vous remercie, M. Bergeron, pour votre étude. J'apprécie surtout votre intervention lorsque vous avez parlé de l'économie du savoir et que vous avez insisté sur le rôle des universités en région à la fois comme créatrices de savoir, mais sur ces fonctions en quelque sorte de transfert technologique et d'informer les petites et moyennes entreprises de la région.

Je ne discuterai pas avec vous, je trouve que vous sous-estimez ici, dans le document que vous nous avez donné, considérablement les effets induits d'une université en région lorsque vous avez un multiplicateur de 1-28. Je pense que vous prenez un multiplicateur avant réellement l'économie du savoir, comme vous l'avez expliqué, par rapport à ici. Donc, probablement que vous sous-estimez, à l'heure actuelle, dans le document que vous nous donnez, l'importance de l'université en région.

Ma question va aller quand même à votre recteur. Je vais vous expliquer quel lien je fais. M. le recteur, vous avez soulevé ici les problèmes financiers de votre université en région. Cependant, vous savez, les universités ne sont subventionnées actuellement que pour la fonction d'enseignement, qui est importante, et je ne voudrais pas du tout la minimiser. Mais toute la fonction qui est le rôle économique d'une université, particulièrement d'une université en région, semble totalement non supportée ou non subventionnée par l'État.

Et vous nous interpellez, nous, parlementaires, ici, en nous disant: Bon, vous savez, nous n'avons pas assez d'argent. Est-ce qu'il y aurait un moyen pour le gouvernement ou l'État, dans ses formules de financement ou ses moyens de financement – je sais qu'il y a les subventions de recherche, mais ce n'est pas exactement à ça que je fais allusion actuellement – de tenir compte de l'importance régionale d'une université comme la vôtre dans le développement économique de votre propre région?

M. Angers (Bernard): M. le député, je voudrais vous dire que je suis bien content de cette question-là parce que vous touchez là un point majeur. Le point majeur, c'est qu'il n'y a pas de subsides directement versés dans les contributions qui nous viennent normalement du ministère de l'Éducation pour cette fonction-là. Chez nous, ça a été absorbé, un, par notre Fondation – la Fondation, c'est elle qui a parti nos affaires, qui nous a donné un peu le minimum – et par nous-mêmes un peu, disons à même la subvention générale, en en assignant un certain nombre. C'est tellement vrai, ce que vous dites là, que c'est là qu'on a arrêté de dire: Aïe! on n'est plus capable d'en prendre, de compressions. Parce qu'on était rendu là, on était rendu au point où il fallait retirer le faible input de l'institution à l'égard de ses entités de recherche. C'est exactement là, M. Gautrin, qu'on a arrêté. On a dit: Pas question!

M. Gautrin: Mais est-ce que vous avez des suggestions à faire au gouvernement, aux parlementaires que nous sommes, sur comment tenir compte, dans le financement des institutions, de ce rôle qui est reconnu, je pense, par tous, le rôle économique des universités?

M. Angers (Bernard): Moi, je pense qu'il y a une voie d'avenir là-dedans qui m'apparaît évidente. Je ne suis pas un expert de la formule de financement des universités. Cependant, on voit les conséquences. Il y a une voie d'avenir là-dedans; c'est clair, il y en a une. Il y en a une, et ça peut venir par des programmes spéciaux pour cette dimension-là. Mais il y en a une, c'est clair. Parce que les écarts sont variés. Chez nous, je regarde ça, là, on a 9 000 000 $ présentement d'activités de recherche. Je peux vous dire que c'est beaucoup. On a 200 professeurs. Donc, il y a une voie d'avenir.

M. Gautrin: Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Montmorency.

M. Simard (Montmorency): Merci beaucoup, M. Angers, MM. Bourque, Bergeron et Côté, de votre présence. M. le recteur, d'abord un mot sur votre présentation avant de vous poser ma question. Je ne peux pas laisser sous silence cette phrase que vous nous avez dite et qui m'interpelle particulièrement. Je comprends que vous n'aviez pas de texte écrit. En tout cas, nous, on n'en a pas reçu.

M. Angers (Bernard): Non, c'était du fond du coeur.

M. Simard (Montmorency): Vous étiez ad lib, vous avez parlé avec le fond du coeur. Bien, c'est d'autant plus important que je vous en parle, si vous parliez du fond du coeur. Parce que vous nous avez dit que vous n'accepteriez pas de vous faire, et je vous cite, «blackbouler par l'analyse de gens de bureau».

Moi, ça me dérange, parce que je sais que, vous, comme recteur, dans votre vie professionnelle, vous faites du mieux que vous pouvez à tous les jours. Bien, moi, là, dans mon comté, j'ai des milliers de personnes qui sont des gens de bureau, comme vous dites, et qui font du mieux qu'ils peuvent, qui ne se lèvent pas le matin en se disant: Qui c'est que je pourrais blackbouler, moi, aujourd'hui? Ces gens de bureau là se retrouvent à Québec comme dans votre université aussi. Et, dans votre propre université, il y a des gens de bureau qui font du mieux qu'ils peuvent. Alors, ceci étant dit, moi, je crois que vous avez le droit de redemander du financement, mais, quand même, j'ose croire qu'il n'y avait aucune allusion dans ces propos-là qui a priori pourraient paraître blessants pour certains.

M. Angers (Bernard): Absolument, étant moi-même une personne qui a fait sa vie dans les bureaux, en bonne partie. Ce qu'on dit, c'est qu'il est important de connaître nos réalités. C'est important de les connaître et de les voir, non pas seulement de fonctionner à partir d'indicateurs statistiques. C'est simplement ça que j'ai dit. L'illustration est forte à escient.

M. Simard (Montmorency): Alors, cette mise au point étant faite, permettez-moi de vous adresser ma question. Et je vous pose cette question parce que vous êtes le seul recteur qui, à mon sens, de mémoire, a fait autant allusion au réseau de l'UQ. Vous avez même nommé directement M. Pierre Lucier, vous avez fait référence, donc, au siège social, et vous nous avez dit tout à l'heure, d'entrée de jeu, que vous n'étiez pas des Gaulois, vous nous avez fait la démonstration que vous étiez des gens d'équipe, que vous étiez partout à travers le monde. Vous avez quand même un conseil d'administration qui est autonome. Les universités, c'est des institutions qui évoluent dans le temps, ce n'est pas quelque chose de statique. Après 30 ans ou presque d'histoire du réseau UQ, à votre avis, la mission du siège social est-elle toujours pertinente? Et qu'est-ce que ça vous donne de plus, à vous, comme valeur ajoutée, comme université?

(10 h 50)

M. Angers (Bernard): Moi, d'abord, je vais vous répondre en vous disant que l'Université du Québec, ce n'est pas le siège social. Il faut bien comprendre ça. L'Université du Québec, c'est un certain nombre d'établissements qui ont été créés par le législateur ou par des décrets consécutifs pour oeuvrer autour d'une mission qui est celle que l'on connaît, c'est de former du monde par l'enseignement, par la recherche puis de contribuer à l'amélioration de la société. C'est ça, la mission de l'Université du Québec.

Le reste, c'est des modes d'organisation. Les modes d'organisation, ça peut fluctuer, ça peut changer. Ça a changé d'ailleurs dans le passé. Ce que je veux vous dire, c'est que l'Université du Québec, ce n'est pas le siège social, c'est l'ensemble de ces établissements qui ont des volontés autonomistes assez remarquables. Je peux vous dire que la nôtre en a pas pour rire. Je peux vous dire que nous sommes autonomes le plus possible. Mais, dans le fond, on est une espèce de fédération. Des fois, il y a certains accommodements qu'il faut faire.

Quant à la présence du siège social, je sais fort bien que... D'abord, je ne voudrais pas que ça devienne un dérivatif aux vrais problèmes. Le problème, ce n'est pas le siège social. Je voudrais qu'on se comprenne bien, le problème des universités, de l'Université du Québec, ce n'est pas le siège social. Il peut y avoir à l'occasion des frictions par rapport à certaines de nos interventions ou aux souhaits autonomistes qui sont tout à fait légitimes et qu'on exerce le mieux possible, mais il ne faudrait pas avoir de distractions puis dire: Aïe! le problème, c'est le siège social. Non, non, non. Le problème, ce n'est pas le siège social. Le problème, c'est qu'on a un problème de financement qui peut être amélioré. Évidemment, le siège social, il y a toujours place à amélioration, mais je ne dirais pas que le problème de l'Université du Québec, c'est le siège social. Si on fait ça, d'abord on manque le bateau. Ça ne veut pas dire que tout le monde s'entend, ça, vous savez ça fort bien. On peut diverger d'opinions, mais on est du monde civilisé. Il y a des fois qu'on trouve qu'il y a des activités un peu trop interventionnistes; d'autres fois, pas assez. Ça dépend.

Mais le problème des universités, et entre autres de l'Université du Québec, c'est un problème de sous-financement. L'autre, c'est un mode d'organisation qui peut être débattable. D'ailleurs, le président actuel, ça vous surprend que j'en parle. Mais c'est évident, c'est le président de l'Université du Québec. Mon Dieu, il mène ça du mieux qu'il peut. Ce n'est pas facile. Ce n'est pas facile de coordonner des autonomistes comme nous autres. Vous avez juste à nous regarder un peu puis vous allez comprendre.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Angers (Bernard): Donc, ce que je veux vous dire, dans le fond: C'est un mode d'organisation qui est débattable, qui se regarde de temps en temps. D'ailleurs, il y a trois ans, ça a été regardé. Ça a été regardé au niveau de l'assemblée des gouverneurs pour changer le mode d'organisation. Et ils sont arrivés avec la mise sur pied de coops de services communs. Mais c'est débattable, la question est débattable. Mais ce n'est pas notre problème. Actuellement, notre problème, c'est le financement.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Angers.

M. Angers (Bernard): Je ne voudrais être distrait. Un de ces matins sans doute même le président se fera un plaisir de discuter de ces matières.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Angers. Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Merci, Mme la Présidente. Messieurs, en cette Journée de la femme, le 8 mars, je constate que l'UQAC est très masculine. Il ne semble pas y avoir beaucoup de femmes dans vos postes de direction. Et je regarde ici, il n'y en a pas beaucoup non plus. J'espère que vous allez avoir des préoccupations de ce type au cours des prochaines années. Et ce n'est pas une blague, parce que je suis persuadée que vous avez, à l'intérieur de vos personnels-cadres, sûrement des personnes de très grande qualité. Et je suis un peu surprise de voir qu'à la tête de votre université il ne semble pas y avoir de femmes. Et ce n'est pas un discours féministe que je brandis juste ce matin parce qu'on est le 8 mars, je crois fermement ce que j'avance. Enfin...

M. Angers (Bernard): Est-ce que vous voulez qu'on commente rapidement ou pas?

Mme Charest: Je vais plutôt vous poser des questions...

M. Angers (Bernard): Très bien.

Mme Charest: ...parce que je vois que vous avez de très longues réponses et j'aimerais ça avoir l'opportunité de vous poser quelques questions.

Je voudrais juste faire un commentaire sur l'exposé de M. Bergeron. M. Bergeron, ça aurait pu être le recteur de l'UQAR, de l'Université du Québec à Trois-Rivières ou de l'Université du Québec à Hull, en Abitibi-Témiscamingue, et je pense que les conclusions auraient été les mêmes. On partage en entier cette évaluation de l'importance des Universités du Québec dans les régions. Sans nier la complémentarité avec les autres types d'université, on n'enlève rien à personne, mais on reconnaît ce que ça nous apporte. Et peut-être que les chiffres différeraient, là, seraient différents d'une région à l'autre, mais le fond est bon. Ha, ha, ha!

Alors, je voudrais revenir sur toute la question de la performance. On a eu à rencontrer plusieurs universités, vous êtes dans les avant-dernières. Entre autres, l'Université de Sherbrooke, la semaine dernière, nous a fait connaître ses indicateurs de performance, et il y avait des indicateurs qui étaient très révélateurs, entre autres celui sur le taux d'endettement. Cette Université a pu nous démontrer qu'elle avait un taux d'endettement des plus bas parmi les universités québécoises. Est-ce que vous pouvez nous parler de votre taux d'endettement? Et j'aimerais ça, aussi, que vous nous parliez de vos indicateurs de performance.

Et je vais tout de suite poser une deuxième question, c'est sur la gestion de vos programmes. Ça a été quoi, les efforts de rationalisation dans l'offre des programmes que vous avez? Je ne dis pas qu'il faut faire table rase puis qu'il faut être juste une université qui est axée sur un créneau plutôt qu'un autre, mais je voudrais avoir quand même un bon... Parce que ce n'est pas tout de parler d'argent. Sans nier l'importance de l'argent, vous savez, l'éducation, c'est comme la santé, ça peut être des fonds sans limite si l'argent n'est pas placé aux bons endroits et si on ne revoit pas nos façons de gérer. Puis ça, ça ne suppose pas qu'il y a mauvaise gestion ou quoi que ce soit. Ce n'est pas ce que je dis quand je dis ça. Alors, je voudrais vous entendre par rapport à ça.

M. Angers (Bernard): Parfait. Si vous n'avez pas d'objection...

La Présidente (Mme Bélanger): M. Angers.

M. Angers (Bernard): ...oui, j'aimerais simplement apporter un élément de réponse à votre première observation. Concernant la présence des femmes, je vous dirai tout simplement que la présidente de l'Association des étudiants était une madame qui a démissionné il n'y a pas longtemps et qui a vu un brave accepter de terminer son mandat, premièrement. Deuxièmement, pour ce qui est de la présence des femmes à l'Université, elles y sont de plus en plus. Mais on a une politique aussi chez nous, c'est qu'on n'assomme pas le monde, on n'assomme pas les gens qui occupent des fonctions à un moment donné. Ils sont là. Moi, le prochain qui va me remplacer, je ne sais pas qui ça va être, mais on n'assomme...

Mme Charest: Ou la prochaine.

M. Angers (Bernard): Oui, c'est ça, le prochain recteur ou la prochaine rectrice, je ne sais pas. Ce que je veux vous dire, c'est qu'il y a un processus de nomination qui est par voie de concours. Eh bien, mon Dieu, les règles sont qu'on prend, dans les circonstances, ceux qui se présentent. Ça fait qu'il n'y a pas de volonté, ni d'un bord ni de l'autre, de déprécier qui que ce soit, au contraire. Au contraire. Je ne parlerai pas sur le plan personnel, parce que j'ai cinq enfants dont quatre filles, puis je peux vous dire que je suis fier de mes filles. Je peux vous dire ça. M. Bourque.

M. Bourque (Ghislain): Moi, je vais répondre du mieux que je peux sur la question que vous avez posée à propos de la gestion des programmes.

Mme Charest: Oui, et les indicateurs de performance par rapport à ça.

M. Bourque (Ghislain): Oui. Au niveau de la gestion des programmes, je vous dirai qu'il y a eu des modifications quand même assez importantes qui ont été apportées en cours d'année et lors de l'année précédente. Ça a consisté en ce virage que nous avons pris au niveau des programmes de baccalauréat qui ont été transformés en majeures et mineures pour pouvoir, d'une certaine façon, rationaliser l'offre de cours. C'est une rationalisation qui fait en sorte maintenant que les certificats – ce que l'on appelait auparavant les «certificats» – se transforment en mineures et que ces mineures fassent partie des majeures et soient disponibles pour un plus grand ensemble d'étudiants.

Enfin, je pourrais vous expliquer la quincaillerie d'une façon plus pointue, mais, en gros, ça veut dire à peu près ceci. C'est que les étudiants qui s'embarquent dans une formation vont s'embarquer dans ce qu'on appelle une majeure, qui est de l'ordre de 60 crédits, et ensuite vont complémentariser cette majeure par une mineure, qui est de l'ordre de 30 crédits, qu'ils pourront prendre à l'extérieur de leur champ d'expertise.

Donc, ça, ça a permis de rationaliser, parce que, auparavant, nous avions un certain nombre de certificats qui étaient, je dirais, soit en parallèle avec le baccalauréat soit délinquants par rapport au baccalauréat et qui rajoutaient un nombre d'activités-cours supplémentaire au baccalauréat. Donc, on s'est ramené à des proportions un petit peu plus raisonnables sur ce plan-là.

(11 heures)

Deuxième élément que nous avons établi, c'est au niveau de la gestion de ces programmes, la possibilité d'avoir une sorte de gestion modulée. Auparavant, nous nous en tenions, pour l'ensemble de nos programmes, à une gestion qu'on pouvait appeler horizontale. C'est des modules qui avaient pour tâches, dont le gestionnaire ou la gestionnaire avait pour tâches de gérer la progression des étudiants et de les accompagner, de les encadrer selon un certain nombre d'activités-cours. On s'est rendu compte, au fil des années, que ou bien il nous fallait regrouper plusieurs modules ensemble, donc plusieurs programmes disparates, et, dans ce contexte-là, les étudiants perdaient un petit peu leur identité disciplinaire puisqu'ils avaient à composer avec plusieurs disciplines... Donc, ça a été l'avènement des gros modules. Et, comme je vous dis, en perdant l'identité disciplinaire, on avait plus ou moins de contentement de la part des étudiants qui se servent souvent des modules, et qui en font partie, pour exprimer leurs besoins et leurs attentes par rapport à leur plan de formation.

Donc, ce qu'on a commencé à étudier avec le Syndicat des professeurs, c'est la possibilité d'avoir des modules maintenant verticaux, à savoir partir de ce qu'on pourrait appeler une discipline qui n'a peut-être pas un volume d'étudiants très grand, mais d'associer la formation de premier cycle avec la formation de deuxième et de troisième cycles et donc d'articuler le mieux possible le suivi de l'encadrement aux étudiants en espérant obtenir ce qu'on appelle une masse critique raisonnable pour qu'on ne s'entraîne pas, on n'aille pas dans des dépenses superflues. Donc, ça, c'est en cours. Il y a déjà trois secteurs qui se sont prévalus de cette possibilité de gérer avec des modules verticaux, et on est à discuter avec les syndicats, avec le Syndicat des professeurs pour conventionner ce type de gestion.

Un troisième élément aussi. Dans tout ce qu'on pourrait appeler la planification des activités-cours, et là on parle d'indicateurs de performance d'une façon un petit peu plus directe, nous avons convenu, avec chacun des départements, de ratios cibles. Donc, lorsqu'on parle de génie, par exemple, on va parler d'un ratio cible plus bas bien entendu que lorsque l'on parle de sciences de l'éducation ou de sciences économiques administratives. Donc, on a convenu de ratios cibles qui devaient déterminer la somme des activités auxquelles ils pouvaient avoir droit. C'est à partir de ce ratio cible maintenant que nous, je dirais, négocions ou planifions la banque d'activités pour l'année en cours et c'est avec des plans de redressement, à partir de ces ratios cibles, que nous comptons pouvoir arriver à une banque d'activités, je dirais, plus proche de ce qu'on est capable d'offrir que ce que l'on donne présentement.

Mme Charest: Et je suppose que vous avez prévu une évaluation de cette façon de faire dans le temps.

M. Bourque (Ghislain): Oui. Cette évaluation, elle se fait d'une façon presque automatique à partir du moment où on a des inscriptions, parce que là on est obligé de faire les règles de trois. Mais elle va se faire aussi avec les plans de chacun des départements, puisqu'il y a une responsabilité départementale et une imputabilité départementale. Donc, on voit les départements nous déposer leurs plans de match, si je peux m'exprimer ainsi. Et c'est avec l'expérience d'une ou deux années qu'on pourra fixer exactement non seulement les ratios d'une façon plus définitive, mais aussi les plans de développement, parce que c'est en rapport avec ça qu'on va comprendre mieux les plans de développement de chacun des secteurs.

Mme Charest: Tout comme les autres universités, vous êtes en attente d'un réinvestissement. Et, si je comprends bien le discours des universités du Québec, une priorité est l'embauche des profs.

M. Bourque (Ghislain): L'embauche des profs.

Mme Charest: C'est la même chose pour l'UQAC?

M. Bourque (Ghislain): Oui. À l'heure actuelle, en fait, nos demandes sont à l'effet de pouvoir faire en sorte que notre Université ait une masse de profs de l'ordre d'à peu près... lorsqu'on parle de la dispensation des activités de cours, qu'on ait à peu près 70 % de nos profs qui puissent dispenser les activités de cours. À l'heure actuelle, M. le recteur en a parlé tout à l'heure, au premier cycle, 49 % des cours sont dispensés par des professeurs.

Mme Charest: Des chargés de cours ou des profs?

M. Bourque (Ghislain): Des profs. 49 % par des profs, 51 % par des chargés de cours.

Mme Charest: O.K. Et les profs et les chargés de cours. Là, je voudrais en venir avec une possibilité de réinvestissement et d'embauche. Quelle sera la proportion de vos chargés de cours qui peuvent devenir éventuellement des professeurs?

M. Bourque (Ghislain): Nous, les études que l'on a faites dans les dossiers de création ou de remplacement de profs nous disent à peu près à 80 % que ce sont des chargés de cours, pas nécessairement de chez nous, qui obtiennent les postes. En fait, on peut dire maintenant que la carrière de professeur régulier commence à 35 ans. Donc, vous comprendrez que, entre 28 et 35 ans, c'est-à-dire l'âge à peu près à partir duquel une femme ou un homme a son doctorat, il y a une carrière plutôt précaire, ce qui fait en sorte qu'on s'alimente avec les chargés de cours. C'est là qu'on puise notre clientèle.

Mme Charest: Comme université autonome, qu'est-ce que vous faites comme université au niveau de l'intégration pédagogique de vos chargés de cours? Parce que les chargés de cours ne sont pas reconnus comme tels, dans le sens que, bon, ils sont payés à la leçon et ils sont des observateurs sur plein de comités d'ordre pédagogique, ils n'ont pas droit de parole et d'influence, enfin directe, sur les contenus, sur l'offre des programmes, sur la rationalisation des programmes. Quand vous la faites, les chargés de cours ne sont pas nécessairement consultés. C'est le corps professoral reconnu comme étant des profs qui participe à ce genre d'exercice. Alors, je ne sais pas, chez vous, est-ce que vous avez des préoccupations et des outils que vous avez mis en place pour prévoir leur intégration pédagogique?

M. Bourque (Ghislain): En fait, là-dessus, vous avez tout à fait raison. Nous avons à vivre avec des conventions collectives souvent concurrentes et dans lesquelles les échéanciers, les calendriers bousculent beaucoup les habitudes des professeurs et des gestionnaires comme tels.

Mme Charest: Le corporatisme n'existe pas juste en santé. Il existe aussi en éducation et dans bien d'autres secteurs.

M. Bourque (Ghislain): Écoutez, c'est un débat, je pense, qu'on pourrait tenir. Mais vous avez en partie raison en parlant de corporatisme, sauf que, nous, ce qu'on voudrait comprendre, c'est comment est-ce qu'on va arriver à articuler ce genre de chose. C'est toujours la question que l'on pose chez nous, que ce soit dans les rapports avec les cégeps ou les rapports entre les personnels que nous avons, c'est comment on arrive à articuler la convention des chargés de cours avec celle des profs.

Lorsqu'on n'est pas dans une période, je dirais, de négociations – ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle, puisqu'on est effectivement dans une période de négociations, la convention des chargés de cours arrive à échéance au mois de mai – il y a un certain nombre de mesures qui roulent, je dirais, rondement, dont une qui a trait à l'intégration des chargés de cours et qui est essentiellement orientée vers l'encadrement des étudiants. C'est avec les chargés de cours que se décident un certain nombre de projets qui visent l'encadrement des étudiants. Mais, là-dessus, je vous dirais qu'on n'a pas...

La Présidente (Mme Bélanger): Si vous voulez conclure, parce que le temps est déjà terminé, puis elle veut avoir une autre question.

M. Bourque (Ghislain): Oui. Donc, pour faire une histoire courte, on a des mesures d'encadrement qui sont partagées avec des chargés de cours et on a un certain nombre de sommes d'argent qui sont investies là-dedans.

Mme Charest: Vous soulevez la question des conventions collectives.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, question courte et réponse courte.

Mme Charest: Alors, j'ai une autre question très courte. On sait qu'être en région, c'est différent que d'être dans des grands centres urbains. Quand vous parlez de financement par rapport à la situation particulière des universités en région, j'aimerais que vous me disiez exactement et rapidement sur quoi devrait reposer la différence et comment on devrait prévoir le financement par rapport à ces différences-là.

M. Bergeron (Gilles): D'abord, il faut voir qu'il y a un montant important qui est nécessaire dans la base de financement. On a parlé tout à l'heure d'un minimum de 6 000 000 $ pour une université comme la nôtre, et ça, à un moment donné, c'est un élément essentiel.

Maintenant, de quelle façon on peut tenir compte de la dimension plus spécifique des régions dans le grand partage des sommes qui vont être disponibles, ça, je pense qu'il y a place à un débat, de quelle façon on peut, dans les formules de financement, tenir compte du caractère très spécifique dans les régions. Mais je pense qu'il faudra affirmer le principe que c'est un élément qui doit être pris en compte dans le partage, à un moment donné, des argents supplémentaires qui vont être injectés dans le système et que cette réalité des universités en région n'est pas prise en compte dans la formule actuelle de financement. Elle a été inventée à une période où les universités en région n'avaient pas le rôle qu'elles ont actuellement, et cette formule de financement n'en tient pas compte aujourd'hui. Donc, il faut qu'elle soit pensée en tenant compte du caractère distinct. Nous sommes prêts à rencontrer les mêmes mesures de performance, mais il faudrait tenir compte du caractère spécifique.

La Présidente (Mme Bélanger): C'est terminé, je regrette. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, Mme la Présidente. Moi, il y avait un point, pas nécessairement dans les documents, qui m'intéressait aussi, c'est la question des immobilisations. Au cours des dernières années, je pense que vous avez quand même procédé à certaines constructions, et tout ça.

(11 h 10)

Ma question est simple. En tout cas, moi, je me rends compte que, de plus en plus, le rôle du gouvernement au niveau des immobilisations est en train d'être substitué par le rôle des campagnes de financement des établissements comme tels. Est-ce que c'est un syndrome qui, selon vous, doit continuer ou est-ce que les investissements que vous faites – vous les faites sans doute à partir beaucoup de vos campagnes de financement aussi, en partie sûrement... Est-ce que, de plus en plus, on devrait y aller de formules plus encadrées, à savoir: si, au niveau des immobilisations, on procède à tel investissement à partir de notre propre fondation, il devrait y avoir une participation beaucoup mieux encadrée de la part du gouvernement au niveau des plans à moyen terme, à court terme? Parce que, dans le fond, ce dont on est en train de se rendre compte, c'est qu'il y a plusieurs universités qui procèdent à des travaux importants, mais à partir de leurs propres fonds à elles. Est-ce que, selon vous, c'est un phénomène qui est dangereux à laisser aller comme ça ou si ça devrait faire partie de la révision des modes, autant des bases de financement que vous privilégiez?

M. Angers (Bernard): Je vais vous parler pour nous autres. Tous nos complexes immobiliers ont été faits à partir de fonds publics et non pas de résultat de campagnes de financement, sauf une fraction du laboratoire du givre qui est défrayée par Hydro-Québec, une fraction importante mais une fraction.

Quant à la campagne de financement à laquelle vous faites référence, chez nous, il n'y a aucune immobilisation en termes de bâtiment qui est prévue là-dedans, aucune. Les objets de la campagne sont les bourses d'études – d'abord, ça tourne tout autour des étudiants – les équipements de laboratoire, la modernisation de la technologie de l'enseignement, la bibliothèque, de se donner une capacité d'initier des projets – c'est un peu une suite de la question de M. Gautrin – en matière de recherche, on veut se donner une capacité d'agir, on n'en a pas actuellement. Mais il n'y a pas de bâtiment, aucun.

M. Béchard: O.K. Un autre point. On me disait que, chez vous aussi, il y a un certain programme de valorisation de l'enseignement comme tel. Parce qu'on parle beaucoup de la recherche, du développement de la recherche, mais il y a une fonction qui est extrêmement importante au niveau universitaire, c'est celle de l'enseignement. Parlez-nous donc un peu de cette campagne ou de ce programme de valorisation comme tel, ce que ça implique et en quoi il est particulier comparativement à ce qui se fait un peu ailleurs.

M. Bourque (Ghislain): Bien, tout part du fait que, dans le milieu universitaire, la valorisation externe se fait à partir de la recherche. En fait, tout part de ce fait-là. On avait remarqué que les professeurs cherchaient, lors de promotion, lors de permanence, d'octroi de permanence, à se faire valoir sur le plan de la recherche, et c'est normal, c'est comme ça qu'on est reconnu à l'extérieur. Or, il y avait ce déficit que l'on remarquait, qu'à l'interne les professeurs les plus performants sur le plan de l'enseignement n'étaient pas véritablement valorisés. Et on a lancé, à l'intérieur, un concours à l'effet de pouvoir signaler à chaque année une performance au niveau de l'enseignement – donc ça concerne les professeurs réguliers, ça concerne aussi les chargés de cours, une performance au niveau de l'enseignement – et une reconnaissance de la part des étudiants de cette valeur à la formation, puisque ça avait été un peu mis dans l'ombre au cours des dernières années, je dirais même au cours des 10 dernières années. Donc, il y a ce prix qui existe. Et, en plus aussi, il y a un accent particulier qui est porté, lors de dossiers de promotion, à la fonction recherche pour essayer au moins d'établir en équivalence la performance du prof autant en enseignement qu'en recherche. Je pense que, là-dessus, les professeurs ont compris que c'était un élément important. Ça touche évidemment les dossiers comme la rétention, la persévérance, l'encadrement, enfin tout ce que l'on peut appeler le volet enseignement.

M. Béchard: Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci beaucoup, M. Angers, M. Bourque, M. Bergeron, M. Côté, pour votre participation.

M. Angers (Bernard): C'est nous qui vous remercions.

La Présidente (Mme Bélanger): Vous êtes les bienvenus. Alors, nous allons suspendre pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 13)

(Reprise à 11 h 15)

La Présidente (Mme Bélanger): S'il vous plaît, à l'ordre! Nous sommes déjà en retard. S'il vous plaît! Alors, je demanderais à l'Institut national de la recherche scientifique de bien vouloir prendre place. Mme la députée de Rimouski, s'il vous plaît!

Une voix: ...

La Présidente (Mme Bélanger): Mais oui, mais là ça placote. S'il vous plaît! Voulez-vous, s'il vous plaît! Mme la députée de Rimouski...

Mme Charest: Oui, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): ...c'est commencé. Si vous voulez bien prendre place.

Alors, je demanderais au porte-parole de bien vouloir s'identifier et de présenter les personnes qui l'accompagnent. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation. On est déjà 20 minutes en retard.


Institut national de la recherche scientifique (INRS)

M. Lapointe (Pierre): Merci, Mme la Présidente. Je vais essayer d'être plus court et vous faciliter la tâche, Mme la Présidente.

Les personnes qui m'accompagnent aujourd'hui: à partir de ma droite, M. Dominic Therrien, qui est membre du conseil d'administration représentant les étudiants et étudiant à l'INRS, Institut Armand-Frappier, en microbiologie-biotechnologie; Mme Hélène Tremblay, qui est la directrice scientifique; M. Michel Leclerc, qui est directeur, administration et finances; et, à ma gauche, Mme Madeleine Gauthier, qui est professeur à l'INRS-Culture et Société, aussi représentante, membre du groupe professeur au conseil d'administration. Merci, Mme la Présidente.

Ma présentation se fera en trois temps. Je rappellerai d'abord le rôle particulier confié à l'INRS dès sa fondation et son originalité par rapport aux autres établissements québécois d'enseignement et de recherche universitaires. Puis je résumerai les résultats qui sont présentés en détail dans le document qui vous a été transmis, soit le Rapport sur la performance 1997-1998 et les perspectives de développement , en les situant dans le contexte de l'évolution extrêmement importante et rapide qu'a connue l'INRS depuis quelques années et qui nous a obligés à revoir très profondément nos stratégies et nos façons de faire dans un contexte budgétaire difficile. Enfin, je mettrai en lumière les efforts importants de rationalisation auxquels nous nous sommes consacrés au cours des six dernières années, compte tenu des restructurations qu'a connues notre organisation durant cette période. Je montrerai comment cette capacité d'adaptation est un gage de succès pour l'avenir, mais à la condition, et je crois de mon devoir d'insister fortement là-dessus, à la condition, dis-je, que les autorités gouvernementales consentent à l'INRS les moyens essentiels à son développement.

Quelle est la mission de l'INRS? Je pense qu'il est important de la contexter étant donné que vous avez, à date, rencontré des universités de type traditionnel. Nous sommes un peu différents, et je voudrais partager avec vous cette différence. La mission de l'INRS. L'INRS a pour objet la recherche fondamentale et appliquée, les études de cycles supérieurs et la formation de chercheurs. Aussi, l'Institut doit, de façon particulière, orienter ses activités vers le développement économique, social et culturel du Québec, et ce, tout en s'assurant le transfert des connaissances et des technologies dans l'ensemble des secteurs où il oeuvre. L'INRS est donc un institut universitaire de recherche et de formation de main-d'oeuvre hautement spécialisée.

En d'autres termes, le législateur a vu la nécessité, dès 1969, de créer une institution chargée de mettre directement les résultats de la recherche au service de la communauté. L'INRS était donc vu comme un fer de lance dont les travaux, qu'ils soient fondamentaux ou appliqués, étaient toujours et sont toujours orientés vers les priorités du Québec. De là découlent les caractéristiques singulières de l'INRS qui le différencient des établissements universitaires à vocation générale. Ainsi, ses différentes unités sont structurées non pas selon les champs disciplinaires, à la manière des départements universitaires, mais selon des thématiques de recherche dans un contexte de multidisciplinarité, soit l'eau, les géoressources, l'énergie et les matériaux, les télécommunications, l'urbanisation, la culture et la société, la santé humaine, la microbiologie et la biotechnologie.

(11 h 20)

De même, contrairement à l'université où la recherche est mise au service de la formation, l'Institut a essentiellement une mission de recherche dans laquelle s'inscrivent des activités de formation. Les étudiants sont intégrés, dès leur entrée à l'Institut, dans des équipes de recherche et sont associés à toutes ses activités, de production, de diffusion, de transfert de connaissances, tout au long de leur séjour. C'est ainsi que nous apportons notre contribution à la formation de main-d'oeuvre hautement spécialisée dont le Québec a tant besoin.

Par ailleurs, la pertinence sociale de la recherche est assurée à l'INRS par un processus permanent d'élaboration, de remise en question et d'actualisation de la programmation scientifique, et ce, à tous les niveaux. Dans chacun des centres, la recherche de la programmation scientifique est élaborée par l'Assemblée des profs en concertation avec des experts externes provenant du secteur privé, du public, du parapublic et de l'international. La réalisation de ces programmations scientifiques est assurée dans un contexte d'éthique de travail grâce à la clause d'exclusivité de service à laquelle tous nos professeurs adhèrent. Il ne me paraît pas exagéré de dire que cette caractéristique constitue l'une des pierres d'assise importantes de la performance de l'Institut depuis plus de 20 ans, car elle permet d'optimiser la dynamique de travail de chacune des équipes.

Enfin, je veux insister sur la notion de partenariat qui est vraiment centrale dans notre façon de faire les choses. Rien à l'INRS n'est fait en vase clos. Il s'agit d'une organisation ouverte sur la société, volontairement perméable à ses préoccupations, ses besoins, ses objectifs. La recherche y est non seulement programmée, mais réalisée en association avec des partenaires industriels, universitaires et gouvernementaux. Le type de formation qui est associé fournit aux étudiants un contexte éminemment favorable à leur adaptation au marché du travail.

En un mot, et je terminerai là-dessus sur la première partie, l'INRS est une institution particulièrement bien adaptée au nouveau contexte de la recherche dont on observe le développement et la maturation depuis les années quatre-vingt. En effet, la convergence de deux phénomènes, soit l'évolution de l'économie marquée par un recours croissant de l'industrie aux connaissances nouvelles générées par la recherche, d'une part, et le contexte budgétaire difficile créé par l'endettement des gouvernements, d'autre part, s'est soldée par un accroissement considérable de nos partenariats entre les gouvernements, l'université et les industries.

L'augmentation des crédits de recherche est de plus en plus liée à des problèmes à résoudre soit pour le bien de l'industrie soit pour le bénéfice de l'ensemble de la population. La tendance s'oriente alors vers la formation d'équipes multidisciplinaires souples et présentes dans des lieux autres que les campus universitaires exclusivement. Ces équipes peuvent comprendre des chercheurs industriels ou des intervenants des divers domaines qui s'intéressent à la recherche sociale, entre autres. Elles sont constamment préoccupées d'opérer les transferts des connaissances et des technologies vers les utilisateurs. Il s'agit là du défi auquel nous a conviés la nouvelle politique du ministre Legault sur les universités. Cette nouvelle approche à la science qui semble promise à un grand développement dans les années à venir, vous conviendrez avec moi, ressemble étrangement à celle qui était mise de l'avant et pratiquée depuis un quart de siècle à l'INRS.

L'Institut qui a été à l'avant-garde de la recherche en partenariat au Québec a en main des atouts considérables pour se développer dans ce contexte exigeant mais combien stimulant. Pour cela, cependant, il doit tirer des leçons de réaménagements très importants qu'il a dû mener au cours des dernières années et entamer un nouveau cycle sur de nouvelles bases avec des moyens à la mesure de nos défis.

Abordons d'abord, si vous le voulez bien, la performance de l'INRS sous deux grands aspects. J'aborderai d'abord l'aspect financier, puisqu'il constitue le nerf de la guerre. Les revenus de l'Institut, en 1997-1998, s'établissaient à 66 700 000 $. Ces revenus provenaient à 48 % – je dis bien à 48 % – du ministère de l'Éducation, qui constituent 31 800 000 $, et 52 % du budget total provenant des revenus d'octrois de recherche et des activités connexes.

Première constatation: les sources externes forment plus de 52 % du total du budget. De fait, le montant des subventions externes en recherche a crû de 60 % entre 1990-1991 et 1997-1998. La hausse a été continuelle, régulière, malgré les compressions ayant affecté les budgets des organismes subventionnaires fédéraux et provinciaux. La croissance du montant des contrats, elle, est beaucoup plus fluctuante et liée à la conjoncture économique québécoise et canadienne. Après une hausse marquée jusqu'en 1993-1994, alors que la valeur des contrats était deux fois plus élevée que le montant des subventions, on observe une baisse très nette puis une remontée suivie d'un plafonnement, si bien que le rapport de la valeur des contrats sur celle des subventions s'établissait, en 1997-1998, à 116 %.

Une statistique qui est fort importante et qui est un indicateur intéressant: le revenu moyen généré par chaque professeur-chercheur en 1998-1999 était de 197 000 $, soit 114 000 $ en subventions et 83 000 $ en contrats. Cela constitue une performance remarquable. Et j'en profite ici pour rendre publiquement hommage à nos professeurs-chercheurs. En effet, les chercheurs de l'INRS constituent 1,5 % de l'ensemble des chercheurs universitaires québécois mais reçoivent plus de 5,5 % des octrois de recherche. Par ailleurs, il est intéressant de répartir ces revenus externes selon la source. En 1997-1998 – les données les plus récentes que nous avions – 38 % venaient du gouvernement fédéral, soit 11 000 000 $; la seconde source en importance, les entreprises, avec 29 000 000 $, soit 8,5 %; les subventions et contrats des ministères québécois venaient par la suite avec 23 %, soit 6 700 000 $; enfin, les sommes résiduelles provenaient de diverses sources, soit 6 %, et l'international, 4 %.

Il est important aussi de noter que les indicateurs doivent aussi avoir des aspects qualitatifs, et j'aimerais vous en donner quelques-uns. Au cours de la dernière année, l'INRS-Énergie et Matériaux est devenu membre de l'Institut canadien pour les innovations en photonique. Il s'agit d'un réseau canadien de centres d'excellence qui étudient la génération, la manipulation, la transmission et la détection de la lumière. Ce centre travaille également avec l'Université de Bordeaux et le Centre national de recherche scientifique, le CNRS, en France. La mise au point d'une caméra à balayage de très haute résolution pouvant opérer à de très hautes vitesses est en voie de construction et pourra offrir une nouvelle source à la mammographie et de là faciliter l'ensemble des recherches sur le cancer.

Si je regarde dans d'autres secteurs, à l'INRS-Télécommunications, ce centre a été le promoteur d'un important projet, en collaboration avec l'École de technologie supérieure et un regroupement d'entreprises en télécommunications, ayant conduit à la création officielle, l'an dernier, de l'Institut international des télécommunications. Le nouvel organisme a récemment ouvert ses portes à Place Bonaventure, à Montréal. Il agit de concert avec l'ensemble des universités oeuvrant dans le secteur pour développer et offrir des formations d'appoint adaptées aux besoins criants de la main-d'oeuvre spécialisée dans le secteur des télécoms. Il met à la disposition des étudiants de quatrième année de bac un laboratoire permettant de simuler un réseau complet de télécommunications. Il accueillera bientôt des étudiants de deuxième et de troisième cycles, des activités de recherche, principalement avec l'INRS-Télécoms qui est maintenant logé et voisin de l'Institut international des télécoms, à Place Bonaventure.

Un autre élément qui est important et qui démontre le rôle de l'INRS. En 1997, l'INRS-Eau s'est vu confier le mandat d'organiser un important colloque sur le thème de la gestion de l'eau. Toutes les personnes et les organisations concernées par les grandes questions relatives à l'eau, autant environnementalistes, industriels, les experts, les gens d'affaires que les spécialistes, les représentants gouvernementaux et les dirigeants politiques, ont été conviées à ce symposium, l'objectif final étant de jeter les bases d'une politique de l'eau au Québec.

Je voudrais maintenant souligner un certain nombre de réalisations marquantes au plan de la pertinence sociale qui montrent bien que l'INRS, suivant en cela son énoncé de mission, oriente bel et bien ses activités vers le développement économique, social et culturel du Québec.

L'INRS-Culture et Société a créé en 1998 l'Observatoire des jeunes et de la société qui, en plus de jouer un rôle de vigie et de diffusion des connaissances sur les jeunes, se propose de poursuivre et de développer des thèmes de recherche qui abordent la jeunesse comme production et baromètre de la société, comme acteur de changement, comme lieu de construction des catégories sociales et comme maillon des relations intergénérationnelles. Le comité scientifique responsable de cet Observatoire a d'ailleurs joué un rôle actif dans la préparation du récent Sommet du Québec et de la jeunesse. J'oserais dire que cette préparation-là, ça a été la préparation des jeunes et pas du Sommet – il faut noter la différence.

(11 h 30)

L'INRS-Urbanisation aussi a mis, pour sa part, sur pied un Observatoire des sciences et des technologies. Grâce à un ensemble d'outils informatiques et statistiques, les chercheurs de ce centre ont entrepris la création d'un système d'information intégré et d'indicateurs sur les sciences et les technologies au Canada. Une trentaine d'organismes gouvernementaux universitaires et des subventions sont présentement membres de cet Observatoire. Ils constituent les principaux utilisateurs de cette expertise unique au Québec et au Canada.

Un dernier élément sur l'aspect social. De concert avec l'Université de Montréal, l'INRS-Urbanisation a créé le Centre interuniversitaire d'études démographiques, Centre dans lequel les besoins, les connaissances et les expertises sont croissants. Ce Centre est dirigé par une professeure de l'INRS-Urbanisation. Il est à l'origine d'une demande qui vient d'être acheminée à la Fondation canadienne pour l'innovation afin d'attirer à Montréal l'un des centres en statistiques sociales que Statistique Canada et le CRSH comptent implanter au Canada. Cet effort vise également à positionner Montréal comme une ville hôte pour l'accueil de l'Institut des statistiques sociales de l'UNESCO. Les quelques exemples qui précèdent illustrent bien la pertinence des activités de recherche à l'INRS.

Au plan de la formation maintenant, la diplomation constitue un indicateur très important de la performance d'une institution universitaire. Depuis sa fondation jusqu'en décembre 1998, l'INRS a décerné 734 diplômes de maîtrise, 181 de doctorat. Seulement de 1994 à 1998, le nombre de maîtrises décernées annuellement a connu une hausse de 49 % tandis que le nombre de diplômes de doctorat a pratiquement doublé.

En ce qui concerne le placement, une enquête conduite auprès des diplômés de 1990 à 1995 a révélé un taux de placement de 80 % après un mois de la graduation et de 94 % après un an. De plus, dans 94 % des cas, les diplômés en situation d'emploi occupaient un poste à temps plein. Les proportions de placement dans les secteurs étaient les suivantes: 46 % dans le secteur privé, 27 % dans le monde académique et 26 % dans le monde public. Enfin, 84 % des diplômés ont estimé leur formation très pertinente, 44 % ont dit oeuvrer dans leur spécialité de formation, 49 % dans des domaines connexes à leur formation. Je crois que ces données dépeignent un portrait extrêmement positif de l'INRS en tant qu'établissement de formation de main-d'oeuvre hautement spécialisée.

Maintenant, j'aimerais profiter de l'occasion pour rappeler aux membres de cette commission toute l'importance que l'INRS accorde à son rôle de formation de main-d'oeuvre hautement spécialisée. En effet, l'INRS offre à tous ses étudiants un programme de soutien financier afin de financer les études à plein temps et la complétion des études à l'intérieur de délais raisonnables. Pour ce faire, il consacre 1 000 000 $ par année de ses fonds, auxquels les professeurs ajoutent près du double à partir de leur fonds de recherche.

L'INRS, de plus, maintient également un programme de promotion de la vie scientifique pour soutenir un certain nombre d'initiatives des étudiants visant à enrichir leur expérience scientifique et académique. À titre d'exemple, les étudiants de trois centres ont tenu récemment un colloque intitulé Carrefour 2000, où ils ont fait le point sur les problématiques de recherche en invitant des professionnels du milieu de la pratique à y participer et à partager leurs expertises.

Sur le plan de gestion, l'INRS vient de vivre des années extrêmement chargées et lourdes de conséquences pour son avenir. Les années 1997-1998 et 1998-1999 ont été marquées par des opérations fort complexes. Le 20 janvier 1999, par l'émission de nouvelles lettres patentes, l'Institut Armand-Frappier était officiellement rattaché à l'INRS. Je ne reviendrai pas sur la chronologie des événements que j'ai présentée en détail l'an dernier. De même, la création de l'Institut des sciences de la mer à l'Université du Québec à Rimouski, le 1er mars 1999, marquait le rattachement à cette université d'un centre de recherche de l'INRS, soit l'INRS-Océanologie. Il convient également de rappeler qu'en 1994 l'Institut québécois de recherche sur la culture, fondé par Fernand Dumont en 1980, avait été rattaché à l'INRS sous le nom d'INRS-Culture et Société.

Aussi, devant cette commission, l'an dernier, j'ai rendu compte des réaménagements fondamentaux rendus nécessaires par la décision fédérale de mettre fin à la participation canadienne au Programme international de recherche sur la fusion nucléaire. Le Centre canadien de fusion magnétique, le CCFM, géré conjointement par Hydro-Québec et l'INRS et auquel participaient un certain nombre d'entreprises québécoises de haute technologie, assurait une présence active du Québec dans un secteur hautement stratégique. Il est maintenant fermé. Il faut savoir que plus de la moitié du personnel de l'INRS-Énergie et Matériaux, soit 14 professeurs et une dizaine de professionnels et de techniciens, était mobilisée par ce défunt programme. Quelle est la meilleure façon de conserver l'énorme patrimoine de connaissances et de compétences acquis dans ce domaine, de retenir les chercheurs au Québec et de les affecter à un programme de recherche mettant leur expérience à profit? Voilà un problème qui n'est pas entièrement résolu mais qui exerce une grande pression sur nos finances et notre personnel.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Lapointe, il vous reste une minute.

M. Lapointe (Pierre): Il me reste une minute? C'est parfait, madame.

M. Gautrin: Mme la Présidente, je pense que de consentement on peut lui laisser la chance de pouvoir terminer la lecture de son document, si vous permettez.

La Présidente (Mme Bélanger): Vous allez avoir moins de temps pour questionner. C'est volontiers. Alors, allez-y, M. Lapointe.

M. Lapointe (Pierre): Je ferai des réponses très courtes. Je pense que la prochaine section est aussi importante. Au cours de l'année 1998-1999, nous avons mené une importante opération de rationalisation du personnel suite à l'intégration de l'Institut Armand-Frappier. Cette intégration a eu un effet marqué sur le personnel d'encadrement, ces derniers passant de 19 à huit. Il va de soi que la diminution du nombre de cadres affecte directement les besoins en personnel de bureau. C'est pourquoi le nombre passera de 35 à 20. Il faut noter au passage qu'aucun poste de professeur n'a été aboli dans cette intégration. Et le personnel de soutien faisant partie des équipes de recherche a été aussi maintenu. C'est donc au total une variation nette de 50 effectifs de moins qui ont quitté l'organisation ou qui la quitteront.

Cet exercice de rationalisation est présentement en cours pour l'ensemble de la structure de l'INRS dans le cadre d'un processus de redressement budgétaire. La lecture que nous faisons actuellement de la situation me permet de vous dire que nous serons forcés d'abolir d'autres activités. Vous aurez compris qu'il s'agit là de mesures très énergiques que nous prenons pour faire face au défi important que nous causent les compressions budgétaires du secteur universitaire. Nous sommes néanmoins tout à fait déterminés à maintenir le cap sur la qualité et la pertinence de notre mission.

Le fait capital sur lequel je veux insister aujourd'hui est l'insuffisance manifeste du financement institutionnel de l'INRS dans le contexte que je viens de décrire, et ce, à la fois sur le plan du fonctionnement et sur le plan des investissements. Au plan du fonctionnement, malgré tous les efforts consacrés ces dernières années à la rationalisation, l'Institut a atteint un seuil critique. La subvention institutionnelle ne suffit plus à supporter le fonctionnement de base de l'organisation alors que le financement de la recherche, lui, est en forte croissance. Les revenus externes sont élevés, et on ne peut y puiser pour soutenir le fonctionnement. À terme, c'est tout le dynamisme de l'INRS et la pertinence de son action qui pourront s'en trouver freinés.

L'INRS est défavorisé par le mode de calcul du financement universitaire. Un réajustement budgétaire s'impose donc pour ramener la proportion de financement institutionnel à un niveau qui permettra à l'Institut de remplir pleinement sa mission de recherche et de formation. Au niveau actuel des revenus externes, un ajout de 7 000 000 $ à la base ramènerait le financement institutionnel à 60 % des revenus totaux, un niveau beaucoup plus conforme à la vocation. Ceci nous permettrait notamment de combler les 30 postes de prof actuellement vacants à l'INRS et de remettre l'INRS sur la voie de son développement.

Je me suis efforcé de montrer dans cette présentation la grande capacité d'adaptation dont le personnel de l'INRS a fait preuve au cours des dernières années. Le départ des équipes de recherche d'INRS-Océanologie et du Centre canadien de fusion magnétique, l'arrivée de nouvelles équipes à l'Institut Armand-Frappier et à l'IQRC, voilà de grands succès. Cette institution s'est résolument engagée dans un exercice de redéfinition de ses orientations, de ses priorités et de ses façons de faire tout en affichant une performance exceptionnelle au plan de la recherche et de la formation.

Le fonctionnement de l'INRS est remarquablement bien adapté aux nouvelles conditions et contraintes qui affectent la recherche universitaire de façon croissante depuis une dizaine d'années. Tout porte à croire qu'elles constitueront le modèle dominant pour le XXIe siècle. La pertinence de son action doit être soulignée. Je pense qu'il est important de noter que, cette année, l'INRS a eu droit à la «scientifique de l'année», a eu droit à une des 10 inventions de l'année. L'an passé, nous avions trois inventions de l'année. Je pense que la pertinence n'est pas à prouver, mais les moyens de son action doivent absolument, et de toute urgence, être renforcés si l'on souhaite qu'il continue à répondre aux besoins prioritaires de la société québécoise. Mme la Présidente, messieurs, merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Lapointe. Alors, il reste 17 minutes pour chacun des groupes parlementaires. Alors, M. le député de Verdun.

(11 h 40)

M. Gautrin: Merci, Mme la Présidente. Brièvement, M. le directeur, ça me fait plaisir de vous revoir ici. Simplement pour expliciter la situation financière. Lorsque vous parlez, en pages 5 et 6, que 48 % viennent du ministère de l'Éducation, le 52 %, c'est essentiellement les subventions de recherche et les contrats? C'est ça?

M. Lapointe (Pierre): Voilà.

M. Gautrin: Donc, c'est des montants sur lesquels vous ne pouvez pas payer de salaire. Est-ce que je comprends bien?

M. Lapointe (Pierre): Dans la majorité des cas, oui.

M. Gautrin: Dans la majorité des cas. Et vous pouvez certainement, autrement dit, payer vos chercheurs, les salaires de vos chercheurs, ce qui fait quand même la base même d'un institut de recherche comme l'INRS. C'est dans les 48 % que vous vous trouvez actuellement. À l'heure actuelle, vous nous dites: Nous avons une difficulté parce que ce montant n'est pas assez important. Même si on a d'importantes subventions de recherche, même si nos contrats sont importants, nous n'avons plus assez de chercheurs pour justifier une masse critique dans la majeure partie de nos instituts. Est-ce que je comprends bien?

M. Lapointe (Pierre): Effectivement, au 31 mai prochain, le déficit de l'organisation dépassera le 4 000 000 $. Nous ne sommes plus en mesure de payer l'infrastructure de base, c'est-à-dire le salaire de nos profs. Et ce déficit-là de 4 000 000 $ prend en compte le non-renouvellement de ces 30 postes de prof. Et, si on regarde ces 30 postes de prof là, c'est un autre 3 000 000 $. Donc, effectivement, nous ne sommes plus en mesure de payer la note d'épicerie du 1er juin et nous ne pouvons pas réembaucher ces 30 profs.

M. Gautrin: Les frais indirects de recherche sont aussi imputables sur ce 48 % de vos revenus ou est-ce que vous pouvez imputer une certaine partie des frais indirects de recherche sur vos contrats ou certaines de vos subventions?

M. Lapointe (Pierre): Sur les subventions de type accrédité, donc les CRM, CRSNG, etc., il y a un 15 % qui est déjà financé par le ministère de l'Éducation. Sur les autres subventions et les autres contrats, nous appliquons autour de 40 % de frais indirects.

M. Gautrin: Donc, autrement dit, sur les subventions qui sont les subventions des grands organismes de recherche, le 15 % n'est pas assez pour assumer l'ensemble des frais indirects de recherche. Donc, vous devez les prendre à même votre budget général.

M. Lapointe (Pierre): Effectivement, c'est le cas.

M. Gautrin: Il y a une question que je voudrais vous poser. Vous avez parlé qu'il y a un lien, une exclusivité de services entre vos professeurs-chercheurs et l'INRS. En ce qui touche la propriété intellectuelle, quel est le type d'entente que vous avez avec vos professeurs-chercheurs? Est-ce que l'INRS a toute la propriété intellectuelle? Est-ce qu'il y a un partage de la propriété intellectuelle?

M. Lapointe (Pierre): L'INRS est propriétaire de la propriété intellectuelle. Cependant, les sous obtenus par la commercialisation d'une propriété intellectuelle sont partagés de la façon suivante: 50 % vont à l'inventeur, donc 50 % au professeur, je crois que c'est 25 % qui va à l'université, le centre, et le 25 % à l'administration.

M. Gautrin: Est-ce que vous pourriez avoir l'amabilité – j'imagine qu'il y a un texte, un document sur cela – de nous le transmettre? Je vous explique pourquoi. Parce qu'il y a des régimes différents d'une institution à une autre institution en ce qui touche la propriété intellectuelle. Vous savez qu'il y a des efforts importants qui vont être faits sur la valorisation de la recherche – ça va être ma deuxième question qui vient là-dessus – et il faudrait voir à uniformiser un petit peu ces politiques à l'heure actuelle. Est-ce que vous pouvez nous les transmettre, à ce moment-là?

M. Lapointe (Pierre): Nous allons les transmettre. Ça sera fait dès aujourd'hui. Tout à fait.

M. Gautrin: En ce qui touche la valorisation de la recherche, vous savez qu'il y a eu, suite au dernier budget, un 50 000 000 $ qui a été mis sur la valorisation de la recherche. Il y a la création d'un certain nombre de sociétés de valorisation de la recherche. Vous vous positionnez comment? Vous participez de quelle manière dans ce programme-là?

M. Lapointe (Pierre): L'INRS a le leadership dans la mise sur pied d'une de ces quatre sociétés-là. L'INRS a entrepris de mettre en réseau l'ensemble des universités du Québec dans cette société-là, et aussi nous sommes associés avec l'Université Concordia. Donc, nous avons formé une société qui s'appelle VIP, Valorisation Innovation Plus, qui est opérationnelle au moment où on se parle mais qui va entrer en fonction en plein rendement, selon toute vraisemblance, cet été. Nous constituons un portefeuille d'activités de recherche de l'ordre de 120 000 000 $.

M. Gautrin: Ce qui justifie donc, à ce moment-là, la création d'une société de valorisation de la recherche, la base étant fixée à 100 000 000 $.

En ce qui touche un sujet qui me tient particulièrement à coeur, vous le savez, la réintégration des chercheurs du tokamak, du défunt tokamak, on devrait dire, vous avez dit que ça se faisait petit à petit. Ça continue à s'appeler Énergie parce que vous avez voulu le conserver pour le souvenir, j'imagine, le mot «énergie», dans INRS-Énergie et Matériaux, mais vous signalez que ça s'est fait partiellement.

M. Lapointe (Pierre): Oui.

M. Gautrin: Alors, on est rendu où là-dedans? Moi, j'avais des informations par particulièrement des chercheurs qui étaient de l'IREQ, ils avaient de la difficulté à se replacer. Pour vos chercheurs à l'INRS, comment ça s'est passé?

M. Lapointe (Pierre): Juste faire le point sur le CCFM, deux choses. La première, c'est que nous avions la majorité des chercheurs dans le CCFM, donc une vingtaine de personnes. La moitié présentement a pu être relocalisée à l'intérieur d'un nouveau programme sur la nanofabrication que nous sommes en train de développer. Cependant, l'autre moitié de chercheurs, nous avons un problème majeur à les relocaliser. Il y a eu des discussions depuis l'automne passé avec le ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie, le ministre Rochon, afin de bâtir un programme de veille et de continuité, de garder l'expertise au Québec. Nous avons demandé un certain financement à M. Rochon. Il se fait attendre, et nous sommes inquiets là-dessus.

M. Gautrin: C'est bon de nous le signaler, parce que nous allons entrer dans la période des crédits bientôt. Alors, le rôle de l'INRS comme instrument de transfert technologique et de veille, vous avez abordé ceci. Est-ce que vous en faites un petit peu actuellement ou pas?

M. Lapointe (Pierre): Nous en faisons surtout par l'Observatoire de sciences et technologies qui est dirigé par le professeur Godin. Cet Observatoire, vraiment, nous permet et nous offre une capacité de veille et de prospective pour notre propre planification – ce qui est offert est disponible à l'ensemble des universités – et aussi, ça développe des indicateurs de performance et de pertinence. Donc, nous utilisons cet Observatoire-là comme instrument de veille et de prospective.

M. Gautrin: J'ai une dernière question puis je pourrai revenir après, s'il nous reste du temps, Mme la Présidente.

Dans votre texte et dans votre exposé, il y a un mot qui m'a fait sursauter. À la page 12, dans le dernier paragraphe, vous utilisiez: «La lecture que nous avons actuellement de la situation nous amène à vous dire que nous serons forcé d'établir d'autres postes.» Et, dans le texte, ce que vous avez dit, vous avez dit «d'autres activités», ce qui est beaucoup plus grave que «d'autres postes», vous comprenez bien, parce qu'on peut diminuer une activité tout en la maintenant. Est-ce qu'il faut prendre ce que vous avez dit ou ce que vous avez écrit?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lapointe (Pierre): Les deux ont la même signification pour moi, ou le résultat sera le même.

M. Gautrin: Oui, mais l'abolition des postes se fait à un tel niveau que ça implique automatiquement une abolition d'activité à moyen terme.

M. Lapointe (Pierre): Une fin d'activité, effectivement.

M. Gautrin: Bon. Bien, ça nous inquiète.

M. Lapointe (Pierre): Moi aussi.

M. Gautrin: Je vous remercie, Mme la Présidente. Je reviendrai éventuellement, s'il nous reste du temps.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le député de Verdun. M. le député de Bertrand.

M. Cousineau: Merci, Mme la Présidente. Mme Tremblay, Mme Gauthier, M. Lapointe, M. Therrien, bonjour, bienvenue à cette commission parlementaire. Lorsque je regarde les tableaux statistiques qu'on retrouve dans le document qu'on nous a distribué, on s'aperçoit que le tableau statistique qui couvre les surplus puis les déficits depuis quelques années... On serait porté à croire que ce n'est pas d'hier qu'il y a un sous-financement au niveau de l'Institut, parce que, si on regarde, en 1989-1990, vous aviez un déficit très prononcé; puis, en 1990-1991, ça s'est replacé; puis, par la suite, ça s'est détérioré; en 1995-1996, surplus puis, par la suite, déficit. Est-ce que je me trompe si je dis que c'est sur une longue période que vous vivez ce problème de mauvais financement au niveau de la base?

M. Lapointe (Pierre): Oui, effectivement, c'est sur une longue période. La raison principale, c'est que nous sommes la seule université, institution universitaire qui ne fait que du deuxième et du troisième cycles, maîtrise, doctorat, et de la recherche. Et les formules de financement du ministère de l'Éducation sont basées sur un merveilleux concept qu'on appelle les ETC, donc la tête de pipe de l'étudiant. Lorsqu'on se retrouve dans une institution de type spécialisé comme la nôtre, la formule n'a pas été encore inventée pour nous financer au niveau où nous devrions l'être.

(11 h 50)

M. Cousineau: D'accord. Dans votre document que vous nous avez distribué ce matin, on parle, à partir de la page 5, d'une institution performante. Et puis, lorsqu'on vous suit puis on regarde le texte, effectivement, c'est très performant. Maintenant, le ministre de l'Éducation a parlé d'un refinancement des universités sur une base équitable pour l'ensemble du réseau universitaire et puis a parlé aussi de contrat de performance. Ça m'amène à vous poser la question: Comment vous réagissez à ça, vous, ce qu'on appelle le volet contrat de performance?

M. Lapointe (Pierre): Très positivement, et la raison est simple. C'est que, contrairement aux missions universitaires, la mienne, je vous la répète: L'Institut doit de façon particulière orienter ses activités vers le développement économique, social et culturel du Québec tout en assurant le transfert des connaissances et des technologies dans l'ensemble des secteurs où il se trouve. Donc, déjà mes lettres patentes, ma mission, mon contrat avec le gouvernement du Québec impliquent ce type d'entente là. Pour moi, pour l'organisation et pour l'ensemble des collègues, c'est effectivement le rôle que l'on veut jouer.

M. Cousineau: Donc, vous êtes très optimiste pour aller chercher les montants supplémentaires sur les contrats de performance.

M. Lapointe (Pierre): Je suis noblement agressif dans tout. Par conséquent, effectivement, j'irai chercher la part qui, je crois, nous est réservée.

M. Cousineau: Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Saint-Hyacinthe. L'alternance? C'est correct.

Une voix: Pas de problème.

M. Gautrin: Mais non, mais non!

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Votre gentillesse me touche profondément. Merci, Mme la Présidente. M. le président, mesdames, messieurs, je dois commencer par des félicitations, mais très senties, pour la présentation que vous nous avez faite. Je pense que, vous savez, les parlementaires, on a la chance d'entendre beaucoup de gens venir nous informer d'un tas de choses, mais on souhaiterait peut-être parfois que toutes les présentations soient d'une qualité comparable à la vôtre. Parce que autre chose est parler 20 minutes, autre chose est dire beaucoup. Et il y a beaucoup, beaucoup dans votre texte, beaucoup. Moi, je ne suis pas en mesure présentement d'évaluer votre performance comme directeur de l'INRS, mais peut-être comme présentation, votre présentation a été très performante, ce qui est déjà un bon indice.

Et je dois aussi remarquer deux choses avec plaisir. La première, c'est que vous êtes accompagné, en cette Journée internationale de la femme, de deux femmes. Alors, je les salue très respectueusement. Je pense qu'il faut en profiter, Mme la Présidente, pour saluer les femmes du Québec et les féliciter pour le travail extraordinaire et la progression qu'il y a eue dans la mentalité du peuple québécois depuis une génération. Je pense qu'on pourrait dire sans exagérer que le Québec se situe à l'avant-garde, pas nécessairement le seul, mais parmi les peuples à l'avant-garde dans ce domaine tellement important pour le progrès de l'humanité, c'est-à-dire de l'égalité des sexes. Je pense que c'est très important pour le progrès de l'humanité, mais je suis convaincu que c'est important aussi pour les progrès de la recherche.

La deuxième chose que je veux souligner, c'est la présence d'un étudiant à la table. Je pense que c'est très important. Je pense que c'est une façon de traduire dans les faits ce que vous nous avez dit dans votre texte, c'est-à-dire cette approche de concertation qui amène les gens à s'asseoir autour d'une table. Et je serais porté à croire, sans être un chercheur moi-même, que c'est un des éléments principaux du succès de la recherche, d'amener les idées à se confronter et à se rassembler, les idées par-delà les sexes et par-delà les générations.

Mais ça, ça laisse quand même intacte la préoccupation que j'ai pour ce que vous mentionnez à la page 11 et qui a été relevée par mon collègue de Verdun concernant la question du projet Tokamak et les chercheurs qui sont restés comme des oiseaux sur la branche, en partie seulement parce qu'il y en a une partie qui a été réintégrée. On sait qu'une des luttes que se font les peuples modernes et développés, c'est une lutte pour s'accaparer le plus possible les cerveaux, les chercheurs qui seront en mesure de faire avancer la société et de faire avancer l'industrie. Et je suis malheureux qu'on ait d'une façon comme ça, en tout cas imprévue, mis fin à un programme très important. Vous savez, quand on est deux à financer un programme et qu'il y en a un des deux qui se retire tout d'un coup, ça crée un peu des problèmes extraordinaires. Et, moi, j'espère qu'on trouvera une solution à cette situation-là et qu'on pourra conserver nos cerveaux au Québec. On en a besoin.

J'aurais plusieurs questions, mais je veux souligner, avant de commencer ma question, une autre chose. Vous savez, on a à Saint-Hyacinthe – je suis député de Saint-Hyacinthe – un Institut des biotechnologies agroalimentaire et vétérinaire. J'ai été heureux de constater au début que vous travailliez en concertation avec l'ensemble des instituts de recherche. Pouvez-vous me parler un peu plus de la relation qu'il y a entre l'INRS et l'Institut de biotechnologie de Saint-Hyacinthe qui vient d'être fondé depuis un ans?

M. Lapointe (Pierre): Je notais tantôt, entre autres, la performance d'une des chercheurs de l'Institut Armand-Frappier en microbiologie et biotechnologie, qui est Mme Monique Lacroix, qui travaille avec les gens et qui a été – vous le verrez dans Québec Science de février – nommée «l'invention de l'année». Et cette invention-là, c'est le biofilm. C'est un film pour envelopper les légumes, envelopper toute la nourriture, qui est fait à partir du petit-lait. Le projet a été un projet fait en collaboration avec le FCAR, Novalait, l'Institut et l'INRS. Donc, sur cet aspect-là, c'est un des projet qui... Je pourrai vous envoyer la nature du projet. Ce projet-là a fait en sorte aussi, pour répondre de façon précise à M. Gautrin, que nous avons créé une société d'essaimage qui s'appelle BioEnvelop et qui fera ses premiers pas à la Bourse dans les prochaines semaines et, nous l'espérons...

M. Gautrin: ...acheter des actions.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lapointe (Pierre): Je vous le propose. Nous en avons 7 % et nous sommes bien heureux. Mais effectivement je vous le propose. J'aimerais revenir sur un commentaire que vous avez fait et qui m'interpelle. Ce n'est pas un accident si nous avons une égalité des sexes. Effectivement, il y a 27 % des cadres qui sont féminins, 41 % des étudiants qui sont de sexe féminin, seulement 16 % de nos professeurs qui sont féminins, mais ça, c'est beaucoup l'aspect sectoriel, surtout du côté sciences et génie.

Mais je voudrais reprendre et j'espère que j'aurai l'occasion de laisser parler mes collègues, parce que je pense que c'est important. Et je me demande... Sur le commentaire que vous avez fait sur l'intégrité ou la cohérence de notre présentation, je voudrais laisser la parole, je pense, autant à Dominic, l'étudiant, qu'à Madeleine, pour vous dire à quel point nous pensons que c'est vrai. Peut-être Dominic.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Therrien.

M. Therrien (Dominic): Bien, je crois que l'INRS, depuis que je suis là, depuis que l'INRS est affiliée avec l'Institut Armand-Frappier, ils ont fait un effort au niveau des étudiants pour nous consulter... des décisions. Il y a toujours des étudiants sur la commission de la recherche, des étudiants aussi sur le C.A. et sur différents comités qui ont accès à la gestion de l'encadrement étudiant.

Je crois aussi que, par le soutien financier, l'INRS aide également grandement les étudiants. Je crois, par contre, que c'est quelque chose de bien, mais que ce n'est peut-être pas suffisant et qu'il faudrait peut-être plus encore pour s'assurer que les étudiants finissent bien leur maîtrise, leur doctorat. Mais ça, il y a une question aussi de financement qui n'est pas nécessairement seulement le rôle de l'INRS, mais peut-être aussi celui du ministère, à ce niveau-là.

Mme Gauthier (Madeleine): Bon. Est-ce que je peux vous dire que, pour les professeurs de l'INRS, le sentiment d'appartenance est très fort? L'INRS, c'est nous, et ça, je ne crains pas de le dire. Tous mes collègues diraient la même chose. Quand on dit qu'on va chercher 52 % de notre budget, ça veut dire que chacun des professeurs se sent responsable de l'efficience ou de l'efficacité, du rayonnement de son institution. Or, ce sentiment d'appartenance là qui est très fort, qui est marqué aussi par un contrat d'exclusivité, qui se traduit par des subventions, par une bonne performance... Au niveau des organismes fédéraux, par exemple, les chercheurs de l'INRS vont chercher leur grande part. Bon, le directeur le mettait dans son rapport, nous sommes 1,5 % de la masse des chercheurs au Québec et nous allons chercher 5,5 % de subventions et de contrats de recherche.

(12 heures)

Bon. Mais inutile de vous dire que ceci a comporté au cours des dernières années, avec les compressions, non seulement les compressions que nous avons subies comme institution, mais que les autres institutions... Je pense au Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, par exemple, où le budget a énormément baissé au cours des années quatre-vingt. Tout cela a rendu notre tâche encore plus ardue, parce qu'il y a une pression qui vient de l'extérieur, qui nous oblige, qui nous stimule à travailler en interdisciplinarité, qui nous stimule à travailler en partenariat, qui nous stimule à former des masses critiques.

Je pourrais vous parler longuement de ce réseau de chercheurs qui travaille en ce moment sur la question des jeunes en région, de la migration des jeunes en région, l'obligation d'un transfert des connaissances. Je prends seulement l'exemple du champ de recherche dans lequel je suis. Vous avez remarqué que tous les lundis dans Le Devoir , depuis le mois de septembre, il y a un effort de communiquer les résultats de recherche qui ont pu se faire sur les jeunes pour être capable de préparer d'une façon un peu plus adéquate le Sommet de la jeunesse. Et c'est de notre initiative, ce n'est pas Le Devoir qui nous l'a demandé. C'est nous qui avons dit: C'est notre part comme chercheurs.

Ceci lié à la formation, inutile de vous dire qu'au cours des dernières années la pression sur les professeurs a été très forte. Et j'aimerais vous parler de la vie quotidienne d'un professeur. Ceux qui s'imaginent qu'on est cachés derrière notre laboratoire ou derrière un pupitre, la vie du chercheur est beaucoup plus celle de l'exercice d'un leadership pour constituer des réseaux à tous les niveaux. Nous avons des liens avec les régions, nous avons des liens au niveau national. J'ai organisé une réunion vendredi passé où il y avait des représentants de différents ministères fédéraux qui sont venus s'informer de ce que nous faisions dans notre équipe sur la migration des jeunes, en nous disant: Vous êtes les «headleaders» sur cette question-là. Et il y a des régions du Canada qui voudraient bien pouvoir en ce moment réaliser une recherche comme la nôtre.

C'est la même chose sur le plan international. Je ne vous dirai pas combien d'invitations nous recevons, dans combien d'équipes maintenant, en particulier avec l'électronique. Dans l'équipe sur la migration des jeunes, il y a un professeur de Lyon, il y a un professeur de Clermont-Ferrand qui travaille sur justement cette question de jeunes, de sentiment d'appartenance de jeunes en région, de migration, etc. Et tout ça, c'est possible parce que nous pouvons mettre nos banques de données sur des sites et que nous travaillons tous sur les mêmes données, peu importe où nous nous trouvons dans le monde. Mais c'est une pression de plus. Je pense qu'on n'est pas suffisamment. Les 30 personnes qui nous manquent à l'INRS pourraient nous aider à réaliser toute cette mission.

M. Dion: Est-ce que je peux rajouter une question? Même si j'en ai plusieurs, je sais que les collègues veulent en poser aussi. Mais il y a une question qui me préoccupe beaucoup, c'est l'impact de la recherche dans le développement industriel, c'est-à-dire d'une façon spécifique. Je sais qu'il y a une partie – vous l'avez dit vous-même – qui est fondamentale, qui est plus vaste, qui ne demande pas nécessairement des résultats à court terme, mais il y a aussi une partie qui est de la recherche appliquée. Et il y a un certain nombre de brevets nécessairement qui sortent des centres de recherche. Vous avez sans doute des chiffres sur le nombre de brevets qui sont vendus à l'extérieur, d'autres qui sont réalisés ici, enfin l'impact direct sur les initiatives industrielles au Québec du travail de l'INRS.

M. Lapointe (Pierre): Ce que je pourrais vous faire parvenir, je ne l'ai pas malheureusement avec moi, c'est la lettre d'intention que nous avons déposée à Valorisation-Recherche Québec, l'institut qui a été créé l'an passé par le ministre Landry et le ministre Rochon. À l'intérieur de ce document-là, nous retrouvons le portefeuille technologique de l'organisation ainsi que des Universités du Québec et de Concordia. Donc, ça vous donne une ampleur du nombre de brevets, de licences, de sociétés d'essaimage et du potentiel technologique industriel de l'ensemble des organisations. Je ne les ai pas avec moi, mais effectivement c'est disponible. Est-ce que je réponds à...

M. Dion: Oui. C'est sûr, j'aurais aimé peut-être avoir une appréciation, un ordre de grandeur, mais je sais que je parle à des chercheurs, alors je ne demanderai pas ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lapointe (Pierre): Non. Je pourrais vous donner certains chiffres, à condition que vous me laissiez une marge d'erreur. Disons que, au niveau des brevets, nous en avons certainement, à l'INRS, présentement une quinzaine, de brevets, dans les deux, trois dernières années. Nous avons formé, depuis trois ans, au moins trois ou quatre sociétés d'essaimage dans plusieurs secteurs. J'ai parlé de BioEnvelop, il y en a une en photonique. Et, au niveau des licences, le chiffre m'échappe. Disons que c'est de cet ordre de grandeur sur les trois dernières années. Cependant, la mise sur pied de ces sociétés de valorisation de la recherche a fait en sorte qu'il y a eu un mouvement à l'intérieur des organisations, notamment la nôtre, et je prévois une augmentation assez logarithmique de ce type...

Une voix: Exponentielle.

M. Lapointe (Pierre): Exponentielle, effectivement.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Lapointe. Malheureusement, c'est terminé. Alors, on va donner la chance au député de Verdun de conclure.

M. Gautrin: Brièvement, Mme la Présidente. J'ai deux questions encore que je voudrais aborder avec vous. Un, la question du financement. Vous nous avez dit, avec raison, qu'à l'heure actuelle l'INRS était financé sur une base historique et, comme les autres institutions universitaires, sur la variation des clientèles étudiantes qui sont des clientèles de deuxième et troisième cycles.

La question que je voudrais vous poser, c'est: Est-ce que vous avez une idée comment on pourrait tenir compte du rôle économique qu'ont les institutions de recherche dans les formules de financement?

M. Lapointe (Pierre): Je devrais demander à mon économiste favori à côté de répondre. Il y a effectivement des méthodes de mesure d'impact économique.

M. Gautrin: Ça, je les connais.

M. Lapointe (Pierre): Ce que je pense, si on veut avoir un type de financement qui tient compte de cet impact économique là, il faudrait le mettre à l'intérieur d'une certaine forme d'enveloppe, avoir un financement de base bien spécifique, et, dans la relation contractuelle, il faudrait que cette relation contractuelle lourde ne soit pas annuelle mais soit sur trois ans, disons, quelque chose comme ça, se doter d'indicateurs de mesure d'impact économique. Et, à l'intérieur de l'Observatoire des sciences et technologies, les professeurs Godin et Trépanier, nous avons été en mesure, entre autres, de quantifier les activités de recherche du CCFM. Nous avons une série de mesures, d'indicateurs comme ça. Si nous entrons dans une relation contractuelle, nous fixons des objectifs au départ et nous les mesurons après trois ans. Ces indicateurs-là pourraient offrir une certaine forme de financement de la composante performance industrielle ou performance économique.

M. Gautrin: Qui permettrait à ce moment-là d'augmenter votre nombre de chercheurs éventuellement.

M. Lapointe (Pierre): Effectivement.

M. Gautrin: Il nous reste peu de temps, Mme la Présidente, alors je vais aborder la dernière question. Je comprends, là-dessus, je vous reparlerai après, en privé, sur cette question-là, parce que notre temps est...

La Présidente (Mme Bélanger): Cinq minutes.

M. Gautrin: Ah! cinq minutes? Armand-Frappier. Vous avez fait l'intégration d'Armand-Frappier qui est maintenant devenu une section d'INRS, INRS-Biotechnologie-microbiologie. J'ai remarqué qu'il n'y a aucun des professeurs-chercheurs qui a perdu son poste dans l'intégration. Il y a peu de techniciens qui ont perdu leur poste. Ça a été les postes-cadres et des postes d'encadrement que vous avez eus par rationalisation. Armand-Frappier a été quand même un élément central dans le développement de la Biotechnopole à Laval. Comment se situe maintenant votre nouvel INRS-Biotechnologie dans le développement de cette Technopole?

M. Lapointe (Pierre): Vous lisez dans mes pensées, M. Gautrin. Nous avons présentement un projet. Nous avons fait une association avec Laval Technopole et avec la ville de Laval, M. Vaillancourt. Nous avons mis sur pied une équipe qui est en train de définir le plan d'affaires de ce que nous allons appeler le Biopôle de Laval. Nous le faisons en collaboration, comme j'ai dit, avec Laval Technopole, financement de Laval Technopole, la ville de Laval et nous pour le développement du parc scientifique et technologique de Laval, pour la remise sur pied de nos édifices parce qu'ils sont rendus désuets...

M. Gautrin: Un peu vieillots.

(12 h 10)

M. Lapointe (Pierre): ... – oui, un peu vieillots, merci – pour l'optimisation de nos effectifs et aussi la venue d'industries et la mise sur pied aussi d'industries par rapport à nos professeurs et par rapport à nos étudiants grâce au Centre québécois d'incubation en biotechnologie qui est une copropriété de l'INRS. Donc, effectivement il y a un plan d'affaires qui est en train d'être mis sur pied pour développer de façon intégrée l'ensemble de ça, incluant aussi le Musée Armand-Frappier que nous voulons développer comme un centre d'interprétation en biotechnologie.

M. Gautrin: Donc, ça n'a pas modifié du tout le rôle qu'avait Armand-Frappier comme élément multiplicateur dans la sous-région de Laval; au contraire, ça l'a accentué.

M. Lapointe (Pierre): Au contraire, M. Vaillancourt est tout à fait heureux de la présence de l'INRS et de la collaboration qu'on lui apporte.

M. Gautrin: Je vous remercie. C'est toujours un plaisir de vous rencontrer.

Mme P. Tremblay (Hélène): Si vous me permettez...

M. Gautrin: Oui, avec plaisir.

Mme P. Tremblay (Hélène): ...juste un petit complément, parce que ça me permet aussi de faire le lien avec la question que vous avez posée tantôt et celle de M. Dion, à savoir que les interventions d'une institution comme la nôtre, quand on en cherche l'impact économique, il peut se mesurer de toutes sortes de façons qui vont au-delà des partenariats avec des institutions ou des partenaires privés. L'exemple du CQIB, du Centre québécois...

M. Lapointe (Pierre): D'incubation.

Mme P. Tremblay (Hélène): L'incubateur, qui est une initiative clairement de l'INRS, c'est aussi un témoignage d'une intervention qui n'est pas nécessairement traditionnelle, et ne passe pas spontanément, et qui est pourtant une contribution directe de l'INRS au développement économique dans son secteur au sens large.

M. Gautrin: Je vous remercie et je resterai en contact avec vous.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci beaucoup, M. Lapointe, Mme Tremblay, Mme Gauthier, M. Leclerc et M. Therrien, pour votre participation à cette commission.

Alors, la commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 12)

(Reprise à 14 h 4)

La Présidente (Mme Bélanger): Je déclare la séance de la commission de l'éducation ouverte. Le mandat de la commission est d'entendre les dirigeants des établissements d'enseignement de niveau universitaire sur leurs rapports annuels 1997-1998, conformément aux dispositions de la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire.

Alors, cet après-midi, nous recevons l'Université de Montréal. Je demanderais au porte-parole de bien vouloir se présenter et présenter les personnes qui l'accompagnent. Vous avez 60 minutes pour faire votre présentation qui sera suivie d'un échange avec les deux groupes parlementaires.

Une voix: Non, plus que ça.

La Présidente (Mme Bélanger): Bien, c'est deux heures.

Une voix: C'est 40 minutes.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, 40 minutes, 60 minutes, 80 minutes selon le cas, là. Ça dépend du temps que vous voulez prendre. Quarante, quarante... Quatre fois trois: 12. C'est 40 minutes, je m'excuse.


Université de Montréal (UdeM)

M. Lacroix (Robert): Merci bien, Mme la Présidente. Mon nom est Robert Lacroix, je suis le recteur de l'Université de Montréal. Jacques Gravel est le vice-recteur adjoint exécutif de l'Université de Montréal; Claire McNicoll est la vice-rectrice à l'enseignement de premier cycle et à l'enseignement continu à l'Université de Montréal; et Alexandre Chabot est responsable des affaires publiques à l'Université de Montréal.

Alors, madame, d'abord, l'occasion qui nous est donnée de vous rencontrer, c'est ce gros document, très lourd, daté de 1997-1998, ce sont une série d'événements qui se sont passés au moment où je n'étais même pas recteur de l'Université de Montréal. Je pense que nous sommes prêts à répondre à toute question concernant ce rapport, mais je crois que le monde universitaire a tellement changé, j'aimerais profiter de l'occasion, avant de répondre à vos questions, s'il en est, sur le rapport, pour vous situer un peu l'Université de Montréal dans le contexte actuel.

À ce tournant de son histoire, le Québec – et vous le savez certainement aussi bien que moi – doit miser sur son ouverture au monde. C'est là un impératif incontournable pour une société comme la nôtre dont l'économie dépend d'une expansion croissante à l'échelle nord-américaine et mondiale. À cette fin, le Québec, croyons-nous, doit consolider les compétences spécialisées dont il dispose et développer celles dont il aura besoin.

Le marché de la connaissance, on le sait, est d'emblée international. Il implique donc que la société québécoise, soucieuse de l'avenir, se dote de concentration de ressources requises pour s'assurer une position concurrentielle au sein de la société internationale du savoir. Le Québec possède à cet égard des atouts majeurs. Sa spécificité culturelle de société multiethnique possédant le français comme langue officielle et intégrée au vaste ensemble nord-américain lui confère une capacité de rayonnement international de premier ordre. L'avenir du Québec a partie liée avec l'essor de Montréal et de sa grande région où sont concentrées la moitié de sa population et une part substantielle de ses ressources de développement culturel, social et économique.

L'épanouissement de la population québécoise suppose aussi l'intégration des communautés qui y cohabitent à la société du savoir que nous constituons déjà et qu'il s'agit désormais de consolider. L'enrichissement collectif du Québec requiert en outre que les ressources de formation et de recherche de la région montréalaise atteignent le niveau de concentration et d'excellence requis pour asseoir durablement sa position concurrentielle tant au plan nord-américain qu'au plan international.

Les grandes universités de recherche sont des vecteurs essentiels de la société du savoir. Elles bénéficient généralement, dans tous les pays du monde, d'un soutien particulier de la part des pouvoirs publics qui les considèrent comme des agents indispensables de progrès et de promotion de l'excellence.

La société québécoise, consciente de cet enjeu stratégique, a investi pour faire de l'Université de Montréal et de ses écoles affiliées un instrument majeur de son développement. Outre le génie et l'administration assumés par ses écoles affiliées, l'Université de Montréal s'est affirmée comme université à vocation générale et professionnelle, engagée dans une grande diversité de programmes: en sciences humaines, en sciences sociales, dans les arts et les lettres, en sciences naturelles et dans le plus large éventail de disciplines des sciences de la santé au Canada. Elle est active aux trois cycles dans tous ces secteurs et elle détient des fonds de recherche qui la classent au premier rang des universités de recherche canadiennes et parmi les grandes universités publiques de recherche nord-américaines.

(14 h 10)

Toutes les grandes universités de recherche canadiennes s'efforcent actuellement de se rapprocher des normes de ressources, d'activité et de rendement de leurs homologues américaines et de combler le retard relatif qu'elles accusent. Parmi ces universités, l'Université de Toronto se détache très nettement. Elle entend être le pôle de concentration de l'excellence académique à l'échelle du Canada.

Par sa localisation et la variété de ses programmes, l'Université de Montréal, avec ses écoles affiliées, est l'université de langue française la plus ouverte aux diverses communautés composant la société québécoise. Elle peut constituer au Québec, et elle le constitue en pratique déjà, un pôle de concentration et d'excellence analogue à celui que constitue l'Université de Toronto pour l'ensemble canadien. Il s'agit là d'un enjeu national.

Avec ses écoles affiliées, l'Université de Montréal refinancée doit en effet pouvoir s'inscrire dans la courte liste des universités du monde qui exercent un rôle déterminant dans la transmission et le développement des savoirs, dans le maintien et l'enrichissement des arts, des lettres, de la culture universelle et dans l'innovation sociale, culturelle et technologique. Seul un niveau de financement adéquat permettra à l'Université de soutenir adéquatement la comparaison et d'occuper une position de tête par rapport aux principales concurrentes hors Québec en termes de ressources, d'effectifs professoraux, d'étudiants, de programmes d'études et d'activités de recherche. À défaut d'obtenir le soutien requis de la part du gouvernement, l'Université de Montréal, avec ses écoles affiliées, ne saurait relever le défi que lui imposent la volonté historique de la société québécoise, ses réalisations antérieures et son potentiel de développement. Cette incapacité hypothéquerait lourdement l'avenir de la société québécoise.

Quelques mots sur l'enseignement du premier cycle. Avec plus de 26 000 étudiants au premier cycle, inscrits à près de 55 % dans des programmes professionnels et de 45 % dans des programmes généraux, l'Université de Montréal est un acteur majeur du développement social et culturel du Québec. Sans elle, le Québec se trouverait privé d'une part cruciale de sa relève.

Ses programmes professionnels ont formé et continuent de former de façon prépondérante les professionnels exerçant au Québec dans le secteur de la santé. Pour les années récentes, le pourcentage de diplômés de premier cycle de l'Université de Montréal dans le total du Québec a été de 30 % en médecine. Nous avons formé 30 % des médecins; nous avons formé 100 % des gens en médecine vétérinaire; 55 % des gens en médecine dentaire; 51 % des gens en pharmacie; 60,5 % des gens en sciences infirmières; 100 % des gens en optométrie; et 50,2 % pour tout ce qui est de ce vaste secteur du paramédical.

La qualité de la formation dispensée à l'Université de Montréal dans ces domaines correspond largement aux normes d'agrément et de reconnaissance qui prévalent en Amérique du Nord et elle est l'objet d'évaluation très positive lorsqu'on la compare à celle des programmes analogues hors Québec. À titre d'exemple, au cours des quatre dernières années, les étudiants de Doctorat en médecine ont occupé trois fois sur quatre ans le premier rang à l'examen du Conseil médical du Canada, devançant l'ensemble des facultés de médecine canadiennes. Le même raisonnement s'applique pour les autres grands secteurs professionnels de l'Université. Ainsi, notre Faculté de droit, la plus importante au Québec, qui a marqué de son empreinte l'ensemble de la vie judiciaire, administrative, politique de notre société, occupe une position d'avant-garde dans le développement des nouvelles expertises que requiert notre devenir collectif.

Pertinence, innovation, expertise de pointe, adaptation dynamique aux besoins de la société caractérisent tout aussi bien les formations offertes à la Faculté d'aménagement, à la Faculté des sciences de l'éducation, dans nos divers programmes professionnels de la Faculté des arts et des sciences ainsi qu'à la Faculté de musique, principal lieu de formation supérieur dans cet art en langue française. Dans tous ces champs, nos programmes satisfont aux normes les plus exigeantes de reconnaissance professionnelle. Ils se situent à l'avant-garde des développements disciplinaires, du progrès des connaissances et du service à la population québécoise.

À ses programmes professionnels, l'Université de Montréal consacre une part considérable de ses ressources humaines et matérielles. Ces secteurs requièrent en effet des effectifs professoraux nombreux et hautement qualifiés, des formules d'encadrement pédagogique onéreuses, des infrastructures de laboratoire, des environnements cliniques, des conditions de stage en milieu de travail, des modes d'apprentissage conformes aux normes nord-américaines de qualité. S'ils se situent à un niveau de qualité comparable à celle qui prévaut dans les grandes universités hors Québec, ces programmes se retrouvent désormais en état d'extrême précarité, faute de ressources suffisantes.

Les coupures budgétaires récentes ont en effet indûment taxé le soutien institutionnel à ces champs d'études névralgiques. Pour satisfaire aux exigences de reconnaissance et d'agrément professionnel et assurer le niveau attendu de compétence des futurs diplômés dans ces domaines d'investissement lourd, l'Université de Montréal est contrainte de drainer les ressources vitales d'autres secteurs tout aussi importants pour le Québec et pour une grande université de recherche comme la nôtre. L'institution est actuellement à bout de souffle. Elle n'est plus guère en mesure d'offrir désormais ce type de formation au degré requis de qualité et de pertinence sans un apport massif de ressources nouvelles.

L'exemple le plus concret nous est arrivé avec la visite d'agrément qui a été faite pour l'agrément de notre Faculté de médecine vétérinaire, agrément nord-américain. Nous sommes sous haute surveillance et risquons de perdre l'agrément pour notre formation en médecine vétérinaire. Pourquoi? Parce que précisément nous n'avons plus les ressources ni pour satisfaire les exigences de l'hôpital vétérinaire ni pour satisfaire l'exigence de la formation de nos jeunes. Nous sommes le seul hôpital de médecine vétérinaire au Québec, l'un des quatre au Canada. Si nous perdons cette accréditation, c'est toute la formation qui est remise en cause pour nos gens. Ils ne pourront plus pratiquer hors Québec, et tous les actes qu'ils posent pour la salubrité des viandes et la bonne santé de nos animaux seront contestés, et ça aura des conséquences énormes sur le commerce du Québec dans tous ses domaines alimentaires. Donc, voilà, effectivement, des effets de coupures qui sont tout à fait visibles.

En ce qui concerne les programmes de formation fondamentale en sciences, en sciences sociales et en lettres et en sciences humaines, vous le savez tous – certains d'entre vous sont passés par l'Université de Montréal – c'est une élite de chercheurs, de maîtres et de penseurs qui ont dispensé ces formations à l'Université de Montréal au cours des décennies précédentes. Les diplômés qu'ils ont produits ont assuré la relève universitaire québécoise. Sans eux, la recherche tant fondamentale qu'appliquée n'aurait pas connu l'essor qui conditionne aujourd'hui notre avenir collectif. Et vous pourrez regarder, dans l'ensemble des universités québécoises, qui a été formé au niveau de la maîtrise ou du doctorat à l'Université de Montréal pour vous apercevoir de l'apport de cette institution à l'évolution de la vie universitaire québécoise. Ces diplômés ont essaimé dans tous les secteurs de la société pour y investir leurs connaissances et leur savoir-faire et pour y développer, dans un esprit d'ouverture au monde, les contenus et les processus d'une économie du savoir qui transforme présentement le Québec.

(14 h 20)

Les programmes de sciences à l'Université de Montréal, notamment dans les secteurs expérimentaux lourds: physique, chimie, biochimie, biologie, dans les secteurs des mathématiques pures et appliquées, de l'informatique, représentent un potentiel de formation d'importance stratégique pour le Québec en raison d'abord d'un corps professoral composé de chercheurs de calibre international et couvrant un large éventail d'expertises disciplinaires.

Aux études supérieures. Le Québec doit viser à soutenir des lieux d'excellence en formation aux cycles supérieurs. Il ne peut y avoir en effet de programmes de formation valables et justifiés sans milieu d'encadrement où se déroulent des activités de recherche à la fine pointe du savoir et de l'innovation et répondant aux plus hautes normes internationales, celles que l'on retrouve dans les meilleures universités du monde. C'est la conviction de l'Université de Montréal qu'elle est en mesure d'offrir ces formations à ses étudiants inscrits aux cycles supérieurs.

Soutenue par l'excellence de ses milieux de recherche, l'Université de Montréal détient déjà aux cycles supérieurs une position stratégique. Avec ses écoles affiliées, elle regroupe, en termes d'étudiants inscrits et de diplômés, à la maîtrise et au doctorat, une fraction majeure de la main-d'oeuvre hautement qualifiée présente et future du Québec et elle occupe, par le nombre de ses étudiants aux études supérieures et le nombre de doctorats décernés, une position déterminante au Québec, la première place, et, au Canada, la deuxième, immédiatement après l'Université de Toronto.

L'exploitation de ce potentiel constitue un enjeu d'importance pour la société québécoise, celui d'atteindre des masses critiques regroupant les meilleurs professeurs et les meilleurs étudiants dans le cadre de programmes de qualité internationale. À cette fin, l'Université de Montréal entend continuer de développer ses programmes d'études supérieures en symbiose avec des activités de recherche fondamentale et appliquée en nette croissance.

En formation continue. Dans nos domaines d'expertise, nous offrons déjà des programmes de formation continue de haut niveau, axés sur les besoins de perfectionnement suscités par la nouvelle économie. Le vaste éventail de certificats offerts par la Faculté d'éducation permanente donne accès à des programmes thématiques et spécialisés de formation professionnelle à 8 000 adultes.

En recherche, évidemment, il n'existe pas de normes absolues pour juger la performance d'une université. Toutefois, on peut certainement se référer à des critères relatifs, telle la performance auprès des grands conseils subventionnaires tant québécois que canadiens. Ainsi, selon les dernières données intégrales, l'Université de Montréal occupe, au Conseil de recherches médicales du Canada, la troisième place; au Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, la troisième place, avec l'École polytechnique, son école affiliée; au CRSH, la deuxième place, avec l'École des hautes études commerciales. En fait, si on regarde le Fonds FCAR maintenant, l'Université de Montréal et ses écoles affiliées s'assurent du premier rang avec 30 % des fonds attribués. Tous ces indicateurs pointent dans la même direction. L'Université de Montréal, avec ses écoles affiliées, représente tout près de 30 % des fonds de recherche obtenus au Québec dans le cadre de concours ouverts à toutes les universités, autant au Canada qu'au Québec.

L'Université de Montréal, avec ses écoles affiliées, a joué un rôle déterminant dans l'émergence et le développement de la recherche universitaire au Québec et elle a bénéficié à cette fin d'un soutien constant de la part du gouvernement, des organismes subventionnaires et des partenaires des secteurs privé et public. Il s'agit maintenant de savoir aujourd'hui si cette institution peut continuer d'assumer, dans un environnement global hautement concurrentiel, le leadership qu'on lui a jusqu'à présent reconnu et aussi quels efforts particuliers de concentration, d'expertise et d'investissement de ressources assureront l'actualisation de son potentiel de développement.

C'est ce patrimoine d'enseignement universitaire québécois que des compressions budgétaires sans équivalent en Amérique du Nord sont en train de dilapider. L'Université de Montréal, il faut le dire haut et fort, est à bout de souffle parce qu'elle a absorbé avec une grande responsabilité financière les compressions qui lui étaient imposées. C'est ainsi que l'Université de Montréal est l'institution québécoise qui, en termes absolus autant qu'en pourcentage de ses effectifs, a le plus réduit, depuis 1993-1994, son corps professoral et ses autres catégories d'employés. Il s'agit d'une coupure, avec ses écoles affiliées, de 235 postes de professeur, à savoir 29 % de la réduction des postes de professeur de l'ensemble des universités québécoises alors qu'elle obtient moins de 20 % du financement. C'est aussi une coupure de 533 postes de personnel non enseignant. C'est avec la même détermination que l'ensemble des autres dépenses ont été diminuées à l'Université de Montréal.

Bien sûr, l'Université de Montréal, comme les autres universités québécoises, a été surprise et quelque peu déstabilisée par la rapidité et l'ampleur des compressions qui ont débuté au milieu des années quatre-vingt-dix. Elle a dû accepter des déficits avant de mettre en place sa stratégie d'ajustement structurel. Elle s'est ajustée si bien que le déficit courant de l'Université de Montréal, au 31 mai 2000, sera de l'ordre, nous l'espérons, de 2 000 000 $, alors que le déficit courant – non pas le déficit accumulé – de l'ensemble des universités québécoises atteindra 100 000 000 $. C'est dire à quel point l'Université de Montréal a accepté de se mettre en situation de déficit de ressources pour être responsable financièrement.

Certains laissent entendre que ce comportement financier responsable de l'Université de Montréal était facile, puisqu'il y avait dans cette institution bien du gras et que, de toute façon, elle était surfinancée. Rien n'est plus faux. Je me permettrai de vous donner quelques résultats d'études pour vous en convaincre. Commençons donc par l'efficacité avec laquelle l'Université de Montréal utilise ses ressources pour remplir sa mission. Dans La Presse du 13 avril 1999 – pas tellement loin – on trouvait un article d'André Pratte. Vous l'avez vu certainement, mais je veux vous le rappeler quand même. Il s'intitulait L'Université de Montréal passe pour un modèle d'efficacité . Permettez-moi de vous citer les quelques premiers paragraphes de cet article:

«L'Université de Montréal est un modèle d'efficacité et plusieurs universités canadiennes pourraient s'en inspirer pour mieux gérer leurs ressources, indique une étude produite par deux économistes – pas de l'Université de Montréal – de l'Université de l'Alberta.

«L'Université de Montréal – je continue à citer – ressort comme un exemple à suivre pour plusieurs universités de recherche avec faculté de médecine, a confirmé à La Presse le professeur MacMillan, principal auteur de l'étude publiée récemment. Selon les calculs réalisés par M. MacMillan – je cite toujours – l'Université de Montréal obtient une cote d'efficacité parfaite, et quel que soit l'éventail des variables utilisées.»

L'étude a été publiée dans le Canadian Public Policy , qui est une des revues prestigieuses de politique publique au Canada. Or, cette étude fort sophistiquée reposait sur des données allant de 1989 à 1993, donc avant le début des compressions budgétaires. Alors, si vous entendez encore des rumeurs, vous pourrez leur passer l'étude.

(14 h 30)

Voyons maintenant l'état de financement de l'Université de Montréal. Pour ce faire, je vous suggère de situer nos institutions dans un contexte canadien par rapport à leurs comparables. Les données ramassées par la revue Maclean's pour effectuer son classement annuel nous permettent de le faire, et ces données-là sont envoyées par les universités elles-mêmes et vérifiées par la revue Maclean's . Donc, on ne se cache pas, c'est nous-mêmes qui envoyons ça, et c'est vérifié et c'est confirmé par les données de diverses associations et Statistique Canada.

En effet, on trouve dans ces données les dépenses d'opération des universités par étudiant équivalent temps complet pondéré. Ça veut dire quoi, ça, les étudiants équivalents temps complet pondéré? Ça veut dire qu'il y a des étudiants dans des universités qui sont à temps partiel, d'autres sont à plein temps; on convertit les temps-partiels en plein temps et, après ça, on les pondère. On les pondère comment? On les pondère par secteurs disciplinaires, compte tenu des coûts différenciés selon les secteurs. Exemple à vous donner: en médecine vétérinaire, ça coûte 27 000 $ par année pour former un étudiant. C'est fort loin du 7 000 $, 8 000 $ ou 10 000 $ que ça peut coûter dans d'autres secteurs. En médecine... Bon, ainsi de suite. C'est pondéré par les coûts sectoriels. C'est pondéré aussi par les niveaux d'études. Donc, un étudiant de maîtrise ou doctorat a une pondération plus forte qu'un étudiant de premier cycle, parce que le coût de sa formation est nettement plus élevé dans les universités. Donc, étudiant équivalent temps complet pondéré, ce qui rend les universités toutes semblables, parce que, en ayant pondéré les étudiants, la diversité des missions et la diversité des clientèles étudiantes se trouvent ramenées à un dénominateur commun.

Bon. Après qu'on a compris ça, on s'en va à la page 36 de cette revue Maclean's , publiée en février 2000, et on a la clé de ce que je vais vous donner maintenant. On trouve que, dans la catégorie des universités canadiennes avec faculté de médecine – ce sont des universités un peu particulières – l'Université de Montréal se retrouve au 14e rang des 15 universités canadiennes, bien derrière McGill et bien derrière Laval, hélas! au 14e rang pour les dépenses qu'elle peut faire par étudiant équivalent temps complet pondéré. L'Université de Montréal se retrouve au 14e rang sur 15 avec une dépense de 6 084 $ par étudiant, comparé à 9 177 $ pour Calgary, 8 376 $ pour Toronto, 8 003 $ pour McGill, etc. Qui plus est, dans l'ensemble de classement Maclean's , avec ses étudiants pondérés, l'Université de Montréal, la plus grande université francophone du Québec, le joyau du patrimoine québécois, se retrouve au 39e rang sur 48 universités canadiennes. Je n'ose pas vous dire derrière quelles universités on se retrouve d'ailleurs.

Vous comprendrez alors pourquoi je peux affirmer haut et fort que l'Université de Montréal, compte tenu de sa mission particulière, est probablement la plus sous-financée des universités québécoises. Je cherche encore une société qui a infligé un tel traitement à sa plus grande université et à celle qui l'assure de son plus grand rayonnement international. Je le dis et je le répète, il s'agit ici d'un enjeu national pour l'avenir de la formation de la relève scientifique et professionnelle au Québec et pour celui de la recherche universitaire dans notre société.

Dans le mémoire que nous avons fait parvenir au ministre de l'Éducation, nous avons clairement démontré que, pour demeurer concurrentielle au niveau canadien, l'Université de Montréal avait besoin d'une augmentation récurrente de quelque 140 000 000 $ dans son budget de fonctionnement et d'un réinvestissement massif dans une infrastructure vieillie et mal entretenue à cause de budgets régulièrement et largement inadéquats. Dans une économie reposant sur le savoir, le Québec peut-il se payer le luxe de sous-financer aussi inconsidérément sa plus grande et sa plus importante institution universitaire? Poser la question, pour moi, c'est y répondre. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Lacroix. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, Mme la Présidente. M. Lacroix, Mme McNicoll, M. Chabot et M. Gravel, bienvenue et merci pour votre présentation.

J'imagine déjà certains de mes collègues vous dire que cette présentation... ou vous répéter qu'à chaque fois qu'une université vient nous faire une présentation, elle est toujours la plus sous-financée, la plus dans le mauvais état au niveau du financement et celle qui a subi le pire traitement, sauf qu'il y a un élément qui vous caractérise et qui renforce ce que vous dites. Or, dans l'étude comparative avec d'autres universités, il y a un élément qui, moi, me frappe. C'est que vous avez un exemple bien, bien concret des effets du sous-financement avec la situation de votre école de médecine vétérinaire. Ça, je pense que c'est assez dramatique de s'imaginer qu'on en est rendu là. Au-delà des paroles, voici un dossier et un domaine dans lesquels on voit directement quel est l'impact du sous-financement. Et on a beau parler du discours de la concurrence internationale, mais voici exactement les effets, tels qu'ils sont.

Je regardais votre dernier paragraphe, tout comme votre document que vous avez envoyé à l'automne, sur vos demandes financières de 140 000 000 $. Si on regarde l'engagement pris par le gouvernement au Sommet de la jeunesse, 1 000 000 000 $ à terme, dans trois ans, je vous dirais que, si vous avez votre 140 000 000 $ cette année, vous vous ramassez avec presque 75 % du 1 000 000 000 $ dans trois ans, à terme, parce qu'il faut compter la récurrence de ce montant-là. Il faut surtout voir, et je pense que c'est un autre exemple, qu'avant de chiffrer un montant d'investissement en éducation à terme et d'avoir un consensus là-dessus il aurait peut-être fallu regarder de plus près à la fois les demandes et à la fois la marge de manoeuvre que le gouvernement a à ce niveau-là.

Mais, juste pour revenir et éclaircir des points là-dessus, M. le recteur, il faut qu'on soit bien clair sur le 140 000 000 $. Si je vous ai bien compris, le 140 000 000 $ qui est demandé, et de façon récurrente, ce n'est pas dans trois ans. C'est quand? C'est comment? C'est de quelle façon? Comment vous voyez ça? Parce qu'il y a beaucoup de gens qui nous disent aussi: Quand on regarde le 650 000 000 $ que les universités demandent, bien on ne peut pas l'avoir tout cette année parce qu'on ne saura pas quoi faire avec. Mais je regarde l'ensemble de votre présentation, j'imagine que le 140 000 000 $ que vous demandez, si, demain matin ou la semaine prochaine, mardi prochain, le ministre de l'Éducation vous dit que vous l'avez, vous allez savoir quoi faire avec dès cette année.

M. Lacroix (Robert): Écoutez, je vais vous répondre à cela. Je vais d'abord revenir un peu sur ce que vous avez dit pour notre secteur, évidemment, de médecine vétérinaire. Ce qu'il faut réaliser, c'est que ces effets-là arrivent graduellement et ça implique... Quand je discute actuellement avec le doyen de la Faculté de médecine qui verra les visites d'agréments arriver dans deux ans, deux ans et demi d'ici, je vous assure que lui aussi commence à paniquer. Quand je discute avec mes gens de médecine dentaire qui, eux aussi, passeront des agréments... Donc, tous ces milieux-là, vous ne pouvez pas vous cacher; quand ça arrive, ça arrive et ça frappe très dur. Mais ce n'est qu'un symptôme de ce qui se passe ailleurs, comprenons-nous bien.

(14 h 40)

Revenons à la question, évidemment, du refinancement des universités, de l'ampleur de la facture. Nous, ce que nous avons fait, à l'Université de Montréal, nous avons tenté de répondre à ce que le ministre nous avait demandé. Quand le ministre avait dit: Écoutez, moi, je veux réinvestir dans les universités québécoises et je veux les rendre concurrentielles aux niveaux canadien et nord-américain en fonction de leurs missions, de leurs caractéristiques et de ce qu'elles sont – très bien, et je pense qu'il avait tout à fait raison de dire cela, et c'est la méthode qu'il faut prendre – nous, à l'Université de Montréal, on a regardé et on a dit: Qui est notre comparable au niveau canadien? Par tous les paramètres que vous pouvez regarder, c'était l'Université de Toronto. Nous avons fait toutes nos comparaisons, très systématiques, très fouillées, et nous sommes arrivés à dire: Si nous voulons donner aux étudiants et aux étudiantes de l'Université de Montréal, si nous voulons donner aux professeurs et aux chercheurs de l'Université de Montréal l'ensemble de la qualité que l'on retrouve dans un milieu universitaire comme l'Université de Toronto, ça prendrait combien de plus? Bien, ça prendrait 140 000 000 $ de plus par année.

Maintenant, quand je recule dans le temps, parce que je ne suis pas né recteur, j'ai été professeur – avec mon collègue Henri-François Gautrin, on est arrivés, tous les deux, à la fin des années 1969, dans cette grande institution qu'est l'Université de Montréal; donc on l'a vue sous toutes ses coutures et on en a vu d'autres aussi – j'ai été doyen d'une faculté, qu'on appelle la Faculté des arts et des sciences, dans cette institution entre 1987 et 1993. Et, à cette époque-là, avant les grandes coupures, il y avait eu une période d'investissement relativement considérable dans les universités. À cette époque-là, nous avions, à l'Université de Montréal, un budget tout à fait comparable, toutes proportions gardées, à celui de l'Université de Toronto, tant et si bien que, quand je concurrençais l'Université de Toronto pour recruter des profs, pour retenir des chercheurs, je n'avais pas de problème, je gagnais une fois sur deux, ce qui était «fair enough» parce qu'ils étaient aussi bons que moi.

Oui, mais là, six, sept ans après, ce n'est plus ça. Ce n'est plus ça. Nous ne sommes plus dans cette partie-là. Donc, voilà pour le quantum. J'ai fait mes devoirs, j'ai pris mes comparables, j'ai dit: Voilà avec qui je concurrençais, maintenant je ne suis plus capable de concurrencer. M. le ministre, si vous voulez que je reste concurrentiel au niveau du Canada, voilà la facture. C'est ce qu'il me demandait, je le lui ai envoyée, et elle était bien faite.

Maintenant, vous me dites: M. Lacroix, est-ce qu'on va être capable de tout faire ça? Là, ce n'est pas moi qui suis au gouvernement. Moi, on m'a demandé qu'est-ce que ça prenait. Les enjeux, c'est à vous de les décider. Mais il est clair que ce qu'on a fait aux universités pendant six ans... Et je ne blâme pas personne. C'était une période extrêmement difficile au Québec. Les finances publiques étaient sens dessus dessous. Je ne blâme pas personne, mais je dis: Constatons la réalité, ne revenons pas sur le passé; ça a été fait, point. On ne critique pas, on ne dit pas qui l'a fait, on ne dit pas si on devait ou on ne devait pas, ça a été fait.

Maintenant, on regarde la situation puis on se dit: Comment on rebâtit nos universités? On ne les rebâtira pas en un an. Ce n'est pas possible. On ne sera pas capable. Pourquoi? Parce que les profs qu'on devra recruter, on va être dans un marché de plus en plus serré au niveau nord-américain, au niveau canadien. Donc, ça veut dire que, moi, pour reconstruire l'Université de Montréal, j'ai au moins besoin de trois ou quatre ans. C'est clair, je ne peux pas la reconstruire en un an. D'accord? Mais il faut que je sache que, dans trois ans ou quatre ans, on m'aura permis de reconstruire cette institution. Il faut dès maintenant que je puisse cibler mes secteurs de reconstruction, commencer, amorcer le processus pour pouvoir arriver dans trois ou quatre ans et vous dire: Bon, bien là j'ai à peu près rejoint le niveau de mes concurrents canadiens maintenant. D'accord. Si on ne commence pas dès maintenant avec un plan très clair pour les trois années ou quatre années qui viennent, ça sera dramatique, et on ne peut pas faire ça à la petite semaine et année après année dans l'incertitude. Vous ne constituez pas des regroupements de professeurs de qualité, vous n'amorcez pas de grands projets de recherche avec des gens si vous leur dites: On ne sait pas le budget de l'an prochain. On peut fonctionner sur un an, mais peut-être que ça ne pourra pas continuer par la suite. Ce n'est pas possible.

Je vais vous donner juste un exemple de ça. Nous avons perdu des gens que nous pouvions retenir en faisant des efforts, leur donnant des compléments salariaux, et tout ça, mais nous les perdions parce qu'ils n'avaient plus confiance dans le fait que nous pourrions soutenir nos milieux d'excellence. Donc, il faut, dans le réinvestissement, qu'on le fasse sur une période de temps. Mais oui, j'ai besoin de 140 000 000 $. Mais oui, si on me donnait 140 000 000 $ demain matin dans mon fonds de fonctionnement, j'aurais beaucoup de difficultés à recruter le genre de professeurs que je veux en l'espace d'un an et à consolider. Donc, c'est d'une façon étalée mais consciente et claire qu'on devra le faire.

M. Béchard: Est-ce que ce réinvestissement-là... On se souvient, l'an dernier, il y a eu quand même un montant assez considérable, 170 000 000 $, qui a été investi au niveau de l'absorption du recouvrement d'une partie de la dette accumulée des universités. Est-ce que ce type de réinvestissement là doit se faire, je dirais, de façon prioritaire à de l'investissement dans les bases? Il y a des universités qui sont venues nous voir. Elles ont dit: Bon, même si on règle ce problème-là, il y a une urgence au niveau de la révision et de la réactualisation des bases de financement comme telles. Si vous étiez en demande...

M. Lacroix (Robert): Écoutez, on va être clair sur ça, je veux dire, la situation est facile à comprendre. Nous terminerons l'année, dans l'ensemble des universités québécoises, à nouveau avec un déficit accumulé de 300 000 000 $. C'est clair, là, et ça, on le sait, d'une université à l'autre. Dans certains cas, c'est au prorata de leur base de financement. Nous, l'Université de Montréal, on va avoir un déficit accumulé équivalent à notre poids dans l'ensemble des universités, à peu près 18 % de l'ensemble des déficits, quelque 60 000 000 $ de déficit accumulé. Cependant, les mesures que nous avons prises, de ce 60 000 000 $ là, 40 000 000 $ ont été dépensés pour réduire nos masses salariales, c'est-à-dire pour financer les départs à la retraite de nos divers personnels. Donc, le reste, le 20 000 000 $, c'est le seul déficit, en d'autres mots, que nous avons dû supporter par... On n'était pas assez rapide pour réduire nos coûts compte tenu de nos dépenses. C'est là.

À côté de cela, je vous dis: J'ai besoin de 140 000 000 $ récurrents pour devenir une université concurrentielle. Si vous me réglez mon 60 000 000 $ en disant: Il n'est plus là – d'accord? – ça, ça me donne à peu près 4 000 000 $ par année, maximum 5 000 000 $, c'est les intérêts que je dois payer sur le 60 000 000 $ pour pouvoir le financer. Donc, là la marche est haute pour redevenir concurrentiel à partir de là. Vous comprenez, il y a deux ordres de grandeur. J'ai un stock de dettes puis j'ai un flux de revenus que j'ai besoin pour devenir compétitif. Si j'élimine mon stock de dettes, ça me donne 4 000 000 $, 5 000 000 $. Bon. On ne crachera pas dessus, mais c'est clair que c'est 4 000 000 $, 5 000 000 $. Donc, ça ne règle pas le problème de sous-financement récurrent – d'accord? – mais c'est sûr que ça allégerait le poids. Parce que c'est sûr que c'est 3 000 000 $, 4 000 000 $ d'intérêts par année, mais les universités, à un moment donné, devront le remettre, cet argent-là. Ça fait que, s'il n'est pas épongé, il faudra piger dans nos budgets courants pour remettre, à coups de 3 000 000 $, 4 000 000 $ par année, cette dette de 60 000 000 $. Donc, 3 000 000 $, 4 000 000 $ d'intérêts plus 3 000 000 $, 4 000 000 $ de remise, là vous arrivez à 7 000 000 $, 8 000 000 $ récurrents que vous ne pouvez pas utiliser. C'est comme ça qu'on doit voir le problème, et pas différemment.

M. Béchard: Dans votre présentation, vous indiquez que, en termes absolus autant qu'en pourcentage, vous êtes l'une des universités sinon l'université qui a réduit le plus, depuis 1993-1994, son corps professoral et ses autres catégories d'employés, en disant, entre autres, que vous avez absorbé 29 % de la réduction des postes de professeurs et 30 % au niveau du personnel non enseignant. Est-ce qu'il y a une raison particulière pour laquelle vous semblez avoir été davantage touchés que d'autres maisons d'enseignement ou si c'est uniquement au prorata? Expliquez-nous un peu pour voir. Qu'est-ce qui explique tout ça?

M. Lacroix (Robert): Oui, je vais l'expliquer un peu. En d'autres mots, quand les compressions sont arrivées, il y avait différentes stratégies possibles. Il y avait la stratégie de dire: Écoute, c'est temporaire, cette affaire-là, alors on va absorber le déficit, puis à un moment donné ça va être réglé, puis les choses vont se replacer. Ça, c'est une stratégie. Donc, on ne fait rien, on laisse augmenter les déficits, puis, quand ça sera fini, bien, mon Dieu! ça sera fini. Or, le problème, c'est que ça a duré six ans. Et ceux qui n'ont pas fait des compressions massives se ramassent avec des déficits courants énormes et des déficits accumulés énormes.

La deuxième stratégie, c'était de dire: Écoute, c'est peut-être là pour demeurer pour un bout de temps. Si on ne veut pas se mettre dans des conditions d'insolvabilité financière, on est obligé de réduire nos coûts de façon récurrente et non pas de les réduire de façon transitoire. Comment peut-on faire ça? La façon de le faire, c'est de dire: Écoute, j'offre à mes personnels, comme vous avez fait au gouvernement d'ailleurs, des départs à la retraite anticipée de façon relativement massive, je les finance par emprunts – ça a coûté à l'Université de Montréal 40 000 000 $ – mais je réduis de façon récurrente mes masses salariales – d'accord? – tant et si bien qu'à un moment donné mon déficit courant disparaît. C'est ce qui arrive à l'Université de Montréal maintenant.

L'autre position qui était possible, et ça dépendait évidemment des positions institutionnelles et des choix qui étaient faits – ce n'est pas à moi de les juger – c'était de dire: Bien, écoute, on va absorber les compressions en ayant des réductions temporaires: on réduit les salaires de 2 %, 3 %; on demande des contributions spéciales ici; on utilise un petit peu les fonds de pension; on fait ci, on fait ça, en attendant puis en espérant que ça va se replacer. Oui, mais là, quand les salaires reviennent à leur niveau antérieur et que vous devez recontribuer aux fonds de pension, vous retrouvez vos coûts antérieurs et là vous vous ramassez avec un déficit courant massif.

(14 h 50)

Ce sont les différentes situations que vous trouvez dans les différentes universités actuellement. Les stratégies qui ont été adoptées dépendaient probablement des contraintes locales et des appréciations locales que se faisait chacune des universités de la situation. Ce n'est pas à moi de les juger, puis je ne les condamne pas du tout, mais je me dis: Ex post, voilà quelles ont été les différentes stratégies. Ceux qui n'ont pas coupé évidemment ont gardé leurs ressources; ça veut dire qu'ils ont autant de profs qu'ils en avaient avant les coupures. Bon, bien, quand on réinvestira, ils n'auront pas besoin évidemment, eux, d'engager plus de profs puis ils financeront leur déficit. Les autres engageront des profs parce que, effectivement, il y a des profs qui sont partis. Donc, c'est comme ça qu'on doit voir le phénomène.

Donc, l'Université de Montréal, c'est parce qu'elle a opté pour une stratégie récurrente. Maintenant, elle est prête à réinvestir aussitôt que les argents vont arriver. C'est-à-dire que, quand les argents arrivent à l'Université de Montréal, comme je n'ai plus de déficit courant, bien, immédiatement, je me mets sur le marché et j'embauche. Immédiatement, le nombre de profs s'accroît, et on repart. C'est ça, la différence, là.

M. Béchard: Vous parlez au niveau du congé de cotisation aux régimes de retraite qui se termine cette année. Combien ça représente, ça, pour vous, de réinvestissement, la fin de ce congé de cotisation là aux régimes de retraite?

M. Lacroix (Robert): Ce que nous avons pu globalement tirer du congé de cotisation, c'est aux alentours de 40 000 000 $. Globalement. Qu'est-ce qui a été fait avec le congé de cotisation? Soyons très clairs, le congé de cotisation a été utilisé de la façon suivante. Nos partenaires nous ont dit: On est prêts à vous permettre d'utiliser la moitié du congé de cotisation pour absorber une partie du déficit courant le temps que vous vous replaciez structurellement; l'autre moitié du congé de cotisation, on veut en faire un fonds de relance pour le maintien de la qualité minimale dans notre institution durant cette période difficile. Donc, quelque 22 000 000 $ ont été mis en réduction des déficits année après année pour nous permettre d'avoir des déficits courants moins élevés et maintenir une qualité. L'autre 22 000 000 $ servait à constituer le fonds de relance. Ce fonds de relance là nous a permis quoi? Il nous a permis effectivement, dans des secteurs où il y avait des augmentations de clientèle, de maintenir la qualité des encadrements, de subventionner certains projets dont on ne pouvait pas se passer si on ne voulait pas vraiment perdre des qualités minimales.

Voilà comment a été utilisé ce congé dans notre institution. Mais notre progression vers le retour à la pleine cotisation a été calculée de telle sorte que, quand nous arrivons à la pleine cotisation, nos dépenses et nos revenus sont en équilibre. Et, à date, on réalise, année après année, nos prévisions et on compte bien que, dans l'année qui vient, ce soit encore ce qui va se passer. Donc, ça a été vraiment une stratégie extrêmement bien calculée. Vraiment, on reconnaît que nos partenaires, dans notre institution, qu'il s'agisse de nos profs, nos personnels de soutien, nos cadres, ont tous été d'une extrême générosité envers leur institution. Je veux dire, ils y étaient profondément attachés et ils ont décidé qu'on aidait cette institution-là à passer une période difficile le mieux qu'on pouvait. Alors, ce n'est pas le recteur qui a fait ça, là, c'est ceux qui nous ont permis de le faire dans l'harmonie au sein de l'Université de Montréal, et je leur rends hommage, plus qu'à la direction de l'Université.

M. Béchard: Vous parliez dans votre présentation aussi, en conclusion, des différents équipements, des immobilisations, des équipements qui ont vieilli, qui sont dans de piteux états. Et ça, il faut bien faire la différence avec le réinvestissement dans le fonctionnement comme tel ou autre. Et je profite de votre présence à ce niveau-là, vraiment... C'est parce que, dans les quatre, cinq dernières années, c'est peu visible, le retard qu'on prend au niveau des équipements. C'est beaucoup plus visible au niveau du corps professoral, au niveau des budgets, au niveau de tout ça. Mais, au niveau des équipements comme tels, est-ce que, pour vous, ça s'est traduit vraiment en des reports d'investissement qui auraient dû être faits, en des reports de construction? Est-ce que tout ça est rattrapable? Et de quelle façon? Si on veut, votre plan d'immobilisation, est-ce qu'il a été complètement gelé pendant quelques années?

En sous-question à ça, et on parle beaucoup de campagne de financement, est-ce que la campagne de financement que vous faites vise d'abord et avant tout les étudiants, les bourses aux étudiants, les bourses de recherche, ou a, quelque part, une fonction qui est de combler, je dirais, ces problèmes-là au niveau des immobilisations?

M. Lacroix (Robert): Je vais vous répondre de la façon suivante à cette question. D'abord, il faut distinguer trois éléments. Le premier élément, ce sont les infrastructures physiques, nos bâtiments, notre bâti. Les universités sont dans des situations fort différentes quand on regarde leur bâti, parce qu'elles ont été bâties à des moments différents. Évidemment, quand vous regardez l'Université de Montréal, son âge et l'âge de ses bâtiments, l'Université McGill, c'est des universités qui ont des bâtis très vieux, qu'on a dû recycler. Souvent, c'est des anciens couvents qu'on recyclait, c'est des bâtis qui n'étaient pas tout à fait appropriés, donc on a fait ce qu'on a pu avec ce qu'on avait. Mais c'est des bâtis qui, dans certains cas, ont très mal vieilli compte tenu des exigences modernes de la recherche et même de la formation.

Alors, évidemment, nous, on a envoyé au gouvernement, et le gouvernement le sait depuis fort longtemps – McGill, je crois, a fait la même chose – un dossier très clair sur les drames de ces vieilles infrastructures universitaires au Québec. À l'Université de Montréal, ça montait à plus de 200 000 000 $, les coûts de réfection de nos vieilles structures de bâti. D'accord? Parce qu'à l'Université il y a des bâtiments, il y a aussi des routes, il y a aussi des rampes mobiles. Il y a un paquet de choses dans cette grande institution là qui appartiennent toutes à l'Université et qu'on doit toutes entretenir. Évidemment, on n'a pas eu des budgets pour le faire pendant fort longtemps, sauf le faire minimalement. Ça, c'est ce qu'on appelle le gros investissement dans des vieux bâtiments. Évidemment, une université qui est toute neuve n'a pas ces problèmes-là.

L'autre élément, c'est que ces vieilles institutions là, quand vous voulez les moderniser du point de vue des laboratoires ou du point de vue des nouveaux modes d'enseignement avec les nouvelles technologies de l'information, bien, tu sais... Notre architecte Cormier était génial, mais il n'a pas pensé qu'on devait câbler le pavillon principal. Alors, quand on décide de câbler ça, bien, déchaussez-vous, ça coûte très cher, et, si on ne le câble pas, bien là on ne donne pas effectivement à nos chercheurs et à nos étudiants la qualité d'enseignement qu'ils doivent avoir. Et c'est comme ça dans plusieurs de nos autres bâtiments. Donc, là c'est ce que j'appelle toute l'infrastructure de soutien à l'enseignement et à la recherche qui coûte très cher dans ces vieux bâtis là et qu'on n'a pas le choix de faire.

Le dernier élément, ce sont les équipements de recherche. Ça, ça va relativement bien depuis que la Fondation canadienne pour l'innovation investit massivement dans ces domaines-là. Mais les développements de la recherche dans des universités comme Montréal, McGill, Laval et probablement l'UQAM et d'autres sont tellement rapides actuellement que nos bâtiments ne suffisent plus. Là, il va falloir construire. Il va falloir construire parce que, sinon, on ne sera pas capable d'absorber notre développement de la recherche qui s'en vient.

Alors, vous voyez, les problèmes sont des problèmes de vieux bâtis. C'est un type de problèmes. Nos équipements d'enseignement et de recherche insérés dans ces vieux bâtiments là, il faut le faire, mais ça va coûter très cher. Puis, après ça, il y a l'équipement de pointe qui rentre dans nos laboratoires les meilleurs, et ça, c'est une autre problématique.

M. Béchard: Là-dessus, M. le recteur, il est clair que, pour vous, la campagne de financement que vous faites ne vise pas à combler ces équipements-là?

M. Lacroix (Robert): Non, non. Et, comprenons-nous bien, dans cette campagne de financement que nous allons d'ailleurs lancer le 11 avril – donc, il y a une partie de la campagne silencieuse qui est en marche, c'est une campagne de 125 000 000 $, on espère bien non seulement réaliser, mais dépasser l'objectif – essentiellement, de cette campagne-là, il y aura au maximum 20 000 000 $ qui iront dans les infrastructures physiques. Le reste, c'est une campagne de soutien au développement des cerveaux, qu'il s'agisse de nos étudiants ou qu'il s'agisse de nos chercheurs. C'est là que l'argent va aller parce que c'est là qu'est le meilleur investissement à faire. Et c'est là aussi que les donateurs veulent donner maintenant. On a beaucoup, beaucoup de difficultés à dire à des donateurs: Nous avons des vieux bâtiments. Voulez-vous nous aider à les repeinturer? Ça, ça ne les attire pas beaucoup parce qu'ils disent: On ne voit pas quelle valeur ajoutée on va faire dans votre institution avec ça.

Cependant, on a un projet de développement technopole sur notre campus. Évidemment, déjà les premiers bâtiments, les plans sont à toutes fins pratiques terminés. On lance l'opération bientôt. Dans ces bâtiments-là, évidemment il y aura des éléments de campagne qui vont entrer.

M. Béchard: Un autre point que vous soulevez dans vos documents que vous nous aviez présentés, et je suis assez d'accord avec vous sur... puis c'est peut-être une des formules qu'ensemble, en tant que parlementaires, on pourra revoir en ce qui a trait à cette commission parlementaire. Parce qu'on travaille avec des données de 1997-1998. On pose des questions au présent puis on prépare l'avenir. Ça fait qu'on travaille presque sur un échéancier de 10 ans dans cette commission-là. Il faudrait peut-être revoir certaines choses, mais ça nous donne...

M. Gautrin: Quand on sera au pouvoir.

(15 heures)

M. Béchard: Oui, dans quelques mois, dans quelques années. Mais je vous dirais qu'un des points qui m'a, je ne dirais pas inquiété, mais qui soulève plusieurs questions est en fonction du recrutement comme tel. Et vous indiquez dans vos documents qu'il est extrêmement important, le recrutement des étudiants comme tel; même qu'une partie du financement de votre plan de relance vient de l'augmentation de clientèle. Et, moi, je regarde les courbes démographiques au Québec et je me dis: Si toutes les universités ont le même objectif de recruter des étudiants, on va avoir un problème de nombre tantôt.

L'autre chose, vous parlez dans vos documents que vous voulez occuper tout le territoire auquel vos expertises peuvent s'étendre et consolider son rayonnement en implantant des antennes hors campus, d'une part. Ça, c'est un des éléments. L'autre élément aussi sur lequel je voulais vous questionner est relatif à votre stratégie de recrutement, mais hors Québec. Est-ce que, pour vous, il y a en dehors des frontières québécoises un marché, un potentiel intéressant en nombre d'étudiants? Et quelles sont, je dirais, vos priorités ou votre travail à ce niveau-là pour recruter des étudiants hors Québec?

M. Lacroix (Robert): On va prendre ça par morceaux, là. Prenons d'abord au Québec. L'Université de Montréal, à mon avis, a perdu.... Bon, reprenons ça. Si je regarde la période, évidemment, précédant la période d'il y a un an et demi, deux ans, nous avions perdu tout près de 5 000 étudiants sur une période de six ans. La part de marché de l'Université de Montréal dans différents secteurs avait baissé. Je trouvais, en ce qui me concerne, inadmissible qu'une université qui offre des programmes d'une telle qualité puisse se retrouver en perte de marché. C'est inacceptable. C'était incompréhensible.

La question que je me suis posée était la suivante: Est-ce qu'on connaît mal l'Université de Montréal? Est-ce que nos programmes... Malgré la qualité de notre corps professoral et malgré la qualité de nos recherches, nos programmes, peut-être qu'ils n'ont pas la qualité qu'ils devraient avoir. Et, si c'est le cas, on rend un très mauvais service à la société québécoise, parce que les ressources, elles sont là, de qualité.

Alors, c'est à partir de là qu'on a décidé, pas d'augmenter inconsidérément nos clientèles étudiantes, mais de rattraper 60 % des clientèles que nous avions perdues, pas plus – nous, on ne va pas en chercher – 60 % des clientèles qu'on avait perdues en se disant: Pour la société québécoise, il serait bon que ce monde-là passe chez nous parce qu'on a des choses de qualité à leur donner. C'est exactement la stratégie qui a été mise en place. D'accord? Nous n'allons pas plus loin et nous n'avons pas l'intention évidemment de vider le Québec pour l'amener à l'Université de Montréal, que personne ne s'inquiète sur cela, mais nous avons l'intention de jouer le rôle que l'Université a toujours joué au Québec pour le plus grand bien de l'Université et de la société québécoise. Il y avait un certain nombre de programmes au niveau du premier cycle, mais c'est surtout nos programmes de deuxième et troisième cycles qui vont prendre la relève maintenant. Voilà pour le cas québécois.

Donc, il n'est pas question pour nous – comprenons-nous bien, là – de dire: Les portes sont ouvertes et ça va entrer à pleines... Non, non. La stratégie est très claire, nous rééquilibrons nos clientèles. Nous les rééquilibrons, mais il y a aussi un changement un peu dans la composition de la clientèle. D'accord? Il y a des clientèles qui vont être recrutées dans des secteurs où il y avait vraiment une demande très forte et où on contingentait nous-mêmes. Il y avait une espèce de malthusianisme qu'on faisait là. On donne une chance aux gens d'aller là où ils veulent, enfin. D'accord? Donc, il y a un rééquilibrage en même temps.

Quand on regarde la situation hors Québec, nous avons au-delà de 3 400 étudiants étrangers à l'Université de Montréal en provenance de 50 pays, avec nos écoles affiliées. On est donc la troisième université au Canada en termes d'internationalisation par le nombre des étudiants étrangers. Ce n'est pas assez, particulièrement aux deuxième et troisième cycles. Je crois qu'on peut arriver à augmenter le nombre d'étudiants étrangers à l'Université de Montréal.

Mais là, comprenons-nous bien, l'Université de Montréal veut être une université – ce qu'elle est – à caractère international, pas pour former des étudiants étrangers, pour former des étudiants québécois. Elle veut avoir des étudiants en provenance de divers pays pour rendre le milieu universitaire de l'Université de Montréal international et donner à nos étudiants la chance de côtoyer des étudiants venant de partout dans le monde, des professeurs et des chercheurs venant de partout dans le monde, mais notre objectif, ce n'est pas de transformer l'Université de Montréal en une université qui va avoir 30 % ou 40 % de ses étudiants étrangers. Ce n'est pas ça, ni notre mission historique, ni notre rôle, ni le rôle de la plupart des grandes universités dans le monde. Elles sont là pour former les gens de chez eux. Nous sommes, tout compte fait, aussi sinon plus international que l'Université de Toronto à cet égard. Donc, comprenons-nous bien, nous sommes là pour former de la meilleure façon possible les étudiants du Québec dans un contexte où il y a cette grande ouverture à l'international. Ça veut donc dire que nous ne sommes pas dans une course effrénée d'étudiants étrangers. O.K.?

La Présidente (Mme Bélanger): Merci.

M. Béchard: Merci. Je vais laisser mes collègues poursuivre, je reviendrai s'il reste du temps.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, Mme la Présidente. Votre plaidoyer était très intéressant, M. le recteur, M. Lacroix. Je pense que nous sommes tous fiers de l'importance et du rôle que joue l'Université de Montréal au Québec, et, moi, je le suis à un titre particulier. Puisque je suis le député de Saint-Hyacinthe, je suis bien conscient de la problématique touchant cette grande école qui est la Faculté de médecine vétérinaire de Saint-Hyacinthe, qui est la Faculté de médecine vétérinaire de l'Université de Montréal. Il y a là un problème très épineux, et c'est sûr qu'il faut trouver une solution. Quand il faut, il faut. Donc, on la trouvera.

Mais je voudrais quand même que vous nous fassiez quelques commentaires supplémentaires à ce que vous avez déjà dit, parce que votre présentation était quand même une présentation relativement... en tout cas, très éclairante pour comprendre la dynamique, la problématique spécifique de l'Université de Montréal. Je pense que vous avez été franc. Vous avez fait les distinctions et les nuances qu'il fallait faire pour qu'on comprenne exactement où est le problème et comment on peut le résoudre.

J'aimerais quand même vous entendre davantage sur toute la question qui touche les propos du ministre de l'Éducation concernant le réinvestissement dans les universités en contrepartie de contrats de performance. Nous sommes tous conscients ici, autour de la table, de l'importance de préserver l'autonomie des universités. C'est un héritage qui n'est pas discutable, et personne, je pense, ne veut le discuter non plus. Par contre, c'est vrai aussi, comme il s'agit de fonds publics et qu'on est députés... Et une des raisons pourquoi on est députés, c'est pour essayer d'apprécier la façon dont les fonds publics sont administrés. Donc, nécessairement on a besoin d'instruments, d'instruments pour se faire des idées et pour jouer notre rôle aussi face aux institutions elles-mêmes.

Alors, dans ce contexte-là, j'aimerais vous entendre davantage par rapport à l'importance d'établir, ou à l'utilité, ou à la possibilité d'établir des critères de performance et à la façon de les appliquer dans le concret.

M. Lacroix (Robert): Bien. Écoutez, c'est clair que les institutions universitaires veulent conserver, avec raison je crois, une autonomie relativement grande. Et je crois qu'il est sain qu'il en soit ainsi, et personne, je pense, ne remet ça en cause, nulle part. Nous avons tous des conseils d'administration, nous avons des instances d'imputabilité. Quand une direction d'université ne fait pas son boulot, en principe, un conseil d'administration devrait y voir. Mais il faut aussi comprendre que le financement de nos institutions est à 60 %, 70 % public, en provenance de fonds publics.

Il est donc, pour moi, normal qu'un ministre de l'Éducation, qu'un gouvernement puisse demander à des institutions universitaires: Écoutez, là, nous, on a investi dans vos institutions, j'aimerais bien savoir où vous vous en allez dans les trois, quatre prochaines années. Pourquoi vous voulez aller là? Qu'est-ce que ça va donner effectivement comme impact là où vous voulez aller? Et comment allons-nous faire pour savoir si vous avez atteint vos objectifs? Moi, je pense qu'on serait très mal venu de dire: Non, on ne veut pas répondre à ces questions-là. Parce que, si on ne répond pas à ces questions-là, c'est parce qu'on ne s'est même pas posé la question nous-même, et là ça pose des fichus problèmes.

(15 h 10)

Donc, moi, je ne suis pas mal à l'aise avec ça, je suis tout à fait prêt à dire: M. le ministre, voilà le plan de mes priorités pour les trois ou quatre prochaines années, voilà ce que je ferai avec l'argent qui sera réinvesti avec l'Université de Montréal dans les trois, quatre prochaines années, voilà pourquoi je le fais, voilà les impacts que j'en attends sur un certain nombre de grands paramètres et voilà un certain nombre d'indicateurs dont vous pourrez vous servir pour savoir si j'ai rempli ma mission. Je serais tout à fait à l'aise parce que je le fais déjà à toutes fins pratiques avec mes propres instances. Je le fais avec mon conseil. Je le fais avec mon assemblée universitaire où, chaque automne, je présente mon plan d'action. En milieu d'année, je fais le bilan mi-année pour leur dire: On avait dit cela, voilà où on est rendu, voilà ce qu'il nous reste à faire, voilà ce qu'on n'a pas réalisé et pourquoi. Et je fais la même chose avec mon conseil.

Donc, moi, je pense que ça, je suis très à l'aise avec ça. Si le ministre, voyant le plan de développement de l'Université de Montréal, dit: Écoute, il y a quelque chose que je ne comprends pas dans cela, il me semble que vous n'allez pas dans les meilleurs intérêts du Québec, qu'il ait une discussion avec l'Université de Montréal, tout à fait d'accord. Ce sera à moi de le convaincre que ça va dans les intérêts du Québec. Si je ne réussis pas à le convaincre, j'ai un peu un problème aussi, comme, si je ne réussis pas à convaincre mes propres instances de l'allocation de mes fonds au sein de mon institution, j'ai un problème. Bon. Ça, il me semble que c'est gérable sans mettre en cause l'autonomie des universités; c'est tout à fait gérable. Et, moi, je serais prêt, n'importe quand, à m'asseoir avec le ministre et à lui dire: Voilà, vous voulez remettre tant à l'Université de Montréal. Nous vous avions demandé, pour telle et telle raisons... Voilà les réinvestissements qu'on veut faire, voilà les analyses qu'on fait, voilà les objectifs qu'on se fixe, pourquoi on se les fixe, voilà les cibles qu'on va atteindre et, si on les atteint, voilà les impacts que ça va avoir, voilà les indicateurs qu'on se donne de toute façon pour évaluer ça. Aucun problème.

Ça, cependant, c'est bien différent d'une approche qui serait une approche: Venez faire approuver chacun de vos projets chez nous avant qu'on mette une cenne chez vous. Ça, c'est très dangereux, parce que là c'est du micromanagement des universités, et, moi, je n'ai pas été nommé recteur de l'Université de Montréal pour ne rien faire. En d'autres mots, si on voulait faire mon travail à ma place, je serais prêt à le céder à ceux qui veulent le faire, mais, si je suis recteur de cette institution-là, j'ai mes instances et je suis capable de gérer l'Université de Montréal. Je suis capable de défendre aussi mes orientations et je suis capable de discuter avec un gouvernement et avec mon ministre pour lui dire: Ça, vous ne semblez pas d'accord, M. le ministre. On va essayer de se comprendre. Donc, en ce sens-là, je n'ai, pour un, aucun problème.

M. Dion: Dans ce contexte-là, vous nous avez parlé tout à l'heure, vous avez mentionné que chaque université est différente et a droit à ses choix. Tout à fait. Je pense que vous avez aussi fait allusion au fait que vous n'êtes pas du tout opposé qu'il y ait une certaine planification ou un certain arrangement entre les universités concernant les différents programmes, et tout ça.

La question que je me pose, c'est: Est-ce que vous voyez possible l'existence d'un certain encadrement global d'indicateurs de performance qui seraient applicables à l'ensemble des universités, qui seraient décidés de concert avec ces universités-là et qui nous permettraient de faire des comparaisons qui soient utiles et positives?

M. Lacroix (Robert): Oui. Ça, évidemment, le moindrement que vous agrégez dans le secteur universitaire, ça veut de moins en moins dire de quoi de signifiant. Ça, il faut être clair sur ça. La différenciation des universités est tellement grande non seulement au Québec, mais partout dans le monde, tu sais, c'est très difficile. C'est pour ça que je préfère le concept évidemment d'universités comparables, parce que ce concept-là nous permet de nous donner des étalons diversifiés selon les missions diversifiées des institutions, et là on peut arriver évidemment à fixer des balises de performance qui soient signifiantes. Autrement, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise, moi, si j'agrège tout ce qui se passe à l'Université de Montréal, la spécificité de médecine vétérinaire dans ça disparaît, médecine dentaire, optométrie – la seule école d'optométrie au Québec. Donc, ça devient très, très, très difficile, sauf dans les grands paramètres, à savoir: Est-ce que, en moyenne, on finance autant par étudiant au Québec qu'ailleurs? Là encore faut-il les pondérer, les étudiants, puis avoir... Même à ça, on a de la misère à s'entendre sur cela.

C'est pour ça que l'approche que j'ai toujours préconisée auprès du ministre et que j'ai suivie dans mon rapport que j'ai envoyé au ministre, c'était une approche: Notre problème n'existe pas entre des comparaisons d'universités québécoises, c'est de savoir si, par rapport aux universités qui ont des missions ou des caractéristiques semblables en Amérique du Nord et au Canada, on tient le coup. Et là vous pouvez avoir des comparaisons très fines, très, très fines, tu sais. Parce que là, je peux vous dire, moi, les facultés de médecine vétérinaire, il y en a quatre au Canada. Qu'est-ce qu'elle a l'air, la nôtre, comparée à ces quatre? Là, ça devient signifiant. D'accord? Et c'est ce qu'a fait l'organisme d'accréditation américain quand il est venu. Ils ont dit: Vous êtes complètement en dehors de la plaque, là. Si ça continue comme ça, on vous... Bon, ça veut dire quoi, ça? Ça veut dire que ce n'est pas l'Université de Montréal qui est remise en cause, c'est cette Faculté-là. Bon. Et ça va être comme ça dans beaucoup de sous-secteurs.

C'est pour ça que je crois que, quand on a des bases de comparables, d'abord, ça nous évite, je veux dire, de s'obstiner entre nous à savoir si on en donne plus à Montréal, on en donne moins à un autre. Ce n'est pas ça qui est le problème du tout. Donnons à chacune des institutions universitaires ce dont elle a besoin pour réaliser sa mission au niveau où les autres en Amérique du Nord le font.

M. Dion: Je vous remercie.

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va? M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci, Mme la Présidente. Il me reste combien de temps?

La Présidente (Mme Bélanger): Dix minutes.

M. Gautrin: Merci. Alors, je vais essayer d'être bref dans mes questions. Première question. Vous avez utilisé deux fois dans votre présentation, ou trois fois, le concept de concentration ou pôle de concentration de savoir. Jusqu'à quel point ce concept est important pour le développement des universités ou de votre type d'université?

M. Lacroix (Robert): C'est très variable. C'est très variable selon les secteurs, c'est très variable selon les disciplines, c'est très variable selon les champs spécifiques de recherche. Et vous le savez très bien, parce que vous avez été dans ces milieux-là. Si vous voulez faire la physique des hautes énergies, vous avez besoin d'un accélérateur, vous ne l'aurez jamais, vous êtes obligés de vous affilier effectivement au CERN, en Suisse, pour en faire un peu.

M. Gautrin: Ou à Triumf.

M. Lacroix (Robert): Bien, voilà, ou à Triumf, au Canada. Ça veut dire quoi, ça? Ça veut dire: N'essayez pas d'en faire si vous n'êtes pas dans ce réseau-là. Un département de physique, au niveau canadien seulement, qui veut former des étudiants de premier, de deuxième et de troisième cycles à un niveau un peu respectable a besoin, je dirais, entre 5 000 000 $ et 8 000 000 $ de fonds de recherche par année. Bon. Je pourrais bien dire, là: Je vais en faire, je vais former des étudiants de doctorat en physique partout au Québec. Avez-vous les 5 000 000 $ à 8 000 000 $ de fonds de recherche dans une unité de recherche qui permet de former des étudiants de maîtrise et doctorat à la fine pointe de ce qui se fait au moins au Canada? Si vous l'avez... Bon. C'est des éléments comme ça qui sont des incontournables, à un moment donné, et tu te dis: Ça ne nous donne rien de nous obstiner sur ça, là, c'est une réalité très claire.

Dans d'autres secteurs, les barrières à l'entrée sont très, très faibles, parce que ça prend très peu de ressources périphériques aux ressources professorales et aux ressources de soutien minimal. Là, les développements sont plus faciles. Dans certains secteurs scientifiques aussi, vous pouvez avoir des barrières à l'entrée un peu moins fortes dans certains domaines que dans d'autres. Mais je me dis... On le voit très clairement et c'est facile à voir.

Imaginez, l'Université de Montréal concentre 30 % des fonds de recherche au Québec. Les gens disent: C'est épouvantable de donner tout ça à l'Université de Montréal et à ses deux écoles affiliées. L'Université de Toronto concentre 35 % de tous les fonds de recherche ontariens. O.K.? Ça veut dire quoi, ça? Ça n'a pas été une décision, ça, prise, c'est une réalité qui s'est développée et qui a dit: Oui, ces concentrations-là sont nécessaires à un certain nombre de secteurs. Ça ne veut pas dire qu'à Toronto il n'y a pas Waterloo, ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas Queen's, ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas McMaster, ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas York, mais ça veut dire que, dans certains créneaux, là, c'est beaucoup plus concentré.

M. Gautrin: Deuxième question. Vous abordez toujours des questions avec l'Université de Montréal et ses écoles affiliées. Demain, on recevra Polytechnique et HEC. Quels sont les rapports actuellement avec vos deux écoles affiliées qui ont une structure budgétaire quand même autonome complètement, des conseils d'administration qui sont autonomes, qui ont une affiliation par rapport à votre Faculté d'études supérieures?

M. Lacroix (Robert): L'affiliation, évidemment les diplômes et les programmes de nos écoles affiliées... Les diplômes sont donnés par l'Université de Montréal et les programmes doivent passer par les instances d'accréditation de l'Université de Montréal, c'est-à-dire nos commissions des études. Beaucoup de liens de recherche se sont développés dans le temps. Évidemment, on vit sur le même campus, nos chercheurs passent de l'un à l'autre. Depuis que j'ai été nommé recteur, j'ai voulu accélérer les synergies entre ces trois institutions-là pour le plus grand bien du Québec et pour le plus grand bien, je crois, de notre propre institution. D'où le concept du développement avec l'École polytechnique d'un technopole sur le campus de l'Université de Montréal.

Nous demandons actuellement... Je dirais, plus de la moitié de nos demandes à la Fondation canadienne de l'innovation sont faites conjointement avec l'École polytechnique. Nous harmonisons nos demandes de postes FCAR pour être tout à fait complémentaires dans les équipes qu'on forme ensemble. Nous allons en campagne de financement avec 40 chaires conjointes aux trois institutions. Nous allons amorcer la construction du premier building du technopole que nous allons partager avec l'École polytechnique, c'est-à-dire nos équipes conjointes vont occuper ce bâtiment-là. Je vous dis la chose suivante: Dans 10 ans d'ici, vous ne reconnaîtrez plus le campus de l'Université de Montréal et les synergies entre ces trois institutions.

(15 h 20)

M. Gautrin: Au niveau de la valorisation de la recherche, est-ce que vous avez travaillé avec la Polytechnique et HEC sur une société de valorisation?

M. Lacroix (Robert): La valorisation de la recherche. Vous savez comment le processus...

M. Gautrin: Oui, je sais, mais je suis plus spécifique: sur les sociétés de valorisation de la recherche.

M. Lacroix (Robert): Oui, j'y viens, les sociétés de valorisation de la recherche. Évidemment, c'est le 50 000 000 $ du budget Rochon qui va financer des corporations de valorisation de la recherche. La norme minimale pour avoir une corporation de valorisation de la recherche...

M. Gautrin: C'est 100 000 000 $.

M. Lacroix (Robert): ...c'est 100 000 000 $ de fonds de recherche récurrents par année. Donc, les universités doivent se regrouper si elles n'ont pas 100 000 000 $. L'Université de Montréal, avec évidemment ses hôpitaux, avec Polytechnique et HEC, c'est 200 000 000 $ de fonds de recherche par année, donc deux fois la norme requise. Nous formons donc ensemble une corporation de valorisation de la recherche incluant toutes les composantes de l'Université de Montréal et de ses écoles affiliées. Donc, ça, c'est réglé. Et la lettre d'intention qui a été envoyée au ministre Rochon – parce qu'on a envoyé une lettre d'intention – a été envoyée par l'Université de Montréal au nom de l'ensemble de ses composantes.

M. Gautrin: Et, au niveau de la propriété intellectuelle – vous savez les difficultés et les différences qu'il y a entre les différentes institutions – quelle est la politique? Est-ce que vous avez une politique sur la propriété intellectuelle?

M. Lacroix (Robert): Oui.

M. Gautrin: Et est-ce que c'est la même que celle que vous avez à l'École polytechnique ou aux HEC? Est-ce que vous pourriez, le cas échéant, si vous me répondez oui, nous en envoyer copie, parce qu'on a ce problème d'harmonisation des politiques?

M. Lacroix (Robert): Le gros problème à l'Université de Montréal, ce n'était pas tellement les politiques sur la propriété intellectuelle des trois institutions qui sont tout à fait semblables. HEC, c'est très peu pertinent parce qu'il n'y a pas de secteur évidemment brevetable. Mais c'est vraiment avec Poly. Et là, avec Poly, nos politiques sont tout à fait semblables. Là où était le problème majeur de l'Université de Montréal, c'était avec l'ensemble de ses instituts et hôpitaux affiliés qui, eux, avaient pris des habitudes d'autonomie relativement grandes. Nous avons réussi, avant de constituer notre corporation unique, à harmoniser l'ensemble des politiques sur la propriété intellectuelle de l'ensemble de nos institutions affiliées. Et ça, je pourrai vous envoyer effectivement copie de cela.

M. Gautrin: Vous pourriez nous en envoyer copie, à ce moment-là.

M. Lacroix (Robert): Tout à fait.

M. Gautrin: J'ai une dernière question, Mme la Présidente, s'il peut me rester un peu de temps.

La Présidente (Mme Bélanger): Oui.

M. Gautrin: C'est vrai que les institutions universitaires ont un rôle bien sûr d'enseignement, de recherche, mais aussi d'être des vecteurs – je reprends votre terme – un vecteur essentiel dans l'économie, dans la société du savoir. Et une des réflexions sur lesquelles on doit aller de l'avant à mon sens, c'est la question du financement. Vous êtes financé actuellement uniquement sur une base historique et pratiquement, pour ce qui est de vos professeurs et de vos chercheurs, uniquement sur la fonction enseignement, c'est-à-dire aux variations de clientèle étudiante. Est-ce que vous avez une idée comment tenir compte de cette nouvelle dimension, nouvelle fonction sur laquelle les universités sont interpellées aujourd'hui, qui sont à la fois d'être des centres de recherche mais aussi des vecteurs de transfert de connaissances et des centres de veille technologique, et comment on pourrait en tenir compte dans les formules de financement?

M. Lacroix (Robert): Écoutez, à cet égard, je crois que le gouvernement du Québec avait antérieurement eu un geste important et, je dirais, innovateur par rapport à l'ensemble du Canada quand on avait décidé, au Québec, d'intégrer à la formule de financement des universités 15 % de l'ensemble des subventions reçues par les universités d'organismes dits accrédités, des grands conseils, et ainsi de suite.

M. Gautrin: Les frais indirects de la recherche.

M. Lacroix (Robert): Et c'était 10 % pour les hôpitaux affiliés. Évidemment, ça faisait partie de la base et de la formule. Ça en fait encore partie, mais tout ça a passé dans les grandes coupures. Le 15 % y a passé aussi, donc on ne l'a pas sauvé. Mais le principe était acquis.

Si vous regardez évidemment l'avant dernier avis du Conseil de la science et de la technologie, vous y trouvez une recommandation ferme de ce Conseil-là de financement à hauteur de 40 % minimum des frais indirects de la recherche aux universités, en disant: Si on ne fait pas cela, on appauvrit nos universités le moindrement qu'elles se développent en recherche. Donc, c'est une recommandation du Conseil de la science et de la technologie du Québec. Celui qui l'a faite et qui était président est rendu sous-ministre du ministre de la Science et de la Technologie. Donc, tout ce que l'on souhaite, c'est qu'il applique maintenant ce qu'il a dit.

M. Gautrin: C'est sûr que je lui poserai la question au niveau des crédits.

La Présidente (Mme Bélanger): C'est terminé, M. le député de Verdun. C'est terminé.

M. Gautrin: En conclusion, si vous permettez, soyez assuré que je poserai ces questions au débat sur les crédits.

M. Lacroix (Robert): Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le député de Verdun. M. le député de La Prairie.

M. Geoffrion: Merci, Mme la Présidente. Bienvenue. Ça fait un petit peu la suite à la question de député de Verdun. Au mois de mai dernier, vous plaidiez justement pour une méthode de financement différente lors de la collation des grades – votre discours du 28 mai, là – et vous faisiez finalement vôtre la recommandation du Groupe de travail sur le financement des universités de 1997, à savoir financer par cycle ou par discipline, secteur de discipline. Ça, ça fait à peine une année. On ne l'a pas retrouvé dans votre présentation d'aujourd'hui. Est-ce que vous avez laissé tomber cette idée-là ou, faute de temps, vous avez concentré ça sur autre chose aujourd'hui?

M. Lacroix (Robert): C'est ça, on a été à l'essentiel.

M. Geoffrion: Peut-être vous donner la chance de vous entendre là-dessus aujourd'hui.

M. Lacroix (Robert): Nous l'avions fait évidemment dans le rapport envoyé au ministre de l'Éducation. Nous avions dit évidemment... Les enjeux sont les suivants. C'est une vieille formule historique qui existe avec 11 secteurs, extrêmement compliquée, trois niveaux – premier cycle, deuxième cycle, troisième cycle – et qui finance les étudiants à la marge. Donc, vous partez d'une base historique et, à la marge, c'est modifié en fonction des 11 secteurs, des pondérations différentes. Bon, c'est très étriqué.

L'autre élément, c'est que ce ne sont pas les programmes qui sont financés, ce sont les cours appartenant à des secteurs. Or, ça, c'est dramatique, dans le fond, pour toute université qui a des programmes spécifiques. Je vais vous donner un exemple. Par exemple, l'Université de Montréal, comme d'autres universités, Laval ou McGill, on a telle chose qu'une faculté de médecine et donc des sigles appartenant à ce secteur du biomédical. Évidemment, ce n'est pas la faculté de médecine qui est financée, ce n'est pas le programme de médecine qui est financé, ce sont les cours appartenant au secteur. Or, toute université qui n'a pas de faculté de médecine peut, à un moment donné, décider de donner certains cours et les sigler comme étant des cours appartenant à ce secteur-là. Et là ce que vous faites, c'est que vous baissez radicalement le coût moyen de ce secteur-là. Parce que, eux autres, ils n'ont pas de faculté, ils ont juste des cours à donner. Et là les facultés de médecine viennent à être sous-financées parce qu'elles sont jugées surfinancées. D'accord? Parce qu'elles ont la faculté, elles doivent avoir... Bon.

Alors, tout ce système-là a entraîné des distorsions historiques considérables dans le système de financement universitaire au Québec, défavorables à certaines universités plus qu'à d'autres, moins qu'à d'autres, ça dépend à quelle on est. Chacun évidemment tire la couverte de son bord, mais, à l'évidence, quand on le regarde dans sa structuration même et dans l'utilisation que les universités, toutes les universités ont fait de cette structure de financement pour essayer de tirer le maximum, on a distordu au maximum la formule. Il n'y a pas une université qui est bête, là. Vous lui dites la formule, bien elle va trouver la façon d'aller chercher le maximum avec la formule. D'accord? Et là vous distordez le système. On en est là.

Et je dis: Bon, peut-être qu'il faudrait remettre ça sur la table puis dire: Bon, est-ce qu'il n'est pas temps de recommencer? Quand c'est le temps de recommencer? Il faut recommencer quand on a beaucoup d'argent à mettre. Parce que recommencer, ça veut dire aussi recalibrer des choses. Et, si vous n'avez pas d'argent à remettre dans le système, s'il y a des gagnants ou des perdants, c'est foutu, ce n'est jamais réglable.

Donc, c'est pour ça qu'actuellement l'enjeu est de se dire: C'est l'enjeu du financement. Là, c'est sûr que la formule, c'est une vision d'avenir. Le sous-financement, c'est du présent. Les universités, leur crainte, c'est de dire: Si on grafigne trop sur la formule, durant ce temps-là, on crève de faim. Là, je pense qu'on n'a pas trop de temps à perdre, il faudrait peut-être arriver à régler vite sur cela. Maintenant, on ne sait pas ce que le ministère veut mettre sur la table. Tu sais, je veux dire, c'est le ministre qui va... Si le ministre a une nouvelle formule à nous proposer, il va falloir qu'il nous la propose. Puis dites-vous une chose: Chacune des universités va faire marcher sa machine pour savoir ce que ça rapporte, et là la discussion va commencer.

(15 h 30)

Mais, à l'évidence, on devrait réduire – et c'est ce que j'avais dit dans le rapport au ministre – le nombre de secteurs parce qu'il y en a trop, et ils ne sont pas pertinents, un certain nombre. On devrait repondérer les cycles parce que les coûts moyens sont vraiment différents. On devrait, quand on fait des pondérations sectorielles, tenir compte des coûts réels du secteur. Tu sais, moi, quand on me met médecine vétérinaire dans un gros secteur apparenté, bien, qu'est-ce que tu veux, on me tue. Je suis obligé de faire, à l'Université de Montréal... Traditionnellement, on faisait entre 12 000 000 $ et 15 000 000 $ de péréquation entre certains secteurs et nos secteurs médicaux et professionnels lourds parce qu'ils étaient trop sous-financés, mais en même temps on sous-alimentait nos autres. Donc, c'est tout ça qui est à remettre en cause, et nous maintenons ce que nous avons dit au ministre dans notre rapport à cet égard.

M. Geoffrion: Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Montmorency.

M. Simard (Montmorency): Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, M. le recteur, madame, messieurs, bienvenue et merci beaucoup pour la qualité de cette présentation. M. le recteur, vous faisiez donc tout récemment référence à ce mémoire que vous aviez adressé au ministre de l'Éducation, dans lequel vous demandiez 140 000 000 $ d'augmentation récurrente. Pourriez-vous m'indiquer, de ce 140 000 000 $, quel est le pourcentage qui va à la fonction enseignement?

M. Lacroix (Robert): C'est très simple. On avait une ventilation, dans le rapport qu'on a envoyé au ministre, où on donnait au ministre, évidemment par sous-secteurs, ce qui arrivait sur la croissance du personnel enseignant, sur les environnements d'apprentissage. Par exemple, sur la question du personnel enseignant, c'était de l'ordre de 47 000 000 $ qui s'en allaient à cet égard-là. Nous avions tous les environnements évidemment d'enseignement qui entraient dans cela. Nous avions la création d'infrastructures adéquates de recherche qui allait chercher 26 000 000 $ par année. Nous avions un réinvestissement et redéploiement de certaines fonctions stratégiques qui sont énumérées dans le rapport, qui allaient chercher un montant de 15 000 000 $, et ça, ça inclut nos bibliothèques et notre infrastructure d'enseignement et de recherche. Et nous avions une intensification de la dimension internationale de l'Université dans le sens où je vous le disais, qui était de l'ordre de 4 000 000 $. Et nous avions le soutien aux étudiants qui était de l'ordre de 9 000 000 $. Ce qui faisait un grand total de 147 000 000 $. Alors, dans le rapport qu'on avait envoyé au ministre, à la fin, nous avions un tableau qui, très en détail, explicitait l'ensemble de la ventilation de ce montant-là.

M. Simard (Montmorency): Très bien. J'aimerais sous-ventiler avec vous le 47 000 000 $ dévoué à la fonction enseignement. Grosso modo, selon votre expérience, quel pourcentage de ce 47 000 000 $ serait adressé au renflouement de postes et quel pourcentage pourrait être dédié au nouveau développement auquel vous faisiez tout à l'heure référence dans votre présentation?

M. Lacroix (Robert): Évidemment, on doit spéculer un peu, là. Alors, nous, à l'Université de Montréal, on prépare actuellement un plan des priorités de trois ans, on simule un plan de priorités de trois ans – parce qu'il faut se préparer, on vit au jour le jour – et on l'a fait sur une base minimale d'un réinvestissement dans les universités de 100 000 000 $ par année, récurrents, arrivant à 300 000 000 $ au bout de trois ans.

On a dit: Qu'est-ce que ça donnerait à l'Université de Montréal si ça arrivait? On souhaite plus, mais mettons que ça arrive. D'accord? Si cela arrivait, ça donnerait à l'Université de Montréal aux alentours de 20 000 000 $ récurrents de plus par année. D'accord? S'ajoutent à ça les coûts du système et s'ajoutent à ça les bourses du millénaire. O.K.? Si on avait ça, nous engagerions 370 professeurs sur une période de trois ans. De ces 370 professeurs, évidemment il y en aurait une centaine qui seraient du remplacement de professeurs qui vont partir durant cette période-là et le reste serait du développement compte tenu du nouveau financement qu'on obtient. D'accord?

Nous disons la chose suivante pour les 370 postes. Nous mettrions aux alentours de 120 postes pour la consolidation de certains sous-secteurs et tout le reste irait en postes de développement dans certains secteurs d'avenir. D'accord? Donc, ça vous donne un peu une ventilation de ce qui serait fait, mais sur une base évidemment d'un réinvestissement plus faible que ce qui est dans le...

M. Simard (Montmorency): Vous me permettez de poursuivre là-dessus, M. le recteur, parce que ça m'intéresse beaucoup. J'aimerais faire une relation entre ce financement dont vous nous parlez et la difficulté de recruter des professeurs. Parce qu'il n'y a pas forcément toujours corrélation entre les deux, entre sous-financement, entre guillemets, et recrutement de professeurs. D'ailleurs, je cite, je crois, l'un des vôtres, le directeur de la planification, M. Proulx, à l'UdeM, qui disait: «En sciences de l'éducation, il y a 10 postes qui sont libres depuis six ou sept mois. Nous ne trouvons personne qui réponde à nos attentes.» Et il a dit ça le 24 janvier dernier. Donc, ça ne fait pas des lunes.

M. Lacroix (Robert): Tout à fait, vous avez raison. On s'embarque actuellement... Et c'est pour ça qu'on ne doit pas retarder le réinvestissement, parce que ce marché-là va devenir absolument incroyable. Dans le reste du Canada actuellement, il faut bien que vous réalisiez que la démographie, compte tenu de l'immigration, les favorise et que les clientèles étudiantes sont en croissance dans beaucoup de régions, particulièrement en Ontario, en Alberta et dans beaucoup... Bon. Eux, ils ont une croissance des clientèles et un investissement d'expansion des universités très considérables. Ils ont un renouvellement considérable, comme on l'a au Québec, c'est-à-dire tous les pré-baby-boomers qui sortent, là, dans les cinq, six prochaines années. Donc, ça va être très massif, le nombre de postes de prof qui vont être recrutés dans les cinq, six, sept prochaines années. Ça va être aux alentours de 20 000 profs. Au Québec, on est là, nous. On arrive. On s'insère dans ça. Dans le reste de l'Amérique du Nord, évidemment vous savez que, particulièrement aux États-Unis, le réinvestissement dans les universités est massif aussi.

Alors là, évidemment, il va falloir avoir les moyens d'être concurrentiel sur les marchés canadien, nord-américain et, je dirais, international. Nous avons, s'il y a un réinvestissement qui est fait par le Québec, les chances de l'être. Pourquoi? Le réinvestissement qui serait fait au Québec serait un réinvestissement dans le budget de base des institutions. D'accord? Vous ajoutez à ça la Fondation canadienne d'innovation, ça sera quelque 2 000 000 000 $ d'investissement dans les cinq prochaines années. Les universités québécoises vont aller chercher plus que leur proportion démographique compte tenu de leur importance dans les grands conseils subventionnels.

Vous rajoutez à ça les chaires d'excellence en recherche. Je vous l'ai dit tantôt, l'Université de Montréal ira chercher au minimum 160 chaires de recherche sur cinq ans, et c'est des chaires à très haut niveau. Ça veut dire quoi, ça? Ça veut dire que, si on a le financement de base provenant du Québec, là on peut effectivement arrimer ça à la Fondation canadienne d'innovation, arrimer ça sur les chaires d'excellence, ajouter Valorisation-Québec, éventuellement les frais indirects seraient financés, et là, je vous le dis, nous devenons concurrentiels au niveau nord-américain.

Pour vous donner un exemple de cela, un seul, si, avec tous ces programmes-là, je dois recruter un jeune au niveau international, un jeune biologiste, j'aurai, par la Fondation canadienne d'innovation, 350 000 $ possible de fonds pour l'installer et installer ses labos quand il rentre. D'accord? Ce sera acquis, ça. S'il est vraiment de qualité exceptionnelle, je pourrai avoir une chaire d'excellence sur laquelle... Je dis: Je la mets sur ce jeune-là. 100 000 $ par année pendant cinq ans, renouvelable cinq ans. Énorme. D'accord? J'aurai, le cas échéant, par Valorisation-Recherche ou par le financement des frais indirects de la recherche, d'autres suppléments. Là, je peux concurrencer toutes les grandes universités publiques nord-américaines. Je ne peux pas concurrencer Stanford, Yale et Harvard, mais toutes les grandes universités.

Alors, ça veut dire quoi? Ça veut dire qu'une université comme l'Université de Montréal devra tout à fait bien jouer ses cartes. Évidemment, si vous vous mettez à saupoudrer, si vous vous mettez à dilapider ces ressources possibles là, vous avez des problèmes majeurs. Si vous vous servez des chaires pour financer les salaires et non pour financer une bonification du salaire de base et de la recherche inhérente, vous venez de devenir non concurrentiel. Donc, ce n'est pas si noir si on a le financement de base. Au contraire, si on joue bien nos cartes, on va être aussi compétitifs que les autres grandes universités canadiennes et nord-américaines. À nous de jouer notre jeu par la suite.

M. Simard (Montmorency): Oui. Et, à votre avis, M. le recteur, cette concurrence aux enseignants de qualité à laquelle vous faites référence depuis tout à l'heure, est-ce que quelqu'un au Québec a chiffré ça? Chez vous, à l'Université de Montréal, pour les 10 prochaines années, vous savez combien de profs il y a à remplacer, mais avez-vous budgété déjà combien cette concurrence va vous coûter et comment vous devez...

M. Lacroix (Robert): Non. Écoutez, moi, je pense que... D'abord, tout économiste que je suis, je dis toujours: Quand vous dépassez 18 mois, vous êtes dans la zone grise. Alors, imaginez-vous à 10 ans. Moi, je crois que l'on doit travailler sur des horizons de trois à quatre ans. Pourquoi? Parce que ce sont des horizons sur lesquels nous sommes en possession à peu près de toutes les informations qui nous disent quelle va être la récurrence pour les prochaines années. Peut-être que ça va changer, mais on sait à peu près sur quelle base on travaille.

(15 h 40)

Quand on regarde actuellement sur les trois, quatre prochaines années, le moindrement que le gouvernement du Québec nous aura stabilisé nos budgets pour les trois prochaines années, le reste est à peu près clair. On sait ce qui arrive à la Fondation canadienne, on sait ce qui arrive dans les chaires d'excellence, on sait ce qui arrive aux instituts canadiens de recherche en santé, on sait ce qui arrive à FCAR, on sait ce qui arrive à tout ça, là. D'accord? On sait ce qui arrive à nos corps professoraux aussi pour la retraite. Donc, nous, le plan des priorités qu'on a fait, sur cette base-là, je dis: Voilà ce que je peux construire dans les trois, quatre prochaines années de façon sûre et certaine et qui va rester dans mon institution. Et, à partir de là, je devrai, année après année, réajuster mon tir pour les trois années qui viennent. Autrement, je pense que ça devient un peu difficile.

M. Simard (Montmorency): Merci, M. le recteur.

La Présidente (Mme Bélanger): D'autres questions? Ça va? Alors, nous vous remercions de votre participation.

M. Lacroix (Robert): Merci infiniment, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): On va suspendre quelques instants pour se dégourdir les jambes.

(Suspension de la séance à 15 h 42)

(Reprise à 16 h 2)

La Présidente (Mme Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Notre mandat est toujours d'entendre les dirigeants des établissements d'enseignement de niveau universitaire sur leurs rapports annuels 1997-1998, conformément aux dispositions de la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire.

Nous recevons l'Université McGill. Alors, je demanderais au porte-parole de bien vouloir s'identifier et d'identifier les personnes qui l'accompagnent. Je tiens à vous dire que vous avez 40 minutes pour faire votre présentation qui sera suivie d'échanges de 80 minutes entre les deux groupes parlementaires.


Université McGill

M. Vinet (Luc): Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, d'entrée de jeu, j'aimerais dire que le principal de l'Université McGill, M. Shapiro, m'a demandé de vous faire part de ses regrets de ne pouvoir participer aux audiences cette année. Il est présentement en mission à Hong-Kong et à Singapour et ne peut, de la sorte, être des nôtres cet après-midi.

Je me présente, je suis Luc Vinet, vice-principal à l'enseignement à cette Université. Je suis accompagné aujourd'hui, à mon extrême droite, de Pierre Bélanger, qui est vice-principal à la recherche et doyen de la Faculté des études supérieures et de la recherche; à sa gauche, se trouve Morty Yalovsky, qui est vice-principal, administration et finance; à ma droite immédiatement, M. Andrew Tischler, qui est président de l'Association des étudiants et étudiantes de l'Université McGill; et, à ma gauche, Ginette Lamontagne, directrice générale des affaires gouvernementales et institutionnelles.

Alors, mes collègues et moi, on va se partager la présentation de l'exposé sur McGill que nous voulons faire et M. Tischler fera une présentation distincte au nom de l'Association des étudiants. C'est donc ensuite avec grand plaisir, évidemment, qu'on participera aux échanges qui suivront.

Vous avez, je crois, une copie du texte que je vais présenter. Je vais m'y tenir assez rigoureusement. Alors donc, je procède avec la première section qui porte sur un résumé, si vous voulez, du document que les universités et donc, en l'occurrence, que McGill a soumis au gouvernement le 15 septembre dernier à l'invitation du ministre de l'Éducation, M. François Legault, et ce document est intitulé Tradition et innovation: une institution internationale dans une ville universitaire . Comme ce texte veut présenter la vision que McGill a de son rôle au Québec et mentionner brièvement les grands projets qu'elle entend réaliser dans l'éventualité, qu'on espère certaine, d'un soutien financier accru et aussi comme ce document veut souligner l'importance de ces retombées pour la société québécoise, je vais en résumer et en citer quelques extraits.

Alors, on s'entend pour croire que le savoir est crucial dans l'économie moderne et que l'université a pour rôle de le développer et de le transmettre – c'est la mission fondamentale de l'université – que le bien-être futur des Québécois dépend des progrès réalisés ici et ailleurs dans le développement des connaissances. Nous avons en effet besoin de citoyens ayant acquis un jugement social, moral et politique rigoureux par l'étude des lettres et des sciences humaines, d'artistes qui enrichissent nos vies en organisant et en produisant mots, images et sons en prise sur la modernité, de professionnels aptes à offrir des services médicaux, légaux et d'ingénierie à la pointe de la technologie, de scientifiques capables d'innover et de nous faire profiter des progrès de la recherche à travers le monde, d'enseignants qui pourront encore mieux préparer les jeunes à la société de demain et de gens d'affaires rompus à la réalité internationale du monde commercial d'aujourd'hui.

Alors, voilà autant de secteurs évidemment dans lesquels McGill est engagée à produire des diplômés. En les produisant, et dans bien d'autres encore, les universités, et McGill en particulier, accroissent la richesse de notre société. Elles peuvent être comparées, les universités, en cela, à nos entreprises et industries: plus nos universités, à notre avis, auront une stature internationale, plus le Québec en retirera des avantages stratégiques.

L'université doit servir de phare à la société. Elle doit être le dépositaire des connaissances universelles, anticiper et participer à leur développement et en assurer la transmission. Cela exige que l'université soit en constante transformation, comme les connaissances le sont. L'évolution actuelle des relations entre les différents champs de savoir, l'avènement de nouveaux médias pouvant servir de support à l'enseignement et la recherche ainsi que l'accumulation accélérée d'observations et de données facilement accessibles forcent à présent les universités à revoir profondément leur façon de faire. McGill n'est pas en reste à cet égard et, au-delà des considérations d'excellence universitaires habituelles, les quelques principes suivants la guident présentement dans cette démarche.

D'abord, la nécessité, essentielle à notre avis, de permettre aux étudiants d'acquérir des valeurs, des bases culturelles et des outils d'analyse éthique par une formation de premier cycle de très haute qualité, en particulier dans le secteur des arts et des lettres.

Deuxièmement, l'importance de mettre sur pied des programmes qui développent la capacité à utiliser de manière profonde et intégrée les apports de plusieurs disciplines à différentes questions. De plus en plus, avec la capacité à analyser des problèmes complexes, il faut faire appel de manière interdisciplinaire à des connaissances développées dans plusieurs secteurs.

Troisièmement, le devoir de répondre aux besoins socioéconomiques de la société dans laquelle cette Université est enracinée.

Quatrièmement, la pertinence d'introduire des éléments propres à la recherche ainsi que des résultats de pointe dans l'enseignement de premier cycle. Et ceci est d'autant plus vrai pour McGill qu'elle est engagée de manière très, très intensive dans le développement de la recherche.

Je vais donner ici, ensuite, quelques exemples de projets que caresse McGill et qui s'inscrivent dans ce cadre de priorité. Il faut comprendre cependant que tous ces projets ne sauraient être envisagés sans que notre corps professoral soit renouvelé, qu'un soutien financier beaucoup plus substantiel puisse être accordé à nos étudiants et que nos infrastructures soient considérablement améliorées. Mon collègue Morty Yalovsky va commenter plus à fond tout à l'heure sur les moyens financiers requis pour réaliser ces projets.

Alors, dans ces projets prioritaires – je vous en donne une liste succincte, je ne voudrais pas m'étendre trop longtemps, je vais simplement commenter brièvement – le premier porte sur l'environnement. On a créé à McGill, il y a maintenant deux ans, une École d'environnement que nous entendons consolider. Je pense que c'est une initiative extrêmement bien inspirée, qui connaît d'ailleurs un succès retentissant auprès des étudiants, qui offre au Québec une expertise sur ce domaine hautement prioritaire sur le plan international et qui, en même temps, offre la possibilité d'avoir sur place des experts qui puissent composer avec les problèmes spécifiques dans ce secteur-là du Québec comme, par exemple, l'écologie du bassin du Saint-Laurent.

(16 h 10)

Un deuxième projet prioritaire pour nous est celui des technologies de l'information. Évidemment, je n'ai pas besoin d'élaborer longuement sur l'aspect essentiel pour le développement économique de ce secteur-là. McGill entend jouer son rôle de manière très active à cet égard-là. De fait, dans les nouveaux programmes que le gouvernement a mis de l'avant, McGill a déjà bien indiqué ses intentions et le rôle qu'elle peut jouer, puisque, du budget alloué, McGill a obtenu une subvention de 1 000 000 $ pour développer ces programmes.

Dans le secteur des sciences des matériaux, McGill a présentement de nombreux foyers d'expertise qu'on retrouve dans ses différents centres de recherche, dont des centres FCAR, situés en physique, en génie, en chimie. En fait, la dernière construction réalisée sur le campus, le pavillon Wong, a été érigée pour accueillir des groupes qui oeuvrent dans ce secteur-là qui, encore une fois, est hautement important pour le développement technologique québécois et dans lequel McGill veut continuer d'accentuer ce développement.

Sur le plan des sciences de la vie, les domaines que sont la bio-informatique, la génomique, la protéomique, le design de médicaments sont autant de domaines qui vont imprimer de manière extrêmement importante sur la science du XXIe siècle et qui auront des impacts dans les traitements et dans la gestion du secteur de la santé. Et, là encore, McGill a déjà entrepris d'exercer son leadership, puisque nous avons, de concert avec l'ensemble des universités québécoises impliquées, avec le ministère de la Science et de la Technologie, mené un projet pour instaurer ou mettre sur pied un institut, le projet Génome Québec qui semble très bien lancé, et pour lequel on espère avoir des nouvelles encourageantes dans le budget qui vient, et qui est en prise évidemment avec les développements parallèles du côté de Génome Canada.

J'aimerais prendre l'occasion pour mentionner qu'on a aussi, sur le plan de l'organisation des infrastructures et du campus, à McGill, comme projet à moyen terme d'intégrer les développements dans ces différents secteurs en un complexe technologique qui, géographiquement parlant, sur le campus, formerait, si vous voulez, un square technologique très important et, je pense, unique de par, entre autres, sa proximité géographique et les interactions que ça permettrait entre ses différentes unités et aussi sa location dans le centre de Montréal.

Si je poursuis sur la liste des projets prioritaires, vous notez, au point 5, les méthodes quantitatives. On croit qu'il est très important de faire en sorte que ces méthodes de la statistique, des processus stochastiques, de la physique soient intégrées. On les voit devenir de plus en plus présentes dans tous les secteurs du savoir et il nous semble important de faire en sorte qu'elles soient, ces méthodes quantitatives, donc intégrées de plus en plus, lorsque nécessaire, dans l'ensemble des curriculums.

Et ça m'amène aussi à faire état d'un projet qu'on caresse, qui est de contribuer à l'intérêt des jeunes, déjà au niveau même du primaire et du secondaire, pour les sciences en général et de développer une intégration plus verticale de l'Université, une implication, donc, dans ces secteurs. Et le projet qu'on a pour mettre ces idées-là de l'avant est de créer une école des jeunes à l'intérieur de l'Université, de la même façon qu'on trouve des conservatoires de musique où des cours de musique sont dispensés à des élèves du primaire et du secondaire et où la progression se fait en fonction de leurs aptitudes – l'idée est assez semblable – de développer, donc, une telle école qui ne ferait pas double emploi évidemment par rapport à ce qui s'enseigne aux niveaux primaire et secondaire, mais qui permettrait d'amener l'aspect ludique de l'enseignement des maths et des sciences en général.

Enfin, on mentionne ici l'étude interdisciplinaire du langage comme étant l'un des autres projets prioritaires, et évidemment il s'agit d'une des forces stratégiques à McGill. On a différents groupes en psychologie, en neurosciences, en linguistique, tous jouissant d'une très grande réputation internationale, qui oeuvrent dans ces secteurs-là, et on entend continuer à développer ça davantage.

Le dernier item mentionné est celui des programmes de stages. Il nous semble, et c'est ce qu'on entend d'ailleurs de la part des étudiants, qu'il est très, très important de travailler de concert avec tous les secteurs, qui sont des récepteurs finalement des diplômés, pour faire en sorte, que ce soit dans le domaine privé, public ou autre, qu'il y ait, par le biais des échanges et des stages qui sont développés, un complément de formation très, très désiré et désirable, à notre avis.

Évidemment, la liste se limite à ces éléments-là, mais on pourrait continuer parce qu'on a énormément de projets en cours. L'enthousiasme face à ce qui nous semble être une ouverture faite par le gouvernement est apparu comme une bouffée d'air dans l'étau qui étreignait les universités depuis très longtemps. Et cette simple ouverture, déjà faite par le ministre dernièrement, a permis de relancer et de combattre très sérieusement la morosité qui prévalait.

Alors, les retombées qu'auront ces éléments prioritaires du projet seront fort importantes, et je vous les résume. En relançant les investissements dans nos universités, et à McGill en particulier, il nous semble que le Québec aura de la sorte plus de citoyens qui jouiront d'une formation du plus haut niveau et qui répondront aux besoins de la société. Ces diplômés permettront au Québec d'exercer un leadership international accru.

Le financement demandé pour McGill permettra au Québec d'occuper une place prépondérante dans le développement de secteurs qui sont universellement stratégiques. En appariant les moyens financiers de McGill par étudiant à ceux des autres universités du Canada, le Québec revitalisera un agent économique social, intellectuel et économique fondamental qui, suite aux compressions budgétaires massives qu'il a subies, ne pourra plus soutenir favorablement la comparaison avec les universités avec lesquelles il est en compétition. Bref, en investissant vigoureusement à McGill, le Québec consolide et développe un établissement de prestige et de tradition dont tous les Québécois peuvent s'enorgueillir et profiter. Il se dote d'une pièce maîtresse dans le développement de Montréal comme centre universitaire international.

J'aimerais mentionner, vous faire part d'une étude économique qui indique le rôle de McGill comme agent de développement à ce titre-là. Donc, je voudrais souligner cette performance économique remarquable de McGill qui procède des éléments suivants.

McGill réussit à attirer des étudiants hors pair du monde entier et également des subventions de recherche de manière importante qui viennent de l'extérieur du Québec, sans parler des dons privés et des revenus diversifiés à l'échelle internationale. Alors, cet apport qui nous vient de l'extérieur du Québec en étudiants et en subventions de recherche implique des retombées importantes pour le gouvernement en tant que tel.

Alors, une étude réalisée en 1998 a établi que ces rentrées de fonds qui proviennent de l'extérieur du Québec ont entraîné des dépenses totales de 616 000 000 $ pour l'année 1995-1996 et de 4 900 000 000 $ au Québec depuis 10 ans. Ces dépenses liées aux activités de McGill à l'extérieur du Québec, dans le sens où je l'expliquais, ont engendré des recettes fiscales de plus de 90 000 000 $ pour le gouvernement, ce qui, comparativement aux coûts directs d'environ 65 000 000 $ pour ce gouvernement, représente un gain net dans les coffres de l'administration.

Je vais maintenant dire quelques mots sur les thèmes que la commission avait proposés et je vais commencer par le renouveau du corps professoral. C'est probablement celui qui est le plus urgent, à notre égard. Les compressions budgétaires des dernières années ont eu pour effet d'entraîner une réduction dramatique du corps professoral. Dans le cas de McGill, des 1 451 professeurs réguliers que nous avions en 1995-1996, nous sommes maintenant passés à 1 242 cette année, et ce nombre continue de diminuer. Pendant cette même période, le nombre d'étudiants à plein temps au premier cycle est resté sensiblement constant, avec, comme conséquence évidente, une diminution de l'offre de cours et une augmentation de la taille des classes. Aux deuxième et troisième cycles, le décroissement du corps professoral a entraîné un décroissement proportionnel du nombre d'étudiants. Ce sont là les personnes hautement qualifiées dont la société a besoin et qui manqueront à l'appel. Il est facile de comprendre cette relation de cause à effet entre la décroissance du nombre de professeurs et celle du nombre d'étudiants gradués, puisque la subvention des étudiants se fait directement à l'aide des subventions à la recherche qu'obtiennent les professeurs. Vous avez moins de professeurs, vous avez forcément plus de difficultés à subventionner les étudiants.

(16 h 20)

S'ajoutent aux compressions budgétaires deux autres facteurs contraignants. D'abord, il existe certaines disciplines, notamment celles qui touchent à l'informatique et aux biotechnologies, qui sont en pleine émergence et dans lesquelles l'Université doit à tout prix investir si elle veut jouer son plein rôle dans le monde des idées et des connaissances. Ensuite, l'Université a une obligation sociale d'essayer de répondre aux besoins exprimés par les entreprises et les gouvernements quant à certaines catégories de diplômés. Il en résulte une situation où, par la force des choses, les coupures sont appliquées de façon inappropriée aux différentes disciplines. Ainsi, la Faculté des arts, qui incarne l'essence de ce qu'est une université, devient la plus fortement touchée avec une réduction de plus de 20 % de son corps professoral. Évidemment, cet état de choses ne peut durer si on veut maintenir une vraie université.

Nous souhaitons tisser des liens plus étroits avec l'industrie et développer des programmes de stages – je l'ai dit d'ailleurs. De telles initiatives ne pourront être entreprises que si nos professeurs sont appuyés dans leur enseignement et bien soutenus sur le plan administratif. Ces stages, vous le comprendrez, ne se développent pas sans un investissement de temps considérable de la part des professeurs. Alors, au minimum, il nous faut pour cela établir notre rapport étudiants-professeur à ce qu'il était il y a cinq ans. Une étude comparative sur le rapport professeur-étudiants dans les 10 universités dites de recherche au Canada démontre que McGill est au-dessus de la moyenne canadienne à cet égard.

Par ailleurs, compte tenu du fait que notre personnel enseignant vieillit et qu'une grande proportion de nos professeurs devra être remplacée au cours des cinq prochaines années, nous devons commencer dès maintenant à recruter, avant le départ à la retraite des anciens, non seulement pour offrir des possibilités aux jeunes, mais également pour minimiser les répercussions d'une transition d'une telle ampleur. En effet, au cours de la prochaine décennie, environ la moitié de nos professeurs et le tiers du personnel de soutien atteindront l'âge de la retraite. La plupart des universités du Canada sont dans cette situation. Il est impérieux d'anticiper ces retraites dès maintenant, alors que la demande est – le texte dit moins forte – je dirais, marginalement moins forte et qu'il y a sur le marché des candidats très talentueux. Faute d'agir sous peu, la qualité de notre personnel enseignant est condamnée à diminuer et le coût du recrutement à augmenter.

La Presse , par exemple, le journal La Presse , que nous avons informé de cette pénurie anticipée de professeurs, a fait de cette information la une de son journal à un moment donné et a cité les résultats d'une étude interne que nous avons faite, à l'effet que, pour nous retrouver, d'ici 10 ans, donc en 2010, avec le nombre de professeurs que nous avions en 1994, prenant en compte les retraites et l'attrition anticipées qu'on a actuellement et qui risquent d'ailleurs d'être supérieures dans quelques années, il nous faut dès maintenant, dès cette année, engager, et ce, pour chaque année, d'ici les 10 prochaines années, 100 nouveaux professeurs par année, alors que, l'an dernier, qui finalement, après un gel et un creux monumental, a été une année faste, nous n'avons engagé qu'une trentaine de professeurs. Alors, vous mesurez la difficulté et le défi que représente cette entreprise et la nécessité de l'entreprendre maintenant.

Vous devez aussi réaliser que le marché global des intellectuels ou des universitaires va devenir des plus difficiles. Toutes les universités du Québec maintenant sont sur le marché absolument mondial pour recruter des gens et devront pouvoir y compétitionner pour pouvoir amener ici, pour le bénéfice de notre société, les meilleurs universitaires. La difficulté à laquelle on fait face, c'est que, dans le moment, déjà, par rapport à nos compétiteurs du reste du Canada, nous n'avons pas les moyens de résister aux pressions qu'ils nous font subir. Et on peut se poser les questions quant au rôle qu'aura à jouer ce gouvernement pour permettre aux universités de cette province de tirer leur épingle du jeu sur ce marché international. Et je vous assure qu'il y aura une poussée irrésistible sur les salaires universitaires, tous les indicateurs nous démontrent ça immédiatement, et il faut déjà, à l'interne, s'organiser pour réagir à ça. Mais c'est un problème auquel l'ensemble des décideurs doivent se confronter.

Alors, je poursuis. J'enchaîne donc justement sur l'exode des cerveaux qui est un des autres points qui vous préoccupent, et à juste titre d'ailleurs. Le problème qu'a McGill à retenir ses professeurs vedettes – et elle en a plusieurs, je vous assure – et à recruter de jeunes chercheurs-professeurs parmi les plus talentueux dans un contexte de compétition internationale est sérieusement miné, je le disais, par des salaires qui ne sont pas concurrentiels, des infrastructures devenues déficientes et un soutien financier de la recherche beaucoup trop faible. Des correctifs budgétaires et fiscaux s'imposent de façon urgente sur tous ces points si l'on ne veut pas voir péricliter irrémédiablement nos universités, McGill en particulier.

Le gouvernement du Québec fait preuve d'inspiration en ce qui a trait à ses politiques de financement de recherche, par le biais en particulier du FCAR et du FRSQ. Il importe cependant d'établir de façon conséquente le financement des universités afin d'assurer la présence dans le réseau universitaire québécois de professeurs-chercheurs de qualité et en nombre suffisant. Nous croyons aussi qu'il est de notre devoir de rapatrier, à tout le moins de tenter de rapatrier les intellectuels québécois brillants qui font de grandes carrières hors du milieu universitaire québécois ou dans le milieu universitaire mais à l'extérieur du Québec. Et nous entendons certainement incorporer ce credo à nos politiques de planification et de recrutement. Encore faut-il que nous ayons les moyens de les mettre en application.

On nous demande souvent de donner des exemples de crise provoquée par les coupures. On peut toujours pointer du doigt un jeune professeur... Il n'y a pas une semaine qui se passe sans qu'on ait une menace, sans que j'aie sur mon bureau une menace à cet égard. Donc, il n'y a pas un seul jeune professeur qui nous quitte pour oeuvrer dans un milieu mieux financé. Mais la pénible réalité ressemble bien plus à un lent étranglement de l'entreprise universitaire. Nous avons véritablement le sentiment d'être en train de mourir à petit feu, et il est extrêmement urgent que nous y remédions, que nous nous attaquions à cette situation dans les meilleurs délais.

Alors, je vais passer, à ce point-ci, la parole à ma collègue, Ginette Lamontagne, qui va vous entretenir des quelques autres points dans le document dont vous voulez entendre parler.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, Mme Lamontagne.

Mme Lamontagne (Ginette): Merci. Au sujet de la rationalisation des programmes d'études, il est impossible d'aborder ce sujet sans parler de l'énorme travail réalisé jusqu'ici par la Commission des universités sur les programmes, la CUP. Les 13 rapports déjà publiés témoignent d'une compréhension profonde des universités et d'une volonté ferme d'encore améliorer un système universitaire de premier rang.

L'Université a choisi d'intégrer les recommandations de la Commission dans son processus de planification et d'évaluation plutôt que de créer de nouveaux mécanismes parallèles. Bien que les recommandations soient utiles en soi, le vaste volume d'informations qu'on retrouve dans ces rapports l'est peut-être plus, car il permet de bien situer les programmes de notre institution par rapport à ce qui existe à l'extérieur de nos murs. Chaque rapport au complet est envoyé au département concerné, accompagné d'une demande de réponse ou de réaction. Un résumé des recommandations qui touchent McGill est acheminé à l'Academic Policy and Planning Committee. Nous sommes heureux d'annoncer que, suite aux recommandations de la CUP, des protocoles d'entente ont été développés concernant la direction des travaux de thèse de maîtrise ou de doctorat par des professeurs d'une autre université, les échanges systématiques de cours au premier et aux cycles supérieurs et l'élimination des barrières réglementaires et autres obstacles à la mobilité des étudiants.

Concernant la reconnaissance des acquis, nous n'avons pas grand-chose à ajouter à nos commentaires de l'année passée en ce qui concerne la question des passerelles entre les programmes techniques du collégial et les programmes universitaires. McGill considère que les diplômés des programmes techniques qui décident par la suite d'étudier à l'Université ne doivent pas se heurter à aucun obstacle arbitraire ou à une duplication inutile de cours.

(16 h 30)

Pour ce qui est des critères d'admission, McGill a déjà formulé un ensemble de politiques claires et complètes. Le programme technique doit se situer dans un secteur qui a rapport avec la discipline universitaire et l'étudiant doit avoir obtenu d'excellentes notes à ses cours théoriques. En général, les étudiants doivent suivre les cours qui manquent au profil d'admission normal en plus de respecter les équivalences qui figurent dans leurs cours d'accueil. Nous avons pu constater que les résultats de ces étudiants étaient en moyenne comparables à ceux des étudiants qui proviennent de programmes préuniversitaires.

Par contre, la réorganisation récente des programmes préuniversitaires, notamment du programme en sciences de la nature, en termes d'objectifs et standards, nous confronte à des difficultés sur le plan de la reconnaissance des acquis que nous n'avons pas encore réussi à résoudre. Il ne s'agit pas ici de compétences spécifiques qui sont définies pour ces programmes, mais bien des cours que les étudiants pouvaient par le passé y ajouter et qui étaient reconnus chez nous, en particulier des cours de chimie organique I et II et les cours de calcul III. Les étudiants qui avaient réussi ces cours en étaient exemptés à l'Université et ils pouvaient accéder aux cours avancés plus vite que les autres. Avec l'élimination des numéros de cours communs liés à des contenus de cours communs, nous ne disposerons dorénavant d'aucun mécanisme rapide et fiable pour attribuer les équivalences requises.

Au sujet des étudiants étrangers, les étudiants de McGill forment un ensemble diversifié dont la répartition quant à leur provenance s'approche de la distribution que nous considérons idéale: approximativement 60 % des étudiants proviennent du Québec, 25 % des provinces canadiennes et 15 % des États-Unis et d'outre-mer; et, sur l'ensemble, 20 % de ces étudiants sont francophones. Ces derniers nous arrivent de plus de 100 pays. Nulle autre université au Canada n'attire autant d'étudiants internationaux. En fait, l'écart entre McGill et les autres universités est considérable à ce chapitre. À cet égard, McGill se compare avantageusement à d'autres grands établissements américains, tels Cornell, 15 %, et Columbia, 19 %.

La qualité d'une université est certainement tributaire de la qualité de ses étudiants. À cet égard, McGill fait merveille. En attirant avec succès de nombreuses demandes d'admission du Québec, des autres provinces du Canada et de l'étranger, McGill utilise des critères de sélection qui sont parmi les plus exigeants au pays. Par ailleurs, quoi de plus enrichissant sur le plan de la formation personnelle que d'évoluer dans ce milieu multilingue et multiculturel.

Le ministre de l'Éducation, M. François Legault, dans la politique québécoise à l'égard des universités qu'il a dévoilée le 15 février dernier, souligne l'importance de l'ouverture sur le monde. Dans son discours inaugural lors du Sommet du Québec et de la jeunesse, le 22 février dernier, il a réitéré que cette ouverture sur le monde constitue un levier primordial de développement personnel et collectif, car il est bien connu que l'on s'enrichit au contact de l'autre. À son avis, la mondialisation est un projet fraternel qui contribue au rapprochement des hommes et des femmes de partout, dans toutes leurs diversités et leurs différences. McGill appuie avec enthousiasme la thèse de M. Legault, car l'internationalisation a toujours été au coeur même du projet éducatif de l'Université McGill. McGill, dans ce contexte, est à l'avant-garde de son temps puisqu'elle vit à l'heure de la mondialisation depuis déjà quelques décennies.

Technologie de l'Internet, qui a été un autre sujet soumis par la commission. La technologie de l'Internet bouleversera dans les prochaines années toutes les pratiques établies, y compris celles de l'Université. Nous aimerions traiter de quatre aspects bien spécifiques, soit la transformation des processus administratifs, l'essor de la recherche, la collaboration interuniversitaire et la diffusion des matériels pédagogiques.

Grâce à une subvention de 11 000 000 $ de la Fondation canadienne de l'innovation, l'Université McGill est en voie de se doter d'une infrastructure informatique des plus performantes pour permettre d'accélérer et d'améliorer les processus administratif et académique. Cette infrastructure permettra aux usagers sur le campus, par exemple, d'avoir des conférences virtuelles grâce à la convergence de l'image, du son et du texte électroniques. Le système permettra d'intégrer les fonctions administratives des ressources humaines et de la comptabilité avec celles de la gestion des données étudiantes. Sur le plan de la recherche, la nouvelle infrastructure facilitera la transmission des données volumineuses entre laboratoires et améliorera radicalement la qualité de l'image dans les domaines de pointe tels l'imagerie cérébrale, la bio-informatique, le génie informatique et la génomique, pour n'en nommer que quelques-uns.

De nouveaux développements sont attendus par l'entremise de RISQ, qui est le Réseau informatique scientifique du Québec. Conçu initialement par l'Université McGill et l'Université de Montréal pour créer une interface au sein du réseau universitaire, ce dernier relie maintenant tous les ordres d'enseignement. Le but de ce réseautage électronique à l'échelle du Québec est de favoriser la collaboration interinstitutionnelle, particulièrement dans les recherches scientifiques de haut niveau. Il favorisera également des échanges pédagogiques enrichis entre les différents niveaux d'enseignement.

Le Québec accuse beaucoup de retard quant à l'usage de la technologie de l'Internet dans la diffusion des matériels pédagogiques. La Grande-Bretagne a alloué plusieurs millions de dollars, il y a plus de cinq ans, à la transformation du curriculum universitaire et plusieurs provinces, comme le Nouveau-Brunswick, l'Alberta, l'Ontario, ont pris une longueur d'avance en y consacrant un investissement majeur.

Le sous-comité aux technologies de l'information de la CREPUQ travaille sur des projets de formation et de perfectionnement des maîtres dans ce domaine et espère obtenir un fonds de 5 000 000 $ du gouvernement du Québec afin de développer ce secteur.

On ne peut envisager une transformation profonde de nos cours sans nous assurer également d'avoir accès aux ressources bibliographiques nécessaires pour compléter un programme. À l'heure actuelle, moins de 1 % de ces ressources académiques sont disponibles sur Internet. Le Québec a un sérieux rattrapage à effectuer dans ce secteur. L'Internet ne deviendra certes pas le mode exclusif de formation universitaire dans un proche avenir, mais il sera un atout indéniable pour améliorer la qualité des cours et la mise en commun des ressources interuniversitaires.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, madame. Je vois que vous voulez donner la parole à Pierre Bélanger. Alors, j'aimerais vous dire qu'il reste six minutes pour faire votre... À moins que les...

M. Gautrin: Mme la Présidente, est-ce qu'on peut convenir avec nos amis ministériels qu'on peut leur laisser le temps pour finir leur présentation?

La Présidente (Mme Bélanger): C'est ce que j'allais vous demander, si vous permettiez qu'ils finissent leur présentation, si vous vouliez sacrifier votre temps de questionnement. Alors, c'est oui? C'est d'accord?

M. Simard (Montmorency): Très volontiers, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, M. Bélanger.

M. Bélanger (Pierre): Merci bien, Mme la Présidente. Je vais quand même abréger ma présentation, vous laisser lire la première section. Je vais commencer avec le financement pour faire la remarque d'abord que les universités québécoises sont remarquablement performantes dans la recherche. Elles tirent 27 % des fonds des conseils fédéraux. Et, on ne le dit pas assez souvent, il faut remarquer ici que nos programmes universitaires sont de trois ans plutôt que de quatre ans dans le reste du Canada, ce qui veut dire que, si nous étions en Ontario, par exemple, nous aurions peut-être 25 % de plus de professeurs, donc plus de chercheurs. Donc, étant donné cette circonstance-là, la performance est remarquable.

Mais, comme le faisait remarquer le récent rapport Connaître et innover , rapport du Conseil de la science et de la technologie, le niveau de financement n'est pas concurrentiel avec le niveau international. Et la grande différence avec les États-Unis, par exemple, c'est que les subventions là-bas sont toujours accompagnées des frais indirects qui font en moyenne 50 % mais qui peuvent aller jusqu'à 70 % dans certaines institutions comme MIT, par exemple, et Columbia – il est évident que le paiement de ces frais, c'est le meilleur moyen de tenir compte des vrais coûts de la recherche, ce que le gouvernement du Québec a d'ailleurs reconnu depuis le temps de M. Ryan – et que l'enveloppe de financement comprend 15 % du total de subvention, 10 % pour la recherche médicale, pour couvrir les frais indirects de la recherche. Alors, il faudra augmenter ces pourcentages le plus possible et aussi, de concert avec les autres provinces, inciter le fédéral à payer les frais indirects pour ces subventions. C'est d'ailleurs une recommandation du rapport du Conseil de la science et de la technologie.

Enfin, je vous donne quand même un point de vue de l'extérieur du Québec. Tout récent rapport, Growing Ontario's Innovation System: The strategic role of university research , voici ce qu'on dit du Québec: «Québec has had a long head start in leading Canada in strategic research policy and investment. It excels in university networking and strategic research planning.» Mais ailleurs, dans le même document, l'analyse dit la chose suivante: «Québec's major research innovation vulnerability is an underinvestment in the overall operating budgets of the province's universities. Frozen tuition fees and operating grant cuts have caused an overall substantial decline in university revenues since 1996, affecting the overall quality of university programs.» On a beau avoir des politiques éclairées pour le développement de la recherche, elles ne porteront pas fruit si elles sont campées sur des infrastructures physiques et humaines rendues déficientes par des compressions au budget de base.

(16 h 40)

Quelques mots peut-être sur la recherche fondamentale. On parle des besoins de la société et de la recherche universitaire. On est tous d'accord. Pour nous, les besoins auxquels les universités doivent s'adresser, ce ne sont pas les besoins à court terme, mais les besoins à longue haleine. D'ailleurs, la recherche qui mène à des vraies innovations, celles qui serviront de base à de nouvelles entreprises, qui donneront de vrais avantages compétitifs, ce n'est pas la recherche avec des objectifs à court terme. Dans une recherche commanditée avec des biens livrables totalement définis, on débouche rarement sur quelque chose de vraiment neuf. D'ailleurs, on fait remarquer que 72 % des citations dans les brevets américains en sciences de la vie réfèrent à des publications subventionnées par des fonds publics, donc octroyés aux chercheurs guidés par leur curiosité scientifique.

L'Université McGill a toujours été une institution internationale à cause de sa performance en recherche. Par exemple, les 35 100 000 $ que McGill recevait du Conseil de recherches médicales en 1998-1999 la plaçaient deuxième au Canada derrière Toronto avec 54 300 000 $. Mais il faut dire que Toronto a peu près deux fois la taille de McGill. La troisième institution, UBC, se plaçait à 21 400 000 $. Je vous rappelle: 35 100 000 $ McGill, 21 400 000 $ UBC, 22 600 000 $ Montréal. Au CRSNG, avec 24 600 000 $, McGill se place cinquième, mais toutes les universités qui nous devancent ont beaucoup plus d'étudiants et de professeurs.

L'Université McGill, ce n'est pas que l'université de la communauté anglophone québécoise, c'est, pour le Québec, une fenêtre ouverte sur le monde. Des chercheurs québécois ont souvent dit que leur collaboration avec les chercheurs de McGill leur avait donné des contacts internationaux de grande valeur. D'ailleurs, McGill est ouverte à toute la communauté scientifique internationale, y compris la francophonie. Selon des données de l'Observatoire des sciences et des technologies, McGill avait, en 1996, plus de publications conjointes avec des auteurs français que Laval.

McGill, c'est plus de 12 % d'étudiants étrangers, de loin la plus forte proportion au Canada. C'est Tom Hudson, spécialiste de réputation internationale en génomique, un gars de Chicoutimi qui est aussi directeur assistant du prestigieux Whitehead Institute, au MIT. C'est Henry Mintzberg, gourou de l'Organisation qui est professeur à McGill et à l'ENSEAD. C'est le MBA McGill à Tokyo, le programme MBA pour cadres avec ses stages à McGill en France, en Angleterre, en Inde et au Japon. C'est, pour tout le Québec, un lien avec tout un monde. Et ce lien existe dans les faits, comme en témoignent une dizaine de centres FCAR conjoints entre McGill et les autres institutions québécoises et de très nombreuses collaborations plus informelles.

On sait que l'ENSEAD, l'école d'administration française de renommée internationale, prodigue son enseignement en anglais précisément pour avoir accès au monde de la recherche dans la langue internationale la plus répandue. Ce n'est pas là un phénomène rare. Dans un récent numéro de The Economist , on peut relever des programmes universitaires offerts en anglais à Kiel, en Allemagne; à Sofia Antipolis; à Utrecht; à Maastricht; et à Milan. Pour le Québec, cet arrimage est déjà fait, et depuis longtemps, en fait depuis 1821, date de fondation de l'Université McGill.

Merci. Et je passe maintenant la parole à M. Yalovsky qui va faire sa présentation en anglais.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Yalovsky.

M. Yalovsky (Morty): Merci. Le texte de ma présentation se trouve en tant qu'élément de la soumission de McGill. Le texte est écrit en français. Cependant, ma présentation sera faite en anglais.

McGill has operated under severe financial restraints for the past 20 years. The underfunding of the University has been documented and acknowledged by the Québec Government. Despite the many sacrifices that were made by the University, the accumulated operating deficit had grown to $79.5 million by May 31st 1991. At that point, the University put in place an action plan not only to stop the growth of the deficit, but also to reduce it. Between May 31st 1991 and May 31st 1995, a four-year period, the accumulated operating deficit was reduced by $13.5 million. From May 31st 1995 until May 31st 1999, the accumulated operating deficit was reduced by a further amount of $49.5 million, and it's very important to note that, during that period, the operating grant of the University was reduced by 20%, as was the situation with other universities in the Québec réseau. Approximately half of the $49.5 million reduction resulted from the special onetime contribution from the Ministry of Education directed towards reducing university deficits. The remaining reduction was achieved mainly as a result of University action to balance the operating budget and through extraordinary but temporary actions such as contributions from the Endowment Fund.

While McGill was reducing its accumulated operating deficit during the latter part of this period, many universities in the Québec network were allowing their accumulated operating deficits to grow. During the 1998-1999 year, McGill was the only university in the Québec réseau to achieve a substantial reduction in its accumulated operating deficit before benefiting from the special MEQ contribution to deficit reduction.

On May 31st 1999, McGill's accumulated operating deficit stood at $16.5 million, a reduction of $63 million from its high point, May 31st 1991. Whereas nine years ago McGill had recorded the highest accumulated operating deficit among all Québec universities, the May 1999 value placed the University at about the median of accumulated operating deficits among Québec universities whose total accumulated deficits stood at $214 million on May 31st 1999, and this level is expected to increase very significantly by May 31st of this year 2000.

McGill University undertook to reduce its accumulated operating deficit at a time when the Québec Government was substantially reducing university budgets. While the McGill action has helped to reduce the mortgage on the University for future generations, it also placed the University in the situation where it was unable to maintain the level of activity required, let alone invest in its future. The University reduced its academic staff by 15% and its support staff, and thereby increased class size and students-faculty ratios. They also had to reduce service levels. It was unable to index salaries throughout the University and was also unable to maintain its physical infrastructure.

In accounting terms, the accumulated operating deficit currently stands at $16.5 million. However, it's important to note that financial resources to address the true structural deficits of the University would increase the $16.5 million considerably. McGill owns 155 buildings, many of which require extensive repairs to their infrastructure. Despite some recent matching Government's funding, which was used for building maintenance, the PAIP program, the current financial requirement to carry the University's deferred maintenance program stands at $180 million. The Québec Government is well aware of the grave situation at McGill. If additional Government funding is not provided, McGill will be required to increase its accumulated operating deficit in order to fund repairs that are essential. We note that the requirement of $180 million does not include funding to allow for renovations or new constructions to support the existing and new academic research programs.

The secondary structural deficit relates to compensation of faculty. A 1998 study by the groupe-conseil AON compared academic salaries as well as total compensation packages of Canada's 10 major research intensive universities which also included Université Laval and Université de Montréal. The study concluded that McGill faculty earned between 6,8% and 14,4% less than the average market rate per faculty in the reference group. The study recommended that, over the next four years, McGill should, at the very least, increase its academic salaries to match average salaries in the reference group. It also recommended that, when the salary match was achieved, McGill should become more competitive with two or three other leading Canadian research universities with whom it usually measures itself. The cost of the first recommendation was estimated to be $9 million annually while the cost of the second was estimated to be at least $15 million per year.

Without increasing the academic compensation envelope, McGill will have difficulty in attracting new academic faculty, let alone retain its current faculty. Given that 50% of academic staff will reach age 65 over the next 10 years, rebuilding the academic community is critical to maintain the quality in programs of the University. To carry out the academic catch-up exercise would require considerable funding which, under the current funding formula, could be realized in one of two ways: either continue to reduce budgets – and we have already witnessed the devastating effect of such decisions – or begin running annual operating deficits.

(16 h 50)

As we've already indicated in this report, McGill has significantly reduced its accumulated operating deficit over the past nine years. However, such will not be possible this year. McGill must continue to reinvest in itself. It must advance in its academic salary catch-up exercise and it must also at least maintain salary increases comparable to the average of the reference group to curb the exodus of academic staff. It must provide for academic renewal of faculty, for increased investment in the library system and must also increase its support of students, particularly graduate students.

The September 10th 1998 presentation by McGill to this commission included an annex in which the data was provided to demonstrate the underfunding of the University during the 1997-1998 year. When comparing the differences on average costs across various programs between the Québec network and McGill University, and then weighing the differences by the numbers of students enrolled in the various programs at McGill, the data indicated, in that time, that McGill University was underfunded by $23.4 million. The same analysis was conducted in 1998-1999 and the computations demonstrated the continuing underfunding of the University; this amount was determined to be $19 million, and you have a copy of that in Annex I of the report.

The reduction in underfunding over this two-year period is not surprising and can be attributed to three scaling factors which I will not go in to describe. But while the three factors will explain the reduction in the amount of underfunding, it is important to note that the current level of underfunding is still very significant, and we would strongly suggest that a solution to the problem of the University's underfunding be considered as a priority by the Minister of Education.

In the Tradition and Innovation paper presented in September of 1999 by McGill University to the Minister of Education, the low level of funding that characterizes the entire Québec university system relative to funding available in other provinces was highlighted. In a submission to the Ontario Ministry of Education, the Council of Ontario Universities presented a graph which compared the four-year changes in support of higher education between 1995-1996 and 1999-2000 across Canadian provinces and U.S. States. This graph, as you can see, reflects changes in Government allocation over a four-year time period. The Canadian data – and the Canadian data appears in the upper part and will be exploded in a moment – has been validated through the calculable database and AUCC estimates, and the U.S. data was derived from the Council of Higher Education as well as other reliable sources. It's also important to note, and I put this down, that the U.S. data is not perfectly comparable, in other words the bottom part is not perfectly comparable in that that data also includes support for students and grants to governing bodies.

An exploded view of the data is presented in Table n° 3. What we have done there is take the upper part, verify the data and put forth and explode the view of this data. If we examine the Canadian data, we observe the provincial government reductions of 16% in Québec and 8% in Ontario, versus the average across Canada which was 6%, while the average decrease across Canada excluding the Québec network was 2% «moyen», Canada without Québec. So, we can see those types of numbers.

This data only considered government operating grants over the time period under consideration. And during that time period, some Canadian universities were able to increase their tuition fees, in some cases, to compensate for reductions in government funding.

While we now took that data and we used estimated tuition increases by provinces obtained from AUCC, and the Québec data was derived from Québec Government sources, the U.S. data was extrapolated and we present the following data. The results, as you can see now, are much more striking. If we now consider percentage changes in operating revenues, based both on government grants and tuition, Québec is the only province in Canada which has seen an overall drop in university funding for the four-year period. The drop in operating revenues for universities in Québec has been 10%, while universities in other provinces have seen an average increase of 12% in operating revenues. That includes government grant and tuition.

The new data presented here provides further support for McGill's argument for the need for increased financial support for universities in the Québec réseau. McGill's situation is critical in that it is underfunded in a provincial réseau that is underfunded by $650 million relative to the Canadian réseau of universities. If additional and new sources do not become available, the University will be required to revert back to running operating deficits in order to maintain its academic quality.

As well – the Tradition and Innovation paper – McGill presented nine proposals relating to funding issues and the funding formula which could be implemented when additional funding does become available through the Government. We will not repeat these proposals. However, they can be found in the Tradition and Innovation document.

It's important to note that the paper also encouraged the Minister of Education to examine funding alternatives using nontraditional and what I would call outside-the-box approach. Such approach would go ahead and allow the Ministry of Education to a leverage of limited funds with those of other interest groups and other levels of government who share similar goals. The introduction of such initiatives would benefit both the Government and the universities. Possibilities that could be considered are: matching certain private sector donations to universities such as those which have already been introduced in other provinces; extending tax credits beyond incentives for research support to include incentives for support of educational programs; allowing full write-off of a crude value of stock donated to provincial universities; and last, providing incentives so that the non-university sector corporations could allow their expert staff members to participate in university teaching and research programs wherever desirable.

The above are but a few examples on our limited knowledge of the myriad of fiscal incentives which could be put into place. We have no doubt that discussions of this theme among Government's own officials would result in many more alternatives. Ultimately, the first priority remains the correction of funding of Québec universities to levels appropriate to the Government's own objectives of access and quality and to the levels found elsewhere in Canada. Thank you.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci.

M. Vinet (Luc): Mme la Présidente, normalement, j'aurais terminé avec une conclusion, mais peut-être, dans l'intérêt du temps... On va peut-être conclure. J'amènerai peut-être les points que je faisais en conclusion en réponse aux questions. J'aimerais maintenant donner la possibilité à M. Tischler, qui représente l'Association étudiante de McGill, de vous adresser quelques mots, si vous permettez bien.

La Présidente (Mme Bélanger): Allez-y, M. Tischler.

M. Tischler (Andrew): Thank you very much. Before I can represent the students of McGill, I'd like to present them briefly to you and maybe give you a sense of what student life at McGill is like, since we are the recipients of the education which is given by the Québec Government. And to do so, I would like to go over what the makeup of the population is.

In and around 50% of the population is from Québec and the other 50% comes from outside of Québec, be it other Canadian provinces or internationally. And having said that, within Québec, we see that there is a large percentage of people... and the total population of McGill has 20%, 25% of the population that is francophone.

Étant vu que c'est bien le cas, il faudrait qu'on soit capable de voir précisément comment ça nous affecte, comment une communauté qui ne se divise pas en tant que groupes anglophone et francophone mais ayant une solidarité en tant que éducation et étudiant... Étant vu que les chiffres qui ont été donnés donnent, en termes généraux, ce qui se passe aux universités, j'aimerais vous dire un petit peu comment ça nous affecte, nous, en tant qu'étudiants.

(17 heures)

Moi, je suis étudiant à McGill depuis 1995, et, depuis que j'y suis, je constate qu'il y a un manque en général de ressources. Et comment on voit ça? Il y a plus d'étudiants par professeur qu'il y en avait auparavant. Maintenant, dans nos facultés d'arts, on a 20 étudiants par professeur, quand on sait que la moyenne canadienne est de 15 étudiants par professeur, ce qui fait une diminution de la capacité des étudiants d'aller s'entretenir avec des professeurs et vraiment parcourir leurs intérêts et approfondir leurs connaissances dans les sujets qu'on retrouve.

Aussi, les cours dans lesquels on se retrouve, les cours se tiennent dans une infrastructure où on reconnaît qu'il y a encore un manque de ressources: il y a des toits où on voit que l'eau coule; il y a des bibliothèques où on voit un manque de livres; il y a des affaires de base dont on a besoin pour poursuivre notre éducation d'une manière qui serait convenable dans le futur dans lequel on va se retrouver bientôt. Et on voit aussi que c'est nous qui allons prendre la relève dans les années qui vont s'en venir. Et, pour s'investir là-dedans, ça vaut la peine, étant vu que c'est nous qui allons donner les services de santé, et les services sociaux, et les bénéfices en général à la communauté et à la population québécoise.

Étant vu que c'est bien le cas, je vous donne aussi maintenant – parce que, moi aussi, j'aimerais passer à la possibilité d'avoir des questions et, le plus important, des réponses aussi – je vous présente aujourd'hui des questions que, nous, on se demande en tant qu'étudiants, étant vu les chiffres, ce qui se passe à l'Université, le manque de professeurs, le manque d'infrastructures de 200 000 000 $. On voit qu'il y a des problèmes carrément de sécurité pour les étudiants qui s'en viennent.

Et je vous donne les questions suivantes qu'on partage tous en tant qu'étudiants étant ou du Québec ou hors province et même en groupes. La première question qu'on se demande vis-à-vis le sous-financement de 23 000 000 $ par année, c'est... J'ai des amis qui viennent de Sainte-Foy, du Lac-Saint-Jean, des alentours de Montréal et de Montréal même. Ils se demandent: Pourquoi est-ce que, nous, parce qu'on a choisi McGill, on mérite moins que les autres étudiants dans les autres universités du Québec? Ils voulaient savoir pourquoi c'est le cas, pourquoi, en tant que McGillois, ils méritent moins. Quand on regarde le fait qu'il y a un sous-financement général de 650 000 000 $ des universités – et en sus il y a le 23 000 000 $ de McGill, il faut que je le répète – 650 000 000 $ en général pour la province, on se demande pourquoi. Ou est-ce que les étudiants québécois méritent moins que les étudiants des autres provinces dans le pays? Ils se demandent si c'est bien le cas et pourquoi, si oui.

Finalement, pour parler un petit peu à propos des étudiants qui viennent hors province, c'est clair qu'on paie plus en tant que ce groupe-ci, même 100 % de plus. Ils se demandent pourquoi est-ce qu'ils paient la moyenne canadienne des frais de scolarité mais ils reçoivent le financement minime au Canada. C'est des questions qui se posent dans la communauté des étudiants. Ils se demandent précisément pourquoi c'est bien le cas. Et, dans les trois questions, on aimerait beaucoup savoir les réponses. Et, si vous voulez en savoir davantage à propos des questions de chaque groupe, je suis disponible à y répondre.

Étant vu que c'est vraiment ça qu'on se demande, étant vu qu'on reconnaît que ça a pris 178 années pour construire l'Université et la communauté mcgilloise, ça a été une avance incroyable de la part de l'institution, en général, depuis la Révolution tranquille, on voit aussi que les événements des années précédentes, depuis 1995, ça donne la possibilité que... C'est sous attaque un petit peu et on se demande c'est quoi qu'on vise en tant qu'étudiants. Le produit des universités en général, des Québécois, est-ce que c'est seulement d'avoir un haut taux de diplomation ou des diplômes qui vont nous donner l'opportunité d'engager les autres à s'autoemployer? C'est quoi qu'on vise? Et pourquoi précisément la situation financière est comme ça? On espère, on a confiance que le gouvernement va voir notre besoin et voir que c'est un besoin énorme, si vraiment on veut se retrouver dans le meilleur système d'éducation non seulement dans le pays, mais sur le plan international. On a hâte de voir ce qui va se passer dans le budget qui s'en vient.

Alors, je vous pose mes questions et je m'ouvre à vos questions. Je vous remercie infiniment pour le temps que vous nous avez donné pour venir vous parler.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci beaucoup. Alors, M. Vinet, est-ce que vous y allez en conclusion?

M. Vinet (Luc): Je peux y aller rapidement. Je voudrais essentiellement conclure en faisant écho, en particulier, aux propos de mon collègue Morty Yalovsky pour ce qui est du sous-financement de McGill et du réseau universitaire. Les enjeux, je pense, sont tellement importants que je vais me permettre pendant deux minutes de réinsister là-dessus.

McGill est un élément-clé – c'est ce qu'il faut réaliser – du patrimoine québécois. Et j'oserais même dire que, moi qui suis passé de l'Université de Montréal à McGill récemment pour occuper le poste que j'occupe maintenant et qui ai donc évolué dans le réseau universitaire québécois depuis très longtemps, je ne réalisais pas tout à fait moi-même à quel point cette Université a un potentiel extrêmement important pour le développement du Québec. Et c'est pour ça que je me permets de vous le rappeler et d'insister.

On peut trop souvent tomber dans le piège de croire que McGill est en fait une institution qui dessert la communauté anglophone du Québec. Non. Ça fait évidemment partie de cet ensemble et de cette organisation complexe qu'est McGill, mais il s'agit là de l'université internationale par excellence qu'a le Québec, d'une institution, donc, qui est enracinée dans Montréal qui est cette ville universitaire internationale probablement numéro un en Amérique du Nord, comme en a témoigné une étude qu'on a publiée et qui a été abondamment diffusée et qui a, en fait, fait pas mal de remous à Boston, dans cette ville qu'est Montréal, dispensant un enseignement dans cette langue internationale et participant de manière très importante à la vie multiculturelle du Québec.

McGill est une institution, en fait, qu'on nous envie de par le monde. Sa réputation, vous le savez, est absolument remarquable. Je pense qu'il est extrêmement important qu'on utilise, qu'on ne laisse pas ce patrimoine s'éroder et être dilapidé et, en fait, que cet outil, que cet atout qui fait l'envie dans tous les pays qu'on visite – parce que les gens veulent développer les collaborations avec le Québec par le truchement de McGill – il soit utilisé au moment où cette grande entreprise qu'est le savoir devient pour l'ensemble des gouvernements une entreprise de première importance, «big business». On a des instruments qu'on serait extrêmement mal avisé de ne pas utiliser à bon escient.

C'est essentiellement le message que je voulais vous livrer en conclusion. Il est urgent de pallier au sous-financement dans lequel les universités québécoises ont sombré, et McGill en particulier, parce que vous voyez bien sûr le sous-financement relatif diminuer un peu, mais c'est dû à des effets d'échelle, et ces effets d'échelle ont été entraînés parce que le sous-financement perdurait et a forcé une attrition.

Alors, on est maintenant ouverts aux questions, mais j'espère que l'appel sera bien entendu parce qu'il est dans l'intérêt de la société du Québec dans son entier.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Vinet. Alors, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, Mme la Présidente. M. Vinet, bienvenue. M. Bélanger, M. Yalovsky, M. Tischler et Mme Lamontagne, merci de votre présentation, elle a été très bien entendue de ce côté-ci, mon collègue m'en parlait il y a quelques minutes.

Je vous dirais, pour aller rapidement dans les questions, juste si vous me permettez, moi, ce que j'ai appris depuis un an comme porte-parole en matière d'éducation, de McGill entre autres, c'est que finalement, au niveau universitaire, McGill, comme vous le mentionnez, n'est pas réservée, mais est un lien entre les francophones et les anglophones, est un lien aussi entre le Québec et le Canada et est un lien aussi entre le Québec et le monde.

Ce que j'ai aimé dans les premiers paragraphes de votre présentation, c'est que vous avez relevé à quelques reprises que l'université, finalement, ce n'est pas là uniquement pour fournir des travailleurs à des entreprises, il y a un rôle d'étude de la société – de son passé, de son présent et de son évolution – qui est là et que, je vous dirais, ces jours-ci, on a fortement tendance à oublier. On cherche beaucoup à toujours faire le lien avec une entreprise quelque part, mais il y a un autre lien qui est extrêmement important, et c'est souvent ce côté-là qui, selon moi, a souffert le plus du sous-financement des dernières années.

Dans un autre élément que vous amenez aussi – et, là-dessus, je suis sûr que le ministre de l'Éducation serait heureux de vous entendre – vous avez parlé de l'importance de l'acquisition de valeurs aussi pour les étudiants, pour les personnes. On ne forme pas juste des travailleurs, comme je vous le disais, mais on forme aussi quelque part des personnes, des citoyens. Donc, il y a un rôle fondamental au niveau des universités, et plus particulièrement au niveau de l'Université McGill.

(17 h 10)

L'autre élément qui a attiré mon attention est la conclusion de votre document dans lequel vous parlez de l'engagement du gouvernement à réinvestir 1 000 000 000 $ en éducation réparti sur trois ans, ce qui pourrait vouloir dire, à terme, une somme de 500 000 000 $ récurrents pour les trois ordres d'enseignement. Vous indiquez: «Cette somme, malheureusement, est encore bien loin du manque à gagner dont ont fait état les universités ou de l'objectif proposé par la Chambre de commerce, qui est de l'ordre de plus de 800 000 000 $.»

Sur cet élément-là, j'aimerais vous entendre à deux niveaux. D'abord, je dirais que, pour plusieurs, peut-être que ça semble particulier ou ça frappe l'imaginaire d'entendre les représentants de l'Université McGill nous dire qu'ils sont victimes d'un sous-financement particulier. Si vous pouviez revenir – vous me l'avez déjà expliqué quelques fois – peut-être, pour l'ensemble des parlementaires, des gens qui vont nous regarder: Qu'est-ce que ça représente? Qu'est-ce que ça implique? Le pourquoi de ce sous-financement-là qui est particulier à l'Université McGill. Quelles en sont les solutions aussi?

D'autre part, dans vos propositions, vous indiquiez, dans le document que vous aviez préparé l'automne dernier, Traditions et innovations , vous parliez d'allouer des ressources selon des couloirs de financement. J'aimerais que vous nous parliez un petit peu de cette approche-là de refinancement avec l'approche de couloirs de financement comme tels, ce que ça implique comme changement dans nos méthodes, dans nos bases de financement, et quelles en seraient les conséquences.

M. Vinet (Luc): Très bien. Merci beaucoup, M. Béchard. Je vais peut-être dire quelques mots et, comme c'est des questions qui relèvent en particulier des responsabilités du vice-principal aux finances, lui demander de commenter peut-être un peu plus précisément.

Le financement. Quand on parle du sous-financement relatif de McGill par rapport aux autres universités du réseau québécois, c'est que, quand il s'agit de financement des universités, vous savez qu'il existe une formule qui apporte aux universités du financement en fonction du nombre d'étudiants équivalents temps complet. Mais ce financement se fait de manière marginale et s'appuie sur un financement de base, sur un financement historique.

C'est là où, pour des raisons qui se perdent même au niveau du ministère... Quand on demande – notre ami Jacques pourrait le confirmer – quelles sont les origines de cette base historique inéquitable – parce que c'est là où repose ce biais de financement – ça se perd dans la nuit des temps et personne ne peut véritablement savoir pourquoi. Mais il est reconnu... C'est qu'on part d'une base ou d'un financement historique de base qui, lui, est inapproprié. Ensuite, en ajoutant le financement marginal, on n'arrive jamais à rattraper ce qui devrait venir. Parce que, normalement, pourquoi on prétend que c'est inéquitable, c'est que des universités qui ont le même nombre d'étudiants et qui ont le même type d'activité devraient toutes recevoir le même financement. Alors, quand on applique, on fait cette comparaison entre McGill et une autre université, on arrive donc à cet écart de 19 000 000 $.

Je ne sais pas si mon collègue, là-dessus, voudrait ajouter quelque chose de plus précis.

M. Yalovsky (Morty): Je peux ajouter quelque chose. During the 1980s, McGill presented its case to the Québec Government and, at that point in time, it was recognized that McGill was underfunded by $35 million.

During the early part of the nineties, the Government did have an adjustment in the base budget of $15 million which, therefore, left the underfunding to be still $20 million, hopefully to have that, in a sense, worked out over a period of time. If anything, the situation has really deteriorated rather than improved.

In the Annex which we have presented in the report, it's really a repeat of the analysis which was done last year, as we pointed out, and that really goes ahead and compares the average costs in the Québec system versus the average costs at McGill to do this, and what we did is we looked at the differences, and you can see, in most cases, McGill, in fact, spends less per student in a particular program than does the average of the Québec system. Multiplying that by the numbers, you see the underfunding which currently stands at $19 million.

M. Béchard: Et, au niveau du refinancement par couloirs, les couloirs de financement, l'autre partie?

M. Vinet (Luc): Oui, je vais vous revenir là-dessus, simplement pour ajouter un dernier commentaire. Ce sous-financement, ce n'est pas simplement une prétention de McGill. En fait, ce que Morty a indiqué, c'est qu'il a été reconnu par le ministère et il y a eu, donc, une tentative pour le corriger, mais on est resté à court.

L'idée qui a été proposée dans le document Traditions et innovations , du financement par couloirs, ça se voulait une proposition originale pour amener des idées nouvelles à la formule de financement. L'idée est la suivante, donc: elle procéderait d'une entente entre chacune des universités et le gouvernement sur le financement que cette université recevrait en fonction de ses effectifs étudiants. Si McGill, qui a, mettons, pour simplifier, 20 000 étudiants, se présente au gouvernement et négocie sur cette base-là, sur la base de ces 20 000 étudiants distribués d'une certaine façon dans ses facultés, quel financement elle devrait obtenir? On s'entend là-dessus et on s'entend pour dire que, à l'intérieur de certaines fluctuations, disons, qui pourraient être de 10 %, donc plus ou moins 2 000 étudiants, on ne modifiera pas le financement obtenu et, s'il y a des écarts qui se présentent, on serait sujet à renégocier ce financement-là.

Ça a pour mérite, donc, d'offrir une stabilité et d'engager des discussions directement avec le gouvernement pour ce qui est du financement des universités. Et je pense que c'est une idée originale qui a été amenée de fait par notre principal, Bernard Shapiro, qui, comme vous le savez, était sous-ministre de l'éducation en Ontario et qui a mis en pratique certaines de ces mesures-là en Ontario.

M. Béchard: L'autre élément que je voulais aborder avec vous est l'urgence que vous soulevez au niveau du corps professoral, bien qu'on en ait parlé à date avec d'autres universités, ce que vous amenez sur le fait que, dans le fond, d'ici 10 ans, sur 1 242 enseignants, c'est 1 000 nouveaux enseignants qu'il faudra aller chercher. Et je reviens aux questions que vous souleviez en conclusion de votre document: «Combien d'idées révolutionnaires aurons-nous perdues? Combien d'entrepreneurs créeront des emplois ailleurs? Combien d'entreprises déplaceront certaines activités vers d'autres lieux?»

Les conséquences de ces problèmes à renouveler le corps professoral se vivent à l'intérieur du réseau universitaire. Mais, un autre élément – et j'aimerais que vous nous disiez peut-être, pour placer encore dans un autre aspect, un autre relief, les difficultés que vous pouvez avoir – il n'y a pas seulement une compétition entre universités pour aller chercher ces enseignants-là, le secteur privé est en train de devenir un, sinon votre principal concurrent. Et ça, ça implique finalement un déplacement, je dirais, à très moyen terme, pour ne pas dire à court terme, mais, au moins, à moyen terme, d'activités de recherche ou autres qui vont suivre ces chercheurs-là. Donc, la problématique d'aller chercher des enseignants n'est pas seulement une concurrence entre les universités, mais aussi avec le secteur privé.

Est-ce que vous avez regardé cet aspect-là de la concurrence? C'est-à-dire, au-delà de dire qu'il faut ajuster nos salaires à ce qui se fait dans les universités pour rejoindre cette moyenne-là, quel est l'écart avec l'entreprise privée pour certains professeurs chez vous qui pourraient très bien se retrouver dans le secteur privé?

M. Vinet (Luc): Ça, je pense que, là, cette question-là, ça dépend des individus, parce que, évidemment, l'université ne pourra jamais concurrencer sur une base purement salariale avec l'entreprise. Pensez au secteur de la finance, par exemple, où les salaires au niveau universitaire sont importants. Pour vous donner une idée – je pense que c'est important que vous sachiez ça, que vous ayez une idée – la moyenne à l'entrée pour un jeune professeur dans une université est au moins de 120 000 $, en finances. Il n'y a pas une université qui peut, dans le moment, embaucher un professeur en finances en bas de ce salaire-là, et on se les arrache. Typiquement, on leur fait des offres, et ils n'ont pas encore obtenu leur doctorat. Mais, si ces gens vont dans le secteur privé, ils font au minimum le double, le triple de ce salaire-là. Alors, ce n'est pas sur la base du salaire que les choses peuvent se jouer. Évidemment, les candidats à des postes universitaires sont des gens qui sont intéressés à la recherche, à la transmission d'informations, à l'enseignement. Donc, on engage des gens d'un type différent.

(17 h 20)

Cependant, il y a une collaboration importante qui doit se faire avec l'entreprise. Il y a des gens qui peuvent osciller entre un secteur et l'autre, et c'est des voies qu'on explore. Il y a des collaborations qui peuvent s'établir, des stages, des séjours de professeurs, des dégagements pour aller dans l'industrie, et tous ces modes sont étudiés. Il y a différentes initiatives, en fait, où ce partenariat entre l'université et l'entreprise est mis de l'avant. Je pense qu'il doit être fait. C'est en train d'être exploré. C'est un défi de taille parce que les cultures, vous le comprenez, sont bien différentes, et ça doit se faire dans l'intérêt mutuel des deux parties: en préservant la mission universitaire qui est celle de la transmission et du développement du savoir et aussi, du côté de l'entreprise privée, son intérêt, c'est de faire des profits. Mais c'est en cours, ces développements, et c'est, je pense, essentiel aussi.

M. Béchard: Un autre point – et vous le mentionniez un peu dans vos dernières explications – un autre élément qui est fort important pour attirer, garder et développer, je dirais, les enseignants et les enseignantes de même que l'Université se situe au niveau de la modernité des équipements, au niveau des immobilisations comme telles. Je pense que tout le monde sait que, dans une période de restrictions budgétaires, la chose la plus facile à retarder, souvent, est justement de retarder des travaux d'immobilisation ou d'équipement dont vous avez besoin.

Dites-moi, est-ce que ce problème-là va amener, je dirais, un retour important de besoins en immobilisation d'ici les prochaines années à McGill ou si vous avez quand même réussi à faire certains travaux d'amélioration, à acquérir certains équipements? Et, comme vous le mentionnez, il y a des secteurs où il faut investir, ne serait-ce que pour être à la fine pointe. Comment tout ça s'est vécu dans les dernières années à l'Université McGill?

M. Vinet (Luc): Éventuellement, je vais peut-être demander à Pierre Bélanger d'ajouter. C'est un très bon point que vous soulevez et que j'aurais dû mentionner. Quand on parle – déjà sur votre question précédente – d'attirer des chercheurs brillants, des professeurs de haut niveau dans une université, ce n'est pas seulement la rémunération qui les intéresse, mais l'amour qu'ils ont pour leur discipline et aussi la capacité de pouvoir poursuivre les recherches qui les passionnent. Donc, c'est pour ça qu'il est très important qu'ils aient les laboratoires, les infrastructures qui leur permettent de réaliser ces objectifs de recherche qu'ils ont.

Qu'a-t-on réussi à faire? Évidemment, le gouvernement fédéral a mis de l'avant le programme de la Fondation canadienne pour l'innovation qui est arrivé à point nommé et dont McGill a su bien profiter. Et on le fait de manière encore accentuée lors des rondes qui suivent. Donc, on a pu, au niveau de certaines infrastructures de recherche, faire certaines choses dans ce cadre-là, mais il reste que c'est limité. Et, comme l'a bien indiqué Morty Yalovsky, au niveau des immobilisations de l'ensemble de la réfection de nos buildings... Parce que, là aussi, les professeurs sont intéressés à avoir de bons laboratoires de recherche, mais, aussi, les classes dans lesquelles ils enseignent, encore faut-il qu'elles soient adéquates. Vous avez beau avoir le meilleur professeur, si les étudiants ne sont pas capables d'entrer dans sa classe, il va avoir du mal à transmettre ses connaissances.

Et, revenant à la FCI, ce qui manque énormément dans le financement, c'est ce que Pierre Bélanger indiquait, avec les subventions de recherche qui sont indiquées, c'est un financement approprié des coûts indirects. Ce qui est problématique, c'est le financement des coûts d'opération des infrastructures que peut maintenant financer un programme comme la Fondation canadienne pour l'innovation. Pierre, si tu veux.

M. Bélanger (Pierre): Oui. J'ajouterai bien sûr que la FCI, c'est une planche de salut qui est venue à un moment très opportun, mais je voudrais souligner qu'à chaque fois qu'il y a un dollar qui entre de la Fondation canadienne pour l'innovation, il y a un dollar qui entre du gouvernement du Québec. Et ça, je pense qu'on tend à l'oublier. Ce n'est pas juste le programme de la FCI, c'est quasiment un programme conjoint FCI... une collaboration entre le fédéral et le provincial.

M. Béchard: J'avais une dernière question rapidement, Mme la Présidente, si vous permettez, au niveau de ce que...

La Présidente (Mme Bélanger): Il va rester moins de temps pour votre collègue.

M. Béchard: Oui, c'est pour ça que je vais aller vite. Avec tout le respect que j'ai pour mon collègue, je ne veux pas priver les gens de sa connaissance et de sa pertinence.

M. Tischler, vous parliez des étudiants canadiens qui viennent ici, toute la problématique des frais de scolarité. Je voyais mes collègues d'en face qui sourcillaient des yeux là-dessus, puis vous avez soulevé des questions. Moi, je vous renvoie une question: À ce niveau-là, croyez-vous que les frais de scolarité des étudiants canadiens devraient être au même niveau que les étudiants québécois ou qu'on doit garder un certain différentiel? Comment on l'ajuste, cette question-là?

M. Tischler (Andrew): Bien, moi, personnellement, je trouve que ce que le gouvernement du Québec a fait pour s'assurer... Ils avaient le désir que les étudiants québécois aient l'opportunité de venir accéder à une éducation de première classe sans avoir que les limites de financement... la capacité de payer ne donne pas la capacité de le faire. Mais je trouve que, si on regarde ça vis-à-vis ce qui se passe dans le restant du Canada, c'est peut-être le cas qu'on a plus de personnes qui ont la capacité d'accéder à l'université en général, mais c'est une question de quelle éducation on peut en recevoir. J'ai l'impression que, quand les étudiants ont été contents de recevoir le gel des frais de scolarité, ça fait bien longtemps, ils s'attendaient à ce que le gouvernement soit capable de payer la différence et non pas laisser que les autres provinces avoir la capacité de continuer en avant sans eux.

Alors, quand je dis que les étudiants hors province paient la moyenne canadienne, et je peux dire que c'est le double de ce que les Québécois paient maintenant, j'ai l'impression que les Québécois sont contents que ça reste à ce niveau-là. Tout le monde reconnaît que, s'ils paient ça, c'est pour recevoir bien moins que la moyenne canadienne de financement. Et, étant vu que c'est le cas, j'ai l'impression que la plupart des étudiants qui viennent de hors province, peut-être ils n'ont pas eux-mêmes des problèmes à payer un plus haut niveau de frais de scolarité. Je ne veux pas me présenter là-dessus, mais, je veux dire, s'ils le font, ils méritent bien d'avoir au moins la moyenne de financement par étudiant. Quand on regarde, en général, à McGill, ils ont moins de 10 000 $, disons 9 500 $ pour payer par étudiant en revenu disponible pour l'éducation, et, si on se compare avec l'Université Queen's, par exemple, qui a 17 000 $, on voit évidemment qu'il y a une différence dans la capacité de donner l'éducation. Et, si on compare ça à MIT, à Boston, par exemple, ils ont 50 000 $US disponibles.

Alors, je pourrais dire que les étudiants, en général, ils sont très contents que le gouvernement s'intéresse à ce que l'éducation soit accessible. Ils s'intéressent beaucoup aussi à ce qu'ils soient capables de compétitionner avec les autres personnes qui viennent de hors province et dans le marché international. Alors, étant vu que c'est le cas, ils se demandent si ce n'est pas possible d'avoir au moins le financement moyen qu'on reçoit au Canada en général.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. M. le député de Bertrand.

M. Cousineau: Merci, Mme la Présidente. Madame, messieurs, bienvenue à cette commission de l'éducation. En fin de compte, la première partie de mon intervention – le député de Kamouraska-Témiscouata a fait l'introduction – c'était la question des frais de scolarité. Je voulais vous demander: Vous, en tant que président de l'Association, comment vous voyez ça, le gel des frais de scolarité au niveau des étudiants, parce que c'est un engagement du gouvernement? Mais vous avez répondu à la question. Ce que j'aimerais vous poser comme deuxième question, c'est: Vous voyez quoi comme pourcentage d'augmentation?

M. Tischler (Andrew): En tant que quoi?

M. Cousineau: Qu'est-ce qui serait acceptable au niveau de l'Association des étudiants de McGill?

M. Tischler (Andrew): Ah non! Moi, ce que j'ai dit, c'est que je vais parler de la part des étudiants qui viennent hors province. Eux autres, déjà on a accepté, étant vu que déjà on est en Cour d'appel pour attendre à ce qu'on continue un processus qu'on a lancé envers le gouvernement du Québec ça fait un bon bout de temps... Ces personnes-là, disons qu'elles paient déjà 100 %.

Il n'y a pas un étudiant ici, au Québec, qui dit qu'on va considérer vraiment que c'est une bonne idée d'avoir le dégel des frais de scolarité. En effet, il n'y a pas vraiment eu de gel de frais de scolarité. De ce temps-ci, il y a eu des frais champignons, des frais afférents qui se sont mis par-dessus. Et on le voit dans toutes les universités. Même l'Université de Montréal, l'année passée, quand ils ont essayé de faire ça, il y a eu des grands problèmes avec l'administration parce qu'il y avait le gouvernement du Québec qui avait dit qu'il n'y avait pas de hausse de frais.

(17 h 30)

Je crois que les étudiants et le gouvernement partagent la même vision de ce qui pourrait être pour l'éducation en général, et c'est une éducation de première qualité à laquelle tout le monde serait capable d'accéder. Et on voit vraiment que le premier pas qui a été pris, c'est de faire que ce ne soit pas la quantité d'argent dont on dispose qui va nous arrêter d'accéder à l'éducation. Mais il ne faut pas non plus que l'éducation diminue à cause...

Alors, moi, je veux dire que déjà on a ressenti une hausse dans les frais, à cause des frais champignons, des frais ancillaires, et je ne dirai pas que les personnes sont pour. Je crois que, personnellement, elles préféreraient voir que la promesse qui a été faite pour une éducation de première classe à un prix qui est accessible à tout le monde soit finie. La première partie a été prise, c'est le gel. La deuxième partie, c'est le financement de ce qui est... Alors, je crois que ça ne concerne pas vraiment une hausse de frais, mais plutôt une hausse de financement qui a été promise ça fait bien longtemps.

M. Cousineau: Bon. Parlons maintenant du financement. Suite au Sommet de la jeunesse, on a parlé de 1 000 000 000 $ – là, la question peut s'adresser un petit peu à tout le monde – d'argent neuf au niveau du réinvestissement en éducation. J'aimerais demander aux gens de l'Université McGill comment vous voyez ça, nonobstant le montant que vous allez peut-être recevoir suite à la lecture du budget, comment vous voyez, en pourcentage, la ventilation du montant que vous allez recevoir: professeurs, équipements, personnel de soutien. Est-ce que vous avez déjà fait un exercice là-dessus pour voir de quelle façon serait réinvesti ce montant-là que vous allez recevoir?

M. Vinet (Luc): Je vais demander à Morty Yalovsky de répondre.

M. Cousineau: Oui.

M. Yalovsky (Morty): I think, to answer that question, we would have to look at it both from a short-term and a long-term perspective. The short-term perspective, as was pointed out, is that we are losing faculty in great numbers; we have lost, and we've got to rebuild. Which means that, in the short run, we've got to stem the erosion of faculty to maintain those who are there, and therefore I think that the compensation issue would probably be the highest with respect to our dimensions. I mean compensation as well as renewal for the acquisition or for the possible hiring of 100 new faculty members on an annual basis. So I think that would be the highest priority.

There are, however, very high priorities, for example, in the area of libraries, which certainly is a need on the part of the students. And then, there is the very high priority as well in the area of scholarships, particularly to graduate students, and those types of supports. So I think, if the money was there, you would have to really start scaling up, mostly in the area of compensation, to catch up, then that might be able to level off and then you'd be able to go ahead and reinvest more in other areas. So I think there's a short-term and a long-term approach to it. Luc, vous voulez ajouter?

Une voix: En français, s'il vous plaît.

M. Vinet (Luc): Oui. Excusez-moi, c'est l'habitude de fonctionnement bilingue à McGill. Oui, je ne peux que réitérer... Et, en conséquence de ce que j'ai raconté, le renouvellement du corps professoral va être absolument une opération critique. Et j'ai souligné le fait que toutes les indications sont à l'effet que le marché va devenir très, très compétitif et très périlleux. Donc, je suis convaincu et je prédis qu'il va y avoir une flambée au niveau des salaires professoraux qui est incontournable, qui est irrésistible, étant donné le marché mondial dans lequel on se trouve.

Alors, il y a toujours une analogie qu'on peut faire entre les universités puis, je ne sais pas, une équipe de sport professionnel. Si on veut jouer dans les ligues majeures, il faut avoir les meilleurs joueurs possible, et les meilleurs joueurs possible, on va les chercher partout où ils sont. Et il va falloir les payer. Et je pense qu'on peut peut-être se passer d'un club de baseball ou d'autres sports – d'autres pourraient différer d'opinions – mais l'enseignement, c'est absolument fondamental pour la société. Dans le moment, on est en train...

Une voix: ...

M. Vinet (Luc): En fait, c'est ça, si on fait l'analyse comme il faut, ce qu'on a montré, c'est que McGill rapportait au Québec. Merci, Henri-François. Donc, dans le moment, on est structuré de manière à être un club ferme, condamné à dépister les meilleures recrues et, une fois qu'elles ont révélé leurs talents, à se les faire...

M. Cousineau: Les Expos des années quatre-vingt.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Vinet (Luc): Voilà. C'est ce qu'on est malheureusement devenus. Alors, vous dire exactement comment ça serait distribué? On a besoin des marges de manoeuvre. Nos services aussi aux étudiants sont terribles. Si on veut continuer d'attirer des étudiants du reste du Canada et même des étudiants québécois... Le problème, ce qui va arriver, c'est que les étudiants québécois vont aussi partir. Je vous pose la question pour moi-même, pour mes enfants qui ne sont pas encore rendus là: Est-ce que, moi qui aurai oeuvré toute ma vie à développer le milieu dans la mesure de mes moyens, modestement, le milieu universitaire québécois, je vais recommander à mes étudiants d'étudier au Québec? Ça me crèverait le coeur...

Une voix: À vos enfants.

M. Vinet (Luc): ... – oui, c'est ça – de devoir leur recommander d'aller ailleurs, mais ça pourrait être le cas parce qu'on n'est pas en mesure d'offrir des services comparables à ce qui se fait ailleurs. Alors, au niveau des services du soutien aux étudiants, tout ça est mesuré par les revenus par étudiant dont on dispose et qui doivent augmenter, et la distribution devra suivre l'ensemble des services qu'on offre dans une université qui est déficiente à tous les égards.

M. Cousineau: Vous avez un complément de réponse? J'aurais une autre petite question.

M. Tischler (Andrew): Oui, juste quelque chose pour dire en effet que, quand on pense à propos du budget en général, on était content de voir qu'on faisait une démarche au moins pour aider un peu les universités, mais, quand on considère McGill telle quelle, j'ai peur qu'une chose se passe. On vient d'avoir une porte ouverte pour les étudiants, en général, du Québec, spécialement pour les cégépiens francophones, pour leur démontrer que c'est une université qui est très ouverte à les accueillir. En 1960, quand il y a eu McGill français, il y a eu une grande émeute aux portes de McGill, peut-être que vous connaissez.

M. Cousineau: 1969.

M. Tischler (Andrew): Il y avait peut-être 2 % de la population qui était francophone et, aujourd'hui, on se trouve carrément à 25 %. Mais ce qui se passe, c'est que précisément avec McGill, à cause du fait qu'il y a ce sous-financement spécifique envers McGill, on voit une pression monter pour monter encore les frais afférents et ancillaires. Et l'affaire étant que, déjà, ils reconnaissent qu'ils ont la promesse de la part du gouvernement pour avoir l'éducation à un prix fixe. Ce qui fait que j'ai peur que, étant vu qu'il faut trouver l'argent pour l'Université et qu'on ressent que les autres frais remontent, ça donne un manque d'«incentive» aux étudiants francophones qui autrement sont très bien accueillis chez nous; on les attend, selon moi. De ne pas venir à McGill, je trouve que ce serait très dommage.

Alors, disons qu'en général, un plan majeur général, c'est un bon pas. Peut-être que, selon la lettre que j'ai donnée à la Gazette – avec MM. Shapiro, Lacroix et Lebel – Le Devoir , La Presse , ce n'est pas la cible qu'on cherchait, mais c'est un bon pas. Mais spécifiquement envers McGill, ce que l'on entend, on est déçu parce qu'on trouve que probablement le coût de ce sous-financement va tomber sur nos épaules en tant qu'étudiants.

M. Cousineau: O.K. Dernière petite question, puis ça m'a peut-être échappé dans les données que vous nous avez transmises, c'est le pourcentage de chargés de cours en fonction des professeurs titulaires.

M. Vinet (Luc): À McGill, il n'y a essentiellement pas de chargés de cours.

M. Cousineau: Il n'y a pas de chargés de cours?

M. Vinet (Luc): Essentiellement, en première approximation. Il y en a quelques-uns dans la Faculté de management, mais ce n'est pas significatif.

M. Cousineau: Mais il y en a ou il n'y en a pas?

M. Bélanger (Pierre): Quand on a des chargés de cours dans une faculté comme la Faculté de génie, par exemple, c'est justement parce qu'on veut bénéficier de l'expérience de professionnels qui sont en exercice, pas parce qu'on n'a pas assez de professeurs. Donc, on se sert de chargés de cours pour des fins bien précises.

M. Cousineau: Merci.

M. Vinet (Luc): Par contre, puisque j'ai mentionné «management», ce n'est pas un phénomène significatif à l'échelle globale de l'Université, mais, en gestion, là le problème est par contre crucial. La moitié des cours seulement sont offerts par des professeurs à temps plein, et il faut, là, utiliser des chargés de cours. Et la raison, dans ce secteur particulier, est la pression énorme sur les salaires.

Alors, le choix qui a été fait pour garder des gens dans des disciplines très, très compétitives, comme la finance, a été de diminuer le nombre de professeurs à temps plein pour pouvoir offrir les salaires adéquats au plus petit nombre qu'on a gardé. Évidemment, pour suppléer au nombre de personnes nécessaires pour donner des cours, on a dû se rabattre sur des chargés de cours, mais avec des conséquences, chez nous et dans cette Faculté, néfastes, parce que, bon, l'encadrement qui est offert par les chargés de cours est de nature différente de celui qui est offert par des professeurs qui sont en résidence, sur place et aptes à interagir de manière continue avec les étudiants. Il y a des bénéfices aux chargés de cours, mais ce n'est pas en l'occurrence ceux qu'on obtient, contrairement à ce que Pierre Bélanger, ce à quoi il faisait allusion dans le cas du génie, où, lorsqu'on veut amener quelqu'un de l'industrie qui a une expertise spécifique à transmettre, là on fait appel à des gens comme chargés de cours. Mais, ici, c'est simplement pour pallier à une carence de professeurs permanents qui ne devrait pas être présente.

(17 h 40)

M. Cousineau: Comment accueillez-vous la proposition du ministre de contrats de performance en plus du réinvestissement au niveau de la base? Le ministre a parlé dernièrement de contrats de performance avec les universités puis le gouvernement pour le financement.

M. Vinet (Luc): Oui, en fait, on est a priori... Je n'ai pas les détails, je m'excuse. J'étais à l'extérieur du pays, à mon tour, en mission au moment du Sommet et peut-être quand ces questions ont été discutées. En général, l'idée d'un contrat de performance en est une avec laquelle on est tout à fait en accord, convaincu que McGill est extrêmement performante. On vous indiquait les coûts par étudiant qu'on encourt, qui sont en deçà de tout ce qui existe dans le réseau canadien. Mais encore faut-il que ces évaluations soient bien comprises et adaptées aux missions des universités.

J'ajouterais que McGill a des leviers, au niveau de cette possibilité de négociation avec ses employés, ses professeurs, qui lui donnent beaucoup de flexibilité pour agir et atteindre ses niveaux de performance. En particulier, jusqu'ici, on n'a pas de syndicat au niveau de nos professeurs, n'en déplaise à Henri-François – excuse-moi – ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Vinet (Luc): ...mais ça nous offre une flexibilité de négociation qui peut contraindre davantage d'autres universités à cet égard-là. Donc, au niveau de l'efficience, on est d'accord avec le principe. Il faudrait voir les modalités de fonctionnement.

M. Cousineau: Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Je ne veux pas reprendre la balle sur le syndicalisme parce que...

M. Vinet (Luc): C'est historique.

M. Gautrin: ...ça serait certainement une question historique. Une question que je pourrais vous poser, c'est: Quelle est votre masse salariale par rapport à votre nombre de professeurs, par rapport aux masses salariales des autres universités, par rapport au nombre de professeurs? Ce qui pourrait justifier un peu une réponse, à ce moment-là, à la pertinence d'avoir un syndicat. À ce moment-là, je vais rentrer strictement sur la question de la recherche actuellement.

Mme Charest: C'est une bonne question, en effet.

M. Gautrin: Pardon?

Mme Charest: C'est une bonne question.

M. Gautrin: Merci. Sur la question de la recherche, vous avez signalé que le financement de la recherche à McGill était différent des autres universités dans la mesure où vous avez peu de recherche de type contractuel. Seulement 10 % de votre financement de la recherche est contractuel, alors que, dans les autres universités québécoises de taille analogue, soit Montréal plus Polytechnique ou bien Laval, ça varie entre 25 % et 30 %.

Vous savez que, dans ce qu'on appelle l'économie du savoir, l'interaction entre les entreprises et les universités est une clé importante dans les stratégies de développement. Est-ce que c'est un choix délibéré que vous avez de limiter, à ce moment-là, votre part contractuelle dans votre Université ou est-ce que c'est parce que vous avez beaucoup de fonds de recherche que, proportionnellement, la partie contrat est plus basse? Et, en sous-question, quel type d'interaction avez-vous avec les entreprises et le monde économique, si tant est que ça a un sens?

M. Bélanger (Pierre): Bon. D'abord, je signalais dans le document que nos pourcentages sont très analogues à ceux des autres universités du groupe de 10, autres que Laval et Montréal. Autrement dit, Laval et Montréal se démarquent clairement. J'ai cru, à un moment donné, que les contrats étaient plus volumineux, mais ce n'est pas le cas. C'est simplement le volume de contrats, il y en a plus. Il est vrai que, lorsqu'un professeur est bien financé par ses subventions, il va se contenter de faire de la recherche subventionnée, il n'ira pas chercher des contrats.

Maintenant, le volume de contrats a augmenté sensiblement dans les années où j'ai été moi-même vice-recteur, c'est-à-dire les derniers cinq ans. Nous sommes partis de 6 000 000 $ par année et nous avons doublé pendant cette période-là. Donc, c'est une courbe ascendante. Personnellement, je vois très favorablement cette interaction avec l'industrie, parce que j'ai toujours cru... parce que je dis toujours aux collègues: Quand Archimède, dans sa baignoire, a découvert le principe qui porte son nom, il faisait de la commandite pour le roi de Syracuse.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bélanger (Pierre): Donc, c'est stimulant d'aller chercher le problème dans le pratique.

M. Gautrin: Alors là vous savez que le gouvernement met de l'avant les politiques de valorisation des résultats de la recherche.

M. Bélanger (Pierre): Oui.

M. Gautrin: On a rencontré récemment l'Université de Sherbrooke qui a créé avec vous, si je comprends bien, un partenariat et une société de valorisation, avec Sherbrooke...

M. Bélanger (Pierre): C'est ça, et Bishop's.

M. Gautrin: ...et Bishop's aussi. Est-ce que vous détenez beaucoup de brevets? Comment ça va fonctionner, à l'heure actuelle, cette société de valorisation, premièrement? Deuxièmement, est-ce que vous avez une politique, à l'heure actuelle, quant au partage des résultats de la propriété intellectuelle pour vos professeurs?

M. Bélanger (Pierre): À la première question, c'est que, oui... Enfin, je peux vous dire que, dans les deux dernières années, dans chacune des deux dernières années, nous avons créé huit nouvelles entreprises. Le nombre de licences se chiffre autour de 25 par année et le nombre d'inventions rapportées, un peu plus de 100. Nous avons présentement, bien sûr, une politique de partage de la propriété intellectuelle avec nos professeurs, que nous sommes en train de modifier dans le moment, évidemment quand même en négociation avec eux.

M. Gautrin: Est-ce que vous pourriez, parce que, pour nous, c'est important, nous transmettre cette politique...

M. Bélanger (Pierre): Oui.

M. Gautrin: ...la transmettre au secrétaire de la commission qui pourra... Je pose la question à peu près à tout le monde, parce qu'elles sont inégales et différentes d'une institution à une autre, transmettre cette politique de partage de la propriété intellectuelle.

M. Bélanger (Pierre): Enfin, nous nous attendons à avoir une nouvelle politique complète de propriété intellectuelle, y compris bien sûr le partage, d'ici deux mois.

M. Gautrin: Alors, quand ça sera fait, pourriez-vous nous l'envoyer?

M. Bélanger (Pierre): Oui, si ça vous convient, je serais ravi de vous la transmettre.

M. Gautrin: Merci. Vous êtes bien aimable.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, madame et messieurs. On a beaucoup entendu parler de la question de financement, et tout ça, mais j'aimerais avoir une meilleure idée de vos liens avec les autres universités, les partenariats que vous avez avec certaines autres universités. J'aimerais savoir aussi si vous avez fait un exercice de rationalisation de vos programmes. Est-ce qu'il y a eu également un exercice d'actualisation des programmes? Ça, je pense que c'est quelque chose qui est fondamental lorsqu'on a la prétention d'être une université performante. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, dans un premier temps.

M. Vinet (Luc): O.K. C'est une vaste question. Les partenariats – et je vais demander l'aide de mes collègues, parce que je dois répondre sur le vif et je vais en oublier – ils sont très nombreux et de différentes formes, couvrant la recherche, partenariats qui sont axés plus sur des entreprises de recherche, d'autres plus sur l'offre de programmes de formation...

Mme Charest: Alors, si on y allait sur la recherche en premier.

M. Vinet (Luc): Sur la recherche. D'abord, il y a de nombreux centres de liaison et de transfert qui sont par nature multiuniversités et auxquels plusieurs universités participent. Je pense au CERCA, au CIRANO, au CRIM...

Une voix: ...

M. Vinet (Luc): ... – ça, ce n'est pas un centre de liaison et de transfert – alors donc où apparaissent sous une forme ou une autre l'Université de Montréal, McGill, l'ensemble des universités de la région montréalaise, l'Université Laval, etc.

Un autre exemple de partenariat dans lequel j'ai été personnellement impliqué, c'était la mise sur pied de différents réseaux de recherche, les uns subventionnés dans le cadre du programme des instituts subventionnaires du fédéral, les réseaux de centres d'excellence qui, forcément, impliquent l'ensemble de chercheurs provenant de différentes universités et dans lesquels souvent on a assumé...

Mme Charest: Vous êtes associés en océanographie avec l'UQAR.

M. Vinet (Luc): Voilà un autre exemple. Je pense qu'on peut éviter de...

Une voix: ...

Mme Charest: Non, je connais un peu le dossier.

M. Vinet (Luc): ...et ne pas entreprendre de faire la liste, parce que c'est très long.

Mme Charest: Ce n'est pas une liste que je veux, je veux avoir une idée...

M. Vinet (Luc): Ma conviction personnelle, c'est que c'est absolument crucial que les universités québécoises continuent de travailler à développer de manière de plus en plus complexe leurs partenariats.

(17 h 50)

Mme Charest: Dans le fond, ce que je veux savoir, c'est jusqu'où vous êtes en lien et en relation avec les autres universités du Québec. Et, de par la mesure que je peux utiliser pour avoir cette idée-là, c'est de savoir un peu vos relations en termes de programmes puis en termes de projets de recherche.

M. Vinet (Luc): O.K. J'ai donné un peu l'exemple. On peut fonctionner par exemples, parce que, évidemment, c'est par le côtoiement continu que les relations s'engendrent et se développent. Au niveau de l'institut Génome Québec, c'est vraiment sous l'initiative de McGill que ça s'est développé. On a vraiment rassemblé l'ensemble de toutes les universités, et instituts de recherche, et les centres hospitaliers qui avaient un rôle à jouer. Donc, la liste est considérable. On a organisé constamment dans un objectif d'intégrer toutes les ressources du Québec, l'ensemble de ces universités-là. On a tenu, donc, et on continue de tenir une foule de réunions sur ce projet-là qui implique les vice-recteurs à la recherche de toutes les universités impliquées. Et c'est un exemple, mais qui illustre les actions qu'on a dans différents secteurs. Ginette.

Mme Lamontagne (Ginette): Pardon, Mme Charest. J'ai une liste partielle ici, parce que vraiment elle est très exhaustive, et puis on ne fait pas nécessairement un recensement ou un inventaire de ça. Mais c'est juste pour vous donner des exemples. L'Institut de recherche en histoire de l'architecture, Centre interuniversitaire en calcul mathématique algébrique, Centre interuniversitaire d'études européennes, Centre de recherche informatique de Montréal, Centre d'études et de recherche en analyse de décision, Groupe interuniversitaire de recherche en anthropologie médicale et en ethnophsychiatrie, Groupe interuniversitaire de recherche océanographique, Institut de recherche en exploration minérale, Réseau de médecine génétique, Centre interuniversitaire de recherches sur les populations, Groupe de recherche interuniversitaire en architecture...

Mme Charest: Mais je ne pense pas que... Vous pouvez nous déposer la liste, madame.

Mme Lamontagne (Ginette): Oui, mais il y a de nombreux, nombreux exemples, il y en a toute une liste, et la même chose pour les programmes conjoints de formation. J'ai une liste analogue là-dessus. Alors, il y a énormément de collaboration, et de plus en plus justement dans un but de mieux rationaliser les ressources.

Mme Charest: O.K. Dans un autre ordre d'idées, une autre question. J'aimerais savoir: La masse salariale de vos professeurs représente quel pourcentage de votre budget d'opération?

M. Vinet (Luc): On va demander à M. Yalovsky.

M. Yalovsky (Morty): Approximately, the masse salariale of the 1 250 faculty members is just somewhat over $100 000 000.

Mme Charest: O.K. Et la masse salariale de vos administrateurs, elle représente quoi?

M. Yalovsky (Morty): À peu près 40 000 000 $. About $40 000 000 for administrators.

Une voix: Versus 100 000 000 $ pour les professeurs.

Mme Charest: Merci.

M. Yalovsky (Morty): When I say «administrators», I'm referring to basically... they are not academic staff, in complete, in total.

Mme Charest: Thank you, Sir. O.K. Alors, j'aimerais aussi revenir sur toute la question de vos partenariats avec l'entreprise. Vous en avez parlé un peu, mais j'aimerais savoir: Ces partenariats-là, est-ce que ça génère des revenus? Et c'est quoi, la proportion des revenus générés par ces partenariats dans l'ensemble des revenus que vous allez chercher soit en recherche soit en budget de fonctionnement de base, et tout ça?

M. Bélanger (Pierre): Les partenariats de recherche, bien sûr ça génère des revenus de recherche. Ça générerait à peu près 15 000 000 $ par année sur un budget total en recherche d'à peu près 180 000 000 $. Donc, c'est autour du 10 %.

Mme Charest: C'est beau.

M. Yalovsky (Morty): Est-ce que je peux ajouter quelque chose?

Mme Charest: Oui.

M. Yalovsky (Morty): Le 40 000 000 $, ça veut dire pour le «support staff, building maintenance», toutes les choses comme ça, toutes les personnes qui ne sont pas académiques.

Mme Charest: O.K. Thank you.

Une voix: C'est ça qu'on avait compris.

Mme Charest: On avait compris ça, oui. Ça va. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Saint-Hyacinthe, il reste six minutes. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, Mme la Présidente. J'avais désespéré d'avoir du temps et je suis très heureux que vous m'en accordiez, ne serait-ce que quelques minutes. Je voudrais juste dire ceci. Quelques petits commentaires en commençant.

J'ai beaucoup apprécié la présentation. Je pense que vous avez raison d'être fiers de l'Université McGill. Je pense que c'est une fierté pour le Québec. C'est une grande institution. Ça fait partie des grandes universités du Québec qui rayonnent sur le plan international. C'est aussi, je pense, une université qui, depuis quelques dizaines d'années peut-être, par son ouverture au côté francophone – avant, c'était presque uniquement anglophone... Je pense que ça a contribué, d'une certaine façon, à améliorer la compréhension entre les différents acteurs de la société québécoise. C'est une contribution importante, je pense, et il faut la souligner.

Moi, j'avais une question intéressante à poser tout à l'heure, qui m'a été volée par mon ami, M. Cousineau. Parce que c'est une chose qui semble assez difficile à établir. J'ai moi-même posé la question à d'autres universités, et je suis très heureux qu'il vous l'ait posée. C'est concernant la possibilité d'établir des standards de comparaison ou des standards de performance et des critères de performance entre l'ensemble des universités. C'est bien sûr que toutes les universités ont leur spécificité et que, même à l'intérieur des universités, chaque faculté ou, en tout cas, chaque catégorie de faculté a des standards de performance qui sont nécessairement différents. Mais c'est une chose qui, par contre, est importante pour permettre aux gens de l'extérieur de comprendre ce que vous faites et de réagir aux préjugés qui se promènent sur le dos de l'Université, comme ils se promènent sur le dos de tout le monde.

Ma question est la suivante: Dans la foulée de la question qui a été posée par le député de Verdun, est-ce que ce serait possible de nous donner – je crois que c'est M. Bélanger qui pourrait me répondre à ça – une indication précise ou, en tout cas, un ordre de grandeur du pourcentage des brevets qui découlent de la recherche faite à l'Université, le pourcentage des brevets qui sont développés au Québec, dans des industries québécoises, ou qui donnent lieu à la création d'industries québécoises ou de produits au Québec, et le pourcentage qui est développé à l'extérieur du Québec.

M. Bélanger (Pierre): Je n'ai pas les chiffres exacts. Je vais parler d'expérience, tout simplement. D'abord, il y a une bonne partie des brevets qui vont aux entreprises que nous développons nous-mêmes. J'ai mentionné 16 dans les deux dernières années, 20 dans les trois dernières années. Alors, évidemment, pour chaque entreprise, il y a deux, trois brevets. Et ces entreprises-là, puisque ce sont les entreprises de nos propres professeurs, sont nécessairement développées pas très loin du campus. Nous avons récemment breveté, licencié certains brevets à des sociétés américaines, mais je dirais qu'en général je ne crois pas que ça dépassera les 10 %, 15 %. Non, la plupart sont vraiment au Québec, surtout parce que la plupart de nos brevets sont du côté biopharmaceutique. Alors, comme vous savez, bien, c'est ici qu'elle se trouve, l'industrie biopharmaceutique. Alors, c'est pour ça que la plupart de nos brevets sont développés au Québec.

M. Dion: Mais, en fait, le professeur ou le chercheur, c'est souvent le même...

M. Bélanger (Pierre): Oui.

M. Dion: ...qui développe un brevet. Il peut en disposer comme il veut? Ou quoi?

M. Bélanger (Pierre): Non, il ne peut pas en disposer comme il veut. Il peut faire ce qu'il veut avec sa propriété intellectuelle pour autant qu'il ne veut pas la commercialiser. S'il veut la donner au monde en la publiant, bien là il n'y a pas d'empêchement. Seulement, du moment qu'il veut faire quelque chose de commercial, là il doit rapporter à l'Université, et là c'est l'Université qui prend en charge le développement commercial. Donc, c'est un partnership avec le professeur, bien sûr. Le professeur ne peut pas être récalcitrant, parce que, sinon, on ne peut pas développer. C'est donc l'Université et le professeur qui ont un partage des retombées aussi et du processus de commercialisation.

M. Dion: Je vous remercie beaucoup.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, M. Vinet, M. Bélanger, M. Yalovsky, Mme Lamontagne, M. Tischler, merci de votre présentation. Il nous a fait plaisir de vous recevoir. À bientôt.

Une voix: Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, la commission ajourne ses travaux à demain matin, 9 h 30.

(Fin de la séance à 18 heures)


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