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(Dix heures dix minutes)
Le Président (M. Blouin): La commission élue
permanente de l'éducation reprend ses travaux. Je vous rappelle le
mandat de cette commission qui est d'entendre toute personne ou tout groupe qui
désire intervenir sur le projet de loi 40, Loi sur l'enseignement
primaire et secondaire public.
Les membres de la commission sont: M. Brouillet (Chauveau), M. Champagne
(Mille-Îles), M. Maltais (Saguenay), M. Gauthier (Roberval), Mme
Dougherty (Jacques-Cartier), M. Hains (Saint-Henri), M. Laurin (Bourget), M.
Leduc (Fabre), M. Le May (Gaspé), M. Payne (Vachon) et M. Ryan
(Argenteuil).
Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Charbonneau
(Verchères), M. Dauphin (Marquette), M. Doyon (Louis-Hébert), M.
Gauthier (Roberval), Mme Harel (Maisonneuve), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M.
Paré (Shefford), M. Rochefort (Gouin) et M. Sirros (Laurier).
Aujourd'hui, nous entendrons, à compter de 10 heures, le
Comité de parents régional 04 et la commission scolaire Les
Écores. À compter de 15 heures, nous entendrons la Table des
responsables des services d'éducation des adultes des commissions
scolaires du Québec; ensuite, l'Institut canadien d'éducation des
adultes. À 20 heures, nous recevrons la Coalition des syndicats
d'employés de la CECM (Alliance des professeurs de Montréal,
Syndicat des professionnels de la CECM, Association du personnel professionnel
administratif) et, ensuite, la commission scolaire La Vallière.
M. Ryan: M. le Président.
Le Président (M. Blouin): Oui, M. le député
d'Argenteuil?
M. Ryan: Tout d'abord, je voudrais m'enquérir au sujet du
ministre. Est-ce qu'il est attendu bientôt ce matin?
M. Leduc (Fabre): Oui, M. le Président. Il devrait
être ici dans quelques minutes.
M. Ryan: Merci. Deuxièmement, je voudrais soulever une
question de règlement. Lorsqu'un organisme a adressé à la
commission un mémoire pour dépôt seulement, qu'est-ce que
cela veut dire?
Le Président (M. Blouin): Normalement, cela indique que
l'organisme ne désire pas être entendu par la commission. Est-ce
que cela va?
M. Ryan: Je crois que cela va, mais qu'on va être en face
d'une situation contradictoire, d'après l'ordre du jour que vous nous
avez communiqué. Le premier organisme sur la liste avait inscrit sur son
mémoire qu'il l'envoyait pour dépôt seulement.
C'était mentionné également dans la dernière liste
que le gouvernement nous a remise, le 10 janvier 1984. À l'article 221,
il est écrit clairement: "Le groupe - je ne sais pas si c'est COMPARE ou
COMPARÉ 04 -pour dépôt seulement". Dans les mémoires
qu'on nous a versés, il était indiqué sur la page
couverture: "Pour dépôt seulement". Alors, je m'étonne
qu'on change cela en cours de route, sans même nous prévenir,
alors qu'il y a des organismes qui ont manifesté le désir
d'être entendus formellement à maintes reprises et qui se font
dire qu'il n'y a pas de place parce que le gouvernement n'aura pas le temps de
les recevoir.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Fabre.
M. Leduc (Fabre): M. le Président, quand un organisme
adresse son mémoire, il peut nous indiquer si c'est pour
dépôt ou s'il désire être entendu. Cependant, rien
n'empêche un groupe de nous indiquer en cours de cheminement qu'il
désire être entendu. Je veux rappeler au député
d'Argenteuil que, sur le nombre d'organismes que nous allons entendre cette
semaine, non pas par entente, mais, enfin, par un certain nombre de suggestions
qui nous ont été faites, il s'agit d'une très grande
majorité d'organismes qui proviennent d'une liste qui nous a
été fournie par l'Opposition. Alors, que, de notre
côté, nous ayons suggéré deux organismes, je crois,
sur un nombre de seize que nous entendrons cette semaine, je ne crois pas qu'il
y ait là vraiment sujet à mésentente entre nous.
M. Ryan: M. le Président, je tiens à relever ce
qu'a dit le député de Fabre. D'abord, ce groupe n'était
évidemment pas sur la liste que nous avons remise au gouvernement parce
qu'il n'avait jamais communiqué à la commission parlementaire son
intention ou son désir d'être entendu par
la commission. Il y avait, par contre, sur la liste que nous avons
remise au gouvernement, beaucoup d'organismes représentatifs de parents
qui, eux, se voient laissés à la porte par le gouvernement pour
des raisons qui n'ont jamais été expliquées. Je trouve que
c'est un acte de manipulation et de mépris envers la commission qu'il
faut déplorer, parce que, nous, nous avons fonctionné en
comprenant que cet organisme, pour lequel j'ai tout le respect
nécessaire, nous avait indiqué qu'il ne tenait pas à
être entendu et qu'il envoyait son mémoire pour
dépôt. Tout à coup, nous apprenons, sans qu'il n'y ait
jamais eu de correspondance adressée à la commission à ce
sujet-là et même aucune sorte de communication faite à
l'Opposition, que nous allons l'entendre ce matin, alors que d'autres ne sont
pas là. Je trouve que c'est déplorable. Les explications que j'ai
entendues ne résistent pas à l'examen.
Le Président (M. Blouin): Je comprends, M. le
député d'Argenteuil, que vous puissiez, comme vous venez de le
dire, déplorer cette situation, mais, d'autre part, je vous signale que
l'organisme dont il est question avait déposé son mémoire
dans les délais requis. Il est toujours loisible au leader du
gouvernement de communiquer, à même l'ensemble des mémoires
déposés... Il a cette latitude de demander qu'on entende des
groupes qui, initialement, auraient pu souhaiter que leur mémoire soit
déposé.
M. Leduc (Fabre): M. le Président, le député
d'Argenteuil a mentionné que vous n'avez jamais reçu
communication du groupe que nous allons entendre. Est-ce le cas? Avez-vous
reçu un télégramme ou une quelconque communication du
groupe nous indiquant qu'il désirait être entendu?
Le Président (M. Blouin): Mon Dieu! J'ai reçu
beaucoup de télégrammes et beaucoup de communications depuis le
début de cette commission. Je pourrais vérifier mais, de
mémoire, je ne saurais vous le dire.
M. Leduc (Fabre): M. le Président, est-ce que vous
pourriez vérifier, avant d'affirmer que le président de la
commission ou que nous n'avons pas reçu de communication du
Comité de parents régional 04 que nous allons entendre?
Le Président (M. Blouin): Enfin, même si je
vérifie cette question, je ne crois pas que cela change le fond du
problème. Le fond du problème soulevé par M. le
député d'Argenteuil - sans reprendre la motion pour laquelle il y
a eu une décision de rendue -est que ce groupe aurait initialement
demandé de ne pas être entendu et, subséquemment, à
la suite de communications, le leader du gouvernement a indiqué au
Secrétariat des commissions qu'il désirait entendre ce groupe.
Évidemment, à proprement parler, il n'y a pas d'accroc strict
à notre règlement, puisque le leader du gouvernement a toute
latitude à cet égard.
Voilà! On me remet copie d'un télégramme que m'a
adressé le groupe qui est devant nous, lequel se lit ainsi:
"Considérant le prolongement de la commission parlementaire,
considérant le peu de temps accordé à l'enfance en
difficulté, le Comité de parents de la région 04 demande
à être entendu à la commission parlementaire sur son
mémoire sur l'enfance en difficulté d'adaptation et
d'apprentissage." C'est signé par Mme Huguette Lévesque, qui est
devant nous ce matin.
Vous avez raison, monsieur. Je n'ai pas vérifié, M. le
député d'Argenteuil, mais je présume que ce que vous dites
est exact, que ce groupe aurait initialement demandé que son
mémoire soit déposé mais, par la suite, il aurait
communiqué avec la commission pour demander aussi d'être entendu.
C'est le leader du gouvernement qui a pris l'initiative de demander au
Secrétariat des commissions de convoquer le groupe qui est devant
nous.
Ces choses étant clarifiées, M. le député
d'Argenteuil...
M. Ryan: M. le Président, je voudrais faire seulement un
commentaire, étant donné la lecture que vous venez de faire du
télégramme reçu du Comité de parents
régional 04. Vous devez avoir un pouvoir d'influence bien
spécial, parce qu'il y a des organismes qui avaient dit dès le
début qu'ils tenaient à être entendus. Vous, vous ne teniez
pas être entendus...
Le Président (M. Blouin): Comprenez, monsieur...
M. Ryan: ...le gouvernement change sa ligne de conduite à
la suite d'un message, alors que d'autres ont envoyé des messages. Il ne
les écoute même pas et il ne donne même pas d'explication
valable. Je tiens à enregistrer ces réactions, parce que cela
m'apparaît typique d'un comportement arbitraire et manipulateur que nous
déplorons et condamnons vivement.
Le Président (M. Blouin): Cela est enregistré au
journal les Débats. Oui, Mme la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je voudrais m'associer aux remarques du
député d'Argenteuil, et c'est important. On se trouve devant un
cas évident de manipulation de la part du gouvernement.
M. Ryan: Oui.
Mme Lavoie-Roux: On aura beau nous sortir les
télégrammes qu'on voudra, je regrette et, d'une certaine
façon, je m'en excuse auprès de ces personnes qui sont ici devant
nous, mais, devant le nombre de personnes qui ont fait des
représentations très étoffées pour être
entendues, qui ont plaidé pour être entendues et qu'on refuse
d'entendre, il est assez étonnant que des personnes qui avaient
demandé à ne pas être entendues soient convoquées
alors que la semaine est très courte et qu'on doit restreindre le nombre
de témoins qui peuvent être entendus ici. C'est un exemple
très clair de manipulation de la part du gouvernement et je tiens
à le souligner, M. le Président.
Le Président (M. Blouin): Mme la députée de
L'Acadie, j'espère qu'il n'y aura pas d'autres commentaires, parce que
nous sommes sur un terrain très glissant, compte tenu d'une
décision qui a été rendue antérieurement.
Sur ce, je demande maintenant aux représentants du Comité
de parents de la région 04 de bien vouloir d'abord s'identifier et
ensuite de nous livrer...
M. Ryan: M. le Président.
Le Président (M. Blouin): Oui, M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Juste avant que nous terminions là-dessus,
j'aimerais que vous nous rendiez une décision écrite au sujet de
l'interprétation que vous avez donnée de la décision prise
par le gouvernement. D'un mémoire qui avait été fait pour
dépôt seulement, vous avez dit: Le gouvernement peut changer cela
n'importe quand. Pourriez-vous nous donner cela par écrit avec les
motifs?
Le Président (M. Blouin): Je peux bien faire cela, M. le
député d'Argenteuil, avec plaisir.
M. Ryan: Je l'apprécierais vivement.
Le Président (M. Blouin): Je vous signale que le journal
des Débats est un document écrit et que vous pouvez le consulter
en tout temps.
Sur ce, je vous invite donc à présenter en une vingtaine
de minutes le contenu de votre mémoire et ensuite nous
procéderons aux échanges entre les membres de la commission et
nos invités.
COMPARE 04
Mme Lévesque (Huguette): M. le Président, M. le
ministre, mesdames, messieurs, membres de cette commission parlementaire, il
nous fait plaisir de participer à cette audience. Il y a donc Mmes
Madeleine Payette, à ma gauche, et Christiane Buisson, à ma
droite, toutes deux directrices de section, et moi-même, je suis Huguette
Lévesque, présidente de COMPARE 04.
COMPARE 04 est le regroupement des délégués des 25
comités de parents du territoire de la région administrative
Mauricie-Bois-Francs. Réunis à Trois-Rivières en
assemblée générale le vendredi 23 septembre 1983, les 20
délégués présents se prononcent unanimement contre
le statu quo. Les délégués affirment la
nécessité d'une réforme scolaire et donnent leur appui aux
résolutions votées à l'assemblée
générale de la Fédération des comités de
parents de la province de Québec.
Les parents attendent depuis longtemps le dépôt du projet
de loi; aussi, dès le printemps 1983, le comité ad hoc est
formé. Il reçoit le mandat d'étudier le projet de loi 40
et de soumettre son projet de mémoire aux délégués
à COMPARE 04. Lorsqu'il présente un plan détaillé
du mémoire, le comité ad hoc reçoit un appui unanime et le
mandat clair de déposer le mémoire à la commission
parlementaire.
La clientèle qui nous préoccupe dans le présent
mémoire est constituée des élèves identifiés
comme vivant avec une déficience mentale, sensorielle ou physique, une
mésadaptation socio-affective, ou des problèmes d'apprentissage;
d'autres clientèles retiennent aussi notre attention: ce sont les
élèves qui vivent avec des maladies, où certains
dysfonctionnements, discriminatoires parce que mal connus, ou des
élèves ayant besoin de mesures d'appui pour demeurer dans leur
milieu, ou encore les élèves très doués pour qui
l'école n'offre pas les éléments d'enrichissement
nécessaires à leur stimulation.
État de situation. Notre réflexion est inspirée du
vécu des parents de la région et ces faits se
répètent certainement ailleurs aussi.
Les principes de l'intégration sont maintenant connus dans les
commissions scolaires et appliqués différemment d'un milieu
à l'autre. Les parents se rallient au principe de l'intégration
dans le milieu naturel, mais ils disent non à l'intégration
à tout prix. Les parents disent oui à l'intégration, mais
où sont les ressources qui assurent un soutien à
l'élève et à l'enseignant? Où sont les
priorités des commissions scolaires quant aux ressources
financières qui garantiraient les services nécessaires au soutien
de la démarche?
Les parents disent oui à l'intégration, mais a-t-on lu le
dossier de l'élève qui vit avec une surdité importante?
Que peut-on pour l'élève qui est maintenant en situation
d'échec en décembre? Il a perdu toutes les
explications qui ontété données face au
tableau. Où est la concertation? Où est la sensibilisation et le
soutien technique et pédagogique qui auraient dû être
offerts aux enseignants?
Et le cas de ce nain, pour qui l'école n'est pas adaptée
et qui n'est pas considéré comme un handicapé au sens de
la loi. Il a dû quitter l'école parce qu'il est
épuisé, à cause des escaliers et du poids
disproportionné des volumes qu'il transporte dans son sac
d'école. Dans son cas, aucune adaptation physique n'est
prévue.
L'intégration dans les classes dites "régulières"
est-elle assortie d'un soutien individualisé aux besoins
spécifiques de l'élève? L'intégration d'un
élève perturbé affectivement, celui qu'on étiquette
généreusement de mésadapté socio-affectif, est-elle
réalisable sans le soutien de l'orthopédagogue qui est maintenant
professeur de catéchèse? Si l'enfant "craque" en classe, qui va
le sortir de sa crise, qui va ramasser toute la classe?
Dans certaines commissions scolaires, il n'y a aucun service de soutien
et là où le service est trop restreint, on ne touche qu'aux cas
graves à cause du manque de personnel.
Les enfants qu'on a déjà indentifiés et
étiquetés comme déficients légers, moyens,
profonds, troubles graves d'apprentissage, que fait-on pour les sortir du
carcan? Où sont les mécanismes prévus pour obliger les
commissions scolaires à adapter leurs services aux besoins de leur
clientèle?
La proposition contenue dans le projet de loi 40. La publication du
livre blanc a suscité des attentes et fait naître des espoirs pour
lesquels les parents n'entendent pas faire de concession.
Il est important pour nous, parents, de souligner l'intérêt
que nous portons à la garantie de scolarisation et à la garantie
des services, à l'intégration et aux services destinés aux
enfants en difficulté d'adaptation et d'apprentissage-comité
consultatif, écoles régionales et nationales, carte
nationale.
La garantie de scolarisation. Le projet de loi 40, bien qu'il semble
être en premier lieu une réforme administrative, doit garantir
à tous les usagers le droit à l'éducation et aux services
d'enseignement, tel que proposé à l'article 14.
Pour que s'exerce pleinement ce droit à la scolarisation, on doit
assurer à tous les enfants des services d'éducation et
d'enseignement. On doit de plus assurer la formation de l'élève
et viser le plein épanouissement et le développement
intégral de sa personnalité. La garantie de scolarisation pour
tous les élèves doit s'inscrire dans l'optique de
développer le potentiel maximum de chacun, qu'il soit des plus
doués - talentueux - ou encore un élève vivant avec une
déficience physique ou intellectuelle, sans oublier celui qui, pour des
raisons sociales ou affectives, accuse un retard dans ses apprentissages.
L'information aux parents. La responsabilité de l'enfant revient
finalement aux parents; comme parents, nous sommes responsables des
succès ou des échecs, des erreurs ou des méfaits, des
coûts entraînés par les dégâts. La garantie de
succès dans le développement intellectuel et social de l'enfant
ne peut se réaliser sans la collaboration étroite entre les
parents et l'école, collaboration qui se traduit dans un partage des
informations au sujet du vécu de l'élève dans un contexte
de respect et d'honnêteté.
Connaissant bien la situation de leurs enfants, les parents ou les
gardiens ont droit à une information juste et précise dans un
langage non équivoque et facilement accessible. Ils veulent participer
à la prise de décision et il faut que la commission scolaire ait
l'obligation d'informer les parents des services disponibles ainsi que ceux qui
pourraient être utiles sans être présentement offerts.
Une éducation de qualité dans le cadre le plus normal. Les
parents se rallient pour vouloir que la réforme scolaire, en plus
d'être une réforme administrative, assure une meilleure
qualité de l'éducation et de l'enseignement. Nous, les parents,
voulons que la garantie de services de scolarisation assure à tous les
élèves une éducation de qualité dans le cadre le
plus normal.
Pour l'élève et sa famille, le cadre normal est, en
premier et avant tout, l'école de son quartier avec les services de
soutien nécessaires à l'enseignant qui intervient auprès
de l'élève. Le cadre normal est aussi, si le besoin est plus
sérieux, l'intervention du spécialiste auprès de
l'élève. Ce n'est qu'après avoir reçu ces mesures
d'appui que l'élève pourrait être déplacé
vers des classes où sont offerts des services plus
spécialisés. Nous demandons pour ces élèves qu'on
développe au maximum leur potentiel et leur autonomie, qu'on leur
permette de faire les acquisitions de base préparatoires au
marché du travail. Les acquisitions de base, les parents les
réclament depuis longtemps, par exemple: savoir lire, compter pour
être autonome dans les activités de vie quotidienne, aller au
marché, se diriger, s'intégrer dans la vie du milieu.
Où est la qualité pour ces groupes d'enfants
classés à jamais "troubles graves d'apprentissage", que l'on
occupe dans des classes fort généreusement
étiquetées? Que fait-on pour les sortir de ce milieu, pour les
aider à évoluer? Nous demandons pour ces élèves le
droit à une évaluation centrée sur la personne et son
potentiel d'apprentissage.
Mme Buisson (Christiane): Le droit à
une évaluation centrée sur la personne et son potentiel
d'apprentissage.
Article 8: "Les services éducatifs particuliers à
l'élève en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage
comprennent des services d'enseignement et des services complémentaires
spécialisés."
Article 113: "L'école établit les normes et
modalités de l'évaluation des apprentissages de
l'élève. "En collaboration avec le personnel en cause,
l'école primaire juge de l'aptitude d'un élève à
passer de l'enseignement primaire à l'enseignement secondaire."
Nos enfants sont différents les uns des autres, différents
dans leur personnalité, leur fonctionnement et leur potentiel
d'apprentissage. Notre système d'éducation est fondé sur
la loi de la moyenne et ceux qui n'entrent pas dans le moule
dérangent.
Il faut pour nos enfants, au début de leurs études,
déceler les faiblesses, les limites au plan intellectuel et physique,
voir la situation dans toute sa réalité. Des outils sont
là, on en parle à voix basse, parce qu'on dit que ce serait
favoriser ces enfants que d'utiliser le bilan fonctionnel et d'élaborer
pour chaque enfant un plan individualisé d'intervention.
Connaissant bien le potentiel de l'élève, on pourra
ensuite l'évaluer en fonction de son potentiel d'apprentissage. L'enfant
ayant des problèmes d'adaptation ou d'apprentissage ne peut pas
être évalué avec les mêmes outils et sur la
même base que les autres. Il doit être évalué en
fonction des objectifs qu'on lui a fixés et qui sont à sa
portée. Nous recommandons que le ministère de l'Éducation
prévoie des mécanismes obligeant l'école à
identifier le potentiel de l'élève, à élaborer un
plan individualisé d'intervention, à évaluer
l'élève en fonction de son potentiel d'apprentissage.
Chaque cas doit être traité à la pièce, on
doit lui fixer un ou des objectifs à atteindre à sa mesure dans
un temps prescrit. Ces objectifs sont en fonction du développement
continu de l'élève. (10 h 30)
La garantie des services. Les enfants vivant avec une déficience
physique importante ont recours régulièrement à des
services attribués par le ministère des Affaires sociales par le
biais des hôpitaux, des centres de réadaptation ou des centres
d'accueil. Il faut en arriver à une concertation des organismes
dispensateurs de tels services afin que tous en bénéficient au
maximum et que la coordination ainsi assurée permette
l'intégration de l'élève.
Ici, nous demandons que les ministères se concertent sur les
services de prévention et les services de réadaptation et
garantissent les services nécessaires, que ce soient des ressources
matérielles ou des ressources humaines, tels le travailleur social,
l'infirmière, l'ergothérapeute, l'orthophoniste et autres.
Nous demandons que les services disponibles soient rendus publics, qu'on
ne rencontre plus de parents qui ont dû se serrer la ceinture pour
acheter un fauteuil roulant qui demeure à l'école. Nous voulons
que tous les services particuliers qui peuvent être offerts aux
élèves retenus à la maison ou à l'hôpital
soient connus.
Pour plusieurs élèves, un facteur important de leur
intégration est le transport scolaire. De grands pas ont
été faits. Cependant, nous recommandons qu'un représentant
du comité consultatif sur l'adaptation scolaire siège au conseil
consultatif du transport, afin de garder bien présents à l'esprit
les différents besoins de cette clientèle.
L'intégration. Article 97: "Après consultation de
l'élève, de ses parents et du personnel en cause et
conformément aux critères de la commission scolaire, le directeur
de l'école peut intégrer un élève en
difficulté d'adaptation ou d'apprentissage à une classe ordinaire
lorsqu'une telle mesure est possible et propre à faciliter l'insertion
sociale de l'élève et ses apprentissages."
L'objectif premier de l'intégration est de maintenir
l'élève dans une classe régulière le plus longtemps
possible ou de l'y ramener aussitôt qu'il pourrait en retirer des
avantages aux plans scolaire et social.
Les parents disent oui à l'intégration, mais non pas
à n'importe quel prix, et certainement pas au détriment du bien
commun, de la qualité de vie dans la classe.
Nous disons oui à l'intégration, à condition que
les commissions scolaires décentralisent les services spéciaux
vers les écoles, que les maîtres aient reçu la
préparation nécessaire, que les parents et l'élève
soient impliqués dans le processus de décision.
Des services seront nécessaires pour quelques-uns, que ce soient
l'orthopédagogue, le psychologue ou le psychoéducateur. Il ne
faut pas oublier qu'à bien des endroits les compressions
budgétaires ont fait que l'orthopédagogue enseigne une
matière académique et que, surtout, le nombre
d'élèves dans chaque classe demeure trop élevé,
malgré l'intégration d'élèves en
difficulté.
Pour faciliter l'intégration d'un élève en
difficulté, il faudra aussi penser à sensibiliser les autres
élèves qui se sentent mal à l'aise face à la
différence de l'élève intégré et se
défendent par des railleries qui dérangent le groupe.
Les élèves qui sont intégrés peuvent avoir
besoin d'équipement spécialisé pour pallier leur handicap,
de modifications physiques au bâtiment pour le rendre accessible. Tous
ces éléments matériels doivent être prévus,
et les commissions
scolaires peuvent se prévaloir des programmes existant au
ministère de l'Éducation et au ministère des Affaires
sociales.
Pour assurer une intégration harmonieuse, la collaboration entre
la famille et l'école sera d'une importance capitale, afin de cerner la
réaction de l'individu dans toute sa réalité, sans oublier
l'appui de l'enseignant qui a la charge de toute cette intégration et
doit en répondre devant la direction et les parents.
Mme Payette (Madeleine): Le comité consultatif des
services aux élèves en difficulté d'adaptation ou
d'apprentissage, articles 185 et 186. Le projet de loi ne précise pas
dans quelle proportion les parents d'élèves en difficulté
seront présents à ce comité consultatif. Nous
réclamons, comme nous l'avons demandé pour le conseil
d'école et pour le conseil d'administration de la commission scolaire,
que les parents d'usagers soient majoritaires à ce comité et que
des mécanismes soient prévus afin que ces parents soient
élus par les autres usagers.
Les fonctions de ce comité, dans le projet de loi, sont
limitées à deux points: Premièrement, préparer des
normes d'organisation des services à l'élève en
difficulté d'adaptation ou d'apprentissage qui favorisent
l'intégration scolaire de cet élève et,
deuxièmement, donner son avis à la commission scolaire sur
l'affectation des ressources financières pour les services à
l'élève en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage.
Nous réclamons que soient intégrés dans les
fonctions de ce comité les rôles qui étaient implicites
dans le chapitre du livre blanc: Les services destinés aux
élèves en difficulté. Nous demandons que le comité
consultatif soit aussi responsable de l'élaboration de la politique
d'intégration et de l'étude de tout problème particulier
d'intégration soumis par la commission scolaire, par l'école ou
par des parents d'un élève et qu'un membre de ce comité
siège d'office au comité consultatif sur le transport
scolaire.
Les écoles à vocation régionale ou nationale
peuvent être établies par le ministre, selon l'article 33. Ces
écoles regrouperont des clientèles homogènes, que ce
soient des élèves ayant une déficience mentale ou physique
ou des élèves ayant accès à une formation
professionnelle spécialisée. Les jeunes ont les mêmes
droits que les autres d'être représentés par leurs parents
au moment de la prise de décision dans l'école. Les parents sont
en mesure d'exprimer les besoins de leurs enfants ou adolescents, de participer
aux décisions relatives aux grandes orientations de l'école. La
direction de ces écoles, les commissions scolaires et le
ministère de l'Éducation ne doivent pas oublier que la
responsabilité des parents en matière éducative et
financière ne s'arrête pas avec l'âge obligatoire ou
l'âge de la majorité.
Nous recommandons que les écoles à vocation
nationale ou régionale soient administrées par un conseil
d'école au même titre que toute autre école et que le
ministère garantisse les sommes nécessaires à la
participation des parents impliqués. Ces conseils d'école ne
pourront fonctionner sans que le ministère de l'Éducation ne
garantisse les sommes nécessaires à la participation,
c'est-à-dire, selon le cas, des allocations pour frais de
déplacement, d'hébergement et même de gardiennage.
La carte nationale. Nous reconnaissons que certains services hautement
spécialisés, requérant soit du personnel
spécialisé ou de l'équipement rare et coûteux, ne
puissent être offerts dans l'école du quartier ou même dans
chaque commission scolaire.
Nous reconnaissons la nécessité que le ministre
procède à l'identification des écoles spéciales et
à l'élaboration d'une carte nationale des services. Nous
rappelons ici et soutenons la position de l'assemblée
générale de mars 1983 en demandant que soit établie une
carte nationale des services en concertation avec les organismes. Nous faisons
nôtre la même résolution et demandons que soient maintenues
les structures régionales pour dispenser des services
spécialisés plus près du milieu naturel de la personne et
que les ressources soient décentralisées au maximum.
En conclusion, le projet de loi 40, Loi sur l'enseignement primaire et
secondaire public, même s'il garantit à tous des services de
formation et de scolarisation, doit être assorti d'une
réglementation qui assure les ressources financières
nécessaires à l'organisation des services qui favorisent
l'intégration maximale de l'élève.
Les parents réclament l'attribution de justes sommes au maintien
des enfants dans leur milieu naturel le plus longtemps possible; les parents
veulent éviter que, pour bénéficier d'argent
supplémentaire, les commissions scolaires regroupent les enfants dans
des classes dites "spéciales", soit dans des groupes libellés
"mésadaptés socioaffectifs" ou "troubles graves d'apprentissage".
L'élève qui a moins de facilité ou celui qui a un
dysfonctionnement est ainsi placé sur la voie d'évitement et se
retrouve face à un cul-de-sac. Si les mesures de soutien à
l'élève étaient offertes dès l'apparition de
légers troubles d'apprentissage, la situation et la valorisation de
l'élève en seraient pour autant meilleures.
Des parents ont dû, au cours des dernières années,
s'adresser au tribunal pour soumettre le litige de l'intégration de leur
enfant en difficulté. Le livre blanc proposait
que soit mise sur pied une stucture nouvelle: le service du protecteur
de l'élève. Le projet de loi propose de soumettre ces
différends au Protecteur du citoyen. Nous réclamons que le
Protecteur du citoyen, dans l'exercice de son mandat, se penche sur les besoins
réels de l'élève en dépassant le simple examen de
l'application des politiques de la commission scolaire.
Le pouvoir du représentant du Protecteur du citoyen va-t-il se
limiter aux moyens de pression et au pouvoir de recommandation? Une fois cette
étape réalisée, si le parent n'a pas eu gain de cause,
devra-t-il se présenter devant le tribunal s'il en a les moyens
financiers ou s'il a droit à l'aide juridique? Les coûts
entraînés par ces comparutions sont exorbitants aussi bien pour
les parents que pour les commissions scolaires.
L'élève en difficulté d'adaptation et
d'apprentissage a le droit à un service adapté à ses
besoins. Pour cela, il faut que le ministère de l'Éducation fasse
respecter sa politique pour ces élèves car le bien de
l'élève reste toujours prioritaire en éducation. Je vous
remercie.
Le Président (M. Blouin): Je vous remercie, Mme Payette,
Mme Lévesque et Mme Buisson. M. le ministre.
M. Laurin: Je veux d'abord remercier le Comité de parents
régional 04 pour la qualité de son mémoire. Vous
épousez les vues de votre fédération qui veut confier un
rôle plus important, une responsabilité plus grande à
l'école et qui veut reconnaître, à l'intérieur de
l'école, non seulement la responsabilité première des
parents, mais également la qualité de la contribution des parents
à titre de premiers éducateurs, de premiers responsables . de
l'éducation des enfants, à la création d'un environnement
éducatif de qualité. Je pense que c'est là un consensus
qui commence à se manifester dans notre population.
Cependant, dans votre mémoire, qui représente les opinions
de 25 comités de parents, vous avez choisi de toucher d'une façon
particulière une clientèle dite d'enfants en difficulté
d'adaptation et d'apprentissage. Vous signalez à ce propos qu'il importe
d'évaluer le plus tôt possible le potentiel de
l'élève afin que l'école puisse discerner le plus
tôt possible les lacunes qu'il faut combler et les difficultés
qu'il faut surmonter afin que cet enfant, autant que les autres, qu'il soit
sous-doué ou surdoué, puisse lui aussi avoir droit à une
éducation optimale et à une insertion sociale et professionnelle
réussie.
Je pense d'ailleurs que ce principe que vous énoncez avec une
force particulière à l'endroit des enfants en difficulté
vaut pour tous les enfants. Un des défis de l'école de demain
sera précisément d'évaluer au tout début de la
formation primaire les atouts ainsi que les déficits de
l'élève, afin qu'on puisse individualiser la formation et qu'on
puisse tenir compte dans la formation de la personnalité réelle
de l'élève. Ceci nous évitera plus tard bien des impasses
et bien des difficultés que nous connaissons à l'heure actuelle
et qui sont responsables des décrochages nombreux que nous avons connus
au cours des dernières années et qui sont source d'injustice pour
les enfants qui doivent malheureusement se buter à ces impasses. Donc,
c'est un principe que je reconnais pour l'ensemble de la clientèle
scolaire, et pas seulement pour les enfants en difficulté.
Vous préconisez aussi comme objectif l'intégration de ces
élèves dans des classes régulières le plus souvent
possible, toutes les fois que les conditions le permettent. Vous vous
élevez avec raison contre l'abus que l'on a fait dans le passé
des classes spéciales qui pouvaient peut-être se justifier
à première vue, étant donné les déficits qui
affectaient ces enfants et une certaine logique apparente à les
réunir dans une même classe, mais vous notez avec raison que ceci
amène souvent la création de ghettos et une négligence des
véritables besoins de ces enfants, et conduit à des impasses
pédagogiques certaines qui, elles aussi, se traduisent par une injustice
à l'endroit de ces enfants.
Je suis également tout à fait d'accord avec vous à
cet égard que l'intégration aux classes régulières
toutes les fois qu'elle est possible et aussitôt qu'elle est possible,
devrait devenir la règle de conduite des écoles aussi bien que
des commissions scolaires. Ceci, évidemment, n'empêche pas que,
parfois, la création de classes spéciales soit nécessaire,
ou même d'écoles spéciales, mais ces mesures devraient
toujours être considérées comme une étape devant
mener vers l'intégration, encore une fois, la plus rapide et la plus
parfaite possible à des classes régulières,
intégration, cependant, qui, pour être réussie, comme vous
le dites, ne doit pas se faire à tout prix, mais comporte
également certaines conditions comme, par exemple, la dispensation de
services spécialisés lorsque cela est nécessaire, qu'il
s'agisse d'orthopédagogues ou qu'il s'agisse d'éducateurs
spécialisés ou même qu'il s'agisse de soins médicaux
proprement dits, en même temps que de mesures administratives comme, par
exemple, une pondération différente dans les classes afin que,
par cette intégration, on ne nuise pas à la qualité de
l'éducation dispensée dans ces classes. (10 h 45)
Je suis donc tout à fait d'accord avec ces grands principes que
vous énoncez. Il reste cependant à faire en sorte que ces
principes puissent s'actualiser, puissent véritablement devenir
opérationnels. C'est là que vous scrutez d'un oeil critique le
projet de loi 40.
Ma première question serait de vous demander pourquoi vous avez
choisi, vous, parents de la région Mauricie-Bois-Francs, de porter votre
attention particulière sur ce problème. Est-ce que c'est parce
que vous avez constaté, comme vous le dites dans votre mémoire,
que certaines commissions scolaires de votre région ont
négligé cet aspect ou parce que cette clientèle vous
semble particulièrement négligée à l'heure actuelle
et qu'il importe de faire un effort beaucoup plus grand?
La deuxième question que je voudrais vous demander est celle-ci:
Est-ce que vous avez suivi les travaux récents de la commission et les
éclaircissements que j'ai pu apporter pour rendre les articles de loi
plus clairs, plus précis et plus engageants concernant les écoles
elles-mêmes et les commissions scolaires? Je veux vous rappeler à
cet égard que j'ai annoncé, au cours de la semaine
dernière, que l'article 14 serait précisé afin qu'il soit
bien clair que les enfants en difficulté d'adaptation et d'apprentissage
ont droit non seulement à des services d'enseignement comme tous les
autres élèves, mais également à des services
complémentaires, qu'ils soient personnels ou qu'ils soient collectifs.
J'ai aussi annoncé la semaine dernière que l'article 204 serait
modifié afin qu'il soit bien clair, encore une fois, que les commissions
scolaires ont l'obligation d'élaborer une politique d'intégration
des élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage,
avec l'aide, évidemment, du comité consultatif qui est
prévu au projet de loi, où les parents d'élèves
concernés sont représentés. J'ai aussi annoncé que
l'article 97 serait amendé de façon, encore une fois, qu'il soit
bien clair que le directeur de l'école a l'obligation de procéder
à l'intégration des élèves en difficulté
toutes les fois que cela est possible selon des plans individualisés
d'intervention qui tiennent compte justement des déficits de l'enfant,
des progrès qu'il a faits, du potentiel qu'il présente afin de
lui faire une feuille de route qui tient compte des ressources disponibles,
mais aussi du potentiel de l'enfant et qui tient compte également du
climat qu'il faut instaurer dans la classe pour que cette intégration
soit réussie.
Mes deux questions, je les répète, seraient les suivantes:
Premièrement, qu'est-ce qui vous a incités, vous, parents de la
région Mauricie-Bois-Francs, à porter une attention
particulière à ces clientèles? Deuxièmement, est-ce
que vous êtes au courant des amendements que j'ai annoncés la
semaine dernière? Est-ce qu'ils vous semblent aller dans la bonne
direction ou si vous pensez qu'il faudrait faire encore davantage dans ce
sens?
Le Président (M. Blouin): Mme Lévesque.
Mme Lévesque: Nous avons choisi de faire l'étude
des enfants en difficulté d'adaptation et d'apprentissage à cause
des particularités de la clientèle face à l'ensemble du
projet de loi. Nous trouvions qu'il était important pour nous de nous
pencher sur les besoins spécifiques à cette clientèle. Le
projet de loi ne nous apparaissait pas tout à fait assez clair, il
manquait de contenu face à cette clientèle.
Mme Payette: Les membres de la commission se souviennent
certainement aussi de procès d'il y a quelques années. Dans le
territoire de la région 04, nous avons eu une famille qui a dû se
présenter devant les tribunaux. Quels que soient les résultats du
jugement et les conséquences qui ont pu en découler, ce sont des
événements qui sensibilisent les parents. On n'est jamais
à l'abri de dire: Actuellement, nos enfants fonctionnent bien.
Personnellement, si nous n'avons pas besoin de ces services spéciaux,
nous ne savons jamais à partir de quel moment un événement
peut nous amener à devoir les réclamer.
Cela a été dans le milieu. Il y avait des parents qui, par
exemple, soit par le biais de familles d'accueil ou pour leurs propres enfants,
devaient bénéficier de services particuliers. Ce n'est pas un cas
individuel que nous avons voulu apporter en commission parlementaire, mais
l'ensemble des besoins qui ont été recueillis. C'est une
réflexion qui a été faite par un groupe de parents du
territoire.
M. Laurin: Une autre remarque dont je voudrais vous faire part,
c'est qu'il est vrai que l'article 33, qui traite des écoles
suprarégionales ou nationales, ne mentionne pas spécifiquement
que les parents seront décisionnels au conseil d'école, mais il
est très clair, quand même, si on regarde tous les autres articles
du projet de loi, que ces écoles auront également un conseil
d'école qui sera composé des parents qui ont des enfants en
difficulté qui fréquentent cette école et que le conseil
d'école où les parents auront un rôle décisionnel
fonctionnera de la même façon que le conseil d'école dans
les autres écoles.
Je voudrais aussi poursuivre un peu ma pensée sur ce que vous
venez de dire sur les cas qui sont survenus dans votre région et qui
vous ont sensibilisés à ces clientèles
particulières. Je lisais justement un article dans un journal ce matin
où on disait que quatre de ces enfants avaient été
finalement intégrés dans les écoles de la ville que
vous
mentionnez et qu'on avait mis à leur disposition des services
spéciaux, un horaire particulier, avec des ressources
spécialisées et que, malgré tout, certaines
difficultés sont survenues dans la continuité des services dont
pouvaient jouir ces enfants. La continuité n'a pu être maintenue
en raison de motifs allégués par la commission scolaire, à
savoir que certains de ces enseignants ou certains membres de ce personnel
spécialisé devaient poursuivre leur formation ou aller à
des séances de perfectionnement, ce qui a amené non pas une
interruption complète du service, mais une limitation à quelques
jours par semaine.
Je pense que cela sera très difficile avec la loi 40, parce que,
en vertu de l'amendement que nous avons apporté à l'article 14 et
que j'ai annoncé la semaine dernière, ces enfants pourront
maintenant se prévaloir d'un droit strict à des services
éducatifs correspondant à leur condition. Comme, dans le cas que
je viens de mentionner, il s'agit de services complémentaires - pour
certains cas, en tout cas - l'article 14 leur donnera un droit strict à
ces services. Il deviendra donc très difficile pour les commissions
scolaires et pour les écoles également de ne pas procurer
à ces enfants des services éducatifs de qualité, que ce
soit sur le plan de l'enseignement ou sur le plan des services
complémentaires.
Il reste évidemment la question des ressources
financières. Il importera que l'État québécois
continue d'augmenter les budgets qu'il devra consacrer à ces services
complémentaires dans le cas des enfants en difficulté. Je pense
que nous avons fait beaucoup de progrès au cours des années
passées. Il y en a encore à faire et ce sera sûrement une
des priorités du ministère de l'Éducation de continuer
dans cette voie.
Je n'ai pas d'autre question à vous poser. Je vous remercie
d'avoir attiré encore une fois, en tant que parents, notre attention sur
cette responsabilité particulière de notre société
à l'endroit de cette clientèle qui a besoin autant que toute
autre, et peut-être plus que toute autre, du service de scolarisation le
plus adéquat possible.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, je voudrais tout d'abord
préciser, à l'intention de la délégation qui
représente le comité de parents de la région 04, que,
lorsque nous avons émis tantôt certaines réserves, ce
n'était pas à l'endroit du mémoire que vous nous
présentez, qui est très intéressant et qui nous apporte un
point de vue vécu auquel nous attachons beaucoup d'importance. C'est en
raison du fait, comme je l'ai mentionné, que vous aviez d'abord
indiqué que c'était pour dépôt seulement. Il y avait
d'autres organimes qui avaient insisté pour venir et qui vont
apparemment être laissés de côté. On ne peut pas le
passer sous silence, car cela fait partie des règles non écrites
de notre jeu parlementaire qu'on est censé ouvrir nos portes ici
à ceux qui ont demandé de venir.
Ceci étant dit, nous avons pris connaissance avec beaucoup
d'intérêt de votre mémoire. Je pense qu'on peut le
résumer en disant qu'il comporte deux thèmes principaux. Tout
d'abord, au début, vous exprimez votre appui à l'endroit de
l'ensemble de la réforme préconisée dans le projet de loi
40. Ensuite, vous attirez notre attention d'une manière spéciale
sur les problèmes de ces enfants en difficulté d'adaptation ou
d'apprentissage, de ces enfants handicapés par un aspect ou l'autre, qui
font face à des problèmes nombreux dans leur expérience de
fréquentation scolaire.
On va discuter des deux aspects de votre mémoire
brièvement. Sur le premier point, quand vous dites que vous donnez votre
adhésion aux recommandations formulées par la
Fédération des comités de parents du Québec, je
voudrais vous poser quelques questions. Le mémoire n'est pas
spécialement clair. Vous dites que vous aviez un comité ad hoc
qui a été formé par les 25 comités de parents du
territoire de la région administrative Mauricie-Bois-Francs.
Évidemment, c'est beaucoup de monde.
Ce comité a reçu son mandat d'une réunion tenue au
mois de septembre. Il y avait 20 délégués présents
qui se sont prononcés uanimement contre le statu quo. Ensuite, vous
dites que le comité a présenté un plan
détaillé du mémoire, qu'il a reçu un appui unanime
et le mandat clair de déposer le mémoire en commission
parlementaire. Ceci s'est passé le 23 septembre, le même jour.
Est-ce qu'il y a eu une autre réunion par la suite pour approuver le
mémoire? Est-ce que ce mémoire a été envoyé
dans les comités d'école, les comités de parents? Il y a
combien d'écoles dans toute cette région? Il y a sûrement
200 ou 300 écoles sans difficulté.
Le Président (M. Blouin): Mme
Lévesque.
Mme Lévesque: II y a 225 écoles.
M. Ryan: Combien?
Mme Lévesque: II y a 225 écoles.
M. Ryan: Oui. Ce qui m'intéresse de savoir, sur ce
mémoire, c'est le cheminement qu'il a fait. Vous dites que vous avez
présenté un plan de mémoire le 23 septembre. Apparemment,
il n'y a pas eu d'autre réunion ensuite pour l'approuver.
Qu'est-ce qui s'est passé après cela? Vous l'avez
envoyé directement ici?
Le Président (M. Blouin): Mme
Lévesque.
Mme Lévesque: Je n'étais pas présidents au
moment du dépôt du mémoire. Je peux peut-être
demander à Mme Payette de répondre.
Le Président (M. Blouin): Mme Payette.
Mme Payette: Le comité ad hoc avait été
formé d'un groupe de huit personnes. C'était lors d'une
réunion en juin 1983. Il était prévu à ce
moment-là qu'il y aurait dépôt du projet de loi. Le
comité avait été formé et a commencé
à travailler dès la réception des textes du projet de loi.
Le 23 septembre, ce qui a été soumis à l'assemblée
de COMPARÉ où 20 délégués étaient
présents, c'était un plan détaillé des
différents points qu'allait comporter le mémoire. C'est à
ce moment-là que les parents présents se sont ralliés au
plan détaillé auquel quelques modifications ont été
apportées. (11 heures)
Quant à la rédaction, il n'était pas possible
après la rédaction de rencontrer les gens, le temps ne nous
permettait pas de sanctionner, de vérifier exactement le texte.
Cependant, je veux assurer la commission que la rédaction du texte a
été le plus près possible des principes qui avaient
été adoptés en assemblée. Aussitôt
après l'ouverture de la commission parlementaire, le texte a
été expédié à chacun des
délégués ou des présidents de comités de
parents - cela veut dire 25 groupes à l'intérieur du territoire
-et chaque comité de parents était responsable de faire
connaître les réactions de la section dans son milieu. C'est la
responsabilité qui est dévolue à chacun des comités
de parents d'informer les personnes qui en sont membres.
M. Ryan: Juste une question sur l'ensemble du projet de loi 40.
Une des grandes difficultés qui a été signalée
à maintes reprises à la commission depuis au-delà d'un
mois, c'est le caractère non satisfaisant de la relation qui est
proposée entre les trois intervenants principaux dans le système
d'enseignement: l'école, la commission scolaire, le
ministère.
Il y en a qui nous ont dit que le ministère gardait tous ses
pouvoirs, qu'il ne perdait à peu près rien, sauf dans le secteur
dont nous parlerons tout à l'heure où il se déleste un peu
trop facilement de ses responsabilités. On enlève de nombreux
pouvoirs à la commission scolaire; la relation qui existera entre
l'école, la commission scolaire et le ministère n'est pas
claire.
Trouvez-vous cela satisfaisant? Trouvez-vous qu'une commission scolaire
telle que décrite dans le projet de loi 40 pourrait bien
fonctionner?
Le Président (M. Blouin): Mme
Lévesque.
Mme Payette: Dans l'ensemble, la position de la section se rallie
à la position énoncée par l'assemblée
générale de la Fédération des comités de
parents; les délégués de chacun des comités de
parents du territoire étaient présents. Nous allons continuer de
réclamer le plus de responsabilités possible au niveau de
l'école pour que l'école, soit vraiment le champ d'action des
gens du milieu, tout en respectant les qualifications et les
responsabilités du directeur d'école et du personnel enseignant,
et tout en respectant aussi le niveau de coordination qui est dévolu
à la commission scolaire.
Nous ne voulons certainement pas avoir autant d'écoles
privées sur le territoire que nous avons d'écoles actuellement;
nous voulons avoir des écoles qui répondent aux besoins du
milieu, mais nous tenons aussi à garder le palier de la commission
scolaire pour assurer la coordination des services. Particulièrement au
niveau du dossier que nous représentons aujourd'hui, il est important
qu'il se fasse une coordination au niveau de la commission scolaire. Aucune
école régulière ne pourrait s'assurer des services
spécialisés nécessaires pour les enfants en
difficulté si on ne pouvait pas compter sur un palier
intermédiaire, qui est la commission scolaire, pour faire une
distribution ou encore une coordination pour assurer à chacun les
services dont on a besoin. Pour nous, c'est clair.
M. Ryan: J'espère que cela sera aussi clair pour cette
question-ci, qui est une source de confusion pour bien des gens. Le directeur
d'école, de qui relève-t-il dans votre plan?
Mme Lévesque: Le directeur d'école relève du
conseil d'école, pour ce qui est des mandats donnés au conseil
d'école, de la commission scolaire...
M. Ryan: Pardon? Je n'ai pas compris la dernière
partie.
Mme Lévesque: Le directeur d'école relève du
conseil d'école, selon la proposition de notre
fédération.
M. Ryan: Mais c'est l'employé de la commission
scolaire?
Mme Lévesque: Aussi.
M. Ryan: Mais il ne relève pas de son employeur?
Mme Lévesque: Disons que la commission scolaire, selon
notre proposition, est composée de membres des conseils d'école
et de commissaires élus au suffrage universel. Il y a donc une
concordance entre les membres du conseil d'école et la commission
scolaire.
M. Ryan: Je vais vous poser une question. Supposez qu'il y aurait
un très bon directeur d'école, un excellent directeur
d'école, et que l'école n'en veuille pas pour telle raison, parce
qu'il a eu le malheur d'avoir une attitude avec le fils de madame la membre du
conseil d'école qui n'a pas fait l'affaire de celle-ci; on demande qu'il
soit rapatrié ailleurs. Ailleurs, on n'en veut pas plus pour d'autres
raisons, mais il arrive que c'est un des meilleurs directeurs d'école
qu'ils aient. Qu'est-ce que la commission scolaire va faire dans ce
cas-là? Est-ce qu'elle va le mettre sur la tablette purement et
simplement?
Mme Lévesque: Vous me dites qu'ailleurs on n'en veut pas
pour les mêmes raisons?
M. Ryan: À supposer qu'il s'est fait une campagne
d'opinion et...
Mme Lévesque: Dans une commission scolaire qui compte, je
ne sais pas, une cinquantaine d'écoles, si toutes les écoles ne
veulent pas avoir le directeur en question pour les mêmes raisons, je
pense qu'on peut se poser des questions sérieusement.
M. Ryan: Vous le mettriez sur la tablette purement et simplement?
Cela coûte de l'argent.
Mme Buisson: Cela prend les deux tiers. M. Ryan:
Pardon?
Mme Buisson: Cela prend les deux tiers du conseil d'école
pour réussir à déloger un directeur d'école. S'il
est si bon, cela ferait peut-être un bon directeur adjoint à
l'enseignement?
M. Ryan: Mais il n'y en a qu'un seul. Il y a de la place pour un
seul. Cela ne ferait pas beaucoup de monde. Je ne sais pas, mais, en tout cas,
pour nous autres, ce qui est proposé dans le projet de loi, je vous le
dis en toute franchise, c'est absolument insatisfaisant et invivable. On
espère que, si le ministre fait les amendements qu'il a promis, il va
regarder cela de très près, parce que nous sommes convaincus que
cela ne peut pas fonctionner ainsi. Je ne veux pas m'attarder là-dessus
davantage. Je voulais...
Mme Buisson: II peut devenir aussi un bon conseiller
pédagogique.
M. Ryan: Pardon?
Mme Buisson: II peut devenir aussi un bon conseiller
pédagogique.
M. Ryan: Justement, cela va prendre quelqu'un pour prendre ces
décisions-là. Elles ne peuvent pas se prendre par 25 et il y en a
de moins en moins.
Juste à propos des enfants en difficulté d'adaptation et
d'apprentissage, vous dites que, dans votre région, vous avez
constaté bien des conséquences aux coupures budgétaires.
En particulier, on pourrait parler des décrets, plus récemment.
Pourriez-vous nous donner des exemples concrets de la situation qui a
été créée ou aiguisée, rendue plus
aiguë, par les effets des coupures budgétaires au cours des deux ou
trois dernières années?
Mme Payette: Écoutez! Nous n'avions pas prévu votre
question. Pour nous, il était clair que nous n'apportions pas en
commission parlementaire des cas individuels. Sans nommer de commission
scolaire ou d'organisme en particulier, un point qui a été
mentionné, c'est qu'à un endroit, un orthopédagogue s'est
retrouvé professeur de catéchèse. C'est quelque chose de
réel. Les commissions scolaires ont peut-être pris panique
à un certain moment face à des directives de coupures
budgétaires. Il y a des endroits où il y a eu des rajustements au
début de l'année ou à la fin de l'année
dernière, parce qu'on pouvait joindre les deux bouts en étant
plus réalistes dans nos besoins. Mais il y a réellement eu des
faits à des endroits. Maintenant, je ne suis pas en mesure de vous
fournir une liste et ce n'était pas notre intention non plus
d'identifier des difficultés vécues dans chaque milieu.
Mme Buisson: Je crois aussi que, par le ministère de
l'Éducation, vous pouvez voir, dans les diverses commissions scolaires -
ce que j'appelais avant une éducation de luxe et que maintenant je ne
considère plus comme une éducation de luxe, mais une
éducation obligatoire - que des orthopédagogues, il n'y en a pas
à la pelletée, dans nos commissions scolaires; des
orthophonistes, on n'en a pas à la pelletée non plus; des aides
pédagogiques, on n'en a pas non plus. Pourquoi? Quand on en engage,
souvent, c'est à mi-temps ou à la pièce, pour
éteindre les gros feux. Mais l'enfant qui, à un moment
donné, a un petit blocage, on n'a pas le personnel pour l'aider et tout
de suite réparer l'erreur. On attend que ce soit immense. On attend
souvent la
fin de son primaire ou de son secondaire pour faire quelque chose. La
situation est rendue trop grave. On n'a pas le personnel pour aider l'enfant
dès qu'apparaît la première lacune, et c'est à cause
des coupures budgétaires. Il y a aussi les enfants handicapés
qu'on essaie de regrouper le plus souvent possible dans une même
école pour ne pas être obligés d'aménager des rampes
d'accès, des toilettes dans chaque école pour les
handicapés. On les regroupe. On sort l'enfant de son milieu naturel. Je
pense que l'enfant handicapé a déjà une difficulté
à s'adapter socialement et on le transplante dans une autre
école. Ses amis ne sont pas là. Son vécu n'est pas
là. C'est à cause des coupures budgétaires.
M. Ryan: J'ai insisté beaucoup pour que les parents soient
bien informés de tous les services qui sont disponibles, soit de par la
loi, soit de par la politique de la commission scolaire. Est-ce que vous avez
eu des exemples de parents qui auraient été mal renseignés
et d'enfants qui, à cause de cela, auraient été
privés de services auxquels ils avaient droit?
Mme Buisson: Encore là, on n'a pas le goût d'amener
des cas individuels, mais on sait très bien que des parents se sentent
très gênés, très mal à l'aise d'aller
quêter - c'est le terme qu'ils emploient - tous les services
nécessaires et, souvent, ils ne savent pas où s'adresser. Il faut
dire aussi que les divers intervenants se renvoient souvent la balle.
M. Ryan: Que voulez-vous dire par là? Pourriez-vous
expliquer cela un peu?
Mme Buisson: Le CSS renvoie la balle au département de
santé communautaire, le département de santé communautaire
retourne cela à un autre et cela s'en va comme cela. Souvent, il n'y en
a pas un qui veut prendre une responsabilité et dire: C'est moi qui
m'occupe de cela.
M. Ryan: Vous dites que le comité consultatif, dans la
commission scolaire, pour les enfants en difficulté d'adaptation et
d'apprentissage, devrait être formé en majorité de parents
et qu'il devrait avoir un rôle plus étendu que ce qui est
proposé dans le projet de loi. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi
vous voulez que ce comité soit en majorité formé de
parents? Deuxièmement, en quoi pourrait-il jouer un rôle plus
large que ce qui est prévu dans le projet de loi? C'est à la page
18, je pense, de votre mémoire.
Mme Payette: Pour ce comité consultatif, nous partons de
ce qui avait été proposé dans le livre blanc. Il nous
semblait que, déjà, dans le livre blanc, le gouvernement
proposait à ce comité d'assumer la responsabilité, entre
autres, de la préparation de la politique. M. le ministre mentionnait
tantôt que ce comité allait participer à la
préparation de la politique. Je pense que cela peut répondre
à une de nos demandes. Je dois quand même reconnaître que
les propositions de modifications qui nous ont été
soulignées tantôt nous satisfont sur bien des points. Ce qui
pourrait être important au sujet de l'étude de tout
problème particulier d'intégration, c'est que les parents,
lorsqu'ils sont en conflit avec la direction de l'école ou la commission
scolaire, ne savent pas à quelle porte se rendre pour obtenir un autre
avis. Si le législateur va jusqu'au bout et intègre le
réseau scolaire au niveau de l'intervention du Protecteur du citoyen, il
sera important qu'avant d'aller porter plainte à ce niveau le parent ait
épuisé tous les recours, tous les moyens de recours. Ce
comité, composé de parents avertis et de personnels de la
commission scolaire, de personnels professionnels nommés par la
commission scolaire, devrait être en mesure d'apporter un certain
éclairage. Très souvent, un problème est là parce
que les gens n'ont pas compris la raison qui leur a été
apportée. Pour nous autres, en tout cas, c'était clair qu'il
fallait revenir à cette proposition du livre blanc d'avoir ce
comité, sans en faire un tribunal, dont les personnes ont un vécu
différent et qui puisse donner un avis, faire des recommandations avant
qu'on aille porter plainte à un autre palier.
Nous demandons aussi que ce comité délègue une
personne au comité consultatif sur le transport scolaire. Ce mandat
serait de sensibiliser régulièrement les personnes qui
siègent au comité consultatif du transport scolaire. À ce
comité, il semble qu'il y aura bon nombre de personnes autres que celles
du monde de l'éducation. C'est important, pour qu'il y ait utilisation
maximale des ressources, particulièrement en milieu rural, qu'il y ait
des ententes avec les milieux, afin que les autobus scolaires puissent servir
entre les transports à des fins scolaires. À côté de
cela, est-ce que ces personnes qui viennent de la municipalité
régionale de comté ou qui représentent des organismes de
transport seront sensibilisées aux problèmes que vivent les
enfants handicapés ou les enfants qui ont aussi des problèmes de
comportement, des enfants qu'on ne peut pas transporter facilement avec tout un
groupe?
Puisque le législateur remet en question l'ensemble du
fonctionnement de l'éducation au plan administratif, nous pensons que
c'est un point qui devrait être étudié.
M. Ryan: Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député d'Argenteuil. M. le député de Fabre.
(11 h 15)
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je voudrais
revenir sur un point qui a été soulevé par le
député d'Argenteuil, avec beaucoup d'insistance. Vous insistez,
d'ailleurs, sur cet aspect dans votre mémoire, les ressources
matérielles, les ressources humaines qui doivent exister au niveau des
commissions scolaires, dans les écoles, pour venir en aide à la
catégorie d'élèves dont vous parlez dans votre
mémoire. Le député d'Argenteuil a parlé des
coupures budgétaires et, évidemment, il relie cela aux
compressions budgétaires du ministère de l'Éducation. Il
faudrait qu'on nous explique, à un moment donné, que les
commissions scolaires sont responsables de l'engagement du personnel
professionnel: psychologues, ergothérapeutes, orthophonistes,
criminologues, enfin tout ce personnel qui est nécessaire à
l'encadrement des élèves en difficulté. Les commissions
scolaires sont responsables de l'engagement et des coupures aux postes de ce
personnel.
Cette année, par exemple, les commissions scolaires ont
accumulé un surplus de l'ordre de 150 000 000 $. C'est sûr que
c'est grâce à la bonne gestion des commissions scolaires, s'il y a
eu - ce n'est pas dans toutes les commissions scolaires -un surplus global,
tout de même, de 150 000 000 $. Bon, c'est sûr que c'est dû
à une bonne gestion, mais il y a tout de même un choix qui a
été fait dans certaines commissions scolaires. On aurait
très bien pu choisir de placer cet argent, d'investir cet argent dans
des ressources que vous jugez insuffisantes dans les écoles. Je pense
que c'est un choix. L'objectif d'une commission scolaire n'est pas d'accumuler
des surplus, mais de donner des services à la population.
Je pense que c'est une mise au point qui s'impose, parce que le
député d'Argenteuil ne cesse de donner l'impression que c'est
toujours la faute du ministère de l'Éducation; c'est le grand
coupable, évidemment. C'est sûr qu'il a décidé, lui,
de prendre la défense quasi inconditionnelle des commissions scolaires.
C'est son droit, mais je pense qu'il faut absolument rétablir certaines
choses. J'aimerais qu'il nous explique un peu comment il se fait qu'on puisse
arriver avec un surplus de 150 000 000 $ et, en même temps, au niveau
local, manquer de ressources quand ce sont ces mêmes commissions
scolaires qui sont responsables des ressources au niveau local.
Ma question rejoint précisément cette question des
ressources matérielles, des ressources humaines et de la
nécessaire collaboration et concertation avec le ministère des
Affaires sociales. Vous en faites état à la page 13 de votre
mémoire. Pour qu'il y ait une garantie de services, vous dites qu'il
faut en arriver à une concertation des organismes dispensateurs de tels
services qui sont attribués par le ministère des Affaires
sociales par le biais des hôpitaux, des centres de réadaptation et
des centres d'accueil. Vous demandez que les ministères se concertent
sur les services de prévention et les services de réadaptation et
garantissent les services nécessaires.
Je me pose la question: Est-ce au niveau des ministères qu'il
doit y avoir concertation? J'aimerais que vous nous expliquiez comment vous
voyez cela, de votre point de vue. Est-ce au niveau des ministères? Il y
a une concertation qui existe entre les ministères. Il y a une mission
au ministère de l'Éducation, au ministère des Affaires
sociales; on se concerte. Est-ce que ce n'est pas plutôt au niveau des
commissions scolaires qu'il y a ou qu'il pourrait y avoir une lacune de
concertation entre les hôpitaux, les commissions scolaires, les centres
d'accueil, les centres de réadaptation? Est-ce à ce
niveau-là. Puisque vous en faites état dans votre mémoire,
c'est que vous avez dû vivre un certain nombre d'expériences et
que vous avez dû constater des lacunes. J'aimerais que vous expliquiez
à la commission où elles se situent. Encore une fois, voici ma
question: Est-ce que ce n'est pas au palier des commissions scolaires, au
palier régional, que devrait se situer la véritable
concertation?
Mme Payette: Je pense que la véritable concertation
à la base ne peut pas se faire sans que ces organismes concernés:
commissions scolaires, CLSC, CSS, centres d'accueil et autres, aient
l'assurance d'un soutien ou se sentent supportés par les paliers
supérieurs. C'est certain que, dans ce sens, il y a eu d'immenses
progrès de faits, mais nous ne voulions pas laisser de côté
ce point, même s'il y a une sérieuse amélioration parce
que, très souvent, c'est là qu'achoppe l'intégration d'un
enfant. Par exemple, si l'enfant a besoin de certains services personnels,
disons d'une certaine aide physique, la commission scolaire doit quasiment
aller négocier à la pièce avec le CLSC du milieu, quand il
y en a un. Je pense que c'est la démarche la plus facile, c'est le
niveau le plus près de la commission scolaire.
Alors, c'est d'assurer aux enfants qui pourraient être
intégrés, mais pour lesquels, par exemple, il faut une certaine
aide, de pouvoir avoir les services nécessaires, par exemple, pour le
transport. Ce que je veux dire, c'est que, pour l'enfant qui ne peut pas se
déplacer lui-même de l'autobus à sa chaise roulante, qui
l'attend à l'intérieur de l'école, il faut à ce
moment-là des personnes dont c'est le rôle. Par vocation, il y a
certains enseignants qui vont prêter main-forte à l'occasion.
Cependant, ce n'est pas
dans leurs tâches. C'est extrêmement malheureux de voir des
enfants qui vivent des problèmes d'intégration que les parents
viennent déplacer à l'heure du midi, par exemple, parce que le
jeune ne peut pas le faire lui-même. Le parent s'organise alors pour
avoir un travail moins engageant, va chercher son enfant à l'heure du
midi pour l'amener manger à la maison et le ramène à
l'école, parce qu'il n'y a pas de préposé pour un ou deux
enfants dans cette école. Très souvent, ces parents n'ont pas
qu'un seul enfant qui vit avec une limitation; très souvent, les parents
en ont un ou deux et c'est vraiment pénible de voir des gens devoir
investir à ce point pour favoriser l'intégration scolaire.
À ce niveau, je rattache la nécessité d'avoir une
aide financière à l'occasion. Lorsque nous mentionnions des frais
de gardiennage pour la participation de certains parents à la gestion de
l'école, ce n'est pas que nous entendons généraliser des
frais de gardiennage à tout le monde. Mais les parents d'enfants en
difficulté, ou handicapés, ou encore vivant avec une
déficience mentale, très souvent, ont d'autres enfants en
difficulté qu'ils laissent à la maison pour pouvoir participer.
Alors, dans ces cas spéciaux, il faudrait se garder une certaine
souplesse pour pouvoir avoir le point de vue de ces parents.
Nous soumettons ce dossier. Nous ne le vivons pas personnellement, mais
les gens qui le vivent vous ont certainement apporté un point de vue, en
tout cas, un raffinement dans leur vécu.
M. Leduc (Fabre); Je retiens que vous insistez beaucoup sur
l'aspect très pratique du support, du soutien qui doit être
accordé à ces enfants. Aussi, une aide doit être
accordée aux parents pour les libérer et leur permettre de
consacrer un certain nombre d'heures par semaine à cette tâche
très simple sur laquelle vous insistez beaucoup, mais qui est
importante, par exemple, conduire l'enfant le midi à la maison, le
ramener à l'école ou le conduire à l'autobus. Ce sont des
tâches très simples, mais qu'on perd de vue très souvent.
Vous insistez sur cet aspect. Il me semble qu'à cet égard le fait
que le conseil d'école puisse prendre des initiatives et puisse
même avoir un budget, le gérer et le contrôler, pourrait
certainement aider dans ces tâches très simples, mais très
importantes que vous mentionnez. Je vous remercie.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Fabre. Mme la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier
les parents de la région 04 qui sont venus présenter à la
commission ce mémoire qui porte particulièrement sur les enfants
en difficulté. Je sais qu'un bon nombre de ces questions ont
été discutées dans la journée de vendredi et
peut-être même à la fin de la journée, jeudi soir.
J'espère ne pas revenir sur des propos qui ont été tenus
à ce moment-là. Il reste que votre témoignage
m'apparaît très important. Vous signalez plusieurs
problèmes à notre attention.
La première mention, vous la faites à la page 4: "Les
parents se rallient au principe de l'intégration dans le milieu naturel,
mais ils disent non à l'intégration à tout prix." Est-ce
que je dois comprendre de ceci que, d'une part, il y a des enfants qui ne
pourront jamais être intégrés à une classe
régulière et qu'à ce moment il faut leur donner, à
l'intérieur des classes dites spéciales, vraiment les services
dont ils ont besoin et que dans le cas des autres qui peuvent être
intégrés à la classe régulière, ils ont
besoin d'un soutien qui, présentement, trop souvent, est inexistant?
J'en voudrais comme preuve ce témoignage que l'on retrouve dans le livre
qui a été publié par l'Office des personnes
handicapées, la semaine dernière, intitulé À part
égale, l'intégration sociale des personnes handicapées, un
défi pour tous. Je ne voudrais pas entrer ici dans la définition
de personnes handicapées parce que toutes ces personnes n'entrent pas
nécessairement là-dessus.
On fait référence au fameux rapport COPEX qui est sorti en
1976 et à la suite duquel le ministère de l'Éducation
avait publié en 1978 un énoncé de politique et un plan
d'action sur l'enfance en difficulté d'adaptation et d'apprentissage. Il
disait: L'accès à un système public d'éducation.
L'enfant en difficulté a le droit inaliénable, comme tout enfant,
à l'instruction publique gratuite et le système scolaire doit
répondre aux besoins spécifiques de tous les enfants, y compris
les enfants handicapés. Un peu plus loin, on ajoute: Une mise en
application difficile. Environ cinq ans après l'adoption de cette
politique, force est de constater que les problèmes éducatifs
rencontrés par les élèves handicapés - on va lui
donner le sens le plus large possible pour ne pas entrer dans un débat
sur cela - demeurent importants et nombreux. Il est manifeste que la politique
actuelle dans sa mise en application n'a pas réussi à
répondre aux besoins éducatifs des personnes handicapées
et qu'elle doit être élargie et approfondie.
Je ne veux pas faire une plus longue lecture, mais ceci indique vraiment
que les observations que vous nous livrez ce matin vont dans ce sens.
Évidemment, que si on compare par rapport au début des
années cinquante, soixante, soixante-dix, c'est une progression - il
faut s'en réjouir - vis-à-vis des services que l'on accorde aux
enfants en
difficulté d'apprentissage, quelle qu'en soit la nature ou quelle
qu'en soit la cause, mais on est encore bien loin du but et vous avez raison de
venir témoigner ici. Il y a encore des enfants, il faut le dire, et plus
qu'on ne le croit, qui sont chez eux, qui ne sont pas dans les écoles
même, dans des régions du Québec.
Je reviens à ma question: Est-ce que je vous interprète
bien quand vous dites, à la page 4: "Les parents se rallient au principe
de l'intégration dans le milieu naturel, mais ils disent non à
l'intégration à tout prix." Dans votre esprit, est-ce qu'il y a
des enfants qui ne pourront jamais être intégrés dans une
classe régulière et que, dans d'autres cas, ils n'ont pas le
soutien dont ils auraient besoin présentement?
Mme Buisson: Il est certain qu'il y a des enfants qui ne pourront
jamais être intégrés dans une classe
régulière, mais il faut tout de même leur donner un certain
service. Pour ceux qui sont capables d'apprendre à compter, d'apprendre
ne serait-ce qu'à écrire leur nom, d'apprendre à lire un
tout petit peu pour être capables d'aller sur la rue et de
reconnaître les mots "épicerie", "restaurant", quelque chose pour
être capables de vivre dans la société, il faut faire
quelque chose.
Il y a une chose que je remarque, c'est qu'on semble identifier notre
mémoire seulement aux enfants handicapés. Il y a une petite
mention où on parle aussi du surdoué; l'école ne
répond pas à ses besoins, non plus. Il y a aussi l'enfant qui est
sous-doué, il n'est pas handicapé physique ou mental. Il a une
difficulté. Notre système d'éducation répond
à un enfant qui entre dans un moule. Tout ce qui dépasse, on le
coupe. Il ne le faut pas, c'est tout le monde qui a droit à une
éducation, compte tenu de ses capacités.
Il y a une personne, aussi, qu'on semble oublier dans tout cela, c'est
le professeur. Le professeur qui a dans sa classe régulière un
enfant, soit handicapé physique ou handicapé mental, qui est
intégrable dans une classe régulière, est-ce qu'on est
capable de lui offrir, à part le soutien physique, un certain -
j'appelle cela ainsi - soutien moral? Il a besoin d'être ressourcé
à un moment donné, parce que c'est vidant. C'est une
préparation qui est autrement différente que si c'étaient
tous des enfants dits "normaux", entre guillemets. Je pense qu'il faut penser
à celui-là aussi. (11 h 30)
Mme Lavoie-Roux: Je pense que votre inquiétude au sujet
des enfants qui ont un problème d'apprentissage d'une nature ou de
l'autre et aussi votre inquiétude au sujet des enfants surdoués
qui n'auraient pas, non plus, la stimulation nécessaire, vous l'indiquez
bien en page 12 quand vous dites: "Que le ministère de
l'Éducation prévoie des mécanismes obligeant
l'école à identifier le potentiel de l'élève,
à élaborer un plan individualisé d'intervention et
à évaluer l'élève en fonction de son potentiel
d'apprentissage."
C'était, d'ailleurs, une préoccupation qui était
contenue dans le rapport COPEX et qu'on retrouve également dans le
rapport sur l'intégration sociale des personnes handicapées
où on dit: "Par ailleurs, les enfants en difficulté d'adaptation
et d'apprentissage sont classés selon les types de déficience, ce
qui guide l'organisation des ressources, des conditions de travail et des
possibilités d'intervention. Dans la mesure où cette
classification ne tient pas compte du potentiel de développement de
l'enfant, elle constitue un obstacle à une approche d'ensemble
basée sur la situation de chaque personne. D'une manière plus
générale, il n'y a pas de plan individualisé
d'intervention pour déterminer l'ensemble des actions à
réaliser, ni de coordonnateur afin d'assurer à chaque enfant une
éducation de qualité sans coupure avec les interventions
d'adaptation ou de réadaptation." Je pense que, même si cela a
été fait pour les personnes que l'on dit handicapées, cela
rejoint votre préoccupation.
Vous dites, d'ailleurs, avec raison dans votre mémoire: "Les
commissions scolaires n'ont pas toutes au même degré reconnu
l'intégration de l'enfance en difficulté." Il y a certainement
des disparités entre les commissions scolaires. Alors que certaines
commissions scolaires en ont fait une priorité, d'autres ont
laissé courir les choses. J'admettrai qu'il ne s'agit pas uniquement
d'une question de ressources, mais aussi d'une question de sensibilisation des
gens à l'intérieur des écoles et des commissions scolaires
et même du ministère de l'Éducation,
précisément pour que cela soit véritablement une
priorité dans les faits.
Eu égard à la représentation des parents à
la commission scolaire, vous n'en faites pas la suggestion; vous dites qu'il
faudrait un parent au niveau du comité consultatif qui est prévu
pour le transport scolaire. Comme il y a déjà, de par la loi 71,
une représentation - c'est peut-être la loi 30, je confonds
toujours les deux - des parents qui siègent au conseil des commissaires,
un pour l'élémentaire, un pour le secondaire, et qu'on ne sait
pas quelle formule sera retenue par le gouvernement quant au suffrage
universel, nous, de ce côté-ci, croyons qu'on devrait avoir un
suffrage universel véritable, ce qui n'empêcherait pas des parents
de siéger comme ils le font présentement. Avez-vous pensé
à l'éventualité d'ajouter à ces parents pour qu'au
moins il y ait un représentant de l'enfance en difficulté qui
siège sans être élu, mais pour représenter ce groupe
d'enfants? Y avez-vous pensé?
Mme Buisson: Pour ma part, je ne verrais pas de problème
à ce qu'ils soient là. Sûrement qu'ils pourraient apporter
de leur vécu. Je ne sais pas si les autres voient cela sous le
même angle.
Mme Payette: C'est un point que nous n'avons pas
étudié. Nous n'avons pas de mandat sur ce point. Compte tenu de
l'attitude des parents dans l'étude du dossier des services aux enfants
en difficulté, je suis certaine que les parents ne feraient pas
opposition à la présence d'un parent représentant les
enfants en difficulté.
Mme Lavoie-Roux: Oui. Il y a des problèmes dans notre
société qui doivent être sans cesse rappelés aux
preneurs de décisions, que ce soit au niveau des commissions scolaires,
des écoles ou autrement. Souvent, comme l'enfance en difficulté a
été l'enfant pauvre, dans les circonstances, je pense que c'est
peut-être nécessaire de penser à quelqu'un qui est une
espèce de chien de garde et qui rappelle constamment aux
autorités en place ou aux preneurs de décisions qu'il y a un
segment important de la population étudiante qui ne doit pas être
oublié.
En page 16, vous dites: "Les élèves qui sont
intégrés peuvent avoir besoin d'équipement
spécialisé pour pallier leur handicap, de modifications physiques
au bâtiment pour le rendre accessible. Tous ces éléments
matériels doivent être prévus et les commissions scolaires
peuvent se prévaloir des programmes existant au ministère de
l'Éducation ou au ministère des Affaires sociales." Je ne sais
pas si vous êtes au courant que, justement, ces ressources ne sont pas
là dans la mesure où elles devraient y être. Si vous
regardez encore ce rapport, on prévoit, par exemple, que
l'accessibilité aux bâtiments scolaires, compte tenu du calendrier
prévu par le gouvernement, ne sera pas complétée avant
1991. Dans ce cas-là, il ne s'agit pas d'une bonne ou mauvaise
volonté de la part des commissions scolaires mais il s'agit vraiment de
la priorité plus ou moins grande que lui accorde le gouvernement.
Même avant l'Office des personnes handicapées, il y avait
déjà des commissions scolaires qui se préoccupaient de
cette question. Il s'agit vraiment d'une question de priorité.
Vous avez également signalé le problème des
coupures budgétaires. J'ai vu le député de Fabre riposter
en disant: Ils ont eu cette année un surplus de 150 000 000 $ pour
l'ensemble des commissions scolaires. Il faut peut-être rappeler une
chose. Je tiens à le dire parce que, à un moment donné, on
crée des impressions qui, ma foi, ne sont pas toujours exactes. Il est
peut-être vrai que, cette année et l'an dernier, il y a eu
certains surplus dans le fonctionnement des commissions scolaires. Mais, pour
les années antérieures, comme les dépenses
n'étaient jamais indexées ou d'une façon tellement
insignifiante quand elles l'étaient, qu'on connaissait un taux
d'inflation extrêmement élevé (qu'on pense au chauffage,
à l'entretien des écoles, etc) les commissions scolaires, pour,
quand même, répondre à des impératifs quand le toit
coule, quand l'escalier tombe et qu'il faut chauffer les écoles,
devaient aller gruger à l'intérieur du budget global. À ce
moment-là, la seule marge de manoeuvre que les commissions scolaires
avaient, c'était de couper dans les services de spécialistes, de
professionnels. Les commissions scolaires se sont privées petit à
petit des agents de développement pédagogique, de conseillers
pédagogiques, de psychologues, d'ortho-pédagogues,
d'orthophonistes, etc. Essayer de faire croire que les coupures
budgétaires n'ont vraiment pas eu de répercussions sur la
qualité des services à l'école, je pense que cela n'est
pas exact.
À l'heure actuelle, les surplus qui ont été faits
par les commissions scolaires - je pense que c'est l'an dernier et cette
année -sont le résultat d'une gestion qui indique un peu de
prévoyance de la part de ceux qui gèrent le système
scolaire; par exemple, on économise pour prévoir l'entrée
des ordinateurs à l'école même avant que le gouvernement en
parle. Ceci pour dire que je ne peux pas être d'accord avec les remarques
du député de Fabre.
Je comprends, moi aussi, qu'il y a des ressources financières qui
sont limitées, même si ce n'est pas mon rôle de ce
côté-ci de la Chambre d'en faire état. Il reste aussi qu'il
faut tenter le plus possible de dépasser les discours, les livres, les
études et tenter d'implanter le plus rapidement possible les services
dont ces enfants ont besoin pour avoir leur part égale dans la
société. Je vous remercie.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la
députée de L'Acadie. Sur ce, au nom de tous les membres de la
commission, je remercie les représentants du Comité de parents
régional 04 de leur participation aux travaux de notre commission.
J'invite maintenant les représentants de la commission scolaire
Les Écores à bien vouloir s'approcher à la table des
invités afin qu'ils procèdent, d'abord, à la
présentation de leur mémoire en une vingtaine de minutes.
Ensuite, nous pourrons procéder aux échanges entre nos
invités de la commission scolaire Les Écores et les membres de la
commission.
Nous pouvons suspendre les travaux pour quelques secondes, le temps que
nos invités puissent s'installer.
(Suspension de la séance à 11 h 40)
(Reprise de la séance à 11 h 42)
Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous
plaît! Nous reprenons maintenant nos travaux, mais avant que nous
poursuivions nos échanges, je signale que, lorsque j'ai nommé les
membres et les intervenants de la commission, j'ai identifié à
deux reprises le député de Roberval. Il doit se situer avec les
membres de la commission et non avec les intervenants.
Sur ce, j'invite la représentante et les représentants de
la commission scolaire Les Écores à procéder à leur
présentation en une vingtaine de minutes et, ensuite, nous aurons les
échanges entre les membres de la commission et nos invités.
Commission scolaire Les Écores
Mme Perreault (Rita): Merci. Il me fait plaisir de vous
présenter, à ma gauche, M. Gaston Ouellette,
vice-président de la commission scolaire Les Écores; à mon
extrême droite, M. Michel Hamelin, directeur général
adjoint et directeur des services au personnel et M. Achille Corbo, directeur
général. Je suis Rita Perreault, présidente de la
commission scolaire Les Écores.
Avant de vous présenter notre mémoire, permettez-moi de
céder la parole à M. Corbo qui vous situera notre commission
scolaire sur le territoire de Laval et vous en fera un bref historique.
Le Président (Mi Blouin): J'ai compris, Mme Perreault, que
la lecture de votre mémoire requerrait un peu moins de 20 minutes et
qu'en une brève période de temps M. Corbo nous ferait un rapide
historique de la commission scolaire pour que nous puissions rapidement
procéder à la présentation du mémoire.
M. Corbo (Achille): Merci. D'abord, la commission scolaire
regroupe le territoire est de l'île Jésus, plus
particulièrement, les quartiers Duvernay, Saint-Vincent-de-Paul et
Saint-François, c'est-à-dire la partie est de l'autoroute 19. La
commission scolaire Les Écores est intégrée depuis 1976,
représentant toute la partie élémentaire et secondaire au
niveau francophone. Au niveau anglophone, nous avons la partie
élémentaire et les écoles de premier cycle. Nous avons
dix-huit écoles réparties de la façon suivante: deux
écoles polyvalentes du secondaire I au secondaire V, une école de
premier cycle, une école d'adaptation scolaire, l'école
élémentaire des anglophones, l'école du premier cycle du
secondaire pour les anglophones et douze écoles
élémentaires.
La commission scolaire Les Écores a vécu la
désaffiliation d'une commission scolaire régionale en 1976 de par
la volonté du milieu. Nous faisions partie de la commission scolaire
régionale qui était formée alors de tout le secteur est,
dont je vous ai fait mention, plus la partie nord de Terrebonne, Mascouche,
Lachenaie, appelée aujourd'hui la commission scolaire des Manoirs. Cette
dissolution de la commission scolaire régionale a été pour
nous une expérience valable, en ce sens que nous avons vécu,
depuis 1976, l'intégration, tel qu'il est proposé et à
laquelle nous souscrivons.
Cela vous donne un portrait rapide de la composition de notre commission
scolaire et cela vous situe. Vous avez, à l'intérieur du
mémoire dont Mme la présidente vous fera lecture tantôt, le
territoire actuel et le territoire projeté, tel que demandé par
notre commission scolaire.
Le Président (M. Blouin): Après cette brève
mise en situation, Mme Perreault nous livre le contenu du mémoire.
Mme Perreault: Je vous remercie, M. le Président. M. le
ministre de l'Éducation, mesdames et messieurs les membres de la
commission parlementaire, le projet de loi 40 sur l'enseignement primaire et
secondaire public constitue un document possédant des ramifications et
des impacts non seulement géographiques, locaux et provinciaux, mais
surtout psychologiques et sociaux autant pour les individus que pour la
collectivité.
Toutefois, la reconnaissance d'une autonomie plus grande à
l'école dans la réalisation de son projet éducatif avec
les parents, les élèves et le personnel de l'école, ainsi
que l'implication communautaire sur les plans social et culturel doivent
être accompagnées de modalités permettant une atteinte
progressive de ces objectifs. C'est dans une telle perspective que la
commission scolaire Les Écores s'est penchée sur le document Une
école communautaire et responsable et sur le projet de loi 40.
Dans le texte qui suit, la commission scolaire Les Écores propose
des éléments qui s'attardent essentiellement à
l'environnement de l'enseignement primaire et secondaire public, ainsi qu'aux
principes qui devraient régir les rapports entre la commission scolaire
et les écoles.
Mission, statut et territorialité. L'éducation constitue
une réponse à un ensemble de droits et de besoins individuels et
communautaires. Le droit de l'enfant à un ensemble de services
éducatifs, les droits individuels, collectifs et communautaires et la
liberté de conscience et de religion sont autant de facteurs qui
influencent la mission de la commission scolaire comme intermédiaire
entre le ministère de l'Éducation, d'une part, et les
écoles et le milieu, d'autre part.
Dans ce sens, la commission scolaire doit assurer une même
qualité
d'enseignement à tous les élèves de son territoire
et constituer ainsi un facteur d'équilibre quant aux actions des
instances de l'État. La commission scolaire se voit donc attribuer la
responsabilité de coordonner les établissements d'enseignement et
de veiller au règlement des différends qui peuvent
apparaître.
Pour atteindre cette mission et réaliser ces objectifs, la
commission scolaire nécessite implicitement un statut particulier. Comme
instance politique et administrative décentralisée
représentant la collectivité, elle ne jouera pleinement son
rôle que si elle constitue une entité intégrée et
unifiée responsable de l'enseignement préscolaire, primaire et
secondaire, sans distinction de langue ou de religion.
Finalement, on doit constater que la mission et les fonctions de la
commission scolaire sont issues d'une collectivité et destinées
à une collectivité. Or, il y a lieu d'ajouter que la commission
scolaire dessert ainsi un territoire particulier. Toutefois, la notion
même de territoire dépasse le sens physique et rejoint
essentiellement un concept élargi de clientèle recevant, tel que
présenté précédemment, des services
éducatifs et une animation sociale et culturelle communautaire. On doit
donc, à ce stade, évoquer le principe de l'équité
lorsque vient le moment de procéder à la définition du
territoire de la commission scolaire. Seule l'équité permettra
d'en arriver, là encore, au succès de la mission et des objectifs
de la commission scolaire.
Le ministère de l'Éducation procède actuellement au
découpage du territoire des commissions scolaires et, comme il semble
partager notre souci d'équité, nous incluons en annexe notre
proposition de territoire qui permettrait une distribution équitable des
services à être rendus par notre commission scolaire non seulement
aux élèves, mais à l'ensemble des résidents du
territoire. '
Position sur le statut et les pouvoirs de l'école. La commission
scolaire Les Écores considère que l'école devrait obtenir
un statut dont la spécificité inclurait certains pouvoirs
décisionnels et une plus grande autonomie en matière
d'éducation et de pédagogie. D'ailleurs, une telle autonomie
éducative et pédagogique devrait apparaître dans la loi
comme telle plutôt que dans la réglementation qui
l'accompagne.
En ce qui a trait à la confessionnalité de l'école,
nous proposons qu'un changement de statut puisse être apporté
à l'école si la majorité des parents le demande.
Cependant, il est de notre avis que la décentralisation des
pouvoirs qui est préconisée dans le projet de loi est tout aussi
valable pour la commission scolaire que pour les écoles. À cet
effet, la commission scolaire devrait obtenir plus de pouvoirs et, à son
tour, en déléguer une partie à l'école, notamment
quant à l'éducation et à l'autonomie de
l'école.
Une telle décentralisation peut très bien s'accomplir et
s'implanter de façon progressive si l'école continue de relever
de la commission scolaire et que cette dernière continue de la soutenir
afin qu'elle puisse s'acquitter de ses responsabilités. De plus, la
commission scolaire devrait étudier des analyses approfondies avant de
confier d'autres responsabilités à l'école, notamment au
plan de la gestion des ressources humaines, financières et
matérielles.
En ce qui a trait au conseil d'école, nous reconnaissons le
bien-fondé d'une telle instance sans toutefois partager le principe que
le commissaire soit un commissaire de l'école. En effet, nous
considérons que le projet de loi 40 enlève à ceux qui ne
sont pas des parents le droit de choisir les représentants qui voient
à la gestion des institutions scolaires locales. En ce sens, il y aurait
lieu de maintenir l'élection des commissaires de quartier au suffrage
universel afin d'assurer une représentation équitable à la
direction des affaires scolaires de la collectivité locale.
Position sur le statut et les pouvoirs de la commission scolaire. Tel
que mentionné précédemment, la commission scolaire joue
plusieurs rôles: intermédiaire, coordonnateur, soutien, instance
politique et administrative. Essentiellement, c'est de la commission scolaire
que dépend l'école en termes d'encadrement éducatif et
pédagogique, ainsi que sur le plan administratif.
Quant au statut confessionnel, il nous apparaît conséquent
de proposer que la commission scolaire soit reconnue comme catholique, si la
majorité des écoles qu'elle dessert a conservé son statut
confessionnel.
Quant au principe de décentralisation, nous
réitérons le besoin d'une stratégie progressive, assurant
une prise en main adéquate d'un nouveau partage des
responsabilités. Au stade actuel, nous croyons que la commission
scolaire devrait, notamment, s'assurer de la conformité de
l'enseignement au régime pédagogique et aux encadrements
nationaux; procéder à l'évaluation des écoles de
son territoire; être responsable du soutien au développement
pédagogique des écoles de son territoire et allouer les
enveloppes budgétaires ou approuver les budgets des écoles.
En général, il y aurait lieu de continuer de
considérer la commission scolaire comme gestionnaire des ressources
humaines, financières et matérielles regroupées sur le
territoire concerné. La situation économique ayant suscité
depuis quelques années un phénomène grandissant de
regroupement d'entreprises et d'établissements de toutes sortes, il
serait peu souhaitable d'abandonner ce qui constitue un facteur
d'économie financière et de cohésion administrative.
Au sujet de la composition du conseil d'administration de la commission
scolaire, nous sommes d'avis que l'on devrait utiliser la formule suivante: une
majorité de commissaires élus au suffrage universel par quartier
par l'ensemble des résidents du quartier et des
délégués d'écoles élus par l'ensemble
desdits délégués.
L'adoption de cette formule permettrait, selon nous, une
représentation plus adéquate, respectant une équité
quant au fardeau fiscal imposé à la collectivité, sans
compter qu'elle est aussi visée par l'objectif complémentaire de
promotion et d'animation sur les plans social et culturel. Cette formule
assurerait aussi la représentation de l'école par un certain
nombre de délégués.
Sur le plan des mécanismes de taxation, il est illusoire
d'envisager de conserver ou d'augmenter les responsabilités de la
commission scolaire et de l'école en contraignant le pouvoir de taxation
de la commission scolaire. Il y a lieu d'envisager que la commission scolaire
bénéficie d'un pouvoir de taxation accru ou d'une source de
revenus autonome significatifs qui pourrait même avoir pour effet de
réduire le pourcentage des subventions gouvernementales dans le revenu
total de la commission scolaire. Alors seulement pourra-t-on soutenir
financièrement les efforts de réalisation et d'action du
rôle de la commission scolaire et de l'école.
En conclusion, M. le Président, les missions de l'école et
de la commission scolaire associées aux besoins des divers intervenants
du milieu constituent un défi en soi. Un autre défi se retrouve,
cependant, dans la recherche des mécanismes qui régiront la
réflexion et l'action de cet ensemble. La commission scolaire Les
Écores, consciente de l'envergure de cette problématique, a voulu
présenter ses visions, ses réflexions et ses propositions avec la
certitude qu'elles pourront éclairer l'appareil législatif
québécois. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gauthier): Merci, madame. La parole est
au ministre.
M. Laurin: Je voudrais, d'abord, saluer et remercier la
commission scolaire Les Écores pour la qualité du mémoire
qu'elle nous a présenté et à la lecture duquel j'ai pris
un très grand intérêt.
Je constate que la commission scolaire Les Écores est
déjà une commission scolaire intégrée et je
constate que cette expérience d'intégration non seulement a
été heureuse, mais a convaincu la commission scolaire que
c'était là un système qui devait être
généralisé à l'échelle du Québec. En
ce sens, je m'en félicite avec elle.
Je constate aussi que la commission scolaire Les Écores est
quelque peu inquiète quant au territoire qui sera le sien une fois le
projet de loi 40 adopté. Je voudrais immédiatement la rassurer.
Nous nous sommes, quand même, donné quelques mois pour
procéder à ce découpage en consultation étroite
avec le milieu et il est bien sûr que nous partageons son objectif qui
est que le territoire de la commission scolaire Les Écores soit
établi en toute équité. Nous entendons bien, au cours des
prochains mois, continuer à travailler en contact avec vous pour arriver
à un découpage, justement, qui soit véritablement le plus
équitable.
Je note aussi avec un grand plaisir la position de la commission
scolaire en ce qui concerne le statut de l'école. La commission scolaire
voudrait qu'on accorde à l'école une plus grande autonomie, aussi
bien éducative que pédagogique. Éducative au sens
très large du terme, puisqu'on sait que l'éducation comporte bien
plus que l'enseignement, qu'elle comporte également toute la formation
des enfants qui doivent devenir des citoyens libres et responsables,
épanouis, développés dans toutes les dimensions de leur
personnalité. Mais l'école doit posséder une plus grande
autonomie pédagogique également puisque la pédagogie est
au coeur même de l'acte éducatif. Je note que la commission
scolaire voudrait traduire concrètement cette exigence et c'est la
raison pour laquelle elle demande, elle suggère que cette école
puisse jouir de pouvoirs ou de responsabilités décisionnels en
matière d'éducation et en matière de pédagogie.
Et la commission scolaire va plus loin. Elle voudrait aussi que ces
pouvoirs décisionnels ou ces responsabilités
décisionnelles soient inscrits dans la loi. J'imagine que ces
recommandations proviennent de votre propre expérience, des
démarches que vous êtes en train de faire depuis quelques
années et de convictions que vous avez développées au fil
des années. J'aimerais que vous vous expliquiez davantage à cet
égard et que vous nous disiez quelles sont les raisons qui vous ont
amenés à préconiser ce statut pour l'école, cette
plus grande autonomie éducative et pédagogique, cet octroi de
responsabilités décisionnelles, dans quel domaine en particulier
d'une façon plus spécifique et pourquoi, enfin, vous souhaitez
que ces responsabilités décisionnelles soient inscrites dans la
loi et non pas déléguées par la commission scolaire. (12
heures)
Mme Perreault: Je vous remercie, M. le ministre de
l'Éducation. Pour répondre à cette question, si vous me le
permettez, le directeur général de la commission scolaire
pourrait probablement expliciter ce sujet, compte tenu que le vécu de
l'école à partir du centre administratif, c'est
étroitement lié. Alors, je lui cède la parole.
M. Corbo: Je vous remercie, Mme la
présidente. M. le Président, M. le ministre, nous avons,
à la commission scolaire Les Écores, il y a environ cinq ans,
fait une analyse institutionnelle de nos écoles avec l'aide d'un
organisme qui s'appelle CADRE, dont vous connaissez l'existence, pour examiner
chacun des milieux respectifs de nos 18 écoles. Il y en avait 19
à l'époque, malheureusement, la diminution de clientèle
nous a amenés à 18 écoles. Nous avons donc analysé
dans chacun des milieux une volonté pour chaque école.
C'était l'ébauche, pour nous, du projet éducatif.
À la commission scolaire Les Écores, depuis 1976, nous
avons appliqué une certaine décentralisation administrative et
une décentralisation pédagogique plutôt restreinte, je dois
l'admettre. Par contre, à la suite de l'analyse institutionnelle et de
la volonté exprimée dans un questionnaire qui a été
fait avec l'ensemble des parents de chacune des écoles
concernées, nous avons actuellement en préparation huit projets
éducatifs en plus du système de l'école Vanier. Ce que
l'on constate dans chacun de ces milieux, c'est que les écoles, les
enseignants, la direction de l'école voudraient voir inscrit dans une
loi ce qu'ils pourraient eux-mêmes gérer à
l'intérieur de leur école respective.
Je pourrais peut-être donner un exemple. On a vu dans le projet de
loi 40 diverses hypothèses. Disons, par exemple, qu'une école
voudrait se donner une vocation particulière, mettre une emphase plus
particulière au niveau des activités, pour prendre un exemple
plus facile pour moi, et on semble ne pas avoir les éléments et
les pouvoirs suffisants à l'intérieur de l'école. Ce n'est
pas possible actuellement dans le contexte que nous vivons de séparer
facilement dans l'ensemble d'une commission scolaire ce que l'on peut et ce que
l'on ne peut pas donner à une école. On a parlé
tantôt de toutes sortes d'expériences vécues et des
restrictions budgétaires que nous avons été appelés
à vivre. Cela ne nous a pas permis d'exercer facilement cette
décentralisation vers l'école et de donner certains pouvoirs du
côté administratif. Du côté pédagogique, on
constate - et nous étions une commission scolaire de 11 000 qui est
rendue à 7900 actuellement - que l'on ne peut pas fournir ces services
pédagogiques de façon précise à l'école. On
manque de conseillers pour mettre à la disposition de chacune des
écoles. On en a chez nous, on se les paie chèrement, mais ce
n'est pas facile parce que ce qui devrait aller spécifiquement
à l'école n'est pas défini.
À l'école Vanier, nous avons un système
d'apprentissage modulaire individuel qui fonctionne depuis 1969. L'école
s'interroge à la suite de toutes les restrictions et de tous les
décrets. Des enseignants qui avaient un horaire plus flexible ont des
difficultés avec le décret actuel. Les gens se disent: S'il y
avait une réglementation en ce qui regarde l'école, si
c'était inscrit dans la loi ce qu'on peut faire localement, ce serait
peut-être un peu plus facile.
M. le ministre, j'ai peut-être répondu assez vaguement. Je
ne sais pas si Mme la présidente voudrait ajouter quelque chose, mais je
voudrais vous brosser le plus rapidement possible les expériences que
nous avons vécues. L'analyse institutionnelle que nous avons faite a
permis de connaître la volonté de chacun des milieux. Ce qui
devient difficile pour nous à la commission scolaire Les Écores,
c'est de l'adapter en fonction d'une clientèle décroissante;
c'est là notre inquiétude. Je pense que tous les intervenants
autour de la table savent que nous sommes "sous-privilégiés",
entre guillemets, en ce sens que nous avons quatre institutions privées
qui se situent à l'intérieur de huit kilomètres de la
commission scolaire. Cela draine une capacité énorme et une
population énorme de notre système aux Écores. En d'autres
mots, cela ne nous permet pas de planifier adéquatement la vocation
future de certaines de nos écoles.
Mme Perreault: Si vous le permettez, pour ajouter un peu, le fait
que cette recommandation soit inscrite dans la loi plutôt que dans une
réglementation pourrait assurer aussi une garantie de stabilité
et favoriser chez les parents une implication probablement plus grande, compte
tenu qu'il y aurait une garantie. On sait très bien que, c'est pas mal
plus difficile de changer la loi comme telle qu'une réglementation. On
est moins à la merci, probablement, du changement et du ballottage
d'idées et d'options. Ce serait aussi pour favoriser la participation
des parents.
M. Laurin: Merci, M. Corbo et Mme Perreault. Dans votre
évolution, on constate que plusieurs écoles sont en train de se
doter de projets éducatifs particuliers. Évidemment, chaque
école doit appliquer le régime pédagogique qui est
uniforme pour le Québec, doit implanter des programmes dont les
objectifs sont définis par le ministère, dont les contenus
notionnels sont aussi déterminés par le ministère, ce qui
assure, tout de même, une égalité minimale de la
qualité de l'éducation dans toutes les écoles du
Québec, ce qui favorise également l'égalité des
chances dans toutes les régions pour une insertion sociale et
professionnelle réussie. Mais il reste que le régime
pédagogique et les programmes déterminés par le
ministère laissent l'occasion au milieu d'adapter, d'enrichir ce projet
éducatif selon les besoins que le milieu détermine.
J'ai cru noter dans votre réponse que vous aviez
déjà à peu près sept ou huit projets
éducatifs en émergence dans vos
écoles. Est-ce que je pourrais vous demander quel est
l'état de la diversité de ces projets éducatifs? Par
exemple, sur quelles priorités telle école a mis l'accent, sur
quelles priorités telle autre école a mis l'accent afin de voir
un peu mieux jusqu'à quel point ces projets éducatifs
reflètent les problèmes ou les préoccupations
particulières d'un milieu donné?
M. Corbo: M. le Président, M. le ministre, comme exemple
concret, j'ai parlé tantôt de l'école Vanier où nous
avons le système AMI, l'apprentissage modulaire individuel, dont vous
connaissez l'existence. Dans les écoles élémentaires, dans
une école plus particulièrement, dans le secteur est, ce qui a
retenu le plus l'attention des parents, c'est le civisme. L'action s'est
exercée à ce niveau par les parents. Au niveau d'une commission
scolaire qui se situe dans le secteur de Duvernay, Val-des-Arbres, ce sont les
arts et activités qui ont été retenus. Dans l'école
des Ormeaux, une autre école élémentaire, c'est la
sécurité. Nous avons, d'ailleurs, un principal d'école qui
a été prêté l'an dernier pour une période de
six mois pour travailler au niveau de la province avec les représentants
du ministère des Transports. Cette école avait une
priorité de sécurité, jusqu'à la
sécurité au transport, la sécurité dans les
écoles; cela a été leur objectif. Dans une école,
plus particulièrement dans le secteur est aussi, on a un attrait plus
particulier pour les arts plastiques. Dans les trois autres c'est la
discipline. C'est peut-être un retour aux sources pour ceux qui ont
vécu les ex-collèges classiques. C'est un peu un système
plus traditionnel qui a déjà été vécu chez
nous aussi dans une école, il y a environ cinq ou six ans, lorsque nous
avions une école de premier cycle dans le secteur est; c'était la
préoccupation du milieu. C'est à peu près le portrait des
sept écoles.
M. Laurin: Une dernière question, M. Corbo. Dans
l'élaboration et l'exécution de ce projet éducatif
orienté dans une direction particulière, est-ce qu'il y a une
participation de tous les intervenants de l'école, parents, enseignants,
professionnels non-enseignants et même employés de soutien?
M. Corbo: En ce qui regarde les dossiers tels que le civisme et
la sécurité, il y a eu, à l'intérieur du groupe de
travail où les enseignants et les parents participent, même le
concierge. C'est une petite école de 310 élèves et le
concierge, qui a une responsabilité d'ordre technique à
l'intérieur de l'école, a aussi été consulté
par les parents, les comités d'école.
Les comités d'école, à la commission scolaire Les
Écores, sont très impliqués, de même que le
comité de parents. Ils se retrouvent à l'intérieur des
écoles et, à la commission scolaire, ils se retrouvent aussi au
sein de cinq groupes de travail formés par le conseil des commissaires,
où l'on regroupe les directions d'école, des cadres de la
commission scolaire et des parents. Ce sont les mêmes parents qui
oeuvrent au niveau des écoles. Ce sont des groupes de travail qui ont
cinq responsabilités.
Au niveau de l'école proprement dite, il y a les enseignants.
Aucun des projets que je vous ai énumérés n'a exclu la
présence des enseignants. Dans certaines écoles où les
enseignants étaient plus réticents, on a attendu. Nous allons au
rythme du milieu et, pour nous, le projet éducatif doit se faire selon
le rythme du milieu, selon la volonté de chaque école. Pour nous,
le projet éducatif, c'est l'affaire de l'école et non l'affaire
de la commission.
M. Laurin: Je vous remercie beaucoup. Bonne conclusion.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Mesdames et messieurs de la commission scolaire Les
Écores, je regrette que le temps ne vous ait pas permis de donner
communication complète de votre mémoire, y compris les
amendements que vous proposez à la suite du texte plus
général dont vous avez donné lecture.
Le texte est rédigé dans des termes si
généraux, à certains endroits, qu'il peut prêter
à des interprétations différentes. Nous venons d'en avoir
un exemple avec l'interprétation qui a été donnée
par le ministre. Si on regarde une certaine page, l'interprétation
fournie par le ministre s'explique très bien. Si on va à la page
suivante, on s'aperçoit que déjà il y aurait bien des
réserves à mettre à l'interprétation qu'a
donnée le ministre.
Par exemple, quand vous traitez du statut de l'école, vous dites
qu'il serait bon que certains pouvoirs décisionnels soient reconnus
à l'école dans un texte législatif et non pas seulement
dans un texte réglementaire. À la page suivante, tout de suite
vous prenez soin d'ajouter que la commission scolaire devrait obtenir plus de
pouvoirs et, à son tour, en déléguer une partie à
l'école. Ensuite, vous dites que cela devrait se faire suivant un rythme
qui devrait varier en tenant compte de l'état des situations
concrètes et de la situation générale à laquelle on
fait face. Vous dites bien qu'il faudrait faire des analyses approfondies avant
de statuer d'une manière uniforme pour l'ensemble des écoles d'un
territoire.
C'est là seulement un exemple, mais ce qui m'a
intéressé davantage en lisant les amendements que vous proposez
à la fin de
votre texte qui, eux, indiquent une idée très
précise, une idée très concrète de ce que vous
voulez communiquer à la commission parlementaire et en particulier au
gouvernement, c'est que vous trouvez que le texte du projet de loi 40, comme il
se présente actuellement, comporte des insuffisances très
sérieuses en ce qui touche, notamment, cette fameuse question du lien de
l'école avec la commission scolaire.
Je vais en donner quelques exemples. Tout d'abord, vous proposez que
l'article 28 soit corrigé de manière à établir
clairement dès le départ de quoi on parle. Quand on prend le
projet de loi 40 dans sa formulation actuelle, il est dit: "L'école est
un établissement d'enseignement, sous l'autorité d'un conseil
d'école, qui est destiné à assurer l'éducation des
élèves dans le cadre de son projet éducatif et qui exerce
ses activités avec la collaboration des parents, du personnel de
l'école et des élèves." Il n'y a aucune mention de la
commission scolaire. Le vice initial est dès l'article 28. Vous l'avez
vu très clairement et vous dites qu'on devrait plutôt
écrire: L'école est un établissement d'enseignement sous
l'autorité d'une commission scolaire. Il faut bien savoir à qui
se rattache cet être institutionnel qu'est l'école. On ne le dit
pas du tout dans l'article 28. Vous le dites clairement dans l'amendement que
vous proposez. Je pense que tout de suite cela va établir les choses
dans une perspective de clarté. (12 h 15)
Je continue à propos du directeur de l'école. Je pense que
c'est l'article 82. Le statut du directeur d'école est ambigu dans le
projet de loi parce qu'on dit qu'il "est choisi par la commission scolaire -
elle est formidable, cette contradiction dans les termes, après qu'il a
été choisi par un autre - sur la recommandation d'un
comité de sélection - sélection, c'est synonyme de choix
si mes souvenirs de dictionnaire sont bons - composé majoritairement de
membres du conseil d'école." S'il a été choisi par un
comité de sélection, il n'est pas ensuite choisi par la
commission scolaire, à moins que ce ne soit un pur organisme de
"rubber-stamp". Vous dites plus nettement et plus simplement, je crois: Le
directeur d'école est choisi par la commission scolaire sur la
recommandation de la direction générale de la commission scolaire
après consultation du conseil d'école. Cela a infiniment plus de
bon sens. J'aurais aimé que ces points-là fussent
expliqués tantôt quand vous avez parlé. La formulation
plutôt générale de votre mémoire était trop
de nature à endormir le ministre. Il faut qu'il soit
réveillé surtout en ce mardi matin, le premier jour des
délibérations de cette semaine où il commence à
manifester une certaine lassitude que nous ne partageons pas du tout de ce
côté-ci de la table.
Troisième exemple, de qui va relever le directeur d'école?
Ce n'est pas tout qu'il soit nommé. Il faut qu'on sache comment il va
fonctionner ensuite. Dans le projet de loi, on vous dit tout simplement
à l'article 86: "II rend compte de son administration au conseil
d'école." Vous dites plus judicieusement, à mon point de vue,
qu'il rend compte de son administration à la commission scolaire et au
conseil d'école, le cas échéant. Donc, en
général et de manière habituelle, il rend compte de son
administration à la commission scolaire par l'entremise, j'imagine, du
directeur général de la commission scolaire, comme c'est le cas
actuellement en vertu de la Loi sur l'instruction publique. Le cas
échéant, c'est-à-dire - crois-je comprendre et vous me
corrigerez si je me trompe - sauf dans des cas qui sont
précisément mentionnés dans le texte de loi; là, il
va rendre compte de son administration au conseil d'école, ce qui se
comprend très bien d'ailleurs.
Je pourrais mentionner plusieurs autres exemples. Vous parlez de
l'enrichissement des programmes. C'est très bien, l'école va
faire l'enrichissement des programmes, mais conformément aux
orientations de la commission scolaire. Vous sentez le besoin d'ajouter des
précisions comme celles-là à au moins une dizaine
d'endroits dans le texte. Vous indiquez au ministre une possibilité de
redressement de son texte qui est extrêmement incomplet à ce point
de vue. C'est évident que, si toutes ces précisions ne sont pas
apportées, nous nous réveillerons avec une situation remplie
d'incertitude quant au rôle de la commission scolaire, quant à
l'unité du système d'enseignement sur chaque territoire de
commission scolaire et je dirais même sur l'ensemble du territoire du
Québec. C'est la première question que je voulais vous poser.
Est-ce que ma lecture de votre réaction est juste? Est-ce que ces
amendements que vous proposez vous apparaissent indispensables pour que la
commission scolaire Les Écores puisse accomplir son rôle
normalement ou si les amendements que vous proposez sont des amendements de
dentelle auxquels vous ne tenez pas outre mesure?
Le Président (M. Blouin): Mme Perreault.
Mme Perreault: Oui, M. le député, c'est
évident, pour revenir à votre dernière intervention, que
ce ne sont pas des amendements de dentelle. Nous considérons que la
commission scolaire devrait avoir une place et une autonomie plus grande. C'est
dans le texte. C'est évident que, si tous les pouvoirs sont
donnés à l'école et que celle-ci relève du
ministère de l'Éducation ou du bureau régional, je me dis,
quand on engage du personnel, un directeur d'école, que cette
personne a un employeur. Elle ne peut pas avoir trois employeurs:
l'école, le ministère, la commission scolaire. C'est
évident que le directeur d'école relève de la commission
scolaire. Ce ne sont pas des artifices.
Pour répondre à votre première intervention, au
tout début, lorsque vous dites que M. le ministre de l'Education
interprète un peu notre document, je pense que sur la partie du projet
éducatif il n'y avait pas d'interprétation comme telle. Le projet
éducatif, pour nous, c'est clair, il appartient aux milieux, aux
écoles et, comme le disait M. le directeur général
tantôt, le projet éducatif s'élabore à partir de
toutes les composantes du milieu école, des parents, des professeurs. Si
les gens ne semblent pas prêts à faire l'évolution du
projet éducatif, ils attendent. Ils ne sont pas tous partis sur le
même pied et en même temps, mais on voit une évolution et un
intérêt, et il y a aussi le support de la commission scolaire dans
le projet éducatif. Présentement, nous avons établi des
rencontres à la commission scolaire au niveau de l'exécutif. Une
fois par mois, on rencontre une école donnée qui vient nous
présenter son projet éducatif.
Nous, ce n'est pas pour les critiquer, bien au contraire, c'est pour
nous impliquer un peu, avoir la connaissance des milieux et voir un peu ce qui
se fait dans l'école. Sur les questions du directeur d'école et
de l'enrichissement des programmes, M. Corbo va répondre.
M. Corbo: En ce qui a trait au directeur d'école, la
position de la commission scolaire est claire. Il ne doit y avoir, comme l'a
dit Mme la présidente, qu'un seul employeur. Pour nous, c'est la
commission scolaire. J'aimerais vous expliquer un peu comment se fait le choix
chez nous d'un directeur d'école depuis que j'en assume la
responsabilité, depuis l'intégration. Le choix d'un directeur
d'école se fait à partir d'un comité où sont
représentés les parents de l'école concernée, un ou
deux parents selon l'importance de l'école. Les représentants: un
représentant de la direction de l'école, un représentant
des cadres de la commission scolaire; dans des écoles de plus grande
importance: un représentant aussi des enseignants et de la direction
générale, parce qu'à la commission scolaire Les
Écores la table de gestion est formée des directions
d'école et des directeurs de services. Il ne peut pas y avoir deux
autorités qui dirigent une personne. Chez nous, aux Écores, c'est
clair. Cela fonctionne comme cela depuis 1976. Cela a fonctionné comme
cela de 1963 à 1976 à la commission scolaire régionale
où j'ai oeuvré, et cela a été bon. On donne le
choix aux milieux des candidatures et, à la fin, il y a une
décision qui doit être prise par l'employeur, à savoir la
commission scolaire. Cela s'est fait ainsi dans tous les engagements de
direction d'école. Là-dessus, la position de notre commission
scolaire est claire. Le directeur d'école doit relever de la commission
scolaire et non d'un conseil d'école.
L'enrichissement des programmes, pour nous, cela va...
M. Ryan: M. Corbo, si vous me le permettez, j'ai mentionné
l'enrichissement des programmes à titre d'exemple, mais si vous pouviez
répondre en tenant compte d'autres questions pédagogiques
également où un rôle de la commission scolaire vous
apparaît important, cela abrégerait la discussion sur ce
point-là.
M. Corbo: Ce que j'ai tenté d'exprimer tantôt en
réponse à M. le ministre, c'est que, dans l'ensemble d'une
commission scolaire, nous pensons qu'il doit y avoir une supervision
pédagogique assumée par une commission scolaire. L'enrichissement
des programmes va de pair avec les projets éducatifs, mais l'on pense
que l'on doit s'assurer, comme commission scolaire, d'avoir une certaine
équité entre les écoles. II y a des écoles qui sont
dans un milieu, même à l'intérieur d'une commission
scolaire donnée comme la nôtre, des écoles qui sont dans un
autre milieu, qui ont besoin d'aide additionnelle. Nous pensons que la
commission scolaire doit jouer ce rôle-là. Nous ne croyons pas que
l'école seule ou que le milieu de l'école seul puisse le faire et
nous voulions assurer, par une juridiction de la commission scolaire, que
l'ensemble de ces écoles soient traité de façon
équitable.
M. Ryan: Est-ce que cette fonction de supervision dans une
question comme l'évaluation des élèves vous apparaît
suffisamment assurée, avec le projet de loi 40 comme il est
actuellement?
M. Corbo: Voici un exemple d'évaluation. Chez nous,
actuellement, on pourrait appeler l'évaluation ce que nous avons
instauré; ce sont des examens non pas uniformes, mais d'une certaine
conformité à l'ensemble de nos écoles en secondaire 1 et,
même, dans nos écoles polyvalentes. C'est une table de
concertation composée des représentants de chacune des
écoles qui ont accepté qu'une certaine évaluation - entre
guillemets - puisse être faite à l'aide d'examens en secondaire 1.
Je pense que c'est une preuve de ce que nous croyons être une certaine
supervision pédagogique.
M. Ryan: C'est pour cela que vous avez écrit parmi vos
amendements qu'à l'article 113 qui traite l'évaluation,
justement, vous voudriez que, vous autres, si l'école établit les
normes et modalités de l'évaluation des apprentissages, elle le
fasse en accord avec
la commission scolaire.
M. Corbo: Dans le fond, cela revient un peu à ce que je
mentionnais tantôt, on veut assurer au moins un minimum à chacune
de nos écoles.
M. Ryan: Très bien. Je vais passer à un autre
aspect maintenant. Dans le passage qu'a cité le ministre tantôt,
vous dites que vous êtes favorables à ce que certains pouvoirs
décisionnels soient conférés à l'école en
vertu du projet de loi. Vous ne précisez pas lesquels. Tantôt,
lorsque Mme Perreault a répondu à une question que je vous ai
posée, elle a dit, en ce qui regarde le projet éducatif: Nous
tenons à ce qu'il soit bien établi dans la loi que c'est une
responsabilité qui relève de l'école. Verriez-vous
d'autres pouvoirs décisionnels comme relevant de l'école?
Deuxièmement, la semaine dernière, nous avons reçu
la visite de la commission scolaire Jérôme-Le Royer, d'autres
groupements également, en particulier l'Association des religieuses
enseignantes du Québec, organisme dont les deux tiers des membres
travaillent dans le secteur public, contrairement à ce qu'auraient pu
laisser entendre certaines interventions faites l'autre jour, ils nous ont dit:
C'est important d'établir une distinction - les professeurs de la
Faculté de l'éducation de McGill l'avaient fait plus tôt
d'ailleurs devant la commission aussi - entre ce qu'on appellerait les
décisions d'ordre professionnel et les décisions qui peuvent
concerner ce qu'on appellerait l'environnement éducatif dans lequel
l'élève évoluera à l'école. Ils ont bien
insisté pour dire que les décisions d'ordre professionnel doivent
relever des professionnels, c'est-à-dire en particulier des enseignants,
de la direction de l'école rattachés à la commission
scolaire et que les autres décisions pourraient faire l'objet d'une
dévolution de responsabilités à l'école
incarnée par son conseil d'école. Je ne sais pas ce que vous
pensez de cela. Ma question vise à vous demander de préciser
quels seraient ces certains pouvoirs décisionnels que vous verriez comme
pouvant figurer dans la loi au titre des responsabilités de
l'école.
Mme Perreault: M. le député, c'est évident
que le projet éducatif lui-même amène non pas des
amendements, mais des propositions écrites, des garanties pour les gens
qui s'y impliquent, dans une école donnée. Par exemple, un projet
éducatif pourrait avoir comme nature d'être une école
alternative. Je pense que les parents qui ont donné de leur temps en
matière d'éducation ou d'aide à l'école doivent
avoir des garanties que cela ne pourra pas changer dans deux ou trois ans.
Là, on demande des garanties dans la loi en ce qui a trait au projet
éducatif de l'école, cela c'est sûr. On pensait aussi
probablement à l'enrichissement des programmes au niveau local. Je
regarde sur notre territoire où on a une commission scolaire de 18
écoles. Le territoire est relativement grand et les régions sont
disparates aussi. Je me dis que les gens de Duvernay n'auront sûrement
pas la même préoccupation que les gens de Saint-Vincent-de-Paul ou
de Saint-François. À ce moment-là, il faut tenir compte
des objectifs et de l'évolution de notre population à
l'intérieur même du territoire. L'enrichissement des programmes
pourrait donner une saveur locale et je pense que c'est de l'école que
ces choses devraient relever. Cela va?
Quant à votre autre question, quand vous parlez des pouvoirs
d'ordre professionnel, par exemple, peut-être que M. Corbo pourrait
répondre à cette partie de la question.
M. Corbo: Au niveau des professionnels, nous sommes une
commission scolaire qui a peut-être un petit nombre
d'élèves, soit 7900, mais qui a beaucoup de professionnels:
psychologues, orthopédagogues, orthophonistes. Et nous y attachons une
importance capitale. Par contre, chez nous, aux Écores, il y a un
partage de l'utilisation de ces personnels qui est fait en début
d'année ou sur une programmation de deux ans pour bien servir l'ensemble
de chacune de ces écoles. Actuellement, je pense que c'est possible,
parce que la supervision pédagogique est faite par la commission
scolaire. On voudrait que cela se continue de cette façon parce qu'on
pense qu'on doit assurer une certaine équité, et ce partage de
l'utilisation des services de professionnels se fait à la table de
gestion. (12 h 30)
M. Ryan: Quand je parlais de professionnels, je parlais au sens
plus large que cela. Je pensais principalement aux enseignants.
M. Corbo: Ah! aux enseignants!
M. Ryan: Oui. Ils sont venus nous dire ici très fermement
qu'ils ne veulent pas exercer leurs tâches professionnelles sous la
direction tatillonne d'un conseil qui comprendrait, en majorité, des
personnes de l'extérieur de l'école. Ils veulent que leur
autonomie professionnelle soit pleinement respectée. Ils veulent
l'exercer à l'intérieur de conditions qui vont en favoriser
l'exercice, et non pas soumettre cet exercice continuellement à des
contraintes qui pourraient être très artificielles si cela
dépendait uniquement d'un vote majoritaire ou de choses comme
celles-là. Qu'est-ce que vous pensez de cela?
M. Corbo: À l'article 99, on dit que
l'école est responsable de l'application des programmes
d'activités de formation et d'éveil et des programmes
d'études officiels. On ajoute dans le deuxième paragraphe: Le
personnel enseignant peut enrichir les objectifs des programmes
dispensés par l'école et en adapter les contenus indicatifs
conformément aux orientations déterminées par la
commission scolaire.
M. Ryan: Je passe à un autre aspect. Je voudrais seulement
faire une petite remarque. Je m'intéresse au rôle de la commission
scolaire. Vous représentez une commission scolaire ici et c'est normal
qu'on vous interroge là-dessus. Je voudrais dire, à l'intention
du député de Fabre, que nous ne sommes pas, de ce
côté-ci, des défenseurs inconditionnels des commissions
scolaires. Quand elles sont attaquées injustement, nous les
défendons sans hésiter. Si elles ont des faiblesses, nous les
signalons sans hésiter également. Mais ce que nous
défendons de manière absolument intransigeante, c'est la
nécessité d'une structure organique qui va permettre de garantir
l'unité de notre système d'enseignement, sans laquelle l'objectif
de l'égalité des chances deviendrait purement artificiel et
risquerait d'être gravement compromis.
Je ferme cette parenthèse pour revenir à un autre aspect
de votre mémoire. Je veux parler justement de la composition des
commissions scolaires. Vous dites: Nous voulons que le principe du suffrage
universel soit maintenu. Nous accepterions cependant qu'à peu
près le tiers - est-ce que c'est mentionné dans votre
mémoire - ou, en tout cas, qu'une portion des commissaires
émanent des comités d'école. Je voudrais que vous nous
parliez de cette proportion, dans quel ordre vous la voyez et je vais vous
poser une difficulté logique qui peut survenir assez vite si on adopte
ce système. Si on prend le principe du suffrage universel, cela veut
dire que les questions de politique générale, de gestion
générale au niveau de la commission scolaire sont
réglées par des élus du peuple. C'est le principe de base.
Si on établit qu'il va y en avoir seulement la moitié qui sont
des élus du peuple, à supposer qu'ils ne s'entendent point entre
eux, ce qui est fort prévisible, qu'il y en ait trois qui pensent d'une
manière, deux de l'autre, ou trois de l'autre, cela veut dire que les
questions seront arbitrées ultimement par des personnes qui ne sont pas
des élus du peuple, mais qui sont des émanations de fractions de
la population, de segments du corps électoral assez limités en
nombre. On a établi ici, à quelques reprises, que les parents qui
ont des enfants dans les écoles représentent à peu
près 30% de la population en âge de voter dans le territoire.
Est-ce qu'il serait logique et conséquent, d'après vous, qu'on
crée un système de représentation en vertu duquel,
ultimement, le pouvoir de décision serait renvoyé dans les mains
de personnes qui ne représentent que 30% des personnes aptes à
voter?
Mme Perreault: Oui, M. le député. Il est
évident que, nous, on préconise une majorité de
commissaires. Quand on dit une majorité, c'est 50 plus un. On aurait pu
mettre aux trois quarts, on aurait pu mettre un pourcentage. On dit que le
système d'éducation au Québec appartient non seulement aux
parents qui ont des enfants inscrits dans les écoles, mais à la
collectivité. Je pense que le projet de loi va aussi dans le sens
qu'à partir de l'école communautaire et responsable qui s'ouvre
sur son milieu, c'est évident que le mot "éducation" a un sens
large. À ce moment-là, quand on parle d'un suffrage universel par
quartier à majorité élue de cette façon-là,
c'est évident qu'on veut représenter la portion des individus qui
n'ont pas d'enfants dans les écoles.
Par contre, nous vivons, depuis la loi 71, la venue de parents qui
siègent avec nous au conseil des commissaires et à
l'exécutif et je pense que - en tout cas, chez nous - cela a
été un apport favorable, sauf qu'on voit un inconvénient
dans le fait que des gens puissent faire des propositions, mais ne continuent
pas le cheminement, n'ayant pas le droit de vote; je crois que c'est une
difficulté qu'on rencontre. À ce moment-là, qu'on en fasse
une majorité élue au suffrage universel par quartier et les
autres qui émanent des milieux-écoles, c'est évident que
ces délégués vont représenter le
milieu-école, mais avec un droit de vote, cela on y compte bien. C'est
un peu dans cette optique qu'on s'est penché là-dessus. On a
été vraiment unanime à prendre cette position chez
nous.
M. Ryan: En tout cas, cela a dû être unanime, parce
que la réponse est claire. Vous laissez bien en suspens la question du
nombre. Vous dites: "Une majorité au suffrage universel". Une
majorité peut aller de 50,1% jusqu'à 99,9%. Vous n'avez pas pris
de position entre les deux.
Mme Perreault: C'est évident, M. le député,
que si le projet de loi n'avait pas abordé la question on ne se serait
sûrement pas penché sur cette question. Le suffrage universel
à 100%, on s'en serait accommodé, c'est bien sûr. De toute
façon, je pense que les autres commissions scolaires qui sont venues
devant la commission parlementaire partageaient ce point de vue. Mais on ne
peut pas fermer les yeux sur une société en pleine
évolution. Les parents veulent s'impliquer avec des
reponsabilités dans l'école. À ce moment-là, qu'ils
viennent siéger au conseil d'administration d'une com-
mission scolaire, on n'y voit aucun inconvénient. Pour ce qui est
du pourcentage, on laisse cela à la discrétion du ministre de
l'Éducation.
M. Ryan: II ne faut pas laisser cela à la
discrétion du ministre.
Mme Perreault: Pour autant qu'on soit...
M. Ryan: C'est ce que nous essayons d'empêcher ici par tous
les moyens, madame.
Mme Perreault: M. le député, ce que je veux dire,
c'est: Pour autant qu'on soit majoritaires et élus au suffrage
universel.
M. Ryan: Très bien. Si vous me le permettez, j'ai une
dernière question à vous poser. J'ai trouvé dans vos
recommandations une proposition qui n'a pas été formulée
jusqu'à maintenant, à ma connaissance, aussi clairement. Vous
demandez que l'article 258 du projet de loi soit retranché. Cela veut
dire que vous demandez que les limites qui existent actuellement au sujet du
pouvoir de taxation des commissions scolaires soient levées en faveur
d'un régime qui donnerait aux commissions scolaires un pouvoir
illimité de taxation, comme dans le bon vieux temps d'autrefois. Est-ce
cela que vous demandez exactement? Pourriez-vous donner des précisions
sur ce point-là?
M. Corbo: Je pense que oui. Si on croit encore à
l'autonomie de la commission scolaire Les Écores, la volonté chez
nous est qu'un pouvoir de taxation doit être laissé à la
commission scolaire. C'est le milieu qui peut déterminer si la
commission scolaire dépasse. Si on a des gens élus au suffrage
universel, ce sont aussi des gens qui peuvent prendre ces
responsabilités. C'est clair que la volonté du conseil des
commissaires chez nous, ce n'est pas ce qui existe, c'est peut-être
même ce qui a déjà existé et avec une plus grande
autonomie.
M. Ryan: J'ai une question à ce sujet et je termine.
Avez-vous déjà envisagé d'autres modes de taxation
possibles que l'imposition foncière dans vos discussions?
M. Corbo: Honnêtement non, M. le député.
M. Ryan: Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député d'Argenteuil. M. le député de
Mille-Iles.
M. Champagne (Mille-Îles): Merci beaucoup, M. le
Président. M. le député d'Argenteuil aime toujours faire
de petites parenthèses. Il nous envoie tout le temps des petits cadeaux.
En ce mardi matin, plutôt qu'un lundi matin, il nous a taxés de
lassitude. Ce matin, tout le monde de ce côté-ci autour de la
table est frais et dispos. M. le député d'Argenteuil, j'ai
consulté quelques-uns de mes collègues et, en dehors des heures
de la commission parlementaire, plusieurs sont allés dans le milieu pour
y discuter du projet de loi 40. Je peux en témoigner ici.
M. Ryan: Me permettez-vous une très brève
explication?
M. Champagne (Mille-Îles): Non, non, voici, la
parenthèse...
M. Ryan: Vous avez peur?
M. Champagne (Mille-Îles): ...est fermée, M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Très bien, vous avez peur.
Une voix: Tout le monde il est beau, tout le monde il est
gentil.
M. Champagne (Mille-Îles): Cela me fait plaisir de saluer
d'une façon particulière les représentants de la
commission scolaire Les Écores ce matin, laquelle englobe le
comté de Mille-Îles. Je suis fier parce que je pense que comme les
membres de la commission scolaire, le milieu est avant-gardiste et,
déjà, l'esprit du projet de loi 40, le livre blanc est en
application dans la commission scolaire Les Écores, et c'est tout
à votre honneur.
Tout à l'heure, M. Corbo a parlé de sept ou huit projets
éducatifs. Je veux insister sur un projet éducatif où les
gens se sont pris dans le milieu, à la polyvalente Georges-Vanier, entre
autres, qui a fait un projet éducatif centré sur l'enfant avec un
système qu'on appelle le système AMI, apprentissage modulaire
individuel. Cela veut dire que l'enfant va à son rythme dans
l'apprentissage et cela fait en sorte que certains étudiants et
même plusieurs étudiants de la polyvalente, au lieu de faire leur
secondaire en cinq ans, l'ont fait en quatre ans. C'est tout à l'honneur
de la commission scolaire parce que le système existe depuis plus de dix
ans.
J'ai rencontré aussi des comités de parents et on
adhère au projet de loi 40. On a fait des expériences dans le
milieu et on veut un petit peu plus, on veut avoir les moyens de
réaliser les projets éducatifs dans chacun des milieux. On est en
faveur des conseils d'école, de la constitution des conseils
d'école.
Je vous félicite pour votre mémoire parce qu'on parle
beaucoup de qualité de l'enseignement, on parle beaucoup de besoins
individuels et communautaires et on parle surtout du droit de l'enfant
à de très bons services éducatifs, et c'est votre
préoccupation principale.
Dans tout cela, le grand gagnant, il faut absolument que ce soit
l'enfant. C'est bien beau, toutes les discussions, à savoir si le
pouvoir sera entre les mains du ministère, entre les mains de la
commission scolaire ou entre les mains des parents, mais ce n'est
peut-être pas là la question. Ce sont seulement des moyens pour
faire en sorte que l'enfant, le grand gagnant de toute cette discussion, ait
les meilleurs services possible, ait la meilleure éducation
possible.
Mme la présidente, vous avez chez vous une préoccupation
et c'est la diminution de clientèle. Tout à l'heure, vous avez
parlé d'une commission scolaire qui a déjà eu 15 000
étudiants. Vous avez aussi des personnes qui viennent d'une commission
scolaire qui s'appelle la commission scolaire les Manoirs. Vous avez aussi chez
vous, sur le territoire de la ville de Laval, une commission scolaire qui s'est
présentée la semaine dernière et qui a demandé deux
commissions scolaires au lieu de trois commissions scolaires. Personnellement,
il y a toutes les raisons du monde pour qu'il y ait trois commissions scolaires
et que la commission scolaire Les Écores survive, surtout face à
la qualité de gestion et d'administration.
La question que je vais vous poser est la suivante: Comment voyez-vous
l'avenir immédiat, à la commission scolaire Les Écores,
dans le sens où il y a peut-être diminution de clientèle et
vous avez une préoccupation de donner le meilleur service possible? Mme
la présidente ou M. le directeur?
Mme Perreault: Je vous remercie, M. le député de
Mille-Îles, de votre question. Cela nous fait plaisir d'apporter des
précisions sur ce sujet. Vraiment, chez nous, c'est une
préoccupation, le territoire, c'est sûr. On a mis beaucoup
d'énergie sur cela et on fait des études, des hypothèses
de découpage et c'est évident qu'on en est venu à la
conclusion et qu'on revient toujours au principe que trois commissions
scolaires sur le territoire de la ville de Laval devraient être
maintenues, compte tenu de la clientèle. D'un autre côté,
Laval, c'est la deuxième plus grande ville du Québec; on y compte
une population de 270 000 personnes. On croit fermement que trois commissions
scolaires devraient survivre pour autant que l'équité ou le
partage des territoires est respecté.
M. Corbo a sûrement des chiffres ou des statistiques à vous
donner. J'aimerais qu'il ajoute un peu sur cette question.
M. Corbo: Merci, Mme la présidente.
M. le Président, M. le député, Mme la
présidente a soulevé l'inquiétude du découpage
scolaire à l'intérieur de la ville de Laval. Nous avons suivi la
semaine dernière les interventions faites par nos collègues de
commissions scolaires voisines, nous avons suivi les journaux locaux, nous
avons suivi les assemblées, comme celle d'hier soir, avec la
présence de gens du milieu en rapport avec la prise de position des
commissions scolaires voisines de la nôtre. Nous connaissons exactement
la volonté de ces deux milieux car il existe malgré tout,
à l'intérieur du territoire de la ville de Laval, une
collaboration entre les commissions scolaires concernées et les
procès-verbaux s'échangent de façon très
volontaire. (12 h 45)
Le projet de découpage scolaire que nous avons
déposé tient compte d'un partage équitable, à
l'intérieur du territoire de l'île Jésus, de trois
commissions scolaires. Nous pensons qu'il doit continuer d'y exister trois
commissions scolaires, d'abord, parce que chacune de ces commissions scolaires
a une entité propre. Le territoire que nous avons proposé, dont
vous avez l'annexe, délimite clairement la section "S" de la ville de
Laval. Cela représente effectivement une population de 95 000 habitants.
Il y a à Laval 268 000 habitants. C'est la proposition que nous avons
déposée dans notre mémoire.
M. le Président, vous me permettrez d'apporter certains
commentaires sur les propositions qui ont été
déposées par les commissions scolaires voisines. La proposition
d'un territoire séparé par l'autoroute 440 donnerait une
population, sur le secteur nord, de 85 000 habitants et, sur le territoire sud,
de 185 000 habitants. On peut faire le calcul des écoles. On pourrait
faire tout ce calcul. Je pense que, là encore, il existe une certaine
équité qui n'est pas respectée et, en plus, cela fait
disparaître l'entité juridique qui s'appelle la commission
scolaire Les Écores.
Ce territoire proposé s'étend sur une superficie, d'est en
ouest, de 22 milles de longueur. J'aimerais voir, en tout cas, siéger
autour d'une même table les gens de l'extrémité est avec
les gens de l'extrémité ouest, à une table de conseil de
commissaires. Je pense que c'est disperser un territoire de façon non
équitable.
D'autres hypothèses ont été envisagées, un
découpage qui pourrait être fait d'une autre façon si on
veut diviser pour diviser, mais nous croyons sincèrement que le
territoire que nous avons proposé tient compte aussi que la commission
scolaire Les Écores se situe à l'extrémité est,
comme je vous l'ai expliqué. À l'est de l'autoroute 19, il y a
à Laval 47% de territoires agricoles. Pour les membres de cette
commission parlementaire, nous, Les Écores, représentons les deux
tiers de ce territoire agricole. Cela
ne donnera pas beaucoup de monde dans une commission scolaire.
Si on se pose la question - déjà plusieurs intervenants
l'ont exprimé - des commissions scolaires de 5000, cela vit ailleurs
dans la province. J'en conçois, mais dans un milieu dans la
périphérie de Montréal où vous avez des commissions
scolaires d'une importance majeure d'ailleurs, on vous l'a souligné la
semaine dernière, cela a déjà été
souligné dans les journaux locaux chez nous - cela prend un nombre
d'étudiants suffisant dans un milieu donné, surtout dans la
périphérie de Montréal. Nous pensons que c'est vrai. Cela
s'est appliqué chez nous parce qu'on l'a vécu. On avait 12 000
étudiants, on est rendu à 8000 parce qu'on en a 1000 qui nous
viennent de la commission scolaire des Manoirs par échange de services
actuellement et, incidemment, actuellement on est en train de
récupérer ces enfants à la commission scolaire des
Manoirs. Ce ne seront pas des enfants qui vont demeurer chez nous.
Au sujet des anglophones de chez nous, si la volonté du milieu
détermine qu'il y aura des commissions scolaires selon la langue, on va
perdre encore 800 élèves. Si on pense qu'aux Écores on va
pouvoir vivre à côté de deux commissions scolaires, une de
18 000, 20 000 étudiants, une autre de 17 000 étudiants et nous,
de 5000 étudiants, c'est de croire en de la fantaisie. Nous pensons que
le projet de loi permet de partager le territoire d'une façon
équitable. J'ai retenu les propos de M. le ministre au tout
début. Il reste du temps pour discuter de cette chose mais je pense
qu'il reste aussi du temps pour informer que, dans un territoire comme la ville
de Laval où il y a 270 000 habitants, si on veut maintenir les
commissions scolaires intégrées, valables, assurant les services
pédagogiques, administratifs de valeur, cela prend définitivement
trois commissions scolaires. Sinon, le principe de deux avec des partages de 85
000 et 185 000 habitants ne tient pas plus. Quand les gens qui nous
côtoient vous ont déjà exprimé une inquiétude
de réduire leur clientèle de 25 000 pour laquelle ils ont une
organisation à 18 000, ils sont alarmés. Imaginez-vous une
commission scolaire comme celle que nous avons, dans le même milieu, avec
la même population, avec la même volonté politique des gens
des Écores par rapport aux autres, qu'est-ce qu'on va faire avec 5000?
Aussi bien dire qu'on veut, à petit feu, la disparition de notre
commission scolaire. On va se débattre, on va se battre dans notre
milieu parce qu'on est des batailleurs. On croit que si l'équité
est pour être respectée aux Écores, je pense qu'on va se
défendre dans notre milieu et qu'on va espérer que des gens comme
vous qui êtes assis ici à la commission parlementaire et le
gouvernement qui nous dirige va tenir compte de l'équité à
la ville de Laval. On l'espère.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Mille-Îles.
M. Champagne (Mille-Îles): C'est bien sûr, M. Corbo,
que vous allez avoir le soutien des représentants du milieu ou du
représentant politique du milieu. J'espère qu'on va essayer de
trouver une solution la plus équitable possible aussi pour l'ensemble du
territoire.
Je voudrais aborder un autre point qui fait couler beaucoup d'encre, le
suffrage universel. Le député d'Argenteuil aime parler du
suffrage universel parce que c'est relié à la
légitimité. La semaine dernière, il a dit autour de cette
table: II n'y a que légitimité dans le suffrage universel. Or, ce
matin, il a quand même atténué beaucoup ces questions. Il
était beaucoup plus tendre envers nos représentants. Je lui avais
même posé une question, la semaine dernière à
laquelle il n'a pas répondu. Advenant que le député
d'Argenteuil aurait un certain pouvoir éventuellement, est-ce qu'il
rejetterait la loi 30 qui fait en sorte que les parents siègent à
la commission scolaire sans avoir été élus au suffrage
universel? On n'a pas répondu à cette question. J'aimerais,
durant cette semaine, que vous développiez cette idée, à
savoir, la délégation de pouvoirs vous y croyez plus ou moins. De
toute façon, éventuellement, vous aurez votre droit de parole M.
le député. Vous l'expliquerez davantage. On connaît des
organismes qui ont parlé d'un comportement antidémocratique
considérant qu'on passait à côté, qu'il y avait
d'autres suffrages qui étaient bons. Je suis content de voir que la
commission scolaire des Mille-Îles parle ici d'une majorité de
commissaires élue au suffrage universel par quartier, par l'ensemble des
résidents du quartier, qu'elle parle aussi des
délégués d'école élus par l'ensemble desdits
délégués. Cela veut dire qu'il y a un autre mode de
représentation. Actuellement, vous vivez la loi 30. Vous avez des
parents qui viennent du milieu sans avoir été élus au
suffrage universel. Je voudrais savoir quel est cet apport de la part des
parents? Considérez-vous que c'est antidémocratique comme on
semble vouloir le dire autour de cette table que d'accepter des parents qui
n'ont pas été élus au suffrage universel?
Mme Perreault: M. le député, c'est évident
que les deux modes de suffrage sont différents. C'est évident,
lorsqu'on arrive à vivre avec l'arrivée des parents - dans la
plupart des milieux qu'on connaissait et même chez nous - les portes ne
sont pas ouvertes grandes d'un seul coup. Il faut être honnête
là-dessus. Ces gens, effectivement,
n'avaient pas été élus au suffrage universel tel
qu'on le connaissait. La raison première qui faisait une espèce
de tiraillement entre les deux parties, c'était le fait que les parents
n'avaient pas droit de vote. Je pense que le gros point est là.
Quant au mode de scrutin qu'on emploie, on aimerait une garantie que la
majorité des représentants au conseil soit élue au
suffrage universel. Je pense que c'est presque primordial. Que le reste du
conseil soit formé par des gens qui seraient élus au niveau des
écoles, notre position est bien claire là-dessus, on ne voit pas
que cela pourrait brimer les uns par rapport aux autres.
M. Champagne (Mille-Îles): Je crois qu'on peut penser
à une meilleure représentativité. On peut aussi penser
à des gens plus motivés parce qu'ils viendraient directement du
milieu. Je veux simplement vous remercier de vous être
présentés devant la commission parlementaire et je suis bien
content de voir que vous reconnaissez qu'on doit donner une plus grande
autonomie à l'école et que la commission scolaire Les
Écores est très réceptive et met déjà en
application l'esprit du livre blanc et du projet de loi 40. Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Mille-Îles.
Mme la députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci. J'aimerais vous remercier pour votre
mémoire. Je n'ai que deux questions sur le même sujet.
J'ai de la difficulté à comprendre quelques remarques, la
position que vous avez prise en ce qui concerne le statut de la commission
scolaire. À la page 4, vous dites: "Comme instance politique et
administrative décentralisée représentant la
collectivité, elle (la commission scolaire) ne jouera pleinement son
rôle que si elle constitue une entité intégrée et
unifiée responsable de l'enseignement préscolaire, primaire et
secondaire, sans distinction de langue ou de religion".
Plus loin, à la page 9, vous dites, au deuxième
paragraphe: "Quant au statut confessionnel - vous parlez encore de la
commission scolaire - il nous apparaît conséquent de proposer que
la commission scolaire devrait être reconnue comme catholique si la
majorité des écoles qu'elle dessert a conservé son statut
confessionnel."
Voudriez-vous expliquer cette contradiction apparente?
Mme Perreault: Certainement, Mme la députée. En ce
qui a trait au premier point, lorsqu'on dit que la commission scolaire ne
jouera pleinement son rôle que si elle est intégrée et
unifiée, sans distinction de langue ou de religion, ce qu'on veut dire,
c'est qu'on a essayé de démontrer le vécu qui
s'opère à notre commission scolaire. Nous avons, sur le
territoire de notre commission scolaire, deux écoles anglophones
reconnues comme catholiques, c'est évident, parce que la loi
prévoit qu'on donne des services aux élèves - ou
prévoyait, en tout cas - de même confessionnalité. Nous
vivons, de toute façon, avec des anglophones sur le territoire et ces
gens-là, lorsqu'on a préparé le mémoire et fait
l'étude du livre blanc, étaient avec nous. Ce sont des gens du
milieu, c'est évident, et ils tiennent à rester dans le milieu.
Je ne serais pas surprise de constater que dans ces écoles anglophones
il y a des élèves qui ne sont pas catholiques, par exemple, qui
sont d'une autre confession, mais qui préfèrent rester dans le
milieu. Nous avons des structures pour offrir des services à ces
personnes, des ressources humaines. Elles ont leurs écoles, etc. On ne
voit pas d'opposition à administrer quand on regarde la commission
scolaire comme administrateurs, on dit qu'on pourrait aussi bien offrir des
services à tous les élèves du territoire, qu'ils soient
anglophones, de même confessionnalité ou allophones.
C'était une position là-dessus. Ce pourrait être un type de
commission scolaire. En tout cas, c'est ce qu'on vit chez nous et on ne voit
vraiment pas d'objection.
Pour ce qui est du statut confessionnel, c'est évident qu'il part
de l'école, à notre sens. C'est évident qu'un statut
confessionnel, pour être reconnu dans une école, il faut que ce
soit la volonté du milieu. Ce qu'on dit, c'est que la commission
scolaire qui administre tant d'écoles sur son territoire - prenons
l'exemple de notre commission scolaire; il y a 18 écoles - si les 18
écoles étaient reconnues ou se donnaient une vocation de type
confessionnel, on ne voit vraiment pas d'objection à ce que les
structures de la commission scolaire soient confessionnelles. À ce
moment-là, ce serait une suite logique et une réponse aux
attentes des gens du milieu, parce que le statut confessionnel choisi par
l'école venant déjà des gens du milieu, nous assurons une
continuité et une volonté de notre population. (13 heures)
Mme Dougherty: Je ne suis pas certaine d'avoir bien compris,
parce que le mot "unifiée" que vous avez utilisé, une commission
scolaire unifiée, est-ce que vous l'utilisez dans le sens proposé
au début, dans le livre blanc? Voulez-vous parler des anglophones, des
protestants et des catholiques regroupés dans un même territoire?
Avez-vous examiné la démographie de votre territoire? Quel sera
l'impact d'une commission scolaire unifiée dans le territoire que vous
prévoyez, que vous aimeriez avoir?
M. Corbo: Je pense, Mme la députée, que dans le
secteur est la proportion est de moins de 7%.
Mme Dougherty: Les 7% de...
M. Corbo: D'anglophones.
Mme Dougherty: D'anglophones.
M. Corbo: ... et de protestants.
Mme Dougherty: Incluez-vous les non-catholiques?
M. Corbo: Oui.
Mme Dougherty: Les protestants?
M. Corbo: À peu près 7%. En tout cas, je
pourrai...
Mme Dougherty: Même en ajoutant les Anglo-catholiques que
vous avez déjà?
M. Corbo: Je parle de notre territoire actuel.
Mme Dougherty: Si le gouvernement... M. Corbo: Dans notre
territoire.
Mme Dougherty: ...avait établi le territoire unifié
proposé dans le livre blanc en dehors de l'île de Montréal,
une commission scolaire par région... Je me demande si vous avez
examiné la réalité de la démographie de cette
région. Je ne l'ai pas examinée moi-même. Je suis curieuse
de le savoir, parce que les anglophones se plaignent de l'impossibilité
d'avoir un bon service à cause du manque d'élèves
anglophones dans cette région. Ils préfèrent avoir une
commission scolaire linguistique au lieu d'une commission scolaire
unifiée.
M. Corbo: Je vais répondre qu'en ce qui concerne le
pourcentage dans le secteur est qui nous regarde, il y en a assurément
moins de 10%.
Mme Dougherty: De 10%. Des non-catholiques francophones, est-ce
qu'il y en a?
M. Corbo: Incluant les non-catholiques.
Mme Dougherty: Des non-catholiques francophones, des
Franco-protestants, par exemple?
M. Corbo: Oui, il y en a... Mme Dougherty: II y en a.
M. Corbo: ...mais un très petit pourcentage. C'est
très marginal dans le secteur est, dans le secteur que nous
proposons.
Mme Dougherty: D'accord. Dernière question. Cela concerne
la page 6. Vous avez traité...
M. Corbo: Mme la députée, excusez-moi.
Mme Dougherty: Oui.
M. Corbo: Je voudrais vous dire que, dans notre mémoire,
nous ne nous opposons pas à la volonté du milieu des commissions
scolaires linguistiques. On vous a donné le portrait de ce que nous
désirons à la commission scolaire Les Écores.
Mme Dougherty: Oui, je le sais. M. Corbo: D'accord.
Mme Dougherty: Merci. À la page 6, deuxième
paragraphe, vous parlez du choix des parents du statut de l'école, du
choix confessionnel. Ensuite, vous dites: "En ce qui a trait à la
confessionnalité de l'école, nous proposons qu'un changement de
statut puisse être apporté à l'école si la
majorité des parents le demande." Quel sera le sort de la
minorité? Qu'envisagez-vous pour elle?
Mme Perreault: Mme la députée, présentement,
nous vivons avec des écoles reconnues confessionnelles sur notre
territoire. La discussion, par rapport à ce qui était
proposé dans le livre blanc, allait dans le sens que, si le milieu ne
faisait aucune demande, l'école perdait son statut confessionnel.
C'était à la suite d'une implication ou d'une démarche des
gens du milieu qu'on pouvait garder ou obtenir un statut confessionnel.
Dans cette position, ce qu'on préconise, c'est de tenir pour
acquis que nos écoles sont reconnues confessionnelles
présentement - on vit avec cela - et, étant donné que cela
convient à la majorité des gens de notre territoire, que et de
toute façon, il y a très peu d'élèves qui ont
demandé l'exemption de l'enseignement religieux chez nous - autour de 4%
à l'élémentaire et, au secondaire - 11%, c'est une infime
partie des gens qui serait minoritaire. À ce moment-là, on dit:
Gardons dans nos écoles la confessionnalité qui répond aux
besoins du milieu, en tout cas de la majorité, et si les parents d'un
certain milieu font la démarche et demandent que l'école obtienne
un statut autre que celui proposé, à ce moment-là, il n'y
a pas d'objection qu'on change le statut de l'école.
Mme Dougherty: Vous ne croyez pas
que cette disposition de la loi pourrait être discriminatoire?
C'est contre un groupe qui pourrait augmenter au fur et à mesure que les
esprits changent ou évoluent.
Mme Perreault: Cette proposition, Mme la députée,
ne s'applique pas tellement sur notre territoire. C'est évident qu'il y
a des minorités et, qu'on fasse n'importe quelle loi, il y aura toujours
un certain pourcentage, si minime soit-il, qui sera lésé par une
loi, c'est sûr. Mais, sur ce point, on est tellement majoritaires, c'est
le cas de le dire, 95% des gens du territoire sont d'accord avec cette
position. Si le pourcentage des 5% qui seraient lésés grossissait
comme vous le dites et que la population augmentait dans ce sens, je pense que
les parents qui auront des enfants dans les écoles seront portés
à aller s'impliquer pour essayer de se faire entendre et avoir un vote
sur ce point.
Mme Dougherty: Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, Mme la
députée de Jacques-Cartier. Sur ce, je remercie les responsables
de la commission scolaire Les Écores d'avoir bien voulu participer aux
travaux de notre commission. Puisqu'il est un peu plus de 13 heures, nous
allons suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 7)
(Reprise de la séance à 15 h 13)
Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente de l'éducation reprend donc ses travaux.
Puisque nos invités, la Table des responsables des services
d'éducation des adultes des commissions scolaires du Québec, ont
déjà eu l'occasion de s'installer à la table des
invités, je les invite donc à s'identifier et à nous faire
part du contenu de leur mémoire en une vingtaine de minutes.
Table des responsables des services
d'éducation des adultes des commissions
scolaires du Québec
M. Ouellet (André): M. le Président, mon nom est
André Ouellet, président de la Table des responsables des
services d'éducation des adultes des commissions scolaires du
Québec. Cela me fait grandement plaisir de vous présenter mes
collègues: à ma droite, le vice-président, M. Jacques
Vézina; à l'extrême droite, le secrétaire de notre
organisme, M. Pierre Chabot; et, à ma gauche, le conseiller sur les
questions de politiques de l'éducation des adultes à
l'intérieur de notre organisme, M. Canac-Marquis.
M. le Président, comme on en a dit quelques mots tout à
l'heure, notre organisme a revu un peu son mémoire qui avait
été déposé le 28 octobre. Il y a quand même
un délai de trois mois. On y a ajouté un court préambule;
on a également effectué une opération importante dans une
des pages: on a retiré une page complète juste avant
-c'étaient des considérants - les recommandations et on a
ajouté trois notes importantes qui tiennent compte de la
réalité vécue ou connue depuis octobre dernier.
Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, le mémoire
consolidé sera déposé à nouveau.
Le Président (M. Blouin): D'accord.
M. Ouellet (André): M. le Président, Madame et MM.
les membres de la commission, avant d'aborder le contenu du mémoire,
notre organisme désire vous remercier d'avoir consenti à nous
recevoir. En guise de préliminaire, nous devons préciser, de
façon concise, bien sûr, d'une part, la constitution et les
objectifs de la Table des responsables des services d'éducation des
adultes des commissions scolaires du Québec, qu'on connaît sous le
sigle de TREAQ, et, d'autre part, le cadre dans lequel s'est située
l'étude de la volumineuse pièce de loi que constitue le projet de
loi.
En premier lieu, il importe que vous sachiez que la TREAQ est
composée des responsables des services d'éducation des adultes
des commissions scolaires anglophones et francophones qui gèrent
l'éducation des adultes dans les commissions scolaires. Tous les membres
de notre organisme travaillent depuis 1975 à l'atteinte d'objectifs
communs: de façon générale, participer au
développement de l'éducation des adultes et, de façon plus
spécifique, émettre des expertises concernant certains aspects
particuliers, tels l'organisation de l'éducation des adultes, son
financement, l'impact de certaines lois, les contenus thématiques, les
pratiques pédagogiques et le reste.
Or, ces objectifs, de même que les nombreux travaux auxquels nous
avons collaboré avec la Direction générale de
l'éducation des adultes du ministère de l'Éducation du
Québec, justifient pleinement notre intérêt
vis-à-vis du présent projet de loi. Nous tenions
particulièrement à vous exprimer qu'il ne s'agit pas d'une
préoccupation conjonctuelle reliée au statut ou à l'avenir
de nos membres, mais que notre présence constitue l'aboutissement
logique de tous nos efforts pour déterminer la place, le dynamisme, la
spécificité pédagogique de même que la
différenciation organisationnelle de l'éducation des adultes dans
les commissions scolaires, afin de maintenir, comme l'affirmait le Dr Laurin
en
1979, le "travail éminemment valable" réalisé par
l'éducation des adultes au cours des quinze dernières
années.
Nos membres adhèrent tous ou presque à l'une ou l'autre
des associations de cadres qui ont déjà exprimé ici une
opinion globale quant au projet de loi. C'est donc essentiellement
préoccupés des impacts du projet de loi sur l'éducation
des adultes dans les commissions scolaires que nous avons procédé
l'automne dernier à la rédaction d'un mémoire.
Nous y avons lié l'histoire récente de l'éducation
des adultes, les intentions et engagements pris, et
réitérés depuis 1979, par les porte-parole élus du
gouvernement, de même que les derniers développements susceptibles
d'affecter sérieusement l'éducation des adultes.
En conclusion de ce mémoire, vous retrouverez des recommandations
qui nous apparaissent essentielles pour le maintien et le développement
des services éducatifs de qualité à l'intention des
adultes du Québec.
Un projet de loi devient, à notre avis, inacceptable ou
prématuré si l'une des deux composantes vitales de la mission des
commissions scolaires y est absente.
Vous me permettrez de sauter pardessus l'introduction puisqu'on en
reprend les éléments un à un dans les pages qui vont
suivre. Ce qu'il faut en retenir, c'est que notre présence ici, c'est
pour porter à l'attention de la commission et du législateur les
lourdes conséquences que le projet de loi ferait porter sur les adultes
qui ont besoin, qui veulent et qui ont droit à des services
éducatifs appropriés et spécifiques. Cela résume
l'introduction, je pense.
Il faut attendre le 21 décembre 1979, dans la loi 71 qui modifie
la loi de l'instruction publique, pour que l'éducation des adultes soit
reconnue comme une partie intégrante de la mission des commissions
scolaires. Cette reconnaissance très discrète sanctionnait plus
de quinze années d'activités intenses dont la diversité et
le volume n'ont cessé de croître. C'était, au cours des
quinze années, plus de 5 000 000 d'inscriptions à une
activité éducative dans les commissions scolaires.
Les commissions scolaires oeuvrent dans plusieurs types de formation:
formation générale, professionnelle, socioculturelle, en
industrie, en milieu de travail, en alphabétisation et sur mesure. Elles
travaillent souvent avec des groupes volontaires, des organismes ou des
associations - plus de 1000 en 1980-1981 avant les coupures budgétaires
- pour toucher les clientèles prioritaires. La réinsertion
sociale et professionnelle des jeunes adultes s'ajoute aujourd'hui à
cette gamme d'activités.
En 1982-1983, les budgets consentis à l'éducation des
adultes au Québec prévoyaient que plus de 140 000 000 $ seraient
dépensés dans les commissions scolaires et les cégeps,
dont près de 120 000 000 $ dans les commissions scolaires.
En 1981-1982, le personnel affecté à l'éducation
des adultes, réduit du tiers par les coupures budgétaires,
s'élevait encore à plus de 280 cadres, 400 professionnels, 1100
autres personnels et 7500 enseignants, soit près de 10 000 personnes qui
oeuvrent dans les services d'éducation des adultes des commissions
scolaires.
Ces chiffres démontrent l'ampleur des services d'éducation
fournis aux adultes dans les commissions scolaires. On s'étonne du peu
de considération administrative que le ministre, parrain du projet et
responsable aussi de ces budgets, accorde aux services d'éducation des
adultes dans le projet de loi.
Faute d'avoir un caractère d'urgence que le premier ministre lui
prêtait dans le discours inaugural le 6 mars 1979, ou un proche avenir,
comme le déclarait le Dr Laurin en décembre 1979, la politique de
l'éducation des adultes a un passé récent.
À partir d'une large perception de la question qui situait
l'éducation des adultes, le ministre d'État au
Développement culturel percevait, en 1979, la dynamique de
l'éducation des adultes comme trop vaste pour être confinée
à un seul ministère. C'est donc sous sa présidence qu'un
comité interministériel fut créé pour chapeauter
une vaste entreprise d'étude et de réflexion qui se
concrétisait dans une commission d'enquête, la Commission
d'étude sur la formation professionnelle et socioculturelle des adultes,
mieux connue sous le sigle CEFA.
Les travaux de la CEFA ont duré deux ans, au cours desquels y ont
travaillé plus de 200 personnes. La commission a reçu 276
mémoires, tenu 244 audiences et 20 journées régionales
où 5259 personnes sont venues la rencontrer et ont déposé
369 documents. Le coût de l'opération s'est situé aux
environs de 3 000 000 $.
Le rapport fut déposé en février 1982 au nouveau
ministre d'État au Développement culturel, le troisième
tenant du titre depuis les origines de la réflexion. Entre-temps, le
premier avait été affecté à l'Éducation et
le second, aux Affaires intergouvernementales. Le nouveau ministre, conscient
de l'importance du dossier, convoque à nouveau le comité
interministériel, l'élargit et le dote d'un comité ad hoc
composé de hauts fonctionnaires, qui avaient rang de sous-ministre, et
promet alors une politique gouvernementale pour l'automne 1982.
Cette démarche n'aboutira pas puisque le ministère
d'État est supprimé et que le dossier revient au ministre de
l'Éducation, celui-là même qui était à
l'origine de toute la démarche.
Entre-temps, le ministre de l'Éducation appliquait des coupures
draconniennes en éducation des adultes; ces coupures amenaient le
Conseil supérieur de l'éducation et la CEFA à
émettre des avis dans lesquels ils dénonçaient cette
situation parce qu'elle mettait en cause la maîtrise d'oeuvre du
Québec dans ce secteur. Le ministre réaffirmait alors que ces
coupures ne constituaient pas une politique de fait. Ce n'est qu'aux
universités qu'il concédait que -dans un discours dont je cite
une partie: -"Le financement gouvernemental des universités et les
règles qui président à ce financement sont
eux-mêmes, objectivement si l'on peut dire, un discours d'orientation et
un énoncé de politique."
On assiste alors à un glissement où le dossier de
l'éducation des adultes passe des élus aux fonctionnaires et
où la volonté politique d'agir semble céder le pas
à la volonté administrative d'assimiler. Les chantiers sont alors
mis en place sous la responsabilité du bureau des sous-ministres du
ministère de l'Éducation.
Le rapport Jean est résumé en quelques leçons
utiles dont les responsables des chantiers vont s'inspirer tout en tenant
compte des impératifs organisationnels.
Or, ce même ministère amorce une autre réforme,
celle des commissions scolaires. C'est elle qui va accaparer
l'avant-scène politique. C'est là un choix de gouvernant tout
à fait légitime.
Par contre, depuis plusieurs années, les intervenants en
éducation des adultes réclament une politique globale qui
assurera aux usagers adultes une accessibilité aux services
éducatifs et une réponse spécifique à leurs
besoins.
Les intervenants dans les commissions scolaires ont
réclamé aussi, depuis plusieurs années, que soit
insérée dans la mission de base des commissions scolaires la
prestation de services éducatifs pour la clientèle adulte car,
jusqu'à la loi 71, c'était l'article 573a de la Loi sur
l'instruction publique qui permettait aux commissions scolaires, à la
discrétion du ministère, la mise sur pied de services de
l'éducation des adultes, ce qu'on appelle communément des
SEA.
À peu de choses près, dans la loi 71, trois mots, "et aux
adultes", manifestaient l'intention du ministère de l'Éducation
d'indiquer que l'éducation des adultes faisait aussi partie de la
mission des commissions scolaires.
Dans le livre blanc, qui a précédé le projet de loi
40, un effort supplémentaire est déployé. En effet, deux
pages décrivent la situation de l'éducation des adultes dans les
commissions scolaires et brossent un portrait de l'avenir de l'éducation
des adultes dans un arrimage éventuel avec le rapport de la commission
Jean qui n'avait pas encore été déposé.
Ces deux pages deviennent quelques mots dans deux articles (sur 625)
dans le projet de loi 40. Pour ce qui est de la mission des commissions
scolaires en éducation des adultes, c'est l'imprécision et
l'ambiguïté qui l'emportent dans le projet de loi.
Il faut consulter un document qui n'a pas encore paru officiellement
pour retrouver plus clairement la mission de base des commissions scolaires en
éducation des adultes. En effet, dans cet énoncé
d'orientation, on retrouve deux affirmations: "Dans cette optique, les
institutions scolaires doivent considérer l'éducation des adultes
comme partie intégrante de leur mission, au même titre que celle
des jeunes." Deuxièmement, "C'est donc chaque commission scolaire qui
devra considérer l'éducation des adultes comme une facette
essentielle de sa mission de base." Pourquoi faut-il retrouver ces affirmations
de la mission de base des commissions scolaires en éducation des adultes
dans un énoncé d'orientation? Pourquoi sont-elles absentes du
projet de loi 40, où elles trouveraient tout leur sens?
C'est en considérant ces réalités que nous pouvons
en déduire que le projet de loi 40 est pour nous, intervenants en
éducation des adultes, inacceptable parce que trop imprécis,
vague et ambigu.
Le projet de loi 40 est important autant par ce qu'il dit que par ce
qu'il omet.
D'abord, à l'article 92, il confie à l'école le
soin de dispenser aux adultes les services éducatifs
déterminés par la commission scolaire. S'il s'agit de fournir les
locaux et les services d'appui et parfois le personnel, comme c'est le cas
actuellement dans plusieurs écoles, il faut le préciser. S'il
s'agit de prendre en charge l'activité, son contenu pédagogique,
de transiger avec le groupe ou le client, d'assumer ces activités
à même le personnel régulier, alors il faut l'exprimer
clairement et démontrer comment les écoles assumeront ce
mandat.
L'article 117, qui permet à l'école d'organiser des
services éducatifs autres que ceux qui sont prévus au
régime pédagogique, ouvre tout un champ de compétence qui
englobe toute la formation socioculturelle qu'on ne doit pas laisser à
une réglementation occulte administrative.
À l'article 340, qui prévoit la composition de la
commission de mise en oeuvre, on note l'absence de tout représentant des
clientèles adultes. L'article 368 sur le comité de mise en oeuvre
ne prévoit pas de participation des adultes ni du personnel des services
de l'éducation des adultes. On peut sérieusement s'interroger sur
l'absence des représentants de la clientèle adulte. D'ailleurs,
le rapport de la CEFA insistait sur la nécessité vitale de la
participation des adultes tant au niveau de l'organisation des
activités qu'à l'intérieur même des diverses
activités d'apprentissage.
L'omission la plus grave du projet de loi est de ne pas
reconnaître l'éducation des adultes comme une partie
intégrante de la mission des commissions scolaires. C'est là un
recul sur la législation de 1979 et même sur le livre blanc. Le
souci du détail constant dans les 625 articles du projet confère
à cette omission un caractère presque méprisant pour les
personnes qui, depuis plusieurs années, ont été
impliquées comme usagers, formateurs, professionnels ou cadres. On ne
retrouve pas les modalités qui précisent le découpage des
SEA, comme on y faisait allusion dans le livre blanc. Il est impératif
qu'on fasse connaître ces modalités afin de lever les
ambiguïtés qui persistent.
Le statut des services d'éducation des adultes, le partage des
responsabilités avec les écoles et les autres intervenants n'y
sont pas précisés. Leur rattachement au niveau régional ou
ailleurs dans les commissions scolaires laisse planer des doutes. Le
ministère veut-il les retirer des commissions scolaires et sabrer dans
leur champ de compétence? C'est là une question qui demeure sans
réponse.
On note qu'il n'y a aucune limite au pouvoir discrétionnaire du
ministre quant à l'éducation des adultes. Ainsi, l'article 292
oblige le ministre à établir des programmes pour les niveaux
préscolaire, primaire et secondaire. Cet article ne fait aucunement
mention des programmes de l'éducation des adultes.
Par ailleurs, cette loi peut permettre au ministre et à ses
fonctionnaires une certaine pratique du fait accompli. En effet, l'article 302
stipule que le ministre peut, dans les cas ou aux conditions qu'il
détermine, donner des subventions non prévues dans les
règles d'attribution des ressources financières. Tout le
financement de l'éducation des adultes pourrait circuler par ce canal
marginal où la part de l'arbitraire peut demeurer très
grande.
L'article 299, qui autorise le ministre à décerner les
diplômes de fins d'études secondaires et d'études
professionnelles, lui permet de sanctionner les programmes prévus aux
articles 292 et 294 et, si besoin est, de se prévaloir de l'article 297
sur les équivalences pour les adultes qui ont acquis des connaissances
autrement que de la manière prescrite dans le régime
pédagogique. C'est là une pratique très répandue en
éducation des adultes.
Les conditions pour une politique occulte de l'éducation des
adultes sont toutes présentes dans le projet de loi sans qu'il en soit
fait explicitement mention. Rappelons qu'en 1966 le ministère de
l'Éducation mettait sur pied la Direction générale de
l'éducation permanente, devenue depuis la
Direction générale de l'éducation des adultes. Par
la suite, il implantait progressivement des services d'éducation des
adultes dans les commissions scolaires régionales.
Ce réseau intégré au système a
développé, au cours des années, des approches, des formats
et des pratiques pédagogiques originales afin de répondre aux
besoins spécifiques et variés de la clientèle adulte.
Ainsi, le Conseil supérieur de l'éducation, dans ses avis au
ministre de l'Éducation, principalement dans son rapport annuel sur
l'activité pédagogique, reconnaissait que l'éducation des
adultes avait développé des pratiques pédagogiques
spécifiques pour ses divers types de clientèle.
Il ne nous apparaît pas nécessaire de présenter un
long argumentaire pour démontrer qu'une structure spécifique a
permis une expertise et le fleurissement de pratiques pédagogiques
originales. Même l'Énoncé d'orientation le reconnaît
en affirmant qu'il faut assurer le respect de spécificités que
les adultes de chez nous ont mis des années à expliciter et
à faire reconnaître. (15 h 30)
Alors même que le Conseil supérieur de l'éducation
recommandait au ministre d'imposer un moratoire sur tout changement à
l'organisation administrative et pédagogique de l'éducation des
adultes, on annonçait déjà, à l'intérieur du
ministère, le démantèlement de la Direction
générale de l'éducation des adultes et le
redéploiement de ses ressources à l'intérieur des autres
directions générales du ministère. D'ailleurs, cette
volonté ministérielle se retrouve clairement dans
l'énoncé d'orientation, et je cite: "Au ministère de
l'Éducation, le but en sera de rendre les directions
générales des divers ordres d'enseignement et les instances
ministérielles de planification et de décision pleinement
responsables d'assurer aux adultes des services éducatifs de
qualité et, plus globalement, d'orienter l'ensemble du système
éducatif selon les perspectives, la philosophie et les exigences
opérationnelles de l'éducation permanente." D'ailleurs, des
membres du personnel ont déjà reçu leur lettre
d'affectation pour juin prochain.
Une question nous tenaille: Comment peut-on procéder à une
réorganisation administrative à partir d'un document qui n'a pas
encore paru? L'énoncé d'orientation va plus loin, car il affirme
que les services d'éducation des adultes des commissions scolaires
seront modifiés par le projet de loi 40. Cette affirmation nous
inquiète au plus haut point, car le projet de loi 40 est muet au sujet
de l'organisation des services d'éducation des adultes.
Au plan de la spécificité pédagogique et de la
différenciation organisationnelle, il faut, au départ,
préciser le caractère spécifique de l'éducation des
adultes à
l'intérieur de l'éducation permanente. Ces deux termes,
souvent employés comme synonymes dans le langage courant,
représentent pourtant des réalités fort
différentes. L'éducation des adultes fait référence
à un ensemble d'activités, de ressources, de contenus et de
structures organisés à l'intention d'une clientèle qui se
situe hors de la scolarisation obligatoire des jeunes ou du cursus ininterrompu
de la formation initiale, même si celle-ci se prolonge jusqu'à
l'âge adulte. L'éducation permanente, par ailleurs, est de l'ordre
d'un principe de cohérence de l'ensemble des composantes d'un
système d'éducation qui soutient la personne à travers
tous les apprentissages faits ou requis tout au long de sa vie.
L'éducation des adultes doit donc être perçue comme
un maillon de l'éducation permanente qui s'adresse à une
clientèle spécifique, la clientèle adulte.
La confusion entretenue entre ces deux termes sert trop facilement
d'assise au discours de l'assimilation de toutes les activités à
un même dénominateur commun. L'éducation des adultes dont
il est question dans ce mémoire est un ensemble social, organisationnel
et institutionnel qui réalise des activités en lien organique
avec des partenaires; en tant que telle, elle est différenciable des
autres éléments du réseau éducatif même si
elle est une partie du tout que constitue l'éducation permanente.
Il faut convenir que la spécificité pédagogique de
l'éducation des adultes n'est plus vraiment contestée. D'une
part, l'expérience accumulée en éducation des adultes et,
d'autre part, l'inadéquation des systèmes conçus pour les
jeunes à répondre aux besoins des adultes corroborent chaque jour
davantage cette évidence.
Par exemple, dans le domaine de la formation professionnelle, la
situation semble plus confuse. Le ministère de l'Éducation, dans
son énoncé de politique sur la formation professionnelle des
jeunes, se réserve la responsabilité de la gestion des programmes
de formation professionnelle des jeunes, tandis que l'énoncé
d'orientation, en ce qui concerne l'éducation des adultes, confie la
gestion de la formation professionnelle au ministère de la Main-d'Oeuvre
et de la Sécurité du revenu.
Comme l'énoncé de politique sur la formation
professionnelle des jeunes, par le biais des 21 secteurs d'enseignement, veut
uniformiser les programmes de formation professionnelle pour les jeunes et pour
les adultes, est-ce à dire que le MMSR deviendra, à plus ou moins
long terme, le maître d'oeuvre de la formation professionnelle au
Québec, tant pour les jeunes que pour les adultes? Si tel n'est pas le
cas, c'est dire qu'on se dirige vers un système partagé de
gestion de la formation professionnelle au Québec, soit par le
ministère de l'Éducation pour les jeunes et par le MMSR pour les
adultes.
La première caractéristique de notre clientèle
adulte est sa participation volontaire aux activités éducatives.
Contrairement au secteur des jeunes où la fréquentation scolaire
est obligatoire et les programmes relativement standards, l'éducation
des adultes se fonde sur un besoin ressenti par la personne, sa prise en charge
et son implication dans le choix des activités.
La clientèle adulte se distingue aussi par l'âge requis
pour amorcer une activité éducative. Un adulte, au sens
légal, est une personne dont l'âge dépasse d'au moins un an
l'âge de fréquentation scolaire obligatoire. L'adulte qui
décide d'entreprendre une activité éducative le fait
habituellement après avoir interrompu sa formation initiale.
Pour la clientèle adulte, la reconnaissance des acquis
"expérientiels" accumulés depuis l'arrêt de la formation
initiale nécessite une programmation ajustée à des besoins
spécifiques, contrairement aux programmes à l'intention des
jeunes qui se situent dans le cadre d'une formation initiale.
L'évolution rapide et constante des besoins de formation des
adultes commande une souplesse et une rapidité d'intervention
appropriée. Le Conseil supérieur de l'éducation
démontre cette spécificité des pratiques
pédagogiques dans ses récents travaux sur l'activité
pédagogique. On y affirme que l'éducation des adultes se
caractérise et se différencie de la formation initiale par un
mode de communication et des approches pédagogiques qu'elle met en
oeuvre. C'est dans cette perspective qu'ont été mis sur pied, au
cours des dernières années, entre autres, les services d'accueil
et référence, la formation sur mesure et la formation en milieu
de travail.
La spécificité issue de la clientèle et des
pratiques pédagogiques nécessite une souplesse et une marge
d'autonomie suffisante qui doit prendre forme dans une différenciation
organisationnelle.
L'éducation des adultes, afin de soutenir une programmation qui
répond à des besoins pédagogiques mouvants et qui
s'adresse à des clientèles diversifiées, a dû
développer un personnel d'encadrement, de formation et de soutien
capable de mettre en place des activités conjointes avec des partenaires
comme la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada, le
ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu,
la Commission de formation professionnelle de la main-d'oeuvre, les industries
et les groupes du milieu.
Tout en étant intégrée à la mission de base
de la commission scolaire, l'éducation des adultes doit se
réaliser de façon
différenciée au niveau de l'organisation. Que ce soit au
niveau de son financement, de son cycle d'activités ou de ses relations
avec ses commanditaires et ses partenaires, l'éducation des adultes doit
jouir d'un statut spécifique, à l'intérieur de la
commission scolaire, qui lui permette d'assurer et de continuer son
développement.
En conclusion, la TREAQ estime que la politique de fait mise de l'avant
par les coupures budgétaires et les aménagements administratifs
et structurels réalisés en sourdine au sein même du
ministère de l'Éducation mettent en péril la prestation
des services éducatifs spécifiques que sont en droitd'exiger les adultes du Québec auprès de leur gouvernement
local, la commission scolaire, et aussi auprès de celui du
Québec.
Notre organisme recommande donc que l'instance politique se
réapproprie le dossier de l'éducation des adultes, fasse
connaître son énoncé de politique global et dépose
une législation cohérente avec les engagements pris et
réitérés depuis 1979 par les porte-parole élus du
gouvernement; deuxièmement, que la législation qui régit
les commissions scolaires affirme clairement que l'éducation des adultes
fait partie intégrante de leur mission; troisièmement, que la
législation précise le mandat, le statut, le nombre et les
territoires des services de l'éducation des adultes des commissions
scolaires; quatrièmement, que la législation assure à
l'éducation des adultes, à l'intérieur de la commission
scolaire, une spécificité organisationnelle qui lui permette de
continuer à développer ses pratiques pédagogiques
spécifiques; cinquièmement, que la législation
prévoie des mécanismes de participation des clientèles
adultes au niveau des commissions scolaires.
Un espoir nous a quand même été donné,
vendredi dernier, quand le ministre de l'Éducation a confirmé
qu'on réécrivait certains des articles du document.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Ouellet. M. le
ministre.
M. Laurin: Je veux d'abord saluer avec plaisir la Table des
responsables des services d'éducation des adultes des commissions
scolaires du Québec et profiter de l'occasion pour la féliciter
du travail remarquable qu'elle fait depuis 1975 dans le domaine de
l'éducation des adultes. Sans elle, les progrès que nous avons
faits n'auraient pas été aussi rapides et n'auraient pas
revêtu une aussi grande qualité. Je tiens donc à lui en
rendre hommage aujourd'hui.
Le mémoire qu'elle nous présente, aujourd'hui, contient
beaucoup d'interrogations et beaucoup d'appréhensions, pour ne pas dire
beaucoup d'insécurité, qui s'alimentent aux compressions qu'a
connues ce secteur particulier au cours des deux dernières
années, à cause de la crise économique que nous avons
traversée et qui a frappé ce secteur de l'éducation des
adultes aussi bien que les autres secteurs de l'éducation. Cette
insécurité s'alimente aussi aux rumeurs qui ont eu cours ces
derniers mois quant aux orientations de la politique gouvernementale de
l'éducation des adultes et aux changements qu'elle pourrait comporter,
quant au mode organisationnel actuellement reconnu et quant au nouveau partage
des responsabilités au sein de la mission gouvernementale. Ce sont donc
des appréhensions et des interrogations que je reconnais. J'ai aussi
hâte que la table des responsables de voir se dissiper ces interrogations
ou ces appréhensions à la lumière d'une politique qui sera
connue, je l'espère, d'ici les prochaines semaines.
La table des responsables a bien voulu faire l'historique du mouvement
qui nous conduit depuis 1979 à l'élaboration d'une politique
spécifique en éducation des adultes. Je n'ai rien à
reprendre à cet historique; je suis même fier et content d'avoir
été celui qui a présidé à la mise sur pied
de cette commission d'enquête sur l'éducation des adultes, de
même que je suis satisfait et fier aussi d'être là pour le
point d'arrivée, au moment où les efforts que nous faisons depuis
quelque deux ans vont enfin aboutir.
Je peux assurer la table des responsables que cette politique
s'établira dans le sens de la continuité des meilleures
traditions de l'éducation des adultes et qu'elle se nourrira d'objectifs
communs que je partageais avec elle il y a déjà trois ou quatre
ans.
Il importe en effet peut-être d'établir une distinction
entre éducation permanente et éducation des adultes. Je continue
à penser que l'éducation permanente est une conception, une
visée qui doit présider à toutes la mission
éducative, autant celle des jeunes que celle des adultes, mais
qu'à l'intérieur de cette visée, de cet objectif,
l'éducation des adultes prend une dimension, une place
particulière et spécifique.
Il convenait, je crois, en 1979, de faire le point sur
l'éducation des adultes en raison même des progrès que nous
avions connus, en raison même de l'effervescence qui s'y manifestait, des
multiples initiatives dont ce champ de l'éducation était le
lieu.
Il convenait, par exemple, de mettre fin aux dédoublements et aux
chevauchements inévitables; il devenait essentiel de préciser nos
orientations; il devenait essentiel également de mettre fin aux
injustices qui se manifestaient dans ce secteur particulier puisqu'on sait que
les adultes ne jouissaient pas des mêmes services, des mêmes
avantages que les jeunes dans le secteur régulier; il importait aussi de
faire enfin droit à ces demandes spécifiques que nous adressait
depuis quelques années le
monde de l'éducation des adultes: que ce soit sur le plan de la
formation des maîtres, que ce soit sur le plan des structures
organisationnelles, que ce soit sur le plan des services, que ce soit sur le
plan de la mise en oeuvre aussi de mécanismes et de lieux très
précis, comme celui de la reconnaissance des acquis, comme celui de la
mise sur pied de centres d'accueil et de référence, comme celui
de la mise sur pied de structures spécifiques et de pratiques
spécifiques comme, par exemple, celui de la formation sur mesure et de
la formation à distance. Je pense donc qu'il convenait de mettre sur
pied cette commission et de lui confier un mandat très large.
La commission Jean s'est, à mon avis, merveilleusement
acquittée de cette mission, non seulement en raison de sa composition et
du zèle que les commissaires ont mis à s'acquitter de leurs
responsabilités, mais en raison même de la procédure
qu'elle a suivie pour faire le point sur les expériences en cours et sur
les orientations qui pouvaient en résulter. (15 h 45)
On a parlé tout à l'heure de 276 mémoires, de
consultations tenues dans toutes les régions du Québec.
C'était là la meilleure façon de procéder et, pour
ma part, j'ai apprécié énormément le rapport de la
commission de l'éducation des adultes.
Il est vrai que, par la suite, des incidents de parcours ont fait en
sorte que les titulaires se sont succédé dans des intervalles de
temps très rapides, mais, dès que le hasard a fait que je
préside à nouveau à l'orientation des travaux qui devaient
mener à une politique gouvernementale d'ensemble, j'ai assumé
avec beaucoup de plaisir cette nouvelle responsabilité.
Dans votre mémoire, vous dites qu'à partir de ce moment la
responsabilité est passée du plan politique au plan
administratif, en ce sens que les chantiers ont été
présidés par un comité de sous-ministres. Je ne pense pas
que ce soit exact. Il y avait, effectivement, un comité de
sous-ministres, mais, au-dessus du comité de sous-ministres, il y avait
un comité ministériel présidé par le ministre de
l'Éducation et où siégeaient quelques-uns de mes
collègues plus particulièrement intéressés par le
problème dont, en particulier, le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu, la ministre déléguée
à la Condition féminine, le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme et, un peu plus tard, le ministre de la Science et de la
Technologie. C'est ce comité ministériel qui a
présidé aux grandes orientations, qui a revu les travaux des
chantiers, qui les a révisés et qui a fait en sorte que,
finalement, nous sommes maintenant à la toute veille de présenter
au public cette politique gouvernementale d'ensemble.
Évidemment, la mise au point d'une politique en matière
d'éducation des adultes n'est pas facile car non seulement faut-il tenir
compte de l'acquis, des expériences passées, mais il faut tenter
de répondre aux questions, de régler les problèmes en
tenant compte des structures aussi bien d'organisation que de financement que
nous connaissons. Or, comme vous l'avez vous-même rappelé, il y a
deux gouvernements en cause: le gouvernement fédéral et le
gouvernement du Québec. Il y a plusieurs ministères en cause
puisque plusieurs ministères s'occupent actuellement de
l'éducation des adultes et, à l'intérieur même du
ministère de l'Éducation, il y a trois secteurs qui, tous,
s'intéressent à l'éducation des adultes: le secteur
universitaire, le secteur collégial et le secteur secondaire. Sans
parler d'un secteur autonome qui s'appelle celui des organisations volontaires
d'éducation populaire qui mènent leur action propre parfois
isolément, parfois en rapport même étroit avec les
commissions scolaires et les collèges ou les universités.
Il s'agissait donc, à l'intérieur de ce monde complexe,
d'établir une politique qui tienne compte de nos orientations
fondamentales, de nos orientations éducatives et politiques
fondamentales, mais qui tienne compte aussi de la conjoncture aussi bien
économique que politique. À mon avis, il n'est donc pas
étonnant que cela ait pris un an avant que nous aboutissions à un
énoncé de politique qui a été soumis au Conseil des
ministres et qui, avant d'être adopté, a fait l'objet là
également de longues discussions.
Encore une fois, nous arrivons enfin au terme de ces réflexions
et j'aurai grand plaisir à annoncer, avec mes collègues, avant
que ce mois finisse, une politique gouvernementale d'éducation des
adultes qui intéressera tous les ministères du gouvernement et
qui s'établira, encore une fois, en continuité avec nos efforts
antérieurs afin qu'ils puissent se continuer, afin qu'ils puissent
s'épanouir dans un cadre économique heureusement
amélioré qui nous permettra de consacrer à cette dimension
particulière de la mission éducative des ressources beaucoup plus
abondantes que nous n'avons pu le faire au cours des dernières
années. Mais cela ne règle pas, évidemment, tous les
problèmes que vous avez soulevés. Pour ma part, j'ai
particulièrement apprécié toutes les questions que vous
nous posez puisque nous aurons à y réfléchir et en tirer
tout le suc qui s'y trouve pour établir les meilleures conclusions qui
s'imposent.
Je voudrais aussi dissiper une équivoque. Vous avez
rappelé vous-même que le livre blanc contenait plus
d'éléments touchant l'éducation des adultes que le projet
de loi 40. Cela s'explique puisqu'un livre blanc a pour but d'expliquer les
tenants et
aboutissants d'une action politique, cette fois, qui touchait la
matière éducative, alors qu'un projet de loi, pour sa part, doit
être très précis, comme vous l'avez souligné,
puisque ce sont ces textes législatifs qui serviront de mesure, d'aune
pour les actes à poser dans l'avenir. Il devenait difficile d'aller
beaucoup plus loin que nous l'avons fait dans la loi 40 tant que le
gouvernement n'avait pas adopté une politique d'ensemble en
éducation des adultes. Nous n'avons donc fait, dans le projet de loi 40,
qu'ouvrir quelques voies, mais tout en demeurant très conscients que
cela est encore très préliminaire et très
schématique.
Cependant, étant donné que la publication de cette
politique est imminente, il sera possible, dans la réécriture du
projet de loi 40, d'incorporer cette fois, pour ce qui touche l'enseignement
secondaire, tous les éléments de notre politique gouvernementale
qui sont appropriés en l'occurrence. Mais en rappelant bien, encore une
fois, que, dans une loi comme la loi 40, on ne peut que toucher les
éléments qui touchent l'enseignement secondaire alors que notre
politique gouvernementale touchera, elle, tous les autres niveaux
d'enseignement aussi bien que le secteur des organisations d'éducation
populaire autonomes.
Vous demandez en particulier que le projet de loi 40 affirme clairement
que l'éducation des adultes fait partie intégrante de leur
mission. Je l'avais déjà affirmé dans le livre blanc. Il
me sera possible maintenant de l'affirmer en clair dans le projet de loi. Je
pourrai le faire en détaillant les articles que vous avez
rappelés à mon attention. Il me sera possible d'aller beaucoup
plus loin que ce que dit l'article 92 ou l'article 117. Il sera très
clair, à la lecture de ce projet de loi, que la commission scolaire se
doit de considérer l'éducation des adultes comme partie
intégrante de sa mission.
Vous demandez aussi que le projet de loi précise le mandat, le
statut, le nombre et les territoires des services d'éducation des
adultes des commissions scolaires. Nous le ferons pour ce qui concerne, encore
une fois, l'enseignement secondaire. Mais c'est dans la politique d'ensemble
que vous pourrez avoir une meilleure réponse à toutes vos
interrogations en ce qui concerne les autres secteurs d'enseignement et aussi
en ce qui touche la collaboration que j'espère toujours plus
étroite et abondante entre les organismes d'éducation populaire
et les commissions scolaires. Quant à la question des territoires,
évidemment, elle est liée au découpage des nouvelles
commissions scolaires, besogne qui est en cours et qui n'est pas
terminée. Je rappelle cependant qu'actuellement nous avons 249
commissions scolaires, mais qu'il n'existe que 79 services d'éducation
des adultes. Ce qui veut dire que beaucoup de commissions scolaires ont
jugé bon de s'entendre entre elles pour instaurer des services conjoints
d'éducation des adultes, qui, par voie d'ententes, procurent à
chacune des commissions scolaires concernées les services qu'elles
jugent appropriés. D'ailleurs, c'est une question que je vous pose en
passant: Estimez-vous davantage opportun que chaque commission scolaire
possède son service d'éducation des adultes ou jugez-vous
préférable que nous continuions de procéder comme nous
l'avons fait jusqu'ici, c'est-à-dire par l'implantation progressive
d'autres services d'éducation des adultes dans certaines commissions
scolaires qui le jugent bon ou qui se sentent prêtes à le faire?
J'aimerais que vous répondiez à cette question en temps
opportun.
Votre principale demande - c'est bien comme cela que je l'entends -
c'est d'assurer à l'éducation des adultes une
spécificité organisationnelle. Évidemment, j'ai bien
entendu votre argumentaire. Il reprend à maints égards celui que
j'ai souvent eu l'occasion de faire en d'autres lieux, y compris jusqu'au
Conseil des ministres. Je peux vous dire qu'en ce sens vous parlez
déjà à un converti.
Je suis absolument convaincu qu'il faut garder à
l'éducation des adultes, non seulement sa visibilité en tant que
telle, mais également sa spécificité à tous les
points de vue, qu'il s'agisse de structures organisationnelles
spécifiques au sein de cette organisation plus vaste qui s'appelle la
commission scolaire, au sein des modes d'organisation qui l'amèneront
à répondre aux demandes des gouvernements: les programmes
commandités du fédéral ou les programmes
commandités du gouvernement québécois, ou encore au sein
même du ministère de l'Éducation où il est
nécessaire de garder une place spécifique pour ce secteur qu'on
appelle l'éducation des adultes. J'irais plus loin: pour lui faire une
place spécifique à l'intérieur des grands secteurs de la
mission éducative, c'est-à-dire primaire, secondaire,
collégial et universitaire. Même si nous estimons essentiel que la
visée de l'éducation des adultes ou de l'éducation
permanente devienne partie intégrante des préoccupations des
directions générales de l'enseignement collégial ou
universitaire, il reste qu'à mon avis il demeure essentiel qu'à
l'intérieur de ces directions générales il y ait place
pour une structure spécifique de l'éducation des adultes. Autant
il est nécessaire d'intégrer les préoccupations
enseignement des jeunes, enseignement des adultes, autant il m'apparaît
nécessaire de garder à chacune sa visibilité, sa
spécificité, ce qui n'empêche en rien, d'ailleurs, la
fécondité et l'efficacité des contacts entre ces deux
divisions à l'intérieur d'un même secteur
d'enseignement.
Je suis également d'avis - là aussi, il y a
continuité dans les vues que j'ai déjà exprimées -
que l'éducation des adultes
comporte, sur le plan des activités, une approche
spécifique, une structure spécifique et des pratiques
spécifiques. Par pratiques spécifiques, j'entends, par exemple,
formation sur mesure, formation à distance, services d'accueil et de
références, services de reconnaissance des acquis, méthode
pédagogique particulière, horaires particuliers, fragmentation du
temps spécifique, de même que des modes d'organisation qui ont
été développés avec le temps par
l'expérience et l'expertise des spécialistes de plus en plus
nombreux de l'éducation des adultes. Donc, je suis absolument d'accord
avec vos suggestions et recommandations à cet égard. Je compte
bien que vous serez satisfaits à cet égard de ce que nous
annoncerons dans notre politique d'ensemble. (16 heures)
II reste qu'en entendant votre mémoire je me suis posé un
certain nombre de questions. Vous parlez d'une définition de l'adulte ou
d'une définition de la politique qui serait basée sur l'âge
de l'adulte. J'ai une question à vous poser à ce sujet.
Étant donné que vous dites qu'un adulte, c'est celui qui a un an
de plus que l'âge de la fréquentation scolaire obligatoire - c'est
bien ce que j'ai entendu, je crois...
M. Ouellet (André): Que la loi actuellement
précise, oui.
M. Laurin: ...si nous adoptions cette définition, ne
risquerions-nous pas d'écarter du domaine de l'éducation des
adultes tous ceux qui se trouvent encore au secondaire, après
l'âge de la scolarité obligatoire, en particulier tous ceux qui
commencent à fréquenter nos secondaires VI et, bientôt, nos
secondaires VII, et ne risquerions-nous pas d'exclure de la définition
de l'éducation des adultes les étudiants du collégial? Au
sens de votre définition, un élève du collégial est
déjà un adulte. Nous avons discuté de cette notion lors
d'une autre commission parlementaire où nous tentions de faire le point
sur le régime d'études collégiales et nous avons entendu
beaucoup de sons de cloche à ce sujet. Face aux questions que je me
pose, j'aimerais connaître votre réaction, en vous demandant aussi
de ne pas oublier l'autre question que je vous posais
antérieurement.
Le Président (M. Blouin): M. Ouellet.
M. Ouellet (André): M. le Président, en
réponse à la question qui touche le nombre de services à
l'éducation des adultes avec le découpage éventuel et
celle touchant la définition de l'adulte, je voudrais simplement
préciser que la définition qu'on retrouve dans notre document est
celle qui s'applique présentement chez nous dans les services
d'éducation des adultes des commissions scolaires. Relativement à
cette question, si vous le permettez, M. Canac-Marquis pourrait amener les
éléments de réponse.
M. Canac-Marquis (Jean-Claude): M. le ministre, j'ai bien
aimé toutes les réponses ou les questions que vous avez
apportées à partir du mémoire. C'est avec beaucoup de
chaleur que je les ai accueillies. À un moment donné, je vous
croyais presque un membre de la TREAQ en reprenant les différents
éléments.
Pour ce qui est de la définition de l'adulte, je pense que vous
parlez d'un an dépassé l'âge de la fréquentation
scolaire obligatoire. Il y a un autre élément qui est
apporté à la fois au collégial et au secondaire et qui
joue là-dedans. Celui qui a arrêté sa formation - autrement
dit, on appelle cette formation "formation continue" - est dans un cheminement
discontinu. Je pense que c'est un autre élément qui permet de
distinguer entre le jeune qui est en formation continue, sans avoir
arrêté sa formation initiale, et l'adulte qui a
arrêté pendant un an ou deux ans sa formation et qui revient
à l'éducation des adultes. Dans ce sens-là, cet
élément en est un qui peut permettre de distinguer les
clientèles.
M. Laurin: Je vous remercie de cette réponse. Je pense
qu'elle ajoute un paramètre qui m'apparaît très
éclairant et qui m'apparaît plus opérationnel à ce
moment-là. Je ne sais pas si vous voudriez ajouter quelque chose.
M. Ouellet (André): Je voudrais revenir à votre
première question sur le découpage des territoires.
Présentement, on a quand même un groupe de travail - deux de nos
membres travaillent sur...
Le Président (M. Blouin): M. Ouellet, si vous pouviez
répéter la réponse que vous venez de donner. M. le
député d'Argenteuil souhaiterait en entendre le contenu.
Une voix: C'est M. Canac-Marquis qui parlait.
Le Président (M. Blouin): M. Canac-Marquis.
Une voix: Jean, redonne ta réponse à M. le
député d'Argenteuil.
M. Canac-Marquis: Au sujet de la définition d'un
étudiant adulte? Ce que je disais, c'est que M. le ministre avait
parlé de seulement un an pour la période qui dépassait
l'âge de la fréquentation scolaire obligatoire. À la fois
au niveau collégial et au secondaire particulièrement,
l'élément qu'on ajoutait, c'était que, souvent, on
considérait l'adulte après avoir quitté sa
formation initiale. Il revenait à l'éducation des adultes.
On appelle alors la formation "formation continue", mais l'étudiant est
en cheminement discontinu, c'est-à-dire qu'il revient à
l'éducation des adultes après avoir quitté sa formation.
Cela apparaissait un paramètre différent et permettant,
peut-être, de classer le jeune qui est en formation initiale continue,
sans arrêt, et l'adulte qui a laissé sa formation initiale et qui
revient.
Le Président (M. Blouin): M. le ministre.
M. Laurin: Je pense que M. Ouellet complétait.
Le Président (M. Blouin): M. Ouellet.
M. Ouellet (André): Concernant la toute première
question de M. le ministre sur le nombre de services d'éducation des
adultes, j'aimerais apporter seulement une petite précision sur les 79
explications que vous en avez données. Il faut se rappeler qu'à
l'origine, ce n'étaient pas 79 organismes, c'étaient 55
commissions scolaires régionales qui avaient chacune leurs services
d'éducation aux adultes et un certain nombre de commissions scolaires
anglophones. Par la suite, au tout début, l'année 1971 ou 1972,
au moment où on a commencé à créer des commissions
scolaires intégrées, quelques-unes ont ramassé
l'éducation aux adultes, ce qui en a ajouté jusqu'à 79. Il
y quand même eu une espèce de moratoire, il y a quelques
années, et les dernières commissions régionales qui se
sont dissoutes, qui se sont divisées ont continué à
fonctionner avec le même service d'éducation des adultes que celui
qu'elles avaient à l'époque dans la régionale.
Dans la perspective de 140 commissions scolaires, on s'interroge
grandement concernant les coûts d'une activité de 140 services
d'éducation aux adultes, un peu comme vous, mais déjà on a
un groupe de travail qui oeuvre avec la Direction générale de
l'éducation des adultes à ce niveau. Si vous permettez, le
vice-président, M. Vézina, qui travaille avec ce groupe, pourrait
peut-être vous donner des éléments.
Le Président (M. Blouin): M. Vézina.
M. Vézina (Jacques): M. le ministre, il est évident
pour nous, dans la démarche que nous avons entreprise, que, compte tenu
du budget qui n'est que de 156 000 000 $ en 1982-1983 et compte tenu
également des expériences vécues alors qu'il y a eu
déjà des regroupements de services entre commissions scolaires,
si on veut réellement parler de rentabilité, d'efficacité
et d'efficience, nous ne devrons sûrement pas dépasser tout au
moins 79. Nous en sommes là dans nos travaux à un comité
avec la DGEA.
M. Laurin: Dans votre mémoire aussi, vous insistez
beaucoup sur ce que vous appelez la différenciation organisationnelle de
l'éducation des adultes dans les commissions scolaires, mais vous ne
vous étendez pas tellement sur le contenu de ce concept de
différenciation organisationnelle. J'aimerais bien savoir ce que
représente pour vous sur le plan pratique, sur le plan des services, sur
le plan de l'orientation des services, cette différenciation
organisationnelle. Qu'est-ce que vous désireriez? Qu'est-ce que vous
réclameriez à la lumière de votre expérience
à cet égard?
M. Ouellet (André): Je pense que, dans un premier temps,
on pourrait vous dire ce que c'est présentement, et peut-être dire
ce qu'on désirerait. Si vous permettez, M. le Président, M.
Canac-Marquis pourrait répondre.
Le Président (M. Blouin): Oui.
M. Canac-Marquis: En fait, je vais essayer de vous décrire
ce que c'est présentement. Je crois que ce qu'on réclame, c'est
que l'avenir soit ce qu'il est présentement. Présentement, il y a
effectivement une différenciation organisationnelle, ce qui veut dire un
service d'éducation aux adultes qui se préoccupe des besoins
spécifiques des adultes et, depuis quinze ou vingt ans, ces services ont
mis sur pied à la fois des services d'accueil et de
référence. D'ailleurs, ce que je vais dire reprend un peu ce que
vous avez dit tantôt. Vous avez qualifié cela de visibilité
et de spécificité; nous, nous parlons de différenciation
organisationnelle dans un système de commissions scolaires ou de
collèges. J'ai parlé d'accueil et de référence. Je
pourrais parler aussi des services d'animation communautaire, de la formation
sur mesure -vous en avez parlé tantôt - des expériences de
bénévolat qui se font au niveau de l'alphabétisation, des
pratiques aussi en alphabétisation. De la formation en milieu de travail
se donne présentement et des expériences sont tentées. En
fin de compte, le grand principe sous-jacent à cela, dans la
différenciation organisationnelle, c'est que les pratiques
spécifiques dont vous avez parlé et que je viens de rappeler ont
été permises en fait parce qu'il y avait un groupe qui n'avait
pas à s'occuper de la formation initiale des jeunes et de la
nôtre, mais qui, en complémentarité et en respectant les
besoins spécifiques que les adultes manifestaient, a pu répondre,
dans des formats, des approches, des structures, des programmes de façon
spécifique, aux besoins des adultes.
M. Laurin: Si je comprends bien, ce serait le maintien et le
développement des approches, formats, services, pratiques actuelles avec
une assise législative qui les permet et qui les assure.
M. Canac-Marquis: Tantôt, vous parliez de
visibilité. Je peux être visible entre mille personnes, ou je peux
être noyé ou encore je peux être visible entre dix
personnes. Je pourrais illustrer cela. Présentement, la Direction
générale de l'éducation des adultes, à ce qu'on a
dit, le sera jusqu'au 30 juin. En plus d'être visible, elle est
spécifique et, dans une différenciation organisationnelle en
complémentarité avec les autres directions
générales. En fait, si on prend chacun des éléments
de la direction générale et qu'on les replace dans les autres
directions générales, il y a toute la question de la
visibilité, si elle était encore là, et on se pose la
question: Est-ce que l'éducation des adultes peut prendre toute sa place
dans cette réalité?
M. Laurin: Je pense qu'il nous sera facile de nous entendre sur
ces bases.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Messieurs les délégués de la Table
des responsables des services d'éducation des adultes des commissions
scolaires, il me fait plaisir d'avoir cette occasion de vous rencontrer
publiquement afin de discuter avec vous d'un des aspects du projet de loi 40
qui laisse le plus à désirer. Ce n'est pas pour tourner le fer
dans la plaie, mais je commencerai par vous rappeler que, ni votre organisme,
ni l'Institut canadien d'éducation des adultes qui doit vous
succéder à cette table tantôt, ne figuraient sur la
première liste d'organismes que le gouvernement avait
décidé d'inviter à cette commission parlementaire. Et je
pense que cette omission dans la liste initiale du gouvernement était
une illustration assez frappante de la place extrêmement minable faite
à l'éducation des adultes dans le projet de loi 40
lui-même.
Le projet de loi 40 a été conçu, ma foi, comme si
l'éducation des adultes n'existait pas ou comme si elle était une
activité tout à fait marginale dans le système
d'enseignement. Dans les treize premiers articles du projet qui
définissent les services éducatifs offerts à la population
par un système d'enseignement, je cherche en vain la moindre mention de
l'éducation des adultes. Ainsi que vous le disiez vous-même dans
votre mémoire, il faut se poser la question: Est-ce qu'il s'agit d'un
oubli ou d'une omission voulue? S'il s'agit d'un oubli, c'est la marque d'une
incompétence absolument désarmante et décourageante. S'il
s'agit d'une omission, c'est un geste qui nous invite à prendre avec un
grain de sel tout ce que vient de dire le ministre parce qu'il faudra vraiment
lui dire: On vous jugera sur comportements et sur preuves et non pas sur
paroles. C'est un premier fait qui est inscrit dans le texte même qu'on a
soumis à la population après bien des mois de cogitation, de
consultations et de préparation de toutes sortes.
Je sais que le ministre a commencé à dire qu'il fera des
améliorations ici et là, mais, quand même, je lui disais
l'autre jour et je le lui répète aujourd'hui: Nous avons le droit
et le devoir de le juger sur le contenu du produit qu'il a soumis à la
discussion publique. Et, encore une fois, toute cette première partie du
projet de loi où on définit la nature des services offerts
à la population par le système d'enseignement est absolument
muette sur le sujet de l'éducation des adultes. Vous en avez
passé dans votre mémoire, à part cela. Il y a bien
d'autres observations qu'on peut faire. Je vous en donne une à titre
d'exemple. On passe tout de suite au chapitre II qui traite des
élèves. L'article 14 parle de la gratuité, l'accès
gratuit aux services d'enseignement. Il affirme que toute personne
âgée de cinq ans et plus a droit à l'éducation
préscolaire, à des services de formation et d'éveil au
primaire et au secondaire et à des services d'enseignement. Elle peut
aussi recevoir d'autres services éducatifs dans la mesure prévue
par la présente loi. Évidemment, cela va jusqu'à
l'âge de la fréquentation obligatoire. Mais il n'y a rien pour la
gratuité scolaire en faveur des adultes de ce côté-ci.
Il y a vingt ans, un comité que j'avais eu l'honneur de
présider affirmait que le Québec devait se donner comme l'un de
ses grands objectifs en matière de politique éducative la
gratuité d'accès à la formation secondaire pour tous les
citoyens, indépendamment de leur âge. C'est un objectif que nous
avions défini après avoir fait des consultations dans de nombreux
autres pays. La commission s'était ralliée autour de cet objectif
et nous croyions qu'il était en train de devenir une
réalité au Québec jusqu'à ce que toutes sortes de
mesures, en particulier les compressions budgétaires des
dernières années, nous fassent enregistrer un recul absolument
effarant dans ce domaine. On pensait que le projet de loi viendrait ouvrir des
horizons, mais, de ce côté-là, il y a à peu
près... Il n'y a rien, pour être franc. (16 h 15)
Sur la spécificité de l'éducation des adultes,
j'étais content d'observer le ton presque docile avec lequel le ministre
vous interrogeait tantôt. Or, déjà, les choses que vous lui
avez dites étaient contenues dans le rapport Jean et dans à peu
près toute la
documentation ou la littérature qu'on peut trouver, à
l'époque contemporaine, sur le sujet de l'éducation des adultes,
mais les auteurs du projet de loi n'ont pas trouvé le moyen de s'en
inspirer. Tout ce qu'ils trouvent à dire de manière expresse
à propos de l'éducation des adultes, on le retrouve, comme vous
le dites, aux articles 92 et 117 du projet de loi. Imaginez, on dit:
"L'école dispense les services éducatifs aux élèves
que la commission scolaire y a inscrits. Elle dispense aux adultes les services
éducatifs déterminés par la commission scolaire." À
l'article 117, c'est une autre formulation à peu près du
même genre: "L'école peut organiser des services éducatifs
autres que ceux prévus au régime pédagogique et des
services socioculturels ou sportifs."
Les responsables du ministère de l'Éducation, il commence
à être temps qu'ils sachent que l'éducation des adultes,
cela ne peut pas s'organiser d'abord par l'école; cela prend une
entité plus large parce que les besoins sont très
différents. Les besoins vont varier d'une région à
l'autre. Il faut absolument une entité au niveau de toute une
région pour concevoir un réseau de services comme ceux-là
et, bien des fois, les services offerts par le système d'enseignement en
ce domaine ne passeront pas par l'école régulière. C'est
pour cela que postuler dans le projet de loi, comme on le fait à propos
de tant d'autres choses, que tout passe par le canal de l'école
individuelle, c'est faux. Ce n'est pas comme cela que cela va fonctionner dans
la pratique et déjà, sur le terrain, bien des expériences
pourraient vous enseigner qu'il faut ouvrir les fenêtres de ce
côté-là pas mal plus que vous ne l'avez fait jusqu'à
maintenant. Souvenez-vous de ce que nous a dit l'autre soir la commission
scolaire régionale de Chambly quand elle est venue, c'est-à-dire
que, pour l'éducation des adultes, cela prend un réseau de
services qui aura son identité propre. On ne trouve aucune espèce
de soupçon de cela dans le projet de loi 40.
Vous mentionnez un autre point: le gouvernement veut démocratiser
l'école. Il est tellement resté à la conception que
l'école, c'est seulement pour les jeunes, qu'il a oublié de
parler de la participation des adultes dans la gestion ou l'orientation
générale du système d'enseignement. L'idée ne lui
est même pas venue de penser que c'est une dimension essentielle d'un
système d'enseignement, à l'époque contemporaine, que les
adultes qui s'inscrivent aux services offerts par un système
d'enseignement public peuvent avoir une participation.
Je pense que le ministre sera d'accord avec moi pour convenir qu'on ne
demandera pas aux adultes d'être représentés par les
parents. La plupart d'entre eux sont déjà des parents "in their
own right", comme on dit, à leur propre titre. Ce sont des exemples qui
illustrent combien, il y a peu de temps encore - le projet de loi, je pense,
qu'on nous l'a remis au mois de juin - en juin 1983, le gouvernement semblait
ignorer à peu près tout de l'éducation des adultes,
même s'il était assis depuis déjà un an et demi sur
un rapport d'à peu près 800 pages qui lui avait été
donné par une commission d'étude formée à
l'instigation du ministre actuel de l'Éducation et qui a
coûté au-delà de 3 000 000 $ à la population.
On pourrait toujours se dire: Le gouvernement attendait de
dévoiler sa politique de l'éducation des adultes; c'est pourquoi
il s'est fait discret dans la rédaction des articles du projet de loi
40. Hélas, les gestes du gouvernement, au cours des dernières
années, vont à peu près dans le même sens que ce que
laisse entrevoir le contenu du projet de loi 40.
Cela fait deux ans ce mois-ci que le rapport Jean a été
remis au gouvernement. Qu'est-ce que le gouvernement a fait pour alimenter le
débat? Absolument rien. Tout ce qu'on a dit, c'est: Attendez. On avait
six ministres, on en a eu un. On en a eu un autre, un comité de ci et un
comité de cela. Il n'est jamais sorti trois idées originales de
la part des porte-parole du gouvernement. Ils parlaient avant le rapport Jean,
mais on dirait que le rapport Jean les a gelés littéralement sur
place. Là, on nous concocte une politique. Je vais en dire un petit mot
ensuite, mais je dois d'abord signaler le mutisme absolument déplorable
de la part d'un gouvernement qui, sur tant d'autres sujets, a la parole si
facile.
Cela a conduit le Conseil supérieur de l'éducation, dans
l'avis qu'il vous remettait, M. le ministre, à la fin de l'année
1983, en date du 2 décembre, à vous signaler que cette
atmosphère d'incertitude et d'obscurité dans laquelle a
vécu le Québec au sujet de la future politique de
l'éducation des adultes depuis la publication du rapport Jean a
créé un climat très malsain dans les milieux de
l'éducation dont vous avez la responsabilité. Le Conseil
supérieur de l'éducation écrivait notamment ceci: De
telles tergiversations alimentent forcément rumeurs et craintes. Un vent
d'insécurité souffle actuellement sur la Direction
générale de l'éducation, des adultes du ministère
de l'Éducation dans les services d'éducation des adultes des
commissions scolaires et des collèges tandis que la désillusion
s'installe dans les organismes populaires d'éducation et dans les
milieux de citoyens concernés.
Les coupures budgétaires ont eu un effet lamentable. Dans votre
mémoire, vous signalez qu'en 1981-1982 le personnel affecté
à l'éducation des adultes dans les commissions scolaires avait
été réduit du tiers par les coupures budgétaires;
c'est énorme, le tiers. Nous l'avons signalé maintes fois
à l'attention du gouvernement.
Cela a été rappelé à plusieurs reprises ces
derniers jours. J'espère qu'on finira par se rendre compte des immenses
blessures que ces compressions ont créées dans le secteur de
l'éducation des adultes.
Je dois signaler, toujours au dossier du comportement du gouvernement,
les inquiétudes qui entourent la préparation de
l'énoncé d'orientation sur la future politique de
l'éducation des adultes du gouvernement. Je ne sais pas ce qui est
arrivé, mais à peu près toutes les personnes que je
rencontre dans l'éducation ont le texte de cet énoncé dans
les mains. Je vois par la lecture de votre mémoire que vous l'avez
sûrement eu parce que vous en avez choisi quelques extraits pour les
porter à notre attention. Je pense que c'est M. Gagnon, du Soleil, qui
en a publié des extraits dans son journal la semaine dernière.
J'en ai une copie devant moi, ici, pour discuter avec M. le ministre. Je ne
suis pas supposé l'avoir parce que c'est écrit "confidentiel" sur
ma copie. Ce n'est pas ces gens qui me l'ont donnée, je l'avais avant
qu'ils viennent ici. J'espère qu'on va nous rendre cela public le plus
vite possible. Il y a des concepts dans cela; tantôt je vais
peut-être vous poser une question sur cela, si vous voulez bien y
répondre. On s'en va vers une...
D'abord, j'étais content de voir que le ministre écoutait
tantôt les précisions que vous avez apportées sur le
caractère spécifique de l'étudiant adulte. Voici un
concept, avant cette petite discussion de tantôt, à laquelle le
ministre s'est montré très attentif pour ma grande
édification, auquel jusqu'à maintenant le ministère
semblait demeurer plutôt insensible. Nous avons eu des débats
à la commission parlementaire de l'éducation en décembre
autour du projet de règlement, sur les études collégiales.
Ce qu'on nous proposait purement et simplement dans ce projet de
règlement, c'était l'abolition, la distinction entre
étudiants réguliers et étudiants adultes. Vous avez
apporté tantôt, M. Canac-Marquis, des éléments
importants de la distinction. Il me semble que c'est la base même de
toute cette réalité. Si on la nie en partant... C'est pourtant ce
qu'on fait; dans l'énoncé d'orientation, on s'en va dans ce sens
très fortement. Je vous préviens, M. le ministre, que vous aurez
des critiques très sévères à subir de ce
côté s'il n'y a pas de modifications.
Sur le contenu de l'éducation des adultes, je trouve que
l'énoncé propose une conception très réductrice par
rapport aux horizons très larges qu'ouvrait la commission Jean. On s'en
tient beaucoup à une formation de type notionnel, à une formation
de type académique. On va jusqu'à indiquer qu'on insiste sur une
formation de type académique parce que c'est le genre de formation qui
conduit le plus vite à la - là j'emprunte au texte -
"reconnaissance sociale". J'ai toujours pensé qu'un des buts de
l'éducation des adultes, c'était de mettre un frein à la
tendance trop générale au conformisme intellectuel et social, de
favoriser la percée d'horizons nouveaux, la recherche d'horizons qui ne
font pas partie des conformismes solidement établis. En orientant
l'éducation des adultes uniquement dans cette voie, il y a danger qu'on
fasse complètement fausse route et qu'on rétrécisse
singulièrement cette réalité humaine et culturelle
très riche. Au point de vue de l'organisation structurelle, ce que j'ai
cru comprendre, c'est qu'on s'en va vers une amalgamation des structures. Le
ministre nous a donné des garanties tantôt, mais je les trouve
très insuffisantes parce que ce que nous entendons dire, ce que nous
trouvons, d'ailleurs, dans le rapport, c'est que tout cela va être
fusionné avec l'enseignement général. Il y aura
peut-être une petite division à l'intérieur de
l'enseignement primaire et secondaire, une petite section ici et là,
mais ce caractère distinct qu'avait revêtu l'éducation des
adultes au cours des quinze dernières années à
l'intérieur du ministère s'en va chez le diable. D'ailleurs, il
n'en est pas question dans le document d'orientation. On ne dit même pas
que cela va sauter. Il n'en est pas question.
Dans votre document, vous nous apprenez qu'on a fait circuler des
lettres ou des renseignements depuis quelque temps, indiquant que les
responsables de cette direction se sont fait dire, si j'ai bien compris:
Préparez vos bagages parce que le plus loin que vous allez aller, c'est
à la fin de la présente année.
Il y a des questions à poser au gouvernement ici. Le Conseil
supérieur de l'éducation, dans l'avis qu'il avait soumis au
ministre, lui avait demandé formellement de décréter un
moratoire sur tout changement à l'organisation administrative et
pédagogique de l'éducation des adultes tant que les
décisions gouvernementales ne seraient pas clairement rendues. Cela veut
dire après le débat qui doit suivre la publication de
l'énoncé d'orientation. J'imagine - là-dessus, je veux
prêter une bonne foi entière au ministre - qu'il va publier son
document d'orientation et qu'il y aura un débat public d'au moins deux,
trois, quatre mois, je ne sais, et qu'après cela le gouvernement prendra
des décisions. Si c'est ce qu'on fait, comment se fait-il qu'on avertit
déjà les gens en leur disant: Préparez-vous à plier
bagage parce que votre patente ne continuera pas, on a déjà pris
nos décisions? C'est ce qui fatigue les gens et qui crée un
climat d'insécurité que j'appellerais extrêmement
démobilisateur.
Voici, en gros, la manière dont nous réagissons devant les
préoccupations que vous avez portées à notre attention et
devant les
paroles peut-être trop facilement rassurantes du ministre: Je vous
dis: Attendez de juger sur pièce. Je dis au ministre qu'il a encore une
chance d'examiner à nouveau son énoncé d'orientation. Il y
une foule de choses qui laissent à désirer dans cet
énoncé sous la forme que nous lui connaissons maintenant, qui
n'est pas nécessairement la toute dernière cependant, parce que
c'est là le privilège du gouvernement, nous le comprenons
très bien.
Si vous me le permettez, je voudrais vous poser quelques questions. La
première va porter sur l'énoncé d'orientation. Si vous
trouvez que c'est trop délicat d'y répondre, vous êtes
entièrement libres de vos réponses. Comme vous avez cité
à deux reprises, aux pages 10 et 14 de votre texte,
l'énoncé d'orientation, je présume que vous l'avez en main
et que vous l'avez lu. J'aimerais vous demander si, de manière
générale, les orientations que vous trouvez dans cet
énoncé correspondent aux orientations générales
qu'avait proposées la commission Jean et à la conception que vous
vous faites d'une politique vigoureuse de l'éducation des adultes aux
niveaux primaire et secondaire.
M. Ouellet (André): La question touche les orientations
par rapport au rapport de la commission Jean...
M. Ryan: Oui.
M. Ouellet (André): ...et à nos attentes. Je dois
vous avouer que le spécialiste de ce document - document confidentiel,
mais il y a eu, quand même, plusieurs versions qui nous sont parvenues -
qui a épluché les versions une à une et qui peut faire le
lien entre chacune est M. Canac-Marquis.
M. Canac-Marquis: Cela me fait une belle introduction. Je
pourrais corriger le terme éplucher. Ce serait "regarder" le document.
Je ne sais pas si je vais répondre à votre question, M. le
député. Si je n'y réponds pas, vous pourrez m'en poser
d'autres. Je vais essayer plus tard de le faire avec le rapport de la
commission Jean. Ce qui nous effarait ou nous effare surtout dans
l'énoncé d'orientation, c'est de voir clairement statuée
la mission de base des jeunes et des adultes dans un document qui parle des
adultes et de ne rien retrouver ou peu de chose dans le projet de loi 40 sur
cette réalité des jeunes et des adultes; le ministre disait
tantôt qu'effectivement on devrait le voir dans une future
réécriture du projet de loi 40. (16 h 30)
Ce qui nous inquiète au plus haut point - je pense qu'on l'a
manifesté dans le mémoire - c'est: Où y aura-t-il une
plateforme, où y aura-t-il un débat public et démocratique
pour discuter de cet énoncé d'orientation qui, d'une certaine
façon, se situe en cheminement discontinu avec la commission Jean? Si
l'énoncé d'orientation se situait d'une certaine façon en
cheminement continu avec le rapport de la commission Jean, nous croyons qu'il
pourrait être passable et, même là, difficilement passable
que le débat soit raccourci. Lorsque l'énoncé
d'orientation apparaît - là, il faudrait prendre plus de temps
pour l'étudier - en cheminement discontinu et non pas dans les grandes
orientations à la fois du rapport de la commission Jean et aussi de ce
que disait la TREAQ depuis un certain temps, il nous paraît
nécessaire et essentiel qu'il y ait un débat public et
démocratique sur l'ensemble de cet énoncé
d'orientation.
Un deuxième élément - je pense qu'on l'a
mentionné tantôt - concerne toute cette question de la place qu'on
fait à l'adulte lui-même. Dans le rapport de la commission Jean,
on parlait des CREA et même des CLEA, les comités locaux
d'éducation aux adultes. On pouvait être contre ou pour mais dans
ces réalités l'adulte avait sa place, pouvait y participer et
pouvait orienter d'une certaine façon la prestation des services qu'il
voulait recevoir, d'une part.
Un autre élément que l'on retrouve dans
l'énoncé d'orientation concerne toute la question du transfert de
la gestion, assez global, et des budgets du ministère de
l'Éducation au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu qui cause, évidemment, des
problèmes. Présentement, c'est le ministère de
l'Éducation qui a ces budgets. On peut dire que, lorsqu'on a les sommes
ou l'argent... D'ailleurs, le Québec doit le savoir pour avoir longtemps
discuté avec le fédéral et s'être chicané
avec lui pour savoir si on fait un PFMQ ou si on maintient un PFMC, c'est
difficile. Les tensions, depuis un certain nombre d'années, entre le
ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu
et le ministère de l'Éducation sont un secret de polichinelle.
Souvent, on l'a vécu dans la réalité quotidienne, les SEA
ont à transiger avec leur mission éducative.
M. Ouellet (André): Est-ce que vous permettriez un ajout,
M. le Président?
Le Président (M. Blouin): Certainement.
M. Vézina: M. le député, il y a une autre
question que l'on se pose. Lorsqu'on lit la Politique de formation
professionnelle des jeunes, on dit clairement qu'il devrait y avoir
coordination et arrimage entre la formation professionnelle des jeunes et celle
des adultes. Alors qu'on vient de céder au MMSR la maîtrise
d'oeuvre de la formation professionnelle des adultes, j'essaie de comprendre,
même avec des tables nationales et des comités de coordination que
l'on
retrouve dans l'énoncé, comment tout cela va pouvoir
s'arrimer. D'une part, les commissions scolaires recevront, pour le secteur des
adultes, des commandes des commissions de formation professionelle; d'autre
part, elles auront à gérer la formation professionnelle des
jeunes. On dit que tout cela devra s'arrimer et se coordonner et qu'on devra en
venir régionalement à des consensus. Pour nous, il est donc clair
que le maître d'oeuvre de la formation professionnelle des jeunes et des
adultes sera tout simplement dans nos régions, éventuellement et
à très court terme, les commissions de formation
professionnelle.
J'ajoute ceci, si vous permettez, M. le député.
Également, si on compare l'énoncé de politique que l'on a
maintenant vu avec le rapport de la commission Jean, la commission Jean
recommandait un office. Non seulement on n'aura pas l'office, mais on n'aura
même plus d'entité identifiée "éducation des
adultes". J'ai devant moi un tableau qui compare les effectifs des
ministères de l'Éducation de l'Ontario et du Québec. On se
rend compte qu'aux secteurs préscolaire, primaire et secondaire, au
Québec, dans le ministère, on a presque le double des effectifs
de la province voisine, l'Ontario, alors que, lorsqu'on parle de formation des
adultes, on en a la moitié moins. Je ne pense pas que la gestion des
adultes serait un problème si on avait réglé les
problèmes financiers au ministère de l'Éducation.
Le Président (M. Blouin): Cela va, merci.
M. Ryan: Est-ce que je dois comprendre de votre part - c'est un
point sur lequel le projet de loi est assez discret - que, de manière
générale, la formation professionnelle des adultes devrait
être confiée, comme le conseillait la commission Jean, à un
organisme qui réunirait ensemble les forces du ministère de
l'Éducation et celles du ministère de la Main-d'Oeuvre ou si vous
verriez cela plutôt du côté de l'un ou l'autre des
ministères?
M. Vézina: La commission Jean avait comme mandat de penser
à un énoncé de politique dans lequel on ferait le
rapatriement des sommes du fédéral, alors que ce n'est pas le
cas. Donc, les recommandations de la commission Jean, c'est difficile de les
discuter maintenant dans ce contexte étant donné que ce geste n'a
pas été posé.
M. Ryan: Très bien.
Le Président (M. Blouin): M. Canac-Marquis.
M. Canac-Marquis: C'est juste un complément rapide. La
commission Jean disait: II faut une instance centrale forte qui est capable
d'aller recueillir dans l'ensemble des ministères les besoins de
formation. C'est cette instance avec les réseaux d'éducation -
pas seulement les réseaux publics, mais d'autres - qui va accorder les
services. Elle parlait d'une instance forte. Elle disait aussi: Ce n'est ni au
MEQ ni au MTM qui n'était pas encore devenu le MMSR à ce
moment-là. Au niveau de la TREAC, on a dit: II faut une instance forte,
visible, spécifique qui va faire cela et elle doit être dans le
MEQ. La situation qui apparaît se développer, c'est qu'il n'y aura
plus cette instance forte, elle va être diluée un peu partout.
Toute la maîtrise d'oeuvre - je ne sais pas si on peut parler de
maîtrise d'oeuvre - de gérance, de gestion ou de prise sur les
budgets d'éducation aux adultes obtenus du fédéral,
l'éducation ne sera plus dans ce courant. On va devenir, en fin de
compte, des commanditaires, pour éviter d'employer le terme anglais
où on ne deviendrait que des "jobbers" qui répondent à des
commandes.
M. Ryan: Vous trouvez que cela peut mener jusque-là.
Est-ce que vous connaissez l'énoncé d'orientation?
M. Ouellet (André): Du moins selon la version qu'on en
connaît.
M. Ryan: Maintenant, vous affirmez dans votre mémoire un
autre point. Alors même que le Conseil supérieur de
l'éducation, à la page 14, recommandait au ministre d'imposer un
moratoire sur tout changement à l'organisation administrative et
pédagogique de l'éducation des adultes, on annonçait
déjà à l'intérieur du ministère de
l'Éducation le démantèlement de la Direction
générale de l'éducation des adultes et le
redéploiement de ces ressources à l'intérieur des autres
directions générales du ministère. Est-ce que vous
pourriez nous apporter des précisions là-dessus, sur ce que vous
savez exactement des conséquences de cela également pour
l'éducation des adultes, les raisons qui vous font implicitement
désirer que cette direction, on la traite avec plus de respect?
M. Ouellet (André): À tout le moins qu'on
maintienne le moratoire. M. Chabot, si vous le permettez.
M. Chabot (Pierre): M. le député, nous avons
constaté avec beaucoup de plaisir dans les premiers propos du ministre,
tout à l'heure, qu'il partageait très largement nos
interrogations, nos inquiétudes, nos anxiétés. Nous avons
appris aussi avec beaucoup de plaisir que, dans la réécriture du
projet de
loi 40, il y aurait une large place pour l'éducation des adultes
et que cette place serait étiquetée de visible et de
spécifique.
Si j'ai bien compris les propos du ministre, ce qui serait
réintroduit dans le projet de loi 40, c'est, en somme, les grandes
orientations de l'énoncé de politique. Or,
précisément sur le sujet sur lequel vous nous interrogez, nous
sommes surpris de constater qu'à partir de prémisses qui sont, en
somme, tout à fait semblables à celles que l'on pose,
c'est-à-dire que l'éducation des adultes a été un
secteur qui a été négligé pendant les 15 ou 20
dernières années, un secteur qui a connu, par ses propres moyens
et quasiment à force de bras, un développement quand même
important au Québec - le ministre a, quand même, été
plus éloquent que moi dans la lecture qu'il a faite du vécu de
l'éducation des adultes - on arrive à des conclusions tout
à fait opposées. En somme, ce qu'on retrouve dans
l'énoncé de politique, dans le discours gouvernemental, c'est que
l'éducation des adultes a été malmenée;
dorénavant, on va lui faire une place un peu partout. On va la retrouver
à la Direction générale de l'enseignement
élémentaire et secondaire, à son pendant collégial,
à son pendant universitaire. On va la retrouver au MMSR. On va la
retrouver à la planification. Cela nous étonne, cela nous
surprend, cela nous inquiète, cela nous déstabilise, si tant est
qu'on ait déjà été stables.
Des voix: Ah!
M. Chabot: On ne comprend vraiment pas que l'on veuille renforcer
l'éducation des adultes en la redéployant, en faisant
éclater l'îlot qu'elle constitue. On verrait beaucoup mieux, bien
sûr, que s'établissent des ponts avec tous ces interlocuteurs que
sont les directions générales que j'ai nommées
tantôt, mais on ne voit pas du tout comment, à partir de
prémisses aussi semblables aux nôtres, on peut arriver à
des conclusions qui sont, en somme, opposées.
Le Président (M. Blouin): Merci. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Oui, j'ai encore une question, si vous me le permettez.
Vous demandez que la loi prévoie des mécanismes de participation
des clientèles adultes au niveau des commissions scolaires.
Pourriez-vous préciser cette suggestion et indiquer peut-être quel
genre de mécanisme seraient de nature, selon vous, à favoriser
cette participation des adultes au processus de leur éducation
continue?
Le Président (M. Blouin): M. Ouellet.
M. Ouellet (André): Sans vouloir porter de jugement sur
les mécanismes de participation qu'on retrouve dans le projet de loi, on
s'est quand même étonné de voir qu'il y avait de la place
pour les parents, pour des élus au suffrage universel, pour des
représentants d'à peu près tous les groupes, tous les
secteurs, sauf les adultes. On s'est dit - un peu comme, tout à l'heure,
quelqu'un l'a souligné - que ce ne sont, quand même, pas les
parents qui vont aller décider, pour un homme de 40 ans ou un groupe de
gens de 35 ans et plus, quelles sont les orientations qu'ils voudraient voir
donner à leur école d'adultes ou aux cours aux adultes. C'est un
peu là qu'on a amené cette idée d'avoir au moins une
représentation pour que les adultes puissent s'exprimer, parce qu'on
demeure conscients que l'éducation des adultes dans la plupart des
commissions scolaires qui gèrent un SEA, c'est quand même un large
éventail de la population juridictionnelle de ces commissions
scolaires.
M. Ryan: C'est un sujet que nous pourrions aborder encore
beaucoup plus longuement, mais je vais terminer ici pour l'instant, non sans
signaler que les plus grands progrès que nous avons accomplis sur le
front de l'éducation des adultes au cours des 20 dernières
années l'ont été sous les auspices des commissions
scolaires, ce qui répondait tout à fait à la
recommandation principale issue du comité d'étude qui avait fait
une première exploration dans ce domaine en 1963. Vous autres, vous
représentez ce progrès par la fonction que vous exercez au sein
des commissions scolaires. À ce titre, je pense qu'on peut dire en toute
vérité que vous êtes sur la ligne de feu, aux toutes
premières lignes. Par conséquent, les opinions que vous exprimez
méritent d'être reçues avec beaucoup de
considération et de respect, ce que nous faisons de notre
côté.
Le Président (M. Blouin): Sur ce, je remercie, au nom de
tous les membres de la commission, les représentants de la Table des
responsables des services d'éducation des adultes des commissions
scolaires du Québec, pour leur participation aux travaux de notre
commission parlementaire. J'invite maintenant les représentants de
l'Institut canadien d'éducation des adultes à bien vouloir
prendre place à la table de nos invités.
Nous allons suspendre nos travaux pour quelques instants afin de
permettre à nos invités de l'Institut canadien d'éducation
des adultes de s'approcher.
(Suspension de la séance à 16 h 45)
(Reprise de la séance à 16 h 50)
Le Président (M. Blouin): À l'ordre, messieurs!
La commission élue permanente de l'éducation reprend ses
travaux.
Sans plus tarder, puisque nos invités ont eu le temps de
s'installer à notre table, je leur demanderais - ce sont, puis-je le
rappeler, les représentants de l'Institut canadien d'éducation
des adultes - d'abord de bien vouloir s'identifier et, ensuite, de nous livrer
en une vingtaine de minutes le contenu de leur mémoire.
Institut canadien d'éducation des
adultes
M. Bélanger (Paul): Je vais, d'abord, nous
présenter. Je m'appelle Paul Bélanger, directeur
général de l'Institut canadien d'éducation des adultes.
M'accompagne Ginette Thériault, qui est membre du comité
politique d'éducation des adultes à l'ICEA et responsable
à l'institut des questions de politique d'éducation des adultes.
Je vous demande d'excuser Normand Caron, qui est président de l'ICEA,
qui devait être ici aujourd'hui, ainsi que Mme Léa Cousineau; ils
n'ont pas pu se présenter.
Je tiens à remercier les responsables de cette commission
parlementaire d'avoir consacré cette demi-journée à
l'éducation des adultes, tant aux responsables du réseau public
de l'éducation des adultes au secondaire, TREAQ, qu'à l'institut.
Il est important pour nous que la loi qui va définir l'avenir de
l'école publique au Québec puisse aborder une partie de plus en
plus importante de sa clientèle que sont les hommes et les femmes
adultes du Québec.
Toute réforme de l'enseignement primaire et secondaire public
aura et doit très certainement avoir des impacts sur l'éducation
des adultes et sur son avenir. On ne peut plus parler de l'école, en
1980, sans parler des adultes. Parler actuellement de l'éducation des
adultes dans les commissions scolaires régionales, c'est parler de 225
000 personnes, dès cette année, en 1983-1984, qui participent
à des activités organisées par plus de 10 000 personnes.
C'était plus que cela avant les terribles coupures de 1980.
Mme Thériault (Ginette): C'est parce qu'on pense que tu
lis le mémoire.
Le Président (M. Blouin): Pour répondre aux...
M. Bélanger: Au lieu de lire le mémoire, j'ai
pensé en faire un résumé.
Le Président (M. Blouin): Vous en faites le
résumé?
M. Bélanger: Oui.
Le Président (M. Blouin): Si vous pouviez indiquer aux
membres à quelle page vous faites référence en faisant
votre résumé, ce serait plus facile de suivre les
débats.
M. Bélanger: Parfaitement. Pour le moment, je situe le
mémoire dans son contexte. Je disais que parler de l'éducation
des adultes dans le cadre de la présente loi, ce n'est pas parler d'un
élément secondaire, c'est parler de 225 000 adultes; c'est parler
de 10 000 intervenants. C'est parler de bien plus; c'est parler de 1 300 000
hommes et femmes au Québec qui, n'ayant pas de scolarité
dépassant le niveau secondaire IV, n'osent pas s'adresser en nombre
significatif aux portes des commissions scolaires, 1 300 000 adultes
québécois. En d'autres termes, nous venons parler au nom de
près de 2 000 000 d'hommes et de femmes pour qui l'évolution de
l'école publique quant à leurs besoins de formation n'est pas une
question indifférente.
Aussi, la question que nous posons, à la première page de
notre mémoire, c'est: Quelle est la place qui sera faite à
l'éducation des adultes dans le réseau public prévu par la
loi 40? Or, la politique proposée dans la loi 40 ignore et
l'éducation des adultes et la population adulte. Cinq ans après
la création de la commission Jean, 276 mémoires et 3 000 000 $
plus tard, la loi qui va maintenant définir l'avenir de l'école
publique secondaire consacre 624 articles aux jeunes, 1 aux adultes et 4 autres
effleurent le sujet. Or, pour nous, le réseau public d'éducation
est un outil central dans toute politique d'éducation des adultes. Nous
l'avons rappelé dans notre mémoire sur l'enseignement
collégial qu'est venue présenter ici Mme Cousineau, qui est
présidente du comité politique de l'éducation des adultes
de l'ICEA. Il faut venir ici aborder la question de la réforme de
l'école. Incidemment, d'ailleurs, faire aussi peu de place à
l'éducation des adultes dans la loi fondamentale du secteur public,
c'est faire glisser l'éducation des adultes hors de l'éducation,
partant hors de la juridiction provinciale, c'est-à-dire laisser glisser
le morceau vers Ottawa.
Aussi, il nous semble que le projet doit être vu autour de 5
points. À la page 2 du mémoire, on les voit, d'ailleurs; il y a
les engagements du projet de loi 40, les responsabilités... Je vais
résumer ces 5 points.
D'abord, cette loi est discriminatoire face aux adultes. Effectivement,
elle réserve aux seuls jeunes le droit à l'éducation qui
est sa responsabilité, c'est-à-dire l'éducation de base.
Non seulement en réserve-t-elle aux jeunes le droit, mais elle confine
à ces seuls jeunes la gratuité de cette formation. Seuls en font
exception - on le voit aux articles
14 et 15 - les handicapés de 18 à 21 ans. Ceci est une
nette discrimination et il va falloir, s'inspirant des recommandations 1, 3 et
4 de la commission Jean, revoir les articles 14 et 15.
Deuxièmement, la loi n'établit pas les
responsabilités en ce domaine, ni la mission spécifique et
différente de l'éducation des adultes, ni les modalités.
Là-dessus, les articles 91, 92 et 117 doivent tous être revus. On
ne voit pas si c'est l'école qui sera responsable des programmes, si ce
seront les commissions scolaires ou si ce seront les autres ministères.
Est-ce que ce seront les CFP? Certainement pas le ministère qui vient de
s'amputer de sa direction de l'éducation des adultes. Il faudra revoir
à cet égard les articles 91 et 92 et s'inspirer très
certainement de la CEFA qui, là-dessus, a des propositions
extrêmement claires.
Troisièmement, le projet de loi 40 met en cause par ses silences
et son ambiguïté les services d'éducation des adultes des
commissions scolaires. Or, cela est important parce qu'ils constituent dans
chacune des régions les unités opérationnelles clés
pour répondre aux besoins des adultes. Il est impossible de
répondre aux besoins des adultes sans les identifier. Or, d'un
côté, on a le projet de loi 40 qui, dans 624 articles,
spécifie dans le plus menu détail toutes les modalités de
l'éducation des jeunes et on fait le silence, dans la section III, par
exemple, sur la structure et les fonctions des commissions scolaires, etc., sur
la place de l'éducation des adultes. On dit un peu, dans le chapitre V
sur le ministère de l'Éducation, où sera placée
l'éducation des adultes. Il faut revoir aussi ces sections du projet de
loi.
Quatrièmement, le projet de loi réduit l'éducation
primaire et secondaire à une seule question: enfants, parents
biologiques. On oublie la population adulte qu'on réduit aux seuls
parents et on réduit les parents à leur seul rôle de
parents. Or, la population adulte a un double intérêt à la
chose scolaire: d'abord, comme membres de la communauté et,
deuxièmement, comme usagers réels ou potentiels du réseau
scolaire public. Cette omission est d'autant plus grave qu'il y avait des
recommandations extrêmement claires de la commission Jean à cet
égard aux trois niveaux. Il faut revoir les articles 39 sur le conseil
de l'école, 63 sur le comité d'école, 70 sur les
comités d'élèves, etc.
Cinquièmement, si le projet de loi 40 n'est pas la loi
fondamentale en éducation des adultes que le ministre doit
préparer et déposer prochainement - j'ai bien dit la loi
fondamentale - il doit tout au moins préparer le lit pour que cette loi
fondamentale puisse trouver dans le réseau public un outil
privilégié. Cette loi, par ses omissions et ses
ambiguïtés, risque de gaspiller 20 ans de travail ardu des
intervenants, des responsables, mais surtout des hommes et des femmes qui,
à force d'insister, de chialer, de demander, de participer ont
finalement construit un réseau public d'éducation autour des 79
services d'éducation des adultes. Où est donc passé dans
tout cela le rapport de la CEFA? On ne le voit plus, ni dans la loi, ni dans le
projet législatif qui, maintenant, fuse de toute part; pourtant, ce
projet était terriblement réaliste. Réaliste dans la
responsabilité québécoise, réaliste dans ses
propositions.
Aussi, nos recommandations - et là-dessus, je reviens au
mémoire - qui se retrouvent aux pages 5 et 6 sont les suivantes: Le
projet de loi 40 doit reconnaître l'éducation des adultes comme un
droit - et, à cet égard, il faut corriger les articles 14 et 15
du projet de loi - au même titre que l'enseignement préscolaire,
primaire et secondaire. Deuxièmement, le projet de loi doit
reconnaître cette mission comme étant spécifique et
différente, et sur cela indiquer très clairement les
unités opérationnelles, SEA des commissions scolaires, etc., qui
assumeront cette responsabilité. Le projet de loi 40 doit établir
plus clairement que ce sont les CSR qui sont responsables de cette mission. Le
projet de loi 40 doit préciser que cette mission sera assumée par
une structure spécifique qui sont les SEA au sein des CSR, les services
d'éducation des adultes. Le projet de loi doit être amendé
pour permettre de mieux responsabiliser la collectivité adulte, pour lui
permettre d'être représentée aux instances responsables de
cette mission spécifique du réseau scolaire. Enfin, le projet de
loi 40 devrait être débarrassé de ses clauses ambiguës
effleurant l'éducation des adultes, jusqu'à ce que les intentions
du gouvernement soient claires à ce sujet.
Pour terminer, le conseil d'administration de l'ICEA demande de
façon urgente au gouvernement de sortir au plus tôt officiellement
sa véritable politique d'éducation des adultes. Actuellement, on
est en train de la mettre en place sans la débattre. Il nous semble
qu'il faut d'abord l'annoncer, la débattre et puis l'appliquer. Ce que
je dis là n'est pas une parole en l'air; déjà, les amis de
la TREAQ en ont donné certains indices. J'en veux pour indice un
communiqué que nous a transmis un des membres importants de l'ICEA, qui
est l'Union des producteurs agricoles, qui a paru dans le Soleil et qui indique
que la responsabilité de la formation des adultes en milieu agricole va
passer de l'Éducation au ministère de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation. D'ailleurs, le directeur de l'Institut de
technologie agricole de La
Pocatière est, comme par hasard, tout récemment devenu
sous-ministre et son titre est le suivant: sous-ministre à la recherche
et à la formation au ministère de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation. Beaucoup d'autres organismes pourraient
donner des indices semblables. On assiste actuellement à une politique
de fait. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Bélanger. M. le
ministre.
M. Laurin: M. le Président, il me fait plaisir
d'accueillir l'ICEA à cette commission. J'en profite pour souligner le
rôle extrêmement important que joue l'ICEA dans le monde de
l'éducation des adultes depuis quelques années. C'est un lieu de
rencontre, de réflexion et d'action des divers milieux de
l'éducation des adultes. Nous l'avons entendue à plusieurs
reprises au cours des dernières années, surtout depuis que nous
avons été contraints d'effectuer des compressions
budgétaires. L'ICEA s'est souvent fait le porte-parole des groupes qui
protestaient contre ces réductions qu'on trouvait trop draconiennes. Il
s'est souvent fait aussi l'interprète du milieu à la suite de la
parution du rapport de la commission Jean pour presser le gouvernement de faire
connaître au plus tôt sa politique. L'ICEA a donc joué un
rôle de rassembleur très important et très cohérent,
également. J'en profite pour souligner la qualité de son
apport.
L'ICEA, dans son mémoire, nous pose plusieurs questions en
même temps qu'il nous fait part de certains griefs. Je ne voudrais pas
reprendre ce que j'ai dit à des interlocuteurs antérieurs, par
exemple, au sujet du caractère spécifique et différent de
l'éducation des adultes qu'il nous faut préserver, je ne voudrais
pas reprendre, non plus, ce que nous dit l'ICEA sur le rôle important,
pour ne pas dire fondamental, que doivent jouer les commissions scolaires dans
la dispensation des services aux adultes. En effet - je l'ai dit et je le
répète - il sera clair dans le projet de loi que les commissions
scolaires devront, en tant que partie intégrante de leur mission,
développer au maximum les services d'éducation aux adultes.
Pour sa part, l'ICEA met plutôt l'accent sur le droit des adultes
à une formation de base. Mais une fois que cela est dit, je ne pense pas
qu'on ait épuisé toute la question. D'une part, il est possible
de reconnaître un droit aux adultes à l'éducation de base,
mais est-ce que cela veut dire que ce droit doit être absolu et
illimité?
D'ailleurs, ce serait là la première question que
j'aimerais poser à l'ICEA. Qu'entend-il exactement lorsqu'il
définit le droit de l'adulte à une formation? Est-ce qu'il parle
du droit d'accès ou s'il parle du droit d'accès gratuit et, d'une
façon plus importante, est-ce qu'il parle d'un droit d'accès
gratuit de tous les adultes à tous les types de formation? Est-ce que
l'ICEA pourrait nous dire jusqu'où pourrait s'exercer ce droit? Quand on
connaît la diversité des types de formation que les adultes
viennent chercher dans les commissions scolaires, à l'enseignement
collégial, à l'enseignement universitaire, est-ce que, selon
l'ICA, l'État devrait assumer complètement, intégralement,
les coûts de cette éducation diversifiée, parfois
générale, parfois professionnelle, parfois socioculturelle?
M. Bélanger: Quant à la notion de droit et de
gratuité qui lui est liée, il faut se rappeler que les
recommandations 1, 3 et 4 de la commission Jean sont très claires
là-dessus. Je cite là-dessus les recommandations 3 et 4: "Que,
dans une perspective d'éducation permanente, soit reconnu à tout
adulte le droit à une formation de base gratuite comme on le fait pour
les jeunes." On le définit de façon plus opérationnelle
à l'article suivant: "Que l'on garantisse aux adultes, en vertu de ce
droit, l'équivalent de treize années de formation." En d'autres
termes, si un adulte n'a pu, lors de sa jeunesse, avoir accès à
la formation que lui garantit le système public d'éducation,
c'est-à-dire l'équivalent de treize années de
scolarité, cette même personne doit avoir le droit de retrouver
cette formation ou son équivalent de façon tout aussi gratuite,
sans quoi on introduit dans la loi une discrimination selon l'âge. Donc,
pour répondre à la question, c'est cette même formation de
base que la loi accorde comme un droit aux jeunes, ou son équivalent,
qui doit être reconnue pour les adultes.
Là-dessus, ce n'est pas une recommandation neuve que la CEFA a
faite. Cela remonte au texte des recommandations internationales de l'UNESCO
sur les politiques d'éducation des adultes. Cela remonte même en
1964 au rapport Ryan sur l'éducation des adultes. C'est, dans la plupart
des pays, une notion de plus en plus courante que les adultes qui n'ont pas eu
accès à l'équivalent de la formation obligatoire
définie dans un pays doivent y avoir accès avec la même
forme de gratuité. Autrement, c'est introduire une discrimination, dans
la loi fondamentale, sur l'éducation selon l'âge.
M. Laurin: Comme vous le savez, il y a près de 10 000
adultes actuellement inscrits à l'enseignement régulier dans les
commissions scolaires. Il y en a plusieurs autres inscrits à des
programmes de formation professionnelle et générale dans des
programmes spécifiques. Si l'on ajoute à tous ces adultes les 1
400 000 qui
constituent la clientèle potentielle que devraient accommoder nos
services réguliers ou spécifiques, si l'on ajoute à cela
le fait qu'un bon nombre de ces adultes sont des analphabètes
fonctionnels, même s'ils ont pu acquérir deux ou trois
années de secondaire, si l'on ajoute à tous ces adultes ceux qui
ont besoin de recyclage, non pas parce qu'ils n'ont pas terminé leur
secondaire, mais parce qu'ayant terminé leur secondaire leur
métier ou leur profession est moins en demande sur le marché du
travail, et si l'on additionne les sommes requises pour dispenser la formation
adaptée à ces centaines de milliers de personnes, croyez-vous
qu'il ne faille pas tenir compte, quand même, de la capacité de
payer de la collectivité? Ne croyez-vous pas aussi qu'il faille se
résoudre à des politiques progressives qui permettent à
une société, à un État de s'acquitter de ses
obligations, mais en tenant compte, quand même, des conditions
concrètes dans lesquelles l'État doit assumer sa mission
éducative?
M. Bélanger: Écoutez, la meilleure façon de
répondre à cette question, c'est de se référer au
dossier des jeunes. Est-ce que, parce que l'éducation obligatoire,
c'est-à-dire le droit de tous les jeunes à une formation de base,
coûte au Québec plus de 2 000 000 000 $, il ne faudrait pas
accorder ce droit aux jeunes? Évidemment, vous connaissez
déjà votre réponse. La réponse pour les adultes ne
peut pas être différente. Sans cela, c'est introduire une
discrimination selon l'âge. La question est de savoir si, demain matin,
si vous accordez ce droit, tous les adultes vont frapper à la porte de
l'école. L'expérience là-dessus est claire. C'est le
contraire. Il va falloir que le ministère mette sur pied une
stratégie très précise pour aller déculpabiliser
les adultes, pour recruter des adultes, pour permettre à ces adultes de
développer leur potentiel. Là-dessus, ce n'est pas une faveur
qu'on demande. Ce droit a une connotation économique très
précise. On sait actuellement que, dans la plupart des pays
industrialisés, l'absence de formation de base de la population
entraîne des coûts économiques énormes, parce qu'on
connaît la corrélation entre la formation de base et l'emploi, la
formation de base et le chômage.
Il y a, d'ailleurs, dans la CEFA, à la page 96, un exemple
extrêmement intéressant dans un État américain d'une
étude coûts-bénéfices de la formation de base, qui
montre que c'est un investissement que d'accorder ce droit. Donc, il est
sûr que, si on perçoit cela uniquement comme une dépense
gratuite, un peu comme on concevait l'alphabétisation dans les pays du
tiers monde il y a une vingtaine d'années, qui n'était pas
reliée au développement, cela devient un problème
énorme. Mais concevoir le droit à la formation de base comme un
outil de développement du potentiel humain, comme une contribution au
développement afin de permettre à ces gens de ne plus
dépendre de l'État en termes d'assistance sociale et de
chômage, mais de se réintégrer dans les circuits
économiques, d'avoir droit à l'emploi par cela, c'est non
seulement répondre à un droit, mais c'est aussi contribuer au
développement. Donc, ce n'est que dans un cheminement au cours des
prochaines années qu'on va pouvoir répondre à ceci. Il est
évident que ce n'est pas demain que 2 000 000 de personnes vont frapper
à la porte de l'école, mais le fait de reconnaître ce droit
apporte d'abord la gratuité. Cela veut dire que les quelques dizaines de
milliers de personnes qui frappent à la porte des commissions scolaires
auront droit à cette formation toute aussi gratuite - c'était le
cas autrefois, d'ailleurs; depuis les coupures, c'est différent,
hélasl - que pour les jeunes et qu'ensuite, au fur et à mesure
que ce programme pourra s'approfondir, on s'attaquera à des cercles de
plus en plus grands de la population.
L'absence de notion de droit dans le texte de loi par rapport aux
adultes -d'ailleurs, je sais que votre ministère a fait faire des
expertises sur l'impact financier de cette recommandation; c'était
certainement une des prémisses de votre question contient aussi un autre
versant de cette question. Évidemment, il y a les coûts, mais je
pense que, là-dessus, le rôle du ministère de
l'Éducation est de défendre auprès du Conseil du
trésor que ces coûts sont aussi un investissement. (17 h 15)
M. Laurin: C'est, d'ailleurs, ce que je défends
constamment auprès du Conseil du trésor. Il reste qu'on peut se
poser la question: même si le coût qu'implique l'éducation
de tous les adultes qui auraient besoin de cette formation de base et qui ne
l'ont pas constitue un investissement à moyen terme, mais à long
terme à coup sûr, ne faut-il pas penser à l'impact
financier immédiat que pourrait constituer l'entrée massive
simultanée d'un très grand nombre, de ces centaines de milliers
d'adultes dans le réseau scolaire proprement dit, le réseau
régulier, ou dans des programmes spéciaux mis à leur
disposition? Surtout si on sensibilise les populations adultes, si on les
déculpabilise comme vous le dites, cela ne pourrait
qu'accélérer l'entrée de toutes ces clientèles dans
le réseau éducatif. Il faut aussi se poser la question des
ressources en personnel, des ressources humaines nécessaires pour
combler ce besoin.
Même sur le plan du droit, puisque l'on parle de droit absolu dans
votre mémoire, est-ce que pourriez me dire si, à votre
connaissance, plusieurs États, plusieurs pays ont inscrit dans leurs
lois ce droit absolu
pour les adultes à une formation de base s'étendant
jusqu'à la limite du secondaire?
M. Bélanger: Je pense qu'il faut faire une distinction
entre le droit et l'obligation. Pour les jeunes, le texte de loi dit que la
formation de base primaire et secondaire est obligatoire. C'est non seulement
un droit, c'est une obligation. Dans certains pays du tiers monde, en Irak par
exemple, on fait de l'alphabétisation non seulement un droit, mais une
obligation. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit ici, mais bien que
l'éducation des adultes de base soit un droit, donc gratuit. Cela ne
veut pas dire que, demain matin, tout le monde va frapper à la porte de
l'école. Ils ne sont pas obligés de le faire. Cela veut dire que
ceux qui voudront développer leur potentiel dans des contenus
équivalents à la formation de base pourront le faire
gratuitement. C'est très important que ce soit inscrit dans le texte de
loi. Faute d'être inscrit, demain, ces gens devront payer; payer pour un
service de formation de base, payer pour une école publique qu'ils ont
eux-mêmes subventionnée lourdement comme contribuables.
Est-ce qu'il y a des pays qui, actuellement, ont inscrit cette pratique?
Oui, il y en a qui ont inscrit cette pratique. Il y a toute la Scandinavie, la
Belgique. En France, c'est en débat actuellement.
M. Laurin: Étant donné que je ne veux pas
monopoliser tout le temps, je me contenterais d'une seule autre question. Vous
avez exprimé, dans votre mémoire, le désir que les
étudiants adultes soient représentés comme tels dans les
instances décisionnelles et, en particulier, au niveau du conseil
d'école. Dans votre mémoire, vous êtes assez flous quant
aux critères de représentation. Est-ce que vous pourriez nous
éclairer davantage là-dessus? Comment verriez-vous la
représentation des adultes s'inscrire d'une façon pratique, par
exemple au niveau du conseil décisionnel d'une école ou encore au
niveau de la commission scolaire dans un comité consultatif qui pourrait
être créé ou au niveau même de la
représentation du conseil des commissaires?
M. Bélanger: Là-dessus, M. le ministre, je vous
référerai aux recommandations 332, 333, 334, 335, 342 du rapport
de la CEFA quant à cette question des commissions scolaires. En gros,
pour les résumer - ce sont, d'ailleurs, des expériences
déjà en place au Québec - il s'agit de permettre et de
faciliter des associations d'étudiants et d'étudiantes adultes
dans les commissions scolaires, ce qui existe déjà dans un
certain nombre de commissions scolaires maintenant, de permettre, un peu comme
votre projet de loi prévoit des comités d'élèves,
des structures semblables pour les adultes au niveau des centres, de permettre
aussi des comités au niveau des commissions scolaires et de permettre
aux étudiants adultes représentés en assemblée
générale d'élire des membres au conseil d'administration
des structures locales ou régionales. Je ne veux pas détailler
davantage car le rapport de la CEFA est très clair quant aux
recommandations que je viens de citer.
M. Laurin: Oui, cela pourrait être assez facile au niveau
des services d'éducation des adultes qui sont créés de
toutes pièces par les commissions scolaires, par exemple, dans des
écoles désaffectées qui ne reçoivent plus de jeunes
et qui sont consacrées exclusivement à la formation des adultes.
Là, il n'y a vraiment pas de problème. Mais le problème
pourrait se poser dans certaines polyvalentes où la
représentation des adultes est, quand même, plus clairsemée
ou plus difficile à saisir en raison même du caractère
spécifique des clientèles adultes qui fréquentent
l'école à temps partiel ou pour une durée limitée.
C'est surtout de ce point de vue que j'aimerais avoir vos suggestions.
Le Président (M. Blouin): M. Bélanger.
M. Bélanger: Écoutez! Je me situe ici dans le cadre
actuel des services d'éducation des adultes, c'est-à-dire
où il y a des services d'éducation des adultes qui sont
responsables de la programmation. Au niveau local, nous, à l'ICEA, ne
pouvons voir, dans ce que la loi appelle des corporations locales, que des
centres de services d'éducation des adultes. À ce niveau, c'est
vraiment de l'ordre de comités d'usagers.
Quant à la participation au niveau des décisions, comme,
dans notre perspective, les décisions se prennent au niveau
régional, c'est plutôt des comités régionaux, tel
qu'on en prévoit dans la loi pour les jeunes - il faudrait en
prévoir pour les adultes - et aussi la représentation au SEA
là-dessus. Il est évident que les clientèles d'adultes
sont très mobiles si on se fie aux expériences qu'on a
d'étudiants adultes depuis environ une vingtaine d'années au
Québec. À la CECM, par exemple, il y a eu une longue tradition
d'étudiants adultes; à Chambly, dans un certain nombre de
commissions scolaires et dans un certain nombre de cégeps. Pour que ces
associations puissent vivre, il faut que les commissions scolaires, les
services d'éducation des adultes leur donnent un appui. Il est
évident que rejoindre ces gens-là par téléphone, le
soir, c'est énorme. Il faut qu'ils aient un appui par des services
d'action communautaire. Un certain nombre de commissions scolaires, d'ailleurs,
ont affecté une part de leur budget d'animation communautaire à
cette fin. C'est clair qu'il va falloir trouver des solutions dans un
certain nombre de régions. Ce qui est important ici, c'est que,
peu importe la forme que prendront les nouvelles structures publiques primaire
et secondaire au Québec, il est très important que soit inscrite
dans la loi une place réelle avec un pouvoir réel des
représentants de la population adulte autre que les parents, soit comme
population adulte tout court, soit comme usagères et usagers; sans cela
le système va continuer à fonctionner comme si l'éducation
des adultes n'existait pas, c'est-à-dire qu'il va continuer à
fonctionner comme si on était encore dans les années
cinquante.
C'est très important. Les modalités sont définies
par région, mais on a beaucoup d'expérience au Québec.
Là-dessus, s'il y a un plan sur lequel la CEFA est très claire et
sur lequel la CEFA a beaucoup insisté dans ses consultations, c'est bien
toute la dimension participative non seulement au niveau régional, mais
aussi au niveau national. C'est, à mon avis, un autre chapitre de la loi
qui pourrait être très sensiblement amélioré,
c'est-à-dire là où on parle du rôle du
ministère de l'Éducation. Là non plus, il n'y a pas de
place pour les adultes pour participer aux décisions. On sait que, dans
le rapport de la CEFA, quant à la structure proposée au plan
central, on faisait une place très importante aux usagers et aux
usagères.
M. Laurin: Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Merci, M. le Président. Je n'entends pas
reprendre à ce moment-ci l'exposé des observations que j'ai
faites tantôt à l'occasion de la rencontre avec la Table des
responsabales des services d'éducation des adultes des commissions
scolaires du Québec, parce qu'on essaie toujours de progresser un peu
dans la conversation, même si cela ne répond pas toujours, de
l'autre côté, autant qu'on le souhaiterait. Il n'y a rien qui me
déplaît comme de répéter mécaniquement la
même chose et je voudrais essayer de faire avancer un peu la
conversation.
Tout d'abord, à la lumière de ce que vous avez dit, je
relisais les principaux passages du projet de loi qui traitent de
l'éducation des adultes. Il y a une réalité qui me
frappait encore plus nettement à ce moment-ci: c'est
l'incohérence du projet de loi en ce qui touche l'éducation des
adultes. Il en est question à deux endroits principaux, à
l'article 92 et à l'article 117. À l'article 92, on dit que
l'école dispense les services aux adultes, les services éducatifs
déterminés par la commission scolaire. À l'article 117, on
dit que l'école peut organiser des services éducatifs autres que
ceux qui sont prévus au régime pédagogique.
Ensuite, vous allez au chapitre qui traite des fonctions de la
commission scolaire et là, vous ne trouvez rien. Vous ne trouvez rien au
sujet de l'éducation des adultes. Vous avez beau lire les articles 199
à 218 les uns après les autres, M. le ministre, vous ne trouvez
rien qui traite de l'éduction des adultes là-dedans. Vous vous
dites peut-être que c'est dans les obligations générales
qui incombent à la commission scolaire, en vertu des droits qui sont
définis au tout début du projet de loi, aux articles 1 à
13 ou 14 et 15, mais il n'y a rien là non plus.
Par conséquent, la commission scolaire serait libre, en vertu de
ce projet de loi, d'offrir ce qu'elle jugera opportun. Si elle l'a
définie, il faut que cela passe par l'école. C'est loin
d'être une chose démontrée, d'abord. C'est écrit
comme cela dans le projet de loi. Comme je le disais tantôt, cela ne se
passe pas comme cela très souvent dans la réalité.
Deuxièmement, elle n'a pas d'obligation, elle peut faire tout ce qui lui
incombe: elle s'assure que la population de son territoire reçoit les
services éducatifs auxquels elle a droit dans les écoles
situées sur son territoire. Or, il n'y a pas de droit garanti à
l'adulte de ce côté-là. C'est donc purement facultatif en
ce qui regarde la commission scolaire. D'ailleurs, on complète
très bien en disant: "Elle doit admettre dans ses écoles tout
enfant placé en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse
(L.R.Q., chapitre P-34.1) ou de la Loi sur les services de santé et les
services sociaux (L.R.Q., chapitre S-5)." C'est sûrement une carence
majeure du projet de loi qui doit être corrigée en profondeur de
manière beaucoup plus cohérente et organique que ce dont on a vu
la manifestation jusqu'à maintenant.
J'entendais tantôt le ministre faire montre de sollicitude en ce
qui regarde le regroupement des adultes en association distincte aux fins de
participation aux organismes de gestion et de direction du système
scolaire. Cela me faisait plutôt sourire, parce que je me souviens que,
lorsqu'on a discuté du projet de loi sur les associations
étudiantes, l'an dernier, la loi 32, nous avons insisté, du
côté de l'Opposition, pour qu'il permette le regroupement distinct
des étudiants adultes, plutôt que de les obliger à se noyer
dans des associations qui regroupent les étudiants réguliers.
Vous vous en souvenez très bien, il n'a rien voulu entendre de cela, il
a dit: Cela fonctionne tout ensemble. Cela s'est réglé vite
à part cela, juste le temps des objections que nous avions à
formuler. Cette distinction n'existait pas dans son esprit, à ce
moment-là, pas plus d'ailleurs que dans celui de ses collaborateurs qui
avaient inspiré ce projet de loi. Il me semble que, si on le
veut, ce n'est pas difficile de regrouper les adultes. Ils sont tous
inscrits. Ils vont tous à des cours distincts au niveau secondaire. Aux
niveaux collégial et universitaire, c'est déjà plus
difficile, parce que, souvent, les adultes sont fusionnés avec les
étudiants réguliers dans certains cours, mais, au niveau
secondaire, à peu près tous sont inscrits dans des classes
distinctes. Il n'y a rien de plus facile que de leur dire: Votre participation
est requise. Si vous voulez vous regrouper... Je crois que cela peut se faire
très bien.
Dans le projet de loi, on remarque aussi... Savez-vous, c'est une
observation qui m'est venue en écoutant ce qui s'est dit aujourd'hui.
Cela ne m'avait pas frappé jusqu'à maintenant. Lorsqu'on parle du
ministère, il n'y a absolument rien au point de vue de la structuration
du ministère. Je ne sais pas si vous avez remarqué cela, il n'y a
absolument rien. Le ministre peut faire ce qu'il veut. Il peut aujourd'hui
organiser l'enseignement élémentaire et secondaire,
l'enseignement collégial. Demain, il peut prendre en parallèle
l'administration, la planification, les programmes d'étude, etc. Il peut
faire à peu près ce qu'il veut et les seuls comptes qu'il a
à rendre, c'est en matière administrative, lorsqu'il
présente ses crédits, et, à part cela, il peut faire ce
qu'il veut. La meilleure preuve, c'est que là il est en train de
démanteler la Direction générale de l'éducation des
adultes. Il n'a de compte à rendre à personne. On en a
parlé ici, depuis le début de l'après-midi, et cela n'a
pas l'air de le préoccuper plus que de raison. Il n'a pas trouvé
le moyen de dire un mot là-dessus, pas un commentaire. Est-ce vrai?
Est-ce faux? On doit conclure que c'est vrai, parce que, si cela avait
été faux, j'espère que le ministre aurait
été assez vigoureux pour le nier.
Je dois comprendre que le moratoire demandé par le Conseil
supérieur de l'éducation, on est un peu dans les limbes
là-dessus, parce qu'il peut arriver qu'on ait dit aux gens: On respecte
la lettre du moratoire. On ne vous déplacera pas d'ici au 31
décembre, mais vous êtes avertis; après cela, vous
décollez. On voudrait savoir si c'est vrai ou non, parce que, autrement,
on va se retrouver un bon jour, les amputations auront été faites
et il sera trop tard pour faire les correctifs qui s'imposeraient. (17 h
30)
Je voudrais vous poser deux questions en rapport avec votre
mémoire. Premièrement, vous disiez, à la fin de votre
mémoire, dans un ajout que vous avez inséré là en
tout dernier lieu, je pense: Le conseil d'administration de l'Institut canadien
d'éducation des adultes demande de façon urgente au gouvernement
de publier officiellement sa véritable politique en matière
d'éducation des adultes. Vous dites qu'on est en train de la mettre sur
place sans la débattre. Vous avez apporté un exemple qui vous est
fourni par un communiqué tout récent de l'Union des producteurs
agricoles. La question que je voudrais vous poser à ce sujet est la
suivante: Comment voyez-vous l'échéancier? Nous, nous sommes
devant un projet de loi dont vous nous dites d'un côté que, si on
veut faire une loi moderne de l'enseignement primaire et secondaire public, il
faut absolument qu'il y ait une place décente faite à
l'éducation des adultes. Deuxièmement, moi, je vous dis que, pour
faire une place décente à l'éducation des adultes dans un
projet de loi comme cela, il faut bien qu'on ait eu la chance d'en discuter
quelque part. Il faut que le gouvernement ait mis ses cartes sur la table et
qu'on en ait discuté pendant un certain temps. Ce n'est pas un
débat qui peut se faire, j'imagine, dans une semaine ou deux. Je
voudrais savoir comment vous envisagez un échéancier raisonnable
pour qu'on puisse en arriver à ce que toutes les dimensions essentielles
soient réunies dans une convergence à peu près
convenable.
M. Bélanger: Ma réponse aura deux volets. Le
premier, c'est qu'il y a un échéancier. Un
échéancier, cela veut dire ne pas mettre la charrue devant les
boeufs. Un échéancier, cela veut dire de passer à l'action
une fois que la décision est prise et non pas de décider
officiellement une fois que les actions sont réalisées. C'est le
premier plan. Il faut un échéancier qui implique d'abord
l'annonce d'une politique, le débat d'une politique et, ensuite,
l'application, beaucoup de gens sur le terrain. C'est vrai des responsables
publics de l'éducation des adultes qui vous l'ont dit tantôt.
C'est vrai des usagers et des "usagères". C'est vrai des groupes de
femmes. C'est vrai des différents usagers. C'est vrai des formateurs.
Tout le monde est inquiet sur le terrain de voir les décisions nous
tomber maintenant à répétition sur la tête.
Là-dessus, lors d'une réunion récente à
l'institut, l'Union des producteurs agricoles nous disait: Quant à nous,
les jeux sont pratiquement faits. On est même convoqué au
ministère, au MAPAQ, pour débattre de ce que va devenir dans
l'avenir notre rôle au niveau de la formation professionnelle.
Là-dessus, il m'apparaît donc clair qu'il faut au plus tôt
que le gouvernement annonce sa politique. Et je pense que le ministre a dit
tantôt qu'il l'annoncerait au plus tôt, ce qui est
déjà un pas important.
Deuxièmement, il faut geler les décisions. Il faut que la
décision concernant la DGEA soit gelée. Il faut que les
décisions concernant le passage au MMSR soient gelées. Or, les
bruits qu'on entend, c'est le contraire. Il faut qu'il y ait un mode
quelconque de consultations publiques. Là-dessus, on est devant
l'espèce de drôle de situation suivante: Ou bien cette loi 40 est
complète pour l'ensemble du secteur primaire et secondaire et, donc,
couvre toute la question et ce n'est que cela que sera l'école publique;
ou bien elle n'est pas complète et, à ce moment-là, comme
le seul lieu pour débattre de cette loi c'est aujourd'hui et qu'on n'a
pas en main les amendements majeurs qui concernent notre secteur en
particulier, on est pris exactement entre deux chaises. Et il va falloir
recréer plus tard une instance où les différents
intervenants de l'éducation des adultes - ici, je veux souligner tout
particulièrement les groupes de femmes qui sont très visés
par les politiques d'éducation des adultes - pourront débattre de
la question. Mais la condition élémentaire à cela, il me
semble, c'est de geler les décisions.
Or, cela nous inquiète énormément. La
décision quant au rôle du ministère de l'Éducation,
le glissement Éducation-Main-d'Oeuvre, etc., nous énervent
beaucoup. D'ailleurs, ce n'est pas la première fois. Il faut se rappeler
que, six mois après le dépôt du rapport de la commission
Jean, six mois après, très exactement, en juillet, alors que
l'Assemblée nationale ne siégeait pas, c'est à ce
moment-là qu'on a signé l'accord Québec-Ottawa qui a
défini pour les trois années à venir l'essentiel de
l'éducation des adultes. De la même façon, c'est une
journée après la fin de la commission parlementaire sur les
collèges à laquelle nous sommes intervenus, nous de l'institut,
le lendemain de la fin de la session, qu'on a annoncé la fermeture de la
DGEA, lors d'une assemblée générale dans les locaux
mêmes du ministère. Et, à chaque fois, on l'annonce en
pleine période de vacances alors que personne ne peut réagir.
Cela m'apparaît malsain comme lancement d'une politique. Cela sème
des doutes, des suspicions, et cela pose de terribles questions. L'avenir de
l'éducation des adultes est lié au maintien et au
développement des structures en place spécifiques à
l'éducation des adultes dans les cégeps, dans les commissions
scolaires. On pensait être capable, à partir de 1982, une fois que
les structures étaient assurées, de travailler à leur
développement pédagogique et à leur
démocratisation. On se retrouve maintenant dans la situation où
il faut faire quatre pas en arrière et recommencer à neuf pour
s'assurer qu'au moins l'infrastructure de base y soit. Cela m'apparaît
tout à fait tragique.
M. Ryan: M. le Président, vous me direz si mon propos est
conforme au règlement. Cela fait plusieurs fois cet après-midi
que nous entendons des affirmations très sérieuses au sujet
d'orientations qui auraient même été communiquées
à des collaborateurs du ministère de l'Éducation en ce qui
touche l'éducation des adultes. Des décisions auraient
été prises en ce qui regarde des institutions et des services,
par exemple, le transfert de la formation professionnelle agricole vers le
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
C'est quand même un renversement de politique par rapport à ce qui
avait été décidé il y a une vingtaine
d'années et pratiqué depuis. Serait-ce dans l'ordre qu'on demande
au ministre s'il a des précisions à fournir à ce sujet,
des explications, des dénégations, en tout cas, une
déclaration claire d'intention ou de volonté de la part du
ministère à ce moment-ci?
Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): La question
est posée. Libre à ceux qui peuvent répondre de
répondre.
M. Ryan: Est-ce qu'on peut avoir un oui ou un non de la part du
ministre? Pourrait-on demander au ministre s'il est prêt à nous
fournir des précisions à ce sujet? Parce que ce sont des choses
très sérieuses. Une fois qu'on est saisi du problème,
qu'on l'a soulevé et signalé, et tout, je pense qu'on est en
droit de demander des explications au niveau des faits.
Le Président (M. Champagne, Mille-Iles): M. le
député de Fabre.
M. Leduc (Fabre): M. le Président, je soulève
seulement une question de règlement. Je comprends la profonde
curiosité du député d'Argenteuil...
Mme Lavoie-Roux: C'est une saine curiosité.
M. Leduc (Fabre): C'est sûrement une saine
curiosité, Mme la députée, sauf que cette saine
curiosité pourrait s'étendre à toutes sortes de questions.
On est ici pour entendre nos intervenants et leur poser des questions. Il me
semble qu'il faut que la commission poursuive son déroulement
normal.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président.
Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): Oui, Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Lavoie-Roux: Non, moi je suis de
L'Acadie.
Le Président (M. Champagne, Mille-Îles):
Excusez-moi. Mme la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: L'Acadie dans
Montréal.
Le Président (M. Champagne, Mille-Iles): On vous
écoute, madame.
Mme Lavoie-Roux: C'est sur la question de règlement. Je
viens d'entendre le député de Fabre dire qu'on est ici pour
entendre les invités. M. le Président, il n'y a pas de
règle qui dit que le député est empêché de
répondre quand on lui pose une question. Je ne me souviens pas de
commission parlementaire où un ministre ait constamment refusé de
répondre à une question. C'est la cinquième semaine que
nous siégeons et c'est la première fois, que le
député d'Argenteuil pose une question précise au ministre
de l'Éducation, à ma connaissance, et insiste, si on peut dire,
fort gentiment pour avoir un oui ou un non. Je trouve que l'explication du
député de Fabre est plutôt faible, compte tenu de
l'expérience qu'on a eue en commission parlementaire depuis huit
ans.
Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): Mme la
députée de L'Acadie, je pense qu'on est ici pour entendre les
représentants d'une association. Les questions et les réponses
viennent à la fois du député et des présidents qui
représentent ces associations. Depuis le début des séances
de notre commission parlementaire de l'éducation qui siège
pendant sa cinquième semaine, je pense qu'il a été de mise
et de tradition de poser des questions et d'avoir des réponses de la
part de nos invités. Libre au ministre de vouloir répondre
subséquemment. Il s'agirait peut-être de ne pas déborder.
Vous me demandez mon opinion, Mme la députée...
Mme Lavoie-Roux: Vous répétez l'opinion du
député de Fabre. Je m'en excuse, mais je voudrais vous rappeler
que, lors de la commission parlementaire sur le règlement des
études collégiales, à plusieurs reprises, le ministre a
répondu à des questions alors qu'on avait des auditions. Si on
doit établir un précédent pour toutes les commissions
parlementaires à venir, je suis un peu surprise.
Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): Mme la
députée de l'Acadie, je vous ai parlé de la tradition.
Depuis cinq semaines qu'on siège ensemble dans la
sérénité...
Mme Lavoie-Roux: La tradition depuis cinq semaines, et la
tradition depuis 100 ans, M. le Président?
M. Ryan: M. le Président.
Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Je voudrais résumer brièvement l'objet de
ma dernière intervention, lequel est très simple. Je disais tout
simplement au ministre, par votre entremise, que je serais prêt à
sacrifier un peu du temps que j'emploie à interroger l'Institut canadien
d'éducation des adultes pour obtenir des précisions de lui, et
que nous, de notre côté, consentirions à ce qu'il le fasse
sans qu'il n'y ait aucune espèce de question de règlement
soulevée de notre côté. Je ne peux pas lui faire une
obligation de le dire maintenant. C'est pour cela que la question de
règlement invoquée par le député de Fabre me
paraît hors de propos à ce moment. Si le ministre trouve que c'est
assez sérieux pour qu'il fournisse des précisions qui vont nous
éclairer tous, tant mieux. S'il trouve que c'est seulement du vent
toutes ces choses et des choses qui ne l'intéressent pas, il n'a
qu'à ne pas répondre, qu'à ne pas dire un mot. On tirera
nos conclusions, et on va passer à d'autres choses. C'est tout ce que je
demandais. C'est pour cela que je demandais au ministre, au moins, oui ou
non.
Mme Lavoie-Roux: II résiste à la tentation.
M. Ryan: Alors, c'est non. Il faut interpréter le silence
comme un non en ce cas, de toute évidence.
Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): Mais
maintenant, M. le député...
M. Ryan: Je me réveille avec rien.
Le Président (M. Champagne, Mille-Iles): M. le
député d'Argenteuil, vous avez quand même bien parlé
de répondre maintenant ou plus tard.
M. Ryan: C'était maintenant que cela m'intéressait,
parce que cela influence la suite des questions que je vais poser à
l'Institut canadien d'éducation des adultes.
Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): M. le
député d'Argenteuil, est-ce que vous pourriez poursuivre la
série de questions avec les invités, s'il vous plaît?
M. Ryan: Je repose ma question. Cela n'est pas une
comédie. Est-ce qu'on peut savoir si le ministre est disposé
à répondre à ces allégations qui ont
été faites ou non? Ce n'est pas à vous de répondre
pour le ministre, c'est à lui de répondre, il est capable de
répondre.
M. Laurin: M. le Président, j'ai déjà
annoncé...
Le Président (M. Champagne, Mille-
Îles): M. le ministre.
M. Laurin: ...que je ferai connaître la politique
gouvernementale avant la fin du mois. Je profiterai de l'occasion alors pour
répondre à la question de détail que vient de poser le
député d'Argenteuil.
Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Merci. Je reviens à la question à propos
de l'échéancier. Si je comprends bien, vous dites: si on veut
avoir une politique cohérente, complète, dynamique en
matière d'enseignement public, primaire et secondaire, il faut que
l'éducation des adultes soit dans cela. Mais elle ne peut pas être
dans cela tant qu'on n'a pas eu le débat public qui doit suivre la
politique du gouvernement. Par conséquent, cela veut dire qu'à
votre point de vue il serait bien prématuré qu'on aille soumettre
ce projet de loi devant les Chambres tant que ces étapes n'auront pas
été franchies. Très bien, c'est clair, je n'ai pas
d'autres questions sur cela. Juste un autre point.
Il y a une question qui nous inquiète beaucoup: c'est la
formation professionnelle des adultes. Là il y a toutes sortes
d'opinions qui circulent. Vous avez fait allusion dans votre
présentation aux dangers qui découleraient d'une politique qui
transférerait au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu la grosse part du fardeau en matière de
formation professionnelle. Vous disiez à ce moment: on risque d'aggraver
encore le phénomène de dépendance vis-à-vis des
politiques du gouvernement fédéral, lequel est déjà
très accentué dans ce domaine. Est-ce que vous pourriez nous
donner des explications sur cette affirmation qui est un peu un excursus dans
votre texte tantôt, nous dire ce que vous voulez dire par là? Et
peut-être aussi attirer notre attention sur le rôle que jouent les
politiques fédérales dans le domaine de l'éducation des
adultes et sur la manière dont vous voyez le Québec affirmer sa
responsabilité propre dans ce secteur là? Si vous trouvez qu'on
est engagé sur cette voie ou non, avec les politiques qu'on nous
annonce?
M. Bélanger: D'abord il faut bien voir que tout au moins
les seules informations qu'on a c'est ce qui nous vient des journaux, l'article
du Soleil, du 20 janvier 1984 de Pierre Asselin et titré:
L'éducation aux adultes incombera maintenant à tous les
ministères. Sur cela, il fait part d'un commentaire d'André
Vézina, qui est maintenant sous-ministre à l'éducation au
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation qui
dit: Si le ministère a fait son nid, il peut nous considérer
comme des oiseaux anxieux qui n'attendent plus que de s'y installer.
Donc, c'est plus qu'un passage de l'éducation à la
main-d'oeuvre. C'est un retour de la formation aux ministères
économiques, nous semble-t-il. Ce ne sont que des hypothèses, car
la politique n'est pas encore sortie et heureusement qu'elle n'est pas encore
sortie. Donc, elle est corrigible.
S'il fallait que cela devienne la politique, cela comporterait, à
mon avis, trois dangers importants. La question n'est pas de savoir si les
ministères économiques doivent être impliqués ou non
dans la définition des besoins de formation. Là-dessus, le
ministre de l'Éducation l'a dit très clairement, nous sommes
d'accord avec lui, il est important que les ministères
économiques jouent un rôle clé aussi dans la
définition des besoins de formation. C'est clair. La question est de
savoir qui va gérer les programmes de formation. Or, dans les bruits
qu'on entend, dans les feuilles qui circulent, ce qu'on voit, c'est plus qu'une
réaffirmation du rôle de la Main-d'Oeuvre, de l'Agriculture, de la
Chasse, de la Pêche et du Tourisme, de l'Immigration. C'est plus que de
voir leur rôle mieux défini quant à préciser les
besoins, c'est de conférer à ces ministères la gestion des
programmes. (17 h 45)
Or, cela a trois conséquences. La première est au plan
constitutionnel. À partir du moment où on fait glisser en dehors
de la juridiction du ministère de l'Éducation une partie de plus
en plus importante du système public d'éducation, il est clair
qu'on se situe en position très nette de faiblesse face à Ottawa.
Or, au Québec, tous les groupes, depuis le patronat jusqu'aux syndicats,
en passant par les structures publiques, les organismes volontaires, ont
été d'accord, depuis le vieux projet Laporte sur la Loi sur la
formation et la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre
jusqu'à maintenant, pour dire qu'il faut que le Québec exerce sa
pleine et entière juridiction en matière de formation des
adultes. C'est la première conséquence. Il est clair qu'avec cela
on renforce déjà la très puissante camisole de force que
constitue l'accord Québec-Ottawa sur la main-d'oeuvre. C'est la
première conséquence.
La deuxième est au niveau du contenu même de
l'éducation, c'est-à-dire que c'est mettre en cause tout ce que
les Anglais appellent "comprehensive education", ce qu'on a créé
au Québec, ce qu'on a traduit au Québec dans les années
soixante par "polyvalence de l'éducation", soit de retrouver dans un
même ministère toute la formation générale et
professionnelle à la fois pour enrichir les contenus de la formation
professionnelle, à la fois pour désélitiser les contenus
de la formation générale et pour créer des passerelles
entre
les deux filières de formation.
Beaucoup de jeunes travailleuses et travailleurs entrent dans nos
systèmes d'éducation jeunes et adultes par la filière
professionnelle. Tant qu'il y a polyvalence, tant que tout cela est à
l'intérieur d'une même structure, cela permet à ces jeunes
et à ces adultes de commencer en professionnels et, ensuite, de passer
au général ou vice-versa. Tout cela est remis en cause par le
retour à ce vieux modèle des écoles de métiers des
ministères économiques.
La troisième conséquence est, à mon avis, au niveau
d'une politique plus globale d'éducation permanente. Il y a
là-dessus une énorme confusion entretenue par certains documents.
L'éducation des jeunes, l'éducation des adultes et
l'éducation permanente sont trois choses très différentes.
L'éducation permanente n'est qu'une conception de l'avenir de nos
systèmes éducatifs. Ce n'est pas un secteur d'éducation,
ce n'est pas un tiroir. C'est une façon de voir la chose,
c'est-à-dire que maintenant on s'aperçoit que les adultes ont
besoin de revenir de façon discontinue à l'éducation pour
poursuivre leur développement personnel, pour poursuivre leur
carrière professionnelle, etc. Or, il est très important que ces
deux pôles de l'éducation des années quatre-vingt, les
jeunes et les adultes, soient en rapports interreliés constants pour que
l'un vienne influencer l'autre et vice versa. Il est très clair, par
exemple, que, dans les commissions scolaires sur l'alphabétisation, dans
les cégeps sur la formation professionnelle, toutes les courroies de
transmission privilégiée que constitue l'éducation des
adultes peuvent influencer énormément la qualité de la
formation des jeunes. Dans un même département de cégep,
dans une même commission scolaire, si on peut aller expérimenter
avec des adultes la formation de base, les formations professionnelles, tout ce
brassage qui va se faire là, si cela peut être dans une même
unité organisationnelle plus large, cela va pouvoir influencer en retour
énormément la formation de base. C'est ce qu'on appelle
effectivement "l'émulation réciproque" de la formation des jeunes
et de la formation des adultes.
Mais lorsque l'on parle, pour épargner de l'argent très
certainement, d'utiliser la clientèle adulte, étant donné
sa capacité financière énorme, pour venir financer
l'éducation des jeunes, évidemment, tout cela est perdu.
Effectivement, nous sommes de plus en plus convaincus, dans les réseaux
de l'Institut canadien d'éducation des adultes, que, au fond, la
victoire de l'éducation des adultes est une victoire trop grande, une
victoire à la Pyrrhus. L'éducation des adultes est rendue une
masse tellement importante dans nos systèmes éducatifs que tout
le monde a les yeux dessus à cause de sa capacité énorme
de générer du pognon neuf. Les frais de scolarité que cela
amène autant à l'École des hautes études
commerciales que dans une commission scolaire, c'est du pognon neuf, si je peux
me permettre l'expression quotidienne, qui vient renflouer trop souvent les
trous de l'éducation régulière des jeunes.
Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci, M. le
député d'Argenteuil. M. le député de Fabre.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je voudrais vous
poser une question qui a trait aux services à la communauté. Vous
en faites part à la page 4 de votre mémoire où vous
mentionnez les articles 92, 117 et 130 qui permettent à l'école
d'offrir ou d'organiser des services à la communauté, des
services socioculturels. Cela permet même à l'école d'en
tirer des revenus. Vous demandez au ministère de préciser les
orientations qu'on entend donner aux activités qui seraient
données dans les écoles, lesquelles activités seraient
autorisées et même organisées par le conseil d'école
en relation avec les ressources du milieu. Il s'agit donc d'un volet
intéressant et important du projet de loi puisque son objectif est
d'ouvrir l'école au milieu. Dans cette perspective, j'aimerais avoir vos
réactions à cette idée d'un conseil d'école qui
ouvre l'école davantage sur son milieu, comme possibilité d'un
champ, peut-être pas entièrement nouveau, mais quand même
d'un champ que l'école pourrait couvrir dans le domaine de
l'éducation des adultes. Vous demandez de connaître les
orientations qu'entend donner le ministère à ces
activités, mais comment voyez-vous cela, vous, et quelles sont, selon
vous, les orientations que le ministère devrait donner à ces
activités qui pourraient couvrir le champ de l'éducation des
adultes dans un quartier donné?
M. Bélanger: Actuellement, la façon dont est
organisé le système public de l'éducation aux adultes au
primaire et au secondaire est la suivante: vous avez dans une région,
qui correspond en général à une commission scolaire
régionale ou à une réunion de commissions scolaires, ou
des fois à des divisions - on en a 79 - à la fois un service de
programmation, de gestion, de planification au niveau régional, qu'on
appelle le service d'éducation des adultes, et ensuite vous avez des
centres. Les centres correspondent très souvent à des
écoles physiques, à ce qui dans le projet de loi 40 va devenir
éventuellement, si le projet de loi était adopté, des
corporations. C'est à ce niveau que vous posez des questions,
c'est-à-dire au niveau de ces corporations.
II nous apparaît clair qu'on ne peut pas éclater
jusqu'à ce niveau. La gestion, la planification, l'organisation de
l'éducation des adultes publique, primaire et secondaire, il faut que
tout ce travail d'organiser les cours, de planifier les cours, d'avoir un
rapport avec les nouveaux centres d'accueil et de reconnaissance d'acquis que
le ministère promet - ce qui, en passant, est une innovation
extrêmement intéressante - il va falloir que cela se fasse sur une
base régionale, dans les services de l'éducation des adultes des
commissions scolaires. Au plan local, la chose se pose différemment,
c'est-à-dire l'accessibilité de l'école au quartier. C'est
pour cela que je parlais tantôt de parallèle avec le comité
d'élèves. On a dans les écoles un comité
d'élèves, mais il faudrait avoir un comité d'usagers
adultes à la fois pour ouvrir l'école en termes d'horaires pour
les services de l'école - ce qui, d'ailleurs, commence à se faire
grandement, mais pas suffisamment - non seulement utiliser les locaux, mais les
services, et aussi pour adapter ce qui se fait à cette école aux
besoins du milieu. Ceci n'est qu'au plan très local. La principale
participation doit être là où se prennent les
décisions. La consultation là où ne se prennent pas les
décisions, c'est une consultation qui ne dure pas longtemps et qui n'est
pas très drôle. On la connaît trop, on a trop
d'expériences dans nos pays. Il va falloir que la participation la plus
importante se situe là où se prennent les décisions,
c'est-à-dire au plan régional et au plan national.
M. Leduc (Fabre): Oui, vous dites là où se prennent
les décisions. Vous ne voyez pas du tout que certaines décisions
se prennent au niveau du conseil d'école? Que cela se fasse en
collaboration avec un palier régional, oui, mais que le milieu local
puisse prendre un certain nombre de décisions pour l'organisation de
cours qui pourraient s'adresser au milieu local, le milieu entourant
l'école, dans le cadre des pouvoirs dont il dispose. Il dispose tout de
même de certains pouvoirs en termes de programmes, de régimes
pédagogiques. Je pense qu'on est d'accord pour ouvrir l'école
à la communauté. Pourquoi ne pas donner à cette
communauté accès aux locaux, oui, mais accès aussi
à certains programmes qui pourraient être formulés au
niveau local, encore une fois en collaboration et à l'intérieur
de certains paramètres qui devraient être formulés au
niveau régional. On ne peut pas se permettre d'aller dans toutes les
directions à l'intérieur des écoles. J'essayais de voir si
vous aviez des précisions à nous donner à cet égard
en termes de collaboration entre l'école, qui, selon le projet de loi,
exerce un certain nombre de pouvoirs sur le régime pédagogique,
l'organisation des cours, et le palier régional, qui a des
responsabilités en termes d'organisation de l'éducation des
adultes. Finalement, vous demandez au ministère d'être
précis, mais je pense qu'à cet égard votre
réflexion n'est peut-être pas tout à fait à
point.
M. Bélanger: Oui, au contraire, c'est extrêmement
clair. Vous essayez de faire glisser le palier de décision du niveau
régional au niveau local pour que les nouvelles corporations puissent
être le lieu de programmation de l'éducation des adultes. Nous
trouvons cette proposition irréaliste et extrêmement
coûteuse. Dans une région comme la rive sud, dans une
région comme la Gaspésie, s'il fallait que la programmation de
l'éducation des adultes soit faite par chacune des corporations
scolaires, ce ne serait pas sérieux. Que chaque école devienne
communautaire, c'est intéressant et vous le proposez,
c'est-à-dire que l'école soit ouverte autant le soir que le jour,
que les cours d'école ne soient pas fermées, cadenas sur la
clôture. Cela est intéressant, et qu'il y ait une participation
à ce niveau, mais la planification de la formation par rapport à
une région doit être arrimée aux autres instances de
concertation régionale. Confiner cela au plan local peut avoir deux
effets: ou c'est un émiettement, et on fait simplement répondre,
comme les écoles privées, à des besoins locaux sans
planification - je suis sûr que ce n'est pas cela que vous voulez faire
-ou bien c'est tout reporter au plan central et tout définir au plan
central, au Québec, pour ce qui est de l'éducation des adultes,
et cela me surprendrait que ce soit cela que vous vouliez faire. En tout cas,
si c'est cela que vous voulez faire, nous ne sommes pas d'accord. Ce qu'il faut
voir, c'est qu'au Québec les services d'éducation des adultes,
comme les CFP pour la définition des besoins, les commissions de
formation professionnelle, doivent être au niveau régional. Vous
le concevez pour les CFP; vous devez aussi le concevoir pour les services
d'éducation des adultes. Il faut que le projet de loi 40 spécifie
très clairement l'importance des services d'éducation des
adultes, arrime à ces services des instances de consultation dans les
commissions scolaires. Les commissions scolaires ont un rôle clé
à jouer dans l'éducation des adultes, à défaut de
quoi, à notre humble avis, vous ne répondez pas aux besoins.
M. Leduc (Fabre): Dans le même ordre d'idées - c'est
ma dernière question, M. le Président - parce que cela touche la
question des OVEP qui exercent des activités dans le domaine de
l'éducation des adultes. Dans certains cas, les OVEP le font en
collaboration avec les commissions scolaires et, dans d'autres cas, non,
puisqu'ils ont une
certaine autonomie de fonctionnement. Puisque vous insistez beaucoup
pour obtenir un palier régional décisionnel, au chapitre de
l'organisation, croyez-vous qu'on devrait prévoir également une
collaboration plus formelle dans le projet de loi ou ailleurs? En tout cas, on
parle du projet de loi pour l'instant. Une collaboration plus formelle, est-ce
que cela devrait être précisé entre les OVEP et les
commissions scolaires pour que cette coordination que vous souhaitez se
réalise vraiment à tous les paliers?
M. Bélanger: Là-dessus...
Le Président (M. Blouin): M. Bélanger, il s'agit
d'une question assez précise. Si vous pouviez répondre
précisément...
M. Bélanger: Oui, je vais répondre très
clairement. Je demanderais au député de lire le rapport Jean. Il
y a des propositions très précises à cet égard
où effectivement les OVEP sont perçus parmi les autres groupes.
Lorsqu'il lira le rapport, il verra très clairement ce que nous voulons
dire là-dessus.
Le Président (M. Blouin): Très bien, merci. Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci. J'aimerais vous remercier de votre
mémoire. Je n'ai qu'une question à poser. Est-ce que les
exigences de l'éducation des adultes sont inscrites d'une façon
satisfaisante et cohérente dans les lois des autres provinces?
Peut-être que vous pourriez trouver un exemple en Ontario ou ailleurs. Y
a-t-il des modèles dans d'autres pays que vous pourriez recommander?
Le Président (M. Blouin): M. Bélanger.
M. Bélanger: L'expérience la plus
intéressante au Canada a été celle sous le gouvernement
Barrett en Colombie britannique. Précisément, c'était la
seule province qui nous ressemblait beaucoup. Sous le gouvernement Barrett,
avec un des pionniers de l'éducation aux adultes au canal anglais qui
est Ron Forest, on avait créé effectivement des services
d'éducation des adultes dans les commissions scolaires de la Colombie
britannique. Malheureusement, avec le changement de gouvernement, lorsque le
gouvernement social-démocrate est parti, on a fait là-bas ce
qu'on s'apprête à faire ici, c'est-à-dire diminuer
l'importance de ces services publics. (18 heures)
Est-ce que cela existe dans d'autres pays? Là-dessus, il y a eu
un séminaire récent à Paris de l'Institut international de
planification de l'éducation et nous avons organisé un colloque
au Conseil international de l'éducation des adultes. Nous avons
créé un conseil international de l'éducation des adultes
maintenant en prévision du congrès international sur
l'éducation des adultes qui aura lieu dans un an.
Actuellement, l'expérience québécoise est
précisément perçue comme une des expériences les
plus intéressantes, parce qu'on a réussi, dans le système
public primaire et secondaire, à faire place à l'éducation
des adultes, à l'intégrer administrativement tout en y gardant
son autonomie opérationnelle, c'est-à-dire que les commissaires
d'école ont une responsabilité là-dessus limitée,
puisque maintenant ce n'est que permis, ce n'est pas encore un droit, il y a
une discrimination, mais en tout cas... Cela, c'est un acquis important. La
présidente de la CEFA, qui participait à un séminaire sur
ce sujet il y a maintenant un an et demi, est revenue là-dessus lors
d'un séminaire à Montréal et elle nous disait que c'est
peut-être un des acquis les plus intéressants. C'est
peut-être dans les pays de l'Europe de l'Est, en Scandinavie et en
Belgique, comme je le disais tantôt, que c'est plus avancé. Dans
les autres pays, l'éducation des adultes est plus axée, comme
dans certaines provinces du Canada anglais, vers le niveau postsecondaire. Mais
on s'aperçoit que c'est là une erreur, parce que situer les
investissements à l'éducation des adultes au niveau
postsecondaire, cela a un impact énorme pour la formation de base. Aux
États-Unis, par exemple, depuis maintenant trois semaines, sous la
présidence de Mme Bush, on vient de lancer une énorme campagne
d'alphabétisation, précisément convaincus qu'on est
là-bas que la formation de base est un besoin extrêmement
important au plan économique. On ne peut plus supporter le coût
des assistés sociaux. Il faut leur donner de l'équipement. Or, si
l'éducation des adultes n'est pas liée organiquement au
réseau public primaire et secondaire, cela devient extrêmement
difficile. D'ailleurs, un "task force" fédéral vient de publier
un rapport là-dessus qui s'appelle, en anglais, "Learning and Living"
et, en français, "Apprendre".
Le Président (M. Blouin): Merci. Mme la
députée de L'Acadie m'a signifié qu'elle désirait
intervenir brièvement. Mme la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Une seule question, M. le Président. Je
pense que vous avez répondu très clairement à la question
de mon collègue d'Argenteuil touchant les conséquences de ce que
vous percevez comme un glissement possible vers le ministère de la
Main-d'Oeuvre de responsabilités au plan de l'éducation des
adultes qui, selon vous, devrait être coordonnée par le
ministère de l'Éducation au plan constitutionnel, au plan de
l'émiettement et surtout possiblement d'un retour en
arrière au moment où l'Agriculture avait des
responsabilités... Je me souviens de l'Agriculture, je me souviens du
Tourisme et d'autres ministères qui avaient des responsabilités
au plan de l'éducation des adultes. Ma question précise porte sur
ce qui touche les femmes. Dans une perspective où votre
hypothèse, où votre appréhension serait justifiée
de ce glissement vers le ministère de la Main-d'Oeuvre, compte tenu que
dans les chiffres que nous avons, peut-être pas pour la plus jeune
génération de 15 à 24 ans, mais pour celle de 24 ans et
plus, les femmes sont moins scolarisées, que ceci a pour résultat
qu'elles occupent souvent les emplois les moins
rémunérés... Enfin, c'est une réaction en
chaîne qui conduit finalement à la pauvreté progressive des
femmes, rendu à l'âge de 50 ans et plus. Est-ce que ces
glissements vers le ministère de la Main-d'Oeuvre empêcheraient de
faire ce rattrapage au plan de la scolarité? Est-ce que la
dépendance d'Ottawa, quant au recyclage des femmes au plan de la
formation, permettrait cette désexualisation des emplois, si la
coordination de tout ceci reste entre les mains du ministère? Quelle est
votre expérience au plan du recyclage de la main-d'oeuvre
présentement avec le gouvernement fédérai en ce qui touche
les femmes?
M. Bélanger: II commence à y avoir au niveau des
programmes fédéraux, maintenant qu'on a une charte
fédérale des droits et qu'il y a une commission
fédérale, certains cas pour soumettre des problèmes
très crus de discrimination dans certains métiers. Il y a eu un
cas, entre autres, au CN très patent il y a quelque temps; il y a aussi
un cas chez Pratt & Whitney à Longueuil où des femmes ont
posé à la commission fédérale des droits des
problèmes de discrimination, n'ayant pas accès à des
programmes de formation de main-d'oeuvre parce qu'elles étaient des
femmes. Il y a un certain nombre d'organismes qui sont maintenant reliés
à l'institut, métiers non traditionnels: Travail non traditionnel
- TNT - L'Action-éducation femmes, l'Action-travail des femmes, etc. Il
faut dire à ce sujet que la position des groupes de femmes est bien
résumée par le mémoire du Conseil du statut de la femme et
les autres avis du Conseil du statut de la femme. Pour elles, la polyvalence,
tant de la formation des jeunes que de l'éducation des adultes, ne peut
se faire qu'à l'intérieur du réseau de l'éducation.
Je ne pense pas que les gens remettent en cause ici le rôle du
ministère de la Main-d'Oeuvre pour définir les besoins. Les gens
remettent en cause le fait que l'éducation ne gérerait plus les
fonds mêmes de formation et non pas les fonds de gestion des
activités en amont ou en aval de la formation. Ne gérant plus les
fonds, le ministère n'aura plus d'arme pour être capable de
mesurer la sexualisation des contenus et, surtout, la sexualisation du
recrutement de la clientèle selon les programmes. C'est là qu'est
le problème. C'est le passage de la gestion des fonds de formation au
ministère de la Main-d'Oeuvre qui enlève à
l'éducation, parce que les services d'éducation vont
n'être, dans une telle perspective, si jamais elle était mise en
place, que des répondeurs à la demande, donc ils feront ce qu'on
leur commandera de faire. Pour les femmes, que ce soit à la
Main-d'Oeuvre et à la Sécurité du revenu ou que ce soit
à l'Éducation, le problème se posera de toute façon
et elles vont se battre sur cela. Mais - une dernière remarque que je
fais très brièvement - à l'Éducation il
commençait à y avoir des expériences extrêmement
intéressantes de retour au travail des femmes. Je sais qu'au
ministère cette question est en débat et il est très
important que dans la loi qui va venir les programmes de retour au travail des
femmes soient renforcés très fortement et en termes de fonds et
en termes d'appui aux services d'éducation aux adultes pour maintenir
ces programmes, surtout au niveau des cégeps et des commissions
scolaires. Ce sont des programmes qui se sont avérés
extrêmement efficaces. Il va falloir - puisque Ottawa ne met plus de
fonds dans cela - que le Québec y injecte des fonds neufs très
importants.
Mme Lavoie-Roux: Votre appréhension c'est qu'au
ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu
on n'ait pas cette même sensibilisation qui s'est
développée au cours des dernières années au
ministère de l'Éducation?
M. Bélanger: C'est-à-dire que, bien pratiquement,
on a commencé tranquillement à force de se battre - au
cégep de Rosemont, dans d'autres cégeps, dans des commissions
scolaires - à faire une percée. Maintenant qu'on commence
à peine à faire la percée, s'il fallait sortir tous les
lieux de décision de ces instances pour les mettre ailleurs, tout va
être à recommencer, resensibiliser du nouveau monde; c'est du
temps perdu, c'est du gaspillage de fonds publics.
Mme Lavoie-Roux: Merci.
Le Président (M. Blouin): Cela va, M. Bélanger. Mme
Thériault, de l'Institut canadien d'éducation des adultes, au nom
de tous les membres de la commission je vous remercie de votre participation
à nos travaux.
Sur ce, la commission élue permanente de l'éducation
suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 9)
(Reprise de la séance à 20 h 8)
Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Mesdames et messieurs, la commission élue permanente de
l'éducation reprend ses travaux. Nous entendrons, ce soir, la Coalition
des syndicats des personnels de la CECM et la Commission scolaire La
Vallière.
Sans plus de préambule, puisque nos invités sont
déjà installés à la table, j'inviterai donc la
représentante et les représentants de la Coalition des syndicats
des personnels de la CECM, entre autres, l'Alliance des professeurs de
Montréal, le Syndicat des professionnels des services éducatifs
et l'Association professionnelle des personnels administratifs, à
s'identifier et à nous livrer, en une vingtaine de minutes, le contenu
de leur mémoire.
Coalition des syndicats des personnels de la
CECM
Mme Légaré-Richard (Claudette): M. le
Président, nous sommes les représentants de la Coalition des
syndicats des personnels de la CECM. À partir de ma droite, je vais vous
présenter les représentants: M. Camille Belisle, président
du Syndicat national des employés de la CECM (CSN); M. Dieter Haag,
président du Syndicat des professionnels de la CECM (FPSEQ); M. Rodrigue
Dubé, président de l'Alliance des professeurs de Montréal
(CEQ) et, à ma gauche, M. Marcel Bertrand, vice-président de
l'Association des concierges du district de Montréal (CSN). Je suis
Claudette Légaré-Richard, présidente de l'Association
professionnelle de personnels administratifs de la CECM (CSN). Je passe la
parole à M. Dubé, notre porte-parole.
M. Dubé (Rodrigue): Bonsoir, M. le Président, M. le
ministre et MM. les députés. Nous, les syndicats de la coalition
et travailleurs de la CECM, une coalition unie et profondément soutenue
par ses membres, une coalition qui a reçu l'appui d'usagers, de groupes
ethniques, du Conseil central de Montréal, CSN, vous demandons
unanimement de retirer le projet de loi 40, non pas que nous ne croyons pas en
la nécessité d'une réforme, mais parce que nous croyons
que la base même du projet de loi 40 s'appuie sur de fausses
réalités et de fausses nécessités.
Dans votre projet de loi 40, vous dites: C'est l'école qui est
responsable de l'application du régime pédagogique, c'est
l'école qui voit à la répartition du temps requis pour le
service de l'enseignement. C'est l'école qui établit le projet
éducatif, le calendrier scolaire, les modes d'évaluation et
d'application. Selon nous, c'est un non-sens quand on sait qu'à
Montréal le taux de déménagement est au-delà de
20%. Quand on sait que dans une école - nous pourrions vous en citer
plusieurs, mais nous allons nous en tenir à quelques écoles
près de la rue Pie IX, au sud de Montréal - lorsque 400
élèves sont inscrits au début de l'année, dans la
même école, à la fin de l'année, nous avons encore
400 élèves, mais 200 de ces élèves ont
changé. Nous croyons que de remettre les responsabilités que vous
avez décrites dans votre projet de loi à l'école, ou bien
cela amènera les écoles à ne pas exercer ces
responsabilités et que, ces responsabilités n'étant
inscrites nulle part ailleurs, elles se retrouveront au niveau du
ministère, ou bien encore les écoles qui appliqueront ces
responsabilités deviendront des embûches additionnelles pour les
étudiants et les étudiantes.
Comment voulez-vous qu'une famille de trois enfants, dans trois
écoles distinctes du primaire ou du secondaire, avec des calendriers
pédagogiques différents, avec des journées
pédagogiques différentes, puisse s'organiser? Comment voulez-vous
également qu'un enfant, qui est inscrit dans une classe et qui, en cours
d'année, aux mois de septembre, octobre, novembre, décembre,
janvier ou juin, transfère d'école où les méthodes,
le régime pédagogique, les moyens pédagogiques
d'évaluation changent... Nous croyons que ce sont des difficultés
complètement inutiles. Nous croyons que le déménagement
à Montréal n'est pas une question qui peut se régler et
s'arrêter par décret ou par loi. C'est un phénomène
social que nous ne pouvons que constater.
Autre difficulté quant aux responsabilités confiées
à l'école: les parents, évidemment, ne sont pas là
en permanence. Ils sont là pour la période où leur enfant
est inscrit à l'école. Lorsqu'un enfant passe un an ou deux dans
une école et, pour d'autres raisons, se retrouve dans l'école
voisine l'année suivante, quel est le suivi que les parents pourront
accorder au régime et au projet pédagogiques? Également,
que faisons-nous des chicanes de clocher ou des batailles internes entre
parents qui changeraient d'une année à l'autre ou à
quelque deux ou trois ans les orientations pédagogiques de
l'école?
Nous croyons que les parents ont une place importante dans
l'éducation. Premièrement, ils ont une place de participation
dans l'école, de consultation dans l'école et ils
développent là une expertise. Ils développent là
une connaissance de l'éducation, mais cette expertise et cette
connaissance - croyons-nous - doivent se retrouver en termes de
décisions au niveau du conseil des commissaires. Il y a
différentes formules qu'on pourrait mettre de l'avant pour retrouver les
parents au conseil des commissaires. Il pourrait y avoir des
sièges réservés à des personnes
siégeant à des comités d'école, des responsables de
comités d'école, passant même par le suffrage universel
pour ces personnes. Il y a donc une façon, il y a donc des
possibilités de compléter le processus consultatif des parents et
de faire en sorte qu'ils puissent intervenir correctement et
adéquatement, mais le centre de décision, le lieu d'intervention
privilégié, croyons-nous, est au niveau de la commission scolaire
et non pas au niveau de l'école.
Nous voulons aussi que le projet de loi...
Le Président (M. Blouin): M. Dubé, je comprends que
vous avez décidé de résumer certaines parties du
mémoire.
M. Dubé: Oui.
Le Président (M. Blouin): Pourriez-vous me situer quant
aux pages auxquelles vous référez afin que les membres puissent
suivre plus facilement?
M. Dubé: J'ai pris la page 2, il y a quelques instants,
"Le projet de loi 40 et le partage des pouvoirs". L'argumentation qu'on
retrouve dans le texte, je l'ai résumée et
synthétisée quant aux raisons qui nous amènent à
nous opposer. Deuxièmement, j'allais sur le côté de la
péréquation.
Du côté de la péréquation, il y a une double
péréquation à Montréal. Il y a la
péréquation par le Conseil scolaire de l'île de
Montréal. Il y a aussi la péréquation à
l'intérieur même de la Commission des écoles catholiques de
Montréal. Ce qu'on constate, c'est que le Conseil scolaire de
l'île de Montréal a une autorité actuellement en termes de
péréquation et les parties plus riches de la ville peuvent
subventionner ou aider les parties les plus pauvres de la ville. Il y a une
répartition de ressources au niveau du Conseil scolaire de l'île
de Montréal. Avec le projet de loi, c'est la disparition du Conseil
scolaire de l'île de Montréal pour être remplacé par
un organisme dont le ministre pourra décider, par arrêté en
conseil ou autrement, et dont les contenus de péréquation ne sont
déterminés nulle part. Il y a également une
deuxième péréquation, à l'intérieur
même de la CECM, à l'intérieur de ce territoire que vous
voulez subdiviser dans votre projet de loi en cinq commissions scolaires. Pour
illustrer notre pensée à cet égard, nous regarderons la
position des parents à l'égard de la subdivision de la CECM. Vous
constatez que les parents du sud-ouest de Montréal, région ouest,
sont contre le projet de loi 40. Vous constatez en ce qui concerne les parents
de la région est qu'une partie est contre le projet de loi 40 et l'autre
l'appuie en partie. Ceux qui s'y retrouvent dans le projet de loi 40, les
représentants - et non pas les parents - de la région nord
disent: Nous autres, le projet de loi 40 nous satisfait. Je vous souligne que
ceux de la région nord nous disent également qu'ils auraient
leurs défavorisés dans leur propre commission scolaire qu'ils
s'en occuperaient, mais ils n'auraient plus à subventionner, à
faire de péréquation avec les écoles du sud, de l'est et
de l'ouest parce qu'ils ne seraient plus dans une même commission
scolaire.
L'autre péréquation qui pourrait survenir serait
qu'à l'intérieur d'un conseil scolaire, qui est inexistant et
d'un organisme inexistant dans le futur, dans votre projet de loi, ou encore un
organisme que vous mettrez sur pied par arrêté en conseil, nous
constatons donc que la division de la CECM en cinq morceaux ne dessert pas les
intérêts des Montréalais. Montréal, c'est une
réalité, c'est une réalité sociale, c'est un tissu
urbain et il n'y a aucune raison qui puisse vous amener à subdiviser la
CECM; mes partenaires de la coalition pourront vous donner d'autres
illustrations à cet égard.
Subdiviser la CECM, c'est mettre la hache dans de l'expertise et dans du
développement pédagogique. Où est née la
première école pour inadaptés? Qui a
développé le service de l'enfance inadaptée? Qui a
développé les premiers services aux immigrants? Qui a
développé l'éducation aux adultes? Je comprends que nous,
comme enseignants, comme professionnels ou comme tout le monde de la
commission, on a produit d'heureux documents pédagogiques qui, parfois,
ont été reproduits au Québec avec le sigle du
ministère. On comprend cela, dans le passé, on n'en parlait
point, mais il reste que cette expertise, ce bassin de connaissances se
retrouva au ministère sous forme de documents.
Quand le ministère avait besoin de ressources, de conseils, de
professionnels de l'enseignement, où allait-il chercher les premiers
experts si ce n'est dans la banque de la CECM? Comment se fait-il que la CECM
puisse avoir une banque comme celle-là? C'est tout simple, c'est une
économie d'échelle. Quand vous économisez un
seizième ici, un huitième là, une demi à un autre
endroit, cela finit par faire un bassin. L'expertise de la CECM a donc permis
de développer différents services et, entre autres, comme je le
disais tout à l'heure, l'éducation aux adultes.
Il y a des types de services qui, vous le constatez vous-mêmes, ne
répondent pas à la réalité montréalaise.
Pour pouvoir donner des services à certaines clientèles, vous
devrez augmenter le nombre d'écoles dites nationales. Actuellement, les
écoles dites nationales sont dépendantes des commissions
scolaires; elles seront dépendantes de qui, ces futures écoles
dites nationales ou régionales? Elles ne seront dépendantes
d'aucun milieu, d'aucune commission scolaire. À quoi servirait-il
d'avoir une commission scolaire qui aurait une école nationale sur une
partie du territoire de la CECM et devrait transférer des
clientèles à gauche et à droite par la suite?
Nous croyons que le projet de loi 40 ne répond pas aux besoins de
la communauté montréalaise. Nous affirmons même qu'il ne
répond pas aux besoins des Québécois et des
Québécoises, mais, comme nous sommes spécialistes, comme
nous sommes connaissants de notre région, nous nous permettons d'attirer
l'attention des députés de l'Assemblée nationale sur ces
aspects.
Quant au projet de loi 40, toutes les associations de la CECM, cadres,
directeurs d'école et les cinq associations que nous sommes, vous
demandent unanimement de retirer le projet de loi 40. Les commissaires de la
CECM vous demandent aussi de retirer le projet de loi 40. Quand autant de monde
d'un même milieu donné, qui, souvent, a des intérêts
divergents, sur une question comme celle-là arrive à la
même position, il me semble que cela devrait alerter le ministre
responsable et les différents membres de l'Assemblée
nationale.
M. le ministre, vous avez régulièrement annoncé des
amendements au projet de loi lorsque des interventions se faisaient ici en
commission parlementaire, mais ces amendements, en termes de contenu, nous
croyons que, quand on fait des amendements, la structure principale demeure et,
si vous voulez faire de l'école le pivot de la réorganisation,
nous croyons que vous faites fausse route. C'est pour ces raisons que nous vous
demandons de retirer ce projet de loi 40.
Permettez-moi, M. le Président, de lire brièvement le
texte d'une pétition signée hier après-midi, très
rapidement, par plus de 5200 personnes de la CECM qui dit: Parce qu'il
représente un bouleversement des structures inutile et dangereux; parce
qu'au lieu de s'attaquer aux vrais problèmes de l'éducation il en
crée davantage; parce qu'il opposera les parents au personnel de
l'enseignement; parce qu'il compromet la qualité des services
éducatifs auxquels la population a droit; parce qu'il ignore la
réalité du tissu urbain de Montréal; parce qu'il
accentuera les inégalités entre les différents milieux;
parce qu'il méprise les personnels de l'éducation et leur
organisation syndicale et parce qu'il étouffe, selon nous, la
démocratie scolaire... Nous vous déposons officiellement, M. le
ministre, la signature d'au-delà de 5200 de nos personnels.
Pour compléter la présentation de notre mémoire,
Mme Légaré pourrait indiquer la personne suivante. Je crois que
c'est M. Haag...
Le Président (M. Blouin): M. Dubé, vous aurez
compris, comme je l'ai dit au début, que les présentations
doivent durer une vingtaine de minutes. Comme vous en avez déjà
occupé un peu plus d'une dizaine, je considère que les
intervenants qui vont maintenant prendre la parole...
M. Dubé: C'est à l'intérieur de notre temps,
M. le Président.
Le Président (M. Blouin): Parfait. C'est très bien,
M. Dubé. Cela va.
M. Ryan: M. le Président, est-ce que je pourrais me
permettre une intervention, s'il vous plaît?
Le Président (M. Blouin): Oui, M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Vu que nous n'avons pas de règlement strict
à ce sujet-là, nous nous en sommes tenus à la norme de 20
minutes dans toute la mesure du possible jusqu'à maintenant, mais sans
imposer de contraintes trop rigides. Je suggérerais que, si
nécessaire, vu que nous avons cinq syndicats qui sont regroupés
dans une même délégation, si cela devait dépasser
d'une dizaine de minutes, il n'y aurait pas de scandale en ce qui nous
concerne.
Le Président (M. Blouin): C'est exactement l'attitude que
nous avons adoptée depuis le début, M. le député
d'Argenteuil; dans la mesure où cela excède de quelques minutes,
il n'y a pas de difficulté. Allez-y, M. Dubé ou M. Haag.
M. Haag (Dieter): M. le Président, nous, les
professionnels des services éducatifs de la CECM, nous étonnons
devant le peu de souci, le peu de clarté et de respect avec lesquels le
projet de loi 40 traite les services pédagogiques et
complémentaires à l'élève. Il les
énumère et en reconnaît le droit à
l'élève. Par contre, il rend l'accès à ces services
plus difficile. Soit dit en passant, la plupart des services mentionnés
au chapitre I du projet de loi ont vu le jour à la CECM,
élaborés, raffinés et mis en place par des professionnels
que l'on appelle trop souvent des non-enseignants, en collaboration avec tous
les agents de l'éducation.
En ce qui concerne ces services, nous trouvons le projet de loi 40
très inapproprié et, par conséquent, inacceptable, et ce
sur plusieurs plans. Les professionnels de la CECM ont d'ailleurs fait
connaître leur point de vue au ministre il y a déjà deux
ans. J'en énumère quelques-uns.
Le démantèlement de la CECM, tel que le prévoit le
projet de loi sur la table, met en péril une richesse nationale et une
banque inégalée de ressources professionnelles,
diversifiées, aptes à faire face à des besoins
changeants, évolutifs, collés sur les besoins réels
et actuels des élèves, tout en sauvegardant une cohérence
et une vue d'ensemble des services à donner à toute la
clientèle, clientèle très diversifiée en milieu
urbain. Sans qu'il soit nécessaire d'en faire la longue description ici,
je me contente de vous dire que la banque est actuellement constituée
d'à peu près 500 professionnels d'une trentaine de corps d'emploi
et d'une centaine de champs d'intervention spécifiques.
L'éparpillement des ressources professionnelles amènera un
isolement professionnel jumelé à de grandes difficultés de
perfectionnement, voire à l'impossibilité de se tenir à
l'avant-garde de la profession.
Troisièmement, le mode de distribution des services
professionnels préconisé par le projet de loi nous amène
à un marchandage à la pièce où l'école qui
établit ses besoins va à la commission scolaire
supermarché qui, elle, aura trop souvent un stock très
limité à offrir. Quatrième inquiétude, les
bénéfices d'équipes multidisciplinaires d'intervention,
bénéfices qui ne sont plus approuvés, seront
anéantis et le danger d'un mauvais choix d'intervenants nous guette.
C'est le non-initié, le non-expert qui aura à décider de
la ressource qu'il faut. Qui sera en mesure de dire que c'est un psychologue ou
un psychoéducateur, un conseiller d'orientation ou un animateur en vie
étudiante qui sera requis? Ne s'en va-t-on pas vers des ressources
généralistes qui ne possèdent plus une expertise
spécifique et dont les services ne seraient que superficiels? Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Haag.
Mme Légaré-Richard: Maintenant, M. Bertrand de
l'Association des concierges de Montréal, va vous parler.
Le Président (M. Blouin): M. Bertrand.
M. Bertrand (Marcel): M. le Président, je voudrais attirer
l'attention des membres de cette commission sur le caractère
particulièrement odieux du projet de loi 40 en regard de l'ensemble des
personnels des commissions scolaires et de leur association syndicale,
particulièrement chez nous à Montréal. L'ambition
évidente du projet de loi de vouloir tout réorganiser et tout
restructurer dans le monde scolaire va jusqu'à faire fi de nos droits
démocratiques et fondamentaux. En effet, même nos structures
syndicales se voient menacées. Je ne soulignerais, pour exemple, que le
cas du syndicat que je représente au sein de cette coalition,
l'Association des concierges du district de Montréal, qui existe par la
seule volonté de tous nos membres depuis plus de 40 ans. Nos
confrères du personnel manuel de l'entretien ont choisi de former un
syndicat bien à eux, pour des raisons qui leur appartiennent. C'est cela
la liberté d'association.
Pourtant, l'article 414 stipule que tous les personnels de soutien
manuel devront désormais faire partie d'une même unitéd'accréditation syndicale, ce qui aura pour effet,
inévitablement, de faire disparaître une association
indépendamment de la volonté de ses membres. C'est bien ce qu'on
lit aux troisième et quatrième alinéas de cet article 414,
puisque la loi y décrète qu'il ne peut exister qu'un seul
syndicat de soutien manuel. Faudrait-il soulever un autre exemple de la
négation de nos droits syndicaux? L'exclusion de certains personnels de
leur unité d'accréditation, c'est pourtant ce que prescrit
l'article 415 dans le cas de certaines fonctions de secrétaires, mais
là ne se limitent pas nos inquiétudes.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Bertrand.
Mme Légaré-Richard: C'est au tour de Camille
Belisle, président du Syndicat national des employés de la
CECM.
M. Belisle (Camille): Nous avons expliqué notre objection
au morcellement du territoire actuel de la CECM. Outre les raisons
déjà invoquées, je voudrais expliquer aux membres de la
commission pourquoi des commissions scolaires entameraient des problèmes
et des coûts additionnels pour des services que nous dispensons
déjà, que ce soit à titre de soutien manuel, administratif
ou dans le champ des services professionnels. Chacune de ces petites
commissions scolaires seraient confrontées à des exigences
croissantes de la part des écoles de son territoire. Or, ces commissions
divisées ne disposeront pas du bassin des ressources que constitue
actuellement la structure unifiée de la CECM. La tentation sera grande
alors d'avoir recours à des services externes par le biais de la
sous-traitance. Déjà, cette pratique, lorsqu'on y recourt,
entraîne des coûts additionnels pour des services que pourraient
dispenser des employés réguliers s'ils étaient en nombre
suffisant. (20 h 30)
Pourquoi accepter de payer plus à des intermédiaires
entrepreneurs privés, alors que ces sommes d'argent seraient mieux
réparties en utilisant rationnellement le personnel déjà
en place? C'est pourtant ce que favorise le projet de loi 40 lorsqu'il
prévoit que les commissions scolaires pourront conclure des ententes
avec des organismes et des personnes, plus précisément à
l'article 201 ainsi qu'à l'article 119, où il est stipulé
que l'école pourra contracter pour la fourniture de services.
M. le Président, on ne peut concevoir
qu'une restructuration s'articule sur d'autres ressources et d'autres
structures pour améliorer le système actuel. Une bonne
restructuration devrait, selon nous, permettre que le réseau scolaire
réponde à ses propres besoins avec ses propres ressources. Mais,
ces dispositions du projet de loi sont encore pires lorsqu'elles ouvrent la
porte à toutes les formes de patronage, principalement au niveau des
écoles qui auront tout à loisir de commander à la
pièce leurs services et leurs biens. C'est là une menace de
retour aux années sombres des écoles de rang. Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, M.
Belisle.
Mme Légaré-Richard: M. le Président, le
nomadisme urbain de la population montréalaise composée
majoritairement de locataires et l'émigration des différents
groupes ethniques d'un quartier à l'autre du territoire de la CECM font
en sorte que les besoins scolaires se déplacent constamment dans le
tissu urbain de Montréal. La CECM, par l'étendue de son
territoire et par la diversité professionnelle de son personnel, est en
mesure d'ajuster rapidement et adéquatement ses effectifs et ses
ressources à cette réalité typiquement urbaine. Une
division du territoire actuel de la CECM entre plusieurs petites commissions
scolaires rendrait pareille opération difficilement réalisable
dans des délais réalistes et selon des méthodes
respectueuses des mécanismes de relocalisation prévue dans les
décrets.
S'il était toujours possible de concevoir des ententes
incessantes entre les petites commissions scolaires pour redistribuer les
ressources financières, il n'en va pas de même de la
relocalisaiton des ressources humaines. Selon les règles des
décrets, le personnel peut être redistribué annuellement
à l'intérieur des limites d'une commission scolaire. Cependant,
pareil transfert d'effectifs entre plusieurs commissions scolaires n'est pas
possible autrement que sous forme de transfert de masses budgétaires.
Or, le fonctionnement du bureau régional de placement est ainsi fait que
les employés spécialisés, dont les postes seraient abolis,
demeureraient en disponibilité dans leur commission scolaire, tandis que
les commissions scolaires, devant répondre aux nouveaux besoins,
devraient engager et former de nouveaux employés. Une modification
éventuelle des règles des décrets ne résoudrait pas
ce difficile problème, à moins que cette modification ne fasse en
sorte de réunifier les commissions scolaires en un organisme couvrant le
territoire de la CECM.
Quand on sait que ce phénomène de nomadisme urbain est
incessant à Montréal, on réalise que la division du
territoire de la CECM engendrerait une inadéquation aussi incessante que
problématique entre les ressources humaines et les besoins du
milieu.
M. Dubé: Donc, en d'autres mots, M. le Président,
on constate qu'à Montréal il y a une migration de
clientèle. Le sud de Montréal s'est parfois vidé pour se
déplacer un peu vers le nord, etc. Lorsque les clientèles
étudiantes se déplaçaient, les personnels suivaient ces
clientèles.
Si vous enferrez dans cinq commissions scolaires distinctes les
clientèles de Montréal, le sud étant une partie où
les clientèles diminuent, tandis que dans la partie nord de
Montréal les clientèles augmentent ou se maintiennent, cela veut
donc dire qu'il y a du personnel du sud de Montréal qui se retrouverait
en disponibilité quand, en même temps, il y a du personnel de la
région nord de Montréal où il y aurait un manque de
personnel. À ce moment, les mécanismes de transfert pourraient
amener des enseignants, des professionnels, des soutiens ou des concierges
à être déplacés sur la rive sud ou la rive nord de
Montréal plutôt que de demeurer sur le territoire, comme c'est le
cas actuellement.
M. le Président, nous avons une proposition complémentaire
à vous déposer, laquelle proposition a été
adoptée hier soir, selon l'estimation de Radio-Canada et d'autres
services de presse, par plus de 5000 personnes réunies au Palais des
congrès. Cette proposition que nous avons à vous soumettre est
une proposition, une entente convenue entre les différents syndicats.
C'est une proposition qui a reçu l'appui de différents groupes,
dont je vous signalerai les noms également. C'est une entente formelle,
c'est une alternative au projet de loi 40. Nous ne voyons pas comment faire
autrement, pour changer la situation actuelle, pour avoir une réforme
scolaire qui réponde aux besoins des Québécois et des
Québécoises et qui soit un consensus, nous ne voyons pas que cela
puisse se faire à l'intérieur de la proposition de la loi 40 ou
des amendements annoncés qui se résumeront seulement à de
la dentelle.
La proposition que nous vous faisons est respectueuse des
différents intervenants en éducation. Nous vous demandons qu'une
fois le projet de loi 40 retiré le gouvernement du Québec mette
sur pied une commission d'enquête multipartite composée de
représentants du gouvernement, de l'Opposition, des commissions
scolaires, des organisations syndicales des personnels, des
représentants des parents et des usagers, afin de déterminer les
changements nécessaires à apporter au système scolaire,
changements fondés sur un consensus large et durable des
Québécois et des Québécoises.
Autant la commission Parent il y a une vingtaine d'années a
dégagé des consensus et a permis une démocratisation de
l'éducation,
autant croyons-nous qu'une telle formule de commission d'enquête
placerait la situation au-dessus des parties, au-dessus d'un ministre ou
au-dessus du ministère de l'Éducation et permettrait d'amener des
changements nécessaires pour la collectivité
québécoise.
Donc, l'Alliance des professeurs de Montréal, l'Association des
concierges du district de Montréal, l'Association professionnelle des
personnels administratifs, le Syndicat des professionnels de la CECM, le
Syndicat national des employés d'entretien, l'Association des directeurs
d'école de Montréal, le Conseil central de Montréal, le
Conseil du civisme de Montréal, qui regroupe plus de 60 associations, le
Comité centre-sud de Montréal et la CECM, également, nous
soutiennent dans cette revendication. Nous étions donc au-delà de
5000 hier soir et c'est à l'unanimité que nous avons
entériné, que nous avons confirmé cette situation.
Permettez-moi une petite parenthèse: Hier après-midi, nous
étions en journée pédagogique dans nos écoles et
c'étaient les directeurs d'école qui avaient la
responsabilité d'animer ces réunions. Il y a eu beaucoup de
propos qui ont été tenus à l'égard de cette
réunion pédagogique. Je vous signale que le calendrier scolaire
contient 200 jours. À l'intérieur des 200 jours, il y a 180 jours
de classe soit le minimum réservé aux élèves. Dans
notre convention collective, il y a un minimum de 17 journées
pédagogiques qui sont accordées aux enseignants - je termine, M.
le Président -pour faire de la planification. Nous avons accepté
de prendre une demi-journée à l'intérieur de ces 17
journées pour procéder à l'étude du projet de loi
40 et de ses implications à Montréal. Quant aux enfants qui
devaient avoir de l'école hier après-midi, cet enseignement est
reporté au jeudi matin 19 avril. Je vous souligne que les enfants, par
ce biais, recevront une heure d'enseignement de plus qu'ils en auraient
reçu le 6 février après-midi. Donc, il n'y a eu de
congé pour personne. Le ralliement au Palais des congrès en est
un de la coalition et il s'est fait sur notre temps de
bénévolat.
Le Président (M. Blouin): Madame, messieurs, merci
beaucoup. M. le ministre.
M. Laurin: M. le Président, je voudrais d'abord remercier
la Coalition des syndicats des personnels de la CECM pour le mémoire
qu'elle nous a présenté. La coalition ne fait pas mystère
de sa position. Elle s'oppose au projet de loi et en demande le retrait. J'ai
essayé de comprendre les raisons qui motivaient cette attitude de la
part de la coalition en lisant et en relisant avec attention son mémoire
et aussi en lisant et en relisant avec attention tous les documents que la
CECM, conjointement avec la coalition, a distribué vendredi aux
personnels des écoles, lors de la demi-journée de mobilisation
qu'elles ont conjointement tenue.
J'avoue que je n'ai pas compris ces raisons car ce que la coalition
allègue reflète une lecture inexacte du projet de loi. Je ne
reconnais certes pas le projet de loi, après la distorsion et la
déformation que le mémoire et les documents dont je parlais lui
ont fait subir. Ici, je dois me référer au mémoire et non
pas seulement à la présentation orale, forcément
résumée, qui nous en a été faite.
Par exemple, je ne reconnais pas dans le projet de loi cette
volonté de centraliser tout le pouvoir au sein du ministère de
l'Éducation. Je pense que la preuve a été faite à
cette commission qu'il n'y a aucun pouvoir additionnel que s'octroie le
ministère et que, au contraire, on tente par le projet de loi de faire
disparaître ce que les instructions et directives actuelles peuvent avoir
d'arbitraire ou de discrétionnaire pour les remplacer, dans toute la
mesure du possible, par des règlements qui, justement,
élimineront la plupart de ces directives et pouvoirs
discrétionnaires.
Je ne reconnais pas non plus le projet de loi quand on allègue
dans le mémoire que le projet de loi veut soustraire tous les pouvoirs
au contrôle de l'Assemblée nationale. La présentation
même du projet de loi constitue, je pense, l'antithèse de cette
position. Je ne reconnais pas le projet de loi non plus quand on allègue
qu'on veut mettre fin au peu de pouvoirs qui restaient au niveau local, alors
que le projet de loi continue de reconnaître la commission scolaire comme
une instance intermédiaire extrêmement importante chargée
de coordonner, de planifier et de contrôler les activités des
écoles de son territoire. Je ne reconnais pas non plus le projet de loi
quand le mémoire allègue que, d'un côté, il donne
trop de pouvoirs aux parents qui, incidemment, dit-on, ne l'avaient jamais
demandé et que, d'autre part, du même souffle, on se demande si
ces pouvoirs qu'on accorde aux parents sont réels ou illusoires.
Je ne reconnais pas non plus le projet de loi quand on lui fait dire
qu'il constitue une érosion totale des pouvoirs cédés aux
écoles alors que, précisément, pour la première
fois, le projet de loi confie aux écoles des responsabilités,
limitées certes, mais réelles en matière de
pédagogie, en matière d'application et d'implantation des
programmes, en matière d'élaboration et de réalisation de
projets éducatifs. Je ne reconnais pas non plus le projet de loi quand
on lui fait dire que, par son intermédiaire, le ministère et le
ministre vont aller noyauter les assemblées générales de
parents, alors que le mémoire ne dit en aucune façon comment le
ministère ou le ministre pourraient bien s'y prendre pour effectuer ce
noyautage.
Je ne reconnais pas non plus le projet de loi quand on lui fait dire que
la mobilité même de la population urbaine à Montréal
rend impensable l'élaboration d'un projet éducatif au niveau de
chaque école, alors qu'on oublie que le régime pédagogique
est fondamentalement le même pour toutes les écoles du
Québec, que les programmes sont fondamentalement les mêmes pour
toutes les écoles du Québec en ce qui concerne les objectifs des
programmes, en ce qui concerne les contenus notionnels et qu'une marge de
manoeuvre, bien sûr, est laissée à la commission scolaire
et aux écoles, mais d'une façon limitée qui lui permet
justement de donner une coloration locale au projet éducatif. Et le
projet de loi, d'ailleurs, n'a rien à l'encontre de cette
diversité qui est peut-être le fruit de la mobilité
puisque, justement, elle permet à cette diversité de s'exprimer
au niveau des projets éducatifs.
En somme, on fait du projet de loi un tableau d'une noirceur absolue et
marqué au coin du catastrophisme. En conclusion, le projet de loi
apparaît beaucoup plus pour une sorte de roman de science-fiction ou
d'anticipation apocalyptique ressemblant peut-être au livre de Orwell,
"1984", ou au roman de Marguerite Yourcenar, "L'oeuvre au noir", plutôt
qu'à la réalité que veut dépeindre ce projet de
loi. Par ailleurs, quand on ne fait pas une lecture inexacte du projet de loi,
on se laisse aller à des appréhensions que l'on cultive et que
l'on amplifie jusqu'à les croire réelles, jusqu'à se
convaincre de leur réalité et à leur conférer un
caractère épouvantable, alors que le projet de loi effectue des
changements, certes, mais des changements qui n'ont rien de catastrophiques,
des changements que les syndicats ont déjà souhaités, des
changements qui ont été amplement commentés ici, à
cette commission parlementaire, depuis quatre semaines, et qui suscitent
d'ailleurs un consensus toujours plus large. Je ne m'en réfère
qu'à l'intégration du primaire-secondaire, à la
création de commissions scolaires linguistiques, aux nouveaux
engagements confessionnels nécessités par la diversité de
croyances, d'allégeances, de valeurs croissantes d'une population de
moins en moins homogène, à la réduction du nombre des
commissions scolaires, tous changements qui, au fond, sont encore plus
importants que cette école pivot qui constitue un autre changement et
qui sont véritablement ceux qui auront des conséquences, les
conséquences les plus importantes en ce qui concerne les conditions de
travail des personnels. (20 h 45)
On a dit, à plusieurs reprises à cette commission, que les
changements que je viens de mentionner sont opportuns, qu'ils sont
souhaitables, mais il semble que la coalition, tout en ayant donné plus
ou moins son accord dans le passé à des propositions analogues,
refuse maintenant d'en considérer les conséquences. Je pense que
le meilleur exemple de ce refus de considérer les conséquences
d'un changement souhaité et souhaitable est ce que dit la coalition en
ce qui concerne les droits syndicaux. Là aussi, on accuse le
gouvernement des plus noirs desseins en l'accusant, par exemple, de vouloir se
débarrasser de la CECM afin d'augmenter le pouvoir d'intervention du
ministère de l'Éducation, en ne tenant d'ailleurs aucun compte
des assurances qui ont déjà été données ici,
à cette commission, à la CEQ, à la PACT, à la PART,
à la CSN, à la FTQ et en ne tenant aucun compte non plus des
engagements déjà pris à cette table et des amendements
annoncés.
Je pense qu'il faut alors reprendre patiemment les explications qui ont
déjà été données, les garanties et les
engagements qui ont déjà été annoncés. Vous
me permettrez de les reprendre un par un. Par exemple, concernant la
négociation, la coalition prétend que le projet de loi
interfère directement dans la libre négociation des conditions de
travail et outrepasse notamment les mécanismes actuels de consultation
étant donné que le directeur d'école convoque les
assemblées, qu'il "décide" - entre guillemets - de la
représentation du personnel au conseil d'école et qu'il
procède à la formation d'un comité pédagogique. Je
pense que c'est là étirer le sens des mots, car si le directeur
d'école convoque les assemblées, c'est simplement pour laisser au
personnel concerné le soin de prendre les décisions qui les
concernent.
Par ailleurs, les dispositions du projet de loi à cet
égard n'ont pour objet que de préciser les pouvoirs
accordés aux différents intervenants et instances de
l'école. Ces dispositions ne visent en aucune façon à
jeter au panier des morceaux de convention collective. Les conventions
collectives vont continuer d'exister et, lors des futures négociations,
les parties pourront continuer de convenir de la manière d'encadrer
voire de restreindre les pouvoirs de gérance de l'employeur.
De plus, la loi n'a pas pour but d'empêcher les mécanismes
conventionnels de jouer. Par exemple, lorsque les conventions collectives
prévoient un comité particulier, tel le comité de
participation des enseignants, il reviendra au syndicat de désigner ses
représentants.
Deuxième remarque concernant le Code du travail. La coalition
indique que le projet de loi s'oppose au Code du travail quand il exclut
d'office un certain nombre de personnels de l'unité
d'accréditation, à savoir le secrétaire du directeur
général ou du directeur du personnel, l'article 415 qu'on vient
de rappeler. Sur l'exclusion de certaines personnes de l'unité
d'accréditation, j'avoue et j'admets que la remarque de la
Coalition des syndicats de la CECM nous apparaît pertinente, comme
je l'ai déjà dit aux autres syndicats. Le législateur,
dans la version définitive, devra laisser les commissaires du travail
déterminer qui doit être inclus ou exclu de l'unité
accréditée et ce, conformément au Code du travail.
Autre remarque concernant les sous-contrats. La coalition est d'avis que
le projet de loi contourne les conventions collectives en implantant et en
multipliant les recours à la sous-traitance. Sur ce sujet, je dois dire
que l'objectif du projet de loi n'est pas d'accentuer la dispensation des
services au moyen de la sous-traitance. Cependant, s'il y avait recours
à la sous-traitance, les employeurs actuels ou futurs devront appliquer
les conventions collectives avant d'y recourir. Ils devront donc respecter les
règles que les conventions collectives prévoient et, notamment,
celle de l'interdiction de mise à pied.
Une quatrième remarque concernant les libellés
d'accréditation. La coalition considère que le projet de loi
supprime des droits reconnus dans le Code du travail, lorsqu'il établit
une liste fermée concernant les libellés d'accréditation -
encore l'article 415. Disons d'abord à ce sujet qu'il est d'usage que le
Commissaire du travail accorde les accréditations sur la base de chacune
des catégories de personnels, à savoir les enseignants, les
professionnels, les employés de soutien et, pour ce dernier groupe, deux
sous-catégories distinctes, soit les employés manuels et les
employés administratifs.
Or, le projet de loi prévoit une façon de faire qui
respecte les pratiques actuelles et il permet de plus, et c'est là son
but premier, la réorganisation syndicale dans un délai propre
à ce qu'au 1er juillet 1985 les salariés connaissent quel
syndicat les représente et quelle convention leur est applicable.
Cinquième remarque concernant le respect des conventions
collectives. La coalition précise que le projet de loi interfère
dans le domaine de la sécurité d'emploi, notamment à
l'occasion de l'établissement du plan d'effectifs de chaque
école; deuxièmement, dans l'autonomie professionnelle, vu que le
personnel devrait respecter le projet éducatif de l'école, et,
troisièmement, qu'il interfère également au chapitre du
perfectionnement en raison du fait que le conseil d'école
détermine les besoins en perfectionnement.
Je pense qu'il y a lieu de vous rappeler ici que les dispositions du
projet de loi ne modifient en rien les différents chapitres des
conventions collectives en ce qui concerne les trois sujets que l'on vient de
mentionner plus haut. Les conventions collectives seront donc scrupuleusement
respectées. Il faut plutôt voir dans ces dispositions du projet de
loi des précisions en ce qui a trait aux pouvoirs et devoirs
attribués aux différents intervenants et instances qui oeuvrent
au sein du milieu scolaire.
Sixième remarque concernant l'utilisation des parents à
titre bénévole. La coalition craint que le projet de loi
n'attribue un rôle aux parents tel que ceux-ci viennent occuper, à
titre bénévole, des emplois détenus actuellement par du
personnel de soutien. Eh bien, en ce qui concerne l'utilisation des services de
bénévoles au sein de la commission scolaire, il y a lieu de
préciser que les conventions collectives vont continuer de s'appliquer
et que, pour y recourir - à ces bénévoles - les nouveaux
employeurs devront respecter les règles prescrites aux conventions
collectives, notamment celle de l'interdiction de mise à pied.
Je vous rappelle aussi les garanties offertes par le gouvernement, qu'il
a déposées les 16 et 19 décembre 1983 aux tables de
négociation qui regroupaient vos représentants d'associations
nationales. J'espère que ceux-ci vous ont fait le message, mais, au cas
où ils ne l'auraient pas fait, je vous le répète, lors de
ces tables, il a été annoncé à l'avance que les
modalités de transfert et d'intégration des personnels seraient
négociées, donc feraient l'objet d'ententes. J'ai annoncé
un amendement à cet effet au tout début des séances de la
commission parlementaire et je confirme cet amendement.
En plus de confirmer cet amendement, je vous résume les
principales garanties en termes de transfert à une nouvelle commission
scolaire, d'affectation à une école et d'intégration dans
un poste, qui ont été communiquées à vos
représentants.
Premièrement, tous les salariés enseignants,
employés de soutien et professionnels seront transférés
aux commissions scolaires nouvelles en conservant les droits et
privilèges contenus à leur convention collective. Toutefois,
cette garantie ne s'applique pas aux salariés qui occupent un emploi
temporaire ou dont l'emploi se termine normalement le 30 juin d'une
année scolaire.
Deuxièmement, les enseignants sont d'abord
transférés à la nouvelle commission scolaire qui prend
charge de l'école ou des écoles où ils travaillent. Comme
vous le savez, il y a un moratoire sur les fermetures d'écoles qui
commencera à courir dès l'adoption de la loi pour les cinq
années qui suivent. À compter du 1er juillet 1985, ils seront
affectés auprès des élèves d'une école de la
nouvelle commission scolaire en fonction des règles établies
à la convention collective qui leur sera applicable à cette date.
Les enseignants en disponibilité et les suppléants
réguliers seront, quant à eux, tous transférés
à l'une ou l'autre des commissions scolaires nouvelles de leur
territoire en
fonction de la proportion de clientèle étudiante dont
chacune prend charge.
Troisièmement, les professionnels et les employés de
soutien travaillant dans une ou des écoles situées sur le
territoire d'une nouvelle commission scolaire sont intégrés
à leur ancien poste en conservant leur classe d'emploi, leur nombre
d'heures et leur taux de traitement. Les professionnels et les employés
de soutien qui travaillent dans les centres administratifs et dans des
écoles situées sur le territoire de plus d'une nouvelle
commission scolaire sont intégrés dans leur classe d'emploi
à un poste comportant le même nombre d'heures et le même
taux de traitement en fonction du choix qu'ils expriment, de leur
ancienneté et de leurs qualifications.
Quatrièmement, lors de son transfert ou de son
intégration, aucun salarié ne se verra déplacé
à plus de 50 kilomètres de son lieu de travail ou de son
domicile, toujours conformément aux dispositions de la convention
collective actuelle.
Cinquièmement, durant l'année scolaire 1985-1986, aucune
mise à pied ni aucune mise en disponibilité d'un employé
de soutien et d'un professionnel ne pourra être effectuée. Du
côté des enseignants, les mises en disponibilité et les
non-rengagements pour l'année scolaire 1985-1986 seront limités
à ceux résultant de la prévision de clientèle, des
paramètres de la tâche et des règles de formation de
groupes d'élèves.
Somme toute, 100% des enseignants vont continuer à travailler
dans une école auprès des élèves de leur
territoire, selon des modalités identiques à celles qu'on leur
appliquait chaque année. Par ailleurs, environ 50% des professionnels et
66% des employés de soutien conserveront leur poste dans la même
école. Quant aux employés des centres administratifs, ils se
verront attribuer un poste de leur classe d'emploi comportant les mêmes
heures au même lieu de travail ou dans un lieu différent sans
toutefois jamais dépasser un rayon de 50 kilomètres.
Toutes ces conditions, ces garanties ont été offertes et
les points qui restent en discussion continuent de faire l'objet de
négociations et il est prévisible que nous aboutirons à
l'entente qui nous paraît correspondre aux procédures habituelles.
(21 heures)
Dans les documents que vous avez distribués à vos
personnels, vendredi, vous revenez sur les mêmes sujets, mais en les
abordant d'une façon différente. Vous revenez, par exemple, sur
le problème de la sécurité d'emploi. Vous prétendez
que le découpage du territoire de la CECM en cinq commissions scolaires
aura pour effet de diviser par cinq la sécurité d'emploi des
employés. Vous craignez qu'il ne sera plus possible d'absorber ainsi une
variation de la baisse de clientèle sans que cela ait un effet sur le
personnel. Disons d'abord, je l'ai déjà dit, que le nombre
d'enseignants continuera d'être fonction de la prévision de
clientèle, des paramètres de la tâche et des règles
de formation de groupe. Bref, il n'y aura aucun changement par rapport à
la situation qui prévaut actuellement en matière de
sécurité d'emploi pour ce groupe d'employés. D'autre part,
en ce qui concerne les professionnels et les employés de soutien, il
faut retenir ce que je disais tout à l'heure, que la situation qui
prévaut actuellement en termes d'emploi et de sécurité
d'emploi ne sera pas modifiée par la restructuration scolaire.
On peut même dire que cette situation sera améliorée
par la garantie dont je parlais tout à l'heure et selon laquelle, durant
l'année scolaire 1985-1986, aucune mise à pied ni aucune mise en
disponibilité d'un employé de soutien et d'un professionnel ne
pourra être effectuée au cours de cette période. Vous
êtes revenus aussi sur les responsabilités confiées aux
parents, les sous-contrats, sur divers autres sujets. J'ai déjà
répondu à vos inquiétudes à ce sujet. Vous revenez
sur un autre sujet également, sur l'affectation des ressources humaines.
Vous prétendez, dans ces documents que j'ai lus, que le projet de loi ne
définit pas les modes de réaffectation du personnel entre les
cinq commissions scolaires qui remplaceront la CECM. Là je pense que
nous devons à la vérité de dire que la répartition
des effectifs des commissions scolaires actuelles envers les nouvelles
commissions scolaires, s'effectuera selon un cadre qui est prévu dans le
projet de loi. Ce sont en effet les comités de mise en oeuvre d'un
territoire qui établiront les besoins en personnel; quant aux
modalités de transfert des individus aux nouvelles commissions
scolaires, j'ai déjà indiqué au début de la
commission parlementaire que ces mécanismes se feront par entente entre
les parties à l'échelle nationale. Ces ententes pourront donc
prévoir les diverses modalités à ce sujet.
Donc, je crois que vos inquiétudes, vos appréhensions,
tout en étant compréhensibles, ne sont pas fondées et que
les transferts et les modalités de ces transferts s'effectueront
conformément au Code du travail et conformément aux stipulations
de la convention collective.
Ajoutons un dernier mot sur une autre de vos inquiétudes, qui
concerne le regroupement des services. Le projet de loi prévoit
déjà en effet la possibilité pour les nouvelles
commissions scolaires de se donner des services en commun qu'elles jugeront
nécessaires afin de s'acquitter de leurs responsabilités. Enfin,
quant à la répartition des employés de la CECM, dont la
spécialisation et l'expertise pourraient être utiles à plus
d'une nouvelle commission scolaire, il faut se rappeler que rien dans le projet
de loi n'empêche les nouvelles
commissions scolaires de se donner des services communs où l'on
pourrait utiliser de tels employés. Vous dites également que le
projet de loi méconnaît la réalité urbaine en
général et la réalité de Montréal en
particulier, qu'elle méconnaît les besoins et les circonstances
particulières de la vie à Montréal. Ce n'est pas du tout
ma conviction. J'affirme, contrairement à ce que vous dites, que le
projet de loi 40 tient compte, au contraire, de la situation
particulière de la métropole et de l'île de
Montréal.
Le projet de loi 40 prévoit, en effet, remplacer huit commissions
scolaires confessionnelles, six catholiques et deux protestantes, de taille
très inégale, si l'on se rappelle que la CECM a une
clientèle de près de 107 000 élèves, et Verdun une
clientèle de 6 000 élèves, selon les données du 30
septembre 1983, donc, que le projet de loi prévoit remplacer huit
commissions scolaires confessionnelles par huit commissions scolaires
linguistiques, cinq francophones et trois anglophones, de taille sensiblement
égale, soit de Z0 000 à 30 000 élèves par
commission, ce qui est la taille des plus grosses commissions scolaires au
Québec actuellement. Exemple, Jérôme-Le Royer, Chambly, le
PSBGM dépassent maintenant à peine 30 000 élèves.
Donc, ce ne sont pas de petites commissions scolaires qui seront
créées ainsi, mais des commissions scolaires parmi les plus
populeuses du Québec. Il est donc relativement faux de prétendre
que la CECM sera démembrée en cinq petites commissions scolaires.
Il serait plus exact de dire que la clientèle scolaire de la CECM est
regroupée avec la clientèle des autres commissions scolaires de
l'île de Montréal pour être ensuite réparties dans
les huit commissions scolaires nouvelles. Le changement proposé qui
implique, rappelons-le, le passage de commissions scolaires confessionnelles
à des commissions scolaires linguistiques correspond
indéniablement, et on nous l'a beaucoup rappelé à cette
commission, à une nouvelle réalité sociale qui tient mieux
compte de la diversité des croyances et des allégeances de la
population québécoise, qui permettra à la minorité
anglophone de contrôler et de gérer ses propres institutions,
aussi bien les écoles que les commissions scolaires et qui permettra aux
francophones et aux commissions scolaires francophones une intégration
culturelle et sociale des Néo-Québécois. Par ailleurs, la
proposition du redécoupage de l'île de Montréal demeure
perfectible. Il importe seulement que la taille respective de chacune soit
sensiblement comparable et que le découpage géographique respecte
les caractéristiques socio-économiques des sous-régions,
ce que nous avons déjà fait d'ailleurs en procédant
à ce découpage qui a été effectué selon les
critères que je peux vous mentionner: le respect des frontières
municipales: le nombre d'écoles primaires et secondaires, plus ou moins
60, regroupant 30 000 élèves; le respect des frontières
naturelles: cours d'eau, parcs et le reste; le respect des territoires
protégés de 1867, les barrières artificielles: chemins de
fer, autoroutes; la situation et la localisation des communautés
ethniques; le respect des communautés sociologiques, le volume des
populations scolaires et, finalement, le respect des régions
administratives de la CECM, puisqu'il importe de rappeler que c'est la CECM
elle-même qui, consciente de cette réalité et du gigantisme
de sa taille, a cru nécessaire de diviser son territoire en zones
administratives relativement autonomes. C'est la CECM elle-même qui est
venue nous le rappeler lors de sa comparution.
Quant au partage des richesses, pour offrir à tous des chances
égales, le projet de loi 40, non seulement ne compromet pas ce qui
existe actuellement, mais encore il en garantit une meilleure
répartition. Il faut d'abord rappeler qu'en vertu des règles
budgétaires annuelles, comme c'est le cas actuellement, chaque nouvelle
commission scolaire de l'île de Montréal recevra du
ministère de l'Éducation une enveloppe budgétaire
générale calculée à partir d'un minimum de
paramètres qui lui sont propres et qui tiennent compte des
caractéristiques particulières de chacune des commissions
scolaires. Par exemple, eu égard à sa structure de
clientèles, au nombre des écoles à vocation
spéciale ou professionnelle, au service d'accueil, au service de
francisation, aux milieux économiquement faibles, ainsi, des commissions
scolaires de même taille pourront recevoir les ressources
financières différentes pour tenir compte de ces
caractéristiques. Il est donc faux et tendancieux de prétendre
que le redécoupage du territoire de l'île de Montréal
compromet le maintien de services, tels que l'opération Renouveau,
l'aménagement de classes d'accueil et de francisation pour les
immigrants, le développement d'un réseau d'écoles
spéciales.
La péréquation pour tenir compte des
caractéristiques particulières de chaque école se fera
donc à un premier niveau par le ministère de l'Éducation
au moyen de l'attribution des ressources, puis ensuite, à un
deuxième niveau, par la commission scolaire qui déterminera le
montant des ressources allouées à chaque école. En plus
des subventions de l'État qui assurent le maintien des services et la
péréquation des ressources, chaque commission scolaire pourra
continuer de percevoir une taxe scolaire pour des dépenses non
subventionnées.
Il est vrai que l'assiette foncière des commissions scolaires
varie et que cela pourrait donner lieu à une imposition
foncière différente d'une commission scolaire à
l'autre dans l'exercice du pouvoir de taxation équivalant à 6%
des dépenses nettes de chaque commission scolaire. Conscient de cette
réalité, surtout dans le milieu urbain de Montréal, le
projet de loi 40 maintient l'obligation pour le gouvernement de verser une
subvention de péréquation à la commission scolaire dont
l'évaluation moyenne par élève des immeubles compris dans
son assiette foncière est inférieure à l'évaluation
provinciale moyenne par élève.
Ainsi, chaque commission scolaire est assurée d'un niveau de
ressources comparable pour les dépenses non subventionnées sans
que les contribuables d'un secteur soient plus taxés que ceux d'un
autre. Par ailleurs, j'étudierai avec attention les recommandations qui
me sont faites de confier le pouvoir de taxation sur l'île de
Montréal à l'organisme scolaire prévu à l'article
425 du projet de loi, avec obligation pour ce dernier d'en assurer la
répartition.
Il importe de souligner ici l'importance des dispositions
particulières à l'île de Montréal prévues aux
articles 425 et suivants du projet. Ces dispositions créent l'obligation
pour le ministre de constituer un organisme régional sur l'île de
Montréal pour gérer le service de la dette. De plus, cet
organisme pourra exercer d'autres fonctions, soit celles qu'exerce actuellement
le Conseil scolaire de l'île de Montréal ou d'autres fonctions que
les commissions scolaires de l'île voudront bien lui confier.
Bien que la rédaction du projet puisse soulever quelques
ambiguïtés, je tiens à préciser que dans mon esprit
et au besoin le texte sera remanié pour l'exprimer plus clairement. La
recommandation de la commission de mise en oeuvre à ce sujet liera le
ministre. Donc, on ne s'en remet pas ici à l'arbitraire du ministre,
comme on l'a prétendu. Il en est de même pour la modification ou
la révocation de l'acte d'établissement de cet organisme
régional qui ne pourra se faire qu'à la demande d'une
majorité de commissions scolaires et seulement conformément
à cette demande. Là aussi, le ministre aura les mains
liées par les recommandations qui lui seront faites par une
majorité de commissions scolaires.
Certains me reprochent de ne pas spécifier dans la loi les
attributions spécifiques d'un tel organisme régional. Cette
critique m'apparaît pour le moins curieuse puisqu'elle me semble
contredire les renvendications des commissions scolaires qui exigent avec force
le respect de leur autonomie. Dans mon esprit, les propositions
particulières du projet pour l'île de Montréal vont dans le
sens de ces revendications en laissant aux commissions scolaires de l'île
la souplesse requise pour confier à un organisme régional les
tâches qu'elles estimeront préférable de confier pour
exécution à un palier régional.
Compte tenu des propos entendus à la commission parlementaire
selon lesquels certains services scolaires doivent être dispensés
à un palier régional, il m'apparaît assez évident
que les commissions scolaires de l'île voudront confier à cet
organisme les fonctions de coordination et de gestion, de services en commun
qu'elles estimeront - et non pas que le ministre jugera - utile, voire
nécessaire de regrouper pour mieux réaliser le mandat
général que leur confie le législateur. Par exemple, on
peut assez facilement prévoir qu'il en sera ainsi pour la coordination
des écoles à vocation spéciale et des services
spéciaux en milieux économiquement faibles, ainsi que pour la
gestion en commun de services d'informatique, d'architecture,
d'ingénierie, etc.
Je crois donc que le projet de loi est arrivé en ville, pour
paraphraser certains propos qui ont été tenus à cette
commission parlementaire. Le projet me paraît même
préférable à la situation actuelle puisqu'il tient compte
des réalités et des exigences de l'île de Montréal
et non seulement de celles de la ville de Montréal. Il faut se rappeler,
en effet, que le Québec a une île métropolitaine et non pas
seulement une ville-métropole. (21 h 15)
En conclusion, je me vois forcé de répondre par la
négative à la demande que vous me faites de retirer le projet de
loi. Pour toutes les raisons que j'ai mentionnées, accords de plus en
plus larges sur des dispositions fondamentales du projet de loi,
évolution vers une acceptation d'un rôle plus grand confié
à l'école, d'un rôle plus grand confié à une
équipe-école travaillant en concertation pour
l'élaboration et la réalisation d'un projet éducatif, vers
la création de commissions scolaires chargées de la coordination
de la planification et du contrôle des écoles, en fonction
également de tous les mérites de l'intégration des niveaux
primaire et secondaire, de la réduction du nombre des commissions
scolaires, des nouveaux aménagements confessionnels, je pense qu'il est
impossible de penser que ce projet de loi sera retiré. Je réponds
de la même façon négative à la demande que vous me
faites de la création d'une autre commission d'enquête.
Les commissions d'enquête sur la restructuration de notre
système scolaire se multiplient depuis une vingtaine d'années. Il
y a d'abord eu la commission Parent qui faisait des recommandations très
précises déjà à ce sujet. Par la suite, il y a eu
d'autres livres verts, d'autres livres blancs, d'autres tournées de
consultation. Il y a même eu des projets de loi présentés
successivement par plusieurs ministres de plusieurs gouvernements: loi 62, loi
28, loi 71, etc. Même en ce qui concerne le projet
de loi 40, il y a déjà trois ans que la population est au
courant des principales orientations de ce projet, de ses tenants, de ses
aboutissants. Il a été discuté abondamment par tout ce que
le Québec compte de comités d'école, de commissions
scolaires, de cadres scolaires, de groupes de toutes sortes. Je pense que le
débat a suffisamment été tenu. Je pense que les opinions
se sont relativement faites. Je pense, en somme, qu'il est temps d'apporter une
réponse à des problèmes réels qui n'ont pas
été réglés depuis 15 ou 20 ans et qu'il importe
enfin de procurer à la population du Québec une politique
scolaire qui non seulement réglera les problèmes laissés
en suspens mais qui fera en sorte que le système scolaire, par un
rôle plus grand dévolu à l'école, pourra enfin
contribuer à apporter une éducation de qualité, une
formation de qualité à nos populations montantes. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. Un
commentaire, M. Dubé. Oui.
M. Dubé: Comme commentaire, disons qu'on voudrait vous
remercier de tant de bonté. Nous allons crouler sous ce poids, M. le
ministre. Je n'arrive pas à comprendre comment vous pouvez rejeter du
revers de la main des positions de 6000, 7000, 8000, 9000 personnes de
différentes associations. Comment pouvez-vous rejeter cela du revers de
la main? Dans un premier geste, vous nous dites distorsion, mauvaise lecture.
Vous êtes le seul à avoir le pas et à lire correctement
votre projet. M. le ministre, l'an passé, vous nous disiez qu'on ne
comprenait pas vos décrets. On les vit dans le moment. C'est ce que nous
avions prévu qui se vit, M. le ministre. Ce n'est pas gai dans nos
écoles. L'an passé, on est venu vous dire en commission
parlementaire que le nombre de groupes qu'auront les enseignants au secondaire
serait épouvantable. On est venu se faire donner de savantes
explications par vos sous-ministres ici, en commission parlementaire, se faire
dire qu'il y avait d'autres formules. Nous le vivons dans nos écoles, M.
le ministre. Nous vivons des cas de violence particulièrement graves.
Nous avons à garder dans nos écoles des élèves que
les institutions spécialisées ne peuvent recevoir parce que ces
élèves sont trop difficiles. Je pourrais vous parler de la
violence à la polyvalente Jeanne-Mance, avec un personnel enseignant et
une direction dévoués, etc., qui se font frapper, qui se font
attaquer par des intrus, par de prétendus parents ou tuteurs. Ce n'est
pas un seul cas, M. le Président. C'est de façon quotidienne et
régulière. Les problèmes urgents de l'école, ils
sont là, ce sont ceux-là qui sont à corriger.
Vous nous avez aussi donné l'impression, dans un premier temps,
M. le ministre, que notre revendication était fondée sur la
question de la sécurité d'emploi et que vous vous occupiez
tellement de nous qu'il n'était plus nécessaire qu'on ait
même une association tellement vous nous donniez de la bonté. Le
fond de notre mémoire est sur les services à la population. Qu'en
avez-vous dit et qu'en avez-vous fait? M. le ministre, nous croyons que les
promesses que vous nous faites sont aussi valides que la signature que votre
gouvernement avait mise au bas des conventions collectives ces dernières
années. Lorsque, à ce moment-ci, vous nous parlez de conventions
collectives et vous dites que les conventions collectives seront
respectées, permettez-moi de vous rappeler respectueusement que ce sont
des décrets et que vous les avez écrits en fonction du projet de
loi 40. Quel genre de protection avons-nous à l'intérieur de
cela? Nous croyons que la population montréalaise et la population du
Québec méritent mieux que le projet de loi 40.
En dernier lieu, M. le Président, je suis outré qu'encore
une fois, on laisse percevoir qu'il y a une distorsion entre nos
représentants syndicaux et nos membres. Nous avons été
informés par la Centrale de l'enseignement du Québec, par la CSN
ou par la FTQ des propositions de relocalisation de personnel, etc. Nos membres
connaissent ces propositions. Ils ont refusé de négocier ces
propositions parce que nous refusons à la base même le projet de
loi 40. Avez-vous déjà vu une seule entreprise au monde, une
seule organisation au monde qui se fout éperdument de son personnel et
qui le balance comme cela? Votre projet de loi nous ignore totalement comme
individus responsables. Nous travaillons dans le système, nous nous
saignons à blanc chaque jour pour dispenser des services de
qualité à la population québécoise et
montréalaise. Vous nous laissez de côté comme cela du
revers de la main.
M. le ministre, j'aurais pensé que, ce soir, nous n'aurions pas
ici qu'un monologue, mais qu'il puisse y avoir un dialogue. Je perçois
que vous avez utilisé l'ensemble du temps pour révoquer des
propos que nous n'avons pas tenus, pour déformer d'autres propos que
nous avons tenus et également pour faire des promesses à
l'intérieur de points de suspension. Nous sommes désolés,
M. le ministre, que vous ayez refusé sur le champ, comme cela, sans
autre analyse avec le Conseil des ministres ou autre, la proposition
alternative que nous vous présentions. C'est une proposition qui aurait
permis à la population du Québec, au gouvernement et aux
organisations de faire un consensus, non pas le consensus que vous voulez, non
pas le consensus que vous déterminez. Je sais que, chaque fois que vous
tirez un consensus, c'est le vôtre, mais
serait-il possible qu'une fois on puisse tirer le consensus de la
population? Je vous mettrais au défi de faire un
référendum sur cette question de restructuration scolaire et je
suis certain que votre projet de loi 40 serait rejeté amplement par la
population. On est prêt à relever ce défi. On est
prêt à assumer ce défi.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Dubé. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, j'ai remarqué que le
ministre était singulièrement plus loquace lorsqu'il s'agissait
de traiter des problèmes de la Commission des écoles catholiques
de Montréal, qu'il a peu étudiés, d'après ce qu'on
peut constater par le projet de loi 40, que lorsqu'il s'agit de nous informer
de ce qui se passe dans son ministère. Cet après-midi, nous
voulions faire parler le ministre sur des choses qui sont en train de se passer
à l'intérieur du ministère en matière
d'éducation des adultes. C'est à peine si on a pu lui arracher un
non après de longues minutes de tiraillements. J'ai vu que, ce soir, il
avait retrouvé la parole pour traiter des problèmes que vous avez
soulevés d'une manière que je me permettrai de discuter à
mon tour.
Il y a une chose que je regrette moi aussi, c'est que le ministre envoie
promener du revers de la main une proposition qui émane quand même
d'une coalition de syndicats responsables qui ont eux-mêmes reçu
l'approbation d'une assemblée à laquelle étaient
présentes au-delà de 5000 personnes, d'après ce que nous
avons vu dans les journaux aujourd'hui. J'ai eu l'occasion, M. le ministre, de
participer à certaines réunions de l'alliance au cours de la
dernière année; vous aussi, une fois, nous y fûmes
ensemble. Je crois qu'on doit témoigner que l'alliance, en particulier -
je pense que la même remarque s'applique aux autres syndicats, quoique
nous n'ayons pas eu de contact aussi direct avec les autres à propos des
questions que nous discutons ce soir - a fait montre d'un esprit de recherche
et de réceptivité au cours de la dernière année qui
mériterait au moins d'être souligné.
Il y a une chose que j'ai remarqué depuis le début des
audiences de la commission parlementaire: il y a plusieurs centrales syndicales
qui sont venues et je remarque un changement de ton très important. Cela
n'empêche pas d'être vigoureux et énergique, c'est une autre
affaire, mais on voit qu'ils s'intéressent au fond des choses et qu'ils
ne viennent pas nous servir des refrains auxquels nous étions devenus si
habitués que nous y portions parfois moins d'attention. Quand on venait
nous servir de la rhétorique réchauffée, cela avait moins
d'impact; mais depuis que les travaux de la commission parlementaire sont
commencés, c'est un autre genre de langage qu'on nous a tenu, ce sont
des propos qui se relient directement au sujet que nous traitons. Je les ai
trouvés, dans l'ensemble, éminemment pertinents, y compris ceux
qu'on nous a servis ce soir.
Une première leçon que je tire de ce que nous avons
entendu, c'est qu'à Montréal, à tout le moins, il n'y a
certainement pas de consensus autour du projet du ministre, je pense que c'est
un rejet très général. Si on fait le tour d'un certain
nombre d'organismes qui ont exprimé leur opinion, on voit ce qui suit.
La Commission des écoles protestantes est venue ici nous dire qu'elle ne
voulait pas du projet de loi, la Commission des écoles catholiques de
Montréal est venue nous dire la même chose ainsi que la commission
scolaire du Lakeshore, la commission scolaire de Sainte-Croix, la commission
scolaire de Verdun, la commission scolaire Jérôme-Le Royer et la
commission scolaire Sault-Saint-Louis. Elles ont toutes dit qu'elles ne
voulaient pas du projet de loi.
L'Association des professeurs catholiques de langue anglaise, qui
recrute le gros de ses effectifs à Montréal, est venue nous dire
la même chose sur le fond, surtout en ce qui touche l'équilibre
des pouvoirs proposés dans le projet de loi. La chambre de commerce n'a
pas daigné venir, mais elle a envoyé un message qui dit
exactement la même chose. Le Board of trade, c'est la même chose.
Le Conseil central des syndicats nationaux, je pense qu'il est dans votre
groupe, la FTQ est venue et nous a dit la même chose. On ne parle pas
beaucoup de Mgr Grégoire, c'est quand même l'archevêque de
Montréal qui a dit bien simplement - Mgr Grégoire n'est pas un
homme qui fait beaucoup de bruit - qu'il a posé des questions auxquelles
il n'a jamais reçu de réponse. Cela reste vrai, chacun ses
raisons.
Là, nous discutons de l'existence d'un consensus à
Montréal. S'il existe un consensus, je crois qu'il va dans le sens d'une
opposition générale ou de réserves très importantes
à l'encontre du projet de loi. On pourrait parler du Congrès juif
canadien, qui nous a adressé un mémoire; il devait nous le
présenter un soir mais il a été reporté à
plus tard, parce que nous avions consacré plus de temps à
d'autres organismes. C'était la même réaction. Je recevais
un appel, aujourd'hui même, d'un collaborateur de l'évêque
de l'Église anglicane à Montréal, Mgr Hollis qui nous
disait la même chose: on a envoyé un mémoire sur lequel on
tient à attirer votre attention. Ils n'ont pas demandé à
venir ici, ils ont quand même envoyé un mémoire qui exprime
des réserves très sérieuses.
C'est une première constatation qu'on doit enregistrer. Il se
peut, comme l'a dit le président de l'alliance, M. Dubé, que le
ministre soit le seul à savoir lire contre tout
ce monde-là, mais vous auriez un problème
d'analphabétisme terrible. J'aime mieux considérer que c'est
peut-être le ministre qui n'a pas les bonnes lunettes dans ce cas-ci,
parce qu'il sait lire. Peut-être que ses lunettes ne sont pas bonnes. Il
y gagnerait peut-être à prendre les lunettes à travers
lesquelles un très grand nombre d'organismes de la région de
Montréal voient ce problème; je pense que cela l'amènerait
à une attitude un peu plus faite d'empathie à l'endroit des
points de vue qui lui sont exprimés.
Dans le mémoire que vous avez présenté, je trouve
qu'il y a deux positions de fond. Il y a d'abord le diagnostic
général que vous portez sur l'ensemble du projet de loi 40. Vous
dites que ce projet de loi va entraîner une centralisation accrue au
bénéfice du ministère de l'Éducation, qu'il
comporte une émasculation des commissions scolaires, des attributions
dont elles ont besoin pour s'acquitter de leurs fonctions, qu'il crée un
équilibre malsain à l'intérieur même de
l'école, un partage des responsabilités qui sera une source de
conflits et de tensions perpétuelles. (21 h 30)
Sur ce point, sur le diagnostic général que vous portez
à propos du projet de loi 40, je voudrais vous dire que vous
n'êtes pas les seuls. Je pense que la très grande majorité
des organismes compétents en éducation qui se sont
présentés devant la commission parlementaire depuis le
début ont soutenu substantiellement la même position. Cela a
été le cas de la Fédération des commissions
scolaires catholiques du Québec, de la Centrale de l'enseignement du
Québec, de l'Association des directeurs généraux des
commissions scolaires catholiques, de l'Association des cadres scolaires du
Québec, des professeurs de la Faculté d'éducation de
McGill, de la Provincial Association of Catholic Teachers, de la Provincial
Association of Protestant Teachers, de l'Institut canadien d'éducation
des adultes, de nombreuses commissions scolaires particulières qui sont
venues ici et, en particulier, l'autre jour, de la commission scolaire
Jérôme-Le Royer qui est venue présenter un mémoire
très étoffé qui invitait le gouvernement à
reconsidérer sérieusement des aspects fondamentaux de son projet
de loi.
Sur ce point-ci, par exemple, vous êtes en bonne compagnie. Je
pense que votre lecture du projet de loi est réaliste et juste aussi.
Elle est dure, mais je pense qu'elle est juste parce qu'elle dit ce qui doit
être dit à ce sujet. De notre côté, je pense que vous
le savez pour avoir suivi les travaux de la commission parlementaire depuis le
début, même les travaux qui l'ont précédée,
c'est aussi notre diagnostic général.
Le deuxième thème que vous traitez dans votre
mémoire, c'est celui qui se rattache à la dimension de la CECM.
Vous plaidez pour le maintien du territoire actuel de la CECM. Je ne pense pas
que vous disiez non à toute forme de changements. Vous dites: On veut
que ce soit étudié plus sérieusement que cela ne l'a
été pour la confection du projet de loi 40, mais en attendant,
vous dites: Maintenons la structure qui existe. Vous la défendez aussi.
À ce sujet, je pense qu'il est important de rappeler les avantages du
territoire actuel, les avantages d'une commission scolaire qui a une dimension
plus large que les commissions scolaires moyennes dont on rêve de la
formation à travers le Québec. Vous les avez mentionnés,
mais je pense que c'est bon de les résumer brièvement: d'abord,
ça permet la constitution d'un réservoir de ressources
professionnelles administratives, pédagogiques et techniques plus
étendues qui permet de faire face aux besoins diversifiés qui se
posent sur l'ensemble du territoire. Je pense que ça n'exclut pas une
saine décentralisation, mais ça permet, de toute évidence,
de faire face à des réalités comme celle-là.
Aujourd'hui, on assiste de plus en plus à des regroupements, on
l'a vu au cours des dix dernières années. Cela s'est fait avec
une rapidité et une régularité absolument renversantes.
Les entités de petite taille ont plus de misère à faire
face à bien des défis qui se posent, en particulier dans les
grands centres urbains. C'est un avantage incontestable. On peut
énumérer un avantage contraire. Je sais très bien, cela
fait partie du débat que nous devons avoir, je pense qu'il faut rappeler
clairement les éléments qui militent en faveur d'une très
grande prudence avant qu'on ne démantèle ici l'argument de
péréquation financière, professionnelle et technique qui
vient se joindre à ça, qui permet à une grande
entité de faire face à ces poches de développement
inégal qu'on trouve à l'échelle d'un grand territoire
urbain et qu'il serait plus difficile d'affronter si on devait avoir cinq
unités différentes, comme on le propose.
Le ministre oppose à cela l'argument qu'il existe
déjà huit ou neuf commissions scolaires. Je pense que ce n'est
pas un bon argument parce que tout le monde sait que certaines commissions
scolaires sont trop petites actuellement et qu'il faudrait des regroupements.
Je pense que tout le monde est d'accord depuis longtemps que dans les parties
sud-ouest et nord-ouest de Montréal il y a certains regroupements qui
s'imposent et que même certains ajustements territoriaux devraient
être envisagés dans ce qui constitue le territoire actuel de la
CECM. Je pense que ce sont des questions qui ne doivent pas être
fermées, mais le point, c'est qu'il faut une entité à
Montréal qui ait plus de taille que les autres.
Chaque fois qu'on a discuté, d'ailleurs,
M. le ministre, du réaménagement des frontières
urbaines à Montréal, il a toujours été convenu
qu'il fallait garder une entité municipale majeure, qui s'appelle la
ville de Montréal, parce qu'il y avait des problèmes
spéciaux, que ça prenait une taille plus grande pour les
initiatives à envisager et je pense que ça vaut également
dans le domaine scolaire. On a entendu ces arguments à combien de
reprises depuis 25 ans? Je pense qu'ils sont bons à part cela. Ce n'est
pas pour rien qu'on n'a jamais réussi à enfoncer la structure de
la ville de Montréal, sauf des affaires mineures, encore une fois, parce
qu'il y a des raisons économiques, sociologiques, politiques,
culturelles qui militent en faveur d'une entité administrative plus
grande. Je pense que c'est également vrai dans le domaine scolaire. Vous
avez mentionné qu'une entité plus large est une réponse
plus efficace au nomadisme de la population urbaine. C'est sûr que cela
saute aux yeux que, si vous déménagez tout en restant dans le
même territoire scolaire, cela facilite énormément les
choses pour les enfants et leur famille, pour la fourniture d'un certain nombre
de services spécialisés. Cela devrait être envisagé
à l'échelle du territoire: éducation des adultes, services
aux milieux moins favorisés, services spéciaux pour les
immigrants, innovation pédagogique, etc. Je pense que cela va de
soi.
Il y a un argument auquel le ministre n'a pas répondu dans les
débats que nous avons eus jusqu'à maintenant et qui ne manque pas
d'importance. Il nous avait été soumis par la Commission des
écoles catholiques de Montréal dans le mémoire qu'elle
nous a présenté il y a quelque temps; ce sont les
économies d'échelle. Je pense que M. Haag ou M. Dubé en a
parlé un peu tantôt; je ne me souviens pas lequel des deux. On
nous a établi - cela n'a pas été réfuté par
le ministère, parce que je pense que ce sont des données qui
proviennent de statistiques émanant du ministère de
l'Éducation - que les cadres et les hors cadres, à la Commission
des écoles catholiques de Montréal, représentent 1% du
personnel total, tandis que, pour l'ensemble du Québec, la moyenne est
de 2,9%. Les professionnels non enseignants - je m'excuse de reprendre cette
expression que j'emprunte au rapport que vous ne sembliez pas priser
spécialement tantôt - à la CECM, le pourcentage est de
4,5%. Pour l'ensemble du Québec, je pense que c'est la moyenne - je ne
sais pas si cela comprend la CECM ou cela l'exclut; on pourra nous l'expliquer
- en tout cas, c'est 5,9%. Si cela comprend la CECM, cela veut dire que
l'écart serait plus grand encore. Si cela ne la comprend pas,
l'écart devrait être plus grand inversement. Direction
d'école et adjoints, CECM, 4%; moyenne provinciale, 5,5%. Par
conséquent, il y a, suivant les statistiques dont nous disposons, une
économie d'échelle importante qui peut être
réalisée par une entité administrative plus grande. Avant
de sabrer là-dedans, je pense qu'il faut que le gouvernement fasse la
preuve que ce qu'il va proposer va être véritablement
meilleur.
Je donne un dernier argument. La taille de la Commission des
écoles catholiques de Montréal n'a rien d'alarmant ou
d'inquiétant quand on la compare à la taille d'organismes
chargés d'administrer des écoles dans des territoires urbains
correspondants. J'ai déjà cité ici même le cas de
Vancouver, le cas d'Edmonton, le cas de Winnipeg, le cas de Toronto. On ajoute,
dans le mémoire qu'on nous soumet aujourd'hui, le cas de New York, le
cas de Chicago, le cas de Philadelphie. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de
grands territoires urbains, M. le ministre, où on ait opté pour
la solution qui semble vous remplir d'assurance.
Devant ces faits, je pense que le fardeau de la preuve incombe à
celui qui veut faire le changement contre la volonté
générale. Il me semble que c'est clair, c'est une règle de
logique et de débat public élémentaire. Tout un dossier
est là sur la table, disponible pour tout le monde. J'écoutais le
ministre tantôt et la preuve n'a pas été faite. Tout ce que
le ministre dit: Vous ne m'avez pas prouvé que je vous ferais du tort en
faisant ceci. On veut qu'il nous prouve comment ce qu'il nous propose va
être meilleur pour l'éducation. On n'a absolument aucune
espèce de preuve que toute cette banque d'expériences, de
ressources, de mises en commun, d'initiatives qui a permis tellement souvent,
dans le passé, à la CECM d'être à l'avant-garde du
développement éducatif va pouvoir se transmettre et se conserver
intacte avec les changements qu'on envisage. Ce que j'ai entendu dire le plus
souvent, c'est que si on fait des commissions scolaires d'une taille moyenne
d'à peu près 35 000 - actuellement, je pense que c'est autour de
100 000 - on pourra offrir les services de base à ce que j'appellerais
la clientèle étudiante ordinaire, moyenne. On pourra les offrir
dans des conditions fort convenables. Mais, dès qu'on arrivera au point
où il faudra transiger avec les problèmes spéciaux d'une
région métropolitaine comme Montréal, je pense qu'on va
être complètement débalancé; on va être
complètement incapable, avec une fragmentation comme celle-là, de
faire face aux défis. Le ministre nous dit: On pourra transférer
cela à l'organisme sur lequel il va y avoir une supervision
immédiate. Je ne le pense pas. Cet organisme ne sera pas du tout dans
les opérations.
Encore une fois, cela nous ramène au débat que nous avons
eu cet après-midi. On ne peut pas séparer au couteau les
opérations dans le domaine scolaire et tous
les services spéciaux qui sont envisagés. Ils doivent se
greffer à l'ensemble, à toute la gamme des services qui sont
offerts par un réseau; on ne peut pas dire qu'il y aura un plateau
spécial qui relèvera de cet organisme. D'ailleurs, au Conseil
scolaire de l'île de Montréal, on remarque que, chaque fois que le
conseil scolaire a voulu mettre la main sur des activités
pédagogiques, il a dû faire face à une résistance
très forte de la part des commissions scolaires constituantes parce
qu'elles voyaient ces activités comme un prolongement de la... Elles ont
dit: Vous vous cantonnez dans votre rôle de fiscalité, de
péréquation financière. Chaque fois qu'elles ont voulu
déborder, cela a créé des difficultés. D'ailleurs,
cela n'a pas eu beaucoup de résultats. En somme, c'est le dossier devant
lequel nous sommes placés. Je pense qu'il y a beaucoup à faire
pour que le gouvernement fasse la preuve du bien-fondé de son
désir d'imposer un changement aussi considérable.
Je pense que les études qui s'imposaient n'ont pas
été faites. Dans ce sens, nous autres, je vais vous dire
où nous en étions. Nous ne voulons pas empêcher
systématiquement le projet de loi 40. Si le gouvernement amende le
projet de loi 40 de manière qu'il réponde à nos attentes,
nous sommes prêts à le regarder positivement, mais nous avons dit
au gouvernement: Même dans cette hypothèse, soyez bien prudent
avant de toucher au territoire de la CECM, au territoire de la Commission des
écoles protestantes de Montréal. Il y a d'autres
problèmes, en plus que ceux dont nous parlons ce soir, et ce sont des
problèmes juridiques constitutionnels extrêmement complexes. En
toute hypothèse, je ne pense pas que, si jamais le projet de loi devait
devenir loi, la réforme devrait s'appliquer à Montréal
avant deux ou trois ans pour laisser le temps aux causes qui sont devant les
tribunaux de suivre leur cours. Cela donnerait tout le temps voulu de
procéder aux études plus approfondies dont vous parlez. C'est
pour cela que je m'étonne moi aussi que le ministre ait renvoyé
du revers de la main, d'une manière aussi catégorique et sans
étude, la suggestion que vous avez faite. C'est la question que je vais
vous poser d'ailleurs, je ne sais pas si la formule que vous proposez est la
seule digne d'être retenue, mais il me semble que l'idée de
groupes de travail, l'idée d'un rapprochement, d'un dialogue beaucoup
plus sérieux entre le ministre et les organismes à vocation
éducative de la région de Montréal, serait une
nécessité absolument impérieuse. C'est l'essentiel de la
position que nous envisageons du côté de l'Opposition.
Je voudrais vous demander si la commission dont vous proposez la
formation, c'est plutôt un groupe de travail, une commission solennelle,
c'est bien rare qu'on va voir une commission d'enquête composée de
représentants du gouvernement et de l'Opposition. En
général, une commission d'enquête est formée de
personnes qui ne sont ni du gouvernement ni de l'Opposition. On nomme des
personnes qui sont censées réputées pour leur
impartialité; leur aptitude à comprendre les problèmes qui
feront la matière de l'enquête et on leur dit: Allez voir cela.
Pourriez-vous nous donner un peu d'explications sur le cheminement qui vous a
conduits à faire cette proposition et nous dire de manière
peut-être un peu plus précise en quoi il consisterait?
Le Président (M. Blouin): M. Dubé.
M. Dubé: Très bien. D'abord, si vous me permettez,
brièvement, en regard de la question de la péréquation et
de ce que vous avez signalé, de ce que le ministre abordait tout
à l'heure, le ministre disait: Lorsque les commissions scolaires le
voudront, elles pourront remettre un certain nombre de questions en commun. Le
problème, c'est que les riches ou les mieux organisés ne
sentiront pas le besoin de remettre ces problèmes en commun et les plus
démunis resteront avec leurs problèmes. Donc, une
désorganisation de Montréal, une disparition de la
péréquation de Montréal et sans une obligation de
coordination, etc., fait en sorte que les inégalités sociales
s'accentueront. Première courte remarque sur cette question.
Deuxièmement, à l'égard de notre proposition,
évidemment, nous y avons laissé là place à une
contre-proposition ou un autre point de vue du gouvernement ou encore de
l'Opposition. Nous ne voulons pas d'un comité d'étude. Par
exemple, le livre vert. Par exemple, les recherches que le gouvernement a
amenées à l'intérieur du ministère de façon
qu'on pourrait qualifier "d'autonome" entre guillemets. Nous voulons un groupe
d'étude dûment mandaté par le Parlement ou par le
gouvernement, qui ferait vraiment une recherche et qu'il y ait un engagement de
dégager un consensus et que le gouvernement s'engage à appliquer
le consensus à la fin. Nous n'avions pas d'opposition au fait qu'il y
ait quelqu'un du gouvernement comme membre de cette commission, un de ses
représentants pour véhiculer le point de vue du ministre.
D'ailleurs, nous n'avons pas d'opposition non plus au fait que les autres
représentants au Parlement puissent être présents
là, mais il nous semble que les impératifs, telles les
organisations scolaires, les organisations syndicales, auraient pu être
là, si cette commission, le gouvernement avait daigné l'entourer
d'experts, pour faire une recherche, une analyse et des recommandations. Nous
sommes réceptifs à toutes ces formules, mais ce que nous ne
voulons pas, c'est un autre décret, une autre loi spéciale contre
la volonté des groupes
et de la population. (21 h 45)
C'est assez les changements imposés, on en a assez. Ce n'est pas
pour rien que dans une courte semaine on a fait appel à nos gens pour se
réunir au Palais des congrès et qu'on y a rallié 5000
personnes un certain soir. Cela doit être particulièrement
significatif. Lorsqu'on convoque des assemblées sur d'autres questions,
on atteint 2000, 2500, 1500 et après deux à trois semaines de
mobilisation, un mois, deux mois de mobilisation. Dans une seule semaine, c'est
ce qui s'est passé. Cela doit être significatif et alarmant. Nous
avons là une alternative. Que le gouvernement nous en propose une autre.
On est prêt à la regarder. Ce qu'on se refuse à regarder,
c'est l'imposition d'un autre décret.
M. Ryan: M. Dubé ou les autres collègues qui vous
accompagnent, nous entendons la remarque suivante au sujet de votre initiative.
On dit: L'alliance veut sauver sa peau. Les syndicats veulent défendre
leurs intérêts. Ce n'est pas le bien de l'éducation et ce
n'est pas la nécessité d'une entité institutionnelle plus
large à Montréal qui les intéressent. Elle veut conserver
son statu quo et leurs privilèges. Que répondez-vous à
cela?
M. Dubé: Si la partie gouvernementale assume cette
hypothèse, c'est qu'elle connaît mal les
réalités.
M. Laurin: M. le Président, question de règlement.
Je n'ai jamais prétendu le moindrement que cette phrase était
assumée par le gouvernement. Jamais!
M. Dubé: Je n'ai pas dit qu'elle était
assumée, j'ai dit: Si la partie gouvernementale l'assume.
M. Laurin: Mais vous le laissiez entendre dans votre
réponse.
M. Dubé: Donc, vous me dites que vous ne l'assumez pas,
mais pour compléter là-dessus, je veux signaler que Maurice
Duplessis, en 1949, a décertifié l'alliance. Nous avons
vécu comme mouvement illégal durant plus de dix ans. Nous avons
fait comme Solidarité en Pologne et nous sommes encore là
aujourd'hui. De plus, lorsque le ministre décidera et s'il décide
de morceler la CECM en cinq morceaux, eh bien, si les membres désirent
conserver leur association de professionnels, leur association d'enseignants,
leur association d'entretien, leur association de soutien, ils pourront le
faire. J'en veux pour exemple le Syndicat des enseignants de Champlain, sur la
rive sud de Montréal, qui représente des enseignants dans cinq
commissions scolaires. J'en veux pour exemple le Syndicat des enseignants de la
région de Mille-Îles qui représente des enseignants et du
personnel de soutien et de professionnels dans neuf commissions scolaires
distinctes. Donc, de par la volonté des membres, toutes nos associations
pourront vivre, sauf une, l'association des concierges, parce que dans le
projet de loi, il est prévu l'opération de se regrouper à
l'intérieur des soutiens. Comme ils sont en minorité, la loi du
nombre jouant, cette association disparaîtrait. Donc, ce n'est pas par
égoïsme que nous nous opposons au projet de loi 40, pour fins de
nos organisations syndicales. On serait capable de vivre et de survivre
au-delà des volontés des gouvernements qui voudront nous
désorganiser, si tel en était le cas.
M. Ryan: Je voudrais simplement ajouter une remarque, et laisser
la parole à d'autres. Nous ne posons pas de questions sur toute la
partie de votre mémoire qui traite des droits syndicaux, non pas par
manque d'intérêt, mais parce que nous comprenons. Le ministre a
fait une réponse très longue à cette partie de votre
mémoire. Nous comprenons que des négociations sont en cours avec
différentes organisations sur cette question-là et nous ne
voulons pas jouer la mouche du coche dans ces affaires-là. Si des
problèmes insurmontables surgissent en cours de route, nous sommes
toujours intéressés à les examiner, mais nous ne
prétendons pas nous immiscer dans le processus de négociation
tant qu'il est en marche. Par conséquent, je ne voudrais pas que vous
pensiez que c'est par manque d'intérêt, mais parce que nous ne
voulons pas compliquer des choses dont nous souhaitons vivement qu'elles
puissent être abordées de manière réaliste par le
truchement de la négociation, tout en tenant compte du fait que le
projet de loi lui-même dans son fond soulève des problèmes
et des difficultés qui vont bien au-delà des difficultés
d'ordre syndical que vous avez soulevées.
M. Dubé: Très bien, M. le député.
Permettez-moi de signaler également que notre intervention, on la fait,
évidemment, comme syndicalistes, comme représentants de nos
membres - c'est notre premier mandat -mais on la fait aussi comme citoyens du
Québec et comme parents, parce que nous avons des enfants. Les
représentants syndicaux que nous sommes ici, les enfants que nous avons
sont dans les écoles publiques, tous. C'est l'intérêt de
l'école publique que nous voulons défendre aussi comme citoyens,
comme parents. C'est à ce titre que nous faisons nos remarques à
l'égard de la réforme qui nous est proposée et qu'on veut
nous imposer.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député d'Argenteuil. M. le député de
Vachon.
M. Payne: Merci, M. le Président. Pouvez-vous expliquer
à la commission la position traditionnelle, si elle existe, de
l'Alliance des professeurs de Montréal ou de vos partenaires sur la
question des commissions scolaires linguistiques ou pas, les commissions
scolaires intégrées, le choix offert par le projet de loi 40
à la confessionnalité et les pouvoirs voulus ou pas de la part de
l'Alliance des professeurs des parents au sein de l'organisation, de la
planification au niveau de l'école? Par la suite, j'aimerais discuter
quelques minutes de la question de la péréquation.
Peut-être peut-on commencer tout de suite par cela.
Je vais commencer par quelques remarques. En 1972 ou 1971, le
législateur, en confiant une mission au conseil de l'île de
Montréal, avait voulu que le conseil de l'île de Montréal -
vous me corrigerez si je me tropmpe - adopte une politique de
péréquation. Aux fins de la commission, avez-vous une copie de
cette politique de péréquation telle qu'adoptée par le
conseil de l'île de Montréal à laquelle vous faisiez
référence tout à l'heure?
Aussi, pour ceux qui suivent les travaux, je pense que c'est assez
important de parler de la question de la péréquation. On discute
du principe de redistribution équitable des ressources
financières dont dispose une commission scolaire ou un regroupement de
commissions scolaires selon certains critères touchant la richesse
relative d'un organisme ou d'une clientèle d'un tel organisme. Dans
votre mémoire, vous insinuez que la péréquation,
c'est-à-dire la redistribution équitable des ressources, à
toutes fins utiles, disparaîtrait. Vous dites, et je vous cite: Les
commissions scolaires pauvres ne pourraient plus faire profiter les
clientèles qu'elles desserviront de la péréquation qui
s'établit naturellement à l'intérieur d'une même
administration entre les divers secteurs de la CECM.
Il faut d'abord faire référence au fait qu'il y a des
règles budgétaires selon lesquelles Québec assure des
services à la clientèle scolaire financièrement à
100% de ses obligations selon la loi et les règlements. Il y a donc une
espèce d'enveloppe budgétaire et, en plus, il y a une certaine
série d'allocations supplémentaires touchant l'enseignement des
langues d'origine, les programmes d'aide à l'immigrant, les programmes
qui concernent le développement pédagogique et la croissance
rapide de la clientèle, l'accueil à la francisation. Si vous
voulez, je peux déposer les chiffres montrant combien le Québec a
dépensé depuis les quelques dernières années.
Lorsque, dans votre mémoire, à la page 6, vous faites
toute une liste sur le rattrapage des milieux défavorisés. Vous
parlez de l'enfance en difficulté d'adaptation et de toute une
série de services que vous offrez. En fonction de ma question de tout
à l'heure sur la politique de péréquation du conseil de
l'île de Montréal, est-ce que vous pouvez dire qu'il s'agissait
bien dans ce cas-là d'une péréquation ou d'une
redistribution accordée en fonction de certains programmes qui existent
déjà au Québec?
M. Dubé: D'abord à la dernière question
concernant la péréquation quant à la politique du conseil
scolaire de l'île de Montréal, je vais prendre un exemple. Les
sommes d'argent que le conseil scolaire de l'île de Montréal
répartit pour les milieux défavorisés...
M. Payne: Oui, ma première question était de savoir
si vous avez une politique à déposer ou si vous faites
référence à une politique.
M. Dubé: Je n'ai pas les politiques administratives du
conseil scolaire de l'île de Montréal. Vous autres, vous avez ces
moyens d'enquête et de recherche. Vous ferez votre travail. Je n'ai pas
à assumer ce travail. Mais ce que je sais, c'est qu'il y a un budget au
conseil scolaire de l'île de Montréal concernant les milieux
défavorisés et qu'on appelle "Opération renouveau". Ces
budgets sont accordés en fonction des écoles qui sont en
difficulté particulière.
Je sais également aussi qu'à la CECM nous avons 40% de
notre clientèle qui est en milieu défavorisé. Il y a une
enveloppe budgétaire qui vient du Conseil scolaire l'île de
Montréal, donc, plus grosse pour la CECM parce qu'on est les plus
touchés par cette question. Par la suite, la CECM la redistribue
à l'intérieur de cette CECM. C'est une forme de
péréquation.
Il y a d'autres formes de péréquation également. La
CECM obtient un ensemble de ressources pour l'ensemble de sa clientèle.
Mais, dans le bassin que forme la CECM, une partie peut être
utilisée pour étudier les problèmes des milieux
défavorisés, pour étudier des problèmes qui
naissent nécessairement dans une métropole et qu'on apporte des
solutions. C'est aussi une autre forme de péréquation.
Évidemment, cela ne prend pas la forme de péréquation
fédérale-provinciale, avec des budgets compensatoires d'une
province à l'autre. Ce n'est pas dans cette forme. Mais il y a quand
même une répartition des ressources.
Le ministre nous disait tout à l'heure qu'il remplace le conseil
scolaire de l'île de Montréal par un organisme auquel les
commissions scolaires pourront contribuer, si elles le veulent bien, si elles
veulent remettre un certain nombre de choses en commun. Si le ministre avance
cela, c'est parce que, justement, il reconnaît l'argument
d'une certaine forme de péréquation. Mais ce que nous vous
soumettons, c'est que les quartiers les plus riches ne seront pas
intéressés à venir subventionner les autres quartiers.
D'ailleurs, une des raisons avancées par les représentants, non
pas publiquement ici mais lorsqu'on échange avec les
représentants de la région nord, ils nous disent: Nous aussi,
dans notre région, aurons nos défavorisés et on s'en
occupera. Les autres s'occuperont des leurs. Mais si, au nord, il y a à
peine 10% de défavorisés et qu'au sud il y en a 80%, savez-vous
qu'il n'y en aura que 20% qui aideront leurs pauvres, les 80% de leur
région, tandis que, de l'autre côté, on en aura 90% d'un
peu plus aisés, sans nécessairement être riches, qui
soutiendront leurs plus faibles dans leur région? Ce sont aussi des
formes de réalités dans lesquelles on vit et qu'on
connaît.
M. Payne: J'aimerais poser ma question autrement. Basé sur
le principe du projet de loi que les commissions scolaires puissent remettre
ensemble leurs services pour faire -comment appelle-t-on cela dans la loi? -
une mise en commun des services, vous acceptez cela comme principe contenu dans
le projet de loi, oui?
M. Dubé: On accepte qu'il y ait une mise en commun des
services...
M. Payne: Possible...
M. Dubé: Mais, quant à cette mise en commun des
services, je prends le Conseil scolaire de l'île de Montréal
actuellement, où il y a un certain nombre de pouvoirs. Ils sont
existants. Il ne quémande pas aux commissions scolaires le droit de
faire la mise en commun. Cela existe dans la loi. Là, on se reposera ou
bien sur l'arbitraire d'un consensus à venir ou encore sur ce que le
ministre pourrait décréter.
M. Payne: Essayez de me suivre sur ce point. On s'entend sur le
fait qu'il y a une possibilité que les commissions scolaires, en vertu
du projet de loi 40, puissent se mettre en commun pour offrir des services aux
régions ou aux écoles ou aux clientèles dépourvues.
D'accord? S'il est vrai qu'il y a une politique de péréquation au
sein du conseil de l'île de Montréal - vous avez bien dit qu'il en
existait une, mais je ne l'ai jamais vue et c'est la raison pour laquelle je
vous pose la question. (22 heures)
M. Dubé: Je ne vous ai pas dit qu'il y avait une
politique, M. le député. Je vous ai dit qu'il y avait une
situation de fait que nous constations.
M. Payne: Oui, mais, un instant! S'il y a une situation de fait
qui existe au conseil scolaire de l'île de Montréal, il faut que
ce soit en fonction d'une politique. Ce que j'ai dit, c'est que s'il y a une
possibilité qu'elles se mettent en commun, s'il y a une politique
déjà existante et si, troisièmement, le projet de loi
permet la mise en commun volontairement, non pas par imposition ou par un
décret du gouvernement du Québec, mais par le choix des
commissions scolaires, comment pouvez-vous conclure que les commissions
scolaires pauvres ne pourraient plus faire profiter les clientèles
qu'elles desserviront? Comment pouvez-vous dire cela?
M. Dubé: Je n'arrive pas à comprendre que vous ne
saisissiez pas la portée de l'argument qu'on vous amène.
M. Payne: C'est quoi, votre argument?
M. Dubé: C'est cela qui dépasse l'entendement, M.
le député.
M. Payne: Je peux me répéter.
M. Dubé: Ce n'est pas nécessaire de vous
répéter. Je vous ai compris. J'ai compris vos propos, mais que
vous ne compreniez pas la situation, c'est ce qui est particulièrement
grave et vous êtes législateur. Donc, c'est
particulièrement inquiétant. C'est ce que je m'évertue
à vous dire...
Le Président (M. Blouin): Expliquez donc votre
thèse.
M. Dubé: Oui, je vais m'expliquer de nouveau. Lorsque vous
avez une commission scolaire qui doit assumer des services à une
clientèle pauvre, 80% de défavorisés, ce qui serait le cas
du sud-ouest de Montréal, et qu'elle irait demander à la nouvelle
commission scolaire inventée par le ministre, la commission scolaire de
la région nord, Ahuntsic et Saint-Laurent: Pourriez-vous, s'il vous
plaît, nous verser une certaine part de péréquation pour
aider nos pauvres du sud? Elle va dire: Non, nous autres, on va s'occuper de
nos propres défavorisés, mais les siens n'en n'auront que 10%.
Actuellement, par la CECM, cela se vit. Cette répartition se fait par le
Conseil scolaire de l'île de Montréal, qui a des obligations, par
exemple les édifices. Qui possède les édifices lorsque les
édifices deviennent vacants sur l'île de Montréal? C'est le
conseil scolaire et, en priorité, les édifices doivent servir
à l'éducation, aux commissions scolaires, aux conseils scolaires
et ainsi de suite. C'est là aussi une autre forme. Cela a
été prévu. Il y a un consensus. On accepte cela, à
Montréal. Pour quelle raison voulez-vous nous enlever ce que
nous acceptons et nous imposer ce qu'on refuse? Je ne comprends pas ce
machiavélisme-là.
M. Payne: Je dirais, pour rendre justice à la
vérité, que vous auriez pu dire, par exemple, qu'il s'agit, dans
ces programmes, les programmes aux milieux défavorisés ou
à la clientèle défavorisée - l'accueil à la
francisation - de programmes normalement à coûts partagés.
Par exemple, l'an dernier seulement, le gouvernement du Québec a
défrayé pour 11 000 000 $ ou 12 000 000 $ pour le milieu,
l'accueil à la francisation, Mme la députée.
Mme Lavoie-Roux: Ah! merci.
M. Dubé: C'est parce que vous mélangez deux choses,
M. le député.
M. Payne: Seulement un instant! Non, c'est mon tour. Et pour les
milieux économiquement faibles, on a dépensé 9 000 000 $.
Je répète ma question: Si, vous basant sur les prémisses
que les commissions scolaires puissent se mettre ensemble pour offrir des
services à ceux qui sont économiquement faibles, si,
deuxièmement, vous avez la possibilité dans le projet de loi de
vous mettre ensemble volontairement et si, troisièmement, comme vous
dites, il y a une politique de péréquation qui existe
déjà au sein du Conseil scolaire de , l'île de
Montréal, comment pouvez-vous conclure que vous ne pouvez plus le faire?
C'est très clair. Je ne nie pas que cela existe déjà dans
les faits, mais j'ajouterais un autre argument à ma
démonstration, à savoir que la coupure des territoires, telle que
suggérée par le gouvernement du Québec - et je dirais
entre parenthèses que cela reste discutable - c'est-à-dire que la
délimitation des frontières des commissions scolaires reste
discutable ou négociable, mais le principe, c'est justement pour le
rendre plus harmonieux en termes de nombre. Je peux vous dire en passant que ce
que vous avez dit dans votre mémoire, à savoir qu'on
réduit le nombre, ce n'est pas vrai. Auparavant, il y avait six
catholiques et deux protestants. Là, il y aura huit commissions
scolaires linguistiques, cinq francophones et trois anglophones. Mais restons
avec la péréquation.
M. Dubé: D'abord, vous mélangez deux choses. Vous
mélangez la question de l'accueil, la francisation des immigrants et la
question des milieux défavorisés.
M. Payne: Donnez-nous des exemples...
M. Dubé: Quant à la question des milieux
défavorisés, permettez-moi de vous apprendre que le gouvernement
du Québec ne nous donne rien. Si ce n'était de la CECM et du
Conseil scolaire de l'île de Montréal, de l'opération
Renouveau, il n'y en aurait pas, parce que vous n'avez pas investi un sou
là-dedans, cela vient du Conseil scolaire de l'île de
Montréal.
Quant à la question de l'accueil et de la francisation, des
services ont été développés par la CECM dans le
passé et, il y a deux ou trois ans, par vos coupures budgétaires,
vous en avez haché une partie, vous avez coupé les orientations
locales qu'il y avait à cet égard. Nous étions en train de
franciser les anglophones et vous leur avez refusé ce droit; ces
francophones accédaient aux classes d'accueil et vous avez cru,
malheureusement, dans les premières études que vous avez faites,
que les anglophones qui passaient dans les classes de maternelle
françaises retournaient après cela en première
année du côté anglais.
Je dois rappeler qu'à cette époque, les maternelles
étaient à temps plein pour les jeunes immigrants ou encore les
jeunes anglophones. Vous avez pris comme hypothèse de départ que
les anglophones, qui s'en venaient dans les classes françaises
maternelle-accueil, que les parents les y envoyaient à temps plein pour
économiser de la surveillance ou du gardiennage. Vous avez
présumé que les jeunes anglophones qui venaient dans nos
écoles françaises retournaient par la suite en première
année du côté anglais; il n'y avait rien de plus faux. Vos
statistiques vous l'ont révélé par la suite. Malgré
tout, vous avez maintenu votre politique de couper l'accueil tel qu'il existait
précédemment. S'il n'y avait pas eu les ressources du conseil de
la CECM pour faire naître les classes d'accueil, probablement qu'il n'y
en aurait pas encore au Québec.
Tout à l'heure, le ministre disait: Nous aurons des commissions
scolaires de taille équivalente. Il soulignait, par exemple, que Le
Royer était une commission scolaire qui existait actuellement et qu'elle
sera de la même grosseur que celles qu'il projette pour le reste de
l'île de Montréal. Je reconnais bien le travail de Le Royer, mais
ce ne sont pas ces gens qui ont développé l'enseignement aux
inadaptés, qui ont développé l'enseignement aux
immigrants, qui ont développé l'enseignement aux adultes. Qui a
permis cela, si ça n'a été une commission scolaire de
grande taille? Quand quelqu'un veut détruire une commission scolaire qui
reçoit 100 000 enfants, ce qui est le cas de la CECM, parce que c'est
trop gros, qu'aurait-on fait dans le passé lorsque la CECM recevait 210
000 enfants? Je pense que la taille de la CECM, son importance, celle qu'elle a
aujourd'hui devrait demeurer parce qu'elle est viable, parce qu'elle est
rentable et qu'elle rend service à la population.
Une dernière, M. le ministre, vous
m'avez posé une première question.
M. Payne: Ce n'est pas le temps du ministre, c'est mon temps que
vous utilisez.
M. Dubé: M. le député.
M. Payne: Je ne veux pas que vous répondiez au
ministre.
M. Dubé: M. le député, vous m'avez
posé une première question: est-ce que vous avez des positions
antérieures concernant la linguistique, le confessionnel, les pouvoirs
aux parents, etc.? Oui, on a d'ailleurs déjà déposé
des textes et des mémoires au ministre à cet égard. Nous
avons sciemment décidé de ne pas reprendre nos propositions en
commission parlementaire parce que, malheureusement, le ministre, selon son
habitude de tirer de faux consensus, aurait dit: Nous vous avons donné
tel petit bout de votre revendication, on va demander des commissions scolaires
linguistiques. Vous êtes contents, les syndicats, on vous aura
donné vos commissions scolaires linguistiques. Pour le reste, vous devez
avaler vous aussi votre pilule.
Quant au coeur, l'école pivot, les pouvoirs donnés au
niveau des écoles en termes de gestion pédagogique, c'est
là le fond de sa loi 40 et c'est ce fond qu'on conteste. On veut que le
débat se fasse sur cette partie et non pas sur les autres parties telles
la linguistique, le confessionnel, le pouvoir aux parents.
M. Payne: Est-ce que je peux avoir mon tour?
M. Dubé: Je vous ai expliqué, dans la
présentation d'ordre général tout à l'heure, que
nous voulions que les parents participent aux écoles, nous voulons
qu'ils participent au comité consultatif. On vous a dit cela, on vous a
expliqué également que l'expertise des parents devrait se
retrouver en termes de gestion au niveau du conseil des commissaires. Vous
n'avez pas retenu ces propos, à quoi servirait d'amener de nouvelles
suggestions? C'est donc pour cela, en désespoir de cause, constatant que
le gouvernement n'était pas capable de nous donner ce qu'on demandait,
que l'on a dit: Mettez donc sur pied une commission qui pourra donner le
consensus à la population.
Le Président (M. Blouin): M. Dubé, je comprends
maintenant que le député de Vachon désire poser une
dernière question. Il faudrait qu'elle soit très précise
et que la réponse soit aussi très brève. M. le
député de Vachon.
M. Payne: Je veux faire un commentaire, M. le
Président.
Le Président (M. Blouin): Un commentaire, très
bien.
M. Payne: C'est dans les règles, je crois. En fonction de
la déclaration du président de l'Alliance des professeurs de
Montréal, suggérant qu'il n'y a pas de programme pour les milieux
économiquement faibles, en réalité, l'année
passée, il y a eu 9 000 000 $ et j'aimerais déposer les chiffres;
seulement pour la CECM, il a eu 1 028 571 $.
En plus, ce que j'ai dit dans mon préambule, c'est qu'il est
sûr qu'il y a mise en commun des services, mais je demandais une copie de
la politique formelle pour que tout bénéficiaire puisse savoir ce
qu'est la politique de péréquation.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Vachon, je dois maintenant céder la parole à un autre membre de
la commission.
M. Payne: Bien non! Ils sont en consultation pour répondre
à ma question.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Saint-Henri, vous avez la parole.
M. Payne: Mais j'ai posé une question, M. le
Président.
Le Président (M. Blouin): Je m'excuse, M. le
député de Vachon, mais, à moins qu'il n'y ait
consentement, je dois maintement donner la parole à M. le
député de Saint-Henri.
M. Leduc (Fabre): Posez la question, M. le Président.
Le Président (M. Blouin): Y a-t-il consentement pour
que...
M. Hains: Courte.
Le Président (M. Blouin): Vous comprenez la situation,
alors brièvement, M. Dubé, s'il vous plaît!
M. Dubé: II y a un pouvoir de taxation à
Montréal comme dans l'ensemble du Québec, les 6%
supplémentaires par rapport au budget. Vous leur en avez donné un
petit bout aux commissions scolaires, et, à l'intérieur de ce
montant, il y a une péréquation, une redistribution, si je ne
m'abuse, sur l'île de Montréal, en termes de services.
D'autre part, l'autre argument que je vous ai donné concernant la
Commission des écoles catholiques elle-même et sa propre
péréquation ou redistribution à ces milieux
défavorisés, vous n'avez pas retenu cet argument.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Vachon, je m'excuse.
M. Payne: L'allocation supplémentaire vient de
Québec...
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Dubé. M. le
député de Saint-Henri.
M. Hains: Madame et messieurs, la première phrase qui est
inscrite à votre avant-propos se rapporte, vous parlez du plus grand
bien des enfants. Ce même souci revient dans votre conclusion où
vous parlez de l'éducation de qualité, accordant une attention
toute spéciale aux démunis. Je vous félicite de cette
sollicitude parce que je vous connais et, je sais que vous êtes
sincères là-dessus. Ce n'est pas une défense
nécessairement de vos droits syndicaux que vous faites dans les
circonstances.
Votre mémoire a vraiment du poids aussi, puisqu'il
représente cinq syndicats que je ne nommerai pas, tout le monde le sait
actuellement. Si je n'exagère pas, je crois que vous représentez
à peu près 10 000 membres.
M. Dubé: C'est exact.
M. Hains: C'est exact. Vous êtes quand même 7000,
l'alliance et les autres membres, et vous êtes presque tous, comme vous
nous le disiez tout à l'heure, pères ou mères de famille.
Moi, je suis très heureux de vous recevoir et j'ai lu votre
mémoire avec beaucoup d'attention.
Je ne ferai pas de longs discours, il y en a eu beaucoup jusqu'ici, mais
je vais vous poser plusieurs petites questions assez rapides. Cela va mettre un
peu de vie dans la discussion. Dans la première partie, vous analysez le
partage des pouvoirs. Vous dites, en page 3, à la première ligne:
on constate l'érosion totale des pouvoirs cédés aux
écoles. Cela va? Et cette assertion est un peu étonnante. Vu que
M. le ministre veut faire de l'école le pivot de toute organisation,
est-ce que vous pourriez m'expliquer un peu cette contradiction entre vos dires
et la déclaration...
M. Dubé: Dans la présentation
générale tout à l'heure, on énumérait un
certain nombre de pouvoirs que le ministre attribuait à l'école
tels l'évaluation, le calendrier scolaire, et ainsi de suite. Ce qu'on
vous soulignait, c'est que les écoles ne pourront exercer ces pouvoirs
parce que cela va devenir, si elles les exercent, une course à obstacles
pour les enfants de la région métropolitaine en particulier. Et
si elles ne les exercent pas, qui va les exercer? C'est le ministre, et cela
est un rattrapage vers le haut. Lui-même, tout à l'heure, nous
disait -c'est toujours à l'intérieur de mots feutrés:
Les écoles pourront gérer, mais à
l'intérieur des programmes que nous aurons établis à
l'intérieur de telle particularité. Il va encadrer et il va
rester quoi au niveau de l'école, si ce n'est une question de
détails? Donc, le pouvoir est aspiré vers le haut, je pense que
c'est une démonstration fort simple.
M. Hains: Écoutez, je vais me contenter de vos
réponses, sans aucune discussion, pour aller un peu plus vite, mais ce
que vous dites, je l'avais lu avec beaucoup de justesse.
Sur votre invitation, à la page 3, j'ai lu avec beaucoup
d'édification les articles 308 et 309 sur les droits et les
privilèges du ministre. Vous ne semblez vraiment pas croire à la
décentralisation qui est prônée par M. le ministre. (22 h
15)
M. Dubé: L'expérience aidant, les décrets
que nous vivons dans le moment et les bonnes promesses qu'il nous avait faites
nous amènent à nous interroger particulièrement sur tant
de bonté. C'est que le ministre nous dit d'un côté qu'il
donnera telle partie à l'école, mais, en même temps - nous
le prenons ici; c'est en regard des programmes - c'est le ministre qui
établit les programmes, qui établit la liste des manuels
scolaires qu'il autorise, c'est aussi le ministre qui établit des
matières à option non mentionnées au régime
pédagogique. La lecture des articles 308 et 309, c'est cela qu'elle
révèle. D'autre part, dans un autre discours, il dit: Bien,
l'autonomie pédagogique appartient à l'école. Comment
assume-t-il ces contradictions?
M. Hains: Une autre brève question. Quant au personnel
enseignant, vous citez, à la page 3, une émouvante
déclaration de M. le ministre Laurin. Il parle de l'admiration qu'il
porte au pédagogue, ce guide et ce serviteur de l'enfant - je crois
qu'il est sincère. Mais, pourtant, avez-vous trouvé les
enseignants dans le projet de loi? Ils sont aux quatre coins du projet, n'ayant
pas de chapitre et, je crois, presque pas non plus de voix au chapitre. Comment
trouvez-vous cet absentéisme, je dirais presque ce décrochage qui
est imposé aux professeurs?
M. Dubé: Toutes les organisations syndicales qui sont
venues à la commission ont signalé cet aspect. Les travailleurs
de l'éducation sont absents de cette réforme et j'indiquais
tantôt que je n'avais jamais vu une entreprise ou encore une organisation
qui fonctionnait à l'encontre de la volonté et du potentiel des
employés. On fait exprès pour les prendre à
rebrousse-poil. C'est une unanimité des employés de la CECM
contre ce projet de loi et le ministre dit: C'est votre bien; ne vous en faites
pas; je vous
garantis tout cela. En plus de nous dire ces propos-là, parce
que, tout à l'heure, il a tenté d'attirer notre attention sur la
partie de notre sécurité d'emploi comme si c'était le
problème prioritaire... C'est un problème important, la
sécurité d'emploi, mais c'est d'abord la qualité de vie,
la qualité des services. Mais où nous retrouvons-nous,
professionnels non enseignants, enseignants et autres personnels, dans ce
projet de loi? On ne s'est pas retrouvés. On fait la même lecture
que vous.
M. Hains: Au chapitre II, vous parlez de la réalité
montréalaise et de la phobie du gigantisme de M. le ministre. Mais j'y
vois plutôt franchement un syndrome de nivellement. Je vous demande votre
opinion sur une question que j'ai déjà posée à
d'autres intervenants. Comment trouvez-vous qu'on parle de Montréal
comme fer de lance de la relance économique, technologique, culturelle,
qu'on y consacre des millions et qu'on veuille, d'autre part, démanteler
le réseau scolaire de Montréal qui, selon vos assertions que je
fais miennes, dispense avec beaucoup de succès et d'efficacité
des services aux étudiants et qui est à la fine pointe de la
fierté québécoise? Je crois qu'on peut dire que, si
l'éducation a une fierté, je la trouverais à la CECM. Je
vous demande votre opinion là-dessus. Ne trouvez-vous pas qu'il y a une
anomalie là-dedans vraiment déconcertante entre des perspectives
dans d'autres domaines et ce que l'on veut faire dans le domaine scolaire?
M. Dubé: M. le député d'Argenteuil, tout
à l'heure, donnait des statistiques, à partir du mémoire
de la CECM, sur les économies d'échelle concernant des cadres,
des professionnels, etc. Je présume, parce que cela n'a pas
été démenti, que c'est la réalité. Eh bien,
quand le gouvernement veut mettre ces aspects-là de côté,
il ne tient pas compte des services qu'une grande organisation comme la CECM
peut donner à la population. Je ne peux que confirmer votre propre
lecture; c'est aussi la nôtre. Quant au reste, est-ce qu'on doit utiliser
le slogan de la ville de Montréal pour décrire la commission
scolaire de Montréal? je vous laisse cela.
M. Hains: Cela va bien. On continue, M. le Président.
À la page 6, vous déplorez maintenant la disparition du Conseil
scolaire de l'île de Montréal qui, d'après vous et
d'après nous aussi, assumait vraiment un rôle important et
assurait aussi une péréquation vraiment juste pour tout le monde.
On veut maintenant faire de ces commissions, j'allais dire presque un stade
olympique sans toiture ni chapeau qui va être exposé à tous
les vents et où le plus pauvre sera encore plus pauvre et le plus riche
deviendra plus riche.
Comment concevez-vous cette disparition? Voici ma question: Pensez-vous
que cela va donner plus de pouvoirs aux commissions scolaires ou si cela va en
donner plus à M. le ministre?
M. Dubé: D'abord, je voudrais signaler que nous ne faisons
ni l'apologie de la CECM, ni l'apologie du Conseil scolaire de l'île de
Montréal. Il y a là des corrections importantes et c'est ce
pourquoi nous revendiquons une commission d'étude, un moyen de trouver
des solutions aux problèmes que nous constatons. Ce n'est sûrement
pas en démantelant ces organisations et en les remplaçant par
rien, ou encore par une organisation, un organisme à créer, parce
que c'est cela que dit le projet de loi, car il n'est pas créé
encore, cela va siéger sur quoi, cela va travailler sur quel aspect, on
ne le sait pas. Remplacer quelque chose qui existe, qui donne certains services
par autre chose en toute probabilité qui n'a pas fait ses preuves et qui
ne fait surtout pas l'objet d'un consensus, on pense cela tout à fait
néfaste pour Montréal.
M. Hains: Encore deux petites vites, M. le Président. Je
remarque aussi vos observations très judicieuses dans votre
mémoire sur les classes d'accueil; l'éducation des adultes, qui
est presque absente d'ailleurs du projet, la survie des services
spéciaux, et j'en suis arrivé, en faisant lecture, aux
professionnels des services éducatifs. Ils sont totalement
oubliés, et si ce n'est pas un oubli, c'est malheureux de le dire, mais
c'est presque du mépris. Cette ignorance totale de ces professionnels
dans le projet de loi, vous posez plusieurs questions là-dessus à
M. le ministre à la page 8. Il y en a plusieurs. Je ne crois pas que M.
le ministre y ait tellement répondu. Ce que vous semblez craindre le
plus, c'est le recours, je crois, à des sous-traitants ou encore
à des professionnels extérieurs ou peut-être même
à la disparition de ces services. Je crois aussi que les personnels de
soutien ont à peu près les mêmes appréhensions
à ce sujet. Est-ce que c'est vraiment là votre opinion?
M. Dubé: Votre question est difficile, M. le
député, parce que vous faites la même analyse que nous et
je suis obligé de confirmer que oui.
M. Hains: C'est pour cela, il faut que cela aille vite,
voyez-vous.
Le Président (M. Blouin): C'est ce que M. le
député de Saint-Henri appelle une petite vite, M.
Dubé.
M. Hains: La meilleure pour finir. Hier soir, au Palais des
congrès, vous aviez plus de 5000 des vôtres, dit-on, qui sont
allés
discuter du projet de loi 40. Je n'ai pas eu beaucoup le temps de lire
les journaux aujourd'hui, alors, je vais vous demander quelques petits
détails. On a dit que les syndicats côtoyaient les commissaires de
Montréal et les directeurs d'école. C'est presque sublime, avec
l'expérience que j'ai dans le monde scolaire. C'est un consensus que M.
le ministre aimait donc avoir, mais, comme je pensais tout à l'heure,
son royaume et son consensus ne sont pas de ce monde. Nous avions
déjà entendu les commissaires d'école de Montréal
nous parler, nous les avons entendus avec plaisir, mais nous n'avons
malheureusement pas vu à notre commission les directeurs d'école
de Montréal, qui n'ont pas été invités à
comparaître ici. Pour moi, en tout cas, c'est vraiment quelque chose d'un
petit peu - je vais sortir mon bon adjectif - j'allais dire presque
d'indécent, c'est le moins fort que je puisse dire.
Ici, nous avons quand même lu le télégramme qu'ils
nous ont envoyé en public à la commission - mon ami, mon
collègue M. Cusano, avait lu cela publiquement - dans lequel ils se
dissociaient, n'est-ce pas, des principaux de la province et en même
temps condamnaient plusieurs modalités importantes du projet de loi.
Est-ce que vous pourriez nous donner un peu le ton de ce qui s'est passé
l'autre soir, le ton et surtout la substance de ce qui s'est passé, et,
comme j'étais distrait tout à l'heure, quand vous avez
donné la conclusion de votre affaire, de votre soirée, est-ce que
vous pourriez me le répéter, s'il vous plaît?
M. Dubé: D'abord, il y a un phénomène social
qui s'est passé à Montréal et qu'il est
particulièrement important de regarder et d'analyser. Un syndicat
défend les intérêts de ses membres et le patron
immédiat face à nous, les représentants syndicaux, c'est
la CECM. Les intérêts de la CECM, en termes de négociation,
et ceux du syndicat sont souvent opposés ou divergents. Lorsque nous
avons échangé avec nos syndiqués sur la
nécessité de former, de faire un ralliement auquel nous
inviterions le président de l'Association des directeurs d'école,
le président de la Commission des écoles catholiques de
Montréal, cela n'a pas été facile. Il a fallu convaincre
nos membres qu'au-delà des difficultés que nous pouvons avoir
eues dans le passé, ou encore, des difficultés que nous pourrons
avoir dans l'avenir, eh bien, au-delà de ces difficultés, il y
avait un intérêt commun, un intérêt
montréalais, et on a donc convaincu nos membres d'accepter que ce pont
se construise à l'égard de la commission ou des directeurs
d'école, et cela n'a pas été facile. Je dois dire
également que du côté des commissaires, ce n'était
pas le geste premier de venir s'allier avec la coalition syndicale pour faire
obstruction au projet de loi. Ce n'est pas un geste naturel. Durant les 25
dernières années, on n'a pas vu cela souvent. Je me souviens
même qu'il y a quelques années, la CECM et l'alliance avaient
négocié de manière ardue et cela s'était
terminé par une tutelle. Donc, ils doivent s'en souvenir eux aussi. Nous
nous souvenons d'autres moments difficiles, comme lors du projet de loi 25,
où nous nous étions fait imposer une solution. Mais malgré
ces difficultés, il y a eu un geste d'unité que je qualifierais
de métropolitain, à tout le moins, pour ne pas dire de national,
parce que Montréal, ce n'est pas une nation, mais il y a quand
même eu là unité, un appel au ministre et au gouvernement
d'ouvrir les yeux et de dire: Ma réforme n'est pas dans le bon chemin.
Il me semble que ce n'est pas possible qu'on soit tous dans l'erreur et qu'une
association qu'on pourrait qualifier ou de temporaire ou, encore, de
circonstancielle, . elle est quand même... cela a été
difficile de la construire, parce qu'il y avait des résistances et le
fait que cela ait eu lieu, il me semble que cela devrait allumer un feu rouge
quelque part, mettre des freins quelque part, demander et conclure un
changement d'orientation.
Hier soir, le président de la CECM a reçu, j'utiliserai un
mot anglais un "standing ovation" de la part des 5000 personnes
présentes à la suite des propos qu'il a tenus. Propos très
respectueux du personnel et disant lui aussi qu'il ne comprenait pas qu'une
réforme puisse se faire à l'encontre de ce personnel. Le
président de la CECM, quand il a tenu ces propos, il sait qu'un jour on
pourra les lui reservir à d'autres occasions. Malgré le fait de
toutes ces difficultés, il les a tenus quand même, je pense que
cela devrait être éclairant pour tout le monde.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Dubé. Merci, M.
le député de Saint-Henri. M. le député de
Fabre.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je voudrais
revenir sur certains propos qu'a tenus le député d'Argenteuil. Ce
sont des propos qui me semblent assez sérieux et assez graves, au point
où on peut se demander si lui et nous, je ne sais pas si c'est le cas
pour les députés de son parti, assistons à la même
commission parlementaire. Le député d'Argenteuil a parlé
d'un rejet très général à Montréal. On peut
supposer des organismes qui sont venus en commission parler de la situation
à Montréal. Il a même ajouté: Le ministre est seul
à savoir lire; propos repris par M. Dubé, à ce point qu'on
peut se demander s'il y a collusion entre M. Dubé et le
député d'Argenteuil sur certains points, à savoir que le
ministre et que du côté ministériel on est
seuls à faire cette lecture. Or, je voudrais rappeler un certain
nombre d'interventions faites en commission. Cela pourrait servir à tout
le monde, parce que je suis plutôt enclin à croire que la
coalition défend la position de la CECM. Enfin, à moins qu'on
puisse me démontrer le contraire, c'est la position que je soutiens.
M. le Président, nous avons entendu en commission parlementaire
la Fédération des comités de parents de l'île de
Montréal, qui acquiesce au principe directeur du projet de loi, qui n'en
a pas demandé le rejet. On a entendu la Faculté des sciences de
l'éducation de l'Université McGill, qui est de Montréal,
et qui appuie un grand nombre d'aspects importants du projet de loi. On a
entendu l'Association des cadres de la CECM qui endosse plusieurs positions du
projet de loi, même si elle ne demande pas le démantèlement
de la CECM, c'est un fait, mais elle appuie le projet de loi dans ses principes
directeurs. On a entendu le Provincial Association of Catholic Teachers qui a
avoué que si le projet de loi 40 était adopté, leurs
enseignants seraient présents au conseil d'école. Elle n'en a pas
demandé le rejet. (22 h 30)
On a entendu le Département de sciences religieuses de l'UQAM,
qui est de Montréal, qui a exprimé son accord sur plusieurs des
principes qui sont exprimés dans le projet de loi; on a entendu le
Regroupement scolaire de l'île de Montréal, qui nous a
demandé de continuer à aller de l'avant; on a entendu le
comité central des parents de la CECM, la majorité des parents du
secteur français, qui appuie aussi les grandes orientations du projet de
loi; on a entendu la FTQ, qui est en accord avec l'école comme lieu
décisionnel; on a entendu le comité de parents de la commission
scolaire Jérôme-Le Royer, qui est en accord avec une participation
accrue des parents, en accord avec l'idée de la définition de
l'école comme pivot du système éducatif; on a même
entendu la commission scolaire Jérôme-Le Royer, qui a
également exprimé son accord avec un conseil d'école
décisionnel.
Si je n'ai pas réussi à convaincre certaines personnes, M.
le Président, je vais revenir seulement sur certains propos qu'a tenus
le représentant de la FTQ devant nous. Au sujet de la CECM, par exemple,
on a tendance ici à avoir la mémoire courte, quand cela fait
notre affaire, on oublie vite certaines choses qui sont dites en commission
parlementaire. M. Daoust a dit au sujet de la CECM: Je pense qu'il faut
être ouvert à ces possibilités qu'il y ait plus de
commissions scolaires qu'à la CECM. Il y a un "démembrement", et
on ne peut s'y opposer dans la mesure où les gens vont se retrouver. Ce
n'est pas facile de se retrouver dans cette boîte que vous connaissez et
qui s'appelle la CECM. C'est un géant dans le fond.
Qu'on veuille rapprocher des commissions scolaires, des citoyens, des
enseignants, des élèves, des parents, que cette dernière
colle à une réalité qui est la nôtre à
Montréal, je ne vois pas en quoi on pourrait, quant à nous, s'y
opposer.
Au sujet du conseil d'école, on prétend - vous l'avez dit,
M. Dubé - qu'on affaiblit les commissions scolaires, que c'est une
aspiration vers le haut, que cela ne donne donc rien. On rejette cela
catégoriquement du revers de la main sans nous parler du tout... Dans
votre mémoire, on ne retrouve absolument rien sur le projet
éducatif, sur la participation des parents à si peu de choses et
on rejette cela du revers de la main tout simplement parce qu'on prétend
que le projet de loi va contribuer à aspirer le pouvoir vers le haut
plutôt que vers le bas.
Je vais vous rappeler ce que dit la FTQ à cet égard. Sur
une question de mon collègue de Chauveau, vous avez manifesté
certaines réticences - c'est le député de Chauveau qui
parle - quant à la composition actuelle telle qu'elle est
proposée dans le projet de loi. Vous suggérez un
rééquilibre, un réaménagement. Je ne m'attarderai
pas beaucoup sur cela parce que vous l'avez abordé. Si
j'interprète bien vos propos, vous êtes pour cet aspect
très important du projet de loi, c'est-à-dire le conseil
d'école qui, à mon sens, est l'un des éléments
substantiels qu'il y ait au niveau de l'école, par le biais d'un conseil
d'école, un pouvoir décisionnel qui soit reconnu par la loi quant
à certaines questions très spécifiques à la vie
pédagogique de l'école. Réponse de M. Daoust: II n'y a pas
d'ambiguïté. Nous sommes carrément de cet avis.
Nous estimons qu'il s'agit là d'un aspect démocratique
qu'il faut retenir. Lieu de collégialité, lieu où les gens
s'affrontent inévitablement - nous vivons une société
conflictuelle - lieu où il se fait des consensus, un lieu
d'équilibre, d'une prise en charge. Enfin, on ne peut pas ne pas
être farouchement en faveur de cela et il faut saluer le projet de loi
dans cette partie-là. Quant à ses finalités, quant
à son objectif fondamental, nous en sommes. Encore une fois, c'est une
question d'équilibre, de meilleure représentativité de
certains groupes. Je n'en reviens pas, M. le Président, d'avoir entendu
le député d'Argenteuil affirmer que c'était un rejet
très général.
Un autre exemple tiré de la commission scolaire. Pas les parents
cette fois-ci. Le député d'Argenteuil pourrait peut-être
dire que les parents ne sont pas représentatifs. Les commissions
scolaires? Ah cela! Voilà! Dans son idée, les commissions
scolaires sont représentatives. La proposition de la commission scolaire
Jérôme-Le Royer est la
suivante: l'école est un établissement... Oui, M. le
Président.
Le Président (M. Blouin): II est arrivé tout
à l'heure un petit incident qui a fait bondir le ministre. Je crains
cette fois que, si vous mettez des paroles qui n'ont pas été
prononcées... S'il vous plaît! S'il vous plaît! Je crains
que, si vous mettez des paroles dans la bouche des autres députés
alors qu'ils ne les ont pas prononcées, cela ne provoque des
débats inutiles. Je souhaiterais que vous continuiez d'intervenir sur le
fond et non prêter aux autres membres de la commission des intentions de
quelque nature qu'elles soient.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. J'aurais
souhaité que vous fassiez également cette interprétation
tout à l'heure, lorsque le député d'Argenteuil a fait ce
même type d'interprétation.
Le Président (M. Blouin): Le ministre s'en est
chargé lui-même, M. le député.
M. Ryan: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Argenteuil, je souhaite que vous compreniez que je ne voulais pas là
soulever un débat qui pourrait devenir autant inutile qu'interminable.
Je vous rappelle que, tout à l'heure, le ministre a rétabli les
faits et, cette fois, afin d'éviter justement le genre de débat
dans lequel on risque de plonger, je souhaite que les députés qui
interviennent évitent de prêter des intentions aux autres membres
de la commission, mais qu'ils interviennent davantage sur le fond de la
question. M. le député d'Argenteuil, oui.
M. Ryan: Oui, M. le Président. Je tiens à
préciser que ma question de tantôt n'imputait aucune espèce
d'intervention au ministre qui, d'ailleurs, l'a très bien compris
lui-même.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Alors, M. le
député de Fabre, si vous voulez poursuivre.
M. Leduc (Fabre): Oui. Merci, M. le Président. Vos rappels
à l'ordre sont parfois nécessaires et je les comprends. Je vous
en remercie. Je voudrais, pour compléter ma démonstration,
rappeler la proposition qui émane de la commission scolaire
Jérôme-Le Royer: l'école est un établissement
d'enseignement dispensant des services éducatifs; les fonctions qui lui
sont attribuées par le gouvernement et par les commissions scolaires
sont exercées sous l'autorité d'un directeur et d'un conseil
d'école disposant de pouvoirs décisionnels.
Encore une fois, il faudra qu'on soit un peu plus convaincant lorsqu'on
affirmera qu'il s'agit d'un rejet très général du projet
de loi 40, en tout cas, pour ce qui est des intervenants qui nous viennent de
Montréal.
Je voudrais aussi rappeler la position donnée dans le
mémoire du Comité central des parents de la CECM. Le
mémoire a été fait à partir de nombreuses
soirées d'information et d'un sondage réalisé
auprès de 10 000 personnes. Au chapitre de la décentralisation,
on affirme la nécessité de décentraliser vers
l'école certains pouvoirs pédagogiques. On approuve la
"réappropriation de l'école par le milieu". C'est l'expression
tirée du mémoire même.
On ne mentionne pas dans le mémoire des parents, qui, pourtant,
ont procédé par sondage auprès de 10 000 personnes et qui
ont eu des soirées d'information, cette question que vous soulevez au
sujet du déménagement. Vous avez fait de cela un thème
important de votre intervention pour discréditer la
décentralisation qui est inscrite dans le projet de loi. Ma question est
la suivante, elle a trait précisément à cette
décentralisation: Est-ce que vous pouvez nous préciser comment le
projet de loi, dans la décentralisation qui est prévue vers
l'école avec les pouvoirs... Vous dites vous-mêmes à un
endroit ou vous nous laissez croire que ces pouvoirs sont minimes. Comment
pouvez-vous nous dire qu'on va, de ce fait, affaiblir les commissions
scolaires?
Le Président (M. Blouin): M. Dubé.
M. Dubé: D'abord, si permission m'en est donnée,
j'aimerais signaler que, dans la région métropolitaine, par
exemple, le Conseil central de Montréal (CSN), qui regroupe quelque 60
000 membres, a appuyé les revendications de la coalition. Je comprends
également que, lorsque nous sont lues des parties de mémoires
d'autres organisations, on peut laisser l'impression qu'elles appuient le
projet de loi. Je comprends donc que, si M. le député veut se
contenter de victoires morales, on va les lui laisser. Nous vous disons que la
majorité de la population montréalaise - on vous met au
défi de faire une consultation populaire sur cette question - va rejeter
le projet de loi 40 et croyons-nous, la population du Québec.
Hier soir, nous étions 5000 et nous vous déposons une
pétition et des signatures ici; ce ne sont pas seulement des
représentants syndicaux, des dirigeants syndicaux. On vous dépose
cela formellement et je vous mets au défi de trouver une autre
organisation qui a une position aussi fortement et unanimement appuyée
par ses membres.
En dernier lieu, M. le député, votre question concernant
les pouvoirs dans le projet de loi, ils sont si minimes, etc. Je vous signale
encore une fois la réalité, et ce
n'est pas parce que des parents auraient oublié le
déménagement à Montréal qu'il n'existe pas.
Statistiquement, Bell Canada dit qu'il y a 20% de Montréalais qui
déménagent chaque année. La CECM, dans son mémoire,
parle de 25%. Vous pouvez ne pas prendre en considération cette
réalité. Vous pouvez dire que, parce que les parents n'y ont pas
songé, cela n'existe pas. Cette réalité est là. Je
vous ai dit, tout à l'heure, que 56 000 enfants avaient
déménagé en sept ans au moins une fois, dont certains
jusqu'à neuf fois; 125 ont déménagé neuf fois en
sept ans. Sur 57 000 enfants qu'a la CECM au primaire, c'est quelque 8000 ou
9000 enfants par année qui déménagent. Ne pas tenir compte
de cette réalité, c'est particulièrement grave, surtout de
la part de quelqu'un des banquettes ministérielles.
Nous vous disons que les pouvoirs que vous attribuez à
l'école, si les parents les exercent, cela devient des
difficultés insurmontables pour les élèves qui se
déplacent et vous pourrez faire les décrets que vous voudrez, les
déménagements vont continuer à se poursuivre à
Montréal. On vous l'a déjà dit. Je comprends que vous ne
l'ayez pas retenu mais c'est quand même là une
réalité. Si, par contre, ils ne les exercent pas ces pouvoirs,
cela veut donc dire que tout aura été prévu dans les
règlements, programmes, orientations du ministre. Ce n'est pas la
commission scolaire qui va établir ces questions, ces pouvoirs: dicter
les programmes, etc. C'est le ministre qui fait cela. Donc, en
conséquence, dans les faits, cela sera une aspiration par le haut des
pouvoirs d'autant plus que, si un petit comité d'école osait
s'exprimer contre une volonté du ministre, on dirait que c'est un petit
comité isolé, on ferait la même lecture que vous venez de
nous faire des intervenants ici en commission parlementaire. Vous constatez
que, quand ce sont des majorités, cela devient des minorités.
Donc, un petit comité d'école sera considéré comme
très insignifiant. Lorsque de grandes commissions scolaires posent des
gestes, vous ne les retenez pas. Donc, je pense qu'une commission scolaire de
la taille de celle de Montréal ou d'autres de taille respectable, pour
des besoins géographiques - en province quand, pour une région
donnée, vous décidez de faire une entité correspondant
à la population régionale, pour quelle raison, à
Montréal, faites-vous un autre type d'entité? Pour quelle raison
Montréal serait-elle morcelée dans ce cadre-là? Il nous
semble que cela n'ait pas de lien, pas de logique. Si Rimouski a droit à
une commission scolaire, et son bassin, pourquoi Montréal, qui est aussi
une réalité, n'aurait pas droit à une commission scolaire,
et son bassin? Les problèmes vécus d'un bout à l'autre de
Montréal, en plusieurs cas, se ressemblent. Le déplacement se
faisant principalement sur l'île, il doit y avoir un lien, une
cohésion et ces pouvoirs ne résident pas en des pouvoirs des
commissions scolaires.
M. Leduc (Fabre): Je m'attendais que vous fassiez une
démonstration qui n'est pas faite dans votre mémoire, comme quoi
le projet de loi 40 diminuait les pouvoirs des commissions scolaires. C'est ce
que votre mémoire laisse entendre et je ne le retrouve pas dans votre
réponse. Je n'ai jamais nié l'importance des
déménagements à Montréal. Ce que vous laissez
croire, c'est que les pouvoirs des conseils d'école seront tellement
importants et pourront influencer à ce point l'enseignement que les
enfants qui déménagent ne s'y retrouveront plus d'une
école à l'autre. Enfin, j'attends toujours la
démonstration. (22 h 45)
J'aurais une autre question sur la taille de la CECM. Vous vous placez
à votre point de vue et c'est pour cela que je prétends que vous
défendez le point de vue de la CECM. Quand on regarde la
réalité dans l'île de Montréal, on se retrouve avec
une très grosse commission scolaire, celle de la CECM, et on se retrouve
avec une commission scolaire comme celle de Verdun, où il y a à
peu près 6000 élèves actuellement; celle de Sainte-Croix,
où il y a à peu près 9000 élèves; celle de
Jérôme-Le Royer, avec environ 21 000 et celle de
Sault-Saint-Louis, avec 13 000 élèves. Il y a une disproportion,
un déséquilibre qui saute aux yeux.
Vous défendez la CECM en disant: C'est une grosse commission
scolaire qui offre une gamme de services; justement grâce à sa
dimension, cette commission scolaire peut offrir plus de services que les
autres. Mais que faites-vous des autres commissions scolaires? Celle de Verdun
compte 6000 élèves; voulez-vous qu'on les laisse de
côté? Il me semble que le rôle du législateur est de
regarder l'ensemble du problème. Là-dessus, j'aurais aimé
entendre la position du député d'Argenteuil. Je ne l'ai pas
entendue, malheureusement.
M. Ryan: Malheureusement, vous ne m'avez pas
écouté.
M. Leduc (Fabre): II me semble qu'un des éléments
de solution réside dans le rééquilibrage des
clientèles des commissions scolaires. Je voudrais vous demander comment
vous voyez ce problème, si vous sortez un peu de la CECM et que vous
regardez le problème dans l'ensemble de l'île de Montréal.
Quelle est votre solution à ce problème qui est nôtre? Je
vous l'avoue, il est nôtre. Essayez de vous placer dans la peau d'un
citoyen de l'île de Montréal.
Le Président (M. Blouin): Cela va, M.
le député de Fabre. La question est assez précise,
M. Dubé, il faudrait y répondre succinctement, s'il vous
plaît.
M. Dubé: Très bien, M. le Président. Je vous
référerai aux populations de ces régions et de ces
quartiers et aux représentants des associations de ces régions et
de ces quartiers. Je ne détiens pas par-devers moi les mémoires
qui vous ont été présentés par ces commissions
scolaires ou encore par des associations; je sais qu'un certain nombre ne sont
pas admis ici, devant cette commission, pour faire valoir leur point de vue. Je
fais suffisamment confiance aux gens de Verdun, aux gens de Sainte-Croix, aux
gens de l'Ouest de Montréal, aux gens de Le Royer, aux enseignants de
ces régions, parce que nous avons déjà
échangé des opinions avec eux et ils ne partagent pas votre point
de vue quant à la loi 40 et quant au rééquilibrage.
Nous vous présentons donc notre point de vue quant à la
CECM. C'est une commission scolaire de taille importante, mais de taille viable
et qui doit demeurer.
Le Président (M. Blouin): D'accord, merci.
M. Dubé: Vous n'avez jamais fait la preuve que cette
commission scolaire soit démembrée.
Le Président (M. Blouin): Cela va, M. Dubé,
merci.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. Dubé.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Fabre. Mme la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. On croyait qu'il
y en avait seulement un qui était un peu sourd et qui avait des lunettes
déformantes, mais je m'aperçois qu'il y en a au moins deux du
côté gouvernemental.
Je pourrais faire la même opération que le
député de Fabre et vous lire des extraits de mémoires pour
faire la preuve qu'ils ne sont pas d'accord avec le projet du ministre. Je vous
en citerai peut-être deux. Il vous a parlé de la CSN, qui a dit,
entre autres choses: II nous semble que la réforme scolaire du ministre
Laurin aura pour effet de renforcer les pouvoirs du ministère de
l'Éducation, d'affaiblir la commission scolaire et de donner quelques
pouvoirs, surtout consultatifs, à l'école. Il s'agit beaucoup
plus d'une opération de centralisation que d'une décentralisation
réelle. C'est ce que vous venez de dire. Bien là, elle est
d'accord avec vous. Il va vous citer deux autres lignes. Évidemment,
vous pouvez toujours trouver dans un mémoire des lignes qui sont moins
favorables et d'autres qui le sont plus.
Si on prend le mémoire de la FTQ -parce qu'il s'en est servi
amplement, cela peut vous intéresser - elle a dit: "Sur l'île de
Montréal, le critère linguistique lié au
redécoupage visant à créer un nombre de commissions
scolaires à population équivalente, à l'exception de la
CECM, suscite à la FTQ des inquiétudes en raison de l'importance
que nous accordons à la mission de péréquation du
réseau scolaire. Nous craignons que le projet de loi 40 ne nous annonce
le retour des inégalités économiques entre commissions
scolaires s'il n'y a pas un organisme central responsable de procéder
à une répartition plus juste des ressources. De plus, sans
vouloir nécessairement préserver le territoire actuel de la CECM,
nous considérons que le ministre n'a pas offert de garanties visant
à assurer le maintien ou la préservation de certains acquis pour
lesquels la population a payé et dont elle est en droit de continuer
à jouir - et ce n'est pas la députée de L'Acadie qui dit
cela, c'est la FTQ que le député de Fabre vient de nous citer
abondamment. Nous pensons notamment à l'expertise de la CECM dans
l'enseignement en milieux défavorisés, l'éducation des
adultes, l'abandon scolaire ou les toxicomanies, etc., en bref, ce genre de
dossiers qui ont précisément beaucoup à voir avec cette
mission de péréquation sociale."
On a eu un message semblable de la part de la CEQ et d'un grand nombre
d'autres organismes. Pour ma part, je pense que, quand on a reçu la
CECM, j'ai pris soin d'établir au point de départ - d'abord,
j'aurais voulu vous saluer, les gens de la CECM; cela me fait plaisir de vous
voir ici, mais c'est le député de Fabre qui m'a poussée
sur cette envolée parce que je pense qu'il faut quand même
rétablir les faits -qu'on ne doit pas sauvegarder un territoire pour
sauvegarder un territoire, mais on doit penser à rediviser un territoire
si seulement on peut assurer que ceci va améliorer la qualité de
l'enseignement. Je pense que toutes les questions qui sont posées, non
seulement par la coalition qui est ici ce soir, mais par de nombreux autres
organismes, indiquent bien que le ministre de l'Education n'en a nullement fait
la preuve et que de toute évidence il y a un vieux problème entre
le ministère de l'Éducation du Québec et la Commission des
écoles catholiques de Montréal, qu'on a souvent appelée un
deuxième ministère de l'Éducation, et qu'en fin de compte
on va finir par avoir la peau de la Commission des écoles catholiques de
Montréal. Il n'y a pas d'autre raisonnement que celui-ci, à moins
qu'on nous fasse la démonstration que la qualité des services va
être améliorée par un redécoupage de la CECM.
Ceci dit, le ministre, évidemment, et le député de
Fabre font leur interprétation et leur lecture des mémoires qui
nous sont présentés, à commencer par le vôtre, et...
Je voudrais vous dire que vous n'êtes pas les premiers à demander
le retrait du projet de loi 40. Je ne reviendrai pas sur les nombreux
organismes qui l'ont demandé ou encore qui ont dit: À moins que
vous ne fassiez des amendements importants, il vaut mieux retirer le projet de
loi 40.
Je veux également revenir sur le fait qu'il est exact qu'il n'y a
pas de consensus sur l'île de Montréal. Il y en a peut-être
plus en province parce que, évidemment, ils seront beaucoup moins
touchés par le projet de loi 40. D'abord, il y a déjà,
dans les faits, une division linguistique qui existe en province, parce qu'on
fonctionne selon une commission scolaire anglaise ou une commission scolaire
française dans la majorité des cas. Il n'y a de consensus ni au
niveau des cadres, ni au niveau des commissions scolaires, ni au niveau des
parents, particulièrement si on veut parler du territoire de la CECM. On
se souviendra que, sur ce point particulier, le comité central des
parents de la CECM est très divisé. La région la plus
défavorisée, la région ouest, est contre la division du
territoire de la CECM. La région est, c'est moitié-moitié.
La région nord est pour la division de la CECM, dans l'ensemble, avec un
bon nombre de comités qui sont dissidents et qui sont également
venus nous le dire. Entre cela et dire qu'on a le consentement des parents de
la CECM pour la division du territoire, je pense que c'est s'avancer assez
loin.
Le ministre nous rassure en disant que cette péréquation
va se faire et, à cet effet, il dit: D'une part, le ministère
fait déjà une certaine péréquation; le ministre se
réserve certains pouvoirs de distribuer de l'argent. Il dit qu'il y aura
un organisme à qui les commissions scolaires pourront demander d'exercer
certains pouvoirs en commun. Cela me semble être quelque chose qui serait
apparenté à l'actuel Conseil scolaire de l'île de
Montréal. En plus, il nous dit: Les commissions scolaires pourront aussi
se donner des services en commun quant aux services pédagogiques, aux
ressources, dans les milieux défavorisés, auprès des
immigrants, etc. À part cela, il y aura la commission scolaire.
Franchement, je voudrais vraiment savoir comment cela va fonctionner au niveau
de l'île de Montréal. On se retrouve avec un organisme qui est
chargé de l'administration de la dette obligataire et qui pourrait aussi
exercer d'autres pouvoirs. Il y aurait aussi un organisme régional qui
pourrait créer des services communs. Il y aurait les commissions
scolaires. À part cela, il y a le bureau régional. Moi, en tout
cas, je ne m'y retrouve pas là-dedans. Je ne vois pas comment ceci va
pouvoir assurer la péréquation qui est vraiment le
problème de fond dans une grande ville comme Montréal, où
les inégalités sociales sont plus grandes et, quand on a fait
l'étude de la carte de la pauvreté au niveau du Québec,
c'est évidemment sur le territoire de la CECM pour l'ensemble du
Québec et également pour l'île de Montréal qu'on
retrouve les plus grandes disparités.
Je pense que vous avez raison de signaler que, tout à l'heure,
d'une part, ce n'est peut-être pas exact que le ministère ne donne
absolument rien pour les activités en milieux défavorisés
mais je pense que c'est exact qu'il s'agit de 1 500 000 $ et non pas de 9 000
000 $ comme le prétend le député de Vachon.
M. Payne: J'ai dit au Québec.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Vachon, s'il vous plaît!
Mme Lavoie-Roux: Et que des 6 000 000 $ qui se dépensent
pour les milieux défavorisés de l'île de Montréal,
la très grande part, puisque 1 500 000 $ viennent du ministère,
la différence entre 1 500 000 $ et 6 000 000 $, vient de la surtaxe de
l'île de Montréal. Ce que le député de Vachon n'a
pas compris et que le ministre ne semble pas comprendre non plus, c'est qu'il y
a une première péréquation qui se fait au niveau de
l'île, mais que la plus importante se fait au niveau de la commission
scolaire. Elle se fait non seulement au niveau des ressources
financières, mais également au niveau des ressources en
personnel. Quant à l'affectation des professeurs dans les milieux
défavorisés ou même des directions d'écoles et des
professionnels non enseignants, ils sont répartis en tenant compte le
plus possible des besoins des différentes régions de la CECM. Le
ministre nous dit: Nous avons établi des critères pour
déterminer le territoire des commissions scolaires. Un des
critères utilisés pour cela a été celui de
respecter les limites territoriales des municipalités. Je m'explique mal
ce critère. Je pense qu'il a bien dit cela tout à l'heure, quand
il parle de sa volonté de morceler le territoire de l'île de
Montréal en deux, trois ou quatre ou même cinq commissions
scolaires. Je ne sais pas ce qu'il a fait de son critère à cette
occasion.
Il utilise aussi comme argument que la Commission des écoles
catholiques de Montréal a créé des régions
administratives. C'est strictement ces régions administratives que nous
voulons établir en commissions scolaires, mais, encore une fois, ce que
le ministre n'a pas compris, c'est que c'est vrai qu'il y a eu des
régions administratives de créées pour permettre des
décisions locales
et pour permettre aux gens de s'impliquer davantage au plan local, mais
toujours a été conservée la commission scolaire qui peut
faire cette redistribution de ressources et qui peut, à cause des
ressources qu'elle possède lancer des programmes qui n'auraient jamais
été réalisés sans l'importance de la CECM. Vous les
avez mentionnés: les classes d'accueil, les milieux
défavorisés, l'enfance inadaptée, la participation des
parents - c'est là qu'ont été créés les
premiers comités d'école et comités de parents du
Québec -l'éducation des adultes, et la liste pourrait s'allonger.
Le ministère de l'Éducation sait fort bien que d'autres
commissions scolaires dans l'île de Montréal qu'on a citées
en exemple, comme la commission scolaire Jérôme-Le Royer, sont
loin d'avoir les services à l'enfance inadaptée ou même de
les avoir développés dans la même mesure que la Commission
des écoles catholiques de Montréal l'a fait. Ce n'est pas un
reproche qu'on leur fait. Il reste que si toutes ces initiatives ont
été accomplies, elles proviennent de la CECM, non pas parce que
ces gens étaient plus intelligents, plus dévoués ou plus
compétents, mais parce qu'ils avaient devant eux un éventail de
ressources sur le plan humain, parce qu'à l'intérieur des
écoles, des cadres et ailleurs, il y avait du personnel
compétent, qui devait faire face à des problèmes à
cause du milieu urbain, du tissu de la métropole et de ces
inégalités sur les plans économique, social, culturel.
D'autres commissions scolaires de petite taille, même si vous les mettez
à 25 000 ou 30 000 dans des milieux beaucoup plus homogènes,
n'auront pas à relever les mêmes défis. (23 heures)
M. le Président, je pourrais continuer longtemps. Je pense qu'il
y a une seule question qui doit nous préoccuper, c'est celle pour
laquelle en particulier la réforme de l'éducation a eu lieu dans
les années soixante. Il s'agissait d'essayer de diminuer le plus
possible les inégalités dans le domaine de l'éducation. Il
ne s'agissait pas uniquement de l'accessibilité à
l'éducation, mais de diminuer les écarts entre les
différentes commissions scolaires, entre les différentes
écoles du point de vue des ressources qui étaient à leur
disposition, du point de vue des résultats que chacun obtenait. Ceci a
exigé, dans un premier temps, une certaine centralisation et je pense
que tout le monde a été d'accord avec cela. On a réussi
à amoindrir les écarts dans le domaine de l'éducation
entre les différentes régions du Québec, entre les
différentes commissions scolaires. Je pense que c'est cela qu'on avait
compris en se disant: II ne faut pas continuellement diviser, il faut essayer
quand même d'avoir un plan d'ensemble cohérent.
Je n'aurai qu'une seule question à vous poser parce que je pense
que, dans le fond, l'essentiel de votre mémoire porte sur cette question
de ne pas recréer d'inégalités, mais de continuer dans un
esprit qui assure la meilleure péréquation possible des services
et surtout tenter de donner à chacun des enfants,
particulièrement dans le cas qui vous touche, du territoire de
Montréal, les chances les plus égales possible, compte tenu des
disparités qui demeurent toujours en dépit des efforts qui sont
faits.
J'aimerais que vous m'expliquiez comment se fait, à
l'intérieur de la CECM, la distribution, si je peux dire, des services
des professionnels non enseignants et des enseignants pour diminuer ces
inégalités qui existent dans l'ensemble du territoire de la CECM
quant aux populations qu'elle doit servir.
Le Président (M. Blouin): M. Dubé.
M. Dubé: M. Haag, je pense, pourra répondre sur la
question des professionnels non enseignants. Concernant les enseignants, on
sait qu'un tiers, un huitième, un seizième d'enseignant, dans les
normes budgétaires, cela existe. À un moment donné, cela
finit par faire des unités et on va demander à un certain nombre
de ces enseignants de faire une recherche, de faire un travail
expérimental dans un milieu donné; par la suite, cela est
étendu à une bonne partie du territoire qui a des
problèmes semblables. Au niveau des enseignants, c'est là une
répartition des ressources outre le fait, évidemment, que naisse
un grand nombre d'expériences telle l'école pour raccrocheurs
qu'on appelait en premier lieu l'école pour décrocheurs. Je sais
bien qu'on peut faire des gorges chaudes à l'égard de ces types
d'écoles, mais, quand on constate que beaucoup de jeunes ont
décroché et que, selon l'expérience de la CECM, sans
soutien financier pour ces jeunes qui l'an passé retournaient à
l'école, des quelque 700 qui se sont inscrits à la
première expérience, il y en a au moins 400 qui ont
terminé leur année scolaire... Ce vécu a
démarré à Montréal, non pas à l'instigation
du ministère de l'Éducation, mais à l'instigation des
professionnels de la CECM, des enseignants de la CECM, des commissaires de la
CECM; cela s'est vécu. Maintenant, on voit une autre école qui
s'ouvre à Québec et il y a quelques autres projets qui se
développent ailleurs; peut-être qu'un jour, on aura une politique
globale du gouvernement à l'égard de cette question. D'ailleurs,
maintenant, le gouvernement vient de dire que les jeunes qui retourneront aux
études, il leur donnera des moyens financiers un peu meilleurs pour
être capables d'être à l'école. Donc, il y a
eu quelqu'un là qui a aiguillé, qui a réveillé.
Au niveau des professionnels non enseignants, il faut aussi regarder la
question
par rapport aux choix que les écoles pourraient faire
dorénavant dans ce que planifie le projet de loi 40. Il y a un genre de
commande que placeraient les écoles à l'égard du type de
ressources dont elles auraient besoin. Est-ce que quelqu'un qui n'est pas
spécialiste de la question va commander le bon spécialiste? Que
je sache, quand on va dans un hôpital, même s'il y a un
comité de gestion dans un hôpital, on ne prescrit pas au
médecin le type de soins ou d'intervention chirurgicale que nous devons
subir; c'est lui qui fait cela comme professionnel. D'ailleurs, comme on a un
professionnel ici, il peut traiter de cette question, comment cela est vu
actuellement et comment on l'entrevoit dans le projet de loi 40.
Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse, M. Haag. Que vous ayez
mentionné la question des décrocheurs, c'est un autre exemple
d'initiatives prises par ce milieu et qui maintenant, fort heureusement, est
adopté par d'autres commissions scolaires, et même par le
ministère de l'Éducation. Dans ce sens-là, je ne vois
vraiment pas quelle raison le ministère de l'Éducation ou le
ministre peut nous donner pour dire: II faut arrêter ce genre
d'initiatives. Il faut mettre tout le monde sur le même pied en pensant
qu'on va arriver au même résultat, qu'on va avoir le même
type d'initiatives ou d'incitations pour développer de nouveaux services
qui répondent à des nouveaux besoins.
Le Président (M. Blouin): M. Haag.
M. Haag: Pour être très bref, parlons de
l'opération renouveau. Ce sont les usagers: l'école, les parents,
les enseignants et les professionnels, qui établissent les besoins, les
font connaître à la commission qui, à cause du fait qu'elle
a un grand bassin de professionnels et de ressources disponibles, y injecte du
personnel supplémentaire, des fois, au détriment d'autres
écoles qui pour une année ou deux doivent se passer de ces
services. Les besoins des écoles dans les milieux
défavorisés sont plus grands. C'est par l'établissement
des besoins du quartier, du milieu, y compris les parents, par des
comités multipartites que la répartition des effectifs se
fait.
Mme Lavoie-Roux: M. Haag, avez-vous dit que certaines
écoles vont accepter que ces services ne leur soient pas offerts pour
permettre à des écoles d'autres régions de profiter
davantage de ces services?
M. Haag: Ces sacrifices sont sûrement faits, c'est certain.
C'est souvent à contrecoeur, mais tout le monde reconnaît que les
besoins sont plus grands dans ces milieux, et on s'en passe. Cela ne veut pas
dire qu'on n'en aura pas besoin et qu'on ne voudra pas réclamer plus de
monde pour servir ses écoles, mais d'abord et avant tout il faut aider
ces milieux.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Haag.
M. Dubé: Encore un peu, si vous me le permettez, M. le
Président.
Le Président (M. Blouin): Très rapidement, parce
que dans quelques secondes je devrai donner la parole à M. le
député de Mille-Îles.
M. Dubé: Très bien. La commission scolaire de
Montréal, ou n'importe quelle commission scolaire, quand elle dessert sa
clientèle... La clientèle de la région nord de
Montréal, par exemple, a besoin de services particuliers.
Malheureusement, les normes budgétaires ne permettent pas tout ce dont
cette clientèle pourrait avoir besoin. Évidemment que cela cause
certaines difficultés lorsqu'on leur demande de sacrifier une petite
partie de leur dû pour aider un milieu plus difficile. C'est un
problème avec lequel nous vivons, mais les commissaires et
l'organisation scolaire générale de la CECM essaient
d'établir une répartition équitable comme le gouvernement
du Québec fera à un moment donné dans certaines
péréquations ou autres et dans la répartition des
impôts, du fardeau fiscal, les riches payant un peu plus que d'autres,
etc. Ces formules n'ont pas toujours l'acquiescement de tous les citoyens, mais
c'est avec l'acquiescement, par exemple, d'une majorité de citoyens. On
rencontre toujours des gens qui sont contre certaines questions.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Dubé. Merci,
Mme la députée de L'Acadie. M. le député de
Mille-Îles.
M. Champagne (Mille-Îles): Merci beaucoup, M. le
Président. Je suis d'accord avec Mme la députée de
L'Acadie lorsqu'elle disait tout à l'heure que le consensus au niveau du
projet de loi 40 est plus grand en province. Je suis d'accord avec elle. C'est
sûr qu'en province il y a un consensus sur l'intégration du
primaire et du secondaire, le nombre de commissions scolaires et un consensus
plus grand au sujet des commissions scolaires linguistiques. Il y a aussi un
consensus pour plus de responsabilités aux parents. Je ne dis pas qu'au
niveau de l'île de Montréal il n'y a pas un certain consensus sur
ces points. Alors, je suis d'accord qu'en province le consensus est plus
facile. Que ce soit plus difficile sur l'île de Montréal, cela ne
me surprend pas. Cela fait depuis 22 ans qu'on parle de restructuration
scolaire sur
l'île de Montréal et ce soir on arrive avec une proposition
en disant: Faudrait-il une commission d'enquête? Je ne suis pas surpris,
parce que le rapport Parent recommandait en 1962 la restructuration scolaire
sur l'île de Montréal; en 1968-1969, le ministre Jean-Guy
Cardinal, de l'Union Nationale, recommandait dans un projet de loi la
restructuration scolaire. Quelques années plus tard, le ministre Guy
Saint-Pierre recommandait aussi la restructuration, une formule de
restructuration scolaire sur l'île de Montréal.
En 1972, M. François Cloutier, le ministre d'alors, a fait
adopter la loi 28, qui a créé le Conseil scolaire de l'île
de Montréal, qui avait la mission de voir à trouver une solution
sur la restructuration scolaire. Le ministre Laurin, en 1983-1984, essaie aussi
d'avoir un consensus pour faire une restructuration scolaire sur l'île de
Montréal. Cela fait 22 ans qu'on parle de restructuration scolaire. Ce
soir, des représentants, ici, à la table, nous disent:
Établissez donc une commission d'enquête. Reportez peut-être
les propositions qui vont sortir de la commission d'enquête à deux
ou trois ans, mais, en fin de compte, il y a un gouvernement qui sera
obligé de trancher. Je n'ai jamais demandé si, selon
l'évolution, ce n'est pas irréaliste que de demander une
commission d'enquête dans le sens suivant par exemple: C'est bien
sûr qu'au point de départ, M. Dubé, tout à l'heure,
vous avez dit comme prémisse: On n'a aucune raison de diviser la CECM.
Vous allez donc vous présenter devant la commission d'enquête et
dire: Nous autres, on ne veut rien savoir, ne divisez pas la CECM. On va aller
voir la commission scolaire protestante et elle dira: Ne nous touchez pas.
Chacun va dire: Peut-être que j'aimerais être un peu plus gros,
peut-être la commission scolaire de Verdun. Comment pouvez-vous penser
qu'il va y avoir un consensus plus large? On a fait une espèce
d'évolution et un travail face au projet de loi 40, pensez-vous que les
parents catholiques vont faire un consensus avec le Mouvement laique? Est-ce
que vous pensez qu'au point de vue confessionnel et linguistique, il va y avoir
encore des consensus? Je ne sais pas. Je considère votre proposition de
ce soir un peu irréaliste. Cela fait 22 ans qu'on essaie de
restructurer, c'est peut-être une chose infaisable et impensable. Au
point de départ, il ne faut presque pas toucher à la CECM comme
telle. Peut-être que ces gens ont des raisons. J'ai entendu le plaidoyer
assez vibrant de la députée de L'Acadie, l'ancienne
présidente de la CECM, qui parlait avec beaucoup de ferveur de son
ancienne commission scolaire.
J'avais demandé cela à un principal d'école de la
CECM. Cela fait 20 ans qu'on essaie de restructurer tout le territoire de
l'île de Montréal, comment se fait-il que cela ne se fasse pas? Il
dit: C'est viscéral.
Les gens se disent: On fait partie de la CECM, il y a de
l'émotion. Je ne le dis pas dans un sens péjoratif tout de
même. Au-delà peut-être d'un sentiment d'appartenance
à une commission scolaire, faudrait-il peut-être penser à
une redistribution de tous les services au niveau de toute une île,
l'île de Montréal? Ma question, M. Dubé, sera simple:
Comment pensez-vous qu'en mettant sur place une commission d'enquête,
vous allez obtenir dans trois ans un consensus plus large pour essayer de
résoudre ce que, pendant 20 ans ou 22 ans, on a essayé de faire,
soit la restructuration des commissions scolaires sur l'île de
Montréal?
M. Dubé: Je commencerai d'abord par une boutade, M. le
député, en disant que vous voulez tellement notre bien que vous
nous le prenez.
Il y a un consensus actuellement pour préserver, au moins de
façon temporaire, la structure de la CECM, le consensus, y compris avec
la CECM et la protection du territoire de la commission de Montréal.
J'ai oublié un "c". Je comprends que la question de
confessionnalité est une question aussi épineuse. Il y a aussi
des solutions à cette question. Il me semble que, la démarche de
la coalition de Montréal, appuyée par les commissaires de la
CECM, appuyée par beaucoup d'organisations, devrait vous inspirer et
vous amener à dire qu'il est possible de faire un consensus.
Peut-être qu'il y a trois ans, lorsque nous étions en
négociation locale avec la CECM et qu'est arrivée la tutelle,
vous auriez cru qu'il était impossible d'avoir une certaine
unanimité ou un certain consensus avec la CECM, et pourtant cela se vit
trois ou quatre ans plus tard. (23 h 15)
Je ne désespère pas par rapport aux solutions mais la
solution n'est sûrement pas dans le démantèlement et la
solution n'est pas non plus, à tout le moins pour Montréal. Quand
je rencontre les autres enseignants de la CEQ, l'école-pivot, ce n'est
pas non plus un consensus pour l'ensemble des enseignants du Québec,
parce qu'au niveau de l'ensemble des enseignants du Québec, on veut
qu'il y ait une participation des parents à l'école; on veut
aussi que la commission scolaire ait les pouvoirs et puisse les exercer.
Il y a d'autres points de vue qui ont été émis dans
les autres centrales. Je prends entre autres, par exemple, la FTQ qu'un
député qui est adjoint parlementaire nous citait abondamment tout
à l'heure. Cette autre centrale syndicale a aussi dit: Ne faites pas
cela par-dessus la tête des gens qui travaillent là. Prenez en
compte les travailleurs qui sont là. C'est un avertissement formel de la
FTQ. Je pense qu'il y a possibilité de trouver un consensus pour autant
qu'on se donne des règles et qu'on veuille bien les respecter.
Ce que nous vous disons, à propos du livre blanc
présenté par le ministre, c'est que ses orientations ont
été rejetées. Le projet de loi qui en découle est
aussi rejeté parce qu'il a gardé la même structure. Lorsque
vous avez fait l'énumération d'un certain consensus ou de
certains consensus, à savoir que si la restructuration scolaire ne se
limitait qu'à cela, c'était un engagement du ministre ce soir que
de la laisser au niveau de ces questions sans toucher au territoire de la CECM,
en envisageant les questions linguistiques, les questions confessionnelles, en
se limitant uniquement à une restructuration scolaire. Peut-être
aurait-on abordé cela autrement, mais ce n'est pas là la
proposition que nous avons devant nous. La proposition que nous avons devant
nous est une réforme de l'éducation, non pas une restructuration
scolaire, mais sans que ce soit dit. C'est donc pour cela que nous croyons
qu'une réforme de cette nature et de cette ampleur devrait être
discutée plus amplement et cette discussion ne se fait pas.
M. Champagne (Mille-Îles): M. Dubé, je ne partage
pas votre optimisme au sujet de la commission d'enquête. On a
regardé tous les partis politiques et tous les gouvernements s'efforcer
de faire la restructuration scolaire de l'île de Montréal et ils
ont échoué. Vous dites qu'avec une commission d'enquête le
prochain gouvernement va le réussir. Enfin! Je ne partage
peut-être pas votre point...
M. Dubé: Je vais vous illustrer un exemple de choses dont
vous n'êtes peut-être pas conscient, très
brièvement.
M. Champagne (Mille-Îles): Un instant, M. Dubé! Je
pense que je vous ai laissé répondre tout à l'heure. Je ne
partage peut-être pas votre optimisme à ce sujet.
Une autre chose, par exemple, M. Dubé. La proposition de
coalition des employés syndiqués de la CECM - je comprends quand
même que chaque syndiqué se demande: Qu'est-ce qui m'arrive
demain? - je pense que c'est légitime et fondamental et c'est bien
sûr qu'il y a des propositions sur la table. Je vais seulement
espérer qu'elles soient très bien étudiées. Je
pense que vous avez certains droits acquis, vous avez droit à de la
protection et, enfin, je vais espérer, à travers tout ce que le
ministre a mis sur la table, que les gens puissent voir qu'il y a là
quand même de la bonne volonté, des choses qui sont quand
même très sûres pour chacun des employés dans le
milieu où il vit. Je vais l'espérer.
C'est bien sûr que l'on arrive avec des propositions syndicales ou
des règlements syndicaux, ce n'est peut-être pas facile de
comprendre tout ce qu'il y a dedans en teneur et en application pratique. C'est
pour cela que cela prend peut-être aussi des spécialistes pour
voir clair là-dedans. Espérons que les gens du ministère
et aussi les centrales syndicales se mettent à la même table et
qu'ils comprennent les mêmes choses pour le bien des syndiqués.
Merci, monsieur.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Mille-Îles. Vous avez un commentaire, M.
Dubé?
M. Dubé: Oui. M. le Président, je comprends que le
député veuille nous ramener à la question des droits
acquis. Mais accordez-nous au moins le droit de nous élever aussi,
même si ces questions sont fort importantes et que notre mission
principale est de défendre l'intérêt de nos membres, il
reste que comme citoyens du Québec aussi on a intérêt aux
services qu'on donne. Comme enseignants, comme professionnels de
l'enseignement, comme travailleurs de l'éducation, les propositions que
nous vous faisons ce soir comme CECM, ce que nous vous décrivons de ce
que nous donnerait le projet de loi 40, c'est en termes de qualité de
services. Cela a été notre première priorité.
Deuxièmement, je comprends que vous insistez
particulièrement sur des droits qu'on semblerait avoir dans les
décrets. Ils sont fort minces et fort minimes. Mais ce n'est pas
là-dessus qu'on a voulu accentuer notre propos. Je vous demanderai -
peut-être ne l'avez-vous pas vu ou, si vous l'avez vu, je ne sais
pourquoi vous l'avez ignoré - si, dans le découpage des
commissions scolaires que vous proposez pour Montréal, vous avez
constaté que des francophones se retrouveraient en minorité au
coeur des allophones par la description que vous faites des nouvelles
commissions scolaires? Je pense que c'était une autre
préoccupation dans le passé. Le gouvernement voulait avoir une
majorité de francophones d'origine pour diriger les institutions
scolaires pour francophones. Ce sont là quelques difficultés que
votre découpage amène. D'autre part, je veux rappeler
également que à propos de la carte scolaire, que ce soit celle de
Montréal ou celle du Québec, dont nous avons un exemple ici, si
je ne m'abuse, par le projet de loi no 40, c'est le ministre qui pourra
décréter d'autres types de territoires que ceux qui sont
annoncés là. Cela appartient au pouvoir du ministre de
décréter cela. Donc, les territoires pourront changer au
gré du ministre. On va adopter une loi en pensant que c'est telle carte
ou tel découpage qui pourrait être accepté par certaines
personnes et, demain matin, elles se réveilleront avec une autre
hypothèse ou un autre décret.
Donc, nous croyons que les structures scolaires sont tellement
importantes qu'elles
ne peuvent être décrétées. Elles doivent
être établies, négociées et cela se fait par
consensus. Antérieurement, des ministres ont tenté de faire de la
restructuration scolaire. Je soulignerai que, la première fois qu'un
ministre a parlé de structures linguistiques par rapport aux structures
confessionnelles, il y a eu un tollé au Québec. Y a-t-il encore
un tollé au Québec? Quant à l'aspect confessionnel, il a
encore une importance majeure et nous, de la coalition, voulons bien que
l'enseignement religieux ou moral se donne. Est-il nécessaire que le
pouvoir soit à la commission scolaire sur cette question?
Je pourrais vous donner l'opinion de notre association quant à la
question de la confessionnalité mais, comme nous sommes ici en
coalition, je me limite aux positions communes que nous connaissons.
M. Champagne (Mille-Îles): De toute façon, je vous
pose la question, M. Dubé. Quelle est la position de l'Alliance au sujet
de la commission scolaire catholique ou bien que ce soit l'école
catholique comme telle?
M. Dubé: Nous avons convenu communément, et avec
les appuis que nous avons reçus, de défendre le territoire de la
commission scolaire de Montréal.
M. Champagne (Mille-Îles): Vous ne répondez pas
à la question que j'ai posée.
M. Dubé: Nous défendons le territoire de la
commission scolaire de Montréal.
M. Champagne (Mille-Îles): La commission scolaire
catholique de Montréal.
M. Dubé: Nous défendons le territoire de la
commission scolaire de Montréal. Voilà.
M. Champagne (Mille-Îles): Merci beaucoup.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Dubé. Merci, M.
le député de Mille-Îles. M. le député de
Saguenay.
M. Maltais: Merci, M. le Président. Permettez-moi de
saluer les gens du regroupement syndical de la CECM. Avant de poser quelques
questions, j'aimerais peut-être souligner le fait que, tout à
l'heure, le député de Fabre a posé des questions au
député d'Argenteuil, à quatre ou cinq reprises, au cours
de son allocution. Je le comprends très bien de l'avoir
interrogé, pour avoir des renseignements, parce qu'on n'en a pas
beaucoup de la part du ministre, et même les députés
ministériels sont obligés de se retourner vers l'Opposition pour
avoir de l'information. Je pense que le député d'Argenteuil est
un bon très collaborateur de ce côté-là et qu'il
continuera de bien les informer.
Je suis heureux de voir le président de l'Alliance ici ce soir
ainsi que les autres membres du regroupement parce que, dans les deux
premières semaines de la commission, il y avait un mot qu'il ne fallait
peut-être pas prononcer ici. En tout cas, personnellement, j'aimerais
savoir le rôle des enseignants dans le projet de loi 40. Ce mot
n'était pas bienvenu. C'est un mot fétiche qu'il fallait cacher.
La CEQ est aussi venue dire ici que ce mot existait au Québec, que
c'était un fait fondamental dans nos institutions scolaires et qu'on en
avait besoin.
Je pense que, dans la proposition, que vous rejetez globalement, du
projet de loi 40, il y a quand même des points. Malheureusement,
après que vous aurez été entendus ici, de l'autre
côté, on dira: L'Alliance est peut-être d'accord
là-dessus. Finalement, ils ont trouvé la couverture ou la reliure
du projet de loi 40 pas si mal et ils sont d'accord. C'est ainsi qu'on
établit un consensus de l'autre côté. Je pense qu'un
véritable consensus n'est pas tout à fait cela. J'aurais des
questions pertinentes à vous poser, M. Dubé, parce c'est une
facette de la situation qui nous préoccupe particulièrement de ce
côté-ci.
Sur le projet de loi 40 - auparavant, je ne vous demanderai pas de
déposer votre lettre d'invitation - est-ce que vous avez
été consultés lors des nombreuses tournées du
ministre?
M. Dubé: De quelles tournées parlez-vous?
M. Maltais: Ou avez-vous assisté à des
consultations sur la préparation du projet de loi 40?
M. Dubé: Vous m'apprenez qu'il y a eu des tournées
nous concernant? La lettre ne s'est sûrement pas rendue à nos
bureaux.
M. Maltais: Ah bon! Alors, je ne vous demanderai pas de
déposer la lettre comme on vous demandait de déposer la charte du
conseil de la ville tout à l'heure. Dans le conseil d'école,
est-ce que, si les enseignants y étaient obligés de par la loi,
vous tiendriez à y être représentés
paritairement?
M. Dubé: II existe actuellement un comité
consultatif pour les enseignants sur les aspects pédagogiques, la
gestion de l'école, etc., et nous donnons avis au principal. Il existe
aussi un comité chez les parents pour faire le même travail. Le
principal de l'école a à décider et à rendre compte
de ses décisions soit à l'un ou à l'autre des
comités ou aux deux. Nous croyons que cette formule peut rendre justice
à nos représentants et aussi aux représentants des
parents. Là où il y a une
faiblesse, c'est lorsque les parents demandent certains types de
services au niveau de leur école qu'ils ne pourraient assumer,
même s'ils avaient l'autonomie. Lorsqu'ils placent la demande au niveau
de la commission, ils ne sont pas en situation d'établir les politiques
au niveau de la commission. C'est pour cela que nous vous suggérons
qu'il y ait un lien certain entre un parent qui siège au comité
d'école et le conseil des commissaires, non pas un représentant
commissaire comme commissaire parent, soit un ou deux, par conseil des
commissaires comme actuellement, mais quelque chose de beaucoup mieux
structuré.
Quant à nous, enseignants, évidemment qu'il y a des
lacunes importantes au niveau de la consultation. C'est la même chose
pour les professionnels et les autres travailleurs de l'éducation. Il
arrive parfois, malheureusement, que notre avis est demandé trop tard.
Le ministère et les commissions scolaires nous oublient à cet
égard. Il y a amélioration certaine au niveau des commissions
scolaires et de cette consultation concernant les enseignants et des
professionnels concernant notre avis. Ce n'est pas parce que nous constatons
des lacunes à la consultation et à l'organisation
pédagogique de nos commissions scolaires que nous en revendiquons le
démantèlement. En terminant, un exemple, ce n'est pas parce qu'on
est contre le projet de loi 40 qu'on demande le démantèlement du
ministère de l'Éducation.
M. Maltais: Cela va de soi. Une autre question, pour vous - cela
s'adresse peut-être aussi aux autres membres des syndicats - le
véritable patron dans un organisme demeurera-t-il la commission scolaire
ou l'école, indépendamment des fonctions que les
différents syndicats occuperont? Est-ce que vous préférez
que ce soit l'école ou la commission scolaire?
M. Dubé: Cela nous apparaît impensable que le patron
soit au niveau de l'école. Quand on a vécu cela il y a 25 ans, le
commissaire du rang décidait si l'enseignante ou une autre continuait ou
pas dans ce rang. Ce genre de fonctionnement, on n'en veut plus. On a parfois
vu des conflits qui ont pu naître soit entre les parents, les
employés ou autres au niveau d'une école. Lorsqu'ils ont
été regardés d'un peu plus loin, il y a des solutions qui
ont été trouvées. Lorsque c'est très près du
milieu, cela amène tout simplement des chicanes et des oppositions. On
n'a pas à travailler en dépit d'oppositions au niveau de
l'école. On n'a pas à structurer un lieu de combat, de
négociation et de représentation. Je pense que ce travail doit se
faire au niveau de la commission scolaire.
M. Maltais: M. Dubé, vous êtes un enseignant de
carrière et un président de syndicat. Dans la réforme
actuellement proposée, est-ce que vous pensez que c'est de nature
à améliorer grandement et hautement l'éducation dans
l'école vis-à-vis de la relation entre enfants et
éducateurs et enseignants, ou tout simplement, est-ce qu'on ne s'attarde
pas trop à un changement de structures? Est-ce que la réforme qui
est proposée actuellement n'est pas plus une réforme de
structures qu'une réforme pédagogique finalement?
M. Dubé: II y a effectivement, croyons-nous, une
réforme pédagogique qui est niée par le gouvernement dans
le projet de loi 40. C'est ce à quoi nous nous opposons. Quand on veut
faire et qu'on dit vouloir faire de l'école le pivot, et qu'en
même temps il y a aussi d'autres pouvoirs qui sont aspirés vers le
haut, c'est une réforme en termes d'organisation, parce qu'il y a du
contenu pédagogique qui en découlera, qui sera différent.
Il y aura un vécu qui en découlera qui sera différent. Si
on le demande au projet de loi 40, c'est parce que l'on pense que ce projet de
loi va donner au Québec, à Montréal en particulier, une
situation pire que la situation actuelle. C'est pour cela que, malgré
nos difficultés et nos malheurs nous sommes prêts à
patienter encore un ou deux ans pour vivre une réforme, une
réorganisation. (23 h 30)
M. Maltais: Changement de sujet rapidement. Je sais que vous
n'êtes pas ici pour régler le cas des autres commissions scolaires
de l'île de Montréal ou du coin, mais on vous a reproché,
finalement, d'avoir dit tout à l'heure que la CECM était une
tentacule qui étouffait les autres commissions scolaires. Les autres
commissions scolaires y ont-elles pensé ou y en a-t-il qui ont
demandé peut-être de se regrouper ensemble ou si vous
êtes...
M. Dubé: Malheureusement, je ne suis pas informé de
ces questions, mais si les représentants de ces commissions scolaires
étaient invités en commission parlementaire, cela leur ferait
probablement plaisir de vous le faire savoir.
M. Maltais: Merci. Tout à l'heure, on a cité aussi
beaucoup de choses de la part des centrales syndicales qui sont passées
ici. On a cité la FTQ et la CSN. Peut-être pour vous dire que des
passages cités à droite et à gauche, cela fait des
réactions curieuses, j'en ai une ici de la CSN qui nous dit: "Par
ailleurs, la CSN trouve regrettable que le projet de loi 40 porte le
débat sur les plans de la structure. Cela est regrettable, car on oublie
les problèmes de la qualité de l'enseignement, du
décrochage, de
l'absentéisme des élèves, problèmes
réels auxquels devrait s'attaquer plutôt le ministre." Merci.
M. Dubé: Je confirme ces propos parce que - d'ailleurs,
même le ministre le constate - quand nous avons fait des revendications
quant à la situation des écoles actuellement - les décrets
- le ministre a chargé le Conseil supérieur de l'éducation
de faire enquête sur la qualité de vie, la qualité
pédagogique dans les écoles, etc. Il me semble que, si le
ministre a décidé de donner pareil mandat au Conseil
supérieur de l'éducation - un mandat que je synthétise,
évidemment, à cause de l'heure et du temps dont nous disposons -
c'est parce que le ministre doit sûrement avoir constaté qu'il y a
des choses qui ne fonctionnaient pas dans les écoles. Nous croyons donc
que les conclusions du rapport du Conseil supérieur de
l'éducation devraient être connues avant de poursuivre le
réaménagement de l'organisation scolaire. C'est pour cette raison
aussi que nous croyons, quant aux questions de structures, qu'il devrait y
avoir une commission particulière et multipartite qui pourrait
étudier cette réorganisation scolaire.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Dubé. Merci, M.
le député de Saguenay. On m'indique qu'il y a une autre
intervenante qui désire s'entretenir avec nos invités. Je
rappelle cependant à tous les membres de la commission qu'il est 11 h
30, que nous avons un autre groupe à entendre et que nous l'entendrons,
effectivement, après la coalition. Je fais donc appel à la
collaboration de tous les membres de la commission. Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci, M. le Président. J'aimerais vous
remercier de votre mémoire. J'aimerais poursuivre sur deux sujets
soulevés par le député de Fabre. Le premier est le
problème des petites commissions scolaires. La solution est très
simple; on ne détruit pas les grosses commissions scolaires, on regroupe
les petites commissions scolaires. Là est la solution. C'est très
facile.
La deuxième question, c'est la participation des parents. Un des
buts principaux du projet de loi est d'augmenter la participation des parents.
Bon! Je crois que le député de Fabre a vraiment
déformé les positions prises à cet égard par
plusieurs intervenants à cette commission parce que, chaque fois qu'un
groupe dit: Oui, nous sommes d'accord, nous sommes pour une participation
accrue des parents, le côté ministériel présume que
ce groupe est pour le projet de loi. C'est absolument faux. Il est vrai que
pratiquement tout le monde a signalé l'importance de la participation
des parents au niveau de l'école. De plus, pratiquement tout le monde
souhaite une participation accrue des parents. Nous avons entendu plusieurs
groupes qui représentent des centaines et des milliers de parents et
qui, évidemment, participent de façon très satisfaisante
à l'intérieur de la loi actuelle. Donc, la question qui se pose
est la suivante: Le projet de loi répond-t-il d'une façon propice
au but souhaité? Autrement dit, est-ce que le projet de loi va permettre
une participation réelle et valable, en respectant leurs rôles, de
tous les autres intervenants -je parle surtout des professionnels - et
l'intégrité du système scolaire? C'est évident que
pour la plupart des intervenants qui sont venus ici, pour eux, la
réponse est non.
Il y a plusieurs parents qui, évidemment, appuient le projet de
loi parce qu'ils croient, selon leur témoignage ici, qu'ils auront plus
de pouvoirs au niveau de l'école sur le plan financier. Ils
reconnaissent, avec raison, que le pouvoir financier est la source de toute
autonomie. C'est la même chose pour la commission scolaire. J'aimerais
lire, à cet égard, les règles du jeu qu'on trouve dans le
projet de loi en ce qui concerne les décisions budgétaires.
J'aurai une question à poser à la fin. "Article 127.
L'école élabore ses prévisions budgétaires
annuelles et les transmet à la commission scolaire à la date et
dans la forme que cette dernière détermine. "Article 128. Les
prévisions budgétaires maintiennent l'équilibre entre,
d'une part, les dépenses et, d'autre part, les ressources
financières allouées à l'école par la commission
scolaire et les revenus qui sont propres à l'école, sous
réserve des conditions ou exceptions et selon les modalités
déterminées par la commission scolaire." Cet article est
très difficile à comprendre, je ne sais pas qui est en charge de
quoi. "Article 236. La commission scolaire approuve les prévisions
budgétaires de l'école avec ou sans modification. "Article 239.
La commission scolaire établit annuellement les règles et les
modalités de répartition des ressources financières entre
les écoles. "Article 240. Le budget maintient l'équilibre entre,
d'une part, les dépenses et, d'autre part, les ressources
financières allouées à la commission scolaire et les
revenus qui lui sont propres, selon les règles déterminées
par le ministre. "Article 242. La commission scolaire intègre dans son
budget, comme dépense ou revenu, son déficit ou surplus, sous
réserve du droit d'utilisation par l'école des crédits qui
lui sont imputés pour la présentation du bien ou du service
à la communauté. "Cependant, le ministre peut autoriser une
commission scolaire à étaler son déficit
ou son surplus aux conditions ou selon les modalités qu'il
détermine."
Maintenant, ma question. Étant donné ces règles du
jeu, qu'est-ce que vous prévoyez comme marge discrétionnaire pour
l'école sur le plan financier?
M. Dubé: Je ne sais pas si les spécialistes des
normes s'y retrouveraient parce que, d'un côté, on semble donner
à l'école un droit et, d'un autre côté, on dit, oui,
mais sous réserve de. Cela fait un peu penser aux décrets qu'on
nous a imposés. Et les premiers décrets nous sont venus... je
remonte à 1972. Un article nous dit oui, en principe, et après,
on a une série de "nonobstant". En fin de compte, on n'a pas de droits.
C'est la première réflexion que me laisse la lecture de ces
propositions.
Je ne sais pas ce que le ministre a voulu établir clairement
à ce niveau. Est-ce qu'il y aura un fouillis de revendications
judiciaires ou d'interventions d'avocat, parce qu'on a un surplus au
Québec, et qu'on a peut-être de l'ouvrage à leur trouver.
Cela ne m'apparaît pas du plus clair. Je n'ai rien à ajouter de
plus là-dessus si ce n'est qu'il y a beaucoup de confusion.
Mme Dougherty: II y en a plusieurs qui pensent, avec raison, je
crois, que les pouvoirs que le projet de loi donne aux parents sont en grande
mesure des pouvoirs illusoires. C'est pourquoi j'ai posé cette question,
parce que le pouvoir discrétionnaire sur le plan financier est
certainement un pouvoir important à n'importe quel niveau. Comme, de ce
côté-ci, notre interprétation de la loi est que ces
pouvoirs seront en grande mesure illusoires, j'aimerais avoir l'opinion d'un
autre groupe qui travaille dans l'école et qui pourrait peut-être
donner ou justifier une autre interprétation. Si ces pouvoirs sont
réels, j'aimerais le savoir.
M. Dubé: Je ne sais pas s'il y a quelqu'un de la coalition
qui peut essayer d'interpréter ce que le ministre a voulu écrire
parce que pour les bouts que nous avons compris et interprétés,
on nous a accusés de faire de la distorsion. Peut-être qu'on peut
s'essayer. Je vous répète que, quand on regarde ça, c'est
une apparence de droits. Des parents pourront peut-être s'en contenter au
départ, mais quand viendra le temps de les exercer, il y aura tellement
d'embûches que ces droits-là n'existeront pas et on devra se
retourner au niveau de l'autorisation du ministre. J'ai retenu ça;
ça passe d'abord au comité d'école, il établit sa
demande, si la commission scolaire l'accepte, et si la commission scolaire l'a
acceptée, s'il y a telle autre difficulté, il faut que ce soit le
ministre qui l'accepte, etc., pour autant qu'il accepte de répartir les
déficits, etc. Ce sera un labyrinthe et chanceux ou chanceuses ceux et
celles qui réussiront à se rendre au bout. C'est ce qu'on
prétend en disant que le projet de loi 40 est une course à
obstacles. On en a fait la démonstration concernant les
élèves et je pense que vous venez d'établir un
début de preuve qu'il en sera ainsi pour les administrateurs scolaires
et les parents.
Mme Dougherty: C'est le même genre de question pour
l'article 120. On parle des ressources de l'école, des ressources
humaines, des pouvoirs de l'école. L'école élabore et
transmet à la commission scolaire un plan d'effectifs. Ce plan exprime
les besoins de l'école pour chaque catégorie de personnel. Est-ce
que vous voyez là une vraie marge de manoeuvre pour les
écoles?
M. Dubé: La comparaison que nous avons faite, c'est que la
commission scolaire sera un genre d'épicerie, un genre de
coopérative et les écoles, dans un premier lieu, iraient
rechercher des services au niveau de cette coopérative. C'est un peu
l'image que nous avons retenue du projet de loi. La faiblesse que nous
soulignons c'est que, dans certains quartiers, il y a des revendications qui
seraient fort nécessaires, parce que les parents ne seraient pas
préparés ou n'auraient pas le temps voulu. Quand le père
ou la mère d'une famille monoparentale travaille toute la
journée, il ou elle n'ira pas consacrer de nombreuses heures au niveau
de l'école en termes de gestion. Ce sera une minorité de parents
qui pourra s'occuper de la gestion. Dans un premier temps ils établiront
une requête, fondée ou pas, je ne veux pas discuter du
mérite de cette requête, mais, à l'étape
subséquente, la commission scolaire, à l'intérieur des
règles budgétaires, pourra acquiescer ou pas. Quand elle
n'acquiescera pas, faute de deniers, ils se retourneront contre la commission
scolaire pour dire que le trouble est là, mais l'étape
subséquente serait d'intervenir auprès du ministère, car
c'est lui qui détient les cordons là-dedans.
Je constate que les services qu'une école voudrait se donner,
elle ne les retrouverait pas nécessairement et cela pour autant que la
commission scolaire en ait les capacités. Dans le moment, à la
CECM, la Commission des écoles catholiques de Montréal, nous
savons que des problèmes soulevés au niveau des écoles
sont étudiés par des équipes au niveau de la commission.
Il y a par la suite un aller et retour et, ensuite, il y a de l'affectation de
ressources. C'est la commission scolaire qui fait ça, soit à
partir de ses analyses, soit à partir de demandes du milieu.
Je ne vois pas dans le projet de loi -peut-être que le ministre
pourrait nous éclairer - qu'une commission scolaire pourrait implanter
un plan de développement ou de soutien pédagogique aux
écoles. Ce n'est pas
l'esprit du projet de loi 40. (23 h 45)
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, Mme la
députée de Jacques-Cartier. Sur ce, au nom de tous les membres de
la commission, je remercie la représentante et les représentants
de la Coalition des syndicats d'employés de la CECM d'avoir bien voulu
participer aux travaux de notre commission parlementaire.
J'invite maintenant les représentants de la commission scolaire
La Vallière, que nous entendrons ce soir. À la suite d'une
entente entre les membres de la commission - un peu en guise de compensation -
je souligne donc aux membres de la commission et peut-être aussi à
ceux et celles qui suivent nos travaux que, demain, nous reprendrons nos
travaux non pas à 10 heures, mais bien à 11 heures.
Alors, j'invite maintenant...
M. Dubé: En courte conclusion...
Le Président (M. Blouin): S'il vous plaît!
M. Dubé: ...30 secondes, M. le Président...
Le Président (M. Blouin): M. Dubé...
M. Dubé: ...je veux vous remercier de nous avoir
entendus...
Le Président (M. Blouin): Alors, allez-y, mais vous
comprenez la situation.
M. Dubé: Oui, M. le Président, 30 secondes. Nous
avons travaillé avec vous près de trois heures, ce soir,
même plus. Et nous constatons que, pour des gens qui n'étaient pas
sur la première liste d'invités, on avait sûrement quelque
chose à livrer. Nous vous...
Le Président (M. Blouin): Sur ces remerciements, M.
Dubé...
M. Dubé: ...remercions de nous avoir entendus.
Le Président (M. Blouin): ...je suspends les travaux pour
quelques minutes, le temps que nos invités s'installent.
(Suspension de la séance à 23 h 47)
(Reprise de la séance à 23 h 50)
Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Je demande maintenant à tous les invités à bien
vouloir regagner leur siège afin que nous poursuivions nos travaux.
Comme les représentants de la commission scolaire La Vallière
sont maintenant installés à la table de nos invités, je
les prie d'abord de s'identifier et, ensuite, de nous livrer le contenu de leur
mémoire en une vingtaine de minutes pour que nous procédions par
la suite aux échanges entre eux et les membres de la commission.
Commission scolaire La Vallière
M. Guillemette (Roger): Bonsoir, M. le Président. Bonsoir,
M. le ministre de l'Éducation et M. Ryan. Mesdames et messieurs,
bonsoir.
D'abord, je voudrais vous présenter les personnes qui
m'accompagnent pour la présentation de ce soir. On considère
être représentatifs de ce que doit être une commission
scolaire. À ma droite, M. Victor Lachance, président de la
commission scolaire La Vallière; M. Gilles Lapointe, enseignant à
la commission scolaire La Vallière; M. Réginald Bélanger,
conseiller pédagogique et membre des services éducatifs; à
ma gauche, Mme Solange Gagnon, directrice de l'école
Monseigneur-Bluteau, Mme Noëlla Tremblay-Desbiens, enseignante; Mme
Francine Sasseville, du comité de parents; M. Donald Renaud,
président des employés de soutien de la commission scolaire La
Vallière.
Avant de commencer, j'aurais deux remarques à faire.
Tantôt, en sortant dans le corridor, j'ai entendu deux fonctionnaires
dire qu'il n'y avait plus d'intérêt à rester ici ce soir
car le groupe qui suivait, celui qu'on vient d'entendre, c'était une
petite commission scolaire inconnue.
Le Président (M. Blouin): M. Guillemette, puisque les
membres sont maintenant présents et que la commission siège, je
vous prie de présumer que nous allons accorder à vos propos la
même importance que nous avons accordée aux autres groupes. Dans
les circonstances, je vous demande de procéder à la lecture de
votre mémoire.
M. Guillemette: Oui, M. le Président. En plus d'être
un peu inconnus, on va peut-être parler aussi d'un sujet qui est un peu
inconnu à la commission. On va s'en tenir à des propos de type
éducatif.
Je tiens d'abord, au nom des personnes que je représente,
à remercier tous les membres de cette commission,
particulièrement MM. Laurin et Ryan, d'avoir bien voulu accepter de nous
entendre. Ce geste démontre un réel souci d'explorer toutes les
pistes qui pourraient nous aider à améliorer notre système
scolaire au Québec. La cause de l'éducation vous tient à
coeur. Eh bien, nous sommes heureux, mesdames et messieurs, de pouvoir nous
entretenir avec vous.
Pour vous situer rapidement, la commission scolaire La Vallière
est située au Lac-Saint-Jean, dans le comté de Roberval, et
regroupe les municipalités de Saint-Félicien,
Saint-Méthode, Saint-Prime, Notre-Dame-de-la-Doré. Nous avons
actuellement une clientèle de 1800 élèves de niveau
primaire, clientèle qui est en augmentation. Nous sommes classés
comme un milieu socioéconomiquement faible, selon des critères
datant déjà de quelques années.
Il me semble pertinent de vous informer de la méthodologie que
nous avons utilisée pour en arriver à la production du
mémoire que nous vous présentons ce soir. J'ai moi-même
écrit une première version d'un document qui se voulait
plutôt un squelette. Ce document fut présenté aux
directeurs d'école, aux cadres, aux professionnels des services
éducatifs, aux comités de parents, aux conseils des commissaires
et à une assemblée générale de parents qui s'est
tenue dans une école. Les directeurs prirent la responsabilité de
le présenter à leurs enseignants et à leurs comités
d'école.
Dès cette première opération, j'ai recueilli un
nombre important d'adhérents chez tous les groupes. L'étape
suivante consistait à discuter et à raffiner le document avec
chacun des groupes en prenant toujours la dernière version du document
avec un nouveau groupe. Il a toujours été clairement
établi que les individus participaient à titre individuel.
Dans notre lettre de présentation de mémoire, nous
mentionnions que nous étions de ceux qui ne croyaient pas que les
problématiques de l'éducation pouvaient se résumer
à l'appréhension de problèmes uniques, bien
définis, bien structurés, et dont l'identification contient, dans
leurs causes ou leurs effets, la solution. Avant de faire le point sur notre
mémoire, permettez-moi de vous présenter six
considérations d'ordre plus général et qui contribueront
à mieux faire comprendre notre vision du système
éducatif.
Première considération, la génétique des
populations nous montre que le processus naturel n'aboutit nullement à
rassembler les individus autour d'un type idéal. Il semble y avoir une
toute autre stratégie: préserver la diversité. Des auteurs
ayant une vision futuriste, tels Alvin Toffler, Marilyn Ferguson, Aldous
Huxley, Jacqueline Grapin, mentionnent tous qu'il y aura un retour à des
organisations ayant de fortes racines sur le plan local et où les
individus voudront de plus en plus s'impliquer. L'une des
caractéristiques de l'avenir sera la diversité et le respect de
cette diversité dans toutes les organisations humaines.
De la naissance à la mort, l'humain apprend. La vie est une
situation d'apprentissage. L'apprentissage naît d'une confrontation de
l'individu avec une situation qui constitue pour lui un problème. Le
fait de se retrouver devant un problème, qu'il soit d'ordre physique,
affectif, social ou intellectuel, l'amène à canaliser ses
énergies pour chercher une solution susceptible de corriger le
déséquilibre et de satisfaire le besoin qui en a
résulté.
Dans les systèmes humains, le développement
organisationnel est intimement lié au développement personnel des
individus qui composent cette organisation. Les jeunes vivent dans le
présent et s'occupent de l'avenir. L'avenir, c'est le présent en
évolution. Le propre d'une organisation à caractère
éducatif devrait être d'utiliser une démarche
éducative pour se guérir de ces mots.
Je prendrai maintenant une quinzaine de minutes pour vous
présenter notre mémoire. Le titre, c'est: "Et si au lieu d'une
restructuration comme le propose le projet de loi 40, on avait besoin d'une
structuration scolaire?"
M. le ministre de l'Éducation, loin de nous l'idée de ne
pas reconnaître certaines améliorations que le projet de loi 40
apporte à la situation actuelle au Québec. Ce projet est une
réforme de structures, mais des structures qui ont été
empruntées à l'entreprise industrielle, sans qu'il soit question
de fonds par rapport à la mission éducative.
Si nous comparons les structures scolaires, autant au ministère
que dans les commissions scolaires ou dans les écoles, nous constatons
qu'il n'y a pas de différences significatives: structure rigide,
hiérarchique, autoritaire, qui encourage le conformisme; buts
définis en haut; asservissement de l'humain à la technologie;
division du travail, spécialisation, rôles de plus en plus
précis; interactions minimisées.
L'entreprise industrielle s'est dotée de cette structure pour
remplir sa mission de production de masse, c'est-à-dire une production
uniforme, conforme à des normes et en grande quantité.
Comment se fait-il que le système d'éducation, ayant une
mission très différente, possède, à quelques
détails près, la même structure? Soit que la structure n'a
pas beaucoup d'importance pour la poursuite de la mission d'une organisation
et, dans cette optique, le projet de loi 40 ne serait pas très
important; soit que la structure est un moyen important pour la réussite
de la mission d'une organisation et, dans ce contexte, un projet de loi devrait
viser à doter les organismes éducatifs d'une structure qui
facilite la poursuite de leur mission.
Dans le présent mémoire, nous essaierons de dégager
les éléments sur lesquels devrait s'échafauder une
structure scolaire au Québec. Les "lunettes" que nous utiliserons nous
permettront à la fois de voir
ce qui est essentiel et accessoire et aussi d'y lire les
incohérences du système actuel. Notre approche est
carrément de type systémique plutôt que hiérarchique
et se situe dans une perspective de prise en charge. Puisque personne, à
notre connaissance, n'a nié le fait que le système
d'éducation existe avant tout pour éduquer, c'est autour de ce
processus et d'un environnement adéquat que nous construirons notre
édifice.
Nous n'irons pas chercher nos références ailleurs que dans
les documents publiés par le ministère de l'Éducation, le
ministre de l'Éducation, le Conseil supérieur de
l'éducation et qui servent actuellement à orienter le
système scolaire au Québec, c'est-à-dire le livre vert,
L'école québécoise, l'enseignant et l'enseignante: des
professionnels; L'école s'adapte à son milieu; Une école
communautaire et responsable; Le régime pédagogique; Le projet
éducatif, L'esquive et les valeurs, et les nouveaux programmes
d'enseignement. "L'École québécoise, énoncé
de politique et plan d'action", nous dit que l'éducation au
Québec vise le développement intégral de la personne. Pour
ce faire, elle doit créer un milieu éducatif
équilibré qui permet de répondre aux besoins fondamentaux
de toute personne: autonomie, liberté, bonheur, aimer et être
aimé, transcendance. En un mot, il s'agit de favoriser
l'épanouissement d'une personne créatrice.
Comment est-ce possible de développer l'autonomie et la
créativité dans un système réglementé au
maximum? Un système qui crée des normes auxquelles les jeunes et
ceux qui les guident: enseignants, parents, directeur d'école,
commissaires, doivent se conformer? (minuit)
II y a un vieux principe en éducation qui dit qu'on ne peut pas
donner ce qu'on n'a pas. Des individus sans autonomie peuvent-ils
développer l'autonomie chez les jeunes? Est-ce en montrant aux jeunes
des adultes dans des situations de constante opposition, de réaction
plutôt que d'action, qu'on leur enseignera à être
constructifs et créatifs? Fénelon a écrit: "Les
leçons profitent peu si les exemples viennent les démentir."
Là où le bât blesse, c'est qu'il n'y a pas toujours le
contexte favorable et pas souvent l'organisation adéquate pour bien
accomplir notre mission.
Voyons ce qu'il en est. L'enfant et son environnement. L'enfant est un
individu, c'est un être biopsychosocial. Il constitue en lui-même
peut-être le système le plus complexe connu. Il est un tout bien
organisé qui réagit à une situation. Lorsqu'il bouge,
l'enfant agit, pense et ressent tout à la fois.
L'enfant fait partie d'un environnement plus grand que lui. Ce fait le
place au coeur d'un réseau complexe de relations quotidiennes qui
contribuent à façonner son présent et son devenir.
La vie de l'enfant est constituée de relations constantes et
dynamiques avec les éléments de son environnement qui
interagissent entre eux. Il reçoit d'eux, est stimulé,
sollicité par eux; il leur transmet des réponses et les influence
même. Dans ce tout dont il est le pivot, il est à la fois
émetteur et récepteur. Dans cette période
précédant la venue de l'enfant à l'école,
généralement, les parents occupent la principale place
d'éducateurs.
Indépendamment de l'école, l'enfant s'est
déjà forgé un univers dans lequel il a
intégré un certain nombre d'acquis, d'habitudes, de valeurs, etc.
L'école ne recevra pas un être vide, mais quelqu'un qui a
déjà vécu. La transition doit être la plus
harmonieuse possible. D'ailleurs, nous croyons que c'est ce qui constitue la
base de toute l'argumentation du document: L'école s'adapte à son
milieu.
L'enfant et la classe. Lorsqu'il arrive à l'école,
l'enfant se retrouve dans une classe confiée à la
responsabilité d'un ou de plusieurs enseignants. Nous ne nous
attarderons pas à fonder le rôle primordial de l'enseignant dans
la relation à l'apprentissage, car, M. le ministre, vous l'avez bien
fait dans votre document: L'enseignant et l'enseignante: des professionnels.
Nous affirmons cependant qu'à l'école le premier
éducateur, ce n'est plus le parent, mais l'enseignante ou l'enseignant.
Toutefois, les deux, parents et enseignants, sont intimement liés dans
une cause importante et difficile, c'est-à-dire celle de conduire le
jeune vers une plus grande maturité.
Pour jouer efficacement son rôle, l'enseignant aura besoin de
support et de la collaboration des parents. Il est souhaitable et
nécessaire que les efforts d'éducation de la classe et de la
famille soient coordonnés, compte tenu du fait qu'ils ont à
s'occuper des mêmes enfants. Toute autre considération devient un
prétexte à autre chose que l'éducation du jeune.
Contexte favorisant l'apprentissage. L'état actuel des
connaissances en éducation nous permet de dégager certains
contextes qui favorisent l'apprentissage chez le jeune. Croyant que la vie est
un apprentissage continuel, ces contextes sont aussi réels pour le
développement d'un adulte: un contexte qui encourage le jeune à
être actif et dans lequel le jeune se sent motivé, qui encourage
la découverte; un contexte qui respecte l'individualité du jeune,
dans lequel on reconnaît au jeune le droit de faire des erreurs, dans
lequel la divergence d'idées est considérée comme bonne et
désirable et dans lequel l'incertitude est tolérée; un
contexte qui encourage la communication; un contexte dans lequel le jeune est
encouragé à mettre
sa confiance autant en lui-même qu'en des sources
extérieures; un contexte qui permet la confrontation.
Nous voulons ici souligner que les nouveaux programmes veulent maximiser
les occasions où ces contextes seront présents. La lecture des
documents sur les programmes ne laisse aucun doute là-dessus. Nous
croyons qu'il est impossible de créer cet environnement pour le jeune
sans considérer l'élément le plus important de cet
environnement, c'est-à-dire le ou les enseignants qu'il côtoie. Il
devient par le fait même important que ces contextes se retrouvent pour
l'enseignante ou l'enseignant.
La classe et l'école. Ce sous-système de base qu'est la
classe se retrouve dans un système plus vaste qu'est l'école.
Certains verront l'école comme une somme de classes. La
réalité, cependant, devrait être tout autre. Le tout
devrait être plus grand que la somme des parties et c'est, à notre
avis, dans ce plus que prend racine le concept de projet éducatif.
Lorsqu'elle fut présentée pour la première fois, la
notion de projet éducatif semblait vouloir offrir une piste de travail
intéressante pour l'école et sa collectivité. Le projet
éducatif est, selon nous, aussi important pour la classe et
l'école que l'enseignante pour l'enfant. Pourquoi, si c'est important,
en est-on encore aujourd'hui à parler de projet éducatif et non
d'en vivre dans la plupart des écoles du Québec? Il semble bien
que seuls les marginaux et les clandestins aient réussi à faire
des pas dans ce sens envers et contre tous.
Au même titre qu'un enfant apprend mieux dans un contexte
favorable, le projet éducatif a besoin d'un contexte favorable pour se
développer. C'est d'ailleurs l'une des hypothèses de base du
livre blanc, une école communautaire est responsable. En laissant plus
d'autonomie à l'école, elle sera plus en mesure de définir
ses orientations et de faire ses choix propres, en d'autres termes, de se
prendre en charge. Ces contextes favorables à l'émergence du
projet éducatif sont essentiellement les mêmes, selon nous, que
ceux favorisant l'apprentissage énumérés
précédemment.
La participation des parents ayant pris racine dans la classe de leur
enfant, ils pourront, à ce moment, être des partenaires au niveau
de l'école, s'ils le désirent.
Les écoles et la commission scolaire. La commission scolaire est
elle aussi plus que la somme de ces écoles. Il ne faut pas la voir
au-dessus, mais avec les écoles. C'est là, à notre avis,
tout un changement de perspective que les discussions actuelles sur le projet
de loi 40 n'ont pas beaucoup éclairé.
Le rôle de la commission scolaire devrait être d'abord de
créer un contexte favorable à l'émergence, à la
réalisation du projet éducatif de ses écoles à
l'exemple d'une enseignante avec ses élèves et ce dans le respect
de chacune d'elles.
La commission scolaire et le ministère de l'Éducation.
À l'observation, il semble bien que le ministère de
l'Éducation du Québec joue en partie le rôle de
l'État, c'est-à-dire celui de définisseur des grandes
orientations et le rôle d'un centre administratif d'une supercommission
scolaire centralisée. Nous croyons qu'il est actuellement temps de
rajuster le rôle du ministère de l'Éducation.
Au niveau des orientations, si l'on se base sur les documents
cités en introduction, le travail est passablement fait. De nouvelles
orientations viendraient mêler davantage les cartes qu'autrement. C'est
peut-être du côté du support à la réalisation
de ces grandes orientations qu'il faudrait investir. Pourquoi ne pas soutenir
les projets qui émergeront de chacune des commissions scolaires? Pour
analyser les rôles utiles du ministère reportons-nous au contexte
favorisant l'apprentissage.
Lorsque le ministère de l'Éducation vient
réglementer à outrance la vie des commissions scolaires et des
écoles, c'est, à notre avis, une approche antiéducative
contre le développement d'attitudes autonomes qui favorisent peu la
prise en charge. Tous les programmes d'études, particulièrement
au primaire, nous indiquent de partir du vécu de l'enfant, de ses
besoins et de ses intérêts. Comment se fait-il que le
ministère n'applique pas ces principes quand il s'agit de sa propre
action. Encore là, les leçons profitent peu si les exemples
viennent les démentir.
Le célèbre économiste britannique Ernest Schumacher
a écrit: "N'importe qui peut compliquer les choses, mais il faut une
touche de génie pour les garder simples." Nous travaillons tous en
éducation et nous utilisons peu les approches propres à ce
secteur d'activité: Pourtant, nous savons fort bien qu'en
éducation tout est une question d'attitude, de comportement, de valeurs,
de respect de l'individu. Pourquoi alors agissons-nous et
légiférons-nous comme s'il en était autrement? La
naïveté ou l'irréalisme iraient-ils jusqu'à laisser
croire que parce qu'un nouveau programme d'études est
déclaré obligatoire au Québec, tous les enseignants vont
automatiquement devenir de bons dispensateurs de ce programme? Alors, pourquoi
forcer la nature?
Dans cette ligne de pensée, permettez-nous, M. le ministre, de
vous suggérer une approche qui respecterait les grands objectifs
poursuivis dans le projet de réforme scolaire et qui reprendrait les
principes éducatifs que vous défendez avec acharnement.
Quand un professeur a 25 élèves dans une classe, il peut
faire comme si les 25 élèves étaient semblables, les faire
entrer
tous dans le même moule ou essayer de respecter les 25 individus
qui lui sont confiés. Si l'enseignant choisit la deuxième voie,
on peut dire de façon générale qu'il assure la gestion de
la diversité dans sa classe et c'est ce que tout le monde souhaite.
M. le ministre, vous avez actuellement environ 250 élèves,
tous différents. Que vous vouliez en avoir moins, cela va; mais tous
pareils, cela ne va plus. À ce moment, vous faites le contraire de ce
que vous attendez des enseignants. Puisque la réforme souhaitée
vise presque essentiellement des changements au niveau des comportements et des
attitudes des divers intervenants du système d'éducation, nous
croyons, et vous devez le croire aussi, M. le ministre, qu'une approche
éducative conviendrait beaucoup mieux dans les circonstances.
Au niveau local, une première possibilité: Vous laissez un
an à chacun des milieux pour trouver les ajustements souhaités
par les divers intervenants et qui leur permettraient d'identifier les pas
à faire entre leur situation actuelle et leur situation
souhaitée, en d'autres termes, de prendre en charge le maximum
d'éléments de leur réalité.
Chacune des commissions scolaires peut planifier sa démarche en
collaboration avec ses écoles cette démarche pouvant varier d'une
commission scolaire à l'autre.
Une deuxième possibilité: Vous laissez au moins la chance
à certaines commissions scolaires d'expérimenter d'autres
modèles d'organisation scolaire.
Au niveau provincial, dans un contexte de respect des milieux, il
devient évident que l'approche du ministère de l'Éducation
doit être ajustée. Le ministère de l'Éducation
devrait être amené à gérer la diversité et
à supporter les commissions scolaires dans leur mission
éducative.
Durant cette année de réflexion il faudrait mettre en
place un comité dont le but serait de déréglementer au
maximum le système d'éducation. Nous vous demandons, pour ce
faire, de laisser de côté les regroupements provinciaux actuels,
car il est nettement démontré que, lorsqu'un appareil couche avec
un appareil, cela engendre normalement une "autre affaire pareille".
L'histoire, quoique intéressante et instructive, n'est pas
nécessairement prophétique dans un univers en transformation.
M. le ministre, il est peut-être temps de mieux utiliser tout le
potentiel et toute la compétence répartis dans tout le
Québec.
L'approche proposée suppose beaucoup de discussions au niveau des
écoles, des commissions scolaires et du ministère. Nous croyons
fermement que tous les intervenants en sortiront grandis, plus motivés,
plus confiants en leurs moyens. Cette approche est un peu plus longue que ce
que vous aviez prévu, mais tellement prometteuse. En éducation,
peut-être plus qu'ailleurs, il faudrait se rappeler que vite et bien ne
vont pas nécessairement de pair.
Certaines entreprises commerciales et industrielles s'interrogent
actuellement sur la mise en place de modèles d'organisation
inspirés d'approches éducatives. Il serait pour le moins
paradoxal que les entreprises d'éducation se fassent damer le pion sur
ce qui est leur raison d'être. Il nous semble que le débat actuel
porte sur des questions passablement loin des préoccupations
éducatives. Les adultes ont le droit de se tirer au poignet pour
l'obtention du pouvoir, mais qu'on utilise les enfants pour se justifier, nous
ne marchons simplement pas.
Nous avons en main tous les éléments desquels devrait
s'inspirer une réforme scolaire et c'est ce que nous avons voulu
dégager. Lorsque nous abordons les questions par le biais du pouvoir de
l'un par rapport au pouvoir de l'autre, nous manquons le bateau. Si, un beau
matin, au lieu de se voir un au-dessus de l'autre, on se voyait ensemble pour
accomplir une mission que tous reconnaissent très importante.
Je vous remercie beaucoup de votre attention. J'avais oublié de
me présenter tantôt. Je me nomme Roger Guillemette, directeur
général de la commission scolaire La Vallière.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Guillemette. M. le
ministre.
M. Laurin: Je veux d'abord saluer l'importante
délégation de la commission scolaire La Vallière, qui
réunit des représentants de toute l'équipe
écoles-commission scolaire ainsi que les nombreuses personnes qui
l'accompagnent. (0 h 15)
J'ai lu avec un très grand intérêt votre
mémoire et j'ai écouté avec non moins d'attention la
présentation que vous en avez faite. Je dois vous dire que je partage au
départ votre conception de l'éducation, du système
éducatif, une sorte de vision systémique du système
éducatif, on pourrait même dire dialectique. J'y ai
retrouvé de solides fondements philosophiques. J'ai cru
reconnaître en passant certains éléments fondamentaux de la
psychologie de la forme où le tout ne doit jamais être
conçu comme la somme des parties mais que le tout contient des
qualités qui lui sont propres et non pas simplement l'addition des
qualités de chacune des parties.
J'ai bien apprécié aussi votre conception de l'enfant que
vous définissez comme un être biopsychosocial, conception dont on
doit s'inspirer chaque fois qu'on tente d'établir une approche
intégrée et optimale de l'action éducative. Vous
définissez aussi le type de relation parent-
enfant en ce qui concerne l'éducation mais aussi l'approche de
l'enseignant, une relation éducative saine et structurante. Là
aussi, je pense qu'on ne peut être plus d'accord.
Il y a aussi beaucoup, dans votre conception, de belles liaisons qui
sont établies entre les rapports qui doivent s'établir entre
l'entourage et l'enfant qui est l'objet d'éducation. Un entourage qui
doit être travaillé de façon qu'il devienne un contexte
favorisant la structuration, la maturation et l'épanouissement de la
personne. De cet entourage font partie évidemment tous ceux qui
gravitent autour de l'enfant, qu'il s'agisse des parents, de l'enseignant, des
personnels non enseignants et également de l'entourage physique, de
l'entourage culturel. Je pense que c'est là une conception très
intéressante de l'éducation et je vois que vous l'appuyez sur de
nombreux auteurs.
Cela vous amène à jeter un regard critique sur la
façon dont fonctionnent nos systèmes éducatifs
actuellement. Pour aller droit au but, je pense que cela remet en question les
fonctions, les responsabilités des trois paliers majeurs du
système que sont le ministère de l'Éducation, les
commissions scolaires et les écoles. Ce serait là le sens de la
question que je veux vous poser: Selon vous, quel devrait être le
rôle, la fonction propre d'un ministère de l'Éducation,
surtout en nous rappelant que vous nous invitez à
déréglementer? Vous n'êtes pas contre le fait que le
ministère soit responsable des grandes orientations mais vous dites
cependant qu'il faudrait qu'il pense davantage à accorder du support aux
paliers qui s'étagent à la suite ou en dessous du
ministère et vous nous recommandez de déréglementer.
J'aimerais bien que vous précisiez sur quels points il faudra accorder
du support et dans quels domaines il faudrait déréglementer.
Deuxièmement, en ce qui concerne la commission scolaire, vous
affirmez en page 7 de votre mémoire que le rôle de la commission
scolaire devrait être d'abord de créer un contexte favorable
à l'émergence, à la réalisation de projets
éducatifs dans les écoles. Nous savons que certaines commissions
scolaires se sont acquittées avec honneur de cette tâche mais il
faut bien se demander pourquoi la plupart d'entre elles -comme le signalait
récemment fort à propos le Conseil supérieur de
l'éducation, à la page 49 de son mémoire - ont attendu
l'intervention gouvernementale pour procéder à une
responsabilisation de l'école.
Cela m'amène à glisser vers l'école maintenant.
Pour votre part, vous dites d'une façon éloquente que le projet
éducatif est aussi important pour l'école que l'enseignant ou
l'enseignante l'est pour l'enfant. On peut noter ici, assez curieusement dans
cette cinquième semaine de la commission parlementaire, que les
commissions scolaires, qui ont fait leur cette conception du projet
éducatif que vous avez énoncé ce soir, sont justement
celles qui veulent reconnaître à l'école des pouvoirs
décisionnels. Plusieurs commissions scolaires comme Morilac, Les
Écores, Jérôme-Le Royer, sont venues nous parler de leur
conception à cet égard.
Donc, pour glisser finalement vers l'école maintenant, est-ce que
vous seriez prêt, de votre côté, à accorder à
l'école des pouvoirs qui lui sont nécessaires pour
réaliser son projet éducatif? Si oui, lesquels pouvoirs vous
paraissent importants ou nécessaires? Donc, à partir du
ministère en passant par la commission scolaire pour aboutir vers
l'école, j'aimerais que vous nous précisiez davantage vos vues
dans le sens des trois sous-questions que je vous ai posées.
M. Guillemette: D'accord. Pour parler du rôle du
ministère, disons que je ne définirai pas tous les secteurs dans
lesquels le ministère pourrait intervenir. Je crois qu'il doit le faire,
de toute façon, dans les secteurs dans lesquels il intervient
actuellement. C'est plutôt dans l'attitude, dans la façon qu'il
intervient. À l'exemple d'un professeur avec ses élèves,
vous pouvez dicter autocratiquement telle ou telle chose à faire par les
élèves. Le ministère devrait plutôt essayer
d'adopter le rôle d'un enseignant avec ses élèves face aux
commissions scolaires. C'est-à-dire qu'il a quand même la
responsabilité d'assurer les grands encadrements mais qu'il laisse un
peu le soin à chacun de manoeuvrer comme eux pensent, en essayant
d'être à l'écoute de ces milieux et d'essayer de les
appuyer.
Le fait de commencer à définir des secteurs
d'intervention, c'est un peu mécanique et je trouve que le
ministère produit de belles choses. Il y a là une quantité
de choses intéressantes et il nous amène de l'information de
l'extérieur. Le problème c'est que, finalement, parfois cela nous
est garroché quand on n'est pas prêt ou encore, on a
commencé à travailler sur autre chose et il faut laisser cela de
côté pour essayer d'être à la page un peu parce qu'on
se dit que cela vient du ministère. C'est pour cela que ce que le
ministère fait actuellement, il devrait continuer à le faire mais
en ne déversant pas cela dans le système
inconsidérément, c'est-à-dire en attendant que des jeunes
demandent du support ou encore qu'il y ait un milieu favorable qui le propose
comme champ d'expérimentation.
Sans doute qu'il y a peut-être des fonctions actuellement qui
pourraient être considérées un peu moins importantes. Mais
dans les fonctions importantes, il y a sûrement tout l'aspect recherche,
l'aspect innovation qu'il doit supporter. Je me dis que tout bon système
éducatif doit favoriser beaucoup l'innovation. Là-dessus, le
ministère
a un rôle à jouer pour encourager les élèves
les plus créatifs, donc les commissions scolaires les plus
créatives et qu'on devrait essayer de les utiliser au lieu de, par
exemple, toujours se demander s'il passe dans le moule ou pas. Il y a toujours
un article quelque part qui nous amène, si on veut faire quelque chose,
à passer à côté. C'est dans ce sens que je me dis
que les règlements devraient peut-être être élargis
un peu dans le sens qu'on devrait éviter de trop préciser une
norme ou encore de trop dicter quoi faire dans telle circonstance. Comment
faire de façon générale, d'accord, mais, aller dans les
détails... Par exemple, que vous devez déposer tel rapport dans
la deuxième semaine de septembre. Quand on a compris ce que cela vient
faire dans le système, on sait à peu près vers quelle date
on doit déposer cela. Éviter, disons, d'avoir trop de
règles précises.
Mais vous comprenez bien que c'est un travail - je parlais d'un
comité - qui demanderait... Avant d'enlever une règle, il faut
voir les conséquences que cela aurait et je ne suis pas prêt
à le faire ce soir parce que, si je le faisais, je ferais le travail
d'un comité et je pense que cela mériterait quelques heures de
rencontre là-dessus. Enfin, c'est plutôt dans l'attitude du
ministère.
Pour la commission scolaire, personnellement, je ne conçois pas
une commission scolaire autrement que d'être là pour supporter ses
écoles. Qu'est-ce qu'on doit donner à l'école? C'est tout
ce qui touche sa vie courante. La vie courante dans l'école, ce qui s'y
passe c'est l'enseignement, des activités éducatives. À
part cela, il ne se passe pas tellement de choses. Elles concernent toutes la
vie de l'élève, la dynamique qu'il y a entre les enseignants et
le directeur. C'est finalement lui laisser sa marge de manoeuvre pour souffler,
comme chez nous on essaye de le faire. On le fait, disons, en étant
peut-être un peu hors la loi. Ce ne sont pas des
délégations officielles. C'est encore dans les mentalités.
À un moment donné, c'est une attitude à avoir. C'est bien
sûr qu'en étant à la commission scolaire on peut toujours
se présenter comme ayant le pouvoir, ayant l'autorité et dire:
vous allez faire cela. On peut aussi, comme un bon professeur fait, essayer
d'écouter ses élèves et des amener à - en tout cas
-essayer de les respecter tels qu'ils sont et essayer de les faire
cheminer.
Encore là, pour parler de choses précises sur la
commission scolaire, ce sera un travail un peu plus élaboré que
ce que je pourrais vous dire ce soir. Si on était prêt à
déléguer des pouvoirs à l'école officiellement, on
pourrait l'écrire. Dans la pratique, c'est fait. Je pense que les
écoles ont déjà une bonne marge de manoeuvre. Comme on le
dit à un moment donné, d'une école à l'autre cela
peut varier. Une école peut être prête à en prendre
plus, mais arriver avec le modèle défini pour dire à
toutes nos écoles on va leur déléguer tel et tel pouvoir,
il y en a peut-être qui ne voudront pas l'avoir. Je me dis que c'est un
ajustement qui doit se faire. Une commission scolaire doit être assez
souple pour traiter avec ses écoles comme un professeur traite avec
chacun de ses élèves. Donc, si un élève est capable
d'en prendre plus, c'est ton devoir non seulement de lui en donner plus mais de
l'amener à dépasser un peu l'état où il est
actuellement.
À tous les niveaux, c'est une question de vision des choses.
C'est plus qu'une question de définir sur papier ce qu'on fait. C'est
toujours plus facile de s'entendre dans un milieu donné que d'essayer de
s'entendre au niveau du Québec. Dans notre milieu c'est assez
diversifié. Vous comprenez que c'est quand même limité
comme milieu. On réussit à s'entendre sur un minimum de choses.
On ne travaille pas sur les choses sur lesquelles on ne s'entend pas mais sur
celles sur lesquelles on s'entend. Si on travaillait sur les choses sur
lesquelles on ne s'entend pas, on passerait son temps à se chicaner,
bien sûr. À partir du moment où on fait un choix c'est un
choix qu'on fait chez nous; ailleurs ils en font sans doute d'autres - le
climat est un peu plus constructif. On est capable à un moment
donné de faire certaines concessions pour favoriser le
développement de l'école ou de toute notre organisation.
M. Laurin: Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Guillemette. Merci, M.
le ministre. M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, il me fait plaisir de saluer la
magnifique délégation de Saint-Félicien qui est ici ce
soir. Je veux féliciter les nombreuses personnes qui vous accompagnent
de la patience exemplaire qu'elles ont démontrée en attendant
aussi longtemps pour avoir l'occasion de causer avec les membres de la
commission parlementaire. J'espère que vous aurez un beau voyage de
retour. Si vous voulez rester demain pour suivre les travaux, cela nous fera
bien plaisir de vous avoir avec nous vu que serez obligés de passer la
nuit ici. Vous nous apportez un peu d'air pur du Lac-Saint-Jean alors que nous
passons beaucoup de temps à discuter de tuyauterie, d'aspects
légaux.
Vous nous dites que la vraie manière d'aborder les
problèmes de l'éducation est toute autre. Vous nous parlez de
l'esprit dans lequel vous essayez de travailler. À causer avec vous,
j'ai cru constater que cela ne va pas si mal entre vous dans le secteur de
l'enseignement, malgré les verdicts souvent
péjoratifs qui sont portés par le ministère de
l'Éducation. Il y a peut-être plus de santé dans le
système que le ministre... Un médecin est toujours un petit peu
porté à voir des maladies. Je ne vais pas plus loin. Je ne
précise pas le type de médecine.
C'est une chose qui m'a toujours frappé, en circulant à
travers le Québec, de constater qu'il y avait beaucoup plus de
santé que veulent le reconnaître les diagnostiqueurs
patentés, les gouvernements, les universités et même
parfois des journaux, dont j'ai fait longtemps partie. (0 h 30)
II y a une chose qui me venait à l'esprit en vous
écoutant. Je regardais cela et je me posais la question... Ici, nous
discutons du projet de loi 40; vous autres, que feriez-vous avec ce projet?
C'est notre problème. Vous n'en parlez pas dans votre mémoire,
vous tournez autour. Je suis habitué à un langage plus direct de
la part des gens du Lac-Saint-Jean, en particulier, où j'ai eu le
bonheur de passer quelques années de mon enfance. Je voudrais que vous
nous disiez franchement ce que vous nous proposez à la fin; une
année d'expérimentation au niveau des écoles, des
commissions scolaires, un comité qui verrait à
débroussailler la réglementation ministérielle en
matière d'éducation? Est-ce que je comprends bien votre
pensée en supposant que pendant ce temps vous recommanderiez au ministre
peut-être de remiser son projet de loi quitte à nous revenir plus
tard quand il y aurait un peu d'air frais qui aurait circulé
là-dedans à partir de l'expérience faite un peu partout?
C'est ma question.
M. Guillemette: Je pense qu'il y a des fondements qu'on ne doit
pas laisser de côté, en tout cas, qui ont été
écrits dans le livre blanc, qu'on retrouve peut-être un peu moins
dans le projet de loi 40, mais on les retrouvait clairement dans le livre
blanc. Il faudrait laisser peut-être la possibilité à
chacun des milieux de comprendre cela à sa façon. C'est sûr
qu'un projet de loi va aller dans le sens d'un modèle qui va être
proposé à l'ensemble des commissions scolaires au Québec.
Dans ce contexte, cela voudrait dire peut-être attendre un peu et voir si
c'est vraiment sincère ce que les personnes disent. Si les parents
disent qu'il n'y a pas de problème chez eux et les professeurs, qu'il
n'y a pas de problème, les commissaires, c'est parfait et que pour les
directeurs d'école et tout le monde c'est parfait, à ce moment,
je me dis qu'une restructuration chez eux c'est moins senti que dans un autre
milieu. Si on se base sur les sons de cloche qu'on a entendus, on aurait des
raisons de croire que cela ne se parle pas tellement dans chacun des
milieux.
Après le livre blanc, il y a des organismes qui sont partis de
côté et pourtant c'était tout du monde qui partait à
peu près de la même place. Ce sont tous des commissaires, des
parents, des enseignants, des directeurs généraux, des directeurs
d'école. Mais ils ont tous utilisé leur tribune qui est une
tribune plus élevée que la nôtre. D'accord, c'est bien
sûr que, quand c'est un organisme provincial qui se présente ici,
il y a pas mal plus de "swing" que quand c'est une petite commission scolaire
du Lac-Saint-Jean. Il reste que dans le fond tout ce monde a des racines
quelque part. Il faudrait leur laisser la chance d'aller tenir leurs discours
chez eux. J'ai participé au début de la commission parlementaire,
il y en a qui ont tenu des discours ici, j'aimerais cela qu'ils aillent les
tenir devant les enseignants chez eux ou bien devant leurs directeurs
d'école ou devant les commissaires, dépendant des groupes qui
sont venus. Ils verraient qu'il y aurait peut-être des bouts de chemin,
des ajustements à faire chacun chez eux. De toute façon, ce
cheminement, si on se reporte au processus éducatif, tant que les gens
ne se seront pas posé la question, qu'ils n'auront pas senti le
problème chez eux, tout ce qu'on va leur donner, cela va être
considéré comme étant soit à côté du
sujet ou encore comme utopique, comme une mauvaise lecture de la
réalité, en tout cas, tous les qualificatifs qu'on pourrait
trouver.
Je dis qu'il faudrait donner la chance à chacun des milieux. Si
la seule possibilité c'est de retarder le projet de loi 40, on devrait
le retarder peut-être, mais à certaines conditions, d'accord? Si
dans un an la bisbille est prise ou que vous n'avez pas réussi à
nous présenter un plan qui se tient, regardez c'est quoi, nous autres,
le modèle qu'on recommande. C'est pour avoir une assurance que tout le
monde entrera dans un moule au moins acceptable s'ils ne sont pas capables de
s'en trouver un pour eux autres.
M. Ryan: II y a une chose sûre, d'après ce que j'ai
compris, de ce que vous avez dit, vous ne seriez pas prêts à
imposer un moule uniforme à toutes les écoles qui relèvent
de votre commission scolaire. Il y a des situations différentes. II y a
des problèmes différents d'une école à l'autre.
Vous appliqueriez un peu le même raisonnement au gouvernement par rapport
aux commissions scolaires.
M. Guillemette: Oui. Si on veut un système fort, si on
veut une commission scolaire forte, cela nous prend des écoles fortes.
D'accord? Une chaîne, ce n'est pas plus fort que le plus faible de ses
maillons. Si on ne tient pas compte du vécu dans nos écoles, on
ne leur assure pas ce dont elles ont besoin pour vivre. Quand même on
aurait une belle façade au niveau de la commission
scolaire, il y aura des malaises quelque part. On est mieux de partir de
nos cellules que sont les écoles, de les renforcer tant qu'on peut et on
n'a pas à s'inquiéter, la commission scolaire va être
forte. Si on a des écoles fortes et s'il y a des commissions scolaires
fortes au Québec, le système d'éducation sera fort et le
ministère sera fort aussi. Il n'y aura pas à s'inquiéter.
Il va y avoir des gens pour réaliser les projets ou, en tout cas, tout
ce qui pourra mijoter quelque part.
M. Ryan: Très bien. Vous autres, vous êtes une
commission scolaire de niveau primaire.
M. Guillemette: Oui.
M. Ryan: Combien avez-vous d'écoles et combien
d'étudiants?
M. Guillemette: On a une clientèle cette année de
1796 élèves. Il y a six écoles à peu près
d'égale dimension. Il y en aurait douze... Actuellement, c'est notre
situation.
M. Ryan: Êtes-vous favorables, vous autres, au regroupement
des commissions scolaires primaires et secondaires? Est-ce une solution qui
vous apparaît désirable dans votre coin à court terme ou si
c'est une chose à laquelle vous voudriez venir progressivement, par
étapes? Quelle est votre attitude là-dessus?
M. Guillemette: Je dis que c'est souhaitable administrativement;
c'est indiscutable, administrativement. Pédagogiquement, il va falloir
s'assurer d'un certain respect des conditions qui existent actuellement au
primaire, d'une approche des choses qui existent, mais ce n'est pas impossible
et je me dis que c'est un travail à faire. C'est un défi à
relever au niveau d'une commission scolaire, mais ce n'est pas une
évidence que cela va rapporter automatiquement de gros résultats
sur le plan pédagogique, sur le plan des services éducatifs dans
toutes les commissions scolaires. Je ne suis pas sûr de cela - et cela a
été avancé plusieurs fois - que parce qu'on est gros on
est bon.
M. Ryan: Mais je vous pose la question, parce que c'est une
proposition du projet de loi qu'on a pour ainsi dire tenue pour acquise. On ne
l'a jamais discutée véritablement ici. Cela m'intéresse
d'avoir votre réaction là-dessus. Vous autres, vous êtes
rattachés à quelle commission scolaire régionale?
M. Guillemette: C'est la régionale Louis-Hémon.
M. Ryan: La régionale Louis-Hémon? M.
Guillemette: Oui.
M. Ryan: Cela va bien de ce point de vue-là, il n'y a pas
trop de problèmes? Vous en faites partie avec combien de commissions
scolaires?
M. Guillemette: II y a cinq commissions scolaires sur le
territoire.
M. Ryan: II n'y a pas de problèmes de ce
côté-là? Cela marche dans l'harmonie?
M. Guillemette: II n'y a pas de problèmes... on ne les
côtoie pas tellement. De temps en temps, mais...
M. Ryan: Vous n'y allez pas, mais vos commissaires y vont.
M. Guillemette: M. Lachance pourrait peut-être...
M. Lachance (Victor): Je pense qu'au niveau de la commission
scolaire régionale Louis-Hémon on ne décèle aucun
problème majeur. Comme M. Guillemette vient de le dire, on se rencontre
quatre fois par année et l'exécutif, tous les quinze jours. Cela
semble fonctionner assez bien. Peut-être que dans le passé il y a
eu des années plus difficiles à traverser. Il y a eu des
constructions de polyvalentes, mais, aujourd'hui, tout est en place et cela
fonctionne assez bien.
M. Ryan: A-t-elle son siège social à Alma?
M. Lachance (Victor): Le siège social est à
Dolbeau.
M. Ryan: À Dolbeau?
M. Lachance (Victor): Oui.
M. Ryan: Une autre question, vous parlez de l'enseignant. Vous
dites que vous avez consulté des enseignants dans votre réflexion
qui a conduit...
M. Guillemette: Oui.
M. Ryan: ...à vos conclusions. Comment le voyez-vous dans
le processus? Vous dites, c'est un élément absolument essentiel:
Quand on arrive à l'école, c'est lui qui est le premier. Le
parent est très important, mais c'est l'enseignant qui est dans la
classe avec l'élève. Dans le projet de loi 40, trouvez-vous qu'on
fait une place convenable à l'enseignant? Avez-vous regardé le
projet de loi sous cet angle?
M. Guillemette: Non. Je considère qu'on ne donne pas la
place à l'enseignant, la place qu'il occupe en réalité.
C'est presque indiscutable. L'enseignant a une place très importante
dans le système. Indépendamment de la place qu'on lui fera dans
un projet de loi, en réalité, quand sa porte de classe est
fermée, c'est lui qui est roi et maître dans la classe. D'accord?
On a toujours fonctionné ainsi. C'est une réalité qu'il
faut accepter, mais il faudrait que cela se reflète à des niveaux
supérieurs et, au niveau décisionnel, je trouve que les
enseignants ne prennent pas la place qu'ils devraient prendre. Qu'on leur ait
offert cette place à certaines occasions et qu'ils ne l'aient pas prise,
peut-être, mais il reste qu'il faudrait travailler là-dessus pour
la leur laisser. Les décisions qui vont se prendre au niveau de
l'école vont être particulièrement des décisions
pédagogiques, à caractère éducatif, qui vont soit
intervenir dans le projet éducatif ou dans les activités de
l'école. Ce ne seront pas des décisions purement administratives,
parce qu'en éducation, de la pure administration, il y en a moins qu'on
pourrait le penser; en tout cas, à mon avis.
M. Ryan: En gros, si je vous comprends bien, ce dont on a besoin
dans le système d'enseignement à l'heure actuelle, c'est beaucoup
plus de communications vivantes, d'expérimentations, d'innovations, de
recherche de voies nouvelles que de législation trop minutieuse et trop
uniformisante.
M. Guillemette: À mon avis, oui, c'est de cela qu'on a le
plus besoin et de se tourner un peu vers l'avenir. J'ai fait une transition,
j'étais au collégial et c'était un milieu un peu plus
tourné vers l'avenir. Quand je suis arrivé dans une commission
scolaire, c'était traditionnel. Pourtant, les jeunes, du passé
derrière eux, ils n'en ont pas tellement; donc, ce devrait être un
milieu beaucoup plus en ébullition que ce qu'on retrouve actuellement
dans certains milieux.
M. Ryan: Merci beaucoup.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député d'Argenteuil.
M. le député de Mille-Îles.
M. Champagne (Mille-Îles): Merci beaucoup, M. le
Président. Il me fait plaisir de saluer la nombreuse
délégation du Lac-Saint-Jean et de souligner que, même s'il
est une heure du matin, tout le monde est très attentif à tout ce
qui se dit autour de cette table. On sait l'importance que les parents
accordent à l'éducation des enfants et c'est assez dynamisant,
assez stimulant d'entendre les commentaires du porte-parole, du directeur
général de la commission scolaire. C'est à partir du
vécu de l'enfant, des besoins de l'enfant, des intérêts de
l'enfant que vous établissez votre philosophie. Vous avez parlé
de l'école responsable, c'est la base. Vous disiez qu'on aura une
commission scolaire forte pour autant qu'on aura des écoles très
fortes, c'est cela, la base.
Une autre chose m'a aussi frappé: vous ne voulez pas de
modèle unique. Sur cela, je suis d'accord avec vous. Je pense que chaque
milieu, chaque école doit avoir son projet éducatif selon la
préoccupation du milieu, la préoccupation éducative de
chacun des enfants avec tous les services qui vont faire qu'on va
répondre aux attentes des enfants.
Vous parlez de philosophie de base, de vécu dans le milieu, et
jamais on ne sent que vous êtes favorable à la loi 40 par laquelle
on donne tous les moyens aux parents du milieu, avec les étudiants, avec
les professeurs et avec le directeur. Vous avez une philosophie et la loi 40
vient appuyer cette philosophie dans la concrétisation, dans la
réalisation. Pourquoi êtes-vous plutôt timide? Je voudrais
savoir pourquoi vous ne dites pas: Nous saluons d'une façon positive la
loi 40 parce qu'elle va nous permettre d'atteindre les objectifs que nous
poursuivons? C'est ma question.
M. Guillemette: On est un peu tiraillé là-dedans.
Il y a des fondements de la loi 40 ou du livre blanc qui appuient beaucoup
notre vision des choses, mais il y a aussi des contradictions assez flagrantes.
Quand on vous propose des articles qui viennent gérer notre vie, on
n'est plus d'accord. Cela dépend de notre vision des choses, on pourrait
dire qu'on est d'accord, mais si on apporte tel amendement, on pourrait aussi
dire qu'on est en désaccord, mais à cause de tel article. Selon
notre point de vue, on ne peut pas porter un jugement, on ne peut pas
être pour ou contre.
Il faut peut-être relire la loi. On a parlé de lunettes, au
début, pour voir où cela accroche. À mon avis, cela
accroche dès l'instant où on dit: C'est comme cela que vous allez
fonctionner. Là, cela accroche.
La base, comme telle, comment cela devrait fonctionner pour l'ensemble
du Québec, la base de l'école, le pivot du système, c'est
indiscutable, à mon avis, mais, que tout le monde soit au même pas
en même temps, ce n'est pas une réalité.
M. Champagne (Mille-Îles): II me semble qu'il y a une
espèce de contradiction lorsqu'on voit à la fois le projet de
loi, qui veut respecter le milieu, l'école du milieu, une école
responsable, et le fait qu'il va y avoir beaucoup de différences entre
certains milieux, selon la teinte qu'on veut leur donner. Vous êtes
favorable à l'idée que
l'école devienne le pivot du système. Si les gens du
milieu s'aperçoivent qu'il y a beaucoup de contraintes administratives,
c'est peut-être à eux de les enlever. S'il y a trop de
règlements, trop de critères à remplir pour avoir droit
à la salle de l'école en fin de semaine ou au point de vue du
transport, c'est l'école qui peut y voir. Je pense que vous avez toute
la latitude. Si on concentrait tout le pouvoir à la commission scolaire,
là ce serait peut-être plus compliqué. On serait beaucoup
plus porté à avoir le modèle unique. Puisque vous
êtes en faveur du pivot du système au niveau des écoles,
vous voulez qu'on respecte le vécu de l'enfant - vous ne partagez
peut-être pas mon opinion - et que les parents veulent s'impliquer, la
loi 40 donne les moyens au milieu de réaliser le projet éducatif
à l'image du milieu. Enfin, c'est là mon commentaire.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Mille-Îles. Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. J'ai un peu de
remords de vous garder encore cinq minutes, à l'heure où on est
rendu. Mais je veux vous remercier d'être venus, chacun et chacune
d'entre vous. C'est vrai que cela apporte un autre son de cloche. Vous nous
apportez un message. Vous dites: On est un peu tiraillé. Mais votre
message ne l'est pas. Vous apportez un message de paix. Vous dites:
L'éducation, cela se construit dans la paix. Cela ne se construit pas
dans la confrontation. Cela ne se construit pas dans les directives. Cela ne se
construit pas dans des normes rigides. Surtout au point où on en est
rendu, on n'est plus dans les années trente-cinq, quarante, ou
même cinquante. Notre système d'éducation a quand
même évolué. Tout le monde veut le faire évoluer
davantage. Je pense que c'est un objectif que tout le monde partage. Mais
comment s'y prend-on pour le faire évoluer d'une façon positive?
Est-ce que c'est en l'encarcanant davantage? Est-ce que c'est en se dressant
les uns contre les autres? Parce que vous l'avez bien dit, il ne faut pas se
leurrer, il ne s'agit pas ici de prendre la part des uns ou des autres, qui a
eu raison ou qui a eu tort; mais c'est fort évident qu'on sent dans le
débat qui a lieu ici, à la commission parlementaire, qui a lieu
aussi dans les milieux d'éducation, une espèce de confrontation
des uns contre les autres. Je pense que cela, à la fin, n'est pas
productif. C'est cela que vous êtes venus nous dire.
Est-ce que je me trompe? Peut-être que, demain, le
député de Mille-Îles, qui n'a jamais de mauvaises
intentions, je puis vous l'assurer, vous citera comme étant venus
appuyer le projet de loi 40. Je vois que vous n'êtes pas tombés
dans le piège, vous n'avez pas besoin d'appuyer notre thèse non
plus.
Mais la seule question que je veux vous poser, c'est celle-ci: Est-ce
que le message, que vous êtes venus nous porter, pourrait être
celui-ci: On est tous d'accord pour faire avancer l'éducation, mais ces
choses ne se légifèrent pas nécessairement, au point de
départ, cela doit être basé sur une motivation des gens,
sur une évolution des mentalités et sur un désir
véritable de se concerter et non pas de s'affronter? Est-ce que c'est un
peu cela, le message que vous êtes venus nous porter? Et dans l'immense
Québec, là où on en est rendu dans l'évolution du
système d'éducation, c'est difficile de penser à des
nombres très stricts, à un projet uniforme, que ce qui est dans
le projet de loi convient à tout le monde de la même façon.
Est-ce que c'est un peu cela que vous êtes venus aussi nous dire? La
grande diversité du Québec, là où chacun en est
rendu dans sa démarche, que ce soit au niveau des écoles, que ce
soit au niveau des commissions scolaires, si l'on veut avancer davantage, le
ministère de l'Éducation a peut-être un rôle
d'animateur à jouer, un rôle de sensibilisation à faire,
mais qu'on laisse au milieu aussi la possibilité d'évoluer selon
son caractère propre.
M. Guillemette: Ah oui, c'est exactement cela.
Le Président (M. Blouin): Alors...
Mme Lavoie-Roux: Et je ne pense pas que vous soyez venus nous
appuyer. Je pense que vous êtes venus nous porter un message. Vous
n'êtes pas venus nous appuyer, vous plus que les autres.
M. Guillemette: Non, non, non.
Mme Lavoie-Roux: Et je veux vous avertir que je ne l'utiliserai
pas dans ce sens-là.
Le Président (M. Blouin): II semble, Mme la
députée de L'Acadie, que vous ayez bien saisi le message. Sur ce,
je remercie les représentantes et représentants de la commission
scolaire La Vallière de s'être déplacés de si loin,
d'avoir été si patients et aussi d'avoir collaboré aux
travaux de cette commission parlementaire.
Sur ce, la commission élue permanente de l'éducation
ajourne ses travaux à demain matin, non pas 10 heures, mais 11
heures.
(Fin de la séance à 0 h 50)