To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Committee on Education

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Committee on Education

Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Thursday, September 18, 1997 - Vol. 35 N° 44

Consultation générale sur l'avant-projet de loi modifiant la Loi sur l'instruction publique


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions

Remarques finales


Autres intervenants
Mme Jeanne L. Blackburn, présidente
M. Jean-Guy Paré, président suppléant
M. Yves Beaumier
M. Henri-François Gautrin
Mme Hélène Robert
*Mme Brigitte Guy, ASGEMSQ
*M. Daniel Lafrance, idem
*Mme Carmen Lemire, idem
*M. Roger Turcotte, ANEL
*M. Antoine Del Busso, idem
*M. Raymond Vézina, idem
*M. Florian Saint-Onge, UMRCQ
*M. Denis Thiffault, idem
*M. Michel Fernet, idem
*Mme Gabrielle Brassard, AEFQ
*Mme Huguette Faille, idem
*Mme Sonia Falardeau, idem
*M. Bruno Charreyron, idem
*M. Jacques Proulx, Solidarité rurale du Québec
*M. Romain Girard, APAQ
*M. Gaëtan Boucher, Fédération des cégeps
*Mme Nicole Lafleur, idem
*Mme Lise Duchesneau, CPIQ
*Mme Denyse Gagnon-Messier, idem
*M. Jack Ligneau, idem
*M. Jacques Leclerc, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures quatre minutes)

La Présidente (Mme Blackburn): Mmes et MM. les membres de la commission, bonjour. Alors, nous allons débuter la dernière séance des travaux de la commission de l'éducation sur cette consultation générale touchant les modifications à la Loi sur l'instruction publique.

M. le secrétaire, est-ce que nous avons quorum?

Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Blackburn): Alors, je déclare donc la séance de la commission de l'éducation ouverte. Vous allez me permettre de rappeler le mandat de la commission qui est de procéder à une consultation générale sur l'avant-projet de loi intitulé Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique.

Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. MacMillan (Papineau) remplace M. Cusano (Viau) et M. Gautrin (Verdun) remplace M. Parent (Sauvé).

La Présidente (Mme Blackburn): Bien. Alors, bienvenue à ces personnes qui se joindront bientôt à nous.

Je fais lecture de l'ordre du jour de la séance d'aujourd'hui. À 9 heures, nous débutons nos travaux avec l'Association des services de garde en milieu scolaire; à 9 h 45, l'Association nationale des éditeurs de livres; à 10 h 30, l'Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales du Québec; à 11 h 15, l'Association d'économie familiale du Québec; suspension à midi et retour à 14 heures avec Solidarité rurale du Québec; à 14 h 45, l'Association des propriétaires d'autobus du Québec; à 15 h 30, la Fédération des cégeps; à 16 h 30, le Conseil pédagogique interdisciplinaire du Québec. Nous terminerons, à 17 h 30, avec les remarques finales.


Auditions

Alors, les personnes représentant l'Association des services de garde en milieu scolaire ont déjà pris place à la table. Je voudrais, au nom des membres de la commission, leur souhaiter la plus cordiale bienvenue et, sans plus tarder, je vous explique brièvement les règles, que vous connaissez sans doute. Vous avez une enveloppe de temps de 45 minutes: une dizaine de minutes pour la présentation de votre mémoire suivie d'un échange avec les membres parlementaires de la commission.

Alors, Mme la présidente, c'est présidente-directrice générale, P.D.G., «P.D.Gère». Mme Brigitte Guy, alors vous nous présentez les personnes qui vous accompagnent et vous pourrez tout de suite procéder à la présentation de votre mémoire.


Association des services de garde en milieu scolaire du Québec (ASGEMSQ)

Mme Guy (Brigitte): Merci, Mme la Présidente. Alors, je vous présente, à ma droite, Mme Carmen Lemire, qui est membre du conseil d'administration, mais qui est, de par sa fonction, administratrice à la Commission des écoles protestantes du Grand Montréal. Elle est responsable du dossier des services de garde en milieu scolaire.

La Présidente (Mme Blackburn): Bonjour, madame.

Mme Guy (Brigitte): Et, à ma gauche, Daniel Lafrance, qui est responsable d'un service de garde et qui est dans le réseau, c'est-à-dire à titre d'intervenant ou d'éducateur, depuis 17 ans, alors depuis le départ, depuis le début du réseau.

La Présidente (Mme Blackburn): Bonjour, monsieur.

Mme Guy (Brigitte): Bonjour, Mmes, MM. les commissaires. Alors, je tiens d'abord à remercier cette commission de nous recevoir et ainsi de nous permettre d'exposer nos points de vue sur les modifications proposées dans cet avant-projet de loi. Nos propos toucheront particulièrement notre secteur d'activité, soit les services de garde en milieu scolaire.

Il faut, en premier lieu, rappeler que les services de garde en milieu scolaire existent légalement depuis décembre 1979 et qu'ils ont connu un développement relativement rapide malgré les nombreuses difficultés rencontrées par les parents lors de l'implantation. En effet, le réseau compte actuellement près de 900 services de garde, inégalement, je dirais, répartis dans les différentes régions du Québec, que fréquentent environ 80 000 enfants de 4 à 12 ans. Et contrairement aux garderies de petite enfance qui sont relativement de même taille, les services de garde en milieu scolaire sont de taille très variable. Alors, vous avez, à une extrémité, des services qui peuvent accueillir 12, 15 enfants et, à l'autre bout du continuum, vous avez des services de garde qui ont au-delà de 200 enfants, parfois 250. Alors, les plus petits services se retrouvent généralement en milieu rural et en milieu défavorisé alors que les plus gros se développent surtout en milieu à forte concentration urbaine. Parfois, même plus de la moitié des enfants de l'école fréquentent le service de garde.

Alors, ces services sont devenus, sans conteste, une nécessité pour les familles d'aujourd'hui. Ils jouent à la fois un rôle éducatif complémentaire aux services d'enseignement, un rôle social et préventif, particulièrement quand on pense à nos préadolescents de 9-12 ans. Ils font partie intégrante de l'école, de son mode de fonctionnement, de ses ressources, de ses valeurs, de son projet éducatif. Ils prolongent la mission de l'école en servant à la fois les intérêts de l'enfant, de la famille et de la communauté.

Consciente des besoins grandissants liés à ces services, la ministre de l'Éducation dit, dans son plan d'action, qu'il faudra consolider les services de garde en milieu scolaire et que toutes les commissions scolaires seront invitées à mettre en place ces services. Effectivement, il nous apparaît essentiel et voire urgent d'étendre les services de garde en milieu scolaire afin d'en donner accès à tous les enfants du préscolaire, du primaire qui en ont besoin, et ce, tant dans les milieux urbains, semi-urbains, ruraux ou milieux favorisés ou défavorisés. Alors, je vous rappelle qu'actuellement 40 % seulement des écoles en possèdent.

(9 h 10)

Sur le plan légal, maintenant, il faut vous rappeler qu'actuellement les services de garde en milieu scolaire se retrouvent dans un vide juridique. En effet, la refonte de la Loi sur les services de garde à l'enfance, qui régissait tous les modes de garde, remplacée par la toute nouvelle Loi sur le ministère de la Famille et de l'Enfance, vient d'abroger les articles touchant à la garde en milieu scolaire et entraînant du fait même l'abrogation des articles 256 et 258 de la Loi sur l'instruction publique. C'est dans cette optique que vont l'ensemble de nos recommandations. Dans l'avant-projet de loi que vous nous soumettez, les services de garde en milieu scolaire sont logés au chapitre IV portant sur les services à la communauté.

Nonobstant tout ce que nous avons dit précédemment sur l'importance de ces services éducatifs dans l'école et du développement à venir, il nous apparaît inconcevable que ces services soient encore considérés comme des services à la communauté au même titre, par exemple, que certaines activités de loisir organisées par une municipalité ou un groupe communautaire sur une base ponctuelle; qui plus est, si l'on considère le mandat que Mme Marois vient de leur confier concernant les activités éducatives en demi-journées pour les enfants de quatre ans de milieux défavorisés ainsi que les services d'aide aux devoirs et aux leçons pour les enfants du primaire.

Pour toutes ces raisons, dans le mémoire que nous vous avons déposé, nous proposons une nouvelle catégorie de services faisant l'objet d'une nouvelle sous-section dans la loi, soit les services extrascolaires, tel que défini par Rénald Legendre, dans le Dictionnaire de l'éducation , qui définit tous les services qui englobent l'ensemble des activités qui se déroulent en dehors des activités régulières d'enseignement.

Ainsi, nous proposons, dans cette nouvelle section, la définition des services extrascolaires, celle des services de garde en milieu scolaire, de même que les fonctions et pouvoirs reliés à ces services. Nous y clarifions également les responsabilités dévolues au conseil d'établissement les concernant, au sein duquel nous proposons la présence obligatoire d'un parent utilisateur du service de garde, en plus d'un membre du personnel, d'ailleurs comme l'avant-projet de loi le propose. À cet effet, nous sommes tout à fait d'accord avec la place plus importante que vous donnez aux parents qui pourront prendre une part entière aux décisions concernant le projet éducatif de leur enfant.

Toujours dans cette même sous-section, nous précisons aussi les responsabilités de la direction d'école et de la responsable du service de garde, particulièrement en ce qui a trait à l'administration du budget. Nous croyons qu'il est absolument nécessaire dans l'avenir de clarifier les rôles et fonctions de chaque instance à cet égard afin d'être équitables pour tous les parents et aussi d'être plus transparents dans la gestion de ces fonds publics. Nous savons tous qu'il y a eu du laxisme et des abus à ce niveau dans le passé faute de règles claires et de mesures de contrôle. C'est pourquoi nous insistons, d'une part, sur le principe que le budget du service de garde constitue des crédits distincts au sein du budget de l'école et que, d'autre part, les fonds excédentaires soient redistribués aux parents après s'être assuré d'un équilibre budgétaire acceptable. Bien sûr qui dit équilibre dit possibilité de se garder un coussin financier pour absorber d'éventuelles baisses de clientèle.

En ce qui a trait maintenant à la qualité des services offerts afin qu'elle soit assurée, nous recommandons au chapitre VII sur la réglementation que la nature et les objectifs des services extrascolaires soient définis par règlement, où devraient s'y retrouver le cadre d'organisation des services de garde, le fonctionnement, les normes relatives au ratio éducatrice-enfants, à la formation du personnel, à l'aménagement des locaux, à l'hygiène et à la sécurité.

En terminant, j'aimerais vous rappeler qu'en août 1995, lors de notre passage devant la Commission des états généraux sur l'éducation, nous avions insisté sur deux recommandations majeures. La première était que le ministère de l'Éducation prenne entière responsabilité des services de garde en milieu scolaire pour mettre fin une fois pour toutes à l'éternel imbroglio dans lequel sont placés les services de garde depuis le début du réseau du fait qu'ils relevaient à la fois de trois structures, soit le ministère de l'Éducation, l'Office des services de garde à l'enfance et les commissions scolaires qui avaient la responsabilité de les implanter et de les gérer. La deuxième recommandation de notre mémoire était aussi que le ministère de l'Éducation impose des normes minimales de qualité aux commissions scolaires à qui il confie cette responsabilité d'implanter et de gérer les services.

Vous comprendrez que la récente décision de Mme Marois en ce sens de tout ramener le dossier de la garde scolaire à l'éducation, nous a grandement réjouis. Reste maintenant le défi d'en assurer la qualité. Nous croyons que c'est à l'État qu'appartient la responsabilité ultime de définir, encadrer et réglementer ces services de garde à qui il a donné naissance en 1979 pour enfin en faire des milieux, de véritables milieux de vie éducative pour tous les enfants qui en ont besoin. L'ouverture actuelle de la loi de l'instruction publique nous apparaît l'occasion privilégiée pour mettre de l'ordre et de la clarté dans ce dossier. C'est par le cadre légal qu'il faut commencer par consolider les acquis et poursuivre le développement harmonieux d'un réseau québécois de services de garde en milieu scolaire de qualité.

Je vous remercie et nous sommes prêts à recevoir vos questions.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, Mme Guy. La parole est maintenant à Mme la ministre de l'Éducation. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Marois: Merci, Mme la Présidente. Je vous remercie pour votre présentation. Je pense que c'est intéressant la façon dont vous soulevez évidemment l'ensemble de cette question en ce qui concerne les services de garde en milieu scolaire et ça rejoint aussi mes préoccupations que je porte déjà depuis un moment d'ailleurs, parce que c'est un dossier que j'ai retrouvé avec plaisir, mais en en connaissant, bien sûr, les exigences lorsque le premier ministre m'a confié la responsabilité du dossier de la famille, et ce, depuis le début du mandat. Finalement, il y a eu quelques mois à peine où je ne l'ai pas eu. Cependant, j'ai toujours conservé la responsabilité des services de garde.

D'abord, il y a une première chose sur laquelle il faut revenir pour la préciser. En fait, on me mentionne qu'au plan juridique il n'y a pas de vide juridique parce que la loi prévoit un pouvoir réglementaire dans la loi de l'instruction publique à cet égard-là. Le pouvoir réglementaire, qui n'a pas été exercé dans le sens où il n'y a pas eu de règlement d'édicté, vient assurer la couverture de la reconnaissance de l'existence de ces services. D'accord?

Cependant, c'est évident qu'on a un travail important à faire, avec vous d'ailleurs, et vous le savez parce qu'on a eu quelques rencontres, mon équipe et moi-même, et des gens du ministère ont déjà entrepris des travaux avec votre Association pour voir comment on pourrait mieux camper toute la question de la garde en milieu scolaire avec une ouverture, effectivement, vers de nouvelles dimensions. Je pense, entre autres, à tout ce qui concerne les activités de soutien à l'élève en dehors des heures de classe. L'exemple de l'aide aux devoirs et aux leçons est un bel exemple; on en a déjà discuté à quelques reprises. Alors, on n'a pas réactivé, si on veut, le travail du comité que j'avais mandaté, où, d'ailleurs, mon sous-ministre adjoint a un rôle à jouer à cet égard, parce qu'on souhaitait justement procéder à la tenue de cette commission et au débat entourant l'ensemble de l'avant-projet de loi.

Mais ceci ne veut pas dire que nous ayons renoncé, loin de là et au contraire, parce que je pense qu'il faut, et ça va peut-être être plus de l'ordre du commentaire, je pense qu'il faut effectivement que l'on s'attarde davantage sur la question de la garde en milieu scolaire, que l'on en définisse mieux l'ensemble des éléments, des outils disponibles, des responsabilités que ces services pourraient assumer à l'intérieur de l'école, qu'on en définisse aussi les contours dans le sens de tout ce que cela offre de possibilités. Vous parliez des petites écoles. Il y a des petites écoles où, j'imagine, un parent ou deux veulent avoir la garde, et ce n'est pas le cas, par exemple, de la majorité de parents. Est-ce qu'à ce moment-là – et ma question va aller dans ce sens-là pour commencer – ce qui n'est pas souhaitable, c'est qu'on fasse des ententes avec une famille, avec un centre à la petite enfance – puisque, maintenant, on aura, partout à travers le Québec, des centres à la petite enfance – pour assumer ce service ou assurer ce service à ce moment-là, puisque, dans les faits, il ne serait pas possible d'organiser un service pour un enfant, par exemple? Mais ça ne veut pas dire que ce service ne doit pas être rendu, et est-ce qu'il ne peut pas être rendu autrement? Et, en ce sens-là, des liens avec les centres de la petite enfance pourraient être utiles et pertinents. Je ne sais pas si ça existe déjà concrètement dans certaines écoles ou comment on fonctionne. Je sais que là où je connais des situations, habituellement les services de garde ou les personnes qui se sont préoccupées de ces questions ont plutôt fait des ententes avec des agences de garde en milieu familial. Alors, j'aimerais ça vous entendre sur cette question-là.

(9 h 20)

La Présidente (Mme Blackburn): Mme Guy.

Mme Guy (Brigitte): À cet égard-là, dans notre mémoire, en page 11, on dit que, si le nombre éventuellement – ça répond à votre question, Mme Marois – si le nombre d'élèves qui a besoin de services de garde n'est pas suffisant pour justifier l'ouverture de ce service-là...

Mme Marois: Ah oui! d'accord.

Mme Guy (Brigitte): ...on propose justement des ententes avec des centres de la petite enfance qui pourront recevoir les enfants du préscolaire et du primaire. Alors, on l'a regardé et on pense effectivement qu'il est utopique de penser que, dans les écoles où il y a une centaine d'enfants, ou alentour de, il y ait le nombre suffisant...

Mme Marois: C'est ça.

Mme Guy (Brigitte): ...pour pouvoir faire vivre un service de garde. Alors, oui, on a cette ouverture-là.

Mme Marois: O.K. Vous recommandez, entre autres – et là je vais revenir sur une recommandation plus précise de votre mémoire – vous recommandez à la page 8 de votre mémoire d'inclure, à l'article 1, le droit de tout élève à des services extrascolaires prévus par la présente loi, hein, vous recommandez cela, et vous définissez les services préscolaires comme l'ensemble des activités qui se déroulent en dehors des activités régulières d'enseignement. J'aimerais ça que vous me disiez quelle différence vous faites entre ces services extrascolaires et toute la panoplie des services complémentaires qu'on décrit au régime pédagogique. Et, dans le régime pédagogique, on a une liste très longue; en fait, on a une dizaine d'articles, d'éléments qui viennent définir les services complémentaires. Et ça continue. Oui, c'est ça. Puis, ensuite, on les définit de façon plus détaillée. À l'article 5, on les identifie puis, des articles 5 à 16 du régime pédagogique, là, on les décrit les uns après les autres. Et ce qu'on retrouve, c'est des services de promotion de la participation de l'élève à la vie éducative, des services d'éducation aux droits et aux responsabilités, des services d'animation, des activités sportives, culturelles et sociales, des services d'encadrement et de surveillance de l'élève. Est-ce qu'à ce moment-là on ne pourrait pas retrouver, à l'intérieur du régime pédagogique, un élément qui viendrait décrire davantage ce que l'on entend par les services de garde, qui ne sont pas que de la garde, parce que c'est ce que vous souhaiteriez, puis je pense que c'est ce qui serait aussi souhaitable... qu'on puisse le retrouver là, quitte à ce que le pouvoir réglementaire vienne préciser d'autres éléments, mais dans le régime pédagogique et non pas dans la loi.

La Présidente (Mme Blackburn): Mme Guy.

Mme Guy (Brigitte): Je pense que M. Lafrance...

La Présidente (Mme Blackburn): Oui. Alors, M. Lafrance.

M. Lafrance (Daniel): Oui, c'est ça, vous touchez là à la prémisse de notre mémoire, ce qui n'est pas écrit comme tel, mais qui est comme le fond même de notre préoccupation, c'est la reconnaissance du service de garde comme étant un service éducatif au premier plan, alors qu'il était défini plus comme un service à la communauté jusqu'à maintenant. Notre idée à nous de faire cette nouvelle catégorie de services, c'était parce qu'on ne pouvait pas se rapprocher des catégories de services gratuits, ceux qui sont gratuits. Par principe, on ne vous demandera pas aujourd'hui que les réseaux deviennent gratuits, hein. Alors donc, on voulait créer une catégorie qui le rapprochait de sa réalité d'agent éducatif, mais qui gardait cette partie que l'usager...

Mme Marois: La possibilité de demander une contribution, entre autres.

M. Lafrance (Daniel): Voilà, c'est ça.

Mme Marois: Vous me protégez quand vous faites ça. Vous protégez les intérêts collectifs, les vôtres et les nôtres, comme payeurs de taxes.

M. Lafrance (Daniel): Voilà. Il y a toute la question de ça. Puis, quand on réfère à votre énoncé dans lequel vous annoncez des mandats précis pour les services de garde, bien, il faut que la loi reflète cette réalité-là. Pour qu'elle devienne réelle, il faut que ça soit inscrit quelque part. Je comprends que la réglementation sur laquelle on intervient peu parce que ce n'est pas le sujet de la commission...

Mme Marois: Non, effectivement.

M. Lafrance (Daniel): ...c'est la réglementation qui va comme donner toute la viande. Là, on fait l'os, le squelette sur lequel on va coller cette viande-là. Il n'y a pas de fermeture à ce qu'on soit défini à un autre point, mais ce qui est important, la prémisse qu'on voudrait que la commission retienne et que la ministre retienne dans son projet de loi, c'est que nous représentons des gens qui offrent des services éducatifs et qu'à ce titre-là on doit avoir cette reconnaissance-là clairement dans la loi.

Mme Marois: Clairement définie.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, M. Lafrance.

Mme Marois: C'est intéressant – oui, je sais, j'ai terminé.

La Présidente (Mme Blackburn): Oui.

Mme Marois: C'est intéressant comme perspective. J'ajoute une petite chose que les gens ne savent pas souvent, puis je me suis rendu compte de ça à l'occasion d'une présence de l'un ou l'autre des organismes ici puis je n'ai pas eu l'occasion de le dire; les gens le savent peu, mais je sais que l'Association le sait. C'est un budget ouvert, hein, le budget des services de garde en milieu scolaire. Alors, évidemment, il y a une contribution qui est demandée aux parents. Mais, cependant, le ministère répond toujours positivement lorsqu'il y a une demande d'implanter des services de garde. Et on me mentionne qu'actuellement d'ailleurs c'est beaucoup en croissance. Ça correspond évidemment à l'analyse que l'on peut faire de la réalité socioéconomique des familles, mais la demande progresse à un rythme pas mal plus grand que les demandes sur d'autres types de services.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, Mme la ministre. M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Merci, Mme la Présidente. À mon tour de souhaiter la bienvenue aux représentantes et représentant de l'Association sur la dimension éducative du service de garde en milieu scolaire. Dans le plan d'action de la ministre – et je pense que vous y faites référence dans votre mémoire – la ministre indiquait, et je vais citer à la page 4: «Le ministère favorisera aussi l'extension des services de garde en milieu scolaire – et là on ajoute – et confirmera le rapport du point de vue pédagogique.» Pourriez-vous faire, pour notre bénéfice, le lien entre la dimension pédagogique et ce que vous étiez en train de développer un peu plus tôt dans votre échange avec la ministre pour bien saisir l'orientation que vous préconisez?

La Présidente (Mme Blackburn): Oui. M. Lafrance.

M. Lafrance (Daniel): Je vais faire un peu un historique de mon implication dans les services de garde depuis longtemps. Quand on a commencé à être un service dans les écoles, on était à ce moment-là vraiment un service qui répondait aux besoins des parents. C'est les parents qui ont été les premiers provocateurs de cette installation-là dans les écoles. Et, à ce moment-là, les services se sont beaucoup définis dans ce qui les rapprochait de la famille, parce qu'ils partaient d'un besoin exprimé par cette famille-là, puis on devait donc s'occuper de ces enfants-là qui avaient un horaire scolaire qui n'allait pas avec un horaire de travail.

Avec le temps, le professionnalisme aidant, les interventions se répétant, la tendance que ça prend, c'est qu'on devient d'une certaine façon presque plus proche de l'école que de la famille, proche de la famille en ce sens qu'on est un contact direct... au quotidien, on a un contact avec la famille: on a un contact chaleureux, un contact d'aide. On est souvent un lien entre l'école et le parent, parce que le parent arrive après, quand les activités scolaires sont terminées. Mais on est devenu proche de l'école en ce sens que les enfants fréquentent le service de garde, dans certains cas, beaucoup plus longtemps qu'ils sont en classe, par rapport aux maternelles, puis même quand ils sont maintenant... les cinq ans temps plein puis le primaire. Même à ça, il y a des périodes presque équivalentes de fréquentation du service de garde par rapport à l'école, et il devenait comme pas possible d'appliquer un modèle familial à cette présence-là, on devait appliquer un modèle qui s'inscrivait dans les préoccupations de l'école.

S'il y a un plan d'intervention sur un enfant, ce n'est pas possible que ce plan d'intervention là ne le suive pas. C'est une question de cohérence, c'est une question d'aider cet enfant-là à progresser. Quand on a un plan d'intervention sur un enfant, c'est qu'on a un objectif à lui faire atteindre, il y a un développement qu'on veut le voir faire, et il ne pouvait pas débarquer au service de garde et devenir complètement en dehors de cette préoccupation-là.

Alors, on est devenu avec les années plus proche de la réalité, je vais dire pédagogique, pour comprendre qu'on se rapproche de toute la réflexion qui est faite en classe, mais on n'est pas des pédagogues, dans le sens qu'on ne fait pas de la pédagogie, on est des éducateurs mais on s'inscrit dans cette ligne-là. Alors, nos interventions auprès d'une clientèle d'enfants qui fréquentent quatre heures ou cinq heures le service de garde, on ne peut pas avoir comme critère d'évaluation de la qualité qu'on agit comme un bon parent, ce n'est pas assez, ça; on n'est pas juste un bon parent, on est aussi un intervenant qui contribue au développement de l'enfant.

M. Ouimet: Et concrètement...

La Présidente (Mme Blackburn): M. le député de Marquette.

M. Ouimet: ...qu'est-ce que ça voudrait dire, par exemple dans un service de garde en milieu scolaire, qu'est-ce que ça changerait par rapport à la situation que nous connaissons aujourd'hui?

(9 h 30)

M. Lafrance (Daniel): La reconnaissance.

M. Ouimet: Avez-vous des exemples concrets comment l'approche des éducateurs en milieu de garde serait modifiée selon cette orientation-là? J'essaie de bien saisir les différences.

La Présidente (Mme Blackburn): M. Lafrance.

M. Lafrance (Daniel): Vous parlez par rapport à pourquoi changer une loi pour définir quelque chose puis qu'est-ce que ça va donner concrètement. Bien, ça donne le sens vers lequel on va. La loi, elle donne l'enlignement. Une loi qui ne reconnaîtrait pas, qui ne définirait pas clairement que le service de garde est un service éducatif empêche que ce service-là devienne de plus en plus éducatif en termes de qualité, ça devient comme... Si notre province se donne une loi dans laquelle elle dit que les services de garde ont un mandat qui dépasse celui d'être un bon parent puis de s'occuper convenablement et chaleureusement d'un enfant pendant trois, quatre heures, si on leur dit: Ils ont des mandats, alors on va donc y travailler, on va améliorer, on va aller plus loin dans l'atteinte de ça. Parce que, jusqu'à maintenant, cette non-reconnaissance là officielle du mandat éducatif des services de garde fait qu'on n'a pas eu de préoccupation de le réglementer; par exemple, de s'assurer que les gens qui soient là soient formés adéquatement, qu'il y ait des conditions de travail en termes de ratio qui vont dans le sens de la qualité d'une intervention, qu'on ait des normes des locaux, vérifier que les crédits que le ministère leur attribue leur soient bien donnés. Pour moi, la loi m'apparaît comme étant l'assise sur laquelle on va, après, réglementer, amener de l'eau au moulin.

M. Ouimet: Donc, si on revient au premier point que vous avez exposé, la question du vide juridique demeure pour vous. Ce n'est pas parce que dans une disposition législative on donne des pouvoirs réglementaires à la ministre ou au ministre que ça répond nécessairement à la préoccupation que vous exprimez. Vous souhaitez voir les choses mieux définies dans un texte de loi qu'on pourra, par la suite, compléter dans les règlements.

M. Lafrance (Daniel): Absolument.

M. Ouimet: O.K. J'ai bien saisi.

M. Lafrance (Daniel): Ce n'est pas assez de dire: Ça se peut. Il ne faut pas juste dire: Ça se peut que. Il faut dire que c'est écrit qu'on va le faire, il faut que ce soit concret.

La Présidente (Mme Blackburn): Oui, Mme Guy.

Mme Guy (Brigitte): Parce que, à venir jusqu'à ce jour, le pouvoir de réglementer, si je ne me trompe, il était là au niveau de l'Office des services de garde, et on le sait, ça fait 20 ans, puis, comme dit Daniel, même si c'était mis, c'était écrit, ça ne s'est jamais fait, alors c'est pour ça que, nous, on souhaite, avec l'ouverture de la loi actuelle, qu'on en arrive justement à mettre ces assises-là. Le réseau, on peut comprendre qu'il y a 20 ans ou 10 ans c'était un réseau qui était petit, c'étaient des petits services de garde, mais l'ampleur qu'il prend actuellement, quand la volonté ministérielle est d'en ouvrir partout, ça veut dire, à toutes fins pratiques, qu'on va peut-être se retrouver dans quelques années avec peut-être 150 000 enfants qui le fréquentent. Et on trouve presque inconcevable que ce ne soit pas mieux régi que ça l'est actuellement.

Le réseau s'est développé selon la bonne volonté des milieux, et c'est ce qui explique actuellement l'inégalité que l'on observe. Dans les milieux où on croit profondément à ce service dans l'école, on y a mis de l'énergie, on s'est soucié d'engager du personnel compétent, on s'est soucié de bien le loger, de lui donner un espace que j'appelle minimal, on se soucie aussi de bien le gérer, mais, dans d'autres milieux, c'est un mal nécessaire encore dans l'école. O.K., parce qu'il y a eu une pression des parents, on a fini par consentir à l'ouverture de ce service-là, mais il n'a pas sa place véritable. Et, nous, on dit: Le début, c'est qu'il y ait une place véritable dans un cadre légal. Et, après ça, on va monter l'édifice, si vous voulez, d'une façon un peu plus solide.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci. Une dernière question, M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Dernier commentaire, pour qu'il y ait une place véritable dans un cadre légal, ça m'apparaît être une question d'orientation importante, à savoir la distinction entre service à la communauté et service éducatif. Ça prend une volonté politique pour reconnaître que c'est un service éducatif, et tout le reste devrait s'ensuivre.

Mme Guy (Brigitte): Tout à fait.

M. Ouimet: Si on s'en tient à ce que c'est, un service à la communauté, le pouvoir réglementaire va continuer ce que nous avons déjà comme fonctionnement de système. Je saisis bien votre propos?

Mme Guy (Brigitte): Oui, votre perception est exacte. Et ce qui nous inquiète au plus haut point aussi, dans l'avant-projet de loi, dans la section services à la communauté, on énumère les différents services, et le petit paragraphe qui suit dit que tout organisme ou personne ou individu pourrait éventuellement mettre en place de tels services. Vous avez l'idée, si c'était ça, pour les services de garde en milieu scolaire, ça veut dire que c'est l'ouverture à un organisme privé, quelqu'un avec un intérêt lucratif qui pourrait venir mettre en place de tels services. Actuellement, dans l'avant-projet de loi, ça le permet.

Alors, c'est pour ça qu'on se dit: Il faut absolument qu'on s'extraie de ces services à la communauté. Quand on vous dit qu'un service de garde a peut-être, des fois, 100 ou 200 enfants, c'est un budget parfois de 250 000 $ de 400 000 $, si vous calculez qu'un enfant, à peu près, la contribution parentale est de 2 000 $ par année, faites le compte et ajoutez l'allocation du ministère, ce n'est plus du même ordre du tout qu'un service, un groupe communautaire qui vient faire une soirée de théâtre ou d'art plastique, on ne parle plus du tout des mêmes choses. On est devenu des services éducatifs, on prend les enfants en complément de la classe, on leur permet de continuer leur apprentissage, alors ça n'a plus rien à voir avec le badminton après la classe, là.

M. Ouimet: J'ai bien saisi, merci.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, Mme Guy. Mme la ministre.

Mme Marois: Merci, Mme la présidente. J'écoutais l'échange et, effectivement, j'ai appris encore il y a quelques temps que certaines commissions scolaires non seulement résistaient, mais refusaient – je le dis très simplement, là – ce qui est carrément inacceptable. En ce sens, d'ailleurs, au printemps dernier, on a écrit aux commissions scolaires pour les inciter à considérer que ce service était important et devait être disponible lorsque les parents évidemment en faisaient la demande.

Moi, je reviens à cette discussion que vous venez d'avoir. Effectivement, quand on regarde dans l'avant-projet de loi, on dit: «Fonctions et pouvoirs reliés aux services à la communauté. Le conseil d'établissement peut organiser des services de garde pour les élèves d'éducation préscolaire et de l'enseignement primaire [...] peut aussi permettre que d'autres personnes ou organismes organisent de tels services dans les locaux de l'école».

Enfin, la façon dont on le voyait, là, c'était plus pour permettre des ententes, par exemple, avec un centre de la petite enfance qui pourrait recevoir un enfant ou même venir prendre soin, à la limite, de quelques-uns, si c'est pour du dépannage, ou quoi que ce soit, à l'intérieur de l'école. C'était plus dans cette perspective-là que dans la perspective de dire: On fait une entente avec – je ne sais pas, moi – un service de garde à but lucratif, par exemple. Alors, c'était vraiment plus dans cet esprit-là. S'il faut le baliser autrement, on peut le regarder.

Et là je vais revenir à une des analyses que vous faites dans votre mémoire sur l'article 80, qui, lui, est avant les articles qui concernent les fonctions et pouvoirs reliés à la communauté. On dit, ici: «Le conseil d'établissement approuve la politique d'encadrement des élèves proposée par le directeur de l'école. Cette politique doit notamment prévoir des mesures relatives à l'utilisation à des fins pédagogiques et éducatives du temps hors enseignement et hors horaire...» Vous dites qu'il est peu clair, cet article, vous mentionnez ça dans votre mémoire. Mais ça pourrait être aussi un des endroits où on vient préciser et resserrer les services que vous pourriez offrir et qui se retrouveraient à cet article-là.

Mme Guy (Brigitte): Tout à fait.

La Présidente (Mme Blackburn): Mme Lemire.

Mme Lemire (Carmen): Peut-être, à ce sujet-là, on aimerait ajouter que, définitivement, dans la politique d'encadrement des élèves, ce qu'on voyait, c'est que le service de garde pourrait, à ce moment-là, jouer un rôle peut-être de coordonnateur des différents services qui peuvent être offerts à l'école; qu'on parle des différents parascolaires là où il n'y en a pas, par exemple. On pourrait peut-être aider à développer une complémentarité dans les produits, je dirais, offerts pour nos élèves dans nos écoles. Et, à ce sujet-là, il y a peut-être un point qui est important parce que, quand on a fait une tournée provinciale pour présenter notre projet de développement, comme association, il y avait certaines craintes qui étaient énoncées à l'effet qu'on avait peur qu'on s'approprie différents types d'activités. Alors, là n'est pas notre but.

Notre but, c'est de s'assurer dans un premier temps que les services de garde scolaire rendent bien des services aux parents qui ont besoin de garde et que ce soit la première priorité, bien sûr, mais aussi que, dans l'espace scolaire, on puisse réserver toute la place, jusqu'à un certain point, à ce service qui est prioritaire. Ça devient une priorité, dans un projet éducatif à l'école, de pouvoir offrir de la garde aux élèves qui sont là. Donc, pour revenir à la politique d'encadrement, le service de garde pourrait jouer un rôle important dans l'organisation de différentes activités, bien sûr.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, Mme Lemire. Vous vouliez ajouter? Non? Ça va? Une brève question et...

M. Ouimet: Une dernière petite question.

La Présidente (Mme Blackburn): ...en conclusion, M. le député de Marquette.

(9 h 40)

M. Ouimet: Le lien entre la maternelle temps plein qui est en vigueur présentement et les espaces disponibles dans les écoles pour les services de garde, est-ce qu'il y a une problématique à ce niveau-là, à ce que vous entendez sur le terrain? Est-ce que les parents doivent inscrire leurs enfants dans une garderie à l'extérieur de l'école puis, par la suite, aller les chercher? Les inscrire à l'école? J'essaie juste de voir. Vous faites le lien, au niveau de la page 6 de votre mémoire, en disant qu'il y a juste 40 % des écoles qui offrent de tels services. Il y a un succès au niveau de la maternelle temps plein pour les enfants de 5 ans; c'est à peu près 95 %, 96 %. Donc, il faut croire que quelque part il y a peut-être un manque d'espace.

La Présidente (Mme Blackburn): Mme Guy.

Mme Guy (Brigitte): Oui, effectivement, ce qu'on observe dans plusieurs milieux, il y a des écoles où on est très à l'étroit, dans le sens que, même avant l'instauration des maternelles temps plein, il y a beaucoup d'écoles où le service de garde a un espace très restreint, et ça, je pense qu'il va falloir le regarder, si on considère qu'ils grossissent et grossissent année après année. Vous allez voir au ministère le boum, je dirais, de croissance cette année. On est déjà très à l'étroit. Il y a beaucoup de services de garde qui doivent conjuguer. Ils sont dans des salles, ils sont dans des mezzanines qu'on a aménagées dans un gymnase, etc. Et, qui plus est, avec l'arrivée des maternelles temps plein, il y des services de garde qui se sont fait malheureusement retirer leur local au profit des maternelles. Il y a en a d'autres, on les a relogés dans un local plus exigu, peut-être beaucoup moins bien aménagé, pour pouvoir répondre à la demande des maternelles. Alors, on a déjà un problème.

Il va falloir qu'on le regarde aussi au niveau de la réglementation. Nous, il nous apparaît qu'à partir du moment où on va consentir l'ouverture d'un service de garde il faudrait systématiquement lui consentir un local spécifique. Parce que, vous savez, quand vous avez 200 élèves qui sont inscrits au service de garde, où voulez-vous les placer? Il faut absolument qu'il y ait un local spécifique et l'ouverture et la possibilité d'accéder aux autres locaux. Et Mme Marois, on lui en a déjà parlé, elle le sait, il y a des écoles où on interdit l'accès à des locaux polyvalents, à la bibliothèque, etc. Moi, je me dis que, si on continue de croître, au rythme où on en est là... Et on va même devoir, si on veut continuer de desservir les enfants, ouvrir les classes. Qu'est-ce que vous faites avec 250 enfants, après la classe? Vous avez besoin de presque autant de locaux que durant la journée. Alors, c'est sûr que les maternelles, sauf dans les endroits où on a fait des agrandissements, des constructions nouvelles, ça n'est pas venu aider les services de garde, non, pas du tout.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, Mme Guy. Quelques mots de remerciement, M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Alors, pour vous remercier de sensibiliser les membres de la commission à cette dimension-là. Je vous invite à être vigilants et à revenir lorsque le projet de loi sera déposé. On verra maintenant quelles recommandations auront reçu une oreille attentive et, par la suite, on sera en mesure de poursuivre nos échanges, à ce moment-là. Merci.

La Présidente (Mme Blackburn): Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, merci pour votre présentation. J'ai bien l'intention, comme pour l'ensemble des autres dossiers, que l'on fasse un travail en profondeur sur la question des services de garde en milieu scolaire, pendant les mois qui viennent, parce que je pense que ça mérite cela.

Je voudrais rappeler aussi, ce qui est dommage, dans le fond, quand on entend qu'effectivement les services de garde aient pu être un peu réduits à des locaux plus exigus à cause de l'implantation des maternelles plein temps, parce que les commissions scolaires avaient des sommes spécifiquement réservées pour des locaux à construire, à aménager, peu importe, toutes les stratégies étaient disponibles, puisque les sommes étaient disponibles pour les investissements. Il n'y avait aucune raison qui justifiait, d'aucune façon, qu'on tasse, qu'on déplace les services de garde parce qu'ils avaient l'argent pour implanter leur service de maternelle sans toucher, d'aucune façon, à d'autres services de l'école.

Je pense qu'il faut être au clair sur ça, sinon on ne sait plus où sont logées les responsabilités. Or, on sait où sont logées les responsabilités, dans ces cas-là. Mais, c'est une engagement ferme quant à la volonté que l'on a de voir à mieux cerner la place qu'occupent les services de garde en milieu scolaire, les responsabilités qu'on souhaiterait leur confier et une meilleure reconnaissance, de façon générale, et dans la loi et dans les règlements, s'il y a lieu. Alors, merci pour votre apport à nos travaux.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, Mme la ministre. Un dernier point, Mme Guy?

Mme Guy (Brigitte): Alors, on espère pouvoir continuer à travailler au niveau du comité qui a été mis en place et on est très heureux d'entendre Mme la ministre dire qu'enfin on devra faire un tour complet et approfondir. C'est ce que l'on souhaite depuis de nombreuses années. Merci.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, Mme Guy. Et, peut-être, j'ajouterais ramener les commissions scolaires délinquantes à de meilleurs sentiments. Alors, Mme Guy, Mme Lemire, M. Lafrance, je vous remercie au nom des membres de la commission de votre participation aux travaux de cette commission. Je me faisais la réflexion en vous écoutant que, si un règlement n'a pas suffi, n'a pas été adopté, ça ne veut pas dire pour autant qu'un règlement ne réglerait pas la situation, en autant qu'on en édicte un. Alors, j'imagine que la ministre a été aussi sensible à ces arguments, comme tous les membres de cette commission. Merci, mesdames et monsieur

Et, pendant que ces personnes quittent la table des témoins, j'inviterais les représentants de l'Association nationale des éditeurs de livres à prendre place à la table des témoins.

Je rappelle, pendant qu'ils prennent place, brièvement les règles qui régissent l'échange entre nous. Vous avez une enveloppe de temps – pour utiliser un terme qu'on utilise à l'occasion des travaux parlementaires – de 45 minutes. On souhaite que vous fassiez votre présentation à l'intérieur de 10 minutes. Les minutes restantes vous serviront à un échange entre les membres parlementaires de la commission et vous-mêmes.

M. Roger Turcotte, président de la section Édition scolaire, je vous souhaite, à vous et à vos collègues, la plus cordiale bienvenue et je vous invite dès maintenant à présenter les personnes qui vous accompagnent et à nous présenter ensuite votre mémoire.


Association nationale des éditeurs de livres (ANEL)

M. Turcotte (Roger): Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme la ministre. Mesdames, messieurs, nous vous remercions de nous accueillir à la commission et de nous permettre de présenter notre mémoire et de défendre nos recommandations. Je vais tout de suite céder la parole au président de l'Association, M. Antoine Del Busso, qui m'accompagne. Il va présenter notre Association très brièvement et la délégation avant d'aborder la question plus spécifique du mémoire.

La Présidente (Mme Blackburn): M. Del Busso. Et je conclus que c'est M. Vézina qui est à votre gauche.

M. Del Busso (Antoine): Absolument, vous avez tout compris.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien. Merci. M. Del Busso.

M. Del Busso (Antoine): Alors, bonjour Mme la Présidente, Mme la ministre, mesdames et messieurs. Donc, très brièvement, l'Association des éditeurs existe depuis 1992. Avant ça, il y avait deux associations, une pour le secteur scolaire et une pour le secteur de la littérature générale. Je le signale parce que c'est très important dans l'exposé que nous allons faire, dans la mesure où je voudrais, pour ma part, vraiment insister beaucoup sur le fait que cette commission et les travaux qui s'y font intéressent au plus haut point tous les éditeurs, dans quelque secteur que ce soit.

Nous représentons une centaine d'éditeurs qui sont, en fait, l'ensemble des éditeurs actifs dans le domaine du livre au Québec et un peu aussi à l'extérieur du Québec. Mais nous sommes ici pour représenter les éditeurs, donc, qui s'intéressent à l'éducation au Québec. Alors, tous les secteurs sont vraiment très intéressés, et j'y reviendrai tout à l'heure, lorsqu'il sera question des bibliothèques scolaires.

Alors, donc, j'accompagne M. Roger Turcotte, qui est notre grand spécialiste de tous les dossiers, évidemment, qui touchent le secteur du manuel scolaire, c'est notre vice-président. Il est accompagné aussi de M. Raymond Vézina, qui a été mon prédécesseur à l'Association. Alors, très brièvement, c'est essentiellement M. Turcotte qui va faire l'exposé. J'interviendrai tout rapidement à la fin pour parler, donc, des bibliothèques scolaires.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien. Merci, M. Del Busso. M. Turcotte.

(9 h 50)

M. Turcotte (Roger): L'avant-projet de loi modifiant la loi sur l'instruction publique propose un nouveau partage des responsabilités entre l'école, la commission scolaire et le gouvernement, et constitue un volet important de la réforme en éducation. Ce volet, cependant, selon nous, ne prend son sens qu'en le juxtaposant avec les autres éléments tout aussi importants de la réforme.

Dans l'allocution d'ouverture de Mme la ministre, l'ouverture de la commission parlementaire de l'éducation du 2 septembre, vous disiez, Mme Marois: «Camper les travaux de cette commission à l'enseigne plus large et plus globale de tous les aspects de la réforme en éducation.» Bien sûr, l'avant-projet de loi concerne surtout la nouvelle répartition des pouvoirs, un des éléments du plan d'action déposé en février dernier. Cependant, les travaux de cette commission vont au-delà de la nouvelle répartition des responsabilités et prennent un sens seulement si on les juxtapose, selon nous, aux autres éléments de la réforme, notamment la réforme des programmes, suite au rapport du groupe de travail sur la réforme du curriculum, Réaffirmer l'école .

Sans connaître et sans attendre l'énoncé de politique gouvernemental qu'on nous annonce pour fin septembre concernant les curriculums et les programmes, on peut présumer – en fait, tout le monde le sait – que d'importants changements sont imminents: changements concernant les démarches pédagogiques, changements concernant les programmes, changements concernant les savoirs, changements concernant l'organisation des savoirs à transmettre.

La réforme en éducation s'appuiera sur les enseignants et les enseignantes, c'est mentionné dans tous les documents qui en traitent, et confirme par le fait même leur compétence dans les champs de compétence pédagogique, dans le choix, donc, des méthodes pédagogiques, le choix des manuels scolaires, les modalités d'évaluation des apprentissages. Cependant, demandera-t-on à l'enseignant ou à l'enseignante de créer lui-même le curriculum, de réinventer à chaque jour dans sa classe un curriculum, d'organiser lui-même tout le savoir à transmettre, de tout connaître de lui-même du savoir et de l'organisation du savoir, sans outils, sans aide, sans support? Bien sûr que non. Et le législateur de la législation, de l'avant-projet de loi, le législateur le reconnaît, les enseignants le demandent, et nous l'approuvons.

L'avant-projet de loi cible la mission d'instruire comme première mission de l'école, tout en plaçant d'abord l'enseignant, ensuite l'école, au centre de l'action. La réforme en éducation tient compte des acquis: curriculum national, matériel approuvé par le ministère de l'Éducation, accès gratuit et garanti aux manuels et au matériel didactique pour l'élève. Ces acquis sont confirmés dans le maintien de plusieurs articles de la Loi sur l'instruction publique. L'Association nationale des éditeurs de livres approuve cette orientation; les citoyens, les parents approuveront aussi. Ce sont, dans le fond, des garanties de l'égalité des chances partout sur l'ensemble du territoire.

La réforme qui est entreprise sera profonde. Aussi, pour que la réactualisation de la Loi sur l'instruction publique ne se limite pas à un simple exercice mécanique, il faut, en ce qui concerne l'élève, non seulement que les modifications respectent ses droits, mais il faut également que le texte renouvelé de la loi les affirme encore plus clairement et encore plus explicitement. Au moment où la société québécoise décide, dans le fond, de raffermir et de réaffirmer le rôle de l'école et de redistribuer les responsabilités entre les différents acteurs de l'éducation, les lois doivent garantir les droits de l'élève touchant l'accès gratuit aux manuels scolaires, au matériel didactique et aux ressources documentaires.

Les recommandations que nous soumettons à la commission de l'éducation chargée d'étudier l'avant-projet de loi visent essentiellement deux objectifs. Premièrement, nous sommes d'avis que le cadre juridique doit comprendre des mécanismes de contrôle pour affirmer plus systématiquement les droits de l'élève. Deuxièmement, nous sommes d'avis que le texte modifié de la loi doit être plus explicite quant au droit de l'élève à un manuel approuvé et gratuit dans chaque discipline. Il s'agit d'un rôle, disons, didactique de la loi qui, au-delà de la rigueur et de la logique d'un document juridique, doit informer clairement les acteurs du monde de l'éducation des devoirs et des responsabilités de chacun.

Encore une fois, le groupe de travail présidé par M. Inchauspé le soulignait, il est temps de réaffirmer la mission première de l'école: instruire. Concrètement, ça signifie introduire le savoir dans l'école. Il est bien sûr présent au coeur et dans l'âme des enseignants, mais il le sera aussi dans les instruments et les outils.

Pour transmettre adéquatement à l'élève le savoir, le savoir-faire et le savoir-être que notre société souhaite qu'il maîtrise, tel que longuement discuté et analysé dans le rapport du groupe de travail présidé par M. Inchauspé, l'école doit s'assurer que l'élève dispose personnellement du matériel didactique requis par tous les programmes d'études. C'est un principe fondamental qu'il faut exprimer avec vigueur et clarté dans la Loi sur l'instruction publique. Nos recommandations vont dans ce sens-là.

En matière de gratuité du matériel didactique, il faut réaffirmer les droits de l'élève. Notre recommandation, dans le fond, c'est que, spécifiquement, le directeur d'école s'assure que chaque élève dispose gratuitement des manuels scolaires et du matériel didactique requis pour l'enseignement des programmes d'études. En matière de gratuité de matériel didactique, il faut prévoir des budgets spécifiques et adéquats. Notre recommandation: Que le budget de l'école doit prévoir les ressources allouées à l'acquisition des manuels scolaires et du matériel didactique.

En matière d'acquisition de matériel didactique, il faut prévoir imputabilité et transparence. Notre recommandation: Que le rapport annuel que le conseil d'établissement transmet à la commission scolaire doit obligatoirement inclure la liste et la quantité de tout matériel didactique utilisé et acheté, y compris les cahiers d'exercices et les photocopies, de même que les sommes consacrées à chacun des postes budgétaires concernés.

En matière de ressources bibliographiques et documentaires et de ressources en bibliothèque, je laisserai le soin, en terminant, à M. Antoine Del Busso, président de l'Association, de vous présenter nos arguments et nos recommandations.

Finalement, en fait, il s'agit de s'assurer que le matériel requis est réellement mis à la disposition des élèves et des enseignants. Il s'agit également de s'assurer que les budgets adéquats pour l'acquisition du matériel nécessaire soient réellement prévus et réellement utilisés par l'école.

L'avant-projet de loi, dans le fond, prévoit... Et là je pourrais citer un commentaire de Mme la ministre dans son allocution d'ouverture: En matière de ressources humaines, matérielles et financières, l'école fait part à la commission scolaire de ses besoins en personnel, en biens et services, et de ses besoins de locaux. Elle devra d'ailleurs adopter les budgets en conséquence. Nous souhaitons que les principes d'imputabilité et de transparence s'appliquent plus spécifiquement au matériel didactique. En ce qui concerne les ressources en bibliothèque, je cède la parole à notre président, M. Antoine Del Busso.

La Présidente (Mme Blackburn): M. Del Busso.

M. Del Busso (Antoine): Alors, très rapidement, je ne veux pas reprendre les arguments bien connus des critiques qui sont adressées aux bibliothèques scolaires, leurs déficiences, leurs carences. Tout simplement, je voudrais rappeler ici que, évidemment, à l'Association, nous considérons que le livre et la lecture sont les instruments par excellence d'accès à la culture. Alors, je crois que je n'étonnerai personne en disant ça, mais c'est quand même une vérité qu'il est bon de réaffirmer de temps en temps.

Pour ma part, je me réjouis de voir que notre ministre de la Culture a l'intention de présenter une loi, une politique sur le livre et la lecture; c'est une pièce essentielle. Et je me réjouis également de voir qu'il y a une collaboration entre les deux ministères. Je pense qu'il était temps qu'on établisse des ponts de façon directe, et on ne peut que souhaiter que ça aille de plus en plus dans ce sens-là.

Alors, je voudrais tout simplement m'appuyer sur cette exigence d'augmenter le contenu culturel à l'école et d'y avoir accès, de permettre l'accès aux élèves au maximum, pour reprendre, tout compte fait, les arguments que nous avons présentés pour le matériel didactique et les appliquer aux ressources aussi bien humaines et documentaires qui doivent exister dans les bibliothèques scolaires.

Alors, c'est le sens de notre recommandation, qui se lit comme suit: Que le rapport annuel que le conseil d'établissement transmet à la commission scolaire doit obligatoirement inclure la liste des ressources bibliographiques et documentaires acquises par l'établissement, de même que les sommes consacrées à ce poste budgétaire. Alors, c'est le sens de notre recommandation. Je pense que ça s'inscrit dans la logique, un peu, de tout ce que nous avons présenté dans notre mémoire. Je crois que nous sommes prêts, maintenant, à répondre à des questions.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien. Merci, M. Del Busso. Alors, la parole est maintenant à Mme la ministre de l'Éducation. Mme la ministre.

(10 heures)

Mme Marois: Merci, Mme la Présidente. Alors, j'apprécie votre présentation. Évidemment, je pense que vous avez bien saisi le sens de ce que l'on veut faire. Nous voulons effectivement introduire plus de rigueur, être plus exigeants dans l'ensemble de notre système et de notre dispositif éducatif et, en ce sens, nous avons eu des recommandations tout à fait intéressantes de la part des gens que nous avons mandatés pour ce faire. Il y a le dernier rapport du groupe Inchauspé, que je traîne religieusement avec moi parce que je pense que c'est particulièrement intéressant ce qu'on nous y propose, et on donnera écho effectivement d'ici peu de temps, entre autres, sur toute la question du curriculum et des compétences transversales auxquelles vous faites d'ailleurs référence et qui vont confirmer pour l'essentiel, comme je l'avais déjà mentionné en juin dernier, les bases de ce qui nous est proposé.

Maintenant, je voudrais revenir à vos propositions plus spécifiques. D'abord, peut-être une première chose. Vous savez que ma collègue la ministre de la Culture, avec laquelle je travaille très étroitement, est en train de préparer une politique de la lecture, et vous devez sûrement suivre cela, si ce n'est de près, du moins de pas trop loin, et nous sommes très associés à ces travaux parce que, évidemment, vous avez raison, il y a une synergie absolument essentielle, souhaitable et nécessaire, d'ailleurs, entre ce que nous faisons à l'Éducation comme ce qui se fait à la Culture. D'ailleurs, je peux vous dire que, dans le cadre de la préparation du plan... pas du plan comme de l'énoncé de la politique éducative sur le curriculum, nous avons travaillé très étroitement ensemble au sein d'un comité, qui s'appelle le Comité ministériel de l'éducation et de la culture, pour nous assurer que l'ensemble des perspectives allaient être prises en compte. Alors donc, en ce sens, par rapport aux ressources et aux questions des achats de bibliothèques ou autrement, ça devrait être pris en compte dans cette politique. D'ailleurs, vous savez aussi qu'il y a un protocole éducation-culture dont nous sommes très fiers et que nous appliquons maintenant d'une façon de plus en plus systématique dans nos établissements.

Maintenant, je reviens aux propositions plus concrètes que vous faites. Le dilemme que l'on a – et je l'ai dit à d'autres groupes qui sont venus devant nous – c'est entre tout dire dans une loi et tout décrire et, par ailleurs, établir des principes, créer des obligations, mais laisser les décideurs et les responsables dans les institutions, leur laisser la responsabilité d'identifier les moyens pour rendre compte. Donc, créer une obligation, d'une part – je pense à cet exemple qui vous préoccupe particulièrement qui est l'achat de matériel scolaire et de livres scolaires, de matériel didactique – alors, il y a une obligation d'abord de gratuité, elle est bien inscrite dans la loi, cette obligation, d'une part, et, d'autre part, il y a une obligation de rendre compte effectivement à deux niveaux: à la commission scolaire, il y en a une, et au conseil d'établissement aussi, entre autres sur le projet pédagogique et les résultats qu'il permettra d'atteindre, et les outils que l'école aura à utiliser, que l'institution aura à utiliser pour atteindre évidemment ces objectifs de réussite des enfants selon le projet particulier que les gens de l'institution, donc le conseil d'établissement, auront choisi.

Donc, ces obligations, on les laisse, elles sont à la loi. On en ajoute avec l'avant-projet de loi, l'obligation de transparence est encore plus grande. Est-ce qu'on doit aller aussi loin – et c'est ce que vous nous demandez – que de définir d'une façon précise dans une loi ce qu'on va demander comme reddition de comptes, sachant qu'il y a l'obligation de toute façon dans la loi, d'une part, quant à la gratuité du matériel, et, par ailleurs, quant à une obligation de rendre des comptes sur les résultats?

Par ailleurs, je vous rappelle aussi que, dans le régime pédagogique – comme vous fréquentez les milieux de l'éducation de très près, vous savez, vous connaissez le régime pédagogique – quand on va au régime pédagogique, à l'article 48 qui concerne l'éducation préscolaire et l'enseignement primaire, alors les articles 48, 40 et 62 en ce qui a trait à l'enseignement secondaire prescrivent – c'est une prescription, donc c'est une obligation – que chaque élève doit disposer personnellement d'un ou des manuels choisis conformément à la loi et avoir accès à du matériel choisi conformément à la loi. Alors, est-ce qu'il est vraiment nécessaire d'aller plus loin? Parce que vous nous demandez de préciser davantage, de mettre dans la loi la façon dont on doit rendre compte de l'obligation. Parce que l'obligation, elle peut être en tout temps questionnée, hein, dans le sens où ce que vous nous dites, c'est qu'il y en a qui ne le respectent pas. Mais le fait d'en ajouter va-t-il les amener à le respecter davantage, puisque l'obligation existe déjà? Et, en tout temps cependant, on peut demander des comptes. On peut dire: Est-ce qu'il y a dans telle école, tel que le prescrit la loi, tel que le prescrit le régime pédagogique, la disponibilité de matériel scolaire? C'est ça, ma question.

La Présidente (Mme Blackburn): Oui. Alors, M. Turcotte.

Mme Marois: Parce que c'est l'essentiel de votre proposition, alors je pense qu'il faut aller au coeur de ça.

La Présidente (Mme Blackburn): M. Turcotte.

M. Turcotte (Roger): Mme Marois, on s'appuie, dans le fond, nous aussi, sur un ensemble de documents qui existaient déjà. Vous parlez du régime pédagogique. On peut parler de la Loi sur l'instruction publique actuelle.

Mme Marois: Bien sûr.

M. Turcotte (Roger): Et, dans le fond, en ce qui concerne nos recommandations, on ne fera pas une grosse révolution, et, dans le fond, on savait un peu qu'on pouvait nous attendre avec ce genre de question parce qu'on n'a fait que redire ce qui était déjà et on n'a fait que vous encourager à continuer dans le même sens, à savoir maintenir dans la prochaine loi ce qui était déjà prévu, et dans la loi et dans le régime pédagogique. Fort bien.

On sait aussi qu'il y avait des dérapages importants concernant justement la disponibilité du manuel scolaire pour chaque élève dans chaque discipline dans les écoles. C'est resté un voeu pieux. Et, dans le fond, même si la loi telle qu'elle est proposée prévoit déjà des obligations, nous ne demandons pas des contrôles, nous ne demandons pas des mécanismes rigoureux et compliqués de contrôle additionnels. Tout ce que nous demandons, dans le fond, et on pense sérieusement que c'est tout simplement un oubli lors de la rédaction...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Marois: Ha, ha, ha! C'est une façon élégante de dire...

M. Turcotte (Roger): On demande tout simplement que ça fasse l'objet d'un rapport en bonne et due forme. Et ce qui nous laisse croire qu'il y a peut-être eu un tel oubli, c'est tout simplement qu'en transférant certaines responsabilités et obligations et certains pouvoirs, d'un certain point de vue, de la commission scolaire à l'école vers le conseil d'établissement, on a maintenant ajouté certains rapports, qui n'étaient pas dans l'ancienne loi, concernant des locaux, concernant l'utilisation du personnel et des besoins en termes de personnel. Et on croit que la pédagogie, c'est aussi important que la brique et le chauffage et qu'un tel rapport devrait être acheminé. On ne parle pas de contrôle. On ne parle pas de coûts énormes additionnels. On demande tout simplement, d'un certain point de vue, un observatoire centralisé pour que le ministère et les autres instances dans ce processus-là mesurent bien si l'intention du législateur a été respectée. Rien d'autre.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, M. Turcotte. Mme la ministre.

Mme Marois: Mais je vais faire une petite nuance. Dans le cas présent, ce n'est pas l'intention du législateur, et ça, c'est important de la faire, comme nuance, vous le savez, c'est l'obligation que fait le législateur à l'administrateur de rendre disponibles tel service, tel matériel didactique, tel document pédagogique, et c'est plus fort, pas mal plus fort qu'une directive, parce que c'est...

M. Turcotte (Roger): D'un certain point de vue, Mme la ministre, vous avez tout à fait raison quand vous dites que nos recommandations, dans le fond, n'ajouteraient pas grand-chose. Ça aurait peut-être une valeur didactique pour la loi d'informer correctement le milieu de l'intention. Encore une fois, on s'appuie sur l'expérience des années antérieures où le cadre législatif et les règlements étaient, à toutes fins pratiques, les mêmes que ceux que vous proposez et, d'un certain point de vue, nous, on prétend, on a des informations, on observe que ce n'est pas tout à fait respecté. Dans le fond, c'est un secret de polichinelle. Mais je vous dirais, Mme la ministre, qu'on n'a pas l'outil, ni vous ni nous, pour le mesurer actuellement. On ne collige pas les achats, ce n'est pas centralisé, cette information-là, actuellement, au ministère de l'Éducation ou ailleurs. Les budgets ne sont pas séparés non plus.

(10 h 10)

Mme Marois: Non, ça, et vous avez raison. Non, je ne peux pas prolonger ma période de questions, je reviendrai rapidement, Mme la Présidente, je reviendrai.

La Présidente (Mme Blackburn): Mais vous reviendrez. Oui, oui, vous reviendrez, il vous restera du temps. Vous vouliez réagir, M. Vézina.

M. Vézina (Raymond): Simplement donner un détail. On est peut-être la seule province au Canada où de telles données ne sont pas accessibles, ne sont pas disponibles. En Ontario, en Colombie-Britannique, on sait combien il se dépense par tête d'élève pour le matériel didactique, audiovisuel et autre, et par manuel scolaire de base. Or, c'est un peu inconsistant qu'on soit un petit peu en dehors des circuits, parce qu'on nous prétextait toujours dans le passé que c'est la responsabilité exclusive des commissions scolaires de le faire et qu'elles ne faisaient pas de rapport, justement, sur ce point-là particulier. Or, c'est dans l'intérêt de tout le monde, je pense, autant de la population, des parents que du gouvernement, et des éditeurs scolaires, évidemment on s'inclut là-dedans, d'avoir ces données-là.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, M. Vézina. Une brève réaction.

Mme Marois: Il y a une nuance, cependant. Il n'y a pas d'obligation dans certaines provinces, vous savez ça.

M. Vézina (Raymond): Mais les données sont colligées. Ça existe dans tous les pays du monde aussi.

Mme Marois: Les données sont colligées, mais il n'y a pas d'obligation, sauf que je ne suis pas sûre qu'on est gagnant en bout de piste. Il n'y a pas d'obligation pour les manuels scolaires.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien. Merci, Mme la ministre.

M. Turcotte (Roger): Mme la ministre...

La Présidente (Mme Blackburn): Oui, M. Turcotte. Pas tous en même temps.

M. Turcotte (Roger): ...on ne vous demande pas de remplacer l'obligation par le rapport. On voudrait que ça s'ajoute.

Mme Marois: D'accord. J'ai compris. Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Blackburn): Bien. Merci. M. le député de Marquette, porte-parole de l'opposition officielle en matière d'éducation. M. le député, la parole est à vous.

M. Ouimet: Merci, Mme la présidente. Je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Association nationale des éditeurs de livres.

Pour faire suite à la discussion qui vient d'avoir lieu, quand même, au niveau du ministère, avez-vous déjà vu le rapport annuel qui est demandé à chacune des commissions scolaires? Il comporte 200 pages, il est extrêmement détaillé, et on demande quantité d'informations. C'est une source d'informations très précieuse. Et je vais revérifier à savoir si on pose des questions par rapport aux investissements faits par rapport à l'achat de matériel, de manuels scolaires ou de matériel didactique. Mais je ne penserais pas. Mais qu'est-ce qui empêcherait d'ajouter dans le rapport annuel cette demande-là? Elle est faite à tous les directeurs de service des finances de l'ensemble des commissions scolaires, et j'en ai commandé moi-même énormément, l'année passée, de plusieurs commissions scolaires pour faire certains suivis.

Parce que la question que vous soulevez, la transparence des fonds et l'utilisation de ces fonds-là, c'est une question qui fait problème, pas juste au niveau du matériel didactique, des manuels scolaires, mais c'est la même chose... l'organisme qui vous a précédés faisait les mêmes demandes au niveau des garderies. Hier et avant-hier, ça a été la même chose au niveau des élèves handicapés et ayant des difficultés d'adaptation et d'apprentissage. Les gens veulent savoir. L'État fournit des fonds pour répondre à certains besoins, mais c'est tout transmis à la commission scolaire dans une seule enveloppe et puis, par la suite, on ne sait pas ce qui arrive de ces fonds-là. Or, vous comprendrez que même au niveau de la commission scolaire, souvent, il y a une série d'obligations qui lui sont faites, mais, par la suite, il n'y a pas suffisamment de ressources financières pour répondre à l'ensemble de ces obligations-là. Je me souviens comme président de la commission scolaire, au niveau du ministère de l'Environnement nous devions respecter un règlement qui nous invitait à nous départir de certaines fournaises avant telle année. Il y avait un retard de 10 à 15 ans parce que c'était trop coûteux. Alors, les gouvernements, les différents ministères font des demandes au niveau des commissions scolaires, mais arrive le moment où il n'y a pas suffisamment de fonds. Alors, la question que vous posez, moi, je pense, pourrait au moins clarifier la situation.

Je voulais vous poser la question: Avez-vous des données sur le nombre d'élèves au Québec qui n'ont pas accès à leurs livres, à leurs manuels? Moi, j'avais soulevé le cas de la commission scolaire catholique de Sherbrooke. Ça a fait l'objet de plusieurs articles de journaux, dans La Tribune , et c'était manifeste qu'il n'y avait pas assez de manuels scolaires pour les élèves. Et ça faisait partie des revendications des comités de parents.

Je vais vous laisser répondre à cette question-là, mais, avant d'y répondre, je ne veux pas vous placer au banc des accusés, mais je veux vous soulever une préoccupation de la Fédération des comités de parents de la province. Ils disaient dans leur mémoire, hier, à la page 6: «Au regard du principe du maintien de la gratuité scolaire, un sondage réalisé par la Fédération démontre que le cahier d'exercices est l'élément qui coûte le plus cher aux parents», et on donne des chiffres: 45,34 $ au primaire et 61,61 $ au secondaire. Et on dit: «Pourtant, en 1992, une consigne du ministère de l'Éducation exigeait des maisons d'édition – que vous représentez – que les manuels scolaires comportent suffisamment d'exercices pour éviter l'obligation aux parents d'acheter des cahiers d'exercices.» Je ne veux pas vous mettre au banc des accusés, mais je veux savoir où on en est par rapport à cela. C'est une préoccupation de l'ensemble des parents de la province. Et, d'année en année, le principe de la gratuité scolaire est érodé; il existe sur le plan législatif, mais n'est pas respecté.

La Présidente (Mme Blackburn): M. Turcotte.

M. Turcotte (Roger): Bien, je vous remercie de poser ces deux questions qui nous permettent de préciser un peu notre position.

Premièrement, concernant la disponibilité de l'information quant aux ressources budgétaires consacrées, allouées à l'achat de matériel didactique dans les commissions scolaires, concernant les informations pour ce qui est de la non-conformité de certains établissements aux règlements et à la loi qui prévoient de mettre à la disposition des élèves un manuel dans chaque discipline, on n'a pas de données précises. On a un ensemble d'observations, qui ne sont pas scientifiques. On peut le constater tous les jours en visitant des écoles. Nos représentants, nos délégués pédagogiques le rencontrent tous les jours, le phénomène où il n'y a pas du tout de manuels, de vieux manuels ou quelques exemplaires seulement dans le coin de la classe à la disposition des élèves.

Justement, l'ensemble de nos propositions, de nos recommandations, c'est pour en arriver à construire cet observatoire, pas uniquement pour nous, pour le législateur, pour le ministère de l'Éducation. Cette réforme va réussir si l'enseignant embarque. Tous les documents le disent, le rapport Inchauspé au premier chef. Moi, j'ajouterais «s'ils ont aussi les outils». Les recommandations, c'est pour arriver à ramasser cette information qu'on n'a pas. D'ailleurs, ça fait 20 ans qu'on le demande à travers les différents canaux de communication, Association des éditeurs, ministère de l'Éducation, à travers le Québec et d'autres.

M. Ouimet: À cet égard-là, le rapport annuel, si vous avez la chance de le commander, c'est préparé par le ministère, ça comporte 200 pages, il m'apparaît que ce serait extrêmement simple d'ajouter une ligne pour demander aux commissions scolaires de détailler les sommes d'argent investies au titre des manuels scolaires et du matériel didactique.

M. Turcotte (Roger): Ce qu'on souhaite, c'est qu'il y ait une forme de rapport qui soit un peu prescrite et cette forme permettra de colliger l'information et de la centraliser. Ce n'est pas de la bureaucratie, c'est une question d'observation de ce qui se passe. Le législateur a prévu maintenir un curriculum national, maintenir des manuels approuvés, sachant que ce seraient des espèces de garanties qu'un minimum serait respecté au sens des intentions du curriculum et des propositions de réforme en éducation et de transmission du savoir. Il ajoute et il maintient dans la loi que quelqu'un – en l'occurrence, ce sera le directeur de l'établissement – est responsable de n'acheter que du matériel approuvé. Les règlements prévoient qu'il doit le faire dans toutes les disciplines. Nous, ce qu'on demande, c'est qu'il soit obligé d'en faire rapport sous une forme qui nous permettra de ramasser cette information. Dans le fond, c'est de l'angélisme que de prévoir que ça va se faire tout seul.

Concernant le fameux débat des cahiers d'exercices, bon, premièrement, il faut remettre certains éléments à la bonne place dans ça. C'est clair et net que gratuité scolaire oblige. Si ce n'est pas très explicite dans la tête des usagers du système scolaire – les parents, les enfants d'abord – que certains éléments doivent être pris en compte par les parents et débordent le cadre de la gratuité scolaire, le débat va toujours être ramené sur la place publique. Il fut un temps où les cahiers d'exercices étaient, dans certains cas, approuvés par le ministère de l'Éducation parce qu'ils complétaient, comme matériel complémentaire, du matériel de base également approuvé, et on jugeait – dans certains cas, c'était même inscrit dans le devis préparé par le ministère de l'Éducation – que les exercices qui étaient prévus sur de tels supports périssables étaient la façon la plus intelligente d'interroger l'élève, de le faire travailler, de l'amener à acquérir certaines connaissances et d'atteindre certains objectifs. Ça n'a pas changé. Si on interroge les enseignants, c'est un outil qu'ils valorisent d'un certain point de vue – j'y reviendrai – peut-être trop dans certains cas.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien. Merci, M. Turcotte. M. Vézina, vous vouliez prendre la parole?

M. Vézina (Raymond): Oui, c'était sur...

M. Ouimet: Mais, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Blackburn): Si vous permettez, M. le député, on va le laisser parce que ça fait déjà un moment que M. Vézina attend et il va réagir, j'imagine, sur le même sujet.

M. Ouimet: C'est parce que la question n'a pas été répondue au niveau de la consigne du ministère, qui ne semble pas respectée. Si M. Vézina voulait élaborer là-dessus également.

M. Vézina (Raymond): Oui. Bien, la première observation, c'était sur... La demande qu'on fait pour le matériel didactique s'applique aussi au matériel de documentation, les livres en bibliothèque, donc, là aussi, dans le même rapport, qu'il y ait la distinction entre le matériel didactique et les acquisitions de budget de matériel documentaire dans les bibliothèques.

(10 h 20)

Sur le cahier d'exercices même, il faut voir qu'il y a eu une évolution aussi du côté des parents. Dans le mémoire antérieur que la Fédération des comités de parents avait présenté au ministère de l'Éducation, un document qui date de 1993 ou 1992, on réclamait des cahiers d'exercices, on réclamait qu'ils soient gratuits et on réclamait qu'ils soient approuvés par le ministère de l'Éducation. Là-dessus, les parents, comme l'Association des directeurs d'école le réclame d'ailleurs, ils pensent que le cahier est un bon outil, mais qu'il y a eu des abus dans le passé, et ça, on est disposé à le reconnaître. Qu'on ait des cahiers qui ne soient pas remplis, qui ne soient pas remplis au tiers et qu'on fasse acheter, qu'il y ait eu des disparités dans les prix pratiquées pour des raisons qui ne relèvent pas des maisons d'édition mais de tout le circuit de distribution parallèle qui passe à la fois par les librairies et par les comités de parents et les directeurs d'école, il y a eu des abus de ce côté-là, on est prêt à le reconnaître.

Mais ça n'enlève pas que, sur le plan économique, sur le plan pédagogique et sur le plan didactique, le cahier, lorsqu'il n'est pas trop gros, lorsqu'il est bien fait et qu'il est directement complémentaire à un matériel de base – on ne parle pas des cahiers qui remplacent des manuels scolaires, on parle de ceux qui sont directement liés à l'apprentissage du français, des langues secondes et de la mathématique... Si on n'a pas de cahier, qu'est-ce qui se passe? On l'a vu déjà dans le passé, c'est le règne des documents en pièces détachées, c'est le règne des documents de moindre qualité qui sont élaborés sur place. À Sherbrooke, c'est le cas typique de la commission scolaire où on avait du matériel maison qui prenait le plus souvent la forme de cahiers d'exercices et qui n'était jamais soumis à l'approbation du ministère de l'Éducation.

Alors, on ne veut pas défendre le cahier d'exercices à tout prix, mais notre position, c'est qu'il y a là un instrument utile et c'est souvent moins cher, quand on compte les frais d'acquisition, de préparation, de photocopie dans les commissions scolaires, d'avoir un matériel qui est bien fait et dont les prix, d'ailleurs, chez les éditeurs... on a contribué dans les cahiers qui accompagnent les mathématiques et le français, pour ne donner que ces exemples, à abaisser beaucoup les coûts par élève. Nos cahiers ne se vendent jamais 40 $, mais ça peut arriver qu'un cahier soit 7 $, 8 $, et qu'il y en ait trois ou quatre à acheter dans différentes disciplines. Qu'on restreigne le nombre de disciplines, qu'on voie où c'est essentiel.

Jadis, il y avait des cahiers approuvés en français, en mathématiques et en anglais langue seconde, en langue seconde. C'est peut-être une solution. On ne veut pas revenir là-dessus dans la loi, mais, nous, on pense que ça coûte autant sinon plus cher en termes d'efficacité pédagogique et économique aux écoles et aux commissions scolaires de remplacer le cahier d'exercices parce que, de toute façon, parlez-en aux enseignants, ils vont s'en faire eux-mêmes s'il n'en ont pas de disponibles sur le marché. Et depuis, la règle d'ailleurs, une statistique qu'on peut donner, il y a eu des statistiques qui ont été colligées par sondage dans les écoles et, effectivement, on peut dire que la directive du ministère, qui remonte maintenant à 1995, n'a pas eu d'effet significatif sur les acquisitions de matériel didactique périssable dans les écoles.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien. Merci, M. Vézina. Vouliez-vous ajouter quelques remarques, M. Del Busso?

M. Del Busso (Antoine): Oui, je voulais ajouter une remarque concernant une recommandation qui converge – je pense que ça vaut la peine de la signaler – vers la nécessité d'un observatoire du livre. Je ne sais pas si les membres de la commission sont au courant qu'au mois d'avril de cette année il y a eu un forum du livre qui réunissait, en fait, tous les secteurs du marché du livre, toute la chaîne du livre, qu'on appelle. Et on a débattu de beaucoup de questions, il y a eu rarement de consensus, il y a eu beaucoup de sujets à controverse. Mais il y a une chose qui a vraiment fait l'unanimité – alors là, c'est l'unanimité absolue dans tous les milieux – c'est la nécessité d'avoir des informations qui soient fiables et qui nous permettent d'aller de l'avant. Et c'est aussi vrai dans le domaine scolaire comme dans le domaine de la littérature générale de la librairie. Je pense que c'est une nécessité incontournable que d'aboutir à un observatoire du livre. C'est pour ça que nos recommandations vont dans ce sens-là. Je pense que ça permettrait d'obtenir des données fiables d'année en année qui nous donneraient des informations absolument indispensables.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, M. Del Busso. Mme la ministre, des observations, commentaires, questions, et brièvement.

Mme Marois: Oui, brièvement. Je pense que c'est intéressant la discussion qu'on a. Quand on nous présente l'exemple de Sherbrooke, comme il n'y a pas d'obligation justement de faire approuver ce matériel d'exercices, ça peut être une façon pour la commission scolaire d'adapter à sa réalité et à son projet pédagogique des outils qu'elle est en mesure de bâtir. C'est sûr que ce que vous faites – et ça, je l'apprécie particulièrement, ce que vous faites – est toujours de grande qualité. Il peut y avoir des exceptions, ça arrive dans la vie, partout, mais on est très fier de ce qu'on fait dans nos manuels scolaires. On a une belle qualité, une belle production à cet égard, qui est exportable d'ailleurs, et qui est particulièrement intéressante. Moi-même qui les approuve, ces livres, je peux vous dire que je regrette toujours de ne pas être capable de m'en prendre une copie pour moi-même. Je les trouve tellement beaux, ces livres, et bien faits. On fait une analyse très serrée au ministère, d'ailleurs, de chacun de ceux-ci à bien des égards.

Mais, en même temps, je me dis que la stratégie qu'a utilisée la commission scolaire de Sherbrooke, on ne peut pas la lui reprocher. Si elle s'est dessiné du matériel d'exercices adapté à ses enseignants, puis on a suffisamment de professionnels évidemment dans nos réseaux – je pense aux conseillers pédagogiques, je pense aux spécialistes et aux profs eux-mêmes – pour penser qu'ils puissent atteindre un niveau de qualité qui soit tout à fait intéressant et qui réponde aux besoins, évidemment, des enfants, on ne peut pas reprocher cette stratégie-là à une commission scolaire. Et on peut souhaiter effectivement, auprès des éditeurs, que le matériel soit accessible et disponible à des coûts acceptables et abordables, si on veut, pour les parents. Je pense qu'on convient bien de ça.

Je voulais juste ajouter une petite chose. Quand vous dites que c'est un indicateur intéressant que de voir combien on achète et à quel niveau de volume et à quel niveau de renouvellement on se retrouve, etc., c'est vrai que ça peut être intéressant. Mais, moi, je voudrais qu'on travaille à l'éducation, et je vous le dis, je voudrais qu'on travaille à l'éducation plutôt sur des objectifs de résultats et des indicateurs d'atteinte de ces objectifs. Et quand bien même on aura acheté 10 000 livres ou 10 000 manuels, si on ne réussit pas plus dans nos écoles, est-ce que c'est le manuel qui va avoir fait qu'on réussit ou pas? On se comprend?

M. Del Busso (Antoine): Oui.

Mme Marois: Vous me suivez bien, j'en suis certaine, sur ce chemin-là, sur cette route-là. Et l'important, c'est de dire: Voici les objectifs que nous poursuivons et quels sont les moyens que nous utilisons pour y arriver et, ensuite, se dire: Est-ce que nous y arrivons? Et les mesurer, évidemment. Alors, est-ce que c'est un indicateur qui devrait être retenu? Est-ce qu'il n'y en a pas d'autres? Et c'est pour ça que je suis un peu hésitante. Je vous le dis très franchement, je suis un peu hésitante à ce qu'on aille plus loin dans la loi quant à d'autres demandes qui seraient faites à nos écoles ou à nos commissions scolaires.

Je me permets une petite remarque, mais, évidemment, je ne suis pas en mesure de l'affirmer formellement. Généralement, dans nos écoles, il y a du matériel pédagogique et il y a les outils pour l'enseignement. C'est vrai que, dans une classe de 30, il n'y a pas 30 dictionnaires, mais il y a des dictionnaires; il y a des fois qu'il y en a 30 puis il y a des fois qu'il y en a 15. Et généralement, dans les écoles, le matériel est disponible. Il peut être vieillot parfois, mais accompagné souvent d'autres outils que les professeurs ont développés.

Enfin, c'est mes derniers commentaires, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Blackburn): Alors, en conclusion, M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Je veux remercier les représentants de l'Association nationale des éditeurs de livres pour leur contribution à nos travaux, et peut-être une dernière petite question avec la réforme des curriculums qui va apporter...

La Présidente (Mme Blackburn): M. le député...

M. Ouimet: Je me permets, Mme la Présidente, je ne pense pas que, de ce côté-ci, nous empiétions sur le temps. On remarque que nous avons un droit de parole alors que la ministre en a deux. Alors, laissez-moi juste terminer, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Blackburn): M. le député de Marquette, j'essaie d'être tout à fait équitable. Si on fait relever le nombre de minutes... Je tiens le temps de façon assez rigoureuse. Votre période de questions a été un petit peu plus longue. Je vous la concède, mais en autant qu'elle soit brève et que la réponse le soit aussi. Merci.

M. Ouimet: C'est en lien avec le rapport Inchauspé, la réforme des curriculums, la réforme des programmes d'études qui va s'ensuivre et, par la suite, les manuels scolaires qui devront refléter les nouveaux programmes d'études. Pensez-vous que nous allons y arriver à mettre de l'avant cette réforme des curriculums, lorsque j'ai entendu publiquement l'engagement de la ministre que les argents devront être pris à même les budgets que nous avons en éducation, qu'il n'y aura pas d'investissements nouveaux pour la réforme des curriculums? En d'autres termes, il n'y aura pas un sou de plus qui sera investi pour l'achat de manuels scolaires ou de matériel didactique. Et pourtant nous allons réformer de façon importante et majeure le curriculum.

La Présidente (Mme Blackburn): M. Turcotte.

(10 h 30)

M. Turcotte (Roger): Bon. En ce qui concerne les budgets pour l'acquisition des nouvelles ressources didactiques qui seront devenues, dans le fond, nécessaires suite au changement des programmes et à la réforme du curriculum, je n'ai pas la réponse. C'est sûr que ça va prendre un budget. Est-ce que le budget est disponible, sera disponible? Moi, je m'en remets à la déclaration de Mme la ministre à l'ouverture de la commission qui disait que la marge de manoeuvre du gouvernement devrait s'améliorer dans les prochaines années. Cette réforme-là devra, selon nous, et on l'a déjà recommandé, se faire selon des calendriers réalistes et peut-être pas aussi précipités que ce que semblaient le recommander certains chapitres du rapport Inchauspé. Donc, si ça se fait dans ce sens-là, oui, les argents devraient être disponibles, puisque, de toute façon, sans réforme, on achèterait du nouveau matériel dans quelques années.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien. Merci, M. Turcotte. En conclusion, M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Alors, merci pour les échanges assez francs que nous avons eus. On suivra les recommandations et ce que la ministre en fera par la suite. Je vous invite aussi à revenir. Au moment du dépôt du projet de loi, il y aura commission parlementaire, et on sera en mesure d'apporter les suivis, suite à nos échanges d'aujourd'hui.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, M. le député de Marquette. Mme la ministre.

Mme Marois: Nous aurons l'occasion de voir ensemble – le député suggère des choses – comme membres de la commission, quel type de commission parlementaire il y a lieu de tenir, s'il y a lieu d'en tenir une. Mais, cela étant, nous vous remercions pour votre contribution à nos échanges et à nos discussions. Vous savez que nous tenons aux collaborations que nous avons ensemble, parce que c'est important pour la qualité de ce que vous faites – et je le redis, nous sommes heureux de la constater, cette qualité de production que nous avons – mais aussi à cause de notre réalité en Amérique du Nord, comme majorité sur le territoire québécois, mais minorité francophone, il ne faut jamais l'oublier, en Amérique, ce qui fait qu'à cause de ces collaborations dans le fond, on reconnaît les uns les autres l'importance de soutenir le monde de l'édition par des masses critiques nécessaires lorsqu'on veut produire un matériel de qualité comme celui que vous faites. Alors, merci pour votre présentation et votre présence avec nous ce matin.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, Mme la ministre. M. Turcotte, un dernier point que vous souhaiteriez faire?

M. Turcotte (Roger): Bien, si vous m'en donnez l'occasion, je vais tout de même répondre très rapidement à une des affirmations de Mme la ministre...

La Présidente (Mme Blackburn): Très rapidement, sinon j'empiète sur le groupe suivant.

M. Turcotte (Roger): Une petite minute. On parlait du projet éducatif de l'école, on parlait de le rendre un peu plus personnel par la production de matériel maison; en l'occurrence, l'exemple qu'on donnait, c'étaient des cahiers pour la commission scolaire de Sherbrooke. Je pense que, si c'est interprété un peu au-delà, je dirais, de la pensée de la ministre et que l'école se met à faire son propre matériel, ça va être complètement en dehors du cadre prévu dans la législation. Et c'est ça qu'on demande, dans le fond. Pas question d'empêcher les commissions scolaires de faire quelques feuillets d'exercices pour compléter, mais à la condition que ce cahier-là ne remplace pas le matériel de base. Et l'ensemble de nos recommandations sont dans la cueillette de cette information.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien. Merci, M. Turcotte, M. Del Busso, M. Vézina, au nom des membres de la commission de l'éducation, en mon nom personnel. À la suite du commentaire du député de Marquette, je ne peux pas vous assurer qu'il y aura consultation générale sur le projet de loi, mais vous assurer qu'il y aura étude du projet de loi article par article. Merci. Bonne journée!

Une voix: ...

La Présidente (Mme Blackburn): Parce que vous comprendrez que ça ne relève pas de ma prérogative, sauf qu'il y a une règle qui régit nos travaux et qui prévoit que les projets de loi soient étudiés article par article dans les commissions parlementaires avant d'être déposés en troisième lecture en Chambre.

Alors, pendant que les personnes représentant l'Association nationale des éditeurs de livres quittent la table, j'inviterais les représentants de l'Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales du Québec, l'UMRCQ, à prendre place à la table.

Alors, il y a M. Florian Saint-Onge – bonjour, monsieur – qui est vice-président de l'UMRCQ et qui a pris place avec ses collègues. Je veux vous rappeler brièvement les règles. Vous avez une enveloppe de temps de 45 minutes. On souhaite que votre présentation soit faite à l'intérieur de 10 minutes pour laisser le temps aux parlementaires d'échanger avec vous pour le reste du temps. Alors, M. Saint-Onge, qui êtes vice-président de l'Union, je vous inviterais à présenter les personnes qui vous accompagnent et à présenter votre mémoire.


Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales du Québec (UMRCQ)

M. Saint-Onge (Florian): Alors, Mme la Présidente, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, à ma droite, je suis accompagné du maire de Batiscan – municipalité qui a sauvé son école; donc, ce dont on vous parlera, ça sera basé sur l'expérience – M. Denis Thiffault, et, à ma gauche, notre directeur général, à l'Union, M. Michel Fernet.

La Présidente (Mme Blackburn): Bonjour, messieurs.

M. Saint-Onge (Florian): Alors, comme problématique, le Québec est un territoire extrêmement étendu et diversifié. La population se concentre surtout dans les villes – on en compte 78,4 %, en 1996 – et peu dans les régions rurales qui, pourtant, constituent la majeure partie du territoire municipalisé de la province. De plus, nous avons connu, au cours des 30 dernières années, un exode des populations rurales vers les régions à forte concentration et une baisse de la natalité. Bien que la population du Québec augmente toujours, celle des milieux ruraux diminue.

Sur le plan scolaire, la baisse de la population a comme répercussion une diminution importante du nombre d'élèves dans les écoles de niveau primaire. En 1972-1973, on comptait 756 000 élèves de niveau primaire et on n'en compte plus que 548 000, en 1995-1996, soit une baisse de 27 % en 20 ans à peine. On compte aujourd'hui environ 350 écoles de moins de 100 élèves, soit près d'une école sur huit.

Cette baisse de clientèle primaire a longtemps motivé les commissions scolaires à fermer des écoles. C'est ainsi qu'entre 1975 et 1989 on dénombre jusqu'à 54 fermetures d'écoles. À l'heure des compressions budgétaires, les commissions scolaires répondent à la pression en fermant encore des établissements scolaires de petit volume. L'UMRCQ croit que ces écoles doivent demeurer ouvertes. L'école primaire est considérée comme un service essentiel. Lorsqu'elle ferme, c'est un autre pas vers la dévitalisation à coup sûr de la collectivité. C'est pourquoi nous exigeons du gouvernement du Québec une politique nationale de maintien des petites écoles qui établisse les balises générales.

Au volet sociopolitique, maintenant, l'école est bien plus qu'une simple institution d'enseignement, c'est également un moteur fondamental de développement pour la population d'une municipalité. Quelle jeune famille voudrait s'installer dans une municipalité où il n'y a pas d'école? Sans jeunes familles, sans enfants, un village est immédiatement voué à une mort lente. D'ailleurs, dans toutes les ententes cadres entre les conseils régionaux de développement et le gouvernement du Québec, des mesures de soutien au secteur scolaire ont été identifiées afin de favoriser l'activité sociale et économique des milieux ruraux ou défavorisés.

Le gouvernement renierait-il ses engagements en permettant que l'on retire à la pièce l'élément premier de développement qu'est l'école? S'il stimule le dynamisme des campagnes, le gouvernement doit s'inscrire comme un partenaire du développement plutôt que comme un gestionnaire sectoriel d'équipements publics. Placer l'école comme levier de développement d'une communauté ne devrait pas inciter à la fermer. C'est là un choix de société majeur.

Pour le volet pédagogique, les connaissances de base sont essentielles pour tous. C'est pourquoi il est nécessaire de garantir l'accessibilité à une éducation de qualité à chacune et à chacun. Nous recommandons un plus grand recours aux classes multiprogrammes – certains pédagogues de mon âge appellent ça souvent «multidegrés», «classes combinées», etc. – pour diminuer les frais reliés aux enseignants et ainsi conserver les écoles où il y a peu d'élèves. Ces classes multiprogrammes ont déjà amplement fait leurs preuves, et des études démontrent qu'elles offrent un niveau de qualité égal ou supérieur à des écoles à classes à niveau unique. Les classes multiprogrammes développent d'ailleurs l'autonomie et le sens de la responsabilité chez les enfants. Il faut toutefois que les enseignants soient préparés et formés pour oeuvrer dans ce contexte.

(10 h 40)

En guise de conclusion, Mme la Présidente, nous constatons tous le fait que la population rurale diminue et que la clientèle scolaire primaire suit cette tendance. Par contre, le Québec doit s'entendre sur une politique d'occupation du territoire pour freiner cette hémorragie. Continuer à accepter les fermetures d'écoles, c'est accepter la fatalité et se résoudre à gérer l'exode rural et la concentration urbaine et périurbaine. Est-ce là notre désir en tant que société? Voulons-nous un Québec parsemé de régions urbaines et prospères, de villes basées sur l'extraction de ressources naturelles et le reste de la province en une vaste étendue de villégiature où le patrimoine et le respect de la vie auront été bafoués? Nous ne croyons pas, non. Nous avons alors le devoir de nous impliquer pour contrer cette éventualité cauchemardesque. Je vous remercie. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, M. Saint-Onge. Mme la ministre de l'Éducation, la parole est à vous.

Mme Marois: Merci, Mme la Présidente. Alors, je vous remercie pour votre participation aux travaux de notre commission. Je pense que c'est particulièrement important qu'effectivement il y ait ce dialogue constant entre les différents intervenants locaux, territoriaux, si l'on veut; locaux étant de petits à très grands, n'étant pas entendu nécessairement comme de petits espaces. Alors, en ce sens, je pense que c'est important qu'effectivement ce dialogue continue d'exister, parce que je pense qu'il existe dans beaucoup de circonstances, dans beaucoup de lieux, et même qu'il s'intensifie.

Vous soulevez la question plus générale d'une politique d'occupation du territoire. C'est à ça que vous faites entre autres référence. Certains diraient une politique de la ruralité. Il y a différentes appellations, de toute façon, pour ces questions. Vous savez qu'on a entrepris un travail quand même assez important du côté du ministre d'État au développement des régions quant à la perspective d'une déconcentration, d'une décentralisation de certains pouvoirs, de certaines responsabilités, de certains services. Et, en ce sens, il y a une réflexion qui a été faite et qui est faite encore sur les outils qui nous permettraient d'aller au bout de cette perspective de responsabilisation des communautés locales; parce que c'est ça, en bout de piste, on se comprend bien. En ce sens, je pense qu'il y a un travail intense qui se fait. Et sûrement que cette question sera éventuellement abordée dans l'ensemble de ses composantes.

Maintenant, je veux revenir à ce débat continuel que l'on a lorsqu'on aborde des questions autant en éducation que du côté de la santé et des services sociaux, de l'administration publique en général, à ce débat qu'il y a entre les différents décideurs politiques et les différents élus, cette volonté de s'approprier des pouvoirs avec, évidemment, les obligations, de voir les responsabilités qui les accompagnent, donc de partager autrement ces pouvoirs entre un niveau central et un niveau local ou régional et, en même temps, souvent ces dilemmes devant lesquels on se trouve où on veut que le niveau central, l'institution nationale garde malgré tout centralement des pouvoirs.

Là, je vais aboutir plus concrètement sur cette question de la politique de fermeture des petites écoles. Et le choix que, moi, j'ai fait à ce moment-ci et qu'on retrouve dans l'avant-projet de loi, c'est de faire confiance aux autorités locales et régionales. C'est ça, dans le fond. J'ai choisi le pari de la responsabilisation et de la décentralisation. Et vous me demandez: On aimerait mieux la centralisation, dans le cas présent.

Dans l'avant-projet de loi, ce que l'on propose, c'est que les commissions scolaires, qui, maintenant, évidemment, ont une responsabilité sur un beaucoup plus grand territoire – vous le savez, nous avons eu l'occasion d'échanger sur ces questions, M. Saint-Onge, et vos collègues qui vous accompagnent; j'ai même eu l'occasion et le plaisir d'aller à une de vos rencontres, n'est-ce pas, sur cette question – qui couvrent maintenant de beaucoup plus grands territoires, dont les territoires correspondent sensiblement aux territoires des MRC que vous représentez, parfois deux, trois, avec des enclaves, mais il reste que, généralement, c'est assez bien ajusté à cet égard... Et le pari qu'on a fait et le choix qu'on a fait, c'est de dire: Chaque commission scolaire devra détenir une politique concernant la fermeture ou l'ouverture de ses écoles – la fermeture des petites, des moyennes ou des grandes, ça peut être aussi ça – et devra faire approuver cette politique, devra la rendre publique, devra la faire connaître.

Et, vous, vous nous demandez: On aimerait qu'il y ait une politique nationale. Alors, je suis tiraillée parce que, moi, je vais vous dire, et c'est très sincère, et certains de vos collègues avec lesquels j'ai travaillé étroitement à d'autres occasions et à d'autres tables savent que je crois particulièrement à la décentralisation et à la responsabilisation des communautés locales et régionales. Il y a des conditions à respecter, cependant, bien sûr, en termes d'imputabilité, ça va de soi, et c'est un débat absolument passionnant chaque fois qu'on l'engage. Mais je le fais, moi, ce pari-là. Et vous me dites: Prenez-la donc, cette responsabilité, on aimerait mieux que vous la gardiez au niveau national. Est-ce que je vous comprends bien?

La Présidente (Mme Blackburn): Oui, M. Saint-Onge.

M. Saint-Onge (Florian): Mme la Présidente, je suis très heureux d'entendre la ministre se dire favorable à la décentralisation. Il faut dire qu'en ce qui concerne notre Union on en parle depuis longtemps, mais on trouve que ça ne vient pas vite. Je pense, pour répondre à l'interrogation de Mme la ministre, que nous sommes actuellement dans deux voies parallèles, les commissions scolaires et cette question du développement qui touche particulièrement les municipalités.

Il va sans dire que, tant pour une industrie, tant pour une école, chaque fois qu'on extirpe ces grands instruments de développement, la municipalité s'appauvrit puis elle s'atténue. Alors, je pense que, quand on parle de décentralisation – puis Dieu sait que ce n'est pas ce qu'on demande, j'espère que Mme la ministre n'interprétera pas mal notre demande de centraliser – s'il n'y avait pas deux voies parallèles et si, justement, le milieu – c'est ça qu'on vous demande d'ailleurs, on voudrait participer, même – décidait d'avoir une politique... Remarquez bien que, pour nous autres, ça va. Mais je pense qu'actuellement il n'y en a pas du tout, il n'y a même pas un cadre, une balise dans laquelle les milieux pourraient travailler, mais toujours avec ce souci de ne pas faire disparaître les dernières écoles de village.

Personnellement, je peux vous dire, à part mon expérience municipale – il y en a qui sont témoins, ici – j'ai passé 35 ans de ma vie dans le domaine scolaire. Personnellement, j'en ai fermé ou j'en ai recommandé une quarantaine, comme gestionnaire de région. Mais ce n'est pas pareil entre un village, puis un village éloigné surtout, et une ville où il y a plusieurs écoles, ce n'est plus la même partie, ce n'est plus la même chose.

Alors, je pense que, dans ce sens-là, si Mme la ministre s'oriente pour justement décentraliser, mais voir l'ensemble d'une décentralisation et non pas deux voies parallèles... Parce que, dans un cas, dans certains dossiers ou certains secteurs, la municipalité va décider, dans d'autres secteurs, c'est la commission scolaire qui va décider. Écoutez, je suis en mesure de comprendre, avec les pouvoirs actuels, que, si la commission scolaire a moins de revenus, moins de subventions et qu'elle n'arrive plus, sa solution, au bout de la ligne, si une école lui semble coûter plus cher en moyenne, elle va la fermer. Mais, l'autre aspect dont on vous parle sur le développement et la ruralité, effectivement, à ce moment-là, c'est au détriment de ce milieu. Et je pense que mon collègue pourrait compléter et vous dire ce qu'il a vécu chez lui quand est arrivée cette fermeture d'école et ce qu'ils ont fait pour la sauver.

La Présidente (Mme Blackburn): M. Thiffault, qui est maire de Batiscan. Il a bien fait parler de lui.

M. Thiffault (Denis): Eh oui!

La Présidente (Mme Blackburn): M. Thiffault, la parole est à vous.

(10 h 50)

M. Thiffault (Denis): Mme la Présidente, Mme la ministre, il me fait plaisir d'être ici ce matin. Je ne veux pas nécessairement m'étendre sur l'histoire ou la petite histoire de l'école de Batiscan, mais je m'interroge sur les propos de la ministre. Et je veux reprendre l'intervention de mon collègue M. Saint-Onge quand il nous dit: Oui, nous applaudissons à ce grand principe de décentralisation, à cette volonté de décentraliser les pouvoirs à la communauté, aux parents et à tous les intervenants du milieu. Ce que nous disons, ce que nous voulons souligner, c'est l'absence de grands cadres. Et la crainte que nous avons, nous, des petites municipalités, c'est de retrouver une disparité entre commissions scolaires, entre régions, sur les critères de maintien, de fermeture ou de développement des petites écoles ou des dernières écoles de ces municipalités-là. Alors, je vous avoue qu'on est inquiets là-dessus quand on voit cette absence de grands cadres. Qu'on appelle ça une politique, une réglementation, peu nous importe, mais qu'il y ait une direction claire, une volonté claire qui nous vienne de la ministre là-dessus. C'est ça, notre souhait.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, M. Thiffault. Mme la ministre.

Mme Marois: D'abord, une question précise. Qu'est-ce que ça seraient, des critères, des balises nationales à cet égard-là? Parce que la loi le prévoit, qu'on puisse avoir des critères, mais, moi, j'aimerais bien qu'on m'en indique. Et pour ce qui est, par contre, de l'aspect pédagogique, quant aux classes multiprogrammes ou multiniveaux, vous savez que ça existe déjà, c'est bien documenté, au ministère, et c'est même une stratégie pédagogique qui est recommandée dans certaines circonstances. Selon comment elle est, évidemment, assumée positivement, ça peut être extraordinaire comme résultat. Alors, sur ça, je pense qu'il y a déjà des outils disponibles pour les commissions scolaires qui veulent choisir ce modèle-là ou qui y sont contraintes à cause du petit nombre dans une école. Donc, qu'on retrouve des enfants de première, deuxième, troisième année dans une même classe, ça, comme je dis, c'est bien assis; il y a de solides assises au plan pédagogique sur ça.

Mais ma question, c'est sur les critères. Et je vais me permettre un petit commentaire. Vous savez, il reste que, lorsqu'on confie à la commission scolaire l'obligation de se doter d'une politique de maintien des petites écoles ou de politiques d'ouverture et de fermeture des écoles, on confie cette responsabilité-là à des élus. Là, je m'adresse aussi à des élus. Et les gens des commissions scolaires sont aussi élus que les maires de municipalités et ils le sont même plus que, dans le fond, une personne qui va être à la présidence d'une MRC – en tout respect pour les gens qui occupent ces fonctions – parce qu'ils sont élus, mais désignés par leurs collègues pour occuper des fonctions à la MRC. C'est parce qu'il y a des nuances quant à l'imputabilité. Par exemple, un préfet de MRC ne se fait pas élire au suffrage universel, à l'heure actuelle. Tandis que, évidemment, un président de commission scolaire ou une présidente de commission scolaire, les membres des conseils des commissaires se font élire au suffrage universel. Alors, tu sais, c'est devant cette réalité-là aussi que l'on se trouve. Mais je veux avoir une réponse à la question des balises et des critères.

La Présidente (Mme Blackburn): C'est ça. Il y a un commentaire et une question. Alors, la question: les balises. M. Saint-Onge.

M. Saint-Onge (Florian): Mme la présidente, je voudrais commencer quand même par souligner qu'en ce qui concerne la commission scolaire, oui, ils sont élus au suffrage universel, sauf que le président ne l'est pas plus. Mais la différence entre ce qu'on vous avance et ce que dit Mme la ministre, c'est que, lorsque vous avez – et surtout le principe d'intégration, maintenant, où c'est des grands territoires de commissions scolaires, particulièrement depuis très bientôt – l'ensemble des représentants de la commission scolaire, par rapport à une préparation budgétaire, si une municipalité dans tel coin... Ce n'est pas les gens du milieu, ça. C'est grand, les territoires de commissions scolaires. Ça va être encore plus grand maintenant. Alors, vous savez on a tendance, à un moment donné, à aller voir comment arriver dans notre budget et si telle école, par rapport à ce qu'ils ont établi, possiblement par certains critères aussi qu'ils ont voulu le plus objectifs possible... Mais ils vont oublier, à un moment donné, un aspect plus important, c'est que tel village va perdre son école. Et là finalement, ça ne fera pas mal à l'ensemble des représentants qui ont été élus; il n'y en aura même peut-être pas de ce village-là. Et, là-dessus, je pense que...

En ce qui concerne les balises, bien, voici, quand je parle de balises, je pense qu'on pourrait collaborer. Vous avez dit: Ça serait quoi? Je n'ai pas une réponse toute faite ce matin, mais je pense qu'en ce qui concerne notre union on pourrait regarder avec le ministère de l'Éducation comment on pourrait aussi s'assurer qu'on a l'accessibilité pour tous les enfants du Québec. Parce qu'il y a un autre aspect là-dedans qui n'est pas mentionné. Notre crainte, là-dessus, c'est que des jeunes, des enfants qui sont dans des territoires ruraux et encore davantage éloignés ne puissent pas avoir le même accès à l'éducation que celles et ceux qui sont mieux nantis dans les villes ou dans certaines municipalités plus importantes. C'est ça, le souci, dans le fond. Et c'est là qu'on va justement faire en sorte que certaines régions, certaines MRC, certains territoires de MRC vont s'appauvrir davantage. Et je pense que mon collègue, là-dessus, voulait aussi compléter la réponse.

La Présidente (Mme Blackburn): M. Fernet.

M. Fernet (Michel): Mme la ministre, vous avez l'habitude de poser des questions difficiles. Les réponses, comme vous le voyez, sont moins faciles. Mais peut-être que la réponse à votre question des critères n'existe pas. Et on partage probablement aussi votre autre questionnement sur la recentralisation, par cette demande, par rapport à une décentralisation. La réponse serait probablement dans un cadre de gestion et non pas en termes de critères nationaux. Si on y pense à deux fois, la décentralisation, c'est une relation politique d'élus à élus, mais ça prend un cadre pareil. La décentralisation, ce n'est pas: Je te donne des pouvoirs, tu ne me reviens plus, j'oublie ça, arrange-toi avec tes problèmes. Donc, ça veut dire que ça prend un cadre.

Ce qu'on a dit depuis le début, c'est que le cadre, pour tenir compte de cette particularité de fermeture et d'ouverture d'écoles, on ne dit pas qu'on le conteste, M. Saint-Onge vous dit simplement que la réalité, c'est que c'est un cadre de «track» de chemin de fer où les deux entités élues en bas, pour cette problématique-là, ne se rencontrent pas. C'est peut-être là qu'on pourrait commencer à regarder, avant la fermeture ou l'ouverture d'une école. Si on veut parler d'ouverture, vous savez que le schéma d'aménagement fait évoluer la territorialité des Québécois avec tous les... Et ça, on en parlait au ministère de l'Éducation à des gens, chez vous, ils seraient d'accord qu'éventuellement il ne s'ouvre pas d'école au Québec sans que la planification soit faite des années d'avance sur la migration des populations, et tout. Et tout ça est croqué dans le schéma d'aménagement. Il y aurait là une relation plus facile.

Mais la fermeture, c'est plus compliqué. Et on est complètement désarmés, comme représentants de tout le développement socioéconomique sauf l'éducation, parce qu'on n'a pas d'emprise sur cette décision-là, autre que des pressions morales ou politiques en bas. C'est un peu comme un individu qui irait voir son gérant de banque en disant: Dans ma compagnie, ne te gêne pas, tu peux signer un prêt extrêmement généreux pour ma compagnie, mais, moi, je ne suis pas le représentant à côté de la production. La personne va lui demander: Écoute, comment je vais garantir mon prêt? C'est quoi, la relation entre les deux? Il faut que ça soit un tout, cette histoire-là. Il faut que, pour garantir ce que tu me demandes, les efforts globaux de ta compagnie répondent au prêt que tu viens de signer. Nous, on est deux. Il y a deux entités qui ne se parlent pas pour ce problème-là. Comment on peut arriver à ça? Je pense qu'en s'en parlant, il y aurait des solutions relativement faciles, de consultations obligatoires, de ci, de ça, avant que les deux entités posent chacune de leur côté un geste.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, M. Fernet. La parole est maintenant au député de Marquette.

M. Ouimet: Merci, Mme la Présidente. Alors, je souhaite la bienvenue aux représentants de l'UMRCQ. Le propos que vous venez d'aborder, M. Fernet, par rapport aux objets de la décentralisation... Je relisais une partie du texte de M. Jean-Claude Rondeau, ancien collègue, d'ailleurs, de M. Saint-Onge, je pense, qui disait qu'a priori c'est l'État qui exerce généralement la première responsabilité en éducation et qui a tous les pouvoirs en ce domaine et, par la suite, il décentralise vers des instances intermédiaires, notamment la commission scolaire ou, dans certains cas, l'école, mais que l'État conserve toujours un certain contrôle sur les pouvoirs qu'il a de décentraliser.

(11 heures)

Et moi, je trouve peut-être un peu facile la réponse, ce matin, de la ministre, de dire: Il y a des élus qui sont là et c'est à eux de prendre des décisions et de rendre compte, surtout à la lumière de ce que nous avons vécu en 1994, précisément dans le cas de l'école de Batiscan. Il y avait quand même des engagements politiques de pris d'en arriver à une politique nationale pour éviter la fermeture d'une des dernières écoles de village ou de quartier. Et puis c'est le premier mandat qui a été confié à l'ancien ministre de l'Éducation, le député de Lévis. Ça a été le premier mandat qui lui a été confié d'intervenir pour éviter que ces écoles-là ferment. Bon, c'est un mandat qu'il a rempli. Il a trouvé une façon à lui, avec les écoles du ministre, en attendant que ça débouche sur autre chose.

La crainte que j'ai, et je suis très réceptif à la préoccupation que vous exprimez, surtout à la lumière du mouvement qui s'en vient pour le 1er juillet 1998: moins de commissions scolaires, des territoires beaucoup plus grands... Déjà, plusieurs personnes sont intervenues auprès de nous parce qu'elles craignent. Je cite le cas de la Haute-Côte-Nord, par exemple, ils résistent beaucoup à la fusion. Pourquoi? Parce qu'ils craignent, avec le peu de représentation qu'ils auront au niveau du conseil des commissaires, qu'en période de restrictions budgétaires le risque, c'est que ça soit leurs écoles qui soient fermées. Et deux voix sur 21 voix autour de la table, des fois, ce n'est pas suffisant pour rendre compte de la préoccupation du milieu et de l'impact de la fermeture de l'école, l'impact par rapport au milieu et au développement de cette région-là, d'une partie de la région. Et comme vous disiez si bien dans votre mémoire, ça peut amener des villages à mourir à petit feu.

Alors, ça me semble être un désengagement de l'État à l'égard d'une question qui a beaucoup retenu l'attention en 1994 et, par la suite, de se retrouver trois ans plus tard face aux mêmes personnes qui ont pris des engagements et de dire: On s'en lave les mains; maintenant, ce sera le palier intermédiaire qui prendra ces décisions-là, et on ne leur demande pas non plus de nous rendre des comptes. Ça va même à l'encontre des principes fondamentaux de la décentralisation. L'État qui détient les pouvoirs, qui décentralise certains pouvoirs, doit quand même exercer le contrôle. La façon dont vous exprimez ce contrôle-là, c'est: Ça nous prendrait un cadre, et le cadre serait la politique nationale.

Alors, j'aimerais vous entendre davantage là-dessus, et ça m'apparaît important. Ça touche combien de municipalités au Québec? La préoccupation va être beaucoup accentuée avec la réduction du nombre de commissions scolaires qui vont couvrir des territoires beaucoup plus vastes.

La Présidente (Mme Blackburn): M. Saint-Onge.

M. Saint-Onge (Florian): Remarquez bien, Mme la Présidente, si on regarde simplement cet aspect-là, parce que je n'ai pas senti de question à travers les commentaires, mais, sur certains commentaires, il va sans dire que M. le député répète un peu ce qu'on disait tantôt. Pour ce qui est du territoire, les commissions scolaires, évidemment, ça a été pour nos membres... des échos que nous avons, et, effectivement, nous trouvons que la grande région comme le grand territoire de commission scolaire, c'est très vaste, et c'est la crainte, justement en vertu de ce dossier-là qu'on vous présente ce matin, que la crainte augmente davantage. Je l'ai dit tantôt et je le répète, le territoire est tellement grand qu'il va y avoir des villages, il va y avoir des municipalités qui ne seront pas représentés dans la grande commission scolaire, et, à ce moment-là, si on ferme une école qui ne devrait pas fermer, sinon le village ne peut plus recevoir de jeunes familles, comme on l'a dit, ou, en tout cas, avoir l'espoir de garder ces familles-là quand elles sont là, alors il va sans dire que ça n'aide pas. M. Fernet.

La Présidente (Mme Blackburn): Oui, M. Fernet.

M. Ouimet: Oui.

M. Fernet (Michel): Juste un petit mot. On pourrait exprimer peut-être que le défi de la décentralisation, c'est penser globalement et agir localement, et là il y a un joint entre les deux. On le vit de façon la plus explicite, au fond, c'est l'environnement. Tout le monde sait bien que la grande, grande, grande politique de gestion des déchets, la récupération, la ci, la ça, c'est une job locale, carrément locale. L'État le reconnaît, tout le monde le reconnaît, ce n'est pas possible de faire autrement à moins de monter une superstructure exceptionnelle qui coûterait une fortune pour l'État pour tout faire ce que le monde peut faire en bas. Mais ça, ça ne peut pas se faire sans une direction de l'État, sans exprimer des politiques, sans mettre une réglementation et sans encadrer un petit peu comment le monde va faire en bas. Alors, nous, dans ce sens-là, puis on ne réclamerait surtout pas de toute façon aussi des politiques lourdes...c'est ça, ce n'est pas facile à trouver un cadre où on laisse de la liberté en bas, mais on donne un signal en haut. C'est l'espèce d'équilibre entre vivre et laisser vivre les uns et les autres chacun à leur niveau.

Dans ce cas-ci, il y a une espèce de divorce où des citoyens paient 0,35 $ du 100 $ d'évaluation – parce que, en campagne, ils sont tous au maximum, au plafond – ils sont là, ils paient pour leur école, ils paient pour voir leurs enfants marcher à l'école dans le village, et, de l'autre côté, ils maintiennent la municipalité pour dire: Fabrique-nous un cadre socioéconomique intéressant pour qu'on vive, qu'on ait une qualité de vie là, et puis il y a les parents, les mêmes parents qui paient ça se font enlever leur école sans aucune capacité d'intervention. Puis on ne dit même pas que ces parents-là ne seraient peut-être pas prêts à mettre 0,02 $, 0,03 $ de plus, des fois, pour la garder, etc., jouer une game quelconque, tu sais, pour que leur cadre de vie, il ne parte pas un morceau important surtout pour ceux qui ont de jeunes enfants. Il n'y a pas de moyen technique administratif pour se plaindre autre que crier dans les journaux pour dire: Mon école s'en va. Là, le bât blesse.

La Présidente (Mme Blackburn): M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Faites-vous un lien avec la question du transport scolaire, qui fait l'objet de négociations intenses entre votre Union et le gouvernement, et toute la question de la décentralisation, les menaces qui pèsent sur les dernières écoles de village ou les très petites écoles de village dans votre cas? Y a-t-il un lien, à savoir le rôle que jouerait le transport scolaire dans ce contexte-là? Et est-ce que ça explique en partie les hésitations que vous avez à recevoir ce que veut vous donner le gouvernement comme responsabilités?

La Présidente (Mme Blackburn): M. Saint-Onge.

M. Saint-Onge (Florian): Mme la Présidente, je ne voulais pas entrer dans le vif du sujet, mais on m'amène effectivement... remarquez bien que c'est un dossier chaud de ce temps-ci. Il va sans dire que là encore il y a un autre principe là-dedans, c'est une question d'équité. Je parlais un peu plus tôt de l'accès à l'éducation et je crois que, si on regarde la question des fermetures d'écoles, si on regarde la question du transport scolaire, j'ai l'impression qu'aller demander à des habitants d'une municipalité ou des parents d'une école ou d'une commission scolaire de supporter une partie du financement alors que d'autres ont eu leur école et conservent leur école gratuitement, il y a peut-être une part que certains sont capables de faire, mais il faut que le gouvernement fasse attention, justement, de manquer d'équité à l'égard de ces...

Il en va de même pour le transport. Actuellement, on ne parle pas en termes financiers. D'abord, en termes financiers, il doit y avoir des endroits où, si on fait une distance plus grande, ça va coûter plus cher. Bon. Mais il y a un autre aspect, qui est humain celui-là. J'ai des exemples dans ma propre MRC, j'ai reçu un groupe de parents dernièrement, ils étaient à peu près une centaine qui sont venus nous voir parce qu'ils ne voulaient pas changer d'endroit, et je trouvais drôle que la possibilité d'aller à l'école où ils étaient avant coûtait peut-être probablement moins cher puisqu'ils faisaient une distance moindre. Et là, actuellement, ils sont obligés d'aller faire le double de la distance, donc plus de temps dans l'autobus; pour les plus jeunes au plan humain, c'est peut-être plus difficile.

Alors, ce sont des aspects et des sujets qu'il faut regarder deux fois, je pense, avant de prendre la décision. Et c'est pour ça d'ailleurs qu'on attire votre attention ce matin, parce que le principe de l'équité pour nous est aussi important, autant que toute cette question de dire: En déracinant une école, eh bien, on a beau faire du développement de l'autre côté, mais on n'avance pas. On recule quand même.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, M. Saint-Onge. La parole est maintenant au député de Champlain.

(11 h 10)

M. Beaumier: Merci, Mme la Présidente. Je ne pensais pas devoir intervenir deux fois en une semaine sur la problématique du maintien des dernières écoles de quartier ou de village, je l'ai fait la semaine passée, et ça me fera plaisir de faire parvenir, notamment à mon collègue, à mon homologue de Batiscan, le maire Thiffault, les galées, ce que j'ai dit. Alors, je ne voudrais pas paraître comme étant quelqu'un de compulsif quant à avoir toujours un même dossier, mais, quand on a des convictions, être compulsif, on dirait que c'est plus acceptable. Donc, je n'irai pas sur le fond, chacun connaît un peu, surtout M. le maire connaît mes positions, je voudrais juste faire deux remarques.

En ce qui concerne l'école de Batiscan, première chose, d'abord ce n'est pas une école du ministre, c'est une école à l'intérieur de la commission scolaire, et pourquoi... D'abord, c'est une école aussi qui a été fermée et c'est une école qui a été rouverte, dans les encadrements budgétaires qui étaient là. Donc, ça pouvait ne pas fermer, puisque ça a rouvert, et ça n'a pas remis en question d'autres dimensions. Deuxièmement, ce n'est pas le ministre, ce n'est pas le gouvernement, je pense qu'on a compris, on a appuyé, mais c'est la communauté. Ça a été d'abord les parents, ensuite toute la communauté de Batiscan, avec les élus et la population, ils ont dit: Non, nous, on pense que ce n'est pas une bonne idée, on pense que ce n'est pas équitable – comme disait M. Saint-Onge. Et, en ce sens-là, l'école de Batiscan prouve qu'il peut y avoir, sur le terrain, entente avec la commission scolaire; la commission scolaire a été complètement correcte dans cette situation-là.

Ce que je comprends du projet de loi de la ministre, c'est de faire en sorte que cette dynamique-là qui a réussi sur le milieu – il y a une dynamique, ça, j'en conviens, je n'en disconviens pas – que ça puisse se faire. En ce sens-là, le fait d'introduire, par l'avant-projet de loi, les parents et la communauté à l'intérieur même de l'établissement, c'est un pas en avant extrêmement important, parce que ça ne sera plus de l'extérieur, comme ça s'est passé à Batiscan, mais de l'intérieur de l'école que pourront se faire ces discussions-là. C'est pour ça que je ne vais pas sur le fond, je voulais juste faire des remarques un peu générales sur ça.

Deuxièmement, sur la question de l'utilisation du territoire des municipalités rurales, il faut comprendre une chose qui n'est pas dite assez souvent, c'est que le gouvernement du Québec, depuis 1978 ou 1979, par la loi sur la protection des terres agricoles, a donné une vocation au milieu agricole qui s'est traduite et qui aurait pu se traduire, qui s'est probablement partiellement traduite aussi, par une espèce de retenue quant au développement domiciliaire, quant au développement de ces communautés-là. Donc, il faut être logique avec soi-même – je parle pour moi-même et pour bien d'autres aussi: si on considère qu'on devait protéger les terres agricoles, on devait aussi convenir que ça pouvait avoir un impact sur la densification du milieu rural. Et, en ce sens-là, oui, il faut en tenir compte, c'est un élément important dont il faut tenir compte, tout en maintenant aussi qu'il faut, dans le développement de nos communautés rurales, non seulement s'en tenir au secteur agricole ou agroalimentaire quant au développement, mais aussi ajouter d'autres volets de développement. Au point de vue manufacturier, d'ailleurs, la municipalité de Batiscan, depuis quelques années – peut-être que M. Thiffault pourrait prolonger sur ça – s'est déjà donnée, depuis deux, trois ans, des industries et des manufactures qui sont non pas liées directement au secteur agricole.

Alors, c'est un petit peu ce que je voulais dire. On s'entend bien, tout le monde, là, il s'agirait de resserrer – je comprends l'inquiétude que vous avez – au niveau de l'avant-projet de loi, d'assurer que cette dynamique-là, qui a réussi à Batiscan, puisse être réussie ailleurs. Merci.

La Présidente (Mme Blackburn): Bon, je comprends que c'est davantage un commentaire qu'une question. Alors, brièvement, parce que le temps qui vous est imparti est écoulé. Je pense que le député de Marquette avait aussi un complément de question. Alors, M. Thiffault.

M. Thiffault (Denis): Très brièvement, Mme la Présidente. Ce qu'il faut éviter, c'est se rejouer le psychodrame national qu'on a vu en 1994 sur l'école de Batiscan. On a vécu une crise à l'intérieur d'une petite communauté; cette crise est en train de se répandre tout doucement à travers le Québec. Je pourrais vous parler de Saint-Moïse, de Saint-Romain et de Béarn, des situations qui ressemblent à celle de Batiscan. Ce qu'il faut éviter aussi, et on en a peu parlé, c'est ce système d'ententes financières entre les commissions scolaires et les municipalités, ententes plutôt douteuses, à savoir que les commissions scolaires demandent carrément aux municipalités des compensations financières pour maintenir les écoles, sous prétexte de payer l'électricité, l'entretien ménager et autres considérations, et qu'il n'y ait pas d'échange de services, qu'il n'y ait pas de juste et valable contrepartie de la part de la commission scolaire. On a vu des cas tout récemment où il y avait des commissions scolaires et des municipalités qui se sont entendues sur des échanges financiers. Mais, par exemple, la municipalité doit encore louer des espaces à la commission scolaire pour accéder à des locaux pour ses organismes communautaires par exemple, des espaces qui sont déclarés excédentaires par la commission scolaire dans une même école. Alors, c'est de l'aberration que les contribuables de ces municipalités-là se voient couper des services et, en plus, retaxer en double par leur municipalité pour maintenir leurs écoles.

La Présidente (Mme Blackburn): M. Thiffault, seriez-vous en train de plaider pour le transfert des équipements scolaires aux municipalités?

M. Thiffault (Denis): Vous connaissez déjà ma position, Mme la Présidente.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Blackburn): M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Effectivement, je pense que la position de l'UMRCQ, elle est bien connue à cet égard-là et à d'autres égards. Il serait peut-être intéressant d'envisager à un moment donné un forum où des représentants de l'UMQ, de l'UMRCQ et du monde scolaire pourraient s'asseoir autour d'une même table et avoir des débats publics sur la question pour voir comment mieux rentabiliser les équipements que nous avons et quelle forme est-ce que ça devrait prendre. Je pense que le public pourrait y gagner et le gouvernement aussi. Mais on verra les suites que donnera le gouvernement, entre autres, à votre recommandation d'avoir une politique nationale, il s'agit d'une volonté politique, et puis, par la suite, ça se justifie ou ça ne se justifie pas dépendamment de l'orientation politique qu'on a. Alors, on verra bien la décision qui sera prise. Merci.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci.

M. Saint-Onge (Florian): Mme la Présidente, je voudrais ajouter relativement, et on ne l'a peut-être pas mentionné comme recommandation, mais il est quand même dans le mémoire, lors du résumé... Lorsqu'on faisait allusion tantôt au fait que les gens du milieu peuvent se parler puis qu'on cite l'exemple de Batiscan, oui. Évidemment, je pense que mon collègue a bien précisé ce que je voulais ajouter aussi. Quand je parlais d'équité, il a bien précisé que, si on le multiplie comme ça, puis c'est toujours de l'argent qu'on demande quand même à la municipalité, c'est qu'on demande à l'autre de taxer. Mais, par contre, on ne refuse pas notre collaboration. Au contraire, on est ici pour vous l'offrir, on vous l'a dit tantôt. Et d'ailleurs, Mme la Présidente, on souligne dans notre mémoire qu'on aimerait que, dans le conseil d'établissement, il y ait un élu municipal qui en fasse partie. Ce serait déjà le commencement d'un porte-parole du municipal qui est en lien direct dans le conseil pour pouvoir discuter de ces choses-là.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, M. Saint-Onge. Mme la ministre, j'allais dire encore brièvement, que voulez-vous?

Mme Marois: Oui, merci. Je suis toujours brève, vous savez bien. Je vous remercie pour votre contribution à nos travaux. Quant aux dernières remarques sur la question de la place d'un possible représentant de la municipalité, vous savez qu'il y a une place pour les gens de la communauté au sein du conseil d'établissement sur recommandation cependant et par le choix des gens du conseil d'établissement déjà choisis, donc les représentants des parents, bien sûr, et des enseignants. Donc, il y a une ouverture de ce côté-là, une possibilité.

Par ailleurs, il faut comprendre nos écoles de demander à la municipalité de payer l'utilisation de certains locaux quand ça occasionne des coûts supplémentaires, parce qu'il faut les entretenir. Qu'est-ce que vous voulez, ça coûterait quand même quelque chose à quelqu'un. Si ce n'est pas à la municipalité, ça coûte à la commission scolaire. Puis c'est toujours, au bout du compte, le même citoyen qui paie. Ça, on est bien d'accord, hein. Bon.

Par ailleurs, sur la question d'une politique nationale de maintien ou de fermeture des petites écoles, je continue de croire que les décideurs locaux sont probablement plus à même d'être capables d'établir ce qui apparaît le plus pertinent pour leur milieu. Mais, cependant, je suis sensible au fait qu'il y ait une meilleure concertation sur les territoires entre les représentants des citoyens dans les petites municipalités, entre autres, et dans les MRC, et, en ce sens, on va essayer de voir comment on pourrait introduire un élément dans la loi qui permettrait cet échange. Et je pense que ça rejoindrait l'esprit de ce que vous souhaitez tout en respectant en même temps la responsabilisation, à laquelle je crois profondément, des élus et des décideurs locaux.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, Mme la ministre. En mon nom personnel et au nom des membres de la commission, je voudrais, M. Thiffault, M. Saint-Onge et M. Fernet, vous remercier de votre contribution aux travaux de cette commission. Et tous les membres de la commission étant sensibilisés, nous aurons une écoute sans doute très attentive à toute cette question reliée à la politique de la dernière école. Merci.

(11 h 20)

Alors, pendant que nos invités quittent la table, j'inviterais les représentants de l'Association d'économie familiale du Québec, association présidée par Mme Gabrielle Brassard, à prendre place à la table des témoins. Je rappelle, à l'intention de ces personnes, les règles qui régissent le déroulement de la période qui leur est consacrée. Vous avez une enveloppe de quelque 45 minutes. De cette enveloppe, nous souhaitons que vous preniez environ 10 minutes pour la présentation de votre mémoire, suivie d'un échange avec les parlementaires membres de cette commission. Sans plus tarder, Mme la présidente, je souhaite à vous et aux personnes qui vous accompagnent la plus cordiale bienvenue et je vous invite également, avant de présenter votre mémoire, à nous présenter les personnes qui vous accompagnent. Mme Brassard.


Association d'économie familiale du Québec (AEFQ)

Mme Brassard (Gabrielle): Je vous remercie, Mme la Présidente. J'aimerais vous présenter Mme Huguette Faille, enseignante en économie familiale au collège Laval et présidente ex officio de notre Association.

La Présidente (Mme Blackburn): Bonjour, Mme Faille.

Mme Brassard (Gabrielle): Mme Sonia Falardeau, enseignante en économie familiale à la commission scolaire des Chutes-de-la-Chaudière et étudiante au doctorat en administration scolaire à l'Université Laval.

La Présidente (Mme Blackburn): Bonjour, madame.

Mme Brassard (Gabrielle): M. Bruno Charreyron, enseignant en économie familiale à l'école Saint-Luc, à la CECM, et responsable du comité de développement international de notre Association.

La Présidente (Mme Blackburn): Bonjour, M. Charreyron.

Mme Brassard (Gabrielle): Moi-même, je suis enseignante en économie familiale à la commission scolaire des Découvreurs et présidente de l'Association d'économie familiale du Québec.

Mme la Présidente, en premier lieu, je désire remercier les membres de la commission parlementaire de nous accueillir et de nous permettre d'expliciter certains éléments de notre mémoire. Nos propos porteront sur quatre volets: dans un premier temps, bref historique sur l'existence de la discipline; dans un deuxième temps, l'essence de la discipline; dans un troisième temps, l'application concrète du processus de gestion; et, en terminant, le rayonnement de la discipline outre-frontières.

Dans le cadre de cette commission parlementaire, nous aimerions déposer un héritage, celui des économistes familiales du Québec. Nous ne croyons pas que nous allons disparaître, c'est mal nous connaître, mais, bien au contraire, nous nous devons de faire connaître l'immense héritage que nous, les économistes familiales, avons à transmettre à nos jeunes Québécois.

Mme la Présidente, nous nous considérons comme faisant partie intégrante de l'histoire du Québec. Nous aimerions donc faire un bref rappel de notre histoire par une approche sociohistorique pour bien situer notre discipline. Qu'aurait été le Québec sans les Marguerite Bourgeoys, les Marguerite d'Youville, les Marie de l'Incarnation, les Catherine de Saint-Augustin, les Laure Gaudreault, et j'ajouterais les Filles du Roi qui, soit dit en passant, plusieurs d'entre elles sont sûrement toutes nos grand-mères? Nous pourrions allonger cette liste encore. Croyez-vous, Mme la Présidente, que le Québec serait ce qu'il est actuellement sans ces femmes que l'on peut qualifier aujourd'hui d'économistes familiales?

Il est pertinent de rappeler que la discipline d'économie familiale est présente dans le curriculum depuis 1668 au même titre que le français et les mathématiques. Pourquoi pouvons-nous considérer ces femmes comme nos prédécesseurs? À cet effet, j'ouvre une parenthèse, car il n'est pas possible de féminiser le mot «prédécesseur» puisque son pendant féminin n'existe pas dans la langue française. Faudrait-il dire que l'histoire n'appartient qu'aux hommes? En bref, oui, ces femmes sont nos prédécesseurs parce qu'elles ont su transmettre à nos ancêtres le savoir, le savoir-être et le savoir-faire. Pour vivre en ce pays, elles ont dû non seulement s'adapter, mais elles ont dû également découvrir cette terre nouvelle, devenir autosuffisantes et enseigner toutes ces nouvelles réalités à ceux qui les entouraient.

Rappelons enfin que notre histoire s'est aussi inscrite dans les petits gestes quotidiens. Mais qui réalise aujourd'hui ces petits gestes pourtant vitaux et si simples? C'est pour cette raison que notre mémoire présente en première partie la justification du programme d'économie familiale qui se trouve, dans le mémoire que nous vous avons présenté, de la page 2 à la page 9.

Mme Faille (Huguette): Je vous inviterais maintenant, dans un deuxième temps, à consulter le visuel qui se trouve à l'intérieur de la chemise que nous vous avons remise.

La Présidente (Mme Blackburn): Mme Faille, en vous invitant en même temps à ramener votre présentation un peu dans le cadre du mandat de la commission de l'éducation qui consiste en une consultation générale sur l'avant-projet de loi modifiant la loi de l'instruction publique, et là je dois dire que j'ai un peu peine à faire le rapport entre l'un et l'autre. Alors, Mme Faille, en nous ramenant ça un peu dans le mandat qui est celui de la commission.

Mme Faille (Huguette): Je pense qu'à ce moment-là, et on sait qu'on ne discute pas de tout l'avant-projet de loi et on l'avait bien dit quand on a présenté notre mémoire, mais le but, c'est qu'à l'intérieur du projet de loi il y a aussi le développement de la grille matière et, comme dans la grille matière, avec le rapport du document Inchauspé qui a été présenté, on fait disparaître certaines matières dont l'économie familiale.

La Présidente (Mme Blackburn): En tout respect, Mme Faille, le rapport Inchauspé, c'est une question qui ne fait pas partie du mandat actuel de la commission, ce qui n'exclut pas que vous en parliez dans votre présentation. Mais je voudrais que vous essayiez d'établir un peu un rapport, fut-il si ténu, entre votre présence ici et le mandat de la commission, en vous disant qu'on a dû refuser d'autres mémoires sur l'information à l'effet qu'ils n'étaient pas pertinents. Juste ramener ça un peu.

Mme Brassard (Gabrielle): Est-ce que je pourrais me permettre, Mme la Présidente, de répondre?

La Présidente (Mme Blackburn): Oui, madame.

Mme Brassard (Gabrielle): Nous savons très bien que, dans l'avant-projet de loi, il y a un article de loi qui sera changé, cet article de loi porte le numéro 447, et les deux points visés, Mme la Présidente, sont le 9° et le 9.1°: «autoriser la ministre à permettre une dérogation à une disposition du régime pédagogique pour favoriser, dans les matières prévues au régime, la réalisation du projet pédagogique particulier acceptable à un groupe d'élèves», et nous savons très bien que, si ces mots-là ne sont pas changés à l'intérieur de la loi, le règlement de l'instruction publique ne pourra pas l'être. Et nous savons pertinemment que le régime pédagogique fait partie du règlement de l'instruction publique. Donc, de nous dire que notre présentation ne concerne pas le changement de la loi de l'instruction publique, je me sens un peu muselée, Mme la Présidente, face à cette présentation. Nous aimerions faire connaître et déposer ici, à notre commission, notre point de vue.

La Présidente (Mme Blackburn): Mme la présidente, je vous rassure tout de suite. Vous êtes ici, vous êtes notre invitée, nous vous écoutons, et la précision que vous venez d'apporter est tout à fait éclairante. Je voulais juste le voir apparaître un peu dans votre présentation. Alors, Mme Faille.

Mme Faille (Huguette): Alors, si on regarde un peu le visuel qui se trouve à l'intérieur de notre chemise que nous vous avons présentée, nous, on part du processus de gestion qu'on dit qui est appliqué à l'économie familiale, mais qui pourrait être transférable, évidemment, dans d'autres matières. Donc, à partir des besoins réels du jeune, qui constituent la colonne vertébrale de notre programme, nous invitons les jeunes à identifier leurs besoins essentiels et, par la suite, nous leur faisons rechercher les ressources disponibles dans leur milieu afin de les habiliter à satisfaire leurs besoins prioritaires, soit en consommant, en recyclant ou en produisant.

(11 h 30)

Mme Falardeau (Sonia): Dans un troisième temps, nous tenterons de mettre en lumière la personne au centre de ces apprentissages. À cet effet, nous vous présentons un autre schéma qui résume bien les éléments importants. Au centre des trois cercles concentriques, nous retrouvons l'être humain en tant que personne issue d'une famille et appartenant à une société. Observons les six axes de formation traversant ces cercles.

Concernant l'axe de l'alimentation, deux dictons résument notre pensée: Ventre affamé n'a pas d'oreilles. Et nous pouvons affirmer haut et fort: Donne un poisson à un Chinois, tu le nourris pour une journée; apprends-lui à pêcher et tu le nourris pour la vie. Qu'en est-il de nos jeunes Québécois? Auront-ils, eux aussi, l'occasion et le droit d'apprendre?

Concernant l'axe de la technologie, nous constatons que des millions sont investis en informatique. Cependant, il s'avère difficile d'utiliser les logiciels adaptés à notre contenu parce que les ordinateurs se font rares dans nos écoles ou encore ils demeurent inaccessibles à certaines disciplines. De plus, 80 % des foyers sont dotés d'un microprocesseur, soit leur four à micro-ondes, mais la grande majorité des gens sont dans l'impossibilité de pouvoir le programmer et l'utilisent seulement pour réchauffer ou décongeler des aliments.

Mme Faille (Huguette): Pour ce qui est de l'axe de l'économie, nous croyons que la disparition de cette formation aura des conséquences néfastes sur l'économie du Québec. Qui incitera nos jeunes à consommer des produits québécois affichant le sceau «Qualité-Québec»? Pour ce qui est de l'axe de la consommation, il est impératif d'apprendre aux adolescents et adolescentes à faire des choix judicieux, car ceux-ci génèrent, selon Statistique Canada de 1994, des retombées de plus de 15 000 000 000 $ par année, notamment en influençant la famille dans le choix des produits qu'elle consomme. De plus, il est important qu'ils apprennent à identifier les organismes de protection des consommateurs qu'on possède au Québec, ce qui constitue deux applications concrètes de notre processus de gestion.

Mme Falardeau (Sonia): Concernant l'axe de la sexualité...

La Présidente (Mme Blackburn): Mme Falardeau.

Mme Falardeau (Sonia): Oui.

La Présidente (Mme Blackburn): La parole est à vous.

Mme Falardeau (Sonia): Merci, Mme la Présidente. Au Québec, le document de la politique de périnatalité de 1993 révèle une augmentation de 50 % des grossesses en bas âge entre 1980 et 1990 alors que le taux de fécondité a diminué de façon régulière partout dans le monde. Il n'est donc pas étonnant, dans ce contexte, que Mme Harel, ministre de la Condition féminine, priorise plusieurs actions pour contrer l'ampleur de ce phénomène dans son programme d'action 1997-2000 qui instaure la nouvelle politique en matière de condition féminine.

Et pour terminer, concernant l'axe de la santé, est-il nécessaire de mentionner l'importance de la prévention? Nous ne pouvons concevoir en tant qu'économistes familiales que seront ignorés, avec l'entrée en vigueur du prochain curriculum, certains sujets d'actualité relatifs à la santé. Nous pensons, entre autres, à l'anorexie, la boulimie, le tabagisme et l'obésité qui génère à elle seule des coûts de 6 000 000 000 $ par année.

M. Charreyron (Bruno): Dans un quatrième temps, nous croyons qu'il s'avère important de vous faire part du rayonnement des économistes familiales à travers le monde. En effet, l'économie familiale s'enseigne dans plus de 100 pays à travers le monde. Pouvez-vous prétendre que tous ces pays sont dans l'erreur? Combien d'associations d'enseignants peuvent se vanter d'appartenir à une association nationale parrainant des projets de coopération où l'expertise professionnelle des économistes familiales est reconnue? Combien d'associations d'enseignants peuvent se vanter de joindre les rangs d'une association internationale, telle la Fédération internationale pour l'économie familiale, laquelle est une organisation non gouvernementale dotée du statut consultatif auprès des Nations unies?

À ce sujet, je tiens à vous lire et à déposer par la suite un extrait de la lettre d'appui reçue: «En effet, depuis 1908, notre Fédération constate que toutes les nations prospères conservent dans leur système d'éducation un enseignement de l'économie familiale. Cette formation apporte aux jeunes générations tout à la fois un sens civique, une force identitaire et un épanouissement individuel. Or, tout responsable politique reconnaît dans la maturité d'un citoyen un gage de démocratie stable et enrichissante pour tous. Et seule l'économie familiale, avec toute la richesse de sa formation, assure une approche judicieuse dans le plein accomplissement de l'individu et de la famille. Elle offre aux jeunes des repères avec lesquels ils sauront gérer leur vie avec une responsabilité réfléchie, et le devenir de toute une nation en dépend. Supprimer l'économie familiale d'un système éducatif, ce serait, pour le malheur d'un pays, le massacre des innocents. Les générations à venir ne méritent pas d'être sacrifiées une fois de plus par des impératifs de court terme. Toute éducation se veut projective et ne saurait donc souffrir d'un manque de perspective.» Fin de la citation.

Alors, dans ces conditions, pourquoi abolir le bloc de la formation personnelle, familiale et sociale? Est-ce que ce serait pour innover?

La Présidente (Mme Blackburn): Mme Brassard.

Mme Brassard (Gabrielle): Alors, en terminant, Mme la Présidente, nous croyons fermement que les idées innovatrices des enseignants et enseignantes en économie familiale sont à prioriser ainsi que leur compétence professionnelle et leur présence dans le monde éducatif même si cela ne semble pas souhaitable pour certaines personnes. À ce moment-ci, j'aimerais que vous arriviez à la page 16 de notre mémoire, qui est la conclusion de notre mémoire, que nous aimerions défendre.

Au plus fort des délibérations lors d'une journée d'étude le 1er août dernier, il est ressorti clairement qu'un sentiment d'endoctrinement se dégage du début à la fin du rapport Réaffirmer l'école . Cette façon de voir nous préoccupe grandement et nous interroge sur le type de société que nous voulons construire. En scrutant les définitions des termes «cité, citoyen, civisme, civique, idée, idéologie», cités à moult reprises, nous sommes à même de constater que la mission de réaffirmer l'école répond davantage à une philosophie de parti qu'aux besoins des jeunes Québécois.

Nous sommes surprises de constater que le Groupe de travail sur la réforme du curriculum n'a pas daigné mentionner dans les références bibliographiques le document de l'AEFQ, Une éducation à la vie personnelle, familiale et sociale , alors qu'il s'en est largement inspiré. Les idées innovatrices des enseignants en économie familiale sont à prioriser, mais leur compétence et leur présence dans le monde éducatif n'apparaissent pas souhaitables. Nous pouvons quand même affirmer que notre intervention a été appréciée auprès des plus hautes instances du ministère – programme approuvé et rendu obligatoire par le ministre Camille Laurin le 1er juillet 1982 – et de la clientèle concernée.

Après ces considérations, l'AEFQ réaffirme la pertinence et l'importance d'une éducation personnelle, familiale et sociale dans le curriculum des jeunes du secondaire. Nous souhaitons fermement que le bloc de la formation de la personne intègre un programme de formation personnelle, familiale et sociale s'échelonnant de la première à la cinquième secondaire, tel que mentionné dans le document L'économie familiale dans la foulée de l'intégration . Ce document a d'abord été déposé à M. Michel Pagé en 1993 et, par la suite, soumis à d'autres instances gouvernementales. Alors, nous réitérons notre demande que ce programme soit clairement identifié et confié à des spécialistes en la matière. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, Mme Brassard. La parole est maintenant à Mme la ministre.

Mme Marois: Merci, Mme la Présidente. Ça me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue à notre table, à la table de cette commission à laquelle nous siégeons. Je pense que la présidente de la commission vous a rappelé qu'effectivement votre mémoire abordait peu l'avant-projet de loi que nous étudions. C'est évident qu'en allant dans l'un ou l'autre des articles on peut toujours s'en rapprocher. Mais votre mémoire vient parler surtout d'un élément qui se retrouve au curriculum et qui, effectivement, est en questionnement à ce moment-ci.

(11 h 40)

Moi, je voudrais peut-être vous poser, puisque vous êtes venus sur cette question, vous poser donc quelques questions, par ailleurs, sur ce cours que vous donnez et sur l'explication que vous nous avez donnée. C'est intéressant d'ailleurs de nous en présenter les tenants et les aboutissants. J'aimerais vous demander si vous ne croyez pas qu'il soit possible d'arriver aux mêmes objectifs de formation, au même contenu, même, de formation que vous défendez et que vous assumez avec grande compétence dans vos écoles respectives. Est-ce que ce n'est pas possible de faire en sorte que cela soit introduit comme compétence transversale? Et c'est une des approches que privilégie effectivement le rapport Inchauspé, c'est-à-dire que dans toutes les matières, que ce soit en français, que ce soit en histoire, que ce soit dans les cours de sciences, de technologie, dans les cours de civisme, parce que je pense que cela en prend surtout dans les sociétés modernes dans lesquelles on vit et où il est important de connaître les institutions dans lesquelles on va avoir à fonctionner, les organisations avec lesquelles on aura à transiger... Est-ce que vous ne croyez pas que tout ce que vous enseignez actuellement peut continuer d'être enseigné à l'intérieur de l'ensemble de la grille matière prise en charge dans l'ensemble des domaines, enfin des spécialisations ou des spécialités enseignées par chacun des professeurs, chacun des intervenants dans les classes?

La Présidente (Mme Blackburn): Mme Brassard.

Mme Brassard (Gabrielle): Mme Marois, nous ne croyons pas, avec l'expertise que nous possédons, qu'il sera possible d'arriver au même but, aux mêmes objectifs que nous devons atteindre par l'enseignement de cette discipline parce que cette discipline se place dans un contexte tout à fait différent. C'est à l'intérieur de cette discipline, entre autres, que nous pouvons accueillir très largement les arrivants, les nouveaux Québécois qui ont la possibilité de s'exprimer sur leur façon de vivre, leur façon d'être et leur façon de faire. Je ne croirais pas que ce sera à l'intérieur d'un cours d'histoire qu'ils pourront exprimer, soit en expliquant un vêtement, en expliquant le type de nourriture et comment ils vivent, qu'ils en auront la chance.

Nous avons à l'intérieur de notre matière la possibilité d'avoir ce qu'on appelle des groupes à effectifs réduits, d'ailleurs, je vous ferai remarquer, Mme Marois, que le rapport Inchauspé a bien recommandé de garder. Nous sommes les seuls groupes qui sont à effectifs réduits pour les utiliser ailleurs dans la grille matière. Nous qui avons toujours cru que nous coûtions trop cher aux commissions scolaires, à ce qu'on peut voir, ce n'est pas le cas. Donc, nos jeunes que nous avons une possibilité de rencontrer plus proche dans une relation qui est tout à fait différente de par l'enseignement qu'on fait, en parlant avec eux dans le cadre de différents volets de notre programme, ça nous permet d'échanger, ce qui n'est pas possible lorsqu'on a à passer l'enseignement de l'histoire.

Je peux vous dire en passant, Mme Marois, qu'étant statut précaire, et je finirai probablement ma carrière comme statut précaire parce que j'ai consacré une partie de ma vie de femme à l'éducation de mes enfants par choix, j'ai eu l'occasion de pouvoir enseigner l'histoire et, quand on connaît le programme d'histoire – c'est sûr qu'il sera sûrement amené à être modifié dans ce qu'il est là, et je le souhaite grandement – je ne vois pas à quel endroit il sera possible d'intégrer les notions et de faire faire des applications. C'est beau, Mme Marois, de vouloir connaître, mais on oublie dans ce mémoire une très grande partie de ce qui nous a motivés depuis le rapport Parent. Et d'ailleurs, j'étais une jeune enseignante lorsque ce rapport Parent a été mis sur la table. Où est-ce qu'on allait? Vers les savoir, les savoir-être et les savoir-faire. Et nous sommes dans les connaissances des savoir et nous sommes aussi en application dans le savoir-être et le savoir-faire.

Ce sont, comme je vous ai dit, de petites choses minimes, de petites choses que, tous les jours, nos jeunes vivent à la maison. Nous en parlons. Et vous savez fort bien qu'à l'adolescence il est souvent, souvent difficile pour des parents d'établir des relations. Mais, lorsque nous recréons ensemble,, entre autres dans le volet vie familiale, nous pouvons ouvrir sur ce volet et leur faire prendre conscience de la phase qu'ils vivent à l'heure actuelle. Et, moi, je peux vous dire, je peux vous en témoigner, que plusieurs étudiants m'ont dit: Comme c'est agréable de parler de ça ailleurs qu'en enseignement religieux et en enseignement moral. Parce que nous avons des choses très pratiques, nous amenons des choses qui sont simples, c'est vrai. Mais ne croyez pas que nous ne faisons pas de français, que nous ne faisons pas de mathématique, que nous ne faisons pas d'histoire; au contraire, nous les y intégrons. Et nous sommes présentement la matière, Mme Marois, qui fait de l'interdisciplinarité depuis toujours, toujours parce que, en histoire, nous faisons référence à de l'alimentation. Je ne pourrais pas, dans le cadre du temps qui m'est donné, vous donner toutes les possibilités, mais, croyez-moi, il nous aurait fait grand plaisir de pouvoir nous exprimer devant les personnes du groupe Inchauspé pour pouvoir exposer notre point de vue et peut-être arriver à un aménagement, Mme Marois.

Si vous remarquez bien, nous ne sommes pas ici pour revendiquer uniquement la discipline d'économie familiale en laquelle nous croyons. Nous sommes ici pour que soit reconnue à l'intérieur du curriculum de l'élève une partie complète qui touche à la formation de la personne, de la famille et de notre société. Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites qu'il faudra instruire tous ces nouveaux arrivants, parce qu'on sait très bien que le Québec est en dénatalité, on en est conscient dans toutes nos écoles. Mais il y a une chose qui est certaine: avant que le citoyen devienne citoyen, il devra passer par être individu, acquérir des compétences pour devenir parent et, ensuite de ça, lorsqu'il sera assez bien dans tous ces rôles-là, il pourra refléter sur notre société et lui apporter, lui redonner ce que cette société lui aura donné. À quel endroit, Mme Marois, si nous ne le faisons pas par des spécialistes dûment formés avec un programme dûment écrit et avec des moyens de contrôle spécifiques... comment pourrons-nous dire que nous avons atteint notre mission éducative qui est savoir, savoir-être et savoir-faire?

Et j'aimerais que vous regardiez les principes intégrateurs de notre société en lesquels nous croyons et que nous voulons absolument débattre, et de croire que ce qui est dit ici sera retenu lorsque sera définitivement bâti le futur curriculum... Mais, comme il nous semble avoir une idée directrice que ce serait ce rapport avec la grille matière qui est présentée là-dedans avec, si je me réfère aux pages du programme des programmes, Mme Marois, moi, je regrette... Pourquoi notre Association est intervenue, pourquoi nous vous avons cité ces lignes de l'avant-projet de loi, 447, c'est qu'on sait très bien que tout est enchâssé, tout est coulé dans le régime pédagogique, et, à partir du moment où le régime pédagogique est voté en Chambre, il a force de loi et aucune commission scolaire ne peut s'en retirer. Alors, pourquoi nous demandons que dans le curriculum soit reconnue cette partie-là intégrante à laquelle nous croyons et pour laquelle nous allons continuer à nous battre, c'est pour cette formation-là.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien.

Mme Marois: Oui, juste un petit commentaire.

La Présidente (Mme Blackburn): Oui.

Mme Marois: Moi, je pense que le contenu de ce que vous enseignez doit être pris en compte dans l'ensemble du curriculum, et c'est la perspective que je retiens, que je vais retenir. Maintenant, cela peut se traduire autrement que par un cours, cela peut se traduire par l'inclusion dans les programmes et dans plusieurs programmes, parce que je pense que c'est ce que vous nous demandez, vous assurer que ce qui est enseigné par l'intermédiaire d'un cours en particulier à ce moment-ci continue d'être enseigné. Qu'il puisse l'être à l'intérieur d'un ensemble de cours ou du projet éducatif de l'école, j'en suis et je suis d'accord avec vous.

(11 h 50)

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, Mme la ministre. M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Merci et bienvenue. Merci de votre présentation, de votre plaidoyer. Petite correction. Le régime pédagogique n'est pas adopté, je pense, par les membres de l'Assemblée nationale, c'est adopté par le gouvernement, le Conseil des ministres qui adopte des règlements. Ce n'est pas la prérogative des parlementaires. Et ça, vous y faites un peu référence à la page 16, dans la conclusion de votre mémoire, vous indiquez que l'école répondra davantage à une philosophie de parti qu'aux besoins des jeunes Québécois. J'aimerais vous entendre davantage là-dessus. Qu'est-ce que vous craignez? Où est votre méfiance lorsque vous parlez d'une philosophie de parti?

Un commentaire, cependant. Semble-t-il qu'à chaque fois qu'une décision sera prise par la ministre, on tente toujours de trouver des compromis qui n'en sont pas véritablement. J'ai l'impression qu'on tente de ménager le chou et la chèvre. Lorsqu'on dit qu'on va intégrer les notions du cours d'économie familiale à travers l'ensemble du curriculum, je me demande: Est-ce que ça peut être fait? Selon votre expérience, est-ce qu'on peut en tenir compte dans un cours de français, dans un cours d'histoire, dans un cours de géographie, des notions d'économie familiale?

Et de façon plus large, parce que, ici, au niveau de la table de cette commission parlementaire, nous avions fait, dans notre rapport d'étude sur le décrochage scolaire, des distinctions entre la réussite scolaire et la réussite éducative, la réussite éducative étant beaucoup plus large que la simple réussite scolaire... Est-ce qu'on n'a pas l'impression, avec les choix qui découleront du rapport Inchauspé, qu'on va se diriger davantage vers la réussite scolaire que vers la réussite éducative, parce qu'on va mettre de côté un cours comme l'économie familiale qui s'exerce au niveau des savoir-être et des savoir-faire et non pas juste au niveau des savoirs?

Mme Brassard (Gabrielle): Bon.

La Présidente (Mme Blackburn): Mme Brassard, la parole est à vous.

Mme Brassard (Gabrielle): Oui, je m'excuse. Dans un premier temps, je vais donner une partie de la réponse et Mme Faille complétera.

Il est bien certain que toute matière enseignée amène à – voyons, comment est-ce qu'on dit ça? – une vérification, une acquisition. Lorsque, dans notre régime pédagogique, présentement, québécois, on accorde et on notifie uniquement de matières fondamentales ou matières de base le français, l'anglais et les mathématiques et qu'on ignore de donner la moyenne de passage d'une classe à l'autre, on minimise l'impact de l'enseignement du reste des autres matières. N'étant pas vérifiée ou n'étant pas comptabilisée dans le bulletin de l'élève, les élèves nous répliquent en classe: Ce n'est pas important, je n'ai pas besoin de ta matière pour passer. Donc, nous ne sommes pas uniquement les seuls à ce niveau-là qui avons ces réactions-là. Et, à ce moment-ci, ce que je vous dis, c'est que, lorsqu'on réduit uniquement à du savoir, on ne peut pas aller vérifier et quantifier les choses retenues par les élèves, parce qu'elles ne sont pas retenues dans le bulletin et dans les moyennes pour faire une année de passage à l'autre.

Quand on vous dit qu'on ne croit... en tout cas, nous ne croyons pas que c'est en ajoutant deux heures de plus de français qu'on va améliorer le français. Mais nous croyons, par contre, que nous améliorerons le français parlé et écrit lorsque, dans chaque matière, il sera obligatoire de corriger et de notifier le français tel que nous aurions dû faire depuis 30 ans. Moi, je peux vous dire qu'en tant qu'enseignante je peux notifier les connaissances, même si je dois m'inventer un dictionnaire pour essayer de comprendre les choses que mes étudiants m'écrivent. Mais je n'ai pas droit de quantifier leurs connaissances en français, et il en est de même à la grandeur du Québec.

Et comment voulez-vous à ce moment-là que les jeunes nous prennent au sérieux? Lorsque nous sommes en classe, et que nous faisons une lecture, et que nous corrigeons leur lecture, les jeunes vont nous dire: Je ne suis pas en français. Parce que, vous savez, tout a été compartimenté. Naturellement, je m'applique à intervenir pour dire que, oui, nous sommes aussi en français. Donc, à partir de ce moment-là, est-ce que ce sera de remettre plus d'onguent sur le bobo qui va le guérir ou si ça serait de changer la formule de prescription? Au lieu d'en mettre juste le soir, d'en mettre à trois ou quatre fois dans la journée, mais de ne pas augmenter la quantité, de fractionner, d'y aller plus également. Alors, quand je vous dis que le français ou ses connaissances elles-mêmes appliquées à toutes les matières... oui, nous sommes d'accord avec un réaménagement du curriculum, nous sommes venus le dire aux états généraux, nous l'avons demandé dans les états généraux. Mais de là à nous dire que nous n'avons plus notre place et notre pertinence, eh bien, là, j'ai de la difficulté à comprendre. Je demanderais à Mme Faille de compléter.

La Présidente (Mme Blackburn): Je ne sais pas si ça répond à la question du député de Marquette.

M. Ouimet: Oui, il y avait une première question qui était la philosophie de parti. Je voulais voir qu'est-ce que...

Mme Brassard (Gabrielle): Ah bon! je ne suis pas revenue. C'est une question, c'est une interrogation des 50 membres et non-membres. Nous nous sommes réunis le 1er août, à Trois-Rivières. Plusieurs membres nous ont dit: Mais c'est quoi, un citoyen? Alors, nous sommes allés dans le dictionnaire Larousse , et on s'excuse, étant des enseignantes et non pas des secrétaires aptes à, comment je dirais, rédiger, nous avons pris la peine de vous mettre, à la fin de la conclusion – est-ce que je vais la retrouver?

Une voix: Une note en bas de page.

Mme Brassard (Gabrielle): C'est ça, une note en bas de page, et c'est une question qu'on se pose, O.K.? Alors, c'est à la page 16, et nous avons cité ces mots-là: «"cité, citoyen, civisme, civique, idée, idéologie", cités à moult reprises». Alors, est-ce qu'on veut faire du problème qui existe sur l'île de Montréal – on sait très bien pertinemment d'autant plus que mon collègue ici, à ma gauche, enseigne à l'école Saint-Luc où est-ce que le nom d'un Québécois est quelque chose de très rare... Est-ce qu'on veut faire à la grandeur du Québec cette interrogation et l'étendre à la grandeur du Québec? Nous sommes conscients que l'école de Montréal a un problème avec les nouveaux arrivants, nous en sommes conscients et nous voulons être des participants à l'intégration de ces nouvelles cultures. Mais de là à dire qu'on en fait à la grandeur du Québec une priorité de former uniquement des citoyens, nous avons des craintes.

M. Ouimet: Juste une dernière question.

La Présidente (Mme Blackburn): Oui, brièvement, M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Vous savez, des fois, on lit des dispositions de la loi et on tente d'envisager ce que la ministre avait en tête lorsqu'elle a soutenu différentes dispositions de l'avant-projet de loi. Il y a l'article 83 qui se lit comme suit: «Le conseil d'établissement peut organiser des services éducatifs autres que ceux qui sont prévus par le régime pédagogique.» Moi, je me disais, en tentant de comprendre: Quelle est la raison d'être de la présence de cet article-là? Je me suis dit: C'est peut-être les matières que la ministre va tasser du régime pédagogique, et, par la suite, on va proposer aux intervenants, on va leur dire: Écoutez, le conseil d'établissement pourrait toujours organiser des services éducatifs autres que ce qui est prévu dans le régime pédagogique. Si l'économie familiale n'est pas prévue dans le régime pédagogique, bien là on le proposerait par le biais du conseil d'établissement. Je ne sais pas si la question s'adresse à vous et peut-être à la ministre de l'Éducation: Qu'est-ce qu'on vise avec 83? Moi, je prenais pour acquis que c'est ça qu'on visait et ça aurait pu être une formule de compromis, la ministre va être à la recherche de compromis. Je pense que nous sommes tous convaincus autour de la table de la pertinence de la matière que vous enseignez, surtout à certaines catégories de personnes, dont les nouveaux arrivants et les personnes des milieux défavorisés, et à toutes les autres personnes aussi. «C'est-u» ça?

La Présidente (Mme Blackburn): Bien. Alors, c'était de l'ordre du commentaire, je pense que je l'interprète comme ça.

M. Ouimet: Mais votre lecture, votre interprétation de l'article 83? Ça vise quoi, cette affaire-là?

La Présidente (Mme Blackburn): Allez, Mme Brassard.

Mme Brassard (Gabrielle): Est-ce que la question s'adresse à moi ou à Mme Marois?

La Présidente (Mme Blackburn): À vous.

Mme Brassard (Gabrielle): L'interprétation de l'article...

La Présidente (Mme Blackburn): L'interprétation que vous en faites. Parce que ce n'est pas madame...

Mme Brassard (Gabrielle): Qu'est-ce que, nous, on en pense? Si vous me demandez une position d'association, il serait difficile d'en donner une parce que ce n'est pas sur ce volet-là que nous sommes intervenus. Mais je pourrais vous dire qu'en tant qu'enseignante, quant à moi, l'école à la carte, c'est non. C'est une réponse qui est personnelle. Je ne veux pas engager... Nous ne nous sommes pas penchées sur cette partie-là de la loi. Alors, nous ferons savoir, via d'autres instances syndicales ou d'autres façons, notre position face à cette chose-là.

La Présidente (Mme Blackburn): M. le député de Marquette, en conclusion, s'il vous plaît.

M. Ouimet: Oui, je vais attendre la réponse de la ministre. Je ne sais pas si la ministre veut répondre. J'essaie de cerner, là, l'article 83; ça vise quoi, «des services éducatifs autres que ceux qui sont prévus par le régime pédagogique»?

La Présidente (Mme Blackburn): Alors, M. le député, vous aurez l'occasion, au moment où on étudiera le projet de loi article par article, d'entendre les explications.

Mme Marois: On sait quand même ce qu'on voulait y mettre, là.

La Présidente (Mme Blackburn): Oui.

Mme Marois: Ne vous inquiétez pas, Mme la Présidente.

(12 heures)

La Présidente (Mme Blackburn): Alors, quelques mots de conclusion, M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Alors, je veux remercier les représentantes et le représentant de l'Association d'économie familiale du Québec pour votre plaidoyer. Vous avez eu un forum pour vous faire entendre. J'ai l'impression que ça n'a pas été le cas au moment de la rédaction du rapport Inchauspé. Je ne sais pas si on aura... Je pense que la ministre s'était engagée à ce qu'il y ait une commission parlementaire sur quelques questions. Il n'y aura pas de commission parlementaire sur les choix retenus par rapport au curriculum. Alors, on verra les choix qui seront faits par la ministre de l'Éducation. Merci.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, M. le député de Marquette. Mme la ministre.

Mme Marois: Merci, Mme la présidente. Je vous remercie de votre présence à notre commission. Vous savez, ça fait quatre ou cinq ans que l'on questionne le curriculum, vous le savez bien. Le gouvernement qui nous a précédés avait commandé deux rapports sur cette question, et je suis partie de ces deux rapports parce que je croyais qu'il était important que nous utilisions l'expertise que nous avions à cet égard et qui était d'ailleurs une excellente expertise, je n'en disconviens pas, la preuve, c'est que je l'ai utilisée, et j'ai demandé que l'on parte de cela pour me faire des recommandations, ce qu'on a fait.

Donc, il y a eu à moult occasions la possibilité, évidemment, de se faire entendre et d'exprimer son point de vue. J'ai déjà dit à quelques reprises aussi qu'en politique il fallait être capable de consulter, il fallait être capable d'évaluer, mais notre responsabilité, c'était aussi de prendre des décisions et, en ce sens, on rendra publique éventuellement, effectivement, la politique éducative. Il ne s'agit pas de tasser des formations absolument nécessaires et essentielles, et le contenu de ce que vous enseignez reste absolument fondamental, mais il peut s'enseigner à travers le curriculum dans des matières et de façon à ce que ce soit une préoccupation non plus d'une personne dans une classe, mais que ce soit la préoccupation d'une équipe-école.

Et je veux rassurer le député de Marquette quant à l'article 83. Il ne s'agit pas d'aller vers des services éducatifs qui seraient tarifés parce qu'on ne veut plus les rendre disponibles d'une façon universelle dans nos écoles, loin de là.

Alors, merci encore pour votre présence à notre commission.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, Mme la ministre. Mme Falardeau, Mme Faille, Mme Brassard et M. Charreyron, je voudrais, au nom des membres de la commission, vous remercier pour votre participation aux travaux de cette commission. J'aurais le goût d'ajouter, et je le fais, que, moi personnellement, j'estime que nos écoles devraient davantage former au respect des droits et libertés de la personne. Je pense qu'à cet égard, par exemple, au deuxième cycle du secondaire, une analyse très rigoureuse, dans le cours de français, du texte de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne pourrait être extrêmement pertinente, sinon imposée ou reconnue nationalement que ça fait partie des objectifs à atteindre de bien comprendre ce texte. Et pour autant, je ne pense pas que ça demanderait un cours particulier. Et ça me rassurerait de le voir enseigné dans le cadre d'un cours de français parce que, là, ils sont annotés, ils sont notés... c'est-à-dire, ils sont notés sur la compréhension des textes et c'est dans ce sens-là que je me dis d'accord avec l'approche de la ministre: vous avez non seulement la possibilité d'enseigner certaines notions, mais également de s'assurer de la compréhension.

Une voix: ...

La Présidente (Mme Blackburn): Oui, ça pourrait même être une excellente idée s'ils enseignaient la Constitution canadienne.

Une voix: ...

La Présidente (Mme Blackburn): Ça pourrait aussi être l'objet d'un texte de compréhension. Alors, bonne chance à ceux qui l'enseignent et à ceux qui l'interprètent.

Alors, mesdames, monsieur, merci de votre participation aux travaux de cette commission.

La commission de l'éducation suspend ses travaux jusqu'à 14 heures dans la même salle. Oui, madame.

Mme Brassard (Gabrielle): Nous avions un mot de la fin, est-ce que vous nous permettez de vous le...

La Présidente (Mme Blackburn): Bien, allez-y, je vous en prie.

Mme Brassard (Gabrielle): Mme Marois, M. Ouimet, il nous fait plaisir de vous remettre ces symboles afin d'illustrer certaines des connaissances transmises aux élèves en économie familiale, toujours dans le même sens du symbole. Nous, les économistes familiales, croyons que nous fournissons des connaissances nécessaires à l'élève afin qu'il soit en mesure d'affronter la vie. Alors, nous voulons symboliser par des gestes ou par des choses.

Tel le fil d'Ariane, le sac à dos symbolise le bagage de connaissances que l'élève transporte avec lui. Si le fil à coudre représente le développement des habilités psychomotrices fines, lesquelles permettent, entre autres, de coudre un bouton à quatre trous, tous les fils ne mènent pas exclusivement à la même forme d'exercice. Nous pensons notamment au fil à broder permettant l'expression de l'esthétique et de la créativité, et même le fil chirurgical nécessaire pour réaliser une suture parfaite. Quant au fil téléphonique, il symbolise la communication que nous aurions souhaitée et attendue depuis un an avec vous, Mme Marois.

Mme Faille (Huguette): Le coffret en forme de coeur représente la relation privilégiée que nous développons avec nos élèves et démontre l'importance que nous accordons au développement affectif. Quant aux six oeufs, ils représentent la fragilité des six axes de formation qui vous ont été présentés. De grâce, n'en faites pas une omelette.

Mme Brassard (Gabrielle): Le globe terrestre représente la dimension interculturelle que nous sommes les seuls à intégrer et à valoriser à l'intérieur de tous les volets. La revue Protégez-vous permet une prise de conscience face à la consommation et informe les élèves sur tous leurs droits et responsabilités en tant que citoyens.

Mme Faille (Huguette): Le Guide alimentaire canadien contient la base d'une saine alimentation et fournit la clé assurant une meilleure qualité de vie. Le tablier rouge pour Mme Marois et bleu pour M. Ouimet...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Faille (Huguette): ...sert à protéger nos vêtements et peut être particulièrement pratique lorsqu'on fait des omelettes. Enfin, le dernier élément qui vous est présenté est un condom. Le but est de rappeler qu'il est très important de responsabiliser tous nos jeunes, autant les garçons que les filles, en matière de sexualité.

Mme Brassard (Gabrielle): C'est pour cette raison que nous vous demandons... lorsque vous présenterez en commission parlementaire ou que vous changerez les mots à l'intérieur de cette loi, il sera important de conserver à l'esprit l'importance de la formation personnelle familiale et sociale que nous devons donner à tous les jeunes Québécois.

Sur ce, je vous remercie de votre patience. Les deux sacs à dos sont pour Mme Marois et M. Ouimet. Et je tiens à vous dire que les oeufs sont absolument frais; nous ne les avons sortis que pour s'en venir ici. On a voulu terminer cette rencontre sur une pointe d'humour pour éviter justement peut-être de se blesser ou de se dire des choses que nous aurions regrettées. Merci.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, Mme Brassard. À nouveau, merci à vos collègues.

Une voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Blackburn): Il est rose. Il est rose, François. Il est rose.

Mme Brassard (Gabrielle): Nous avons bien choisi le bleu pour M. Ouimet et le rouge pour...

Une voix: C'est pour les rôles qui s'interchangent.

Mme Brassard (Gabrielle): C'est ça.

Une voix: Hein, j'avais bien compris.

Mme Brassard (Gabrielle): Et vous avez remarqué que le fil à broder, il y a du rouge et il y a du bleu. Alors, on pourra peut-être choisir de broder l'avenir avec une autre couleur que celles qui sont présentement là.

La Présidente (Mme Blackburn): Alors, de façon nette et définitive, je suspends les travaux de la présente séance et nous reprendrons à 14 heures dans la même salle. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 9)

(Reprise à 14 h 7)

La Présidente (Mme Blackburn): Mme la ministre, madame, messieurs membres de la commission, la commission de l'éducation reprend ses travaux suspendus à 12 heures. Tel qu'entendu ce matin à la lecture de l'ordre du jour, nous recevrons maintenant la Solidarité rurale du Québec, organisme présidé par M. Jacques Proulx. Les personnes prennent place à la table. J'ai le plaisir de retrouver et de saluer celui que je pense avec un peu de fierté appeler mon ami Jacques Proulx. On a déjà siégé à d'autres tables ensemble.

Alors, M. Proulx je rappelle brièvement les règles, que vous connaissez bien pour avoir participé à de très nombreuses pour ne pas dire de multiples commissions parlementaires. Vous avez une enveloppe de temps de 40, 45 minutes, une présentation d'une dizaine de minutes suivie d'échanges avec les parlementaires de la commission. Vous nous présentez au préalable les personnes qui vous accompagnent et nous vous écoutons.


Solidarité rurale du Québec

M. Proulx (Jacques): Merci, Mme la Présidente. Moi aussi, c'est avec plaisir que je retrouve plusieurs personnes avec qui on a échangé, premièrement à des commissions parlementaires et aussi dans d'autres lieux sur d'autres sujets tout aussi importants. Il y a M. Pierre Desjardins, qui est avec moi et qui est le secrétaire général de Solidarité rurale, et M. Gaétan Lebel, qui s'occupe beaucoup de la Coalition contre la fermeture des petites écoles de village et dont Solidarité rurale est le porte-parole.

La Présidente (Mme Blackburn): Bonjour, M. Lebel.

M. Proulx (Jacques): Alors, très rapidement, je pense que vous connaissez tous Solidarité rurale. En fait, ça découle des États généraux du monde rural qui se sont tenus en 1991, où au-delà de 1 200 personnes du monde rural avaient participé et qui par la suite ont décidé de donner un suivi. Alors, sa mission est de promouvoir la revitalisation et le développement du monde rural, de ses régions et de ses localités de manière à renverser le mouvement de déclin et de déstructuration des campagnes québécoises. C'est un organisme sans but lucratif qui reçoit ses mandats de son assemblée générale annuelle, qui est financé par ses membres aussi, qui représentent au-delà de 80 %, 85 % des hommes et des femmes du Québec. En plus, depuis 1997, on agit à titre d'instance-conseil du gouvernement du Québec en matière de ruralité.

Je me présente également aujourd'hui devant les membres de la commission à titre de porte-parole de la Coalition de la sauvegarde des petites écoles de village, comme je viens de vous le dire. Cette Coalition est née à la suite d'un appel au secours du Comité de défense de l'école de Batiscan. Elle est formée de parents membres de divers comités de survie pour le maintien de l'école de village. Plus de 25 représentants de villages en provenance des différentes régions du Québec dont l'école était menacée de fermeture s'y sont regroupés le 6 septembre 1994 pour presser le gouvernement d'intervenir. Depuis cette date, la Coalition s'est réunie deux à trois fois par an pour faire la mise à jour et suggérer à Solidarité rurale les points importants à faire valoir.

(14 h 10)

J'éviterai de faire ici l'historique de nos batailles, puisqu'il est annexé à notre mémoire. Cependant, je vous rappelle que, l'objectif fondamental de notre Coalition étant de promouvoir la revitalisation et le développement du monde rural, nous considérons que la fermeture de l'école du village comporte un effet dramatique sur l'avenir d'une localité.

Ainsi, Solidarité rurale du Québec invite les gouvernements et les administrations tant régionales que locales à considérer le village comme un tout qui doit, pour s'épanouir ou à tout le moins subsister, bénéficier de tous les services de base indispensables à la qualité de vie d'une communauté. À cet effet, nous considérons que la dernière école d'un village est un de ces moyens essentiels. Comment attirer dans le village les jeunes familles, sans école primaire? Le transport des enfants vers les écoles de la ville ou du village voisin favorise-t-il le développement des jeunes enfants et leur intégration dans leur communauté de base? Pourquoi être si pressé de sortir les jeunes de leur milieu et les soustraire aux valeurs locales de leur communauté, comme si celle-ci était malsaine? Il est important de se rappeler que leurs parents doivent bien souvent, pour gagner leur vie et, à l'occasion, obtenir des services médicaux bancaires et autres, se déplacer. Lorsque le village se vide de ses services, il ne devient qu'un lieu de résidence, ce n'est plus un village.

Ainsi, Solidarité rurale demande aux ministres de l'Éducation, depuis 1995, une politique qui garantisse le maintien ou la réouverture des dernières écoles de village, car l'accessibilité pleine et entière des enfants du milieu rural passe par la proximité de l'institution. Cette accessibilité signifie aussi le maintien ou la mise en place de services éducatifs équivalant à ceux que l'on retrouve ailleurs, quitte à recourir à des formules nouvelles adaptées aux conditions du monde rural.

Enfin, l'équité exige que les petites localités n'aient pas à payer en double pour le maintien de leurs écoles, que ce soit en surtaxe, en revendications ou en luttes acharnées pour faire valoir leurs droits. D'ailleurs, Mme la ministre, en fin de présentation, je vous soumettrai notre dernière difficulté, le dernier cas qui occupe notre équipe de travail depuis déjà quelques semaines, un très beau cas. Donc, pour préserver cet objectif, soit celui de l'équité, il est souhaité que se développe un partenariat entre les commissions scolaires, les municipalités et les organismes du milieu. En attendant que ce partenariat devienne politique, nous souhaitons, contrairement à l'avant-projet de loi, que la responsabilité du maintien de la dernière école primaire du village relève de la ministre plutôt que des commissions scolaires.

En conséquence, Solidarité rurale demande toujours un moratoire sur la fermeture des petites écoles, chose qu'elle n'a jamais obtenue. Pour mémoire, nous vous rappelons la position que Solidarité rurale du Québec, suite à l'adoption à l'unanimité par son assemblée générale du 12 février 1995, a défendue lors de la Commission des états généraux sur l'éducation de l'automne 1996: «Un citoyen est toujours habitant de quelque part. Donc, l'école, du manuel à sa situation géographique, doit être amarrée à la société, ce qui inclut le village, les petites communautés, les ruraux. Nous faisons de l'école du village un enjeu. Nous sommes conscients qu'elle rapporte autant qu'elle ne coûte. C'est pourquoi nous favorisons le maillage et les utilisations mixtes. Je sors d'ici en sachant que nous avons identifié le problème et fourni des solutions. Tout le reste n'est que volonté politique.»

De son côté, la Coalition pour la sauvegarde des petites écoles, un comité spécifique de solidarité rurale, exprime les mêmes préoccupations en fonction des constats suivants. Au niveau pédagogique, elle constate que les classes à niveaux multiples devraient être privilégiées comme une solution à retenir pour le maintien des écoles de 100 élèves ou moins. Par ce moyen, l'école pourrait offrir les six niveaux du cours primaire à proximité de la communauté et des familles. Les écoles dites de cycle ne sont pas souhaitables, car ça devient une demi-école, une école à moitié fermée.

Au niveau administratif, le maillage de services entre les commissions scolaires et les municipalités est impératif pour bien utiliser les espaces excédentaires. Le transport des élèves d'une petite localité vers une plus grosse ou vers le village voisin peut sans doute solutionner le problème d'espace excédentaire, mais crée un problème plus grand d'éducation et d'appartenance. La responsabilité première des commissions scolaires est d'instruire et d'éduquer. La gestion des immeubles, du transport et des espaces excédentaires peut être partagée avec d'autres instances, telles les municipalités et les MRC. Il y a lieu d'encourager l'utilisation partagée des immeubles scolaires, autant dans les petits villages que dans les villes, s'il s'y trouve des espaces excédentaires. Et, du même coup, cette interaction entre le scolaire et le municipal permettra à tous les élus d'être plus vigilants, plus rigoureux et plus informés lorsqu'on leur soumet des projets de construction ou de location d'édifices administratifs, alors que des espaces sont disponibles dans les écoles.

On constate bien souvent que la solution retenue par les commissions scolaires est de fermer l'école du village ou d'en faire une école de cycle ou de transporter les élèves dans le village ou la ville voisine pour utiliser tous les espaces. Rarement l'inverse ne se fait. On projette la construction d'une école dans un quartier en développement, alors que l'école du village voisin pourrait accueillir les surplus d'élèves. Nous vous rappelons que les autobus scolaires peuvent voyager dans les deux sens. Si cette solution apparaît pénible aux yeux des citadins, elle l'est tout autant pour les ruraux. Il faut alors chercher ailleurs que dans le déplacement d'élèves une solution acceptable.

Au niveau sociologique, la Coalition estime que la fermeture des villages et le déracinement des ruraux vers les villes voisines, conséquence inévitable à moyen terme de la fermeture des écoles, ne serait pas au bénéfice de celles-ci. Les villes devraient absorber des citoyens mal adaptés et souvent très dépendants. Nous n'avons qu'à nous souvenir des fermetures de villages que nous avons connues au Québec dans les années soixante. De plus, il est important de se rappeler que ce vaste territoire auquel nous tenons tant n'est que faiblement habité. Tentons à tout le moins d'assurer le niveau d'occupation actuel par le maintien des services qui s'y trouvent.

Au niveau politique, l'équité entre le milieu rural et urbain doit être assurée, et rien ne prouve que l'école rurale est la responsable des difficultés financières que vit le milieu de l'éducation. Ou, alors, comment expliquer que des commissions scolaires entièrement rurales se débrouillent bien, et je dirais très bien, en matière budgétaire?

Solidarité rurale et la Coalition notent l'intention de la ministre de l'Éducation de vouloir décentraliser vers le conseil d'établissement plusieurs responsabilités actuellement assumées par les commissions scolaires. Ceci est un effort de décentralisation appréciable qui aura du succès s'il répond aux conditions suivantes:

Que l'école appartienne d'abord aux parents et à la communauté locale. En conséquence, ceux-ci doivent être majoritaires sur le conseil d'établissement et être bien préparés pour assumer leur rôle.

Que le conseil d'établissement doit être celui de l'école du village et non le conseil de deux ou trois écoles de village réunies. Les enfants comme les parents sont d'un village et non d'un regroupement de villages.

Que l'approche pédagogique à niveaux multiples fasse partie des moyens éducatifs disponibles et utilisés, voire encouragés pour le maintien de l'école du village.

Qu'il soit possible – et je ne veux pas m'immiscer dans la discussion actuellement en cours dans d'autres forums – qu'une municipalité puisse prendre la responsabilité administrative de la gestion de son école tout en gardant son contrat pédagogique avec la commission scolaire.

Que chaque communauté rurale ait droit à son école primaire, et cela, sans surtaxe. À cet égard, tout l'effort de nos gouvernements pour éliminer la surfacturation dans les services de santé doit s'appliquer aussi dans le secteur de l'éducation.

Que s'applique le principe de subsidiarité, soit le déplacement des pouvoirs vers le niveau le plus près des utilisateurs et au meilleur coût, afin que nous nous engagions réellement sur la voie de la décentralisation.

En somme, la décision finale de fermer une école ne devrait pas appartenir à la commission scolaire, mais à une instance supérieure qui pourrait entendre et considérer les enjeux autres que strictement budgétaires et évaluer les impacts sociaux et économiques d'une telle fermeture. De plus, la loi devrait prévoir une procédure, dans le cas des fermetures des dernières écoles de village, laquelle devrait comporter une forme d'audience publique.

Mais, si j'éviterai de reprendre un à un les amendements que nous proposons pour certains articles de la loi, je vous le répète, Solidarité rurale du Québec et la Coalition ont beaucoup d'attentes envers cet avant-projet de loi. La bonification de certains items, dont ceux cités explicitement dans notre mémoire, pourra remettre l'école sur les rails en matière d'égalité des chances afin, comme le suggère le rapport final de la Commission des états généraux de l'éducation, de maintenir dans la mesure du possible les petites écoles de village ou de quartier et convenir de balises claires pour guider les choix des communautés locales en la matière et d'un cadre général pour le maintien d'une offre de formation répondant aux besoins des régions harmonisée avec une politique d'occupation du territoire.

(14 h 20)

En second lieu, Solidarité rurale et la Coalition ont beaucoup de craintes à propos du nouveau découpage ou du regroupement des commissions scolaires. Ce projet crée un effet de panique dans les petites communautés dont l'école est menacée. En plus de dicter à plusieurs technocrates des agendas autres que celui de l'année scolaire, en cette période instable, il y a risque que la tendance des fermetures d'écoles s'amplifie, alors que les commissions scolaires élargies ne se seront pas encore donné de vision d'ensemble ni une organisation ferme pour prendre de telles décisions. Alors, plus que jamais, nous sommes convaincus qu'il faut donc instituer un moratoire d'au moins trois ans, empêchant tout projet de fermeture de la dernière école du village.

Mme la ministre, depuis déjà des années, les ruraux demandent aux différents gouvernements un moratoire pour que nous ayons le temps de voir venir et de doter le Québec d'une réelle politique de maintien de la dernière école. Malgré les études universitaires, les engagements électoraux de votre parti, les états généraux de l'éducation, nous devons constater que, de victoire en victoire, nous reculons sans cesse.

Ce lundi, nous avons collectivement connu un assaut sans précédent. En effet, la commission scolaire de la Vallée-de-la-Matapédia a obtenu une injonction interlocutoire empêchant les membres de la communauté de Saint-Moïse de manifester son opposition à des récentes décisions. Je sais très bien que les membres de cette commission ne connaissent pas nécessairement tous les détails de la lutte des parents de Saint-Moïse pour garder leur école pleinement ouverte, mais je sais aussi que la commission scolaire, en déplaçant la bataille sur le terrain juridique, choisissait le bâillon à la médiation.

Que l'on m'entende bien, je suis excédé par l'outrance de ces corps publics qui croient que la démocratie relève des tribunaux. Mme la ministre, ni la sécession ni la partition du Québec, ni la fermeture d'une école ne devrait être à l'ordre du jour des tribunaux. Ceux et celles qui y recourent méprisent des droits protégés en démocratie et demandent à des juges de trancher au coeur de débats politiques qui se jouent plus souvent dans la rue que dans les cours. Mon exaspération est à son comble quand j'apprends que vos gens ne retournent ni les appels ni ne répondent au courrier. Qui plus est, une jurisprudence existe désormais par laquelle on pourrait rompre toute manifestation de parents opposés à une décision en plus de leur signifier de ne plus importuner le directeur de l'une ou l'autre des commissions scolaires. Est-il interdit au Québec de questionner des décisions administratives?

En conclusion, s'il y a une confusion au Québec sur le rôle de l'école, sur la place des parents, des commissions scolaires, sur les programmes pédagogiques, sur les méthodes d'enseignement, il y a aussi des roitelets que l'État devrait rappeler parce qu'ils harcèlent les citoyens avec leurs règles, leurs normes et même leurs avocats, et cela, avec l'argent des contribuables. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, M. Proulx. Mme la ministre de l'Éducation, la parole est à vous.

Mme Marois: Merci, Mme la Présidente. J'ai eu l'occasion de rencontrer, effectivement, M. le président de Solidarité rurale avec quelques-uns de ses collaborateurs, il y a maintenant quelques mois quand même – je crois que c'était au printemps si je ne m'abuse – et on avait eu une discussion assez intéressante sur ces questions, même très intéressante.

Je retrouve, évidemment, au coeur du mémoire les préoccupations défendues par Solidarité rurale du Québec et j'y suis très sensible. En fait, je comprends fort bien quelle est l'importance de certaines institutions pour l'occupation du territoire et pour la préservation de la vie communautaire et de la vie dans les petites localités du Québec. Et elles sont encore très nombreuses, je suis très consciente de ça.

Dans l'avant-projet de loi que nous avons devant nous, nous proposons qu'effectivement une politique concernant l'ouverture ou la fermeture des écoles soit adoptée par chaque commission scolaire. Nous disons même – j'essaie de retrouver l'article lui-même – suite à des normes que je pourrais émettre ou qu'éventuellement un ministre de l'Éducation pourrait émettre – on dit «critères», je ne sais pas si ça correspond à ce que vous appelez «balises» – à l'article 212, en fait, c'est l'article 29 de la loi qui vient modifier l'article 212 qui est remplacé: «Après consultation du comité de parents et sous réserve des critères que peut établir le ministre, la commission scolaire adopte une politique de maintien ou de fermeture de ses écoles.»

On peut faire en sorte que cet article, peut-être, aille plus loin dans le sens de la consultation des différents partenaires concernés, entendant par là la communauté locale elle-même, par l'intermédiaire soit de ses élus ou des citoyens qui habitent cette communauté ou ce village, dans un quartier, parce que ce n'est pas évidemment seulement dans les villages. Vous parlez d'une problématique particulière et d'une réalité propre au Québec, évidemment, que sont les petites communautés qui sont très éloignées les unes des autres et qui ont un nombre de population assez restreint. Mais c'est aussi le cas parfois dans certains quartiers de ville. Et c'est important que les populations connaissent quelles sont les politiques qui existent à cet égard et qui sont adoptées par les commissions scolaires.

Alors, moi je suis prête à regarder une possibilité d'aller plus loin dans l'article pour amener une consultation plus large, de telle sorte que la prise en compte du point de vue d'autres intervenants soit là, soit présente dans la loi. Et, comme cela comporte la notion de critères, on peut regarder quelle sorte de critères pourraient être souhaitables ou pourraient être retenus.

Mais, je suis toujours tiraillée devant le même dilemme, et je l'ai partagé ce matin avec le vice-président de l'UMRCQ, M. Saint-Onge, qui est venu aussi défendre un point de vue semblable où il demande que la politique soit une politique plutôt nationale. Moi, je suis un peu tiraillée parce que, dans le projet de loi qui est devant nous, la perspective, c'est de décentraliser tout ce qu'il est possible de décentraliser sans entacher ou remettre en question, bien sûr, le projet d'éducation nationale. Ça, c'est fondamental, et je pense qu'on va s'entendre rapidement sur cela. On ne peut pas décider quelles matières vont apprendre ou quelles connaissances vont acquérir les enfants selon l'endroit où ils vivent au Québec. Ils vont acquérir une connaissance de base, le diplôme va correspondre à la sanction de ces acquis et de ces connaissances et ils pourront cependant avoir un espace pour définir un projet qui leur soit propre. Et, en ce sens-là, je pense que ça rejoint profondément l'esprit de ce que vous défendez.

Mais, moi, je vais plus loin que ça quant à certains aspects. Et, l'exemple des ouvertures et fermetures d'écoles, je me dis: Est-ce que le milieu local et régional ne peut pas définir lui-même une politique, consulter les gens qui l'entourent, les personnes particulièrement concernées, mais que la décision en ce sens aussi lui revienne en bout de piste? Et le dilemme, c'est: si je crois vraiment à la décentralisation, il faut que j'aille au bout de ma logique. Souvent des gens m'appellent et me disent: Mme Marois, pourquoi vous ne dites pas ça à telle commission scolaire? Pourquoi vous ne lui demandez pas ça? Pourquoi vous ne lui imposez pas ça? Parce que ce sont des gens qui ont des responsabilités, qui exercent des pouvoirs, qui en assument les responsabilités et qui, en plus, sont imputables. Ils sont imputables, au sens où ils doivent rendre des comptes et ils sont des élus.

Alors, ce pourquoi, donc, je suis tiraillée, c'est que je confie à des élus qui représentent des gens qui sont plus près de leur milieu immédiat la responsabilité de décider pour eux sur leur territoire. Il me semble que c'est préférable à une décision qui va être prise au niveau central par un ministre qui est pas mal plus loin. Même si je peux essayer de tout connaître parfaitement, ce serait très prétentieux de ma part de dire que c'est le cas. Et c'est pour ça qu'on essaie de trouver l'équilibre. Et c'est ça qu'on retrouve au projet de loi. Et, quand on cite le rapport des états généraux, on dit bien: Des balises pour guider les choix des communautés locales. Mais ce sont les communautés locales qui feraient les choix. Alors, c'est ça, mon dilemme.

Moi, je suis prête à ouvrir l'article qui est ici pour essayer de voir comment on pourrait s'assurer que le milieu soit davantage ou mieux consulté, parce que, ici, on identifie bien que les parents doivent l'être, on pourrait imaginer d'autres intervenants du milieu qui pourraient être consultés, mais, en même temps, que cette politique, elle reste la propriété, la responsabilité d'élus locaux, ce que sont les gens qui sont au niveau des commissions scolaires. Ils se choisissent des directeurs, ils se choisissent des administrateurs, mais ce sont des élus, au suffrage universel, comme l'est le maire, comme l'est le conseiller, comme l'est...

M. Proulx (Jacques): Je peux rajouter?

Mme Marois: Bien sûr.

M. Proulx (Jacques): Premièrement, j'aimerais que vous me définissiez c'est quoi, vous, votre interprétation du milieu. Tout se joue, en fait, sur nos interprétations. Avec votre nouvelle carte des commissions scolaires, il y a beaucoup de milieux qui ne voulaient pas puis qui ont même voulu décider le contraire. Vous le faites, j'imagine que c'est pour le bien national, et ainsi de suite. C'est là qu'on a de la difficulté à se... Je suis d'accord avec vous, établir une politique de maintien et de fermeture des écoles, jusque-là, moi, je trouve ça bien. Bravo, si on peut avoir ça, ça va être un pas en avant. Mais, vous savez très bien comme moi que ce n'est pas suffisant. Ce n'est pas suffisant parce que vous laissez...

(14 h 30)

Je pense que votre interprétation est l'interprétation de l'État. À l'heure actuelle, le milieu, c'est la structure scolaire, la commission scolaire. Ce n'est plus mon milieu, ça, la commission scolaire, puis ça va l'être encore moins avec la nouvelle concentration. Ça ne me représente plus, ce n'est pas ça qu'on appelle la communauté de base. Alors, c'est sûr qu'à partir d'eux regroupés, ils étaient déjà loin des problèmes de mon milieu, imaginez-vous qu'ils vont être encore plus loin. C'est tout là que ça se joue. Et, quand on vous dit qu'il faut que la ministre – le ministère importe peu – soit l'instance finale devant des problèmes, devant l'incapacité des communautés de s'entendre, c'est une certaine sécurité qu'on veut donner aux communautés. On ne veut pas que ce soit toujours la ministre qui intervienne. On veut bien respecter l'autonomie, la responsabilité, l'imputabilité, tout ce que vous voulez, sauf que je vous le rappelle encore une fois, vous nous imposez des regroupements. Et, je vais être démagogique un peu, le 500 000 000 $, vous le savez que le milieu ne le veut pas puis vous l'imposez aussi, dans un autre domaine. Je pense que c'est sur la question de la définition du milieu qu'on ne s'entend pas.

Mme Marois: J'allais vous dire: Est-ce que quelqu'un veut vraiment ne jamais avoir des taxes ou avoir...

M. Proulx (Jacques): Je suis d'accord avec vous, Mme la ministre.

Mme Marois: Ça, c'est notre drame collectif.

M. Proulx (Jacques): Mais ce n'est pas cette question-là que je vous soulève.

Mme Marois: C'est parce que, pour moi, la perspective de rendre les gens responsables, c'est toujours plus intéressant que de prendre la décision à leur place.

M. Proulx (Jacques): Oui.

Mme Marois: Je comprends que vous disiez: Le milieu, il va être plus large. Mais on peut effectivement s'entendre pour que, dans la politique, il y ait une obligation, que, même pour l'adoption de la politique et pour éventuellement des décisions, il y ait l'obligation de consulter le milieu concerné, les milieux susceptibles d'être concernés. C'est telle municipalité, ici; c'est tel village, là-bas. Alors, on peut imaginer une chose comme celle-là.

De toute façon, la politique, sera-t-elle la meilleure, sera-t-elle la mieux définie, elle devra souffrir quelque part l'exception, et c'est toujours l'exception qui vient créer le conflit. Et, même avec une politique, il y a des risques de conflit, qu'on le veuille ou non. Sauf que, si, en plus, cette politique, elle a été bâtie sur une consultation des gens du milieu – puis on peut la préciser, la notion de milieu – si les gens s'y sentent associés en renforçant d'autres points de vue, par exemple...

Et là, je pense que vous saisissez tout à fait bien, à cet égard, d'ailleurs, l'ensemble du projet de loi, le fait que nous souhaitons confier des nouvelles responsabilités à l'établissement, et ce sera dans le sens de ce que vous souhaitez, que les parents soient vraiment associés au projet de loi. D'ailleurs, on va revoir certains des aspects de l'avant-projet sous cet angle de la participation des parents, pour nous assurer que ça répond bien à l'esprit que l'on a et aux intentions qui sont derrière cet avant-projet et, donc, en ce sens, faire en sorte que l'établissement puisse assumer davantage le projet éducatif.

Entre autres, ce dont vous parlez quant aux multiniveaux, je l'ai dit aussi ce matin, c'est documenté, c'est appuyé. Nous avons les outils nécessaires pour les rendre disponibles aux écoles, au ministère de l'Éducation, pour dire: Oui, c'est une stratégie éducative qui est aussi valable que celle où on a 30 enfants par classe à chaque classe. Ça, aucun problème avec ça et, comme je le dis, c'est solide.

Et nous ne souhaitons pas – vous faites une recommandation là-dessus – qu'il y ait un conseil d'établissement pour quatre écoles, dans quatre villages différents. Nous souhaitons que chaque école ait son conseil d'établissement. Évidemment, il faut être conscient que, s'il y a une école d'un côté de l'église puis une partie de l'école qui est de l'autre côté de l'église, bien, là, je pense qu'on dit la même chose. Mais, si c'est trois villages différents, trois conseils d'établissement différents, même si, à la limite, ils ne couvraient pas tous les niveaux dans cette école... Et ça, pour nous, c'est très, très clair.

Mais, sur l'autre aspect, je me dis, si on allait dans le sens de pousser plus loin la consultation, de s'assurer que les milieux concernés vont être consultés, est-ce qu'on n'irait pas dans le sens de ce que vous souhaitez, en responsabilisant les collectivités locales?

M. Proulx (Jacques): Mme la ministre, on est parfaitement d'accord, c'est ça qu'on veut, être responsabilisés. Mais c'est la communauté locale d'appartenance. Moi, je suis très content de vous entendre dire que ça va être un conseil scolaire par école, par communauté. Je suis très content, je dis: Bravo! C'est ça qu'on veut. Mais, en attendant que ce soit bien acquis, ça, il ne faut pas continuer à fermer les petites écoles à tour de bras, parce que, là, ça va être rien que...

Non, non, mais c'est ça qui se passe, Mme la ministre, je m'excuse, mais c'est ça qui se passe. Et c'est très vicieux, de la façon dont ça se fait, dans beaucoup d'endroits, à l'heure actuelle. On vide graduellement les communautés de leurs enfants. Je pourrais vous nommer Saint-Léon, par exemple, en Mauricie, où, au fil des années, on a ramassé les bouts de rangs, on a dit: C'est plus pratique que le village voisin, moins loin, ça coûte moins cher. Et pourtant ce qui est une grosse municipalité, qui pourrait avoir en masse d'élèves pour avoir son école, s'est retrouvée un bon matin avec 45 élèves. Je crois bien, on l'a dégraissée quotidiennement pendant des années pour arriver au même résultat qu'on poursuivait.

Moi, je veux que, quand on parle de l'école du village, on reconnaisse très clairement la communauté locale, la communauté d'appartenance par municipalité. Il y a des alternatives, et vous le savez, Mme la ministre. Pourquoi ne pas mettre ça clair plutôt que de laisser de l'espace où, je ne dirais pas tous, mais certains technocrates ou personnages qui veulent se donner un petit pouvoir... et avoir encore beaucoup d'espace pour prendre n'importe quelle décision, avoir un bien beau discours. Le cas précis qu'on vous a soulevé, de la Matapédia, ils ont une politique de non-fermeture extraordinaire – extraordinaire – on ne peut rien dire contre ça. Sauf que, par d'autres biais, ils viennent vider, comme d'autres cas qu'on peut nommer, les écoles pour d'ici un an, deux ans, trois ans, dire: Bien, vous voyez, je ne vous... Pendant ce temps-là, on passe de 17 à 19 enfants.

(14 h 40)

C'est tout ça. On ne veut plus entendre parler de ça parce qu'à partir de là les citoyens sont floués, les citoyens n'ont plus de confiance. C'est sûr qu'on peut leur reprocher de ne pas aller voter aux commissions scolaires. On peut leur reprocher de ne pas aller voter puis qu'il y n'ait rien que 8 %, 10 % de gens qui votent. Ils ont une part de responsabilité. Mais il faut comprendre pourquoi ils en sont arrivés là.

Moi, je pense qu'il faut recréer un climat de confiance dans le milieu. Et, si vous voulez que vos comités d'écoles, vos comités d'établissements fonctionnent, il faut recréer cette confiance-là des gens, sinon vous allez vous retrouver avec une nouvelle façon de voir les choses, mais ça n'aura rien changé dans les faits. Et, moi, je pense que je n'ai pas besoin de vous le dire, je suis tanné de vous demander une loi ou une reconnaissance de la petite école. Mais ce n'est pas parce que je suis tanné que je vais arrêter, Mme la ministre.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Blackburn): Merci.

Mme Marois: Je n'ai pas de doute là-dessus.

M. Proulx (Jacques): Il me semble que ça devrait être assez simple, sans aller brimer les commissions scolaires, sans aller brimer qui que ce soit, que l'État, dans sa politique nationale... Je suis d'accord qu'il y ait une politique nationale, mais elle ne peut pas être nationale rien que quand ça fait notre affaire et quand ça ne fait pas notre affaire... Il faut que le droit soit national, aussi, des communautés d'avoir ce service fondamental, au début de la vie des enfants, à proximité. Il y a tellement d'études de faites, Mme la ministre, sur ça qui ont prouvé hors de tout doute qu'un certain nombre d'alternatives qu'on vous soumet depuis fort longtemps ont donné des résultats tout aussi et, dans certains cas, plus intéressants que les normes actuelles. Il me semble que ça devient facile pour vous de faire accréditer cette thèse-là et, en plus, de remplir un engagement électoral qui vous a bien servi et, j'en suis content, de le concrétiser dans votre mandat.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, M. Proulx. Je pense qu'on ne va avoir que le temps de cette réponse. M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Merci, Mme la Présidente. Bienvenue, M. Proulx, M. Desjardins et M. Lebel. Je suis content de vous l'entendre dire, vous rappelez au gouvernement les engagements qu'il a pris, qui l'ont si bien servi durant la dernière campagne électorale. Vous savez, on se pose la question. Avant le processus de décentralisation, avant 1998, je suppose, l'entrée en vigueur de ce qui deviendra le projet de loi, on n'était pas coincé dans un discours de décentralisation. Vous me suivez? On n'a toujours pas eu de politique nationale pour éviter la fermeture des dernières écoles de village. Là, la bouée de sauvetage devient: Je décentralise des pouvoirs vers les commissions scolaires, les commissions scolaires vers les écoles, je ne peux pas, comme ministre de l'Éducation, imposer de mon propre chef une politique parce que ça viendrait violer un peu le principe de la décentralisation.

Quand j'entends ce discours, je me dis: Les gens de Solidarité rurale ne frappent pas à la bonne porte. Vous ne frappez pas à la bonne porte parce que votre plaidoyer, c'est que la fermeture des dernières écoles de village, ce n'est pas qu'une question scolaire, ce n'est pas une question qui appartient au monde scolaire, c'est une question qui appartient également au monde municipal, c'est une question qui appartient à d'autres niveaux que le niveau scolaire. Et pourtant ce n'est qu'une question de volonté politique. Si on a la volonté politique, croyez-moi, on va trouver la justification pour expliquer la politique nationale que vous revendiquez et que l'UMRCQ revendique.

Une fois qu'on a dit tout ça, la question qui se pose c'est: Pourquoi il n'y a pas de volonté politique? Ces gens-là sont conscients des engagements électoraux qu'ils ont pris en 1994, pourquoi soudainement refuser de faire le pas? Avez-vous des éclairages là-dessus? Qu'est-ce qui explique que quelqu'un qui s'est engagé, qui a même eu un succès avec ça lors de la dernière campagne électorale, alors qu'il occupe les leviers du pouvoir, dit: Je ne veux plus le faire, ce pas-là?

La Présidente (Mme Blackburn): M. Proulx, la parole est à vous.

M. Proulx (Jacques): Vous êtes mieux posté que moi pour savoir les raisons, vous en faites vous-même de la politique dans un parti. Vous avez été le gouvernement et vous le serez possiblement un jour. C'est plus vous qui êtes capables de me répondre. Moi, je ne comprends pas, je ne suis pas capable d'en donner de réponse. Comment ça se fait qu'avant les élections quand on veut le pouvoir, on est ouvert à beaucoup d'idées nouvelles et que, quand on a le pouvoir, ça ne change pas nécessairement, mais ça devient des montagnes de difficultés pour l'appliquer? Je n'ai pas de réponse à ça. Vous avez raison de dire que le monde municipal, même si le débat n'est pas terminé encore...

S'il y avait une volonté politique très claire, en haut lieu, de démontrée par les représentants du peuple, je pense qu'assez rapidement le monde municipal, très largement, adhérerait à ça. À ce moment-ci, je l'ai dit tout à l'heure, je ne veux pas m'immiscer complètement dans un autre débat qui les préoccupe peut-être bien un peu plus, mais c'est évident, vous avez raison quand vous dites que c'est une décision politique, scolaire et municipale. C'est ça, le partenariat qui doit s'établir pour garder nos services dans le milieu. Et, à ce moment-ci, on parle d'un service d'éducation et de formation.

Mme Blackburn: Oui, M. le député.

M. Ouimet: Donc, vous n'avez pas d'explication. Moi, je peux vous dire, je fais de la politique provinciale depuis 1994. J'imagine, des fois, on a mal évalué une situation. On a pris un engagement, on arrive au pouvoir puis on dit: Il y a toutes sortes de contraintes. Mais la raison qui est donnée cet après-midi, qui est placée sur la table pour dire: Je suis coincé dans un processus de décentralisation, ça, ça ne me satisfait pas, moi, je ne suis pas heureux de cette raison-là. Ça va prendre d'autres raisons pour expliquer le refus d'aller de l'avant avec un engagement électoral.

Sur un autre terrain, maintenant, vous parlez aussi... un plaidoyer en faveur de la gestion des bâtiments scolaires, des équipements solaires par le monde municipal. J'imagine que, pour réaliser des économies qui vont faire en sorte, par la suite... Si on se dégage une marge de manoeuvre, on va pouvoir garder notre école de village ouverte, même si elle n'est pas rentable. Parce qu'elle coûte des sous. Est-ce que c'est ça qui est la logique, en partie? Non?

M. Proulx (Jacques): Ce n'est pas uniquement ça. Écoutez, moi, je reste convaincu que la municipalité, c'est un gouvernement qui est très près des communautés, près des gens; elle a beaucoup plus d'expertise pour gérer du ciment, de la brique, de l'asphalte puis de la neige que peut en avoir la commission scolaire, qui est de plus en plus éloignée de l'établissement. Et qu'elle paie deux ou trois heures par jour à celui qui vient tondre la pelouse ou qui vient épousseter sur le chemin, je pense qu'il y a d'autres moyens. Il y a des économies; je ne vous dirai pas que c'est des économies suffisantes.

Je voudrais vous informer, en passant, que vous ne trouverez pas beaucoup d'écoles, au Québec, à quelques exceptions, qui ne sont pas rentables, même dans les très petites, tout comme je vous ai dit ici, que les commissions scolaires qui étaient les plus rentables au Québec, dans les dernières années, étaient des commissions scolaires entièrement rurales. Alors, ce n'est pas les seules sources d'économie. Je vous dis simplement qu'il vaudrait pas mal mieux que le scolaire mette toutes ses énergies dans la pédagogie que d'aller gérer de la brique, du ciment, de l'herbe, de la neige, et ainsi de suite.

Je voudrais peut-être en profiter pour vous reposer une question. Vous autres, votre politique, c'est quoi, face à ça? Si on vous demandait la même chose. Parce que ce serait important qu'on connaisse ça; il y a deux partis, au Québec. Vous réagiriez comment, si vous étiez ministre de l'Éducation aujourd'hui?

M. Ouimet: La réponse facile que je vais vous donner, c'est: Lors de la prochaine campagne électorale, on vous fera connaître nos engagements électoraux et notre programme politique.

M. Proulx (Jacques): Vous pensez que je vais vous croire? Parce que c'est ça qu'ils nous ont dit.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ouimet: Non, non, mais écoutez, vous connaissez la dynamique. Il y a un parti au pouvoir qui a été élu pour prendre des décisions et il y a un parti qui a été élu pour demeurer dans l'opposition, surveiller le gouvernement et critiquer le gouvernement. C'est ce que nous faisons.

M. Proulx (Jacques): Mais vous pouvez donner des suggestions.

M. Ouimet: Mais, si je vous posais une dernière question. Souvent, le monde scolaire... La Fédération des commissions scolaires, c'est sûr et certain qu'elle va se braquer aussitôt qu'on entend parler de la déposséder de la gestion et des bâtiments scolaires et/ou du transport scolaire. À l'inverse, compte tenu qu'une commission scolaire maintenant – c'est le cas maintenant et ce sera encore plus le cas le 1er juillet 1998 – va couvrir un territoire beaucoup plus large et, donc, va couvrir le territoire de plusieurs municipalités, villages et villes, seriez-vous favorables, pour réaliser des économies, pour dire que la commission scolaire pourrait elle aussi gérer, par exemple, le service d'informatique de différentes municipalités, le service de paie de différentes municipalités, le service des finances, toutes les questions d'ordre administratif qui pourraient être gérées soit par la municipalité soit par la commission scolaire – parce qu'il y a de l'expertise équivalente dans les deux domaines – et établir un partenariat disant que, dans plusieurs municipalités, chaque municipalité a son propre petit service, mais qu'il y a une commission scolaire qui, elle, pourrait desservir un vaste territoire englobant plusieurs municipalités? Est-ce que, là, on ne pourrait pas réaliser des économies qui viendraient par la suite financer le maintien d'une dernière école de village?

La Présidente (Mme Blackburn): M. Proulx.

M. Proulx (Jacques): Moi, je vous dirai que je suis favorable à toutes propositions, à toutes solutions qui vont rendre les gens des communautés responsables, imputables et où ça va être eux qui vont prendre des décisions. Quand on parle de partenariat, tout est possible. Je ne peux ni vous dire oui ni non aujourd'hui sur le cas précis que vous me donnez, mais on est ouverts à regarder toutes ces possibilités-là. Quand on vous dit que, nous, on pense que les municipalités seraient les mieux situées pour gérer la brique et le ciment, ça veut dire qu'en même temps qu'on passe des ententes de même ça va pour les autres aussi de passer des ententes sur d'autres choses. On va chercher l'expertise où elle est au meilleur coût possible, mais véritablement au service des communautés.

Mon point majeur, et on va toujours rester dessus, c'est le respect des communautés locales et l'accessibilité des services. Ce n'est pas une question de comptabilité, ça, les services premiers. Il faut arrêter de penser que c'est uniquement une question de comptabilité. C'est une question d'accessibilité sur un territoire qui malheureusement... On n'est rien que 7 000 000. On ne se poserait pas les mêmes questions qu'on se pose ici, si on était 25 000 000, au Québec. Mais on est 7 000 000 puis on veut tous le conserver, notre territoire; en tout cas, la grande majorité. Alors, moi, c'est sur ça. On va toujours se battre très fort sur ça.

Et pourquoi on argumente avec cette force-là autour de la dernière école du village? Parce que, pour nous, les communautés, c'est des hommes et des femmes qui sont enracinés dans leur milieu. Et, si on ne fait que des nomades, comme on fait à l'heure actuelle avec nos enfants, ils n'ont aucune racine. C'est qu'à l'âge de la prématernelle on commence à les voyager. Ils n'ont aucune appartenance, pas plus à ce milieu-là qu'à un autre milieu. Ils sont quelques heures à une place, quelques heures à l'autre, quelques heures à l'autre. Alors, il faut bien saisir que c'est une question de service de base à nos communautés. Et la communauté, c'est les gens qui ont une structure reconnue depuis des années dans une paroisse, une municipalité, ou ainsi de suite.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien, merci, M. Proulx. On pourrait vous entendre encore de longues minutes, je l'ai déjà fait, toujours avec beaucoup de plaisir, mais, malheureusement, le temps qui nous est imparti est écoulé. M. le député de Marquette, en conclusion.

M. Ouimet: Alors, pour remercier les représentants de Solidarité rurale pour à nouveau faire valoir leur point de vue sur une question qui les préoccupe au plus haut point. Je pourrais vous dire ceci, cependant. Si j'étais ministre de l'Éducation, avec un collègue ministre des Affaires municipales, j'aimerais bien mettre le monde municipal et le monde scolaire autour d'une même table pour voir comment on pourrait en arriver à des ententes qui favoriseraient les objectifs que nous poursuivons. Et, ça, malheureusement, je constate que ce n'est pas le cas.

Il y a une table Québec-municipalités, il y a une table Québec-commissions scolaires, il y a des enjeux qui discutent actuellement avec le président du Conseil du trésor, le bureau du premier ministre, le ministre des Affaires municipales, mais le monde scolaire n'y est pas représenté. Et ça va donner le résultat qu'on va avoir dans quelques semaines. À un moment donné, lorsque le monde scolaire va sentir que le transport scolaire lui échappe, il va y avoir une levée de boucliers, parce qu'on n'aura pas réussi à mettre tout le monde autour d'une même table pour voir comment, dans une situation de donnant-donnant, les citoyens pourront y retrouver leur compte. Merci.

La Présidente (Mme Blackburn): Mme la ministre.

(14 h 50)

Mme Marois: Merci, Mme la Présidente. En fait, je ne suis pas du tout embarrassée avec la décentralisation. J'y crois, essentiellement, et je la pratique; l'avant-projet de loi en est un exemple. Je vais peut-être trop loin à l'égard, entre autres, de la définition d'une politique d'ouverture et de fermeture des petites écoles. Ça reste quand même respectueux de l'engagement pris, soit dit en passant, de dire qu'il allait y avoir une politique à cet égard. La façon de la bâtir en s'appuyant sur ce que les milieux souhaitent y mettre, à mon point de vue, répond parfaitement à l'objectif que nous avons qu'il y ait une politique à cet égard au Québec, qu'elle soit adaptée et propre à chaque milieu. À mon point de vue, on est davantage gagnants.

Je retiens cependant que nous pourrions peut-être davantage préciser le fait que les milieux concernés soient plus consultés, soient plus associés. Je suis d'accord avec ça. C'est, entre autres, pour ça que je propose le projet de loi qui est devant nous. Alors, je vous remercie pour votre contribution à nos travaux.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, Mme la ministre. Trente secondes à peine pour faire un dernier point, M. Proulx.

M. Proulx (Jacques): En fait, je veux vous rappeler, encore une fois, pour la xième fois, quels que soient les mots qu'on utilise, que, quelles que soient les justifications qu'on voudra faire, qu'on ait tenu ou pas tenu ou tenu à moitié des engagements, je veux vous dire: Retenons l'importance, pour bâtir un pays, de la communauté de base, des communautés de base et ne faisons pas uniquement des consultations pour consulter, mais donnons-leur l'opportunité de s'approprier ces changements-là. Et vous allez voir que les changements importants qu'on doit faire dans plusieurs politiques, à l'heure actuelle, si on prenait le chemin de l'appropriation et en s'assurant aussi que les gens vont s'approprier ces changements-là, on ne vivrait possiblement pas toutes les difficultés qu'on peut vivre à l'heure actuelle, avec certains changements qui sont possiblement justifiés, mais qui, s'ils ne sont pas compris, ne donneront jamais les résultats escomptés. Donc, Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme la ministre.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, M. Proulx. M. Desjardins, M. Proulx et M. Lebel, merci de votre participation aux travaux de cette commission. Vous avez bien su faire valoir votre point.

J'invite l'organisme suivant à prendre place à la table des témoins. Il s'agit de l'Association des propriétaires d'autobus du Québec, et le président de la section transport scolaire, M. Jean-Luc Boissonneault. Alors, qui est le porte-parole, M. Boissonneault ou M. Girard?

M. Girard (Romain): M. Girard.

La Présidente (Mme Blackburn): Alors, M. Girard, je vous souhaite la bienvenue au nom des membres de cette commission. Et, comme on est un peu en retard dans notre horaire, sans plus tarder, je vous rappelle les règles: une dizaine de minutes de présentation du mémoire, suivies d'un échange avec les parlementaires de la commission. Je vous inviterais, avant de débuter, à présenter les personnes qui vous accompagnent.


Association des propriétaires d'autobus du Québec (APAQ)

M. Girard (Romain): Merci, Mme la Présidente. Mon nom est Romain Girard, je suis directeur général de l'APAQ, l'Association des propriétaires d'autobus du Québec. Je suis accompagné de Jean-Luc Boissonneault, à ma droite, qui est le président de la section transport scolaire de l'Association, et de Mme Claire Drolet, qui est la directrice de cette section.

La Présidente (Mme Blackburn): Bonjour, madame. Bonjour, monsieur.

M. Girard (Romain): Mme la Présidente, Mme la ministre, dignes membres de cette commission, certains partenaires en éducation considèrent et nomment occasionnellement ou malencontreusement le transport scolaire comme un mal nécessaire, afin d'atteindre les objectifs d'éducation. Assurés que nous sommes de ne pas être contagieux, nous vous soumettons aujourd'hui des considérations de transport aux fins de vos objectifs éducation et nous allons nous astreindre à cet objectif.

L'Association s'intéresse de très près à tout ce qui a une incidence sur les services offerts par ses membres transporteurs. Elle a attentivement suivi toute la démarche de la ministre, basée sur le rapport final de la commission des états généraux, et souhaite, par ce mémoire, attirer son attention sur la corrélation nécessaire entre l'école et le transport scolaire.

Nous voulons faire reconnaître, à la commission de l'éducation, que le transport scolaire est essentiel à l'atteinte des enjeux en éducation et qu'il doit être considéré dans la présente réforme. Pour permettre à l'école d'atteindre ses objectifs, pour que le virage vers la réussite soit complet et pour que les jeunes du Québec aient la possibilité de poursuivre leurs études, le transport scolaire doit être disponible et il doit être au service de la réforme.

Le transport écolier, tel qu'on le connaît, est le résultat d'un choix collectif que tous les partenaires ont fait afin d'assurer aux élèves l'accessibilité à l'école. Ce principe ne doit jamais être remis en question, même si, aujourd'hui, l'environnement change. La concertation proposée dans le pacte municipal entre les municipalités et les commissions scolaires pour l'organisation du transport scolaire saura-t-elle concilier la spécificité de ce transport et les autres volets locaux ou régionaux du transport de personnes? Qui devra s'en assurer? Ce choix collectif que le Québec a fait d'assurer à tous les élèves l'accès à l'école doit demeurer prépondérant dans l'esprit des nouveaux responsables de l'organisation du transport terrestre de la personne, quels qu'ils soient.

En conséquence, l'Association recommande que soit reconnu le transport scolaire comme essentiel aux enjeux en éducation, dans le cadre de la réforme, qu'il soit inclus et reconnu dans cette réforme, et que soit partagée par tous les intervenants, tant actuels qu'éventuels, cette reconnaissance. Nous recommandons que le maintien de la gratuité du transport scolaire pour la rentrée et le retour à la maison des élèves du préscolaire, du primaire et du secondaire soit considéré par tout nouveau responsable du transport terrestre de personnes comme un intouchable de nos acquis collectifs et que cette garantie soit réitérée.

Le régime pédagogique, son application, sa réalisation, ses innovations appartiendront à l'école. L'école pourra se doter d'une vocation particulière. Il faut envisager que cette école puisse devenir plus attrayante pour des parents résidant à l'extérieur de la communauté immédiate.

L'article 4 de la loi actuelle n'est pas modifié par l'avant-projet de loi. L'établissement des critères d'inscription demeure la responsabilité de la commission scolaire. Cependant, si l'esprit de la réforme est de permettre à une école, par son programme pédagogique et éducatif dynamique, si l'objectif est de lui permettre d'accueillir des élèves intéressés provenant de territoires limitrophes, il faut déjà envisager les impacts sur l'organisation du transport scolaire, qui a, jusqu'à maintenant, été trop souvent invoqué pour justifier la limitation à l'innovation ou à l'accès à certains programmes. Est-ce que l'école qui ne pourra pas dispenser ses services à tous les élèves de sa commission scolaire invoquera encore une fois l'organisation du transport scolaire comme la justification à la limitation de l'atteinte de ces objectifs?

(15 heures)

Le transport scolaire du midi. L'article 78 de l'avant-projet de loi confie au conseil d'établissement la surveillance des élèves qui demeurent à l'école et la commission scolaire qui le désire conserve, par ailleurs, l'organisation du transport scolaire du midi. L'école est donc responsable de donner un service de surveillance et la commission scolaire, par ailleurs, est responsable de donner un transport scolaire. Ces deux niveaux de responsabilité risquent d'entrer en concurrence. En effet, la décision d'offrir gratuitement ou de tarifer l'un des services exercera de la pression sur l'autre service. Comment donc atteindre efficacité et économie dans un processus d'intégration et d'harmonisation des services de transport quand ces deux paliers d'organisation sont responsables d'un même créneau horaire avec des considérations financières divergentes et des outils différents?

L'accessibilité en formation professionnelle. La réforme de l'éducation va au-delà des structures. Elle ouvre aux jeunes une filière leur permettant de se réaliser dans une profession, un métier ou une technique, fait en sorte que les élèves puissent y accéder après le troisième secondaire, développe les programmes menant aux métiers semi-spécialisés dès la fin du deuxième secondaire; préciser à l'article 79 de l'avant-projet de loi que le transport des élèves organisé par une commission scolaire ne s'applique pas à ces élèves inscrits à la formation professionnelle met, quant à nous, en péril un des objectifs du plan d'action ministériel qui est d'augmenter le nombre de jeunes à la formation professionnelle.

En certains endroits du Québec et probablement sur la plus grande partie du territoire, là où le transport en commun est disponible, les étudiants, même adultes, ont accès à des tarifs de transport en commun avantageux. Ailleurs cependant, les jeunes de secondaire III n'auront aucun service de transport scolaire ni, par ailleurs, de transport collectif qui leur sera disponible ou offert par l'énoncé de cet article. Souvent, le transport scolaire est le seul mode de transport couvrant le territoire québécois. Il est le seul capable de soutenir le virage en formation professionnelle dans les régions où il n'existe pas de transport collectif de personnes adéquat. Nous considérons qu'il faut pourvoir à cette lacune et l'examiner dans la réforme.

La valeur du transport scolaire. Les objectifs de la réforme seront atteints par du transport efficace et c'est maintenant que nous devons examiner cet élément, considérant qu'il y a moins d'argent et que l'environnement est appelé à changer. Le renouvellement des contrats de transport scolaire pour 1997-1998 s'est réalisé avec des baisses moyennes de 4 % à 7 %. Ils ont actuellement une durée d'un an et, dans la très grande majorité des cas, ils imposent des charges supplémentaires aux transporteurs sans leur allouer plus de ressources.

Déjà, dans les coupures de 50 000 000 $ effectuées par le ministre des Transports, des éléments de sécurité ont été sacrifiés, malgré la bonne foi des partenaires en place. À titre d'exemple, l'élimination des traverses devant les autobus scolaires avait fait en sorte que les jeunes ne risquaient plus d'être heurtés au moment où ils traversaient les rues ou les artères commerciales. Certaines commissions scolaires ont dû remplacer cette mesure par l'utilisation d'un bras d'éloignement dont l'effet n'est pas équivalent. La valeur du transport scolaire se mesure aussi par le coût relatif de celui-ci et par le mode de négociation des contrats. La réforme annoncée par le ministre des Affaires municipales ne doit pas remettre en question cet acquis collectif qu'est le transport scolaire. Au moment de réfléchir à cette décentralisation du financement vers les milieux régionaux, les différents ministères concernés par le transport scolaire doivent se concerter et s'assurer que le service sera maintenu disponible et équitable pour tous les jeunes y ayant droit. Le transport scolaire est efficace, universel, fiable, stable, sécuritaire et disponible à la grandeur du territoire québécois, nous devons protéger cet acquis.

En conséquence, nous recommandons que le ministère de l'Éducation en concertation avec le ministère des Transports mettent en commun leur expertise et leur connaissance des besoins afin d'évaluer justement les coûts, les normes de service et le mode de conventionnement du transport scolaire au Québec et que ceux-ci soient inclus dans les frais inhérents à la réforme. Le transport scolaire ne doit pas être débattu actuellement sous forme de coût ou de facture, il doit être assumé en termes de responsabilité par les ministères qui en ont besoin pour l'atteinte de leurs objectifs nationaux.

Tout au long des travaux de la Commission des états généraux, de nombreuses interventions ont porté sur la nécessité de répondre adéquatement aux besoins des jeunes dans leur curriculum académique. Cette constance pédagogique doit aussi se retrouver dans les moyens leur permettant d'atteindre ces objectifs. Un de ces moyens est le transport scolaire qui assure l'accès à l'école, à l'instruction et à la réalisation des rêves et des aspirations des jeunes Québécois. Tous, nous avons investi dans la qualité et l'efficacité, mais surtout dans la sécurité des jeunes. Le cadre fiscal proposé soulève d'autres éventualités: structures d'accueil régional, niveau de services régional, intégration à d'autres modes de transport, financement régional, diversité d'un territoire à l'autre.

Les entités régionales organisatrices devront, quant à nous, assurer qu'elles contribueront à l'atteinte des objectifs en éducation. Les transporteurs membres de l'APAQ veulent collaborer à l'atteinte de ces objectifs, notre présence ici en est un gage. Cet engagement légitimise nos recommandations. Nous vous remercions de l'attention portée à ce mémoire et de l'intérêt que vous avez démontré à l'entendre. Merci.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, M. Girard. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Marois: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je vous remercie pour votre présentation. Vous savez qu'évidemment il y a eu bien des discussions sur toute la question du transport scolaire et il y en a encore, mais c'est évident que je suis d'accord avec vous.

À partir du moment où on dit que l'éducation, à un certain âge, doit être accessible universellement et gratuite comme service, ça va de soi qu'il y a des obligations que ça nous crée d'assurer l'aller-retour de l'enfant entre sa résidence et son école, sinon on ne respectera pas cette gratuité. On sait déjà – de toute façon, je l'ai dit à quelques reprises et ça ne m'embête pas de le répéter – que du côté de certains frais chargés aux parents lors de l'entrée scolaire pour l'achat de matériel et d'outils de travail, c'est déjà lourd pour certains parents, on le sait.

Si on pouvait revenir à une complète gratuité sur cela aussi, ce serait souhaitable. Alors, je l'ai dit souvent, je le répète et j'espère qu'un jour on pourra y revenir. C'est évident qu'on continuera de payer son papier et ses crayons, mais il y a des choses peut-être qu'on pourrait à nouveau rendre accessible sans qu'il y ait des coûts pour les parents. Je pense qu'on se comprend bien sur cet aspect-là.

Par contre, il y a des endroits où le transport en commun est déjà accessible et disponible, et on n'a pas à en rajouter. Je regarde sur l'île de Montréal, c'est le cas pour certains quartiers, certains secteurs et, en ce sens, c'est peut-être plus à une harmonisation, à ce moment-là, à laquelle il faut songer.

Maintenant, il y a eu un projet qui n'est pas abandonné mais qui, pour l'instant, n'a pas été repris, de mettre en commun éventuellement l'ensemble des ressources que nous consacrons au transport de même que l'ensemble des moyens dont nous disposons pour offrir du transport aux personnes. On pense autant aux services que vous offrez, au transport en commun, à certains services spécialisés auprès de jeunes ou de personnes handicapées, etc., de telle sorte qu'on puisse avoir une politique intégrée de transport et qu'à ce moment-là se constituent même des unités administratives de gestion pour s'assurer de la priorité à accorder à certains services – l'exemple du scolaire est assez pertinent dans le cas présent – et qu'en même temps, parce qu'on a investi dans des infrastructures lourdes qui comportent des coûts importants en termes d'actifs à supporter – c'est le cas de vos autobus scolaires – donc utiliser mieux ce que l'on a comme investissement pour offrir une politique de transport en commun qui soit en même temps plus complète que ce qu'on offre pour l'instant.

(15 h 10)

Est-ce que pour vous c'est un projet qui pourrait être réalisable sans venir pour autant remettre en question le premier service que vous rendez, évidemment, qui est celui du transport scolaire, puisque vous êtes une association de transporteurs scolaires? En ce sens, on pourrait imaginer – et je veux rassurer mon collègue le député de Marquette que nous nous causons, mon collège des Affaires municipales et moi-même – associer, par exemple, des gens des MRC, des gens des municipalités sur cette unité de gestion, parce qu'on ouvrirait plus largement les services.

La Présidente (Mme Blackburn): Oui, M. Girard.

M. Girard (Romain): La réponse à beaucoup de vos commentaires est oui, d'emblée. D'abord, oui, nous sommes très conscients et concernés du grand programme d'intégration des différents modes de transport collectif à travers le Québec, démarche initiée par Bilan et perspectives , rendu public en juillet 1996. Nous avons été un des partenaires qui avons demandé au ministre des Transports, à de nombreuses reprises, d'entamer l'étape 2 de cette démarche.

L'ensemble des partenaires en transport collectif... Et on peut nommer, pour amener un éclaircissement préalable: L'APAQ réunit 180 transporteurs par autobus. Depuis 70 ans, nous représentons cette industrie, principalement du transport interurbain régulier, du transport nolisé, des transporteurs adaptés et du transport scolaire. L'ensemble de nos membres réalise plus que du transport écolier.

À l'initiative de l'Association canadienne du transport urbain, 13 partenaires associatifs du domaine du transport collectif – je parle des ligues de taxis, je parle du regroupement des organismes de transport adapté, je parle de l'Association des transporteurs urbains du Québec qui réunit les neuf sociétés de transport – avons travaillé plusieurs mois sur une réplique au ministre Brassard sur sa démarche d'intégration et nous avons hâte que celle-ci soit mise en application et qu'on avance.

Je veux uniquement souligner, pour être précis dans mon commentaire, que l'ensemble des partenaires regarde le transport écolier comme la banque dans laquelle tous vont pouvoir piger pour développer leurs autres modes de transport. L'intégration doit, quant à nous, avoir pour objet de mettre différents modes, différents types de véhicules, différents objectifs en commun.

Nous avons, aujourd'hui, besoin de nous faire confirmer que quelqu'un incarnera cette obligation que le transport écolier soit développé et maintenu à travers d'autres modes, en fonction du fait qu'il est essentiel à des objectifs éducatifs, afin d'éviter que le transport écolier ne soit le support à d'autres types de besoins en développement. Mentionnons ici les régions de Sainte-Perpétue, tout L'Islet, tout le comté de Portneuf, qui n'ont aucun transport interurbain régulier. Eux, ils regardent le transport scolaire comme «enfin, on ira piger là-dedans quelque chose qui nous servira collectivement». Si c'est réalisable en respectant les objectifs éducatifs que le transport scolaire permet d'atteindre, tous vont adhérer. Mais, si les autres partenaires menacent notre objectif, je pense que l'éducation devrait s'y objecter.

Mme Marois: O.K.

La Présidente (Mme Blackburn): Ça va? Mme la ministre.

Mme Marois: J'ai pris la peine de vous dire qu'effectivement, d'entrée de jeu, c'est évident qu'il y avait une première responsabilité à assumer et que c'était celle-là, le transport des enfants vers les écoles.

M. Girard (Romain): Exactement.

Mme Marois: Juste une petite question. Vous avez, évidemment, une longue expérience de discussions, d'échanges et de travail avec les commissions scolaires et en transport scolaire. Moi, j'ai l'habitude de dire que c'est vraiment probablement ceux qui ont l'expertise la plus développée, quasi, en transport, avec vous, parce qu'ils ont été à même d'avoir à planifier des horaires, des routes, etc. Très concrètement, est-ce que vous pouvez confirmer cela ou vous dites: Bien, non, c'est nous qui l'avons davantage, l'expertise?

M. Girard (Romain): Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Blackburn): Oui, M. Girard.

M. Girard (Romain): Ha, ha, ha!

Mme Marois: Je vous mets dans une situation difficile, mais ça ne fait rien.

M. Girard (Romain): Ha, ha, ha!

Mme Marois: Ça fait partie des règles du jeu.

M. Girard (Romain): Ça fait partie des règles du jeu. Je n'avais qu'à rester à mon bureau, n'est-ce pas? Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Blackburn): Ha, ha, ha! Mais certainement répondre qui a la meilleure expertise.

M. Girard (Romain): Ha, ha, ha! Il y a un partenariat traditionnel entre les commissions scolaires et les transporteurs. Les commissions scolaires, aux fins du transport écolier, géraient une enveloppe qui leur était confiée par le ministère des Transports du Québec. Ils atteignaient, au coeur de leurs objectifs régionaux: développement, pédagogie, éducation. Ils atteignaient donc leurs objectifs à partir d'un service qui leur était financé par le central, par le gouvernement central.

Une voix: Il l'est toujours.

M. Girard (Romain): Ils maintiennent ce même objectif et ils le maintiennent en collaboration avec les transporteurs, sauf que, actuellement, on ne parle pas des caractéristiques du transport écolier, on parle de son coût ou de qui va payer la facture, sans garantir à quiconque qu'on atteindra encore les objectifs. En tout cas, actuellement, ils sont mis en suspens et beaucoup de personnes se considèrent compétents mais pas aptes aujourd'hui à ouvrir ce débat.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien, merci, M. Girard. M. le député Marquette.

M. Ouimet: Merci, Mme la Présidente. Je souhaite la bienvenue aux représentants et représentante de l'APAQ. Je suis très content de la question qui a été posée par la ministre et de la réponse que vous avez donnée. Malheureusement, indépendamment de ce que nous pouvons dire ici, autour de cette table, les décisions se prennent ailleurs, actuellement. Et ça, c'est malheureux. J'ai bien entendu votre rappel à la ministre de l'Éducation, c'est-à-dire: L'Éducation devrait s'y opposer. Pourquoi? Parce qu'on n'a pas l'impression que tout le programme de l'intégration des modes de transport va bénéficier les élèves. Comme vous le dites si bien, c'est vu par d'autres, dont même certaines municipalités, comme un moyen d'assurer un service qu'ils n'assurent pas présentement. Au détriment de qui? Au détriment des élèves.

On comprend rapidement que, si, maintenant, la question qui est sur la table, c'est: Qui va payer la facture que payait Québec? C'est une forme de décentralisation, on dit: Voici un service que vous devez continuer d'offrir, mais maintenant, nous, on ne défraie plus les coûts, à vous de vous organiser. Qu'on regarde les municipalités comme entités qui vont défrayer les coûts, ça ne prend pas de temps que la deuxième étape, quand une municipalité dit: Moi, je paie pour un transport, mais je n'ai aucun droit de regard, je ne gère absolument rien, la deuxième étape, c'est que je vais vouloir regarder un petit peu ce qui se passe là-dedans. Et, si c'est par la taxe foncière municipale qu'on finance ça, je vais commencer à voir comment, moi aussi, je pourrais m'en servir pour mes besoins. Il est là le risque. Il est là le risque pour les élèves.

Vous parliez tantôt de la sécurité suite à des compressions budgétaires. Quel serait l'impact dans d'autres scénarios où on intègre des modes de transport, on se sert du même autobus scolaire jaune pour transporter pas juste des élèves, mais d'autres personnes? Est-ce qu'on va avoir besoin d'un brigadier pour assurer la sécurité des élèves qui vont traverser? Admettons que l'autobus scolaire, il est occupé 20 % ou 25 % par des écoliers mais à 75 % par des adultes, est-ce qu'on va avoir cette même préoccupation de sécurité pour nos enfants? Là on pourrait poursuivre dans ces scénarios-là.

La question de fond, c'est: Lorsque le gouvernement propose une réforme, on sent toujours que l'objectif poursuivi, l'objectif national, c'est la réalisation de certaines économies pour le gouvernement mais pas nécessairement pour le citoyen. Parce que, on le voit, c'est le même service, mais ça va coûter beaucoup plus cher. J'aimerais vous entendre là-dessus.

La Présidente (Mme Blackburn): M. Girard.

M. Girard (Romain): Pour s'assurer du même service et du même niveau de sécurité, on devra y mettre le même effort financier, peu importe d'où vient l'argent. Ça, c'est notre certitude. Et lorsqu'on regarde l'enveloppe du transport scolaire comme quelque chose dans lequel on peut économiser, nous, on dit d'office: On va quelque part devoir sacrifier quelque chose.

La démarche d'intégration ou la démarche de mettre en commun, localement ou régionalement, des objectifs de déplacement de clientèle, quant à nous, peut être réalisable sous certaines conditions. Actuellement, les décisions qui régissent ou les gestionnaires du transport scolaire sont régis par des objectifs scolaires. Ils leur sont transmis, ils leur sont continuellement réitérés par des parents, des comités de parents, des commissaires d'école centrés sur l'élève et sur l'éducation, sur la pédagogie, et tous les choix transport scolaire sont donc faits par des gens dont la seule préoccupation est l'élève.

(15 h 20)

Nous parlons d'intégration, de mise en commun de services municipaux et scolaires, localement ou régionalement, nous allons donc parler d'objectifs d'urbanisation ou de protection civile, de sécurité, d'infrastructure, de développement résidentiel, d'étalement urbain, d'élève, de sécurité, de pédagogie, nous allons, au sein de ces discussions, aborder beaucoup plus d'objectifs, et d'éléments, et de considérations que celle de l'élève. Quant à nous, ce n'est pas une garantie d'échec, nous pouvons probablement atteindre collectivement cet objectif, à condition que l'État maintienne une priorisation de l'intégrité du transport scolaire et des objectifs de sécurité lorsqu'ils sont débattus localement. Cette obligation de respecter les objectifs fondamentaux ne peut pas être déléguée, elle doit être imposée. C'est le sens de notre dernière recommandation, d'ailleurs. Nous voulons que l'État évalue justement quel est le niveau de services et quels sont les coûts qui devraient normalement être assumés afin que ceux-ci soient respectés lors des discussions locales. À ces conditions, nous croyons que l'objectif peut être atteint.

La Présidente (Mme Blackburn): M. le député.

M. Ouimet: Oui. Et, en tous les cas, même si c'est décrété sur le plan national, on n'est pas sûr non plus que ce sera respecté par les différents milieux. Ce n'est pas nécessairement voué à l'échec, mais ce n'est pas nécessairement non plus un gage de réussite, ou un gage de succès, ou un gage de conserver comme priorité les intérêts premiers de l'élève.

En 1982-1983, le gouvernement issu du même parti avait la même politique d'intégration des transports en commun, on retrouvait ça dans les politiques de développement régional de 1982-1983. Qu'est-ce qu'il s'est passé à ce moment-là? Avez-vous souvenir? Je ne sais pas si vous y étiez.

La Présidente (Mme Blackburn): M. Girard.

M. Girard (Romain): Non, je n'y étais pas; cependant, c'est une donnée dont on dispose. La réglementation permet actuellement aux transporteurs écoliers qui donnent des services de transport scolaire partout au Québec, lorsque la commission scolaire leur demande, que les transporteurs transportent des adultes ou d'autres clientèles que des élèves à même leurs autobus scolaires. Ce n'est pas une pratique courante, c'est même une pratique dont beaucoup de commissions scolaires ignorent qu'ils ont le droit de le faire.

La raison est la suivante: pour qu'un service de transport collectif soit fiable, crédible et utilisé, il doit être perçu par le client adulte comme disponible en tout temps, comme apte à me servir lorsque j'en ai besoin, et non pas seulement la journée où il y a de l'école. Dans le temps des Fêtes, il n'y en a pas, ou, l'été, il n'y en a pas. Ils doivent avoir une réponse à leur quête d'information en dehors des heures d'affaires d'une école.

Donc, nos services téléphoniques généralement sont disponibles à toute heure du jour ou de la nuit. Et cette disponibilité de l'information et cette sécurité de service n'existent pas pour le public en général en dehors des heures du transport écolier. Voilà pourquoi il n'y a pas eu de mariage depuis 1982, malgré que la loi le permette. Ça n'élimine pas qu'on puisse vouloir les exploiter complémentairement ou de manière occasionnelle. Nommément dans le transport pour les élèves handicapés ou en difficulté d'apprentissage et d'adaptation, il y a beaucoup de minibus adaptés qui sont exploités par des commissions scolaires sur différents territoires et, en dehors des heures où il y a de la rentrée ou de la sortie scolaire, ces véhicules-là pourraient être utilisés à d'autres fins. Voilà un exemple de complémentarité qui, quant à nous, ne menacerait pas le respect des règles de sécurité dans le transport d'élèves.

Mais nous avons besoin d'un éclairage provincial et d'une vision très claire de ce qu'est la sécurité dans le transport des gens pour permettre à tous nos partenaires locaux de discuter correctement des bonnes choses. Si, effectivement, on ne donne pas d'éclairage déterminant au niveau de l'État québécois, comment allons-nous pouvoir localement avoir des débats éclairés qui respectent l'objectif? C'est ce qu'on demande.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, M. Girard. En conclusion, M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Alors, je trouve que la discussion a été fort, fort, fort intéressante. Je vous remercie pour la qualité de votre mémoire et des échanges que nous avons eu. On devra demeurer très vigilants même au niveau du transport scolaire, parce que c'est une question qui est drôlement importante pour les parents. J'en suis un et, au niveau de ma propre commission scolaire, je dois veiller au grain parce que ce n'est pas évident, les impacts des compressions budgétaires, et je peux imaginer qu'est-ce que ça serait lorsqu'on intégrerait les différents modes de transport, quelle sera la place de l'élève et des parents dans cette nouvelle perspective. Merci.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, M. le député. Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, merci beaucoup de votre présence à notre commission. Effectivement, à l'article 298, il est permis qu'une commission scolaire puisse offrir des services. Je pense que lorsqu'on propose des changements... Le député s'inquiète, comme beaucoup d'autres groupes, quand on propose des changements. Mais, quand on met en place des changements, il s'agit évidemment d'établir l'ordre de priorité et cela va de soi qu'il y ait une obligation de scolarisation, et donc il faut qu'en conséquence il y ait des services disponibles pour les jeunes qui sont éloignés des milieux d'enseignement. Alors, merci pour la qualité de votre mémoire et de votre présentation.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, Mme la ministre. Voulez-vous faire un dernier point, M. Girard? En une minute.

M. Girard (Romain): Oui, et ce sera très bref. Nous sommes très satisfaits comme association de transporteurs par autobus d'avoir pu parler d'éducation. Ce n'est pas notre tradition et nous allons essayer de continuer à contribuer à votre réflexion.

La Présidente (Mme Blackburn): J'ai moi-même apprécié la qualité de votre mémoire et le souci que vous avez eu de bien l'intégrer dans le mandat de la commission.

M. Girard (Romain): Merci infiniment, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Blackburn): Alors, je vous dirais également, un peu comme il a été fait autour de cette table, que l'idée d'intégrer le transport scolaire au transport des autres personnes, c'est une idée qui anime le milieu rural au Québec depuis 25 ans. Alors, si, un jour, on peut mettre en place les conditions qui puissent nous permettre de réaliser ce voeu qui est exprimé – je le dis encore depuis extrêmement longtemps dans le milieu rural en particulier – c'est sûr que ce serait un acquis et pour le scolaire et pour les services publics, prenant pour acquis que c'est la disponibilité aux élèves qui va permettre le développement de l'autre service et non pas l'inverse.

Alors, Mme Drolet, M. Girard, M. Boissonneault, merci pour votre participation aux travaux de cette commission.

M. Girard (Romain): Merci infiniment.

La Présidente (Mme Blackburn): Alors, pendant que les représentants de l'Association des propriétaires d'autobus du Québec quittent la table, j'inviterais les représentants de la Fédération des cégeps, son directeur général, M. Gaëtan Boucher, à prendre place ainsi que Mme Lafleur, directrice générale du cégep de Lévis-Lauzon.

Je voudrais vous souhaiter la bienvenue au nom des membres de cette commission, dire aussi à vous que j'ai plaisir à vous retrouver ici, toujours fidèles à l'éducation. Alors, vous connaissez les règles: une dizaine de minutes de présentation de votre mémoire suivie, pour la période temps qui vous est impartie, d'un échange avec les membres parlementaires de cette commission. Alors, sans plus tarder, je vous laisse la parole.


Fédération des cégeps

M. Boucher (Gaëtan): Oui. Mme la Présidente, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, comme vous l'avez signalé, je me permets de vous présenter Mme Nicole Lafleur, qui est la directrice générale du cégep de Lévis-Lauzon mais qui était jusqu'à tout récemment la directrice des études au même collège.

D'entrée de jeu, je tiens à préciser que les commentaires de la Fédération des cégeps sur l'avant-projet de loi se veulent modestes et portent essentiellement sur deux points: l'autonomie des établissements et l'harmonisation du secondaire et du collégial, ce sont là des questions qui nous préoccupent depuis fort longtemps. La Fédération est, en effet, très sensible au fondement même des modifications proposées à la Loi sur l'instruction publique, soit la volonté d'accorder à l'école une plus grande autonomie. Il y a déjà un bon moment que les collèges eux-mêmes aspirent à exercer de plus grandes responsabilités mais à certaines conditions sur lesquelles je reviendrai.

Quant à notre préoccupation liée à l'harmonisation des niveaux d'enseignement, elle est pour ainsi dire dans l'ordre des choses. La position charnière des collèges dans le système de l'éducation les rend particulièrement attentifs à ce qui se passe dans les réseaux voisins et, par conséquent, aux changements qui pourraient être apportés au secondaire. Cette question de l'harmonisation est fondamentale pour nous parce qu'elle touche la formation offerte dans les collèges.

Revenons, si vous le voulez bien, au principe de l'autonomie qui inspire plusieurs des modifications proposées dans l'avant-projet de loi. La Fédération des cégeps est tout à fait en accord avec la volonté ministérielle d'accorder une plus grande autonomie à l'école, comme le prévoit le plan d'action pour la réforme de l'éducation. Nous sommes donc favorables à la création des conseils d'établissement qui permettront aux écoles de mener des actions mieux adaptées à leur réalité et d'adopter de nouveaux modèles de gestion basés sur le partenariat. La raison en est bien simple: l'école, qui est en lien direct avec les élèves et le milieu, est la mieux placée pour évaluer les besoins des uns et des autres et y répondre.

La Fédération est convaincue que les meilleures solutions pour améliorer la qualité de la formation et augmenter la réussite scolaire passent d'abord et avant tout par les établissements. Nous croyons toutefois qu'un certain nombre de conditions doivent être réunies pour que l'école puisse exercer une plus grande autonomie. Ces conditions, les collèges les ont définies récemment pour eux-mêmes en fonction de leurs propres réalités mais elles s'appliquent aussi au primaire et au secondaire.

Nous pensons tout d'abord que les établissements d'enseignement doivent avoir les ressources financières nécessaires et les leviers de financement adéquats pour être en mesure d'assumer de nouvelles responsabilités. On ne peut pas, d'un côté, demander aux établissements d'en faire toujours davantage et, de l'autre, diminuer sans cesse leurs possibilités. Les établissements doivent aussi pouvoir exercer le plus grand contrôle possible sur les conditions de travail de leur personnel. L'autonomie doit, à l'évidence, s'accompagner de marge de manoeuvre locale plus grande et bien réelle.

(15 h 30)

Enfin, il paraît essentiel que la responsabilisation des établissements poursuive l'objectif de se situer dans un processus constant d'amélioration de la qualité de la formation et des services offerts à la population.

Par ailleurs, il est clair pour la Fédération des cégeps que la responsabilisation va de pair avec l'obligation de rendre des comptes. Or, l'avant-projet de loi n'est pas suffisamment explicite à ce sujet. Les mécanismes d'évaluation institutionnelle doivent donc être précisés. N'y aurait-il pas lieu d'envisager la mise en place, au primaire et au secondaire, d'un modèle d'évaluation semblable à celui qui a été instauré pour les collèges, il y a maintenant quatre ans, avec la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial? La crédibilité de ce modèle repose sur le fait qu'un regard externe est posé sur les établissements, la formation et les services qui y sont offerts.

Passons maintenant à la question de l'harmonisation des ordres d'enseignement. Pour la Fédération des cégeps, le manque de concertation entre les réseaux est l'un des problèmes les plus persistants et les plus sérieux dans notre système d'éducation. Nous avons indiqué à plusieurs reprises que l'absence de toute composante de formation générale dans les programmes professionnels du secondaire est l'un des obstacles majeurs à une véritable harmonisation avec le collégial puisqu'elle rend plus difficile le passage au secteur technique mais également dans le secteur préuniversitaire. Or, l'acquisition de compétences générales par les élèves est une préoccupation tout à fait légitime dans la mesure où ce fond culturel commun favorise la polyvalence et l'adaptation rapide à des situations nouvelles, il serait nécessaire au secondaire comme au collégial.

Par ailleurs, plusieurs personnes ont affirmé, lors des états généraux, que la formation générale dans des programmes techniques du collégial était le principal obstacle à la réussite des étudiants de ce secteur. Le Conseil supérieur de l'éducation vient justement de remettre en question cette hypothèse en affirmant, dans son plus récent avis, qu'elle n'est pas fondée.

Mais revenons à l'absence de formation générale dans les programmes d'études professionnelles. Il ne faudrait surtout pas que la création des centres de formation professionnelle, par lesquels le ministère veut valoriser ce secteur, nous éloigne davantage d'une solution à ce problème et contribue à aggraver la situation. Si l'on souhaite attirer plus de jeunes en formation professionnelle, il faut leur offrir des horizons larges et ouverts et des possibilités de changer d'orientation ou de s'inscrire dans une perspective de continuité. Nous devons à tous les niveaux partager cette préoccupation et nous concerter davantage.

La Fédération croit qu'un des moyens pour favoriser l'harmonisation et la cohabitation du secondaire et du collégial est de réserver un siège au cégep dans les conseils d'établissement de chaque centre de formation professionnelle et de chaque centre d'éducation des adultes. Nous souhaitons donc que l'avant-projet de loi soit modifié en ce sens. Je me permets de vous signaler que le réseau collégial pratique déjà ce type de concertation puisqu'un représentant des commissions scolaires siège au conseil d'administration de chacun des cégeps.

Par ailleurs, nous pensons que la possibilité pour les cégeps et les commissions scolaires de conclure des contrats d'association présente un intérêt certain. Ces contrats d'association pourraient effectivement contribuer à accroître l'accessibilité et permettre aux établissements de faire des économies. Les collèges sont donc ouverts à ce type d'ententes pour la gestion commune d'équipements dans la mesure où elles entraînent des économies significatives et améliorent l'offre de services. En ce qui concerne les associations relatives aux programmes de formation, la Fédération considère que l'avant-projet de loi n'est pas assez précis sur les paramètres qui assureront le respect des champs de juridiction du secondaire et du collégial. Elle souhaite donc qu'ils soient mieux définis avant d'aller plus loin dans la démarche.

En terminant, je tiens à souligner de nouveau l'intérêt des orientations générales de l'avant-projet de loi sur l'instruction publique. La Fédération des cégeps croit qu'il est essentiel de donner une plus grande latitude aux établissements d'enseignement pour leur permettre de concentrer leurs efforts sur la réussite des élèves. Il est clair cependant que les écoles doivent avoir les moyens de mettre en oeuvre les changements proposés. Il est clair aussi que l'autonomie des établissements doit s'accompagner de l'obligation de rendre des comptes devant la population.

Enfin, les cégeps réitèrent leur offre de collaboration pour travailler à améliorer la cohérence de la formation entre le secondaire et le collégial dans un esprit de concertation et de complémentarité.

Je vous remercie pour votre attention. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions, avec Mme Lafleur.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, M. Boucher. Mme la ministre.

Mme Marois: Merci, Mme la Présidente. Alors, merci pour votre présentation brève mais bien ciblée sur des éléments qui font l'objet de nos préoccupations aussi.

D'abord, la question d'une formation générale de base, si on veut, qui soit aussi présente dans la formation professionnelle. Pour moi, ça reste majeur comme préoccupation et ça va apparaître dans les projets de curriculums nationaux, parce qu'il va de soi qu'on ne peut pas... Entre autres, si on veut, justement, arriver à un arrimage et à des passerelles qui se concrétisent, qui permettent à un jeune de passer du niveau professionnel au niveau technique, quand ce ne serait que cela, il doit avoir cette base nécessaire pour ensuite pouvoir se diriger vers le technique, si on croit qu'il est possible de le faire, et, moi, je le crois, on a des expériences, de toute façon, en ce sens, qu'on puisse aller du professionnel vers le technique, et même vers le général, rien ne l'empêcherait. Mais encore faut-il qu'il y ait une base minimale, sinon, là, on ne pourra pas y arriver. Alors, j'ai effectivement cette préoccupation, et vous allez la voir apparaître concrètement dans le curriculum qui va, entre autres, concerner la formation professionnelle.

La question de la reddition des comptes quant à la qualité des services qui sont offerts et quant à la précision qu'on devrait apporter aux exigences, aux attentes qu'on devrait avoir à l'égard de la production du rapport annuel de l'école, moi, j'aimerais vous entendre sur ça, sur ce que vous imaginez, ou sur ce que vous souhaiteriez, ou sur ce que vous pensez que cela devrait être. Et, quant à nous, je peux vous dire qu'on est conscients que ce n'est pas très clair... enfin, c'est clair ce que l'on veut, mais le contenu, lui, n'est pas précisé, et les outils pour aller chercher les éléments pertinents, et je peux vous dire que nous réfléchissons à la question des indicateurs, le développement d'indicateurs, de fonctions, évidemment, d'objectifs que l'établissement se serait donnés. Alors, ça, c'est une des pistes sur lesquelles on travaille. Mais j'aimerais vous entendre sur ce que vous verriez si vous aviez, vous, à définir ce que ça devrait comporter, un rapport portant sur les résultats de l'école, et qui dépasse le simple résultat de: la moyenne de l'école est de 90 % – on se comprend, que ce n'est pas ça, la perspective.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien. M. Boucher.

M. Boucher (Gaëtan): Oui, je vais m'essayer. Mme Lafleur pourra sûrement prendre la relève. Peut-être un premier constat au point de départ. À la lecture de l'avant-projet de loi, ça nous est apparu très nettement insuffisant qu'une école... Vous le savez, j'ai été dans les commissions scolaires pendant un certain nombre d'années, que mon école de quartier me fasse un rapport annuel de trois pages comme de quoi elle a bien rempli sa mission... en tout cas, je pense qu'avec ça on ne va pas très très loin pour témoigner de ce qui se passe véritablement dans l'école.

Par ailleurs, je vous dirais, et je fais référence à ce qu'on a vécu à l'enseignement collégial, vous vous souvenez que, en 1992-1993, il pesait un soupçon – là, je vais regarder le député de Verdun – sur les cégeps, et un des moyens, dans le fond, qu'on a trouvé pour que le gouvernement nous réitère sa confiance, c'est de faire en sorte qu'il y ait un regard externe qui soit posé sur l'enseignement collégial. C'est ça, le sens de la Commission d'évaluation...

Mme Marois: Oui.

M. Boucher (Gaëtan): ...qui vient jeter un regard externe à ce moment-ci sur nos programmes; éventuellement, on peut penser sur les institutions. Et donc, je pense que, quatre ans plus tard, on peut penser – en tout cas, Mme Lafleur pourra en témoigner – que ça a été un levier important que, dans les collèges, ces visites de la Commission, qui permettent, dans le fond, aux équipes-écoles, aux équipes-enseignants de voir que, dans tel programme, il y a des difficultés ou pas.

(15 h 40)

Ceci pour vous dire – et, dans ma présentation, je l'ai fait comme ça, je l'ai plus posé en terme interrogatif – l'idée, en tout cas, à laquelle on pourrait songer, il y a celle que vous évoquez, d'indicateurs, de cibles, d'objectifs. La Fédération des commissions scolaires est venue, elle a présenté ça, ça peut être une formule intéressante. Maintenant, là, vous avez toutes sortes de difficultés, probablement, autour de ça, c'est sur l'établissement même des cibles. Les milieux sont très différents dans une même ville. Comme à Longueuil, vous le savez comme moi, l'ancien Jacques-Cartier, le nouveau Longueuil, c'est très différent d'une école à l'autre, ça pourrait risquer d'être très compliqué.

Écoutez, l'idée là-dedans, en tout cas, à laquelle on réfléchissait davantage, c'est plus l'idée d'un regard externe. Est-ce que c'est pensable que des gens puissent regarder la qualité des programmes, de ce qui se fait, de se mettre dans une dynamique, je dirais... et là je regarde M. Bisaillon, le Conseil supérieur de l'éducation en quelque sorte, qui faisait beaucoup de visites, puis qui en fait encore sûrement, ça constituait un levier, hein; les gens trouvaient ça toujours intéressant de recevoir la visite, le Conseil des collèges aussi, parce qu'il y avait là un levier. Mais, à la différence de la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial, c'était, je dirais, de l'ordre de la visite, alors que la Commission, elle porte un regard, elle porte un jugement et elle incite à l'action. C'est ça qu'il faut faire, hein, il faut trouver des moyens de regarder cela. Et, dans le fond, j'aurais quasiment tendance à vous dire que ce qui est bon pour nous pourrait être bon pour d'autres, sûrement au primaire-secondaire, certainement pour les universités.

Et quand l'État et nos concitoyens investissent pour 9 000 000 000 $, moi, je trouve que ça vaudrait peut-être la peine qu'on regarde ça de façon plus attentive. Mais une chose est certaine, je n'ai pas de solution pour vous, cet après-midi, Mme la ministre, mais je suis bien certain qu'un rapport annuel de l'école Saint-Romain dans le quartier où je vis à Longueuil, pour moi, ça ne fait pas reddition de comptes.

Peut-être que Mme Lafleur...

La Présidente (Mme Blackburn): Mme Lafleur, la parole est à vous.

Mme Lafleur (Nicole): Je serais tentée de vous parler de l'utilité. Lorsqu'on rend des comptes, on doit le faire publiquement parce qu'on est financés par tous les citoyens et toutes les citoyennes qui paient leurs taxes, mais ça doit être accompagné d'une utilité pour soi comme établissement. Rendre des comptes et être utile, il me semble que la question devrait être posée toujours de cette façon-là. Donc, des indicateurs sont un instrument pour mener une réflexion qui, elle, doit être à l'interne et, ensuite, témoigner de cette réflexion-là à l'externe, en témoigner publiquement. Le fait qu'il y a un observateur externe garantit la crédibilité de la chose. Mais ce que nous vivons depuis quelques années avec du succès, c'est ce processus d'autodéveloppement et de responsabilisation et d'action. C'est comme si nous étions placés en recherche-action systématique dans les collèges et, dans le fond, lorsque le rapport d'évaluation tombe, les mécanismes de changement ont fait leur oeuvre et même les changements ont été introduits.

Mme Marois: Ah oui! je sais, je suis ça de près.

Mme Lafleur (Nicole): Donc, si on parle, comme le disait M. Boucher, de s'installer dans un processus constant d'amélioration de la qualité, cette mécanique-là que nous connaissons actuellement offre des garanties. Elle offre de la crédibilité et elle offre des leviers pour ceux qui font les choses sur le terrain, pour ceux qui sont les plus importants pour les élèves, les enseignants.

La Présidente (Mme Blackburn): Mme la ministre.

Mme Marois: Je vais ajouter juste une petite phrase à ce que vous venez de dire, je trouve ça intéressant. C'est justement, quand on dit travailler sur des indicateurs, ce n'est pas vraiment travailler sur des indicateurs nationaux au sens où on établit quel serait l'objectif pour chaque école, mais chaque école avec son projet éducatif – et là je vous rejoins complètement et c'est ça, l'esprit dans lequel on voudrait pouvoir travailler – chaque école, à partir de là où elle est, se fixe elle-même... et de la connaissance qu'elle a des difficultés qu'elle rencontre, ou du projet éducatif qu'elle a, ou qu'a cet établissement, donc chaque établissement, se fixe à ce moment-là un objectif. Je pense toujours à l'exemple: si, dans mon école, on a, par exemple, un taux de décrochage qui est de 30 % chez les gars à partir de telle année, est-ce qu'on peut le ramener à 27 %? On se donne ça comme objectif sur deux ans ou sur trois ans. C'est concret, c'est très précis et tout. Parce que, contrairement évidemment au cégep, le curriculum, il va être plus défini dans plus de détails, si on veut, le curriculum et son contenu de programmes. Alors, évidemment, la Commission d'évaluation qu'on a au cégep, je dirais, évalue les résultats, mais évalue aussi les contenus, alors que c'est un petit peu différent évidemment quand on se trouve au niveau du secondaire.

Mme Lafleur (Nicole): Mais c'est aussi beaucoup pareil.

La Présidente (Mme Blackburn): Oui, Mme Lafleur.

Mme Marois: Pardon? C'est aussi, vous dites?

La Présidente (Mme Blackburn): Non, je vous en prie, allez.

Mme Lafleur (Nicole): C'est aussi beaucoup pareil...

Mme Marois: Oui.

Mme Lafleur (Nicole): ...parce que, à travers l'action éducative évaluée, on évalue nos actions en vue d'améliorer la formation...

Mme Marois: C'est ça, on s'entend.

Mme Lafleur (Nicole): ...donc, par exemple le perfectionnement, notre organisation scolaire, notre encadrement de gestion...

Mme Marois: Tout à fait.

Mme Lafleur (Nicole): ...donc, il y a beaucoup plus de parenté que de différence.

Mme Marois: Merci.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien. M. le député de Verdun, porte-parole de l'opposition officielle en matière d'enseignement supérieur. M. le député, la parole est à vous, et ça nous fait plaisir de vous accueillir à la commission.

M. Gautrin: Merci, Mme la Présidente. Je vous remercie, M. Boucher, de votre visite à cette commission. Si je comprends bien votre mémoire, vous avez deux idées maîtresses que vous essayez de nous faire passer. Un, vous êtes en faveur de l'autonomie des établissements aux niveaux secondaire et primaire, mais ceci doit être associé à une reddition de comptes. Deuxième élément, vous insistez sur l'harmonisation qu'il doit y avoir entre les niveaux d'enseignement, particulièrement en ce qui touche la formation professionnelle et l'éducation aux adultes.

Alors, ceci m'amène à avoir essentiellement trois questions à vous poser. La première question va toucher la question de l'évaluation ou de la reddition de comptes au niveau secondaire. Vous avez soulevé la possibilité d'avoir une commission, comme la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial. Quel rôle pourraient jouer les cégeps dans une région, dans l'évaluation de l'enseignement secondaire qui se trouve dans cette région, compte tenu du fait que, bien souvent, les étudiants qui sortent du secondaire d'une manière optimale devraient pouvoir aussi rentrer au cégep? Donc, quel rôle voyez-vous dans cette évaluation aux différents cégeps?

La deuxième question, c'est sur l'harmonisation, et Dieu sait à quel point je suis quelqu'un qui plaide pour l'harmonisation entre les différents niveaux d'enseignement. Vous insistez sur l'harmonisation au niveau de la formation professionnelle et de l'éducation aux adultes, et un moyen pour assurer cette harmonisation, c'est qu'un représentant des cégeps siège aux conseils d'établissement soit des centres de formation professionnelle soit des conseils d'établissement d'éducation aux adultes. Ne croyez-vous pas qu'il soit aussi nécessaire dans ce qu'on appelle la formation générale d'avoir aussi une meilleure harmonisation avec l'enseignement des cégeps et, éventuellement, pouvez-vous concevoir d'avoir des représentants des cégeps dans ce qu'on pourrait appeler l'enseignement de caractère général, ce que vous n'avez pas traité dans votre mémoire?

En termes d'harmonisation, et ça va être ma troisième question, on vit cette année une situation de non-harmonisation particulière entre le milieu secondaire et le milieu cégep. C'est la première année qu'on a demandé, pour s'inscrire au cégep, non pas uniquement la possession du D.E.S., mais aussi d'avoir réussi les cours d'anglais, de mathématiques et de physique au niveau IV. Dans cette période de transition, un certain nombre, particulièrement en Estrie, de jeunes n'ont pas réussi les cours d'anglais pour s'inscrire au cégep. J'ai cru comprendre dans les interventions de la ministre qu'elle était prête à avoir une position de transition, c'est-à-dire qu'elle financerait les étudiants qui n'ont pas réussi ces cours au secondaire... de pouvoir les prendre et de s'inscrire quand même dans une période de transition au cégep. Ce qu'on m'a dit, et je voudrais savoir de votre part à ce moment-là, et c'était vraiment un problème d'harmonisation, c'est qu'il y aurait de la réticence de la part de la Fédération des cégeps pour suivre la proposition de la ministre. Ça, j'avoue avoir de la difficulté à comprendre, si on a un objectif, à l'heure actuelle, d'harmonisation.

Donc, trois questions essentiellement: première question, en ce qui touche la participation des cégeps dans le rôle d'évaluation au niveau de l'enseignement secondaire; deuxièmement, l'harmonisation d'un point de vue général... je comprends, au niveau formation professionnelle et éducation des adultes, mais aussi en ce qui touche la formation dite générale; et, troisièmement, le cas un peu plus particulier de cette période de transition et de l'inscription des étudiants qui n'ont pas réussi des cours dans la période de transition.

La Présidente (Mme Blackburn): M. Boucher.

(15 h 50)

M. Boucher (Gaëtan): Oui. Alors, je vais répondre au député de Verdun sur la troisième question et Mme Lafleur... Je vais venir sur les conditions d'admission. Alors, pour mettre la chose un peu en perspective, il faut voir que c'est votre gouvernement, en 1993, qui a donné suite à une demande des collèges pour faire en sorte que venir au collège, ça devait devenir plus exigeant.

M. Gautrin: Je partage cet objectif.

M. Boucher (Gaëtan): À l'époque, vous vous en souviendrez, on pouvait avoir à peine réussi un secondaire IV et venir au collège comme si on avait un secondaire V. Alors, ça a été mis en oeuvre en 1993. Nous pensons que les commissions scolaires ont fait leur travail, les conseillers d'orientation, pour dire aux jeunes qui arrivaient en secondaire III que, pour venir au collège, en 1997, il faudra avoir réussi son D.E.S. plus les cinq cours de base.

Vous n'êtes pas sans savoir également qu'il y a eu, à l'arrivée de ce gouvernement, des pressions des commissions scolaires, d'autres organisations pour que les règles du jeu soient changées. À la fois le prédécesseur de Mme la ministre et Mme la ministre ont refusé de bouger sur ces conditions d'admission. Arrive évidemment le temps où la partie doit se jouer et, effectivement, il y a un certain nombre de jeunes qui, malheureusement, ont leur D.E.S., mais il leur manque un des cours, et particulièrement le cours d'anglais. Alors, je vous signale que les analyses que nous avons, c'est que dans 80 % des cas, c'est effectivement un cours qui a été manqué et que, pour la moitié, c'est le cours d'anglais langue seconde.

M. Gautrin: Vous avez les statistiques sur ça?

M. Boucher (Gaëtan): Oui, tout à fait.

M. Gautrin: Vous pourriez nous les donner, ou à la commission, si la présidente accepte?

M. Boucher (Gaëtan): Oui, éventuellement, on est en train de... Oui, effectivement, ces chiffres-là, nous les avons.

La Présidente (Mme Blackburn): M. Boucher, vous les ferez tenir au secrétaire de la commission qui pourra en faire la distribution aux membres de la commission.

M. Boucher (Gaëtan): Tout à fait.

La Présidente (Mme Blackburn): Je vous remercie.

M. Boucher (Gaëtan): Alors, là-dessus, lorsque, effectivement, il s'est avéré, parce que c'est comme ça que ça s'est passé, qu'il y a des étudiants qui sont restés sur le carreau, alors, évidemment, il y a eu toutes sortes de demandes qui ont été formulées aux collèges, aux directions de collèges. Et le point de vue que nous avons émis après avoir consulté nos membres, c'était de dire que nous avions plaidé, en 1992, pour que le système soit renforcé, nous avions eu l'accord de l'ancien gouvernement et de ce gouvernement, et que maintenant il était temps de livrer la marchandise. Nous ne sommes pas dans une période de transition; la partie, elle a commencé. La seule chose que je vous dis – et c'est ce que nous avons dit à la ministre, et Mme la ministre était d'accord avec ça – c'était de dire: Maintenant, il faut s'assurer qu'au cours de cet automne 1997 les commissions scolaires offrent aux élèves qui n'ont pas réussi l'un ou l'autre de ces cours le cours qui leur manque pour que les élèves puissent s'inscrire au collège à la session d'hiver. Et c'est effectivement ce qui est en train de se faire.

Alors donc, notre réticence, c'est plus qu'une réticence, nous n'étions pas d'accord parce que, historiquement, nous avions plaidé... on a essayé plutôt d'être congruents avec ce que nous avions plaidé. Par ailleurs, on comprend la situation, elle est difficile. Mais, par ailleurs, ce qu'on a demandé aux commissions scolaires, et effectivement c'est en train de s'organiser pour faire en sorte que les cours soient suivis et réussis pour faire en sorte qu'à l'automne... à l'automne. Nous, ce que nous pensons – et je termine là-dessus – on pense qu'à l'automne les élèves qui, malheureusement, ont échoué un cours, vont pouvoir se représenter dans les collèges à la session d'hiver.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, M. Boucher. Mme Lafleur.

Mme Lafleur (Nicole): Si vous me le permettez, je voudrais ajouter quelque chose, mais d'un point de vue pédagogique.

Mme Marois: M. Boucher, juste un mot, si vous permettez. Parce que la première hypothèse qu'on a envisagée avec vous – à moins que, moi, j'aie erré, là – c'était que vous acceptiez conditionnellement des jeunes dès septembre, dès maintenant, quitte à ce qu'ils commencent leur cégep régulier et qu'en parallèle ils suivent le cours à rattraper. Il me semble que c'est la première hypothèse qu'on a regardée avec vous.

M. Boucher (Gaëtan): Ça, c'est la première hypothèse.

Mme Marois: Et c'est avec ça que vous aviez des objections.

M. Boucher (Gaëtan): C'est avec ça que nous avions des objections...

Mme Marois: Voilà.

M. Boucher (Gaëtan): ...et qui étaient liées à un vieux problème que nous avions réglé, Mme la ministre, qui était les fameuses admissions conditionnelles...

Mme Marois: Je sais.

M. Boucher (Gaëtan): ...pour lesquelles le Vérificateur général nous avait tapé sur les doigts en nous disant, il y a quelques années, à nous et aux universités: Vous admettez des gens qui n'ont pas le passeport et vous espérez qu'un jour ils vont pouvoir l'obtenir. Et on avait parlé à l'époque, certains vont s'en souvenir... le Vérificateur général pensait qu'on avait, je dirais, pris 50 000 000 $ dans le système, ce qui n'était pas tout à fait exact, mais il y avait un problème de congruence du système, et c'est une des raisons pour lesquelles nous n'étions pas d'accord avec cette solution parce qu'on faisait renaître ce qu'on avait fait disparaître chez nous et dans les universités dans les trois ou quatre dernières années.

M. Ouimet: Si vous me permettez, sur ce point-là.

La Présidente (Mme Blackburn): Oui, allez.

M. Ouimet: On se réfugie derrière un rapport du Vérificateur général, mais, entre-temps, ces jeunes-là, ils sont où? Et quel est le risque qu'ils vont décrocher? Parce que là, s'ils ont juste un cours à prendre puis ils ont toute une session, que vont-ils faire de leur temps libre? Ils vont peut-être aller sur le marché du travail. Quelle sera la chance qu'au mois de janvier ils s'inscrivent dans les cégeps alors que les programmes annuels ont déjà commencé? Mais il me semble que c'est une réponse un peu facile. Puis je ne sais pas combien il y a de jeunes qui sont affectés. Moi, ça m'inquiète.

La Présidente (Mme Blackburn): M. Boucher.

M. Boucher (Gaëtan): Oui. Alors, je vous dirais au départ, M. le député de Marquette, que ce n'est pas nos habitudes de se réfugier derrière les rapports du Vérificateur général. Par ailleurs, nous, notre plaidoyer, c'est de dire que nous faisons confiance aux jeunes. On pense que les jeunes bien informés, ils vont réussir, c'est ce que j'ai dit en conférence de presse le 20 août, que les jeunes placés devant cette réalité, ceux qui sont en secondaire V qui vont voir leurs amis pas admis au collège, ils vont se retrousser les manches pour être admis l'année prochaine. Pour un.

Pour deux, les règles du jeu, elles étaient claires. Depuis 1993, votre gouvernement a fait en sorte que ça devienne plus exigeant. Le travail a été fait. La partie commence. Et là, effectivement, la marchandise va être livrée. Ce que je vous dis, c'est assez simple, c'est de faire en sorte que les jeunes, on leur donne la possibilité. On leur dit: Tu as eu un échec, c'est vrai; mais, à ce moment-là, au cours de l'automne, ta commission scolaire va t'offrir soit un cours d'anglais, de sciences physiques ou de mathématiques qu'il te manque; puis, en janvier, tu vas pouvoir y retourner. Et, moi, je dois vous dire que j'ai eu des appels de gens de collège qui vivent la situation pour leurs propres enfants ou des gens qui sont près d'eux. Ils se disent: C'est ainsi fait, mais c'est comme ça.

M. Ouimet: La ministre était prête à vous financer, si j'ai bien compris, de les accueillir conditionnellement. Et ça, c'était un engagement du gouvernement, la ministre de l'Éducation prend l'engagement, elle vous demande presque, si j'ai bien compris: Admettez-les, ces jeunes-là, dès cet automne.

M. Boucher (Gaëtan): Je vous dis que, si vous référez à l'article 2 du Règlement des études collégiales, ce n'était pas possible. Et, effectivement, à ce moment-là, il aurait fallu admettre des gens conditionnellement au collège alors qu'effectivement le Règlement des études fait en sorte que les admissions conditionnelles, ça n'existe pas.

M. Ouimet: Mais la ministre était prête à fermer les yeux sur cette disposition-là, et vous y tenez plus que le gouvernement.

M. Boucher (Gaëtan): Non. Je pense que la ministre était sensible aux préoccupations des clientèles: des parents, des étudiants, bien sûr. Nous aussi, nous le sommes. Je pense qu'on a trouvé ensemble une solution. Et, effectivement, au moment où on se parle, vous le voyez bien, les étudiants sont retournés dans les commissions scolaires et les cours qui devaient se donner ont été donnés.

Mme Lafleur pourrait témoigner. Effectivement, dans son collège, il y a eu cette pareille situation.

La Présidente (Mme Blackburn): Est-ce que, Mme Lafleur, dans le prolongement des questions, qui est quand même une question assez, sinon centrale, extrêmement importante... il y a combien d'élèves chez vous qui se sont retrouvés, à votre cégep, dans cette situation?

Mme Lafleur (Nicole): Une trentaine.

La Présidente (Mme Blackburn): Et est-ce que la Fédération des cégeps, avec les cégeps, vous serez en mesure de nous fournir une liste des élèves qui se sont trouvés dans cette situation et qui ne sont pas revenus à la session d'hiver? Parce que c'est ça, le fondement, je pense, la préoccupation qui est celle, je pense, des membres de la commission mais des parents également. On veut vérifier si ça a eu un effet d'éloigner de l'enseignement collégial ou de la poursuite des études un certain nombre de jeunes Québécois, avec les coûts inhérents évidemment. Madame.

Mme Lafleur (Nicole): Oui, je vous dirai que c'est une situation qui n'est pas neuve, là. L'année dernière, c'était la même chose, d'une certaine manière. Parce que des élèves à qui il manque un cours pour être admis, c'était vrai l'an passé; c'est juste que ce n'est pas les mêmes cours cette année, il y a des cours de plus. Donc, à chaque année, se présentent dans les collèges des étudiants à qui il manque un cours. Il y a des sessions d'accès collégial qui sont organisées à chaque année. Il y a des collèges plus sensibles que d'autres à ces préoccupations-là et qui modifient même leur programmation annuelle pour tenir compte de l'arrivée des étudiants à l'hiver. Mon établissement est un établissement comme celui-ci, comme celui que je vous présente, c'est-à-dire que l'organisation scolaire fait en sorte que les élèves qui arrivent à l'hiver ne sont pas en décalage dans la programmation.

Maintenant, par rapport à votre question spécifique: Est-ce que nous pourrions fournir la liste des élèves? Oui, tout à fait.

(16 heures)

Je voudrais vous dire que, moi, j'aime bien poser la question par rapport au sens. Quel sens voulions-nous donner à cela dans les collèges? Parce que ce n'est pas la Fédération qui nous a dit: Vous n'admettez pas, là, hein. On s'entend bien? C'est chaque collège qui prend la décision d'admettre ou pas. Vous savez, on connaît bien les étudiants. On connaît bien leur réussite lorsqu'on les admet dans des conditions qui ne sont pas celles qui devraient être. Les étudiants qui sont admis sous conditions sont des étudiants qu'on met en situation potentielle d'échec. On sait, par la pratique, que ces élèves-là doivent avoir des acquis avant d'entrer. Ce n'est pas leur rendre service et se serait envoyer à ceux qui sont actuellement sur les bancs de secondaire V un message très clair que le système peut leur permettre d'entrer. Et quand on examine – particulièrement en anglais – la situation des apprentissages de ces étudiants-là, on ne leur rend pas service du tout.

Quand, moi, j'ai examiné avec mon directeur des études les dossiers scolaires des étudiants à qui on a dû refuser parce qu'il leur manquait leur cours d'anglais... Ils ont intérêt à faire plus que l'anglais pendant leur session d'automne en accès collégial et on les a tous invités à renforcer leur français aussi. Vous savez, quand on a ce type de difficulté et qu'on examine le passage de l'élève au secondaire, il y a d'autres ratés. On peut avoir passé, mais le dossier scolaire est-il suffisant? A-t-il permis à l'élève de se créer la structure intellectuelle nécessaire pour passer à travers les exigences auxquelles on les confronte maintenant? Je ne pense pas, moi, comme pédagogue, qu'on leur rend service. C'est ce que je voulais vous dire par rapport à la question du sens et à ces décisions qui ont été prises chez nous et dans d'autres collèges.

Je voudrais ajouter que, pour les universités, c'était la première année où elles faisaient l'admission des étudiants sans les admissions conditionnelles. Et il y a comme une question d'économie de système. Pourquoi le collégial ferait ça en plus et que les universités ne continueraient pas à admettre des étudiants qui n'ont pas réussi? C'est la même problématique. À chaque fois qu'on admet un étudiant qui ne correspond pas au profil attendu, on ne le place pas en situation potentielle d'échec, on le sait depuis des années. Toutes ces années où on a fait des admissions conditionnelles, quand on a observé les résultats de ces élèves-là, on ne leur a pas rendu service. Chez nous, on en a fait, on n'en ferait plus. Maintenant, bien sûr, il y a d'autres questions qui peuvent être abordées sur ce sujet-là, mais c'est le point de vue de l'ancienne enseignante, de l'ancienne responsable des programmes et de l'ancienne responsable des études qui témoigne.

La Présidente (Mme Blackburn): Alors, sur le même sujet – je reviendrai, M. le député de Verdun – vous vouliez, M. le député de Marquette... Ensuite, on reviendra à la première et à la deuxième question, et il y a aussi évidemment Mme la ministre.

M. Ouimet: Je comprends la logique développée par Mme Lafleur. Je comprends votre logique par rapport à des élèves qui sont admis conditionnellement et qui n'ont pas obtenu leur diplôme d'études secondaires. Vous dites, selon votre expérience: il y a un risque qu'ils vont échouer avec le temps. Sauf que, dans le cas qui nous occupe, ce sont des élèves qui ont obtenu leur diplôme d'études secondaires. Il y a eu de l'information qui a été mal transmise. On a eu les orienteurs professionnels qui sont venus devant nous et nous ont dit: On ne savait pas ce qui allait se passer avec cette affaire-là. Il y a des élèves qui n'ont peut-être pas eu la bonne information, qui se sont inscrits dans certains cours et, par malheur, ils ont pris le mauvais cours. Ce sont ces élèves-là et, quant à moi, c'est une situation différente de celle que vous décrivez, des élèves qui ne réussissent pas à obtenir leur diplôme d'études secondaires. Les élèves dont on parle, qui se font prendre, qui tombent, qui sont sur le carreau présentement, ce sont des élèves qui ont réussi, qui ont obtenu leur diplôme d'études secondaires.

Mme Lafleur (Nicole): J'ai dû mal vous expliquer.

La Présidente (Mme Blackburn): Je vais vous laisser, Mme Lafleur, répondre et, toujours sur le même sujet, Mme la ministre. Ensuite, on répondra aux deux autres questions du député de Verdun. Il nous reste encore suffisamment de temps. Alors, Mme Lafleur.

Mme Lafleur (Nicole): Mme la ministre utilisait le concept des indicateurs. Écoutez, on a un indicateur très fiable de réussite, c'est la moyenne pondérée au secondaire. Quand je vous ai dit tout à l'heure qu'on a examiné, chez nous, les 30 dossiers, ces élèves-là faisaient partie de la clientèle à risque. Ils avaient leur diplôme secondaire, mais s'ils avaient un échec en anglais, ils avaient des problèmes ailleurs pour la majorité d'entre eux. C'est ce que je vous ai expliqué. Donc, c'est pour ça que je vous dis que c'est une situation comparable. Ce n'est pas parce qu'on a un diplôme d'études secondaires qu'on a les conditions pour réussir. On savait qu'un diplôme d'études secondaires avec une moyenne pondérée au secondaire inférieure à 65, les probabilités de réussite sont de une sur deux. On a augmenté les exigences au collégial à l'entrée parce qu'on a augmenté les exigences des programmes du collégial. Donc, là on pousse d'un cran partout. Alors, moi, je vous présente le point de vue des éducateurs et des enseignants qui ne voulaient pas non plus que nous admettions ces élèves-là parce qu'ils savaient ce que cela voulait dire.

Maintenant, quant à des élèves qui n'auraient pas été informés, laissez-moi vous dire que j'ai personnellement rencontré depuis trois ans les conseillers en orientation et les professeurs d'information scolaire dans mon collège pour toute la région que je dessers. Nous avons un bulletin d'information dans lequel nous avons répété régulièrement cette information-là. Nous avons même travaillé avec eux dans le cadre des programmes d'accès collégial pour être bien sûr qu'on respectait nos responsabilités réciproques. S'il y a des élèves qui n'ont pas été informés, j'en suis catastrophée, après tous ces efforts, et je suis convaincue que mes collègues du réseau ont fait la même chose que moi. C'était la première responsabilité des écoles secondaires de fournir cette information-là.

La Présidente (Mme Blackburn): Un complément d'information, M. Boucher?

M. Boucher (Gaëtan): Oui, juste pour soutenir le point de vue de Mme Lafleur. Nous avons fait un examen réseau et, en fait, ce qu'il faut réaliser, c'est qu'anciennement les élèves qui étaient dans cette situation-là, c'étaient des élèves qui venaient des sciences humaines sans mathématique, des élèves qui venaient avec un D.E.S., mais un D.E.S. autour de 60 %, 61 %, 62 %, 63 %, 64 %. Ils venaient pour un semestre ou deux au collège et, malheureusement, ils échouaient et quittaient le système. Donc, de fait, il y a une faiblesse marquée, ils ont manqué un ou l'autre cours, mais leur faiblesse est beaucoup plus généralisée autour de ça.

Maintenant, ce qu'il faudra voir, c'est comment effectivement les clientèles qui sont en secondaire V vont réagir. Est-ce qu'on va faire en sorte qu'ils vont s'atteler à la tâche et résolument prendre ça à bras le corps et, dans le fond, que cette année, c'est une baisse momentanée qui n'est pas récurrente ou, au contraire, si effectivement ces élèves, qui étaient à peine avec le taux de passage, si là effectivement le problème va être récurrent. À ce moment-là, ça pose des problèmes beaucoup plus importants, qui sont des problèmes de clientèles qui, finalement, je dirais, n'ont pas leur place au collège. La question qui va devoir se poser, c'est: Où est leur place?

La Présidente (Mme Blackburn): Mme la ministre.

Mme Marois: Je peux confirmer ce que nous dit Mme Lafleur et ce que nous réitère M. Boucher, c'est qu'effectivement les gens de l'Association québécoise, lorsqu'ils sont venus, même ici, témoigner – là, je l'ai fait relever, c'est pour ça que je posais la question à mes collaborateurs – l'Association québécoise d'information scolaire et professionnelle qui comprend, évidemment, des orienteurs et des personnes en orientation scolaire et en information scolaire, nous ont dit qu'effectivement ils avaient informé et que nous avions pris la bonne décision. Et que vous aviez pris la bonne décision.

Effectivement, mon collègue, le député de Marquette, m'a demandé ce que nous avions fait lorsqu'on a été mis au courant de ces difficultés et que des jeunes sont venus faire des représentations. Je lui ai exactement dit les discussions que nous avions eues et la décision qui avait été la vôtre. Alors, j'imagine qu'il voulait vérifier aujourd'hui si c'était impeccablement ce qui s'était passé. Il a pu le constater et je n'ai pas davantage à insister, vous le savez. Il y a une partie des arguments que vous présentez auxquels je suis très sensible parce que vous connaissez cette clientèle, vous savez les risques que cela comporte et, à partir du moment où les gestes posés avaient été correctement posés, je peux comprendre que vous ayez pris cette décision même si, à l'origine, j'aurais été favorable. Et, vous le savez, puisque je vous ai proposé qu'on puisse le faire. Alors, ça permet, je pense, de clarifier bien les choses.

Puis je vais ajouter une autre chose. Pour la suite, je crois qu'il faut pousser plus loin et que le diplôme qui soit reconnu et qui vienne reconnaître et sanctionner des études soit aussi éventuellement le passeport pour le niveau d'enseignement suivant – je ne dis même pas supérieur, le niveau d'enseignement suivant – parce qu'on aura fait ces arrimages, qu'on aura posé ces exigences et qu'il n'y aura plus à cet égard de suppositions, d'ambiguïtés et de doutes. Je pense qu'il faut arriver à cela. C'est ça, l'école de plus de rigueur, d'ailleurs, c'est celle-là qu'on veut pouvoir atteindre. Dans la prochaine étape, qui sera la politique éducative avec l'énoncé sur le curriculum national, on a bien l'intention de préciser ces choses-là.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien. Il resterait deux questions en suspens, la première et la deuxième: le continuum de formation, ce qu'on appelle l'harmonisation des niveaux et, l'autre question, la participation des cégeps à l'évaluation du niveau secondaire, en particulier. Alors, Mme Lafleur.

(16 h 10)

Mme Lafleur (Nicole): Par rapport à l'évaluation et à notre contribution, si on était dans un système comme celui que nous connaissons, je vous dis que nous pourrions faire ce que les universités font lorsque nous les interpellons, nous pouvons leur fournir des avis quantitatifs et qualitatifs parce que nous avons des analyses de cheminement de nos étudiants et nous avons des données sur leur arrivée et leur placement par la suite. Donc, c'est le système qui le veut ainsi maintenant et c'est le sens de notre action.

Maintenant, par rapport à l'harmonisation, la participation au conseil de l'établissement – c'est un commentaire que j'avais fait à M. Boucher – les exercices de collaboration doivent se faire à tous les niveaux. Il est vrai qu'actuellement il apparaît plus important, parce que la discussion de l'harmonisation inter-ordre porte surtout sur la formation professionnelle et technique, mais nous avons grandement intérêt, compte tenu de la masse des étudiants à servir, que nos programmes et notre compréhension mutuelle de notre champ de responsabilités et de la portée de notre action soient le plus largement partagés. Donc, il serait nécessaire que nous puissions collaborer.

M. Gautrin: ...l'étendre absolument au général.

Mme Lafleur (Nicole): Tout à fait. Maintenant, quand on parle de l'harmonisation et du mécanisme de participation, je pense qu'on parle d'une bonne chose, mais il me semble qu'il y a un préalable pour que l'harmonisation se réalise bien. On a traité depuis le début de la formation générale, il y a aussi et surtout la révision des programmes professionnels et techniques pour éviter les chevauchements. Bien sûr, ils sont coûteux, mais ils font perdre du sens à l'action des éducateurs, ils font perdre du sens à l'action éducatrice pour les élèves. Donc, les efforts devraient être fournis pour permettre des révisions significatives de nos programmes qui ont des zones communes de telle sorte que nos énergies de collaboration aillent davantage, non pas à départager ce qui est de nos territoires, mais bel et bien comment nous pouvons contribuer à une formation plus importante de nos étudiants.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, madame. Mme la ministre.

Mme Marois: C'est très intéressant, ce que vous soulevez. La Fédération est membre du Conseil national des programmes, du conseil d'évaluation, parce que c'est une de mes préoccupations aussi, bien sûr. Je crois qu'avec tout l'accent qu'on met actuellement sur la formation professionnelle – on fait énormément d'efforts évidemment de ce côté-là – et l'importance qu'on accorde aussi à la révision des programmes, on essaie de faire en sorte que notre travail soit fait vraiment en collaboration avec vous et nous comptons sur votre présence.

Maintenant, sur cela en particulier, parce que je sais que la Fédération est quand même présente, est-ce que vous avez l'impression que le mécanisme actuel mériterait d'être bonifié, amélioré ou modifié, peu importe?

Mme Lafleur (Nicole): Vous parlez du...

Mme Marois: De la révision des programmes. Parce qu'il y a formellement un mécanisme où siègent des représentants du monde du travail, autant du côté des employeurs que des travailleurs. Selon qu'on est dans un secteur ou l'autre, il y a des représentants du monde de l'enseignement, des représentants du monde professionnel, etc.

La Présidente (Mme Blackburn): Mme Lafleur.

Mme Lafleur (Nicole): Je vous dirais que, dans sa phase d'expérimentation – je suis sûre que M. Boucher va vous les donner, parce qu'il est davantage au courant que moi des améliorations à apporter aux mécanismes – lorsque les prévisions de programmes arrivent à cette table-là, les dés sont jetés.

Quand je mets l'accent sur la révision des programmes, je veux par là mettre en évidence que, lorsqu'on pose des mécanismes de coordination, on pose en même temps la question préalable qui est celle: Pourquoi a-t-on besoin de coordonner? Et, lorsqu'on a besoin de coordonner, c'est parce qu'on a fait une division soit du travail ou de l'organisation du travail qui fait en sorte qu'on a une perte de sens qu'on doit reconstituer par les mécanismes de coordination. Alors, il faut absolument que les systèmes soutiennent les programmes des collèges pour que ce qui est à coordonner par la suite soit d'une autre nature.

Chez nous, on est un collège qui dispense un programme en gestion agricole, en gestion et exploitation d'entreprises agricoles, ça a été un des programmes à être révisé dans l'esprit de l'harmonisation. Alors, nous, on s'est dit: On va faire un beau modèle avec ça puisque la première année du collégial correspond au diplôme d'études professionnelles sans la formation générale. On a été vite confronté aux difficultés inhérentes au système. D'abord, les étudiants qui arrivent avec leur diplôme d'études professionnelles, ils n'ont pas la formation générale, donc ils ne sont pas admissibles au collégial. En plus, si nous voulons, avec nos partenaires du secondaire, créer l'intégration, nous sommes confrontés aux limites des grands encadrements nationaux, et je pense que c'est aussi la question que je vous pose à travers le modèle de révision des programmes. Et la table de concertation est une table utile, mais elle a, elle aussi, ses limites puisqu'il y a des encadrements qui la dépassent. Cette table-là interroge beaucoup les enseignants quant à leur place et à leur contribution à l'amélioration des programmes.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, Mme Lafleur. M. Boucher, vous voulez compléter ou si ça va? Ça va comme ça. Bien. Alors, M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Bien, pour conclure, je voudrais vous remercier d'être venus devant cette commission, vous rappeler qu'on partage les mêmes objectifs en ce qui touche l'harmonisation entre les différents niveaux d'enseignement, qu'on comprend vos intérêts, parce que c'est quelque chose que nous avons mis de l'avant, de remonter le niveau de l'enseignement collégial, mais comprenez aussi qu'on a des préoccupations quant au décrochage et où vont les étudiants qui sont refusés. Je pense que mon collègue de Marquette voudrait rajouter aussi.

La Présidente (Mme Blackburn): En conclusion, M. le député de Marquette?

M. Ouimet: Oui, tout en vous disant que je respecte la décision que vous avez prise, je manifeste quand même des inquiétudes lorsque vous dites que lorsque vous admettez des élèves conditionnellement, votre expérience et vos chiffres vous indiquent que 50 % abandonnent. Qu'est-ce que vous avez dit, je veux bien saisir?

La Présidente (Mme Blackburn): Oui, madame.

Mme Lafleur (Nicole): Je faisais référence aux admissions antérieures. Nous ne faisons plus d'admissions conditionnelles depuis un très grand nombre d'années.

M. Ouimet: Non, non, O.K., mais vos expériences antérieures démontraient que 50 % abandonnaient?

Mme Lafleur (Nicole): Ah, écoutez, il faudrait que je vérifie les chiffres, mais prenons juste ce que je vous ai dit, c'est-à-dire que lorsque nous admettons des élèves avec une moyenne pondérée au secondaire inférieure à 65 %, je pourrais facilement vous fournir les données réseau sur leur probabilité de réussite et leur probabilité de diplomation.

M. Ouimet: Mais, c'est quoi, 50 %? Je pensais que j'avais compris un sur deux.

Mme Lafleur (Nicole): Oui, ça peut ressembler à un sur deux, mais je vais vérifier pour ne pas vous induire en erreur et je vais vous transmettre les données.

M. Ouimet: O.K.

La Présidente (Mme Blackburn): Alors, Mme Lafleur, vous les transmettrez au secrétaire de la commission pour qu'on puisse aussi en profiter. M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Prenant pour acquis que ça serait un sur deux, sous réserve des chiffres que vous nous ferez parvenir, le risque que j'y vois pour le jeune, c'est que là, pour l'autre 50 % des jeunes, la porte pour le mois de septembre, elle est fermée, et vous faites le pari qu'il va revenir frapper à la porte pour qu'elle s'ouvre et pour qu'il puisse être admis, alors que ce jeune-là va peut-être se retrouver sur le marché du travail. Et on sait la problématique que nous avons au secondaire avec l'intérêt des jeunes de gagner de l'argent pour toutes sortes de raisons et d'aller sur le marché du travail. Il me semble que c'est un gros pari qu'on a fait; on aurait pu faire un pari dans l'autre sens, faire le pari que les jeunes qui seraient admis conditionnellement pourraient continuer leur cheminement. Ça aurait été moins dangereux, moins risqué pour ne pas perdre des jeunes, surtout lorsque nous nous donnons comme mission la réussite du plus grand nombre d'élèves.

La Présidente (Mme Blackburn): Oui. Alors, c'était en conclusion, M. le député de Marquette?

M. Ouimet: Oui.

La Présidente (Mme Blackburn): Alors, brefs commentaires, M. Boucher?

(16 h 20)

M. Boucher (Gaëtan): Oui. Je voudrais juste rappeler qu'en 1993-1994, avec le SRAM, on a fait une enquête auprès de 45 000 jeunes qui sont venus nous dire qu'ils travaillaient une demi-heure à peu près par jour, deux heures par semaine, en moyenne. Ils nous disaient qu'ils travaillaient ça parce que ça suffisait pour réussir à l'école, obtenir un diplôme d'études secondaires. Nous, notre point de vue, c'est que ça n'a strictement aucun bon sens. Les parents sont en demande pour que l'école devienne plus exigeante et il me semble que... On a peut-être commencé au mauvais endroit, mais il est clair qu'on a commencé à l'enseignement collégial; le rapport Inchauspé va tout à fait dans ce sens-là. Je vous rappelle qu'au printemps qui vient, pour rentrer à l'université, il faudra avoir réussi son D.E.C. plus l'épreuve ministérielle en langue et littérature; on va se retrouver devant la même situation. Notre société plaide pour de plus grandes exigences à l'égard de l'école. Il y a des rendez-vous qu'on a manqués; ceux-ci, il me semble qu'on ne doit pas les éviter malgré les difficultés et les pressions qui peuvent venir des uns et des autres.

La Présidente (Mme Blackburn): Oui, Mme Lafleur.

Mme Lafleur (Nicole): Je veux juste vous dire qu'on connaît actuellement les inscriptions à l'école secondaire de ces étudiants-là et les mailles ont été très fines, on n'en a pas échappé beaucoup. Les étudiants qui avaient fait une demande et qui n'ont pas été admis étaient concentrés chez nous – ça doit être la même chose partout – en accueil et intégration, donc des étudiants qui avaient fait une demande même pas dans un programme; ils connaissaient leur capacité scolaire. Donc, de part et d'autre, on sait c'est quoi là. On sait à quoi s'attendre et on connaît ses limites. On sait que les étudiants, ils sont actuellement en accès collégial. Ça ne veut pas dire qu'ils vont réussir à part de ça parce que s'ils ne se pointent pas, c'est parce que peut-être ils vont avoir échoué, et on sait qu'ils s'étaient pointés en accueil et intégration, hors programme, sans projet spécifique. Mettez tout ça ensemble et on ne rendait pas service aux étudiants. Moi, je travaille pour eux.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, Mme Lafleur. En conclusion, Mme la ministre.

Mme Marois: J'allais ajouter à vos propos, Mme Lafleur, qu'après ça on sera désolé parce qu'ils n'auront pas fini leurs cours de cégep et qu'on trouvera qu'on n'est pas...

Mme Lafleur (Nicole): Performant.

Mme Marois: ...qu'on n'arrive à nos objectifs et qu'ils décrochent. Je vous écoutais avec beaucoup d'attention, et Mme Lafleur et M. Boucher, sur cette école de la réussite à laquelle nous voulons arriver. C'est vrai qu'on a reproché d'avoir commencé la transformation par le centre, en commençant par les nouveaux programmes au cégep et les nouvelles exigences au cégep, dans les collèges, et, dans le fond, actuellement, ce qu'on essaie de faire, c'est de rénover l'ensemble du système pour qu'on devienne plus rigoureux à l'égard des exigences que l'on a à l'égard des jeunes, autant au primaire, au secondaire qu'au cégep ou qu'à l'université pour que ça devienne effectivement l'école de la réussite. J'espère bien que nous y arriverons avec les réformes que nous nous proposons d'implanter. Je vous remercie pour votre contribution à nos travaux.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, Mme la ministre. Au nom des membres de la commission et en mon nom personnel, je voudrais vous remercier de votre participation aux travaux de cette commission. L'expertise qui s'est développée en matière d'évaluation en enseignement collégial est extrêmement intéressante, bien qu'elle ne se limite pour le moment qu'à l'évaluation des programmes; on ne fait pas encore d'évaluation institutionnelle. Je serais heureuse de voir que ça puisse servir au niveau de l'enseignement secondaire tout en souhaitant – vous allez me le permettre – qu'on rencontre moins de résistance au niveau secondaire qu'on en a rencontré au niveau collégial. Merci.

Alors, madame et monsieur représentant la Fédération des cégeps ont quitté la table. J'inviterais donc les représentants du Conseil pédagogique interdisciplinaire du Québec à prendre place à la table des témoins. Alors, la présidente, Mme Lise Duchesneau qui, j'imagine, sera aussi la porte-parole du groupe, je voudrais, au nom des membres de la commission, vous souhaiter la bienvenue à cette commission, vous indiquer brièvement les règles. Vous avez une enveloppe de temps. On souhaite que votre présentation dure entre 10 et 15 minutes; évidemment, c'est à titre indicatif. Suivra un échange avec les parlementaires membres de cette commission. Alors, sans plus tarder, je vous inviterais, Mme la présidente, à présenter les personnes qui vous accompagnent et vous pourrez, tout de suite après, débuter la présentation de votre rapport.


Conseil pédagogique interdisciplinaire du Québec (CPIQ)

Mme Duchesneau (Lise): Mme la Présidente, Mme la ministre, distingués membres de la commission parlementaire, permettez-moi de vous présenter les personnes qui m'accompagnent aujourd'hui. À mon extrême gauche, M. Jacques Leclerc, enseignant et vice-président du Conseil interpédagogique interdisciplinaire du Québec à la formation professionnelle; toujours à ma gauche, près de moi, Mme Denyse Gagnon-Messier, enseignante de carrière, retraitée de quelques mois, conseillère pédagogique et vice-présidente du groupe mathématique secondaire. À ma droite, M. Jack Ligneau, directeur du Conseil pédagogique,

La Présidente (Mme Blackburn): Bonjour, M. Ligneau.

Mme Duchesneau (Lise): Et moi-même, Lise Duchesneau, enseignante à plein temps, responsable des matières à la commission scolaire et présidente du Conseil pédagogique. Le Conseil pédagogique représente 38 associations professionnelles d'enseignantes et d'enseignants au Québec, ce qui totalise environ 15 000 personnes de tous les secteurs, de tous les champs d'enseignement et des divers ordres d'enseignement.

La première partie de cet exposé portera sur la formation générale des jeunes et la deuxième partie sur les centres de formation des adultes et le centre de formation professionnelle. Je pense que nous sommes les desserts de la journée, si je ne fais pas erreur.

Mme Marois: Et de la commission.

La Présidente (Mme Blackburn): Et ceux de la commission de la consultation.

Mme Duchesneau (Lise): Alors, dans le but de varier le menu, je ne ferai pas l'exposé seule, chacun de mes collègues fera une petite partie de l'exposé et je tirerai les conclusions à la fin.

La Présidente (Mme Blackburn): Très bien.

Mme Duchesneau (Lise): Depuis les débuts de la commission de l'éducation on entend souvent parler des pouvoirs, nous, nous voulons parler et mettre l'accent sur la responsabilité. Nous voulons parler des responsabilités qui sont reliées à l'expertise, aux compétences, aux capacités des personnes en mesure de les assumer. La réforme de l'éducation nécessite une effective redistribution des responsabilités entre les différents groupes d'intervenants à qui il faut attribuer des pouvoirs appropriés pour les exercer en concordance aux responsabilités à redistribuer, que le principe d'autonomie et d'imputabilité présenté comme la formule garante d'une meilleure réussite éducative doit être appliqué de façon identique à tous les niveaux, à tous les secteurs et à tous les groupes d'intervenants en éducation dans les champs d'action respectifs.

Pour nous, le Conseil pédagogique, tout le projet de réforme du système d'éducation doit reposer sur une même question: Qui est responsable de la formation de l'élève? D'abord et avant tout l'élève lui-même, et le prof qui est formé à cette fin. On ajoute également les parents qui ont un rôle important dans cette formation et enfin tous les intervenants responsables auprès des élèves. Alors, l'ensemble des intervenants sont donc responsables de l'école. Puisque l'enseignant est l'intervenant de première ligne auprès de l'élève, la réforme à réaliser doit prendre en compte l'importance de la qualité et de l'impact de la relation maître-élève sur la formation, vécue surtout dans l'acte d'enseigner, relation qui se situe au coeur même de la mission éducative. Nous souhaitons donc que cette réforme vise tout d'abord la satisfaction des besoins de formation de la clientèle élèves-parents par la qualité et l'efficacité des services éducatifs. Ceux-ci sont assumés par divers groupes d'intervenants dont les responsabilités doivent être partagées en fonction de leur formation et de leur expertise respectives.

Dans le champ des pouvoirs généraux, le Conseil pédagogique considère que le conseil d'établissement doit assumer les prises de décision sur la base des proposition présentées par la directrice ou le directeur d'école mais qui sont préparées soit par le personnel de direction, dépendamment des sujets que ça touche, soit par les enseignants ou par les autres personnels d'établissement.

Dans le champ des pouvoirs reliés aux services éducatifs, le Conseil pédagogique demande que le corps enseignant soit partie prenante des décisions de la directrice ou du directeur d'école selon un mécanisme qu'ils ont ensemble à déterminer pour leur établissement.

(16 h 30)

En ce qui a trait à la composition du conseil d'établissement, et compte tenu du rôle essentiel joué par les enseignants dans l'exercice de leur profession auprès des élèves, au coeur même de la mission de l'école, la place qui leur est réservée doit tenir compte de l'importance de leur rôle ainsi que de la diversité des groupes d'élèves des différents niveaux d'enseignement auxquels ils s'adressent.

C'est pourquoi le Conseil pédagogique demande que le nombre de membres du personnel enseignant soit au moins égal au nombre total des membres des autres personnels. Le nombre de parents serait alors ajusté de telle sorte que leur nombre, avec celui des représentants de la communauté, reste au moins égal à celui des représentants des autres groupes. Pour les pouvoirs reliés aux services éducatifs, je passerai la parole à Mme Denyse Gagnon-Messier.

La Présidente (Mme Blackburn): Mme Messier, c'est à vous la parole.

Mme Gagnon-Messier (Denyse): Merci, Mme la Présidente. Alors, je traiterai d'abord des services éducatifs qui sont dévolus à l'école. Le CPIQ tient à ce que le conseil d'établissement approuve et non adopte les modalités d'application du régime pédagogique, ce qui signifie que ces modalités d'application lui ont été proposées et qu'il n'a d'autre choix que de les approuver ou de les rejeter. Dans ce dernier cas, de nouvelles propositions doivent lui être présentées par l'équipe des enseignants et de la direction. Le CPIQ tient également à ce que ce même principe d'approbation s'applique pour l'approbation de l'orientation de l'enrichissement et de l'adaptation des programmes d'étude et de l'élaboration des programmes locaux. En effet, les enseignants doivent, dans ce domaine, assumer aussi leur responsabilité professionnelle, car ils possèdent l'expertise nécessaire pour prendre des décisions sur ces sujets.

Le CPIQ tient aussi à ce que le même principe d'approbation s'applique pour la répartition du temps alloué à chaque matière. Les enseignants sont les mieux placés pour évaluer et déterminer le temps requis pour couvrir les contenus et les objectifs d'apprentissage des différents programmes d'enseignement; pensons simplement au nombre de fois où on doit adapter nos programmes à la clientèle qu'on nous a confiée. Leur nier cette compétence serait comme nier leur professionnalisme.

Il apparaît néanmoins nécessaire de réclamer l'imputabilité des établissements et des commissions scolaires en ce qui a trait à l'acquisition des savoirs essentiels et au respect des caractéristiques d'un curriculum optimal, dans le sens de la réforme du curriculum et des caractéristiques d'un curriculum optimal telles que définies par le CPIQ. Rappelons que, nous, nous adhérons à un curriculum national où vraiment on s'adresse à la formation fondamentale de l'élève, c'est-à-dire qu'on lui assure une formation qui touche tous les aspects de la formation intégrale de la personne, et, toujours, les six champs doivent être présents, soit celui des langues, mathématiques, sciences et technologie, sciences humaines, formation de la personne et le domaine des arts.

Par contre, le CPIQ tient à réaffirmer que ce sont les enseignants qui sont les véritables professionnels de l'enseignement et qu'ils doivent exercer leurs fonctions professionnelles en toute autonomie et en toute responsabilité. C'est pourquoi ce sont les enseignants qui, collectivement, doivent adopter les méthodes pédagogiques, établir les modalités d'évaluation des apprentissages. Je définis le mot «collectivement», pour nous, c'est-à-dire qu'on inclut ici plus que les enseignants.

Comme dans toute profession, la présence des chercheurs, des conseillers, des personnes capables de rallier est essentielle à un choix éclairé. En ce sens, toutes les coupures effectuées chez les conseillers pédagogiques et les responsables de matières déstabilisent et ne facilitent pas les choix. Les ponts sont coupés, les liens absents et les enseignants plutôt isolés sur leur île. Alors, c'est de mauvais augure pour des choix de méthodes ou des choix de modalités d'évaluation des apprentissages non accompagnés. C'est ce qu'on voit, en tout cas, dans le moment, c'est ce qu'on craint.

Par ailleurs, c'est aussi aux enseignants de choisir les manuels scolaires et le matériel pédagogique, d'élaborer un plan d'intervention pour les élèves handicapés et en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, d'établir les règles pour le classement des élèves et le passage d'une classe à l'autre. Nous souffrons depuis longtemps que souvent le côté administratif l'emporte sur la pédagogie, dans ce domaine. Je pourrais aussi même dire: Les pressions sociales parfois l'emportent sur la pédagogie. Cependant, leurs décisions – c'est-à-dire la décision des enseignants dans ces trois domaines – doivent être approuvées par le directeur selon le principe d'approbation énoncé précédemment pour le conseil d'établissement.

Quand nous parlons qu'il incombe aux enseignants de faire les choix au niveau des manuels scolaires, et tout, nous faisons une mise en garde. Il s'agit ici de l'exercice d'une autonomie collective. Le bien de l'élève en dépend. Il vient de quelque part, cet élève, et il ira quelque part. Alors, nous n'avons pas toute liberté d'action dans ce choix. Le choix doit être concerté. Ne faisons que penser à des élèves qui changent d'une école à l'autre, même dans la même commission. Alors, je pense qu'il y a une suite dans les idées à avoir et il y a une concertation à établir. Alors, il y a parfois une autonomie individuelle, mais, dans ce travail comme dans bien d'autres, l'autonomie collective doit primer à bien des occasions.

Cependant, au niveau des pouvoirs reliés aux services éducatifs, les pouvoirs dévolus à la commission scolaire, nous sommes d'accord que la commission s'assure que l'école applique les programmes d'études dans le respect des caractéristiques d'un curriculum optimal. Nous sommes aussi d'accord que la commission scolaire s'assure que l'école exerce le pouvoir d'évaluer les apprentissages et d'imposer des épreuves uniques. Cependant, nous sommes un peu plus exigeants. Nous aimerions que ce pouvoir d'imposer des épreuves uniques s'étende à l'ensemble des programmes et à tous les niveaux d'enseignement.

Il y a eu bien des points d'abordés tantôt sur l'évaluation secondaire collégiale; on pourrait peut-être y revenir. Mettons qu'on se sentait un petit peu concerné, à l'arrière-banc, quand ça a été parlé tantôt par nos collègues des cégeps.

Alors, pour nous, l'unicité d'une épreuve sort du contexte d'une école, s'étend au moins au contexte d'une commission scolaire. Et, si nous voulons être capables de faire en sorte que notre évaluation reflète bien ce que l'ordre qui nous suit attend, soit toujours conforme, je pense que plus cette unicité vise un grand territoire, pour nous, mieux c'est. Ce sont les craintes qu'on a dans le moment, quand on veut laisser à l'école l'évaluation, le contrôle de l'évaluation.

Dans ce domaine, nous pensons qu'il en va même pas simplement d'une équité envers les élèves, mais aussi de donner un sens aux résultats obtenus – un 90 % à un endroit ou à l'autre, ça veut dire quoi? – et de maintenir la conformité et l'intégrité des contenus d'enseignement définis dans les programmes d'études au niveau national. Cela ne signifie pas, cependant, que l'on impose une évaluation. L'acte d'évaluer demeure un acte professionnel dont l'enseignant est responsable. J'ai terminé. Merci.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, Mme Gagnon-Messier. La parole est à...

Mme Gagnon-Messier (Denyse): M. Jack Ligneau.

La Présidente (Mme Blackburn): M. Ligneau, la parole est à vous.

M. Ligneau (Jack): Merci, Mme la Présidente. Le CPIQ est généralement d'accord avec les pouvoirs accordés au conseil d'établissement relativement aux pouvoirs reliés aux ressources humaines, administratives et financières. Soulignons cependant que le pouvoir du directeur d'école de gérer le personnel de l'école et de déterminer les tâches et les responsabilités de chacun doit s'exercer dans le respect de la formation et de l'expertise reconnues de chacun des membres du personnel, en particulier de celles des enseignants.

Comme le directeur doit se préoccuper du maintien de la compétence professionnelle individuelle des enseignants de son établissement, il doit permettre que la formation continue soit accessible à l'ensemble du personnel enseignant. Cette formation continue doit s'inscrire dans une planification intégrée, tant individuelle que collective; elle doit aussi reposer sur l'engagement personnel et collectif des enseignants; elle doit aussi répondre aux besoins prioritaires des individus comme des besoins prioritaires de l'établissement; elle doit faire appel à l'expertise reconnue d'autres enseignants ou d'autres personnes ressources; enfin, la formation continue doit être reconnue.

(16 h 40)

Tous ces principes et autres critères concernant la formation continue des enseignants relèvent normalement d'un ordre professionnel. Par ailleurs, il est bien entendu que ce sont les enseignants reconnus comme des professionnels qui sont les responsables et les maîtres d'oeuvre de leur formation continue et que le pouvoir du directeur d'école consiste uniquement à gérer et à favoriser cette formation, c'est-à-dire à organiser les activités de perfectionnement ainsi que les autres types de formation continue convenus, bien sûr, avec les membres du personnel enseignant.

La Présidente (Mme Blackburn): Mme Duchesneau.

Mme Duchesneau (Lise): Alors, j'enchaînerai avec le petit lien sur les pouvoirs, avant de passer la parole à mon dernier collègue. Concernant les autres pouvoirs, c'est-à-dire les pouvoirs de l'école, de la commission scolaire en ce qui a trait aux services à la communauté et à l'évaluation et au contrôle, il est cependant important de souligner que l'évaluation et le contrôle du personnel enseignant ne peut s'exercer que dans les limites de son autonomie et de ses responsabilités professionnelles, limites qui devraient être définies et garanties par un ordre professionnel, c'est-à-dire que les enseignants ne peuvent être évalués individuellement ou collectivement sur la base des résultats des élèves, résultats qui dépendent de l'action de l'ensemble des intervenants, de l'effet des politiques et des choix éducatifs de l'école ainsi que des élèves eux-mêmes. Alors, je passe la parole à M. Jacques Leclerc, pour la dernière partie.

La Présidente (Mme Blackburn): Alors, M. Leclerc, nous vous écoutons.

M. Leclerc (Jacques): La formation professionnelle et l'éducation des adultes. Toutes les positions du CPIQ concernant la formation générale s'appliquent aussi à la formation professionnelle et à l'éducation des adultes, c'est pourquoi elles ne seront pas reprises ici de façon exhaustive. Cependant, le CPIQ trouve inapproprié la participation des parents au conseil d'établissement des centres de formation professionnelle, tout comme il est prévu dans les centres d'éducation des adultes, compte tenu de l'âge des élèves, pour la plupart adultes. À plus forte raison, la présidence du conseil ne devrait pas être assumée par un parent.

En ce qui concerne l'ensemble des pouvoirs, le CPIQ insiste particulièrement pour que les enseignants puissent assumer leur autonomie et leurs responsabilités professionnelles, comme en formation générale, en ce qui a trait notamment aux pouvoirs reliés aux services éducatifs qui doivent leur être accordés. Le CPIQ recommande que ce qui relève de la formation professionnelle au secondaire soit assuré par le centre de formation professionnelle au secondaire et non transféré au collégial. Le CPIQ recommande que les normes et modalités d'évaluation des apprentissages en formation professionnelle soient standardisées au Québec. Le CPIQ souligne l'importance que les commissions scolaires s'assurent de l'application des nouveaux programmes et de l'évaluation des apprentissages. Le CPIQ souligne l'importance pour tout le personnel enseignant d'avoir accès à de la formation continue. Le CPIQ fait remarquer l'importance d'utiliser la totalité des budgets de perfectionnement disponibles. Enfin, le CPIQ souligne l'influence du ratio maître-élève sur la qualité de la formation et sa prise en compte dans l'évaluation de la qualité des services éducatifs fournis. Merci.

La Présidente (Mme Blackburn): En conclusion, Mme Duchesneau.

Mme Duchesneau (Lise): La décentralisation de tout le système d'éducation requiert l'établissement de balises et de modèles pour une évaluation standardisée des résultats obtenus par les élèves, la reconnaissance de l'autonomie et de la responsabilité professionnelle des enseignants appuyée par la création d'un ordre professionnel des enseignants enseignantes du Québec afin d'assurer la qualité de la formation des élèves, raison d'être de tout le système d'éducation.

Quel est donc ce lieu où les enseignants peuvent se référer quant à leur pratique professionnelle? Ils sont les experts de la cognition, de l'acte d'enseigner. Les enseignants travaillent sur du non-tangible. Cependant, les erreurs commises peuvent être aussi majeures que celles du médecin qui, par une mauvaise décision, peut mettre fin à la vie d'un patient. Le médecin est reconnu par le public comme intervenant majeur en matière de santé. L'enseignant doit avoir cette reconnaissance, cette confiance du public. Qu'on cesse de le voir comme un exécutant, un travailleur. L'enseignant doit arrêter d'être dépendant de tout le monde. Qu'on arrête de lui dire quoi faire et de le contrôler constamment. Un professionnel ne compte pas ses heures, un travailleur oui. Rappelons que l'élève et l'enseignant doivent être au coeur de cette réforme.

Je termine par un petit paragraphe que j'ai trouvé, une citation de M. Bisaillon, que j'aime beaucoup.

Une voix: La citation, la citation!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Duchesneau (Lise): Oui. «La profession enseignante n'est sûrement une profession comme les autres. Peu de métiers ont autant d'influence. C'est le seul métier qui a une influence sur un siècle complet. Une professeure ou un professeur qui fait carrière influence tous ceux et celles à qui il a enseignés, c'est donc dire pendant tout un siècle. C'est un métier dont la crédibilité ou la reconnaissance varient selon la valeur qu'on accorde aux services publics. Même si l'acte d'enseigner en est un privé, il n'y a pas de service plus public que celui-là.» Et, quand on dit: Le point de départ n'est pas le prof, mais l'étudiant ou l'étudiante, et le point d'arrivée n'est pas le prof, mais l'étudiant ou l'étudiante, il faut être modeste pour enseigner.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, Mme Duchesneau. Mme la ministre de l'Éducation. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Marois: Merci, Mme la Présidente. Je comprends que vous soyez d'accord avec cette citation et que vous nous l'ayez si judicieusement rappelée, parce que je pense que c'est tellement vrai. Il faut se souvenir de l'un ou l'autre de nos professeurs qui, un jour, a eu une influence très significative dans nos vies, ce qui fait que cela a pu orienter une carrière, que cela a pu orienter un choix très significatif dans la vie des personnes. C'était tout à fait pertinent de le rappeler.

Je vous remercie de votre mémoire, il est très intéressant, j'aime bien. Il est concis, mais il est précis et il vient s'attarder à des questions qui, évidemment, font l'objet des principales préoccupations des personnes qui enseignent et qui sont au sein des établissements, soit des professionnels ou des spécialistes ou des personnels qui accompagnent les élèves.

D'abord, une première chose qu'on peut rapidement clarifier. Je constate que, lorsque vous proposez que le Conseil d'établissement approuve et non adopte les modalités d'application du régime pédagogique, en fait, vous confirmez que vous êtes d'accord avec ce que nous proposons au projet de loi, puisque c'est effectivement ces termes que nous avons retenus dans tous les cas.

D'ailleurs, je me permets de partager avec vous une réflexion à cet égard-là. Effectivement, on dit, «approuve» plutôt que «adopte». Et je crois que certains parents qui sont venus ont manifesté un peu d'inquiétude et de crainte quant aux nouvelles responsabilités qu'on leur confiait parce que, justement, ils le voyaient sous le sens de «adopte». Et, quand on fait les nuances entre «adopte» et «approuve», évidemment, c'est fort différent. C'est qu'il y a eu, avant que ça ne soit présenté au conseil d'établissement, donc aux parents qui y siégeront, un travail préalable d'analyse, de recherche, évidemment formel, sur un projet qui est déposé, lui, au conseil d'établissement. Alors, en ce sens, on n'a pas l'intention, bien sûr, de retoucher à ces aspects-là de l'avant-projet de loi, et ça restera ce que vous nous recommandez et qui est déjà là, de toute façon, dans le projet de loi.

Le deuxième élément que vous abordez, et là c'est un peu différent, vous suggérez qu'au niveau du pouvoir de la direction de l'école on procède de la même façon et qu'on dise: Devraient être approuvé... C'est-à-dire, ici, le directeur de l'école doit adopter les méthodes pédagogiques, et, vous, vous dites: Il devrait approuver, il devrait, à cet égard, procéder de la même façon que le conseil d'établissement le fera par rapport aux modalités d'application du régime pédagogique et par rapport au projet éducatif. Je simplifie et je ramasse sous le thème «projet éducatif» ce qui concerne leurs responsabilités à cet égard.

(16 h 50)

Moi, je vous suis assez bien. Vous dites: Ce sont les enseignants qui, collectivement, doivent adopter les méthodes pédagogiques, établir les modalités d'évaluation des apprentissages, choisir les manuels scolaires, élaborer... En fait, c'est ce qu'on retrouve dans le projet de loi. Mais, en bout de processus, une fois que les enseignantes et les enseignants, d'une manière collective, auront proposé, auront recommandé... Et je pense que, généralement, les gens s'entendent, dans les écoles. C'est l'évaluation, nous, que l'on a, et ce sont les expériences que l'on connaît. Parce qu'il faut bien dire que ça se fait déjà dans beaucoup d'établissements. Ça se fait de façon plus informelle, mais cela se fait.

En bout de piste, il y a une difficulté. Il y a des enseignantes et des enseignants qui sont en première, deuxième année, qui veulent choisir tel type de matériel scolaire, tel type de matériel didactique qui ne serait pas le même, qui serait choisi pour les enfants de troisième et de quatrième, mais, évidemment, avec des méthodes, parce qu'on sait fort bien que les matériels parfois portent des méthodes. Alors, il faut que quelqu'un quelque part tranche. Est-ce qu'on va, pendant trois mois, de recommandations en discussions en recommandations, attendre qu'il se passe quelque chose? Et c'est là la notion que nous retrouvons au projet de loi. On dit bien: «Sur recommandation des enseignants». C'est très fort, «sur recommandation» parce que ça veut dire qu'il ne peut pas prendre une décision s'il n'a pas de recommandation. Et, par ailleurs, ça va aussi loin, dans ma tête, que ceci – et on l'a vérifié au plan juridique, au-delà de ce que peut en penser la ministre: le directeur, s'il ne retenait pas, par exemple, des recommandations, serait amené à justifier pourquoi et quelles raisons l'amènent à cela.

Alors, dans le fond, ce qu'on veut, c'est ce que vous nous proposez, c'est que, collectivement, les enseignantes et les enseignants puissent adopter les méthodes pédagogiques, établir les modalités d'apprentissage, choisir les manuels, tout ce que vous décrivez là, qu'on retrouve d'ailleurs à la loi. Mais, à un moment donné, ça ne va pas, il faut que quelqu'un décide. Et c'est là qu'est clairement logée la responsabilité de la direction de l'école. Et, si vous avez une autre méthode, vous la proposez. Je pense que ce n'est pas à vous que je vais montrer ça, vous vivez dans les écoles au quotidien. Mais on ne va pas attendre au mois de décembre pour décider ce qu'on va faire dans les méthodes. On se comprend?

La Présidente (Mme Blackburn): Bien. Est-ce que ça va? Avez-vous des commentaires à ajouter?

Mme Marois: J'attends vos commentaires sur ça.

La Présidente (Mme Blackburn): Mme Duchesneau.

Mme Duchesneau (Lise): Oui, un premier commentaire que je peux faire, je pense que, quand on parle que ce sont les enseignements qui, collectivement... quand on parle de la collectivité, ici, on ne parle pas juste des enseignants tout seuls, mais on parle aussi de tout le soutien qu'on donne aux enseignants. Alors, on a souvent des experts, conseillers et conseillères pédagogiques, qui peuvent apporter un éclairage encore plus grand pour trancher cette question-là. Évidemment, c'est sûr qu'au bout de la ligne s'il y avait un conflit majeur, il faudrait que quelqu'un tranche la question.

Mais, moi, je veux faire aussi une petite parenthèse. Quand on parle du partage des responsabilités, c'est sûr que quelque part il y en a qui ont très peur. De façon générale, ça va relativement bien, dans les écoles. Cependant, moi, je regarde juste la tangente que certaines régions ou écoles prennent présentement; et je vous en ai informé par lettre. On a présentement la fameuse réforme des curriculums, qui n'est pas officielle encore, qui n'est pas arrêtée et sur laquelle on devra revenir, tel que vous nous l'avez dit, à partir de la fin de septembre. Mais, déjà, seulement parce qu'il y a eu des couleurs d'annoncées, il y a des commissions scolaires qui sont au grand galop et qui font sauter des programmes. Donc, toute l'insécurité qui se vit dans le milieu est très grande, présentement. Et je pense que c'est là-dessus, quand on parle du partage des pouvoirs; c'est que, s'il y a juste une personne qui a le pouvoir, quelque part ça peut avoir des conséquences assez graves. Mais je ne veux pas non plus faire des cas particuliers de généralité. Je ne sais pas si quelqu'un d'autre avait quelque chose à ajouter.

La Présidente (Mme Blackburn): Oui, Mme Gagnon-Messier.

Mme Gagnon-Messier (Denyse): Merci, madame. Oui, effectivement, au niveau de la relation d'aide, ce que les enseignants craignent le plus, c'est que, c'est bien beau de leur redonner ce pouvoir de choisir, et de tout, mais, vous savez, la vie de l'enseignant, elle occupe beaucoup d'heures dans sa journée, il n'a souvent pas le temps d'être à la fine pointe, et ça se comprend. On est en changement de programme, en mathématiques, et les questions qui arrivent, c'est: Est-ce que quelqu'un a fait une recherche? Est-ce qu'il y a une recommandation? Pourquoi je prendrais tel volume au lieu de tel autre? Tous les milieux sont en attente. Et ces coupures d'aide, ça nous... En tout cas, nous, on se compare à d'autres professionnels et on dit: Il n'y a aucune profession où ils n'ont pas leurs chercheurs, leurs aides pour venir à leur secours, pour les alimenter, pour les tenir à la fine pointe. Cet aspect-là, je pense que c'est peut-être ce qu'on craint le plus dans l'enseignement, dans le moment. Même si on nous redonne tout ce pouvoir, est-ce qu'on veut l'exercer? Est-ce qu'on a le temps de le faire, dans la tâche qui est très lourde? C'est autre chose. Et c'est vraiment un cri d'alarme, de ce côté-là.

Les milieux, cette année, vivent avec plein de nouveaux personnels, à droite, à gauche. Moi, même si effectivement j'ai quitté, ma carrière est derrière moi, mais mes préoccupations pédagogiques sont là et encore pour un petit bout de temps. Et je travaille au niveau de cette relation d'aide avec les enseignants. Et je pense que c'est parce qu'on brasse le tout qu'ils ne finissent plus de dire: On est chanceux, on a quelqu'un qui nous aide, qui nous apporte des éclairages, et tout. Et ça n'enlève rien à leur autonomie. Au contraire, ça permet qu'ensemble on prenne des décisions plus éclairées.

Les milieux sont fortement inquiets de voir qu'on ait sabré comme ça dans les services pédagogiques. Et, quand on lit: Bien, ça s'en ira au niveau de l'école, est-ce qu'on dégagera des gens? Il n'y a même plus de responsable de matière dans les écoles, et le petit peu de temps qu'on leur allouait, ils n'en ont plus. Qui fait ça bénévolement, sur son temps, et tout? C'est un réel problème. Pour exercer ces pouvoirs, je pense qu'il faut être assisté et il faut que les coupures n'attaquent pas la pédagogie.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, Mme Gagnon-Messier.

Mme Marois: Vous savez que c'est ma principale préoccupation.

Mme Gagnon-Messier (Denyse): Oui.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien. M. Ligneau.

M. Ligneau (Jack): Je pense que la difficulté pour un groupe d'enseignants d'arriver à des consensus, c'est un défi quotidien. Comme dans n'importe quel métier, profession et autre, c'est un défi d'arriver à prendre des positions communes et à les présenter à un responsable; dans le cas présent, la direction d'école. Mais, de la même façon, on pourrait aussi dire que c'est aussi difficile d'arriver à un consensus sur des recommandations à formuler à la direction d'école.

Donc, en modifiant simplement le terme «proposition» pour «recommandation», pour «approbation» pour, en fin de compte, «prise de décision par la direction d'école», il me semble qu'on n'a pas réglé le problème de la recherche du consensus. Si on n'arrive pas à prendre une décision collective, au point de vue pédagogique, méthodes de travail, matériel didactique, etc., au niveau des enseignants, ça ne sera pas plus facile d'en arriver à une recommandation collective, à un consensus au niveau des enseignants.

Donc, je pense que la formulation qui est dans le projet de loi, à l'heure actuelle, ne simplifie pas forcément la tâche et le défi du groupe enseignant. C'est pour ça que, peut-être, nous avions préféré demander que les enseignants soient réellement responsabilisés, pour arriver à des résultats de consensus entre eux et ne pas se fier à une décision d'un autre niveau, ultime, pour en arriver à avoir les conséquences attendues et espérées par le milieu.

Le Président (M. Paré): Merci, M. Ligneau.

Mme Marois: Mais c'est vraiment ce qui est souhaité par la loi. Mais, qu'est-ce que vous voulez, j'allais vous dire, il n'y a rien de parfait. On ne vit pas dans un monde parfait; on le souhaiterait, parfois. Et, quand on n'y arrive pas, à ce consensus, c'est d'essayer d'outiller les gens pour qu'ils y arrivent; et c'est ce qui est souhaité et souhaitable, et c'est ce qu'on veut, et c'est comme ça qu'on a bâti le projet de loi. Mais, en même temps, quand on n'y arrive pas, à un moment donné, il faut que quelqu'un quelque part tranche. S'il faut le dire plus clairement, on pourra essayer de le préciser, mais c'est vraiment l'intention que nous avons très clairement dénoncée ici.

Le Président (M. Paré): Merci, Mme la ministre. M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Merci. Bienvenue aux représentants du Conseil pédagogique. Juste sur cette question-là, je ne veux pas y passer trop de temps parce que, malheureusement, ou peut-être heureusement, dépendamment du point de vue qu'on défend, on a passé beaucoup de temps, durant les travaux de notre commission, sur l'article 97, avec des réponses différentes, dépendamment de qui se présentait devant nous. Au niveau de votre mémoire... Écoutez, au niveau des directions d'école, elles souhaitaient que ce soit le directeur d'école. Au niveau de la Fédération des comités de parents, on dit bien que c'est le conseil d'établissement. Alors, il y a des nuances, là.

Mme Marois: ...

(17 heures)

M. Ouimet: C'est ce que je voulais dire. Mais au niveau de votre mémoire, vous dites, à la page 2: «Le CPIQ tient à ce que le conseil d'établissement approuve.», mais, par la suite, à la page 3, au dernier paragraphe, avant l'item 2, vous dites: «Cependant, leurs décisions dans ces trois domaines doivent être approuvées par le directeur d'école.» Je comprends mal. Est-ce que vous dites conseil d'établissement dans un cas, directeur d'école dans l'autre? Est-ce que vous saisissez? J'essaie de comprendre. Est-ce qu'il y a une erreur ou est-ce que...

Le Président (M. Paré): Mme Gagnon-Messier.

Mme Gagnon-Messier (Denyse): Oui, merci. Dans la structure qu'on voit, le tout est discuté collectivement par les enseignants, est d'abord soumis au directeur d'école et approuvé par lui, et ensuite, la dernière étape, le conseil d'établissement. Autrement dit, on recherche un consensus à l'intérieur de l'école avant de présenter nos positions au conseil d'établissement.

M. Ouimet: O.K. Ça clarifie ça.

M. Ligneau (Jack): C'est seulement de dire que c'est le même principe que l'on souhaite appliquer dépendant du niveau de décisions qui sont prises, soit au niveau du conseil d'établissement, au niveau de la direction d'école. C'est le même principe que l'on met de l'avant pour être cohérent un petit peu avec nos démarches et afin de responsabiliser les enseignants dans tous les cas.

Le Président (M. Paré): Merci, M. Ligneau. Vous allez poursuivre, M. le député de Marquette?

M. Ouimet: Oui. J'y voyais une distinction avec l'article 97 qui, lui, ne remontait pas ça au niveau du conseil d'établissement mais laissait ça au niveau de la direction d'école. Vous, vous dites «approuvé par le directeur d'école mais par la suite adopté par le conseil d'établissement». C'est ça?

Une voix: Non, non, non, non.

M. Ouimet: Non?

Le Président (M. Paré): Mme Messier.

Mme Gagnon-Messier (Denyse): Oui.

M. Ouimet: Bien, c'est parce qu'on me fait un signe de tête. Oui, non? J'essaie de comprendre.

Mme Gagnon-Messier (Denyse): C'est un peu cette structure, oui. Maintenant, je pense...

M. Ouimet: Mais, c'est oui ou non? Il y a quelqu'un qui dit non, vous dites oui.

Le Président (M. Paré): Mme Gagnon-Messier.

Mme Gagnon-Messier (Denyse): Oui, merci. C'est approuvé par le conseil d'établissement. Vous évoquez qu'il y a eu différentes opinions là-dessus. Évidemment, vous devez voir dans notre attitude qu'on ne voudrait pas que des gens en dehors de la profession prennent le contrôle, dans le fond, du conseil d'établissement et qu'on se fasse imposer des choses. C'est peut-être pour ça qu'on donne cette structure, c'est qu'on se sent les mieux préparés, les professionnels de l'éducation, et je pense qu'il n'y a pas une profession qui aimerait qu'on vienne leur dire quoi faire, comment faire, comment enseigner et tout. Et ça, ça ne s'acceptera jamais par nous.

Et il y a une méfiance qui s'est installée. Il y a une méfiance de la part des enseignants envers les parents; il y a une méfiance de la part des parents envers les enseignants. Cette méfiance peut-être vient sonner un autre son de cloche, vient allumer une autre lumière. Cette méfiance, c'est que, de part et d'autre, il faudrait peut-être mieux camper nos responsabilités. Il faudrait peut-être mieux assumer, il faudrait peut-être être imputable des décisions que l'on prend dans l'enseignement – ce n'est pas toujours le cas – et je pense que les parents, eux, leur méfiance vient du fait qu'ils veulent être protégés dans ce système. Et je suis parent aussi et j'ai voulu être protégée, moi aussi, dans le système.

Alors, quelque part, c'est peut-être ça qu'on voit. On voit la prise en charge du conseil d'établissement par les parents, un peu dans la structure annoncée, comme une protection qu'ils viendraient se chercher dans ce système. Nous, on veut peut-être les assurer d'une protection autrement, autrement qu'en leur laissant mettre le pied dans des décisions purement pédagogiques. Je regrette, mais je pense que, peu importe la profession des parents ou des gens de la communauté qui seraient sur ce conseil d'établissement, ils ne sont pas formés comme je le suis, comme mes collègues le sont dans l'enseignement, pour enseigner.

M. Ouimet: Il y a la dimension... Oui?

Mme Gagnon-Messier (Denyse): Alors, nous voulons revendiquer ça. C'est pour ça que c'est cette hiérarchie qu'on aimerait bien voir établie. Les décisions se prennent en collégialité avec la direction d'école et sont approuvées, oui, par le conseil d'établissement.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, Mme Gagnon-Messier. M. le député.

M. Ouimet: À moins de me tromper, les parents évoquaient également la crainte des fois que des outils pédagogiques soient choisis par les enseignants, qui pourraient être coûteux, les fameux cahiers d'exercice. Ils ont cette préoccupation-là. Ils se rendent compte des fois, à la fin de l'année scolaire, que ça a été rempli au tiers; donc, ils y voient un certain gaspillage alors qu'ils ont dû débourser de leur poche. Alors, j'imagine qu'ils veulent exercer un certain contrôle là-dessus, mais ils admettent rapidement qu'ils n'ont pas l'expertise non plus pour porter de jugement sur ce qui est choisi. Ils veulent exercer un certain contrôle quand même.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien. Alors, Mme Duchesneau.

Mme Duchesneau (Lise): Oui. Et, sur ce que vous venez de dire, j'ajouterais que justement, s'ils peuvent adopter, ils peuvent aussi refuser.

M. Ouimet: Bien sûr. C'est pour ça que le conseil d'établissement, ça règle tout.

Mme Duchesneau (Lise): Si quelque chose est proposé, ça veut dire qu'il faut retourner, à ce moment-là, faire nos devoirs.

M. Ouimet: O.K. La question de la parité maintenant. Je sais que la CEQ plaidait beaucoup en faveur de la parité entre les parents et les autres représentants au conseil d'établissement. Vous avez une formule. Je ne l'ai pas évaluée, je n'ai pas eu la chance de l'évaluer, mais est-ce que ça revient à dire la même chose? Est-ce que c'est la parité ou si c'est une autre sorte de parité?

Mme Duchesneau (Lise): C'est un petit peu différent.

M. Ouimet: O.K.

Mme Duchesneau (Lise): C'est un peu différent. Je pense que c'est la partie de Jack Ligneau.

La Présidente (Mme Blackburn): M. Ligneau.

M. Ligneau (Jack): L'idée qu'il y a en arrière de cette proposition-là, elle est assez simple, c'est que, étant donné l'importance de l'impact du rôle joué par les enseignants dans la formation des élèves, il est normal de leur réserver une place significative au sein de l'établissement. Partant de là, si on compare le groupe d'enseignants par rapport aux autres groupes de travailleurs dans l'établissement, on considère que le groupe des enseignants devrait au moins être aussi important que l'ensemble des autres personnels. Ça, c'est un premier point dans notre proposition.

Et, par ailleurs, le deuxième élément de la proposition, c'est que l'ensemble des représentants des personnels de l'établissement soit à parité avec l'ensemble des parents et représentants de la communauté. Alors, c'est le deuxième volet de notre proposition, voyez-vous. Donc, un équilibre d'abord à l'interne entre les différentes catégories de personnels d'une part, vraiment une prédominance marquée pour les enseignants dans ces groupes-là, et, par ailleurs, une parité entre les groupes de personnels, d'une part, et, d'autre part, les groupes représentant la communauté et les parents.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, M. Ligneau. Oui.

M. Ouimet: Donc, vous placeriez le représentant de la communauté avec les parents, si je comprends bien.

M. Ligneau (Jack): Voilà. C'est exactement notre proposition qui est contenue dans le mémoire.

M. Ouimet: O.K. Brièvement, la question de l'ordre professionnel, là, on sent qu'il n'y a pas unanimité parmi les enseignants et les enseignantes. Pourriez-vous élaborer davantage là-dessus, sur toute la question de l'ordre professionnel des enseignants? On sait nettement que ni la CEQ ni l'Alliance, entre autres, n'y sont favorables. Vous en faites la recommandation dans votre mémoire. Vers où est-ce qu'on se dirige et quel objectif poursuivez-vous, lorsque vous mettez de l'avant cette idée-là? Est-ce que ça a un lien direct avec la question de l'imputabilité des enseignants?

Mme Duchesneau (Lise): Oui. Disons que, au départ, évidemment, c'est sûr que vous ne nous apprenez pas une nouvelle en nous disant que les syndicats ne sont pas en accord.

M. Ouimet: Non, je sais.

Mme Duchesneau (Lise): Ce qu'on souhaite, au départ, c'est qu'ils soient vraiment associés à la démarche. La création d'un ordre professionnel, ça se fait avec toutes les parties en place. Je veux vous dire que je me sens officiellement très bien placée pour dire que je représente des enseignants et des enseignantes de la province de Québec. Et quand on parle de l'ordre professionnel, je suis très heureuse que vous en parliez, parce que, vous savez, l'ordre professionnel vise essentiellement à protéger le public, c'est-à-dire à protéger le client qui est l'enfant et le parent. Et, sa mission, c'est de s'assurer de la compétence et de l'intégrité de la personne dès son entrée dans la profession, de s'assurer que cette personne-là va demeurer compétente et intègre tout au long de sa carrière et de l'aider en apportant des moyens de développer cette compétence par la formation continue.

Et, ce que ça apporte de plus aux enseignants, bien, moi, je dis que c'est la cerise sur le gâteau. Parce que, quand on veut leur donner de l'autonomie, c'est beau, tu as le pouvoir de faire ci, tu as le pouvoir de faire ça. Mais, l'imputabilité, elle est où? Alors, quand on a un ordre professionnel, quand on est vraiment autonome dans notre profession, bien on a aussi des comptes à rendre quelque part. Et, créer un ordre professionnel, c'est en quelque sorte de regrouper toutes les composantes de notre profession dans un même lieu et de protéger le client.

Il y en a plusieurs qui disent: Ah oui, mais ce serait de créer une autre structure additionnelle à ce qu'il y a déjà. Pardon, il n'y a pas de profession plus éclatée actuellement que la profession enseignante. On a un comité d'agrément des programmes, on a un comité pour la formation du personnel enseignant, on a un paquet de structures. Bon, en tout cas. Il y a combien de paliers avant qu'un enseignant puisse vraiment avoir une réponse à sa question? Il se fait dire: Ah oui, puis tous les paliers à partir de l'école, à partir du prof, de la direction, de la commission scolaire, du ministère régional et, en tout cas, mettez-en, mettez-en. C'est une profession qui est complètement éclatée et, quand même, tous ces comités-là, toutes ces structures-là coûtent des sous.

(17 h 10)

Alors, pourquoi, quelque part, on ne permettrait pas toute la réunion des composantes de notre profession? Et les parents qui veulent être majoritaires au conseil d'établissement démontrent bien ce besoin qu'ils ont de vouloir protéger l'élève. Le parent ne veut pas prendre les décisions à notre place, on le sent très bien, mais il a tellement peur que, quelque part, son enfant ne reçoive pas ce qui lui est dû, il a tellement peur que son enfant soit marqué de façon durable qu'il veut s'assurer d'être présent partout. Et moi, je pense qu'un ordre professionnel... En tout cas, comme beaucoup d'autres, je l'ai dit à mes collègues de travail. Je n'en ai que pour quelques années encore dans le système d'éducation. J'aurais même pu prendre une retraite avec départ volontaire, ce que je n'ai pas fait. J'espère laisser aux jeunes enseignants et enseignantes le plus beau cadeau, qui serait un ordre professionnel.

La Présidente (Mme Blackburn): Alors, vous savez qu'un ordre professionnel, ça ne peut être formé qu'à la demande des membres de la profession.

Mme Duchesneau (Lise): Tout à fait. C'est fait, d'ailleurs.

La Présidente (Mme Blackburn): Oui? C'est fait? Le groupe est assez important?

Mme Duchesneau (Lise): Comme M. Ouimet me le demandait, d'abord, en 1995, il y a eu la question posée. La réponse qui a été satisfaisante nous montrait qu'on pouvait continuer. On a fait un sondage à l'intérieur de nos associations professionnelles, par le biais de nos associations, on a eu un résultat qui était très satisfaisant, sauf qu'on nous taxait, à gauche et à droite, d'avoir des résultats biaisés. Évidemment, c'étaient nos associations, donc probablement qu'on avait dû leur souffler la réponse. Alors, quand on a vu ça, on a dit: Parfait, on va aller voir d'abord par un sondage professionnel, un sondage qui est crédible. On a fait affaire avec la firme Léger & Léger, et le sondage qui est sorti dernièrement, 75 % des enseignants et enseignantes réclament la création d'un ordre professionnel. Alors, devant ces résultats-là, on est allé déposer une demande officielle à M. Diamant, à l'Office des professions. Ça s'est fait le 3 juin, le lendemain des élections. La requête est là actuellement. On sait que ça se joue en trois parties. La première partie, c'est de poser la question...

M. Ouimet: Le 3 juin de quelle année?

La Présidente (Mme Blackburn): De cette année.

Mme Duchesneau (Lise): Oui, oui, c'est tout récent. Alors, la première partie, c'est de poser la question, de sonder le milieu; la deuxième, c'est de déposer une requête; et la troisième, c'est la volonté politique, et nous en sommes là.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien, merci.

M. Ouimet: Si vous me permettez juste un court commentaire là-dessus?

La Présidente (Mme Blackburn): Un court commentaire.

M. Ouimet: À une autre commission, nous avions le bénéfice d'avoir M. Robert Diamant, qui est le président de l'Office des professions. Je lui avais posé des questions à cet égard-là, il m'avait fait savoir qu'il n'y avait eu aucune demande à ce moment-là, il y a environ deux ans. Mais il voyait des difficultés. Je vous inviterais peut-être à... Je tenterai de vous retrouver la référence, mais j'avais eu un échange assez long avec M. Diamant sur cette question, il y a environ deux ans. Il y voyait des difficultés, mais là je ne me rappelle pas de quel ordre ces difficultés étaient.

Mme Duchesneau (Lise): Oui, justement, on en a quand même parlé. Le point de vue a beaucoup évolué depuis ce temps-là. On se trouvait justement, cette semaine, avec le directeur du Conseil interprofessionnel du Québec, avec qui on a eu une très longue discussion – vous voyez un petit peu les liens qu'on entretient présentement – et qui disait que, non, la faisabilité était tout à fait plausible, qu'évidemment la responsabilité, face au client, qui est très grande et qui peut marquer le jeune de plusieurs façons, faisait en sorte qu'on devait y réfléchir sérieusement.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, Mme Duchesneau. Mme la députée des Deux-Montagnes.

Mme Robert: Merci, Mme la Présidente. Bonjour mesdames, bonjour messieurs. Je dois vous dire, d'entrée de jeu, que j'accueille avec un très, très, très grand plaisir votre présentation. Il est vrai que je suis issue du monde de l'enseignement, que j'ai quitté pour un temps pour assumer mes fonctions de députée. Et tant de ce qu'on vient d'aborder, c'est-à-dire l'ordre professionnel, que c'est quelque chose effectivement que, dans le milieu, les enseignants attendent depuis longtemps, et aussi toute cette vision de l'équipe-école que vous développez, ce qu'on a appelé, nous, ici, beaucoup alentour... Vous parlez beaucoup d'enseignants et, moi, j'ai essayé... En tout cas, tout le long, quand vous avez dit que le mot «collectif» voulait dire un petit peu l'équipe-école d'une certaine façon, qui travaille à livrer un service à un groupe d'élèves, à plusieurs groupes d'élèves...

Il y aurait simplement une petite question, parce que je voulais aborder celle de l'ordre professionnel et, comme le député de Marquette l'a abordée... Parce qu'on a eu beaucoup de questionnements sur l'évaluation, l'imputabilité de l'acte professionnel, ça a été abordé totalement dans ce sens-là. C'est sur la difficulté que vous avez soulevée de la prise de décisions collective au niveau de l'équipe-école. Moi, je me posais la question... J'ai travaillé dans un milieu où, au niveau de l'équipe-école, nous fonctionnions avec un conseil d'administration et avec une assemblée qui avait des pouvoirs, finalement, et cette assemblée-là était constituée de tout le personnel de l'école, c'est-à-dire de la direction jusqu'au personnel de soutien des enseignants, et tout le personnel non enseignant. Et donc, les décisions qui étaient prises là, c'est-à-dire d'orientation, d'organisation, etc., étaient... À chaque année, d'ailleurs, on avait toujours les grandes décisions qui amenaient à la préparation de l'année d'après au niveau du suivi du projet éducatif ou etc.

C'est ça, vous ne parlez pas de moyens, vous parlez des enseignants comme tels. Est-ce que vous en avez des moyens? Là, je vous donne un exemple, moi, que j'ai vécu, où on est arrivé quand même à fonctionner dans les cadres actuels. C'est sûr que ça a pris peut-être plus longtemps pour les consensus parce qu'il y a toutes les questions de conventions collectives qui doivent devenir des paramètres et non des objectifs en soi dans ces conditions-là. Est-ce que vous en avez, je ne sais pas, des exemples ou d'autres moyens qui vous ont fait avancer ces propositions-là que je trouve très intéressantes?

La Présidente (Mme Blackburn): Oui, Mme Gagnon-Messier.

Mme Gagnon-Messier (Denyse): Merci, madame. Je pense qu'il y a actuellement une très belle mobilisation des équipes-écoles. Ce qui démobilise, c'est tout simplement que, lorsqu'on prend des décisions qu'on trouve tout à fait pédagogiques et tout à fait dans l'intérêt du bien de l'élève, on n'en tienne pas toujours compte. Ou bien c'est l'administration qui prend le dessus ou bien c'est: Bon, il faut que chaque local soit rempli également, et tout, et tout.

Et, vous voyez, on amène là toute la question de l'imputabilité. Je ne peux pas être imputée des échecs de mes élèves si, au départ, on a placé devant moi des élèves pour remplir un local et non parce qu'ils avaient les prérequis. Et tout ça est démobilisant. Alors, ce qu'on fait, je pense, au niveau de la pédagogie dans les équipes-écoles, la mobilisation est là. Ce qu'on veut, c'est peut-être d'être plus entendus, d'être plus considérés, d'arrêter d'être uniquement des exécutants mais de jouer vraiment notre rôle professionnel, ce qui éviterait que ce qu'on a abordé tantôt... Parce que j'étais en sanction des études, l'été passé. Alors, vous voyez que les larmes coulées par les élèves, les larmes répandues par nos élèves qui n'avaient pas réussi l'anglais, je les ai presque partagées avec eux et avec leurs parents. Pensez-vous que c'est nous, les enseignants, qui avons voulu un jour que des élèves puissent être assis devant nous, être obligés de suivre un cours mais avoir droit de l'échouer?

Je pense que, pour nous, ça fait longtemps que l'équipe-école, on est mobilisé là-dessus et que la culture de l'échec, on n'en veut plus au secondaire. Et, ces élèves-là, c'est vrai qu'ils ont été avertis en 1993. Mais, s'ils ont échoué leur anglais cette année-là, ils l'ont repris l'année suivante et ils ont vécu tout le long du secondaire avec une année de retard. On ne peut pas faire de miracle. Et, à un bon moment donné, on a dit: «Bien, il faut qu'ils fassent deux ans dans un; il faut les rendre éligibles à.» Nul n'est tenu à l'impossible, pas plus nous!

Alors, vous voyez? Juste ça, ça fait des décennies – je pourrais quasiment dire toute ma carrière – qu'on réclame justement que ce qu'on dit, nous, pour le bien de l'élève, c'est que ce qui mérite d'être enseigné mérite d'être réussi; que les critères qu'on fixe, je pense, en étant les professionnels que nous sommes, soient un jour écoutés. Alors, c'est ça vraiment. Il y a une belle mobilisation, il y a une démotivation quand on voit que, souvent, ça n'a rien donné. Et on espère tellement de cette réforme. On espère justement qu'on sera au coeur des décisions et que finalement on contribuera à ce qu'il n'y ait plus de problèmes comme il y avait à l'été. Mme la ministre l'a confirmé tantôt à notre grand plaisir. Oui, nous espérons qu'un D.E.S. n'ait pas besoin d'être enrichi pour donner accès à l'ordre collégial. Allez essayer d'expliquer ça à des parents! Ce n'est pas facile.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, Mme Gagnon-Messier. En conclusion, M. le député de Marquette.

(17 h 20)

M. Ouimet: Remercier le Conseil pédagogique interdisciplinaire du Québec pour leur expertise, les recommandations qu'ils nous ont soumises. Et je dirais qu'on va suivre le débat sur l'ordre professionnel avec beaucoup d'intérêt, parce que ça va avoir des répercussions, je pense. Et, personnellement, je pense que ça va également valoriser beaucoup le rôle de l'enseignant et de l'enseignante. Merci.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, M. le député. Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, je veux vous remercier à mon tour pour votre contribution. Il y a des réflexions aussi qu'on n'a pas eu le temps de toucher dans votre mémoire, mais qui vont alimenter notre réflexion d'ici la rédaction du prochain projet de loi. Je vous confirme ce que j'ai dit à la Fédération des cégeps tout à l'heure: nous avons bien l'intention qu'un diplôme sanctionne des connaissances acquises, sanctionne la rigueur et soit le passeport pour la suite des choses. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, Mme la ministre. Brièvement, un dernier point, Mme Duchesneau.

Mme Duchesneau (Lise): D'abord, je veux vous remercier, Mme la Présidente, Mme la ministre, M. Ouimet, porte-parole de l'opposition. Le seul mot que je veux vous dire pour la fin, Mme Marois, vous nous avez dit à quelques reprises: Il faut que quelqu'un tranche. Alors, nous souhaitons et nous demandons que le ministère se retire de la gestion de la profession enseignante et permette aux enseignants de prendre leur profession en main; c'est ce que révèle le rapport. De plus, on dit toujours qu'il faut écouter la base et je pense qu'ils se sont exprimés officiellement. Il faut les écouter, il faut leur faire confiance. En même temps vous dire que, si on veut vraiment que la réforme de l'éducation soit une réussite, les enseignants et enseignantes doivent être partie prenante et ça commence d'abord par les écouter. Merci.

La Présidente (Mme Blackburn): Alors, merci, M. Ligneau, Mme Duchesneau, Mme Gagnon-Messier et M. Leclerc, de votre participation aux travaux de cette commission. J'aurais voulu avec vous – j'ai été tentée de le faire, le temps va nous manquer – aborder ne serait-ce que brièvement, connaître votre opinion sur le redoublement, parce que vous indiquez que ça doit appartenir aux enseignants. À la commission de l'éducation, on s'est inquiété de l'état du redoublement au Québec et de ses effets sur l'abandon scolaire. Alors, j'imagine quand il y aura des politiques, on aura l'occasion d'y revenir. On estimait à l'époque – il faudrait que mes collègues me rafraîchissent la mémoire – que c'était de l'ordre de tout près de 300 000 000 $ que ça nous coûtait, le redoublement, et redoubler au primaire entraînait, nous disait-on, presque systématiquement redoublement au secondaire et abandon. Alors, j'imagine que vous avez ces données-là, mais je ne voudrais pas vous amener sur ce terrain. Si jamais vous aviez une réflexion là-dessus, ça m'intéresserait sans doute comme ça intéresse les membres de cette commission.

Merci à nouveau de votre participation aux travaux de cette commission. Je vous dis en mon nom personnel – je ne parlerai pas au nom des autres – que je souhaite que votre opération de création d'un ordre professionnel des enseignantes et enseignants ait du succès. Merci.

Mme Duchesneau (Lise): Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Blackburn): Avant de passer aux remarques finales de la ministre et du porte-parole de l'opposition officielle, je voudrais remercier des organismes et écoles qui nous ont fait parvenir des mémoires, qui ne pouvaient venir les présenter ici, en cette commission, ou qui ne souhaitaient pas le faire, leur dire en même temps que ces mémoires seront analysés par le ministère de l'Éducation. Ils l'ont déjà été au même titre que ceux qui ont été présentés, et remercier ces organismes. Ils s'agit donc de l'école secondaire Riverdale, de la commission scolaire des Chutes-Montmorency, la Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux, la Confédération des comités de parents de la Montérégie, du Regroupement québécois du loisir municipal et Association québécoise des directeurs et directrices de loisir municipal, du comité d'école de l'école secondaire de Rochebelle et enfin de Concertation interrégionale des garderies du Québec. Alors, merci à ces organismes et écoles.

Je voudrais en profiter simplement – parce que souvent on l'oublie, parce qu'à la fin du débat finalement tout le monde se lève et s'en va – pour remercier les membres de la commission pour leur assiduité aux travaux de la commission. Non seulement ils se sont contentés d'être assidus et présents, mais ils ont été aussi très attentifs. On sait que c'est enrichissant, particulièrement formateur, je dirais, d'entendre les différents points de vue, de les confronter. On sort toujours avec une vision autre et beaucoup plus nuancée de ce qui serait faisable et pas faisable, souhaitable et moins souhaitable. Alors, également aux collaborateurs de la ministre de l'Éducation, du porte-parole de l'opposition également, à M. le secrétaire, nos remerciements.


Remarques finales

Alors, sans plus tarder, est-ce que c'est vous qui débutez? Mme la ministre, on pourrait commencer par M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Je préfère que ce soit la ministre qui commence. J'ai tendance à réagir à ce que la ministre dit, c'est mon rôle de critique, alors, je vais poursuivre.

La Présidente (Mme Blackburn): Il n'y a pas d'objection? Généralement, les remarques de clôture servent de part et d'autre: à la ministre, à annoncer un peu ce qu'elle retient – j'imagine que c'est ce que la ministre fera – et, au critique de l'opposition, à nous dire certainement que ce n'est pas assez. Mme la ministre.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Marois: Merci, Mme la Présidente.

M. Ouimet: Vous lisez dans mes pensées.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: D'abord, compte tenu de l'importance de cette réforme, j'avais tenu à ce que nous puissions en discuter avec l'ensemble de nos partenaires et c'est pourquoi j'avais choisi de procéder avec un avant-projet de loi. Et je dois dire que le pari, il est gagné, la contribution a été exceptionnelle de la part, d'ailleurs, d'une cinquantaine d'organismes qui se sont présentés devant cette commission et cela permettra de bonifier le projet de loi. Le climat serein de nos discussions fut remarquable; je crois que rarement une commission parlementaire ne m'est apparue aussi profitable. Je tiens sincèrement à remercier toutes celles et ceux qui ont participé à nos travaux et, bien sûr, au premier chef, mes collègues parlementaires et le représentant de l'opposition sur ces questions.

Cet avant-projet de loi qui modifie la Loi sur l'instruction publique est capital car, en fait, il vient définir un nouveau partage des responsabilités et des pouvoirs, un nouvel équilibre entre les différents partenaires du projet éducatif à l'enseignement primaire et secondaire public. Ce nouveau partage n'est toutefois pas qu'affaire de tuyauterie, il vise directement la mission de base de notre action et, cette mission, c'est la réussite scolaire du plus grand nombre d'élèves qui fréquentent nos écoles. Certes, et je l'ai déjà dit, cependant, il ne la garantit pas mais il met en place les conditions qui la favoriseront.

Toute aussi importante, une réforme du curriculum s'ajoute à cet accroissement des responsabilités et pouvoirs de l'école. Il s'agit d'une pièce majeure, car il contribuera à mieux définir notre projet éducatif national. On sait que le curriculum précise les programmes et matières qui seront enseignés, mais il précise aussi la grille- matières, les parcours ou cheminements scolaires et l'organisation de l'enseignement. Ce curriculum sera un véritable projet éducatif national auquel les écoles ne pourront se soustraire. Comme je l'ai déjà dit, quel que soit l'endroit où vivent les élèves du Québec, les règles de sanction seront les mêmes, les programmes seront les mêmes, les matières seront les mêmes et les diplômes seront les mêmes. L'école, toutefois, pourra adapter ce curriculum pour mieux répondre aux besoins et aux attentes de ses élèves et l'insérer davantage dans le contexte de sa communauté.

On a mis en cause, par ailleurs, le fait que le pouvoir de dérogation au projet éducatif national soit désormais de la responsabilité de la commission scolaire. J'ai déjà indiqué qu'en recentrant la grille-matières sur les matières essentielles on laissait ainsi peu de place à des demandes de dérogation, puisque de telles demandes ne visaient pas ces matières et ne les viseront pas davantage. Cependant, je me propose de réétudier cette question.

(17 h 30)

J'aimerais m'arrêter quelques instants sur un sujet qui a fait l'objet de plusieurs discussions depuis le début de cette commission, et ce sont les projets particuliers et la sélection. L'objectif de la réforme du curriculum, tout comme l'accroissement des responsabilités et pouvoirs de l'école et de sa communauté éducative, visent essentiellement à ce que le menu de toutes les écoles soit rehaussé. L'école publique ne peut faire de distinction entre des élèves: certains qui auraient besoin de projets éducatifs plus motivants et d'autres qui seraient laissés pour compte. L'école publique doit être commune ou, comme le disait si bien le président de la Fédération des parents du Québec: L'école publique doit inclure tout le monde.

La réforme du curriculum national et les pouvoirs donnés à l'établissement permettront, voire favoriseront cette approche. Ainsi, chaque école s'étant approprié localement ce projet éducatif national, elle pourra alors analyser les besoins de tous ses élèves de façon à développer les talents de chacune et de chacun. Le caractère commun de cette école réfère au fait qu'elle soit accessible à toutes celles et ceux qui y ont droit, que les mêmes services définis dans le projet national d'éducation y soient offerts, mais aussi adaptés aux besoins particuliers de chacun et de chacune, et que ces services soient rendus avec la même recherche de qualité partout. De ce fait, l'école de quartier ou l'école de village ne pourra refuser l'accès à un élève de son territoire en raison de l'existence d'un projet particulier au sein de l'école, mais il sera possible d'avoir un projet particulier au sein de l'école.

Comme le disaient les porte-parole de la Faculté des sciences de l'éducation de l'Université de Montréal au sujet de ce caractère commun des écoles, et je cite: «Ces caractéristiques se fondent sur les principes d'égalité d'accès et d'égalité des chances. Souvent aussi, ce caractère commun se réfère à la fonction d'intégration sociale que devrait remplir tout service public d'éducation. Enfin, une telle école commune ne veut pas dire qu'elle ne puisse être différenciée pour tenir compte des talents, des aptitudes et des motivations des élèves.»

Qu'en est-il maintenant de l'accroissement des responsabilités et pouvoirs de l'école et du nouvel équilibre de leur partage entre tous les intervenants? L'avant-projet de loi que nous avons étudié depuis trois semaines maintenant, comme je l'ai déjà indiqué, vise à accroître les responsabilités et pouvoirs de l'école et de les partager entre celles et ceux qui doivent intervenir au profit de la réussite de l'élève. Ainsi, l'avant-projet de loi fait le pari que toutes ces personnes créeront une véritable communauté éducative où leurs compétences respectives seront reconnues et respectées. Je suis persuadée, Mme la Présidente, que le groupe qui a terminé nos travaux à cette table partage ce point de vue, puisqu'ils nous l'ont fait valoir. D'ailleurs, aucun pouvoir ne se justifie par lui-même. L'avant-projet de loi vise plutôt qu'en complémentarité chacune et chacun puissent, dans les meilleures conditions, assumer son rôle auprès de l'élève.

Ceci m'amène à traiter de l'autonomie professionnelle de l'enseignante et de l'enseignant. D'abord, j'aimerais rappeler, parce qu'on l'oublie parfois, qu'il y a un article 19 de la loi de l'instruction publique, qui est reconduit et qui se lit comme suit: «Que l'enseignant a totalement le droit de prendre les modalités d'intervention pédagogiques qui correspondent aux besoins et aux objectifs fixés pour chaque groupe ou chaque élève qui lui est confié; de choisir les instruments d'évaluation des élèves qui lui sont confiés, afin de mesurer et d'évaluer constamment et périodiquement les besoins et l'atteinte des objectifs par rapport à chacun de élèves qui lui sont confiés en se basant sur les progrès réalisés.»

De plus, et tel que la CEQ le reconnaît dans son mémoire, l'avant-projet de loi marque un gain pour le personnel enseignant en ce qui concerne le choix des manuels scolaires et du matériel didactique, les normes et les modalités d'évaluation des apprentissages et les règles pour le classement des élèves, de même que le passage d'une classe supérieure à l'autre. Sur ces questions, la direction décidera sur recommandation des enseignantes et des enseignants, selon des modalités décidées par eux lors d'une assemblée convoquée à cette fin par la direction.

À la suite des commentaires que nous avons entendus de divers partenaires au cours des auditions de cette commission, je vais réétudier la question de l'adoption des méthodes pédagogiques. L'avant-projet de loi actuel prévoit que la direction de l'école, je le disais tout à l'heure, assume cette responsabilité sur recommandation des enseignantes et des enseignants; je crois qu'on devra requestionner cette problématique.

Il en ressort clairement que cette notion peut vouloir dire différentes choses. Parfois, on y entend presque tout le projet éducatif ou particulier, alors que, dans d'autres cas, certains semblent le restreindre à la façon d'enseigner. On semble toutefois convenir que le choix entre enseignement coopératif, enseignement stratégique, «team teaching», puissent relever de l'enseignante ou de l'enseignant, mais quand on parle de méthodes, telle méthode globale ou syllabique, etc., est-ce que cela relève toujours uniquement du choix de l'enseignante ou de l'enseignant? Ne doit-on pas prévenir parfois des effets de mode? Comment s'assurer que les élèves ne soient pas pénalisés dans leur cheminement scolaire? Comment s'assurer que la méthode pédagogique utilisée par exemple par un prof, par un enseignant au deuxième cycle du primaire, soit en continuité avec celle qu'a connue l'élève du premier cycle? N'y a-t-il pas certaines différences à faire? Comment transposer la responsabilité d'élaboration de critères d'adoption des nouvelles méthodes pédagogiques qui actuellement, dans la loi de l'instruction publique, sont dévolues à la commission scolaire alors que l'expertise professionnelle en ces matières se retrouve à l'école, là où sont les enseignantes et les enseignants. Et je crois qu'il nous faudra répondre mieux à ces questions dans le projet de loi. Toutefois, et je veux le réitérer clairement, le champ des compétences proprement pédagogiques sera toujours réservé au personnel enseignant et à la direction de l'école. Il s'agit là de la reconnaissance normale de l'expertise professionnelle et de leur responsabilité première dans la réussite des élèves.

L'avant-projet de loi donne aussi un nouveau sens à la participation des parents. Confinés actuellement à la seule consultation, ils deviennent dorénavant membres à part entière d'une instance décisionnelle, soit le conseil d'établissement. Certains y ont perçu une diminution de leur rôle – je pense aux parents – n'y voyant que l'aspect quantitatif de leur présence actuelle. Évidemment, rien n'empêche dans l'avant-projet que les parents puissent se réunir afin de discuter entre eux de toutes les questions qui les intéressent pour ensuite transmettre leur point de vue à leur représentant au conseil d'établissement. Nous verrons cependant dans le projet de loi comment ce forum de discussion pourra se concrétiser.

De la même façon, nous réétudierons la question de l'immunité des parents qui siègent au conseil d'établissement, comme certains l'ont souhaité, de même que la question de la présidence du conseil d'établissement. Les parents qui vivront cette nouvelle expérience, ce nouveau rôle, auront certes besoin de soutien et de formation. Déjà, on m'a appris qu'une commission scolaire de l'Estrie avait commencé une première formation des commissaires et des membres des comités de parents de son territoire afin que toutes et tous puissent assumer leurs nouvelles responsabilités. Il s'agit là d'une nouvelle initiative fort intéressante.

L'avant-projet de loi amènera aussi une nouvelle vision du rôle de la direction d'école. La directrice ou le directeur sera appelé à assumer encore davantage son rôle de leadership pour animer, pour concerter son équipe-école, mais aussi l'ensemble de la communauté éducative, car il aura la tâche d'alimenter les discussions du conseil d'établissement. À ce conseil, d'ailleurs, siégeront des représentants de la communauté, et c'est essentiel si on veut que l'école puisse créer et entretenir des liens forts et permanents avec son milieu.

La communauté, d'ailleurs, a un intérêt et un devoir envers la réussite éducative. L'école doit pouvoir compter sur les forces et les richesses de son milieu, tout comme elle doit lui rendre disponibles ses propres ressources. Comme on le voit, la composition et le fonctionnement des conseils d'établissement reposeront sur la mise en commun et le partage des compétences différenciées dans un nouvel équilibre entre les parents et les représentants de la communauté, d'une part, et les personnels, d'autre part. Dit autrement, entre les usagers des services éducatifs et communautaires et ceux qui dispensent ces services.

Le rôle des commissions scolaires est aussi reprécisé. Institutions politiques où siègent des élus, les commissions scolaires assumeront les rôles stratégiques de l'analyse des besoins, de planification, de contrôle, d'évaluation, et de la répartition équitable des ressources. Ces fonctions assureront l'accessibilité des services ainsi que l'équité entre les écoles. Nous sommes loin ici, bien sûr, d'une coopérative de services. Ce n'est pas ce que nous souhaitons. En ce qui concerne l'allocation des ressources, le ministère de l'Éducation continuera, comme c'est le cas maintenant, de déterminer les budgets de transfert aux commissions scolaires sur une base établie per capita, mais auxquels s'ajoutent des allocations supplémentaires pour tenir compte de conditions particulières. La commission scolaire devra procéder selon une même approche pour l'allocation des ressources aux diverses écoles. Afin d'assurer que le tout se fasse dans l'équité et sans discrimination, ces critères d'allocation seront publics.

(17 h 40)

En terminant, Mme la Présidente, je voudrais revenir sur deux objections qu'on soulève régulièrement. D'une part, les nouvelles responsabilités dévolues à l'école ne garantiraient pas la réussite éducative et, d'autre part, ça ne serait pas le temps de procéder à une réforme de notre système éducatif.

À la première objection, je réponds qu'il est vrai qu'une telle décentralisation n'est pas en soi une garantie de la réussite scolaire. Toutefois, ce nouveau partage des responsabilités, jumelé à la réforme du curriculum national, constitue inévitablement les conditions favorables à l'atteinte de la réussite éducative des élèves. Quant à la deuxième objection, j'aimerais rappeler que pour certaines et certains, sans que les motivations soient toujours connues, il n'est jamais temps d'agir. Comme je le rappelais hier, il y a quelques mois, on trouvait que le temps n'était pas propice à l'implantation des maternelles à temps plein dans toutes nos écoles. Pourtant, aujourd'hui, c'est fait.

La rentrée scolaire a eu lieu dans des conditions tout à fait normales. Je voudrais d'ailleurs en remercier les commissions scolaires, les directions d'école qui ont pu ainsi rapidement offrir ce service. Mais je ne veux pas oublier non plus toutes ces enseignantes, ces enseignants, ces professionnels, ces personnels non enseignants qui ont accueilli ces jeunes et qui étaient heureux, d'ailleurs, de le faire.

Mme la Présidente, j'avais dit que je serais à l'écoute de nos partenaires tout au long de cette commission. On verra, lors du dépôt de la loi à l'Assemblée nationale cet automne, que j'ai tenu compte de plusieurs des propositions qui m'ont été faites, et je suis certaine qu'à ce moment-là je pourrai proposer un projet de loi qui répondra à l'objectif que nous poursuivons tous et toutes, sachant qu'il ne s'agit que d'une pièce de l'ensemble du dispositif, la réussite du plan grand nombre, dans une école plus rigoureuse, plus exigeante et plus responsable. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, Mme la ministre. Pour les remarques finales, M. le député de Marquette.


M. François Ouimet

M. Ouimet: Merci, Mme la Présidente. À mon tour de remercier l'ensemble des organismes, une cinquantaine, qui se sont présentés devant nous pour déposer leur mémoire et exposer leur point de vue. Ce que je remarque, au terme de cette commission parlementaire, c'est que nous avons parlé beaucoup des rôles et du pouvoir du ministère de l'Éducation, du rôle et des responsabilités des commissions scolaires, du rôle et des responsabilités également des cadres scolaires, du rôle, des responsabilités et des pouvoirs des directions d'école, du rôle, des responsabilités et des pouvoirs des enseignants, et le rôle également des parents et des représentants de la communauté.

Le grand oublié dans toute cette commission parlementaire, c'est certainement l'élève. L'élève en général, l'élève ayant un handicap ou des difficultés d'adaptation et d'apprentissage a été la personne qui a été oubliée parce que nous avons invité les groupes, avec l'avant-projet de loi qui a été mis sur la table, à se prononcer sur la tuyauterie, la quincaillerie, le partage des pouvoirs et des responsabilités et les rôles qu'exerceront ces différents acteurs dans le monde de l'éducation.

Et jamais a-t-on senti la préoccupation de la ministre de l'Éducation à l'égard de la question suivante: Quel est le lien entre les nouveaux pouvoirs qui vous seraient confiés avec la réussite scolaire des jeunes? Jamais on n'a senti cette préoccupation, ca a été davantage une recherche d'appui des différents groupes, en leur indiquant que la ministre était d'accord avec l'orientation qu'ils préconisaient, d'accord avec les recommandations que les groupes effectuaient, d'accord avec à peu près tout ce qui a été dit, sauf qu'on ne peut pas être d'accord avec les positions contradictoires qui ont été évoquées devant cette commission parlementaire. On a bien senti également que ça jouait du coude entre les acteurs, les enseignants, les directions d'école, les commissions scolaires, le ministère, jusqu'à un certain degré, les parents et même les représentants de la communauté.

L'invitation qui a été faite, ça a été de se préoccuper davantage de la tuyauterie, de la quincaillerie, des structures comme telles, et on a très peu malheureusement abordé la question du soutien à l'élève, des services à l'élève, de la qualité des services qu'on doit donner aux élèves avant qu'ils entrent en classe, lorsqu'ils sont en classe et après leur journée de classe. Et ça, c'est malheureux. Et je suis heureux d'entendre que la ministre convient – ce n'était pas clair au départ – à la fin de l'exercice, que l'avant-projet de loi est garant d'absolument rien en ce qui concerne l'objectif fondamental que nous nous sommes fixé, c'est-à-dire d'assurer la réussite du plus grand nombre d'élèves possible.

Cet avant-projet de loi n'accomplira absolument rien si on ne s'attarde pas à l'ensemble des conditions qui pourraient permettre plus de flexibilité dans le monde scolaire, plus d'initiative de la part des différents acteurs du monde scolaire, plus d'oxygène dans le système, et surtout le volet financier qui doit l'accompagner, le soutien aux différents acteurs, la formation continue, le perfectionnement. Tout ça, on n'en a pas discuté.

Et on évoque qu'il y a d'autres pièces qui s'en viennent, dont le curriculum. Le curriculum et les programmes d'étude qui seront modifiés ne feront pas en sorte que l'élève va réussir davantage. On va parler de quel savoir allons-nous transmettre aux élèves mais, avec respect, je ne pense pas qu'il y ait un lien très direct avec la réussite des jeunes, il faut s'attaquer davantage à l'ensemble des conditions dans lesquelles s'exerce l'acte pédagogique, l'acte d'enseigner et, plus important encore, l'acte d'apprendre. Et, à cet égard, ce qui risque d'être réussi pour la ministre de l'Éducation, c'est le désengagement progressif de l'État, du ministère de l'Éducation, et la réussite de faire en sorte qu'on va atteindre l'autre objectif national que s'est fixé le gouvernement, c'est-à-dire de faire en sorte qu'un objectif apparent sectoriel qui est la réussite scolaire des jeunes et le brassage qu'on va y faire au niveau des différentes structures, que tout cela soit mis à contribution pour l'atteinte de l'objectif du déficit zéro d'ici l'an 2000.

Et on a vu comment le principe de la gratuité scolaire ne sera pas respecté dans les dispositions de l'avant-projet de loi. On a vu comment on a oublié des dimensions importantes par exemple à l'égard des élèves handicapés ayant des difficultés d'adaptation et d'apprentissage et les conditions qui seront nécessaires pour tenter d'assurer leur réussite à eux également.

Donc, décentralisation risque de rimer avec ce qui se passe dans d'autres domaines, le domaine municipal. On décentralise des responsabilités dans le but de récupérer des sommes d'argent: au municipal, 500 000 000 $; dans le domaine de la santé, je l'évoquais hier, je pense, c'est la même chose, on risquerait de se retrouver avec un virage ambulatoire et on verra les conséquences par la suite, en 1998 et en 1999.

(17 h 50)

Ce que je dis à la ministre de l'Éducation et ce que, je pense, tous les partenaires sont venus dire à la ministre de l'Éducation, c'est qu'elle doit refaire ses devoirs. C'était, je pense, le titre du mémoire de la CEQ, Un devoir à être refait , et ça a été dit, je pense, par tous les partenaires qui se sont présentés devant nous. Il y en avait pour tout le monde, il n'y en avait pour personne. Il va y avoir des choix, la ministre devra faire des choix, devra prendre des décisions et c'est au moment du dépôt du projet de loi qu'on verra exactement les décisions qui ont été prises, mais il ne faut pas perdre de vue les études, l'expérience américaine en matière de décentralisation, l'expérience canadienne, qui ont démontré que bien qu'on procède à une décentralisation, et bien qu'il puisse y avoir des effets bénéfiques, il n'y a rien qui nous permette de conclure, à ce moment-ci, qu'on aura réussi à atteindre l'objectif que nous nous sommes fixé, c'est-à-dire la réussite du plus grand nombre d'élèves possible. Et si les conditions étaient réunies, au niveau des expériences américaine et canadienne, au Québec, avec les compressions budgétaires qui s'annoncent à nouveau pour l'année qui s'en vient, les conditions ne seront certainement pas réunies pour assurer la réussite du plus grand nombre d'élèves possible.

Alors, voilà Mme la Présidente. On verra bien les décisions prises par la ministre au moment du dépôt du projet de loi. Merci.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, M. le député de Marquette. Je voudrais à nouveau, comme je l'ai fait tout à l'heure, remercier les membres de la commission et dire que, à titre de présidente, ça a été une commission fort agréable et intéressante à diriger. Les débats se sont faits dans un climat très serein et très respectueux.

Alors, sur ce, la commission de l'éducation ayant accompli son mandat, la commission de l'éducation ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 17 h 51)


Document(s) related to the sitting