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(Quinze heures dix-huit minutes)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission élue permanente de l'éducation se
réunit aux fins de faire l'étude de nouvelles propositions
relatives au régime pédagogique de l'enseignement
collégial.
Sont membres de cette commission M. Brouillet (Chauveau), M. Champagne
(Mille-Îles), M. Cusano (Viau), M. Charbonneau (Verchères), Mme
Dougherty (Jacques-Cartier), M. Hains (Saint-Henri), M. Laurin (Bourget), M.
Leduc (Fabre), Mme Harel (Maisonneuve), M. Payne (Vachon), M. Ryan
(Argenteuil).
Les intervenants sont M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Dauphin
(Marquette), M. Maltais (Saguenay), M. Gauthier (Roberval), Mme Lavoie-Roux
(L'Acadie), M. Paré (Shefford), M. Rochefort (Gouin), M. Sirros
(Laurier).
Au tout début, j'aimerais qu'on me Fasse une proposition pour
nommer un rapporteur de cette commission.
M. Laurin: Je propose M. Jean-Pierre Charbonneau.
Le Président (M. Gagnon): Le député de
Verchères? À l'unanimité.
À l'ordre du jour aujourd'hui: après le discours
d'ouverture du ministre et la réplique de l'Opposition, nous entendrons
M. Pierre Lucier et Mme Michèle Fortin, sous-ministres au
ministère de l'Éducation et, à 2O heures, la
Fédération des cégeps; par la suite, nous entendrons
l'Association des collèges du Québec. M. le ministre.
Exposés préliminaires M. Camille
Laurin
M. Laurin: Merci, M. le Président. Le projet porté
à l'attention de la commission parlementaire est le fruit d'une
réflexion et d'une consultation en cours depuis 1980. En mai 1980, le
ministre de l'Éducation soumettait à la consultation des
collèges et des principaux organismes nationaux intéressés
à l'enseignement collégial un projet de règlement
inspiré des orientations définies dans le livre blanc sur
l'enseignement collégial. La période de consultation devait
s'étendre jusqu'en décembre 1980.
La présentation d'un règlement pour le régime
pédagogique du collégial a toutefois été
reportée pour diverses raisons. Les organismes étudiants ne
s'étaient pas exprimés officiellement durant la période de
consultation. Ils furent donc invités à faire valoir leur point
de vue à l'automne 1981. De plus, il convenait de connaître les
recommandations du rapport final de la commission Jean sur la formation des
adultes et d'assurer que les dispositions du règlement étaient en
cohérence avec les propositions de relance et de renouveau portant sur
la formation professionnelle des jeunes. Ces documents ont été
publiés respectivement en janvier et en mai 1982.
Par ailleurs, l'année 1982-1983 ayant été
consacrée à la négociation des conventions collectives,
cette dernière année ne s'est pas révélée
une année propice. Ces considérations expliquent le délai
entre la consultation sur un premier projet et le dépôt de celui
qui vous a été remis récemment.
Pourquoi un règlement sur le régime pédagogique du
collégial? Essentiellement pour trois raisons. Premièrement, pour
donner une assise légale au régime pédagogique en vigueur;
deuxièmement, pour poursuivre dans la continuité et,
troisièmement, pour mieux répondre aux nouveaux besoins des
individus et de la société.
Donner un assise légale au régime pédagogique en
vigueur. Les dispositions qui régissent aujourd'hui les études
collégiales sont, à quelques exceptions près, celles qui
prévalaient il y a une quinzaine d'années, au moment où
les cégeps ont été créés. D'un commun
accord, les autorités ministérielles du temps et les responsables
de la pédagogie dans les collèges avaient convenu que le
régime pédagogique mis en place aurait un caractère
expérimental et provisoire.
Au cours des quinze années qu'a duré
l'expérimentation du régime pédagogique, des consensus de
fond se sont dégagés sur les caractéristiques que doit
présenter la formation collégiale. Ces clarifications
désormais opérées, il y a lieu de mettre fin à une
situation provisoire et d'affirmer, d'une manière formelle, les traits
spécifiques de l'enseignement collégial.
En 1983, le temps est donc venu, pour le gouvernement, de donner suite
à ses intentions et de fonder sur une assise légale
les règles qui déterminent le cadre des études
collégiales, comme il l'a fait récemment pour l'enseignement
primaire et secondaire. L'activité pédagogique, raison
d'être première des collèges, obéira ainsi à
des règles du jeu claires, connues de tous et reposant sur un fondement
solide.
Pour poursuivre dans la continuité - le projet du gouvernement
à l'endroit des cégeps l'a signifié clairement - si des
ajustements et des correctifs s'imposent, l'état et les besoins de
l'enseignement collégial ne justifient pas un remaniement en
profondeur.
Le règlement sur le régime pédagogique
intégrera les éléments les plus valables du régime
pédagogique actuel et en modifiera d'autres pour les rendre plus
conformes aux orientations initiales.
Ainsi en est-il, notamment, des dispositions qui touchent à
l'accès aux études collégiales, à la polyvalence de
la formation, à la cohérence du réseau, à la
formation fondamentale. L'accès aux études collégiales.
Des contraintes peu justifiées continuent de s'exercer sur certaines
catégories de candidats limitant, pour beaucoup, la possibilité
d'entreprendre des études collégiales. C'est le cas de
diplômés de l'enseignement secondaire en formation professionnelle
et de ceux du secteur général qui n'ont pas suivi les cours
préalables à l'orientation visée à l'enseignement
collégial.
C'est le cas aussi des personnes désireuses de poursuivre un
projet personnel de formation sans postuler de diplômes d'études
collégiales.
Et, enfin, c'est le cas des adultes que des conditions d'admission
restrictives écartent des avantages réservés aux
élèves dits réguliers.
Des dispositions du règlement sur le régime
pédagogique conduisent à ménager à ces groupes de
personnes un accueil plus grand aux études collégiales. Je
citerais à titre d'exemple la réaffirmation de la valeur des
études professionnelles comme préparation aux études
collégiales, la reconnaissance d'une formation équivalente
à celle de l'enseignement secondaire, l'équivalence
accordée pour des acquis extrascolaires.
La cohérence du réseau. En optant pour un réseau de
collèges autonomes plutôt que des établissements
d'État, le gouvernement comptait sur le dynamisme d'instances
décentralisées. Du même coup, il acceptait les risques
liés aux particularités de ses partenaires et à la
diversité des milieux.
Il faut rappeler toutefois que des conditions propres à
préserver la cohérence du réseau collégial
étaient mises en place: des programmes d'études définis
par le ministère avec la collaboration des collèges, des
ressources réparties équitablement entre tous les
établissements et une garantie de la valeur nationale des diplômes
octroyés par le ministre lui-même.
Quinze ans plus tard, la cohérence du réseau
collégial demeure un impératif et le règlement sur le
régime pédagogique retient le principe de programmes
d'État et celui de la sanction des études par le ministre, tout
en accordant aux collèges la latitude qui leur permettra de mieux
répondre à des besoins particuliers.
La polyvalence de la formation. L'idéal de polyvalence
assignée depuis le début è l'enseignement collégial
devait se réaliser par la cohabitation de deux secteurs d'enseignement
jusqu'alors séparés. Mais il devait surtout s'incarner dans des
programmes de formation qui, tout en conduisant à une qualification
professionnelle élevée, intégrerait les acquis d'une
longue tradition humaniste. Telle était l'intention qui dicta le partage
de l'emploi du temps entre des cours communs obligatoires, des cours de
concentration ou de spécialisation et des cours
complémentaires.
Le règlement sur le régime pédagogique retient la
polyvalence comme principe de l'organisation des études. Il apporte
aussi au plan des contenus la mise à jour qu'imposent l'évolution
culturelle et la situation particulière de la société
québécoise.
La primauté de la formation fondamentale. La formation
fondamentale se caractérise surtout par sa profondeur. Elle vise
à faire acquérir les assises, les concepts et les principes de
base des disciplines et des savoir-faire qui figurent au programme de
l'élève quelle que soit son orientation.
L'option pour la formation fondamentale constitue une des lignes de
force du règlement sur le régime pédagogique. Il en fait
le principe intégrateur des composantes, des programmes
d'études.
Pour mieux répondre aux nouveaux besoins des individus et de la
société, l'affirmation des droits des élèves. Le
règlement sur le régime pédagogique consacre la
responsabilité des collèges dans la protection des droits de
l'élève: droit à une formation de qualité, droit
à des conditions d'admission rendant les études
collégiales accessibles au plus grand nombre et exemptes de toutes
formes de discrimination, droit à des programmes d'études
constitués d'un ensemble intégré de cours poursuivant des
objectifs de formation fondamentale et ayant des exigences comparables, quelle
que soit l'orientation suivie; droit à des cours conformes, en contenu
et en durée, aux programmes officiels; droit, pour l'élève
qui le désire, de se donner un plan de formation correspondant à
ses besoins personnels ou professionnels; droit à l'évaluation
équitable et à la sanction des études qui en
découle.
Le renforcement de la mission socioculturelle des collèges.
L'assouplissement
de plusieurs dispositions du régime pédagogique et le
renforcement des responsabilités locales en matière
d'organisation des études sont dictés par la volonté
gouvernementale de voir les collèges assumer mieux et davantage la
mission qui leur est assignée.
La diversité des types de programmes et des modes de sanction des
études permettra de multiples projets de formation initiale, de
perfectionnement et de recyclage, grâce auxquels les collèges
pourront contribuer à l'essor culturel et économique de leur
région autant qu'à l'épanouissement des individus. La
mission socioculturelle d'un collège n'est-elle pas primordialement
associée au développement de ressources humaines
compétentes et adaptées aux besoins d'un région? Sans
compter que le règlement sur le régime pédagogique laisse
la voie ouverte à des modèles pédagogiques moins
traditionnels tels que la formation à distance, l'alternance des
études et du travail, des sessions de durée variable, etc.
Ce sont des mesures qui ont soulevé des débats. Le projet
de régime pédagogique, bien qu'il s'inscrive d'abord sous le
signe de la continuité, renouvelle toutefois certains des aspects de la
vie pédagogique du collégial. Quelques-unes des mesures
proposées ont soulevé des réserves, voire même des
désaccords. Il en est ainsi de l'introduction, au choix, d'un cours
d'histoire et d'institutions du Québec ou d'économie du
Québec, qui remplacerait l'un des quatre cours obligatoires de
philosophie; du libre choix laissé aux élèves pour leurs
cours complémentaires; des marges de jeu dont disposeraient les
collèges dans la détermination des cours qui composent les
programmes; enfin de la composition et de l'orientation des programmes de
certificat d'enseignement collégial.
Ces quatre questions constituent, me semble-t-il, les points de
divergence majeurs exprimés sur le projet qui nous intéresse. Je
me permettrai de les commenter en insistant davantage sur le bien-fondé
des objectifs qui ont justifié l'introduction de ces nouvelles mesures
dans le régime pédagogique que sur les moyens retenus.
Les cours d'histoire et d'institutions du Québec,
d'économie du Québec et les cours obligatoires de philosophie.
Dans le projet de règlement, les cours communs obligatoires gardent
l'importance relative qu'ils ont aujourd'hui, mais s'enrichissent
d'activités de formation destinées à affermir
l'enracinement des citoyens dans le tissu culturel du Québec: le
règlement introduit des cours portant sur les dimensions
socio-historiques et économiques du Québec. D'ailleurs, ces
matières ont aussi été rendues obligatoires au secondaire.
Le cours sur les institutions québécoises proposé par le
Conseil des collèges s'inscrit également dans les objectifs
poursuivis. (15 h 30)
Outre l'intérêt même de ces cours, il a paru
opportun, à l'enseignement collégial, de diversifier les
approches culturelles proposées aux élèves, la philosophie
n'occupant plus aujourd'hui, tant s'en faut, la place qu'elle occupait dans la
culture et l'humanisme, non plus que dans les instruments de lecture de la
réalité. Au demeurant, la place que le Québec accorde
à l'enseignement de la philosophie au collégial demeure tout
à fait unique en Amérique du Nord. Avec trois cours obligatoires
pour tous, nous n'avons rien à envier à d'autres systèmes
d'éducation. En outre, les élèves qui ont de
l'intérêt pour cette discipline peuvent toujours l'inclure parmi
celles qui font l'objet de leurs cours complémentaires.
Je suis conscient des répercussions de cette décision sur
les professeurs de philosophie. Une série de mesures seraient
évidemment prises pour en atténuer les effets négatifs.
L'implantation des nouveaux cours d'histoire et institutions du Québec
et d'économie du Québec serait étalée sur plusieurs
années, afin de permettre aux cégeps de choisir le moment le plus
propice pour adopter localement cette mesure. Le ministère proposerait
aussi des programmes de recyclage et de perfectionnement.
Le choix proposé n'est pas facile. Il a pourtant
été mûrement réfléchi. Il importe d'en bien
considérer les tenants et les aboutissants.
Le libre choix des cours complémentaires. Dans le régime
pédagogique actuellement en vigueur, les élèves
choisissent obligatoirement leurs cours complémentaires en dehors des
disciplines qui constituent leur concentration et leur spécialisation.
L'objectif poursuivi est d'assurer à l'élève une formation
plus complète et diversifiée, même si, dans la pratique, la
contrainte imposée ne constitue guère d'emblée une
garantie de polyvalence.
Étant donné le statut des élèves qui
fréquentent nos cégeps, ces restrictions imposées au choix
des quatre cours complémentaires sont difficiles à justifier. En
réponse aux avis formulés par les associations
d'élèves, il a donc semblé opportun de permettre à
chaque élève d'effectuer son choix de cours
complémentaires comme bon lui semble, en tenant compte de ses
goûts et de ses orientations personnelles, l'existence de cours communs
obligatoires garantissant déjà une polyvalence de base qui n'a
guère son pareil ailleurs que chez nous.
La détermination par les collèges d'une partie des cours
de la spécialisation et de la concentration des programmes. Dans le
projet de régime pédagogique, il est proposé qu'une
partie, la plus importante, des cours de la spécialisation ou de la
concentration des
programmes soit définie par le ministre et l'autre, par les
établissements. Cette mesure vise plusieurs objectifs. Elle
reconnaît que les programmes peuvent prendre des accents
différents, répondre à des objectifs pédagogiques
et socio-économiques définis localement sans que soit
bouleversée la cohérence du réseau. Elle affirme la
maturité des cégeps et le rôle qu'ils doivent jouer dans la
détermination des programmes. Elle permet une réponse plus rapide
aux besoins d'adaptation constante des programmes au changement. Elle permet
aux collèges d'utiliser plus rationnellement les ressources en place.
Enfin, elle permet aux collèges de répondre directement aux
besoins qui sont exprimés localement et régionalement.
Certains nous reprochent d'aller trop loin par cette mesure sans
toutefois contester le bien-fondé de la décentralisation
pédagogique envisagée. Le Conseil des collèges
suggère un maximum de 25% de contenu local avec un minimum de 10%;
d'autres nous ont indiqué que 30% serait acceptable. Je n'entends pas
que l'on se dispute sur les chiffres. Ce qui importe, c'est que la part de
détermination des programmes laissée aux collèges soit
suffisante pour répondre aux objectifs visés.
Le certificat d'enseignement collégial. J'aborderai un peu plus
longuement le certificat d'enseignement collégial, compte tenu de son
importance pour le développement de l'enseignement professionnel et
compte tenu aussi des réactions nombreuses et parfois vives auxquelles
il donne lieu. Environ 1300 élèves sont inscrits à un
certificat d'enseignement collégial en 1982-1983. Pour être admis
à ce type de programme, il leur est demandé d'avoir quitté
le système éducatif pendant au moins un an et d'avoir 18 ans. Le
projet de régime pédagogique propose de mettre fin à cette
forme de discrimination et d'ouvrir le certificat d'études
collégiales même à ceux qui ne remplissent pas ces deux
conditions.
Le projet de règlement ne remet pas en cause l'idéal du
diplôme d'études collégiales, c'est-à-dire le DEC.
Celui-ci demeurera le programme par excellence de l'enseignement
collégial. Cela est reconnu de tous. Aujourd'hui même, près
de 15 000 "adultes", au sens du présent régime
pédagogique, sont inscrits dans les cégeps dans des programmes de
DEC, c'est-à-dire de diplômes d'études
collégiales.
Cependant, ce que nous offrons à la population en formation
professionnelle demeure malgré tout insuffisant. Le certificat actuel ne
répond qu'à une très faible partie des besoins. Il est peu
disponible. Ailleurs au Canada, aux États-Unis, en Europe, on
développe au niveau post-obligatoire de nombreux programmes de
durée variable, précisément pour répondre à
des besoins variés. Pourtant, le développement des cégeps
s'est fait au nom de l'accessibilité et de la démocratisation de
l'enseignement. La multiplication des collèges, la
régionalisation, l'autorisation de programmes de formation
professionnelle ont ouvert le cégep à nombre de finissants du
secondaire et à beaucoup d'adultes, mais plusieurs ont été
laissés pour compte et une nouvelle clientèle doit maintenant
être accueillie.
Qu'ont à offrir les collèges aux chômeurs et aux
travailleurs qui ont besoin de recyclage ou de perfectionnement? Aux
diplômés du secondaire qui ne viennent pas au collège?
Qu'ont-ils à proposer aux très nombreux cégépiens
qui, surtout au secteur professionnel, quittent l'enseignement collégial
avant terme? On peut légitimement penser qu'en offrant plus de voies
d'accès à l'enseignement professionnel, une partie de la nouvelle
clientèle poursuivra encore plus loin les études. L'exemple de
l'introduction des certificats dans les universités est éloquent
à ce propos. Loin de recruter chez les étudiants du
baccalauréat, le certificat a ouvert la porte à
l'université à une toute nouvelle clientèle qui a
contribué à l'essor du secteur universitaire au cours des
dernières années.
Le modèle de certificat proposé dans le projet de
règlement s'inscrit dans la foulée du certificat actuel, ce
dernier se limitant cependant aux cours de la spécialisation d'un
programme professionnel. Le modèle de certificat conserve les
éléments plus fondamentaux des activités de la
spécialisation et l'enrichit de cours de formation
générale: deux unités de français, deux
unités au choix, philosophie, histoire et institutions du Québec
ou économie du Québec, et deux unités de cours
complémentaires.
Il est évident par ailleurs qu'il n'est pas question d'ouvrir des
certificats dans tous les secteurs où il se donne des diplômes
d'études collégiales. Plusieurs de ces modifications suscitent
des inquiétudes. On considère qu'on introduit trop peu
d'éléments de formation générale, tout en excluant
trop d'éléments de formation professionnelle. On craint que le
certificat, diplôme d'État de formation professionnelle ouvert
à tous, attire des élèves qui autrement auraient choisi le
diplôme, c'est-à-dire le DEC. On estime que la formation
reçue serait tronquée, valide à court terme, mais
pénalisante à long terme. On s'interroge aussi sur la
présence d'un créneau spécifique réservé au
certificat et on le situe mal par rapport au diplôme d'études
professionnelles du secondaire et du diplôme d'études
collégiales. Les effets sur les ressources présentes dans les
collèges d'une diminution potentielle des inscriptions-cours sont
également présents à l'esprit de certains qui
s'opposent au certificat proposé.
Vous comprendrez que, tout en prenant en considération ces
diverses inquiétudes, je demeure persuadé que le modèle de
formation professionnelle existant au collégial ne doit pas contribuer
à éloigner davantage les absents, jeunes et adultes, ni à
favoriser l'abandon des études par ceux qui y sont déjà
inscrits.
D'autre part, les collèges doivent remplir leur mission
socioculturelle dans leur région et dans tout le Québec notamment
en assumant un leadership en formation professionnelle. Il y a fort à
parier que d'autres organismes, dont les entreprises elles-mêmes, s'en
chargeront si les collèges ne s'en préoccupent pas
suffisamment.
Ces impératifs étant clairement identifiés, je
demeure ouvert à des propositions sur le certificat d'études
collégiales. L'important est de promouvoir la formation professionnelle
en diversifiant et en assouplissant des modèles de formation qui sont
aujourd'hui trop uniformes, insuffisamment centrés sur la réponse
aux besoins des individus et de la société.
J'invite donc les divers organismes qui ont été
invités à cette commission parlementaire, tout comme mes
collègues de cette commission, à faire connaître leur point
de vue et à formuler des propositions sur les diverses dispositions qui
apparaissent au projet de règlement sur le régime
pédagogique du collégial. J'aimerais finalement obtenir l'accord
de mes collègues de la commission parlementaire pour que le
sous-ministre adjoint à la planification, sous-ministre par
intérim à compter de lundi, M. Pierre Lucier, et la sous-ministre
adjointe pour l'enseignement supérieur, Mme Michèle Fortin,
puissent expliquer plus spécifiquement à la commission les
caractéristiques du projet de règlement sur le régime
pédagogique du collégial et répondre aux questions de
nature technique qui pourraient être soulevées. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le
député d'Argenteuil.
M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, le ministre de
l'Éducation me pose un problème particulier parce que je constate
qu'il s'en est tenu rigoureusement au cadre réglementaire de 20 minutes
et qu'en conséquence je devrai faire de même. Je me réjouis
de la convocation de la commission parlementaire pour l'étude du projet
de règlement des études collégiales. Je pense que c'est un
événement qu'il convient de saluer d'une manière
particulière. Pour une fois, je pense que nous aurons l'occasion de
faire l'examen d'un sujet très important en dehors des
considérations de partisanerie immédiate qui imprègnent
trop souvent nos débats.
Le sujet que nous abordons évoque un développement
phénoménal qui s'est produit dans la société
québécoise au cours des quinze dernières années: le
développement des cégeps est l'une des réalisations les
plus importantes de notre société. Il s'est fait d'une
manière souvent turbulente mais dans l'ensemble avec une
continuité plus grande qu'on ne pouvait le penser quand on observait les
choses de l'extérieur.
Le ministre rappelait tantôt qu'on a fonctionné dans les
cégeps pendant toute cette période avec une esquisse de
régime qui avait un caractère temporaire au début et qu'il
n'a pas été nécessaire d'institutionnaliser avant
maintenant. Je pense que c'est un signe très intéressant et aussi
peut-être une leçon que le gouvernement aurait
intérêt à retenir dans bien d'autres secteurs
d'activité. Nous ne cessons, du côté de l'Opposition, de
souligner au gouvernement que, souvent, on obtient des résultats plus
intéressants et moins coûteux en laissant la vie se
développer elle-même qu'en voulant toujours l'encadrer jusque dans
les détails. Je suis très heureux de voir que le ministre de
l'Éducation semble évoluer dans le sens de cette conception.
J'espère que cela s'appliquera à ses politiques dans d'autres
domaines.
Une chose qui m'intéresse vivement à propos de
l'évolution des cégeps, c'est la place considérable qu'y
occupent les effectifs étudiants féminins. Nous parlons beaucoup
de l'égalité de l'homme et de la femme dans notre
société. Nous savons combien les hommes étaient
favorisés par rapport aux femmes en matière d'accès
à la formation supérieure dans le passé. Il est
très intéressant de constater qu'aujourd'hui les femmes sont plus
nombreuses que les hommes dans l'effectif étudiant des cégeps,
autant au niveau professionnel qu'au niveau général. Les hommes
avaient le monopole ou la place prioritaire dans la formation
générale; même de ce côté-là, les
femmes les dépassent en nombre. Cela nous permettra peut-être de
dire aux femmes que les hommes continuent de travailler fort pour leur
permettre de faire des études. Je pense que c'est un
phénomène très intéressant pour l'avenir de notre
société et je le souligne avec infiniment de plaisir.
Je constate aussi que l'enseignement professionnel, dont on pouvait
craindre au début qu'il ne soit le parent pauvre de l'enseignement
collégial, occupe aujourd'hui une place très solide. Il regroupe
environ la moitié des effectifs étudiants dans les cégeps.
Je pense que c'est un signe d'équilibre qui est intéressant pour
nous tous.
Il y a longtemps que nous souhaitions la convocation de la commission
parlementaire autour du projet de règlement des études
collégiales. Nous l'avions demandé au ministre à
quelques reprises, en particulier en mai dernier à l'occasion de
l'étude des crédits du ministère de l'Éducation.
Lorsque nous avons constaté que le projet de règlement circulait
de manière plus ou moins secrète dans les milieux
d'initiés, nous avons craint pendant un temps que toute cette
opération ne soit consommée avant même que l'opinion
publique ait eu la chance de s'en saisir. Je pense qu'il a fallu que le Conseil
des collèges rende le projet public pour qu'on puisse en prendre
connaissance de manière régulière, en somme, puisqu'il
avait déjà circulé sous le manteau. Par cette publication
de l'avis du Conseil des collèges en septembre et du texte du projet de
règlement qui avait été annexé à l'avis du
conseil, je pense que le Conseil des collèges a trouvé cette
manière de rendre service au ministre. Le ministre ne voulait
déranger personne en publiant son règlement et le Conseil des
collèges l'a annexé à son avis. À ce
moment-là, c'est devenu un sujet d'intérêt public et je
suis bien content que le ministre ait tiré tout de suite la conclusion
qui s'imposait - tout de suite, c'est-à-dire quelques semaines plus tard
- à savoir qu'une commission parlementaire pourrait aider à
compléter le processus de tamisage qui est nécessaire à ce
sujet.
(15 h 45)
Nous n'avons aucune espèce d'objection à ce que,
après ces quinze années de cheminement, l'expérience
intellectuelle et pédagogique des collèges soit consacrée
dans un règlement qui en fixe les articulations majeures et qui trace de
manière plus stable, plus institutionnalisée les grandes lignes
du travail à faire au cours des prochaines années. Par
conséquent, il n'y aura pas de débat sur ce point particulier
dans la mesure où le règlement sera conçu d'une
manière qui réponde aux difficultés honnêtes qu'on
peut sentir à propos de tel ou tel aspect, ou à propos de
certaines orientations générales. C'est l'un des secteurs
où nous pouvons dire très loyalement - le ministre y a fait
allusion tantôt - qu'il a existé une forte tradition d'autonomie
où il ne s'est pas produit des excès de centralisme comme nous en
avons constaté dans d'autres secteurs de l'éducation. Dans la
mesure où ce règlement restera dans les bornes qu'on
présente actuellement, je pense qu'il n'y a aucun danger de centralisme
mais qu'au contraire on a des éléments d'unification
nécessaires qui peuvent aider à créer un équilibre
plus stable pour la période à venir.
Certains éléments nous manquent pour faire l'examen
complet qu'il aurait fallu faire. Je pense en particulier à la politique
d'éducation des adultes. Nous y viendrons tantôt à propos
de l'élimination que le projet de règlement propose de la
distinction entre étudiants adultes et étudiants
réguliers. Si le gouvernement avait rendu publique cette politique de
l'éducation des adultes que nous attendons depuis la publication du
rapport de la commission Jean il y a plus d'un an et demi, les choses seraient
considérablement facilitées pour nous. Il y avait toute une
série de propositions dans le rapport Jean -tout un concept - de
l'éducation des adultes dans toute société qui demandait
à se traduire ensuite dans des politiques gouvernementales.
J'espère qu'on pourra au moins nous dire où l'on en est à
cet égard. Je soutiens qu'aussi longtemps que nous ne serons pas mieux
informés à ce sujet, il sera très difficile de mesurer
l'impact véritable, toutes les conséquences de certaines
propositions que contient le projet de règlement concernant les
adultes.
Il en va de même de la formation professionnelle. Un livre blanc a
été mis en circulation, je pense que c'est vers le printemps
dernier. Il a donné lieu à des consultations abondantes dans les
différentes régions du Québec. Un résumé de
ces consultations a été publié il y a quelque temps, mais
nous n'avons pas encore les orientations de la politique du gouvernement en
matière de formation professionnelle. Évidemment, tout le monde
se rend compte qu'il y a énormément d'aspects du projet de
règlement qui se relient aussi à cet aspect de la politique
gouvernementale.
Je signale un troisième aspect: politique concernant les
institutions privées d'enseignement. Je remarque que dans le cahier
qu'on nous a remis au mois de mai, pour l'étude des crédits du
ministère de l'Éducation, on avait une section sur l'enseignement
collégial. Il fallait aller pas mal plus loin pour trouver une section
sur l'enseignement privé, dans laquelle on trouvait des pages traitant
de l'enseignement collégial également, parce qu'en plus des
quelque quarante-cinq institutions d'enseignement collégial publiques,
il existe -je pense - une dizaine ou une douzaine d'institutions privées
d'enseignement. Nous demandons au gouvernement de définir sa politique
en ce qui touche les institutions privées depuis déjà sept
ans. Et, j'ai hâte de voir le renouvellement de ces promesses du
baptême qui nous sera, sans doute, fait par le ministre à
l'occasion des échanges de vues que nous aurons. Nous attendons toujours
cette politique du gouvernement.
Il y a une chose que je voudrais aussi souligner. Une de mes
collègues, la députée de L'Acadie, signalait l'autre jour
que nous manquons de moyens pour évaluer l'oeuvre accomplie par les
cégeps dans notre société depuis une quinzaine
d'années. Chacun fonctionne avec ses impressions, ses expériences
personnelles, mais les instruments de mesure un peu objectifs qu'on pourrait
souhaiter ne sont pas facilement disponibles. Je ne tiens pas à ce qu'on
mette sur pied
des instruments de mesure trop élaborés, entre
parenthèses. Je crois que la vie peut se charger d'une bonne partie de
la besogne ici aussi. Il m'aurait semblé tout à fait logique et
d'élémentaire convenance que les institutions universitaires, qui
sont le mieux en mesure d'apprécier la qualité de la formation
donnée dans les cégeps, et aussi certains organismes à
caractère économique profitent de cette expérience que
nous allons faire pour venir communiquer leurs observations et leurs jugements
sur certains aspects de l'expérience qu'on a faite. Nous avions
demandé, nous, que la Conférence des recteurs des
universités, la Fédération des associations de syndicats
de professeurs et aussi le Conseil des universités soient invités
à venir témoigner devant la commission. Je crois comprendre
qu'ils ont dit qu'ils n'avaient pas grand-chose à dire sur cela.
J'espère qu'ils en trouveront le plus vite possible parce que cela fait
partie de leur responsabilité de dire: Si les sujets qui se
présentent à l'université ont la formation et la
préparation requises à cette fin, est-ce qu'on pourrait faire
encore davantage à ce niveau pour qu'à l'autre niveau, la
formation donnée soit plus efficace et plus de nature à faire du
Québec cette société compétitive dont nous
rêvons tous.
Au sujet du nouveau projet de règlement, je me réjouis de
constater qu'il réaffirme la primauté de la formation
fondamentale. C'est une des responsabilités du gouvernement de
définir les grands objectifs du système d'enseignement à
chacun des paliers où se dispense la formation.
En ce qui touche le palier collégial, les accents qu'on trouve
dans le projet de règlement des études collégiales,
surtout dans la mesure où ils soulignent la primauté de la
formation fondamentale, sont heureux. Si on réussit à les
définir dans des dispositions qui soient très
généralement acceptables, ce sera une garantie de
sécurité pour le développement intellectuel et
professionnel de notre communauté québécoise au cours des
prochaines années.
Il y a des choses qui sont difficiles à lire dans le projet de
règlement. C'est pour cela que le ministre m'ayant proposé, hier,
de faire venir le sous-ministre responsable de la planification, le
sous-ministre intérimaire de l'éducation - je l'en
félicite - si j'ai bien compris. J'étais très heureux de
cela, parce qu'il y aura des explications qu'on voudra obtenir à ce
sujet qui sont les éléments indispensables du jugement que nous
pourrons être appelés à formuler à un stade
ultérieur.
Je me contente de constater, pour l'instant, à la lumière
d'une étude du gouvernement fédéral qu'on a portée
à ma connaissance ces derniers temps et qui, paraît-il, exerce une
influence considérable sur les réflexions de ceux qui sont
chargés de prendre les décisions, de définir les
orientations, autant au sujet des provinces qu'au sujet de l'État
fédéral... Dans cette étude intitulée... J'ai
seulement le texte anglais. C'est une version qu'on m'a remise qui comporte
seulement un texte anglais. Je ne sais pas s'il y a un texte français
qui circule. C'est inscrit "confidentiel", mais si c'est rendu jusqu'à
moi cela ne doit plus être très confidentiel. J'étais
beaucoup mieux servi de ce côté quand je travaillais avec un
journal qui s'appelle Le Devoir. Dans l'Opposition on est moins bien
alimenté en matière de documents confidentiels qu'on ne l'est
dans les salles de rédaction des journaux. Cette parenthèse
étant faite, j'ai lu cette étude avec énormément
d'intérêt et je dirais même d'inquiétude aussi. On
nous dit tout d'abord - et ceci pour expliquer le point suivant - qu'en
définissant le programme des études, à quelque niveau que
ce soit, on doit avoir le souci de l'adéquation entre la formation qui
est donnée et les besoins du marché de la main-d'oeuvre. Souvent
on a fait d'excellentes choses dans notre système d'enseignement, mais
des jeunes qui sortaient du système ne trouvaient pas toujours dans la
société réelle les débouchés qu'on leur
avait laissé entrevoir quand ils étaient aux études. C'est
pour cela que les perspectives en ce qui regarde l'avenir sont
extrêmement importantes de ce côté. Je constate qu'on nous
dit de manière brutale que les perspectives pour les prochaines
années jusqu'à 1990 ne sont pas très encourageantes. Les
hommes politiques ont intérêt à dorer la pilule, surtout
quand ils sont au pouvoir. Mais, en général, de l'avis des gens
qui ont préparé ce document, qui m'a eu l'air très bien
fait, les perspectives sont difficiles. On va faire face à des obstacles
et à des défis extrêmement exigeants, et cela
entraîne des conséquences pour ce qu'on va faire dans
l'enseignement. Par exemple, on prévoit qu'entre 1 000 000 et 2 000 000
d'emplois seront perdus au cours des sept ou huit prochaines années
à cause des développements technologiques ou du
phénomène de l'obsolescence. On dit qu'entre 25% et 50% de tous
les emplois qui existent au Canada dans le secteur manufacturier sont
menacés de disparition ou d'obsolescence. Et même dans le secteur
des affaires et des services financiers, ce serait plus de 25% des emplois qui
seraient menacés. Si on ajoute à cela qu'il viendra s'ajouter
à la main-d'oeuvre un effectif additionnel d'environ 2 000 000 de
personnes, cela veut dire qu'il faut s'organiser au Canada pour créer,
au cours des sept ou huit prochaines années, entre 3 000 000 et 4 000
000 d'emplois. Si on divise par quatre pour avoir le quotient
québécois, cela veut dire entre 750 000 et 1 000 000 d'emplois
pendant ces sept prochaines années; cela veut dire une moyenne
supérieure à 100 000
emplois par année.
On a dit que cela ne sera pas tout de créer des emplois, qu'il
faudra que la main-d'oeuvre soit formée pour occuper ces emplois. Il y a
bien des entreprises qui pourraient se créer ou des services nouveaux
qui ne pourront pas être créés parce qu'on n'aura pas
toujours la main-d'oeuvre nécessaire pour cela. C'est pour cela que nous
accordons une importance extrême à tout ce qui regarde la
formation professionnelle et tous les ajustements qui pourront être
proposés dans le nouveau règlement qui seraient de nature
à donner à notre société, à notre
main-d'oeuvre actuelle et future une plus grande capacité d'adaptation
aux besoins de l'économie. Nous l'étudierons avec un
intérêt très grand tout en conservant une
préoccupation prioritaire pour la formation de fond qui doit être
donnée. Par exemple, on sent nettement dans le projet de
règlement qu'on veut mettre l'accent davantage sur l'adéquation
de la formation donnée dans chaque cégep avec les besoins de
chaque région, par exemple, avec les institutions économiques de
chaque région. C'est évident que si on allait trop loin dans la
voie de la spécialisation on pourrait connaître d'autres
problèmes éventuellement. On a vu cela les "one company towns",
les "one company regions" et ce qui en arrive au bout d'un certain temps quand
elles décident de déménager leurs pénates ailleurs
si on a été trop centré uniquement sur le type
d'activité économique qui prévalait dans cette
région. On paie la note très cher quand arrive le moment de faire
face au nouveau défi de l'économie. On aura l'occasion d'examiner
ces choses. Ceci pour dire que nous sommes préoccupés au plus
haut point par tout le volet de l'adéquation, la formation donnée
au niveau collégial par rapport à la réalité
concrète de l'économie.
Un autre facteur qui nous intéresse -tantôt nous aurons
l'occasion d'interroger le sous-ministre là-dessus à supposer
qu'il soit au courant, ce dont je doute - est l'impact des décrets sur
les conditions de travail dans les cégeps. M. le ministre, l'autre jour
il m'est arrivé de rencontrer un de nos anciens recherchistes de
l'Opposition qui avait pris un congé sabattique à son poste de
professeur dans un cégep. Il est retourné dans son cégep
cette année. Il était de passage ici et il m'a fait part de ses
observations, il en avait une série. Il y a des effets
considérables à des compressions budgétaires et des
décrets qu'il serait bon que vous connaissiez de la manière la
plus directe possible. Je donne seulement un exemple bien simple. Dans ce
cégep, on avait autrefois - je ne sais pas, c'est un gros cégep -
600 élèves il y a trois, quatre ou cinq ans, aujourd'hui, il y en
a 900. Dans ce temps, la bibliothèque était ouverte à tous
les jours de 19 heures à 22 heures. Elle était ouverte le samedi
également. Avec les compressions, elle n'est plus ouverte le soir
après 19 heures et n'est pas ouverte le samedi.
On peut bien dire: Ils feront leurs devoirs ou leurs travaux ailleurs,
mais ce qui arrive, c'est que les professeurs se retiennent pour donner des
travaux parce que l'accès aux ressources de cette institution n'est pas
ce qu'il était autrefois. Éventuellement, si on va trop loin dans
cette direction, il y a tout un affaiblissement du processus de
génération intellectuelle à l'intérieur de
l'institution qui va se produire. Il me parlait du rapport
maître-élèves et me disait comment cela se traduit pour sa
charge de travail propre. Je vous assure que c'est un type qui est
extrêmement dévoué et qui adore son travail. Dans les
conditions où on l'oblige à fonctionner, je pense qu'il y a une
perte d'énergie pour notre communauté dont il faut prendre acte
et qui n'est pas imputable d'abord à un esprit corporatiste que nous
serions assez unanimes, je pense bien, à réprouver.
On ne nous parle pas du tout jusqu'à maintenant des implications
budgétaires du nouveau régime. Est-ce qu'il y aura des
implications budgétaires? Je pense qu'il y en aura des
considérables. Abolir la distinction entre adultes et
élèves réguliers, qu'est-ce que cela va entraîner
sur les méthodes de calcul des coûts et tout cela? Il faudra qu'on
voie cela concrètement. Qu'est-ce que cela va entraîner par
rapport aux programmes fédéraux de financement de
l'éducation des adultes et de la formation professionnelle? Est-ce un
moyen que l'on veut prendre pour aller chercher plus d'argent de ce
côté-là? Est-ce que l'on veut prendre plus de
liberté par rapport aux programmes fédéraux qui existent?
Pour l'instant, je ne le sais point. Je pose la question tout simplement et
j'espère qu'on y trouvera des réponses. (16 heures)
En guise de conclusion, je voudrais souligner certains
éléments sur lesquels nous aimerions être
éclairés particulièrement dès ce stade de la
discussion pour qu'ensuite, on puisse discuter avec les intervenants qui
viendront nous rencontrer et leur poser des questions plus précises.
L'élimination de la distinction entre étudiants jeunes et
étudiants adultes pose le problème. Nous ne sommes pas
prêts à l'accepter les yeux fermés. Il faut voir les
conséquences de cela et les modalités pratiques. Seulement sur le
système de reconnaissance des équivalences, par exemple,
êtes-vous équipés pour mettre sur pied un système
d'équivalences vraiment sérieux?
Tous les avis dont nous avons pu prendre connaissance jusqu'à
maintenant nous invitent à la prudence de ce côté. Est-ce
qu'on est prêts à faire le saut sans autre
considération? Il faudrait qu'on ait des informations de
première main là-dessus.
La création du certificat d'études collégiales nous
inquiète beaucoup. Nous craignons que cela ne débouche sur un
certificat d'études collégiales à rabais. On parle
déjà d'un mini-DEC pour qualifier ce certificat qui serait une
extension considérable de celui qui existe actuellement, tellement
considérable que ce serait un tout autre genre de diplôme
finalement. Il faudra qu'on regarde cela de très près. À
priori, notre réaction est très réservée à
ce sujet, mais si on nous fait des preuves solides, on sera prêts
à examiner bien des choses.
En ce qui regarde les programmes, il y a plusieurs
éléments que nous voudrions regarder de près. En ce qui
regarde la formation, les cours obligatoires, nous avons eu les
représentations des professeurs de philosophie, évidemment, qui
voudraient bien que le ministère agisse conformément aux
orientations qu'il avait laissé entrevoir au cours des dernières
années. On a fait tout un nouveau programme de philosophie basé
sur huit crédits, sur quatre cours. On l'a fait avec l'approbation du
ministère. C'est un comité qui a fonctionné sous
l'autorité du ministre et qui a reçu la sanction du ministre,
d'après ce que l'on nous affirme. Finalement, ces derniers mois, on a
constaté qu'on voulait modifier tout cela. On verra ce qui en est
lorsque viendra le moment d'étudier ceci.
Tout l'équilibrage des crédits au niveau de la
concentration et de la spécialisation, on va évidemment regarder
cela de près. Ce n'est pas le moment de s'engager davantage
là-dedans. Il y a également tout un mouvement de
réappropriation, par l'autorité des cégeps, de fonctions
ou de responsabilités qui avaient été dévolues
jusqu'à maintenant au corps professoral ou à ce que j'appellerais
la fonction intellectuelle dans les institutions collégiales. Il y en a
beaucoup qui ont été faites sous l'empire des derniers
décrets. C'est une tendance qui continue avec le projet de
règlement sous ses formes subtiles. Il faut lire cela deux ou trois fois
pour voir exactement les conséquences que cela peut entraîner,
mais on en a identifié un certain nombre. On aura l'occasion de discuter
de toutes ces choses à mesure que nous avancerons.
Il y a tout le système d'évaluation qu'on préconise
également. En soi, je pense que tout le monde est pour la vertu et pour
l'évaluation, par conséquent; mais, comment va-t-cn faire cela,
où cela va-t-il conduire et à quoi cela pourra-t-il servir de
prétexte? Nous avons bien des questions à vous poser
là-dessus.
Ceci étant dit, M. le Président, nous serons
réceptifs de notre côté pour entreprendre l'audition du
sous-ministre et de la sous-ministre qui viendront nous entretenir du projet de
règlement. Ce que nous pourrions dire, en conclusion, c'est qu'il faut
absolument insister sur la nécessité d'une formation polyvalente
des jeunes qui comprendra des éléments de spécialisation,
évidemment, mais où l'accent sera d'abord sur la formation
générale. Il faut également insister sur la
nécessité d'une grande souplesse dans les services offerts
à la population, tant jeune qu'adulte. Ceci, en conservant le souci de
la nécessaire unité qui doit présider au
développement et à l'activité de tout le réseau
collégial. Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député d'Argenteuil.
Je demanderais à M. Lucier et à Mme Fortin... Vous
êtes déjà en place. M. Lucier, s'il vous plaît!
Est-ce que la commission serait d'accord pour que M. Lucier prenne place
à la table? Oui. Nous commençons par Madame? M. Lucier? M.
Lucier, pour commencer. Alors, on va vous entendre et, par la suite, Mme
Fortin. Ensuite, on pourra vous poser des questions.
Audition des sous-ministres M. Pierre Lucier
M. Lucier (Pierre): Merci, M. le Président. C'est avec
plaisir que nous avons accepté de venir rencontrer les membres de la
commission parlementaire. Nous le faisons dans un esprit de transparence et
d'imputabilité qui, à nous comme à d'autres, paraît
découler de nos fonctions d'administrateurs publics. Je me permettrai
aussi de remercier le député d'Argenteuil pour ses bons mots de
félicitations.
Ma collègue et moi-même allons d'abord, si vous le voulez,
exposer un certain nombre de faits qui sont de nature, nous a-t-il
semblé, à éclairer l'arrière-fond des discussions
qui auront lieu ici. Pour ma part, j'entends rappeler un certain nombre de
faits que j'appellerais des faits de structure, des faits de système
qui, me semble-t-il, méritent d'être consignés en toile de
fond à nos débats. Ma collègue, Mme Fortin, de
manière plus directement orientée sur le texte que vous avez en
main, exposera aussi un certain nombre de données factuelles, notamment
une description plus détaillée des changements concrets qui
seraient apportés par l'adoption de ce régime.
Avec votre accord, j'avais l'intention de traiter de quatre questions de
structure ou de système. La première concerne ce qu'on pourrait
appeler l'arrière-plan québécois et comparatif du
débat concernant le régime d'études collégiales. Je
dirais que ce sera la partie la plus importante. Une deuxième faite de
structure concernera des populations cibles pour des mesures d'ouverture du
cégep. Une troisième faite de structure
concerne l'arrimage ou la cohérence entre le secondaire et le
collégial en matière de formation professionnelle. Une
quatrième faite de structure a trait à certains
éléments relatifs au rôle de la main-d'oeuvre et du
gouvernement fédéral dans l'éducation des adultes au
niveau collégial.
Donc, le collège dans notre système de formation
postsecondaire, quand on le compare à l'ensemble des systèmes des
pays occidentaux, apparaît vraiment à plusieurs égards
comme un phénomène unique. Nous avons opté pour un
système, pour un niveau d'enseignement qui serait à la fois la
voie obligée - si je puis dire - ou la voie courante, normale, vers
l'université et en même temps une voie de sortie professionnelle
de niveau qu'on pourrait appeler tertiaire. C'est une première option
qui nous campe en originalité par rapport à la plupart des pays
occidentaux.
Nous avons aussi opté pour une polyvalence interne des
programmes, c'est-à-dire que nous avons choisi de maintenir une sorte de
base commune obligatoire faite de matières générales.
L'ensemble des matières prévues au collégial sont de type
fondamental, parce que, et dans le général et dans le
professionnel, on s'entend pour viser les fondements, mais nous avons
opté pour maintenir une base de cours à caractère plus
général, imposés à tous les étudiants, et ce
choix a porté sur la philosophie en particulier, ce qui nous situe aussi
en originalité.
Nous avons aussi opté pour un troisième niveau qui, d'un
certain point de vue, fait chevaucher le secondaire et l'universitaire. Quand
on essaie même de faire des comparaisons pancanadiennes, on doit toujours
appliquer des barèmes de correction au fond pour avoir une bonne
idée de la réalité québécoise par rapport
à la réalité des autres provinces. En cela aussi, nous
nous situons en originalité.
Nous avons aussi opté pour un équilibre original entre le
caractère national du système collégial et son
caractère institutionnel. Nous avons des diplômes nationaux,
fondés sur des programmes nationaux, mais nous n'avons pas d'examens
nationaux, ce qui aussi nous situe en originalité.
Nous avons opté aussi pour une intégration quasi totale du
dispositif de formation professionnelle à l'intérieur de la
structure scolaire. Nous n'avons pas, comme dans la plupart des pays
occidentaux, de structure autre que scolaire, de structure vraiment
organisée à ce niveau-là pour assurer la formation
professionnelle. Notre dispositif de formation professionnelle, nous avons
opté pour l'inscrire carrément dans la structure scolaire. Nous
pouvons aussi considérer ici comme faisant partie, d'une certaine
manière, de la structure scolaire les écoles ou les instituts
spécialisés qui se rattachent à différents
ministères.
Nous avons aussi mis ces collèges sur pied à une
époque où partout en Occident on procédait à ce
type de mise sur pied; et la volonté était, à travers ces
originalités, de mettre un accent sur la formation professionnelle et
technique. Nous parlions à l'époque d'une proportion 30-70. Les
faits nous montrent que nous sommes plus près de 50-50. Mais en cela
notre système s'est édifié dans une perspective qui
ressemble à ce qui s'est fait ailleurs.
Nous avons aussi mis sur pied des collèges dans la mouvance des
perspectives qui avaient cours partout autour de nous sur les collèges
communautaires. Donc, nous avons élaboré, collectivement, tout un
discours sur le rôle régional, communautaire des collèges;
autrement dit d'une institution scolaire qui, d'une certaine manière,
devait déborder le scolaire et devait se faire, d'une certaine
manière, moins scolarisante qu'un type d'institution scolaire classique.
Cette philosophie-là a présidé à la mise sur pied
de l'ensemble des institutions de niveau collégial autour de nous et ici
aussi.
Ce que je veux retirer de cela, c'est que nous avons affaire ici
à un ensemble de choix originaux, basé sur une volonté de
hausser l'accès à l'enseignement supérieur, basé
sur un certain idéal humaniste et aussi sur un certain idéal de
brassage socioculturel.
Ces choix-là sont reconduits par le projet de règlement
d'études collégiales. Ce que je voudrais signaler, il me semble
que ce serait utile pour les membres de la commission, c'est que le
collège, avec ses choix originaux exigeants, difficiles, a eu à
se situer aussi dans l'évolution plus largement occidentale qu'ont
connue les autres institutions de même niveau, ailleurs, autour de nous.
Non pas à la manière d'une mode, mais parce que, les uns et les
autres, nous avons été confrontés à des situations,
à des besoins sociaux qui étaient apparentés. Ce que nous
découvrons, ce que nous constatons avec une évidence
écrasante, c'est que l'ensemble des institutions de ce niveau,
bâti dans les perspectives que je viens de signaler, a
évolué dans les pays d'Occident de manière très
convergente vers une diversification de plus en plus poussée des voies
de formation, des modèles de formation, des types de programmes, des
longueurs de programmes, vers des voies de plus en plus diversifiées
aussi d'accès aux études. (16 h 15)
Sans me livrer à une énumération très large,
si nous faisons le tour des institutions des systèmes voisins, nous nous
apercevons, par exemple, que les collèges ontariens, les "Colleges of
Applied Arts and Technology", n'obéissent pas du tout aux
originalités que
je mentionnais tantôt et ils ont mis sur pied des programmes
à longueur très variable, des programmes qui sont même dans
les annuaires, qui sont chiffrés en termes de semaines.
On constate le même type d'évolution dans les instituts de
technologie de l'Alberta, une volonté de diversifier les types de
programmes, les types d'accès, les statuts d'étudiants. Les
Français ont connu une évolution tout à fait analogue. On
a vu, surtout en formation professionnelle au niveau postsecondaire, se
multiplier les types de programmes. C'est tantôt les baccalauréats
d'enseignement professionnel, les baccalauréats de techniciens, les BTS,
les baccalauréats de technologie supérieure, les instituts
universitaires de technologie, donc une panoplie extrêmement
diversifiée de voies de formation.
Si cela intéresse les gens de la commission - nous pourrons la
laisser - nous arrivait tout récemment une dernière étude
du Conseil de l'Europe qui traite du développement de l'enseignement
tertiaire. Non seulement à titre de constation, mais à titre de
recommandation, on y fait état de la nécessité de
diversifier de plus en plus les voies de formation, les types de programmes,
les longueurs des processus d'apprentissage. Dans chacun de ces cas-là,
la volonté est toujours de hausser l'accès aux études
supérieures et de répondre aux besoins au-delà du cadre
scolaire. C'est intéressant de le noter, au secondaire - et, je dirais,
à l'obligatoire - la tendance des pays qui nous entourent et la
nôtre même est de favoriser une formation de base plus large, de
repousser la formation professionnelle surtout spécialisée, de
supprimer les voies de formation professionnelle courte, de supprimer les voies
de spécialisation hâtive, de supprimer les filières de
formation qui ressembleraient à des culs-de-sac, de supprimer les
prérequis; et cela autour de nous aussi; autant en Ontario qu'en
Suède, en France, aux États-Unis on assiste à ce
mouvement-là. Mais on peut dire qu'au postobligatoire on assiste au
contraire à une volonté de diversifier, dans une perspective
moins strictement scolarisante, les voies de formation.
Ces faits montrent assez le type de défis, de difficultés
ou d'enjeux qu'une conjoncture comme celle-là pose pour le
collège québécois. On a vu les universités
procéder à cette diversification. On a vu naître des
programmes de toute nature. On a, à l'université, des voies de
formation, des types de programmes, de profils de formation. Les
collèges québécois ont aussi évolué dans ce
sens. C'est comme cela qu'on a vu apparaître des CEC, des AEC; on a vu
aussi les distinctions jeunes et adultes devenir de plus en plus difficiles
à administrer. C'est comme cela qu'on a vu naître aussi des
services à la collectivité. Je crois qu'on peut dire - je me
place ici au point de vue d'analyse de systèmes - que le collège
québécois, en raison des choix très difficiles que nous
avons faits, des choix originaux que nous avons faits, est dans une certaine
situation de rigidité par rapport à la nécessité de
répondre aux besoins collectifs.
Au fond, étant donné que nous avons intégré
tout le dispositif de formation professionnelle dans un modèle qui est
celui du collège, étant donné que nous avons opté
pour un certain idéal de collège, il apparaît aux
observateurs - la chose nous a été signalée à
plusieurs reprises dans les rencontres internationales - qu'au-delà du
système secondaire il y a une espèce de chaînon manquant.
Il y aurait des chaînons manquants. Est-ce qu'entre la qualification
secondaire et le diplôme d'études collégiales c'est tout ou
rien? Est-ce qu'il y a un modèle unique de formation professionnelle? Y
a-t-il des diversités possibles de formation?
Il est évident aussi que, dans certains discours et dans
certaines propositions qui naissent ici et là concernant de nouveaux
types de formation, on peut déceler une espèce de scepticisme par
rapport au système en place, sur sa capacité à offrir des
voies plus diversifiées de formation. Est-ce que le collège, tout
en conservant son originalité et, je dirais, la difficulté de ses
choix, est apte à répondre à des besoins de plus en plus
diversifiés? De ce point de vue, on peut comprendre - je me place
toujours d'un point de vue d'analyse de systèmes -que la plupart des
dispositions du projet de régime d'études collégiales se
situent dans une perspective d'assouplissement et de diminution des
rigidités justement pour permettre, au niveau postobligatoire, surtout
dans un système qui a tout intégré les dispositifs de
formation professionnelle, de pouvoir répondre à des besoins plus
diversifiés. C'est le cas des dispositions concernant le cadre des
programmes, les types de programmes, les types de diplômes
diversifiés, sur des distinctions moins rigides entre jeunes et adultes,
sur la reconnaissance des acquis, sur les modalités d'accès,
même sur le contenu des cours obligatoires ou des cours
complémentaires. Il y a là autant de mesures qui, d'un point de
vue de l'évolution de systèmes, se situent dans une perspective
d'assouplissement. Et en cela, le collège québécois se
situe, je dirais, en parenté d'évolution très remarquable
par rapport à l'ensemble de ce que nous pouvons observer dans les pays
occidentaux. Si le collège, évidemment, devait se replier, ou se
rigidifier, ou ne pas réussir à s'assouplir, il est
évident qu'il deviendrait, de manière cette fois négative,
un cas unique au fond et à un prix assez élevé au moment
où des besoins radicalement nouveaux de formation -
on nous en signalait tout à l'heure - se présentent pour
un nombre croissant de citoyens.
Le deuxième fait de structure que je voudrais rappeler concerne,
je dirais, le flux des populations cibles. Quand on pense à l'ouverture
d'un système, il faut le penser par rapport à des populations qui
ne sont pas dans le système. Évidemment, pour les gens qui y sont
déjà ou qui ne le quittent pas, le problème de l'ouverture
se pose autrement. Alors, quand on songe à des mesures
d'assouplissement, il faut avoir quelque idée du type de
clientèle ou du bassin de population qui peut être rejoint par ce
genre de mesures d'assouplissement. Tant et si bien que l'on peut comprendre
que l'ensemble des mesures assouplissantes qui sont dans le projet de
règlement d'études collégiales ne s'adressent pas en
priorité aux candidats actuels du diplôme d'études
collégiales, non plus qu'à ceux qui y réussissent, mais
plutôt à une population absente.
De ce point de vue, il peut être utile de rappeler un certain
nombre de grands faits démographiques concernant l'état de
formation de notre population au Québec. Je fais référence
à une méthode devenue courante et sous les bases techniques de
laquelle il serait peut-être déplacé de s'aventurer ici,
mais je veux parler de cette technique qui consiste au fond à observer,
sur la base d'une population complète et non pas sur un
échantillonnage, à considérer le comportement d'une
génération d'âge et à en faire découler un
certain nombre d'observations chiffrées sur les taux de
fréquentation scolaire.
Sur une population de 100 jeunes, ou sur une génération de
100 personnes, les comportements de 1982 nous indiquent ceci: il y en a
pratiquement 100% qui entrent au secondaire. Donc, nous avons atteint de ce
point de vue une sorte de succès quasi total. Sur ces 100 personnes,
actuellement, nous en diplômons - si je peux dire - 66,5. Donc 66,5 de
personnes obtiennent le diplôme d'études secondaires. Et nous
pouvons ajouter 7,5 personnes qui obtiennent aussi le diplôme
d'études secondaires, mais par la voie des adultes - donc à un
autre moment - pour un total de 74 contre 58,4 au recensement de 1976.
Poursuivons. Toujours avec une génération de 100 personnes, il y
en a 47,2 qui entrent au collège contre 40,6 au recensement de 1976.
M. Ryan: M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: M. Lucier, pourriez-vous nous rappeler seulement les
années pour que cela soit clair? Vos 74%, c'est pour quelle
année?
M. Lucier: Ce sont les comportements de 1982. Ce sont toujours
les comportements de 1982. C'est une technique qui consiste à regarder
le comportement de 100 personnes au moment où l'on se parle.
M. Ryan: Puis le pourcentage comparatif que vous avez
donné, voulez-vous le répéter, s'il vous plaît,
ainsi que l'année?
M. Lucier: Donc, pratiquement 100%, 99% et des poussières,
entrent au secondaire; 66,5% obtiennent le diplôme d'études
secondaires...
M. Ryan: Oui.
M. Lucier: ...auxquels il faut ajouter les 7,5% qui l'obtiennent
par le biais des adultes, pour un total de 74% contre 58,4% qu'ils
étaient en 1976.
M. Ryan: En 1976?
M. Lucier: En 1976, oui.
Nous avons toujours les données des recensements. C'est ce qui
nous permet de contrôler et de valider les données de nos fichiers
à nous.
Il y en a 47,2 qui entrent au collège contre 40,6 en 1976. Il y
en a 27,2 qui obtiennent le diplôme d'études collégiales
contre 22,7 en 1976. Ce qui signifie, au fond, que les bassins de population
visés par des processus d'ouverture sont, évidemment,
situés dans les créneaux de gens qu'on laisse en chemin, ce qui
constitue un bassin de population extrêmement important. D'ailleurs, au
collégial même - on en parle moins mais la chose existe - on
atteint finalement un taux de décrochage de l'ordre de 35%. Et il est
plus fort du côté professionnel.
Il y a, évidemment, entre les finissants du secondaire, donc les
74 qui ont leur diplôme d'études secondaires et les 47,2 qui
entrent au collège, encore là une déperdition assez
considérable. Et je ne parle pas des 26 qu'on laisse en chemin avant le
diplôme d'études secondaires.
Je ne veux pas insister sur ces chiffres comme tels, mais ils nous
enseignent une chose extrêmement claire. C'est qu'il y a un bassin
énorme de gens qui sont ou insuffisamment qualifiés ou n'ayant
pas de qualifications reconnues. Et toute mesure d'assouplissement ou
d'ouverture de notre dispositif de formation - en particulier de formation
professionnelle - est évidemment à comprendre en lien avec ce
type de besoin et ce type de clientèle.
Il y a un fait qu'il faut rappeler ici, c'est que la capacité
d'un système à faire entrer des gens, même dans des
formations moins longues - autrement dit, la diversification des voies de
formation - a eu, partout dans le monde, un effet d'attraction
vers le haut. En d'autres mots, quand vous introduisez une voie
d'ouverture plus souple, ou même plus courte, à un niveau
d'enseignement, l'effet - c'est toujours le pari qui a été fait
et il a été tenu jusqu'ici - n'est pas d'attirer vers le bas une
clientèle qui, de toute façon, continuera d'aller vers le haut,
mais c'est de l'accroître vers le haut. Il y a de cela un tas d'exemples,
à commencer par le Québec même. On n'y pense pas
très souvent mais le fait est là. Quand on a introduit les
cégeps, on s'est trouvé à gruger - si vous me permettez
l'expression - une année d'universitaire.
Voici un enseignement supérieur mais qui était plus court
au fond. Le pari qui a été fait, c'était que cela ne
viderait pas les universités, mais que cela allait plutôt tirer du
bas vers le haut. On l'a réalisé parce que vous allez chercher
une clientèle qui, autrement, ne viendrait pas et, du coup, vous
augmentez le bassin des candidats possibles à des formations
supérieures. Quand on regarde en Occident les choix qui ont
été faits, on remarque les mêmes résultats. Le vaste
courant des collèges américains, ou de 2 ans, ou de 4 ans, a eu
cet effet: non pas de vider les universités mais plutôt de les
remplir. Le choix qu'ont fait les Français d'étaler des
programmes de formation supérieure à longueur variable a eu aussi
cet effet d'attraction vers le haut. Le cas des certificats universitaires
aussi - on en a parlé déjà - n'a pas eu pour effet de
vider les universités; au contraire, il a eu pour effet d'attirer une
clientèle qui, autrement, n'y serait pas venue. (16 h 30)
Un fait assez intéressant dans la même perspective - on se
rapproche de la discussion sur les certificats - c'est qu'on remarque qu'il y a
dans les collèges un nombre très important de gens qui auraient
droit de prendre un certificat et qui ne le prennent pas. C'est le cas des
milliers d'adultes qui se sont inscrits à l'enseignement dit
régulier, qui y auraient plein droit et qui ne le prennent pas.
L'introduction de voies diversifiées dans les systèmes - cela est
une observation unanime, c'est pour cela qu'on la met en place -l'introduction
de voies plus souples a toujours, jusqu'ici, pour effet de provoquer une
attraction vers le haut et non pas une attraction vers le bas. Il est
évident que les fils et les filles de la plupart des gens qui sont ici,
à commencer par la mienne, ne seront pas, quelles que soient les
possibilités, dissuadés de se rendre au diplôme
d'études collégiales. L'insertion de voies plus souples a
toujours servi les populations cibles qui sont absentes.
Un troisième fait de structure que je veux développer
très brièvement devant vous concerne l'arrimage ou la
cohérence secondaire-collégiale dans les programmes de formation
professionnelle. Le régime pédagogique du secondaire
prévoit - en cela il poursuit une pratique qui, dans certaines
régions, était déjà avancée - que la
formation professionnelle de manière générale, normalement
comme on dit, serait poursuivie plutôt au terme du secondaire V mais
pouvait aussi commencer avant. Cela donnera, à partir de 1985-1986,
accès à un diplôme d'études professionnelles
distinct du diplôme d'études secondaires. C'est par ce biais - et
nous en serons à l'an 3 de l'implantation du régime - que nous
voyons progressivement se modifier les créneaux de possibilités
de formation professionnelle dans le régime. Nous allons assister
forcément, par l'application du régime, à un report
progressif mais non total de la formation professionnelle plutôt vers la
fin du secondaire, comme cela se fait dans tous les pays d'Occident, au
bénéfice d'une formation de base plus solide, plus large et plus
commune. Ceci a pour effet d'instituer ou de faire en sorte qu'émergent
des années qu'on a appelées d'un drôle de terme -
prenons-le puisqu'il a été appelé comme cela - de faire
naître des secondaires VI, dans certains cas des VI et demi, si je peux
dire, une partie du VII.
Qu'en est-il en termes de cohérence de système entre ce
secondaire VI ou VII et le collégial? Vous me direz qu'il est
drôlement appelé, mais c'est comme cela et appelons-le comme cela.
Non pas spécifiquement le certificat, mais l'ensemble du
collégial. Est-ce qu'on est en face de systèmes qui, au fond,
manifestent des recoupements difficiles à expliquer? Je vous ferai
remarquer qu'il y a beaucoup d'exemples de cela qui ne nous étonnent
pas. On a très peu souvent discuté, par exemple, du
collège III en professionnel. On a rarement demandé si
c'était une première année d'université. Il y a des
enseignements à tirer de cela. On n'a pas non plus très souvent
poser des questions sur la longueur variable des premiers cycles
universitaires. Nos médecins, qu'on appelle docteurs mais qui sont
docteurs de premier cycle, donc qu'on ne devrait pas appeler docteurs au sens
académique, mettent quatre ou cinq ans au premier cycle. À ma
connaissance, on n'a jamais posé la question d'une espèce de
chevauchement par rapport aux deuxième et troisième cycles.
Pourquoi? Là aussi, l'expérience et la pratique de la plupart des
systèmes occidentaux est éclairante. C'est que la structure ou le
dispositif de formation professionnelle, ce n'est que vraiment secondairement
qu'il peut être mis en corrélation directe avec la structure du
système scolaire. En termes de spécialisation professionnelle
comme telle, autrement dit, il y a une erreur de perspective, si on peut dire,
à projeter une sorte de corrélation entre des années de
formation et des années de scolarité. Plus
spécifiquement - et nous ne sommes pas les seuls dans cette
situation - la tradition, les pratiques ont voulu qu'un certain nombre de
profils professionnels soient plutôt associés au niveau secondaire
et que d'autres soient plutôt associés au niveau collégial.
On ne peut pas trancher les choses au couteau. Nous avons tous en tête
des exemples où il y aurait, au fond, des rationalités plus
nettes à établir. Autrement dit, il y a des chevauchements, mais
de manière générale -et même les observateurs
étrangers nous le font remarquer - on peut dire que les
différences entre les formations professionnelles dispensées au
secondaire et celles dispensées au collégial ne sont pas des
différences de niveau dans une continuité. Ce sont des
différences de type de formation.
Nous n'avons pas ici de hiérarchie ou de nomenclature officielle
des fonctions de travail comme il en existe dans d'autres pays, entre autres en
France, par exemple. Si on veut prendre les choses plus largement, on peut dire
qu'au secondaire sont associés le plus souvent des types de formation
professionnelle de niveau qu'on pourrait appeler "ouvrier qualifié"
donc, où il y a une composante manuelle non pas unique, mais un peu plus
forte et qu'au niveau collégial, on a plutôt associé des
formations de type de techniciens ou technologues qui représentent, si
vous voulez, une sorte de complexité et de tâches qui
éloignent de quelque manière de l'aspect proprement manuel,
même s'il en comprend, pour atteindre des niveaux de rationalité
et de maîtrise de planification, tant et si bien que, même si on
n'a pas ce vocabulaire très rigide ici, il reste que, quand on nous
compare, on peut dire qu'au collège, se forment plutôt des
techniciens ou des technologues qui sont quelque part entre l'ingénieur
et l'ouvrier qualifié. Tant et si bien que le fait que des formations de
type professionnel soient prises tantôt au secondaire, tantôt au
collégial, le fait qu'elles puissent être dans un système
concomitant ou parallèle dans le temps n'implique pas qu'il y ait en soi
de dédoublement et nous en avons plusieurs exemples. Je signale le fait
parce qu'il est peut-être de nature à éclairer des
débats que nous pourrions avoir sur l'espèce de chevauchement
secondaire VI ou VII et collégial.
Ce sont, si je puis dire, en termes de système, des
créneaux qui ne sont pas concurrentiels. Ce sont des créneaux qui
sont complémentaires et concomitants. La preuve en est, au fond...
Remarquez qu'il y a là une conséquence des choix historiques que
nous avons faits d'intégrer la formation professionnnelle dans la
structure scolaire parce qu'il y a quand même des pays où, n'ayant
pas fait aussi massivement et exclusivement ce choix, ce type de distinction
apparaît plus nettement. Il est possible de prendre des qualifications
professionnelles en institution ou ailleurs, mais il n'y a pas
d'adéquation, je dirais directe, entre la structure de scolarité
et la structure des qualifications professionnelles. Il n'y en a pas non plus,
devrais-je ajouter, entre la structure de scolarité et la structure
d'emploi. Chacun pourrait se rappeler cette période où, en
période d'emploi très vigoureux, on venait chercher largement des
gens du collégial, en collège II, avant même qu'ils n'aient
terminé, au fond, parce qu'on n'associait pas de façon aussi
directe que dans nos propres discours éducatifs, disons qu'on
n'associait pas de manière aussi directe la structure de l'emploi et la
structure de la formation scolaire.
Je voudrais brièvement, quatrièmement et
dernièrement, parler d'un fait de structure qui concerne la
pluralité des intervenants en formation des adultes au collégial.
Je crois que c'est quelque chose qui viendra sûrement derrière les
débats au moment où il sera question de certificat
d'études collégiales. Cela se traduit très
concrètement par la question suivante: Quel est le rôle de la
main-d'oeuvre ou du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu? Et aussi, via le ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, le rôle du
fédéral, au fond, dans le système de formation des adultes
au collégial? Je dirais qu'ici, une distinction de base doit être
faite d'entrée de jeu; nous pouvons distinguer ce que nous pourrions
appeler le système régulier, le système d'éducation
avec toutes ses composantes, y compris le dispositif de formation
professionnelle. Il faut distinguer cela, je dirais, des services à la
communauté ou des services à la collectivité que peuvent
donner ces mêmes institutions. Il faut distinguer tout cela aussi de
certains programmes gouvernementaux d'intervention sur le développement
professionnel de la main-d'oeuvre. Là aussi, nous ne sommes pas en
originalité, nous sommes en parenté très étroite
avec ce qui se fait partout dans le monde. C'est que les États, en plus
de mettre sur pied leur propre système d'éducation ou leur propre
système de formation professionnelle, se donnent les moyens d'intervenir
sur le développement professionnel de la main-d'oeuvre par des
programmes qui ne sont pas comme tels des programmes de formation, mais qui
sont des programmes qui permettent de la formation dans des secteurs que
l'État peut juger particulièrement en besoin. Je crois que c'est
cette distinction qui nous permet de comprendre très exactement le
rôle actuel de la main-d'oeuvre, par l'intermédiaire de la
main-d'oeuvre du gouvernement fédéral, par rapport au
développement de l'éducation des adultes au collège.
Nous avons au Québec, en complémentarité avec le
système éducatif de
base, des programmes d'intervention sur le développement de la
main-d'oeuvre. La plus grosse partie de ces programmes résulte d'un
accord Québec-Ottawa. Donc, c'est selon les termes d'un accord qu'un
certain nombre de métiers d'importance nationale sont
désignés et font l'objet d'injections financières
spécifiques, soit pour acheter des places de cours dans des
institutions, soit pour aider des individus à vivre pendant le temps
qu'ils iront en formation en institution. Donc, nous avons aussi ajouté,
je dirais, assez traditionnellement une partie proprement
québécoise à ce qui résulte de l'entente
Québec-Ottawa.
Au Québec, nous avons un ministère de la Main-d'Oeuvre qui
est chargé de cette politique plus globale de la main-d'oeuvre et de
l'emploi, qui est chargé de la négociation de l'accord
Québec-Ottawa et qui est chargé de sa gestion. À
l'Éducation, nous sommes partie prenante, si vous voulez, de la
commission mixte concernant l'accord, mais nous y sommes en appoint, en quelque
sorte, comme les représentants des réseaux d'institutions qui
dispensent de la formation. Mais la détermination des besoins est une
tâche qui, dans l'organisation gouvernementale actuelle, relève du
ministère de la Main-d'Oeuvre, en collaboration étroite, en
termes d'identification de besoins, avec les commissions de formation
professionnelle et avec la Commission de l'emploi et de l'immigration du
Canada. Quand le consensus se fait sur un certain nombre de priorités de
formation quant à la distribution régionale, l'Éducation
intervient ou, enfin, ses réseaux interviennent pour préparer des
programmes de formation et en assurer la prestation, mais l'information du
public et le choix des candidats ne relèvent pas de nous. Nous sommes en
situation de service. Les activités de formation, elles, relèvent
de l'Éducation.
Je signale la chose, parce que je crois qu'elle est de nature à
éclairer nos discussions. Évidemment, quand nous parlons
d'adultes au collégial, ces programmes spécifiques d'intervention
sur le développement professionnel de la main-d'oeuvre sont loin
d'épuiser l'action des collèges par rapport à la formation
de la main-d'oeuvre. Nous avons affaire ici à un créneau
spécifique d'intervention pour du développement dans certains
secteurs, dans certaines régions et concernant certaines personnes. Par
rapport à ces commandites, si je puis dire, l'Éducation est dans
une situation de prestation de services de formation et peut, sur commandite
évidemment, offrir - et c'est le cas au collégial - un certain
nombre de programmes dits sur mesure, d'importance variable, de durée
variable et ainsi de suite. (16 h 45)
Donc, les liens spécifiques que nous entretenons avec le
ministère de la Main- d'Oeuvre concernent essentiellement les programmes
commandités. Quand l'entente est faite, les budgets, tant
québécois que ceux qui proviennent de l'accord
Québec-Ottawa, apparaissent aux crédits détaillés
du ministère de l'Éducation et transitent dans les réseaux
qui ont été désignés pour donner la formation.
Mais cette intervention n'en est pas une de formation comme telle. La
loi 51 sur la formation et la qualification professionnelle de la main-d'oeuvre
avait prévu que les commissions de formation professionnelle pourraient
diriger des centres de formation et, de fait, il y a dans des régions du
Québec des équipements de formation professionnelle. Une sorte
d'accord ou d'entente entre les deux ministères a fait que depuis 1972,
dans la pratique, c'est l'Éducation qui assure la formation, parfois en
utilisant les locaux ou les équipements des commissions de formation
professionnelle.
Mais on peut dire que si on pose la question du rôle de la
main-d'oeuvre dans la formation des adultes au collégial il faut
identifier très clairement ce créneau de programmes
spécifiques commandités.
Évidemment, cela n'épuise pas l'ensemble de l'action des
cégeps par rapport aux adultes puisque, comme on le sait, les adultes
sont très nombreux dans l'enseignement régulier même - il y
en a environ 15 000 - et cela n'épuise pas non plus toute la panoplie de
cours, d'activités, de services à la collectivité, qui se
donnent dans des cégeps pour les adultes.
À ce moment-ci, je ne veux pas poursuivre davantage cet
exposé déjà trop long. Je demanderai à ma
collègue - nous en avons convenu - de traiter avec vous de questions
plus spécifiques concernant les mesures qui sont contenues au projet de
régime d'études collégiales. Pour ma part, j'ai voulu
situer les modifications apportées dans un horizon un peu plus vaste,
qui m'apparaît important au moment où des décisions devront
être prises. Je vous remercie.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Lucier. Mme
Fortin.
Mme Michèle Fortin
Mme Fortin: Comme le Dr Laurin l'a dit dans son
énoncé initial, le projet de règlement sur le
régime pédagogique vise deux objectifs principaux. C'est d'abord
protéger une certaine tradition de l'enseignement collégial en
mettant l'accent sur la polyvalence, la formation fondamentale dans l'ensemble
des programmes d'études et, d'autre part, ouvrir l'accès du
collège à diverses catégories d'élèves, quel
que soit leur âge et quel que soit leur cheminement de formation.
Les principales modifications au régime sont placées sous
le signe de l'éducation permanente et visent à rendre le
cégep plus apte à répondre aux besoins divers de son
milieu, tant sur le plan des besoins personnels et professionnels des individus
que des besoins socio-économiques et culturels des régions. Afin
de faciliter la discussion ultérieure du projet, j'aimerais traiter ici
de quatre questions. J'ai demandé qu'on vous distribue des tableaux
synthèses qui vous permettront, tout au long de cette commission, de
comparer le régime pédagogique tel que nous le vivons
présentement et le projet de régime tel qu'il est
proposé.
Les quatre questions que ces tableaux illustrent et dont j'aimerais
traiter ici sont, en premier lieu, les modalités du projet de
régime qui favorisent l'instauration dans les collèges d'une
véritable politique d'éducation permanente. C'est le tableau de
la page 1 qui vous montre les modifications entre les deux régimes.
La comparaison du régime actuel et du projet de règlement
en matière de programmation. Vous avez les pages 2 et 3 qui comparent
les programmes, le contenu des programmes offerts à l'enseignement
collégial dans le cadre du régime actuel et dans le cadre du
régime proposé.
Vous avez ensuite un tableau qui compare le régime actuel et le
projet de règlement en matière de "diplômation" et de
certification. Quels diplômes sont donnés? De quel type? Par
quelle instance? S'adressant à quelle population?
Vous avez enfin, sur une dernière feuille, une brève
esquisse des responsabilités pédagogiques respectives du ministre
et des collèges dans l'un et l'autre régime
pédagogique.
Concernant la première question, à savoir la philosophie
de l'éducation permanente qui a présidé à
l'élaboration du régime, je pense qu'une innovation significative
du présent projet est la suppression des définitions et des
distinctions entre élèves réguliers à temps
complet, élèves réguliers à temps partiel, entre
élèves jeunes et élèves adultes. Comme vous l'avez
mentionné, je pense qu'il est important de s'interroger sur les raisons
qui ont présidé à ce choix.
Je pense que, tout d'abord, dans une conception d'éducation
permanente, nous avons voulu signifier qu'il ne pouvait y avoir un cégep
régulier pour les jeunes et un cégep irrégulier, dans le
fond, pour les autres. Il y a une façon de concevoir le cégep
comme un établissement qui doit pouvoir servir à l'ensemble des
clientèles. De la même façon, nous croyons que les
mêmes diplômes décernés par les collèges
doivent être de même valeur, même si les structures
d'accueil, les cheminements des élèves et les modalités
d'encadrement sont différents.
Il y a aussi - et je pense que l'on doit s'en rendre compte - une
difficulté d'arriver à une définition globale assez large
pour respecter la variété des situations des clientèles
dites adultes tout en étant assez restreintes pour y exclure les
élèves du régulier. Les définitions avec lesquelles
nous vivons présentement sont tout à fait inadéquates,
d'autant plus que sur le plan administratif, on définit un adulte comme
un jeune, dans le fond, de 18 ans et plus qui aurait quitté le
système scolaire pour une période équivalant à une
année, comme si une année en dehors du système scolaire
pouvait vous permettre d'acquérir une maturité qu'une
année à l'intérieur du système scolaire ne vous
permettait pas d'acquérir. C'est une définition qui ne
représente rien en termes de besoins des populations et en termes de
services à rendre.
L'interpénétration progressive des clientèles
jeunes et adultes à l'intérieur des collèges. On a
noté tantôt qu'il y avait environ 15 000 adultes,
c'est-à-dire personnes ayant quitté le système
d'enseignement depuis plus d'un an et ayant plus de 18 ans, qui sont
présentement inscrits à l'enseignement régulier. Nous
avons aussi une population de plus en plus jeune inscrite à
l'éducation des adultes.
Nous avons aussi et de plus en plus la nécessité de
développer pour des clientèles dites jeunes, en cheminement
discontinu, des activités éducatives spécifiques, tout
autant que le besoin le permette, aux clientèles adultes et de mettre
à leur service l'ensemble des ressources du collège. Dans le
fond, on a vu dans cette mesure, à l'intérieur du
règlement, une volonté d'homogénéisation et de
nivellement qui n'y était pas. Je pense qu'il est important à
cette étape-ci de faire le point.
Enfin, l'abolition de la distinction formelle et souvent artificielle
entre jeunes et adultes - adultes étant 18 ans plus une année en
dehors du système - ne signifie pas du tout la disparition de structures
d'accueil, de cheminement particulier, d'encadrement spécifique et
même de mode de financement distinct pour des clientèles
particulières. La plupart des clientèles particulières
sont présentement regroupées sous le vocable d'adultes mais elles
peuvent aussi toucher les décrocheurs, les handicapés et d'autres
types de clientèles qui ont besoin de tels services mais qui ne sont pas
regroupés sous le vocable dit adultes.
Il est important de noter aussi, même si la politique de
l'éducation des adultes n'est pas promulguée, qu'il n'y a aucune
intention d'abolir les services d'éducation des adultes des
collèges. Ces services seront maintenus et continueront d'être
offerts aux clientèles présentes et même à
d'autres
clientèles qui pourraient en bénéficier.
Cela signifie cependant que des groupes ou des individus plus jeunes qui
en ressentiraient le besoin ne seront pas tenus à l'écart de ces
services dont bénéficient des individus plus âgés,
pas plus que, dans le fond, les personnes plus âgées qui le
désirent ne sont exclues présentement de l'enseignement dit
régulier.
De la même façon - je pense que c'est important - jeunes et
adultes pourront se voir reconnaître des acquis de formation scolaire et
non scolaire et pourront exercer des possibilités de choix entre
différentes voies de formation que pourra leur offrir l'enseignement
collégial sans devoir attendre qu'un an passé en dehors du
système scolaire ne les gratifie automatiquement d'une maturité
nouvellement acquise.
Je pense que, de plus, le caractère postobligatoire de
l'enseignement collégial, l'âge moyen des élèves
dont la plupart atteignent leur majorité en cours d'études
collégiales, la mission communautaire des collèges et la
nécessité de tenir compte des besoins variés de toutes les
clientèles viennent appuyer cette mesure.
Concernant les programmes d'études, les fiches 2 et 3
décrivent la structure des programmes d'études conduisant au
diplôme d'études collégiales. Je ne m'étendrai pas
sur la description présentée sur ces fiches. Le ministre de
l'Éducation a indiqué dans son allocution d'ouverture les
éléments qui semblent poser le plus grand nombre
d'interrogations. Ils concernent le remplacement d'un cours obligatoire par un
autre, l'octroi d'une plus grande liberté à l'étudiant
dans le choix de ses cours complémentaires, la détermination d'un
espace pouvant aller jusqu'à un maximum de 40% de la
spécialisation, 33 1/3% de la concentration permettant aux
collèges d'adapter ces programmes par l'utilisation d'un des cours
choisis à l'intérieur du cahier de l'enseignement
collégial. On s'interroge présentement sur le projet, non sur la
pertinence de laisser une marge de manoeuvre mais sur l'extension à lui
donner.
Dans le fond, il peut être utile de rappeler que le choix des 40%
correspondait à la marge de manoeuvre requise pour aménager une
nouvelle voie de sortie dans un collège à l'intérieur d'un
programme existant. Le nombre a été déterminé un
peu en correspondance avec ce qu'il faut pour définir les voies de
sortie spécifiques. On remet présentement en question
l'opportunité pour un collège de se doter lui-même d'une
voie de sortie spécifique à l'intérieur d'un programme
national, même si de nombreux collèges ont des voies de sortie qui
leur sont propres et qui ne sont pas offertes par d'autres
établissements. Le 40% peut se justifier par cet élément
de structure de programmes.
Concernant les diplômes, je pense que la fiche 4 présente
la comparaison des diplômes en vigueur et des diplômes
proposés. Elle permet de voir assez bien que les principales
modifications se situent présentement au niveau du DEC sans mention
qu'il serait possible d'attribuer à des étudiants ayant suivi des
cheminements un peu plus différenciés que ceux prévus par
les programmes officiels et même, à la suite de la recommandation
de la commission Jean, à certains d'entre eux, qui auraient
défini par avance des projets d'études personnelles bien
identifiés, de se doter d'un programme correspondant davantage à
leurs aspirations. Je pense que le DEC sans mention a posteriori n'est pas
vraiment contesté. On remet plutôt en question
l'opportunité de permettre aux jeunes de se doter de projets personnels
de formation. Le certificat d'études collégiales dont le contenu
est modifié serait maintenant ouvert à tous, en ce sens que tous
les individus qui auraient un attrait pour ce genre de diplôme pourraient
s'y inscrire. Enfin, l'attestation d'études collégiales
s'ouvrirait à la formation générale alors qu'elle ne
l'était pas et la sanction des études relèverait
dorénavant uniquement du collège.
Vous noterez la disparition d'une attestation d'études
collégiales donnée aux gens qui avaient déjà un DEC
parce que, conformément à une recommandation du Conseil des
collèges, nous sommes d'accord pour qu'un étudiant qui suit
à l'intérieur du collège plus d'un diplôme
d'études collégiales se voie reconnue cette double formation dans
un double diplôme d'études collégiales. Cela ne fait pas
partie de la liste des diplômes proposés puisqu'il s'agit d'un
deuxième diplôme déjà reconnu.
La dernière fiche permet d'illustrer -quand nous disons que le
régime pédagogique a été conçu sous le signe
d'une plus grande responsabilisation des collèges - quelles sont les
modifications entre le régime actuel et le régime proposé
des responsabilités qui sont dévolues au ministère et aux
collèges en matière de responsabilités
pédagogiques. Les énoncés ont été
regroupés en termes de souplesse de gestion. Effectivement, un certain
nombre de décisions sur l'organisation du calendrier scolaire
deviendrait de responsabilité locale. En matière de
décentralisation de responsabilités pédagogiques, j'ai
déjà parlé d'une certaine proportion des programmes. Je
pense qu'il est important d'avoir, au niveau des collèges, une certaine
flexibilité de l'admission et aussi sur le plan de la responsabilisation
des collèges, certains éléments sont inscrits dans le
règlement concernant les politiques d'évaluation. Un certain
nombre de pouvoirs du ministre lui étaient octroyés dans le
régime pédagogique en vigueur, régime qui n'était
pas un règlement. Ces pouvoirs n'ont
jamais été exercés de façon formelle. Par
ailleurs, la loi des collèges et la création du Conseil des
collèges permettent d'installer cette dynamique d'évaluation des
contrôles dans des perspectives complètement différentes.
Je pense que cela permet de fixer de façon plus précise les
orientations du projet de régime pédagogique en regard de ce qui
se fait présentement. (17 heures)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce qu'il y a des
questions?
M. Ryan: J'aurais une question à adresser à M.
Lucier. M. Lucier a parlé tantôt d'études qui ont
été faites ailleurs montrant la tendance des systèmes
d'enseignement vers une plus grande diversité dans les voies de
formation et les voies d'accès au marché du travail. Il a
cité une étude qui a été faite, je pense, par un
groupe européen. Est-ce qu'il pourrait nous donner la
référence exacte?
M. Lucier: Oui, avec plaisir.
M. Ryan: Si vous l'avez ici. Très bien, si on pouvait y
avoir accès, cela nous intéresserait vivement.
Vous avez parlé de la situation en Ontario également.
L'impression que nous avions pour l'Ontario, c'est qu'au niveau secondaire, au
contraire, on tendait à renforcer les exigences plutôt que...
M. Lucier: Oui, au secondaire. Je faisais la distinction. Autant
au niveau, je dirais, obligatoire au secondaire, je dirais que la tendance
générale, c'est vraiment de renforcer la formation de base, la
polyvalence, de supprimer les prérequis, de reporter les
spécialisations, de supprimer les voies cul-de-sac; autant, au niveau
postobligatoire, il y a une diversité qui se manifeste partout. Et on
assiste - excusez-moi...
M. Ryan: Non, non, excusez-moi.
M. Lucier: Les Ontariens justement viennent encore de retoucher
aussi à l'équivalent de leur régime pédagogique au
secondaire. C'est dans la ligne, au fond, de l'établissement de
structures plus solides et plus communes aussi. Mais dès qu'on
dépasse, quand on arrive à ce qu'on appelle le tertiaire dans le
jargon, là, vraiment, on assiste, au contraire, à une
diversification extrêmement poussée.
M. Ryan: Je voudrais revenir sur deux points qui
m'intéressent particulièrement dans ce que vous avez dit tous les
deux. Il y a tout d'abord la distinction entre "élèves adultes"
et "élèves réguliers". Deuxièmement, l'imbrication
du système d'éducation des adultes au niveau collégial
avec les programmes fédéraux. Si vous me permettez, je vais vous
poser quelques questions. On va partir d'abord de la situation de fait pour
ensuite essayer de comprendre les conséquences éventuelles du
changement proposé.
Vous avez dit tantôt, M. Lucier, si j'ai bien compris, que
l'entente fédérale-provinciale dans ce domaine est sous la
responsabilité du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu; c'est l'entente Marois-Axworthy.
M. Lucier: C'est cela.
M. Ryan: Cela veut dire que c'est le ministère de la
Main-d'Oeuvre qui assure la relation avec le ministère
fédéral - comment s'appelle-t-il? - de l'Emploi et de
l'Immigration, je pense.
M. Lucier: C'est cela.
M. Ryan: Prenons une région donnée, la
région de Montréal, par exemple. Il y a la commission
fédérale de l'emploi et de l'immigration, qui a sa
sous-commission à Montréal, qui reçoit des
représentations des employeurs, qui est en contact quotidien avec tous
ceux qui sont sur le marché du travail, les chercheurs d'emplois, en
somme, et les offreurs d'emplois. À un moment donné, ils
décident qu'ils auraient besoin d'un cours pour 50 personnes, dans le
domaine du camionnage, par exemple, ou le maniement d'appareils de transport
lourd; en tout cas, ce que l'on voudra. À ce moment-là, à
qui s'adressent-ils? Est-ce qu'ils s'adressent au ministère de la
Main-d'Oeuvre du Québec pour commencer, ou à la commission de la
formation professionnelle régionale? À qui s'adressent-ils?
Comment cela fonctionne-t-il exactement?
M. Lucier: À la commission de formation...
M. Ryan: Comment cela aboutit-il aux cégeps?
M. Lucier: À la commission de formation professionnelle.
C'est qu'au fond, il y a une discussion qui est faite pour l'ensemble du
Québec et qui implique notre ministère de la Main-d'Oeuvre. Nous
avons d'ailleurs partie prenante, mais c'est le ; ministère de la
Main-d'Oeuvre qui négocie cela avec le gouvernement
fédéral concernant une identification globale des besoins.
Ensuite, il y a une partie régionale qui, elle, est faite au niveau des
CFP - les commissions de formation professionnelle - et de la Commission de
l'emploi et de l'immigration du Canada. Et...
M. Ryan: Pardon?
M. Lucier: ... il se fait une sorte de plan régional
à l'intérieur d'un plan global.
M. Ryan: Au niveau de l'établissement du plan
régional, le ministère de l'Éducation intervient-il?
M. Lucier: Aussi.
M. Ryan: Et, est-ce qu'il est représenté à
la commission...
M. Lucier: Non.
M. Ryan: ...de formation professionnelle?
M. Lucier: Non. La commission de formation professionnelle est
formée pour la moitié d'employeurs et pour l'autre moitié
de syndiqués.
M. Ryan: Au point de vue financier, comment cela fonctionne-t-il?
Le paiement et tout cela, comment cela se fait-il?
M. Lucier: Une fois que la planification est faite et qu'il y a
un accord, les masses financières transitent actuellement si la
formation doit être donnée en commission scolaire ou dans des
cégeps. Elles transitent par les budgets d'éducation et
apparaissent à notre livre des crédits, et ensuite elles
transitent dans les réseaux. Ainsi, par exemple, cette année,
pour ces projets au collégial, en 1983 et en 1984, on a environ 28 000
000 $ qui, à la suite d'une entente, sont injectés dans les
cégeps pour répondre à ces besoins.
M. Ryan: Les cégeps sont remboursés sur quelle
base? Est-ce qu'un calcul spécial est fait pour les adultes qui suivent
ces cours, un calcul spécial dont le coût moyen par
élève est différent selon les cours, je suppose?
M. Lucier: C'est par groupe, par nombre de places et ainsi de
suite. C'est un financement particulier.
M. Ryan: II y aurait environ, actuellement, si je ne fais pas
erreur, 45 000 adultes inscrits d'une manière ou de l'autre dans les
cégeps pour des cours.
Combien y en aurait-il au titre de la formation professionnelle
parrainée par le gouvernement fédéral?
M. Lucier: J'ai des chiffres. Si vous me donnez quelques minutes,
je vous les trouverai.
M. Ryan: Très bien.
M. Lucier: C'est qu'il y a, dans la clientèle dite
régulière, une quinzaine de milliers d'adultes qui s'inscrivent
aux collèges dans des programmes et qui ne reçoivent rien
de...
M. Ryan: Ce sont des élèves réguliers dans
les cégeps.
M. Lucier: Oui. À côté de cela, dans le cadre
de ces programmes qu'on pourrait appeler des programmes commandités
d'intervention, il y a un certain nombre de groupes, de nombre d'heures aussi,
dans certains secteurs de formation. C'est comme si l'on achetait des
heures-cours ou des places, si vous voulez.
M. Ryan: Vous allez retrouver des statistiques. Cela nous
intéresse. En attendant, je pourrais peut-être poser une question
à madame Fortin. Qu'arrivera-t-il de tout cela avec l'abolition de la
distinction entre "élèves réguliers" et
"élèves adultes"? Est-ce que tout reste comme c'est
actuellement?
Dans la loi fédérale - si j'ai bien compris - on
définit l'adulte comme une personne qui n'est plus obligée,
légalement, de fréquenter l'école. Un peu plus loin, on
dit que le ministre autorisera des programmes pour des citoyens qui ont
été absents des écoles depuis un an. À ce moment,
on maintient, il y a une distinction adulte qui est maintenue. Pour
l'accès à ces programmes, je pense bien que c'est la loi
fédérale qui va s'appliquer.
Mme Fortin: Oui, à ces programmes qui définissent
la clientèle - si je peux utiliser ce terme soi-disant pas
français - admissible à ces programmes spécifiques. De la
même façon, si vous créez un programme spécial pour
un groupe de personnes ayant des besoins particuliers, que ce soit un groupe de
femmes ou un groupe d'employés de telle compagnie en formation sur
mesure, ce sont des programmes spéciaux faits en fonction d'une
clientèle déterminée. C'est juste que le critère de
l'âge ou de l'année de discontinuité n'est pas un
critère permanent qui devrait distinguer, selon nous, des populations
étudiantes dans les collèges.
Il demeurera toujours des groupes avec des cheminements particuliers,
des programmes s'adressant à des clientèles spécifiques.
Si je peux faire une analogie, il n'y a pas vraiment, sauf sur le plan de
l'admission des 23 ans et plus dans les universités, de distinction
entre des clientèles jeunes et des clientèles adultes. Parce
qu'on aurait des adultes de 30 ans inscrits dans des programmes de doctorat et
des jeunes de 25 ans inscrits aux facultés d'éducation
permanente. Cela n'empêche pas les universités et les
établissements de donner
des programmes spécifiques, des encadrements, des structures
d'accueil différenciés selon les besoins des différentes
populations. C'est simplement que, sur le plan de la définition de la
clientèle, dans le fond, l'ensemble de la clientèle est
définie comme une clientèle adulte, pour certains groupes, et
selon des facteurs non nécessairement reliés à
l'âge, ayant des besoins spécifiques.
M. Lucier: Voyez-vous, l'estimation 1983-84 qui apparaît au
livre des crédits indique que, pour la formation au cégep, la
formation professionnelle à temps plein, 5787 individus rejoints, mais
ils ne sont pas tous au titre de l'accord Québec-Ottawa. Il y en a qui
sont rejoints au titre du PFMQ.
Professionnels à temps partiel: 72 722 individus rejoints, c'est
une estimation.
M. Ryan: 72 000?
M. Lucier: Oui. 72 722.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Verchères.
M. Charbonneau: M. le Président, je voudrais d'abord
remercier à la fois le ministre et le critique de l'Opposition pour
avoir accepté très rapidement et très facilement une
proposition que j'avais faite, c'est-à-dire qu'on puisse entendre aussi,
comme témoins, les hauts fonctionnaires qui ont travaillé
à l'élaboration du projet de règlement des études
collégiales. Je pense que c'est dans l'approche de la réforme
parlementaire et j'ai été témoin de la façon dont
l'idée a été accueillie par M. Lucier et Mme Fortin. Je
pense que c'est de bon augure pour la façon dont on devrait aborder le
témoignage des hauts fonctionnaires sur des questions qui, dans le fond,
nécessitent leur éclairage et leurs connaissances.
J'ai eu l'occasion de rencontrer lundi, avant de venir à
Québec, - les enseignants d'un cégep de ma région, le
cégep de Saint-Hyacinthe, qui m'ont longuement expliqué leurs
appréhensions sur un certain nombre de questions.
Après avoir eu les documents, je me rends compte qu'il y a, entre
autres, trois problèmes majeurs qui semblent ressortir. Le
problème des différents diplômes ou certificats
apparaîtrait à la suite de ce règlement. Le
problème, aussi, du pourcentage des programmes professionnels choisis
par les collèges. Et, finalement, le problème de l'abolition d'un
cours de philosophie. En ce qui concerne l'abolition d'un cours de philosophie,
je pense que mon collègue de Chauveau, qui est un philosophe, est mieux
à même que moi d'en parler.
Une voix: Distingué philosophe.
M. Charbonneau: C'est un distingué philosophe dont j'ai eu
à apprécier les sages conseils ainsi que ceux de Mme Lavoie-Roux,
lors de notre commission parlementaire sur la protection de la jeunesse.
Pour revenir au problème des différents diplômes et
certificats, une des craintes qu'on m'a manifestée, c'est la crainte
d'une espèce de retour en arrière où on verrait
s'installer différents niveaux de qualification. En fait, on craint
qu'on réduise la qualification vers le bas, qu'on incite beaucoup de
jeunes à utiliser la voie de la facilité, c'est-à-dire la
voie la plus rapide et qu'on se retrouve avec une population jeune moins
équipée, moins formée, plus exploitable, moins mobile
également. Cela fait partie des principales objections. J'ai eu la
chance de voir une vingtaine d'enseignants, y compris les dirigeants, du
syndicat du cégep de Saint-Hyacinthe et dans presque toutes les
interventions, cela revenait, cette crainte d'une espèce de retour en
arrière, d'une déqualification. Vous avez le certificat des
études collégiales et là, vous avez un meilleur
certificat, celui du DEC. Comme il y en aurait quelques catégories comme
cela - il y en a deux ou trois autres, deux autres, je crois - on
privilégierait un système qui, au lieu d'amener tout le monde
à aller plus loin, inciterait des gens à stopper en cours de
route, à se contenter de peu et à être moins
équipés intellectuellement et en termes de méthodes et de
fonctionnement dans la société active pour la suite. Cela est ma
première question. J'en aurai une autre sur l'autre problème que
j'ai soulevé, c'est-à-dire le pourcentage des programmes.
Le Président (M. Gagnon): Mme Fortin, M. Lucier. (17 h
15)
M. Lucier: Vous comprendrez que nous n'avons pas à faire
d'apologie, mais je pourrais peut-être rappeler un certain nombre de
faits éclairants.
En fait, en termes d'analyse de système, c'est le pari inverse
qui est fait. Autrement dit, ce n'est pas du tout le pari du recul ou de
l'attraction vers le bas. C'est plutôt le pari de l'avenir et de
l'attraction vers le haut. C'est le pari qu'on a fait dans la plupart des pays
occidentaux. C'est un pari qui a été jugé raisonnable, un
pari qui a fait ses preuves. Il est évident que même la
publicité et l'information scolaire et professionnelle, qui devraient
accompagner l'introduction de ce genre de nouvelles voies, devraient être
faites avec beaucoup de prudence et de circonspection. Autrement dit, ce n'est
pas une incitation. La possibilité juridique d'introduire de nouvelles
voies n'est pas une incitation à s'y engouffrer. Je vous citais
tantôt le nombre élevé de personnes qui ont
déjà le droit d'accéder à ces
programmes et qui préfèrent la voie du DEC. Il y a aussi
un fait de structure extrêmement important, c'est que le DEC jouit d'un
prestige, en un certain sens, peu contesté dans notre
société. L'ensemble des politiques gouvernementales
d'accessibilité vise à ce que le plus grand nombre possible
d'étudiants accède au DEC. Il devient aussi l'objet d'une
espèce d'habitude socioculturelle et quasi familiale dans de plus en
plus de milieux, à savoir que le DEC est fait pour être pris. On
ne voit pas comment il pourrait s'instaurer une espèce de dissuasion
socioculturelle contre le DEC; au contraire. C'est encore le DEC qui donne
l'accès direct à l'université. Je dis l'accès
direct parce que vous savez qu'on n'a pas besoin de diplôme comme tel
pour accéder à l'université. C'est encore le DEC qui donne
aussi l'accès direct à un nombre important de corporations
professionnelles.
Ce que je pourrais dire non pas en réponse à vos craintes,
mais peut-être pour éclairer votre propre jugement sur ces
craintes, c'est qu'il y a des faits qui donnent à penser que le pari
inverse de celui que vous apportez est raisonnable et qu'il a fait ses preuves.
Cela invite en termes de structure à une sorte de balisage de
l'accès; non pas de tamisage, mais de balisage de l'accès en
termes d'information. Toute l'information scolaire et professionnelle va
continuer de promouvoir le DEC; cela m'apparaît évident. La
demande sociale va aller dans ce sens. Il est aussi possible de situer de
manière très concrète et très opérationnelle
dans l'organisation du collège l'apport spécifique d'un type de
diplôme comme celui-là. Ce n'est pas une nomenclature
indifférenciée de diplômes, c'est la capacité pour
une institution d'offrir des voies diversifiées. Tout ce que je peux
vous dire, c'est que les faits nous semblent montrer que le pari inverse est
raisonnable.
M. Charbonneau: Quand vous parlez justement des faits qui ont
fait leurs preuves, est-ce qu'il serait possible d'avoir plus de
précision? Est-ce qu'il y a des études sur cela? Est-ce qu'il y a
des synthèses qui établissent cela clairement?
M. Lucier: Oui. L'introduction des enseignements
supérieurs, qu'on appelait cours à l'OCDE ou du tertiaire, comme
on dit dans les pays d'Europe aussi, montre que ces introductions ont eu pour
effet d'amener aux institutions supérieures des gens qui
n'étaient pas venus et qui n'y seraient pas venus autrement. Le fait le
plus proche de nous, c'est le cégep lui-même.
M. Charbonneau: La deuxième question...
M. Lucier: II y a des études là-dessus.
J'avais moi-même, dans des fonctions de chercheur, naguère
commis une étude comparative qui n'a pas, ma foi, tellement vieilli.
Cela me fera plaisir de vous la communiquer si...
M. Charbonneau: Je pense que cela pourrait être
intéressant.
M. Lucier: ...cela peut vous intéresser.
M. Charbonneau: J'ai l'impression que cela pourrait être
intéressant. Si je me fie aux craintes qui m'ont été
communiquées, j'ai l'impression que c'est l'un des principaux sujets
d'inquiétude...
M. Lucier: Maintenant, ce genre de pari... Excusez-moi.
M. Charbonneau: Oui, allez-y.
M. Lucier: ...ne peut pas évacuer toute possibilité
que certaines personnes glissent d'un diplôme à l'autre. Au
départ, on ne peut pas éviter cela. Il resterait la coercition
pour éviter que cela ne se fasse. Tous les signes que nous avons donnent
à penser qu'il y a une espèce de mouvement socioculturel qui va
en sens inverse. Mais, encore une fois, des ratés ne sont pas
inévitables. Personne ne peut garantir à l'avance que certains ne
choisiraient pas cette voie prétendument plus facile, mais ce sont des
adultes.
M. Charbonneau: La deuxième question, c'est au sujet du
pourcentage de programmes professionnels qui seraient choisis par les
collèges en région, en fonction des besoins régionaux.
Là encore, la crainte qui m'a été communiquée,
c'est de voir tout un enseignement organisé - - le député
d'Argenteuil l'a manifesté dans son intervention d'ouverture - autour de
besoins tellement locaux qu'il empêche finalement la mobilité par
la suite. Il y a aussi la crainte clairement affichée - j'imagine que
certaines des personnes qui viendront témoigner après vous
reprendront ces propos - de voir l'enseignement soumis, on emploie le terme,
aux diktats de l'entreprise ou des gens d'affaires dans une région au
point où, finalement, les enseignants, ceux qui ont à avoir un
contrôle ou qui ont à modeler la pédagogie, seraient
obligés de s'astreindre à des contraintes qui, à leurs
yeux, seraient inacceptables, par principe et aussi parce qu'elles bloqueraient
la mobilité et les possibilités d'avancement et de formation
personnelle dans la vie active des étudiants concernés.
Là encore, il ne s'agit pas pour moi de vous demander une
apologie par rapport aux conceptions, parce que je présume - le ministre
a fait allusion à la longue période
qui a précédé en termes de consultations -j'imagine
que ce genre de représentations ont du vous être faites
également. Vous qui avez été parmi les concepteurs,
j'imagine que vous devez avoir... Si vous en êtes malgré tout
arrivé à proposer cela...
Le Président (M. Gagnon): Mme Fortin.
Mme Fortin: Si je peux répondre à cette question,
j'aimerais faire un petit détour, si vous le permettez. Les besoins de
l'entreprise pour de la formation spécifique, de façon
générale, sont des besoins à court terme pour des
populations définies et s'expriment dans des demandes de type
commandité où l'entreprise remplace un peu le ministère de
la Main-d'Oeuvre ou Immigration Canada. Ces programmes donnent lieu à
des attestations d'études collégiales qui sont des programmes de
courte durée faits pour remplir un certain nombre de besoins.
Il faut se mettre en tête qu'un grand nombre de besoins de
l'entreprise sont des besoins ad hoc de formation de main-d'oeuvre rapide avec
des programmes spécifiques pour des clientèles
prédéterminées.
Ce dont on parle ici, c'est de ce que j'appelle le pouvoir
pédagogique du collège sur une partie du programme donnant
accès à un diplôme d'études collégiales, que
ce programme soit un programme préuniversitaire ou professionnel. Les
craintes dont vous me faites part sont des craintes concernant les programmes
professionnels et non les programmes préuniversitaires.
Concernant les programmes professionnels, la vision que nous en avions
au début est fort différente. Lorsque nous disions qu'une
proportion des cours doit être sous la responsabilité du
collège, nous n'avions pas l'impression de dire qu'ils doivent
être sous la responsabilité de l'industrie. Nous n'étions
pas conscients non plus, et je le dis peut-être avec un peu d'ironie, de
cette emprise si grande de l'industrie sur le réseau collégial.
Dans notre esprit, les membres de la communauté collégiale,
c'est-à-dire les enseignants, les étudiants et les
administrateurs, devaient déterminer, en fonction des besoins du
marché, de certaines particularités locales, d'une vision
spécifique sur un programme, une fraction de cours dont le maximum ne
devait pas dépasser 40%. Il pouvait, selon les programmes, aller
à 10%, 15%, 20%. La vision qui a été reçue du
milieu, c'est que ces cours deviendraient de la formation très pointue
pour répondre à des besoins immédiats du secteur
industriel.
Si je compare à une situation qui peut exister dans d'autres
secteurs ou dans d'autres milieux - je pense, par exemple, à la
formation universitaire où les établissements, qui sont
contrôlés par des professeurs, des étudiants et des
administrateurs, doivent former des gens pour le marché du travail, un
type de main-d'oeuvre différent du type de main-d'oeuvre formé
par le réseau collégial - l'autonomie universitaire en
matière de programmation n'a pas donné ces résultats non
plus.
Je pense, par ailleurs, qu'un autre argument qui va être
évoqué ici concerne non seulement l'emprise de l'industrie sur le
contenu du programme, mais plutôt le fait de l'impact de cette
variabilité potentielle du contenu des programmes sur un diplôme
national. Est-ce que le diplôme reflétera un corps d'enseignement
assez commun pour pouvoir porter le même titre d'un collège
à l'autre si on octroie une proportion jusqu'à 40% aux
collèges en termes de variabilité à l'intérieur du
diplôme? C'est là une des questions. L'autre question que vous
avez posée est sur la mobilité. On s'attache beaucoup aux 40%. Le
Dr Laurin a dit tantôt qu'un chiffre ou un autre... On a probablement
été influencé par tout le débat sur l'autonomie des
collèges, la responsabilité à accorder aux institutions
locales. Tout en protégeant les troncs communs et les enseignements
fondamentaux de base dans chacun des programmes, il s'agit de permettre la
responsabilisation des établissements en matière
pédagogique - non seulement en matière de construction ou de
dispensation de services - sur le plan de la constitution d'une partie de leur
programme. Dans notre tête, cela comprenait les enseignants, les
étudiants et les administrateurs des collèges.
Il est possible qu'il y ait dans une ville un collège qui a un
répondant économique qui est une industrie majeure, qui a des
besoins à long terme d'une formation spécifique dont le
président siège au conseil d'administration, dont le responsable
du personnel siège au comité de programmes. On ne le sait pas. Il
est possible qu'il y ait des orientations qui conduisent à une
spécification du programme en fonction des besoins locaux ou
régionaux. Nous avons déjà dans des collèges des
voies de sortie spécifiques qui n'appartiennent qu'à un seul
collège. Dans le fond, ils ont une autorisation ou ce que j'appelle une
étampe nationale. Nous autorisons un collège à avoir
présentement l'équivalent de 40% d'un programme avec une voie de
sortie spécifique.
Ce que nous disions, c'est: Est-ce qu'on doit laisser au collège
la possibilité de se le donner lui-même sans que nous
l'autorisions? Ce qu'on nous dit, c'est que c'est trop. Ce que des gens nous
disent, c'est que c'est trop. La perspective dans laquelle la proposition a
été élaborée a été celle de rendre
les programmes plus personnalisés et répondant mieux à des
besoins spécifiques
d'un établissement et de son milieu et aussi, je pense, de
créer à l'intérieur des collèges ces tables de
concertation en matière pédagogique regroupant des enseignants,
des étudiants et des administrateurs qui permettraient de discuter d'une
orientation spécifique à donner à un programme, que
celui-ci fût dans le secteur professionnel ou dans le secteur
général.
Je pense qu'on peut discuter de l'opportunité du montant. Je
pense que les intentions à l'origine de cette proposition étaient
celles-là.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. Lucier.
M. Lucier: Sur la même question, si vous me permettez. La
proposition qui est dans le projet de régime parle toujours
évidemment d'une adaptation, mais à partir des cours qui sont
dans les cahiers de l'enseignement collégial. Je crois qu'il y a
là un fait important. Cela signifie que cela n'est pas n'importe quoi,
mais c'est à partir de la banque de cours approuvés, et vous
connaissez tout le processus assez complexe de l'approbation des programmes et
des cours.
Donc l'apport local est prévu comme devant être fait
à partir des cours approuvés et qui paraissent dans les cahiers
d'enseignement collégial, ce qui est en soi une garantie que les
matières abordées ne seront pas pointues puisque l'ensemble de la
banque de cours devrait normalement être dans une perspective
fondamentale.
Deuxièmement, dans la mesure où ce sont les
collèges qui choisiraient ces cours, pourquoi décideraient-ils de
faire pointu même s'ils le voulaient et pourquoi décideraient-ils
de s'inféoder à de l'entreprise puisque c'est à eux de
prendre la décision?
Troisièmement, je dirais qu'en termes de système au niveau
collégial, les observateurs de l'extérieur nous font plutôt
remarquer que nous sommes tout à fait à l'opposé
d'être menacés d'être inféodés à
l'entreprise. Notre système lui-même, avec sa structure complexe,
sa polyvalence, ses cours de base obligatoires en français et en
philosophie, est tout le contraire, comme structure, d'une inféodation.
Certains nous taxent d'une espèce d'autarcie éducative par
rapport aux exigences du marché de l'emploi et reprochent même au
système ses prétentions trop exclusivement éducatives
par-delà les nécessités socio-économiques.
Remarquez qu'en dehors de chez nous, à commencer par nos voisins
ontariens, je dirais que les choix ont été faits avec beaucoup
moins de précautions et on a carrément distingué dans les
CAAT et ce qui se fait en douzième, treizième, avant d'entrer
à l'université. Disons que ceci apparaît comme des faits
qui permettent de faire le pari qu'on ne s'achemine pas vers du pointu, en tout
cas qu'on ne l'encourage pas. Il y a là des espèces de
protections systémiques qui tiennent aux faits qu'on a
énumérés.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de Verchères. Mme la députée de
Jacques-Cartier. Ensuite ce sera à Mme la députée de
Maisonneuve. (17 h 30)
Mme Dougherty: M. Lucier, je trouve très
intéressant ce que vous avez dit sur la diversification. Je me demande
quelle en est l'implication pour l'école secondaire. Parce qu'il me
semble que les nouveaux régimes pédagogiques au niveau secondaire
vont dans le sens contraire et vous êtes, naturellement, familier au
niveau...
M. Lucier: Oui.
Mme Dougherty: ...des régimes pédagogiques.
M. Lucier: Ce que j'ai essayé d'expliquer, c'est que,
justement, au niveau secondaire, qui correspond, grosso modo, à
l'obligatoire ou à peu près, on n'est pas dans le sens de la
diversification. On est plutôt dans le sens...
Mme Dougherty: Bien sûr.
M. Lucier: Et c'est ce que nous faisons ici et en cela nous
sommes très contemporains, je dirais. C'est au postobligatoire et
concrètement aussi au postsecondaire que là, partout autour de
nous, émerge la nécessité d'une diversification de plus en
plus forte.
Mme Dougherty: Mais vous ne croyez pas que le même
phénomène n'a pas de validité au niveau secondaire?
M. Lucier: Actuellement, les tendances sont que... Non, il n'y a
plus de danger au niveau de la formation de base, de l'assiette commune, des
grandes approches du réel.
Mme Dougherty: Mais est-ce qu'il y a des chiffres qui prouvent
que, au niveau secondaire, le même phénomène n'existe
pas?
M. Lucier: Ce sont moins des chiffres que des régimes
pédagogiques qu'on peut étudier. Si vous considérez ce qui
tient lieu de régime pédagogique en Ontario, ce que font les
Suédois, ce qui se fait dans les grands collèges français,
les collèges communs, vous aboutissez à des curriculums qui sont
très apparentés et qui ne sont pas sous le signe de la
diversité. Il y a toujours des créneaux optionnels, bien
sûr, mais on
s'en prend à tout ce qui pourrait ressembler à une sorte
de spécialisation ou de concentration prématurée. Mais on
a strictement le phénomène inverse au postobligatoire, avec des
variantes, mais il est évident que - je parle ici à un niveau
très global - vous retrouvez des espèces de compendiums qui sont
assez apparentés, d'un pays à l'autre.
Mme Dougherty: Je vous ai demandé cela parce qu'il me
semble qu'une des causes du niveau de décrochage qui existe ici,
actuellement au Québec, pourrait être le manque de
diversification: une spécialisation trop tard au lieu de plus tôt.
Et je me demande s'il y a des études...
M. Lucier: Écoutez...
Mme Dougherty: ...qui démontrent...
M. Lucier: ...l'étiologie ou l'étude des causes du
décrochage est quelque chose d'extrêmement complexe et...
Mme Dougherty: Oui.
M. Lucier: ...il y a énormément de facteurs. Le
principal facteur, à ma connaissance, n'a jamais été
identifié comme étant la fracture du régime
pédagogique comme tel. C'est beaucoup plus les questions d'appartenance
socio-économique, des problèmes de motivation personnelle, des
problèmes aussi de pratique pédagogique, d'organisation scolaire,
beaucoup plus que les matières comme telles.
Mme Dougherty: Alors, deuxième question. Je crois que la
commission Jean -je m'adresse à Mme Fortin - a parlé de la
nécessité de former nos enseignants ou d'adapter la
pédagogie aux besoins des adultes, compte tenu des différents
bagages qu'ils apportent à leurs études.
Je crois que tous ceux qui ont enseigné aux adultes et aux jeunes
étudiants sont conscients de la différence. Est-ce que c'est vrai
qu'il y a une certaine accommodation et comment est-ce qu'on pourrait
réaliser cette nécessité si on mélange les adultes
et les jeunes?
Mme Fortin: Vous avez mentionné si on mélange les
adultes et les jeunes.
Mme Dougherty: Je ne suis pas contre, mais...
Mme Fortin: On n'a pas l'intention de les mélanger plus
qu'ils ne le sont maintenant. On a présentement 11% d'adultes
volontairement mélangés aux jeunes qui s'adaptent à un
type de régime pédagogique un peu plus traditionnel. Par
ailleurs, on a, à la suite des politiques d'insertion sociale
professionnelle des jeunes à la fin du secondaire, 6000 jeunes qui ne se
sont pas adaptés, qui sont dans des écoles, classes, programmes
spécifiques de décrocheurs et pour lesquels les méthodes
d'enseignement des jeunes réguliers ne sont pas adéquates.
Je pense que, de façon générale, les groupes
d'adultes auxquels se réfère la commission Jean, qui viennent
avec des expériences diversifiées du marché du travail,
auxquels on a reconnu des acquis personnels et professionnels, qui ont un type
de formation centré davantage sur leur pratique professionnelle,
d'où ils tirent des enseignements plus théoriques,
nécessitent une approche pédagogique différente.
Personnellement, je me demande si une telle approche pédagogique ne
serait pas aussi bénéfique à un grand nombre de jeunes qui
répugnent aux méthodes pédagogiques plus traditionnelles.
Dans le fond, la formation professionnelle d'un enseignant devrait lui
permettre, quant à moi - et c'est probablement plus personnel - de
transmettre une matière académique ou professionnelle à
différents types de population.
Je pense que nous devrons progressivement former davantage nos
enseignants à transmettre des connaissances à des populations de
plus en plus diversifiées. Elles existent présentement dans les
classes et plus le système avance en âge, en particulier au niveau
postsecondaire, plus ces ajustements sont requis. Je pense, par ailleurs, que,
dans l'éducation des adultes dans son sens le plus pur, là
où on n'a pas de difficulté à établir des
définitions, il y a présentement des éducateurs d'adultes
permanents et des éducateurs d'adultes d'appoint. Il y a tout un
système de formateurs d'adultes dont certains sont mieux formés
que d'autres et qui ont développé des méthodes, des
habiletés, des aptitudes qui devraient être partagées avec
un certain nombre de leurs collègues. Je pense qu'il y a des
méthodes pédagogiques propres à ces situations-là.
Je ne pense pas qu'elles soient exclusives aux adultes, mais je pense que, dans
le fond, un souci d'élargir cette préoccupation à
l'intérieur des collèges pourra avoir un effet
bénéfique sur l'ensemble des pratiques pédagogiques des
divers groupes.
Sur le plan de la formation, nous avons des consultations - vous avez
probablement vu un certain nombre de propositions concernant la formation des
maîtres - auprès des divers groupes. À l'intérieur
d'une d'elles, il y a des éléments concernant la formation des
formateurs d'adultes ou des formateurs de clientèles spécifiques.
Pierre, si tu veux continuer là-dessus.
M. Lucier: Le libellé même de l'expression
"suppression de la distinction
jeunes adultes" mérite d'être qualifié. Ce que le
projet de régime vise, c'est de supprimer les critères,
mécaniquement appliqués, d'une exclusion qui tiendrait au fait
que vous êtes né tel jour plutôt qu'un tel autre. Il n'est
aucunement - je crois que c'est évident quand on le regarde de
près - question de niveler les approches pédagogiques ou de
traiter toutes les clientèles sans tenir compte des besoins
spécifiques. Il y aurait là une espèce d'immersion, de
noyade que personne ne souhaite et qui serait très mauvaise pour
l'évolution de l'éducation. C'est pour cela qu'on dit qu'il faut
garder les structures d'accueil. Ce qui est visé comme suppression,
c'est une espèce de discrimination mécanique qui tiendrait au
fait que je n'ai pas accès à tel programme parce qu'il me manque
six mois de vie.
Mme Dougherty: II faut élargir l'acceptation...
M. Lucier: Exactement et non pas supprimer les approches. La pratique
des gens est très significative là-dessus parce qu'il y a quand
même des entourloupettes qui peuvent se pratiquer pour, finalement,
contourner les critères. À la limite, il suffit de faire un
séjour à l'extérieur du collège et d'y revenir pour
changer de catégorie. C'est cette espèce de discrimination
mécanique et peu justifiable qui est visée, mais pas du tout la
diversification des encadrements ou la diversification des structures
d'accueil.
Mme Fortin: Par ailleurs, si je peux me permettre de donner un
exemple que nous avons vécu au cours de l'année dernière,
certains besoins de formation de jeunes adultes dans le domaine de la gestion
des entreprises agricoles ont été manifestés dans une
région. Le besoin a été manifesté par le biais de
l'éducation des adultes. Les jeunes ont demandé un programme - au
fond, le même - parce qu'il ne leur était pas possible de
participer au programme de l'éducation des adultes. Nous n'avons pas,
dans le fond, dédoublé des programmes, mais pour les jeunes
agriculteurs, quel que soit leur âge, on s'était entendu avec le
cégep pour leur offrir conjointement un programme approprié
à leurs besoins, indépendamment de la notion "jeunes adultes" du
régime pédagogique.
Il y a un autre élément qu'on ne mentionne pas toujours et
qui peut être important. Dans le régime, tel que nous le vivons
présentement, les adultes ont un certain nombre d'avantages et un
certain nombre de désavantages. On souligne très souvent le
désavantage sur le plan des horaires, de l'accessibilité aux
services et ces choses-là. Par ailleurs, seuls les adultes veulent se
voir reconnaître des acquis de formation scolaire ou non scolaire, des
équivalences. Je ne veux pas dire que cette pratique devrait être
étendue à l'ensemble des jeunes, mais ce que nous voulons, c'est
que, pour chaque individu dans un collège qui répond à un
certain nombre de critères, si un adulte peut être dispensé
de ce cours en répondant à ces critères, le jeune devrait
l'être aussi s'il répond aux mêmes critères. C'est
une question de discrimination selon l'âge qui devrait être
établie selon d'autres critères. Surtout au postsecondaire
où les jeunes sont plus âgés et les adultes sont
très jeunes. Il y a un peu de cela aussi dans cette perspective qu'un
jeune puisse avoir accès aux mêmes avantages et aussi faire de
l'ensemble du collège un collège qui s'adresse à
l'ensemble des populations.
Je pense qu'on ne vous cachera pas qu'on vise progressivement à
rendre le collège ce que j'appellerais le collège pour tous, pas
le collège de l'enseignement régulier avec une extension de
l'enseignement des adultes. Cela ne veut pas dire que tous les jeunes et les
adultes vont être casés en rangs dans les mêmes classes, aux
mêmes heures et selon les mêmes formats. Je pense qu'il y a une
question de jugement et de service à rendre là-dedans.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Je pense que votre
exposé est certainement de nature à dissiper certaines
inquiétudes. Je voudrais revenir sur la question posée par ma
collègue. J'ai eu l'occasion d'être en contact avec des
enseignants de cégeps, particulièrement au cégep
Maisonneuve, et je me suis rendu compte qu'il y a là encore une
clientèle importante d'adolescents. Donc, la différenciation
qu'on doit abolir dans les critères d'admission, évidemment, ne
doit pas avoir le corollaire dans... On doit maintenir cette
différenciation dans l'approche pédagogique. J'ai eu l'occasion
dernièrement, particulièrement au secondaire V, dans les
écoles secondaires de mon quartier, de vivre une journée de
décret en remplaçant des professeurs comme si j'étais en
disponibilité. Et je dois vous dire que cela a été un peu
traumatisant. D'ailleurs, j'ai écrit au ministre de l'Éducation
à ce sujet. J'enseignais en éducation économique et en
géographie, suffisamment pour me rendre compte que j'avais là des
adolescents, parfois assez turbulents, dois-je vous dire. Il y avait peu, dans
le passage entre le secondaire V et la première année au
cégep. Et, il y a certainement une approche - je dirais - quasi
affective, ou du moins différente, à ce niveau.
Je dois vous dire qu'il y a des choses extrêmement
intéressantes dans votre exposé, notamment ce pari inverse que
vous projetez pour conduire à une attraction vers le haut. Je pense
à l'objectif qu'on vise, qu'on doit
viser. Vous parliez d'un glissement possible. Je me dis: Est-ce que j'ai
raison de croire que, sans l'éviter, ce glissement, il peut cependant
être atténué du fait qu'on abolit les conditions
d'admission, les prérequis formels qui existaient jusqu'à
maintenant et qui supposaient d'obtenir des équivalences dans des cours
formels suivis dans un autre cégep pour les remplacer par un mode
d'admission beaucoup plus ouvert? Ceci pourrait donc conduire à
l'obtention, puisque c'est cette question qui est particulièrement en
cause, d'un certificat d'études collégiales qui pourrait
éventuellement mener à poursuivre des études pour
l'obtention d'un diplôme d'études collégiales. Dans le
temps, on peut voir qu'un premier certificat pourrait motiver suffisamment pour
vouloir poursuivre en vue d'un diplôme, j'interprète bien,
à ce moment-ci, le règlement? (17 h 45)
M. Lucier: Oui.
Mme Harel: Mes questions concernent particulièremenmt les
chiffres que vous nous avez donnés sur les décrocheurs. Vous nous
avez dit: II y en a au-delà de 35%; c'est un peu plus
élevé, dites-vous, au professionnel. Et, un peu comme le
souhaitait le député d'Argenteuil quand il manifestait son
désir que des universités ou des universitaires soient venus nous
faire valoir leur point de vue ou leur jugement sur les prérequis ou les
apprentissages qui sont faits au cégep et qui doivent être
complétés au moment de l'admission à l'université,
je me demande si, dans des études faites - vous en avez fait état
plus tôt - quant aux causes très diversifiées qui
conduisent au décrochage, l'une de ces causes ne serait pas les
acquisitions ou les apprentissages qui n'auraient pas été
complétés au niveau secondaire à un point tel,
malgré l'obtention d'un diplôme, qu'au niveau collégial,
cela provoquerait un blocage. Remarquez que le circuit, on peut le faire
à rebours. Une étude récente, dans tous les quartiers
centre-sud auprès de tous les élèves de secondaire I,
démontrait que six des huit apprentissages qui doivent être acquis
à la fin du primaire ne l'étaient pas en secondaire I. On reporte
toujours le problème plus tard. Je me demande donc si les apprentissages
faits en secondaire V sont suffisamment complétés pour que, au
collégial, il y ait une espèce de continuité sans heurts.
Est-ce qu'il y a des études qui ont été faites sur cela?
On aura certainement l'occasion, avec le Conseil des collèges, de
vérifier dans quel état arrive la clientèle scolaire en
première année du collégial.
M. Lucier: ... Écoutez, il y a des études qui ont
été faites, pas sur la question précise que vous soulevez,
mais, effectivement, il y a un problème de racine même. Il y a
l'INRS qui avait fait une étude sur les problèmes de certaines
clientèles du secondaire et ce qu'il détectait comme cause,
c'étaient des problèmes scolaires au primaire. Si on va plus
loin, il y a eu des études américaines montrant que
c'était aussi le contexte culturel de la famille. Il est évident
qu'un enfant qui arrive à l'école avec un vocabulaire de 4000
mots et des structures mentales vraiment à point part gagnant par
rapport à celui qui arrive avec 500 mots, et ainsi de suite.
À ma connaissance, la tendance des approches, c'est moins de
prendre les problèmes par en haut que par en bas, au fond, et de
demander à chaque niveau de bien faire ce qu'il a à faire. En un
certain sens, ce n'est pas au secondaire à dire ce qu'il faut faire au
primaire, si je peux m'exprimer ainsi. Il y a des objectifs du primaire dont il
faut s'assurer qu'ils sont atteints. Il y a des objectifs du secondaire dont il
faut s'assurer qu'ils sont atteints. L'imposition de prérequis par un
niveau supérieur au niveau inférieur n'est pas
nécessairement la meilleure façon de s'assurer que des objectifs
de ce niveau même sont atteints. En un certain sens, on a dit plusieurs
fois, même dans des énoncés de politique, que chaque niveau
doit prendre les arrivants du niveau inférieur comme ils sont. S'il y a
un problème, il doit se poser au niveau où il doit se poser.
Mme Harel: On aura certainement l'occasion de vérifier
avec les divers autres intervenants dans quel état ils reçoivent
la clientèle. S'ils doivent suppléer à des objectifs qui
ne sont pas atteints, ce sera certainement intéressant, pertinent de le
savoir.
M. Lucier: Par réflexe normal, je suis enseignant de
carrière, on a toujours quelque chose à dire sur la classe qui
précède. Il y a des choses qui n'ont pas été vues,
c'est...
Mme Harel: Parce qu'il y a quand même là un
problème de fond. Qu'il y ait ce pourcentage aussi élevé
d'abandons scolaires, il y a certainement là un problème.
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, Mme la
députée de Maisonneuve. Je voudrais juste vous demander si on
pourrait revenir à vous parce que le député d'Argenteuil
ne pourra pas être ici à vingt heures et il a des questions
à poser. Je vous reconnaîtrai par la suite pour la fin de votre
intervention. Est-ce possible?
Mme Harel: Je pense que le député
d'Argenteuil...
M. Ryan: Je pense que Mme la députée de Maisonneuve
peut continuer. Je reviendrai
ici vers 20 h 30 parce que j'ai un discours à faire en Chambre,
mais je serai ici à temps. Il y en a beaucoup d'autres qui ont des
questions, d'après ce que j'ai constaté. Vous pouvez y aller en
toute aisance.
Le Président (M. Gagnon): J'avais mal saisi ce que vous me
demandiez. Vous pouvez continuer, Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Merci. Un autre aspect extrêmement important
dans votre exposé, cela est la distinction d'objectifs entre
l'enseignement professionnel au secondaire et l'enseignement professionnel au
collégial. J'ai cru comprendre que - c'est peut-être un peu
simplifier les choses - la distinction repose, à peu près, grosso
modo, entre la formation d'ouvriers qualifiés par rapport à la
formation de techniciens.
Il y a des problèmes - je pense qu'on ne peut pas le nier - de
chevauchement. Je pense, en particulier, à des emplois féminins
comme les puéricultrices - ou les puériculteurs - emplois qui
sont, jusqu'à maintenant, occupés par des femmes. L'enseignement
se donne au secondaire, il se donne aussi au collégial; l'assistance
sociale par rapport au service social à l'université; cela est un
cas identique pour les infirmières, le secrétariat. Tout cela
n'est pas directement mis en cause par le projet de règlement.
Par ailleurs, je reviens à cette distinction, le certificat
d'études collégiales va conduire à une formation
professionnelle. Je vous pose le problème suivant: le
député d'Argenteuil a fait état des pertes d'emplois
auxquelles il faut s'attendre d'ici à une décennie. Je remarquais
notamment qu'il y a beaucoup moins de reproches qu'auparavant sur la formation
plus fondamentale. Je ne me trompe pas en pensant que, dans la
société québécoise, ces reproches qui ont
été faits contre la formation fondamentale il y a à peine
quelques années sont mis en veilleuse. On se rend compte qu'il y aura en
fait une mobilité qui va supposer justement une capacité
d'apprentissage tout au long de sa vie.
Je reviens, par exemple, à un problème qui m'a
été posé par des machinistes qui sont venus me voir
à mon bureau; ils m'expliquaient notamment que les machinistes sont des
ouvriers qualifiés. Il suffisait - et je pense que c'était
même considéré comme un emploi hautement reconnu dans la
classe ouvrière d'être machiniste - d'un diplôme
d'enseignement secondaire. Ces ouvriers machinistes qui étaient en perte
d'emplois venaient m'expliquer que les 20 heures qu'ils prenaient pour faire la
pièce, eh bien maintenant, c'était une petite bande
perforée qui passait devant eux et qui mettait une heure; et ils ne
pouvaient pas la réparer si elle se brisait et ils ne pouvaient pas la
programmer. C'est donc dire que ces emplois, qui étaient des emplois
d'ouvriers qualifiés, sont maintenant, on peut dire, en perte de
vitesse. Il y a un rapport récent aux États-Unis qui
prévoit que 20 000 000 des 25 000 000 d'emplois manuels allaient
disparaître d'ici à l'an 2000. Je me demande si, finalement, la
formation dans les cégeps ne va pas conduire à occuper des
emplois dits auparavant d'ouvriers qualifiés, à savoir qu'il n'y
a plus de chaînes de montage comme on les connaissait auparavant. Quelle
sera la jonction? Elle ne sera pas simple. Quand vous faites la distinction
entre ouvriers qualifiés et techniciens, vous vous rapportez à
des concepts de main-d'oeuvre qui existaient dans un autre âge que celui
qu'on est en train de vivre présentement. Comment va se faire le
chevauchement?
M. Lucier: Ce sont des catégories qui existent n'est-ce
pas?
Mme Harel: Elles sont en perte de vitesse.
M. Lucier: Oui, oui. C'est pour cela qu'il faut s'attaquer de
front aux problèmes de chevauchement. C'est très difficile
à traiter, mais nous pensons de plus en plus qu'il n'y a pas de raison
pour qu'un même profil de formation se donne à deux endroits
différents. Cela m'apparaît clair. Mais je dirais que le
dispositif de formation professionnelle n'est pas, quant à lui,
créateur d'emplois et n'est pas non plus élaborateur de politique
d'emplois ou de main-d'oeuvre ou de développement économique. Je
veux dire qu'en un certain sens on suit. L'idéal n'est pas de maintenir
ouverts tous les profils professionnels à perpétuité. S'il
y a une demande - et, dans la mesure où il y a des besoins, il y a une
demande - il faut que le système de formation puisse permettre de former
ces gens. L'idéal, ce n'est pas de remplir des cases vides ou des cases
qui ne mènent nulle part. C'est pour cela que je dirais que le
problème de l'ajustement des profils ou des types de formation par
rapport aux exigences du marché, du développement
économique est un problème spécifique, en fait, qui
constitue une tâche constante pour le système d'éducation.
C'est pour cela que nous nous y attaquons particulièrement depuis
quelques années d'une manière très directe. Ce que je veux
dire, c'est que ce n'est pas nous qui faisons la politique d'emplois ou la
politique de développement économique. Non plus nous ne
contrôlons surtout pas les leviers de ce développement.
Encore une fois, l'idéal n'est pas de maintenir une panoplie
complète de profils de musée. Aussi longtemps qu'il y a une
demande et aussi longtemps qu'il y a des
besoins, il faut les maintenir.
Mme Fortin: Si je peux me permettre d'ajouter quelque chose
là-dessus, je pense que le mouvement va dans les deux sens. Vous faites
référence à certaines études qui annoncent la
disparition d'un certain nombre d'emplois dans le secteur manufacturier et leur
remplacement par des emplois en nombre moins important, mais d'emplois plus
spécialisés et du type de techniciens. Il y a aussi d'autres
études qui annoncent la création d'un nombre considérable
d'emplois dans le secteur tertiaire des services et des loisirs, d'emplois de
bureau et autres qui, normalement, trouvent leur place de formation dans des
programmes de niveau secondaire. Il se peut qu'effectivement l'ordre
d'enseignement secondaire, comme on dit maintenant, doive développer
d'autres types de formation pour des emplois qui concernent cette
catégorie d'employés qui ne seront pas des ouvriers
qualifiés, mais qui seront des employés de bureau et des
employés dans d'autres secteurs, alors que le secteur manufacturier
verra sa composition de main-d'oeuvre modifiée. Mais, à ce
moment-là, et j'enchaîne sur ce que Pierre Lucier disait, c'est
que le système d'éducation va devoir évoluer
conformément aux changements de la structure industrielle.
Mme Harel: J'ai une dernière question rapidement. Vous
avez beaucoup parlé de concertation en matière
pédagogique, particulièrement Mme Fortin. Qu'en est-il
présentement de ce que l'on appelle les coordinations provinciales? Si
je comprends bien, les cahiers de l'enseignement collégial sont, d'une
certaine façon, issus des travaux, des coordinations provinciales dans
le domaine de l'enseignement général et professionnel.
Qu'arrive-t-il avec les comités, dans les disciplines professionnelles
en particulier?
Mme Fortin: Les coordinations provinciales existent toujours, les
comités professionnels aussi. Par ailleurs, je pense qu'on peut dire
qu'il y a eu un certain ralentissement de leur activité tout simplement
pour des raisons de restriction de ressources. À l'enseignement
collégial, nous considérons que la participation des enseignants
au niveau des coordinations provinciales est toujours fort importante et nous
avons toujours essayé de les maintenir aux niveaux les plus
élevés. C'est un fait qu'elles ont déjà
été plus actives pour les raisons que je mentionne. C'est cela la
coordination, mais je pense que c'est important de le mentionner. C'est la
coordination provinciale, c'est-à-dire des enseignants, en
général un responsable de programmes par collège, qui se
réunissent au niveau de la définition d'un programme
national.
Je pense qu'un élément qui est important à
mentionner, c'est qu'il serait intéressant et probablement plus
fécond de faire cette coordination et cette concertation au niveau de
chaque établissement et non seulement entre les enseignants d'une
même matière, mais peut-être des enseignants de deux
disciplines connexes, entre des enseignants et des étudiants et des
responsables de développement pédagogique. C'est un peu dans ce
sens que j'en parlais.
Je pense qu'on va faire face progressivement à des modifications
de programmes qui vont impliquer la collaboration ou la concertation d'un
certain nombre de secteurs disciplinaires traditionnellement différents,
mais qui maintenant devront travailler ensemble dans l'élaboration de
programmes, au moins avec des sections communes. Cela fait partie de la
concertation. Celle-là pourrait avoir lieu autant sur le plan provincial
que sur le plan local. (18 heures)
Un des problèmes de la coordination provinciale, c'est que les
étudiants en sont absents. En général, au niveau
postsecondaire, les étudiants ont souvent un mot à dire sur leurs
enseignements, non seulement sur l'évaluation des enseignements d'un
professeur à l'intérieur d'un cours, non seulement sur le contenu
d'un cours, mais il pourrait être intéressant qu'ils aient un
"input" sur la composition du programme.
Je ne veux pas dire par là que l'étudiant est le juge
complet du type de la structure d'un programme professionnel qui doit le rendre
apte à occuper une fonction de travail. Je pense qu'il a un "input"
là-dessus au même titre que l'enseignant et au même titre
que l'employeur ou la corporation professionnelle dans les cas où elles
existent. Cette concertation me semble intéressante à
entreprendre au niveau local. Peut-être que je suis une idéaliste,
on verra cela.
Le Président (M. Gagnon): Merci, Mme la
députée. J'aimerais vous inviter, M. Lucier et Mme Fortin,
à revenir à vingt heures parce que j'ai encore beaucoup de
députés qui ont demandé la parole pour vous questionner.
Je voudrais en profiter aussi pour rappeler aux deux groupes qu'on devait
entendre - le premier à vingt heures et l'autre par la suite - qu'on les
entendra ce soir: la Fédération des cégeps et
l'Association des collèges du Québec. Cela pourrait être
décalé d'une heure et on pourrait entendre le premier groupe vers
neuf heures.
Sur ce, je suspends les travaux jusqu'à vingt heures.
(Suspension de la séance à 18 h 2)
(Reprise de la séance à 20 h 12)
Le Président (M. Blouin): Mesdames, messieurs, la
commission permanente de l'éducation poursuit ses travaux. 0e vous
rappelle le mandat de cette commission, qui est de procéder à
l'étude des nouvelles propositions relatives au régime
pédagogique de l'enseignement collégial.
Je vous signale aussi que nous devons entendre, en principe,
jusqu'à vingt-quatre heures, deux autres organismes qui ont fait preuve
de courage, qui ont bravé la tempête et qui se sont rendus
à Québec. Un peu par déférence à
l'égard de ces organismes, je crois que, vu qu'il y a déjà
eu, m'a-t-on dit, un bon échange entre les deux sous-ministres et les
parlementaires, je souhaiterais, si c'est possible, que nous puissions terminer
notre échange avec les sous-ministres vers 9 heures et que, par la
suite, nous nous gardions une heure et demie par organisme pour pouvoir les
entendre...
Une voix: Et finir à minuit!
Le Président (M. Blouin): ...et finir à minuit.
Alors, Mme la députée de Lavoie-Roux, de L'Acadie, je
m'excuse, cela arrive souvent.
Mme Lavoie-Roux: Cela, c'est pour la génération qui
va me suivre!
Le Président (M. Blouin): Oui. Certains autres m'appellent
M. Rousseau; alors, je partage. Alors, Mme la députée de
L'Acadie, vous avez la parole.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie, M. le Président. Je ne
serai pas très longue; je ne prendrai certainement pas l'heure, loin de
là. Je voudrais m'excuser auprès de mes collègues si je
pose des questions ou demande des informations qui ont peut-être
été données dans la première partie de votre
exposé. Malheureusement, je n'ai pu arriver plus tôt cet
après-midi.
J'aimerais que vous m'expliquiez quelles seront les possibilités,
dans l'hypothèse où le certificat est retenu, pour ces
personnes-là de se rendre à l'université. Quels vont
être les ponts pour l'université?
M. Lucier: Les mêmes que ceux qui existent actuellement. Le
seuil d'entrée à l'université, cela demeure le DEC ou
l'équivalent.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Lucier: Bon. Quand une personne se présente à
l'université, elle a ou bien son DEC ou bien on juge qu'elle a
l'équivalent. Alors, ce qui peut se produire, c'est qu'une personne
ayant un certificat d'études collégiales puisse frapper à
la porte d'une université, même dans l'état actuel, le
certificat n'étant pas une nouveauté, il existe. C'est à
l'université de juger si la personne a ce qu'il faut pour entrer ou non,
si elle a l'équivalent ou non d'un DEC. En un sens, il n'y a pas de
modification par rapport aux règles actuelles. C'est toujours la
même chose. (20 h 15)
Mme Lavoie-Roux: Sauf que le certificat pourrait devenir un
diplôme beaucoup plus répandu qu'il ne l'est à l'heure
actuelle.
M. Lucier: En un sens, c'est souhaitable, à condition
qu'on vise les clientèles cibles dont nous parlions cet
après-midi. La clientèle cible, ce n'est pas la clientèle
du DEC; c'est celle qui ne vient pas au collège.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Lucier: Si je peux me permettre de compléter, je pense
que la réponse générale est valable, mais c'est
extrêmement variable selon les programmes et les orientations. Je pense
que - et on a un certain nombre de programmes - si un détenteur actuel
d'un certificat ou même d'un diplôme d'études secondaires se
présente à l'université, dans certains programmes, on fait
de la reconnaissance d'acquis et on a une politique d'ouverture beaucoup plus
grande. Par ailleurs, dans d'autres types de programmes où les
préalables sont beaucoup mieux définis, à ce
moment-là, on va exiger en particulier que l'étudiant ait rempli
les objectifs fixés par les préalables. Est-ce que ces
préalables seront ou non contenus dans le programme du certificat? C'est
à savoir. Si l'étudiant ne l'a pas fait, on va lui demander de
les reprendre. L'université se réserve la possibilité,
dans certains cas, de demander à des étudiants des formations
complémentaires. On le voit, par exemple, dans le cas d'étudiants
étrangers où il y a une période probatoire ou une
période plus courte pour refaire des apprentissages qui n'ont pas
été faits auparavant. Souvent, cela se fait même à
l'intérieur des cégeps. Il y a des ententes
universités-cégeps.
Par ailleurs, c'est un fait que, sur le plan du passage du
collège à l'université, dans les programmes qui sont
contingentés comme c'est le cas maintenant, c'est le meilleur candidat
avec le diplôme le plus complet et le plus prestigieux qui a les
meilleures chances. Et, en ce sens-là, comme la plupart des gens ou tous
les gens avec des certificats sont dans le secteur professionnel, s'ils visent
à poursuivre dans des facultés de type professionnel, en
génie, en médecine, ils devront faire face à des
difficultés s'ils ne
complètent pas leur DEC parce que ces programmes sont
extrêmement - ou relativement - contingentés sur le plan de
l'admission. Certains de ces programmes ont des quotas réservés
à des étudiants qui n'ont pas les profils traditionnels. En
droit, c'est le cas, par exemple, à l'Université Laval; mais
c'est quand même minime. Or, dans le fond, le candidat avec un certificat
peut, théoriquement, être admissible à l'université,
surtout s'il a les cours préalables requis. Mais, de façon
pratique, surtout dans les programmes professionnels, je pense qu'il devra
automatiquement terminer son diplôme d'études collégiales
s'il veut avoir une chance d'obtenir une place. C'est la contrepartie pratique,
je pense.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que le certificat est une partie du DEC
ou si c'est une entité en soi. Quelqu'un qui vient compléter son
DEC, comment cela s'arrime-t-il avec le certificat?
M. Lucier: Les certificats qui existent actuellement...
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Lucier: ...ne contiennent que le bloc de
spécialisation.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Lucier: Quelqu'un qui veut passer de l'un à l'autre
doit compléter par les autres éléments du DEC,
c'est-à-dire des cours obligatoires de base et des cours
complémentaires aussi, je pense.
Mme Lavoie-Roux: Oui. Alors, c'est cela qu'il devra
compléter?
M. Lucier: Oui, oui.
Mme Lavoie-Roux: Tout à l'heure, vous parliez de deux
DEC.
M. Lucier: Non, dans l'hypothèse où quelqu'un
prendrait deux spécialisations.
Mme Lavoie-Roux: Ah oui! Il pourrait avoir deux DEC à ce
moment-là.
M. Lucier: Oui, oui.
Mme Lavoie-Roux: Mais, ces deux certificats ne font pas un
DEC.
M. Lucier: Non, non, non. Mme Fortin: Non, pas du
tout.
Mme Lavoie-Roux: Bon, d'accord. Tout à l'heure, vous avez
dit: L'objectif de ceci, c'est d'amener les gens au collège et non pas
nécessairement de les faire passer à l'université. Ils
pourront passer à l'université, mais l'objectif, c'est de
rejoindre les gens qui ne se rendent pas au collège. Dans les
statistiques que vous nous avez données, à savoir que 47,2%
entrent au collège, que 27,2% obtiennent un DEC, il en reste presque la
moitié - 35% - qui ne complètent pas leur DEC. Est-ce que vous
avez l'impression que ce sera plus facile pour ces gens-là, qui sont
venus d'eux-mêmes au collège pour un DEC, de passer un certificat?
C'est une proportion importante de jeunes qui, déjà,
étaient motivés pour des études plus avancées.
M. Lucier: Oui, dans le cas des gens qui sont déjà
au collège et qui menacent de décrocher, le certificat pourrait
davantage servir de diplômation a posteriori, je dirais, pour
éviter que quelqu'un ne reparte les mains vides, en fait. Au fond, les
motifs de décrochage ne sont pas nécessairement les cours
obligatoires. Cela permettrait, dans ce cas précis - ce n'est pas la
première clientèle visée - une diplômation qui
serait mieux que rien du tout.
On dit souvent: On va éviter les cours obligatoires. Cela va
être plus facile. Il y a des chiffres extrêmement étonnants.
Quand on regarde, par exemple, les taux de réussite dans les cours
obligatoires de base, savez-vous que ceux qui réussissent le mieux, ce
sont précisément, et de manière très
étonnante, les gens du professionnel? Nous avons des chiffres; par
exemple, les plus hauts scores en philo, on les trouve en informatique, en
techniques administratives, en assistance sociale, en techniques de
fabrication, en techniques chimiques, en techniques infirmières et en
techniques de communications. Très bizarrement, les plus faibles taux de
réussite sont en arts et en lettres, avec 64% et 76%, en philo.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que cela ne pose pas une autre question
quant aux programmes offerts dans les collèges, les chiffres que vous
venez de me donner? Le fait d'être dans un secteur professionnel semble
avoir une influence sur la réussite dans les matières
fondamentales, alors que les gens arrivent au collège avec un objectif
beaucoup moins précis, ils arrivent en arts et en lettres, parce que,
enfin, cela les mènera quelque part. À moins que ce ne soit
corrigé, il y a toujours une espèce de déversement vers
les arts et lettres; peut-être que cela n'existe plus, remarquez bien. Il
faudrait peut-être se poser des questions de ce
côté-là aussi, si le fait d'avoir un objectif plus
précis dans un secteur professionnel augmente la réussite dans
les matières fondamentales.
Mme Fortin: Je pense qu'effectivement
il y a une question de motivation. Il y a peut-être aussi une
question de sélection. Étant donné que souvent dans les
options professionnelles, la demande est beaucoup plus grande que le nombre de
places, il y a probablement une sélection au niveau de l'entrée.
Par ailleurs, si ces données nous intéressent pour la question
qui nous préoccupe, c'est qu'en général les gens qui sont
inscrits à des DEC professionnels n'ont pas de problème scolaire
avec les matières de base, les cours obligatoires. Ils ont des
problèmes scolaires, parce qu'il y a des taux d'échec. Ils ont
des problèmes scolaires au niveau des cours de services, par exemple.
Ils ont certains problèmes scolaires différents, mais ces
problèmes ne sont pas reliés aux cours obligatoires qui les
inciteraient à aller dans des programmes pour ne pas suivre ces
cours-là. Effectivement, la situation ne se présente pas de cette
façon-là.
Mme Lavoie-Roux: Voici la dernière question que je
voudrais poser. D'autres l'ont posée avant, mais je ne peux pas dire que
votre réponse me satisfait tout à fait. Vous vous basez sur les
grandes orientations qui existent présentement en Europe, les
orientations nouvelles, la diversité. Vous espérez que cela va
amener les gens vers le haut, etc. Ne craignez-vous pas, non plus,
-évidemment, toutes les analogies et les comparaisons étant
boiteuses au point de départ - qu'on ne se retrouve - je fais cette
comparaison parce que je n'en trouve pas d'autre dans le moment - un peu avec
le professionnel court au secondaire? Ne craignez-vous pas que ce soit cela qui
se produise à un moment donné? Pourquoi je dis cela? Vous vous
basez sur des expériences européennes. Mais le fonctionnement
d'un étudiant nord-américain, son comportement, ses motivations,
etc., est-ce assimilable au mode de fonctionnement de l'européen ou vice
versa?
M. Luciers Vous rappelez des références européennes
que nous avons faites, mais nous en avons fait aussi de...
Mme Lavoie-Roux: Oui? Ah bien, je...
M. Lucier: ...très canadiennes et très
nord-américaines.
Mme Lavoie-Roux: ...n'y étais pas quand vous l'avez
fait.
M. Lucier: Au fond, ce ne sont même pas des études qui nous
montrent cela; c'est l'analyse des effectifs qui fréquentent les
institutions. Le cas le plus près de nous, c'est la mise sur pied des
cégeps eux-mêmes, avec cette espèce d'empiétement,
au fond, sur l'universitaire. À l'époque, certains auraient pu
craindre que, si l'on faisait cela, on ferait une espèce d'universitaire
court et que cela viderait l'universitaire long. Les chiffres montrent tout
à fait le contraire.
Et l'expérience américaine des "colleges" - des "two year
colleges" ou "four year colleges" - est tout à fait analogue: les taux
de fréquentation universitaire ont grimpé.
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais est-ce que vous tenez compte de
l'avènement des collèges et de la démocratisation de
l'enseignement quand vous parlez des hausses...
M. Lucier: Bien sûr.
Mme Lavoie-Roux: ...dans les universités?
M. Lucier: Bien sûr. Justement, on a pris comme
moyen...
Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est en dehors...
M. Lucier: ...pour hausser la...
Mme Lavoie-Roux: ...pour moi, c'est même à
l'extérieur, de l'avènement des cégeps, car on aurait pu
avoir d'autre chose que des cégeps. C'est le fait qu'on s'est
démocratisé, que les femmes ou les filles...
M. Lucier: Oui.
Mme Lavoie-Roux: ...font des études prolongées.
C'est monté en flèche et elles sont persévérantes.
Ce sont d'autres facteurs aussi.
M. Lucier: On aurait pu avoir autre chose que des cégeps;
la preuve, c'est que les Ontariens ont fait autre chose, ont fait les CAAT. On
pourrait citer une série d'expériences étrangères
de la Norvège à la Yougoslavie, enfin. Mais ce qui est commun,
c'est que le moyen adopté, la stratégie adoptée pour
hausser les taux de qualification et les taux de formation, cela a
été de procéder par des empiétements moins longs.
Et l'effet n'a jamais été de diminuer la fréquentation
après; au contraire, cela l'a toujours augmentée.
Mme Fortin: Si je peux me permettre un exemple qui est aussi
près de nous, c'est celui de l'université. Je veux dire qu'on
peut remettre en question et critiquer l'avènement ou la
prolifération des certificats universitaires; le fait est que les
universités du Québec sont celles qui ont le plus grand nombre de
certificats. Elles en ont dans les formations générale et
professionnelle; ces programmes sont ouverts à tous.
L'avènement
des certificats a contribué très fortement, au cours des
dix dernières années, à la croissance de l'effectif
universitaire.
Si vous examinez les clientèles qui choisissent les certificats -
parce qu'ils peuvent choisir ce qu'ils veulent - la plupart sont effectivement
des clientèles adultes et 70% n'avaient jamais fréquenté
l'université auparavant; elles sont en perfectionnement professionnel,
vont à l'université pour conserver ou trouver un emploi. Ils
n'ont jamais vraiment attiré des clientèles jeunes qui
préfèrent acquérir une formation professionnelle à
travers des programmes plus traditionnels du type baccalauréat. Il peut
y avoir d'autres problèmes reliés aux certificats universitaires,
par rapport à l'accès, par rapport au type de population, par
rapport à la reconnaissance sur le marché du travail. Ils n'ont
pas du tout eu l'impact qu'on craint que les certificats de niveau
collégial n'aient sur la population qui fréquente les
collèges.
Le Président (M. Blouin): Oui, succinctement, vous voulez
compléter?
M. Lucier: Cela implique, évidemment, aussi, dans chaque cas, que
le discours des milieux d'éducation continue de prôner la
formation qui va le plus loin possible. Autrement dit, la possibilité de
faire plus court n'est pas une incitation à faire plus court.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Alors, je vous remercie.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Merci, Mme la
députée de L'Acadie. Merci, monsieur et madame.
Alors, M. le député de Fabre, le plus succinctement
possible, s'il vous plaît.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Sur le CEC, je
voudrais avoir quelques précisions. Présentement, le CEC
s'adresse aux adultes. Il ne comprend pas de cours complémentaires, ni
de cours obligatoires. Il ne comprend que des cours de spécialisation.
Dans combien de champs le retrouve-t-on ou peut-on le retrouver? Dans combien
de spécialités peut-on le retrouver à l'heure actuelle?
Avez-vous des chiffres à ce sujet? Parce que ma question, c'est ceci: Le
CEC, nouvelle forme, est ouvert à une clientèle nouvelle, plus
jeune, en même temps qu'à une clientèle adulte. Mais est-ce
qu'il y a également ouverture sur un plus grand nombre de programmes ou
de spécialités? (20 h 30)
Mme Fortin: Écoutez, présentement, le réseau
collégial propose environ 160 diplômes d'études
collégiales. De ce nombre, 54 sont assortis d'un ou de plusieurs
certificats. De façon générale, les DEC comportent... un
certificat en techniques administratives, Par ailleurs, il y a
présentement une dizaine de certificats correspondant à la
branche des techniques administratives. En général, les
certificats les plus en demande se situent dans les secteurs de
l'administration et de l'informatique.
M. Leduc (Fabre): Vous en avez aussi dans les techniques lourdes,
j'imagine?
Mme Fortin: Oui, oui.
M. Leduc (Fabre): En mécanique.
Mme Fortin: Oui. En 1981, on a eu 623 demandes pour les
certificats, mais les plus nombreuses sont en administration, où on en a
eu 366. Les autres sont des certificats des petits groupes, dans le fond, des
groupes-classes.
M. Leduc (Fabre): Est-ce que vous prévoyez une ouverture,
avec la nouvelle forme du certificat, sur un plus grand nombre de
spécialités ou est-ce que le nombre va rester à peu
près le même?
Mme Fortin: Écoutez, la question pertinente à ce
moment-là, c'est de quelle façon ouvre-t-on un certificat? Et de
quelle façon pourrait-on ouvrir un certificat? Présentement, les
certificats sont ouverts sur demande d'un collège et, étant
donné qu'ils visent une clientèle très restreinte et
spécifique, ils sont accordés si le collège donne
déjà un DEC dans ce secteur-là. Le certificat
n'étant pas un programme autonome, il ne suit pas, par exemple, la
procédure d'approbation des programmes avec un avis du Conseil des
collèges. Si le certificat devenait un programme autonome de type
provincial, ouvert à tous, il serait sans doute opportun qu'on
révise la façon d'attribuer des certificats et qu'on la soumette
aux exigences de tous les programmes nationaux de l'enseignement
collégial sur lesquels on demande des avis d'opportunité et qui
sont ouverts s'ils répondent à un certain nombre de conditions,
de besoins de la population, de clientèle assurée, de
possibilité de remplir des fonctions spéciales. Et, en ce sens,
il y aurait sûrement une modification dans la procédure par
rapport à ce qui existe présentement étant donné
qu'il y a à peu près 600 étudiants ou
diplômés dans un certificat par année, ce qui n'est pas
beaucoup par rapport à l'ensemble de la population des
collèges.
M. Leduc (Fabre): Effectivement. Et quelles sont les balises dont
on pourrait entourer ce certificat pour être assuré qu'il
s'adressserait à cette clientèle nouvelle dont
vous parlez, M. Lucier? Est-ce que vous avez un certain nombre de
balises en tête?
M. Lucier: Écoutez, on peut en imaginer. Je n'aurais pas
l'audace de vous en proposer ici. Mais on peut en imaginer aisément;
certaines existent déjà.
Évidemment, j'imagine que, quand vous parlez de balises, vous ne
pensez pas à une clé qui pourrait fermer d'une main ce qu'on
ouvrirait de l'autre. Donc, les principales balises tiennent d'abord dans ce
qu'on évoquait cet après-midi comme une espèce de
régulation sociale et socioculturelle: le prestige qui est
attaché au diplôme d'études collégiales,
l'espèce d'habitude croissante qui fait que les gens considèrent
que c'est une bonne chose d'avoir son DEC dans les familles, l'accès
direct à l'université, l'accès aux corporations
professionnelles en bonne partie et j'ajouterais le discours du milieu de
l'éducation qui continue à prôner le DEC comme le fait le
projet. Voici un premier éventail de mécanismes de
régulation qui font qu'il ne faut pas s'imaginer que les gens qui
allaient au DEC vont s'engouffrer dans le CEC.
Deuxièmement, il y a tout ce qui est relié à
l'information scolaire et professionnelle et la publicité même. Il
est évident qu'un assouplissement des structures d'accès au
collégial devrait s'accompagner d'une information scolaire et
professionnelle qui continuerait de bien situer les choses et qui n'inciterait
pas à aller au certificat des gens qui auraient les capacités, le
goût, le temps et tout pour aller au DEC. Voici une balise très
importante. Est-ce que l'ensemble des pratiques d'information scolaire et
professionnelle et de publicité s'adresserait aux bonnes cibles? En un
certain sens, il n'en tient qu'à nous et il n'en tient qu'aux
collèges qu'il en soit ainsi.
Troisièmement, il y a aussi une manière de situer
correctement le certificat dans l'ensemble des activités du
collège. Je crois qu'il faudrait éviter certaines
présentations monoplanes qui aligneraient - on est forcément
obligé de le faire dans un règlement - sur un même plan le
DEC, l'AEC et le CEC. Il faut vraiment le situer comme un programme de
formation d'allure professionnelle essentiellement, et même l'addition de
cours de type général ne changerait rien à l'aspect
professionnel. Il faut bien situer le certificat, non pas comme un substitut du
DEC, encore moins comme un mini-DEC, mais comme un programme spécifique
de formation qui s'adresse à des clientèles spécifiques et
qui répond à des besoins de collectivité.
Quatrièmement, je pense que les mécanismes d'approbation
d'un certificat à portée nationale sont une sorte de garantie de
non-prolifération, jusqu'à un certain point, et de sérieux
de l'analyse. Autrement dit, il n'est pas question - et je crois que ce ne
serait pas dans l'esprit du projet - de décréter que,
dorénavant, il pourrait y avoir des certificats dans tous les secteurs
où il y a déjà un DEC. Si on maintient le caractère
national du diplôme, cela permet un type d'approbation "un par un", en un
certain sens, donc la nécessité de faire la preuve que cela
répond à des besoins et, aussi, une certaine garantie de la
qualité du programme.
Allons plus loin, un autre type de balise peut concerner ce qu'on
pourrait appeler les structures de prestation des cours. Les certificats sont,
en général, organisés pour les groupes cibles, tant et si
bien que ce n'est pas une ouverture qui ferait qu'on trouverait
indifféremment dans les mêmes classes des gens inscrits à
trois ou quatre programmes. Ce n'est pas comme cela que les choses se passent.
Il est possible, en un certain sens, de baliser, je dirais même, la
structure de prestation du cours lui-même.
C'est sûr que cela nous amène aussi à refluer sur le
contenu même, en un sens, du certificat qui a fait aussi beaucoup causer.
Je pense que son caractère professionnel n'a jamais été
mis en cause. L'introduction de cours de base était là, au fond,
pour respecter plus explicitement la polyvalence de la formation au
collégial. Peut-être aussi que c'est de nature, en un certain
sens, à brouiller des cartes. Mais peut-être aussi que l'avenir
serait dans une structure qui ne serait pas trop normée, au point de
départ, surtout si elle est soumise à des processus d'approbation
un par un. On pourrait voir, au fond, sur pièce quel devrait être
son contenu.
M. Leduc (Fabre): Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Fabre. M. le député de Chauveau,
rapidement, s'il vous plaît!
M. Brouillet: Je serai très bref. Je vais aborder la
question des cours de philosophie, la réduction de ces cours de quatre
à trois. Je reconnaîtrai d'emblée, au point de
départ, que les dommages pédagogiques, pour reprendre une
expression employée par le Conseil des collèges, ne sont
peut-être pas considérables pour l'individu comme pour la
société. Je pense qu'on pourrait dire la même chose des
cours de poésie et de français; on pourrait les réduire
à deux et les dommages psychologiques, tant au plan de l'individu que de
la société, ne seraient pas, non plus, considérables. On
pourrait dire la même chose des cours d'éducation physique, quand
on sait qu'une partie de ces cours réside dans des activités
physiques que nous pouvons pratiquer à loisir les fins de semaine et
après les heures de cours régulières. Le fait de les
réduire ne pourrait pas
occasionner des dommages considérables sur le plan de l'individu
et de la société.
Je pense que ce n'est pas à ce niveau-là qu'il faut
engager le débat, mais surtout sur une réalité. Il existe,
depuis plusieurs années, quatre cours de philosophie. Depuis un certain
nombre d'années, il y a eu un effort considérable exigé
des professeurs de philosophie de repenser l'ensemble de ces cours, d'en
exprimer les objectifs, d'en préciser les contenus en vue
d'élaborer un ensemble cohérent pour assurer une meilleure
formation. Et au moment même où ils terminent leur effort
considérable, à la demande même des gens impliqués
dans le réseau, on leur dit: Non, non, maintenant que vous avez produit
votre effort, un effort de cohérence, ce ne sera plus quatre, ce sera
trois. Donc, recommencez votre travail. Parce que si on supprime l'un des
éléments d'un ensemble cohérent, la cohérence
disparaît et il faut repenser à neuf l'ensemble des
éléments pour arriver à une nouvelle cohérence.
Ceci dit, je ne vois vraiment pas pourquoi on a sabré dans ces
quatre cours plutôt que de penser à d'autres. Personnellement, je
crois que c'est au nom de l'objectif de l'enracinement qu'on supprime un cours
de philosophie. Je pense que la philosophie, c'est un moyen d'enraciner. Quand
on philosophe, on ne le fait pas nécessairement à partir de
réalités qui sont d'un autre âge ou d'une autre
réalité que la nôtre. Quand on philosophe, on le fait
à partir de notre réalité. Il y a différentes
façons de s'enraciner. On peut s'embourber en s'enracinant. Il y a un
certain niveau d'apprentissage et d'acquisition de connaissances qui est
beaucoup plus de l'ordre de l'embourbement que d'un véritable
enracinement fait de maturité. Quand on est rendu au cégep, je
crois qu'il est temps de penser à une forme d'enracinement qui se fonde
sur une réflexion à partir de la réalité, de notre
vécu.
On parle d'instituer des cours d'institutions du Québec. C'est
vrai qu'il faut les connaître, nos institutions du Québec. Moi, je
crois que c'est beaucoup plus un cours qui serait du niveau secondaire -
peut-être secondaire V - où on pourrait faire profiter d'une
connaissance des institutions du Québec un ensemble beaucoup plus vaste
de notre population, de nos jeunes, plutôt que de réserver ce
cours et de le rendre obligatoire seulement pour les étudiants de
cégep. Connaître les institutions, à mon sens, c'est un
niveau d'acquisition qui est beaucoup plus adapté et qui devrait
s'imposer au niveau secondaire, au secondaire V par exemple. Il est temps de
faire une réflexion sur nos institutions, sur l'histoire de nos
institutions, de faire une réflexion sur notre vécu, sur le plan
des valeurs, sur le plan de nos réalités politiques, sur le plan
de nos réalités historiques. Cet effort, je crois que la
philosophie est à même de l'apporter. C'est dans ce climat, dans
ce type de réflexion que se font les cours de philosophie. Cela, c'est
une façon de s'enraciner, mais d'une façon plus adulte, plus
réfléchie qu'une simple acquisition de connaissances d'un certain
ordre de réalités.
Au nom de l'enracinement, je ne vois pas du tout qu'on puisse justifier
la suppression d'un cours de philosophie. On a souvent fait allusion à
tout ce qui se faisait dans les cours de philosophie. Il se fait toutes sortes
de choses, comme il se fait toutes sortes de choses dans bien d'autres cours.
Je reconnais d'emblée qu'il y avait lieu peut-être dans certains
milieux de baliser davantage les exigences quant au contenu, aux modes
d'apprentissage, aux exigences qu'on devait imposer à ces cours.
L'effort a été fait et on a le résultat. Moi, pour avoir
enseigné quatre ans dans deux cégeps différents avant
d'aller à l'université, de recueillir les fruits du travail fait
dans les cégeps et d'avoir perçu des lacunes et des manques
considérables, je ne crois pas que ces lacunes on va pouvoir les combler
ou y pallier en supprimant des cours de philosophie.
L'une des grosses lacunes que l'on constate, ce n'est pas tellement de
dire: Ils n'ont pas de connaissance de ceci ou de cela; ils ne savent pas qu'au
Québec, par exemple, une Assemblée nationale compte tant de
députés. Cela peut facilement se corriger par des lectures de fin
de semaine, la connaissance des institutions du Québec.
Le Président (M. Blouin): Brièvement, s'il vous
plaît.
M. Brouillet: Mais la capacité, par exemple, et l'habitude
acquise de pouvoir, devant une réalité, la penser, y
réfléchir et l'exprimer d'une façon cohérente, cela
je pense que c'est une lacune que l'on constate très souvent chez les
étudiants qui nous arrivent. Ce n'est pas en supprimant les cours de
philosophie pour les remplacer par des cours d'institutions du Québec
qu'on va corriger cette lacune. Je trouve qu'on devrait peut-être
repenser cette coupure qu'on a effectuée dans les cours de philosophie
à l'heure même où un effort considérable est fait
pour revaloriser la qualité de ces cours.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Chauveau, vous avez presque tout dit. Je présume que les commentaires
seront très brefs. (20 h 45)
M. Lucier: Vous me permettrez, M. le Président, de
même qu'à mon collègue philosophe, de considérer
qu'il y a là expression d'une opinion sur le projet de
règlement et non pas une question qui nous est
adressée.
Le Président (M. Blouin): Alors, M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Oui, j'aurais une couple de questions à vous
poser. Est-ce que vous avez fait des simulations de ce qui allait arriver comme
conséquences pratiques des recommandations qui sont faites, par exemple,
au point de vue de l'orientation des étudiants? Combien s'orienteront
plutôt vers le certificat d'études collégiales? Combien
resteront à l'autre niveau? Est-ce que vous avez fait des études
sur les conséquences de ces mesures au point de vue des professeurs?
Qu'est-ce qui va arriver des professeurs - je pense qu'on envisage un
règlement qui va durer une dizaine d'années - sur une base de
cinq à dix ans? Est-ce qu'on a une certaine idée de ce que seront
les conséquences éventuelles de ce
règlement-là?
M. Lucier: Vous songez à quelles mesures spécifiques? Le
cas de la philo, par exemple?
M. Ryan: Non, en particulier l'institution d'un certificat
d'études collégiales qui donnera une certaine reconnaissance
académique pour des acquis qui seront à peu près la
moitié de ce que sont les acquis requis pour le DEC, par exemple,
actuellement. Je fais seulement une hypothèse et je vais vous poser une
autre question qui est en relation avec ceci après. Je fais seulement
l'hypothèse que 50% des étudiants, qui sont inscrits au DEC
actuellement, s'en iraient du côté du CEC. Qu'est-ce que cela va
entraîner comme conséquences au point de vue de l'organisation des
cégeps, des besoins en personnel, etc?
Je vais vous poser la deuxième question, parce que le temps se
fait court. Au point de vue de l'éducation des adultes, la commission
Jean avait beaucoup insisté pour qu'on maintienne des structures
distinctes, qu'on traite l'adulte comme un sujet distinct avec des
problèmes propres, qu'on lui offre des services distincts, même
des programmes distincts. Mais là, avec ce que vous proposez, il y a
moyen de maintenir, d'après ce que je comprends, des services distincts
au chapitre de l'admission, de la reconnaissance des équivalents, ces
choses-là, mais j'ai l'impression que vous vous en allez dans une voie
qui n'est pas tout à fait la même qu'avait recommandée la
commission Jean. C'est le droit du gouvernement de prendre une autre option;
son problème, c'est de la justifier ensuite. Mais je voudrais vous
demander si vous avez fait une étude des recommandations de la
commission Jean en comparaison avec ce qui est mis de l'avant,
l'élimination de la distinction entre étudiants adultes et
jeunes.
Mme Fortin: Si je peux essayer de répondre
brièvement, nous n'avons pas fait de simulation dans le sens où
vous le demandez parce que, dans le fond, ce qu'il aurait fallu faire, c'est un
sondage auprès de tous les gens qui ne sont pas au collège pour
leur demander quel serait leur intérêt - cet
intérêt-là, dans le temps présent est
théorique - à venir au collège étant donné
l'existence d'un diplôme ou de programmes ou de voies
particulières qui leur seraient offerts. La simulation que vous nous
demandez, c'est: si la moitié des gens du DEC passent au CEC, cela a
quel impact? Notre intuition, c'est qu'il serait - nous ne le croyons pas -
largement compensé par l'addition d'un nombre d'étudiants qui
viendront au collège et qui n'y viennent pas.
Pour savoir cette chose-là, il faut la vivre. Si on regarde ce
qui s'est passé ailleurs, dans d'autres provinces ou dans d'autres pays,
en général l'introduction de programmes courts se vit toujours de
la façon suivante: ils ne sont pas très populaires au
début; les gens s'en méfient, les gens mettent des balises, les
parents sont méfiants, les enseignants les déconseillent et ils
prennent un certain temps à décoller. Par ailleurs, au moment
où ils commencent à décoller, un certain nombre de gens
qui ont passé par ces programmes-là désirent
continuer.
Pour faire une simulation du type que vous nous demandez, il faudrait
avoir une hypothèse sur la fréquentation et, à ce
moment-là, il faudrait faire à la fois un sondage auprès
des étudiants qui sont dans les DEC, des étudiants qui ne sont
pas au collège, des étudiants qui n'ont pas terminé leur
secondaire. Nous n'avons pas fait cette étude-là.
Sur le plan des adultes, je pense qu'effectivement nous ne sommes pas
aussi "cloisonnants" que la commission Jean dans nos perspectives concernant
l'éducation des adultes. Par ailleurs, nous croyons qu'il faut maintenir
des services à l'éducation des adultes et nous croyons qu'il est
important de maintenir des programmes spécifiques pour des
clientèles. Ces programmes-là peuvent être des programmes
rapides, des programmes d'insertion sur le marché du travail, des
programmes répondant à des besoins de main-d'oeuvre, avec des
méthodes pédagogiques qui tiennent compte des clientèles,
mais pas uniquement des programmes parce que ces gens-là sont
définis comme adultes. Nous continuerons d'avoir des programmes pour
adultes, nous espérons en avoir davantage, mais ces programmes ne seront
pas conçus uniquement pour une clientèle définie comme
adulte.
Ce que la commission Jean veut, dans
le fond, c'est que le système scolaire tienne compte des besoins
spécifiques reconnus aux adultes et qu'il élabore des
activités et des programmes pour répondre à ces besoins.
Là-dessus, on est tout à fait d'accord avec la commission
Jean.
M. Ryan: Mais on ne peut pas être tout à fait
d'accord et en désaccord sur certains points. Il y a des
différences importantes, d'après ce que je comprends.
Mme Fortin: On est tout à fait d'accord qu'il faut que le
système scolaire réponde aux besoins spécifiques des
adultes. En ce sens-là, je pense qu'il n'y a pas de problème. Ce
que l'on dit, c'est que tous les besoins des adultes ne sont pas
spécifiques.
M. Ryan: Maintenant, ce qui m'étonne un peu dans votre
réponse, c'est que vous n'avez pas fait de simulation. Il me semble -et
nous avons tous lu une quantité considérable de ce genre de
documents - que faire une hypothèse, disons, à 25% pour telle
orientation, 50%, 75%, ce n'est pas tellement compliqué, ce n'est pas la
même chose qu'un sondage d'opinion.
Je m'inquiète des répercussions sur toute l'organisation
des cégeps de l'introduction d'un système tel que
celui-là. J'imagine que vous devez avoir, quand même, certaines
hypothèses, au moins théoriques. Je pense aux effectifs
enseignants, par exemple, à ce qui va arriver au bout de la ligne. Si
vous mettez les adultes de plus en plus sur le même pied que les
étudiants réguliers, peut-être que c'est une bonne
hypothèse. Je ne me prononce pas pour l'instant, j'interroge.
Qu'allez-vous faire des professeurs dans le secteur de l'éducation des
adultes? Allez-vous les incorporer aux enseignants réguliers? On a
essayé de leur obtenir juste une petite exemption de coupure, au
printemps, le ministre s'en souvient. Il n'a même pas été
capable de consentir à cela, tellement vous étiez serrés
au point de vue financier. J'ai l'impression qu'il y a des conséquences
sérieuses et qu'on ne les a pas du tout examinées avant ce
soir.
Mme Fortin: Juste sur la question des enseignants à
l'éducation des adultes au cégep, la situation est
différente au cégep et au secondaire. En général,
nous n'avons pas d'enseignants réguliers à temps complet à
l'éducation des adultes. Dans le fond, les décrets ont permis de
créer 200 charges à temps complet où des gens travaillent
à l'éducation des adultes à temps complet. Mais il n'y a
pas d'effectifs enseignants spécifiquement identifiés à
l'éducation des adultes autres que les professeurs à la
leçon, chargés de cours, etc., au niveau des collèges,
présentement. Sur la question des adultes, je pense que la situation est
légèrement différente.
M. Ryan: Oui, excusez.
Le Président (M. Blouin): Oui, M. Lucier, allez-y.
M. Lucier: Je veux revenir sur cette hypothèse, qui
rappelle celle des "cosaques et du Saint-Esprit", de 50% de
déplacements. Le pari qui est fait se fonde sur le comportement, au
fond, des populations. S'il fallait qu'une hypothèse comme
celle-là commence à se réaliser, il faudrait
immédiatement stopper les choses. Mais les comportements actuels, ici
comme ailleurs, permettent de penser que ce n'est pas du tout ce qui va arriver
et qu'on aura une nouvelle clientèle. Autrement dit, ce n'est pas du
tout axé sur un déplacement du DEC vers le CEC, parce que, si
c'était le cas, on aurait des effets contraires à ceux qui sont
visés.
Le fondement théorique et empirique d'un choix comme celui-ci,
c'est que cela n'a jamais eu cet effet-là nulle part, à commencer
par le Québec. Cela supposerait que les comportements changeraient
subitement. On a même plusieurs signes, même dans la structure
actuelle, où des milliers de personnes ayant droit au CEC ne le prennent
pas. Ils prennent le DEC. C'est le fondement...
M. Ryan: Là, voulez-vous dire chez les adultes qui sont
inscrits comme élèves réguliers? C'est à
ceux-là que vous faites allusion, je suppose?
M. Lucier: Oui, oui, c'est cela.
M. Ryan: Le danger que j'entrevois, c'est qu'un nombre,
impossible à déterminer pour l'instant, de jeunes qui devraient
normalement suivre leurs études en vue du DEC seraient tentés par
la voie de la facilité, s'inscriraient au CEC et ensuite diraient: Je
vais m'en aller sur le marché du travail et je reviendrai en temps et
lieu. Ils ne reviendraient peut-être jamais, tandis que, si la contrainte
avait été plus forte dès ce stade-là de leur
formation, ils acquerraient la formation essentielle tout de suite.
Je vous pose le problème. J'ajoute une dernière question
et ce sera tout, parce que le temps est terminé. Est-ce que vous avez
entrevu, surtout si vous pensez à des clientèles types nouvelles,
des perspectives sur le coût, les implications financières?
Avez-vous des données à nous présenter
là-dessus?
Une voix: Ils n'ont pas de données à vous
présenter ce soir.
Mme Fortin: Toutes les clientèles nouvelles à
l'enseignement collégial ont été absorbées à
même les budgets de l'État. Nous avons 7000 nouveaux
étudiants cette année. Nous n'avions pas estimé en avoir
autant, mais nous ne les avons pas refusés lorsqu'ils se sont
présentés.
M. Ryan: Est-ce que vous n'en avez pas refusé 3000 dans la
région de Montréal?
Mme Fortin: Non.
Le Président (M. Blouin): Cela va? Merci, M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: On n'a pas d'indication au point de vue financier?
M. Lucier: C'est-à-dire qu'on peut le faire
dépendant des cohortes nouvelles qui arrivent. Ce n'est pas
compliqué.
Le Président (M. Blouin): Sur ce, je remercie M. Lucier et
Mme Fortin. Oui, M. le député d'Argenteuil?
M. Ryan: Je ne sais pas si vous me permettrez de dire un petit
mot?
Le Président (M. Blouin): Certainement.
M. Ryan: Nous sommes devant une expérience nouvelle. Je
pense que ce serait peut-être opportun, si vous me permettez de dire
seulement un petit mot, de remercier les deux sous-ministres qui sont venus
témoigner devant nous et de leur exprimer mon appréciation pour
la prudence avec laquelle ils se sont gardés de s'engager dans des
questions de politique. C'est une expérience nouvelle que nous faisons.
Je pense que nous visons tous une plus grande mesure d'imputabilité dans
l'exercice de leur charge par des personnes de fonction élevée
comme la vôtre. C'est une expérience qui va venir s'ajouter
à une autre qu'on a déjà faite il y a quelques mois. Je
voudrais également exprimer mon appréciation au ministre, qu'il
m'arrive souvent de critiquer, pour avoir fait cette proposition à
laquelle je fus très heureux de souscrire d'ailleurs. J'espère
qu'on aura l'occasion de faire d'autres expériences semblables.
Le Président (M. Blouin): Très bien. M. le leader
du gouvernement.
M. Bertrand: Je voudrais souligner au député
d'Argenteuil que les propos qu'il tient sont tout à fait opportuns parce
que nous parlons beaucoup de réforme parlementaire ces temps-ci et que
nous allons vivre en 1984 sous l'empire d'un nouveau règlement
sessionnel qui, effectivement, va introduire cette notion d'imputabilité
dans le fonctionnement des nouvelles commissions parlementaires. Je me souviens
des hésitations, des inquiétudes qu'avait eues le
député d'Argenteuil, au début, au tout début...
Le Président (M. Blouin): M. le leader du gouvernement, je
ne voudrais pas que nous entamions un débat sur un tout autre sujet.
M. Bertrand: ...mais je me rappelle qu'à la fin, le
sous-ministre...
Mme Lavoie-Roux: II n'a pas demandé la parole, M. le
Président.
M. Bertrand: Non, non, la liberté de parole.
Mme Lavoie-Roux: Question de règlement. Question de
règlement. Il faut qu'il demande votre consentement.
M. Bertrand: C'est parce que je veux rendre hommage au
député d'Argenteuil.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Alors, le
message est passé, M. le leader du gouvernement.
Une voix: À l'ordre! À l'ordre!
Une voix: II n'y a pas de liberté.
M. Bertrand: Je veux dire qu'à la fin...
Le Président (M. Blouin): Je crois même que votre
motion est unanime, M. le leader.
M. Bertrand: À la fin de la commission, le
député d'Argenteuil avait eu l'honnêteté de
reconnaître que, effectivement, cela avait été une
expérience intéressante, enrichissante, qui méritait
d'être renouvelée. Cela a été fait aujourd'hui.
Mme Lavoie-Roux: Vous voulez dire celle qu'on avait eue au moment
de la négociation?
Le Président (M. Blouin): S'il vous plaît!
Très bien, merci.
Oui, M. le député de Fabre?
M. Leduc (Fabre): Je ne voudrais pas prolonger, mais je voudrais
les remercier au nom du ministre.
Mme Lavoie-Roux: Le ministre ne parle pas?
M. Leduc (Fabre): Le ministre peut parler, mais il y a un
problème technique: c'est son nom qui est toujours inscrit au
journal des Débats et non le nom des sous-ministres.
Une voix: Ah bon!
M. Leduc (Fabre): Donc, je voudrais...
Mme Lavoie-Roux: Cela n'a pas de bon sens, surtout quand ils sont
au bout de la table.
M. Leduc (Fabre): Cela va changer, mais ce n'est pas encore
changé. Donc, je me fais le porte-parole du ministre, en tant
qu'adjoint, pour vous remercier.
Le Président (M. Blouin): Je comprends qu'au nom de tous
les membres de la commission...
M. Ryan: C'est facile de passer pour instruit.
Mme Lavoie-Roux: Ah oui, le ministre a toujours l'air bien savant
dans ces affaires-là.
Le Président (M. Blouin): ...je dois remercier, moi aussi,
M. Pierre Lucier et Mme Michèle Fortin - s'il vous plaît - de leur
excellente collaboration.
Vous vouliez dire un petit mot, M. Lucier?
M. Lucier: Je voudrais vous exprimer aussi notre satisfaction de
la manière dont les choses se sont déroulées. Nous sommes
arrivés ici comme pour une première - dans notre cas, en tout cas
- et nous avons trouvé d'un commun accord que c'était fort
intéressant et, nous l'espérons, utile.
Auditions Fédération des
cégeps
Le Président (M. Blouin): Oui, très
certainement.
Maintenant, j'invite les représentants de la
Fédération des cégeps à venir prendre place
à la table des invités. J'inviterais les représentants de
la Fédération des cégeps à s'identifier pour les
fins du journal des Débats, s'il vous plaît.
M. le député de Verchères.
M. Charbonneau: Pour éviter qu'il n'y ait deux
catégories de témoins, on pourrait peut-être dire aux gens
qui sont là qu'on les inviterait volontiers à la table, mais,
comme la table n'est pas assez grande pour la délégation qui est
là, on va se contenter de cela.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Je vous
demanderais de vous identifier, s'il vous plaît.
M. Henrico (Luc): M. le Président, je suis Luc Henrico,
président de la Fédération des cégeps et directeur
général du collège John Abbott. À ma droite, je
vous présente M. Gaétan Boucher, vice-président de la
fédération et président du conseil d'administration du
collège d'Ahuntsic et, à sa droite, M. Yvon Robert, directeur
général de la Fédération des cégeps. (21
heures)
Le Président (M. Blouin): Je le connais bien,
d'ailleurs.
M. Henrico: À ma gauche, M. Pierre Leduc, président
de la commission des affaires pédagogiques et directeur des services
pédagogiques du collège de Maisonneuve, et, à sa gauche
Mme Louise Chené, directrice du secteur du développement et des
communications de la fédération.
Le Président (M. Blouin): Alors, vous allez maintenant, je
présume, procéder à la lecture de votre mémoire. Si
vous pouviez effectuer cette lecture ou un résumé de certains
points en une vingtaine de minutes ou une demi-heure au maximum, cela nous
permettrait ensuite d'avoir un échange d'environ une heure avec les
membres de la commission.
M. Henrico: On ne procédera pas, M. le Président,
à une lecture telle quelle. En tout cas, au fur et à mesure que
l'on procédera, je vous mettrai au courant des libellés.
Le projet ministériel de règlement sur le régime
pédagogique du collégial, qui fait l'objet de la présente
commission parlementaire, succède à de nombreux autres qui ont
été soumis à l'examen des organismes
intéressés depuis 1980. La Fédération des
cégeps constate avec satisfaction qu'il marque un progrès
sensible par rapport aux projets précédents.
En premier lieu, il respecte mieux les grandes intentions qui ont
présidé à la création d'un système
québécois d'enseignement collégial, c'est-à-dire
rendre l'enseignement collégial accessible, dispenser une formation
polyvalente correspondant au pluralisme culturel des sociétés
modernes, laisser une large autonomie aux collèges en ce qui concerne
les responsabilités pédagogiques, tout en confiant à
l'État le soin d'assurer l'unité et la cohérence du
réseau.
Deuxièmement, il tient mieux compte de l'économie du
système patiemment mis en place depuis seize ans. En font foi la
formation fondamentale comme principe intégrateur des composantes des
programmes d'études, l'accent mis sur la décentralisation et le
rôle accru des cégeps dans leur milieu,
l'affirmation des droits des étudiants.
Troisièmement, il comporte des modifications dont certaines
rejoignent les positions adoptées par la Fédération des
cégeps. C'est ainsi, par exemple, qu'il n'est plus question d'un
certificat d'études collégiales en enseignement
général. C'est ainsi également qu'il n'est plus question
d'augmenter les cours communs obligatoires au détriment des cours
complémentaires. Bref, le présent projet de règlement sur
le régime pédagogique paraît acceptable à la
Fédération des cégeps à bien des égards.
Outre le respect des principes qui ont présidé à la
naissance et à l'évolution des cégeps, outre le choix
affirmé de promouvoir un changement dans la continuité et qui
s'exprime dans le maintien de l'équilibre entre les diverses composantes
de la formation de niveau collégial, nous tenons à souligner,
dans un premier temps, certaines propositions du projet gouvernemental qui
remportent notre complète adhésion. Ce sont le fait de promulguer
un règlement concernant le régime pédagogique du
collégial, la suppression de la distinction entre jeunes et adultes et
l'implantation d'un système de reconnaissance des acquis non
scolaires.
Premièrement, le régime pédagogique du
collégial comme règlement. Diverses raisons font que la
Fédération des cégeps se trouve d'accord pour que le
régime pédagogique du collégial prenne la forme d'un
règlement. Élaborée par des fonctionnaires du
ministère de l'Éducation et des responsables de l'enseignement
des premiers collèges en 1967, la première version du
régime pédagogique actuel était expérimentale ou
provisoire. L'expérimentation a duré seize ans. Au cours de ce
laps de temps, les collèges ont clairement affirmé les grands
traits de leur personnalité et il existe maintenant des consensus de
fond qu'un règlement viendra concrétiser.
Un règlement sera plus à même d'assurer
l'unité et la stabilité de la formation collégiale qu'une
simple entente de bonne foi entre les collèges et le ministère.
Comme le dit le document d'accompagnement au projet de règlement: "On
sait que de telles ententes peuvent se prêter, sous la pression des
événements, à des interprétations et à des
accommodements qui, à l'occasion, mettent en cause les principes
mêmes qu'on entendait protéger." Un règlement aura pour
effet de protéger les collèges de la multiplication des
directives du ministère. En effet, l'expérience a montré
qu'en l'absence d'un règlement celui-ci cède plus facilement
à la tentation d'occuper le terrain libre.
Enfin, la Fédération des cégeps juge essentiel que
les droits, les responsabilités et les pouvoirs des collèges, des
enseignants et des étudiants soient encadrés par des
règles du jeu claires et établies sur des assises juridiques.
En conséquence, la Fédération des cégeps
trouve éminemment souhaitable que le régime pédagogique du
collégial devienne un règlement.
Deuxièmement, la suppression de la distinction entre jeunes et
adultes. Le régime pédagogique en vigueur établit une
distinction entre étudiants dits réguliers et étudiants
dits adultes, réservant à ces derniers des conditions
particulières d'admission et des reconnaissances d'études
spécifiques. Calqué sur cette distinction pédagogique,
tout un système de financement et d'encadrement s'est
élaboré, consacrant le clivage entre les deux clientèles
des collèges. Or, l'évolution des clientèles,
l'abaissement graduel de l'âge requis et des conditions reliées au
statut d'adulte, l'augmentation significative du nombre d'adultes inscrits par
choix à l'enseignement régulier ont rendu de plus en plus
artificielle cette distinction devenue de moins en moins pédagogique et
de plus en plus administrative. C'est en considération de cette
réalité que nous sommes favorables à la proposition
ministérielle de supprimer cette distinction administrative et de
considérer l'ensemble de la clientèle des collèges comme
une.
Outre son potentiel de réalisme, cette proposition a le
mérite d'affirmer le caractère postobligatoire du niveau
collégial et, donc, de reconnaître que tous ceux qui s'y
inscrivent sont en situation d'adultes. Cela ne veut pas dire, pourtant, qu'il
ne doive pas y avoir à l'intérieur de la clientèle
collégiale des catégories d'adultes qui devront avoir
accès à des services particuliers pour répondre à
des besoins spécifiques. Pour notre part, nous pensons que l'on peut
avoir intérêt à distinguer les étudiants qui sont en
processus discontinu de formation de ceux qui sont en processus continu. Il
nous semble plausible, en effet, que les premiers manifestent des besoins
d'accueil et d'encadrement différents, compte tenu de leurs conditions
particulières d'apprentissage.
Un préalable s'impose, toutefois, si l'on veut assurer l'atteinte
des objectifs visés par l'unification des clientèles; il faut
élaborer un système équitable et crédible de
reconnaissance des acquis de formation qui permette l'évaluation de
cheminements différenciés et l'identification des ajustements
requis au collégial. Ce système d'évaluation devrait
être assumé directement par le réseau et doté d'un
service technique centralisé.
D'autres aspects du projet gouvernemental nous conviennent moins. Nous
croyons qu'il y a des articles qu'il faut amender afin que ce projet
réponde encore plus fidèlement aux intentions de
départ
touchant la formation collégiale, tienne mieux compte de
l'expérience acquise depuis 1967 et permette d'assurer davantage la
qualité des établissements et de la formation qui y est
dispensée. Ces articles concernent la formation de base commune et
obligatoire, les cours de spécialité, les cours de concentration,
le diplôme d'études collégiales sans mention, les cours
complémentaires, le plan de cours, les échecs par session.
Pour vous les présenter, M. Pierre Leduc, président de la
commission des affaires pédagogiques.
M. Leduc (Pierre): La formation de base commune et obligatoire.
Sous ce titre, nous voulons parler des cours communs et obligatoires faisant
partie de tous les programmes d'études du niveau collégial,
c'est-à-dire les douze cours de français, de philosophie et
d'éducation physique.
Selon la proposition ministérielle, un des quatre cours de
philosophie serait remplacé par un cours d'histoire et institutions du
Québec ou par un cours d'économie du Québec. Dans les
versions antérieures de ce projet de règlement, le
ministère proposait plutôt d'ajouter aux douze cours actuels un
cours d'histoire et institutions du Québec, un cours d'économie
du Québec et, pour un bon nombre d'étudiants, un cours de
mathématiques. Auparavant, dans le livre blanc, le ministre proposait
même d'inciter les étudiants à poursuivre des cours d'art
au sein de leur formation de base.
Ce bref rappel de l'évolution du dossier au cours des
dernières années met bien en évidence la difficulté
de définir les composantes de la formation de base commune et
obligatoire qui est effectivement remise en question. Cette remise en question
ne nous semble pas avoir été assez explicitée pour aboutir
à une conclusion aussi définitive que celle qui nous est
maintenant proposée. C'est ce que nous allons mieux voir maintenant.
Tout d'abord, dans le premier projet de règlement, en 1980, il y
a un mouvement très net pour augmenter considérablement le nombre
des cours obligatoires, au détriment des cours complémentaires
par lesquels l'étudiant peut compléter sa formation hors de son
champ principal de travail. Nous, de la Fédération des
cégeps, nous sommes opposés fermement à cette proposition
car elle allait à l'encontre de l'économie d'un programme
d'études collégiales dont les cours communs et obligatoires
doivent être réduits au minimum, selon l'expression du rapport
Parent; en augmenter le nombre, ce serait apparenter dangereusement ce niveau
d'études au secondaire obligatoire, ce serait fausser la perspective de
formation choisie au point de départ.
Le nouveau projet de règlement, celui qui nous est maintenant
soumis, a le mérite à tout le moins de ne pas toucher à
l'équilibre actuel entre les deux catégories de cours
obligatoires et complémentaires. C'est un acquis important.
Par ailleurs, il entend remplacer un des cours de philosophie par un
nouveau cours, à mettre au point, en histoire et institutions du
Québec ou en économie du Québec. La
Fédération des cégeps ne s'oppose pas à la
réduction du nombre de cours de philosophie de quatre à trois. Il
ne nous apparaît pas que cette réduction signifierait l'abandon
d'une partie essentielle de la formation fondamentale, d'autant moins que, dans
les démarches d'apprentissage des autres disciplines, certains objectifs
peuvent au moins s'apparenter à certains de ceux proposés par la
philosophie.
Nous ne contestons pas, non plus, de façon
générale, l'intention nette du ministre d'insister
dorénavant sur la dimension de l'enracinement culturel des
étudiants par des cours qui favoriseraient l'appropriation de notre
passé collectif et du prolongement de ce passé dans les
institutions d'aujourd'hui.
Sauf que la proposition ministérielle ferme trop vite toutes les
autres portes d'entrée de la formation de base. Nous estimons, quant
à nous, qu'il faut nous interroger également sur les cours de
français, par exemple, au collégial. Nous sommes tous, encore
aujourd'hui, les témoins plus ou moins malheureux des tiraillements
à n'en plus finir qui ont empêché jusqu'ici une
définition crédible et acceptable par tous des objectifs et des
contenus des cours obligatoires de français. Par ailleurs, le Conseil
des collèges, dans son avis de septembre 1983, pose des questions
importantes sur les cours d'éducation physique.
Quant à l'enseignement de la philosophie, il y aurait
intérêt à le mettre en regard d'autres disciplines ou
d'autres contenus qui pourraient éventuellement s'intégrer
à un programme de formation de base commune et obligatoire. À la
suite de cet examen plus rigoureux et plus complet de l'ensemble des
composantes, il pourrait se dessiner un espace renouvelé où
prendraient place différents apprentissages nouveaux et anciens.
Notre proposition est donc de ne pas octroyer de façon
définitive le statut de cours commun et obligatoire au cours
proposé d'histoire et institutions du Québec ou au cours
d'économie. Nous estimons qu'il y a lieu de réévaluer
l'ensemble de la formation de base selon un modèle plus adapté
aux années actuelles que celui qui a inspiré les créateurs
du réseau il y a presque 20 ans. Nous ne nous opposons pas, pour autant,
à ce que ce cours d'histoire ou d'économie du Québec
puisse être inclus parmi les cours communs et obligatoires,
dans la mesure où, parallèlement à cela, serait
menée à terme et dans des délais relativement courts,
l'étude que nous venons d'évoquer. (21 h 15)
Les cours de spécialité. En ce qui concerne les cours de
spécialité, l'article 11 du projet de règlement apporte
trois précisions: ils peuvent comprendre de 32 à 65
unités; le ministre détermine un minimum de 60% de ces
unités et les collèges en fixent un maximum de 40%; les cours
choisis par les collèges le sont à partir d'une liste
publiée dans les cahiers.
La Fédération des cégeps désire faire valoir
des vues différentes au sujet de deux de ces points: le nombre
d'unités et la proportion des unités entre celles qui sont
déterminées par le ministre et celles déterminées
par les collèges.
Le nombre d'unités des cours. Mesurés en unités,
les cours de spécialité n'ont pas toujours eu des poids
équivalents. Cependant, au fil des années, une normalisation
s'est faite, notamment sous l'effet d'une tâche globale de 45 heures par
semaine pour l'étudiant. Cela demeure acquis. Toutefois, sans que les
divers programmes de formation professionnelle aient nécessairement un
nombre identique d'unités, la fédération estime normal que
des programmes menant au même diplôme représentent une somme
sensiblement égale d'acquis de formation. Cette somme, qui correspond
d'ailleurs à la moyenne actuelle, devrait être de quelque 60
unités. Nous nous expliquons mal que le projet prévoie un
écart aussi important que de 32 à 65.
La proportion des unités déterminées par le
ministre et par les collèges. Le partage de la détermination des
unités des cours de spécialité entre le ministre et les
collèges entend assurer le maintien de la cohérence du
réseau et une décentralisation permettant aux collèges,
explique le document d'accompagnement au projet, d'accomplir "encore mieux la
mission socioculturelle et éducative qui leur est assignée".
Toujours selon le document d'accompagnement au projet, les cours
déterminés par le ministre viseront surtout la formation
polyvalente et fondamentale, tandis que les cours choisis par les
collèges, quant à eux, viseront plutôt la formation
spécialisée.
La Fédération des cégeps est en désaccord
avec le projet ministériel sur deux points. En premier lieu, le projet
ne garantit pas la participation des collèges dans tous les cas, puisque
le ministre pourrait déterminer toutes les unités des cours de
certaines spécialités. D'un côté, cela paraît
bien contredire une des orientations du projet, c'est-à-dire "la
décentralisation dans un ensemble cohérent". De l'autre, on voit
mal quels cours de spécialité n'auraient pas à être
ajustés aux besoins d'une région, de certaines catégories
d'étudiants, aux changements technologiques et aux ressources
disponibles.
En deuxième lieu, devant les incertitudes de l'avenir, devant la
fragilité des estimations sur la répartition future des emplois
par profession, recevoir la meilleure formation professionnelle, c'est recevoir
une formation initiale de qualité, polyvalente et fondamentale. Pour
mieux tenir compte des exigences de mobilité des étudiants et des
travailleurs, leur faciliter l'accès à l'université et
éviter le piège d'une formation trop étroitement
spécialisée, il nous apparaît que, dans tous les cas, le
ministre doive déterminer plus que 60% des unités des cours de
spécialité.
Dans tout le débat qui entoure cette question, on insiste
beaucoup sur une certaine récupération de l'autonomie des
établissements ou de la responsabilisation des établissements. On
nous permettra de préciser ici que nous avons de sérieuses
réserves à mettre en balance la question de l'autonomie, d'un
côté et, de l'autre, la cohérence du réseau, la
mobilité des étudiants, la qualité d'une formation
fondamentale, en fin de compte, le service au client.
Les programmes de formation professionnelle, règle
générale, dans le système actuel, ont à peine
l'espace requis pour préparer de façon adéquate les
étudiants à entrer directement sur le marché du travail
avec une certaine polyvalence. En réduire l'essentiel à 60%,
quitte à adapter les 40% qui restent, nous apparaît davantage une
vue de l'esprit en termes de marge de manoeuvre locale. De plus, il est quand
même étonnant qu'on nous propose ce partage au secteur
professionnel alors qu'au secteur général il nous est
proposé que, dorénavant, les deux tiers de la concentration
seront prédéterminés par le ministère quand,
actuellement, seuls les préalables universitaires sont
prédéterminés et que les collèges ont toute la
marge de manoeuvre possible pour établir leurs programmes du
général.
En conséquence, la Fédération des cégeps
fait les deux recommandations suivantes: que le ministre détermine 50
unités sur les 60, en moyenne, de tous les blocs de cours de
spécialités et que les collèges déterminent les
autres unités, donc environ 20% de ces cours, à partir d'une
liste de cours propres à la spécialité, publiés
dans les Cahiers de l'enseignement collégial ou faisant partie des cours
d'établissement approuvés par le ministre.
Les cours de concentration. Sans doute pour donner plus
d'homogénéité et plus de cohérence, d'un
collège à l'autre, aux diverses concentrations et notamment
à celle des sciences humaines, le projet de
règlement propose que, dorénavant, un certain nombre de
cours, jusqu'aux deux tiers, soient déterminés par le ministre
dans chaque concentration. Les autres cours seraient choisis par le
collège et offerts aux étudiants à partir de listes
publiées dans les Cahiers de l'enseignement collégial.
La fédération est d'accord avec cette orientation
relativement à la cohérence. Elle estime, en effet, qu'il faut un
plus grand dénominateur commun qu'actuellement au sein de chacune des
concentrations, sans toutefois que cela dépasse la moitié de
l'ensemble des cours d'une concentration. Il ne faut
prédéterminer que ce qui est expressément requis pour
assurer un minimum de cohérence. Au-delà de cette proportion, le
régime nous semblerait s'apparenter davantage au niveau d'études
obligatoires.
C'est à l'intérieur de ce bloc de cours
prédéterminés que se logeraient, le cas
échéant, les cours préalables à l'entrée
à l'université. Cela posera problème, bien sûr, en
sciences où les préalables constituent, de fait, plus de la
moitié des cours de la concentration, mais il s'agira d'une exception
à la règle générale, exception qui exercera une
pression pour que ces préalables diminuent.
Enfin, un bloc de cours prédéterminés à 50%
nous apparaît un maximum si nous voulons préserver et, de
façon utile, la mobilité d'un étudiant d'une orientation
à une autre. Les changements d'orientation sont très nombreux au
collégial et c'est une vertu du système actuel que de les rendre
ainsi possibles. Le nouveau régime devrait conserver cet avantage et ne
pas faire en sorte que des hésitations sur son orientation deviennent
par trop préjudiciables à l'étudiant en l'obligeant
à prolonger indûment son séjour au collège à
cause de ces blocs prédéterminés.
Le diplôme sans mention.
Afin de mieux répondre à des élèves dont les
cheminements sont plus particuliers, le projet de règlement propose la
création d'une nouvelle catégorie de programmes. Il s'agirait
d'un ensemble de cours de 24 à 40 unités qui n'aurait pour seule
contrainte que d'être établi par le simple choix de
l'étudiant, indépendamment de toute autre considération.
Cet ensemble donnerait droit à un diplôme d'études
collégiales sans mention.
Telle quelle, cette proposition ne nous agrée pas. Nous trouvons
dommage d'encourager par règlement ministériel, des
démarches qui vont à l'encontre des principes qui inspirent le
régime pédagogique actuel, ainsi que le projet ministériel
de règlement sur ce régime. Il ne faut pas encourager la
prolifération, de fait, de programmes d'études perçus et
vécus comme des biens de consommation dans un supermarché. Il est
préférable que le régime pédagogique fixe des
programmes d'État en bonne et due forme et incite les étudiants
à s'y insérer, tout en prévoyant des mesures transitoires
pour ceux et celles qui sont en processus de changement d'orientation ou qui
sont, tout simplement, hésitants.
Cependant, une fois qu'un étudiant aurait tenté de
compléter divers programmes et qu'il aurait ainsi réussi un
ensemble de cours dont le total serait relativement plus long qu'une
concentration normale, il pourrait demander qu'on lui octroie un diplôme
sans mention et le collège l'inscrirait sur la liste des candidats au
diplôme.
Nous préférons donc ne pas accréditer a priori des
démarches qui peuvent toutefois être reconnues a posteriori pour
diverses considérations. Comme on le voit, notre perspective est bien
différente. Nous tentons d'éviter que les particularismes d'une
catégorie d'élèves ne modifient l'économie de
l'ensemble du système, tout autant que nous essayons de traiter
équitablement l'ensemble des élèves, y compris ceux dont
le cheminement est particulier.
Les cours complémentaires. La catégorie des cours
complémentaires est importante. Dans l'économie du régime
actuel, ces cours obligent l'étudiant à s'ouvrir à divers
champs de connaissance, à parfaire sa formation générale
en le faisant déborder de son champ de compétence
particulière. Il y a là un excellent facteur de formation
équilibrée dont les éléments, d'ailleurs, peuvent
être très utiles dans les nombreux cas de changement
d'orientation.
Nous sommes bien surpris de la teneur de l'article qui nous est
proposé. Les cours complémentaires ont pris, en effet, un certain
temps à s'intégrer à part entière dans les divers
programmes d'études. Il a fallu une bonne dose de détermination
aux responsables du ministère et à leurs partenaires des
collèges pour ménager dans chacun des programmes l'espace requis
pour ces complémentaires. Un bon nombre de collèges se sont
donné des politiques de gestion des complémentaires qui assurent
un équilibre entre les différentes banques de choix, de
même qu'elles définissent des règles pour sauvegarder la
qualité des apprentissages proposés.
Une fois cela établi, arrive ce projet de règlement qui
enlève toute contrainte au choix d'un complémentaire par un
étudiant, de sorte que le cours complémentaire, à
très courte échéance, n'aura de complémentaire que
le nom, puisque nombre d'élèves auront tendance vraisemblablement
à se cantonner dans des cours de leur concentration ou de leur
spécialité. Ainsi, c'est un aspect important de la formation
générale et polyvalente des programmes qui en sera atteint.
Sur ce chapitre, nous estimons que le régime pédagogique
actuel était satisfaisant et qu'il devrait être repris
intégralement
dans le projet de règlement.
Le certificat d'études collégiales: II s'agit, dans le
régime pédagogique actuel, d'un diplôme qui couronne les
apprentissages d'un étudiant qui a réussi tous les cours d'un
champ de spécialisation et seulement ceux-là. Il est
destiné aux adultes dont l'expérience pratique peut tenir lieude formation de base, mais qui ont besoin de cours du professionnel pour
leur fonction de travail. C'est un programme relativement peu
fréquenté actuellement.
Au cours des années, la clientèle dite adulte a
évolué considérablement, de sorte qu'actuellement elle est
bien artificielle, la distinction qui subsiste entre étudiant adulte et
étudiant jeune, ce qui a pour effet de mettre en porte à faux le
certificat puisqu'il ne faut qu'une simple interruption des études
d'à peine un an pour que l'étudiant jeune puisse avoir
accès à un programme qui n'a pas été mis au point
pour lui.
La fédération a opté, l'an dernier, pour
l'abolition de la distinction jeunes-adultes. Cela nous semblait s'imposer. On
ne saurait, pour autant, en déduire que nous favorisons l'accès
désormais généralisé, par le projet qui nous est
proposé, au certificat d'études collégiales. Bien au
contraire. Nous sommes opposés au certificat actuel parce qu'il ne
respecte pas les critères d'une formation bien équilibrée
pour de jeunes adultes. Nous nous opposons également au certificat
renouvelé. En effet, pour contrer l'aspect trop exclusivement
spécialisé du certificat actuel, le projet de règlement
l'assortit de quelques cours communs obligatoires et de quelques
complémentaires, ce qui, au bout du compte, en fait une version
édulcorée du diplôme, un mini-DEC comme on l'a vite
surnommé, sans pour autant lui fournir une cohérence interne
comme programme.
Nous croyons que la sanction ministérielle que continuerait
d'avoir ce programme qui comprendrait une très grosse proportion de
l'ensemble des cours menant à un DEC lui accorde un crédit qui
jouera contre l'accès au diplôme proprement dit, de sorte qu'au
secteur professionnel nous aurons droit à un diplôme de second
ordre, dont les étudiants seront tentés de se satisfaire une fois
rendus sur le marché du travail. Ce certificat jouerait à
l'encontre de la valorisation de l'enseignement professionnel, valorisation qui
est à l'origine des cégeps et dont les cégeps s'en
orgueillissent, à juste titre, d'avoir été des artisans de
première qualité. Ce certificat veut augmenter
l'accessibilité au collégial, mais il propose, pour ce faire, un
programme insatisfaisant. C'est l'accessibilité à tout prix,
même à celui d'une qualité moindre.
C'est un programme qui évoluera rapidement vers une plus grande
spécialisation: l'ensemble des cours de la spécialité aura
tendance, en effet, à aller récupérer les cours dits
"pointus" au détriment des cours fondamentaux de la
spécialisation.
Au lieu de ce certificat renouvelé et rendu accessible
dorénavant à tout étudiant, nous proposons le
diplôme d'études collégiales comme seul diplôme
ministériel couronnant les cheminements prévus d'un programmed'études.
Cependant, nous préconisons, en accord avec le projet
ministériel, l'établissement d'un système crédible
de reconnaissance des acquis d'expérience ou de formation non scolaire,
de sorte que l'étudiant, surtout l'adulte sur le marché du
travail, ne perde pas inutilement temps, énergie et ressources à
refaire en classe ce qu'il a déjà assimilé au travail. Le
diplôme n'en sera que plus accessible, sans perdre pour autant sa
crédibilité. (21 h 30)
De plus, en amont du diplôme, si on peut dire, nous favorisons des
attestations d'études collégiales émises par le
collège et reconnaissant un ensemble restreint et cohérent de
cours de spécialisation. Ces attestations permettraient à
quiconque de parcourir les cheminements prévus par étapes,
jusqu'à l'obtention du diplôme terminal. Mais, compte tenu de leur
ampleur restreinte, ces ensembles ne rivaliseraient pas avec le diplôme;
ils permettraient, au contraire, de mieux maintenir en selle des candidats qui,
autrement, abandonneraient, sans pour autant que la formule retenue atteigne
à la qualité du niveau.
En aval du diplôme, des certificats et attestations de
perfectionnement devront se développer pour sanctionner des programmes
mis au point à l'intention de candidats déjà
diplômés. Il n'est pas exclu, par ailleurs, que, dans le cadre de
programmes spécifiques, les responsables ministériels conviennent
avec leurs partenaires de contenus identifiés de formation de la
main-d'ouvre. En somme, il est heureux que disparaisse la distinction
jeunes-adultes. Il faut éviter, toutefois, d'associer à cela
l'accès à un certificat, dont l'impact serait négatif.
Nous préférons, quant à nous, créer des formules
souples et adaptées qui améliorent l'accessibilité,
répondent mieux aux attentes des citoyens, tout en sauvegardant la
qualité des programmes et des apprentissages.
Nous achevons. Les plans d'études. Ce n'est pas sans raison que
nous introduisons des modifications au libellé de l'article 25 qui fait
état de l'établissement des plans de cours par chaque professeur.
Les plans de cours, tels qu'ils sont précisés dans le projet
ministériel, constituent le document d'agrément, le contrat de
base qui lie sur le plan pédagogique les intervenants responsables de la
formation, les enseignants et leurs élèves, d'une part, les
enseignants et le collège, d'autre part. Il importe donc que
le collège s'assure de l'établissement de plans conformes
aux plans-cadres publiés dans les cahiers et aux impératifs du
régime pédagogique et qu'il garantisse cette conformité
aux élèves auxquels ces plans s'adressent. C'est pourquoi nous
croyons que le troisième alinéa de l'article 25 du projet devrait
se lire comme suit: "Le plan de cours approuvé par le collège est
distribué aux élèves concernés, au début de
chaque cours et à chacune des sessions."
Les échecs par session. L'article 30 du régime
pédagogique actuel dit ceci: "Un étudiant qui n'a pas
réussi 50% des cours auxquels il est inscrit s'expose à se voir
refuser l'admission à la session suivante." Dans ses prises de position
concernant les modifications à apporter à ce régime en vue
d'en faire un règlement, la fédération a jugé
opportun d'accentuer cette mesure et proposé que l'article se lise
dorénavant comme suit: "Un étudiant qui n'a pas obtenu 50% des
crédits postulés au cours d'une session ne peut s'inscrire
à la session suivante à moins d'une autorisation du directeur des
services pédagogiques."
Or, le projet ministériel de règlement sur le
régime pédagogique est muet à cet égard. La
fédération croit qu'un règlement des études
collégiales a grand intérêt à contenir une
disposition précisant ce qu'il advient de l'élève qui n'a
pas réussi 50% des unités qu'il a postulées au cours d'une
session. Cela garantit une certaine justice sociale en indiquant clairement les
conditions minimales auxquelles tous les étudiants du réseau
doivent satisfaire pour pouvoir continuer à profiter de la
gratuité scolaire à un niveau d'études
postobligatoires.
Tel est donc, M. le Président, l'essentiel des points ou des
aspects du projet de règlement sur lesquels nous avions des
représentations à vous soumettre. Je laisse au président
de la fédération le soin de conclure l'ensemble de notre
intervention.
M. Henrico: M. le Président, aux yeux de la
Fédération des cégeps, l'actuel projet de règlement
sur le régime pédagogique du collégial est donc acceptable
à plusieurs points de vue. Toutefois, il nous apparaît que
certains amendements doivent être apportés, comme vous venez d'en
être informé. Les amendements que nous proposons n'ont rien
d'improvisé. C'est depuis la publication du livre blanc que la
Fédération des cégeps analyse les perspectives du projet
du gouvernement à l'endroit des cégeps, formule des perspectives
différentes ou complémentaires, définit les axes autour
desquels le réseau se rallie. Pour ce faire, divers comité de
travail ont été mis sur pied regroupant les compétences
les plus variées: directeurs des services pédagogiques, adjoints,
conseillers à l'aide pédagogique, registraires, conseillers
péda- gogiques, coordonnateurs de service de l'éducation des
adultes. Des assemblées générales de directeurs des
services pédagogiques ont ensuite établi les orientations et
défini les différents points importants de ce projet de
règlement. C'est avec un très large consensus que les directeurs
généraux, les directeurs des services pédagogiques et les
représentants de la conférence des présidents de conseil
d'administration ont adopté les positions que nous défendons
aujourd'hui.
Les amendements proposés par la fédération sont en
continuité avec les principes qui ont présidé à la
création des cégeps: large accessibilité, formation
polyvalente, structure de base des programmes composé de trois types de
cours, décentralisation des responsabilités pédagogiques,
et, à la fois, unité et cohérence du réseau. Est-il
nécessaire de rappeler, enfin que ces amendements émanent des
établissements que le rapport Parent et le Document d'éducation
no 3 avaient vus comme des partenaires de l'État, assumant de
façon complémentaire et solidaire avec ce dernier la prestation
d'un service public.
La Fédération des cégeps souhaite fortement qu'un
règlement sur le régime pédagogique du collégial,
retouché dans le sens qu'elle suggère, soit promulgué.
Après seize ans d'expérimentation du régime
pédagogique de 1967, dont cinq années de réflexions et de
consultations sur les changements à lui apporter, il ne nous
apparaît plus y avoir de raison sérieuse de surseoir à en
faire un règlement et de priver le système d'enseignement
collégial d'une condition aussi fondamentale à sa bonne
marche.
Le Président (M. Blouin): Merci. Votre exposé a, je
crois, l'avantage d'être fort explicite, ce qui évitera un certain
nombre de questions d'éclaircissement. Je demande autant aux membres de
la commission qu'à nos invités de bien vouloir répondre
aux questions et aussi de poser les questions le plus succinctement possible.
M. le ministre.
M. Laurin: M. le Président, j'ai d'abord quelques
commentaires à faire. Je veux remercier la Fédération des
cégeps pour son mémoire effectivement clair, précis et
étoffé; c'est dû probablement à la longue
réflexion et au long cheminement nourri de consultations dont on vient
de nous faire part. Je note avec plaisir que la fédération trouve
que le projet actuel constitue un progrès sensible par rapport au projet
précédent, qu'il respecte les intentions qui ont
présidé à la fondation même des cégeps:
accessibilité, polyvalence, autonomie institutionnelle, et qu'il
approuve aussi que l'État soit responsable de la cohérence du
réseau, en même temps que de la mission que doit observer
le collège à l'égard de la communauté dans laquelle
il s'enracine. Je note aussi avec plaisir que, selon la
fédération, ce projet tient compte d'une façon
générale de l'économie du système, axé sur
un équilibre entre formation fondamentale et formation professionnelle,
et qu'il respecte aussi davantage les droits des étudiants.
Je note surtout avec plaisir que la fédération croit qu'il
est temps maintenant de promulguer un règlement, qu'il convient de
supprimer la distinction entre jeunes et adultes en raison des changements
profonds qu'a connus notre société au cours des dernières
années et de la situation des jeunes adultes dans notre
société. Je note aussi avec plaisir que la
Fédération des collèges insiste, elle aussi, sur la
nécessité d'inscrire enfin dans les faits la reconnaissance des
acquis non scolaires, ce qui permet de reconnaître les cheminements
différenciés et, surtout, de prévoir pour chacun de ces
cheminements différenciés les ajustements requis.
D'autres points lui conviennent moins, huit points que j'ai bien
notés. J'aimerais bien pouvoir les commenter longuement, mais je sais
que le cadre de cette commission ne nous le permettra pas. Mais, étant
donné que ces avis nous parviennent de la Fédération des
cégeps, une association autorisée en prise avec la pratique, il
est évident que j'accorderai une très grande attention aux huit
points que la fédération a soulevés et que nous
continuerons, pour notre part, notre réflexion là-dessus, quitte
à en retenir ici et là les éléments qui nous
paraissent les plus appropriés.
Pour le moment, je voudrais me contenter de poser trois questions aux
membres de la fédération. Je note, par exemple, que la
fédération n'est pas d'accord sur cet écart de 32 à
65 unités que nous prévoyons pour les divers programmes de
spécialité. Sa démonstration à cet égard est
un peu brève et j'aimerais donc poser à la
fédération la question suivante: Ne croyez-vous pas que les
durées variables des spécialités, tel qu'illustré
par ce nombre variable d'unités, tiennent précisément au
profil professionnel auquel ces programmes préparent? Ne croyez-vous
pas, en conséquence, qu'une uniformisation des unités
obéirait plus à une sorte d'exigence de standardisation
académique - pour ne pas dire esthétique - plutôt
qu'à des exigences fonctionnelles? Il me semble, en tout cas, que la
formation professionnelle exige ce genre de variabilité. Nous le voyons
très bien à l'universitaire où nous voyons cette
variété et même nous commençons à le voir
également au secondaire.
Je répète donc ma question: Ne croyez-vous pas que cette
durée variable correspond précisément au profil
professionnel auquel ces programmes préparent? Deuxièmement, ne
craignez-vous pas que, si nous acceptons votre suggestion, cette
uniformisation, telle qu'illustrée par la moyenne de 60 unités
que vous nous proposez, répondrait davantage à une exigence de
standardisation plutôt qu'aux exigences fonctionnelles que nous
recherchons afin de mieux cerner et satisfaire les besoins des
clientèles que nous avons appris à connaître au cours des
dernières années?
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. Madame,
messieurs.
M. Leduc (Pierre): Ma réponse sera également un peu
brève. Dans les programmes auxquels nous avons jusqu'à maintenant
formé nos étudiants, il n'y en a pas, que je sache, qui exigent
si peu d'exposition aux disciplines préparatoires à l'exercice
d'une fonction de travail qui nécessite un niveau de connaissances
propres et adaptées au niveau collégial. Si, jusqu'à
présent, la moyenne des programmes est de 60, comment peut-on
prévoir, sans aucun exemple à l'appui, que, dans un temps
relativement court, pour des fonctions de travail exigeant une
compétence de niveau collégial, cela prenne dorénavant un
programme plus court de moitié? Nous avons dit que nous nous surprenions
d'avoir un écart aussi grand que de 32 à 65.
Par ailleurs, nous estimons vraisemblable de penser,
indépendamment de quelque standardisation un peu artificielle, qu'un
programme professionnel de trois ans -parce que, jusqu'à preuve du
contraire, il n'a jamais été question d'avoir des programmes plus
courts, à moins qu'on n'ait voulu couvrir par là l'existence
éventuelle d'un certificat, ce qui n'était pas du tout
assuré par le document - avec 60 crédits, cela devrait couvrir
l'ensemble des besoins. La question vient de nous: D'où vient le chiffre
32, qui est la moitié moins que ce à quoi nous sommes
habitués?
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Leduc. M. le
ministre.
M. Laurin: Évidemment, nous parlons des
spécialités ici. Le programme complet comprend d'autres cours, ne
serait-ce que les cours communs obligatoires dont on a parlé. De toute
façon, j'enregistre votre réponse et nous regarderons plus
à fond les arguments que vous nous présentez. (21 h 45)
Ma deuxième question porte sur le DEC sans mention. Cette fois,
vos commentaires ont été beaucoup plus abondants. Je voudrais
vous rappeler que cette addition provient, pour notre part en tout cas, de la
lecture que nous avons faite du rapport de la commission Jean et du fait que
la
commission Jean nous a apporté beaucoup d'arguments à
l'appui de cette addition. J'aimerais vous demander comment vous comprenez et
jugez cette proposition de la commission Jean d'instituer un tel
diplôme.
Une question additionnelle. Ne pensez-vous pas qu'à l'instar des
baccalauréats généraux à l'université le DEC
sans mention pourrait convenir à bien des adultes que nous ne retrouvons
pas actuellement au sein du système collégial et qui pourraient
s'y retrouver si nous instituions ce DEC sans mention qui rejoint davantage
leur cheminement individuel, ainsi que leur séquence existentielle?
Le Président (M. Blouin): M. Leduc.
M. Leduc (Pierre): Ce serait effectivement une difficulté
du prochain régime ou du prochain système où nous mettons
ensemble sans distinction administrative les jeunes et les adultes. C'est bien
sûr, que dans la démonstration que nous avons faite, c'est
plutôt axé sur le problème des jeunes. Même si nous
les considérons comme de jeunes adultes, nous estimons quand même
qu'il serait un peu imprudent de leur fournir par l'autorité d'un
règlement ministériel la possibilité de passer à
côté de tout encadrement.
Par ailleurs, vous avez bien noté que nous sommes ouverts
à un diplôme sans mention, mais une fois que l'étudiant a
fait un assez long séjour dans nos murs. D'ailleurs, dans l'invervalle,
on leur propose des mesures transitoires comme de les inscrire hors programme
pour qu'ils puissent prendre le temps de se brancher.
Pour les adultes, effectivement, dans le système actuel, dans le
régime pédagogique actuel, la très grosse majorité
étant à temps partiel, le problème se posait relativement
peu, c'est-à-dire que les gens s'inscrivaient parfois dans un programme,
parfois hors programme. Il n'y avait pas d'inconvénient majeur,
étant donné que c'était tellement réparti dans le
temps et tellement long. C'étaient effectivement des démarches de
culture personnelle très souvent, indépendamment de
l'accès à un diplôme proprement dit. Nous nous en
accommodions. Je crois que les adultes s'en accommodaient également et
que cela n'a jamais été à l'encontre d'une démarche
d'adulte dans le régime pédagogique actuel, sauf que, du jour
où vous institutionnalisez un DEC sans mention, d'entrée de jeu
et a priori, il me semble qu'on le fait exprès pour se nuire
relativement à un encadrement pédagogique nécessaire pour
de jeunes adultes.
Quel serait l'inconvénient de continuer dans notre système
actuel où des adultes peuvent s'inscrire à des cours
donnés et qu'après une série de cours, advenant
qu'effectivement ils se rendent, ce qui n'est pas toujours le cas, au total
requis, ils nous demandent alors un DEC sans mention, et y aient droit? Il me
semble qu'on n'est pas obligé d'inventer par règlement une
catégorie qui pourrait avoir des effets contraires au bien que l'on
recherche.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Leduc. M. le
ministre.
M. Laurin: Bien, je vois cependant que là où votre
opinion est très ferme, c'est lorsque vous nous recommandez la
suppression du certificat d'études collégiales que nous
proposons. Je ne sais pas si vous étiez là cet après-midi
quand M. Lucier et Mme Fortin apportaient une réponse aux questions du
député d'Argenteuil, je crois, et nous parlaient d'une
étude ou d'une analyse longitudinale à partir d'une cohorte de
100 élèves qui commençaient leurs études primaires.
On voyait, dans cette analyse, que, sur 100 élèves qui commencent
leurs études, il y en a à peu près 74 qui terminent leur
secondaire. Sur ces 74 qui terminent leur secondaire, il n'y en a que 47 qui
abordent les études collégiales et il n'y en a que 27 qui les
terminent. Il y a là une déperdition considérable. Quand
nous pensons à un système éducatif et que nous voulons
pousser à la scolarisation le plus loin possible et le mieux possible,
donc vers le collégial et vers l'universitaire, on se rend compte que
cette déperdition est sûrement déplorable.
Bien sûr, on peut analyser les causes; on peut trouver plusieurs
causes d'ordre social, d'ordre économique, d'ordre culturel, mais on
peut en trouver aussi d'ordre pédagogique. On peut penser que beaucoup
de clientèles qui pourraient, voudraient ou devraient accéder au
collégial s'en trouvent empêchées pour une raison:
actuellement, nous avons, au niveau du collégial, un modèle par
trop rigide et univoque que le CEC pour adultes est venu compenser en partie,
qu'un certain nombre de programmes conduisant à des attestations sont
venus compenser également, mais qu'on pourrait peut-être
améliorer pour permettre à un plus grand nombre de ces jeunes qui
ont décroché d'accéder au collégial.
Il faut donc penser aux absents du système aussi bien qu'à
ceux qui y sont, sans perdre de vue, cependant, cet idéal
d'équilibre auquel, d'ailleurs, vous souscrivez autant que nous. Ma
question serait donc la suivante: La suppression du certificat d'études
collégiales ne court-elle pas le risque d'équivaloir à une
sorte de repliement du collège sur un modèle rigide et univoque?
En d'autres termes, est-ce que vous croyez que, pour ces cohortes
d'étudiants potentiels, c'est le DEC ou rien? Est-ce qu'il faudra
attendre que d'autres voies de formation s'organisent en dehors du
collège comme cela
est arrivé et arrive encore dans plusieurs autres pays, avant que
nous prenions la décision d'adapter, d'assouplir ce modèle
collégial afin de permettre une plus grande accessibilité, une
scolarisation plus poussée pour un plus grand nombre d'étudiants,
de citoyens, de citoyennes qui auraient plus que jamais besoin de cette
formation collégiale, aussi bien pour le développement de leur
personnalité que pour une meilleure adéquation aux besoins
nouveaux du marché du travail?
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. Mme
Chené.
Mme Chené (Louise): M. le ministre, M. le
Président, nous ne nous opposons pas à la lecture de
l'évolution des cohortes d'étudiant qu'a faite M. Lucier cet
après-midi. Nous sommes très conscients d'un taux important de
décrochage entre le secondaire et le collégial et nous sommes
aussi conscients du fait que, selon les chiffres fournis par M. Lucier, une
vingtaine d'étudiants sur les 47 qui entreraient au collégial ne
terminent pas leurs études. Ce que nous contestons, par exemple, ce sont
deux choses: d'abord, l'adéquation très étroite qui est
faite entre l'accessibilité au collégial et un diplôme qui
s'appellerait certificat d'études collégiales. On semble imaginer
que définir une nouvelle voie pour les étudiants entraîne
nécessairement une plus grande accessibilité. Nous trouvons cette
adéquation un peu trop rapide et un peu trop courte. L'autre chose sur
laquelle nous sommes en désaccord, c'est sur la forme de ce
certificat.
Loin de nous l'idée de ne pas reconnaître qu'il est
important d'attester des ensembles cohérents et, peut-être,
séquentiels et séparés de formation, mais nous croyons que
créer un diplôme qui s'appelle un certificat d'études
collégiales et qui comprend la très grande partie du
diplôme actuel d'études collégiales offre autant de danger,
sinon plus, d'une dévalorisation du DEC vers le certificat - sans que
nécessairement cela corresponde à des fonctions de travail
identifiées - que de promesses d'augmenter l'accessibilité.
Nous croyons effectivement qu'il faut trouver des formules souples pour
permettre aux étudiants de faire des cheminements qui puissent
être récurrents, différenciés et qui puissent
s'additionner pour obtenir un diplôme d'études collégiales
qui les mène là où ils veulent aller et à leur
rythme. C'est pour cela que nous proposons qu'on sanctionne ces études,
faites par blocs plus restreints et cohérents, par des attestations
locales. Ce que nous refusons, c'est un diplôme ministériel
accordé à ce que nous continuons d'appeler un mini-DEC.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme
Chené. M. le ministre.
M. Laurin: Je voudrais juste faire une remarque en terminant. Je
pense que le nouveau régime prévoit une ouverture à
plusieurs égards: d'abord, par une augmentation des programmes
d'établissement que les collèges pourraient instituer, par
l'inscription des adultes aux cours réguliers, ce qui se fait
déjà, par le CEC, par une sorte de multiplication des voies de
sortie. Ceci m'amène à dire que c'est l'ensemble du régime
que nous voulons marquer au signe de l'assouplissement et de l'ouverture,
précisément pour mieux atteindre nos objectifs
d'accessibilité.
Par ailleurs, je pense qu'il a été assez
démontré, lors des réponses qui ont été
fournies à diverses questions, qu'il ne faut pas penser à une
multiplication indue des certificats. Du fait que c'est un programme qui devra
comprendre des contenus de cours qui auront été approuvés,
qui devront paraître à l'enseignement collégial, du fait
qu'ils devront répondre à des besoins sociaux, qu'ils devront
répondre à des besoins de qualité, que le DEC continuera,
dans toute l'information scolaire et professionnelle et conformément aux
traditions actuelles, d'être valorisé, d'être vu comme la
voie privilégiée, que les programmes de certificat ne
correspondront pas nécessairement aux options professionnelles couvertes
par les DEC actuels, je pense qu'il y a là la preuve que ce CEC ne
deviendra pas une généralisation ou une voie de facilité
telle qu'elle constituerait une tentation incommensurable à laquelle on
ne saurait résister de la part des étudiants.
Elle apparaît plutôt comme une façon parmi d'autres
de satisfaire à des besoins variés et divers d'une
clientèle elle-même diversifiée et qui a eu des
problèmes pour augmenter sa scolarisation ou pousser sa formation, dont
il faut reconnaître l'existence, d'abord, et dont il faut se sentir
responsable quant à la disparition des facteurs qui l'ont
engendrées et à la correction également des
éléments qui ont été identifiés. C'est
là ma dernière remarque, M. le Président.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. le ministre.
M. le député d'Argenteuil, vous avez la parole.
M. Ryan: Merci, M. le Président. J'ai également
pris connaissance avec beaucoup d'intérêt du mémoire de la
Fédération des cégeps que j'ai trouvé substantiel,
pertinent et pondéré. Je ne suis pas nécessairement
d'accord avec la fédération sur toute la ligne, mais je dois la
féliciter, et je le fais avec plaisir, de la qualité de sa
présentation.
Il y a certains points sur lesquels - je n'aurai pas le temps de m'y
attarder parce
que je voudrais me limiter à environ trois questions - je serais
porté à être d'accord avec la fédération.
Vous avez parlé des cours complémentaires, par exemple; c'est un
point qui n'a pas été signalé beaucoup. Le nouveau projet
de règlement comporte un changement d'orientation par rapport à
la politique définie dans le régime actuel. (22 heures)
Moi, je serais porté à partager votre opinion voulant que
le maintien du statu quo serait préférable à l'orientation
que propose le règlement. Pour une raison bien simple, c'est que le
régime proposé pourrait conduire à un excès de
spécialisation et nous écarter de l'objectif de formation
fondamentale, qui n'est pas nécessairement et qui ne doit pas rester
confinée uniquement aux matières obligatoires. Les cours
complémentaires ouvrent des horizons plus larges et je suis bien content
que vous ayez souligné cette dimension.
Je voudrais en venir à quelques points qui m'apparaissent
essentiels. D'abord, je constate que vous êtes d'accord avec le
gouvernement pour favoriser l'abolition de la distinction entre
élèves réguliers jeunes et adultes. Mais, vous posez des
conditions que je voudrais rappeler brièvement. Vous dites tout d'abord,
dans votre mémoire d'aujourd'hui: "Un préalable s'impose,
toutefois, si l'on veut assurer l'atteinte des objectifs visés par
l'unification des clientèles; il faut élaborer un système
équitable et crédible de reconnaissance des acquis de formation
qui permette l'évaluation de cheminements différenciés et
l'identification des ajustements requis au collégial. C'est un
système auquel il faut donner toutes les garanties d'efficacité;
il serait donc basé sur l'administration de tests et d'examens qui
mesureraient le degré d'atteinte des objectifs des cours
collégiaux. Ce système d'évaluation devrait être
assumé directement par le réseau et doté d'un service
technique centralisé."
Dans un mémoire que vous aviez soumis au ministère en
novembre 1982 à propos du livre blanc sur la formation professionnelle,
vous aviez ajouté d'autres considérations. Vous disiez - encore
là, vous êtes constant dans votre pensée, c'est un
compliment qu'on doit vous rendre - que vous favorisiez l'abolition de la
distinction administrative entre "élèves adultes" et
"élèves réguliers" dans la mesure où les modes de
financement, les conditions d'accès aux programmes de formation de la
main-d'oeuvre, la classification des programmes et la diplômation
seraient intégrés et où seraient développés
des services d'accueil capables d'identifier des besoins en matière de
services différenciés.
La question que je veux vous poser sur ce premier point est double. Tout
d'abord, est-ce que des pourparlers sont engagés avec le
ministère à ce sujet-là? Est-ce que le ministère
vous a approchés? Est-ce que des travaux sont en cours à cette
fin? Sinon, combien, selon vous, cela pourrait-il prendre de temps pour que ces
conditions minimales soient réunies avant qu'on puisse procéder
à l'abolition pure et simple de la distinction entre
"élèves adultes" et "élèves réguliers"?
Le Président (M. Blouin): M. Leduc.
M. Leduc (Pierre): Avant de répondre, je voudrais vous
dire que si, dans vos recherches, vous étiez remonté un peu
au-delà de 1982, si vous étiez allé jusqu'en 1980, vous
auriez peut-être trouvé qu'on était moins
conséquents dans nos idées. En 1980, on avait de sérieuses
réserves sur le système de reconnaissance des acquis.
M. Ryan: Vous avez confessé la faute dans votre
mémoire d'aujourd'hui.
M. Leduc (Pierre): Alors, oui, effectivement, sur le
système de reconnaissance des acquis, c'est une condition essentielle et
c'est une grosse affaire à mettre en place. Nous avons, au sein de la
fédération, établi au moins des positions de base
là-dessus, les orientations de base, où cela devrait se loger,
comment cela devrait un peu fonctionner, quelques balises minimales. La suite
du travail se fait cette année en collaboration très
étroite avec les services du ministère, entre autres avec la
Direction générale de l'enseignement collégial et la
Direction générale de l'enseignement aux adultes. Notre objectif,
c'est qu'à la fin de l'année courante nous ayons au moins
trouvé un modèle, fait l'expérimentation même de
quelques tests, quelques questionnaires, pour voir comment la chose pourrait
éventuellement fonctionner. Sauf que je ne vous cache pas que c'est une
entreprise colossale et que c'est une chance que nous avons de la faire en
concertation avec le ministère. Sinon, ce serait absolument illusoire de
s'atteler à cette tâche-là.
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Est-ce que je dois comprendre qu'aussi longtemps que
vous n'aurez pas progressé de manière substantielle dans la
réalisation de ces conditions il faudra qu'on fasse preuve de grande
prudence dans le traitement de ce problème-là?
M. Leduc (Pierre): Faire preuve de grande prudence, oui. Mais je
pense qu'il faudra également l'appliquer graduellement et ne pas
attendre d'avoir complètement terminé cette immense
opération avant de rendre effectivement des services à la
clientèle, notamment en mettant des priorités à la
clientèle adulte qui a une expérience sur le marché du
travail déterminée pour qu'on puisse, au plus vite,
reconnaître à ces gens ce qui leur est dû.
M. Ryan: Au sujet du certificat d'études
collégiales, vous dites bien dans votre mémoire, si je vous ai
compris correctement, que vous voudriez, d'un côté, maintenir le
diplôme d'études collégiales actuel et, d'autre part,
pouvoir user du mécanisme de l'attestation pour accorder des
reconnaissances d'études ou des crédits d'études aux
étudiants, suivant le cheminement que chacun aurait fait et en laissant
toujours ouverte la possibilité d'aller jusqu'au DEC. Mais vous ne voyez
pas comment l'introduction d'un diplôme intermédiaire qui serait
universel, émis par le ministre, pourrait être un mécanisme
satisfaisant dans les conditions actuelles?
M. Leduc (Pierre); Nous estimons que non, compte tenu, entre
autres, de celui qui nous est proposé qui est trop proche du total du
DEC, dans le fond. On ne voit pas comment, avec un très gros pourcentage
des cours de la spécialisation, auxquels on a adjoint, pensons-nous, de
façon un petit peu artificielle un cours de philosophie qui,
lui-même, peut être remplacé par un cours d'histoire ou un
cours d'économique, deux cours de français et deux
complémentaires -et on ne parle pas de l'éducation physique -ce
programme-là a une cohérence qui le justifie. Et, advenant qu'il
existe, il y a déjà une trop grande catégorie de cours
pour ne pas nuire, nous semble-t-il, au diplôme tel qu'il existe
actuellement.
De toute façon, un diplôme intermédiaire - je
suppose que ce serait une autre chose que le certificat - donnerait-il
accès à des fonctions de travail identifiées? Y a-t-il des
fonctions de travail identifiées qui nécessiteraient, disons, la
moitié de la scolarité d'un programme qu'on nous reproche
toujours d'être très court et qui s'appelle le niveau
collégial? Il est tellement court qu'on a peine à lui trouver son
identité parfois.
M. Ryan: Merci. Deux autres questions brèves.
Le Président (M. Blouin): Bien, M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Je vois que, à la page 21 de votre
mémoire, vous voudriez que le règlement accorde à la
direction du collège un droit d'approbation sur les plans de cours des
professeurs. Je vous avoue que je trouve cela un peu excessif a priori. Nous
avons des esquisses de cours qui sont définies par le ministère,
présentées dans les Cahiers de l'enseignement collégial.
Il me semble que le professeur est engagé sur la base del'obligation qu'il contracte de respecter les grandes lignes de ce
programme-là et qu'ensuite il y a quand même une
liberté d'enseignement qui est très importante. J'ai
l'impression que, si l'on commence à introduire un mécanisme
d'approbation préalable des plans de cours, cela deviendra assez vite un
mécanisme de censure et je ne suis pas sûr que vous soyez
sur la bonne voie en proposant une chose comme celle-là dans le
règlement des études collégiales. J'aimerais cela avoir
des explications à ce sujet.
M. Leduc (Pierre): Selon nous, ce n'est que la simple traduction
de notre responsabilité la plus fondamentale, à savoir celle
d'assurer que ces programmes que nous donnons dans nos collèges sont
effectivement les programmes qui sont décrétés par
l'État. Ce n'est pas une question de censure; c'est une question
d'assumer sa propre responsabilité devant le public. Il n'y en a pas
d'autre. Il y a la loi qui dit que le DSP s'occupe des affaires
pédagogiques. Le reste est un droit de gérance
général qu'il s'agit, pensons-nous à la
fédération, d'expliciter dans un règlement
ministériel en disant: C'est votre responsabilité, assumez-la
pour que, effectivement, comme c'est l'objectif d'un règlement, les
règles du jeu soient claires pour tous, pour les étudiants, pour
les professeurs, autant que pour définir la ligne d'action d'un
administrateur et sa responsabilité. Il n'y a aucune censure dans cela.
C'est comme si le fait d'approuver quelque chose en ce qui concerne une
responsabilité qu'on a à assumer en termes de conformité
avec un plan-cadre voulait dire qu'on veut censurer. Ce n'est pas notre point
de vue.
M. Henrico: M. le Président, M. Boucher aurait un
complément de réponse à apporter.
Le Président (M. Blouin): Oui, M. Boucher.
M. Boucher (Gaétan): Je voudrais juste ajouter un
complément d'information. Le projet dit, à l'article 39, que le
collège recommande au ministre de décerner le diplôme
d'études collégiales. Il faut également se rendre compte
que la responsabilité de cette recommandation appartient au conseil
d'administration et un des moyens qu'on peut privilégier, lorsqu'une
proposition vient à un conseil d'administration de recommander au
ministre d'émettre le DEC, c'est de s'assurer que les cours qui ont
été donnés sont conformes au contenu obligatoire. Une des
façons pour un conseil d'administration - je dis bien une des
façons - d'assumer cette responsabilité, c'est
d'approuver les plans de cours. C'est un problème actuellement
dans le réseau collégial - dans plusieurs collèges,
à mon point de vue - toute cette question de la qualité de
l'enseignement. Les administrateurs, les gens qui siègent à des
conseils d'administration sont bien prêts à prendre leurs
responsabilités, mais il est important d'avoir des outils pour le faire.
Donc, la liberté des uns, à mon point de vue, n'est pas
contrée par les responsabilités que d'autres doivent assumer. Ces
gens, pour assumer ces responsabilités, doivent détenir des
outils pour le faire.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Boucher. M. le
député.
M. Ryan: J'ai seulement une remarque sur cela. J'ai
écouté avec intérêt ce qu'on a dit, mais je n'ai pas
été convaincu. Je crois qu'il y a une responsabilité
départementale dans ces questions qui est prioritaire, qui passe avant
l'autre. Il faudrait examiner cela de bien près. C'est une suggestion
que je fais au ministre de ne pas se laisser entraîner par cette
suggestion avant d'avoir d'examiné comme il faut l'autre
côté de la médaille. Je vous le dis bien simplement. Vous
savez que cela soulève tout le problème du partage des
responsabilités entre la direction et les autres artisans du travail de
l'institution. Les professeurs sont l'élément fondamental de
l'oeuvre du cégep auprès de ses clientèles. C'est vrai que
le conseil d'administration et les cadres supérieurs ont des
responsabilités, mais je ne serais pas prêt à souscrire
à une formulation comme celle-là sans plus ample examen.
J'ai une dernière question. Dans votre mémoire il y a une
omission qui m'a étonné. On nous dit qu'un des
éléments les plus importants du projet de règlement, c'est
cet article où l'on dit que le collège se donne une politique
institutionnelle d'évaluation des apprentissages des
élèves. Je m'attendais à trouver des développements
à ce sujet dans votre mémoire. J'aimerais que vous nous disiez
à quoi répondent les articles 33 et 34 du projet de
règlement. Quels changements cela apporte-t-il par rapport à la
situation que nous avons aujourd'hui? Quelle devrait être, d'après
vous, la participation des autres éléments constituants du
collège dans la mise en oeuvre d'une politique comme celle-là, en
particulier la participation des professeurs?
Le Président (M. Blouin): Mme Chené.
Mme Chené: Ce n'est pas une omission. Cela signifie
simplement que la fédération n'a pas jugé bon de dire:
Oui, nous sommes d'accord ou, au contraire, surtout: Non, nous ne sommes pas
d'accord. D'avoir libellé dans le projet de règlement des
études une phrase qui dit: "Le collège se dote d'une politique
d'évaluation institutionnelle" rejoint les objectifs que poursuivent les
collèges et la fédération à l'heure actuelle.
Dans un premier temps, disons qu'on aurait pu souhaiter qu'il ne soit
pas écrit dans un régime dont on pense qu'il va durer dix ans:
"Le collège se dote, etc". On pourrait imaginer que le collège
applique sa politique d'évaluation institutionnelle. Il reste
tout de même que, dans l'idée de se doter d'une politique, il y
avait un incitatif que nous ne voulions pas contrer. Nous sommes d'accord avec
le fait que les collèges doivent se doter d'une politique
institutionnelle d'évaluation et nous poursuivons à cet effet des
travaux au nom des collèges et en collaboration avec eux.
Déjà, certains collèges se sont dotés d'une
politique d'évaluation institutionnelle des apprentissages et le travail
se continue actuellement dans au moins la moitié des collèges qui
restaient sur cette question. (22 h 15)
Ce qui se produit, c'est que la façon dont un collège se
dote d'une politique institutionnelle d'évaluation des apprentissages
est nécessairement en concertation avec toutes les instances qui sont
responsables de l'un ou l'autre des éléments de la formation ou
de l'accréditation de cette formation. Dans les collèges
où cela s'est fait, cela s'est fait dans des processus qui ont
duré peut-être deux ans, mais qui ont été
nécessairement consensuels au bout de la démarche. Il est
très important, lorsqu'un collège se dote d'une politique
institutionnelle d'évaluation des apprentissages, que tous les
intervenants à l'intérieur de cette politique conviennent de la
nature des objectifs et du contenu de cette politique. C'est une
première chose.
Une autre chose, quelle est la différence avec le régime
actuel? C'était la deuxième partie de votre question. Nous sommes
extrêmement contents de voir apparaître les mots "politique
institutionnelle d'évaluation" puisque cela confirme une orientation du
réseau à savoir que l'évaluation appartient à ceux
qui doivent en rendre compte. La différence, c'est qu'autrefois il y
avait dans le règlement des études une disposition qui donnait au
ministre le pouvoir de vérifier cette évaluation. Les choses ont
changé depuis; il y a eu une nouvelle loi des collèges, il y a eu
surtout la création du Conseil des collèges et le devoir fait
à ce Conseil des collèges et à sa commission
d'évaluation d'examiner les politiques institutionnelles. Il
apparaissait donc normal que la notion d'institutionnalisation des politiques
d'évaluation d'apprentissages se retrouve à l'intérieur du
règlement des études et nous y souscrivons.
Le Président (M. Blouin): Merci. Très
bien. M. le député de Fabre, succinctement, s'il vous
plaît.
M. Leduc (Fabre): Une seule question, M. le Président, qui
touche les pages 8, 9 et 10, la partie de votre mémoire sur la formation
de base commune et obligatoire. Vous êtes d'accord sur la
réduction des cours de philosophie de quatre à trois, mais vous
proposez également une réévaluation globale de tous les
cours obligatoires: cours de français, d'éducation physique et de
philosophie dans le but d'essayer de voir s'il n'y aurait pas moyen de
dégager ce que vous appelez un espace renouvelé "où
prendraient place différents apprentissages nouveaux." Cela
m'apparaît être tout un contrat. Vous proposez quelque chose qui
m'apparaît assez gros. Par contre, les arguments que vous apportez me
semblent assez courts. Est-ce que vous pourriez expliciter votre pensée
sur cette question?
Le Président (M. Blouin): M. Leduc.
M. Leduc (Pierre): La justification, c'est qu'effectivement c'est
le résultat de l'expérience. Depuis que les collèges sont
nés, pratiquement, on conteste, entre autres, la place de l'enseignement
de la philosophie dans les cours communs de base obligatoires. Il y a
même déjà eu la commission Roquet, si je ne m'abuse, qui
est partie là-dessus, essentiellement, dans un premier temps.
Deuxièmement, il faut être dans les collèges pour savoir
combien la révision et la définition des objectifs et des
contenus des cours de français peuvent avoir créé des
frustrations, des complications et des situations sans issue, de sorte que, en
novembre 1983, cela a fait dix ans qu'on travaille à cette
redéfinition qu'on n'a pas encore trouvée. Ce qu'on trouve, c'est
différents cours extrêmement variés, mais ce ne sont pas
des contenus identifiés.
Pour l'éducation physique, je pense que les questions que le
Conseil des collèges pose dans son mémoire sont recevables et
qu'effectivement il faille tenir compte de la nouvelle situation, depuis
presque 20 ans, du développement de l'éducation physique dans les
autres ordres d'enseignement, comme on les appelle, pour
réévaluer la place de l'éducation physique au
collégial. Je pense que c'est le fruit de l'expérience
très concrète des collèges. Peut-être que c'est un
cours d'histoire et institutions du Québec qu'il nous faut, mais
là aussi la démonstration est peut-être un peu courte. Mais
une chose est certaine cependant, c'est qu'il y a des cours là-dedans
qui ont passé un peu trop vite de l'ancien au nouveau régime. Il
semble bien que la démonstration du niveau d'intervention de ces cours
n'est pas encore très concluante. C'est pour cela que nous demandons un
réexamen.
Vous nous dites: C'est un moyen contrat et on n'en sortira pas de si
tôt. La réflexion a tellement mûri là-dessus que je
pense qu'on serait effectivement mûr pour conclure, mais à
condition de faire l'étude. D'ailleurs, si vous vous reportez à
nos voisins du Sud, ils ont donné un contrat exactement semblable en
1981 et le rapport est sorti en 1983, lequel s'appelle "A Nation at risk". Il
est fort bien fait, très sommaire et conclut de façon très
précise sur des dimensions à inclure dans la formation de base
obligatoire. Ils ont pris deux ans pour un si grand pays; je suppose qu'on
pourrait en prendre la moitié moins. De toute façon, cette
étude ne devrait pas, selon nous, nous empêcher d'adopter un
règlement des études.
Le Président (M. Blouin): Très bien, merci.
M. Leduc (Fabre): Merci.
Le Président (M. Blouin): Mme la députée de
Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci. En ce qui concerne les cours obligatoires,
cela m'étonne qu'on n'ait pas suggéré, ni le
ministère ni les collèges, qu'on rende obligatoire la langue
seconde pour tout le monde ici au Québec. Avez-vous des commentaires
à apporter là-dessus?
M. Leduc (Pierre): Justement, madame, dans ce nouvel espace qui
serait à dessiner pour les cours communs obligatoires, la question
mériterait sûrement d'être analysée. C'est un des
éléments de la formation de base qu'on pourrait analyser pour
voir s'il faut se contenter des apprentissages faits au secondaire obligatoire
ou s'il faut également en imposer au niveau collégial. La
question est ouverte depuis longtemps et la proposition de modification du
règlement passe à côté d'une question comme
celle-là. Il y aurait effectivement lieu d'y répondre.
Le Président (M. Blouin): Merci. Cela va?
Mme Dougherty: De plus, à la page 15, vous avez fait
allusion au problème "en sciences où les préalables
constituent plus de la moitié des cours de la concentration." Je n'ai
pas vraiment compris, je crois, la dernière phrase du paragraphe: "II
s'agira, en fait, d'une exception à la règle
générale, exception qui exercera une pression pour que ces
préalables diminuent." Êtes-vous en faveur d'une diminution?
M. Leduc (Pierre): À tout le moins que les
préalables n'augmentent pas. Alors, s'ils sont en situation d'exception,
ils n'auront pas tendance à augmenter; au contraire, le
système général va faire qu'ils vont se sentir
exceptionnels, de sorte que cela pourrait diminuer. Effectivement, je crois -
et le réseau l'a longtemps cru et le croit encore -qu'il faut
réduire les préalables d'un niveau à l'autre au minimum.
Cela ne veut pas dire les enlever, les détruire. On a fait
l'expérience exactement entre le secondaire et le collégial. Il y
a eu un mouvement pour enlever tous les préalables du secondaire au
collégial et, jusqu'à preuve du contraire, ils sont là et
j'espère qu'ils vont y demeurer longtemps.
C'est la même chose pour l'université, sauf qu'il ne
faudrait quand même pas que l'université occupe tellement d'espace
d'une concentration de sciences au collégial. Historiquement, elle en a
pris beaucoup avec leur CLESEC, le Comité de liaison entre
l'enseignement supérieur et l'enseignement collégial. Cela est
analysé et balisé, il y a des règles, sauf qu'il y aurait
encore de la place, selon nous, pour que cela diminue.
Mme Dougherty: Étant donné l'urgence de former de
plus en plus de scientifiques, n'est-il pas dangereux de réduire les
préalables?
M. Leduc (Pîerre): Les collèges peuvent former des
scientifiques, madame, indépendamment des préalables
universitaires. Nous pouvons nous donner des programmes de sciences qui soient
à l'image des cégeps sans nécessairement que tous nos
cours soient prédéterminés par le niveau supérieur.
C'est cela, le défi du collège. Or, la réalité a
été que c'est l'université qui nous a dit: Faites ceci et
vous vivrez.
Le Président (M. Blouin): Très bien.
Mme Dougherty: Chaque niveau est conditionné par un niveau
supérieur.
Le Président (M. Blouin): Cela va?
Mme Dougherty: C'est toujours comme cela. M. Henrico,
peut-être, est-ce qu'il y a une différence quant aux
réactions au règlement collégial entre les cégeps
anglophones et les cégeps francophones pour des raisons culturelles,
historiques?
M. Henrico: C'est une très bonne question. Oui, il y a une
différence. Je crois que non seulement il y a une différence
entre les collèges anglophones et les collèges francophones, mais
qu'il y a aussi des différences entre les collèges francophones
eux-mêmes et entre les collèges anglophones eux-mêmes.
Disons que la position que la fédération présente
aujourd'hui est réellement la position majoritaire des composantes de la
fédération. Tout comme on ne peut avoir l'unanimité au
niveau d'un caucus, on ne peut avoir l'unanimité de 46
collèges.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Oui?
Mme Dougherty: Seulement un commentaire parce que je suis
très consciente du fait que souvent dans les écoles on
reçoit des traductions des priorités, des programmes qui ne sont
pas propices aux besoins et aux cultures anglophones. Est-ce qu'il y a assez de
marge de manoeuvre dans le règlement pour que les besoins des I
collèges de différentes langues et régions puissent
être satisfaits?
M. Henrico: La réponse à votre question est oui. Je
crois qu'avec les recommandations que la fédération fait il y
aura assez de marge de manoeuvre pour les accommoder.
Mme Dougherty: Pour répondre aux besoins culturels.
M. Henrico: C'est cela. Mme Dougherty: Merci.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Cela va être une
question assez brève, je pense. Peut-être que vous pourriez me
répondre, M. Leduc? Votre mémoire ne fait pas état de la
réalité des décrocheurs, de ces étudiants qui
abandonnent. J'imagine que vous avez poursuivi une réflexion sur cette
question. Tantôt, vous faisiez valoir qu'on ne devait pas faire
l'adéquation entre une accessibilité plus grande et une formation
plus réduite comme celle que propose le certificat. À quoi vous
amène votre réflexion sur cette question de la
déperdition? Les chiffres sont assez effarants. Quels sont les facteurs
- vous êtes en contact fréquent avec les jeunes - qui vous
semblent les plus déterminants? Quelles sont les solutions que vous
préconisez?
M. Leduc (Pierre): Relativement au projet de règlement et
aux décrocheurs, ce qui est le plus près de cet objet, ce sont
les attestations d'études collégiales que nous préconisons
à la place du certificat. Notre sentiment est qu'en instaurant ce
système nous permettrions une plus grande accessibilité de sorte
que les étudiants éventuels seraient moins
découragés par la longueur du processus et pourraient
accéder davantage au collégial et éventuellement donc, en
le faisant par étapes, décrocher moins. C'est une gageure
jusqu'à un certain point qui vaut probablement la gageure de M. le
sous-ministre.
Cela dit, l'autre versant de votre question est: Que pensez-vous qu'on
pourrait faire pour qu'il y ait moins de décrocheurs? Cela ne tient pas
nécessairement à des objets de règlement, cependant. C'est
une tout autre question qu'on pourrait peut-être aborder, mais c'est tout
le problème de l'information scolaire, c'est le problème du choix
des cours, de l'encadrement des étudiants. Enfin, on aborderait un
immense champ de discussion qui serait complémentaire à
l'étude du règlement, me semble-t-il. (22 h 30)
Mme Harel: Vous venez de mentionner le programme d'attestation
comme un palliatif au problème qui peut être vécu de la
longueur du processus. Considérez-vous que la longueur du processus est
un facteur de décrochage?
M. Leduc (Pierre): C'est ce que d'aucuns nous laissent
entendre.
Mme Harel: Partagez-vous le point de vue "d'aucuns"?
M. Leduc (Pierre): Je n'ai pas d'étude longitudinale
là-dessus sauf qu'effectivement, cela se peut fort bien.
Le Président (M. Blouin): Alors, cela va. Très
rapidement, M. le député de Chauveau.
M. Brouillet: Alors, je vais m'en tenir à la formation de
base. Vous souhaitiez remettre en question l'ensemble de la formation de base
et du contenu du programme de formation de base. Je crois que c'est une
question qui mérite d'être retenue. Dans l'hypothèse
où il fallait, quand même, prendre une certaine décision
avant d'en arriver à une entente sur un réaménagement
où on a des cours de français, des cours de philosophie et des
cours d'éducation physique, vous dites que vous n'avez pas d'objection
à la réduction de quatre à trois. La question que je vous
poserais: Si le projet avait mentionné une réduction des cours de
français de quatre à trois, étant donné surtout la
difficulté de s'entendre sur des objectifs - il paraît qu'il y a
une incohérence dans l'ensemble des cours de français - est-ce
que vous auriez pu écrire la même chose: Nous n'avons pas
d'objection à la réduction des cours de français de quatre
à trois?
M. Leduc (Pierre): Un peu moins, parce que je pense qu'il est
assez reconnu par tous que l'apprentissage de la langue maternelle, de la
littérature est une condition tellement fondamentale, surtout compte
tenu - c'est partagé par tout le monde - de la faiblesse de la langue
des étudiants et que cela ne peut pas être
récupéré par d'autres disciplines. Tandis que, pour la
philosophie, c'est peut-être un moindre mal, compte tenu que d'autres
disciplines peuvent jusqu'à un certain point avoir des objectifs qui
s'apparentent à ceux de l'enseignement de la philosophie. C'est pourquoi
on peut le dire un petit peu plus et on pourrait le dire un peu moins pour le
français.
M. Brouillet: Je pousserais ma question au niveau des cours
d'éducation physique, mais je n'irai pas jusque là.
M. Leduc (Pierre): Elle est déjà posée.
M. Brouillet: Enfin, pour la question des cours de langue, il
faudrait voir ce qui se fait. J'ai l'impression que certaines formes de cours
de philosophie peuvent aider autant à articuler sa pensée et
à pouvoir l'exprimer.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Chauveau.
M. Brouillet: Ce serait une discussion ou un débat.
Le Président (M. Blouin): ...nous connaissons maintenant
vos couleurs. M. le ministre.
M. Laurin: Oui, M. le Président, avant de terminer, je
voudrais revenir quelques brefs instants sur l'article 11 qui traite de la
spécialisation et sur lequel vous m'avez posé une question.
L'article 11 se lit comme suit: "La spécialisation prévue
au paragraphe 2 de l'article 8 est constituée d'un ensemble de cours
dont le total des unités se situe entre 32 et 65." Vous vous
étonniez de cet écart et vous me demandiez de l'expliquer. J'ai
fait faire quelques recherches très sommaires et je vous en apporte le
résultat.
Il y a effectivement des cours de spécialité dont le
nombre d'unités est très variable. Je vous en cite quelques-uns:
reliure, 34 unités; équipement motorisé, 53; pilotage, 50;
technologie alimentaire, 68; technologie de fabrication, 63 2/3. On voit donc
que, selon les profils professionnels, le nombre d'unités varie
beaucoup. En rédigeant l'article comme ceci, nous n'avons voulu que
refléter une réalité qui existe à l'heure actuelle
et ne pas nous priver de cette variation, de cette mobilité qui existe
actuellement. Nous avons voulu refléter la réalité. Bien
que vous ayez raison, si on fait la somme de tous les profils professionnels,
nous arrivons à une moyenne d'à peu près 60
unités.
Donc, peut-être que notre différend est un malentendu. Nous
voulons, d'une part, conserver ce qu'il y a de variable dans le système
actuel pour correspondre aux profils
professionnels que dispensent les collèges, mais il est vrai
aussi que les profils professionnels s'établissent en moyenne à
60 unités. La réponse à votre question est que la
formulation de l'article 11 viserait à refléter la situation
actuelle, tout en reflétant cette moyenne que vous nous demandez
d'adopter comme règle.
Ceci dit, je voudrais, encore une fois, vous remercier pour votre
présentation. Comme je vous l'ai dit au tout début, vous avez
touché à tellement de points que, dans le temps limité qui
était à notre disposition, nous n'avons pas eu le temps de
couvrir toutes les remarques pertinentes que vous nous adressez. Soyez
assurés que nous y consacrerons toute la réflexion
nécessaire et que nous tenterons de profiter de votre expertise pour
améliorer ce règlement d'études collégiales.
Le Président (M. Blouin): Au nom de tous les membres de
cette commission, je remercie les représentants de la
Fédération des cégeps d'être venus émettre
leur opinion pertinente. Sur ce, j'invite maintenant les représentants
de l'Association des collèges du Québec à venir prendre
place à la table des invités.
Bonsoir, messieurs. Pour les fins du journal des Débats, je vous
invite à vous identifier.
Association des collèges du
Québec
M. Boissonneault (François): Mon nom est François
Boissonneault. Je suis président de l'Association des collèges du
Québec et directeur général du Campus Notre-Dame-de-Foy.
À ma gauche, Gilles Leclerc, qui est président de la Commission
des directeurs des services pédagogiques de l'association et directeur
des services pédagogiques du collège Marie-Victorin. À sa
gauche, André Laprée, qui est directeur des services
pédagogiques du collège Grasset et, à ma droite, Claude
Cloutier, qui est directeur des services pédagogiques du Campus
Notre-Dame-de-Foy.
Notre association représente 24 collèges privés.
Nous sommes heureux ce soir de faire nos observations sur ce projet de
règlement et l'association a demandé à la Commission des
directeurs des services pédagogiques de faire part de nos
réflexions là-dessus. Je cède donc la parole à M.
Gilles Leclerc.
Le Président (M. Blouin): M. Boissonneault, je note que
vous n'avez pas de mémoire écrit à nous remettre. Je vous
signale cependant que, si vous pouviez faire votre présentation en une
vingtaine de minutes, nous pourrions ensuite avoir une discussion d'environ une
heure.
M. Leclerc (Gilles): Je serai bref.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Merci, M.
Leclerc.
M. Leclerc: M. le Président, mesdames, messieurs, le
document d'accompagnement du projet de règlement sur le régime
pédagogique du collégial formule comme suit le principe de base
qui guide les propositions de modification au règlement
pédagogique. On lit à la page 7 de ce document d'accompagnement:
"La spécificité la plus pure de l'enseignement collégial
réside dans le fait qu'il est appelé à dispenser une
formation de type fondamental. Mais la formation fondamentale se
caractérise surtout par sa profondeur: elle vise à faire
acquérir les assises, les concepts et les principes de base des
disciplines et des savoir-faire qui figurent au programme de
l'élève, quelle que soit son orientation. L'option pour la
formation fondamentale constitue une des lignes de force du règlement
sur le régime pédagogique du collégial: il en fait le
principe intégrateur des composantes des programmes
d'études."
Tout en assurant à l'élève la formation
spécialisée qui lui est nécessaire pour se
présenter sur le marché du travail ou pour entreprendre des
études universitaires, l'ordre collégial a donc comme objectif
premier de donner à chacun une formation fondamentale. Trois
éléments du projet de règlement sur le régime
pédagogique du collégial nous semblent fausser cet objectif de
départ. Premièrement, la diminution du nombre de cours
obligatoires en philosophie; deuxièmement, la nouvelle conception des
cours complémentaires; troisièmement, l'introduction d'un nouveau
certificat d'études collégiales. Pour respecter l'objectif de
formation fondamentale, il faudrait, à notre avis, réviser
certaines modifications proposées.
Cours obligatoires de philosophie. À la page 12 du même
document, on lit ce qui suit. Même si le choix opéré en
1967 - c'est à la page 12 - au sujet de langues et littérature,
philosophie ou éducation physique, est tout à fait conforme
à la tradition culturelle québécoise et reste encore
pertinent, il y a lieu de l'enrichir au moyen de cours qui affirmeront
l'enracinement des citoyens dans le tissu culturel du Québec. Le terme
"enrichir" se définit selon Robert, page 582 de l'édition de
1969, "rendre plus riche ou plus précieux en ajoutant un
élément de valeur".
L'Association des collèges du Québec appuie la proposition
d'imposer à tous les élèves de suivre un cours d'histoire
et d'institutions du Québec ou d'économie du Québec durant
leurs études collégiales. Toutefois, elle continue de penser,
tout comme à l'automne 1980, qu'il n'est pas nécessaire de placer
ces cours dans la série des cours obligatoires. Pour éviter que
des
étudiants ne soient obligés de suivre des cours d'histoire
et institutions du Québec ou d'économie dont ils auraient atteint
les objectifs par le biais de leur concentration ou de leur
spécialisation - je pense plus particulièrement aux
concentrations en sciences humaines ou en sciences administratives
peut-être - nous demandons que ces cours soient retirés de la
liste des cours obligatoires et qu'ils fassent partie des cours, soit de la
concentration, de la spécialisation, ou des cours
complémentaires. Ajouter un nouveau cours que tous les
élèves doivent inscrire à leur programme d'études
est une chose, l'imposer à la place d'un cours déjà
existant en est une autre. Dans ce cas, il ne s'agit plus seulement d'enrichir,
mais bien de porter un jugement de valeur sur l'importance relative de cours
différents.
L'hypothèse de diminuer le nombre de cours de philosophie nous
amène à réagir de deux façons. Selon nous, la
philosophie demeure une discipline ou la discipline qui peut assurer le mieux
l'objectif de formation fondamentale en permettant à
l'élève de prendre du recul par rapport à son vécu,
à ses études, de réfléchir sur ce qu'il est, sur ce
qui l'entoure, sur ce qu'il devient. Diminuer son importance au
collégial risque d'affaiblir les possibilités d'assurer cette
formation fondamentale.
Lors de la dernière consultation officielle du gouvernement
à l'automne 1980, le projet soumis à la réflexion
comportait effectivement huit unités en philosophie. On constate que,
dans le projet actuellement présenté, les règles du jeu
sont maintenant modifiées. On n'est pas farouchement contre cette
diminution. Tout ce qu'on peut dire, c'est que, sans consultation
préalable, sans débat de fond au sein des membres de
l'Association des collèges du Québec, débat de fond sur
l'enseignement de la philosophie au collégial, nous ne pouvons vous
présenter aujourd'hui d'autres positions. (22 h 45)
Vous comprendrez que nous avons été restreints dans le
laps de temps au point de vue consultation. Si nous avions un laps de temps
raisonnable, nous pourrions vous informer de l'avis de l'ensemble de la
commission.
Les cours complémentaires. La nouvelle conception des cours
complémentaires inhérente au projet de règlement sur le
régime pédagogique, comme on le mentionnait plus tôt,
semble fausser l'objectif poursuivi d'assurer cette formation fondamentale qui
pourrait se caractériser aussi par une ouverture à d'autres
champs ou disciplines.
Dans la mesure où une telle formation demeure un objectif de
l'enseignement collégial, il nous semble essentiel de maintenir
l'obligation de choisir des cours complémentaires dans des disciplines
autres que celle de la concentration ou de la spécialisation. Une telle
règle a permis, dans les quinze dernières années
jusqu'à maintenant, de maintenir un certain équilibre entre les
cours de base et les cours de spécialisation ou de concentration. La
mise en vigueur de la proposition du nouveau projet conduirait, à notre
avis, à une surspécialisation que tous rejettent, je crois, au
collégial.
Il est tout à fait prévisible que la mise en
opération de la proposition contenue dans le nouveau projet
amènerait les élèves à choisir, comme cours
complémentaires comme on le dit ou on le note - à partir de leur
intérêt ou de leurs aptitudes, des cours qui vont accentuer encore
plus leur spécialisation. L'élève subit toujours des
pressions pour accentuer au maximum sa spécialisation, soit en fonction
de ses études universitaires, soit en fonction du marché du
travail. Ainsi, le terme de cours complémentaires perdrait de sa
réelle signification. C'est pourquoi nous insistons pour que les cours
complémentaires soient limités à des disciplines autres
que celles de la concentration ou de la spécialisation afin que
l'élève soit appelé à prendre contact avec des
disciplines qui lui évitent une spécialisation trop
accentuée et qui lui ouvrent de nouveaux horizons.
Le nouveau certificat d'études collégiales. L'Association
des collèges du Québec a déjà pris position en
janvier 1983 dans le mémoire adressé au ministre de
l'Éducation relativement à la formation professionnelle des
jeunes. La position de l'association sur la distinction jeunes adultes, sur le
nouveau certificat d'études collégiales, sur la reconnaissance
des acquis et des équivalences demeure toujours la même,
c'est-à-dire que, dans le but de favoriser l'accessibilité de
tous aux études collégiales, le document sur la formation
fondamentale proposait de supprimer la distinction administrative entre jeunes
et adultes. Il soulignait qu'on ne voulait pas nuire par là à la
spécificité de certains services d'accueil et d'encadrement,
voire de pédagogie pour les adultes. On insistait même pour que
ces derniers puissent profiter du système scolaire selon des
modalités, de nature à respecter leur situation
particulière, en tenant compte de leur acquis et de leur style
d'apprentissage.
L'association est toujours d'accord avec de telles intentions fort
louables que l'on retrouve d'ailleurs dans le présent projet de
règlement sur le régime pédagogique. De fait, diverses
catégories d'étudiants ont accès au collégial: les
jeunes finissants du secondaire, qui connaissent un cheminement scolaire
continu et qu'on appelle couramment la clientèle
régulière, les adultes - parlons d'adultes d'âge mûr
- et ceux qu'on a tendance à appeler les jeunes adultes.
Le collégial professionnel doit donc élaborer des
programmes d'études qui, dans la pratique, tiennent compte effectivement
de la diversité d'une clientèle qui a des besoins
spécifiques variés et dont la formation antérieure acquise
se situe à des degrés différents.
De plus, ces divers programmes professionnels doivent être
couronnés par une reconnaissance officielle de fin d'études qui
correspond aux acquis réels de formation, formation fondamentale et
formation professionnelle, mais surtout d'ordre collégial.
Par contre, l'Association des collèges du Québec s'oppose
à l'introduction du nouveau certificat d'études
collégiales tel que proposé dans le projet. Je ne mentionnerai
que ceci: la création pour nous d'un tel certificat d'études
risquerait sûrement d'attirer bon nombre de jeunes finissants du
secondaire, peut-être pas ceux visés, ceux dont on a parlé
cet après-midi, et aurait pour conséquence inévitable de
dévaloriser le diplôme d'études collégiales, DEC, le
diplôme actuel qui a fini par acquérir ses lettres de
créance.
De plus, l'Association des collèges du Québec est
parfaitement d'accord avec le principe de la reconnaissance des acquis et des
équivalences qui doit demeurer une responsabilité
institutionnelle. Elle tient à rappeler que cette reconnaissance des
acquis et des équivalences exige plus qu'une simple évaluation
des connaissances antérieures; elle nécessite, au départ,
la clarification des différences fondamentales entre chacun des ordres
de l'enseignement; elle exige que l'on tienne compte de la nature des
programmes d'études et de leurs diverses composantes.
L'Association des collèges du Québec tenait à
rappeler aux membres de la commission élue permanente de
l'éducation certaines positions déjà prises dans le
passé. Elle remercie sincèrement les membres de cette commission
pour l'attention particulière qu'ils porteront à cette
brève intervention.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. Leclerc. M.
le ministre.
M. Laurin: Je remercie l'association pour sa présentation.
Je n'avais pas eu de texte écrit, donc je n'ai pas pu l'étudier
en profondeur avant ce moment. Mais je la remercie pour les remarques qu'elle a
bien voulu faire à cette proposition. J'ai compris que l'association
représentait 24 collèges privés. Est-ce que je me trompe
en pensant qu'elle représente à peu près 10% de la
clientèle collégiale actuellement aux études au
Québec?
M. Leclerc: C'est exact.
M. Laurin: Vos remarques portent pour l'essentiel sur la
formation fondamentale que vous semblez assimiler aux cours communs
obligatoires en grande partie puisque vous dites que la formation fondamentale
sera altérée par la diminution du cours de philosophie. J'avais
plutôt l'impression que c'est l'ensemble des cours du collégial
qui vise une formation fondamentale par le moyen de cet équilibre dont
on a parlé cet après-midi dans la présentation,
équilibre entre les cours communs obligatoires, les cours de
concentration, de spécialisation et les cours complémentaires.
Mais quoi qu'il en soit, vous vous opposez à la réduction de
quatre à trois des cours de philosophie. Ne vous semble-t-il pas - cela
serait la première question - que, même avec cette
réduction, le nombre de cours de philosophie au sein du régime
collégial représente un nombre de cours non seulement
équivalent, mais supérieur à ce qui se donne ailleurs dans
les autres provinces, chez nos voisins américains?
Deuxièmement, ne croyez-vous pas qu'il y a d'autres façons
d'en arriver à cette formation fondamentale telle qu'on peut y arriver
avec les cours de philosophie que par un enseignement proprement philosophique?
Croyez-vous qu'il y aurait d'autres façons d'y arriver comme, par
exemple, par l'adjonction d'autres cours qui portent également sur les
sciences humaines?
Le Président (M. Blouin): M. Leclerc.
M. Leclerc: M. le Président, pour être honnête
avec les gens que nous représentons, les discussions autour du
règlement des études collégiales remontent à la
position officielle de 1980. Par le biais, il est certain, nous avons appris
qu'il y avait des propositions de modification, etc. Tout dernièrement,
nous avons reçu officiellement copie du nouveau règlement ou du
projet du nouveau règlement des études collégiales et nous
n'avons pas eu le temps, dans les dernières semaines, de revoir les
positions déjà prises. C'est pour cette raison que je vous disais
tantôt qu'actuellement nous ne pouvons vous offrir d'autre opinion que
celle qui avait déjà été émise dans le
passé dans des documents qui comprenaient à l'époque huit
unités ou quatre cours de philosophie. Il est bien certain que, si nous
voulions discuter personnellement de ce que nous pouvons penser, il y aurait
peut-être d'autres façons ou d'autres cours qui pourraient
atteindre les objectifs poursuivis par le quatrième ou un des cours de
philosophie. Actuellement, je ne peux que répondre à votre
question de cette façon.
M. Laurin: Mon autre question porterait sur le certificat
d'études collégiales. Comme vous le savez - je le rappelais cet
après-midi - le certificat d'études collégiales existe
actuellement pour les adultes. Je voudrais
vous demander si, dans les collèges que vous représentez,
il y a des institutions et, si oui, combien dispensent actuellement des
certificats d'études collégiales aux adultes?
M. Leclerc: À ma connaissance, peut-être que deux
collèges offrent des certificats d'études collégiales.
M. Laurin: Est-ce qu'il faut en conclure que la clientèle
que vous recevez habituellement dans les collèges est plutôt une
clientèle qui opte d'une façon résolue et
déterminée, pour ne pas dire en exclusivité, pour le
diplôme d'études collégiales, soit général ou
soit professionnel, comme nous le connaissons à l'heure actuelle?
M. Leclerc: Les certificats que nous offrons sont des certificats
très spécialisés que nous ne retrouvons pas dans le
réseau public. Par exemple, on avait, il y a un certain temps, un
certificat en gérontologie qui est devenu une attestation. Nous avons
certaines attestations au niveau collégial, mais, de façon
générale, on ne retrouve pas les mêmes programmes, du moins
sous forme de certificats, dans l'enseignement privé que dans
l'enseignement public.
M. Laurin: Je voudrais vous poser aussi une autre et
dernière question. Au-delà des remarques que vous nous faites ce
soir, est-ce que vous favorisez l'adoption d'un règlement ou d'un
régime pédagogique pour le collégial, après les
quinze années d'expérimentation que nous venons de vivre?
M. Leclerc: Nous ne l'avons pas dit, mais nous sommes d'accord.
Par contre, M. le ministre, si vous me permettez de revenir sur le certificat,
il a quand même été présenté lors du dossier
de la formation professionnelle des jeunes. On sait qu'il y a beaucoup de
travail qui se fait actuellement dans ce dossier. Je crois qu'on pourrait
affirmer, comme représentants de notre association, qu'il vaudrait
peut-être mieux attendre les discussions sur le dossier de la formation
professionnelle des jeunes avant de statuer dans ce cas.
Le Président (M. Blouin): Très bien. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, je suis content que
l'Association des collèges du Québec soit présente avec
nous. Il faudrait tout d'abord clarifier une question de fait. Pourriez-vous
nous dire quand et comment vous avez été saisis du projet de
règlement des études collégiales dans la version que nous
sommes invités à discuter à cette commission?
M. Boissonneault: La semaine dernière, j'ai reçu
l'invitation par téléphone pour venir à cette commission.
On nous disait qu'une lettre et des documents suivraient, ce qui a eu lieu.
Nous étions quand même au fait auparavant qu'il y avait quelque
chose dans l'air, qu'il y avait des... Mais je n'avais pas vu les projets de
règlement avant vendredi.
M. Ryan: Vous êtes le président de l'Association des
collèges?
M. Boissonneault: En effet.
M. Ryan: Merci. Je ne sais pas s'il y en a qui ont des choses
à ajouter là-dessus. (23 heures)
M. Laprée (André): Je voudrais dire qu'au niveau de
la philosophie, c'est ce qui explique un peu notre position, toutes les fois
que la commission DDSP de l'ACQ a pu se pencher sur le projet de
règlement, c'était sur le texte de 1980 ou sur des textes
subséquents qui maintenaient toujours quatre cours de philosophie. C'est
la première fois qu'on arrive face à un document qui propose le
remplacement d'un cours de philosophie par un autre cours. On a reçu le
texte officiellement par les voies normales la semaine dernière. On n'a
donc pas eu le temps, comme commission, de se pencher sur ce nouveau projet
pour nous.
Il faut ajouter, M. le Président que, par voie anormale, on a
pris connaissance de documents circulant en juin dernier. Nous avons aussi pris
connaissance de l'avis du Conseil des collèges, avis dans lequel il y
avait le document qui était repris.
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Le ministère n'avait pas eu de communication avec
vous avant cette invitation que vous avez reçue du Secrétariat
des commissions de l'Assemblée nationale la semaine dernière?
M. Leclerc: Écrite, non; orale, oui, lors d'une
réunion du comité, par exemple, de concertation entre la
Direction générale de l'enseignement collégial et
l'Association des collèges du Québec, réunion qui s'est
tenue, je crois, à la fin de mai dernier. M. Louis Gendreau, qui
préside cette table de concertation, avait oralement répondu
à nos questions sur ce projet et avait fait connaître certaines
positions.
M. Ryan: Je ne sais pas si vous avez ces renseignements. Je pense
qu'il serait intéressant pour nous de les obtenir. Vous avez dit
tantôt que vous représentiez combien d'institutions?
M. Boissonneault: C'est 24.
M. Ryan: Oui, 24, n'est-ce pas, représentant environ 15
000 étudiants. Si je comprends bien, cela vient s'ajouter aux 140 000
qui sont dans le réseau public, n'est-ce pas? 158 000? Très
bien.
Selon les catégories que je vais mentionner, est-ce que vous avez
des données sur la répartition de vos effectifs étudiants?
Masculins, féminins? Deuxièmement, adultes et réguliers?
Troisièmement, général et professionnel?
M. Leclerc: Nous avons de telles statistiques. Par contre, je ne
peux, de mémoire, vous les citer. Elles sont contenues dans le document
de la dernière assemblée générale et nous les avons
pour les années antérieures aussi.
M. Ryan: Vous pourriez nous envoyer ces données. Est-ce
que, au moins, pour le partage entre... Pardon, M. Boissonneault? Excusez.
M. Boissonneault: Disons que nos collèges sont mixtes. Si
je parle des collèges que je connais, c'est à peu près
50%-50%, garçons et filles. Il y a des collèges qui ne donnent
que de l'enseignement professionnel, d'autres qui ne donnent que de
l'enseignement général, d'autres qui donnent les deux. Je pense
encore à mon collège ou à Marie-Victorin, où c'est
à peu près 50%...
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Argenteuil.
M. Boissonneault: ...pour le professionnel et le
général.
M. Ryan: Très bien. De manière
générale, est-ce qu'on peut présumer qu'il y a une
proportion plus forte d'étudiants dans l'ensemble des collèges
privés qui sont du côté de la formation
générale?
M. Boissonneault: Pas tellement. Très peu, si cela
dépasse 50%. Très peu.
M. Ryan: Très bien.
M. Boissonneault: Pour la question des adultes, je pense...
M. Leclerc: Encore une fois, étant donné les
statuts de nos collèges, très peu de collèges ont un
secteur d'adultes très développé, étant
donné les subventions et autres, exception faite, je pense bien, de
Marie-Victorin, qui a un très fort pourcentage d'adultes. On en retrouve
dans certaines autres institutions, mais en nombre très
inférieur.
M. Ryan: Je n'ai pas très bien compris tantôt la
position que vous avez définie au sujet de la distinction administrative
entre jeunes et adultes. Avez-vous dit que vous étiez plutôt
favorable à l'élimination de cette distinction?
M. Leclerc: Nous sommes favorables à une distinction
administrative entre jeunes et adultes, à la condition qu'on ait la
liberté de donner des pédagogies appropriées aux
élèves que nous recevons. Si nous travaillons uniquement avec des
adultes d'âge mûr, nous préférons avoir une
pédagogie qui soit adaptée, qui ne soit pas nécessairement
celle que nous utilisons avec des jeunes. Je crois que c'est possible dans les
propositions que nous avons.
M. Ryan: La Fédération des collèges a
signalé tantôt qu'il serait très important d'avoir un
système à l'échelle du réseau pour assurer que les
acquis et les équivalences seront établis d'une manière
objective et soucieuse de maintenir des normes de qualité
sérieuse. Comment voyez-vous ce problème? Voulez-vous que cela se
règle uniquement au niveau de chaque institution?
M. Leclerc: Non. Nous sommes d'accord avec la position et le
travail qui se fait actuellement en concertation avec le ministère. Nous
ne participons pas directement à ces travaux, mais nousj sommes
désireux d'en connaître les résultats.
M. Ryan: Aimeriez-vous cela être associés à
ce travail? Pensez-vous que vous! auriez le droit d'être associés
ou si vous acceptez d'être traités en parents pauvres, en
partenaires mineurs comme cela? Vous; avez l'air contents.
M. Leclerc: Honnêtement, nous ne croyons pas que les
relations que nous avons avec la Direction générale de
l'enseignement collégial sont mauvaises; au contraire, elles sont
excellentes.
M. Ryan: Mais vous n'avez pas répondu à ma
question, par exemple. Je comprends que vous vouliez sauver vos
subventions.
M. Leclerc: Nous avons toujours accepté de travailler ou
de collaborer et ceci avec plaisir.
M. Ryan: Sur le certificat que le projet de règlement
parle d'instaurer, vous avez exprimé votre opposition ferme. Votre
opposition est-elle aussi ferme de manière générale? J'ai
noté quelque chose tantôt; votre opposition m'a semblé
assez générale, n'est-ce pas? Est-ce qu'il y aurait des...
M. Leclerc: Elle ressemble beaucoup à celle de la
Fédération des collèges. Nous avons des doutes. On
mentionnait cet après-
midi qu'on allait amener une nouvelle clientèle. Nous croyons que
ce régime de facilité peut-être, on l'a appelé le
mini-DEC, pourrait attirer une clientèle qui, actuellement, poursuit le
diplôme d'études collégiales. Aussi, nous nous posons des
questions sur les fonctions de travail d'une partie d'une spécialisation
avec une portion de formation de base, un petit nombre de cours
complémentaires. Cela va correspondre à quoi?
M. Boissonneault: Dans nos doutes, on se posait la question:
Est-ce que cela ne va pas marginaliser un certain nombre d'étudiants
dans le collège, ceux qui ont un mini-DEC et ceux qui vont vers le DEC?
Je pense aux choses qui se sont produites dans les polyvalentes quand on
faisait des classes d'étudiants en voie "légère", en voie
"enrichie" ou en voie "professionnelle". Est-ce qu'on ne va pas retrouver la
même chose au niveau du collège, avoir deux classes de
collégiens?
M. Ryan: II y a seulement un autre point. À propos du
corps de matières obligatoires, vous dites: La philosophie devrait
rester à quatre cours, du moins, d'après la position que vous
avez définie il y a déjà un certain temps. Vous n'avez pas
eu l'occasion d'en rediscuter de manière récente. Je vous sais
gré personnellement de nous avoir dit franchement où vous en
étiez et de ne pas avoir essayé de nous faire croire que vous
veniez défendre une cause avec toute la ferveur qui découlerait
d'une discussion récente. Vous avez renouvelé la position qui
était la vôtre. C'est très bien.
Dans l'ensemble de ces matières, une chose m'a frappé
à mesure que je regardais cela de plus près. D'après ce
que je crois comprendre, le programme de français aurait
déjà été revu, on aurait des cours nouveaux
maintenant.
M. Leclerc: C'est-à-dire qu'on a dix ans de discussions,
mais là on n'a pas de décision.
M. Ryan: Pas encore? C'est vrai? Le cours d'éducation
physique a-t-il déjà été revu? Donnez-vous les
quatre cours d'éducation physique obligatoires?
M. Leclerc: Même six des fois.
M. Ryan: Oui? Le contenu tel que défini par le
ministère fait-il votre affaire? Trouvez-vous que cela fait
collégial?
M. Leclerc: Actuellement, selon les disponibilités
locales, il y a lieu d'atteindre certains objectifs qui pourraient permettre
à nos jeunes d'abord de prendre connaissance et de poursuivre - ils le
font au secondaire - les objectifs actuels. On ne les a pas discutés, on
ne les a pas remis en question, ils peuvent être encore valables.
M. Ryan: En général, dans vos maisons, est-ce que
ce sont des cours structurées en bonne et due forme ou si ce sont des
parties de football, des compétitions ou des exercices d'aptitude?
M. Leclerc: Si je vous parle de ce que je vis, mes
collègues pourront parler de ce qu'ils vivent. Je pourrai vous
répondre oui, c'est assez structuré. Ce ne sont pas des jeux
organisés ni des loisirs sportifs.
M. Ryan: Si on vous donnait le choix entre trois cours
obligatoires d'éducation physique et quatre cours de philosophie pour
faire place à un cours d'institutions québécoises, que
chosiriez-vous?
M. Leclerc: On pourrait peut-être y
réfléchir.
M. Ryan: Vous êtes logique. Cela n'a pas été
discuté. Sur les cours complémentaires, j'ai bien
apprécié les remarques que vous avez faites. Je pense bien que le
ministre en a également pris bonne note. C'est une observation qui a
également été faite par la Fédération des
collèges. Je pense que c'est intéressant à ce point de
vue.
Une dernière question qui me vient à l'esprit
précisément à propos du cours de philosophie. Vous avez
dit que vous seriez prêt à examiner cela, que vous n'êtes
pas déterminés de manière irréductible, si je
comprends bien. En disant cela, parlez-vous sur la foi d'indications que vous
auriez reçues de la part d'éléments de votre milieu ou si
c'est une remarque que vous laissez tomber comme cela de manière
absolument improvisée?
M. Leclerc: Non, on a simplement essayé de
réfléchir à l'exécutif de la commission des
directeurs des services pédagogiques. On a vu qu'il y avait
matière à accrochage et à discussions. On n'a pas voulu
prendre position sur l'ensemble sans permettre aussi les discussions avec les
autres.
M. Ryan: Merci.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Oui, M.
Leclerc.
M. Leclerc: M. le Président, vous recevrez, ainsi que les
membres de la commission, copies du texte que je vous ai présenté
et ceci au plus tard vendredi.
Le Président (M. Blouin): De toute
façon, nous l'avons consigné au journal des Débats.
Les membres de la commission pourront en prendre connaissance rapidement. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Si vous me le permettez, simplement un dernier point.
Vous avez laissé tomber une remarque à la fin, tantôt, en
répondant au ministre. Je voudrais que vous nous expliquiez
peut-être un petit peu plus votre position là-dessus. Vous avez
dit: Nous sommes d'accord sur l'opportunité d'un règlement des
études collégiales. Vous avez ajouté: II nous semblerait
mieux indiqué que ce règlement fût établi une fois
qu'on aura précisé la politique gouvernementale en matière
de formation professionnelle. Pourriez-vous dire pourquoi vous dites cela?
M. Leclerc: Je voulais parler du CEC proposé qui faisait
partie intégrante du dossier de la formation professionnelle des jeunes.
Je n'aimerais pas qu'on statue immédiatement sur un dossier qui n'est
pas terminé.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Mme la
député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Deux brèves questions. Le
règlement actuel prévoit que, pour être admis à une
autre session, il faut que l'étudiant ait complété au
moins 50%, ou réussi 50% des cours. Est-ce que c'est la norme que vous
appliquez dans vos collèges? Dans quelle mesure êtes-vous flexible
quant à la révision du dossier?
M. Leclerc: C'est une norme que nous appliquons. Je peux vous
parler de ce que je vis ici. Encore une fois, on pourra ajouter autre chose.
Tout étudiant qui n'a pas réussi 50% des cours entrepris, par
exemple une certaine proportion d'une session ou d'une année,
reçoit une lettre dans laquelle on lui explique que, normalement, il ne
peut poursuivre et que nous sommes à sa disposition pour analyser ou
essayer de comprendre pourquoi. Chez nous, cela nécessite une rencontre
entre l'aide pédagogique ou certains coordonnateurs avec
l'étudiant et, après cela, on peut le réadmettre sous
certaines conditions.
Mme Lavoie-Roux: Pourriez-vous me dire quel est - on a
parlé assez souvent ce soir du taux de décrochage dans les
collèges - le taux de décrochage dans vos collèges? Je
comprends qu'il y a plusieurs variables qui peuvent entrer en ligne de compte,
mais je voudrais quand même avoir une idée. (23 h 15)
M. Leclerc: Nous avons des statistiques, par exemple, sur le
pourcentage d'étudiants qui réussit en temps normal un
diplôme d'études collégiales, le pourcentage du nombre
d'étudiants qui peut le compléter en cinq ou six sessions. Si ma
mémoire est fidèle, nous avons un taux de satisfaction assez
grand. Nous avons beaucoup de passages d'un programme à un autre. Ce qui
a été mentionné ce soir, à savoir d'avoir des
concentrations plus ou moins...
Mme Lavoie-Roux: Je pense que les chiffres qu'on nous a
donnés, - peu importe s'ils le font en quatre ou cinq sessions ou
même six - ce sont des gens qui obtiennent un DEC. Alors, il y en aurait
- à peu près sur le nombre d'étudiants qui entrent
-environ 35% à 40% qui ne complèteraient pas le DEC, c'est ce que
j'ai compris. Et vous, dans quelles proportions, peu importe s'ils le font en
quatre, cinq ou six sessions?
M. Leclerc: Je ne dirais pas que cela est aussi
élevé. Cela va à 20% ou 25% au maximum.
Mme Lavoie-Roux: Cela va jusqu'à 25%.
M. Leclerc: Cela peut aller jusque-là dans certains
programmes.
Le Président (M. Blouin): Cela val Mme Lavoie-Roux:
Je vous remercie.
Le Président (M. Blouin): S'il n'y a pas d'autres
intervenants, M. le ministre.
M. Laurin: Je voudrais remercier à nouveau l'association
professionnelle des collèges qui a pris le temps et la peine d'analyser
le projet et de venir nous faire part de ses remarques.
Le Président (M. Blouin): Merci. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Je voudrais dire un mot en terminant pour souligner que
la présence de l'Association des collèges du Québec est un
événement heureux pour le travail de cette commission. Je
voudrais signaler à cette occasion, M. le Président, que la
politique du gouvernement en ce qui touche l'enseignement privé doit
être définie depuis déjà une longue secousse. Elle
nous est annoncée périodiquement de six mois en six mois et j'ose
espérer qu'avant que toutes ces mesures de changement qu'on envisage
soient instaurées définitivement, le gouvernement aura
trouvé le moyen de donner suite à l'engagement qu'il a pris
tellement souvent au cours des dernières années.
Il m'a été donné, en fin de semaine, d'assister au
congrès de formation du Mouvement pour la défense de
l'enseignement privé au Québec. J'ai pu constater que c'est un
mouvement qui n'est pas parti en croisade, qui n'a pas dressé de
réquisitoire,
mais qui a fait valoir des complaintes, des frustrations et des
souffrances qui doivent être écoutées. Je pense qu'on s'est
présenté ce soir d'une manière extrêmement modeste
du côté de l'enseignement privé, mais j'ose espérer
que le désir de dialogue qui a été exprimé par les
représentants du mouvement qui regroupe autant des parents que des
responsables d'institutions - et même il devait y avoir 150 à 200
étudiants qui étaient présents à ce congrès
- j'espère que le gouvernement trouvera le moyen de les rencontrer et
d'établir, sur une base de dialogue, une politique plus explicite que
celle que nous avons présentement.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. le
député d'Argenteuil. Sur ce, au nom de tous les membres de cette
commission, je remercie les responsables de l'Association des collèges
du Québec d'être venus nous donner leur avis.
La commission élue permanente de l'éducation ajourne donc
ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 23 h 18)