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(Dix heures onze minutes)
Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Mesdames, messieurs, la commission élue permanente de
l'éducation reprend ses travaux. Je vous rappelle que le mandat de la
commission est d'entendre toute personne ou tout groupe qui désire
intervenir sur le projet de loi 40, Loi sur l'enseignement primaire et
secondaire public.
Les membres de cette commission sont M. Brouillet (Chauveau), M.
Champagne (Mille-Îles), M. Maltais (Saguenay), M. Lachance (Bellechasse),
Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Hains (Saint-Henri), M. Laurin (Bourget),
M. Leduc (Fabre), M. Le Blanc (Montmagny-L'Islet), M. Payne (Vachon) et M. Ryan
(Argenteuil).
Les intervenants sont M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Charbonneau
(Verchères), M. Dauphin (Marquette), M. Doyon (Louis-Hébert), M.
Lazure (Bertrand), Mme Harel (Maisonneuve), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M.
Paré (Shefford), M. Rochefort (Gouin) et M. Maciocia (Viger).
Aujourd'hui, nous entendrons successivement les groupes suivants: la
commission scolaire Jérôme-Le Royer; ensuite, les organismes
provinciaux de promotion et de défense des droits et des
intérêts des personnes handicapées regroupent l'Association
du Québec pour les déficients mentaux, l'Association du
Québec pour enfants avec problèmes auditifs, l'Association de
paralysie cérébrale du Québec, l'Association canadienne de
l'ataxie de Friedreich, l'Association québécoise pour enfants et
adultes ayant des troubles d'apprentissage, la Société
québécoise de l'autisme, l'Association québécoise
des parents d'enfants handicapés visuels. Par la suite, nous entendrons
l'Association féminine d'éducation et d'action sociale et,
finalement, le comité de parents de la Commission des écoles
catholiques de Québec.
Oui, M. le député de Saint-Henri.
M. Hains: Oui. Sur une question de règlement, M. le
Président. Est-ce que je pourrais demander l'assentiment de la
commission pour faire une mise au point sur ma question d'hier soir?
Le Président (M. Blouin): On m'a signalé que vous
désiriez faire une toute brève intervention avant que nous
commencions nos travaux, avec le consentement des membres.
M. Hains: Quelques minutes seulement.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Allez-y, M. le
député de Saint-Henri.
M. Hains: Merci.
M. Ryan: Soyez sans inquiétude, il ne s'agit pas
d'organismes qui auraient demandé à être entendus.
M. Hains: Non, non, non, non.
Le Président (M. Blouin): Cela me soulage, M. le
député d'Argenteuil.
Mise au point M. Roma Hains
M. Hains: Hier soir, M. le Président, lors de la
discussion sur le mémoire de là Commission des droits de la
personne, j'ai présenté aux membres de cette commission le cas
bien précis de mon ancienne école,
Coeur-Immaculé-de-Marie.
Pour les besoins de la cause, je résume un peu la question. Il y
a à peine cinq ans, à cette école, une dizaine d'enfants
avaient demandé l'exemption des cours de religion. Ils devaient suivre
des cours de morale et tout allait bien. Aujourd'hui - comme je le disais hier
soir - supposons qu'il y ait une centaine d'enfants exemptés. Je reviens
ce matin parce qu'après vérification il n'y a actuellement que
cinq enfants exemptés du cours de religion.
Je posais la question suivante aux membres de la commission: Les parents
de ces enfants exemptés pourraient-ils, au nom de l'article 10 de la
Charte des droits et libertés de la personne, demander le retrait du
statut confessionnel pour discrimination illicite envers les enfants? La
réponse fut oui, de la part des commissaires de la charte.
Cette question et cette réponse m'ont tracassé
véritablement toute une partie de la soirée. C'est pourquoi je
voudrais, ce matin, faire une petite mise au point pour le
bénéfice de nos parents et même, aussi, de la commission.
Je vais être très court. Je suis quand même très
heureux ce matin de
vanter les interventions de M. le ministre et de notre porte-parole sur
ce sujet très délicat. Je voudrais rapidement, de mémoire,
avec les quelques notes que j'ai prises sur les arguments relever certaines
choses qui sont venues des intervenants.
Premièrement, les valeurs revendiquées par la
confessionnalité sont en fait partagées par toute la
société, dixit M. Laurin. Les dangers de la discrimination, tels
qu'apportés par les commissaires de la Charte des droits et
libertés de la personne - je cite M. Laurin - sont des
réalités appréhendées plutôt que
constatées. Les avis - ce sont toujours ceux de la Charte des droits et
libertés de la personne - sont en contradiction actuellement avec ses
avis précédents de 1979 sur la liberté de religion et sur
son étude réalisée en 1980 sur la notion de discrimination
(encore une parole de M. Laurin). "Le mémoire de la charte ignore
totalement la constitution canadienne à l'article 93 sur la garantie des
droits à la confessionnalité." (M. Ryan). La loi n'est qu'un
reflet de l'expérience socio-historique du vécu scolaire tel
qu'accepté et soutenu par le conseil de l'éducation et le rapport
Parent (M. Ryan). Il ne faut pas faire de la politique en centrant un
mémoire sur une question aussi délicate que la
confessionnalité, surtout par un organisme public et qui est payé
aux frais de la population (M. Ryan). Il ne faut pas se livrer seulement
à la logique mathématique et desséchante sur une question
d'une telle importance (encore M. Ryan).
Voilà, M. le Président, les arguments les plus valables
pour rassurer les parents qui, hier soir, appelaient mon épouse à
domicile parce qu'ils nourrissaient beaucoup d'inquiétude sur cette
réponse.
Le Président (M. Blouin): Enfin, M. le
député...
M. Hains: Je termine par un petit mot. Juste une petite
conclusion. Vous allez l'aimer, celle-là, M. le Président. Quant
à nous, du Parti libéral, qui ne partageons pas toujours les
idées du parti ministériel, nous ne demandons pas au Parti
québécois d'évacuer le Parlement. Nous ne menaçons
pas, non plus, de former un pouvoir parallèle à Montréal.
Nous avons vraiment ici, je crois, le gage et la preuve de la
démocratie, le respect de la majorité, la lutte noble et loyale
pour le respect de la liberté. J'espère que ce modèle de
démocratie où on peut avoir des idées différentes
pourrait être applicable dans nos écoles. Je vous remercie.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Saint-Henri.
Sans plus tarder, je demande maintenant aux représentantes et aux
représentants de la commission scolaire Jérôme-Le Royer de
nous livrer en une vingtaine de minutes le contenu de leur mémoire. Nous
procéderons ensuite aux échanges entre nos invités et les
membres de la commission.
Commission scolaire Jérôme-Le
Royer
M. Gagliano (Alfonso): M. le Président, messieurs les
membres de la commission parlementaire, il me fait plaisir de vous
présenter les membres de la délégation de la commission
scolaire Jérôme-Le Royer: à ma droite, M. Maurice Poirier,
directeur général, Mme Jeannette Masse, membre de
l'exécutif, M. Dominic Perri, commissaire; à ma gauche, Mme
Ghislaine Boisvert, présidente du comité exécutif, M.
Joseph Morselli, délégué au conseil scolaire de
l'île de Montréal, et M. André Gauthier, directeur
général adjoint. J'aimerais souligner la présence d'autres
gens de notre commission scolaire: notre vice-président, M. Gilles Dion,
qui est derrière nous, les commissaires, Mme Josée Fillion, M.
Guy Parent et M. Pierre Vidal, ainsi que notre secrétaire
général, M. Jean Tondreau.
La commission scolaire Jérôme-Le Royer regroupe une
clientèle de quelque 22 000 élèves. Ces
élèves proviennent de milieux très
caractérisés et différents à plus d'un point de
vue, situés dans l'est de la ville de Montréal dans les centres
urbains de Saint-Léonard, d'Anjou, de Montréal-Est et de
Pointe-aux-Trembles. La population de la commission scolaire
Jérôme-Le Royer représente une mosaïque ethnique,
sociale, culturelle, économique et éducative fort
diversifiée. Nous exerçons notre action dans une jeune
société hétérogène, en pleine
évolution, qui se métamorphose et dont les difficultés
d'articulation et de vie dépassent celles de l'ordinaire.
La constitution de notre commission scolaire, dans sa forme
présente, niveaux primaire et secondaire intégrés, ne date
que de dix ans. Nos problèmes de fond sont ceux de tout organisme, de
toute société dynamique qui se développe et qui progresse.
Ces problèmes se réfèrent aux valeurs; ils touchent les
ethnies; ils concernent les traditions et souvent débordent sur des
certitudes et des comportements. Voilà autant d'aspects, M. le
Président, qui génèrent tout naturellement, à
l'occasion, des interrogations, des approches différentes, des
difficultés de cheminement et d'adaptation. Plutôt que de s'en
surprendre ou encore de s'en offusquer, nous préférons, quant
à nous, considérer que ces difficultés portent en
elles-mêmes les germes de richesse d'avenir insoupçonné
dans lesquels se façonne une nouvelle société au
Québec. Pour prendre un langage d'actualité, il importe plus de
retenir les nombreux points de convergence qui marquent les divers partenaires
de notre commission scolaire que ceux de divergence.
L'importance du projet de loi sur l'enseignement primaire et secondaire
public et ses conséquences à long terme ont incité les
membres du conseil des commissaires de Jérôme-Le Royer à
former, par résolution, un comité d'étude en vue de
présenter un mémoire à la commission parlementaire,
mémoire qui a été entériné par douze membres
du conseil des commissaires, avec une dissidence.
Il y a à peine quelques mois la commission scolaire
Jérôme-Le Royer faisait parvenir au ministre de l'Éducation
un document sur le livre blanc intitulé: "Considérations et
réflexions de la commission scolaire Jérôme-Le Royer sur le
livre blanc "L'école, une école communautaire et responsable" en
regard d'une expérience vécue de décentralisation en vue
de valoriser l'école." Ce document reflète un cheminement
important d'une décentralisation vers les écoles, une
opération qui a été réalisée par notre
commission scolaire en collaboration avec toutes les instances
éducatives: parents, enseignants, cadres, personnel professionnel et de
soutien, associations, syndicat, dans le cadre du livre vert, de la loi 71 et
de l'École québécoise. Nous joignons ce document à
notre mémoire, compte tenu que les réflexions émises alors
sont en mesure d'apporter aux membres de cette commission parlementaire un
éclairage de fond intéressant sur les commentaires que nous
apportons aujourd'hui dans l'examen du projet de loi ministériel.
L'étude que nous avons faite du projet de loi 40 s'est voulue une
approche de la base concrète et réaliste. À partir d'un
vécu quotidien et d'une expérience étroite avec
l'école et ses agents, elle touche aux articles fondamentaux du projet
de loi concernant les personnes et les structures. Les lignes de fond de nos
commentaires rejoignent plusieurs objectifs majeurs du projet de loi dont
l'accentuation et la définition des pouvoirs et responsabilités
de l'école, une meilleure représentativité et une
implication plus significative des parents, l'intégration
généralisée des commissions scolaires locales et
régionales, la possibilité de nouvelles divisions
territoriales.
Les objectifs qui précèdent répondent à des
attentes nombreuses et à une rationalisation nécessaire du
système scolaire. Ils constituent autant d'éléments qui
justifient une réforme. Cependant, nous croyons que cette réforme
peut et doit se réaliser dans le cadre évolutif d'une
véritable décentralisation, où le ministère de
l'Éducation se fait moins encadrant et moins envahissant, où la
commission scolaire se voit préciser ses droits, pouvoirs et obligations
et où l'école se développe progressivement dans le sens
d'une appropriation des décisions de régie interne et d'une prise
en charge des pouvoirs spécifiques lui permettant de porter et
d'administrer son projet éducatif.
L'institution scolaire que nous envisageons et recherchons tous est bien
sûr une institution ouverte à des adaptations et à des
concertations cohérentes dans ses activités et dans son
organisation, responsable de ses orientations et de la qualité de ses
services.
Nous craignons que le projet de loi 40, qui révise les structures
et déplace certains centres décisionnels importants, ne
s'avère une rupture trop radicale avec le passé. Nous
préférons un cheminement qui évolue en optant pour une
structure qui tienne compte du présent, de ce que nous sommes et de ceux
que nous représentons.
Une proportion importante de notre texte consiste à baser la
prochaine restructuration des commissions scolaires sur le statut confessionnel
plutôt que sur le statut linguistique. Cette recommandation, si elle
était retenue par la loi, deviendrait une sanction officielle de ce qui
existe actuellement dans les faits et faciliterait la réalisation des
autres aspects de cette réforme.
Les progrès à réaliser présentement, nous
semble-t-il, se situent moins dans les structures que dans
l'amélioration de la pédagogie, le perfectionnement de l'acte
éducatif et la qualité des relations
maître-élèves. C'est dans ce sens et vers ces objectifs, M.
le Président, que veulent aller nos considérations et nos
recommandations.
Au cours des cinq dernières années, la commission scolaire
et les écoles, en plus des problèmes issus de la baisse des
élèves, des surplus d'enseignants, des séquelles des
négociations, des restrictions budgétaires, ont été
presque constamment l'objet de remises en question: projets, documents,
règlements, lois de nature éducative et de nature administrative
se sont succédé à un rythme rapide. Il suffit de nommer le
livre vert, L'école québécoise, la loi 71, sans oublier
les régimes pédagogiques et les nouveaux programmes
d'études qui sont dans la phase d'implantation pour se rendre compte
d'une situation d'effervescence.
En considération de certains de ces changements encore
inachevés et à la suite de l'étude que nous avons faite du
projet de loi 40, nous sommes encore à nous interroger sur l'ampleur et
la pertinence de cette réforme qui bouleverse quelques milliers de nos
institutions au plan des structures. N'est-il pas encore temps de se demander
où se trouve la limite psychologique de la capacité d'adaptation
et de changement de ceux qui oeuvrent à la base?
Nous reconnaissons, par ailleurs, compte tenu de l'évolution de
notre société et des aspects impératifs d'ordre
organisationnel et économique, qu'il convient de réviser la carte
des commissions scolaires, d'unifier les
niveaux d'enseignement et de mieux partager les pouvoirs et
responsabilités des écoles et des commissions scolaires. Ce sont
déjà là, croyons-nous, des programmes fort ambitieux qui,
en plus de l'implantation des nouveaux programmes et des régimes
pédagogiques, devraient suffire à occuper et à drainer
toutes les énergies disponibles.
Étant donné que le projet de loi 40, en première
lecture, constitue une étape importante dans le rouage légal,
nous avons jugé essentiel, comme commission scolaire, de répondre
à l'invitation ministérielle en participant à cette
réflexion collective sur la réforme scolaire et en soumettant un
ensemble de recommandations à partir d'un vécu éducatif et
administratif. Nous croyons essentiel que le gouvernement révise
entièrement certaines dispositions que contient le projet de loi en
regard des écoles et des commissions scolaires.
Les recommandations fermes qui suivent sont développées
dans le texte du mémoire déposé à cette commission.
Elles découlent des réflexions émises
précédemment et précisent nos attentes vis-à-vis de
l'école, de la commission scolaire, du ministère, de la
confessionnalité et des dispositions provisoires de la mise en oeuvre de
la loi.
Nous recommandons, M. le Président, que les fonctions
attribuées à l'école par le gouvernement et par les
commissions scolaires soient exercées sous l'autorité du
directeur d'école et d'un conseil d'école disposant de pouvoirs
décisionnels; que le conseil d'école soit composé d'une
majorité de parents élus par l'assemblée
générale, d'au moins deux membres du personnel enseignant, d'un
membre du personnel non enseignant, de deux élèves du second
cycle de l'enseignement secondaire, du directeur d'école sans droit de
vote sur les sujets où le conseil est décisionnel.
Que le conseil d'école dispose d'un pouvoir décisionnel
dans les attributions relatives aux orientations éducatives de
l'école, aux modalités organisationnelles de l'application du
régime pédagogique, à la confessionnalité, à
la réglementation et aux mesures concernant la régie interne.
Que le conseil d'école soit partie prenante à
l'évaluation des apprentissages et à l'application des
programmes, aux orientations et au suivi du budget, à la gestion du
personnel, aux discussions se rapportant à l'aménagement,
à l'entretien et à l'utilisation des locaux et qu'il dispose
d'une possibilité de recommandation dans les décisions que doit
prendre la direction de l'école sur ces questions. (10 h 30)
Que la remise en question du mandat du directeur d'école soit
l'objet d'une évaluation de la commission scolaire en consultation avec
les membres du conseil d'école.
Que soit établie une politique d'utilisation et de location des
locaux au niveau de la commission scolaire, en étroite consultation avec
toutes les écoles et en collaboration avec les municipalités, en
vue de permettre ou d'organiser des services éducatifs, socioculturels
et sportifs à la communauté.
Que les commissions scolaires aient la possibilité
d'élargir éventuellement par délégation de pouvoirs
les champs de responsabilité de certaines écoles qui
disposeraient des expertises et des ressources internes nécessaires.
Nous recommandons pour la commission scolaire:
Que la carte scolaire soit révisée en vue de rationaliser
le système scolaire et que le critère de base de la division
territoriale des commissions scolaires soit de nature confessionnelle.
Que la délimitation des territoires sur l'île de
Montréal pour la formation des commissions scolaires corresponde
à un minimum de 25 000 à 30 000 élèves.
Que les niveaux primaire et secondaire soient intégrés
dans toutes les commissions scolaires.
Que la loi précise que la compétence de la commission
scolaire sur les écoles sous sa juridiction signifie, pour elle,
l'exercice d'un rôle de planification, d'organisation, de direction, de
coordination et d'évaluation dans le domaine des fonctions qui lui sont
propres.
Que le conseil d'administration du projet de loi 40 soit
substitué à un conseil scolaire comprenant de 15 à 20
membres. Les deux tiers des membres du conseil scolaire sont élus au
suffrage universel et l'autre tiers par et parmi les présidents des
conseils d'école avec représentation à part égale
du primaire et du secondaire.
Que la commission scolaire dispose de tous les pouvoirs requis pour
exercer un gouvernement local et constituer une entité éducative
et politique ayant une souveraineté réelle dans les fonctions
qu'elle doit remplir auprès des écoles et de la
communauté.
Que toutes les interventions du ministre de l'Éducation par les
directions régionales ou autres services ministériels se fassent
directement auprès de la commission scolaire, laquelle doit garder par
la loi la responsabilité pleine et entière de ses institutions
ainsi que des biens et des ressources utilisés.
Que, dans un esprit de décentralisation, soit diminué le
nombre de règlements qui encadrent les écoles et les commissions
scolaires.
Qu'un organisme scolaire au niveau de l'île de Montréal ait
les pouvoirs requis pour s'occuper de la dette obligataire, des emprunts
à court et à long termes des commissions scolaires de l'île
de Montréal et de
la taxation en vue de l'application d'un taux uniforme et d'une
répartition per capita.
Une voix: C'est dur pour le journal des Débats!
M. Gagliano: Que les dispositions se rapportant aux
élections (suffrage universel par quartier) soient fixées et
déterminées dans la nouvelle loi et qu'elles ne soient pas, comme
l'indique le projet de loi 40, une simple adaptation de la Loi
électorale provinciale faite selon les besoins ou les circonstances par
le Directeur général des élections.
Que les dispositions provisoires prévues pour mettre en place les
nouvelles commissions scolaires permettent dans une plus large mesure aux
milieux concernés d'intervenir dans le choix de ses représentants
ou dans la consultation, et particulièrement dans le choix du
président du comité de mise en oeuvre qui devrait être
choisi parmi les membres du comité.
Pour la confessionnalité. Que la confessionnalité serve de
critère de base à la restructuration des commissions
scolaires.
Que les conditions et les modalités de la reconnaissance
confessionnelle des écoles soient déterminées dans des
règlements relevant des comités confessionnels et qu'ils soient
soumis, s'il y a lieu, ultérieurement, au gouvernement.
Que la loi accorde aux écoles ayant la reconnaissance
confessionnelle le droit d'avoir des enseignants possédant les
qualifications requises et la compétence professionnelle
nécessaire pour donner l'enseignement religieux.
Que les écoles ayant la reconnaissance confessionnelle qui
obtiennent et demandent de ne plus être reconnues comme confessionnelles
demeurent au plan de l'organisation et du fonctionnement sous la juridiction de
leur commission scolaire confessionnelle, compte tenu de leur acte
d'établissement initial.
Que soit établi au niveau de chaque commission scolaire un
comité confessionnel ayant comme mission d'évaluer avec les
principaux intervenants l'application des politiques et la réalisation
des objectifs se rapportant à la confessionnalité.
Que la loi accorde aux comités confessionnels, catholique et
protestant du Conseil supérieur de l'éducation tous les pouvoirs
de réglementation requis pour remplir leurs obligations vis-à-vis
de l'école confessionnelle, du projet éducatif chrétien,
des critères d'une éducation chrétienne et de
l'approbation des programmes et des guides méthodologiques.
Que le préambule de la loi créant le ministère de
l'Éducation en 1964 soit inséré dans la nouvelle loi.
Pour l'ensemble du projet de loi, nous recommandons que les nombreuses
opérations importantes prévues entre décembre 1984 et
juillet 1985 pour le comité de mise en oeuvre et pour la nouvelle
commission scolaire soient étalées sur une plus longue
période de temps, particulièrement dans certaines commissions
scolaires ayant des effectifs considérables.
Que les propositions du projet de loi concernant la révision de
la carte scolaire, l'unification des niveaux d'enseignement, les nouveaux
statuts confessionnels des commissions scolaires fassent l'objet de cette
réforme et que les autres aspects du projet de loi se limitent aux
adaptations nécessaires à sa réalisation.
Que soit faite, dans l'école où se joue l'avenir de
l'enfant et où les motivations priment de beaucoup les soucis de
restructuration, une révision du partage des pouvoirs dans l'esprit de
la loi 71 plutôt que l'instauration de structures inédites et
inconnues dont on ignore totalement l'effet sur la qualité de l'acte
éducatif, des apprentissages de l'élève, du climat de
l'école et des relations internes.
Que les fonctions attribuées aux commissions scolaires dans le
projet de loi soient révisées et raffermies,
particulièrement celles se rapportant aux responsabilités de
nature pédagogique.
Que le gouvernement, compte tenu de nos positions relatives au conseil
d'école et au conseil scolaire, circonscrive et révise
entièrement certaines dispositions que contient le projet de loi 40 en
regard des écoles et des commissions scolaires.
Que les membres de la commission parlementaire considèrent les
périodes d'effervescence, d'instabilité et d'implantation qu'ont
vécues et que vivent les écoles en regard de l'implantation des
programmes et des nouveaux régimes pédagogiques; qu'ils
s'interrogent, à savoir si la limite psychologique et la capacité
d'adaptation au changement du personnel des écoles sont vraiment en
mesure de permettre une implication positive dans un projet de loi
controversé, projet qui affecte en profondeur les modalités
d'intervention, les relations du travail et les approches
éducatives.
En conclusion, M. le Président, les recommandations que nous
avons exprimées en regard des fonctions de la commission scolaire et
d'un meilleur partage des pouvoirs avec le ministère sont en concordance
avec les résultats presque unanimes de la vaste consultation que le
ministre lui-même a faite sur le livre vert. Historiquement, les
commissions scolaires ont été des institutions identifiées
à un gouvernement local responsable des services éducatifs devant
la population. Nos interventions et nos demandes vont dans le même sens.
Elles veulent assurer aux écoles et à une communauté bien
définie l'occasion de mieux
se situer elles-mêmes, de mieux s'orienter en fonction de leurs
propres aspirations et de leurs besoins.
Les recommandations que nous avons émises au sujet de
l'école visent à une amélioration des services à
l'élève, à une implication concrète de tous les
agents de l'éducation, dont les parents, à des
possibilités réelles d'autodétermination dans le projet
éducatif. Elles accordent au conseil d'école, dans un souci
d'évolution, les pouvoirs' qui lui reviennent et donnent au directeur
d'école le rôle d'un professionnel responsable devant son
employeur des fonctions qui lui sont déléguées.
Le projet de loi 40 est un document de révision de structures.
Sans sous-estimer l'importance des structures, nous pensons que la base
même des dynamismes demeure la motivation, le désir de mieux
faire, le souci d'exceller. L'école où ces dynamismes et ces
valeurs priment est l'école dont le premier souci est la qualité
des apprentissages et de la vie, l'école qui centralise toutes ses
activités sur les besoins particuliers d'épanouissement et
d'enrichissement des élèves, l'école qui partage les
préoccupations des parents vis-à-vis des exigences d'une
éducation et d'un enseignement formateurs. Pour la réalisation de
cette école, nous demandons que le gouvernement procède a des
ajustements qui respectent le cheminement commun des personnes
impliquées dans un processus d'évolution plutôt qu'à
des changements en profondeur. C'est ainsi, croyons-nous, qu'il faut s'orienter
et se prendre en main si nous voulons réaliser les objectifs
recherchés dans l'école. Ces objectifs se font l'écho des
profondes aspirations qui ont marqué la vaste consultation du livre
vert, qui est à l'origine même de cette réforme.
Nous remercions bien sincèrement les membres de cette commission
parlementaire pour l'attention qu'ils ont portée à la
présentation de notre mémoire de même qu'à nos
recommandations.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. Gagliano. M.
le ministre.
M. Laurin: Je voudrais d'abord remercier et féliciter la
commission scolaire Jérôme-Le Royer pour le soin et l'attention
avec lesquels ils ont d'abord étudié le livre blanc, et ensuite
préparé ce mémoire. C'est un effort de qualité
auquel, je pense, il faut apporter toute la reconnaissance nécessaire de
la part des membres de cette commission.
Il me fait plaisir de noter que la commission scolaire
Jérôme-Le Royer favorise, elle aussi, l'intégration
des deux niveaux d'enseignement. Je sais d'ailleurs que c'est
déjà chose faite à la commission. On les comprend de
vouloir généraliser et à étendre à
l'échelle de la province une unification dont ils ont pu réaliser
concrètement les avantages au niveau de leur commission scolaire, dans
le sens de la continuité.
Je note avec encore plus de plaisir l'insistance avec laquelle la
commission scolaire nous incite à accorder une importance extrême
à l'école, au rôle que peuvent et doivent y jouer les
parents et à l'élaboration d'un projet éducatif propre
à chaque école. J'ai noté à cet égard, avec
plaisir, que la commission scolaire Jérôme-Le Royer insiste pour
que chaque école possède son conseil d'école, que ce
conseil d'école possède des pouvoirs décisionnels dans les
matières que la commission scolaire détermine dans son
mémoire: attributions relatives aux orientations éducatives de
l'école, aux modalités organisationnelles de l'application du
régime pédagogique, à la confessionnalité, à
la réglementation et aux mesures concernant la régie interne,
à l'évaluation des apprentissages, à l'application des
programmes, aux orientations et aux suivis du budget, à la gestion du
personnel, aux discussions se rapportant à l'aménagement,
à l'entretien et à l'utilisation des locaux.
Je note aussi que la commission scolaire Jérôme-Le Royer
nous fait des suggestions sur la composition de ce conseil d'école qui
serait, selon sa recommandation, composé d'une majorité de
parents élus par l'assemblée générale, d'au moins
deux membres du personnel enseignant, d'un membre du personnel non enseignant,
de deux élèves du second cycle de l'enseignement secondaire et du
directeur d'école, sans droit de vote. Je pense que c'est là une
tendance qu'on voit de plus en plus que d'accorder à l'école,
dans l'évolution qui se constate depuis quelques années, non
seulement des moyens additionnels, mais des instruments qui correpondent
à l'importance qu'elle doit occuper dans le système
éducatif. (10 h 45)
À l'instar du comité de parents de la commission scolaire
Jérôme-Le Royer, qui est venu nous rencontrer il n'y a pas
longtemps, les commissaires marquent eux aussi leur préférence
pour une commission scolaire confessionnelle. J'aurais peut-être une
distinction à faire ici, cependant, à propos d'une des
affirmations du mémoire. Je note, en effet, dans une de vos
recommandations, que vous demandez que les conditions et les modalités
de la reconnaissance confessionnelle des écoles soient
déterminées dans des règlements relevant des
comités confessionnels et qu'ils soient soumis, s'il y a lieu,
ultérieurement au gouvernement. Pour bien s'entendre, je voudrais juste
dire exactement ce que contient le projet de loi à cet égard.
Par exemple, l'article 474 prévoit qu'il reviendra aux
comités confessionnels d'établir par règlement les
critères pour la
reconnaissance d'une école. Ce règlement est mis en
vigueur après approbation par le gouvernement. Ceci spécifie bien
le rôle des comités, c'est-à-dire l'établissement
des critères.
Par la suite, l'article 309, paragraphe 1, prévoit qu'il
reviendra au ministre de faire un règlement sur le processus de la
consultation des parents. Comme j'ai eu l'occasion déjà de le
dire, cette formulation répond à une demande qui nous a
été faite par le comité catholique. Il reviendra donc au
ministre d'établir ce règlement. Cependant, il ne le fera
qu'après consultation des comités confessionnels. Ceci
n'enlève rien à votre recommandation et nous l'étudierons
en conséquence. 0e voulais qu'il n'y ait pas d'ambiguïté sur
ce que prévoit le projet de loi 40 à ce sujet.
Je reviens sur le fait que vous recommandiez le maintien des commissions
scolaires confessionnelles. Cependant, vous n'écartez pas l'idée
qu'une commission scolaire confessionnelle puisse régir des
écoles non confessionnelles. C'est là-dessus que porterait ma
première question. Sur quel fondement vous appuyez-vous pour
réclamer qu'une commission scolaire confessionnelle puisse régir
des écoles non confessionnelles?
M. Gagliano: M. le Président, pour répondre
à la question du ministre, je pense qu'il est bien clair dans notre
mémoire que nous optons pour une commission scolaire confessionnelle.
Or, pour le respect d'une minorité, s'il y a dans notre commission
scolaire confessionnelle une école que les parents, à la suite
d'une consultation, ont décidé de ne pas être
confessionnaliser, nous sommes prêts à administrer cette
école et à respecter la volonté majoritaire des parents
sur cette question de confessionnalité. Avec votre permission - j'ai
oublié de le mentionner au début de ma présentation -nous
avons préparé un mémoire en équipe et je
demanderais à un de mes collègues de préciser tout cet
aspect de la confessionnalité. Je demanderais à ma
collègue Jeannette Masse d'expliciter.
Mme Masse (Jeannette): M. le Président, des
spécialistes ont déjà présenté un
mémoire sur le sujet épineux de la confessionnalité.
Cependant, nous, de Jérôme-Le Royer, apportons ici notre
vécu et c'est positivement que nous avons abordé l'étude
du projet de loi 40. Cependant, nous ne pouvons pas passer sous silence la
question de nos droits acquis depuis plus de deux siècles. Aussi loin
que nous remontons dans l'histoire, dans le temps, le législateur a
toujours senti le besoin de protéger des valeurs fondamentales. C'est ce
que nous demandons aujourd'hui. Nous sommes allés plus loin,
peut-être encore, nous demandons dans notre mémoire pour la
commission scolaire le statut confessionnel. Que ce soit la grande charte de
1215, que ce soit l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867, que ce
soit la charte canadienne de 1970, que ce soit notre charte
québécoise qui a vraiment une très grande valeur, qui
vient tout juste d'être modifiée dans le but d'une plus grande
protection, tout cela n'a vraiment de sens qu'à la condition - je dis
bien qu'à la condition - que les articles n'en soient pas suspendus par
un nonobstant quelconque à la moindre occasion et l'expérience
nous démontre combien il est facile de le faire, malheureusement.
De plus, si nous nous reportons au chapitre IV de notre charte
québécoise, Droits sociaux et économiques, nous avons
pensé à la protection de l'individu, des parents et de leurs
droits, à l'épanouissement des minorités, mais nulle part,
d'une façon expresse, nous n'assurons la protection de la
majorité contre la minorité. Aussi bizarre que cela paraisse,
c'est la majorité qui a besoin de protection et je m'explique. Afin de
mieux situer le problème, j'apporte l'exemple de situations qui se
multiplient et que je qualifie de tragiques. Il y a quelques jours à
peine, on nous amenait sur la place publique le problème d'agression de
professeurs dans nos écoles secondaires, tant au niveau secondaire II,
III et IV, situation qui se généralise rapidement dans nos
écoles. Ce qui suit devrait nous préoccuper au plus haut point.
Une direction d'école exposait le problème à un poste
d'information et, à la suite de discussions, le journaliste demande
à la direction de l'école concernée: Votre école
regroupe combien d'élèves? La réponse fut: 1500. Le
journaliste poursuit: Si vous aviez à retirer du groupe les
éléments qui exigent, de par leur comportement des services
spéciaux, combien de jeunes seraient alors touchés?
Réponse: Environ 75 et l'école fonctionnerait normalement.
Il faut réagir: 1425 élèves - je dis bien 1425
élèves - privés d'un fonctionnement normal à cause
de 75. Transposons ce même problème sur le plan confessionnel.
Combien d'activités chrétiennes ont été suspendues,
mises de côté, afin de ne pas froisser quelques
susceptibilités? Un nombre restreint. On a suspendu ce que nous avions
et même, à certains endroits, il n'y en a pratiquement plus,
toujours pour la même raison, respect d'une minorité. Pourtant,
chez nous à Jérôme-Le Royer, à peine un peu plus de
1% ont exigé l'exemption de l'instruction religieuse. Dans un sondage
récent, au secondaire à Jérôme-Le Royer, plus de 85%
ont exprimé le désir de conserver la confessionnalité.
C'est pourquoi nous demandons fermement pour notre commission scolaire le
statut confessionnel.
La commission scolaire est l'organisme qui doit représenter le
vrai visage de la collectivité, de son milieu. Par la suite, elle
doit fournir des garanties de services à cette majorité
confessionnelle. Pourquoi un statut confessionnel? C'est à cause du
caractère juridique, légal, que ce statut confirme et cette
demande est une suite logique aux exigences de notre milieu majoritairement
confessionnel. De ce fait, nous ne brimons personne. Au contraire, nous ouvrons
toutes grandes les portes aux dissidents, car nous disons et nous demandons que
notre commission scolaire, comme le suggère l'article 30 du projet de
loi 40, soit aussi publique et commune, à statut confessionnel.
Publique, pour répondre à l'ensemble du milieu. On dit aussi
commune. En tant qu'organisme gouvernemental, elle est au service d'un groupe
de citoyens. Comme anciennement, quand on parlait de commune, ça
signifiait le gouvernement municipal avec les citoyens qui se regroupaient au
gouvernement municipal; aujourd'hui, si on dit une commission scolaire commune,
c'est l'ensemble des citoyens qui se regroupent autour de notre commission
scolaire. Alors, nous acceptons l'article 30, "publique", "commune", "statut
confessionnel", parce que c'est vraiment la majorité, parce que c'est
ressenti par nos gens, parce que c'est vécu.
De plus, M. le Président, nous acceptons le fait, comme le
propose l'article 33 du même projet de loi 40, qu'à une
école on applique un statut particulier où la
non-confessionnalité recevrait tous les services qu'elle désire,
tout en restant dépendante administrativement de la commission scolaire
existante. De cette façon, c'est le respect intégral de notre
collectivité, parce que nous parlons de Jérôme-Le Royer.
Cependant, cette nouvelle structure permettrait, dans nos écoles
majoritairement confessionnelles, d'avoir des projets éducatifs
chrétiens, une véritable source de revalorisation où,
collectivement, individuellement, nous nous attarderions à faire revivre
des valeurs fondamentales et possiblement retrouverions-nous le
véritable sens des valeurs souvent trop oubliées aujourd'hui,
à cause du matérialisme toujours de plus en plus envahissant et
devenu pratiquement le seul souci important.
Nous croyons, nous, de Jérôme-Le Royer, que, par la
solution que nous proposons dans notre mémoire, il y aurait
possibilité de faire mentir les mémoires qui prédisent des
années de violence, de délinquance dans le système
d'éducation pour les années à venir. Le véritable
sens chrétien ne peut qu'aider à redresser cette situation, parce
que, bien compris, c'est par des manifestations tangibles, des périodes
de réflexion dirigée, des projets éducatifs choisis et de
qualité que nous arriverons à ressaisir notre jeunesse qui a
toujours besoin de dépassement. Notre jeunesse a le même fondement
que nous avions, nous, il y a 10 ans, 15 ans, 20 ans ou 30 ans, le fondement
est toujours le même. Les jeûnes ont besoin de dépassement,
nos jeunes sont sincères, ils rejettent d'emblée la situation du
"fais ce que je dis et non ce que je fais"; c'est une chose qu'ils n'acceptent
pas et leurs réactions le démontrent. Ce qu'ils veulent, c'est
qu'on soit sincère, que ce qu'on dit, on le fasse.
C'est une commission scolaire forte de ces pouvoirs qui pourra agir en
ce sens. On ne donne pas ce que l'on n'a pas, M. le Président. Elle
déléguera à ses écoles les pouvoirs qu'elle aura
avec une possibilité de regard sur cette même
délégation de pouvoirs.
C'est en ce sens que, par notre mémoire, si nous nous
référons aux pages 23 et 24 du mémoire, vous retrouverez,
dit dans d'autres mots, plus philosophiquement, ce que je viens
d'énumérer.
C'est avec le souci constant de véritables services à
notre communauté que nous avons préparé notre
mémoire et nos recommandations s'adaptent vraiment à notre
milieu. Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Masse. M. le
ministre.
M. Laurin: Je vous remercie, Mme Masse. Sur un autre point, le
suffrage universel, je constate que vous n'acceptez pas la procédure
prévue au projet de loi 40, mais que, par ailleurs, vous n'acceptez pas
non plus le système actuel. Ce que vous nous recommandez, c'est un
conseil des commissaires où les deux tiers des membres seraient
élus au suffrage universel et l'autre tiers élu par les membres
du conseil d'école. J'aimerais que vous nous expliquiez davantage ce qui
vous a amenés à nous faire cette recommandation. (11 heures)
On dit, par exemple, dans certains groupes qu'il faudrait un conseil des
commissaires composé moitié-moitié de parents élus
par le conseil d'école et de commissaires élus au suffrage
universel. D'autres groupes nous disent que tous les commissaires devraient
être élus au suffrage universel et que le conseil des commissaires
ne devrait compter aucun parent avec droit de vote. Vous nous arrivez avec une
position intermédiaire et j'aimerais savoir sur quoi vous fonderiez la
légitimité d'un conseil des commissaires dont le tiers
représenterait les écoles et dont les deux tiers seraient
élus directement par la population.
M. Gagliano: M. le Président, pour répondre
à la question de M. le ministre, tout d'abord, j'aimerais parler un
peu de l'histoire de Jérôme-Le Royer. Même avant la
loi 71 qui permettait que deux délégués du comité
de parents siègent au conseil des commissaires, nous, à
Jérôme-Le Royer, nous
permettions déjà au président du comité de
parents de pouvoir intervenir lors de nos réunions du conseil des
commissaires sur toutes les questions à l'ordre du jour, parce que,
nous, à Jérôme-Le Royer, c'est une tradition, nous avons
toujours considéré les parents comme des partenaires. J'aime le
souligner parce qu'hier, justement, à la suite de la présentation
d'un mémoire par un groupe de parents, il y a eu des
députés et des ministres qui ont parlé de frustration des
parents vis-à-vis des commissaires. Chez nous, ce n'est pas le cas. Bien
sûr, on a des différends, mais on a vraiment une relation
parents-commission scolaire, parents- commissaires au point où, par
exemple, la commission scolaire finance chaque année un colloque de
parents. Nous avons voulu continuer dans cet esprit en invitant nos
partenaires, les parents, mais nous avons quand même limité leur
représentation à un tiers, parce que là aussi, souvent, on
joue sur le mot "parents". C'est qui, les parents? Est-ce que moi qui ai
déjà trois enfants à l'école, je ne suis plus
parent parce que je suis devenu commissaire? Alors, on dit: On va permettre
quand même un certain nombre. On a dit un tiers. C'est une proposition
hypothétique - on a joué avec les mathématiques, si vous
voulez - pour permettre cette continuation, à savoir qu'il y ait quand
même des parents qui puissent siéger à ce conseil scolaire,
mais, comme je l'ai dit tantôt, je vais demander à ma
collègue, la présidente du comité exécutif, Mme
Ghislaine Boisvert, de donner plus de détails sur ce sujet.
Mme Boisvert (Ghislaine): Sur ce sujet, nous permettons qu'il y
ait un tiers des parents qui viennent des délégués de
comités d'école, parce qu'il est important que ces parents
réalisent ce que c'est que d'avoir un rôle de commissaire;
actuellement, la loi leur donne un tas de pouvoirs. Ils ont les mêmes
pouvoirs et les mêmes attributions que le commissaire sans en avoir la
responsabilité. Cela va toujours bien, en arrière, de discuter
quand on s'en lave les mains puisqu'on ne prend pas de responsabilité.
Dans ce cas-là, les parents n'ont actuellement aucune
responsabilité puisqu'ils ne votent pas. Donc, on tenait absolument
à ce que ces parents aient la chance de voter, même s'ils sont
choisis selon une certaine sélection plutôt que par une
élection démocratique.
M. Laurin: Je vous remercie.
M. Gagliano: Si vous le permettez, M. le Président, j'ai
un autre de mes collègues, M. Morselli, qui aimerait compléter un
peu plus sur cette question. M. Morselli.
Le Président (M. Blouin): M. Morselli.
M. Morselli (Joseph): Très brièvement, pour
répondre à la question très claire du ministre qui
était: Qu'est-ce qui vous a portés vraiment à dire "un
tiers, deux tiers"? Dans le projet de loi 40, tel qu'il est écrit
aujourd'hui, il n'y a aucune garantie, en effet, qu'il y aura des parents qui
siégeront à la commission scolaire. L'article dit qu'il y aura
des élections dans les écoles, mais il n'est pas dit que ce
seront des parents, les élus, qui, finalement, seront commissaires et la
seule façon, en effet... Les parents perdront même le droit qu'ils
ont aujourd'hui d'avoir deux représentants qui y sont assurés
avec la loi 71. On a pensé modifier cet article de la loi en assurant
vraiment aux parents une participation réelle.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Je voudrais tout d'abord féliciter les
commissaires de Jérôme-Le Royer de la Dauversière - je
m'excuse d'employer le nom complet de cette grande figure de notre histoire
dont vous portez le nom sous une forme abrégée - de la patience
exemplaire dont vous avez donné le témoignage à la
commission. Vous étiez ici hier, vous deviez nous rencontrer au cours de
la journée d'hier. La longueur de certaines rencontres a fait reporter
à aujourd'hui cette conversation que nous avons ensemble. Vous vous
êtes pliés à cela volontiers et je vous en remercie.
Je voudrais signaler la présence à la table ce matin du
député du comté de Viger, qui recouvre une grande partie
du territoire desservi par la commission scolaire Jérôme-Le Royer,
M. Maciocia, qui aura le plaisir de vous interroger tantôt d'ailleurs.
Ceci étant dit, je voudrais ajouter une chose. J'ai
procédé à la lecture des mémoires entre Noël
et le jour de l'An. Il y en avait une quantité énorme, je voulais
aborder des choses avec un peu de recul. De tous les mémoires qu'il m'a
été donné de lire à l'époque, le vôtre
est l'un de ceux qui m'ont le plus intéressé et je vais vous dire
pourquoi. D'abord parce que c'est un mémoire où il n'y a aucune
sorte de récrimination ou d'acrimonie. C'est un mémoire
éminemment serein.
Deuxièmement, c'est un mémoire qui contient des critiques
très importantes au sujet du projet de loi 40, il ne faut pas se le
cacher, mais ces critiques sont formulées sur un ton éminemment
civilisé. J'espère que le gouvernement saura les voir quand
même, car des fois, quand on est trop poli, on a peur de ne pas se faire
comprendre. Je pense que tout est écrit très clairement dans le
mémoire. Surtout, on dirait que vous vous êtes mis à la
place du législateur par moments et vous vous êtes demandés
ce qu'il pourrait faire pour vraiment rendre service à
une certaine évolution qui est nécessaire sans qu'on fasse
de chambardements, comme vous le disiez tantôt, M. le Président.
J'ai été frappé par le caractère précis et
fonctionnel des recommandations que vous faites et je veux vous en
féliciter de manière toute spéciale.
Quand on parle de Montréal, évidemment on a coutume de
parler de la Commission des écoles catholiques de Montréal et de
la Commission des écoles protestantes du grand Montréal, mais il
y a plusieurs autres commissions scolaires sur l'île de Montréal
qui jouent un rôle très important, dont plusieurs avaient
d'ailleurs demandé à être entendues par cette commission et
dont je continue de souhaiter qu'elles seront entendues par cette commission.
Je pense en particulier à la commission scolaire protestante du
Lakeshore, à la commission scolaire de Sault-Saint-Louis, à la
Commission des écoles catholiques de Verdun, à la commission
scolaire Sainte-Croix, autant de commissions scolaires qui ont des choses
intéressantes à dire, elles aussi; je souhaite encore une fois
que le gouvernement accepte de les entendre comme il vous entend
vous-mêmes.
En examinant votre mémoire, je pense qu'on constate que vous ne
dites pas du tout la même chose que la Commission des écoles
catholiques de Montréal. Vous avez un témoignage propre à
apporter. La même chose est vraie des autres dont je viens de mentionner
les noms.
Ceci étant dit, je voudrais retenir les principales critiques que
vous adressez au projet de loi et si je vous interprète
erronnément vous me corrigerez en toute liberté, j'espère.
Nous autres, les hommes politiques, la polémique est notre pain et notre
beurre. Par conséquent, on en donne et on en reçoit.
Ce que j'ai lu dans votre mémoire au sujet du projet de loi 40
c'est une triple critique. D'abord la struture proposée pour
l'aménagement de la responsabilité dans l'école est une
structure qui manque de réalisme, qui ne fait pas certaines distinctions
très importantes et qui risquerait d'engendrer une confusion des
rôles.
Deuxièmement, en ce qui touche la commission scolaire - je mets
entre parenthèses toute la question de confessionnalité dont je
dirai un petit mot un peu plus tard - il est évident que le projet de
loi, selon ce que j'ai lu dans votre mémoire, ne définit pas de
manière satisfaisante les pouvoirs, les attributions et les fonctions de
la commission scolaire.
Vous dites aussi, à la fin de votre mémoire, que le projet
de loi attribue au ministre des pouvoirs accrus et qu'il y aurait un danger
d'accroissement de la centralisation de ce côté-là qu'on
doit viser à enrayer pendant qu'il en est encore temps.
Ce sont les critiques principales que je vois; je pense qu'elles
rejoignent bien d'autres opinions que nous avons entendues depuis un mois.
J'espère que la convergence de ces critiques commence à se
dessiner plus nettement dans l'esprit du gouvernement. De notre
côté, cela fait longtemps que nous attirons l'attention de nos
concitoyens sur des points comme ceux-là. J'espère que la
manière sobre, positive et dépourvue de toute passion dont vous
formulez vos critiques saura retenir l'attention du ministre et du
gouvernement.
Au sujet de la confessionnalité, vous me rappelez un débat
que nous avons eu hier encore. Nous l'avons eu à plusieurs reprises
depuis deux semaines. Je rappelais moi-même à la Commission des
droits de la personne, hier, que, s'il faut se soucier des droits que
définit l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la
personne, il faut également se soucier des droits que définissent
non seulement nos chartes canadiennes de droits, mais également des
documents internationaux nombreux en ce qui touche le respect du droit des
parents à choisir pour leurs enfants le genre d'éducation qui est
conforme à leurs convictions. C'est pour cela qu'il y a un
problème, c'est parce qu'il y a une rencontre de droits à
effectuer. Si on prenait seulement un volet du problème, ce serait bien
facile de régler la question. Or, il y a deux volets. Vous insistez sur
le respect du droit des parents. C'est magnifique que vous le fassiez. C'est
très important que cette voix soit entendue en commission parlementaire.
Il s'agit de trouver les aménagements qui tiendront compte d'autres
éléments de la réalité. On aura peut-être
quelques questions à vous adresser à ce sujet tantôt, mais
je veux vous assurer que les recommandations que vous faites ont
été étudiées en ce qui touche cet
aspect-là.
En ce qui touche d'autres aspects sur lesquels je voudrais plutôt
vous interroger maintenant, il y a une question qui concerne l'école. Un
des aspects qui m'ont le plus intéressé dans votre
mémoire, c'est la distinction que vous faites entre les attributions qui
pourraient être confiées au conseil d'école et les
attributions qui devraient être confiées à la direction de
l'école. Je crois qu'on pourrait perdre beaucoup de temps à
discuter indéfiniment à savoir si le conseil d'école
devrait avoir treize ou quinze membres, s'il devrait avoir six, quatre ou sept
parents. Ce sont des questions, à mon point de vue, qui ne sont pas
fondamentales, à condition qu'on sache exactement quelles sont les
fonctions de chacun. C'est ce que je trouve extrêmement utile dans votre
mémoire. Vous dites: II y a des questions qui regardent la vie
éducative générale de l'école qui devraient
plutôt relever du conseil d'école. Les questions d'ordre
professionnel devraient plutôt être
réglées par la direction de l'école. J'aimerais que
vous expliquiez un peu le genre d'attributions que vous voudriez confier au
conseil d'école et le genre d'attributions que vous voudriez confier
à la direction de l'école.
M. Gagliano: M. le Président, pour répondre
à la question de M. Ryan, je dirai que nous avons analysé cet
aspect et nous avons voulu bien spécifier dans nos recommandations les
pouvoirs du directeur de l'école, le professionnel à qui on
délègue des pouvoirs du directeur général de la
commission scolaire, et nous avons demandé que le conseil d'école
ait des pouvoirs spécifiques et décisionnels en ce qui concerne
la vie de l'école et son projet éducatif. Je demanderai, avec
votre permission, M. le Président, à ma collègue,
Ghislaine Boisvert, d'approfondir ce sujet.
Mme Boisvert: M. le Président, j'aimerais vous
référer au mémoire de notre commission, à la page
10 et aux suivantes. J'aimerais, en même temps, faire une certaine
rectification à M. le ministre. Quand, tantôt, il a parlé
du pouvoir d'évaluation qu'on donnait à l'école, ce n'est
pas le pouvoir d'évaluation qu'on donne à l'école; ce sont
seulement les modalités de cette évaluation qu'on lui donne. Je
pense que c'est important de faire cette rectification. (11 h 15)
À la page 10 et aux suivantes, on dit: "Conformément aux
lois et règlements ministériels et aux politiques de la
commission scolaire, le conseil d'école dispose d'un pouvoir
décisionnel dans les attributions suivantes - j'aimerais vous les lire
parce que ce sont des attributions très concrètes - qui
consistent à établir un projet éducatif; à
établir les modalités organisationnelles se rapportant à
l'application du régime pédagogique; à appliquer les
mesures se rapportant à la confessionnalité, l'enseignement
religieux et l'animation pastorale; à établir le calendrier
scolaire, compte tenu des normes fixées par la commission scolaire;
à établir les règles de régie interne de
l'école: les horaires, les règlements, les procédures,
l'information, la documentation; à instituer une réglementation
qui précise les droits et obligations des élèves dans le
cadre de la vie institutionnelle; à susciter dans l'école des
programmes d'animation étudiante et des projets d'activités
étudiantes; à déterminer les modalités internes du
contrôle des absences; à planifier les objets et modalités
de consultation se rapportant aux divers comités de l'école;
à déterminer les mesures ou règlements assurant la
sécurité des élèves et autres usagers de
l'école; à établir certaines formes de collaboration
sociale et culturelle avec la communauté desservie; à faire des
recommandations à la commission scolaire sur toute question propre
à faciliter la réalisation du projet éducatif.
Dans les autres attributions qui lui sont dévolues, le rôle
du conseil d'école n'est pas décisionnel. Ce rôle
s'identifie cependant à un droit, à une obligation, à un
pouvoir d'orientation et d'incitation qui, dans les faits, se traduisent pour
le conseil d'école dans un rôle de grande influence. Cette
influence s'exerce au conseil d'école par une participation active et
par une implication régulière dans les diverses étapes du
processus menant à la prise de décision par la direction de
l'école dans les domaines qui visent l'application des divers
programmes; l'implantation, l'enrichissement et l'adaptation des programmes;
l'organisation, la coordination et l'évaluation du développement
pédagogique; l'établissement et l'application des normes et
modalités d'évaluation; la répartition du temps requis
pour les services d'enseignement et les autres services éducatifs; la
gestion du personnel conformément aux politiques générales
de la commission scolaire; l'élaboration et la transmission à la
commission scolaire du plan des effectifs exprimant les besoins de
l'école pour chaque catégorie de personnel; la distribution des
tâches et responsabilités du personnel rattaché à
l'école; l'établissement des prévisions
budgétaires, le suivi et le contrôle des budgets.
Le rôle des parents dans ces points est donc un rôle
d'orientation vis-à-vis des prises de décision du directeur
d'école. On a la planification de l'utilisation et de l'entretien des
locaux; l'établissement et la transmission a la commission scolaire des
besoins de transformation, d'aménagement, de réfection des locaux
de l'école; l'application des clauses des diverses conventions et
ententes se rapportant aux conditions et aux relations de travail du
personnel.
Les attributions de l'école décrites dans les deux
articles précédents font donc de l'école une entité
institutionnelle possédant un statut bien défini. À cette
fin, elle dispose d'attributions qui lui sont octroyées par la loi ou
déléguées par la commission scolaire. Je pense que c'est
un point très important. C'est une délégation de pouvoirs
et non une appropriation de pouvoirs. L'école, par son conseil ou par
son directeur, exerce ces attributions en toute autonomie et peut, à
l'intérieur de ces attributions, prendre les initiatives voulues pour se
particulariser et répondre à ses besoins particuliers. Ces
rôles, ce sont pratiquement des rôles qu'on vit actuellement
à Jérôme-Le Royer dans la décentralisation qu'on a
faite.
En plus de cela, je pense que ces rôles, qui sont bien
définis dans notre commission scolaire avec notre
décentralisation, on peut les vivre actuellement à
l'intérieur même des
lois actuelles, parce que ce sont des choses se rapportant
principalement à la loi 71.
Le Président (M. Blouin): Merci.
M. Ryan: Seulement pour terminer, les fonctions qui reviennent en
propre à la direction de l'école sont naturellement
exercées par le directeur. Voulez-vous préciser de qui doit
relever le directeur? Comment concevez-vous son statut, son rôle, sa
responsabilité?
M. Gagliano: Je pense que c'est écrit clairement quelque
part dans notre mémoire que nous prévoyons que le directeur
d'école relève du directeur général de la
commission scolaire. Cette autorité est bien établie.
Si vous le permettez, Mme Boisvert va donner des détails
là-dessus.
Mme Boisvert: Le directeur d'école relève du
directeur général, parce que nous considérons que le
rôle principal du directeur d'école n'est pas un rôle
administratif. Je pense que le premier critère pour être directeur
d'école, c'est d'être pédagogue. Son rôle
pédagogique doit être de 80%. Son rôle administratif ne doit
jamais prendre plus de 20% de place par rapport à son rôle de
directeur d'école. Son rôle de directeur d'école en est un
de conseiller et d'innovateur en éducation et de soutien
vis-à-vis de ses enseignants.
M. Gagliano: M. le Président, avec votre permission, on a
notre directeur général avec nous. Étant donné que
le directeur d'école relève du directeur général,
j'aimerais que lui aussi puisse dire deux mots sur le rôle du directeur
d'école.
Le Président (M. Blouin): Certainement. M. Poirier.
M. Poirier (Maurice): M. le Président, avant de
répondre plus spécifiquement à la question de M. Ryan,
j'aimerais résumer d'une façon très brève les
aspects dits professionnels qu'on confie au conseil d'école. Il a
été dit dans cette commission parlementaire, il y a environ une
semaine, par un membre de cette commission, que tout ce qui touche à
l'environnement éducatif de l'enfant devrait normalement relever des
parents, c'est-à-dire relever d'un pouvoir décisionnel du conseil
d'école.
Par ailleurs, tout ce qui touche l'aspect strictement professionnel
devrait, comme on vient de le mentionner, relever du directeur de
l'école qui, lui-même, doit relever de la direction
générale d'une commission scolaire. Pourquoi tenons-nous à
ce lien hiérarchique entre le directeur général et la
commission scolaire? D'une part, l'expertise professionnelle pour
évaluer d'une façon correcte les actes professionnels
posés par le directeur d'école, nous croyons encore que c'est la
commission scolaire qui la possède. Nous croyons que le conseil
d'école, à cause des attributions mêmes qu'on lui confie,
n'a peut-être pas toute l'expertise - je dis bien toute - pour poser
peut-être un jugement juste sur la qualité de l'acte professionnel
du directeur de l'école.
Par contre - vous l'avez probablement remarqué - nous insistons
pour que le conseil d'école participe à l'évaluation du
directeur de l'école dans les rôles qui sont attribués au
conseil d'école et que le conseil d'école peut
déléguer au directeur d'école. Voilà, M. le
Président, brièvement la réponse à votre
question.
M. Ryan: Maintenant, est-ce que vous trouvez que le projet de loi
définit la place de l'enseignant d'une manière convenable?
Le Président (M. Blouin): M. Gagliano.
M. Gagliano: Excusez-moi, à cause du bruit, on n'a pas
saisi votre question.
M. Ryan: Pour l'enseignant, le projet de loi définit-il sa
place et son rôle d'une manière satisfaisante, d'après
vous?
M. Gagliano: Je vais encore demander au directeur
général de vous répondre.
Le Président (M. Blouin): D'accord, M. Poirier.
M. Poirier: J'enseigne, moi aussi, M. le Président. Nous
croyons que laisser tout à fait libre la participation des enseignants
au conseil d'école, c'est faire une mince part à la participation
des enseignants dans les actes qu'on vient d'identifier. C'est pour cela que
nous préconisons, à l'instar de la loi 71, qu'il y ait une
participation réelle et obligatoire des enseignants dans la gestion
éducative de l'école.
M. Ryan: Maintenant, je voudrais... Excusez.
M. Gagliano: Mme Masse voudrait parler. Est-ce que vous le
permettez?
Le Président (M. Blouin): Mme Masse.
Mme Masse: Lors de nos discussions -pour ajouter à ce que
notre directeur général vient de dire - quand nous avons
considéré le rôle important que doit jouer l'enseignant
dans le comité, nous nous sommes dit que, d'abord, il met en application
un projet. C'est lui qui est près des jeunes, c'est vraiment lui qui les
amène à vivre un projet. Nous avons dit que nous étions
même prêts à considérer, pour les enseignants qui
s'impliqueraient, une diminution de périodes si c'était
nécessaire. Nous étions prêts à le considérer
parce que nous jugeons la part qu'il peut apporter essentielle. Nous en avons
vraiment besoin dans un milieu où on parle d'éducation où
on parle de vie. On ne peut vraiment pas à ce moment-là jouer sur
le mot "pouvoir" et le mettre de côté. Nous avons
réellement besoin de sa participation.
Si nous donnons autant d'importance, du côté professionnel,
à nos directions d'école, à notre direction
générale, ce n'est pas que nous n'avons pas de
considération pour les parents. On reconnaît que les parents sont
prêts, mais si vraiment nous nous reportons à ce que
désirent les parents, puisque c'est notre désir d'impliquer les
parents, ce qu'ils veulent, c'est une école où ils pourront
laisser leur enfant le matin en toute confiance. Les parents, en
général, ne veulent pas venir dans le milieu et gérer
l'école; ce n'est pas cela qu'ils désirent. Ils veulent mettre
l'enfant dans un milieu auquel ils font confiance pour lui donner du solide. La
direction générale, . avec le directeur d'école, peut
établir des principes pédagogiques et une direction vraiment
solide qui apporteront ce qu'il faut au milieu. Si c'est une minorité de
parents qui désire s'impliquer, ils sont les bienvenus, mais est-ce
vraiment l'ensemble? Je pense que non; c'est mal poser la question. Les parents
disent: Donnez-nous de l'excellence, de la qualité; ils comprennent ce
qu'on dit, mais ils ne sont pas prêts à venir s'impliquer et
à tout gérer. La confiance règne chez eux, mais il faut
donner de l'excellence, de la qualité. Je pense que la direction de
l'école, en collaboration avec le directeur, peut très bien les
apporter et, par le projet éducatif, les parents peuvent s'impliquer
dans l'école et tout sera dans l'ordre. Merci, M. le
Président.
M. Ryan: Juste avant de poser une dernière question, je
voudrais ajouter une opinion, si vous me le permettez, M. le Président.
On a beaucoup discuté ce sujet depuis le début de la commission.
Quand il est question d'un conseil d'école directionnel au sens fort,
comme le mentionne le projet de loi, nous avons objection non seulement au
conseil d'école, mais aussi à un conseil d'école
formé majoritairement de parents. Avec le partage de fonctions que vous
proposez dans votre mémoire, cela change bien des choses et,
personnellement, je n'aurais aucune objection à ce qu'ils soient
à ce conseil d'école qui aurait comme responsabilité
principale des décisions relatives à tout ce qui constitue
l'environnement éducatif, comme vous l'avez dit tantôt. Je pense
que cela change les perspectives. Cela apporte peut-être des
éléments qui permettraient d'entrevoir des solutions
satisfaisantes à des difficultés découlant du texte actuel
du projet de loi. Je tenais à mentionner cela parce qu'il serait facile
pour certains de dire que l'Opposition ne veut pas que les parents participent.
C'est absolument faux; nous voulons qu'ils participent au niveau qui convient
à leur compétence, à leur disponibilité et qu'ils
respectent également la compétence propre des professionnels. Je
voudrais vous dire que cette distinction que vous introduisez rejoint une
distinction qui nous avait été proposée par les
professeurs de la faculté d'éducation de l'Université
McGill quand ils sont venus rencontrer la commission. Cela va dans le
même sens que ce dont ils nous avaient parlé. Je trouve cela
très intéressant.
Une dernière question, M. le Président, à propos de
la commission scolaire. Vous dites - je vais résumer cela
brièvement -que l'article 137 du projet de loi qui donne à la
commission scolaire compétence sur les écoles est un article
incomplet, insatisfaisant. Je ne veux pas vous tendre de piège et vous
inviter à vous lancer dans une critique à fond de train du projet
de loi -nous sommes capables de le faire - mais je voudrais que vous nous
disiez comment vous voyez les fonctions et les pouvoirs de la commission
scolaire pour que le système marche bien. À partir de la page 35
de votre mémoire, il y a des indications que j'ai trouvées
très intéressantes. Je ne sais pas si vous pourriez nous
résumer comment vous voyez ce rôle moteur de la commission
scolaire dans le bon fonctionnement du système.
Le Président (M. Blouin): M. Gagliano.
M. Gagliano: Si vous me le permettez, je vais demander à
mon collègue, M. Dominic Perri, d'expliciter la façon dont nous
voyons les pouvoirs de la commission scolaire.
Le Président (M. Blouin): M. Perri.
M. Perri (Dominic): M. le Président, les
responsabilités de la commission scolaire sont en relation avec les
pouvoirs qui lui sont accordés. Nous croyons que c'est là un
principe de base. Une fois que ce principe est défini et accepté,
nous avons tenu à apporter des précisions, des modifications ou
des ajouts à quelques-unes des fonctions de la commission scolaire,
particulièrement celles qui ont un impact ou une relation avec les
fonctions de l'école, la tâche du directeur de l'école et
le rôle du conseil scolaire. (11 h 30)
Si vous me le permettez, je vais expliquer cette proposition en quatre
chapitres; on va diviser la question en quatre, c'est-à-dire les
services éducatifs, les
ressources humaines, les ressources matérielles et les ressources
financières. Brièvement, pour les fonctions reliées aux
services éducatifs, nous croyons que la commission scolaire doit
disposer d'un service éducatif dont le personnel est en mesure de
répondre aux exigences de sa mission éducative et
pédagogique, culturelle et sociale. La commission scolaire a le droit,
le pouvoir et l'obligation d'assurer l'excellence de l'enseignement et des
services éducatifs qui sont donnés dans les écoles.
Remarquez bien, on a dit: A le droit et le pouvoir. Deuxièmement, nous
croyons que les services éducatifs des écoles sont faits en
conformité avec le régime pédagogique. Aussi, les services
éducatifs doivent-ils déterminer les politiques
générales se rapportant aux normes d'évaluation des
apprentissages des élèves. Elle veille à ce que les
écoles évaluent les apprentissages des élèves et
établit elle-même un plan d'évaluation des apprentissages
des diverses matières. Elle assure aux écoles, à titre de
soutien et d'apport, les services d'information, d'instrumentation, d'animation
et de perfectionnement en vue de leur faciliter l'application,
l'enrichissement, l'adaptation et l'implantation des programmes et de favoriser
le développement des dynamismes internes.
Elle décide, après consultation du comité de
gestion des écoles - et on tient beaucoup à cela - de
l'implantation de nouvelles méthodes pédagogiques ayant un impact
sur l'ensemble des écoles. Finalement, pour ce qui concerne les services
éducatifs, ils élaborent, au besoin ou à la demande des
écoles, certains programmes spéciaux. Ce sont là les
fonctions des services éducatifs. Voyons maintenant brièvement
les fonctions reliées aux ressources humaines. Nous croyons qu'à
titre d'employeur de tout le personnel la commission scolaire définit la
politique de gestion du personnel, détermine, en consultation avec les
écoles, les règles générales se rapportant à
l'affectation et à la distribution des tâches du personnel
enseignant et non enseignant, établit, encore en consultation avec les
écoles et les services, les programmes de perfectionnement,
établit aussi une liste des candidats qui peuvent être choisis
directeurs d'école ou directeurs adjoints.
Pour les ressources matérielles, au sujet de l'entretien des
immeubles, le projet de loi dit que la commission scolaire peut prendre les
mesures appropriées pour suppléer au défaut d'une
école. De même, il est écrit que la commission scolaire
peut déterminer des règles sur l'approvisionnement en biens et
services, leur maintien et leur remplacement. Nous croyons que la
responsabilité de la commission scolaire vis-à-vis des biens
publics devrait se traduire par une obligation plutôt que par une
possibilité.
Finalement, pour les ressources financières, nous croyons
évidemment, comme cela a déjà été dit, que
le directeur d'école est le responsable devant la commission scolaire du
contrôle du budget. Le conseil d'école a un droit de regard dans
le suivi régulier du budget, un rôle d'influence dans le choix des
priorités. Voilà, brièvement, les fonctions de service de
la commission scolaire.
Nous croyons aussi que la commission scolaire doit s'affirmer comme un
gouvernement local. Donner plus de pouvoirs à une commission scolaire ne
veut pas dire assujettir l'école. Au contraire, nous croyons que donner
plus de pouvoirs à une commission scolaire, c'est avant tout
décentraliser les pouvoirs de plus en plus vers les écoles.
Voilà la réponse à la question.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Perri. Merci, M. le
député d'Argenteuil. M. le député de Vachon.
M. Payne: Bonjour. J'ai aimé vos trois mémoires;
j'ai aimé les lire et les étudier de près. Je voudrais
revenir sur la question des pouvoirs décisionnels du conseil
d'école parce que je ne voudrais pas que nous escamotions ce principe
qui est débattu depuis le tout début. À la page 10 - juste
pour être clair -c'est votre liste des responsabilités qui
découleraient du mandat du conseil d'école, c'est bien
ça?
Une voix: Oui.
M. Payne: D'accord. On s'entend sur le fait que vous accordez au
conseil d'école un mandat non seulement décisionnel, mais
très large touchant le projet éducatif: établir un projet
éducatif; établir les modalités organisationnelles se
rapportant à l'application du régime pédagogique;
établir le calendrier scolaire, les règles de régie
interne, la réglementation qui précise les droits et obligations
des élèves dans le cadre de leur vie scolaire; susciter des
programmes d'animation étudiante, etc. C'est très large.
J'ai deux questions à vous poser. D'abord, en quoi diffère
le mandat que vous confiez au conseil d'école selon vos discussions et
vos modèles du mandat confié au conseil d'école tel que
préconisé dans le projet de loi 40?
M. Gagliano: M. le Président, avant de donner la parole
à Mme Boisvert pour répondre à cette question, j'aimerais
souligner que le conseil d'école a des pouvoirs décisionnels sur
toute cette liste, mais il faut tenir compte du fait qu'on dit toujours:
"Conformément aux lois et règlements ministériels et aux
politiques de la commission scolaire, le conseil d'école
dispose d'un pouvoir décisionnel dans les attributions
suivantes." C'est quand même important, toujours en suivant les
règlements ministériels du ministère de l'Éducation
et les politiques de la commission scolaire qui pourraient, à certains
moments, avoir un cadre régional.
Je cède la parole à Mme Boisvert.
M. Payne: Je voudrais ajouter une question supplémentaire,
parce que ça peut vous aider à répondre. J'avais la
même interrogation à savoir comment ces responsabilités
sont accordées au conseil d'école. Plus tôt, si j'ai bien
compris, vous avez mentionné des pouvoirs délégués.
De quelle manière préconisez-vous une délégation de
pouvoirs?
Mme Boisvert: Pour répondre à votre première
question, M. le Président, je pense que la différence essentielle
réside dans la formation du conseil d'école. La formation du
conseil d'école proposée par notre commission scolaire, c'est une
majorité de parents élus, au moins deux membres du personnel
enseignant - on ne dit pas "ils peuvent", on exige qu'il y ait au moins deux
membres du personnel enseignant - un membre du personnel non enseignant, deux
élèves du second cycle, si c'est au secondaire, et la direction
de l'école.
M. Payne: J'aurais dû préciser dans mon
préambule que je voulais faire abstraction de la composition du conseil
d'école - si j'ai bien compris le mot "formation" - pour
m'intéresser au mandat du conseil d'école.
Mme Boisvert: Le mandat découle de la formation du conseil
d'école. À ce moment, on sait très bien qu'avec la
formation de notre conseil d'école tous les intervenants du milieu vont
avoir un mot à dire dans les responsabilités qu'ils vont avoir
à assumer.
M. Payne: Je ne suis pas sûr que je sois d'accord. Si vous
parlez d'une personne morale, on peut préconiser un mandat pour le
conseil et discuter à un autre moment -quoique les deux soient
intimement liés - des membres de ce conseil d'école. Pour le
moment, je voudrais juste établir le principe. Si j'ai bien compris
votre mémoire, vous voulez que ce conseil d'école, pour les fins
de notre argumentation, peu importe sa composition, soit décisionnel,
d'une part. D'autre part, j'aimerais bien savoir de quelle manière le
mandat, de par sa composition, différerait du mandat
préconisé par le projet de loi 40.
Mme Boisvert: J'aimerais faire compléter la réponse
par M. Morselli.
M. Morselli: M. le Président, il n'y a pas une grande
différence dans le mandat entre ce que nous préconisons et ce que
préconise le projet de loi. On l'a déjà, en effet. Tout
est déjà établi dans la loi 71. On a un mandat
général et les pouvoirs qu'on a voulu donner au conseil
d'orientation, mais on a aussi vécu l'expérience avec la loi 71.
On peut envisager tous les mandats, le plus beau mandat du monde, mais si on
n'a pas les personnes - et là, on parle de la formation du comité
- on ne pourra jamais agir vraiment, si c'est axé sur le mandat tout
seul. Le mandat, en effet, c'est le désir que les parents ont
exprimé depuis plusieurs années d'avoir une influence
décisionnelle sur ce qu'est la pédagogie à l'école
et nous sommes tous prêts à le reconnaître, mais le
problème qu'on a vécu jusqu'à maintenant, c'est que, sans
les trois partenaires principaux dans l'école, qui seront toujours la
direction, les enseignants et les élèves, ou, tous les
élèves, les parents, on ne pourra, en effet, accomplir aucun
mandat.
M. Payne: D'accord. Donc, le mandat que vous préconisez
diffère très peu, d'après ce que vous avez dit, de celui
préconisé par le projet de loi 40. La seule différence,
à ce moment-là, doit être - c'est à la page 10, en
haut: "Le conseil d'école dispose d'un pouvoir décisionnel."
C'est la grande différence par rapport à la loi 71.
M. Morselli: Excusez-moi. Avant tout, il diffère
très peu de ce qu'est la position pédagogique des parents
à l'école. Il diffère naturellement de ce qu'est la
position administrative des parent au conseil de l'école. On fait la
différence entre notre position et le projet de loi 40. On parle
strictement du champ pédagogique et le projet de loi 40 parle aussi du
champ administratif. Il faut aussi réitérer que la loi 71 nous
donnait déjà des pouvoirs décisionnels avec les
comités d'orientation qui ont été implantés. Ils
couvraient, en effet, un domaine presque absolu et décisionnel sur tous
les sujets pédagogiques de l'école.
M. Payne: Pour revenir très brièvement sur ces
questions des pouvoirs délégués, pourriez-vous
préciser de quelle manière une école s'approprierait ces
pouvoirs?
M. Gagliano: M. le Président, pour ce qui est d'ajouter
d'autres raisons, je demanderais au directeur général, M.
Poirier, de compléter notre exposé.
Le Président (M. Blouin): Oui, M. Poirier.
M. Poirier: M. le Président, pour revenir à la
question de M. le député, si on
reprend le chapitre III, à la section V, articles 90 et suivants,
sur la question des fonctions dévolues à l'école...
M. Payne: Où est-ce que vous êtes là?
M. Poirier: Je suis dans le projet de loi 40, aux articles 90 et
suivants. Pour répondre d'une façon très précise
à votre question et ajouter à ce qui a été dit par
les commissaires ici présents, je voudrais seulement souligner que, dans
le projet de loi 40, les prérogatives dévolues au conseil
d'école et au directeur d'école, il y en a qui sont
précisées à l'article 86, mais, d'une façon
générale, en ce qui concerne le conseil d'école, on ne
distingue pas ce qui est strictement d'ordre professionnel de ce qui est de
l'ordre de l'environnement éducatif. Ce que nous avons voulu faire,
à partir même des articles qui sont là, c'est
déterminer d'une façon plus précise que ne le fait le
projet de loi ce qui devrait normalement revenir aux parents et ce qui devrait
normalement revenir au directeur d'école. Pour revenir à votre
question, c'est que...
M. Payne: Est-ce que je pourrais seulement préciser?
M. Poirier: Oui.
M. Payne: Je suis entièrement d'accord avec vous
là-dessus.
M. Poirier: Bon! C'est tout simplement, un peu comme le disait M.
Morselli, il y a un instant, une sorte de bonification du projet de loi. Je
voudrais seulement ajouter, M. le Président, si vous me le permettez,
que, pour nous, c'est peut-être un des points les plus originaux que nous
apportons ici à cette commission et nous sommes très heureux de
voir que vous y manifestez beaucoup d'intérêt. (11 h 45)
M. Payne: Et j'aurais une dernière petite question.
Comment précisez-vous ça dans la loi? Une fois que la loi
répondra à vos besoins, à vos demandes, que les pouvoirs
seront mieux éclaircis et stipulés, est-ce que ces pouvoirs
seront automatiques ou pris à la commission scolaire? Selon votre
modèle, est-ce que vous les voyez dans la loi?
M. Poirier: Je vais continuer, M. le Président, si vous me
le permettez. Nous désirons voir reproduits dans la loi certains des
pouvoirs que nous avons énumérés, tant pour le conseil
d'école que pour le directeur d'école. Mais nous disons quelque
part aussi dans notre mémoire que rien n'empêchera une commission
scolaire d'ajouter d'autres pouvoirs et de nouvelles délégations,
compte tenu de l'évolution, du cheminement progressif de l'école.
D'ailleurs, c'est comme ça que nous avons procédé à
Jérome-Le Royer et nous avons depuis un an une délégation
formelle de pouvoirs au directeur d'école qui ressemble beaucoup,
coïncidence parfaite, à ce que le livre blanc et la loi 40 veulent
donner à l'école.
M. Payne: J'ai bien compris. Puis-je poser une toute
dernière question, parce que mon temps est écoulé?
Touchant le mandat du directeur d'école, lorsque vous situez les
responsabilités du directeur d'école, aux pages 16 et 17, vous
faites une espèce de comparaison entre votre modèle et le projet
de loi 40. Je peux dire qu'à première vue, et peut-être
serez-vous d'accord avec moi, j'y vois très peu de différence.
Vous apportez quelques nuances. Il y a pourtant une chose parmi d'autres qui me
frappe tout de suite. Si, par exemple, une commission scolaire veut se
départir des services d'un directeur d'école, vous ne mentionnez
pas les modalités. Pouvez-vous expliquer cela?
M. Gagliano: M. le Président, dans notre mémoire,
nous avons même fait un parallèle entre ce que la loi propose et
ce que nous proposons. J'aimerais affirmer devant cette commission qu'il y a
des différences assez flagrantes entre nous notre position et le projet
de loi. Je ne veux, quand même, pas faire un débat
là-dessus. Je veux seulement demander à Mme Boisvert de
compléter notre pensée sur cette question du directeur
d'école. Mme Boisvert, s'il vous plaît.
Le Président (M. Blouin): Mme Boisvert.
Mme Boisvert: Considérant que, dans notre commission
scolaire, c'est le directeur général qui est le directeur
immédiat du directeur d'école, j'aimerais que le directeur
général complète.
M. Poirier: Juste pour attirer votre attention, M. le
Président, à la page 16 plus précisément, pour
répondre à la question du député, qui a
demandé ce qu'il advient d'une commission scolaire qui veut se
départir de son directeur d'école, nous disons très
expressément - ce qui n'était pas prévu dans le projet de
loi 40 - que la commission scolaire doit procéder à une
évaluation du mandat du directeur d'école. C'est nouveau par
rapport au projet de loi 40. Nous disons même que, si le conseil
d'école n'est pas satisfait du rendement du directeur d'école, il
peut demander une évaluation du mandat exercé par le directeur
d'école et même donner son avis sur l'administration de
l'école. C'est une distinction très importante par rapport au
projet de loi. Le conseil d'école et la commission scolaire doivent
évaluer le directeur d'école avant de
procéder à sa mutation, à son déplacement ou
de prendre d'autres mesures.
M. Payne: Je vous remercie beaucoup pour votre contribution
importante aux travaux de la commission.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. le
député de Vachon. M. le député de Viger.
M. Maciocia: Merci, M. le Président. Vous allez me
permettre de féliciter les membres de la commission scolaire
Jérôme-Le Royer pour l'excellence de leur mémoire. Je dois
dire que je suis très fier parce que cette commission scolaire fait
partie pour une bonne part du territoire de mon comté. Vous comprendrez
avec quel enthousiasme et avec quelle joie je participe aujourd'hui à
cette commission parlementaire. Selon les mots mêmes du ministre et de
notre porte-parole à l'Éducation, M. Ryan, dois-je comprendre que
cela a été un des mémoires les plus
appréciés que celui de la commission scolaire? Alors, je
félicite nos commissaires.
Vous comprendrez aussi qu'après le survol qui a été
fait, pas tellement par le ministre, parce qu'il a été
très sage, il a pris seulement quelques minutes pour répondre,
probablement à cause de l'excellence du document, mais par M. Ryan sur
le mémoire...
Le Président (M. Blouin): Le député
d'Argenteuil et le ministre ont pris le même temps pour intervenir.
M. Maciocia: Les questions n'étaient probablement pas les
mêmes. Ce n'est pas à cause du temps qu'ils ont pris pour parler
du mémoire. Mais dois-je conclure que vraiment l'excellence du document
a été reconnue par le côté ministériel et par
l'Opposition?
M. le Président, j'avais quelques questions, mais je vais m'en
tenir à deux ou trois, étant donné que les autres ont
déjà été posées. Ma première est la
suivante: Je vois dans votre mémoire que vous parlez d'un comité
de parents. Vous insistez pour garder un comité de parents. Dans le
projet de loi 40, ce comité de parents n'existe pas. Vous l'avez sans
doute remarqué. J'aimerais savoir les raisons que vous avez pour garder
un comité de parents à l'intérieur de la commission
scolaire Jérôme-Le Royer.
M. Gagliano: M. le Président, avec votre permission, je
voudrais demander à un de mes collègues commissaires, qui a
été un ancien président du comité des parents de
l'école Jérôme-Le Royer, M. Joseph Morselli, de
répondre.
M. Morselli (Joseph): M. le Président, dans notre
mémoire comme tel, on n'a pas tellement parlé du comité de
parents. Ce sont plutôt nos parents, lorsqu'ils étaient devant
vous hier, qui ont renoncé à leur intention de continuer à
demander un comité de parents. Naturellement, les parents sont au
courant qu'il y a un problème psychologique pour la nomination des
commissaires, le jour où on aura un plus grand nombre de parents
élus au poste de commissaire, comme on le propose nous-mêmes ici
où on réserve un tiers des postes aux parents. Les parents ont
toujours le souci du problème psychologique qui fait qu'une fois que
quelqu'un est élu, même si c'est un parent, le jour suivant, il ne
l'est plus. J'ai vécu cette situation moi-même il y a seulement
six mois. Après avoir travaillé pendant dix ans à
différents comités de parents, tout d'un coup, en étant
élu, j'ai perdu mon titre de parent. Il faudrait vraiment songer
à ce problème, parce que, je pense que, dans le projet de loi 40
ce qu'on propose, en effet, c'est d'avoir de petits commissaires au niveau de
l'école, avec un conseil d'école, qui seront élus avec des
pouvoirs décisionnels et on aura peut-être de grands commissaires
au conseil de la commission scolaire.
M. Maciocia: M. le Président, si vous me le permettez, en
regard des pouvoirs décisionnels qu'auront les parents dans le projet de
loi 40, croyez-vous que la loi 71 est insuffisante par rapport aux besoins de
l'école d'aujourd'hui? J'aimerais avoir votre opinion à ce sujet,
parce que je vois qu'il y a à l'intérieur du projet de loi des
positions décisionnelles que les parents pourront prendre, mais je crois
qu'il y en a aussi à l'intérieur de la loi 71. D'après
vous, cette loi est-elle insuffisante par rapport aux besoins de l'école
d'aujourd'hui?
M. Gagliano: M. le Président, toujours avec votre
permission, je laisserai la parole à un parent qui a vécu cette
situation jusqu'à il y a seulement six mois, M. Morselli.
M. Morselli: M. le Président, pour répondre
à la question à savoir si la loi 71 est insuffisante, je dirai:
Non, elle ne l'est pas, mais le manque d'application de cette loi qu'on vit
aujourd'hui, voilà le problème. En effet, les membres de cette
commission sont certainement au courant que le comité d'orientation qui
devait être le pivot central de toute la loi 71 n'a jamais
été mis à exécution parce qu'un des trois
partenaires de l'école, pour quelque raison que ce soit, a toujours
refusé d'y participer. Dans la loi 71, on avait bien prévu ce
comité d'orientation avec des pouvoirs décisionnels, dans des
champs bien précis, mais on n'est pas arrivé à convaincre
les trois partenaires de participer. Qu'on l'appelle comité
d'orientation, qu'on l'appelle demain conseil d'école, on aura
toujours le même résultat. En effet, on va manquer notre coup
encore une fois de faire travailler les trois partenaires de l'école
ensemble à un projet éducatif sain pour avoir vraiment une bonne
éducation pour nos enfants.
M. Maciocia: II y a une autre question à laquelle
j'aimerais que vous répondiez. Actuellement, je suis convaincu que ce
n'est pas le cas, mais est-ce que, dans le projet de loi 40, d'après
vous, il y a une garantie que nos enfants auront une meilleure
éducation?
M. Gagliano: M. le Président, c'est une question sur
laquelle, vraiment, je ne voudrais pas lancer un débat. Je pense que
c'est un projet de loi qui touche - je l'ai bien dit dans ma
présentation - les structures. D'après moi, la loi 40
n'améliorerait pas la qualité de l'enseignement, parce que c'est
une loi qui touche plutôt les structures du système scolaire qu'on
a au Québec. Autour de la table, j'ai vu beaucoup de signes des
commissaires qui auraient peut-être des éléments de
réponse. Si vous me le permettez, je ne sais pas si M. Morselli avait
fait un signe pour répondre.
M. Morselli: Non.
M. Gagliano: Parfait. Mme Boisvert, vous m'avez fait un
signe?
Le Président (M. Blouin): Oui.
M. Gagliano: J'imagine que vous voulez une réponse
très brève.
Le Président (M. Blouin): Oui, parce qu'il s'agit d'une
question tellement vague.
M. Gagliano: Oui, c'est cela. Alors, Mme Boisvert...
Le Président (M. Blouin): Non pas vague, mais je veux dire
tellement large, plutôt, que cela peut amener des réponses... On
pourrait relire les mémoires Mme Boisvert.
M. Maciocia: Je dirai aussi, M. le Président, large et
importante.
Le Président (M. Blouin): Large et importante, en effet.
Mme Boisvert.
M. Gagliano: Deux petites réponses très courtes:
une de Mme Boisvert et l'autre de Mme Masse, avec votre permission.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Mme
Boisvert.
Mme Boisvert: Je pense qu'actuellement dans le projet de loi 40
on ne parle pas tellement du vécu de l'élève. On s'attaque
davantage aux structures et celles-ci sont tellement loin de
l'élève dans le projet de loi 40 que cela ne touchera en rien la
qualité de l'éducation. Je pense que c'est primordial qu'on
touche la qualité de l'éducation en premier plutôt que de
s'attaquer aux structures. Chaque fois qu'on touche aux structures, on
s'éloigne davantage de l'enfant et on ne peut faire l'évaluation
qu'il serait nécessaire de faire au niveau de l'école.
Le Président (M. Blouin): Mme Masse.
Mme Masse: Je veux ajouter à ce que Mme Boisvert vient de
dire que c'est toujours positivement que nous avons regardé le projet de
loi 40; nous vous l'avons dit dès le début. Le travail a
été fait en équipe et ce qu'il est possible d'apporter,
nous l'avons mis sur papier. Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Masse. M. le
député de Viger.
M. Maciocia: M. le Président, j'avais une autre question
à poser aux commissaires. Pouvez-vous me dire combien de commissaires
élus à la commission scolaire Jérôme-Le Royer sont
des parents actuellement?
M. Gagliano: Sans faire de statistiques, je pourrais vous...
M. Maciocia: Je voudrais continuer, parce que vous allez nous
donner la même réponse. Je suis resté un peu
étonné hier d'entendre le comité de parents dire, à
un certain moment, que les gens qui étaient élus par le
comité de parents représentaient un peu la qualité et que
les gens élus au suffrage universel représentaient un peu la
quantité. Comme sous-question, est-ce qu'il y en a qui étaient au
comité de parents avant de devenir des commissaires élus au
suffrage universel?
Le Président (M. Blouin): M. Gagliano. (12 heures)
M. Gagliano: M. le Président, je pourrais dire
qu'actuellement, les treize commissaires élus au suffrage universel
-parce que nous, les parents on les considère comme membres du conseil
des commissaires - sont des parents, à l'exception de Mme Jeannette
Masse. Au comité des parents, nous venons tous du comité
d'école. Nous nous sommes impliqués comme parents au
comité d'école, mais M. Perri est un enseignant, Mme Masse est
enseignante. Avant d'être élu commissaire, j'ai été
secrétaire du comité d'école de l'école de
mon enfant, puis vice-président, et après j'ai
été élu commissaire.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Gagliano. Merci, M. le
député de Viger. M. le député de Fabre.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Mon intervention
sera courte, mais je vais tout de même prendre le temps de remercier et
de féliciter la commission scolaire Jérôme-Le Royer pour
l'excellent travail qui a été fait; c'est une réflexion
qui remonte au livre blanc et qui a été bien articulée,
ceci en complémentarité avec les parents, les enseignants. Je
suis un peu au courant de votre travail puisque j'ai eu l'occasion d'assister
à une importante réunion des parents qui a eu lieu chez vous sur
le livre blanc. J'ai constaté tout le travail de réflexion qui
s'est fait.
Pour compléter les questions de mon collègue de Vachon,
puisque beaucoup de points ont été éclaircis par rapport
aux questions qu'il vous a posées, il y a un point qui demeure tout de
même un peu obscur. C'est cette question de la relation du directeur
d'école avec le conseil d'école ainsi qu'avec la commission
scolaire. J'aimerais revenir un peu sur cette question parce que cela
m'apparaît central.
Vous avez dit, pour commencer, que le mandat du directeur d'école
touchait les questions administratives et qu'à cet égard il
relevait du directeur général de la commission scolaire, que le
mandat du conseil d'école touchait plus particulièrement le
projet éducatif et les questions pédagogiques. Jusque-là,
cela va et je pense qu'on peut établir une distinction entre les deux.
Sauf qu'il peut arriver parfois que le directeur général puisse
être en désaccord avec une décision prise par le conseil
d'école dans le domaine pédagogique.
Je vais vous donner un exemple. Si le conseil d'école proposait
d'enrichir les programmes d'études dans un sens ou dans l'autre ou d'y
ajouter, comme c'est permis par le projet de loi, de préparer un cours
ou un programme pour enrichir le vécu de l'école - on est dans le
domaine pédagogique - si le directeur d'école était en
désaccord et, sur ce point, avait l'approbation de son directeur
général, donc de sa commission scolaire, qu'est-ce qui, selon
vous, arriverait? Il me semble que cela mériterait d'être
envisagé. En tout cas, c'est un problème qui peut se poser
puisque je suis dans le domaine pédagogique, de l'élaboration de
programmes de cours pour les enfants. Admettons que les enseignants au conseil
d'école, que les parents sont d'accord, mais que le directeur, qui n'a
pas le droit de vote, est en désaccord; à ce moment-là, si
on s'entend sur le fait que le conseil d'école a des pouvoirs
décisionnels dans le domaine pédagogique, qui finalement
prendrait la décision, à votre avis, le conseil d'école ou
la commission scolaire?
M. Gagliano: Dans ce cas-là, bien sûr, vous parlez
d'un conflit. C'est vrai, j'en conviens, cela peut arriver. Disons que, lors de
l'étude du comité, nous nous sommes même posé cette
question. Ma collègue, Jeannette Masse, aimerait vous donner quelques
commentaires là-dessus avec, bien sûr, toujours la permission du
président de la commission.
Mme Masse: M. le Président, avant de donner la parole
à notre spécialiste, j'aimerais seulement ajouter que nous avons
bien mentionné le fait que le directeur d'école devrait s'occuper
en grande partie de la chose pédagogique, et non pas d'administration,
selon ce qui viendrait dans le projet de loi; c'est ce que nous demandons. En
plus, nous avons considéré d'une façon tout à fait
particulière qu'un directeur d'école, c'est un chef, un leader.
Cela doit être normal dans l'école qu'il soit chef et leader et
donne une direction dans son école. À ce moment-là, je
pense que les problèmes pourraient être minimisés.
Étant chef, donnant des directions pédagogiques, il peut
très bien amener le comité de parents à ce qu'il veut, un
peu toujours. Ensuite, par la communication avec le directeur
général de la commission, je pense que les problèmes
seraient aplanis en ce sens-là, les difficultés ne seraient pas
extravagantes ou insolubles. Je pense que notre directeur
général, avec la permission du président, peut
compléter le débat que nous avons eu sur le sujet.
M. Gagliano: Si vous permettez, M. le Président...
M. Poirier: M. le Président...
M. Gagliano: La question qui a été posée est
quand même celle de savoir qui doit vraiment prendre la décision.
Bien sûr, dans un cas pareil, le directeur général sera
impliqué et j'aimerais qu'il apporte des explications
supplémentaires.
M. Poirier: M. le Président, je ne prétends pas
apporter une solution définitive à votre question, qui est fort
pertinente. Je donnerai cependant certaines indications. On dit, à la
page 10, dans les pouvoirs délégués au conseil
d'école, que le conseil d'école peut établir, en ayant
décidé ainsi, des modalités organisationnelles se
rapportant à l'application du régime pédagogique. Cela
peut être, comme vous l'avez mentionné, pour enrichir un
programme. Il reste qu'en haut de cette page 10, à l'article 2.2.3.7, on
dit toujours que c'est conformément aux grands encadrements du
ministère et de la
commission scolaire. Voilà une première balise. Le conseil
d'école ne peut pas dépasser cette balise-là.
Il y a d'autres balises qu'on va retrouver dans toute la question de la
gestion des personnels, par exemple dans l'application des conventions
collectives, qui peuvent faire qu'à un moment donné l'application
d'une modalité organisationnelle du régime pédagogique
peut engendrer le besoin de deux, trois, quatre, cinq ou six enseignants
supplémentaires. Il est évident qu'à ce moment-là
la commission scolaire, telle qu'on la définit, va allumer un feu rouge
et dire: Votre projet est extraordinaire, sauf que cela suscite telle
dépense supplémentaire. Il y a un certain nombre de balises comme
celle-là.
La troisième balise serait la suivante: on dit, d'une part, que
le directeur d'école, qui relève du directeur
général, rend compte de son mandat à la commission
scolaire, au directeur général, dans les attributions qui le
concernent. D'autre part, on fait aussi l'obligation au directeur
d'école de rendre compte - l'expression exacte est de faire rapport - au
conseil d'école sur toutes les activités sur lesquelles le
conseil d'école a juridiction, de sorte qu'avec ces nuances, je pense
qu'on peut résoudre la question que vous posez.
J'ajouterais cependant, en terminant, M. le Président, que
l'effort que nous avons fait et que nous vous soumettons ne se prétend
pas parfait. Je pense que la réflexion doit se continuer; nous avons
fait un grand bout de chemin avec les gens qui sont ici pour essayer de cerner
davantage ce qui était plus ou moins flou dans le projet de loi, mais
nous convenons qu'il est encore perfectible.
M. Leduc (Fabre): Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Fabre. Mme la députée de
Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci. J'aimerais saluer les représentants
de la commission scolaire Jérôme-Le Royer. Je recommande aux
ministériels d'étudier sérieusement le mémoire
principal que vous avez préparé. Malheureusement, faute de temps,
je crois que le résumé ne reflète pas pleinement vos
recommandations, tandis que le mémoire principal révèle
une analyse claire, équilibrée, très profonde et pleine de
bon sens. Essentiellement, votre mémoire appuie une évolution
cohérente qui respecte l'intégrité du système comme
gouvernement régional au lieu du chambardement-choc proposé par
le projet de loi 40.
J'ai deux questions. Je parle du mémoire principal. À la
page 37, à la dernière recommandation, vous parlez des pouvoirs
et des fonctions qui sont reliés aux services éducatifs, et vous
envisagez la possibilité qu'une école demande à la
commission scolaire d'exercer les pouvoirs de l'école d'une façon
temporaire en matière de gestion des ressources humaines,
matérielles ou financières. Est-ce que vous envisagez le fait
qu'un bon nombre d'écoles vont demander à la commission scolaire
de prendre en charge ces responsabilités d'une façon permanente
et pas uniquement temporaire?
M. Gagliano: Pour répondre à la question de Mme la
députée de Jacques-Cartier que j'ai eu l'occasion de rencontrer
quand j'étais commissaire au niveau de différentes
réunions provinciales, quand nous avons ajouté cette
recommandation, c'était dans l'esprit qu'on a des écoles
élémentaires, de petites écoles. Bien sûr, elles
n'ont pas le personnel ni les moyens, comme au ministère, pour
gérer les ressources humaines. C'est pour cela que nous voulons que soit
inscrite la possibilité que, si des écoles veulent laisser la
commission scolaire s'occuper de gestion des ressources humaines,
matérielles et financières, elles puissent le faire. C'est dans
ce sens, à cause des écoles. Quel nombre on aurait dans notre
commission scolaire? C'est bien difficile de vous répondre. On a
environ, si ma mémoire est bonne, 42 écoles. Donc, parmi ces 42
écoles, on a 5 polyvalentes, mais on a plusieurs écoles
élémentaires. C'est toute une question qui pourrait
être...
Avec la permission de M. le président de la commission, Mme Masse
aimerait ajouter plus d'éclaircissement sur la question. Mme Masse.
Mme Masse: J'ai très peu à ajouter. Nous avons
parlé de la possibilité pour l'école de donner une
coloration locale. C'est pour cela que nous insistons beaucoup sur des pouvoirs
élargis et non pas restreints pour la commission scolaire, un pouvoir de
discrétion dans son administration, afin de donner des services de
qualité et diversifiés aussi. Cela suppose qu'elle a des
ressources humaines, donc, un nombre satisfaisant d'élèves et des
ressources financières aussi. C'est pourquoi restreindre les pouvoirs
d'une commission scolaire serait dommageable pour l'ensemble de ses
écoles, parce qu'elles donnent une coloration. Ressources humaines,
c'est très important. Plan de financement, c'est très important
pour la commission scolaire. C'est une possibilité de répondre
aux besoins des écoles si on leur en donne l'occasion.
M. Gagliano: Toujours avec votre permission, M. le
Président, M. Perri aimerait compléter cette réponse.
Le Président (M. Blouin); M. Perri.
M. Perri: Seulement pour compléter. Est-ce que nous
croyons qu'il y a plusieurs écoles qui vont demander l'aide de la
commission scolaire? Tout cela est une question hypothétique, mais ce
que nous croyons, c'est que les services éducatifs de la commission
scolaire sont vraiment les moteurs de la commission scolaire. C'est le service
le plus important. Comme on a dit, ce sont des déclencheurs. Alors,
c'est la commission scolaire qui fournit tous les services demandés par
les écoles. Comme vous voyez, c'est la commission scolaire qui est
là, au service des écoles.
Mme Dougherty: Je n'ai pas compris. Étant donné vos
réponses, je pense que, dans le projet de loi, il y a la
possibilité que quelques écoles ne veuillent pas accepter un tel
pouvoir délégué par la commission scolaire. Il y a
possibilité qu'elles délèguent ces pouvoirs à la
commission scolaire d'une façon temporaire. Est-ce ce que vous
recommandez ici? C'est la même pensée qu'on retrouve dans le
projet de loi.
M. Gagliano: Justement, c'est l'article 216 du projet de loi.
Mme Dougherty: D'accord. La deuxième question touche le
Conseil scolaire de l'île de Montréal. Dans votre mémoire,
à la page 46, vous avez proposé des pouvoirs, un Conseil scolaire
de l'île de Montréal avec des pouvoirs, des emprunts à
court terme et à long terme des commissions scolaires et le pouvoir de
taxation uniforme sur l'île de Montréal, avec une
répartition per capita dans les commissions scolaires. (12 h 15)
Je constate que vous n'envisagez pas le rôle de
péréquation exercé par le Conseil scolaire de l'île
de Montréal actuellement. Voudriez-vous en parler davantage? Je parle
surtout des montants que le conseil scolaire de l'île retient -
amassé par les taxes scolaires - afin d'égaliser les chances sur
l'île. Avez-vous des commentaires? Pourquoi n'avez-vous pas inclus ce
pouvoir?
M. Gagliano: Tout d'abord, disons que, dans notre proposition,
nous recommandons qu'il y ait un organisme scolaire à l'île de
Montréal, afin qu'il s'occupe de la dette obligataire, des emprunts
à court et long termes, ce que nous trouvons bénéfique
pour les commissions scolaires de l'île.
Dans le champ de taxation, bien sûr, avec la loi 57, les pouvoirs
du conseil scolaire de l'île en matière de taxation sont minimes
et nous recommandons un taux de taxe uniforme sur l'île et une
répartition per capita dans les commissions scolaires.
Pour la question de la péréquation - je sais qu'on
pourrait en débattre très longuement - je demanderais à
notre directeur général adjoint, qui est responsable des services
financiers, de compléter vraiment toute la question de la
péréquation étant donné qu'il vit tous les jours
avec ces problèmes.
Le Président (M. Blouin): M. Gauthier.
M. Gauthier (André): M. le Président,
essentiellement, le montant que le conseil de l'île
récupère en tant que taxe hors normes est d'au-delà de 40
000 000 $. De cette somme, il en redistribue 80%, c'est-à-dire environ
37% sur une base per capita. En fait, quand on parle de
péréquation, au niveau du conseil de l'île, c'est
peut-être essentiellement au niveau des milieux défavorisés
où, de par la loi, le conseil a déjà des pouvoirs
spécifiques, ce qui lui permet de réserver certaines sommes qui
sont par la suite réparties entre les commissions scolaires.
Toute cette notion de péréquation nous apparaît
quand même minime dans ce sens. C'est-à-dire qu'évidemment,
actuellement, les montants pour les milieux défavorisés sont
répartis sur des rapports statistiques d'il y a quelques années.
Je pense aussi que, sur ce point, il y aurait avantage à ce que les
commissions scolaires de l'île puissent donner leur avis sur l'ensemble
des montants de la taxe hors normes. J'inclus le montant qui actuellement est
attribué pour les milieux défavorisés. Je ne sais pas si
ça répond à votre question.
Mme Dougherty: Voudriez-vous me répéter la
dernière partie de votre réponse? Qu'est-ce que vous recommandez
exactement? Que la taxe hors normes...
M. Gauthier (André): Que la taxe hors normes soit
distribuée, dans un premier temps, en totalité sous forme de per
capita et que, dans un deuxième temps, si les commissions scolaires de
l'île jugeaient bon de se donner des services particuliers du type des
milieux défavorisés, entre autres, certaines sommes soient
réservées. Au niveau du conseil scolaire de l'île,
effectivement, les huit commissions scolaires de l'île pourraient puiser
à même la taxe hors normes un certain montant qui pourrait
être réparti ensuite sous une forme quelconque à être
déterminée.
Mme Dougherty: Alors, au lieu d'inscrire ce pouvoir dans la loi,
vous préférez que la possibilité soit là pour les
commissions scolaires de prendre une décision conjointe de le faire?
M. Gauthier (André): Justement.
Mme Dougherty: Cette notion pourrait amener à d'autres
initiatives conjointes qui
touchent d'autres activités pour le bénéfice de
l'ensemble de l'île...
M. Gauthier (André): Exactement.
Mme Dougherty: ...mais sans inscrire une telle disposition dans
la loi. Donc, il y aurait une espèce de porte ouverte pour des
initiatives conjointes.
M. Gauthier (André): Exactement. En fait - sans me
répéter - le montant de la taxe hors normes est d'abord
réparti per capita et, par la suite, si l'ensemble des commissions
scolaires jugent opportun de réserver certaines sommes sous forme de
péréquation ou autrement pour quelque projet que ce soit, c'est
l'ensemble des commissions scolaires qui le décident à une table
de concertation qui serait au niveau du conseil de l'île.
Mme Dougherty: Je crois que c'est une idée
intéressante. Le seul problème, c'est que, s'il y a une
commission scolaire qui n'est pas d'accord, que faudra-t-il faire? Il faut
avoir un vote unanime. Si le pouvoir n'est pas inscrit dans la loi, c'est
très difficile quelquefois d'avoir un vote unanime. Il y a toujours un
dissident qui ne veut pas collaborer.
M. Gauthier (André): Évidemment, cette
possibilité va demeurer, sauf qu'avec la proposition du projet de loi -
qu'on entérine, évidemment - avec des commissions scolaires ayant
un nombre d'élèves quand même semblable, je pense qu'en
termes d'équité de répartition, on pourrait y arriver,
sinon avec une majorité, peut-être avec les deux tiers des
commissions scolaires. Ce sont des modalités, en fin de compte. Au
niveau de notre mémoire, on n'a pas discuté de façon aussi
élaborée, mais cela pourrait être une formule qui pourrait,
dans un deuxième temps, être analysée.
Mme Dougherty: Très bien. Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la
députée de Jacques-Cartier. Au nom de tous les membres ds la
commission, je remercie les représentants de la commission scolaire
Jérôme-Le Royer de leur participation aux travaux de notre
commission.
J'invite maintenant les représentantes et les
représentants de sept groupes distincts que nous allons maintenant
recevoir, que je me permets d'identifier à nouveau. Il s'agit de
l'Association du Québec pour les déficients mentaux,
l'Association du Québec pour enfants avec problèmes auditifs,
l'Association de paralysie cérébrale du Québec Inc.,
l'Association canadienne de l'ataxie de Friedreich, l'Association
québécoise pour enfants et adultes ayant des troubles
d'apprentissage, la Société québécoise de l'autisme
et l'Association québécoise des parents d'enfants
handicapés visuels. Chacun de ces groupes procédera à une
présentation d'une dizaine de minutes relative à la situation
particulière des personnes qu'il représente. Par la suite, nous
procéderons aux échanges entre les membres de la commission et
nos invités et il est évident que chaque organisme pourra
requérir le soutien de toute personne qui l'accompagne pour
répondre aux interrogations soulevées par les membres de la
commission. Afin de permettre à ces représentants de bien vouloir
s'installer, nous allons maintenant demander à nos invités
précédents de bien vouloir leur permettre de procéder.
Nous allons commencer avec le représentant de l'Association du
Québec pour les déficients mentaux, M. Allen Henley, que j'invite
maintenant à procéder à la présentation de son
mémoire.
Organismes provinciaux de
promotion et de défense des
droits et intérêts des
personnes handicapées
M. Henley (Allen): M. le Président, mesdames et messieurs,
membres de la commission, permettez-moi tout d'abord de vous présenter
mes collègues ici présents: Mme Monique Robitaille-Rousseau,
parent d'un enfant vivant avec un handicap intellectuel, vice-présidente
de l'Association du Québec pour les déficients mentaux,
présidente aussi de l'association locale ici à Québec; Mme
Louise Doré, membre du comité exécutif de l'Association du
Québec pour les déficients mentaux, qui travaille avec des
personnes adultes, handicapées intellectuellement; Mme Barbara Robinson,
parent et membre; M. Yves Genest, permanent à l'Association du
Québec pour les déficients mentaux; mon nom est Allen Henley, je
suis parent d'une fille avec handicap intellectuel et physique et je suis
président de l'AQDM.
Les organismes provinciaux de promotion des droits et des
intérêts des personnes vivant avec un handicap se sont
concertés après avoir produit leur mémoire. Nous avons pu
constater ensemble que nous avons beaucoup de points en commun et les quelques
différences que nous avons sont le résultat d'une
problématique et d'une clientèle propres à chaque
organisme.
Ceci dit, M. le Président, avec votre permission, nous aurions
aimé que chacune des organisations présente un sommaire de son
mémoire d'environ dix minutes et réponde ensuite aux questions
des membres de la commission durant une vingtaine de minutes, pour ensuite
céder la place à
l'organisme suivant.
Nous aurions tous souhaité que chaque organisme puisse avoir 60
minutes à sa disposition, mais nous sommes conscients que vous avez
reçu beaucoup de demandes et que vous saurez considérer quand
même à leur juste valeur nos demandes concernant le projet de loi
40.
M. le Président, en ce qui a trait à notre
présentation, je débuterai en informant les membres de cette
commission de ce qu'est l'Association du Québec pour les
déficients mentaux. Fondée par la volonté d'associations
oeuvrant au niveau d'une ou de plusieurs localités, l'Association du
Québec pour les déficients mentaux a pris naissance en 1951. Sa
mission principale est essentiellement la promotion et la défense des
intérêts des personnes vivant avec une déficience
intellectuelle. Son action se situe sur deux paliers, soit au niveau local
comme support aux associations membres et au niveau provincial comme
représentant auprès des divers ministères et organismes
publics et privés.
Il existe présentement au Québec quelque 200 000 personnes
handicapées à cause d'une déficience intellectuelle, dont
près de 60 000 sont d'âge scolaire entre 4 et 21 ans. La
déficience intellectuelle chez ces élèves se manifestera
principalement par une certaine lenteur d'apprentissage qui amènera avec
l'âge un retard dans leur propre développement, rendant ainsi de
plus en plus difficile l'adaptation aux diverses attentes et exigences du
milieu ou de la société.
Pour nous, après son milieu familial, l'école constitue
pour l'élève déficient intellectuellement le milieu le
plus propice et le plus significatif pour son développement et sa
socialisation. Nous voulons donc concentrer nos efforts sur l'école
comme lieu d'apprentissage, en ayant comme toile de fond l'élève
handicapé intellectuellement fréquentant son école de
quartier et le rôle des parents comme premiers responsables et
intervenants auprès de leur enfant.
À cet égard nos attentes comme parents d'enfants ayant une
déficience mentale, sont les suivantes:
Premièrement, nous voulons que nos enfants puissent être
considérés comme citoyens à part égale;
Deuxièmement, nous voulons qu'ils puissent vivre le plus
normalement possible selon leur âge, au sein de la communauté
qu'ils habitent;
Troisièmement, nous voulons que nos enfants soient
intégrés à l'école du quartier et y
reçoivent des services éducatifs appropriés;
Quatrièmement, nous voulons participer activement à toute
décision touchant à la fois les services éducatifs offerts
et les modalités de dispensation de ces services.
(12 h 30)
Cinquièmement, nous voulons que les droits de nos enfants
prévalent sur toute considération d'ordre administratif ou
syndical.
Sixièmement, nous voulons que l'intégration de nos enfants
en classe régulière ne soit plus un privilège
accordé selon le bon vouloir de la commission scolaire, de la direction
de l'école ou du professeur.
Septièmement, nous voulons que l'on inverse l'application
pratique du modèle en cascade; c'est-à-dire que nous voulons que
tous les enfants d'âge scolaire soient d'abord inscrits en classe
régulière, qu'ils deviennent des élèves de cette
classe et que le droit de recevoir des services éducatifs soit
respecté dans ce milieu.
Le projet de loi 40 sur l'enseignement primaire et secondaire public
reçoit l'appui de l'association, par ses comités régionaux
et son conseil d'administration, quant à ses orientations fondamentales.
Certains éléments de ce projet de loi ont été
acceptés par un grand nombre de parents. Qu'il suffise de mentionner la
reconnaissance d'une présomption de compétence à
l'égard des parents et des élèves, l'implication des
parents et de l'élève au niveau de la gestion du régime
pédagogique et l'autonomie accrue de l'école.
Nous souscrivons sans hésiter, en principe, à ces trois
éléments pour autant que les moyens dont ils disposeront leur
permettront d'être de réels agents de changement. Les
modifications aux règles du jeu que cette réforme
nécessite, tant au niveau administratif qu'organisationnel, ont fait
l'objet de plusieurs interventions à cette commission. Elle devra
permettre au gouvernement d'y apporter les modifications qu'il jugera
utiles.
Certains éléments du projet de loi nous paraissent
imprécis. Je n'en noterai que deux qui nous ont semblé plus
importants. Premièrement, les pouvoirs dévolus à chaque
palier. Il nous semble y avoir, dans le projet de loi, une confusion au niveau
des pouvoirs administratifs de chacun, ce qui ne nous permet pas toujours de
comprendre clairement qui fait quoi.
Deuxièmement, les droits de l'élève. Il nous semble
que ses droits sont restreints par les pouvoirs dévolus à chaque
niveau de décision. Ces imprécisions sont peut-être l'effet
d'une rationnelle qui nous est inconnue. Si nous l'interprétons ainsi,
c'est attribuable à l'expérience vécue au cours des
années.
Au niveau des faiblesses, nous constatons que nulle part la
prématernelle pour les enfants de quatre ans, principalement pour nos
enfants, n'a été retenue comme un droit. Pourtant, vous en
connaissez l'importance.
Une autre faiblesse de ce projet de loi consiste à ce que le
fardeau de la preuve, lors du renvoi d'un élève, ne soit pas la
responsabilité de la commission scolaire. Pourtant, la
Fédération des commissions scolaires, lors du Sommet
socio-économique, s'était engagée en ce sens.
Nous avons écouté avec intérêt, hier soir,
les modifications aux articles 14, 97 et 204 que M. le ministre se propose
d'apporter au projet de loi 40. Les services particuliers et
complémentaires seront, dans un certain sens, maintenus. Il serait
souhaitable que des normes sur la qualité minimale de ces services
soient établies afin de pallier les variations d'interprétation
des besoins de ces services dans les différentes commissions scolaires,
afin de s'assurer d'un accès maximal à ces services. Notre
conception de l'intégration n'est pas une modalité, mais un
principe fondamental qui va plus dans le sens du développement de
l'enfant.
Pour ces raisons, M. le Président, nous aimerions que certaines
modifications soient apportées au projet de loi, afin que l'on assure de
façon univoque à tout élève déficient
mentalement le droit à l'enseignement primaire et secondaire public,
incluant les services supplémentaires nécessaires à
l'exercice de ce droit, le droit de recevoir ces services d'enseignement de
façon intégrée, soit dans une classe ordinaire de
l'école du quartier, et le droit de recevoir des services additionnels,
complémentaires et particuliers qui soient préalablement
planifiés et coordonnés.
Nous aimerions finalement que les règlements de la loi
prescrivent certaines orientations et normes d'organisation des services
à l'élève en difficulté d'adaptation et
d'apprentissage afin d'assurer à tous ces élèves des
services adéquats dans chaque école et commission scolaire du
Québec.
M. le Président, l'AQDM, par la voix de ses représentants,
vous remercie de l'attention que vous nous avez portée. Nous sommes
confiants que vous n'hésiterez pas à accorder à nos
enfants ces demandes. Les quelque 60 000 élèves handicapés
intellectuellement et leurs parents sont à l'écoute des
réponses que vous nous donnerez.
M. le Président, je vous remercie.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. Henley.
J'invite maintenant Mme Hélène Laurin, qui est
représentante de l'Association du Québec pour enfants avec
problèmes auditifs, à bien vouloir nous livrer la
présentation.
Mme Laurin (Hélène): M. le Président, je
suis présentement présidente de l'Association
québécoise pour enfants avec problèmes auditifs. L'AQEPA,
depuis sa fondation en 1969, à travers ses différentes
communications au ministère de l'Éducation et aux autres
instances, a fait connaître son point de vue en matière de
scolarisation des jeunes déficients auditifs.
C'est pourquoi, aujourd'hui, nous nous attardons uniquement aux articles
du projet de loi qui concernent plus spécifiquement la
problématique qui nous intéresse. Nos recommandations sont le
résultat de nombreuses consultations de chacune des instances de notre
association pour qui le leitmotiv est demeuré le même, soit,
premièrement, le droit qu'ont tous les enfants handicapés
à cause d'une déficience auditive de recevoir des services
éducatifs de qualité favorisant leur intégration sociale,
et, deuxièmement, le droit qu'ont tous les parents de ceux-ci, en leur
qualité de premiers intervenants, de participer directement à
toute prise de décision concernant leur enfant.
Notre association se réjouit donc de lire en première page
du projet de loi 40 que celui-ci reconnaît à l'enfant son droit
à des services éducatifs gratuits contribuant à sa
formation et favorisant son insertion sociale, et ce, dans le respect de ses
droits individuels.
Nous ne pouvons être en désaccord avec de tels principes,
mais nous voulons quand même manifester certaines craintes quant aux
modalités de reconnaissance et d'application de ces droits qui, pour
nous, doivent concerner également les enfants handicapés à
cause d'une déficience auditive. Trop peu de garanties nous sont
données en ce sens.
D'autre part, nous croyons en la capacité qu'ont les parents de
s'impliquer dans les politiques qui concernent l'éducation de leur
enfant, mais nous sommes aussi conscients de certaines limites qui ne nous
permettent pas d'être toujours présents dans toutes les structures
de l'appareil scolaire. C'est pourquoi il nous apparaît essentiel que les
parents participent à part entière à l'élaboration
des grandes lignes directrices qu'établissent les commissions scolaires
en ce qui concerne l'intégration des enfants handicapés.
Le projet de loi utilise à plusieurs reprises dans sa
terminologie la dénomination d'élèves en difficulté
d'adaptation et d'apprentissage pour qui des services particuliers ou des
services de soutien pédagogique doivent être dispensés. Au
fait, que veut dire explicitement cette dénomination et surtout quelle
clientèle englobe-t-elle? Notre crainte à ce chapitre serait que
cette dénomination généralise trop les services
particuliers à être dispensés à ces nombreuses
clientèles et passe à côté des
spécificités de chacune d'elles. Il serait donc important que le
projet de loi ou encore sa réglementation soit davantage claire en cette
matière.
Au chapitre sur les élèves, l'article 14 reconnaît
le droit à l'éducation préscolaire pour l'enfant de cinq
ans et plus. Or, dans votre livre blanc, vous reconnaissiez ce droit dès
l'âge de quatre ans pour ces enfants en difficulté d'adaptation et
d'apprentissage. Aussi, nous recommandons que l'éducation
préscolaire soit accessible dans le milieu le plus normal possible pour
les enfants en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage
âgés de quatre ans. Ici, nous ne voulons pas créer de
ghetto pour ces enfants de quatre ans, mais bien les intégrer le plus
tôt possible dans leur milieu naturel en leur offrant des services
éducatifs en milieu de garderie ou autrement.
Considérant que le projet de loi, à l'article 18, donne le
droit aux parents ou à l'élève majeur de choisir
l'école qui correspond le mieux à leur préférence
ou dont le projet éducatif correspond le plus à leurs valeurs, le
transport scolaire devient donc un moyen indispensable pour l'exercice de ces
droits.
En ce sens, nous recommandons que des services gratuits de transport
soient assurés aux enfants handicapés dont les parents ont choisi
une école en particulier en se guidant sur le critère que cette
école leur semble la plus apte à assurer le développement
optimal et l'intégration harmonieuse de l'enfant ou du déficient
auditif.
Étant donné l'assurance qui a été
donnée hier qu'un assistant du Protecteur du citoyen s'occuperait
uniquement de la question scolaire, nous considérons que c'est une chose
acquise et nous ne reviendrons pas sur ce sujet.
Quant à la représentation des droits de l'enfant
handicapé au sein de l'école, nous avons plusieurs points
à soulever. Ramenant à nouveau le droit que nous reconnaissons
aux parents de représenter leur enfant auprès des conseils
d'école, nous recommandons que l'article 33 soit modifié afin de
considérer ce qui suit: Que, dans les écoles dites
spéciales conçues pour répondre aux besoins
spécifiques d'élèves handicapés, on retrouve, de la
même façon que dans les écoles régulières,
des conseils d'école où les parents seront majoritairement
représentés et que ces parents soient élus de la
même façon que pour les autres conseils d'école et non
nommés par le ministre, et que, pour actualiser cedit conseil, les
parents venant des régions éloignées
bénéficient d'une aide financière permettant leur
participation au sein des conseils d'école.
Toujours dans cette même foulée, nous recommandons que,
dans les écoles régulières à vocation locale et
régionale, l'on retrouve au sein des conseils d'école une
représentation équitable des parents des enfants
handicapés et/ou des élèves handicapés
eux-mêmes.
Les articles 64, 67 et 70 font état de la responsabilité
du directeur d'école de convoquer en assemblée les parents, le
personnel enseignant et les étudiants afin de maximiser la participation
des personnes sourdes à ces assemblées. Nous recommandons...
Le Président (M. Blouin): Nous allons suspendre la
séance pour quelques secondes. Vous pouvez poursuivre, j'espère
que cela ne se reproduira pas. Nous allons tenter de faire cesser ces bruits,
cela ne sera pas très long. Nous allons suspendre les travaux pour
quelques secondes. Allez-y.
Mme Laurin: ...que le directeur d'école s'assure que l'on
accorde au collège électoral les moyens permettant la pleine
participation des personnes sourdes, par exemple, en leur accordant des
services d'interprétation, comme il y en a à la
télévision aujourd'hui, ou autres moyens. De plus, parmi les
différents sujets sur lesquels ces comités peuvent être
consultés, il nous apparaît essentiel que soient retenus comme
sujet de consultation les modalités d'intégration en milieu
scolaire des enfants en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage.
Tel que décrit aux articles 76 et 77, afin de dispenser des
services de qualité, il nous apparaît essentiel de recommander que
des services éducatifs de qualité soient appuyés par une
formation appropriée des enseignants avant leur entrée en
fonction, de même qu'en cours d'emploi et qu'en plus on leur accorde un
support pédagogique adéquat.
La description de tâche du directeur d'école, telle que
décrite à l'article 86, et son pouvoir d'intégrer un
élève en difficulté d'adaptation et d'apprentissage
décrit à l'article 86 ne nous laissent pas suffisamment de
garanties pour que les élèves déficients auditifs
reçoivent tous les services adéquats nécessités par
leur handicap, tels que soutien pédagogique, orthophonie, audiologie et
services d'interprétation, et que tous les éléments
prévus par le plan d'intervention de l'élève
handicapé seront mis en place.
Nous recommandons que soit ajouté à l'article 86 une
huitième tâche au mandat du directeur d'école: assurer les
services adéquats aux élèves handicapés auditifs
comme à l'ensemble des élèves en difficulté
d'adaptation ou d'apprentissage et que celui-ci - tel que vous l'avez
annoncé hier - se porte responsable de la mise en place de tous les
éléments prévus dans le plan d'intervention. (12 h 45)
Article 112. On parle de consulter les parents et le personnel en cause
avant de dispenser à l'élève des services particuliers.
Étant donné que nous avons de la suite dans les idées,
nous recommandons que cet article soit modifié de façon à
prescrire à l'école le devoir d'impliquer les parents, le
personnel
concerné et l'élève dans toute prise de
décision concernant ce dernier.
Passons maintenant au rôle des commissions scolaires face à
la clientèle qui nous préoccupe. On y parle d'un comité de
services aux élèves en difficulté d'adaptation et
d'apprentissage. C'est bien, mais pour nous ce comité ne doit pas
être que consultatif mais bien responsable. Nous recommandons donc que
soit constitué dans chaque commission scolaire un comité
responsable des services aux élèves en difficulté
d'adaptation ou d'apprentissage. Ce comité doit être
composé majoritairement de parents d'élèves en
difficulté d'adaptation ou d'apprentissage élus par eux ou,
à défaut, nommés par la commission scolaire après
avoir consulté des organismes de promotion représentant le ou les
types de clientèles concernées, de membres de la direction et du
personnel concerné et d'experts en la matière, incluant des
élèves handicapés du secondaire ou des adultes
handicapés qui ont été dans le passé aux prises
avec des difficultés d'intégration scolaire.
Que ce comité ait pour fonctions d'élaborer et de voir
à l'application des normes d'organisation des services à
l'élève en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage qui
favorisent l'intégration scolaire de cet élève; de
participer avec la commission scolaire à l'affectation des ressources
financières pour les services à l'élève en
difficulté d'adaptation ou d'apprentissage; de déléguer un
représentant au conseil d'administration de la commission scolaire; de
déléguer un représentant au comité consultatif du
transport des élèves.
De plus, le collège électoral voué à
élire les commissaires d'école semble exclure les parents dont
l'enfant fréquente une école à vocation régionale
ou suprarégionale. Ainsi, nous recommandons, si toutefois cette
modalité d'élection est maintenue, que tous les parents d'enfants
handicapés qui fréquentent une école à vocation
régionale fassent partie du collège électoral au
même titre que les autres citoyens de ce territoire et que les parents
d'enfants fréquentant les écoles à vocation
suprarégionale forment un collège électoral pour
élire un commissaire les représentant.
Nous avons des réserves concernant le libellé de l'article
201 qui dit qu'une commission scolaire "peut" conclure une entente pour la
scolarisation de la population de son territoire. Nous pensons plutôt
qu'une commission scolaire doit conclure des ententes pour des services qu'elle
n'offre pas parce qu'elle est responsable des élèves de son
territoire. Ainsi, nous faisons les deux recommandations suivantes: que le
libellé de l'article 201 soit modifié comme suit: "Une commission
scolaire doit conclure avec une autre commission scolaire, un organisme ou une
personne, une entente pour la scolarisation de la population de son territoire
ou pour d'autres fins scolaires", et que soient spécifiés, dans
la réglementation qui suivra l'adoption de la loi, le quand et le
comment une commission scolaire doit faire une entente de services.
De plus, même si nous avons eu l'assurance que l'article 204 sera
modifié, nous réitérons notre demande que la commission
scolaire ait le devoir d'établir des critères sur l'organisation
des services et ce, sur recommandation du comité responsable.
Transport des élèves. Vu que le transport
d'élèves, afin d'être efficace et satisfaisant, doit tenir
compte de nombreux facteurs spécifiques à la clientèle
transportée et vu que la commission scolaire, en tant que responsable
des élèves de son territoire, connaît déjà
tous les facteurs spécifiques à sa clientèle, nous
recommandons que le premier alinéa de l'article 249 se lise comme suit:
"La commission scolaire, en tant que responsable des élèves, doit
organiser le transport des élèves de son territoire et doit
également établir une politique à cette fin."
Au niveau provincial, nous considérons importante une
coordination dans le développement pédagogique concernant plus
particulièrement la clientèle en difficulté d'adaptation
ou d'apprentissage. En ce qui concerne l'adaptation des moyens d'atteindre les
objectifs des différents programmes répondant aux besoins de la
clientèle déficiente auditive, quelle que soit la
répartition des responsabilités, il importe que le
ministère de l'Éducation assure une coordination. Ceci afin,
premièrement, d'unir les efforts des différentes écoles
qui s'en occupent; deuxièmement, de permettre aux élèves
le passage harmonieux d'une école à une autre;
troisièmement, d'éviter les dédoublements d'efforts dans
le développement d'outils pédagogiques et autres;
quatrièmement, de permettre que les écoles qui reçoivent
ces clientèles puissent bénéficier du matériel
pédagogique produit dans une autre école ou ailleurs. Nous
recommandons que le ministère de l'Éducation assure une
coordination du développement pédagogique concernant les besoins
de la clientèle déficiente auditive.
En guise de conclusion, nous aimerions sensibiliser davantage le
ministère de l'Éducation sur un aspect qui a semblé
échapper au projet de loi et qui concerne les inégalités
d'accès aux services à être offerts à la
clientèle scolaire déficiente auditive habitant les
régions périphériques du Québec.
Pour illustrer cette réalité, nous citons le cas de la
Gaspésie, par exemple, où il n'existe pas de service
d'orthophonie dispensé en milieu scolaire. Pourtant, l'orthophonie
demeure indispensable pour l'acquisition et le développement de la
parole et du langage chez l'enfant atteint d'une perte d'audition.
Si le ministère de l'Éducation et l'appareil scolaire au
complet ne mettent pas tout en oeuvre pour aplanir le plus rapidement possible
les inégalités d'accès aux services causées par
l'éloignement géographique et pour assurer dans chacune des
régions des services éducatifs de qualité, toute
réforme scolaire demeurera en bonne partie théorique pour une
part importante de la population québécoise concernée.
Ainsi faisons-nous la recommandation suivante: Que le ministère
de l'Éducation travaille avec diligence à effacer les
inégalités d'accès aux services éducatifs qui
s'adressent à l'élève et que l'élève soit
éduqué le plus près possible de son milieu familial.
L'AQEPA travaille depuis plusieurs années à l'amélioration
des services aux étudiants déficients auditifs et souvent,
même, de concert avec le ministère de l'Éducation. Il y a
des progrès de faits, il en reste encore à faire. Nous ne voulons
pas que le présent projet de loi vienne bouleverser et même
annuler ce qui a été gagné jusqu'à maintenant. Nous
demeurons inquiets des conséquences de l'application de cette loi. La
question des minorités sera-t-elle repoussée au dernier rang des
préoccupations de l'éducation après le grand
ménage? Le présent projet de loi ne nous rassure pas tellement
sur ce point, quoiqu'il faille ajouter enfin que, après les promesses
d'hier, il y a peut-être un pas de fait.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Laurin. J'invite
maintenant M. Daniel La Roche, qui est représentant de l'Association de
paralysie cérébrale du Québec, à nous livrer le
contenu de son mémoire.
M. La Roche: Je vous remercie, M. le Président, madame et
messieurs les membres de la commission.
J'aimerais tout d'abord excuser l'absence de Me Jean Pelletier,
président du conseil d'administration de l'association, qui était
avec nous hier et qui, compte tenu du réaménagement de notre
audition, a dû quitter pour ses obligations professionnelles.
J'aimerais également vous présenter le rédacteur du
mémoire qui a été déposé devant la
commission, M. Jean-Pierre Bouchard, qui est assis derrière moi et qui
est agent de promotion, au chapitre de Montréal, de notre organisme.
Initialement, nous étions désireux d'échanger avec
vous le plus possible sur le projet de loi qui nous occupe et nous n'avions pas
l'intention et n'avons toujours pas l'intention de reprendre l'ensemble des
réflexions et commentaires contenus dans le mémoire que nous vous
adressions en décembre dernier.
Comme vous avez pu le constater en le lisant, notre mémoire se
voulait moins une analyse commentée article par article du projet de loi
qu'un questionnaire suscité par les nouvelles structures qui
définiraient notre système d'éducation primaire et
secondaire québécois.
L'Association de paralysie cérébrale du Québec,
créée en 1949 pour répondre à certains besoins et
être le porte-parole de nos membres, parents et personnes ayant la
paralysie cérébrale, se veut de plus en plus être un chien
de garde de la qualité des services offerts à ses membres. En ce
sens, les questions qui surgissent devant un projet de loi comme celui-ci sont
bien plus des questions d'assurance de recevoir du gouvernement les engagements
clairs de conserver les acquis, souvent durement gagnés, et de
développer de la façon la plus appropriée un projet
éducatif qui tienne compte, à part entière - j'ajouterais
même à part égale -des personnes handicapées ayant
la paralysie cérébrale.
Est-il nécessaire de redire ici nos inquiétudes et nos
craintes face à l'éventuelle adoption du projet de loi dans sa
formulation actuelle et même aménagée? Car, malgré
les aménagements annoncés hier soir, à la suite de la
comparution de l'Office des personnes handicapées du Québec, le
projet de loi 40 n'offre toujours pas aux personnes vivant avec la paralysie
cérébrale, à notre avis, les réelles garanties
d'accès aux services éducatifs essentiels à leur besoin de
développement personnel et social, non plus qu'il ne leur offre de
meilleures perspectives d'intégration par rapport à celles
qu'elles ont connues jusqu'ici et qui sont bien pauvres.
Nous sommes conscients des difficultés spécifiques et
particulières que peuvent poser des structures telles que les
écoles, les commissions scolaires et même le ministère de
l'Éducation quant à l'organisation, la planification et la
dispensation de services éducatifs à l'intention des
clientèles scolaires que nous voulons représenter devant vous.
C'est, pensons-nous, précisément à cause de cette
conscience que nous croyons avoir que nous avons posé les questions qui
forment la trame de fond de notre position face au projet de loi 40.
S'il nous fallait résumer en quelques phrases notre position, M.
le Président, nous devrions la situer, à la lecture de la
réforme que le gouvernement envisage par le présent projet de
loi, dans les termes suivants: Si le but de la réforme est d'assurer
à tous les enfants une meilleure qualité de services
éducatifs répondant à leur potentiel et à leurs
besoins, nous ne trouvons pas, dans le projet de loi 40, les
éléments nécessaires et fondamentaux pour répondre
aux besoins éducatifs d'enfants, d'élèves adolescents et
d'adultes vivant avec des déficiences ou des incapacités
permanentes aux plans physique et mental. Si, d'autre part, le but visé
par ce même projet de loi est bien de redonner
l'école au milieu et aux parents qui le forment, nous ne trouvons
pas non plus dans la loi les dispositions susceptibles de garantir que les
parents d'enfants handicapés, ni ces enfants, pourront
véritablement assumer la responsabilité d'un projet
éducatif à leur mesure ou répondant à l'ensemble de
leurs besoins propres.
Dans les deux hypothèses, le projet de loi actuel, malgré
les aménagements, ne marque donc, à nos yeux, ni un
progrès ni même une amélioration possible par rapport aux
services éducatifs actuels que nous recevons en tout et parfois - il
faut bien le dire - en partie. Notre position, si ferme et si exigeante
puisse-t-elle vous apparaître, demeure, quant à nous, la seule qui
nous soit permise dans les circonstances, la seule qui traduise, selon nous,
les besoins éducatifs de ceux et celles que nous représentons et
la seule aussi qui pourrait offrir les garanties nécessaires et
essentielles à la satisfaction de ces mêmes besoins.
Nous sommes, d'autre part, d'autant plus à l'aise de soutenir la
position que nous avons prise face au projet de loi 40 qu'elle rejoint - on l'a
vu hier et ce matin - un certain consensus parmi les principaux organismes qui
parlent au nom des élèves et des usagers des services
éducatifs vivant avec un handicap. Ce consensus, d'ailleurs, ne devrait
nullement vous surprendre. Il était connu de vous en partie depuis
à tout le moins deux ans, à la suite des travaux qui ont
marqué la tenue du Sommet socio-économique sur les personnes
handicapées, sommet auquel le ministre de l'Éducation a
participé et lors duquel il avait pris un certain nombre d'engagements
relativement précis. Nous regrettons d'ailleurs que le temps
d'écoute dont nous disposons ne nous permette pas de rappeler ces
engagements devant cette commission.
Ce même consensus aurait dû, d'autre part,
transparaître dès la rédaction du projet de loi qui nous
est présentée, dans la mesure où, depuis la publication,
lundi dernier, de la politique d'ensemble par notre premier ministre
lui-même, il s'y retrouve en quelque sorte consacré dans un nombre
important de recommandations portant sur le système éducatif.
Le projet de loi, réaménagé par les
dernières interventions du ministre, nous ramène au statu quo,
car il ne règle en rien la question de l'intégration scolaire qui
n'a pas, n'est pas et ne sera pas réglée par le présent
projet de loi. Pour nous, le projet de loi 40 n'offre donc rien de plus que
l'actuelle loi sur l'éducation. (13 heures)
Aujourd'hui donc, M. le Président, et face au projet de loi que
ce gouvernement nous soumet, nous ne nous sentons pas vraiment à part
égale, sans discrimination ni privilège. Nous avons même
l'impression que le projet de loi 40 a un peu trop oublié de
considérer les spécificités propres dont doit tenir compte
un système éducatif qui se veut public et commun, et qui veut
également permettre la prise en charge concrète et responsable de
la part des premiers concernés par les finalités de
l'école, à savoir les parents et les élèves, et,
dans le cas qui nous occupe, les parents et les élèves
handicapés ayant la paralysie cérébrale. M. le
Président, je vous remercie.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. La Roche.
Comme il est 13 heures, nous allons maintenant suspendre nos travaux
jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 1)
(Reprise de la séance à 14 h 45)
Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission élue permanente de l'éducation reprend donc
ses travaux. C'est maintenant Mme Danielle La Roche, de l'Association de
paralysie cérébrale du Québec Inc., qui nous livre...
Pardon?
Une voix: C'est M. La Roche.
M. La Roche: J'ai déjà parlé, M. le
Président.
Le Président (M. Blouin): C'est M. La Roche. Je m'excuse.
Il s'agissait de M. Daniel La Roche. C'est lui qui a présenté le
mémoire de l'Association de paralysie cérébrale du
Québec Inc., avant que nous suspendions nos travaux.
Maintenant, c'est Mme Francine Saint-Jean.
Mme Saint-Jean (Francine): Bonjour, tout le monde. Je voudrais
vous présenter la personne qui m'a aidée; c'est Huguette Singler,
mais elle n'est pas encore là.
Je viens tout simplement ici vous demander et exiger une chose. Je me
suis fiée sur les autres organismes pour vous présenter les
"fignolements" des besoins de notre cause.
Je suis venue ici, aujourd'hui, exiger que l'instruction pour tous les
enfants ataxiques dans les écoles publiques en classes
régulières soit une réalité de tous les jours et
non plus seulement un voeu pieux pour l'avenir.
Mais qu'est-ce que l'ataxie? L'ataxie est une maladie
héréditaire, récessive et évolutive qui conduit
à la chaise roulante et qui amène, entre autres, des
problèmes de réflexes physiques et de coordination. Mais l'ataxie
n'atteint jamais le cerveau! C'est
vrai. L'enfant ataxique est donc intelligent. Dès la petite
enfance, il se trouve cependant confronté à des
phénomènes physiques étranges pour lui. Par exemple, les
verres de lait semblent lui échapper des mains tout seuls ou bien le
plancher lui "fait des jambettes". Il se trouve par terre souvent sans
même comprendre ce qui se passe. Plus tard, à l'adolescence,
l'ataxique sera souvent confondu avec une personne ivre. L'enfant ataxique
ressent ses problèmes physiques, mais c'est souvent difficile pour lui
à expliquer.
Ai-je besoin d'ajouter que les enfants ataxiques ont des besoins
spécifiques et qu'il faut en tenir compte pour l'intégration en
classe régulière? Je parle, évidemment, d'un plan de
développement personnalisé, pas tout à fait celui que vous
entendez, parce qu'il ne faut pas oublier le côté psychologique et
moral, en plus de tout ce que vous avez entendu d'autre. Par contre, une
minorité d'enfants ataxiques, une infime minorité, ne pourra pas
s'intégrer dans une classe régulière. Il faudra,
dès lors, prévoir une alternative comme des cours à
domicile ou dans une école spécialisée.
Si vous avez écouté et compris ce que je viens de vous
expliquer, vous devriez maintenant être en mesure de dépister
l'ataxie chez un enfant à la vue. Croyez-moi, ce dépistage est
aussi possible dans les écoles maternelles et primaires. Ainsi, l'on
peut, dès lors, prévoir un plan de développement
personnalisé, mais, comme je l'ai dit, avec des choses très
spécifiques, et éviter bien des souffrances inutiles à cet
enfant ataxique quand le moment sera venu d'y avoir recours. Vous, du
ministère de l'Éducation, vous devez agir!
J'aimerais ajouter que, si la personne enseignante ne peut pas
s'apercevoir que quelqu'un est ataxique, il serait peut-être possible
d'avoir une consultation avec une personne adulte ataxique qui a
déjà vécu ces problèmes-là. Peut-être
qu'elle pourrait aider à sensibiliser le groupe de parents ou de la
commission scolaire ou n'importe qui qui est en mesure de travailler.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, Mme
Saint-Jean.
Nous entendrons maintenant Mme Thérèse Costopoulos, qui
est représentante de l'Association québécoise pour enfants
et adultes ayant des troubles d'apprentissage.
Mme Costopoulos (Thérèse): Merci, M. le
Président. Je dois d'abord regretter l'absence de mon président
et vous offrir ses excuses. Il était, de fait, ici hier, mais il a
dû nous quitter pour vaquer à ses obligations
professionnelles.
Vous avez en main notre réaction. Je n'ai pas l'intention de vous
lire ce texte. J'aurais plutôt le goût de vous exposer un peu le
substratum, de vous dire le pourquoi des demandes qu'on a faites dans le texte,
de vous dire aussi pourquoi, malgré notre bonheur d'apprendre les
changements au libellé des articles 14, 97 et 204, nous nous posons
encore des questions. Quelle limitation ou quelle porte de sortie peut offrir
l'expression "mesures déterminées par la commission scolaire"
dans l'article 14?
En effet, les personnes ayant des troubles d'apprentissage ne vivent pas
un problème comme celui que je vis avec mes lunettes. Leurs
difficultés, le plus souvent, ne se décèlent pas à
première vue. Nous avons souventefois eu connaissance de parents qui se
sont vu nier la nécessité de services précoces à
leur enfant parce que le problème n'était pas suffisamment
éclatant. Quelque temps après, la bombe éclatait. Nous
avons vu combien de jeunes devoir expliquer à des adultes, voire
même à leurs éducateurs, qu'ils n'étaient pas
bouchés, mais qu'ils avaient un trouble d'apprentissage. Bon nombre de
nos décrocheurs ont des troubles d'apprentissage.
L'on sait maintenant que le non-traitement et le traitement non idoine
au moment propice suscitent la plupart du temps des complications sur le plan
de la personnalité. On ne peut vivre constamment avec un sentiment
d'échec. Certains se réfugient dans des troubles émotifs
très graves et nécessitent des traitements.
Vous êtes probablement au fait d'un récent article, paru
dans la revue Liaison de décembre 1983, sur la situation des troubles
d'apprentissage dans les pénitenciers du Canada. Les chiffres nous
paraissent aberrants. J'aimerais les vérifier avant de vous les
soumettre comme des vérités absolues. On y mentionne
qu'actuellement 50% à 80% des jeunes amenés devant la cour
présenteraient également des troubles d'apprentissage. Chez les
jeunes incarcérés qui présentent des troubles
d'apprentissage, on noterait des chances de récidive allant
jusqu'à 80%. C'est tout cela qui nous fait dire que cela vaut la peine
d'investir chez nos jeunes pour éviter des dépenses encore plus
grandes plus tard quand ils seront adultes. Ce sera alors une clientèle
qui coûtera très cher.
Pour l'article 204, nous avons été, évidemment,
très heureux de voir que la responsabilité est dévolue
à une entité précise. Mais nous nous demandons ce que
signifie le terme "normes". S'il signifie l'établissement de services,
si vraiment c'est le cas, ce que nous souhaitons, évidemment, nous
voudrions que ce soit inscrit plus clairement dans la loi.
À l'article 97, le directeur d'école a le devoir
d'établir un plan d'intervention, cela, après consultation de
l'enfant, de ses parents et des spécialistes, ce qui est essentiel pour
nous. Nous sommes très heureux que ce soit
quelqu'un de précis qui ait ce rôle à jouer, cette
responsabilité et que la consultation soit reconnue. Mais l'acceptation
et la demande de révision de ce plan, qui va la faire? Les parents
d'enfants ayant des troubles d'apprentissage ne recherchent pas
nécessairement le pouvoir dans l'école, mais ils sont conscients
de leur responsabilité et ils veulent assumer cette
responsabilité. Ils ont comme responsabilité de base de voir
à l'évolution et au développement optimal de leur enfant.
Il est important qu'ils puissent accepter ou refuser un plan d'intervention et
demander qu'on repense ce plan s'ils croient qu'un autre devrait être mis
en place.
Un parent me disait, justement, ce matin, qu'après cinq ans on a
enfin suggéré le plan que, eux, comme parents,
préconisaient. Maintenant, ce n'est plus la faute des parents dans ce
cas précis. Il est évident que, si des parents agissent de
façon irresponsable, voire nuisible face à leur enfant, d'autres
mécanismes, comme la loi 24, peuvent aider à préserver le
droit de ces enfants.
À l'article 26, nous sommes très heureux également
qu'un adjoint au Protecteur du citoyen soit "rejoignable" dans chacune des
régions. Mais le libellé de cet article nous inquiète
toujours car on y dit: si quelqu'un se sent lésé "dans l'exercice
d'une fonction administrative". Est-ce que c'est un terme restreignant?
Ce qui nous préoccupe au plus haut point, c'est la
compétence des intervenants, leur formation avant et pendant leur
travail, de même que l'efficacité du système pour que nos
jeunes réalisent au maximum leurs possibilités dans un cadre
d'intégration véritable. Nous vous interrogeons sur la
multiplicité des comités, la composition du conseil
d'école, la représentativité des parents de jeunes en
difficulté et l'assurance qu'ils soient écoutés, de
même que sur les imprécisions encore grandes sur les rôles
des différentes instances.
Nous souhaitons la présence des professeurs aux instances
décisionnelles. Ils sont, avec l'enfant, deux pôles fort
importants de la vie de l'école.
En conclusion, il nous faut une loi qui permette à tous de se
centrer sur l'enfant et qui permette à chacun des jeunes de se former en
vue d'accéder à une vie autonome. Il nous faut une loi qui
permette aux parents et aux jeunes eux-mêmes d'exercer leurs
responsabilités dans la réalité. Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Costopoulos.
Maintenant, Mme Aline Locas nous présentera le mémoire de la
Société québécoise de l'autisme. Mme Locas.
Mme Locas (Aline): Merci, M. le Président. Permettez-moi,
d'abord, de vous présenter les deux personnes qui m'assistent
aujourd'hui et qui sont assises derrière moi. Il s'agit de Dominique
Égré, membre de la société, et de Louise
Linschoten, directrice générale de la société.
Nous voudrions, tout d'abord, vous rappeler brièvement qui sont
ces enfants et ces adultes autistiques que nous représentons
aujourd'hui. L'autisme est un phénomène assez peu répandu,
au point que la plupart des pédiatres ont peine à le
reconnaître lorsqu'il survient. On compte environ 600 à 800 cas
d'enfants souffrant d'autisme pur au Québec, bien qu'on puisse
raisonnablement prétendre en trouver à peu près 9000 qui
en souffrent à divers degrés. Cette maladie dont le syndrome a
été décrit par Léo Kanner, pédopsychiatre
américain, en 1943, se manifeste surtout par d'importantes
difficultés de communication et de socialisation.
Notre société s'attache à promouvoir le droit de
ces enfants et à rechercher des solutions à ce grave handicap,
même s'il affecte une minorité parmi la minorité des
enfants handicapés.
À titre de parents d'enfants autistiques, nous avons,
d'emblée, souscrit à l'objectif des services éducatifs
qu'énoncent les notes explicatives du projet de loi, où l'on
reconnaît à chaque enfant le droit à des services
éducatifs qui favorisent, entre autres, son insertion sociale, la
jouissance de ce droit étant assurée par un système public
et gratuit d'éducation, dans le respect des droits individuels et
collectifs. (15 heures)
Cependant, l'orientation de la réforme et les moyens que vous
préconisez ne garantissent, à notre avis, en aucune façon,
l'atteinte de cet objectif pour nos enfants. C'est ce que nous nous attacherons
à vous démontrer en vous décrivant, en premier lieu, les
nombreux risques que comporte le concept même de l'école commune
pour l'exercice du droit à l'éducation des enfants
handicapés. Nous voudrions également vous exprimer nos
inquiétudes sur les moyens qui concrétisent cette idée de
l'école commune, soit principalement les conseils d'école et les
projets éducatifs. Enfin, nous montrerons que le projet de loi 40 laisse
beaucoup trop d'échappatoires au ministère de l'Éducation,
aux commissions scolaires et aux écoles en ce qui a trait à leurs
rôles et responsabilités dans l'éducation des enfants
handicapés.
L'école et l'éducation n'ont pas pour unique objectif de
renforcer l'exclusivisme de la spécificité culturelle. Ils
doivent surtout contribuer à nous élever au-dessus de tous ces
particularismes qui, comme en témoigne notre histoire pas si lointaine,
deviennent par trop étouffants. Il leur incombe de faire ressortir les
richesses et la diversité de l'humanité par opposition à
l'hermétisme du voisinage et de la parenté.
À cet égard, les articles 30 et 31 qui
proclament que l'école "peut intégrer dans son projet
éducatif les valeurs de la communauté à laquelle elle
dispense ses services", ainsi que "les croyances et les valeurs religieuses
d'une confession particulière" soulèvent, chez nous, un sentiment
de malaise. Nous craignons que cette idée de communauté serve de
paravent à la défense de valeurs chargées
d'intolérance ou, à tout le moins, d'esprit de clocher et nous
nous étonnons de l'équivoque que le projet de loi laisse planer
touchant la place qui reviendra aux minorités de tous ordres, et non
seulement idéologiques au sein de l'école nouvelle.
Plus spécifiquement, l'inquiétude que suscite chez nous le
projet éducatif que pourraient proposer les conseils d'école
concerne l'acceptation de tout enfant qui ne cadrerait pas avec l'idée
de l'école qu'auraient mise de l'avant les parents du milieu.
Déjà, l'expérience vécue au niveau de certaines
écoles confirme nos craintes quant à l'intégration des
enfants handicapés. Il arrive, en effet, que certains parents refusent
que leurs enfants côtoient, ne serait-ce qu'à l'heure du
dîner, de tels enfants. Pouvons-nous alors espérer un état
d'esprit différent, si ces mêmes parents siègent au conseil
de leur école?
Par ailleurs, notre expérience de parents actifs au sein
d'organismes bénévoles et de comités d'école nous
laisse appréhender de nombreux problèmes et difficultés
qui ne manqueront pas de surgir dans le fonctionnement des conseils
d'école. Les responsabilités relativement étendues de ces
conseils et leur caractère décisionnel exigeront une grande
disponibilité et une somme d'énergie qu'il nous apparaît
difficile de garantir au sein de chaque école. Surtout, nous voulons
souligner qu'il est irréaliste d'exiger ce même effort de la part
des parents d'enfants autistiques déjà surchargés par
l'attention constante qu'ils réclament. Pourtant, la protection du droit
de ces enfants à des services éducatifs adéquats, compte
tenu du concept même de l'école commune, demandera une
présence assidue au conseil d'école et une vigilance soutenue
qu'il nous apparaît impossible de maintenir au fil des années et
dans chaque école.
À tout le moins, il nous apparaît essentiel que le projet
de loi garantisse que certaines valeurs auxquelles doit répondre
l'école soient inscrites d'office dans les projets éducatifs et
parmi celles-ci le respect des droits des enfants handicapés à
des services d'éducation assurant leur intégration optimale
à l'école régulière.
Nous ne voudrions pas laisser ici l'impression de vouloir minimiser
l'importance de l'intervention des parents dans l'éducation de leurs
enfants. Aussi, nous accueillons favorablement les articles 185 et 186 relatifs
à la constitution et aux fonctions du comité consultatif des
services aux élèves en difficulté d'adaptation ou
d'apprentissage dont les responsabilités pourraient même
être étendues.
Par contre, nous trouvons que les articles 97 et 112, qui traitent de
l'intégration des élèves en difficulté dans des
classes ordinaires et de la fourniture des services particuliers, laissent
beaucoup de latitude à l'école et à son directeur et peu
de place aux parents, qui ne sont consultés que parmi d'autres
intervenants. Au contraire, ne devrait-on pas réserver à ces
parents un droit privilégié d'intervention dans ce qui constitue
en quelque sorte le projet éducatif de leur propre enfant?
Nous avons les mêmes réserves en ce qui concerne les
écoles dites à vocation régionale ou nationale dont le
mode d'administration est choisi par le ministre de l'Éducation selon
l'article 33 du projet de loi. Or, de deux choses l'une: ou bien, comme le
propose l'économie générale du projet de loi pour
l'ensemble du réseau scolaire, l'administration des écoles
régionales ou nationales fait aussi appel aux parents car on ne saurait
vraiment être en mesure de dire qu'ils sont inaptes à diriger des
écoles, ou bien, si on s'en tient aux dispositions prévues par
l'article, le ministre se trouve ni plus ni moins à infirmer le
rôle prépondérant qu'il était prêt à
accorder aux parents.
Enfin, la lecture du projet de loi 40 ne nous permet pas de savoir
clairement à qui sera dévolue la responsabilité de
concevoir, d'organiser et de dispenser des services éducatifs aux
enfants handicapés, d'autant plus que le projet de loi omet d'inclure
dans ses articles des orientations sur les services éducatifs aux
enfants handicapés, bien que celles-ci suscitent maintenant un large
consensus. En effet, tantôt "l'école est responsable de
l'adaptation et de l'application des programmes de services éducatifs
particuliers qu'elle dispense", tantôt la commission scolaire, à
l'aide d'un comité consultatif, élabore "des normes
d'organisation des services à l'élève en difficulté
d'adaptation ou d'apprentissage qui favorisent l'intégration scolaire de
cet élève" et "s'assure que la population de son territoire
reçoit les services éducatifs auxquels elle a droit". Cette
latitude que laisse le projet de loi aux divers intervenants du système
scolaire et la dilution de leurs responsabilités rendent illusoire
l'exercice du droit à l'éducation des enfants handicapés.
De prime abord, la seule issue possible pour un tel enfant qui pourrait
être lésé dans ses droits sera de recourir au Protecteur du
citoyen ou, comme vous l'avez annoncé hier, à son adjoint, car
pourra-t-on accuser une école donnée ou même une commission
scolaire de ne pas être en mesure d'offrir des services particuliers?
Vous comprendrez nos appréhensions quand nous constatons que,
même avec l'article 480 de l'actuelle Loi sur l'instruction publique qui
affirme l'obligation de la commission scolaire de dispenser des services
éducatifs aux enfants handicapés, les parents des enfants
autistiques doivent encore négocier avec insistance toute nouvelle
demande de services et se voient même opposer des refus dans certains
cas.
Le nombre des enfants en difficulté et la place que la
société semble maintenant convenir de leur accorder
justifieraient qu'un chapitre d'une loi sur l'enseignement public soit
exclusivement consacré aux services éducatifs aux enfants
handicapés. Un tel chapitre pourrait consigner les orientations qui ont
suscité un degré élevé de consensus, à la
suite de l'effort soutenu de réflexion sur les services à offrir
aux personnes handicapées qu'on retrouve dans différents
documents gouvernementaux. En précisant dans la loi ces orientations, en
attribuant à l'école, à la commission scolaire et au
ministère de l'Éducation des responsabilités
cohérentes avec ces orientations, nous pourrions alors réellement
affirmer l'existence d'un droit à des services éducatifs de
qualité pour les enfants handicapés.
Sans entrer dans le détail de ces orientations qui sont
clairement énoncées, pour la plupart, dans le livre orange sur
l'école québécoise, nous voudrions, au moins, rappeler ici
l'objectif de base qui consiste à favoriser l'intégration des
enfants en difficulté dans un milieu le plus normal possible,
c'est-à-dire dans des classes régulières ou, lorsque c'est
impossible, dans un contexte qui s'en rapproche le plus. Cet objectif guidait
le système en cascade décrit dans le rapport COPEX. Il constitue,
à notre avis, pour nos enfants autistiques, handicapés à
divers degrés, la voie la plus sûre d'accès à
l'éducation.
Au niveau de l'organisation des services aux enfants handicapés,
cet objectif de normalisation maximale implique que le ministère
n'établisse des écoles nationales que lorsque des services
très spécialisés le justifient; que la commission scolaire
ait l'obligation d'organiser des services aux enfants handicapés sur son
territoire et les pouvoirs d'en assurer l'application dans les écoles et
que chaque école doive inclure dans son projet éducatif
l'objectif de l'intégration optimale des enfants handicapés et,
enfin, que le directeur d'école, de par son mandat, assure
l'intégration de ces enfants handicapés.
En conclusion, M. le Président, le projet de loi 40 constitue
pour la Société québécoise de l'autisme un recul
par rapport à l'organisation actuelle des services aux enfants
handicapés et aux lois qui les régissent, déjà
jugées insuffisantes. Nos objections concernent le principe même
du projet de loi qui pourrait provoquer la remise en question permanente du
droit à l'éducation pour la minorité que constituent les
enfants autistiques, ainsi que l'absence d'orientations qui auraient pu
garantir la présence de services de qualité pour les enfants
handicapés. Ces objections sont suffisamment fondamentales pour que nous
estimions justifié de demander le réexamen complet de tous les
articles du projet de loi qui touchent au conseil d'école, au projet
éducatif et aux services particuliers.
Le slogan de notre société est: Oui, tu es capable. En
effet, nos enfants sont capables et nous vous demandons de mettre en place les
structures nécessaires pour qu'il n'y ait plus d'enfants McMillan,
Zéron, Rancourt et Doal sans services éducatifs qui leur
permettent d'évoluer positivement dans la société.
Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Locas.
Mme Yseult Raby nous présentera maintenant le contenu du
mémoire de l'Association québécoise des parents d'enfants
handicapés visuels.
Mme Raby (Yseult): M. le Président, M. le ministre,
madame, messieurs, je suis moi-même parent d'enfants handicapés
visuels. Il me fait plaisir d'être ici aujourd'hui pour
représenter l'Association québécoise des parents d'enfants
handicapés visuels. Mme Rachel Bélisle, secrétaire
générale de l'association, m'accompagne, mais, à cause de
contraintes de dernière heure, je vous présenterai seule notre
réflexion. Tel qu'entendu, nous serons à votre disposition, Mme
Bélisle et moi-même, pour la période des questions.
L'Association québécoise des parents d'enfants
handicapés visuels, l'AQPEHV, est la cadette des associations
provinciales ici représentées. Eondée par des parents de
différentes régions du Québec quelques mois à peine
avant le début de l'Année internationale des personnes
handicapées, en 1981, notre association regroupe maintenant près
de 175 familles dont un ou des enfants vivent avec un handicap visuel. Les
membres actifs de l'association sont tous parents et nous sommes
assistés dans nos actions par trois permanentes à temps
partiel.
La question des services éducatifs nous préoccupe au plus
haut point et, tant bien que mal, avec souvent les moyens du bord, nous sommes
intervenus régulièrement auprès des établissements
scolaires, des organisations syndicales, des députés, des
commissions scolaires et du ministère de l'Éducation pour que nos
enfants puissent recevoir des services éducatifs gratuits,
adaptés, qui favorisent véritablement leur insertion sociale et
leur autonomie. Je ne vous cacherai rien en vous disant que, dans la
majorité des cas,
les discussions constructives qui favorisent l'innovation sont rares.
Encore plus rares sont les solutions pour résoudre les problèmes
que nous exposons, et ces problèmes sont très nombreux. C'est
pour cela que nous avons accueilli avec enthousiasme l'idée d'une
réforme scolaire. À noter que, pour nous, parents
d'élèves vivant avec un handicap de la vue et possiblement avec
d'autres handicaps, ce n'est pas de restructuration scolaire que nous parlons,
mais de structuration des services que reçoivent ou devraient recevoir
nos enfants.
Comme d'autres, nous nous sommes demandé où le ministre
était allé permettez-moi l'expression, M. le ministre
-pêcher l'idée exposée dans le livre blanc, à la
page 15, que les conditions d'égalité et d'accessibilité
étaient, aujourd'hui, établies pour tous et toutes. Nous n'avons
sûrement pas la même conception d'égalité et
d'accessibilité, M. le ministre. Sans doute à cause de ces
conceptions différentes et d'un manque de précision dans le
projet de loi sur les rôles, pouvoirs et responsabilités des
agents concernés par l'éducation des jeunes handicapés,
c'est-à-dire tout le monde, partout au Québec, il nous a
été impossible de produire un mémoire qui réagisse
aux propositions des articles de loi. Les silences du projet de loi sur les
conditions à mettre en place pour favoriser le développement des
potentialités de nos jeunes étaient trop lourds à
combler.
Il est important de dire que ce n'est que la pointe de l'iceberg qui
apparaît dans le mémoire de l'Association québécoise
des parents d'enfants handicapés visuels. En cette commission
parlementaire, nous vous présentons un résumé de nos
principales demandes. Ces demandes concernent la garantie d'existence des
écoles suprarégionales pour les élèves
handicapés visuels, la garantie des services itinérants de
qualité et l'instauration d'une structure provinciale pour les services
éducatifs aux élèves handicapés visuels. De plus,
nous désirons discuter avec vous de l'importance de la participation
active des parents d'élèves handicapés visuels aux prises
de décisions qui concernent l'éducation de leur enfant, que cet
enfant fréquente une école régulière, une classe
spéciale dans une école régulière ou une
école spéciale. (15 h 15)
D'autre part, comme les autres organismes qui nous ont
précédés, nous demandons que la loi garantisse le respect
du droit des élèves handicapés, de tous les
élèves handicapés sans exception, de quatre ans à
vingt et un ans, à recevoir des services éducatifs de
qualité. Nous demandons que la loi assure à la nation
québécoise des écoles qui préparent ces jeunes
citoyens et citoyennes à vivre dans une société qui
s'enrichit de la diversité des expériences et de la
diversité des habiletés physiques, intellectuelles et autres.
Nous demandons que la loi expose sans équivoque les droits des personnes
inscrites à l'article 10 de la Charte des droits et libertés de
la personne, donc des élèves handicapés, afin que les
groupes aux points de vue considérés souvent minoritaires voient
leur spécificité respectée.
Peut-être faut-il rappeler ici que la vue est le sens le plus
utilisé dans notre société. En moyenne, les gens utilisent
leur vue pour aller chercher 80% des informations qui leurs sont
nécessaires pour accomplir leurs rôles sociaux.
L'impossibilité ou la limitation pour l'enfant d'aller chercher les
informations utiles à son développement, de la même
façon que le font les enfants voyants, a toutes sortes de
conséquences sur sa vie.
Dans cet esprit, l'AQPEHV a déjà demandé, à
plusieurs reprises, qu'on donne une garantie d'existence aux écoles
suprarégionales pour élèves handicapés visuels avec
mandat officiel et connu. L'article 33, tel que formulé, est loin
d'offrir les garanties que nous attendions de la loi pour les services aux
élèves handicapés visuels et aux élèves
multihandicapés avec handicap visuel.
D'abord, pour mieux comprendre notre position sur les écoles
spéciales, il faut dire que les écoles régulières
sont actuellement incapables d'intégrer les élèves
complètement aveugles et les élèves multihandicapés
avec un handicap visuel. De plus, nous n'avons pas envie que nos enfants, en
cette période de compressions budgétaires, fassent les frais
d'expérimentations peu soutenues et mal dirigées.
Aussi, la façon d'appréhender la réalité
élément par élément est fondamentale et constitue
l'élément de base, ce spécifique de la pédagogie
adaptée aux élèves handicapés.
Eh bien, cette pédagogie adaptée est loin d'être
développée au Québec et les écoles spéciales
n'ont actuellement pas suffisamment de garanties quant à leur survie
pour innover dans ce domaine.
En plus d'une approche pédagogique dont la base n'est pas les
référents visuels, rappelons que les enfants vivant avec un
handicap visuel sévère nécessitent des apprentissages de
base particuliers et importants tels l'utilisation du braille, de la dactylo et
d'autres aides techniques et électroniques intégrées dans
les matières scolaires régulières.
Depuis déjà longtemps, nous demandons au ministère
de l'Éducation de garantir l'existence des écoles
spéciales pour les élèves handicapés visuels. Nous
croyions que la loi 40 nous donnerait satisfaction, mais l'article 33 est vague
et n'offre aucune garantie. Notre mémoire énumère un
certain nombre d'éléments que nous souhaitons retrouver dans un
mandat officiel et
explicite.
Pour nous, il n'est pas question que l'école spéciale soit
un ghetto ni un lieu où l'enseignement est de qualité
inférieure. Comme pour les autres écoles, nous souhaitons que
l'école spéciale soit ouverte sur le milieu et qu'on donne aux
parents les moyens de participer à la vie scolaire. De la même
façon qu'on parle d'intégration sociale des personnes
handicapées, les écoles ou ces personnes handicapées
reçoivent un enseignement adapté doivent être
intégrées dans les structures régulières.
Pour les élèves handicapés visuels, nous demandons
donc des écoles spéciales, mais il ne faudrait pas croire que
nous ne favorisons pas leur intégration dans les écoles
régulières. Au contraire! Cette intégration au
régulier est possible pour autant qu'elle est supportée.
Actuellement, il y a insuffisance de spécialistes et de services
itinérants. Dans la majorité des commissions scolaires où
les services existent, ceux-ci se préoccupent trop peu de
pédagogie adaptée. Tant et aussi longtemps que
l'élève handicapé visuel et particulièrement celle
ou celui qui a un handicap visuel sévère, d'autres handicaps ou
des difficultés d'apprentissage, n'a pas l'assurance de son droit
à ces services adaptés, il est évident qu'elle ou qu'il
sera refusé à l'école régulière ou, encore,
comme c'est le cas de plusieurs enfants, que la commission scolaire le garde
sur son territoire en le classant dans un groupe d'élèves en
difficulté d'adaptation où ses besoins spécifiques qui
sont liés à son handicap ne sont pas reconnus.
Ici, nous voulons souligner que dans bien des cas, l'utilisation de la
terminologie "enfance en difficulté" pour désigner les enfants
handicapés visuels ne correpond pas à la réalité
des élèves, mais bien plus à celle du milieu qui les
reçoit. C'est, d'ailleurs, pour assurer aux élèves
handicapés visuels des services éducatifs réellement
adaptés que nous demandons que par le projet de loi 40 on cesse
d'inclure ces élèves handicapés dans la catégorie
"en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage" et qu'on les
considère comme un groupe distinct. L'intégration, ce n'est tout
de même pas le regroupement de tous les enfants ou de tous les organismes
qui échappent à la norme sociale!
Pour que la qualité des services aux élèves
handicapés visuels ne soit plus à ia merci des bonnes
volontés des commissions scolaires ou des ambitions individuelles, nous
demandons aussi que le projet de loi 40 instaure une structure provinciale
autonome avec pouvoir décisionnel, qui possède une banque
d'information sur l'élève handicapé visuel et ses
spécificités, qui brise l'isolement des spécialistes, qui
coordonne la recherche et qui oblige la circulation du matériel
adapté.
De plus, parlons de ce qui est moins spécifique et qui
préoccupe actuellement toute la société
québécoise: la participation des parents à l'école.
À l'AQPEHV, ce sont les parents qui sont décideurs. Nous assumons
bon nombre de représentations et de revendications auprès de
ministères et d'établissements. Parents, nos interventions
réfèrent à notre vécu, à celui de nos
enfants et nous n'avons jamais cherché à nous improviser
professionnels. Nous n'acceptons pas, non plus, le rejet de nos interventions
parce qu'elles ne correspondent pas aux grilles de compréhension des
technocrates, des administrateurs et des intervenants. Notre expérience
nous persuade que les parents ne doivent pas être tenus à
l'écart de la vie scolaire. L'éducation est un tout et la
division entre la famille et l'école ne sert pas nos enfants. Pour les
enfants handicapés visuels, la famille, l'école, les
établissements d'adaptation-réadaptation doivent se concerter.
Les structures doivent favoriser cette concertation et on doit permettre aux
parents, par des moyens concrets, de jouer adéquatement leur rôle.
La participation active des parents à la vie de l'école doit donc
être assortie de mesures en éducation des adultes et de ressources
financières.
Les besoins de changements dans le système public scolaire
actuel, les membres de l'AQPEHV, les ressentent autant que quiconque. Pourtant,
ils et elles croient qu'il est préférable que se vive
graduellement une transformation de structures. Sans doute, une attitude de
gens qui ont appris à ne plus compter sur l'idéal et le
rêve, mais sur ce que la réalité offre comme forces et
limites, les membres de l'association demandent qu'on tienne compte des
capacités de changement des différents agents impliqués.
L'association refuse qu'on conserve le statu quo, tout comme elle
considère que le projet de loi 40, tel qu'écrit actuellement,
n'offre aucune garantie valable à ses membres et aux enfants
handicapés visuels.
Nous souhaitons que tout soit fait pour qu'apparaisse dans les
écoles québécoises un climat réel de collaboration
et de concertation entre les enseignants, le personnel non enseignant, la
direction, les parents et les élèves pour le bien-être des
jeunes Québécois et Québécoises, de tous et toutes,
qu'ils ou elles répondent ou ne répondent pas à la norme
et à la tradition sociale. Faire réellement place aux
minorités dans l'école québécoise, c'est leur
assurer que leurs spécificités seront respectées,
reconnues comme pouvant contribuer à l'enrichissement de la
société québécoise. Faire réellement place
aux minorités, c'est leur offrir des garanties explicites dans la loi et
cesser de les faire passer par la porte d'en arrière des
règlements, des directives, des annexes dont personne ne discute
publiquement, dont aucun média ne parle.
Merci beaucoup, M. le Président.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Raby. M. le
ministre.
M. Laurin: Je voudrais d'abord remercier, M. le Président,
chacune et chacun des représentants des sept associations
présents, actuellement, à la table de la commission pour la
qualité de leurs mémoires, que nous avons déjà
reçus il y a un bon nombre de mois, en octobre pour la plupart, et aussi
pour la qualité de leur présentation verbale.
Après le sommet socio-économique sur la personne
handicapée, la présentation du projet de loi 40 a
constitué, je crois, un autre temps fort pour les diverses associations
de personnes handicapées. Je pense que ce fut, pour chacune d'entre
elles, une occasion nouvelle de faire le point de leurs insatisfactions par
rapport à la situation actuelle, de leurs aspirations, des lacunes qui
existent actuellement dans notre système éducatif et des
recommandations qu'elles sont en droit de faire au gouvernement. Je pense que
leurs mémoires reflètent assez bien ce bilan qu'elles ont pu
tracer.
Je me réjouis, pour ma part, non seulement de l'existence de ces
associations mais de la création de plusieurs associations nouvelles. Je
pense qu'elles témoignent, d'une part, de la préoccupation
naturelle des handicapés et de leurs parents non seulement pour leurs
conditions, mais pour leurs aspirations normales de développement
optimal et intégral; d'autre part, je crois qu'elles reflètent
également une prise de conscience graduellement accrue de notre
société à l'égard de sa responsabilité face
à ces clientèles particulières de nos services scolaires
ou de nos services sociaux, ainsi qu'à l'endroit des droits que
possèdent les handicapés au plein épanouissement de leur
personne.
Dans leurs mémoires, nous voyons des convergences. Toutes les
associations reviennent, sans toujours s'être concertées, sur des
points communs. L'Office des personnes handicapées, hier, d'ailleurs,
nous les rappelait, mais, à son tour, chacune des associations les
rappelle également dans son mémoire et nous les a rappelés
encore cet après-midi: préoccupation commune sur
l'accessibilité aux services scolaires, sur les droits aux services
d'enseignement, mais aussi à tous les services d'éducation
complémentaires, personnels, collectifs; préoccupation commune
également quant à la qualité de services adéquats
individualisés, pour chacune des personnes handicapées;
préoccupation commune quant à l'élaboration, par les
instances intermédiaires que constituent les commissions scolaires et
l'instance nationale que constitue le ministère, de politiques, de
normes qui sauront reconnaître ces droits, mais également
l'exercice de ces droits et l'application de ces mesures; préoccupation
commune, enfin, en ce qui concerne la représentation ou des personnes
handicapées elles-mêmes ou de leurs parents à toutes les
instances où doivent se prendre les décisions appropriées
quant à la fourniture de services, que ce soit au niveau de
l'école, au niveau de la commission scolaire et même au niveau
national. (15 h 30)
Au-delà de ces préoccupations communes, chaque association
reprend sa spécificité et nous fait des recommandations plus
particulières liées à la nature plus spéciale du
handicap, de la déficience dont elle a à s'occuper, ou
liées d'une façon plus particulière à la promotion
des intérêts des personnes qui présentent la même
déficience ou le même handicap.
Je peux vous assurer que nous accorderons la même attention aux
préoccupations communes dont vous nous avez fait part qu'aux
recommandations spécifiques. Évidemment, dans le peu de temps que
nous avons à notre disposition, nous ne saurions faire droit à
toute et chacune d'entre elles. Nous les avons, cependant, sérieusement
étudiées, analysées. Nous les trouvons d'une très
grande richesse; elles sont très concrètes, pratiques et nous
verrons à en tirer toutes les conclusions qui s'imposent.
Je suis bien d'accord que l'accessibilité aux services scolaires
n'est pas encore aussi grande que vous le souhaiteriez et que nous le
souhaitons nous-mêmes. En ce sens, nous partageons entièrement, au
ministère de l'Éducation, le sens qui se cache sous le titre de
la politique d'ensemble qui a été rendue publique il y a quelques
jours, "À part... égale". Nous savons que, trop souvent encore,
malheureusement, ces clientèles constituent des clientèles
à part, mais nous partageons, quand même, avec vous l'ambition que
ces clientèles trouvent enfin, dans le milieu scolaire comme dans les
autres secteurs, une part égale à celle de tous les autres
citoyens. Nous entendons bien continuer d'y travailler.
Ceci ne doit quand même pas nous cacher le fait que nous avons
connu de très grands progrès au cours des dix dernières
années, que ce soit sur le plan de l'élaboration des politiques,
que ce soit sur la dispensation des services ou de la spécialisation de
ces services, que ce soit sur le plan de l'élaboration de modèles
de services - je ne parle pas seulement du modèle en cascade qui en
comprend plusieurs autres, mais également de tous les raffinements plus
spécifiques que nous sommes en train de connaître sur le plan de
la pédagogie - que ce soit sur le plan des ressources que nous y
consacrons, que ce soit
sur le plan de la formation des maîtres en adaptation scolaire,
que ce soit, enfin, sur les modèles d'organisation.
Beaucoup a été fait, mais je suis, quand même,
d'accord avec vous qu'il reste encore beaucoup à faire. Il y faudra plus
que des lois, plus que des règlements. Il faudra aussi ce changement de
mentalité, déjà constatable dans notre
société, mais auquel il importera d'apporter, encore une fois, de
grandes améliorations au cours des années qui viennent.
Il reste, cependant, qu'on ne doit pas, non plus, minimiser l'importance
des lois non seulement parce qu'elles sont susceptibles d'apporter des
changements dans la fourniture et la dispensation des services, mais
également parce qu'elles ont une valeur pédagogique en soi et
qu'à cet égard elles peuvent contribuer d'une façon
importante à faire évoluer les mentalités,
particulièrement celles des intervenants scolaires au sein de
l'école et des commissions scolaires. C'est la raison pour laquelle nous
accordons une très grande attention à la rédaction de ce
projet de loi. Nous voulons non seulement qu'il atteigne les objectifs que nous
lui avons assignés en ce qui concerne particulièrement les
personnes handicapées, mais aussi qu'il constitue un stimulus, un
aiguillon, un facteur de changement, d'évolution des mentalités
au sein de toutes les instances du système scolaire. C'est dans ce sens
et avec cet esprit que nous entendons étudier toutes vos
recommandations.
J'ai déjà annoncé hier un certain nombre
d'amendements que nous entendons apporter au projet de loi. Je ne veux pas les
répéter parce que toutes vos interventions m'ont bien
montré que vous les aviez bien entendus et que déjà vous
en avez tiré les conséquences appropriées. Je voudrais,
quand même, revenir sur l'importance de la modification que nous
entendons apporter à l'article 14. Nous l'avons clarifié, nous
avons fait disparaître les doutes ou ambiguïtés que sa
formulation pouvait inspirer à vos associations et à d'autres.
Une fois clarifié, je crois que cet article revêt une très
grande importance et apporte une réponse à plusieurs des
représentations que je viens d'entendre. Cet article 14 amendé
garantit à toute personne handicapée le droit non plus seulement
à des services d'enseignement, mais aussi à tous les services
complémentaires particuliers dont la personne handicapée pourra
avoir besoin, que ce soit pour sa scolarisation, à quelque niveau de
handicap qu'elle se trouve, que ce soit par rapport à son
intégration dans des classes régulières, à sa
préparation immédiate ou lointaine à une insertion sociale
et professionnelle réussie.
Je pense aussi que cet article 14 garantit les droits assortis des
articles 97 et 204, qui font maintenant un devoir aux directeurs d'école
autant qu'aux commissions scolaires de procéder soit à
l'élaboration de politiques et de normes, soit à
l'intégration de l'élève dans des classes selon les
besoins particuliers de la personne handicapée dans le cadre le plus
normal possible. Il apporte également une réponse à
d'autres représentations que vous nous avez faites sur les plans de
services individuels en tenant compte, évidemment, comme je le disais
hier soir, qu'il appartient aux commissions scolaires et aux écoles de
procéder à ces intégrations selon les circonstances
particulières que l'on peut rencontrer dans plusieurs cas.
Je pense aussi que la somme de ces trois articles apporte une
réponse à une autre des représentations ou demandes que
vous nous faites en ce qui concerne l'obligation pour la commission scolaire -
je retrouve cela dans le mémoire de l'AQEPA -de conclure des ententes
avec une autre commission scolaire lorsqu'elle s'estime incapable de fournir
des services adaptés à la nature du handicap que présente
la personne handicapée.
En effet, en vertu de l'article 14, c'est désormais un droit
strict pour chaque personne handicapée de recevoir à
l'école les services que requiert son état. Si l'école ou
la commission scolaire n'est pas capable de le dispenser, comme le droit est
inscrit dans l'article, il reviendra à la commission scolaire de prendre
les mesures pour que la personne handicapée qui relève de cette
commission scolaire puisse trouver ailleurs le service qu'elle ne peut lui
dispenser. Encore une fois, si vous trouvez que ce n'est pas suffisant, nous
verrons si nous ne pouvons pas aller plus loin et mettre dans le projet de loi
une formule additionnelle en vertu de laquelle la commission scolaire serait
obligée, dans ce cas, de conclure une entente avec une autre commission
scolaire pour que ce droit puisse être exercé.
Je voudrais faire, en ce qui concerne le Protecteur du citoyen, une
remarque qui s'ajoute à celle que je faisais hier soir. Hier soir, je
disais que le Protecteur du citoyen sera assisté, dans chacune des
régions du Québec, d'une personne dont la seule mission sera de
voir à garantir les droits des élèves et,
évidemment, des élèves handicapés. Je l'ai dit
selon une certaine formulation qui n'est pas celle du projet de loi. Dans notre
esprit, bien que différentes, les deux formules étaient
équivalentes, mais il est bien clair qu'il est possible d'apporter une
amélioration à la formulation de cet article de façon
qu'elle réponde très clairement à notre philosophie et
à notre volonté de faire en sorte que les droits des
élèves et particulièrement des personnes
handicapées soient garantis dans chacun des articles de la loi où
ils peuvent se retrouver, non seulement dans le chapitre qui concerne les
élèves, mais dans tous les autres chapitres. Il est bien
clair que l'esprit du projet de loi, c'est celui-là. Nous verrons
à ce que la formulation réponde d'une façon
adéquate à la volonté du législateur, à la
volonté du gouvernement.
J'aurais des questions à adresser à chacune des
associations présentes à la table. D'ailleurs, elles ne me sont
pas inconnues puisque j'ai eu le plaisir de les rencontrer, parfois assez
souvent, à l'occasion de colloques ou de congrès annuels. J'ai eu
l'occasion de m'entretenir avec elles, à ces occasions, de l'un ou
l'autre des points soulevés dans vos mémoires. J'aurais donc des
questions à adresser à toutes et chacune de ces associations,
mais ne le ferai pas; je sais que mes collègues de la commission vont
s'en charger, d'ailleurs.
Cependant, pour lancer la discussion, je voudrais, quand même,
poser une question à l'AQEPA. L'AQEPA s'intéresse, comme beaucoup
d'autres d'ailleurs, aux écoles nationales et régionales. Il y
aurait beaucoup à dire à cet égard et je pense que mon
collègue responsable de ce secteur vous fera part de son point de vue.
Mais je voudrais vous parler de la représentation que vous estimeriez
souhaitable. Vous réclamez, par exemple, que les parents des enfants en
difficulté d'adaptation et d'apprentissage aient accès
directement au conseil d'administration de la commission scolaire pour pouvoir
influencer les décisions de celle-ci. Je pense que c'est à la
page 14 du mémoire de l'AQEPA.
Comme vous le savez, selon le projet de loi 40, ce conseil est
actuellement formé d'élus. Sur la base de ce principe, ne
trouvez-vous pas que les parents ont déjà toute la latitude
voulue pour faire entendre leur voix au niveau de la commission scolaire
puisque, dans le présent projet de loi, il faut que les candidats
fassent signer leur formule par cinq parents de l'école? C'est ce qui
constitue la base du scrutin. Première question. (15 h 45)
L'autre question est plus importante. Vous demandez, en somme, dans
votre question que ces parents soient élus par les conseils
d'école. Ils ne seraient donc pas élus par la population. Ne
craignez-vous pas les objections de ceux qui pourraient dire que,
n'étant pas élus par la population, ils n'ont pas cette
qualité selon laquelle on ne peut faire prendre de décision que
par les élus du peuple? Qu'auriez-vous à répondre à
cette objection qu'on pourrait vous faire?
Le Président (M. Le Blanc): La parole est à Mme
Laurin.
Mme Laurin: Dans un premier temps, je crois que la raison pour
laquelle on l'a mis comme cela, c'est que nous représentons des
minorités et que nous croyons qu'il peut être dangereux,
étant minoritaires dans plusieurs conseils d'école, de ne pas
réussir à se faire élire. Il faut se rendre compte que, si
la majorité d'un conseil d'école est composée de parents
d'enfants normaux, peut-être que la voix d'un ou deux enfants
handicapés n'arrivera pas à passer. C'est pour suppléer
à cela que nous considérons qu'il serait important qu'il y ait un
comité qui fasse valoir les droits des enfants handicapés.
Quand vous dites qu'ils ne seraient pas élus par la population,
ce ne serait pas la population en général, mais la population des
gens concernés par la problématique, encore là, parce que
nous sommes une minorité et que c'est important que ces droits-là
soient entendus. Notre idée de ce comité part du comité
linguistique dont on parlait dans le livre blanc qui pouvait être reconnu
de cette façon-là.
M. Laurin: Je vous remercie.
Le Président (M. Le Blanc): La parole est maintenant
à M. le député d'Argenteuil. Mme Locas a une
réponse complémentaire à apporter à la
question.
Mme Locas: J'aurais une question à poser au ministre de
l'Éducation. Vous nous disiez, au début de votre intervention,
que nous devons compter sur le changement des mentalités, changement que
vous constatez déjà. Je voudrais me référer ici
à l'intervention d'une représentante de la commission scolaire
Jérôme-Le Royer, que vous entendiez ce matin et qui vous disait
que la majorité doit être protégée contre les
dissidents que constituent les minorités dans une communauté. Je
pense à l'enfant autistique et je suis certaine que c'est un dissident
dans la communauté. Supposons qu'une commission scolaire, ou même
une école par son conseil scolaire, devrait faire un choix. Je vais
prendre un exemple très simple pour clarifier la situation: disons que
nous avons un enfant autistique intégré dans une école
régulière, dans une classe ou quelque chose comme cela, qui
aurait partiellement besoin, quelques heures par jour, d'un ratio 1-1, mais
que, pour répondre au projet éducatif que l'école s'est
donné, les parents aient à choisir entre cet éducateur
à cause des restrictions budgétaires ou un enseignant
spécialisé en musique, je doute fort que l'enfant autistique ait
beaucoup de poids dans la balance.
Aussi, les amendements que vous avez apportés n'ont pas
nécessairement touché au projet éducatif et à la
place qui reviendrait à la minorité que constituent les enfants
handicapés dans la communauté. M. le ministre, pourriez-vous me
donner votre point de vue sur le fonctionnement des conseils d'école et
l'élaboration des projets éducatifs
à cet égard?
M. Laurin: Je pense qu'il importe d'effectuer une distinction
importante entre projet éducatif et droits garantis par un article de la
loi. Le droit qui est garanti par un article de la loi, s'il est inscrit, c'est
parce qu'il a une valeur particulière. C'est un droit qui ne peut
être nié par aucun autre article de la loi et qui ne peut
être nié, non plus, par aucun projet éducatif, quel qu'il
soit. Un projet éducatif, c'est bien différent; c'est une sorte
de plan d'action qui est élaboré conjointement par tous les
intervenants de l'école. Tout plan d'action ainsi élaboré
et réalisé ne saurait, en aucune façon, porter ombrage
à un droit garanti par un article de la loi. C'est la différence
très importante qu'il importe d'apporter. Donc, un droit inscrit dans la
loi constitue en soi une protection absolue pour l'exercice de ce droit.
Encore une fois, je crois que j'ai un peu contrevenu aux habitudes de la
commission parlementaire parce que...
Le Président (M. Blouin): M. Bouchard.
M. Bouchard (Jean-Pierre): Je sais que c'est compliqué
d'aménager, en matière de droits, le respect des droits de
groupes minoritaires. Quand j'ai lu le projet Laurin, il m'est arrivé de
me demander dans quelle mesure, au moment de sa rédaction, on avait
envisagé l'aménagement pour permettre l'exercice des droits des
groupes minoritaires.
J'ai relu, dernièrement, en venant à Québec, un
autre document sur un autre sujet, mais qui est relié à ce
problème; ce sont les commentaires de la Commission des droits de la
personne sur le projet de réglementation des programmes d'accès
à l'égalité. Cela m'a fait émettre
l'hypothèse qu'il faut prévoir le système
d'éducation comme un système dans lequel on ne peut pas isoler
les problèmes ou les régler à la pièce sans, au
fond, bouleverser un peu la dynamique du système. Dans ce
sens-là, je pense qu'il y avait une ambiguïté dans tous les
discours qu'on a entendus depuis hier à ce sujet, à partir du
moment où la Commission des droits de la personne a comparu
jusqu'à la présentation de l'Office des personnes
handicapées, concernant le terme '"intégration". Je pense qu'il
fallait quand même en arriver à faire la distinction entre
l'intégration concrète d'un élève par des mesures
spécifiques et l'intégration, dans le projet éducatif, des
clientèles handicapées. Pour moi, ce sont deux choses distinctes,
mais reliées.
À ce sujet, je souhaiterais avoir des précisions du
ministre pour comprendre au juste ce qu'il entend par "intégration".
Quand on relit le communiqué remis hier, c'est-à-dire les notes
relatives au mémoire de l'Office des personnes handicapées, on
lit, à la page 4, que "l'intégration est une modalité
d'organisation des services éducatifs qui doit être
appliquée en tenant compte de la situation personnelle de chaque
personne handicapée." Je regrette qu'on en reste à ce
niveau-là. Je pense que l'intégration, c'est plus qu'une
modalité. Je pense que ce doit plutôt être une
finalité de tout projet éducatif si on veut vraiment que se
réalisent, un jour, les objectifs de "À part... égale",
qui semblent avoir fait l'objet d'un consensus, ces dernières
années.
À ce sujet, je sais qu'il peut être embêtant, pour un
gouvernement - vous l'avez très bien expliqué hier - de sembler
contraindre un peu les groupes face à des valeurs comme celles qui, au
fond, sont sous-jacentes à la notion d'intégration. Mais je pense
que, de toute façon, depuis la Loi assurant l'exercice des droits des
personnes handicapées, le chapitre 7 des Lois de 1978, le gouvernement a
déjà reconnu la nécessité d'adopter des lois qui
forcent un peu le jeu. J'espère que le gouvernement, dans une même
cohérence, continuera de reconnaître cette nécessité
d'être parfois spécifique même dans une loi comme celle qui
porte sur le système éducatif qui est, au fond, pour tout le
monde, la porte d'entrée à l'intégration de tous les
citoyens dans la société.
M. Laurin: J'aurais quelques remarques...
Le Président (M. Blouin): Oui, madame.
Mme Raby: M. le Président, j'aimerais peut-être
apporter une réflexion sur le niveau du progrès enregistré
au niveau de la formation des maîtres. Cela regarde les maîtres en
ce sens que chez nous, dans nos écoles spéciales pour
handicapés visuels, chaque année, certes les maîtres qui
enseignent ont reçu cette formation à l'adaptation scolaire qui
est, toutefois, très générale et qui n'est pas
nécessairement liée à la spécificité du
handicap visuel. C'est donc dire que les maîtres arrivent souvent avec
leur formation spécialisée, mais doivent, permettez-moi encore
une fois l'expression, apprendre sur le tas au contact avec les enfants,
découvrir les spécificités et les particularités de
chacun et faire beaucoup d'adaptation d'enseignement, selon les besoins.
Or, présentement, dans nos écoles spéciales, on vit
chaque année, vers mars et avril, une espèce de
problématique qui se reflète chez les parents, chez les
professeurs eux-mêmes, puisqu'ils sont au coeur de l'acte
pédagogique. On vit cela à la direction de l'école aussi,
puisque le professeur qui, souvent, s'était amené en septembre et
qui a été pris un peu au dépourvu par la
particularité du handicap, mais qui, tout de même, s'est
retourné de bord et a dit: Bon, je me mets à travailler, et qui a
même travaillé à comprendre l'enfant, à adapter du
matériel, qui y a mis beaucoup de coeur, ce professeur sait qu'en avril
il sera remis sur la liste des personnes en disponibilité. Nous avons
même perdu à cause de cela des professeurs qui avaient fait
énormément dans nos écoles. Cela entraîne beaucoup
d'insécurité.
Puis, on parle bien du projet éducatif. Évidemment, ce
projet éducatif se met sur pied en collaboration avec toutes les parties
concernées. On a parfois un ou deux enseignants. On part du besoin des
enfants pour faire le projet éducatif; on se retrouve toujours à
repartir pas à zéro, mais presque, dès l'année
suivante. Les professeurs arrivent et ils ne savent pas le braille dans une
école pour handicapés visuels. Ce sont des cas très
concrets qu'on vit. Je voudrais donc vous apporter cette dimension au niveau de
la problématique des maîtres. Nous aurions de très bonnes
ressources, mais, malheureusement, elles viennent et elles partent et, pendant
ce temps-là, ce sont nos enfants qui sont pénalisés, car
il faut trois ou quatre mois pour venir à bout de repartir.
Le Président (M. Blouin): Les commentaires de M. le
ministre semblent provoquer quelques réactions. Alors, nous allons
entendre successivement les réactions et, ensuite, M. le ministre pourra
y répondre.
M. Henley.
M. Henley: Est-ce que je pourrais demander à Mme
Doré, de l'AQDM, de faire une intervention?
Mme Doré (Louise): M. le ministre, vous parlez de l'aspect
pédagogique d'une loi. Vous dites: II ne faut pas minimiser cet aspect
comme possibilité de changement des mentalités. C'est un peu
à ce sujet que je voudrais intervenir dans le sens que, pour parler
d'intégration, vous savez que nous, à l'AQDM, ce qu'on
prône, c'est l'intégration, mais pas comme une mesure illusoire ou
idéaliste qu'on a un peu retenue hier à la suite de la
comparution de la Commission des droits de la personne. Pour nous, c'est
possible, l'intégration. Comprenez donc! C'est possible, de façon
incarnée, de façon très claire, l'intégration d'une
classe avec des services. C'est clair et c'est possible. Ce n'est pas un
rêve en couleur et ce n'est pas quelque chose qui, en tout cas, à
notre humble avis, coûte si cher que cela dans le sens qu'il y a
déjà plein d'argent de dépensé là. Tout ce
qu'on dit, c'est qu'il faut réorganiser tout cela et le mettre à
la bonne place.
Quand le ministère et le gouvernement en général,
et je pense probablement, la société québécoise
parlent d'intégration sociale des personnes handicapées, quand on
fait des politiques d'ensemble et qu'on dit que, pour l'avenir, c'est dans ce
sens-là qu'on va travailler, je dis: Pourquoi ne pas commencer tout de
suite? Pourquoi pas? On a maintenant sur la table un projet de loi qu'on peut
rédiger dans le sens de nos volontés collectives futures.
Pourquoi ne pas déjà le faire? Va-t-il falloir attendre encore
six ou dix ans qu'on réamende un projet de loi ou qu'on le reformule? On
est là et on dit: C'est peut-être, effectivement, un nouveau
projet de société qu'on veut là. Mais n'est-ce pas cela,
l'éducation? N'est-ce pas cela, ouvrir la collectivité à
des fonctionnements? On dit que l'intégration est possible pour les
enfants handicapés. (16 heures)
On parle plus particulièrement des enfants handicapés
mentaux. On ne dit pas seulement les enfants handicapés mentaux
légers; on dit les handicapés qui sont plus que cela aussi, parce
qu'on y croit. Et on dit que cela va dans le sens de leurs
intérêts, parce que ne pas les placer en école
régulière et en classe régulière, c'est les priver
d'un lieu d'apprentissage d'intégration. Si on ne le fait pas au moment
de l'école et pendant les quinze ans où ils vont être
à l'école, il va falloir le faire à l'âge adulte; il
va falloir assurer plein d'autres services de familles d'accueil et ainsi de
suite, ce qu'on pourrait éviter en mettant l'argent à la bonne
place.
Cela nous semble assez clair que, pour l'enfant handicapé,
l'intégration est souhaitable et dans son intérêt. Je vous
dirais aussi que je pense que c'est dans l'intérêt des enfants non
handicapés. Qu'on ne vienne pas me dire que c'est une perte de temps
pour des enfants non handicapés d'intégrer, dans leur classe, des
enfants qui ont des difficultés. Même au plan intellectuel - au
plan humain, je pense que c'est clair pour tout le monde - essayer de trouver
des solutions pour intégrer des enfants qui ont des difficultés,
essayer de trouver des manières pour parler avec des enfants qui n'ont
pas de langage et pour qui il faut inventer des signes, ne me dites pas qu'il
n'y a pas là un défi pour l'intelligence. Nous y croyons,
voyez-vous, et de façon concrète.
Nous avons rencontré, cette semaine, à l'association, les
représentants d'une commission scolaire ontarienne, la commission
scolaire catholique de Hamilton; nous avons rencontré le directeur
général de cette commission scolaire, des directeurs
d'école et des enseignants. À cette commission scolaire, on
pratique l'intégration complète de tous les enfants. Ils partent
du principe que l'école est là pour les enfants et que les
parents qui arrivent avec des enfants, on leur dit: Bien oui, on va accepter
l'enfant, et on verra ce qu'on peut faire.
C'est ce que nous disons. Quand on dit que, pour nous, le système
en cascade ne répond pas, cela s'appuie sur le réel; cela ne
marche pas, cette histoire-là; les enfants n'apprennent pas dans des
classes spéciales. Et, dans les faits, c'est cela qui arrive. Les
enfants ne se promènent pas de haut en bas de la chute. On voudrait
qu'ils se promènent, qu'ils flottent comme des poissons ou comme les
saumons qui remontent les rivières, mais ce n'est pas le cas. Et quand
ils sont au bas de la chute, ils restent là.
Intégrons les enfants et faisons des concertations. Ce que vous
proposez, M. le ministre, une table de concertation des intervenants avec un
plan d'intervention, nous sommes d'accord avec cela. Et on dit: Impliquons tout
le monde et creusons-nous la tête, Seigneur. Je ne peux pas croire qu'il
n'y a pas assez d'intelligence et de personnes compétentes dans une
école, dans une commission scolaire, dans une paroisse pour trouver des
façons d'intégrer quatre ou cinq enfants dans une école.
Parce que, ce qu'il faut faire, c'est de replacer des proportions.
Par exemple, nous parlons des enfants déficients mentaux. Cela
représente environ 60 000 enfants, apparemment, d'âge scolaire au
Québec. Mais sur une population donnée, il y a 3% de la
population qui est reconnue déficiente mentale. Cela fait trois sur
cent. Mais des 3%, il y a 88% de déficients légers. Léger,
laissez-moi dire que c'est léger. Non, mais ce n'est pas si loin que
cela du normal. Pourquoi faut-il se mettre à faire... Quand on parle de
nécessité de services adaptés et tout cela, nous y
croyons. Mais on dit que, pour la majorité des enfants
déficients, ce n'est peut-être pas si nécessaire que cela.
Peut-être que ce qui est nécessaire, c'est un ajustement et une
adaptation de ce qu'on offre déjà. Je pense qu'il est temps qu'on
reconnaisse la compétence des personnes qui sont en place et des
ressources. Je pense qu'il est temps qu'on dise aux enseignants du
Québec: Écoutez, vous n'êtes pas si niaiseux que cela. Vous
êtes capables d'enseigner. Écoutez, il y a quinze ans,
j'enseignais dans une école régulière, dans une classe
régulière; j'avais, dans ma classe, des enfants déficients
légers. Je ne vous dis pas que j'ai réussi à faire
grand-chose avec ces enfants-là, je n'avais aucun soutien. Donc, je
faisais ce que je pouvais, qui n'était pas grand-chose. Ce que je peux
vous dire, c'est que ces enfants-là n'avaient pas de problème de
comportement. Déjà, pas le simple fait de se retrouver avec les
autres enfants, ces enfants-là fonctionnaient comme tout le monde; sauf
que, effectivement, en lecture, en calcul et tout cela, ils avaient plus de
misère. Mais il n'y avait pas d'orthopédagogue, dans le temps, il
n'y avait personne et on se débrouillait comme on pouvait. S'ils avaient
donc ces services-là! Et, dans le temps, je vous dirais qu'on disait aux
plus forts: Bien, pourquoi n'aidez-vous pas? Ce serait brimer l'enfant que de
demander au plus fort d'aider le plus faible? Je ne comprends rien
là-dedans. Il me semble que c'est, au contraire, stimulant pour les
enfants d'aider les autres. Et quand j'ai fait cela avec les enfants qui
n'avaient pas de difficulté, il n'y a jamais un enfant qui a dit: On va
perdre notre temps. Au contraire, ils étaient contents de le faire. Je
dis qu'il est temps de réhumaniser tout cela. Je dis qu'il est temps
qu'on prenne confiance en nous-mêmes et dans toutes les ressources qu'on
a déjà. Je dis que l'argent qu'on l'utilise à de bonnes
fins et à la bonne place. Bon, je pense que j'ai assez parlé. Je
pense que vous avez compris.
Le Président (M. Blouin): Mme Laurin. S'il vous
plaît! Je signale à nos invités que, malheureusement, nos
règlements interdisent de manifester son approbation ou sa
désapprobation à l'égard de toute opinion émise.
Mme Laurin.
Mme Laurin: D'abord, comme Mme Raby le disait, au niveau de la
formation des maîtres, la problématique pour l'enfant
handicapé auditif est la même; les maîtres arrivent non
formés ou plus ou moins formés. Mon autre question serait au
niveau de l'article 14. Ce qui a été amendé ou
ajouté est très bien, mais nous, au niveau de l'association, on
demandait, pour les enfants de quatre ans, qu'ils aient droit à des
services éducatifs. On aimerait bien savoir ce que serait la
réponse là-dessus, parce que, pour un enfant qui a des
problèmes de communication, l'éducation précoce est
très importante.
Le Président (M. Blouin): Cela va? Mme Saint-Jean.
Mme Saint-Jean: Ce que je voudrais faire, c'est une mise au point
pour que vous puissiez comprendre et agir de la façon que tout le monde
demande. Je voudrais qu'il soit bien clair dans vos têtes - comme dans la
mienne d'ailleurs - qu'une personne handicapée, un enfant actuellement,
sera l'adulte de demain. Un adulte a des responsabilités et, peu importe
le handicap, tout le monde doit être en mesure de prendre sa vie en main
et de fonctionner. Cela peut être autant une personne handicapée
qui soit ministre; je ne veux pas vous insulter, mais Lincoln était
handicapé et il était le président des États-Unis,
tout comme d'autres.
Actuellement, le système scolaire est, après la famille,
la base. L'éducation et l'instruction débutent à la petite
école. C'est la base pour pouvoir fonctionner dans l'avenir. J'ai vu
beaucoup de personnes handicapées, des petits enfants qui ont peut-
être douze ou treize ans, qui ont quitté l'école.
Pourquoi? Parce qu'ils avaient trop de problèmes de fonctionnement et
qu'ils se sont découragés. Ces enfants ne pourront jamais avoir
tout à fait la même maturité qu'une personne adulte
normale. Quand je dis normal, j'entends autant un handicapé physique,
mental, n'importe qui, qu'une personne qui n'a absolument rien comme handicap.
C'est la personne qui va pouvoir fonctionner.
Si vous le preniez en termes de rentabilité, actuellement, cela
coûte peut-être des sous, les aménagements, pour ne pas dire
des piastres, mais, plus tard, quand la personne va être capable de
fonctionner au même titre que tout le monde, cela va être un rouage
dans la vie quotidienne. Chaque rouage a un salaire, mais, en fonction du
salaire, il y a le rendement. Valeur égale, salaire égal. Moi, je
ne marche pas, mais je donne d'autres rendements.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Saint-Jean. M. le
ministre.
M. Laurin: Oui, quelques brefs commentaires, M. le
Président. Il est bien sûr que nous tenterons de faire du projet
de loi l'instrument le meilleur qui soit pour l'atteinte des objectifs que nous
partageons, et c'est d'ailleurs le but d'une commission parlementaire
d'enrichir la pensée du législateur à cet
égard.
Quelques mots sur l'intégration. S'il y a eu un glissement
sémantique dans le communiqué, ceci ne voulait pas dire que
l'intégration ne constituait pour nous qu'une modalité. Selon le
sens qu'on prête à ce mot, on peut même dire que
l'intégration, dans un certain sens, c'est l'objectif, la norme que nous
poursuivons.
D'ailleurs, quand nous avons rendu publique notre politique sur
l'enfance en difficulté d'adaptation et l'apprentissage, on l'a bien
dit: Le but négatif, c'était de mettre fin à la
marginalisation de la personne handicapée, à la
ségrégation de la personne handicapée; c'était de
la réinsérer dans le cours normal des activités
nécessaires pour le développement de la personne et, ensuite, son
insertion sociale et professionnelle. En ce sens-là, il n'y a aucun
doute que le mot "intégration" revêt un sens très
général et devient même un objectif. Mais, quand on regarde
un autre mot, un autre sens du mot "intégration", il peut prendre le
sens de l'intégration d'un élève à une classe
régulière. Je pense qu'on ne niera pas le fait que ce n'est pas
le seul moyen que l'on doive employer.
Par exemple, quand il s'agit d'élèves avec des handicaps
très lourds, surtout en tout début de période scolaire, et
qu'on se trouve en face d'un handicap extrêmement sérieux, je ne
pense pas qu'il soit possible d'intégrer un élève à
une classe à ce moment. Il faut passer par d'autres étapes et
parfois ces étapes peuvent se prolonger.
Je pense, par exemple, à certains élèves
affectés de handicaps auditifs ou visuels très marqués.
S'il a été nécessaire de créer même des
écoles spéciales suprarégionales pour ces
élèves, je pense que c'est parce que cela correspondait à
des nécessités. Même, le but de ces écoles
spéciales est de faire faire suffisamment de progrès à
l'enfant pour que, dès que c'est possible - et le plus tôt sera le
mieux - on puisse les intégrer à des classes
régulières, mais d'une façon qui leur permette quand
même de profiter de l'enseignement régulier.
À ce moment, je rejoins ce que la représentante de
l'association de la déficience mentale disait: C'est bien sûr
qu'à ce moment on devrait encourager les élèves plus
forts, les autres élèves de la classe, à participer
à l'éducation, au développement de l'enfant
handicapé; de même, les enseignants devraient y participer
à fond, même avec l'assistance des autres spécialistes dont
nous pouvons maintenant disposer, orthopédagogues ou éducateurs
spécialisés. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je
reconnais avec vous l'importance des plans d'intervention
individualisés. Il y a beaucoup de modalités. Ce n'est que dans
ce sens que j'employais le mot "intégration".
Par ailleurs, je répète la distinction entre un droit
garanti par un article de loi et un projet éducatif. Un projet
éducatif, c'est d'abord un plan d'action élaboré par tous
les intervenants de l'école qui conduit, par exemple, à
l'établissement annuel ou bisannuel de priorités. Je suis bien
d'accord avec vous que cela devrait être une priorité constante,
répétée d'année en année, que celle de
l'intégration, entendue au sens où on vient de le dire,
l'intégration des personnes handicapées de même que
l'intégration des personnes mésadaptées aussi ou de
décrocheurs potentiels. Je pense que cela devrait faire partie, d'une
façon permanente, du projet éducatif d'une école.
Je pense que cela sera d'autant plus possible d'établir une
priorité à cet égard qu'il y a quand même dans un
projet de loi des articles qui garantissent le droit à ces personnes
d'avoir des services adaptés à leur condition et que ces services
doivent être dispensés dans le cadre le plus normal possible.
C'est dans ce sens que je vois l'arrimage entre les droits garantis dans le
projet de loi et le projet éducatif.
Enfin, un dernier mot sur la formation des maîtres. Je suis bien
d'accord pour dire que la formation initiale en adaptation scolaire et
même la formation spécialisée en adaptation scolaire ne
sont pas suffisantes pour atteindre les objectifs que nous nous fixons parce
que la science évolue et je sais aussi, par expérience, que les
équipes de
i
professeurs spécialisés, avec l'esprit d'innovation qui
les caractérise, le zèle qu'ils ont pour améliorer leur
didactique, leur méthode d'enseigner, ne cessent de se rencontrer et de
mettre leurs expériences en commun. Il ne faut sûrement pas
séparer cette formation des maîtres, initiale,
générale ou spécialisée, du perfectionnement qui
continue d'être une obligation constante pour ces spécialistes
enseignants comme elle l'est, d'ailleurs, pour tous les professionnels.
D'ailleurs, dans les plans d'amélioration que nous sommes en
train de mettre au point sur la formation des maîtres, en adaptation
scolaire comme dans les autres disciplines, nous accordons une très
grande importance à ces sessions de perfectionnement, soit qu'elles se
déroulent dans des institutions universitaires, soit qu'elles ont lieu
à l'occasion de journées pédagogiques ou à
l'occasion de colloques ou de rencontres spécialisées. Je pense
que la problématique de la formation des maîtres doit comprendre
tous ces éléments. (16 h 15)
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, c'est avec beaucoup de profit
que nous avons écouté les remarques qui nous ont
été présentées par les porte-parole des
associations qu'il a malheureusement fallu regrouper en une seule table,
étant donné les contraintes de temps dans lesquelles nous
évoluons. Je voudrais nommer les associations pour que tout le monde
puisse nous suivre, surtout ceux qui nous écoutent, parce qu'il y en a
peut-être qui n'étaient pas là plus tôt. Il y a
l'Association du Québec pour les déficients mentaux,
l'Association québécoise pour enfants et adultes ayant des
troubles d'apprentissage, l'Association du Québec pour enfants avec
problèmes auditifs, l'Association de paralysie cérébrale
du Québec Inc., l'Association canadienne de l'ataxie de Friedreich, la
Société québécoise de l'autisme et l'Association
québécoise des parents d'enfants handicapés visuels.
Vous nous rappelez, seulement par le nom et les objectifs de vos
associations respectives, une des plus graves responsabilités de la
société québécoise, en particulier de celui qui
l'incarne, c'est-à-dire l'État québécois. Si
l'État québécois a des responsabilités envers tous
les membres de notre société, il en a de manière toute
spéciale envers ceux que leur condition a placés dans une
situation beaucoup plus difficile sous l'angle de l'égalité
normale des chances. Et je pense que vous pouvez compter, de la part des
parlementaires de ce côté-ci de la table, sur une sympathie
profonde envers les revendications que vous venez d'énoncer. Je le dis
d'autant plus sûrement que ma collègue qui prendra la parole
tantôt, la députée de Jacques-Cartier, a fait partie, il y
a déjà plusieurs années, du comité qui a
rédigé le rapport COPEX et que, chaque fois que nous parlons des
problèmes d'éducation dans notre formation politique, elle ne
manque jamais de rappeler à notre attention les problèmes de
l'enfance en difficulté d'adaptation et d'apprentissage et de l'enfance
handicapée. Elle le fait avec une persistance exemplaire et une
sincérité remarquable. On a pu s'en rendre compte hier et on
pourra le constater encore plus tard.
Vous avez souligné justement - je ne me souviens pas lequel des
mémoires l'a signalé, mais c'était tellement clair que je
pense bien que cela représentait un sentiment général chez
vous - qu'on peut bien se gargariser quand on tient un langage
général sur les progrès que le Québec a faits dans
la voie de l'égalité des chances en matière
d'éducation, mais celui qui oserait parler d'une égalité
achevée des chances dans les secteurs que vous représentez serait
un être coupé de la réalité. C'est évident
que nous sommes bien en deçà des normes, même minimales,
que nous devrions viser dans plusieurs secteurs. Je me souviens qu'il est
arrivé souvent en commission parlementaire, au cours de la
dernière année, que des groupes viennent nous rappeler même
certains retards et certains mouvements mal conçus ou
préparés d'une manière très peu judicieuse - une
intégration sauvage auxquels on s'est livré sous prétexte
de réaliser des économies, mais sans y mettre les conditions de
soutien et d'appui qui auraient permis de faire en sorte qu'une
véritable intégration soit possible. Qu'on se fasse rappeler cela
à la commission parlementaire au moment où on essaie de refaire
la loi sur l'enseignement public dans le domaine primaire et secondaire, je
pense que c'est très salutaire. Vous pouvez être sûrs que
les observations qui ont été faites seront consignées avec
beaucoup d'attention et qu'on les ressortira de nos dossiers lorsque viendra le
moment d'examiner le projet de loi article par article. Ce n'est pas le moment
à ce stade-ci de s'arrêter à chaque article d'une
manière détaillée, mais il y a une foule de suggestions
dans vos mémoires que nous examinerons soigneusement.
J'ai été frappé par cette remarque qui revient de
manière très générale et qu'il est très
facile d'étayer, d'ailleurs. Le ministre a essayé depuis hier de
"revaucher" un peu de terrain, mais, comme vous le disiez, plusieurs d'entre
vous, le projet de loi 40, qui était censé être le fruit
d'années de mûrissement et de préparation,
représente un recul par rapport à ce que nous avions
déjà.
Je regardais à nouveau, en vous écoutant, les articles de
la loi actuelle de l'instruction publique qui traitent de l'enfance en
difficulté d'adaptation et
d'apprentissage. On a, dans cette loi, des articles qui sont plus
énergiques que ce qu'on trouve dans le projet de loi 40. C'est
étonnant parce qu'on est censé faire mieux, quand on
prétend refaire la loi au complet, et on se trouve en présence de
dispositions qui sont moins contraignantes que celles qu'on trouve dans la loi
actuelle. Dieu sait si les dispositions qu'on trouve dans la loi actuelle n'ont
pas produit les fruits espérés au moment où elles furent
insérées dans la loi. On verra, au cours de la discussion,
pourquoi cela s'est produit ainsi.
Déjà, on a essayé de corriger l'impression
très juste que vous avez exprimée devant le texte actuel du
projet de loi. Il faut que le ministre accepte qu'on juge le projet comme il
l'a présenté. Il peut bien nous dire aujourd'hui qu'il a de la
bonne volonté et qu'il mettra "doit" où il y avait "peut", mais
le ministre doit porter l'odieux du jugement très sévère
qui est exprimé sur le projet de loi comme il l'a soumis à la
discussion publique. Le fait qu'on ait soumis à la discussion publique
un projet aussi imparfait, aussi insuffisant dans un domaine aussi vital
traduit - je ne sais pas si c'est une précipitation ou une espèce
de volonté de recul, je n'ose le supposer - quelque chose qui n'a pas
bien fonctionné dans l'examen de ces problèmes-là. Cela
m'étonne énormément parce que je pensais que
c'était un secteur - je ne suis pas le plus familier des observateurs
dans ce secteur, parce que je suis revenu aux questions d'éducation
depuis à peine une année - où on avait des vues plus
énergiques. Vous pouvez être sûrs que nous allons veiller
à ce qu'il n'y ait pas de recul.
Vous avez exprimé un certain nombre de revendications que je vais
essayer de résumer pour m'assurer que je les ai bien comprises; si j'ai
oublié ou déformé certains éléments, vous me
les rappellerez en toute liberté. Vous voulez d'abord que soit garanti
le droit des enfants handicapés à recevoir des services
éducatifs de qualité, entre 4 et 21 ans en particulier. Le
ministre nous a dit là-dessus que l'article 14, qui est un article
clé, serait réécrit de manière à y
insérer ce qui y faisait gravement défaut. Nous attendrons
d'avoir les textes et, si vous avez des textes à proposer en plus de ce
qui a déjà été exprimé dans vos
mémoires, nous les étudierons avec attention. Au besoin, nous
ferons des textes de notre côté pour faire en sorte que cet
article charnière du projet de loi contienne ce qu'il doit contenir.
Vous énonciez aussi le principe suivant: Que l'intégration
soit considérée comme un droit et que les services de soutien qui
doivent faciliter une intégration réussie soient également
considérés comme un droit. Je pense que c'est excellent; il
faudra voir à ce que non seulement l'article 14, mais d'autres articles
qui traitent de la fourniture de services, autant des services d'enseignement
que des services particuliers ou complémentaires, traduisent cet
objectif. Je pense que nous sommes prêts à souscrire à cet
objectif sans aucune réticence, tout en étant bien conscients des
difficultés d'application qui vont évidemment surgir.
J'ai remarqué une chose. Vous demandez que soient clairement
établies les obligations de chaque palier d'intervention:
l'école, la commission scolaire, le ministère de
l'Éducation. En ce qui touche l'école, je pense que l'article 97
est un article charnière parce que le directeur a une
responsabilité majeure. On disait: Il peut. On a l'assurance que cela
sera une obligation et non pas simplement une des possibilités
d'intervention du directeur d'école; il aura l'obligation de faire en
sorte que l'enfant handicapé soit intégré. Je pense que ce
sera une amélioration sensible.
Nous n'avons cessé de signaler, depuis le début des
travaux de la commission parlementaire, qu'il faut absolument que la commission
scolaire ait des pouvoirs, des responsabilités claires dans bien des
domaines, y compris dans celui-ci. Il ne faut pas être grand clerc pour
savoir que, si on voulait régler tout ce problème dans chaque
école, on en manquerait des grands bouts. C'est évident qu'il y a
toute une panoplie de services qui doivent être conçus et
procurés à une échelle plus large que celle de la seule
école individuelle. C'est pour cela qu'il faut que la commission
scolaire ait les pouvoirs nécessaires pour le faire et qu'elle ait aussi
l'obligation d'agir dans ce domaine, un peu comme le dit la loi actuelle, mais
en intégrant cela dans l'économie du projet de loi qu'on veut
faire adopter.
Il y a une chose que vous avez soulignée qui est
intéressante. Les gens demandaient: Est-ce qu'il décentralise
avec ce projet de loi? Est-ce qu'il déleste le ministre de certaines
responsabilités? À peu près tout le monde, sauf les
députés du côté gouvernemental, est venu nous dire
qu'on augmentait les pouvoirs du ministre au lieu de les diminuer. On a
trouvé un domaine, M. le ministre, aujourd'hui, où on diminue vos
responsabilités dans le projet de loi. C'est celui des enfants
handicapés, des enfants en difficulté d'apprentissage. Dans la
loi actuelle, il est clairement prévu, à l'article 481, que le
gouvernement peut, par règlement, déterminer la nature des
services éducatifs spéciaux visés à l'article 480.
Ce sont les services destinés aux enfants incapables, en raison de
déficience physique ou mentale, de profiter de l'enseignement
donné dans les classes aux cours réguliers. S'il avait dit: Il
aura le pouvoir de faire des règlements, à l'article 308,
concernant les services à offrir à l'enfance en difficulté
d'apprentissage ou d'adaptation, on n'aurait aucune objection. Cela n'y est pas
dans les
pouvoirs du ministre, dans les pouvoirs qui sont
énumérés à l'article 308. Est-ce que cela y
est?
M. Laurin: Non, cela n'y est pas. M. Lazure: Mais cela va
y être.
M. Ryan: Très bien. Le désir de centralisation les
a tellement pénétrés qu'il était prêt
à se délester de responsabilités qu'il ne saurait loger
ailleurs que chez lui, chez le ministre. En tout cas, je suis content, parce
qu'on vient de me souffler qu'on va intégrer cela. Cela m'a
renversé et c'est très intéressant qu'un des
mémoires l'ait rappelé tantôt.
Le ministre a dit justement - je pense que c'est ce matin ou hier - que
le gouvernement agit déjà par l'intermédiaire des
règles budgétaires. C'est évident que le gouvernement a
une action déjà très sensible sur les services qui sont
fournis à l'enfance en difficulté d'apprentissage, mais je crois
que ce qui est demandé dans plusieurs de vos mémoires, c'est
qu'il fournisse des indications claires quant à ce qui est attendu des
commissions scolaires et des écoles là-dedans. Il n'y aura pas de
difficulté de notre part, parce que c'est un secteur où il faut
absolument l'intervention de l'autorité centrale. On nous l'a dît,
l'Association des centres d'accueil nous l'a dit l'autre jour, pour les enfants
qui ont des problèmes sociaux ou des problèmes de comportement
social, il faut absolument que l'autorité commune édicte des
normes et trace des programmes et des lignes d'action.
Il faut bien comprendre que les commissaires dans une commission
particulière et, à plus forte raison, le conseil d'école,
vont être portés à s'occuper des enfants ordinaires et ils
ont déjà leur voyage. Il ne faut pas leur imputer de mauvaise
volonté. On trouve déjà qu'on en a assez avec les
problèmes de nos enfants respectifs. Il faut absolument que
l'autorité plus forte du gouvernement vienne rappeler continuellement
à ceux qui prétendent offrir des services sur une base
d'égalité et aussi de qualité leurs responsabilités
spéciales à l'endroit des enfants handicapés. Encore, de
ce côté-ci, il me semble, avec vous autres, à fond, je
réalise cependant une difficulté qu'a soulignée le
ministre, pas parce que je veux l'absoudre à l'avance; pas du tout.
C'est évident qu'on ne peut pas tout mettre dans les lois. On pourra
bien écrire des chartes; on en écrit beaucoup. Parfois, je relis
la Charte des droits et libertés de la personne du Québec et je
me dis: Je ne voudrais pas que le gouvernement engage 1000 enquêteurs
pour aller voir tous les endroits où elle est violée chaque jour,
parce que cela deviendrait une société invivable. S'il fallait
avoir toutes les polices que pourrait suggérer chacun de ces droits qui
sont inscrits dans la charte, ce serait très dangereux. C'est bon
à titre indicatif, à titre d'instrument de redressement quand une
situation devient absolument intolérable, mais je pense qu'on doit
compter sur l'opinion publique pour maintenir des normes élevées
de services là-dedans, autant que sur des mots comme "doit" ou des
expressions contraignantes dans les lois, quoique celles-ci, encore une fois,
soient nécessaire. (16 h 30)
C'est sûr que la vraie mesure de l'intérêt du
gouvernement pour ce problème, ce ne sera pas de savoir s'il va mettre
le mot "doit" à la place du mot "peut". D'après ce que l'on peut
comprendre, cela va être dans les programmes qu'il va mettre sur pied.
Est-ce qu'il est prêt à consacrer plus d'argent? Est-ce qu'il est
prêt à mobiliser plus de ressources? Est-ce qu'il est prêt
à pourvoir les organismes de ressources de meilleure qualité?
Est-ce qu'il est prêt à voir à ce que le Québec,
dans ce domaine-là, soit vraiment à la fine pointe de ce qui est
offert de mieux en Amérique du Nord? Je pense que cela va être le
vrai test. Et je voudrais le signaler. On attend toujours les politiques du
gouvernement dans ce domaine-là, les véritables politiques; pas
simplement des énoncés d'intention, les véritables
politiques accompagnées des moyens et des instruments d'action que cela
nécessite.
Cela est la manière générale dont on voit... Je
vais m'abstenir de vous poser des questions parce que le ministre en a
posé quelques-unes et ma collègue de Jacques-Cartier va en poser
également. Sur le fond, j'ai déjà les principales
réponses aux questions que j'avais à poser. Je pourrais vous
tenir pendant une heure avec des questions; ce n'est pas du tout par manque
d'intérêt, mais c'est parce que je veux que ma collègue de
Jacques-Cartier et les autres députés du côté
gouvernemental disposent d'une période raisonnable pour poser leurs
questions.
Encore une fois, je voudrais conclure en vous disant que mon plus vif
désir, comme porte-parole de l'Opposition en matière
d'éducation, sera d'avoir, au cours des prochaines semaines, des
rencontres individuelles avec chacune de vos associations, avec ceux de mes
collègues qui pourront être intéressés, afin qu'on
puisse examiner les problèmes de chaque groupe en particulier, d'une
façon spéciale. Il m'est arrivé, ces temps derniers - je
vais me permettre de rappeler cela à l'intention de la personne qui
représente la société québécoise pour
enfants autistiques - de prendre contact avec une école fondée
par une personne enseignant à l'Université McGill, une
école pour enfants souffrant d'autisme, une école privée
créée dans des conditions admirables de service, de
détachement et de zèle pour l'avancement autant de la
science que de la condition de ces enfants. J'ai porté le
problème à l'attention du ministre, à maintes reprises,
depuis six mois. Le ministre m'assure que ses services sont en contact avec
l'institution en question. Et je voudrais lui dire que, si une réponse
positive peut être apportée dans les plus brefs délais, ce
sera une première indication concrète pour moi que les belles
paroles gouvernementales ont un sens également. Parce que c'est
là une initiative qui est non seulement dans la ligne de vos
préoccupations, je pense bien, mais qui est à la fine pointe de
l'exploration même scientifique qui doit aussi être une dimension
importante. On n'a pas beaucoup parlé de cela, mais c'est ce qui m'a
frappé là-dedans, c'est la combinaison d'expérimentation
scientifique en même temps que le service très concret rendu
à des familles qui sont drôlement en situation où elles ont
besoin d'aide.
Encore une fois, j'espère qu'on aura l'occasion de pousser ce
dialogue-là plus loin. Je ne veux pas abuser du temps de la commission
parlementaire. Je vous remercie surtout d'avoir consenti à nous
rencontrer sous la forme consolidée qui, malheureusement, vous a
empêchés de vous exprimer pleinement, mais qui est seulement une
introduction et non pas un point final.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député d'Argenteuil. M. le ministre délégué
aux Relations avec les citoyens et responsable de l'Office des personnes
handicapées.
M. Lazure: M. le Président, je veux d'abord rendre hommage
aux sept associations et à leurs porte-parole. Je veux aussi les
identifier à tour de rôle parce que ces associations nationales ou
provinciales, si l'on veut, il faut bien se rendre compte qu'elles parlent au
nom de plusieurs douzaines d'associations locales, régionales. Ces sept
associations, que nous avons devant nous, sont éminemment
représentatives. Elles représentent, encore une fois, la presque
totalité des 500 associations locales ou régionales de personnes
handicapées qu'on retrouve au Québec. L'Association du
Québec pour les déficients mentaux, l'Association du
Québec pour enfants avec problèmes auditifs, l'Association de
paralysie cérébrale du Québec Inc., l'Association
canadienne de l'ataxie de Friedreich, l'Association québécoise
pour enfants et adultes ayant des troubles d'apprentissage, la
Société québécoise de l'autisme et, finalement,
l'Association québécoise des parents d'enfants handicapés
visuels.
Je dois dire tout de suite, au départ, que je me sens très
fier d'avoir fait partie de plusieurs des associations
représentées ici aujourd'hui, notamment l'Association du
Québec pour les déficients mentaux, où j'ai oeuvré
bénévolement pendant plusieurs années. Je dois dire que
les présentations faites par M. Henley et par Mme Doré
étaient du meilleur cru de ce militantisme qui a toujours
caractérisé l'Association du Québec pour les
déficients mentaux. On a tous sans doute eu beaucoup de contentement -
en tout cas, j'en ai eu beaucoup, je parle pour moi - à écouter
Mme Doré tout à l'heure. J'endosse à 100% tout ce que Mme
Doré nous a dit tantôt.
Il est bien évident que ce thème général de
l'intégration ou de la normalisation doit continuer d'être le
fondement de toutes nos actions. Elle nous en a parlé avec beaucoup
d'éloquence. Contrairement à ce que peut penser le
député d'Argenteuil, je pense qu'il faut revenir aux propos de
Mme Doré et se rappeler que, la plupart du temps, cela n'est pas une
question de gros sous, c'est une question de mieux utiliser les sous qui sont
déjà en circulation. C'est aussi une autre question et là,
je rejoins le député d'Argenteuil et comme lui,
j'intercède auprès de mon collègue et je suis sûr
que nous aurons les résultats escomptés.
Je pense donc que l'autorité centrale, pour reprendre
l'expression du député d'Argenteuil, dans un domaine comme
celui-ci, l'autorité centrale, c'est-à-dire le gouvernement du
Québec, le ministère de l'Éducation, doit, sans d'aucune
façon brimer les droits de la majorité, comme nous l'avons fait
pour la loi 9, la Loi assurant l'exercice des droits des personnes
handicapées en 1978, dans ce cas-ci, assumer aussi une plus grande part
d'autorité centrale. Cela peut être de façon transitoire,
cela peut être pour une période de cinq ou dix ans. Si on avait le
monde idéal qu'on souhaite tous, il ne serait pas nécessaire que
le ministère de l'Éducation assume plus d'autorité
centralement. On pourrait s'en remettre aux commissions scolaires, on pourrait
s'en remettre aux écoles, mais nous connaissons le retard que nous
constatons dans notre société, ce n'est pas la faute des
enseignants ou des commissions scolaires plus que de nous autres, c'est notre
faute à nous tous.
Dans mes remarques générales - et tantôt je vais
avoir des remarques particulières pour chacun des mémoires
présentés par les sept associations - M. le Président, je
souhaite aussi que ce soit en ajoutant dans la loi le pouvoir de se donner un
règlement spécial qui va régir - et cela a
été demandé dans certains des mémoires -cet
exercice du droit qu'aura chaque enfant handicapé d'obtenir des services
appropriés à son état; encore une fois, cette
responsabilité, nous devons l'assumer collectivement.
Autant le plaidoyer pour l'intégration
de Mme Doré tantôt est exemplaire et convaincant, autant
des plaidoyers que d'autres Mmes Doré, il y a 25 ans, pouvaient
prononcer publiquement allaient dans le sens contraire. J'ai participé,
et même le ministre de l'Éducation, de façon
peut-être moins directe que je l'ai fait, parce que je m'occupais plus
particulièrement d'enfants dans mon ancien métier de psychiatre,
j'ai participé, dis-je, au sein de l'AQDM à des campagnes pour la
création d'écoles spéciales, de classes spéciales.
Alors, il faut tenir compte de l'évolution de la société.
C'est évident que nous ne pouvons pas blâmer les enseignants ni
les commissions scolaires ni le ministère de l'Éducation, mais je
pense que, pour quelques années encore, étant donné que
c'est un revirement important, il faut que le ministère de
l'Éducation assume un leadership extrêmement vigoureux. C'est
encourageant de voir que l'Opposition semble tout à fait d'accord pour
que le gouvernement aille dans cette direction.
Deuxième et dernière remarque générale,
plusieurs mémoires nous ont dit aujourd'hui que, sur certains points, le
projet de loi 40 est un recul. J'entendais tantôt le député
d'Argenteuil qui disait: Oui, cela semble avoir été un recul.
Là, il y a des décisions que le ministre a annoncées hier
qui vont corriger certaines choses. Je veux essayer de démontrer que,
même en dehors des amendements que le ministre a rendus publics
aujourd'hui et qui répondent aux voeux de plusieurs mémoires, il
y a des articles actuels dans le projet de loi 40 qui nous font faire des pas
en avant au lieu de nous faire reculer.
Par exemple, en ce qui concerne les droits aux services
éducatifs, la loi actuelle dit, à l'article 189, que la
commission scolaire est obligée d'assurer l'instruction des
élèves sur son territoire. Mais aucun article dans cette loi
actuelle ne définit les services éducatifs ou les droits des
élèves à de tels services, alors que, dans l'article 199
du projet actuel, on en fait obligation à la commission scolaire, mais,
ce qui est intéressant, c'est que le chapitre I du projet définit
les services éducatifs. C'est nouveau. Ce n'est pas un recul, c'est
nouveau. On définit les services éducatifs. On parle de formation
et d'éveil, enseignement, services complémentaires, services
particuliers.
Le ministre s'est montré réceptif à la
possibilité que, lorsque la commission scolaire ne peut exercer son
devoir de fournir le service dans son propre territoire, le texte de loi dise
non pas "peut" mais "doit", "...dans de tels cas, lorsqu'elle ne peut l'assurer
sur son territoire, doit conclure une entente avec une autre commission
scolaire." Si effectivement le texte, là aussi, est raffermi, je pense
que c'est un progrès encore plus considérable.
Un deuxième exemple, non pas de recul mais de progrès, en
ce qui concerne l'intégration. La loi actuelle ne fait aucune obligation
aux commissions scolaires d'établir des normes d'organisation des
services éducatifs aux personnes handicapées alors que l'article
204 du projet actuel, tel qu'amendé, fait obligation à la
commission d'établir des normes d'organisation des services
éducatifs pour les enfants handicapés ou pour ceux qui souffrent
de difficulté d'apprentissage, toujours dans le but de favoriser
l'intégration scolaire.
Troisième exemple: le plan d'intervention. La loi actuelle sur
l'instruction publique ne contient aucun article obligeant la commission
scolaire ou l'école à établir un plan d'intervention
propre à chaque élève handicapé - fouillez toute la
loi actuelle et vous ne trouverez rien - alors que le projet de loi, à
l'article 97, tel qu'amendé aujourd'hui par le ministre, fait obligation
aux directeurs d'école d'établir un plan d'intervention
adapté à chaque élève handicapé ou en
difficulté d'apprentissage, toujours pour favoriser son
intégration dans une classe ordinaire ou une activité ordinaire
à chaque fois que cette intégration est jugée possible et
propre à faciliter son insertion sociale.
Encore une couple d'exemples, la participation des élèves
ou des parents. La loi actuelle ne contient aucune disposition assurant le
droit des élèves ou de leurs parents à participer à
la définition des normes d'organisation des services éducatifs
aux élèves handicapés, alors que les articles 185, 186 et
97 assurent le droit des élèves, de leurs parents et des
organismes spécialisés de participer: 1. À
l'élaboration des normes d'organisation des services éducatifs
aux élèves handicapés; 2. À l'établissement
d'un plan d'intervention adapté à chaque élève; 3.
À l'affectation des ressources financières allouées pour
de tels services. (16 h 45)
Finalement, un cinquième exemple: le droit de recours qu'on
réclame tous depuis quelque temps: le protecteur de
l'élève. La loi actuelle ne contient aucune disposition à
cet effet. Le projet de loi, surtout avec la clarification qui a
été exposée par le ministre aujourd'hui, va
dorénavant assurer chaque région du Québec de la
présence d'un Protecteur du citoyen pour les élèves. Je
pense qu'avec tous les nouveaux droits et tous les nouveaux "doit" plutôt
que les "peut" qui vont apparaître dans ce projet de loi,
accompagnés de la présence régionale d'un ombudsman de
l'élève-citoyen, toujours avec l'appui des 500 associations qui
sont représentées ici, nous avons à ce moment-là
des garanties assez sérieuses quant au respect de l'implantation de ce
projet de loi.
Quelques remarques particulières, en commençant par
l'Association du Québec
pour les déficients mentaux. J'ai noté une demande dans le
sens que les services éducatifs soient améliorés, non
seulement pour ce qu'on considère comme le primaire et le secondaire
habituels quant aux âges des enfants, mais aussi jusqu'à 21 ans.
Je pense que c'est particulièrement pertinent chez les jeunes
handicapés mentaux. Comme on le sait tous, le rythme d'apprentissage
scolaire est plus lent. L'apprentissage scolaire doit être
accompagné très souvent de l'adolescence jusqu'à 21 ans.
La loi 9 assurant l'exercice des droits des personnes handicapées oblige
maintenant les commissions scolaires à fournir des services
jusqu'à 21 ans, mais il ne faut pas se cacher, M. le ministre, chers
collègues, que, dans bien des cas, les services éducatifs entre
16 et 21 ans, que ce soit pour le jeune déficient mental ou d'autres
jeunes personnes handicapées, sont loin d'être aussi
développés qu'on le souhaiterait et notamment pour le jeune
adolescent présentant une déficience mentale.
J'ai bien aimé aussi les remarques de Mme Doré
vis-à-vis de cette espèce de mythe dont on est responsable, dans
notre société nord-américaine en particulier, qui veut que
toute action éducative valable auprès du jeune déficient
mental doit être exercée par un spécialiste. C'est
raccroché à l'autre mythe qui veut que tout programme valable
d'éducation adaptée, appropriée doit coûter
très cher. Les deux vont ensemble. C'est bien évident que, si
vous prenez constamment la béquille du spécialiste, cette
béquille-là va vous coûter très cher. Je partage
entièrement les vues de la porte-parole de l'Association du
Québec pour les déficients mentaux, à savoir que, dans la
plupart des cas, l'enseignant général, au fur et à mesure
que sa formation sera mieux éclairée du point de vue des
problèmes du jeune déficient mental ou du jeune ayant un handicap
visuel, peu importe le type de handicap, au fur et à mesure qu'on
améliorera sa formation générale, je pense que, dans bien
des cas, on pourra augmenter l'intégration. Il y a eu certains
progrès au point de vue de l'intégration. Hier soir, j'avais
l'occasion de citer le pourcentage des élèves au primaire et au
secondaire qui sont maintenant intégrés. Au moment du sommet -
donc, il y a à peine deux ans - 47% des jeunes au Québec, au
niveau du primaire et au niveau du secondaire, étaient
intégrés dans des classes régulières. Aujourd'hui,
c'est-à-dire deux ans plus tard, c'est 55%. Cela continue d'augmenter,
mais cela devrait aller plus vite. Je pense qu'il faut toujours revenir
à ces 3%, à cette proportion.
Une dernière remarque sur l'intervention de Mme Doré. Cela
rejoint tellement tout le discours que plusieurs d'entre nous qui croyons
à l'intégration tenons depuis plusieurs années. Il y a
beaucoup de modèles un peu partout, même au Québec,
où dans une classe de 25 élèves on peut intégrer,
si on y va par petites doses, un, deux, trois élèves souffrant de
déficience mentale, présentant une déficience mentale ou
d'autres handicaps. L'Association du Québec pour enfants avec
problèmes auditifs a parlé notamment de cette possibilité
pour une commission scolaire de conclure une entente avec une autre commission
scolaire. C'est un des groupes qui demandaient qu'on resserre le texte et je
pense que vous avez satisfaction de ce point de vue. J'avais une question
à poser; une fois que j'aurai terminé mes remarques
-j'achève - peut-être que Mme Laurin ou d'autres pourront
réagir à quelques questions que je vais intercaler dans mes
remarques.
J'ai cru comprendre que l'Association du Québec pour enfants avec
problèmes auditifs avait des réticences vis-à-vis de ce
que nous appelons l'école nationale. Est-ce que vous laissez entendre
que vous préférez la multiplication d'écoles
régionales ou suprarégionales?
L'Association de paralysie cérébrale du Québec a
touché brièvement au domaine de l'éducation aux adultes.
C'est vrai que le projet de loi est plus ou moins silencieux à cet
égard. Je pense que cela a été voulu, dans la mesure
où la politique gouvernementale est à peine terminée quant
à l'éducation pour les adultes. Si je peux me permettre une
suggestion aux porte-parole de l'Association de paralysie
cérébrale du Québec, je crois comprendre que, la semaine
prochaine, l'Institut canadien d'éducation des adultes doit venir
à la commission parlementaire. Il serait peut-être opportun que
votre association ait des contacts, si ce n'est pas déjà fait -
ou d'autres associations parmi les sept qui sont ici aujourd'hui - pour qj'on
puisse faire le lien avec l'Institut canadien d'éducation des adultes
pour s'assurer que celui-ci tiendra compte dans ses revendications des adultes
présentant certains handicaps.
Au nom de l'Association canadienne de l'ataxie de Friedreich, Mme
Saint-Jean nous présente une suggestion intéressante, assez
originale. Elle dit: Dans le cas de tout jeune qui présente ce handicap,
pourquoi le monde scolaire ne recourrait-il pas à des adultes qui ont
vécu ces années avec le même handicap? Cela peut ouvrir une
avenue fort intéressante, non seulement pour ce type de handicap, mais
pour bien d'autres handicaps. Je pense que le message devrait être retenu
par le ministre de l'Éducation, ses collègues, les commissions
scolaires, pour qu'on saisisse cette offre de bénévolat qui
viendrait donner un coup de main fort précieux au personnel
enseignant.
Mme Costopoulos qui nous a parlé au nom de l'Association
québécoise pour enfants et adultes ayant des troubles
d'apprentissage
- je salue au passage une ex-collègue de Sainte-Justine - nous a
parlé du droit des élèves qu'on appelle, dans le monde de
l'éducation, élèves ayant des difficultés
d'adaptation ou d'apprentissage aux services éducatifs gratuits
jusqu'à l'âge de 21 ans.
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Je ne veux pas interrompre le ministre, mais je veux
signaler qu'il y a déjà une bonne vingtaine de minutes qu'il
parle. Je ne sais pas s'il entend parler encore bien longtemps, mais je veux
lui rappeler qu'il y a encore beaucoup de travail à faire à la
commission.
M. Lazure: Cela fait exactement 20 minutes. Je conclus dans deux
minutes, M. le Président. Je veux simplement suggérer à
Mme Costopoulos et à son groupe de faire le lien avec l'Office des
personnes handicapées parce que, dans certains cas de jeunes qui ont des
troubles d'apprentissage, il est clair que la définition contenue dans
la loi pour les personnes handicapées peut s'appliquer à ces
élèves.
M. le Président, la Société
québécoise de l'autisme nous a présenté des
recommandations très spécifiques et a insisté sur l'aspect
de la protection du citoyen-élève. Je pense que nous devons
saluer sa contribution.
Finalement, l'Association québécoise des parents d'enfants
handicapés visuels a traité des difficultés un peu
particulières qu'on peut retrouver, si j'ai bien compris, dans les
écoles suprarégionales ou nationales spécialisées
pour les enfants ayant des troubles visuels. Là encore, je pense qu'il
va falloir - c'est ma dernière remarque - qu'on revienne à
l'article 33 du projet de loi pour rassurer votre association, Mme Raby. Il
n'est pas exact de dire que c'est trop vague. L'article 33 est très
clair. Le ministre, lorsqu'il va établir une école à
vocation régionale ou nationale, va indiquer non seulement le nom,
l'adresse et le statut linguistique, mais aussi le mode d'administration -
c'est important - les services qu'elle va offrir. À ce moment-là,
il est bien évident que, si on suit le modèle de l'école
pour l'ensemble de la population enfantine, dans le cas d'une école
spécialisée pour des enfants ayant des troubles visuels, si les
parents le désirent, ce sont eux qui, majoritairement, pour ne pas dire
unanimement, vont prendre le pouvoir, le contrôle de ce conseil
d'école, dans le cas d'une école
superspécialisée.
M. le Président, en concluant, je répète le souhait
que je faisais hier - et je reprends la remarque d'un des porte-parole des sept
groupes - que mon collègue, le ministre de l'Éducation, utilise
au maximum les recommandations qui nous sont faites dans les sept
mémoires qui, au fond, rejoignent les recommandations que nous trouvons
dans le document qui a été préparé à la fois
par l'Office des personnes handicapées et par l'ensemble des
associations des personnes handicapées du Québec. Merci aux
associations.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre.
Je dois, cependant, signaler à nos invités que je devrai
tenir compte également de l'intervention qu'a faite M. le
député d'Argenteuil, qui est fort juste d'ailleurs, et vous
demander, si vous avez des remarques à ajouter aux propos qu'a tenus le
ministre, de nous les présenter le plus brièvement possible.
Mme Costopoulos.
Mme Costopoulos: Je m'excuse, il y a longtemps que j'ai
parlé. Cela fait longtemps que je vous écoute. Cela fait deux
fois, M. Lazure, que vous nous servez les 47% à 55%
d'intégration. Nous avons malheureusement vu, dans plusieurs commissions
scolaires, de l'intégration nouvelle faite depuis deux ans, mais, trop
souvent, au détriment des services. Dans une commission scolaire de la
rive nord, quinze postes d'orthopédagogues ont été
coupés. Évidemment, tous les élèves qu'ils
desservaient ont été intégrés.
Le Président (M. Blouin): Mme Laurin.
Mme Laurin: Au sujet des écoles nationales, M. Lazure,
vous avez très bien compris. Déjà avec des écoles
suprarégionales la distance que l'enfant a à parcourir est
énorme. Donc, si on revient à une école nationale, cela
devient encore pire que ce qu'on a présentement. À ce sujet,
j'aimerais ramener le fait qu'on tient très fort à ce que ce soit
des conseils d'école au même titre que dans les écoles, car
je pense que, pour nos enfants, c'est aussi important que pour d'autres.
Je demanderais peut-être à l'AQPEHV, à Mme Raby, si
elle n'a pas des choses à ajouter, parce que je pense que la
problématique à ce niveau-là est la même pour elle
que pour nous.
Le Président (M. Blouin): Mme Raby.
Mme Raby: Permettez-moi, vu que ma secrétaire
générale a de fréquents contacts, un peu partout dans la
province, avec des parents d'enfants, de lui demander de venir compléter
ou apporter des précisions concernant l'école
suprarégionale pour nos enfants handicapés visuels.
Le Président (M. Blouin): Je souhaite, cependant, ne pas
trop déplaire à votre
secrétaire générale...
Mme Raby: Nous le ferons rapidement.
Le Président (M. Blouin): ...en lui signalant qu'il faut
faire vite maintenant.
Mme Bélisle (Rachel): II y a une chose que je trouve
importante à dire à M. Lazure. Hier, il a été
question de pensionnats. On s'est consulté entre organismes et, à
notre connaissance, il n'existe pas de pensionnats. Il y a beaucoup de
préjugés qui courent les corridors sur les écoles
spéciales. On a l'impression, dans les propos de M. Lazure, en parlant
de l'AQDM, que les écoles spéciales c'est un retour de 25 ans en
arrière. On fait des généralisations. Je pense à
nos organismes. Il y a quelque chose qu'il faut vraiment apprendre; c'est de ne
rien généraliser. Je pense que, concernant les écoles
spéciales pour les enfants handicapés visuels, si le
Québec se dotait de deux écoles suprarégionales ou avec
des nuances pour le primaire et le secondaire, si le Québec se dotait de
réelles écoles spéciales, il serait à
l'avant-garde; il ne serait pas 25 ans en arrière. Par rapport au
conseil d'école et à l'école nationale, les parents de
l'association ont la même position que l'AQEPA. Il n'est pas non plus
question d'avoir une seule école pour les élèves
handicapés visuels. (17 heures)
Le Président (M. Blouin): Cela va.
Mme Bélisle: Alors, comme c'est bref, cela va se limiter
à cela.
Le Président (M. Blouin): Très bien, merci. Merci,
M. le ministre. Avant de passer la parole à Mme la députée
de Jacques-Cartier, M. le député d'Argenteuil m'a dit qu'il avait
un bref commentaire additionnel.
M. Ryan: C'est une observation que j'ai oublié de vous
transmettre, tout à l'heure, de la part de Mme Thérèse
Lavoie-Roux, députée de L'Acadie, qui est aussi chargée du
problème des personnes handicapées au sein de notre groupe
parlementaire.
Mme Lavoie-Roux était avec nous depuis le début des
travaux de la commission, mais elle a dû rentrer à Montréal
hier parce qu'elle avait des devoirs pressants auxquels elle devait vaquer dans
son comté, aujourd'hui. Elle m'a prié de l'excuser auprès
de vous et de vous assurer de son vif intérêt pour les
problèmes des secteurs que vous représentez. Je passe la parole
à Mme la députée de Jacques-Cartier.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député d'Argenteuil. Mme la députée de
Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci, M. le Président. J'aimerais saluer
votre présence aujourd'hui. Je suis très heureuse, car vous
êtes venus nous présenter des mémoires d'une très
grande qualité et de bon sens. Vous avez souligné l'urgence de
vos demandes. Je vous félicite d'avoir décidé de vous
regrouper afin d'augmenter l'impact de votre message et de souligner votre
unité face aux principes qui soutiennent vos revendications, même
si les besoins des enfants que vous représentez sont très
diversifiés.
Les besoins des enfants en difficulté me préoccupent
depuis longtemps. Mon expérience avec l'Association
québécoise pour enfants et adultes ayant des troubles
d'apprentissage m'a enrichie sur le plan personnel et m'a amenée
à une meilleure compréhension des besoins de tous les enfants,
réguliers et spéciaux. J'y ai appris deux choses qui sont
fondamentales pour moi. D'abord, j'ai appris que les principes qui sont
à la base d'une bonne éducation sont les mêmes pour tout le
monde. Je parle du principe de la reconnaissance et du respect de la
dignité de la personne. Deuxièmement, j'ai appris, lors de ces
contacts - mon travail avec des parents ayant des enfants avec des
difficultés d'apprentissage - qu'il est grand temps qu'on révise,
qu'on repense nos priorités sociales car, si une bonne éducation
coûte cher, le coût de l'échec, ceux qui sont mal servis
dans notre système d'éducation, sur le plan social, sur le plan
humain, sur le plan financier pour l'État, est dix fois plus
élevé que le coût d'une bonne éducation.
J'ai eu l'honneur de participer, il y a maintenant dix ans, à la
préparation d'un rapport, le rapport COPEX; nous l'avons
présenté en 1976 au gouvernement. On a étudié
pendant trois ans - je crois que nous avons eu 300 réunions, quelque
chose d'aussi extraordinaire - pour produire quelques recommandations que je
trouve encore très fondamentales et qui sont encore urgentes, parce que,
dans une grande mesure, le gouvernement n'a pas répondu
adéquatement à ces résolutions.
En 1976, nous avons proposé - et je lis la recommandation 20 de
notre rapport -"que le ministre de l'Éducation, suite à
l'adoption d'une politique officielle d'intégration des enfants en
difficulté, élabore un plan et des stratégies
réalistes visant le plus possible à l'insertion de l'enfant en
difficulté dans la classe régulière et dans l'école
régulière, en vue de contribuer à son développement
optimal et à son intégration sociale; que ce plan soit
appliqué de façon graduelle et s'accompagne d'une
évaluation continue."
Recommandation 27. "Que l'entente collective entre instituteurs et
commission scolaire tienne compte des besoins généraux et
spécifiques des enfants en difficulté
d'adaptation et d'apprentissage; que cette entente permette l'engagement
d'un personnel diversifié d'éducation, de
rééducation, de réadaptation et qu'elle en précise
les fonctions; qu'elle favorise l'organisation d'une gamme variée
d'interventions s'insérant dans une politique d'intégration
graduelle, partielle ou totale, à l'école, etc."
Plus loin: "Que le ministre de l'Éducation adopte une politique
officielle et un programme provincial de formation des maîtres oeuvrant
auprès de l'enfance en difficulté, etc." "Des programmes de
formation obligatoire de premier cycle qui rendent tout enseignant apte
à prévenir, à dépister et à corriger les
difficultés mineures d'adaptation et d'apprentissage."
Plus loin, on parle du financement des services: "Que les dispositions
et les règles budgétaires du secteur public assurent en faveur
des enfants en difficulté d'adaptatation et d'apprentissage un
accès équitable aux ressources générales mises
à la disposition de la commission scolaire et qu'elles donnent droit
à un budget protégé -très important - pour des
mesures spéciales destinées à répondre
exclusivement aux besoins de ces enfants.
Alors, qu'est-ce que le gouvernement a fait? Il a adopté la
politique d'intégration, mais, en même temps, le gouvernement a
coupé successivement, année après année, le budget
des commissions scolaires. Le résultat, bien documenté, se
retrouve dans un document préparé par la Centrale de
l'enseignement du Québec, publié en 1981. À la page 44, la
centrale dit: Le MEQ propose de démarginaliser les enfants en
difficulté en les intégrant dans des classes
régulières. Il nous faut bien constater que, sous le discours
humaniste, se cache un objectif d'économie. On fait l'intégration
pour économiser et ce, aux dépens des étudiants et des
travailleurs de l'enseignement.
Le processus d'intégration, tel que défini par le MEQ,
s'accélère. Ainsi, on constate, en 1980-1981, une diminution de
la clientèle identifiée comme éprouvant des
difficultés. Une diminution de 50% supérieure à la baisse
de la clientèle du secteur régulier se poursuivrait
également, en 1981-1982.
Si on déclare moins d'enfants en difficulté, ce n'est pas
que moins d'enfants éprouvent des difficultés à
l'école. C'est que cette politique permet de diminuer les effectifs
enseignants. En plus de la réduction des services fournis par le
personnel enseignant, on note une diminution importante des services
d'évaluation, de rééducation, la perte de psychologues, la
perte d'orthophonistes la perte d'orthopédagogues, etc. Bref,
l'intégration se poursuit partout où elle permet des
économies, surtout sur le nombre d'enseignants et de professionnels.
Je n'ai pas le temps de lire davantage. À cette époque,
j'étais présidente d'une commission scolaire a Montréal et
je sais que ce n'est pas le gouvernement qui a émis des
règlements qui disent de couper dans le personnel des psychologues, le
personnel spécialisé, mais comme c'était la seule marge de
manoeuvre dont disposent les commissions scolaires, ce sont ces ressources dont
on a tellement besoin pour appuyer cette politique d'intégration qu'on a
coupées. C'est là le problème. Il faut une reconnaissance,
sur le plan financier, de tous ces besoins pour appuyer une saine et bonne
éducation pour des enfants qui ont des besoins spéciaux.
La situation ne s'est pas améliorée. J'ai lu, dans Le
Soleil du jeudi 2 février, hier: "II n'y a pas un seul éducateur
- il y a ici des commentaires inspirés par les recherches du Conseil
supérieur de l'éducation au niveau secondaire - qui oserait
s'insurger contre la politique ministérielle d'intégration des
jeunes en difficulté... On veut bien que ces enfants soient
rapatriés dans les classes régulières. Mais quel soutien
donne-t-on aux enseignants pour les aider? Et quels services offre-t-on
à cette clientèle? Une éducatrice qualifie de frauduleuse
l'intégration telle qu'elle se pratique actuellement. Les enfants sont
laissés à eux-mêmes, faute de spécialistes. Les
coupures budgétaires ont frappé particulièrement le
personnel non enseignant." Alors, la même situation continue.
Mme Doré a dit quelque chose de très important. Elle a
dit: II ne s'agit pas de gros sous, mais il faut mettre vos sous au bon
endroit. Le ministre Lazure a oublié la deuxième partie de ce
message. C'est vrai. Je crois fermement qu'il y a assez d'argent, mais il faut
mettre cet argent dans l'éducation. On n'a pas assez d'argent pour
l'éducation préscolaire, pour les garderies, pour les
spécialistes, pour former nos enseignants, pour le dépistage,
pour les psychologues. On n'a pas assez d'argent pour cela, mais on en a assez
pour construire des centres d'accueil pour les jeunes délinquants qui
coûtent dix fois, vingt fois plus cher par jour. C'est là le
problème. Ce sont les priorités de notre société.
(17 h 15)
Ce projet de loi 40 est étonnant; vous l'avez d'ailleurs
souligné dans vos mémoires. Parce que ce projet de loi n'assure,
en aucun sens, une bonne éducation, surtout pour nos enfants en
difficulté. Le ministre a parlé de l'article 14. Non, M. le
ministre, ce n'est pas satisfaisant, parce qu'on pourrait parler d'un droit,
mais chaque loi doit avoir des obligations correspondantes. Les obligations ne
sont pas dans cette loi, voilà le problème. J'appuie les
remarques du député d'Argenteuil. Il est grand temps que le
gouvernement repense en profondeur toutes ses politiques, dont la Loi sur
l'instruction
publique, pour manifester un engagement ferme d'assurer une
éducation de qualité, dispensée avec continuité et
de façon personnalisée pour tous nos enfants. Je n'ai que...
Le Président (M. Blouin): En quatre minutes, Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Quatre minutes?
Le Président (M. Blouin): Quatre minutes.
Mme Dougherty: Est-ce que vous recevez - et je parle à
tout le monde - des subventions du gouvernement pour le travail de vos
organismes? Est-ce qu'on pourrait faire un petit sondage?
Mme Raby: Nous recevons une subvention annuelle de l'Office des
personnes handicapées...
Mme Dougherty: Je ne pourrai pas...
Mme Raby: Pour ce qui est de notre organisme, nous fonctionnons
avec une subvention annuelle de l'Office des personnes handicapées.
Mme Locas: Même chose pour la Société
québécoise de l'autisme.
Mme Costopoulos: Nous avons une petite subvention du
ministère des Affaires sociales, entre autres; pas d'autres subventions
ministérielles.
Le Président (M. Blouin): Mme Saint-Jean.
Mme Saint-Jean: Je le crois. Je ne m'occupe pas des finances. Je
sais qu'il y a des projets PILE, mais, à part cela, je ne suis pas au
courant de quoi que ce soit.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Saint-Jean. On me dit
que vous en recevez.
M. Bouchard: Nous n'avons pas de subvention statutaire, mais nous
essayons d'exploiter la gamme des programmes qui peuvent exister tant au
fédéral qu'au provincial pour mettre en place des services
palliatifs, notamment au niveau de la stimulation précoce, du transport
médical pour pallier l'absence de ressources existantes. Si cela peut
répondre à votre question.
Le Président (M. Blouin): Mme Laurin.
Mme Laurin: Oui, nous recevons une subvention du
gouvernement.
Le Président (M. Blouin): Ça va. M.
Henley.
M. Henley: Environ 20% de notre budget annuel vient de
L'OPHQ.
Le Président (M. Blouin): Environ 20%, très bien.
Mme la députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Est-ce que j'ai le temps de poser une petite
question?
Le Président (M. Blouin): Deux minutes.
Mme Dougherty: J'avais l'intention de vous poser une question,
surtout à vous de l'AQEPA, qui avez critiqué très
sévèrement le projet de loi, parce que, en donnant le pouvoir
à tout monde, personne n'est responsable. Vous avez soulevé
plusieurs questions - ma question s'adresse à tout le monde - mais je
n'ai pas vu dans votre mémoire de suggestions concrètes pour
améliorer la loi surtout au niveau de l'école pour assurer les
services dont vous avez besoin.
Le Président (M. Blouin): Très rapidement, Mme
Saint-Jean.
Mme Saint-Jean: J'ai vécu moi-même des
problèmes; j'ai étudié pendant 25 ans. Je me suis
débrouillée un peu toute seule. Je me suis aperçue que
certains professeurs, même la plupart, manquent de dynamisme et
d'imagination. Si, moi, j'ai pu fonctionner dans mes études, comme
plusieurs, c'est parce que j'avais des professeurs qui avaient l'esprit un peu
plus ouvert, qui comprenaient et qui trouvaient des moyens. Ils nous posaient
des questions et je leur demandais des choses, et cela ne coûtait pas de
sous supplémentaires au gouvernement. Il faut quelqu'un qui a
peut-être plus de créativité. Actuellement, il se donne des
cours de créativité ou de communication, qui ne sont pas de
l'enseignement. Il y aurait peut-être moyen d'insérer la
communication possible. Je me souviens, je demandais à M. Laurin, lors
d'une conférence de presse en 1980, de former le personnel en
général, soit celui qui a des rapports avec les personnes
handicapées, les médecins, les infirmières, les
architectes, les professeurs. Il avait donné un quatrième mandat
au sous-ministre de l'Éducation, qui était derrière moi,
de s'occuper de cela. Je n'ai jamais eu de réponse à mes
lettres.
La solution que je vois, cela s'est fait... J'ai commencé
l'école en 1956 et j'ai terminé en 1983. S'il y a eu des gens
auparavant, s'il y en a qui vivent encore actuellement, pourquoi n'y en
aurait-il pas d'autres? Pourquoi n'y aurait-il pas moyen de faire un
dépistage? Le personnel enseignant,
ceux qui n'ont pas assez d'imagination, peut-être qu'il y aurait
moyen de créer avec les parents, avec certains professeurs, avec les
commissions scolaires, des consultations et des discussions avec des questions
pertinentes et en intégrant la personne elle-même. Moi-même,
lorsque j'avais six ans, je me rendais compte que je n'étais pas
normale. Je ne pouvais pas le dire, mais je savais que j'avais un
problème. C'est le cas de beaucoup d'enfants, même de ceux qui ont
de la misère à parler, ils ne peuvent pas le dire.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Saint-Jean. M.
Bouchard.
M. Bouchard: Pour répondre à votre question, vu
d'abord que le projet de loi qu'on a reçu était plutôt
silencieux quant aux services éducatifs et aux buts qu'il voulait viser
dans le cadre de la réforme proposée, vu aussi qu'on veut quand
même respecter le mot "partage" qui semble être voulu de la plus
grande partie de la population quant aux pouvoirs aux commissions scolaires, il
nous est très difficile, je pense, de dire ou d'essayer de voir quelle
forme de responsabilité et à qui on pourrait ajouter des
responsabilités pour des mandats qui ne sont pas explicités dans
le projet de loi.
Dans ce sens-là, vous pouvez comprendre qu'on ne pouvait pas
réclamer des responsabilités pour des mandats qu'on ne semblait
pas vouloir confier au système d'éducation.
Le Président (M. Blouin): Mme
Robitaille-Rousseau.
Mme Robitaille-Rousseau (Monique): M. le Président, je
voudrais réagir à l'énoncé de Mme la
députée quand elle disait qu'on réclamait - elle parlait
du rapport COPEX, je pense - des spécialistes et tout cela. Je pense que
nous en tant que parents de déficients mentaux, on ne nie pas le besoin
de spécialistes, mais on a dû se rendre compte au cours des
années qu'on est resté tellement accroché aux
spécialistes qu'on en est venu à définir nos enfants comme
ne pouvant fonctionner qu'avec des spécialistes. Je pense qu'il y a de
l'évolution qui est en train de se faire. Malheureusement, on se rend
compte que c'est peut-être plus vrai au niveau d'autres ministères
qu'au niveau du ministère de l'Éducation, dans le sens
qu'aujourd'hui on nous dit que notre enfant doit vivre en
société, qu'on doit le préparer pour cela, qu'on doit lui
réclamer sa place. Quand j'arrive au niveau de l'école, je me
rends compte qu'on fait face à un milieu où on est axé sur
la performance. À partir des spécialistes, je pense qu'on
étiquette de plus en plus d'enfants. Pour les autres, cette semaine, on
nous disait dans les journaux qu'on va en faire des délinquants, en plus
des décrocheurs. Nous devons constater aujourd'hui que les
spécialistes ont servi dans plusieurs cas à isoler nos enfants de
la société. Je veux dire qu'on fait constamment la somme des
différences pour isoler quelqu'un. Quand l'enfant revient chez nous,
c'est beau la cage dorée, le milieu protégé, mais, quand
il revient à la maison, c'est dans la société qu'il faut
qu'il fonctionne, il doit vivre à côté des autres.
Malheureusement, les autres ne le connaissent pas. L'école, c'est le
premier niveau actuellement où on apprend aux enfants que nos
différences font qu'on ne peut pas vivre ensemble, qu'il n'y a pas de
prise de conscience intéressante à faire dans cela. Nos enfants,
quand ils reviennent à la maison, ne sont pas en mesure actuellement de
fonctionner dans la société justement à cause des milieux
différents où on les fait vivre. Il y a toute une
évolution que nous demandons. J'ai entendu à plusieurs reprises,
ici même, cet après-midi, une expression qui me frappe beaucoup
comme parent, quand on parle de changement de mentalité. Maintes fois on
entend définir la personne handicapée comme étant une
personne qui souffre. Nos enfants ne souffrent pas. Ils ne sont pas malades,
ils sont différents tout simplement. Nos enfants souvent sont
peut-être les personnes les plus heureuses qu'on peut trouver parce
qu'ils ne se font de problèmes là où il n'y en a pas.
Le Président (M. Blouin): II faut conclure Mme Rousseau,
s'il vous plaît.
Mme Robitaille-Rousseau: Face au monde de spécialistes
qu'on a créé et quant à une réallocation des
ressources, la question que je me pose comme parent est: Est-ce que je vais
continuer constamment, en termes d'intégration scolaire, à
dépendre de la bonne volonté d'une personne d'une année
à l'autre sans savoir ce que je peux avoir comme garantie pour mon
enfant? Je suis un parent qui travaille en vue de l'intégration scolaire
depuis quelques années. Je vois des situations aussi où un parent
se fait dire le midi que son enfant intégré en maternelle vient
de terminer le matin. Ce sont des situations réelles qu'on vit comme
parent. On se pose beaucoup de questions par rapport à l'avenir. Des
belles politiques sur les tablettes du gouvernement, il y en a plein, mais ce
qu'on vit dans la réalité, c'est autre chose.
Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci, Mme
Robitaille-Rousseau. Merci, Mme la députée de
Jacques-Cartier.
Malheureusement, nous devons maintenant...
Mme Raby: ...très rapide.
Le Président (M. Blouin): Allez-y très rapidement,
Mme Raby.
Mme Raby: Très rapidement. Quant aux propositions
concrètes pour améliorer le projet de loi, je crois que chacun de
nos organismes, à un moment ou à un autre, a acheminé
auprès du ministère de l'Éducation des documents, des
textes dans lesquels on fait part de notre clientèle, ce qu'elle est,
des besoins qu'elle a de et ce qu'on attend comme services. Il serait
peut-être bon de retourner, M. le ministre, à ces documents.
Le Président (M. Blouin): D'accord; merci, Mme Raby.
Sur ce, je remercie nos invités. Ce n'est pas terminé, M.
le député de Bellechasse.
M. Lachance: M. le Président, je vais essayer d'être
bref. Avant de poser quelques questions rapidement à Mme Laurin, je
voudrais d'abord vous dire que je déplore les propos un peu
démagogiques de la députée de Jacques-Cartier qui a
facilement blâmé le gouvernement concernant les coupures qui
auraient pu être effectuées au détriment de certaines
personnes. C'est un peu facile quand on sait - les états financiers
vérifiés sont là pour le prouver - qu'il y a eu, au niveau
des commissions scolaires, l'an dernier, quelque 150 000 000 $ de surplus. Les
commissaires d'école ont des responsabilités en ce qui concerne
les choix qu'ils doivent établir. S'ils ont décidé
d'accumuler des surplus plutôt que d'avoir des personnels additionnels,
cela ne dépend pas du gouvernement.
Cela étant dit, M. le Président, je voudrais me
référer au mémoire de l'Association du Québec pour
enfants avec problèmes auditifs, à laquelle appartient Mme
Laurin, à la page 11. Vous indiquez que vous souhaitez une participation
majoritaire des parents au sein du conseil d'école, selon l'article 39.
Vous dites qu'afin de favoriser cette participation vous recommandez qu'il y
ait une aide financière qui soit fournie aux parents. À quoi
pensez-vous exactement lorsque vous parlez d'aide financière? Est-ce
c'est en termes de frais de déplacement?
Mme Laurin: C'est justement parce que là on parle
d'écoles spéciales. Dans les écoles suprarégionales
qu'on demande, c'est évident que les parents ne restent pas près
de l'école. Si on veut permettre la participation de ces parents, il
faut qu'au niveau des frais de déplacement on puisse leur accorder une
aide. Pour eux, c'est un surplus, c'est un surcroît, ils sont
obligés de payer en plus, parce que leur enfant est handicapé,
pour avoir droit aux mêmes choses que les autres parents. (17 h 30)
M. Lachance: Est-ce que vous iriez jusqu'à demander qu'une
telle disposition soit contenue dans la loi ou bien si vous avez fait une
demande qui pourrait être inscrite dans les règles
budgétaires?
Mme Laurin: Cela pourrait être dans les règlements
de la loi ou dans les règles budgétaires, pour autant que sera
accordé quelque part.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Lachance: D'accord. À la page 14, un peu plus loin,
vous parlez des services éducatifs...
Le Président (M. Blouin): Un tout petit moment, Mme Raby
avait un mot à ajouter.
Mme Raby: J'aurais une particularité à ajouter
relativement au paiement des frais pour les parents. Ce serait
déjà très bon, mais dois-je vous dire que, même
cette année, on a des enfants qui ont à se déplacer pour
venir à l'école suprarégionale et, comme Mme
Champigny-Robillard l'a souligné hier soir, je pense qu'on ne retourne
pas chez soi seulement deux fois par année. Pour défrayer le
transport, on est présentement à la merci du bon vouloir et,
souvent, finalement, c'est le parent, qui a déjà pris ses
responsabilités... Être parent, c'est déjà
difficile; être parent d'un enfant handicapé, je pense que cela
ajoute à la complexité. Remarquez qu'on a beaucoup de bonheur
à travers cela. Nos enfants nous apportent beaucoup de joies, mais, en
plus, il faut payer pour les envoyer à l'école quand ils ont six,
sept et huit ans. Alors, est-ce que c'est la gratuité?
M. Lachance: D'accord. À la page 14 de votre
mémoire, vous soulevez un point dont il a été question
tantôt et Mme Raby y a fait allusion aussi dans son intervention. Vous
parlez d'une formation appropriée pour les enseignants avant leur
entrée en fonction. C'est un point fondamental que vous soulevez
là et j'aimerais savoir de votre part si ce problème que vous
énoncez ou cette recommandation 9 que vous avez dans votre
mémoire découle d'un vécu, d'une expérience
vécue où vous avez constaté des lacunes à ce
niveau.
Mme Laurin: Je pourrais vous donner un exemple très
précis: Un professeur s'en va dans une école
spécialisée où l'on utilise le langage gestuel pour un
enfant handicapé; il peut être transféré d'une
école où il ne l'a jamais utilisé ou, encore plus, d'une
école où il était en oralisme, où on lui
défendait d'utiliser les gestes codés, disons. À ce
moment-là, il va être transféré, du jour au
lendemain, à l'école où l'on utilise toujours
la communication totale, sans avoir aucun enseignement entre les deux.
On va lui enseigner "sur le tas" par après, mais il va arriver pour
enseigner dans sa classe le matin même sans avoir la communication
totale; donc, c'est assez difficile à ce moment qu'il puisse donner des
services adéquats à nos enfants.
M. Lachance: Je vous remercie.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Bellechasse. Sur ce, maintenant, je... Oui, M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: J'aurais une petite remarque à l'intention de Mme
Raby. Vous avez dit tantôt qu'il vous arrive assez souvent d'adresser des
communications au gouvernement, en particulier au ministre de
l'Éducation. Si vous voulez avoir une réponse plus rapide,
envoyez-les à l'Opposition en même temps.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
Mme Raby: Très bien, M. Ryan, j'en prends bonne note. Cela
ne tombe pas dans l'oreille d'un sourd, excusez mon pléonasme.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
Le Président (M. Blouin): Sur ce, je remercie toutes nos
invitées et tous nos invités de leur très importante
participation aux travaux de cette commission parlementaire, et j'invite
maintenant l'Association féminine d'éducation et d'action
sociale, c'est-à-dire l'AFEAS, et ses représentantes à
bien vouloir s'avancer à la table de nos invités. Pendant
qu'elles s'avancent, pour leur permettre de le faire, nous allons suspendre nos
travaux pour une ou deux minutes tout au plus.
(Suspension de la séance à 17 h 33)
(Reprise de la séance à 17 h 40)
Le Président (M. Blouin): À l'ordre!
La commission élue permanente de l'éducation reprend ses
travaux. Nous allons maintenant entendre les représentantes... Il y a
encore des discussions qui nous empêchent de procéder. S'il vous
plaît! Nous allons demander aux représentantes de l'Association
féminine d'éducation et d'action sociale, l'AFEAS, c'est le sigle
que tout le monde connaît, de bien vouloir s'identifier et de nous livrer
le contenu de leur mémoire.
AFEAS
Mme Paquette (Lise): M. le Président, M. le ministre - il
n'est pas là - mesdames et messieurs les membres de la commission,
permettez-moi de vous présenter mes compagnes. À ma droite, Mme
Luce Ranger-Poisson, vice-présidente provinciale et responsable du
comité d'étude sur la restructuration scolaire; à ma
gauche, Mme Claire Levasseur-Côté, également membre du
comité et commissaire de la commission scolaire de Varennes à la
régionale de Chambly.
L'Association féminine d'éducation et d'action sociale,
l'AFEAS, comme son nom l'indique, est un organisme essentiellement
composé de femmes. Il regroupe quelque 35 000 membres actifs
répartis au sein de 600 cercles locaux, dans treize régions du
Québec. Par l'éducation et la formation, l'AFEAS conscientise ses
membres, les éveille à leurs responsabilités et les incite
à réaliser des pressions sociales et politiques en vue de
l'amélioration des conditions de vie et de travail des femmes et du
mieux-être de la société.
L'éducation étant au coeur même des
préoccupations de l'AFEAS, il va de soi que le système
d'enseignement qui prévaut au Québec constitue pour nos membres
un sujet privilégié. Il nous semble pertinent de rappeler ici le
rôle d'éducatrices que remplissent les membres de l'AFEAS comme
mères de famille et citoyennes. En effet, 91% des membres ont un ou
plusieurs enfants; 58,2% des membres sont âgés de 25 à 50
ans et c'est certes dans ces groupes d'âges que se situe la phase la plus
active de l'éducation des enfants; 11,4% des membres militent dans des
organismes centrés sur l'éducation (commissions scolaires,
comités d'école, etc.) ou sur l'encadrement des jeunes; parmi les
41,4% des membres de l'AFEAS qui travaillent hors du foyer, on compte 15,5%
d'enseignantes.
Comme je viens d'en faire état, notre intérêt pour
le monde de l'éducation trouve ses racines dans la nature même de
notre organisme. Il était donc logique que peu après la parution
du livre blanc sur la réforme scolaire, L'école
québécoise: une école communautaire et responsable,
l'AFEAS mette sur pied un comité muni du mandat suivant: étudier
les propositions de l'avant-projet de loi et les réactions des divers
organismes rattachés au monde de l'éducation; élaborer un
ensemble de propositions qui tiennent compte des recommandations venues des
cercles et de nos treize régions.
En avril 1983, le comité déposait son rapport qui fut
soumis à l'assemblée générale des membres les 15,
16 et 17 août 1983, à Sherbrooke. Les recommandations dont il est
fait état dans le présent mémoire constituent donc la
position ferme de l'AFEAS telle qu'adoptée par l'assemblée
des membres. Même si, pour respecter notre processus de prise de
décision, ce mémoire a été
préparé
avant le dépôt du projet de loi 40, ce fait n'infirme en
rien la valeur de nos recommandations qui, il importe de le souligner, se
situent surtout au niveau des principes. Nous n'avons pas la prétention
de nous croire des spécialistes du monde scolaire; notre position
découle du vécu quotidien de nos membres comme parents et
contribuables, des valeurs et des principes qui les animent et de la sagesse
populaire. Ces diverses recommandations ont été regroupées
sous quatre thèmes, dont il sera traité séparément:
la confessionnalité, les commissions scolaires et le mode
d'élection, l'école, le partage des pouvoirs et les conventions
collectives.
Je laisse à Mme Ranger-Poisson le soin de présenter nos
recommandations.
Mme Ranger-Poisson (Luce): Comme Mme Paquette vient d'en faire
état, les recommandations de l'AFEAS se situent au niveau des principes.
Elle a déjà mentionné que l'AFEAS n'a strictement pas la
prétention d'être un intervenant direct du monde scolaire, mais,
parce que les membres de l'AFEAS sont des parents, elles sont, par leurs
enfants, des usagers de ce même monde.
Au plan de la confessionnalité, il importe de rappeler que
l'AFEAS est un mouvement social d'inspiration chrétienne qui
préconise depuis sa fondation le statut confessionnel dans les
écoles du Québec. Ce choix a été maintes fois
réaffirmé au cours des années et, en 1981, les membres
réunis en congrès d'orientation demandaient de nouveau le
maintien du système québécois d'écoles
confessionnelles.
Par ailleurs, si elle veut accomplir avec respect et efficacité
la mission qui est sienne, l'école doit être le creuset où
se retrouvent les valeurs du milieu qu'elle sert. Faire abstraction des valeurs
de la foi dans le projet de vie d'une école serait, à notre sens,
une aberration. Pour l'AFEAS, la confessionnalité constitue la meilleure
garantie pour assurer la présence chrétienne dans le projet
éducatif d'une école.
Par ailleurs, il importe également de respecter
l'évolution que peut connaître un milieu donné, qu'il
s'agisse d'un village ou d'un quartier urbain; les nouveaux apports de
populations, les mutations dans les valeurs et les croyances peuvent parfois
créer un contexte nouveau. L'école doit être en mesure de
s'adapter à ces changements et c'est pourquoi il est important de
prévoir, dans la Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public,
un mécanisme permettant la révision du statut confessionnel.
Nous ne croyons pas, toutefois, qu'il faille nécessairement
procéder à une telle révision à date fixe. Ce
serait, dans bien des cas - je pense, en particulier, aux milieux ruraux
où le changement est beaucoup moins rapide dans certains cas - une
procédure inutile et coûteuse. À cette fin, l'AFEAS
recommande donc que le statut confessionnel soit reconnu à
l'école tout en prévoyant un mécanisme de révision
pour ce statut lorsqu'au moins un tiers des parents ayant des enfants à
l'école le demandent. Toutefois, une telle consultation ne pourrait
être renouvelée avant l'expiration d'un délai de cinq
ans.
Ce principe étant réaffirmé, force nous est de
constater que la société québécoise ne constitue
plus un bloc aussi monolithique qu'autrefois au plan des croyances religieuses.
Si, dans de nombreuses régions du Québec, l'immense
majorité des parents se réclame encore de la foi catholique ou
protestante, la réalité se révèle tout autre dans
certains secteurs, en particulier dans les grands centres urbains. Le respect
de la liberté religieuse de ses citoyens doit être le propre de
toute société civilisée. S'il importe de respecter le
choix de la majorité, les minorités ne doivent, en aucune
façon, être lésées dans leurs convictions et leurs
valeurs.
Le système d'exemption qui prévaut à l'heure
actuelle comporte de nombreux désavantages. Il tend, en particulier,
à marginaliser ceux qui s'en prévalent et peut constituer, dans
certains cas, un facteur inhibant: les parents hésitent
fréquemment à placer leurs enfants dans un groupe à part.
C'est pourquoi l'AFEAS préconise que le système d'exemption soit
aboli pour faire place à l'option entre l'enseignement religieux et
l'enseignement moral.
Nous sommes conscientes également, si vous me permettez de
m'écarter du texte, qu'un décret rend maintenant
opérationnelle, ou la rendra sous peu, cette recommandation de l'AFEAS.
On aurait pu choisir de s'en réjouir parce qu'il va dans le sens de
notre recommandation. Permettez-nous, toutefois, M. le Président,
d'exprimer une certaine inquiétude de voir qu'un décret
précède la loi: cela nous inquiète un tout petit peu.
Pour concrétiser le caractère confessionnel d'une
école, il ne suffit pas d'en établir le principe; c'est dans le
vécu quotidien d'une institution d'enseignement, dans l'ensemble de son
projet éducatif, que la présence chrétienne doit se
manifester. Les élèves, les parents, le personnel doivent pouvoir
trouver à l'école les ressources aidantes pour alimenter et
soutenir leur choix religieux. Le service d'animation pastorale constitue l'une
de ces ressources privilégiées. Il permet, en outre, de faire le
lien entre la communauté chrétienne et l'école. Bref, pour
nous, ce service est essentiel. Nous recommandons que le service d'animation
pastorale soit maintenu dans les écoles.
Le deuxième pôle vers lequel l'AFEAS s'est penchée,
ce sont les commissions scolaires et le mode d'élection.
D'emblée,
une constatation s'impose. Tout en reconnaissant qu'il importe de
revaloriser le rôle de l'école, les membres de l'AFEAS ne
remettent aucunement en question la survie des commissions scolaires et du
suffrage universel dans l'élection des commissaires. Certes, des
réaménagements sont souhaitables dans le fonctionnement des
commissions scolaires, mais elles doivent être maintenues parce qu'elles
constituent, "malgré tous leurs défauts, le dernier bastion, avec
les municipalités, du pouvoir local."
Si les parents d'élèves sont, de toute évidence,
parmi les premiers touchés par la chose scolaire, il n'en reste pas
moins que c'est la totalité des contribuables qui supportent de ses
deniers le système d'enseignement. Cette majorité doit conserver
son droit de regard. C'est là un principe fondamental d'une
démocratie réelle.
Pour un organisme qui, comme l'AFEAS, est voué à
l'amélioration des conditions de vie et de travail des femmes, un autre
argument milite en faveur du maintien des commissions scolaires. Ce palier
politique constitue présentement celui où les femmes sont les
plus présentes et où elles exercent le pouvoir le plus
réel. Par tradition, on a voulu attribuer aux femmes le rôle de
premières éducatrices des enfants et de grandes responsables de
leur bien-être. Il n'est donc que justice qu'elles puissent
également exercer ce rôle au niveau des prises de décisions
et du pouvoir.
Même si, en principe, le projet de loi 40 conserve le suffrage
universel dans l'élection des commissaires, le mode d'élection
qui y est proposé nous semble très complexe et peu incitatif
à la participation populaire. Malheureusement, la vie scolaire, au cours
des récentes années, a maintes fois été
marquée par des affrontements entre les parents et les commissaires
d'écoles. Les premiers éprouvent une frustration réelle et
bien fondée devant le peu de prérogatives qui leur sont
réservées dans la grande machine de l'enseignement. Ils sont,
pourtant, les grands responsables de ceux qui constituent la seule raison
d'être réelle de l'école, les enfants. Par ailleurs, les
commissions scolaires voient leurs pouvoirs constamment érodés et
menacés à la fois par un ministère de l'Éducation,
omniprésent et omnipuissant, et par des groupes de parents dont
l'insatisfaction va grandissant.
De ces affrontements découle, hélas! un climat peu propice
à la collaboration. Pour éviter ces luttes, l'AFEAS
préconise plutôt une assemblée de commissaires
formée à la fois de représentants des parents élus
dans les conseils d'école, d'une part, et de commissaires élus au
suffrage universel, d'autre part. En tenant compte que les commissaires
élus sont souvent des parents et que, par ailleurs, les parents sont
aussi des contribuables, nous croyons que ces conseils de commissaires mixtes
pourraient, sans aucun doute, constituer un nouveau lieu d'entente et de
collaboration.
Le projet de loi 40 reconduit également une injustice flagrante:
les candidats aux élections scolaires ne jouissent d'aucun budget
électoral, contrairement aux autres paliers politiques. La loi sur
l'enseignement public devrait s'assurer de corriger cette lacune qui, à
notre avis, défavorise les moins bien nantis et rappelons-nous qu'en
général les femmes, si on fait une lecture féministe de
cette question, sont dans la société, bien souvent, de moins bien
nanties.
Le projet de loi 40 soulève également pour nous un autre
point de désaccord. Nous sommes défavorables à la tenue
des élections scolaires le même dimanche de novembre que les
élections municipales. Il s'agit de deux paliers politiques distincts et
des élections se tenant concurremment ne peuvent qu'appauvrir la
participation populaire aux deux paliers. Nous recommandons donc que les
commissions scolaires soient maintenues en tant qu'organismes
intermédiaires ayant des pouvoirs politiques locaux tels que la taxation
et un système électoral; qu'on maintienne le suffrage universel
dans les commissions scolaires; que le conseil des commissaires soit
composé majoritairement de représentants de parents
déjà élus dans les conseils d'école ou les conseils
d'orientation (les conseils d'orientation devant eux-mêmes être
composés majoritairement de parents); que l'autre partie des
commissaires soit élus au suffrage universel pour l'ensemble du
territoire de la commission scolaire; que tous les commissaires soient
élus pour un maximum de deux mandats consécutifs de trois ans;
que tous les commissaires élus au suffrage universel le soient en
même temps un dimanche d'octobre et qu'on prévoie un
système de financement pour les candidates et candidats au prorata du
nombre d'électeurs.
Passons maintenant à la place de l'école. Dans le
débat qu'a soulevé la question scolaire, au cours des
dernières anr.ées, il est un point sur lequel la grande
majorité des intervenants est à l'unisson: le rôle de
l'école s'est édulcoré et exige une revalorisation
profonde et immédiate. Si l'on remonte à un passé qui, au
plan de l'histoire, est encore très proche, l'école de village ou
de quartier constituait un véritable pivot de l'éducation.
L'intervention gouvernementale était à peu près
inexistante et le rôle des commissions scolaires, très
discret.
L'évolution de la société québécoise,
le besoin d'uniformiser les programmes, la nécessité de
créer une véritable égalité des chances pour
l'ensemble de la population, quelle que soit sa localisation
géographique, la syndicalisation nécessaire des travailleurs de
l'enseignement et bien d'autres facteurs encore ont amené une mainmise
sans cesse
croissante de l'État sur la chose scolaire. Chemin faisant,
l'école a perdu bon nombre de ses prérogatives et se retrouve
avec un rôle amoindri.
S'il est généralement reconnu que l'État doit,
entre autres choses, intervenir pour assurer la qualité de
l'enseignement sur l'ensemble de son territoire, que les commissions scolaires
doivent, pour leur part, garantir cette même équité, en
plus d'assurer une gestion adéquate des ressources, il reste quand
même vrai que l'école doit, de toute nécessité,
recouvrer une certaine liberté de manoeuvre dans l'aménagement de
son projet éducatif. Il est évident que certaines contraintes
administratives doivent demeurer, mais il est essentiel que l'école
puisse jouer un rôle actif dans l'application de son régime
pédagogique et qu'elle reflète véritablement les valeurs
du milieu.
Pour ce faire, l'AFEAS préconise qu'on effectue un nouveau
partage des rôles et des responsabilités, tout en accordant plus
de pouvoirs aux écoles sous la responsabilité de la commission
scolaire; que chaque directeur relève de la commission scolaire de sa
région et y réponde de sa gestion; que chaque conseil
d'orientation d'école soit formé d'une partie majoritaire de
parents, du directeur, d'un représentant élu du personnel
(professeurs, personnel non enseignant et de soutien) et, au secondaire, d'un
représentant des étudiants; que chaque conseil d'école ait
les pouvoirs décisionnels pour élaborer et réaliser le
projet éducatif; qu'on prévoie un budget de fonctionnement pour
les conseils d'orientation.
La dernière proposition de ce bloc peut sembler ne pas se
raccrocher au reste en ce qu'elle touche l'enfance en difficulté
d'apprentissage. Nos membres ont, toutefois, tenu à
réitérer un principe qu'ils ont maintes fois soulevé, au
cours des dernières années, une espèce de souci qu'on
voulait réitérer au moment où se décide le sort des
écoles québécoises. On demande que soit favorisée
une meilleure intégration des élèves en difficulté
d'apprentissage en donnant les ressources nécessaires aux professeurs
réguliers sous la forme de professeurs spécialisés ou de
travailleurs sociaux, selon les besoins. Encore là, je
répète que nous ne sommes pas des spécialistes; nous
n'avons peut-être pas de solutions à proposer, mais nous demandons
au gouvernement de se préoccuper de cette question vitale pour un grand
nombre d'enfants.
Le dernier chapitre traite du partage des pouvoirs et des conventions
collectives. Ces deux questions sont complexes, il faut en convenir. Nous
l'avons dit plus haut, les membres de l'AFEAS n'ont pas la prétention de
poser à l'expert. Ces deux prémisses étant posées,
certaines constatations demeurent.
Il faut convenir qu'au cours de la dernière décennie
particulièrement la vie scolaire au Québec a été
marquée de nombreuses luttes et d'innombrables conflits:
mésententes entre les commissions scolaires et le ministère de
l'Éducation, grèves et conflits de travail de tout ordre,
insatisfaction des parents face à la place négligeable qu'ils
occupent dans l'éducation scolaire de leurs enfants, etc., la liste
pourrait s'allonger ad nauseam.
Par ailleurs, dans l'organisation de la vie de l'école, les
parents ont, maintes fois, fait face à des conventions collectives
tellement rigides qu'elles condamnent d'avance toute initiative ou tout projet
sortant des normes établies et qu'elles minent dangereusement le climat
de l'école. On comprend facilement le sentiment de frustration, puis de
découragement qui s'ensuit. Après quelques tentatives
infructueuses, la majorité des parents a envie de décrocher. (18
heures)
Les deux dernières propositions de l'AFEAS peuvent sembler des
voeux pieux. Nous tenons toutefois à souligner qu'elles reflètent
le sentiment de lassitude, d'inquiétude voire même d'agacement
qu'éprouvent nos membres. C'est pourquoi nous recommandons que le
ministre de l'Éducation et ses partenaires se concertent en vue
d'atteindre enfin un nouveau partage des pouvoirs et que les conventions
collectives soient assouplies et qu'elles soient respectueuses du projet
éducatif.
C'était la teneur de notre mémoire; je vous remercie, M.
le Président.
Le Président (M. Brouillet): Merci bien, mesdames. Nous
allons céder la parole au ministre.
M. Laurin: Je salue, d'abord, avec plaisir à cette
commission l'Association féminine d'éducation et d'action
sociale, un organisme éminemment dynamique, qui compte de nombreux
membres dans toutes les régions du Québec, qui a pris l'habitude
de se prononcer sur tous les enjeux majeurs de la vie collective au
Québec et dont, à ma grande satisfaction, les recommandations
sont souvent entérinées par les ministères
concernés et par le gouvernement.
Le mémoire qu'elle nous présente aujourd'hui, comme tous
ceux qu'elle nous présente habituellement, est marqué au coin de
la sagesse, de la sérénité et du sens pratique. Même
s'il portait sur le livre blanc plutôt que sur le projet de loi 40, il
reste que le projet de loi 40 épouse pour l'essentiel le livre blanc.
Les énoncés du mémoire sur les grands principes du projet
de loi demeurent aussi valables. J'ai noté avec plaisir ce que vous
dites sur la confessionnalité, sur l'importance qu'il y a à
garder dans les aménagements confessionnels
nouveaux que prévoit le projet de loi ce qu'a de meilleur notre
tradition, tout en reconnaissant, cependant, qu'il faut tenir compte de cette
évolution du Québec et en particulier qu'il faut respecter la
liberté de conscience et les valeurs des minorités. Vous le
traduisez dans cette recommandation que vous nous faites de remplacer le
régime d'exemption par le régime d'option.
J'ai noté aussi avec beaucoup de satisfaction vos
réflexions sur l'état de l'évolution de l'école,
une école qui devient de plus en plus absente de notre système
alors même que c'est à l'école que se font les
apprentissages, que se déroulent les activités éducatives.
Je suis bien d'accord avec vous pour dire qu'il importe de revaloriser
l'école, qu'il importe de traduire cette revalorisation par des
aménagements structurels adéquats, qu'il faut permettre a un
conseil d'école d'avoir des pouvoirs décisionnels,
particulièrement en ce qui concerne l'élaboration et la
réalisation d'un projet éducatif.
Je note aussi avec satisfaction l'importance que vous apportez au
rôle des parents. Il se trouve, justement, que les parents femmes sont
très nombreux dans notre société et je suis bien d'accord
avec vous lorsque vous dites que les parents, à titre de premiers
éducateurs de leurs enfants, doivent être davantage partie
prenante à la mission éducative de l'école. Vousnous suggérez, à cet égard, des directions très
précises.
Je constate que le système électoral que nous avons
prévu pour les commissions scolaires ne vous enchante guère; vous
le trouvez trop complexe. Cependant, vous nous faites une proposition
alternative. À partir de votre postulat que les parents éprouvent
une frustration réelle et bien fondée devant le peu de
prérogatives qui leur sont réservées dans la grande
machine de l'enseignement, tout en répétant, cependant, votre
adhésion au principe du suffrage universel, vous notez que les parents
doivent demeurer les grands responsables de la seule raison d'être de
l'école et de la commission scolaire, c'est-à-dire les enfants.
C'est en tentant de concilier ces deux principes ou ces deux paramètres
que vous préconisez la constitution d'une assemblée de
commissaires qui serait formée à la fois de représentants
des parents élus dans les conseils d'école, d'une part - vous
dites même qu'ils devraient être majoritaires - et, d'autre part,
de commissaires élus au suffrage universel.
C'est là une recommandation qui nous a été faite
par un bon nombre d'organismes à cette commission, dont la
Fédération des comités de parents, un certain nombre de
commissions scolaires et la faculté des sciences de l'éducation
de l'Université McGill. C'est une suggestion qui mérite une
considération très attentive. Mais il y a, quand même, des
objections qui ont été soulevées contre cette proposition,
au nom de la démocratie de représentation, par exemple, au nom du
principe britannique d'origine, mais assumé par plusieurs
sociétés du "no taxation without representation".
Par ailleurs, ceux qui sont venus soutenir cette thèse, ici,
devant la commission, nous ont dit que l'école n'avait pas qu'une
responsabilité à l'égard des élèves qui y
étudient, mais également à l'égard de la
société; d'où leur conviction qu'un mode d'élection
qui assurerait aux parents, membres de comités d'école, une
représentation à titre de commissaires pouvait revendiquer une
certaine légitimité.
Je vous résume bien imparfaitement le débat. Je pense
qu'il correspond en gros aux opinions que nous avons entendues. Sur ce point,
je voudrais vous demander votre avis. Étant donné que vous nous
faites cette recommandation, comment pourriez-vous la justifier sur le plan de
la légitimité, sur le plan d'une certaine façon de
concevoir la démocratie auquel par opposition à ceux qui
prétendent que le seul type de démocratie on doive se
référer à cet égard est la stricte
démocratie formelle, logique et historique de représentation que
nous avons connue jusqu'ici et qui a mené au suffrage universel, tel que
nous le connaissons actuellement dans les commissions scolaires?
Mme Paquette: Si vous le permettez, M. le Président, je
vais laisser Mme Ranger-Poisson répondre à cette question.
Mme Ranger-Poisson: Je vais répéter que nous ne
sommes pas des légistes. Notre approche est pragmatique, elle part de
notre expérience. Il m'apparaît que l'école a un double
rôle, que l'ensemble des contribuables est préoccupé,
d'abord, par la gestion des ressources financières, aussi par le
côté communautaire que peut parfois revêtir l'école
en termes de lieu de recontre, de lieu où on se voit. Mais, par
ailleurs, la mission principale de l'école, c'est vraiment de
répondre aux besoins des enfants et que là les parents deviennent
les premiers mandataires. Il nous apparaît aussi que l'élection
aux conseils d'école se fait selon les formes d'une certaine
démocratie, encore que c'est une démocratie peut-être bien
imparfaite. Pour avoir été moi-même membre d'un
comité d'école et, par la suite, avoir été
également commissaire d'écoles, je suis consciente que, dans
certains cas, il y a un appui massif des parents à leur comité
d'école et que, dans d'autres cas, il y a une indifférence
massive. Mais il m'apparaît qu'avec l'évolution des
mentalités on arrivera sans doute à ce que les parents puissent
élire un conseil d'école qui représente leurs valeurs,
leurs besoins. C'est une forme de démocratie, mais, par ailleurs, il
importe de
sauvegarder la démocratie de l'ensemble de la population et cette
partie sera assumée par l'élection de commissaires au suffrage
universel.
J'aimerais, toutefois, faire remarquer à M. le ministre, si M. le
Président me le permet, que l'hypothèse que nous soulevons
à l'article 2.3, c'est, justement, une hypothèse qui n'est pas
exclusive, dans le sens où, au moment où nous avons
étudié le projet de loi et le projet de restructuration tout
d'abord, nous étions conscientes que tout cela évoluerait en
cours de route et que des hypothèses tout aussi valables pourraient
venir rejoindre notre souhait de rallier à la fois le désir
légitime des parents et le besoin de sauvegarder la démocratie
collective.
M. Laurin: Je vous remercie.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Mme la présidente, mesdames, il nous est
très agréable de vous rencontrer et de discuter avec vous du
projet de loi 40 qui est un sujet de préoccupation majeure pour tous les
citoyens du Québec à l'heure actuelle, en particulier pour ceux
et celles qui ont la charge d'une famille ou qui sont aux études, ou qui
sont engagés dans le secteur de l'éducation d'une manière
ou de l'autre à titre de travailleurs, d'administrateurs ou de
professionnels. Je suis content que l'AFEAS ait jugé opportun de se
pencher sur ce projet de loi et de nous soumettre ses observations. Vous avez
une longue expérience. J'ai eu affaire à vous il y a de
très nombreuses années, lorsque j'étais actif dans les
associations volontaires de toutes sortes. Je suis maintenant actif dans une
association où on est plus captif, un parti politique, et parfois je
vous envie, parce que vous n'êtes pas obligées de tenir compte de
toutes les contraintes dont doit tenir compte un parti politique pour exprimer
ses opinions. Vous avez une marge considérable, dont vous usez,
d'ailleurs, libéralement depuis quelques années. Je vous en
félicite.
Votre mémoire contient 18 recommandations. Il y en a une
quinzaine au sujet desquelles, de notre côté, nous sommes d'accord
très facilement. Par conséquent, je vais me dispenser de
commenter celles-là longuement, parce que je ne voudrais pas avoir l'air
de nous féliciter d'avoir trouvé des convergences aussi heureuses
de la part d'un groupe aussi respectable que le vôtre. Mais je vous le
dis quand même avec plaisir et, si je ne m'attarde pas à toutes
ces résolutions, ce n'est pas parce qu'elles me laissent
indifférent, mais c'est par une espèce de modestie que vous
comprendrez de notre côté.
Je voudrais m'attarder aux quelques recommandations qui posent des
problèmes ou qui améliorent la situation qui découlerait
de l'adoption littérale du projet de loi 40. En ce qui touche le statut
confessionnel des écoles, par exemple, je vous félicite de
l'importance que vous attachez à cette question. Je pense qu'en cela
vous êtes représentatives d'une forte majorité de nos
concitoyens. Je peux vous assurer que, pour ma part, j'entends veiller
très soigneusement à ce que cet aspect du projet de loi soit
rodé avec le plus de précision possible, de manière
à garantir le plus efficacement possible nos droits légitimes en
matière religieuse et morale.
Nous autres, nous trouvons que c'est essentiel que les parents soient
appelés à exprimer leur opinion sur le statut de l'école,
mais que cette question ne peut pas se décider uniquement au niveau de
l'école; il faudra une intervention de la commission scolaire
également. Spécialement dans les grands centres urbains où
il y a de très nombreuses écoles mises à la disposition
des citoyens, en particulier des jeunes, il pourra arriver qu'on ait de la
place pour un certain nombre d'écoles catholiques, pour un certain
nombre d'écoles qui ne le seraient pas, si tel était le voeu de
la population. (18 h 15)
II faudrait éviter que des enfants ne soient comme captifs dans
une école où un vote aurait pu être pris contrairement
à la volonté de leurs parents à eux. Si on laisse une
certaine marge d'intervention à la commission scolaire dans ces choses,
il y aura peut-être un élément de souplesse qui fera qu'on
évitera de créer des espèces de murailles ou des
clôtures là où il ne serait pas justifié d'en
avoir.
Vous introduisez un élément important de votre
côté quand vous dites: II ne faudrait pas que le statut de
l'école soit remis en question continuellement ou de manière
anarchique; par exemple, vous demandez qu'il soit remis en question moyennant
des conditions sérieuses. Je pense que vous avez raison. C'est une sorte
de police d'assurance contre l'agitation perpétuelle qui pourrait se
produire autour de ces questions et, de notre côté, c'est le genre
de considération qu'on accueille avec beaucoup d'intérêt.
Nous voulons que ces choses soient traitées avec sérieux, avec
toute la gravité que justifie la nature des questions qui sont en cause.
Je vous remercie de cette suggestion qui me paraît un pas
intéressant dans la recherche d'une stabilité plus grande
à cet égard.
En ce qui touche la composition des commissions scolaires, le rôle
de l'école et la manière dont s'exercerait la
responsabilité du directeur, la responsabilité du conseil
d'orientation - on peut l'appeler conseil d'orientation ou conseil
d'école, je pense que cela ne change rien - ce que vous dites,
moi, je comprends que cela veut dire que le conseil d'orientation, lui,
son souci principal, c'est le projet éducatif, avec les moyens
nécessaires pour le mettre en oeuvre. Toutes les questions proprement
professionnelles, j'imagine que vous concevez que cela relève du
directeur et du personnel enseignant, lesquels fonctionnent sous la
responsabilité et l'autorité de la commission scolaire. Je pense
que c'est très clair dans votre mémoire. Cela rejoint un
thème que nous avons défendu continuellement depuis le
début des travaux de la commission et je crois que c'est une
contribution très utile au maintien d'une indispensable unité
dans le système d'enseignement public du Québec.
Un point sur lequel des questions se posent à mon esprit. J'ai
dit qu'il y avait trois recommandations. En fait, il n'y en a pas trois, il y
en a seulement deux. Ce sont 2.3 et 2.4. Sur la composition du conseil des
commissaires, inutile de vous dire que nous n'aimons pas ici l'appellation dans
le projet de loi, le conseil d'administration de la commission scolaire. Ce
n'est pas un conseil d'administration qu'on élit, c'est un conseil des
commissaires. C'est une sorte de conseil des gens qui vont être
appelés à diriger le système d'éducation sur leur
territoire. Ce n'est pas seulement un conseil d'administration. Par
conséquent, je m'excuse auprès des rédacteurs du projet de
loi, mais on veut avoir quelque chose qui va sentir moins les compagnies ou le
régime corporatif que cela, quelque chose qui va sentir un peu plus la
vraie démocratie qui prend sa racine dans le suffrage populaire. De ce
côté, votre expression me convient parfaitement parce que c'est
celle qui est reçue; très bonne expression. Je ne vois pas
pourquoi on la changerait, à part cela.
Maintenant, au sujet de la composition du conseil des commissaires,
là vous nous posez un problème; je vous en fais part en toute
simplicité, en toute candeur. Ce qu'il y a eu d'essentiel dans le
système scolaire québécois, ce furent des conseils de
commissaires qui étaient élus par leurs concitoyens au suffrage
universel, démocratique. Il y a quelques années, on a fait une
brèche là-dedans. On a introduit à la commission scolaire
deux représentants des parents, là où la commission
scolaire fonctionne aux deux niveaux, un du primaire, un du secondaire, sans
cependant leur donner droit de vote. Cela a été très
heureux. Ces parents ont apporté une contribution qui allait bien
au-delà de leur importance numérique au sein de la commission
scolaire.
Aujourd'hui, on peut discuter: Est-ce qu'ils devraient avoir le droit de
vote? Est-ce qu'ils devraient être trois ou quatre, au lieu de deux? Ce
sont des choses discutables, à mon point de vue, parce qu'une fois que
vous en avez admis deux cela prendrait un raisonnement joliment serré
pour dire qu'il ne pourrait pas y en avoir trois. Par conséquent, il y a
de la marge à discuter ici. Aujourd'hui, les associations qui s'occupent
des enfants handicapés nous ont dit qu'elles tiendraient bien gros
à ce qu'il y eût un commissaire pour représenter ce secteur
de la population, les enfants handicapés et leurs parents. C'est une
idée très noble, à laquelle il faut
réfléchir. On ne peut pas l'envoyer promener du revers de la main
comme cela.
Là où vous m'inquiétez un peu plus, c'est quand
vous dites qu'il devrait y avoir une majorité de membres du conseil des
commissaires qui émanerait plutôt des comités de parents ou
des comités d'école que du suffrage universel. À ce
moment-là, cela devient plutôt chambranlant, à mon point de
vue. J'ai bien noté, Mme Poisson que vous avez dit: C'est une
hypothèse qui n'est pas exclusive; il pourrait arriver que des
hypothèses tout aussi valables puissent répondre à nos
voeux. J'ai bien apprécié cette explication que vous avez
donnée à M. le ministre de l'Éducation tantôt.
Je voudrais vous demander si c'est une chose qui répugnerait
à vos convictions de maintenir le principe qu'une solide majorité
de commissaires devraient être élus au suffrage universel, quitte
à ménager une place pour les parents, mais qui devrait rester
subordonnée au principe de la représentation au suffrage
universel. Le suffrage universel n'est pas seulement une forme
extérieure.
J'entendais le ministre tantôt là-dessus et je suis en
désaccord avec lui. Ce n'est pas seulement un symbole, une affaire
extérieure. C'est vrai qu'il y a d'autres formes de démocratie
qui sont possibles. Une fois qu'on choisit le suffrage universel, on ne peut
pas le diluer facilement avec d'autres choses.
Dans les cégeps, on n'a pas de suffrage universel, mais de la
démocratie du genre de celle que vous proposez: l'assemblée des
parents qui choisit un certain nombre de membres, l'assemblée des
élèves, l'assemblée des professeurs, l'assemblée de
ceci, des cadres intermédiaires. C'est une forme de démocratie.
C'est de la démocratie déléguée, comme on
l'appelle. Ce sont tous des organismes qui participent de l'autorité de
Dieu le Père qui est à Québec. Mais là
l'autorité loge dans la commission scolaire en raison du suffrage
universel. Je me dis: Si on réduit ces gens à une portion
minoritaire, il me semble qu'on abolit le principe. Je voudrais avoir votre
réaction là-dessus pour savoir s'il y a une marge de discussion
avec vous.
Mme Ranger-Poisson: D'accord. À ce stade-ci, je ne peux
pas dire si cela entrerait en conflit avec nos convictions. Je dois vous avouer
que l'AFEAS est
extrêmement respectueuse de sa base. Quand on se prononce,
finalement, ou quand on adopte une résolution, il nous faut a priori
l'assentiment de l'assemblée générale de nos membres. Dans
ce cas-ci c'est l'hypothèse et la majorité est là. Je me
sentirais extrêmement hors cadre ou hors contexte si j'allais affirmer
que nos membres choisiraient une autre hypothèse; j'entends choisiraient
que les parents soient minoritaires. Ils nous ont demandé qu'ils soient
majoritaires, et je pense qu'il faut pour l'instant nous en tenir à la
position de nos membres.
Mme Paquette: M. le Président, si vous me le permettez, ce
qui ressort de la volonté des membres de l'AFEAS dans cette proposition,
tout comme dans la composition du conseil d'école, c'est vraiment le
droit à une participation au pouvoir. Comme le disait dans une
intervention précédente Mme Poisson, c'est sûr que, si
d'autres hypothèses pouvaient être apportées à
l'assemblée générale et soumises à nos membres,
elles pourraient peut-être s'y rallier. Mais il faudrait qu'elles soient
très claires et nettes, les parents aient du pouvoir. Quand nos membres
s'expriment en disant qu'ils veulent que les parents soient majoritaires, c'est
ce qui ressort. Il pourrait y avoir d'autres positions, mais actuellement c'est
celle-là. C'est peut-être la façon d'exprimer la place que
les femmes voudraient prendre ou voudraient que les parents prennent au niveau
du pouvoir scolaire.
M. Ryan: Je vais vous poser une dernière question sur le
même sujet. Les parents sont regroupés dans des comités
d'école, lesquels sont ensuite regroupés dans un comité de
parents auprès de la commission scolaire, lequel comité de
parents envoie deux représentants à la commission scolaire s'il
s'agit d'une commission scolaire où on a intégré le
primaire et le secondaire. Ils sont indépendants pour parler. Les
commissaires vont prendre des décisions. Ils sont indépendants.
Ils n'ont pas été associés au processus de
désignation des commissaires autrement qu'à titre
d'électeurs. Si vous avez réuni vos gens pour choisir des
commissaires, une majorité, à ce moment-là vous allez
être mal placé pour agir comme organisme qui exprime des opinions
indépendantes parce que vous allez être responsable de ce qui se
passe de l'autre côté. On pourra vous dire, comme on le dit aux
citoyens: Vous les avez élus et, si vous n'êtes pas contents, vous
vous débarrasserez d'eux la prochaine fois. Est-ce que vous vous rendez
compte que vous compromettez la fonction consultative qui incombe actuellement
aux comités d'école et aux comités de parents en
préconisant ce que vous préconisez ici?
Mme Levasseur-Côté (Claire): Une fois
précisé que cela n'est pas fermé, qu'il y a de
l'ouverture, la facette supplémentaire que j'y vois, c'est que, pour les
utilisateurs d'une école, il n'est pas facile d'identifier qui
représente quoi et quelle catégorie d'enfants on
représente. J'ai beau être commissaire d'écoles, j'ai des
préoccupations personnelles qui me suivent, j'ai des
préoccupations de parent; cela a été exprimé
abondamment.
L'autre aspect qui entre en ligne de compte ici, c'est que les gens se
véhiculent dans ces fonctions avec des formations personnelles, une
culture et tout un bagage qui font qu'ils ne sont pas exclusivement des
parents, qu'ils ne sont pas exclusivement des femmes ou des parents de
handicapés. Je vois mal les étiquettes très limitatives
qu'on voudrait faire porter dans la composition d'un conseil d'école.
Elles sont présentes; les gens sont réunis par un enjeu
politique, c'est un lieu politique, mais ce n'est pas hermétique.
M. Ryan: Ce que j'ai de la peine à comprendre, c'est que
vous vous réunissez une journée pour élire des
commissaires et, le lendemain, vous vous réunissez pour exercer une
fonction consultative officielle.
Mme Levasseur-CÔté: Vous parlez uniquement au niveau
des femmes, parce qu'on est un organisme féminin, ou si vous parlez des
commissaires en général?
M. Ryan: Des organismes de parents. Vous autres, vous exercez
votre rôle à 100%; je n'ai aucune critique. Que vous ayez
l'opinion que vous voulez, vous exercez votre liberté d'organisme libre
et je n'ai aucune espèce de critique là-dessus. Au contraire, je
vous félicite d'avoir des opinions différentes des miennes. Cela
peut être bon pour la démocratie.
Mme Paquette: Cela peut aussi alimenter notre
réflexion.
Mme Ranger-Poisson: Pour clore sur ce point précis, le
principe que nous voulions surtout sauvegarder, c'est le pouvoir des parents,
le pouvoir que nos membres qui sont des parents ont voulu exercer, dans bien
des cas, et qui leur a échappé bien souvent. Ce que nous voulons,
c'est trouver une formule qui concilie les aspirations des parents, mais qui
préserve le suffrage universel ou le droit de rogard de la
collectivité.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député d'Argenteuil.
M. le député de Chauveau.
M. Brouillet: Bonsoir, mesdames. Je vous félicite non pas
exclusivement pour votre mémoire, mais aussi pour votre
implication dans toutes les choses qui concernent notre
société, les sujets d'importance. Vous avez contribué, par
votre implication, à susciter dans notre société une
réflexion profonde sur ce sujet d'importance qu'est l'éducation.
Vous représentez 35 000 membres; je suis assuré, connaissant un
peu la vitalité de vos associations dans les différentes
localités, qu'un grand nombre a participé à la
réflexion sur le livre blanc qui est maintenant traduit dans le projet
de loi 40.
Vous avez contribué à cette réflexion qui a
embrassé à peu près tous les secteurs de notre
société. À mon sens, c'est très précieux et
très heureux pour l'avenir de notre système d'éducation et
aussi du type de démocratie qu'on veut essayer d'instaurer dans notre
société, soit une démocratie qui ne s'en remet pas
exclusivement à ce principe du suffrage universel, ni au principe qui
dit que c'est, finalement, l'aspect financier qui est le fondement du droit
d'exercice de la démocratie. Pour défendre le suffrage universel,
on fait souvent appel au principe "no taxation without representation", comme
s'il n'y avait que la capacité de payer qui donnait le droit aux gens de
participer activement à la démocratie. Il y a bien d'autres
valeurs, dans la société, que la valeur "monétaire", qui
justifient une participation active à la prise de décisions. (18
h 30)
Je crois que la qualité de l'éducation dans les
écoles ne doit pas être ramenée exclusivement à la
dimension financière, mais beaucoup plus à une dimension d'ordre
qualitatif; les parents, comme premiers responsables de l'éducation,
même si, à ce titre, ils ne sont pas contribuables, ont un mot
à dire, ils doivent participer à la démocratie scolaire.
La démocratie scolaire a d'autres fondements que simplement le fait de
payer des taxes. Je crois que c'est un peu dans ce sens-là que M. le
ministre a parlé d'une démocratie un peu formelle. Si on
réduit la démocratie à des éléments
quantitatifs, effectivement, on peut qualifier cela de formel, mais le contenu
de la vie, c'est beaucoup plus fait de qualité, de valeurs qui doivent
contribuer à épanouir la personne humaine, la liberté de
l'homme, et tous ceux qui sont responsables à cet égard ont droit
de dire leur mot et de participer à la décision.
C'est là que je comprends votre préoccupation de donner
aux parents, responsables en tout premier lieu de l'éducation de leurs
enfants, un pouvoir dans la chose scolaire. Vous avez poussé votre
préoccupation jusqu'à revendiquer, pas uniquement au conseil
d'orientation, ce qu'on appelle maintenant le conseil d'école, la
majorité des parents, mais vous avez poussé cette exigence
jusqu'au niveau du conseil des commissaires. J'aurais peut-être
également, comme le député d'Argenteuil, certaines
réticences à accorder une majorité de parents au niveau du
conseil des commissaires. Au niveau de l'école... Dans la mesure
où aussi - c'est évident - cette démocratie, je dirais,
quantitative, cette démocratie, si vous voulez, se fonde sur la
capacité de payer des gens, ou le fait que les gens paient pour un
service, si on tient aussi à cela, je crois qu'on peut dire qu'au niveau
de la commission scolaire, étant donné que là on
administre des ressources, on doit bien gérer les ressources que
l'ensemble des contribuables ont aidé à mettre sur pied et que la
population, en tant que contribuable, peut avoir un droit de regard majoritaire
sur la façon dont on gère les ressources. Sur ce
principe-là, il faut peut-être protéger une majorité
de commissaires élus au suffrage universel, mais, dans la mesure
où le projet de loi redonne à l'école des pouvoirs en ce
qui concerne la qualité de la vie éducative, la qualité du
projet pédagogique, à ce moment-là, les parents pourraient
jouer un rôle de décision, être majoritaires au niveau du
conseil en collaboration avec tous les partenaires de l'école: les
professeurs, les enseignants, les professionnels non enseignants, le directeur
et les étudiants aussi à certains niveaux. Alors, là, je
pense qu'on pourrait arriver à concilier votre préoccupation et
c'est de la démocratie qui se vivrait à l'école,
même si on n'a pas le suffrage universel de l'ensemble des
contribuables.
Ceci dit, j'aimerais revenir sur quelques points particuliers. En ce qui
concerne la confessionnalité, vous proposez des choses très
intéressantes dans votre mémoire. Je ne reviendrai pas sur ce
point, M. le ministre en a parlé tantôt, mais il y a un aspect qui
m'a frappé un peu, c'est que vous ne faites pas allusion au statut de la
commission scolaire quant à la confessionnalité. Vous ne dites
pas que la commission scolaire devrait être organisée sur une base
linguistique plutôt que confessionnelle.
Est-ce qu'il en a été question lors de vos consultations?
Seriez-vous d'accord avec ce que le projet de loi propose, c'est-à-dire
que, au niveau de la commission scolaire ce soit le critère linguistique
qui joue et que le statut confessionnel soit réservé plutôt
au niveau de l'école, à la suite d'un désir majoritaire
des parents?
Mme Ranger-Poisson: En fait, je pense que c'est là
l'opinion de nos membres. Ce qui est important, c'est de préserver le
caractère confessionnel de l'école, de s'assurer que
l'enseignement religieux et, au-delà de l'enseignement religieux, qu'un
projet éducatif chrétien soit possible dans une école
donnée, selon le choix des parents. Le statut
de la commission scolaire, à notre sens, n'a pas besoin
d'être confessionnel.
M. Brouillet: Très bien, merci. Il y a un autre point qui
porte sur la question du directeur de l'école. Quel serait son statut
dans l'école? À la page 10, sous la recommandation 3.2,
après avoir recommandé qu'il y ait des pouvoirs
décisionnels au niveau de l'école et que les parents, au niveau
du conseil d'école, puissent avoir un rôle majoritaire, vous
dites, dans votre autre recommandation, "que chaque directeur relève de
la commission scolaire de sa région et y réponde de sa gestion".
Si on le comprend dans le sens que c'est la commission scolaire qui demeure
l'employeur du directeur d'école, il doit donc relever de la commission
scolaire quant à son engagement et, éventuellement, quant
à son renvoi ou à la révocation de son mandat.
Toutefois, vous ne parlez pas du rôle que pourrait jouer ou des
rapports qui pourraient ou devraient exister entre le directeur d'école
et le conseil d'école. J'établirais un peu l'état de la
question de la façon suivante: Étant donné que le conseil
d'école aura des pouvoirs décisionnels et que - cela va de soi -
le directeur d'école devra, dans la gestion de l'école, tenir
compte et voir à l'application des décisions prises par le
conseil d'école, sur les matières qui relèvent du conseil
d'école, ne verriez-vous pas que le directeur d'école serait
comptable de son administration dans ce champ au conseil d'école? Pour
peut-être d'autres aspects de l'application de sa tâche qui
seraient sous l'autorité directe, les matières qui
relèveraient de la juridiction de la commission scolaire, il serait
alors comptable de son administration à la commission scolaire. À
ce moment, est-ce que vous seriez prêt à nuancer ou à
préciser davantage les rapports du directeur d'école avec le
conseil d'école et la commission scolaire?
Mme Ranger-Poisson: Il nous apparaît très clair,
dans notre esprit - ce n'est peut-être pas aussi clair que cela pour ceux
qui nous lisent - lorsqu'on demande un nouveau partage des pouvoirs, que les
commissions scolaires seront alors amenées à
déléguer certains pouvoirs vers les écoles. À ce
moment, il nous apparaît évident que les commissions scolaires,
étant des organismes très structurés,
délégueront de la même façon ou présenteront
à un directeur d'école un mandat qui puisse lui permettre de
répondre aux pouvoirs délégués à
l'école. Cela fera partie, pour certaines tâches... C'est
évident que le directeur d'école devra répondre au conseil
d'école selon les pouvoirs qui auront été
délégués, mais, pour la gestion, que la ligne
d'autorité, au fond, au plan de l'embauche, du renvoi et des conditions
de travail dépende de la commis- sion scolaire.
Mme Paquette: Vous permettez que je rajoute ceci: Lorsqu'on parle
de nouveaux partages des rôles et des responsabilités, c'est,
comme on l'a déjà dit, beaucoup plus une question de principe
parce qu'on n'a pas le temps ni les énergies humaines et
financières pour aller au fond de toutes les questions; vous l'avez dit
vous-même. On participe et on travaille à plusieurs gros dossiers
qu'on ne peut pas tous fouiller à fond. Sauf que c'est un principe qui
nous apparaît important et qui pourrait aussi amener diverses
hypothèses et aussi des essais. C'est pour cela qu'on s'est
limité à préciser certaines lignes, certains principes,
mais, au niveau des modalités, c'est à voir, il pourrait y avoir
de la souplesse dans cela, c'est bien sûr.
M. Brouillet: Très bien, je vous remercie, mesdames.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Chauveau. Mme la députée de
Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: J'aimerais vous remercier de votre mémoire.
J'ai lu, à la dernière page, votre bibliographie. C'est
évident que vous avez lu beaucoup d'autres mémoires
présentés par les groupes importants que nous avons entendus.
C'est aussi évident que vous avez fait votre devoir.
Le député de Chauveau vient de soulever un principe. Ce
n'est pas la première fois que le côté ministériel
utilise le principe de "no taxation without representation". Je crois que c'est
un abus de ce principe de l'utiliser pour justifier le suffrage universel,
parce que ce n'est pas la seule raison, ce n'est pas du tout la raison qui
justifie le suffrage universel. Si c'était la raison, la justification
pour le suffrage universel, le gouvernement pourrait éliminer le droit
de la taxe foncière et le gouvernement pourrait dire: Alors, maintenant,
il n'y a pas de taxe locale, on pourrait éliminer le suffrage universel.
C'est là le danger. J'ai vu ces argumentations dans d'autres documents
du ministre depuis longtemps.
Ce principe, on en a tellement abusé qu'il y a un groupe - et je
ne me souviens pas de quel groupe - qui a suggéré que le
pourcentage des membres élus de la commission scolaire doit
refléter le pourcentage de taxes perçues au moyen de la taxe
foncière. Donc, à 6%, l'argumentation était qu'on doit
appliquer le principe du suffrage universel à 6% des membres du conseil
de direction de la commission scolaire. La raison, l'importance du suffrage
universel repose sur un autre principe. C'est que les écoles publiques
n'appartiennent pas à un certain
groupe de parents qui changent tous les ans, l'école publique
appartient à la communauté. C'est là la justification pour
le suffrage universel ou, comme on dit dans le jargon courant, la
collectivité. C'est la collectivité, c'est la communauté
qui doit être représentée, parce que c'est à elle de
se préoccuper des écoles publiques.
Maintenant, j'ai une courte question. À la page 8, vous avez fait
deux recommandations en ce qui concerne les élections pour les
commissaires de la commission scolaire. Vous avez suggéré qu'il
faut subventionner les candidats dans une certaine mesure, et j'aimerais avoir
une idée du montant que vous envisagez et qui doit payer. Est-ce que
c'est le gouvernement, les commissions scolaires? Voici l'autre partie de la
question. J'aimerais que vous expliquiez pourquoi vous dites: Nous sommes
entièrement défavorables à la tenue des élections
scolaires le même dimanche de novembre que les élections
municipales. Il s'agit de deux paliers politiques distincts et des
élections se tenant concurremment ne peuvent qu'appauvrir la
participation populaire. Il y a d'autres groupes qui croient qu'une telle
coïncidence des deux élections en même temps puisse renforcer
la participation. (18 h 45)
Mme Paquette: À cette question, c'est que, lorsque nous
avons préparé ce mémoire, le texte original que nous
avions en main parlait de suffrage universel le premier dimanche de novembre,
en même temps que les élections municipales, mais ce
n'était pas clair, cela nous apparaissait ne pas être
nécessairement au même endroit. Plus tard, quand il y a eu
d'autres informations, il a été dit que cela pouvait être
au même endroit, avec une toute autre organisation d'élection; on
s'est dit que cela pourrait augmenter, au contraire de ce qu'on affirme ici, la
participation aux élections. Mais comme les positions étaient
déjà prises, pour être respectueuses de la base, faute
d'information, c'est la position qui a été prise. Mais à
la lumière des informations que nous avons eues plus tard, il ne serait
pas impensable de le faire en même temps que les élections
municipales, pour autant que c'est le même déplacement, que ce ne
soit pas dans des endroits tout à fait différents. Ce serait
à repenser, mais je pense que, là-dessus, il n'y aurait pas de
problème.
Pour l'autre question, Mme Poisson.
Mme Ranger-Poisson: Pour le financement des candidats en
particulier -dans notre esprit, des candidates - on se dit que ce
système de financement existe au niveau des municipalités ou des
villes de 20 000 habitants et plus, si ma connaissance de la loi municipale est
exacte. Le palier scolaire est le seul où on ne contribue pas, d'une
certaine façon. Quant au montant, cela pourrait être un certain
montant versé au prorata du nombre d'électeurs. Cette
contribution permettrait très certainement de favoriser la participation
de candidats valables et surtout de candidates valables. On a fait une lecture
féministe du projet de loi et on se rend compte que, dans bien des cas,
beaucoup de femmes vont renoncer à leur participation à une
élection parce qu'elles n'ont pas les sous nécessaires; elles
hésitent à demander à leur conjoint, quand elles en ont
un, une contribution de cet ordre.
Mme Dougherty: II y a beaucoup d'hommes peut-être...
Mme Ranger-Poisson: Pardon?
Mme Dougherty: II y a beaucoup d'hommes aussi...
Mme Ranger-Poisson: Et beaucoup d'hommes moins bien nantis...
Mme Dougherty: ...qui sont dans la même situation.
Mme Ranger-Poisson: ...qui sont exactement dans la même
situation et on favorise, au fond, la participation des mieux nantis au
détriment de ceux qui sont moins favorisés économiquement.
Particulièrement dans les quartiers populaires, dans les quartiers
défavorisés, il y a là un véritable
problème; il y a des gens extrêmement bien intentionnés,
des gens qui auraient une contribution certaine à apporter au monde
scolaire et qui ne peuvent pas faire face à une campagne, si petite
soit-elle. Parce que c'est évident, pour avoir participé
moi-même à une élection scolaire, que ce ne sont pas des
frais très élevés, mais il reste que, pour certaines
personnes, 200 $ ou 300 $, ce sont des frais trop élevés. Alors,
dans ce sens-là, à la fois pour favoriser les femmes et
également les autres candidats dont les moyens financiers sont plus
restreints, il nous apparaissait que c'était simplement juste, puisque
cela se fait au niveau des autres paliers politiques.
Mme Dougherty: Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme...
Mme Paquette: Si vous permettez, M. le Président, Mme
Côté voudrait ajouter quelque chose.
Le Président (M. Blouin): Oui. Mme Côté.
Mme Levasseur-Côté: Ce qui se produit en milieu
scolaire, tout le monde le sait, les
candidats ne sont pas nombreux. La période où ils peuvent
parler de leur programme est très courte. Alors, le fait de financer
aiderait certainement à hausser le niveau de participation, à
amener un plus grand nombre de candidatures. Ce financement, on sait ce que les
autres paliers en font, permet l'impression de documents - il est peu commun,
dans le monde scolaire, que les candidats se donnent la peine de faire cette
démarche - permet aussi toutes les procédures de visite ou de
déplacement, tout type d'information qui rejoint l'électeur
possible, ce qui ne se passe pas ou presque, à l'heure actuelle.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la
députée de Jacques-Cartier. Alors, sur ce, je remercie les
représentantes de l'Association féminine d'éducation et
d'action sociale, d'avoir bien voulu participer aux travaux de notre commission
parlementaire.
J'invite maintenant les représentants du Comité de parents
de la Commission des écoles catholiques de Québec à bien
vouloir prendre place à la table. Pendant qu'ils s'approchent, nous
allons suspendre nos travaux pour une ou deux minutes, tout au plus.
(Suspension de la séance à 18 h 50)
(Reprise de la séance à 18 h 51)
Le Président (M. Blouin): La commission élue
permanente de l'éducation reprend ses travaux. Nos invités ont eu
le temps requis pour s'installer à la table des invités. Je vais
leur demander - notre procédure est bien connue - de bien vouloir
s'identifier et, ensuite, de nous livrer le contenu de leur mémoire en
une vingtaine de minutes.
Comité de parents de la CECQ
M. Nadreau (Jean-Paul): M. le Président, M. le ministre,
mesdames et messieurs, je tiens à présenter Hélène
Bonnelli-Bérubé, notre vice-présidente, qui fera la
lecture du mémoire tantôt, et Henri Lafrance, responsable du
comité ad hoc, qui a organisé l'étude du livre blanc
depuis maintenant un an et demi. Je suis Jean-Paul Nadreau, président du
Comité de parents de la CECQ. Je vais laisser Hélène
Bonnelli-Bérubé vous présenter le document.
Mme Bonnelli-Bérubé (Hélène):
Mesdames et messieurs de la commission. Le Comité de parents de
l'actuelle Commission des écoles catholiques de Québec aimerait,
au nom des parents des quelque 15 000 élèves de la CECQ, vous
présenter son point de vue sur le projet de loi sur l'enseignement
primaire et secondaire public, le projet de loi 40.
Le 19 octobre 1983, les représentants des 35 comités
d'école du Comité de parents de la CECQ ont
entériné unanimement le mémoire que nous vous
présentons aujourd'hui. Ce mémoire est le fruit d'un travail d'un
an et demi de réflexions menées par les membres du comité
de parents, de nos comités d'école et d'un comité ad hoc,
tant sur le livre blanc L'école québécoise que sur le
projet de loi 40. Notre intervention portera sur les thèmes suivants:
une appréciation générale du projet de loi,
l'élection des commissaires, la confessionnalité, la maternelle
cinq ans, le projet éducatif, les comités de mise en oeuvre, le
nouveau territoire de la CECQ et les conclusions.
Premièrement, le projet de loi 40, une appréciation
générale. Nous estimons que le projet de loi constitue
généralement un pas dans la bonne direction, c'est-à-dire
celle de donner aux parents, les premiers responsables de l'éducation de
leurs enfants, la place qui leur revient dans le système scolaire. Nous
sommes heureux de constater que s'ouvre peut-être pour nous une
ère où nous sommes appelés à faire autre chose que
d'être admis, à la discrétion de la direction de
l'école ou, parfois, de la commission scolaire, à une certaine
consultation sur des sujets décidés par d'autres.
Les parents n'ont jamais demandé d'être les seuls à
décider. Ils conçoivent fort bien que tous les agents de
l'éducation aient leur mot à dire. Ils veulent simplement
être considérés dans le vécu de tous les jours comme
un de ces agents. C'est ce que le projet de loi leur permet d'espérer.
En conséquence, donc, les parents voient d'un bon oeil l'intention
générale qui y est exprimée.
Il n'y a pas que la place qu'ils occuperont dans la nouvelle structure
scolaire qui intéresse les parents. Ils ont maintes fois, par le
passé, dénoncé le fait que les décisions concernant
l'école étaient toutes prises, en réalité, à
un autre niveau, soit à la commission scolaire, soit au
ministère.
Les parents ne peuvent donc qu'applaudir aux énoncés du
projet de loi qui fait de l'école le centre, le pivot du système
scolaire. Le projet de loi semble lui donner l'essentiel, soit les pouvoirs
nécessaires pour élaborer, mettre en oeuvre et évaluer son
projet éducatif et pour donner certains autres services à la
communauté. C'est ce que les parents ont toujours demandé. Ceci
étant dit, nous croyons que l'école ne devrait pas être
submergée d'obligations légales et administratives qui pourraient
la détourner de sa fonction première qui est de donner des
services éducatifs de la meilleure qualité possible.
En fait, notre position globale sur la philosophie
générale du projet de loi est
celle-ci: que le législateur ne fasse plus de concessions qui
viseraient soit à diminuer la place des parents dans le système
scolaire, soit à minimiser l'importance de l'école comme centre
de décision, et que les autres agents du monde de l'éducation,
les enseignants, les directeurs et les commissions scolaires, admettent que
l'éducation n'est pas un domaine qui leur est réservé,
qu'ils acceptent, avec esprit d'équipe, que les parents doivent occuper
une place très importante à tous les niveaux du système
scolaire.
Nous savons que ce dernier point ne peut pas se régler par
législation seulement et que les mentalités devront changer. Nous
voulons simplement profiter de l'occasion qui nous est donnée pour dire
que, si nous sommes disposés à collaborer avec les autres
responsables de l'éducation de nos enfants, nous n'entendons plus nous
contenter d'un rôle secondaire. Cette attitude nous semble
légitime. Il vous reste à vous, législateurs, à
assurer un cadre législatif qui nous donne cette possibilité et
à vous, autres agents de l'éducation, à comprendre et
à accepter ces aspirations. Quant à nous, parents, nous vous
assurons de notre plus entière collaboration.
Le point 2, l'élection des commissaires. Le mode
d'élection des commissaires est un des points de la réforme qui a
soulevé le plus de passion. On aurait cru, à entendre certains,
que c'était là la seule fonction importante de tout le
système scolaire. Les commissaires actuels en particulier étaient
les plus véhéments, défendant avec bruit et à coups
de millions le statu quo. Certains d'entre eux nous ont d'ailleurs fortement
surpris. On n'aurait jamais cru, à les voir agir, ou plutôt ne pas
agir, au conseil des commissaires, qu'ils pouvaient être aussi
énergiques. Finalement, le projet de loi devrait, à cet
égard, les satisfaire.
Quant à nous, nous aurions préféré, au
premier abord, que seuls les parents d'enfants fréquentant une
école de la commission scolaire puissent devenir commissaires. Nous nous
disions que c'était là la seule façon d'assurer que des
personnes ayant un certain intérêt pour la chose scolaire se
retrouvent en majorité au conseil des commissaires. Il faut en effet
savoir - et nous aurions des exemples précis à vous soumettre -
que plusieurs des commissaires actuels ne pourraient que fort difficilement
démontrer leur intérêt pour le domaine de
l'éducation. Malgré ce qui précède, nous nous
prononçons maintenant en faveur de ce que propose le projet de loi 40
sur ce sujet, soit le suffrage universel.
Nous appuyons cette proposition pour trois raisons. D'abord, elle a le
grand mérite de ne nier aucun des droits fondamentaux de la personne.
Deuxièmement, elle obéit au grand principe que l'on nous aurait
bien sorti tôt ou tard que, quand on paie pour un service, on a droit de
regard, exprimé en anglais - même chez nous - par la phrase bien
connue: "No taxation without representation." Or, tout le monde paie pour les
services d'éducation, tout le monde a donc le droit de se
présenter aux élections, du moins si on se fie au raisonnement
que suggère la maxime à laquelle nous venons de faire
référence. La troisième raison qui nous amène
à donner notre accord est le fait que le commissaire sera élu
pour une école et qu'il siégera au conseil de l'école.
Nous estimons qu'il s'agit là du seul moyen efficace d'assurer que le
commissaire élu s'occupera effectivement des affaires pour lesquelles il
a été élu. Il sera, en effet, continuellement en contact
avec l'école, à qui il devra sa première loyauté.
De plus, les autres membres du conseil d'école, dont les parents, seront
alors en mesure d'évaluer son intérêt réel pour le
mandat qu'il a sollicité. Il leur appartiendra alors de prendre les
moyens pour ne pas réélire aux élections suivantes le
commissaire qui ne satisferait pas à leurs attentes. (19 heures)
En résumé, nous appuyons le projet de loi 40 sous cet
aspect, à la condition expresse que le commissaire représente une
école et siège au conseil d'école.
La confessionnalité. Nous appuyons les principes du nouvel
aménagement de la confessionnalité scolaire énoncés
dans le projet de loi 40. Nous pensons particulièrement au
caractère non confessionnel des commissions scolaires, à l'option
entre l'enseignement religieux et l'enseignement moral, au caractère
public et commun de l'école, au droit de l'école
d'intégrer dans son projet éducatif les valeurs de la
communauté à laquelle elle dispense des services. Nous
accueillons favorablement l'ensemble des articles 17, 18, 25, 30, 31 et 32,
traitant des droits de religion et de conscience à l'école.
Par contre, le projet de loi aurait besoin d'être bonifié
à d'autres égards. Certains articles nous rendent quelque peu mal
à l'aise, en particulier les article 103 et 220, en ce qu'ils donnent
plus de droits aux catholiques et aux protestants qu'aux autres groupes
religieux. Nous n'avons pas d'objection à ce que les parents catholiques
et protestants aient des droits garantis par la loi. Toutefois, ces mêmes
droits devraient être étendus aux autres groupes religieux
lorsqu'ils sont suffisamment nombreux dans leur milieu, école ou
commission scolaire. Le respect et l'ouverture d'esprit que le Québec a
toujours manifestés envers sa minorité protestante doivent
maintenant s'étendre aux autres confessions, la société
québécoise devenant de plus en plus pluraliste.
Pour ce qui est des autres aspects de la confessionnalité
scolaire, nous vous référons aux recommandations et au
document adoptés à l'assemblée
générale du Comité de parents de la CECQ le 19 janvier
1983 et que nous annexons au présent mémoire. Nous ne vous ferons
pas la lecture de cette annexe; nous espérons que vous en avez
déjà pris connaissance.
La maternelle cinq ans. Le projet de loi contient une surprise, au
moins, qui allait, semble-t-il, passer inaperçue. Il ramène de
six à cinq ans l'âge de fréquentation obligatoire de
l'école. Il prévoit, bien sûr, que la commission scolaire
peut, à la demande des parents, dispenser un enfant de cinq ans de cette
obligation. Cependant, nous ne sommes pas sûrs que cette nouvelle
obligation soit vraiment justifiée.
Nous remarquons aussi que l'on a passé sous silence les
requêtes déjà formulées sur la date de naissance
exigée pour l'inscription d'un enfant en première année.
Nous nous demandons donc si le législateur n'aurait pas pu profiter de
l'actuel débat sur le projet de loi 40 pour écouter ceux qui ont
des revendications à faire sur ce sujet.
Le projet éducatif. Le projet éducatif est la pierre
angulaire de toute la vie d'une école. C'est, comme le décrivait
L'école québécoise, une démarche dynamique par
laquelle une école, grâce à la volonté
concertée des parents, des enseignants, des élèves et de
la direction, entreprend la mise en oeuvre d'un plan général
d'action. Or, les pouvoirs conférés au conseil d'école,
comme la constitution même de ce conseil, nous semblent permettre cette
démarche dynamique vers la mise en oeuvre d'un plan
général d'action. Il est de la plus grande importance que vous
n'acceptiez pas de modifications au projet de loi qui seraient de nature
à mettre en péril les chances de réalisation du projet
éducatif. Nous savons fort bien que la présente commission
parlementaire, comme toute commission parlementaire, risque fort d'amener des
changements au projet de loi. Si, toutefois, elle devait avoir comme
résultat la négation par une trop grande dilution des pouvoirs du
conseil d'école ou, par sa disposition, du projet éducatif, la
réforme perdrait tout son sens. En conséquence, nous vous
demandons de voir dans quelle mesure chaque changement que vous pourriez croire
nécessaire ou intéressant pourrait affecter le projet
éducatif.
Les comités de mise en oeuvre. C'est le sixième point. Les
pouvoirs accordés aux comités de mise en oeuvre sont
énormes, justement parce qu'ils sont chargés de poser les assises
d'une nouvelle structure. Le projet de loi prévoit une
représentation proportionnelle des parents et des commissaires à
ces comités. Nous sommes convaincus que cette commission entendra
tôt ou tard des représentations qui auraient pour effet, si elles
sont suivies, de diminuer l'importance numérique de la
représentation des parents à ces comités. Nous croyons que
toute modification ayant de tels effets devrait être refusée. Ce
serait bien mal commencer une restructuration donnant plus de pouvoirs aux
parents que de diminuer leur importance dès les premiers pas dans cette
nouvelle structure.
Notre septième point, le nouveau territoire de la CECQ. Le projet
de loi 40 prévoit que, pour des motifs constitutionnels, l'actuelle CECQ
verra son territoire réduit à ce qu'il était en 1867. Il
en sera de même pour les commissions scolaires catholiques et
protestantes de Montréal. La conséquence pratique et
fâcheuse de cette situation sera qu'il n'y aura pas de réforme
pour ces trois commissions scolaires qui verront leurs chartes respectives
maintenues.
Sur les anciens territoires de Québec et de Montréal, la
Loi sur l'instruction publique continuera de s'appliquer. Les
élèves et les parents ne pourront donc pas se prévaloir de
la Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public. Les parents ne
pourront pas choisir le statut confessionnel de leur école. De plus,
n'importe quel résident pourrait exiger devant les tribunaux que toute
école relevant de ces trois commissions scolaires ait un projet
éducatif intégralement confessionnel, même lorsque cela est
illogique ou invivable.
Pensons à la situation de l'école primaire
Saint-Jean-Baptiste de Québec, dont 50% des élèves sont
exemptés de l'enseignement religieux. Pensons aux écoles
secondaires professionnelles de l'ancien Québec (métiers de
l'automobile et de la coiffure, entre autres) dont le type d'enseignement se
prête mal à un projet éducatif confessionnel.
Finalement, le caractère non confessionnel des commissions
scolaires fait l'objet d'un large consensus au Québec. Même la
Fédération des commissions scolaires catholiques et la Commission
des écoles catholiques de Québec se sont déclarées
favorables à ce principe. Ce qui est bon pour l'ensemble du
Québec devrait l'être pour les anciens territoires de
Québec et de Montréal.
En conséquence, nous recommandons ce qui suit: 1° Que le
gouvernement du Québec engage immédiatement, avec ses partenaires
provinciaux et fédéral, les négociations
nécessaires pour que des amendements soient apportés à la
constitution canadienne afin de permettre aux résidents des anciens
territoires de Québec et de Montréal de profiter de la
restructuration scolaire; 2° Que dès la mise en vigueur de la Loi
sur l'enseignement primaire et secondaire public, l'administration des
écoles secondaires situées sur les anciens territoires de
Québec et de Montréal soit confiée à la
commission
scolaire linguistique voisine, les écoles secondaires
n'étant pas touchées par la disposition de la Loi
constitutionnelle de 1867; 3° Qu'en attendant une modification
constitutionnelle, on trouve un moyen de soustraire les élèves de
niveau primaire, résidant sur ces territoires, à l'administration
des commissions scolaires confessionnelles lorsque c'est le désir des
parents; 4° Que dès la mise en oeuvre de la loi 40, toutes les
dispositions des chapitres III et IV, sections I à V, s'appliquent
à l'intérieur des trois commissions scolaires confessionnelles,
sauf celles touchant spécifiquement à la confessionnalité
nécessitant des amendements constitutionnels pour avoir force de
loi.
En conclusion, le Comité de parents de la Commission des
écoles catholiques de Québec est, sauf pour les remarques qui
précèdent, satisfait du projet de loi 40. Il croit qu'il s'agit
d'une réforme importante et intéressante et demande au
législateur de ne pas prêter une oreille trop sympathique à
tous les prophètes de malheur qui viendront tenter de le convaincre que
l'adoption d'un tel projet de loi emportera nécessairement la
déchéance du système scolaire.
Nous rappelons aux autres partenaires du système scolaire qu'il y
a déjà près de 20 ans que les grandes orientations du
projet de loi 40 sont réclamées par la population. Dès
1966, la commission Parent recommandait au gouvernement la formation de
commissions scolaires régionales non confessionnelles,
l'intégration du primaire et du secondaire, le libre choix entre un
enseignement confessionnel et non confessionnel, la formation - et c'est
souligné dans notre texte - de comités scolaires
décisionnels composés majoritairement de parents au niveau de
l'école, l'élection par les parents des membres de la commission
scolaire, etc. À ce moment-là, le directeur du Devoir
applaudissait la sagesse de la commission Parent. C'est tiré du Devoir
du 14 mai 1966. Nous avons connu par la suite le livre orange, le livre vert et
le livre blanc qui allaient tous dans le même sens.
Le comité de parents demande aussi aux autres intervenants de se
rappeler que le temps des luttes de pouvoirs et de sauvegarde des pouvoirs et
du prestige doit se terminer. L'intérêt premier, le seul
d'ailleurs, est d'assurer à nos enfants la meilleure éducation,
la meilleure formation possible, tout le reste est secondaire. Merci.
Le Président (M. Brouillet): Merci, Madame. J'inviterais
M. le ministre à prendre la parole.
M. Laurin: Je veux d'abord remercier et féliciter le
Comité de parents de la Commission des écoles catholiques de
Québec pour le travail intense qu'il a mis à l'étude aussi
bien du libre blanc que du projet de loi et, ensuite, pour le mémoire
qu'il nous présente ce soir, mémoire clair, vigoureux, bien
senti. J'ai bien noté que le comité de parents espérait
depuis longtemps un projet de loi de ce genre qui pouvait satisfaire à
des aspirations et à des attentes dont il est conscient et qu'il exprime
depuis longtemps.
Le comité de parents applaudit au rôle décisionnel
important que le projet de loi accorde à l'école et, à
l'intérieur du comité d'école, au rôle
décisionnel qui est maintenant imparti aux parents. J'ai noté
avec plaisir, cependant, que cela ne veut pas dire pour le comité de
parents qu'il croit que les parents seront les seuls à décider.
Ce qu'il espère, comme nous d'ailleurs, c'est une sorte de gestion
participative, collégiale, où tous les intervenants de
l'école, dont les parents à titre de premiers éducateurs
de l'enfant, participent, à partir de leur savoir, de leurs droits, de
leurs compétences, en vue d'atteindre l'objectif de l'école, la
mission éducative de l'école, qui est l'amélioration de la
qualité de l'éducation et le développement
intégral, optimal des enfants. C'est bien comme cela aussi que nous
l'entendons.
Le comité de parents ne veut pas non plus submerger
l'école de tâches administratives. C'est la raison pour laquelle,
je crois, il est d'accord avec le fait que la commission scolaire continuera de
demeurer une instance extrêmement importante dans notre système
éducatif. Je suis aussi d'accord avec le comité d'école
quand il dit qu'il n'est pas suffisant d'inscrire de nouvelles dispositions
dans une loi, mais qu'il faudra aussi, grâce à la loi et à
une évolution des idées qui devra se continuer, aboutir à
un changement de mentalité où chacun des intervenants de
l'école aura à comprendre le rôle, les compétences
et les aptitudes de chacun. J'appelle, moi aussi, ce changement de
mentalité qui est, de toute façon, absolument nécessaire
à la concertation, qui est indispensable pour l'atteinte des
objectifs.
Le comité de parents est également d'accord avec le
système électoral choisi, d'accord avec les aménagements
confessionnels prévus au projet de loi. Il nous recommande, cependant,
d'accorder à toutes les autres minorités religieuses le
traitement que le projet de loi accorde à la minorité
protestante. Je pense que le projet de loi va assez loin dans ce sens,
directement, quand il prévoit qu'un enseignement religieux confessionnel
différent pourra être donné à l'école, une
fois respectées les exigences du régime pédagogique et la
répartition des matières qui y sont prévues. Je crois que
le projet de loi le prévoit également, par les articles 31 et 32,
quand il dit que le projet éducatif pourra intégrer les valeurs
et les
croyances de la communauté et les valeurs et les croyances de
certains groupes religieux. Il peut s'avérer précisément
que, dans certaines écoles, le nombre de ressortissants d'autres
confessions religieuses soit quand même assez important pour que cette
coloration se manifeste au plan du projet éducatif. (19 h 15)
Le comité note, pour la première fois -effectivement cela
n'avait pas été noté -que l'éducation obligatoire
commencera maintenant à cinq ans. Le comité se demande cependant
si c'est tout à fait justifié. Je pourrais répondre
à cela que, dans la pratique actuellement, près de 98% de nos
enfants de cinq ans fréquentent la maternelle. Je pense bien qu'il n'y a
pas un grand risque à inscrire ce droit-là dans le projet de loi
40. Vous faites aussi une autre remarque sur la possibilité de modifier
les dates de naissance: peut-être ne pas s'en tenir au 1er octobre, comme
c'est le cas actuellement. Comme vous le savez, le fait de retarder jusqu'en
décembre les dates d'inscription entraîne des coûts
importants, surtout s'ils sont assumés d'une façon rapide. Je
pense qu'il faut quand même tenir compte, avant d'établir de
nouvelles règles, de la capacité de payer de notre
collectivité. Je pourrais même vous dire qu'il y a un accord de
principe sur ces matières, mais le seul obstacle qu'il reste, c'est
l'obstacle financier; nous sommes d'ailleurs en train de l'évaluer.
Vous êtes d'accord avec tout ce que dit le projet de loi sur le
projet éducatif, sur le comité de mise en oeuvre. Cependant, Sur
le territoire, vous nous faites une suggestion que nous avions
déjà envisagée, celle de retirer la permission aux
enclaves que nécessite le nouvel aménagement linguistique, de
retirer le droit à cette commission scolaire, qui obéira à
l'actuelle Loi sur l'instruction publique, de régir les écoles
secondaires. Sur le plan constitutionnel, il est possible que vous ayez raison,
mais il nous a semblé, au nom même de l'intégration des
niveaux d'enseignement que prévoit le projet de loi 40, qu'il serait
difficilement justifiable de séparer ces deux types d'enseignement.
Quant aux autres suggestions que vous nous faites, je n'ai pas besoin de
vous dire qu'elles font l'objet de notre considération. Comme il s'agit
de matières délicates et complexes pour ne pas dire explosives,
nous demandons encore un certain temps pour les considérer. Je veux
quand même vous assurer de l'attention que nous y portons.
Ceci étant dit, M. le Président, je ne vois pas d'autres
questions que je pourrais poser à la commission, sauf que je serais
reconnaissant envers les membres de la délégation s'ils nous
faisaient part de leurs commentaires sur mes commentaires.
Le Président (M. Blouin): Mme Bérubé.
Mme Bonnelli-Bérubé: J'aimerais intervenir sur deux
points, soit la maternelle cinq ans et la question de l'âge
d'entrée à l'école. J'admettrai avec vous que la pratique
fait que 90% et plus de nos enfants de cinq ans sont, en ce moment...
M. Laurin: Je pense que j'ai dit 98%.
Mme Bonnelli-Bérubé: C'est cela; 90% et plus sont
inscrits à la maternelle à cinq ans. Ce qui nous chicote dans
cela, c'est qu'on enlève aux parents la liberté qu'ils ont
encore, en ce moment, du choix de ne pas les envoyer à l'école
à cinq ans. Quand on dit que cela ne nous semble pas justifié,
effectivement, cela ne nous semble pas justifié. Il y en a 98% qui y
vont. Parfait. Il y en a 2% qui n'y vont pas et les parents ont encore le droit
de ne pas les envoyer. Pour nous, il nous apparaît important de laisser
ce droit aux 2%. Cela n'a jamais causé de problème jusqu'à
maintenant. Cela va coûter moins cher qu'il y en ait encore 2% qui n'y
aillent pas. On ne voudrait pas ouvrir une polémique sur toutes les
raisons qui pourraient nous amener à dire ce qui doit être bon
pour l'enfant âgé de cinq ans et quels sont ses besoins. Il me
semble que, effectivement, il y a une chose qu'on peut dire, c'est que le
projet de loi vise d'une certain façon, c'est un de ses objectifs, je
pense, à donner aux parents plus de pouvoirs et un des pouvoirs, en ce
moment, c'est d'avoir leurs enfants et de s'occuper de leurs enfants à
la maison, de zéro à cinq ans. Ils peuvent prendre tous les
moyens. Vous allez me dire: II y en a qui les envoient à la garderie.
Qu'est-ce que cela change?
C'est leur affaire, à notre avis, mais c'est encore un droit et
une possibilité que nous avons de les garder de zéro à
cinq ans et de leur donner ce que nous pouvons leur donner dans les
années les plus importantes. Je pense que vous n'êtes pas sans
savoir que le degré de socialisation d'un enfant à l'âge de
cinq ans est très limité. Pour nous autres, il nous
apparaît peut-être dangereux d'obliger tout le monde à avoir
cette socialisation massive.
Pour ce qui est de la date, je tiens juste à préciser que
nous n'avons justement pas parlé de date. Nous vous avons offert tout
simplement la possibilité ou nous avons posé la question à
savoir comment il se fait qu'on n'ait pas tenu compte ou comment il se fait
qu'on n'ait pas profité de l'occasion pour écouter ceux qui
avaient des revendications à faire. On savait que vous nous apporteriez
probablement l'histoire des coûts et on se dit: La restructuration,
lorsqu'on la mettra sur pied, coûtera des sous aussi. Ce n'est pas
quelques sous de plus ou quelques sous de moins qui pourraient
faire la différence, quand c'est le temps d'écouter des
parents, parce que ce sont des parents qui revendiquent cela ou qui ont des
revendications à faire sur ce sujet. C'est tout, M. le ministre.
M. Lafrance (Henri): J'aurais quelque chose à ajouter au
sujet des remarques de M. le ministre sur la confessionnalité. Je fais
référence à l'avis du Conseil supérieur de
l'éducation au ministère de l'Éducation, pour que M.
Laurin comprenne bien ce qu'on voulait dire dans notre mémoire. Je cite:
"Les droits accordés par la loi ne sont pas les mêmes pour tous.
Les droits des catholiques sont davantage appuyés que ceux des autres.
Les protestants partagent avec les catholiques la possibilité d'avoir
des écoles reconnues comme catholiques ou protestantes. La
confessionnalité et les aménagements relatifs aux droits sont
inégalement répartis dans le système d'éducation.
En conséquence devraient être rayées du projet de loi les
mesures restrictives et discriminatoires à l'égard de
l'enseignement religieux autre que catholique ou protestant. Une fois admis au
choix de l'élève par le conseil d'école, l'enseignement
religieux n'aurait pas à être rémunéré par le
groupe religieux concerné, comme le prévoit l'article 103 du
projet de loi. Un tel enseignement serait inscrit à l'horaire comme tout
autre enseignement répondant aux exigences du régime
pédagogique. "Les articles 111 et 110 devraient être
amendés de manière à faire place non seulement à
une animation pastorale pour catholiques ou à une animation religieuse
pour protestants, mais aussi à une animation convenant à tout
groupe religieux avec lequel un conseil d'école aura convenu d'une
entente qui permette d'assurer un tel enseignement. Une animation comportant
des activités en concordance avec les programmes d'études
officiels en enseignement moral doit être inscrite dans la loi au
même titre que l'animation pastorale et l'animation religieuse. Le
prolongement de l'enseignement moral dans de telles activités est
indispensable pour assurer l'atteinte des objectifs de la formation morale que
le législateur entend donner à tous les citoyens. La commission
scolaire doit engager un responsable qui assure le soutien aux écoles
catholiques dans son territoire; ce responsable doit avoir un mandat de
l'évêque du diocèse où est situé le
siège social de la commission scolaire." C'est l'article 220 tel qu'il
est actuellement. "Ce poste protégé de responsable, de soutien
doit être situé par rapport à la responsabilité
générale de la commission scolaire qui doit assurer le soutien
à l'organisation pédagogique des écoles. Si un tel poste
s'avère important pour l'enseignement religieux catholique et
l'animation pastorale dispensés aux élèves inscrits comme
catholiques dans les écoles du territoire de la commission scolaire, un
poste équivalent l'est tout autant pour soutenir l'enseignement moral et
tout enseignement religieux admis dans l'école ainsi que les
activités d'animation reliées à ces enseignements. "En
conséquence, le législateur doit amender l'article 220 du projet
de loi de telle sorte qu'il ne s'applique pas à une Église en
particulier. Ainsi, il faudrait faire en sorte que toute commission scolaire
puisse engager de tels responsables du soutien à l'enseignement
religieux après entente avec les Églises ou groupes
concernés."
Nous partageons ce point de vue avec le Conseil supérieur de
l'éducation.
M. Nadreau: J'aimerais intervenir sur ce qui m'est apparu un
moment comme un lapsus du ministre. Je ne sais pas si c'est un lapsus
volontaire.
M. Laurin: Un lapsus, c'est toujours involontaire.
M. Nadreau: Oui, mais de la part d'un ministre, pas toujours.
M. Laurin: On appelle ça autrement alors.
M. Nadreau: Je fais référence au moment où
vous avez dit que nous appuyons une commission scolaire avec un pouvoir - je ne
sais pas quel mot vous avez employé -intensif. Une commission scolaire
qui aurait un pouvoir intensif, important. Je voudrais là-dessus dire
que ce qu'on a fait ressortir dans le mémoire reprend essentiellement ce
qui était dans le livre blanc et la phrase-type du livre blanc qui
disait que l'école était le pivot. Nous gardons à l'esprit
que ce qui devrait prévaloir dans tout amendement qui devrait se faire,
c'est que l'école reste le pivot du système scolaire et que, si
une commission scolaire a une raison d'être toute évidente, elle
ne doit pas pour autant prendre plus d'importance qu'elle ne devrait et, en
ceci, être juste un organe de transition ou une dispensatrice de services
telle qu'elle a été présentée à un certain
moment.
Le Président (M. Blouin): Merci. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Mme Bérubé, M. Nadreau, M. Lafrance, il me
fait plaisir de vous rencontrer en votre qualité de porte-parole du
Comité de parents de la Commission des écoles catholiques de
Québec. Nous avons déjà eu l'occasion de rencontrer les
commissaires de la Commission des écoles catholiques de Québec et
aussi certains
membres de cette commission, qui n'étaient pas du groupe
majoritaire, qui ont eu la chance d'être invités par le
gouvernement, même si des commissions scolaires entières ailleurs
n'ont pas été invitées.
Je laisse à l'opinion publique le soin de juger de toutes ces
choses. Mais vous autres, vous êtes là aussi et on vous
reçoit avec plaisir.
J'ai écouté la lecture de votre mémoire avec
beaucoup d'intérêt. Vous touchez certains aspects du projet de
loi. Ce que j'ai un peu regretté, c'est que vous ne vous prononciez pas
beaucoup sur les articulations majeures du projet de loi, les structures qu'on
propose pour la vie de l'école, pour les relations entre l'école
et la commission scolaire, le lien entre les commissions scolaires et le
gouvernement; c'est l'ossature d'un système d'enseignement et je crois
constater qu'il n'en est pas question beaucoup dans votre mémoire. Il y
a d'autres aspects un peu plus particuliers qui sont touchés. Je
respecte le choix que vous avez fait. Je note surtout que ce choix remonte au
mois d'octobre. Je comprends très bien les circonstances dans lesquelles
on a pu écrire le mémoire, il y a trois mois. Si vous aviez
à l'écrire aujourd'hui à la lumière de tout ce qui
a été discuté à la commission depuis un mois, je
suis sûr qu'il y a d'autres aspects qui seraient touchés et
peut-être même certains sujets seraient-ils abordés de
manière quelque peu différente.
J'en prends pour exemple les considérations qui traitent du mode
de choix des commissaires d'école. Vous approuvez fortement le mode de
choix des commissaires d'école qui est proposé dans le projet de
loi 40, c'est-à-dire l'élection d'un commissaire par
école, lequel ira représenter son école à la
commission scolaire. (19 h 30)
À peu près tout ce que nous avons entendu jusqu'à
maintenant à la commission parlementaire plaide contre ce mode de
désignation des commissaires d'école. Il y en a qui sont
défavorables parce qu'ils ont la conviction que cela entraînerait
une représentation inégale à la commission scolaire. Il y
a des écoles qui ont 300 élèves, d'autres qui en ont 2000
ou 3000. Il y en a qui sont défavorables à cette idée,
parce qu'ils sont convaincus que celui qui aurait été élu
pour représenter une école serait peut-être trop
dominé par les préoccupations relatives à cette
école et aurait plus de difficulté à voir le bien
général. On en avait une exemple ce matin, d'ailleurs, lorsque la
commission scolaire Jérôme-Le Royer est venue témoigner
devant la commission. Mme la députée de Jacques-Cartier a
demandé à cette commission scolaire quelle était sont
attitude vis-à-vis de l'avenir du Conseil scolaire de l'île de
Montréal. C'est un organisme qui réunit des représentants
des commissions scolaires à des fins de taxation commune et de
péréquation, de redistribution des montants qui sont
perçus à même la taxe scolaire ou à même les
subventions gouvernementales. Il y a une partie de la répartition qui se
fait en tenant compte des facteurs socio-économiques. Ces gens ne
parlaient pas de cette fonction dans leur mémoire. À la question
qui leur était posée par Mme Dougherty, ils ont répondu:
On voudrait que ce soit un organisme où tous les présidents
seraient présents. S'ils peuvent s'entendre sur une fonction de
péréquation, très bien; sinon, on répartira
l'argent sur une base per capita, sans plus. Il y avait seulement le
critère per capita qui figurait dans leur position. L'autre, ils le
laissaient à la volonté unanime. Tout le monde, je pense, a
été unanime à conclure que cela ne peut pas fonctionner
comme cela. Il faut une règle de décision claire et cela ne peut
pas reposer uniquement sur l'adhésion de huit, dix ou quinze
représentants d'entités très particularisées. En
tout cas, jusqu'à maintenant, je n'ai pas entendu de défense
vraiment convaincue, à plus forte raison convaincante, de ce mode de
choix des commissaires d'écoles; vous êtes les premiers sur la
liste dont je me souvienne.
Il semble qu'on s'en aille plutôt vers une formule mixte. Nous
autres, nous défendons le suffrage universel - ce sera, d'ailleurs,
l'objet de la question que je vous poserai tantôt - parce que nous
trouvons que c'est, d'abord, un mode plus traditionnel dans le bon sens du
terme. Notre système scolaire a reposé là-dessus depuis un
siècle. Nous attendons encore la démonstration du
mal-fondé de ce mode de désignation des membres des commissions
scolaires. On a entendu bien des récriminations. Vous autres, vous
pouvez avoir des problèmes avec vos commissaires d'écoles, mais
ce que nous avons dit à ceux qui nous parlaient en ces termes, c'est que
rien ne les empêche de les déloger à la prochaine
élection, de les remplacer par des personnes qui ont des vues plus
ouvertes, si vous pensez que cela doit être le cas, etc. En tout cas, il
n'y a absolument rien dans notre système qui empêche d'avoir les
représentants qu'on veut à la commission scolaire, et c'est la
même règle pour tous.
Le danger dans le mode mixte qu'on envisage, c'est qu'on confonde les
lignes, qu'on confonde les niveaux et qu'on n'ait pas les mêmes niveaux,
les mêmes degrés de légitimité chez ceux qui seront
élus. Le gouvernement a failli décider de jeter pardessus bord le
système de scrutin universel. C'est cela qui était proposé
dans le livre blanc. Il a été obligé d'en revenir, parce
qu'il y a une opinion publique aussi et il y a des gens qui ont des convictions
dans le sens contraire. Là, il cherche une espèce de
formule mixte.
Nous autres, nous trouvons que le suffrage universel, c'est ce qu'il y a
de mieux et on ne voudrait pas qu'il soit délayé trop. Qu'il y
ait quelques représentants des parents ou de groupes très
spéciaux de parents, comme ceux des enfants handicapés, nous le
comprenons. En tout cas, c'est là que le débat me semble
être rendu. Même le ministre, dans ses interventions, a rarement
défendu le système d'élection qu'il propose dans son
projet de loi. Il semble lui-même être rendu à un autre
stade. C'est bon que vous le défendiez, vous autres. C'est une
intervention au dossier. Peut-être qu'on pourra citer cela contre vous
dans quinze ans, comme vous le faites avec mes articles à propos
desquels, d'ailleurs, je ne me souviens pas que le rapport Parent ait
recommandé tout ce que vous dites dans votre mémoire. On va le
vérifier ensemble, mais je serais très étonné qu'il
ait proposé tout ce que vous dites dans votre mémoire. Mais c'est
une autre question. Je ne vous en veux pas du tout, cela fait partie du jeu.
Vous savez, ce n'est rien; l'injustice que vous commettez à mon endroit
est très mineure par rapport à toutes celles que le gouvernement
a commises depuis cinq ans, et j'y ai survécu, non pas dans la fonction
que j'occupais, mais dans... Cela est complètement à l'encontre
du règlement.
Le Président (M. Blouin): Je vous remercie de vous
rappeler vous-même à l'ordre, M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: C'est la fin de la journée. Nous nous amusons.
Oui, merci, M. le Président.
Le Président (M. Blouin): Je l'apprécie
hautement.
M. Ryan: Sur le fond du projet de loi, vous dites au
gouvernement, vous autres: II ne faut pas que vous lâchiez. C'est
très important, on veut que vous gardiez l'essentiel du projet de loi,
et méfiez-vous surtout des prophètes de malheur. Il y en a
beaucoup de prophètes de malheur. Je vais vous en énumérer
quelques-uns. Il y a la Fédération des commissions scolaires
catholiques du Québec. Cela ne vous surprendra pas trop. C'est un
organisme qui représente, quand même, au-delà de 3000
personnes élues au suffrage démocratique par leurs concitoyens
dans tous les territoires scolaires du Québec. Jusqu'à preuve du
contraire, ce sont des gens aussi respectables que vous et moi. Il y a la
Centrale de l'enseignement du Québec. Il y a l'Association provinciale
des enseignants protestants du Québec, l'Association provinciale des
enseignants catholiques de langue anglaise. Il y a la faculté de
l'éducation de l'Université McGill qui, dans l'ensemble, n'aime
pas l'équilibre des responsabilités ou le partage des
responsabilités qu'on trouve dans le projet de loi. Il y a l'Association
des directeurs généraux des commissions scolaires. Il y a
l'Association des cadres scolaires du Québec, la
Confédération des syndicats nationaux et la
Fédération des travailleurs du Québec qui ont toutes des
objections fondamentales. Cela va poser un problème pour le
gouvernement. Il est bon que vous veniez lui donner un petit appui. Il en a
besoin. On l'apprécie beaucoup, mais c'est pour vous montrer qu'il y a,
quand même, un éventail d'opinions dans ce débat qui ne
seront pas faciles à démêler si on veut avoir une loi qui
soit juste, réaliste et quelque peu conforme aux attentes de la
population.
De l'autre côté, il y a deux organismes principaux. Il y a
la Fédération des comités de parents de la paroisse de
Québec qui a une opinion dans le même sens général
que la vôtre et il y a, deuxièmement, la Fédération
québécoise des directeurs d'école avec, dans ces
cas-là, des dissidences, évidemment, mais dans l'ensemble, on
doit accepter que ces deux organismes représentent leurs membres d'une
manière générale. C'est le portrait, en gros, des
organismes qui ont une dimension provinciale ou nationale, comme on veut
l'appeler. Cela étant dit, il est bon qu'on ait d'autres opinions et
vous ne venez pas ici en prétendant que vous parlez au nom de tout le
monde. On l'apprécie beaucoup. Vous parlez au nom de vos membres. C'est
très bien.
Il y a deux questions que je voudrais vous poser. Cela va être
très bref. D'abord, pourquoi êtes-vous contre le suffrage
universel? J'aimerais que vous me disiez pourquoi vous trouvez que ce n'est pas
une bonne manière d'élire au suffrage universel classique sur la
base d'un territoire géographique. Pourquoi ne voulez-vous plus de
cela?
M. Nadreau: M. le Président, je comprends mal la question,
parce que nous avons assez bien dit au paragraphe 2 que nous acceptions,
réflexion faite, le choix et l'élection des commissaires,
justement, au suffrage universel. Je ne comprends pas très bien votre
question, en ce sens.
M. Ryan: Non, ma question, c'est le suffrage universel sur la
base du territoire géographique.
M. Nadreau: Ah! D'accord. C'est tout à fait
différent.
M. Ryan: Le suffrage universel, c'est cela, selon la pratique que
nous en avons. D'accord?
M. Nadreau: Je vais commencer à répondre et je
passerai la parole, de toute façon, à mes collègues pour
compléter. Premièrement, chaque groupe qui vient témoigner
ici analyse le projet en fonction de son vécu et il est très
clair que le vécu que nous avons est d'abord un vécu de ville,
c'est-à-dire que nous sommes dans un tissu urbain qui fait que la CECQ
est très bien délimitée par des paroisses qui ont chacune
une école. Donc, géographiquement, cela se fait très
facilement d'avoir un commissaire par école. Cela ne choque personne et
cela se sent très bien, dans le tissu urbain dans lequel nous vivons,
d'avoir un commissaire par école.
Deuxième chose je pense aussi que nous avons le vécu, qui
est la CECQ en tant que telle, c'est-à-dire les commissaires que nous
avons actuellement "au pouvoir", entre guillemets. Il ne faut pas se leurrer
et, sans vouloir être méchant ou quoi que ce soit, il est
très clair qu'autour de la table du conseil des commissaires actuel il y
a un certain nombre de gens qui sont extrêmement loin de la chose
scolaire. Notre objectif principal, on l'a dit, peut prendre n'importe quelle
forme à partir du moment où l'idée est que les
décisions soient prises par des gens qui sont proches de la chose
scolaire. Une des garanties que l'on peut avoir, c'est qu'un parent, de par son
essence, est proche de la chose scolaire. Je suis prêt à admettre
qu'un enseignant est aussi proche de la chose scolaire. Ce n'est pas du tout ce
à quoi je veux m'opposer. Ce que je veux dire, c'est qu'actuellement,
tel que la structure est, il y a des gens qui sont très loin des choses
sur lesquelles ils décident. L'objet d'une réforme, c'est,
justement, d'améliorer la situation. Une des meilleures choses à
faire, ce serait de redonner les décisions au niveau de l'école
à des gens qui savent de quoi ils parlent.
M. Ryan: Dans la majorité des commissions scolaires du
Québec aujourd'hui, les commissaires sont des personnes qui ont servi
antérieurement comme membres de comités d'école ou comme
membres de comités de parents, qu'on ne peut pas, par conséquent,
accuser d'ignorance ou d'indifférence à l'endroit de la chose
scolaire, qui ont déjà fait la preuve de leur
intérêt pour les affaires scolaires. Dans bien des cas, on a des
expériences de secteurs de la population qui n'étaient pas
contents de leurs commissaires, des parents, par exemple, et qui ont dit: On va
s'organiser et on va les remplacer par la voie du suffrage universel. Ma
question, c'est: Qu'est-ce qui vous empêche, même comme parents, de
procéder comme cela pour avoir des commissaires qui seront plus proches
des problèmes véritables? Est-ce qu'il y a un obstacle
structurel? Est-ce qu'il y a quelque chose d'insurmontable qui exigerait qu'on
vous donne un canal privilégié?
Mme Bonnelli-Bérubé: C'est à partir de mon
vécu dans un quartier de la ville et après avoir observé
comment les gens fonctionnent que je vais vous répondre à cette
question et vous dire comment cela m'apparaît difficile d'y aller d'une
autre façon. Les parents qui ont des enfants dans une école de
quartier sont, la plupart du temps, intéressés pour un certain
nombre d'années à ce qui se passe à l'école parce
que leur propre enfant y est. Ces parents vont concentrer leurs efforts, leur
disponibilité et leurs énergies à venir mettre du temps
à l'école. Il y en a d'autres qui vont les consacrer à
l'équipe de hockey, ou à l'équipe de baseball, ou au
comité de loisirs du coin. Mais les parents qui sont
intéressés à la chose scolaire viennent, d'abord et avant
tout, à l'école. Parce que longtemps la structure de la
commission scolaire telle qu'on la vit était quelque chose de
complètement à part, quelque chose où les parents n'ont
pas d'affaires, quelque chose où les parents ne sont pas
écoutés, quelque chose où les parents ne sont même
pas reçus, quelque chose où on se fait dire que, finalement, on
serait bien mieux de rester dans nos cuisines, il y a des parents qui disent:
On n'y va plus, à la commission scolaire. Il y a eu un
éloignement de ces parents de la commission scolaire. On retrouve ces
mêmes parents qui viennent revendiquer au niveau de notre
école.
Je ne dis pas que cela s'applique à l'ensemble de la population
du Québec, mais je dis que, dans des milieux urbains comme les
nôtres et avec une vieille commission scolaire comme la nôtre,
c'est le cas de le dire, c'est le genre de problèmes qu'on vit. Nous
pensons que c'est à peu près le seul moyen qu'on a d'avoir des
gens qui vont venir voter pour des personnes qui vont être
intéressées à aller travailler pour l'école.
Je ne dis pas que c'est tout le monde parce que j'ai effectivement un
excellent commissaire de quartier avec qui je travaille
régulièrement au niveau de mon école; je travaille
régulièrement avec elle, elle a des enfants à
l'école où j'ai les miens et où je suis présidente
du comité d'école. Mais je peux les compter sur mes doigts, les
commissaires en ce moment qui sont proches de l'école. Les autres sont
là pour le "standing", les autres sont là parce que cela fait
encore bien d'être commissaires d'écoles. Les autres sont
là parce que c'est plaisant: il y a un paquet de gens qui nous appuient,
mais un paquet de gens qui ne savent même pas ce qu'est un régime
pédagogique, qui ne savent même pas de quoi on parle quand on
parle de projet éducatif, qui ne savent même pas de quoi on parle
quand on parle des nouveaux programmes de français.
M. Lafrance: Sur le fond de la question, M. Ryan, j'aurais
quelque chose à ajouter. Il y a quelques années, dans mon
quartier, on a eu une élection scolaire. Le thème
électoral, imaginez-vous donc, c'était l'érection d'un HLM
pour vieillards dans la cour de notre école. Ce qui est arrivé,
à cause de la structure électorale dans laquelle on était
pris, c'est que la majorité des parents intéressés
à cette école n'avait pas le droit de vote. Pourquoi? Parce
qu'ils n'étaient pas résidents du quartier électoral. Ils
avaient le droit de vote dans d'autres quartiers électoraux qui
n'étaient pas en élection. (19 h 45)
II nous apparaît difficile, voire impossible de mobiliser les
parents, les premiers intéressés à la chose scolaire, sur
la base des quartiers actuels qui sont abstraits, qui n'ont rien à voir
avec la chose scolaire. On a des quartiers à Québec où il
n'y a même aucune école. Imaginez le commissaire qui
représente ses électeurs, mais qui n'a aucune école dans
son quartier. Il y a un certain quartier où le commissaire en question a
deux écoles anglophones; 80% des parents de ces écoles ne sont
même pas résidents non seulement du quartier électoral en
question, mais de la commission scolaire. Évidemment, le commissaire en
question est très peu intéressé aux deux écoles
anglophones, il n'y a aucun électeur.
Je dirais même plus, les personnes qui sont le mieux desservies
à la CECQ sont les non-résidents. C'est symptomatique de la
fausseté du système électoral scolaire qu'on soit plus
préoccupé par la clientèle anglophone et ce, non pas parce
que ce sont des électeurs, car 80% ne sont pas des résidents du
quartier et n'ont aucun poids politique. Mais, ils ont un autre poids: le fait
qu'il existe une grosse concurrence de la part de la commission scolaire
anglo-protestante, la Greater Québec. À ce moment-là, la
bureaucratie de la commission scolaire s'occupe beaucoup de ces
non-électeurs, de ces non-résidents, parce qu'il y a une
concurrence. Notre suggestion n'est pas de multiplier les commissions scolaires
pour qu'il y ait de la concurrence, parce que cela engendrerait des coûts
énormes; la concurrence fonctionne plus, du moins à
Québec, que la démocratie.
Mme Bonnelli-Bérubé: Est-ce que je peux rajouter
quelque chose, un autre exemple? Pour des raisons que je suis incapable de
rendre bien claires dans votre esprit, il nous a été facile de
remplir nos salles d'école pour parler de la fermeture d'écoles,
pour parler de l'aménagement de la cour de l'école, pour parler
de la non-érection d'un HLM pour personnes âgées dans une
cour d'école. On a réuni ces gens dans nos écoles. Quand
tout cela s'est discuté à la commission scolaire, on n'en a eu ni
deux ni trois qui sont venus. Pourquoi? Parce qu'ils ne sont pas
intéressés? Non, ils sont très intéressés,
mais aller discuter à la commission scolaire, cela ne marche pas. C'est
cela qu'on conteste. En tout cas, on essaie de trouver, ce n'est pas
compliqué, un truc pour être capables de parler. On propose
à tout moment des tables de concertation, des comités conjoints,
des comités de tout ce que vous voulez; on ne s'écoute pas, on ne
s'entend pas, on n'est pas du même côté.
M. Ryan: Je voudrais juste faire une observation, en terminant.
Je ne veux pas prolonger davantage, parce que nous avons fait une très
longue semaine et il y en a encore une longue à envisager la semaine
prochaine. Les raisons que vous apportez ne me convainquent aucunement. Je
trouve que vous m'apportez de très bons thèmes pour une
élection scolaire. Si vous voulez qu'on parle d'autre chose que de la
construction d'un HLM dans la cour d'une école, justement, si des
candidats vont à l'élection scolaire avec d'autres thèmes
que ceux-là, qui posent les vrais problèmes dont certains ont
été mentionnés à titre d'exemple dans la
discussion, je pense que cela peut changer le ton des élections
scolaires et je vous dis que cela est arrivé dans bien des endroits.
Si vous n'êtes pas capables de mobiliser assez d'électeurs
pour aller voter aux élections scolaires, alors qu'il suffit souvent de
10% ou 15% des voteurs inscrits sur les listes pour être élu, il y
a un problème avec votre pouvoir de mobilisation également. Votre
force mobilisatrice n'est peut-être pas aussi grande que le laisseraient
croire vos affirmations. En tout cas, j'ai écouté cela et je suis
loin d'être convaincu.
On entend le même grief à propos des autorités
municipales. Je suis député d'une circonscription rurale. Que de
fois les gens me disent: L'administration de cette municipalité ne vaut
rien; il n'y a rien à faire avec elle. On ne change pas le
système. Je leur dis: Organisez-vous. Ils me répondent: Oui, mais
on est incapable de le battre, celui-là. Ils vont attendre la fois
suivante et il va falloir qu'ils se préparent de longue main. C'est le
système. Il ne peut pas y en avoir deux en même temps, en tout
cas, c'est une chose sûre.
On a discuté aimablement. J'apprécie beaucoup les
explications que vous apportez. On va y penser, mais, pour l'instant, je repars
pour mon comté en n'étant pas convaincu de votre formule.
Mme Bonnelli-Bérubé: Cela ne me surprend pas.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député d'Argenteuil. M. le député de
Chauveau.
M. Brouillet: Bonsoir, madame et messieurs Je suis très
convaincu de votre conviction dans l'importance d'un rôle beaucoup plus
présent, actif et décisionnel des parents dans l'école. Je
crois qu'il faut bien prendre en considération qu'on peut très
bien avoir déjà été près de l'école
et se retrouver commissaire après un certain temps. Il y a certainement
des intérêts, je dirais, généraux de la chose
éducative ou des aspects généraux, mais il y a aussi du
quotidien. Il y a des gens qui ont déjà eu des enfants à
l'école, même s'ils n'en ont plus, qui sont commissaires, c'est
vrai. On s'intéresse à la chose scolaire quand nos enfants sont
encore à telle école, pas à l'école en
général. Ce n'est pas parce que mon enfant serait dans une
école à 100 lieues ou à 100 milles que je vais être
très intéressé par ce qui se passe dans l'école qui
est tout près de chez moi, alors que je n'y ai pas d'enfant. Il y a, je
pense, dans la vie de l'école des choses très
particulières, près du vécu quotidien qui évolue,
qui se transforme, qui n'est pas la même chose cette année, l'an
prochain, cette session-ci ou l'autre, qui n'est pas la même chose d'un
lieu à l'autre, d'une école à l'autre ou d'un temps
à l'autre.
À mon sens, c'est cela qui manque. Un commissaire qui n'est pas
près de l'école n'est pas sensible à cela, même s'il
a eu déjà des enfants qui sont allés à
l'école - on a quasiment tous des enfants qui sont allés à
l'école - même s'il a déjà fait partie d'un
comité de parents il y a cinq ou dix ans. Ce n'est pas sur ces
questions-là, je pense, des questions très
générales - l'éducation, tout le monde se préoccupe
de cela, en gros - mais, sur des questions du vécu quotidien, qu'il est
important, pour des parents qui ont des enfants dans telle école,
d'avoir un mot à dire sur ce qui se passe dans telle école, pas
dans les écoles en général. C'est un peu, je crois, ce
point que vous voulez exprimer et nous faire ressentir. Je crois que ce
point-là est très important.
Le projet de loi semble répondre à cette
préoccupation, semble donner aux parents des pouvoirs sur des aspects du
vécu quotidien de l'école, un certain nombre de pouvoirs
décisionnels. C'est sur ces aspects que vous aimeriez aussi être
entendus à la commission scolaire quand, sur certains aspects, la
commission scolaire aura à prendre des décisions qui auront des
incidences sur le vécu de l'école, sur le projet éducatif.
C'est dans ce sens que j'ai compris la condition que vous avez ajoutée
au suffrage universel. Vous vous êtes, disons, ralliés au suffrage
universel avec fermeté à une condition, que le commissaire
représente une école et siège au conseil de
l'école.
Ce qui est important, ce n'est peut- être pas de s'arrêter
sur la teneur même de cette condition, mais sur la raison, la
préoccupation qui vous amène à cela. Il se peut que nous
puissions satisfaire à cette préoccupation par un autre
mécanisme. Je crois que la grande préoccupation est qu'il y ait
un arrimage entre les commissaires et le vécu de l'école, que le
commissaire puisse être au fait du vécu quotidien, particulier, de
telle et telle école dans telle et telle commission scolaire. Il faut
qu'il y ait un lien, un raccordement qui se fasse. Vous dites que, pour que
cela se fasse, si le commissaire est à l'école et qu'il participe
au conseil d'école, il va savoir ce qui se passe.
Il y a d'autres formules qui ont été avancées qui
disaient: Plutôt que de ramener un commissaire dans l'école, on va
ramener un groupe de parents qui sont, au fait, à la commission
scolaire. Ce serait une présence significative des parents
délégués par les conseils d'école à la
commission scolaire qui vont pouvoir participer à la discussion et faire
valoir les intérêts de chacune des écoles et les
problèmes vécus dans chacune des écoles. Je pense que ce
qui est important, c'est de voir que la préoccupation qui vous
amène à poser cette condition-là, c'est que les
commissaires sachent ce qui se passe dans le vécu quotidien pas de
l'école en général, mais de telle ou telle école
qui existe sur leur territoire. Les formules à prendre? C'est une
formule dans le projet de loi 40: que le commissaire soit élu sur une
base d'école plutôt que sur une base territoriale et qu'il doive
siéger. Je voulais signaler cela, car il est important de faire
ressortir la préoccupation qui vous amène à cette
position. Voulez-vous réagir?
M. Nadreau: C'est juste pour dire que c'est tout à fait
bien compris de votre part. J'y ajouterai une petite chose: on aimerait que le
commissaire, ou celui qui est rattaché à l'école, ait une
manière de rendre des comptes à quelqu'un, c'est-à-dire
que le problème de tout élu, que ce soit au niveau d'une
Assemblée nationale ou au niveau d'une commission scolaire, c'est
d'être proche des gens qui l'ont élu et que ces gens-là
puissent avoir un suivi de ce que fait cette personne. Je pense que le fait
d'être rattaché à une école permet aux gens qui
l'ont élu de suivre ce que fait cette personne et de l'alimenter au fur
et à mesure de son mandat, toujours dans le sens positif. Quand je dis
"alimenter", ce n'est pas pour lui taper dessus, c'est pour être capable
de dire: "Écoutez, on aurait besoin de telle affaire. C'est dans ce
sens-là qu'il faudrait plutôt aller. C'est ce que je voulais
ajouter.
M. Brouillet: Vous avez été
précédés, à cette commission, par les commissaires
de la Commission des écoles catholiques de
Québec. Les représentants ont laissé entendre que
les deux représentants de parents, à la commission scolaire,
auraient été d'accord et solidaires de la position de la CECQ.
D'après ce que j'entends de votre part comme représentants des
parents, je me pose la question: Est-ce que, selon vous - vous devez
connaître les parents qui vous représentent à la commission
scolaire - ces parents-là endossent la position de la commission
scolaire?
M. Lafrance: Là-dessus, je tiens à souligner que M.
Flamand, le président de la commission scolaire - je ne sais pas si le
mot est parlementaire - a, pour le moins trompé la commission
parlementaire, car, jamais, les représentants des parents, au conseil
des commissaires, n'ont eu le mandat de se solidariser avec le mémoire
de la commission scolaire et ils ne l'ont jamais fait. M. Flamand a, pour le
moins, trompé ia commission.
M. Brouillet: II y a un point qui me chicote un peu concernant un
dossier délicat: le territoire de la CECQ en tenant compte de l'article
93 de la constitution. Vous dites, dans votre mémoire - je crois que je
l'ai entendu dire aussi par les représentants de la commission scolaire
dans leur mémoire - que de même que la Fédération
des commissions scolaires catholique, la Commission des écoles
catholiques de Québec s'est déclarée favorable au principe
du critère linguistique des commissions scolaires. (20 heures)
Par ailleurs, le président a dit que la CECQ serait prête
à aller devant les tribunaux pour faire valoir l'article 93 en vue de
protéger l'intégrité de son territoire. J'ai un peu de
difficulté à comprendre, à moins de faire de
l'interprétation, ce que je me suis permis de faire. Il y a le fait de
se déclarer d'accord avec le critère linguistique et le fait de
s'appuyer sur un article qui assure la confessionnalité, selon
l'interprétation qu'on en donne, pour protéger
l'intégrité du territoire. Finalement, la façon dont je
vois cela est celle-ci: la raison pour laquelle on va avoir recours à
l'article 93, est-ce d'abord pour sauver la confessionnalité ou est-ce
pour sauver le territoire? C'est assez ambigu comme position de la part de la
CECQ. À ce moment-là, je lui dirais: La meilleure façon de
protéger l'intégrité du territoire serait peut-être
de renoncer à tout prix aux recours aux tribunaux pour faire appliquer
l'article 93; probablement que ce serait la meilleure façon d'assurer
l'intégrité du territoire à ce moment-là. Je ne
sais pas ce que vous pensez de cette position.
M. Lafrance: Le conseil des commissaires de la CECQ s'est
prononcé, par une résolution, très clairement pour le
principe de la commission scolaire non confessionnelle. Il ne s'est pas
prononcé pour le critère linguistique. L'interprétation de
sa résolution pourrait être que la CECQ préfère une
commission scolaire unifiée anglo-française. Si M. Flamand avait
été un administrateur logique avec les orientations du conseil
des commissaires, il aurait offert sa collaboration au ministre de
l'Éducation pour supprimer les obstacles de l'article 93 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique à la déconfessionnalisation
des l'ensemble de la CECQ.
Notre comité de parents a une position très claire sur la
question de l'enclave constitutionnelle. C'est un pis-aller qui doit être
de courte durée. Le plus court sera le mieux. Toute la population de
Québec et de Vanier doit pouvoir jouir de toutes les dispositions de la
loi 40, lorsqu'elle sera adoptée, ou, sinon, le plus tôt
possible.
M. Brouillet: Très bien sur cette question. On va passer
à un autre point, à mon dernier point. Vous avez, à la
page 8, fait des remarques très justes, je crois, au sujet du projet
éducatif. Vous avez dit que c'était la pierre angulaire de la
réforme et qu'il devrait devenir la pierre angulaire aussi de la vie
dans le système. S'il n'y a pas de projet éducatif, le
système est là pour rien. Je crois que tout le système est
là pour pouvoir permettre qu'il y ait des projets éducatifs. Cela
devient vraiment la pierre angulaire. Vous avez insisté aussi sur
l'importance de certaines conditions pour pouvoir réaliser ce projet
éducatif. Au nom des parents que vous représentez, vous mettez la
commission en garde contre certaines modifications au projet de loi, certains
amendements qui pourraient nuire, empêcher ou mettre en péril la
réalisation du projet éducatif. Vous reconnaissez aussi que,
parmi ces conditions, un certain nombre de pouvoirs doivent être
accordés à l'école. Vous avez dit aussi qu'il ne faut pas,
cependant, mettre trop de pouvoirs non nécessaires relativement au
projet éducatif. Vous avez vu la liste des pouvoirs que le projet de loi
accorde à l'école. La question que je vous poserais est celle-ci:
Croyez-vous que les pouvoirs qui sont là sont suffisants pour assurer le
contrôle et la pleine réalisation du projet éducatif au
niveau de l'école ou croyez-vous qu'il y a des pouvoirs non essentiels
là-dedans qu'on serait peut-être mieux de supprimer aussi?
Mme Bonnelli-Bérubé: Effectivement, nous trouvons
que le projet de loi nous donne assez de pouvoirs. Je veux dire qu'on pourrait
toujours en accepter plus ou qu'on pourrait toujours en rayer. Il y en a
toujours qui diront qu'on en a trop et il y en toujours qui diront qu'on n'en a
pas assez, mais, en tout cas, on en a un minimun et on en a
plus que ce qu'on a actuellement, c'est-à-dire qu'actuellement on
n'en a pas. C'est très difficile effectivement, pour un comité
d'école, d'essayer de mettre en place un projet éducatif au
niveau de son école. Vous allez dire: Comment se fait-il que c'est un
comité d'école qui met en place un comité éducatif
au niveau de son école? Parce que ce sont les parents qui sont
présents dans une école. Ce sont souvent les parents qui sont les
initiateurs de ces projets. En ce moment, on a les bâtons dans les roues
un peu partout. On se tourne d'un côté, c'est le technique, de
l'autre côté, c'est le financier et, d'un autre côté,
c'est la convention. Il y a un paquet d'affaires qui nous mettent des
bâtons dans les roues et qui nous empêchent d'aller de l'avant.
Ce que nous disons dans notre mémoire, c'est qu'il nous semble
bien, au premier abord, que ce que le projet de loi nous propose nous donne
assez de latitude pour aller de l'avant, en tout cas, faire des pas en avant
dans le sens de prendre vraiment en main ce projet éducatif et de le
mettre en place.
La mise en garde qu'on y faisait, c'est que, quand on a
étudié - je vais être très franche avec vous, je
vais vous dire comment ces histoires-là sont sorties - le livre blanc
à sa sortie, on s'est dit: Oh, qu'on a de belles affaires! Oh, que c'est
intéressant! II était écrit partout: II y aura un
règlement sur ceci, il y aura un règlement sur cela. Quand on dit
quelque part: II ne faudrait pas submerger l'école d'obligations
légales et administratives, c'est qu'on ne voudrait pas qu'il y ait des
parenthèses, dans tous les pouvoirs qui nous sont donnés, qui
fassent référence à des choses que, finalement, on ne peut
pas faire ou à 50 000 000 d'affaires qu'il faut faire avant de faire
cette chose-là qu'on peut faire. C'est aussi simple que ça. Les
obligations légales ou administratives, c'est ce que ça veut
dire: envoyer 50 papiers pour, finalement, n'avoir qu'un papier. Il me semble
que ce serait plus simple d'en envoyer deux et d'avoir ce qu'on veut. C'est
ça.
M. Brouillet: C'est très bien. En fait, pas une surcharge
inutile. Ce que vous voulez vraiment, c'est l'essentiel, mais pas plus pour
assurer vraiment un projet éducatif efficace et fécond. Vous
voulez avoir tous les moyens de le réaliser, mais sans mettre de
surcharge inutile.
Mme Bonnelli-Bérubé: J'ajoute quelque chose et je
passe la parole à Jean-Paul. Oui, c'est ça qu'on veut,
l'essentiel. Je rajoute que nous voulons le faire en concertation avec les
autres agents de l'éducation. J'ai écouté à la
télévision - parce que j'ai le câble - quelques personnes
qui sont venues présenter des mémoires, qui ont dit que les
parents étaient incompétents pour faire ce genre de travail. Je
trouve malheureux que des gens aient dit ça. Je pense que les parents -
en tout cas, il y en a - sont tout aussi compétents que d'autres agents
de l'éducation pour travailler à la mise en place de projets
éducatifs intéressants dans nos écoles, pour arriver
à prendre des décisions qui vont donner à nos enfants des
services de qualité. Des incompétents, il y en aura partout.
Alors, qu'on ne vienne pas me dire qu'entre autres chez les parents il y en a
plus qu'ailleurs.
M. Brouillet: Est-ce que vous voulez ajouter quelque chose?
M. Nadreau: Je voulais intervenir sur les limites administratives
dont on parlait, très rapidement, pour dire qu'il est très facile
au législateur de dire que tel pouvoir est conféré
à quelqu'un dans les limites de... Cela va très vite, on se
retrouve toujours avec la borne à droite et la borne à gauche et
les deux bornes se rétrécissent tellement qu'on n'a plus de
latitude. Quand on dit qu'il peut y avoir des retombées sur le projet
éducatif, c'est dans ce sens-là. On veut bien du pouvoir, on veut
bien l'exercer, mais qu'on n'ait pas les mains liées pour l'exercer. En
gros, c'est ça, je n'en dirai pas plus.
M. Brouillet: Je suis très heureux aussi de la
dernière réflexion que fait madame concernant votre grand souci
d'une collaboration avec tous les agents de l'école. Vous êtes
conscients, je pense bien, à partir de votre expérience et de
celle de tous les parents aussi, que cette oeuvre se fait en collaboration
entre tous les agents. C'est tellement naturel que c'est ce qui nous garantit
et nous rassure quant à la suite du projet de loi. Il faut avoir des
enfants aux écoles, il faut avoir enseigné soi-même pour
constater que le professeur ressent dans sa classe la nécessité
d'une collaboration des parents. C'est viscéral chez le professeur, et,
vice versa, je crois que, pour les parents, c'est la même chose. C'est
naturel et ça va de soi que les parents sentent qu'ils ne peuvent rien
faire s'il n'y a pas, non plus, l'apport précieux des éducateurs
dans l'école et des enseignants en regard de l'éducation des
enfants.
C'est tellement complémentaire, la contribution des deux. Pour
qu'il y ait du succès dans l'éducation, dans la classe, dans
l'école avec les enseignants, il faut que cette oeuvre
d'éducation se fasse à la maison. Sans ça, il n'y aura pas
de succès. Et, vice versa, c'est la même chose: le travail
d'éducation à la maison, si on veut qu'il ait du succès,
il faut qu'il ait un prolongement dans tout le vécu de l'école.
C'est tellement complémentaire que c'est sur
cela que je fonde ma confiance dans la possibilité d'un
fonctionnement harmonieux: la concertation, la complémentarité du
rôle et des fonctions de tous les agents de l'éducation au sein de
l'école. Je vous remercie.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Chauveau.
Mme la députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Comme il est très tard, je prendrai
seulement quelques minutes. J'aimerais vous remercier de votre mémoire
et je le trouve très intéressant. Il y a quelques points qui
n'ont pas été soulevés par d'autres groupes. À la
page 10, par exemple, vous parlez de la disposition dans le projet de loi qui
prévoit que la CECQ et les deux autres commissions scolaires
préconstitutionnelles à Montréal seront réduites
aux territoires qui existaient en 1867. Est-ce que vous avez examiné ce
que cela veut dire en réalité? Je ne connais pas le territoire de
cette époque pour Québec, mais à Montréal le
territoire était très petit; donc, il reste très peu
d'écoles dans ce territoire. Le projet de loi va éliminer ces
commissions scolaires sauf pour un tout petit territoire. Quelle est la
portée de cette recommandation pour le Québec?
M. Lafrance: À Montréal, cela veut dire
entre...
Mme Dougherty: Pour ici, à Québec même.
M. Lafrance: Pour Québec, cela veut dire environ 1000
élèves pour cette petite commission scolaire qui resteraient.
C'est très petit et effectivement on fonctionne avec les gens du
centre-ville. On aimerait garder avec nous la population du centre-ville. Mais
on se rend compte que l'article 93 fait des obstacles à la
décon-fessionnalisation complète au niveau de la commission
scolaire. On espère que cet obstacle va disparaître le plus
rapidement possible. Malgré le fait qu'il reste 1000
élèves, c'est tout de même plus que dans de nombreuses
commissions scolaires, peut-être une dizaine, qui vont rester pas plus
grosses que cela dans l'ensemble du Québec, sûrement pas sur
l'île de Montréal où la population scolaire atteint
jusqu'à 35 000 élèves à Pointe-aux-Trembles.
Mme Dougherty: Je doute que ce soit une recommandation
réaliste. Les raisons pour lesquelles le gouvernement a proposé
ces territoires sont claires, mais pour maintenir une qualité de
l'éducation adéquate, ce n'est pas réaliste.
Deuxièmement, vous avez fait des commentaires dans votre annexe,
à votre troisième recommandation, c'est mentionné dans le
texte de votre mémoire aussi. Vous avez suggéré quelque
chose d'intéressant. Ce n'est pas la première fois que j'entends
une suggestion comme cela. Vous avez recommandé que l'actuel
comité protestant du Conseil supérieur de l'éducation soit
élargi pour devenir le comité multicon-fessionnel du conseil
supérieur. C'est intéressant qu'une recommandation comme cela
vienne de parents d'une commission scolaire catholique. Je suis curieuse de
savoir si vous avez reçu des représentations à cet
égard. Votre territoire n'est pas très
hétérogène, même en ce qui concerne les protestants,
n'est-ce pas? D'où vient cette recommandation?
Mme Bonnelli-Bérubé: C'est une question d'ouverture
d'esprit.
Mme Dougherty: Une question de?
Mme Bonnelli-Bérubé: C'est une question d'ouverture
aux autres.
Mme Dougherty: Très bien, j'apprécie n'importe
quelle recommandation qui nous démontre une ouverture d'esprit. (20 h
15)
M. Lafrance: C'est une question d'ouverture d'esprit, mais c'est
également une question d'ouverture au pluralisme parce qu'on est une
commission scolaire située dans un centre-ville et, la population
devient de plus en plus pluraliste même si ce n'est pas majoritaire. La
majorité est encore catholique comme autrefois, sauf qu'on a
d'importantes minorités, par exemple, tous les arrivants du Sud-Est
asiatique qui s'intègrent dans notre commission scolaire. Je crois qu'il
est temps que le Québec s'ouvre à ces différentes
minorités. Le Québec, de par sa tradition, comme on le soulignait
dans le mémoire, a toujours été très ouvert face
à la minorité protestante. Or, maintenant, la minorité
protestante n'est pas plus nombreuse ou est à peu près aussi
nombreuse que l'ensemble des autres minorités. C'est un peu un non-sens
aujourd'hui - ce ne l'était pas dans le passé - que la
minorité protestante ait un comité spécial que n'ont pas
les autres minorités. Ce serait juste et ce serait s'adapter au
Québec moderne. Dans le passé, cela se justifiait, mais plus
maintenant.
Mme Dougherty: Très bien. Dernière question.
À la page 6, sur la confessionnalité, vous avez dit au premier
paragraphe: "Nous accueillons favorablement l'ensemble des articles 17, 18, 25,
30, 31 et 32 traitant des droits de religion et de conscience à
l'école." Dans votre annexe, il semble que votre opinion a
évolué un peu. L'annexe est très récente, n'est-ce
pas?
M. Lafrance: Non, l'annexe est plus vieille.
Mme Dougherty: D'accord, elle est antérieure.
M. Lafrance: Si vous voyez, l'annexe est du 19 janvier 1983. La
page 6 est un peu une synthèse. On n'a pas voulu reprendre tous les
points qui avaient été étudiés dans les annexes
d'une façon plus systématique. Le comité de parents a
étudié toute la question de la confessionnalité d'une
façon poussée et systématique pour faire un consensus
à travers les opinions qui, de prime abord, étaient
peut-être divergentes. On fait consensus sur l'annexe qui vous est
présentée. La page 6 est un peu une synthèse très
brève de cela, avec une remarque particulière que j'ai
soulignée tantôt à M. le ministre.
Mme Dougherty: C'est particulièrement un choix quand vous
parlez du statut confessionnel. Vous avez posé une question très
intéressante, je crois, à la page 7, deuxième paragraphe:
"Dans ce contexte, qu'est-ce que le statut juridique viendra ajouter de plus?
Serait-ce une protection contre la tiédeur religieuse d'une
majorité de parents?" Est-ce que vous avez changé d'avis, puisque
dans votre mémoire vous appuyez l'idée que les parents pourraient
choisir un statut confessionnel reconnu officiellement?
M. Lafrance: Dans notre mémoire comme tel, on ne parle pas
de l'article 33, si vous l'avez remarqué. Le statut confessionnel est
traité dans le projet de loi à l'article 33. Même dans
l'annexe, on n'a pas complètement rejeté le statut confessionnel.
On veut que ce soit pour une brève période, c'est-à-dire
une question de deux ou trois ans, si vous voyez nos recommandations.
Mme Bonnelli-Bérubé: Si vous regardez à la
page 7, un peu plus bas, on disait que, malgré les opinions qu'on
formulait, on ne pouvait pas ignorer les préférences de la
population, finalement. L'annexe que vous avez là est le fruit de toute
une réflexion qu'on a eue. C'étaient les questions qu'on se
posait en se demandant si effectivement un statut juridique vient ajouter
quelque chose à cela. On a dit: II y a encore une forte majorité
de la population qui tient à ce qu'il y ait un statut confessionnel. Il
y a d'autres gens, par contre, qui sont mobilisés dans certains
quartiers, qui tiennent à avoir un statut non confessionnel. C'est dans
ce sens-là qu'on accepte, finalement, le fait que, pour certaines
écoles, les parents puissent effectivement demander un statut
particulier s'ils en désirent un. Ce n'est pas un changement
d'idée. Cela va toujours dans la ligne de notre ouverture.
M. Lafrance: C'est un compromis un peu aussi face à des
opinions divergentes au sein de notre comité de parents, sauf qu'on y a
mis une réserve: qu'il soit de courte durée, parce que la
population change et évolue assez rapidement. Il y a dix ans, personne
n'était exempté dans nos écoles, alors que, dans certaines
écoles, on est sur le point de dépasser le cap du 50%. La
situation évoluant, on ne veut pas d'un statut juridique confessionnel
permanent. Même si on s'est fait dire dans nos assemblées
générales par certains de nos membres: C'est quoi, cette
bibite-là, même si, pour certaines personnes, cela ne veut rien
dire et n'ajoute rien, on veut que ce statut juridique soit de courte
durée, qu'il puisse être renouvelé au bout de deux ou trois
ans et non pas rivé dans le ciment durant cinq ans ou plus.
Mme Dougherty: Merci pour cette clarification.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la
députée de Jacques-Cartier. Au nom de tous les membres de la
commission, je remercie les responsables du Comité de parents de la
Commission des écoles catholiques de Québec. Ce fut, de toute
évidence, une semaine bien remplie puisque nous avons
siégé pendant au-delà de 35 heures en quatre jours. Un
temps d'arrêt sera donc, je crois, pour nous tous, salutaire et,
probablement aussi, pour ceux et celles qui suivent nos travaux
assidûment. Ainsi, la commission élue permanente de
l'éducation ajourne ses travaux jusqu'au mardi 7 février 1984, 10
heures.
(Fin de la séance à 20 h 22)