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(Onze heures quarante-six minutes)
Le Président (M. Blouin): À l'ordre! La commission
permanente de l'éducation reprend ses travaux. Je vous rappelle le
mandat de cette commission qui porte sur l'étude des nouvelles
propositions relatives au régime pédagogique de l'enseignement
collégial.
Les membres de cette commission sont: M. Brouillet (Chauveau), M.
Champagne (Mille-Îles), M. Cusano (Viau), M. de Bellefeuille
(Deux-Montagnes), Mme
Dougherty (Jacques-Cartier), M. Hains (Saint-Henri), M. Laurin
(Bourget), M. Leduc (Fabre), Mme Harel (Maisonneuve), M. Charbonneau
(Verchères), M. Ryan (Argenteuil).
Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Dauphin
(Marquette), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Gauthier (Roberval), Mme
Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Paré (Shefford), M. Rochefort (Gouin) et M.
Sirros (Laurier).
Alors, aujourd'hui, nous devrons interrompre nos travaux à 13
heures précisément, puisqu'on m'indique qu'il y aura, à ce
moment-là, un vote et que la présence des députés
sera requise au salon bleu de l'Assemblée nationale.
M. Ryan: ...12 h 50.
Le Président (M. Blouin): Enfin, aux alentours de 13
heures, m'indique-t-on.
Sans plus tarder donc, nous allons demander à la
Société de philosophie du Québec et à l'Association
des professeurs de philosophie au niveau collégial de bien vouloir
prendre place à la table des invités.
Aux fins du journal des Débats, je demanderais aux
représentants de la société et de l'association de bien
vouloir s'identifier et, ensuite, de nous livrer le contenu de leur
présentation.
Auditions
Société de philosophie du
Québec
et Association des professeurs de philosophie au
niveau collégial
Mme Ayoub (Josiane): M. le Président, M. le ministre, M.
le porte-parole de l'Opposition en matière d'éducation, messieurs
et mesdames les députés, mesdames et messieurs, nous vous
remercions tout d'abord de l'invitation que vous nous avez faite de
présenter le mémoire au sujet du projet de règlement des
études collégiales. Je vous présenterai d'abord les
membres de notre délégation. Moi-même, présidente de
la Société de philosophie du Québec, professeur de
philosophie à l'Université du Québec à
Montréal et directrice du module de philosophie; M. Paul-André
Quintin, premier vice-président de la Société de
philosophie du Québec, professeur de philosophie à
l'Université du Québec à Trois-Rivières et chef du
département de philosophie de l'Université du Québec
à Trois-Rivières; M. Pierre Cohen Bacrie, qui est le
président de notre comité permanent sur l'enseignement de la
philosophie, qui est professeur de philosophie au cégep de Montmorency
et qui est coordonnateur adjoint du département de philosophie du
cégep de Montmorency; mon collègue, M. Bruno Leclerc, professeur
de philosophie au cégep de Rimouski, chef de département du
collège de Rimouski et président de l'Association des professeurs
de philosophie au niveau collégial; M. Jean-François Martineau,
professeur de philosophie au cégep d'Ahuntsic, membre du conseil
d'administration de la société de philosophie au collège
et ancien membre du groupe de travail ministériel pour
l'établissement du programme-cadre des quatre cours communs et
obligatoires de philosophie dans les collèges.
Avant que M. Pierre Cohen Bacrie ne vous lise le mémoire, je vous
présente brièvement la Société de philosophie du
Québec. Je souligne aussi ou je rappelle que les grandes lignes du
mémoire qui suivra ont été adoptées à
l'unanimité par son conseil d'administration lors de sa réunion
du 3 décembre.
La Société de philosophie du Québec compte entre
350 et 450 membres, réguliers, étudiants et institutionnels. Bien
implantée dans les universités et les collèges, avec des
représentants régionaux dans tout le Québec et même
dans les régions francophones des provinces voisines, la
Société de philosophie du Québec publie
régulièrement un bulletin, ainsi que la Revue philosophique.
L'assemblée annuelle a lieu lors du congrès de l'Association
canadienne française pour l'avancement des sciences (ACFAS). Elle tient
également chaque année un colloque
interdisciplinaire avec les sciences humaines.
Au mois d'août 1983, la Société de philosophie du
Québec a été l'une des deux sociétés
hôtesses du congrès mondial de philosophie à
Montréal. Elle fêtera l'an prochain son dixième
anniversaire de fondation.
Depuis plusieurs années, la société a formé
un comité permanent de l'enseignement de la philosophie dont le
président siège au conseil d'administration de la
société. C'est essentiellement sous l'impulsion de son
comité, le CEPH, appuyé à l'unanimité par son
conseil d'administration et ses officiers, que la Société de
philosophie du Québec a dernièrement
réitéré, en les reformulant, ses prises de positions
publiques sur l'enseignement de la philosophie et la place de la philosophie
dans la culture québécoise.
M. Bruno Leclerc, voulez-vous présenter votre
société?
M. Leclerc (Bruno): "Philosophie au collège" est une
nouvelle association fondée à Montréal récemment en
vertu de la partie III de la Loi sur les compagnies et qui vise à
promouvoir et à développer l'enseignement de la philosophie au
Québec. Cette association regroupe tous les professeurs de philosophie
au niveau collégial qui le désirent et compte déjà
150 membres en règle. Également dénommée
Association des professeurs de philosophie du Québec de niveau
collégial, Philosophie au collège est associée de
très près, au niveau du comité organisateur, à la
préparation des états généraux de la philosophie au
Québec, de concert avec la Société de philosophie du
Québec, entre autres. Ces états généraux auront
lieu les 19 et 20 janvier 1984 au Collège du Vieux-Montréal.
Parmi de nombreux participants de renom, citons M. Dominique Lecourt, qui y
représentera le nouveau Collège international de philosophie
créé par le gouvernement français pour développer
l'enseignement et la recherche en philosophie. À propos de ces
états généraux, nous aimerions vous présenter un
dépliant qui présente les grandes lignes de cet
événement.
De plus, "Philosophie au collège" entreprend la publication d'une
brochure contenant des expériences pédagogiques
informatisées concernant le renouvellement de l'enseignement de la
philosophie au collégial en relation avec l'ensemble des
départements de philosophie des collèges publics et privés
représentés à la coordination provinciale de
philosophie.
C'est donc un honneur et un privilège, à notre avis
mérité, pour nos deux associations, d'avoir été
invitées à présenter ce mémoire conjoint à
la commission élue permanente de l'éducation au nom de la
communauté philosophique québécoise. Il est important de
souligner que, malgré la rapidité de convocation de la
présente commission parlementaire, les éléments
constitutifs de ce mémoire ont fait l'objet d'une intense consultation
auprès des départements de philosophie des collèges dont
les délégués, réunis en réunion
extraordinaire de coordination à Québec le 3 décembre
1983, ont approuvé, par un vote majoritaire de l'ordre de 90%, les
recommandations finales.
Le présent mémoire conjoint concerne le projet de
règlement sur le régime pédagogique du collégial
dont les mesures suivantes concernent plus particulièrement la
philosophie et la formation générale des étudiants du
collégial: 1° réduction de quatre à trois des cours de
philosophie communs et obligatoires requis pour l'obtention d'un diplôme
d'études collégiales; 2° introduction, concurremment au DEC,
d'un nouveau diplôme, certificat d'études collégiales ou
CEC à l'intention des étudiants qui le désirent et qui
sont inscrits au secteur professionnel. La formation générale y
est réduite comparativement au DEC et ne comporte plus qu'un seul cours
de philosophie qui ne serait, d'ailleurs, plus obligatoire pour tous les
étudiants. Trosièmement, possibilité nouvelle offerte aux
étudiants de choisir leurs cours complémentaires à
l'intérieur de leur champ de spécialisation ou de concentration.
Cette mesure concerne essentiellement les disciplines des sciences humaines
dont la philosophie fait aussi partie actuellement, majoritairement choisies
pour assurer un complément de formation générale en dehors
du champ de concentration ou de spécialisation des étudiants.
Pour la lecture de l'essentiel du mémoire, je cède la
parole à M. Pierre Cohen Bacrie, président du comité sur
l'enseignement de la philosophie de la société de philosophie qui
avait été chargée de préparer le dossier. M.
Bacrie.
M. Cohen Bacrie (Pierre): Merci. Je commence ma lecture au
chapitre 2, intitulé 8 du mémoire. Le livre blanc de 1978. En
1978 était publié le livre blanc intitulé "Projet du
gouvernement à l'endroit des collèges" et qui visait à
faire le point sur le réseau collégial. Il est remarquable que ce
livre blanc, soumis à la consultation de toutes les instances
impliquées dans le réseau collégial, ne prévoyait
aucunement de réduction du nombre de cours de base obligatoires de
philosophie. Le maintien de la formation philosophique pour tous les
étudiants, qu'ils soient inscrits au secteur général ou au
secteur professionnel, était donc considéré comme un
acquis valable et faisait partie intégrante du projet du gouvernement
à l'endroit des collèges. Cependant, le livre blanc
n'était pas resté
sourd aux critiques qui, ici ou là, avaient pu être
formulées contre la pratique de l'enseignement obligatoire de la
philosophie. Il en avait tenu compte et s'en était fait
l'écho.
Ces critiques disparates et parfois contradictoires entre elles y sont
consignées. Apparaissait donc dans le livre blanc le projet de formuler,
sous l'autorité du ministre, un nouveau programme-cadre pour ces quatre
cours de philosophie afin d'améliorer un enseignement dont, par
ailleurs, le gouvernement ne contestait nullement l'utilité dans la
formation des étudiants.
Le nouveau programme cadre pour quatre cours de philosophie. Ce nouveau
programme-cadre est contenu dans la brochure qui est adjointe vers la
dernière page du mémoire.
Dès 1979, un an après la parution du livre blanc, un
groupe de travail ministériel était constitué avec le
mandat de redéfinir les objectifs visés par les quatre cours de
philosophie en rapport avec les besoins des étudiants. Ce groupe de
travail, constitué d'un universitaire, d'un fonctionnaire du
ministère, d'un cadre pédagogique d'un collège et de deux
professeurs de philosophie du collégial, a effectué un travail
remarquable qui a fait l'objet en 1982 d'une approbation ministérielle.
Conviée à se prononcer sur un travail qu'elle n'avait pas produit
elle-même, la coordination de philosophie, composée d'un
représentant par département de philosophie des collèges
publiques et privés, a accepté de redéfinir le contenu des
quatre cours de philosophie afin d'en réaliser les objectifs. Le
résultat final de ce processus a conduit à la préparation
d'un nouveau programme-cadre pour quatre cours de philosophie accepté
à l'unanimité par la coordination de philosophie et
accepté également par la direction générale de
l'enseignement collégial.
Ce nouveau programme-cadre pour quatre cours de philosophie, qui vise
à améliorer un enseignement de qualité et à tenir
compte des critiques formulées, comporte, comme trait
caractéristique, le souci d'équilibre entre la transmission d'une
tradition culturelle occidentale riche de quelque 25 siècles et
l'actualisation de ses problématiques dans la société
contemporaine. C'est ainsi que chacun des quatre cours de philosophie comporte
une rubrique intitulée: Problématique contemporaine. Notons
particulièrement, parmi les objectifs généraux des quatre
cours de philosophie, le suivant: Assurer une réflexion critique sur les
facteurs socio-économiques, idéologiques et autres qui
modèlent et structurent l'insertion de l'être humain dans son
milieu social, technologique et naturel. Enfin, les quatre cours de philosophie
visent également à former, sur le plan social "des citoyens
éclairés et responsables capables de s'engager dans les grands
débats de la cité". Il s'agit d'un extrait de la
présentation officielle du nouveau programme-cadre pour quatre cours de
philosophie. (12 heures)
Ce nouveau programme-cadre entre en vigueur dès janvier 1984 et
est susceptible d'une application généralisée en septembre
1984. On doit en attendre une meilleure actualisation, une meilleure adaptation
aux besoins des étudiants des quatre cours de philosophie, et tout
permet de l'espérer compte tenu du comportement de la coordination de
philosophie.
Des efforts pédagogiques particuliers sont entrepris pour faire
passer ce programme du papier à la réalité de salles de
cours. Les professeurs de philosophie se sont attelés à cette
tâche et ont entrepris de produire un outil d'implantation
pédagogique sous la forme de publication d'expériences
pédagogiques informatisées en regard des rubriques du nouveau
programme. Le dynamisme, le sérieux et le souci de l'actualisation de
leur enseignement ne font certainement pas défaut aux quelque 800
enseignants de la philosophie au niveau collégial.
La place de la philosophie dans la société
québécoise. Malgré le rôle privilégié
que la philosophie a à jouer dans la formation générale,
il est à remarquer que cette discipline est actuellement totalement
absente de l'enseignement obligatoire jusqu'à seize ans. C'est ainsi que
seuls les étudiants de niveau collégial postobligatoire peuvent y
avoir accès. Il s'agit là d'un manque qui doit faire l'objet
d'une réflexion.
Mentionnons simplement, à ce titre, les travaux de Matthew
Lippman, de l'Institute for the Advancement of Philosophy for Children,
Montclair State College. Plusieurs dizaines de milliers de jeunes
Américains suivent déjà des cours de philosophie dans des
programmes progressifs de l'élémentaire à la fin du
secondaire. Compte tenu des résultats de l'enquête sur la
qualité de l'éducation aux Etats-Unis, cette tendance au
développement de l'enseignement de la philosophie au cours de la
scolarité obligatoire jusqu'à seize ans devrait se
poursuivre.
Pour l'heure, la présence de la formation philosophique est, au
Québec, limitée au collégial pour quelque 140 000
étudiants. Toute réduction entraînerait automatiquement une
réduction de la place de la réflexion philosophique dans notre
société dans les circonstances actuelles.
De plus, comme il n'existe pratiquement pas de profession ou de
métier qui exige une formation philosophique spécialisée,
il serait vain de croire que des étudiants de niveau collégial
choisiraient la
philosophie comme cours optionnel en nombre significatif. Le choix de la
philosophie, aux côtés du français, comme discipline de
formation à l'intérieur du bloc de cours communs et obligatoires
et le maintien du nombre de ses cours sont donc une condition nécessaire
si l'on ne veut pas voir disparaître rapidement cet aspect de la
formation.
Par ailleurs, il y a tout lieu de penser qu'une réduction du
quart ou plus de l'enseignement de la philosophie au collégial
entraînerait un impact négatif sur les départements de
philosophie des universités -perfectionnement des enseignants,
désir de spécialisation des étudiants, interaction des
niveaux. En particulier la recherche aurait à en souffrir. Selon un
rapport rédigé par Mme Letocha, de l'Université d'Ottawa,
une part très importante des publications et des recherches en
philosophie au Québec est assurée par les professeurs du niveau
collégial.
L'impact culturel de la philosophie est également largement
dépendant de sa présence actuelle dans la formation
collégiale. Prenons pour exemple la publication d'un Descartes par les
éditions Hexagone-Minerve qui, dans le cadre de leur collection Balises
ayant pour but de réactualiser dans la culture québécoise,
par un travail de présentation et d'annotation, les oeuvres
fondamentales de la philosophie classique, en ont vendu 4500 exemplaires et
prévoient en publier 12 000 exemplaires. Et cet exemple n'est pas
unique.
On le voit bien, la place de la philosophie dans la
société québécoise est directement
dépendante de son enseignement à un grand nombre de jeunes dans
le réseau collégial; elle y est en quelque sorte proportionnelle.
Et il s'agit d'une spécificité culturelle
québécoise qui, par son insistance sur la philosophie dans la
formation, continue de s'enrichir d'une traduction vivante, constamment
renouvelée et réactualisée.
Importance et actualité des objectifs globaux de formation de
l'enseignement de la philosophie.
La philosophie constitue un espace de réflexion pour les
étudiants du collégial.
Par rapport à ses cours de concentration ou de
spécialisation qui le préoccupent au niveau de sa formation
professionnelle ou pré-universitaire et dans lesquels l'acquisition
d'une compétence spécifique prime nécessairement la libre
réflexion, l'étudiant s'aperçoit assez vite que de bons
cours de philosophie lui permettent, pour la première fois,
d'intégrer une dimension réflexive à sa pensée.
Raymond Aron exprime ainsi, dans ses mémoires, l'effet formateur
des cours de philosophie. "...le travail de la pensée, authentique, sans
aucune comédie, offert à une vingtaine de garçons (de
jeunes), de dix-sept ou dix-huit ans, non un spectacle, mais une
expérience humaine, prit pour quelques-uns d'entre nous une valeur
unique, incomparable. Pour la première fois, le professeur ne savait
pas, il cherchait, pas de vérité à transmettre, mais un
mode de réflexion à suggérer..."
Un peu plus loin, Raymond Aron dit: "...la classe de philosophie m'avait
enseigné que nous pouvons penser notre existence au lieu de la subir et
l'enrichir par la réflexion..." En contact avec un corpus philosophique
théorique où, comme on l'a dit, les questions sont souvent plus
importantes que les réponses et, dans le cadre concret d'une salle de
cours du collège, l'étudiant y voit parfois également le
lieu à partir duquel il peut faire les liens qui s'imposent afin de
s'approprier de façon critique les savoirs qui lui sont
communiqués dans d'autres disciplines.
Il est vrai que la philosophie a souvent fait, au cours de l'histoire,
l'objet des critiques de pouvoirs établis qui la trouvaient, justement,
par trop critique. C'est ainsi, par exemple, que la preuve de l'existence de
Dieu que Descartes tente dans ses Méditations métaphysiques n'a
pas l'heur de plaire à certains théologiens. Arnauld, dans les
quatrièmes objections, écrit à Descartes: "Ceux qui
penchent aujourd'hui vers l'impiété pourraient se servir de vos
paroles pour combattre la foi et la vérité de notre
croyance."
La conclusion d'Arnauld est donc claire: la philosophie (celle de
Descartes) en l'occurrence, malgré ses bonnes conclusions et ses bonnes
intentions, est dangereuse. Dangereuse pour qui? Pour un pouvoir établi
(ici, celui de l'Église à l'époque de l'Inquisition) qui
veut compter sur une fidélité aveugle et qui a peur de se
justifier, peur que, si les gens pensent librement, son pouvoir se trouve
réduit.
C'est, en bref, la crainte des pouvoirs autocratiques ou totalitaires.
Hobbes lui-même, ce philosophe anglais qui rationalisa l'État et
son pouvoir, dut s'exiler. C'est qu'il ouvrait un espace de réflexion
dans lequel, d'ailleurs, s'engouffra, un siècle plus tard Jean-Jacques
Rousseau, pour ne pas aboutir au même résultat.
Au contraire, une société démocratique a tout
à fait intérêt à ce que les citoyens s'impliquent
dans des débats et participent ainsi, par le dialogue, à
définir ensemble un projet de société. La philosophie, qui
remet souvent en question ce qui apparaît comme des évidences,
permettrait ainsi aux citoyens d'acquérir une formation qui donne tout
son sens au fonctionnement démocratique.
Enfin, loin de réduire le champ de l'investigation et de la
réflexion philosophique, le développement de sciences
ne fait que l'augmenter. La certitude de certains résultats
scientifiques n'a de commune mesure qu'avec l'incertitude de questions
ouvertes. Qu'il s'agisse de l'origine de l'univers, de la vie ou du
comportement des particules élémentaires subatomiques, les
esprits formés à la philosophie reconnaîtront, au coeur
même de la science contemporaine la plus avancée, une
réactualisation de débats philosophiques que ce soit entre le
déterminisme d'Einstein et le relativisme de Bohr ou le finalisme contre
la théorie de l'émergence dans la génétique de
Jacques Monod, etc.
Il faut dire que, faute d'une formation philosophique, les citoyens
resteront passifs et peut-être crédules face à une
vulgarisation scientifique qui fait partie de la culture de masse et qui est
elle-même informée d'une option philosophique non explicite
passant alors pour indiscutable parce que scientifique.
Quant au développement technologique, il pourrait donner
l'impression d'une panacée capable de résoudre les
problèmes humains et sociaux. Mais, sans une réflexion
approfondie sur ses limites et les valeurs ou les fins que ce moyen peut
servir, on devait s'attendre à d'amères désillusions. Sans
nécessairement reprendre à notre compte les mots du philosophe
Bergson à propos de la complexification sociale et technique qui
était le suivant: "À ce corps démesurément agrandi,
il faut un supplément d'âme." On dirait, avec plus de modestie,
que, pour un projet de société et dans ce qu'on appelle le virage
technologique, en sus des formations techniques absolument nécessaires,
il serait bon d'y intégrer une formation réflexive de type
philosophique.
Histoire spécifique de l'enseignement de la philosophie au
Québec. Jusque dans les années soixante, la formation
philosophique au Québec a fait preuve d'une remarquable
homogénéité et d'univocité. Dans un milieu social
où les mêmes idées traditionnelles étaient
partagées par de larges couches de la population, cet enseignement avait
sans doute des raisons d'être univoque. Cependant, aujourd'hui, s'il
était resté le même, il serait effectivement tout à
fait inadapté à une société pluraliste.
C'est pourquoi, depuis quinze ans, l'enseignement de la philosophie a
cherché, souvent par tâtonnements, à se renouveler. Le
rapport Lacharité sur l'enseignement de la philosophie dans les
collèges soulignait l'apparition de nouvelles tendances philosophiques
en rupture avec les traditions, mais frappées trop souvent d'une
univocité inverse.
Aujourd'hui et demain, l'enseignement de la philosophie au
collégial présente et va présenter un visage nouveau.
À la suite de la réflexion systématisée depuis le
livre blanc de 1978 et synthétisée dans l'orientation du nouveau
programme-cadre, la pédagogie moderne de la philosophie est pluraliste
et insiste sur la réflexion et la prise de position informée et
critique de l'étudiant. On ne considère plus,
généralement, qu'une théorie philosophique a une valeur de
formation en soi, mais que c'est par la confrontation à plusieurs
théories philosophiques que l'étudiant est amené à
réfléchir personnellement et à s'orienter lui-même
dans son milieu social et culturel. De plus -ce que je peux ajouter au
mémoire - dans une époque récente, les professeurs de
philosophie, lors d'un colloque sur la pertinence sociale de leur enseignement,
se sont prononcés sur la nécessité de se rapprocher des
besoins de formation des jeunes dans notre société et un tel
souci se manifeste dans le nouveau programme-cadre. Ce colloque s'intitulait
"De l'étudiant renaît le professeur possible" et il sera
publié très prochainement dans la revue
Némésis.
Conclusion sur la pertinence de réduire l'enseignement de la
philosophie. Compte tenu de l'analyse qui précède, nous ne voyons
pas ce qui pourrait justifier une réduction de l'enseignement de la
philosophie. Par son rôle dans la formation des étudiants, son
histoire spécifique au Québec, sa place dans la culture et
l'effort considérable de renouvellement pédagogique
matérialisé dans les orientations du nouveau programme-cadre pour
quatre cours de philosophie faisant suite au livre blanc de 1978, la
philosophie n'apparaît-elle pas plutôt comme devant être
maintenue?
Je peux ajouter au mémoire la chose suivante: À aucun
moment, dans le texte de présentation du projet de règlement,
n'est-il question de raisons pédagogiques ou davantage
pédagogiques à la réduction du nombre de cours de
philosophie. Dans l'avis du Conseil des collèges, si le nombre de quatre
est déclaré ne pas être absolu, par ailleurs, aucun
argument n'est exprimé à l'effet de justifier la réduction
d'un cours de philosophie. C'est ainsi qu'une impression pouvait se
dégager qu'il s'agissait seulement de trouver de la place dans un jeu de
blocs sans aucune argumentation ou justification pédagogique. La
réflexion n'a donc pas été faite au niveau du rôle
de la philosophie dans la formation générale et fondamentale et
nous espérons que les quelques pages qui précèdent
pourront y contribuer.
J'aborde maintenant une autre partie du mémoire qui s'intitule:
"Projet du gouvernement de s'assurer que l'un des aspects de la formation
commune et obligatoire porte spécifiquement sur la société
québécoise". En principe, nous sommes d'accord avec l'objectif
visé si c'est bien celui, formulé dans la présentation du
projet de règlement, de viser à affermir l'enracinement des
citoyens dans le tissu
culturel du Québec. Comme l'a remarqué le Conseil des
collèges dans son récent avis au ministre, il ne peut s'agir,
dans le cadre de la formation générale commune et obligatoire, de
cours dont les contenus seraient par trop informatifs plutôt que
réflexifs.
Serait-il déraisonnable de penser que l'enseignement de la
philosophie au niveau collégial pourrait avoir quelque chose de
pertinent à dire sur ce projet, étant donné son souci,
déjà manifeste dans le nouveau programme-cadre, d'actualisation
et de mise en prise de la réflexion philosophique sur notre
société? (12 h 15)
Les formes concrètes prévues pour la réalisation de
cet objectif jusqu'à présent nous semblent inadéquates.
Premièrement, les premières versions du projet de
règlement prévoyaient le remplacement de cours
complémentaires par de nouveaux cours obligatoires d'histoire et
institutions du Québec et d'économie du Québec. Le
résultat de la consultation menée fut clair. Il n'en est plus
question dans le nouveau projet de règlement. Notons, au passage, que se
manifeste ici la difficulté de concrétiser un objectif que nous
aussi trouvons important et que certaines hypothèses de
réalisation ont du être abandonnées pour des raisons
pédagogiques.
La version actuelle du projet de règlement prévoit le
remplacement d'un cours de philosophie par un nouveau cours commun et
obligatoire au choix d'histoire et institutions du Québec ou
d'économie du Québec.
Il s'agit là encore, selon nous, d'une hypothèse de
réalisation qui se heurte à des obstacles pédagogiques
majeurs. En effet, la réduction envisagée d'un cours de
philosophie nous l'avons montré - manque de pertinence
pédagogique.
Par ailleurs, le Conseil des collèges a manifesté
l'évidence en refusant les contenus proposés dans des disciplines
historiques ou économiques qu'il a jugés trop informatifs par
rapport au rôle dévolu au bloc des cours communs et
obligatoires.
La question ouverte ici est donc celle-ci: y aurait-il une alternative
pour réaliser concrètement l'objectif visé de façon
plus satisfaisante eu égard aux intentions mêmes du gouvernement
et à l'équilibre de la formation au collégial?
Forme concrète souhaitable et adéquate pour la
réalisation de cet objectif. Après mûre réflexion,
les professeurs de philosophie en sont arrivés à la conclusion
qu'il importait à la fois de sauvegarder quatre cours de philosophie au
collégial - pour les raisons que nous avons mentionnées aux
chapitres II à VI du présent mémoire - et d'utiliser les
acquis de cet enseignement afin de réaliser l'objectif du
gouvernement.
Positivement, il nous apparaît que l'enseignement de la
philosophie serait particulièrement qualifié pour répondre
au besoin des étudiants de réfléchir sur leur milieu
culturel au Québec.
Un réaménagement du nouveau programme-cadre pour quatre
cours de philosophie est possible pour reformuler les objectifs et le contenu
de l'un des quatre cours de philosophie dans le sens d'une réflexion
philosophique sur des concepts, théories, références
historiques et problématiques contemporaines relatifs au milieu
socioculturel québécois et ce, dans un délai
raisonnable.
C'est, nous le disions dans la présentation de ce mémoire,
à 90% que les délégués des départements de
philosophie des collèges publics et privés, consultés le 3
décembre à Québec après une intense période
de consultation, ont donné leur accord et l'accord de leur
département à une telle alternative. Bien que cette tendance
à réfléchir plus particulièrement sur la culture
québécoise soit déjà présente dans certains
enseignements de la philosophie, nous sommes d'avis que ce serait un
progrès et une incitation à la créativité de
systématiser ces tendances en les précisant dans le cadre formel
de l'un des quatre cours de philosophie.
Il s'agirait alors d'un nouveau tournant et d'un nouvel effort
d'actualisation, dans la foulée de la démarche déjà
entreprise de redéfinition du programme-cadre, qui nous apparaît
pédagogiquement valable et culturellement souhaitable.
Compte tenu de la modification et du renforcement du programme de
formation obligatoire au secondaire qui comporte un cours d'histoire du
Québec et un nouveau cours d'économie, il y a aurait ainsi
avantage à amener les étudiants du collégial à
poursuivre leur formation en ce sens par une réflexion philosophique
dans le bloc des cours communs et obligatoires.
De plus, il y aurait moyen de compléter cette formation
philosophique commune et obligatoire au collégial portant sur la culture
québécoise par l'introduction, déjà prévue,
dans le bloc des huit cours obligatoires du programme des sciences humaines,
d'un cours donné par des disciplines plus spécialisées
comme histoire et économie et qui porterait sur la société
québécoise.
Citons, pour exemple, le thème 4 prévu du nouveau
programme de concentration en sciences humaines qui est déjà
accepté par le service des programmes et qui s'intitule "Le
Québec dans un monde interdépendant". 60% des étudiants
inscrits au secteur général suivent obligatoirement ce cours.
Pour le reste, comme le choix des étudiants pour leurs cours
complémentaires privilégie déjà les sciences
humaines, il y a tout lieu de
penser qu'une bonne proportion des autres étudiants choisiraient
un tel cours comme complément à leur formation acquise dans un
cours de philosophie spécifique sur le Québec.
Cette alternative globale a le mérite de se situer à
l'intérieur des missions respectives de l'enseignement secondaire et de
l'enseignement collégial et du rôle respectif du bloc des cours
communs et obligatoires, du bloc des cours de concentration et du bloc des
cours complémentaires. Pédagogiquement justifiée, cette
recommandation de confier à l'enseignement de la philosophie la
tâche concrète de réaliser l'objectif de formation du
gouvernement comporte également l'avantage de ne pas impliquer de
nouvelles dépenses de fonds publics et peut se prévaloir de
l'accord des premiers concernés.
La formation générale. Au niveau des cours
complémentaires, la formulation retenue dans le projet de
règlement est de nature à permettre aux étudiants de
choisir leurs quatre cours complémentaires à l'intérieur
des disciplines constituant leur champ de spécialisation ou de
concentration. Comme d'autres intervenants, nous estimons que ce serait une
décision allant à l'encontre de l'équilibre
caractéristique du réseau collégial entre la formation
générale et la formation professionnelle ou
spécialisée. Il est essentiel, en particulier pour la formation
dispensée par les sciences humaines, de maintenir plutôt les
balises du régime pédagogique actuel.
Deuxièmement, le nouveau certificat d'études
collégiales ou CEC. Comme d'autres intervenants, nous sommes en
désaccord avec sa forme dans le projet de règlement.
L'inconvénient majeur serait, en effet, d'offrir aux étudiants du
secteur professionnel un mini-DEC ou un DEC tronqué, pour reprendre
l'expression de la fédération des cégeps.
L'objectif du ministère étant, selon nous, d'augmenter
l'accessibilité au réseau collégial plutôt que de
déqualifier la formation assurée par le DEC, il nous semble que
l'obstacle majeur est celui d'identifier une clientèle spécifique
pour ce nouveau certificat; une clientèle qui ne soit pas la
clientèle régulière qui s'inscrit actuellement au DEC.
Actuellement existe un certificat qui ne comprend d'ailleurs aucun cours de
formation générale et qui est offert à l'éducation
des adultes. Sur plus de 100 000 adultes inscrits au réseau
collégial - là je dois corriger ce chiffre d'après les
chiffres cités par le ministre - seulement environ 15 000 - et non pas
5000 à 7000 -poursuivent un DEC. Le deuxième chiffre est beaucoup
plus clair. Il est tiré d'un document produit également par le
service des programmes. À l'automne 1979, sur 13 410 adultes inscrits
à temps plein au secteur général public, seulement 5202
poursuivaient un DEC.
Il en ressort que le certificat répond à un besoin des
adultes qui, dans leur immense majorité et quelque soit leur âge,
exercent un métier. Certains ont une famille et ils ne peuvent prendre
plus de trois ou quatre cours par session, essentiellement le soir.
Évidemment, exiger d'eux que leur accès au collégial se
fasse seulement par l'intermédiaire du DEC peut revenir à exiger
d'eux qu'ils suivent six ou sept années d'études au
collège. Comme le ministère entend maintenir des formes
particulières d'accueil ou d'encadrement pédagogique à
l'intention de l'effectif adulte qui fréquente les collèges -
c'est tiré de la présentation du projet de règlement, page
9 - cette clientèle est facilement déterminable. Donc, il y
aurait lieu d'introduire effectivement dans le règlement un nouveau
certificat qui, tel que prévu, comporte quelques cours de formation
générale et qui serait réservé à cette
clientèle spécifique.
Il faut remarquer que le certificat, dans le projet de règlement,
ne comporte plus un seul cours obligatoire de philosophie pour tous les
étudiants. Alors que deux cours obligatoires de français sont
maintenus, il n'y aurait que le choix entre un cours de philosophie ou de deux
autres disciplines. Dans la mesure où le CEC serait
réservé à l'éducation des adultes, il conviendrait
de réintroduire au moins un cours obligatoire de philosophie et de
supprimer le choix avec deux autres disciplines.
On peut s'interroger enfin sur la pertinence de l'ouverture
envisagée du CEC aux étudiants de l'enseignement régulier
au moment où le réseau des cégeps est une réussite
manifeste. La clientèle est en augmentation. Cette année, plus de
140 000 étudiants réguliers y sont inscrits. Le besoin du DEC et
sa valeur sur le marché du travail, le projet de création des
secondaires VI et VII, la faible différence au niveau des
décrocheurs entre la formation exigée au DEC et au CEC au
collégial nous font penser et soutenir respectueusement que l'ouverture
du CEC des adultes aux jeunes inscrits à l'enseignement régulier
ne se justifie pas actuellement.
Les coûts entraînés par le remplacement
envisagé par le projet de règlement d'un cours de philosophie par
un cours obligatoire au choix d'histoire et institutions du Québec ou
d'économie du Québec. Il est question de recyclage,
envisagé par le ministère, sur cinq ans de 50 professeurs de
philosophie. En intégrant rémunération et avantages
sociaux, au minimum, sur un an, cela reviendrait à 2 000 000 $. Les
rares préretraites ou retraites anticipées coûteraient
quelques dizaines ou centaines de milliers de dollars supplémentaires.
Les quelque 130 ou 140
mises en disponibilité qui resteraient, malgré la
réduction de la sécurité d'emploi à 80% du salaire
la première année et à 50% du salaire la deuxième
année, coûteraient, même avec un étalement sur cinq
ans, plusieurs millions de dollars additionnels. Au total, c'est d'une
dépense de fonds publics additionnels de l'ordre d'une dizaine de
millions de dollars qu'il s'agit et ce, sur une période de mise en
oeuvre de cinq ans.
A contrario, l'alternative ici proposée à la commission
élue permanente de l'éducation et au ministre de
l'Éducation n'entraînerait aucun transfert de personnel et ne
coûterait donc pratiquement rien. Il est évident que la question
des coûts ne devrait pas empêcher le gouvernement de se pencher sur
la formation commune et obligatoire, mais si une alternative - celle que nous
avons développée à la section 3 du chapitre VII du
présent mémoire - permet de réaliser pleinement ces
objectifs, nous estimons que l'économie réalisée n'est pas
un élément qui puisse jouer en la défaveur d'une telle
alternative.
Recommandations en conséquence: Modifications souhaitées
au projet de règlement sur le régime pédagogique au
collégial. Nous nous sommes basés sur le texte du projet de
règlement qui nous a été communiqué.
Premièrement, modification de l'article 14 de la section III du projet
de règlement, page 7; il s'agit des cours complémentaires. Il
faudrait modifier dans le sens suivant: restriction du choix des huit
unités des cours complémentaires à des disciplines
extérieures au champ de concentration ou de spécialisation de
l'étudiant, comme c'est le cas dans le régime pédagogique
actuel.
Deuxième recommandation: modification à la sous-section II
de la section III du projet de règlement, articles 15 à 18, page
8 - il s'agit du certificat: restriction du choix du nouveau certificat pour
l'éducation des adultes, comme c'est le cas dans la pratique du
régime pédagogique actuel.
Troisièmement, compte tenu de la modification
précédente, modification de l'alinéa 2 de l'article 16 du
projet de règlement, page 8: remplacer le texte par le texte suivant:
2e, philosophie ou "humanities": deux unités.
Quatrième et dernière recommandation: modifications
à l'article 9 de la section III du projet de règlement, page 7;
il s'agit du DEC. À l'alinéa 2, mettre le texte suivant, ou
à peu près: 2e philosophie ou "humanities", huit unités,
dont deux unités axées plus spécifiquement sur une
réflexion sur la culture québécoise et supprimer
l'alinéa 3 de l'article 9.
Je pourrais simplement mentionner ici qu'après un contact avec
les représentants des professeurs de "humanities", et en particulier
leur coordonnateur, M. Lian
Phelan-Cox, on nous a demandé de bien vouloir exprimer à
la commission parlementaire, premièrement, l'appui total des professeurs
de "humanities" à la position qu'en tant que philosophes nous vous
présentons ici et, deuxièmement, le fait que les professeurs de
"humanities" vont envoyer dans les jours qui viennent au ministre de
l'Éducation une lettre précisant leur intention de se rallier
à notre position et, effectivement, de penser, à
l'intérieur du programme de "humanities", à la modification de
l'un de leurs cours obligatoires afin de réaliser l'objectif visé
par le gouvernement.
En conclusion, les questions soulevées dans ce mémoire
concernent essentiellement la place de la philosophie dans la
société québécoise, son rôle de formation
dans le bloc des cours communs et obligatoires au collégial, l'effort de
renouveau pédagogique entrepris à partir du livre blanc de 1978
et l'étonnement devant l'absence de raisons d'ordre pédagogique
qui justifieraient une réduction de quatre à trois des cours de
philosophie. (12 h 30)
D'autre part, sensibles à l'objectif du gouvernement d'orienter
l'un des axes de la formation commune et obligatoire au collégial vers
une réflexion spécifique sur la culture québécoise,
nous posons une nouvelle question: Pourquoi ne pas confier aux professeurs de
philosophie qui en ont manifesté explicitement la volonté la
réalisation concrète de cet objectif?
Enfin, qu'il s'agisse des questions mentionnées plus haut ou de
la nouvelle question posée, nous souhaiterions que l'on tienne compte
des enjeux, en ce qui concerne la formation des étudiants, qui sont
déjà ou seront bientôt des citoyens à part
entière, du maintien ou de la réduction de la place de la
philosophie dans l'enseignement collégial au Québec.
En annexe, vous possédez, mesdames et messieurs, une copie du
nouveau programme-cadre pour quatre cours de philosophie.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Bacrie. M. le
ministre.
M. Laurin: M. le Président, j'ai pris un très vif
plaisir à l'audition de ce mémoire ainsi qu'à la rencontre
récente que j'ai eue avec les mêmes représentants de la
Société de philosophie du Québec, rencontre assez longue
où nous avons échangé plusieurs questions et
réponses, autant que plusieurs hypothèses, quant à
l'orientation du régime d'études collégiales.
J'y ai pris un vif plaisir, parce qu'en un temps très bref et
dans une langue parfaite, les membres de la Société de
philosophie non seulement ont tracé un historique très
adéquat de la situation de l'enseignement de la philosophie au
Québec,
mais ont fait valoir également les enjeux et la
problématique qui se posent à nos esprits à cet
égard, à l'heure actuelle.
J'ai retenu en particulier ce que disaient à propos de
l'enseignement de la philosophie les membres de la société. Il
est vrai qu'au Québec, l'enseignement de la philosophie n'a toujours
commencé qu'au niveau collégial, même au temps du
collège classique. C'était peut-être parce qu'à
l'époque, la philosophie était encore tout
imprégnée des idées d'Aristote, reprises par saint Albert
le Grand et saint Thomas, et selon lesquelles l'éthique ne pouvait
être abordée qu'à l'adolescence et à la haute
adolescence, c'est-à-dire au moment où les passions humaines
commencent à se calmer quelque peu et où l'esprit est ouvert
à une autre approche de l'univers. Je pense que c'est dans
l'Éthique à Nicomaque qu'Aristote nous donnait ces conseils. Et
pour l'avoir entendu plusieurs fois, je pense que mes professeurs à
l'époque étaient tout à fait d'accord avec cette
prescription aristotélicienne.
Je suis aussi d'accord pour dire avec la Société de
philosophie que l'enseignement de la philosophie au Québec, du moins
jusqu'à 1964-1965, et même un peu plus tard, était quelque
peu, pour ne pas dire beaucoup, univoque. Conformément à ce
qu'Arnauld répondait à Descartes, on craignait que la philosophie
puisse être utilisée par les contestataires d'une idéologie
aussi bien religieuse que sociale ou politique qui faisait l'unanimité
à l'époque dans ces sociétés, ou presque
l'unanimité. On craignait donc que la philosophie, par son
questionnement, constitue un élément de doute pyrrhonien, mais
d'autant plus dangereux, qui risquerait d'ébranler les fondements
mêmes sur lesquels on était d'accord pour asseoir la
société.
Cependant, cette univocité a disparu rapidement au Québec,
en moins d'une quinzaine d'années. Il reste que ce danger est toujours
présent puisque l'univocité, à la manière d'un
sphinx qui renaît de ses cendres, renaît dès qu'on croit
l'avoir chassée. Vous connaissez sûrement tous les reproches qu'on
fait à l'enseignement de la philosophie qui existe en Russie
actuellement, où on peut sûrement dire que cet enseignement est
univoque et contesté faiblement par les habitants qui y résident,
mais très fortement par ceux qui en constatent les effets à
l'étranger. D'ailleurs, c'est Feuerbach et Marx eux-mêmes qui
dénonçaient l'enseignement de la philosophie dans l'Allemagne de
leur temps puisqu'ils disaient déjà à l'époque que
la philosophie était au service du pouvoir établi. Et même
actuellement, les philosophes français reprochent à
l'enseignement de la philosophie dispensé en France, sinon son
univocité, du moins ses accointances ou ses complicités avec la
conception que l'on se fait du pouvoir. Et ils vont jusqu'à lui
reprocher, sinon sa servilité, du moins sa complicité dans
l'encouragement au maintien des formes traditionnelles de répartition
des pouvoirs. Donc, ceci est pour montrer qu'effectivement, la philosophie,
tout en étant un questionnement, peut très bien, elle aussi,
glisser vers des objectifs qui sont précisément le contraire de
ce qu'elle se fixe comme recherche de la vérité et questionnement
des structures établies.
Vous dites que dans votre nouveau programme-cadre, vous entendez situer
l'enseignement de la philosophie en une sorte de lieu où toutes les
théories pourront être exposées, discutées,
confrontées les unes aux autres. Je m'en réjouis, parce que c'est
bien là, pour moi, l'essentiel de la mission philosophique. J'accepte
aussi avec plaisir que vous disiez que l'enseignement de la philosophie visera
maintenant à questionner, non pas la pertinence ou la
nécessité du développement scientifique ou du
développement technologique extraordinaire que nous connaissons
actuellement, mais à en faire voir les aspects philosophiques implicites
et à en faire voir les dangers aussi pour la conception que l'on peut se
faire de l'homme et de l'aménagement de ses rapports avec l'entourage,
de même qu'avec la mission même de l'homme, qui est un être
de liberté en même temps que de vérité.
Incidemment, je me réjouis énormément de cet effort
que les philosophes ont fait pour améliorer le programme-cadre de
l'enseignement de la philosophie. Je pense qu'il était temps de le
faire, parce que les critiques que contenait le livre blanc à cet
égard, bien que parfois contradictoires ou disparates, étaient
fondées, je pense, en ce sens que, de plus en plus, on se rendait compte
que l'enseignement de la philosophie était devenu, non pas une sorte de
fourre-tout, mais une sorte de lieu tellement vaste qu'on y mettait n'importe
quoi. Cela est peut-être dû, justement, à
l'ébranlement de l'univocité, mais peut-être aussi à
l'effet des conceptions américaines ou anglophones de la philosophie qui
commençaient à prévaloir chez nous.
Comme on l'a vu hier soir, quand on a entendu des représentants
de la Fédération des cégeps, dans nos collèges
anglophones, l'enseignement de la philosophie est quand même beaucoup
plus réduit que ce qui existe dans nos collèges francophones. On
emploie plutôt le mot "humanities" où la philosophie en tant que
telle, en tant que discipline spécifique, n'occupe qu'une très
faible partie. Le reste, les trois autres cours, peuvent être
appelés "de philosophie" en un certain sens, mais sûrement pas au
sens où vous l'entendez, ne serait-ce que parce que la réflexion
est encore plus large et qu'elle fait référence à des
données, à des faits tirés de
la réalité contemporaine, où les faits sont
étudiés en tant que tels et où on ne tente pas toujours
d'en tirer les conclusions plus proprement philosophiques que les cégeps
francophones, en tout cas d'après votre programme, essaieront d'en
tirer.
Donc, quant à ce qui est de la pertinence de l'enseignement de la
philosophie pour la formation générale, quant à ce qui est
de l'amélioration de cet enseignement par une attention plus grande
donnée aux objectifs, par une attention plus grande aussi donnée
aux contenus qui seront maintenant beaucoup plus clairs,
délimités, inscrits dans des séquences logiques et
continues, je suis d'accord et je me réjouis. Mais la question
était et demeure que cette formation fondamentale, cette formation
générale inclut peut-être plus et davantage que ce qui y
est contenu actuellement. Actuellement, c'est le français,
l'éducation physique, la philosophie. En raison même de
l'évolution de nos préoccupations, de nos problèmes
également, il n'est pas interdit de penser que cette conception de la
personne humaine, que cette conception des sociétés où ces
personnes humaines ont à vivre inclut un plus grand nombre d'approches,
de disciplines ou de préoccupations que ce que jusqu'ici la philosophie
a contenu.
D'ailleurs, la Fédération des collèges, la
première association à nous exposer ses points de vue, a fait
valoir qu'il serait peut-être intéressant de revoir l'ensemble des
cours communs et obligatoires. Pour sa part, elle verrait l'utilité
peut-être d'envisager la possibilité d'une nouvelle formulation de
ces cours communs et obligatoires, ce qui amènerait, bien sûr, une
pondération différente des enseignements actuels, français
ou philosophie, et l'addition peut-être d'autres approches ou
enseignements qui pourraient s'avérer opportuns justement en raison de
l'évolution que nous avons connue.
C'est d'ailleurs un peu aussi ce qui se passe dans le monde anglophone
où on se repose des questions sinon sur la conception, du moins sur
l'organisation de ce bloc de cours communs et obligatoires. C'est un peu en
raison de cette préoccupation qu'en 1979 et en 1980, le gouvernement a
fait valoir qu'il était opportun d'ajouter dans la formation
générale un enseignement qui viserait à une meilleure
problématique entre la personne humaine et l'entourage précis,
spécifique dans lequel elles doivent vivre au Québec, ce qu'on
appelait l'enracinement culturel. Cela prenait la forme d'un accent qu'on
voulait mettre sur l'histoire, sur les institutions du Québec,
sur les facteurs économiques au Québec, qui sont très
importants comme éléments de notre problématique et de
notre évolution. Il nous semblait qu'il fallait le faire.
Évidemment, est arrivée tout de suite la question
concrète: Comment le faire? Il ne fallait pas ébranler par trop
l'équilibre du système d'enseignement au collégial et
c'est la raison pour laquelle nous avons d'abord pensé à inclure
cet enseignement dans les cours complémentaires en en réduisant
d'autant le nombre et, devant le tollé que cela a provoqué, aussi
général que le CEC aujourd'hui, nous avons pensé alors
à l'inclure d'une façon différente dans les cours communs
et obligatoires. Comme l'enseignement du français au niveau
collégial est reconnu comme une nécessité absolue par tout
le monde qui en constate actuellement les lacunes ou les dangers de la
façon dont il doit continuer à être enseigné dans
les circonstances aussi bien géographiques et économiques,
où nous sommes, il devenait évident que le seul autre endroit
où nous pouvions le mettre, c'était dans les cours communs et
obligatoires de philosophie, pensant qu'il y avait quand même un lien
à faire entre histoire, institutions, enracinement socioculturel et
philosophie. (12 h 45)
II y avait en tout cas un lien plus immédiat. Là aussi,
évidemment, nous voyons que cela provoque des difficultés. J'ai
suivi de près les protestations des professeurs de philosophie à
cet égard et c'est la raison pour laquelle, dans la rencontre que j'ai
eue avec vous, nous avons échangé quelques hypothèses,
quelques questionnements, et d'ailleurs l'alternative que vous nous
présentez aujourd'hui, j'avais eu l'occasion de l'évoquer comme
une hypothèse que je soumettais à votre réflexion.
Je vois que vous avez travaillé rapidement et bien et que vous
nous arrivez maintenant avec une alternative mieux étoffée et un
engagement surtout où à partir de votre propre
problématique de l'enseignement de la philosophie, vous tenteriez
d'atteindre cet objectif d'enracinement socioculturel tel qu'illustré
par un enseignement.
Pour le moment, je dois dire que je trouve cette alternative très
intéressante. Je ne peux m'engager aujourd'hui à l'accepter mais
je vais sûrement y accorder une très grande attention
souhaitant que je puisse répondre favorablement à votre
position.
Je souhaiterais cependant que, au cas où cette hypothèse
serait acceptée, l'on puisse quand même faire une
référence plus élaborée quitte à ce qu'elle
soit considérée comme sacrilège par certains philosophes,
aux faits, aux données, à l'information qui, après tout,
constituent toujours le soubassement de la réflexion philosophique,
constituent le tuf où elle s'enracine.
Donc, si cette hypothèse que vous nous présentez
aujourd'hui est acceptée, j'aimerais pouvoir communiquer avec vous pour
que l'on puisse, même si je ne suis pas philosophe, dans
l'aménagement qui serait décidé, en arriver quand
même à atteindre, d'une façon
un peu plus marquée, cet objectif que vous avez rappelé et
que je continue de croire extrêmement important.
Pour le moment, M. le Président, je voudrais me limiter à
ces commentaires parce que, sur les autres points qui ont été
soulevés et le CEC, je pense qu'on a déjà entendu des
opinions qui nous font réfléchir et auxquelles ajoute, bien
sûr, la réflexion des philosophes qui va dans le même
sens.
Le Président (M. Blouin): Merci bien. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président. Nous n'aurons pas beaucoup de
temps d'ici le moment où nous serons appelés pour le vote. Je me
demande si ce ne serait pas préférable, peut-être
même, qu'on ajourne ici et qu'on reprenne à 15 heures.
Le Président (M. Blouin): Pour que vous puissiez alors
commencer le débat. Très bien. Alors, ça va. Sur ce, si
vous pouvez être ici à 15 heures.
M. Quintin (Paul-André): Nous, nous avions compris cela
à une heure moins vingt.
Le Président (M. Blouin): Alors la commission élue
permanente de l'éducation suspend ses travaux jusqu'à 15
heures.
(Suspension de la séance à 12 h 49)
(Reprise de la séance à 15 h 12)
Le Président (M. Blouin): La commission élue
permanente de l'éducation reprend donc ses travaux. Immédiatement
après la présentation de ce matin de la Société de
philosophie du Québec et de l'Association des professeurs de philosophie
au niveau collégial, le ministre avait communiqué ses
commentaires et je crois que l'association désirerait brièvement
y réagir.
M. Quintin (Paul-André): Simplement faire une brève
remarque sur un point particulier qui a été soulevé par M.
le ministre et qui me semble important. C'est sur la comparaison qu'il a
commencé à faire entre le style d'approche des "humanities" et la
philosophie francophone ou de type continental, diraient les Européens,
face à la position anglo-saxonne.
Il me semble qu'effectivement il y a une conception différente de
l'interdisciplinarité dans un des mondes culturels en comparaison avec
l'autre. Comme la plupart des Anglo-Saxons se situent à peu près
dans la même tradition empiriste de philosophie analytique ou d'analyse
du langage, ils sont plus capables d'approches de disciplines conjointes sur
des thèmes communs qu'on peut le faire dans la tradition francophone,
où on se préoccupe plus des questions de fondement. Ainsi, les
approches interdisciplinaires du côté de la tradition
française se heurtent toujours à des problèmes et de
langage et de méthodologie et d'approche scientifique.
C'est moins le cas du côté anglo-saxon, compte tenu du
partage de cette approche au niveau de la philosophie du langage qui est commun
à la plupart des gens du côté anglophone.
Cela dit, pour ce qui est de ce que vous avez appelé la
référence à des données, il est évident que,
même dans la tradition francophone, la réflexion philosophique ne
peut commencer que sur la base d'une description déjà
serrée de la réalité, que ce soit de problèmes de
vie quotidienne ou que ce soit de descriptions faites par des sciences
déjà existantes comme la psychologie, la sociologie, les sciences
politiques, etc. Il faut absolument avoir une description serrée de la
réalité avant de reposer les questions philosophiques à
l'aide de cette description de sorte que, théoriquement, il n'y a aucune
contre-indication, je dirais, à la question que vous souleviez quant
à la possibilité de faire de la philosophie à partir d'un
donné plus déterminé dans un champ et tout; il n'y a
aucune contre-indication au niveau épistémologique. Au contraire,
il faut cette description actualisée avec des références
historiques, et mes collègues voudraient vous montrer comment, de
façon plus précise, c'est déjà à
l'intérieur d'une première conception qu'il y a dans le nouveau
programme.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Quintin. (15 h 15)
M. Martineau (Jean-François): Je me contenterai de
souligner que ce n'est pas sans être tout à fait conscient de
l'importance des contenus informatifs dans un cours de réflexion
philosophique sur la société et la culture
québécoise qu'on s'est engagé dans la démarche
qu'on poursuit ici aujourd'hui. D'ailleurs, si on fait référence
au plan-cadre existant, on constatera, par exemple, aux rubriques
Références historiques et Problématique contemporaine,
dans la section "contenu" de ce programme, que c'est une préoccupation
qui nous occupait déjà. Ceci est conforme à une large
partie de la tradition pédagogique, de la pratique pédagogique
existante de sorte qu'on peut déjà s'appuyer sur une banque, que
nous entreprendrons sous peu, de colliger des expériences
pédagogiques et des définitions des objets de réflexion
propres à la culture québécoise.
Finalement, pour ce qui est des modalités de production d'un tel
cours, si
jamais on décidait d'y procéder, il y a aussi une
expérience sur laquelle on peut s'appuyer qui est celle de la production
du plan-cadre qui entre en vigueur en janvier. Les professeurs réunis en
comité pédagogique, samedi dernier, se sont montrés
favorables à toute démarche qui respecterait les
coordonnées et le mode d'interaction entre la coordination et le
ministère en vue de la réalisation d'une telle entreprise.
Le Président (M. Blouin): Cela va? Une voix: Cela
va.
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, il nous a fait plaisir
d'entendre le point de vue de la Société de philosophie et de
l'Association des professeurs de philosophie des collèges. Nous avions
eu l'occasion d'en prendre connaissance à quelques reprises au cours des
derniers mois. Je pense que les premiers contacts auprès du personnel
politique se sont faits le printemps dernier quand on a commencé
à prendre connaissance du projet de règlement qui circulait alors
sous le manteau. Dès ce moment, après avoir entendu les
représentations des professeurs de philosophie et celles en provenance
d'autres milieux, nous avions commencé à insister pour que le
projet de règlement soit soumis à un débat public avant
d'être adopté et institué sous sa forme finale.
Les développements des derniers mois à ce point de vue ont
été plutôt heureux. On peut toujours discuter de
l'échéancier qui a été suivi. Il aurait
été possible peut-être même d'en suivre un meilleur,
mais tout de même on a eu une bonne partie de discussion depuis quelques
jours. Il y en aura peut-être encore au cours des mois à venir.
Chaque fois qu'on accepte de discuter, du point de vue de la cause que vous
défendez, les chances sont meilleures parce que, comme philosophes, vous
êtes censés avoir confiance à la vérité et au
pouvoir de rayonnement de la discussion libre. Je pense que c'est ce qui est en
train de se produire.
Je n'ai pas l'intention de vous faire un exposé le moindrement
étendu sur les mérites de la discipline philosophique pour deux
raisons. D'abord, je pense qu'un exposé suffit dans un échange
où le temps est limité. Deuxièmement, nous aurons
l'occasion de nous reprendre au mois de janvier parce que vous dites, dans ce
dépliant sur les prochains états généraux, que vous
avez transmis une invitation à participer à un panel au ministre
de l'Éducation et au porte-parole de l'Opposition en matière
d'éducation. Je crois vous avoir déjà répondu que
je serai présent. On aura l'occasion de hausser le ton. J'espère
que le ministre pourra accepter également. Cela nous fera plaisir de
reprendre cette conversation dans un climat peut-être plus gratuit que
celui qui doit caractériser nos discussions ici.
J'ai quatre ou cinq questions que je voudrais vous soumettre. Il y en a
une première. Vous avez eu un congrès mondial de philosophie, il
y a quelque temps, à Montréal. Cela a sans doute
été l'occasion pour vous de rafraîchir vos informations sur
la place qui est faite à la discipline philosophique dans les
systèmes d'enseignement de sociétés comparables à
la nôtre. Est-ce que vous pourriez nous faire part des observations ou
des informations que vous avez là-dessus? Est-ce qu'au Québec, au
niveau d'enseignement dont nous parlons la discipline philosophique est
interprétée de la même manière que dans d'autres
sociétés? C'est une première question. J'ai
remarqué que c'est la chose qu'on définit le moins. Il est
beaucoup plus difficile de définir la philosophie, aujourd'hui, que
d'autres disciplines davantage conditionnées par des normes
quantifiables ou mesurables. C'est la première partie de la question.
Est-ce qu'on comprend cette discipline de la même manière dans des
sociétés comparables? Deuxièmement, est-ce qu'on lui
réserve une place supérieure, inférieure ou à peu
près égale dans d'autres systèmes d'enseignement? S'il y a
des différences considérables, pourquoi devraient-elles continuer
d'exister d'après vous?
Le Président (M. Blouin): M. Cohen Bacrie?
M. Cohen Bacrie: Oui. Effectivement, lors du congrès
mondial de philosophie, nous avons eu l'occasion de discuter en particulier
avec des professeurs de philosophie venant de France et nous nous sommes
renseignés sur le sort réservé à la philosophie,
à la suite du projet de réforme qui s'appelait le projet de
réforme Haby, du nom du ministre de l'Éducation à
l'époque et qui visait, dans ce cas, pour d'autres raisons, à
réduire également du quart l'enseignement de philosophie
obligatoire et à rendre optionnel cet enseignement pour une bonne partie
des étudiants. Nous avions appris, à ce propos, que non seulement
cette réforme n'a pas été appliquée, mais, au
contraire, que le gouvernement français a décidé
d'étendre l'enseignement de la philosophie. Comme, jusque-là, il
n'était pas présent dans les collèges techniques, il y a
eu, à ce qu'on m'a dit, introduction de deux à trois heures
d'enseignement obligatoire de philosophie dans les collèges techniques,
ce qui est une nouveauté et qui est récent.
D'autre part, il y a eu la création du Collège
international de philosophie pour développer la recherche et
l'enseignement de la philosophie. Pour ce qui est du lieu de
rencontre culturel entre les philosophes québécois et les
philosophes des autres pays, pour l'essentiel, le congrès mondial a
été un forum très utile et a entraîné une
rencontre. À l'exception peut-être des
délégués soviétiques, on a eu la chance, lors d'un
atelier, d'entendre le délégué d'Ouzbékistan qui
nous a gratifiés du discours suivant: "Nous, en Ouzbékistan, nous
avons des réponses claires et nettes à toutes les questions".
À ce moment, je dois dire que les philosophes québécois
faisaient partie de l'ensemble des philosophes qui ne semblent pas partager
cette perception d'enseignement de la philosophie.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Cohen Bacrie. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Dans les autres provinces canadiennes, est-ce que vous
avez des renseignements sur la situation? Si vous pouviez, en même temps,
nous dire quelle est la différence, d'après vous, entre le cours
de philosophie que nous avons dans les cégeps francophones et les cours
de "humanities" que l'on a dans les cégeps anglophones?
M. Cohen Bacrie: Justement, dernièrement, j'ai
participé à un congrès de philosophes de l'Atlantique qui
avait lieu en Nouvelle-Écosse. À ce propos, nous avons eu droit
à un exposé de Matthew Lippman dont j'ai parlé dans le
mémoire à propos de l'introduction de la philosophie comme
enseignement obligatoire au niveau élémentaire et secondaire. Il
y a des possibilités dans ces régions qui sont si proches des
États-Unis que la philosophie se développe. Jusqu'à
présent, c'est considéré comme un manque. Cependant, il y
a quelques réticences d'ordre culturel dans ces provinces.
Essentiellement, c'est exprimé de cette façon par un haut
fonctionnaire du ministère de l'Éducation de la
Nouvelle-Écosse. La philosophie, dans cette province, est plutôt
de tradition catholique. Les protestants, qui sont aussi majoritaires, n'ont
pas eu de formation philosophique. Ils étaient fort
intéressés d'apprendre de l'expérience
québécoise qu'il pouvait y avoir en effet un enseignement de la
philosophie qui ne se revendique pas nécessairement d'une tradition
religieuse particulière. Ils se sont montrés
intéressés. En somme, il n'y a pas actuellement d'enseignement de
la philosophie au niveau collégial dans la plupart des provinces
anglophones, mais il y a des voies pour l'introduction de la philosophie
à l'enseignement obligatoire.
Le Président (M. Blouin): Oui, M. Quintin.
M. Quintin: Je pourrais simplement noter qu'il est difficile,
à brûle-pourpoint, de faire des comparaisons qui impliquent en
même temps des comparaisons sur l'ensemble du curriculum et les niveaux
mêmes d'études. On ne peut pas facilement comparer le "high
school" avec le cégep, et même les premières années
d'université sont différentes dans un système et dans
l'autre et ont des buts différents. De sorte que, pour faire une
comparaison, il faudrait comparer les deux systèmes au complet, incluant
les niveaux universitaire ou fin du secondaire. Ce n'est pas la perspective que
nous avons prise, en tout cas, pour étudier la question ici, compte tenu
du problème particulier que nous avions à résoudre.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Quintin. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Je voudrais vous demander des précisions au sujet
de la situation où nous sommes présentement. Au cours des deux ou
trois dernières années, les représentants de votre milieu
ont travaillé sous les auspices du ministère de
l'Éducation à la révision en profondeur du programme de
cours obligatoires de philosophie qui existe déjà au
régime des études collégiales. Un nouveau programme a
été élaboré qui, vraisemblablement, a
été approuvé par le ministère. Vous nous disiez
qu'au cours du congrès de philosophie qui a eu lieu à
Montréal, en septembre je crois, on avait distribué cette
brochure qui donne les grandes lignes du programme. Normalement, ce programme
devait entrer en vigueur, si je comprends bien, en janvier et, de
manière plus générale, probablement à compter de la
prochaine année scolaire. Quand avez-vous appris qu'il y aurait un
changement? Et comment l'avez-vous appris?
M. Martineau: Si je peux me permettre de répondre à
cette question, nous avons été clairement mis en face des
nouvelles perspectives il y a environ un an, au moment où la
démarche du groupe de travail et celle du sous-comité concernant
les contenus arrivaient à leur terme. À ce moment-là, des
copies du projet de règlement des études collégiales ont
commencé à circuler qui nous indiquaient clairement qu'il
faudrait probablement se remettre à la tâche sous peu. Cependant,
il convient de reconnaître que les rumeurs à cet effet circulaient
depuis un certain temps et que nous étions conscients de la
précarité de la situation de transition dans laquelle nous avions
à travailler.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Martineau.
M. Ryan: Si je comprends bien, on avait introduit ce changement
dans le projet
de régime des études collégiales, dans le nouveau
règlement, et vous n'en aviez pas été saisis
directement?
M. Martineau: Nous n'avons pas, en tant que groupe de travail ou
en tant que sous-comité au comité pédagogique de la
coordination de philosophie, été saisis de ce projet de
réduire les cours de philosophie de quatre à trois - pas
officiellement, non.
M. Quintin: M. le Président.
Le Président (M. Blouin): Oui, M. Quintin.
M. Quintin: Puis-je simplement rappeler que, dans les nombreuses
tentatives qui ont été faites d'étudier le régime
collégial ou de le modifier - et je pense ici au rapport Roquet; je
pense au rapport Nadeau - aucune de ces approches n'était vraiment
comparable à l'autre. Dans certains cas, on faisait des approches par
comparaisons de type culturel, de type disciplinaire. Dans d'autres cas, on
faisait la comparaison sur une base plus technique. Dans d'autres cas, on
comparait avec les systèmes existants dans d'autres pays ou dans le
monde anglophone, soit canadien, soit américain et qu'il est très
difficile de saisir ou de prétendre qu'il y a vraiment une
continuité, si ce n'est sur certains points globaux de réforme du
régime collégial. Mais, dans chacun des cas, il a fallu reprendre
la discussion, je dirais presque à zéro, compte tenu de la
perspective particulière qui était adoptée à ce
moment-là. (15 h 30)
M. Ryan: Vous êtes au courant - parce que vous y faites
allusion dans votre mémoire - de l'avis qui a été
communiqué au gouvernement par le Conseil des collèges au sujet
de la réduction des cours de philosophie de quatre à trois. Vous
parlez brièvement, au passage, de cet avis dans votre mémoire.
J'aimerais que vous nous disiez, de manière peut-être un peu plus
détaillée, votre réaction devant cet avis du Conseil des
collèges et la critique que vous en faites. J'ai des
arrière-pensées. Vous savez, comme moi, que les
représentants du Conseil des collèges sont présents cet
après-midi; ils témoigneront après vous. J'aimerais que
vous nous disiez peut-être plus clairement que dans votre mémoire,
où c'est peut-être trop implicite, ce que vous pensez de l'avis
qui a été exprimé là-dessus par le Conseil des
collèges.
M. Leclerc: L'avis du Conseil des collèges affirme
précisément, concernant la diminution des cours de philosophie,
qu'il n'y aurait pas de dommages majeurs à réduire les cours
obligatoires de philosophie de quatre à trois. Il invoque à la
défense de cette hypothèse que la division scolastique
traditionnelle des quatre cours de philosophie pourrait souffrir un
réaménagement, disons plus moderne. Nous croyons que la
perception de l'enseignement de la philosophie du Conseil des collèges
est davantage enracinée dans une connaissance de l'histoire de
l'enseignement de la philosophie à ses débuts que dans une
perception claire et complète des pratiques actuelles de l'enseignement
de la philosophie et des nouveaux programmes qui les synthétisent. Nous
déplorons à ce propos que le Conseil des collèges et les
représentants des professeurs de philosophie n'aient pu échanger
à point nommé sur l'actualité de l'enseignement de la
philosophie, compte tenu sans doute des contraintes de travail auxquelles le
Conseil des collèges a été confronté dans la
rédaction de son avis.
Ceci dit, nous tenons à souligner que les enseignants de
philosophie se sont inspirés directement du souci du Conseil des
collèges concernant le maintien de la mission fondamentale des cours
communs obligatoires et du souci d'assurer que les cours portant sur
l'enracinement culturel québécois correspondent à cette
mission. Sous cet aspect, l'avis du Conseil des collèges est donc
intervenu de façon appréciable dans la préparation des
propositions énoncées dans le mémoire que nous vous avons
présenté ce matin et qui ont été raffermies,
notamment à la suite de la rencontre avec le ministre de
l'Éducation.
M. Ryan: Avez-vous bien dit, M. Cohen Bacrie, que le Conseil des
collèges, avant de remettre son opinion au ministre à la fin de
septembre dernier, n'avait pas sollicité d'abord l'opinion des
professeurs de philosophie? Est-ce que j'ai bien compris?
M. Cohen Bacrie: Je pense que je n'ai pas parlé de cela
directement. Cependant, nous avons pris l'initiative au mois de juin d'envoyer
au Conseil des collèges un dossier présentant la situation de
l'enseignement de la philosophie. Toutefois, il est fort possible que le
Conseil des collèges, ayant à se prononcer sur l'ensemble du
document, n'ait pu prendre le temps de reprendre la réflexion sur les
cours de philosophie. Je souhaiterais qu'effectivement il puisse le faire.
M. Leclerc: J'aimerais ajouter que l'envoi de documents à
un groupe de travail tel que le Conseil des collèges est sûrement
significatif, dans un premier temps, mais qu'il serait sûrement utile,
pour bien faire comprendre la pratique de l'enseignement de la philosophie,
qu'il y ait effectivement des rencontres. Je crois que les rencontres
directement avec les personnes impliquées sont irremplaçables
dans ce sens-là. Mais
nous comprenons très bien aussi que le Conseil des
collèges ne puisse faire intervenir tous les individus, finalement, dans
la rédaction d'un avis global sur la réforme de l'enseignement
collégial.
M. Ryan: Si je comprends bien, après l'envoi de votre
documentation en juin dernier, il n'y eut point de rencontre avec le Conseil
des collèges?
M. Quintin: C'est exact.
M. Ryan: Très bien. J'en viens au problème central
qui se dégage de votre mémoire. Vous dites: On pourrait
peut-être envisager la possibilité d'intégrer dans les
cours de philosophie les objectifs du cours -appelons-le de culture
québécoise pour simplifier les choses - qui est envisagé
par le gouvernement. Cela me pose des problèmes et je voudrais que vous
m'expliquiez cela comme il faut. Je vais vous donner deux difficultés
que cela pose, à mon point de vue. À moins qu'on cerne la
réalité québécoise d'une manière assez
directement compatible avec les normes de la discipline philosophique, il me
semble que cela peut être dangereux parce que cela peut devenir
rapidement une espèce de fourre-tout. Je pense que la culture
québécoise, c'est énormément de choses qui seront
comprises à la lumière et avec le concours de plusieurs
disciplines et non d'une seule. C'est toute une partie de la
réalité québécoise qui va se comprendre mieux par
le recours à la discipline économique, le recours à la
discipline historique, le recours à la discipline sociologique, etc.
J'aimerais voir sous quel angle exactement vous allez faire cette
intégration et comment cela pourrait s'intégrer, par exemple,
dans le programme qui a été distribué par le gouvernement.
J'aimerais avoir des exemples concrets de cela.
M. Quintin: Je commencerais - je laisserai la parole à M.
Bacrie ensuite - par dire que, dans le sens même de la remarque que j'ai
faite tout à l'heure, il faut préalablement à une
réflexion philosophique une description rigoureuse d'un certain nombre
d'objets pouvant servir de base à la réflexion. Dans ce cadre, ce
qu'on appelle culture ne doit évidemment pas être limité
à la culture savante au sens des arts et des lettres, cela vise
évidemment à l'organisation générale d'une
société dans tous ses types de production. Faire une étude
de la réalité québécoise signifie, par exemple,
pour poser le problème du pouvoir, évidemment, faire la
description d'un régime parlementaire, montrer comment à
l'intérieur de ce régime parlementaire le pouvoir est
exercé au niveau de l'exécutif, du législatif, et tout.
Tels types de base supposent l'emprunt de connaissances déjà
établies, non pas de connaissances de recherche ou en mouvement, mais de
connaissances, de descriptions déjà faites dans d'autres secteurs
disciplinaires à partir desquelles on pose les problèmes de fond,
mais en mettant l'intérêt cette fois-ci sur les valeurs
sous-jacentes, sur les problèmes fondamentaux d'organisation que cela
pose à l'intérieur d'une société, etc.
Donc, il s'agit de définir un certain nombre d'objets - et cela
peut se faire d'une façon assez précise - et de s'assurer que la
réflexion philosophique porte sur ces objets, part de ces objets, mais
demeure une réflexion philosophique, c'est-à-dire ne vise pas
simplement à accumuler à l'infini les connaissances, mais
à poser les problèmes qui sont sous-jacents à ces
organisations culturelles, que ce soit au niveau de la politique au sens large,
de l'organisation des sociétés, des institutions, que ce soit au
niveau de l'éthique au sens du droit, de l'organisation à
l'intérieur d'une société particulière où
des questions de valeur sont sous-jacentes. C'est à titre d'exemple que
ces connaissances ou ces descriptions d'objets doivent être
utilisées pour la réflexion philosophique.
M. Ryan: Je vous dis que dans... Excusez.
M. Cohen Bacrie: Si vous me permettez, M. le
député, de compléter un peu la réponse à
cette question. Déjà, en 1968, le professeur, dans un article
intitulé "La philosophie au Québec, son passé et son
avenir", concluait de la façon suivante: En résumé, la
philosophie devrait tendre à une perception plus concrète de la
réalité propre du Québec. En politique, nous avons un
besoin urgent de déterminer de façon réaliste ce qui est
nécessaire à notre vie et à notre progrès. Cette
recherche dont le Québec mesure toute l'importance ne peut
déboucher que sur des résultats bénéfiques. Nous
vivons des problèmes qu'aucun autre groupe humain n'a jamais connus avec
la même acuité avant nous et nous pouvons, dans la dignité
et le respect mutuel, trouver des solutions originales qui feront progresser la
pensée politique. C'était en 1968, déjà, la
façon dont le professeur Venant Cauchy voyait le rôle que
pouvaient jouer dans l'avenir les philosophes québécois. Il faut
remarquer que le fait que les philosophes s'intéressent de très
près à leur culture existe dans d'autres pays.
Si je peux me permettre, il m'est arrivé, en lisant le livre de
Jean-Paul Sartre "Questions de méthode", de trouver que la
réflexion qui était contenue sur l'interaction entre la
liberté humaine et les déterminismes sociaux était fort
intéressante. Cependant, il m'a été par ailleurs
impossible de sortir un
extrait de ce texte pour le distribuer aux étudiants, parce que
l'essentiel de la réflexion de Jean-Paul Sartre dans ce livre porte sur
l'expérience de la révolution française.
Il serait donc, à notre avis, très positif et très
important que près de 200 ou 400 philosophes québécois se
penchent sur leur culture actuellement et produisent des textes qui pourraient
être de grande valeur.
Par ailleurs, il y a déjà, comme nous l'avons
mentionné dans le mémoire, un certain nombre d'enseignants de la
philosophie qui, dans le cadre de l'ancien programme, avaient orienté
certains cours vers une réflexion sur la culture
québécoise. Par exemple, il est question, dans un cours que j'ai
ici, qui est un cours 201, de parler de la société
québécoise et de la culture québécoise avec, dans
un premier temps, la société traditionnelle et la culture
traditionnelle, un retour historique et sociologique sur cette
société, la vision religieuse traditionnelle, la vision
philosophico-religieuse traditionnelle avec Mgr Paquet, philosophe et
théologien; ensuite, la société actuelle et la culture
actuelle, l'approche sociologique et historique de la période actuelle,
la culture actuelle, les grandes visions du monde ayant cours dans cette
culture, la vision religieuse, la vision individualiste, les visions
socialisantes, etc. Il y a déjà comme éléments de
base - ce sont même des éléments bibliographiques - en
particulier les oeuvres de Denis Monière, sur le développement
des idéologies au Québec, les Enjeux du référendum,
Pour la suite de l'histoire, celle de Serge Proulx et Pierre Vallières,
Changer la société, celles de Nicole Laurin-Frenette et
Jean-François Léonard... etc.
Nous avons bien conscience qu'afin de répondre à
l'objectif que nous avons accepté du gouvernement, il y aurait lieu de
prendre un tournant et d'accentuer une réflexion sur ces questions. Ce
que je voulais dire, c'est que ces questions ne sont pas
étrangères à la philosophie et au type de réflexion
philosophique qui est prévu dans le programme-cadre.
Je vais citer pour terminer l'un des objectifs qui, d'ailleurs,
s'adresse plus spécifiquement au cours 201, dans ce cas-là, qui
est déjà d'assurer une réflexion critique sur les facteurs
socio-économiques, idéologiques et autres qui modèlent les
structures de l'insertion de l'être humain dans son milieu social. Dans
le cadre du programme, il s'agissait aussi du milieu technologique et
naturel.
Autrement dit, M. le député, nous avons vraiment
l'impression, en formulant cette recommandation, de faire quelque chose de
positif et de poser un geste qui peut entraîner un renouvellement de
l'approche sociale des philosophes québécois et donc, aussi, de
la culture québécoise.
M. Ryan: Si je comprends bien, M. le Président, on
envisagerait plus d'intégrer des éléments qui se
rattachent à la réalité québécoise, autant
historique que sociologique ou idéologique, par exemple, culturelle,
sous chacun des grands chapitres, sous chacune des grandes têtes de
chapitre du programme-cadre.
Par exemple, si je prends le cours 201, l'Être humain et son
milieu, là, il y a une catégorie pour les
références historiques, une autre catégorie pour la
problématique contemporaine. Là, on pourrait insérer
davantage d'éléments qui émanent du sol
québécois finalement, des éléments intellectuels,
spirituels, culturels, etc. Dans les Conceptions de l'être humain, ce qui
décrit le cours 301, vous pourriez faire le même exercice et
j'imagine aussi sous le titre, Éthique et politique. Il ne s'agirait pas
de briser l'équilibre de fond qui s'est dégagé des travaux
de révision des deux dernières années, mais plutôt
d'enrichir le contenu de chacun des grands éléments du
programme-cadre, si je comprends bien, à l'aide de
références plus nombreuses et plus
délibérées, plus systématiquement puisées
à même la culture québécoise.
M. Cohen Bacrie: M. le député, ce que vous
soulignez là peut être effectivement une hypothèse de
travail. Cependant, la structure du programme est en fait de telle sorte que,
pour chacun des cours, un ensemble qui peut être finalement assez
différent de contenu peut correspondre à la réalisation du
cours. Il nous a semblé qu'afin de réaliser l'objectif du
gouvernement, il serait souhaitable qu'un cours en particulier voit
définir l'ensemble de ces contenus dans cette même perspective, ce
qui n'exclut évidemment pas que, dans d'autres cours, il puisse en
être question. Mais, par ailleurs, nous avons bien compris
également qu'il s'agissait de s'assurer que l'un des axes de la
formation générale commune et obligatoire porte
spécifiquement sur le Québec, et je ne crois pas que ce soit - en
tout cas, ce n'est pas notre intention, comme professeurs de philosophie - je
ne crois pas, dis-je, que ce soit l'objectif du gouvernement de se
séparer de la tradition occidentale. Et il y a place également
pour d'autres axes de la formation qui ne portent pas spécifiquement sur
la société québécoise, même si
nécessairement on doit rester informé également, dans
l'actualité, de la société québécoise. (15 h
45)
M. Ryan: Je vous entendais citer des sources tantôt.
J'espère que, si on se rend jusqu'à réaliser l'objectif
qui est discuté, vous élargirez les sources
considérablement, de manière que toutes les dimensions de ce qu'a
pu être et de ce que peut être le passé
québécois soient représentées de
manière plus riche et plus significative. C'est l'une des sources
d'inquiétude... Quand on parle de cela, quand on entend le gouvernement
parler de culture québécoise et d'enracinement dans la
réalité québécoise, cela fait un peu peur parce
qu'on a eu souvent des objections sérieuses contre l'utilisation que le
gouvernement a... Pardon?
M. Laurin: ...auxquelles on pense.
M. Ryan: Je sais bien que le ministre, ce matin, était
plus universel, mais on pourrait citer d'autres de ses écrits qui
l'étaient moins. Mais je pense que c'est une inquiétude qui est
quand même assez répandue. On ne veut pas que les milieux
éducatifs plongent à tête baissée dans le
désir de répondre aux voeux du gouvernement là-dessus. On
veut que ce soit le fruit d'un exercice beaucoup plus libre que cela. Un
objectif de nature politique a été émis qui est
parfaitement acceptable, à mon point de vue, à condition
d'être interprété et d'être réalisé
dans la pratique dans des perspectives très larges. Est-ce que vous
pensez que la famille des professeurs de philosophie peut offrir de bonnes
garanties aujourd'hui là-dessus?
M. Martineau: Si je peux me permettre d'intervenir sur cet aspect
de la question...
M. Ryan: Nous ne voulons pas, en somme, d'endoctrinement
étroit comme il y en a souvent eu.
M. Martineau: Oui. Dans le processus de constitution d'un
plan-cadre, dans les années récentes, l'une de nos
préoccupations constantes a été de produire un document
qui répondrait à la diversité considérable des
attitudes idéologiques, philosophiques et pédagogiques des
professeurs dont nous avons besoin d'aller chercher l'accord avant qu'un cours
puisse être accepté par la coordination provinciale de
philosophie. Je pense que c'est l'existence de cette population de 800
professeurs de toutes origines socioculturelles et de tous les horizons de la
province qui est la meilleure garantie qu'un programme renouvelé ne
pourra, encore une fois, être accepté que dans la mesure où
il est fidèle à la diversité et à la
pluralité des positions philosophiques, politiques et
idéologiques à travers le Québec.
M. Ryan: Très bien. Et pour la connaissance plus
précise des institutions? Vous considérez sans doute que tous les
autres cours qui sont disponibles, par exemple dans les départements de
sciences politiques, de sociologie, d'histoire, etc., peuvent répondre
aux besoins qu'on voudrait satisfaire de ce côté-là?
M. Cohen Bacrie: M. le député, comme nous l'avons
souligné dans notre mémoire, la présence au secondaire de
cours obligatoires d'histoire du Québec et de nouveaux cours
d'économie serait de nature à assurer une base informative
à partir de laquelle l'étudiant pourrait, au collégial,
revenir en termes réflexifs sur une connaissance qui serait d'ailleurs
aussi approfondie dans le cadre du même cours. Par ailleurs, en cours
complémentaires ou en cours de concentration, il y a actuellement 60%
des étudiants inscrits au secteur général qui poursuivent
un DEC qui suivent 12 cours de concentration de sciences humaines et, en
particulier dans la nouvelle définition du programme, il y a des cours
portant sur le Québec, donnés par des disciplines qui ont leur
mot à dire - disciplines historiques et économiques - qui
continueraient, comme dans la formule de régime pédagogique
actuel à former un complément indispensable à la formation
générale assurée par le bloc de tronc commun.
M. Ryan: M. le Président, je pourrais continuer, mais je
pense que j'ai terminé étant donné l'heure. Je voudrais
émettre le voeu que les conversations qui commencent, peut-être un
peu tardivement, entre le milieu des professeurs de philosophie et le
ministère de l'Éducation sur ce point précis, se
poursuivent de manière plus intense et peut-être
accélérée au cours des prochains mois, de manière
qu'on en vienne à une solution qui respecte le plus possible la place
que la philosophie a tenue dans notre système d'enseignement depuis
longtemps et qu'elle doit continuer de tenir dans l'avenir. Je pense qu'on a
entendu des propos ce matin qui sont plutôt dans le sens d'un
rapprochement que dans le sens d'une application littérale du projet qui
avait été conçu sur ce point précis. Le meilleur
voeu que l'on puisse émettre, c'est que le travail se continue dans ce
sens-là et que vous n'oubliiez jamais en cours de route d'informer
l'Opposition, pas seulement quand ça va mal mais aussi quand ça
va bien, parce que cela nous évite de faire des critiques inutiles.
J'ai remarqué aussi les opinions que vous avez formulées
au sujet du certificat d'études collégiales. Je ne veux pas
m'attarder là-dessus. Nous avons entendu beaucoup de ces opinions depuis
deux jours, mais je pense que votre opinion vient s'ajouter à toutes
celles que nous avons déjà entendues. Je faisais le compte avec
un de mes collègues ce matin. Sur sept organismes qui ont exprimé
un avis sur le projet de certificat d'études collégiales, je
pense qu'il y en a sept qui ont émis soit des objections fondamentales,
soit des réserves tellement importantes que ça équivaut,
en pratique, à donner une espèce de signal de prudence et
de retenue au gouvernement, je ne sais si j'interprète
correctement ce que j'ai vu, mais je voulais le signaler avant de vous
interpeller.
M. Martineau: M. le Président... Le Président
(M. Blouin): Oui.
M. Martineau: M. le Président, sur la question du
certificat d'études collégiales, je pense qu'à titre de
professeurs de philosophie, on serait malvenus de ne pas signaler le souci
pressant que nous avons de ne pas voir les étudiants d'orientation
technique exclus ou soustraits directement ou indirectement à la
possibilité d'effectuer une réflexion de fond et d'abord sur leur
propre dignité d'êtres humains libres - je reprends les termes de
M. Laurin - et sur leur insertion dans une société qui est en
évolution technologique extrêmement rapide.
Nous croirions qu'il est extrêmement inquiétant, du point
de vue du sens que nous accordons à notre pratique, que cette partie de
notre clientèle qui, à notre avis, a le plus vif et le plus
pressant besoin d'accéder à un tel niveau de réflexion, en
soit exclue par des mesures administratives.
M. Ryan: Je vous rappelle simplement une de vos recommandations
à la page 5 de votre mémoire où vous dites que, dans
l'idée que vous vous en faites actuellement, le certificat
d'études collégiales devrait continuer d'être
réservé pour le secteur de l'éducation des adultes. On a
toutes sortes de débats sur les termes qu'il faudrait employer pour
définir ces réalités, mais indépendamment de ces
discussions, vous dites que ça ne devrait pas être étendu
sans aucune espèce de discernement, surtout aux étudiants qui
sont au stade de la formation initiale.
M. Martineau: À défaut d'un critère qui
pourrait assurer que ce sont les décrocheurs actuels du système
qui bénéficieraient de ce certificat, il nous semblerait plus
prudent de maintenir la distinction actuelle qui fonctionnne.
Nous sommes très sensibles aux problèmes que posent ces
décrocheurs. Nous croyons, par expérience du contact avec les
étudiants en technique, que c'est un faux postulat que de croire que
c'est l'existence de cours de formation fondamentale et particulièrement
de cours de philosophie qui désincitent les jeunes d'entrer ou de rester
dans le cadre de la formation collégiale et de la poursuite d'un
diplôme d'études collégiales.
Il nous semble, au contraire, que les cours de philosophie
représentent actuellement, dans la formation des étudiants en
technique, un espace dans lequel ils peuvent respirer à un rythme qui
est plus proche de leur démarche intellectuelle d'adolescents qui
abordent la réalité du monde adulte et qui s'apprêtent
à plonger dans le monde politique et dans le monde
économique.
Il nous apparaît que, si une pression existe qui incite les
étudiants à ne pas poursuivre leurs études, elle vient
peut-être bien davantage de pressions exercées à partir des
matières de concentration, qui laissent tellement peu de
disponibilités intellectuelles et de temps à des étudiants
surchargés par ailleurs que les cours de culture sont pour eux
difficiles à poursuivre dans des conditions acceptables. On sympathise
avec eux sur ce plan-là.
Dans ce sens-là, l'existence d'un certificat d'études
collégiales en deux ans qui seraient composées uniquement de
matières de concentration ou de spécialisation nous semble de
nature à créer un contexte éducatif qui imposerait un
rythme d'apprentissage professionnel encore accru aux étudiants sans le
bénéfice d'un espace pédagogique où ils
peuvent penser ou s'exprimer d'une façon plus libre et plus
spontannée.
Le Président (M. Blouin): D'accord.
M. Martineau: D'autant plus que la pression se ferait sur les
professeurs de techniques et de spécialisations enseignant dans le cadre
du certificat des études collégiales pour valoriser ce
diplôme en étant d'autant plus exigeants et plus
sévères à l'égard des étudiants qui le
poursuivraient.
Le Président (M. Blouin): Très bien. S'il n'y a pas
d'autres interventions...
M. Ryan: Merci.
Le Président (M. Blouin): ...je remercie au nom de tous
les membres de la commission les représentants de la
Société de philosophie du Québec ainsi que ceux de
l'Association des professeurs de philosophie au niveau collégial.
Conseil des collèges
Sur ce, j'invite maintenant les représentants du Conseil des
collèges à venir s'asseoir à la table des invités,
tout en signalant que, puisque le Conseil des collèges a
déjà rendu public son avis au ministre il y a quelques mois
maintenant et qu'il a été largement diffusé, il a
été convenu que Mme Blackburn nous ferait une présentation
d'une vingtaine de minutes et qu'ensuite nous pourrions procéder au
dialogue entre les membres de cette commission et les représentants du
conseil.
Pour les fins du journal des Débats,
Mme Blackburn, veuillez bien identifier les personnes qui vous
accompagnent, s'il vous plaît.
Mme Blackburn (Jeanne): Très bien, M. le Président.
Je m'appelle Jeanne Blackburn, présidente du Conseil des
collèges. À ma gauche, M. Laurent Laplante, président de
la commission de l'évaluation; à la droite de M. Laplante, M.
Lelièvre, secrétaire du conseil et, à ma droite, M. Claude
Simard, président de la Commission de l'enseignement professionnel.
M. le Président, comme il a été convenu, je vais
tenter d'être relativement brève, parce que, effectivement, l'avis
du conseil a été largement distribué et les membres de la
commission l'ont eu en main depuis déjà un moment. Je vais
peut-être aussi essayer d'être brève, parce que le nombre
des combattants diminue constamment et que le vendredi après-midi, ce
n'est peut-être pas le moment le plus indiqué pour entreprendre
des débats aussi fondamentaux.
Tout à l'heure, il y avait une question à l'endroit des
professeurs de philosophie, leur demandant si le conseil avait entendu les
professeurs ou s'il avait tenu compte de leur avis. La réflexion du
Conseil des collèges sur cette question du règlement des
études collégiales a été fort longue et pas facile
non plus. Dès les premiers débats du conseil - le conseil a
été créé à la fin de 1979,
c'est-à-dire qu'au début de 1980, le conseil devait
déjà commencer à discuter de cette question du
règlement des études collégiales - on a fait effectuer de
nombreuses recherches. On a examiné également les modes
d'encadrement des activités professionnelles et de la mission d'autres
établissements, des établissements d'enseignement et des
établissements publics également.
Nous avons pris connaissance, systématiquement, de tous les avis
qui ont été remis au ministre de l'Éducation sur cette
question. Évidemment, nous avons pris connaissance également du
mémoire du Regroupement des professeurs de philosophie. C'est donc
à la lumière de ces études, des avis et à la
lumière également de l'expérience des membres du Conseil
des collèges que le conseil a rendu son avis.
Il est peut-être utile de rappeler la composition du Conseil des
collèges: dix-huit personnes dont sept membres sont issus des
collèges. Vous avez là 3 professeurs, des administrateurs membres
de conseils d'administration. Ces personnes ont une excellente connaissance du
réseau collégial. S'ajoutent à ces personnes
également le président de la Commission de l'enseignement
professionnel, M. Simard qui, jusqu'à son arrivée au conseil
était enseignant dans un cégep; M. Laplante qui a
siégé à un conseil d'administration à titre de
conseiller socio-économique, et M. Lelièvre, qui a
été aussi directeur général d'un cégep
pendant plusieurs années et qui a quitté ce poste au moment
où il est entré chez nous. (16 heures)
C'est donc dire que la réflexion du Conseil des collèges
s'est appuyée sur une bonne connaissance du réseau
collégial et on pense, également, sur une bonne connaissance des
besoins de la collectivité.
Le projet de règlement qui est soumis à l'examen de cette
commission est relativement peu volumineux compte tenu de l'importance du sujet
et, de l'avis du conseil, c'est de bon augure.
Le conseil estime que, dans la mesure du possible, on devrait
réduire, adopter davantage des règlements-cadres plutôt que
des règlements allant dans tous les détails d'une
activité, qu'elle soit pédagogique ou administrative, dans les
collèges.
On aurait pu craindre qu'un règlement trop volumineux
confère au régime pédagogique une stabilité,
peut-être même une rigidité qui rendrait difficile une
adaptation aux besoins tant des étudiants que de la
société.
Le conseil se réjouit de ce fait que le règlement soit
relativement peu volumineux et voit en ça une réponse favorable
à l'invitation qu'il faisait au ministre lors d'avis
précédents, d'éviter une trop grande ingérence du
ministère de l'Éducation dans la gestion interne des
collèges.
Le conseil n'a pas examiné article par article le projet de
règlement des études collégiales; il ne s'est donc pas
attardé sur les modifications qui lui apparaissaient mineures ou encore
sur les articles sur lesquels il était favorable.
Le projet qui nous est soumis ne modifie pas profondément la
nature, le nombre, la substance même, le fondement de la structure des
programmes. C'est la même structure des programmes, le même
équilibre entre les cours, le même objectif de formation, le
même rapport entre les cours de formation de type général
ou fondamental.
Quant aux changements proposés, le Conseil est d'accord, comme on
l'a dit dans notre avis, en principe sur une participation plus grande des
collèges à la certification, la non-différenciation des
clientèles jeunes et adultes, la reconnaissance des acquis, une marge
d'interprétation plus large laissée aux institutions pour
l'admission des étudiants, l'obligation faite aux collèges de se
doter d'une politique institutionnelle d'évaluation des apprentissages
et, enfin, le fait que le régime pédagogique prenne la forme d'un
règlement.
Voyons maintenant les objectifs du ministère. Les commentaires
qui accompagnent le règlement sur le régime
pédagogique dégagent un certain nombre d'objectifs que le
ministère entend, par différents moyens, favoriser. Ces objectifs
sont une accessibilité plus grande, une décentralisation dans un
ensemble cohérent et une affirmation des droits des
étudiants.
Le conseil est d'accord avec ces objectifs évidemment, mais
propose certaines mesures susceptibles d'en favoriser l'atteinte.
L'accessibilité. Depuis leur création, les collèges
ont contribué à relever de façon remarquable le niveau de
scolarisation des Québécois. Comme on le rappelle dans l'avis,
ils étaient à ce niveau environ 56 000 étudiants en 1967
et aujourd'hui vous en avez plus de 147 000. Il y a environ 110 000 adultes
alors qu'ils étaient quelques milliers en 1967. On peut penser que, si
là on a fait beaucoup, il reste quand même des entraves, des
contraintes qu'il faudrait lever.
Le projet propose différentes mesures: un assouplissement dans
les conditions d'admission, une reconnaissance officielle des acquis, une
certification diversifiée et l'unification des clientèles.
Jusqu'ici, les candidats à l'enseignement régulier
devaient être titulaires d'un diplôme d'études secondaires
ou d'un diplôme jugé équivalent. Il y a une modification
qui est proposée, c'est qu'ils aient une formation jugée
suffisante.
Le conseil, afin d'éviter l'arbitraire dans l'évaluation
de la formation jugée suffisante et d'éventuelles contestations
des candidats mécontents, propose que les collèges
établissent un règlement local sur cette question.
Donc, l'article du règlement devrait être modifié
pour se lire ainsi: "Être titulaire d'un diplôme d'études
secondaires ou d'un diplôme jugé équivalent par le ministre
ou, à défaut, satisfaire aux exigences établies par un
règlement du collège sur ce sujet".
L'utilité, voire la nécessité d'un tel
règlement local semblerait être d'autant plus réelle que
c'est la meilleure garantie que la clientèle peut avoir,
particulièrement la clientèle adulte, que cet assouplissement
dans les conditions d'admission sera réellement mis en application.
La reconnaissance officielle des acquis. L'article 27 du projet propose
que le collège peut accorder une équivalence lorsque
l'élève démontre qu'il a atteint, par sa scolarité
antérieure ou par sa formation extrascolaire, les objectifs du cours
pour lequel il demande une équivalence. On sait que la reconnaissance
des acquis scolaires est déjà acceptée dans le
réseau, bien qu'on puisse s'interroger sur ce qui en est par rapport
à la reconnaissance des acquis scolaires, des détenteurs d'un
diplôme d'enseignement professionnel. Les collèges n'ont souvent
pas, un peu comme les universités dans le cas des collèges
probablement, tendance à accorder beaucoup de crédits à la
formation professionnelle dispensée dans les écoles
secondaires.
Pour sa part, la reconnaissance officielle des acquis extrascolaires ou
non scolaires, actuellement, n'est pas reconnue dans les collèges. Cette
reconnaissance des acquis non scolaires, réclamée depuis de
nombreuses années par les éducateurs d'adultes, en particulier,
trouve enfin sa place dans un règlement des études
collégiales, et c'est heureux. Mais il y a risque de voir cette mesure
rester au niveau des intentions si on ne prend pas les moyens
nécessaires pour en assurer l'application. En effet, si les instruments
de mesure pour évaluer la formation jugée suffisante sont peu
nombreux, dans le cas de la reconnaissance des acquis non scolaires, ils sont
inexistants. Et une certaine résistance du milieu n'est pas
étrangère à ce fait. Ces instruments ne sont pas faciles
à fabriquer, il est vrai, mais d'autres pays l'ont fait. Aussi est-il
nécessaire de mettre en place les moyens permettant de s'assurer que cet
article du règlement soit réellement mis en application.
Le Conseil des collèges recommande donc au ministre de
l'Education de prendre rapidement des mesures pour que le ministère et
le collège élaborent un modèle opérationnel de
reconnaissance des acquis non scolaires et que la gestion de ce modèle
soit placée sous la responsabilité d'un organisme relevant des
collèges eux-mêmes.
Selon le conseil, mis en application, cet article fera plus pour les
adultes et les autodidactes que toute autre mesure. On peut penser qu'un
candidat qui fait évaluer ses acquis pourra non seulement réduire
la durée de ses études, mais également poursuivre des
études selon le profil qui tient compte de ses expériences
antérieures. De même, les candidats pourront, en vertu de cet
article du règlement, exiger que l'on évalue leurs acquis
scolaires et non scolaires. À la limite, pour cette seule raison, qui en
est une d'équité, on pourrait penser qu'il vaudrait la peine de
se donner un règlement.
Le régime pédagogique actuel prévoit un certain
nombre de certifications, le DEC général des professionnels, le
certificat qui est réservé aux adultes et des attestations
d'études collégiales. Les attestations d'études
collégiales sont autorisées et c'est aussi un programme
ministériel. Le projet qui est soumis à notre attention propose
les modifications suivantes: l'ajout d'un DEC sans mention, d'un certificat et
des programmes d'établissement, de même qu'un diplôme de
perfectionnement.
Le DEC sans mention. Bien que les diplômes d'études
collégiales sans mention ne soient pas tout à fait conformes
à l'esprit du régime pédagogique proposé, le
Conseil des collèges est d'accord avec son introduction,
qui peut permettre de répondre à des besoins
spécifiques, notamment à des besoins d'une clientèle
adulte. On devra toutefois s'assurer que les étudiants qui postulent un
tel DEC soient bien informés des conséquences, en particulier
s'ils veulent poursuivre des études universitaires.
Certificat d'études collégiales. Il y a actuellement dans
le régime pédagogique du collégial, un certificat qui,
comme vous le savez, est composé exclusivement des cours de la
spécialité. Ce qui est proposé dans le projet, c'est un
certificat modifié qui serait accessible tant aux jeunes qu'aux adultes.
Pour vous présenter la position du conseil, avec votre permission, M. le
Président, je demanderais à M. Simard de le faire.
Le Président (M. Leduc, Fabre): M.
Simard.
M. Simard (Claude B.): M. le Président, il serait sans
doute important de rappeler la position du Conseil des collèges
concernant le certificat d'études collégiales. Dans son avis sur
le projet de règlement d'études collégiales, le conseil
indique son désaccord quant au contenu du certificat, contenu qui, selon
l'aspect où on le regarde, a trop ou trop peu de contenu.
On peut résumer la position du Conseil des collèges de la
façon suivante: D'abord, on propose l'exclusion du projet de
règlement de tous les articles relatifs au certificat, le recours aux
articles 21 et 22 du projet de règlement qui ont trait aux attestations
d'études collégiales et une amélioration du bulletin
cumulatif uniforme afin qu'il présente de façon plus claire et
plus détaillée l'état de la formation acquise en regard du
diplôme d'études collégiales.
Cette prise de position, aux yeux du conseil, semble logique et
cohérente. En effet, en se référant aux commentaires qui
accompagnent le projet de règlement, on peut retrouver les raisons qui
ont amené le ministère à proposer de tels programmes
sanctionnés par un certificat d'Etat. Il considère que ce
programme plus court constitue une nécessité pour la
clientèle adulte, répond davantage aux besoins des
décrocheurs, il augmente les taux de rétention aux études
collégiales et attire une clientèle de jeunes absents des
cégeps, étant réticents à poursuivre des
études après avoir obtenu un diplôme d'études
secondaires.
Donc, le ministère choisit un seul moyen, soit le certificat
d'État, pour satisfaire à la fois une clientèle adulte
diversifiée dans ses besoins comme dans ses caractéristiques
d'emploi, une clientèle potentielle de jeunes qui n'accèdent pas
aux études collégiales et, enfin, une clientèle de jeunes
qui semblent se désintéresser des études
collégiales et qui décrochent. Le conseil n'est pas d'accord avec
le ministère.
On peut examiner brièvement le cas de la clientèle adulte.
Le certificat d'État existe pour les adultes depuis plusieurs
années. Il est d'ailleurs utile ici de mentionner tout de suite qu'il
existe depuis le même temps pour les décrocheurs, étant
donné que la distinction administrative entre les jeunes et les adultes
permettait aux décrocheurs d'avoir accès au certificat
après une année de décrochage. Or, à l'examen des
quelques statistiques relatives au certificat, on se rend compte que ce
programme plus court n'a pas été l'objet d'un achalandage
considérable. Ainsi, de 1970 à 1980, un total d'environ 6100 CEC
ont été émis, ce qui représente autour de 600 CEC
par année. De ce nombre, 2900 CEC ont été émis en
techniques infirmières, 1000 en techniques administratives et 300 en
techniques d'éducation spécialisée.
À première vue, ces chiffres peuvent paraître
considérables. Depuis ces dernières années, cependant, ces
programmes conduisant à un certificat connaissent un réel
déclin, malgré l'augmentation des clientèles dans les
collèges. Ainsi, en 1981, ils ne représentent plus que 1,6% de
tous les diplômes accordés. De plus, une chute de 12% des CEC
délivrés a été enregistrée entre 1980 et
1982, passant de 573 à 503. On peut conclure que cette baisse
considérable de popularité indique sans doute que le certificat
répond de moins en moins aux besoins diversifiés de la
clientèle adulte.
Or, l'application de l'article 27 concernant la reconnaissance des
acquis scolaires et non scolaires amènera la clientèle adulte
à se désintéresser encore davantage dans les prochaines
années du certificat étant donné que l'obtention d'un
diplôme leur sera facilité. Le Conseil des collèges
considère comme très important cet article 27, étant
convaincu qu'il s'agit là d'une innovation majeure et d'un outil de
simple équité pour les adultes. Il ne peut ici qu'insister encore
sur l'urgence de développer les mécanismes et de créer les
instances afin que l'on puisse rapidement, en ce domaine, passer du discours
à la pratique.
Toujours durant les dernières années, une augmentation
marquée, par contre, des attestations d'études collégiales
laisse supposer à bon droit qu'il y a eu un glissement important des
clientèles des programmes de certificat vers des programmes
d'attestation, ce qui, par voie de conséquence, indique que les
attestations répondent mieux aux besoins des adultes. Ainsi, en 1980 et
en 1981, il y a eu d'émis deux attestations pour un CEC. La
clientèle adulte des collèges, avons-nous dit, est
diversifiée dans ses besoins comme dans ses caractéristiques
d'emploi. Aussi, le conseil considère que les programmes d'attestation
peuvent mieux répondre à ces besoins diversifiés, d'autant
plus que l'article 27 du
projet de règlement rendra plus accessibles aux adultes les
diplômes d'études collégiales, les DEC, ce qui est
certainement souhaitable et un objectif que l'on devrait tenter de faire
atteindre par un plus grand nombre d'adultes. (16 h 15)
D'autre part, le conseil ne croit pas que les certificats puissent
être un remède universel pouvant guérir le mal du
décrochage ou de la non-fréquentation de l'ordre
collégial. Le malade, selon nous, a été l'objet d'un
mauvais diagnostic.
Ainsi, selon le conseil, le phénomène de
décrochage, en plus d'être relié à un
problème d'abord socioculturel, est pour une bonne part d'ordre
pédagogique et sa solution se retrouvera, par voie de
conséquence, au niveau de la pédagogie. C'est pourquoi le conseil
considère qu'un programme plus court de quelques unités ne
réussira certainement pas à faire disparaître le
phénomène des décrocheurs. Il fera plutôt augmenter
le nombre de ceux qui décrocheront du diplôme d'études
collégiales pour s'engager dans un programme malheureusement
amputé d'une partie importante de formation fondamentale, croyant quand
même, mais à tort, obtenir un diplôme équivalent au
DEC étant donné qu'un certificat leur permettra d'accéder
à la même fonction de travail sur le marché de
l'emploi.
Quant aux jeunes qui ont terminé leur secondaire, qui
possèdent un dossier adéquat mais qui ne poursuivent pas leurs
études au collégial, le conseil ne croit vraiment pas que
l'existence de programmes plus courts, conduisant à des certificats
d'État, les attire en très grand nombre au collège. Selon
le conseil, la longueur des études n'a que peu d'influence sur la
décision de ces étudiants. Les raisons sont d'un autre ordre et
très diversifiées: manque de motivation, manque de ressources,
méconnaissance des collèges et des programmes offerts, des types
de cheminement possibles, manque d'ambition ou défaut de se croire
capable de réussir des études collégiales, lassitude face
aux études, manque de soutien et d'encouragement de leur milieu.
Une chose est certaine, c'est dans les milieux économiquement
faibles que l'on retrouve la majorité de ces étudiants
potentiels. Il y a une barrière culturelle et sociale qui existe dans
notre société en regard de la poursuite d'études
supérieures. Le conseil ne croit pas qu'un programme plus court, comme
celui du certificat, pourra éventuellement l'abolir. La solution est
ailleurs et certainement moins simple.
Pour toutes ces raisons, le conseil croit que l'on peut faire
aisément l'économie du certificat dans la panoplie de
diplômes et de programmes qui sont offerts aux étudiants jeunes et
adultes et ce certificat viendra tout simplement encombrer une pièce
déjà surpeuplée. Il n'est pas utile et ce n'est
certainement pas le moment de remettre en cause, par l'introduction du
certificat d'État, les fondements et les orientations que l'on a voulu
donner aux collèges, la pierre d'assise étant la formation
fondamentale.
Le Président (M. Leduc, Fabre): M. le ministre ou
madame?
Mme Blackburn: Si vous me le permettez, je poursuivrai. Juste un
mot pour expliquer que la position qui vient d'être
présentée par le président de la Commission de
l'enseignement professionnel est une position qui ne paraît pas dans
l'avis qui vous a été remis. Au moment où le conseil
remettait son avis, comme le rappelait M. Simard, nous attendions qu'il y ait
une politique de formation professionnelle qui soit adoptée. On nous a
laissé savoir qu'il n'y aurait pas, à proprement parler, de vraie
politique, de politique qui serait soumise au conseil touchant la formation
professionnelle. C'est pourquoi le conseil a poursuivi ses réflexions et
vous présente aujourd'hui sa position sur le certificat.
Parmi les moyens envisagés pour assouplir et assurer une plus
grande accessibilité et une plus grande équité dans le
réseau, il y a l'affirmation des droits des étudiants. C'est un
objectif que semble vouloir poursuivre le projet qui nous est soumis. Le
conseil estime que le règlement sur le régime pédagogique
est effectivement l'affirmation des droits des étudiants, jeunes et
adultes. C'est, en quelque sorte, le contrat qui lie le collège à
l'étudiant qui s'y inscrit. Par exemple, comme je le disais tout
à l'heure, ces étudiants pourront exiger qu'on évalue
leurs acquis scolaires et non scolaires et qu'on les évalue selon la
politique en vigueur dans le collège.
Par ailleurs, une autre mesure est susceptible d'affirmer les droits des
étudiants et c'est la politique d'évaluation des apprentissages.
Avec votre permission, je demanderais au président de la commission
d'évaluation de nous dire en quoi cette politique pourrait effectivement
confirmer les droits des étudiants.
Le Président (M. Leduc, Fabre): Je vous rappelle que vous
avez dépassé légèrement les vingt minutes qui vous
avaient été attribuées. Je vous demanderais de faire une
synthèse pour que, dans quelques minutes, vers 16 h 25, il soit possible
de passer aux questions.
Mme Blackburn: Bien. Alors on pourra y revenir.
M. Ryan: C'est une question de minutes, nous autres
là.
Le Président (M. Blouin): Allez-y.
Mme Blackburn: Bien. L'unicité des clientèles et
l'abolition des distinctions jeunes et adultes. Le conseil est favorable
à l'abolition de la distinction. Je ne voudrais pas reprendre l'ensemble
des considérations qui ont été apportées ici pour
justifier ou refuser cette modification dans le règlement. Il y a deux
raisons, pour le conseil, qui nous permettent de penser qu'on devrait abolir
cette distinction, ajoutées évidemment à celles qui sont
déjà évoquées dans l'avis qui vous a
été soumis.
La première, c'est que l'abolition de la distinction entre les
jeunes et les adultes n'empêche en rien qu'il y ait, pour des
clientèles spécifiques, un encadrement de services particuliers,
une pédagogie adaptée. Il ne nous viendra pas à
l'idée, par exemple, d'introduire dans le règlement des
études collégiales une provision pour les handicapés sous
prétexte qu'ils ont besoin de services particuliers. Ces services aux
handicapés sont offerts, bien que ça n'apparaisse pas dans le
régime pédagogique actuel.
La seconde raison, c'est que, avec la reconnaissance des acquis non
scolaires, cette reconnaissance des acquis non scolaires ouvre la porte
à des possibilités d'adaptation beaucoup plus grandes que celles
qu'on n'a jamais connues. Je ne sais pas si on a bien saisi l'importance et la
valeur de cette mesure. Si, à la limite - je le répétais
tantôt - il n'y avait que cela, que cette raison qui justifie l'adoption
d'un règlement, je pense qu'il faudrait le faire.
Vous savez, avec la télématique, l'informatique, les
adultes auront de plus en plus de moyens pour augmenter leurs connaissances. Le
temps n'est peut-être pas loin où on ira louer son cours sur
vidéocassettes comme actuellement on loue des films. L'évaluation
des acquis de formation scolaire et non scolaire, alors, ne sera plus une
question de choix, ce sera une nécessité. C'est pourquoi le
conseil voudrait qu'on se mette rapidement à la tâche, et on
entend suivre ce dossier.
Je vais passer sur la participation locale aux programmes d'Etat. Vous
connaissez la position du conseil. On estime que 40% est une marge trop
élevée et risque de donner une formation trop
spécialisée et peut-être trop conditionnée aux
besoins d'entreprises particulières. Peut-être qu'on pourra,
là-dessus, répondre à des questions.
Les structures de programmes, les cours de spécialisation.
Peut-être est-il nécessaire ici de rappeler la position du conseil
par rapport aux cours de spécialisation. Actuellement, il est
prévu que ça soit variable, c'est-à-dire entre 32 et 60
unités. Le conseil estime qu'on devrait conserver, comme c'est le cas,
environ 60 unités. Actuellement il n'y a qu'un programme qui ait 35
unités, je pense, et c'est le cours de reliure. Les autres, c'est 45 et
plus; ça va jusqu'à 63, je pense. La moyenne est beaucoup plus
près de 60. Selon nous, c'est cette moyenne que l'on devrait
préserver.
Dans la composition du bloc des cours communs obligatoires,
évidemment, il y a le cours de philosophie dont on a parlé
largement, longuement, sur lequel il y a eu des débats fort
intéressants, animés, sûrement, comme on a pu le constater
tout à l'heure. Si le temps ne nous pressait pas, j'aurais invité
un philosophe à donner la position du conseil. Il pourra peut-être
le faire lors de la période de questions.
Une voix: J'aurai une question, tout à l'heure.
Mme Blackburn: Sur les cours d'éducation physique, le
projet de règlement sur le régime pédagogique maintient
quatre cours d'éducation physique. Le contenu de ces cours continuerait
d'être déterminé par le collège et dispensé
sous forme de cours traditionnels. Tous les projets précédents,
il est important de se le rappeler, contestaient soit le contenu, soit le
rôle, soit le nombre, soit l'existence même de ces cours à
un niveau postobligatoire. Le seul projet qui n'a pas remis en question ce
cours dans le bloc de cours communs obligatoires, c'est le projet qui nous est
soumis. Des raisons de circonstances reliées aux besoins du moment ont
présidé à l'imposition de ces cours en 1967, mais
aujourd'hui doit-on les conserver? Est-ce qu'il y a des raisons qui justifient
que cet enseignement soit remis en question par le bloc des cours communs
obligatoires? Les régimes pédagogiques qui ont été
adoptés au primaire et au secondaire justifient sûrement qu'on se
demande, qu'on se pose des questions et qu'on fixe à nouveau des
objectifs aux cours d'éducation physique. Y aurait-il lieu, cependant,
par exemple, de remplacer les cours d'éducation physique par des
activités physiques qui pourraient avoir comme objectifs de maintenir
les bonnes habitudes acquises au secondaire? Le conseil n'a pas de
réponse à ces questions, mais il estime que, s'il est pertinent
de maintenir un tel enseignement dans les cours communs obligatoires au niveau
collégial, le ministre devra, comme il le fait pour les autres cours, en
fixer les objectifs.
Pour ce qui est des cours complémentaires, le conseil est
favorable à ce qu'il y ait, j'allais dire un adoucissement de la
règle actuelle, mais il n'irait pas aussi loin que va le projet en
ouvrant à tous les cours la possibilité à
l'étudiant de choisir ses cours complémentaires. Le conseil
voudrait limiter le choix ou exclure du choix des étudiants les cours
complémentaires sur les disciplines représentées dans les
cours de la spécialité et de la concentration.
Ce sont les principales recommandations du conseil. Il faudrait
peut-être se rappeler que le débat d'abord n'est pas nouveau, je
le disais dans l'introduction. Toutes les tentatives de modification du projet
de règlement des études collégiales depuis 1970 ont
échoué. Je pense que c'est important de savoir que, sur cette
question, il ne semble pas que ce soit facile de faire l'unanimité. Le
conseil n'est pas, en soi, favorable à la multiplication des
règlements et des lois. Il existe des cas toutefois où la forme
réglementaire s'avère le meilleur moyen d'assurer les droits des
individus. C'est le cas selon nous en ce qui concerne le régime
pédagogique du collégial.
On ne saurait trop insister sur la nécessité de retirer du
règlement des études collégiales le programme de
certificat. Tous les groupes entendus ici s'opposent à l'introduction -
quasiment tous les groupes -de ce programme, et c'est significatif. C'est un
fait. J'espère que cette commission aura la sagesse de retenir de ce
fait les conséquences qui s'imposent. Ces réserves étant
faites, le conseil estime que, modifié dans le sens
suggéré par le conseil, le régime pédagogique qui
en résultera, comme on l'a déjà dit, sera un régime
pédagogique fort valable.
Juste en concluant, M. le Président, je voudrais me permettre
d'attirer votre attention sur une question qui préoccupe
profondément le conseil. Les collèges sont l'objet de nombreux
contrôles, de multiples réglementations tant dans les affaires
pédagogiques que dans les affaires administratives. À ce jour,
l'aire de retournement des collèges n'était pas très
grande. Cependant, le projet de règlement laisse un peu plus de
latitude. Avec l'adoption de ce règlement et de celui qui, depuis peu,
régit les états financiers des collèges, le gouvernement
aura en main les principales règles à partir desquelles il pourra
rendre compte de l'activité des collèges. Aussi serait-il
souhaitable qu'après l'adoption de ce règlement, le
ministère de l'Éducation déréglemente
l'enseignement collégial et fasse un peu le ménage dans le cahier
des règles politiques, normes, règlements et procédures
qui touchent l'enseignement collégial et n'en conserve que l'essentiel.
Les contrôles coûtent cher et, malheureusement, on finit souvent
par les trouver indispensables surtout s'ils justifient des structures, mais il
n'est pas toujours certain qu'ils valent les ressources qu'on y investit.
Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, Mme Blackburn.
M. le ministre.
M. Laurin: Je remercie beaucop le Conseil des collèges
pour ce mémoire verbal qu'il ajoute au mémoire écrit
très étoffé que nous avions déjà en main. Le
Conseil des collèges joue un rôle très important dans
l'élaboration des politiques de l'enseignement collégial en
raison, évidemment, du rôle que la loi lui reconnaît, mais
aussi en raison des multiples avis qu'il nous fournit
régulièrement sur chacun des aspects de nos politiques. Il en est
de même pour le projet de règlement du régime
collégial. Ce rapport que nous avons reçu en septembre a
été étudié avec attention et, sans que je puisse
annoncer immédiatement la conclusion de cette réflexion parce que
je devais aussi attendre l'expression d'opinion des autres groupes, je peux
assurer le conseil que nous avons sûrement tiré profit de toutes
les remarques, commentaires, suggestions et recommandations qu'il nous a faits,
(16 h 30)
II convenait peut-être que nous l'entendions à la fin du
processus, comme il a été le premier à faire entendre sa
voix dès septembre. Le conseil se retrouve donc à l'alpha et
à l'oméga du processus et je trouve que c'est normal et naturel.
Je ne veux pas, bien sûr, reprendre tout ce qui a été dit
ou écrit, mais je suis heureux quand même de noter les points
d'accord qui se sont dégagés. Nous aussi, nous
préférons un règlement-cadre à un règlement
détaillé, un règlement-cadre qui permette les adaptations
en cours de route et c'est ce que nous avons retenu, conformément,
d'ailleurs, à ce que souhaitait le Conseil des collèges.
Les points d'accord sont nombreux entre l'avis du conseil et le projet;
je ne veux pas les reprendre. Il y a aussi largement un accord sur les
objectifs et les moyens que nous suggère le conseil pour réaliser
ces objectifs, encore une fois, seront étudiés avec
attention.
Je pense que que je vais passer tout de suite, M. le Président,
à certaines des questions que je voulais poser au conseil, bien que,
avant de le faire, je voudrais quand même noter qu'il estime lui aussi
qu'il est le temps d'en arriver à l'établissement d'un
règlement, même s'il est difficile de faire l'unanimité,
que ce règlement est la meilleure façon d'assurer les droits des
personnes et qu'effectivement, ce règlement donnera une latitude plus
grande aux collèges et permettra au ministère de
l'Éducation de diminuer considérablement les normes, directives
et ordres qui partent du ministère vers les collèges. Je le
souhaite également, Mme la présidente, et, comme j'ai
tenté et tenterai de le faire dans les autres ordres d'enseignement,
soyez assurée que, dès que ce sera possible, nous augmenterons la
marge de manoeuvre des collèges en diminuant d'autant plus les
contrôles, les normes et les directives qui émanent du
ministère à cet effet.
Je passe donc maintenant aux questions. La question probablement
fondamentale que
je voulais vous poser, c'est celle-ci: Que pensez-vous de la
répartition des pouvoirs, à l'intérieur du collège,
qui se dégage du régime proposé? Pensez-vous, en
particulier, que le projet de régime modifie la répartition
actuelle des pouvoirs entre les professeurs, les départements, le
directeur des services pédagogiques, le conseil d'administration et le
ministère, étant donné que c'est cela qu'ont
prétendu un certain nombre d'associations qui se sont
présentées devant nous?
Le Président (M. Blouin): Mme
Blackburn.
Mme Blackburn: M. le Président, M. le ministre, comme nous
le disions tout à l'heure en introduction, le règlement des
études collégiales s'arrête à la porte des
collèges et, pour nous, c'est souhaitable.
On se rappellera que, dans une première version, on indiquait les
responsabilités du directeur des services pédagogiques, en
particulier, et le conseil estimait que c'était là décider
pour un collège qui était responsable de quoi. Il faudrait
peut-être que je demande, soit au secrétaire ou au
président de la commission de l'enseignement professionnel, si certains
articles ne modifient pas la situation actuelle. Mais, quant au partage interne
des responsabilités, le fait qu'on retrouve le collège, le
collège, le collège, c'est clair qu'il n'y a pas d'indication
à savoir qui fera quoi à l'intérieur des collèges.
Dans ce sens, pour nous, c'était tout à fait ce que nous
souhaitions.
M. Lelièvre (Lucien): J'aimerais peut-être
expliciter deux points en particulier...
Le Président (M. Blouin): Oui, M. Lelièvre.
M. Lelièvre: ...la question des plans de cours et une
question qui est celle de l'obligation d'établir une politique
d'évaluation des apprentissages.
Sur la question des plans de cours, il est dit que maintenant, au
début de chaque session, chaque étudiant aura le droit de
recevoir le plan de cours qu'il sera appelé à suivre. Bien
entendu, dans la compréhension que nous avons de cette obligation, la
participation des étudiants est aussi assurée dans
l'élaboration de ce plan de cours que cela peut l'être dans la
situation actuelle. Je ne crois pas que le règlement doive
s'interpréter comme signifiant que c'est la direction du collège
ou la direction des services pédagogiques qui détermine le plan
de cours de l'enseignant ni non plus que l'enseignant seul élabore son
plan de cours. Sur ce plan - si vous me permettez l'expression - je ne crois
pas qu'il y ait une diminution de la participation.
Un autre point, qui est l'obligation d'avoir une politique
institutionnelle d'évaluation des apprentissages. Là
également, la participation à sa mesure de l'étudiant
à la façon dont le cours sera évalué, je pense que
c'est assuré autant que cela peut l'être dans le régime
provisoire actuel. Sur ces deux points qui ont été
soulevés d'une façon ou d'une autre depuis quelques jours, je
pense qu'il y avait peut-être mésentente ou
malcompréhension, je ne sais. Ce n'est pas le fait qu'il y ait une
obligation d'avoir un plan de cours qui enlève à ceux qui sont
concernés le droit de participer à l'élaboration de ce
même plan, ni non plus le fait qu'il y ait une obligation d'avoir une
politique d'évaluation des apparentissages qui enlève aux
personnes directement concernées leur proposition pour déterminer
les meilleures façons d'assurer cette évaluation.
M. Laurin: Dans la foulée de ce qui vient d'être
dit, M. le Président, sur la répartition des pouvoirs, mais avec
l'accent sur les étudiants, je voudrais poser une question subsidiaire:
Considérez-vous que le projet de régime vient accroître ou
diminuer les droits des étudiants?
Mme Blackburn: Le projet de régime, comme on l'a dit, je
pense, assez abondamment dans notre mémoire, vient confirmer les droits
des étudiants. Le conseil estime, avec la réserve qu'on a eue
quand même tout à l'heure sur leur certificat, qu'il est temps que
le réseau se dote d'un tel règlement. Vous savez que dans les
collèges, actuellement, tous les groupes sont relativement bien
protégés: voient leurs droits protégés, les
personnels syndiqués par des conventions collectives, les personnels
cadres par des politiques administratives et salariales; on a même
trouvé utile de protéger le droit des étudiants à
l'association par une loi. On peut penser qu'il n'est pas superflu de
protéger le droit des étudiants en regard des études
collégiales par un règlement des études
collégiales. Ce règlement, comme je le disais - et sur certains
points, en particulier - confirme des droits des étudiants. Et c'est en
vertu d'un tel règlement qu'ils pourront, par exemple, réclamer
leur plan de cours, réclamer la reconnaissance de leurs acquis. Dans ce
sens, pour le conseil, c'est une chose tout à fait souhaitable.
M. Laurin: Mme la présidente m'a souvent parlé,
dans les rencontres que j'ai eues avec elle, de l'autonomie des collèges
et a toujours insisté pour que cette autonomie soit non seulement
maintenue, mais augmentée. Étant donné que vous vous
êtes toujours portée à la défense de
l'autonomie des collèges, pourriez-vous m'expliquer pourquoi vous
demandez maintenant que la part des programmes déterminée
localement ne dépasse pas 25% de la concentration ou de la
spécialisation? En apparence, il y a là quelque chose, non pas de
contradictoire, mais de non expliqué. J'aimerais avoir de plus amples
explications à cet égard.
Mme Blackburn: Effectivement, cela ne semble pas tout à
fait cohérent avec les attitudes et les discours du conseil autour de
l'autonomie. Mais quand on parle d'autonomie dans les collèges, il ne
s'agit pas de mettre en danger, j'allais dire, l'unicité du
réseau ou le caractère national des programmes. Nous estimons
qu'il faut le maintenir. On dit: La participation des collèges est
intéressante. Il faut au moins qu'il y en ait un minimum de 10%. Si elle
est importante, il faut qu'on leur en laisse au moins un peu. Mais on dit:
Au-delà de 25%, c'est peut-être beaucoup parce que cela risque de
nuire à la mobilité de l'étudiant, c'est-à-dire sa
possibilité d'aller d'un collège à un autre en cours de
formation. Cela peut également nuire à la mobilité du
futur travailleur. Si, par exemple, ces 40% de sa formation, de ses cours de
spécialisation sont davantage axés sur les besoins
régionaux ou les besoins d'entreprises particulières, cela risque
de porter atteinte à sa mobilité. Ce sont vraiment les raisons
qui justifient la décision et la recommandation du Conseil des
collèges. Peut-être que le président de la commission de
l'enseignement professionnel, qui a examiné de façon très
attentive cette question, pourrait ajouter quelque chose.
M. Simard: Oui, brièvement. Disons que le ministère
propose dans son règlement qu'il y ait une proportion de 40% qui soit
réservée au collège - un maximum de 40%. Or, ce maximum
représente véritablement une nouvelle voie de sortie,
c'est-à-dire autour de 24 unités de formation
spécialisée. Et les motifs qui sont invoqués par le
ministère, sont, d'une part, pour répondre davantage aux besoins
de la région et, d'autre part, pour répondre aux besoins d'une
population scolaire particulière. La troisième raison, c'est pour
ajuster l'enseignement aux changements technologiques. Finalement, c'est pour
utiliser plus rationnellement les ressources disponibles. On pourrait prendre
chacun des motifs qui ont été invoqués pour justifier ce
maximum de 40% et démontrer d'une part, que, entre autres, le technicien
en génie civil ou l'infirmière, qu'ils soient formés
à Chicoutimi ou qu'ils soient formés à Rimouski, à
Montréal, ou à Québec, leur description de tâche et
l'exercice de leur emploi ne sont pas du tout changés parce qu'ils ont
été formés dans une région et qu'ils doivent
travailler ailleurs. Donc, les besoins sont identiques, je pense, d'une
région à l'autre.
Je pense, d'ailleurs, que les fonctions de travail ne se
définissent plus en termes de localités ou même de
région et que même, dans beaucoup de cas, particulièrement
dans les techniques de pointe, les définitions des fonctions de travail
se font de façon internationale. Donc, il nous apparaît difficile
de dire que, pour répondre à des besoins régionaux, on a
besoin de 40% pour faire une voie de sortie particulière pour
répondre aux besoins d'une entreprise particulière. Cela nous
apparaît à cet égard très dangereux.
Pour ajuster les programmes aux changements technologiques, je pense
que, jusqu'à maintenant, les comités pédagogiques, qu'on
appelait anciennement les comités de coordination des programmes, ont
rempli leur mandat tout à fait correctement. Peut-être que
récemment, par des coupures un peu fortes, il y a des comités de
coordination qui péréclitent, mais je pense que la part des
enseignants de la base pour l'élaboration, la révision et la mise
à jour des programmes, a très bien fonctionné, et je pense
que cette vigueur dans les comités pédagogiques a
été à la base même de bons programmes, d'excellents
programmes dans l'enseignement professionnel. On ne peut pas parler vraiment de
redonner aux institutions de l'autonomie, étant donné que cette
autonomie appartenait déjà à des professeurs, à des
artisans de l'enseignement qui sont à la base, les enseignants. Ce sont
eux qui déterminent, finalement, 100% de la partie
spécialisation. C'est approuvé par la suite par le ministre,
évidemment, mais c'est un enseignant de chaque collège qui donne
une spécialité qui détermine la configuration, les
objectifs d'un programme et le contenu de chacun des cours d'un programme. Cela
nous apparaît donc une pseudo-autonomie que l'on retourne au
collège. Elle est déjà à la base du
réseau.
Je prends peut-être un peu de place et je m'en excuse. À
propos des populations scolaires particulières, je pense que ce dont les
étudiants ont besoin, quand ils terminent un cours de
spécialisation, qu'ils deviennent techniciens, quel que soit le secteur,
ce dont ils ont besoin - Mme la présidente l'a mentionné
tantôt - c'est d'une bonne mobilité professionnelle,
particulièrement en période de crise économique. Si, dans
une région, il n'y a plus de débouché pour un jeune
diplômé, il ne faut pas qu'il soit, à cause d'une
spécialisation trop axée sur des besoins régionaux,
véritablement lancé dans une période de chômage
assez longue, parce qu'il ne peut pas aller travailler dans une autre
région. (16 h 45)
Pour les ressources disponibles, maintenant, cela nous apparaît un
peu dangereux d'invoquer ce motif. Je pense
qu'on est en droit de penser que, si un collège a moins de
ressources qu'un autre et qu'il est autorisé à donner une
spécialisation professionnelle, cela voudrait dire, dans mon esprit -
peut-être que je fais erreur - que ce collège-là pourrait
quand même conserver son autorisation, même s'il n'a plus les
équipements adéquats, même s'il n'a plus les ressources
suffisantes et, ainsi, essayer d'obtenir des ressources dans son milieu qui
sont plus ou moins adéquates. Je pense qu'on a raison de
s'inquiéter, particulièrement depuis le saupoudrage de la manne
fédérale par le biais de la caisse d'accroissement des
compétences. Il y a sûrement là des débalancements
de ressources dans le réseau, dans les collèges qui offrent la
même spécialité. C'est de plus en plus difficile de dire
que l'enseignement professionnel se donne avec des ressources, des
équipements de même équivalence d'un collège
à l'autre, à cause de l'impact des ressources qui sont consenties
par le biais de la caisse d'accroissement des compétences dans certains
collèges.
M. Laurin: Cependant, pour les attestations d'études
collégiales, votre opposition est différente, vous insistez pour
que ce soit des attestations d'établissement déterminées
exclusivement sur le plan local. Et, hier, nous avons entendu l'Institut
canadien d'éducation des adultes qui a revendiqué, pour tous les
diplômes ou attestations, des reconnaissances nationales, même pour
les attestations d'études collégiales. J'aimerais vous entendre
vous exprimer sur cette opinion de l'Institut canadien d'éducation aux
adultes.
Mme Blackburn: Je n'ai pas, M. le Présidient, eu en main
le texte de... Et, malheureusement, je n'ai pas pu assister à la
présentation que faisait hier l'Institut canadien de l'éducation
des adultes.
Pour le conseil - vous savez, je vais peut-être le reprendre du
côté plutôt des unités qui peuvent être
comptabilisées. C'est que les attestations d'études
collégiales, les attestations d'établissement, les programmes
d'attestation seront composés à partir des cours apparaissant
dans le cahier de l'enseignement collégial. Les cours apparaissant dans
le cahier de l'enseignement collégial sont sujets à
crédits. On peut avoir pour ces cours-là un bulletin cumulatif.
Le bulletin cumulatif est national - je le pense bien, je ne dis pas là
une hérésie. Alors, de ce fait, c'est qu'il y a
déjà une reconnaissance nationale parce que les cours sont pris
dans le cahier de l'enseignement collégial et il y a un bulletin
cumulatif, que l'étudiant peut réclamer, qui est national. Donc,
que l'attestation soit locale, je trouve que cela n'enlève rien à
la valeur, sauf que je vais ajouter le fait que pour ces unités, il y
ait un bulletin cumulatif, cela veut dire aussi que le candidat pourra,
éventuellement, faire reconnaître ces unités-là dans
un programme de DEC par exemple. Je trouve cela extrêmement
intéressant.
Donc, le fait qu'il y ait cette reconnaissance, on peut penser que les
attestations devraient être locales. Cela donne un peu plus d'autonomie
aux établissements, pour les raisons qu'on a invoquées ici et
celles qui ont été invoquées également par le
ministère. Cela laisse toute sa valeur au diplôme d'enseignement
collégial.
M. Laurin: Une dernière question, M. le Président.
Vous avez entendu la position de la Société de philosophie du
Québec sur la réduction éventuelle des cours communs
obligatoires en philosophie. Comme on s'inquiétait que je ne pose pas la
question derrière vous, je la pose: Que pensez-vous de cette
position?
Mme Blackburn: M. le Président, si vous permettez, je
demanderais à M. Lelièvre d'y répondre.
M. Lelièvre: Bon, je vais répondre à votre
question en présentant la position du Conseil des collèges. En
fait, la position du Conseil des collèges est une forme de
contreproposition à la proposition du projet du gouvernement dont on a
parlé depuis quelques jours. Ce n'est pas utile, je pense bien, de
préciser que la position gouvernementale vise à réduire de
quatre à trois le nombre de cours de philosophie et pour faire place
à un cours d'histoire, ou d'institutions ou d'économie du
Québec; le tout, disons, ayant pour but d'enraciner le citoyen dans la
tradition et le tissu socioculturel du Québec.
La contre-proposition du conseil, qui a été le fruit d'un
long cheminement et d'une longue réflexion, c'est, dans un premier
temps, d'être d'accord avec l'intention de réduire de quatre
à trois le nombre de cours communs obligatoires de philosophie. Dans un
deuxième temps, le conseil n'est pas d'accord avec le projet de cours
introduit par le ministère, mais il propose plutôt d'avoir un
cours qu'on peut appeler un cours-projet qui est celui d'un contenu de
connaissances qui vise précisément à enraciner les
Québécois dans l'univers d'ici, le Québec.
Entre les deux, il y a un cheminement dont je vais brièvement
vous indiquer les principales étapes. La première de ces
étapes fait référence au concept même du
régime pédagogique, qui est celui d'un régime formé
de trois blocs de cours distincts qui visent, chacun, des objectifs
spécifiques ou relativement spécifiques, si on se fie au rapport
Parent duquel est issue cette conception de cours à trois blocs de
cours
distincts.
Je ne veux pas insister longtemps sur les objectifs particuliers de
chacun de ces blocs de cours, sinon pour rappeler que l'objectif particulier au
bloc de cours communs obligatoires est un objectif de formation
générale dans ce que cela peut avoir de plus fondamental,
à savoir comprendre l'univers et l'exprimer. Comprendre l'univers,
prévoyait le rapport Parent, par l'intermédiaire des cours de
philosophie, l'exprimer par l'intermédiaire des cours de langue.
Je passe sur le deuxième bloc qui est formé des cours de
concentration et de spécialisation parce que cela n'a pas directement
affaire à notre propos, pour arriver au troisième bloc qui est
celui des cours complémentaires dont l'objectif, de toute
évidence, en est un de culture générale. C'est pourquoi
l'étudiant avait le droit, et a toujours le droit jusqu'ici, de choisir
ses cours dans n'importe quelle discipline, un cours par discipline.
Or, selon la compréhension que le conseil se fait de la
proposition gouvernementale, introduire dans le bloc de cours communs
obligatoires, qui a une visée de formation générale, un
cours d'histoire ou d'institutions ou d'économie du Québec comme
devant permettre à l'étudiant d'effectuer un choix qui soit
compatible avec son programme, plus conforme à ses goûts, selon
nous cela a très peu à voir avec la finalité des cours
communs obligatoires mais cela se situe très bien et d'emblée
dans l'optique des cours complémentaires qui visent justement à
parfaire, selon le goût, les aptitudes et le temps de l'étudiant,
sa formation par le biais d'une culture générale plus
étendue. Selon nous c'est vraiment la signification qu'a le cours
proposé par le projet ministériel.
Autre désavantage du projet ministériel d'introduire un
cours d'histoire ou d'économie ou d'institutions
québécoises, outre le désavantage de
déséquilibrer l'économie générale du
régime pédagogique, c'est la duplication possible de ce cours
avec des cours similaires déjà inscrits dans le programme de
l'étudiant dans son bloc de cours de concentration,
particulièrement pour tous les étudiants de sciences humaines
qui, à un moment ou à un autre, auront l'obligation de suivre ou
un cours d'histoire ou un cours d'économie ou un cours qui ressemblera
à quelque chose comme les institutions du Québec. D'autant plus
qu'aujourd'hui, si on se fie au nouveau régime du secondaire, les
étudiants auront déjà, pour la plupart, suivi un cours
d'histoire et d'économie du Québec.
Pour le conseil, ces deux désavantages, ces deux
inconvénients justifient le rejet de la proposition gouvernementale.
Cependant, le Conseil des collèges reconnaît qu'il y a chez
l'étudiant québécois, disons peut-être même
chez l'étudiant contemporain tout court, un besoin d'enracinement dans
l'univers où il vit, dans l'univers d'ici, le Québec, pour les
étudiants québécois. Face à cette entrée de
l'étudiant dans le monde qui fait que le village d'aujourd'hui, comme
disait McLuhan, pour l'étudiant c'est l'univers, il y a, selon nous, un
authentique besoin d'enracinement dans l'univers d'ici, le Québec. Pour
combler ce besoin, le Conseil des collèges ne croit pas qu'un cours, tel
que proposé par le projet gouvernemental, puisse répondre
adéquatement à ces besoins.
Pour répondre à ce profond besoin d'enracinement, un cours
doit être conçu, un cours nouveau dont le contenu aiderait
à la compréhension de cette partie de l'univers qu'est le
Québec et, ici, je cite notre ami -je m'en excuse - "de ses assises, de
la signification de son patrimoine, des lignes de force de l'univers d'ici, de
son vouloir vivre ensemble et, aussi, de son ouverture au reste du
monde, le tout dans une perspective qu'on pourrait appeler existentielle."
Pour atteindre ce résultat, pour combler ce besoin
d'enracinement, on doit, comme je le soulignais au début, penser
à un cours-projet beaucoup plus qu'à un cours-discipline. On doit
penser à un cours qui vise essentiellement une formation fondamentale,
plutôt qu'à assurer l'acquisition d'un certain nombre de
connaissances d'une discipline particulière, que ce soit l'histoire, la
sociologie ou autre.
À cet effet, le Conseil des collèges pense que, pour
assurer cette formation fondamentale, cet enracinement dans l'univers d'ici, un
cours qui porterait sur l'ensemble des principales institutions du
Québec constituerait un excellent moyen pour réaliser cet
objectif, ces institutions pouvant être soit juridiques,
coopératives, syndicales, religieuses, enfin politiques, et le reste.
Parce que, par le biais de ces institutions, c'est le génie
québécois de l'histoire qui se trouve concrétisé.
C'est par là qu'on peut le mieux, pour peu qu'on le fasse de
façon intelligente, pénétrer dans le vécu de nos
ancêtres, parce que ces institutions sont le témoin de nos valeurs
du passé et, peut-être encore, de nos valeurs actuelles. C'est
certainement le témoin de nos particularismes, de notre identité,
de notre façon que nous avons eue et que nous avons encore d'harmoniser
nos relations d'homme avec le Québec, l'univers d'ici.
Maintenant se pose une autre étape et la question suivante:
quelle discipline? Quelle discipline peut le mieux assurer à la fois ce
contenu et cet objectif? Ce contenu: les institutions
québécoises, et cet objectif: assurer l'enracinement des
Québécois dans la terre d'ici, dans une perspective d'ouverture
au monde?
Selon nous, n'importe quelle des
sciences humaines peut assurer cet objectif, parce que, d'abord, les
sciences humaines sont, je pense bien, le groupe de sciences qui s'impose, de
préférence aux autres sciences pour cet objectif-là. Que
ce soit l'anthropologie, la sociologie ou la philosophie, toutes ces sciences
ont maintenant, ce qui n'était pas le cas peut-être, il y a 20 ou
25 ans, au Québec à tout le moins, acquis, ici, un statut, une
rigueur scientifique qui les rend aptes à un tel enseignement,
qui les rend capables d'acheminer vers un tel objectif.
Est-ce que, dans une telle perspective, il fallait aller plus loin et
privilégier une science plutôt qu'une autre, dire que ce doit
être la science humaine "a" plutôt que la science humaine "b"? Pour
le conseil, il n'en est pas question, pour la raison suivante: c'est qu'on
pense que, dans la dynamique même de ce cours, il est
préférable de laisser à chaque collège le soin de
déterminer quelle science humaine est la plus apte, dans ce
collège, à assurer cet objectif. On pense qu'ainsi on assure
mieux l'identité du collège, on assure mieux sa
personnalité, de même que le dynamisme propre de chaque
département et, aussi, les aptitudes, les goûts et, je dirais, la
sensibilité intellectuelle particulière des étudiants de
chaque collège. C'est pourquoi on estime qu'il appartient à
chaque collège d'utiliser au mieux les ressources locales disponibles.
(17 heures)
Reste maintenant une autre question. Pour assurer ce cours qui nous
semble nécessaire, est-ce qu'il faut, est-ce qu'il est pensable
d'ajouter un autre cours commun obligatoire? La réponse est rapide.
C'est non parce que nous sommes à un niveau postobligatoire et, à
notre sens, il est profondément inconvenant d'ajouter des cours
obligatoires à un niveau qui ne l'est pas, il serait inconvenant
d'ajouter, par-dessus la charge actuelle des étudiants, un nouveau
cours. Alors, il fallait aller, à l'intérieur des cours actuels,
prendre une place qui était occupée par un autre cours et, selon
la parenté des objectifs de ce cours avec les cours de philo, il nous a
semblé plus naturel de suggérer de prendre la place d'un cours de
philo plutôt que d'aller du côté d'un cours de langues.
Donc, dernière étape de ce cheminement: Est-ce que,
faisant cela, en introduisant un nouveau cours qui a comme conséquence
de réduire de quatre à trois le nombre de cours obligatoires de
philosophie, on porte atteinte à la qualité même de
l'enseignement de la philosophie? Deux réponses rapides
là-dessus: par comparaison avec les autres pays occidentaux, comme il a
été signalé aujourd'hui à quelques reprises, la
position de la philosophie au collégial au Québec est
avantageuse. Je pense que, dans l'ensemble, il y a beaucoup plus de cours de
philosophie au Québec que dans la plupart des pays occidentaux. Cette
comparaison, évidemment, ne vide pas la question, mais c'est quand
même un indice.
Est-ce qu'on peut penser, pour autant, que la réduction de quatre
à trois du nombre de cours de philosophie compromet le rôle de la
philosophie dans la formation de l'étudiant? Plus qu'une discipline
scientifique, la philosophie est, comme son nom l'indique d'ailleurs - c'est
à ce titre qu'elle figure au régime pédagogique - une
sagesse. On nous l'a dit cet avant-midi. C'est une sagesse qui pour nous,
Occidentaux, porte l'inquiétude et l'espérance humaine depuis les
Grecs de l'antiquité jusqu'à aujourd'hui.
Pour traduire cette sagesse qui est plutôt une qualité de
l'âme ou du coeur ou de l'intelligence, quatre cours, trois cours, est-ce
que cela fait une différence? On pense, qu'à partir d'un certain
minimum que trois cours assurent, ce n'est pas du côté de la
quantité qu'il faut se tourner pour atteindre cet objectif de la
philosphie, mais beaucoup plus du côté de l'approche, de la
méthode d'enseignement, de la capacité de communiquer et de la
qualité de la communication; autrement dit, beaucoup plus du
côté de la pédagogie que du côté de la
quantité.
Je m'excuse d'avoir été un peu long mais, comme la
présidente l'avait signalé au début, c'est au terme d'un
long cheminement dont j'ai rappelé rapidement les principales
étapes qu'on en est venu à cette position.
Le Président (M. Blouin): Nous avons pu le constater, M.
Lelièvre. Merci. Alors, M. le député d'Argenteuil. Cela
va, M. le ministre? M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: Merci. Je ne vais pas faire de remarques
générales au début parce que j'ai déjà eu
l'occasion de rencontrer la présidente du Conseil des collèges
après la publication de l'avis du conseil sur le projet de
règlement et nous avons fait beaucoup d'observations
générales en cours de route. Je pense que tout ce qu'on pouvait
trouver à dire sur le plan général a été dit
jusqu'à maintenant. Je voudrais cependant signaler que le mémoire
qu'on nous a présenté est à peu près complet,
traite d'à peu près tous les problèmes que soulève
le projet de règlement et, de ce côté-là, je pense
que c'est très intéressant.
Il y avait une sorte d'obstacle psychologique qui se posait. C'est un
document qui est public depuis le mois de septembre. C'est un peu curieux qu'on
en discute deux mois et demi après, mais j'aime encore mieux que le
document soit resté tel quel que d'avoir eu à traiter avec une
adaptation qui aurait été faite à la dernière
minute parce que d'autres auraient émis des opinions.
J'ai été témoin, récemment, d'une
expérience à une autre commission parlementaire où un
organisme chargé de conseiller le gouvernement s'est avisé, dans
l'espace de 48 heures, de sortir tout un document-conseil au gouvernement comme
s'il avait voulu - je ne prétends pas qu'il voulait le faire - donner
une couverture à l'avance aux modifications à la loi qui allaient
être publiées quelques jours après. Je trouve que cet
organisme aurait été mieux de se présenter comme les
autres, au début du processus, plutôt que de venir faire la
leçon à tout le monde, du haut de sa tour.
Le conseil n'a pas fait cela et je l'apprécie. Je suis content
que madame soit venue. J'avais cru comprendre que les organismes consultatifs
ont un petit peu de réticence à venir devant une commission
parlementaire. Un de vos collègues a soutenu, dans une autre commission,
M. le ministre, que les organismes consultatifs conseillent le ministre et non
pas les organismes de l'Assemblée nationale. Je suis content que vous ne
soyez pas un tenant de cette théorie rétrécissante et
j'espère qu'on aura l'occasion de vous rencontrer encore, par
conséquent, de même que les autres organismes chargés
d'aviser le ministre.
On a eu d'autres expériences, le ministre s'en souvient; il y en
a qui se font du scrupule avec cela. Il me semble qu'il n'y a pas de scrupule
à se faire en démocratie, quand il s'agit d'intervenir
publiquement surtout quand on est détenteur d'un mandat public. Alors,
de ce côté-là, je suis bien content. J'apprécie
l'esprit général du mémoire. Il y a des points sur
lesquels je ne suis pas tout à fait de la même opinion que le
conseil, mais j'ai accueilli les opinions que le conseil nous a transmises avec
respect.
Je voudrais simplement faire un petit bout de remarque à propos
de ce que M. Lelièvre, je pense, vient de dire, parce que cela nous
réfère à cette partie du mémoire du conseil qui
traite d'un cours sur la matière québécoise. La
manière dont c'est formulé dans le mémoire soulève
des difficultés dans mon esprit, pour être franc avec vous. Quand
j'ai lu des passages comme celui-ci, on parlait de l'homo quebecensis.
M. Lelièvre: Ce sont deux mots latins.
M. Ryan: Ce n'est pas cela qui m'effrayait. Mais, après
avoir parlé de l'homo quebecensis, on parle d'un cours qui doit
être conçu en visant davantage à la formation de
l'étudiant qu'à son information. Cela m'inquiète un petit
peu, parce que je me dis que autant la dimension québécoise doit
se développer à la faveur de l'enseignement donné dans
toutes les disciplines, à la faveur du climat général qui
existe dans le système d'enseignement, dans le réseau des
institutions collégiales en particulier, autant je serais méfiant
à l'endroit d'un cours dont ce serait l'objectif spécifique de
développer la culture de l'homo quebecensis, de le former dans ce
sens-là.
Je pense qu'on ne réussira pas, d'ailleurs, avec un seul cours.
Je me demande si ce n'est pas plutôt une dimension qu'on aurait profit
à chercher à introduire de manière plus large dans la
grande majorité, en tout cas, des disciplines qui sont enseignées
au niveau du collège. Cela pose un problème dans mon esprit. J'ai
écouté les explications de M. Lelièvre; je n'ai pas
été pleinement satisfait. Je ne veux pas ouvrir un débat
interminable à cette heure-ci, mais c'est une considération que
je communique au ministre qui connaît mes opinions là-dessus,
depuis longtemps.
À la page suivante, je retrouvais des remarques qui sont un peu
du même ordre et je craindrais qu'un cours comme celui-là ne tende
à être une espèce de cours de patriotisme
québécois. Il me semble que le patriotisme soit une très
grande vertu, mais qu'on ne classe pas cela comme matière d'un cours en
particulier. S'il doit s'agir des institutions, il y a des cours qui donnent
beaucoup d'informations à propos des institutions économiques, il
y en a d'autres qui vont traiter des institutions politiques. Il me semble que,
dans l'ensemble des programmes d'État qui seront approuvés par le
ministre, il va y avoir amplement matière pour ce travail d'initiation,
je pense, qui sera beaucoup mieux fait dans le choix de cours qu'un
étudiant fera à l'intérieur d'un programme donné,
que si on a un titre spécial comme celui-là, à
l'intérieur de la matière, obligatoire. Il faut dire que
l'étudiant va suivre beaucoup d'autres cours, et il va être...
Cette dimension-là, je vous dirai une chose, M. le ministre, vous
rattrape volens nolens comme on pourrait dire, un peu plus qu'on ne le voudrait
et, parfois, un peu plus qu'il ne serait souhaitable. Par conséquent, je
pense qu'il n'y a pas lieu de nourrir trop d'anxiété de ce point
de vue-là. Je ne pense pas que personne ait été
frustré. On en a entendu parler autant qu'on aurait voulu depuis qu'on
est au monde.
J'apprécie quand même l'esprit qui a inspiré ceci,
mais je trouve que la formulation pose des problèmes. Je ne voudrais pas
avoir fait cette remarque sans vous donner la chance de me donner au moins des
éléments de réponse. Je ne veux pas abuser du temps de la
commission non plus, mais je me sentais obligé de faire cette remarque,
parce qu'elle se rattache à tout ce dont on a discuté depuis
quelques jours. J'ai l'impression qu'on a fait un certain progrès dans
la compréhension du problème qui se pose.
M. Lelièvre: Très brièvement, parce que je
suis conscient d'avoir pris un long temps
tout à l'heure, j'ajouterais ceci. Tout d'abord c'est que, dans
l'avis qu'on a remis, on ne fait que proposer la nature d'un contenu. On
n'entre pas dans le contenu lui-même. Première remarque.
Deuxième remarque. Quand on dit que, selon nous, ce cours doit
viser davantage à la formation qu'à l'information, ce qui est
important, c'est les mots "formation", information" et "davantage". On ne veut
pas dire qu'on doit former et non pas informer. C'est une question d'accent. On
dit: Mettre l'accent sur la formation plutôt que sur l'information.
Déjà, j'entre dans un domaine qui n'est pas le nôtre,
à savoir de définir le contenu. Cela pourrait être, par
exemple -pour prendre l'exemple des institutions coopératives -
d'étudier le cheminement du portefeuille de Desjardins et des autres
organismes coopératifs depuis 50 ans au Québec mais, sans oublier
cela, demander pourquoi est né un tel mouvement au Québec.
Pourquoi ce mouvement, à la différence des autres pays
industrialisés les plus près de nous, s'est-il
développé de telle ou telle façon, sans lien direct avec
le syndicalisme, ce qui existe dans beaucoup de pays? Quand on parle de
formation, ce sont des choses de cette nature. C'est un peu cette optique.
On pourrait prendre un autre exemple dans n'importe quelle des sciences
humaines, y compris l'histoire: par exemple, prendre comme véhicule
l'histoire de l'art pour expliquer bon nombre d'institutions
québécoises. Ce n'est peut-être pas une visée
directement informative mais, au point de vue de la formation, de quelle
façon l'imaginaire québécois a-t-il cheminé depuis
100 ou 150 ans? Je pense que ce sont des choses possibles par
l'intermédiaire de ce cours. Comme je vous le disais tout à
l'heure, on ne fait qu'indiquer la nature du contenu. On ne peut pas aller plus
loin parce que ce n'est vraiment pas notre rôle de définir un
contenu de cours.
M. Ryan: J'espère, personnellement, que cela n'ira pas
beaucoup plus loin. C'est une opinion que je vous livre en toute
humilité.
J'ai remarqué que le Conseil des collèges recommande au
gouvernement de ne point procéder avec l'introduction du certificat
d'études collégiales tant que n'aura pas été mise
au point la politique du gouvernement en matière de formation
professionnelle. Est-ce que j'interprète correctement ce que vous avez
dit sur ce point, Mme la présidente?
Mme Blackburn: Oui.
M. Ryan: Si c'est correct, ce n'est pas la question que je veux
vous poser, c'est seulement la prémisse.
Mme Blackburn: D'accord.
M. Ryan: S'il y a des précisions, cependant, vous les
donnerez en même temps que la réponse à ma question.
J'accepte cela, il n'y a pas de problème, je n'ai même pas de
question là-dessus, mais cela soulève une autre question dans mon
esprit. Est-ce que vous ne devriez pas recommander la même chose en tout
ce qui touche le statut des étudiants adultes? Vous souscrivez un peu
allègrement, à mon point de vue, au projet du gouvernement de
laisser tomber la distinction entre étudiant adulte et étudiant
jeune. Est-ce qu'on ne pourrait pas formuler la même exigence ici, que ce
soit envisagé comme un des objectifs possibles, mais qu'on n'y donne
point suite institutionnellement et réglementairement tant que le
gouvernement n'aura pas dévoilé et soumis au débat public
sa politique sur l'éducation des adultes? Nous avons entendu beaucoup de
choses depuis hier qui incitent à la prudence en ces
matières.
Mme Blackburn: M. le Président, c'est toute la question de
l'unification des clientèles, je pense. Ce que le conseil disait pour le
certificat et les raisons qui expliquent la position actuelle du conseil, ce
n'est quand même pas le fruit d'une réaction spontanée
à une situation nouvelle. Tant sur la question de l'unification des
clientèles que sur celle du programme, le conseil a mené des
débats - je ne saurais pas combien - fort longs et
généralement, pour ne pas dire chaque fois, appuyés soit
sur des documents de recherches qui ont été effectuées par
la permanence ou qui ont été effectuées par des chercheurs
autonomes. (17 h 15)
Pour nous, cette question de l'unification des clientèles dans le
régime pédagogique du collégial ne peut avoir de
conséquences regrettables ou déplorables sur ce que pourrait
être une politique de l'éducation des adultes. On est à un
niveau postobligatoire. Qu'il y ait un programme pour des clientèles,
quelles soient jeunes ou adultes, cela n'enlève en rien la
possibilité que, par exemple, on prévoie des programmes d'accueil
particuliers pour les décrocheurs. Cela n'a pas à être
contenu dans un régime pédagogique, ce sont des mesures qui
assurent une plus grande accessibilité.
Hier en particulier, je pense que c'est la FNEEQ qui déplorait le
fait qu'on n'ait pas suffisamment de programmes d'accueil destinés aux
décrocheurs, destinés à ceux qui ne fréquentent
pas... Tout cela est possible, bien qu'il y ait ce règlement. C'est
pourquoi le conseil n'estimait pas nécessaire ou indispensable qu'on
attende une politique de l'éducation des adultes là-dessus.
Les attestations d'études collégiales, la reconnaissance
des acquis non scolaires, ce qui a été réclamé
depuis de nombreuses
années - je ne sais pas, ce dossier remonte peut-être
à dix ou douze ans, et peut-être plus - par les adultes, y compris
l'ICEA, c'est là-dedans.
Je me dis qu'on ne pourra pas, quitte à me répéter,
je pense qu'on n'a pas vraiment bien saisi ce que cela voulait dire et comment
le gouvernement, qui permet une telle mesure et qui reconnaît que c'est
possible, s'est engagé loin. C'est pourquoi je pense qu'il faudrait
l'adopter, quitte à ce que, après, on se donne des politiques qui
permettent vraiment d'assurer une plus grande accessibilité, qu'on
revoie l'aide financière, qu'on favorise le recyclage, qu'on permette le
congé éducation. Il y a toutes sortes de mesures. Cela ne sera
pas empêché par l'adoption d'un règlement sur les
études collégiales.
M. Ryan: Justement, un élément essentiel d'une
politique comme celle-là, c'est l'existence d'un système de
reconnaissance des acquis non scolaires. Vous dites vous-mêmes - je pense
que c'est à la page 32 de votre mémoire - qu'il faut avoir un
modèle opérationnel qui va fonctionner pour l'ensemble du
territoire. Il ne faut pas que ce soit un modèle qui soit propre
à chaque collège. Il faut un modèle qui va être bon
pour l'ensemble du réseau. Vous dites vous-mêmes qu'il faudrait
qu'il soit mis au point en collaboration avec le ministère et le
réseau des collèges. On ne peut pas faire cela en l'espace d'un
mois ou deux. C'est une opération, d'après ce qu'on nous a dit
hier, d'après ce que des organismes qui se sont exprimés
là-dessus nous ont dit, qui va prendre un petit bout de temps. Tant que
nous n'aurons pas ce modèle opérationnel, est-ce que nous pouvons
vraiment nous engager dans l'autre, à votre point de vue?
Mme Blackburn: C'est-à-dire qu'il est sûr que la
fabrication de ce genre d'outil n'est pas facile. Sinon, ce serait
déjà fait probablement, à moins qu'il y ait eu trop de
résistance. Il ne faut pas oublier qu'il y a eu longtemps des
résistances par rapport à cette question de la reconnaissance des
acquis non scolaires. De l'aveu même de la Fédération des
cégeps, sa position est nouvelle là-dessus.
Donc, qu'on ne se soit pas donné au Québec le temps ou
qu'on ne se soit pas soucié de se donner ce genre d'outil, cela peut
s'expliquer. Ce n'est certes pas facile. Ce sera probablement plus facile dans
certaines spécialités ou dans certaines techniques que ce le sera
quand on parlera de formation générale, en particulier,
probablement, de la philosophie. Ne me demandez pas comment on va mesurer les
acquis de formation non scolaire dans ce domaine. Je ne pourrais vous donner
une réponse satisfaisante. Sauf que cela existe déjà aux
États-Unis en particulier - on a à la fois les
inconvénients et les avantages d'avoir comme voisin un géant -
ils les ont fabriqués ces outils-là. J'ai vu récemment un
document sur cette question. Donc, ça existe déjà.
Comment pourrait-on les adapter? Comment, en se servant de leur propre
expérience et en l'ajustant à notre propre réalité,
pourrait-on aller plus rapidement? Je ne serais pas en mesure de vous le dire.
Je sais qu'actuellement il y a des réflexions qui se font.
Selon la Fédération des cégeps, on peut penser
à une année, mais le seul avantage que représente la
présente situation d'un régime pédagogique pour les
adultes, la situation actuelle, c'est le certificat. La situation demeure
sensiblement la même. Le seul avantage, c'est le certificat, et le
certificat est de moins en moins fréquenté.
M. Ryan: M. le Président, tantôt, Mme la
présidente a commencé à répondre à une
question - c'était vers la fin de votre intervention initiale. Vous avez
failli passer la parole au président de la commission de
l'évaluation. Il y a eu un moment de distraction et nous avons
été entraînés vers autre chose. J'aimerais bien que
votre groupe nous dise un petit peu ce qu'il envisage à cet
égard, au point de vue de l'évaluation. Il y a un article
très important dans le projet de règlement, l'article 34, qui dit
que le collège se donne une politique institutionnelle
d'évaluation des apprentissages des élèves. Est-ce que
vous pourriez nous dire un peu le travail que vous faites là-dedans?
Qu'est-ce que cet article-là va changer? Est-ce que cela change quelque
chose et dans quel sens? Quelles améliorations cela peut apporter,
à quelles conditions peut-être?
Mme Blackburn: Je vais simplement d'abord vous dire que c'est
à la suite d'une recommandation du conseil parce que celui-ci estime
que, étant donné que le DEC ou le certificat est émis par
le ministre sur la recommandation du conseil, il a en cette matière une
responsabilité partagée entre le ministre qui signe le
diplôme et le collège qui fait la recommandation. C'est pourquoi
le conseil trouvait utile que cet article soit introduit dans le projet de
règlement des études collégiales.
Pour vous parler un peu plus longuement, vous expliquer la portée
de cet article et vous dire comment il se développe dans les
collèges actuellement, je passerai, avec votre permission, la parole
à M. Laplante.
M. Laplante (Laurent): Très rapidement, M. le
Président. Sur cette question de l'évaluation, la loi demande
simplement à la commission de l'évaluation non pas
d'évaluer les collèges mais d'examiner les politiques
que les collèges se donnent eux-mêmes. Le problème
qui se pose, c'est que, depuis que la loi existe, les politiques
d'évaluation des collèges ne pleuvent pas. Autrement dit, la
commission est extrêmement alerte sur les documents qui sont sur sa
table. Ce sont les documents qui font défaut de temps en temps.
La semaine dernière encore, le ministre de l'Éducation
lui-même, en s'adressant à des gens du réseau
collégial, leur disait ceci: Le réseau collégial me semble
tarder cependant à s'engager résolument dans des démarches
d'évaluation qui sont essentielles à son évolution et
à son développement. Nous, comme commission, avons à
examiner des politiques qui, de l'avis de tout le monde, tardent à
venir. En ce sens-là, il nous paraît heureux qu'on dise aux
cégeps et aux collèges: Vous devez vous donner des politiques
d'évaluation. Il y a là deux cibles précises qui sont
isolées: les apprentissages et les acquis non scolaires.
Là où cela nous paraît insatisfaisant, du moins au
niveau de la commission de l'évaluation, c'est qu'il y a une loi qui
n'est pas appliquée ou pas assez vite et un règlement vient
préciser quelque chose. On ne voit pas les garanties que cela nous donne
que cela sera plus appliqué face à un règlement que cela
ne l'est face à la loi. Ce qui nous paraît manquer, c'est une
pression supplémentaire et, au besoin, une échéance pour
que les collèges finissent par savoir que, d'ici telle date, il y a
telle chose qu'une politique d'évaluation, soit dans les apprentissages,
soit dans les acquis non scolaires, soit ailleurs... Il faut que ce soit
rédigé et soumis à l'examen de la commission.
Disons que, telle que rédigée, cette proposition est une
solution mitoyenne. Cela fait sentir aux collèges qu'il en faut, cela ne
dit pas encore au milieu collégial qu'il faut que cela se fasse avant
telle date et tant et aussi longtemps que la date peut être le jugement
dernier, il y a à redouter que les politiques se fassent attendre.
L'autre élément qui, aux yeux de la commission à
tout le moins, semble un peu décevant, c'est que je ne suis pas certain
que ce soit d'une cohérence parfaite de dire à des
collèges dont on vante l'autonomie: Voici le cheminement que vous devez
suivre. Il nous paraîtrait plus cohérent au niveau de la
commission de l'évaluation qu'on soit, comme disait un ex-ministre de
l'Éducation, intransigeant sur le principe et très souple dans
les modalités. Autrement dit, qu'on dise: Vous devez vous donner les
politiques d'évaluation nécessaires. Choisissez le cheminement et
la première cible comme vous l'entendrez. Si telle institution
collégiale veut commencer par les enseignements, je ne vois pas au nom
de quoi on lui dirait: Écoutez, absolument les apprentissages, les
enseignements viendront plus tard. J'aimerais mieux qu'on mette une
échéance quelque part. Vous devez vous donner des politiques
d'évaluation d'ici, à peu près, à telle date.
Ensuite qu'une institution décide de frapper d'abord du
côté des apprentissages, une autre du côté des acquis
non scolaires, une autre du côté des enseignements, cela me
paraîtrait devoir relever de l'autonomie de chaque institution. Qu'on
établisse un principe, qu'on établisse un cadre, des
échéances, etc., et qu'ensuite, on laisse les institutions
collégiales cheminer là-dedans.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Laplante. Mme
Blackburn.
Mme Blackburn: Si j'ai bien compris la question du
député d'Argenteuil, c'était à savoir comment
s'élaborait une politique comme cela et quel effet cela avait à
l'intérieur d'un collège. Ce que j'ai entendu, la crainte des
enseignants en particulier, c'est qu'on vienne leur dire comment faire
l'évaluation. C'est peut-être là-dessus qu'il serait
intéressant d'entendre le président, parce que, l'an
passé, il y a eu une tournée qui a été faite des
collèges pour voir comment évoluait cette question de
l'évaluation des apprentissages.
Plusieurs collèges privés se sont effectivement
donné des politiques d'évaluation des apprentissages. Il y a
quelques collèges publics, il y en a un qui en a une, il y en a d'autres
qui sont en voie d'élaboration d'une telle politique. Vous pourriez
peut-être parler un peu des contenus, des modalités et de la
démarche qui est prévue au moment où l'on veut adopter une
politique, M. Laplante?
M. Laplante (Laurent): Disons que les cheminements... On ne peut
pas, au niveau de la commission d'évaluation, tirer de conclusions
à partir d'échantillons aussi restreints qu'une, deux ou trois
politiques. Ce qui semble émerger au niveau du développement
collégial, c'est souvent via les droits des étudiants que
s'élaborent, par exemple, des politiques d'évaluation des
apprentissages. S'il y a plan de cours, si les professeurs donnent, dès
le départ, une idée très précise des techniques qui
vont suivre pour l'évaluation des apprentissages, et le reste, il y a
plus grande satisfaction du côté des étudiants, il y a plus
grande clarté dans la démarche de l'étudiant et c'est
souvent par ce cheminement-là, via le respect des droits des
étudiants, qu'on sensibilise encore davantage les enseignants à
leurs responsabilités du côté des apprentissages.
Du haut de mes quatre mois d'expérience à la commission
d'évaluation, il me semble que l'équilibre qui doit exister c'est
entre un collège qui a la responsabilité
de donner quelque chose à sa population étudiante et qui a
la liberté et l'autonomie qu'il faut pour le faire, selon sa
philosophie, et le reste.
Au terme de tout cela, il y a un ministre de l'Éducation qui,
lui, est obligé de décerner un diplôme d'études
collégiales, sans trop savoir ce qu'il y a exactement dans la tête
des étudiants. Ou bien on veut un régime d'État et des
collèges d'État où c'est le pouvoir central qui vient voir
dans chaque institution ce qui se passe exactement, ou bien on est
obligé de remettre des chèques en blanc à des institutions
sur lesquelles on n'a aucun contrôle.
Dans cette économie générale, c'est là
qu'arrive une commission d'évaluation, entre autres, qui assure le
ministre et le public que, dans les collèges, on s'est donné les
instruments nécessaires pour qu'on puisse assurer, à la fin du
cours collégial, que les acquis souhaités sont effectivement
là. Maintenant, je ne veux pas entrer dans les précisions, parce
que précisément, je pense que je ne serais pas très
cohérent si je disais: II faut respecter le cheminement de chaque
institution, et si j'essayais de dégager des dénominateurs
communs entre une, deux ou trois politiques, selon chaque institution, ou l'on
commence par les apprentissages, ou l'on commence par les enseignements, ou
l'on commence par la relation du cégep avec son milieu, par exemple, et
je ne crois pas être en mesure, à ce moment-ci, ni de
dégager une démarche type, ni même de dégager une
démarche qui serait plus souhaitable pour l'ensemble du
réseau.
M. Ryan: II y a une chose qui m'embarrasse dans la manière
dont est formulé le règlement. C'est qu'à propos de cette
question-ci en particulier, on dit "Le collège se donne"; à un
autre article, on dit "Le collège détermine"; à un autre
article, "Le collège remet", "L'élève doit
démontrer, à la satisfaction du collège". Quand j'examine
les définitions qui sont données au début du projet de
règlement, c'est le seul mot qui n'est pas défini, le mot
"collège". La tendance de certains va être d'interpréter le
mot collège comme englobant, dans le respect de la fonction propre de
chacune, toutes les parties intégrantes de l'institution. La tendance de
d'autres va être de dire que le collège, c'est la direction.
C'est une question qui n'est pas réglée, qui donne le sens
à bien des ambiguïtés dans l'interprétation qu'on
fait des textes. En particulier, en ce qui touche l'évaluation, je pense
bien qu'on est tous assez réalistes pour soupçonner qu'il s'en
fait déjà beaucoup d'évaluation des apprentissages. Tout
le monde est venu dire ici, depuis trois jours, que la tâche accomplie
par les cégeps depuis une quinzaine d'années n'est pas mauvaise,
finalement. Cela devait être parce qu'il se faisait de
l'évaluation des apprentissages et du travail de cheminement des
étudiants en cours de route qui n'était pas mauvaise.
Ce que je voudrais seulement donner comme avertissement ici, c'est que
ceux qui s'engagent dans cette opération devront se rendre compte que
l'élément le plus important dans la mise au point et surtout
l'application d'une politique d'évaluation des apprentissages, ce sera
l'enseignant qu'il faudra qu'on respecte, à la place absolument centrale
qu'il occupe dans l'appareil. (17 h 30)
On est venu nous dire, surtout hier, ceux qui sont venus nous parler au
nom des enseignants, qu'ils avaient des appréhensions sérieuses
à propos de cette partie particulière du projet de
règlement et c'est pour cela que j'étais très
intéressé, que je voulais voir comment vous conceviez ce
problème, le rôle du conseil dans la mise au point de politiques
d'apprentissage et la manière dont vous voyez également la mise
en oeuvre de l'article 34 du projet de règlement.
Je suis content des explications que vous m'avez apportées. Je ne
veux pas prolonger le débat là-dessus; à moins que vous
ayez des choses que vous teniez à ajouter, j'aurais une ou deux autres
questions à poser ensuite.
Le Président (M. Blouin): M. Laplante. Rapidement.
M. Laplante (Laurent): Une simple phrase, si vous me permettez.
En effet, quand on dit "le collège se donne une politique
d'évaluation des apprentissages", ça m'apparaît une phrase
dangereuse, parce qu'elle est exposée à durer
éternellement. Elle n'aura plus de sens quand le collège aura une
politique institutionnelle d'évaluation et je préférerais
de beaucoup qu'on nous dise, par exemple, que le département ou la
commission pédagogique a la responsabilité d'administrer ou de
gérer la politique institutionnelle d'évaluation des
apprentissages. On aura l'air moins fou dans cinq ans.
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Je vous remercie. Je ne sais pas si c'est la solution
que je retiendrais mais, en tout cas, je pense qu'on a le même souci de
fonctionnalité et de précision plus grande que ce que nous
présente le texte actuellement.
Tantôt, le ministre a posé une question à la
présidente, Mme Blackburn, et je voudrais simplement ajouter mon grain
de sel à la réponse qui a été donnée. Le
ministre a demandé: "Trouvez-vous que ça change quelque chose
dans les rapports, par exemple,
entre les enseignants et la direction dans le collège"? J'ai cru
comprendre que finalement, vous minimisiez la portée du projet de
règlement sous cet angle. C'est votre droit le plus strict et je
respecte votre opinion. Je voudrais vous signaler seulement quelques articles
qui ouvrent la porte à des interprétations plus
péjoratives que celles que vous avez proposées.
L'article 34 en est un évidemment et je pense que ce que vient de
dire M. Laplante suffit, pour le moment. Je pense que les observations qu'il a
faites sont un peu dans le même sens que les miennes, que ceci,
interprété par une direction autoritaire, pourrait aller
très loin et, quand je dis cela, je ne veux prêter de mauvaises
intentions à personne. J'ai été moi-même dans des
positions d'autorité longtemps et ce n'est pas le reproche dont je fus
le plus exempt. Ce que les critiques ignoraient souvent, j'étais capable
d'en rire.
C'est un point, mais je vous souligne l'article 25. On nous dit que
l'article 25, c'est la même chose qu'avant. "Not true". Ce n'est pas
vrai, il y a un changement. Dans l'article 25, la formulation - c'est l'article
20, je pense, dans le régime actuel - "chaque cours est
présenté dans un plan d'études qui en définit les
objectifs et décrit les modes d'évaluation qui lui sont propres.
Les cahiers de l'enseignement collégial présentent les plans
d'études-cadres. Chaque directeur des services pédagogiques a la
responsabilité de faire établir par les professeurs un plan
d'études détaillé pour chaque cours. Le plan
d'études contient, etc".
Voici la différence. On dit "le collège a la
responsabilité..." Encore là, c'est le collège,
évidemment, avec toute l'ambiguïté que cela peut comporter
de faire établir, par chaque professeur et pour chaque cours, un plan
détaillé conforme aux plans-cadres publiés dans les
cahiers de l'enseignement collégial dûment approuvés par le
ministre. Il s'agit d'un cours évalué sur le plan-cadre. Cela, ce
n'est pas le plan du cours. Ici, lorsque l'on ajoute "conforme aux
plans-cadres", ça, c'est une clé - M. Laplante est habitué
à faire de l'interprétation de textes comme moi - une clé
qui peut donner lieu à un mécanisme d'approbation
préalable et évidemment de censure préalable aussi, si
vous avez une direction qui est le moindrement inquiète au sujet de
l'infiltration du marxisme-léninisme ou d'autres idéologies
pernicieuses comme celle-là.
Par conséquent, je vous donne cela. C'est un exemple de
changement. Il y en a un autre à l'article 30. "L'élève
qui démontre, à la satisfaction du collège, qu'il a
atteint les objectifs d'un cours obtient la ou les unités
attachées à ce cours". J'espère que, depuis quinze ans,
les diplômes qui ont été donnés l'ont
été à la satisfaction du collège, parce qu'il y
aurait quelque chose de drôle en la demeure s'ils n'avaient pas
été donnés à la satisfaction du collège.
Quand on introduit - ça, c'est nouveau - "à la
satisfaction du collège", c'est un additif du genre des additifs
inoffensifs qu'on a appris à appréhender quand on examine les
textes du ministère de l'Education. Je voudrais que ce soit clair. Je
pense que le changement que cela représente ici... Jusqu'à
maintenant, un élève qui passe un examen et n'est pas content de
sa note fait un appel. Le droit d'appel est sacré. Est-ce qu'il est
introduit dans le règlement, M. le ministre? Il faudrait l'introduire.
C'est capital, clairement.
Actuellement, il soumet un appel; cela existe dans les faits. Cependant,
il ne faut pas dramatiser non plus. Je crois que la révision se fait par
un comité formé par le département. Il y aura deux
professeurs qui sont étrangers au litige, et le professeur
concerné; je pense qu'ils sont tous les trois et ils vont rendre une
décision. Avec ceci, cela veut dire que l'administration vient se mettre
le nez potentiellement dans le processus de révision. Il me semble que
cela devrait être examiné soigneusement. Cela devrait être
défini de manière plus rigoureuse, de manière qu'on sache
exactement vers quoi on va, qu'on ne se retrouve pas, au bout d'un certain
temps, avec toutes sortes de conflits que n'auraient point prévus les
rédacteurs du projet de règlement. Je ne sais pas si vous trouvez
que j'exagère, messieurs et mesdames les membres de la
délégation du Conseil des collèges, ou si ce sont des
appréhensions qui ont un certain fondement dans la chose.
Mme Blackburn: Le conseil a examiné la première
version du régime pédagogique, version 78. Il a examiné la
possibilité ou l'intérêt qu'il y avait d'introduire dans le
règlement un partage des responsabilités entre les
différentes parties. On aurait même quasiment pu, à la
limite, prendre toute la responsabilité du département qui est
actuellement décrite dans la convention collective et le retrouver -
là il ne serait plus un décret - dans un règlement des
études collégiales.
Le conseil estimait que cela n'était pas vraiment souhaitable,
parce que vous savez ce qui arrive à ce moment-là, c'est que vous
venez de figer dans un règlement la situation pour les collèges
qu'ils aient 700 enseignants dans le corps professoral ou qu'ils aient 700
élèves dans leur collège. Là, on vient de dire que
c'est le département, que c'est le DSP, que ce pourrait être
l'adjoint au DSP, et là vous venez de figer des structures qui
correspondent ou qui s'ajustent mal à la taille des collèges,
parce que vous déterminez de la même façon qui va faire
quoi dans un collège où il y a 700 enseignants et un autre
qui a 700 élèves. Et vous avez de ces situations-là au
Québec.
Alors le conseil estimait qu'il n'était pas souhaitable que l'on
définisse à l'intérieur de ce
règlement-là... D'ailleurs, c'était partagé, je me
rappelle bien, par les enseignants qui ne voyaient pas qu'on indique, chaque
fois, le DSP, le DSP, parce que, ou on fait des collèges d'État,
ou on détermine finement et dans les plus fins détails le partage
des responsabilités entre les différentes composantes à
l'intérieur d'un cégep - et là, je pense bien que, si l'on
prenait cette décision, cela pourrait être cela le modèle -
ou on a des corporations relativement autonomes qui, une fois qu'on a
arrêté la mission de ces établissements et qu'on a
déterminé le mandat et qu'on leur a donné des
règlements principaux, on leur dit: à présent, vous avez
la responsabilité d'administrer ceci. Pour voir dans quel esprit ils le
font, ou, si c'est respectueux des professionnels qui travaillent dans ces
établissements, et je pense en particulier aux enseignants, il va y
avoir ces politiques qui vont dire comment on a partagé les
responsabilités à l'intérieur.
Il m'apparaît tout à fait inconcevable, mais inconcevable,
et je pense bien que cela va de soi pour tout le monde, qu'un collège se
donne une politique et un collège, pour moi, cela entend le conseil
d'administration, cela devrait être adopté là, mais ce
n'est certainement pas le conseil d'administration qui va écrire une
politique d'évaluation des apprentissages. Il n'en a pas la
compétence. Tout ce qu'il pourra faire, c'est s'assurer que, en place,
on a vraiment consulté les personnes les plus compétentes pour le
faire. Les personnes les plus compétentes pour le faire,
évidemment, ce sont les enseignants.
Dans ce sens-là, c'est le fait que les collèges devraient
se donner des politiques là-dessus; cela permettrait de se dire dans
quel esprit c'est fait, si on a bien consulté et si cela s'est bien fait
avec la collaboration des différentes parties.
On peut penser, par exemple, que le règlement des études
collégiales qui nous est soumis là et qui prévoit une
participation des collèges dans la composition des cours de la
spécialisation, il me semble qu'il faudrait que ce soit la commission
pédagogique, il me semble que c'est elle qui devrait, là-dessus,
déterminer les cours qui vont être choisis par le collège.
On voit difficilement que cela puisse être fait exclusivement par le
directeur des services pédagogiques ou, encore pis, par un conseil
d'administration. Dans ce sens-là, c'est le collège qui a
à déterminer, à l'intérieur de son
établissement, pour les responsabilités qui sont siennes, comment
il entend partager ces responsabilités.
Pour nous, le conseil, c'est évidemment toute la question. Ou on
continue à réglementer dans le plus fin détail tous les
collèges indépendamment de leur taille, ou encore on
reconnaît qu'on s'est donné des institutions dotées d'un
conseil d'administration dont les membres sont nommés par le
gouvernement et on leur fait un peu confiance.
Le Président (M. Blouin): Merci. Alors, est-ce que vous
aviez un petit commentaire, M. le député d'Argenteuil?
M. Ryan: Oui, juste un mot. J'ai bien apprécié les
observations du conseil au sujet de l'équilibre à conserver dans
les cours, dans la responsabilité du ministère et dans celle des
institutions collégiales individuelles.
L'insistance que vous mettez sur la préservation d'une
responsabilité tout à fait majeure du ministère dans la
mise au point des projets de cours, des programmes de cours, je pense que c'est
un point très important. Je souscris à l'opinion que vous avez
émise là-dessus sans difficulté, sans aller dans les
détails évidemment, ce n'est pas mon domaine. Mais je pense que,
comme orientation générale, c'est un point sur lequel il n'y aura
pas de difficulté en ce qui nous touche, justement pour assurer une
qualité de base partout et assurer qu'ensuite, comme vous l'avez dit
judicieusement, à mon sens, le certificat ou l'attestation
décerné par une institution soit quand même jugé
valable parce qu'on saura que cela se fait à l'intérieur d'un
cadre général qui, lui, est sous la responsabilité du
ministère de l'Éducation.
Je ne pense pas que ce soit la signature qui détermine la
crédibilité du titre au bout de la ligne. De ce point de vue et
même du point de vue des diplômes, il y a des choses que vous avez
dites dont nous n'avons pas eu le temps de discuter et qui méritent la
plus grande attention.
Le Président (M. Blouin): Très bien. M. Simard, Mme
Blackburn, M. Lelièvre et M. Laplante, merci de votre précieuse
collaboration. Sur ce, je demande au rapporteur de cette commission, le
député de Verchères, de faire rapport à
l'Assemblée nationale dans les plus brefs délais. Je
précise que la commission a accompli le mandat qui lui avait
été confié par l'Assemblée nationale et, sur ce,
j'ajourne les travaux.
M. Ryan: Une remarque avant de terminer.
Le Président (M. Blouin): Une remarque.
M. Ryan: Une remarque de caractère
général.
Le Président (M. Blouin): Vous l'avez dit juste à
temps. Allez-y.
Conclusions M. Claude Ryan
M. Ryan: Vous ne m'avez pas regardé. Je voulais simplement
souligner une couple de points, M. le Président. Ce ne sera pas long,
soyez sans inquiétudes.
Je voudrais tout d'abord signaler que je suis content de cette
expérience que la commission parlementaire de l'Éducation vient
de faire. Je pense que, pour une rare fois, nous avons pu entrer davantage dans
le contenu des problèmes éducatifs et ne pas nous limiter, comme
nous le faisons trop souvent, aux discussions d'ordre budgétaire ou aux
discussions portant immédiatement sur des textes de loi de
caractère tellement général que souvent on approuve sans
trop savoir ce qu'on fait.
Cette fois-ci, je pense qu'on est entré davantage dans la
substance même du problème que pose la mise au point d'un
règlement des études collégiales et je crois que cela
s'est fait dans un excellent esprit. Il y avait des limites inhérentes
à l'exercice qui ont déjà été
mentionnées et qu'il ne vaut pas la peine de redire à ce
moment-ci. Je pense que les organismes qui se sont présentés ont
apporté une contribution remarquable; en tout cas, en ce qui nous
touche, l'Opposition voudrait les remercier de l'apport très riche
qu'ils ont fourni à la recherche qui se poursuivra pendant quelque
temps, je l'espère.
Je voudrais souligner la participation des députés, qui a
été remarquable. Je pense que, des deux côtés, il y
a eu une bonne présence. C'est malheureux pour vous, cet
après-midi, du Conseil des collèges, que la participation ait
été moins forte. Il faut comprendre que certains étaient
à la Chambre et, en fin de semaine, les députés ont
beaucoup de travail dans leurs circonscriptions respectives et certains
consacrent beaucoup de temps à se rendre chez eux, surtout en hiver.
Dans l'ensemble, la participation a été forte et
l'intérêt des députés très grand. Je pense
que c'est excellent.
Je voudrais signaler que j'ai été bien
édifié par l'assiduité du ministre. Je pense qu'à
aucun moment, pendant les trois jours, il n'y a eu une minute d'absence du
ministre, ni physique, ni mentale. Des fois, nous, nous étions un peu
absents quand il parlait. Je sais qu'il me rendra la monnaie de ma pièce
tantôt mais je pense que c'est excellent de ce point de vue là. Je
félicite le ministre du sérieux avec lequel il a fait l'exercice
et je ne puis que réitérer le voeu que le président de
l'un des organismes entendus hier a exprimé, soit qu'il y ait autant
d'application dans les suites concrètes données à toutes
les opinions émises au cours des trois jours qu'il y en a eu à
les écouter. Je pense que, de ce point de vue-là, le ministre a
été irréprochable et je tiens à le lui dire, en
toute loyauté. (17 h 45)
Ceci étant dit, il y a beaucoup de points qui se dégagent.
Je ne les dégagerai pas ce soir; je pense que ce serait trop long. Mais
il y en a quelques-uns qui sont d'importance tout à fait majeure. Je
pense que la nécesssité pour le gouvernement de faire
connaître, dans les meilleurs délais, sa politique en
matière d'éducation des adultes et sa politique en matière
de formation professionnelle s'impose de manière très forte. Je
pense même que si le gouvernement veut bien entendre le message qui
découle des témoignages entendus depuis trois jours, il voudra
éviter de mettre la charrue devant les boeufs et attendre, avant
d'arrêter définitivement certaines dispositions de son projet de
règlement, que le débat ait eu lieu sur ces aspects plus
larges.
Ceci étant dit, je pense que nous aurons l'occasion, chacun de
notre côté, de faire valoir nos vues sur d'autres tribunes et sous
d'autres formes. Pour l'essentiel, je pense que le travail a été
bien fait et j'espère que cette commission continuera de siéger
pour l'examen des problèmes de l'éducation.
Le Président (M. Blouin): M. le ministre.
M. Camille Laurin
M. Laurin: Je souscris, pour une bonne part, aux remarques du
député d'Argenteuil. Il me félicite pour mon
assiduité; je le félicite, de son côté, pour sa
vigilance quelque peu agressive. Je pense qu'au demeurant, l'expérience
a été fort utile et je voudrais qu'avant que nous
procédions, nous fassions connaître notre politique
d'éducation des adultes, je suis tenté de souscrire à son
point de vue, puisque, justement, une des articulations majeures du projet de
règlement touche précisément cette abolition de la
distinction entre jeune et adulte et il est bien sûr qu'elle
entraîne des conséquences qui seront encore plus visibles quand
nous pourrons rendre publique notre politique de l'éducation des
adultes.
J'en profite pour relever une affirmation du député
d'Argenteuil, hier soir, lorsque nous entendions l'Institut canadien de
l'éducation des adultes. Il a glissé dans l'une de ses remarques
que le gouvernement fédéral dépensait beaucoup plus en
éducation des adultes, au Québec, que le gouvernement
québécois lui-même. J'étais convaincu qu'il avait
tort, mais j'ai quand même fait vérifier son assertion pour
pouvoir lui
apporter, comme il les aime, des chiffres frais, croustillants et
précis. La conclusion de cette vérification montre que nous
dépensons actuellement, au Québec, la part proprement
québécoise, à peu près 600 000 000 $ par
année pour l'éducation des adultes, alors que le
fédéral dépense au Québec, pour les fins de
l'éducation des adultes, à peu près 260 000 000 $. Ce qui
veut dire que nous dépensons notre part. Notre proportion dépasse
les 71% ou 72% et la proportion du fédéral se maintient aux
alentours de 27% ou 28%.
Mais, ceci dit, il reste que nous devrons faire un effort plus grand et
je suis le premier à regretter, comme je le disais hier, que nous ne
puissions consacrer davantage de fonds à l'éducation des adultes.
Nous entendons d'ailleurs, dans un très proche avenir, montrer que cette
question nous préoccupe au plus haut point, et que, maintenant, il nous
sera possible d'injecter des fonds additionnels à cette grande politique
de l'éducation des adultes qui couvre plusieurs ministères aussi
bien que plusieurs directions générales au sein du
ministère de l'Éducation.
Quant à la politique de formation professionnelle, je n'ai jamais
annoncé que je promulguerais ou que j'officialiserais une politique de
formation professionnelle. Ce que j'avais dit, au mois de mai 1982, c'est que
je tentais de lancer des propositions de relance et de renouveau dans une
réflexion, au fond, qui s'échelonne depuis les trois
années que je suis là. Il faut bien comprendre que cette
"politique" de formation professionnelle, aussi bien des jeunes que des
adultes, correspond bien davantage à des pratiques pédagogiques,
à des modes d'organisation que nous avons d'ailleurs soumis largement
à l'attention des divers milieux, au cours des deux dernières
années, et que le résultat s'en trouve inscrit dans les
règlements pédagogiques du primaire et du secondaire
déjà sous forme d'orientation et que, probablement, ceci nous
amènera plutôt à modifier dans l'avenir, au fur et à
mesure que nous verrons nos propositions obtenir un consensus de plus en plus
grand, par des amendements que nous tenterons d'apporter à ce
régime.
De même, le projet de régime pédagogique que nous
présentons aujourd'hui contient déjà, comme on l'a
amplement discuté ces derniers jours, des orientations en ce qui
concerne la formation professionnelle. Nous disons, par exemple, que nous
voulons ouvrir, rendre plus accessible le système collégial aux
adultes; que nous voulons diversifier, augmenter les modes, les formats qui
pourront désormais être accessibles à ce qu'on appelle
actuellement la clientèle adulte qui recouvre une population très
disparate. C'est un peu ce que je voulais dire quand je disais qu'il fallait se
référer à des pratiques, à des modes d'organisation
plutôt qu'à des politiques au sens du livre blanc.
Il reste cependant que les réflexions cheminent
simultanément et qu'il y a une fécondation réciproque
entre ces trois cheminements, entre ces trois ordres deréflexion. J'ai trouvé la commission très
éclairante. J'avais dit au début que je l'abordais dans un esprit
d'ouverture et c'est bien de cette façon que j'ai écouté
tous les groupes qui sont venus nous faire part de leurs opinions, leurs
recommandations fondées sur leur expérience, leur expertise. Je
dois dire que j'en ai beaucoup profité.
J'en retire l'impression qu'une bonne partie des éléments
du projet sont valables. Or, sur quelques points, les opinions ont
été à ce point fortes et éclairantes que cecim'amènera sûrement à me pencher à nouveau sur un
certain nombre de problèmes que je peux énumérer
d'ailleurs tout de suite, qu'il s'agisse du CEC, qu'il s'agisse des cours
complémentaires, qu'il s'agisse des programmes d'établissements,
qu'il s'agisse de la réduction des cours de philosophie, et je pourrais
en ajouter un ou deux autres plus mineurs.
Sur ces quelques points, je poursuivrai sûrement ma
réflexion à la lumière non seulement des commentaires
reçus des associations, mais également des commentaires
très éclairants reçus de l'Opposition qui a fait un
travail attentif et intensif, qui ressemble beaucoup à la fougue
bénédictine dont s'inspire le député d'Argenteuil.
Il n'y a aucun doute que je profiterai aussi des remarques, des suggestions
qu'il m'a faites, et j'espère que le projet qui en sortira
reflétera cet éclairage particulièrement instructif qui
m'est venu et des groupes et de l'Opposition.
Le Président (M. Blouin): Alors, sur ces derniers
commentaires du député d'Argenteuil et du ministre qui ont un peu
la saveur du temps des fêtes, j'ajourne les travaux de cette commission
sine die.
(Fin de la séance à 17 h 54)