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(Dix heures huit minutes)
Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous
plaîtl Mesdames, messieurs, la commission élue permanente de
l'éducation reprend ses travaux. J'invite donc les membres de la
commission à bien vouloir gagner leur siège. Avant de commencer
nos travaux proprement dits, permettez-moi, au nom très certainement de
tous les membres de la commission - je crois que, dans les circonstances, on
pourrait élargir le cercle -et au nom de tous les parlementaires de
souhaiter à M. le député d'Argenteuil un heureux
anniversaire de naissance et un avenir plein de santé et de bons
moments.
Sur ce, je vous rappelle le mandat de la commission, qui est d'entendre
toute personne ou tout groupe qui désire intervenir sur le projet de loi
40, Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public.
Les membres de cette commission sont: M. Brouillet (Chauveau), M.
Champagne (Mille-Îles), M. Cusano (Viau), Mme Juneau (Johnson), Mme
Dougherty (Jacques-Cartier), M. Hains (Saint-Henri), M. Laurin (Bourget), M.
Leduc (Fabre), M. Paré (Shefford), M. Payne (Vachon) et M. Ryan
(Argenteuil).
Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Charbonneau
(Verchères), M. Maltais (Saguenay), M. Doyon (Louis-Hébert), M.
Gauthier (Roberval), Mme Harel (Maisonneuve), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M.
Rochefort (Gouin) et M. Sirros (Laurier).
Aujourd'hui, nous entendrons successivement les groupes suivants:
d'abord, ce matin, le Comité d'école de l'école
Notre-Dame-des-Neiges et l'Association des parents catholiques du
Québec, chacun de ces groupes disposant d'une période d'une heure
et trente minutes, selon l'entente qui a été conclue entre les
partis; à compter de quinze heures cet après-midi, le Mouvement
laïque québécois, qui sera suivi du Mouvement scolaire
confessionnel, chacun de ces groupes disposant également d'une heure et
trente minutes; à compter de 19 h 30, le comité de l'école
FACE, qui disposera d'une heure, et la Commission scolaire régionale de
Chambly, qui disposera, pour sa part de deux heures.
Sans plus tarder, puisque la représentante et le
représentant du Comité d'école de l'école
Notre-Dame-des-Neiges sont déjà installés à la
table de nos invités, je les invite à s'identifier et, ensuite,
à nous livrer en une vingtaine de minutes le contenu de leur
mémoire.
Comité d'école de l'école
Notre-Dame-des-Neiges
Mme Plante-Proulx (Lucie): Je suis Lucie Plante-Proulx,
présidente du comité d'école de Notre-Dame-des-Neiges; M.
René Laterrière, parent à l'école
Notre-Dame-des-Neiges, m'accompagne.
M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les
députés, j'aimerais, d'abord, faire une courte
présentation de la situation de Notre-Dame-des-Neiges.
Notre-Dame-des-Neiges est une école primaire du quartier
Côte-des-Neiges, à Montréal. Elle relève de la CECM.
Elle comptait, au 30 septembre cette année, 380 élèves.
Elle est à la frontière linguistique de l'île de
Montréal, à l'est du Chemin-de-la-Côte-des-Neiges,
où l'on parle français, et à l'ouest, où l'on parle
anglais. Elle est l'école d'un quartier qui est à 43% francophone
et à 44% anglophone. Elle compte 38 communautés culturelles
différentes. 63% des parents sont de langue française; 19% de
langue autre, qui se distribuent à l'intérieur des
communautés espagnole, anglaise, grecque, portugaise, italienne,
polonaise et des divers autres groupes de l'école. Au plan religieux,
c'est l'école d'un quartier où il y a 50% de la population qui
est catholique, 28% juive, 13% protestante, 3% orthodoxe et 6% sans
religion.
L'école Notre-Dame-des-Neiges a été la
première école au Québec à demander au
comité catholique la révocation de son statut confessionnel. Elle
a été la première école où, après un
long cheminement, la communauté scolaire a voulu rendre le statut de
l'école conforme à ses valeurs. Elle a été aussi la
première école à essuyer le refus catégorique de sa
commission scolaire d'administrer une école autre que catholique et,
enfin, la première à subir un procès en Cour
supérieure touchant son statut confessionnel. À ce titre, elle
est hautement concernée par le débat actuel sur la
confessionnalité des structures scolaires. Du reste, le livre blanc,
L'école communautaire et responsable, au chapitre Une réforme
scolaire inachevée, lui fait l'honneur de la mentionner
spécifiquement. L'expérience récente de sa
"déconfessionnalisation" a servi de toile de fond à la
réflexion du comité d'école sur les
réaménagements de la confessionnalité que propose le
projet de loi
40.
Ce mémoire porte exclusivement sur la confessionnalité
scolaire. Ce n'est pas que les autres points du projet de loi ne nous
concernent pas, au contraire. Cependant, bien d'autres intervenants se
chargeront de conseiller le gouvernement là-dessus. Nous nous en
tiendrons donc à la question qui, finalement, a fait notre
réputation dans l'opinion publique.
La commission scolaire. Au Québec, depuis 1970 - les lois 67 et
71 - toutes les écoles publiques sont gérées par des
commissions scolaires pour catholiques, pour protestants. L'étendue de
la juridiction de ces dernières, pour ce qui est des écoles non
confessionnelles, n'avait pas fait l'objet d'interprétation juridique
jusqu'au jugement Deschênes dans l'affaire Notre-Dame-des-Neiges; on a
aussi connu plus récemment un jugement dans l'affaire de l'école
Nouvelle Querbes, à Outremont. La question en cause était la
suivante: une commission scolaire pour catholiques pouvait-elle administrer ces
écoles autres que la loi semblait, d'autre part, permettre?
Notre école, en remettant en cause son statut confessionnel, a
obligé la CECM à prendre position. Cette dernière a
opté pour la voie étroite et a répondu non. Elle a
prétendu ne pouvoir administrer que des écoles catholiques et a
invoqué à cet égard la constitution canadienne. D'autres
prétendent, au nom du même motif, qu'en dehors de Montréal
les commissions scolaires, dans la mesure où elles sont
déclarées pour catholiques, se trouvent dans la même
situation que la CECM. Conséquemment, la création d'écoles
non confessionnelles à l'intérieur d'un régime de
commissions scolaires confessionnelles demeure aléatoire et c'est la
volonté des parents d'un milieu donné qui peut s'en trouver
contrariée.
Or, les parents de Notre-Dame-des-Neiges ne sont plus les seuls à
signifier qu'ils ne veulent pas de statut confesionnel pour leur école.
Le sondage de novembre 1982 mené par le comité central des
parents de la CECM auprès de 10 000 parents indiquait que 28% seulement
des parents désiraient le statut confessionnel pour l'école de
leur enfant. D'autres sondages récents présentent des
résultats semblables.
Qu'il s'agisse donc des assises juridiques de l'école
confessionnelle ou de la volonté exprimée par les parents, on se
trouvait dans un cul-de-sac et le législateur devait intervenir.
Pour l'heure, un vaste consensus jamais observé jusqu'ici permet
de croire que le régime de commissions scolaires dites linguistiques
demeure la solution la plus appropriée. Toutefois, nous croyons
important, pour bien manifester le caractère essentiellement
français de la société québécoise et pour
respecter, du reste, la
Charte de la langue française, d'abandonner la terminologie de
commissions scolaires linguistiques. On n'a pas besoin de dire que les
commissions scolaires doivent être françaises: les commissions
scolaires sont communes et dispensent l'enseignement en français. De
même, elles sont ouvertes à tous les enfants, quelle que soit leur
langue d'origine, conformément à l'esprit de l'article 6 de la
Charte de la langue française. Par contre, on accepte pleinement que les
personnes intéressées à l'éducation des enfants
admissibles à l'enseignement en anglais gèrent leurs commissions
scolaires. Par conséquent, si nous sommes d'accord avec l'objectif
visé par l'article 133 du projet de loi 40, nous demandons
néanmoins qu'il soit récrit pour qu'il soit en concordance avec
l'esprit de la Charte de la langue française.
Voici nos recommandations: considérant que le régime de
commissions scolaires confessionnelles rend non pas en droit, mais à
toutes fins utiles aléatoire, sinon impossible, la création
d'écoles non confessionnelles; considérant que la CECM a
déjà signifié qu'elle ne veut ni ne peut administrer que
des écoles catholiques; considérant les contraintes
constitutionnelles de l'article 93 de la constitution canadienne;
considérant le consensus observé aussi bien chez les francophones
que les anglophones pour la création de commissions scolaires
linguistiques, nous appuyons le projet de loi qui remplace le régime des
commissions scolaires pour catholiques ou pour protestants par un régime
de commissions scolaires françaises ou anglaises.
Nous recommandons, néanmoins, de modifier l'article 133 du projet
de loi pour le rendre conforme à l'esprit de la Charte de la langue
française et, par concordance, les articles 257, 338 et 540. Nous
appuyons tout effort ultérieur du gouvernement québécois
pour supprimer l'anachronisme constitutionnel faisant subsister des commissions
scolaires confessionnelles.
L'école. L'expérience de l'école
Notre-Dame-des-Neiges a été essentiellement vue dans l'opinion
publique sous l'angle de la déconfessionnalisation. En
réalité, le processus vécu à l'école visait
à élaborer un projet d'école dont la
déconfessionnalisation n'a été qu'une étape. Ce
projet, nous l'avions nommé "école pluraliste" pour marquer notre
accueil positif à la diversité aussi bien culturelle, ethnique
que religieuse. Nous avions pris une option claire en faveur de
l'égalité tant à propos des options religieuses des
enfants et des parents que de leur liberté de conscience.
Concrètement, cela s'est traduit par la mise en place d'un régime
d'option entre l'enseignement religieux et la formation morale, avec maintien
de l'animation pastorale pour ceux qui le désiraient. Dans les faits,
quelque 55%
des enfants sont en catéchèse et 45% en formation morale.
Chaque année, nous avons pris les dispositions pour organiser les
regroupements d'enfants à la satisfaction de tous, parents, enfants et
enseignants. L'expérience prouve que cela est possible, même si
des difficultés d'organisation sont souvent réelles. Le
comité d'école s'est toujours trouvé le lieu naturel pour
gérer les difficultés de tous ordres que suppose la
volonté de vivre un pluralisme conçu non pas comme un moindre
mal, mais comme une authentique valeur sociale.
Tous les milieux scolaires ne sont, évidemment, pas semblables au
nôtre, mais tous les milieux sont capables, nous en sommes convaincus, de
vivre et d'aménager le pluralisme religieux.
Pour rendre le projet éducatif conforme aux voeux de la
communauté scolaire, il a fallu, c'est devenu clair à un moment
donné, demander la révocation du statut confessionnel de
l'école. L'opération serait délicate, nous le savions,
mais nous ignorions jusqu'où elle nous entraînerait: l'affaire est
en Cour d'appel et se rendra possiblement jusqu'en Cour suprême. Mais la
révocation du statut confessionnel était pour nous fondamentale:
notre communauté scolaire ne pouvait s'accommoder d'un statut
catholique, car ce dernier n'était plus l'expression d'un choix
collectif. Avant même que nous demandions la révocation, notre
école ne vivait déjà plus selon un projet éducatif
chrétien nécessairement englobant. Ainsi, par respect pour la
très importante minorité d'exemptés, la
préoccupation apostolique était confinée aux cours de
catéchèse. La révocation de notre statut catholique
s'imposait donc, pour nous, par simple recherche de cohérence, mais
aussi pour bien marquer notre accueil et notre ouverture; nous ne voulions pas
qu'une partie de notre population scolaire se sente exclue par ce statut
catholique, artificiel, mais tout de même lourdement symbolique: la
procédure d'exemption était en elle-même perçue
comme marginalisante.
Personne, à moins de l'avoir vécu de l'intérieur,
ne peut s'imaginer la somme incroyable d'énergie physique et
psychologique qu'ont dû fournir les membres du comité
d'école tout au long de ce processus. Ce fardeau, il importe de le dire,
n'a pas d'abord été "généré" par le
contentieux juridique qui s'est développé une fois la demande de
révocation acheminée à la CECM. Ce fardeau a, d'abord,
été créé par le processus même de
consultation qu'exigeait une telle démarche. Il a fallu, d'abord,
transmettre des informations complexes et extrêmement délicates,
s'entendre sur la pertinence de cette information. Il a fallu
interpréter les réactions à ces informations, bref se
livrer à un constant processus d'animation qui a mobilisé les
énergies durant presque un an. Tout cela n'a pas empêché
les adversaires de ce projet, jusqu'à l'archevêque de
Montréal, de contester la validité de ces informations, de
même que celle de notre consultation.
Il faut savoir que, malgré tout, il y avait au sein même de
l'école un concensus très fort en faveur du projet d'école
pluraliste. Les difficultés sont venues d'une minorité de parents
de l'école qui se sont sentis lésés et que des groupes
d'intérêt extérieurs à l'école ont bruyamment
et lourdement appuyés pour mener la guerre que l'on sait.
En somme, malgré des conditions a priori favorables, nous n'avons
pu éviter que l'application du règlement du comité
catholique ne dégénère en un conflit social dont on
retrouve les effets dans le projet de loi débattu aujourd'hui.
Pour une école ouverte et démocratique. À la
lumière de cette expérience, examinons les dispositions du projet
de loi quant à la confessionnalité au niveau de l'école.
Le projet de loi 40 confère aux catholiques la garantie de recevoir
l'enseignement religieux et les services d'animation à
l'école.
L'élève a le droit de choisir entre l'enseignement
religieux catholique ou protestant et l'enseignement moral. "L'école
offre le choix entre l'enseignement religieux, catholique ou protestant, et
l'enseignement moral. "L'école offre à l'élève
inscrit comme catholique un programme de services complémentaires
personnels ou collectifs en animation pastorale conformément au
règlement du comité catholique."
De prime abord, cet aménagement paraît convenable et tenir
compte de la réalité sociologique et de la tradition du
Québec. Nous sommes d'accord aussi, comme le stipule l'article 103, que
l'on permette l'enseignement religieux d'autres groupes au nom du pluralisme
dont nous nous réclamons. On pourrait, cependant, se demander, au nom du
principe de l'égalité, s'il est opportun que l'on consacre le
privilège des seuls catholiques et protestants à un enseignement
religieux et à une animation pastorale financés à
même les fonds publics.
Bien qu'elle dispense l'enseignement religieux et l'animation pastorale
aux yeux du législateur, l'école n'en demeure pas moins publique
et commune: c'est ce qu'affirme l'article 30. Elle est plus que commune, elle
est communautaire, car elle peut intégrer dans son projet
éducatif les valeurs de la communauté à laquelle elle
dispense des services (article 30). L'article 31 va plus loin en permettant
à l'école d'intégrer dans son projet éducatif les
croyances et les valeurs d'une croyance particulière.
La présence de l'article 31 ne nous
apparaît pas souhaitable parce qu'il est dans une large mesure
redondant par rapport à l'article 30. Les valeurs du milieu peuvent bien
être des valeurs religieuses. Il est donc inutile de le redire, le
législateur ne parlant pas pour ne rien dire. D'autre part, du point de
vue juridique, il est extrêmement difficile de définir ce que
constitue une valeur religieuse. Mieux vaut laisser les Églises se
charger de cette question que les tribunaux. Il en va de même a fortiori
pour les croyances religieuses. À cet égard, le procès de
l'affaire Notre-Dame-des-Neiges a montré dans quel imbroglio les
tribunaux peuvent se trouver empêtrés, car, quand on y regarde de
près, les requérants étaient trois catholiques et
l'intimé, le comité catholique lui-même, qui
représente de par la loi l'autorité ecclésiastique: bref,
des catholiques faisaient la guerre à d'autres catholiques à
propos de conceptions idéologiques. Par ailleurs, rien ne permet de
croire que la définition des valeurs qu'un tribunal serait ultimement
appelé à donner dans un contentieux correspondrait à celle
de l'une ou l'autre des parties en cause.
L'article 32, par ailleurs, stipule: "Après consultation des
parents, l'école peut demander au comité catholique ou au
comité protestant institués par la Loi sur le Conseil
supérieur de l'éducation une reconnaissance comme école
catholique ou comme école protestante."
Pour le comité catholique, l'école catholique se
définit comme "une institution d'enseignement qui accepte ouvertement la
dimension religieuse comme partie intégrante de son projet
éducatif et la conception chrétienne de l'homme et de la vie
comme principe d'inspiration et comme norme de son action
éducative."
Ce système soulève plusieurs objections de fond. Au plan
des principes, l'article 32 contredit l'article 30; l'article 32 ferait de
l'école une institution propre à une confession
particulière, alors que l'article 30 en fait une école publique
et commune: c'est une contradiction dans les termes. Que l'école
catholique soit accueillante ne lèvera pas cette contradiction au plan
des principes.
Les parents qui n'acceptent pas la conception de l'école
catholique ne seraient pas pleinement participants à la vie de
l'école, un peu comme les immigrants non citoyens canadiens ne sont pas
pleinement participants à la vie de leur pays. Ils seraient en quelque
sorte des dissidents permanents dans une école qui se dit en même
temps commune et publique.
Au plan pratique, le processus de reconnaissance oblige à mener
un débat collectif et politique sur des questions religieuses qui,
finalement, concernent les personnes prises individuellement. On soumet
à des majorités ce droit inaliénable qu'est la
liberté de conscience. À ce propos, l'exprérience
vécue à Notre-Dame-des-Neiges est concluante. Dans ce cas-ci, la
minorité des parents lésés était catholique et l'on
sait jusqu'où certains d'entre eux sont allés pour faire
respecter les droits qu'ils considéraient comme inaliénables.
L'article 611 stipule, certes, que le statut confessionnel sera
abrogé après trois ans à moins qu'on ne le redemande. Mais
cette disposition constitue précisément un stimulus à
engager toutes les batailles religieuses au cours de ces trois ans.
L'article 32 confie, par ailleurs, au conseil d'école et non
à l'ensemble des parents, qui sont certes consultés, la
responsabilité ultime de prendre la décision de demander la
reconnaissance du statut confessionnel.
C'est là notre lecture. On imagine les tiraillements de ce
conseil et les pressions dont il sera la cible chaque fois que les
résultats de cette consultation seront difficiles à
interpréter: faible majorité, faible participation, cabale,
campagne référendaire. Nous savons, à
Notre-Dame-des-Neiges, ce que cela veut dire. Nous l'avons vécu dans nos
tripes. La question confessionnelle risque, d'ailleurs, d'être tous les
deux ans l'enjeu des élections au conseil d'école, comme cela se
voit depuis des années à la CECM, au détriment, d'autres
questions importantes comme le projet éducatif.
Nos objections remettent en cause les consensus entre le gouvernement et
l'Assemblée des évêques du Québec, que
reflète l'article 32. Certes, l'Assemblée des
évêques du Québec constitue un corps important, mais il
n'est pas si important qu'il oblige le législateur à renoncer
à sa responsabilité fondamentale qui est de gouverner en fonction
du bien commun de l'ensemble des Québécois.
Recommandations.
Donc, attendu la contradiction entre les articles 31 et 32 et l'article
30; attendu les graves difficultés d'application qu'engendreront les
articles 31 et 32, nous recommandons la suppression des articles 31, 32 et 309.
Nous recommandons, en outre, que le législateur amende la Loi sur le
Conseil supérieur de l'éducation, en sorte que les comités
confessionnels n'aient plus pour mandat de reconnaître les écoles
comme catholiques ou comme protestantes selon le cas. Nous recommandons, enfin,
la modification de l'article 611 pour qu'il se lise comme suit: "Toute
école perd sa reconnaissance confessionnelle le 1er juillet 1985."
Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Plante-Proulx. M. le
ministre.
M. Laurin: Je veux, d'abord, remercier le Comité
d'école de l'école Notre-Dame-
des-Neiges pour la qualité de son mémoire. Il est
évident qu'il était extrêmement intéressant pour les
membres de la commission d'entendre non seulement un récit des
expériences qu'a vécues le Comité d'école de
l'école Notre-Dame-des-Neiges, mais également les
réflexions que cette expérience importante, mais pénible
pouvait susciter sur le plan de l'intérêt collectif. (10 h 30)
Je pense que le mémoire répond bien à cette
anticipation que nous pouvions avoir. Je pense aussi que l'expérience du
Comité d'école de l'école Notre-Dame-des-Neiges et
l'action qu'il a prise ont réussi à mettre en lumière les
nouvelles réalités, elles-mêmes reflet de
l'évolution qu'a vécue notre société
québécoise sur les plans sociologique, linguistique et
idéologique, réalité et évolution qui postulent
d'une façon évidente un nouvel aménagement des structures
scolaires de même qu'un nouvel aménagement de la
confessionnalité au sein des écoles.
Je sais que l'action qui a été prise par le comité
a fait l'objet d'une contestation judiciaire qui a connu un premier
résultat et qui pourrait en connaître d'autres. Je vais donc
sûrement m'abstenir de commenter cet aspect. Je pense que ces
réalités sociologiques et la discussion des principes et des
idéologies qu'elles appellent constituent quand même un des sujets
d'actualité dans lesquels nous pouvons puiser pour éclairer les
aménagements qu'il importe maintenant d'effectuer.
Il reste que l'action qu'a prise le comité d'école de
Notre-Dame-des-Neiges se situe dans une perspective historique
particulière. Elle se réfère au statut confessionnel tel
que nous l'avons connu jusqu'ici, à un statut confessionnel tel que
défini par le système actuel et par les comités
confessionnels qui devaient en prendre acte.
Cette définition et cette reconnaissance du statut, telles
qu'elles existent à l'heure actuelle, comportent des
éléments très clairs qui, par exemple, se
réfèrent à l'enseignement de la religion comme tel,
à l'option ou à l'exemption possible de l'enseignement religieux,
au service de pastorale et elles se réfèrent aussi à des
pratiques qui ont existé, mais qui existent d'une façon
très variable selon les milieux. Je pense à la
sacramentalisation. Il est bien évident cependant que, dans le nouvel
aménagement que prévoit le projet de loi, le statut confessionnel
ne recouvrira plus les mêmes éléments puisque
apparaîtront maintenant dans la loi elle-même un bon nombre des
aménagments, des caractères et des critères qui faisaient
jusqu'ici partie du statut confessionnel.
D'ailleurs, on dit dans la loi qu'il appartiendra au comité
confessionnel de définir les nouveaux critères de reconnaissance
d'une école confessionnelle. Il est bien sûr que le comité
catholique devra tenir compte de ce changement important qu'apporte la loi, du
fait que se retrouve maintenant dans la loi ce qui était auparavant dans
des règlements.
Voici ma première question: Est-ce que les remarques que vous
faites pourraient s'appliquer avec la même force ou la même vigueur
par rapport à ces changements et par rapport à ces nouveaux
critères de reconnaissance qu'auront à établir les
comités confessionnels?
J'ai une deuxième question. Évidemment, il est tout
à fait normal que vos réflexions et vos recommandations soient
colorées par l'expérience que vous avez vécue dans votre
école particulière. Au Québec, il y a beaucoup d'autres
situations auxquelles on peut également se référer. Il
faut que le législateur y pense d'une façon sérieuse quand
il décide d'un nouvel aménagement de la confessionnalité.
Par exemple, dans plusieurs coins du Québec, il ne fait aucun doute que
la très grande majorité des parents sont non seulement de foi
catholique, mais entendent bien conserver ce qu'on pourrait appeler leur projet
éducatif, une orientation qui reflète les valeurs religieuses
auxquelles ils croient. Si cette école demeure quand même ouverte
à tous, donc commune et publique, pourriez-vous préciser en quoi
une reconnaissance confessionnelle modifiée selon les nouveaux
critères qu'aura à établir le comité catholique, en
l'occurrence, pourrait comporter de la discrimination?
Le Président (M. Blouin): Mme Plante-Proulx.
Mme Plante-Proulx: Le projet de loi 40 consacre le principe de
l'école commune et publique à l'intérieur de commissions
scolaires linguistiques, avec des garanties de services d'enseignement et de
pastorale et la possibilité d'une reconnaissance d'un statut
confessionnel de l'école selon la volonté des parents.
Évidemment, on a fait de cette loi un consensus politique entre
l'épiscopat ou l'Église et l'État. Il apparaît
évidemment démocratique que des parents puissent
éventuellement obtenir pour leurs enfants, une école qui
réponde à leurs valeurs.
Cependant, il y a un effort pour concilier deux principes
contradictoires: le caractère public de l'école et le principe
confessionnel. Pour nous déjà, au plan même de
l'égalité des citoyens, il y a là, malgré un
nouveau statut confessionnel, une nouvelle façon de considérer le
statut confessionnel, une contradiction qui est simplement de principe.
Pour répondre à la deuxième question, les
communautés qui sont plus majoritaires ou plus homogènes qu'une
communauté
comme la nôtre, évidemment, refléteront dans leur
consensus collectif face à un projet éducatif le long cheminement
qu'un projet éducatif sous-tend. Quand on fait référence
à Notre-Dame-des-Neiges, on sait qu'il y a eu au cours des années
des discussions de fond sur ce projet éducatif que la communauté
voulait alors se donner sans déchirement, parce qu'on ne fonctionnait
pas en termes de "vote" et en termes de référendum où on
aurait à la fois des majorités et des minorités. Rien
n'empêcherait qu'un projet éducatif, dans cette école
où la population est plus homogène, reflète des valeurs
d'une communauté qui pourraient être des valeurs catholiques ou
des valeurs chrétiennes.
Je pense que la position à Notre-Dame-des-Neiges est qu'on craint
qu'on apporte tellement d'importance à la question d'un statut qu'on
oublie ce long cheminement à l'intérieur d'une communauté
pour la définition de ses valeurs. On sait qu'il est très
difficile de définir ce que sont vraiment des valeurs chrétiennes
dans la communauté. Une expérience d'un parent de
Notre-Dame-des-Neiges au conseil supérieur a fait un jour s'appliquer
face à notre école une grille de valeurs qui avait
été faite par le comité catholique. Lorsque les gens du
conseil supérieur ont mis en commun leur analyse de chacun de leurs
milieux scolaires - la plupart étaient parents d'enfants dans une
école - on a constaté que l'école qui reflétait le
plus les valeurs dites catholiques était l'école
Notre-Dame-des-Neiges, qui était alors
déconfessionnalisée.
Je pense que cette définition et ces nuances concernant les
valeurs sont beaucoup plus de l'option personnelle que des définitions
idéologiques et des "en-soi". La communauté hors Montréal,
parce que, lorsqu'on parle de Montréal, je pense qu'on ne peut plus
parler d'homogénéité, je pense que aussi le projet
éducatif peut la refléter. On trouve, à ce moment-ci,
inopportun et peut-être dangereux de le mettre dans une loi.
M. Laurin: Une autre question. Dans la relation de
l'expérience que vous nous avez faite, vous avez dit à un moment
donné que, même si un consensus s'était
dégagé parmi les parents sur les questions qui faisaient l'objet
de la discussion, à la suite de longues discussions, vous aviez
rencontré des difficultés imprévues, ou du moins
partiellement imprévues, du côté de la commission scolaire.
La question peut alors se poser et elle a été posée
à quelques reprises ici, à cette commission: Est-ce que, surtout
dans l'optique du nouveau projet de loi, vous verriez une place quelconque et
un motif quelconque d'intervention à cet égard de la part des
commissions scolaires, sur le plan, par exemple, de la reconnaissance d'une
école comme étant confessionnelle?
Mme Plante-Proulx: Évidemment, dans l'aménagement
de la confessionnalité, on avait, comme comité d'école,
regardé les divers scénarios d'aménagement. Or, un des
scénarios est, à toutes fins utiles, proposé ou
présent dans le débat, ce qui fait qu'à l'intérieur
de commissions scolaires linguistiques, il pourrait y avoir une
pluralité de statuts confessionnels ou non confessionnels des
écoles déterminés à la suite de la tenue de
recensements périodiques, ce qui serait, dans le fond, la solution
apportée par le rapport Parent. À ce moment-là, la
commission scolaire pourrait intervenir pour définir, à partir de
ce référendum, une distribution ou pour prévoir cette
distribution d'écoles en fonction des options des parents.
Évidemment, cette solution tente aussi de toujours concilier les
deux mêmes principes, à savoir le caractère public et le
principe confessionnel, mais cette distribution ou ce rôle qu'on
donnerait à la commission scolaire présente aussi, à notre
avis, des difficultés politiques insurmontables.
Advenant qu'il n'y ait aucune majorité absolue pour un type
d'école, qu'arrive-t-il à ce moment-là? Quelle
école acceptera de perdre son statut pour répondre aux voeux de
la majorité? On laisserait porter à ce moment-là sur la
commission scolaire le rôle qu'on donne actuellement, au fond, au conseil
d'école. On reporte à un autre niveau le même débat
qu'un conseil d'école aurait à faire par rapport à des
majorités et par rapport à des minorités. Il nous
apparaît de la même façon qu'on réfère aux
commissions scolaires les mêmes déchirements que ceux du conseil
d'école et aussi les mêmes décisions par rapport à
un aménagement qui, évidemment, ne plaira pas aux parents. La
commission scolaire, aura probablement aussi, à l'intérieur d'un
territoire, à définir un certain nombre d'écoles et on
sait que le choix premier des parents par rapport à l'école,
c'est l'école la plus proche de chez eux. Du moins, toutes les
recherches et tous les contacts que j'ai eus avec les parents, en animation de
parents à la CECM, me laissent croire que toutes les batailles qu'il y a
eu pour conserver l'école de quartier ne sont pas des batailles purement
artificielles. Donc, à ce moment-là, on retrouverait au niveau de
la commission scolaire les mêmes difficultés d'aménagement
qu'on reverrait dans le projet de loi au niveau de l'école. On
reporterait à un autre niveau les mêmes problèmes. (10 h
45)
M. Laurin: II y a un autre point, Mme Plante-Proulx. Vous avez
dit dans votre mémoire que l'école Notre-Dame-des-Neiges vit un
projet éducatif pluraliste. Vous faites probablement allusion au fait,
quant à l'origine de ce vécu, que la clientèle de votre
école comprend un nombre important
d'immigrants d'une allégeance religieuse autre que catholique ou
protestante. Vous l'avez d'ailleurs signalé au tout début de
votre mémoire et je voudrais vous poser une autre question à cet
égard. Dans le projet de loi, à l'article 103, il est question
d'un enseignement religieux autre que catholique ou protestant dans une
école sous réserve de certaines conditions. Vous avez
sûrement dû réfléchir aussi sur cet article.
Pourriez-vous nous dire ce que le comité d'école de
Notre-Dame-des-Neiges aurait jugé ou pourrait juger possible pour
répondre aux attentes de ces immigrants, de ces
Néo-Québécois en matière d'enseignement
religieux?
Mme Plante-Proulx: D'abord, le comité d'école
voulait consacrer ce principe d'égalité. Évidemment,
lorsqu'on se réfère à la situation même de
Notre-Dame-des Neiges, à ce jour, on n'a pas de communauté
prédominante à Notre-Dame-des-Neiges. On n'a pas, comme dans
certains milieux, une communauté prédominante de Grecs
orthodoxes. Donc, à ce moment-là, pour nous, strictement pour
Notre-Dame-des-Neiges, la question ne s'est jamais posée et elle est
ouverte depuis plusieurs années à l'école, mais comme on
n'a pas de concentration de groupes religieux minoritaires suffisamment
importants et aussi intéressés à demander un tel service,
les Grecs orthodoxes, de par leurs traditions, se retrouvent pour leur
enseignement dans leur communauté paroissiale ou territoriale, mais ne
demandent pas que l'école leur offre ce service. Mais, pour nous, en
regardant la situation de Montréal, il y a de fortes concentrations.
J'ai un rapport de la CECM concernant les concentrations de minorités
ethniques et de communautés culturelles et on se rend compte qu'il y a
certaines écoles majoritairement grecques et donc le problème se
pose pour elles comme d'ailleurs pour l'animation pastorale à
l'intérieur de ces écoles. Or, on ne voulait pas que la loi soit
réductible au nom du principe de l'égalité, mais aussi au
nom d'une réalité qui existe.
M. Laurin: Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, Mme Plante-Proulx, M.
Laterrière, c'est un plaisir pour nous de pouvoir causer avec vous ce
matin, étant donné l'expérience que vous avez faite
à l'école Notre-Dame-des-Neiges et étant donné
aussi les implications très sérieuses des positions que vous
défendez dans votre mémoire. Votre mémoire porte à
peu près exclusivement sur certains articles particuliers du projet de
loi. On va les aborder de front. Si j'ai bien compris les propositions que vous
faites, vous demanderiez que soient enlevées du projet de loi les
clauses qui peuvent conduire à la reconnaissance d'un statut
confessionnel pour une école. En particulier, vous demandez qu'on laisse
tomber les articles 31 et 32. Je pense que ce n'est pas mauvais de les
rappeler, pour que tout le monde sache de quoi il s'agit. L'article 30 dit:
"L'école est publique et commune. Elle peut intégrer dans son
projet éducatif les valeurs de la communauté à laquelle
elle dispense des services." Celui-là, vous le garderiez?
Mme Plante-Proulx: Hum, hum!
M. Ryan: L'article 31 dit: "L'école peut intégrer
dans son projet éducatif les croyances et les valeurs religieuses d'une
confession particulière." Vous demandez que celui-là soit
enlevé?
Mme Plante-Proulx: Hum, hum!
M. Ryan: L'article 32: "Après consultation des parents,
l'école peut demander au comité catholique ou au comité
protestant institués par la Loi sur le Conseil supérieur de
l'éducation une reconnaissance comme école catholique ou comme
école protestante." Celui-là, vous le laissez tomber. Vous
demandez que le législateur le laisse tomber. Il y a un article plus
loin, l'article 309, qui porte sur la période de transition. C'est
encore le pouvoir de reconnaissance des écoles. Vous voudriez que cette
affaire disparaisse, c'est évidemment un corollaire de ce que vous
dites. Il y a l'article 611 également. Cet article prévoit que
toutes les écoles conservent pendant trois ans leur statut actuel,
après quoi le statut confessionnel, s'il existe, est
révoqué à moins qu'on n'en ait demandé la
reconduction. Vous demandez que cela tombe partout.
Cela résume assez les positions que vous présentez dans
votre mémoire. Vous soulignez que, dans le projet de loi, il y a un
illogisme. Vous dites: D'un côté, on demande l'école
publique et commune. De l'autre côté, on voudrait qu'elle puisse
être confessionnelle en même temps. Il vous apparaît que ce
soit incompatible, le deuxième objectif avec le premier.
Sur un plan purement logique, c'est une position qui se défend
très bien, c'est une position rationnelle. Dans une conception
d'égalité stricte, c'est une position qui a une logique
certaine.
Le problème, comme vous le savez, c'est qu'il y a très peu
de lois qui sont parfaitement logiques. Assez curieusement, les lois se font
souvent en zigzag. Bien souvent, quand nous, de l'Opposition, voulons faire
tomber un article au nom de la logique, on nous dit, du côté
gouvernemental, qu'au nom de la réalité il faut insérer
ce
détour apparent pour permettre justement que toutes les
diversités qu'on rencontre dans la réalité puissent
être respectées au maximum. Dans le cas qui nous occupe, c'est le
problème que vous soulevez. Vous êtes ici ce matin, vous
défendez votre point de vue. Il y en a d'autres qui sont venus
défendre un point de vue semblable. Vous savez comme moi qu'il y en a
beaucoup qui sont venus défendre d'autres points de vue. Je vais vous
donner un exemple en particulier.
Depuis le début des audiences de la commission, nous avons eu au
moins cinq ou six organismes représentant la communauté ou des
secteurs de la communauté anglo-catholique. Nous avons eu l'Association
des enseignants catholiques de langue anglaise. Nous avons eu avant-hier le
Conseil catholique d'expression anglaise. Nous avons eu le Comité des
parents de langue anglaise de la Commission des écoles catholiques de
Montréal. Hier, nous avons eu le Comité des parents de langue
anglaise de la commission scolaire Baldwin-Cartier. D'autres organismes sont
venus également parler dans ce sens et d'autres viendront aussi. Les
catholiques de langue anglaise, avec une unanimité assez grande,
insistent beaucoup pour garder des écoles catholiques,
c'est-à-dire des écoles où il n'y aurait pas seulement une
heure par jour ou par deux ou trois jours réservée à
l'enseignement de la religion et un service pour l'animation de certaines
activités, mais une école qui serait, suivant la conception
traditionnelle qu'évoquait le juge Deschênes dans la
décision qu'il a rendue à propos de votre école il y a une
couple d'années, une école imprégnée de l'esprit
des valeurs que véhicule le christianisme. Ces gens y tiennent beaucoup
et ils nous disent qu'ils accepteraient des commissions scolaires
organisées sur une base linguistique, mais à la condition qu'il y
ait à l'intérieur d'une nouvelle loi des aménagements
garantissant solidement qu'ils pourront avoir accès à des
écoles catholiques.
Je vous entendais évoquer l'argument de la distance tantôt,
Mme Plante-Proulx. Eux, ils sont venus nous dire ici avec beaucoup de
fermeté qu'ils ont appris à vivre avec ce facteur depuis
longtemps et que, s'ils ont un choix à faire entre une école
située à dix coins de rue de chez eux qui soit catholique et une
autre située à deux coins de rue qui ne soit pas catholique, ils
sont prêts à faire en sorte que la distance soit un facteur.
D'ailleurs, les statistiques de la Commission des écoles catholiques de
Montréal montrent que le pourcentage d'enfants au niveau primaire qui
sont véhiculés par les services de la commission scolaire est de
25% du côté anglo-catholique et seulement de 10% du
côté franco-catholique. Par conséquent, cela fait partie de
nos traditions que le transport scolaire soit organisé au niveau
primaire à Montréal; au niveau secondaire, tous les
étudiants sont obligés de s'arranger eux-mêmes; par
conséquent, il n'y a pas là de problème spécial. Il
y en a un problème, mais il n'a jamais été
réglé par voie législative ou administrative
jusqu'à maintenant. C'est pour vous montrer qu'il existe un paysage
extrêmement diversifié en matière d'opinion au sujet de ces
questions.
Du coté francophone, on va entendre d'autres groupes, même
aujourd'hui. Il y a tout un courant d'opinion qui soutient que, si on veut
avoir la présence des valeurs chrétiennes dans les écoles,
il faut un minimum de garanties juridiques. Certains diront - il y a toutes
sortes d'opinion, même à l'intérieur de la
communauté catholique là-dessus - que des garanties comme celles
qu'offrirait le projet de loi, même un peu décharné comme
vous le proposez, seraient suffisantes. Il y en a d'autres qui diront que ce
que propose le projet de loi, même en gardant ce que vous voulez enlevez,
n'est pas suffisant.
Vous avez émis, à propos des évêques, dans
votre texte, une opinion à laquelle je ne souscris point. À la
page 10, je crois, vous dites que, tout en reconnaissant l'importance de ce
corps, cela ne saurait faire oublier que le législateur doit tenir
compte du bien commun. Il y a quand même une chose que vous ne dites pas
dans votre mémoire, c'est que les évêques sont les
représentants et les porte-parole les plus autorisés de la
communauté catholique. La communauté catholique, ce ne sont pas
seulement des individus, c'est aussi une collectivité. Ceux qui sont les
chefs naturels, les chefs reconnus universellement de cette communauté
sont quand même les évêques. J'ai regretté,
d'ailleurs, qu'ils ne soient pas venus se présenter ici à la
commission. J'aurai aimé les entendre; j'aurais aimé cela qu'on
puisse discuter avec eux. Ce n'est pas mon problème, mais, comme
législateur, j'aurais aimé avoir ce point de vue et j'y attache
une importance spéciale. Je me dis que la communauté catholique,
c'est une réalité publique, une réalité
institutionnelle qui a sa place dans la société. Il peut bien
arriver qu'un législateur veuille en donner un peu plus, un autre un peu
moins. Ce sont des choses qu'on peut discuter et qui varient selon les
contextes historique, sociologique, politique, etc.
Chez nous, il y a une longue tradition d'interpénétration,
je dirais. L'Église catholique a beaucoup influencé la
société civile. Elle a été en retour beaucoup
façonnée par la société civile également. Je
me rappelle que, la première fois que j'étais allé
à Rome, j'avais vu une banque qui s'appelait Banco di Santo Spiritu, la
Banque de l'Esprit saint. J'avais été scandalisé, je
m'étais dit: Ils ne sont pas rendus à mettre la
Sainte-Trinité dans les banques. Après
cela, on m'a fait comprendre que c'est le quartier dans lequel cette
banque avait été fondée il y a peut-être six ou sept
siècles qui s'appelait le quartier Santo Spiritu. La banque avait pris
le nom du quartier et cela ne voulait rien dire finalement; cela ne voulait
rien dire, au point de vue doctrinal, j'entends. Cela n'engageait aucune
espèce de doctrine ou rien. Cela était un exemple de
l'espèce d'interpénétration qui s'est faite dans les
institutions. Quand je voyais qu'on appelait le pape Pontifex maximus, Pontife
suprême, cela me choquait. Je trouvais que c'était un peu fort.
Mais on m'a dit que c'était un titre qui avait été
hérité de l'empereur romain. C'est comme cela qu'on appelait les
empereurs romains dans le temps; on pourrait épiloguer longtemps
là-dessus.
Chez nous, ce n'est pas une chose qu'on peut liquider facilement. C'est
cela que je voudrais porter à votre attention, qu'on chemine à
travers une réalité qui a énormément changé
et dont on doit tenir compte comme législateur, mais qui est aussi
demeurée dans de grands pans de la réalité. Le
législateur doit penser à tout le monde, comme vous le dites
justement. Je crois que votre cas, tout en étant un exemple
intéressant, doit être considéré à la
lumière de l'ensemble des cas qui se présentent.
La question que je voudrais vous poser à cet égard, c'est
la suivante. Vous venez émettre votre opinion. Si je comprends bien,
vous dites: Si notre situation est un bon reflet de la réalité
québécoise, au nom de la logique, nous demanderions de laisser
tomber ces articles. Mais si les quatre cinquièmes des
témoignages que nous entendons nous proposent le contraire, de garder
ces articles, qu'est-ce que vous feriez à la place du
législateur, dans une perspective de justice et
d'équité?
Le Président (M. Blouin): Mme Plante-Proulx, maintenant
que vous avez changé de statut... (11 heures)
Mme Plante-Proulx: II n'y a pas un parent qui se retrouve du jour
au lendemain législateur; alors, ma réponse reflétera
peut-être justement ce cheminement, je ne l'ai pas fait.
Évidemment, lorsque les parents de Notre-Dame-des-Neiges ont
considéré leur situation, ils ont aussi regardé l'ensemble
du Québec. Ils étaient bien conscients que tout le long
cheminement, même des chrétiens et des catholiques de ce milieu,
confrontés continuellement dans un milieu laïc séculier,
pouvait évidemment influencer une position qu'ils avaient prise. Je
pense que le vécu très positif que les parents ont fait à
l'intérieur d'un milieu à s'identifier et à être
aussi des témoins comme parents catholiques dans ce milieu, a
sûrement coloré cette prise de position.
Cependant, on croit déjà que le législateur a quand
même aussi eu cette sagesse de maintenir des choses fondamentales pour
les parents catholiques, à savoir l'enseignement religieux au niveau de
l'école. Dès le début, les parents de
Notre-Dame-des-Neiges ont consacré cela, en même temps que cette
égalité qui pourrait paraître pour certains, encore
là, une incohérence quand on parle d'école
confessionnelle, d'école publique. On pourrait y voir aussi le fait que,
dans une école publique, on maintient un enseignement religieux comme
étant une incohérence.
Je pense que, fidèle à cette tradition profonde et
à ces racines que les parents avaient, on trouvait important que ce soit
consacré. On trouvait important aussi qu'il y ait une place visible de
l'Église à l'intérieur de l'école par l'animation
pastorale et on croyait important aussi qu'il y ait la possibilité pour
des communautés, à l'intérieur de leur projet
éducatif, de le faire.
Évidemment, comme législateur, je pense, c'est encore la
position qu'on aurait reprise et qu'on essaie tant bien que mal de
préciser ce matin et de vous soumettre.
M. Ryan: Si ceux qui parlent au nom de la communauté
catholique disent au législateur, comme ils l'ont fait d'ailleurs, parce
qu'ils ont quand même fait des déclarations publiques
là-dessus: Nous ne voulons pas nous contenter d'une loi qui dirait: On
peut régler cela au niveau du projet éducatif, mais il faut qu'on
ait des écoles catholiques, il faut qu'on ait des garanties juridiques
et que, selon toute apparence, elles soient appuyées par la très
grande majorité des fidèles, que pensez-vous qu'est le devoir du
législateur?
Le Président (M. Blouin): Toujours avec votre nouveau
statut, Mme Plante-Proulx.
Mme Plante-Proulx: Toujours ce statut de législateur. Je
pense qu'on continuerait, comme parents, et pour une grande majorité
encore de parents catholiques de Notre-Dame-des-Neiges, à affirmer qu'il
peut y avoir, à l'intérieur d'une société, une
présence fort importante des catholiques par leur témoignage,
à la fois comme groupe et comme individus, et que l'étiquette ou
le statut, dans le fond, est une part de la visibilité, mais qu'on
privilégie à ce moment la valeur du témoignage au niveau
de la... Évidemment, on est très conscient de véhiculer
une conception de l'Église qui n'est plus une Église majoritaire
et peut-être triomphante, mais une Église qui est au service d'une
communauté.
M. Ryan: Je vais vous poser une dernière question,
toujours dans le même
ordre de considération, en pensant à ce que nous ont dit
les organismes anglo-catholiques qui sont venus ici. Ils ne veulent pas que la
question se règle au niveau local par un vote, parce qu'ils disent que
cela va faire de la chicane et, deuxièmement, que cela va
entraîner le risque que, dans un grand nombre d'endroits, ils n'auront
plus d'école pour eux. C'est qu'on va dire au nom de l'école de
quartier dont vous parliez tantôt: II y a eu un vote de 52%-48%. Cela va
être une école non confessionnelle et, à une autre place
encore, une école non confessionnelle. Puis ils disent: Si la
responsabilité d'aménager les services et les écoles
était celle de la commission scolaire, elle pourrait tenir compte de
tout cela et, sur un territoire plus large, aménager une école
qui répondrait aux aspirations de tel groupe ou tel autre groupe.
Comment voyez-vous ce problème? Croyez-vous que cela devrait être
décidé par un vote local et que cela finirait là?
Tantôt, vous avez dit: On transposerait au niveau de la commission
scolaire les mêmes tensions. Il me semble que non. Il me semble que,
justement, l'échelle de décision de la commission scolaire est
plus grande. Elle a un éventail plus abondant de choix, puisque c'est
elle qui fait la répartition du personnel et qui affecte les locaux. Il
me semble que, s'il y a une responsabilité véritable qui lui soit
laissée à ce niveau, on aura plus de chances de s'en sortir en
tenant compte des opinions de chacun qu'en réglant cela avec des votes
comme ceux qui se sont produits à certains endroits et qui n'ont pas
réglé le problème finalement.
Mme Plante-Proulx: D'abord, ayant répété
que, même au niveau de l'école, on pense difficilement que cela
puisse se régler par des votes, évidemment, cela reste, mais on a
tenté, dans une réalité très concrète de
notre propre quartier - les quartiers 3 et 4 de la CECM - où,
évidemment, on a une forte concentration de communautés ethniques
et religieuses, on a tenté, dis-je, de voir ce qu'une commission
scolaire pourrait éventuellement faire dans un bassin qui est quand
même très grand. On trouve difficile d'aménager ce genre
d'école, à moins de faire des ghettos, et, dans cette situation
bien précise, ce seront probablement des ghettos d'enfants de parents
qui désirent un statut catholique pour leur école.
Il y a, à l'intérieur de ce bassin, trois écoles
dont 75% de la population est d'une origine autre que francophone;
évidemment, la majorité des autres chez nous est de près
de 40%. On trouve cela difficile pour une commission scolaire, sans
prévoir des déchirements et sans faire des ghettos d'enfants
qu'on veut accueillir... Je pense à un autre quartier de
Montréal, soit la région est, où il est inévitable
qu'on ramasse à l'intérieur d'une école qui couvrirait un
territoire immense, non seulement des gens qui désirent une école
autre que catholique, mais probablement tous les enfants que, à grand
renfort actuellement, dans notre projet social qu'on s'est donné comme
communauté québécoise, l'on veut accueillir. On les
mettrait dans un ghetto. On trouve cela difficile à ce moment-ci.
Remarquez que je prends la situation de la CECM, parce que c'est celle que je
connais davantage, mais j'imagine qu'en province on se retrouverait dans la
même situation et qu'on reverrait les mêmes déchirements au
niveau de la commission scolaire. Autant on a vu les mêmes
déchirements quant à la fermeture d'écoles, autant on
retrouverait les mêmes déchirements au niveau d'une commission
scolaire.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Plante-Proulx. Merci,
M. le député d'Argenteuil. M. le député de
Mille-Iles.
M. Champagne (Mille-Îles): Merci, M. le Président.
C'est un petit peu dans le même sillon que le député
d'Argenteuil. Il est beau, au plan des principes, de dire qu'on est contre
quelque chose, mais je pense qu'il faut aussi en arriver au plan pratique des
choses. Je pense qu'un comité d'école comme le vôtre a
montré beaucoup de dynamisme dans l'intérêt et le travail
pour le milieu, mais c'est aussi un milieu - le vôtre ou les autres - qui
n'est pas désincarné; des gens d'une communauté y vivent
ensemble. Ils croient à des valeurs d'égalité,
d'équité, des valeurs morales, des valeurs religieuses, des
valeurs de respect des autres. Je vais vous poser la problématique,
parce que je reviens toujours à l'article 31, que vous croyez au projet
éducatif et que l'école peut intégrer dans son projet
éducatif des croyances et des valeurs religieuses. Si, dans votre
quartier, qui n'est pas désincarné, il y avait environ 80%
d'élèves qui étaient des Grecs orthodoxes et vivant dans
un quartier de la ville de Montréal, est-ce que vous seriez
opposés, considérant que le milieu le désire, que les
parents le désirent, que les étudiants le désirent, que la
communauté le désire, seriez-vous opposés à ce
qu'ils intègrent dans leur projet éducatif des valeurs
religieuses de ces Grecs orthodoxes?
Mme Plante-Proulx: Je tiens d'abord à dire que nos
objections face à l'article 31 ne sont pas du même ordre que les
objections que nous avons par rapport au statut. Nous considérons que
l'article 30 laisse déjà place, en parlant de projet
éducatif, à cette possibilité qu'une communauté -
comme je l'ai déjà dit - plus homogène puisse
éventuellement intégrer des valeurs au niveau de l'école.
Il est important pour nous de penser que tout le cheminement que vit une
communauté face à un projet éducatif n'est pas le
même que celui d'une assemblée où on demanderait par voie
de vote de trancher une question qui est très difficile à
trancher. Donc, il n'est pas du tout impossible que cette communauté
scolaire puisse les intégrer, sauf qu'on trouve tout simplement que
c'est redondant de redire cette phrase dans un projet de loi. Ce n'est pas une
objection fondamentale. Déjà, en acceptant que - comme je l'ai
dit tantôt - notre projet d'école publique intègre un
enseignement religieux, une animation pastorale, pour nous, il pourrait aussi
intégrer des valeurs. Évidemment, ces projets sont faits,
à ce moment-là, par un cheminement et un concensus. On sait qu'un
projet éducatif, c'est quelque chose qui se vit à long terme. Ce
n'est pas quelque chose qu'on impose de l'extérieur, mais qui se vit
avec tous les intervenants, cette fois avec les parents, les enseignants et une
communauté scolaire représentée.
M. Champagne (Mille-Îles): Personnellement, je crois au
rôle du comité d'école. Vous avez vécu une
expérience comme comité d'école, surtout en traitant des
aspects confessionnels. Pourriez-vous indiquer aux membres de cette commission
ce que vous pensez d'un conseil d'école décisionnel comme le
propose le projet de loi 40?
Mme Plante-Proulx: Le comité d'école, en
présentant le mémoire et en faisant le débat
là-dessus à l'intérieur de l'école, avait d'abord,
comme règles du jeu, accepté que le comité ou les parents
ne se prononçaient que sur la question confessionnelle. Je ne pourrais
pas apporter une position qui a été largement acceptée par
les parents de l'école puisque le débat ne s'est pas fait sur
cette question.
Je pense en corollaire que les parents de Notre-Dame-des-Neiges sont des
parents qui, à ce jour, ont eu un rôle important au niveau de
l'école, au sein d'une structure qui leur était accessible. C'est
une communauté qui a sauvé son école de la fermeture.
C'est une communauté qui s'est donné des services. C'est une
communauté qui a été très proche de la vie interne
de l'école, qui s'est donné des instruments d'information. De
là à vous apporter une position face au niveau décisionnel
ou purement consultatif, on n'a pas le mandat de le faire à cette
commission.
M. Champagne (Mille-Îles): D'accord. Une dernière
question. Vous avez beaucoup parlé de l'aspect confessionnel. Votre
comité d'école a mené des initiatives ou aidé aux
services à la communauté. Est-ce qu'on pourrait savoir quels sont
les services, en plus de l'aspect confessionnel, que vous avez donnés
à votre école, que votre comité d'école a pu
organiser, a pu avoir à votre école Notre-Dame-des-Neiges?
Mme Plante-Proulx: D'abord, il y a eu une chose fort importante
pour un comité d'école, soit de reposer - c'était une
responsabilité de taille - la question de l'importance d'une
école dans un quartier, puisqu'on est entouré d'écoles
privées dans notre secteur et qu'il fallait maintenir une école
publique à l'intérieur de ce secteur. Je pense que le
comité d'école a été très vigilant - Mme
Lavoie-Roux en sait quelque chose - pour que son école de quartier
puisse voir le jour, car elle était menacée de fermeture. (11 h
15)
Par la suite, cet événement nous a fait prendre conscience
qu'il fallait que cette école publique de quartier puisse offrir les
mêmes services que ceux que les écoles privées offraient.
Nous avons depuis dix ans une garderie en milieu scolaire qui répond aux
besoins des enfants. Nous avons un projet d'accueil des enfants immigrants de
notre secteur ou des enfants allophones. Les parents ont toujours
été très vigilants pour que ce ne soient pas tout
simplement des classes qu'on met dans une école, mais pour qu'il y ait
véritablement dans tout le vécu de l'école un projet
pédagogique qui tienne compte de cet accueil. À l'occasion, les
parents se sont même mouillés pour faire une aide
pédagogique d'appoint lorsqu'il fallait prouver que des enfants
intégrés au niveau des classes régulières n'avaient
pas de connaissances suffisantes et avaient besoin de services. Les parents ont
aussi assumé la catéchèse, à certains moments,
où on avait à aménager cette confessionnalité. Ils
ont assumé aussi l'enseignement de formation morale. Dans le projet
éducatif, il y a eu une importance très grande à
découvrir, au sein même de l'école, les différences
et les richesses que les diverses communautés nous apportaient. Je pense
que tous ces services au niveau de l'école sont vécus au niveau
d'un projet éducatif et ils ont répondu aux besoins puisque notre
école est maintenant sauvée, puisque notre population est une
population presque maximale pour cette école de quartier.
M. Champagne (Mille-Îles): Merci beaucoup, Mme Plante.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Mille-Îles. Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Il me fait
particulièrement plaisir d'accueillir les parents de l'école
Notre-Dame-des-Neiges. Je pense que Mme Plante vient de dire que le rôle
que le comité
d'école a joué, eu égard à la survie de son
école, est immense. J'ajouterais, ce qui est peut-être encore plus
important, le rôle que ces gens ont joué pour la valorisation de
l'école publique. Je dois dire qu'ils ont eu l'appui de la commission
scolaire pour éviter la fermeture de l'école, compte tenu de la
loi 22 qui était adoptée et qui devait avoir des effets. La
population était d'environ 160. Il fallait se promener dans le coin pour
voir dans les pharmacies, les endroits publics, des annonces à la
population disant qu'il y avait une école publique qui offrait tel ou
tel type de services. Je n'ai pas oublié cela. Il y a peut-être
d'autres comités de parents qui l'ont fait, mais je l'ignore. Je dois
dire que les parents de Notre-Dame-des-Neiges ont certainement
été un exemple - s'il y en a eu d'autres, tant mieux - et je
tiens à les féliciter. Ils voient aujourd'hui les
résultats, même si cela n'a pas toujours été
facile.
Je voudrais revenir sur deux points en particulier, sur la question de
l'article 32, quant au déchirement que vous prévoyez à
l'intérieur des comités d'école s'il devait s'appliquer
tel qu'il est dans le projet de loi. Ce problème-là a
été soulevé par de nombreux groupes. Cela a
été verbalisé de façon différente:
déchirement du tissu social. Vous semblez dire que, si on le mettait
à un autre niveau, les déchirements seraient semblables. La
question précise que j'aimerais vous poser est: Si, dans le cas de
Notre-Dame-des-Neiges, il y avait eu des dispositions dans une loi qui avaient
prévu qu'une école pouvait demander un changement de statut et
que ce changement de statut se serait fait après un vote de l'ensemble
des parents, selon les critères qui auraient été
discutés publiquement pour en assurer l'objectivité, et qu'elles
auraient été appliquées par un autre niveau que
l'école, en l'occurrence la commission scolaire, ne croyez-vous pas que,
quand même, ceci aurait évité à l'école
Notre-Dame-des-Neiges les difficultés considérables auxquelles
vous avez eu à faire face quand vous avez décidé de
remettre en question le statut confessionnel de votre école?
Mme Plante-Proulx: Je tiens d'abord à dire que les
règlements mêmes du comité catholique prévoyaient
qu'une école puisse demander un changement de statut. Je pense que, dans
nos lois, cela était déjà présent. C'est
là-dessus justement que le comité d'école a pu se baser
pour demander éventuellement la déconfessionnalisation de son
école. Cependant, les critères discutés, évidemment
- et on fait allusion, à ce moment-là, à toute
l'information, à la précision quant aux intervenants, à
savoir si c'est la population, si ce sont les parents qui doivent
décider du statut de leur école -ont, dans le cas de
l'école Notre-Dame-des-Neiges, vraiment été des
épines, parce qu'on a eu sans cesse à prouver que notre
information était légitime et objective. Le processus de
consultation l'était aussi et on sait comment les parents ont dû
être sondés à trois reprises et, encore, on n'a pas
accepté les sondages faits au niveau de l'école.
Évidemment, la non-précision a sans doute causé beaucoup
de problèmes dans le cas de l'école Notre-Dame-des-Neiges, mais
on espère que si, d'aventure, le ministre persistait dans
l'aménagement du projet de loi 40, il y aurait une précision
à l'article 32, à savoir qui est le détenteur de la
décision relative au statut confessionnel.
Est-ce le collège des parents, le vote ou le conseil
d'école après consultation des parents? D'après notre
lecture de l'article 32, c'est la deuxième hypothèse qui est
vraie et on se pose la question à savoir si c'est sage, parce que cela
rend vraiment la décision complexe, s'il y a - et je l'ai noté
tantôt - des majorités serrées ou si le conseil est contre
cette majorité. On trouve qu'il faudrait vraiment revoir à ce
niveau l'article 32 pour y apporter plus de précision. Par ailleurs, il
serait important aussi que des règles d'information soient
clarifiées de même que de s'assurer une équité
concernant l'information, la publicité référendaire et les
personnes-ressources. Il apparaît que le règlement devrait
être très clair là-dessus.
Enfin, si, en définitive, on reconnaît le comité
catholique dans ces documents et que le critère ultime, c'est la
volonté manifeste des parents, de l'école et ses composantes
principales, la première règle de consultation qui devrait en
assurer l'égalité juridique, c'est qu'une majorité de
parents, et non pas de votants, se soient prononcés. Il nous
apparaît que, si on devait maintenir à l'intérieur de ce
projet de loi ces dispositions, il faudrait que les règlements tiennent
compte de ces divers points.
Mme Lavoie-Roux: Dans le fond, ce que vous venez de dire - il y a
un élément sur lequel je voulais revenir et dont vous avez
parlé - c'est qu'on s'assure bien que ce soit une majorité de
parents et il ne faut jamais - d'ailleurs, ce serait dangereux - que ce soit le
comité d'école qui soit perçu comme celui qui peut prendre
cette décision finale. Dans ce sens, ne croyez-vous pas que quel que
soit le résultat, que vous soyez minoritaires par rapport à la
consultation que vous avez faite comme comité de parents ou que vous
soyez majoritaires, ceci ne peut empêcher des conflits, parce qu'il y
aura toujours des mécontents d'un côté comme de l'autre? Ne
croyez-vous pas qu'à ce moment-là le fait de dissocier un peu la
décision finale du comité de parents qui sera mise en vigueur, ce
n'est pas éviter des conflits qui, dans le fond, ralentiront la
continuation du projet éducatif ou y mettront finalement un peu des
entraves? En le détachant un peu du
comité d'école, les critères ayant
été établis publiquement, objectivement à ce
moment-là, vous vous enlevez peut-être une difficulté qui
m'apparaît inutile au point de départ.
Mme Plante-Proulx: Évidemment, on l'évite au niveau
de l'école et je pense que, pour tout parent qui désire la
qualité à l'intérieur de l'école du vécu
scolaire, pour nous, il est évident que c'est important. Cependant, il
faudrait aussi envisager, advenant qu'on donne ce pouvoir à la
commission scolaire, que les mêmes règles s'appliquent, en se
disant qu'on trouve difficile de toujours parler de majorité et de
minorité.
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais il reste que l'on part de
critères objectifs d'évaluation, qu'on parle d'un vote
organisé selon des règles claires et déterminées
par un autre niveau que l'école pour, finalement, en arriver à la
décision finale. En tout cas, je pense qu'on diminuerait les risques de
conflits pénibles et inutiles à l'intérieur d'une
école.
Dans l'organisation de votre école, et je parle surtout au plan
confessionnel, il y a le problème d'exemption des professeurs qui ne
veulent pas faire l'enseignement religieux pour des raisons de conscience, etc.
Pourriez-vous me dire si ceci implique des coûts supérieurs ou
encore si ceci implique un engagement en termes d'heures ou de temps
supplémentaire de la part des parents? Je sais aussi que vous avez eu
une collaboration de la paroisse, si je ne m'abuse, qui est assez
exceptionnelle et qui n'existerait pas nécessairement dans toutes les
paroisses.
Mme Plante-Proulx: II serait difficile de faire de cette
année un cas d'espèce. Évidemment, l'aménagement
à l'intérieur de l'école s'est toujours fait
d'année en année. On peut constater, dans l'évolution du
partage entre les enfants de la formation morale et de la
catéchèse, que, selon le pourcentage d'enfants en formation
morale ou en catéchèse, on a eu des aménagements
différents à faire. On était, en 1975-1976, à 26%
de nos enfants en formation morale et actuellement on en a 45%, après
avoir eu un pic de 50%. Ce qui fait qu'au moment où nous avions 50% -
les enseignants ont toujours été très libres d'enseigner
la catéchèse il y a toujours eu des aménagements à
l'intérieur qui se sont vécus dans des consensus entre eux. On a
dû à l'occasion, certaines années, faire appel à des
gens de l'extérieur qui ont été à l'occasion
payés par la paroisse symboliquement et qui, maintenant, sont
subventionnés à même les fonds de la région pour
répondre à ces besoins.
Alors, cette année, nous avons un professeur de formation morale
à la leçon qui vient enseigner à certains niveaux
puisqu'il y a des concentrations, à certains niveaux scolaires,
d'enfants en catéchèse. Comme on veut quand même respecter
des groupes pas trop nombreux, on fait appel à un professeur de
l'extérieur. L'an dernier, c'est un professeur en
catéchèse que nous avons eu ainsi que l'année
précédente. Alors, c'est un aménagement qui se fait;
à l'époque, c'était par une aide financière et
beaucoup de bénévolat qui venaient de la paroisse, et maintenant,
c'est acquis...
Mme Lavoie-Roux: À même les budgets.
Mme Plante-Proulx: Dans toutes les écoles de la CECM, il y
a la possibilité d'avoir une subvention particulière pour des
professeurs à la leçon pour aménager cet...
Mme Lavoie-Roux: Ma dernière question, Mme Plante. Tout
à l'heure dans vos réflexions, quand vous exposiez le cheminement
de l'école, du développement du projet éducatif, et vous
l'avez relié un peu à la question de la détermination du
statut confessionnel, vous avez dit: Le développement ou le cheminement
d'un projet éducatif, ce n'est pas quelque chose qui s'impose, c'est
quelque chose qui implique des hauts et des bas, des modifications, des
consensus à créer continuellement. Là, je ne vous
demanderai pas de vous prononcer au nom de votre école, parce que vous
avez bien indiqué au député de Mille-Iles que vous
n'étiez pas mandatée pour cela. Mais, compte tenu de votre
exemple et comme vous l'avez évoqué vous-même, vous
apparaît-il sage que ceci soit maintenant, par un projet de loi, la
règle pour toutes les écoles, c'est-à-dire un conseil
d'école avec des pouvoirs de gestion, etc.? (11 h 30)
Voici ma deuxième question. Si vous aviez les pouvoirs qui vous
sont accordés par le projet de loi actuel, du point de vue de
l'implication des parents, de l'orientation que vous avez pu donner à
votre école - je mets de côté la détermination du
statut confessionnel, c'est un problème particulier -pourriez-vous aller
beaucoup plus loin dans votre démarche, démarche que vous
continuez d'ailleurs? Vous aussi, vous évoluez comme école.
Mme Plante-Proulx: Je parlerai en mon nom personnel. Les parents
dans tout ce long cheminement, n'ayant qu'un rôle consultatif, se sont
très souvent heurtés à des décisions venues de
l'extérieur qui ne tenaient pas compte ou tenaient peu compte du
contexte particulier dans lequel se vivait ce projet d'école. Par la
détermination des parents, nombre d'effets de ce projet d'action
à l'intérieur de l'école ont pu se vivre.
Cependant, il demeure qu'une attitude qui est encore présente et
qui est souvent très lourde pour les parents, c'est de sentir que des
parents ne sont pas les premiers responsables à l'intérieur d'une
école. J'apporte un événement très récent
qui est très concret: la rénovation de notre école. On
sait qu'une fois de plus Notre-Dame-des-Neiges est revenue dans l'opinion
publique à cause d'un événement qui se déroulait
à cette école. Depuis plusieurs années, malgré tout
un cheminement où on a fait prendre conscience, où on a
communiqué avec notre commission scolaire pour faire part des lacunes
qui existaient chez nous, les parents ont peu été
écoutés. Ce sont des événements extérieurs
qui ont souvent amené des modifications. Les parents continuent à
penser qu'ils ont une responsabilité fort importante qui devrait
être consacrée en élargissant leurs pouvoirs. Mais il y a
aussi une conscience à l'intérieur de l'école qu'un projet
comme celui-là ne serait pas possible sans la participation des
enseignants. À ce titre, les parents verraient d'un bon oeil que les
enseignants aient une place aussi dans cette décision. Je n'entrerai pas
dans les modalités.
Mme Lavoie-Roux: Je connais le problème auquel vous faites
allusion, c'est le plafond qui est tombé ou l'escalier. J'espère
que ce n'est pas tout l'escalier.
Mme Plante-Proulx: Oui, c'est un palier d'escalier.
Mme Lavoie-Roux: Un palier d'escalier. Est-ce que ceci n'est pas
davantage une question de ressources financières? J'imagine que la
commission devrait faire la distribution selon les besoins, selon les
priorités, etc. Compte tenu de l'âge des écoles de cette
commission peut-être que le budget relatif à l'entretien et
à la restauration était insuffisant. L'école aurait-elle
été plus capable de faire pression? Est-ce que cela aurait
changé quelque chose dans les faits?
Mme Plante-Proulx: Évidemment il y a des questions
financières importantes qui sont présentes, mais plus on chemine
dans ce dossier, plus on se rend compte aussi qu'il y a des priorités
à établir. Les parents sont souvent, à titre d'usagers de
l'école, puisque l'école leur est ouverte, des personnes fiables
pour faire part des inquiétudes quant à des priorités
à mettre dans une rénovation d'école. À ce titre,
il y a une question de ressources financières mais lors de notre
rencontre avec nos commissaires, ils étaient enclins à dire qu'il
serait bon de revoir aussi les priorités. Comme la priorité
première des parents était la sécurité des enfants,
on pouvait interroger certains budgets qui étaient déjà
alloués pour la rénovation de l'école.
Mme Lavoie-Roux: Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la
députée de L'Acadie. M. le député de Vachon.
M. Payne: Pour les fins de la cohérence de nos travaux,
j'aimerais rester sur la question du statut. Il y a des consensus qui
émergent, à mon avis, sur la volonté du législateur
de faciliter la création d'écoles pluralistes, des écoles
avec un statut confessionnel sous l'égide d'une commission scolaire
linguistique et, finalement, de situer l'acte éducatif là
où il doit se trouver, au niveau de l'école. La tâche de la
commission parlementaire est d'établir si cette volonté est
réalisable par le modèle proposé. Soit dit en passant,
à propos de l'école, j'ai vu à la
télévision, hier soir, le président Reagan à son
"Address to the Nation" disant: "Let us give the schools back to the parents."
C'est intéressant venant des États-Unis.
Mme Lavoie-Roux: II y avait un bon film à un autre
canal.
M. Payne: Quoique je serais un peu craintif pour notre formation
politique si on le suivait trop souvent. Vous soulevez une certaine
inquiétude sur la redondance dans les articles 30 et 31. Je partage
aussi l'idée du député d'Argenteuil, à savoir qu'il
y a, quand même, une tradition historique. Vous-même, d'ailleurs -
il ne faut pas exagérer votre position - avez dit que c'était
secondaire, si j'ai bien compris votre préoccupation. Il y a, quand
même, des traditions dans le secteur hospitalier; par exemple, pas
très loin de chez vous, l'hôpital juif de Montréal,
l'Hôpital Général, qui dispense des services à tous
et à chacun, est un hôpital public et commun. Quoiqu'il soit
caractérisé par l'esprit et les traditions juives, c'est quand
même quelque chose qui s'insère dans la tradition
québécoise. Si on peut modifier, aux fins d'usage,
l'interprétation qu'on donne à la notion de ce qui est public et
commun, je pense qu'on peut bien vivre avec une certaine redondance,
peut-être inévitable pour les fins de la loi. À mon avis,
une école publique, c'est une école établie sous la
responsabilité pédagogique et administrative, payée
à même les fonds du contribuable; l'école commune signifie
qu'elle est ouverte à tout enfant, quelle que soit son option religieuse
personnelle.
D'ailleurs, je préfère vivre avec certaines redondances de
l'article 31 par rapport à la constitution canadienne qui, dans
un jugement de 1925, a bien établi qu'une personne juive ou non
protestante n'a aucun
droit constitutionnel de siéger au sein d'une commission
scolaire, de la PSBGM, par exemple. C'est assez flagrant si on veut parler des
symboles anachroniques.
La question que j'aimerais vous poser concerne le statut. Est-ce que
vous craignez une certaine prolifération des écoles
confessionnelles? Ne croyez-vous pas que le problème est ailleurs? Par
exemple, hors de l'île de Montréal, les préoccupations de
la communauté catholique anglophone sont, justement, qu'elle peut
difficilement former ses propres écoles parce qu'elle n'est pas
majoritaire en plusieurs endroits. Leur crainte, telle exposée devant la
commission parlementaire il y a plusieurs jours, était qu'elle
préfère voir la commission scolaire s'acquitter de la tâche
d'établir un réseau d'écoles. On leur a posé la
question. J'aimerais vous poser la même question.
Mme Plante-Proulx: Est-ce qu'on craint une prolifération
des écoles confessionnelles? Évidemment, on a un lourd
passé, un statu quo qui fait que, au Québec, on a plusieurs
écoles et la grande majorité de nos écoles sont
confessionnelles. Pour nous, il est fort important qu'une cohérence
puisse exister à l'intérieur même de la communauté
du Québec entre ce statut et les options fondamentales
chrétiennes des parents. On trouverait dommage que, dans des luttes, on
oublie cet objectif fondamental qui est, d'abord, pour les parents catholiques,
de bien identifier leur position et, ensuite, de se poser la question des
valeurs qui peuvent être transmises par cette école. Donc, si un
processus de remise en cause, d'identité et de cohérence
s'amorçait par cette loi, à ce moment on ne trouverait pas grave
que les écoles aient une étiquette qui reflète vraiment le
vécu de l'école. Évidemment, dès qu'on appose de
fausses étiquettes, on trouve fort dangereux actuellement de continuer
dans cette ligne.
M. Payne: Dans un esprit spéculatif, vous ne pouvez pas
imaginer ou proposer un modèle particulièrement hors de
l'île de Montréal. Les Anglo-catholiques, comme ils le disent,
veulent vivre avec le projet de loi 40, mais le débat se fait
actuellement, dans le milieu anglophone, pour savoir de quelle manière
on va statuer sur la confessionnalité. À partir de vos
expériences, ne pouvez-vous pas nous éclairer à cet
égard?
Le Président (M. Blouin): Rapidement, s'il vous
plaît, Mme Plante-Proulx.
Mme Plante-Proulx: Je pense qu'il est difficile pour nous de
saisir vraiment parce que, évidemment, chez nous, à
l'école, on ne s'est pas retrouvé dans la même situation
que les Anglo-catholiques.
M. Payne: Pour le moment, vous tenez à un statut au niveau
local.
Mme Plante-Proulx: C'est cela. M. Payne: D'accord.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. le
député de Vachon. Au nom de tous les membres de la commission, je
remercie beaucoup les représentants du Comité d'école de
l'école Notre-Dame-des-Neiges de leur participation aux travaux de cette
commission.
J'invite maintenant les représentantes et les
représentants de l'Association des parents catholiques du Québec
à bien vouloir prendre place à la table des invités afin
que nous procédions à l'audition de leur mémoire, d'abord,
et, ensuite, aux échanges que les membres de la commission auront avec
ces invités. Comme je l'ai dit au début, je leur signale que nous
disposons d'une période d'une heure et trente minutes afin de
procéder à cette audition et à ces échanges.
Je vais donc demander aux représentantes et aux
représentants de l'Association des parents catholiques du Québec,
d'abord, de bien vouloir s'identifier et, ensuite, de nous livrer en une
vingtaine de minutes le contenu de leur mémoire. Ensuite, nous
procéderons aux échanges.
Association des parents catholiques du
Québec
Mme Mathieu (Adéline): M. le Président, M. le
ministre de l'Éducation, mesdames - je dois dire maintenant madame parce
que l'autre dame est partie - et messieurs les députés, je
voudrais d'abord vous présenter nos porte-parole. À ma gauche, Me
Francine Marceau-Boudreault; à ma droite, M. Léo-Paul Ouellette;
M. Grégoire Tanguay, à l'extrême gauche.
L'APCQ existe depuis 17 ans. Elle compte plus de 60 000 membres dans
toutes les régions de la province, dans le secteur privé et dans
le secteur public. Depuis le début de nos activités, nous avons
travaillé à la promotion de l'école catholique et de la
liberté d'enseignement. Nous avons dû lutter contre des projets de
loi qui préconisaient des structures neutres, entre autres, les projets
de loi 62 et 28. À plusieurs reprises, nous avons organisé des
concertations et des coalitions. La plus récente, celle que vous
connaissez, M. Laurin, parce que vous étiez présent lorsque nous
nous sommes présentés ici au salon rouge, est la coalition pour
le Manifeste des parents chrétiens. (11 h 45)
Aujourd'hui, le mémoire que nous présenterons à
tour de rôle, parce que nous nous sommes partagé la tâche, a
été l'objet d'une vaste consultation non seulement
auprès de nos responsables, mais aussi, par l'entremise de notre
journal Famille Québec, auprès de tous les membres qui voulaient
bien collaborer.
Je dois vous dire que partout, non seulement au sein de notre
association, mais au sein de tous les groupes qui ont collaboré avec
nous, c'est avec étonnement que nous avons pris connaissance de votre
projet de réforme de l'éducation à la fin de 1981 et au
début de 1982. Rien ne laissait présager une nouvelle
révolution aussi fondamentale. Premièrement, parce que la
population ne ressentait pas le besoin de cette révolution. Le
système scolaire du Québec a sûrement été le
système le plus rapidement et le plus profondément
réformé depuis 1960.
S'il est vrai qu'on a atteint l'accessibilité par ces
réformes, le prix à payer dans bien des cas, au plan de la
qualité, de la culture et des valeurs spirituelles, a été
tel que les parents aspiraient à une période de
tranquillité pour pouvoir reprendre les choses en main. Le
ministère avait pratiqué une centralisation excessive. On avait
constamment remanié le découpage des commissions scolaires. Les
nouveaux commissaires, complètement bousculés par la machine
à règlements qu'est le ministère et la machine à
normes que sont les conventions collectives, avaient de plus en plus de
difficulté à répondre aux aspirations de leur milieu.
Il est vrai que les parents voulaient retrouver une école qui
redevienne le prolongement de la famille et un appui à l'action
éducative de la famille. Ils voulaient retrouver un certain pouvoir sur
l'école et surtout une possibilité de participation. Mais ce
pouvoir, ils veulent l'exercer à travers les corps intermédiaires
qui leur sont familiers et qu'ils ont demandé à votre
prédécesseur de conserver à l'occasion de la consultation
sur l'enseignement primaire et secondaire. J'en veux à témoin les
textes mêmes préparés par le ministère de
l'Éducation qui donnent le rapport de cette consultation.
Le livre vert proposait trois types de gestion scolaire: la
décentralisation vers les commissions scolaires; la
décentralisation vers l'école ou la mise en place de
gouvernements régionaux. Dans ce rapport, à la page 159, on peut
lire: "La deuxième hypothèse axée sur l'école comme
lieu principal de la responsabilité reçoit un accueil très
mitigé. On se contente souvent d'alléguer que les raisons
avancées par le livre vert suffisent à rejeter l'hypothèse
sans autre forme de procès." À la page 162, il est dit: "Les
données du questionnaire confirment la popularité de la
première hypothèse, (c'est-à-dire les commissions
scolaires), tout en nuançant quelque peu le faible intérêt
suscité par les deux autres".
Mais votre réponse dans le livre blanc d'abord, dans le projet de
loi ensuite, ne répond pas à cette demande et présente une
révolution plus fondamentale et plus radicale que les
précédentes. Vous affirmez dans le préambule du livre
blanc qu'il faut "poursuivre l'entreprise historique de notre réforme
scolaire". Cette phrase n'est vraie que dans la mesure où la nouvelle
réforme sera la dernière étape du dépouillement des
communautés chrétiennes de leurs dernières institutions.
Il restait les écoles primaires et secondaires pour essayer de donner
une base de formation chrétienne aux enfants. On en supprime aujourd'hui
le soutien institutionnel et juridique, faisant du maintien d'un projet
éducatif confessionnel une prouesse de participation quasi intenable
à long terme. Il va falloir que les parents apprennent à marcher
sur la corde raide. À la place d'un système confessionnel plus
que centenaire, on offre des supposées garanties dans un système
devenu neutre. D'où vient ce mandat?
Le projet de loi no 40 est contenu, dit-on, en germe dans le programme
du Parti québécois. D'accord. Mais étant donné
l'option politique et sociale du parti, ce sont les questions politiques,
sociales et économiques qui ont fait l'enjeu des diverses
élections. Jamais la question scolaire n'a occupé une place
importante dans le débat électoral et le gouvernement ne s'est
pas présenté avec un projet sur la restructuration scolaire.
M. Jacques-Yvan Morin, à l'occasion de sa consultation, a
reçu le mandat de remettre l'école sur la voie de la
qualité, mais rien dans la volonté de la population n'appelait ce
que vous proposez dans le projet de loi 40. Le livre vert tenait pour acquis
que l'école est confessionnelle. Le ministre d'alors ne voulait pas
poser la question. Il a quand même reçu la réponse à
l'occasion de la consultation.
Voici ce qu'on peut lire au début du chapitre du document de
synthèse qui traite de la confessionnalité de l'école: "Le
discours sur le caractère confessionnel de l'école comporte trois
volets: une critique du silence du livre vert, une réaffirmation d'une
position favorable au maintien de la confessionnalité et un
exposé sur la définition de l'école confessionnelle et ses
implications". La grande majorité des intervenants parents, commissions
scolaires, cadres scolaires, directeurs d'école, n'a pas remis en
question l'école catholique et notre système scolaire
confessionnel. Dans la conclusion de cette partie encore de la synthèse,
il est dit qu'il faut faire état du point de vue exprimé par la
population et par certains groupes importants du système scolaire. Je
cite toujours: "On est favorable au maintien des structures confessionnelles de
l'école, tout en se disant conscient de la nécessité
d'aménager un système qui respecte les droits de chacun".
M. Laurin, vous ne pouvez pas négliger, non plus, les
consultations de grande valeur que constituent les choix faits par les parents
dans les écoles construites après 1974. Seulement au cours de
l'année 1981-1982, une soixantaine ont demandé d'être
reconnues comme écoles catholiques. J'aimerais que vous nous donniez des
statistiques sur le nombre d'écoles où la majorité des
parents aurait demandé que l'école devienne neutre.
Au nom de quel consensus présentez-vous ce nouveau projet de loi?
Dans le discours de présentation du projet de loi 40, vous avez encore
parlé du consensus que vous dites avoir. "C'est un projet de loi,
dites-vous, qui est bâti autour d'un petit nombre d'idées simples
dont on peut dire que, par-delà certaines divergences concernant
certains moyens, elles ont suscité un large consensus." Il ne suffit pas
d'affirmer calmement une chose, parce que vous avez la renommée
d'être toujours calme, pour qu'elle soit telle.
Sans en faire la liste complète, nous pouvons, d'abord, relever
l'opposition politique, ensuite l'opposition des agents de l'éducation:
les commissions scolaires, les syndicats d'enseignants, les directeurs
généraux et le personnel de cadre. Aujourd'hui, je voyais dans
les journaux que l'Association des principaux de la région de
Montréal se dissocie de la position des principaux de la province. Je
n'ai pas lu tout le mémoire des principaux de la province, mais il
semble qu'ils acceptent le principe. C'est loin d'être un consensus. Il y
a aussi l'opposition presque générale des éditorialistes
des grands journaux; mais il y a surtout celle de la population.
Le 24 novembre 1982, nous déposions au salon rouge le Manifeste
des parents chrétiens endossé par 28 mouvements provinciaux, par
plus de 600 mouvements régionaux et locaux et par des dizaines de
milliers d'individus, le tout totalisant environ 1 000 000 de personnes. Il ne
s'agissait pas de divergence sur les moyens, mais d'un refus global d'une
première ébauche de la restructuration scolaire rendue publique
par des fuites répétées. Le projet de loi 40 ne modifie
pas de façon substantielle cette première version. De quel
consensus parlez-vous, M. Laurin? Il faut des faits, des listes, des noms et
non l'expression vague d'un consensus que personne ne peut vérifier.
Quelques idées simples. Vous dites aussi: Le projet est
"bâti autour d'un petit nombre d'idées simples." Beaucoup
d'idées sont simples sur papier, mais cette simplicité ne
correspond pas à la réalité. Sans aller dans le
détail, ce qui sera fait par plusieurs autres organismes, l'APCQ se
permet d'analyser certaines de ces idées simples.
À ce moment, je laisse la parole à Me Francine
Marceau-Boudreault.
Mme Marceau-Boudreault (Francine):
Merci, Mme Mathieu. M. le Président, M. le ministre de
l'Éducation, mesdames et messieurs les députés,
l'exposé que nous vous présentons ici est une synthèse du
mémoire que nous avons déposé et que nous avons
intitulé Les droits et libertés de la personne sont-ils
respectés dans le projet de loi 40? Cela dit, avant de partager nos
oppositions et nos inquiétudes concernant l'approbation d'un tel projet,
nous tenons à rappeler certains fondements juridiques et philosophiques
nécessaires à toute législation dans un système
démocratique. Ce bref retour aux bases essentielles à toute
législation contribuera, nous l'espérons, à mieux vous
faire comprendre la légitimité de nos revendications et de nos
attentes.
Toute réforme législative ne doit-elle pas avoir comme
priorité d'assurer le bien commun, ce bien commun qui est l'ensemble des
conditions sociales qui permettent, tant aux groupes qu'à chacun de
leurs membres, d'atteindre leur perfection d'une façon plus totale?
Le Président (M. Blouin): Je m'excuse, Mme
Marceau-Boudreault. Je me fais le porte-parole de certains membres de la
commission pour vous indiquer que nous avons beaucoup de difficulté
à vous suivre parce que nous n'avons pas le texte de ce que vous
êtes en train de lire.
Mme Marceau-Boudreault: Nous avons ici des copies de la
synthèse du mémoire que nous avons déposé. Si vous
désirez les avoir, on peut vous les laisser.
Le Président (M. Blouin): Vous nous avez remis un document
tout à l'heure. S'agit-il de celui-là?
Mme Marceau-Boudreault: Nous l'avons ici; cela prendra une
minute.
Mme Mathieu: On vous a distribué une brochure. On nous a
dit de faire une synthèse de la brochure. Ce que lit ma collègue
est la synthèse de la brochure. On nous a dit que notre temps
était limité pour les exposés et qu'on devait faire une
synthèse.
Le Président (M. Blouin): Je vous signale, d'autre part,
que j'avais noté que la présentation de votre mémoire
demanderait elle-même une vingtaine de minutes. Si vous ajoutez une
seconde présentation qui requiert autant de temps, je pense que nous
n'arriverons pas, compte tenu des contingences de temps que nous devons tous et
toutes supporter.
Mme Marceau-Boudreault: Je crois que vous avez
alloué...
Mme Mathieu: Notre mémoire était
déposé. Cela n'est qu'une synthèse pour éviter de
trop prolonger.
Le Président (M. Blouin): Est-ce bien long?
Mme Marceau-Boudreault: II était prévu de prendre
une quinzaine de minutes de façon à allouer une demi-heure en
tout à l'exposé.
Le Président (M. Blouin): Vous êtes consciente que
cela limitera d'autant les échanges entre les membres de la
commission.
Mme Marceau-Boudreault: Oui, cela fut un choix de notre
part..
Le Président (M. Blouin): Très bien. M. Ryan:
Est-ce que je pourrais...
Le Président (M. Blouin): Oui, M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: ...poser une question? Le texte que vous allez
résumer, est-ce que c'est cette brochure qui est annexée à
notre mémoire?
Mme Marceau-Boudreault: C'en est une synthèse. Si vous
tenez à l'avoir immédiatement, on peut vous la distribuer.
M. Ryan: Cela serait une bonne chose.
Le Président (M. Blouin): Procédez, et nous la
distribuerons ensuite aux membres.
Mme Marceau-Boudreault: On disait: Pour assurer ce bien commun,
l'État ne doit-il pas protéger la valeur vraiment humaine de la
coexistence de ses citoyens en se préoccupant du niveau de la
moralité publique? L'État ne doit-il pas protéger la
valeur vraiment humaine de la coexistence de ses citoyens en empêchant
que la liberté de conscience ne brime les droits d'autrui?
Cette liberté de conscience, il nous apparaît que
l'État doit la sauvegarder de façon toute spéciale en
raison de la liberté de religion qui en découle. En effet, les
convictions religieuses du citoyen ne sont-elles pas ce qui détermine
les choix qui conditionnent l'orientation foncière de toute son
existence? De même, les convictions religieuses des citoyens ne
sont-elles pas ce qui détermine l'amélioration ou la
dégénérescence d'une société? Or, s'il est
un secteur qui contribue à déterminer les convictions
éthiques et religieuses de la société et un secteur qui
permet de vérifier facilement le souci des autorités civiles de
respecter la liberté de conscience et de religion, c'est bien celui de
l'éducation. Dans quel secteur serions-nous justifiés de croire
que ces libertés sont protégées si, dans toutes les
écoles publiques, la liberté d'expression religieuse est
balisée, confinée et mise en cage à l'intérieur
même des écoles que les citoyens voudront confessionnelles?
Ainsi, dans notre société québécoise
actuelle caractérisée par le pluralisme des allégeances
religieuses et philosophiques des citoyens, il nous apparaît
nécessaire, voire urgent, que les autorités civiles
présentent une réforme scolaire qui assurera le respect du droit
de tous les citoyens d'avoir accès à des écoles conformes
à leurs convictions. C'est une telle réforme que nous
attendons.
Cependant, loin de trouver dans le projet de loi 40. cette
diversité nécessaire aux réseaux scolaires dans notre
système d'éducation, votre projet de loi transforme le statut
actuel de toutes nos écoles publiques de manière qu'elles soient
et demeurent avant tout "communes à tous." De plus, votre projet de loi
anéantit illégitimement le statut de nos commissions scolaires
confessionnelles pour qu'elles aussi deviennent et demeurent communes à
tous. (12 heures)
Ces changements majeurs dans notre système d'éducation,
vous nous les imposez parce que, dites-vous, la distinction entre
l'Église et l'État doit obligatoirement exclure, selon le livre
blanc, "que des structures dispensatrices de services publics soient
institutionnellement identifiées par des critères d'appartenance
religieuse." Pour accepter une telle interprétation de la distinction
entre l'Église et l'État, il faudrait nier le fait que les
gouvernements antérieurs ont laissé place à un
système d'enseignement confessionnel non pas parce que l'État
lui-même était alors catholique ou protestant, mais parce que les
gouvernements antérieurs avaient le souci de répondre aux
attentes des citoyens qui, eux, étaient catholiques ou protestants.
L'État, tout en restant neutre, n'a-t-il pas le devoir de s'assurer que
le système public d'éducation permette le développement
d'écoles catholiques là où les citoyens le demandent? De
même, l'État n'a-t-il pas le devoir de créer des
écoles autres que confessionnelles, là où la population en
manifeste l'attente? N'apparaît-il pas évident que votre
interprétation de la distinction entre l'Église et l'État
qui vient exclure la présence de structures confessionnelles dans notre
système public d'éducation ne peut qu'entraîner une
réforme antidémocratique, soit une réforme qui ne
correspond pas aux désirs de la population?
Nous remarquons, conformément à votre
interprétation de la distinction entre l'Église etl'État, que vous refusez de laisser en place notre réseau
actuel d'écoles confessionnelles pour imposer à toute la
population un système d'écoles uniformes dites "publiques
et communes." Ce réseau d'écoles uniformes, vous nous l'imposez
sous prétexte, dites-vous dans le livre blanc, que les écoles
confessionnelles sont des écoles "rétrogrades." Vous nous
l'imposez pour des motifs économiques non fondés et
injustifiables. Comment, en effet, est-il permis à l'État de
brimer la liberté de conscience et de religion des citoyens au nom de
l'économie d'une province? Est-il justifiable d'abolir tout le
réseau actuel d'écoles confessionnelles sous le prétexte,
comme le dit encore le livre blanc, que lesdites écoles ne satisfont pas
pleinement ceux qui les revendiquent? Ce sont pourtant là les
principales justifications du chambardement de nos structures scolaires
confessionnelles actuelles. Par ailleurs, après avoir aboli tout le
réseau d'écoles confessionnelles, vous imposez dans le projet de
loi 40 à tous les citoyens un modèle unique d'école
commune à l'intérieur duquel devront vivre les citoyens dont les
allégeances éthiques et religieuses sont diversifiées,
voire incompatibles et irréconciliables.
À votre avis, vous améliorez les garanties religieuses
dans notre système d'éducation en imposant une clientèle
obligatoirement diversifiée dans nos écoles publiques et en
imposant aux citoyens de toutes ces écoles le respect de la Charte
québécoise des droits et libertés de la personne. Ladite
charte devra s'appliquer à toutes les écoles, peu importe
qu'elles soient reconnues confessionnelles ou non. Cette limitation à
l'exercice de la confessionnalité scolaire, vous la justifiez dans votre
livre blanc par ce qui est, justement, la plaie actuelle de nos écoles
catholiques, lorsque vous affirmez que, "de nos jours, cette charte
québécoise est spontanément observée dans un grand
nombre d'écoles actuellement reconnues confessionnelles et dont la
clientèle est diversifiée."
En somme, plutôt que d'enlever les raisons véritables de
l'insatisfaction des citoyens en ce qui a trait au respect de leur
liberté de conscience et de religion dans les écoles, vous
proposez comme solution de donner force de loi à ce qui, justement, est
la cause première de leur insatisfaction. Cette insatisfaction ne
résulte-t-elle pas du fait qu'à l'intérieur de nos
écoles confessionnelles actuelles se retrouve une clientèle aux
allégeances diversifiées? Une telle diversité des
allégeances éthiques et religieuses des personnes se retrouvant
dans une école reconnue confessionnelle, n'est-ce pas, justement, ce qui
empêche les parents d'obtenir un vécu de leur école
conforme à leurs convictions?
Pourtant, par votre réforme, vous cimentez dans la loi cette
situation de fait. Désormais, toutes les écoles publiques seront
et demeureront de par la loi communes aux citoyens qui ont des
allégeances religieuses diverses et désormais toute la population
devra respecter la charte québécoise dans toutes les
écoles publiques, là même où la population aura
demandé un statut confessionnel.
Cette limitation à l'exercice de la confessionnalité
scolaire par l'application de la Charte québécoise des droits et
libertés de la personne est, à votre avis, nécessaire pour
empêcher que des citoyens ne puissent particulariser des écoles au
point, dites-vous, "d'institutionnaliser des inégalités tout
aussi despotiques" que celles que vous vous appliquez à surmonter.
À ce sujet, nous aimerions que vous énonciez clairement quelles
sont ces inégalités despotiques auxquelles vous faites allusion
dans votre livre blanc, que vous cherchez à surmonter et qui sont les
tyrans responsables de ces inégalités. Une réponse
précise à cette question sera sans doute susceptible d'expliquer
le but réel de votre réforme. Votre réponse donnerait,
nous croyons, des précisions quant aux limites que doit apporter la
Charte québécoise des droits et libertés de la personne
relativement à la confessionnalité scolaire.
Quant à nous, nous nous interrogeons à propos de la
gravité des limites qu'apportera la charte québécoise
à l'exercice de la confessionnalité scolaire.
Premièrement, pourquoi, contrairement à la Charte canadienne des
droits et libertés, notre charte québécoise ne
reconnaît-elle pas le droit des citoyens à des écoles
confessionnelles? Le droit à la confessionnalité ne se place-t-il
pas tout entier dans la logique du droit à la liberté de
conscience? Le droit des écoles confessionnelles n'est-il pas
nécessaire pour permettre aux citoyens de foi religieuse d'avoir des
écoles conformes à leurs convictions et à leur
idéal de vie? Or la réforme scolaire proposée rend les
garanties religieuses en matière d'éducation dépendantes
de la charte québécoise, alors même que le directeur du
service de l'éducation de la Commission des droits de la personne
affirme que l'omniprésence d'un projet éducatif chrétien
dans une école est incompatible avec la charte
québécoise.
Quant au comité catholique du Conseil supérieur de
l'éducation, il est d'avis que l'application de la charte
québécoise ne manquera pas de soulever des disputes dans les
écoles catholiques, en raison, dit le comité, de
l'intolérance et du manque d'un véritable "esprit pluraliste"
à l'intérieur de ces écoles. Pourtant, ledit comité
affirme aussi que, en vertu de la charte québécoise, la
majorité devra s'imposer des contraintes et il ne sera pas possible
concrètement de donner à chacun satisfaction dans nos
écoles. En conséquence, pour que soit acceptée
l'application de la charte québécoise dans nos
écoles catholiques, le comité catholique nous précise
qu'il appartiendra aux conseillers en éducation chrétienne
d'assurer l'apprentissage d'un "esprit pluraliste" aux personnes
présentes dans l'école catholique. Voilà qu'en plus
d'exiger que les catholiques envoient leurs enfants dans une école
pluraliste, c'est-à-dire une école qui recrute une
clientèle sans critère d'appartenance éthique et
religieuse, il appert que nos enfants devront désormais y faire
l'apprentissage d'un "esprit pluraliste."
Quelles sont les convictions éthiques et religieuses d'une
personne à l'esprit pluraliste? Selon le dictionnaire, l'esprit
pluraliste consiste à accepter "une philosophie ou une doctrine suivant
laquelle les être humains, en tant que phénomènes, ne
dépendent pas d'une réalité absolue." En d'autres mots,
"l'esprit pluraliste" considère que toute connaissance est relative et
elle constitue de ce fait une forme de relativisme en vertu de laquelle les
valeurs morales varient selon les circonstances et selon le contexte social.
Or, la conséquence d'un esprit pluraliste ou relativiste est de
"déclarer toutes les doctrines également bonnes ou vraies et
d'établir la liberté parce qu'on n'a pas de motif d'estimer une
doctrine plus vraie qu'une autre."
Contrairement au relativisme propre à l'esprit pluraliste,
l'Église catholique a toujours enseigné que la
vérité se trouve dans le message du Christ, dont elle est
l'interprète authentique, et elle ne peut admettre que d'autres
doctrines soient mises sur un pied d'égalité à la sienne.
C'est pourquoi, en tant que catholiques, il nous apparaît manifeste que
nous perdons toutes nos écoles catholiques si, à
l'intérieur de celles-ci, il faut respecter la charte
québécoise qui met sur un pied d'égalité toutes les
religions. Demander aux catholiques d'avoir la même attitude à
l'égard des doctrines qui sont incompatibles avec leur foi religieuse
qu'à l'égard de celles qui expriment leurs convictions
religieuses, c'est leur demander de renier leur foi, c'est leur demander de
renier l'enseignement de Jésus-Christ.
Or, lorsque des citoyens affirment, en vertu de leur esprit relativiste,
que des chrétiens sont intolérants parce qu'ils refusent une
telle école, on se demande où se trouve exactement la
véritable intolérance. Car l'on sait que la charte
québécoise, qui découle de cet esprit relativiste, nous
oblige à étouffer notre confessionnalité scolaire et exige
des catholiques qu'ils tolèrent l'expression d'enseignements et
d'attitudes contraires à la foi catholique. En somme, la charte exige
une tolérance telle qu'elle met en péril la foi même de nos
enfants.
De plus, exiger des enseignants à l'intérieur des
écoles catholiques qu'ils respectent la liberté de religion des
non-catholiques, c'est leur exiger de taire les enseignements de notre
Église dans le vécu général de l'école. Or,
ne pas parler de Dieu aux enfants avec qui on passe plusieurs heures par jour,
n'est-ce pas par le fait même leur insinuer que Dieu n'existe pas ou
qu'on n'a nul besoin de lui? De même, rappeler aux enfants leurs devoirs
envers eux-mêmes et leurs semblables et garder le silence sur leurs
devoirs envers Dieu, n'est-ce pas leur faire pénétrer dans
l'esprit que ces devoirs n'existent pas ou qu'ils n'ont aucune importance?
Enfin, taire le nom de Jésus-Christ, sa doctrine, sa vie et ses oeuvres
dans une école d'enfants chrétiens qui vont faire leur
première communion ou qui viennent de la faire, n'est-ce pas là
un silence qui en lui-même est un enseignement? Un tel silence qui, loin
d'être neutre dans les faits, constitue une attitude qui agit sur
l'esprit des enfants et qui est susceptible de leur faire croire que le Christ
n'est pas Dieu puisque le professeur, lui, ne veut pas ou ne peut pas parler de
Dieu.
On ne peut pas cantonner la religion dans un coin de l'âme. Elle
n'est rien ou elle est le tout de l'homme. En conséquence, "une
école où l'on doit faire abstraction de toute
vérité qui puisse distinguer les catholiques des athées
stérilise la recherche de cette vérité." C'est pourquoi un
projet de réforme qui propose aux catholiques des écoles qui ne
font que tolérer un cours de religion à côté et en
dehors d'un enseignement neutre des autres matières est inacceptable et
ne respecte pas la liberté des chrétiens.
Par ailleurs, dans le projet de loi 40, il n'y a pas seulement la charte
québécoise qui vient restreindre l'exercice de la
confessionnalité scolaire à l'intérieur des cours de
religion et des services d'animation pastorale. Le projet de loi 40 nous
confirme une telle conséquence de l'application de la charte
québécoise, de par les dispositions qui réduisent les
pouvoirs décisionnels du comité catholique au seul domaine du
cours de religion et de l'animation pastorale.
Une fois encore, plutôt que d'enrayer les causes qui
empêchent l'école catholique d'avoir un vécu conforme
à son statut, vous donnez force de loi à ce qui, justement,
l'empêche de l'être. Les enseignants et les directeurs
d'école ne sont-ils pas les agents les plus importants dans
l'école? N'est-ce pas eux qui donnent à l'école catholique
son caractère de par leurs actions et de par leurs témoignages?
Pourquoi votre projet de réforme réduit-il les pouvoirs
décisionnels du comité catholique, de façon que tout le
choix du personnel enseignant et du personnel de direction dans les
écoles catholiques se fasse sans égard à leurs convictions
religieuses, si ce n'est pour ce qui concerne
strictement le choix du personnel affecté aux cours de religion
et aux services d'animation pastorale?
Cette réduction des pouvoirs du comité catholique ne
règle pourtant aucun problème et l'absence de tout contrôle
au niveau de la conformité des enseignements donnés avec la
confessionnalité des écoles continuera nécessairement
d'entraîner la non-concordance du vécu de l'école avec le
statut confessionnel de celle-ci. Par ailleurs, nous ne trouvons pas, non plus,
dans la réforme proposée de nouvelles mesures législatives
permettant de mettre plus facilement un terme à la pratique inconcevable
d'enseignants non catholiques dispensant des cours de catéchèse.
D'autre part, votre projet de loi n'amène aucun adoucissement à
la rigidité des conventions collectives pour permettre des
aménagements nouveaux qui puissent faciliter la conformité entre
le vécu d'une école et son statut. (12 h 15)
En somme, les modifications apportées au système
d'éducation par le projet de loi 40 ont toujours pour effet soit de
faire disparaître la confessionnalité scolaire ou soit
d'étouffer l'exercice de ladite confessionnalité là
où la population persistera à la revendiquer, pour les
considérations suivantes:
En considération du fait que toute consultation nécessaire
à l'obtention d'une reconnaissance confessionnelle doit se faire au
niveau de chacune des écoles; en considération du fait que ladite
consultation doit se faire dans un territoire aussi restreint, les citoyens de
ce territoire qui sont minoritaires à l'égard de leurs
allégeances éthiques et religieuses n'auront jamais accès
à l'école qui correspond à leurs convictions. Ici, ce
n'est pas sur le principe de la consultation qu'on n'est pas d'accord, mais sur
le mécanisme qui est établi dans le projet de loi 40 pour
effectuer cette consultation. En conséquence, cette minorité, par
le biais de la Charte québécoise des droits et libertés de
la personne, pourra empêcher l'exercice de la confessionnalité
scolaire qui aura été réclamée par la
majorité.
En considération du fait qu'il suffit de ne pas réclamer
une reconnaissance confessionnelle de l'école pour que ladite
école perde son statut confessionnel et ce, sans aucune consultation; en
considération du fait que, par le projet de loi, toutes nos
écoles catholiques deviennent obligatoirement "communes" à tous
sans aucune distinction d'appartenance religieuse; en considération du
fait que les garanties religieuses en matière d'éducation cessent
de dépendre des règlements du comité catholique pour ne
dépendre que de la Charte québécoise des droits et
libertés de la personne; en considération du fait que la charte
québécoise, contrairement à la Charte canadienne des
droits et libertés, ne garantit pas le droit à des écoles
confessionnelles;.en considération du fait que l'application de la
charte québécoise est incompatible avec l'omniprésence des
valeurs chrétiennes dans une école; en considération du
fait que la réduction des pouvoirs du comité catholique
réduit par le fait même l'exercice de la confessionnalité
scolaire aux cours de religion et aux services d'animation pastorale; en
considération du fait que, contrairement à la définition
de l'école catholique, le recrutement des élèves, le
recrutement des professeurs et du personnel de direction de ces écoles
ne pourra plus se faire selon des critères d'appartenance religieuse; en
considération du fait que de telles limitations à l'exercice de
la confessionnalité scolaire nous enlèvent par elles-mêmes
notre droit d'avoir accès à des écoles
véritablement catholiques, pouvons-nous nous étonner que cette
même réforme nous impose des commissions scolaires non
confessionnelles? Serait-ce parce que des commissions scolaires
confessionnelles déterminent trop clairement les valeurs qui doivent
être véhiculées dans les écoles qu'elles
administrent? Pourquoi donner préférence à un statut
linguistique au détriment d'un statut confessionnel, alors que ce
dernier, contrairement au statut linguistique, protège un droit
fondamental universellement reconnu?
Si la langue d'enseignement n'est pas protégée par
l'article 93 de notre constitution, c'est, selon le juge Deschênes dans
un arrêt de la Cour supérieure, en raison du fait "qu'obliger un
enfant à étudier de manière approfondie la langue
nationale qui n'est pas la sienne ne saurait être une entreprise de
dépersonnalisation." À contrario, le droit fondamental d'avoir
des écoles conformes à nos convictions éthiques et
religieuses est reconnu parce que son non-respect par l'État constitue
une entreprise de dépersonnalisation de nos enfants qu'on appelle
politiquement l'étatisation d'un système d'enseignement.
Or, selon Léon Bérard, ancien ministre de
l'Éducation en France, la caractéristique principale de
l'étatisation de l'enseignement est "l'imposition d'une école
unique qui a pour nature d'être multiple", soit une école commune
à toutes les allégeances éthiques et religieuses.
Nous refusons et nous dénonçons ce projet de
réforme car il ne serait digne que d'un parti socialiste radical qui
vise à imposer une école unique à l'encontre même
des attentes de la majorité de la population.
Le Président (M. Blouin): Merci. Maintenant, je vais
demander aux membres de la commission qui ont des...
Mme Mathieu: II y a encore une
autre partie qu'on n'a pas traitée...
Le Président (M. Blouin): Non. Je m'excuse.
Mme Mathieu: ...et qui est très importante.
Le Président (M. Blouin): Madame, je m'excuse, mais
j'avais compris que cette très longue présentation se substituait
au texte que vous nous aviez remis et que c'était l'esprit de la demande
que vous nous aviez faite. Vous comprendrez que votre présentation a
pris au-delà de 37 minutes et que nous devons maintenant procéder
aux échanges entre les membres de la commission et vous-mêmes. Je
puis vous rassurer en vous disant que le texte que vous nous avez remis, de
même que le mémoire que vous avez déposé à la
commission ont été remis aux membres de la commission il y a
déjà un bon nombre de semaines et que chacun des membres de la
commission a eu l'occasion d'en prendre connaissance.
À moins que vous ne puissiez résumer en quelques phrases
les thèmes que vous vouliez évoquer, nous ne pourrons permettre
une lecture systématique du texte que vous nous avez
présenté.
M. Ouellette (Léo-Paul): Je suis d'accord pour relever le
défi en quelques minutes. Trois ou quatre.
Le Président (M. Blouin): Je vous dis qu'au-delà de
quatre minutes nous devrons cesser.
M. Ouellette (Léo-Paul): Je vous permets de
m'interrompre
M. Ryan: Jusqu'à cinq, M. le Président, au
maximum.
Le Président (M. Blouin): Alors, il y a une entente sur
cinq minutes.
M. Ouellette (Léo-Paul): Les commissions scolaires
linguistiques, idée simple et logique, ont été
évoquées et par une argumentation qui est trop souvent
négligée, le droit à une éducation selon ses
valeurs religieuses serait plus fondamental qu'un droit à une
éducation selon sa langue. On sait que les anglophones du Québec
ont refusé d'être privés de leur commissions scolaires pour
des raisons de langue. On voit actuellement le débat des francophones de
l'Ontario pour leurs commissions scolaires pour des questions de langue. S'il
est vrai que les valeurs spirituelles sont plus fondamentales, il faut les
protéger.
Il est bien sûr qu'il y a beaucoup de gens qui, peut-être,
ne sentent pas le besoin des commissions scolaires catholiques. Les gens sont
près de l'école et ils veulent une école catholique. Ce
n'est qu'après avoir été privés de leur commission
scolaire qu'ils comprendront l'importance de la protection de la structure
juridique sur l'école et qu'ils constateront la
détérioration dans les faits. Quel que soit le prétendu
consensus qu'on puisse nous présenter contre cette idée des
commissions scolaires confessionnelles, nous gardons cette conviction profonde
et fondamentale que la meilleure façon de réaliser une
école catholique est celle de lui donner la protection d'une structure.
On peut vivre un projet éducatif pendant un bout de temps, mais il faut
penser pour de longues années et, là, la protection des
structures est absolument essentielle.
Deuxième point, très rapidement: le pouvoir des parents.
Nous sommes certainement parmi les groupes de parents qui croient le plus
profondément que l'école appartient aux parents. Cependant, il y
a deux volets à cet énoncé. M. Brassard, de la
faculté des sciences de l'éducation de l'Université de
Montréal, a fait ressortir ce point en des termes assez savants et a
distingué l'aspect valoriel de l'aspect technique. En termes plus
simples, disons que les parents veulent dire les valeurs qu'ils veulent
à l'école, mais que la dimension technique, c'est-à-dire
toute la mise en place des moyens pour réaliser ces valeurs, dans la
plupart des cas, échappe à leur compétence et
échappe au temps dont ils disposent. Nous voulons donc dire les valeurs
de l'école, mais nous ne voulons pas recevoir le fardeau d'administrer
l'école et, particulièrement, le fardeau d'appliquer tous les
règlements du ministère de l'Education et des conventions
collectives.
Les parents atomisés en 2682 conseils d'école seront des
pygmées face aux colosses que sont le ministère de
l'Éducation et les conventions collectives. Quelle que soit la valeur
des intentions, nous considérons que c'est un danger terrible pour les
parents d'être divisés en petits groupes. C'est priver les parents
de l'appui de corps intermédiaires forts et solides. Pour des parents
chrétiens, c'est un point absolument fondamental qui est rappelé
avec constance dans la doctrine sociale de l'Église.
J'aurais voulu dire un petit mot sur l'enseignement privé
même si on n'en parle pas beaucoup dans le projet de loi. Nous voulons,
tout simplement, rappeler que le livre blanc avait posé des principes
profondément dangereux comme la négation du droit à la
subvention. Je m'arrête, M. le Président.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. Ouellette.
Merci, mesdames et messieurs. M. le ministre, en vous rappelant que chaque
formation politique dispose d'un peu plus de 20 minutes pour s'entretenir
avec nos invités.
M. Laurin: M. le Président, je veux, d'abord, remercier
l'Association des parents catholiques du Québec pour le mémoire
qu'elle nous a présenté, que j'ai lu avec beaucoup d'attention,
et merci aussi pour la présentation de ce matin. Évidemment, la
longueur de la présentation va limiter nos échanges et je le
regrette. Je veux, quand même, réitérer l'attention que je
veux porter à ce mémoire et particulièrement à la
dimension juridique qui a fait l'objet de l'essentiel de la présentation
de ce matin.
Mme Mathieu a dit au début que 60 écoles ont
demandé une reconnaissance de leur statut confessionnel depuis 1974,
bien sûr. Il faut, cependant, ajouter qu'en mars 1983, date de notre
dernière compilation, au moins une vingtaine d'écoles
confessionnelles dans le secteur catholique n'avaient pas demandé
d'être reconnues comme catholiques. Quoi qu'il en soit, en vertu de la
loi 40 ces écoles conserveront leur statut et auront trois ans pour
décider si elles veulent ou non le maintenir. L'assurance de la
reconnaissance du statut confessionnel éventuel est également
incluse dans le projet de loi.
Je viens d'entendre dire à nouveau que le projet de loi 40 fait
des parents des pygmées écrasés entre deux colosses que
sont les syndicats et le ministère de l'Éducation du
Québec. On a, évidemment, oublié la commission scolaire.
Je pense qu'il est très difficile pour une association de parents de
prétendre que la loi 40 fait des parents des pygmées, alors
qu'à l'école, c'est-à-dire là où s'exerce
l'activité éducative, le projet de loi 40 donne aux parents non
plus une place consultative, mais une place décisionnelle, et sur des
sujets qui importent au plus haut point à l'éducation des enfants
dont les parents sont les premiers responsables particulièrement au
cycle primaire. Il leur accorde même une place plus importante au sein du
suffrage universel puisque celui-ci est désormais centré au
niveau de l'école.
Quant à la confessionnalité, l'étude juridique que
nous avons entendue ce matin a tenté d'opposer le comité
catholique au projet en raison de certaines opinions en ce qui concerne la
Charte des droits et libertés de la personne adoptée au
Québec il y a déjà plusieurs années. Je dois, quand
même, rappeler que, d'une façon générale, le
comité catholique, dans un avis qu'il a rendu public très
récemment, se déclare d'accord avec les aménagements
confessionnels que prévoit le projet de loi. De même, dans le
mémoire qu'on nous a présenté et qu'on n'a pas lu ce
matin, on se réfère souvent à l'opinion des
évêques, telle que rendue publique en mars 1982. On en fait une
certaine lecture dont on tire certaines conclusions qui iraient à
l'encontre du projet de loi. Je voudrais, cependant, dire à
l'Association des parents catholiques du Québec qu'on peut faire une
autre lecture de la déclaration des évêques en mars 1982.
Je ne veux pas la relire, elle est trop longue, mais je pense que je peux dire
à la suite de la lecture que j'en ai faite - et elle a été
fréquente - que, dans cette déclaration, les évêques
disent qu'ils veulent contribuer à une évolution du
système scolaire qui soit inspirée par l'esprit
démocratique et un profond respect des droits individuels et
collectifs.
À cette fin, les évêques proposent trois moyens
susceptibles de débloquer le système scolaire. Par exemple,
offrir l'option entre l'enseignement moral et l'enseignement religieux. Ce sera
mieux adapté, disent-ils, au caractère commun de l'école
qui est publique. Deuxièmement, mettre en place un mécanisme de
consultation qui permettra aux parents de choisir le statut de leur
école pour une période déterminée.
Troisièmement, laisser place à des écoles officiellement
reconnues comme catholiques. Pour les évêques, cela veut dire
respecter la variété des aspirations des divers milieux; cela
veut dire respecter la tradition scolaire du Québec. Cela veut dire
tenir compte du droit des parents de choisir une éducation et une
école conformes à leurs convictions. Cela veut dire tenir compte
de l'apport de l'école catholique à la société qui
traverse présentement une crise spirituelle et une crise des valeurs.
(12 h 30)
Les évêques, évidemment, affirment avec conviction
et fermeté leur préférence pour l'école catholique
qui demeure un modèle toujours actuel. Les évêques
poursuivent en disant qu'ils sont prêts à renoncer, à
certaines conditions, au caractère confessionnel des commissions
scolaires, par exemple, si les traits confessionnels qui affectent les
commissions scolaires s'avèrent un obstacle insurmontable à la
diversité du réseau scolaire. Ceci est précisément
le cas, en raison de la diversité croissante des allégeances, des
éthiques spirituelles, religieuses qui se manifestent au Québec
particulièrement depuis une quinzaine d'années. Ceci a,
d'ailleurs, conduit la plupart des organismes qui se sont
présentés ici à se dire d'accord avec la nouvelle division
des commissions scolaires sur une base linguistique. Et la deuxième
condition: pourvu que, dans les commissions scolaires, quelle que soit leur
nature, on assure le soutien nécessaire à la régie des
écoles catholiques et au service d'enseignement religieux et de
pastorale dans les écoles non catholiques.
Il nous semble que le projet de loi 40 reflète, pour l'essentiel,
cette position des évêques, mais si l'Association des parents
catholiques ne le pense pas, pourrait-elle nous dire sur quels points le projet
de loi 40
ne se conforme pas à ces principes et à ces souhaits que
les évêques expriment dans leur déclaration de mars
1982?
Mme Mathieu: Puis-je vous poser une question, M. Laurin? Vous
avez affirmé -est-ce que j'ai bien compris? - que les
évêques acceptent la division linguistique.
M. Laurin: Non.
Mme Mathieu: Non. Vous n'avez pas dit cela.
M. Laurin: Je n'ai pas dit cela.
Mme Mathieu: Heureusement, parce que là...
M. Laurin: J'ai dit que les groupes qui sont venus ici, en raison
de cette diversification croissante au Québec des allégeances
religieuses, spirituelles, éthiques et d'autres facteurs
également dont ils nous ont fait part, se sont dits très
majoritairement d'accord pour une nouvelle division des commissions scolaires
sur une base linguistique. Mais, si cela est le cas, les évêques
demandent que certaines conditions soient respectées, si la base est
changée, et ce sont ces conditions dont je vous ai fait part.
Mme Mathieu: Si je me rappelle bien le texte des
évêques, d'abord, ils manifestent leur préférence
pour les commissions scolaires confessionnelles. L'obstacle, c'est qu'il
faudrait faire la preuve que les commissions scolaires confessionnelles
empêchent la diversification des écoles, si vous voulez. Je ne
crois pas, comme je vous l'avais dit il y a un an et demi environ, que
quelqu'un a fait la preuve qu'une commission scolaire confessionnelle, qu'un
système scolaire confessionnel, pouvait empêcher de mettre en
place des écoles non confessionnelles. Si on revient à la
déclaration des évêques, il faut bien remarquer que ceux-ci
ont demandé un véritable statut juridique pour l'école et
non pour le projet éducatif.
Là aussi, je voudrais vous reposer la question que je vous posais
il y a un an et demi, à laquelle vous n'avez pas donné de
réponse: Est-ce qu'il s'agit, quand on parle de la reconnaissance, de la
reconnaissance d'un projet éducatif ou de celle de l'école? Il
n'y a absolument rien dans la loi qui pose des prérequis ou des
exigences en regard de l'école. Il n'y a pas d'exigences, comme l'a dit
tout à l'heure madame, concernant le recrutement des professeurs. Le
comité catholique ne peut pas faire de règlement concernant le
directeur d'école. On n'a plus, comme autrefois, à s'assurer que
les programmes soient respectueux de la pensée chrétienne. Ces
gens pourront être consultés. C'est tout. Je vois très mal
comment on peut parler de reconnaissance d'école à ce
moment-là. Vous-même, à l'occasion d'un programme que j'ai
écouté - c'était un échange avec M. Rioux - vous
avez parlé de reconnaissance du projet éducatif.. Dans le livre
blanc, on employait parfois le mot école et parfois le mot projet
éducatif.
Alors, à notre avis, c'est loin d'être clair parce qu'il y
a une grande différence entre la reconnaissance d'un projet
éducatif et la reconnaissance d'une école. Cela n'a jamais
été clarifié.
Est-ce que vous pouvez réellement m'apporter des
précisions en me donnant des raisons de croire qu'il s'agit de la
reconnaissance de l'école?
M. Laurin: Le projet de loi est très clair à cet
égard et il s'agit de la reconnaissance de l'école.
Mme Mathieu: Alors, est-ce que le conseil d'administration de
l'école préconisée dans le projet de loi 40 est
confessionnel?
M. Laurin: La reconnaissance de l'école selon des
critères qui seront établis par le comité
confessionnel.
Mme Mathieu: Mais, le conseil d'école qui doit administrer
l'école est-il confessionnel? Fait-il partie de l'école?
M. Laurin: Je pense que je ne peux pas aller plus loin dans ma
réponse. Je pense qu'elle est assez claire.
Mme Mathieu: Je ne trouve pas, moi, que c'est clair, parce que
vous ne voulez pas me répondre si le conseil d'école fait partie
de l'école, si c'est une entité à côté de
l'école. Je donne la parole à Mme...
M. Laurin: Je pense que vous pourrez trouver une réponse
encore plus circonstanciée si vous relisez tout le projet de loi, en
particulier l'article qui a trait à la reconnaissance du statut de
l'école, et, en plus, si vous regardez les articles qui
définissent ce qu'est l'école et où il est évident
que le projet éducatif ne peut être assimilé à une
école. Une école, c'est un établissement qui a pour
finalité l'éducation, mais l'école est aussi un lieu
où les équipes-école pourront élaborer et
réaliser un projet éducatif.
Mme Mathieu: Vous ne m'avez quand même pas répondu,
M. Laurin. Le conseil d'école fait-il partie de l'école? Est-ce
que c'est une entité à côté ou avec l'école
et dans l'école? Est-ce qu'il est confessionnel? Est-ce que toute la
reconnaissance englobe aussi le corps qui va l'administrer?
M. Laurin: Je ne peux que vous répondre encore que
l'école qui demande la reconnaissance d'un statut confessionnel le fera
selon des critères qui seront établis par le comité
confessionnel.
Mme Mathieu: Vous n'avez pas répondu à ma
question.
Le Président (M. Blouin): Bon. Alors, je crois qu'il
s'agit...
Mme Mathieu: Mme Boudreault voudrait compléter la
réponse, s'il vous plaît;
Le Président (M. Blouin): Oui, rapidement, Mme
Boudreault.
Mme Marceau-Boudreault: M. Laurin, lorsque vous nous demandez en
quoi le projet de loi 40 ne répond pas à la déclaration de
nos évêques, je répondrai ceci immédiatement. Les
évêques ont demandé un statut confessionnel qui n'est pas
réductible aux garanties touchant l'enseignement religieux et
l'animation pastorale. Or, dans notre exposé, nous avons
démontré justement que la confessionnalité scolaire devra
se restreindre et se limiter à ce cours de religion et au service
d'animation pastorale.
Par ailleurs, les évêques ont demandé aussi - et
vous avez les citations dans le mémoire qu'on vous avait
déposé - que soient maintenus les pouvoirs actuels du
comité catholique. Or, les pouvoirs du comité catholique sont
réduits de façon qu'il n'a plus aucun pouvoir décisionnel
en ce qui touche le personnel enseignant et les programmes d'études
autres que l'enseignement religieux. Cela veut dire que des programmes
d'études pourront être imposés à des écoles
soi-disant confessionnelles et qui viendront en contradiction avec la
confessionnalité de ces écoles. Déjà on est aux
prises avec des problèmes de professeurs qui ne respectent pas la
confessionnalité des écoles et qu'on n'arrive pas à
régler. On arrive avec un projet de loi où les commissions
scolaires perdent des pouvoirs. Des conseils d'école divisés
chacun de son côté devront faire face à l'application des
conventions collectives et se débattre pour régler le
problème et exiger des professeurs que la confessionnalité de
l'école soit respectée.
Concernant le comité catholique, nous étions au courant
que le comité catholique avait donné son accord au projet de loi
40. Toutefois, on a relevé les arguments du comité catholique
lorsqu'il accepte cette soi-disant offre de confessionnalité. Il
souligne qu'il va falloir que les enfants des écoles catholiques fassent
l'apprentissage de l'esprit pluraliste et cet esprit pluraliste, ce sont les
conseillers en éducation chrétienne; on demande aux conseillers
en éducation chrétienne de leur en faire faire l'apprentissage.
Esprit pluraliste qui vient manifestement en contradiction avec l'esprit
chrétien d'une école.
Le Président (M. Blouin): Cela va? Merci, Mme
Marceau-Boudreault, merci, M. le ministre. M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, il me fait plaisir de rencontrer
Mme Mathieu et ses collègues de l'Association des parents catholiques du
Québec. Je connais le zèle de l'Association des parents
catholiques pour la défense de l'école catholique. Je pense que
l'association a exercé son droit d'intervention dans ces matières
avec fermeté et clarté depuis de nombreuses années,
qu'elle exerce un droit parfaitement démocratique qu'il faut savoir
reconnaître.
Il y a bien des points, dans le mémoire qu'on a
présenté ce matin, sur lesquels je n'aurais aucune
difficulté à être d'accord. Quand vous affirmez, au
début de votre mémoire, que vous voulez que le contrôle des
parents s'exerce sur le système d'enseignement, surtout par le
truchement de structures intermédiaires fortes, qui sont, d'après
ce que j'ai pu comprendre, les commissions scolaires, c'est une proposition que
moi-même et mes collègues de l'Opposition non seulement acceptons,
mais défendons avec vigueur.
Nous trouvons que cette espèce d'opposition, qu'on cherche trop
souvent à ériger entre les parents qui ont des enfants à
l'école et les parents qui sont élus commissaires d'école
par leurs concitoyens, est fausse et artificielle. Voir si le parent qui a
été élu commissaire sera moins parent parce qu'il est
commissaire que celui qui a un enfant à l'école et qui n'est pas
commissaire! Il faut cesser de se gargariser d'expressions artificielles qui
érigent de toutes pièces des oppositions qui ne doivent pas
exister dans la réalité. Qu'il existe des tensions entre les
écoles et les commissions scolaires, c'est normal, cela fait partie de
la vie; entre les parents qui sont dans une école et ceux qui peuvent
être à la commission scolaire, c'est normal aussi, on les
règle par la voie de la discussion et les voies que prévoit la
loi. Je ne pense pas qu'on doive inventer de nouvelles théories pour
régler tous ces problèmes.
En tout cas, c'est un point sur lequel je suis d'accord avec vous. Je
pense que l'influence stable et durable des parents sera bien plus forte si
elle est garantie à ce niveau, quitte à la compléter par
toutes sortes d'autres modalités ensuite que si on prétend
chambarder tout le système et créer 3000 unités de
commandement, qui risquent d'être isolées les unes des autres et
de devenir, comme vous l'avez dit dans votre mémoire, atomisées
pour tomber ensuite, par
voie de conséquence inévitable, sous l'autorité
encore plus forte du ministère de l'Éducation. Sur un point comme
celui-là, je pense qu'il y a moyen de faire un grand bout de chemin
ensemble.
En ce qui concerne la nécessité des valeurs morales et
religieuses dans l'éducation de la jeunesse, moi-même, je n'ai
jamais fait de mystère de mes convictions et de mes attaches à ce
sujet. Je pense que la religion est un facteur de progrès culturel, de
progrès dans la voie de la civilisation qui est indispensable pour
l'épanouissement d'un peuple. Chez nous, elle a joué un
rôle très important et je souhaite qu'elle puisse continuer
à jouer un rôle central dans notre évolution collective
dans l'avenir.
Maintenant, il arrive un point où des divergences se manifestent.
Je vais prendre un passage de votre mémoire pour expliquer ce que je
veux dire. Vous faites allusion à l'évolution des vingt
dernières années, qui a été énorme,
évidemment, et vous dites, à un moment donné, à la
page 2: On a enlevé aux catholiques leurs universités, les
écoles normales, les collèges, les syndicats, les hôpitaux
et autres institutions de santé. Il restait des écoles primaires
et secondaires pour essayer de donner une base de formation chrétienne
aux enfants; on en supprime aujourd'hui tout le soutien institutionnel et
juridique.
Je voudrais simplement vous dire qu'à mon point de vue, on n'a
pas enlevé toutes ces institutions aux catholiques, il s'est produit une
évolution qui nous embrasse tous. Il n'y avait pas, d'un
côté, des mauvais qui sont venus nous dire: On va vous enlever
tout cela, et de l'autre côté, des bons, qui auraient
été dépouillés par des méchants. Ce n'est
pas comme cela que l'évolution s'est faite. De la manière dont je
l'ai suivie de près, je pense y avoir été assez
mêlé pour savoir un peu comment elle s'est produite.
Dans le monde syndical, les gens avaient évolué vers des
conceptions différentes; c'étaient des gens comme nous. À
un moment donné, ils ont conclu - c'étaient des dirigeants dont
les allégeances chrétiennes étaient connues publiquement -
que c'était mieux que l'ancienne Confédération des
travailleurs catholiques du Canada devienne la Confédération des
syndicats nationaux. (12 h 45)
Dans le cas des écoles normales, je pense que vous vous
souviendrez comme moi, Mme Mathieu, qu'un événement majeur s'est
produit à un moment donné. Autrefois, les principaux
d'école normale étaient nommés par le gouvernement sur
recommandation des évêques. S'il y avait une école normale
à Montréal, il y avait une recommandation de
l'évêque de Montréal. À un moment donné,
l'évêque de Montréal, qui était le cardinal
Léger, a dit: Je vais recommander un laïc plutôt qu'un
prêtre. Traditionnellement, ç'avait été des
prêtres. On a constaté que si on nommait des laïcs à
des postes clés, cela changeait la logique du système, on entrait
dans une logique de relations professionnelles, de relations de liberté
beaucoup plus grande, d'engagement moins formel. Des relations syndicales sont
venues s'ajouter à cela et il y a toute une logique qui est
arrivée. Nulle part, il n'y avait un deus ex machina,
c'est-à-dire un gros machinateur qui aurait conçu tout cela, qui
aurait dit: Je tire cette ficelle-ci ou je tire celle-là.
Cela me rappelle certains propos du cardinal Newman que je n'oublierai
jamais. Il nous rappelle que les grandes périodes
d'épanouissement humain dans la vie des peuples, les périodes qui
ont donné naissance à une effervescence particulière au
point de vue économique, culturel ou politique ont
généralement été accompagnées de remises en
question des grandes orientations de ces peuples aux points de vue spirituel et
religieux. Je pourrais donner des exemples: la fin de l'Empire romain, la fin
du Moyen-Age, la fin de l'époque moderne qui a commencé
dès le siècle dernier. Newman se rendait compte de tout cela en
Angleterre, dès le milieu du siècle dernier, ce n'est pas
nouveau, par conséquent.
Newman a eu une phrase formidable. Il a dit: Dans l'ancien
système, où tout était encadré juridiquement,
c'était beau, mais il y avait bien du mensonge, il y avait bien des gens
qui se cachaient derrière cela pour faire des oeuvres autres que celles
que définissaient les statuts juridiques. Il disait: Personnellement -
franchement, j'aime me présenter comme un disciple de Newman de ce point
de vue - j'aime mieux connaître les gens à qui j'ai affaire; je
veux savoir exactement à qui j'ai affaire et qu'on se batte à
ciel ouvert. Qu'on exprime des opinions contraires les uns les autres, parfois,
cela fait partie de la destinée humaine. C'est ce qui est arrivé
chez nous depuis vingt ans, il y a un processus de différenciation qui
s'est produit.
Si les communautés ont abandonné leurs anciennes oeuvres,
de manière générale, c'est parce qu'elles n'étaient
plus capables de les supporter. Ce n'est pas le gouvernement qui est
responsable - et cela implique les gouvernements antérieurs aussi - si
les vocations ont diminué dans les communautés religieuses. Il y
a eu toute cette période de floraison extraordinaire qui a fait que des
gens ont choisi d'autres orientations et c'est dans ce contexte nouveau qu'il
faut trouver une place pour l'objectif que vous définissez et auquel je
souscris. À travers quels mécanismes et à travers quelles
structures allons-nous pouvoir réaliser un système d'enseignement
qui tiendra compte des aspirations légitimes des citoyens qui veulent
que la religion continue d'être une force vive et aussi des aspirations
et des opinions des
citoyens qui pensent autrement?
Vous dites: Ce projet de loi n'est pas satisfaisant. Nous ne le trouvons
pas satisfaisant même de ce point de vue, pour d'autres
considérations sur lesquelles je ne veux pas trop m'étendre. Je
voudrais vous poser une question. Vous avez dit tantôt, Mme Mathieu: Oui,
gardons nos commissions scolaires catholiques et protestantes. Rien
n'empêche les commissions scolaires catholiques de donner des
écoles non catholiques, par exemple. Le juge Deschênes avait
examiné cette question quand est arrivée l'affaire de
Notre-Dame-des-Neiges. Il a dit ceci. Il s'est posé la question vers la
fin de son jugement: Comment concevoir qu'une commission scolaire comme la
CECM, confessionnelle et catholique de droit, formée de commissaires
catholiques, chargée de promouvoir l'enseignement catholique,
responsable d'un réseau d'écoles catholiques puisse, sans trahir
sa vocation et son caractère, créer et gérer des
écoles qui refuseraient toute allégeance religieuse? Là,
il ajoute: La réponse repose déjà dans la question.
Je suis porté à trouver que cette réponse du juge
Deschênes est logique. Ce qui est proposé dans le projet de loi,
les commissions scolaires linguistiques, permettrait d'élargir le champ
d'intervention de la commission scolaire; elle ne se limiterait pas à
devoir fournir uniquement les écoles catholiques, elle aurait la
responsabilité de toutes les écoles publiques sur son territoire.
Là, elle pourrait décider, sur la foi des volontés
exprimées par les parents, qu'un certain nombre d'écoles seraient
catholiques, qu'un certain nombre d'écoles qui seraient autres et elle
pourrait tenir compte de la diversité des situations.
Si vous la maintenez uniquement catholique, c'est plus difficile et on
ne sait pas comment cela évoluera. La logique de votre position vous
conduirait presque à demander trois réseaux de commissions
scolaires: catholiques, protestantes et neutres. Cela devient un peu fort.
C'est comme avoir une Cadillac, au point de vue structures d'organisation, qui
va coûter très cher et c'est à se demander si notre milieu
peut se payer tout cela. C'est là que la formule de la commission
scolaire linguistique entre en ligne de compte. Je voudrais que vous
répondiez à tout cela.
Le Président (M. Blouin): Mme Mathieu.
Mme Mathieu: Je pense que la réponse, on l'a
déjà donnée, mais je suis très heureuse d'y
revenir. Vous avez parlé du jugement Deschênes dans l'affaire
Notre-Dame-des-Neiges. Le juge Deschênes recommande la mise en place non
seulement d'écoles confessionnelles, d'écoles autres, mais aussi
un autre secteur. Je trouve que nous sommes en très bonne compagnie pour
demander la même chose, non pas à travers toute la province, mais
dans les milieux où ce serait nécessaire. Au tout début,
on a déjà étudié ce problème: s'il n'y avait
qu'une seule école, par exemple, non confessionnelle, il y aurait moyen
d'aménager des ententes avec la commission scolaire. Mais à
partir du moment où, dans une région comme Montréal, il y
a un certain nombre d'écoles qui naissent, on trouve que ce serait
beaucoup plus logique de leur donner leur propre réseau d'écoles
et qu'eux-mêmes puissent s'administrer. Si le nombre d'écoles non
confessionnelles augmentait, c'est sûr qu'il serait très
difficile, de toute façon, de maintenir un réseau de commissions
scolaires confessionnelles. Lorsque nous disons: Nous pouvons maintenir des
commissions scolaires et répondre en même temps aux besoins, dans
certains milieux, d'autres types d'écoles, nous ne voulons pas dire
nécessairement que la commission scolaire doit administrer tout un
réseau d'écoles non confessionnelles. Suivant la logique, on
considère qu'à ce moment-là ces écoles
préféreront être administrées par leurs propres
commissions scolaires. Ce pourrait être un syndic d'écoles. On a
déjà parlé d'élargissement de la loi pour permettre
cette possibilité.
Pour nous, c'est dans l'ordre de la logique parce que, un jour ou
l'autre, s'il y avait multiplication d'écoles non confessionnelles, je
le répète, ce serait très difficile de maintenir une
commission scolaire confessionnelle. Cela fait des années qu'on demande
qu'on mette en place, dans les milieux où c'est nécessaire, un
autre type d'écoles. Vous avez eu les anglo-catholiques qui sont venus
vous dire qu'ils préféraient étudier les besoins de leur
territoire ou des parents qui ont des services de cette commission scolaire et
qu'ils voudraient, par la suite, offrir des services différents. Je
trouve que c'est normal. À ce moment-là, chez les
anglo-catholiques où il y a très peu de demandes pour les
écoles non confessionnelles, cela ne pose pas de problème. Mais
dans un milieu très cosmopolite comme celui de Montréal, cela
pourrait poser des problèmes. On dit: Soyons logiques, donnons-leur leur
système d'écoles neutres. On n'est pas le seul pays où il
y a trois réseaux d'écoles. Vous le savez comme moi, il y a
beaucoup d'autres pays qui ont un réseau neutre, un réseau
protestant et un réseau catholique. Peut-être allez-vous me
répondre que ce sont des réseaux privés? Dans certains
cas, ils sont subventionnés à 100%. Cela ne pose pas de
problèmes pour ce qui est du choix des parents. Ils reçoivent des
subventions équivalentes pour envoyer leurs enfants ou à
l'école privée catholique, ou à l'école
protestante, ou à l'école publique neutre.
Il reste un point central: c'est que,
chez nous, on a un système qui a fait ses preuves, qui
répond aux désirs de la majorité de la population.
Pourquoi tout chambarder pour une minorité? On doit répondre aux
besoins des minorités. On est pleinement d'accord. On veut être
respectueux du droit des parents qui refusent l'école confessionnelle.
Mais qu'à ce moment on leur donne un autre type d'écoles auquel
ils ont droit également. Sinon on va se retrouver, dans quelques
années, avec la dissolution de l'école confessionnelle. D'autant
plus qu'avec la loi 40 c'est inévitable parce qu'il n'y a
réellement pas de véritables garanties, je pense qu'on en a
donné la preuve, pour une école véritablement
confessionnelle.
D'ailleurs, M. Laurin, vous avez dit tout à l'heure que
c'était un nouvel aménagement de la confessionnalité, une
nouvelle définition de la confessionnalité. M. Laurin a une
définition de la confessionnalité et l'Église catholique a
aussi sa définition. Est-ce que c'est à l'Etat de définir
l'école confessionnelle ou est-ce aux Églises? Est-ce que cela ne
reviendrait pas aux Églises de définir ce qu'est une école
confessionnelle?
Le Président (M. Blouin): Merci.
M. Ryan: J'aurais simplement une petite remarque. Tout d'abord,
je ne pense pas que, dans l'ensemble du territoire de la province de
Québec, il serait possible d'avoir trois réseaux de commissions
scolaires.
Mme Mathieu: Je n'ai pas dit cela. C'est simplement dans un
milieu tel celui de Montréal, là où il y aurait un besoin.
Il n'est pas question de créer à travers la province tout un
réseau d'écoles.
M. Ryan: J'ajoute seulement deux choses. Vous dites qu'il faut
tenir compte de l'opinion de la majorité et de l'opinion commune. C'est
vrai. Mais tout l'ensemble des commissions scolaires, par
l'intermédiaire de la Fédération des commissions scolaires
catholiques, est venu nous dire qu'elles trouveraient plus pratique aujourd'hui
d'évoluer vers des commissions scolaires linguistiques.
Les catholiques de langue anglaise sont également venus nous dire
qu'ils trouvent, même pour leur avenir dans le domaine scolaire, que ce
serait une bonne chose d'évoluer vers des commissions scolaires
linguistiques à condition qu'on leur donne des garanties
sérieuses.
Ceci étant dit, je ne veux pas vous poser d'autres questions. Je
veux laisser la place à d'autres. Je voudrais vous dire que nous, nous
ne sommes pas satisfaits des garanties que définit le projet de loi et
des mécanismes qu'il prévoit. Nous travaillons pour essayer
d'obtenir que ce soit beaucoup mieux que ce qu'on nous propose actuellement,
mais, le fond, la commission scolaire linguistique, si vous parlez de l'opinion
commune, c'est déjà pas mal avancé de ce côté
et je crois qu'on ne pourrait pas facilement maintenir le statu quo.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député d'Argenteuil. M. le député de Chauveau.
Mme Mathieu: Le député m'a posé des
questions et je n'ai pas pu répondre.
Le Président (M. Blouin): Je crois que le
député d'Argenteuil nous a signifié qu'il voulait
simplement ajouter un commentaire et non poser une question. Vous avez
évoqué que, selon vous, la majorité des gens
considéraient que votre position était celle qu'il fallait
retenir.
Mme Mathieu: II faudrait comprendre ce que j'entendais par
majorité, à ce moment-là.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Blouin): Bon, allez-y, très
rapidement.
Mme Mathieu: Ce que je préconise et ce que nous
préconisons, c'est une vraie consultation de la population. La
fédération des commissions scolaires n'a pas consulté les
parents dans les commissions scolaires pour savoir s'ils acceptaient cette
position. Que le gouvernement fasse réellement une consultation de la
population. C'est assez grave de chambarder tout un système, cela doit
se faire soit par référendum ou à l'occasion d'une
élection. La fédération des commissions scolaires
s'appelle la Fédération des commissions scolaires catholiques;
elle a été mandatée pour administrer des écoles
catholiques, en vertu de la loi 27, et je ne vois pas où elle a
pu prendre son mandat de renoncer au statut confessionnel.
D'ailleurs, si j'ai bien compris l'intervention de la
fédération, elle serait ouverte à la possibilité,
pour certaines commissions scolaires qui le désirent, de rester
confessionnelles. La fédération ne veut pas imposer ce mode
à toutes les commissions scolaires. C'est quand même une nuance
importante qui a été apportée par la
fédération.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Mathieu. M. le
député de Chauveau.
M. Brouillet: Merci, M. le Président. Mesdames et
messieurs, l'exposé que vous venez de faire quant à votre
conception d'une école catholique correspond à une conception des
meilleurs moyens pour assurer
l'éducation chrétienne. Je pense que votre objectif est la
meilleure éducation chrétienne des enfants et vous croyez que
l'école catholique telle que vous la concevez est l'un des meilleurs
moyens d'y arriver.
Quand vous parlez d'une école catholique, c'est une école
où tous les participants, tous les intervenants, toutes les personnes
qui agissent au niveau de l'école devraient être de foi catholique
et de croyance catholique. Je pense que c'est un peu...
Mme Mathieu: Je répondrai tout à l'heure, mais il
faudrait...
M. Brouillet: Peut-être y a-t-il des nuances que vous
voulez faire, mais, enfin...
Mme Mathieu: Oui, je vous le dirai.
M. Brouillet: Je respecte cette vision des choses, mais je ne
crois pas que tous les catholiques exigeraient les mêmes choses en vue
d'assurer une bonne éducation à leurs enfants. À la
limite, il faudrait, d'une certaine façon, instaurer un système
de noviciat pour nos enfants afin de les protéger du pluralisme de la
rue ou du quartier quand ils sortent de l'école. À la limite. Si
on ne veut pas, au niveau de l'école, qu'ils soient en contact avec des
gens qui ne professent pas explicitement leur foi...
Mme Mathieu: Vous avez mal compris.
M. Brouillet: J'ai dit: à la limite, si on veut pousser la
logique jusqu'au bout. Il y a d'autres organismes qui croient que les garanties
offertes à la confessionnalité dans le projet de loi 40 assurent
ces moyens d'une bonne éducation chrétienne: le comité
catholique, entre autres, a reconnu que les garanties offertes dans le projet
de loi 40 nous donnent les moyens pour assurer une excellente éducation
chrétienne à nos enfants dans nos écoles. Même
là, il y a des différences dans les milieux catholiques quant aux
moyens les meilleurs pour assurer une éducation chrétienne. On a
beaucoup joué sur la question de l'esprit pluraliste tantôt pour
en conclure que si, dans l'école, on n'accepte pas exclusivement ceux
qui sont d'obédience catholique avouée, exprimée,
confessée, à ce moment-là, on dit donc que le milieu sera
pluraliste et que c'est une bonne chose pour former l'esprit pluraliste des
jeunes.
Je ne crois pas que le comité catholique, quand il a parlé
de l'esprit pluraliste des jeunes, ait voulu lui donner le sens que vous lui
donnez. Le mot "pluraliste" est peut-être malheureux ici; je ne pense pas
que ce soit ce qu'a voulu dire le comité, si on l'interprète dans
le sens d'un esprit qui est prêt à accepter sur le même pied
n'importe quelle doctrine, n'importe quelle valeur dans la
société. L'idée du comité était, je crois,
d'avoir une attitude non pas à l'égard... Il faut distinguer
l'attitude à l'égard des personnes qui confèrent des
doctrines et l'attitude à l'égard des doctrines. Vous avez
interprété l'esprit pluraliste en disant que cela va mener
à une attitude pluraliste, une attitude qui va conduire toutes les
doctrines sur le même pied. Je ne crois pas que l'école aboutira
à cela.
Si, dans l'école, il y a d'autres personnes qui croient à
autre chose, qui ne pensent pas de la même façon que nous, cela ne
veut pas dire qu'on doive en conclure, qu'on doive dire aux enfants que tout se
vaut; c'est pour cela qu'on accepte tout le monde à l'école,
parce que toutes les doctrines se valent. Il semble y avoir cela dans votre
raisonnement: le fait d'accepter des gens qui ne sont pas de la même
croyance à l'école, pour vous, cela va amener les jeunes de
l'école à penser que toutes les doctrines se valent. Donc, pour
éviter cela, n'acceptons que ceux qui sont de la bonne doctrine, de
notre point de vue. Il y a une différence entre l'attitude à
l'égard des personnes et l'attitude à l'égard des
doctrines. (13 heures)
On parle d'une attitude pluraliste, c'est-à-dire accepter que
d'autres ne pensent pas comme nous et leur laisser une place parmi nous. Dans
la société, on vit avec tous ces gens-là.
Mme Mathieu: Est-ce que je peux répondre à la
première partie?
M. Brouillet: Quand on parle des loisirs, on pourrait bien
"ghettoriser" la société même au niveau du loisir pour
protéger la foi. On pourrait demander d'avoir des organismes de loisir
où il n'y a que les catholiques qui vont y mettre les pieds, à la
limite. Ce n'est pas ce qu'on veut dire mais, à la limite, votre
raisonnement nous amène, à mon avis...
Mme Mathieu: Non.
M. Brouillet: ...à ces attitudes un peu "ghettorisantes",
je dirais. Je pense qu'il faut avoir un peu plus confiance dans la foi et dans
le dynamisme des gens qui croient à l'école à
l'égard des enfants. Ce n'est pas en excluant, en rendant non
présents tous ceux qui ne pensent pas exactement comme nous... C'est
comme une peur de contamination, une peur... Je crois qu'il faut avoir un peu
plus confiance en notre foi, un peu plus confiance en la capacité de
témoigner de notre foi. Ceux qui croient dans l'école doivent
avoir plus confiance en l'animateur de pastorale, l'équipe, le
comité d'animation de pastorale
qui va être composé de parents, d'enfants, etc. Il faut
avoir plus confiance en ces gens, malgré qu'il y en ait d'autres qui ne
pensent pas comme nous. Il faut avoir confiance en ces gens pour dire:
Écoutez, on est capables, quand même, de professer notre foi dans
notre milieu et de la faire valoir. Je comprends qu'à la limite, il
serait peut-être préférable, d'un certain point de vue,
avec votre conception de l'éducation, qu'il n'y ait que des catholiques
dans l'école, mais je ne partage pas tout à fait cette
vision.
Je crois que la loi 40 offre des garanties - et le comité
catholique l'a reconnu - suffisantes pour assurer, s'il y a une équipe
dynamique de pastorale dans l'école, l'éducation
chrétienne des enfants catholiques.
Le Président (M. Blouin): Je sens que Mme Mathieu veut
réagir.
Mme Mathieu: Et comment! Vous auriez dû, M. le
Président, me laisser parler tout de suite et je pense qu'il n'aurait
pas eu besoin de continuer aussi longtemps. Vous voyez? J'aurais
expliqué que nous nous en tenons, à ce moment-ci, aux
règlements actuels du comité catholique qui disent que: Dans une
école catholique, on doit normalement recruter des professeurs de foi
catholique et que, si on engage des professeurs d'autres dénominations
religieuses ou même des incroyants - cela pourrait se présenter -
le règlement leur fait une obligation de respecter le statut
confessionnel de l'école. Cela est très important. On ne dit pas
que tous les professeurs qui vont enseigner dans une école catholique
seront catholiques. On ne demande pas non plus de billets de confession. On
s'en tient, on vous l'a dit, aux règlements actuels du comité
catholique.
On veut également une école catholique ouverte. On ne
refuse pas, dans l'école privée ou publique, un parent qui n'est
pas catholique ou des parents qui ne le sont pas. Mais étant
donné que c'est une école catholique et qu'ils la choisissent, on
leur demande de respecter le projet éducatif et le statut de cette
école. C'est pour cela, connaissant le milieu actuel, sachant qu'il y a
des parents qui ne sont pas d'accord avec un projet éducatif
chrétien, qu'on leur dit: Offrez-leur une autre possibilité. Si
les parents, en majorité dans une école donnée, veulent le
statut confessionnel pour leur école, la minorité qui peut
être assez importante a le droit également d'avoir une
école non confessionnelle. On va beaucoup plus loin que beaucoup
d'autres en disant que ces minorités qui vont se retrouver dans à
peu près la grande majorité des écoles du Québec,
même en vertu de la loi 40, peuvent se donner des écoles non
confessionnelles et si dans certains milieux pluralistes comme
Montréal il y a des minorités confessionnelles, comme les
anglo-catholiques le demandent, qu'on leur donne une possibilité d'avoir
une école confessionnelle. Dans toutes nos prises de position dans le
Manifeste des parents chrétiens, qui était appuyé, je vous
l'ai dit, par un grand nombre d'organismes de toute la province, c'est ce que
nous avons demandé. Qu'on ne vienne pas nous dire et nous faire croire
qu'on veut une école fermée. Ce type d'école n'existe
même pas dans les institutions privées.
Les institutions privées catholiques sont ouvertes aux parents,
pas seulement aux parents catholiques.
M. Brouillet: Voici, pour réagir un peu à cela,
très brièvement...
Le Président (M. Blouin): Très rapidement, M. le
député de Chauveau.
Mme Mathieu: Madame voudrait ajouter quelque chose.
M. Brouillet: Le projet de loi 40 permet aux parents de
décider si l'école va être confessionnelle. Donc, cette
garantie, vous l'avez. Vous avez la garantie que les parents, de par la loi,
vont pouvoir décider du caractère confessionnel de
l'école. Vous l'avez dans la loi, cela. Vous ne pouvez pas le nier.
Mme Mathieu: ...depuis qu'on est arrivés ici qu'on dit
qu'on...
Le Président (M. Blouin): Mme
Marceau-Boudreault.
M. Brouillet: Deuxièmement, vous pouvez avoir, une fois
que votre école est catholique...
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Chauveau, vous avez déjà posé une question et, compte tenu
des contingences que nous devons tous supporter, Mme Marceau-Boudreault
désire y répondre et je crois que cela complétera votre
intervention.
Mme Marceau-Boudreault: Merci, M. le Président. À
vous entendre émettre vos commentaires sur votre conception de
l'éducation, on est presque obligé de conclure que vous ne croyez
pas que le droit fondamental d'avoir des écoles conformes à nos
convictions doit être protégé. Si les convictions qu'on
veut enseigner à nos enfants ne sont jamais en danger dans une
école, peu importent les doctrines qu'on y enseigne, parce que la foi
doit être si forte que même à huit ans un enfant est capable
d'entendre ou de tolérer à peu près n'importe quelle
doctrine, où est le droit fondamental d'avoir des écoles
conformes à
nos convictions? Où en est l'utilité? Premier point.
Ensuite, vous apportez l'argument qu'il y a bien des catholiques qui,
eux, se contenteraient de seulement un cours de religion et de service
d'animation pastorale dans les écoles. C'est bien sûr. S'il faut
aller faire définir l'école catholique par toute la population,
vous pouvez avoir 2000 définitions. Nous, on se base sur la
définition d'école catholique que l'Église nous a
donnée et que nos évêques nous demandent de
défendre. Sur ce point, nos évêques ont bien dit: Un statut
d'école catholique obtenu dans une loi ne devra être soumis
à aucune contestation, puisqu'il sera conforme à une
détermination de la loi. Or, le prétendu statut confessionnel
qu'on nous offre dans le projet de loi 40 est constamment aux prises de la
constatation sur la base de la Charte des droits et de liberté de la
personne.
À ce sujet, M. Laurin lui-même, a
précisé...
Le Président (M. Blouin): Très rapidement,
très rapidement, s'il vous plaît!
Mme Marceau-Boudreault: ...l'application de la Charte des droits
et libertés de la personne aux conseillers en éducation
chrétienne, en octobre 1982, lorsqu'il dit: On ne voit pas comment un
non-croyant pourrait s'estimer brimé dans une école, ou les
valeurs d'une école catholique comme la capacité d'accueil, la
place faite aux minorités, le sens de participation, les liens avec le
milieu environnant. Il a dit: On ne voit pas comment cela peut brimer un
non-catholique...
Le Président (M. Blouin): Malheureusement...
Mme Marceau-Boudreault: ...tous ces indices de l'école
catholique. En ce qui concerne les autres indices, M. Laurin nous dit qu'ils
doivent être relégués à un système d'options
et que nul enfant ne sera contraint d'assister.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Boudreault. Merci, M.
le député de Chauveau. M. le député de
Saguenay.
M. Maltais: Brièvement, M. le Président, tout
d'abord j'aimerais remercier les gens du comité catholique. J'ai eu
l'occasion d'assister à l'automne à un colloque que vous avez eu
à Montréal sur l'enseignement privé et, étant
donné que nous sommes pris dans une période de temps très
courte, je n'aurai pas de questions, sauf un bref commentaire, et je partagerai
mon temps avec le député de Louis-Hébert.
D'abord, au début de votre mémoire, vous nous dites que la
population ne ressentait pas un besoin aussi urgent de cette révolution
et, là-dessus, nous sommes d'accord avec vous. Un point aussi en
particulier que vous avez soulevé dans votre mémoire et dont
personne n'a fait état, c'est l'école privée. La formation
politique qu'on représente ici s'est prononcée clairement
là-dessus, en fin de semaine dernière, et je tenais à vous
le souligner également.
Dans l'ensemble des discussions, il y a un point majeur pour vous, la
définition de l'école et du projet éducatif; on se demande
si ce n'est pas un mot omnibus. Cependant, comme le député
d'Argenteuil l'a souligné, au niveau des commissions scolaires
linguistiques, là-dedans, pour nous, il reste un facteur: c'est que
l'école et la commission scolaire - la commission scolaire d'abord et
l'école ensuite - sont un facteur prédominant qui
représente clairement les besoins de la population. Là-dessus, je
pense que mon temps est écoulé et je transmets la parole au
député de Louis-Hébert.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci M. le Président. Il reste très peu
de temps. Il y aurait beaucoup de choses à dire sur ce mémoire
qui doit nous faire réfléchir sur des questions fondamentales qui
font l'objet de réflexions profondes de la part d'une importante partie
de la population.
Ce que je retiens de votre mémoire, en particulier - vous
l'affirmez très clairement et je pense que cela a été dit
sur tous les tons et de toutes les façons - c'est l'absence de consensus
sur ce projet de loi 40. Je pense qu'on n'a pas de difficulté à
faire la quasi-unanimité sur ce point. C'est quelque chose qui
apparaît clairement: que ce soit sur un point ou sur un autre, on en
vient au fait que le projet de loi 40, quoi qu'en dise le ministre sur toutes
les tribunes qui lui sont offertes, de toutes les façons et sur tous les
tons, ne fait pas le consensus. Le ministre n'a pas réussi à
convaincre, à persuader la population que le projet de loi 40
était bien vu, nécessaire, à point. On lui a dit que
c'était un devoir bâclé, qu'il fallait le recommencer. Cela
a été général.
Je terminerai en retenant une autre considération fort importante
et je pense que vous mettez le doigt sur le bobo, en grande partie. Avec le
projet de loi 40, si jamais il devient loi, comme le ministre semble en avoir
l'intention, à toutes fins utiles, c'est la balkanisation du
système scolaire.
L'explication que je vois, c'est que le ministre craint
véritablement des interlocuteurs valables. Il a peur d'avoir à
faire face à des gens qui sont organisés, structurés, pour
lui donner la réplique. C'est le vieux principe de "diviser pour
régner". Personne n'est dupe de cette façon de
procéder. Vous la dénoncez. Vous faites bien. La
population continue de voir dans le processus que veut enclencher le projet de
loi 40, un processus qui, finalement, va laisser des commissions scolaires qui
vont devenir une coquille vide de véritables pouvoirs pour laisser,
comme vous appelez, des comités pygmées, des parents
pygmées vis-à-vis d'un colosse tel le ministère de
l'Education. C'est clair et je pense que vous l'avez fort bien souligné.
Je vous en félicite.
Le Président (M. Blouin): J'indique, pour les groupes
subséquents, puisque nous sommes maintenant au terme de cette rencontre
avec l'Association des parents catholiques, que notre règlement interdit
de manifester favorablement ou défavorablement à l'égard
des opinions émises par les membres ou par nos invités.
Sur ce, au nom de tous les membres de la commission, je remercie les
représentantes et représentants de l'Association des parents
catholiques du Québec d'être venus participer aux travaux de cette
commission. La commission élue permanente de l'éducation suspend
ses travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 14)
(Reprise de la séance à 15 h 9)
Le Président (M. Blouin): Mesdames, messieurs, la
commission élue permanente de l'éducation reprend donc ses
travaux. Nous entendrons d'abord, cet après-midi, le Mouvement
laïque québécois à qui nous réservons une
période d'une heure trente; suivra le Mouvement scolaire confessionnel,
qui disposera également d'une période d'une heure trente. Sans
plus tarder, je demande aux représentants du Mouvement laïque
québécois, qui sont déjà installés à
la table de nos invités, de bien vouloir nous livrer le contenu de leur
mémoire en une vingtaine de minutes et, ensuite, nous procéderons
aux échanges entre les membres de la commission et nos
invités.
Mouvement laïque québécois
M. Baril (Daniel): Merci. Si vous me le permettez, on va d'abord
se présenter. Mon nom est Daniel Baril. Je suis président du
Mouvement laïque québécois. À ma droite, Me Luc
Alarie, membre du Conseil national du mouvement laïque, Héliette
Amberni, Micheline Trudel-Lamarre, à ma gauche, Serge Savard, Lucie
Jobin et Réjeanne Cyr-Reid, responsables de la région de
Québec; également M. Léon Patenaude, qui pourra
peut-être se joindre à nous cet après-midi, membre du
conseil national.
Le Mouvement laïque québécois qui a pris la
relève l'AQADER, l'Association québécoise pour
l'application du droit à l'exemption de l'enseignement religieux, s'est
donné entre autres tâches de combattre les injustices
créées par la confessionnalité scolaire. Nos membres,
qu'ils soient parents d'enfants exemptés de la catéchèse,
éducateurs ou simples citoyens, qu'ils adhèrent ou non à
une conviction religieuse, ont tous, en commun, le. souci de voir
respecté le droit à la liberté de conscience brimée
par la confessionnalité du système scolaire.
Le Mouvement laïque québécois est donc un organisme
pluraliste à l'image de la position que nous défendons. Nous
avons déjà saisi le ministre de l'Éducation de nos
récriminations à l'endroit de ce système ainsi
qu'alerté la Commission des droits de la personne sur certains cas
flagrants de discrimination. Celle-ci est intervenue dans quelques cas et a
déjà réclamé, à trois occasions,
l'intervention du législateur pour que la loi soit modifiée afin
de rendre le système scolaire respectueux de toutes les convictions.
Nous avons donc espéré, pendant un moment, que le projet de
restructuration scolaire apporterait quelque amélioration à la
situation. Notre déception fut grande de constater, au fur et à
mesure que le projet prenait forme, que la confessionnalité serait
maintenue intégralement.
Ici, l'histoire ne fait que se répéter, malheureusement.
Chaque fois qu'un gouvernement, au Québec, a voulu
légiférer en matière d'éducation, il a
abdiqué ses responsabilités devant une Église qui n'a
jamais cessé de considérer que l'éducation était de
son seul ressort. Que ce soit avec la loi de 1861, qui a tracé les
lignes de notre système scolaire confessionnel, avec l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique de 1867, qui en a fait un droit
constitutionnel, avec la loi de 1869, qui a concédé aux
Églises un pouvoir politique par la création des comités
confessionnels, avec l'abandon dû au lobbying des évêques
d'un projet de loi, en 1895, visant à créer un ministère
de l'Éducation, avec le retrait du projet de loi 60 sous la pression des
évêques, en 1963, avec la création d'un ministère de
l'Éducation négociée à la satisfaction des
évêques en 1964, avec le décret du comité catholique
du Conseil supérieur de l'éducation sur le statut des
écoles en 1974 et avec le projet de loi 40 de cette année,
également négocié pour la satisfaction des
évêques, jamais l'État québécois n'aura
réussi à affirmer sa pleine responsabilité sur le
système scolaire public. Tout ceci n'est pas dû à une
inévitable fatalité, mais résulte d'un rapport de forces
dans lequel les gouvernements n'ont jamais osé mettre les droits de tous
au-dessus des privilèges de certains.
Ce courant peut et doit être inversé. Dans le contexte
sociopolitique d'aujourd'hui,
il est inadmissible qu'on doive surseoir au droit à la
liberté de conscience au nom d'une fausse conception de la
liberté de religion et d'une vision passéiste de l'histoire et de
la culture. C'est maintenant que la liberté de conscience doit
être acquise par la législation québécoise. On ne
peut tolérer plus longtemps qu'elle soit à nouveau muselée
pour les décennies à venir.
Or, que dit le projet de loi sur cette question? Absolument rien. Par
contre les garanties confessionnelles y jouissent de tous les privilèges
voulus. Parmi les éléments propres à un système
confessionnel, nous notons l'obligation pour chaque école de dispenser
un enseignement religieux catholique ou protestant, l'obligation d'offrir de la
pastorale catholique ou protestante, la possibilité pour l'école
de se doter d'un projet éducatif confessionnel et d'obtenir une
reconnaissance confessionnelle, l'extention de la confessionnalité au
préscolaire, le maintien de l'enseignement religieux dans la tâche
normale des enseignants du primaire avec exemptions inapplicables et risques de
discrimination à l'embauche.
Du côté des commissions scolaires linguistiques, elles
devront engager des conseillers en éducation religieuse mandatés
par les évêques. De plus, les catholiques et les protestants
pourront créer leur propre commission scolaire confessionnelle avec le
droit de dissidence. Quant aux structures ministérielles, on y conserve
les comités confessionnels représentant les églises
catholiques et protestantes. Le ministre sera tenu de leur transmettre tout
programme et manuel d'enseignement avant leur approbation.
Il nous apparaît inadmissible de concevoir aujourd'hui un projet
d'école qui concède une telle emprise des Églises sur la
formation des esprits. Avec de telles lois, le gouvernement se met
délibérément à la merci de l'épiscopat. Le
rôle du gouvernement est de protéger les libertés
fondamentales. Pourtant les aménagements comme ceux du projet de loi 40
au niveau de la confessionnalité briment le droit à la
liberté de conscience des citoyens. Un tel système confessionnel
a déjà fait ses preuves quant à sa nature discriminatoire.
Ainsi, les parents d'élèves exemptés, que nous
représentons, se plaignent régulièrement des conditions
qu'ils doivent affronter quand ils osent revendiquer leurs droits: des enfants
laissés dans les corridors pendant les cours de cathéchèse
ou contraints d'assister à ce cours malgré eux; des enfants
à qui on interdit de participer à des fêtes, des sorties,
des activités culturelles, parce qu'ils sont en morale; des enfants qui
insistent pour se faire baptiser afin d'aller en catéchèse; des
enfants non catholiques qu'on fait prier plusieurs fois par jour ou qu'on
amène à la messe; des cours de morale donnés par des
enseignants qui n'ont ni préparation, ni intérêt; des
enfants qui doivent manquer un cours régulier pour aller au cours de
morale ou qui sont contraints d'aller en catéchèse puisque ces
cours sont maintenant crédités; des enfants menacés de
devoir changer d'école, s'ils demandent l'exemption; des parents qui
doivent se présenter à l'école sur les heures de travail
pour signer la formule d'exemption, sinon, ils voient leurs droits non
respectés; des parents à qui on ment
délibérément en leur disant qu'ils sont les seuls à
avoir fait une demande d'exemption; des parents qui abdiquent leur droit
à la liberté de conscience pour que leurs enfants ne fassent les
frais de ce système; des écoles qui, chaque année, perdent
les formules d'exemption...
Ces situations plus nombreuses qu'on pourrait être porté
à le croire, indiquent que le respect intégral des
libertés fondamentales ne peut être limité à la
possibilité théorique de ne pas avoir d'enseignement religieux.
Les problèmes de discrimination qui en résultent ne sont pas
uniquement dus à des difficultés d'aménagement ou à
de la mauvaise volonté, même s'il y en a beaucoup, mais ils sont
inhérents à un système scolaire conçu en fonction
de l'adhésion à une religion. Les aménagements qui doivent
être consentis pour accorder une place à la religion à
l'école ne peuvent empêcher le pro-pagandisme inhérent
à la transmission d'une doctrine et d'une idéologie. L'intrusion
de cette dimension parmi les matières académiques contraint
certains citoyens et citoyennes à se trouver en situation de
minorité sur le plan des convictions personnelles, avec tout ce que cela
comporte de marginalisation, de discrimination, alors que ces personnes
fréquentent l'école d'abord pour y être instruits et
être considérés au même titre que les autres. Les
pressions qu'un tel système exerce sur les parents et les enfants font
que ceux-ci abandonnent leurs droits face à une lutte qu'ils ne se
sentent pas en mesure de livrer, d'où les atteintes à la
liberté de conscience.
Les problèmes de discrimination sont plus répandus qu'on
ne le croit. Les statistiques pour l'année scolaire 1981-1982 nous
indiquent qu'il n'y a que 3% d'élèves exemptés de
l'enseignement religieux au primaire et 4% au secondaire, avec près de
10% en option morale. Ce qui veut dire qu'au primaire, 97% des enfants au
Québec reçoivent un enseignement religieux qui prépare
à la sacramentalisation et aux pratiques religieuses. Nous savons tous
que de tels chiffres ne peuvent correspondre à la réalité
sociale, alors que la pratique religieuse varie de 15% à 30%.
On observe de même que, dans 861 écoles franco-catholiques,
soit 41% des écoles franco-catholiques, il y a moins
d'élèves exemptés qu'il n'y en a d'inscrits
comme non catholiques. Dans l'ensemble du système
franco-catholique, on dénombre 67 559 élèves aux cours de
morale alors qu'il y en a 106 654 inscrits comme non catholiques. Quel sort
fait-on subir à ces 38% de la clientèle scolaire qui ont pourtant
droit à la même qualité d'éducation et à la
même égalité, aux mêmes droits fondamentaux que les
catholiques? Comment peut-on expliquer de tels écarts entre les
chiffres? Ces données nous révèlent
l'inapplicabilité de l'exemption ou de l'option - ce qui serait tout
à fait la même situation donc l'impossibilité de respecter
les libertés fondamentales dans un système scolaire qui fait de
la transmission d'une doctrine religieuse une obligation de l'école.
Elles indiquent qu'une forte partie de la population est soumise à un
endoctrinement religieux contre son gré ou du moins qui ne correspond
pas à ses convictions.
Que propose la loi 40? On voudrait nous dorer la pilule en changeant
l'exemption par une option entre enseignement religieux et enseignement moral.
Ce simple changement de procédure ne peut aucunement solutionner les
problèmes causés par la confessionnalité. En 1979, la
Commission de droits de la personne constatait que l'exemption était une
mesure insuffisante puisque toute l'école devait véhiculer un
projet éducatif confessionnel. Comme la loi 40 permet et encourage la
mise sur pied de tels projets éducatifs confessionnels englobants,
l'option proposée sera tout aussi insuffisante. Les problèmes
rencontrés autour de la pratique de l'exemption sont inhérents
à la présence même de la religion à l'école.
On ne peut, dans une école qui donne un droit de parole
privilégié à certaines religions en rendant obligatoire
cette présence de l'enseignement religieux et de la pastorale, assurer
le respect de la liberté de conscience de chacun. Tant qu'on
évitera d'aborder la question de fond, les seuls changements de
procédure ne seront toujours que des réaménagements du
statu quo et conduiront aux mêmes conséquences pratiques. L'option
est donc tout aussi inacceptable que l'exemption.
Le comité catholique a, pour sa part, déjà
commencé à réglementer cette option. L'article 12 de son
nouveau règlement indique qu'une école n'est pas tenue d'offrir
un cours proprement dit si moins de quinze élèves sont inscrits
dans l'un ou l'autre des deux cours optionnels. Une telle mesure marquera un
recul par rapport à la situation actuelle puisque 82% des écoles
primaires avaient en 1981-1982 moins de quinze élèves en
formation morale dont plusieurs bénéficiaient d'un cours
proprement dit. Ces écoles pourraient donc n'offrir qu'un encadrement
pédagogique "autre", c'est-à-dire le tutorat, du corridor
à la bibliothèque. Il est à craindre que cette mesure
reste en vigueur après la loi 40 et qu'elle entraîne donc une
diminution de service.
Loin de solutionner les problèmes de la confessionnalité,
le projet de loi 40 en augmente même l'étendue. En effet la
logique qui sous-tend la confessionnalité au primaire et au secondaire
sera désormais appliquée au préscolaire. D'un ridicule
alarmant, la prochaine étape étant la garderie confessionnelle,
cette mesure indique bien que l'une des visées de la loi 40 est de
consolider la confessionnalité. Comment pourra-t-on aménager des
activités d'éveil religieux ou d'éveil moral sans
entraîner les mêmes problèmes qu'on connaît au
primaire, problèmes ici aggravés étant donné le
plus jeune âge des enfants? Au nom de quels principes pédagogiques
va-t-on perturber le climat de ces groupes en divisant les enfants sur les
questions religieuses, et pour répondre à la demande de qui?
Du côté des enseignants, 35% de ceux-ci envisageaient en
1973 la possibilité de demander l'exemption de l'enseignement religieux
s'ils en avaient l'occasion. Une enquête du ministère de
l'Éducation publiée en 1979 nous révèle qu'en 1975,
deux enseignants sur trois dans les milieux urbains et un sur deux dans
l'ensemble du Québec étaient non pratiquants.
Par contre, en 1980, soit cinq ans après l'entrée en
vigueur de la clause d'exemption, il n'y avait que 0,6% d'enseignants
exemptés. Est-ce qu'ils ont tous changé d'idée? Cette
disproportion est due à l'impossibilité de trouver des
aménagements qui respectent à la fois la liberté de
conscience des enseignants, les exigences de la confessionnalité et les
implications des conventions collectives. Les enseignants renoncent à
leur droit plutôt que d'avoir à subir tous les risques et
contraintes d'une telle situation. À l'article 80, le projet de loi ne
fait que reconduire l'article 25 du règlement du comité
catholique.
Nous nous retrouvons donc ici, également avec le statu quo,
c'est-à-dire une liberté de conscience qui ne peut s'exprimer et
des situations plus qu'absurdes. Tout cela, parce qu'on se refuse à
confier cette tâche à ceux à qui en revient la
responsabilité.
Quant aux conseillers pédagogiques menacés d'extinction,
la loi 40 n'en protège qu'un seul: le responsable du soutien aux
écoles catholiques qui est un émissaire des évêques.
La protection légale accordée à ce poste le place en
importance au-dessus des autres conseillers et tend à faire croire qu'il
est - et qu'il est le seul - indispensable au maintien de la qualité de
l'éducation.
Les sommes allouées au maintien de ces postes ainsi qu'à
tous les autres aménagements de la confessionnalité totalisent
plus de 267 000 000 $ par année, soit 1 250 000 $ par jour
d'école. Vous avez les données de cela en annexe.
D'autre part, en maintenant la pastorale et en la rendant obligatoire
dans chaque école, le projet de loi concède aux Églises le
pouvoir et le rôle d'organiser l'école du point de vue social et
culturel. La pastorale à l'école est l'expression
privilégiée et envahissante d'un groupe au détriment des
autres. Elle détient le monopole de toute activité
d'échange, de communication et d'engagement social. Ici,
également, il y a extension de la confessionnalité: Les
écoles protestantes qui ne connaissaient pas cette notion de pastorale
devront désormais mettre sur pied un service d'animation religieuse
protestante. Il serait grand temps de doter les écoles
québécoises de services d'animation socioculturelle non
confessionnels, accessibles à tous.
La loi 40 entraîne également la disparition des
écoles neutres du réseau franco-protestant puisque celles-ci
devront désormais, comme toutes les autres écoles, offrir
l'enseignement religieux et la pastorale. Ces écoles qui, pour la
plupart, n'offraient, avant l'entrée en vigueur du nouveau régime
pédagogique, ni enseignement religieux ni enseignement moral, seront
contraintes par la loi à adopter la conception catholique de la
confessionnalité.
Jusqu'à maintenant, le règlement du comité
protestant interdisait l'enseignement religieux doctrinal rattaché
à une secte particulière et les problèmes liés
à l'exemption y étaient inconnus. Ce que la loi 40 implante dans
ce secteur ne correspond à aucune demande du milieu et il y a là
une manoeuvre évidente pour créer un parallélisme
biconfessionnel qui tend à légitimer l'existence du réseau
catholique. Mais où ira la clientèle de ces écoles qui
cherche à éviter les écoles catholiques activement
confessionnelles? Sera-t-elle fondue dans la masse des franco-catholiques?
Devra-t-elle continuer de s'identifier comme protestante alors qu'elle admet ne
pas l'être? Les représentants de parents francophones des
écoles protestantes sont venus le dire la semaine dernière.
Où iront tous les Néo-Québécois qui choisissent
l'école franco-protestante en raison de l'absence de l'enseignement
religieux?
Il est intéressant d'autre part de noter que dans l'ensemble de
la Commission des écoles protestantes du Grand Montréal, 55% -
donc, la majorité - y sont inscrits comme autres que protestants. Le
secteur francophone de cette commission scolaire en compterait plus de 80%. Ce
sont, avec les exemptés de l'école catholique, les
sacrifiés de la loi 40.
De plus, là où les catholiques et les protestants
cohabiteront dans les mêmes écoles, on assistera à des
batailles en règle, quand viendra le temps de déterminer la
confessionnalité du projet d'école. Dans certains milieux, la
polarisation pourrait même entraîner une double reconnaissance
confessionnelle; au lieu d'avoir réussi à réunir les
enfants d'appartenances diverses sur la base commune de la langue, une telle
école sera alors un facteur supplémentaire de division sociale.
Les opérations de consultations, telles qu'on les a connues depuis trois
ans, engendreront inévitablement des conflits et des querelles inutiles.
Alors que toute la communauté scolaire devrait travailler ensemble au
bien-être de l'école, voici qu'on oblige les partenaires à
se diviser et à s'affronter sur la base de leurs convictions
religieuses. Ailleurs, on obligera des parents à changer leurs enfants
d'école s'ils ne sont pas d'accord avec le projet affiché par
l'école de leur quartier. La loi 40 sonne ainsi le glas de cette notion
d'école de quartier. Si, par ailleurs, les catholiques et les
protestants sont répartis dans des écoles distinctes, on n'aura
que reconduit le statu quo tout en ayant éliminé les
écoles neutres.
Justifier au nom de la démocratie, ce pouvoir accordé
à chaque milieu de décider de la confessionnalité de
l'école est au contraire bien antidémocratique puisqu'il met en
péril les droits fondamentaux. La reconnaissance et l'exercice des
libertés fondamentales ne peuvent être laissés au bon
vouloir d'une majorité locale. À ce sujet, la commission des
droits de la personne déclarait que "le caractère
démocratique d'un choix n'assure pas automatiquement la moralité
et la légalité ou la légitimité du choix, pas plus
qu'il n'assure qu'il soit conforme au respect des droits de tous". Il
appartient donc au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour
que les droits fondamentaux soient respectés pour tous. La voie qu'il
choisit sur cette question, en retournant les décisions à chaque
milieu, n'est rien d'autre qu'une démission politique.
La présence d'un enseignement religieux à l'école
peut également être questionnée sur d'autres aspects. Des
études récentes ont mis en contradiction les objectifs et la
méthode des cours de catéchèse avec les exigences d'une
pensée rationnelle bien structurée. Le caractère
dogmatique de la catéchèse constituerait même une entrave
au développement cognitif. Quoi qu'il en soit des conséquences
objectives d'un tel cours, il est évident que soumettre des enfants de 6
à 12 ans à un tel contenu idéologique, doctrinal et
dogmatique est tout à fait contradictoire avec la plupart des valeurs
sur lesquelles veulent se baser "l'École québécoise" et le
préambule de la Loi 40, jugement critique, autonomie, ouverture sur la
diversité, sens des responsabilités. Une enquête, cette
semaine, vient aussi de nous montrer que 19% seulement des étudiants de
niveau collégial sont capables de penser logique, ce qui ne rejoint pas
tellement la
pensée dogmatique.
Quand le ministre de l'Éducation parle de son projet, il affirme
que les structures seront déconfessionnalisées. Comment peut-on
parler de déconfessionnalisation des structures quand on garde, au sein
même du ministère de l'Éducation, des organismes
représentant les Églises et à qui on concède de
très grands pouvoirs sur l'orientation de l'éducation? Ces
comités confessionnels sont des reliquats de l'époque
préministérielle, c'est-à-dire la loi de 1869 et les
conserver démontre que la réforme demeure fixée sur le
passé. Déjà, le rapport Parent était en avance sur
ce que nous amène la loi 40.
Ce qui nous semble le plus odieux dans ce débat confessionnel,
c'est que les partisans de la confessionnalité, en prétextant que
la liberté de religion serait affectée si le système
scolaire était déconfessionnalisé, confondent
délibérément droit à la liberté de religion
et le privilège d'un enseignement religieux à l'école
publique. La liberté de religion est le droit d'adhérer à
une religion, de s'adonner à un culte, d'exprimer ses convictions et de
les transmettre à d'autres. L'école n'est pas un lieu de culte,
l'école n'a pas à en organiser l'exercice et la transmission
d'une doctrine religieuse n'a pas à passer par l'école. Ce n'est
pas au nom de la liberté de religion qu'on diffuse cette matière
à l'école, mais au nom du présumé droit de
l'épiscopat québécois de se servir de nos écoles et
des enseignants pour assurer un endoctrinement massif et à bon compte,
mais aux frais de tous les contribuables, répétons-le, 267 000
000 $ par année.
Le corollaire du droit à la liberté de conscience, c'est
l'égalité pleine et entière de tous les citoyens devant la
loi. On ne peut parler d'égalité lorsqu'un groupe
bénéficie de privilèges tels que ceux que la loi 40
accorde aux catholiques. Sans cette égalité, il est mensonger de
prétendre que les droits et libertés vont être
respectés et vont se développer de façon équitable
pour tous.
Non satisfait de bénéficier d'énormes
privilèges, le comité catholique suggère même de
limiter l'interprétation du sens de la liberté de conscience
contenu dans la charte afin de ne pas nuire à la mise en place de
projets éducatifs catholiques. D'autres ont également repris
cette demande. Pourtant, ce n'est pas la liberté de religion qui est en
jeu, mais la prérogative de disposer des écoles pour la promotion
religieuse. Seuls les catholiques disposent ainsi d'un enseignement conforme
à leurs convictions. Si cet élément était essentiel
à la liberté de religion, ils seraient donc les seuls à
pouvoir affirmer que le droit à la liberté de religion est
respecté. Qu'en est-il des autres religions? Leur droit n'est-il pas
tout aussi respecté? Qu'en est-il de ceux qui n'appartiennent à
aucun groupe religieux? Bénéficient-ils des mêmes avantages
que les catholiques? (15 h 30)
Le projet de loi 40 démontre donc par lui-même que la
situation accordée aux catholiques est un traitement de faveur. Comment
justifier le maintien de cet état de choses? La tradition? La tradition
nous enferme dans un fixisme et une sclérose sociale desquels on ne peut
plus sortir. S'il faut chercher de nouvelles solutions à nos nouvelles
situations, on ne peut plus maintenir longtemps ce système scolaire
confessionnel inique, dépassé et désuet. La liberté
de religion n'est pas menacée au Québec; elle ne le serait pas
plus dans un système scolaire laïc.
Dans cet univers confessionnel qu'est l'école
québécoise, ce qu'il faut protéger c'est la liberté
de conscience. Pour assurer le respect de ce droit sans porter préjudice
à la liberté de religion, de quelque confession que ce soit, il
faut procéder à la laïcisation du système scolaire,
des écoles et de l'enseignement. Cela implique la disparition des
comités confessionnels, l'élimination des projets
éducatifs confessionnels et des statuts confessionnels et le retrait de
l'enseignement religieux et de la pastorale des écoles. Parce que
l'éducation religieuse ne relève pas de l'État, parce que
la dimension religieuse n'est pas une matière académique, parce
que sa présence à l'école ne peut respecter la
liberté de conscience de tous et de chacun, parce que l'enseignement
religieux n'est aucunement un corollaire de la liberté de religion,
l'école laïque est la solution qui s'impose.
Nous croyons qu'il n'est plus permis de priver les
Québécois et les Québécoises d'une école
véritablement publique et commune. C'est à vous, messieurs les
législateurs, mesdames les législatrices, qu'il incombe de doter
le Québec d'un système d'éducation pouvant desservir tout
le monde et c'est maintenant qu'il faut le faire.
Reprenant le sens général de notre revendication, nous
demandons donc au niveau de l'école un statut juridique d'école
publique et commune excluant tout statut confessionnel ou toute reconnaissance
confessionnelle; des garanties légales afin que le projet
éducatif et les orientations générales de toute
école publique ou financée par des fonds publics répondent
aux impératifs des libertés fondamentales et ne puissent
être liées à une conviction religieuse;
l'établissement d'un service d'animation personnelle et sociale pour
chaque étudiant en remplacement de l'animation pastorale;
l'établissement d'un cours de formation morale ou d'éducation
personnelle et sociale non confessionnel, excluant du programme
académique tout
enseignement religieux confessionnel.
Au niveau des structures administratives, nous demandons la disparition
des services publics du ministère de l'Éducation et des
commissions scolaires visant à gérer, contrôler ou assurer
la confessionnalité de l'enseignement: comités confessionnels du
Conseil supérieur de l'éducation, répondants et
conseillers en éducation religieuse, sous-ministres associés de
foi catholique et de foi protestante. De plus, nous demandons au gouvernement
du Québec de prendre les moyens nécessaires pour obtenir des
amendements à la constitution canadienne de sorte que la
laïcisation du système scolaire soit applicable à toutes les
écoles du Québec et qu'on ne reste pas avec deux ghettos à
Montréal et à Québec. Nous reviendrons sur cette
question.
Nous demandons également que soit ajouté un article qui
stipulerait qu'aucun article de cette loi ne doit être
interprété de façon à limiter l'exercice des
libertés fondamentales reconnues par la Charte québécoise
des droits et libertés de la personne.
Je vous remercie.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. Baril. M. le
ministre.
M. Laurin: M. le Président, je voudrais d'abord remercier
le Mouvement laïque québécois pour son mémoire de
haute tenue. Je m'intéresse depuis longtemps aux positions que
défendait l'AQADER et aux positions que défend le mouvement
laïque, non seulement aux positions mais aux documents et à
l'action qui en ont été la résultante. Je pense qu'il est
bien évident qu'à partir de positions idéologiques qui se
situent à l'opposé de celles de l'Association des parents
catholiques, que nous avons entendue ce matin, cette action n'a jamais
cessé de se manifester. Elle est soutenue, fervente et rigoureuse. J'ai
lu souvent en particulier les dénonciations de certaines situations de
discrimination que faisait l'AQADER ou le mouvement laïque,
dénonciations qui s'appuyaient sur des faits, et je pense que ces
dénonciations, ces écrits ou ces documents ne sont pas
étrangers au changement d'attitude ou de mentalité qui se
manifeste dans notre société, en général, et qu'ils
ne sont pas du tout étrangers non plus à la
nécessité qui s'impose au législateur de modifier sa
législation scolaire en fonction, justement, de ces faits qui
étaient portés à son attention. Il reste cependant que le
mouvement laïque n'est pas du tout satisfait de ces aménagements,
en particulier sur le plan de la confessionnalité.
Au début de son mémoire, le Mouvement laïque
québécois nous parle d'une collusion qui s'est toujours
manifestée au
Québec entre l'Église catholique et l'État et il en
voit la preuve dans toutes les lois qui se sont succédé. Il en
voit la preuve aussi dans le projet de loi actuel. Il y aurait donc encore
aujourd'hui collusion, connivence, complicité, accord secret ou
concordat entre l'Église et l'État. Comme ces assertions
circulent dans plusieurs milieux, je voudrais profiter de la circonstance pour
rétablir les faits. L'Église catholique occupe une place
importante dans la réalité sociologique nationale du
Québec et ce depuis longtemps -depuis quatre siècles - et elle
occupe encore une place importante dans notre société. Il est
donc tout à fait normal qu'à partir du moment où le
gouvernement pense à modifier d'une façon substantielle la
législation, en particulier sur le plan de la confessionnalité,
le ministre responsable trouve bon d'aller rencontrer les autorités
ecclésiastiques pour leur faire part des grandes orientations et des
aspects majeurs de cette nouvelle législation. C'est ce que j'ai fait.
Je me suis en effet rendu chez le primat de l'Église
québécoise, bien avant que nous procédions à la
rédaction du projet de loi, pour lui faire part de nos intentions quant
aux orientations et aux aspects majeurs du projet de loi. Je pense que
c'était légitime et normal. Par la suite, sur la base des
informations qui lui étaient communiquées, les autorités
ecclésiastiques au Québec se sont donné un temps de
réflexion qui a duré un certain temps. Par la suite, elles ont
commis à leur tour un document d'orientation qui spécifiait leur
position sur ces orientations et ces aspects majeurs proposés. Je pense
que le document de l'Assemblée des évêques de mars 1982
traduit ces orientations et ces prises de position. Il n'y a pas eu d'autres
échanges que cela entre le gouvernement et l'Église. Il n'y a eu
ni accord secret, ni entente de coulisse, ni concordat. Dans un climat de
liberté totale, le gouvernement a communiqué les informations qui
lui semblaient devoir l'être et l'Assemblée des
évêques a pris ses responsabilités et a fait
connaître publiquement ses positions. Il n'y a rien d'autre. Je pense que
cela devrait être clair et entendu.
Je disais quand même plus tôt que l'action de l'AQADER et du
mouvement laïque n'est pas du tout indifférente aux orientations
que prendra le projet de loi. Je me refuse, par exemple, à
considérer qu'il faille établir une équivalence entre
l'exemption telle qu'elle existait jusqu'ici et qui n'existait que dans les
règlements, et la nouvelle mesure, l'option entre l'enseignement moral
et l'enseigement religieux qui apparaît maintenant dans la loi.
Déjà, on peut noter qu'il y a une grande différence entre
le fait qu'une mesure apparaît dans une loi plutôt que dans un
règlement. Je pense que la force et la vigueur sont bien plus
importantes quand il
s'agit d'un article de loi que d'un règlement. À cet
égard, l'option n'est pas qu'une procédure, comme vous le
soulignez, car si ce n'eut été qu'une procédure, il
n'aurait pas valu la peine de l'inscrire dans une loi. C'est un
élément fondamental et c'est la raison pour laquelle nous
l'écrivons dans une loi. En plus, nous écrivons que
l'école devra fournir aux élèves qui choisissent cette
option, l'enseignement qui correspond aux droits que possède
l'élève a cet égard. Donc, elle devra fournir avec les
moyens appropriés l'enseignement que choisissent les
élèves, j'ajouterais même, que pourrait choisir un seul
élève. Même s'il n'y avait qu'un seul élève
dans une école qui réclame l'enseignement moral, l'école
devrait absolument le lui fournir. Ceci montre incidemment toute l'importance
que nous accordons à ce droit.
Je voudrais aussi faire une rectification. Vous parlez du
préscolaire. Vous ne savez peut-être pas que j'ai annoncé
un amendement en vertu duquel les activités d'éveil ne seront pas
soumises à cette option pour les raisons que j'ai déjà
mentionnées. Mais, j'en viens à l'essentiel de votre
mémoire. Pour m'être familiarisé depuis mon plus jeune
âge avec la logique déductive et avec l'art du syllogisme qu'on
nous apprenait, je peux apprécier la rigueur de votre raisonnement.
À partir d'une prémisse qui est vraiment l'élément
fondamental de votre credo, de votre position idéologique; vous
procédez d'une façon impeccable à la majeure, à la
mineure et ensuite à la conclusion, la conclusion étant une
déconfessionnalisation intégrale du système, depuis
l'école en passant par la commission scolaire et en se terminant aux
structures du ministère. Votre logique est rigoureuse et, encore une
fois, impeccable. Mais il reste que dans une société, il y a
plusieurs prémisses; on peut en choisir une ou on peut en choisir une
autre. Une société comme celle du Québec n'échappe
pas à cette règle. Plus la société
québécoise évolue, plus ces prémisses se
multiplient, plus les réalités deviennent complexes. On en a eu
plusieurs témoignages à cette commission.
Tout en adhérant au principe logique selon lequel à partir
d'une prémisse on peut aboutir à une conclusion, il faut aussi
respecter les réalités, tous les faits que l'on connaît.
Par exemple, dans une société il y a des traditions, il y a des
continuités qui se sont inscrites dans des institutions, dans des
pratiques à partir de cette tradition. Il y a aussi des
majorités, il y a aussi des minorités qui estiment avoir des
droits qu'elles veulent voir protégés d'une façon
équitable et cela impose des exigences au législateur qui
représente la société. Cela serait donc la question que je
voudrais vous poser. (15 h 45)
En matière de conscience et de religion, dans une
société de plus en plus pluraliste comme celle du Québec,
ne croyez-vous pas qu'il faut faire acte de tolérance à l'endroit
de toutes les familles spirituelles, les familles religieuses, les familles
idéologiques? Ne croyez-vous pas, par exemple, qu'il faille
reconnaître l'existence de majorités, de minorités dont les
droits doivent être protégés d'une façon à la
fois réaliste et équitable? Un autre volet à ma question,
qui est le même au fond, ne croyez-vous pas que le législateur
doit, dans la mesure du possible, respecter les aspirations et les choix de la
majorité des citoyens?
M. Baril (Daniel): Avant de répondre à votre
question, j'aimerais préciser que nous ne sommes pas partis d'une
prémisse idéologique pour élaborer notre position. Nous
sommes partis de la pratique. Si on connaît quels sont les origines du
Mouvement laïque québécois, quand on parle de l'AQADER,
c'est un regroupement de parents d'enfants exemptés qui vivaient
à chaque jour les discriminations de cette exemption parce que leurs
enfants devaient baigner dans une école confessionnelle, exemption qui
était la plupart du temps non appliquée, information qui
n'était pas diffusée. C'est à la suite de ces situations
que les parents des enfants exemptés se sont aperçus que la
solution n'était plus l'exemption ou l'option, c'était une
école laïque, c'est-à-dire
déconfession-nalisée.
Notre prémisse, notre credo, si vous voulez, c'est la
liberté de conscience. La liberté de conscience est un droit qui
devrait être reconnu pour tous, qu'ils fassent partie d'un groupe
minoritaire ou majoritaire. Le problème n'est pas entre un groupe
majoritaire et un groupe minoritaire, c'est un droit qui doit être
reconnu pour tous. Quand vous faites référence aux droits, pour
nous, il y a deux droits en question, deux droits en présence, deux
libertés fondamentales: la liberté de religion et la
liberté de conscience. L'enseignement religieux ou la
confessionnalité scolaire avec tous ses aménagements, aucun
État au monde, aucune charte, aucune déclaration des droits ne va
y voir un corollaire de la liberté de religion. La liberté de
religion n'est pas une contradiction à la liberté de conscience.
Il s'agit dans les aménagements qu'on en fait découler qu'il peut
y avoir obstruction ou discrimination à la liberté fondamentale
qui est la liberté de conscience. C'est donc de voir les
aménagements qui rendent possible liberté de religion et
liberté de conscience. Dans l'école, les aménagements qui
ont été retenus dans toutes les autres sociétés qui
se réclament de la même démocratie, cela a
été l'école laïque. Donc, on ne voit pas en quoi
notre position pourrait brimer les droits
de certains, si on considère comme droit cette liberté
fondamentale à la liberté de religion. Comme on disait dans le
mémoire, l'école n'est pas le lieu de l'expression de la pratique
religieuse, ce n'est pas à l'école à transmettre la
doctrine religieuse, cela appartient aux Églises. Il est curieux de
constater que cela se fait presque seulement ici au Québec.
Concernant l'exemption que vous changez par une option, on se soucie peu
que ce soit une mesure incluse dans une loi ou dans un règlement, on se
soucie des conditions, des conséquences pratiques qui vont en
découler, les conséquences pratiques pour les enfants qui sont
dans les écoles et, pour nous, c'est la même chose. Certaines
écoles offrent déjà l'option. Au secondaire, par exemple,
l'option existe. Je peux vous donner des exemples qui nous indiquent que c'est
le statu quo. Quand on dit: Si tu choisis français 432 et
mathématiques 432, tu as enseignement catholique 421. Pour l'enfant qui
choisit tel cours de mathématiques ou de français, il est en
enseignement catholique parce que l'horaire de l'enseignement moral ne
correspond pas avec son choix de cours. Ailleurs, le cours de morale sera sur
l'heure du dîner. Ailleurs, à l'école primaire, il devra
manquer un cours régulier s'il prend l'option morale. Quels
aménagements vont nous permettre de respecter ces droits, les droits de
chacun?
Si on accepte l'idée de la présence de contenu
confessionnel à l'école, c'est accepté qu'un jour nos
enfants y soient à ce cours. C'est accepté qu'ils aient une
éducation qui baigne dans une idéologie qui ne devrait pas y
être. L'école est là pour transmettre de l'instruction, des
informations. Il peut y avoir des informations sur le phénomène
religieux, mais elle n'a pas à transmettre la doctrine et elle n'a pas
à faire baigner ou encore à modeler tout son enseignement, tous
ses programmes sur ce modèle d'analyse religieuse. C'est ce qui arrive
actuellement.
Le Président (M. Blouin): Merci. Merci, M. le ministre. M.
le député d'Argenteuil.
M. Ryan: Oui, M. le Président. Il me fait plaisir d'avoir
l'occasion de converser avec les porte-parole du Mouvement laïque
québécois. L'Assemblée nationale est un lieu de
discussions publiques. Il est très sain que des opinions diverses
puissent s'affronter sous l'oeil de nos concitoyens afin qu'ils entendent le
pour et le contre de chaque option et qu'ils puissent se faire un jugement
pouvant les guider ou au moins de contrôler celui du
législateur.
Dans cette perspective, je pense que votre présence à la
commission qui est chargée de l'examen du projet de loi 40 est
bienvenue. Nous en avons écouté l'expression avec
intérêt, même si les thèses que vous véhiculez
sont à peu près les mêmes depuis une vingtaine
d'années. Je pense que, sur l'essentiel, il n'y a pas de changement
quant à la position du mouvement laïque. Même si celui-ci a
pu évoluer dans sa composition, les thèses sont les mêmes
qu'on entendait il y a une vingtaine d'années, et c'est votre droit.
Continuez à les cultiver et à les propager. C'est très
bien.
Maintenant, ce que je constate... Cela fait vingt ans maintenant. Quand
on a commencé à entendre parler de cela, il y a 20 ans, il y
avait un effet de surprise et de choc qui attirait beaucoup l'attention et qui
créait même un certain malaise dans les milieux où on en
parlait. Aujourd'hui, on est plus familier avec toutes ces choses un peu
partout. Ce que nous devons retenir, c'est que nous sommes, en fait, en
présence de deux conceptions de la laïcité de l'État
ou des institutions publiques.
Vous dites que l'école doit être laïque,
c'est-à-dire qu'elle doit être exempte de toute influence ou
même de toute présence de la religion. Il y en a d'autres qui
disent: On veut que l'État soit laïc, c'est-à-dire qu'il ne
soit pas inféodé à une confession ou à une
église particulière. On veut qu'il le soit d'une manière
différente, on veut qu'il le soit d'une manière positive en
permettant que, dans ce lieu de convergence, de prolongement de la famille, une
action fondamentale sur le caractère de la jeunesse puisse se trouver
une place pour le facteur religieux. C'est une opinion parfaitement
défendable. Je serais gêné de dire le contraire parce que
c'est la mienne. C'est une opinion qui a parfaitement droit de cité.
Cela devient finalement une question de saine contestation
démocratique. Vous pouvez mettre en doute cette opinion, je peux mettre
en doute la vôtre. Je ne voudrais pas de la conception que vous voulez
imposer partout. Personnellement, je récure le modèle
d'école laïque que vous voulez imposer partout. Comme
député d'Argenteuil, je suis convaincu de parler au nom d'une
grande majorité des gens de ma circonscription en vous disant cela.
Par les moyens de communication qui sont à la disposition de
tous, les moyens d'influence que peuvent utiliser les citoyens dans une
démocratie, chacun peut promouvoir ses idées puis, lorsque ses
idées sont assez répandues pour devenir celles de la
majorité, il accède au pouvoir. Là, il peut changer des
institutions à son tour. Mais je pense que ce processus est absolument
fondamental. Dans l'état actuel des connaissances dont dispose le
législateur, je ne pense pas qu'il serait justifié
d'accéder à votre conception générale. Je dois la
respecter, je dois lui faire une place, mais je ne pense pas qu'il serait
justifié de se laisser influencer dans sa législation par tout le
train de propositions que vous faites dans votre mémoire.
J'ai regardé cela. C'est un vrai balayage que vous voulez faire.
Vous voulez sortir du projet de loi tout ce qui a le malheur de mentionner le
mot "religion", catholique ou protestante. Personnellement, je pense que ce
n'est pas acceptable. Dans l'état actuel de l'opinion publique... Je ne
sais pas ce que l'avenir nous réserve et je pense que tout le monde doit
garder un esprit très ouvert sur l'avenir, mais il faut agir dans le
présent et dans ce qu'on pourrait appeler l'avenir prévisible.
Personne ne peut prétendre agir pour les trois siècles à
venir. En ce qui regarde le présent et l'avenir prévisible, je
pense que toutes les indications présentement disponibles laissent
penser que la conception de la laïcité plus accueillante, plus
positive, plus positivement respectueuse des valeurs religieuses et morales
auxquelles tiennent des groupes de citoyens est celle qui reflète la
majorité des vues de la population. Je crois comprendre que le Parti
québécois lui-même, qui avait naguère des vues
beaucoup plus proches des vôtres dans ces questions, est aujourd'hui
arrivé... J'écoutais le ministre tantôt et je l'ai vu
évoluer sur ces questions depuis un an; je ne partage pas son opinion
sur tous les points non plus, mais j'ai toujours dit que je pense qu'il cherche
loyalement des solutions qui s'inspirent plutôt d'une conception
pluraliste positive plutôt que réductrice. C'est un point. Je vous
le dis en toute simplicité, mais avec fermeté également
pour qu'il n'y ait pas de malentendu entre nous et avec nos concitoyens, que
les choses soient claires.
Vous faites mention dans votre mémoire de problèmes
concrets qu'éprouveraient dans les écoles des enfants de foyers
qui ont demandé que l'enseignement religieux ne soit pas dispensé
à leurs enfants. J'ai vu des exemples que vous donnez. Ils me paraissent
assez vraisemblables. Je ne voudrais pas les contester, mais je vous dirais une
chose là-dessus: Je ne pense pas que ce soit répandu. Je pense
qu'on fait des efforts considérables un petit peu partout aujourd'hui
pour respecter cette diversité plus grande qu'autrefois qui se manifeste
dans les allégeances spirituelles des citoyens et, par
conséquent, dans celles que reflètent leurs enfants inscrits dans
les écoles. Je crois que si, avec des dossiers précis, on portait
ces cas à l'attention des autorités compétentes, on
obtiendrait un redressement de la situation dans la grande majorité des
cas. Je connais bien des éducateurs, des responsables d'école,
des cadres de commissions scolaires et je pense, en général, que
si vous avez des situations précises à apporter, ils vont les
examiner avec attention. Il va toujours arriver de tels cas de frottement. Il
va y en avoir. Moi-même j'en ai eu à propos de mes enfants qui se
faisaient endoctriner par des professeurs péquistes. Je n'ai pas fait de
cause générale. Je me suis dit: ce professeur va s'assagir avec
le temps et il va s'apercevoir que le parti n'est pas aussi bon qu'il le
pensait. Aujourd'hui, c'est plus modéré. Mais on n'est pas parti
en guerre à cause de cela. On a une centaine de milliers d'enseignants
dans le système: il est évident qu'il y en a qui vont faire
montre de zèle, un petit peu indiscret parfois, et je pense qu'il faut
qu'ils soient ramenés à la raison. Mais les organismes
compétents ont pris les mesures pour que les consciences soient
respectées. Encore une fois, cependant, il va arriver des
conditionnements concrets où cela ne se produit pas. Ce n'est pas au nom
d'exemples comme ceux-là que je serais enclin à modifier tout le
système.
Ce que je souhaite que le réaménagement proposé
puisse procurer, ce serait un régime de commissions scolaires
linguistiques où les gens seraient regroupés en commission
scolaire suivant la langue et où chaque commission scolaire aurait
l'obligation de dispenser à ses commettants des services scolaires
respectueux de leurs attentes en matière d'éducation tout court,
y compris évidemment en matière d'éducation religieuse et
morale. Dans la mesure où c'est physiquement et humainement possible, je
crois que cela devrait se traduire par des écoles catholiques pour les
catholiques qui tiennent à en avoir, par d'autres sortes d'écoles
pour certains qui tiennent à en avoir, par des écoles
mêlées là où la réalité
démographique l'exigera. Je n'accepte pas tellement l'équation
"école de quartier" comme si c'était un dogme. Je l'ai dit
à maintes reprises depuis le début des travaux de la commission.
Il y a des gens qui ont fait la preuve à maintes reprises: Ils aiment
mieux faire dix coins de rue pour avoir une école qui réponde
à leurs convictions plutôt que de faire seulement un coin de rue
pour aller au genre d'école de quartier que vous préconisez. Ils
sont aussi intelligents que nous autres. Dans la mesure où on peut
respecter leur voeu dans des conditions qui demeurent économiques, je
pense qu'on doit le faire. Je pense que c'est l'obligation d'un système
d'enseignement que de le faire. Je pense aussi que c'est dans cette voie que
nous allons devoir chercher au cours des dix, quinze ou vingt prochaines
années, aussi longtemps - j'espère que cela n'arrivera jamais
quant à moi - que les opinions que vous préconisez en
matière scolaire ne seront pas devenues majoritaires. Cela étant
dit, je pense que les positions sont claires et qu'on peut chercher à
l'intérieur de cela.
Vous avez évoqué des choses dans votre mémoire et
je voudrais faire une brève réserve à propos de deux
études dont vous avez parlé. Vous avez parlé de
l'étude sur le coût de la confessionnalité. J'ai
regardé les chiffres et j'ai examiné cette étude il y a
quelque temps. Je vous avoue que je ne suis
pas porté à la prendre au sérieux plus qu'il ne
faut. La plupart des coûts que vous évoquez ici seraient encourus
de toute manière par le système d'enseignement. Les coûts
de fonctionnement à 113 000 000 $, par exemple. Vous avez dit que les
cours de religion occupent 7% de l'horaire; donc, on va prendre 7% des frais
généraux d'administration et de fonctionnement. Mais même
si le cours de religion était remplacé par un cours de morale,
ces 7% seraient quand même dans les frais. Il ne faut pas se faire
d'illusion. Ces gens-là vont être remplacés par d'autres.
L'horaire va quand même être rempli. Quand vous faites des
extrapolations comme cela vous ne m'impressionnez pas beaucoup. Ce n'est pas
vous qui faites cela, mais l'auteur de l'étude. J'ai lu l'étude
au complet. J'attendais seulement une occasion d'en parler. Je ne savais pas
que ce serait vous qui me la procureriez et je vous en remercie. (16
heures)
M. Baril (Daniel): C'est nous qui l'avons commandée.
M. Ryan: C'est vous qui l'avez commandée, très
bien. Admettez qu'il y aurait la moitié de ce montant de 266 000 000 $
qui serait juste. Cela ferait à peu près 140 000 000 $.
Savez-vous quel est le coût total de l'enseignement primaire et
secondaire public au Québec par année?
M. Laurin: 3 300 000 000 $.
M. Ryan: 4 000 000 000 $, en comptant les frais de transport, les
frais de dette et tout ce qui vient s'y ajouter, M. le ministre. Mettez 140 000
000 $ sur 4 000 000 000 $, combien cela fait-il en pourcentage? On va compter
vite et cela va nous donner une idée du genre de domination qui est
exercée par cela. Je pense que quelqu'un va faire le calcul. C'est
sûrement de l'ordre d'à peu près 2% ou 3% ou
peut-être moins que cela. Vous allez pouvoir me répondre
tantôt, il n'y a pas de problème. Pour le reste, je trouve que ce
n'est pas payer cher pour avoir un système d'enseignement qui va faire
une place à des valeurs que je trouve très importantes. Si cela
enlevait quelque chose à d'autres, si cela privait d'autres
éléments de choses auxquelles ils tiennent absolument, je serais
obligé d'examiner mon chemin mais je pense que cela n'enlève rien
à personne, cela tient compte de choses auxquelles une majorité
de la population, selon toute apparence. Je pense que ce serait même
injuste et inéquitable de ne pas la lui donner.
Vous parlez d'une étude qui aurait établi que
l'enseignement religieux exercerait une influence défavorable sur le
développement intellectuel. Vous me faites rire. Franchement, le
phénomène religieux est à l'oeuvre dans le monde depuis
des siècles. En fait de témoignages de liberté, je pense
qu'il y en a eu d'aussi bons de la part de gens qui avaient reçu une
formation religieuse que de la part de gens qui n'en avaient pas reçu.
La religion a souvent été une source d'engagement au service de
la liberté. Il y a eu des exemples de servitude intellectuelle, de
déformation chez des personnes qui avaient reçu une formation
religieuse. Il y en a eu chez des personnes qui n'en avaient pas reçu ou
qui l'avaient également rejetée. C'est une première
étude qu'on a faite. Je souhaite que l'auteur de cette première
étude continue ses travaux. Quand il en aura accumulé une somme
impressionnante, on sera évidemment obligé de les lire, de les
écouter. Cela rejoint tellement le fond même de
l'expérience humaine que cela va prendre plus qu'une première
étude pour m'impressionner. Je ne vois pas que cela puisse nous
éclairer bien gros dans le débat actuellement.
La foi religieuse s'enracine dans des sources tellement proches de ce
qu'il y a de plus essentiel dans la nature humaine que je refuse de croire
cela. Je pense pouvoir témoigner que cela n'interdit aucunement l'examen
vraiment libre et honnête de tous les aspects de la
réalité. Il arrive des points sur lesquels des gens se sont
trompés. Ils étaient influencés par des doctrines
religieuses alors qu'ils auraient dû être influencés par des
critères scientifiques. Avec le temps, il faut qu'ils nettoient leurs
préjugés et qu'ils apprennent à respecter les objets et
les lois naturelles des choses, je pense que cela va de soi.
Je voulais vous poser une question. On pourrait continuer longtemps
là-dessus. Je vous livre mes réflexions bien simplement
après avoir entendu votre mémoire tantôt. Pourquoi
l'école publique devrait-elle absolument être la même pour
tous? Est-ce que la vraie obligation de l'État n'est pas de procurer des
services éducatifs à tous dans des conditions égales ou
comparables? Est-ce qu'il y a seulement une manière de se procurer cela
par l'école commune, l'école unique, l'école exclusive,
comme vous le préconisez?
Le Président (M. Blouin): M. Baril.
M. Baril (Daniel): La question que vous posez finalement, c'est
si la liberté de conscience devrait être reconnue et
respectée pour tous. On ne parle pas de modèle unique de
l'école. On demande que l'école respecte dans son organisation la
liberté de conscience. Il peut y avoir des écoles
diversifiées sur n'importe quel autre type de projet éducatif
dans lesquelles les libertés fondamentales ne sont pas brimées.
Cela ne veut pas dire nivellement du système scolaire. Cela ne veut pas
dire école
aseptisée, comme on nous en accorde l'étiquette. Cela veut
dire une école où on s'assurera que le projet éducatif
qu'on veut élaborer va respecter les libertés fondamentales de
tous et de chacun et sera cohérent avec celles-ci. Libre à chaque
milieu de donner la couleur à son école. Pour bien faire
comprendre la situation, on donne l'exemple d'une école qui se donnerait
un projet éducatif raciste. Même si cela était
adopté à la majorité par une procédure
démocratique, comme cela pourra l'être pour le projet
éducatif confessionnel, est-ce que cette école serait reconnue
comme démocratique? Personne n'accepterait une telle école, ici,
aujourd'hui. Personne n'accepterait qu'on discrimine les enfants sur la base de
l'appartenance raciale ou de l'appartenance ethnique. Pourtant, on accepte
qu'on le fasse sur la base de l'appartenance religieuse et cela heurte une
liberté fondamentale qui est tout aussi importante que la liberté
d'appartenance raciale, et on accepte cela.
M. Ryan: II faut dire les choses franchement et
honnêtement, aussi. Sur le territoire de Montréal d'où
viennent la plupart d'entre vous, on a depuis 1972, dans nos lois, la
possibilité, pour des éléments qui ne veulent pas
d'école catholique ou d'école protestante, d'avoir des
écoles à eux. C'est une responsabilité qui a
été donnée au Conseil scolaire de l'île de
Montréal. Il n'y a jamais eu une demande qui a été
présentée. Ce que vous voulez, ce n'est pas tant d'avoir des
écoles qui respectent votre conception que de faire en sorte que les
écoles de tout le monde soient conformes à votre conviction et
cela est un objectif politique que vous devez poursuivre au plan de l'opinion
publique. Si vous voulez des écoles qui vous préservent de cette
contamination dont vous parlez, l'article 504 de la Loi sur l'instruction
publique donne en toutes lettres au Conseil scolaire de l'île de
Montréal, parmi ses responsabilités, celle de promouvoir
l'organisation de cours d'étude pour des personnes autres que
catholiques ou protestantes. On a déjà commencé des
recensements, il y a plusieurs années, et vous n'avez même pas
été capables de recruter assez d'effectif pour en avoir une, pour
en demander une officiellement. Ce n'est pas parce que je veux faire un
blâme de cela, mais je veux que le dossier soit clair.
Au moins, dans nos lois, la possibilité existe que vous ayez des
écoles où il n'y aura aucune espèce de danger que vos
enfants entendent parler de religion, si vous ne le voulez pas.
Le Président (M. Blouin): Cela va?
M. Savard (Serge): M. le député d'Argenteuil, vous
me donnez l'occasion... En fait, vous venez de fermer la porte que le ministre
avait ouverte au tout début. L'effet que peut avoir un droit ou une
mention à l'intérieur d'un règlement ou à
l'intérieur d'une loi... Lorsque vous faites référence
à l'article 505 de la Loi sur l'instruction publique, bon nombre
interprètent qu'il était du devoir du Conseil scolaire de
l'île de Montréal de concevoir des programmes pour des gens qui ne
se définissaient pas comme catholiques ou protestants. Ce n'est pas
à moi de juger - peut-être que c'est à vous de juger,
peut-être l'avez-vous déjà fait - si le Conseil scolaire de
l'île de Montréal s'est acquitté de cette
responsabilité.
Toujours est-il que j'ai une correspondance qui vient du directeur des
services de l'instruction de la Commission scolaire des écoles
protestantes du grand Montréal en date du 20 janvier 1984 qui nous
signale que, compte tenu que, présentement, il n'existe pas de programme
de morale... Je vais vous lire textuellement ce qu'il mentionne; il dit: "Les
modules 2 et 3 du programme d'enseignement moral et religieux (protestant)
servira de programme d'enseignement moral aux élèves
exemptés jusqu'à ce qu'un programme autorisé
d'enseignement moral soit disponible pour les écoles protestantes du
Québec." Il faut comprendre que cela n'est pas disponible pour les
écoles protestantes de Montréal; il faut comprendre que, s'il y
en avait un de disponible, il aurait pu émaner du Conseil scolaire de
l'île de Montréal.
Tout ceci démontre que ce n'est pas la demande qui commande les
travaux. Vous avez dit beaucoup de choses depuis le début qui m'obligent
à revenir sur certains points. Vous avez parlé de
tolérance. Le Mouvement laïque québécois est fier de
dire qu'il regroupe des gens de toute allégeance religieuse. Il ne
regroupe pas des gens qui sont sans religion. On regroupe évidemment une
majorité de catholiques puisqu'il y a une majorité de gens qui se
disent catholiques. Il regroupe des gens qui, malgré leur
allégeance religieuse, n'ont pas éclipsé de leurs valeurs
la liberté de conscience.
D'autre part, vous avez signalé que le mouvement laïque au
Québec est vieux de 20 ans, presque pour dire que cela commençait
à être vieillot. Il faut se référer à
certains courants de pensée qui ont 20 siècles d'existence;
prenons le christianisme, on n'est pas enclin à dire que c'est vieillot.
C'est peut-être des signes de durabilité et de sérieux.
S'il y a 20 ans qu'on a vu apparaître le phénomène au
Québec, votre culture vous permet tout de même de savoir que ce
courant de pensée est beaucoup plus vieux que 20 ans et qu'en Europe un
des auteurs que vous avez certainement eu l'occasion d'étudier, Victor
Hugo, s'est fait le défenseur de la laïcité dans les
écoles.
S'il fallait retourner quelque 300 ans en arrière, on aurait
à répéter les raisons pour lesquelles l'État ne
doit pas prendre parti pour une religion plutôt qu'une autre, par respect
pour l'ensemble des religions.
Sur le nombre d'exemptés, il ne faut pas être mesquin. On
parlait de tolérance tout à l'heure. La présence des
Églises protestantes n'est pas un signe de tolérance des
Églises qui les ont précédées. D'autre part, il est
peut-être sérieux d'envisager au Québec que les premiers
exemptés furent les protestants, en s'assurant de ne pas être
mélangés avec les catholiques. Cela me faisait penser à ce
que vous disiez tout à l'heure, à une autre image qui est tout
proche de notre histoire, à l'époque où vous dites que
vous n'avez pas eu connaissance de cas de mauvais traitement des
exemptés. On pourrait en dire autant à l'époque où
les élections étaient pénibles à vivre, du moins,
les jours de scrutin, où peut-être que les présidents
d'élection pouvaient dire: Je n'ai pas eu connaissance de beaucoup
d'électeurs qui furent battus. Par contre, très peu pouvaient se
prévaloir de leur droit de vote.
C'est purement de la mesquinerie d'envisager ainsi une question aussi
fondamentale qui fut votée par l'Assemblée nationale, à
savoir la liberté de conscience. Est-ce qu'on y tient? Quant à la
liberté de religion, le Mouvement laïque québécois
n'est pas contre. Ce que le Mouvement laïque québécois veut
préciser, c'est qu'il y a moyen de garantir la liberté de
religion, non pas par le ministère de l'Éducation, et que la
liberté de conscience doit apparaître, doit être vivable,
doit être réalisable à l'intérieur de notre
système d'enseignement en ne charcutant pas et en ne
métamorphosant pas la liberté de religion.
Le Président (M. Blouin): Oui, M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, je ne veux pas revenir sur tous
ces points-là. Tantôt, j'ai convenu qu'il peut y avoir des cas et
par conséquent, s'il y en a, il faut user des mécanismes
appropriés pour en obtenir le redressement, mais ce que je voudrais
clarifier - et je vais terminer mon intervention par ceci... J'ai dit
tantôt: Ce que vous proposez, c'est l'école laïque uniforme
partout au Québec. C'est dans votre mémoire en toutes lettres. Je
vais vous en lire un extrait pour que ce soit bien clair. Vous dites à
la page 17: "Pour assurer le respect de ce droit - là, c'est le droit
à la liberté de conscience que je reconnais sans aucune
espèce d'hésitation - sans porter préjudice à la
liberté de religion de quelque confession que ce soit, il faut
procéder à la laïcisation du système scolaire, des
écoles et de l'enseignement. Cela implique la disparition des
comités confessionnels, l'élimination des projets
éducatifs confessionnels et des statuts confessionnels et le retrait de
l'enseignement religieux et de la pastorale des écoles." Il ne reste pas
grand-chose quand on a enlevé tout cela. Et vous continuez, vous donnez
les raisons. Vous dites, entre autres: "Parce que la dimension religieuse n'est
pas une matière académique." Vous niez toute une tradition
occidentale. C'est une matière académique, à mon humble
point de vue. Toutes les universités qui se respectent dans le monde
considèrent que la religion est un objet de connaissance et
d'enseignement important et éliminer la religion de l'école sous
prétexte qu'elle n'est pas une matière académique est,
à mes yeux, une énormité intellectuelle que je ne peux pas
du tout accepter. Que cet objet-là soit poursuivi dans toutes les
conditions de liberté qu'il faille, c'est très bien, mais en tout
cas je voulais que l'objectif soit identifié bien clairement. Vous
l'avez fait et je vous dis encore une fois ceci: C'est un objectif politique
légitime que vous pouvez poursuivre, mais il ne me semble pas acceptable
actuellement. Si vous y tenez beaucoup, en attendant, la possibilité
légale existe pour vous d'obtenir ce genre d'école. Vous pouvez
en faire la preuve, à part cela, mais il faut à ce
moment-là que les gens se retroussent les manches et veillent à
l'obtenir, à mon point de vue. Quand l'opinion aura
évolué, je voudrais juste faire une précision
là-dessus, 20 ans, ce n'est pas beaucoup, vous avez tout à fait
raison, M. Savard, je suis d'accord avec vous à 100%. Quand j'ai dit
cela tantôt, ce n'était pas pour dire que cela approchait de la
fin, parce que le mouvement que vous représentez a des racines
très profondes. C'est un mouvement qui a aussi une ampleur qui
déborde de beaucoup les frontières du Québec avec lequel
on va devoir compter pendant très longtemps. Je me prépare
à cela personnellement dans un esprit pacifique. (16 h 15)
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député d'Argenteuil. Très rapidement, puisque
déjà...
Mme Trudel-Lamarre (Micheline): Vous permettez? M. le
député d'Argenteuil parle déjà de regroupement de
secteurs non confessionnels ou laïques tel que proposé par la Loi
sur l'instruction publique. Je pense que la société a
évolué et des gens du Mouvement laïque
québécois ne tiennent plus tout à fait le même
discours que le MLF il y a 20 ans. Entre autres, la société est
devenue pluraliste et, la plupart des parents, quelle que soit leur religion ou
leur non-religion, sont conscients qu'il faut éviter de former de petits
ghettos pour protestants, pour hindous et pour non-pratiquants. Cette
volonté de l'école de quartier est manifestée par les
parents. Le Conseil supérieur de l'éducation le reconnaît,
par une
recommandation qu'il a publiée, appelée "Le classement des
élèves", quand il dit que les commissions scolaires voient
à découper leur territoire de façon à donner
accès à l'école la plus proche du domicile. On dit: II
faut reconnaître que la désignation de l'école la plus
proche répond à une préoccupation majeure des parents et
aux impératifs du transport scolaire. Alors, je ne vois pas un projet
qui verrait à faire toutes les demandes à la commission scolaire
qui, elle, verrait à envoyer des enfants, selon qu'ils veulent ou non
tel ou tel type de formation religieuse ou morale dans telle école ou
dans telle autre. Je pense qu'on raterait un projet de société
qui est fait de pluralisme, c'est-à-dire de reconnaître les
différences comme étant un lieu d'éducation positif.
Quand le Mouvement laïque québécois demande que la
religion et le système confessionnel qui est à partir de
l'école en passant par la commission scolaire jusqu'au ministère
de l'Éducation, quand le Mouvement laïque québécois,
dis-je, demande de retirer cela de l'école, il ne pense pas à
abolir la religion catholique, parce que si on regarde toutes les autres
religions chrétiennes ou non chrétiennes, elles existent et elles
propagent leur message, mais avec leur propre structure. Nous pensons que
l'Église catholique a déjà une formation de base pour
véhiculer, elle aussi, ses valeurs et ses convictions religieuses.
Vous avez parlé tantôt de l'exemple politique qui faisait
qu'un professeur de telle opinion politique pouvait endoctriner un
élève. La différence dans le système
québécois, au niveau confessionnel, c'est que les enseignants
sont filtrés à l'embauche à partir de leurs convictions
religieuses. Alors, si on fait un parallèle avec le problème
confessionnel, on serait dans un État où, avant d'engager un
professeur, on lui demanderait s'il partage les opinions politiques du parti au
pouvoir.
Moi aussi, j'aime beaucoup faire une comparaison avec le politique.
Quand on nous parle de projets éducatifs qui peuvent être
confessionnels, selon la majorité des parents de l'école, ou des
élèves, ou, en tout cas, de l'équipe école, je me
dis: C'est aussi malsain que d'apporter à l'école un autre sujet
de discorde traditionnel, telles la politique et la partisanerie politique. Si
on faisait une consultation des parents à l'école que
fréquentent mes enfants et qu'on demandait: Est-ce que l'école va
véhiculer l'opinion libérale ou l'opinion péquiste? on
diviserait les parents sur des questions. Je suis sûr que des parents ne
voteraient pas parce qu'ils seraient certains que ce ne sont pas des questions
qui concernent l'école. C'est la même chose pour la religion.
Demander que le système soit laïque, c'est accepter que chacun
arrive à l'école avec ses propres convictions, qu'on puisse avoir
un support dans sa communauté de croyants, mais qu'à
l'école on ne fasse pas de ségrégation, ni dans
l'école ni dans la classe ni dans la commission scolaire sur la base que
telle ou telle conviction religieuse serait privilégiée comme on
le voit dans le projet de loi 40, qui donne des privilèges aux tenants
de l'Église catholique, qui donne des possibilités, parfois, aux
protestants et qui dit, par exemple, à l'article 103, qui est une
illustration de l'inéquité de ce projet de loi, que d'autres
religions, si le nombre était suffisant, pourraient organiser un cours
d'enseignement religieux qui serait donné par des professeurs choisis et
payés par eux.
On fait la démonstration que dans une société
pluraliste où les divisions du monde et les religions sont de plus en
plus diversifiées, on ne peut plus, maintenant, donner à tous, en
étant équitables, les mêmes droits. C'est pour cela que le
Mouvement laïque québécois demande que ce ne soit plus
l'école qui soit responsable de l'enseignement d'une religion.
Le Président (M. Blouin): Rapidement, M. Baril, s'il vous
plaît.
M. Baril (Daniel): Étant donné que nous sommes le
seul groupe à manifester, ici, cette position, on veut être
certain qu'elle est bien comprise. Il me semble que, chez le
député d'Argenteuil, il y a des points qui ne sont pas bien
compris. Quand on dit que la dimension religieuse n'est pas une matière
académique, c'est sûr qu'on peut faire de la religion une
matière académique en expliquant les fondements d'une croyance,
en expliquant le rituel et tout ce qui est objectif dans une religion. Quand on
parle de la dimension religieuse, on fait appel à l'éducation de
la foi et c'est l'objectif du cours de catéchèse, ce n'est pas
une matière académique. Quand on dit que les parents semblent
être prêts à changer d'école pour aller dans une
école qui respecte leurs convictions, on observe dans les milieux
urbains toute la mobilisation qui se fait au moment, de la fermeture
d'écoles. Cela démontre très bien que les parents veulent
maintenir l'école de quartier située près de chez eux.
Personne n'est prêt à accepter comme cela d'envoyer leurs enfants
dans d'autres quartiers, peut-être même dans des situations de
ghetto, et surtout pour une question de convictions religieuses. Si on doute
que le nombre de cas d'enfants discriminés chez les exemptés soit
nombreux, c'est certain. Il y en a 3% d'élèves exemptés,
ce n'est pas beaucoup. Mais pourquoi y a-t-il seulement 3% d'exemptions au
Québec? Est-ce que cela correspond à la réalité
sociale? C'est parce que les autres enfants sont dans les classes ou sont dans
les corridors, et cela existe. Combien de parents sont prêts... Vous
dites que les moyens sont
là pour qu'ils revendiquent leurs droits. Combien de parents sont
prêts à comparaître devant les tribunaux pour revendiquer
leurs droits, comme le cas à Trois-Rivières, par exemple? Ce cas,
d'ailleurs, n'est absolument pas le projet de loi 40.
J'aimerais terminer en vous mentionnant que le Mouvement laïque
québécois n'est pas le seul organisme à revendiquer la
laïcisation de l'école; d'autres groupes le font aussi. Nous avons
regroupé 60 organismes qui appuient notre demande. Plusieurs de
ceux-là ont envoyé des mémoires et, pour leur rendre
justice, je vous demanderais de me permettre de les mentionner.
Le Président (M. Blouin): Non, je ne peux pas vous
permettre de les mentionner, car je dois maintenant donner la parole à
M. le député de Vachon. Vous pourrez toujours nous donner la
liste et nous la distribuerons aux membres de la commission. M. le
député de Vachon.
M. Payne: II faut dire que personne ne peut prévoir avec
une certitude absolue le phénomène de confessionnalisation ou de
déconfessionnalisation qui suivra l'adoption du projet de loi 40. Par
contre, je ne suis pas de ceux qui croient et qui craignent un
prosélytisme frénétique après l'adoption de la
loi.
Lorsque vous parlez des droits de l'individu et des droits collectifs,
il y a plusieurs points de référence. Tout à l'heure, je
lisais la Charte internationale des droits de l'homme; l'article 18 serait
sûrement un point de repère pour vous, c'est-à-dire pour
notre mouvement; j'ai beaucoup de sympathie pour sa position. Cet article dit:
"Toute personne a droit à la liberté de pensée, de
conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de
religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion
ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu'en privé par
l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites." La
seule nuance ou contrainte apportée à cela - c'est une nuance
importante, c'est à l'article 29, où il est dit: "Dans l'exercice
de ses droits -auxquels il a fait référence tout à l'heure
-... chacun n'est soumis qu'aux limitations établies par la loi
exclusivement en vue d'assurer la reconnaissance et le respect des droits et
libertés d'autrui et afin de satisfaire aux justes exigences de la
morale, de l'ordre public et du bien-être général dans une
société démocratique. Donc, il faut concilier, bien
sûr, le droit de l'individu et le droit collectif.
J'ai une question à poser. Vous affirmez que des
aménagements comme ceux de la loi 40 au niveau de la
confessionnalité briment le droit à la liberté de
conscience des citoyens. Ce que je viens de vous lire est tiré de la
charte internationale des droits. Ce droit ne s'oppose-t-il pas à ce que
les enfants fréquentant l'école expriment leurs valeurs
collectivement ou individuellement, selon le projet de loi 40, leurs croyances
dans leur vécu scolaire?
M. Savard: II n'y a pas opposition à ces droits puisque,
même à l'intérieur d'une école laïque, nous
n'empêcherions pas et il serait condamnable que quiconque empêche
la démonstration spontanée de la conviction religieuse de celui
qui se retrouve dans l'école. Je parle au niveau des enfants ou des
étudiants. En ce qui concerne le personnel, il se doit de se doter tout
de même d'une éthique. Vous signalez que la liberté de
religion s'exerce par le droit d'enseigner. Il ne faut pas confondre le droit
d'enseigner, qui se comprend très bien en ce qui concerne, par exemple,
un pasteur, un rabbin, un prêtre qui, dans l'exercice de sa
liberté de religion, va tenter, percevant que cela fait partie de son
ministère, d'enseigner et il se doit d'enseigner. Maintenant, il devra
respecter l'endroit qu'il choisit pour enseigner. Il peut enseigner au milieu
de la rue et fort probablement qu'il aura des problèmes. Il peut
enseigner sur la place publique et fort probablement qu'il devra respecter un
certain nombre de règlements pour ne pas troubler la paix publique. Une
chose est certaine, c'est qu'il va enseigner à des individus qui,
volontairement, veulent se soumettre à son enseignement, mais il y a une
marge entre comprendre que la liberté de religion permet à celui
qui a comme mission d'enseigner ce droit d'enseigner et ce droit de faire
enseigner quelqu'un d'autre. Comprenons-nous bien. Les évêques
catholiques du Québec ont, à mon point de vue, le devoir
d'enseiger, s'ils veulent être fidèles à leur mission. Cela
ne signifie pas qu'ils ont le droit d'exiger qu'on enseigne à leur
place.
M. Payne: À la page 11, vous parlez des sacrifiés
de la loi 40, faisant référence à ceux qui actuellement,
si je vous suis bien, fréquentent les écoles franco-protestantes.
C'est bien cela? Dans l'intérêt de nos électeurs, il serait
intéressant de regarder de plus près ce phénomène
social qui se produit depuis quelques années pour bien situer le
problème. Avec le mouvement français et l'adoption des projets de
loi 22 et 101, visant à limiter l'accès aux écoles
anglaises - vous êtes très au courant - les immigrants venant en
grand nombre de pays non catholiques, souvent anglophones, ceux qui venaient
des pays anglophones s'orientaient vers les écoles. protestantes du
secteur francophone. À l'époque, il y avait seulement deux
écoles francophones ouvertes au sein du PSPGM, par exemple, mais on a vu
le
phénomène que le PSPGM était plus qu'heureux
d'ouvrir dans une très courte période... J'ai souvent entendu
parler en privé, et en public, les officiers de cette commission
scolaire disant qu'ils ouvriront autant d'écoles francophones qu'ils le
voudront. Ils étaient plus qu'heureux d'ouvrir des écoles
protestantes dans les quartiers francophones. Nous avons actuellement quatorze
ou seize écoles d'ouvertes qui dispensent un enseignement excellent,
mais vous avez le résultat bizarre qui est le suivant: une commission
scolaire confessionnelle protestante dont les orientations et le personnel sont
majoritairement anglophones offre dans les écoles françaises un
enseignement à ceux qui sont majoritairement non protestants, comme vous
l'avez d'ailleurs bien signalé dans votre mémoire. (16 h 30)
Les chiffres sont éloquents à cet égard: plus de
50% sont d'allégeance - si vous me permettez l'expression, c'est un peu
péjoratif envers ceux qui ne professent aucune religion - autre que
protestante ou catholique. Selon mes calculs, ils sont environ 15 800... En
tout cas, à peu près 50%, 55% peut-être. Mais je ne vois
pas comment ces gens devraient être les sacrifiés de la loi 40.
Ils devraient être les plus privilégiés, dans le sens que
s'ils s'orientaient à cause des contraintes sociales vers les
écoles françaises protestantes - parce que justement ils
cherchaient une certaine exemption en matière confessionnelle - avec le
projet de loi 40 ils pourraient ouvrir ou changer l'orientation des
écoles de leur quartier. On peut penser à la communauté
grecque, à la communauté juive, qui pourraient beaucoup plus
facilement exprimer leurs droits à l'égard de la liberté
d'expression, la liberté de conscience. Cela m'étonne un peu que
vous ne vous réjouissiez pas de ce progrès.
M. Savard: En ce qui concerne les usagers des réseaux
franco-protestants, il faut toujours avoir à l'esprit que ces usagers,
composés majoritairement de nouveaux arrivants, se sont vus offrir des
écoles par une commission scolaire à tradition très
ouverte, à tradition très tolérante.
Je pourrais citer un exemple frappant. Pas plus tard qu'il y a quinze
jours, à cette commission scolaire, les représentants des parents
ont eu à se prononcer sur l'acceptabilité ou la
non-acceptabilité d'un projet éducatif chrétien. Les
parents ont pris cette position que la proposition d'un projet éducatif
chrétien était inacceptable parce que nous étions au sein
d'une commission scolaire protestante.
Cela vient complètement en contradiction avec ce qu'on se fait
comme idée après la loi 40, où c'est pratiquement de
l'incitation à avoir pareil projet éducatif.
Cela pose aussi le dilemme: Comment se fait-il que dans une commission
scolaire étiquetée protestante des gens qui présentent
quelque chose qui serait normalement apparenté à
l'étiquette, au point de vue pratique on traite la chose comme si la
commission scolaire était laïque?
C'est ce que le projet de loi va faire disparaître. Il ne faut pas
se faire d'illusion. Même s'il n'y avait pas le projet de loi 40, on
déplore présentement que les commissions scolaires protestantes
soient forcées d'être de moins en moins laïques et de plus en
plus réellement protestantes.
Pour ces gens qui sont les usagers de ce réseau, avant même
que la loi 40 soit adoptée, à cause du climat politique que cela
crée, ils sont en voie de perdre leurs écoles laïques. On
insiste pour signaler que les écoles laïques au Québec ne
sont pas un phénomène nouveau. C'est un phénomène
caché, mais ce n'est pas un phénomène nouveau.
Mme Trudel-Lamarre: II faudrait ajouter aussi que la loi 40
créant des commissions scolaires linguistiques, ce sur quoi on serait
d'accord si c'étaient des aménagements linguistiques et non pas
récupérés par toute la structure confessionnelle qui s'y
greffe, il y a beaucoup de parents immigrants et québécois qui,
en choisissant l'école protestante qui donne l'enseignement en
français, n'ont pas choisi l'école de quartier. En retournant
dans leur quartier, c'est une clientèle, 38%, qui se trouverait
disséminée parmi la population catholique et, comme le projet de
loi 40 prévoit une possibilité de projet éducatif
établi à majorité, qui pourrait porter sur des convictions
religieuses d'une religion particulière, ces gens se retrouveraient donc
minoritaires - cela peut être à 30%, à 40% dans une
école publique et commune de quartier - mais où ils seraient
soumis à un projet éducatif qui touche toutes les
activités et l'éducation de l'école qui ne les
respecterait pas dans ce qu'ils désirent comme lieu d'éducation
pour leur enfant.
M. Payne: J'aurais un dernier point sur votre
référence concernant l'option entre l'enseignement religieux et
l'enseignement moral, une mesure d'ailleurs à laquelle vous vous
opposez. Vous vous référez à un article du
règlement du comité catholique comme quoi, s'il y a moins de
quinze élèves, cela ne serait pas obligatoirement
dispensé. En réalité, si vous lisez l'article 101, on peut
constater très facilement que dans l'organisation de l'enseignement
moral, l'école doit permettre à chaque élève le
droit d'atteindre ses objectifs. L'article 101 est un privilège pour
chaque élève ou plutôt un droit.
M. Alarie (Luc): Si vous me permettez de répondre à
cette question, l'article 101 ne fait simplement qu'offrir le choix entre deux
enseignements, mais il n'assure pas que les deux enseignements vont être
effectivement offerts dans la même école. Regardez l'article 29:
c'est la commission scolaire qui va déterminer les services
éducatifs qui vont être dispensés dans l'école. Si
la commission scolaire, pour des questions budgétaires ou autres,
décide que, dans une telle école, on n'offrira pas l'enseignement
de la morale, le choix entre les deux ne sera pas possible. C'est d'ailleurs le
cas qu'on a vécu à Trois-Rivières tout à fait
récemment, où le droit de la commission scolaire d'affecter les
élèves dans les écoles de son territoire prévaut
sur le droit d'obtenir l'enseignement de la morale dans une école.
L'article 101 n'offre donc pas plus de garanties que le régime actuel de
l'exemption quant au choix entre l'enseignement religieux ou moral. Je pense
que si on pouvait vraiment préciser ce droit fondamental des parents
d'exiger l'un et l'autre, cet article devrait être amendé pour
que, obligatoirement, l'école offre les deux enseignements à ceux
qui vont les demander et ce même si un seul élève
était exempté ou demandait l'enseignement de la formation
morale.
M. Laurin: L'esprit de l'article 101 est clair. S'il y a
là une lacune, et s'il y a nécessité d'amendement, il sera
apporté.
Mme Trudel-Lamarre: M. le ministre, à l'article 18 on dit
que les parents auront le choix de l'école dont le projet
éducatif correspond le mieux à leurs valeurs et à leurs
convictions. Au deuxième paragraphe, on dit: "L'exercice de ce droit est
assujetti aux critères que peut établir une commission scolaire
pour tenir compte de la capacité d'accueil de l'école et des
services éducatifs qu'elle dispense". Pour nous, il n'y a pas de
changement à la situation qu'on vient d'évoquer, puisque la
commission scolaire, à ce moment-là, pourrait dire: Nous, avec
les capacités budgétaires, financières et humaines qu'on
a, nous décidons d'un regroupement, donc d'un ghetto - tel que nous le
voyons - d'élèves qui demanderaient l'option morale dans telle
école pour offrir un service particulier.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Cela va? Une
très brève intervention, puisque le temps est presque
terminé, madame.
Mme Cyr-Reid (Réjeanne): Très bien. Étant
donné que c'est censé être bref, dans la région de
Québec, on vit un problème particulier concernant
l'élection des commissaires. La balle est renvoyée constamment
entre le ministère de l'Éducation et la Commission des
écoles catholiques de Québec. Depuis 1967, il y a eu douze mises
en candidature qui ont été refusées pour motif de
discrimination religieuse. Il semble bien que le projet de loi 40 ne va rien
régler dans le fait de se renvoyer la balle. Quand vous parlez de
ramener les territoires à ce qu'ils étaient en 1867, à
supposer que cela soit faisable et réalisable, il reste quand même
que les gens qui vont habiter ces territoires vont encore être sous le
coup de cette loi discriminatoire. Ce qui se passera, par exemple, dans les
territoires que couvre la CECQ - je vais vous donner l'exemple d'une
école - l'école Saint-Jean-Baptiste...
Le Président (M. Blouin): Non, madame...
Mme Cyr-Reid: ...recouvre 50% d'exemptés. Les parents ne
peuvent pas se présenter à la charge de commissaire à
cette commission scolaire.
Le Président (M. Blouin): D'accord. Merci, madame
Cyr-Reid. Sur ce, je remercie donc les représentants du Mouvement
laïque québécois de leur participation aux travaux de notre
commission, au nom de tous les membres de la commission.
J'invite maintenant les représentants du Mouvement scolaire
confessionnel à bien vouloir prendre place à la table des
invités. Pendant qu'ils s'avanceront, nous allons suspendre nos travaux
pour environ une minute.
M. Ryan: Vous suspendez pour dix minutes?
Le Président (M. Blouin): Une minute. M. Ryan: Ah!
d'accord! (Suspension de la séance à 16 h 40)
(Reprise de la séance à 16 h 42)
Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous
plaît! Après cette brève interruption, j'invite maintenant
les représentants du Mouvement scolaire confessionnel à s'asseoir
et à nous... À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, j'invite les
représentants du Mouvement scolaire confessionnel à s'identifier
et ensuite, à nous livrer, en une vingtaine de minutes, le contenu de
leur mémoire pour que nous procédions par la suite aux
échanges entre eux et les membres de la commission.
Je leur rappelle que nous disposons d'une période d'une heure
trente minutes afin de procéder à la fois à cette
présentation et
aux échanges subséquents. Si vous voulez bien d'abord vous
identifier.
Mouvement scolaire confessionnel
M. Archambault (Maurice): M. le Président de la
commission, le Mouvement scolaire confessionnel est plus connu à
Montréal que dans la province. Il est, en somme, constitué d'une
coalition de 20 organismes catholiques de Montréal dont
l'exécutif est constitué de moi-même, Maurice Archambault,
président, de M. Benoit Beaudoin, vice-président, de M. Alfred
Reynolds qui n'est pas présent et qui est secrétaire
trésorier, de M. Roger Ducharme, directeur, de M. Roger Aird, directeur,
de Mme Thérèse Charette, directrice, de Mlle Marcelle Sabourin,
directrice et de M. Georges Létourneau.
Le travail du Mouvement scolaire confessionnel à Montréal
consiste surtout, lors des campagnes électorales, à identifier
les commissaires qui sont d'accord avec la commission scolaire confessionnelle
et l'école catholique. Ce sont les votants de l'île de
Montréal qui votent pour ou contre les commissaires que nous
présentons. Faire connaître ces gens-là, là se
limite le travail du Mouvement scolaire confessionnel.
Au mois de juillet 1982, des juristes catholiques d'Italie, de Belgique,
de France et du Québec publiaient une étude intitulée
"Liberté d'éducation et école catholique",
préfacée par le cardinal Oppilio Rossi et à laquelle
participait Me Michel Pallascio, secrétaire de l'Association des
juristes catholiques du Québec et commissaire élu à la
Commission des écoles catholiques de Montréal. On souligne dans
cette étude le fait que l'école catholique est de nouveau remise
en question dans plusieurs pays du monde occidental alors qu'elle semblait,
depuis quelques décennies, avoir acquis un droit de cité stable
et indiscutable, nous dit-on. (16 h 45)
Le 18 avril dernier, notre saint-père le pape Jean Paul II,
s'adressant au Conseil de l'union mondiale des enseignants catholiques se
montrait, lui aussi, préoccupé de la situation faite à
l'école catholique dans le monde. "D'un pays à l'autre, nous
dit-il, et même à l'intérieur d'une même nation, les
situations juridiques, les possibilités concrètes de
fonctionnement et le coefficient de rayonnement de l'enseignement catholique
connaissent des variantes. Mais on n'arrive pas à imaginer que celui-ci
pourrait être rayé de la carte des peuples libres sans porter une
atteinte extrêmement profonde aux droits fondamentaux de l'homme. Dans
une civilisation connaissant parfois la tentation et possédant les
moyens techniques de niveler l'homme et la société - poursuit-il
il est plus que jamais nécessaire de favoriser, surtout pour la jeunesse
assoiffée de raisons de vivre, des espaces éducatifs nombreux,
suffisamment décentralisés, libres de proposer un idéal
qui transcende un dénominateur culturel parfois faible.
Précisément l'école catholique, sans volonté de
puissance et encore moins de triomphalisme, a l'ambition de proposer
simultanément l'acquisition d'un savoir aussi large et profond que
possible et l'éducation exigeante et persévérante de la
véritable liberté humaine. "Je souhaite de plus en plus qu'en
tout pays se disant attaché à la démocratie, et donc au
respect absolu des consciences, le pluralisme scolaire, abandonnant les vieux
chemins des querelles anachroniques, trouve enfin sa voie royale,
c'est-à-dire offre aux citoyens un choix d'institutions scolaires
correspondant aux options profondes et sacrées des consciences humaines
et sachant coexister harmonieusement pour le bien général du
peuple tout entier. Les États modernes, souvent très
organisés et puissants, ne sauraient aligner leurs sujets sur un
modèle unique. Leur raison d'être - et je dirais leur
véritable grandeur - est de servir tous les citoyens avec
équité et magnanimité, en exigeant évidemment que
ceux-ci soient respectueux du bien commun de la nation. En un mot, je plaide
pour un véritable pluralisme scolaire, judicieusement organisé et
protégé."
Le 14 août 1983, à Lourdes, le Saint-Père rappelait
le nombre de ceux qui ont à souffrir de discrimination sociale alors, et
je cite, qu'est "reconnu le droit à la liberté religieuse,
à la liberté de conscience, et cela aussi bien dans la
législation des divers États que dans les documents de
caractère international." Parmi ces cas de discrimination sociale, il
mentionnait celui, et je cite, "de parents qui se voient refuser la
possibilité d'assurer à leurs enfants une éducation
inspirée par leur foi." Ceci se passe dans des pays qui se disent
démocratiques mais où la démocratie cède
graduellement le pas à des tendances de plus en plus centralisatrices,
mises au service d'idéologies qu'on impose, paradoxalement, au nom de la
liberté.
Nous devons admettre à regret que le Québec, depuis les 20
dernières années, s'est graduellement orienté dans la
même direction. L'État cherche, par tous les moyens, à se
substituer à la société québécoise qu'il est
censé servir en respectant la diversité des communautés
culturelles et religieuses qui la composent. Il lui impose même ses
critères idéologiques et sociologiques. L'expérience
mondiale nous a appris que la contrainte, sous ses diverses formes, est le seul
moyen par lequel on peut imposer à un peuple une idéologie qu'il
rejette. Au Québec, cette contrainte s'est surtout exercée par le
détour de l'école, lieu
où on veut modeler la nouvelle société, car il est
plus facile de circonvenir un enfant qu'un adulte formé et averti,
surtout lorsqu'on centralise tous les pouvoirs scolaires entre les mains d'un
ministère et qu'on éloigne les parents des véritables
centres de décision.
Voilà pourquoi nos gouvernements, les uns après les autres
et en utilisant la force de la loi, tentent de nous imposer, surtout dans le
domaine scolaire, des mesures fort contestées par la population.
Voilà aussi pourquoi, depuis 20 ans, les parents et la très forte
majorité de la population se sont opposés à ceux qui ont
entrepris d'abolir leurs écoles et leurs commissions scolaires
catholiques, leur héritage culturel et spirituel le plus
précieux.
Les gouvernements n'aiment pas se souvenir de ce qui entrave leur marche
ambitieuse vers les buts qu'ils se sont fixés. Aussi est-il important de
rappeler ici les principales étapes de cette résistance qui a
acculé nos gouvernements à nous imposer un étapisme sans
fin.
Déjà, en 1966, lors de sa défaite
électorale, M. Jean Lesage déclarait: "Nous avons
été battus par l'éducation." M. Daniel Johnson, nouveau
premier ministre, promettait que la réforme scolaire suivrait la
volonté de la population.
En mai de la même année, un groupe de parents
alarmés par certaines recommandations du rapport Parent
réunissaient à Montréal près de 1200
représentants d'organismes venus de tous les coins de la province et
fondèrent un mouvement pour la défense de leurs droits,
l'Association des parents catholiques du Québec.
En 1969, le projet de loi 62 du gouvernement Bertrand et, en 1971, le
projet de loi 28 du gouvernement Bourassa, qui voulaient imposer à toute
l'île de Montréal des commissions scolaires unifiées et
neutres, furent rejetés par une très forte majorité de la
population.
À l'occasion de la restructuration scolaire de l'île de
Montréal entreprise par le gouvernement Bourassa, en 1972, la commission
scolaire unifiée est rejetée pour une troisième fois. Le
comité de restructuration prévu dans la loi 71 est forcé
de reconnaître que la population veut le maintien des commissions
scolaires confessionnelles catholiques et protestantes sur l'île de
Montréal et la mise en place d'un secteur autre.
En décembre de la même année, le Mouvement scolaire
confessionnel du Québec est fondé par une coalition de 20
organismes catholiques du diocèse de Montréal afin de donner une
voix à la population catholique de l'île à l'occasion des
premières élections scolaires prévues pour 1973 par la loi
71.
Aux quatre élections scolaires qui suivirent, celles de 1973, de
1977, de 1980 et même de 1983, des candidats commissaires favorables au
maintien des écoles et des commissions scolaires confessionnelles,
appuyés par le Mouvement scolaire confessionnel, sont élus
à une très forte majorité.
De plus, aux élections de 1977 et de 1980, l'électorat de
l'île de Montréal montra clairement sa volonté de conserver
son système scolaire confessionnel en remplaçant par son vote
plusieurs commissaires qui n'avaient pas respecté la volonté de
la population durant leur mandat.
En 1978, à l'occasion de la consultation sur l'enseignement
primaire et secondaire -le livre vert - la province refuse, presque à
l'unanimité, de remettre l'école entre les mains d'un conseil
d'école, des municipalités ou des gouvernements régionaux.
Elle redemande le maintien des commissions scolaires existantes qui sont
catholiques et protestantes.
En 1982, le 24 novembre, l'Association des parents catholiques du
Québec, appuyée par une coalition de 28 mouvements
représentant plus de 1 000 000 de personnes, présentait le
manifeste des parents chrétiens devant M. le ministre au salon rouge du
gouvernement. Ce manifeste demandait, encore une fois, le maintien de nos
écoles et de nos commissions scolaires catholiques,
l'établissement d'écoles autres, là où le besoin
s'en fait sentir, la promotion des institutions privées, le retour
à une saine pédagogie et une amélioration du projet
éducatif chrétien dans l'école.
Nous arrêtons ici cette énumération
déjà longue. Il eût fallu, pour être juste, y ajouter
les milliers de mémoires et tous les mouvements de protestation, au
cours des années, de la majorité des organismes
intéressés à l'éducation au Québec, sans
oublier ceux qui ont entouré le projet scolaire du ministre.
Ces vingt années d'intervention constante et courageuse ont
changé le cours de la réforme scolaire, limitant certains de ses
excès qui lui ont souvent fait rejeter des richesses éducatives
et civilisatrices, pour les remplacer par des innovations hasardeuses
déjà dépassées ailleurs et désastreuses pour
nos enfants.
Le projet de loi 40 modifie considérablement la
réalité québécoise au plan des structures
scolaires. Ce projet de loi semble être issu d'une volonté
politique de donner plus de pouvoirs à la base tout en gardant au
ministère de l'Éducation un contrôle presque absolu par
mode de réglementation sur toutes les questions relatives à
l'administration scolaire.
De ce fait, les commissions scolaires perdent encore plus de pouvoirs et
risquent de n'être que des communautés de services aux
écoles, soumises aux instances
municipales du territoire, les municipalités régionales de
comté. Rappelons ici que la remise de la chose scolaire aux
municipalités avait été refusée presque à
l'unanimité par la population lors de la consultation sur le livre
vert.
La démocratie scolaire est ramenée au niveau de
l'école par l'élection d'un commissaire par école. De
plus, les catholiques qui voudront avoir une école catholique seront
obligés d'en faire la demande, contrairement aux autres qui jouiront
automatiquement de l'école de leur choix.
Enfin, les commissions scolaires ne sont plus confessionnelles,
catholiques ou protestantes, sauf celles qui sont protégées par
l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Ces
dernières sont cependant réduites au territoire qu'elles
occupaient en 1867, c'est-à-dire à presque rien. De fait, le
projet de loi 40 donne peu de pouvoirs véritables aux parents. Ceux-ci
porteront davantage de responsabilités avec l'illusion de croire qu'ils
ont les moyens d'y répondre. En définitive, c'est le gouvernement
qui, par son pouvoir de réglementation, aura toute la latitude pour
décider en dernier ressort de tout ce qui regarde la vie scolaire.
L'affaiblissement des commissions scolaires comme corps intermédiaire
est un élément majeur qui modifie l'équilibre traditionnel
des forces scolaires. La démocratie scolaire est réduite à
sa plus simple expression et perd toute sa valeur de
représentativité.
Nous avons pu jusqu'à maintenant éviter i'écueil du
pire sur lequel le présent gouvernement semble résolu de se jeter
en imposant de fait la suppression de nos commissions scolaires catholiques.
Or, l'école catholique ne peut se réaliser sans les soutiens
administratif et pédagogique d'une institution qui partage ses
orientations. Notre volonté de maintenir un statut juridique pour
l'école catholique rejoint la préoccupation de nos
évêques. Le statut juridique d'une école catholique,
disent-ils dans leur intervention, dit ouvertement et clairement pour tous,
administrateurs, parents et agents d'éducation, que l'institution
scolaire qui en fait l'objet accepte ouvertement la conception
chrétienne de l'homme. Ils ont même marqué à cette
occasion leur préférence pour la commission scolaire catholique
qui, depuis 130 ans, assure le statut catholique de nos écoles.
Nous nous arrêterons maintenant à une phrase du livre blanc
qui dit bien la confusion qui règne dans l'esprit de M. le ministre et
des technocrates du ministère de l'Éducation. À l'article
4.2.4, page 79, nous lisons: "Comment justifier dans une société
pluraliste qui reconnaît la distinction de l'Église et de
l'État que des structures dispensatrices de services publics soient
institutionnellement identifiées par des critères d'appartenance
religieuse?"
Il est aberrant de confondre les structures des services publics, comme
la voirie, l'aqueduc, les services sanitaires et tous les autres qui sont
neutres de nature avec les structures scolaires qui concernent des enfants en
voie de formation et non des choses, alors que les structures scolaires, elles,
ne sont jamais neutres. Elles sont dirigées par des personnes. Leurs
choix et leurs options personnelles orienteront leurs décisions quant
aux priorités éducatives de l'école. Elle aussi n'est
jamais neutre: elle éduque l'enfant d'une façon ou d'une autre,
en bien ou en mal. Les vingt dernières années nous l'ont appris.
Pour mieux comprendre la situation, il est utile de rappeler cette
évolution du monde qui a abouti à la séparation de
l'Église et de l'État que M. le ministre évoque dans le
passage cité. L'État, prétendait-on, se devait
d'être neutre, d'une neutralité bienveillante, afin d'assurer
à une société devenue pluraliste une justice égale
pour tous et un respect des droits de tous, quelles que soient leurs
croyances.
Or, la neutralité de l'État est toujours factice, car tous
les gestes qu'il pose ont des implications morales, surtout les lois favorisant
ou restreignant la liberté des individus, la justice, les droits de la
famille, l'école libre, la dissolution des moeurs, l'avortement, le
divorce, et le reste.
Au Québec, comme ailleurs dans le monde, l'État a
abandonné sa neutralité; ce n'est un secret pour personne qu'il a
souvent partie liée avec des philosophies et des idéologies non
chrétiennes dont il favorise l'expansion et qui sous-tendent presque
toutes ses lois et ses actions. L'intention du projet de loi 40, c'est la
création d'une école étatique qui admet l'influence
religieuse et spirituelle pour autant que l'école demeure
fondamentalement commune et publique. Elle appartient à tous et elle
doit accueillir les personnes de toute allégeance dans le respect de la
Charte des droits et libertés de la personne.
L'article 30 indique les nouvelles bases de la nouvelle école:
elle sera publique et commune. Le livre blanc nous indique bien l'esprit de
cette école, alors qu'aux pages 39, 40 et 41, on lit ce qui suit:
"L'école du projet éducatif, c'est, de soi, l'école de
tout le monde, l'école commune. En effet, l'école du projet
éducatif n'appartient ni au directeur ni à un groupe en
particulier. Elle n'est la propriété d'aucune oligarchie. Bien au
contraire, elle est le lieu de la responsabilité partagée et, en
définitive, de la démocratie culturelle. L'appel que le projet
éducatif lance à tous les agents de l'école, c'est celui
de faire partie d'une équipe-école, qui doit trouver ses terrains
de consensus et gérer ses divergences; en
somme, "composer" dans la tolérance et le bon sens." (17
heures)
Plus loin: "...car on ne saurait accepter que l'école publique
soit différenciée et particularisée au point de cesser
d'être vraiment commune et d'institutionnaliser des différences
qui introduiraient des inégalités tout aussi despotiques que
celles qu'on s'applique justement à surmonter. Plus radicalement, il est
des droits fondamentaux qui ne peuvent pas être à la merci de
décisions locales, fussent-elles majoritaires et
démocratiques."
À toutes fins utiles, il s'agit d'une école de
l'État. La dimension religieuse à l'école y sera
présente pour autant qu'elle n'est pas un obstacle aux objectifs
poursuivis qui sont ceux d'une école de quartier où tous et
chacun y ont des droits égaux. Les catholiques n'y auront des droits que
pour autant que cela ne lésera pas les autres. Le gouvernement ne laisse
donc aux catholiques que des droits minimaux qui sont dépendants de la
tolérance et de la bonne volonté des autres. C'est la fameuse
école pluraliste où toutes les valeurs sont également
bonnes, même si elles se contredisent.
M. le ministre, dans tous ses discours à travers la province, n'a
jamais parlé d'autre chose que de cours de religion. Certains, avec
beaucoup de bonne volonté, ont cherché dans le livre blanc, qui
s'est concrétisé dans le projet de loi 40, des pistes favorables
à l'école confessionnelle. Mais l'expert retenu par l'Association
des commissions scolaires de la région de Montréal pour
étudier cet aspect, M. Marcel de Grandpré, professeur à
l'Université de Montréal, a dû avouer qu'elles
étaient d'un décodage difficile. "Le livre blanc,
écrit-il, achève ce qui avait été commencé
en 1964: dépouiller, sans le leur dire, les catholiques et les
protestants, comme classes particulières de personnes, de droits
constitutionnels et de droits inscrits dans les lois du Québec."
Le projet de loi 40 confirme cette opinion. L'État a
graduellement étouffé le projet éducatif chrétien
et s'apprête maintenant à en faire le parent pauvre de
l'école québécoise.
De plus, une propagande habile mais mensongère, depuis 20 ans,
tente de faire croire que l'école catholique ignore toutes les autres
dimensions de l'homme. Par conséquent, elle aboutit à la
médiocrité, alors que l'école d'État neutre est le
signe du progrès et de la libération.
La preuve du contraire est maintenant faite. L'école presque
assurément médiocre, c'est l'école d'État,
laïque et neutre -publique et commune dans le projet de loi 40 - celle qui
ne motive pas l'enfant à un dépassement de soi, à
poursuivre des buts supérieurs, à rechercher un idéal
spirituel qui lui permette de s'élever au-dessus des contingences
matérielles dont il refuse de devenir l'esclave.
Accepter le projet de loi 40, ce serait accepter en même temps la
mainmise de l'État sur nos écoles et, à plus ou moins
longue échéance, la substitution dans celles-ci des credos
matérialistes à la mode et de la conception athée du monde
à notre credo chrétien. Ce serait ouvrir nos écoles
à l'anarchie éducative que nous voyons déjà
à l'oeuvre ici et à l'étranger, car dans tous les pays
où règne l'école laïque et neutre, elle est l'objet
de critiques sévères de la part des parents qui, de plus en plus,
font des sacrifices financiers énormes pour envoyer leurs enfants dans
des collèges privés et leur éviter ainsi le
désastre de l'école neutre.
Il en est ainsi de la grande majorité des écoles publiques
des États-Unis tel que le révèle l'enquête des
experts de la revue américaine " Newsweek" parue dans ses numéros
des 20 et 27 avril 1981. Elle flétrit l'école laïque et
neutre, source du désastre scolaire américain, et fait
l'éloge des succès de l'école catholique, de
l'école chrétienne, des dénominations protestantes et des
collèges privés. "Newsweek" est publiée à 5 000 000
d'exemplaires et vendue dans le monde entier.
Mais plus que cela, la Commission américaine pour l'excellence en
éducation dans son rapport conclut à un désastre national.
Ce rapport est intitulé: "À Nation at Risk" - Une nation en
péril. Ses commissaires disent même que, si une nation
étrangère avait imposé aux enfants américains un
tel système d'éducation, cela aurait été
considéré comme une agression contre l'État. Voilà
où mène l'école d'État neutre.
Nous avons l'impression de reculer dans le temps et de revivre d'une
façon plus subtile, mais non moins virulente, les attaques et les coups
portés à l'éducation chrétienne, qui furent
l'apanage peu glorieux de certains pays catholiques aux mains de
minorités athées à la fin du siècle dernier et au
début de celui-ci, en particulier en France, qui revit actuellement
cette lutte pour la liberté scolaire.
Pourquoi vouloir reculer si loin et nier aux parents le droit d'agir
selon leur conscience. Car les parents chrétiens ont le devoir de
choisir pour leurs enfants une école où l'éducation
correspond aux attentes de la famille chrétienne. Les en empêcher,
c'est brimer leur liberté de conscience.
Le pape Jean-Paul II, sans nier à l'État son rôle de
subsidiarité, nous fait très bien comprendre les sources de ce
droit et les raisons profondément humaines qui l'enracinent dans la
famille, lorsque, dans son encyclique "Les tâches de la famille", il dit:
"Le droit et le devoir d'éducation sont pour les parents quelque chose
d'essentiel de par leur lien avec la transmission de la vie,
quelque chose d'original et de primordial par rapport au devoir
éducatif des autres, en raison du caractère unique du rapport
d'amour existant entre parents et enfants, quelque chose d'irremplaçable
et d'inaliénable qui ne peut donc être totalement
délégué à d'autres ni usurpé par
d'autres."
D'ailleurs le choix de l'école par les parents est un droit
reconnu par l'église, par la Charte universelle des droits de l'homme,
par la Charte canadienne et par la constitution. Seule la Charte
québécoise des droits et libertés de la personne est
discriminatoire à cet égard quand, à son article 41,
confirmé par les dispositions des articles 90 et 102 du projet de loi
40, elle y réduit le droit des parents à la seule
possibilité d'obtenir dans les écoles un cours d'enseignement
religieux. Tout le reste de la vie de l'école sera ordonné
à une conception neutre de la société que l'enfant
catholique sera obligé de vivre, alors qu'elle admet la
libération sexuelle, le divorce, l'avortement et le reste, toutes choses
en contradiction avec sa conscience chrétienne, au moment où il
ne possède pas la maturité nécessaire pour faire les
distinctions qui s'imposent.
L'article 32 de la loi 40 semble ouvrir aux parents la
possibilité d'obtenir, par le biais des comités confessionnels,
une véritable école catholique. Mais cette possibilité est
vague, car elle est soumise à une consultation des parents au niveau de
l'école; ce qui veut dire que, dans une école où 199
parents contre 201 et même 200 parents contre 200 s'opposent, cela
priverait les 199 ou les 200 parents catholiques de leurs droits à
l'école catholique. D'ailleurs, les article 474 et 475, modifiant les
articles 22 et 23 de la Loi sur le Conseil supérieur de
l'éducation, enlèvent au comité confessionnel l'essentiel
de leurs pouvoirs, c'est-à-dire ceux d'approuver les programmes en
général, de faire des règlements touchant le personnel de
l'école et de leur imposer des critères d'ordre moral et
religieux. Ils n'ont plus que la possibilité de donner des avis au
ministre dans ces domaines.
L'obtention d'une école confessionnelle ast donc soumise aux
aléas d'un vote pris au niveau de l'école et non au niveau de la
communauté catholique; d'une demande de reconnaissance par le conseil
d'école; aux aléas des décisions du ministre en
matière de programmes et de manuels, articles 292 à 296, et quant
aux modalités de la consultation, de reconnaissance ou de désaveu
de la confessionnalité d'une école - article 309.1; aux
aléas des décisions du gouvernement quant au régime
pédagogique -article 308.1; et surtout aux aléas d'une poursuite
pour discrimination en vertu de la Charte québécoise par un seul
parent, question qui semble déjà avoir l'aval de la Commission
québécoise des droits de la personne, si l'on se
réfère à l'avis donné par le directeur de son
service de l'éducation, M. Yves Côté, à savoir qu'un
projet chrétien omniprésent dans l'école est incompatible
avec la charte (14 mars 1983).
Nous pouvons prévoir que la loi 40 sera soumise à cette
charte, qu'elle n'en fait mention nulle part, ni de l'article 9.1 du texte
amendé de cette charte. Il est donc inconcevable qu'au Québec, le
droit des parents à choisir le type d'écoles qui convient le
mieux à leurs enfants, leur soit ainsi dénié par une
charte dont les auteurs semblent avoir omis ce droit, afin de permettre
à nos gouvernements la poursuite de la laïcisation de notre
système scolaire contre la volonté de la majorité de la
population.
Il nous faut donc rappeler au gouvernement que son rôle est
d'assurer la justice et la paix scolaire pour tous en respectant les droits des
minorités, mais en respectant aussi ceux de la majorité et
surtout en ne se substituant pas aux parents.
Or, quel est le rôle des parents dans le projet de loi 40? Il est
vrai que ce projet de loi crée un conseil d'école où les
parents doivent être majoritaires, entourés par un comité
d'école, par un comité pédagogique et par un comité
d'élèves. Même le directeur d'école, s'il est choisi
par la commission scolaire, est sujet à la recommandation du conseil
d'école qui a le pouvoir de résilier son mandat.
Le conseil d'école est responsable de l'application du
régime pédagogique, des services d'enseignement, des services
complémentaires et des services à la communauté, mais en
fonction des ressources humaines et matérielles disponibles et surtout
en se conformant aux règles établies par le ministre de
l'Éducation, aux articles 292 à 329. D'ailleurs, le mot
"majoritaire", pour décrire le nombre de parents au conseil de
l'école, peut porter à confusion. Est-ce la majorité
absolue ou cela signifie-t-il qu'ils forment le groupe le plus nombreux sans
pourtant être réellement majoritaires?
D'autre part, l'on peut se demander aux mains de qui tombera
l'école, car seuls les parents les plus instruits ou qui disposent du
temps requis ou des moyens économiques de se le permettre auront la
possibilité de participer à la chose scolaire. On peut se
demander d'où ils seront issus et quels sont les intérêts
qu'ils chercheront à promouvoir. L'école québécoise
continuera donc selon la loi 40 d'être le lieu de toutes les
manipulations et ce, dans le sens contraire de son histoire.
À part quelques exceptions notables, nous dit M. Lucien Campeau,
professeur d'histoire à l'Université de Montréal, membre
de l'Institut d'histoire de l'Amérique française et de la
Société royale du Canada, dans son article de la revue Nouveau
dialogue de janvier 1976, nos intellectuels,
dont la vocation naturelle eût été d'assumer la
culture populaire et de l'élever au rang d'une culture
réfléchie, exprimée dans une forme vigoureuse et
originale, se sont mis à la remorque des cultures
étrangères plus avancées et se sont
considérés généralement comme les disciples de
maîtres forains au lieu de devenir des maîtres en droit propre dans
leur milieu à eux. "Le démantèlement de la forteresse
canadienne-française catholique, poursuit-il, a précipité
sur nous en raz-de-marée, pêle-mêle et sans avertissement,
le contenu de la culture nord-américaine. Ne nous restant aucune valeur
où nous ancrer, ni la révérence du Dieu de nos
pères, ni la conception humaniste de la société, ni la
conscience d'une responsabilité collective, ni les vertus
traditionnelles d'honnêteté, de dévouement, de politesse,
de tempérance, de générosité, de
fidélité, toutes effroyablement sabotées, nous nous sommes
vus submergés par une philosophie et une anthropologie bourgeoises et
mercantiles dont les principes et l'expérience nous étaient
méconnus. Elles sont entrées en nous par débris, sans
structure, sans cohérence, non digérées, et ce sont les
plats qu'on sert dans nos écoles, sans rapport ni parenté avec
nos origines et notre histoire. Le mal déjà fait après si
peu d'années est effarant." Fin de la citation.
À ce gouvernement qui se targue plus que tout autre d'assurer la
conservation du patrimoine national, nous manifestons notre étonnement
de le voir, après les autres, tenter de jeter par-dessus bord le plus
précieux de ses biens: notre système scolaire confessionnel
québécois qui a forgé notre identité.
C'est donc avec un sain réalisme et une volonté qui ne
s'est pas démentie depuis 20 ans que la très forte
majorité de la population catholique québécoise demande le
maintien de son système scolaire catholique, l'ouverture d'écoles
autres pour ceux qui le demandent, lorsque le nombre le justifie; la
restauration des pouvoirs et de l'autonomie de ses commissions scolaires par
rapport au pouvoir politique, l'abolition de l'école de masse, inhumaine
et anti-pédagogique; la formation de maîtres qualifiés pour
enseigner dans les écoles catholiques, la revalorisation du projet
éducatif chrétien dans l'école, l'amélioration du
rendement pédagogique, des programmes et du matériel didactique
en fonction du projet éducatif chrétien; le rétablissement
de l'ordre et de la discipline dans l'école, l'assainissement du climat
qui y règne et le rejet du projet de loi 40 contraire à ses
aspirations et à ses droits en matière scolaire, droits auxquels
elle n'a jamais renoncé. Le Mouvement scolaire confessionnel.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Archambault. M. le
ministre.
(17 h 15)
M. Laurin: Je voudrais d'abord remercier le Mouvement scolaire
confessionnel pour le mémoire qu'il nous a présenté. Il ne
fait pas mystère de ses opinions, assez radicales, puisque
d'emblée, le Mouvement scolaire confessionnel affirme qu'il condamne
l'évolution qu'a connue notre système scolaire au cours des vingt
dernières années. C'est là évidemment une vue
à laquelle je ne saurais souscrire.
Je voudrais aussi dire que je ne partage pas l'exégèse que
fait le Mouvement scolaire confessionnel de la déclaration des
évêques pas plus que des deux déclarations du pape qu'il
rapporte; celle d'avril 1983 et celle de Lourdes. En avril 1983, le pape se
référait à l'enseignement catholique. Dans votre
interprétation, il y a un glissement vers l'école catholique; ce
qui n'est quand même pas la même chose. Deuxièmement, dans
son intervention de Lourdes, le pape parlait de parents qui se voient refuser
une indication inspirée par la foi dans un contexte de
persécution. Je ne crois pas que ce soit vraiment le cas au
Québec à l'heure actuelle, surtout si on se rappelle
l'intervention du groupe qui a précédé le vôtre.
Vous nous invitez à respecter les droits de la majorité.
Je pense que nous le faisons dans le projet de loi, mais nous voulons aussi
respecter la liberté de conscience de chacun conformément
à la Charte des droits et libertés de la personne, que nous avons
adoptée en 1974. Ce que nous recherchons, en tout cas pour nous, c'est
d'harmoniser le plus possible les droits individuels et collectifs, les droits
de la majorité et les droits de la personne. Même si notre
formulation n'est pas encore parfaite, nous espérons, après ces
audiences, que nous pourrons la parfaire encore plus.
Dans votre mémoire, vous parlez de la loi 40 en disant qu'elle ne
laisse aux catholiques que des droits minimaux. Là aussi, je pense que
c'est plutôt votre interprétation qui est minimale, parce que les
droits qui sont accordés par la loi sont importants; d'abord le droit
à un enseignement religieux de qualité - ce qui est très
important - le droit à des services de pastorale, le droit à un
support au niveau de la commission scolaire, le droit à un projet qui
peut refléter les valeurs de la communauté religieuse et, enfin,
le droit à la reconnaissance d'un statut confessionnel. Je ne pense pas
que ce soient là des droits minimaux.
Vous dites aussi qu'ils sont dépendants de la tolérance et
de la bonne volonté des autres. Là aussi, je ne peux pas partager
votre avis, parce que le fait d'inscrire ces droits dans une loi constitue
précisément la preuve et la garantie qu'ils seront
respectés et qu'ils devront être respectés par tout le
monde. Dans votre mémoire, vous dites aussi que l'État a
graduellement étouffé depuis vingt ans le projet éducatif
chrétien. En fait, ce sera là ma question. J'aimerais que vous
nous donniez des preuves qui démontreraient de toute évidence que
l'État a étouffé le projet éducatif
chrétien. Dans la même veine, j'aimerais vous demander comment
votre mouvement définit le projet éducatif chrétien et,
selon vous, qui doit définir le projet éducatif
chrétien.
Le Président (M. Blouin): M.
Archambault.
M. Archambault: Ce serait toute une histoire à raconter,
parce que j'ai participé à l'évolution du système
scolaire de la province de Québec dès le début. Je puis
dire que je suis quelqu'un d'expérience en ce sens que mes enfants ont
été les enfants de la révolution tranquille. J'ai
vécu avec eux beaucoup plus que ceux qui sont évidemment à
un autre niveau. Ce qui survient à des enfants présente une
transformation aussi radicale du système. Il me faudrait
évidemment remonter au tout début, à l'action - c'est
presque impossible à faire dans les limites de ces débats -
où des influences se jouaient pour réclamer le droit d'obtenir
des écoles neutres pour - disons-le - le Mouvement laïque de langue
française. Nous ne contestons pas son droit de le demander parce qu'il
avait autant droit à des écoles que nous. Ces gens ont
influencé considérablement le gouvernement du temps, qui a
formé la commission Parent. Cette commission a produit un rapport qui a
étonné tout le monde. D'ailleurs, c'est là que les parents
catholiques se sont joints à une association ou en ont formé une.
En ce sens, dans un pays ou une province qui était très
catholique à ce moment-là et beaucoup plus catholique qu'elle ne
l'est aujourd'hui, on proposait un système d'écoles neutres,
à l'étonnement de tous. Quand on relit les quelque 200
mémoires qui ont été soumis à cette commission, on
se demande dans quel mémoire ils sont allés piger cela. Donc, ils
n'ont pas respecté la volonté de la population à ce
moment-là et n'ont pas tenu compte de ces mémoires.
Il y a eu création du ministère de l'Éducation. En
principe, nous ne sommes pas contre un ministère de l'Éducation,
mais cela s'est fait dans des perspectives qui ont beaucoup
étonné les gens. À cette époque, il est entendu que
nos institutions scolaires catholiques étaient assez fortes et assez
puissantes et qu'elles ont continué avec le même élan
à produire les fruits qu'elles ont toujours donnés. Je ne peux
que citer certaines parties car, évidemment, pour développer tout
cela, il faudrait presque faire un livre.
Graduellement, nous avons perdu nos écoles normales qui formaient
des professeurs qualifiés pour enseigner dans nos écoles
catholiques. On a dit - il y avait une raison valable en ce sens - que la
formation des maîtres se ferait à l'université et qu'elle
serait beaucoup plus valable. En somme, on ne peut pas dire qu'il y avait une
opposition sérieuse de notre part. Or, l'université a
oublié de faire un programme pour la formation de maîtres
catholiques capables d'enseigner dans nos écoles catholiques. On a vu,
tôt ou tard, la substitution des fameux brevets B, qui étaient
encore donnés par certaines écoles normales, par ces fameux
brevets À qui émanaient de l'université. On ne peut pas
critiquer les professeurs qui portaient ces brevets, puisqu'ils avaient
reçu la formation. Graduellement, on s'est aperçu que le
professeur dans l'école catholique, sans être contre
l'école catholique, sans attaquer en soi l'école catholique,
n'avait pas les données adéquates pour enseigner dans
l'école catholique.
Tout s'étant suivi, nous avons perdu beaucoup d'institutions qui
ont été transformées en cégeps. Le cégep
était une formule nouvelle qui devait accomplir des miracles. Nous
devons constater aujourd'hui que c'est une formule qui avait besoin
d'être rodée avant d'être essayée. C'est presque
impossible de dire, de définir toutes ces étapes et de les donner
sans réellement faire une recherche qui donnerait les dates, les
époques, les moyens et tout ce qui s'est fait. Il est plus
qu'évident qu'il y avait une volonté de laïcisation qui, en
soi, n'était pas nécessairement mauvaise, que les laïques
prennent la responsabilité de leurs institutions. C'était
peut-être une chose normale, mais en même temps s'est accomplie une
déconfessionnalisation graduelle de ces institutions.
Nous en sommes au projet de loi 40 et M. le ministre emploie un vocable,
"les nouveaux aménagements de la confes-sionnalité", qui
paraît très attrayant mais nous sommes plus inquiets. En voyant le
projet de loi 40 et en l'étudiant, nous avons plutôt l'impression
que cela va être le déménagement lent et inexorable de la
confessionnalité hors de l'école, une école qui n'a pas de
structures pour la soutenir. D'ailleurs, nos évêques ont
insisté là-dessus en fin de semaine dernière. Ils
étaient inquiets. Ils ont mentionné plusieurs
éléments, dont le respect des droits constitutionnels. Ils ont
mentionné que, dans le projet de loi 40, ils n'étaient pas tout
à fait satisfaits des garanties pour l'école catholique. Il y a
deux autres choses qu'ils ont dites, mais qui ne me reviennent pas à la
mémoire dans le moment. Je pense que leur pensée correspond
passablement à la nôtre à ce sujet.
Le Président (M. Blouin): Cela va,
merci. M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, j'ai écouté...
M. Archambault: Si vous me le permettez, M. le ministre avait
demandé qui doit définir le projet éducatif.
Le Président (M. Blouin): Oui, cela faisait partie de la
question.
M. Archambault: II est plus qu'évident que le projet
éducatif chrétien, pour nous, est nécessairement
défini par l'Église.
Le Président (M. Blouin): D'accord, merci. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, j'ai écouté avec
intérêt le mémoire du Mouvement scolaire confessionnel. Je
n'ai pas l'intention de le commenter longuement parce que les thèmes
touchés sont pratiquement les mêmes que ceux que nous avons
discutés à propos de la présentation du mémoire de
l'Association des parents catholiques. Je pense qu'il y a une parenté de
vues, presque de domicile entre les deux organismes. J'ai vu que les adresses
sont voisines. C'est tout à fait légitime, d'ailleurs, que les
communications puissent exister ainsi. Je pense que les thèmes de fond
sont les mêmes et que les idées de fond que chacun avait à
exprimer là-dessus ont été émises. Je voudrais
simplement vous dire que, sur l'objectif de fond que vous poursuivez, je pense
qu'il y a de nombreux membres de la députation qui voient avec beaucoup
de sympathie les valeurs que vous voulez préserver à
l'intérieur du système d'enseignement.
Le problème qui se pose, comme vous le savez, est celui de
trouver des accommodements qui vont tenir compte des changements de
mentalité survenus au cours des 20 dernières années. Vous
les avez d'ailleurs évoqués dans votre mémoire.
Là-dessus, je vais vous poser juste une question. D'après ce que
je comprends de votre mémoire, vous voulez qu'on maintienne le
système d'écoles catholiques qu'on a eu. Pouvez-vous me dire ce
que vous comprenez - je pense que c'est le premier voeu que vous émettez
à la dernière page... On va prendre les termes exacts pour ne pas
se tromper: "le maintien de son système scolaire catholique;".
Voulez-vous me rappeler tout ce que cela doit comporter et me dire comment on
va aménager des services qui vont être réservés aux
autres secteurs de la société?
Le Président (M. Blouin): M.
Archambault.
M. Archambault: Je crois que nous avons au Québec un
système qui répond aux demandes de ceux qui sont
concernés, soit les parents. Nous avons un système de commissions
scolaires catholiques et nous avons un système de commissions scolaires
protestantes. Les seuls qui, en quelque sorte, sont lésés sont
les autres, ceux qui ne veulent ni d'un système catholique, ni d'un
système protestant. Il est plus que certain que l'aménagement
d'un secteur autre, non pas dans toute la province, mais là où le
besoin se fait sentir, serait leur faire justice.
On semble vouloir... Pour accommoder ces autres - parce qu'il faut
admettre qu'il y a eu une évolution dans la province de Québec,
nous l'admettons et nous la constatons autant que les autres - il n'est pas
nécessaire de chambarder tout le système. Même en
étudiant le projet de loi 40 - je suis administrateur depuis 30 ans - je
me demande par quels moyens on va réellement réaliser cette loi
et ce qu'elle occasionnera dans les écoles. Je n'y vois rien qui puisse
permettre à l'école d'évoluer dans un sens positif. Ce
sont une foule de mesures administratives; à part le fait qu'on rend
l'école non confessionnelle, il n'y a que des règles
administratives, des règles de fonctionnement. C'est à peu
près tout ce qui est contenu dans le projet de loi 40 et toutes ces
choses pourraient être faites sans chambarder tout le système
scolaire.
La seule chose qui est le but du projet de loi 40 est d'enlever à
la confessionnalité l'importance qu'elle a actuellement dans nos
écoles en rendant toutes les écoles pluralistes, laïques et
ouvertes à tous. Cela ne convient pas du tout à
l'éducation de nos enfants chrétiens. Cela ne convient pas plus
à l'éducation des enfants protestants; cela ne convient pas plus
à l'éducation des enfants de toute autre dénomination ou
qui n'ont pas de foi. Cela ne satisfait personne et on l'a vu par les
protestations qui se sont dressées partout dans la province sur ce
projet de loi.
Le Président (M. Blouin): D'accord. Merci, M. Archambault.
Merci, M. le député d'Argenteuil. M. le député de
Mille-Iles.
M. Champagne (Mille-Îles): Merci beaucoup, M. le
Président. Je veux saluer les représentants du Mouvement scolaire
confessionnel. C'est bien sûr qu'à travers votre mémoire,
on sent que vous proposez le maintien des commissions scolaires
confessionnelles comme, d'ailleurs, l'Association des parents catholiques qui
s'est présentée ce matin.
Il faut dire, M. Archambault, que de nombreuses associations se sont
présentées devant la commission parlementaire qui sont favorables
à des commissions scolaires linguistiques. Je vais simplement et
rapidement nommer la fédération des commissions scolaires, la
fédération des
comités de parents, la fédération des principaux
d'écoles, la fédération des cadres scolaires, les
comités de parents, le Comité central des parents de la CECM,
section francophone, et j'en oublie. Du côté anglophone, Alliance
Québec, l'Église Unie, le comité régional des
parents de Baldwin-Cartier, l'association des professeurs catholiques et
protestants, la Faculté des sciences de l'éducation de
l'Université McGill. (17 h 30)
Je pense, M. Archambault, qu'il y a une espèce de consensus face
à ce que propose le projet de loi 40, soit des commissions scolaires
linguistiques. Je pense qu'il y a un consensus et une espèce
d'évolution. Je sais bien que vous avez fait beaucoup d'histoire tout
à l'heure en revenant au passé. Vous avez dit que M. Lesage avait
été battu à cause de l'éducation. Vous avez
parlé de Daniel Johnson. Vous avez parlé aussi de M. Bertrand, en
1969, et de la loi 62. Vous avez parlé de M. Bourassa et de la loi 28.
Je pense que vous allez parler de M. Lévesque et de la loi 40. Je crois
qu'il y a quand même une évolution qui se fait. Chaque
gouvernement a essayé, à sa façon, de respecter
l'évolution québécoise au point de vue scolaire.
Aujourd'hui, on en est rendu, avec toute l'évolution et les lois qui ont
été adoptées, à donner un pouvoir plus grand aux
parents dans la communauté où se vit le projet éducatif,
qu'il soit chrétien ou qu'il soit autre. J'irai même assez loin,
M. Archambault, sur cette question. Dans votre commission scolaire, une
commission scolaire qui ne serait pas confessionnelle, comment pouvez-vous
penser que la population d'une école qui veut un projet éducatif
chrétien ne pourra pas réaliser ce projet éducatif
chrétien si, majoritairement, la population, les enfants, les
enseignants, le directeur et le commissaire rattachés à cette
école veulent ce projet éducatif chrétien?
M. Archambault: Selon les dispositions du projet de loi 40 et
même dans la situation actuelle, ils ne pourraient pas du tout le
réaliser s'ils sont soumis aux dispositions de la charte qui fait une
discrimination du fait qu'on aura un projet éducatif qui, comme on l'a
dit dans le mémoire, serait omniprésent. On serait à la
merci, premièrement - c'est un des points -de toute personne qui se
plaindrait de la présence de catholiques. L'école ne pourrait pas
être ouverte. Il faudrait qu'elle soit entièrement fermée
parce que la moindre personne qui ne serait pas catholique et qui s'opposerait
à ce projet éducatif chrétien pourrait aller devant les
tribunaux et, comme cela s'est fait d'ailleurs aux États-Unis à
plusieurs reprises, ferait casser le projet éducatif
chrétien.
Deuxièmement, pour mener à bien un projet éducatif
chrétien, les règlements du comité catholique sont
très clairs. Ils spécifient bien que tout le personnel - c'est
une vie qui est vécue à l'intérieur... L'enfant est
éduqué dans le milieu où il vit, soit à
l'école, à la maison et dans les loisirs. Il n'est pas
indifférent que les parents disent quelque chose à la maison et
qu'à l'école, sans mauvaise volonté, sans mauvaise
intention, le professeur contredise ce qui s'est dit à la maison. Il n'a
pas les mêmes croyances. C'est très important, surtout à
l'école primaire et même au secondaire, que l'enfant, pour son
équilibre et son jugement, puisse constater qu'il y a une unité
de pensée dans son éducation. Autrement, qu'arrive-t-il? Il
arrive ce qui arrive présentement. Il y a des jeunes qui sont
entièrement perdus. Ils se consultent entre eux. Il y a d'ailleurs dans
la fameuse polyvalente cette espèce de "group conformity" qui est
observé depuis bien des années et même avant qu'on instaure
la polyvalente ici au Québec. La polyvalente est-elle une école
ou un lieu de manipulation des enfants? On peut se poser des questions. Ce
serait presque impossible dans une polyvalente. À l'école
primaire, si nous n'avons pas le personnel... Jusqu'à maintenant, le
comité catholique pouvait spécifier et demander au directeur de
respecter le projet. Il pouvait demander aux enseignants de respecter le projet
et l'exiger. Il choisissait les manuels. Tout cela disparaît avec les
modifications à la loi du comité catholique. Ce projet, sous le
projet de loi 40, est encore plus difficile à réaliser qu'il
l'est maintenant.
M. Champagne (Mille-Îles): M. Archambault...
M. Archambault: Si vous me le permettez, vous avez parlé
de commissions scolaires linguistiques. Ce qui m'étonne et ce que je ne
comprends pas - peut-être que vous pourrez me l'expliquer - c'est qu'on
parle de commissions scolaires linguistiques. Au Québec, nous avons
toujours eu des commissions scolaires françaises et des commissions
scolaires anglaises. Nous les avons. Seuls les anglo-catholiques pourraient
peut-être demander quelque chose de plus. On se demande ce que vient
faire cette division linguistique qui, en somme, est factice, parce que nous
l'avons toujours eue. La seule différence, c'est que l'on fait
disparaître le mot "confessionnel". Cela m'étonne et même je
connais beaucoup de gens qui ont de la difficulté à en comprendre
la raison. Veut-on diviser les Québécois sur la question de la
langue et de la religion? Qu'est-ce que c'est? La division linguistique ne me
dit absolument rien et il en est de même pour beaucoup de gens. On
ne voit pas pourquoi, parce que nous avons toujours eu des commissions
scolaires françaises et des commissions scolaires anglaises. Comme je
l'ai dit, seuls les anglo-catholiques pourraient réclamer quelque chose
à ce sujet.
M. Champagne (Mille-Îles): M. Archambault, je veux quand
même rectifier. Je pense qu'au Québec, on est d'une
générosité absolument exemplaire, on a un système
catholique et protestant. On a un système catholique et protestant
francophone aussi. On a le secteur privé et le secteur public. On a
peut-être six systèmes différents reliés au
ministère de l'Éducation. Je pense qu'on est assez pluraliste et
très généreux. Je veux revenir sur le fait que lorsqu'on
parle d'une école responsable où 95% de parents veulent une
école responsable qui soit plutôt autoritaire et que tout le monde
veut que la religion soit la teinte dans l'éducation de cette
population, comment voulez-vous que cela ne se réalise pas? Je ne sais
pas, mais je suis réticent à la réponse que vous avez
donnée tout à l'heure à ce sujet.
M. Archambault: Je vais vous dire que les ingrédients
nécessaires seront très difficiles à réunir. On ne
pourra pas forcer le directeur à respecter le projet éducatif
chrétien, on ne pourra pas forcer les enseignants à le respecter;
tout le matériel didactique, les programmes et les manuels seront
décidés au ministère de l'Éducation qui n'a pas
à faire de faveurs toutes spéciales aux catholiques. Alors, ces
manuels seront pensés en fonction de l'ensemble de la population. Vous
avez un des problèmes les plus critiques: l'éducation
sexuelle.
L'éducation sexuelle dans une école chrétienne va
respecter la morale chrétienne, va être rattachée à
la morale chrétienne et à l'enseignement de la religion. Alors,
le manuel qui a été approuvé en une espèce de
"blitz" au mois de mai en quinze jours par les comités de parents ne
reflète pas cela du tout. C'est presque le même programme qui
avait été refusé et qui avait essuyé un
tollé avant même qu'il soit accepté. On a fait un
magnifique préambule à ce projet. On a enlevé quelques
pages qui choquaient et par les comités de parents, en un "blitz" de
deux semaines, on a fait tout approuver. Alors, je crois que la même
chose peut facilement se reproduire parce qu'il n'irrite personne et qu'il y a
toutes sortes de tendances dans l'école et dans tous les échelons
du ministère de l'Éducation. Alors, nous sommes sujets à
être manipulés. Si nous avons notre école catholique bien
protégée juridiquement, nous savons ce que nous pouvons faire et
nous pouvons le faire. Si nous n'avons pas les moyens, c'est inutile d'y
penser.
Le Président (M. Blouin): Cela va?
M. Champagne (Mille-Îles): M. Archambault, merci de vous
être présenté devant nous.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Mille-Îles. Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux saluer M.
Archambault, M. Beaudoin, Mme Charette. Ce n'est pas la première fois
que nous échangeons des opinions sur ce sujet. Il y a des points de vue
ou des inquiétudes que vous exprimez avec lesquels je suis d'accord. Par
exemple, quand vous dites que le projet de loi 40 vous apparaît
plutôt comme une réforme de structure qu'une réforme en
profondeur qui pourrait améliorer les écoles, cela fait trois
semaines que de part et d'autre on s'interroge à ce sujet. Je reconnais
aussi votre préoccupation et le rôle très vigilant que vous
avez exercé vis-à-vis de la confessionnalité des
écoles, du respect du caractère catholique des écoles et
de la nécessité d'avoir des valeurs spirituelles dans
l'école. Je n'ai pas l'habitude de défendre les documents du
gouvernement, quoique je sois capable de reconnaître ce qu'il y a de
positif ou ce que je juge moins positif. Il y a un peu de suggestif
là-dedans. Mais je pense que dans le livre orangé, dans les
grands objectifs de l'éducation, on parle aussi de la dimension
spirituelle, de la formation de l'enfant et de l'éducation. On en parle
d'une façon assez détaillée.
Là où j'ai de la misère à être
d'accord avec vous, c'est sur deux points. Quant au premier, je dois vous dire,
M. Archambault, en toute honnêteté, que l'interprétation
que vous faites de la mauvaise qualité de l'éducation dans
l'école ne correspond pas exactement à la conception que vous
vous faites de l'école catholique. Je vous trouve même très
sévère parce que si on regarde les exemples que vous donnez
particulièrement en page 7, il semblerait que l'école qui est
l'école neutre ou encore l'école qui n'a pas le projet
éducatif catholique conduit à une espèce de
dégradation morale de la personne. Je vous dirai, par exemple - ma
collègue, qui est ma conscience protestante dans cette commission,
pourra me corriger - qu'on a eu plusieurs représentations du milieu
protestant. On sait fort bien que, même si les écoles protestantes
sont officiellement confessionnelles, selon la constitution, l'enseignement
religieux y est très limité. L'optique générale de
la formation spirituelle y semble bien différente de celle de nos
écoles catholiques. Je ne voudrais certainement pas tirer la conclusion
que leur système d'éducation est un système qui - si
je me réfère à ce que vous dites - en est un qui
conduit à une espèce de dégradation. On pourrait dire la
même chose des écoles de l'Ontario, ou d'une école
où il n'y aurait même pas de principes moraux qui seraient
développés chez les enfants. Vous faites allusion aussi au
rapport américain "The Nation at risk". J'en ai lu au moins le
résumé. Je ne vous dirai pas que j'ai lu toute l'étude, en
je ne sais pas combien de volumes de "The Nation at risk", mais j'ai au moins
lu un résumé de ce rapport américain sur
l'éducation aux États-Unis. C'est vrai que les conclusions en
sont pessimistes. On faisait bien davantage référence par
exemple, au manque de rigueur intellectuelle dans la formation, au manque
d'exigences, à la qualité des professeurs, à leur
motivation peut-être. Je ne crois pas qu'on faisait allusion à
l'enseignement religieux puisque, dans les écoles américaines, il
n'y a pas d'enseignement religieux.
La question que je veux vous poser s'adresse peut-être davantage
à M. Beaudoin, ou si M. Archambault veut répondre... Je sais que
M. Beaudoin a été directeur d'école, je ne sais pas s'il
l'est encore. Vous l'êtes encore?
M. Beaudoin (Benoît): En voie de retraite.
Mme Lavoie-Roux: En voie de retraite. Je sais que M. Beaudoin
partage avec beaucoup de conviction ce que le président du Mouvement
scolaire confessionnel vient d'exprimer. Même si j'imagine qu'à
l'intérieur de votre école, vous avez dû développer
un projet éducatif chrétien, fondé sur toutes les valeurs
dont vous parlez dans votre rapport, dans votre école comme dans
d'autres écoles, est-ce que la qualité de l'éducation est
souvent remise en question parce que, du point de vue de la nature des
programmes, de la nature des exigences, de la nature de la discipline, j'ai
l'impression que vous semblez identifier la qualité de l'école
uniquement à la conception que vous vous faites de l'enseignement
religieux catholique. J'aimerais avoir votre opinion.
M. Beaudoin: Toute rédaction de rapport est un rapport de
comité, chacun y a apporté sa contribution. Je dirais que, dans
notre système, ici, au Québec, actuellement, dans nos
écoles et même je dirais que, plus dans les écoles
où j'étais moi-même, que j'ai dirigées pendant de
nombreuses années, plus d'un quart de siècle, la question ne se
pose pas de cette façon. On cherche plutôt à savoir quelle
est la qualité de vie de cette école. Il surgit toutes sortes
d'événements qui font que l'atmosphère est troublée
par une question parfois d'ordre idéologique ou autre chose, mais il
n'en demeure pas moins qu'au niveau d'une école, une direction
d'école avec les agents de l'éducation qui y travaillent, s'il y
a, en principe, au sommet l'acceptation d'une orientation
générale de l'école dans le sens d'un projet donné,
disons un projet éducatif chrétien, il est beaucoup plus facile
de le réaliser au niveau de l'école, mais s'il n'y a pas cet
appui au sommet, que ce soit au ministère ou au niveau des commissions
scolaires ou des directions régionales, c'est plus difficile. Je
répondrais au député après coup que cela peut quand
même rester possible d'une certaine façon parce que c'est toujours
au niveau de l'école que l'on exécute un travail donné
d'éducation ou d'instruction; c'est là que les choses se passent.
C'est vrai puisque, même dans un système confessionnel, on peut
s'avouer que, parfois, certaines écoles ne réalisent pas ce qu'on
appelle le projet éducatif chrétien parce qu'il n'est pas
suffisamment soutenu, parce que le milieu n'est pas suffisamment convaincu ou
bien le milieu a évolué, comme le disait M. le ministre. Il y a
des évolutions qui sont bonnes et d'autres qui sont moins bonnes. (17 h
45)
Mme Lavoie-Roux: Dans le contexte actuel, on a, au niveau de la
commission scolaire, au niveau du ministère de l'Éducation, avec
les comités catholiques et protestants, au niveau des commissaires, des
commissaires catholiques, puisque M. Archambault nous a dit qu'il travaille
très fort pour les faire élire et défendre les valeurs
auxquelles vous croyez et que je partage, peut-être pas toujours de la
même façon, remarquez bien, les modalités peuvent
différer. Il reste qu'on a présentement, dans nos écoles,
beaucoup de problèmes justement pour créer ce climat ou
développer ce projet éducatif chrétien, compte tenu que
même à l'intérieur de nos écoles les enseignants
pour la très grande majorité, je dirais presque la
totalité, sont de foi catholique, baptisés, etc., mais
n'évoluent peut-être pas nécessairement selon un cadre
absolument précis qui semble être celui du Mouvement scolaire
confessionnel et dans lequel je ne trouve pas beaucoup de place pour une
évolution normale dans la société et qui, quelquefois, est
pour le mieux, elle n'est pas toujours pour le pire, vous savez.
M. Beaudoin: On souffre des difficultés de la
société. On est dans des contingences difficiles. Prenez les
arts, les lettres, le cinéma et le reste. J'avoue qu'à la
direction d'une école, ce n'est pas une sinécure quand on
considère de quelle façon l'enfant arrive à
l'école, après avoir été des heures devant la
télévision, regardant des films de toute nature, recevant des
informations qui sont souvent des "désinformations", et le reste, et le
reste. C'est évident que ce n'est pas une sinécure. Il est
évident que le milieu scolaire d'un territoire donné desservi par
une école
subit toutes les influences du milieu et que notre action
véritable devrait peut-être porter davantage sur le milieu adulte
pour favoriser une meilleure marche de l'école, pour favoriser un milieu
de vie supérieur à celui qu'on peut difficilement atteindre
à travers les idéaux qu'on peut avoir. Si on corrigeait
peut-être le milieu adulte, comme il semble se dessiner certaines
campagnes orchestrées sur la pornographie, etc., peut-être que
cela aiderait. Mais encore là, je ne suis pas ici pour rêver en
couleur mais pour dire, comme ceux qui font partie du Mouvement scolaire
confessionnel, que ce sera plus difficile de réaliser une école
catholique avec tout ce qu'elle constitue dans sa manière de vivre, si
nous n'avons pas les garanties suffisantes dont nous disposons actuellement et
qui sont presque balayées par le projet de loi 40 qui, tel que
rédigé dans le moment, causera certainement de nombreuses
difficultés de mise en place.
Mme Lavoie-Roux: Merci, monsieur.
M. Archambault: J'aimerais corriger un petit peu l'impression que
vous avez laissée au sujet de ce que j'ai dit sur l'école
laïque et neutre. Je ne l'appliquais certainement pas aux écoles
canadiennes et encore moins au secteur protestant, parce que j'admire dans le
secteur protestant la conservation de principes qui sont, qu'on le veuille ou
non, d'origine chrétienne, qui se sont transformés et
adaptés peut-être... Mais je ne voudrais pas que ces phrases
soient prises par Mme Dougherty ou d'autres comme s'appliquant au
système scolaire anglo-protestant.
Évidemment, aux États-Unis, on étudie certaines
choses. Mais j'ai un petit passage ici de la revue Newsweek. On parle de
l'école St. Michael dans un milieu défavorisé de Los
Angeles. Je cite la traduction: "Cette école, que les étudiants
blancs ont fui presque complètement est composée de 75% d'enfants
noirs, 17% d'enfants d'origine hispanique; 25% du total des enfants sont non
catholiques. Cette école a été abandonnée par le
secteur public. Les autorités religieuses ont décidé de ne
pas abandonner ces enfants qui sont étiquetés
irrécupérables par l'école publique. Pourtant, ces
mêmes élèves, aujourd'hui, travaillent avec ardeur,
obéissent au règlement et leurs résultats scolaires sont
supérieurs à ceux de leurs confrères des écoles
publiques. Je remercie Dieu que des religieuses aient accepté de
demeurer dans cette école. Elles ont sauvé une
génération d'enfants", dit M. Gérald Grant, de
l'Université de Syracuse, qui fait présentement une étude
sur l'école publique et l'école privée.
Tout ceci se passe en 1981, dans un pays d'où nous avons
tiré nos expériences scolaires les plus déplorables.
Quand j'ai parlé de cette expérience, évidemment on
ne peut pas... C'est assez volumineux. Aux États-Unis, dans certains
lieux, dans certaines parties des États-Unis, la dégradation de
l'école, il faut aller voir. Je suis allé aux États-Unis,
j'ai voyagé, j'ai été l'invité d'un doyen d'une
faculté de psychologie dans une université et l'on constate la
dégradation graduelle. Mais c'est plus qu'évident que ces
écoles ont complètement abandonné tous les principes
chrétiens, tous ces principes qui forment la base de notre civilisation
occidentale. Qu'on le veuille ou non, la base de notre civilisation
occidentale, comme le rappelait M. André Frossard, est tout de
même une fondation judéo-chrétienne qui a permis à
l'Occident un développement extraordinaire comparativement aux autres
peuples.
Alors, on ne peut renier totalement... Cela ne veut pas dire que tout le
monde doit être catholique et pratiquer la religion catholique pour
être bon ou produire de bonnes écoles. Mais nous, catholiques, qui
avons un système, on nous enlève ce que nous avons, puis on nous
dit: On va vous le redonner. C'est ce qui nous étonne et on se demande
pourquoi. Nous les avons, nous tenons à les conserver: Nous avons nos
commissions scolaires catholiques, cela va bien et nous tenons à les
conserver.
Donnez à ceux qui ne sont pas satisfaits et qui n'ont pas ce qui
leur est dû, mais pourquoi nous enlever ce qui nous appartient?
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Archambault.
Mme Lavoie-Roux: Je remercie M. Archambault de son exemple et je
veux lui dire que je me réjouis, tout comme lui, que ce type
d'expérience soit fait, permettant justement de donner une
deuxième chance, si on peut s'exprimer ainsi, à des enfants que
la société juge comme irrécupérables. Dans un
projet comme celui-là, autant on peut apporter une dimension
chrétienne, autant aussi on peut voir des projets qui ont connu du
succès et dont le succès repose en grande partie aussi sur la
sensibilité des professeurs aux besoins particuliers de ces enfants, aux
standards qu'on établit pour eux et, surtout, à la confiance
qu'on est capable de créer chez eux. Enfin, c'est le résultat
d'une équipe qui peut mettre ensemble toutes ces choses, auxquelles peut
s'ajouter aussi la dimension chrétienne. Je pense qu'il n'y a pas
d'absolu dans ces choses. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la
députée de L'Acadie. MM. Archambault, Beaudoin et Mme Charette,
au nom de tous les membres de la commission, je vous remercie d'avoir
participé à nos travaux. Sur ce, la commission élue
permanente de
l'éducation suspend ses travaux jusqu'à 19 h 30.
(Suspension de la séance à 17 h 54)
(Reprise de la séance à 19 h 40)
Le Président (M. Blouin): Mesdames et messieurs, la
commission élue permanente de l'éducation reprend ses travaux.
Nous entendrons donc ce soir successivement, d'abord le Comité de
l'école FACE et ensuite, les représentants de la Commission
scolaire régionale de Chambly.
Puisque les représentants de notre premier groupe invité
se sont déjà installés à la table des
invités, je leur demande donc de s'identifier et par la suite, de nous
présenter le contenu de leur mémoire en une vingtaine de minutes,
en leur rappelant que nous avons une période d'une heure qui a
été réservée pour entendre leur mémoire et
procéder aux échanges entre eux et les membres de la commission
parlementaire.
Comité de l'école FACE
Mme Goyer (Andrée): Je suis Andrée Goyer,
présidente du Comité de l'école FACE, Mme Simone Banon,
enseignante à l'école et M. Michel Lizée qui est un autre
parent du comité d'école. Nous regrettons l'absence de M.
Baugniet qui est le directeur de l'école et qui ne peut être avec
nous ce soir, pour cause de maladie.
Le Président (M. Blouin): D'accord. Vous pouvez
procéder, madame.
Mme Goyer: Ce document a été adopté à
l'unanimité par le comité d'école lors de sa
réunion d'octobre 1983 avec l'appui du conseil d'école. Il vise
à rappeler les objectifs de l'école FACE et à
préciser les difficultés et les risques que soulève, selon
nous, le projet de loi sur l'enseignement primaire et secondaire public quant
au maintien de l'école dans son fonctionnement actuel. Il importe de
signaler dès le départ que nous ne prenons pas position, ici, sur
ce projet de loi.
Nous nous sommes plutôt posé la question suivante: "Dans
l'éventualité où le projet de loi 40 était
adopté, qu'est-ce qui arriverait à l'école FACE? Ce
mémoire qui s'appuie sur une volonté commune de maintenir
l'école FACE, vise donc à envisager les implications de ce projet
de loi et à suggérer les aménagements requis pour
réaliser cet objectif de maintien de l'école FACE. Comme on l'a
souligné dans ce texte, on n'aborde pas une prise de position en faveur
ou contre le projet de loi 40. On considère l'éventualité
qu'il soit accepté et notre place dans ce projet.
La première partie est une description du projet éducatif
de l'école: FACE: un projet éducatif original. Les beaux-arts
sont la raison d'être de l'école FACE. Elle n'est pas une
école élitiste visant à former des musiciens, des artistes
ou des dramaturges. Nous sommes convaincus qu'un enseignement axé sur
les arts peut produire chez les enfants des conditions souhaitables
d'apprentissage et ce, en vue d'une évolution positive sur les plans
intellectuel et affectif.
En 1975, la Commission des écoles protestantes du grand
Montréal a approuvé la création d'une école
orientée vers les beaux-arts, située dans le centre-ville de
Montréal et offrant un programme en français et en anglais. Huit
ans plus tard, plus de 900 enfants sont inscrits à cette école,
depuis la maternelle jusqu'à la 11e année inclusivement. Le
secteur francophone regroupe les deux tiers de ceux-ci, le secteur anglophone,
l'autre tiers. Ces enfants proviennent de tout le territoire de la
région métropolitaine de Montréal et sont attirés
par une école publique dont le projet éducatif est unique.
Ce projet éducatif, riche d'une expérience acquise depuis
1975, met l'accent sur l'apprentissage de la musique, du théâtre
et des arts plastiques. Chaque enfant a l'occasion d'apprendre à son
propre rythme, dans un environnement créatif et harmonieux.
L'apprentissage de la lecture, de l'écriture, du calcul et des autres
matières théoriques se fera naturellement ou en harmonie avec
l'enseignement axé sur les beaux-arts. De fait, une analyse comparative
des résultats des élèves de FACE aux examens du secteur
primaire de la CEPGM permet de constater que, de façon
générale, les résultats obtenus à FACE sont
supérieurs à la moyenne des résultats obtenus dans
l'ensemble de la commission. Les élèves de FACE
réussissent de façon très satisfaisante les examens du
ministère de l'Éducation pour le secondaire IV et V. Enfin, tous
les finissants de FACE en secondaire V ont été admis à
l'institution d'enseignement post-secondaire de leur choix. En inscrivant nos
enfants à cette école, c'est à ce projet éducatif
que nous avons souscrit en tant que parents.
Nous avons également choisi l'école FACE à cause de
ses caractéristiques suivantes: l'école dispense des
enseignements parallèles en français et en anglais, ce qui permet
à l'enfant de mieux connaître sa propre culture tout en favorisant
le contact avec l'autre communauté culturelle. Il faudrait ajouter que,
grâce à la diversité de l'origine ethnique des enfants
inscrits à l'école FACE, l'école favorise le contact avec
d'autres communautés culturelles et contribue ainsi à
développer l'esprit d'ouverture et de tolérance des enfants.
L'école favorise le développement intellectuel et affectif
équilibré de l'enfant.
En effet, au-delà des enseignements académiques qui se
font dans le cadre des classes régulières, l'école
prévoit la mise sur pied d'un groupe stable d'enfants d'âges
variés à l'intérieur d'un même cycle que nous
appelons une famille. Cette famille est sous la responsabilité d'un
professeur "chef de famille" et se rencontre au moins une fois par jour.
L'appartenance d'un enfant à une même famille pendant toute la
durée d'un cycle, trois ans, lui permet une plus grande
sécurité affective et un développement accru de son sens
des responsabilités.
L'école met l'accent sur la participation des parents. Le
rôle des parents est conçu comme un soutien affectif et
constructif au projet éducatif de l'école. Nous collaborons
à l'organisation de certaines activités à
l'intérieur des familles et participons comme ressources humaines selon
nos capacités et disponibilités pour améliorer la vie dans
l'école.
Enfin, au-delà de la foi que nous avons dans le projet de
l'école FACE, il importe de souligner l'insertion de l'école dans
la communauté montréalaise et québécoise et la
reconnaissance de la qualité et de l'originalité de son projet,
comme en témoignent les exemples suivants: la participation de la
chorale de l'école à des concerts de l'Orchestre symphonique de
Montréal; la production, par le Service général des moyens
d'enseignement du ministère de l'Éducation, d'un film
décrivant l'expérience que nous menons; une invitation, par
l'Association canadienne des professeurs de musique, à la chorale de
l'école pour que celle-ci se produise en concert lors du dernier
congrès de cette association qui s'est déroulé au
Nouveau-Brunswick en mai 1983.
En deuxième partie, l'école FACE et le projet de loi sur
l'enseignement primaire et secondaire public. Le projet éducatif de
l'école FACE, lequel s'est progressivement affirmé depuis 1975,
situe d'emblée cette école alternative dans le cadre des
objectifs du projet de loi 40. N'y est-il pas dit, à l'article 28, que
"l'école est un établissement d'enseignement, sous
l'autorité d'un conseil d'école, qui est destiné à
assurer l'éducation des élèves dans le cadre de son projet
éducatif et qui exerce ses activités avec la collaboration des
parents, du personnel de l'école et des élèves"?
De plus, n'y reconnaît-on pas "le droit des parents de choisir
l'école qui réponde le mieux à leurs
préférences ou dont le projet éducatif correspond le plus
à leurs valeurs"? Pourtant, nous nous interrogeons sur la survie de
l'école FACE une fois que ce projet de loi sera en vigueur, et nous
voulons vous soumettre dès le départ les difficultés que
nous appréhendons. Celles-ci tournent autour des enjeux suivants: le
statut linguistique, la commission scolaire dont l'école relève
et le territoire desservi, le financement et la participation des parents
à la gestion scolaire.
Le statut linguistique. Une école peut-elle avoir un statut
linguistique anglophone et francophone? Dans le cas des commissions scolaires,
exception faite des commissions scolaires confessionnelles et dissidentes
visées au chapitre IX du projet de loi, elles sont de statut
linguistique francophone ou anglophone (article 133). Les articles 29 et 137
semblent également indiquer que le statut linguistique d'une
école est soit francophone, soit anglophone. Même les
écoles à vocation régionale ou nationale se voient
attribuer un statut linguistique (article 33).
N'y aurait-il pas lieu de prévoir dans la loi la
possibilité pour une école d'obtenir un statut linguistique
francophone et anglophone, au moins dans certains cas exceptionnels? Ceci
permettrait à une école comme FACE de conserver son
caractère de dualité culturelle, tout en permettant aux
élèves de recevoir leur éducation en français ou en
anglais, selon les cas.
Le rattachement à une commission scolaire et le territoire
desservi. Si nous comprenons bien le projet de loi 40, la commission scolaire
se voit attribuer un territoire et s'assure que la population de son territoire
reçoit les services éducatifs auxquels elle a droit dans les
écoles situées sur son territoire. En ce sens, le droit des
parents de choisir l'école qui répond le mieux à leurs
préférences ou dont le projet éducatif correspond le plus
à leurs valeurs est restreint par le territoire de la commission
scolaire linguistique où se trouve leur domicile; la capacité
d'accueil, et la disponibilité du transport scolaire au-delà de
certaines normes de base.
La seule soupape prévue se trouve à l'article 201, qui
prévoit la possibilité d'ententes entre commissions scolaires.
Ces restrictions mettent en cause la survie même de l'école FACE.
En effet, se pose d'abord le problème du rattachement administratif de
l'école FACE, soit à une commission scolaire linguistique,
francophone ou anglophone, soit à la Commission des écoles
protestantes du grand Montréal. Sans préjuger du choix qui sera
fait, on peut déjà dire que le territoire de cette commission
scolaire sera beaucoup plus petit que l'actuel territoire de la CEPGM, ce qui
réduira le territoire desservi par l'école. Dans un contexte de
carte scolaire plus complexe et de territoires davantage morcelés pour
l'île de Montréal, sera-t-il possible de signer les ententes
prévues en vertu de l'article 201 avec toutes les commissions scolaires
de façon à conserver l'aire de rayonnement actuel de
l'école FACE?
Enfin, compte tenu notamment des articles 18 et 209, pourra-t-on assurer
des services de transport scolaire,
particulièrement aux élèves de la maternelle et de
la première à la troisième année? Nous sommes
conscients des coûts impliqués. Nous sommes prêts à
rechercher des aménagements acceptables, mais, sans transport scolaire,
une école à vocation métropolitaine peut difficilement
survivre.
Il nous semble qu'il y a peut-être une voie de sortie, applicable
à FACE et peut-être à d'autres écoles alternatives
à vocation régionale, à savoir que le ministre de
l'Éducation reconnaisse FACE comme une école à vocation
métropolitaine ou régionale, au sens de l'article 33,
désigne comme territoire le bassin présentement desservi par
l'école FACE, détermine la commission scolaire dont
l'école relève après consultation du conseil
d'école et lui octroie un statut linguistique francophone et
anglophone.
De plus, afin de ne pas pénaliser la commission scolaire dont
l'école relèverait et qui accueillerait de nombreux
élèves provenant d'autres commissions scolaires, il y aurait lieu
de prévoir des conditions particulières d'attribution des
ressources financières ou l'octroi d'une subvention spéciale au
sens des articles 301 et 302 pour cette commission scolaire. Il faudrait,
enfin, assurer les services particuliers propres à une école
à vocation régionale ou nationale.
La participation des parents. Enfin, compte tenu du caractère
métropolitain d'une école comme FACE, un certain nombre
d'obstacles pourraient empêcher la pleine participation des parents,
particulièrement en ce qui a trait à l'élection du
commissaire d'école. Le problème se posera de la même
façon pour les diverses écoles à vocation régionale
ou nationale.
N'y aurait-il pas lieu d'établir, pour l'école FACE ou
d'autres écoles à vocation régionale ou nationale, une
section de vote particulière permettant ainsi à l'ensemble des
parents des enfants de cette école, y inclus ceux dont le domicile est
éloigné de l'école, d'y exercer leur droit de vote?
En plus de cet amendement à l'article 141, n'y aurait-il pas lieu
de faire un amendement analogue à l'article 145 et de permettre
d'élargir l'éligibilité, dans le cas des écoles
à vocation régionale ou nationale, à l'ensemble des
électeurs qui ont un enfant fréquentant cette école?
Ainsi, serait assurée la participation pleine et entière des
parents à l'école FACE, aux autres écoles à
vocation régionale ou nationale, à l'ensemble des
mécanismes de participation prévus par le projet de loi 40.
Conclusion. L'école FACE doit survivre. Tel est le cri que vous
lancent, M. le ministre, les parents et le personnel de l'école. Nous
pensons que des aménagements mineurs du projet de loi 40, en ce qui a
trait au statut linguistique, au rattachement administratif, au territoire
desservi, au financement de l'école et au mode d'élection du
commissaire de l'école FACE, garantiraient la poursuite du projet
éducatif auquel nous croyons profondément tout en permettant de
nous adapter au projet de réforme envisagé.
Nous vous remercions, M. le ministre, de l'attention que vous nous avez
apportée et espérons qu'il vous sera possible de donner suite
à nos préoccupations.
Le Président (M. Blouin): Mme Goyer. M. le ministre.
M. Laurin: Je voudrais remercier particulièrement le
Comité de l'école FACE pour le mémoire qu'il vient de nous
présenter. J'ai eu le plaisir de rencontrer longuement le
dévoué directeur de cette école, M. Philippe Baugniet,
ainsi que les membres du comité. J'ai pu m'entretenir longuement, non
seulement de l'origine de l'école FACE, de son fonctionnement, de ses
caractéristiques particulières, de son rendement qui est
excellent, mais aussi des interrogations, des inquiétudes, sans parler
des problèmes que pouvait lui causer son insertion à partir du
projet de loi 40. Donc, le problème m'est déjà assez
familier. Je sais aussi que le comité de l'école FACE a
rencontré à quelques reprises également des
représentants de la direction régionale et que ses
problèmes ont déjà commencé à être
discutés amplement à ce niveau.
C'est un cas particulier et il est difficile, par une loi, de
prévoir tous les cas particuliers. C'est aussi, on pourrait dire, une
école alternative. La loi prévoit le cas des écoles
alternatives. On peut même dire que l'exemple des écoles
alternatives, qui se sont multipliées au Québec au cours des
quelques dernières années à la demande des parents et
à la lumière du rendement, du succès de ces écoles,
a inspiré le projet de loi et plusieurs de ses articles. On pourrait
même aller jusqu'à dire que l'un des buts que poursuit le projet
de loi 40, particulièrement par la valorisation de l'école par le
transfert à l'école d'un certain nombre de
responsabilités, par la mise en place d'équipes-écoles qui
élaboreront et réaliseront un projet éducatif, vise
à faire de chaque école publique au Québec, une sorte
d'école alternative qui répondra aux besoins du milieu et en
particulier, des parents.
Donc, on peut dire que l'esprit du projet de loi 40 va sûrement
dans un sens qui devrait faciliter l'insertion de l'école FACE à
l'intérieur des nouveaux dispositifs que nous prévoyons. Tout
cela pour vous dire que nous espérons pouvoir trouver une réponse
aux interrogations, aux inquiétudes dont vous nous faites part.
Je crois, sans avoir terminé notre examen, qu'il sera possible de
répondre à ces interrogations, à ces inquiétudes et
de trouver une solution aux divers problèmes qui
se posent. Encore une fois, mes réponses ne sont pas
définitives, mais je veux au moins vous signaler les pistes auxquelles
nous pensons et qui nous permettront de vous satisfaire.
Il n'y a pas, pour trouver ces réponses, que les articles de la
loi que vous avez mentionnés. Il y en a d'autres. Par exemple, l'article
18 du projet de loi dit que: "Les parents de l'élève ou
l'élève majeur ont le droit de choisir l'école qui
répond le mieux à leur préférence ou dont le projet
éducatif correspond le plus à leurs valeurs". C'est là un
principe important. (20 heures)
II y a aussi l'article 28 qui dit que: "L'école est un
établissement d'enseignement sous l'autorité d'un conseil
d'école qui est destiné à assurer l'éducation des
élèves dans le cadre de son projet éducatif et qui exerce
ses activités avec la collaboration des parents, du personnel de
l'école et des élèves. Elle a un autre
élément significatif.
En raison de ce que vous avez signalé, c'est-à-dire la
clientèle de l'école qui vient de partout de la région
métropolitaine de Montréal, on peut aussi faire intervenir
d'autres articles, par exemple, l'article 33 qui dit que le ministre peut
établir une école à vocation régionale ou
nationale. Il indique alors le nom de l'école, son adresse, son statut
linguistique, son mode d'administration, les services qu'elle offre, son
territoire, les biens immobiliers mis à sa disposition et la commission
scolaire dont elle relève. En vertu de cet article 33, c'est le ministre
qui établit cette école régionale. Le statut linguistique
est établi par le conseil d'école et, s'il y a difficulté
d'en venir à une entente à ce niveau, le ministre peut donner
à une commission scolaire, après entente avec elle, la
responsabilité de déterminer le statut linguistique, le nom, le
mode d'administration, les services qu'elle offre, son territoire et les biens
immobiliers mis à sa disposition, de même que la commission
scolaire dont elle relève et son mode de rattachement à la
commission scolaire.
Je ne sais pas si on vous a mis au courant que j'ai annoncé un
amendement à l'article 33 en vertu duquel on pourra permettre le
développement et le maintien de ce type d'école alternative
à vocation régionale ou nationale. C'est un amendement que j'ai
annoncé au tout début des travaux.
Il y a aussi un autre article qui peut être utilisé et
c'est l'article 201, mais celui-là vous l'aviez déjà
mentionné dans votre mémoire; je n'y reviendrai donc pas. C'est
toute la question des ententes qu'une commission scolaire peut négocier
avec les autres commissions scolaires; en l'occurrence, il s'agirait des autres
commissions scolaires de l'île. Ce qu'il reste à régler,
c'est le mode de représentation des parents au niveau de
l'élection. Comme vous le savez, beaucoup de suggestions nous ont
été faites en regard du mode électoral. Même si le
projet de loi 40 prévoit un mode particulier de suffrage universel, les
audiences ne sont pas terminées et il est possible que des amendements
importants puissent être apportés à cet égard. Je
préfère pour le moment remettre à plus tard la question de
l'étude de cette participation des parents au sens de
l'éligibilité et au sens de la représentation en ce qui
concerne le suffrage; mais nous le ferons dès qu'une décision
sera arrêtée.
Enfin, il y a cette décision qui était déjà
dans le livre blanc, qui n'est pas d'une certaine façon dans le projet
de loi, mais qui constitue un engagement que j'ai déjà pris et
que je répète: c'est celui d'instaurer un moratoire sur les
fermetures d'écoles à partir de l'adoption de la loi, un
moratoire de cinq ans. Ce qui voudrait dire, en tout cas, ce qui donne une
assurance à l'école FACE de maintenir son existence pour les cinq
prochaines années. Je pense que la somme de ces articles et de leur
signification me permet de vous dire que vous n'avez pas d'inquiétudes
à entretenir quant à l'avenir d'une école dont j'admire,
par ailleurs, les réalisations et dont je considère qu'elles
constituent un actif, non seulement pour la communauté
montréalaise, mais également pour le système
d'éducation au Québec. En ce sens, je n'ai pas d'autres questions
à vous poser, mais je pense que mes collègues en auront sur les
aspects particuliers de l'école dont vous êtes ici les
représentants.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le
député de Saguenay.
M. Maltais: Merci, M. le Président. Mme Goyer ainsi que
les membres de votre groupe, au nom de notre formation politique, permettez-moi
de vous souhaiter la bienvenue et de vous féliciter pour votre
mémoire et surtout aussi pour l'initiative que vous avez prise dans le
cas de l'école FACE. Je pense que le travail que vous avez accompli au
niveau de ce projet éducatif est tout à fait exceptionnel. Cela
s'est répercuté un peu partout au Québec, et au cours des
années, cela servira sans doute d'exemple. Vous avez aussi
démontré hors de tout doute qu'à l'intérieur du
système actuel, avec les commissions scolaires existantes, avec nos
cadres scolaires, avec vos enseignants dans l'école et avec les moyens,
donc, qui sont mis à la disposition des commissions scolaires, on peut
organiser un projet éducatif qui rencontre vraiment les aspirations des
parents.
Vous êtes allés plus loin que cela encore; vous avez
intégré deux communautés, à savoir la
communauté anglophone et la communauté francophone. Vous avez
pris la
voie de l'entente au lieu de celle de la discorde et c'est tout à
votre honneur, autant le personnel enseignant, les parents et la direction de
l'école. Cela mérite quand même beaucoup de
considération de la part de l'ensemble des Québécois.
Le fait que vous ayez prouvé que, dans le système actuel,
on pouvait répondre à nos véritables aspirations, c'est
tout à l'honneur du système aussi. Je comprends vos
inquiétudes lorsqu'on se retrouve vis-à-vis du projet de loi 40.
Le ministre, tout à l'heure, vous parlait des possibilités. Je
pense qu'il devra non seulement vous les dire, mais il devra aussi les
écrire parce qu'il est important de conserver cet esprit d'initiative
qui permet un sens vraiment évolutif de l'enseignement.
Je ne vous poserai pas de question parce que je sais que mes
collègues de Saint-Henri et de Jacques-Cartier en ont plusieurs à
vous poser, mais je pense que votre témoignage de ce soir est
très important et très instructif pour cette commission. Merci,
M. le Président.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Saguenay. M. le député de Vachon.
M. Payne: J'aimerais partager l'enthousiasme de l'autre
côté de la Chambre au sujet de votre projet éducatif. Je
pense que ce qui nous revient à l'esprit, ce sont quelques commentaires
du ministre, il y a quelques années, lorsqu'il visitait l'école
Notre-Dame-des-Neiges, où l'école faisait face à certains
problèmes constitutionnels, légaux et ainsi de suite. Il a dit:
Effectivement, vous êtes en avant des lois.
Une voix: Merci.
M. Payne: Je pense qu'avec chaque projet avant-gardiste il y a
toujours ce problème-là; vous êtes toujours un peu à
l'encontre des directives, des règlements, des lois. Or, lorsque surgit
un problème comme celui-là, ce ne sont pas vraiment des
problèmes, mais plutôt des défis. Je regarde cela dans une
optique d'avenir. On devrait faire référence au livre blanc;
c'est basé sur certains principes, l'analyse de l'école. On parle
du peu de prise des parents et des communautés locales sur les
orientations de la vie quotidienne de l'école, de la faible autonomie et
du maigre pouvoir de décision reconnu à l'école, de la
fragilité et de l'instabilité qui affectent la vie même de
l'école, de la taille parfois excessive de l'école et de la
difficulté d'y créer un climat humain de qualité.
Vous avez déjà tous ces principes et vous témoignez
dans votre vie - je le sais -quelque chose de votre projet éducatif.
J'aimerais que vous, vous parliez au sujet de votre projet éducatif tel
qu'il existe actuellement et que vous nous expliquiez, par exemple, au niveau
de la participation des parents dans l'école, de quelle manière
ils sont intégrés dans votre projet éducatif.
Le Président (M. Blouin): Mme Goyer. Mme Banon.
Mme Goyer: Les parents dans l'école. Au départ,
à l'origine de l'école, le projet a été
suggéré par M. Baugniet, le directeur de l'école. Il a
été formulé avec l'ensemble des enseignants qui
étaient là et l'apport des parents. Au départ même
de cette école, il y avait déjà un consensus des trois
éléments composant l'école et la participation
concrète des parents, à ce moment-ci, est dans certains projets
que certains parents peuvent avoir et qu'ils amènent à
l'école. Donc, ils sont un peu, d'une certaine façon, directeurs
de groupes à un certain moment, ils sont comme un appui aux enseignants
d'une certaine manière, un peu tuteurs de certains enfants pour
développer des points faibles. Ils ont une implication à la
bibliothèque, ils font certaines représentations au niveau de la
commission scolaire quand on a besoin de certaines choses à
l'école. Ce sont différentes choses, en fin de compte, des
échanges avec l'administration et avec les enseignants.
M. Payne: Les parents ont été présents
dès le départ dans la planification du projet
éducatif.
Mme Goyer: Oui, ils ont été présents
dès le départ, même s'ils n'ont pas été
à l'origine de l'idée, c'est-à-dire que l'idée a
vraiment commencé avec M. Baugniet qui l'a suggérée aux
professeurs, qui a consulté les parents et, finalement, cet ensemble a
développé le programme.
M. Payne: Je disais tout à l'heure que vous êtes -
et j'ai vu et vous connaissez d'autres écoles mieux que moi sur
l'île de Montréal et ailleurs, ces écoles progressistes,
ces écoles alternatives - toujours un peu à la
périphérie des règlements, des directives et des lois.
Pouvez-vous nous raconter brièvement quelques difficultés que
vous avez rencontrées en cours de route?
Mme Goyer: Dans le sens de l'intégration des parents dans
l'école?
M. Payne: Par exemple, vous parlez d'une école où
les élèves viennent de partout sur l'île de
Montréal. Vous accueillez au sein de votre école des
élèves de chaque communauté linguistique. Selon quels
critères d'admissibilité accueillez-vous ces
élèves? Par exemple, la loi définirait-elle l'école
comme francophone ou comme anglophone?
Mme Goyer: II y a deux secteurs dans l'école, donc deux
services d'inscription d'enfants à l'école. Les enfants
admissibles à l'école anglaise s'inscrivent à
l'école anglaise. Il y a une administration commune, mais ce sont quand
même des secteurs parallèles, ce ne sont pas des secteurs
conjoints dans l'école. Alors, les enfants francophones sont inscrits
comme si c'était à une école française
séparée. Pour le choix des enfants, il n'y a pas de
sélection selon leurs aptitudes ou ce genre de choses. C'est ouvert
à toute la communauté avec un encouragement particulier aux
enfants d'une même famille. Comme les inscriptions dépassent
largement le potentiel de l'école, c'est tiré au sort.
M. Payne: Au niveau du régime pédagogique qui
était l'objet de beaucoup... Nous avons l'habitude d'avoir deux
députés qui placotent tout le temps, sans arrêt pendant des
heures...
Le Président (M. Blouin): Non, cela va, M. le
député.
M. Payne: Au niveau du régime pédagogique qui
encadre les règles générales, ou plutôt les sujets
de base pour chaque école, avez-vous eu certaines difficultés
avec le régime pédagogique, qui était lui-même le
fruit de nombreuses consultations? Avez-vous eu des difficultés à
rencontrer les exigences du régime pédagogique tel qu'il existe
actuellement?
Mme Goyer: Je pense que Mme Banon pourra répondre mieux
que moi à cette question, comme elle est impliquée
quotidiennement dans l'école.
Le Président (M. Blouin): Mme Banon. (20 h 15)
Mme Banon (Simone): L'école dispense un enseignement
parallèle, donc à des enfants anglophones et à des enfants
francophones. Les enfants nous arrivent parce que les parents ont adopté
ce projet éducatif. Ils l'ont voulu, ils l'ont étudié, ils
l'ont accepté, ils nous ont donc amené nos enfants. Nous
travaillons tous ensemble, enfants, professeurs, administrateurs et parents,
à ce projet, parce que pour réussir la philosophie de FACE, il
faut y croire, il faut l'aimer, il faut avoir la foi. À l'école
FACE, tous les parents qui ne veulent pas un enseignement traditionnel sont
attirés par notre régime pédagogique et inscrivent leurs
enfants à notre école, qu'ils soient anglophones ou francophones.
L'enseignement est dispensé en français, du côté
francophone, et vice versa.
L'enfant, à l'école, par l'apprentissage des beaux-arts,
acquiert une meilleure connaissance de l'apprentissage et son
développement au niveau affectif et intellectuel se fait d'une
façon harmonieuse. Ce n'est pas une école fermée. Le
rôle des parents est vital. On cherche leur aide et on fait souvent appel
à leurs connaissances. Il y a quelques années, on avait
parlé de la fusée spatiale qui avait été
lancée et je ne m'y connaissais pas. J'ai fait un tour auprès des
enfants et j'ai consulté des dossiers pour voir quel parent serait
susceptible de m'aider sur la question. J'ai trouvé un papa
ingénieur, je lui ai téléphoné, il a
été heureux de venir et de faire la classe à ma place.
J'étais parmi les enfants et j'en ai profité autant qu'eux.
Lorsque nous faisons une sortie, les parents sont là, ils nous
aident, ils encadrent les enfants. À la bibliothèque, ils se
chargent souvent d'un groupe; ensuite, quand on a des enfants lents, on a aussi
affaire à eux pour essayer de les encadrer et de les faire avancer. Je
ne dis pas qu'on voudrait qu'ils fassent à notre place notre travail ou
qu'ils rentrent dans le système pédagogique, nonl Mais ils sont
bien reçus en tant que parents bénévoles et nous avons
besoin d'eux à l'école FACE.
M. Payne: Pouvez-vous décrire brièvement la
structure décisionnelle de l'école en ce qui concerne la
préparation et la mise en place du projet éducatif? De quelle
manière les parents sont-ils impliqués? De quelle manière
les enseignants le sont-ils? Je sais très bien que c'est très
souple, mais pouvez-vous le décrire plus en détail?
Mme Banon: Je vais voir si j'ai compris votre question. Les
enfants sont groupés par famille...
M. Payne: Comment les décisions sont-elles prises?
Mme Banon: II y a un chef de famille qui regroupe des enfants
d'âges différents. Les enfants restent en famille pendant les
trois ans du cycle. Dans chaque famille, il y a un parent responsable qui, lui,
possède les numéros de téléphone de tous les autres
parents et il essaie de les contacter lorsqu'on a besoin d'eux. Je ne sais pas
si j'ai répondu à votre question.
M. Payne: Le chef de famille n'est pas un enseignant?
Mme Banon: Les décisions prises dans l'école au
niveau de l'administration? Là, je ne sais pas. Je préfère
vous laisser répondre si vous permettez. Je n'ai pas bien compris la
question.
M. Lizée (Michel): Voici ce qu'on peut dire. Je vais
essayer de répondre pour la partie que l'on sait. Le malheur veut que
M.
Baugniet soit malade. Il est au centre d'un ensemble de consultations,
il pourrait mieux vous répondre que nous.
Mme Banon: Oui.
M. Lizée: Je sais que l'année dernière il
travaillait fébrilement sur la façon dont on allait appliquer le
nouveau régime pédagogique avec les effectifs. Le problème
qu'on a, c'est d'offrir dans la grille horaire des activités en art qui
ne sont pas prévues normalement. Il faut donc déplacer ou tasser
des choses.
En gros, là où les parents participent en termes de
définition du régime pédagogique, c'est de façon
indirecte et à deux niveaux. On n'a pas participé à la
planification des changements. Cela a vraiment été fait par la
direction, en collaboration avec les enseignants. Cela s'est largement fait,
à ma connaissance, sur une base de cycles, c'est-à-dire que les
enseignants sur chacun des cycles ont été impliqués.
Là où nous sommes appelés à intervenir en
tant que parents, c'est davantage sur une base indirecte. Par exemple, si on
réalise dès le début de l'année qu'il y a des
problèmes de rodage, si des parents manifestent des insatisfactions sur
la façon dont le déroulement de l'enseignement se passe,
très vite les problèmes sont soulevés au comité
d'école. On n'a pas été impliqué à la
définition initiale dans le cas de la mise en application.
Le Président (M. Blouin)-. Cela va.
M. Lizée: Quand on voit un problème, on
réagit auprès de la direction. Généralement, ce que
la direction a à faire, c'est d'aller au conseil d'école
où sont les enseignants pour discuter avec eux ou alors en discuter avec
les professeurs impliqués.
Le Président (M. Blouin): Cela va? M. Payne:
Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Vachon. M. le député de Saint-Henri.
M. Hains: Oui. Bonsoir. D'abord, est-ce que je pourrais vous
demander quel est le sens de votre monogramme: FACE?
Mme Banon: Oui. C'est un programme axé sur les beaux-arts.
En anglais, c'est Fine Arts Course Elementary. Puis il y avait le mot School
qu'on a enlevé. C'est resté FACE, qui veut dire aussi sourire, ou
visage.
M. Hains: C'est parfait. Vous semblez animer une école
vraiment de beaux-arts, comme je viens de le lire dans votre mémoire,
mais aussi une école où règnent la musique et partant, un
peu, beaucoup le bonheur.
Vous énumérez quelques éléments de ce
bonheur collectif dans votre mémoire. D'abord vous parlez du contact des
diversités culturelles; ensuite, vous parlez de la présence des
foyers ou des familles qui assurent le développement affectif de
l'enfant; vous parlez aussi des arts et de la musique qui, dit-on souvent,
adoucit les moeurs.
De cette école heureuse, vous ne parlez pas beaucoup des
professeurs. Je m'imagine que vous devez avoir des professeurs heureux. Parce
que, voyez-vous, je persiste à dire qu'un des principaux buts de la loi
devrait être d'essayer de rendre les professeurs heureux. Avec
l'expérience que vous vivez tous les jours dans votre école,
pourriez-vous expliciter davantage le rôle, le professionnalisme de vos
professeurs à l'école?
Mme Banon: Les professeurs à l'école FACE se
sentent heureux. Ils travaillent ensemble au même projet. Ils se
consultent. Quand il y a une sortie ou une activité spéciale
à faire, on la communique. Quand on lit quelque chose dans un journal
qui serait à faire, comme l'exposition de châteaux de glace ou
autres, on le dit aux professeurs. On parle toujours des intérêts
de l'enfant, des problèmes et de ce qu'il faut faire. À
l'école FACE, parmi les professeurs, règne un certain bonheur,
oui.
M. Hains: Je vous remercie parce que cela réaffirme...
Mme Banon: II y a une harmonie.
M. Hains: ...ma croyance encore une fois...
Mme Banon: Oui, c'est vrai.
M. Hains: ...selon laquelle, aussi longtemps que nous n'aurons
pas des professeurs heureux...
Mme Banon: II n'y aura pas d'enfants heureux.
M. Hains: ...inutile de légiférer... Mme Bacon:
C'est difficile.
M. Hains: ...de vouloir changer les structures. Vous parlez aussi
des parents, qui vous rendent de précieux services. M. le
député de Vachon vous l'a demandé et vous l'avez bien
expliqué. Croyez-vous que ces parents insistent beaucoup pour avoir un
pouvoir décisionnel dans votre école? Ou bien
si vous le leur donnez, ou s'ils participent seulement sur consultation?
Quel est leur rôle au point de vue des décisions?
Mme Banon: Ils participent aux consultations, mais je crois que
vous voulez parler de leur rôle comme parents.
M. Hains: À qui revient la décision finale dans
l'école?
M. Lizée: À l'heure actuelle, je dirais que cela
tient peut-être beaucoup à la personnalité et du directeur
et des enseignants. Je ne me souviens pas de beaucoup d'incidents, depuis la
brève période où j'y suis, où nous avons eu une
situation où il fallait trancher dans des points de vue qui ne se
rejoignaient pas. Je dirais que l'expérience des parents a
été celle-ci: lorsque nous avons soumis des opinions ou des
suggestions, lorsque les enseignants y sont amenés, que ce soit par des
comités de travail ou ailleurs, généralement, on s'est
entendu avec eux. Votre question va peut-être au-delà de cela. Je
veux tout de suite, pour être clair, revenir sur le préambule de
notre mémoire.
Comme comité d'école, je pense que, si on avait eu
à prendre position sur le fond du projet de loi, d'après votre
question, il était visible qu'à l'intérieur même du
comité de parents les points de vue pouvaient varier beaucoup. Nous
avons choisi de nous en tenir vraiment aux difficultés que posait la loi
40 dans l'hypothèse de son application. Quant à dire si les
parents de l'école voudraient être plus ou moins
décisionnels, il faudrait peut-être le demander à chaque
personne individuellement. Comme comité, on serait mal placé pour
vous répondre.
Je peux vous dire que, jusqu'ici, peut-être à cause de la
façon dont le directeur de l'école a su faire une liaison entre
les enseignants et les parents, le climat qu'il découvrait du
côté des enseignants... Nous, du côté des parents,
sentons qu'on a des professeurs motivés. Comme parents, cela nous motive
parfois à mettre plus de temps qu'on n'en mettrait peut-être
normalement, parce qu'on sent qu'on met l'épaule à la roue de
quelque chose qui fonctionne. Je vous répondrais plus dans ce
sens-là.
M. Hains: Vous semblez aussi être en parfaite relation avec
votre commission scolaire.
M. Lizée: Généralement, nous avons eu
d'excellents rapports avec la commission scolaire chez nous.
M. Hains: Voilà. Donc, pensez-vous qu'il est possible
d'avoir une école qui fonctionne bien s'il n'y a pas un vrai consensus
entre les commissions scolaires, les parents et les professeurs?
M. Lizée: Encore une fois, pour les raisons que j'ai
indiquées tantôt, j'aurais peine à répondre à
votre question à plus long terme parce que, encore une fois, chaque
parent de l'école aurait peut-être une réponse
différente. Je peux vous dire qu'en pratique, avec la Commission des
écoles protestantes, il y a généralement moyen de
s'entendre. Donc, nous sommes satisfaits de la relation que nous avons eue.
M. Hains: Mes questions vous semblent peut-être un peu
indiscrètes, mais ce que l'on veut toujours prouver, c'est la même
chose: aussi longtemps qu'on n'en arrivera pas à un consensus sur le
projet de loi 40 ou sur d'autres projets de loi, je pense qu'on ne travaillera
pas beaucoup à l'avancement de l'éducation dans nos
écoles.
Je termine en vous disant que vous défendez votre école
avec amour - le mot n'est pas trop fort - et je vous en félicite. Je
crois et j'espère que M. le ministre ne viendra pas - "j'avais
écrit le mot "dévisager", il est un peu fort - ne viendra pas
nuire à votre "belle FACE d'école" que vous avez actuellement. Je
vous encourage à continuer votre oeuvre vraiment magnifique.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Saint-Henri. Mme la députée de
Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci, M. le Président. J'aimerais
souhaiter la bienvenue aux représentants de FACE. J'ai visité
cette école à plusieurs reprises quand j'étais membre de
la commission scolaire protestante et je reconnais la qualité de votre
programme. J'ai eu le plaisir d'encourager la naissance de votre école
et surtout d'encourager M. Baugniet et les parents qui ont eu une vision tout
à fait extraordinaire et qui ont eu le courage de réaliser cette
vision.
J'aimerais vous remercier d'avoir porté ce soir à notre
attention le paquet de problèmes que le projet de loi 40 pourrait
créer pour votre école. C'est une école avec un territoire
très étendu, une école régionale, en effet, une
école multiculturelle, bilingue - multilingue, peut-être -
pluraliste dans plusieurs sens. Je sais que les élèves viennent
de tous les niveaux socio-économiques. Dans tous ses aspects, je crois
que c'est une école assez extraordinaire. C'est aussi une école
où les parents sont exceptionnellement impliqués. Je crois que ce
serait une ironie monumentale si la survie de FACE n'était pas
assurée dans l'avenir.
J'ai une question. Vous avez soulevé le problème du
transport à l'avenir. Est-ce que les frais de transport sont
payés par la commission scolaire?
Mme Goyer: Oui.
Mme Dougherty: Je sais qu'il y a quelques enfants qui viennent de
la rive sud, de Pierrefonds.
Mme Goyer: Les élèves de la rive sud ne sont pas
transportés aux frais de la commission; ils doivent se rendre sur le
territoire de l'île de Montréal. Pour le territoire, sur
l'île de Montréal, les élèves de la maternelle, des
première, deuxième et troisième années sont
transportés aux frais de la commission. Les élèves des
niveaux supérieurs, ceux du deuxième cycle, ont une subvention,
la carte de transport public qui est également subventionnée par
la commission.
Mme Dougherty: Pour le programme d'arts, la musique - vous avez
toutes sortes de programmes basés sur les beaux-arts -est-ce qu'il y a
une intégration des enfants français et anglais dans certains
programmes, surtout pour la musique? Ce ne sont pas deux écoles qui
fonctionnent séparément. Il y a une certaine intégration
des programmes, n'est-ce pas?
Mme Banon: Oui, il y a une intégration au niveau des
beaux-arts; aux cours de musique, de chorale et d'arts plastiques, on trouve
facilement des anglophones et des francophones. En musique, en chorale, on n'a
pas besoin de choisir la langue; les enfants se côtoient et cela se fait
très bien.
Mme Dougherty: Du côté anglophone, est-ce que
l'école est encore une école d'immersion française pour
les anglophones? Au début, il y avait un programme d'immersion. Cela
n'existe plus? Croyez-vous que les enfants profitent de la présence
d'enfants d'autres langues en ce qui concerne leur apprentissage de la
deuxième langue?
Mme Banon: Oui, c'est sûr. Il y a la culture des uns et des
autres qui est un grand apport et un grand enrichissement et pour les
anglophones et pour les francophones, c'est certain. Ils ne sont pas
isolés, seuls avec eux-mêmes. (20 h 30)
Mme Lavoie-Roux: Mais, du point de vue de l'apprentissage de la
langue seconde, est-ce que cela les aide?
M. Lizée: Oui. Puis-je ajouter deux ou trois
éléments? Le premier, c'est que la réponse qu'on vous a
donnée est exacte mais appelle une nuance. C'est exact que ce n'est pas
une école d'immersion, mais, dans le secteur dit francophone, il y a un
nombre important d'anglophones qui, par choix ou par obligation légale,
sont dans le secteur francophone, si bien que, quand on donne les chiffres de
deux tiers et un tiers, dans les deux tiers dits francophones, il y a des
enfants qui sont soit anglophones ou allophones, si bien que l'équilibre
démographique de l'école est plus assuré que les
statistiques ne le disent en apparence. Les enfants qui sont là suivent
un certain nombre de cours ensemble, mais c'est plus dans les cycles
avancés. Chose certaine, le pari que l'on fait un peu, et que je fais
comme parent, c'est que le fait que mon enfant a à vivre dans une
école où il a un contact avec des enfants anglophones ou autres,
cela l'ouvre à d'autres cultures et, possiblement, il faut que ces
enfants se parlent, à un moment donné. Donc, l'espoir, c'est
qu'ils vont se parler dans l'une des deux langues. On espère donc que
cela favorisera une ouverture là-dessus, mais, comme mon enfant est dans
une basse classe, je serais mal placé pour vous dire si cela lui permet
de maîtriser la langue seconde. Mme Goyer avait des enfants plus
avancés dans leurs études.
Mme Goyer: Oui. J'ai une fille qui a fait quatre ans à
cette école et qui est maintenant au cégep. Son ouverture sur les
autres cultures a été très grande, parce qu'elle a fait,
juste avant de passer au secondaire, une année ailleurs, dans un autre
milieu de francophones qui n'avaient jamais côtoyé d'autres
cultures, et les remarques qu'elle pouvait me passer sur leur attitude et sur
leur comportement étaient assez étonnantes. Elle était
très surprise de voir l'étendue des préjugés qui
pouvaient exister et elle me disait: C'est qu'ils n'en ont jamais vu de vrais,
en parlant des étrangers de toutes sortes. Je pense que c'est un apport
très précieux pour son développement. Je ne peux pas dire
que la présence des anglophones à l'école, ce soit cela
qui lui ait donné une maîtrise de la langue anglaise, parce que,
quand même, ses cours étaient en français. Il y avait un
contact, elle avait des amis, mais l'apport reçu pour le
développement de l'individu, d'après moi, est très
précieux.
M. Champagne (Mille-Îles): M. le Président,
pouvez-vous donner le droit de parole à quelqu'un?
Le Président (M. Blouin): Non. Mme la
députée de Jacques-Cartier, cela va?
Mme Dougherty: Oui.
Le Président (M. Blouin): Merci. M. le ministre, en
concluant, s'il vous plaît.
M. Laurin: M. le Président, je sais que FACE a
décidé d'ouvrir mardi soir prochain son école au grand
public pour ce qu'on appelle en anglais un "open house". Je
voulais profiter de l'occasion pour la féliciter pour ce geste
d'ouverture à l'endroit de la communauté qu'elle dessert. Je peux
vous dire que, si j'avais pu le faire, j'aurais aimé aller voir cette
école et constater de plus près ses réalisations.
Malheureusement, cela me sera impossible et je vous prie de m'en excuser.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. Au nom de
tous les membres de la commission, je remercie donc les représentants du
comité de l'école FACE de leur participation aux travaux de notre
commission et sur ce, afin de permettre quelques brèves rencontres entre
certains membres de la commission, nous allons suspendre nos travaux pour au
plus dix minutes.
(Suspension de la séance à 20 h 34)
(Reprise de la séance à 20 h 46)
Le Président (M. Blouin): À l'ordrel La commission
reprend ses travaux. J'invite, sans plus tarder, les représentants de la
commission scolaire régionale de Chambly, d'abord, à s'identifier
et, ensuite, à nous livrer le contenu de leur mémoire, en une
vingtaine de minutes, parce que, je le rappelle, nous disposons en tout d'une
période maximale de 2 heures afin de procéder à la fois
à la présentation et aux échanges entre les membres de la
commission et les invités.
Commission scolaire régionale de
Chambly
M. Chagnon (Jacques): Merci, M. le Président. Tout
d'abord, je voudrais vous remercier, à titre de président de la
commission scolaire régionale de Chambly, de nous recevoir en commission
parlementaire. À voir votre surprise de tout à l'heure de me
revoir, puisque nous avons déjà eu l'occasion de nous voir en
commission parlementaire, je voudrais vous rassurer tout de suite. Ce n'est pas
uniquement que la foule était en délire et réclamait un
rappel, mais c'est aussi le fait que je suis aussi président de la
commission scolaire régionale de Chambly.
Je tiens à vous présenter les membres de la commission qui
sont venus vous rencontrer en commission parlementaire. À mon
extrême gauche, M. Jacques Duclos, secrétaire
général de la commission scolaire régionale de Chambly; M.
Claude Desmarais, directeur de l'éducation des adultes; Mme Francine
Marcoux, commissaire et membre du comité exécutif; M.
André Martin, commissaire et membre du comité exécutif;
Mme Lise Marcotte, vice-présidente du conseil et aussi membre du
comité exécutif; à ma droite, M. Conrad Galipeau,
directeur général de la commission scolaire; M. Claude Jutras,
commissaire et membre du conseil exécutif; M. Alphonse Pundzius,
directeur général adjoint et, finalement, M. Jacques
L'Espérance, directeur du service de l'enseignement.
M. le Président, étant donné que, justement, comme
je vous le disais tout à l'heure, nous nous sommes déjà
vus personnellement, j'ai déjà eu l'occasion pleinement de
représenter un autre organisme, la Fédération des
commissions scolaires catholiques du Québec, à cette table et je
vous remercie pour cette occasion qui nous a été fournie ce soir
-vous me permettrez de demander à Mme Marcotte, vice-présidente
de la commission, de présenter le mémoire et de répondre
aux questions qui lui seront posées par les membres de la commission. Je
tiens à souligner, à titre de préambule - vous le
constaterez aussi en écoutant le mémoire -que, si la
fierté a une ville, vous comprendrez aussi que la fierté a une
commission scolaire. Alors, Mme Marcotte.
Mme Vachon-Marcotte (Lise): Nous avons choisi de vous soumettre
un texte de présentation, M. le Président. Cependant, je vais en
résumer certaines pages pour respecter le temps accordé autant
que possible. Alors, vous m'excuserez si, par moments, je résume
certains paragraphes du texte.
M. le Président, M. le ministre de l'Éducation, Mmes et
MM. les membres de la commission de l'éducation, la Corporation des
écoles primaires complémentaires du comté de Chambly
était formée en 1958 et, trois ans plus tard, elle devenait la
commission scolaire régionale de Chambly. Les membres de la commission
Parent soulignaient dans leur rapport que l'expérience de la commission
régionale avait été tentée avec succès dans
le comté de Chambly en 1958.
La commission scolaire régionale de Chambly a accumulé, au
cours de ces 25 dernières années, une expertise
considérable en enseignement secondaire, à laquelle le
ministère a d'ailleurs fait appel à plusieurs reprises. Plusieurs
gens compétents bien connus et encore présents dans le domaine de
l'éducation sont issus de notre commission scolaire.
La régionale de Chambly est fière d'avoir contribué
grandement au renouveau pédagogique en mathématiques modernes, en
sciences, en informatique, avec des expériences d'intégration
scolaire et des services pour handicapés de la vue et de l'ouïe.
Elle a connu les premières polyvalentes au Québec et a appris
avec les années à solutionner certains problèmes qu'elles
ont posés, notamment en ce qui a
trait à l'encadrement des élèves. D'ailleurs, en
1974, un colloque qui réunissait parents, cadres, commissaires,
enseignants, élèves et autres membres du personnel avait permis
de dégager neuf grandes priorités régionales.
Dès cette époque, nous parlions de projets
éducatifs de l'école et de la commission scolaire en disant: II y
a un besoin de faire consensus autour d'un projet éducatif
régional par lequel la commission scolaire montrerait ses couleurs et
chaque école sa teinte. De nouveau en 1979-1980, des rencontres entre
les divers intervenants du milieu scolaire permettaient de définir les
orientations éducatives de la commission scolaire. En mai 1983, un
colloque amenait à nouveau les participants à
réfléchir sur divers aspects du système scolaire. La
participation et la concertation des parents, des commissaires et de tous les
agents de l'éducation sont donc une tradition à notre commission
scolaire. Faut-il déjà que d'autres refassent les
expériences qu'elle a connues? Faut-il déjà chambarder au
Québec le peu de traditions qu'on a réussi avec les années
à établir en enseignement secondaire? Pourquoi vouloir opposer
parents et commissaires, directeur général et directeurs
d'école, commissions scolaires et écoles? Est-ce qu'il y a deux
sortes de citoyens au Québec, les parents et les autres?
Pour ceux qui ne seraient pas familiers avec notre commission scolaire,
disons qu'elle est située sur la rive sud de Montréal. Elle
dispense l'enseignement secondaire aux élèves de quinze
municipalités. Elle est, de par sa clientèle, la plus importante
régionale et la quatrième commission scolaire en importance au
Québec: plus de 21 000 élèves en 1982-1983 et 5000
étudiants à l'éducation des adultes. Elle dispense son
enseignement dans huit écoles polyvalentes dont une accueille les
anglophones, six écoles secondaires de premier cycle et six
écoles ou centres spécialisés pour handicapés
mentaux ou physiques.
Nous voulons aborder quelques aspects seulement du projet de loi 40 et
certains problèmes spécifiques à notre territoire et
à notre commission scolaire. D'autre part, et vous n'en serez pas
surpris, nous appuyons et endossons les positions de la
Fédération des commissions scolaires catholiques du
Québec.
Nos premières préoccupations sont tournées vers la
qualité et la quantité des services à rendre aux jeunes et
aux adultes. Elles sont d'ordre pédagogique avant d'être
administratives. Contrairement à ce que certains pensent, nous croyons
qu'il est opportun, dans cet échange avec les membres de la commission,
de parler d'implantation de programmes, d'éducation des adultes,
d'enseignement professionnel, de transport scolaire et autres. La
réforme proposée, bien qu'on veuille la qualifier de
structurelle, revêt une telle ampleur qu'elle aura des
répercussions sur tout le système d'éducation,
répercussions qui sont loin d'être bénéfiques sur
notre territoire.
Tout le monde est pour la vertu et les principes. Le problème, M.
le Président, c'est de s'entendre sur les meilleurs moyens d'être
vertueux et de respecter les principes. Ainsi, tout le monde s'entend pour
donner plus d'importance et de responsabilités à l'école.
Là où les opinions diffèrent, c'est dans les
modalités et dans le cadre d'application. Pour la régionale de
Chambly, l'objectif premier de toute réforme scolaire devrait être
l'amélioration de la qualité et de la quantité des
services aux élèves. C'est à partir de ce critère
et en tenant compte de notre vécu que nous voulons commenter le projet
de loi 40.
Notre échange portera sur cinq points principaux. La gestion
décentralisée des écoles est possible dans le cadre des
lois scolaires actuelles. Le projet de loi 40 n'est pas nécessaire
à cette fin. Il ajoute à la confusion en ce qui a trait à
l'éducation des adultes. La taille des commissions scolaires est un
facteur important quant au niveau des services. La représentation par
école aux conseils d'administration des futures commissions scolaires
est inacceptable.
La gestion décentralisée des écoles. Nous voulons
souligner que les écoles à la régionale de Chambly
bénéficient déjà et depuis plusieurs années
d'une gestion pédagogique et administrative décentralisée,
et ceci bien avant le projet de loi 40. L'organisation de notre commission
scolaire est, comme il se doit, centrée sur les écoles et non sur
les services éducatifs ou administratifs. À titre d'exemple, des
priorités adoptées par le conseil des commissaires pour
l'année présente, cinq sur six sont d'ordre pédagogique.
Le processus de cette décentralisation s'est amorcé par la
participation des directeurs d'école à la gestion de la
commission scolaire depuis treize ans. Ils le font présentement par
l'entremise des comités opérationnels de zone et du comité
d'orientation. Ces comités ont pour but de faciliter davantage la
consultation, la participation et la concertation des principaux gestionnaires
de la commission.
L'article 184 dit que c'est à la majorité que les
directeurs d'école participeront à un comité de gestion;
chez nous, tous les directeurs d'école et de services font partie de ces
comités. Cette décentralisation s'exerce toutefois sous
l'autorité du directeur général, afin d'assurer,
notamment, le respect des politiques, procédures, normes,
priorités, orientations et prévisions budgétaires
adoptées par le conseil et le comité exécutif, et afin de
permettre la coordination nécessaire des écoles entre elles et
des écoles avec les services.
La décentralisation des services
éducatifs aux écoles. L'organisation pédagogique
est décentralisée au niveau des écoles et les services
éducatifs jouent un rôle de soutien, tel que prévu à
l'article 206 du projet de loi 40, mais, en plus, ils jouent un rôle de
planification, d'orientation, de coordination et d'évaluation.
Nous avons dressé dans notre mémoire, aux pages 10 et 11,
un tableau du partage des rôles en matière pédagogique
ainsi que des services présentement offerts par notre commission
scolaire et qui seraient supprimés en vertu du projet de loi 40. Je
mentionnerai seulement l'implantation des programmes auprès des
enseignants, l'enrichissement et l'adaptation des programmes, et l'organisation
d'examens régionaux. À titre d'exemple, nous avons analysé
les implications de l'article 99 du projet de loi 40 qui remet aux
écoles la responsabilité de l'application des programmes.
À la page 12 du mémoire, vous trouverez ce tableau, toutes les
opérations et ce que cela peut impliquer pour mettre en place un nouveau
programme.
Or, si on pense qu'il y a en moyenne dix programmes par échelon,
qu'il y a une variété de cours optionnels, des programmes en
enseignement professionnel, des services complémentaires, des services
particuliers, l'adaptation scolaire et les doués, cette étude
nous amène à faire les réflexions suivantes: comment une
école pourra-t-elle mener à bien toutes ces opérations
sans la présence de spécialistes qui connaissent parfaitement les
programmes, qui disposent de temps et de ressources pour effectuer les
recherches nécessaires et apporter leur expertise au moment où on
a besoin d'eux? Comment penser qu'une école, si grosse soit-elle,
pourrait se suffire à elle-même dans ces domaines qui ne
constitueraient au demeurant qu'une partie des responsabilités des
directeurs d'école? Si on envisage des ententes possibles entre les
écoles à ce sujet, comment résoudre les problèmes
énormes d'organisation, de contrôle et d'évaluation de ces
ententes? Qui aura le temps et l'autorité nécessaires pour
régler ces problèmes de façon satisfaisante? En enlevant
aux commissions scolaires la partie implantation du régime
pédagogique et des programmes, c'est-à-dire toute la
préparation des enseignants et des responsables, le projet de loi 40
aura pour effet de diminuer la qualité des services éducatifs.
Chez nous, les écoles sont désireuses de voir la commission
scolaire s'occuper de l'implantation du régime et des programmes pour
autant qu'elles sont impliquées dans le processus.
Je résumerai cette partie des services administratifs aux
écoles, qui sont aussi fortement décentralisés, pour
mentionner les services informatiques. Dans ce domaine, cependant, je dirai
que, comme beaucoup d'autres, la régionale de Chambly n'a pas attendu
que le leadership vienne d'ailleurs.
Elle a cheminé à son rythme et selon les besoins des
écoles et l'accord du milieu, y compris des parents. (21 heures)
Nous pourrions parler aussi d'approvisionnements, d'immobilisations. Il
y a peut-être un point important: chez nous, les budgets
d'opération sont des budgets fermés et transférables pour
les écoles et les directeurs d'école et de services participent
au choix de ces règles budgétaires. Quant aux ressources
humaines, à partir d'une allocation budgétaire à chaque
école, le directeur prépare son plan d'effectif, il doit
rationaliser ses effectifs en fonction de son milieu et, évidemment,
selon le montant dont on peut disposer.
Que penser de l'article 122 du projet de loi 40, qui attribue au conseil
d'école, sur recommandation du directeur, la détermination des
besoins de perfectionnement du personnel d'école? Étant
donné que tout perfectionnement suppose évaluation du personnel
concerné, comment un conseil composé de parents,
d'employés et, dans certains cas, d'au moins un élève
pourrait-il traiter de telles questions avec le détachement requis en
pareil cas, si, par exemple, un parent avait un enfant dans la classe de
l'enseignant dont on fait l'évaluation?
Nous pourrions aussi parler de la politique de la concertation scolaire
et municipale ou de la location de salles qui existe chez nous depuis 1978.
Ainsi, la gestion décentralisée des écoles est
réalisable dans le cadre des lois actuelles et le projet de loi 40 n'est
absolument pas nécessaire à cette fin, d'autant plus qu'il
propose pour ce faire des structures problématiques. Chez nous, la
décentralisation s'établit progressivement, en tenant compte des
ressources des différents milieux, à l'aide du personnel des
services régionaux et sous l'autorité du directeur
général, tout ce processus étant dûment
souhaité, étudié, approuvé, suivi par le conseil
des commissaires et le comité exécutif.
Le projet de loi 40 propose un modèle unique pour toutes les
écoles du Québec, sans tenir compte des disparités, des
ressources de chacune, de leur capacité d'adaptation, de
préparation, que ce soit une école de 200, de 600 ou de 2500
élèves.
À Chambly, nous avons de très grosses polyvalentes de plus
de 2000 élèves, et elles bénéficient de directeurs
adjoints qui secondent le directeur d'école. Vous avez l'organigramme
à l'annexe IV. Quant aux écoles de premier cycle qui sont plus
petites, l'aide accordée par le personnel des services régionaux
est beaucoup plus grande. Par ailleurs, nous sommes à même de
constater que plus il y a décentralisation vers les écoles, plus
celles-ci demandent aux services régionaux de jouer un rôle de
coordination.
Comment cela serait-il possible si on multiplie les paliers de
décision sans donner à la commission scolaire et au directeur
général l'autorité indispensable? D'autre part, notre
population est assez mobile sur la rive sud. Une certaine cohérence
régionale des services est souhaitable, elle est même
nécessaire et un partage équitable des ressources entre les
écoles s'avère aussi nécessaire.
M. le Président, nous désirons attirer l'attention des
membres de cette commission sur nos préoccupations concernant
l'éducation des adultes. L'éducation des adultes fait partie
intégrante de notre organisme depuis 1965. Chez nous, elle est bien
différenciée, spécifique, intégrée au niveau
supérieur de la commission scolaire, elle relève du directeur
général. Le comité fonctionnel des commissaires participe
étroitement à l'exécution de notre politique locale dans
ce secteur et en avise régulièrement le conseil et
l'exécutif. Nous pourrions déposer cette politique locale si les
membres de la commission le désirent.
Par ailleurs, nous déplorons profondément que le
gouvernement ne semble plus avoir de volonté politique en cette
matière. Il semble avoir mis le rapport de la commission Jean sur les
tablettes. Comment expliquer certains comportements ministériels et
sous-ministériels tant à l'éducation qu'à la
main-d'oeuvre, entre autres, par exemple la disparition de la Direction
générale de l'éducation des adultes? Le concept
"caoutchouc" d'éducation permanente servirait de principe de base
à l'assimilation qui est annoncée.
Nous continuons donc à demander avec vigueur une politique
globale et non un projet de politique camouflé dans de multiples
réformes administratives sectorielles.
Dans le livre blanc, l'éducation des adultes avait droit à
un minimum d'orientation. Dans le projet de loi 40, ce souci est disparu.
L'article 92 stipule que l'école dispense aux adultes les services
éducatifs déterminés par la commission scolaire. Quant aux
modalités, aucune précision.
Il est également mentionné que l'école peut aussi
organiser ou permettre l'organisation dans ses locaux de services à la
communauté. Il y a toutefois une différence entre la gestion
physique de modalités d'accessibilité et un mandat confié
à l'école en matière de loisirs, d'activités
socioculturelles ou d'éducation des adultes. Si ces mandats devaient
être confiés aux 3000 écoles du Québec, nous pensons
que des expérimentations devraient être faites ainsi qu'une
étude comparative de la gestion et des coûts.
Pour les fins de l'éducation des adultes, il est
préférable, plus fonctionnel et beaucoup moins coûteux
d'avoir un centre exclusif de jour et de soir, comme la Maison de
l'éducation des adultes, ainsi que nous l'appelons chez nous, et
quelques autres centres choisis parmi les écoles.
La régionale de Chambly désire signaler que, depuis plus
de dix ans, elle a développé des services éducatifs
communautaires par le réseau d'un centre de services. Qu'adviendra-t-il
de ce réseau?
La responsabilité de l'éducation des adultes et
l'élection des commissaires. Les élus composant les conseils
d'administration des commissions scolaires doivent être
formellement investis de la responsabilité de l'éducation des
adultes. De plus, il ne saurait être question de confier le
contrôle majoritaire de l'éducation des adultes aux pouvoirs
exclusifs des parents des enfants fréquentant les écoles.
Comme le conseil supérieur, les divers milieux et les
éditorialistes l'ont fait récemment, nous demandons la fin du
silence gouvernemental. Nous réclamons à nouveau et d'urgence une
volonté gouvernementale transparente en ce domaine, alors que le 25
février prochain la commission Jean aura déposé son
rapport depuis deux ans. Nous exigeons au plus tôt la publication de la
politique d'éducation des adultes, avec le débat
démocratique nécessaire, et nous réclamons un moratoire
sur les changements structurels et les modifications de mandat actuellement en
cours. Nous demandons au premier ministre de reprendre la responsabilité
du dossier pour éviter une politique sectorisée dans chacun des
ministères, comme cela est amorcé actuellement.
Si l'on voulait achever la réforme scolaire des années
soixante pour les jeunes, il faudrait éviter du même coup
d'assimiler et de noyer l'éducation des adultes dans un chambardement de
structures.
La taille des commissions scolaires et la qualité et la
quantité des services aux écoles et aux élèves. La
régionale de Chambly, située dans la région
métropolitaine de Montréal, a pu, à cause de sa taille,
donner à ses écoles et ses élèves des services
éducatifs administratifs spécialisés, nombreux et
diversifiés. D'ailleurs, nous citons dans notre mémoire les
conclusions d'une étude qui établit à 20 000
élèves la taille minimale d'une commission scolaire. Le rapport
Parent appuie d'ailleurs cette thèse.
Soulignons ici que, depuis les années soixante, la rive sud de
Montréal a connu une forte expansion augmentant la densité de sa
population, une plus grande urbanisation et le développement des moyens
de transport.
Dans notre mémoire à la page 37, nous avons comparé
les services éducatifs offerts dans les commissions scolaires de
différentes tailles situées aussi dans la région de
Montréal. Voici quelques exemples de réalisation - je passe
par-dessus les détails
parce que vous les avez dans le mémoire, mais je veux signaler
quelques exemples qui sont dus à la taille de la commission scolaire: le
remplacement de la structure des chefs de groupe par celle des directeurs
adjoints afin d'améliorer l'encadrement des élèves et la
qualité de vie dans nos polyvalentes - là aussi, vous trouverez
l'organigramme à l'annexe IV; la mise sur pied de plusieurs centres
spécialisés pour les élèves handicapés
physiques et mentaux; le choix pour les élèves entre 42 options
professionnelles; la mise sur pied de centres d'excellence, notamment en
bureautique, hôtellerie, couture et habillement, mécanique
d'ajustage et imprimerie; une gestion plus dynamique des ressources humaines;
un centre informatique des plus importants au Québec; des services
d'experts en gestion des ressources matérielles et à meilleur
coût que des professionnels externes; un service de transport grandement
efficace.
Comme le soulignait la commission Parent, il n'est pas possible
d'assurer un enseignement de qualité en s'appuyant sur des commissions
scolaires ayant soin d'un nombre insuffisant d'élèves pour
justifier la mise sur pied de tous les services nécessaires à
moins d'y concentrer des ressources financières problématiques.
Dans l'hypothèse de l'adoption du projet de loi 40 et du morcellement de
notre commission scolaire, la dispersion de ses ressources et de ses services
aura pour résultat de réduire cette qualité et cette
quantité de services en enseignement secondaire sur le territoire.
L'accessibilité des élèves handicapés au centre
spécialisé sera-t-elle la même et à quel coût?
Que dire des ententes à conclure et de la lourdeur de cette
administration?
En enseignement professionnel, la facilité d'accès dont
bénéficient présentement nos élèves et sans
égard à leur lieu d'origine sera compromise. L'orientation
même des élèves quant au choix des options sera plus
restreinte en pratique. Quels seront les coûts du personnel additionnel
requis dans les nouvelles commissions scolaires, compte tenu notamment des
propositions de relance et de renouveau en enseignement professionnel?
Voilà de nouveau la nécessité pour les
écoles de négocier des ententes pour permettre à ces
élèves de bénéficier des services requis et
d'être transportés. Quant aux centres d'excellence, leur maintien
semble précaire, tout au moins très difficile.
Concernant le transport des élèves, nous aimerions
rappeler que des études antérieures préparées par
le ministère des Transports ont prouvé le bien-fondé de la
régionalisation du transport scolaire. Une commission d'enquête
sur ce sujet avait comme principale recommandation de réduire les
centres de décision et d'organisation. Il est également important
de souligner que, récemment, le ministre Michel Clair proposait une
réforme du système de transport scolaire par la loi 31. Cette
réforme avait entre autres comme objectifs de maintenir un service de
transport scolaire de grande qualité et de ralentir l'augmentation des
coûts. Le projet de loi 40 a comme conséquences de multiplier les
centres de décision et de rendre impossible une coordination
préconisée pour le transport scolaire tant aux niveaux de la
sécurité, de la santé, des services aux
élèves que des coûts.
Les territoires des commissions scolaires. Le découpage
envisagé sur le territoire de la régionale de Chambly, selon le
document de la direction générale des réseaux, daté
de juillet 1983, est un autre facteur qui apportera une diminution des services
et des ressources en enseignement secondaire. Je m'explique: Non seulement le
projet de loi propose-t-il de multiplier les paliers décisionnels, mais,
en plus, il morcelle notre territoire en des unités trop petites. Je
vous réfère aux pages 67 et suivantes du mémoire où
vous trouverez des exemples. Il est évident qu'un tel morcellement du
territoire aurait pour effet de disperser et de diluer nos ressources. Quelles
raisons peuvent bien motiver une telle balkanisation?
Intégration du primaire et du secondaire. Riche de son
expérience accumulée au cours des années, la
régionale de Chambly est certainement la plus qualifiée pour
dispenser et gérer l'enseignement secondaire sur son territoire.
Toutefois, elle est favorable à l'intégration du primaire et du
secondaire à cause de certains avantages qu'offre cette formule. Un tel
regroupement ne devrait toutefois pas se faire n'importe comment ni à
n'importe quel prix. Il devrait se réaliser en tenant compte de la
volonté des milieux et avec l'objectif premier de maintenir les services
à un même niveau de qualité.
Que dire de la composition des conseils d'administration des futures
commissions scolaires? M. le Président, la régionale de Chambly
est en désaccord avec la composition de ces conseils,
premièrement, parce que le mode de représentation proposé
conduit à la sous-représentation des écoles secondaires,
étant donné qu'elles sont moins nombreuses. Par exemple, à
la future commission scolaire Boucherville-Varennes, les élèves
du secondaire ne seraient représentés que par deux commissaires
comparativement à treize pour le préscolaire et le primaire. La
régionale s'inquiète grandement du partage des ressources
disponibles entre les écoles primaires et secondaires alors que les
besoins sont beaucoup plus grands, diversifiés et nombreux à ce
niveau. Comment les représentants pourront-ils en arriver à faire
valoir leur
point de vue, à le faire accepter, puisqu'ils seront fortement
minoritaires? (2a h 15)
En second lieu, nous sommes en désaccord, parce que la formule
proposant que les conseils d'administration soient composés de
délégués est une source de conflits
d'intérêts. Nous avons vécu à la régionale
l'expérience d'un conseil formé de 90 commissaires;
c'était assez lourd comme fonctionnement. En 1974, par un
arrêté spécial, ce nombre a été réduit
à 50, mais 50 délégués venant des commissions
scolaires locales. Je pense que c'est un fait unique dans la province. Or, les
commissaires délégués d'une commission locale sont souvent
confrontés à des problèmes d'allégeance,
d'appartenance ou d'identification à deux organismes: la commission
scolaire locale, où ils sont élus au suffrage universel et selon
des quartiers déterminés, et la commission scolaire
régionale, où ils sont délégués. Le
problème de détenir un double mandat pour ces
délégués prend toute son ampleur en cas de divergences ou
de négociations entre la commission scolaire régionale et une
commission scolaire locale ou lorsqu'un des deux organismes a pris position sur
un sujet quelconque, et il y a parfois des questions qui se posent aux deux
niveaux.
C'est une des raisons qui nous font accepter les commissions scolaires
intégrées. Cette formule d'un conseil composé de
délégués est déjà difficile; il y a six
commissions scolaires locales et une commission scolaire régionale. La
formule des délégués ou représentants par
école nous apparaît inefficace parce que les possibilités
de conflits d'intérêts sont beaucoup plus nombreuses. Un
commissaire doit pouvoir mettre sans problème l'intérêt de
l'ensemble des écoles de la commission au-dessus de celui d'une
école en particulier, sans ressentir ou avoir l'impression qu'il trahit
la population qui l'a élu pour représenter les
intérêts d'une école et sans devoir sans cesse rendre
compte de ses positions au conseil d'une telle école. C'est la
troisième raison de notre désaccord.
Finalement, le projet de loi 40 est muet quant à la
représentation des centres spécialisés. Les centres
spécialisés de notre territoire sont tous situés à
Longueuil. Comment les élèves ayant besoin des services de ces
centres spécialisés arriveront-ils à faire entendre leur
voix? Qui pourra légitimement et démocratiquement défendre
leurs intérêts à la future commission scolaire de Longueuil
et dans les commissions scolaires environnantes? Voilà la
quatrième raison de notre désaccord, car seuls des commissaires
élus au suffrage universel peuvent défendre légitimement
les divers besoins de leurs populations.
Pour toutes ces raisons ajoutées à celles de la
Fédération des commissions scolaires, nous demandons que les
commissaires représentent directement la population d'un quartier
scolaire et qu'ils soient élus au suffrage universel.
D'autre part, nous sommes en faveur du maintien des comités
d'école et de parents à cause de l'importance de leur rôle.
Pour une implication plus grande, le projet de loi 40 n'est pas
nécessaire, il suffit de rendre applicables les dispositions pertinentes
de la loi 71. Le rôle consultatif des parents n'est pas péjoratif,
mais, au contraire, de première importance, parce qu'il leur permet
d'influencer les décisions tout en étant dégagés
des règles et des contraintes administratives.
En conclusion, M. le Président, la commission scolaire
régionale de Chambly est en faveur d'une gestion
décentralisée vers les écoles, mais à
l'intérieur des lois actuelles; à une responsabilisation plus
grande des parents; à l'intégration du primaire et du secondaire,
mais selon certains critères. D'autre part, elle n'est pas favorable
à un projet de loi qui a pour effet, premièrement, de faire
disparaître le suffrage universel; deuxièmement, d'affaiblir les
pouvoirs déjà restreints des commissions scolaires;
troisièmement, de multiplier les centres de décision;
quatrièmement, d'apporter de fausses solutions aux problèmes de
l'éducation; cinquièmement, d'imposer unilatéralement une
décentralisation rigide, uniforme et aveugle; sixièmement, de
diminuer la qualité et la quantité des services éducatifs
sur son territoire; septièmement, de le balkaniser en proposant des
unités trop petites.
Compte tenu du régime pédagogique et de l'implantation des
nouveaux programmes qui ne seront achevés qu'en 1986 et peut-être
même après; compte tenu des propositions de relance et de
renouveau en enseignement professionnel; compte tenu de l'urgence d'une
politique globale en éducation des adultes, du débat public qui
devrait suivre à cet effet; compte tenu des impacts inévitables
de tous ces changements sur la population scolaire jeune et adulte; compte tenu
que le ministère n'a pas jugé bon d'associer ni même de
consulter les commissions scolaires relativement à son projet; et on
pourrait aussi ajouter: compte tenu du jugement de la Cour d'appel sur la loi
57, la commission scolaire régionale de Chambly demande le retrait pur
et simple du projet de loi 40.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Chagnon et Mme
Vachon-Marcotte. M. le ministre.
M. Laurin: M. le Président, je voudrais d'abord remercier
la commission scolaire régionale de Chambly pour le mémoire
fouillé et soigné qu'elle nous présente ce soir.
À le lire et à en entendre une partie ce soir, à lire et
à entendre ce que nous dit la commission sur ses services, sur la
description qu'elle en fait, sur l'organisation qu'elle préconise, je
pense qu'on peut dire que c'est un travail qui mérite d'être
souligné. Je note en passant qu'une commission scolaire qui dessert 20
000 élèves possède la taille nécessaire non
seulement pour effectuer les économies d'échelle dont on nous
parlait, mais pour dispenser des services de qualité pour l'enseignement
régulier, pour les services particuliers, aussi bien pour les adultes et
pour les enfants en difficulté d'apprentissage que pour les options
professionnelles - on en mentionne 42 - et même pour des centres
spécialisés pour élèves handicapés qui
souffrent de handicaps physiques ou mentaux. Il n'est donc pas
nécessaire, comme on l'a déjà prétendu ici, qu'une
commission scolaire puisse desservir à peu près 100 000
élèves pour qu'elle puisse dispenser à sa population des
services de qualité. C'est là une démonstration, je pense,
qu'il était utile de faire.
Je note aussi qu'on peut s'entendre facilement sur certains des points
qui ont été mentionnés dans le mémoire, par exemple
l'intégration du primaire et du secondaire, l'importance plus grande
qu'il faut donner à l'école et les responsabilités plus
importantes qu'il importe de lui confier en vue de l'amélioration de la
qualité de l'éducation.
J'accueille aussi favorablement plusieurs des commentaires de la
commission scolaire régionale de Chambly à propos de
l'éducation des adultes. Je sais que vous comptez plusieurs
spécialistes dans ce domaine. Le gouvernement a même eu recours
à l'un de ces spécialistes pour le faire siéger à
la commission Jean. J'ai grand plaisir à le saluer ici avec vous ce
soir. Je puis vous dire que la volonté politique pour mettre au point
une politique d'éducation des adultes ne manque pas. Cette politique en
est à ses tout derniers stades d'élaboration et je pense bien
qu'il nous sera possible de la rendre publique dans des délais
rapprochés. Si le livre blanc était plus éloquent à
ce sujet que le projet de loi 40, c'est qu'il nous fallait attendre,
précisément, que cette politique soit officialisée avant
de procéder aux adaptations législatives nécessaires,
mais, dès qu'il sera possible d'en arriver à une décision
au niveau ministériel à cet égard, soyez assurés
que je procéderai, au niveau du projet de loi 40, à toutes les
adaptations législatives nécessaires.
En ce qui concerne les territoires, je comprends votre plaidoyer. Vous
préféreriez que le territoire des futures commissions scolaires
intégrées de votre région soit plus vaste que celui qui a
été proposé jusqu'ici, mais, comme j'ai eu l'occasion de
le dire à plusieurs reprises, à plusieurs commissaires et dans
plusieurs régions du Québec, les discussions sont loin
d'être terminées. Nous sommes ouverts à toute suggestion
sérieuse, pertinente, qui peut nous venir des milieux et, d'ici
l'adoption du projet de loi, donc avant l'adoption du premier décret
à cet égard, nous aurons sûrement l'occasion de vous
rencontrer, à l'instar de plusieurs autres commissions scolaires dans
d'autres régions du Québec, pour voir si nous ne pourrions pas
rapprocher nos points de vue à ce sujet, à la lumière du
même objectif, qui est toujours une meilleure qualité des services
éducatifs.
Quant à votre préoccupation principale, je la partage
également. Vous ne voulez pas que l'on oppose directeur d'école
au directeur général, école à commission scolaire,
je l'entends bien également de cette façon. Il ne s'agit pas
d'opposer, mais il s'agit plutôt de répartir les
responsabilités au lieu où elles doivent optimalement s'exercer
et, ensuite, prévoir un arrimage, une articulation nécessaire de
ces responsabilités entre les différents niveaux: école,
commission scolaire et ministère de l'Éducation. Même si la
première formulation que nous en donnons dans le projet 40 n'est pas
parfaite, il reste que nous avons encore du temps pour parfaire ces
formulations et c'est d'ailleurs un des avantages de ces commissions
parlementaires que de nous y aider.
J'ai noté aussi avec intérêt les réalisations
de la commission scolaire régionale de Chambly en ce qui concerne la
gestion décentralisée des écoles. Je vois qu'elle a
déjà décentralisé un certain nombre de
responsabilités pédagogiques, la détermination des plans
d'effectifs en particulier, l'encadrement et un certain nombre de
responsabilités administratives. Et ce serait là, en fait, le
sens de ma question: Si vous l'avez fait et si vous vous préparez
à le faire davantage, pourquoi alors auriez-vous objection à ce
que ces pouvoirs et responsabilités décentralisés au
niveau de l'école soient inscrits dans un projet de loi pour que toutes
les autres écoles du Québec puissent en
bénéficier?
Le Président (M. Blouin): Mme Vachon-Marcotte.
Mme Vachon-Marcotte: M. le ministre, est-ce que vous me permettez
une remarque, avant de répondre à votre question? Je prends grand
plaisir à voir qu'il y aura peut-être quand même du temps
pour parfaire le projet de loi. Je note que, quant à déterminer
les territoires des commissions scolaires, vous êtes prêt à
consulter les différents milieux et à tenir compte de la
qualité des services à dispenser aux élèves. Quant
à la décentralisation, en fait, je pense qu'il faudrait d'abord
s'entendre sur la
signification du terme. Nous parlons surtout de gestion
décentralisée, c'est-à-dire de délégation de
pouvoirs de la commission scolaire vers les écoles, et j'aimerais, pour
répondre à votre question, apporter peut-être quelques
exemples de différences que nous voyons entre ce qui se fait chez nous
et ce qui est proposé dans le projet de loi 40. Il y a peut-être
aussi une considération à regarder, c'est que 85% de notre
clientèle est dans huit écoles polyvalentes; je pense que c'est
quand même un fait assez unique dans la province. Si vous avez pris
connaissance de l'organigramme, qui est dans les annexes du mémoire,
vous pouvez remarquer, et je l'ai mentionné tantôt, qu'il y a
beaucoup de personnel qui seconde le directeur d'école. J'ai, par
exemple, un organigramme d'une polyvalente, qui est peut-être plus
détaillé; il y a là presque quinze personnes - par
exemple, pour la polyvalente De Mortagne - qui s'occupent soit d'administration
de vie étudiante ou qui peuvent enfin se répartir les
différentes fonctions. (21 h 30)
Par ailleurs, je reviens un peu à ce que nous disions
tantôt, c'est que cette décentralisation ou cette gestion
décentralisée, elle s'est faite sous l'autorité du
directeur général et, pour nous, c'est vraiment un principe
très important. Comment maintenir une cohérence régionale,
comment arriver à répartir les différentes ressources, si
ce lien d'autorité est perdu? Nous regardons, par exemple, plusieurs
articles du projet de loi et on lit: "à la demande de l'école"...
"où l'école peut déléguer, demander
différents services"... Qu'est-ce qui arrive si deux polyvalentes
demandent tel service, que la suivante ne le demande pas, qu'une autre n'est
pas contente de ce que la commission scolaire apporte? Cela nous apparaît
être une situation vraiment difficile. Par ailleurs, nous avons
souligné aussi que, par exemple, nos écoles de premier cycle, qui
sont plus petites, où nous accueillons peut-être 400, 500, 600
élèves, bénéficient de l'aide des services
régionaux et que cette aide est beaucoup plus grande. Elles disposent,
évidemment, de moins de ressources aussi, parce qu'il y a moins
d'élèves. Nous leur apportons quand même cette aide qui est
beaucoup plus importante. Non seulement il y a nécessité
d'établir une certaine cohérence et de maintenir aussi une
qualité de services entre les écoles, parce que les
élèves ont tous le même droit de recevoir la même
qualité de services et aussi cette coordination avec les services
régionaux...
Le Président (M. Blouin): Allez-y. Je m'excuse.
Mme Vachon-Marcotte: Je m'excuse.
Dans le projet de loi, par exemple, en tout cas, avec les "peut" et
"à la demande", on a un peu l'impression que la coopération des
services est disparue, mais je ne sais pas, moi, il me reste un peu la
comparaison: Est-ce que la commission scolaire, c'est un supermarché
où chacun peut venir chercher ce qu'il veut à peu près
selon sa volonté? Là encore, au niveau de la cohérence, on
se pose des questions. Je ne sais pas si cela répond bien...
Peut-être que M. Galipeau aimerait...
Le Président (M. Blouin): Oui, M. Galipeau.
M. Galipeau (Conrad): Pour répondre à M. le
ministre, on n'a pas d'objection fondamentale à ce que vous mettiez dans
la loi le principe de décentraliser ou de déléguer des
pouvoirs à l'école pour la responsabilité, cela va de soi.
C'est aux moyens que vous utilisez dans le contexte de la loi 40 que nous nous
opposons, parce qu'un orchestre fonctionne bien s'il y a un chef d'orchestre,
pas s'il y en a deux. Mais si, par la loi, vous donnez des pouvoirs directement
aux directions d'école et que ces mêmes pouvoirs sont inscrits
comme appartenant également à la commission scolaire, c'est
évident qu'il va y avoir des frustrations. Juste un petit exemple. Dans
la loi 71, vous avez, à un moment donné, dit à un article
en particulier: Ou le directeur d'école détermine son plan
d'effectif, etc., et d'autres pouvoirs identiques. Mais il y a une petite
phrase qui est ajoutée: sous la direction du directeur
général. C'est interprété différemment
suivant celui qui a le pouvoir en main. Moi, j'ai un directeur d'école
qui est venu me donner un plan d'effectif qui ne correspondait absolument pas
aux possibilités que la régionale pouvait se donner, mais qui
faisait très bien l'affaire de l'école. Je lui ai dit:
Écoute, à ce moment, si tout le monde fait cela, ça va
être la pagaille. C'est la raison pour laquelle nous vous demandons, si
vous voulez que les pouvoirs soient effectivement
délégués, d'en inscrire le principe dans la loi. On vous
appuie. Mais, la mécanique, laissons-en la juridiction à la
commission scolaire qui, elle, à son tour la délègue
à son directeur général et son directeur
général, s'il est le moindrement intelligent, va lui aussi la
déléguer plus bas, toujours avec l'appui de ses commissaires et
du comité exécutif, et cela assure un fonctionnement harmonieux
à ce moment.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Galipeau. Je vous
rappelle, M. le député d'Argenteuil, de même qu'à
tous les membres de la commission, que chacune des formations politiques, en
vertu de notre entente, dispose maintenant d'une période de
43 minutes. M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: Merci, M. le Président. Il me fait bien plaisir
de souhaiter la bienvenue, au nom de l'Opposition, à M. le
président de la commission scolaire régionale de Chambly,
à Mme la vice-présidente, ainsi qu'à M. le directeur
général et à MM. et Mmes les commissaires.
C'est d'autant plus intéressant pour nous que la rencontre que
nous avons ce soir nous fait entrer dans ce que j'appellerais une phase
nouvelle du travail de la commission parlementaire. Jusqu'à maintenant,
nous avons discuté de philosophie, d'organisation, de grands principes
de base. Il y a eu des débats au sujet de la centralisation et autour du
rôle de la commission scolaire, autour de la confessionnalité,
autour du réaménagement des commissions scolaires suivant la
ligne linguistique, mais on n'est pas encore véritablement entré
dans l'examen du fonctionnement concret de ces institutions que veut
réglementer le projet de loi 40, suivant des normes souvent nouvelles et
hasardeuses à notre point de vue. Ce soir, vous nous présentez un
exposé qui n'est pas du tout une charge contre le gouvernement. C'est
une présentation concrète et fonctionnelle du genre de rôle
qu'accomplit une commission scolaire dans sa région et du genre de
problèmes qui pourraient découler de l'adoption du projet de loi
dans sa forme actuelle et surtout dans son esprit actuel.
Ce que nous faisons ce soir illustre, M. le ministre, les raisons qui
justifient notre insistance sur la nécessité d'entendre les
commissions scolaires qui ont demandé à se faire entendre ici.
Là, nous sommes en présence d'un modèle d'organisation et
de fonctionnement, celui de la commission scolaire régionale de Chambly,
commission scolaire qui fonctionne au niveau secondaire; qui, par
conséquent, a des problèmes et des réalisations d'un type
particulier. Il y en a une cinquantaine d'autres qui ont demandé
à se faire entendre avec tout autant de bonnes raisons de vouloir
présenter leur point de vue à la commission parlementaire. Il y
en a dans la région de l'Abitibi-Témiscaminque; il y en a dans la
région du Saguenay-Lac-Saint-Jean; il y en a dans la région des
Cantons de l'Est; il y en a dans le Bas-du-Fleuve; il y en a dans la
région de Montréal, évidemment; il y en a dans la
région située au nord de Montréal où est
situé en particulier le beau comté d'Argenteuil; il y en a
d'autres également.
Vous comprendrez mieux, après le genre d'échanges
qu'annonce la présentation faite par Mme la vice-présidente, les
raisons qui motivent notre grande fermeté sur ce point précis.
Nous aurons l'occasion d'y revenir, M. le Président, c'est un point
auquel nous tenons.
Ceci étant dit, je voudrais suivre votre exemple et ne pas ouvrir
le débat sur les grandes questions de philosophie, mais m'en tenir aux
considérations plus fonctionnelles qui forment vraiment le coeur de
votre mémoire. J'ai remarqué dans ce que vous avez dit certaines
notes de fond que je voudrais retenir en vue de vous poser ensuite quelques
questions. D'abord, je pense que vous avez montré bien clairement qu'il
existe déjà chez vous une forte mesure de
décentralisation. Il en existe déjà également dans
beaucoup d'autres endroits. J'aurais cru que la première chose qu'aurait
dû faire le gouvernement avant d'entreprendre de légiférer
dans ce domaine, cela aurait été de faire un recensement
précis et méthodique de tout ce qui se fait en matière de
décentralisation, de toutes les formes de décentralisation, de
délégation d'autorité, qui sont déjà
à l'oeuvre dans tout le Québec et peut-être serait-on
arrivé à des conclusions moins "uniformisantes", moins
autoritaires, que celles qu'on nous présente dans le projet de loi sous
le beau prétexte de la décentralisation.
J'ai, cependant, remarqué que vous dites une chose très
intéressante, c'est que la décentralisation exige, quand
même, pour fonctionner un principe d'autorité. Cela, nous aurons
l'occasion d'y revenir tantôt, mais on ne peut pas prendre un volet de la
proposition sans également examiner le volet qui le complète.
La décentralisation existe chez vous non seulement en
matière administrative, mais également au plan
pédagogique. Nous aurons l'occasion d'y revenir tantôt. Il y a une
légende que tend à accréditer l'approche gouvernementale:
le commissaire d'écoles, c'est bon pour administrer; cela ne
connaît rien à la pédagogie; cela ne s'intéresse pas
à cela; ce ne sont que des administrateurs. Ils sont parents par
accident, mais ils sont surtout commissaires. La pédagogie, il faut
s'arranger pour qu'on y voie ailleurs. Vous nous montrez clairement qu'il y a
une fonction pédagogique essentielle qui revient à la commission
scolaire, que, dans ce domaine comme dans d'autres, il y a une
décentralisation très avancée qui est déjà
à l'oeuvre. On y reviendra tantôt, mais je veux le souligner avant
de commencer mes questions.
Vous nous faites voir également qu'il y a un nombre
impressionnant d'initiatives et de services qui doivent être
assurés à l'échelle de tout le territoire. Il serait
illusoire de vouloir aménager école par école en
prétextant que l'initiative viendra de là, c'est impossible. Vous
en donnez une grande quantité d'exemples dans votre
résumé, on aura l'occasion d'y revenir également
tantôt. Je pense qu'il est important de poser cela bien clairement. Ce
sont les grands enseignements qui, à mon point de vue, se
dégagent de ce que vous me dites. Il y en a
un quatrième qui est également important, c'est qu'il faut
une taille minimale pour qu'une commission scolaire puisse s'acquitter de
fonctions comme celles que vous mentionnez dans votre mémoire. Le
ministre a dit: Votre expérience montre qu'avec 20 000
élèves on peut faire de très bonnes choses. Il ne faut pas
oublier une chose, M. le ministre, c'est que c'est une commission scolaire qui
fonctionne uniquement au plan secondaire. Si vous regroupez primaire et
secondaire, vous ne pourrez pas offrir la même qualité de services
au secondaire avec 8000 ou 10 000 élèves que celle que vous
pouvez offrir avec 20 000 ou 25 000 élèves.
On vous l'a dit depuis le début des travaux. Il faudra que vous
réalisiez que les problèmes ne sont pas du tout les mêmes
aux niveaux primaire et secondaire, que s'il est question de regroupement,
quand on parlera de la taille d'une commission scolaire, je crois que cela doit
varier beaucoup suivant le territoire qu'on veut desservir. Si on est dans un
territoire métropolitain, les normes ne peuvent pas être
littéralement les mêmes que dans un territoire semi-rural,
semi-urbain ou principalement rural. Ce sont autant de considérations
qui doivent servir d'arrière-plan à l'échange que nous
voulons avoir.
Je crois comprendre que, sur chacun de ces points que j'ai
mentionnés, tout chambardement inconsidéré
entraînera des conséquences très sérieuses pour la
qualité des services éducatifs qui sont offerts. Cela nous
ramène à notre thème de fond qui est toujours celui-ci:
quel est le mode d'organisation, d'aménagement des structures scolaires
qui favorisera davantage des services éducatifs de qualité?
C'est derrière tout cet arrière-plan que je voudrais
situer les quelques questions que je vais vous adresser après une autre
remarque préliminaire à propos de l'éducation des adultes.
J'étais content d'entendre le ministre vous répondre que sa
politique d'éducation des adultes est en voie d'élaboration,
qu'elle a même atteint, d'après ce que j'ai compris, le stade de
l'examen au niveau du cabinet. Mais j'étais étonné de
l'entendre dire: On va dévoiler cela et, après cela, on va le
mettre dans le projet de loi. M. le ministre, il faut faire faire un
débat entre les deux. Vous ne pourrez pas mettre cela dans le projet de
loi du jour au lendemain. Je ne pense pas qu'on peut régler un
problème comme celui-là en l'espace d'un mois ou deux. Il va
falloir qu'on ait un débat sérieux. Le milieu attend cela. On
s'était dit que la prochaine étape après le rapport de la
commission Jean, c'est un livre blanc sur l'éducation des adultes, mais
il faudra discuter de ce livre blanc pendant - je ne sais pas - quelques mois,
si on veut être raisonnable, et, ensuite, il sera question de
l'incorporer. Ceci montre, encore une fois, le caractère
prématuré de ce projet de loi, cela prouve qu'il y aura beaucoup
de difficulté à y intégrer toutes les dimensions qui sont
nécessaires. Je voulais mentionner ce point pour qu'il n'y ait pas de
malentendu entre nous.
Je vous adresse quelques questions en vue de vous aider à
préciser. J'ai remarqué une chose, c'est que vous ne parlez pas
du tout de la confessionnalité dans votre présentation. Il
faudrait que vous nous disiez pourquoi, au niveau secondaire, là
où vous travaillez, qui est particulièrement intéressant
et délicat de ce point de vue, vous ne dites pas un mot de la
confessionnalité dans votre mémoire.
Mme Vachon-Marcotte: Tout d'abord parce que c'était un
thème...
M. Ryan: Je vous pose la question parce qu'on en a discuté
toute la journée et que cela va servir de transition.
Une voix: Cela va servir de transition.
Mme Vachon-Marcotte: Nous n'avons pas abordé cette
question parce que, comme je l'ai mentionné au début, il y a
seulement quelques aspects du projet de loi 40 sur lesquels nous nous sommes
attardés pour échanger avec les membres de la commission. Ce
débat s'est fait au niveau de la Fédération des
commissions scolaires. Cependant, je dois dire que, depuis le mois d'août
1981 qu'on entend parler de la possibilité de changements aux structures
et tout cela, nous avons tenu, d'ailleurs, plusieurs sessions de travail et
nous avons essayé de voir comment on pourrait se prononcer sur ces
questions. Nous avions pris comme position que nous acceptions le principe de
commission scolaire unifiée, c'est-à-dire qui pouvait administrer
à la fois le primaire, le secondaire ou les écoles de
confessionnalité catholique ou protestante. Cependant, nous disons que
nous sommes ouverts et, si les anglophones désirent avoir leurs
institutions et garder le contrôle de ces institutions, nous sommes
prêts à considérer cela et à leur donner les
mêmes droits que nous réclamons aussi. (21 h 45)
M. Ryan: Très bien.
Mme Vachon-Marcotte: C'est le cas chez nous et on peut dire que,
sur la rive sud, il y a certainement suffisamment d'anglophones pour qu'ils
puissent se prendre en main.
M. Ryan: Très bien. Je ne m'attarde pas davantage
là-dessus. Je voulais simplement savoir comment il se faisait que vous
n'en parliez pas dans votre mémoire. C'est très bien.
II y a deux points sur lesquels je voudrais vous poser quelques
questions. Dans le texte de votre mémoire complet, aux pages 9, 10 et
11, vous présentez un tableau qui mentionne les rôles
pédagogiques qui incomberaient à l'école et à la
commission scolaire en vertu du projet de loi 40 en ce qui touche, par exemple,
l'application et l'enrichissement des programmes, le calendrier scolaire,
l'évaluation des élèves, le matériel didactique,
etc.
J'aimerais que vous nous montriez peut-être plus clairement en
quoi le projet de loi 40, dans sa facture actuelle, rendrait difficile
l'exercice du rôle normal de coordination, de stimulation, de
contrôle et de direction de la commission scolaire. J'ai remarqué
que, dans votre tableau, vous avez accompagné d'un astérisque
plusieurs fonctions qui ne sont pas prévues pour la commission scolaire
dans le projet de loi 40 ou sont définies de manière plus ou
moins vague. Pourriez-vous m'indiquer, en particulier sur l'introduction des
nouveaux programmes, en quoi la commission scolaire joue déjà et
doit continuer à jouer un rôle indispensable et plus qu'un
rôle de simple soutien au gré des besoins exprimés par les
gens, mais un rôle dicté par l'unité, le souci de la
qualité pour l'ensemble du système sur le territoire?
Mme Vachon-Marcotte: Disons que je vais prendre quelques
exemples, dont l'un qui est peut-être assez frappant, celui du transport
scolaire. Le projet de loi 40 dit que c'est l'école qui établit
son calendrier scolaire, évidemment un peu selon les normes de la
commission, alors que, chez nous, la régionale, après
consultation des écoles, établit un calendrier pour nos
écoles sur le territoire pour les centres d'excellence en enseignement
professionnel, pour les centres spécialisés, pour les
handicapés physiques et mentaux; nous voyons difficilement comment ces
fonctions pourront se régler si c'est remis à l'école et
si la commission scolaire donne seulement des critères.
Par exemple, au niveau du conseiller pédagogique, pour le choix
des manuels, nous venons de faire, après je ne sais combien
d'années, un travail pour essayer d'avoir un peu de coordination et pour
qu'on ne se retrouve pas avec trop de manuels. Si c'est remis à
l'école et que chacune choisit ses manuels, c'est là encore un
point où c'est remis à l'école et non à la
commission scolaire.
M. Ryan: Je ne sais pas si on ne pourrait pas demander à
M. Galipeau de nous préciser un peu le rôle de la commission
scolaire en ce qui regarde l'implantation des programmes et
l'évaluation.
M. Galipeau: Je vais seulement répondre très
brièvement à votre question, M. le Président, pour la
situer dans l'économie de notre fonctionnement de
délégation. Ensuite, je passerai la parole au directeur des
services éducatifs qui, lui, pourra vous donner des exemples plus
concrets de ce qui reste à la commission, de ce qui va à
l'école et de ce que cela rapportera dans l'économie de la
prochaine loi.
Il va sans dire que, depuis qu'on a de plus en plus accentué la
gestion vers les écoles, il a fallu que la façon de
procéder ou l'atmosphère ou l'attitude des gens des services
régionaux change presque totalement. Au lieu de demander et
d'exécuter eux-mêmes, il a fallu qu'on responsabilise les gens de
l'école pour qu'ils exécutent, mais que, par ailleurs, les gens
qui sont au niveau centralisé gardent la responsabilité de
planifier, d'orienter et d'évaluer, donc, de suivre ce qui se fait.
C'est dans ce cadre que nous disons: Avec la loi 40, étant donné
qu'on n'a plus d'autorité, on ne peut plus fonctionner. Quelle
école va accepter qu'on aille diriger chez elle pour lui dire ce qu'elle
doit ou ne doit pas faire?
Je vais passer la parole à M. L'Espérance. Il va vous
donner des exemples plus pratiques.
Le Président (M. Blouin): M.
L'Espérance.
Mme Vachon-Marcotte: Brièvement, M.
L'Espérance.
M. L'Espérance (Jacques): Oui, d'accord. Disons qu'avec la
loi 71 actuelle...
M. Ryan: C'est un point capital pour nous que celui-là.
C'est un point capital, parce que cela va au coeur même du projet de loi
40. Je ne voudrais pas qu'il se sente pressé. Même si le
président est un petit peu impatient, je voudrais qu'il nous dise cela
clairement.
Le Président (M. Blouin): Très bien, M. le
député d'Argenteuil. Je vous rappelle que nous avons une limite
de temps et je vous signale que c'est la vice-présidente elle-même
de la commission scolaire qui a pris l'initiative de suggérer à
son directeur des services de faire les choses brièvement et clairement,
mais en profondeur.
M. Ryan: Cela entre à l'intérieur de notre limite
de temps.
M. L'Espérance: Merci. Avec la loi 71 que nous vivons
actuellement, le service des ressources éducatives de la commission
scolaire a pour mission d'assurer l'application des régimes
pédagogiques et des programmes d'études, d'en faire
l'enrichissement,
l'adaptation, etc. Ce que nous faisons dans le système actuel,
c'est que l'école applique le régime pédagogique et les
programmes d'études, comme il est dit dans l'article 99 du projet de
loi. La différence est qu'au niveau de la commission nous faisons
l'implantation. L'implantation, c'est la préparation du milieu des
enseignants, des professionnels non-enseignants pour que la qualité de
l'enseignement soit améliorée. C'est toute une activité de
la commission scolaire pour les écoles.
Si on répartit maintenant cette tâche dans une
école, comment l'école pourra-t-elle assumer toutes ces
fonctions, parce qu'elle n'a pas le personnel? Les enseignants ne peuvent pas
faire cela en plus de faire leur tâche d'enseignement. C'est une grosse
question que l'on se pose. Comment aurait-elle les moyens de faire tout cela?
Si on dit à une commission scolaire qu'elle peut se former une
équipe, la commission scolaire peut se donner cela, si les écoles
sont d'accord, parce qu'elles ont un rôle pédagogique, mais
limité au soutien. Pour le soutien, il faudrait attendre que les
écoles disent qu'elles ont besoin de telles ou telles choses, qui
peuvent être différentes d'une école à l'autre.
Au-delà du soutien, nous faisons, premièrement, de la
planification, de la coordination et de l'évaluation de toutes ces
activités.
Dans le système actuel, je pense que nous sommes un soutien pour
le ministère, qui détermine ces outils pédagogiques.
Autrefois, nous déterminions les outils pédagogiques et les
programmes d'études. Maintenant, le ministère a pris cela en main
et nous sommes d'accord avec cette situation. Nous avons des programmes
améliorés dans toute la province. Nous soutenons le
ministère dans cette application. Nous assurons cette application. Quant
à nous, c'est ce qu'on voit disparaître dans le projet de loi. On
ne fait pas mention d'un service éducatif comme tel, comme on parle
d'autres services administratifs, par exemple au niveau du personnel, des
finances, de l'équipement. La loi 40 ne le mentionne pas du tout. Pour
nous, c'est un recul et cela contribue à la diminution de la
qualité de l'enseignement, finalement.
M. Ryan: Je pourrais vous demander d'expliciter également
la question du matériel didactique, de nous dire en quoi le rôle
de la commission scolaire est nécessaire là-dedans
également, pour l'évaluation des apprentissages.
M. L'Espérance: Pour le matériel didactique, nous
avons des conseillers pédagogiques qui ont le temps d'évaluer
tout le matériel qui existe sur le marché, parce qu'il y en a
beaucoup, et de choisir les meilleurs et d'en faire part aux enseignants.
C'est une tâche de participation avec les enseignants, d'animation
pédagogique quant aux outils. Si on fait disparaître cette
fonction, comment les enseignants vont-ils pouvoir choisir? Ils choisiront en
fonction de quelques exemplaires qu'ils auront reçus. Ce sera
très diversifié dans les différentes écoles et
très inégal. Naturellement, ce sont des moyens. On peut envisager
que les enseignants participent fortement à cela, mais cela devrait
être coordonné. Mais là cela ne pourra pas être
coordonné, parce que cette fonction ne pourra pas exister, étant
donné que la pédagogie appartient au directeur de l'école,
qui est un directeur de services pédagogiques. S'il y a 20
écoles, il y a 20 directeurs de services pédagogiques qui ne
pourront pas s'entendre. Cela, c'est pour l'évaluation
pédagogique.
Il y a l'évaluation formative. C'est nouveau ici; on en fait,
mais pas de façon structurée. Un service comme le nôtre a
une planification pour les années à venir, afin que
l'évaluation formative suive l'implantation des programmes. Nous sommes
dans le milieu de l'implantation et cela aussi sera coupé parce que nous
avons au niveau de la commission scolaire un docimologue qui fait ce travail
avec l'équipe de conseillers pédagogiques. Je me demande comment
on pourrait agencer cela. J'ai essayé de penser: Au niveau d'une
école, serait-il possible de faire cela? Je ne vois pas comment,
à moins que cela ne soit coordonné.
C'est comme les examens d'une commission scolaire; le ministère
produit des examens à la fin de l'année pour le secondaire IV et
V.
M. Ryan: Vous avez mis sur pied toute une série d'examens
régionaux de fins d'année?
M. L'Espérance: Ce sont des examens régionaux,
c'est ainsi qu'on les appelle, oui, pour le secondaire I, II, III.
C'était pour les matières de base et nous incluons
maintenant, avec les nouveaux programmes, l'écologie, la
géographie. Nous avions l'intention d'aller jusqu'au bout, jusqu'en
secondaire V; que, pour chaque cours, il y ait un examen régional
à la fin de l'année qui ne compte pas pour 50% comme ceux du
ministère, mais pour 20%, qui contribue à la note de
l'élève et qui nous dise si le programme a vraiment
été suivi. C'est l'objectif principal.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député d'Argenteuil.
M. le député de Fabre.
M. Champagne (Mille-Îles): De Mille-Îles.
Le Président (M. Blouin): M. le député
de Mille-Îles.
M. Champagne (Mille-Îles): Merci, M. le Président.
Je veux saluer les représentants de la commission scolaire
régionale de Chambly qui a présenté un mémoire aux
couleurs de l'espérance. J'avais vu votre premier texte, sous couverture
brune, avec le titre Balkanisation et réduction de services. Cela me
faisait peur au point de départ, mais, ce soir, vous avez teinté
votre discours des couleurs de l'espérance.
Je peux vous dire ma grande surprise de voir la grande conclusion de
votre mémoire à la suite de ce qu'on voit dans certains passages.
J'en lis quelques-uns. À la page 7: "Ainsi, tout le monde s'entend pour
donner plus d'importance et de responsabilités à l'école."
Un peu plus loin: "l'amélioration de la qualité, de la
quantité des services aux étudiants, c'est donc à partir
de ce critère et en tenant compte de notre vécu..." Le
vécu quotidien, pour moi, disons que c'est à l'école. Je
vois et j'en passe. Je remarque l'importance que vous attachez aux
comités d'école et aux comités de parents en page 39: "La
commission scolaire régionale de Chambly favorise le maintien des
comités d'école et de parents. Elle considère, en effet,
important que les parents continuent à faire connaître leurs
besoins et qu'ils soient consultés." Plus bas, vous finissez: "Le
rôle consultatif des parents n'est pas péjoratif, mais de
première importance."
C'est là qu'on arrive à ce que M. Galipeau disait tout
à l'heure. On parlait de chef d'orchestre. C'est bien sûr qu'il y
en a qui vont dire que le chef d'orchestre peut être le ministre de
l'Éducation; le chef d'orchestre peut être aussi le
président de la commission scolaire ou la commission scolaire; le chef
d'orchestre peut être aussi à l'école, le principal
d'école. Le représentant de la Fédération des
principaux d'écoles - ils n'ont pas parlé de chef d'orchestre,
ils ont parlé de capitaine de bateau - disait que le vécu se vit
dans une école dont on connaît les besoins en services. Qu'ils
soient coordonnés, je suis d'accord avec vous. Je pense qu'avec le
projet de loi 40 ce n'est pas une espèce d'improvisation dans toutes les
écoles; il y aura coordination. Vous connaissez les
responsabilités que le projet de loi 40 respecte au niveau des
commissions scolaires.
C'est pour cela qu'en parlant de chef d'orchestre on se demande qui doit
diriger davantage pour avoir la meilleure éducation dans une
école particulière comme telle. C'est cela, la grande discussion
qu'on a depuis deux semaines, depuis même trois semaines autour de cette
table et on en aura peut-être encore pour deux semaines. Votre grande
conclusion, c'est le retrait pur et simple du projet de loi 40.
(22 heures)
D'autre part, vous êtes en faveur de la commission scolaire
linguistique, sans le dire carrément. Vous êtes en faveur d'une
décentralisation vers les écoles à l'intérieur des
lois actuelles, par exemple, mais vous êtes en faveur de la
décentralisation, en faveur de la responsabilisation plus grande des
parents. Vous êtes en faveur de l'intégration du primaire et du
secondaire. Pourtant, vous arrivez à la conclusion du retrait pur et
simple du projet de loi. Moi, j'aurais aimé que vous arriviez avec des
propositions et avec des amendements. Il n'est pas question d'amendements,
même si vous êtes, quand même, en faveur de plusieurs points.
Considérant le dynamisme de votre commission scolaire, vous n'êtes
sûrement pas en faveur du statu quo. Comme membres de la commission
parlementaire, on se demande si ce n'est pas, quand même, brutal comme
conclusion. Dans le projet de loi, n'y a-t-il pas des éléments
positifs? Et ils sont positifs. Je voudrais donc avoir vos commentaires sur ce
que vous endossez. Vous n'êtes sûrement pas en faveur du statu quo,
mais vous demandez le retrait du projet de loi 40.
Le Président (M. Blouin): Mme Vachon-Marcotte.
Mme Vachon-Marcotte: Si vous me le permettez, M. le
Président, c'est, évidemment, beaucoup de questions à la
fois; j'ai essayé de les noter et je vais tenter d'y répondre
aussi. Quand on parle du rôle des parents, je suis, quand même,
assez à l'aise pour en parler. J'ai moi-même fait partie pendant
quatre ans de comités d'école et de parents. J'étais
présidente du comité de parents à ma commission scolaire
locale avant de me présenter comme commissaire. Pourquoi ai-je fait ce
changement à un moment donné? C'est que, après avoir fait
cette expérience aux comités d'école et de parents - que
je trouvais, d'ailleurs, très valable, et je reviendrai tantôt sur
le rôle consultatif que les parents peuvent jouer -j'ai eu envie,
à un moment donné, de voir davantage ce qui pouvait se faire au
niveau de l'administration et je me suis présentée comme
commissaire. Cela fait déjà sept ans et, en plus, je suis aussi
une ancienne enseignante. Je pense que les questions pédagogiques
m'intéressent beaucoup. Si vous regardez les commissaires qui sont ici,
nous sommes quatre également à avoir fait partie de
comités d'école. Notre président n'en a pas fait partie,
mais il est passé dans le système - c'est peut-être aussi
valable, finalement - comme étudiant. C'était un étudiant
de Chambly. C'est peut-être rare comme phénomène. Enfin, on
l'a réchappé un peu.
Quand on dit: J'étais au comité d'école,
je suis devenue commissaire et, tout à coup, cela semble
être moins valable, ce que je peux apporter comme commissaire, c'est
cette espèce d'opposition parent-commissaire. Si je regarde, par
exemple, dans nos commissions scolaires, nous sommes des parents à 75%
et ce n'est pas par accident, c'est parce que les gens s'y intéressent.
Quand le projet de loi dit: On va baisser cela, on va mettre cela à
50-50, là, vous réduisez. Par ailleurs, j'ai trouvé
enrichissant qu'un conseil d'administration soit formé de gens qui
venaient du marché du travail, qui étaient peut-être des
employeurs, qui étaient peut-être des gens qui ont maintenant des
enfants au cégep, à l'université ou sur le marché
du travail, ou peut-être des gens aussi qui, dans deux ans, auront des
enfants qui seront là. Je pense que la richesse d'un conseil
d'administration vient du fait que les expériences de chacun sont
diversifiées. Pourquoi privilégier un groupe? Est-ce qu'au niveau
municipal, par exemple, on va dire: La ligue des citoyens c'est un peu comme
les comités d'école, et les conseillers, c'est autre chose? Je
pense que le rôle des parents est irremplaçable. Il est bien
sûr que leurs préoccupations sont là. Pour avoir
vécu l'expérience, pour avoir soumis à la commission
scolaire certaines préoccupations, l'évaluation des
élèves, par exemple, au niveau des bulletins, les
bibliothèques scolaires et avoir vu que c'est devenu des
priorités de la commission scolaire, je peux vous dire que, lorsqu'on
dit un rôle consultatif, je pense que les comités d'école
et de parents, ce sont des organismes de pression très forts. Essayons
de fermer une école dans un quartier et je vous jure que vous avez une
résistance et c'est très fort. Alors, je ne vois pas pourquoi on
essaie de dire que ce n'est plus bon parce que la personne est devenue
maintenant un commissaire. En plus, les liens que j'ai gardés avec les
gens des comités d'école ont fait que je suis restée
très proche du milieu. Ils savent facilement comment ils peuvent
m'atteindre et je peux aller aussi très librement à
l'école, à leurs réunions, pour les rencontrer. Je pense
que l'éclairage qu'ils peuvent nous apporter est très
nécessaire. On dit, par exemple, que, comme parents, ils n'ont pas
à se plier aux règles administratives, aux contraintes
budgétaires. Ils peuvent bien demander de garder l'école dans un
quartier où il y a peut-être maintenant seulement 200
élèves alors que l'école pourrait en contenir 400 ou 500.
Il reste quand même que, à un moment donné, le commissaire
administre les biens publics et il doit aussi avoir cette préoccupation,
tout en ayant la préoccupation des services à rendre dans le
milieu. On parlait tantôt de l'éducation des adultes. Comment ces
gens-là sont-ils représentés? Est-ce qu'il faudrait des
grands-parents, à un moment donné, au conseil? Alors, sur le
rôle des parents, je pense que j'ai un peu donné la
réponse.
Vous parlez du rôle du directeur d'école, un capitaine.
Vous savez, j'ai essayé de relever les fonctions qui seraient
dévolues à un directeur d'école; je n'ai pas
terminé, parce qu'il y en avait trop. Si vous regardez, par exemple, aux
articles 86, 87, 88 du projet de loi, on donne les fonctions du directeur
d'école. Je ne sais pas si vous avez remarqué le nombre de
comités qu'il est obligé de mettre en place en début
d'année: assemblée pour faire élire les membres de son
comité d'école; assemblée pour faire élire les
représentants des enseignants ou du personnel; aux articles 64, 67, 70,
il faut qu'il assure le suivi de toutes ces réunions-là, qu'il
soit présent. C'est en plus des autres fonctions de l'école,
parce qu'on a parlé tantôt des fonctions éducatives, des
programmes à enrichir. Il peut y avoir de l'enseignement professionnel,
de l'adaptation scolaire, des ententes à négocier, et on a vu que
ce n'était pas facile. Alors, on se demande, à un moment
donné, si vraiment le directeur d'école ne deviendra pas un
administrateur, finalement; il ne sera plus capable d'assumer le leadership
pédagogique, par exemple, de son équipe. Il y a un autre
élément, un directeur d'école peut être
congédié...
Le Président (M. Blouin): Je comprends que vous ayez
beaucoup de choses à dire. Cependant, vous comprenez aussi que nous
sommes limités dans nos débats. Je crois que M. Chagnon a un
complément de réponse à apporter ici.
Mme Vachon-Marcotte: Oui. C'est parce qu'on m'avait posé
plusieurs questions.
Le Président (M. Blouin): Oui. Je comprends que c'est
intéressant, mais vous y répondez peut-être un peu
longuement.
Mme Vachon-Marcotte: D'accord.
Le Président (M. Blouin): M. Chagnon.
M. Chagnon: Quinze secondes à peine, M. le
Président. J'avais dit tout à l'heure que je chercherais à
éviter de prendre la parole, mais le député de
Mille-Îles mentionnait tout à l'heure l'immense travail fait
à la régionale de Chambly, tant au niveau de la
responsabilisation accrue des écoles qu'à tous les autres
niveaux, particulièrement sur le plan pédagogique. Je voudrais
tout simplement mentionner que nous avons fait tout cela dans le cadre des lois
actuelles. Bien qu'effectivement on pourrait rajeunir certaines lois dans le
secteur, la Loi sur l'instruction publique entre autres, nous pensons tout de
même qu'il n'est pas nécessaire de casser la
baraque pour tout cela. C'est tout.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Chagnon. M. le
député de Mille-Iles.
M. Champagne (Mille-Îles): Je demeure, quand même,
convaincu que votre conclusion, elle est grosse à prendre,
considérant qu'il y a beaucoup d'éléments positifs dans le
projet de loi 40. Si on m'accordait un peu de temps, il y a un
élément: lorsque vous parlez de chef de groupe, à la page
28...
Le Président (M. Blouin): Je vous invite à poser
une question précise.
M. Champagne (Mille-Îles): D'accord. Cela
m'intéresse parce que j'ai déjà été un chef
de groupe et c'est un élément pédagogique. Vous parlez du
remplacement de la structure des chefs de groupe par celle des directeurs
adjoints afin d'améliorer l'encadrement des élèves et la
qualité de vie dans nos polyvalentes. Cela veut dire que le chef de
groupe, par essence, doit voir à tous les éléments
pédagogiques d'un département, que ce soit en
mathématiques, en français, en géographie, et les autres.
À un moment donné, le coordonnateur qui fait que la
pédagogie fonctionne dans un département dans une école
donnée, vous l'enlevez pour donner un peu plus d'encadrement aux
élèves. Je peux vous dire que cela me surprend quand même,
cette décision. On préfère peut-être un
élément d'encadrement à l'élément
pédagogique. À moins que vous n'ayez un commentaire, madame.
Mme Vachon-Marcotte: Je pense que nous en avons parlé
aussi dans le mémoire, mais, si vous me le permettez, je demanderais
à M. Alphonse Pundzius, qui est directeur de zone tout en étant
directeur général adjoint, de répondre à votre
question. Je pense qu'il va préciser davantage leur rôle.
Le Président (M. Blouin): M. Pundzius, il s'agit d'une
question précise et j'aimerais que vous y répondiez le plus
succinctement possible pour que nous puissions passer à un autre
intervenant, s'il vous plaît.
M. Pundzius (Alphonse): M. le Président, je pense que
l'arrivée des directeurs adjoints pour remplacer les chefs de groupe
avait comme premier but d'éviter de disperser les forces. Un chef de
groupe qui est en même temps enseignant et à qui on confie
également des tâches d'administration, de gérance, est mis
en situation de conflit. Pendant quelques heures, la semaine, on lui demande
d'être gérant, de prendre des tâches qui, à un moment
donné, peuvent même nuire d'une façon assez sérieuse
à ses confrères à cause des obligations qu'il assume et,
d'un autre côté, effectivement, le lendemain ou quelques jours
plus tard, il a des tâches vraiment d'un enseignant. Alors, on a voulu
enlever cet élément de contradiction à l'intérieur
des deux tâches afin de permettre à l'adjoint de se consacrer
davantage à une coordination des enseignants qui, eux, effectivement,
ont la première tâche d'encadrement.
Je pense que c'est clair que le premier intéressé et celui
vraiment qui fait l'encadrement dans une école, c'est l'enseignant, mais
à l'intérieur d'une structure qui lui permet quand même de
faciliter sa tâche, et l'adjoint avait ce rôle.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Pundzius. Merci, M. le
député de Mille-Îles. Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci. Je voudrais remercier la commission
scolaire régionale de Chambly pour un mémoire, je pense,
très bien préparé et une défense du mémoire
extrêmement convaincante et objective qui fait une démonstration
de l'intérêt que des commissaires d'écoles peuvent porter
à l'éducation dans son ensemble, tout en étant capables
d'intégrer les responsabilités administratives ou
pédagogiques.
La première question que je voudrais poser, c'est au responsable
de l'éducation des adultes. J'aimerais d'abord vous demander, dans
l'optique du projet de loi qui est devant nous, quel rôle pourrait
revenir à l'éducation des adultes, c'est-à-dire le
rôle de la commission scolaire eu égard à
l'éducation des adultes.
Mme Vachon-Marcotte: Je demanderais à M. Claude Desmarais
de répondre.
Le Président (M. Blouin): M. Desmarais.
M. Desmarais (Claude): On est dans la confusion là-dessus
parce que, comme l'a dit le ministre tantôt, on a un article de loi qui
le mentionne. Dans la loi 71, il y avait une timidité, mais il y avait
quand même pour la première fois le mot adulte. Actuellement, on a
ajouté le mot école. Donc, c'est un peu cela qui fait que, dans
le milieu de l'éducation des adultes actuellement, on regarde le
discours qui avait deux pages dans le livre blanc et on regarde l'article 92 et
on reste dans la confusion. On n'a aucune précision sur les
modalités et c'est un peu dans ce sens que les questions du
mémoire sont avancées. Maintenant, peut-être que les
rédacteurs du projet de loi pourraient nous en dire davantage. Les gens
de l'éducation des adultes, actuellement, se posent plus les questions
qui ont été posées depuis plusieurs années. On ne
sait pas trop actuellement où cela s'en va. Plusieurs ministres nous ont
annoncé des politiques. On nous annonce
depuis 1975 qu'on va s'occuper de l'éducation des adultes. En
1977, on a dit: Après le livre vert et les livres qui ont suivi, on
viendra au dossier de l'éducation des adultes. On a eu les renforcements
de 1979. Finalement, le gouvernement a confié ce mandat à un
ministère d'État plutôt qu'à des ministères
sectoriels. (21 h 15)
Maintenant, on est dans une situation où, depuis quelques mois,
ce qui filtre des discours qu'on nous sert au niveau administratif ou au niveau
politique, ce sont toutes sortes de petits changements structurels et tout.
C'est ce qui fait que le milieu de l'éducation des adultes et nous,
à Chambly, on est dans la confusion. L'article 92 ne nous dit rien
là-dessus.
La régionale de Chambly, depuis 1974 ou 1975, avec la
fédération, a réclamé une politique, s'en est
donné une localement, a énoncé ses points de vue sur ce
que devrait être une politique d'ensemble au Québec et a aussi
contribué à faire identifier la problématique. Elle a
présenté un mémoire à la commission Jean, l'a
débattu, etc. Actuellement, on doute de la volonté politique. Je
pense qu'on a énormément d'éléments qui nous font
douter de cette volonté politique.
On regarde les questions fédérales-provinciales qui sont
toujours en suspens sur ce dossier. L'accord fédéral-provincial
se termine en 1985. Le Québec va-t-il revenir à ses
intérêts historiques dans le dossier de l'éducation par
rapport à ce mandat? Si on fait la foulée vers une politique de
main-d'oeuvre et une politique de développement économique, le
Québec ne sera jamais capable de faire sa négociation d'un accord
spécifique à ses intérêts historiques dans le
dossier éducatif des adultes. C'est un peu tout cela qui fait qu'on ne
sait pas trop où on s'en va avec cela.
Mme Lavoie-Roux: C'est moi qui ai peut-être mal
exprimé ma question, quoique c'est fort intéressant, la
problématique que vous apportez à l'égard de
l'éducation des adultes. Mais quel est le rôle que la commission
scolaire peut jouer? Surtout, quel rôle la commission scolaire
joue-t-elle présentement, eu égard au soutien apporté
à l'éducation des adultes et à son développement?
Comme vous le dites, les commissions scolaires ont développé des
services aux adultes qui sont devenus, finalement, un peu comme une
espèce d'appendice, on n'est pas tout à fait sûr où
ils s'accrochent. Mais quel rôle de soutien une commission scolaire
peut-elle apporter? Peut-être que l'éducation des adultes pourrait
tout simplement s'en passer.
M. Desmarais: Pour nous, à Chambly, les débats qui
ont été clarifiés à l'intérieur de notre
politique locale ont énormément précisé cette
clientèle spécifique, les types de services et les modes
d'actions nécessaires pour développer des services de
qualité et en quantité aux adultes. Mais on note aussi que,
depuis trois ans, on a eu énormément de difficultés,
même davantage qu'avant. Avant, on était, quand même, dans
une phase de développement. Depuis trois ans, il y a eu les coupures
budgétaires de 1981 et on a eu une prestation de services qui a
été énormément réduite. On a fermé
des centres. M. Jutras était à ce moment président du
comité fonctionnel de l'éducation des adultes et on avait
étudié le dossier des coupures versus les orientations de
développement, parce que ce que cela nous prend, c'est une politique
d'ensemble pour promouvoir le développement de l'éducation des
adultes et le jeu de l'annualité dans lequel on est continue.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Ryan: J'ai seulement une question technique, M. le
Président. Mme la vice-présidente a mentionné
tantôt que ce document sur la politique d'éducation des adultes
pourrait être remis aux membres de la commission. Y aurait-il moyen qu'on
nous le fasse remettre?
Mme Vachon-Marcotte: Le secrétaire général
pourrait vous en remettre des copies.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Il suffit de
le remettre au secrétariat et nous le ferons distribuer aux membres.
Mme la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: J'ai l'impression que selon les commissions
scolaires le service de l'éducation des adultes peut s'articuler
différemment. Dans ce sens-là, je pense que la demande du
député d'Argenteuil serait intéressante. Cela rejoint
aussi ce que tout le monde pense. Il n'y a pas eu une pensée globale ou,
enfin, cohérente de développée. Chacune des commissions
scolaires y est un peu allée selon ses besoins, selon ses ressources et
selon la dynamique propre qu'elle a développée à l'endroit
de l'éducation des adultes.
M. Desmarais: II demeure un secteur assez centralisé quand
même au niveau...
Mme Lavoie-Roux: C'est cela.
M. Desmarais: ...des règles du jeu: commanditaires
fédéraux, commanditaires provinciaux. C'est un peut tout cela qui
fait qu'on ne sait pas trop où on s'en va. Mais finalement, avec,
malgré tout, très peu de législation - timidité de
ce côté-là l'ensemble des commissions scolaires, depuis
une dizaine d'années, en tout cas, a quand même fait
l'impossible dans cette situation, en quantité et en qualité de
services. Il y a beaucoup de développements originaux et on en est
fier.
Maintenant, je pense qu'il y a un besoin de développer ce
secteur. Actuellement, on n'a pas les supports politiques pour le
développer. Cette marginalité, ce ne sont pas les gens de
l'éducation des adultes qui se la donnent; ce sont plutôt des
structures qui ne s'en mêlent pas suffisamment. Le témoignage que
nous faisons, à Chambly, c'est que, depuis une dizaine d'années
et davantage, les commissaires s'en sont mêlés et on est venu
à bout de clarifier les deux clientèles, les deux missions et de
se donner des modes d'action propre pour développer ce secteur. On
rapporte dans notre mémoire les investissements précis et
concrets que la commission scolaire de Chambly a décidé de faire
en éducation des adultes physiquement, en support, en services
financiers, en services administratifs, au service de l'équipement. On
nous a accordé une école primaire qu'on a recyclée en
centre d'éducation des adultes avec le support de la DGA. Finalement, ce
sont des choses qui se font chaque année.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que la maison des adultes à
laquelle vous faites référence et dont vous venez de parler
pourrait être assimilée à une école au sens
où ceci est prévu...
M. Desmarais: Une école d'adolescents?
Mme Lavoie-Roux: ...au sens du projet de loi.
M. Desmarais: Je ne le pense pas. C'est un centre exclusif aux
adultes, de par son projet de base, de par la décision politique du
projet. Cela a été une décision locale de donner ce moyen
aux adultes de notre territoire. Il n'en est pas question. Le ministère
aussi était d'accord avec cette expérience de centre
exclusif.
Mme Lavoie-Roux: Une seule autre question, parce que mon
collègue de Saguenay veut poser des questions. Dans vos recommandations
qui touchent l'intégration de l'élémentaire et du
secondaire, à laquelle vous êtes favorables, vous faites, quand
même, des mises en garde, particulièrement à 6.18 et 6.19.
"Cette intégration ne doit cependant pas se faire à n'importe
quel prix et surtout pas au détriment de la qualité et de la
quantité des services de l'enseignement secondaire." Vous dites à
6.19: que "soit facilitée cette intégration en assouplissant les
règles prévues pour la faire." Pour ma part, je suis un peu moins
familière avec les problèmes reliés à
l'intégration de l'élémentaire et du secondaire, parce que
j'ai toujours fonctionné dans une commission scolaire où ils
étaient intégrés. Je me demandais si vous pouviez
développer les mises en garde que vous faites à 6.18 et 6.19.
Mme Vachon-Marcotte: M. le Président, il est vrai que nous
avons des réserves et il est important de maintenir un certain niveau.
Disons que les avantages sont les suivants: il y a une seule administration et
le commissaire qui est élu voit à l'ensemble des services pour
les jeunes et les adolescents, et on pourrait dire les adultes aussi.
Évidemment, cela évite de multiplier les réunions. Cela
veut dire que nous avons des réunions à la locale pour le
primaire et des réunions à la régionale pour le
secondaire. L'un des plus grands avantages, c'est peut-être la
possibilité d'une plus grande continuité de services pour les
élèves. Cependant, nous pensons que cela doit se faire et il faut
regarder vraiment ce qui est possible. Peut-être parce qu'on est moins
nombreux à la locale, il y a toujours eu -cela est, d'ailleurs, dans
tout le Québec -intégration. Ce sont toujours les locales qui ont
voulu reprendre leur secondaire. D'ailleurs, en 1979, nous avions fait une
étude et on prévoyait tout un cheminement possible de
consultation des parents et des intervenants. Finalement, nous arrivons
à la conclusion qu'il faut regarder certaines hypothèses, aussi
bien la possibilité qu'il y ait une seule commission scolaire qui
administre à la fois pour la région. Même si on a
parlé tantôt de taille minimale à 20 000, il reste quand
même que, dans une région métropolitaine, cela pourrait
aller -on cite des chiffres à un moment donné -entre 20 000 et 40
000, et peut-être à plus que cela.
Il faudrait regarder aussi deux ou trois regroupements avec
différentes variables. Nous n'avons pas fait de proposition parce que
nous n'avons pas eu le temps. C'est un processus très long; il y a toute
la répartition des équipements. Si vous regardez, il y a un
problème aussi à Chambly. Sur la carte, qui est à l'annexe
1, vous remarquez que beaucoup d'écoles sont dans la région de
Longueuil, tous nos centres pour handicapés, par exemple. Il y a
certaines considérations à regarder. Je ne sais pas si cela
répond à votre question.
Disons que pour les règles administratives on demandait que
toutes les locales soient d'accord pour qu'on puisse mettre en branle le
processus d'intégration. Il fallait l'unanimité. Nous
souhaiterions que ce soit plus souple et qu'il suffise d'une majorité de
commissions scolaires.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la
députée de L'Acadie. M. le député de Fabre.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je voudrais
commencer par prendre le temps de saluer nos invités, les
représentants de la commission scolaire de Chambly. Je vous transmets
également les salutations du député de Vachon que vous
connaissez bien également. Je le fais parce que le député
de Vachon, à cause du temps qui nous est alloué, n'aura pas le
temps d'intervenir.
J'ai eu l'occasion de participer à un colloque que vous aviez
organisé sur la réforme scolaire au mois de mai dernier. J'ai vu
tout le dynamisme qui anime votre commission scolaire. J'ai eu également
l'occasion de participer aux fêtes de votre vingt-cinquième. Il
s'agit d'une commission scolaire extrêmement dynamique et votre
mémoire reflète ce dynamisme parce qu'il est très bien
articulé.
Puisque le temps, malheureusement, ne nous permet pas d'aller
très loin, je voudrais faire porter l'essentiel de mon intervention sur
la question de la décentralisation. C'est au coeur de notre débat
et cela occupe une place importante dans votre mémoire. Je pars de cette
idée que vous proposez dans votre mémoire: le conseil
d'orientation comme formule de rechange à ce qui est proposé dans
le projet de loi 40. Je pars également du fait que les parents qui sont
venus à cette commission parlementaire ont manifesté le besoin,
le désir, que nous allions plus loin que ce qui était
prévu dans la loi 71, c'est-à-dire plus loin que de leur accorder
un conseil d'orientation.
Je retiens également le fait que dans le livre vert, lorsqu'il y
a eu consultation... J'ai ici le rapport synthèse des résultats
de la consultation du livre vert; je lis une citation rapidement: "L'un des
faits saillants qui ressort de la consultation réside dans la
détermination affirmée des parents à faire franchir
à la participation une étape décisive, celle qui
dépasse le stade d'une consultation soumise au gré des humeurs
des agents de l'éducation." Plus loin, de façon plus
détaillée, on parle d'une volonté de
codécision.
Le projet de loi 40 est une formule. M. Galipeau, tout à l'heure,
mentionnait que le projet de loi pourrait poser le principe, mais laisser la
mécanique aux commissions scolaires. Le projet de loi propose un
principe et une mécanique. Mais quel principe? Le principe que ce
conseil d'orientation ou ce conseil d'école - parlons d'une table de
concertation au niveau de l'école - sera décisionnel ou
consultatif. Je pense qu'on parle là d'un principe et non de la
mécanique. Seriez-vous prêts à ce que cette table de
concertation - qu'on l'appelle conseil d'école ou conseil d'orientation
- ait des pouvoirs décisionnels et que ce principe apparaisse dans le
projet de loi 40?
Mme Vachon-Marcotte: Je pense que cela pourrait se faire par voie
de délégation. Il faut tenir compte des milieux. On parle
beaucoup aussi de projet éducatif. Je pense que le rôle qui
était dévolu au conseil d'orientation était
précisément le projet éducatif. Nous pouvons aussi en
parler à la régionale de Chambly. Cependant, il reste quand
même qu'il faudrait s'entendre aussi sur ce que veut dire un projet
éducatif. Je pense que le ministère doit définir... (22 h
30)
M. Leduc (Fabre): Je m'excuse, madame. C'est à cause du
temps. Je comprends votre idée du projet éducatif, il est au
coeur du conseil d'orientation et c'est vrai.
Mme Vachon-Marcotte: C'est cela.
M. Leduc (Fabre): J'ai la loi 71 où on parle de
recommandations: "Le conseil d'orientation est chargé de faire des
recommandations à la commission scolaire, etc." Les seuls pouvoirs dont
il dispose, c'est de faire des règlements pour sa régie interne,
de participer à la mise en oeuvre du projet éducatif, c'est vrai.
Mais, sur le principe d'un conseil, d'une table de concertation avec un certain
nombre de pouvoirs décisionnels, je sais que, quand la
fédération est venue - M. Chagnon était là -elle
était d'accord pour que les fonctions de ce conseil d'orientation ou de
ce conseil d'école soient inscrites dans le projet de loi. Ils
étaient même prêts à aller jusque-là, à
savoir que les fonctions précises soient inscrites dans le projet de
loi.
Quant au principe, seriez-vous d'accord pour qu'on établisse le
principe qu'il y ait un pouvoir décisionnel d'accordé? Peu
importe la mécanique, on pourra y voir après. Cela semble
important parce que c'est la ligne de démarcation actuellement entre
certains groupes. Je ne parle pas de certaines commissions scolaires parce
qu'il y a des commissions scolaires qui sont venues ici nous dire qu'elles
étaient d'accord avec ce principe d'un pouvoir décisionnel
à l'école. J'aimerais que vous répondiez
précisément à cette question compte tenu du peu de temps
dont on dispose.
Mme Vachon-Marcotte: Je pense que nous préférons
parler de concertation et de pouvoirs délégués au milieu.
J'entendais tantôt le comité de l'école FACE et je pense
que c'est un peu aussi ce qu'il réclamait. Pour nous, c'est à
partir de la commission scolaire.
M. Leduc (Fabre): Seriez-vous d'accord
pour que les conseils d'école ou les conseils d'orientation, peu
importe, réclament à la commission scolaire ces pouvoirs
décisionnels? Vous les déléguez, mais c'est le conseil
d'école qui demanderait qu'on lui délègue ces
pouvoirs.
Mme Vachon-Marcotte: Je pense qu'il faudrait tenir compte aussi
des différents milieux et de leur capacité, comme on le
mentionnait tantôt, de s'adapter vraiment et d'absorber. Un conseil
d'orientation peut faire énormément dans l'école. Au
niveau du projet éducatif, pour savoir comment, par exemple, se vivront
telles valeurs qu'on aura privilégiées dans le milieu, le
rôle du conseil d'orientation est vraiment essentiel, je pense.
M. Leduc (Fabre): M. Galipeau, vous voulez ajouter quelque
chose?
M. Galipeau: D'après ce que je vous disais tantôt,
à partir du moment où vous avez délégué des
pouvoirs à un organisme, que vous l'appeliez comité
d'école ou comité d'orientation, il est entendu qu'il aura
à prendre des décisions d'exécution dans le cadre de ce
qu'on lui a délégué. Je ne lui déléguerai
pas plus que ce que j'ai, d'ailleurs, comme les commissaires ne nous
délèguent pas plus que ce qu'ils ont. Pour autant que les
règles du jeu sont bien établies de façon que la
collectivité - je parle de la commission scolaire - ait une coordination
pour qu'il n'y ait pas de malentendus. Que les gens ne s'imaginent pas que,
parce qu'ils s'appellent membres du conseil d'orientation, ils ont tous les
pouvoirs de la commission scolaire. C'est inutile d'y penser. On s'entend
là-dessus?
M. Leduc (Fabre): On s'entend là-dessus, mais on s'entend
pour dire aussi que tous les pouvoirs de la commission scolaire ne sont pas
délégués ou donnés au conseil d'école dans
le projet de loi 40. Il s'agit tout de même de pouvoirs qui s'exercent et
dont les fonctions sont exécutées présentement par
l'école. Il s'agit donc de pouvoirs limités, sous la surveillance
de la commission scolaire, coordonnés par elle.
Sur le principe, si je comprends bien, vous n'êtes pas tout
à fait branché.
M. Galipeau: Oh oui'. Je suis très branché.
M. Leduc (Fabre): Oui?
M. Galipeau: Je suis d'accord avec vous pour qu'on inscrive dans
la loi le principe de la délégation. Pour moi, ce n'est
même pas nécessaire, mais que vous le mettiez peut-être pour
corriger les rébarbatifs qui ne veulent absolument rien
déléguer et qui veulent garder tous les pouvoirs, ce n'est pas
mauvais. Il est évident qu'à partir du moment où vous avez
délégué celui qui reçoit les pouvoirs les
exerce.
M. Leduc (Fabre): Je vous remercie.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Fabre. M. le député de Saguenay.
M. Maltais: Merci, M. le Président. Au nom de mon
éminent collègue de Saint-Henri qui, malheureusement, n'a plus de
temps, permettez-moi de vous saluer et de vous féliciter pour la teneur
de votre mémoire, auquel vous avez consacré beaucoup de temps. Je
suis persuadé que certains membres de cette commission ont
été avantageusement éclairés quant au
fonctionnement des commissions scolaires et des services qu'elles offrent.
Tout à l'heure, le député de Fabre citait certains
passages de la synthèse des résultats de la consultation qui
avait été faite. Je me réfère au paragraphe suivant
celui qu'il a mentionné qui dit: "Beaucoup de groupes de parents
réclament des formes de participation qui vont au-delà de la
consultation. L'insertion codécisionnelle revendiquée ne doit pas
être confondue avec la cogestion intégrale." Je pense que ce
serait aller au-delà du désir des parents d'en arriver à
cette cogestion. Il faut conserver un lien normal d'autorité à
l'intérieur d'une commission scolaire.
En parlant d'autorité, vous avez souligné dans votre
mémoire, à la page 2, l'article 1.1.4, que les
représentants des écoles au conseil d'administration de la future
commission scolaire pouvaient avoir, très souvent, des conflits
d'intérêts. J'aimerais que, brièvement, vous
précisiez un peu cela et j'aurai une autre petite question.
Mme Vachon-Marcotte: On peut quand même facilement dire que
cela peut se produire à différents moments. S'il y a une
négociation entre une commission scolaire locale et la commission
scolaire régionale, ce n'est pas facile pour un commissaire qui est
délégué par ses collègues de cette commission
scolaire de prendre position. Quand il revient dans sa commission scolaire,
parfois, il se fait dire: Écoute, tu as pris telle position et tu
n'aurais peut-être pas dû. Cela n'est pas facile et il n'y a que
six commissions scolaires locales et une commission scolaire régionale.
Imaginez-vous quand il y aura je ne sais combien de membres venant de chaque
école. Peut-être que M. Jutras aimerait compléter ma
réponse.
M. Jutras (Claude): II faut quand même faire attention.
Notre région, par exemple, la rive sud, est relativement grande. Chez
moi, on retrouve carrément des agriculteurs. Vous arrivez dans la
région de Longueuil qui est
relativement industrielle. Imaginez-vous un parent qui partirait de ma
localité et qui aurait à discuter avec une centaine d'autres
parents de problèmes d'une école qui ne les touche pas. Je pense
que c'est excessivement difficile; le conflit est là. Même dans la
loi 40, on n'a qu'à regarder les articles concernant l'engagement du
directeur d'école. On dit: Le personnel est sous la
responsabilité de la commission scolaire. Dans un autre article - il me
semble qu'il s'agit de l'article 83 - on dit que c'est le comité
d'école qui décide de l'engagement du directeur d'école,
sur recommandation de... Il peut quand même, par un vote aux deux tiers,
résilier son contrat. Si cela arrivait, où est ce monsieur
à l'intérieur d'un groupe de cent individus d'une centaine
d'écoles? Que faites-vous avec?
M. Maltais: Comment concevez-vous une commission scolaire, telle
que projetée dans le projet de loi 40, qui, comme la vôtre,
regroupe 20 000 élèves? Comment cela fonctionnerait-il?
Mme Vachon-Marcotte: Tel que proposé dans le projet de loi
40?
M. Maltais: Oui.
Mme Vachon-Marcotte: II y a cinq territoires, cinq commissions
scolaires. Il y en a quatre qui n'ont pas 20 000 élèves. Prenons
celle de Boucherville-Varennes qui serait formée; il y a une
école de premier cycle et une polyvalente. Il n'y a pas suffisamment de
place pour accueillir tous les élèves de ce secteur. Il faudrait
envisager autre chose. Je vous donne un exemple. On dit que le projet de loi 40
veut diminuer le nombre de commissaires. Chez nous, actuellement, ils sont 92
et si je regarde cela, avec le projet de loi 40, on va se rendre à 102,
et peut-être plus, parce qu'à un moment donné Longueuil va
se ramasser avec 40 commissaires si les centres d'excellence ont un
représentant. S'il n'y en a pas, cela fait six de moins. Mais cela fait
plus lourd que 19. Actuellement, ils sont 19.
M. Maltais: Cela fera beaucoup de responsabilités, sans
pouvoirs véritables.
En terminant, M. le Président, je rappelle que le meilleur chef
d'orchestre est celui qui détient les violons. Les violons sont bien
détenus dans Chambly. Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Saguenay. En terminant, M. le député de
Shefford.
M. Paré: Merci, M. le Président. Cela me fait
plaisir d'avoir quelques minutes. Je voudrais en profiter, moi aussi, pour vous
remercier de votre mémoire qui est très intéressant. Je
parle non seulement de la lecture que vous nous avez faite du petit livre vert,
mais des autres aussi qu'on avait eus avant. Je vous félicite parce
qu'on y sent effectivement une préoccupation pour la qualité des
services, donc, pour la qualité de l'enseignement. On devrait,
évidemment, en tenir compte dans le projet de loi afin d'apporter des
réponses à vos préoccupations et à vos
inquiétudes, je pense. C'est justement pourquoi il y a une commission
parlementaire.
Une de vos préoccupations - ce ne sera pas le but de ma question,
mais je tiens à en parler, parce que M. le député
d'Argenteuil en a parlé tantôt - est la taille des commissions
scolaires. On vient encore d'en parler. C'est sûr, et M. le
député d'Argenteuil le disait: Si on écoutait une
cinquantaine de commissions scolaires, ce serait intéressant parce qu'on
pourrait aller au fond des choses, mais, en fonction de la grandeur des
commissions scolaires, si on écoutait les 50, il y en a probablement des
grandes qui viendraient nous donner leur expérience, de plus petites qui
demanderaient à être plus grandes pour donner les mêmes
services ou de plus petites - j'en connais quelques-unes - qui viendraient nous
dire que, même si elles sont petites, elles donnent de très bons
services. J'en connais chez nous qui n'ont pas autant d'écoles
secondaires, mais cela ne les empêche pas de donner à tous les
niveaux, autant au secteur professionnel qu'à l'éducation des
adultes, des services pour répondre aux besoins de la
communauté.
Ma question - je n'en ai qu'une et elle vous concerne - ce sont les
commissaires. Vous aviez une préoccupation dans la présentation
de votre mémoire, celle d'élire le commissaire; le commissaire,
s'il était élu au niveau de l'école - et je pense que
c'est important qu'on en discute - pourrait avoir une préoccupation
plutôt centrée sur la représentation qu'il y a au niveau de
son école et des gens qui l'ont élu. Je ne veux pas revenir avec
l'exemple des députés, on en a suffisamment parlé. Je veux
donner un autre exemple. Je ne sais pas si, à votre commission scolaire,
on l'a vécu, mais je suis sûr qu'on le vit au niveau de certaines
commissions scolaires. Quand on se ramasse dans des commissions scolaires assez
étendues, mais avec de petites municipalités, à certains
moments, il arrive qu'un commissaire soit élu par les électeurs
d'une municipalité ou d'une agglomération et, que dans cette
agglomération, il y ait une seule école. Donc, au départ,
le commissaire est élu pour représenter une municipalité
à la commission scolaire, donc, une école. Peut-être qu'il
y a des commissaires qui l'ont vécu, ici même à la table.
L'inquiétude que vous avez, c'est que le commissaire qui serait
élu au niveau d'une école aurait
tendance à défendre surtout son école plutôt
qu'à avoir une vue globale de la situation de la commission scolaire et
du sujet qui est discuté. Que pensez-vous de cela par rapport à
l'expérience vécue actuellement par les commissaires qui
représentent une école?
Mme Vachon-Marcotte: Chez nous, disons que c'est assez rare parce
que c'est une région un peu spécifique. Peut-être que M.
Jutras pourra compléter la réponse. C'est sûr qu'on ne peut
pas faire de comparaison à cause de la densité de la population
qui est là. Disons que, quant aux commissaires, le problème,
c'est que la personne qui serait élue au conseil d'une école
après cela est déléguée à la commission
scolaire; donc, elle a à répondre de son mandat devant les
membres de ce conseil, elle ne tire pas son mandat de la population. C'est
là que nous voyons une différence.
Le Président (M. Blouin): Rapidement, M. Jutras, s'il vous
plaît.
M. Jutras: J'en suis un. Écoutez, si vous êtes
obligé toutes les deux semaines ou disons tous les mois, au moment
où vous rencontrez votre conseil d'école, de rendre compte de ce
que vous avez décidé à un autre palier la semaine avant,
je pense que c'est très difficile. Si, comme dans mon cas, je dois
rendre compte tous les trois ans à mes électeurs, à savoir
que j'ai bien fait ou mal fait mon travail, je pense que c'est beaucoup plus
facile. C'est très clair que, à un moment donné, je suis
obligé de prendre des décisions et, si j'avais à en rendre
compte la semaine suivante, ma décision serait peut-être beaucoup
plus difficile à prendre. Mais, me disant que, dans un contexte
relativement grand, j'ai à prendre, en trois ans, cinq ou six
décisions qui ne sont peut-être pas très avantageuses pour
mon école, mais qui le sont pour le reste de la population de la
région en général, je me dis: Ma moyenne au bâton
est excellente. Mais si, la semaine d'après, je suis obligé de
répondre et on me dit: Une minute, cette fois-là, tu as
voté contre, quand on t'avait donné un mandat de dire blanc, tu
as dit noir, même si je pense que, dans un contexte régional, je
devais dire noir, je suis drôlement mal pris. Et, à ce
moment-là, on part avec des votes de blâme et tout le reste. Je
pense que c'est très difficile à faire fonctionner.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Jutras. M. Chagnon, en
quelques secondes.
M. Chagnon: M. le Président, je pense que nous sommes
rendus au terme de l'invitation que vous nous aviez envoyée. Je tiens,
au nom de tous les membres du personnel, de tous les étudiants, de tous
les élèves de la régionale de Chambly, de tous ceux qui
nous ont accompagnés ici ce soir, à remercier tous les
parlementaires de l'accueil qu'ils nous ont fait et du sérieux de nos
discussions depuis maintenant deux heures. Je tiens à vous
remercier.
Le Président (M. Blouin): M. Chagnon, alors, je vous prie
de leur transmettre également les remerciements des membres de la
commission pour l'importante contribution qu'ils ont apportée à
nos travaux. Sur ce, donc, je vous remercie encore. La commission
élue permanente de l'éducation ajourne maintenant ses travaux
à demain matin, 10 heures.
(Fin de la séance à 22 h 46)