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Onze heures vingt-neuf minutes)
Le Président (M. Blouin): À l'ordre, messieurs!
La commission élue permanente de l'éducation reprend ses
travaux. Je vous rappelle le mandat de cette commission qui est de
procéder à l'étude des nouvelles propositions relatives au
régime pédagogique de l'enseignement collégial.
Aujourd'hui, nous allons poursuivre nos travaux, bien entendu, ce matin,
cet après-midi et ce soir. Nous avons un menu assez chargé,
puisque six groupes seront entendus aujourd'hui.
J'indique, dès à présent, aux fins du journal des
Débats, le nom des membres et des intervenants de cette commission.
Les membres sont: M. Brouillet (Chauveau), M. Champagne
(Mille-Îles), M. Cusano (Viau), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Mme
Dougherty (Jacques-Cartier), M. Hains (Saint-Henri), M. Laurin (Bourget), M.
Leduc (Fabre), Mme Harel (Maisonneuve), M. Charbonneau (Verchères) et M.
Ryan (Argenteuil).
Les intervenants sont M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Payne (Vachon), M.
Dauphin (Marquette), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Gauthier (Roberval), M.
LeMay (Gaspé), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Paré (Shefford), M.
Rochefort (Gouin) et M. Sirros (Laurier).
Auditions
J'invite donc le premier groupe que nous allons entendre ce matin,
l'Association nationale des étudiants et étudiantes du
Québec, à bien vouloir prendre place à la table des
invités. Je signale que vous pourriez prendre vingt ou trente minutes
pour faire votre présentation et, ensuite, nous demanderons aux membres
de la commission de s'adresser à vous afin d'obtenir des
éclaircissements supplémentaires.
Pour les fins du journal des Débats, je demanderais aux
représentants de s'identifier et ensuite de procéder à la
présentation de leur mémoire.
Association nationale des étudiants et
étudiantes du Québec
M. Legendre (Patrice): C'est bien. Je vous remercie. Voici la
délégation de l'Association nationale des étudiants et
étudiantes du Québec. Il y a Mona Gravel, membre de
l'exécutif de l'ANEQ, Peter Wheeland, Jean Robitaille, Jean-Marie
Vézina et moi-même, Patrice Legendre. Nous sommes tous de
l'exécutif de notre association.
L'Association nationale des étudiants et étudiantes du
Québec, l'ANEQ, existe depuis le 22 mars 1975. L'objectif premier de
notre association nationale est de regrouper toutes les associations
étudiantes afin de travailler ensemble pour défendre et
promouvoir les intérêts, tant académiques,
économiques que sociaux, des étudiants et des
étudiantes.
L'ANEQ est composée d'associations étudiantes locales. Une
association devient membre lorsque les étudiants et étudiantes de
l'institution concernée le décident suivant les instances
démocratiques de l'association. Ces instances sont soit
l'assemblée générale, soit le référendum.
L'ANEQ représente à ce jour les associations étudiantes
suivantes...
Le Président (M. Blouin): Puis-je vous suggérer
d'éviter la nomenclature afin d'accélérer la
présentation du mémoire?
M. Legendre: Je pense que cela ne prendra pas trop de temps.
Le Président (M. Blouin): Le mandat qui nous a
été confié par l'Assemblée nationale est
d'étudier les nouvelles propositions relatives au régime
pédagogique de l'enseignement collégial. Si vous le
désirez, je pourrai demander que cette liste soit consignée au
journal des Débats.
M. Legendre: Alors, c'est bien. Le Président (M.
Blouin): D'accord.
M. Legendre: L'ANEQ est venue présenter sa position,
peut-être que ce sera un peu plus long que prévu. J'aimerais quand
même qu'on puisse aller au fond, c'est-à-dire présenter
l'ensemble de notre position. Maintenant, je veux bien sauter par-dessus cette
partie, pour autant qu'elle soit consignée au journal des
Débats.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Merci
beaucoup. (voir annexe)
M. Legendre: Par le présent mémoire, l'ANEQ soumet
à la commission permanente de l'éducation l'analyse et la
position de ses membres concernant le projet de règlement des
études collégiales. Mais, avant toute autre chose, il nous semble
important de souligner que, pour notre organisme, l'exercice actuel ne
s'explique qu'en fonction de l'entêtement du gouvernement, du
ministère de l'Éducation et de son titulaire à vouloir
adopter un projet de règlement largement impopulaire, dont l'esprit
d'ensemble et la teneur sont rejetés et condamnés avec
véhémence par plus d'un organisme et qui, de surcroît, est
totalement discrédité à la suite des gestes intempestifs
et pour le moins inconsidérés posés par le gouvernement du
Parti québécois en matière d'éducation au cours des
dernières années.
Si le ministre avait accepté les demandes qui lui ont maintes
fois été formulées de retirer purement et simplement son
projet de règlement des études collégiales, au lieu
d'affirmer de manière péremptoire que son gouvernement allait
l'adopter coûte que coûte, nous serions sans doute, nous, notre
organisme et les participants à cette commission, en train de faire
oeuvre plus utile qu'en ce jour et peut-être, qui sait, à
participer, cette fois, à un véritable débat public
où la population dans son ensemble et les organisations qui la
représentent auraient pu discuter quant au fond de "l'actualité"
de l'éducation collégiale et des changements qui s'imposent. Au
contraire, le ministère de l'Éducation a maintenu ce qu'il est
convenu d'appeler la "ligne dure". Il s'en tient toujours à la
règle du crois ou meurs. Hors du PREC, dit-il, point de salut.
L'expérience passée de l'ANEQ en commission parlementaire,
sans être des plus garnies, a quand même convaincu les instances de
notre association qu'il fallait espérer peu, si ce n'est rien du tout,
d'un exercice comme celui-là, à fortiori quand les intentions du
gouvernement sont déjà, en partant, bien arrêtées.
Ce bilan rapide, quant à nous, nous le dressons à partir de notre
participation à la commission parlementaire qui a étudié
les projets de loi 24 et 25 en juin 1979, celle de l'hiver dernier qui a suivi
l'adoption des décrets dans l'éducation et de la commission
parlementaire de juin dernier sur la loi 32 qui fut, soit dit entre nous, une
véritable parodie de démocratie.
Voilà pourquoi l'ANEQ maintient que, pour le PREC comme pour
d'autres questions, nous ne disposons, face au gouvernement, comme ultime
recours, que de la sensibilisation, des débats et de la mobilisation de
nos membres, avant comme après une commission parlementaire comme
celle-ci. À cet effet donc, notre mémoire sera tout autant un
outil de sensibilisation, d'animation et de mobilisation pour le mouvement
étudiant, reprenant les positions qui depuis maintenant trois ans
émanent d'une forte majorité des associations étudiantes
et qui concluent à la nécessité de retirer purement et
simplement le projet de règlement.
Dans le même ordre d'idées, l'ANEQ a fait la
démonstration, le 15 novembre dernier, que le PREC, à l'instar
d'une longue liste de mesures gouvernementales, est d'emblée
rejeté par les étudiants et les étudiantes du
Québec. Vingt-cinq associations étudiantes de cégeps
firent une journée de grève le 15 novembre à l'appel de
l'ANEQ. Une de leur revendications exigeait le retrait du PREC. Le gouvernement
pourra chercher à l'extérieur de ces 25 associations
étudiantes un seul appui franc au PREC, un mouvement à la base
favorable au PREC, il cherchera en vain. Les étudiants et les
étudiantes, de Gaspé à Rouyn, n'en veulent pas du projet
de règlement des études collégiales.
À cet égard également, le débrayage du 15
novembre se trouve à être la suite d'une série d'actions,
de prises de position sur le PREC que le ministre ne peut ignorer et qui,
depuis 1981, ont répété, sans doute à
l'excès, mais contraints en cela par l'entêtement du
ministère de l'Éducation, que le PREC était
indésiré. Ce n'est pas, comme nous le démontrerons dans le
mémoire, les modifications apportées à la plus
récente version du PREC (que, soit dit en passant, nous avons
reçue officiellement le matin même de l'ouverture de la commission
parlementaire) qui tempéreront un tant soit peu l'opposition de l'ANEQ
manifestée dans le passé et encore tout récemment au
travers de journée d'étude, de documents, de journaux
étudiants, de communications au ministre, de débrayage, etc.
Nous entendons démontrer que les principes qui ont
présidé à l'élaboration du PREC, semblables en cela
à la volonté de contre-réforme du gouvernement, sont
attaquables et réfutables tant au niveau de la pédagogie, de
l'accessibilité et de la qualité de l'éducation que de la
nouvelle certification et des droits étudiants.
Nous entendons faire valoir que le PREC, loin d'être la
"persistance du statu quo" auquel on aurait ajouté quelques
modifications au régime actuel, comme on s'est plu à nous
l'affirmer au ministère de l'Éducation, contient, en fait, le
plan pour une transformation majeure de l'enseignement collégial.
L'apparence de consultation, la convocation in extremis d'une commission
parlementaire, le mirage de démocratie qui entoure les actions du MEQ
confinent au scandale eu égard aux conséquences qu'aurait le PREC
s'il venait à être adopté tel quel.
Ces critiques - on le verra - justifient à elles seules la
volonté des étudiants et étudiantes de voir le PREC
relégué une fois
pour toutes aux poubelles de l'histoire. Or, mis en relation avec
l'ensemble des mesures prises par le gouvernement depuis plusieurs
années contre l'éducation, contre la qualité des services,
contre l'accessibilité, contre les personnels enseignants et non
enseignants et contre les étudiants et les étudiantes, on se dit
qu'au-delà de ces critiques le PREC nous apparaît aussi comme le
dernier obus d'une véritable canonnade.
Si aujourd'hui la population, les jeunes et les étudiants et les
étudiantes en particulier rejettent aussi massivement le Parti
québécois, c'est en bonne partie parce que le gouvernement qui en
est issu s'est fait le champion de la bataille contre leur droit à
l'éducation.
Ce n'est pas, peu s'en faut, les quelques mesures concernant la
formation professionnelle contenues dans le pseudo-plan de relance du
gouvernement qui changeront d'un iota le bilan de l'action gouvernementale en
matière d'éducation. Depuis la parution du livre blanc sur les
collèges, le droit des Québécois et des
Québécoises à accéder à l'enseignement
postsecondaire et à recevoir une formation satisfaisante s'est vu
opposer un barrage de mesures conduisant à la
décélération des investissements dans l'éducation,
à l'appauvrissement du réseau, au sous-équipement des
institutions, comme s'en est plaint tout récemment le Conseil des
universités, à un contrôle accru sur les programmes et sur
la fonction d'enseignant et d'enseignante, à une formation, pour une
part, élitiste et, pour l'autre, déqualifiée, et à
une attaque sans précédent contre les droits des étudiants
et étudiantes. Le gouvernement a fait son choix. Il confine
dorénavant les jeunes issus des milieux populaires aux soubassements de
l'éducation. Voilà son bilan. Voilà aussi nos griefs
à son égard.
Depuis bientôt trois ans, l'ANEQ affirme: Non, nous n'irons pas
dans des collèges comme ceux-là! L'examen que nous avons fait du
projet de règlement des études collégiales en 1980-1981 a
amené le 13e congrès de notre association, tenu en février
1981, à rejeter toute réglementation des études
collégiales conduisant à une déqualification des
diplômes, à l'ajout de cours obligatoires, à une perte de
pouvoirs et d'autonomie des étudiants et étudiantes et à
une surspécialisation de la formation collégiale au service des
entreprises. Le plan d'action adopté à ce moment-là par
notre association pour lutter contre le PREC a réalisé
l'unité du mouvement étudiant derrière une position claire
et ferme du rejet du PREC. Au début d'avril 1981, quinze journées
d'étude, ainsi que de nombreuses autres décisions
d'assemblées générales condamnaient le PREC. Devant la
montée de la mobilisation étudiante et la dénonciation du
PREC provenant de tous les autres milieux, le gouvernement décida d'en
reporter l'adoption.
Depuis ce temps, de nouvelles versions du PREC ont été
produites. Quelques amendements ont été apportés, mais les
enjeux fondamentaux demeurent. Les attaques à l'accessibilité et
à la qualité de l'éducation pour tous et toutes sont
maintenues et même renforcées par l'évolution qu'ont connue
les autres aspects de la contre-réforme dans l'éducation au cours
des trois dernières années.
Le présent mémoire expose donc l'analyse et la position de
l'ANEQ sur le PREC élaborées autour des points suivants:
accessibilité et qualité de l'éducation, nouveaux
programmes/nouvelles certifications, vie pédagogique,
réglementation et droits étudiants.
Le PREC et la contre-réforme. Le ministère de
l'Éducation affirme que le PREC constitue "à ses yeux la
pièce maîtresse de la réforme préconisée" et
à ce titre il a raison. Mais à une distinction près: le
PREC renferme tous les éléments d'une contre-réforme. Si
on examine attentivement les orientations fondamentales des politiques
gouvernementales dans l'éducation, on réalise que l'État
québécois veut redéfinir ses priorités
budgétaires pour être en mesure de faire face à la crise
économique et de prendre le virage technologique avant qu'il soit trop
tard et que cette redéfinition entraîne nécessairement une
réduction des budgets éducatifs par un asservissement de
l'école à l'entreprise. Pour que cette contre-réforme
devienne effective, il est nécessaire pour le MEQ d'affiner sa gestion
des cégeps et, par là, d'accroître son contrôle sur
les institutions scolaires.
Au moment de la création des cégeps, le rapport Parent
affirmait que, "plus que les connaissances emmagasinées, ce sont des
habitudes de travail qui lui serviront - à l'étudiant - toute la
vie. Aussi, insisterons-nous pour qu'on ne se contente pas à l'institut
- maintenant, le cégep - des seuls cours magistraux: les professeurs
devront savoir utiliser les séminaires, les discussions de groupe, les
travaux personnels, les projets collectifs pour donner à l'enseignement
un caractère actif, dynamique dans lequel l'étudiant devra
s'engager et s'exprimer."
Il est clair que de telles méthodes requièrent une
volonté politique ferme pour que ces voeux ne soient pas remisés
aux oubliettes. Il reste que, lors du dépôt du livre blanc sur
l'enseignement collégial en 1978, le MEQ annonçait que le
gouvernement devait redéfinir ses priorités à cause de la
conjoncture économique et que l'éducation ne devait plus
"évoluer sous le signe de l'abondance". Pour une fois, le MEQ a tenu
parole.
Il a mis de l'avant une politique de
coupures budgétaires qui a eu des conséquences
néfastes sur la qualité de vie et sur nos conditions
d'études. Le ministère de l'Éducation a mis la hache dans
les services aux étudiants. On n'a qu'à penser aux
bibliothèques qui offrent un service réduit au minimum en termes
d'heures d'ouverture et de nombre de volumes disponibles; au matériel
didactique désuet et insuffisant, numériquement parlant; à
la réduction croissante du nombre de professionnels et professionnelles
non enseignants et non enseignantes, par exemple, les aides pédagogiques
individuels qui ne peuvent même plus répondre aux besoins minimaux
des étudiants et étudiantes, et à la diminution du ratio
maître-élèves. Nous pourrions continuer cette longue liste,
mais nous savons que vous en connaissez le détail aussi bien, sinon
mieux que nous. Laissez-nous, au moins, dire que les reculs qualitatifs que
vous faites subir à l'enseignement collégial n'ont d'égal
que la détérioration du climat social que le gouvernement du
Parti québécois a lui-même engendrée.
En décrétant unilatéralement, l'hiver dernier, les
conventions collectives des enseignants et enseignantes québécois
et québécoises, le gouvernement péquiste entendait aussi
donner des pieds et des mains à son projet de redéfinition des
priorités budgétaires en défaveur du système
d'éducation. Par ses décrets, le gouvernement a réduit le
personnel enseignant d'une façon excessive et, conséquemment, a
augmenté radicalement la tâche des professeurs qui ont eu la
chance de conserver leur emploi. Dans sa logique de rationalisation, le MEQ a
introduit une série de modifications permettant un contrôle accru
des enseignants et enseignantes et des enseignements par le biais des
départements. (11 h 45)
Avec les coupures et les décrets, le gouvernement a mis en place
tous les éléments nécessaires à l'application de sa
contre-réforme. En resserrant son contrôle sur les enseignants et
enseignantes, en redéfinissant ses priorités budgétaires
pour favoriser une formation professionnelle déqualifiée,
assujettie aux seules exigences ponctuelles des entreprises, et en coupant de
façon draconienne dans l'éducation, le gouvernement ouvre les
portes qui permettront au PREC de s'imposer dans sa totalité et de
pouvoir y intégrer éventuellement des politiques et des mesures
claires sur la formation professionnelle. En effet, l'introduction d'un AEC ou
d'un CEC permet au MEQ de commencer à vérifier, entre autres
hypothèses, l'épineuse question de la formation mixte.
D'autre part, le MEQ a fait connaître son intention, il y a
quelque temps, de refluer vers le secondaire un certain nombre de techniques
actuellement dispensées au collégial. Prenons l'exemple des
techniques de secrétariat, qui sont touchées par ces mesures,
pour démontrer la déqualification de la formation
qu'entraînera une telle pratique. Les techniques de secrétariat
ont amplement prouvé ces dernières années que la formation
collégiale dans ce domaine permettait aux finissantes et aux finissants
de se trouver un emploi lié à leurs études et ce, dans une
proportion de 90%. Pourquoi le MEQ veut-il déqualifier une technique qui
a fait ses preuves et qui se situe dans un secteur qui connaît une grande
évolution technologique? De plus, pourquoi le gouvernement affirme-t-il,
d'un côté, qu'il fera tout en son pouvoir pour permettre aux
femmes d'accéder à des emplois décents, alors que, de
l'autre, il dévalorise les professions majoritairement féminines?
Si les techniques que le MEQ veut refluer vers le secondaire ne correspondent
plus aux exigences du marché du travail, qu'il les révise, mais
à partir des revendications des étudiants et étudiantes
concernés. Si, au contraire, il ne s'agit que d'une tactique
destinée à diminuer les frais sans cesse croissants de la
formation professionnelle, nous sommes en droit d'affirmer que, derrière
vos beaux principes, se cache une déqualification qui sera lourde
à porter pour toute une génération d'étudiants et
d'étudiantes.
Les principes qui guident la réglementation ou réglementer
pour tout contrôler? Après quinze ans d'existence sous un
régime pédagogique, le ministère de l'Éducation
tient absolument à encadrer la réforme des études
collégiales dans une loi. Nous considérons important et
préalable à toute analyse des grandes orientations du PREC de
porter d'abord le débat sur le fait de réglementer le
régime des études collégiales. Pour ce faire, nous allons
reprendre et critiquer chacun des prétendus arguments de la Direction
générale de l'enseignement collégial qui justifient la
réglementation.
D'abord, il faut, selon la DGEC, affirmer les traits particuliers de
l'enseignement collégial, soit la polyvalence de la formation et la
primauté à la formation fondamentale, en les consacrant dans un
règlement.
Le PREC représente un recul important de l'enseignement
collégial concernant la polyvalence et la formation fondamentale, tel
que nous le verrons expliqué plus loin dans ce document. C'est dans une
perspective tout autre que s'oriente le PREC, par exemple, en offrant une
nouvelle diplômation plus spécialisée et coiffant des
programmes beaucoup plus courts et de moindre qualité. Il est donc
évident que ce premier argument de la DGEC tombe à plat.
En deuxième lieu, il faut, toujours selon la DGEC, assurer
l'unité et la stabilité du réseau d'enseignement
collégial. La situation
actuelle pouvant se prêter, sous la pression des
événements, à des interprétations et à des
accommodements qui sont différents des principes qu'on entendait
protéger.
Avec une telle affirmation et par les articles du PREC qui la
confirment, il est clair que seul le ministre s'arroge le droit
d'interpréter ou de permettre une souplesse par rapport aux principes de
base du PREC. Ainsi, le ministre a tous les pouvoirs fondamentaux. Par les
articles 2.1, 2.2, 3, 6, 9, 11, 12, 13, 14, 16, 17, 19, 20, 21, 22, 25, 35, 36,
37, 38, 39, 40 et 41, le ministre est responsable de l'admission des
élèves, de l'établissement des programmes et de leur
contenu; il approuve les cours, autorise les dérogations et sanctionne
les études.
Dans ce cas, la créativité, la diversité et la
souplesse essentielles à l'enseignement postsecondaire sont
répudiées. Ces principes devraient être gérés
par les intervenants les premiers concernés, à savoir les
professeurs, les étudiants et les étudiantes, plutôt que
d'être contrôlés par le ministre.
Finalement, puisqu'on conteste l'organisation et l'orientation de
l'enseignement collégial tel qu'il est et tel qu'il serait, il est bien
évident qu'il y aura toujours des tiraillements, des rapports de force
pour modifier la situation.
Face à cela, le ministre veut mettre un diktat pour immobiliser
tout cela. Il voudrait rendre illégale la remise en cause de ce qui est
illégitime aux yeux des étudiants et étudiantes, des
professeurs ou de la population en général.
Troisième grand principe, il faut, selon la direction
générale, établir des règles du jeu claires. Les
conventions collectives définissant déjà les
prérogatives et les obligations pour tous les agents de
l'éducation, un règlement pourra enfin permettre de
reconnaître des droits et leur contrepartie, des responsabilités
aux élèves.
Depuis quand la protection des droits d'un groupe pourrait-elle
être noblement assurée par celui-là même qui est
responsable de la répression des droits de ce groupe? En quoi le PREC
reconnaît-il un seul véritable droit aux élèves
qu'on ne daigne même plus nommer "étudiant" au ministère?
Ces pastiches de droits étudiants ne viennent-ils pas plutôt
mettre un terme au sale boulot entrepris par les décrets?
Le discours mielleux et récupérateur du MEQ ne nous laisse
aucune illusion. Nous savons depuis longtemps - l'histoire de la
répression contre le mouvement étudiant s'étant
chargée de nous le faire comprendre - que nous ne devons compter que sur
nos propres moyens pour défendre et promouvoir nos droits. C'est en
luttant quotidiennement et sans répit qu'on peut seulement
espérer les faire respecter.
Mais qu'est-ce qui justifie que le gouvernement tienne tant à
contrôler qu'il récupère des arguments aussi fallacieux
pour légitimer sa décision de passer, en 1983, d'un régime
pédagogique à un règlement des études
collégiales? L'intention gouvernementale de donner des assises
juridiques à la vie pédagogique du niveau collégial doit
être comprise à partir d'une vision globale de toutes le
politiques de contre-réforme dans l'éducation, à savoir le
contingentement, les coupures, les décrets, les attaques à la
pédagogie progressiste et populaire, etc., que le gouvernement met en
place depuis près d'une dizaine d'années.
Le Québec, depuis le début des années soixante-dix,
a pris le parti de respecter fidèlement les prescriptions des rapports
de l'OCDE invitant les gouvernements à se doter de politiques visant
à assujettir l'école aux besoins des entreprises.
Derrière les principes avoués... Le ministère de
l'Éducation a identifié dans son document de présentation
et de commentaires la liste des grandes orientations auxquelles le PREC
répond. On se réfère d'abord aux grands objectifs qui ont
présidé à la création du réseau
collégial, à savoir l'accès aux études
collégiales, la polyvalence de la formation et la cohérence du
réseau. On a ajouté à ces éléments d'autres
traits caractéristiques de l'évolution des cégeps, soit la
primauté de la formation fondamentale, l'importance accordée
à la mission socioculturelle des collèges et à la
décentralisation et, enfin, l'affirmation des droits des
élèves.
Pour l'ANEQ, les principaux éléments du PREC sont issus de
principes tout autres. Nous ne voyons absolument pas comment la
surspécialisation, la déqualification des diplômes, les
pertes de pouvoir et d'autonomie pour les enseignants et enseignantes et les
étudiants et étudiantes, toutes des conséquences directes
du PREC, peuvent correspondre aux grandes orientations formulées par le
MEQ.
Notre analyse des enjeux du PREC nous amène à
considérer les déterminations économiques comme
fondamentales dans l'élaboration du PREC et des autres pièces de
la contre-réforme. C'est pour ajuster la formation collégiale au
service des entreprises que le gouvernement tente d'instituer de nouvelles
politiques. Depuis quelques mois, le gouvernement annonce son plan de relance.
S'inscrivant dans les perspectives du virage technologique qu'on veut nous
faire prendre et qui, du reste, n'est pas très bien défini, le
plan de relance révèle des options claires: soutien de
l'État à l'entreprise privée, mesures pour assurer le
développement de l'élite québécoise, abandon des
politiques social-démocrates, le tout coiffé d'un discours
progressiste et de l'esprit de concertation bidon servi à toutes les
sauces. Dans ce sens, l'école doit non pas tenter de répondre aux
besoins de la
population, mais elle doit plutôt s'adapter mécaniquement
aux besoins des entreprises afin de leur fournir, au rythme qui est le leur,
une main-d'oeuvre, une force de travail essentiellement capable de faire
fonctionner la machine. Les beaux principes de polyvalence et de formation
fondamentale sont bien loin. C'est pourtant cela que le PREC nous propose, tout
comme d'autres mesures: les centres spécialisés, les
comités école-travail, les programmes d'établissement de
subventions aux universités pour accueillir des étudiants et
étudiantes s'inscrivant dans les perspectives du virage technologique,
d'autres politiques à l'étude comme les bourses pour les seuls
étudiants et étudiantes inscrits dans des disciplines
prioritaires au virage technologique.
Ce que nous dénonçons dans de telles politiques, ce n'est
bien évidemment pas le fait de recevoir une formation adéquate
pour être compétent face aux emplois qui pourraient nous
être offerts. Non, ce qu'on dénonce, c'est que l'école
n'ait que cette seule préoccupation, qu'elle ne remette jamais en
question l'organisation sociale du travail et ses conséquences souvent
dramatiques sur la qualité de nos vies et qu'on préfère y
former des individus robots, dépendants des entreprises plutôt que
des individus autonomes possédant une vision critique de la
société. Et ce n'est sûrement pas le remplacement d'un
cours de philosophie par un cours d'histoire et institutions du Québec
ou d'économie du Québec qui va arranger cela.
Mais que pourrions-nous aussi voir derrière les nobles intentions
du ministère concernant l'importance accordée à la mission
socioculturelle des collèges et à la décentralisation?
Cette affirmation, une référence directe à l'attestation
d'études collégiales, permettra aux collèges de
préparer des programmes sur mesure pour répondre aux besoins
particuliers des entreprises d'une région. Belle conception de la
décentralisation et de la mission socioculturelle!
Dans le plan de relance gouvernemental qui s'adresse aux jeunes, on
offre donc une formation collégiale de courte durée,
surspécialisée qui ne procure, en fait, que des programmes et des
diplômes à rabais.
Il nous apparaît, à ce moment, essentiel de mettre en
relation notre critique des grandes orientations du PREC avec notre analyse
plus concrète des différents articles, des différentes
sections qui le composent et des enjeux concernant l'accessibilité et la
qualité de l'éducation postsecondaire au Québec.
Le gouvernement tente de justifier les nouveaux diplômes à
rabais, l'AEC et le CEC, en utilisant les principes de démocratisation
et d'accessibilité aux études postsecondaires. Cette tentative de
justification est tout bonnement tirée par les cheveux. La
rhétorique gouvernementale sur l'accessibilité n'est qu'un
écran de fumée pour cacher les orientations fondamentales d'un
projet pour l'éducation collégiale qui réponde directement
aux besoins à court terme des employeurs et du marché du travail.
Les conséquences à long terme pour ceux et celles qui
bénéficieraient de ces nouveaux diplômes sont
évidemment ignorées.
Comme on l'a vu plus haut, on assiste avec le PREC à une nouvelle
organisation des programmes visant à ajuster la formation aux besoins de
l'entreprise et à l'adapter aux nouvelles réalités
socio-économiques engendrées par le virage technologique. On
remarque aussi une volonté chez les autorités gouvernementales
d'occuper une certaine partie de la population, les jeunes, les assistés
sociaux, mise au rancart par la crise, le chômage, les changements sur le
marché du travail. D'où la nécessité de modifier
certains diplômes et de créer de nouveaux programmes.
L'attestation d'études collégiales sera accordée
à ceux et celles qui réussiront un programme
d'établissement. Ce dernier, préparé par le collège
pour des secteurs non couverts par des programmes déjà sur pied,
doit répondre aux besoins de la collectivité. Or, la durée
variable de ces programmes permet l'établissement de programmes
ultra-courts - une seule session, à la limite -ouvrant la porte à
une sous-formation; formation rapide, non polyvalente, qui prépare une
main-d'oeuvre très spécialisée dans un seul secteur de
travail, main-d'oeuvre rapidement déqualifiée parce que sans
formation permettant l'adaptation aux changements.
Le certificat d'études collégiales, programme
déjà existant, sera passablement modifié par le PREC:
d'abord, par l'ajout de cours complémentaires et obligatoires aux cours
de spécialisation qui lui donneraient désormais un
caractère polyvalent; ensuite, par le fait qu'il deviendra accessible
à tous et à toutes, alors qu'il ne s'adressait jusqu'à
maintenant qu'aux adultes. D'après le ministère, ces changements
permettront de voir diminuer le nombre de décrocheurs et de
décrocheuses.
Mais que dire de ces soudaines polyvalence et accessibilité? On
sait qu'une surspécialisation dans la formation confine l'individu
à un type de travail et limite un possible contrôle sur ce
travail. Le nouveau CEC devrait offrir, selon le ministère, une certaine
polyvalence, mais que signifie polyvalence dans des programmes visant
principalement à répondre aux besoins des entreprises, besoins
toujours changeants parce que celles-ci doivent s'adapter constamment aux
nouvelles technologies? La polyvalence dont on se gargarise tant devrait
fournir des outils qui permettent d'avoir une prise sur le
travail et sur les changements qui peuvent survenir. L'ajout de quelques
cours dans le CEC ne change rien au type de formation promu.
L'orientation proposée par les nouvelles certifications contenues
dans le projet de règlement - déqualification des diplômes,
surspécialisation - est, par ailleurs, en contradiction flagrante avec
certaines déclarations du ministre qui a déjà
affirmé, à la conférence du Conseil des ministres de
l'Éducation du Canada qui s'est tenue à Toronto en octobre 1982,
que "se préparer au marché de l'emploi, c'est se préparer
à être mobile". Le ministre ajoutait: "Il ne s'agit pas de
rechercher une adéquation serrée et immédiatement
vérifiable entre contenus de formation et exigences du marché de
l'emploi ou même de la vie active: cela desservirait les
diplômés eux-mêmes en les enfermant
prématurément dans des secteurs étroits et en diminuant
leur mobilité et leur capacité de renouvellement". Selon le
ministre, "l'enseignement supérieur doit plutôt viser des
formations de base, fondamentales, solides et larges, seules capables de
nourrir par l'intérieur toutes les démarches de
spécialisation". "N'était-ce de risquer de tomber dans quelque
exagération rhétorique, il faudrait même dire que, dans une
période de crise et de mutation comme la nôtre, l'enseignement
supérieur devrait peut-être accentuer le caractère ouvert,
fondamental et "fondateur" des formations qu'il dispense." C'étaient les
propos de M. Camille Laurin. Nous sommes d'accord avec cette approche du
ministre. C'est, d'ailleurs, en s'appuyant sur ces conceptions que nous nous
opposons aux nouvelles certifications contenues dans le PREC.
Quant à l'accessibilité réelle à
l'éducation, peut-on signaler qu'elle ne se limite pas à la mise
sur pied de nouveaux programmes courts, surtout quand ils ne mènent
qu'à des diplômes déqualifiés et à des
emplois de second ordre? Les nouvelles certifications, par l'orientation que
leur donne le gouvernement, ne peuvent que constituer une voie
d'évitement pour ceux et celles qui n'ont pas accès à
l'éducation et seront éventuellement une bonne excuse pour ne pas
leur rendre accessibles les autres niveaux d'études postsecondaires. Si
on offre la possibilité de faire des études collégiales de
courte durée avec un AEC ou un CEC aux finissants et aux finissantes du
secondaire, il est clair que plusieurs choisiront cette direction au lieu
d'arrêter leurs études ou de compléter un DEC. Mais, ce
à quoi ils et elles ne s'attendront sûrement pas, c'est à
recevoir une formation à peine plus qualifiée que ce qui est
offert dans les cours professionnels de l'école secondaire. De cette
façon, seule une infime partie de la population continuera à
bénéficier des études postsecondaires et des
privilèges qui en découlent. (12 heures)
L'établissement de nouveaux diplômes permettra
peut-être le retour aux études pour les décrocheurs et les
décrocheuses, les assistés sociaux et les assistées
sociales, les mères de famille, mais pourra-il garantir
l'amélioration de leurs conditions de vie? Nous sommes loin de le
penser. On connaît les difficultés des femmes à
accéder au marché du travail. Aux mères de famille, aux
femmes à la maison, assistées sociales ou non, qui veulent y
retourner ou simplement y entrer, on ne reconnaît pas leur travail
à la maison comme expérience pertinente, étant
donné que, socialement, le travail ménager n'est pas
considéré comme un travail. Le ministère, par les nouveaux
diplômes, permet à ces femmes de recevoir une formation de courte
durée, qui leur ouvrirait une porte sur le marché du travail,
mais vers quel type d'emplois veut-on les orienter? Depuis trop longtemps, la
main-d'oeuvre féminine se retrouve "ghettoïsée" dans des
secteurs déqualifiés où les salaires sont peu
élevés. Or, quelle valeur sera accordée à l'AEC et
au CEC sur le marché du travail avec les exigences qu'on lui
connaît et les changements qui y surviennent sans cesse? Et, même
si les employeurs leur reconnaissaient une certaine valeur, on ne peut
s'attendre que les diplômés et les diplômées aient un
réel contrôle sur leur travail avec la formation reçue au
préalable.
Une fois de plus, les jeunes et les femmes qui constituent une bonne
part des bénéficiaires de l'aide sociale seront
relégués à des emplois de second ordre et, par le fait
même, à des conditions de vie précaires. D'ailleurs, cette
situation risque de se maintenir tant que l'école ne changera pas dans
le sens d'une réelle démocratisation de l'enseignement (dans la
forme et le contenu des programmes), tant que l'école sera au service de
l'entreprise et d'une élite et non au service de la population, et tant
qu'elle ne sera pas attentive aux réalités vécues par la
majorité.
En réponse au discours gouvernemental disant que ces nouveaux
diplômes à rabais vont améliorer l'accessibilité au
cégep, nous affirmons que l'accessibilité recouvre une
réalité plus large que le simple achalandage des institutions. Il
est exact que l'ajout de ces nouveaux diplômes peut avoir l'effet
d'augmenter le nombre d'inscriptions dans nos collèges, mais cela ne
signifie pas pour autant une démocratisation, ni une plus grande
accessibilité.
Les concepts d'égalité et de qualité de la
formation sont intimement liés à la question de
l'accessibilité. Comme nous l'avons dit plus haut, l'AEC et le CEC sont
loin de constituer des améliorations dans la formation
collégiale. Quant à l'égalité, ces diplômes
vont servir à assurer la
reproduction des inégalités sociales à
l'intérieur du système postsecondaire. Comme l'ont
démontré plusieurs études qui ont établi le lien
entre le statut socio-économique et les voies académiques au
secondaire et au collégial, la coexistence de programmes professionnels
courts avec des programmes professionnels longs et des programmes
d'enseignement général va faire en sorte que les enfants de la
classe ouvrière seront détournés sur la voie de service
sans pouvoir atteindre l'autoroute de l'éducation supérieure.
En clair, ces nouveaux diplômes vont perpétuer cette
canalisation socioculturelle dans nos collèges. Même dans le
système actuel, le cégep n'en continue pas moins à
reproduire les rapports sociaux entre les sexes, même si l'accession des
filles au cégep contribue à une meilleure qualification de la
main-d'oeuvre féminine. Le cégep reproduirait les
inégalités entre les sexes comme il continue de reproduire les
inégalités entre classes sociales.
Tel qu'il est déjà, le cégep est un système
stratifié qui sépare la clientèle étudiante selon
deux voies: le préuniversitaire et le professionnel technique. Cette
division produit nécessairement une séparation entre les
travailleurs et travailleuses intellectuels et manuels, laquelle, par
conséquent, tend à refléter les origines et les
aspirations sociales de la population cégépienne. Le
système collégial contribue ainsi à assurer la
reproduction des classes sociales. La création de nouveaux
diplômes ne servirait en rien à démocratiser les
cégeps. Elle ne ferait que produire de nouvelles subdivisions de classes
et, partant, stratifier encore plus la population étudiante.
La cohabitation dans une même institution d'étudiants et
étudiantes d'origines sociales diverses ne changera rien aux divisions
de classes qui existent dans nos écoles. Cete nouvelle stratification
aura pour simple effet de créer une conception fallacieuse
d'égalité dans la diversité de la clientèle
collégiale. Déjà, dans le présent système,
il y a une nette séparation dans l'identification de classes, selon
qu'on est en préuniversitaire ou en techniques. En ajoutant de nouvelles
couches à cette stratification, on ne pourra qu'accentuer les
différences sociales et économiques plutôt que d'assurer
une meilleure promotion de classe. "Dans la mesure où la translation de
la structure des chances d'accès à l'enseignement
supérieur laisse intacte l'organisation hiérarchique de cet
enseignement, elle constitue sans doute un bon moyen de perpétuer la
structure des correspondances entre hiérarchies scolaires et
hiérarchies sociales tout en procurant aux individus et aux familles des
classes moyennes l'illusion de la promotion scolaire et, par voie de
conséquence, l'illusion de la promotion sociale." C'est une citation
tirée d'une étude du Conseil supérieur de
l'éducation.
Si le gouvernement est vraiment intéressé à
améliorer l'accessibilité et la démocratisation dans
l'éducation postsecondaire, il doit s'en prendre aux causes
fondamentales de l'inaccessibilité et de l'échec de la
démocratisation. Ce mal prend racine bien avant le niveau cégep;
il se manifeste dès le début du secondaire. Aussitôt que
les étudiants et les étudiantes sont tenus de faire des choix de
cours en fonction d'un choix de carrière, leur cheminement scolaire
commence à se tracer de façon de plus en plus rigide.
"Sélection scolaire et sélection sociale font donc partie d'une
même réalité. L'école reproduit les classes sociales
comme elle reproduit la division sociale du travail. Ainsi, les secteurs
d'enseignement général et professionnel reproduisent la division
entre travail intellectuel et travail manuel. On ne peut éviter de faire
un tel rapprochement quand on analyse le cheminement scolaire de la population
étudiante. Il existe des réseaux différents qui subsistent
malgré le décloisonnement qu'a opéré l'école
polyvalente et les réseaux sont suffisamment étanches pour
éviter les transfuges. Le choix des études
générales ou techniques est déterminant. Une fois
placé dans une filière scolaire donnée, l'étudiant
en sera marqué non seulement intellectuellement, mais aussi dans ses
attitudes, comportements, motivations et aspirations. À chaque point de
bifurcation du cursus scolaire, la filière d'enseignement suivie
jusque-là est déterminante de l'orientation ultérieure.
Les avantages et les désavantages sont cumulatifs étant
donné que chaque choix définit irréversiblement la
destinée scolaire." Citation tirée de la même
étude.
Le PREC ne fait que mettre de l'avant ce processus de "canalisation
multiple" dans les cégeps, sans chercher à solutionner les
problèmes de fond que sont l'égalité et
l'accessibilité dans l'éducation. En fait, le PREC renforce
l'inégalité dans le système d'éducation. Si le
gouvernement avait honnêtement à coeur de s'occuper de la question
de l'accessibilité, il amènerait des réformes visant
à traiter le malaise du système de l'éducation
plutôt que simplement ses symptômes. Les nouveaux diplômes
créés par le PREC n'amèneront qu'un triage
académique, de sorte que les bien-portants seront hospitalisés
tandis que les malades auront droit à des "Band-Aid".
Nous supposerons tout de même un instant que le gouvernement est
sincère dans sa volonté de s'occuper de l'accessibilité et
de la démocratisation, et nous prendrons ici le temps de lui souligner
quelques-unes des actions qui nous paraissent primordiales en vue d'une
réelle amélioration de la
participation des classes défavorisées à
l'éducation postsecondaire.
La première barrière à l'éducation
postsecondaire pour les classes populaires est souvent le système
éducatif lui-même. Beaucoup de jeunes de ces classes ainsi que
leurs parents se retrouvent devant un système d'éducation
complètement décroché de leur vécu quotidien. Si
ces jeunes ne comprennent pas comment l'éducation qu'ils et elles
reçoivent présentement va leur être utile, comment
espérer les voir désirer continuer leurs études au
cégep ou à l'université?
Le système éducatif tant au primaire qu'au secondaire ou
au postsecondaire doit poser ce problème fondamental si on veut voir se
démocratiser l'éducation supérieure. La rigidité et
le monoculturalisme de l'orientation de notre système éducatif
bloque l'accès aux étudiants et étudiantes dont les
cultures, valeurs et croyances diffèrent de celles prônées
par le système. Si nous vivons vraiment dans une société
pluraliste, il doit en être de même de l'école. Par cela,
nous n'entendons pas, comme le PREC le préconise, une séparation
des différents cheminements qui isole toute réalité
différente. Au contraire, nous croyons que le système
éducatif doit favoriser les échanges et les contacts où
les étudiants et les étudiantes de différents milieux
seront mis en contact avec plusieurs réalités différentes
tant au niveau des cultures que du vécu.
L'ANEQ souscrit pleinement à cette philosophie de
l'éducation appelée pédagogie progressiste et populaire.
Certains seront là pour opiner que cette philosophie est incompatible
avec la vision traditionnelle que l'on se fait de l'instruction publique. Nous
croyons, pour notre part, que c'est plutôt cette tradition
éducative qui se moque de la diversité et de la pluralité
de la population québécoise.
S'il s'efforçait d'envisager lucidement les facteurs
socioculturels qui déterminent les choix en matière
d'éducation, le ministère ferait un pas dans la bonne direction.
La pédagogie progressiste ne peut, cependant pas éliminer les
coûts énormes de l'éducation postsecondaire pour un
étudiant et une étudiante ou sa famille. Tant que le coût
de la formation restera un élément déterminant dans les
choix académiques, comme le démontrent presque toutes les
études, l'éducation postsecondaire continuera d'être le
fait des classes moyennes et supérieures. La seule façon de
réduire l'importance de ce facteur est l'établissement d'un
système de gratuité scolaire universelle et d'aide
financière entièrement sous forme de bourses répondant aux
besoins de tous les étudiants et de toutes les étudiantes de tous
les programmes.
Inutile d'insister sur le fait que les frais de scolarité ne sont
pas le seul facteur économique qui constitue le coût de
l'éducation pour un étudiant et un étudiante. Qu'on ajoute
le manque à gagner occasionné par une entrée tardive sur
le marché du travail à celui du logement, de la nourriture et aux
frais de transport et de papeterie et la facture grimpe rapidement. Pour
plusieurs étudiants et étudiantes, cette barrière devient
insurmontable et l'endettement causé par le système des
prêts et bourses ne fait rien pour les encourager.
Ce n'est pas le temps ici de creuser en détail l'échec du
système d'aide financière par rapport à la
démocratisation de l'enseignement. Qu'il suffise, cependant, de
mentionner qu'accessibilité et démocratisation sont directement
liées à la question de l'aide financière et que,
subséquemment, l'étude de ces sujets est indissociable d'une
critique du système des prêts et bourses.
De même, on peut difficilement croire en la volonté du
gouvernement d'améliorer l'accès aux décrocheurs et
décrocheuses, aux assistés sociaux, aux chômeurs, aux
adultes en général, considérant les restrictions
draconiennes apportées à l'accessibilité à
l'éducation des adultes en imposant des frais de scolarité aux
étudiants et étudiantes à temps plein. Pour que ces
personnes puissent avoir la possibilité de retourner aux études,
il est nécessaire de revenir à la gratuité scolaire dans
l'éducation permanente, tant pour la clientèle à temps
plein qu'à temps partiel.
Une autre barrière importante s'ajoute pour les étudiantes
et étudiantes qui ont des enfants: l'absence d'un système de
garderies gratuit et accessible. À cause de cette lacune, les parents
d'enfants en bas âge sont souvent confinés à la maison pour
des années et, pour eux, une éducation supérieure est un
rêve qui devra être remis à plus tard ou oublié. De
même, les femmes qui interrompent leurs études pour cause de
maternité se voient retirer leur aide financière et leur
assurance-chômage. Le bien-être social est alors la seule source de
revenu pour bien des femmes qui se voient ainsi emprisonnées à la
maison. Nous considérons que la reconnaissance d'un congé de
maternité pour les étudiantes (c'est-à-dire qu'elles
continueraient à bénéficier de l'aide financière
aux étudiants et étudiantes) contribuerait à
éliminer cette injustice.
Mais puisque nous ne sommes pas invités ici pour discuter de nos
propres propositions en matière d'accessibilité et de
démocratisation, nous allons nous en tenir là en attendant le
jour - que nous rêvons proche - où le gouvernement entreprendra de
prendre les mesures nécessaires pour mettre un terme aux
barrières financières, sociologiques et politiques qui
empêchent l'égalité d'accès aux études et
l'égalité de la formation.
Nous nous contenterons, pour le moment, de dire que le PREC ne
solutionne en rien le problème de l'inaccessibilité et qu'au
contraire il aggrave la stratification de classe dans l'éducation
postsecondaire.
En matière de pédagogie, examinons maintenant le PREC d'un
point de vue strictement pédagogique. Ce qui inquiète d'abord,
c'est la centralisation des plans de cours vers les administrations
collégiales. Ces dernières devront s'assurer que lesdits plans de
cours sont bien conformes aux recommandations ministérielles.
L'uniformisation des plans de cours est une mesure de contrôle qui
prétend assurer à la population étudiante un contenu de
cours et une formation complète. Le ministère et ses vassaux, les
directeurs et directrices des services pédagogiques, auraient, assure le
PREC, jusqu'au droit de vérifier l'acquisition des connaissances
comprises dans le plan de cours et ce, selon les articles 30, 36, 37, 38 et 39.
Cela ouvre la porte à des examens nationaux, issus du ministère,
encadrant de façon plus encadrante encore la formation des
étudiants et étudiantes avec la seule perspective du fameux
examen. Toute transformation du plan de cours serait illusoire, le contenu des
cours devant demeurer assujetti à la matière d'examen.
De plus, nous constatons que cette centralisation mène les
étudiants et les étudiantes vers une perte d'autonomie
irrémédiable. Aujourd'hui, dans la majorité des
collèges d'enseignement général et professionnel, la
population étudiante a obtenu, après des luttes parfois dures, le
droit implicite ou explicite de discuter et de modifier un plan de cours qui ne
correspond pas à ses besoins et à ses intérêts. La
centralisation des plans de cours, leur uniformisation aux principes du
ministère, constitue un recul inacceptable sur ce que nous
considérons comme des acquis. De plus, elles sont un acte
d'autorité qui renforce les rapports dominants-dominés qui
imprègnent profondément l'école québécoise.
Dans une société où l'individu doit apprendre à
s'affirmer à travers la démocratie, il semble impossible et
incohérent que l'on impose, de façon dictatoriale, un pouvoir
là où il existe un vouloir collectif. Les plans de cours doivent
rester entre les mains des principaux concernés: la masse
étudiante et les professeurs.
De même, l'ajout des cours obligatoires gruge encore un peu de
l'autonomie de l'étudiant et de l'étudiante, maître et
maîtresse de leur formation. Ils réduisent aussi leur
possibilité de choisir selon leurs goûts et leurs
intérêts une formation adéquate. À ce chapitre,
c'est toute la question des cours obligatoires qu'il faudrait revoir. Ces cours
où l'étudiant et l'étudiante vont par obligation sans
autre motivation que la note contribuent-ils vraiment à parfaire leur
formation? La vérification d'atteinte des objectifs que propose le
ministère n'impose-t-elle pas substantiellement à
l'étudiante et à l'étudiant de passer outre à ses
critiques au plan de cours pour être bien sûr d'atteindre lesdits
objectifs? Ce sont là des conditions de vie et d'études fort peu
dynamiques et peu impliquantes que l'on nous propose. (12 h 15)
L'uniformisation des plans de cours et de leur contenu soulève
aussi de grandes craintes. Le contenu de nos cours est déjà
largement sexiste. Toutefois, nous, étudiantes et étudiants,
avons les moyens de contester le contenu des cours. Au secondaire, nous savons
que le ministère est capable dans ses programmes des pires attaques
faites à la condition des femmes. Nous protestons et nous agirons avec
fermeté contre toute propagande chauvine, fût-elle issue du
ministère de l'Éducation du Québec. Outre l'aspect sexiste
que risque de renforcer l'uniformisation des contenus de cours, celle-ci
sonnera le glas pour toutes les expériences alternatives, telles qu'en
connaissent Sherbrooke et Jean-de-Brébeuf. Ces derniers fonctionnent
selon des projets en relation avec les besoins et les objectifs des
étudiants et étudiantes pour les faire accéder à
l'autonomie et à l'efficacité. Ces projets ne sauraient en aucun
cas s'accommoder de contenus de cours préétablis et rien ne nous
assure que le ministre autorisera des dérogations dans ces cas
précis.
En fin de compte, il est nécessaire de se demander si
l'imposition du règlement des études collégiales ne sera
pas le dernier coup de glas pour un concept pour lequel le peuple
québécois lutte depuis longtemps et qu'on appelle la
qualité de l'éducation.
Le PREC et les droits étudiants. Au chapitre des droits des
étudiants, le PREC constitue, à notre avis, la plus grande
mystification depuis l'adoption de la loi 32 en juin dernier. C'est peu
surprenant puisque le ministère de l'Éducation, sous la gouverne
de M. Camille Laurin, s'est particulièrement signalé par le ton
uniformément racoleur et trompeur de ses interventions en matière
de vie étudiante et de droits étudiants.
Sous la formule "affirmation des droits des élèves", le
ministère énumère une liste de droits qui seraient,
soi-disant, consacrés par le PREC et que les collèges auraient
pour nouvelle mission de faire respecter, en d'autres mots, d'en assurer la
protection. Contre qui? Contre quoi? Assurément pas contre les
collèges eux-mêmes;
Une remarque s'impose en premier lieu. C'est que le discours relatif aux
droits étudiants ressort non pas du projet de règlement
lui-même, mais du document de présentation et de commentaires qui
l'accompagne. Nulle part, dans le PREC, n'est-il fait mention de ces droits
qu'on nous présente, par ailleurs, fort généreusement.
Ils
relèvent tous de l'interprétation gouvernementale, du
discours et de l'emballage. Là où le PREC est muet, le
ministère se permet d'interpréter et, par ricochet, de semer des
illusions sur la portée réelle des nouveaux droits que le PREC
autoriserait aux étudiants et étudiantes.
Ainsi, à titre d'exemple, est-il tout à fait faux et, qui
plus est, malhonnête de prétendre que les articles 23, 24 ou 25
qui, soit fixent la durée d'une session et la période
d'inscription, soit définissent le contenu des plans de cours,
accorderaient dans le même souffle le droit à une session de
durée fixe, ou encore le droit "à des cours conformes, en contenu
et en durée, aux programmes officiels". Le plus grand sans-gêne
est atteint par le MEQ lorsque celui-ci affirme que le futur règlement
accordera "le droit à des conditions d'admission rendant les
études collégiales accessibles au plus grand nombre". Nous
pensons avoir démontré que le PREC n'a pas pour objectif, ni
même n'aura pour effet tangible d'étendre effectivement
l'accessibilité au plus grand nombre, mais qu'à l'inverse il
conduira un plus grand nombre de jeunes et d'étudiants et
étudiantes à écourter leur passage au travers de la
filière postsecondaire. Que dire également du "droit à un
enseignement de caractère polyvalent" qui serait supposément un
des titres de gloire du PREC? En fait de paradoxe, on ne peut faire mieux,
puisque jamais, avant le PREC et les modifictions apportées à la
certification, ne sommes-nous allés aussi loin dans le renoncement au
caractère polyvalent de l'enseignement. Sur le "droit à
l'évaluation", autre trouvaille sur la liste du MEQ, nous pouvons
ajouter, quant à nous, la précision suivante: l'étudiant
et l'étudiante n'auront, à toutes fins utiles, aucun mot à
dire sur l'évaluation de l'apprentissage qui, pourtant, les concerne en
tout premier lieu.
On le constate aisément, le PREC est une coquille vide en
matière de droits étudiants, une opération de
séduction qui relève de l'idéologie bien plus que des
droits réels.
Mais qu'à cela ne tienne. Jouons le jeu, soyons dupes un instant
et tenons pour acquis que le PREC accorde aux étudiants et aux
étudiantes de véritables droits. Ce qui saute alors aux yeux,
c'est que le MEQ a à ce point d'égards pour les étudiants
et les étudiantes qu'il est prêt à réduire leurs
droits à la simple notion des droits de l'usager. Le PREC et le document
de commentaires sont clairs: l'étudiant et l'étudiante est
l'usager et l'usagère du système d'éducation. C'est
à ce titre, et à ce titre uniquement, qu'il et elle
bénéficient de certains services, un peu comme le malade est
l'usager des services de santé dans une institution hospitalière.
L'étudiant est donc en droit de s'attendre que le produit qu'il va
chercher, que la prestation à laquelle il s'attend soient conformes au
produit annoncé, tant au niveau du contenu que de la durée. Cette
vision rabougrie des droits étudiants, aseptisée au point de
porter dorénavant le vocable de "droits des élèves", c'est
le cheval de bataille que voudrait nous voir enfourcher le ministère de
l'Éducation. Pourtant, elle est en tout point inconciliable avec la
conception que nous nous faisons des droits étudiants.
Tant que les étudiants et étudiantes devront affronter des
barrières financières pour avoir accès aux études
postsecondaires ou pour achever leurs études collégiales et
universitaires, le pseudo-droit à des "études collégiales
accessibles au plus grand nombre" ne sera qu'une formule de rhétorique.
Tant et aussi longtemps que les étudiants et étudiantes ne
pourront pas négocier les plans de cours en début de session, le
pseudo droit de connaître le contenu et la durée des cours ne sera
qu'un appât fort peu alléchant.
De plus, l'antisyndicalisme du gouvernement s'accommodera fort bien de
ces cohortes d'étudiants et d'étudiantes qui se lèveront
pour défendre des droits que nous savons fictifs contre ceux des
personnels enseignants et non-enseignants. Que les professeurs d'un
département manifestent le désir de conserver certaines de leurs
prérogatives et aussitôt l'étudiant usager sentira une
menace planer contre ses droits. Qu'un syndicat ait recours à la
grève pour faire valoir le droit de ses membres et aussitôt
l'étudiant usager mettra de l'avant son droit inaliénable
à un enseignement continu. On n'a qu'à observer la situation qui
prévaut actuellement dans le secteur universitaire pour se rendre compte
de la facilité avec laquelle une administration et, à terme, un
gouvernement peuvent tabler sur les droits de rhétorique pour renvoyer
dos à dos les étudiants et étudiantes et les
employés et employées ou enseignants et enseignantes.
Que le gouvernement veuille "consacrer" selon son expression la
"responsabilité des collèges quant à la protection des
droits de l'élève à une formation de qualité" et
ce, après avoir eu l'indécence d'adopter l'été
dernier la loi 32 qui constitue la plus importante attaque contre le droit
d'association après avoir partagé pendant des années la
responsabilité des cégeps dans la répression contre les
associations étudiantes et alors qu'il est de notoriété
publique que de plus en plus d'administrations collégiales tentent par
tous les moyens de se débarrasser des associations locales qui sont les
seules responsables de la promotion et de la défense des droits
étudiants, cela témoigne du peu de cas que fait objectivement le
ministère de l'Éducation des droits des étudiants.
Depuis l'adoption de la loi 111, on sait que, quand le gouvernement
parle de droits, c'est un peu comme dans la légende quand le diable
parle de vertu. Ce que l'ANEQ constate à la lecture du PREC et du
document d'accompagnement, c'est que les notions qui sont mises de l'avant en
matière de droits étudiants vont nous faire retraiter 20 ans en
arrière alors que les élèves à l'époque et
non pas les étudiants et étudiantes, comme nous persistons encore
à nous appeler, étaient soumis à la férule des
autorités collégiales.
S'il vous plaît, M. le ministre, à l'avenir, n'associez
plus les droits étudiants au PREC, c'est un non-sens qui a
déjà trop duré.
En conclusion, nous n'avons qu'un seul souhait à formuler quant
au PREC et il est clair et sans équivoque: Nous exigeons son retrait.
Nous rejetons le PREC parce qu'il constitue une entrave sérieuse
à l'accessibilité aux études collégiales. Nous
rejetons le PREC aussi parce qu'il porte atteinte
irrémédiablement à la qualité de l'enseignement
dispensé dans les cégeps. Enfin, nous rejetons le PREC parce
qu'il oriente l'éducation vers les besoins de quelques-uns, ce qui a
pour effet de nier et, ce qui est pire, de mystifier les aspirations
légitimes de la population québécoise.
Comme nous le disions tantôt, ce n'est pas d'hier que l'ANEQ et
ses membres demandent au ministère de l'Éducation de mettre au
rancart son projet de règlement. Nous l'avons déjà dit et
nous le répétons dans ce mémoire, nous condamnons les
activités gouvernementales dans l'éducation. Nous vous avons
démontré avec force rigueur comment le PREC se
révèle inacceptable pour les étudiants et
étudiantes et pour la population en général. Nous
entendons maintenant expliquer au gouvernement ce qu'il doit faire pour
répondre adéquatement aux critiques fondamentales que nous avons
précédemment formulées.
La formation dispensée au niveau collégial doit être
polyvalente et qualifiée. Le diplôme ou les certificats que le MEQ
décernera ne seront que de vils morceaux de papier tant et aussi
longtemps qu'ils seront assujettis à un seul secteur d'emploi, aux
besoins de main-d'oeuvre d'une seule région. Tous les diplômes
menant au marché du travail doivent être autant valables à
Gaspé qu'à Montréal, à Hull qu'à Chicoutimi,
sinon c'est votre capacité comme ministère, comme gouvernement ou
comme parti de saisir les besoins réels du Québec et d'y apporter
les correctifs adéquats qui sera mise en doute. Nous voulons des
diplômes qui ont une valeur nationale et, qui plus est, nous voulons
qu'ils nous donnent prise sur la réalité pour que nous puissions,
grâce à la formation collégiale, accéder à de
meilleures conditions de vie.
Nous réclamons aussi du ministère qu'il procède
à une réelle décentralisation du réseau
d'enseignement. Les cégeps doivent être gérés par
ceux et celles qui sont les premiers et premières concernés par
la formation collégiale et non par ceux qui sont uniquement
concernés par sa gestion. Qui d'autre, en effet, que les
étudiants et étudiantes, les professeurs, la population
regroupée démocratiquement dans des organisations dont elle s'est
elle-même dotée ou encore les groupes de femmes ou les syndicats,
de n'importe quel secteur, connaît mieux le type de formation ou
d'enseignement qui convient? Pour que cette décentralisation ne soit pas
factice, la pédagogie doit, elle aussi, être révisée
pour, d'une part, correspondre à la réalité de ceux et
celles qui la vivent et, d'autre part, considérer les aspirations
spécifiques de ceux et celles à qui elle s'adresse.
Nous savons pertinemment que le MEQ éprouve des
difficultés à comprendre et à articuler nos demandes dans
un régime pédagogique. La preuve en est que, depuis trois ans,
nous lui formulons sensiblement les mêmes revendications. C'est pourquoi
nous croyons qu'il est temps d'organiser un débat public large autour
des enjeux fondamentaux du PREC et des contre-réformes,
c'est-à-dire l'accessibilité, la qualité et l'orientation
de l'éducation, afin de permettre aux premiers concernés de
définir eux-mêmes le contenu et les orientations de leur projet
d'école. Qu'on ne s'y méprenne pas: nous ne proposons pas au MEQ
d'organiser ce débat, mais plutôt d'en permettre la
réalisation.
L'expérience nous a démontré que ces discussions
qui prennent la forme de concertation n'ont pour effet que la
légitimation des politiques gouvernementales et sèment l'illusion
d'une participation au processus décisionnel, alors que dans les faits
cela permet au MEQ d'afficher un pastiche de démocratie tout en ne
considérant aucunement les revendications du mouvement étudiant.
C'est parce que nous croyons que le gouvernement ne doit pas ignorer une fois
de plus nos besoins et nos intérêts spécifiques, de
même que ceux de la population, mais qu'il doit au contraire les laisser
surgir en dehors de toute contrainte étatique que nous exigeons la tenue
d'un débat public sur l'éducation. Nous demandons seulement au
ministère de l'Éducation d'écouter et de prendre en compte
les demandes légitimes qui en seraient issues.
Nous pouvons d'ores et déjà réclamer du
gouvernement qu'il mette au rancart son PREC et ses politiques de
contre-réforme pour que ce débat ne soit pas obnubilé et
qu'il puisse davantage porter sur les fondements de ce que nous et les autres
intervenants considérons être à la base de tout
système d'enseignement, à savoir l'accès, la
qualité et les orientations de
l'éducation. Si le MEQ accepte la tenue de ce débat, son
discours sur la démocratisation, la participation populaire sera enfin
réalité. S'il refuse, nous saurons que ses belles paroles n'ont
qu'un but, celui de mystifier la population dans une perspective
électoraliste dont personne ne sera dupe.
L'ANEQ et ses membres ont déjà démontré
vigoureusement au ministère que le PREC ne nous satisfaisait pas. En
effet, près de 30 institutions ont débrayé le 15 novembre
dernier pour manifester publiquement leur désaccord avec ce projet et
réclamer du gouvernement qu'il agisse sur les trois axes du
système d'éducation qu'il a lui-même reconnus comme
fondamentaux. Nous revendiquons depuis quelques annés déjà
la gratuité complète de l'éducation postsecondaire pour en
favoriser l'accès. Nous croyons aussi que le MEQ doit cesser sa pratique
de contingentement qui contredit lamentablement ses palabres sur
l'accessibilité. Le gouvernement doit miser sur l'éducation
collégiale et universitaire pour que son plan de relance
économique s'avère une solution concrète à la
crise. Il ne doit pas uniquement augmenter les budgets dans le domaine
scientifique, mais dans l'ensemble du réseau. Nous exigeons du
gouvernement qu'il hausse substantiellement les budgets du ministère de
l'Éducation au nom même de ce qu'il appelle la qualité de
l'enseignement.
De plus, nous exigeons que l'éducation corresponde à notre
réalité et à nos aspirations et qu'à ce titre nous
prenions une part réelle dans les décisions et les orientations
de l'enseignement collégial. Nous croyons qu'il est de notre devoir de
s'impliquer dans la vie pédagogique des cégeps. C'est pourquoi,
dès la session prochaine, les étudiantes et les étudiants
de cégeps négocieront dans chacun de leurs cours les plans de
cours, utiliseront des temps de libération pour discuter de leurs
exigences pédagogiques et se doteront de comités paritaires
professeurs-étudiants dans chacun des départements qui auront
comme principal mandat d'évaluer la qualité de l'enseignement et
d'y apporter les correctifs nécessaires.
Puisque le MEQ n'attache aucune importance aux demandes
étudiantes, nous nous donnerons nous-mêmes les moyens pour
bénéficier d'une formation de qualité et orientée
vers les besoins de la majorité de la population. Nous n'accepterons
jamais d'aller dans des collèges-PREC et nous ferons tout ce qui est en
notre pouvoir, et ce dès la session d'hiver, pour que notre voix soit
entendue. Si ce n'est pas par le MEQ, ce sera par et avec les professeurs.
Merci beaucoup.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Legendre. D'abord,
j'indique aux membres de cette commission qu'il y a deux modifications à
la liste des membres et des intervenants. M. Cusano (Viau) est remplacé
par M. Dauphin (Marquette) comme membre et M. Maltais (Saguenay) remplace M.
Dauphin à titre d'intervenant.
M. Legendre, vous avez mis presque une heure à présenter
votre mémoire. Je signale cependant que vous avez clairement
exprimé vos positions. Je demande aux membres de cette commission de
s'adresser à vous dans la mesure où ils désirent obtenir
des éclaircissements supplémentaires; sinon, nous aurions des
difficultés à entendre tous les groupes qui ont été
convoqués aujourd'hui et qui se sont effectivement rendus.
M. le ministre.
M. Laurin: M. le Président, je viens de prendre
connaissance avec les membres de la commission du mémoire de l'ANEQ.
Évidemment, il est très difficile de commenter tous les aspects
d'un mémoire aussi long que celui qu'on vient de nous présenter,
alors que notre prise de connaissance est aussi immédiate. Donc, il ne
me sera guère possible de le commenter dans son entièreté.
(12 h 30)
Cependant, ce mémoire tient plus du plaidoyer et du plaidoyer
politique que d'une présentation qui voudrait apporter quelques
modifications au projet qui est actuellement à l'étude.
D'ailleurs, l'ANEQ l'avoue elle-même: elle vient moins demander des
modifications que poursuivre une campagne de sensibilisation et une campagne de
mobilisation auprès de l'opinion pour faire valoir sa conception de
l'éducation. Car je crois voir - et je pense que l'ANEQ ne me
démentira pas - que sa critique va bien au-delà du PREC. C'est
une critique qui va à l'organisation même des collèges
telle qu'elle existe actuellement, qui va à l'encontre de ce que les
gouvernements successifs ont fait depuis une vingtaine d'années en
matière d'éducation, que sa critique va jusqu'à
l'organisation même de notre société et va, au fond, contre
le projet social que la collectivité s'est donné depuis une
trentaine d'années. Donc, c'est bien évident qu'on ne peut pas
régler ce problème aussi large, aussi profond, dans une
séance de commission parlementaire.
Évidemment, cela ne veut pas dire que j'accepte les
présupposés philosophiques où je reconnais une bonne
partie des affirmations du marxisme-léninisme. Il n'est donc pas dit que
j'accepte ces postulats, ces axiomes, la lecture qu'ils amènent l'ANEQ
à faire de la société, les conséquences qu'elle en
tire et les recommandations qu'elle fait. Je pense que ce n'est pas le lieu
d'en discuter ici.
Cependant, je voudrais relever quand même un certain nombre
d'affirmations. Quand l'ANEQ dit que le projet de régime
des études est rejeté par la plupart des partenaires du
milieu, je crois que c'est là une affirmation qui ne souffre pas la
confirmation. Car, déjà, un certain nombre d'organismes se sont
prononcés en faveur d'un règlement qui doit exister après
quinze ans d'expérimentation. Nous avons entendu deux organismes, hier:
la Fédération des collèges et l'Association des
collèges privés. Je sais aussi que le Conseil supérieur de
l'éducation demande qu'il y ait enfin un régime d'études
collégiales. Le Conseil des collèges nous fait la même
recommandation. Le Conseil des universités nous fait la même
recommandation. Un certain nombre d'autres organismes, tout en critiquant l'une
ou l'autre des dispositions du règlement, en arrivent cependant à
la conviction qu'il faut, après ces quinze années de pratique,
justement, en arriver à établir des règles claires qui
permettront à chacun de se situer et qui permettront des progrès
ultérieurs. D'ailleurs, le député d'Argenteuil, hier,
-donc, l'autre grand parti politique - a conclu à la
nécessité d'un règlement.
Je conteste aussi l'affirmation selon laquelle le projet d'études
collégiales est figé dans le béton et que le gouvernement
s'entête à vouloir l'imposer dans sa forme actuelle à la
population étudiante et à la population en général.
Déjà, à la suite de la présentation d'un premier
projet, en 1980, les consultations ont été intenses, les
échanges ont été nombreux et la nouvelle proposition qu'on
a faite, au cours de 1983, montre bien que nous avons tenu compte d'un bon
nombre d'observations et de recommandations qui nous ont été
faites, à la demande même des associations étudiantes. Il
en est de même pour le projet. Bien sûr, nous avons
progressé; notre pensée étant maintenant plus claire
à la suite des échanges, nous sommes rendus plus loin. Mais si
nous tenons une commission parlementaire, c'est précisément parce
que nous voulons continuer d'entendre les réactions, les
représentations et les recommandations, et ceci implique bien que nous
sommes encore réceptifs à des modifications ultérieures.
Donc, je ne crois pas que l'on puisse, d'une façon crédible,
prétendre que le projet de régime pédagogique pour le
collégial soit d'ores et déjà coulé dans le
béton.
Dans les représentations qu'on nous a faites aussi, on s'en
prend, non seulement au PREC, mais à toute la politique gouvernementale
en matière d'éducation et, en particulier, aux compressions, aux
coupures budgétaires, auxquelles il a fallu avoir recours au cours des
dernières années.
Je pense que nous nous sommes assez souventefois et longuement
expliqués sur la nécessité de ces compressions
budgétaires que nous avons dû assumer en tant que
société, en raison d'une crise économique qui frappe
d'ailleurs bien d'autres sociétés que la nôtre et qui
revêtait une acuité particulière au Québec. Nous
avons dû faire face à ce problème qui impliquait la
capacité de payer de notre société. Nous avons dû
procéder à des réajustements, réajustements qui ont
pris la forme de compressions dont les services éducatifs ont dû
prendre leur part. Il reste cependant que ces compressions ou coupures que
nécessitaient les circonstances ont été faites et nous
avons tenté quand même de limiter au maximum les
conséquences sur la qualité ou la quantité des services.
Il est plaisant maintenant de voir qu'avec la relance économique qui
s'amorce, on peut être sûr que ces compressions n'auront plus
à être faites. Elles ont été effectuées, mais
elles n'auront pas à être répétées. On peut
même commencer à penser qu'on pourra recommencer une croissance
qui doit être orientée, bien sûr, vers les secteurs
prioritaires.
Je voudrais aussi dire quelques mots sur ce que l'ANEQ dit de
l'asservissement aux entreprises. Je ne crois pas qu'on puisse dire que le
système d'éducation au Québec, qu'il s'agisse des
universités, qu'il s'agisse des collèges, qu'il s'agisse du
secondaire, soit asservi pieds et poings liés aux entreprises. Le
témoignage de l'ANEQ est ici contredit par un très grand nombre
d'organismes et d'observateurs de la scène politique. Le système
d'éducation a ses fins propres et je pense qu'à tous les niveaux,
aussi bien les commissions scolaires, les autorités collégiales
que les autorités universitaires, on a bien tenu à affirmer et
à confirmer dans les faits que leur but premier était le
développement de la personne dans toutes les dimensions de sa
personnalité, que c'était le développement de
l'excellence, de la qualité de la formation.
Évidemment, on ne peut nier pour autant que le système
d'éducation ne doit pas exister dans un cadre abstrait. Les services
éducatifs ont pour mission, bien sûr, de former des personnes au
maximum, mais, également, ces institutions ont un rôle pour les
besoins sociaux, les besoins de travail, du marché du travail. Il est
bien évident qu'on ne doit pas former dans l'abstrait, mais qu'on doit
former des citoyens, des ouvriers, des techniciens, des professionnels, des
docteurs ou maîtres dans quelque discipline que ce soit en fonction des
besoins de la collectivité, en fonction d'un marché du travail
qui évolue, qui est même en train de connaître une mutation
technologique. Il importe donc d'établir un équilibre entre ces
deux impératifs du système d'éducation qui est le
développement des personnes en même temps que l'assomption des
rôles sociaux que doivent remplir nos institutions d'enseignement. Je
pense que nous avons réussi au Québec, autant et peut-être
parfois mieux qu'ailleurs, à concilier ces deux impératifs. Je ne
pense donc pas qu'il soit
juste de dire que nos collèges en particulier sont asservis aux
entreprises. D'autant plus que la structure même de nos institutions de
même que les règlements que nous avons montrent bien que les
programmes sont élaborés le plus souvent par des professeurs avec
les autres partenaires de l'éducation et qu'ils sont approuvés
par le ministère en fonction, précisément, de cet
impératif de développement des personnes aussi bien que de
services à la collectivité. Je ne pense donc pas qu'on puisse
aller jusqu'à ces conclusions.
Une autre remarque aussi. On nous accuse de vouloir refluer au
secondaire certaines formations professionnelles, et on a pris l'exemple du
secrétariat. C'est là une autre fausseté absolue, puisque
cet enseignement se donne actuellement et au niveau du secondaire et au niveau
du collégial. Mais, tout le monde a constaté un certain
chevauchement et qu'il s'agit de préciser les objectifs d'un
enseignement de techniques de secrétariat aux professionnels, de
même qu'il faut définir, au collégial, les ordres
différents, les niveaux différents, les types différents
de formation qu'il importe de faire pour ces deux niveaux. C'est
précisément ce que nous sommes en train de faire, encore une
fois, avec la collaboration de tous les partenaires du réseau.
Je pourrais continuer très longtemps dans cette veine, M. le
Président, mais je voudrais m'arrêter simplement pour poser
quelques questions à l'ANEQ. J'ai bien entendu que l'ANEQ vise une
réelle démocratisation de l'enseignement, aussi bien dans la
forme et le contenu des programmes. Mais, l'ANEQ n'est pas très
explicite quant à la démonstration de cette affirmation, quant
aux moyens qu'il faudrait prendre pour assurer cette réelle
démocratisation de l'enseignement, dans la forme et le contenu des
programmes.
La première question que j'aimerais poser à ces gens,
c'est de nous donner la recette ou, du moins, une ligne de conduite sur ce
qu'ils préconisent pour assurer, sur le plan concret, sur le plan de
l'organisation pédagogique, cette réelle démocratisation
de l'enseignement.
J'y joindrais une autre question, d'ailleurs. On a parlé de
pédagogie populaire et progressiste. Là non plus, on n'a pas
été très explicite. J'aimerais bien demander à
l'ANEQ qu'elle soit plus explicite, justement, et qu'elle nous illustre sur le
plan concret, sur le plan de . l'organisation, ce qu'impliquerait l'adoption de
ce qu'elle appelle la pédagogie populaire et progressiste.
Une troisième question que j'aimerais vous poser. Partout dans le
mémoire, on conteste les pouvoirs du ministère ou du ministre. On
ne voit pas, on n'accepte pas que cette intervention ministérielle est
nécessaire pour assurer l'égalité des chances ou
l'égalité de la qualité ou la cohérence du
réseau, on y voit simplement une mise en tutelle. Par ailleurs, l'ANEQ
réclame des diplômes nationaux. J'aimerais que l'ANEQ m'explique
comment, d'un côté, on demande au ministère et au ministre
de se délester de tous les pouvoirs qu'ils ont, et pourquoi et comment,
de l'autre côté, on demande que le ministère assume cette
fonction de sanctionner, d'une façon nationale, les diplômes des
collèges. Concrètement, comment peut-on assurer la sanction des
diplômes nationaux sans qu'il y ait un pouvoir d'intervention qui vise,
justement, à assurer la validité de cette reconnaissance des
diplômes nationaux?
J'aimerais poser ces trois questions à l'ANEQ.
Le Président (M. Blouin): M. Legendre.
M. Legendre: On va répondre aux trois questions. Juste
avant, j'aimerais peut-être faire une petite précision...
Le Président (M. Blouin): Je pense que...
M. Legendre: ...dans la mesure où le ministre, avant de
poser sa question, a formulé certains commentaires.
Le Président (M. Blouin): Oui, oui...
M. Legendre: J'aimerais peut-être formuler certains
commentaires avant qu'on donne notre réponse.
Le Président (M. Blouin): M. Legendre, je crois que vous
avez eu presque une heure pour émettre vos positions. *Le ministre a
répondu brièvement à quelques arguments que vous avez
développés. Je vais demander et aux intervenants et aux
députés et à nos invités de revenir le plus
possible au mandat qui nous a été confié par
l'Assemblée nationale, qui est celui d'étudier les nouvelles
propositions relatives au régime pédagogique de l'enseignement
collégial.
Je ne peux pas, quant à moi, excéder ce mandat qui nous a
été confié. Si d'autres occasions nous permettent,
à d'autres moments, de discuter de propositions plus larges, ce sera
à l'Assemblée nationale de le décider, mais le cadre qui
nous a été fixé aujourd'hui est relativement restreint et
j'aimerais qu'on s'y conforme.
M. Legendre: Oui. Alors, je vais passer la parole a deux de mes
collègues pour répondre aux questions du ministre. Cependant,
pour la lumière des membres de la commission et de l'ensemble des
députés du Parlement, j'aimerais dire au ministre que notre
bagage marxiste-léniniste, suivant
l'expression qu'il a employée, nous l'avons pris, pour une bonne
part, au Conseil supérieur de l'éducation. Nous avons même
cité le ministre lui-même. Donc, s'il y a un ménage
à faire, peut-être que le ministère de l'Education peut le
faire dans ses propres instances.
D'autre part, le ministre n'en est pas à une bourde près
concernant l'ANEQ...
Le Président (M. Blouin): M. Legendre...
M. Legendre: ...je pense que c'est la deuxième en deux
commissions parlementaires.
Le Président (M. Blouin): M. Legendre. Maintenant, nous
allons revenir au sujet...
M. Legendre: Cela méritait d'être souligné
cependant.
Le Président (M. Blouin): ...que nous voulons traiter
aujourd'hui.
M. Legendre: Alors, Peter Wheeland, est-ce que tu peux
répondre, s'il te plaît?
Le Président (M. Blouin): M. Wheeland. M. Ryan: Un
instant, M. le Président.
Le Président (M. Blouin): Oui, M. le député
d'Argenteuil. (12 h 45)
M. Ryan: Question de règlement. Je me demande si vous
empruntez la bonne voie en soulevant ces aspects-là maintenant. Je pense
qu'il y a une chose dont il faut se rendre compte, c'est que nous devons
obéir à des contraintes temporaires. Il faut fixer une heure
à laquelle on terminera. À l'intérieur de cette
période, cela ne serait pas une bonne chose d'être trop
chatouilleux au chapitre de la pertinence. Comme le signalait l'intervention
qui vient d'être commencée, on pourrait même souligner des
aspects dans l'intervention du ministre qui n'étaient peut-être
pas immédiatement reliés au mandat technique que nous avons. Si
nous faisons preuve de libéralisme dans cela, tout en étant
conscient qu'il faut terminer à une certaine heure, cela va être
plus sage.
Le Président (M. Blouin): Vous êtes très
conscient, M. le député d'Argenteuil, que nous avons des
contraintes. Il y a six organismes qui doivent être entendus aujourd'hui.
J'ai été très conscient des écarts et je les ai
soulignés: ceux de l'ANEQ et ceux du ministre aussi. Ces écarts
étant faits, j'ai demandé la collaboration des membres de cette
commission et de nos invités pour revenir maintenant de façon
plus directe et plus pertinente au sujet qui nous réunit
aujourd'hui.
M. Ryan: Encore une fois, j'insiste auprès de vous. Qu'on
soit limité dans le temps, mais, pour le reste, on n'a pas la chance de
causer souvent de ces choses. Il y a des remarques de caractère plus
général qui peuvent avoir un lien important avec le sujet que
nous discutons.
Le Président (M. Blouin): C'est sûr.
M. Wheeland (Peter): J'espère que cela ne dérange
personne si je parle en anglais.
Le Président (M. Blouin): Pas du tout.
M. Wheeland: The Minister can find the answers to a lot of those
questions in a report published by the Conseil supérieur de
l'éducation, 1979, called: "L'égalité des chances en
éducation", by Mireille Levesque. That is where, as Patrice underlined,
we found our Marxist-Leninist citations.
Concerning our perception of a real democratization... Ce n'est pas le
même mot en anglais. Democratization of postsecondary education means
that there is a real mix of different socioeconomic groups within the
educational institutions. The studies of the Minister himself and a number of
tables which are noted on the index, at the back of the memoire, including
"Caractéristiques des étudiants du professionnel court à
partir de l'analyse de leur cheminement scolaire", the document already
mentioned, which points out that the scholastic aspirations of francophone
students, according to socioeconomic status, clearly delineate a class system
reproduced within the educational system. In other words, what the so-called
democratization of the 1960s has accomplished is that it has ensured that more
people from the middle classes have gone on to postsecondary education. And
this has done just about nothing to change the fact that the people from lower
socioeconomic classes are not participating in postsecondary education.
What we mean by a true democratization of the postsecondary education
system is where we have a mix of students in the postsecondary institutions
which are a mirror of the social composition of our society, the socioeconomic
composition of our society. That is what we mean, when we talk about the
democratization of a cegep, a democratization of the postsecondary education in
general.
The pédagogie populaire. Jean will explain.
M. Robitaille (Jean): Concernant la question du ministre de
l'Éducation sur ce que serait pour nous la pédagogie progressiste
et populaire, je suis étonné et même déçu que
le gouvernement et que le
ministre de l'Éducation ne connaissent pas plus la
pédagogie progressiste et populaire. On sait cependant que le ministre a
refusé d'aider les étudiants et les étudiantes qui ont
lutté dans les années passées pour que les
expériences de la pédagogie progressiste se continuent à
l'Université de Montréal, en préscolaire et
élémentaire, en sciences juridiques et dans plusieurs autres
départements. Il y a eu deux colloques dans les deux dernières
années qui ont regroupé à chaque occasion plus de 300
participants et participantes à Montréal. Le collectif, la
maîtresse d'école étaient initiateurs de ces colloques.
C'est quoi la pédagogie progressiste et populaire? Cela appelle
des modifications du système éducationnel actuel au niveau tant
du contenu des cours que des méthodes et de la pédagogie. Ce sont
des projets qui partent de la réalité des étudiants et des
étudiantes et du monde en général. Ce sont des projets,
c'est du travail, c'est une formation qu'on se donne qui oppose la
compétition et l'individualisme, qui sont des valeurs mises de l'avant
actuellement dans le système scolaire, qui oppose ces valeurs de
compétition et d'individualisme à de nouvelles valeurs qui sont
le travail en équipe, la promotion collective et l'excellence dans le
travail. C'est beaucoup plus en solidarité avec ces démarches
qu'on se situe à l'ANEQ quand on parle de projets d'écoles ou de
nouveaux types de systèmes scolaires, de programmes de formation. Si le
gouvernement est peu attentif à la pédagogie progressiste et
populaire qui regroupe aussi tout le secteur de l'éducation populaire au
Québec qui se fait dans les groupes populaires, c'est peut-être
aussi une façon de nous démontrer que, dans les mois qui
viennent, par les rumeurs de la dissolution des DGEA, les possibilités
aussi de couper de façon drastique dans ce qui se fait comme
éducation populaire au Québec. C'est donc en solidarité
avec ces expériences qu'on se situe.
La deuxième question du ministre sur le fait qu'on conteste les
pouvoirs du ministre. On demande des diplômes à valeur nationale
et, en même temps, il nous semble important d'avoir des pouvoirs. Si,
dans l'esprit du ministre, cela est contradictoire, dans le nôtre, cela
ne l'est pas.
Les diplômes nationaux ne se réfèrent pas simplement
à la sanction des études ou à la façon de
sanctionner les études; bien au contraire, pour nous, cela devrait
porter sur autre chose que cela. Ce qu'on entend par diplôme
national, c'est très lié à la volonté d'avoir la
qualité de l'éducation et la polyvalence de la formation qui
permettent aux étudiants et aux étudiantes d'avoir une formation
qui va leur donner un emploi intéressant dans l'avenir et qui va leur
donner un emploi qui ne sera pas temporaire ou très précaire
comme type d'emploi, et non une formation très rapide comme celle que
les attestations ou certificats d'études collégiales, les
diplômes à rabais amènent. Ce qui fait qu'on est lié
aux commandes des entreprises. On nous dit qu'on ne parle pas au Québec
d'assujettisement de l'enseignement collégial aux besoins des
entreprises, mais à quoi servent les comités école-travail
où se réunissent des professionnels non enseignants et des
représentants des entreprises régionales? À quoi servent
donc ces comités si ce n'est à préparer des programmes sur
mesure pour les entreprises?
Dans ce cadre, on a expliqué dans le mémoire le fait qu'on
n'était pas contre le fait de recevoir une formation qui nous permette
d'être compétent, mais une formation au cégep ou à
l'université ou à quelque niveau que ce soit de l'enseignement au
Québec. La formation ne doit pas se limiter à former
bêtement des individus qui seront des robots et qui fonctionneront en
réponse à des besoins très précis, des besoins
à court terme d'entreprises, ou bien pour les faire sortir de la crise
ou leur faire prendre le virage technologique. Pour nous, la formation qu'on
doit aller chercher au niveau collégial va nous permettre d'avoir une
formation beaucoup plus polyvalente que cela. C'est dans ce sens que, pour
nous, il nous semble important d'avoir des diplômes à valeur
nationale. Le ministre, nous semble-t-il, ne doit pas avoir l'ensemble des
pouvoirs concernant la gestion, la sanction de tout cela. Il doit assurer, il
doit permettre les moyens pour que la qualité de l'éducation et
la polyvalence soient assurées au niveau collégial, mais, avec le
PREC, on voit que c'est bien autre chose que cela. Pour nous, la dichotomie ou
la contradiction que le ministre voyait, on ne l'aperçoit pas parce
qu'on part d'une perspective assez différente de la conception de... On
ne limite pas le diplôme à valeur nationale à une simple
conception de sanction des études.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Robitaille.
M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: Merci, M. le Président. Je voudrais tout d'abord
souligner que j'ai écouté avec intérêt le
mémoire qui nous a été présenté par la
délégation de l'ANEQ. J'étais content de la mise au point
qui a été faite au sujet de l'allusion à l'inspiration
marxiste-léniniste. Je ne pense pas qu'on puisse imputer ce reproche au
document dont nous avons entendu la lecture. C'est une lecture que
j'appellerais progressiste, la réalité de l'enseignement dans le
Québec d'aujourd'hui. Mais je ne pense pas qu'on doive attacher d'autre
étiquette à ce document, en toute rigueur d'esprit.
Cela étant dit, j'ai remarqué deux choses dans le
mémoire qui nous a été présenté. Il y a deux
soucis de base. On peut discuter de telle ou telle page, de tel ou tel
paragraphe à l'infini, mais il y a deux soucis de base qui doivent nous
concerner au plus haut point. Ces gens nous disent d'abord: On
s'inquiète des conséquences du nouveau règlement sur
l'accessibilité à l'enseignement. Il pourrait arriver, et on va
en discuter de manière plus précise dans quelques moments, qu'au
lieu d'atteindre l'objectif qui est désiré par le gouvernement,
cela entraîne des résultats contraires. C'est une
inquiétude parfaitement pertinente et qui n'a rien de
marxiste-léniniste, sûrement. On peut lire les conséquences
d'une mesure gouvernementale d'une manière différente. Cela,
c'est très bien et fait partie de la liberté de débat que
nous avons dans ces questions. Deuxièmement, on s'inquiète des
répercussions des mesures proposées sur la qualité de
l'éducation. S'il arrivait qu'à poursuivre la quantité
à tout prix, on finisse par entraîner une dévaluation
générale de la qualité dans le système
d'enseignement collégial, ce serait évidemment - et c'est l'avis
du gouvernement aussi, j'en suis sûr - une conséquence
déplorable.
Sur ces deux plans, j'ai trouvé que le mémoire nous pose
des questions auxquelles nous devons chercher des réponses
honnêtes. Le ministre a posé un problème. Je l'avais dans
mes notes et je remercie le ministre de l'avoir posé avant moi. Cela
nous évite d'en discuter de nouveau, mais je ne pense pas que la
réponse ait été complètement satisfaisante. Si on
parle de diplôme national, c'est vrai que cela ne peut pas uniquement
consister, la dimension nationale du diplôme, dans la signature du
ministre et du sous-ministre qui est inscrite sur le diplôme. Il y a
beaucoup d'autres choses là-dedans. L'input mis par l'étudiant et
le professeur est aussi important pour asseoir solidement la valeur nationale
du diplôme que la signature du ministre, en fin de compte. C'est tout
cela ensemble qui donne la dimension nationale dans son sens plein. C'est ce
qu'on a voulu dire quand on a esquissé une réponse à cette
question.
Je soutiendrais que, sur un bon nombre de points, il faut quand
même une intervention de l'autorité politique au niveau national
pour qu'on puisse avoir un système national d'enseignement
collégial. En matière d'admission, par exemple, il faut un
certain nombre de normes de base. Nous discutons ces jours-ci de la distinction
adulte-jeune, à savoir si cela doit rester ou non. Vous n'en avez pas
parlé dans votre mémoire, à mon étonnement
d'ailleurs. C'est un point. On parle du cadre temporel dans lequel va se
dérouler l'année scolaire. Il faut bien que ce soit fixé
quelque part, soit dans les conventions soit dans des décisions
administratives. Il faut qu'un cadre de base soit établi par une
autorité politique nationale, à mon point de vue. L'orientation
générale des cours doit être approuvée quelque part.
On a suivi depuis quinze ans une politique en vertu de laquelle les grandes
lignes des cours sont approuvées et définies par le
ministère de l'Éducation en consultation avec de nombreux
milieux. À plus forte raison, l'octroi des diplômes doit relever
d'une autorité quelconque. Il pourrait arriver que certaines
institutions aient une qualité telle qu'on préfère leur
diplôme à celui du ministre. Tant mieux! Ce n'est pas une mauvaise
chose en soi. Mais la règle commune, ce sera un diplôme
sanctionné par l'autorité politique.
Cela me paraît tellement évident que je n'éprouve
pas le besoin de vous poser une question là-dessus. Il y a des
différences quant à la mesure et quant au degré
d'intervention du ministre. Là-dessus, il y a des remarques qui ont
été formulées dans votre mémoire, que j'ai
notées avec intérêt. S'il y avait des choses plus
précises, ce serait non moins intéressant de les entendre ou d'en
prendre connaissance par la suite.
Je ne parle pas des droits étudiants parce que je veux
réserver cela à mon collègue de Marquette, M. Dauphin. Je
vais vous poser une question principale. Vous avez émis des objections
très fortes à l'encontre de la tendance gouvernementale vers la
surspécialisation ou vers la professionnalisation précoce des
études. Vous vous êtes prononcés carrément contre
l'introduction du certificat d'études collégiales et la
prolifération du régime des attestations d'études
collégiales. J'aimerais avoir des précisions de votre part sur
les raisons qui vous amènent à vous opposer à ces deux
points précis qui figurent dans le projet de règlement. Je sais
que le président va trouver que je suis tout à fait pertinent. Il
me semble que c'est une des critiques majeures que vous adressez au projet,
dans son contenu tangible, en somme. J'aimerais que vous nous disiez pourquoi
vous vous opposez au certificat d'études collégiales et à
la prolifération des attestations, en pensant en particulier aux
conséquences que cela peut avoir sur l'orientation des jeunes
étudiants.
Le Président (M. Blouin): M. Robitaille. (13 heures)
M. Robitaille: J'essaierai effectivement de reprendre à
partir de ce qu'on a déjà amené, de peut-être
pousser un peu plus loin les éléments de réflexion qu'on a
apportés ou les critiques qu'on a apportées à ces deux
nouveaux diplômes.
Le Président (M. Blouin): Juste avant que vous ne
poursuiviez votre intervention, je crois qu'il y a entente pour que nous
poursuivions nos travaux au-delà de 13 heures pour pouvoir
terminer les échanges que nous avons avec votre organisme, vers 13 h 30
si possible, parce qu'il faudrait quand même terminer vers cette heure.
Nous pourrions, au retour, entendre le deuxième organisme qui est
inscrit à l'ordre du jour.
Une voix: ...
Le Président (M. Blouin): Très bien. Puisqu'il y a
consentement, nous allons poursuivre nos travaux. M. Robitaille.
M. Robitaille: Au niveau du certificat des études
collégiales ou de l'attestation d'études collégiales, on
aborde un tout petit peu dans le texte cette dimension que la distinction
adulte-jeune soit éliminée. Pour nous, en tout cas, on n'est pas
du tout convaincu par les arguments du ministèie de l'Éducation
qui nous dit que ce n'est pas la clientèle actuelle et normale qui va au
cégep qui ne serait pas intéressée à suivre ces
certificats d'études collégiales, le certificat d'études
collégiales ou l'attestation. Il nous semble au contraire que, dans la
situation économique que les jeunes vivent, le fait de s'endetter deux
ou trois ans au cégep par le régime des prêts-bourses pour
les étudiants qui viennent plus des classes défavorisées,
ce n'est peut-être pas toujours une perspective réjouissante,
considérant aussi que les étudiants et étudiantes qui
proviennent des classes plus défavorisées sont ceux qui, en
grande majorité, composent les secteurs professionnels au niveau du
système collégial et aussi au niveau secondaire.
Donc, ces deux éléments, les conditions économiques
et le fait que les étudiants et étudiantes du professionnel
proviennent plus des classes populaires au Québec, nous font dire que
ces étudiants pourraient être beaucoup plus tentés de
passer par le certificat d'études collégiales, de prendre une
formation déqualifiée, une formation d'un an. Il n'y a pas autant
de cours obligatoires qui sont mis là; la spécialisation qu'on y
reçoit est beaucoup plus rapide; c'est moins complet, mais ce sont des
diplômes que tu obtiens plus rapidement.
En même temps, pour les étudiants, cela pourrait être
alléchant et, pour nous, c'est très dangereux d'instaurer cette
voie d'évitement par rapport aux études postsecondaires,
c'est-à-dire que des étudiants et étudiantes qui
pourraient avoir honnêtement le goût de poursuivre des
études plus longtemps, mais en fonction du contexte culturel ou
économique difficile qu'ils vivent, seraient maintenant amenés
à être plutôt tentés de prendre le certificat
d'études collégiales. C'est un geste qu'ils posent et qui,
à court terme, ne semble pas avoir beaucoup de conséquences, sauf
qu'à long terme, je pense que cela signifie pour ces étudiants et
étudiantes qui auront reçu ces diplômes une formation
très dépendante des besoins de l'entreprise pour lesquels ils ont
été formés. Cela ne signifie pas du tout que les gens, les
individus qu'on forme... Les principes de formation fondamentale dont le
ministre de l'Éducation se targue tellement, nous ne le retrouvons
absolument pas dans ces certifications. Au contraire, ces gens ne sont pas des
gens qui reçoivent une formation au niveau collégial qui permette
qu'ils soient autonomes, qu'ils soient des individus qui soient capables de
fonctionner de manière critique dans la société.
Pour nous, ce sont des objections fondamentales qu'on porte au
certificat d'études collégiales et à l'attestation
d'études collégiales qui est un diplôme de "patchage" quand
il y a des problèmes qui se posent dans les entreprises. Il nous semble
qu'il faille favoriser plutôt que les étudiants et
étudiantes puissent avoir accès à une formation de
qualité, beaucoup plus qualifiée, à une formation
fondamentale.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Robitaille. M. le
député d'Argenteuil, cela va? M. le député de
Verchères.
M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Je ne veux pas
reprendre la discussion sur les épithètes et sur les tendances et
les fondements idéologiques. Je voudrais simplement dire que c'est
normal, parfois, que des attitudes comme celles-là surviennent face
à des caractères un peu pamphlétaires ou
polémiques. Je voudrais plutôt reprendre la discussion là
où on en est rendu, c'est-à-dire sur la perception que les gens
de l'ANEQ ont face à la proposition de certificats d'études
collégiales où ils voient une dévalorisation, une
déqualification, une accentuation des différentes classes
sociales. J'ai rencontré lundi des enseignants d'un cégep de ma
région. Avec un autre vocabulaire, ils m'ont fait part de craintes
semblables. Par ailleurs, hier, on a entendu les sous-ministres et les hauts
fonctionnaires du ministère de l'Éducation - à qui je
prête autant de bonne foi que j'en prête aux enseignants et aux
étudiants - qui, eux, nous ont fait état d'expériences
étrangères, d'analyses de situations démontrant que, si
les craintes que vous manifestez et que les enseignants manifestent peuvent
paraître fondées, l'analyse des situations a
démontré que plutôt que de réduire, plutôt que
de dévaloriser, plutôt que d'accentuer les différences de
classe sociale, on a permis, en offrant des possibilités ou des
variétés de filières plus ou moins longues... Plutôt
que de se contenter d'une seule filière commune pour tout le monde, on a
ouvert la porte à des gens qui, de toute façon,
décrochaient et n'arrivaient pas à s'inscrire dans le moule
commun.
Jusqu'à maintenant, malgré le fait que je sois très
sensible à ces représentations, je vous avoue que vous ne m'avez
pas convaincu par vos arguments qu'on ferait fausse route en adoptant ce projet
de règlement tel qu'il est proposé. Je regarde le nombre de
jeunes qui décrochent, le nombre de jeunes qui n'arrivent pas à
s'intégrer ni socialement ni professionnellement dans notre
société. Je me dis que peut-être finalement le même
moule ne doit pas être adapté à tout le monde. C'est
peut-être le message que les jeunes qui décrochent, tant du
secondaire que du cégep, nous donnent, de toute façon. Ils se
sentent mal à l'aise dans un cadre commun. Il y a l'expérience
qu'on mène, par exemple, actuellement au niveau des écoles de
décrocheurs, où on essaie d'adapter des formules
d'éducation différentes, progressistes, là aussi,
finalement, et mises au point par les enseignants et non pas selon un moule
unique. On se rend compte que ces filières différentes sont mieux
adaptées à des besoins d'un certain nombre de jeunes et de moins
jeunes.
Dans ce sens-là, je ne sais pas si vous avez des remarques
additionnelles pour nous convaincre. Ce n'est pas seulement le discours
progressiste qu'il faut aussi tenir. Il faut aussi se rendre compte que le
progrès se fait sur le terrain. Si, en fin de compte, on n'arrive pas
à débloquer ou à dépasser le discours, qu'on se
retrouve avec encore des centaines et des milliers de jeunes qui ont
décroché et qui n'arrivent pas à s'intégrer sur le
marché du travail, qui n'arrivent pas à trouver de valorisation
dans notre société, notamment parce qu'on ne leur a même
pas accordé, dans notre société, une valeur à un
temps d'étude qu'ils auront accompli, est-ce que nous serons plus
avancés? C'est la première question ou remarque que je fais.
Il y a une autre question qui finit par être agaçante.
D'une part, on fait face à des problèmes économiques
importants. Bien sûr, personne ne le veut. On pourra toujours nous
prêter toutes les intentions qu'on veut pour toutes sortes de raisons. Il
n'y a personne qui tient, ni d'un côté ni de l'autre de cette
table, je pense, à voir les enseignements, les cours dirigés par
le patronat, par les dirigeants d'entreprises, par les cadres d'entreprises. Il
y a quand même une réalité qui fait que l'enseignement, la
formation doit s'inscrire dans un objectif d'intégration dans cette
société de participation à la vie active de la
société. Est-ce que c'est un crime de lèse-majesté
que de penser que, à un moment donné, on puisse mieux arrimer la
formation au niveau collégial, la vie scolaire à des besoins
d'entreprises? Oui, à des besoins des entreprises du Québec qui,
après tout, sont la structure économique de notre
société. Ce n'est pas l'État qui est le seul maître
d'oeuvre de l'économie. On vit dans une société, dans une
philosophie socio-économique où ce sont des entreprises
privées, des entreprises coopératives qui suscitent une bonne
partie des emplois et ces entreprises ont des besoins. Quand on regarde le
nombre de jeunes qui reçoivent de l'assurance-chômage, ils ne se
demandent pas si tout est parfait; ce qu'ils voudraient, c'est
s'intégrer à ces entreprises et avoir du travail. Et, dans la
mesure où ils seraient mieux qualifiés, est-ce que ce n'est pas
là l'objectif qu'on doit atteindre sans tomber dans le danger que vous
soulignez - je pense que ce n'est peut-être pas mauvais qu'on se le
rappelle régulièrement - pour éviter le piège qui
serait de laisser aux seuls dirigeants d'entreprises le soin d'organiser la
formation, la pédagogie, les objectifs, etc?
Est-ce qu'il n'y a pas une marge entre le discours que vous tenez et les
besoins concrets de notre société actuelle qui ferait qu'on
pourrait peut-être s'entendre sur une réalité ou des
consensus qui feraient qu'on doit mieux adapter la formation qu'on ne l'a fait
jusqu'à maintenant aux besoins de notre économie?
Le Président (M. Blouin): M. Wheeland.
M. Wheeland: We are not against. We think that other things have
to be taken into consideration. You cannot simply take a look at the economic
cost. You also have to take a look at the human and the social cost.
As far as dropouts are concerned, why people are dropping out, they have
been a number of different studies which have come up with a number of
different reasons through why young people drop out of school. But, a lot of it
has to do with the irreality at school for those students. I was a dropout
myself, I realized at a certain point of my life that high school education
just simply did not seem to have any relevance to my life. That is why I
dropped out. I came back in when I started to realize that did have relevance
to my life.
That does not change something by increasing the number of students in
cegeps by trying to find the lowest common denominator which will get more
students to enroll in the cegeps. That is just a numbers game. It is a numbers
game which makes accessibility to cegeps look larger in Québec.
I think it really hit me when I saw a Canadian Federation of Students
document -and apparently this happens quite often - do a comparison between
accessibility in Ontario and accessibility in Québec. They get confused
because of the cegeps system in Québec. The accessibility rate looks a
lot higher in Quebec, and in fact it is because of the cegeps system.
As far as flexibility, the minister said himself, at the Conference of
Administrators of Education of Canada in Toronto, that
employers have to recognize and should recognize that there is value in
student having a broad polyvalent training which allows him to be flexible in
meeting the job market needs. Right now, the preoccupation of businesses is
just to keep the cost as low as possible, to keep labour cost as low as
possible, in other words, productivity. And productivity is accomplished by
paying people less and that means that the dequalified person who takes a lower
salary is more attractive to an employer at this particular period of time.
We think that the kind of solutions to dropout, unemployed and people on
social welfare is a full employment policy, not simply a policy which gives
youth a minimum of training and gives a minimum wage jobs where they are going
to have to go for retraining in a few years or a decade later because they
simply did not get enough adequate training to be able to meet changing
conditions in the job.
In that context, we do not think that dequalifying or reducing to a
lower denominator with a CEC or an AEC increasing the number of students is
going to improve their economic situation one bit. We think that the only thing
that is going to change the economic situation for those youths is the adoption
of a real full employment policy, not as the Prime Minister said the other day,
a policy of maximum employment and full activity. That is not the same thing. I
hope that answers the questions.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup. M.
Vézina, un complément de réponse. (13 h 15)
M. Vézina (Jean-Marie): L'ANEQ croit que, compte tenu des
sommes qui sont encourues par la société québécoise
pour former un individu, on pense que le gouvernement aurait
intérêt à ce que... Le gouvernement rendrait service
à la société québécoise s'il entreprenait,
dès le départ, de donner à un individu le maximum de
formation plutôt que de faire en sorte que les contribuables doivent -
là-dedans, j'inclus les entreprises - financer de façon
récurrente le recyclage d'un jeune qui deviendra adulte et qui aura
perdu, disons, sa qualification par rapport à un type de travail X dans
une région, dans une entreprise qui aura fermé ses portes. On
pense que c'est un service à rendre à la société
que, dès le départ, de s'assurer que cette personne a le bagage
pour faire le plus de chemin possible. Effectivement, il faut peut-être,
à un moment donné, se recycler, mais la question qu'on se pose,
c'est: Est-ce que ce sera tous les deux ans, est-ce que ce sera tous les trois
ans qu'on va venir faire de petits certificats très courts?
On pense que, compte tenu des coûts que cela implique de former
les gens, dès le départ, on devrait mettre le paquet pour que la
personne soit capable de cheminer pendant un bon bout de temps. C'est cela.
Le Président (M. Blouin): Très bien, merci. Il nous
reste quelques minutes. M. le député de Marquette.
M. Dauphin: Merci, M. le Président. Quelques minutes, oui.
À mon tour, j'aimerais remercier l'Association nationale des
étudiants du Québec pour la présentation de son
mémoire qui, soit dit en passant, est assez volumineux. Je me souviens,
après l'élection générale d'avril 1981 et
après avoir fait quelques tournées à travers les
cégeps du Québec, qu'il y avait, effectivement, une énorme
préoccupation des étudiants face au projet de règlement
des études collégiales. C'est à ce moment que je
m'étais attardé à ce dossier de façon toute
particulière et que j'avais demandé au ministre, en Chambre,
où en étaient rendues ces consultations et quand il nous
arriverait avec un projet final. À ce moment, il m'avait répondu
qu'effectivement il continuait les consultations de façon toute
particulière avec les associations étudiantes. On réalise
malheureusement, après deux ans, que la bonne entente est loin
d'être acquise sur ce point autant par vous que par l'autre association
étudiante dont je lisais les quelques notes tantôt qui, au lieu,
comme vous, de demander le retrait pur et simple du projet demande une table de
concertation, que les principaux intervenants reviennent à la table pour
ni plus ni moins formuler un texte différent. C'était la remarque
que j'avais à faire pour commencer.
Maintenant, vous nous dites, à la page 10, qu'au niveau des
droits des étudiants, au niveau de la collégialité -
surtout à la fin -c'est un peu un écran de fumée parce que
le ministre, finalement, se rend responsable d'à peu près tout:
l'admission des élèves, l'établissement des programmes et
de leur contenu, il approuve les cours, autorise les dérogations,
sanctionne les études, les diplômes. J'aimerais savoir de vous
quel rôle bien précis vous voyez - ma question peut être
générale - quel rôle devrait être attribué au
ministère de l'Éducation sur le plan de l'enseignement
collégial. Ma question est très générale, mais quel
rôle voyez-vous au ministère? On voit clairement dans le
mémoire que vous êtes pour la décentralisation le plus
possible. On peut savoir qu'en pratique cela a fait ses preuves dans beaucoup
de cas, mais, de façon précise, j'aimerais savoir quelle est
votre perception du ministère de l'Éducation. Quel rôle
devrait-il jouer, en ce qui nous concerne bien particulièrement, au
niveau de l'enseignement collégial?
Le Président (M. Blouin): M. Legendre.
M. Legendre: Nous, a priori, ce qu'on pense, c'est que c'est la
fonction tant du ministre, de son ministère que du gouvernement
d'assurer que le réseau scolaire postsecondaire au Québec, les
équipements, les institutions, le personnel qui y travaille et les
étudiants et étudiantes puissent agir, puissent faire fonctionner
l'appareil scolaire québécois au meilleur de ses capacités
et avec la meilleure efficience possible. On ne pense pas que, par une
politique qui porte le nom de projet de règlement des études
collégiales ou par d'autres politiques, le ministre doive intervenir de
manière à centraliser les pouvoirs entre ses mains, et aussi par
d'autres biais, de manière à réduire l'efficacité
des sommes investies par la société québécoise dans
l'enseignement postsecondaire. C'est notre première préoccupation
de voir à ce que le ministre de l'Éducation, l'actuel ministre ou
son éventuel successeur, puisse donner le maximum d'efficacité
aux équipements, aux sommes qui sont investies par la
société québécoise pour que cela fonctionne le
mieux possible, que le personnel qui est dans l'éducation n'ait pas
constamment à subir certaines contraintes en termes de fonctionnement
quotidien dans sa fonction d'enseignant et que les étudiants et
étudiantes puissent aussi, par ce biais, avoir un certain mot à
dire, avoir un poids dans la définition des programmes, dans la
définition des contenus de cours, dans l'ensemble des questions
relatives à la pédagogie et au cheminement des étudiants
et étudiantes dans le courant de la filière scolaire.
Maintenant, on n'a pas, nous, à nous prononcer - et ce n'est pas,
je pense, à cela que conduisent nos mandats, les mandats de nos
assemblées générales - sur des termes plus précis,
des articles plus précis de pouvoirs à accorder au ministre et de
pouvoirs à ne pas lui accorder. Parce qu'on dit - et c'est, je pense, la
principale, la teneur d'ensemble de notre mémoire - qu'un projet comme
celui-là, à terme, peut bouleverser l'enseignement
collégial au Québec et va le faire.
Ce n'est pas vrai que c'est le statu quo auquel on ajoute quelques
petites modifications. C'est un projet d'ensemble qui peut bouleverser
l'enseignement collégial, autant les pouvoirs du ministre que les
pouvoirs des conseils d'administration locaux, que ceux des directeurs
pédagogiques ou même des étudiants à la base, et il
doit relever d'un débat public qui aura essaimé partout dans les
couches de la société, qui aura permis à l'ensemble des
organisations représentatives de la population de se prononcer. Donc, on
ne s'amène pas ici en disant: Le ministre doit avoir tel pouvoir, on
devrait lui en accorder moins ou plus. On pense plutôt que cela
appartient à la population, dans son ensemble, dans le cadre d'un large
débat, de donner de tels avis.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Legendre. M. le
député de Marquette.
M. Dauphin: Peut-être juste une dernière question,
si vous le permettez, au niveau des droits des étudiants. À la
fin de votre mémoire, vous suggérez, plutôt que de
réformer la structure qui est devant nous au niveau du prêt, qu'on
élargisse, au contraire, au niveau du régime des prêts et
bourses et qu'on facilite plus l'accessibilité aux étudiants de
cette façon plutôt que de chambarder tout le système.
Juste une petite question. Je me souviens aussi, lors des
différentes tournées, que, de façon générale
- je sais bien que vous, en étant dans l'exécutif, vous
êtes probablement plus spécialisés en la matière -ce
qui préoccupait beaucoup les étudiants de manière
générale, c'était, entre autres, la présence
obligatoire aux cours, ce qui était dans un des projets venu avant
celui-là, de mathématiques. À votre point de vue, est-ce
que les étudiants que vous représentez, malgré que ces
notions aient disparu, sont autant contre le projet qu'auparavant? Je sais bien
que, lorsque vous avez eu votre assemblée générale
l'année dernière, je pense que c'était avec l'ancien
projet, alors que ces notions étaient incluses, mais...
Le Président (M. Blouin): Rapidement, M. Legendre,
très rapidement là-dessus.
M. Legendre: Je pense que les étudiants sont autant
déterminés en 1983 qu'ils l'étaient en 1981 à
rejeter le PREC. À l'époque, il y avait certains aspects qui
accrochaient davantage, comme le cours de mathématiques, comme la
présence aux cours obligatoires; et le fait que cela ait formellement
été retiré du projet, on a perçu cela, dans une
certaine mesure, comme un semblant de victoire. Maintenant, cela ne change rien
aux aspects fondamentaux du projet et je pense qu'on a démontré,
lors d'un congrès qu'on a tenu encore récemment et lors
également d'assemblées générales un peu partout,
puis de manifestations, puis d'une journée historique le 15 novembre
dernier, que les étudiants étaient au courant des enjeux
importants du PREC et ne travaillaient pas à partir de l'ancienne
version, mais à partir des débats actuels. Et c'est cela, encore
une fois, qu'ils ont refusé assez massivement.
Le Président (M. Blouin): Mme la députée de
Maisonneuve en terminant.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Rapidement, en fait,
parce qu'il nous reste
relativement peu de temps. Je pense qu'une réflexion vaste comme
la vôtre est intéressante et utile.
Vous avez cité le Conseil supérieur de l'éducation.
Je me rappelle notamment les études faites par les sociologues
français Bourdieu et Passeron qui ont sans doute inspiré les
réflexions qui ont suivi et qui concluaient effectivement à
l'usage de l'école comme moyen de reproduction des classes sociales.
Ceci dit, même quand on est converti à cette analyse -
c'est évidemment tout autrement quand on veut opérationnaliser
des scénarios qui permettraient de faire autre chose - je pense que
même ces analyses démontraient notamment que la gratuité
scolaire n'avait pas, en fait, l'effet recherché pour contrer les effets
pervers que vous réprouvez. J'ai fait l'exercice suivant -je suis
députée dans une circonscription qui est dans un quartier ouvrier
montréalais et qui, malheureusement, compte au niveau secondaire le plus
important taux d'abandon scolaire à Montréal - avec des
organisateurs communautaires cette semaine, au début de la semaine,
organisateurs qui travaillent de façon très engagée avec
des jeunes du milieu, de ce milieu populaire, de ce milieu ouvrier, avec ces
jeunes qui n'ont eu aucun modèle familial ou socioculturel qui les
aurait amenés à vouloir se projeter dans des études
supérieures, qui ont été comme
prédéterminés dès même la première ou
la deuxième année. Je puis vous dire que ces organisateurs
communautaires, qui sont en contact étroit avec ces jeunes, m'ont dit
tout l'intérêt que représentait possiblement ce certificat
d'études collégiales, notamment à cause de l'effort qui
est fait présentement par ces jeunes pour retourner chercher une
formation générale au secondaire, tout en étant
très inquiets, en fait, de leur propre capacité, parce qu'il y a
aussi, il ne faut quand même pas l'oublier, très
profondément un problème de sous-estimation, de mésestime
de soi dans ce milieu.
Donc, ce certificat pouvait éventuellement conduire, dans la
mesure, justement, où il n'était pas parallèle à la
poursuite d'un diplôme d'études collégiales, à une
réussite scolaire - et non plus à une continuation des
échecs répétés - qui pouvait éventuellement
même motiver suffisamment pour poursuivre au niveau d'études
collégiales permettant l'obtention d'un DEC ou d'études
supérieures.
Alors, je pense qu'il faut réfléchir certainement sur la
manière d'opéra-tionnaliser des scénarios, même
quand on est converti à cette analyse que vous nous avez
présentée ce matin. J'aimerais avoir vos réactions.
Juste pour terminer, j'ai apprécié dans votre texte cette
préoccupation constante qu'on retrouve en faveur d'une
"désexisation" des contenus de cours, des choix de cours, des profils de
carrière, des cheminements scolaires. Je ne peux pas m'empêcher de
constater une chose, par ailleurs, pour avoir été en contact
dernièrement avec l'association étudiante du cégep de ma
circonscription, où sur neuf dirigeants étudiants, il y a une
femme. Je ne peux pas m'empêcher de constater que vous semblez avoir dans
votre propre délégation les mêmes problèmes que ceux
que l'on retrouve à l'Assemblée nationale, en termes d'absence
chronique des femmes, puisque, dans votre délégation, je constate
qu'il y a une seule femme.
M. Legendre: Est-ce qu'on peut répondre?
Le Président (M. Blouin): Oui, oui, d'accord, M. Legendre.
Le plus succinctement possible parce qu'à 1 h 30, il faut...
M. Legendre: Ah oui, ah oui! Mais je ne toucherai pas à la
dernière partie, je pense qu'il y en a d'autres qui sont peut-être
intéressés à le faire.
Je veux bien que des gens soient convaincus par les analyses de Bourdieu
et Passeron autour de la table, devant nous. Je pense cependant que ce qui est
plus évident, c'est que la philosophie du PREC découle davantage
des documents produits, par exemple, par l'OCDE et c'est plutôt cette
philosophie-là qui est reprise par le ministère de
l'Éducation. Maintenant, cela est indépendant des positions
personnelles des individus.
D'autre part, il me semble que, la logique voulant que, plus on
multiplie les diplômes, plus on fait rentrer du monde dans les
institutions, cela n'a pas non plus été démontré
par le ministère de l'Éducation. Nous, nous voudrions bien aussi
être convertis à cette logique-là, mais cela n'a pas
été fait. Et il y a d'autres analyses qui disent que plus il y a
de diplômes, plus les diplômes se concurrencent entre eux. Alors,
on attend que le ministère, avant de faire adopter un projet comme
celui-là, mette sur la table les arguments qui sous-tendent son
analyse.
D'autre part, on est aussi en contact avec des groupes de jeunes, on l'a
été depuis un bon bout de temps déjà. On est aussi
en contact, par exemple, avec certaines écoles de décrocheurs,
que ce soit à Québec, ici à Jacques Marquette, ou à
Montréal à Marie-Anne et ces gens-là ne nous disent pas du
tout que ce qui les rebute, ce qui fait en sorte qu'à un moment
donné ils quittent l'école, c'est le diplôme. Ce n'est pas
parce qu'il y a un DEC qui s'appelle un DEC, qu'un DEC a X cours, qu'un DEC
sera de deux ans ou trois ans, qui fait en sorte que ces
étudiants-là quittent l'école. Ce sont
d'autres raisons. C'est le milieu familial, c'est la situation
socio-économique, c'est l'empêchement financier à
poursuivre.
Alors, nos contacts chez les jeunes valent sans doute vos contacts chez
les jeunes. Maintenant, sur la dernière partie de la question, je pense
que Jean-Marie Vézina est intéressé à
répondre. (13 h 30)
M. Vézina: Mais alors, si on met tant d'emphase que cela
sur la "désexisation" de l'éducation, c'est effectivement pour
qu'on en vienne, à un moment donné, à avoir une
parité hommes-femmes au sein de nos organisations et, par ricochet,
j'imagine, éventuellement à l'Assemblée nationale aussi.
Alors, il faut prendre cela par le bon bout, pensons-nous.
Le Président (M. Blouin): Alors, au nom de tous les
membres de cette commission, je remercie les représentants de
l'Association nationale des étudiants et étudiantes du
Québec d'avoir bien voulu venir nous présenter ce mémoire
et aussi d'avoir participé à ces échanges.
Sur ce, nous suspendons nos travaux jusqu'à 15 heures cet
après-midi.
(Suspension de la séance à 13 h 31)
(Reprise de la séance à 15 h 8).
Le Président (M. Blouin): Mesdames et messieurs, la
commission élue permanente de l'éducation reprend ses travaux. Je
vous rappelle le mandat de cette commission qui est de procéder à
l'étude des nouvelles propositions relatives au régime
pédagogique de l'enseignement collégial.
Je signale également aux membres de cette commission que nous
avons reçu un avis du collège John Abbott concernant le projet de
règlement sur le régime pédagogique collégial. Ce
mémoire nous a été transmis pour dépôt et les
membres de la commission en auront copie. Nous avons également
reçu une communication provenant de la commission pédagogique du
collège Ahuntsic. Les membres de cette commission recevront
également copie de cette communication.
Sur ce, j'invite maintenant la Fédération des associations
étudiantes collégiales du Québec à bien vouloir se
présenter à la table des invités.
Pour les fins du journal des Débats, je demanderais aux
représentantes et représentants de bien vouloir s'identifier.
Fédération des associations
étudiantes collégiales du Québec
Mme Roy (Suzanne): Je vais commencer par mon extrême
gauche: Carl Morin, du séminaire Saint-Augustin, Sylvain Tanguay, de
l'exécutif de la Fédération des associations
étudiantes collégiales du Québec, Annie Audet, de
l'Association étudiante du cégep Lévis-Lauzon. À
mon extrême droite, Normand Lacasse, de l'Association étudiante du
cégep André-Laurendeau, Catherine Brossard, de l'Association
étudiante du cégep d'Ahuntsic.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Maintenant,
vous allez procéder à la présentation de votre
mémoire.
Mme Roy: Avant de commencer, j'aimerais mentionner à tous
que la position qu'on va présenter ici est appuyée par tous les
membres de la FAECQ et, en plus, par l'Association étudiante du
cégep de Sept-Îles, par l'Association étudiante du
cégep de La Pocatière, par l'Association étudiante du
cégep d'Ahuntsic, par l'Association étudiante du cégep
Montmorency, par l'Association étudiante du Séminaire
Saint-Augustin, par l'Association étudiante du Séminaire de
Saint-Georges, par l'Association étudiante du Collège de
Lévis, par l'Association étudiante du Séminaire de
Québec, par l'Association étudiante du cégep
André-Laurendeau, par l'Association étudiante du cégep de
Jonquière, par l'Association étudiante du Campus
Notre-Dame-de-Foy, par l'Association étudiante du cégep St.
Lawrence et par l'Association étudiante du cégep de Joliette.
M. le Président, M. le ministre de l'Éducation du
Québec, MM. et Mmes les députés, bonjour. Nous vous
remercions de votre invitation à cette commission parlementaire
concernant le projet sur le régime pédagogique du
collégial. Nous sommes venus ici pour vous exprimer notre
déception en ce qui a trait aux modalités employées pour
l'adoption et l'application d'un projet de l'envergure de celui qui nous est
présenté par le ministère de l'Éducation du
Québec. Une réforme scolaire apporte des modifications profondes
au système; donc, il s'avère impensable de faire une analyse
sérieuse d'un projet quel qu'il soit sans vraiment laisser le temps aux
divers intervenants concernés d'élaborer une analyse de toutes
les conséquences qu'apporte une telle réforme.
Nous aimerions porter à votre attention le fait suivant: nous
avons reçu l'invitation pour la commission parlementaire le 30 novembre
1983 et cette invitation nous demandait de fournir un mémoire le
lendemain ou encore le surlendemain et ce, à 100 exemplaires.
Étant une instance nationale démocratique, nous nous devions de
consulter les étudiants et les étudiantes des cégeps que
nous représentons. Il nous était donc impossible de tenir ces
consultations. Nous aimerions aussi porter à votre attention la demande
faite par la Fédération des
associations étudiantes collégiales du Québec et
ses associations membres qui fut appuyée par la Fédération
des associations de parents d'étudiants de cégep du
Québec. Cette demande était que se tienne une table de
concertation.
Pour nous, étudiants et étudiantes, la concertation est un
moyen concret d'arriver à une restructuration du système et ce,
à la satisfaction de la majorité des intervenants de
l'enseignement. Comme l'a si bien dit Maurice Champagne-Gilbert: "On ne fait
pas une société sans concertation"; ceci est d'autant plus vrai
dans notre système éducationnel où tous les jours les
divers intervenants ont à dialoguer, à discuter et à se
concerter. Alors, la logique même d'une restructuration scolaire doit
être basée sur une approche concertative. Le projet de
règlement sur le régime pédagogique du collégial
devrait être un premier pas pour l'amélioration du système
postsecondaire, donc, une occasion de réunir les divers intervenants de
l'enseignement pour l'élaboration d'une réforme satisfaisante. Il
s'avère évident pour nous que l'implantation d'une table de
concertation devra se faire avant tout processus de législation.
Pour terminer, M. le Président, nous allons vous remettre une
pétition signée de milliers d'étudiants et
d'étudiantes de divers cégeps au Québec. Nous
désirons qu'elle soit prise en considération car elle exprime
d'une façon concrète la volonté des étudiants et
des étudiantes de voir s'instaurer une table de concertation pour le
projet de règlement sur le régime pédagogique.
Qu'est-ce qui est écrit dans cette pétition? Le projet de
règlement sur le régime pédagogique du collégial,
présenté par le ministère de l'Éducation du
Québec, revêt une très grande importance pour tous les
intervenants de l'enseignement.
C'est l'occasion pour nous, étudiants et étudiantes,
d'apporter une redéfinition du vécu du système
collégial. C'est pourquoi, considérant l'ampleur de ce projet sur
la vie étudiante et sur la société en
général, considérant le sérieux que nous devons
porter à ce projet, considérant la date tardive de la convocation
par la commission parlementaire sur le projet de règlement sur le
régime pédagogique du collégial, considérant notre
désir d'être bien informés, d'assumer nos
responsabilités et de déterminer nos droits, considérant
que cette commission parlementaire ne semble être qu'un
dérivé pour une adoption sans véritable consultation,
considérant qu'une réforme doit avoir lieu, les étudiants
qui ont signé demandent aux représentants et
représentantes du peuple de respecter et de voir s'instaurer une table
de concertation pour que, tous ensemble, nous puissions discuter et
élaborer un système collégial et ce, pour le
mieux-être de tous les intervenants de l'enseignement et de la population
en général.
Je vais demander à deux personnes, Annie Audet,
représentante du cégep Lévis-Lauzon, et Normand Lacasse,
représentant de l'Association étudiante du cégep
André-Laurendeau, d'aller déposer les pétitions
signées par les étudiants.
Je tiens aussi à vous mentionner qu'il manque
énormément de pétitions. À cause du mauvais temps,
toutes les pétitions venant de Sept-Îles, La Pocatière,
Rimouski, Matane et Rivière-du-Loup n'ont pas pu se rendre, à
cause du transport qui était difficile. Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, Mme Roy. M. le
ministre.
M. Laurin: Je voudrais, d'abord, remercier Mme Roy pour la
présentation de cette note qui tient lieu de mémoire. Je constate
avec plaisir qu'il y a une association qui est dirigée par une femme;
à la lumière des commentaires qui ont été
énoncés à cette table, ce matin et hier, je m'en
réjouis.
Maintenant, la note porte presque exclusivement, comme préalable,
sur l'opportunité d'une concertation. Avant même de poser ma
question, j'aimerais demander à la présidente, d'une part, ce
qu'elle entend très précisément par "concertation" et,
d'autre part, comment elle et son association entendraient que s'organise cette
concertation et comment cette table de concertation pourrait fonctionner.
Le Président (M. Blouin): Mme Roy.
Mme Roy: Pour la première réponse, j'aimerais aussi
apporter une petite note. Le texte portait sur la concertation. Ce n'est pas un
mémoire, c'est un texte. Nous n'avons pas désiré
présenter de mémoire sur le projet, considérant la date
tardive, considérant aussi qu'un mémoire d'une instance
démocratique doit être approuvé par ses membres et qu'il
était impossible de préparer le mémoire et de le faire
approuver par les membres et par les autres associations qui désiraient
se joindre à notre position.
Concernant ce qu'on entend par concertation, il est clair que l'approche
traditionnelle qu'on vit dans notre société n'est pas une
approche de concertation. Exemple, aujourd'hui, nous sommes à la
commission parlementaire où nous venons déposer, tour à
tour, nos positions, sans qu'il puisse y avoir de dialogue entre les divers
intervenants. Entre les professeurs et les étudiants, il n'y a pas de
dialogue réel. Ici, ce sont des points de vue qu'on vient exposer.
Après, qu'est-ce qui se passe? Ce n'est pas vraiment défini. Quel
pouvoir a-ton, nous les étudiants, après avoir
présenté notre point en commission parlementaire?
Qu'est-ce qu'on peut en faire?
Donc, pour nous, la concertation, c'est un endroit, un lieu où,
en tout cas, on retrouve les professeurs, les parents, tous ceux qui
interviennent au niveau de l'enseignement, qui ont, premièrement,
à se pencher sur ce que sont réellement les problèmes les
plus graves au niveau du système éducationnel postsecondaire et
sur les lacunes qui sont vécues par les étudiants, les
étudiantes et par les professeurs.
Donc, c'est à cela que doit répondre, avant tout, une
réforme. C'est là-dessus, justement, que l'approche de
concertation est très importante. Quand on parle de droits des
étudiants, il me semble que le premier droit des étudiants, ce
n'est pas seulement de se faire écouter, mais aussi de se faire
comprendre, de pouvoir parler avec les gens qui sont près,
c'est-à-dire avec les professeurs, avec tous les intervenants de
l'enseignement. C'est cela qui est important. C'est une approche qui est de
beaucoup différente de celle qu'on avait à vivre.
Comment cela pourrait-il s'organiser? Cela pourrait prendre
différentes formes. Tantôt, l'Association nationale des
étudiants du Québec parlait d'un débat public. C'est une
forme de concertation, mais il doit y avoir un suivi. Est-ce que ça doit
être une table ronde ou carrée? Je pense que ce n'est pas
là-dessus qu'on veut s'attarder. Ce que nous voulons, c'est que, avant
qu'un règlement soit adopté, on puisse ensemble le travailler -
vraiment le travailler - non pas qu'on nous remette quelque chose et qu'on ait
à réagir.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Roy. M. le
ministre.
M. Laurin: Quand vous dites que vous n'avez pas pu déposer
de mémoire parce qu'il aurait fallu, auparavant, le soumettre
démocratiquement à la consultation, est-ce que ceci veut dire que
l'autre association d'étudiants qui est venue ce matin et qui a
déposé un long mémoire ne l'a pas fait d'une façon
démocratique puisqu'elle n'aurait pas consulté ses
associations?
Mme Roy: Je m'excuse, M. le ministre, mais je crois que la
question ne devrait pas s'adresser à moi puisque je vous mentionne que
nous, nous n'avons pas eu le temps de le faire. Eux, s'ils ont eu le temps,
tant mieux! Sinon, dans ce cas-là, c'est antidémocratique. Mais
je crois que la question devrait s'adresser à eux et non pas à
nous.
M. Laurin: En ce qui concerne la concertation, évidemment,
pour se concerter, il faut accepter de se réunir, d'une part, et Dieu
sait que les tentatives de concertation, en tant que gouvernement, que nous
avons faites avec les gens, les personnes et les partenaires pourtant
directement et vitalement intéressés n'ont pas toujours eu le
succès que nous souhaitions.
Je peux même vous faire part d'une expérience que j'ai eue,
en 1981, à propos des universités. Nous avions convoqué
une table de concertation pour étudier les problèmes majeurs,
importants et nous avions invité, à cette table, les
administrateurs universitaires. Nous avions invité des professeurs, des
associations de professeurs et, pour la première fois, des associations
étudiantes. Ces ateliers ont été tenus, donc la
concertation a commencé. Elle a fait long feu en un certain sens
puisque, dès la première ou la deuxième séance, un
des partenaires majeurs, importants, la fédération des
professeurs, a quitté la table et a préféré
exprimer ses idées ailleurs d'une autre façon. Donc, le dialogue,
en l'absence de ce partenaire important, n'a pu se continuer qu'entre les
intervenants qui restaient, les administrations universitaires, les
associations d'étudiants et aussi le gouvernement, bien sûr.
Mais, même à cette table qui se voulait une table de
concertation, le dialogue n'a pas conduit au consensus, en tout cas, que l'on
pouvait espérer puisque, même à cette table, les positions
ont été à peu près énoncées comme
elles peuvent l'être à la commission parlementaire,
c'est-à-dire qu'on énonçait ses positions, l'autre partie
énonçait ses positions, mais la recherche des consensus
s'avérait pénible, difficile et ne conduisait que très
rarement, justement, à des consensus, ce qui montre, en tout cas, la
difficulté de la concertation.
En ce qui me concerne, comme j'ai déjà eu l'occasion de
vous l'exprimer à quelques reprises, j'en suis, pour la concertation;
j'aurais beaucoup aimé que l'on puisse discuter de ce projet de
régime d'études collégiales en concertation et j'ai fait
des efforts pour réunir, autour d'une même table, tous les
partenaires, du moins, les principaux partenaires.
C'est devant l'impossibilité d'y arriver que j'ai dû me
rabattre sur un moyen plus connu - d'ailleurs, reconnu également dans
nos traditions démocratiques - qui est celui de la commission
parlementaire où, quand même, chaque groupe peut venir non
seulement déposer son mémoire, mais également engager
le dialogue avec les parlementaires qui entendent quand même tous les
groupes et qui, à la lumière de ce qu'ils ont entendu, peuvent
poser des questions pertinentes qui tiennent compte, justement, des
témoignages faits par d'autres groupes. De cette façon, le
dialogue peut quand même se poursuivre même si c'est d'une
façon plus indirecte. Les commissions parlementaires nombreuses qui ont
été tenues dans le passé montrent bien qu'elles peuvent
quand même aboutir à des résultats heureux
puisque, très souvent, à la suite de ces commissions
parlementaires, les projets qui étaient à l'étude ont
été modifiés, parfois substantiellement, à la
lumière des opinions exprimées, d'abord, par les groupes qui sont
venus déposer, mais aussi à la lumière des commentaires
que l'un ou l'autre des députés de chaque côté de la
table pouvait tenir.
On peut donc penser qu'à défaut de concertation ce
débat public qui s'instaure au sein d'une commission parlementaire peut
aboutir à des résultats, peut-être moins parfaits que ce
que vous pourriez en même temps que moi souhaiter, mais quand même
valables et utiles. Bien que vous ayez choisi de ne pas présenter de
mémoire, décision que je respecte, il faut quand même
rappeler que le projet que nous présentons aujourd'hui reproduit en
grande partie, pour des éléments très importants, le
projet qui avait déjà été rendu public en 1980 et
sur lequel j'ai quand même eu l'occasion de consulter aussi bien les
associations étudiantes, une par une, que les organismes de regroupement
d'étudiants. D'ailleurs, ces échanges se sont tenus
jusqu'à la toute dernière minute. Malgré l'insuffisance de
temps que vous avez eue pour examiner ce projet précis, j'aurais quand
même souhaité, à la lumière de la connaissance que
vous avez de l'ancien projet, des échanges que nous avons eus à
cet égard, des consultations qui ont eu lieu, de la réflexion que
vous avez continué de mener, que vous vous octroyiez la permission de
commenter ce projet dans l'une ou l'autre de ses parties. Évidemment, je
respecte votre décision à cet égard et je penserai
à la suggestion que vous me faites.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. Alors, M.
le député d'Argenteuil.
M. Ryan: Je m'excuse, M. le Président. Pendant que le
ministre parlait, j'ai eu quelques distractions; je pensais à ce qui
était arrivé dans le domaine des micro-ordinateurs en fait de
concertation.
M. Laurin: En dehors du sujet, M. le Président.
M. Ryan: Je pensais à ce qui était arrivé,
il y a quelques mois, à propos de la loi 32 également. Je pense
que nous avons tous des progrès considérables à faire dans
cette direction et la démarche qui est proposée mérite
d'être accueillie dans cet esprit, je pense bien.
Évidemment, on ne peut pas discuter de beaucoup de choses avec
vous parce que vous nous dites que ce n'est pas le forum que vous choisissez
pour une discussion comme celle à laquelle vous avez été
conviés. Je pense qu'il ne sert à rien d'éterniser la
discussion. Je voudrais vous poser simplement une couple de questions. Est-ce
que votre fédération a fait des interventions publiques
jusqu'à maintenant sur des sujets qui regardent l'éducation et
qui pourraient se rattacher, de près ou de loin, au sujet qui nous
réunit comme commission parlementaire?
Le Président (M. Blouin): Mme Roy.
Mme Roy: Premièrement, vous parliez du forum choisi. Je
pense que cela va au-delà de cela quand on reçoit une lettre le
30 novembre et qu'on nous demande un mémoire pour le 1er
décembre. Cela va au-delà du fait que ce ne soit pas le forum
choisi. Oui, on l'a dit publiquement. On l'a demandé bien avant, la
table de concertation. On l'a demandé bien avant que les intervenants de
l'enseignement puissent s'asseoir ensemble, puissent discuter. On sent le
besoin d'une réforme, on sent le besoin de faire quelque chose dans
l'éducation. Donc, il faut prendre les moyens pour que cela se fasse.
(15 h 30)
Tantôt, M. le ministre rappelait son expérience face aux
universités. Je me dis: Est-ce que c'est parce que la concertation n'a
pas fonctionné qu'on doit continuer à avoir des commissions
parlementaires qui, elles non plus, n'ont pas apporté beaucoup à
divers intervenants? Quand on parle du succès souhaité, est-ce
que la commission parlementaire en aura avec les divers intervenants qui ont
passé? Certains demandent le rejet global du projet de réforme.
Qu'est-ce qu'on fait face à cela? Qu'est-ce qu'on fait? Ils en veulent
sûrement une, réforme. À moins qu'ils ne demandent le statu
quo. Mais qu'est-ce que les gens désirent? Je pense que cela n'a pas
été clairement exprimé à ce jour. L'approche de
concertation devrait avoir lieu. Elle devrait avoir lieu, même
après cette commission parlementaire et avant qu'un règlement
soit adopté.
Le Président (M. Blouin): Merci. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: J'ai l'impression que vous n'avez pas répondu
à ma question. Est-ce que votre fédération a fait des
interventions publiques sur des sujets qui pourraient se rattacher directement
ou indirectement au champ de travail confié à la commission?
Est-ce que vous pourriez nous en donner connaissance ou si votre existence est
trop récente? Il se peut que vous ayez une existence plutôt
récente. Je n'ai pas tous les renseignements à ce sujet, mais
cela va être de bon compte, on va le savoir. S'il y avait des
interventions que vous avez déjà faites, peut-être qu'on
pourrait engager un peu de conversation là-dessus.
Mme Roy: D'accord. Il y a un an que
la fédération existe. Il y a eu le conflit dans le secteur
public et parapublic l'année dernière, où la
Fédération des associations étudiantes a
présenté un mémoire. Il y a aussi la loi 32,
évidemment, sur laquelle on a présenté un mémoire
en commission parlementaire. Il y a eu des conférences de presse qui ont
été données en réaction aux documents qui avaient
été présentés par le Conseil des collèges
sur le projet de réglementation des études collégiales.
Est-ce que cela répond à votre question?
M. Ryan: Oui, cela commence à m'intéresser.
Mme Roy: II y a eu un congrès pédagogique qui s'est
tenu au cours des dernières semaines, où justement on avait
à discuter de la situation actuelle dans l'enseignement, parce que je
pense que la première étape, avant de parler d'une
réforme, c'est de voir ce qui va mal dans l'enseignement. On avait
à discuter du projet de réforme; on avait à discuter aussi
des alternatives. C'était un processus. La semaine suivante, on a
reçu l'invitation pour la commission parlementaire, mais on avait
à retourner dans chacune de nos associations locales pour donner le
bilan de ce qui s'était passé lors de ce congrès
pédagogique, pour décider ensemble, se concerter
premièrement entre étudiants pour, après cela, pouvoir
mieux se concerter entre les divers intervenants de l'enseignement.
Le Président (M. Blouin): M. Ryan.
M. Ryan: À ce congrès pédagogique que vous
avez tenu il n'y a pas tellement longtemps, vous avez fait un certain nombre de
constatations sur la situation actuelle dans les cégeps que vous
représentez. Est-ce que vous pourriez nous faire part de certaines de
ces constatations, dans la mesure où elles peuvent se rattacher au sujet
que nous discutons ici? Vous dites très justement dans votre
intervention qu'il est souvent plus important de connaître les
problèmes que de proposer des solutions. Quand on connaît
très bien les problèmes, souvent ils contiennent en
eux-mêmes de bons éléments de solution, tandis que des
solutions qui ne reposent pas sur une connaissance approfondie et
précise des problèmes risquent souvent d'être en dehors de
la voie. Est-ce qu'il y aurait des observations que vous auriez recueillies
à l'occasion de ce congrès pédagogique et dont vous
pourriez nous faire part?
Mme Roy: Comme je vous l'ai déjà mentionné,
ce congrès pédagogique avait pour but une étape sur un
processus. Les problèmes qui en sont ressortis retournent maintenant aux
associations locales où il va y avoir des rapports globaux qui vont se
faire. Je n'ai pas le mandat ici de donner le rapport du congrès
pédagogique, puisqu'il n'a pas encore été accepté
par les associations locales.
Le Président (M. Blouin): Très bien, Mme Roy.
Rapidement, s'il vous plaît, M. le député de
Verchères.
M. Charbonneau: M. le Président, je pense qu'il n'y a pas
grand-chose à ajouter aux deux interventions qui ont été
faites précédemment. Simplement, dans la mesure où, par
exemple, l'ANEQ demandait ce matin un débat public et où vous,
vous parlez de concertation, je voudrais peut-être plaider un peu pour
cette institution à laquelle nous sommes associés depuis quelques
années, nous les membres de la commission. Je veux bien comprendre qu'on
s'imagine que, lorsqu'on vient en commission parlementaire, cela ne donne pas
grand-chose, mais je pense que, néanmoins, la commission parlementaire
est une occasion privilégiée d'amorcer, d'engager ou de
poursuivre un débat public.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Verchères, je crois que toutes ces interventions ont été
faites maintenant et que, s'il n'y a pas de question qui porte
spécifiquement sur l'objet de notre réunion d'aujourd'hui, il
faudrait peut-être accélérer.
M. Charbonneau: M. le Président, je voudrais bien, mais je
voudrais aussi que, dans la mesure où l'on a des invités qui
adoptent la position qu'ils ont adoptée - je déplore comme eux
les délais qu'ils ont eus pour se présenter en commission
parlementaire - au moins ils retournent avec la conviction ou l'idée
qu'une commission parlementaire n'est pas un forum inutile dans notre
société et que ce qui se passe ici, depuis une journée ou
deux, se fait devant l'opinion publique en présence des journalistes,
qu'on en parle dans notre société, que les étudiants qui
s'intéressent à l'actualité, à cette question,
peuvent lire les journaux et en débattre. Dans ce sens, la
présence ici est un élément important dans un débat
public. C'est dans ce sens, compte tenu de la position qui a été
adoptée par les membres de la FAECQ, qu'il fallait peut-être faire
cette mise au point.
Le Président (M. Blouin): Très bien. M. le
député de Marquette.
M. Dauphin: Merci, M. le Président. Je tiens, au moins,
à vous remercier d'être venus aujourd'hui nous faire part de votre
position face au projet de règlement, surtout étant donné
le délai. Je suis d'accord avec mon collègue de
Verchères.
Ma question ne s'adresse pas à vous;
elle s'adresse au ministre. Le ministre tantôt nous a dit qu'il
n'ouvrait pas ou ne fermait pas la porte, mais est-ce qu'il pourrait nous dire
quand il va prendre sa décision pour nous informer si la revendication
de la FAECQ va être acceptée ou non?
M. Laurin: J'ai dit que je ne la refusais pas, mais je ne peux
rien dire de plus pour le moment.
Le Président (M. Eilouin): Sur ce, je remercie les
représentantes et les représentants. Je constate, avec plaisir,
qu'il y a de la discrimination positive au sein de votre organisme. Je remercie
les représentantes et les représentants de la
Fédération des associations étudiantes collégiales
du Québec de leur participation à nos travaux.
J'invite maintenant, à la suite d'une entente entre les groupes
invités, la Fédération des enseignantes et enseignants de
cégep de la CEQ à venir prendre place à la table des
invités. Je demanderais aux représentants de s'identifier pour
les fins du journal des Débats, s'il vous plaît; ensuite de nous
livrer, si possible en une vingtaine de minutes, le contenu de leur
mémoire, quitte à en résumer, si c'est possible, certaines
parties pour que l'échange puisse ensuite être plus
prolongé entre les membres de la commission et les représentants
de votre organisme.
Fédération des enseignantes et
enseignants de cégep
Mme Gagnon (Marie): M. le Président, je vais faire une
encoche à la politesse, je crois, mais je me présenterai la
première. Marie Gagnon, je suis vice-présidente de la Centrale de
l'enseignement du Québec. Au bout de la table, Mme Carmen Bourque,
présidente de la Fédération des professionnelles et
professionnels des cégeps et des collèges, affiliée
à la CEQ. À l'autre bout de la table, M. Jacques Pétrin,
qui représente le personnel de soutien de commissions scolaires et de
collèges, principalement de collèges, personnel de soutien que
l'on regroupe aussi à la CEQ. À côté de moi, Mme
Béatrice Chiasson, qui est de la CEQ. Dans l'intervalle, ce sera
vraisemblablement Mme Nicole Fortin qui prendra place; elle est de la FEC.
À côté de moi, je l'ai gardé pour la fin, M. Guy
Bellefeuille, président de la Fédération des enseignants
de cégep, qui sera le porte-parole avec moi.
Vingt minutes, M. le Président, c'est bien court. Comptez sur
nous pour faire le mieux possible dans le temps le plus court possible.
Le Président (M. Blouin): Très bien.
Merci.
Mme Gagnon: On y va. M. le ministre, mesdames et messieurs, deux
faisceaux de remarques préliminaires qui tiennent, l'un à la
manière cavalière dont on estime qu'on a été
traité, l'autre à la généralité de ce
gouvernement à l'oeuvre à propos de consultations.
Je pense que d'autres vous l'ont dit, on ne pourrait pas ne pas le
faire. Si nous déplorons d'avoir été traités un peu
cavalièrement, ce n'est pas par nostalgie, par référence
à une politesse un peu surannée, modèle vieille France ou
autrement; c'est qu'en la matière il nous semble que les bornes sont
légèrement dépassées. Je résume très
rapidement. Au moment où collectivement nous avons entamé la
rédaction de ce mémoire qu'on dépose aujourd'hui, nous ne
savions pas, d'une manière officielle, ni si la commission parlementaire
aurait lieu, ni à quelle date elle aurait lieu, ni si nous étions
invités à y participer. Et nous n'avions pas eu livraison d'un
document officiel à propos de cette commission parlementaire. Cela nous
semble, à tout le moins, aléatoire de procéder de cette
façon. On l'a fait, cependant. Je passe sur un certain nombre de
détails en matière de dates. Bien sûr, devant cette
incertitude, on a entamé les démarches qui s'imposaient pour
avoir un éclairage un peu plus satisfaisant sur l'avenir immédiat
qui nous était réservé. On a donc, par
téléphone, eu la confirmation suivante: qu'effectivement la
commission siégerait aux dates dont on avait entendu parler, soit les 7,
8 et 9 décembre. Pour ce qui est de la participation de la CEQ, on nous
a répondu que ni la CEQ, ni la CSN n'étaient invitées;
que, par ailleurs, on constatait, là où il le fallait, que le
dossier traînait depuis trois ans déjà et qu'il
était temps de faire diligence.
Un peu plus tard, c'est tout à fait vrai, la
Fédération des enseignants de cégep, chez nous, a
reçu une invitation à participer. Nous y voilà, cependant,
et j'atterris. Le temps était court. Je vous répète que
vous avez, à tout le moins, négligé un certain nombre de
groupes affiliés chez nous et directement concernés. Je ne parle
pas de la centrale elle-même, c'est évident, mais je parle de ce
groupe de professionnels et de personnel de soutien qui sont à la fois
syndiqués CEQ, mais aussi très impliqués dans la vie
quotidienne et les affaires ordinaires du collège et qui le sont aussi,
comme citoyennes et citoyens et syndiqués, de l'avenir de
l'éducation au Québec tant au collégial qu'au primaire et
au secondaire. C'était mon premier ordre de remarques.
Le deuxième, M. le ministre. Vous me permettrez de vous dire que
vous avez une attitude envers la consultation qui est, à tout le moins,
à deux niveaux. Le premier
niveau de votre attitude, on le diagnostique comme ceci: vous n'avez pas
peur d'avoir recours à des consultations multiples, successives et fort
nombreuses. Le deuxième, cependant - on aurait mauvaise grâce
à ne pas vous le dire - c'est qu'on a beau consulter, on a un sentiment
profond, en ce qui nous concerne, que c'est toujours à la
périphérie et très rarement au coeur des choses, qu'on est
le plus souvent mis devant des faits accomplis et qu'à la rigueur on
peut se prononcer sur quelques petites bricoles qui concernent l'application,
rarement sur le fond des politiques. C'est donc plus à la
périphérie qu'au fond qu'on se sent consultés.
Deuxième petite remarque à l'intérieur de cela.
S'il fallait, un jour, qu'on acquière un mini-sentiment d'avoir une
quelconque influence à travers ces rondes de consultation, on ne serait
pas fâchés. Pour le moment, on vit cela comme une enfilade presque
systématique. Vous énoncez un plan ou un projet en point de
départ. Très généralement parlant, beaucoup de
gens, dont nous, vous disent qu'il y aurait plusieurs choses à y revoir,
c'est le moins qu'on puisse dire. Deuxième volet de consultation:
ça revient à peu près comme c'était et ça
peut même revenir, en certains cas, pire. Si je ne parlais que pour nous,
je comprendrais que vous ne fassiez pas toujours toute la place qui leur
reviendrait aux allégations de la CEQ, mais je constate qu'à
travers plusieurs consultations au chapitre de l'éducation on n'est
souvent pas tout seuls à tenir des positions et on est souvent plusieurs
à constater que les positions qu'on a défendues et tenues sont
peu ou pas prises en compte.
Cela dit, vous constaterez cependant que, malgré ces remarques
qui peuvent paraître acerbes, on est là, on est tous là. On
a réussi, mission accomplie, à vous écrire un
mémoire et, par-dessus le marché, on y est avec toute la bonne
foi qu'on pense que le sujet mérite et dont on est capable, par
ailleurs, je vous en assure, en passant.
Introduction au mémoire, pour celles et ceux qui veulent essayer
de suivre, parce que là, ça va aller vite vu le temps dont on
dispose.
On a choisi de traiter ça d'une manière globale et non pas
article par article. C'est un choix qui en vaut un autre; cela a
été le nôtre. On le fait globalement parce qu'on estime que
nous sommes en présence d'une pièce d'un casse-tête, lui,
plus global, qu'on continue, nous, d'appeler une contre-réforme en
éducation couvrant tous les niveaux du primaire et secondaire, incluant
le collégial et allant jusqu'à l'université.
Le projet de règlement des études collégiales, qui
nous occupe aujourd'hui et qui vous occupe, j'imagine, tout autant, continuera
à nous occuper encore par les temps qui viennent. Ce sont
essentiellement diverses formes de restrictions à l'accessibilité
et la recherche de productivisme dans l'enseignement qui, pensons-nous,
aiguillonnent et justifient le projet. Ce sont ces deux thèmes donc,
celui de l'accessibilité et du productivisme, qui font l'objet des deux
chapitres de ce mémoire. En conclusion, il va sans dire, c'est assez
ordinaire, nous vous résumerons ce que nous croyons être vos
visées réelles à ce propos et nous formulerons des
revendications.
Au chapitre de l'accessibilité à la formation
professionnelle d'abord, ce qui va suivre - et le plus rapidement possible
-c'est notre compréhension à nous de la gestion que vous faites
et que vous entendez faire de la reproduction des rapports sociaux
principalement appliquée au cas des jeunes.
On va utiliser un langage qui est fréquent et qui vous est
familier: "Trois paramètres." Vous remarquerez que c'est entre
guillemets dans le texte, c'est tout près d'une citation. Ces
paramètres seront les suivants: chômage phénoménal
que subissent les jeunes, début d'un mouvement spontané de
ceux-ci à poursuivre des études, et tendance à la
croissance des emplois non qualifiés. (15 h 45)
Le chômage phénoménal que subissent les jeunes, on
pourrait en parler indéfiniment, le déplorer collectivement. Je
connais peu de gens qui s'en réjouissent. Cependant, il nous semble
essentiel de vous dire aujourd'hui un certain nombre de choses. Ce
chômage, à proprement parler, est exorbitant - vous le savez et
nous le savons aussi - extrêmement lourd de conséquences. On peut
en rechercher les causes; il faudrait surtout s'acharner à essayer d'y
trouver des remèdes, mais de vrais remèdes.
À propos des causes, en ce qui nous concerne, on en diagnostique
plusieurs, cela va sans dire. L'une d'elles est que votre gouvernement et les
autres gouvernements des pays industrialisés en général
l'ont aggravé en faisant de leur premier comment dire - objet de lutte
la lutte à l'inflation. La conséquence de cela, on le sait, tout
le monde le sait, y compris les économistes les plus traditionnels,
c'est que le chômage augmente.
Partant de là, cependant, tous les gouvernements, le vôtre
y compris, ont réagi à ce que cela donnait comme effets. Tant
qu'on jongle avec des statistiques prévisionnelles, c'est tel que tel;
quand on se trouve en présence d'un nombre important de femmes et
d'hommes de demain, de filles et de garçons d'aujourd'hui qui sont sans
travail et sans espoir d'y entrer, le problème du chômage
redevient important.
Que penser de cela et comment gérer ce qui n'est pas sans
conséquences sociales? On soulève quelques-unes des
conséquences
sociales. Qu'est-ce que cela va donner cette cohorte de jeunes qui
n'auront pas été frottés aux dures réalités
d'un travail plus ou moins pénible, qui auront probablement un certain
niveau d'aspiration à la consommation, mais, en tout état de
cause, bien peu de moyens d'y satisfaire? Comment est-ce qu'on peut s'arranger
pour le jour où ce sera meilleur et où ils seront
réintroduits, de gré ou de force, sur le marché du
travail? Comment faire en sorte que ce temps perdu ne soit pas un temps
inutile, de manière à les fabriquer un peu pour qu'ils puissent
quand même se plier un jour ou l'autre aux dures exigences d'un
marché de l'emploi qui, par ailleurs, lui, tend
régulièrement et quotidiennement à se dégrader?
On estime que la volonté que vous avez, tant pour le
collégial que pour le primaire et le secondaire, d'une insistance qu'on
estime, nous, hors de proportion, sans bilan, sans politique d'ensemble autour
du concept de stages en industrie ou de l'alternance éducation-travail,
a quelque chose à voir avec cela. C'est-à-dire qu'à tout
le moins on pourra leur montrer, fût-ce sporadiquement, ce que cela peut
vouloir dire et les former un peu à redevenir ensuite,
ultérieurement, des citoyens productifs, rentables et utiles. Cela nous
semble aller tout à fait dans la logique des choses.
Parallèlement à cela, cependant, les filles et les
garçons d'aujourd'hui, qui se trouvent confinés non pas au
marché du travail, parce que la réalité ne va pas
tellement de ce côté-là, mais au marché du
chômage principalement, ont amorcé spontanément un
mouvement de retour ou de poursuite des études. Vous le savez M. le
ministre, on n'entrera pas dans la kyrielle ou la guerre des statistiques. En
ce qui nous concerne, nos tableaux sont peut-être incomplets en termes de
pourcentages. Ce que l'on sait, cependant, c'est que, dans les collèges,
au moment où l'on se parle, les classes sont bondées, qu'il
existe certains exemples de ceci avec des cégeps qui sont d'une
construction fort récente et déjà totalement
inadéquats, par exemple, Drummondville. On peut le constater tous les
jours, quotidiennement, sans se référer à des
statistiques: effectivement, il y a un mouvement spontané. On l'appelle
spontané parce qu'il n'est ni encouragé, ni suscité, ni
obligé, mais qu'il vient, à l'origine, de ces jeunes
eux-mêmes qui choisissent, finalement, de poursuivre leurs études
plutôt que de se heurter toujours au même obstacle qui est ce
chômage chronique et catastrophique.
Le troisième paramètre, c'est, on pense, la
déqualification, la croissance des emplois non qualifiés. Je suis
à la page 10, pour ceux et celles qui veulent suivre l'écrit;
c'est quand même plus complet que l'oral. Les réflexions qui
précèdent, qui ont justifié cette partie du chapitre qui
s'en vient, ne sont pas que pure spéculation. On est en mesure, je
pense, même si on n'a pas les études avec nous, de s'appuyer sur
certaines études faites par les Américains, les Japonais et
même les Canadiens, à savoir que les nouvelles technologies,
à titre d'exemple - on en parle beaucoup et vous savez comme moi que ce
sera très important dans la société de demain -
n'entraînent pas une hausse du niveau de formation nécessaire pour
les travailleurs qui auront à remplir des emplois. Au contraire, toutes
ces études démontrent que la plupart des emplois qui seront
offerts après le virage technologique n'exigent que quelques heures ou
quelques semaines d'entraînement. Une minorité de postes à
combler exigera par ailleurs - on l'admet parfaitement - une formation
très poussée. Mais il reste que, pour l'ensemble, les
métiers seront déqualifiés et la formation
nécessaire probablement beaucoup plus petite qu'on ne l'a conçu
jusqu'à maintenant, à la satisfaction des employeurs, il va sans
dire, et pas nécessairement à celle des travailleuses et des
travailleurs.
Il sera, cependant, plus facile d'entraîner ces femmes et ces
hommes à de petites fonctions dans la mesure où la formation de
base aura une qualité relativement suffisante. Je vous rappelle que vous
avez parié sur cette formation de base en reportant la formation
professionnelle en secondaire VI et en secondaire VII. On comprend, de notre
point de vue, que le secondaire VII est extrêmement aléatoire et
sera probablement très réservé. Ce pari, vous l'avez fait
- on pourra en reparler ailleurs plus longuement, à moins que vous ne
décidiez d'y revenir - au mépris, cependant, du risque, que nous,
on s'entête à décrire comme étant réel, de
voir de plus en plus d'adolescentes et d'adolescents décrocher. Ce n'est
pas parce qu'on trouve que ce n'est pas une bonne chose de repousser la
formation professionnelle en secondaire V et VI, au contraire, on est d'accord
avec cela, mais parce que, pour nous, cela suppose une transformation radicale
du modèle et des pratiques de l'école. En l'absence de ce
changement important de l'ensemble de l'appareil éducatif, on estime
qu'il y a là risque d'accentuation des décrocheurs aux niveaux
primaire et secondaire. Quoi qu'il en soit, peut-être que cela n'a pas
d'importance, ces filles et ces garçons serviront, en gros, au bas de la
pyramide, pour remplir les emplois non qualifiés, très peu
spécialisés, et en conséquence, très rarement bien
payés.
Il y a un sous-ensemble qui, lui, ne désespère pas tout
à fait et qui aspire à un peu plus; il se peut bien qu'on les
juge trop nombreux au ministère. Dès lors, ce qu'on fait, on
multiplie les voies de sortie. Vous savez de quoi il s'agit, ce sont les
programmes réduits, les attestations réduites,
un ratatinement de la formation collégiale qu'on connaissait.
C'est l'aspect général de la formation professionnelle. A-t-on
maintenant déjà trop de filles et de garçons qui vont aux
cégeps? Nous, on pense le contraire. En a-t-on encore trop qui veulent
et qui prétendent aller à l'université? Peut-être le
pensez-vous; nous, on pense le contraire. Il semble, de notre point de vue, que
l'éducation étant encore un investissement économique
important au sens strict et au sens figuré, il aurait fallu faire tout
ce que nous pouvions pour encourager ces mouvements, pour hausser le niveau
général de scolarité des Québécoises et des
Québécois et surtout pas pour essayer d'inventer au niveau
intermédiaire une multiplication de portes de sortie qui permettent
peut-être de faire le même travail du point de vue des employeurs,
mais qui n'assurent ni la même qualification, ni la même
capacité de négocier sa force de travail face à ces
employeurs.
Quant aux programmes préuniversitaires, ils ne sont pas exempts
de retouche, c'est le moins qu'on puisse dire; on devrait plus exactement
parler de refonte. Les programmes de concentration ne sont pas à l'abri
de la déqualification. L'opération qui consiste à adopter
la formation à tous les niveaux aux exigences de la
réorganisation du travail fait son oeuvre aussi, y compris sur les
programmes dits préuniversitaires.
La refonte est systématique. Depuis quelque deux ans, cela
s'opère au niveau des programmes préuniversitaires, d'abord par
une réduction de ceux-ci, sorte de fusion qui fait passer les
concentrations de six à quatre ou peut-être à trois.
L'approche théorique sur la base disciplinaire disparaît, elle
aussi, au profit d'une espèce de vulgarisation inductive des concepts et
principes à la base des disciplines, en même temps qu'une
insistance est mise sur les applications concrètes et pratiques de
principes et de notions simples.
Par ailleurs, alors qu'on pouvait jusqu'à maintenant reprocher la
trop grande intervention de l'université au niveau collégial, on
se rend compte désormais, avec ce qui est devant nous, qu'elle va
être évacuée complètement. Alors, le problème
ne se posera pas peut-être, sauf qu'on pense qu'il va se poser à
l'inverse. Il va y avoir là une dissociation qui n'est pas prometteuse
d'avenir. Tout comme au secteur professionnel, la marge considérable
dans la fabrication des profils de concentration est laissée à
l'initiative locale. Elle peut être de l'ordre de 50%. Nous affirmons que
cette mesure risque de porter atteinte à la valeur nationale du
diplôme d'études collégiales.
D'autres programmes terminaux encore. On a mis un certain temps à
comprendre où cela s'en allait. Il ne faut pas nous en vouloir, il y a
beaucoup de choses, vous le savez, à plusieurs niveaux et, à
propos de l'éducation, on parle beaucoup au Québec. Je vous
souligne, en passant, que le ministère parle, la CEQ aussi. Ne cherchons
pas qui commence, mais il reste qu'il s'écrit beaucoup de paroles
à propos de l'éducation. On ne comprend pas toujours tout
très bien. Mais il y a quelque chose qui nous a aidés, assez
récemment, à mettre un peu d'ordre dans cela, ce sont les
dernières publications de l'OCDE. Cela a allumé notre lanterne.
L'OCDE insiste sur la nécessité - il y en a trois - un, de
créer, là où cela n'existe pas, des cycles courts de
formation universitaire; admettons qu'on les a ou l'équivalent avec le
cégep, qui remplit parfaitement cette exigence; deux, de donner un
caractère terminal à ce cycle court, en conséquence de
quoi, une certaine formation professionnelle aux étudiantes et aux
étudiants de ce niveau. L'OCDE explique - je suis à la page 13
-très précisément cette orientation par le fait
embarrassant dans les États, que de plus en plus de jeunes
désirent poursuivre leurs études, mais il se trouve que
l'entreprise publique ou privée n'a que faire de diplômés
universitaires dans le sens classique du terme.
On a donc compris que la déqualification de la formation en
général, l'insistance mise sur les applications pratiques dans
les projets de refonte des programmes, la souplesse laissée au niveau
local venaient parfaitement répondre aux orientations de l'OCDE.
D'autant plus qu'on note, depuis deux ans, des contingentements de plus en plus
sévères, et c'est le moins qu'on puisse dire, à
l'entrée à l'université.
Le secteur préuniversitaire du cégep ne mériterait
ce nom, dorénavant, que pour une minorité des étudiantes
et des étudiants de cégep, la grande majorité
constituerait dès lors une main-d'oeuvre peu qualifiée
finalement, indépendamment du nombre d'années passées
à l'école, en l'occurrence peu chère, il va sans dire,
malléable â souhait, pour répondre à des besoins
éventuels de qualification intermédiaire, hypothèse qu'on
n'exclut pas. Il va de soi, dans cette perspective, que l'initiative
laissée au niveau local dans la fabrication des profils de cours,
principalement avec les tables de concertation nationales et régionales,
agit tout à fait dans le sens souhaité.
La formation de base était au cégep, jusqu'à
maintenant, polyvalente et c'était même la caractéristique
et la spécificité de cette formation. On peut imaginer qu'on
pourrait changer notre fusil d'épaule à propos de formation de
base polyvalente. Dans la mesure où, effectivement, on admet que le
cégep n'est là que pour répondre occasionnellement
à des besoins plus précis en qualification, on ne voit pas tout
à fait l'utilité de donner aux étudiantes et
étudiants un sens poussé du développement
critique, des connaissances qui outrepassent le strict utilitarisme
quand, dans les faits, on confine le collégial à servir
l'utilitarisme et les qualifications étroites.
Vous trouvez que ça fait longtemps. Nous, on pense que ça
ne fait pas assez longtemps parce qu'il manque de l'ordre là-dedans et
les objectifs qu'on y décèle ne font pas notre affaire.
De la formation professionnelle jusqu'à la formation de base, le
PREC n'est pas de nature à améliorer une situation qui aurait pu
l'être. Vous ne nous changerez pas en défenseurs absolus de tous
les statu quo, mais ce n'est pas ça qu'il va faire. Il ne va pas
améliorer, il va détériorer une situation qui aurait
mérité encore qu'on s'attarde à l'améliorer,
toujours dans le sens de la réforme, dont on a dit tellement de choses,
mais, en ce qui nous concerne, on ne renonce pas à dire qu'il y avait
là, quelque part, quelque chose d'intéressant. Pour parler
franchement, ce fut un changement de nature le jour où, au tournant des
années soixante, une petite collectivité, la nôtre, de
femmes et d'hommes a accepté de faire le pari de l'éducation, en
a payé le prix, d'ailleurs, et largement pour - bon, vous vous
rappellerez - qu'on sorte de la grande noirceur. Ce sont des souvenirs que j'ai
moins personnellement que d'autres, mais on m'en a assez parlé pour
savoir que c'est vrai.
En conclusion au chapitre, je me permettrai de vous rappeler que,
quelque part dans un livre blanc sur le développement culturel, il a
été constaté que les aspirations des jeunes, et fort
légitimement, je crois, s'accommodaient mal d'un travail qui, lui,
était peu porteur d'aspirations, peu valorisant, assez morcelé et
assez étriqué.
Vous me permettrez, sur le ton familier, de vous rappeler une bonne
vieille blague québécoise. Je ne vous la citerai pas mais en
voici l'esprit. En gros, on a constaté, tout le monde, qu'on avait une
jambe qui n'était pas pareille à l'autre. Il y avait, quelque
part, un écart entre l'aspiration des jeunes et les moyens qu'avait le
travail de satisfaire ces aspirations. Évidemment, rappelez-vous
l'histoire, on aurait tous rêvé de voir la jambe de bois
changée en jambe en chair et en os pour nous permettre de mieux marcher;
on a l'impression dorénavant que ce qu'on a décidé de
faire, c'est nous donner deux jambes de bois. Ne pas changer le travail, mais
réduire les aspirations des jeunes de manière qu'ils entrent dans
le moule de gré ou de force et, par les temps qui courent, pour ce que
je sais d'eux, ce sera probablement plus de force que de gré.
M. Bellefeuille (Guy): Si on peut maintenant aborder le chapitre
II qui parle de productivisme dans l'enseignement, dans le PREC
l'administration des programmes est placée sous la double
bannière du droit des élèves et de la
décentralisation. L'emballage est attrayant. Cependant, là
encore, le regroupement en ordre des nombreuses pièces du
casse-tête que constitue l'opération contre-réforme nous
permet d'entrevoir de tout autres visées.
D'une part, l'aspect des services à l'entreprise. Le cégep
va devenir cette espèce de "contracteur" en formation au service des
besoins des employeurs nationaux ou régionaux. Les
éléments de son projet sont bien connus: tables de concertation,
souplesse des programmes, centres spécialisés, unités
cumulatives et reconnaissance des acquis en plus de l'alternance
éducation-travail.
Il faut aussi satisfaire à ces contrats de services dans une
juste mesure. D'où les éléments de contrôle
nécessaires et les garanties que certains irritants - mot à la
mode - ne viendront pas bouleverser les règles du jeu: c'est, bien
sûr, la réglementation, mais ce sont aussi les politiques
institutionnelles d'évaluation des apprentissages et des personnels, les
contrôles serrés sur le plan de cours, sur la révision des
notes de l'étudiant. Sans s'attarder sur le premier aspect de ce tableau
que nous avons esquissé au premier chapitre, on peut souligner,
première chose, que, s'il y a des droits que vous cherchez à
protéger, ce ne sont pas ceux des étudiants que vous
considérez comme une main-d'oeuvre dont on aura besoin et qui doit donc
être formée en conséquence. Il s'agit plutôt de
protéger les droits de l'éventuel employeur. Deuxièmement,
s'il y a décentralisation, celle-ci ne servira qu'à
répondre, au gré des besoins, aux commandes des tables de
concertation régionales. C'est le cas évident de la large marge
d'initiative laissée au niveau local en matière de programmes.
(16 heures)
En termes de contrôle et de productivisme, c'est le
deuxième aspect du tableau, celui du respect des normes en vue de
hausser la "productivité" dans l'enseignement. Cela est assuré
par une hiérarchie bureaucratique qui ira des bureaux du
ministère, ou des tables de concertation selon le cas, jusqu'aux salles
de cours. Cette hiérarchie va imposer les règles et va en
contrôler minutieusement l'application.
Ainsi va s'effacer peu à peu le rôle joué
jusqu'à maintenant par les coordinations de matières et
programmes au profit d'un mécanisme complexe et centralisé de
refonte des programmes, où les tables de concertation s'approprient la
plus grande part, et non plus les enseignants comme c'était le cas
auparavant. Par ailleurs, on oblige les collèges à se donner des
politiques
"institutionnelles" d'évaluation des apprentissages et des
personnels dont les règles doivent convenir au ministre. Enfin, on
s'assure que l'ensemble de ces règles seront strictement
observées par le contrôle minutieux des plans de cours et par les
mécanismes d'évaluation des personnels. Ces mécanismes
sont encore en voie de mise en application, mais il vaut ici la peine d'en
souligner le sérieux - ou l'absurde - par des exemples récents.
Ainsi, dans un cégep de la capitale, on a engagé trois nouveaux
employés pour surveiller les enseignants en classe et dans leur bureau.
Dans un autre établissement, le directeur des services
pédagogiques refuse l'impression d'un texte à une enseignante
sous prétexte que ledit texte est marxiste. C'est peut-être comme
cela que les étudiants sont mal formés, d'après ce que le
ministre a dit ce matin.
En instaurant cette bureaucratie tatillonne et absurde faite de normes,
de règles et de contrôles, vous dites n'avoir d'autre but que
celui de rendre des comptes aux contribuables. Comme si l'on pouvait
comptabiliser l'enseignement en en chronométrant les gestes.
Parce que, en fait, il s'agit bien là d'un souci de
productivisme. Et si le but est de faire en sorte qu'il n'y ait pas de
gaspillage d'argent, il s'agit surtout de s'assurer que l'étudiant,
à sa sortie, soit conforme aux attentes du désormais grand
concepteur en éducation: le futur employeur. D'où l'importance du
contrôle idéologique.
Pour terminer ce chapitre, venons-en à la réglementation
du régime pédagogique. Cette nécessité pour vous,
M. le ministre, est finement expliquée dans votre projet. Il s'agit en
somme de faire en sorte que ne viennent pas s'introduire dans cette
mécanique bien huilée ce que nous appelions des irritants. En
clair, cela veut dire que les éventuelles conventions collectives - ou
les décrets pour le moment - ne pourront subvertir ledit
mécanisme. À ce propos, est-il nécessaire de souligner que
les décrets ont bien préparé le terrain. L'occasion - ce
n'était pas un hasard à notre avis - était toute
trouvée puisque nous n'intervenions en aucune manière dans
l'élaboration des conditions de travail. Et ceci, nous l'avons
déjà souligné lors de la commission parlementaire
où nous parlions de la négociation. En effet, alors que les
prétextes du pouvoir à imposer des décrets étaient,
disait-on, d'ordre budgétaire, on en profitait pour élargir
considérablement les droits de gérance et, notamment, en
matière de gestion pédagogique.
Tous les mécanismes sont donc mis en place pour assurer que
l'administration ait son mot à dire jusque dans les salles de cours.
Il va sans dire que cet élargissement du droit de gérance
permet aussi les quelques bavures qu'entraîneront l'application du PREC
et de l'ensemble de la contre-réforme: mises à pied,
déplacements de personnel, fermetures d'options, augmentation des
tâches, déqualification des emplois et recyclage
nécessaire.
Si on conclut, on se dit: Y a-t-il d'autres termes qui expriment mieux
vos visées administratives que celui de productivisme? S'il en existe
un, c'est en quelque sorte son homonyme, le taylorisme, c'est-à-dire
cette méthode d'organisation du travail qui consiste à
séparer l'aspect conception de l'aspect exécution, qui consiste
à instaurer un appareil sophistiqué permettant de contrôler
le travail et le produit en fonction de normes préétablies. Nous
en serons là, M. le ministre, si vos projets continuent de s'appliquer
et les conséquences possibles en sont incalculables:
déqualification du métier d'enseignant et d'enseignante,
démotivation, absentéisme, difficulté de recrutement des
éléments valables, enseignement robotisé,
routinisé. Voilà qui clôt le deuxième chapitre.
En conclusion, M. le Président, vous me permettrez de dire que la
gestion qui mène à. la reproduction des rapports sociaux n'est
pas naïve. Ce que vous dictent vos partenaires économiques, vous
faites l'impossible pour maintenir cet ordre établi et vous en faites
encore un peu plus que ce qu'on vous demande, tellement désireux de
supplanter vos adversaires libéraux auprès des mêmes
commanditaires. Vous aviez copié les politiques de création de
chômage par les mécanismes dits de lutte à l'inflation.
Vous en avez remis en augmentant la tâche de travail et la durée
du travail des travailleurs et travailleuses sous votre juridiction, ce en quoi
vous avez creusé un sillon dans lequel s'alignent maintenant les
entrepreneurs privés, et on le voit très bien. On est loin de la
création de nouveaux emplois.
Maintenant, sous prétexte de trouver des solutions au
chômage des jeunes, vous réduisez la formation que vous leur
offrez, vous hiérarchisez encore plus les reconnaissances de ces
formations, vous vous évertuez à trouver des moyens de
discipliner, de moraliser, d'enrégimenter ces jeunes. Et, en bonne
logique, vous vous sentez obligé d'imposer à vos personnels dans
les établissements scolaires la même conception du travail que
celle pour laquelle vous préparez les jeunes.
Vous trouverez peut-être que, pour un simple projet de
règlement des études collégiales, nous y allons fort dans
nos récriminations. Mais nous ne pouvons traiter ce règlement
sans tenir compte de l'ensemble des contre-réformes que vous implantez
dans l'éducation au Québec depuis que vous êtes au pouvoir.
Bourassa n'aurait pas fait mieux et vous lui aurez bien labouré le
terrain.
On est loin de satisfaire à l'aspiration du peuple
québécois à l'élévation
générale du niveau de culture et de connaissances, clairement
exprimée et dûment payée depuis la sortie de la noirceur
duplessiste. C'est sur la base de cette analyse et de ces constatations que
nous faisons les recommandations suivantes:
Attendu que le PREC est une pièce importante de la
contre-réforme en éducation;
Attendu que la contre-réforme n'a pour objectif que de
rentabiliser, au sens comptable du terme, le système éducatif et
d'adapter, au sens étroit du terme, la formation des jeunes et des
adultes à la réorganisation du travail et aux besoins
éventuels des employeurs;
Attendu que la réorganisation du travail ne vise qu'à
augmenter la productivité des travailleuses et des travailleurs,
c'est-à-dire à accélérer l'exploitation en vue
d'élargir les marges de profit;
Attendu que la contre-réforme en éducation a comme
conséquence la déqualification systématique de la
formation, la réduction de l'accès à la formation
supérieure, l'inféodation du système éducatif aux
exigences des employeurs et la dégradation des conditions
d'apprentissage;
Attendu que le PREC vise à canaliser une bonne partie des
étudiantes et des étudiants, et notamment ceux d'origine
populaire, vers des filières à rabais par l'ouverture du
certificat d'études collégiales et de l'attestation
d'études collégiales à la clientèle en formation
initiale;
Attendu que la structure des programmes prévus par le PREC porte
atteinte à la valeur nationale du DEC et laisse la porte ouverte aux
commandes de l'entreprise locale par l'initiative large laissée aux
établissements dans l'élaboration des profils de concentration et
surtout de spécialisation;
Attendu que le tronc commun imposé par le projet de
règlement des études collégiales est davantage le
résultat d'improvisation et de "traficotage" que celui d'un débat
ouvert et sérieux sur la formation de base à donner à
toutes les collégiennes et à tous les collégiens;
Attendu que le PREC, en changeant les règles de choix des cours
complémentaires, en modifie le sens, c'est-à-dire leur
contribution à une formation polyvalente;
Attendu que le PREC introduit la notion d'unités cumulatives,
lesquelles favorisent une formation taylorisée, incitent les
étudiantes et étudiants à choisir des profils
étroitement liés à un métier ou, pis, à un
poste de travail et introduisent la possibilité d'une formation sur le
tas pouvant être sanctionnée comme formation scolaire;
Attendu que le PREC déqualifie le métier d'enseignant et
d'enseignante et modifie ses conditions de travail, d'abord, en portant
atteinte à la liberté académique et à l'autonomie
départementale en renforçant les droits de gérance et en
réduisant le champ du négociable;
Attendu que le PREC menace la sécurité d'emploi en
entraînant des déplacements et des coupures de personnel;
Attendu que le PREC a été rédigé sans tenir
compte - et nous tenons à le souligner -des mémoires
qu'étudiantes et étudiants, enseignantes et enseignants avaient
déposés en 1980; que le nième projet sur lequel on se
prononce aujourd'hui n'a fait qu'amplifier ces éléments
inacceptables - CEC, AEC, structure des programmes de concentration et de
spécialisation, tronc commun trafi-coté - ;
Attendu que toute révision du régime pédagogique
actuel, par ailleurs souhaitable, ne saurait se faire sans un débat
large et sérieux impliquant les étudiantes et étudiants,
les personnels des collèges, les parents et le public en
général.
Nous exigeons:
Le retrait du PREC;
Le maintien pour deux ans du régime actuel, période
pendant laquelle serait mené un large débat public sur
l'enseignement collégial;
Qu'au lieu d'adapter l'école à un marché du travail
qui se dégrade: chômage, précarité,
déqualification, le gouvernement intervienne pour créer des
emplois et pour améliorer la qualité du travail;
Que le gouvernement améliore l'accessibilité au
collégial par les mesures suivantes: hausse des bourses, augmentation du
nombre d'établissements et agrandissement des espaces d'accueil,
élaboration de normes budgétaires qui favorisent
l'accessibilité;
Que le gouvernement donne à toutes les étudiantes et
à tous les étudiants entrant au cégep une formation de
qualité égale, entre autres par la disparition des
filières concurrentes: CEC et AEC;
Que le gouvernement assure l'amélioration de la qualité de
l'enseignement par des budgets éducatifs adéquats, par
l'amélioration des ratios maîtres-élèves, par le
maintien de l'autonomie départementale et de la liberté
académique;
Que le gouvernement mette l'accent sur une formation qui
développe la conscience, l'esprit critique, l'ouverture au monde en
même temps qu'elle donne une véritable compétence
professionnelle et ce, indépendamment du sexe et de l'origine sociale ou
géographique des étudiantes et étudiants.
Voilà, M. le Président, bien brièvement ce que nous
avions à vous dire sur ce projet et sur l'ensemble des
contre-réformes que votre gouvernement met en place.
Le Président (M. Blouin): Merci, M.
Bellefeuille, merci, Mme Gagnon. M. le ministre.
M. Laurin: M. le Président, je voudrais d'abord remercier
la CEQ pour le mémoire intéressant qu'elle nous soumet. Je
voudrais d'abord dire quelque chose à propos des remarques introductives
de la vice-présidente, Mme Gagnon. En l'écoutant, je pensais au
vieux proverbe: Damned if you do, damned if you don't. C'est-à-dire que
le règlement sur les études collégiales, on n'était
pas obligé de le soumettre à une commission parlementaire. En
réalité, l'autre régime pédagogique du primaire et
du secondaire, comme tous les autres qui avaient précédé,
a été adopté par le gouvernement et c'est d'ailleurs la
règle dans notre Parlement britannique de faire adopter, par le Conseil
exécutif, tous les règlements. Il y a peut-être une
tendance dans le sens contraire qui se dessine, et je m'en réjouis, mais
il n'y avait quand même pas obligation pour le gouvernement de soumettre
à une commission parlementaire ce projet de règlement
d'études collégiales. Nous l'avons fait parce que nous croyions
opportun de le faire, étant donné l'importance des enjeux.
Maintenant, on nous reproche de le faire d'une façon qui ne
répond pas aux souhaits de chacun. Mais, je continue à penser que
c'était une décision opportune, même si cette commission
parlementaire a été précédée par trois ou
quatre années d'échanges, de rencontres qui nous ont quand
même permis de recueillir les opinions de tous les
intéressés dans le milieu et qui nous ont permis de tirer parti
des remarques qui nous ont été faites.
Une remarque, aussi, que je voudrais faire: Le gouvernement ne consulte
pas, en l'occurrence, sur quelque chose qui se situe à la
périphérie des problèmes importants de notre
société. Je crois que le régime pédagogique n'est
pas une bricole comme on a eu tendance à le dire tout à l'heure;
c'est, au contraire, quelque chose d'important et qui justifie qu'on consacre
trois jours de commission parlementaire, aussi bien que les années qui
ont précédé, à recueillir toutes les opinions afin
d'en arriver à la solution qui semble la plus adéquate dans les
circonstances.
La CEQ dans son mémoire fait une analyse du chômage, que
nous sommes obligés de constater, et il y a au moins un point sur lequel
je suis d'accord avec elle, c'est que la cause principale, probablement, du
chômage a été l'augmentation subite et faramineuse des taux
d'intérêt et, en conséquence, l'action qui a
été menée, qui a pris la forme surtout d'une lutte contre
l'inflation, sans qu'on tienne compte assez des conséquences que pouvait
entraîner l'inflation, dont le chômage massif que nous avons connu.
Une autre cause - et je pense qu'il ne faut pas la nier - c'est la
soudaineté et la profondeur de la mutation technologique qui fait que,
même si nous consacrons des sommes importantes au développement
économique dans ces domaines, nous ne pouvons pas créer des
emplois qui correspondent à l'ampleur des capitaux que nous y
investissons. Il y a là un défi pour notre société
qu'il nous faut régler.
Je suis aussi d'accord avec la CEQ que, quelle que soit la cause que
nous pouvons identifier, il faut quand même s'appliquer à mettre
en place le plus rapidement possible les remèdes qui nous permettront de
faire face à cette situation et d'en atténuer les
conséquences malheureuses, particulièrement sur le plan du
chômage. Et une des façons, c'est sûrement ce pari de la
qualification qu'il nous faut mener à tout prix et qu'il nous faut
gagner et qui se traduit par le développement des ressources humaines
aux plus hauts niveaux, une plus grande accessibilité, donc, à
tous les niveaux d'éducation, une formation de plus en plus
qualifiée, que ce soit au niveau collégial ou que ce soit au
niveau universitaire. Car, s'il est vrai que, temporairement, certaines
entreprises créent des emplois non qualifiés, font de la
formation sur le tas, il est évident, d'après tout ce que nous
lisons, que, d'ici à quelques années en tout cas, la formation
qualifiée de plus haut niveau, que ce soit celle des techniciens au
cégep, que ce soit celle des diplômés universitaires, y
compris les docteurs et les maîtres dans les disciplines du virage
technologique, aura un rôle extrême à jouer pour la
revitalisation de notre économie, pour la modernisation de notre
structure industrielle et aussi pour la création d'emplois dans des
usines que nous pouvons espérer voir apparaître. (16 h 15)
Ceci dit, M. le Président, il ne faut pas du tout en conclure,
loin de là, que le gouvernement entend négliger la formation
générale ou la formation de base. Bien au contraire, tout le sens
de nos réformes au niveau secondaire, c'est de reporter les options
professionnelles d'une année et même de deux années,
parfois de trois années, au choix de l'étudiant, au
bénéfice d'une formation générale qui, justement,
est la clef de l'employabilité future et d'une chance de recyclage
réussi. Et si nous le faisons au niveau secondaire, évidemment
nous entendons le conserver et l'améliorer également au niveau
collégial et au niveau universitaire. Donc, le DEC est là pour
demeurer, et nous entendons même améliorer par tous les moyens
possibles la formation générale qui est donnée au sein des
collèges. Et c'est même dans ce sens que nous procédons
actuellement aux fusions qu'on nous reproche. Les fusions auxquelles nous
procédons actuellement dans le champ des sciences pures et
appliquées avec les
sciences de la santé ou dans le champ des sciences humaines et
des sciences de l'administration, a précisément pour but
d'assurer un tronc commun de formation professionnelle fondamentale, une
formation plus large, une formation plus cohérente et une formation
commune à tous les élèves d'un même programme. Dans
cette refonte des programmes, nous entendons bien, comme dans le passé
d'ailleurs, profiter de l'apport des ressources du milieu, qui nous l'ont
d'ailleurs recommandée et qui y travaillent avec nous.
Je pense que toutes ces réformes déjà en cours ou
à venir vont justement dans le sens de l'amélioration de la
formation générale. En même temps, nous tentons de
promouvoir le plus possible l'accessibilité. Je ne comprends pas que la
CEQ, à la page 15, nous reproche, non seulement de ne pas encourager
l'accès du plus grand nombre possible aux études, mais de le
décourager en multipliant les voies de sortie faciles. On a
prouvé hier que, de 1976 à 1982, c'est-à-dire en moins de
six ans, le nombre d'étudiants qui fréquentent le secondaire et
qui terminent leurs études secondaires avec un diplôme a
augmenté de près de 15%. Le nombre d'élèves qui
entrent au collège à temps plein, de 1976 à 1982, a
augmenté de 7,2%. Le nombre d'étudiants qui terminent leur
diplôme collégial, a augmenté de 22,7% à 27,2% de
1976 à 1982. Et le même phénomène est en train de se
produire au niveau des universités. Je n'en donne que cette simple
illustration: le Québec, en 1981, comptait pour 26,3% de la population
canadienne et pourtant il accueillait 27,9% des étudiants de premier
cycle et 33% des étudiants de deuxième et troisième
cycle.
Donc, je pense que c'est là le résultat d'efforts
déterminés, résolus, systématiques que nous menons
depuis six ans, en tout cas, pour augmenter l'accessibilité à
tous les niveaux d'études. Il n'y a personne qui se réjouit plus
que moi de l'augmentation considérable, que nous constatons actuellement
des populations étudiantes au niveau des cégeps et au niveau des
universités: 7000 de plus en moins de deux ans, et 5% de plus au niveau
des universités. Je pense que c'est là un résultat, en
grande partie, des efforts que nous menons tout autant que de la
récession économique. Et s'il faut pour cela augmenter les
antennes régionales de cégeps, s'il faut pour cela agrandir nos
cégeps actuels, s'il faut pour cela construire de nouveaux
cégeps, s'il faut pour cela augmenter les constructions universitaires,
s'il faut pour cela augmenter les locations que doivent consentir les
universités pour accueillir ces cohortes étudiantes, nous le
ferons malgré les contraintes budgétaires que nous continuons de
connaître. Car l'accessibililté est véritablement une
priorité, non seulement pour ce gouvernement, mais pour la
société québécoise qui se doit de le faire si elle
veut continuer d'axer son succès futur sur le développement des
ressources humaines.
Donc, je ne comprends pas que la CEQ nous reproche - ne voie pas
l'évidence, ne voie pas les faits - un mépris de la dimension -
pour ne pas utiliser le mot paramètre - de l'accessibilité, alors
que précisément c'est là une de nos priorités.
Ce que nous voulons faire, et c'est là, au fond, la question:
Tout en sauvegardant l'importance de la formation générale, tout
en privilégiant le diplôme d'études collégiales,
tout en en améliorant la qualité, ne faut-il pas quand même
penser - et je le demande à la CEQ - à ces
laissés-pour-compte qui, malgré les progrès
enregistrés, ne s'inscrivent pas encore au cégep ou qui, une fois
inscrits et particulièrement dans les filières de la formation
professionnelle, décrochent après quelque temps? Ne faut-il pas
continuer, ne serait-ce qu'en attendant, de faire un effort pour ces
clientèles de décrocheurs ou de non-inscrits qui ont peine
à se trouver des emplois sur le marché du travail et à qui
les entreprises disent: Nous pourrions vous engager, mais à condition
que vous ayez une formation qualifiante dans tel ou tel domaine? C'est
là le sens des programmes qui ont été institués
pour les adultes, le CEC actuel, au collège; c'est là le sens des
attestations que les collèges dispensent actuellement à la
demande des étudiants, ou à la demande des organismes, ou
à la demande des gouvernements. Qu'y a-t-il de mal à augmenter
ces modes d'accommodation de clientèles qui ont besoin, pour trouver un
emploi, pour augmenter le niveau de leur rémunération, de trouver
d'autres types de formation encore plus qualifiante que celle des attestations
collégiales ou que celle du certificat pour adultes tel qu'il existe
actuellement? Ne faut-il pas, même en gardant en vue nos objectifs
importants de société, penser quand même à combler
un besoin actuel qui existe, dont tout le monde nous parle et auquel plusieurs
organismes réclament une solution? Ne faut-il pas penser à
apporter des solutions à ces problèmes précis,
particuliers, circonstanciels, en attendant que les solutions à long
terme, que nous mettons en place depuis une quinzaine d'années et que
nous tentons d'améliorer, produisent tous leurs fruits? C'est la
question que je poserais à la CEQ.
Le Président (M. Blouin): Alors, Mme Gagnon.
Mme Gagnon: Oui et avec l'aide de certains autres, vous
comprendrez bien, parce que c'est une question qui est quand même
complexe.
Dans un premier temps, M. le
Président, je vais revenir un petit peu en arrière. Vous
comprendrez, je pense, qu'il y a tout intérêt, quand on fait une
présentation abrégée, à vous référer
à l'écrit, qui est souvent plus parlant que les quelques minutes
dont on dispose pour exposer l'ensemble d'un sujet. Il y a, je crois, en bonne
partie, une réponse à la question de M. Laurin qui est contenue
dans notre mémoire. Cela n'empêchera pas, cependant, que nos
ressources y reviennent.
Dans un premier temps, vous dites: On n'était pas obligé
d'avoir cette commission parlementaire. Je voudrais être très
claire, nous ne déplorons pas la tenue de la commission parlementaire,
bien au contraire.
Une voix: On l'avait demandée.
Mme Gagnon: On l'avait demandée. Et on s'estime, à
la rigueur, bien plus satisfait qu'elle se tienne, en dépit de la
manière cavalière dont on estime qu'on a été
traité dans les délais, plutôt que de la voir ne pas se
tenir, sous prétexte de politesse précisément. Alors, on
ne déplore pas la commission parlementaire, bien au contraire. On est
plutôt content qu'elle ait lieu et cela n'empêche pas cependant
qu'on se soit senti légèrement bousculé dans le temps pour
arriver à l'heure.
On pourrait probablement, je pense, gouverner sans consulter jamais
personne ou à peu près jamais. Ce serait cependant au risque
collectif et largement social d'avoir du fil à retordre à un
moment donné, à moins de lorgner vraiment du côté de
l'autoritarisme, et je ne pense pas que vous alliez de ce
côté-là, ni nous non plus.
Quand j'ai parlé de la consultation générale, quand
j'ai parlé de l'attitude générale de votre gouvernement
à l'égard de la consultation, j'ai dit ceci en regroupant un
certain nombre de consultations. C'est qu'il se trouve que la chose qu'on ne
pourra jamais vous reprocher de faire, c'est de ne pas consulter sous une forme
ou sous une autre. Il y a des masses de consultations sur des masses de
dossiers. Elles n'ont pas toujours les mêmes formes et elles s'appellent
toujours consultations. Cela est pour la généralité. La
deuxième généralité est une sorte d'insatisfaction
à propos de la consultation qui est multiforme et dépend des
formes de consultation. La première étant - petite chose - la
méthode cavalière -je n'y reviens pas - la deuxième,
à propos du même sujet, cependant, est le peu de prise que nous
avons sur les objets en consultation. En bref, le meilleur exemple, c'est le
certificat d'études collégiales.
Vous vous rappellerez qu'il avait été largement mis en
question, à toutes fins utiles très controversé et je ne
parle pas que de nous. Or, on le retrouve et au pire plutôt qu'au mieux.
Il est encore là et il l'est tout à fait. Cela est le
deuxième reproche pour une autre sorte. Le troisième reproche -
et cela n'a rien à voir avec tenir le PREC pour une bricole - c'est de
dire que, sur certains autres dossiers, la consultation a lieu, à la
périphérie et je ne vous en donnerai qu'un exemple. Pour la
formation professionnelle des jeunes, très tôt dans le long
processus de consultation, on s'est trouvé à être
consulté sur les moyens de mettre en oeuvre la pratique de comment faire
en sorte que cette chose s'applique, alors que nous n'avons pas vraiment eu le
temps de débattre de la politique au sens large.
Je comprends qu'à l'oral ces choses peuvent très bien
être court-circuitées. Il reste que c'est l'esprit des reproches
que nous faisons à propos de la consultation. J'aurais eu mauvaise
grâce de ne pas vous les rappeler.
Sur la question que vous nous posez, juste avant de passer la parole
à mes collègues, je veux dire ceci. Toutes les fois que vous
mettrez de l'avant un objectif qui visera, dans toute la mesure honnête
du possible, à scolariser davantage les Québécoises et les
Québécois, à favoriser principalement celles et ceux qui
n'atteignent pas les plus hauts niveaux scolaires actuels que sont les
universités, jamais, M. le ministre, vous n'aurez, au niveau de
l'objectif, de difficulté avec la Centrale de l'enseignement du
Québec. On pourra avoir des réserves sur les moyens
utilisés, mais jamais vous n'aurez de difficulté avec nous pour
ces objectifs de démocratisation et d'accès à la meilleure
formation possible pour le plus grand nombre.
Il nous semble bien, cependant, qu'avec le PREC, on est loin
d'être en présence d'un projet qui permette, même
minimalement, l'atteinte de cet objectif. Comme je ne suis pas, moi,
super-spécialiste au dossier, je vais permettre à d'autres de
répondre plus concrètement à votre question.
Mme Chiasson (Béatrice): La question de la croissance de
l'accessibilité aux études que vous avez signalée avec des
chiffres, nous en parlons aussi dans notre mémoire. Nous le constatons
aussi et nous disons que nous le constatons par les classes qui
débordent, les cégeps trop petits, et ainsi de suite. Cette
croissance d'accessibilité n'est pas l'effet de vos politiques. Elle
s'est faite depuis un certain nombre d'années - comme vous l'avez dit -
et vos politiques commencent à s'appliquer. Le nouveau régime
pédagogique au secondaire commence à s'appliquer.
Nous, ce qu'on vous dit, c'est que le nouveau régime
pédagogique au secondaire et le PREC vont à l'encontre du
maintien de cette croissance de l'accessibilité. On dit que le report de
la formation professionnelle au secondaire VI, sans prendre
énormément de précautions pour s'assurer que les jeunes
qui
sont actuellement au secteur professionnel, en secondaire III, IV et V,
restent à l'école, va faire en sorte qu'ils vont
décrocher. Vous allez augmenter le nombre de décrocheurs. Ces
clientèles - vous le savez - sont difficilement motivées dans les
programmes du régulier. Soit que les jeunes aillent spontanément
à l'enseignement professionnel parce qu'ils ne sont pas à l'aise
dans les matières scolaires, soit qu'ils soient canalisés parce
qu'ils sont considérés comme pas bons. S'il n'y a pas, dans le
nouveau régime pédagogique, des mesures de prises pour que ces
jeunes restent accrochés, ils vont décrocher et il y en aura plus
qui décrocheront. Ce sont beaucoup de jeunes. Les chiffres, vous les
connaissez.
Pour ce qui est de l'accessibilité au cégep, ce qu'on vous
dit, c'est que vous avez l'air plutôt embarrassé par
l'augmentation du nombre de jeunes qui vont au cégep, puisque vous
multipliez les portes de sortie. Vous ne prenez pas de mesures pour continuer
à les faire entrer au cégep pour obtenir un DEC, un bon
diplôme qui vaut mieux sur le marché du travail qu'un CEC. Vous
ouvrez des portes de sortie parce que cela serait trop indécent de
fermer encore plus les portes. On sait qu'il y a encore beaucoup de jeunes qui
cognent aux portes et qui se les voient encore fermer. Il y a encore beaucoup
de refus d'admission au cégep. Et ce n'est pas des ouvertures que vous
leur faites.
On maintient aussi dans notre mémoire que, si les CEC
étaient appropriés... Ils sont encore appropriés pour
favoriser le retour de décrocheurs, mais ils ne le sont pour ceux qui
sont restés accrochés. Voilà!
M. Bellefeuille (Guy): Sur la formation fondamentale, j'aimerais
ajouter que le problème n'est pas sur le principe ni sur la fusion des
programmes. Le problème est de savoir où l'on s'en va avec cela.
Au lieu d'avoir une approche qui vise à expliquer les principes de base
et l'ensemble de principes dans ces programmes, on va plutôt vers des
programmes qui amènent les étudiants à acquérir des
habiletés et des aptitudes. C'est à cette approche qu'on en a
vis-à-vis de la formation fondamentale puisque, entre le discours que
vous tenez sur les principes et les programmes réels que vous faites,
les contenus de cours réels que vous faites, il y a toute une marge de
manoeuvre. Et cela ne se ressemble pas du tout. C'est sur ce point que nous ne
sommes pas d'accord.
Le Président (M. Blouin): M. le ministre. (16 h 30)
M. Laurin: M. le Président, je ne vois pas pourquoi la CEQ
dit que nous sommes embarrassés par cet afflux de clientèles
alors que, l'an dernier, les collèges n'ont refusé qu'une partie
très infime d'étudiants, très infime je le
répète. Et comment peut-on penser que nous encourageons les
adultes à aller vers une formation minimale alors qu'actuellement, au
moment où on se parle, il y a 15 000 adultes inscrits aux cégeps
à temps complet dans les cours réguliers qui mènent au
DEC, alors qu'il n'y a que 1300 adultes inscrits au certificat? J'aimerais
beaucoup que cette tendance qui se manifeste actuellement d'adultes qui vont
s'inscrire au DEC à temps complet se perpétue.
Si nous voulons multiplier ou diversifier les voies de sortie, c'est
précisément pour ceux que nous n'atteignons pas encore et qui ne
veulent ou ne peuvent pas s'inscrire comme étudiants à temps
complet, pour au moins leur donner une formation la plus qualifiante possible
puisque, à défaut de le faire, quelqu'un le fera sûrement.
Ce ne sera pas dans le système d'enseignement. Ce sera peut-être
comme quelqu'un me disait ce matin: Mon fils s'est inscrit à l'institut
d'informatique et, après un cours de deux ans et demi, il n'a pas pu
avoir d'autre attestation que celle de l'institution qui le recevait et il a eu
une extrême difficulté à se procurer du travail puisque
l'entreprise exigeait un diplôme de type collégial. C'est
précisément pour ces clientèles que nous n'atteignons pas
actuellement et qui ont besoin d'une formation qualifiante que nous tendons
à assouplir et à diversifier le système, mais sans toucher
à ce qui fait la valeur du système actuel, c'est-à-dire le
DEC, qui continuera d'être la voie normale, la voie
privilégiée et la voie à privilégier
également, puisqu'elle donne, bien sûr, une formation encore plus
qualifiante que les certificats ou les attestations d'études
collégiales.
C'est dans ce sens-là que nous voulons procéder, sans
quand même toucher à l'essentiel de ce qui constitue le
régime d'études collégiales actuel empirique, qui n'a pas
d'assise, mais qui fonctionne quand même et dont nous reconnaissons,
après quinze ans d'expérimentation, la valeur, même si nous
constatons qu'il faut toujours travailler à son amélioration.
C'est peut-être sous forme de question, mais c'est sous forme de
commentaire également pour bien marquer que ce que nous encourageons, ce
ne sont pas seulement ou exclusivement les habiletés ou les aptitudes,
comme on vient de le dire, mais également et bien davantage une
formation générale qualifiante.
J'ai une dernière remarque aussi. On nous accuse pour la
politique de formation professionnelle de ne pas nous préoccuper
suffisamment du report d'une année ou de deux années de la
formation professionnelle. Nous sommes d'accord là-dessus avec le CEQ,
il importe de faire attention que le changement que nous apportons, et qui tend
à privilégier en nombre d'années la formation
de base, ne se traduise pas par un décrochage. Nous le savons et
c'est la raison pour laquelle nous mettons l'accent sur une sorte de tutorat
pour ceux qui ont des difficultés de cheminement. D'ailleurs, cela va
commencer au niveau primaire aussi bien qu'au niveau secondaire. C'est la
raison pour laquelle également nous entendons appliquer ce programme
d'une façon graduelle et progressive, en surveillant au fur et à
mesure et d'une façon très étroite les effets qui
pourraient en résulter.
Il reste cependant que ce secondaire VI, et éventuellement ce
secondaire VII, contribuera à faire de nos diplômés du
secondaire, non seulement des gens qui auront une meilleure formation
générale, donc plus recyclables puisque les mutations
technologiques nous obligent à un recyclage constant, mais
également des ouvriers mieux qualifiés et mieux
spécialisés, qui auront plus de facilité à
dénicher les emplois qui correspondent à leurs aptitudes en
même temps qu'à leurs préférences et aussi à
leurs véritables besoins.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. Cela
va?
Mme Chiasson: J'ai une petite chose à dire
là-dessus, s'il vous plaît!
Le Président (M. Blouin): Un petit commentaire, Mme
Chiasson?
Mme Chiasson: Oui. Ce sera bref. Le Président (M.
Blouin): Oui.
Mme Chiasson: Je veux bien croire en la bonne foi de M. le
ministre quand il dit que les CEC et les AEC sont pour ouvrir la porte à
une clientèle qui n'est pas encore atteinte, mais, pour le monde qui vit
dans les cégeps, si pour une fois vous voulez les entendre, les
étudiants vous ont dit la même chose ce matin, les enseignants
vous disent la même chose, les autres personnels vous disent la
même chose, c'est-à-dire que cela ne va pas attirer de nouvelles
clientèles, cela va faire sortir plus vite les clientèles
actuelles. On vous le dit et c'est le monde qui vit dans les collèges
qui vous le dit. Alors, essayez d'écouter une fois pour toutes.
M. Laurin: C'est une appréhension.
Mme Chiasson: Ce n'est pas la première fois, cela fait
trois ans que cela vous est dit et répété.
M. Laurin: Si jamais, comme on le disait hier, l'introduction de
cette voie - qui d'ailleurs est encore amendable, c'est pourquoi nous tenons
cette commission parlementaire - aboutissait à ces résultats,
c'est bien sûr que nous constaterions comme vous que ce n'est pas la
solution et il faudrait en changer immédiatement. Là-dessus, on
est d'accord.
Mme Chiasson: Vous pouvez faire des vérifications avant de
l'appliquer.
M. Laurin: C'est une appréhension à l'appui de
laquelle, actuellement, vous ne pouvez pas apporter de preuves.
Mme Gagnon: M. Laurin, suivez-nous deux minutes. Au moment
où on se parle, l'université contingente
sévèrement; vous le savez, nous le savons. Les collèges,
physiquement, débordent; vous le savez, nous le savons; physiquement,
les établissements. On pourrait en construire d'autres, mais, pour le
moment, il y a quelques problèmes de bâtisses.
Quand je dis: Suivez-nous un instant, vous allez voir qu'il y en a
d'autres qui l'ont pensé avant nous. Si, avec la même
clientèle, on pouvait les faire durer moins longtemps au collège,
sous prétexte de leur donner une formation qui, fût-elle plus
courte et moins satisfaisante, aurait quand même des prétentions
à leur donner à peu près l'équivalent, est-ce qu'on
ne serait pas en situation d'avoir - comment dire? - une espèce
d'attrait sur la clientèle actuelle du cégep? C'est-à-dire
qu'on leur dit en gros: Cela va durer moins longtemps et cela va donner
à peu près la même chose. Est-ce possible que cela ait un
effet sur des filles et des garçons, au moment où on se parle, au
Québec? Nous, on pense que le risque, M. Laurin, est réel. On
pense qu'on n'a pas le droit de le courir sous prétexte que, dans deux
ans ou dans trois ans, on se rajustera, parce qu'on aura sacrifié des
filles et des garçons, donc des femmes et des hommes, des êtres en
chair et en os, au bout de ce processus. C'est un risque
élevé.
Suivez-moi de nouveau pour ce que je vous disais tantôt. Si par
hasard on réussissait à ratatiner légèrement la
formation du niveau collégial, à faire en sorte que les
étudiants restent moins longtemps au collège parce qu'ils
quittent plus vite - je parle toujours de la même clientèle - on
se trouverait à faire un bon coup au moins dans le sens des politiques
de l'OCDE et ce n'est pas nous qui les écrivons, c'est le moins qu'on
puisse dire.
M. Laurin: Un dernier commentaire, M. le Président.
D'abord, cela ne serait pas l'équivalent. Deuxièmement,
actuellement près de 40% des enseignants inscrits au DEC professionnel
décrochent. Des étudiants. C'est aux étudiants qu'il faut
penser et c'est pour cette catégorie de personnes qui ont
décroché qu'il faut présenter quelque chose qui n'est pas
susceptible d'amener ce même
inconvénient que nous connaissons à l'heure actuelle.
Mais, cela dit, je suis conscient du pari, du risque et, encore une fois, je
pense que cette commission parlementaire et vos avis peuvent nous
éclairer. Nous, nous continuerons notre réflexion.
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, je pense que le ministre a fait
un lapsus dans ses dernières remarques quand il a parlé de 40%
d'enseignants qui décrochaient; il pensait au secondaire où
l'atmosphère créée par les décrets entraîne
un climat de découragement très prononcé chez les
enseignants, dont je l'ai déjà saisi d'ailleurs.
Je crois qu'on doit remarquer une chose. Nous avons commencé
à siéger hier, la Fédération des enseignantes et
enseignants de la CEQ est le cinquième organisme qui se présente
devant la commission jusqu'à maintenant. Un organisme, celui que nous
avons entendu tout à l'heure, ne s'est pas prononcé sauf qu'il a
dit: Nous ne voulons pas que ce règlement entre en vigueur avant qu'ait
eu lieu cette table de concertation que nous demandons. Les quatre autres ont
émis des observations très sévères, des objections
à l'encontre non seulement du projet de certificat d'études
collégiales que veut instaurer le projet de règlement du
gouvernement, mais aussi, et cela est plus grave, à l'encontre de
certaines orientations fondamentales de la politique qu'a commencé de
suivre le gouvernement en matière de formation au niveau
collégial.
Plus j'écoute les choses qui sont dites, plus je constate que le
débat porte, dans une très grande partie, sur des
clientèles qui ne sont point atteintes actuellement par le réseau
des cégeps, c'est-à-dire en très grande partie par
conséquent, sur des clientèles adultes qui sont sur le
marché du travail ou qui sollicitent des postes sur le marché du
travail. Cela pose le problème que nous avons évoqué
dès le début des travaux de la commission: il nous manque deux
cartes maîtresses pour être en mesure d'apprécier
sérieusement le projet du gouvernement en ce qui touche, en particulier,
les nouvelles arêtes de la politique qu'il entend suivre. Il manque la
politique du gouvernement dans le domaine de l'éducation des adultes et
la politique du gouvernement dans le domaine de la formation professionnelle.
Je pense que quelque chose fait défaut ici. Je ne sais pas comment vous
allez régler ce problème, mais il me semble que, si vous voulez
faire une équation qui soit judicieuse, il faudra bien que nous ayons
ces pièces sans lesquelles il est impossible de se former un jugement
sûr, je dirais même un jugement sérieux sur cet
élément le plus controversé de tout le projet de
règlement qui est l'introduction d'une nouvelle forme de diplôme.
Hier, je ne crois pas avoir mal entendu quand j'ai compris, de la part des deux
hauts fonctionnaires qui sont venus témoigner, qu'on ne dispose pas de
projections le moindrement systématiques nous permettant de
prévoir les conséquences éventuelles de l'instauration de
cette politique. J'entendais tantôt le ministre dire aux
représentants de la Fédération des enseignantes et
enseignants que, s'ils craignent que cela entraîne des
conséquences, ils en fassent la preuve. Il me semble que c'est
plutôt au gouvernement de faire la preuve du genre de résultats
qui vont découler de son approche. On est impressionné par les
désirs qu'exprime le ministre, mais beaucoup moins par le genre de
démonstration que lui-même apporte.
Ceci étant dit - pour employer la formule ministérielle -
je voudrais vous poser quelques questions. Il y a deux questions de fond qui se
posent à nous. Il y aura des questions plus précises ensuite qui
vont être beaucoup plus brèves. Mais il y a deux questions de fond
sur lesquelles j'aimerais que vous nous apportiez des réponses.
Il y en a d'abord une qui est soulevée par ces documents
d'orientation de l'OCDE dont vous avez parlé et nous en avons entendu
parler longuement hier. Je pense que vous aviez tout à fait raison de
penser qu'il y avait une certaine influence de cette documentation parce que
nous l'avons appris de la bouche même des porte-parole du gouvernement,
hier après-midi. Je trouve que vous nous prévenez de certains
problèmes, mais aussi que vous en créez d'autres. Vous voulez
qu'on garde le DEC, très bien. Vous voulez qu'on renonce au projet de
certificat d'études collégiales, très bien. Vous voulez
également qu'on laisse tomber le système des attestations
d'études collégiales déjà en vigueur dans une bonne
mesure et qui sera davantage amplifié vraisemblablement par le projet de
règlement. Mais si nous gardons seulement un diplôme, celui qui
existe actuellement, le DEC, comment allons-nous faire face aux besoins de plus
en plus diversifiés de formation que pose la population d'aujourd'hui,
surtout quand nous voulons étendre la clientèle actuelle des
cégeps à toutes les catégories de citoyens qui ne sont pas
rejoints? Je ne sais pas si... J'aimerais avoir votre réponse à
cette question. Ensuite, il y en aura une deuxième. Je la poserai
après parce que c'est un sujet tout à fait... Quand on pose deux
ou trois questions - je me suis fait jouer un tour, ce matin - on a un
début de réponse à la première partie de la
première partie et tout le reste s'en va au panier.
Le Président (M. Blouin): Mme Fortin? Mme Fortin
(Nicole): À propos du CEC
et de l'AEC, je pense qu'on dit bien, dans notre mémoire, qu'il
n'est pas question d'enlever ces possibilités à ceux qui
reviennent à l'école. Je n'ai pas la page exacte, mais je pense
qu'on le dit...
M. Ryan: Au bas de la page 24, vous avez une recommandation.
Peut-être que, partant de là...
Mme Fortin: Oui. Dans le corps du mémoire, si j'ose dire,
on dit qu'on reconnaît très bien le besoin de ces diplômes
qu'on appelle à rabais, par ailleurs, mais qui ne sont pas, pour les
adultes, nécessairement à rabais. On reconnaît ces besoins
pour les adultes, c'est-à-dire pour ceux qui reviennent à
l'école. Et je rappelle une question qui était de vous, je pense,
ou plutôt de M. Charbonneau, ce matin, parlant des décrocheurs qui
revenaient à l'école. Vous souligniez le besoin pour ces
gens-là d'avoir ce type de diplômes et on n'est absolument pas
contre cela. On est contre le fait qu'on offre ces diplômes en formation
initiale, tout simplement.
M. Ryan: Vous établissez...
Mme Fortin: Et on pense que... Si on peut me permettre...
M. Ryan: Pardon, excusez-moi.
Mme Fortin: On pense que, à ce titre, les jeunes qui sont
dans la "filière scolarisante", pour utiliser une expression du
ministère, ont droit à une formation, à un diplôme
égal dans le cursus qu'ils envisagent. (16 h 45)
M. Ryan: Très bien, je pense que cela répond
à ma question sur ce point. Vous pensez, par conséquent, que,
pour les besoins de la population qui n'est pas au stade de la première
expérience de formation collégiale, on pourrait faire un usage
très diversifié du mécanisme des attestations
d'études collégiales, comme on le fait déjà
d'ailleurs.
Mme Fortin: Cela existe déjà, on n'a jamais
contesté cela.
M. Ryan: Très bien.
Mme Chiasson: J'attire votre attention sur la page 9 du
mémoire où l'on en parle de façon très
précise. On dit: Si les programmes menant à des certificats
d'études collégiales pouvaient s'avérer une piste
judicieuse pour les adultes qui reviennent aux études, il n'en est pas
automatiquement de même pour ceux qui sont demeurés dans le
circuit. À propos de ces programmes spéciaux offerts aux adultes,
nous nous serions attendus à l'amélioration des services
pédagogiques entourant lesdits programmes. Nous revendiquons d'ailleurs
en ce sens depuis plusieurs années en demandant l'intégration de
l'éducation aux adultes à l'enseignement régulier au
cégep. On dit qu'on avait sous-estimé le sens de l'ironie du
ministre puisqu'il propose l'inverse. Au lieu d'améliorer les
certificats aux adultes... Le problème des certificats aux adultes et le
sens de nos revendications, c'est que, en général, ce sont des
programmes qui sont hors département. Ils ne bénéficient
pas de la planification pédagogique dont bénéficient les
programmes réguliers et c'est un problème. On dit qu'il propose
l'inverse. En faisant disparaître la distinction jeune adulte à
des fins d'accès à ces programmes spécifiques, il ouvre la
porte à des programmes réduits, plus courts et qui mènent
à des reconnaissances inférieures aux jeunes qui, actuellement,
s'inscrivent à un diplôme.
M. Ryan: M. le Président, je vais poser ma deuxième
question à caractère général. J'en ai deux ou trois
à caractère particulier ensuite. Je vois que, dans votre
mémoire, vous dites qu'au lieu de s'engager dans cette voie que
préconise le gouvernement qui va conduire à reproduire le
schéma actuel des classes sociales et multiplier, en somme, les victimes
du système social, en particulier dans la partie éducationnelle,
vous recommandez des mesures qui coûteraient beaucoup d'argent: hausse
des bourses, augmentation du nombre d'établissements, agrandissement des
espaces, normes budgétaires favorisant l'accessibilité,
amélioration des ratios enseignants-étudiants, et ainsi de
suite.
Je pense que c'est une vérité établie -il y a bien
des discussions sur les détails -que l'effort que le Québec s'est
imposé ces dernières années en matière
d'éducation est supérieur à celui qu'on a observé
dans les autres provinces canadiennes. Il semble qu'on ait pris une
décision, il y a un certain temps, de viser à
l'équivalence. On peut discuter sur les modalités et
l'interprétation des chiffres. Il y a de la marge en quantité
pour la discussion, mais, grosso modo, je pense qu'il y a un consensus assez
large voulant que le niveau de sacrifices que cette société s'est
imposé soit déjà plus élevé que la moyenne
canadienne. Si on allait appliquer toutes les mesures que vous proposez, cela
demanderait des déboursés beaucoup plus grands.
Est-ce que vous pensez qu'il faille aller dans cette voie, même si
nous étions rendus au seuil que j'ai mentionné?
Mme Gagnon: M. Ryan, il se peut bien que nous ayons
dépensé davantage, mais je pense que vous admettrez avec moi
qu'on partait de plus loin. Or, de notre point de vue, le rattrapage n'est pas
complété. Je
n'ai pas les chiffres avec moi, mais je pense à cette distorsion
qui existe encore au niveau, par exemple, de l'université entre les
Québécois et les habitants des autres provinces, et les
Québécois des deux souches même au Québec. Il reste
encore un léger rattrapage, du côté francophone, pour la
diplomation universitaire. Je ne pense pas me tromper en avançant cela.
Je n'ai pas de chiffres, mais, sauf erreur de ma part, cela a été
remis sur la place publique il n'y a pas si longtemps.
Nous savons que cela coûte cher. Nous savons que
l'éducation coûte cher. Pour nous, cependant, la contradiction
qu'on s'entête à voir depuis un certain temps sur cette colline et
peut-être en d'autres lieux entre économie et éducation, on
ne la partage pas, c'est-à-dire que pour nous il n'y a pas de distorsion
entre les investissements en éducation et les investissements en
économie à proprement parler. C'est le très
révolutionnaire Conseil économique du Canada qui a établi
que, sur une période de 40 ans, peut-être - je n'ai toujours pas
mes tableaux, je cite de mémoire - il y avait contribution pour environ
le quart de la hausse du niveau de scolarité d'un peuple à sa
hausse de niveau de vie. Ne confondez pas les lettres. Ce n'est pas CEQ, c'est
CEC, et j'insiste. Nous sommes sûrs qu'on n'a pas le droit, au moment
où l'on se parle, de prendre des fonds qui pourraient être utiles
en éducation, et qui le sont à proprement parler, en
matière de développement social, pour les envoyer ailleurs, sous
prétexte que c'est une mauvaise affaire. Cela dit, on sait que cela
coûte cher. Vous vous souvenez, autour des années soixante, on
avait un slogan qui, à mon avis, était plus qu'un slogan, si je
me réfère au CEC, c'était: Qui s'instruit s'enrichit. Au
moment où l'on se parle, il semble bien que, comme peuple, on n'a plus
les moyens de s'enrichir. C'est extrêmement angoissant. Ce n'est pas le
présent seulement, c'est l'avenir aussi.
Ce sont des choix politiques, on le sait. On ne défend pas les
mêmes que le gouvernement. Il nous semble qu'il faut consentir les
efforts qu'il faut pour s'assurer qu'on ne sacrifiera pas l'avenir en faisant
des économies d'échelle ou de bouts de chandelle - au choix - sur
le présent.
Le Président (M. Brouillet): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, dans le travail
d'éducation qui se fait au niveau des cégeps
l'élément le plus important après l'étudiant, c'est
l'enseignant. Déjà, par l'effet des décrets, les
conditions de travail de l'enseignant ont été rendues
considérablement plus difficiles. J'ai obtenu des renseignements l'autre
jour sur un cégep et j'ai commencé à en parler devant
cette commission. J'ai trouvé des notes que j'ai prises à cette
occasion. Les conséquences sont encore plus sérieuses que je ne
le pensais. C'est un fait qui ne se rattache peut-être pas directement au
sujet qu'on discute et qui constitue quand même une toile de fond
très importante.
La question que je veux vous poser est: Si le décret, si le
projet de règlement - je suis mêlé dans mes termes,
excusez-moi, M. le Président - est imposé dans sa forme actuelle,
est-ce qu'il en résultera d'autres conséquences pour l'engagement
de l'enseignant, pour sa dignité professionnelle, pour la
capacité de travailler de manière libre et responsable? Est-ce
qu'il y a des choses qui sont contenues dans ce règlement qui sont de
nature, selon vous, à détériorer davantage les conditions
de travail des enseignants?
M. Beliefeuille (Guy): II y a d'abord nettement tout l'aspect des
contrôles qui est extrêmement important à l'intérieur
du projet de règlement des études collégiales, des
contrôles qui peuvent devenir à ce point tatillons que le
directeur des services pédagogiques peut surveiller ce qui va se dire en
classe. Ce n'est pas cela qu'on appelle la liberté
pédagogique.
Nous pensons qu'au niveau collégial il doit exister une forme de
libertés pédagogique à partir de l'encadrement qui est
prévu dans les cahiers de l'enseignement collégial. On risque
fort de voir disparaître complètement cet aspect. M. Ryan, ce sont
des choses auxquelles tiennent mordicus les enseignants et les
enseignantes.
C'est l'aspect principal qui va détériorer le climat
pédagogique dans les collèges.
M. Ryan: Les administrateurs de cégeps sont venus nous
dire hier qu'eux, comme responsables de l'institution devant le public, ont des
comptes à rendre et que, pour pouvoir rendre des comptes, il faut qu'ils
puissent exercer un certain contrôle sur le contenu des programmes de
cours, par exemple, des plans de cours, et même sur la manière
dont le travail est fait. Comment résolvez-vous la question de
l'imputabilité, la question de la reddition de comptes? À qui
l'enseignant rend-il des comptes? Comment ce problème se
résout-il dans votre esprit de manière démocratique et
satisfaisante pour tout le monde?
M. Bellefeuille (Guy): Pour nous, la façon dont les
enseignants rendent des comptes, c'est qu'ils sont engagés pour donner
un certain nombre de cours. Le travail se fait de façon collective dans
les départements de façon à voir la qualité de
l'enseignement qui est donné, à partir du
contenu des plans de cours qui sont dans les cahiers de l'enseignement
collégial.
Si, en département, les enseignants et les enseignantes font
leurs plans de cours, évaluent collectivement leurs plans de cours et
accomplissent ensuite l'évaluation en question, nous pensons que nous
avons rendu des comptes à la société.
Le Président (M. Brouillet): Est-ce que d'autres demandent
la parole?
Oui, M. le député de Verchères.
M. Charbonneau: Je ne reprendrai pas les questions qui ont
été posées par le député d'Argenteuil et le
ministre. Il y a trois choses qui m'ont frappé dans votre
mémoire, deux entre autres sur lesquelles je m'interroge beaucoup. J'ai
eu l'impression, j'espère que je me suis trompé, que vous vous
prononciez contre la reconnaissance des acquis. J'ai aussi eu la nette
impression que vous étiez contre le développement de la formation
alternée au Québec, temps de travail, temps d'études, en
entreprises ou ailleurs, et que vous étiez - là, c'est
peut-être plus diffus; cela serait peut-être vous prêter des
intentions que vous n'avez pas -contre le rapprochement avec les besoins du
marché du travail. Quand je pense que je vous prête des
intentions, j'ai peut-être plutôt l'impression que vous êtes
contre le fait - et on l'a répété ici à quelques
reprises - que l'enseignement soit assujetti totalement et exclusivement aux
besoins des entreprises. La marge n'est pas grande - vous l'admettrez - entre
ce que vous dites et la conclusion qu'on peut tirer d'un discours qui finit par
nous amener à la conclusion qu'à chaque fois que le gouvernement,
quel qu'il soit, tente des rapprochements pour arrimer la formation avec les
besoins actuels et futurs du marché du travail... Après tout,
quand on parle du chômage des jeunes, on parle de jeunes qui veulent
entrer dans des entreprises, qui veulent gagner leur vie; ce sont les
entreprises qui donnent les jobs et qui ont des conditions et des exigences
particulières.
J'aimerais que vous m'entreteniez sur cette impression que j'ai eue que
vous êtes vraiment contre la reconnaissance des acquis. J'ai vu des
tonnes de jeunes qui ont acquis des expériences de vie, qui ont
décroché du cégep ou du secondaire, qui reviennent et qui
se rendent compte que ce qu'ils ont vécu lorsqu'ils ont
décroché a une valeur. Ils n'admettent pas - et je n'admets pas
non plus - que les enseignants fassent en sorte que cet acquis ne soit pas
reconnaissable. C'est l'impression que j'ai eue en lisant votre mémoire.
Ce n'est pas l'impression que j'ai eue lorsque j'en ai discuté avec les
enseignants du cégep de Saint-Hyacinthe où on a réussi, en
parlant, à apporter des nuances. Mais de la façon que c'est
abordé dans le mémoire, de la façon que vous l'avez dit,
cela ouvre des portes dangereuses à mon point de vue.
L'autre chose, c'est la formation alternée. On vient d'adopter un
plan de relance où on veut développer plus que jamais cet aspect
de la formation professionnelle en entreprise. On n'a pas l'impression
d'être rétrograde en faisant cela quand on regarde des
sociétés occidentales qui sont beaucoup plus avancées dans
le domaine de la formation professionnelle et qui ont justement, depuis
plusieurs années déjà, développé des
approches en formation alternée.
Est-ce parce que des enseignants seraient amenés à
collaborer avec des cadres ou des travailleurs dans des usines, dans des
entreprises, que l'enseignement serait moins valable parce qu'il serait
alterné: tant de travail, tant d'entreprise? Est-ce parce que certains
enseignements seraient donnés par des travailleurs et des cadres dans
des entreprises qu'ils auraient moins de valeur? On veut mettre -
espérons qu'on va réussir dans les délais qu'on s'est
imposés - le plus rapidement possible 30 000 jeunes du Québec en
formation en entreprise. Vous nous dites aujourd'hui, à la façon
dont vous l'abordez votre mémoire, que la formation alternée
n'est pas la bonne chose à faire. Il faudrait peut-être qu'on se
parle; mais je n'ai pas l'impression que des pays européens qui ont
développé ces approches ont complètement manqué le
bateau.
Mme Gagnon: Mme Chiasson, si vous permettez, M. le
Président.
Le Président (M. Brouillet): Très bien, Mme
Chiasson.
Mme Chiasson: Pour m'accrocher à votre dernière
remarque sur les pays européens, vous avez peut-être lu seulement
les choses qui étaient favorables au modèle allemand ou au stage
Barre en France, mais je peux vous donner de la bibliographie qui critique les
stages Barre en France et le modèle allemand de la formation
professionnelle. Je pourrais vous fournir cela si vous en avez besoin, et si
vous n'avez pas vu les critiques qui ont été faites
là-dessus.
M. Charbonneau: J'en ai vu quelques unes, mais, si vous en avez
d'autres, je vais les prendre.
Mme Chiasson: Oui, il y a la mascarade des stages Barre, entre
autres. Je ne les ai pas tous par coeur, mais je pourrai vous en envoyer.
M. Charbonneau: Reconnaissez avec moi, madame, qu'il n'y a pas
juste des stages Barre en France.
Mme Chiasson: Non, il y a autre chose. Mais je veux
répondre à votre question sur la reconnaissance des acquis,
l'alternance et le rapprochement avec le marché du travail.
Sur la reconnaissance des acquis d'abord, je dois vous dire que, dans
une de nos recommandations dans le mémoire que nous avons adressé
à la commission Jean, nous nous disions très favorables à
une très grande ouverture à la reconnaissance des acquis pour
l'accès à l'éducation, mais on émettait beaucoup de
prudence sur la reconnaissance des acquis qui n'impliquent pas un minimum de
retour à la formation pour s'assurer que l'expérience a vraiment
permis l'acquisition d'un métier dans son ensemble. (17 heures)
D'autre part, pour ce qui est de la question à la fois de la
reconnaissance des acquis et de l'alternance, le moins qu'on puisse dire, c'est
que, là-dessus, vous n'êtes pas transparent. Cela fait
bientôt quatre ans, depuis le livre vert sur l'enseignement
professionnel, qu'il est question de façon générale,
souvent, fréquemment, de la volonté de généraliser
les stages, de multiplier les stages, d'organiser l'alternance éducation
et travail. Mais la dernière chose que j'ai entendu dire
là-dessus par le ministre de l'Éducation, c'était à
une conférence de presse à Montréal où il disait
que c'était le ministère de la Main-d'Oeuvre qui était en
train de préparer une politique de stages. Elle n'est pas prête
encore et on m'a dit récemment, à un colloque régional du
ministère, qu'il n'y aurait pas eu de bilan de fait sur ce qui se fait
en ce moment. Il y a des politiques locales de stages et d'alternance
actuellement. Il n'y a même pas eu de bilan de préparé
à la suite de cela et cela fait quatre ans que vous en parlez.
Il y en a des choses à dire là-dessus. Il y en a un bilan
à faire, parce qu'il y a des dangers qui existent dans une politique
effrénée d'alternance qu'on peut vous signaler. Par exemple, le
risque de généralisation d'un "cheap labour" super "cheap
labour": les jeunes viendraient prendre la place de gens qui ont
déjà un emploi. Si cela ne s'accompagne pas de la création
de nouveaux emplois, est-ce que ce sera le transfert du chômage d'une
classe d'âge à une autre? Pour les entrepreneurs, des stagiaires
jeunes, pas trop payés et même payés par des subventions
gouvernementales, cela peut être tentant de mettre dehors du monde qui a
déjà un emploi. Cela ne réglera pas le problème du
taux de chômage.
Vous ne nous avez encore rien dit sur les précautions que vous
allez prendre pour éviter que ce soit des transferts d'emplois d'une
classe d'âge à l'autre. Vous ne nous avez rien dit sur les
précautions à prendre pour que les jeunes soient vraiment en
formation et non pas en situation de production à la planche, mais
appelés stagiaires. Vous n'avez rien dit sur tout cela. Alors, ce sont
encore des pièces du "puzzle" qui manquent.
Quant au rapprochement avec le marché du travail, nous avons
toujours dit que nous étions conscients d'un certain lien
inéluctable entre la formation professionnelle et le marché du
travail. Mais vos politiques actuellement mènent à un
asservissement bête et étroit à l'utilitarisme
immédiat et aux postes de travail tels qu'ils existent. Là on est
obligés de faire référence à des documents qui ne
sont pas devant cette commission parlementaire à ce moment-ci, mais les
politiques sur la formation professionnelle. Dans le livre blanc sur la
formation professionnelle, par exemple, vous dites d'une façon... Et je
reparle ici d'alternance. Qu'est-ce qu'on dit pour les jeunes actuellement en
difficulté et les clientèles actuelles du PC? On dit que pour
eux, on prévoira un programme d'initiation à la vie active. Nous
prévoirons aussi pour eux une pédagogie qu'on appelle
éloquente, des horaires plus proches du marché du travail que
celui de l'école et on prévoira aussi pour ces clientèles
des périodes de retour à l'école. On ne dit pas si c'est
une demi-journée par semaine, une semaine par mois ou une semaine par
année. Et c'est dit d'une façon telle qu'on a peur que les jeunes
du PC actuels et les jeunes qui sont en difficulté actuellement dans les
écoles, que vous avez de la difficulté à maintenir et que
vous essayez d'intégrer... Ceux que vous ne réussissez pas
à intégrer, vous allez peut-être essayer de les envoyer en
"cheap labour". La seule façon dont vous le dites dans le livre blanc
nous autorise à ces inquiétudes.
Je n'ai pas fini. Laissez-moi reprendre mon souffle cependant.
M. Charbonneau: Allez-y! Allez-y!
Mme Chiasson: Par ailleurs, alors que dans le livre blanc sur la
formation professionnelle, il est question dans quelques pages seulement de
formation professionnelle et dans tout le reste de formation
générale, dans le plan d'action sorti cet automne, tout se passe
comme si le nouveau régime pédagogique, par sa mécanique
qui déboule d'une année à l'autre, allait régler
tous les problèmes d'abandon qu'on vous prévoit et allait
régler tous les problèmes de décrochage. On vous dit: Ce
n'est pas automatique; cela ne va pas se faire comme cela.
Dans le plan d'action sur la formation professionnelle qui est
publié, les seules priorités qui ressortent, sont: la carte
nationale, qui sera encore un beau prétexte pour couper des options, la
régionalisation des options, qui va être encore une façon
de
faire stagner certaines régions en donnant la formation
professionnelle liée seulement à la vocation économique
des régions et, une autre de vos priorités dans ce plan d'action,
c'est la concertation école-travail. La concertation
école-travail va marcher comment? Les tables nationales et les tables
régionales. Les tables sont formées comment? D'un tiers de
patrons, trois ou quatre ministères représentés, deux
chaises pour le monde de l'éducation. Cela mène à
l'asservissement et non pas à des rapprochements utiles pour
améliorer la formation. Je voudrais compléter, s'il vous
plaît!
Le Président (M. Blouin): Oui. Je comprends que nous
aurons bientôt un problème d'horaire. Je vous signale qu'il y a
trois autres associations qui doivent être entendues aujourd'hui. Ce sont
aussi des associations très importantes qui se sont rendues. Je vais
maintenant demander, autant aux députés qu'aux invités,
d'essayer de ramasser davantage - comment dire? - d'être plus succincts
dans leurs propos afin que nous puissions terminer assez rapidement et, si
possible, je crois que ce le serait, entendre avant le souper le
mémoire...
M. de Bellefeuille: Sur une question de règlement.
Le Président (M. Blouin): Oui.
M. de Bellefeuille: Je voudrais vous signaler qu'il me serait
absolument impossible d'être plus succinct que je ne l'ai
été.
Le Président (M. Blouin): Je vous rends hommage, M. le
député... Mme Fortin, je crois que vous aviez un
élément à ajouter.
Mme Fortin: Oui. Je voulais ajouter deux choses très
courtes. La première c'est que, parlant d'exploitation dans
l'apprentissage, on pourrait justement parler de votre fameux programme de
relance. Des gens en apprentissage à 280 $ par mois, si vous n'appelez
pas cela de l'exploitation, je ne sais pas comment vous l'appelez? C'est la
première chose.
La deuxième chose, c'est qu'il faudrait consulter... Je parle des
assistés sociaux qu'on va envoyer en apprentissage en élevant
légèrement le salaire...
M. Charbonneau: Je pense que vous donnez des chiffres qui ne sont
pas encore fixés, madame.
Mme Fortin: Ce sont les chiffres qu'on a entendus
dernièrement. La deuxième chose, concernant les liens avec
l'entreprise, c'est que c'est vous qui avez parlé de marge ce matin avec
les étudiants. Vous avez dit: II y a une marge entre l'asservissement et
des relations raisonnables. On voudrait que vous consultiez les derniers
documents du ministère concernant justement les tables de concertation
nationale et régionale pour voir l'ensemble des sujets sur lesquels ils
peuvent se prononcer. L'ensemble des sujets va de À à Q, en
passant par les programmes, par l'évaluation des maîtres, par
l'évaluation des apprentissages, etc. Si ce n'est pas de
l'asservissement, je ne sais pas ce que c'est.
Le Président (M. Blouin): Très bien. M. le
député de Verchères, cela va?
M. Charbonneau: J'aurais d'autres questions mais j'imagine qu'il
y a peut-être d'autres membres de la commission qui veulent...
Le Président (M. Blouin): Mme la députée de
Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci. Je me demande si, peut-être, dans une
certaine mesure, votre analyse ne remet pas en question le principe même
des cégeps. Ma question est donc: Croyez-vous qu'il est réaliste
d'attendre qu'on puisse répondre d'une façon propice aux besoins
de tout le monde dans la même institution? Est-ce vraiment possible?
Le Président (M. Blouin): Mme Gagnon.
Mme Gagnon: Madame, je me demande comment vous pouvez penser
qu'on remet en question l'existence des cégeps. Il nous semble au
contraire qu'on se porte plutôt à la défense des
cégeps et de leur vocation spécifique et particulière qui
est la formation qu'on a connue à venir jusqu'à maintenant.
Mme Dougherty: Peut-être pourrais-je expliquer ma
question.
Mme Gagnon: Si vous voulez, oui.
Mme Dougherty: Hier, nous avons eu un exposé de M. Lucier.
Il nous a décrit le système dans d'autres pays. Les cégeps
sont une expérience unique, c'est d'essayer d'avoir des jeunes du
pré-universitaire et des jeunes des cours professionnels tous dans la
même institution. Dans ce sens c'est donc quelque chose d'unique.
Je me demande si, peut-être, maintenant, étant donné
tous les problèmes que nous avons en essayant de répondre aux
besoins de tout le monde, c'est réaliste d'essayer de le faire dans une
seule institution.
Mme Gagnon: Écoutez, je pense qu'il n'y a pas une seule
institution éducative au Québec qui entend répondre aux
besoins de
tout le monde. En parlant des cégeps, on n'a pas aboli ce qui
précède ni ce qui suit. Les cégeps sont là pour une
clientèle donnée et une fin particulière, qui est une
formation terminale quand ils sont professionnels, préuniversitaire
quand ils sont pré-universitaires. Pour ces clientèles, qu'elles
soient jeunes, en formation initiale, donc sans interruption dans leur
processus scolaire, ou qu'elles soient de retour à ce niveau
d'éducation qu'est le cégep, on admet qu'il puisse y avoir des
régimes différents: amélioration pour les adultes et tout.
Mais il nous semble que ce n'est pas impossible, en conservant la mission
initiale du cégep, faite de ces deux aspects, de satisfaire, au moment
où on se parle, les clientèles qui y sont déjà,
celles qui y reviennent et celles, plus nombreuses, qui y viendraient et qui,
à notre point de vue, devraient y venir.
Autrement dit, on trouverait utile et correct qu'il y ait encore un plus
grand taux de passage entre le primaire-secondaire et le collégial. Cela
n'a pas à prendre en compte tous les besoins de tout le monde puisque
c'est à un niveau donné, et il nous semble qu'il n'y a pas
d'extravagance à penser que le cégep, sur sa lancée
essentielle, ce qui ne dispense pas de certaines révisions et de
certains réajustements - on ne défendra pas cela parce que cela a
existé un jour pour l'éternité - sont parfaitement aptes
à répondre aux besoins de celles et ceux qui les
fréquentent et qui les fréquenteront de plus en plus dans les
années qui viennent. Cela ne nous semble pas contradictoire de vouloir
essayer cela.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Fabre.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Dans votre
mémoire, vous parlez de l'intégration de l'éducation des
adultes à l'enseignement régulier. Est-ce que cette
intégration que vous préconisez ne conduit pas à la
disparition de la distinction faite actuellement entre jeunes et adultes? Ce
n'est pas clair dans votre mémoire si vous êtes pour ou contre la
disparition de cette distinction.
Le Président (M. Blouin): Mme Gagnon.
Mme Gagnon: Ce sera M. Bellefeuille, si vous le permettez.
Le Président (M. Blouin): M.
Bellefeuille.
M. Bellefeuille (Guy): Lorsque nous réclamons
l'intégration de l'éducation aux adultes à l'enseignement
régulier, c'est sur le plan pédagogique et non pas pour
intégrer les étudiants adultes aux étudiants
réguliers. Il y a des besoins pédagogiques qui sont
différents pour les étudiants réguliers et les
étudiants adultes. Cependant, nous réclamons que ce soient des
enseignants pour adultes qui se retrouvent dans les départements
disciplinaires et qui travaillent aussi au niveau des objectifs, des
méthodes pédagogiques, des moyens d'évaluation de
façon concertée avec l'ensemble du corps professoral. Cela nous a
été refusé par le décret et maintenant les
enseignants de l'éducation aux adultes sont complètement
isolés et il n'y a à peu près aucun contact qui se fait
entre l'éducation des adultes et l'éducation
régulière. C'est dans ce sens-là qu'on parlait
d'intégration, non pas des clientèles mais de
l'intégration pédagogique au niveau de l'enseignement et des
services donnés à ces clientèles.
M. Leduc (Fabre): Vous êtes pour le maintien de la
distinction jeunes et adultes au niveau collégial. Cette distinction me
semble artificielle. On a des jeunes qui ont 18 ou 19 ans à
l'enseignement régulier; on a même des gens qui sont plus
âgés qui sont à l'enseignement régulier et on
retrouve à l'éducation permanente, au secteur dit adulte, des
jeunes de 16 ou 17 ans, 18 ans à tout le moins. On retrouve aussi des
jeunes dans le secteur de l'éducation permanente, au printemps ou
à l'été, aux cours accélérés. Il y a
mélange de cette clientèle qui favorise l'intégration des
deux clientèles. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus.
M. Bellefeuille (Guy): Je ne crois pas qu'il y ait une
intégration vraiment marquée entre les clientèles
actuellement. Les cours dont vous parlez, les sessions de printemps ou les
sessions d'été sont habituellement des cours ou des sessions
réservées aux étudiants réguliers qui
récupèrent un cours qu'ils ont manqué. Il n'y a pas
vraiment une intégration, dans les salles de classe, de la
clientèle régulière et de la clientèle adulte. Cela
n'existe pas. Je ne connais pas les politiques du ministère à ce
sujet mais...
M. Leduc (Fabre): Cette question est importante. Vous êtes
pour le maintien de la distinction au niveau collégial entre jeunes et
adultes.
Mme Fortin: On pense qu'il y a une différence entre les
services à donner aux gens qui ont une expérience de travail et
à ceux qui sont en formation initiale. Je pense que le meilleur exemple
de cela est tout le débat qu'on a aujourd'hui à propos du CEC et
de l'AEC. Par ailleurs, j'ai envie de vous renvoyer votre question et de vous
demander quelle est la politique du ministère quant aux jeunes et aux
adultes. Où la coupure se fait-elle? Quand il s'agit du CEC et de l'AEC,
vous dites que c'est du pareil au même; quand on négocie à
la table de négociation,
on parle des adultes et on n'arrive pas très bien à savoir
où se fait la séparation. Parlant des adultes, c'est de
l'éducation à la "job" et pour l'enseignement régulier,
c'est un autre régime.
Par ailleurs, on sait que le fédéral, avec lequel vous
vous entendez très bien en matière d'éducation, dit que,
dès qu'on sort de l'école obligatoire, c'est la même chose
pour les adultes et les jeunes. On ne sait plus très bien. Je vous
renvoie votre question. Quelles sont vos politiques là-dessus? C'est
important en matière de formation professionnelle, notamment. Je reviens
à la note de M. Ryan qui disait qu'effectivement il manque un gros
dossier sur cette table ici, c'est votre politique concernant
l'éducation des adultes. On l'attend toujours. (17 h 15)
M. Leduc (Fabre): II reste qu'on constate un
phénomène qui va en s'accélérant, c'est
l'intégration à l'enseignement régulier d'un bon nombre
d'adultes. Le chiffre avancé est de l'ordre de 15 000. Ceci peut aller -
et cela semble être une tendance... C'est possible de rencontrer des
jeunes de l'âge de 18 ans à ce qu'on appelle l'éducation
permanente. Ne trouvez-vous pas qu'il y a un problème d'établir
cette distinction, à la fois pour les jeunes et pour les adultes? Ce qui
n'empêche pas de considérer la problématique que vous
posez, de l'intégration des deux.
Mme Chiasson: II me semble que la réponse a
été claire. Utiliser les expressions "jeunes" et "adultes", ce ne
sont peut-être pas les expressions justes, mais il y a des distinctions
à faire entre les jeunes qui ont continué l'école et ceux
qui reviennent parce qu'ils s'aperçoivent que cela va mal sur le
marché du travail ou parce qu'ils sont en chômage.
M. Leduc (Fabre): Est-ce que cela n'est pas, justement, l'une des
distinctions qu'il faudrait établir, ou l'un des critères qu'il
faudrait trouver pour canaliser une certaine clientèle vers le CEC? Il
me semble comprendre que vous n'êtes pas contre l'idée du CEC,
mais que vous êtes plutôt contre l'engouffrement, ou le danger,
pour les étudiants actuels qui sont inscrits au professionnel et qui
vont vers le DEC, de les voir s'engouffrer vers un CEC, c'est-à-dire
dans la voie la plus facile. Il s'agirait de trouver ces balises, plutôt
que de nier l'importance, le rôle que peut avoir le CEC.
Mme Fortin: On ne sait pas très bien où vous voulez
en venir. Tout ce qu'on vous dit, c'est que nous, on fait une distinction entre
la formation initiale et la formation en récurrence, si j'ose dire.
Effectivement, on admet que le CEC soit offert aux adultes, ou à ceux
que l'on considère être des adultes, des gens qui ont
déjà une expérience de travail. Tout cela existe
déjà. Et ce qu'on vient vous dire ici, c'est
précisément: N'offrez pas le CEC et l'AEC aux gens en formation
initiale, mais continuez de les offrir aux adultes. Alors, je ne vois pas
très bien où va votre question. C'est ce qu'on s'évertue
à vous dire depuis le début.
Mme Gagnon: L'âge des gens en chair et en os est
relativement secondaire dans ce contexte, c'est-à-dire que c'est
vraiment sur les deux types de formation qu'on fait reposer la distinction. Le
reproche qu'on fait, finalement, c'est qu'au lieu d'avoir intégré
les services de manière qu'ils soient plus fonctionnels pour les adultes
qui reviennent on se trouve en situation de réduire la formation
initiale pour ceux qui sont là sans avoir quitté. C'est cela.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Sur ce, je...
Mme la députée de L'Acadie, rapidement, s'il vous
plaît.
Mme Lavoie-Roux: Très très rapidement, M. le
Président. Hier, nous nous sommes fait dire qu'il n'y avait pas eu
d'étudiants refusés à l'admission dans les cégeps.
Aujourd'hui, le ministre nous dit: Un nombre infime d'étudiants ont
été refusés. Et, dans votre mémoire, vous dites: La
croissance des refus d'admission. Alors... Non, mais c'est quand même
important. Est-ce que vous avez des chiffres concernant le nombre
d'étudiants qui, évidemment, avaient terminé leur
secondaire et n'ont pu être acceptés dans les cégeps?
Mme Gagnon: Mme Lavoie-Roux, on n'aura sûrement pas de
chiffres, mais...
Mme Fortin: Je peux parler? Là-dessus, effectivement, vous
avez raison de dire que - sans doute, c'est M. Lucier qui vous a
répondu, je ne sais pas - les refus ont légèrement
augmenté au SRAM et ont augmenté un peu plus au SRAQ,
c'est-à-dire à Québec. Ce sont les chiffres que j'ai vus;
ce n'est pas significatif. Mais une chose que je veux dire à ce sujet et
que je voulais dire aussi à M. Laurin tout à l'heure quand il
parlait de la grande politique d'accessibilité du ministère,
c'est que c'est envers et contre les politiques du ministère sur les
autorisations de clientèles que les collèges acceptent des
surplus d'étudiants. Or, les autorisations de clientèles qui sont
faites au mois de mars sont superconservatrices. Cette année, elles
étaient de l'ordre du statu quo, ou pas beaucoup plus
élevées que le statu quo. Les collèges, en étant
pénalisés pour faire cela, à cause des règles
budgétaires, acceptent des surplus d'étudiants. Ils sont
pénalisés dans leur budget et ils sont aussi
pénalisés par le mode d'organisation. Les classes
débordent. Et, cela, ce n'est pas une image abstraite; c'est vrai.
Mme Lavoie-Roux: C'est pourquoi je vous posais...
Mme Fortin: Les étudiants assis sur le rebord des
fenêtres, maintenant, c'est courant, parce qu'ils n'ont pas de place pour
s'asseoir.
Mme Lavoie-Roux: C'est pourquoi je vous pose la question, car la
Fédération des cégeps m'en a parlé l'an dernier. On
ne semblait, non plus, recevoir les subventions supplémentaires que
requérait l'accroissement de clientèle. Il serait peut-être
important qu'on sache exactement si, finalement, c'est le collège et les
enseignants qui sont pénalisés ou si ce sont les
étudiants. Il me semble qu'il y a une zone où tout n'est pas
clair et il serait important de l'examiner. Je partage l'objectif du ministre
pour la plus grande accessibilité. Je pense que, ici, tout le monde la
partage. Si, déjà, on l'empêche parce qu'il n'y a pas les
subventions et les équipements nécessaires... Je ne veux pas dire
que j'acquiecse à votre demande de commencer à acheter des
bâtiments. Il reste que le problème reste concret: comment
s'occupe-t-on de la clientèle qui veut venir dans les collèges et
qu'on n'a pas les moyens d'accepter? Cela est important?
Le Président (M. Blouin): Cela va?
M. Laurin: Je répète, M. le Président, que
les refus ont été minimes et infimes et ils sont motivés
par des dossiers et non pas en raison du seul fait que les espaces sont
insuffisants.
Mme Lavoie-Roux: Non pas en fonction de ce que vous autorisez
comme places.
M. Laurin: Oui, c'est cela. Cette année, le financement
s'est fait en donnant 5 000 000 $ de plus pour les nouvelles clientèles.
Contrairement à ce que dit Mme Fortin, cela ne s'est pas fait, les
autorisations de places nouvelles, contre l'accessibilité plus grande,
contre ce que le ministère a décidé. Bien au contraire.
Dès janvier 1983, nous avions autorisé des places nouvelles et
nous les avons réparties dans tous les collèges. Ce n'est donc
pas contre l'autorisation du ministère, loin de là, mais c'est
avec l'encouragement du ministère.
Mme Fortin: M. Laurin, faut-il sortir, ici, vos règles
budgétaires émises au début de l'année
dernière?
M. Laurin: II y a règle budgétaire, mais il reste
que, sur les clientèles additionnelles, on les a modifiées
puisque, comme je vous le dis, on a ajouté 5 000 000 $ de plus pour les
clientèles additionnelles. C'est avec notre autorisation et même
notre encouragement que le SRAQ et le SRAM ont réparti ces
clientèles nouvelles dans les collèges.
Mme Fortin: Si elles sont égales ailleurs, cela finira
bien par déborder si le mouvement dont on vous parle se poursuit.
M. Laurin: Je dirais même que je le souhaite.
Le Président (M. Blouin): Sur ce, au nom de tous les
membres de cette commission, je remercie les responsables de la
Fédération des enseignants et enseignantes de cégeps de la
CEQ de ce fructueux échange.
FNEEQ
J'invite maintenant les représentants de la
Fédération nationale des enseignants et enseignantes du
Québec, la FNEEQ, à bien vouloir prendre place à la table
des invités.
Je crois qu'avant 18 heures, la période du souper, nous pourrions
entendre le mémoire de la FNEEQ et, ensuite, nous pourrions suspendre
nos travaux jusqu'à 20 heures. À 20 heures, nous pourrions
entamer l'échange avec les représentants de la
Fédération nationale des enseignants et enseignantes du
Québec.
Vous comprendrez que, votre mémoire étant assez
volumineux, je présume que vous allez en résumer certaines
parties. Nous pourrons suspendre nos travaux à 18 heures et, à ce
moment, dans l'intervalle de 35 minutes, vous aurez pu faire la
présentation de votre point de vue. Au retour, à 20 heures, nous
entamerons les échanges et nous aurons, à la suite des
discussions que nous aurons eues avec vous, à entendre deux autres
organismes jusqu'à 24 heures au plus tard.
Pour les fins du journal des Débats, je vous demande de vous
identifier et, ensuite, de nous livrer le contenu de votre mémoire.
Mme Pellerin (Rose): Mon nom est Rose Pellerin, présidente
de la FNEEQ. À ma droite, Mme Flavie Achard, première
vice-présidente et responsable du dossier "École". Ensuite, Mme
Louise Desmarais, qui est l'une des personnes-ressources du comité
"École"; M. Denis Choinière, membre de l'exécutif et
secrétaire général. À ma gauche, en
commençant par la fin, M. Paul Jones, deuxième
vice-président de l'exécutif, et M. Robert Campeau, un autre
membre du comité "École" qui est aussi une personne-ressource ici
aujourd'hui.
Nous comprenons que, devant le mémoire qui semble volumineux,
vous nous demandiez de raccourcir, mais il faut dire
que ce mémoire représente la consultation auprès de
nos membres qui sont au nombre de 12 000. Il y a eu beaucoup de consultations
et vous avez là un rapport, un mémoire qu'on va essayer de
résumer le plus possible, mais on ne veut pas perdre l'essentiel, parce
qu'on veut dire, à travers le mémoire, tous nos arguments pour
notre demande du rejet du PREC.
Je voudrais souligner aussi que la CSN a fait savoir à M. le
ministre Laurin, ainsi qu'à la presse, qu'elle était
désolée de ne pas avoir été invitée à
se présenter à la commission parlementaire, ainsi que deux autres
fédérations de la CSN, celle du soutien et celle des
professionnels, qui ont aussi des représentants dans les cégeps.
Alors, nous déplorons qu'ils n'aient pas été
invités.
Depuis quelques années, le gouvernement québécois
se caractérise par sa bougeotte multicolore. Sous l'ère du grand
dérangement, les documents arc-en-ciel pleuvent sur la tête des
citoyennes et citoyens. En éducation, livres blanc, beige, orange, vert,
projet de règlement en 1980, lois 24 et 25 sont implantés
à la pièce.
Quelle ne fut pas notre surprise d'apprendre, en septembre, par le
cégep Édouard-Montpetit - on biffe conseil d'administration,
c'est le cégep lui-même -qu'une nouvelle version du projet de
règlement existait et serait adoptée par le Conseil des ministres
en octobre 1983. Après les décrets, on achève bien...;
Nous remercions le ministre de l'Éducation de nous avoir invités,
nous aussi, le 1er décembre à déposer notre mémoire
pour le 2 décembre.
En 1980, nous avons déposé un mémoire sur le PREC
et nous constatons à regret que le MEQ n'a pas tenu compte de nos
recommandations. Malgré cela, nous vous soumettons, avec
lucidité, le point de vue des enseignantes et enseignants de notre
fédération sur le PREC, version 1982.
La première question qu'on s'est posée, c'est: Pourquoi un
règlement? Tout le discours gouvernemental actuel sur le régime
pédagogique tourne autour du caractère expérimental du
régime pédagogique, comme si les cégeps avaient
fonctionné dans l'arbitraire et le flou le plus complet. En voulant
mettre fin à ce soi-disant régime temporaire, le gouvernement ne
consacre pas légalement l'expérience de quinze ans d'existence
des cégeps, mais introduit des mesures importantes qui vont les saborder
complètement. Un règlement en soi ne protège pas la valeur
nationale du DEC, surtout quand ce règlement permet les centres
spécialisés, le bloc de cours 40%, 50% déterminé
par le collège et la certification multiple. En outre, notre
fédération ne voit pas comment la série de lois et de
règlements en matière pédagogique vont ajouter quoi que ce
soit par rapport à des ententes entre les collèges et
l'État. Une telle approche s'inscrit plus dans les habitudes
centralisatrices gouvernementales développées depuis quelques
années.
En procédant par voie de règlement, le gouvernement touche
à des objets qui faisaient partie du champ négociable,
négociable avec les étudiantes et étudiants et
négociable avec l'État. Concernant la responsabilité du
département, la révision de notes, la définition de
l'année scolaire, le gouvernement tente de soustraire ces objets de nos
conventions pour les régir par un autre décret
déguisé en règlement. Là encore, le gouvernement
tient-il compte des expériences pédagogiques entre enseignantes
et enseignants, étudiantes et étudiants élaborées
au fil des ans?
Le régime pédagogique actuel adopté sous forme de
règlement augmenterait de toute manière l'emprise gouvernementale
sur les différents collèges et l'enseignement qui s'y donne et
tout cela, sous le couvert de la décentralisation. Ce serait plus juste
de parler de déconcentration.
Le cégep, une expérience originale. Alors que les experts
de l'OCDE disent que l'expérience toute récente des cégeps
est une des expériences les plus originales de formation polyvalente au
plan international, le PREC constitue la pièce maîtresse qui
chamboule les cégeps. Pour nous, la modification majeure, c'est de
revenir à des cheminements scolaires différents pour les
étudiantes et étudiants du général et pour celles
et ceux du professionnel. C'est diminuer la formation générale au
profit d'un concept ambigu de formation fondamentale, c'est réduire la
véritable polyvalence, c'est soumettre l'école à
l'entreprise, c'est diminuer l'emprise des enseignantes et enseignants sur leur
travail, c'est amener les étudiantes et étudiants dans des
culs-de-sac. (17 h 30)
Le discours gouvernemental parle du besoin de redressement du niveau
collégial. Certes, il y a des problèmes dans les cégeps,
telles les difficultés des étudiantes et étudiants par
rapport à la langue maternelle, les difficultés à poser un
problème globalement, mais sur quelles études se base-t-il pour
proposer un réaménagement si profond? En quoi les cégeps
sont-ils démodés alors qu'ils ont à peine quinze ans
d'existence? On parle du chômage des jeunes, du besoin d'ajuster la
formation aux nouveaux besoins du marché du travail comme si
l'école était responsable du chômage.
Des économistes réunis à un colloque à
l'Université de Montréal, l'année dernière, ont
prévu que la situation durerait encore dix ou quinze ans. Comment faire
croire aux jeunes que cette modification des cégeps leur ouvrira de
meilleures perspectives? Non, les vraies raisons sont d'ordre
économique.
L'éducation coûte trop cher et la formation donnée
aux étudiantes et étudiants est trop poussée pour les
emplois qui les attendent. C'est pourquoi nous parlons de
contre-réforme. Le gouvernement veut revenir en arrière et
saborder les acquis scolaires de la révolution tranquille, principe de
l'égalité d'accès et abolition de la
différenciation faite entre le général et le
professionnel.
Le gouvernement implante des mesures législatives au
compte-gouttes et à toute vapeur sans tenir compte de
l'expérience originale des cégeps accumulée pendant quinze
ans.
Nous considérons que les mesures avancées - non seulement
le PREC, mais aussi la formation professionnelle des jeunes - par le
gouvernement ont pour effet de changer profondément la mission des
cégeps. Ces mesures devraient faire partie d'un vaste débat
public sur l'enseignement postsecondaire. En ce sens, la FNEEQ refuse
expressément toute modification au régime pédagogique en
place, de même que tout déplacement de programme avant qu'un
débat public sur la question n'ait lieu.
À la page 5, pour résumer, on dit que le gouvernement a un
discours louable mais que, dans la pratique, toutes les mesures vont saper les
acquis de la révolution tranquille et démanteler, à court
terme, les cégeps.
Si on va à la page 6, au centre: Toutes ces mesures prennent tout
leur sens à la lecture de la conjoncture économique et des gestes
précédents que le gouvernement du Québec a
déjà posés. Et, c'est ce qu'on tente de démontrer
ensuite par le reste du paragraphe et nous tenterons cette lecture.
On s'en va à la page 8 sur la question du chômage. Et le
chômage. Le mouvement syndical se préoccupe au plus haut point des
retombées des nouvelles technologies sur l'emploi. Selon un rapport du
ministère du Développement économique du Canada, le chemin
à parcourir jusqu'en 1990 sera tortueux. L'utilisation des techniques
nouvelles dans la production va produire 2 000 000 de chômeuses et de
chômeurs en 1990 au Canada en coupant 50% des emplois dans le secteur
manufacturier, 30% dans le secteur des bureaux et 25% dans le secteur
financier. D'après les analystes, le chômage est structurel et la
situation ne s'améliorera pas sensiblement avant une bonne quinzaine
d'années.
Il est clair, en ce qui concerne les étudiants, que pour les
années à venir il sera impossible de prévoir et de
planifier quelles seront les nouvelles entreprises qui domineront le
marché et les nouvelles compétences s'y rattachant. La formation
ne doit pas répondre seulement aux besoins des compagnies mais
également à ceux des citoyennes et des citoyens.
À l'heure actuelle, un nombre croissant d'étudiantes et
d'étudiants vont s'engager dans des secteurs d'activités dont
nous ne pouvons pas encore connaître la nature exacte, dit le ministre de
l'Éducation. Les étudiantes et étudiants qui vont
étudier dans des centres spécialisés ou dans les
départements de mécanique, qui utiliseront la conception
assistée par ordinateur, la fabrication assistée par ordinateur
et qui choisiraient le CEC comme diplôme vont sortir du cégep avec
une formation pointue telle que désirée par l'entreprise. Comme
citoyennes et citoyens, il leur manquera une formation large et polyvalente
nécessaire pour une mobilité occupationnelle sans les
qualifications.
Veut-on faire payer ce virage par les étudiantes? Même si
l'emballement est grand pour les compétences de l'avenir, parce que,
semble-t-il, elles constituent les orientations gagnantes et garantiront un
emploi, nous devons malheureusement constater que le taux de chômage des
finissantes et finissants du secteur professionnel dont la formation est
reliée aux technologies de pointe est grand. Et ici, vous avez une
série d'exemples. Si nous prenons l'exemple des techniques du
cégep, le taux de chômage moyen chez les finissants du secteur
professionnel a doublé par rapport à 1981.
Je suis rendue à la page 11. La plupart des secteurs d'emploi
sont touchés. Au-delà de 30 programmes accusent des taux de
chômage supérieurs à 50% et les techniques
nécessaires pour le virage technologique telles que l'informatique et
l'électronique connaissent des taux de chômage de 32,6% et de
12,9% en 1981. Et, c'est rendu maintenant plus important. Cela n'a pas
empêché le gouvernement d'ouvrir la technique d'informatique dans
35 cégeps tout en sachant que la cinquième
génération de l'ordinateur - le robot intelligent - fera
disparaître, d'ici quelques années, ce genre de techniciens.
Le chômage élevé des prochaines années va
conduire les jeunes à occuper des tâches qui ne sont pas
reliées à leur métier.
En 1980-1981, 40,8% des finissantes et finissants du secteur
professionnel ont obtenu un emploi qui n'était pas relié de
façon permanente à leur formation. Ces étudiantes et
étudiants travaillaient dans les tâches connexes. Ce sont surtout
les finissantes et les finissants des techniques dites féminines qui
obtiennent un emploi qui n'est pas relié de façon permanente
à leur formation. Le pourcentage est plus bas pour les finissantes et
les finissants des techniques dites masculines.
En résumé, le virage technologique, s'il n'est pas
maîtrisé ou s'il n'est maîtrisé que par celles et
ceux qui ont une mentalité économiste et productiviste, risque
d'accentuer les inégalités sociales.
À la page 13. Il nous semble important
dans ce contexte que la grande priorité pour nous, enseignantes
et enseignants, soit la création d'emplois permanents dans tous les
secteurs avec une politique d'implantation des changements technologiques
protégeant l'ensemble des travailleuses et des travailleurs. Et cela,
afin de satisfaire les attentes des gens qui sortent des programmes de
formation et d'éviter de les renvoyer au chômage.
Nous remarquons que le Canada et le Québec ne sont pas
dotés d'une politique industrielle en matière d'emploi.
À la page 14. On remarque que le discours gouvernemental sur
l'emploi est toujours axé sur la formation. On culpabilise les jeunes
d'avoir trop d'aspirations, on culpabilise l'école parce qu'elle
prépare aux métiers de l'avenir, on culpabilise les
chômeuses et les chômeurs parce qu'ils ne travaillent pas, on
culpabilise les femmes parce qu'elles veulent des jobs.
Nous demandons que le gouvernement québécois se dote d'une
politique de plein emploi; qu'il se dote d'une politique d'implantation des
nouvelles technologies; qu'il cesse ses coupures et ses compressions dans son
propre champ d'activité; qu'il ne pratique plus une politique de gestion
du personnel qui favorise la multiplication des statuts précaires.
La nouvelle stratégie de formation, un virage dans l'incertain.
L'introduction des nouvelles technologies dans les modes de production aura
tendance à faire disparaître les emplois intermédiaires et
séparera les travailleuses et les travailleurs en deux groupes: celui
des spécialistes très qualifiés, bien
rémunérés, et celui des manoeuvres sans qualification, peu
rémunérés.
Le risque est grand de voir surgir à long terme une
économie duale: l'une officielle, très compétitive, avec
une main-d'oeuvre hautement qualifiée; l'autre souterraine,
composée d'une main-d'oeuvre formée ponctuellement pour des
emplois précaires et des tâches d'entretien et de
vérification.
C'est dans ce contexte que la nouvelle stratégie de formation
privilégie surtout les travailleuses et les travailleurs
qualifiés. Un des maillons de cette stratégie c'est la nouvelle
politique fédérale de formation professionnelle des adultes (Loi
C-115), qui met l'accent sur une caisse d'accroissement des nouvelles
compétences considérées comme priorités nationales.
À l'examen de ces compétences, ce sont des techniques dites
masculines (techniciens en ingénierie, en architecture, soudeurs,
mécaniciens et programmeurs) qui sont considérées comme
des priorités nationales.
À la fin de la page 17. La hantise du virage technologique a
incité le gouvernement à développer une nouvelle
stratégie de formation qui ne met essentiellement l'accent que sur les
compétences nécessaires pour les industries de pointe. Ce
faisant, le gouvernement québécois semble abdiquer une partie de
ses droits à en éducation, au gouvernement fédéral
et à l'entreprise privée.
Le virage dans l'incertain nous semble avant tout un virage
économiste et volontariste. Depuis quelques années les
enseignantes et les enseignants se demandent où va le gouvernement du
Québec en matière d'enseignement. Des événements
importants démontrent à l'heure actuelle que le ministère
de l'Éducation est de plus en plus soumis aux ministères à
vocation économique et technique. Pour nous autres, l'exemple des 500
000 micro-ordinateurs est significatif. -C'est 50 000. Ce n'est pas grave, cela
va être 500 000 dans peu temps.
M. Ryan: C'est dans 25 ans, 500 000.
Mme Pellerin: L'exemple des 50 000 micro-ordinateurs est
significatif. Le démantèlement des directions
générales au profit des ministères à vocation
économique - je donne seulement les grands titres - Un autre exemple
bureaucratique: La série des structures de liaison
école-travail.
À la page 20. Les collèges incorporés. À
travers ce dédale bureaucratique une chose apparaît de plus en
plus clairement aux enseignantes et aux enseignants: le gouvernement du
Québec cherche à implanter de force une nouvelle conception de
l'éducation par le biais de ses réformes administratives,
institutionnelles et juridiques. Le gouvernement a décidé de
privilégier une conception utilitariste de l'éducation afin de
faire son virage technologique. L'alternance école-travail, le savoir
concret et la carte nationale des programmes de formation professionnelle qui
se précisent autour de la notion des besoins quantitatifs ou besoins en
main-d'oeuvre pour le marché régional vont permettre à
l'entreprise d'influencer, via les mécanismes de concertation, les 40%
des cours choisis par le collège.
Vous avez deux exemples: Le cégep Saint-Laurent a fait la demande
que le département de mécanique soit équipé en
appareils de CAO/FAO. Les appareils, évalués à environ 3
000 000 $, seraient financés à même la Caisse
d'accroissement des compétences. Il en coûtera 300 000 $ par
année pour l'entretien des machines. Déjà dans le projet,
les enseignantes et les enseignants comme celles et ceux du cégep de
Matane pensent autofinancer le département en produisant eux-mêmes
des circuits intégrés et en les vendant aux entreprises, et
songent à mettre sur pied un fonds de recherche financé par
l'entreprise. Allons-nous assister, comme aux États-Unis, à la
constitution d'un fonds de recherche privé pour chaque centre
spécialisé? La
présence de sociétés géantes dans certaines
régions va accentuer l'écart économique, mais
également pédagogique entre les régions. Est-ce que le
statut de l'enseignante ou de l'enseignant, du professionnel en deviendra un de
sous-contractant de l'entreprise? Quelle conséquence sur
l'enseignement.
Autre exemple si le PREC est appliqué. Le ministre a
annoncé l'ouverture d'un centre spécialisé en ordinique
à Sainte-Thérèse. La compagnie General Motors a
annoncé sa nouvelle politique concernant la robotisation de ses usines.
Elle a besoin d'une centaine de mécaniciens en entretien de robots. Nous
pensons qu'il serait possible, avec le PREC, de s'adresser au cégep
Lionel-Groulx pour qu'il mette sur pied, via un CEC ou un DEC, un cours de
durée variable spécifiquement sur ce besoin. Dans le cas du DEC,
jusqu'à 40% des cours spécialisés peuvent être
déterminés par le collège. Tout ceci entraîne une
profonde modification du statut de l'école et instaure d'autres rapports
de pouvoir au sein de l'école. Une de ces modifications touchera la
réorganisation des programmes scolaires. Quel sera le rôle des
enseignantes et des enseignants dans la détermination des
programmes?
Et ce virage, est-ce un virage mâle? Les priorités
gouvernementales visent les techniques dites masculines reliées aux
secteurs de pointe. Qu'entend faire le gouvernement des 180 000 femmes en
chômage qui veulent se recycler? Les aurait-il oubliées?
Vont-elles se diriger vers les techniques dites féminines
reléguées aux oubliettes par le gouvernement? Mais notre
intention n'est pas de conserver ces ghettos. Il nous semble important que les
étudiantes aient accès aux techniques dites masculines parce que
nous évaluons que, de façon précise, ce sont les
techniques dites féminines au cégep qui paraissent
menacées de disparition ou de profonde transformation. Les responsables
des programmes à la DGEC en sont très conscients.
Nous savons que ces techniques ont été très
durement touchées par les coupures de personnel dans le domaine des
services sociaux et de la santé. D'autre part, l'informatisation du
secteur tertiaire fera disparaître les emplois intermédiaires et
toute une série d'emplois qui, jusqu'à maintenant, étaient
occupés par des techniciennes en laboratoire, de
diététique, en secrétariat. La déqualification des
tâches et une réduction de la polyvalence à sa dimension la
plus simpliste et monotone s'ensuivront. Cela a été mis en
évidence dans une recherche de l'IRAT sur l'impact des nouvelles
technologies sur l'emploi. D'autre part, le gouvernement laisse planer depuis
au moins un an la fermeture d'une des techniques dites féminines la plus
populeuse au cégep, technique de secrétariat. Que restera-t-il
des techniques dites féminines? Nous n'en savons rien. Mais nous savons
qu'aucune mesure concrète n'est prise pour garder ces techniques au
collégial. C'est l'incertitude.
Nous avons aussi une question à poser qui est hors du texte:
est-ce exact ce que nous venons d'apprendre que la décision serait prise
au sujet des techniques de secrétariat et que celles-ci seraient
transférées au secondaire? Nous venons d'apprendre cela. On
aimerait avoir la réponse tantôt à cette question. C'est M.
Paul-Henri Lamontagne qui vient de nous donner cette réponse.
Le CEC sera-t-il le lot des techniques dites féminines non
régies par des corporations ou associations professionnelles?
Le Président (M. Blouin): Un petit moment, Mme Pellerin,
s'il vous plaît.
M. Ryan: Pourriez-vous répéter la nouvelle que vous
dites avoir apprise? J'ai eu un moment de distraction.
Mme Pellerin: Nous avons appris que la décision serait
prise au sujet des techniques de secrétariat à savoir que
celles-ci passeraient du collégial au secondaire. C'est un
dénommé - comment s'appelle-t-il encore? - M. Lamontagne... On
vient d'avoir un appel téléphonique de Montréal à
ce sujet.
M. Ryan: Après l'étude DELPHI.
Le Président (M. Blouin): Le ministre signale que la
montagne a accouché d'une souris. Je ne sais pas si...
Mme Pellerin: Pardon?
Le Président (M. Blouin): Je vous dis que le ministre
signale que la montagne aurait accouché d'une souris.
M. Campeau (Robert): C'est qu'il y a plusieurs souris qui se
promènent.
Le Président (M. Blouin): Très bien, vous pouvez
poursuivre.
Mme Pellerin: En tout cas, on a eu un appel
téléphonique de Montréal. Le CEC sera-t-il le lot des
techniques dites féminines non régies par des corporations ou
associations professionnelles? Les étudiantes auraient-elles plus
tendance à choisir cette voie que les étudiants? Les femmes
vont-elles se retrouver encore dans des secteurs dits traditionnels de l'emploi
peu qualifiés et peu rémunérés comme
exécutantes dans la préparation des aliments dans le soutien
médical, dans le service de nettoyage et d'autres services moins
susceptibles d'être
informatisés ou automatisés?
La réorganisation des programmes au collégial semble plus
favorable aux hommes qu'aux femmes. La liste des métiers
désignés de compétence nationale par le gouvernement
fédéral nous convaincra que ce sont surtout les techniques dites
masculines qui seront privilégiées dans ce virage fait par les
hommes et pour les hommes qui sortiront comme main-d'oeuvre hautement
qualifiée.
De même la volonté du gouvernement québécois
de mettre l'accent sur une correspondance entre les secteurs clés de
l'économie et les compétences à former l'amène
à privilégier les techniques dites masculines au cégep.
Parmi les 21 secteurs d'activité choisis par le gouvernement, les deux
tiers favorisent déjà les techniques dites masculines. Dans ce
cadre d'établissement d'une carte nationale des programmes, la
régionalisation va-t-elle être au désavantage des
étudiantes concentrées majoritairement au secteur professionnel
en fusionnant ou en faisant disparaître des techniques dites
féminines?
La création des centres spécialisés ne concerne que
les techniques dites masculines. Les centres de main-d'oeuvre et le
gouvernement font jouer le manque de débouchés et de
spécificité des programmes dits féminins du
collégial par rapport au secondaire.
En cherchant à préparer des programmes professionnels
conformes au marché économique futur, le MEQ ne fait-il pas
l'erreur de reproduire au sein des programmes la bipolarisation des
qualifications: d'une part, en privilégiant une main-d'oeuvre masculine
hautement qualifiée et rémunérée, reliée aux
nouvelles technologies; d'autre part, une main-d'oeuvre féminine peu
qualifiée, ou pas du tout, et peu rémunérée qui va
continuer à s'engager dans les secteurs dits traditionnels? Comme
enseignants et enseignantes, nous ne pouvons pas accepter ce découpage
des programmes en fonction des rôles sexuels. Nous pensons qu'au moment
des modifications de programmes scolaires, l'État doit tenir compte des
effets de ces transformations sur les étudiantes et les femmes en
général de façon à ne pas renvoyer ces
dernières à la maison. De plus, de véritables mesures
d'accessibilité aux techniques dites masculines s'imposent pour les
étudiantes.
La FNEEQ refuse un PREC qui institutionnalise un modèle
d'école permettant et/ou accentuant la discrimination des femmes dans
les programmes scolaires; une soumission mécanique de l'école au
marché du travail; une abdication silencieuse en faveur du
fédéral du champ de juridiction provinciale en matière de
formation professionnelle des adultes. Prioritairement, la FNEEQ demande au
gouvernement de véritables mesures d'accès à
l'égalité pour les étudiantes.
Je passe la parole à Mme Achard.
Mme Achard (Flavie): La nécessité d'une formation
de base large et polyvalente. Lors de la conférence des ministres de
l'Éducation du Canada sur l'enseignement postsecondaire dans les
années 1980, qui a eu lieu l'année dernière à
Toronto, M. Laurin a réaffirmé la nécessité d'une
formation de base large et polyvalente. On retrouve le même discours dans
les propositions sur la formation professionnelle des jeunes. Mais est-ce dans
le but d'assurer des "formations de base fondamentales, solides et larges" que
le ministère propose de nouveaux cheminements pour les étudiantes
et étudiants du secteur professionnel au niveau collégial? Je
suis à la page 28. Peut-être le ministère
considère-t-il que la formation de base acquise jusqu'en secondaire V
suffit largement à l'insertion d'une certaine catégorie de jeunes
à la vie active. C'est sans doute pourquoi il se permet de multiplier
les filières professionnelles tout en y diminuant la formation
générale, de redéfinir les programmes de ce secteur et
d'instaurer un système d'unités de formation capitalisables. Une
formation professionnelle "pointue" devient le lot des étudiantes et
étudiantes qui se destinent immédiatement au marché du
travail. Tout ceci trouvant sa justification dans le caractère
postobligatoire du niveau collégial - j'insiste ici parce que maintenant
on ne trouve plus de postsecondaire, on parle toujours de postobligatoire - et
dans l'éventuelle possibilité d'une formation récurrente.
Ces mesures vont-elles dans le sens d'une plus grande mobilité
professionnelle, d'une capacité d'adaptation au changement?
Pour nous, les nouvelles filières évacuent la formation
générale. Si on regarde au niveau du DEC, dans le choix des cours
complémentaires, si les étudiants et étudiantes ont choisi
dans leur champ de concentration, ils se trouvent à évacuer des
domaines du savoir. Au niveau du CEC, la formation générale n'est
qu'effleurée, si on peut dire. C'est une mince couche. Et auniveau de l'AEC, il n'y en a pas du tout. C'est la surspécialisation
hâtive.
Les programmes du secteur professionnel seront désormais
pensés plus en termes d'adaptation à un métier qu'en
termes de formation polyvalente. Il y a d'abord l'instauration de programmes de
durée variable, de même que la mise sur pied des cours maison, qui
peuvent être jusqu'à 40% dans le cas du DEC. Selon nous, cela
permet une formation sur mesure pouvant répondre aux besoins ponctuels
des entreprises.
L'élaboration et la révision des programmes professionnels
se feront à partir de comités techniques composés
exclusivement de représentants du monde du travail en utilisant
la méthode DACUM-DELPHI. On connaît peut-être plus la
méthode DELPHI, mais la méthode DACUM est aussi pernicieuse. Si
vous voulez une étude, on en a une. Cette orientation a tout pour plaire
au patronat puisqu'elle lui donne un plus grand contrôle sur la formation
des travailleuses et travailleurs, aux frais de l'État, souvent sans
restrictions ni exigences d'aucune sorte sur l'orientation et la qualité
de cette formation. Les travailleuses et travailleurs ont eux-mêmes
dénoncé l'étroitesse de formation dans les entreprises au
moment des audiences de la commission Jean. Non seulement cette mesure
bloque-t-elle l'accès aux études universitaires, mais elle
perpétue également la dévalorisation de la formation
professionnelle.
On le soulignait à la CSN: "Pour nous, une véritable
formation polyvalente pour les jeunes comprend non seulement un
élargissement nécesaire de la formation professionnelle, mais
passe aussi par ce qu'il est convenu d'appeler la formation
générale." Les programmes s'articuleront autour d'un savoir
pratique et utilitaire. Le système d'unités cumulatives mis de
l'avant par le ministère ne favorise-t-il pas une formation sur mesure
en fonction de la nouvelle machinerie introduite dans l'entreprise?
Comme le souligne d'ailleurs un document du ministère: "Face aux
difficultés d'adéquation entre les modalités
d'apprentissage dans le domaine professionnel et les exigences de travail
devant être rencontrées pour satisfaire les besoins des
employeurs, il convient d'étudier à fond et de mettre en oeuvre
un système modulaire de formation appelé système de
contrôle continu par unités capitalisables."
Il y a une autre citation qui, pour nous, est éloquente à
ce sujet. C'est celle de M. Tilman. II dit: "L'enseignement modulaire vient
encore renforcer cette atomisation de la formation. En certifiant des morceaux
de formation, au sein d'un système d'enseignement toujours aussi
inégalitaire, il rationalise l'éclatement de cette formation,
tout en mystifiant ceux qui y sont soumis. En effet, il laisse croire aux
"apprenants" qu'ils disposent d'un savoir reconnu puisque certifié,
alors que cette parcelle de savoir n'a aucune efficacité professionnelle
et ne pèse pas d'un grand poids dans le rapport de forces sur le
marché du travail."
En pratique, le système modulaire assouplira le passage d'une
section professionnelle à une autre section professionnelle mais non le
passage d'une filière professionnelle à la filière
générale menant à l'université. On ne peut donc
parler de mobilité professionnelle verticale, mais tout au plus de
mobilité horizontale.
Alors, je n'ai pas besoin de vous dire que nous ne croyons pas tellement
à la théorie de l'attraction vers le haut dont nous parlait M.
Lucier hier.
Une confusion évidente entre la formation initiale et la
formation récurrente: Selon le ministère, il apparaît
injuste d'interdire aux jeunes diplômés du secondaire
l'accès à certains programmes de formation actuellement
réservés aux adultes. C'est donc sous le couvert de
l'accessibilité qu'on introduit un professionnel court de niveau
collégial et que les jeunes étudiantes et étudiants
s'engouffreront dans des voies sans issue. La solution au chômage des
jeunes doit-elle passer par une déqualification de leur formation? Cette
déscolarisation massive créera-t-elle de nouveaux emplois?
En agissant de la sorte, le ministère sanctionne les abandons
scolaires prématurés: L'étudiante qui aura obtenu un CEC
ou un AEC croira sa formation terminée et sortira plus tôt du
système scolaire. Une formation de base large leur aurait pourtant
permis de bénéficier par la suite des multiples occasions de
formation ultérieure facilitant la mobilité professionnelle.
Cette démarche semble ignorer la situation actuelle de l'emploi
que nous avons décrite au début particulièrement dans le
secteur privé où la majorité des travailleuses et
travailleurs n'est syndiquée. La crise permet aux employeurs de
maximiser la relation avantage/coût en matière d'embauche.
Plus un jeune est instruit, plus sa collaboration au sein de
l'entreprise risque d'être rentable. Pourquoi engagerait-on un
détenteur de CEC en informatique, par exemple, quand on a le choix
d'engager un candidat ou une candidate possédant un DEC ou un
baccalauréat au même salaire?
Il apparaît évident que les finissantes et finissants du
secteur professionnel auront à remplir des tâches diverses,
souvent même en dehors de leur champ de spécialisation. Des
aller-retour continuels entre l'école et le marché du travail
sont à prévoir. Cette démarche ne saurait s'appuyer sur
une formation initiale pointue.
C'est pourquoi la FNEEQ réaffirme la nécessité
d'une formation de base la plus large possible, aussi bien
générale que professionnelle.
La génération des "VIC 20" a-t-elle encore besoin de
philosophie? Je pense que maintenant nous devons dire: La
génération des Comterm-Matra.
Devrait-on aller jusqu'à soupçonner, chez ceux qui nous
gouvernent, un quelconque intérêt politique à vouloir
réduire les cours de philosophie au moment où il semble plus
nécessaire que jamais que se refassent les débats fondamentaux au
Québec? En termes plus restreints, y en a-t-il qui souhaitent qu'on
prenne le "virage" sans avoir eu l'occasion de le penser, de le comprendre, de
critiquer les valeurs et les
priorités qu'il nous impose?
L'implantation de nouveaux cours au détriment de l'enseignement
de la philosophie nous paraît constituer un geste d'autant plus absurde
et cynique que les professeurs de philosophie du Québec, en
collaboration avec la DGEC et le Service des programmes, viennent à
peine de mettre la dernière touche à une refonte des quatre
cours. Or, avec la dernière version du PREC, quatre années de
réflexion et de consultation s'envolent en fumée, avant
même que le nouveau programme puisse être appliqué.
Il y a lieu de rappeler que c'est seulement au collégial que les
étudiantes et étudiants, dans leur ensemble, peuvent suivre de
façon systématique des cours de philosophie. Plus encore, c'est
seulement au collégial que les étudiantes et étudiants
peuvent faire une démarche suivie de réflexion critique.
Ignore-t-on que le but de l'enseignement de la philosophie consiste non pas
uniquement à découvrir par une introduction ce qu'est la
réflexion, mais aussi et surtout à en faire?
Je continue à l'autre page. En cette époque où nous
sommes plus que jamais bombardés d'idées reçues, de
mythes, de croyances télé-publicisées à coeur de
jour, il est indispensable que les étudiantes et étudiants
puissent profiter pleinement de ce "moment d'arrêt réflexif et
critique" que constituent les cours de philosophie.
La plus grande "variété" de cours offerts dans le nouveau
tronc commun ne garantit pas, à notre avis, le type spécifique de
liberté de pensée propre à la réflexion
philosophique. Nous savons que les autres disciplines abordent des questions de
réflexion fondamentale. Nous devons reconnaître que c'est
seulement à l'occasion d'une démarche philosophique que ces
questions sont abordées systématiquement et de façon
globale.
Mme Pellerin: Comme la fédération représente
cinq cégeps anglophones, ce qui veut dire 2000 professeurs, et qu'on
parle toujours de philosophie mais pratiquement jamais de "Humanities", on a
préparé une page sur "Humanities" que je vais vous lire en
anglais.
Humanities: An effort of synthesis. In addition to the arguments cited
concerning the necessity to conserve, in its entirety, the philosophy programme
in the Francophone CEGEP's, we would also like to refer to the uniqueness of
the Humanities programmes in the Anglophone CEGEP's. Since 1969, these
programmes have evolved into an exemplary approach to the general education
requirements of CEGEP studies. Referring to the broad rubric of humanity and
the complex world which surrounds it, the approach and orientations is thematic
and multidisciplinary founded upon four major themes: 1- World views, 2-
Knowledge, 3-Creativity, 4- Focal issues. Each student is required to choose
one course from each theme as part of his or her compulsory course requirements
for the CEGEP diploma, DEC.
Briefly stated, Humanities represents a fundamental pedagogical goal
founded upon the necessary to bring together those concepts and approaches
offered to students in the traditional disciplines within a programme of
integrated learning and studies. Each theme represents an essential part of
this overall goals and our Federation finds it unacceptable to propose the
elimination of any component of the programme.
Our complex world cries out for a synthesis of understanding and
comprehension. That is the service which Humanities provides in the Anglophone
CEGEP's as part of each students general education. To cut this programme in
any way or form is to do them a disservice.
Mme Achard: La distinction jeunes-adultes. Le travail fait par la
commission Jean a démontré les besoins spécifiques des
adultes par rapport à ceux des jeunes. L'expérience de vie et de
travail des premiers les situe différemment par rapport à leur
processus de formation. Faire disparaître la distinction administrative
entre jeunes et adultes, cela veut non seulement dire rendre accessibles
à des jeunes des programmes conçus par les adultes, mais c'est
aussi s'engager dans un processus de négation des besoins
spécifiques des adultes, surtout dans cette période de coupures
budgétaires où l'éducation des adultes est constamment
sacrifiée. Rappelons que le gouvernement n'a toujours pas sorti sa
politique d'éducation des adultes.
Les conditions matérielles de travail et d'études des
adultes, leur situation insécurisante de retour aux études, leur
préparation souvent moins académique que celle des jeunes font
que les adultes ont besoin de supports et services spéciaux leur
permettant vraiment d'avoir accès à la formation de niveau
collégial.
À la CSN, quand nous revendiquons l'intégration de
l'éducation des adultes au système public d'éducation, il
n'est pas dans nos perspectives de faire disparaître la distinction qui
existe entre jeunes et adultes. Nous reconnaissons qu'il existe des
différences spécifiques entre ces deux types de clientèle
et que le système scolaire doit en tenir compte au niveau des structures
pédagogiques et administratives.
C'est pourquoi nous revendiquons la constitution d'un seul réseau
d'éducation où nous reconnaissons la spécificité de
l'éducation des jeunes et celle de l'éducation des adultes.
Ce que nous demandons, c'est un décloisonnement entre les deux
secteurs en vue de permettre aux enseignantes et enseignants actuellement
engagés comme pigistes d'être en contact avec l'ensemble du
département, tout en valorisant des approches pédagogiques
correspondant aux besoins des adultes et des travailleurs. C'est la
qualité des services pour les adultes comme pour les jeunes. C'est
l'utilisation de la façon la plus adéquate possible du corps
professoral et des ressources humaines des institutions scolaires. C'est la
possibilité pour les professeurs de l'éducation des adultes
d'avoir les mêmes conditions de travail et de rémunération
que les professeurs qui se trouvent actuellement au niveau régulier.
Je voudrais maintenant vous parler du métier d'enseignante et
d'enseignant car cela nous tient passablement à coeur.
Le Président (M. Blouin): Mme Achard, nous allons
excéder de quelques minutes 18 heures pour vous permettre de
compléter votre présentation.
Mme Achard: Je remercie la commission, surtout qu'on a
travaillé fort pour vous présenter cela.
Les enseignantes et enseignants sont parmi les principaux artisans des
cégeps. Ils ont adhéré à l'effort de
démocratisation scolaire que constituait la création de ces
institutions où étudiantes et étudiants du professionnel
côtoient celles et ceux du général, où elles et ils
suivent ensemble des cours communs et obtiennent un même diplôme,
le DEC. Les enseignantes et enseignants ont mis sur pied les
départements. Ils ont constitué les coordinations de
matières responsables des programmes et des cours. Ils ont monté
les laboratoires, etc. Depuis 15 ans, elles et ils prennent de
l'expérience, rodent ce système, modifient les programmes selon
l'évolution du marché du travail, évoluent avec les
nouvelles situations. L'âge des étudiants est moins
élevé maintenant dans les cégeps. Il y a des modifications
dans la préparation en raison de l'influence des médias
électroniques. Il y a de nouvelles valeurs telles que
l'amélioration de la qualité de la vie. Les enseignants et les
enseignantes ne se sentent pas déphasés parce que la relative
autonomie dont ils disposaient - je dis bien disposaient puisque maintenant,
avec les décrets, on a un contremaître dans le département
- leur a permis d'expérimenter, d'innover, de garder leur dynamisme et
cela, sans représailles. (18 heures)
La dernière ronde de négociations a été
marquée par le mépris du travail de ces enseignants et
enseignantes - elles et ils ne s'y reconnaissaient pas - et cela continue avec
le PREC. On veut faire des professeurs des exécutants qui n'auront
qu'à appliquer les normes du ministère ou du collège. Le
plan de cours devra désormais être conforme au plan-cadre et
présenté selon une forme déterminée. Le
collège pourra changer la note d'une étudiante ou d'un
étudiant pardessus le comité de révision des notes
composé d'enseignants et d'enseignantes. Cependant, ce comité
constitue un mécanisme de recours valable pour les étudiantes et
les étudiants.
En ce qui concerne l'évaluation des apprentissages, le CA
s'occupera de cela par une politique institutionnelle d'évaluation. On
se demande comment, sous le couvert de sauvegarder le droit des
étudiantes et des étudiants à une évaluation
adéquate, il sera possible de dire aux enseignants comment
évaluer des cours aussi divers que la philosophie, les arts, les
mathématiques, la diététique, la musique. Quelle est la
compétence du CA en de tels domaines? Depuis le début, les
départements se sont acquittés de cette tâche correctement
et nous croyons que cela devrait continuer ainsi. Plus on instaure des normes,
des règlements dans un système, moins il est créateur et
dynamique, plus il est sclérosant et terne. Cette autonomie relative de
l'enseignante et de l'enseignant permet une relation dynamique avec ses
étudiantes et étudiants. Celles-ci et ceux-ci ne peuvent
intervenir dans leur processus d'apprentissage que dans la mesure où il
y a une possibilité d'aménagement, mais si tout est
déterminé par le ministère ou le collège, cela
n'est pas possible.
Le contenu de la formation à dispenser influence également
la relation professeur-étudiant. Les enseignantes et enseignants ont
à coeur d'outiller l'étudiante et l'étudiant pour leur vie
personnelle et sociale, de développer leur esprit critique, de leur
transmettre des connaissances qui leur permettront de comprendre la
société dans laquelle on vit, de les préparer à une
plus grande indépendance sur le marché du travail. Ce sont des
dimensions importantes des droits des étudiantes et des
étudiants. Mais le ministère n'en parle pas. Il donne suite
à sa conception étroite et autoritaire de ces droits. Il a
adopté, au mois de juin, à la vapeur, la loi 32, alors que la
majorité des intervenants n'était pas d'accord. Aujourd'hui, il
transforme le régime pédagogique en un règlement qui
encarcane la relation professeur-étudiant.
Il faut bien parler de la sécurité d'emploi. Non seulement
le PREC, en continuité avec les décrets, s'attaque-t-il au
métier d'enseignante et d'enseignant, mais il entraîne à
court terme des coupures et des déplacements de personnel importants. La
loi 105 avait d'ailleurs prévu cela. Ce n'est pas sans raison qu'on a
réduit le salaire des mis en disponibilité, qu'on les rend plus
mobiles.
II y a également plusieurs mesures d'encouragement à la
démission; l'acquisition de la permanence est quasi impossible pour les
nouveaux dans les cégeps, de sorte que les statuts précaires sont
multipliés. Finalement, il y a le nouveau calcul du temps partiel qui
est injuste et scandaleux.
Les coupures et les déplacements de personnel se retrouveront
où? Tout d'abord, vous avez la suppression des cours de philosophie. Le
ministère dit qu'au moins 200 enseignants et enseignantes seront
touchés. La mise sur pied d'un cours d'histoire ou d'économie
entraînera-t-elle de nouveaux engagements ou plutôt le recyclage
des enseignants et enseignantes en surplus? Quant à la nouvelle
orientation des cours complémentaires, cela affectera certainement les
disciplines dites de service. Si les étudiants choisissent leurs cours
complémentaires dans leur champ de concentration, les disciplines
générales vont certainement y goûter. Les programmes de
durée variable au secteur professionnel vont affecter les professeurs du
professionnel. Le DEC aura entre 32 et 65 unités alors qu'actuellement,
c'est aux alentours de 60. Le CEC comprendra un maximum de 50 unités et
l'AEC aura 15 unités environ.
De même, si la clientèle du secteur professionnel
décidait massivement d'aller au CEC, il y aurait des
répercussions très sérieuses avec la disparition des cours
de formation générale. Il y a des enseignants du cégep de
Saint-Jérôme qui ont fait une simulation de ce qui arriverait dans
leur cégep si la moitié des étudiants et des
étudiantes passait au CEC; c'est aussi basé sur le fait que la
moitié choisirait ses cours complémentaires dans son champ de
concentration; c'est aussi basé sur le fait qu'il y aurait une nouvelle
clientèle à l'éducation des adultes, une clientèle
supplémentaire et, malgré cela, le résultat est une
réduction des effectifs de 17%. Je pense que ce sont des choses
importantes à dire aujourd'hui alors qu'il y a une augmentation de
clientèle dans les cégeps, qu'on vient de faire des coupures l'an
dernier et qu'on s'apprête à en faire au printemps prochain.
La dévalorisation du métier d'enseignante et d'enseignant
ne pourra pas rester sans conséquences sur l'enseignement.
Résumons le tableau: Vous aurez des professeurs surchargés ayant
de moins en moins le temps de rencontrer les étudiantes et
étudiants, qui vont avoir un horaire ouvert jusqu'à 23 heures -
peut-être même la nuit; cela se peut bien, dans l'industrie on a
des corps de travail - à qui on imposera des contrôles de plus en
plus nombreux, qu'on désappropriera de leur travail au niveau du plan de
cours, de l'évaluation, de la planification des programmes et des cours,
qu'on écartera du processus d'équivalence et de reconnaissance
des acquis, qu'on confirmera de plus en plus dans des statuts précaires
permanents. Ce n'est pas rare, il y a tout un "staff" de professeurs à
temps partiel qui se promène depuis des années d'un cégep
à l'autre sans jamais pouvoir avoir accès à un emploi
permanent. Cela déstabilise également les équipes
départementales qui sont sans cesse confrontées à des
coupures de personnel dont une des conséquences est la disparition des
enseignantes dans les cégeps. Vous savez que les plus jeunes, ce sont
les enseignantes dans le corps professoral; dernières arrivées,
premières sorties, et on a commencé à voir l'effet des
décrets dans ce sens. Il y a également les salaires qui ont
été coupés de façon importante.
Les États-Unis viennent de s'apercevoir qu'avec de telles mesures
ils ont fait subir un recul important à la qualité de la
formation des jeunes Américaines et des jeunes Américains. Le
gouvernement québécois ne semble pas avoir compris la
leçon et il continue ses attaques contre les enseignantes et
enseignants. Et tout cela, c'est sous le couvert d'une plus grande
démocratisation.
C'est sûr que les cégeps, c'est un acquis indéniable
pour la démocratisation scolaire. Mais qui dit accessibilité ne
dit pas nécessairement démocratisation, car, même si les
masses ont accès à l'école de façon physique, cela
ne veut pas dire que l'école ne soit pas encore faite pour une
élite: la petite minorité qui va aller à
l'université, ce qui est effectivement le cas.
Par le PREC, on ne fait que consacrer institutionnellement les
inégalités en offrant à chaque type de clientèle
une filière qui lui convient. Or, ces filières n'ont pas toutes
la même valeur quant à la formation générale,
à la polyvalence de la formation professionnelle et quant à
l'accès au marché du travail. Il est manifeste qu'au lieu
d'effacer les inégalités le PREC tendra à les reproduire
et à les maintenir. Tous et toutes auront accès à
l'éducation, mais chacune et chacun à partir d'une filière
préétablie selon son niveau.
En résumé, ce départage des étudiantes dans
des filières préétablies, selon des qualités
souhaitées, constitue une mobilité parrainée par
l'État. On pourrait la comparer à une série d'escaliers
mécaniques qui mèneraient l'enfant vers l'étage qui lui
est destiné. Au lieu des haltes temporaires, ces étages
représenteraient de façon définitive ou la classe
ouvrière, ou la classe moyenne, ou la haute société.
Encore une raison pour nous de ne pas croire à la théorie de
l'attraction vers le haut.
La démocratisation scolaire se fonde sur deux principes
intimement liés pour nous: une plus grande accessibilité à
l'école pour les classes populaires et une plus grande
égalité face au savoir, c'est-à-dire la disparition
du cloisonnement imposé par les filières à
l'intérieur de l'école. Si le tronc commun des cours obligatoires
permet à tous de se voir reconnaître les mêmes droits, le
même statut et d'aspirer aux mêmes chances, ce n'est pas uniquement
en raison du caractère obligatoire des cours, mais aussi à cause
du contenu spécifique de la formation offerte. Il y a les cours de
philosophie, les cours de français, les cours d'éducation
physique. Il y a eu plusieurs sourires hier quand on a parlé des cours
d'éducation physique. Pour nous, cela est essentiel en ce moment, avec
le type de stress qu'il y a dans notre société, d'avoir ce genre
de cours. Ces différents cours ont comme vocation propre de permettre
à l'étudiante et à l'étudiant de s'assumer comme
personne intégrale au niveau de la pensée libre et critique, au
niveau de la langue et au niveau du corps. Pour nous qui oeuvrons au
collégial depuis les quinze dernières années, ce choix ne
paraît pas arbitraire. Au contraire, il est lié à une
conception de l'éducation et à des valeurs que l'enseignement
collégial doit promouvoir.
Je vais résumer ce bout. La stratégie gouvernementale en
matière de démocratisation doit viser à réduire les
véritables obstacles à la fréquentation scolaire. Or, les
principaux facteurs qui empêchent les adultes de retourner aux
études sont d'ordre situationnel. On en a identifié trois pour
nous: le premier, c'est le manque de temps; les adultes ont beaucoup de
difficulté avec leur travail à revenir aux études. Le
deuxième, c'est le manque d'argent, et le troisième, cela
concerne surtout les femmes et cela a été identifié par la
commission Jean. C'est, d'une part, le manque de support comme les garderies
et, pour une catégorie de femmes, 20% - c'est quand même important
- c'est un manque de confiance en elles qui font qu'elles ne reviennent plus au
cégep.
À la page 50. La FNEEQ propose des moyens concrets pour les
grands objectifs de démocratisation, à savoir que le gouvernement
arrête les coupures en éducation, qu'il mette des ressources
supplémentaires pour les vrais problèmes pédagogiques,
qu'il ouvre réellement le cégep aux clientèles
défavorisées en mettant sur pied des programmes d'accueil
conduisant au niveau collégial, qu'il améliore le système
de prêts et bourses et les conditions matérielles d'études
des étudiantes et des étudiants sans discrimination dans le choix
de programmes des étudiantes et des étudiants; qu'il
réduise l'inégalité actuelle entre le nombre de
professeurs femmes et le nombre de professeurs hommes dans les cégeps;
qu'il arrête tout le processus de transfert de programmes de ghettos
féminins aux écoles secondaires et possiblement aux
universités.
Mme Pellerin: Je vais vous faire la conclusion, cela va
être assez rapide, c'est à la page 51. On dit: Le projet de
règlement des études collégiales soumis à la
commission parlementaire par le ministère de l'Éducation suppose
une conception de l'éducation à laquelle nous n'adhérons
pas et nous l'avons exposé amplement.
Nous pensons également que ce projet, loin de refaire le
régime pédagogique des cégeps en fidélité
aux grands objectifs qui ont présidé à la création
de ces institutions, met en péril leur existence même. Rassemblons
les différents éléments du casse-tête: On envoie au
secondaire des options parmi les plus populeuses; on raccourcit les programmes
professionnels; on voit fermer des options par le processus de
régionalisation; on envoie les techniques lourdes dans des centres
spécialisés ou dans des départements avec un statut
particulier; l'enseignement à distance se développe rapidement
grâce aux nouvelles technologies et la filière
générale se porte très bien dans les collèges
privés. Nous craignons que tout cela signifie l'éclatement des
cégeps. Et vous avez, l'éclatement des cégeps, un
schéma qui représente notre hypothèse à la page
suivante. Et à la page 53, vous avez une résolution qui a
été adoptée par la FNEEQ dans son instance la plus large,
celle qui regroupe les représentants de tous les collèges. On dit
que c'est pourquoi la FNEEQ a rejeté unanimement le projet de
règlement des études collégiales tel que
présenté et réclame du gouvernement le retrait de ce
projet de loi. Vous avez tous les "parce que" qui expliquent pourquoi nous
avons rejeté, on s'est débattu. Et, à la page 56, ce qu'on
réclame du gouvernement avec les attendus.
Attendu que le PREC a pour effet de changer profondément la
mission des cégeps sans que cela fasse l'objet d'un débat large
dans la population et chez les principaux intervenants, contrairement à
ce qui s'est passé lors des réformes des années soixante
qui avaient créé ces mêmes institutions;
Attendu que le PREC constitue la pièce maîtresse d'une
contre-réforme globale du système d'éducation
québécois particulièrement en ce qui concerne la formation
professionnelle; la FNEEQ réclame du gouvernement un débat public
large sur le projet de règlement des études collégiales et
l'ensemble des contre-réformes et cette commission parlementaire ne
saurait tenir lieu de ce débat public. Pour nous, elle n'en est qu'un
élément.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, Mme
Pellerin.
Mme Pellerin: Nous allons aussi vous donner une pétition
que les professeurs ont commencé à signer à travers les
collèges.
Nous en avons une partie aujourd'hui; on vous envoie le reste dès
qu'on les reçoit. Parce que le peu de temps qu'on a eu, la
pétition s'est signée quand même; alors, on va aussi vous
la donner.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Merci
beaucoup, Mme Pellerin. Sur ce, nous allons suspendre nos travaux
jusqu'à 20 heures et à 20 heures, nous entamerons
l'échange entre les parlementaires et les représentants de la
FNEEQ.
(Suspension de la séance à 18 h 13)
(Reprise de la séance à 20 h 10)
Le Président (M. Blouin): La commission élue
permanente de l'éducation reprend ses travaux. Nous avons entendu, avant
la pause pour le souper, la FNEEQ, la Fédération nationale des
enseignants et enseignantes du Québec, nous présenter le contenu
de son mémoire. Nous avions convenu que nous reprendrions nos travaux
avec l'échange entre les parlementaires et la fédération.
M. le ministre.
M. Laurin: Je veux, d'abord, remercier la FNEEQ pour son
mémoire très étoffé. Elle nous a dit qu'elle y a
mis beaucoup d'efforts, beaucoup de travail et cela se sent. Je la remercie
pour cet effort.
Je sens, évidemment, dans une grande partie de ce mémoire
qu'il est présenté peu de temps après que le décret
gouvernant maintenant le collégial est entré en vigueur. On sent
que les réactions sont encore très vives et il n'est pas
étonnant d'y rencontrer un ton polémique qui prend parfois
l'allure d'un réquisitoire. Je le reconnais et je le constate. Mais,
au-delà de cela, je sens, évidemment, dans le mémoire, une
grande préoccupation et une grande inquiétude que je partage en
ce qui concerne la situation économique actuelle, la crise que nous
vivons, le chômage qui nous frappe, les moyens que nous essayons de
trouver tous ensemble en tant que société pour y
remédier.
Dans son mémoire, la FNEEQ aurait souhaité que le
gouvernement du Québec se conduise un peu comme le gouvernement
fédéral et augmente son déficit pour parer aux effets
néfastes de la crise que nous venons de vivre. Évidemment, si
nous avions accru considérablement notre déficit, il aurait
été possible d'éviter certaines des mesures que nous avons
cru opportun de prendre comme les compressions budgétaires, les
réductions d'effectifs, la réduction même de certains
services en matière de santé et d'éducation. Mais,
malheureusement, il s'est avéré impossible de le faire, d'abord
parce que nous ne sommes pas le gouvernement fédéral. Nous
n'avons pas de machines à fabriquer de l'argent comme la Banque du
Canada. Nous n'avons pas les pouvoirs que possède le gouvernement
fédéral, d'une part et, d'autre part, il fallait surveiller de
très près notre pouvoir d'emprunt, nos équilibres
financiers et l'augmentation du service de la dette. Et pour maintenir
l'équilibre budgétaire aussi bien que pour maintenir la
santé et même redresser la santé de notre budget et de
notre économie, il a fallu procéder à des
réajustements qui ont été aussi douloureux pour nous que
pour ceux qui, dans la société, ont eu à les subir. Je
retrouve un peu cette même préoccupation dans le reste du
mémoire.
Il est évident que, si nous pouvions avoir à notre
disposition des ressources budgétaires accrues, nous apporterions des
solutions plus immédiates et probablement plus adaptées aux
divers problèmes auxquels nous sommes confrontés. Mais,
malheureusement, ce n'est pas le cas. Je ne crois pas que, en face du nombre,
de la diversité, de l'ampleur des problèmes que nous avons
à régler actuellement dans tous les secteurs, nous puissions,
avec les ressources qui sont à notre disposition, les régler
subitement, magiquement et profondément comme nous pourrions
peut-être le faire si les ressources ne nous manquaient pas. C'est
là, je pense, un préalable qu'il nous faut tous accepter.
Il y a un autre élément du mémoire qui m'a
frappé. La FNEEQ regrette que, dans l'accord que nous avons signé
avec le fédéral, particulièrement avec le ministère
de l'Emploi et de l'Immigration du Canada, nous ayons comme obéi aux
diktats du gouvernement fédéral. Malheureusement, je dois bien
constater que c'est le cas parce qu'on nous a présenté un contrat
avec une sorte de couteau sous la gorge en nous disant: Nous qui pouvons faire
des déficits, nous qui pouvons consacrer à ce chapitre des
centaines et des centaines de millions, nous avons préparé un
programme et, si vous n'acceptez pas ce programme, vous n'en aurez pas les
avantages.
Évidemment, dans ces circonstances, même si nous avons
négocié durement, avec acharnement même, il a fallu,
malgré tout, passer sous les fourches caudines du gouvernement qui avait
la juridiction qu'il s'est arrogée en grande partie et surtout les
moyens financiers. Nous avons, malgré tout, réussi à
améliorer quelque peu l'accord antérieur, par exemple, en
acquérant un plus grand contrôle sur l'exécution de ces
politiques. Il reste, cependant, que nous avons dû accepter en gros le
programme qui nous était imposé et particulièrement cette
définition des besoins nationaux dont vous parlez dans votre
mémoire. Ce n'est donc pas de gaieté de coeur que nous l'avons
fait et nous préférerions de beaucoup, comme
nous le disons depuis longtemps, rapatrier tous les fonds que nous
envoyons au fédéral en même temps que tous les pouvoirs et
juridictions. En ce sens-là, c'est un souhait que je continue d'exprimer
et qui nous permettrait, évidemment, de mieux régler ces
problèmes.
J'ai été aussi intéressé et frappé
par ce que vous disiez sur le virage technologique. Évidemment, c'est un
virage qu'il nous faut prendre, même s'il ne faut pas penser qu'il va
régler tous nos problèmes. Il y a certains secteurs qu'il importe
de moderniser sans qu'on entre dans la technologie de pointe. Il y a, bien
sûr, des secteurs nouveaux à ouvrir et ceux-là se situent
davantage dans les nouveaux créneaux des technologies de pointe, mais il
ne faut pas penser, quand même, que les seuls efforts doivent se
concentrer sur ce virage technologique.
En ce qui concerne ce virage technologique, vous dites qu'il semble
s'orienter, un peu comme tous les virages antérieurs, vers une sorte de
maintien et même d'accroissement de la différence entre les
professions ou les carrières masculines et féminines. Vous
semblez dire que, avec l'appui ou la complicité des gouvernements, le
virage sera pris d'une façon qui va désavantager les
carrières ou les clientèles féminines. Évidemment,
nous héritons d'une situation qui nous a précédés.
Il n'est pas facile d'effectuer des redressements même s'il faut s'y
employer.
En ce qui concerne le virage technologique, je crois quand même -
et j'avais l'occasion de le dire récemment lors de l'ouverture du Salon
de la science et de la technologie - que nous avons fait d'assez grands
progrès en ce qui concerne l'insertion des femmes dans ces nouveaux
secteurs. J'ai alors donné des statistiques qui montraient qu'au
collégial en particulier l'augmentation de la proportion des femmes dans
les carrières auparavant considérées comme masculines,
particulièrement dans les carrières du génie et de
l'informatique, était marquée et on pouvait penser qu'elle
continuerait à s'accélérer dans l'avenir. Et ceci
jusqu'aux filières universitaires même si le progrès
à l'université est moins marqué et qu'il faut que les
autorités universitaires se joignent aux efforts qui sont faits pour
l'accélérer.
Je voudrais faire une autre remarque. Je pense qu'il faut
accélérer ce virage par des campagnes d'information scolaire et
professionnelle, des campagnes de promotion. Cela a cours actuellement bien
qu'il faille peut-être l'accélérer et l'intensifier en
persuadant les parents, aussi bien que les filles, que dans ces nouvelles
carrières il y a place pour les femmes beaucoup plus que les femmes ne
le croient. Justement, au fur et à mesure qu'on informatise, qu'on
télématise ou qu'on robotise, l'effort physique associé
jusqu'ici aux carrières masculines est de moins en moins important, pour
ne pas dire accessoire ou nul. Il devient possible aux femmes d'entrer d'une
façon massive dans ces nouvelles carrières. Cela vaut
également pour certaines carrières reconnues
antérieurement comme masculines où l'informatisation,
peut-être, fait disparaître certains emplois, mais maintient les
emplois où les femmes deviennent de plus en plus expertes.
Nous travaillons actuellement sur des techniques de secrétariat
et c'est justement notre intention non pas de faire disparaître le DEC au
secrétariat ni au secondaire, mais de tenir compte des progrès
qui ont été faits pour moderniser les deux cours en question,
d'instaurer une continuité entre le secondaire professionnel et le
collégial et, justement, de rehausser de beaucoup la qualité de
la formation reçue au collégial dans les techniques de
secrétariat pour les ajuster aux nouveaux progrès que la
technologie nous permet de faire dans ces domaines.
Je suis donc un peu moins pessimiste que vous à cet égard.
Je crois qu'il y a place et qu'il y aura place de plus en plus pour les femmes
dans ces carrières du virage technologique. Le gouvernement, pour sa
part, et le ministère de l'Éducation en particulier entendent
bien faire tous les efforts pour accélérer ce mouvement de
redressement et de progrès en ce sens.
Je relève aussi dans votre mémoire quelques inexactitudes.
Par exemple, à la page 44, vous dites que les chiffres bruts ne doivent
pas nous faire oublier qu'à peine 45% des nos étudiantes et
étudiants finissent le secondaire. Les chiffres que nous avons en main
et que nous avons cités à cette commission montrent qu'au
contraire, en 1982, c'est 74% des étudiants et des étudiantes qui
finissent le secondaire. Vous ajoutez qu'à peine 25% de nos jeunes se
rendent au cégep. En 1982, c'est 47% de nos jeunes qui accèdent
aux études collégiales. De la même façon, vous nous
faites dire que nous voulons instaurer des unités cumulatives
capitalisables. Je ne sais pas où vous avez pris cela parce que le PREC
ne mentionne aucunement cette nouveauté. Peut-être avez-vous
confondu le mot "unité" qui apparaît dans le projet de
régime pédagogique avec les anciennes unités
capitalisables dont parlait un projet antérieur. Mais en
réalité le mot "unité" qui paraît dans le projet ne
fait que remplacer le mot "crédit" qui était
antérieurement utilisé, et ce à la suggestion de l'Office
de la langue française. Il n'y a donc absolument rien dans le PREC qui
vous permette et nous permette de penser que nous entendons instaurer,
officialiser ce système d'unités capitalisables. Je ne dis pas
que je suis contre ou pour. Cela se fait actuellement dans les cégeps.
Il y a des
discussions autour de cette notion, mais je ne pense pas que c'est une
habitude qui est générale ou qui risque de se
généraliser dans un avenir prochain malgré qu'on puisse,
encore une fois, reconnaître un certain nombre de mérites à
cette mesure. Mais, de toute façon, elle n'a rien à voir avec le
PREC.
Vous craignez, comme beaucoup d'intervenants antérieurs, que
l'introduction d'un CEC qui serait ouvert aux jeunes risque d'amener les jeunes
qui sont inscrits dans la filière du DEC à pencher vers la
facilité et à prendre ce nouveau certificat. Nous avons dit
à assez de reprises devant cette commission que telle n'était pas
l'intention du projet, que le DEC était sûrement la voie à
privilégier en formation initiale et que le CEC, même s'il nous
semblait qu'il fallait l'ajouter aux voies de sortie possibles, ne devait,
justement, être vu que comme une voie de sortie pour les jeunes qui ont
décroché et qui veulent revenir compléter leur formation
afin de se qualifier davantage. Peut-être l'avons-nous balisé
insuffisamment dans le projet, mais je pense bien que cette commission et les
réflexions qu'elle entraîne nous amèneront à le
clarifier et à le préciser davantage pour bien s'assurer que
l'objectif de formation générale fondamental que nous poursuivons
pour le plus grand nombre de jeunes possible continue d'être la voie
d'accès normale, privilégiée pour les jeunes et que ce CEC
ne soit considéré véritablement que pour ce qu'il doit
être, c'est-à-dire un ajout, une autre voie qui pourrait
répondre à des besoins.
De la même façon, quand vous parlez des 40% de programmes
maison, je pense que c'est un peu court que de s'exprimer de cette
façon. Ces programmes maison, limités à 40%, il n'est pas
sûr qu'ils existeront à 40% dans les collèges; d'ailleurs,
dans le plupart des collèges, on peut penser qu'ils n'atteindront que
20% ou 25%. Par ailleurs, la confection de ces programmes passe, encore une
fois, par les filtres habituels, les procédures habituelles,
c'est-à-dire que les programmes sont préparés dans les
institutions mêmes par les enseignants, la commission pédagogique
et qu'ils doivent être approuvés également par le
ministère, ce qui, je pense, constitue une garantie contre cet
asservissement total, complet de l'institution d'enseignement qu'est le
cégep aux besoins de l'entreprise.
C'est là une préoccupation constante que vous avez. J'ai
l'impression qu'il y a dans votre milieu une suspicion extraordinaire, une
méfiance absolue à l'égard de l'entreprise. Je ne sais pas
si c'est parce que nous vivons en crise et que l'entreprise se cherche autant
que les autres secteurs de la société. Mais, de toute
façon, il est très clair que les programmes
d'établissement, quel qu'en soit le nombre, ne constitueront jamais une
réponse bête, automatique, immédiate à quelque
besoin que ce soit que l'entreprise pourrait exprimer. Les cégeps sont
largement autonomes et ils y tiennent. À l'intérieur du
cégep, il y a des mécanismes actuellement pour
l'élaboration des programmes. Le ministère a aussi un rôle
de caution à jouer et des garanties aussi à donner en ce sens. Il
. est bien sûr que ces garanties constituent un frein, pour ne pas dire
un empêchement, à cette situation un peu catastrophique que vous
évoquez dans votre mémoire.
J'aurais aimé continuer à commenter votre mémoire
parce qu'il est très intéressant. Comme le temps passe, je
voudrais vous poser quelques questions, tout en vous assurant, cependant, que
nous continuerons à lire et à relire ce mémoire pour
continuer notre réflexion.
Ma première question touche à ce que vous affirmez en page
2, lorsque vous parlez d'une sorte de collision possible entre le projet de
régime collégial et les conventions collectives. Vous pensez que
le gouvernement tente de soustraire ces objets de vos conventions pour les
régir par un autre décret déguisé.
Évidemment, je comprends que, si peu de temps après les
décrets, vous ayez une sorte d'allergie ou d'anaphylaxie à tout
ce qui peut venir du gouvernement sous forme de décret...
Une voix: Ana... quoi?
M. Laurin: Anaphylaxie. (20 h 30)
Mme Achard:Filer mal.
Une voix: Filer mal?
Mme Achard: Mais habituellement c'est un choc.
M. Laurin: Le phénomène d'Arthus et de Richet.
Une voix: Ce n'est pas un médicament.
M. Laurin: Non, non, c'est encore bon. En tout cas, je voudrais
rappeler que le règlement sur le régime pédagogique du
collégial définit les objectifs de l'État en
matière d'éducation dans les collèges, comme les
régimes pédagoqiques du primaire et secondaire le font à
ce niveau. Donc, les régimes pédagogiques viennent normalement
encadrer les conventions collectives et non pas l'inverse.
Surtout en termes de contenu, le projet de régime
pédagogique ne modifie en rien, ni les conventions collectives
existantes, ni le régime pédagogique actuel sur les objets qui
sont définis comme négociables. Vous avez dit qu'on voulait
modifier par ce décret, par ce régime, le département, la
révision de
notes, l'année scolaire, mais en réalité, en termes
de contenu, ce projet ne modifie en rien les conventions collectives
existantes, ni le régime pédagogique actuel sur ces objets qu'on
peut définir comme négociables. Évidemment, la seule
différence vient du fait que le nouveau régime serait un
règlement comme c'est le cas du primaire et secondaire.
Je voulais vous demander si là-dessus vous partagiez mon point de
vue.
Mme Achard: Alors, je vois que le ministre a bien
réfléchi sur notre mémoire pendant l'heure du souper. Les
remarques sont nombreuses. Je vais, d'abord, essayer de répondre
à votre première question et je voudrais réagir un peu aux
différentes remarques. Sur l'idée que c'est un règlement,
je pense que c'est clair que pour nous cela enlève les objets du
négociable. Je ne peux pas vous dire autre chose que cela. Avant le
décret, c'était négociable, la question de la composition
et des fonctions du département, et tout cela; le décret nous a
chambardé cela et a mis autre chose. Dans les conventions, avant, dans
la tâche du prof, il était indiqué qu'il faut faire un plan
de cours, et jamais les enseignants et les enseignantes n'ont refusé de
faire un plan de cours. On trouve que c'est quelque chose qui fait partie de
notre tâche; c'est quelque chose qu'on présente aux
étudiants en début de session et c'est la responsabilité
du département.
Le régime pédagogique vient encarcaner cela. On lui dit
comment le faire et quoi mettre exactement d'une façon très
autoritaire et très encarcanée. C'est vraiment cela qu'on
conteste. Il y a également l'évaluation des apprentissages.
C'était sous la responsabilité du département; maintenant,
on a mis une ligne hiérarchique au-dessus de cela. Il y a aussi quelque
chose qui n'est peut-être pas d'égale importance par rapport aux
autres points, mais qui est quand même important: ce sont les horaires.
On avait des horaires et maintenant dans le régime pédagogique,
quand on parle de définition de session et qu'on dit comment les
étudiants vont prendre leurs cours, cela implique nécessairement
des choses sur les horaires des enseignantes et des enseignants. C'est vraiment
une série de points qui font qu'on ne peut plus négocier
cela.
Il y a la révision de notes, il ne faut pas l'oublier. Quand il
est dit dans un règlement que le collège a le pouvoir de
réviser la note d'un étudiant s'il juge qu'il a atteint les
objectifs, cela veut dire que, même si le prof ou le comité de
révision de notes ont jugé que l'étudiant n'avait pas
atteint les objectifs de ce cours, le collège peut juger par-dessus que
oui, il avait atteint ces objectifs. C'est important pour nous.
Parmi vos remarques, vous avez indiqué que le gouvernement du
Québec n'était pas une machine à fabriquer de l'argent,
qu'on était dans une ère difficile financièrement; on en
convient, mais l'argent que vous avez maintenant, vous le distribuez selon des
choix. Vous avez fait un choix, ce ne sont pas les politiques sociales qui sont
votre priorité en ce moment, ce sont les ministères à
incidence économique. Les politiques sociales vont passer au second
rang. C'est écrit dans vos documents qu'elles n'ont plus la même
place. Alors qu'au Québec on était dans une situation de
rattrapage, et on n'a pas terminé cette situation, maintenant on va
arrêter les progrès qu'on avait faits en éducation.
Quant à l'entente Canada-Québec, vous dites que vous avez
été pratiquement forcés de la faire, eh bien, pour moi
c'est encore une question de choix. Vous avez décidé de la signer
dans ces conditions, comme il y a eu des droits qu'on a laissé tomber en
matière constitutionnelle. Le Québec avait un droit de veto.
C'est un choix que vous avez fait à ce moment. Je pense que c'est de
votre responsabilité de les assumer. Ce que nous faisons, c'est
contester vos choix.
Au niveau du virage technologique, vous dites que les efforts ne doivent
pas s'orienter seulement vers ces disciplines. Nous sommes bien d'accord avec
cela, sauf que c'est vous qui les orientez là-dessus seulement, au
niveau des bourses que vous voulez offrir aux étudiants qui vont
être dans ces secteurs de pointe, au niveau des différentes
mesures où vous favoriserez les emplois de l'avenir.
Par rapport au secrétariat, je ne trouve pas qu'il y a beaucoup
d'assurance dans ce que vous m'avez dit sur le fait que le secrétariat
va rester au collégial. Le secrétariat, en ce moment, c'est un
programme cohérent qui n'a pas seulement des cours de dactylo. On y
donne des cours de socio, des cours d'économique et tout cela. C'est
très important. Ce qu'on va envoyer au secondaire, ce sont seulement les
cours de dactylo. Le programme lui-même, on pense qu'on va
l'arrêter. Ce qu'on va faire, c'est peut-être un programme de
bureautique ou de choses comme cela. On ne sait pas ce qui va arriver à
la secrétaire de direction pour qui on pense qu'il y a encore des
possibilités d'emploi. Je ne considère pas que vous m'avez
donné des assurances là-dessus.
Finalement, je vais vous répondre sur le CEC. On dirait qu'il y a
beaucoup de biologistes ici. En tout cas, je me sens interpellée parce
que j'enseigne la biologie. Vous parlez d'anaphylaxie. Hier, M. Lucier parlait
de chaînon manquant, il parlait de diversification. Or, cela
m'interpelle. C'est ce que j'enseigne dans mes cours, la diversité dans
le milieu vivant. J'enseigne aussi qu'il existe deux types de sélection.
Il
existe une sélection faite par l'homme en fonction de ses besoins
et il existe une sélection qu'on dit naturelle, c'est la
sélection du milieu.
Je considère que le CEC est une mesure de diversification, de
diversité, mais, pour moi, on laisse aller l'éducation à
des mesures de sélection naturelle. Ce sont les plus forts qui vont
l'emporter et les plus forts, pour moi, ce sera une classe donnée, la
classe ouvrière. C'est pour cela qu'on est contre les CEC.
Une voix: Pas la classe ouvrière. C'est l'inverse.
Mme Achard: C'est la classe dominante. Excusez. Je me suis
trompée de chaînon. J'espère que ce ne sont pas mes
gènes qui ont des problèmes. Il y a quelqu'un d'autre.
M. Campeau: Mon nom est Robert Campeau. Je suis
libéré de 0,5 pour travailler au comité école avec
Louise Desmarais qui est à côté de moi. Nous ne sommes pas
des permanents d'une organisation syndicale. Nous enseignons encore, je tiens
à le dire. Le travail qui a été fait représente une
démarche de consultation. Sur le point de vue qu'il y a dans le
mémoire, il y a eu toute une série de consultations, d'instances,
pour aller jusqu'au conseil fédéral qui a été
adopté à l'unanimité.
Sur le premier point du ministre, ce qu'on trouve important, c'est qu'on
a eu deux modèles de gestion de la crise qui nous ont été
présentés comme citoyens et citoyennes, comme travailleurs et
travailleuses. Il y a eu le modèle fédéral. On ne dit pas
que c'est le meilleur, mais, quand on regarde comment le Conseil
économique du Canada recommandait au conseil fédéral
d'augmenter le déficit, comme travailleurs, comme travailleuses, on
trouvait qu'il y avait là une orientation qui était possible dans
le contexte actuel pour faire en sorte que la crise ou l'étape par
laquelle on passait se fasse de façon plus douce et que les mesures
sociales soient conservées.
Il y a eu aussi la façon dont le gouvernement actuel a
géré cette étape et qu'on a trouvé un petit peu
plus difficile. Ce n'est pas seulement la question des décrets parce
que, selon toute la première partie du mémoire, pour nous, ce qui
est primordial à l'heure actuelle, ce sont les prochaines
générations. Dans cinq ans - j'espère que les coupures
vont arrêter et qu'on sera là comme travailleurs et travailleuses
- ou dans dix ans, c'est clair que le régime qui va être
appliqué touchera des milliers d'étudiants et d'étudiantes
dans le secteur collégial. Cela nous paraît important.
Tantôt, j'ai posé la question à un haut
fonctionnaire, à savoir pourquoi, par exemple, en 1980, le projet de
règlement était moins sévère ou moins "flyé"
que celui qu'on a sur la table présentement. J'aimerais qu'on
réponde à cette question. Le CEC était destiné aux
adultes, alors que, maintenant, il est destiné aux jeunes aussi. On ne
nous garantit pas les conséquences sur les jeunes. Si on me prouvait
qu'effectivement cela n'aura pas plus de conséquences... Il y en a qui
parlent même de mettre des balises là-dedans. Je ne comprends pas
ce qu'une balise viendrait faire à ce niveau. L'orientation des jeunes,
des étudiantes et des étudiants, comment cela peut-il se
canaliser juste par le support de l'information scolaire? Il y a eu des
coupures dans ce secteur. Les professionnels, chez nous, le nombre en a
été coupé. Il y a très peu de gens affectés
à l'information professionnelle. Qu'est-ce qu'on va faire? Des annonces
à la télévision? Cela va peut-être coûter
moins cher. On va diffuser cela à toute la population et on va dire aux
gens que les compétences de l'avenir seront dans tel et tel secteur?
Je pense que c'est là un problème. Dans la première
partie - je comprends que le ministre ait réagi à cela - ce qu'on
veut dire, c'est qu'il y a des choix qui se font à ce niveau comme au
niveau du virage technologique. On a senti pendant la négociation qu'il
y avait une certaine forme de mépris, comme les multinationales le font
pour leurs employés à un moment donné. Elles licencient du
monde et introduisent de la machinerie. Pendant la négociation, on a
annoncé 150 000 000 $ pour introduire de la machinerie. M. Leduc est
venu à mon cégep et il nous a annoncé cela pendant la
négociation. Il y a beaucoup d'enseignants, d'enseignantes,
d'étudiants et de professionnels qui se sont sentis humiliés par
cette opération. Je ne dis pas que ce n'est pas nécessaire
d'acheter des ordinateurs. Je pense qu'on va s'entendre là-dessus.
Peut-être que le moment a été mal choisi. Effectivement, on
sentait très bien que l'argent des grèves servirait à
financer cette opération. Ce n'est peut-être pas fait, les 150 000
000 $ ne sont peut-être pas sur la table, mais il y a de la part des
travailleurs et des travailleuses un ressentiment par rapport à cela qui
est effectivement exprimé dans le mémoire. On ne sait pas
où le gouvernement s'en va avec cela. On le dit clairement.
Par rapport à l'entreprise privée, M. Laurin dit qu'il y a
la commission pédagogique et le CA. Par rapport à cette
opération, même si la commission pédagogique recommande
qu'on n'accepte pas tel et tel programme parce qu'il vient directement de GM et
qu'on a d'autres préoccupations qui, elles, sont pédagogiques,
comme c'est consultatif, on sait très bien que le conseil
d'administration peut décider ce qu'il veut, compte tenu aussi
qu'à ce
conseil d'administration une grande majorité des
socio-économiques viennent de l'entreprise locale. En tout cas, c'est
cela à Laval.
Mme Pellerin: On voudrait tout simplement dire - à la page
44 - qu'on est d'accord avec les chiffres que le ministre a avancés. On
est content. On les a vus hier, ils ont été publiés. On va
dire qu'ils sont exacts.
Pour les métiers désignés de compétence
nationale dite pratiquement masculine, concrètement, qu'est-ce qu'on
fait pour inciter les filles à aller vers ces métiers? Ce dont on
s'aperçoit avec le décret, c'est que les femmes enseignantes
disparaissent de plus en plus. Au niveau collégial, on sait que c'est
assez dramatique. On est passé de 35% à pratiquement 30% de
femmes cette année qui enseignent. Est-ce que ce sont les hommes qui
vont inciter les filles qui entrent au cégep ou bien le secondaire qui
va diriger ces filles vers ces métiers? On peut formuler des souhaits et
dire qu'on fait son possible pour les intégrer. Je pense bien que tout
le monde a voulu faire son possible tout le temps sur la condition des femmes,
mais est-ce que cela les incite plus à aller vers ces études?
C'est une question que je me poserais: Concrètement, est-ce qu'on fait
quelque chose pour intégrer les filles? La publicité qu'on va
faire va aboutir quand? Dans combien d'années les filles vont-elles
être intéressées à ces métiers?
Le Président (M. Blouin): Oui, M. le ministre.
M. Laurin: Une deuxième remarque. Je voudrais juste
relever le fait que les socio-économiques peuvent contrôler le
conseil d'administration. En fait, les socio-économiques au conseil
d'administration ne sont que 4 sur 19, plus un représentant du
secondaire et de l'université. Je ne pense pas qu'ils puissent emporter
aussi facilement une décision dans leur sens. (20 h 45)
Je voudrais aussi dire un dernier mot sur le plan de cours. Je ne pense
pas que ce que nous disons dans le PREC sur le plan de cours change ce qui est
écrit dans la convention collective. Nous ne faisons qu'un seul ajout.
Nous disons que le plan de cours préparé par les enseignants doit
être remis aux étudiants; c'est la seule chose qu'on ajoute. Je ne
pense pas que ce soit une entorse à la convention collective de dire
cela.
Le Président (M. Blouin): Mme
Desmarais, vous aviez un mot à rajouter.
Mme Desmarais (Louise): J'aurais aimé intervenir au sujet
des unités capitalisables. Quand le ministre nous dit que le PREC n'a
rien à voir avec les unités capitalisables, pour nous à la
FNEEQ, le PREC n'est que le cadre juridique qui permettra la mise en place de
la politique sur la formation professionnelle des jeunes. On a plusieurs
preuves qui vont dans ce sens-là. Par exemple, pourquoi modifie-t-on le
cégep en profondeur principalement dans le secteur professionnel?
Pourquoi les CEC ne s'adressent-ils qu'au secteur professionnel? Pourquoi les
AEC ne s'adressent-elles qu'au secteur professionnel? Il nous semble que la
concordance est facile à faire. Si on lit la Politique de formation
professionnelle des jeunes, proposition de relance et de renouveau, à la
page 78 on dit textuellement: "La mise en place d'un système de
reconnaissance des acquis doit pouvoir s'appuyer elle-même sur un
système bien rodé d'évaluation continue et d'attribution
de crédits ou d'unités capitalisables." C'est dans un document du
ministère.
Dans un autre document du ministère qui est soumis à la
consultation actuellement et qui s'appelle l'Élaboration, la
révision et la mise à jour des programmes de formation
professionnelle, on dit: "L'unité est une mesure pour la reconnaissance
officielle de la valeur attachée à une formation dans le cadre
d'un diplôme." Plus loin, on dit: "Pour des fins de cohérence, il
serait important qu'une unité représente la même
réalité dans l'ensemble du système scolaire. Pensons en
particulier aux équivalences, aux transferts verticaux et horizontaux et
à la compréhension de nos reconnaissances par le monde du
travail." C'est un document qui vient du ministère de
l'Éducation.
Dans un autre document qui vient aussi du ministère de
l'Éducation, qui s'appelle Plan d'action de la politique de la formation
professionnelle des jeunes, projet préliminaire daté du mois de
juin 1983, on dit: "Une politique de reconnaissance des acquis nous oblige
à réduire les écarts entre les jeunes et les adultes et
à faire émerger un système d'unités
capitalisables." À la page 30 de notre mémoire, nous avons une
citation tirée d'un autre document du ministère de
l'Éducation et je relis cette citation: "Face aux difficultés
d'adéquation entre les modalités d'apprentissage dans le domaine
professionnel et les exigences de travail devant être rencontrées
pour satisfaire les employeurs, il convient d'étudier à fond et
de mettre en oeuvre un système modulaire de formation appelé
système de contrôle continu par unités capitalisables." Le
document dont il est question est cité dans notre mémoire
à la page 30; il s'appelle Modalités d'acquisition de la
formation. Travaux d'approfondissement, document no 3, MEQ, secteur de la
planification, direction
des politiques et plans, mars 1980, page 77. Nous ne l'avons pas
inventé. Quand on parle d'unités dans le PREC, nous concluons
qu'il s'agit d'unités capitalisables et que nous parlons de la
même chose.
Je suis une enseignante du secteur professionnel et les unités
capitalisables nous apparaissent comme une menace à une véritable
formation large et polyvalente pour les étudiants de ce secteur. Elles
permettent une adéquation entre les besoins de l'entreprise et ce qu'on
appelle encore la formation de niveau collégial. Mais on devrait
peut-être employer le terme "entraînement" plutôt que celui
de "formation" et parler d'entraînement à une fonction
précise de travail.
D'autre part, le ministère entend préparer des programmes
de formation professionnelle à l'avenir. Je me réfère
encore au document l'Élaboration, la révision et la mise à
jour des programmes de formation professionnelle, à la page 31,
où on dit: "La direction concernée ou le groupe ad hoc devra
pousser plus en profondeur l'expertise face à des fonctions de travail
ou à des aspects particuliers et se donnera à cet effet un
comité technique provenant du monde du travail. La méthode
DACUM-DELPHI est recommandée en raison de son efficacité et de sa
rapidité." Et on continue de cette façon. Alors, quand on dit que
dans le PREC il n'y a pas d'unités capitalisables ou d'unités
cumulatives, nous avons de la difficulté à le croire.
Le Président (M. Blouin): M. le ministre.
M. Laurin: M. le Président, ce n'est pas dans le PREC.
Comme je le soupçonnais bien, les remarques de la FNEEQ reprennent les
critiques que la FNEEQ a déjà adressées au programme de
relance de la formation professionnelle. Évidemment, je respecte les
critiques que la FNEEQ a pu faire à cet égard.
Mais comme Mme Desmarais l'a bien dit au début, ce concept
d'unités se situe dans une perspective de reconnaissance des acquis. Je
pense que ce principe de l'instauration d'un modèle de reconnaissance
des acquis fait l'unanimité actuellement. Il faut absolument, à
l'avenir, que nous puissions reconnaître les acquis d'un certain nombre
de clientèles qui veulent retourner aux études après dix
ou quinze ans de vie active, que ce soit au foyer ou ailleurs; il faut le
reconnaître également pour d'autres clientèles, par exemple
les jeunes qui ont décroché durant quelques années et qui
reviennent ensuite compléter leurs études et qui peuvent vouloir
prendre la filière cégépienne. Je pense que
l'adhésion est facile à faire autour du principe de la
nécessité d'un système et d'un modèle de
reconnaissance des acquis.
À partir du moment où on accepte cette idée, cette
nécessité, n'est-il pas normal de penser à un
système qui reconnaîtrait les études déjà
faites sous forme d'unités, quel que soit le nom qu'on leur donne?
Évidemment, nous ne sommes pas encore rendus à
l'élaboration, surtout à la consécration d'un
modèle. Cela devra être fait en concertation et avec toutes les
expertises voulues. Mais je pense que ce principe de la reconnaissance des
acquis et ce principe de la reconnaissance des études déjà
faites sous forme de crédits ou sous forme d'unités est
absolument salutaire, normal, dans la mesure où, justement, on
évite les pièges ou les dangers que Mme Desmarais cite,
c'est-à-dire un danger de trop grande miniaturisation du concept tel
qu'on a pu, peut-être, l'entendre exprimer au cours des récentes
années. Mais, encore une fois, ces remarques, ces critiques
plutôt, s'adressent à une politique de formation professionnelle
qui est encore en voie d'élaboration.
Le Président (M. Blouin): Merci. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, je voudrais vous signaler, tout
d'abord, que je suis un peu embarrassé parce que j'ai constaté
que le ministre a pris à peu près 45 minutes. Je comprends qu'il
n'a peut-être pas abusé dans d'autres cas, mais, si on devait
fonctionner à ce rythme, je pense que vos impatiences antérieures
de la journée perdraient tout leur sens.
Le Président (M. Blouin): Elles sont en train de
revenir.
M. Ryan: Oui. Je ne veux pas faire de grand exposé
à ce moment-ci, sauf pour signaler quelques points, avant d'adresser
quelques questions à la délégation de la FNEEQ.
Il est de bon ton, je pense, que le ministre nie que le gouvernement ait
explicitement décidé de s'orienter dans telle ou telle voie qui
ne serait pas acceptable, par exemple dans une subordination
systématique de l'éducation à l'économie ou encore
dans une diminution des conditions de travail telle que le métier
d'enseignant ne soit pas aussi attrayant qu'il devrait l'être en soi.
Mais je pense que, malgré ces dénégations, on doit noter
qu'il y a eu beaucoup d'avertissements, beaucoup de signaux d'alarme qui ont
été communiqués depuis le début des audiences de la
commission et qui doivent être notés par le gouvernement. Il y a
peut-être quelquefois des conceptions qui ne sont pas encore à
l'état tout à fait explicite, mais qui ont pris de l'importance
dans la façon dont le
gouvernement voit les choses. Il m'arrive de voir, moi-même,
certains documents dont l'inspiration m'étonne, dont l'inspiration
procède parfois de cet économisme, de cette tendance à
tout subordonner à l'économie qui est redoutée comme l'un
des plus dangereux risques de l'orientation que propose le gouvernement. Ne
serait-ce que le fait que ces avertissements ont été
donnés est une invitation à la réflexion pour le
gouvernement qui devrait entraîner, je l'espère, des redressements
salutaires.
Également, il y a une tendance, depuis un an ou deux, à
culpabiliser les milieux de l'éducation pour des maux dont souvent ils
ne sont aucunement responsables ou, à tout le moins, dont ils ne sont
pas les principaux responsables. C'est évident qu'il y a des maux
structurels dans l'économie canadienne et dans l'économie
québécoise qui ne sont pas, d'abord, le fruit du système
d'éducation. Si le gouvernement fédéral a
décidé de bâtir l'aéroport de Mirabel, c'est
sûrement en relation avec la formation qu'ont reçue ceux qui l'ont
décidé, mais mettre en cause le système d'éducation
à cause de cela serait absolument farfelu. On pourrait citer des
exemples très nombreux de décisions sottes qui ont
été prises à la fois par des gouvernants et par des
dirigeants de l'entreprise privée, qui n'avaient aucune bonne
justification économique et qui mettent en cause le jugement des
personnes qui les ont prises, mais pas le système d'enseignement en
soi.
Je pense que c'est une chose importante à rappeler à ce
moment-ci parce qu'il me semble que c'est une caractéristique d'une
société libérale, une conception que j'ai toujours
défendue, que l'éducation poursuit ses fins propres dont
certaines doivent s'harmoniser avec celles de l'économie et d'autres
transcendent les réalités et les besoins de l'économie. Il
faut assurer cette primauté des fins qui vont au-delà des besoins
de l'économie. On prétend le faire dans le programme actuel, mais
il y a des objections sérieuses qui sont soulevées par plusieurs
milieux et je veux croire que le gouvernement y sera plus attentif qu'il ne l'a
été dans la préparation de ce projet, au moins de certains
éléments du projet.
Je rappelle qu'il y a une tendance pas seulement du côté du
gouvernement, mais dans bien des milieux à identifier l'institution avec
l'autorité, dans le cas des cégeps, à identifier
l'institution avec le CA, le conseil d'administration et les directions
supérieures. Je pense que c'est une confusion qu'il faut éviter.
Le cégep, le ministre lui-même dans ses plus beaux discours le
dirait éloquemment, est une communauté où tous les
éléments ont une place irremplaçable et où
l'élément le plus important, à mon humble point de vue, je
l'ai dit plus tôt cet après-midi, après l'étudiant,
c'est l'enseignant.
Au point de vue d'atteinte au sens de la dignité de l'enseignant,
au sens de sa responsabilité professionnelle, les décrets ont
été un coup très sérieux. Dans le PREC, il y a
certains éléments qu'il faut examiner de près.
Tantôt - je ne me souviens pas laquelle des représentantes
à la table - je pense que Mme Achard en a signalé quelques
exemples. Il est évident que, si toute la responsabilité de
l'évaluation s'en va du côté du conseil d'administration et
des directions supérieures, là il y a un changement de cas
très important. Jusqu'à maintenant, l'évaluation s'est
faite sous la responsabilité principale des professeurs et des
départements. Il y a des choses à regarder de près. Je ne
sais trop. Il faudra, peut-être, revoir l'article qui traite de
l'évaluation, qui dit: L'institution doit se doter d'une politique
institutionnelle." Le ministre me dira: Ils pourront mettre les enseignants
dans le coup. Les étudiants et les étudiantes - on n'en a pas
parlé beaucoup jusqu'à maintenant - ont, je pense, leur mot
à dire aussi. Il me semble que ces choses vont mieux quand elles sont
dites, surtout avec le gouvernement qui a été l'auteur des
décrets.
Maintenant, j'en viens à quelques questions. Le point le plus
important dans le mémoire qui nous a été soumis, pour moi,
c'est la distinction faite entre la formation initiale et la formation
récurrente. Vous insistez pour qu'on maintienne cette distinction non
seulement au niveau des concepts mais au niveau des structures
également. J'aimerais que vous nous expliquiez un peu comment vous voyez
cela, comment vous voyez l'organisation idéale de ce côté.
Est-ce qu'il y a des problèmes qui doivent être corrigés
actuellement? Quelles sont les faiblesses du PREC à ce sujet? Si vous
pouviez nous communiquer vos idées à ce point de vue, ce serait
très important. (21 heures)
Le Président (M. Blouin): Mme Desmarais. Non?
Mme Desmarais: Oui. Le problème de la formation initiale
par rapport à la formation récurrente, c'est un problème
majeur dans le secteur professionnel. Comme nous le disons dans notre
mémoire, il est évident que les travailleurs et les travailleuses
devront à l'avenir se recycler plusieurs fois. Nous prétendons
que ce recyclage doit toujours s'appuyer sur une formation de base large et
polyvalente. Si on compare le PREC avec le régime pédagogique
actuel dans le secteur professionnel, au niveau de la formation large et
polyvalente, nous sommes en perte de vitesse. Si, par exemple, on transforme
non seulement un DEC en CEC, mais qu'il y a certaines modifications au niveau
du DEC; si, par exemple, on regarde la question des
cours complémentaires qui pourront désormais être
choisis à l'intérieur de la concentration et de la
spécialisation, donc qui deviendront, à toutes fins utiles,
quelque chose d'autre que ce qu'ils étaient, plus axés sur la
spécialisation, même à l'intérieur du secteur
professionnel; si on regarde les 40% de cours qui pourront être choisis
par le collège, donc directement adaptés aux besoins de
l'entreprise; si, par exemple, on considère le CEC, il y a une perte
évidente pour les étudiants du secteur professionnel.
Nous ne faisons pas la même analyse que le ministère de
l'Éducation et nous croyons qu'une grande partie des étudiants
qui s'inscriront au CEC viendront de la clientèle qui se destinait au
DEC antérieurement. Nous ne sommes pas d'accord pour dire que la
clientèle du CEC sera une nouvelle clientèle. Les
étudiants qui s'inscriront au CEC seront privés de deux cours de
français et peut-être de tous les cours de philosophie; ils seront
privés de deux cours complémentaires et les deux qui resteront
pourront être pris à l'intérieur de la
spécialisation. Ils seront privés de tous les cours
d'éducation physique. Le ministère nous présente le CEC
actuel comme étant un CEC enrichi par rapport au CEC qui existe à
l'éducation des adultes. Nous disons, quant à nous, que c'est un
DEC appauvri. Il y a donc une perte à ce niveau.
Quand on considère les AEC, il y a, évidemment, une perte
au niveau de la formation large et polyvalente. Alors, nous sommes
obligés d'arriver à la conclusion que, pour le ministère,
la formation large et polyvalente a été acquise à la fin
du secondaire V pour les étudiants du secteur professionnel qui sont au
niveau collégial. Nous ne sommes pas d'accord avec cette prise de
position. Nous considérons que la formation générale de
niveau collégial - nous nous en tenons encore à la formation
générale et nous avons des restrictions très importantes
à faire au niveau de la conception même de la formation
fondamentale - a été transformée en une formation pointue.
Quand on regarde la façon dont les programmes seront
préparés dans l'avenir, quand on dit que la formation
fondamentale pourrait aussi bien être acquise dans les fondements de la
discipline elle-même, les cours qui resteront au secteur professionnel,
devenant de plus en plus pointus, s'éloigneront même du concept de
formation fondamentale.
Donc, le concept de formation récurrente est très
intéressant en soi. Il est très intéressant qu'un
travailleur ne soit pas mis de côté parce qu'il n'a plus
supposément les qualifications requises en raison de changements qui
sont intervenus dans la société. Nous disons que cette formation
récurrente doit toujours s'appuyer sur une formation de base large et
polyvalente. À l'heure actuelle, nous disons que, pour le niveau
collégial, nous sommes en perte de vitesse à ce
niveau-là.
Le Président (M. Blouin): Merci. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Est-ce que je dois comprendre que votre position est que
la formation initiale ne doit pas faire l'objet de compromis, qu'elle doit
viser à conduire au DEC, qu'ensuite, en ce qui regarde la formation
récurrente, vous voyez de la place pour beaucoup plus de souplesse?
Est-ce que je comprends bien?
Mme Desmarais: Nous reconnaissons que les CEC qui existent
à l'éducation des adultes actuellement ne comprennent pas la
partie de formation générale qui est fournie par le DEC, mais
nous reconnaissons que l'expérience de vie des adultes peut justifier ce
choix. Mais pour les jeunes, nous voyons le problème d'une façon
totalement différente.
M. Ryan: Dois-je comprendre que la formation récurrente
est un concept qui s'applique à des personnes qui ont laissé les
études, qui sont allées sur le marché du travail pendant
un certain temps, dans votre concept?
Mme Desmarais: C'est-à-dire que, d'après le concept
qui nous a été fourni -nous ne l'avons pas inventé, ce
concept, non plus - finalement, la formation récurrente, c'est dans
l'optique de la formation permanente. Il va être difficile
d'échapper à cela à l'avenir.
Le Président (M. Blouin): M. Ryan.
M. Ryan: Vous dites dans votre mémoire que le gouvernement
fédéral, avec l'entente Axworthy-Marois, impose sa domination au
gouvernement du Québec, impose ses priorités et que, si le projet
de règlement devait être mis en vigueur dans sa forme actuelle,
cela pourrait risquer d'élargir encore les conséquences de cela.
Pourriez-vous nous expliquer cette conception que vous présentez dans
votre mémoire? C'est à la page 16. Comment cela se
présente-t-il réellement? De quelle manière pouvez-vous
affirmer que les dégâts risquent d'être plus grands encore
de la manière dont le gouvernement présente son projet de
règlement?
Le Président (M. Blouin): M. Campeau.
M. Campeau: Quand l'entente Canada-Québec a
été signée le 17 octobre 1982, il n'y a pas eu beaucoup de
publicité autour de cela, mais dans le journal Le Travail il y a
eu un petit article où le ministre Marois disait que
c'était une très bonne entente. On a fouillé la question,
on a sorti l'entente Canada-Québec et on a fait une comparaison avec
l'entente qui existait auparavant. On s'est aperçu qu'effectivement sur
ce point ce qui était de plus en plus clair, c'est que le Québec
s'enlignait sur la stratégie du gouvernement fédéral pour
reconnaître, d'une part, qu'il va falloir que le Québec se dote de
nouvelles compétences et acceptait d'une façon assez claire les
priorités et la démarche du gouvernement
fédéral.
Le deuxième point qui était aussi très clair, c'est
un ajustement en fonction du marché avec deux éléments
précis, c'est-à-dire un système de prévision des
professions pour l'avenir. C'est toujours basé sur des statistiques et
on sait qu'on peut se tromper dans ces prévisions. Le deuxième
élément, c'est une caisse d'accroissement des compétences.
Le gouvernement fédéral délimite cette caisse. On en a mis
un exemple au niveau de l'annexe 2 où on voit l'ensemble des
métiers qui ont été désignés comme
étant de priorité nationale. Il y a un comité mixte
Canada-Québec qui a été formé. Auparavant, ce
comité fonctionnait au niveau d'une certaine coordination. Ce qu'on peut
retenir, c'est qu'auparavant le Québec avait, dans l'ensemble des
éléments, presque toujours le dernier mot, alors que maintenant
c'est par consensus qu'il fonctionne. S'il n'y a pas de consensus, ce qu'on en
a lu, c'est que le gouvernement fédéral se gardait le droit de
veto et, à ce moment, se gardait le droit de conserver l'argent en
question. En tout cas, on a quelques éléments.
Ce qui a été noté aussi, mais cela n'est pas sorti
énormément dans les journaux, c'est que la commission Jean avait
dénoncé cette entente. Ce qu'elle disait, c'est que cela ne
correspondait pas aux besoins de formation des adultes, que c'était
très clair que ce qu'on voulait, c'était former une main-d'oeuvre
hautement qualifiée pour l'entreprise compétitive reliée
aux technologies de pointe, mais qu'on délaissait, par exemple, au
Québec entre 300 000 et 500 000 analphabètes fonctionnels.
Là-dessus, il n'y avait pas de priorités de la part du
gouvernement québécois, il n'y avait pas de support. On sait
qu'il y a des organismes populaires dans les quartiers, à
Montréal entre autres, dont les budgets ont été
coupés et qui travaillent sur ce dossier.
Il y a des éléments très précis comme la
formation en établissement, la formation en entreprise. À la
formation en établissement, il y a un plan annuel de formation et, dans
l'ancienne entente, le Québec déterminait qui avait accès
à la formation en établissement selon les aspirations des gens.
Maintenant, c'est le centre d'emploi du Canada qui détermine
l'accessibilité à ces programmes.
Ce qui est très clair également, c'est que le
comité conjoint ou le comité mixte peut transférer les
crédits de la formation en établissement à la formation en
entreprise de l'un à l'autre. Je ne sais pas si cela répond
à votre question.
Tout cela pour dire qu'un des liens qu'on a faits avec le PREC, c'est
que, dans l'entente Canada-Québec, un adulte, c'est quelqu'un qui a 16
ans, qui est allé sur le marché du travail un an et qui revient.
Si le gouvernement du Québec abolit cette distinction,
l'hypothèse qu'on fait - dans le mémoire de la CSN, ils l'avaient
faite sous forme de question - c'est: Qui va payer pour les jeunes au niveau de
la formation professionnelle? Est-ce que ce sera maintenant le gouvernement
fédéral ou si ce sera le gouvernement du Québec?
Seulement un autre point aussi. Dans la nouvelle entente, le
gouvernement fédéral demande qu'il y ait une révision des
programmes. On sait que le MEQ - en tout cas, j'ai un document ici -
effectivement revoit l'ensemble des programmes, mais, pour nous, ce qui est
très clair, c'est que cela va aller dans le sens des priorités du
gouvernement fédéral.
On a reçu un document du cégep de Saint-Laurent où
on demande une technique, c'est-à-dire que le département de
mécanique s'oriente en fonction de la CAO-FAO, conception
assistée par ordinateur, fabrication assistée par ordinateur. Ce
qu'on sait dans ce document, c'est que c'est le gouvernement
fédéral qui va payer toute la quincaillerie au département
en question.
M. Ryan: Merci. M. le Président, j'avais plusieurs autres
questions, mais, malheureusement, le temps court et je voudrais laisser un peu
de temps à mes collègues qui sont ici aussi. Par
conséquent, je vais m'excuser de ne pas poser ces questions. Je
trouverai le moyen de vous les poser autrement.
Le Président (M. Blouin): Très bien. M. le
député de Fabre.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je voudrais
parler un peu de la question de l'autonomie des professeurs. Vous abordez cette
question, entre autres, à la page 57. Vous avez dit aussi à
quelques reprises que le PREC limiterait l'autonomie du professeur. Vous
mentionnez, entre autres, la question des plans de cours, de
l'évaluation de la note finale. Vous dites aussi que cela va limiter les
possibilités des professeurs dans leur intervention au niveau des
méthodes pédagogiques. J'aimerais que vous explicitiez un peu ce
point de vue parce qu'il m'apparaît que le PREC introduit quand
même certaines souplesses au niveau de la gestion pédagogique par
rapport au
régime qu'on connaît actuellement.
Par exemple, à l'article 20 du régime actuel, il est
mentionné explicitement toute une procédure au niveau du plan de
cours. On précise la responsabilité du directeur des services
pédagogiques qui a la responsabilité de faire établir par
les professeurs un plan d'études détaillé pour chaque
cours et on dit même ce que le plan de cours doit contenir. Au niveau de
l'évaluation, on dit même que - dans l'article 23 du régime
actuel - chaque cours comprend un examen final administré sous la
responsabilité du ministère de l'Éducation. Article 26:
"Le ministère de l'Éducation se réserve le droit de
vérifier les plans d'études." Cela va très loin. C'est le
ministère qui peut, selon le régime actuel, vous demander les
plans de cours, les moyens de contrôle, les questionnaires d'examens, la
correction des copies d'examens. Cela va très loin. Cela ne se fait pas
et je ne pense pas que ce soit fait, mais, tout de même, c'est à
l'article 26. (21 h 15)
À l'article 27, le ministère de l'Éducation pourra,
à l'occasion, utiliser lui-même les moyens qu'il jugera utiles
à l'évaluation de l'enseignement donné dans les
collèges. À ce niveau-là, si le ministère le
voulait, dans le régime actuel, il pourrait exercer une autorité
qui contraindrait beaucoup, en tout cas qui limiterait beaucoup l'autonomie des
professeurs. Dans le PREC, on remet beaucoup de ces responsabilités aux
collèges. Cela veut dire essentiellement... Il est sûr que
l'autorité revient au conseil d'administration. Qu'est-ce que vous
craignez au juste? Qu'est-ce qui peut limiter, du fait que le conseil
d'administration va assumer certaines responsabilités qui étaient
jusque-là assumées par le ministère, vu aussi qu'il y a
une commission pédagogique où les professeurs sont tout de
même majoritaires qui devrait, il me semble, fonctionner dans les
collèges et qui a quand même un rôle essentiel à
jouer à ce niveau.
Quant à l'évaluation, il me semble qu'il n'y a pas de
politique d'évaluation. Je pense que vous le savez, aucune politique ne
peut être établie sans la participation des professeurs. Je vois
mal comment un conseil d'administration pourrait décréter que
l'évaluation va se passer de telle ou telle façon
vis-à-vis des professeurs. Il me semble qu'il y a des garanties dans le
fonctionnement des cégeps qui nous permettraient de dire que l'autonomie
des professeurs va quand même demeurer ce qu'elle est actuellement et,
dans certains cas, même s'améliorer vu que les professeurs
pourraient participer à la gestion pédagogique d'une façon
beaucoup plus grande. Je voudrais vous entendre réagir à
cela.
Le Président (M. Blouin): Quelle est votre question
précise, M. le député de
Fabre?
M. Leduc (Fabre): M. le Président, je pourrais en inventer
une. Je voudrais les entendre...
Le Président (M. Blouin): Je me permets d'insister parce
que, si on part avec un pareil éventail de sujets, on en a
jusqu'à minuit.
M. Leduc (Fabre): Ma question touche l'autonomie des professeurs.
Je voudrais savoir en quoi le PREC va limiter leur autonomie, comme on le
souligne dans le mémoire.
Le Président (M. Blouin): En quoi le PREC limiterait-il
votre autonomie?
Mme Achard: J'ai de la misère à entendre M. Leduc
parler comme cela. Je connais M. Leduc et je sais qu'il a été
lui-même enseignant dans un cégep. J'ai de la misère
à croire qu'il a une version aussi idyllique de ce qui se passe dans les
cégeps. Dans mon cégep, en tout cas, au conseil d'administration,
quand on envoie un avis de la commission pédagogique, j'ai
déjà été là, j'étais obligée
de lever la main et dire: Écoutez, la CP s'est penchée sur cette
question. Justement en 1980, sur le PREC, le CA ne voulait rien savoir de la
commission pédagogique. J'ai été obligée d'insister
pour donner... Mon DSP n'a même pas apporté l'avis de la
commission pédagogique sur le PREC. C'est un exemple de ce qui peut se
passer au CA par rapport à la commission pédagogique.
Sur la question de l'évaluation, vraiment, je ne sais pas comment
vous pouvez concevoir que le CA ne peut nous imposer quelque chose. Le CA va
nous imposer des choses. Le collège, c'est notre patron. Il est
là et, si on ne fait pas ce qu'il nous dit, il sévit. Même
si c'est une politique qui ne nous plaît pas, à laquelle on
n'adhère pas car on ne trouve pas qu'elle est conforme à ce qu'on
veut faire comme enseignants et enseignantes, il va nous l'imposer. Le
deuxième avis du Conseil des collèges vise à nous obliger
à faire cela. On nous dit: Si vous ne faites pas votre politique
institutionnelle d'évaluation, on va vous désaccréditer.
C'est quasiment une chose comme cela.
Le consensus et la participation des enseignants dans les cégeps
après un décret, ne nous en parlez pas trop. Au niveau des plans
de cours, je ne dois pas avoir le même régime pédagogique
que vous. Pourtant, on a pris celui de 1983-1984 et ce n'est pas le DSP qui
demande le plan de cours, mais le ministre de l'Éducation qui se
réserve le droit de vérifier les plans de cours, lesmoyens de contrôle des cours, les
questionnaires d'examens, la correction des copies d'examens et les
autres travaux. Vous savez, M. Leduc, cela ne s'est presque jamais fait. Cela
s'est peut-être fait à Limoilou une fois. C'est à peu
près cela. Pour que le ministre vienne voir dans chacun des
départements ce qui se passe, je pense qu'il va y avoir un laps de temps
très important qu'on aime bien en termes d'autonomie.
Ce que le PREC dit en ce moment, c'est que le plan
détaillé des cours contient les objectifs du cours, le contenu,
les indications méthodologiques, une médiagraphie, les
modalités de participation aux cours et les modalités
d'évaluation des apprentissages. Ce plan est distribué aux
élèves au début de chaque année, à chaque
session. Le collège a la responsabilité de faire établir
cette chose par chaque professeur. Le plan doit être conforme au
plan-cadre d'études. Ce sont tous des éléments nouveaux
qui n'étaient... Peut-être que je n'ai pas la même chose que
vous; on a regardé dans les cahiers d'enseignement collégial
version 1983-1984 pour la version du régime et ce n'était pas le
DSP qui avait cela.
Actuellement, c'est un régime pédagogique; ce n'est pas un
règlement. Je ne sais pas comment, légalement, le ministre peut
obliger les collèges à se soumettre. Il y a sans doute des
mesures morales et financières, mais j'ai de la difficulté
à voir les autres mesures.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Achard. Mme la
députée de L'Acadie. Est-ce que ça va, M. le
député de Fabre?
M. Leduc (Fabre): Vous nous limitez tellement, M. le
Président, que je suis gêné de continuer. Je veux
simplement dire que, pour ce qui est du travail de l'élève,
à l'article 20, c'est bel et bien ce que j'ai. On n'a peut-être
pas le même régime, mais c'est une photocopie du régime,
article 20; ce n'est pas le ministre, c'est chaque directeur des services
pédagogiques qui a la responsabilité de faire établir un
plan d'études détaillé par les professeurs. On donne
même exactement ce que doit contenir le plan d'études; cela
revient à peu près à ce qu'il y a dans le PREC.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Fabre. Je vous signale que loin de moi l'idée de
vous limiter; je dois cependant tenir compte que nous avons deux autres groupes
à entendre ce soir et, dans la mesure du possible, j'essaie de faire en
sorte que les questions soient claires et les réponses claires et
brèves aussi.
Mme la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, pour ne pas subir vos
foudres, mes deux premières remarques ne nécessiteront pas de
commentaires de votre part; elles sont adressées au ministre.
Après quoi, j'aurai une question.
J'entendais au début le ministre qui expliquait, en
réaction à la présentation du mémoire dont je veux
souligner la qualité et que j'ai trouvé très
intéressant, que le gouvernement avait été coincé
financièrement. Là-dessus, je ne veux pas me chicaner; on
pourrait faire la genèse de ce pourquoi le gouvernement s'est
trouvé coincé financièrement, mais je laisse cela de
côté. Il y a une chose à laquelle les enseignants ont
réagi et réagissent encore, je pense, c'est la façon dont
ils ont été traités. Je ne sais pas si le ministre - s'il
trouve un moment de loisir, car je sais qu'il travaille très fort - a le
temps de regarder les bobines et la publicité qui avaient
été faites au moment des négociations. Elles
étaient très tendancieuses; j'ai même été
étonnée que les enseignants ne réagissent pas plus fort
qu'ils ne l'ont fait. Si vous relisez attentivement certaines publicités
qui avaient été faites à la télévision ou
à la radio... Je m'arrête là.
Une dernière remarque pour le ministre. Vous avez parlé
de...
Le Président (M. Blouin): J'imagine que votre
troisième remarque touche le régime pédagogique de
l'enseignement collégial également.
Mme Lavoie-Roux: Pas encore. La troisième remarque est
encore pour le ministre, mais vous êtes en train de me la faire perdre.
C'est sur l'orientation des filles vers les carrières qu'on dit
traditionnelement masculines. Le ministre nous a dit: Nous avons
hérité... Évidemment, il y a un héritage, mais...
Je voudrais simplement faire remarquer au ministre que son gouvernement est
dans sa huitième année maintenant et que bientôt il y aura
une décennie qu'il est au pouvoir. Une décennie, c'est long dans
une vie. Je pense que c'est un vieux réflexe dont on n'arrive pas
à se défaire.
Cela étant dit, j'avais une question sur les orientations vers
les carrières masculines. Je la laisse tomber.
Une voix: C'est dommage. Mme Lavoie-Roux: Pardon?
Une voix:Allez-y.
Mme Lavoie-Roux: Non, cela prendrait trop de temps et il faut que
nous ayons fini dans quelques minutes et j'ai promis une question courte. Vous
avez développé passablement d'arguments quant à la
subordination ou aux dangers de subordination
de l'éducation à l'entreprise. Je simplifie parce qu'on
n'a pas le temps. J'aimerais que vous me disiez comment vous voyez la
concertation ou les relations qui doivent exister entre le collégial et
l'entreprise. Il faut quand même réaliser qu'en fin de compte - et
je suis d'accord sur la nécessité de la formation fondamentale -
il faut établir des ponts parce que vos étudiants, que ce soit
à la sortie du collège ou que ce soit à la sortie de
l'université, vont devoir se trouver sur le marché du travail. On
ne peut pas en faire abstraction complètement. Comment voyez-vous
l'articulation ou la concertation entre le cégep et l'entreprise?
Le Président (M. Blouin): Oui.
Mme Desmarais: Comme je l'ai déjà mentionné,
je suis une enseignante du secteur professionnel. Donc, je suis dans un
domaine, en technique de diététique, où justement nous
avons affaire à ce qu'on appelle communément la PME, aux
entreprises particulièrement dans le domaine de l'agro-alimentaire. Nous
avons aussi affaire à l'Etat comme employeur, mais c'est un autre
problème.
Nous n'avons jamais dit, à la FNEEQ, que tout le monde devrait
passer par la filière générale. Par exemple, on n'a jamais
valorisé les savoirs d'autant plus qu'ils étaient non
utilitaires. On reconnaît que, dans le secteur professionnel, on
prépare les étudiants pour le marché du travail. Il y a
différentes façons de préparer un étudiant pour le
marché du travail. Il est évident que nous
dénonçons le fait qu'un étudiant soit
préparé d'une façon très pointue pour le
marché du travail dans le genre qu'une entreprise donne une commande de
tel genre d'étudiants pour qu'ils soient déjà
entraînés, prêts à commencer le premier jour,
à travailler sans entraînement. Quand l'entreprise donne une
commande au cégep, elle n'est jamais obligée d'engager les
étudiants formés. Elle peut en faire former cent pour en engager
un ou pour ne pas en engager du tout. C'est qu'au Québec l'entreprise
n'est absolument pas responsabilisée dans ce sens.
Donc, nous pensons que ce n'est pas un service que de donner une
formation pointue aux étudiants. Quelle est la différence entre
la formation pointue et la formation professionnelle plus large? On pourrait en
débattre très longtemps, mais il est évident pour nous...
D'ailleurs, à la CSN, on a toujours distingué la
différence entre formation et entraînement. Un entraînement
à une fonction de travail précise, ce n'est pas de la formation,
cela ne relève pas de l'école.
Que, par exemple, Bell Canada entraîne ses employés
à une fonction de travail précise à ses frais, cela est
parfait, mais l'étudiant doit avoir pour lui-même - si on part des
besoins de l'étudiant plutôt que des besoins de l'entreprise - son
bagage, c'est-à-dire une formation large et polyvalente. Il y a des
ajustements qui ont été faits. Avec le régime
pédagogique actuel, il y a eu des modifications très importantes
qui ont été apportées à des programmes du secteur
professionnel dont le programme où j'enseigne en particulier, la
diététique; on le souligne d'ailleurs dans notre mémoire.
C'est un programme qui, au départ, formait plutôt des gens qui
travailleraient dans les hôpitaux en diététique,
c'est-à-dire en diétothérapie ou en gestion de services
alimentaires. Le gouvernement, par ses restrictions budgétaires, a
coupé les postes dans les hôpitaux. Il nous a dit, à un
moment donné: Est-ce que vous avez encore une raison d'exister?
C'était lui l'employeur de nos finissants, il pouvait dire qu'il n'en
emploierait plus.
À ce moment, le programme a été revu et on s'est
orienté vers de nouveaux débouchés à
l'intérieur du régime pédagogique actuel. On a
décidé de s'orienter vers l'agro-alimentaire, vers l'inspection
des aliments, vers de nouveaux débouchés pour les
étudiants. On n'a pas fait abstraction du marché du travail, sauf
que l'étudiant qui est formé au niveau collégial continue
à être polyvalent. On refusera toujours, par exemple, de remplir
une commande pour telle entreprise régionale parce que nous n'aurons
jamais de garantie que cette entreprise régionale embauchera le
finissant en question.
Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse de vous interrompre, je pense que je
vous suis assez bien. Ce que je comprends ou ce que je dois comprendre, c'est
que vos appréhensions sont davantage vis-à-vis de la formation
que propose le certificat qui, lui, s'orienterait immédiatement vers une
spécialité plutôt que vers l'enseignement professionnel tel
qu'il existe actuellement au collège. (21 h 30)
Mme Desmarais: II y a plusieurs autres mesures qui vont dans le
même sens comme, par exemple, le bloc de cours qui est
déterminé par le collège, le choix des cours
complémentaires dans la spécialisation, l'AEC. Ce sont toutes des
mesures qui vont dans ce sens. Ce n'est pas un service à rendre à
l'étudiant. Par exemple, j'assistais dernièrement à un
colloque sur l'agro-alimentaire où on disait: C'est épouvantable,
au Québec, les employeurs n'ont pas le choix. On donnait comme exemple
qu'en sciences et technologie des aliments au premier cycle, l'employeur n'a le
choix qu'entre deux ou trois diplômés. C'est épouvantable!
II devrait avoir le choix entre 100, 200 et 300. Autrement dit, tout est
pensé en fonction de l'employeur.
II y a un autre problème que je voudrais souligner à
propos du secteur professionnel au collégial. C'est qu'avec toute la
question de la régionalisation des options, de la carte nationale etc.,
on se donne des moyens de fermer des options si les finissants ne
débouchent pas sur des emplois. Je m'étonne que cette logique
soit appliquée au secteur professionnel au niveau collégial,
alors que, dans les universités, on forme plein de gens qui ne
travaillent pas plus à la fin de leurs études. Si vous prenez la
faculté d'éducation, personne ne travaille plus.
Le Président (M. Blouin): Est-ce que cela va? M. Jones,
vous avez un commentaire à rajouter?
M. Jones (Paul): Je suis à me demander... C'est la mode
aujourd'hui de demander comment les écoles peuvent servir les
entreprises, quel doit être le lien entre l'école et les
entreprises? Je vois cela comme une espèce de "deal". La FNEEQ est
prête à considérer les besoins des entreprises en termes de
nos projets d'école, c'est-à-dire qu'à l'école on
enseigne aux étudiants à avoir une sécurité de vie.
On dit que c'est quelque chose qui est fondamental pour la condition humaine et
que cela doit être respecté. Il faut avoir une
sécurité de revenu, par exemple. Il faut être capable de
travailler dans une situation qui est sécuritaire pour la santé
du travailleur et de la travailleuse. On dit qu'il faut respecter -et nous la
respectons, comme enseignants -la capacité créatrice de chacun
des élèves à qui on enseigne. Du moment que les
entreprises sont prêtes à donner du travail qui va dans un tel
sens, on est prêt à faire le "deal": on va les écouter afin
de voir quels sont leurs besoins, mais en même temps il faut s'assurer
qu'elles donnent cela à nos élèves quand ils deviendront
travailleurs et travailleuses.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Jones. M. le
député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Je voudrais
essayer de reposer en termes plus particuliers la question que Mme la
députée de L'Acadie vous a posée en termes assez
généraux.
Il y a une usine d'hélicoptères qui doit être
implantée à Mirabel; c'est une implantation industrielle
très considérable. À votre avis, quelles en sont les
implications pour les deux cégeps les plus rapprochés de cette
implantation industrielle, le cégep Saint-Jérôme et le
cégep Lionel-Groulx?
Mme Desmarais: Quelles sont les implications?
M. de Bellefeuille: Oui, pour ces deux cégeps.
Mme Desmarais: Ce n'est pas à moi de répondre
à cette question dans le sens des implications. Est-ce que vous voulez
dire: ce que devrait faire le cégep face à cela?
M. de Bellefeuille: Oui.
Le Président (M. Blouin): M. Campeau, peut-être
désirez-vous répondre.
M. Campeau: Si on prend l'hypothèse du PREC, est-ce que
c'est cela que vous voulez dire? Si le PREC est impliqué?
M. de Bellefeuille: Non. Nous débattons la question de
savoir dans quelle mesure le réseau d'enseignement doit s'aligner sur
les besoins des employeurs. Les réponses sont un peu équivoques.
Ce n'est pas à vous que je dis cela particulièrment; l'ensemble
des réponses à cette question ou à toutes ces questions
donne un tout un peu équivoque que j'aimerais clarifier. Il y a un cas
concret et particulier. Il y a cette grande implantation industrielle. Est-ce
que ces deux cégeps doivent se mettre à vouloir ajouter au
programme d'enseignement des cours alignés sur les besoins de cette
entreprise? Et quel genre de cours? C'est cela que je demande.
Le Président (M. Blouin): M. Campeau.
M. Campeau: Ce serait plus au gouvernement de répondre
à cette question. Ce que nous pouvons dire par rapport à ce que
nous entendons quotidiennement, c'est qu'on dit que la PME est faible au
Québec, que toute la formation va essayer de donner un coup de pouce
à la PME. C'est ce qu'on entend. Bell Helicopter c'est une grande
compagnie comme GM et Bombardier; ce n'est pas une PME
québécoise. Est-ce que le cégep doit s'inscrire dans la
stratégie d'une société géante qui vient
s'implanter au Québec et essayer de fournir une main-d'oeuvre que
j'appellerais presque captive pour Bell Helicopter? C'est une question qu'on se
pose, nous aussi. J'ai des interrogations par rapport à cela. Si,
d'autre part, vous nous dites qu'il y a des départements de technique,
de mécanique, de CAO-FAO dans ces deux cégeps, quel serait le
rapport entre ces deux cégeps et Bell Helicopter, je pense qu'il
pourrait y avoir des liens qui n'ont pas besoin d'être
institutionnalisés, structurés, dans toute une hiérarchie.
C'est un peu cela qu'on dit dans le document. Tout cela, c'est une question de
mentalité. La circulation d'un savoir technique de l'école
à l'entreprise est nécessaire. On pense aussi à la FNEEQ
qu'elle est nécessaire. On ne dit pas qu'il ne
doit pas y avoir de circulation du savoir technique. Les enseignants
font du travail dans les départements. Ce savoir, ils l'utilisent
quotidiennement avec les étudiants. Ce serait important qu'il circule,
qu'il soit utilisé aussi en fonction des entreprises. Mais ce qu'on
voit, l'orientation du gouvernement, c'est de prendre une structure juridique,
administrative, de la plaquer et de dire: Vous n'avez pas cette
mentalité; nous, on va vous donner cette mentalité. C'est pour
cela qu'on appelle cela aussi un tournant un peu volontariste.
Je rappellerais que, lors de la première révolution
industrielle en Angleterre, il n'y avait pas de comité
école-travail. D'ailleurs, en Angleterre, dans le système
d'enseignement, il n'y avait pas non plus d'écoles techniques;
c'était en France et en Allemagne. Ce qu'il est important de voir, c'est
que c'est en Angleterre que la révolution industrielle s'est faite et
qu'il y avait des collaborations entre l'école et l'entreprise. C'est
une mentalié qui existait. Et je pense que ce que le gouvernement essaie
de faire - il peut avoir des objectifs louables - c'est de mettre en place une
série de structures et de dire aux enseignants, et je dirais même
aux entrepreneurs: Vous n'avez pas cette mentalité de concertation.
Nous, on va vous mettre ensemble dans des structures. Vous allez vous parler
et, à un moment donné, on est sûr qu'une nouvelle
mentalité va surgir. Il y a des relais intermédiaires, ou des
situations intermédiaires qui ne sont pas structurables dans les faits,
dans des organigrammes et qui pourraient permettre cette collaboration, je
pense.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Campeau. Cela va? M.
Jones.
M. Jones: Je veux ajouter encore, au sujet des deux
collèges mentionnés, qu'il faut s'assurer que chaque
étudiant qui va éventuellement travailler dans ces usines soit
informé sur ses droits au travail, l'accès à la
syndicalisation dans l'usine éventuellement, ses droits en termes de
santé au travail. Je considère que c'est aussi la
responsabilité des deux collèges dans la région.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Jones. Oui,
rapidement, Mme Pellerin.
Mme Pellerin: Avant de terminer, parce que je sens que la fin
approche, j'aurais deux remarques à faire...
Le Président (M. Blouin): Est-ce sur le même
sujet...
Mme Pellerin: Non.
Le Président (M. Blouin): ...parce que
M. le député d'Argenteuil avait encore une dernière
question à adresser à M. Jones.
Mme Pellerin: C'est seulement avant de terminer.
M. Ryan: Une question très brève, M. Jones. Je
voudrais que vous nous disiez un mot sur le cours des "humanities". Je ne
voudrais pas que vous soyez passé ici sans qu'on ait au moins
exprimé un intérêt pour cette partie de votre
mémoire. On a déjà entendu des arguments en faveur du
maintien du statu quo pour les cours de philosophie d'un des cégeps
francophones. J'aimerais que vous nous expliquiez un peu pourquoi vous tenez
à garder les huit crédits pour les "humanities" au lieu de six,
comme en propose le PREC.
M. Jones: Premièrement, je voudrais faire remarquer que
les professeurs d'humanités n'ont pas été invités
par la commission parlementaire pour faire une présentation. Si les
députés pensent qu'un cours d'humanités est important pour
l'avenir, je pense qu'ils auraient pu, au minimum, inviter des
représentants. Vous avez fait le choix d'inviter les professeurs de
philosophie. Je pense que c'est une omission importante de ne pas les avoir
invités. C'est le premier point.
Dans le secteur anglophone, on a fait un choix il y a dix ans. Ce choix
était de faire une partie de la formation de base, la formation
générale qui s'appelle "humanities". Dans le secteur anglophone,
les étudiants ont un choix pour leur quatre cours obligatoires entre la
philosophie et les humanités. Ils font un choix. Dans le vécu,
dans le secteur anglophone, le choix de 90% d'étudiants va vers les
cours d'humanités. Cela reflète peut-être une
différence d'analyse historique du secteur anglophone vis-à-vis
du secteur francophone, je ne veux pas entrer dans le débat entre les
deux choix. Je peux dire que l'orientation des cours d'humanités, c'est
essentiel. Moi, je suis un professeur d'humanités. J'ai oublié de
mentionner cela au début. C'est peut-être simpliste, mais je peux
vous dire que l'idée des humanités, au fond, c'est de
défoncer les contraintes que les disciplines régulières
imposent sur notre façon de comprendre la réalité. C'est
simpliste, mais quelle est la définition d'une rose? Une rose, ce n'est
pas la rose d'un biologiste, ce n'est pas la rose d'un philosophe, ce n'est pas
la rose d'un poète, ce n'est pas la rose d'un historien vis-à-vis
d'une guerre des roses. Une rose, c'est le président de la FNEEQ.
Je fais des farces, mais, honnêtement, c'est une composante de
l'enseignement dans le secteur anglophone qui est vraiment bien reçue,
importante et, je pense, primordiale si vous comprenez la formule
d'immersion
générale dans le sens qu'on la définissait il y a
dix ans. On ne peut pas sortir l'écart sans une idée qui regroupe
l'ensemble des expériences dans les disciplines du genre
régulier. La réalité n'est pas l'économie, la
réalité n'est pas la philosophie, la réalité est un
mélange de toutes les perspectives présentées dans les
autres disciplines. C'est cela le but des humanités à
l'intérieur des cours thématiques multidisciplinaires. Je veux
encore souligner le point que c'est vraiment un oubli de ne pas avoir
invité les profs d'humanités ici pour défendre leur
discipline.
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Argenteuil, est-ce que cela va?
M. Ryan: Merci. J'irai après.
Le Président (M. Blouin): Mme Rose Pellerin.
Mme Pellerin: Je fais partie, comme on le disait...
J'espère que je ne fais pas partie de la bougeotte multicolore du
gouvernement. On avait les livres blancs, n'en sortez jamais un rose. Surtout,
épargnez-moi cela.
J'aurais deux points à mentionner pour terminer
brièvement. À la page 56, quand on réclamait du
gouvernement un débat public large, sur le projet de règlement
des études collégiales et l'ensemble des contre-réformes
c'est qu'on aimerait, une fois pour toutes, que se fasse un débat sur
l'ensemble des réformes qui arrivent dans l'enseignement. Plus
tôt, on nous disait que la formation professionnelle était encore
en consultation, que le PREC était encore en consultation. Pourtant il y
a un lien entre les deux. Est-ce qu'on va adopter le PREC et ensuite la
formation professionnelle? On est passé du nouveau programme
primaire-secondaire au PREC. Est-ce qu'il y quelque chose qui va s'annoncer
pour les universités? Il y a ce lien-là. Ensuite, il y a la
formation professionnelle, les sciences spécialisées. Enfin, il y
a un tel chambardement dans l'éducation qu'on aimerait faire un
débat global plutôt que pièce à pièce, sans
oublier là-dedans l'enseignement privé. Moi, je suis un
professeur du secondaire dans des maisons privées d'enseignement et je
le "plogue" à chaque fois que je suis quelque part parce qu'on est
totalement ignoré. On aimerait bien un jour voir la loi sur
l'enseignement privé quelque part, qui influence grandement
l'école publique. Je pense que c'est un débat qu'il faudra aussi
faire.
On aimerait voir un jour un grand étalage, faire une grande
discussion et un grand débat et non pas du pièce à
pièce.
La deuxième chose était pour dire qu'en 1980 aussi on
avait présenté un mémoire. Comme on le disait au
début, il n'en a rien été retenu. On espère que,
pour le mémoire que les gens trouvent aujourd'hui intéressant et
bien étoffé, il en restera quelque chose.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Pellerin.
Au nom de tous les membres de cette commission, je remercie les
représentants de la Fédération nationale des enseignants
et enseignantes du Québec (FNEEQ) pour leur importante
participation.
Sur ce, j'invite maintenant la Fédération des associations
des parents de cégep du Québec Inc. à bien vouloir
s'avancer et prendre place à la table des invités. (21 h 45)
Bonsoir. Pour les fins du journal des Débats, je vous demande de
vous identifier et d'identifier les personnes qui vous accompagnent, s'il vous
plaît.
Fédération des associations des parents
de cégep du Québec
Mme Raymond (Gisèle): Je suis Gisèle Raymond, la
secrétaire générale de la Fédération des
associations de parents de cégep du Québec. Je suis
accompagnée, à ma gauche, de Mme Nicole Lizotte-Chiricota, qui
est présidente de l'Association des parents du cégep de Limoilou,
membre affilié à la fédération, et M. Claude
Plouffe, qui est membre du conseil d'administration de la
fédération et membre de l'Association des parents du cégep
de Hull.
M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs, les
membres de la Fédération des associations des parents de
cégep du Québec m'ont déléguée auprès
de cette commission afin de transmettre leur position concernant l'invitation
qui leur a été adressée de se présenter devant vous
afin de présenter leur avis sur les procédures relatives au
régime d'études collégiales.
Avant de poursuivre et pour faciliter la compréhension de la
position que prend la fédération ce soir, il serait bon de
revenir en arrière et d'énumérer certains
événements. La fédération recevait, par
téléphone, le mardi 29 novembre, en fin d'après-midi, une
invitation à comparaître devant la commission spécifiant
que 100 copies de son mémoire devaient être remises au
Secrétariat des commissions parlementaires pour le 2 décembre
1983.
Après consultation de ses membres, la fédération
adressait au ministre de l'Éducation un télégramme dans
lequel elle dénonçait les délais trop courts de
convocation, mentionnait son impossibilité de terminer la consultation
démocratique de ses membres - consultation entreprise à la fin
d'octobre - et, finalement, demandait au ministre de l'Éducation le
report après la période des fêtes de la présente
commission.
II faut noter ici que le projet de régime d'études
collégiales n'a été en possession des parents qu'au cours
de la dernière semaine d'octobre. Je puis ajouter qu'il a fallu le
quémander pour l'obtenir.
Précédemment, le 2 novembre 1983, la
fédération adressait au ministre de l'Éducation un
télégramme par lequel elle appuyait la demande d'un groupe
d'associations étudiantes de collèges demandant la
création d'une table de concertation au sujet du régime
pédagogique.
Le ministre de l'Éducation n'a tenu aucun compte des demandes
formulées par les parents et les étudiants, les usagers comme le
dit la formule consacrée. Les parents déplorent cette attitude de
la part du ministre et la dénoncent vigoureusement.
Pourquoi tenir les parents et leurs enfants, les jeunes du secteur
collégial pour quantité négligeable au moment où le
ministre s'apprête à doter le secteur collégial d'un
nouveau régime pédagogique qui est loin de faire
l'unanimité? Pourquoi ne pas avoir mis en place la table de concertation
demandée?
Est-il devenu si urgent, ce régime d'études
collégiales attendu depuis 1967, pour que le ministre ne puisse retarder
son adoption de quelques semaines afin de permettre aux parents de terminer
leur travail et aux intervenants de chercher un consensus?
En ce qui concerne la fédération, le ministre de
l'Éducation croit-il que la qualité de l'enseignement, la
qualité de la vie dans les collèges, sont des
préoccupations qui ne peuvent intéresser les parents et les
jeunes usagers? La formation des jeunes, l'évaluation des acquis, les
crédits, les cours sont aussi des préoccupations pour les
parents. Les jeunes sont les usagers, ceux qu'on veut former, ils doivent donc
à ce titre être consultés pour devoir dire ce qu'ils
désirent comme formation. Il en va de même pour les parents dont
l'éducation compte parmi les premiers devoirs qu'ils ont envers leurs
enfants.
Le ministre de l'Éducation semble oublier que le devoir
d'éducation des parents envers leurs enfants, leurs jeunes, quel que
soit leur âge, ne se cède à personne. Les parents
délèguent certains pouvoirs et, à l'occasion,
désirent exercer un droit de regard et de parole. Ils exigent qu'on leur
en donne la possibilité.
Qui sont-ils ceux qui aujourd'hui doivent prendre cette place publique,
cette tribune pour revendiquer leurs droits? La fédération
regroupe des journaliers, des avocats, des ménagères, des
médecins, des chômeurs, chômeuses, électriciens,
enfin des parents qui viennent de toutes les couches de la
société. Ce ne sont pas des ignares et se prévaloir de
leur statut de parents n'enlève rien à leurs capacités,
à leur expérience ni à leurs connaissances. Le ministre de
l'Éducation semble en douter si l'on considère l'attitude qu'il a
adoptée envers eux.
Les membres de la fédération se sentent aujourd'hui plus
frustrés car c'est la deuxième fois en quelques mois qu'ils se
voient écartés de débats importants, car en juin dernier,
avec l'adoption à toute vitesse de la loi 32 sur l'accréditation
des associations d'étudiants, aucune invitation ne leur a
été adressée. Pourtant, ils auraient eu des choses
à dire car ils sont touchés par cette loi. Cette fois-ci, ils
sont pris au dépourvu, car, vu l'éloignement de ses membres et
son manque de moyens, la fédération ne peut s'organiser
rapidement pour faire un travail valable qui aurait donné l'opinion
d'une majorité de parents.
Que le ministre de l'Éducation se rassure; si les parents sont
incapables de donner un avis, ils auront toujours la franchise et
l'honnêteté de le dire. Ils ne viendront jamais ennuyer personne
s'ils sont incapables de poser un jugement de valeur. Mais, quand ils seront
privés des moyens de le faire, ils réclameront, comme ils le font
maintenant.
Les membres de la fédération sont au regret d'avoir
utilisé cette commission pour porter leurs doléances. Mais,
après les démarches entreprises et le peu de succès
remporté auprès du ministre de l'Éducation, c'était
le seul moyen qu'ils avaient à leur disposition; ils n'avaient plus
d'autres choix. Ils l'ont fait espérant que, cette fois-ci et à
l'avenir, ils seront écoutés et entendus avec toute l'attention
et le respect qui leur est dû.
Voilà, mesdames et messieurs, le message que j'avais à
vous transmettre de la part des membres de la fédération. Merci
de m'avoir écoutée.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, Mme Raymond. M.
le ministre.
M. Laurin: M. le Président, j'accueille avec respect ce
message que nous transmet la Fédération des associations des
parents de cégep du Québec. La demande de concertation qu'elle
nous réitère à son tour nous a été faite ce
matin par une association d'étudiants. J'ai eu l'occasion à ce
moment de dire à quel point j'aurais souhaité qu'il y eût
concertation. Mais les approches que nous avons faites pour que cette
concertation s'établisse et ait des chances de succès se sont
malheureusement révélées infructueuses. C'est la raison
pour laquelle je n'ai pas pu donner suite à cette intention que j'avais,
car, comme vous, je pense que la concertation, surtout quand elle réunit
tous les intéressés, est sûrement préférable,
et de loin, à des dialogues qui, parfois, peuvent aboutir à des
confrontations qui ne donnent sûrement pas tout le résultat
espéré et surtout qui ne réussissent pas à
dégager les consensus souhaitables.
Il reste cependant qu'à défaut de table de concertation
nous avons depuis deux jours cette commission parlementaire dans le style de
toutes les commissions parlementaires que nous avons depuis plusieurs
années. Je dois avouer que cette commission parlementaire, même si
elle a été marquée de tensions ou de dialogues qui ne
réussissaient pas toujours à se rejoindre, a été
fructueuse. Elle nous a permis de dégager plusieurs avenues et de cerner
des points de désaccord, leurs origines, leurs motivations et elle a
permis aussi de dégager des pistes, des voies nouvelles d'exploration
qui vont sûrement s'avérer utiles pour la suite des choses.
Donc, encore une fois, à défaut de cette table de
concertation, qui pourra peut-être s'instaurer d'ailleurs par la suite,
cette commission parlementaire s'avère quand même très
utile jusqu'ici. En ce sens, même si je reconnais que, dans votre
message, vous n'avez pas émis d'opinion particulière sur l'un ou
l'autre des aspects du projet de régime d'études
collégiales, étant donné que je note que vous avez quand
même eu le temps de prendre connaissance du projet depuis deux ou trois
mois, j'imagine que vous avez pu en discuter à vos réunions
usuelles. J'aimerais vous demander si, au-delà de ce message que vous
nous présentez aujourd'hui, vous auriez quand même quelques
commentaires à nous faire sur l'un ou l'autre des éléments
que comporte le projet de régime d'études collégiales: ses
orientations, ses articulations majeures, les quelques sujets qui, lors de
cette commission parlementaire, ont fait l'objet de controverses ou de
débats comme, par exemple, les cours complémentaires, les
programmes d'établissement ou le certificat d'études
collégiales qui serait maintenant ouvert aux jeunes autant qu'aux
adultes.
Le Président (M. Blouin): Mme
Raymond.
Mme Raymond: Vous me permettrez un commentaire avant de
répondre à votre question, M. le ministre. Je ne mettrai pas en
doute le fait que vous ayez tenté d'organiser une table de concertation.
Toutefois, ce que je peux déplorer, c'est que les parents qui vous
avaient demandé cette table de concertation n'aient pas
été consultés au moment de la tentative de cette
création.
Aussi, je me permettrai de vous faire remarquer que ce n'est pas depuis
une période de deux mois que les parents ont en main le projet de
règlement. Il est arrivé au bureau de la fédération
dans la dernière semaine d'octobre. Il a fallu le distribuer et, comme
nos associations sont réparties à travers le Québec aussi
loin que Sept-lles,
Hull, Valleyfield ou, enfin, toutes les régions du Québec,
cela a quand même pris quelques jours avant qu'il soit reçu. Les
parents, malheureusement, doivent, avant de pouvoir se réunir comme
parents, exercer leur profession et ce n'est que lorsqu'ils peuvent avoir leur
quorum qu'ils peuvent se réunir pour prendre connaissance des documents
qui leur sont distribués par le secrétariat.
Ce n'est donc qu'à la mi-novembre que les parents ont pu
commencer à prendre connaissance des documents qui leur avaient
été soumis pour donner un avis. À ce moment, nous n'avons
reçu que quelques avis qui sont très fragmentaires. À
l'heure actuelle, si je me permettais d'apporter une réponse à la
question que vous venez de me poser, ce serait une réponse qui ne serait
que la mienne. Comme je suis peut-être un peu plus
privilégiée en ce qui regarde le secteur collégial que ne
le sont les parents, du fait que j'y travaille depuis quinze ans, je pense que
je biaiserais possiblement la réponse que je pourrais donner et elle ne
serait pas exactement celle que les parents auraient désiré qui
vous soit transmise.
Je regrette, M. le ministre, mais, pour une fois encore, les parents
sont obligés de déplorer qu'ils sont tenus à
l'écart de tout ce qui se fait au secteur collégial et qu'on le
fait sous prétexte que nos jeunes sont des adultes. Je pense que ce qui
se véhicule, soit au ministère de l'Éducation, soit dans
les collèges, concernant la maturité de nos jeunes, la
liberté et les distances qu'ils ont prises à l'égard de
leur famille, est une réalité qui est véhiculée par
ce milieu, mais celle qui est vécue à l'intérieur des
familles est tout autre.
Je pense que, si le ministre de l'Éducation ne daigne pas
s'adresser aux parents pour avoir leur avis lorsque arrive le moment des grands
débats, il se prive et il prive le milieu collégial et tout le
milieu de l'éducation d'un avis éclairé et essentiel pour
la construction du devenir de nos enfants.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Raymond. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Seulement un petit mot. Je voudrais vous signaler, Mme
Raymond, que je partage les regrets que vous venez d'exprimer. Maintenant,
votre organisme n'est pas le seul dans cette position. Je pense que votre
organisme a été traité comme tous les autres organismes,
c'est-à-dire qu'à peu près tous avaient été
laissés en dehors du portrait dans ce dossier-ci.
C'est seulement lorsque le ministre a décidé de consentir
à la tenue d'une commission parlementaire récemment que tous les
organismes ont été invités. La plainte que vous avez
formulée, d'autres l'ont également formulée depuis le
début des audiences. Je ne voudrais pas que vous
pensiez que c'est une chose qui s'applique seulement aux parents. C'est
un reproche général et qu'on doit adresser au gouvernement dans
ce cas-ci. Il y a peut-être d'autres cas où vous avez
été ignorés. Vous réglerez votre problème
avec le ministre. Il en a déjà beaucoup d'autres sur le dos. On
va vous laisser cela. (22 heures)
Je voudrais vous rappeler une chose: Dès les réunions de
la commission de l'éducation qui ont porté sur l'examen des
crédits du ministère au début de mai dernier, je me
souviens d'avoir insisté auprès du ministre pour qu'il convoque
la commission parlementaire de l'éducation pour l'examen des
problèmes des cégeps et en particulier pour l'examen du projet de
règlement des études collégiales qui circulait sous le
manteau à ce moment-là dans plusieurs milieux de collège.
Si on avait donné suite plus tôt à cette recommandation,
peut-être que les choses auraient pu se dérouler autrement.
L'idée d'une table de concertation, je vous dis cela car une
association d'étudiants nous avait approchés à ce sujet.
Nous préférions la commission parlementaire. Je veux être
franc avec vous et je vais vous dire pourquoi. À ce stade-ci, nous
estimions que cela fait cinq ans qu'on discute les règlements des
études collégiales et qu'il était temps qu'on ait un
débat public là-dessus. Pas une table de concertation pour
initiés mais un débat public. Nous avons pensé que la
commission parlementaire pouvait au moins l'amorcer sérieusement et je
pense que c'est cela qui va avoir été fait. À d'autres
stades, le gouvernement éprouve le besoin d'une table de concertation.
Je pense que cela irait très bien. On ne pouvait pas commencer par cela
parce qu'il y avait eu des consultations au cours des cinq dernières
années. Je pense qu'il faut considérer qu'il y en avait eu
beaucoup. Je vous expose seulement la position que nous, de ce
côté-ci de la table, avons tenu dans ce dossier. J'espère
qu'à l'avenir le gouvernement pourra s'y prendre plus tôt pour
convoquer une commission parlementaire afin que chaque groupe, à
l'intérieur des moyens dont il dispose, puisse se présenter en
pleine connaissance de cause après avoir préparé le
dossier qu'il est capable de présenter.
J'apprécie énormément la retenue qui vous fait dire
que vous ne voulez pas confondre vos idées personnelles avec celles du
groupe que vous représentez et qui vous induit à ne pas
émettre d'opinion sur la substance du projet de règlement qui est
devant nous ce soir. Je crois comprendre que c'est pour une autre fois et on
l'attendra avec plaisir.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député d'Argenteuil. Mme la député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Un petit mot seulement, M. le Président.
Je voudrais faire remarquer que, dans le cas de la Fédération des
associations des parents, quand l'échéancier est trop court, cela
devient presque impossible pour eux. D'abord, ces gens n'ont pas la longue
tradition de l'organisation des parents du niveau scolaire. Ils sont
évidemment répartis dans l'ensemble du Québec tandis que
les commissions scolaires généralement ont une meilleure
structure. Vous retrouvez des groupes d'école à
l'intérieur d'une commission scolaire, ce qui n'est pas le cas des
cégeps.
J'aimerais simplement vous demander, puisqu'il est vrai que ce projet
est maintenant le résultat de consultations informelles, est-ce
qu'à un moment donné ou l'autre vous avez été
consultés sur le projet de règlement? Je ne parle pas de
celui-ci. Tout au long de l'élaboration de ce projet de
règlement, est-ce que le ministère de l'Éducation a eu des
contacts avec vous?
Mme Raymond: Nous avons déjà eu des contacts sur un
projet antérieur. Nous avons déjà donné un avis il
y a quelques années, je pense - si ma mémoire est bonne, c'est en
1980 - sur un projet qui nous avait été présenté,
que quelqu'un nous avait envoyé sous la table évidemment et pour
lequel nous avions émis un avis. Sur ce projet-ci, personne chez nous
n'a eu le projet avant la dernière semaine d'octobre. Cela a
été impossible pour nous de donner un avis sur un
élément quelconque ou sur un autre.
Mme Lavoie-Roux: C'est en 1980, de mémoire, le seul moment
où vous auriez eu à donner un avis. Sur celui-ci, je comprends
bien que vous ne l'ayez pas eu.
Mme Raymond: Entre 1980 et 1983, concernant un régime
pédagogique, nous n'avons pas eu de concertation comme telle, de demande
d'avis sur un projet, sinon, à la même période en 1980, il
y a eu un avis de donné sur les cours de français.
Mme Lavoie-Roux: Une dernière question que je vais poser
au ministre. Je comprends, comme mon collègue d'Argenteuil l'a
exprimé, vos réticences à donner vos opinions
personnelles. J'aimerais quand même demander au ministre si, dans
l'hypothèse où les deux clientèles fusionnent, celle des
étudiants réguliers et celle des étudiants adultes,
à ce moment-là, le ministre a examiné si ceci aurait une
influence sur la participation des parents dans les conseils d'administration
des cégeps. À ce moment-là, les parents en
général étaient des représentants des
étudiants réguliers et à ce
moment-ci, viendrait s'ajouter une clientèle adulte qui peut
être beaucoup plus âgée. Est-ce que cela influencerait la
représentation des parents à l'intérieur des
cégeps?
M. Laurin: L'insertion dans le système collégial
d'un plus grand nombre d'adultes, quelle que soit la façon dont on les
définit -ce sont des adultes de 18, 19 ou 20 ans; ils quittent pour un
an et ils reviennent - va peut-être changer la configuration des
clientèles étudiantes, c'est bien sûr. Est-ce que le fait
qu'il y ait de plus en plus d'adultes par rapport aux jeunes qui y sont nous
amènera à réduire le rôle de l'association des
parents? Sûrement pas, je n'envisage aucune mesure dans ce sens.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie, M. le ministre.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Chiricota, M. Plouffe
et Mme Raymond.
Je vais demander aux représentants de l'Institut canadien
d'éducation des adultes de bien vouloir s'approcher et de prendre place
à la table des invités.
Madame, si vous voulez bien vous identifier et identifier la personne
qui vous accompagne; ensuite, vous lirez le contenu de votre
mémoire.
Institut canadien d'éducation des
adultes
Mme Cousineau (Léa): Je suis Léa Cousineau,
vice-présidente de l'ICEA. Je suis accompagnée de M. Richard
Nantel, agent de projet responsable à l'ICEA du dossier politique en
éducation des adultes.
M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les
députés, je vous épargne la répétition des
doléances des groupes qui nous ont précédés quant
au délai et à l'effort un peu surhumain que nous avons dû
faire pour présenter notre mémoire ce soir.
L'Institut canadien d'éducation des adultes a la mission
particulière de promouvoir les droits et les besoins des adultes en
matière d'éducation au Québec et au Canada
français. C'est à ce titre que nous sommes intervenus
fréquemment auprès des gouvernements et de l'opinion publique ces
dernières années et c'est à ce titre que nous sommes
interpellés par le projet de réforme de l'enseignement
collégial débattu aujourd'hui en commission parlementaire de
l'éducation. Nous remercions d'ailleurs le gouvernement d'avoir
accédé à la demande des organismes du milieu et de
l'Opposition pour qu'une telle commission se tienne et nous le remercions
également d'avoir invité l'ICEA pour représenter le point
de vue des adultes.
En effet, il faut reconnaître que toute réforme de
l'enseignement collégial aura, et doit avoir, des impacts sur
l'enseignement aux adultes. C'est d'ailleurs de ce point de vue, vous l'aurez
deviné, que nous intervenons dans ce débat, et plus
particulièrement en ayant en tête l'amélioration
nécessaire des conditions d'accès des adultes à
l'enseignement collégial ainsi que l'amélioration de la
qualité de cet enseignement.
Les clientèles adultes, qui sont-elles? Avant même de faire
quelque commentaire que ce soit sur le projet de réforme, nous estimons
absolument indispensable de parler plus abondamment de cette clientèle
qui fréquente ou voudrait fréquenter les institutions
collégiales, car les adultes ne forment pas un groupe homogène.
La situation sociale et les acquis de vie et d'expérience des adultes
sont variés, segmentés et, en conséquence, leurs besoins
de formation le sont aussi. Par exemple, les besoins et les objectifs de femmes
qui veulent revenir sur le marché du travail après 10 ans de vie
familiale sont différents de ceux de jeunes décrocheurs de 20 ou
24 ans qui veulent reprendre leur formation de base ou une formation
initiale.
Les objectifs de travailleurs qui veulent se mettre à l'heure des
nouvelles technologies sont différents de ceux des membres d'un groupe
qui veulent mettre sur pied une radio communautaire et ont besoin d'une
formation pour y arriver. Ces quelques exemples - et on pourrait, je pense, les
multiplier - expliquent pourquoi les adultes attendent du réseau public
qu'il adapte ses formats et ses programmes jugés trop scolarisants et
trop rigides. Ils attendent aussi qu'on leur fournisse un appui et un
encadrement spécialisé qui leur conviennent vraiment.
Les adultes s'attendent également que les enseignements et les
approches pédagogiques tiennent compte de leurs expériences et de
leurs acquis de formation non scolaires. Ces particularités, ces
spécificités des adultes sont reconnues dans les faits depuis
toujours dans le monde scolaire. En fait, seules les institutions qui ont
reconnu ces disparités, ces spécificités et qui ont su
adapter leur travail ont réussi auprès des adultes. Cette
réalité est également reconnue par l'ensemble des
organismes internationaux et se trouve à la base des orientations du
rapport de la commission Jean.
Il semble cependant que l'unanimité qui existe au Québec
sur ce sujet parmi les organismes scolaires et sociaux n'ait pas atteint les
rédacteurs du projet de règlement que nous avons devant nous,
lequel ne reconnaît pas l'éducation des adultes comme une mission
importante et spécifique des collèges. Nous faisons de la
reconnaissance de l'éducation des adultes comme une
mission spécifique et particulière du réseau
collégial notre première recommandation.
L'intégration des clientèles, quant à nous, ne sert
ni les jeunes ni les adultes. En effet, la proposition la plus importante selon
nous dans le PREC est celle qui lève la distinction d'âge qui
était jusqu'à maintenant le facteur discriminant entre les
clientèles jeunes et adultes.
Cette proposition se fonde sur l'objectif généreux de
rendre accessibles toutes les ressources du cégep à toutes les
clientèles. Nous estimons que cette proposition, pour y arriver, est
extrêmement naïve, sinon dangereuse, et qu'elle aura un impact
négatif à la fois sur l'accessibilité des adultes au
réseau collégial et sur la qualité de l'enseignement.
Du point de vue de l'accès aux ressources, le problème que
vivent les adultes en ce moment est double. Ils n'ont pas facilement
accès aux ressources régulières du cégep, d'une
part, et, d'autre part, les ressources spécifiques des services
d'éducation des adultes ont été durement touchées
par les compressions budgétaires imposées depuis trois ans par le
gouvernement dans ce secteur. Le projet de réforme n'apporte qu'une
mince réponse comme solution à ce problème. Ouvrir aux
adultes les ressources régulières, si on pense à la
bibliothèque, à l'imprimerie et aux autres services,
répond à un besoin, bien sûr, mais à la condition
qu'on étende l'ouverture de ces services aux heures qui conviennent aux
adultes, ce qui n'est pas le cas.
En ce qui concerne les services d'accueil et de référence,
d'encadrement et d'organisation des cours, on passe à côté
du problème si on pense que les ressources régulières
actuelles sont suffisantes et prêtes à répondre aux besoins
des clientèles adultes. On peut certes espérer qu'une meilleure
collaboration entre les ressources existantes apportera des résultats,
mais cette espérance ne réglera pas par magie le problème
de l'insuffisance des ressources responsables d'ouvrir davantage le
réseau collégial aux adultes.
Ce que nous recommandons, c'est d'équiper les services
d'éducation des adultes des ressources suffisantes pour jouer leur
rôle, pour remplir leur mission propre. C'est là notre
deuxième recommandation.
Du point de vue de l'accès à un enseignement
collégial de qualité, c'est au niveau de l'enseignement que la
philosophie, qu'une approche d'intégration des clientèles peut
faire le plus de ravages, parce que cela peut nous mener à
l'intégration systématique dans les groupes-cours de
clientèles extrêmement hétérogènes, aux
bagages de départ différents et aux cheminements très
variables.
Quel enseignant sera capable dans ce contexte de préparer un
cours et une approche pédagogique efficace pour tout le monde en
même temps? Cette philosophie donnera-t-elle aux collèges les
moyens de construire des programmes appropriés à plusieurs types
de besoins et d'offrir des formats capables de s'adapter aux
disponibilités des différentes clientèles? La voie de
l'intégration est-elle compatible avec la nécessité d'un
encadrement plus lourd? Si on se réfère aux clientèles
qu'on a décrites plus haut, on comprend que plusieurs d'entre elles
demandent un encadrement plus lourd qui vienne à la fois des enseignants
et des enseignantes et des professionnels non enseignants de ces milieux. Des
collèges ont développé des pratiques en ce sens qui ont
fait leurs preuves. Il faudrait s'en inspirer.
Soulignons également que déjà le problème se
pose; on a vu des problèmes semblables se poser simplement dans un
mélange quasi au hasard des étudiants du général et
du professionnel. Les intérêts et le bagage des uns et des autres
étant inégaux, ce sont les derniers qui décrochent. Et si
on ajoute à cela la disparité des clientèles adultes et
que tout cela se retrouve dans les mêmes cours, les mêmes formats
de cours, on craint que les adultes ne soient perdants, les jeunes aussi.
La qualité de l'éducation offerte aux adultes est
incompatible avec l'intégration des clientèles aux mêmes
groupes-cours. Cette qualité exige qu'on reconnaisse la
spécificité des clientèles et qu'on développe des
enseignements adaptés à ces clientèles. C'est notre
troisième recommandation. Ce qu'on craint, c'est que ces
disparités disparaissent.
Les programmes. La conception des programmes dans une perspective
d'éducation récurrente doit permettre d'adapter les contenus en
fonction des groupes ou clientèles.
La question des formats est aussi extrêmement importante pour
nous. Nous retrouvons actuellement dans les cégeps des formats de
longueurs très variées, qui ont certaines limites, que ce soit le
DEC, le CEC ou l'AEC, mais qui forment un ensemble relativement progressif et
cumulatif du plus petit au plus grand. Nous aurions aimé retrouver ces
mêmes principes d'organisation des programmes dans le PREC d'une
façon plus claire.
Par ailleurs, le poids relatif des CEC vis-à-vis des DEC et des
programmes d'établissement vis-à-vis des sixième et
septième du professionnel secondaire pose certains problèmes
déjà évoqués par le Conseil des collèges du
Québec, par exemple. (22 h 15)
II faut éviter qu'un adulte visant un CEC en telle discipline ne
se voie imposer une programmation presque aussi lourde qu'un DEC et deux fois
plus lourde que celle d'un CEC d'une autre discipline. Il est urgent
qu'on mette un peu de cohérence dans cette question des formats,
afin que les adultes s'y retrouvent.
Cette question de la valeur relative des programmes se pose aussi par
rapport aux diplômes. Pourquoi offrir des diplômes certifiés
par l'État, DEC et CEC, et d'autres, programmes d'établissement,
qui ne le seraient pas? Il y a là un risque de voir la valeur des
diplômes d'établissement très peu reconnue sur le
marché du travail, ou peu reconnue d'une région à l'autre,
risque dont les adultes vont faire les frais.
Cette interrogation se pose aussi par rapport au DEC sans mention qui
est proposé par le PREC.
On est bien conscient de certains problèmes. Que l'on puisse,
comme voie de sortie, juger pertinent de façon exceptionnelle
d'attribuer un DEC sans mention à des étudiants qui auraient
repris deux ou trois fois des choix d'orientation, c'est une chose
différente de le reconnaître exceptionnellement à la sortie
et d'en faire une voie d'entrée et une voie d'orientation, compte tenu
des conséquences lourdes d'un tel choix quant à
l'intégration au marché du travail ou à la poursuite
d'études universitaires.
Nous estimons que des efforts devraient être consentis pour
apporter plus de cohérence dans les formats, dans l'ensemble des
programmes, afin de les rendre progressifs et cumulatifs. Nous proposons aussi
que les programmes conduisent tous à une certification par
l'État. C'est notre quatrième recommandation.
Nous voulons ajouter un commentaire sur la proposition d'introduire des
cours obligatoires de formation générale dans le CEC. Elle est
intéressante en ce sens qu'elle pourrait bien compléter une
formation professionnelle et nous ramener à une notion de formation
fondamentale plus large. Mais, si elle doit passer par une diminution des
contenus de spécialisation, elle fait du CEC un mini-DEC moins
poussé sur tous les plans, à la fois sur la formation
fondamentale et sur la formation professionnelle.
Par ailleurs, nous aurions suggéré d'élargir, dans
le cas des adultes, la gamme des cours de formation générale
proposés. Les adultes peuvent, à juste titre,
préférer aux cours de langue, philo et institutions au
Québec, des cours, par exemple, sur l'évolution de l'organisation
du travail, les lois du travail, la santé et la sécurité
au travail.
Des filières courtes pour les jeunes. Cela nous intéresse
parce que la formation initiale a, quant à nous, un impact toujours
important, après la formation des adultes qui sont ceux qui ont
manqué de formation à l'origine.
Les principes énoncés plus haut en rapport avec les
dangers de l'intégration des clientèles valent aussi pour les
jeunes. C'est bien mal utiliser le principe de l'éducation permanente
que de vouloir offrir aux jeunes en formation initiale les filières
courtes jusqu'ici réservées aux adultes.
Cette intention du gouvernement ne se justifie ni du point de vue du
marché du travail - il n'y a pas tant d'emplois qui attendent les jeunes
à leur sortie du collège - ni du point de vue de la
récurrence. Il n'y a pas de système de
congé-éducation en vigueur au Québec, que l'on sache, qui
permettrait aux jeunes sortis rapidement du réseau scolaire de revenir
compléter leur formation plus tard. Ce sont donc des manques qui
handicapent toute une vie.
Nous reconnaissons parfaitement qu'il existe un sérieux
problème de décrochage au collégial, mais aucune
étude n'a encore démontré que la solution à ce
problème passe par la réduction de la durée des
études. Nous soumettons qu'il faut peut-être regarder du
côté des contenus de la pédagogie avant de passer tout de
suite aux filières courtes.
Nous proposons donc comme règle qu'on n'ouvre pas aux jeunes les
diplômes courts au niveau collégial et que le gouvernement propose
d'autres solutions au problème du décrochage. C'est notre
cinquième recommandation.
Du point de vue de l'accès à l'enseignement
collégial. La reconnaissance des acquis. La reconnaissance des acquis de
formation et d'expérience est certainement l'une des solutions
clés au problème de l'accessibilité des clientèles
adultes. On sait que les adultes réclament depuis fort longtemps de
telles politiques. L'ouverture manifestée par le PREC sur ce sujet est
intéressante mais nous apparaît insuffisante. Ce dont nous avons
besoin, maintenant que le principe fait consensus, c'est d'un modèle de
reconnaissance des acquis qui réponde aux besoins de la
société québécoise, d'un modèle applicable
à tous les types de situation, reconnu par l'ensemble des intervenants
du monde de l'éducation et du monde du travail. Ce modèle devrait
être assez uniforme et en même temps assez souple pour garantir la
transférabilité des acquis reconnus.
En ce sens, l'article 27 du PREC est insuffisant. Sans modèle
uniforme, la reconnaissance des acquis par les collèges continuera de se
faire à la pièce, avec les dangers que cela comporte et dans les
deux sens, c'est-à-dire d'une reconnaissance parfois trop permissive ou,
au contraire, d'une reconnaissance étroite dans d'autres cas.
Notre sixième recommandation vise à demander
l'élaboration de ce modèle dans les plus brefs délais.
Le discours du PREC concernant l'accessibilité à
l'enseignement collégial rejoint nos préoccupations. Mais, il
risque de demeurer sans effet s'il n'est pas appuyé de
mesures précises qui ne doivent peut-être pas faire l'objet
d'un règlement concernant le régime pédagogique mais qui
devraient accompagner un projet de réforme de l'enseignement
collégial. On veut parler entre autres de l'augmentation des frais.
L'augmentation des frais exigés des adultes depuis trois ans notamment
est contraire à toute perspective d'accessibilité et l'abolition
de ces frais devrait être l'une des premières mesures
proposées par le gouvernement.
Des mesures d'égalité d'accès ou d'action positive,
si on veut les appeler ainsi, doivent être mises de l'avant pour les
clientèles dites défavorisées ou pour celles qui ont du
retard à rattraper, sous forme de support financier, de services de
garde, de services d'orientation et autres services qui ont vaguement
été décrits dans d'autres mémoires ou documents que
nous avons remis au ministre de l'Éducation.
La sélection des étudiants adultes, cela est un petit
point mais on aurait pu toucher d'autres points qui concernent les ententes
fédérales-provinciales concernant les programmes de formation de
main-d'oeuvre du Canada. Depuis la dernière entente, la sélection
des étudiants adultes échappe aux collèges et
échappe au ministère à ce titre. Cette situation
empêche des collèges de jouer le rôle d'orientation et
occasionne trop souvent la formation de groupes-cours extrêmement
hétérogènes.
Dans la perspective de négociation de nouvelles ententes en 1985,
on souhaiterait qu'on ne laisse pas se perdre, se diluer le pouvoir dans le
domaine pédagogique du Québec concernant la formation qui est
faite à l'intérieur des ententes. Le gouvernement devrait
rapatrier cette fonction dans des collèges, lors de la
renégociation des accords Canada-Québec en 1985.
Les services à la collectivité. Pour beaucoup d'adultes,
individus ou groupes, particulièrement les groupes, l'accès aux
ressources collégiales passait par la capacité des
collèges d'offrir des services à la collectivité sous
forme de cours hors programme, non crédités, ou sous forme de
ressources humaines ou matérielles: locaux, équipements, etc. Ces
services constituent un apport non négligeable et peu coûteux,
somme toute, des collèges à leur communauté.
Cette responsabilité, services à la collectivité,
doit être reconnue et redonnée aux collèges. Peu d'entre
eux ont pu maintenir ces activités depuis les coupures
budgétaires de 1981-1983. C'est notre dixième recommandation.
Au-delà du PREC, une politique d'éducation des adultes.
Évidemment, les quelques remarques et recommandations qui
précèdent ne trouvent leur cohérence, selon nous, que dans
une perspective d'éducation permanente et dans le cadre d'une politique
cohérente, interniveau scolaire, d'éducatior des adultes.
Or, cette politique se fait attendre depuis février 1982. Le
gouvernement, on s'en souvient, s'était engagé à la rendre
publique en s'inspirant du rapport de la commission Jean. L'absence de cette
politique explique l'absence quasi tragique, quant à nous, de la
perspective "éducation des adultes" dans le projet de règlement
qui est devant nous ainsi que dans le projet de loi 40 sur la restructuration
scolaire. On constate, au contraire, que ces deux projets éducatifs
passent par l'intégration de l'éducation des adultes à
l'enseignement régulier et au réseau régulier. Quant
à nous, il nous faut beaucoup craindre quant à l'avenir de
l'éducation des adultes.
Nous réitérons notre opposition à cette orientation
et demandons de nouveau au gouvernement de donner suite à ses
engagements, de rendre public son projet de politique d'éducation des
adultes. Cela est demandé de façon continue et urgente par la
totalité des organismes intéressés à cette question
depuis deux ans. C'est notre dernière recommandation et sans
celle-là, les autres commentaires, dans leur ensemble quant à
nous, perdent beaucoup de leur sens.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, Mme Cousineau.
M. le ministre.
M. Laurin: Je remercie beaucoup l'Institut canadien de
l'éducation des adultes pour son mémoire même s'il dit
qu'il a eu peu de temps pour le préparer, je pense qu'il a réussi
à bien cerner, clairement les problèmes les plus importants.
Évidemment, l'institut connaît en grande partie les
problèmes de l'enseignement collégial étant donné
que c'est au collège que se retrouvent plusieurs adultes. On le voit par
la profondeur de leurs remaques à cet égard.
J'aurais quelques commentaires et questions à adresser à
l'institut cependant. Quand vous dites que les adultes attendent du
réseau public qu'il adapte ses formats et programmes jugés trop
scolarisants et trop rigides et que les adultes s'attendent que les
collèges fournissent un support et un encadrement
spécialisé. Est-ce que je pourrais vous demander de
spécifier par quelques illustrations concrètes ce que vous
entendez par ces deux jugements d'une part, programmes et formats trop
scolarisants et trop rigides et d'autre part, type de support et d'encadrement
qui paraissent nécessaires aux adultes?
Mme Cousineau: Oui, cela va me permettre de lever ce qui pourrait
apparaître une contradiction ou une ambiguïté dans nos
affirmations. C'est-à-dire, d'un côté nous affirmons que
nous voulons que les adultes aient droit à la
même certification, au même contenu et à la
même formation que les jeunes et d'un autre côté, nous
parlons de déscolarisation et le rigidité. Pour nous, tout se
passe dans l'organisation même de l'accès aux cours et de la
prestation des cours au collège même. Quand on parle
d'encadrement, on pense à la fois à des services d'accueil,
à des services l'orientation qui sont différents, à la
limite, à des services d'information ou simplement la façon dont
on reçoit les gens qui sont différents. On pense au rapport
maîtres-élèves, si on veut, ou
professeurs-étudiants, qui doit être différent par
définition.
L'apport des adultes est à la fois plus riche
d'expériences de vie, ou plus riche d'acquis hors scolaire, mais en
même temps, ils sont plus démunis que les jeunes parfois, si on
pense à l'habitude du milieu scolaire, à l'habitude de
l'organisation scolaire. Donc, chacune de ces difficultés fait appel
à des actes d'encadrement pédagogique ou à
différentes prestations d'enseignement qui doivent s'organiser dans
chaque collège et qui gardent quand même des objectifs semblables
et les mêmes que ceux des jeunes quand on parle de certification ou
d'accréditation de ces études. Donc, cela suppose qu'au niveau
des collèges, on puisse à la fois - et pour nous, cela a des
conséquences - dans l'organisation scolaire, dans l'organisation
administrative et dans la façon même d'organiser, permettre aux
adultes de profiter au maximum des acquis de l'institution. Et là, on
pense aux personnels qui sont là, à l'expertise des
départements, à l'expertise des professeurs ou du personnel non
enseignant. Mais qu'il y ait du monde qui soit là d'abord et avant tout
pour les adultes et qui puisse assurer cet encadrement.
M. Laurin: Ces remarques rencontrent mon entier
agrément.
À la page 4, vous dites que, par le PREC, on ne reconnaît
pas l'éducation des adultes comme une mission importante et
spécifique des collèges. Nous ne le disons peut-être pas
"in so many words", comme on dit en français, mais je pense que le fait
de vouloir ouvrir le collège à toutes les clientèles
adultes et faire bénéficier les jeunes qui sont devenus des
adultes parce qu'ils ont décroché ou qu'ils n'ont pas
réussi à avoir accès au système en temps opportun,
montre bien que nous partageons votre opinion à savoir que le
collège a une mission importante et spécifique aussi à
l'égard des adultes. Nous voulons, nous aussi - et c'est l'un des buts
du projet - le rendre plus souple, plus ouvert aux besoins, plus capable de
diversité. Incidemment, nous voudrions dépasser uniquement le
point de vue de l'accessibilité sur le plan théorique.
Nous voudrions que ceci se traduise par des mesures concrètes et
je suis tout à fait d'accord avec vous qu'il faut, par exemple,
prévoir beaucoup plus que ce n'est le cas actuellement des structures
d'accueil, des structures de référence, de même que des
pratiques pédagogiques appropriées, de même que des
services proprement identifiés également, ce qui est conforme aux
demandes que vous nous avez d'ailleurs déjà adressées. Il
me fait plaisir de confirmer que, dans cette politique de l'éducation
des adultes qui, quand même, verra le jour très bientôt,
cette affirmation sera confirmée à nouveau,
précisée et illustrée par les mesures que nous entendons
prendre pour la traduire au plan des réalités. Donc, je reconnais
avec vous que l'éducation des adultes constitue une mission importante
et spécifique des collèges.
J'aurais une autre question...
Mme Cousineau: Est-ce que vous me permettez une
réaction?
M. Laurin: Oui.
Mme Cousineau: II est évident que si une loi
générale ou une politique claire concernant l'éducation
des adultes existait et que nous la connaissions, on serait probablement
amené à faire une lecture différente des documents qui
circulent actuellement. Je parlais tantôt du projet de loi 40. C'est la
même chose concernant le PREC. Mais l'ignorance dans laquelle nous sommes
des intentions du gouvernement et de l'existence de lois garantissant le droit
des adultes à l'éducation nous amène à faire la
lecture que nous faisons maintenant. Et dans ce contexte, ouvrir la porte
à tout le monde sans que soient clairement inscrites ces distinctions
constitue, quant à nous, non pas une garantie d'accessibilité,
mais une menace à cause de cette absence d'approche quand on regarde
tout cela. Effectivement, on s'en va vers une disparité de plus en plus
grande tant du côté des jeunes que du côté des
clientèles adultes. Et, pour nous, c'est en spécifiant et non pas
en remélangeant le tout qu'on va rendre les services plus
spécifiques. Je vous le dis encore, peut-être trouvez-vous que
notre lecture est injuste, mais en l'absence d'une politique plus
générale d'éducation des adultes, nous ne pouvons pas en
faire une autre. (22 h 30)
Le Président (M. Blouin): M. le ministre.
M. Laurin: En tout cas, nous voulons ouvrir non seulement les
collèges mais aussi les commissions scolaires très largement,
complètement aux clientèles adultes en les dotant des ressources
appropriées.
La seule limite étant, évidemment, lorsqu'on parle de
ressources, les contraintes budgétaires du gouvernement, qui
reflètent
les problèmes de la société que nous connaissons.
Même si nous faisons et entendons faire des efforts additionnels en ce
sens, il est sûr que nous ne pourrons pas dès l'an prochain ou
dans deux ans doter les collèges et les commissions scolaires, pour les
fins de l'éducation des adultes, de toutes les ressources que vous
mentionnez dans votre document, même si je suis d'accord avec vous qu'en
principe ces ressources sont nécessaires. Il faudra y travailler
graduellement.
Mon autre question porterait sur ce que vous appelez en page 6
"l'intégration systématique" dans les groupes-cours de
clientèles extrêmement hétérogènes. C'est
justement là mon problème, étant donné cette grande
variété des populations adultes que nous connaissons maintenant.
Il y a des adultes de 19 ans, de 20 ans, de 30 ans ou de 50 ans que nous
retrouvons maintenant aussi bien dans les commissions scolaires d'ailleurs que
dans les collèges.
Faudra-t-il, au nom de cette spécificité dont on parlait
plus tôt, de cet optimum pédagogique dont on peut parler, faire
des groupes-cours tellement réduits qu'ils vont coller aux
caractéristiques ou aux profils de chacun des groupes d'âges
nombreux qui peuvent se retrouver chez les adultes qui choisissent de revenir
à l'école. Ceci pourrait poser des contraintes de tous ordres
d'une part. D'autre part est-ce qu'on peut envisager que c'est toujours et, de
la même façon, nécessaire? Je pense, par exemple, quand il
y a des auditoires où se retrouvent des jeunes et des adultes qui
doivent entendre parfois une longue présentation, il y a quand
même un front commun qui permet un apprentissage sinon égal du
moins valable. C'est peut-être moins vrai pour les ateliers ou pour
d'autres formes d'enseignement plus individualisées, mais quand on parle
des classes en général, jusqu'à quel point, en somme,
faut-il aller dans ce cloisonnement ou dans cette répartition par
groupes d'âge très précis ou d'adultes qui ont des
expériences d'un certain type?
Mme Cousineau: Sur ce point, je pense qu'on peut faire un certain
nombre de distinctions. Quand on disait: se référer à
l'expérience qui se vit déjà dans certains
collèges, il ne s'agit pas, pour nous, de constituer de petits
groupes-cours ghettos permanents pour chaque clientèle ou
sous-clientèle.
Il a de grandes distinctions qu'on peut faire déjà. J'en
vois trois. Les jeunes en formation discontinue mais qui, à peine sortis
de la formation initiale, reviennent. Il y a bien sûr... je pense
à toutes les femmes qui sont nombreuses à
réintégrer le système après une absence à la
fois du marché du travail et du monde des études. Et c'est autre
chose si l'on parle de recyclage perfectionnement. On aurait déjà
des groupes.
Quand on disait que, quant à nous, on doit offrir aux
collèges les possibilités de s'adapter, on peut jouer - j'allais
dire dans le temps et dans l'espace - si je pense aux groupes de femmes, pour
parler d'une clientèle avec qui j'ai travaillé dans un
collège, c'est clair que pour nous, par exemple, ces femmes ne se
retrouvaient entre elles que lors de leur première session, qui
était une session essentiellement sur leur intégration, sur la
remise à jour de leur capacité, de leurs méthodes de
travail intellectuel et de leur capacité d'apprentissage. Au fur et
à mesure de leur intégration au collège, on imaginait
qu'elles s'intégreraient à d'autres groupes d'adultes, qu'elles
s'intégreraient même, à l'occasion, d'une façon
exceptionnelle, à des groupes de jeunes en petits nombres et sans
perturber les groupes de jeunes qui étaient en formation initiale. Il y
a des modèles possibles, mais tout est dans la possibilité de
pouvoir garder cette approche spécifique et de pouvoir, de façon
ponctuelle, graduer et appliquer la possibilité.
C'est clair qu'il y a des disparités quant au bassin de
population, mais il y a des cégeps qui peuvent fort bien, compte tenu de
l'importance des clientèles adultes qu'ils reçoivent, se
permettre cette très grande spécialisation d'accueil ou de
début... Dans certains cas, on peut penser aux groupes de femmes en
milieu urbain qui représentent un bassin suffisant en formation pour
justifier l'existence de groupes homogènes qui correspondent même
aux normes budgétaires pour les constituer.
M. Laurin: Bien que vous ne recommandiez pas de normes trop
rigides à cet égard.
Mme Cousineau: Non, mais la possibilité de le faire au
maximum selon les besoins.
M. Laurin: Selon les possibilités.
Mme Cousineau: Mais dans un cadre qui garde la distinction
constante.
M. Laurin: Je note ailleurs que vous êtes plutôt en
faveur de diplômes nationaux même pour les AEC, même pour les
CEC, alors que d'autres organismes ici reconnaissent qu'il serait mieux de
n'accorder qu'une valeur régionale ou locale à certains
diplômes de durée plus courte.
À part la raison que vous nous mentionniez, le marché du
travail, est-ce que vous pourriez expliciter un peu les raisons qui vous
amènent à faire cette recommandation?
Mme Cousineau: C'est notre crainte que
Les adultes se retrouvent avec une certification
déqualifiée et qu'il y ait des diplômes reconnus de valeur
et qu'il y en ait d'autres qui soient rapidement désuets ou peu reconnus
en dehors de la région où on les a eus, ou peu reconnus quand il
s'agit d'accéder à d'autres formations supérieures ou
simplement de changer de lieu d'apprentissage.
M. Laurin: Est-ce à dire que vous reconnaîtriez
très peu de valeur aux diplômes d'établissement?
Mme Cousineau: Nous ne disons pas que, nous, nous en
reconnaissons peu, mais nous craignons qu'une telle pratique ne
développe une perception et que le moindre incident de parcours fasse
que la perception généralisée du peu de valeur de telle
diplômation se répande sans égard à la valeur
réelle des diplômes et que, dans certains cas, cela ouvre la porte
à une déqualification de la certification dont les adultes
risqueraient de faire les frais encore une fois.
M. Laurin: M. le Président, deux autres questions. Vous me
semblez déplorer, en page 9, que le CEC actuel réservé aux
adultes ne comporte qu'un enseignement spécialisé. Il me semble
sentir dans votre mémoire que vous voudriez élargir la gamme des
cours dispensés au-delà de la spécialisation et vous
recommandez aux CEC pour adultes des cours de formation générale.
C'est la première fois que cette recommandation nous est faite.
Mme Cousineau: II faut voir la double recommandation dans cela.
Quant à nous, actuellement, le CEC a l'avantage d'offrir clairement aux
adultes tous les cours de la spécialisation concernée. On sait
très bien que ce qui n'est pas présent au certificat, ce sont les
quatre cours de philo, les quatre cours de français. On sait que c'est
cela, Les adultes qui reçoivent un certificat ont une diplomation qui
garantit un équivalent total en ce qui concerne la formation
professionnelle. Nous sommes d'accord avec cela. Ce que nous craignons d'un
certificat qui reste court mais auquel on ajoute de la formation
générale tout en voulant le garder court, c'est que c'est du
côté de la formation de la spécialisation qu'on va couper.
Je vous pose la question: Est-ce qu'on va se retrouver avec des certificats qui
auront à la fois un peu moins de formation générale et un
peu moins de formation professionnelle, qui à toutes fins utiles seront
des mini-DEC qui vaudront un peu moins qu'un DEC? À cet égard, on
aime mieux un certificat qui donne une formation professionnelle totale. Sur
cela, on ajoute que l'approche concernant la formation fondamentale...
Peut-être que si le DEC offrait aux adultes autre chose que la même
définition... On ne veut pas mettre en doute la définition de la
formation, on ne veut pas non plus se prononcer sur la valeur de la formation
générale proposée aux jeunes, mais ce qu'on sait, c'est
que, dans le cas des adultes, peut-être que si on leur proposait d'autres
types de formation sous le vocable général, touchant les domaines
qui les intéressent ou plus liés à l'expérience,
ils seraient plus intéressés à ajouter cela à la
formation professionnelle et peut-être, éventuellement, dans ce
cadre choisiraient-ils même d'aller chercher un DEC. On pense à
des formations fondamentales, larges, mais qui seraient plus liées
à leur condition de vie ou aux interrogations que leur expérience
sur le marché du travail les amène à se poser. On donne
des exemples, mais il pourrait y en avoir d'autres.
M. Laurin: Et, par ailleurs, vous êtes d'avis qu'il ne
faudrait pas offrir aux jeunes en formation initiale ce CEC, craignant
probablement, comme beaucoup d'autres, qu'un trop grand nombre de jeunes
actuellement inscrits au DEC s'inscrivent à ce CEC parce que plus
court.
Mme Cousineau: On sait que le retour aux études, bien que
souhaité par beaucoup d'adultes et bien que souhaitable, se fait
toujours dans des conditions fort difficiles et les conditions d'accès
actuellement ne nous permettent pas de croire que l'aller-retour du travail
à l'école est chose facile. Il y a des pertes au niveau de la
formation initiale qui sont toujours difficiles à rattraper.
Là-dessus, on fait allusion au fait que le congé-éducation
payé n'existe pas et que les conditions d'accès se passent
actuellement avec des frais de scolarité et se passent avec l'absence de
services minimaux qui permettent l'accès aux études pour les
adultes.
M. Laurin: Ceci, même pour les jeunes qui auraient
décroché au professionnel ou au général et qui
seraient obligés d'attendre un an pour revenir s'inscrire à un
CEC nouveau format.
Mme Cousineau: Ce qu'on rejette, c'est la filière courte
comme étant la règle qui propose la solution, c'est-à-dire
que ce problème est réel et on pense qu'effectivement il doit
sûrement soulever l'attention et du ministère et de l'ensemble des
intervenants du monde collégial actuellement. Mais identifier la
filière courte du certificat comme la solution nous apparaît
être une fuite rapide autour du problème et il y aurait d'autres
questionnements, en tout cas sûrement d'autres réflexions à
pousser là-dessus avant
d'identifier cette solution qui, quant à nous, comporte plus de
dangers que de réponses au problème actuellement.
Le Président (M. Blouin): Cela va, M. le ministre. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: J'ai écouté avec intérêt la
présentation du mémoire de l'Institut canadien de
l'éducation des adultes. Je pense qu'il était clair, concret et
dans la ligne de la véritable tradition de l'éducation des
adultes au Québec.
Une chose qu'on ne doit pas oublier -je ne pense pas que le ministre en
ait parlé de manière explicite dans ses réactions -c'est
l'avertissement qu'on donne à la fin du mémoire, à savoir
que toutes ces recommandations particulières qui sont faites ne vont
prendre toute leur signification qu'à l'intérieur de la politique
de l'éducation des adultes que le gouvernement doit dévoiler
tôt ou tard. Aussi longtemps qu'on n'aura pas cette politique
d'éducation des adultes, c'est bien difficile de prendre l'une de ces
recommandations isolément et de dire: On est d'accord avec ceci ou on
n'est pas d'accord, parce qu'il faut bien voir comment elle finira par
s'intégrer dans la politique que définira le gouvernement. Je
répète encore une fois le voeu que nous avons émis
à tellement de reprises au cours de la dernière année, que
cette politique soit dévoilée dans les meilleurs délais et
qu'elle puisse donner lieu à un débat de fond pendant une
période raisonnablement prolongée qui comportera - je
l'espère - une expérience comme celle-ci à un stade ou
l'autre. C'est un premier point qu'on doit souligner avec force.
En ce qui concerne les points plus précis qui se dégagent
du mémoire, je pense qu'il y en a deux qu'on doit souligner au
départ. D'abord, la manière dont le gouvernement concevait
l'élimination de la distinction entre étudiants adultes et
étudiants jeunes apparaît de plus en plus, à mesure que la
commission avance dans ses travaux, comme superficielle et hasardeuse. Cette
dénomination, étudiants adultes - et l'autre, étudiants
jeunes - n'est peut-être pas la bonne; peut-être devrait-on trouver
d'autres dénominations. Quelles que soient les dénominations
qu'on trouve, on se retrouvera toujours devant des distinctions que la
réalité impose à l'observateur, au constructeur de
systèmes et au gérant de systèmes également. Les
adultes qui éprouvent des besoins de développement intellectuel
dans la vie présentent une situation particulière, des
problèmes propres, des difficultés spéciales qui
demanderont d'être traités de manière particulière
et spécifique. (22 h 45)
Je ne pense pas qu'on pourrait s'en tirer en disant: On va
éliminer les distinctions à la base, au niveau de la prestation
des services, mais on va garder en même temps certaines distinctions dans
la partie administrative ou dans la partie de la planification. Le
problème est beaucoup plus complexe. Je suis content qu'il ait
été rappelé avec force.
À mesure que nous avançons, nous constatons que les
milieux qui voient les choses de cette manière sont beaucoup plus
nombreux et importants qu'on n'aurait pu le penser au départ. Je pense
bien que cela devrait être une invitation au gouvernement à
réfléchir très sérieusement à cette partie
de son projet de programme d'études collégiales.
Un point qui soulève des objections à peu près
universelles jusqu'à maintenant, c'est le projet de certificat
d'études collégiales, surtout dans l'application universelle
qu'on voudrait en faire. Si on voulait en faire une application limitée
aux adultes, tout en élargissant le concept de certificat par rapport
à celui qui existe actuellement, on se heurterait à toutes sortes
d'autres difficultés qui demanderaient qu'on le réexamine d'une
façon beaucoup plus approfondie. Je pense que cela fait huit organismes
qui se présentent devant la commission jusqu'à maintenant. Il y
en a deux qui n'ont pas émis d'opinion sur le contenu du projet que nous
discutons et les six autres ont été unanimes à exprimer
des objections fondamentales à l'encontre du projet de certificat
d'études collégiales. Ce sont deux points confirmés par la
présentation que nous venons d'entendre, qui confirment bien des
appréhensions que de nombreux observateurs avaient formulées et
qui devront faire l'objet d'un examen minutieux de la part du gouvernement.
Dans la présentation que l'institut canadien de
l'éducation des adultes a faite, évidemment, un bon nombre de
questions se posent. Je voudrais en poser quelques-unes, mais il y a une chose
que je veux souligner avant de les poser. Quand on parle de l'éducation
des adultes, ce qui se fait à Québec dépend à 90%
de fonds fédéraux. Les sommes que le gouvernement du
Québec affecte à l'éducation des adultes à partir
de ses revenus autonomes sont extrêmement limitées et n'ont pas
augmenté sensiblement depuis quelques années, à ma
connaissance.
M. Laurin: Vous oubliez la clientèle qui va dans les
collèges et les commissions scolaires et qui est payée par les
crédits normaux du ministère de l'Éducation. C'est
important.
M. Ryan: Si vous avez des chiffres à donner
là-dessus, vous pourrez nous les donner, mais je maintiens mon
affirmation quant aux fonds. Les sommes que nous
dépensons au Québec en provenance du gouvernement
fédéral pour la formation des adultes sont beaucoup plus
considérables que celles qui y sont affectées par le gouvernement
du Québec. Celles qui sont affectées par le gouvernement du
Québec ont été l'objet de nombreuses coupures au cours des
dernières années, qui ont entraîné des
réductions très importantes de clientèles dans certains
secteurs.
Dans le secteur des collèges, est-ce que vous réunissez
d'une manière régulière ou institutionnelle les
responsables de l'éducation des adultes des collèges? Est-ce
qu'il existe à l'Institut canadien de l'éducation des adultes une
commission ou un comité spécial des responsables de
l'éducation des adultes dans les collèges?
Mme Cousineau: Pas comme tel. Plusieurs collèges sont
représentés et sont membres de l'institut. Dans les structures de
l'institut comme tel, nous n'avons pas une table des responsables, mais depuis
trois ans, dans le cadre de notre travail sur l'ensemble des politiques en
éducation des adultes, l'ICEA a été à l'origine de
la mise sur pied de la coalition de l'éducation des adultes. Dans cette
coalition se retrouvent les représentants des responsables des services
de l'éducation des adultes des collèges. Donc, à ce titre,
à plusieurs tables de travail nous sommes amenés à
rencontrer une bonne partie des responsables des services de l'éducation
des adultes.
M. Ryan: D'après des renseignements que vous
possédez à ce sujet, y a-t-il eu progression ou recul au chapitre
des ressources mises à la disposition de l'éducation des adultes
dans les collèges au cours des trois ou quatre dernières
années?
Mme Cousineau: Là-dessus, je pourrais vous
référer à l'ensemble des dossiers noirs que nous avons
successivement présentés et rendus publics, entre autres, un
qu'on a justement appelé le dossier noir de l'éducation des
adultes où, quant à nous, on identifiait une baisse importante
des clientèles et des fonds affectés à la formation dite
générale au niveau collégial et la disparition
quasi-totale de toute la formation qualifiée de socioculturelle,
à la fois créditée et non créditée et une
baisse importante dans certaines formations professionnelles.
Je ne pourrais vous chiffrer cette constatation actuellement mais il y a
des documents. C'est clair que du côté de la formation
générale particulièrement, il y a eu une baisse importante
de clientèle.
M. Ryan: Est-ce que...
Mme Cousineau: ...de l'accueil moins grand et des
disponibilités moins grandes dans l'offre de cours qui, elles,
étaient dictées par les ressources budgétaires mises
à la disposition des collèges pour préparer cette offre de
cours.
M. Ryan: Je crois me souvenir que l'Institut canadien de
l'éducation des adultes avait souscrit à l'ensemble des
recommandations formulées par la commission Jean concernant
l'élaboration d'une politique d'éducation des adultes au
Québec. Vous me corrigerez si mes souvenirs sont déficients.
Mme Cousineau: Dans l'ensemble des recommandations,
effectivement, l'ICEA et beaucoup d'organismes avec lesquels nous travaillons,
ont souscrit à l'ensemble, en tout cas à la majorité des
recommandations. Là-dessus aussi, nous avons rendu public l'ensemble de
nos positions sur les grandes orientations de base concernant entre autres le
droit à l'éducation, l'accessibilité, etc. Nous avons
appuyé les grandes recommandations de la commission.
M. Ryan: C'est toujours la politique de l'Institut canadien de
l'éducation des adultes. Elle n'a pas été modifiée
depuis ce temps.
Mme Cousineau: Non.
M. Ryan: Très bien. Dans votre mémoire, vous dites
qu'il faudrait instaurer un modèle de reconnaissance des acquis, un
modèle uniforme, je crois comprendre, à travers le Québec.
Vous ne voulez pas que chaque institution ait son modèle particulier
parce que, si je comprends bien, vous trouvez que cela donnera rapidement lieu
à des incohérences, à des inégalités de
traitement d'une institution, d'une région ou d'une clientèle
à l'autre, par exemple. Je vais vous poser deux questions
là-dessus. Est-ce que vous pensez que c'est le gouvernement qui devrait
prendre cela en main ou si ce devrait être les institutions?
Deuxièmement, est-ce que l'Institut canadien de l'éducation des
adultes est impliqué de quelque manière dans des consultations,
des rencontres ou des actions concertées qui pourraient conduire
à ce résultat?
Mme Cousineau: Quand nous parlons du dossier de la reconnaissance
des acquis, nous sommes à la fois conscients combien c'est important
pour les adultes d'avoir un tel système de reconnaissance des acquis;
nous sommes bien conscients aussi que cela doit être appliqué
d'une façon rigoureuse et intelligente si on ne veut pas qu'un tel
système produise autre chose que les effets désirés. Donc,
on ne voudrait pas d'une politique de reconnaissance des acquis qui
introduirait encore plus de disparité, encore plus d'arbitraire et qui
mènerait, encore là,
à une déqualification graduelle des certifications ou des
reconnaissances données aux adultes.
Par ailleurs, c'est clair - plusieurs groupes l'ont signalé -
qu'actuellement les acquis non scolaires et même certaines
expériences... Là-dessus je vais reprendre encore l'exemple des
femmes qui ont été coupées du marché du travail
rémunéré. On a même connu et on connaît encore
dans le système scolaire, de façon générale, un
mépris des expériences. Donc, c'est clair que le fond de la
recommandation, c'est de dire: Nous savons des choses, elles sont, à
certains égards, équivalentes à des apprentissages
scolaires et nous voudrions les voir reconnaître. Là-dessus, on
veut trouver dans le monde scolaire, à la fois la souplesse et un examen
intelligent de l'appréciation de ces expériences.
Par ailleurs, on est bien conscient que tout cela doit être
uniformisé quelque part. On ne veut donc pas d'un modèle
automatique qui, sans examen réel des expériences qui sont
difficilement évaluables, on le reconnaît, ferait qu'à
toutes fins utiles, il n'y ait pas de reconnaissance. On ne veut pas non plus
que ce soit à ce point remis à l'initiative locale, qu'on
recrée une disparité et qu'on reconnaisse n'importe quoi, ce que
certains craignent à juste titre. Donc, un modèle qu'il faudrait
avancer, largement discuter, peut-être expérimenter et,
finalement, appliquer un peu partout. Là-dessus, on sait qu'il y a des
travaux qui ont été commencés au ministère. Il y en
a aussi qui ont été faits du côté des
universités qui s'occupent de la formation des formateurs d'adultes, par
exemple. On sait qu'un certain praticien aussi a amorcé des
réflexions là-dessus. L'ICEA s'est impliqué mais nous on
n'a pas travaillé particulièrement sur un modèle comme tel
de reconnaissance des acquis. On souhaiterait une initiative du
ministère pour proposer des choses à la lumière des
travaux déjà faits pour que puisse s'amorcer le débat non
plus sur le principe, car on pense que là-dessus il y a un consensus
beaucoup plus large qu'il y a quelques années, mais les craintes
demeurent et vont toujours demeurer tant qu'on n'aura pas un modèle
d'application. Il faudrait aussi le soumettre à une large discussion. On
ne croit pas que cela puisse s'inventer magiquement, non plus, un tel
système de reconnaissance des acquis.
On sait que des expériences ont été faites ailleurs
dans d'autres pays, certaines malheureuses d'autres heureuses. On pense
qu'à partir de cela on serait prêt au Québec maintenant
à examiner un tel modèle et à s'acheminer tranquillement
vers une application.
M. Ryan: Est-ce que, a priori, il vous semblerait
préférable que ce modèle-là soit imposé et
géré par le ministère de l'Éducation ou par le
réseau des collèges?
Mme Cousineau: On pense que le modèle devrait être
provincial et à quelque part les reconnaissances avoir une valeur de
transférabilité totale dans l'ensemble du réseau
collégial au Québec. Quant à l'application - quand je
pense à l'application, cela veut dire rencontrer les gens, les
entrevues, l'application de tests d'équivalence - on devrait revenir
à un palier local qui pourrait être régional, qui pourrait
être harmonisé sur la base des régions, compte tenu des
différents niveaux impliqués - je pense au secondaire, au
collégial et à universitaire - mais près des
clientèles à cause de toute la partie qui est de l'ordre quasi de
la relation qui doit s'établir entre des individus lors d'une telle
évaluation.
M. Ryan: Ne trouvez-vous pas, Mme Cousineau, que le gouvernement
agirait de manière imprudente en mettant en vigueur l'article 27 de son
projet de règlement sans qu'on ait trouvé une solution convenable
à ce problème? Votre mémoire incline dans ce
sens-là, mais il n'est pas particulièrement ferme sur ce point.
Est-ce que je vais trop loin en vous posant cette question?
Mme Cousineau: Actuellement, ce principe garantit au moins ce qui
existe déjà, à savoir un minimum de reconnaissance en ce
qui concerne l'accès - cela on l'a déjà -la reconnaissance
des acquis en termes d'accès à un niveau. Quant à nous
c'est, bien sûr, à préserver. Dans ce sens-là on a
comme un début d'utilisation du principe de reconnaissance des acquis et
on ne veut pas le perdre. On pense que cela pourrait aller plus loin en termes
d'équivalence. Donc que cela apparaisse au règlement, en soi,
pour nous, ce n'est pas un problème. D'une certaine façon le vrai
débat devra s'engager sur le modèle et sur la façon de
l'appliquer. C'est clair qu'on ne peut pas le généraliser sans
connaître le modèle. Quant à nous, on ne voudrait pas voir
se développer mille et une façons d'interpréter cet
article du règlement, bien sûr.
M. Ryan: Je passe à un autre sujet: le diplôme qui
devrait être l'objet d'une certification nationale de la part du
gouvernement. Lorsqu'il s'agit des attestations d'études
collégiales, je vais vous dire franchement que je trouve que vous allez
trop loin. Je trouve que vous en confiez beaucoup trop au ministère de
l'Éducation. Je me demande si vous n'êtes pas portés
à manquer un peu de confiance envers les institutions
collégiales. J'ai de la misère à avaler celle-là,
pour être franc avec vous. Celles que vous avez déjà
données au ministre, je les ai écoutées; si vous avez
d'autres explications, cela me fera plaisir de les entendre. Je voulais
juste vous faire part de ma réaction sur ce point-là. (23
heures)
Mme Cousineau: À moins qu'on se comprenne mal... Lorsqu'un
établissement propose un programme, qu'il puisse le proposer, on n'a
aucune objection. S'il a de la valeur, je ne vois pas qu'il y ait de
problème à ce que le ministre de l'Éducation le
reconnaisse comme tel et que cela devienne une certification d'État. Le
fait d'échapper à la certification d'État nous
apparaît être une ouverture au développement de
certifications différentes et qui se dévaluent. Notre manque de
confiance ne serait pas envers les institutions mais envers l'usage qu'on
pourrait développer autour de... Par exemple, il y a quelques
années, lorsque dans certains secteurs d'emploi on manquait de
main-d'oeuvre, il suffisait de présenter un bulletin cumulatif attestant
qu'on avait fait deux sessions qui auraient pu mener à un certificat ou
à un DEC pour que les employeurs trouvent absolument intéressant
le fait d'avoir un tel bulletin cumulatif. Il est clair que, lorsque l'emploi
s'est fait plus rare, le fait de n'avoir qu'un bulletin et non pas un
certificat est devenu discriminant, sans égard à
l'expérience. Nous pensons qu'une certification d'établissement
porterait éventuellement le même inconvénient ou les
mêmes limites. À la moindre difficulté, ce serait
considéré comme une certification inexistante parce que
différente des autres, inférieure aux autres.
M. Ryan: Deux questions sur l'accessibilité. Vous dites
que le CEC ne sera pas nécessairement la bonne solution aux
problèmes des décrocheurs. Vous dites qu'il y aurait probablement
d'autres solutions qui pourraient...
Mme Lavoie-Roux: Le sexe, on a compris le sexe.
M. Ryan: Non, c'est le domaine du gouvernement, cela.
M. Laurin: On a compris... C'est ce qu'on a compris.
M. Ryan: Vous autres...
Mme Lavoie-Roux: Moi aussi, j'ai compris...
M. Ryan: Nos fautes étaient autres.
M. Leduc (Fabre): C'est peut-être une solution.
M. de Beliefeuille: Qu'est-ce que vous avez dit?
M. Ryan: Non, l'Institut canadien d'éducation des adultes
dit, dans son mémoire, que le certificat d'études
collégiales proposé par le gouvernement ne sera pas
nécessairement la bonne solution aux problèmes des
décrocheurs et qu'il y aurait probablement d'autres solutions. Est-ce
qu'il y en a d'autres que vous avez déjà proposées ou que
vous voudriez soumettre à la réflexion de la commission?
Mme Cousineau: Ce n'est pas un domaine dans lequel nous avons une
expertise réelle ou très poussée. Par ailleurs, notre
expérience de travail avec les adultes nous indique qu'il y a beaucoup
d'autres solutions à inventer qui sont du côté de
l'encadrement, de l'accueil et des services offerts. On reconnaît qu'il y
a un problème; on serait naïf de dire qu'il n'y en a pas mais,
quant à la connaissance qu'on a des problèmes de retour aux
études et d'intégration au monde scolaire ou de
réintégration, on ne croit pas que la certification courte soit
la solution.
D'ailleurs, on sait que plusieurs adultes choisissent les DEC
plutôt que les CEC. Dès que les conditions le permettent, ils vont
bien plus s'orienter vers un DEC que vers un CEC. On pense qu'il est
préférable de viser à cela et que, dans le cas des jeunes,
ce serait leur offrir une solution de facilité plutôt que de les
aider à avoir accès à la vraie solution. On n'a pas
d'expertise quant à ce qui devrait être permis.
M. Ryan: Juste une petite parenthèse avant que je vous
pose ma dernière question. On a beaucoup parlé, depuis deux
jours, des quelque 15 000 adultes en quête d'un DEC qui seraient inscrits
comme étudiants réguliers dans des cégeps. Est-ce que le
ministère pourrait nous communiquer des statistiques sur l'âge de
ces étudiants? Cela pourrait changer bien des choses. À supposer
que la très grande majorité soit de 19 et 20 ans, à ce
moment-là, cela ne pose pas un problème aussi considérable
que l'a prétendu le gouvernement. Mais s'ils échelonnent sur
différentes catégories d'âge, d'une manière beaucoup
plus étendue, cela posera un problème différent. Si on
pouvait obtenir des données là-dessus, selon les sexes
également...
M. Laurin: C'est le cas.
M. Ryan: Pardon? ...et la répartition selon les cours
aussi, en particulier les deux grandes divisions. Je pense que cela nous
aiderait beaucoup à mieux cerner cette réalité. Je ferme
la parenthèse et je vous pose ma dernière question, Mme
Cousineau.
Vous avez une recommandation, à la page 12, dans laquelle vous
dites que l'abolition des frais exigés des adultes depuis
trois ans devrait être une des premières mesures
proposées par le gouvernement. Est-ce que je dois comprendre que vous
demandez qu'on supprime seulement les hausses de frais de scolarité
institués par le gouvernement depuis trois ans ou si vous voudriez qu'on
aille vers la gratuité totale de l'éducation des adultes au plan
secondaire, ce qui est déjà la politique de l'Institut canadien
d'éducation des adultes depuis le temps lointain où j'en
étais le président, et au niveau collégial? Au niveau
collégial, cela pose un problème particulier parce qu'on change
d'étage; cela comporte des implications budgétaires assez
considérables. Est-ce que c'est la politique de l'Institut canadien
d'éducation des adultes d'aller jusque là et pour quelle raison,
parce que c'est gratuit déjà pour les étudiants
réguliers, je suppose?
Mme Cousineau: Oui, c'est dans le droit et en cela on rejoint
l'approche de la commission Jean. On pense qu'une reconnaissance du droit
absolu des adultes à une formation fondamentale inclut un accès
et la gratuité jusqu'à la fin du niveau collégial.
Par ailleurs, je dois vous faire remarquer que le problème qui se
pose pour les adultes ne se traduit pas par des frais stricts de
scolarité parce que, théoriquement, il n'y a pas de frais de
scolarité, sauf que la hausse faramineuse des frais d'inscription ou des
frais d'administration - comme on les a surnommés - nous paraît
une appellation déguisée de frais de scolarité. Je n'ai
pas les chiffres avec moi, mais quand les frais d'admission représentent
15 $ pour 15 heures de cours dans certains cas, on est près de frais de
scolarité qui ne sont jamais appelés frais de scolarité,
mais frais d'admission ou d'administration. Ce sont ces frais qu'on veut voir
disparaître; quant à nous, ce sont des frais de scolarité
déguisés.
M. Ryan: Est-ce que vous savez que pour les cours de formation
professionnelle, c'est beaucoup plus que 15 $ par jour?
Mme Cousineau: Je parlais d'unités de 15 heures quand j'ai
mentionné 15 $.
M. Ryan: II me semble - si je comprends bien cette partie de
votre mémoire - qu'au cours des dernières années, en
matière de frais encourus par les adultes pour fins d'éducation
dans les institutions, on a reculé plutôt qu'avancé.
Mme Cousineau: Oui.
Le Président (M. Blouin): Merci. M. le
député de Fabre.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je reviens
à une question qui a été soulevée par le
député d'Argenteuil. À la page 10 de votre mémoire,
vous parlez d'un sérieux problème de décrochages au
collégial. 11 y a également un sérieux problème au
niveau du secondaire.
Par ailleurs, on a commencé à instaurer un certain nombre
de cours qui s'adressent aux décrocheurs. Ces cours existent
présentement dans les écoles secondaires. II en existe
également au collégial. Je sais, non pas de façon
précise et détaillée, qu'il s'agit de cours adaptés
à une clientèle qu'on appelle une clientèle de
décrocheurs et ces cours sont assumés par les services
d'éducation des adultes. Est-ce que votre groupe a été
consulté? Est-ce que vous suivez cette expérience? Est-ce que
cette expérience peut servir de modèle pour répondre aux
problèmes qu'on soulève, comme alternative au CEC?
Mme Cousineau: Certains des partenaires de l'ICEA sont
près de ces expériences, particulièrement au secondaire.
Je sais qu'elles sont considérées, dans certains cas, comme
positives. Il y a peut-être lieu de les examiner en vue de nous amener
d'autres solutions mais je dois dire -à moins que Richard n'ait des
choses à ajouter sur cela - qu'on n'a pas suivi de très
près ces expériences.
M. Leduc (Fabre): D'accord. À la page 12 de votre
mémoire, vous parlez de la sélection des étudiants adultes
et cela me semble un point important. Dans le cadre des programmes de formation
des Centres de main-d'oeuvre du Canada, vous dites que cela échappe de
plus en plus aux collèges. Selon votre expérience, quel est le
rôle des collèges actuellement, des services d'éducation
des adultes par rapport aux centres de main-d'oeuvre? Quelles sont les
relations et est-ce qu'il y a moyen d'améliorer cela dans le cadre
actuel ou si, vraiment, il n'y a rien à faire? Quelle est votre opinion
à ce sujet?
Mme Cousineau: Sur ce point, nous pensons que le texte de
l'entente fédérale-provinciale a remis aux centres de
main-d'oeuvre la responsabilité de la sélection et les
collèges reçoivent les étudiants qui sont envoyés
par les centres. Les collèges n'interviennent plus dans le processus de
sélection, de plus en plus. L'entente ne prévoyait pas
nécessairement que seuls les centres le feraient, mais elle leur donnait
une plus grande responsabilité. On nous avait dit à
l'époque que cela permettrait d'élargir l'accessibilité
mais, dans les faits, ce sont les centres de main-d'oeuvre et nous pensons que
cet article de l'entente devrait être réexaminé lors de la
renégociation pour garantir à nouveau ia responsabilité
des
collèges et du ministère de l'Éducation quant
à la sélection et à l'encadrement pédagogique, de
façon générale, de la formation professionnelle qui se
donne dans le cadre des PFMC.
Nous pensons que la responsabilité du ministère, en termes
pédagogiques - cela comprend la sélection, l'accueil - a
été mise en phase de recul, de disparition par les
dernières ententes. On pense qu'il y aurait lieu, lors de la prochaine
négociation, de revenir là-dessus à l'examen de
l'expérience de l'entente qui est actuellement appliquée.
M. Leduc (Fabre): Donc, le rôle des collèges se
limite uniquement à dispenser des cours. C'est ce que vous dites.
Mme Cousineau: Et à faire de l'encadrement. Actuellement,
les professeurs, une fois que les étudiants sont là, assument...
Dans la plupart des cas, ce sont les professeurs qui assument cet encadrement,
mais, au niveau de la sélection, il y a un recul certain. Et, nous, on
se pose la question: Est-ce que, de façon générale, tant
au secondaire qu'au collégial, on a suffisamment d'encadrement pour
assurer la qualité pédagogique de cette formation qui risque
d'échapper complètement au système d'éducation s'il
y a trop de responsabilités qui sont envoyées du
côté des centres de main-d'oeuvre?
M. Leduc (Fabre): Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci. Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci. J'aimerais vous remercier de votre
mémoire. J'ai une question: L'Université Concordia a
réussi, d'une façon assez remarquable, je crois, à
intégrer les étudiants à temps plein, les adultes à
temps plein, les jeunes à temps partiel, les adultes à temps
partiel, jour et nuit. Est-ce que vous avez examiné ce modèle et
est-ce qu'il y a des éléments qui sont pertinents? Est-ce qu'on
pourrait apprendre ou appliquer quelques éléments aux
problèmes des cégeps?
Mme Cousineau: Je pense qu'en partant il faut bien voir que la
différence, l'écart d'âge et la différence
d'expérience entre les étudiants en formation initiale, qu'on
appelle les jeunes au niveau collégial, et les adultes qui reviennent,
sont quand même plus importants qu'au niveau universitaire.
Personnellement, je connais, puisque j'y travaille maintenant,
l'expérience de l'UQAM qui se pique aussi d'avoir réussi une
intégration totale et intéressante des clientèles, mais je
dois vous dire, par ailleurs, que dans ce contexte - et cela m'a beaucoup
frappée - dans le plan triennal, le nouveau plan triennal de l'UQAM, est
apparue cette année une longue série d'articles confiant aux
services pédagogiques universitaires une plus grande
responsabilité dans l'examen des conditions de travail des
étudiants adultes, en spécifiant particulièrement les
femmes, particulièrement tel autre type de clientèle. On
reconnaît dans le plan triennal, plus fortement qu'il y a quelques
années, l'importance de l'accueil spécifique, de l'encadrement
spécifique et de la présence différente du corps
professoral à ces adultes, malgré une différence
d'âge souvent peu apparente.
Donc, quant à moi, l'expérience d'intégration dans
certaines universités est une leçon, qui nous conduit non pas
à l'intégration des clientèles au collégial, mais
qui, au contraire, nous indique que, même lorsque l'intégration
est souhaitée et possible, on revient à une approche
pédagogique qui dit: II faut pour ces clientèles, même
à l'université, un encadrement spécial, un accueil
spécial et des services pédagogiques spéciaux. Je ne
connais pas du tout l'expérience de Concordia, mais, pour ce que je
connais de l'UQAM, je trouve que là-dessus les décisions du
dernier plan triennal sont révélatrices.
Mme Dougherty: Merci. C'est très intéressant.
Le Président (M. Blouin): Cela va?
M. Laurin: Une dernière question, M. le
Président...
Le Président (M. Blouin): Oui, M. le ministre, une
dernière question.
M. Laurin: ...toute légère. La sélection des
adultes - mon collègue en a parlé - je voudrais y revenir un bref
moment. Actuellement, en région, elle est faite par le CEIC et le CFP,
fédéral et provincial. Est-ce que vous considérez que -
parce que c'est l'objet de votre recommandation 9, je crois; oui? - est-ce que
vous considérez que cette sélection des adultes est une
tâche de formation? Ne seriez-vous pas portés à
considérer que c'est une fonction qui découle d'une politique de
la main-d'oeuvre? Est-ce que c'est quelque chose, donc, si c'est une
tâche de formation, qui devrait être assumé par le
collège?
Mme Cousineau: Nous, on pense que... On ne prétend pas que
les collèges devraient être les seuls, sans autre
considération. Mais ce qu'on considère, c'est que, en
référence à toute notre approche de formation des groupes
et de constitution de groupes courts qui ont quelque caractère
d'hétérogénéité, etc., cela supposerait que
les collèges puissent intervenir aussi dans ce processus de
sélection. Donc, ils ne devraient pas simplement agir lors de la
prestation stricte de la formation, mais qu'ils puissent intervenir aussi au
moment de la sélection. Pas comme seuls intervenants, mais ils devraient
jouer un rôle à ce niveau
M. Laurin: La sélection vous apparaît appartenir
plutôt au domaine de la main-d'oeuvre qu'au domaine de la formation.
Politique de main-d'oeuvre ou politique de formation, la sélection.
Mme Cousineau: Pas uniquement. Je pense que les collèges,
à cause de l'importance de l'opération qui consiste même
à former les cours et à préparer les groupes
d'étudiants, devraient aussi intervenir dans le processus de
sélection.
M. Laurin: Très bien.
Le Président (M. Blouin): D'accord? Alors, M. Nantel et
Mme Cousineau, merci beaucoup de votre participation aux travaux de notre
commission. Et sur ce, la commission élue permanente de
l'éducation ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 23 h 16)