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(Dix heures onze minutes)
Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Nous commençons les travaux de la commission élue
permanente de l'éducation dont le mandat est d'étudier les
crédits budgétaires du ministère de l'Éducation
pour l'année financière 1983-1984.
Les membres de cette commission sont: M. Brouillet (Chauveau), M.
Paré (Shefford), M. Cusano (Viau), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes),
Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Hains (Saint-Henri), M. Laurin (Bourget),
M. Leduc (Fabre), M. LeMay (Gaspé), M. Payne (Vachon), M. Ryan
(Argenteuil).
Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Charbonneau
(Verchères), M. Dauphin (Marquette), M. Doyon (Louis-Hébert), M.
Gauthier (Roberval), Mme Harel (Maisonneuve), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M.
Rochefort (Gouin), M. Champagne (Mille-Îles), M. Sirros (Laurier).
Je vous signale qu'après entente entre les parties, il a
été convenu que nous pourrions disposer d'une période de
18 heures pour étudier les crédits du ministère de
l'Éducation et que nous procéderions ensuite, programme par
programme, selon l'ordre suggéré par le ministre.
Sans plus tarder, je cède la parole au ministre de
l'Éducation qui nous livrera ses remarques préliminaires.
M. le ministre.
M. Laurin: N'y aurait-il pas lieu de nommer un rapporteur
avant?
Le Président (M. Blouin): Vous avez raison. J'ai omis de
désigner un rapporteur.
M. Leduc (Fabre): Je propose le député de
Gaspé.
Le Président (M. Blouin): Le député de
Gaspé sera rapporteur de cette commission. Merci.
M. le ministre, je vous cède la parole.
Ordre des travaux
M. Laurin: N'y aurait-il pas lieu aussi d'établir l'ordre
dans lequel nous étudierons les programmes?
Le Président (M. Blouin): J'ai dit que l'ordre serait
celui que vous alliez suggérer. Si vous voulez le faire maintenant, cela
va.
M. Laurin: Je proposerais d'abord une discussion
générale des crédits, ensuite qu'on passe aux
différents réseaux: d'abord le primaire et le secondaire, ensuite
le collégial, puis l'universitaire. Par la suite, cela pourrait
être le fonds FCAC, le fonds pour la recherche universitaire, l'aide
financière aux étudiants, l'éducation des adultes,
l'enseignement privé et l'administration du ministère. On pourra
terminer, si le député d'Argenteuil le veut bien, par une
discussion sur la fonction consultative au sein du ministère, un sujet
qui l'intéresse.
M. Ryan: M. le Président.
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Je pense bien que l'ordre qui a été
proposé suit de très près celui qui est dans le cahier
documentaire que nous a transmis le ministre. Les sujets n'étant pas
d'égale importance, je ne sais pas si, en vue de s'assurer d'avoir un
examen équilibré des principaux sujets d'intérêt, il
n'y aurait pas lieu d'essayer de convenir, par exemple, d'un certain partage du
temps. On pourrait passer seulement deux ou trois séances sur les
considérations générales; je pense que cela peut
être bon pour les effets de rhétorique, mais je ne suis pas
sûr que ce soit la meilleure façon de procéder à un
examen méthodique. Il me semble que la séance de ce matin, si on
pouvait l'utiliser pour les considérations générales, ce
serait déjà suffisant. Si on termine plus tôt, ce serait
très bien; j'en serais étonné. On aurait peut-être
besoin du reste de la journée pour l'enseignement primaire et secondaire
qui constitue quand même l'élément matériellement le
plus important et, à d'autres égards aussi, il est très
important. Ensuite, je pense qu'il faut discuter du collégial pendant
une couple d'heures; c'est bien difficile de passer à côté.
Quant aux universités, je suis d'accord.
Cela nous influence un peu puisque sur certains sujets, il y aura
d'autres intervenants, comme l'assistance financière aux
étudiants, le statut des étudiants, il y a une couple de mes
collègues qui voudront venir se joindre à nous pour cela. Il
s'agira
peut-être de prévoir un moment. Entre parenthèses,
est-ce que j'ai bien compris que nous ne siégeons pas demain?
M. Laurin: Oui. Demain, nous ne siégeons pas.
M. Ryan: Alors, ce serait jeudi et vendredi.
M. Laurin: C'est cela.
M. Ryan: Alors, on s'entendra avec nos collègues. J'en
reparlerai avec vous pour cette séance qui pourrait porter sur l'aide
financière aux étudiants et sur le statut des étudiants,
pour qu'elle soit placée à un moment qui convienne aussi à
vos collaborateurs.
M. Laurin: On pourrait s'entendre, peut-être, sur un
partage plus exact du temps.
M. Ryan: Bien.
M. Laurin: J'accepte le principe que vous me soumettez.
M. Ryan: Maintenant, je voudrais vous dire qu'il y a deux sujets
sur lesquels nous voulons une discussion approfondie: il y a la formation des
adultes et il y a l'enseignement privé. Vous les avez mentionnés
tantôt; je pense que nous serons d'accord là-dessus, mais en cours
de route, je pense que cela prendra une bonne partie des séances pour
chacun de ces deux sujets, peut-être une séance complète
pour chacun. Nous sommes d'accord aussi sur la nécessité
d'examiner le ministère, mais quand nous aurons discuté de tous
les autres sujets. Je pense que le ministère proprement dit, il y a bien
des questions qu'on se pose à son sujet, qui auront déjà
été abordées et qui auront peut-être reçu une
réponse aussi.
Nous voulons aussi discuter de la fonction consultative. Nous avons des
choses à vous dire et à vous demander là-dessus. Je pense
qu'en cours de route, on pourra aligner l'échéancier du
déroulement de nos discussions de manière à prévoir
tout ça.
M. Laurin: D'accord, M. le Président, on pourra, dans la
suite des débats, resserrer davantage la répartition du temps et
on en fera part à la commission au fur et à mesure.
Une dernière remarque technique. Évidemment, je sais que
l'Opposition va nous poser plusieurs questions. Quand elles touchent des sujets
généraux, bien sûr, il me fera plaisir d'y répondre,
mais, quand il s'agira de questions techniques, il pourra m'arriver de
céder la parole à l'un ou l'autre de mes officiers, avec l'accord
de l'Opposition.
M. Ryan: Très bien.
Le Président (M. Blouin): M. le ministre.
Remarques préliminaires M. Camille
Laurin
M- Laurin: M. le Président, nous nous trouvons, en ces
premiers jours de mai, dans une sorte de demi-saison. Ce n'est
déjà plus l'hiver, un hiver qui, cette année, a
été plutôt long et éprouvant, ce n'est pas davantage
encore très nettement la belle saison. C'est le temps de cet entre-deux
où, tout en faisant des plans et des projets pour les mois à
venir, on s'applique un peu partout à inventorier les effets de l'hiver,
à ranger ce qui doit l'être et à se préparer en vue
de l'été.
Beaucoup de collectivités, dont la nôtre, vivent
actuellement dans cette sorte de demi-saison. Bien des indices permettent de
penser que le pire de la crise économique est derrière nous et
qu'il importe maintenant de regarder résolument vers l'avenir. Plus
même, c'est en faisant des choix pour l'avenir qu'on a de plus en plus
conscience de pouvoir sortir vraiment de la crise, les virages technologiques,
sociaux, éthiques, même, étant devenus les seules voies de
progrès possibles. Le premier ministre l'a indiqué clairement
dans son discours inaugural de mars dernier en plaçant ses propos sous
le signe de la relance, de changement de société à
opérer et d'avenir à construire.
Dans le champ québécois de l'éducation, nous
sortons aussi d'une année longue et difficile. L'hiver a
été rigoureux et pénible. Pourtant, nous pouvons
légitimement affirmer que des tournants ont été pris, que
certaines pages ont été tournées aussi, qui nous
autorisent à envisager les années à venir dans des
perspectives différentes, plus confiants que jamais de pouvoir
réaliser les défis essentiels que nous avons obstinément
cherché à discerner au cours des deux dernières
années et vers lesquels nous avons tenu et réussi, même au
plus fort des difficultés des derniers mois, à maintenir le
cap.
Je reviendrai d'abord brièvement sur certains acquis collectifs
majeurs des derniers mois dont il me paraît nécessaire de prendre
explicitement acte. Puis j'indiquerai quelques grands axes de
développement dont je compte poursuivre la promotion auprès de
l'ensemble des réseaux d'enseignement; c'est autour des mêmes
visées que j'entends consolider l'action de mon ministère et
accentuer ses efforts au cours de la prochaine année.
Ces visées indiquent autant de rendez-vous auxquels nous devons
être, auxquels
nous serons, parce que nous savons qu'ainsi seulement nous
préparons l'avenir.
Des acquis pour l'avenir. 1982-1983 a été une année
de négociation des conditions de travail dans le secteur de
l'éducation et dans l'ensemble du secteur public, une année qui a
entraîné son cortège de tensions et de tiraillements, une
année dont nous ne pouvons pas, tous, tant que nous sommes, camoufler ou
atténuer les aspects pénibles, ni les exagérer non plus,
puisque nous sommes finalement parvenus à convenir d'arrangements
acceptés par les deux parties.
S'il importe d'y revenir aujourd'hui, c'est moins pour faire le
décompte des réussites ou des demi-réussites que pour
mettre en lumière certains des enjeux collectifs qui étaient en
cause et pour la sauvegarde desquels, en accord avec les voeux nets de la
population, nous avons jugé de notre devoir de militer sans
équivoque.
Ces enjeux étaient de divers ordres. Certains étaient
nettement financiers, quantitatifs, si l'on veut. D'autres étaient
plutôt d'ordre qualitatif, mais, ainsi que je crois important de le
rappeler ici, les uns et les autres étaient, en dernière
instance, très intimement liés puisque, dans les deux cas, c'est
finalement la qualité du service public d'éducation et sa
capacité de répondre plus souplement, plus efficacement aux
besoins des individus et de la collectivité qui étaient en
cause.
Les enjeux financiers quantitatifs, je crois que pratiquement tout le
monde a pu s'en faire une idée assez claire et assez précise. Il
était devenu impérieux, absolument nécessaire de
procéder à un assainissement des finances publiques et à
un ajustement de leur rythme de croissance. En pleine crise économique,
sans possibilité véritable d'augmenter les impôts ou de
gonfler les déficits, dans un contexte d'affaissement de la
capacité collective de payer, il fallait, sous peine de devoir
éliminer des programmes et des services, corriger les trajectoires, et,
pour cela, aller harnacher la source même de la croissance des
coûts du système, c'est-à-dire les règles qui
commandent la masse salariale des agents du système. Il fallait
procéder à une nette décélération de la
croissance des coûts et même à des
récupérations, à des ponctions sans lesquelles il serait
devenu carrément impossible de modifier la courbe de croissance. Ce
n'est jamais de gaieté de coeur qu'on en arrive ainsi à devoir
proposer ou imposer de telles coupures et de tels renoncements.
Nous pouvons dire que, de fait, nous avons réussi à lever
des hypothèques qui grevaient le budget de l'État. Le temps et la
réflexion aidant, nous devrions avoir avant longtemps bien des raisons
de nous en féliciter collectivement, surtout qu'en menaçant la
santé financière de l'État, ces hypothèques
étaient en train de paralyser et d'étrangler le dynamisme de
notre système scolaire et, à travers celui-ci, l'exercice de
notre mission éducative. En période de crise économique et
de restrictions budgétaires, un budget national d'éducation
caractérisé par des investissements aussi massifs et
écrasants dans le paiement des masses salariales est un système
presque inévitablement voué à la stagnation et à
l'asphyxie.
Comment procéder ou même songer à des
développements pourtant souhaités et nécessaires, par
ailleurs? Comment penser maintenir une réelle capacité
d'innovation? Comment assurer le déplacement de priorités
qu'imposent les besoins nouveaux et les impératifs du virage
technologique si la quasi-totalité des ressources doit être
engouffrée dans des coûts sans cesse croissants et toujours plus
intouchables? Comment continuer à vouloir accroître
l'accessibilité, le renouvellement, l'adaptation et le
développement si les ressources nouvelles doivent toujours aller vers
l'amélioration des conditions de travail des agents plutôt que
vers le maintien et le développement des services eux-mêmes? C'est
pourtant à cela que nous étions déjà
confrontés et dans ces impasses que nous commencions de nous enliser.
Nous pouvons dire qu'un redressement a été effectué et que
la productivité des agents a été accrue sans rejoindre
pour autant les normes ayant cours dans bien d'autres États. Il faudrait
se faire aveugle pour ne pas voir que ces redressements quantitatifs ont leur
pendant direct au plan de la qualité et de l'aptitude à la
qualité de l'ensemble du système.
Des changements proprement qualitatifs s'imposaient aussi, grâce
auxquels il s'agissait de libérer les établissements scolaires de
la contrainte devenue excessive imposée à leur fonctionnement
quotidien. Les élèves, les parents, des enseignants
eux-mêmes ont dit et répété leur malaise grandissant
d'avoir à vivre avec une école cloisonnée, des
enseignements trop spécialisés, des activités
fragmentées et "minutées", des affectations trop rigides, des
éducateurs insuffisamment présents à l'école, une
école dont on commençait à dire de plus en plus couramment
qu'elle était tenue "en otage".
Il fallait donc libérer l'école, favoriser
l'émergence d'une organisation scolaire nouvelle en vue de laquelle le
régime pédagogique avait ménagé des marges de
responsabilité et de créativité plus grandes pour les
commissions scolaires et pour les écoles. De fait, celles-ci pourront
désormais répartir les tâches de manière beaucoup
plus souple et, à moins qu'elles ne reconduisent les pratiques
habituelles de spécialisation, rien ne les forcera à augmenter la
tâche des enseignants au détriment de la relation
éducative. Le nombre d'élèves et de groupes
rencontrés, les matières enseignées, la
proportion du temps d'enseignement et du temps d'encadrement se
prêteront désormais à des aménagements multiples et
mieux adaptés aux besoins des élèves pour peu que l'on
consente à s'affranchir d'un modèle trop rigide de
spécialisation.
L'augmentation du temps de présence à l'école, le
décloisonnement des tâches éducatives, l'introduction de
critères de capacité dans les règles d'affectation
devraient favoriser les assouplissements si largement souhaités. Je
tiens à le redire ici, la conjoncture économique eût-elle
été plus favorable qu'il aurait fallu quand même placer ces
enjeux au centre du débat. Nous y voyons des conditions qui permettront
de renouveler la vie de l'école et d'accroître la qualité
de ses services. Là aussi, il s'agissait d'hypothèques à
lever et elles ont été levées. Au collégial, de
semblables contraintes ont pu être supprimées, notamment, en
faveur des services aux adultes et du développement de la recherche.
Des défis et des tâches d'avenir. Au terme de ce difficile
cheminement collectif, nous devons nourrir l'espoir que certaines pages ont
été tournées et qu'il nous sera possible de regarder
désormais vers l'avenir et de travailler ensemble aux
développements qui s'imposent. Des rendez-vous nous attendent, que nous
n'avons pas perdus de vue en cours d'année et qui nous convient, nous
tous qui participons à l'entreprise nationale d'éducation et de
formation. Ce sont d'ailleurs ces rendez-vous de demain qui donnent finalement
leur sens aux corrections de trajectoire dont j'ai parlé tout à
l'heure et qui rendaient nécessaire et urgent de retrouver notre
capacité de soutenir de nouveaux développements et de nouvelles
possibilités d'innovation et d'adaptation aux besoins nouveaux. Certes,
la nécessité immédiate d'assurer les grands
équilibres budgétaires de l'État et la proximité
des redressements financiers opérés ne permettront pas de
ressentir très fortement dans les crédits de l'éducation
de 1983-1984 les effets de redéploiement des ressources ainsi
libérées, mais l'examen des crédits démontre que
certaines actions importantes, que j'identifierai au passage, en constituent
déjà les premiers signes. En revanche, en ce qui a trait aux
redressements plus qualitatifs qui ont été
réalisés, c'est dès maintenant que nous comptons en
récolter les premiers fruits pour l'amélioration de nos
environnements éducatifs. (10 h 30)
Ces rendez-vous de demain, j'en avais clairement identifié
quelques-uns en 1981-1982 et 1982-1983. C'est donc, pour une bonne part, sous
le signe de la consolidation, de l'approfondissement et de l'implantation que
je propose de placer notre action pour la prochaine année. Mais, au
sortir du tournant important et difficile des derniers mois et à la
manière d'une nouvelle relance qui peut maintenant tabler sur la mise en
place de conditions plus propices, il me paraît nécessaire de
préciser et de resserrer les visées et les grands objectifs que
j'entends promouvoir au cours de 1983-1984 et autour desquels je demande
à mon ministère de concentrer ses efforts et ses énergies.
Ce sont, essentiellement, le développement de communautés et de
milieux éducatifs de qualité, la promotion et la qualification
des ressources humaines, l'ajustement aux mutations technologiques et
l'instauration de nouveaux rapports entre le ministère et ses
partenaires.
La promotion de communautés et de milieux éducatifs de
qualité. J'ai dit plus haut comment les redressements des
systèmes réalisés au cours des dernières
négociations vont favoriser l'avènement d'une école
décloisonnée, plus attentive aux besoins éducatifs, plus
présente à ses usagers, plus apte à assurer un ensemble
varié d'encadrement pédagogique. Ces assouplissements
s'inscrivent dans la poursuite des visées du régime
pédagogique et des nouveaux programmes en cours d'implantation:
objectifs d'apprentissage mieux définis, autonomie locale et
régionale plus grande dans la manière d'enrichir ces objectifs et
d'en assurer la réalisation, diversification des cheminements
pédagogiques et des pratiques qui les soutiennent, voilà
confirmées et renforcées des possibilités
déjà identifiées dans le régime pédagogique
et dont les acquis des derniers mois faciliteront la réalisation.
C'est un semblable renforcement des communautés éducatives
locales que permettront les dispositions de la nouvelle loi sur l'enseignement
primaire et secondaire public qui sera bientôt déposée. En
définissant mieux le rôle régional de planification et de
coordination des commissions scolaires et en recentrant visiblement l'ensemble
du système scolaire sur l'école, ses usagers et ses agents, cette
loi donnera aux communautés les moyens nécessaires à
l'élaboration et à la mise en oeuvre de projets éducatifs
de qualité, conformes à leurs aspirations et à leurs
besoins. Dans des perspectives très nettes de responsabilisation,
d'enracinement socio-communautaire et d'éducation permanente, La
nouvelle loi jettera les bases d'une vigoureuse promotion de milieux
éducatifs plus autonomes et plus aptes à assurer des services de
qualité.
Dans les collèges, les résultats de la dernière
ronde de négociations nous permettent aussi d'escompter une plus grande
souplesse de l'organisation institutionnelle, une meilleure aptitude à
inaugurer de nouvelles actions, notamment en recherches, et une diversification
accrue de la gamme de services à offrir à des clientèles
elles-mêmes
de plus en plus diverses et polyvalentes.
L'année 1983-1984 sera également, pour les
collèges, l'année des dernières décisions relatives
au contenu et à l'implantation du nouveau régime
pédagogique. Sa teneur a fait l'objet de discussions approfondies dans
le réseau collégial. Le Conseil des collèges vient
d'être invité à exprimer un avis officiel à ce
sujet. Sa sanction devrait être saluée comme un important pas en
avant vers l'exercice d'une autonomie institutionnelle plus grande, vers une
prise en compte effective, au plan des pratiques comme à celui des
principes, des perspectives de l'éducation permanente et vers une
consécration sans équivoque des droits des étudiants
relatifs aux services éducatifs qui leur sont destinés.
Dans les établissements universitaires, confrontés eux
aussi aux difficultés financières et aux virages difficiles qui
sont le lot de tous, l'année 1982-1983 a été une
importante année d'approfondissement, de rapprochement
intra-institutionnel et de collaboration interinstitutionnelle en vue de
maintenir l'avenir ouvert. Des éléments importants d'une
politique des universités ont ainsi commencé à être
mis en oeuvre, notamment en matière de financement, de coordination, de
concertation et de promotion de l'accessibilité, cet objectif toujours
impérieux pour le Québec.
Dans les limites d'une enveloppe budgétaire serrée, il
faut le reconnaître, les subventions aux universités ont connu en
1982-1983 le même taux d'indexation que les subventions aux autres
réseaux. De plus, la compression d'abord prévue pour 1982-1983 a
été diminuée. C'est une somme de 6 200 000 $ qui a ainsi
été intégrée à la base de financement.
De concert avec les administrations universitaires, nous avons
également expérimenté un nouveau mode de financement des
clientèles additionnelles qui a favorisé un partage plus
équitable de l'effort d'accessibilité entre les
établissements et semble avoir effectivement constitué une
nouvelle forme d'incitation à l'accueil de nouveaux étudiants.
Toutes ces mesures posent les jalons d'une refonte en profondeur des
méthodes actuelles de financement, que nous continuerons de mettre au
point en concertation avec les universités.
Ces mesures ont aussi eu pour effet de contrebalancer les
difficultés découlant de compressions qui, quoique
sévères, étaient pourtant nécessaires pour
réduire l'écart de coûts entre les universités
québécoises et celles de l'Ontario et nous rapprocher, pour
autant que le permettent les structures particulières de notre
système d'enseignement postsecondaire, d'une certaine parité des
coûts aVec la province voisine. Il reste quand même que, entre
1977-1978 et 1983-1984, l'enveloppe des crédits per capita pour les
établissements universitaires québécois se sera accrue de
33% - de 40% si l'on tient compte des sommes distribuées par le fonds
FCAC - et que, par rapport à l'Ontario, les revenus totaux par
étudiant des universités québécoises, qui
étaient de 33% plus élevés en 1980-1981, le seront encore
de 15% en 1983-1984.
C'est également au début de la dernière
année que des impératifs généraux de coordination
et de concertation de l'ensemble de nos établissements universitaires
m'ont conduit à confier au Conseil des universités d'importants
mandats d'évaluation des programmes d'enseignement et de recherche. Nous
comptons de plus en plus sur ces travaux et sur les recommandations qui en
découleront pour appuyer les décisions qui s'imposent pour la
santé et le développement harmonieux de notre système
universitaire.
Toutes ces démarches institutionnelles et interinstitutionnelles,
le ministère les a suivies et accompagnées comme autant de
manoeuvres visant à corriger des trajectoires devenues
périlleuses et à lever certaines hypothèques qui pesaient
lourd sur le développement des établissements. Ces
démarches se poursuivront en 1983-1984. Dans l'ensemble du
système d'éducation et comme un élément clé
de la vie et de l'épanouissement de communautés éducatives
de qualité, une attention spéciale sera accordée aux
élèves et aux étudiants. J'ai fait connaître,
à l'automne 1982, les orientations générales du
ministère concernant la place et le rôle des élèves
et des étudiants dans la vie des établissements. Ces orientations
sont toutes centrées sur la responsabilisation des personnes et des
groupes et sur une insertion institutionnelle efficace de l'exercice de ces
responsabilités.
Dans les écoles secondaires, la loi sur l'enseignement primaire
et secondaire public prévoit que les élèves du second
cycle pourront siéger au conseil de l'école. Au collégial,
comme je l'ai évoqué plus haut, le nouveau régime
pédagogique établira clairement les droits et
responsabilités des étudiants. Pour l'ensemble de l'enseignement
supérieur, des dispositions législatives nouvelles permettront
d'assurer la reconnaissance officielle des associations étudiantes, leur
faciliteront un financement plus stable et plus équitable et
définiront plus nettement leurs droits et leurs
responsabilités.
La promotion et la qualification des ressources humaines.
Particulièrement en ces temps de transition et de mutation en profondeur
des modèles dont vivent nos sociétés, la première
et la plus importante de nos ressources est et demeure le potentiel humain.
C'est par lui que passent tous les développements et tous les virages
qualitatifs
dont on affirme partout la nécessité. Une
société ne se trompe donc pas en misant résolument sur le
développement, la promotion et la qualification croissante de ses
ressources humaines.
Le premier impératif collectif qui découle d'une telle
vérité, c'est de maintenir les efforts pour faciliter et
accroître l'accessibilité des études,
particulièrement des études supérieures. Nous pouvons donc
nous réjouir de ce que, dans les collèges et les
universités, le nombre des inscriptions a continué de
s'accroître en 1982-1983 et que tous les signes donnent à penser
qu'il en sera de même en 1983-1984. Le recensement canadien de 1981
permet de constater que, même s'il ne comporte que 26,3% de la population
canadienne, le Québec accueille néanmoins 27,9% des
étudiants universitaires de premier cycle et 33% des étudiants
des deuxième et troisième cycles. De plus, si l'on tient compte
du fait que nos structures nous défavorisent dans ce genre de
comparaison - les étudiants dont le niveau se compare à la
dernière année de collégial général
étant considérés comme universitaires dans la plupart des
autres provinces - ces résultats sont remarquables et indiquent que
l'accès à l'université est maintenant plus
élevé au Québec que dans le reste du Canada.
L'accroissement de l'accès à l'université constitue
un choix fondamental que les compressions budgétaires n'ont pas remis en
cause: il s'agissait et il s'agit toujours de réduire les coûts
institutionnels du système plutôt que le niveau et la
qualité des services offerts. Aussi a-t-on protégé au
mieux, à la manière d'une incitation des individus à
poursuivre des formations supérieures, les programmes d'aide
financière aux étudiants. Entre 1977-1978 et 1983-1984, ces
programmes ont augmenté de 127%, alors que l'ensemble des crédits
consentis à l'éducation augmentait de 81%. Sur cet aspect
particulier de l'aide financière aux étudiants, le Québec
se démarque d'ailleurs nettement du reste du Canada par une politique
particulièrement progressiste et progressive. Nos frais de
scolarité sont gelés depuis 15 ans et, en 1980-1981, ils
étaient de 23% inférieurs à la moyenne canadienne. Pour la
même année, l'aide financière par étudiant
représentait le double de la moyenne canadienne. Depuis 1980-1981, les
droits de scolarité ont continué à augmenter ailleurs au
Canada; par exemple, en Ontario, ils atteindront 1220 $ en 1983-1984 contre un
peu plus de 500 $ au Québec.
Nous savons que cet accueil des étudiants exige des efforts
considérables de la part des établissements eux-mêmes. Cela
doit être souligné et continué: si les difficiles
redressements de productivité demandés aux établissements
ont un sens, c'est bien celui de permettre l'accès à des
candidats, qu'une répartition de ressources trop dirigée vers les
masses salariales aurait fini par refouler aux portes des
établissements.
Je tiens à souligner ici le travail remarquable et
déjà significatif réalisé par les
universités pour mieux harmoniser leurs systèmes d'admission et
pour se répartir plus également les efforts découlant
d'une volonté partagée d'accessibilité.
Préoccupé comme l'ensemble des citoyens par la situation
difficile que vivent les jeunes dans nos sociétés, le
gouvernement a déjà annoncé un vaste programme d'action
destiné à soutenir et à améliorer l'insertion
sociale et professionnelle des jeunes. La part de l'éducation dans ce
plan gouvernemental est importante; en incluant certains
réaménagements budgétaires, elle représente une
somme de plus de 20 000 000 $. Ces ressources serviront notamment à
accroître certains services d'information et d'orientation
professionnelle, à faciliter le retour aux études selon des
formules adaptées à leur situation de jeunes ayant quitté
prématurément l'école, à accroître les moyens
d'inciter certains jeunes, plus tentés de quitter l'école,
à poursuivre leurs études, à développer en
priorité des secteurs de formation plus propices à l'insertion
sur le marché du travail. (10 h 45)
Nous collaborerons aussi avec le ministère de la Main-d'Oeuvre
pour mettre en place des modèles plus souples de formation en alternance
et de formation en entreprise pour ceux à qui le retour aux
études ne saurait convenir.
Déjà nos partenaires des réseaux scolaires,
eux-mêmes préoccupés par les problèmes des jeunes et
forts de plusieurs expériences dans ce domaine, s'organisent pour faire
de l'année 1983-1984 une année particulièrement
significative en matière d'actions pour les jeunes, surtout pour ceux
qui sont les plus mal pris.
Le même souci prioritaire pour la promotion de nos ressources
humaines inspire les travaux qui sont actuellement menés de
manière intensive pour mettre au point les pièces majeures d'une
politique de l'éducation des adultes. À la suite du remaniement
ministériel de l'automne dernier, le Conseil des ministres m'a
demandé de préparer une telle politique, de concert avec mes
collègues de la Main-d'Oeuvre et de la Condition féminine. Nous y
travaillons très activement, nous appliquant à trouver les moyens
de répondre efficacement aux exigences de formation professionnelle des
adultes en même temps qu'à des exigences complémentaires
mises de l'avant par la commission Jean et qui ont trait à la formation
de base, à l'accessibilité pour tous et particulièrement
pour les femmes, à l'éducation populaire, à la
reconnaissance des
acquis, aux services d'accueil et de référence.
Plusieurs groupes de travail mettent la dernière main à
leurs analyses et c'est au cours de l'année 1983-1984 que, en
cohérence avec l'ensemble de ses politiques, le gouvernement fera
connaître ses intentions. Nul besoin de souligner l'importance majeure de
la contribution du système d'éducation à cette entreprise,
une entreprise de promotion des ressources humaines s'il en est une.
Enfin, les ressources humaines qui oeuvrent comme éducateurs dans
notre système d'éducation feront l'objet d'une attention toute
particulière. Je pense ici spécialement aux enseignants du
primaire et du secondaire. C'est ainsi que je ferai sous peu le point des
travaux qui ont été réalisés pour identifier
certains réaménagements, souhaités depuis longtemps, de
nos dispositifs de formation et de perfectionnement des maîtres.
Dans le prolongement des orientations que j'ai déjà
clairement formulées il y a maintenant deux ans, je suis prêt
à déposer un ensemble de propositions que je demanderai à
mon ministère de discuter et d'ajuster avec les principaux partenaires
impliqués dans le dossier: les universités, les commissions
scolaires, les associations professionnelles et syndicales d'enseignants.
L'état d'avancement de la réflexion, déjà
alimentée par la commission Angers et la commission Jean, devrait
permettre de prendre assez rapidement certaines décisions, notamment
celles qui ont trait à une nouvelle version du règlement no 4. Ce
qui concerne les mécanismes de perfectionnement, surtout dans les
domaines qui sont matière de conventions collectives, exigera
évidemment des délais de mise au point et d'implantation plus
longs.
À ce dossier général s'ajoutent des actions plus
spécifiques commandées par la mise en oeuvre de certaines
innovations comme l'introduction des micro-ordinateurs et de certaines
implantations comme celles des nouveaux programmes d'études.
Je tiens à redire ici que je considère comme prioritaires
le perfectionnement et le soutien professionnel des enseignants, ces ressources
humaines précisément affectées à la formation de
nos ressources humaines.
La nécessité d'un virage technologique. La
nécessité de miser ainsi sur nos ressources humaines est
indissociable d'une autre nécessité, celle de lier la promotion
et la qualification des ressources humaines au virage technologique dont on
sait de plus en plus qu'il est au coeur des rendez-vous de demain. C'est dans
ces perspectives que nous poursuivrons la démarche entreprise pour
mettre en oeuvre une politique de formation professionnelle des jeunes
fondée sur les exigences d'une formation de base incluant
elle-même une essentielle dimension technologique, ouverte sur les
techniques et les technologies de l'avenir, inspirée par la recherche de
vraies compétences et la poursuite de l'excellence.
Les onze colloques régionaux de l'automne et les audiences
nationales de février et mars, dont la synthèse sera
bientôt disponible, ont permis de vérifier le bien-fondé
des orientations proposées, de compléter et d'ajuster certains
des aménagements également proposés. Des actions
précises pourront bientôt être soumises à l'examen
des milieux intéressés, notamment en ce qui a trait à la
place de l'éducation technologique au secondaire, aux façons
d'organiser l'enseignement professionnel au secondaire, aux mécanismes
destinés à systématiser les relations entre
l'éducation et le travail à l'échelle régionale et
nationale, aux mécanismes d'élaboration et de révision des
programmes de formation professionnelle, aux modes d'élaboration de la
carte, de la répartition des options professionnelles.
En 1983-1984, des investissements supplémentaires de l'ordre de
10 000 000 $ seront affectés à la modernisation des
équipements de formation professionnelle dans les écoles
secondaires. Au collégial, des développements
accélérés permettront d'accroître, dès
1983-1984, le nombre de programmes et de places disponibles dans les secteurs
de pointe, notamment en informatique. Au collégial également, le
cadre conceptuel, méthodologique et organisationnel ayant
été mis au point de concert avec les collèges, on pourra
procéder à la création prochaine de quelques centres
spécialisés dans des secteurs liés à des atouts
régionaux ou nationaux reconnus. En plus d'être des lieux
d'excellence pour l'enseignement, ces centres s'adonneront à la
recherche appliquée et collaboreront avec des entreprises vers
lesquelles ils assureront de nouvelles possibilités de transfert
technologique. Pour faciliter les coordinations et les concertations
ministérielles nécessaires à la bonne marche de cet
important dossier de la formation professionnelle, j'ai annoncé la
nomination d'un coordonnateur ministériel rattaché directement au
sous-ministre.
Autre volet majeur du virage technologique qui doit être pris en
éducation, j'ai déjà annoncé un important programme
d'introduction de la micro-informatique dans les écoles. En incluant les
réaménagements budgétaires, c'est une somme
d'au-delà de 15 000 000 $ qui sera consacrée à ce dossier
en 1983-1984. Les mutations technologiques, culturelles, sociales et
économiques liées à l'avènement massif de la
micro-informatique ne nous sont pas encore toutes parfaitement connues, mais
nous savons qu'elles sont déjà profondes et qu'il importe d'en
tenir compte dans nos objectifs de formation de base et même dans nos
pratiques éducatives.
Dans le prolongement d'un cheminement longuement mûri et
éclairé par la réflexion de nombreux groupes
d'éducateurs et d'informaticiens, j'ai rendu publiques les orientations
et les mesures d'un plan d'action ministériel en cette matière.
Ce plan s'étend de la familiarisation à offrir au plus grand
nombre jusqu'à la spécialisation la plus avancée. Il vise
aussi bien la formation en informatique proprement dite que l'application de
l'ordinateur à la pédagogie. Il intègre la
préparation des enseignants, la production et l'achat de logiciels et de
didacticiels, l'acquisition de micro-ordinateurs et le développement des
programmes de formation spécialisée. La mise en oeuvre de ce plan
commencera dès les prochaines semaines.
Les établissements universitaires sont évidemment au coeur
de toute possibilité de virage technologique durable, puisque c'est
là que se forment les spécialistes et les chercheurs et que se
réalise une part importante de la recherche de pointe. Dans le but
d'accroître la possibilité d'accueil des universités dans
les domaines plus immédiatement liés au virage technologique, le
gouvernement consacrera, en 1983-1984, une somme supplémentaire de 6 000
000 $ au financement spécifique des clientèles additionnelles
dans ces secteurs de pointe. De plus, le fonds FCAC, cas unique dans l'ensemble
des programmes du ministère, voit ses crédits d'aide à la
recherche augmenter de 9,6% alors qu'ils s'étaient déjà
accrus de 13% en 1982-1983.
Soulignons ici, en passant, qu'entre 1977-1978 et 1983-1984, les sommes
affectées au programme de FCAC ont crû de 141%, un pourcentage
nettement plus élevé que les 41% enregistrés au cours de
la même période pour l'ensemble des secteurs de
l'éducation. Cette priorité budgétaire, car cela en est
évidemment une, a permis de maintenir un avantage relatif pour les
chercheurs québécois, en ce qui a trait au soutien financier qui
leur est offert: ainsi, en 1980-1981, chaque professeur-chercheur
québécois recevait en moyenne 22 463 $ en subvention de recherche
contre 20 361 $ en Ontario et 19 168 $ pour l'ensemble du Canada - donc, 17% de
plus au Québec qu'au Canada et 10% de plus qu'en Ontario. L'ensemble de
ces mesures traduisent notre volonté de continuer de considérer
l'enseignement et la recherche universitaires comme des secteurs essentiels de
notre développement et, singulièrement, de tout virage
technologique. Celui-ci, pour être pris au plan industriel et
économique, doit d'abord être pris, nous le savons, au plan
culturel et éducatif.
De nouveaux rapports entre le ministère et ses partenaires. Les
cheminements collectifs et institutionnels dont j'ai fait état ce matin,
qu'il s'agisse de la promotion de milieux éducatifs plus responsables,
du projet de réforme scolaire, de la préparation ou de
l'implantation des régimes pédagogiques, ont tous indiqué
de manière convergente que le temps était venu de revoir en
profondeur la dynamique des rapports entre le ministère et ses
partenaires, une préoccupation que, dans son dernier message inaugural,
le premier ministre a identifiée comme une priorité de la
prochaine année en parlant d'un État moins lourd, voire d'un
changement d'État. Il précisait même, à propos du
projet de loi sur la restructuration scolaire, qu'il fallait recentrer le
ministère de l'Education sur sa mission propre, en le délestant
de fonctions de suppléance qu'il a assumées jusqu'ici et que
pourraient désormais exercer les instances décentralisées
et les communautés de base. Dans ces perspectives, j'ai donc
engagé mon ministère dans une démarche d'examen de ses
activités et de ses effectifs, en se référant à
deux questionnements complémentaires. D'une part, ces activités,
ces investissements d'effectifs, ces transactions sont-ils exigés par
l'exercice des aspects essentiels de la mission propre du ministère,
laquelle est de l'ordre de l'orientation et de la cohérence
générales du système et implique des fonctions
générales d'encadrement des régimes d'étude et de
gestion d'ensemble des ressources humaines, matérielles et
financières? D'autre part, ces activités devraient-elles plus
opportunément relever de la responsabilité d'autres composantes
du système, surtout dans la perspective d'une décentralisation et
d'une régionalisation souhaitée des responsabilités?
J'ai demandé au ministère d'attacher un haut degré
de priorité à la conduite de cette démarche. Ainsi, les
plans de travail 1983-1984 des unités administratives et de la direction
du ministère seront préparés dans cette perspective et
dès l'automne, la prochaine revue de programmes devra tenir compte des
résultats de cet examen. J'ai également demandé à
mon ministère de s'employer à rendre plus visibles dans ses
pratiques et son fonctionnement la nature et l'apport spécifiques de sa
mission propre dans l'ensemble du système d'éducation.
La préparation de la nouvelle loi sur l'enseignement primaire et
secondaire constitue une pièce essentielle de cette démarche
ministérielle. C'est dans un souci de décentralisation et de
responsabilisation qu'elle a été rédigée. Ainsi,
des précisions plus grandes ont été introduites pour
rendre plus claires les responsabilités du ministère liées
aux grands encadrements nationaux, en les situant plus nettement au plan de
l'orientation et du maintien de la cohérence générale du
système. Une part importante de ceux des pouvoirs traditionnels du
ministre que l'on peut qualifier de discrétionnaires y est
dévolue aux instances régionales ou
locales. Ainsi, est-il prévu de transférer aux
écoles ou aux commissions scolaires, selon le cas, certaines des
autorisations de dérogation au régime pédagogique, de
même que certaines approbations budgétaires. Le projet de loi
prévoit aussi qu'un organisme sans but lucratif pourra dorénavant
se voir confier certaines tâches de production pédagogique; pourra
ainsi être rendue plus transparente la participation des agents des
réseaux à l'élaboration de plusieurs instruments
pédagogiques d'intérêt national. (11 heures)
C'est selon les mêmes visées de responsabilisation des
partenaires et d'allégement de l'action du ministère qu'a
été enclenchée l'opération plus large dont j'ai
parlé tout à l'heure. Il devra en résulter -
conséquence quantitative d'un changement qui doit d'abord être
d'ordre qualitatif - une diminution sensible de la taille du ministère.
En se recentrant sur sa mission essentielle et en confiant à d'autres
instances l'exercice de certaines fonctions qui s'accorderaient mieux à
leurs responsabilités, il est clair qu'un allégement significatif
devra pouvoir s'opérer. Nous conduirons cette opération avec
fermeté, mais aussi avec le respect dû aux personnes et le souci
de ne pas causer des ruptures dommageables dans des services auxquels les
usagers sont habitués, non plus que dans les acquis d'un bien public
somme toute encore jeune. Cette année encore -vous le constatez - les
chantiers seront vastes et importants et exigeront des divers agents
d'importants investissements de compétence, de savoir-faire et
d'énergie. Une fois de plus, je redis ma confiance dans notre
capacité collective de faire face aux situations et de relever les
défis. Parce que je sais que nous voulons être aux rendez-vous de
l'avenir. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. La parole
est à M. le député d'Argenteuil.
M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, comme c'est la première
fois que j'ai l'honneur de représenter l'Opposition dans l'examen des
crédits budgétaires du ministère de l'Éducation, je
voudrais souligner que j'attache une extrême importance à tout ce
qui touche l'éducation. Je considère que l'éducation est
si importante qu'il faut l'aborder avec le plus d'élévation
possible en se tenant à l'abri des mesquineries de la politique
partisane. Je pense qu'il existe entre le gouvernement et l'Opposition des
sujets de désaccord très importants, mais ces sujets peuvent
être abordés avec dignité et dans le respect des personnes.
Jusqu'à maintenant, au cours des derniers mois, nous avons vécu
des événements difficiles. Nous avons eu les désaccords,
mais je pense que toujours, les querelles de personnes et des imputations de
motifs sont restées à l'écart. Elles n'ont rien à
faire de constructif dans le domaine de l'éducation et j'entends bien
poursuivre dans cet esprit l'étude des crédits du
ministère au cours des prochains jours.
Le Président (M. Blouin): Je vous remercie de faciliter
mon travail, M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: Évidemment, je ne facilite pas
nécessairement le travail du gouvernement, parce que nous verrons en
cours de route qu'il y a des points sur lesquels les options divergent assez
profondément, mais, en ce qui touche le président, je pense que
nous ne lui ferons pas de problèmes spéciaux.
Je remercie les autorités du ministère de nous avoir
adressé un cahier documentaire très substantiel, que nous aurions
évidemment apprécié recevoir plus tôt. Nous ne
l'avons reçu que jeudi et cela n'a pas donné le temps à
notre équipe de faire le travail d'équipe qui aurait
été hautement souhaitable en l'occurrence. Je voudrais souligner
aussi une carence. Je ne sais pas comment le gouvernement pourrait la corriger
mais, depuis quelques semaines, à l'Assemblée nationale, nous
assistons presque chaque jour au dépôt de rapports annuels de
ministères pour l'année 1981-1982. À mon point de vue,
c'est un gaspillage d'argent absolument inadmissible. Je crois que les rapports
d'activités des ministères gouvernementaux devraient
paraître beaucoup plus vite et, au besoin, sous une forme beaucoup plus
modeste. Ce sont des rapports qui arrivent un an ou un an et demi après
l'expiration de la période pour laquelle ils nous soumettent une
synthèse. Je pense que très peu de personnes ont le temps de les
lire. Ils sont très peu utiles, en tout cas, à ceux qui ont la
charge de veiller à la gestion des fonds publics.
Je voudrais souligner que depuis le mois de septembre dernier, où
j'ai accepté de servir comme porte-parole de l'Opposition dans le
domaine de l'éducation, j'ai reçu une excellente collaboration de
la part du ministre de l'Éducation et de ses collaborateurs. Je pense
que ce n'est pas mauvais de le signaler à ce moment-ci.
En ce qui concerne le fond des problèmes qu'a touchés le
ministre dans son exposé, je voudrais m'attarder ce matin à
souligner, dans un esprit positif, les orientations que l'Opposition aimerait
voir imprimer à notre système d'enseignement au cours de
l'année à venir et je dirais même des années
à venir.
Nous sommes actuellement dans une période de remise en question,
de resserrement des conditions de réalisation des
grands objectifs que notre société s'était
fixés. Cette période est propice à des révisions
qui peuvent être tantôt déchirantes, tantôt
libératrices par rapport à certains concepts dont nous
étions peut-être devenus trop facilement prisonniers. Je pense que
l'examen des crédits nous permet de faire le point là-dessus. Le
ministre l'a fait tantôt, je vais essayer de le faire de mon
côté.
À l'occasion de la révolution tranquille, nous nous
étions fixé comme société deux grands objectifs en
relation avec l'éducation: d'abord, à la suite de la publication
du rapport Parent, nous nous étions dit qu'il fallait assurer le
progrès du Québec par l'éducation, par la modernisation,
la dynamisation et la qualité du système d'éducation. Nous
nous étions dit également qu'il fallait absolument mettre
l'éducation à la portée de tous. Je pense que ces deux
grands objectifs résument l'essentiel de ce document monumental que
demeure, vingt ans après, le rapport de la commission d'enquête
sur l'éducation présidée par feu Mgr Parent.
Depuis ce temps, nous avons fait des bonds spectaculaires. Aujourd'hui,
il est devenu courant de se demander si la part de l'éducation dans le
budget public est trop élevée. Il ne faut pas oublier qu'il y a
à peine vingt ans, il était beaucoup trop faible et que les
dépenses d'éducation ne représentaient pas 10% du total
des dépenses de l'État. Aujourd'hui, je pense que c'est 26% ou
27%. Il a monté jusqu'à 30% à certaines périodes.
C'est encore un pourcentage substantiel. Je pense que, fondamentalement, c'est
un progrès dont nous avons lieu d'être fiers.
Deuxièmement, nous avons assuré, au cours des vingt
dernières années, un accroissement phénoménal de la
fréquentation des institutions d'enseignement au niveau secondaire,
collégial et universitaire. Au niveau universitaire, en particulier, la
fréquentation a dû se multiplier par cinq; au niveau
collégial, c'est difficile de faire des comparaisons, parce que ce
niveau n'existait pas sous la même forme à l'époque. Mais,
ce point de vue, il est évident que le niveau de scolarisation de notre
peuple est en train de connaître une progression qui reste, tout compte
fait, phénoménale.
Le ministre soulignait tantôt qu'au niveau universitaire, le taux
de fréquentation est maintenant plus élevé au
Québec qu'en Ontario et que la moyenne canadienne. C'est vrai. Nous
verrons que des problèmes accompagnent évidemment ce
phénomène. Je pense que c'est un fait en soi dont nous avons lieu
d'être fiers. Nous avons assisté à une multiplication des
équipements. Il faut se rappeler les conditions dans lesquelles certains
d'entre nous ont fait leurs études aux différents niveaux, il y a
une trentaine d'années, pour se rendre compte qu'il y a
énormément de progrès qui a été
accompli.
Nous avons parlé beaucoup, ces derniers mois, des ajustements qui
étaient devenus nécessaires dans le secteur des relations du
travail. Il ne faut pas oublier que la grande réalisation des vingt
dernières années a été le relèvement de
l'enseignant. L'enseignant avait toujours été le parent pauvre de
la communauté québécoise, celui ou celle qu'on exploitait
de toutes les manières sans se rendre compte de ce qu'on faisait. Les
dernières vingt années ont permis de rehausser le statut de
l'enseignant, d'en faire un personnage respecté, un personnage jouissant
de conditions de travail plus accordées à la contribution unique
qu'il fournit au développement de la société.
Je relisais certains passages du rapport de la commission Parent l'autre
jour. Celle-ci avait établi des projections pour les années
quatre-vingt, pour l'année 1981 ou 1982, je ne me souviens pas. Elle
avait fait ces projections en fonction d'une clientèle scolaire de 2 100
000 étudiants. Actuellement, le total que vous avez, c'est 1 400 000.
Cela veut dire qu'à cause de tous les phénomènes
démographiques qui se sont produits dans notre milieu, nous avons 33% de
moins que ce que des projections dressées par les meilleurs
spécialistes de l'époque en matière de démographie,
en particulier votre prédécesseur, M. le sous-ministre, dans le
fonction que vous occupez, M. Yves Martin. À ce moment, on
prévoyait 2 100 000 étudiants; aujourd'hui, c'est seulement 1 400
000 que nous avons. Je me disais, en voyant ces chiffres, que si la commission
Parent, il y a vingt ans a pu faire le pari qu'on procurerait l'accès
à l'éducation à tout ce monde, qu'on pouvait le faire, il
me semble qu'avec des effectifs inférieurs de 33% à ceux que nous
indiquaient les projections d'alors, nous devons pouvoir renouveler cet
engagement qui avait été fait en faveur d'une priorité
absolument majeure à l'éducation. Avec les difficultés que
nous avons connues sur le plan de l'économie et des finances publiques,
toutes sortes de sujets d'inquiétude ont surgi. J'en mentionne quatre
à propos de l'éducation, qui sont familiers.
Beaucoup demandent: En avons-nous pour notre argent? Nous entendons dire
à peu près tous les jours qu'il se ferait
énormément de gaspillage dans le secteur de l'éducation et
que nous pourrions obtenir les mêmes résultats avec beaucoup moins
d'argent. C'est une question à laquelle nous devons faire face comme
législateurs et dont moi-même je ne suis pas du tout captif, mais
nous l'entendons souvent et je pense que nous avons le devoir d'apporter des
réponses claires.
Deuxièmement, la qualité de l'éducation souffrira
sûrement, mais dans quelle mesure? à la suite de toutes les
compressions, à la suite de tous les ajustements qui ont
été
faits ces dernières années.
Troisièmement, devant cette espèce de lassitude qu'on
observe dans l'opinion publique, devant ce retour à un conservatisme
souvent peu éclairé, est-ce que l'éducation n'est pas en
train plus ou moins subrepticement de devenir une priorité secondaire
pour les gouvernements? Est-ce que ce n'est pas beaucoup plus à la mode
aujourd'hui de parler de développement économique, comme si on
pouvait séparer, dans une perspective responsable, le
développement économique du progrès de
l'éducation?
Finalement, comment faire en sorte que le système d'enseignement
réponde mieux aux défis nouveaux qui naissent d'une
société en perpétuelle évolution?
Ce sont les grandes questions qui nous préoccuppent tous, qui
étaient implicites dans de nombreuses remarques qu'a faites le ministre
tantôt. Nous verrons les solutions qu'apporte le gouvernement et nous en
proposerons un certain nombre de notre côté.
La première orientation qui nous apparaît capitale, c'est
la suivante. L'objectif de l'égalisation des chances doit demeurer
prioritaire et fondamental car il est loin d'être atteint. On a
mentionné tantôt qu'aux niveaux collégial et universitaire,
le taux de fréquentation scolaire est légèrement
supérieur désormais à celui qu'on observe en Ontario. Mais
nous savons, d'autre part, que le taux des diplômés, à tous
les niveaux: baccalauréat, maîtrise, doctorat, reste
inférieur au Québec à ce qu'il est dans les autres
provinces du Canada. Ce qui veut dire que si nous avons mis fortement l'accent
sur la porte d'entrée au collège et à l'université,
nous n'avons pas encore trouvé les solutions satisfaisantes aux
problèmes de persévérance qui se posent en cours de route.
Nous le savons déjà pour le niveau secondaire; il y a beaucoup
d'étudiants, près du tiers, qui ne se rendent même pas au
bout des études secondaires, à tel point que nous sommes
obligés de concevoir des programmes spéciaux pour trouver des
formes de compensation à tout ce qui fera défaut à leur
formation; à mesure qu'on avance, le degré de
persévérance pose également des problèmes
très sérieux.
Pour les adultes, il reste bien des portes à ouvrir. Tout le
problème de la reconnaissance des acquis académiques, sociaux et
culturels, tout le problème des chances d'accès à la
formation aux différents niveaux a connu ces dernières
années des complications que nul n'aurait prévues, à telle
enseigne que - les chiffres le montrent abondamment - l'éducation des
adultes a subi depuis trois ans une régression qui est
particulièrement inquiétante. Je pense qu'au tout premier plan
des préoccupations en ce qui touche l'égalisation des chances au
cours des prochaines années, on doit situer le développement
d'une politique de l'éducation des adultes. Le ministre nous
annonçait tantôt que le gouvernement fera connaître au cours
de l'année 1983-1984 sa politique dans ce domaine. Nous avions entendu
le même engagement à la commission parlementaire de
l'éducation l'an dernier. D'autres membres du gouvernement avaient
affirmé avec beaucoup d'assurance que la politique du gouvernement
serait connue dès l'automne de 1982. Je constate, en écoutant le
ministre, qu'il se donne une grosse partie de l'année 1983-1984 pour en
venir à des conclusions de ce côté. Je souligne encore une
fois que, dans la perspective de l'égalisation des chances, le
développement d'une politique de l'éducation des adultes reste un
élément capital. (11 h 15)
Le troisième point qui nous préoccupe, c'est la recherche
de la qualité à tous les niveaux. Il faut se méfier des
jugements à l'emporte-pièce en ces matières. On entend
souvent dire, par exemple, que la qualité de la langue dans les
écoles a diminué par comparaison avec ce qu'on pouvait observer
il y a 25 ans. Je ne pense pas que ce soit juste. Il y a 25 ans, un nombre
très limité d'hommes et de femmes recevaient dans les
collèges une formation d'excellente qualité et qui, au point de
vue de la langue en particulier, était peut-être supérieure
à ce qu'on observe chez la grande moyenne des étudiants
d'aujourd'hui, mais ce qu'on oublie souvent, c'est que le nombre de ceux qui
avaient accès à cette formation était infiniment
limité.
Je me souviens moi-même, quand j'ai terminé mes
études classiques en 1944, nous étions une classe de 25. S'il y
en avait cinq qui pouvaient écrire le français de manière
irréprochable, c'était déjà très bien. Je
pense que le ministre pourrait confirmer cette constatation de son
côté parce que nous étions pratiquement contemporains.
Aujourd'hui, tout compte fait, je crois que la qualité de la langue est
meilleure chez nos enfants qu'elle ne l'était il y a 25 ans. Ma femme me
fait souvent observer que, si on veut se faire une bonne idée, on peut
comparer la qualité de la langue que parlent les enfants avec celle que
parlait la génération précédente. Cela n'implique
pas du tout un jugement sur la génération
précédente, mais c'est évident qu'il y a eu une
évolution considérable. On voit des gens qui colportent toutes
sortes de bobards. Je pense que, s'ils se livraient à une observation
plus rigoureuse des faits, ils seraient appelés à nuancer
beaucoup leurs affirmations.
Je voudrais souligner à cet égard qu'il nous faudrait
davantage de recherche objective. C'est un point que je soulignerai
tantôt. Je pense que le programme de recherche du ministère
devrait être très
soigneusement examiné. Il y a actuellement beaucoup de travaux
épars qui se font dans toutes les directions. C'est pratiquement
inévitable, étant donné la multitude des sujets auxquels
doit s'intéresser un ministère de l'Éducation. Quand nous
voulons répondre à une question comme celle qui regarde la
qualité de l'éducation, je constate que la somme des travaux de
recherche disponibles à cette fin et qui comportent des données
relativement récentes est plutôt limitée. C'est une
carence. Dans un appareil qui fonctionne avec un budget de plus de 6 000 000
000 $ par année, je pense qu'on est en mesure d'attendre davantage.
Je donne l'exemple des décrocheurs. On a commencé à
voir des travaux récemment, et ces travaux restent encore très
sommaires. J'ai vu le travail qu'un chercheur que je connais bien, M.
Grégoire, a fait sur le problème des décrocheurs. C'est
une entrée en matière, c'est une introduction, il faudrait aller
beaucoup plus loin que ça. Les bureaux du ministère ont
publié une étude également. On en reste encore au niveau
des données agrégatives qui fournissent des
éléments d'explications très fragmentaires.
Parmi les sujets d'inquiétude que je voudrais souligner de ce
côté, il y a les suivants, en ce qui regarde la qualité de
l'éducation. Je pense que les événements des derniers mois
justifient des inquiétudes sérieuses. Nous avons une paix
relative, ce que j'appellerais une absence de conflit ouvert actuellement, mais
il faut être bien conscient que ce qui s'est produit au cours des
derniers mois en relation avec le conflit des enseignants a laissé des
traces profondes, beaucoup d'amertume. Il ne sera pas facile de reprendre le
collier tout le monde ensemble et de travailler pour que le niveau de la
qualité soit plus élevé.
Je me faisais dire, par exemple, en ce qui touche la préparation
des enseignants en vue des nouveaux programmes, que dans beaucoup d'endroits on
fait face à des difficultés parce que c'est la règle que
j'appellerais du "work to rule". On répond aux exigences strictement
prévues par le contrat et la discipline et on ne fait pas le pas
additionnel qui, souvent, est synonyme de qualité. Je ne formule pas de
jugement à l'endroit de qui que ce soit, mais je pense que cette
situation crée un devoir de souplesse et d'ouverture particulier
à l'endroit de ceux qui incarnent l'autorité dans le
système.
Deuxièmement, les nouveaux programmes, en particulier les
nouveaux programmes au primaire et au secondaire, sont dans l'ensemble
d'excellente qualité. Nous en parlerons à propos de
l'enseignement primaire et secondaire. J'ai eu l'occasion de faire des
consultations de ce côté et je pense que, de manière
générale, ces programmes, qui ont été mis au point
avec la participation des meilleurs experts qui étaient à
l'oeuvre dans les commissions scolaires et dans les écoles, constituent
une amélioration très importante.
Je ne suis pas sûr qu'on ait bien établi, cependant,
l'importance qu'il convient d'accorder à la formation scientifique. On
parle beaucoup de formation technologique aujourd'hui. Il y a de nouveaux cours
qui portent ce titre-là; je pense que l'introduction de la dimension
scientifique dans la formation des jeunes à tous les niveaux,
présente encore de sérieuses carences et même, les nouveaux
programmes sont sujets à des critiques valables de ce
côté-là.
Je m'inquiète d'un recul qui est en train de se produire dans la
qualité des équipements scientifiques au niveau universitaire et
dans nos grandes institutions qui dépendent de l'équipement
scientifique pour faire leur travail. Je pense à nos hôpitaux en
particulier. Je suis allé visiter une de nos meilleures institutions, il
y a quelques mois, que je ne veux pas identifier ici. Je causais avec les
médecins, nous avons fait le tour de l'établissement et je
m'enquérais de la qualité des équipements dont ils
disposent et ils m'ont dit: Ce sont des équipements qui ont
déjà vieilli de dix ou quinze ans. Nos nouveaux
spécialistes, formés aux États-Unis, ont appris à
travailler avec des équipements beaucoup plus élaborés.
Ils viennent ici et ce n'est pas un climat qui est de nature à les
stimuler bien fort dans la recherche de ces normes d'excellence dont aiment
à parler tous ceux qui se préoccupent d'éducation
aujourd'hui.
Dans nos universités, à bien des endroits,
l'équipement a déjà vieilli considérablement et
j'ai l'impression qu'avec les politiques trop souvent négatives
qu'adopte le gouvernement, dès qu'il est question de l'intervention du
gouvernement fédéral dans le domaine de l'enseignement
supérieur et de la recherche, nous sommes en train d'accumuler des
retards dont nous aurons d'ailleurs l'occasion de parler quand nous discuterons
des universités.
De ce côté-ci, je pense que nous en avons amplement pour
nous préoccuper et je veux assurer le gouvernement que toutes les
mesures qui seront prises en vue d'assurer une plus grande qualité de
l'enseignement, seront l'objet d'un accueil très compréhensif de
notre part.
Quatrième point. Nous avons au Québec un système
d'enseignement remarquablement équilibré, lequel a toujours fait
une large place à la responsabilité des commissaires
d'école élus au suffrage universel par leurs concitoyens, ainsi
qu'à la responsabilité des institutions. Cette
caractéristique ne nous est pas exclusive. Nous la partageons avec le
reste du continent nord-américain. C'est un point sur lequel la
tradition scolaire au
Québec et en Amérique du Nord se distingue
profondément de la tradition scolaire en Europe continentale. Je pense
que c'est une caractéristique que nous ne devons pas perdre et que le
gouvernement s'est montré malheureusement enclin à vouloir
laisser aller avec une facilité difficile à comprendre.
Dans le système public, il faut absolument maintenir une
structure intermédiaire forte, dotée de pouvoirs et de
responsabilités véritables. L'objectif de l'école
responsable est un objectif très noble auquel nous souscrivons sans
hésitation, mais il doit être poursuivi et recherché
à l'intérieur d'un véritable respect pour cette
caractéristique qui a toujours été une source de richesse
et d'équilibre pour notre système d'enseignement, la
présence d'une structure intermédiaire forte, capable de prendre
des responsabilités, d'agir au nom des citoyens, de décider pour
eux à la lumière de la connaissance que les administrateurs ont
des réalités locales.
Cinquième point. À tous les échelons de notre
système d'enseignement, la négociation collective est devenue un
rouage essentiel du fonctionnement du système. Elle doit demeurer car
elle est le moyen principal par lequel peuvent être assurés
à la fois le respect des droits fondamentaux de l'enseignant, son droit
à des conditions de travail justes et décentes et aussi son
intégration responsable à l'ensemble.
Les conventions collectives étaient devenues à bien des
égards des documents étouffants. Il fallait briser le cercle de
fer qu'elles constituaient trop souvent pour le fonctionnement quotidien des
institutions. La manière dont le gouvernement s'y est pris au cours de
la dernière année pour rechercher cet objectif, était
excessive. Elle a conduit à des mesures que nous avons fortement
dénoncées, qui ont même entraîné des
délits de droit fondamentaux et débouché sur des conflits
extrêmement coûteux pour la qualité de l'enseignement
dispensé aux enfants au cours de la dernière année. Les
objectifs fondamentaux étaient justes. Ils avaient été
proclamés par beaucoup d'éléments extérieurs au
gouvernement depuis longtemps et il y a longtemps que l'Opposition
elle-même avait souligné la nécessité de certains
ajustements de ce côté. Mais, encore une fois, la manière
dont on s'y est pris est de nature à mettre en question la place de la
convention collective et de la négociation collective elle-même
dans le fonctionnement de notre système d'enseignement. Je pense qu'au
cours de la prochaine année il faut vraiment mettre l'accent sur le
rétablissement d'un équilibre plus satisfaisant.
Je me pose deux questions à ce sujet-ci en toute gratuité.
Tout d'abord, est-ce qu'il ne faut pas envisager de revenir à une
décentralisation plus véritable dans tout ce domaine de la
négociation collective? Au nom d'une certaine égalisation des
normes de rémunération et de conditions de travail qui
étaient séduisantes il y a 20 ans, on est allé à
une centralisation excessive.
J'ai eu l'occasion, au cours du conflit récent, d'examiner le
modèle ontarien dont on parle très peu ici, dont je n'ai jamais
entendu un représentant du gouvernement nous parler avec pertinence, en
connaissance de cause. C'est un modèle beaucoup plus
décentralisé qui a produit d'excellents résultats au cours
des dernières années mais qui s'accompagne, évidemment, de
faiblesses. Il n'y a aucun modèle parfait dans ces domaines. Mais je me
demande si nous autres, après les excès de centralisation que
nous avons connus, nous n'y gagnerions pas à revenir à une
décentralisation plus véritable. Je crois que l'objectif premier
qui était sous-jacent à tout ce qu'on a fait, celui d'assurer que
les politiques salariales ne dépassent pas certains paramètres,
pourrait très bien être assuré sans aller jusqu'au
directionnisme minutieux détaillé et dont nous avons tous
porté le poids au cours des dernières années.
Je m'interroge aussi sur le rôle futur du syndicalisme. Je crois
que ce qu'on a vécu au cours des derniers mois indique une
évidence en matière de conditions de travail. Nous avions atteint
une sorte de sommet. Je ne pense pas que le syndicalisme enseignant ait
beaucoup d'avenir s'il voulait concentrer toutes ses énergies vers
l'atteinte de nouveaux plafonds dans ce domaine. Je pense qu'il y a un certain
plateau qu'une société ne peut pas dépasser sans se briser
elle-même ou sans créer des frustrations ou des injustices
beaucoup plus graves dans d'autres secteurs. Je me demande, pour ce qui est des
énergies qui ne pourront pas être appliquées avec autant
d'intensité sur ces points précis qui regardent la
négociation collective, si le syndicalisme enseignant n'aura pas
intérêt à les appliquer à des sujets qui regardent
davantage le contenu de l'enseignement et les implications sociales de notre
système d'enseignement.
Je donne un exemple. Récemment, à la suite des mesures
qu'avait annoncées le ministre dans le domaine de l'informatique, il
m'est arrivé de m'enquérir de ce qui avait été
fait, évidemment, ailleurs dans le pays. J'ai constaté que
l'Ontario Teachers Federation, un grand organisme syndical qui regroupe les
enseignants de l'Ontario au niveau secondaire, avait fait un travail de
recherche considérable en matière d'informatique et avait produit
un document d'orientation qui a exercé une influence substantielle sur
les politiques retenues par le gouvernement. J'ai évidemment pris soin
de m'enquérir auprès de la CEQ afin de savoir si la CEQ aurait un
message à nous communiquer à propos des politiques
gouvernementales en matière d'informatique
et j'ai dû constater que la CEQ, à la suite de tout ce qui
est arrivé ces dernières années, n'était pas en
mesure de nous faire part d'une position le moindrement substantielle sur le
sujet.
Sur la question de l'éducation des adultes, je pourrais faire la
même affirmation. Je formule le voeu, en toute compréhension, que
le syndicalisme enseignant revienne à cette deuxième dimension de
son rôle dans notre société qui est capital. Il faut qu'il
soit un agent dans l'évolution du système d'enseignement
lui-même, tout en défendant avec vigueur les conditions de travail
de l'enseignant, en visant, en particulier, à ce que
l'intégration de l'enseignant dans toutes ces mesures d'ajustement de
notre système qu'on cherche à réaliser ne se fasse pas sur
le dos du syndicalisme ou dans le dos du syndicalisme, mais avec sa
participation. Je crois qu'il est important que ces horizons s'ouvrent et cela
nous acheminera, je pense, vers un dialogue qui pourrait être beaucoup
plus productif que l'atmosphère de conflit sans cesse maintenue qu'on a
connue depuis une quinzaire d'années dans le domaine de
l'éducation. Je dois dire une chose à ce sujet: Quand je suis
entré dans le domaine, je me suis dit, comme j'ai toujours essayé
de le faire: On va essayer de comprendre ce qui se passe, de connaître
davantage la réalité. Je me suis fait un point d'honneur de
prendre contact avec les organisations syndicales, la Centrale de
l'enseignement du Québec, la Provincial Association of Protestant
Teachers, la Provincial Association of Catholic Teachers, et je dois à
la vérité de dire que j'ai trouvé chez elles une attitude
très responsable, une attitude beaucoup plus ouverte que ce que j'avais
pu observer il y a quelques années quand j'observais ces choses à
partir d'un autre poste d'observation qui était aussi important.
Cette attitude de grande ouverture dans la fourniture d'informations m'a
incité à formuler les observations que je viens de formuler. Je
pense que nous sommes peut-être au seuil, alors qu'il y en a beaucoup qui
pensent encore en fonction... Que de fois j'ai entendu cela pendant le conflit:
Ah oui, mais cela dépend si Charbonneau veut ceci si Charbonneau veut
cela. Ce sont des visions qui sont déjà dépassées
par les événements. D'après ce que j'ai pu constater, le
président de la CEQ n'est pas l'homme qui peut décider seul des
orientations et des grands choix dans cette organisation. C'est un homme qui
est encadré, comme le sont, d'ailleurs, les autres dirigeants de cette
centrale et des autres centrales aussi. Il existe des mécanismes de
vérification, de contrôle et de critique très abondants
dont, je pense, ceux qui, à l'extérieur, souhaitent la
participation des enseignants au progrès de l'enseignement doivent
être conscients, de manière à pouvoir éviter de trop
personnaliser les conflits de façon telle que l'opinion publique soit
complètement induite en erreur quand il s'agit ensuite de les
apprécier.
Autre point. Le ministre a parlé tantôt des projets du
gouvernement en ce qui touche le statut, le rôle de l'étudiant. Il
y a longtemps que notre formation politique, par l'intermédiaire de ses
porte-parole qui veillent plus immédiatement à ces questions,
demande que le gouvernement définisse un statut plus précis pour
l'étudiant. C'est une des grandes pertes que nous avons faites depuis le
début de la révolution tranquille. Il existait naguère des
organismes d'encadrement des activités étudiantes très
efficaces. Dans tout le mouvement de changement et de remise en question qui a
suivi la réforme du système d'enseignement, à peu
près tout a été perdu de ce côté. On sent
que, depuis une couple d'années, des efforts de reconstruction sont en
marche et on veut assurer les étudiants que toutes les mesures
raisonnables qui seront présentées par le gouvernement seront
examinées de notre côté avec énormément
d'intérêt.
Je souligne les problèmes qui se posent à propos de
l'enseignement privé; c'est mon septième point. Je ne comprends
pas la politique du gouvernement à ce sujet. Nous aurons l'occasion d'en
discuter plus abondamment un peu plus tard. Je préviens le gouvernement
que nous voulons une discussion sérieuse et substantielle sur ce point.
L'enseignement privé, qu'on l'aime ou non, occupe une place importante
dans le paysage, étant donné la tradition du Québec,
étant donné le contexte dans lequel s'est fait le passage de la
très grande partie du système dans le domaine proprement public.
Il occupe une grande place, en particulier, au secondaire et au
collégial. Le gouvernement promet depuis sept ans de définir une
politique en matière d'enseignement privé. Les ministres qui se
sont succédé ont tour à tour promis de mettre au point une
politique de l'enseignement privé. Elle s'est fait sans cesse attendre.
Elle se fait encore attendre aujourd'hui. J'ai lu les observations qu'on a
consignées dans le cahier documentaire sous l'autorité du
ministre et, franchement, ce sont des explications tout à fait
insatisfaisantes et sur lesquelles nous devrons exiger des précisions du
gouvernement.
Lorsque nous arriverons à l'examen de ce sujet, nous serons en
mesure, de notre côté, de définir de manière plus
précise la politique que nous entendons promouvoir dans ce secteur, mais
je mentionne ici que l'intégration droite, loyale et transparente de ce
secteur dans l'ensemble de la politique gouvernementale est une
nécessité, au nom de la démocratie la plus
élémentaire.
À propos des coûts de l'enseignement, je conviens avec le
ministre qu'ils étaient
devenus trop élevés au Québec et qu'un effort
s'imposait pour ramener nos coûts à un niveau davantage comparable
aux normes canadiennes. Nous déplorons, toutefois, que les ajustements
faits au cours des derniers mois aient été faits de
manière brutale, au détriment surtout des travailleurs
syndiqués et sans que l'on puisse toujours s'appuyer sur des
données rigoureusement contrôlées en ce qui touche, en
particulier, les comparaisons avec les autres provinces.
Nous aurons l'occasion d'en reparler à propos de chaque niveau
d'enseignement, mais je voudrais souligner un danger qui découle des
événements des derniers mois. Il pourrait arriver que, sous la
pression d'une opinion publique devenue un peu fatiguée d'entendre
parler de ces choses, l'État soit enclin à consacrer de moins en
moins de ressources à l'éducation. Je pense que ce serait un
grand mal pour notre société.
Je ne sais pas si vous avez remarqué, M. le Président, le
rapport qu'a publié ces jours derniers la commission nationale de
l'éducation qui avait été formée par le
président Reagan pour lui donner des avis sur la politique
gouvernementale fédérale en matière d'éducation. Le
président Reagan s'attendait sans doute à ce que cette commission
justifie les politiques de retrait du gouvernement américain dans le
domaine de l'éducation, mais, à sa grande surprise, la commission
a porté un verdict beaucoup plus sévère que tout le monde
ne s'y attendait sur la qualité de l'éducation aux
États-Unis. Je parle du contexte américain. Je parlerai du
contexte canadien tantôt. Je ne voudrais pas qu'on fasse de syncope de
l'autre côté parce que le mot "fédéral" risque de
sortir de ma bouche. Je dis qu'aux États-Unis, en tout cas, la
commission conclut avec beaucoup de force - ceci est absolument contraire
à ce qu'envisage de faire le président Reagan - que la
présence du gouvernement fédéral dans le champ de
l'éducation s'impose plus que jamais. La commission dit des choses
importantes. Elle dit qu'il y a des redressements qui s'imposent et qu'il va
falloir mettre plus d'accent sur certaines matières comme
l'arithmétique, les sciences, la qualité de la langue, etc. Il va
falloir que les enseignants travaillent des heures plus nombreuses et que les
enfants soient davantage présents dans les écoles. Ce sont des
orientations qui étaient déjà prévues ou
déjà mises en route ici.
La commission ajoute des passages qui n'ont pas beaucoup retenu
l'attention des commentateurs, mais qui sont capitaux. Elle dit: Pour faire
tout cela, il va falloir plus d'argent. On constate une chose: aux
États-Unis, le salaire de l'enseignant est comparativement
inférieur à ce qu'il est au Québec, surtout dans
l'enseignement primaire et secondaire. La commission dit: C'est bien beau; il
va falloir leur demander davantage, mais il va falloir payer davantage. Il va
falloir qu'on soit prêt à mettre davantage.
Je pense qu'ici il ne faut pas se faire d'illusions. On peut faire des
ajustements comme ceux qui ont été à l'ordre du jour cette
année, mais en longue période il faut que notre
société accepte de continuer à consacrer des sommes
importantes à l'éducation. Il me semble que c'est la
responsabilité des hommes politiques de ne jamais perdre de vue cette
responsabilité, même si cela devait être pour rechercher des
votes.
Quelques observations sur l'unification. L'unification du système
est un objectif que nous partageons tous. Je pense qu'en ce qui touche le
primaire et le secondaire l'unification du système est très
avancée. Elle est même, à mon humble point de vue,
réalisée pour l'essentiel en ce qui touche les structures
administratives, les mécanismes de mise au point des politiques
budgétaires et les normes de gestion. Je ne pense pas qu'il y ait un
ministère au monde qui pourrait se vanter de mettre à la
portée - je dis "à la portée", mais j'allais dire
"imposer" - de ses partenaires autant de précision minutieuse. J'ai lu
avec admiration, parfois, et inquiétude, à d'autres moments, ces
cahiers interminables de directives de toutes sortes qui sont
communiquées aux commissions scolaires. Je me disais: Dans les
organisations où j'ai fonctionné moi-même, s'il avait fallu
qu'on me donne la moitié de ces directives, j'en serais mort
écrasé. Mais on a fait énormément de ce
côté-là. Au point de vue des normes du régime
pédagogique, je pense qu'avec les nouveaux régimes
pédagogiques qui, encore une fois, sont d'excellents instruments sur
lesquels je ne voudrais pas du tout laisser planer l'impression que je pourrais
nourrir une opinion négative, encore là, on a fait l'essentiel.
En ce qui touche les conditions de travail, si le gouvernement trouve qu'il n'a
pas fait assez en imposant des décrets de 200 ou 250 pages dans chaque
secteur particulier de l'enseignement primaire et secondaire, je me dis: II
doit y avoir quelque chose qui ne marche pas dans l'esprit de quelqu'un,
quelque part.
Par conséquent, je ne pense pas qu'on devrait s'empêcher de
dormir en ce qui touche l'objectif d'unification de l'enseignement aux niveaux
primaire et secondaire. Nous sommes déjà très
avancés dans cette voie. L'essentiel est, à mon point de vue,
accompli. Il y a certains ajustements qui s'imposent.
On a parlé du regroupement des commissions scolaires, nous en
sommes. De ce côté, il y a des points qui restent à
accomplir. Il faut regrouper les commissions scolaires dans un nombre
d'unités moins élevé qu'actuellement. Il faut absolument
que
l'on réunisse les commissions scolaires des niveaux primaire et
secondaire. Il y a un réaménagement des territoires et des
commissions scolaires qui paraît s'imposer suivant la norme linguistique
qui est de plus en plus généralement acceptée
aujourd'hui.
Il y a des objectifs de valorisation de l'école et du rôle
des parents qui sont très louables et qui doivent être
envisagés aussi, mais je ne vois pas péril en la demeure. On dit
qu'il faut valoriser l'école, nous en sommes, très bien, mais je
crois que cet objectif doit être poursuivi à l'intérieur de
la grande perspective de l'unité du système d'enseignement et de
l'équilibre de ses composantes dont j'ai parlé tantôt. Il y
a des améliorations qui s'imposent au niveau du mode d'élection
des commissaires, mais je ne vois pas les problèmes qui, encore une
fois, justifieraient les angoisses comme celles dont on a entendu parfois
l'expression de ce côté.
Quant aux collèges, il y a deux pas majeurs qui sont en voie
d'être franchis. Le ministre nous annonçait tantôt que le
régime des études pour les collèges vient d'être
envoyé au Conseil des collèges. Il était à peu
près temps, parce que c'est un document qui circule depuis avril 1982,
d'après ce que j'ai pu entendre dire, qui n'a été
communiqué à personne en dehors des officines
ministérielles. Tout le monde s'inquiète, tout le monde se
demande ce qui s'en vient. Je suis content d'apprendre qu'il a
été communiqué au Conseil des collèges.
J'espère que nous pourrons, peut-être dès ces jours-ci,
avoir accès à des copies autres que les copies clandestines qu'on
nous a remises.
L'intégration du département dans l'institution, qui doit
conduire à de meilleurs mécanismes d'évaluation
institutionnelle, est un objectif absolument important. Tout compte fait,
même si encore une fois on a pu discuter du rythme et de
l'intensité avec lesquels cela a été fait, la
véritable séparation qui existait dans certaines institutions
entre le département et l'institution risquait d'engendrer des maux
très sérieux pour la qualité de l'enseignement. De ce
point de vue, je pense qu'il y a deux pas majeurs qui sont en voie d'être
franchis. Je ne vois pas, en dehors de cela, de sujets d'inquiétude
extraordinaires.
Concernant les universités, il reste encore beaucoup à
faire pour réaliser une unification qui ne soit pas, évidemment,
l'uniformisation, mais qui permette d'arriver à une économie de
ressources plus grande. Le Conseil des universités, dans les deux
rapports qu'il a remis au ministre récemment, a souligné avec
beaucoup d'à-propos que, dans le domaine universitaire, nous sommes dans
un régime où dominent trop l'individualisme et l'isolement
institutionnels. Il faudra des mesures plus vigoureuses de mise en commun des
ressources si nous voulons faire face aux défis des années
à venir. Avec cet individualisme institutionnel absolument
démesuré, nous sommes en train de prendre du retard. Cela va
très bien parce qu'il y a une course aux inscriptions à
l'entrée du système, mais, à l'autre
extrémité du système, nous sommes en train de prendre du
retard. Nous allons manquer le bateau à plusieurs points de vue.
Là, il y a un problème véritable qui se pose et que nous
sommes disposés à examiner dans ses composantes
particulières.
Je ne sais pas comment les fonctionnaires du ministère voient la
jonction entre les différents niveaux. De l'extérieur, on a
l'impression que la jonction est plutôt artificielle et que les
organismes qui pourraient contribuer à cette jonction ne sont pas aussi
reliés les uns aux autres qu'il le faudrait, mais je pense qu'on est en
face de problèmes qui sont ce qu'on appelle en anglais "manageable". Ce
sont des problèmes qui sont solubles par des moyens raisonnables. Il n'y
a pas péril en la demeure qui justifierait des mesures ou des recours
absolument extraordinaires.
En ce qui concerne maintenant le ministère, il faut bien en dire
un mot parce qu'autrement on manquerait à notre devoir. Ce n'est
pourtant pas parce que sa présence est invisible ou imperceptible. Si
vous me donnez juste une seconde, je vais le retrouver dans mes notes. Vous
pouvez être sûr que j'ai un bon paragraphe là-dessus. Il est
ici, il était tout près de moi, je ne pensais pas qu'il
était si près. (11 h 45)
L'avènement du ministère de l'Éducation a
été un événement heureux et nécessaire. Le
ministère de l'Éducation a fortement contribué à
mettre une plus grande rationalité dans le système d'enseignement
québécois. Je veux souligner le souci de rigueur et de
qualité qui caractérise les travaux du ministère et de ses
collaborateurs dont plusieurs sont présents avec nous aujourd'hui et que
j'assure de ma sympathie et de mon désir de compréhension. Mais
nous sommes rendus à un point où le ministère de
l'Éducation est trop empêtré dans la mise au point et
l'application de contrôles rigides qui vont beaucoup trop jusque dans les
détails. Je pense que le moment est arrivé - et je suis content
que le premier ministre en ait parlé et que le ministre y soit revenu ce
matin -où il faut rendre le ministère de l'Éducation
à sa vocation véritable qui est d'imprimer des orientations
générales, d'assurer l'unité du système et,
surtout, d'assurer la cohésion et ce que j'appellerais le soutien du
système. Les personnes placées en autorité, que ce soit
dans le gouvernement ou dans n'importe quel autre type d'institutions, sont
toujours aux prises avec un conflit entre ce que j'appellerais l'approche de
contrôle et
l'approche pneumatique, l'approche d'inspiration.
Nous sommes portés à nous dire - et j'en ai fait
moi-même l'expérience à bien des reprises dans mon propre
cheminement -quand nous sommes placés en autorité: II faut
d'abord s'assurer un contrôle de l'appareil. Finalement, cet objectif se
nourrit lui-même en cours de route et tend à s'engraisser
lui-même. Je pense qu'il faut faire un choix
délibéré et dire: Cet objectif fait de nous tous des
captifs, il faut absolument s'en libérer et remettre l'accent sur les
tâches d'inspiration. Je suis très heureux que le gouvernement
semble en être conscient. Nous attendons toujours la manifestation
concrète, évidemment, les illustrations pratiques de ce
désir.
En ce qui me touche, je voudrais formuler quelques exigences en ce qui
concerne l'apport du ministère au cours de la période à
venir. Premièrement, je pense qu'il faut demander une meilleure
intégration des diverses étapes et des divers volets de chaque
démarche majeure entreprise par le ministère. J'ai
constaté, à propos de beaucoup de sujets (la négociation
collective, le régime pédagoqique) que le ministère fixe
de grands échéanciers - la réforme ou la restructuration
scolaire tombe, évidemment, là-dessous aussi - mais que,
finalement, le ministère lui-même faillit souvent à sa
tâche de réaliser des échéances en ce qui touche sa
propre responsabilité et a mal prévu l'agencement des
étapes les unes dans les autres. Nous le verrons à propos du
régime pédagogique, cela a donné lieu à de
très nombreuses frustrations parce qu'on n'avait pas bien établi
l'intégration des diverses démarches.
Si, au cours de la dernière année, on avait donné
suite aux promesses qui avaient été faites à
l'étude des crédits budgétaires, nous aurions une
politique de l'éducation des adultes, nous aurions une politique de
l'enseignement privé, nous aurions déjà le programme des
études établi dans les cégeps. Mais les gens qui sont aux
autres niveaux du système attendent après ces choses. Ils se
disent: Nous ne pouvons pas avancer ou établir de politique tant que ces
affaires n'ont pas été précisées d'une
manière claire. Je crois qu'il y a un devoir de cohésion,
d'harmonisation et d'intégration qui s'impose pour le ministère
dont, d'ailleurs, on trouve encore de nombreux exemples dans le cahier
explicatif qui nous a été donné.
Deuxièmement, un devoir de transparence avec les partenaires. Je
ne veux pas entrer dans les détails ici; nous aurons l'occasion d'y
revenir à propos de chaque niveau d'enseignement, mais je pense qu'un
organisme qui veut exercer une influence de type inspiration doit donner
l'exemple d'une transparence beaucoup plus grande que celle dont nous avons
été souvent témoins au cours des dernières
années.
Troisièmement, il faut mettre l'accent davantage sur la
recherche; je pense qu'on l'a souligné tantôt. La recherche doit
devenir une dimension absolument capitale du fonctionnement du
ministère; je ne prétends pas que toute la recherche devra se
faire à l'intérieur du ministère. Je pense bien que la
grande partie devra continuer à être donnée en commandite
à l'extérieur, mais je pense qu'il faut un programme beaucoup
plus articulé, beaucoup plus cohérent de ce côté.
Finalement, je pense que le leadership que doit donner le ministère, qui
est un élément absolument essentiel au bon fonctionnement du
système, doit être placé sous le signe de l'inspiration
plutôt que des contrôles.
Un autre élément. Je crois que le ministère doit
viser une meilleure intégration entre le niveau consultatif et le niveau
politique. De nombreux organismes consultatifs sont en place et, en
général, je crois qu'ils travaillent très bien. On a
souvent l'impression que leur rythme de travail et leurs priorités ne
sont pas toujours bien accordés avec le rythme de travail et les
priorités du ministre et de ses collaborateurs. Je prends quelques
exemples récents. J'écoutais le ministre tantôt et je
lisais le cahier explicatif ces jours-ci. Il y a bien des points sur lesquels
on a l'impression soit que le ministre et ses collaborateurs n'ont pas lu les
observations qui ont été formulées par l'organisme
consultatif, soit qu'ils n'adhèrent pas du tout à ces opinions.
Même au niveau des faits, parfois, on est étonné de
constater qu'il y a des "discrépances" qui sont difficiles à
justifier a priori.
Au sujet de la restructuration scolaire, par exemple, je ne sais pas
où on en est rendu avec le Conseil supérieur de
l'éducation. Je pense qu'il n'a pas émis son opinion encore. Il a
fait ses consultations de son côté. Cela fait curieux. Je ne sais
pas si le ministre était parti de son côté en consultation;
nous trouvions que c'était plutôt en tournée de propagande
et nous regrettions que certains fonctionnaires soient associés à
cela. D'ailleurs, il y a des fonctionnaires qui sont allés faire la
propagande du plan de restructuration du ministre en plusieurs endroits. Je ne
pense pas qu'il incombe à des fonctionnaires... Pardon?
M. Laurin: De l'information.
M. Ryan: Si le ministre veut me poser une question, je vais y
répondre volontiers. Je ne pense pas qu'il incombe à des
fonctionnaires d'aller faire de la propagande ou de l'information sur des
projets qui ne sont même pas à l'état de
législation. Je pense que c'est au ministre et à ses
collaborateurs politiques de faire ce travail. Il y a des redressements qui me
paraissent
s'imposer de toute évidence. Je suis plutôt partisan d'une
approche traditionnelle de ce côté. Je pense qu'il y a une grande
démarcation avec ce qui est le fruit de générations
d'expérience. Le conseil supérieur part de son côté
ensuite et va faire des rencontres d'information. Ce sont les mêmes
personnes. Finalement, on ne peut pas multiplier les personnes à
l'infini. Elles vont aller donner parfois une opinion au ministre et parfois
une autre opinion au Conseil supérieur de l'éducation. Je ne sais
pas si un meilleur agencement ne s'imposerait pas de ce
côté-là.
Une des découvertes que j'ai faites en politique, M. le ministre
- je m'excuse de cette digression - c'est que les gens vous disent une opinion
à vous et, ensuite, ils vont rencontrer le gouvernement et disent le
contraire. Ils s'arrangent avec ça; s'il y a une piastre à
prendre d'un côté et une piastre de l'autre, ils vont les prendre
des deux côtés. Ils vont appuyer la résolution du
gouvernement demandant au gouvernement fédéral de ne pas
intervenir dans les municipalités et, par la suite, ils vont partir en
délégation pour aller rencontrer le député
fédéral pour savoir s'il n'y aurait pas un moyen de passer
à côté de ce qu'ils ont approuvé de l'autre
côté. C'est une mentalité qui est encore trop
répandue chez nous, malheureusement.
De ce point de vue, pour revenir à mon sujet - je pense qu'on
aura l'occasion d'en parler, j'espère, pendant au moins une heure - il y
aurait peut-être une meilleure intégration à rechercher
entre la fonction consultative et le niveau politique. Nous consacrons beaucoup
d'énergie et de ressources à la fonction consultative, je pense
que nous sommes en droit d'exiger que son apport soit intégré au
maximum dans le fonctionnement du système.
Une autre observation; j'achève, M. le Président. Que l'on
aime cela ou non -j'aborde ici un sujet très délicat, mais je
pense qu'il est nécessaire de l'aborder si on veut être franc et
complet; le ministre ne l'a pas du tout abordé dans son exposé -
le gouvernement fédéral joue et continuera de jouer un rôle
important dans certains domaines clés de l'éducation. Les
collaborateurs du ministre pourront me fournir des précisions
là-dessus, mais mon impression, c'est qu'une proportion d'environ 70% du
financement de l'enseignement postsecondaire est fournie par des contributions
fédérales en vertu de la loi sur l'enseignement postsecondaire.
Vous pourrez me corriger là-dessus, mais c'est de cet ordre, en tout
cas.
Dans le domaine de la formation professionnelle des adultes, nous savons
tous que l'apport du gouvernement fédéral est déterminant.
Sur les crédits de quelque 152 000 000 $ qui ont été
prévus par le gouvernement, il y en a au moins les quatre
cinquièmes, peut-être les neuf dixièmes qui
découleront de l'accord Axworthy-Marois sur le programme
fédéral de formation professionnelle.
En ce qui regarde la recherche universitaire, j'entendais le ministre
nous dire tantôt que les contributions du gouvernement
québécois à la recherche ont augmenté ces
dernières années et augmenteront de nouveau cette année.
J'en suis très heureux, mais je pense qu'il est important de nous rendre
compte que, dans le paysage complet de la recherche universitaire au
Québec au cours des dix prochaines années, la part du
gouvernement québécois demeurera un facteur d'une importance
relative.
J'extrais de l'étude qui a été fournie au ministre
par le Conseil des universités les données suivantes: en 1979, la
part des principales sources de financement extérieures à la
recherche universitaire au Québec s'établissait comme suit: le
gouvernement fédéral, 38,9% - c'est pour l'ensemble du Canada,
mais on peut transposer, mutatis mutandis, pour le Québec et, si vous
voulez la transposition, vous l'avez et je l'ai ici; on ne fera pas de chicane
avec cela, je pense qu'on pourrait y revenir plus tard - les gouvernements
provinciaux, 6,9%; l'industrie, 35,8%; les universités, 13,9%; les
autres sources, 4,4%. En 1985, d'après les projections qui ont
été établies par les organismes fédéraux, la
part du fédéral glisserait de 38,9% à 33,3%; celle des
provinces passerait de 6,9% à 6,6%; celle de l'industrie passerait de
35,8% à 50%; celle des universités de 13,9% à 7,6% et
celle des autres sources de 4,4% à 2,5%. Ceci nous indique qu'à
moins que nous ne voulions vivre dans un univers irréel ou à
moins que le peuple du Québec, à la prochaine élection, ne
fasse l'option qui est recommandée par le Parti québécois,
il faut bien s'ouvrir les yeux à la réalité. Je pense
qu'il faudrait admettre une bonne fois aussi que toute cette implication du
gouvernement fédéral ne procède pas nécessairement
de pensées machiavéliques, mauvaises ou assimilatrices.
Je regarde le rapport de la commission sur la qualité de
l'éducation aux États-Unis. Elle a conclu qu'il faut une
implication du gouvernement qui représente l'ensemble des
Américains pour assurer que ce panneau de la vie collective se situera
à un certain niveau d'excellence, sans quoi les États-Unis
perdront du terrain dans la course qui les oppose à des géants
comme l'Union Soviétique, le Japon, demain la Chine, etc.
Nous autres, faisant partie de l'ensemble canadien, je pense que nous
devons convenir qu'il y a un certain rôle qui ne peut pas être
évité par le gouvernement fédéral. Vous ne pouvez
pas dire au gouvernement fédéral: Vous serez responsable
de la bonne marche de l'économie, en soutenant tout de suite
après qu'il ne doit en aucune manière s'intéresser
à l'éducation. Nous avons tous des positions très fermes
en matière constitutionnelle, mais je crois qu'il y a la
réalité concrète également, il y a la tradition
politique de ce pays-ci, surtout depuis la dernière guerre mondiale, qui
nous obligent à entrevoir en tout cas qu'au cours des dix prochaines
années, à moins d'un changement constitutionnel tout à
fait majeur, il y aura une implication majeure du gouvernement
fédéral dans des secteurs comme le financement de l'enseignement
postsecondaire, la formation professionnelle des adultes, le financement de la
recherche universitaire, l'enseignement des langues secondes. Et il est venu
s'ajouter un dernier sujet au cours des deux dernières années, la
protection des droits minoritaires, dans le domaine de l'éducation.
Or, si je regarde le bilan du gouvernement actuel à cet
égard, je dois conclure que le gouvernement n'a pas été
spécialement habile à tirer de cette réalité le
meilleur parti possible. En ce qui regarde la formation professionnelle, le
gouvernement s'était fait fort de récupérer les pouvoirs
du Québec en ce domaine, mais, finalement, au cours de la
dernière année, il a signé un accord, l'accord
Axworthy-Marois, qui rétrécit singulièrement les
possibilités de réalisations pour nous dans ce domaine. En
mettant l'accent sur ce qu'on appelle les emplois à priorité
nationale, l'accord Axworthy-Marois risque de réduire les
possibilités que nous avions dans le champ de la formation
générale. De ce point de vue ci, je ne vois rien dans les
crédits budgétaires qu'on nous propose qui soit de nature
à fournir une garantie de compensation valable. (12 heures)
Je me rappelle que le ministre s'est vanté, quand il a fait sa
conférence de presse, d'avoir gagné des gros points au point de
vue des pouvoirs décisionnels du Québec, mais nous savons tous,
si nous avons lu le texte de l'accord, que les pouvoirs décisionnels
majeurs restent aux mains du gouvernement fédéral. Il y a
certaines choses qui doivent être décidées conjointement,
mais ce sont des choses qui feront l'objet de recommandations au ministre
fédéral, lequel prendra les décisions fondamentales.
En ce qui touche la recherche, nous aurons l'occasion d'en parler
abondamment. Je crois que nous avons continué à perdre du terrain
dans plusieurs secteurs et, en particulier, nous risquons d'être
déclassés dans la perspective des critères nouveaux qui
vont présider aux décisions au cours des prochaines
années. Il y a une explication facile à laquelle recourait
toujours un homme politique qui s'appelait Maurice Duplessis: C'est la faute du
fédéral. Ils mettent tous les blâmes de ce
côté-là. C'est impossible que les choses soient aussi
simples. C'est impossible. Je pense qu'en matière de recherche, en
particulier, l'étude qui a été faite pour le compte du
ministre par le Conseil des universités établit que certaines
responsabilités logent peut-être aussi chez nous et que nous
aurions intérêt à y faire face, surtout dans la perspective
des programmes nouveaux qui s'en viennent.
En ce qui touche l'aide fédérale à l'enseignement
postsecondaire, un gros accent nouveau y est mis. Le fédéral veut
participer à la définition des objectifs. Mais je ne sache pas
qu'on ait été témoin d'une réaction un peu
substantielle de la part du gouvernement actuel sur ce point précis. On
a crié: Holà! Cela, on l'entend tous les jours à
l'Assemblée nationale. Mais je ne sache pas qu'on ait eu un
énoncé de politique. Encore là, s'il est vrai, comme nous
l'affirmons ici quand nous nous parlons entre nous, qu'il existe une
étroite interdépendance entre la qualité de
l'économie et la qualité de l'éducation, comme une grosse
partie du sort de l'économie relève de l'autorité
fédérale, il y a peut-être une dimension de
l'éducation qui doit être examinée à ce
niveau-là. Pourvu qu'on préserve des pouvoirs de décision
essentiels, je pense que le Québec aurait beaucoup à fournir
à la définition de certains objectifs canadiens en matière
d'éducation. Actuellement, le gouvernement le fait sur des points
secondaires avec le Conseil des ministres de l'Éducation, mais je ne
pense pas qu'il ait apporté une contribution vraiment importante ici. En
tout cas, sur ce point-ci, je sens que nous n'apportons pas tout ce que nous
pourrions apporter.
En ce qui regarde l'enseignement des langues secondes, le gouvernement
fédéral a un programme substantiel depuis plusieurs
années. À lire le cahier explicatif que nous a remis le
gouvernement, on a l'impression que Québec se borne à tirer plus
ou moins passivement partie des fonds disponibles à Ottawa. S'il y en a
plus, tant mieux; s'il y en a moins, tant pis. J'ai l'impression que c'est
beaucoup plus grave. Allez parler aux gens ordinaires, au Québec. Ils
veulent avoir accès à la connaissance de l'anglais. Ils veulent
que leurs enfants aient accès à la connaissance de l'anglais.
Ceux qui sont sur le marché du travail, malgré tout ce qu'on a
fait en matière de politique linguistique, éprouvent plus que
jamais la nécessité de la maîtrise de l'anglais pour
être capables d'avoir accès à toutes les chances possibles
d'épanouissement.
En ce qui touche la Loi constitutionnelle, j'y reviens brièvement
pour déplorer que le gouvernement n'ait pas accepté de souscrire
à une "clause Canada" raisonnable. Les choses qui séparaient le
gouvernement des éléments qui ont été
inscrits dans la Loi constitutionnelle n'étaient pas aussi
considérables qu'on l'a dit. J'ai entendu le ministre agiter, encore ces
derniers mois, l'épouvantail de 15 000, 20 000, 25 000 ou 30 000
étudiants qui pourraient être perdus. Ce n'est pas du tout de cet
ordre-là. La "clause Canada", interprétée au sens
où l'entend l'Opposition, est une clause qui aurait pu donner lieu
à un front commun des partis du Québec pour infléchir la
politique qui a été inscrite dans la constitution canadienne.
Mais je pense que le gouvernement actuel ne le voulait pas.
Là, nous sommes entraînés dans des guérillas
judiciaires. Cela m'amène à poser -seulement entre
parenthèses, parce que j'y reviendrai - le problème des
illégaux sur lequel ministre après ministre se sont assis avec
une inconscience, à mon point de vue, déplorable. Il y en a une
centaine au moins de nouveaux par suite de l'entrée en vigueur de la Loi
constitutionnelle, quand le gouvernement a décidé que sa loi
continuait de s'appliquer et qu'on dépenserait plutôt de l'argent,
de manière probablement inutile, à des contestations judiciaires
interminables. Les enfants, l'année qu'ils font cette année, ils
ne la referont pas l'année prochaine ni dans deux ans. Les avocats vont
s'amuser, les politiciens aussi. Mais je pense que si on voulait mettre un peu
de réalisme là-dedans, on pourrait trouver une solution à
un problème comme celui-là, qui serait accordée à
ce qu'est la réalité de ce pays.
On vous a posé récemment, M. le ministre - pas à
vous, mais, je pense, au premier ministre - le problème de la recherche.
Cela fait des années que les grandes entreprises qui ont des
laboratoires de recherche au Québec nous disent: II faut des
assouplissements de ce côté-là, parce qu'il y a beaucoup de
gens qui ne veulent pas venir travailler au Québec. On peut bien dire:
Ce n'est pas vrai. On peut bien dire: On a notre permis de trois ans. Mais il y
en a qui disent: Des permis de trois ans, moi, cela ne me satisfait pas. Je
veux avoir quelque chose de plus stable, de plus permanent. Je crois que c'est
un autre point, en tout cas, sur lequel la politique du gouvernement,
finalement, n'a pas été très dynamique. J'aimerais que
nous ayons un débat un jour sur cette question. Je pense qu'on
provoquera l'occasion de le faire à fond. Je manquerais à mon
devoir si je disais que l'Opposition est satisfaite de la manière dont
le gouvernement s'est acquitté de ses responsabilités par rapport
à toute cette dimension qui fait partie du paysage de l'éducation
au Québec.
Je termine, M. le Président, par quelques observations plus
générales. En cette période où tout semble vouloir
nous incliner au pessimisme, au doute et à l'absence de confiance en
nous-mêmes en ce qui touche notre avenir, nous voudrions que le
système d'enseignement, que l'éducation demeure une
priorité absolument majeure du gouvernement, au moins aussi importante
que le développement économique. Nous voulons aussi que le
système d'enseignement redevienne ce qu'il a été dans les
premières années de la révolution tranquille,
c'est-à-dire un milieu où dominent la foi dans la connaissance,
la confiance dans le pouvoir générateur de développement
et de progrès qui s'attache à la connaissance, le sentiment que
l'on sera estimé si l'on prend des initiatives et que l'on va de
l'avant, l'optimisme devant nos chances d'avenir à la fois comme
individus et comme peuple, et surtout la conviction qu'avec un effort
suprême dans le champ de l'éducation nous pouvons assurer notre
avenir de manière beaucoup plus solide et substantielle.
On parle beaucoup de rendre le Québec plus compétitif et
plus concurrentiel. C'est une dimension absolument essentielle du défi
auquel nous faisons face. Je crois que ce défi commence dans le domaine
de l'éducation. Il faut absolument que des objectifs
élevés, les objectifs nobles que nous avions tous
épousés au lendemain du rapport de la commission Parent, nous les
épousions de nouveau aujourd'hui avec tous les ajustements qui
s'imposent parce que là réside, aujourd'hui comme il y a 20 ans,
la clé de nos progrès véritables comme peuple.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député d'Argenteuil. Je signale aux membres de la commission que
nous ajournerons nos travaux à 12 h 30, compte tenu que les travaux de
l'Assemblée nationale reprennent à 14 heures. Comme vous l'aviez
souhaité, nous pourrions terminer les remarques générales.
Il y a deux députés qui ont demandé à prendre la
parole. Je leur demande donc, dans la mesure du possible, de limiter leur
intervention pour qu'à 12 h 30 nous terminions et qu'à notre
retour, après la période des questions, nous abordions le
programme de l'enseignement primaire et secondaire public. M. le
député de Fabre.
M. Michel Leduc
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je veux,
d'abord, féliciter le député d'Argenteuil qui a
mentionné en commençant qu'il voulait aborder la question de
l'éducation avec le plus d'élévation possible en situant
son intervention à l'abri de la politique partisane. Quant à moi,
je constate qu'il a relevé ce défi et je pense que c'en est un
d'arriver en commission parlementaire, en tout cas, à situer le
débat à ce niveau.
Je voudrais m'arrêter à quelques propos qu'il a tenus.
Évidemment, je ne relèverai pas tout, ce serait beaucoup trop
long, mais
un certain nombre de points qu'il a soulignés. D'abord,
après 20 ans, c'est-à-dire après la mise en application
des points contenus dans le rapport Parent, il a souligné un certain
nombre de questions qui surgissent aujourd'hui, et je les résume. Est-ce
que nous en avons aujourd'hui pour notre argent dans le système
d'éducation au Québec? Est-ce que la qualité de
l'éducation va souffrir à la suite des compressions que nous
connaissons présentement? Est-ce que l'éducation est en train de
devenir secondaire par rapport à l'économie? Est-ce qu'il ne
devrait pas y avoir un lien beaucoup plus sensible entre l'économie et
l'éducation telle qu'on l'a connue dans les premières
années d'application du rapport Parent? L'éducation aura-t-elle
la capacité de s'adapter aux changements technologiques qui s'annoncent?
Ces questions sont fondamentales. Je pense qu'au cours de la commission on aura
l'occasion d'aborder ces questions et d'apporter un certain nombre de
réponses. Je pense qu'elles sont communes à l'ensemble des
sociétés occidentales. Nous ne sommes pas les seuls à nous
poser de telles questions.
Je voudrais soulever, par contre, un certain nombre de critiques par
rapport à des propos que le député a tenus. Au sujet,
d'abord, de la question de l'accessibilité, il a mentionné que le
taux de persévérance est moins élevé au
Québec qu'ailleurs ou, à tout le moins par rapport à
l'Ontario. Il a parlé de la question des diplômes. En fait, on
aurait, si j'ai bien compris, moins de diplômes au Québec. Je n'ai
pas trop compris si c'était par rapport à l'Ontario ou par
rapport à l'ensemble du Canada. Ce serait, en tout cas, un point
à clarifier, parce qu'on constate, par ailleurs, que le taux de passage
des élèves du niveau secondaire au niveau collégial s'est
grandement amélioré depuis environ cinq ans. On soulignait, en
fait, le taux record du nombre d'élèves ou d'étudiants au
niveau collégial et le nombre record qu'on connaît
également au niveau universitaire. Évidemment, ceci va porter des
fruits dans les années à venir. Le fait qu'on ait moins de
diplômes peut s'expliquer peut-être par rapport à notre
histoire et aux difficultés qu'on a connues dans le passé, mais
dire que c'est une constante de notre système d'éducation ou y
voir un problème majeur, je n'en suis pas certain. Je pense qu'il faut
voir les choses avec un peu plus d'optimisme et constater, entre autres,
l'augmentation des taux de passage.
En ce qui concerne la question de l'éducation des adultes, vous
avez mentionné, M. le député, qu'il y avait
régression depuis quelques années à ce niveau. Je trouve
le mot beaucoup trop fort par rapport à la réalité. Il y a
eu, effectivement, des compressions qui ont été exercées,
malheureusement, à ce niveau, mais on sait pourquoi, parce qu'on ne
pouvait pas exercer les compressions ailleurs. Donc, les secteurs faibles ont
dû subir des compressions depuis quelques années. Cette situation
sera corrigée et il n'est peut-être pas malheureux que la
réforme soit non pas trop retardée, mais remise. Il est dangereux
d'engager une réforme aussi importante - c'est une réforme
fondamentale - avec hâte. Je pense qu'il vaut mieux bien peser le pour et
le contre, bien mettre en place cette réforme et bien mesurer aussi
l'argent qui sera nécessaire à la mise en oeuvre de cette
politique de l'éducation des adultes que nous attendons tous avec
impatience.
Vous avez parlé du rôle du fédéral. C'est une
des difficultés auxquelles on fait face actuellement pour la mise en
application d'une politique d'éducation des adultes. Quand on pense que
80% ou 90% du budget de l'éducation des adultes viennent du gouvernement
fédéral, je pense qu'il y a une importante négociation qui
doit s'engager quant à l'utilisation des fonds qui proviennent du
fédéral. Toutes ces choses ne peuvent pas être
engagées, encore une fois, avec précipitation.
Vous avez parlé de la recherche de la qualité. Vous avez
mentionné la qualité de la langue. C'est une constatation que
vous avez faite et que je partage entièrement. Vous ne l'avez pas
souligné, mais je pense qu'il faut donner crédit à la loi
101 dans l'amélioration de la qualité. Il y a le rôle, bien
sûr, des enseignants, le rôle des programmes, mais le rôle
également de la loi 101. Une des difficultés auxquelles on se
heurtait dans le passé, c'était l'environnement - surtout dans la
région de Montréal - bilingue, parfois de mauvaise
qualité, qui polluait, surtout au niveau de l'affichage dans certains
quartiers de Montréal. Je le dis sans arrière-pensée et en
toute conviction: Le fait qu'on ait rendu obligatoire l'affichage
français au Québec a contribué à
l'amélioration de l'environnement français et de la
qualité de l'utilisation du français non seulement à
l'école, mais dans la vie courante également, un peu partout. (12
h 15)
Vous avez parlé aussi de la carence quant à la formation
scientifique des jeunes. On pourrait y revenir, c'est un sujet
extrêmement important. Je pense que vous oubliez les objectifs contenus
dans le nouveau régime pédagogique. Il y avait un type de
formation scientifique qui était donné et qui était
beaucoup basé sur les notions. Ceci est changé avec les nouveaux
régimes pédagogiques. Il y a une idée de continuité
qui a été introduite dans les nouveaux programmes et qui touche
la formation scientifique des jeunes, qui part du primaire et qui va
jusqu'à la fin du secondaire. Je pense qu'il n'y a pas carence dans la
formation scientifique des jeunes. Il y a, tout simplement, une nouvelle
approche
beaucoup plus pratique, beaucoup plus en relation avec la formation des
jeunes, avec leur évolution également. On aura sans doute
l'occasion d'y revenir.
Je m'attarde un petit peu à la question des coûts de
l'enseignement. Vous avez mentionné que les ajustements ont
été faits de façon assez brutale. C'est une constatation
qu'on doit faire ensemble. Par contre, vous êtes d'accord sur les
objectifs que le gouvernement s'est fixés. Encore là, vous n'avez
pas suggéré de façon moins brutale pour y arriver, en
dehors, bien sûr, des voeux pieux qu'on peut formuler à cet
égard. Vous avez parlé du syndicalisme qu'on connaît au
Québec, de ce genre de syndicalisme qui est pratiqué au
Québec depuis près de 20 ans. Vous avez mentionné le
désir - on partage également la même préoccupation -
que ce syndicalisme devienne un partenaire de l'éducation au
Québec et non pas simplement un agent revendicateur et enclin à
se centrer exclusivement sur la protection des conditions de travail de ses
membres.
Il y a, en effet, un danger que l'État soit enclin à
consacrer moins de ressources à l'éducation. Je ne pense pas, M.
le député, qu'on en soit rendu là au Québec. Vous
avez signalé les dangers que présentait la politique de Reagan
aux États-Unis; je pense que nous sommes très loin de cette
attitude de la politique de Reagan. Je lisais tout récemment - je me
permets de le mentionner et vous avez sans doute lu les mêmes textes dans
le magasine Times - un rapport fort intéressant qui a été
publié au sujet de la situation de l'éducation aux
États-Unis. Vous avez pu constater comme moi à quel point les
conditions de travail faites aux enseignants au Québec sont de loin
supérieures aux conditions de travail qui sont accordées aux
enseignants aux États-Unis. Il y a ceci qui m'a frappé - je le
mentionne - c'est que, au niveau de l'enseignement, les États-Unis sont
devenus l'endroit où l'on transite, où les bacheliers, les
diplômés de l'université transitent, parce que le milieu
est très instable; il n'y a aucune sécurité d'emploi; les
salaires sont très bas; les heures d'enseignement sont très
longues. Tout ceci crée un milieu d'éducation qui est très
différent de celui qu'on connaît au Québec. Je pense qu'il
faut répéter que les conditions de travail faites à nos
enseignants au Québec sont parmi les meilleures au monde et que ceci
joue en faveur de la qualité de l'éducation.
Quant à la valorisation de l'école, vous avez passé
un peu rapidement là-dessus en disant que vous ne compreniez pas trop
les visées du gouvernement ou pourquoi le gouvernement voulait accorder
aux parents, un rôle aussi étendu qu'ils le souhaitent et qu'il
est mentionné dans le livre blanc. En fait, M. le député,
il faudrait aussi que l'Opposition clarifie ses positions quant au rôle
des parents. Je me souviens très bien qu'à la commission
parlementaire sur l'éducation en rapport avec les négociations
vous avez tenu des propos assez négatifs à l'égard des
parents. Ceci mériterait peut-être d'être
clarifié.
M. Ryan: Question de règlement.
Le Président (M. Blouin): Question de règlement, M.
le député d'Argenteuil.
M. Ryan: Cela fait deux ou trois fois que j'entends le
député m'imputer des affirmations que je n'ai jamais faites. S'il
veut me citer, je n'ai aucune objection, mais qu'il me cite avec
véracité. Je n'ai jamais émis d'opinion négative
à la commission parlementaire en ce qui regarde le rôle des
parents. J'ai posé des questions au sujet de la Fédération
des comités de parents qui comparaissait devant nous. Les
réponses ont, d'ailleurs, confirmé certaines appréhensions
que j'avais formulées à l'époque. En ce qui touche les
parents, toutes les interventions que j'ai faites au cours de la
dernière année ont toujours été dans un sens
positif, sans aller jusqu'à laisser entrevoir la lune, parce que ce
n'est pas possible.
Je ferai une remarque, également. On a dit que l'Opposition
n'avait pas formulé de proposition positive pour contrer l'approche
brutale du gouvernement. Au contraire, nous en avons formulé à
plusieurs reprises au cours des derniers mois.
Le Président (M. Blouin): Je ne voudrais pas que l'on
commence de débat sur ce sujet, car nous aurons l'occasion d'y revenir
au cours de l'étude des crédits. Si vous voulez conclure, M. le
député de Fabre.
M. Leduc (Fabre): Je vais simplement préciser, M. le
Président. C'est une impression que j'ai eue avec mes collègues,
qui a été également exprimée par les
représentants de la Fédération des comités de
parents qui ont été reçus à la commission et qui
ont eu l'occasion de s'exprimer. Le mot "négatif" est peut-être un
peu fort, mais c'est l'impression qui a été laissée, M. le
député. Il reste qu'il serait peut-être bon que
l'Opposition précise ses positions par rapport au rôle qu'elle
entend voir jouer aux parents à l'intérieur de la réforme.
Jusqu'à maintenant, vous avez, bien sûr, formulé des voeux
qu'on peut formuler un peu partout, qui ont été formulés
depuis des années, mais par rapport à un rôle
véritable et nouveau, aussi, que pourraient jouer les parents dans
l'école, vous avez été peut-être un peu trop muets
à cet égard. Je termine mes propos là-dessus.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Fabre. Mme la députée de
Jacques-Cartier, en vous rappelant que nous devrons ajourner nos travaux
à 12 h 30.
Mme Joan Dougherty
Mme Dougherty: J'ai seulement quelques très courts
commentaires à formuler. Je voudrais féliciter mon
collègue, le député d'Argenteuil, pour la gamme de sujets,
d'éléments primordiaux qu'il a soulevés. Je souscris
à 100% à ce qu'il a dit.
Il y a un problème à deux volets qui n'a été
soulevé ni par le ministre, ni par le député d'Argenteuil,
qui me préoccupe beaucoup et qui préoccupe de plus en plus tous
ceux qui sont associés à nos écoles. Il s'agit des
problèmes sociaux qui sont reflétés dans nos
écoles. On lit chaque jour des articles sur la crise montante, sur des
suicides de jeunes, sur des décrocheurs qui n'ont pas les qualifications
pour travailler. Il n'y a pas de travail pour eux, mais ils n'ont pas, non
plus, les "skills" pour travailler. Ils n'ont pas l'attitude appropriée
pour garder un travail. On est très conscient de la violence dans notre
société. Le nombre de divorces qui augmente tous les jours, les
familles uniparentales, tous ces problèmes sont reflétés
dans la vie de l'école et dans la vie personnelle des étudiants
impliqués.
C'est un peu choquant de voir la diminution des effectifs. On voit que,
même si les enseignants ont diminué de 10% dans les dix
dernières années - je n'ai pas les chiffres devant moi - par
rapport à 14% pour les professionnels non enseignants, ils ne sont pas
protégés par des normes et qu'ils sont victimes des coupures
budgétaires en général.
Je crois que tout le monde sait que ces problèmes sont
très très complexes, qu'il n'y a pas de solution facile, mais,
comme l'école est le lieu privilégié de la
prévention et de la solution, dans certains cas, de ces
problèmes, je crois qu'il faut absolument attaquer tous ces
phénomènes d'une façon compréhensive et
spécifique au rôle de l'école dans toute cette affaire.
Il y a des initiatives remarquables dans certaines écoles, dans
certaines régions, mais je n'ai pas l'impression qu'elles sont vraiment
appuyées par le ministère de l'Éducation. Trop souvent, ce
sont des initiatives prises par quelques enseignants dévoués aux
enfants en difficulté d'apprentissage ou en difficulté
émotive ou sociale. Ce sont des initiatives marginales et
improvisées auxquelles manque l'appui nécessaire du
système. Je crois qu'il est grand temps qu'on s'attaque à ces
problèmes, qu'on encourage chaque commission scolaire et toutes les
écoles de chaque commission scolaire à repenser leurs politiques
et leurs actions dans ce domaine, à savoir quelles sont les ressources
nécessaires. Il n'y a pas une façon de traiter ce
problème; il y en a plusieurs. Je crois que chaque région doit
inventer sa propre façon. On peut partager, échanger
l'information, parce que c'est un problème différent dans chaque
région. Quelquefois, c'est le problème de la drogue. Quelquefois,
c'est le problème de la pauvreté, des parents seuls. Je crois
que, si on veut faire quelque chose pour les décrocheurs, 10 000 000 $
ici et 6 000 000 $ là, ce n'est pas la réponse appropriée.
Il s'agit d'argent peut-être, mais souvent il s'agit d'une organisation
différente. Je crois que le ministère peut jouer, comme M. Ryan
l'a suggéré, un rôle de leadership très important
dans ce domaine. (12 h 30)
En terminant, on n'a pas parlé des enfants inadaptés, cela
fait partie des enfants avec des problèmes. On a adopté une
politique d'intégration. Est-ce que le ministère a vraiment
évalué ce qui se passe dans ce programme qui a de bons objectifs
pour la plupart des enfants, mais pas pour tous les enfants? Est-ce que le
ministère a évalué ce qui se passe? J'ai l'impression
qu'en général l'intégration ne marche pas très bien
dans plusieurs endroits faute d'une préparation des enseignants, faute
des ressources appropriées.
Je vais terminer. Je crois que tous ces problèmes sont au coeur
de la qualité de l'éducation; il s'agit d'une éducation
individualisée parce que chaque enfant est différent. Je crois
que le coût économique et le coût social de ne pas agir pour
des enfants en difficulté, pour n'importe quelle raison, est grave pour
notre société et le coût de ne pas agir sera de beaucoup
augmenté à l'avenir à cause de tous les problèmes
sociaux et de toutes les difficultés économiques que ces enfants
auront à l'avenir. Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la
députée de Jacques-Cartier. Nous allons reprendre nos travaux
après la période des questions. Sur ce, la commission élue
permanente de l'éducation ajourne ses travaux sine die.
(Suspension de la séance à 12 h 33)
(Reprise de la séance à 15 h 26)
Le Président (M. Blouin) La commission élue
permanente de l'éducation reprend ses travaux avec le mandat
d'étudier les crédits budgétaires du ministère de
l'Éducation.
Comme il se doit, je vais donc identifier les membres et les
intervenants de cette commission, qui sont: MM. 8rouillet (Chauveau),
Paré (Shefford), Cusano (Viau), de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Mme
Dougherty (Jacques-Cartier), MM. Hains
(Saint-Henri), Laurin (Bourget), Leduc (Fabre), LeMay (Gaspé),
Payne (Vachon), Ryan (Argenteuil).
Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Charbonneau
(Verchères), Dauphin (Marquette), Doyon (Louis-Hébert), Gauthier
(Roberval), Mmes Harel
(Maisonneuve), Lavoie-Roux (L'Acadie), MM. Champagne (Mille-Îles),
Rochefort (Gouin), Sirros (Laurier).
Comme l'entente intervenue entre les partis le précise, nous
allons suspendre nos travaux à 18 heures pour les poursuivre de 20
heures à 23 heures ce soir. Nous aurons le même horaire de 20
heures à 23 heures jeudi soir. Il y aura relâche des travaux de la
commission demain. Nous laissons ouverte la période de vendredi matin si
jamais nous n'avions pas terminé l'étude des crédits du
ministère de l'Éducation.
Sans plus tarder, nous allons étudier maintenant les
crédits du premier programme à l'ordre du jour, celui de
l'enseignement primaire et secondaire public.
M. le ministre.
Discussion générale
M. Laurin: M. le Président, je pense que, dans mes
remarques liminaires, j'ai dit à peu près ce que le
ministère entendait préconiser comme grandes orientations et
projets précis pour l'année qui vient. Je pense que j'en ai assez
dit sur ce point et je préfère attendre les questions de
l'Opposition.
Le Président (M. Blouin) M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Avant que nous en venions à l'enseignement
primaire et secondaire, il y aurait quelques questions de méthode que je
voudrais clarifier avec le ministre dès maintenant.
Par exemple, je constate que, dans le cahier documentaire que nous a
remis le ministère, on fait souvent des comparaisons avec l'exercice de
1982-1983. De manière très générale, les
comparaisons me paraissent porter sur les crédits budgétaires qui
avaient été adoptés l'an dernier. Dans certains cas, on
fait des ajustements. On avertit au début du document que, lorsqu'il est
fait allusion à ce qu'on peut appeler les dépenses probables ou
prévues pour l'exercice de 1982-1983, on se reporte à des
données qui remontait au 1er janvier 1983. À certains endroits,
cela semble aller plus loin; à d'autres endroits, moins loin. Cela
crée des problèmes d'interprétation pour celui qui lit ces
choses.
Je vous donne un exemple: Quand on parle de l'enseignement privé
et aussi de l'enseignement collégial, on suppose que les effectifs
étudiants pour l'année à venir seront les mêmes que
pour la dernière année, alors que, dans l'annexe aux
crédits budgétaires qui nous a été remise, on
postule, par exemple, pour l'enseignement privé, une augmentation de la
clientèle de 2,9%. Je remarque également que, dans ce
document-ci, à peu près toutes les comparaisons sont faites avec
les dépenses probables de l'année 1982-1983, tandis que, dans les
notes qu'on nous a remises, les comparaisons sont faites en grande
majorité avec les crédits budgétaires.
Il y a une chose que je voudrais demander, seulement pour m'assurer
qu'on se comprend. À la page 17 de la première section du cahier
documentaire, vous avez des données très importantes. Est-ce
qu'il y aurait moyen qu'on confirme, à l'aide des crédits
budgétaires... Je fais une transposition des dépenses probables;
il y a des différences. Parfois, il va y avoir une différence de
quelques millions suivant la source qu'on prend, mais, si le ministre ou ses
collaborateurs pouvaient compléter cette colonne-ci pour notre usage,
cet après-midi, ce serait très utile. Vous comprenez facilement
pourquoi. Parfois, il va arriver ceci: Quand on compare avec les crédits
1982-1983, on va dire: Là, il y a une diminution, par exemple, de 3% ou
de 4%, ou une diminution générale de 2,1%, quand on compare avec
les dépenses probables. Et surtout, le premier point que je vais
introduire avant qu'on y arrive - vous allez comprendre que cela se relie tout
à fait à l'objet de notre démarche - ce seront les
réductions de dépenses imputables, évidemment, à la
loi 70 et aux grèves d'enseignants qui ont eu lieu au cours de
l'année. Je pense que c'est important de nettoyer cette question comme
il le faut. Il en est question à divers endroits dans le cahier
budgétaire, pas toujours avec toute la précision qu'on
souhaiterait. Si on pouvait nettoyer cette question comme il le faut,
après s'être entendu sur la nature des données.
M. Laurin: Effectivement, M. le Président, il y a eu des
ajustements en cours d'exercice en raison de l'adoption de la loi 70 et de la
loi 105 et aussi, conjoncturellement, en fonction des grèves qui ont eu
lieu dans le secteur aussi bien primaire et secondaire que collégial. Il
y a eu aussi d'autres ajustements en cours d'exercice en fonction d'une
augmentation plus grande que prévue au chapitre de l'enseignement
collégial et même de l'enseignement universitaire, et aussi au
chapitre de l'enseignement privé puisque l'enseignement privé a
été touché, lui aussi, par l'adoption de la loi 105. Donc,
je pense que la question du député d'Argenteuil est très
pertinente, mais, pour entrer dans plus de détails et pour mieux
répondre à sa question, je demanderais à M. Girard de
compléter ma réponse.
M. le Président, chaque année, la question qui vient
d'être posée, nous nous la posons et nous en sommes venus à
la conclusion que la méthode la plus facile pour faire des comparaisons
valables, devant la commission parlementaire, c'était de tenir compte,
évidemment, des crédits qui ont été votés
l'année précédente par rapport aux crédits qui
doivent être votés au cours de la présente année.
Nous adoptons, de façon générale, tout au long du livre
des crédits, cette méthode de comparaison.
Par ailleurs, il est évident qu'il peut y avoir des
crédits périmés à certains postes. Pour ce qui est
de l'année qui vient de s'écouler, il y a, évidemment, un
point de repère qui est particulièrement important,
c'est-à-dire celui de l'effet des lois 70 et 105 sur les crédits
qui ont été votés au cours de la dernière
année. Vous avez, à la page 17, comme vous venez de le
mentionner, des comparaisons en termes de crédits votés en
1982-1983 par rapport aux crédits à être votés en
1983-1984, mais nous avons fait un autre tableau, à la page 19, qui
porte sur la variation entre les crédits à être
votés en 1983-1984 et ceux qui, effectivement, ont été
disponibles en 1982-1983 compte tenu des effets des lois 70 et 105. Donc, vous
avez, au tableau de la page 19, la comparaison, compte tenu de la diminution
des crédits à partir des lois 70 et 105.
Pour refaire l'ensemble du cahier, en tenant compte des crédits
effectivement utilisés au-delà des économies qui auraient
pu être faites, compte tenu des impacts des lois nos 70 et 105 - je pense
en particulier aux crédits qui sont périmés chaque
année -cela présenterait certaines difficultés. On peut
essayer de voir techniquement si on pourrait ajouter une colonne à la
page 17, mais je pense que cela prendrait un assez long moment pour le
faire.
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Je voudrais d'abord vous signaler que les tableaux aux
pages 17 et 19 ne font pas référence à des données
de même nature. Les regroupements de données ne sont pas faits
suivant les mêmes catégories et ce n'est pas très
éclairant quand on veut essayer de faire des rapprochements. Au tableau
de la page 17, on vous donne les crédits votés suivant les
différents niveaux d'enseignement tandis qu'à la page 19, on vous
donne les crédits votés, et probablement employés, en
1982-1983 et les crédits proposés en 1983-1984 en fonction de
catégories qui sont beaucoup plus générales. Pour celui
qui veut essayer de faire le rapprochement, ce n'est pas facile.
Je voudrais juste vous poser une question en rapport avec ceci. Dans le
volume général des crédits, à la page XX en
chiffres romains, on vous donne les dépenses probables qui ont
été faites dans le secteur de l'enseignement pour l'année
1982-1983. Ce que je voudrais vous demander, c'est ceci: Les montants qui sont
inscrits ici, que je suis porté à transposer dans la colonne de
droite, tiennent-ils compte des économies que vous avez
réalisées au chapitre de la loi 70 et au chapitre des
grèves, ou s'ils n'en tiennent pas compte?
Le Président (M. Blouin): M. Girard.
M. Laurin: II faudrait que je vérifie à partir du
document auquel vous vous référez. Je voulais tout simplement
ajouter que, lorsque je parle du tableau 19 et que je fais la comparaison entre
19 et 17, à moins que vous n'ayez pas tous les tableaux, ce sont les
mêmes rubriques.
M. Ryan: Je m'excuse, c'était à la page 21.
M. Laurin: 21, c'est cela.
M. Ryan: Très bien.
M. Laurin: Je vais vérifier.
M. Ryan: Vous pouvez vérifier ce point-là pour voir
si, dans vos tableaux de la page 19, et si, dans le tableau de la page XX en
chiffres romains, des crédits, vous pouvez trouver les points qui
expliquent les différences pour faire en sorte que nous soyons dans la
clarté parfaite. Pour nous, il faut que toutes ces données se
concilient au bout du compte de manière à n'avoir qu'une
interprétation. Cela va pour ce point?
Maintenant, le deuxième volet de ma question portait justement
sur les dépenses qui n'ont pas été faites en raison de la
grève des enseignants et en raison des coupures effectuées sous
l'empire de la loi 70. Avant de commencer à parler des secteurs
particuliers, y aurait-il moyen qu'on nous donne une vue d'ensemble des sommes
qui ont été récupérées sous l'un et l'autre
de ces deux titres et pour chacun des niveaux d'enseignement?
M. Laurin: Je vais vérifier, mais je pense que
déjà nous avons préparé des tableaux qui pourraient
indiquer, pour le réseau primaire et secondaire, le réseau
collégial et le réseau universitaire, les économies
escomptées, compte tenu de l'application des lois 70 et 105 et compte
tenu des jours de grève qui ont été faits et qui n'ont pas
été remboursés aux enseignants.
M. Ryan: En vérifiant également si ces montants
sont compris dans ceux dont je
parlais à la page XX en chiffres romains des crédits
budgétaires et s'ils doivent être déduits. Vous pensez
avoir cela bientôt?
M. Laurin: Oui.
M. Ryan: II y a une question que je voudrais vous poser à
propos des subventions.
Le Président (M. Blouin): Vous l'adressez à M.
Girard, au ministre?
M. Ryan: Au ministre.
Le Président (M. Blouin): Oui, M. le ministre.
M. Ryan: J'adresse toutes mes questions au ministre, c'est lui
qui décide si d'autres vont répondre.
Le Président (M. Blouin): D'accord, vous avez raison.
M. Ryan: Au tableau de la page 21, on nous donne la
répartition des subventions à diverses fins pour les
années 1982-1983 et 1983-1984. Aux fins de la compréhension,
à l'article 3.2, dois-je comprendre que ce sont des subventions qui
portent sur avril, mai et juin de l'année précédente?
M. Laurin: Je pense que ceci se réfère au mode que
nous avons adopté depuis quelques années en ce qui a trait
à l'utilisation des crédits. Pour le secteur primaire et
secondaire, nous payons, dans l'année des crédits, à peu
près 70% de ce qui est affecté et 15% pour chacune des
années qui suivent.
Pour le collégial, l'arrangement est différent. Je pense
que nous payons 68% et 32% pour l'année qui suit. Je ne sais pas si M.
Girard voudrait ajouter quelque chose à cette façon de faire.
Cela explique, en tout cas, les montants qui seraient autrement
incompréhensibles.
Je pense que cela représente effectivement les trois derniers
mois à partir de la méthode de versement qui consiste à
payer 70% une année, 15% la seconde année et 15% la
troisième année. Si vous vous référez à la
page 22 du livre des crédits, vous avez le mode de répartition
pour chacun des réseaux. Donc, pour le réseau primaire et
secondaire, 70% au cours d'une année, 15% la deuxième, 15% la
troisième. Pour le réseau collégial, 68% au cours d'une
année, 32% au cours de l'année subséquente. Pour
l'universitaire, 75% une année, 25% pour l'année
subséquente et, pour le privé, 60% une année et 40%
l'année subséquente. Il nous a paru important d'en parler assez
longuement dans la première partie du livre des crédits parce
que, précisément, cela rend les comparaisons plus
compliquées. Par exemple, si l'on veut vérifier le pourcentage
d'augmentation dans le secteur privé par rapport au secteur
collégial public, comme la méthode de financement n'est pas
rigoureusement la même, il faut faire les adaptations; d'où la
nécessité de s'en tenir de la façon la plus
générale possible aux crédits, ce qui facilite par la
suite les comparaisons d'une année à l'autre.
M. Ryan: Quant à être à cette page, j'aurais
une autre question à vous poser, qui peut nous éclairer pour les
démarches à suivre. À l'article 3.3, il est question des
subventions pour le financement des ajustements de fonctionnement des
années scolaires passées. Ce sont les années
antérieures à 1982-1983 et la somme totale des subventions
prévue pour 1983-1984 à ce chapitre est de 525 100 000 $. En
1981-1982, c'était 361 100 000 $. Il y a eu une augmentation de 160 000
000 $.
M. Laurin: La seule explication - et je viens de vérifier
- tient uniquement à l'augmentation des budgets au cours des mêmes
années. Les ajustements augmentent donc en conséquence.
M. Ryan: Le trou a augmenté au lieu de diminuer. C'est
là qu'était le trou.
M. Laurin: Si je peux me permettre, M. le Président: Pour
ce qui est de la somme de 500 000 000 $, on avait eu l'occasion de s'expliquer
longuement. Bien sûr, il y a des arrérages qui continuent
d'être payés par rapport à la vérité des
coûts qui avaient été faits au cours de cette année,
de l'année fameuse des 500 000 000 $, mais le trou ne continue pas de
s'agrandir, puisque vous vous êtes référé au trou
même si, dans mon esprit, il n'a jamais véritablement
existé de trou. Il s'agissait de faire la vérité des
coûts et de repartir sur une base réaliste, ce que nous avons fait
et depuis, puisque les budgets des commissions scolaires sont des budgets
fermés, il n'y a pas eu de déficits qui se sont ajoutés,
puisque les profits demeurent dans les commissions scolaires et que les
déficits sont imputés aux commissions scolaires. Ainsi, depuis
l'année 1980-1981, avec la nouvelle méthode de financement des
commissions scolaires, les coûts qui apparaissent aux livres des
crédits sont des coûts réels, sauf les ajustements qui
peuvent être faits en cours d'année, découlant, par
exemple, d'événements comme ceux qui sont survenus au cours de la
présente année, qui sont imputables aux lois 70 et 105.
M. Ryan: Là, il faudrait que vous m'expliquiez cela bien
clairement une nouvelle fois, parce qu'il y a certains éléments
qui m'ont échappé. Nous étions à 361 000 000 $ en
1981-1982, à la fin de
1982; là, nous sommes à 525 000 000 $ à la fin de
l'année 1982-1983, les prévisions pour l'année à
venir. Vous dites que c'est parce que les coûts ont augmenté. Vous
dites: II n'y a pas eu de déficit depuis 1981.
M. Laurin: C'est exact. Il y a eu, par ailleurs...
M. Ryan: Ce sont toutes des subventions de rattrapage qui vont
au-delà de la dernière année. Cela ne comprend pas la
dernière année. La dernière année est comprise dans
le poste précédent.
M. Laurin: M. le Président, si j'ai bien compris la
question, il s'agit de faire la comparaison entre les crédits
votés au titre des ajustements pour les années antérieures
au cours de l'année 1981-1982, où le chiffre est de 360 000 000
$, et des ajustements à être votés au cours de
l'année 1983-1984 pour les 525 000 000 $. On va faire préparer
là aussi un petit tableau au cours des minutes qui suivent avec
l'explication des écarts.
M. Ryan: Très bien. On va revenir sur ces questions,
évidemment, au chapitre des commissions scolaires, mais ce sont des
explications de base qui me paraissaient importantes.
À propos du quantum des subventions, à la page 26, il y
avait une question que je voulais vous poser là-dessus. Vous dites:
Quant aux autres personnels et aux autres coûts - au haut de la page 26 -
ils ne subissent pas l'effet direct des variations de clientèle. En
1983-1984, le montant total des subventions a été établi
en tenant compte d'un facteur de variation équivalant à 50% du
taux de variation de la clientèle des deux ou trois dernières
années scolaires. Pourriez-vous expliquer ce point?
M. Laurin: Dans les enveloppes autant des collèges que des
commissions scolaires -il en va de même des universités - pour
l'enveloppe qui touche le personnel enseignant, c'est directement lié
à l'augmentation ou à la baisse de la population scolaire. Il y a
donc un ratio d'établi pour chaque commission scolaire et la variation
est donc comptabilisée à 100%. En ce qui concerne les autres
personnels, s'il y a une baisse de 300 élèves ou s'il y a une
augmentation de 300 élèves, cela ne joue pas dans les mêmes
prorata sur le nombre de directeurs d'école, sur le nombre de cadres de
commissions scolaires ou sur le nombre de personnels de soutien ou de
professionnels. À ce moment-là, la variation joue à 50%,
c'est-à-dire que l'impact n'est pas direct. Elle est
considérée à 50%. C'est cela, l'explication.
M. Ryan: Je vais poser cette question tout de suite, parce que
cela en est une autre dont on aura disposé pour les séances
subséquentes. Lors des séances de la commission parlementaire de
l'éducation qui ont entouré le conflit des enseignants, nous
avions demandé à plusieurs reprises des données
comparatives sur le personnel et les coûts au ministère de
l'Éducation du Québec et au ministère de
l'Éducation de l'Ontario. On nous avait dit qu'on étudierait ces
questions. Je pense que nous n'avons pas eu de nouvelles depuis.
Peut-être que vous avez des données à nous communiquer
là-dessus. Cela nous rendrait bien service. Peut-être que cela
simplifiera de beaucoup l'examen de la dernière partie du cahier qui
porte justement sur l'organisation et le fonctionnement du
ministère.
M. Laurin: Effectivement, votre demande n'a pas été
oubliée. Nous y avons intensément travaillé. Je pense que
nous pouvons rapporter un progrès. La commission parlementaire est le
moment et le lieu idéal pour rapporter ce progrès. Je pense qu'on
a de bonnes nouvelles à vous apporter.
M. le Président, si vous le permettez, je résumerais
à larges traits une fiche que j'ai devant moi et qui explique les
écarts entre les coûts de fonctionnement du ministère de
l'Éducation du Québec et ceux du ministère de
l'Éducation de l'Ontario, de même que ceux du ministère des
Collèges et des Universités de l'Ontario. Pour que la comparaison
soit valable, il faut effectivement tenir compte du fait qu'il y a deux
ministères en Ontario et comparer les effectifs totaux des deux
ministères par rapport aux effectifs totaux du ministère de
l'Education du Québec.
Pour ce qui est de la direction ministérielle,
c'est-à-dire le bureau des sous-ministres, au ministère de
l'Éducation, au Québec, il y a 83 personnes, ce qui
représente 3,8% de l'effectif du ministère, alors qu'en Ontario
il y a 71 personnes, ce qui représente 4,5% de l'effectif total des deux
ministères. Pour ce qui est du secteur de la planification, 81 personnes
au Québec, ce qui représente 3,7% du total de l'effectif
ministériel, alors qu'en Ontario, on en dénombre 68, ce qui
représente 4,2% de l'effectif. Pour ce qui est de l'administration, 631
personnes au Québec, ce qui représente 28,5%, contre 382 en
Ontario, ce qui représente 24%. Nous avons un premier écart
significatif sur lequel nous reviendrons. (15 h 45)
Gestion du préscolaire, du primaire et du secondaire, 722
personnes au Québec, ce qui représente 32,6% de l'effectif
ministériel, contre 397 en Ontario. En Ontario, le pourcentage est de
25%, deuxième écart substantiel et significatif sur lequel
nous
reviendrons. Gestion de l'enseignement collégial, 112 au
Québec, 42 en Ontario; gestion de l'enseignement universitaire, 90 au
Québec, 52 en Ontario; gestion de la formation des adultes, 174 au
Québec et 375 en Ontario. Il y a là un écart
considérable du côté de l'Ontario. On y reviendra
également. Gestion de l'enseignement privé, 22 au Québec
et zéro en Ontario. Gestion de l'aide financière aux
étudiants, 126 au Québec et 79 en Ontario; gestion des moyens
d'enseignement, 105 au Québec, 119 en Ontario. Organismes consultatifs
dont les effectifs au Québec sont comptabilisés à
même les effectifs du ministère de l'Éducation, 67 et 1 en
Ontario, puisque, dans l'ensemble, le personnel des organismes consultatifs en
Ontario n'est pas comptabilisé dans le budget soit du ministère
de l'Éducation, soit du ministère des Collèges et des
Universités. Tout ceci, pour un total de 2213 fonctionnaires au
Québec et de 1586 en Ontario, soit un écart de 627 entre les deux
ministères.
Le premier écart significatif se situe au niveau de la fonction
administration. L'information du ministère et du réseau,
logée dans la fonction administration, accapare une grande partie de cet
écart, c'est-à-dire l'informatique, tout le réseau
informatique. Au Québec, on a développé des
systèmes informatiques reliés à l'administration du
ministère, à la gestion des ressources et à la recherche
qu'utilisent les employés du ministère dans leurs travaux. En
Ontario, on commence actuellement à développer ce genre
d'application.
L'informatique des réseaux permet d'avoir un système
intégré. En Ontario, on désire développer à
l'heure actuelle un tel système.
Première explication: l'existence d'un service informatique
intégré au Québec, alors qu'il n'existe pas de service
semblable en Ontario. Deuxième écart - et là, il s'agit
des services informatiques qui sont rendus au réseau - les services
informatiques propres au ministère de l'Éducation. Il existe une
direction à l'intérieur du ministère de
l'Éducation, alors qu'en Ontario, le ministère de
l'Éducation utilise des ordinateurs mis en commun pour un ensemble de
ministères. Au Québec, ce phénomène existe pour
certains ministères, mais les plus gros ministères tels la
Justice, les Finances et l'Éducation disposent de leur propre
ordinateur. Donc, c'est essentiellement la fonction informatique qui explique
l'écart au niveau du personnel, au plan de l'administration, entre
l'Ontario et le Québec.
Le deuxième écart significatif se situait au niveau du
préscolaire, du primaire et du secondaire. Là, il y a plusieurs
facteurs qui expliquent les écarts. Au Québec, le
développement pédagogique, la sanction des études, le
soutien au développement du matériel didactique et la
coordination des services personnels aux élèves
nécessitent 149 employés. En Ontario, le développement
pédagogique et le soutien au développement du matériel
didactique requièrent 72 employés. La sanction des études
et la coordination des services personnels aux élèves sont
laissées aux conseils scolaires et aux écoles. Donc, c'est un
premier écart qui résulte de fonctions qui, au Québec,
sont assumées par le ministère, alors qu'en Ontario, elles sont
assumées par l'équivalent de nos commissions scolaires,
c'est-à-dire les conseils scolaires.
Deuxième explication: la négociation -vous y avez fait
référence ce matin - la gestion des conventions collectives et
également la certification des enseignants sont des activités
centralisées au ministère de l'Éducation du Québec.
Le ministère affecte 94 employés à ces activités;
en Ontario, ces activités sont décentralisées et ne sont
pas assumées par le ministère de l'Éducation.
Troisième explication. Le Québec affecte 115 personnes
à la gestion des ressources matérielles et financières,
alors que l'Ontario en affecte 25. Évidemment, le fait s'explique. Au
Québec, il y en a 115, alors qu'il y en a 25 en Ontario. Il faut se
rappeler que le système de financement des commissions scolaires est
entièrement différent au Québec de ce qu'il est en
Ontario. Au Québec, nous finançons 94% des budgets des
commissions scolaires, alors qu'en Ontario, le ministère finance
désormais un peu moins de 50% puisque, au cours des dernières
années, on a assisté, en Ontario comme au Québec, à
une diminution des subventions gouvernementales, mais, en contrepartie,
à une augmentation substantielle des revenus des commissions scolaires
provenant de la taxe foncière.
Pour ce qui est de l'écart dans le réseau
collégial, je rappelle que nous avons 46 cégeps, alors que
l'Ontario en a 22. Je rappelle également que toutes les activités
de la nature du développement pédagogique sont concentrées
au Québec, à l'intérieur de la Direction
générale de l'enseignement collégial, alors que ces
fonctions sont assumées en Ontario par le Board of Regents. Si nous
voulions faire une comparaison vraiment valable, il nous faudrait ajouter le
nombre de personnes qui travaillent au Conseil des régents en Ontario
pour que la comparaison entre les personnels de la Direction
générale de l'enseignement collégial et les personnels de
la même direction ou de l'équivalent en Ontario puisse devenir
significative.
Pour ce qui est de l'enseignement universitaire, il y a une explication
semblable. La Direction générale de l'enseignement
supérieur et de la recherche au ministère assume des fonctions
qui, en Ontario, sont assumées par l'Office des
universités. Pour ce qui est de l'aide aux étudiants
où il y a un autre écart, il faut se rappeler que l'Ontario n'a
pas de régime propre d'aide aux étudiants, mais administre le
programme fédéral en vertu de la Loi canadienne des prêts,
alors qu'au Québec, nous avons notre propre régime en vertu
duquel, étant donné la clause du droit de retrait, nous recevons
une compensation financière, mais le programme, tant de prêts que
de bourses, est entièrement administré par le ministère de
l'Éducation, ce qui n'est pas le cas en Ontario. Il y avait
également l'écart résultant du fait qu'au Québec,
les personnels des organismes consultatifs, au nombre de 67, sont
comptabilisés à même les effectifs du ministère, ce
qui n'est pas le cas en Ontario.
Poursuivons la comparaison de façon plus détaillée.
À plusieurs reprises au cours des dernières semaines, certains
fonctionnaires du ministère de l'Éducation se sont rendus en
Ontario pour être en mesure de mieux comprendre, et de façon plus
fine, chacun des écarts. Mais les chiffres que je viens de donner sont
le résultat de ces premières visites et il me semble que l'on
constate que les écarts s'expliquent précisément du fait
que certaines fonctions sont assumées au Québec par le
ministère de l'Éducation, alors qu'elles ne le sont pas en
Ontario.
L'Ontario, en particulier, subventionne plusieurs organismes à
des fins de gestion, à des fins de recherche. Évidemment, les
crédits apparaissent au ministère de l'Ontario, mais apparaissent
peu cependant quand on compare la gestion d'un secteur par rapport à
l'autre. Les chiffres que nous apportons aujourd'hui et qui nous semblent assez
complets, incidemment, font justice d'une assertion qui avait parue dans le
Soleil en janvier 1983 selon laquelle la Fédération des
commissions scolaires affirmait qu'il y avait 2400 fonctionnaires au
Québec et 725 en Ontario. Je pense que c'est loin de la
vérité puisque nous comptons 2213 fonctionnaires au Québec
et qu'il y en a 1586 en Ontario. Si on y ajoute le personnel du Board of
Regents et le personnel de l'Institute of Higher Studies, qui est inclus dans
le personnel de l'Université de Toronto, on se rend compte que le nombre
de personnes n'est pas aussi dissemblable qu'il y paraît à
première vue. C'est un mode de gestion différent.
M. Ryan: M. le Président.
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: J'apprécie ces renseignements. Je pense qu'il
faudrait, comme le disait le sous-ministre, pousser le travail plus loin parce
qu'il y a des données qui font encore défaut. Je pense qu'il
serait bien important, puisqu'on est engagé dedans, étant
donné surtout le débat que le ministre veut engager avec son
projet de restructuration scolaire, qu'on eût des données
comparatives au niveau des conseils scolaires ontariens et des commissions
scolaires du Québec. Pour ce qui regarde les commissions scolaires du
Québec, vous avez tous les renseignements voulus parce que les
contrôles me semblent être infinitésimaux. Si on pouvait
avoir des comparaisons avec l'Ontario à ce niveau, au niveau des
personnels administratif, professionnel, etc., je crois que ça
compléterait cette très bonne entrée en matière qui
nous a été présentée aujourd'hui.
Je n'ai pas d'objection, intellectuellement, à ce qu'on ajoute au
tableau - quand même j'en aurais, je sais que ça ne changerait
rien, je ne me prends pas pour un autre là-dessus - des données
concernant des organismes qui peuvent être parallèles en Ontario
et qui peuvent être intégrés ici. Je prends l'exemple de
l'Institut de recherche sur l'éducation, en Ontario, qui est un
organisme séparé, subventionné. Si on n'a pas d'organisme
semblable ici qui fait des recherches de la même nature au sein du
ministère, évidemment, il faut que ce soit comptabilisé
quelque part dans les comparaisons qu'on fait. Il y a évidemment des
différences de clientèle. M. le ministre a peut-être
été porté à conclure un peu tôt tout à
l'heure, en disant que, finalement, tout n'est pas si mal. Il faut tenir compte
des différences de clientèle. S'il y a une différence de
clientèle de plus de 20% en Ontario et si nous arrivons avec un surplus
de personnel, tout étant compté, disons, de 10%, il y a quand
même un problème parce que c'est avec ces marges qu'on finit par
avoir une société qui coûte infiniment plus cher par
rapport à ses moyens. Je souhaite qu'on puisse poursuivre le travail,
j'apprécie les démarches qui ont été faites
jusqu'à maintenant.
Je souligne à l'attention du ministre que, du côté
de l'Opposition, nous nous sommes procuré des données très
abondantes en ce qui touche les conventions collectives en Ontario. L'examen
approfondi de ces données conduirait très probablement à
des conclusions beaucoup plus nuancées sur bien des points qui ont fait
l'objet de débats au cours des derniers mois, en particulier la charge
de travail, les conditions particulières de travail sur tel ou tel
point. C'est un autre organisme parallèle dont vous n'avez pas tenu
compte tantôt, mais qui doit entrer dans la comptabilité quelque
part.
L'Ontario a un organisme d'arbitrage, un organisme qui surveille le
fonctionnement des relations de travail dans le secteur de l'éducation,
qui ne coûte pas très cher à administrer; je pense qu'il
coûte environ 1 000 000 $ ou 2 000 000 $ par année.
Quand même, il est là et il a fait des études
comparatives sur les conventions collectives. A différents points de
vue, il y a des études volumineuses et extrêmement
intéressantes aussi. Je crois que c'est un autre mode de gestion, pour
reprendre le langage du ministre, qui pourrait nous fournir quand même
des thèmes de réflexion intéressants.
J'aurais un autre point à soulever dans cet ordre de
considérations générales, avant qu'on entre dans le
primaire et le secondaire.
M. Laurin: Je pourrais peut-être ajouter une chose qui
pourrait intéresser le député d'Argenteuil.
M. Ryan: Oui.
M. Laurin: Actuellement, en Ontario, il y a 187 commissions
scolaires. Nous, nous en avons 247. Cela peut expliquer une
légère hausse de coût des frais administratifs.
Deuxièmement, les commissions scolaires financent l'enseignement
primaire et secondaire à raison de 50% ou à peu près.
Évidemment, ça amène les commissions scolaires à
avoir beaucoup plus de personnel à ce niveau que ça ne peut en
comporter pour nous, du fait que leurs responsabilités sont beaucoup
plus grandes. Je ne veux pas dire par là que les données sont
complètes et, comme je le disais tout à l'heure, nous allons
poursuivre nos contacts, nos rencontres, nos échanges avec nos
collègues de l'Ontario pour raffiner davantage la comparaison.
M. Ryan: II y a un autre point que je voudrais porter à
votre attention parce qu'on y fait allusion souvent, toujours de manière
approximative, c'est le coût estimatif de la dualité du
système que nous avons au Québec. Quant à établir
les contacts, s'il y avait moyen d'essayer d'établir ce que ça
peut représenter comme différence, si c'est 5%, 10% ou 15%, je ne
le sais pas, je pense que ça pourrait être très utile pour
les fins de la discussion.
M. Laurin: Oui. La question nous a déjà
été posée par le député d'Argenteuil
lui-même. Nous avons tenté d'y répondre, mais il n'est
vraiment pas facile d'en arriver à des réponses précises
à cet égard. Ce que nous pouvons dire, c'est que, pour
l'enseignement dans la langue de la minorité et l'enseignement à
la minorité, le Québec se classe de loin en avant de toutes les
provinces canadiennes pour l'effort qu'il consacre à ce chapitre.
D'ailleurs, la preuve en est donnée justement dans les subventions que
le gouvernement fédéral accorde à chacune des provinces
pour le financement de l'enseignement dans la langue de la minorité et
pour l'enseignement à la minorité. Il y a très longtemps
que le
Québec se classe loin devant les autres provinces pour la partie
du budget fédéral qui est redistribuée aux provinces
à cet égard.
(16 heures)
Si on veut aller plus loin et essayer de répondre à la
question qui nous a été posée à la commission
parlementaire sur l'éducation par les centrales syndicales, je pense,
qu'il est extrêmement difficile d'aller au fond des choses. Il faudrait
des enquêtes que nous avons commencé à mener, mais dont les
résultats sont encore partiels et, donc, loin d'être
concluants.
Il y a peut-être un élément à ajouter pour ce
qui est de l'effectif ministériel que vous retrouvez à la page 39
du cahier des crédits, c'est-à-dire la dernière page de la
première section, la section générale, où nous
avons fait une comparaison en termes d'évolution des crédits et
des effectifs du ministère depuis l'année 1979-1980
jusqu'à l'année 1983-1984. Sous la ligne qui sépare la
page presque en deux, on constate que le nombre total de fonctionnaires au
ministère de l'Éducation, en 1979-1980, si l'on tient compte
à la fois des personnels permanents et des personnels occasionnels,
était de 2721 et que nous passons à 2380 au cours de
l'année 1983-1984. Les diminutions significatives ont commencé au
cours de l'année 1981-1982, puisqu'il y a eu une réduction de 3%
des effectifs; cela s'est poursuivi en 1982-1983 avec une nouvelle diminution
de 3,9% et, enfin, en 1983-1984, avec une diminution de 5,3%. Bien sûr,
c'est en termes de prévisions et sans tenir compte des opérations
engagées auxquelles le ministre de l'Éducation a fait allusion ce
matin, relativement à la taille du ministère.
Le Président (M. Blouin): Cela va? M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: À l'attention du ministre, je voudrais simplement
souligner qu'en Ontario il y a aussi une dualité de systèmes. Il
y a le système public officiel et le système catholique
confessionnel. Il y a deux séries de commissions scolaires. Par
conséquent, je pense que les facteurs comparatifs ne font pas
complètement défaut. Si nos commissions scolaires protestantes
sont pratiquement anglophones à 98%, il ne faut pas se faire de
problèmes avec cela. Je ne sais pas s'il est si difficile que cela
d'établir la comparaison dont on parle. Si on peut le vérifier,
il ne faudrait pas qu'on fasse des montagnes s'il n'y en a pas non plus.
Un dernier point que je voudrais souligner; après, ce sera tout
pour les données générales. À la page 35, je ne
sais pas si le ministre pourrait faire établir pour nous, pour chacun
des montants qui sont ici,
l'équivalent en per capita. Si on pouvait avoir un tableau
là-dessus, cela me rendrait bien service parce que souvent on est
porté à oublier ou à ne pas comprendre les gros chiffres.
Est-ce qu'il y aurait moyen d'ajouter le per capita pour les chiffres qui sont
dans la moitié du haut de la page? On a toutes sortes de chiffres qui
circulent suivant le discours qu'on prend ou l'article que l'on consulte. Des
fois, c'est 3800 au primaire et secondaire, des fois, c'est 3600, des fois,
c'est 5000. Il faudrait avoir des chiffres établis clairement ici. J'ai
commencé à le faire et, ensuite, je me suis méfié
de ma méthode et je me suis dit que vous pourriez nous fournir cela
d'une manière beaucoup plus sûre.
M. Laurin: Vous souhaiteriez que nous prenions les chiffres de
l'année 1983-1984 et ceux de 1982-1983 et, en regard des sommes
globales, que l'on ajoute les per capita.
M. Ryan: J'aimerais que vous les mettiez à partir de
1979-1980, si cela était possible. Cela fera peut-être une
trentaine de colonnes. Avec votre système d'informatique, cela ira
bien.
M. Laurin: On fait préparer le tableau, M. le
Président, on pourra l'avoir soit ce soir, soit pour la reprise des
travaux jeudi matin.
M. Ryan: On reviendra tantôt pour le primaire et le
secondaire.
Le Président (M. Blouin): Mme la députée de
Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: II me semble qu'on peut se garder de faire une
comparaison trop étroite avec l'Ontario. Je sais qu'on a utilisé
la situation en Ontario comme mesure pour faire des comparaisons des conditions
de travail des enseignants. Mais tout ne va pas bien en Ontario, ce n'est pas
la panacée en éducation.
J'ai quelques questions relativement aux tableaux des crédits,
aux pages 20, 21 et 24. On ne parle pas de dollars constants. J'ai l'impression
qu'on compare des pommes avec des oranges. D'abord, il y a la question des
dollars constants, "inflated dollars" et "constant dollars".
Deuxièmement, il y a la question de la distribution des crédits
chaque année. Il y a un étalement sur trois années. Est-ce
que la distribution des pourcentages a été l'année
passée exactement la même que pour l'année courante? Pas de
problème?
M. Laurin: Oui. La répartition au primaire et au
secondaire entre les trois années, au rythme de 70-15-15 existe,
à ma connaissance, depuis au moins trois ans et n'a pas
été modifiée.
Mme Dougherty: C'est pour l'élémentaire et le
secondaire. Mais pour les cégeps et les universités?
M. Laurin: Pour les cégeps et les universités, les
étalements sont les mêmes.
Nous fonctionnons avec les mêmes répartitions depuis trois
ans.
Mme Dougherty: Donc, c'est comparable. D'accord.
Maintenant, pour ce qui est de la dette, à la page 21, on parle,
uniquement pour l'année courante, d'un montant de 126 000 000 $ et, pour
l'année dernière, d'un montant de 383 000 000 $. Est-ce que cela
représente uniquement l'intérêt ou si cela
représente aussi une portion du capital et dans quelle proportion?
M. Laurin: Comme la rubrique l'indique, M. le Président,
c'est à la fois les investissements et le service de la dette. La
répartition entre les investissements et le service de la dette, je le
fais vérifier à l'heure actuelle. On va l'avoir dans quelques
instants.
Mme Dougherty: Je n'ai pas bien compris si la dette augmente
selon ces chiffres. Non? Mais je me demande si on va pour toujours payer des
édifices, par exemple, de nouvelles écoles, ou si on diminue le
capital assez rapidement, parce que la dette est un pourcentage substantiel du
coût de l'éducation et on pourrait faire mieux avec cet argent que
de payer des dettes.
M. Laurin: Le problème qui est soulevé, M. le
Président, c'est, au fond, celui du financement des investissements.
Comme vous le savez, les budgets d'investissements n'apparaissent pas - cela va
de soi - dans les budgets de fonctionnement, puisque les investissements, tant
dans les réseaux primaire et secondaire que dans le réseau
collégial et dans le réseau universitaire, sont financés
par voie d'émission d'obligations et il y a un terme au financement. Il
peut arriver qu'un certain édifice soit entièrement amorti au
cours de l'année prévue. Il arrive également qu'il y ait,
à la venue à échéance, des refinancements.
Par ailleurs, il y a des moyens concrets qui ont été
prévus pour réduire le service de la dette. Je pense, en
particulier, aux règles que nous avons à l'égard du
Conseil scolaire de l'île de Montréal et que vous connaissez sans
aucun doute, à savoir que, lorsqu'une commission scolaire de l'île
vend un édifice soit à la ville de Montréal, soit à
un autre organisme, le produit de cette vente doit contribuer à la
réduction du service de la dette sur l'ensemble des écoles et des
bâtisses que recouvre le Conseil scolaire de
l'île de Montréal.
Mme Dougherty: Oui, d'accord. Dernière question. J'ai
noté à la page 24 qu'on parle de la "partie applicable aux
années scolaires antérieures, au RREGOP et au service de la
dette." Cela veut-il dire - et ma question traite du RREGOP - que les
versements du gouvernement pour les pensions ne sont pas effectués, sauf
deux ans après qu'ils sont engagés par le gouvernement? Les
fonctionnaires paient un montant avec chaque chèque de paye. Le
gouvernement est-il en arrière avec les paiements du RREGOP? Est-ce le
cas dans les autres ministères? Est-ce une pratique
générale du gouvernement?
M. Laurin: Pour ce qui est des contributions au régime de
retraite, la totalité des contributions imputables à une
année budgétaire sont, en fait, payées au cours de cette
année budgétaire.
Mme Dougherty: Mais, comment pouvez-vous expliquer le montant
indiqué ici pour chaque catégorie ou chaque niveau
d'enseignement? Il y a un morceau ici. On ne sait pas combien, quelle
proportion. On a combiné le service de la dette avec le RREGOP.
M. Laurin: Je suis au tableau de la page 21.
Mme Dougherty: C'est à la page 24. M. Laurin: Vous
êtes à la page 24?
Mme Dougherty: II y a une ventilation ici pour chaque
catégorie ou niveau d'enseignement. On parle d'une partie, à la
deuxième colonne.
M. Laurin: Oui. Le tableau de la page 24, comme son titre
l'indique, est le "tableau d'application des crédits de 1983-1984 du
secteur de l'enseignement" et là, il y a effectivement une
répartition suivant la méthode dont nous avons parlé
tantôt. Il y a effectivement une globalisation. C'est la question que
vous posez. La réponse que je vous donne, c'est que, pour ce qui est du
RREGOP, les contributions nécessaires imputables à une
année sont entièrement payables au cours de cette année.
Il vous faut revenir au tableau de la page 21 où on établit
effectivement les montants qui ont été versés au titre du
régime de retraite pour le secteur primaire-secondaire en 1982-1983 et
en 1983-1984 et l'écart de 25 000 000 $ s'explique par les modifications
qui ont été apportées au régime de retraite par la
loi 68.
Mme Dougherty: Les montants versés, je comprends qu'ils
sont dans les crédits, mais le fait reste que les montants
consacrés par le gouvernement ne sont pas consacrés dans
l'année actuelle. Ils sont toujours un peu en retard, comme les autres
dépenses.
M. Laurin: Non. Il n'y a pas de répartition pour ce qui
est des contributions au régime de retraite suivant la méthode
70-15-15, mais il y a un paiement total, par exemple, au cours de
l'année financière 1982-1983 ou 1983-1984.
Mme Dougherty: On pourra en discuter après. Je ne
comprends pas, parce que, pour moi, si c'est vrai, il y a une contradiction ici
avec la page 24.
M. Laurin: On peut le regarder. Il ne m'apparaît pas y
avoir contradiction. Je pense que la page 24 comporte une globalisation et une
répartition, mais, pour ce qui est du régime de retraite, il faut
vraiment revenir à la page 21 et dans les crédits, les montants
totaux nécessaires au paiement des contributions au régime de
retraite sont comptabilisés année par année.
Mme Dougherty: D'accord. Merci.
M. Laurin: Je voudrais aussi ajouter un dernier mot sur la
comparaison que l'on peut faire entre le Québec et l'Ontario. Lorsque
nous avons fait état, à la commission parlementaire et même
antérieurement, de certaines comparaisons entre le Québec et
l'Ontario qui avaient pu nous inciter à présenter les offres que
nous avons présentées, nous avons bien pris soin de comparer ce
qui pouvait être comparable, c'est-à-dire les salaires
effectivement versés aux enseignants ou au personnel de soutien, de
même que nous avons tenté de comparer, par exemple, la tâche
de l'enseignant telle qu'elle pouvait être identifiée à
partir des renseignements que nous avions. Je pense que les comparaisons
à ce moment étaient tout à fait justifiées. (16 h
15)
Quant à l'autre question que la députée de
Jacques-Cartier pose, à savoir s'il s'agit de dollars constants ou de
dollars courants, je pense que ce sont des dollars courants du fait que nous
sommes obligés d'adopter chaque année des crédits pour
chacun des ministères et qu'évidemment les crédits
tiennent compte de tous les facteurs qui peuvent affecter la valeur du dollar,
qu'il s'agisse de l'inflation ou des autres caractères. Je ne pense pas
que l'on puisse procéder autrement. Ce serait peut-être une
étude intéressante de voir ce que cela donne en dollars
constants, mais cela demanderait des études approfondies.
Mme Dougherty: En général, M. le ministre, on peut
avoir une meilleure comparaison si on compare des dollars
constants. On peut voir la progression des dépenses.
M. Laurin: C'est pour cela que j'ai dit que ce serait utile,
souhaitable et intéressant, mais cela demanderait des recherches longues
et approfondies.
Le Président (M. Paré): M. le député
d'Argenteuil.
Enseignement primaire et secondaire public
M. Ryan: M. le Président, est-ce qu'on peut passer
à l'enseignement primaire et secondaire? Je voudrais faire quelques
remarques générales à ce sujet, qui vont être assez
brèves au début et, ensuite, nous poserons toute une série
de questions qui collent d'assez près aux crédits
budgétaires et au cahier qui nous a été soumis.
Je voudrais, tout d'abord, signaler que l'enseignement primaire et
secondaire chez nous relève dans sa partie publique de commissions
scolaires et je voudrais souligner l'excellente qualité du travail qui
est accompli par les commissions scolaires de notre milieu depuis un temps
immémorial. Depuis le milieu du siècle dernier, notre
système d'enseignement a été régi grâce
à des commissaires élus démocratiquement par leurs
concitoyens. Je pense que c'est une caractéristique, encore une fois,
que nous partageons avec le reste de l'Amérique du Nord, qui me
paraît une valeur démocratique absolument indiscutable.
Le système qui préside à l'élection des
commissaires d'écoles doit être amélioré. Des
suggestions ont été faites à maintes reprises et depuis
longtemps au gouvernement à cette fin, sans qu'il prenne action à
ce sujet. Nous allons de nouveau vers des élections scolaires
prochainement. Ce sera exactement sous l'empire des mêmes règles
que nous avons connues jusqu'à maintenant; tout le monde prévient
le gouvernement depuis longtemps qu'elles ne sont pas les plus réalistes
et les plus susceptibles de conduire à une participation efficace. Je
pense qu'on devrait corriger ces règles dans les meilleurs
délais. Mais, malgré les faiblesses que nous pouvons constater,
je crois que notre système scolaire produit dans l'ensemble des
commissaires qui sont très représentatifs de leurs concitoyens et
qu'ils le sont à peu près autant, tout compte fait, que peuvent
l'être les édiles municipaux et même les
députés provinciaux et fédéraux.
M. Claude Castonguay, lorsqu'il a quitté la politique en 1970,
avait fait une étude sur les institutions municipales, qui a
donné lieu à un rapport substantiel qui est connu de la plupart
de ceux qui sont ici, j'imagine. Dans cette étude qu'il avait faite sur
les institutions municipales, M. Castonguay s'était interrogé sur
l'opportunité de maintenir deux systèmes parallèles de
responsabilités, un pour les écoles et un pour les affaires
municipales. Étant donné la nature tout à fait distincte
de l'éducation, parce qu'à ce moment des propositions avaient
commencé à circuler voulant que les municipalités puissent
être éventuellement appelées à s'occuper
d'éducation, comme on les appelle maintenant à s'occuper de
culture et de loisirs, M. Castonguay avait conclu, fort justement, à mon
sens, que mieux valait maintenir une structure de responsabilité
distincte pour les affaires scolaires. C'est, en tout cas, la thèse
à laquelle moi-même j'adhère avec fermeté.
En outre, il m'a été donné de constater au cours
des derniers mois d'une manière plus immédiate que les
commissions scolaires se sont dotées depuis 20 ans d'un excellent
réseau de cadres administratifs et pédagogiques qui fournissent
à nos écoles l'encadrement dont celles-ci ont besoin pour bien
fonctionner. En outre, les commissions scolaires représentent un
réservoir de ressources très importantes pour les
communautés locales et régionales. J'ai été
à même de m'en rendre compte en causant à maintes reprises
au cours des derniers mois avec des représentants de la minorité
anglo-protestante en dehors de la région de Montréal. Dans une
région comme l'Estrie, dans une région comme la Mauricie, dans
une région comme celle des Laurentides où est situé, comme
vous le savez, le comté d'Argenteuil, la commission scolaire protestante
est un élément très important dans le fonctionnement de la
vie communautaire. Le Laurentian School Board à Lachute, par exemple,
Laurenvale à Laval, la Commission scolaire de l'Estrie et Eastern
Township School Board - je pense qu'elle s'appelle comme cela - sont beaucoup
plus que de simples organismes qui voient à la marche immédiate
des affaires scolaires; ce sont des points de ralliement, des foyers
d'inspiration pour toutes sortes de facettes de la vie communautaire. Si la
minorité anglo-protestante, en particulier, tient tellement à
maintenir des commissions scolaires sur lesquelles elle ait un droit de regard,
c'est parce que c'est peut-être un des éléments les plus
capitaux sur lequel elle peut s'appuyer pour le développement de sa vie
culturelle propre. Nous avons toujours insisté sur cela de notre
côté également, mais je pense que ce rôle
d'inspiration communautaire de la commission scolaire, il faut avoir
été à l'oeuvre dans les mouvements de chez nous pendant
des années pour se rendre compte de ce que cela signifie au point de vue
pratique.
Deuxièmement, l'événement majeur de la
dernière année a sans doute été le conflit entre
les enseignants et le gouvernement au sujet des conditions de travail. J'ai
hâte que le ministre puisse nous faire rapport. Peut-
être pourra-t-il nous dire tantôt quand nous aurons le
projet de loi qui doit remédier à des carences nombreuses qu'on
avait signalées à propos des décrets dans la forme pure
que leur avait donnée la loi 105. Lorsqu'on aura les tableaux,
tantôt, sur les conséquences financières de tout ce qui est
arrivé, peut-être pourra-t-on en discuter plus à loisir.
J'insiste, encore une fois, sur la nécessité pour tous les
administrateurs, autant au niveau du gouvernement que des commissions
scolaires, de faire montre d'une grande dose de souplesse et de
compréhension pour que les cicatrices de ces plaies béantes
puissent être refermées le plus tôt possible et dans les
meilleures conditions possible.
Le sujet majeur de préoccupation dans le monde scolaire à
l'heure actuelle, c'est le projet de restructuration cher au ministre de
l'Éducation. Ce projet soulève de nombreuses difficultés.
Je voudrais en mentionner quelques-unes en particulier. Aux yeux de la grande
majorité, à mon point de vue, des organismes et des personnes qui
ont réagi au projet dont les versions ont circulé jusqu'à
maintenant, en particulier la description que donne du projet le livre blanc
sur l'école communautaire, le projet embrasse trop large. Il aurait
dû se borner à un certain nombre de sujets précis qui
appellent des changements et des ajustements. Je pense qu'il aurait
donné lieu à une réaction très positive dans un
grand nombre de milieux qui, aujourd'hui, ont des objections.
Le projet suscite des inquiétudes et des craintes parce qu'il
attaque l'esprit même de notre système scolaire en mettant en
question l'une de ses composantes essentielles. J'entendais le ministre ce
matin - je l'écoutais attentivement - parler des commissions scolaires,
de leur rôle de soutien, de planification et d'appui. Chaque fois qu'il
parle de cela, le mot "direction" n'est jamais là. Le mot "direction"
n'est jamais là. On peut ajouter les mots "soutien", "appui",
"encouragement", "support", etc., mais je pense que c'est important de
reconnaître que les commissions scolaires devront avoir une fonction de
direction. On ne pourra pas tourner autour du pot dans cette affaire. Il faudra
qu'on dise clairement à quelle enseigne chacun loge. Je crois que c'est
un des grands sujets d'inquiétude. J'allais dire "le gouvernement", je
devrais plutôt dire le ministre, jusqu'à nouvel ordre, a sa
thèse là-dedans. Nous verrons jusqu'où elle se rendra.
Mais, encore une fois, c'est un très gros sujet de
difficulté.
Le projet survient, en outre, à un moment où,
émergeant avec peine du conflit de travail très sérieux
dont nous avons parlé, nous entrons aussi dans la période
d'implantation des nouveaux régimes pédagogiques. On se demande,
je pense, avec beaucoup de justification s'il ne faudrait pas mettre toutes les
énergies sur les tâches pédagogiques au cours des prochains
mois, même des prochaines années, afin qu'on surmonte ensemble le
défi de la qualité et de l'excellence sur lequel nous nous
entendons tous.
Finalement, le projet risque d'entraîner des chambardements
administratifs nombreux et coûteux dans les commissions scolaires. Il y a
déjà des douzaines et des douzaines de personnes qui sont
très inquiètes de ce que l'avenir leur réserve. Je pense
qu'il incombe au gouvernement de clarifier le plus tôt possible la
situation. On nage dans l'équivoque, l'incertitude et
l'inquiétude là-dessus depuis maintenant plus d'un an. Je pense
que le moment est venu pour le gouvernement de faire son lit d'une
manière ou de l'autre.
Je voudrais que nous consacrions assez de temps tantôt aux
rapports administratifs et financiers entre les commissions scolaires et le
gouvernement. Ces rapports, d'après les échos que nous en avons,
ont continué d'être imprégnés de méfiance
réciproque. Ils ont donné lieu et donnent lieu actuellement
à de nombreux problèmes, dont je donnerai quelques exemples et
sur certains desquels nous serons appelés à nous pencher. Au
cours de la dernière ronde de négociations, on a vu les
commissions scolaires se plaindre publiquement d'être
littéralement laissées de côté, ignorées par
le gouvernement. Cela a été corrigé vers la fin, d'une
certaine manière, mais c'est quand même un reproche qui a
été formulé publiquement. J'imagine qu'étant les
partenaires du gouvernement dans cette entreprise extrêmement explosive,
les représentants des commissions scolaires devaient avoir des raisons
très sérieuses de se plaindre publiquement d'être
laissés de côté. Ils avaient l'air vraiment curieux en
public puisqu'ils portent avec le gouvernement la responsabilité des
conséquences de ses politiques et ils viennent nous dire en
conférence de presse: Nous autres, c'est comme si nous n'existions pas.
C'est une indication que nous avons eue au cours des derniers mois de
l'attitude que le gouvernement a trop souvent envers ses partenaires.
Deuxièmement, je voudrais souligner -je ne veux pas adresser un
blâme absolument aveugle au gouvernement - que nous sommes dans une
situation difficile. Je ne pense pas que les règles budgétaires
aient encore été adressées aux commissions scolaires.
D'ordinaire, pour que cela fonctionne bien, il faut que cela arrive... Quand
les règles budgétaires arrivent-elles d'ordinaire? Au
début d'avril? Vous me répondrez tantôt. Je constate
qu'elles n'ont pas encore été adressées aux commissions
scolaires. Je sais qu'il y avait des ajustements à faire pour tenir
compte du rapport Désilets, du cadre
de règlement du mois de février, mais, en tout cas, on
verra tantôt exactement où on en est là-dedans.
Ce que je voudrais souligner dès maintenant, cependant, c'est que
le projet qui a été adressé aux commissions scolaires
à la fin de décembre a donné lieu à des reproches
très sévères de la part des commissions scolaires.
Finalement, les commissions scolaires disaient, dans la réaction
qu'elles ont formulée et dont on pourra donner des extraits
tantôt, que les règles présidant au fonctionnement
administratif des commissions scolaires, au lieu de devenir de plus en plus
souples, semblaient devenir de plus en plus discrétionnaires.
L'Association des directeurs généraux des commissions scolaires a
également adressé au gouvernement, il y a quelques semaines
à peine, il y a trois ou quatre semaines au plus, un document dans
lequel elle formule de nombreuses critiques à l'endroit de ces
règles budgétaires.
J'apprécie la pratique en vertu de laquelle on adresse un projet
de règles budgétaires aux commissions scolaires vers la fin de
l'année civile. Après quoi, les commissions scolaires sont
invitées à donner leur réaction et, ensuite, un texte
définitif leur est adressé. Je pense que ce principe est bon.
Mais il est quand même étonnant, alors qu'on entend un discours de
décentralisation, de délestation ou d'allégement, qu'en
même temps ceux qui sont à l'autre bout de la ligne
réagissent en ayant l'impression que de nouveaux alourdissements sont
à l'horizon.
L'affaire des 40 000 000 $ est profondément démotivante.
Nous devrons nous y arrêter tantôt. Je ne veux pas insister pour le
moment. On reprendra ce point. C'est vraiment ce que j'appellerais une claque
dans le front des administrateurs scolaires qui essaient de faire leur
possible, qui ont fonctionné à partir de certains postulats
qu'ils croyaient solidement acquis et qui les voient remettre en question par
le gouvernement qui cherche vraisemblablement un moyen de financer certains
engagements qui ont été pris au chapitre de la résorption
des enseignants qui devront prendre leur retraite, si je comprends bien.
On m'a souligné d'autres exemples dont je parlerai plus tard
quand on posera des questions précises, en particulier cette
opération très compliquée par laquelle le gouvernement
oblige les commissions scolaires à souscrire à des emprunts
auprès d'institutions financières pour financer des subventions
de rattrapage qui leur sont dues au cours des quatre ou cinq prochaines
années, je ne sais trop. C'est une affaire assez invraisemblable. Je ne
sais pas s'il y aura des techniciens qui nous expliqueront cette affaire. (16 h
30)
Le gouvernement doit de l'argent aux commissions scolaires pour des
choses passées. Il leur dit: Je n'ai pas d'argent à vous donner,
mais, si vous voulez, avec votre crédit, signer une formule d'emprunt
auprès du Trust Général du Canada ou de la
société de ci ou de ça, on va prendre en retour
l'engagement de vous payer capital et intérêts pendant les quatre
années et, ensuite, vous aurez l'argent. Je ne sais pas si elles
l'auront des institutions financières ou du gouvernement, mais je trouve
que, comme principe... Vous allez me dire que vous aviez laissé les
commissions libres d'agir. Mais je vous dis que, quand on reçoit une
lettre comme celle-là dans une commission scolaire, on n'est pas
sûr d'être libre ou non. Il y en a beaucoup qui ont signé
cela et qui n'étaient pas contentes. Je pense qu'il y en a un grand
nombre qui ont refusé de signer également. Ce sont des
agissements qui mettent du sable dans l'engrenage et qui, à mon point de
vue, nuisent à la compréhension et à la confiance.
Finalement, le sujet le plus important pour l'avenir prévisible
est sûrement l'implantation des nouveaux régimes
pédagogiques. J'ai souligné ce matin l'excellente qualité
des programmes dans l'ensemble. Mais je constate que de nombreux
problèmes pratiques se posent: tantôt, les guides
pédagogiques sont en retard; tantôt, les manuels ne sont pas
disponibles - de façon générale, on n'est pas très
avancé dans l'étape des manuels -tantôt, la
préparation des enseignants est loin d'être à point;
tantôt, le matériel d'évaluation n'est pas disponible. Les
commissions scolaires n'ont pas les garanties d'aide financière dont
elles auraient besoin pour procurer, éventuellement, des manuels
à leurs élèves. Se posent, en particulier, de très
sérieux problèmes d'implantation du côté anglophone.
Nous avons eu des représentations très solidement
documentées de ce point de vue. La Fédération des
commissions scolaires catholiques a présenté des demandes au
gouvernement à ce sujet. Elle a demandé que le calendrier
d'implantation soit assoupli de manière à tenir compte de toutes
ces difficultés qui se sont accumulées en cours de route. Ce sont
autant de questions que je voudrais poser. Ce sont actuellement des sujets
majeurs de préoccupation dans le monde de l'enseignement primaire et
secondaire, auxquels le gouvernement doit essayer d'apporter des
éléments de réponse.
Le Président (M. Paré): M. le ministre.
M. Laurin: M. le Président, je voudrais réagir aux
remarques générales du député d'Argenteuil. Je
reconnais avec lui la valeur démocratique de l'institution qui a pour
nom commission scolaire. J'apporterais, cependant,
des nuances ou des bémols à l'éloge tous azimuts
qu'il a bien voulu faire de l'action des commissions scolaires depuis 120 ou
140 ans. Je pense qu'au fil des années ce travail des commissions
scolaires a peut-être perdu de son efficacité du fait que des
commissaires étaient obligés de régenter l'activité
d'un nombre de plus en plus grand d'écoles, particulièrement en
territoire urbain et que le lien entre la commission scolaire et l'école
s'est non seulement distancié, mais affaibli. Ceci est devenu encore
plus évident du fait que les commissaires étaient élus par
un territoire, allaient directement à la commission scolaire et
n'avaient pas toujours, du fait même du mode d'élection, les
contacts ou l'incitation pour se renseigner adéquatement sur la
situation des écoles. Par exemple, il a fallu attendre ces toutes
dernières années pour que les commissions scolaires se
décident à valoriser davantage l'école et à lui
déléguer certaines responsabilités qui étaient
proprement la fonction de l'école. Il a fallu la pression du milieu et
même une pression gouvernementale de plus en plus forte pour que les
commissions scolaires attachent une plus grande importance au vécu de
l'école, au projet éducatif de l'école.
Je pense qu'un autre signe de cette moins grande efficacité, de
même qu'un autre signe de ce moins grand intérêt de la
population pour cette institution qu'était la commission scolaire,
existe dans le fait qu'à chaque élection le nombre
d'élections par acclamation se multipliait. Ceci ne voulait pas toujours
dire que les commissaires s'acquittaient de leurs obligations à la
satisfaction de la population. Ceci voulait aussi dire que le rôle des
commissaires était moins connu de la population ou suscitait moins
d'intérêt, et amenait une désaffection de
l'électorat par rapport au processus électoral lui-même. On
a vu, par exemple, des élections scolaires où la participation au
vote, à certains endroits, n'a été que de 7%, 8% ou
15%.
Je pense donc que le problème se situe bien au-delà du
fait qu'il y ait des améliorations à apporter au processus
électoral lui-même, mais qu'il nous importe d'examiner la fonction
même de la commission scolaire, particulièrement vis-à-vis
du processus éducatif, de la qualité de l'éducation, et,
plus particulièrement, vis-à-vis des fonctions propres à
l'école qu'il importe non seulement de valoriser, mais
d'améliorer et de rendre plus efficaces.
Je veux bien croire que les commissaires soient aussi
représentatifs que les élus municipaux. Mais, même si nous
pouvons être d'accord avec ce principe, est-ce suffisant si l'on doit
constater, par ailleurs, une désaffection de la population par rapport
à ses élus municipaux, une aussi faible participation au vote,
une multiplication toujours plus grande des élections par acclamation et
aussi des critiques de plus en plus grandes de la part de certains groupes,
particulièrement les parents, à l'endroit de certaines actions
administratives prises par les commissions scolaires?
Tout en étant d'accord avec le député d'Argenteuil
pour souligner la valeur démocratique de la commission scolaire, il me
semble que le moment est venu, quand même, de réévaluer son
rôle, sa fonction, ses responsabilités et, peut-être,
d'améliorer la commission scolaire par des mesures ou des
réformes qui vont beaucoup plus loin que cette simple opération
cosmétique qui consisterait à améliorer le processus
électoral.
Nous pensons, pour notre part, qu'il convient plutôt d'articuler
davantage l'école à la commission scolaire, de faire de
l'école le lieu principal de la vie éducative, de la vie
pédagogique; qu'il convient de lui donner directement et
définitivement les fonctions qu'elle peut assumer beaucoup mieux que la
commission scolaire sur le plan de l'élaboration d'un véritable
environnement éducatif, sur le plan d'un véritable enracinement
communautaire, sur le plan d'une véritable adaptation des programmes et
des régimes pédagogiques aux besoins des élèves
aussi bien qu'aux besoins du milieu. C'est, d'ailleurs, là le sens,
l'objet, sinon principal, du moins important du projet de loi que nous nous
apprêtons à déposer à l'Assemblée
nationale.
Je suis aussi d'accord avec le député d'Argenteuil pour
dire que nous avons maintenant, au sein de nos commissions scolaires,
d'excellents cadres. D'ailleurs, nous y travaillons depuis une bonne vingtaine
d'années maintenant et nous avons réussi effectivement,
grâce à une politique audacieuse et énergique en
matière d'éducation, à augmenter le nombre de cadres et
à améliorer la qualité de ceux-ci par mille et une
mesures, les unes d'ordre financier, les autres d'ordre proprement
pédagogique. Je suis bien d'accord avec le député
d'Argenteuil quand il dit que nos cadres rendent des services signalés
non seulement à leur commission scolaire et aux écoles, mais
également à la communauté de base dont la commission
scolaire fait partie.
Je suis moi-même très satisfait du travail de nos 29 000
cadres au Québec. Je sais qu'on doit leur attribuer en grande partie le
succès, l'amélioration de la qualité de l'enseignement
dont nos écoles, dont notre système a fait preuve au cours des
dernières années. Je suis convaincu que, quelles que soient les
modifications que l'on apportera à notre système scolaire, ces
cadres continueront d'y collaborer d'une manière très efficace,
hautement qualitative. D'ailleurs, je ne concevrais pas
d'amélioration de notre système d'enseignement sans cette
contribution absolument essentielle et indispensable.
Quant à la restructuration, elle me paraît plutôt mal
nommée. Je ne l'ai jamais nommée de cette façon dans le
livre blanc et dans les nombreux exposés que j'ai eu l'occasion de faire
à l'échelle du Québec. Pour moi, il ne s'agit pas d'abord
d'une restructuration; il s'agit plutôt de remettre le système
scolaire sur ses pieds, de renverser les perspectives, d'accorder à
l'école l'importance qu'il faut lui accorder comme milieu de vie, comme
institution que fréquentent les élèves et les enfants,
à l'opposé d'une commission scolaire que ne fréquentent
que les commissaires et les quelques officiers qui contribuent au travail des
commissaires. Le véritable sens de cette réforme, qui peut
apparaître comme une restructuration, qui peut apparaître comme un
réaménagement des pouvoirs, est justement de valoriser le
processus éducatif lui-même au bénéfice des
élèves, au bénéfice des enfants.
Que peut, que doit apporter ce nouveau système? C'est une
attention beaucoup plus forte, intense, constante, organique, apportée
aux enfants dans l'école. Lorsque nous disons que l'école doit
être valorisée, que chaque école doit préparer,
appliquer et, ensuite, réviser son projet éducatif, lorsque nous
disons que l'école doit être composée d'agents,
d'intervenants qui doivent former une véritable équipe, qui se
communiquent les renseignements dont ils disposent, qui se communiquent les
savoirs qu'ils ont acquis à l'université ou dans la vie, qui
doivent étudier ensemble les besoins de leur milieu, les attentes de
leur milieu - cela commence par les enfants, mais cela inclut également
leur environnement, leur famille - lorsqu'on dit que cette
équipe-école doit étudier également la contribution
que doit apporter chacun des éléments à
l'éducation, au développement intégral et maximal des
enfants, dans toutes les dimensions de leur personnalité, lorsqu'on dit
que cette équipe doit pouvoir arriver dans un esprit de participation
collégiale à mettre à la disposition des enfants chacune
des ressources de l'école, matérielles ou humaines, chacun des
éléments de l'environnement de l'école, chacun des
éléments du budget d'une école, je pense que c'est
là rejoindre la véritable mission éducative.
Je suis convaincu que cette visée de l'école aînsi
centrée sur les besoins de l'enfant, de l'élève, et de
l'élève concret avec les difficultés qu'il vit, les
problèmes qu'il vit, est absolument essentielle pour l'école de
demain et qu'elle s'impose plus que jamais quand on sait - le
député d'Argenteuil l'a répété - à
quel point le système d'éducation constitue la pierre d'angle de
toute société. Il est vrai que cette réforme,
également, réglera un certain nombre des problèmes dont
nous avons hérité et que nous n'avons pas pu encore
régler. Je rappelle, par exemple, que c'est en 1968, dans la
foulée de la commission Parent, que nous avons identifié un
certain nombre de problèmes, que le comité Pagé a d'abord
essayé de régler sans succès, que la loi 28 a
essayé de régler sans succès, que le conseil scolaire,
à la suite de la loi 71, a tenté de régler encore une fois
sans succès et qui, au fur et à mesure qu'ils perdurent, qu'ils
persistent, empoisonnent l'atmosphère, créent des cloisonnements,
créent des ghettos, créent un mauvais esprit, un esprit de
conflit qui n'est pas sans altérer la qualité de l'enseignement.
Je pense qu'il convenait, après 20 ans d'efforts inutiles, de mettre fin
à cette situation, de régler enfin certains problèmes dont
la solution avait trop attendu et d'y apporter une solution à la fois
logique qui tient compte de l'évolution de notre société
et qui doit, en même temps, tenir compte des véritables
intérêts des enfants.
Nous y arriverons, dit le député d'Argenteuil, mais
uniquement au prix de chambardements nombreux et coûteux. Cela ne
m'apparaît pas si excessif qu'il veut bien le présenter. Lorsqu'on
dit qu'il convient maintenant d'accorder à l'école une plus
grande importance, particulièrement en matière
pédagogique, en matière éducative, je ne pense pas que le
chambardement soit à ce point excessif. Il s'agit plutôt d'ajuster
les autres composantes du système, dont la commission scolaire et le
ministère de l'Éducation, à cette fonction, toujours
présente, mais maintenant beaucoup plus visible et rendue plus
importante, de l'école dans le champ qui lui est propre. C'est un
ajustement des autres structures ou des autres pouvoirs à cette nouvelle
place méritée, justifiée, que l'on veut maintenant
accorder à l'école. (16 h 45)
De toute façon, dans ce projet de loi qui sera bientôt
déposé, on verra bien que nous accordons, quand même,
à la commission scolaire toute l'importance qu'elle doit continuer
d'avoir dans notre système. Même si nous n'employons pas le mot
cher au député d'Argenteuil, c'est-à-dire le mot
"direction", il reste qu'un peu de l'essence de ce mot est incluse dans les
fonctions que nous accordons à la commission scolaire quand nous parlons
de planification, quand nous parlons de coordination, et non seulement de
soutien.
On verra également que nous accordons toute son importance
à la commission scolaire en maintenant le suffrage universel, en faisant
en sorte que l'élu au suffrage universel, tout en siégeant au
conseil d'école, ira également siéger, et seul, à
la commission scolaire et qu'il pourra continuer
à être le dépositaire de cette fonction très
importante de la taxation.
Cependant, la commission scolaire sera désormais davantage
ancrée dans la réalité de l'école. La commission
scolaire rendra davantage service aux écoles du fait que chacun des
commissaires sera lui-même ancré dans l'école, en
connaîtra les réalités, pourra faire part de son
expérience à ses autres collègues commissaires qui,
ensemble, pourront dégager les traits communs aux écoles, les
problèmes communs aux écoles et trouver des solutions communes
qui s'inspireront davantage aussi bien de l'intérêt public que de
l'intérêt de la mission éducative.
L'autre point majeur qu'a soulevé le député
d'Argenteuil, c'est celui des rapports des commissions scolaires avec le
gouvernement, rapports aussi bien administratifs que financiers. Le
député d'Argenteuil a parlé d'une méfiance
réciproque. Cette méfiance est à éclipse parce que
durant les négociations, contrairement à ce qu'a dit le
député d'Argenteuil, je pense que c'est ensemble que le
gouvernement et les commissions scolaires ont élaboré leur
position de départ, leurs objectifs, leur stratégie. Nous
n'aurions pas réussi à maintenir cette attitude commune tout au
long d'une négociation qui a duré près d'un an sans que
cet accord sur les objectifs et la stratégie ait été
senti, pensé dès le début et maintenu au travers de toutes
les secousses que nous avons connues au cours des derniers mois. Cet accord a
été maintenu jusqu'à la fin puisque le 10 février,
à la table commune où nous présentions les
aménagements souhaités par tous, les commissions scolaires
étaient présentes et puisque également, à la suite
de la présentation de l'hypothèse de conciliation, aussi bien les
commissions scolaires que le gouvernement ont donné leur accord à
cette hypothèse de conciliation.
Il est vrai que l'entente n'a peut-être pas été
parfaite. Il y a peut-être eu quelques nuages, mais, même dans les
meilleurs couples, même dans les meilleures familles, il y a des nuages
qui passent parfois puisque la nature humaine étant ce qu'elle est, on
ne peut pas toujours être d'accord sur tout, à tous les moments et
tous les jours. Je pense que cette expression de mauvaise humeur a
été très ponctuelle et qu'elle n'entame en rien le front
commun, l'unité qui a existé tout au long des négociations
entre les deux éléments principaux de la partie patronale,
c'est-à-dire les commissions scolaires et le ministère de
l'Éducation.
Quant aux règles budgétaires, c'est là un sujet sur
lequel on pourrait effectivement parler très longtemps. Ces
règles budgétaires, nous les avons adressées à la
fin de l'année précédente aux commissions scolaires.
Évidemment, nous ne pouvions pas ne pas tenir compte de la loi 105
puisqu'à ce moment c'était un acte gouvernemental. Les
règles budgétaires faisaient donc état des propositions de
la loi 105 et c'est à ce titre qu'elles ont commencé à
être étudiées par les commissions scolaires.
Au fur et à mesure que les discussions se poursuivaient - et les
commissions scolaires étaient parfaitement au courant puisque nous les
en informions pour ainsi dire quotidiennement - les commissions scolaires
étaient informées de ce qui se préparait, par exemple, de
l'hypothèse du 10 février et c'est en fonction de ce cadre de
règlement anticipé, puis réalisé qu'elles ont
continué leur travail. On pourrait dire la même chose de
l'hypothèse de conciliation. Avant même qu'elle soit
acceptée par les deux parties, les commissions scolaires, par la voie de
leur fédération, étaient parfaitement au courant de ce qui
était discuté, de ce qui se préparait et elles ont pu
tenir compte, du moins dans leur travail de préparation, des
hyppothèses qui étaient à l'étude.
Ces règles budgétaires ne sont pas encore
approuvées par le gouvernement. Elles sont encore en consultation. Un
certain différend s'est élevé quant à
l'interprétation qu'il fallait apporter à certains de ces
éléments. Par exemple - nous l'avons vu lors de la commission
parlementaire - la disparition des ratios, la disparition des secteurs
d'enseignement, le fait que nous voulions resserrer davantage les enveloppes
fermées que nous dispensons depuis trois ans aux commissions scolaires,
le fait que nous voulions, en cette période d'austérité,
dépenser ce qui paraissait devoir être dépensé sans
aller d'avance vers des surplus ont fait que certaines discussions ont pu avoir
lieu.
Mais, comme nous l'avons dit en commission parlementaire et comme nous
le répétons aujourd'hui, il y a un élément sur
lequel il faut s'arrêter: c'est celui du modèle d'organisation de
l'école et, en particulier, de l'école secondaire. Faut-il garder
le modèle antérieur axé trop exclusivement, pour ne pas
dire exclusivement, sur la spécialisation, au lieu de continuer le
travail que nous faisons depuis deux ou trois ans et qui consiste à
mettre de plus en plus l'accent, dans la foulée du livre vert et du plan
d'action, sur l'encadrement, sur le titulariat, sur le tutorat, afin d'arriver,
d'une part, à une plus grande polyvalence de la part des enseignants et,
d'autre part, à un meilleur suivi du cheminement particulier de chacun
des élèves de l'école secondaire avec les
difficultés que chacun peut présenter?
En ce qui nous concerne, c'est la deuxième option que nous avons
choisie. Nous n'en avons pas fait mystère. Nous avons informé
à plusieurs reprises nos partenaires du système de
l'éducation, qu'il s'agisse des directeurs généraux, qu'il
s'agisse des cadres,
de cette option délibérée que nous avions prise
pour la polyvalence, pour un meilleur encadrement, pour un meilleur suivi du
cheminement particulier de clientèles diverses présentant chacune
leurs problèmes et nous avons utilisé les règles
budgétaires pour inciter davantage les commissions scolaires à
s'orienter vers ce nouveau modèle d'organisation de l'école.
Nous savons parfaitement que ce modèle va poser un certain nombre
de problèmes. On ne remplace pas un modèle par un autre sans
prévoir, évidemment, des difficultés de transition et
elles vont se produire, elles se produisent déjà. Mais il
importait de commencer à un moment donné le changement d'un
modèle pour un autre. Nous faisons confiance à la bonne
volonté, à l'imagination, à l'innovation
pédagogique des divers agents de l'éducation pour que ces
problèmes soient identifiés d'une façon correcte et qu'on
puisse y apporter en cours de route les meilleures solutions ou les meilleures
réponses possible, que ce soit au niveau des ateliers
pédagogiques, que ce soit au niveau de la formation des maîtres,
que ce soit au niveau de l'utilisation également des journées
pédagogiques et de tous autres instruments que le ministère
entend bien mettre à la portée des diverses commissions
scolaires. C'est dans ce sens que nous continuons notre action. Nous sommes
convaincus que nous devons l'envisager avec optimisme, pour cette année
aussi bien que pour les années à venir.
La ponction conjoncturelle de 40 000 000 $ que nous effectuons cette
année dans les budgets des commissions scolaires s'explique très
facilement. D'abord, nous savons que le système auquel nous soumettons
les commissions scolaires est nouveau. Les enveloppes fermées ne datent,
comme on le disait tout à l'heure, que de trois ans. Il est bien certain
qu'un nouveau système doit être rodé au fur et à
mesure que les années passent. En 1980-1981, les règles
budgétaires que nous avons envoyées aux commissions scolaires se
sont avérées pas tout à fait adéquates, en ce sens
qu'elles ne collaient pas tout à fait à la réalité
des commissions scolaires et à la réalité des
écoles, d'où les surplus qui ont été
enregistrés au chapitre I, par exemple, qui traite de la situation des
enseignants. La même chose s'est produite en 1981-1982; un surplus, cette
fois, de 40 000 000 $. On peut dire que ces surplus proviennent de cette
inadéquation des règles budgétaires à la situation
réelle des écoles. En particulier, au poste 1 des enseignants,
nous avons constaté que les ressources consenties aux commissions
scolaires étaient trop généreuses, aussi bien en ce qui
concerne le nombre de postes d'enseignants qu'en ce qui concerne la
rémunération moyenne des enseignants et le paiement des mises en
disponibilité. Au fur et à mesure que les années
passaient, nous avons pris conscience de cette inadéquation des
ressources et il est tout à fait normal que nous tentions maintenant de
corriger cela.
Notre intention est sûrement toujours de fournir aux commissions
scolaires les fonds dont elles ont absolument besoin. D'ailleurs, nous
finançons à 94% le coût de l'éducation dans les
commissions scolaires et même à plus que 94%, parce que ce ne sont
pas toutes les commissions scolaires qui sont rendues à l'extrême
de la limite de 6% de la taxation que nous leur accordons ou à la limite
de 0,25 $ le 100 $ d'évaluation. Il n'est donc pas question pour nous de
nous dégager de nos responsabilités. Cependant, il n'est pas
question, non plus, de fournir aux commissions scolaires des fonds
supérieurs à ceux dont elles ont besoin pour dispenser une
éducation de qualité à leur clientèle.
C'est dans cet esprit qu'il nous est apparu important cette année
de procéder à cet ajustement non récurrent de 40 000 000 $
qui n'épongera même pas tous les surplus qu'ont connus les
commissions scolaires au cours des deux dernières années, soit
120 000 000 $. Mais cet ajustement, encore une fois, nous paraît
très légitime et d'autant plus que le président de la
Fédération des commissions scolaires a lui-même
souhaité en cours de négociations que la partie syndicale accorde
aux enseignants un traitement supérieur à celui que
prévoyaient les décrets et même à celui que
prévoyait le cadre du 10 février. Il est donc normal qu'une
partie de cet ajustement non récurrent puisse être utilisée
à l'amélioration des conditions de travail des enseignants, selon
le désir même qu'a exprimé la Fédération des
commissions scolaires.
Quant à l'implantation des régimes pédagogiques, il
est exact qu'un changement aussi majeur connaît des difficultés de
parcours. Malgré l'effort acharné que nous y avons mis, il est
vrai que tous les programmes ne sont pas encore en application. Vingt nouveaux
programmes ont été implantés en septembre 1982, certaines
matières de base ont été réparties
différemment à partir de septembre 1982, mais il y a quand
même certains retards. Nous n'avons pas tous les guides dont nous
voudrions disposer. Nous n'avons surtout pas tous les manuels que nous avions
l'intention de mettre à la disposition des clientèles, mais le
député d'Argenteuil comprendra que, si nous voulons avoir de bons
manuels, il faut prendre le temps de faire de bons devis, lesquels sont,
d'ailleurs, préparés par les meilleurs professeurs du champ
respectif, et aussi qu'il faut donner du temps aux éditeurs de
préparer les meilleurs manuels possible. (17 heures)
Quant à la préparation des enseignants, elle se poursuit
quand même, pas seulement
grâce à une formation universitaire, mais sûrement,
en tout cas, par des sessions spéciales consacrées à
l'implantation des régimes pédagogiques auxquels les enseignants
participent, d'ailleurs, avec enthousiasme grâce aux journées
pédagogiques et grâce à l'aide financière ponctuelle
que nous apportons aux écoles et aux commissions scolaires pour
l'implantation de ces régimes. Je pense donc que nous pouvons envisager
avec optimisme l'implantation de ces régimes pédagogiques. Nous
ne dépasserons pas le terme de l'échéance que nous nous
étions fixée, c'est-à-dire 1986, et nous essaierons de
rattraper, au cours de l'année qui vient, les quelques retards que nous
avons pris au cours de l'année dernière.
Le député d'Argenteuil a cependant raison de souligner
qu'en milieu anglophone cette implantation a connu des difficultés plus
grandes. Il s'est révélé plus difficile qu'on ne l'aurait
cru d'abord d'adapter les régimes pédagogiques à la
communauté anglophone, de les traduire. Cela va aussi bien pour les
programmes que pour la préparation des guides pédagogiques ou la
préparation des manuels. Nous avons effectivement rencontré des
représentants de la communauté anglophone, aussi bien catholique
que protestante. Nous sommes d'accord avec eux pour certains constats qu'a
repris à son compte le député d'Argenteuil. Nous
reconnaissons le bien-fondé d'un certain nombre de remarques qu'ils nous
ont faites. Nous procéderons, d'ailleurs, aux ajustements
nécessaires.
Je ne peux encore dire au député d'Argenteuil quelle sera
la solution finale que nous adopterons, puisque celle-ci sera prise au cours
des deux mois qui viennent. Mais, déjà, je peux le rassurer en
disant que les échéances que nous nous étions
fixées seront prolongées, que nous ferons des exceptions pour la
mise en place de certaines mesures, comme, par exemple, l'implantation de tel
ou tel programme.
Cependant, nous pensons qu'il importe, malgré tout, de donner
suite à certaines autres considérations du régime
pédagogique, qu'il s'agisse des évaluations, qu'il s'agisse de la
note de passage, qu'il s'agisse de la sanction des études. De toute
façon, nous ferons les distinctions qui nous paraîtront devoir
être faites. Mais, en gros, nous tenterons de satisfaire aux demandes
légitimes de la communauté anglophone.
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Je ne veux pas reprendre tous les points qu'a
touchés le ministre, parce que ce serait trop long. Je voudrais
simplement le prévenir, quand il cite des chiffres, d'être
prudent. Je l'ai déjà entendu en Chambre faire des comparaisons
sur les salaires des enseignants au Québec et en Ontario. On a
été obligé de le ramener à la raison, parce qu'il
mettait une différence de 15% et qu'il n'y en avait pas.
C'est drôle, les 15% m'ont frappé, parce que je l'entendais
parler de 15% de participation aux élections scolaires. J'ai justement
fait venir les statistiques des sept ou huit dernières années. En
1975, 29%; en 1976, 36%; en 1977, 28%; en 1978, 30%; en 1979, 32%; en 1980,
28%; en 1981, 29%; en 1982, 27%. Tout cela, encore une fois, dans des
conditions extrêmement mauvaises, objectivement mauvaises, auxquelles le
gouvernement n'a apporté aucun des correctifs qui lui ont
été proposés à maintes reprises.
Je vous dirai une chose, à part cela: Si vous allez dans une
commission scolaire en dehors de Montréal ou de Québec, le taux
de participation est encore beaucoup plus élevé. Je
vérifiais à la commission scolaire du Long-Sault. Si vous prenez
le taux de participation dans un grand nombre de municipalités, cela
vous donne 20% ou 25%. Si vous enlevez les villégiateurs qui sont sur la
liste des votants là-bas, mais qui ne sont pas intéressés
au problème scolaire parce que leurs enfants sont aux écoles
à Montréal, vous en arrivez à un taux de participation qui
va chercher de 40% à 50%. Cela demanderait d'être
vérifié de bien près avant de se lancer dans des
affirmations aussi catégoriques.
De toute manière, les chiffres que j'ai montrent que... Faites la
comparaison avec le niveau municipal. Si on suivait à la lettre le
raisonnement du ministre, il faudrait supprimer la ville de Montréal,
parce qu'il y a eu des années où son taux de participation
n'était pas plus élevé que cela. Il y a des
périodes où la participation est moins forte pour toutes sortes
de circonstances, mais je pense qu'il faut essayer de l'améliorer
plutôt que de tout jeter par-dessus bord. Mais comme vous nous dites que
vous allez maintenir le suffrage universel, que vous allez maintenir une
fonction de direction, même si ce mot soulève un peu de
difficulté pour votre pudeur intellectuelle - s'il s'agit de rassurer
seulement cela, il n'y a pas de problème - si vous maintenez une
fonction de direction, un véritable caractère démocratique
pour l'élection des commissaires, il y aura une grosse partie des
problèmes, évidemment, qui sera allégée d'autant.
Je crois qu'au point où nous en sommes, à moins que ma
collègue de Jacques-Cartier ne veuille formuler des observations
générales à ce moment, je crois que nous aurions
intérêt...
Mme Dougherty: Ce serait plus facile.
M. Ryan: ...moi aussi. Je poserai quelques questions et nous
pourrons nous
relayer là-dedans et les autres membres qui sont ici
également. Je sais qu'ils ont des droits comme nous, il n'y a pas de
problème là-dessus.
À propos du régime pédagogique, il faudrait
peut-être en parler un peu plus tard. Je ne sais pas s'il serait
possible, M. le ministre, qu'à l'aide du calendrier que vous aviez
adressé aux commissions scolaires il y a à peu près un an
- je pense que cela remonte à avril 1982 - si on pouvait préparer
un rapport qu'on nous soumettrait ce soir pour savoir où nous en sommes
pour chaque programme; il n'y a pas de problème pour chacun des
programmes, ils sont presque tous prêts quant à leur version
française évidemment; où en est-on pour la version
anglaise? Où en est-on pour le guide pédagogique? Au point de vue
des manuels, est-ce qu'il y en a de sortis? Au point de vue des instruments
d'évaluation, est-ce qu'il y a quelque chose de prêt? Pour la
préparation des professeurs, je ne serai pas aussi exigeant, parce que
cela relève des commissions scolaires. Je ne sais pas si vous avez des
rapports à point là-dessus. Je connais des commissions scolaires
où le travail se fait très bien, avec la nuance que j'ajoutais ce
matin, c'est-à-dire qu'avec les difficultés de parcours que nous
avons rencontrées ces derniers mois, la participation sera
peut-être plus difficile. Je vous préviens de ce facteur. Il y
aura lieu sûrement de l'examiner comme il faut.
Maintenant, avant d'entamer cela, si on pouvait avoir ces
données, cela simplifierait la discussion énormément; si
on les avait ce soir, ce serait très bien pour moi.
M. Laurin: Je vais tenter de vous satisfaire dans toute la mesure
du possible.
M. Ryan: C'est l'occasion propice pour le faire; si on ne le fait
pas à cette occasion, on ne le fera jamais.
Je reviens sur le rapport Désilets et les séquelles de la
négociation collective. Vous n'avez pas reçu encore les
données dont nous avions parlé, M. le sous-ministre; alors, on ne
peut pas faire le point là-dessus. En ce qui regarde le primaire et le
secondaire, est-ce que je puis comprendre que le gouvernement accepte
intégralement le rapport Désilets, sauf les ajustements de dates
qui peuvent s'imposer, parce que des choses étaient mentionnées
pour le 1er avril et elles ne peuvent évidemment pas se faire le 1er
avril? Deuxièmement...
M. Laurin: Oui, nous l'acceptons intégralement.
D'ailleurs, c'était à prendre ou à laisser au complet, et
nous l'acceptons au complet.
M. Ryan: Je suis bien content d'apprendre cela.
Y compris, par conséquent, certaines clauses - je cherchais
tantôt dans le rapport Désilets - que je n'ai pas
retrouvées; peut-être que vous pourriez me dire si celle-là
est restée. J'avais bien des objections à certaines dispositions
des décrets qui annulaient, à toutes fins utiles, la
liberté d'adaptation pédagogique de l'enseignant, qui
subordonnaient presque littéralement au primat des règlements
ministériels concernant le régime pédagogique. Je crois
comprendre que le rapport Désilets avait recommandé que ces deux
ou trois articles tombent et que, par conséquent, cette partie des
décrets devienne considérablement plus souple. Je ne sais pas si
cela fait partie des choses que le gouvernement accepte; c'est très
bien...
M. Laurin: C'est accepté.
M. Ryan: ...je m'en réjouis, j'en suis bien content.
Est-ce que le ministre pourrait nous dire, en gros, ce que le rapport
Désilets impliquera au point de vue de mises en disponibilité
l'année prochaine?
M. Laurin: Cela limite à 5000 le plafond des mises en
disponibilité. Quelles que soient les raisons de mise en
disponibilité, nous sommes engagés à ce que cela ne
dépasse pas 5000, mais nous sommes convaincus que nous avons de
très bonnes chances de ne pas atteindre ces 5000, en vertu d'une
meilleure utilisation des personnels mis en disponibilité, d'un
décloisonnement de l'ancienne convention collective qui limitait
singulièrement l'emploi des mises en disponibilité. Nous avons
prévu en plus des mesures de résorption, de relocalisation qui
permettront aussi une utilisation des mises en disponibilité dans des
champs qui relèvent de leur compétence et qui ne constituent
sûrement pas un sacrilège pour un enseignant quand il regarde le
genre d'activité qu'il pourrait remplir dans cette nouvelle
fonction.
L'hypothèse Désilets, aussi bien que le cadre de
règlement, prévoit que, si le plafond n'est pas atteint, la
rémunération que nous pourrons affecter aux mises en
disponibilité sera même supérieure à ce qui est
prévu dans l'hypothèse Désilets.
M. Ryan: Le coût du rapport Désilets, est-ce que
vous l'avez établi avec un peu plus de précision au cours des
dernières semaines?
M. Laurin: Le coût du rapport Désilets se situe dans
l'intérieur du cadre financier qui était celui du gouvernement.
Donc, il n'implique pas de mise de fonds au-delà de ce que le
gouvernement avait prévu. C'est financé de plusieurs
façons différentes. On sait maintenant que l'abolition de la
clause concernant les congés de maladie, qui
comportait peut-être une somme d'une cinquantaine de millions,
sera affectée au financement de l'hypothèse Désilets. Une
partie de cet ajustement ponctuel non récurrent, dont on vient de
parler, prélevée sur les budgets des commissions scolaires, sera
également utilisée pour le financement de l'hypothèse
Désilets, et quelques fonds provenant du budget usuel du
ministère de l'Éducation y seront aussi affectés. Mais,
encore une fois, le résultat final, c'est que le cadre financier qui
avait été prévu par le gouvernement pour le financement de
la mission éducative sera respecté.
M. Ryan: M. le Président, ce n'est pas une réponse
qui me satisfait. J'ai demandé au ministre de me donner le coût
établi, par le gouvernement, du rapport Désilets par rapport
à la proposition antérieure qui était, évidemment,
le cadre de règlement du 10 février, par rapport au point
où on en était au moment du décret. Si j'avais bien
compris, le cadre de règlement du 10 février ajoutait une somme
approximative de 100 000 000 $, plus précisément 97 000 000 $. Le
rapport Désilets, que vient-il ajouter à cela? En dépenses
additionnelles - le financement, je vais vous en dire un petit mot après
- que vient-il ajouter?
M. Laurin: Bien, comme je vous l'ai dit, à peu près
les 50 000 000 $ prévus par l'abolition de la clause des congés
de maladie et une partie de l'ajustement non récurrent
prélevé au sein des commissions scolaires. Mais je pense qu'il
est difficile d'être plus précis parce qu'on ne sait pas, par
exemple, combien il y aura de demandes de retraite anticipée. On ne le
sait pas encore. Combien d'enseignants se qualifieront? Combien d'enseignants
demanderont à se prévaloir de ces avantages? On ne sait pas non
plus combien d'enseignants pourront bénéficier de l'une ou
l'autre des quatorze ou quinze mesures de relocalisation et de
résorption, dont les unes apparaissent dans la convention collective et
dont les autres feront l'objet de l'examen d'un comité paritaire
où seront représentés les enseignants des commissions
scolaires.
M. Ryan: Encore une fois, au point de vue du coût brut
additionnel - on verra la manière de les financer tantôt - vous
avez dit 50 000 000 $ pour commencer. Ensuite, vous avez ajouté: plus
l'équivalent de l'ajustement non récurrent de 40 000 000 $; cela
fait 90 000 000 $; plus une part qu'on ne peut pas mesurer qui dépendra
de l'ampleur des mesures de résorption. Cela veut dire autour de 100 000
000 $ de plus? Est-ce que je serais... Pardon? Ce serait à peu
près cela? En plus des 97 000 000 $ qui avaient été
prévus par...
M. Laurin: Ce n'est qu'en fin d'exercice...
M. Ryan: Oui, c'est évident.
M. Laurin: ...que nous pourrons, a posteriori, vous donner les
chiffres exacts. Mais peut-être qu'on pourrait vous fournir quelques
données additionnelles, sans prétendre, encore une fois, à
l'exactitude absolue.
M. Ryan: Est-ce qu'on pourrait avoir un ordre de grandeur, le
plus précis possible? Ce serait intéressant. Je vous signale que
je m'étonne de constater que vous mettez là-dedans l'ajustement
non récurrent de 40 000 000 $, parce qu'il était
déjà prévu dès le mois de décembre. Vous
l'aviez mis dans votre projet budgétaire dès ce
moment-là.
M. Laurin: Cela en fait partie aussi. Alors, pour ce qui est des
mises en disponibilité, M. le Président, j'ai les chiffres
précis...
M. Ryan: Si vous voulez me permettre de terminer sur ce point et
on reviendra là-dessus tout de suite après. Vous dites que vous
allez financer les 50 000 000 $ à même les congés de
maladie qui ne seront plus monnayables. J'ai rencontré deux enseignants
dans mon comté avant-hier, dimanche, par hasard, dans un restaurant de
la rue principale à Lachute. Ils m'ont dit: S'ils pensent qu'on ne les
prendra pas, ces congés-là, ils sont bien naïfs. Je pense
que vous devez vous rendre compte que le changement qui intervient sera une
très forte incitation à l'endroit des enseignants à
prendre ces congés qu'ils ne prenaient pas lorsqu'ils étaient
monnayables. J'espère que vous ne faites pas vos calculs en imaginant
que les résultats seront les mêmes, une fois que les congés
ne seront plus monnayables.
M. Laurin: II y aura de la suppléance.
M. Ryan: Pardon? (17 h 15)
M. Laurin: II y a aussi un fonds prévu à la
suppléance, chaque année. Évidemment, on ne peut pas
préjuger qu'aucun enseignant ne sera malade durant toute l'année,
c'est bien évident, mais il y a une bonne partie de ces dépenses
qui pourront être épongées à même le fonds
normal de suppléance que nous accordons aux commissions scolaires, de
même que dans l'utilisation des mises en disponibilité qui seront
plus nombreuses que prévues.
Alors, pour ce qui est des mises en disponibilité, la loi 105
aurait fait en sorte qu'il y aurait eu 6858 enseignants mis en
disponibilité. Tel que nous l'avions dit au
moment de la commission parlementaire, la position du 10 février
nous amenait à 4507 enseignants. L'effet de la proposition
Désilets réduit le nombre des enseignants mis en
disponibilité à 3843. Pour ce qui est de l'impact financier du
rapport Désilets, bien sûr, il faut reprendre l'ensemble du cadre
financier que nous avions au point de départ, qui avait
été modifié par l'ajout de 100 000 000 $ au moment de la
proposition du 10 février et, comme il n'était pas question
d'ajouter de nouvelles sommes, pour réduire les économies
escomptées sur une période de trois ans, aux 97 000 000 $ qui
avaient déjà été ajoutés le 10
février, ce dont nous avons convenu, à ce moment-là, avec
les représentants syndicaux, c'est un autofinancement de l'ensemble des
propositions faites par le rapport Désilets. L'autofinancement se fait
par la récupération des sept jours de congé de maladie
monnayables, pour une somme estimée à 64 500 000 $.
Si je reviens à une autre question que vous avez posée,
c'est-à-dire la ponction de 40 000 000 $ dans le budget du réseau
primaire et secondaire, les 40 000 000 $, tel que nous l'avons annoncé
aux commissions scolaires, vont se répartir grosso modo de la
façon suivante: 20 000 000 $ qui s'ajouteront aux
récupérations des congés de maladie pour financer
l'ensemble des mesures du rapport Désilets et une autre somme de 20 000
000 $ qui va continuer d'être consacrée aux mesures de
résorption.
À l'heure actuelle, ce sont les chiffres dont nous disposons. Je
pense que les éléments essentiels sont de se rappeler que c'est
un autofinancement, un autofinancement réalisé par la
récupération des sommes imputables aux congés de maladie
et un autofinancement par l'appropriation d'une somme d'environ 20 000 000 $ de
la ponction des 40 000 000 $.
M. Ryan: Voulez-vous m'expliquer? Si les congés de maladie
sont effectivement pris par les enseignants, qu'est-ce qui va se produire?
M. Laurin: II est évident que, à l'époque
où les congés de maladie étaient monnayables, ce qui
était la situation que nous avons connue jusqu'à maintenant, cela
constituait en quelque sorte une incitation à ne pas prendre les jours
de maladie. J'estime que, puisqu'il s'agit d'une entente intervenue entre le
gouvernement et la CEQ, les journées de maladie seront prises ou ne
seront pas prises à partir d'une réalité qui
découlera du fait que les enseignants seront plus ou moins malades. Mais
il est aussi évident que certains d'entre eux le seront. C'est une
réalité évidente. Nous avons aussi estimé, à
ce moment-là, qu'un plus grand nombre d'enseignants, au titre de la
suppléance, seraient requis pour remplacer les professeurs qui,
effectivement, seront en congé de maladie.
M. Ryan: Et cela fera des dépenses de plus. Cela va
diminuer d'autant l'autofinancement.
M. Laurin: C'est-à-dire que cela ne fait pas
nécessairement des dépenses de plus; cela s'autofinance à
partir d'une utilisation plus grande des professeurs mis en
disponibilité et des professeurs qui, précisément,
pourront suppléer aux professeurs réguliers par le nombre
d'enseignants mis en disponibilité.
Il est évident que, si nous étions dans une situation
où il n'y avait pas d'enseignants mis en disponibilité, il y
aurait un coût additionnel puisqu'il faudrait recourir à de
nouveaux enseignants pour remplacer ceux qui prendront effectivement leurs
congés de maladie. Mais puisque la situation fait en sorte que nous
disposons d'un bassin de professeurs mis en disponibilité, ce sont ces
enseignants qui suppléeront à ceux qui sont malades.
M. Ryan: Est-ce qu'on pourrait avoir des précisions sur
les projections que vous faites en ce qui touche les mesures de
résorption? Parce que vous avez fait des changements importants, il y a
un certain nombre de mesures qui deviennent obligatoires pour les commissions
scolaires alors qu'elles étaient facultatives jusque-là. Est-ce
que vous avez établi avec les commissions scolaires des projections
quant aux coûts possibles, des hypothèses plus favorables,
d'autres plus pessimistes? Avez-vous des projections quelconques à nous
livrer là-dessus ou si cela a été mis là...
M. Laurin: II faut dire que, jusqu'à la dernière
minute, la partie syndicale s'est refusée à envisager la mise sur
pied d'un système d'examen paritaire des mesures de résorption et
de relocalisation. Ce n'est qu'au moment de l'hypothèse Désilets
qu'effectivement la partie syndicale a véritablement accepté ce
comité paritaire où elle siégera désormais. Donc,
nous n'avons pu avoir l'opinion de la partie syndicale sur l'une ou l'autre de
ces quatorze ou quinze mesures que nous prévoyons maintenant. Nous
savons - parce que les commissions scolaires nous l'ont dit - que,
probablement, il y aura un certain nombre de demandes de mises à la
retraite anticipée. Encore une fois, on ne sait pas à quel moment
les enseignants demanderont d'être mis à la retraite. Est-ce que
c'est deux ans, trois ans, quatre ans avant qu'arrive effectivement l'âge
de la retraite? C'est donc assez difficile à calculer.
Je pense qu'il va falloir étudier, en
comité paritaire justement, l'impact de chacune de ces mesures et
voir le caractère incitatif qu'elles pourront avoir sur les enseignants
avant d'en arriver à des résultats.
Mme Dougherty: Est-ce que je pourrais ajouter une petite
question? Les 40 000 000 $ viennent effectivement des surplus accumulés
des commissions scolaires. Est-ce que cela est vrai?
M. Laurin: Non, on ne peut pas dire cela. On peut dire que c'est
le résultat d'une méthode récente qui a été
mise en application il y a trois ans et dont nous avons suivi
l'évolution au cours des années. Maintenant, nous nous rendons
compte que cette méthode était inadéquate, dans le sens
qu'elle dépassait les besoins du système. Comme nous
procédons chaque année aux ajustements des règles
budgétaires - nous l'avons fait l'an dernier également, nous le
faisons cette année, nous serons probablement obligés de le faire
l'an prochain - au fur et à mesure que les années passeront, les
ajustements seront moindres parce que les règles colleront davantage
à la réalité scolaire.
Mme Dougherty: Si je comprends bien, la politique du gouvernement
est - je crois que c'est une politique du gouvernement -que les commissions
scolaires gardent leurs surplus et ne peuvent se débarrasser de leurs
déficits.
M. Laurin: Oui, comme on l'a souligné, elles gardent leurs
surplus et elles gardent leurs déficits.
Mme Dougherty: Les 40 000 $... M. Laurin: Les 40 000 000
$.
Mme Dougherty: Les 40 000 000 $ représentent un montant
qu'elles doivent dépenser à cause des nouvelles règles
budgétaires. C'est donc de l'autofinancement dans un certain sens, mais
je crois que c'est une érosion du principe établi de la politique
du gouvernement, parce que chaque année le gouvernement peut, par le
biais des règles budgétaires, éroder les principes, le
droit des commissions scolaires à leurs surplus. Je crois que c'est une
façon de faire les choses par la porte d'en arrière au lieu de
reconnaître ce principe comme sacré.
M. Laurin: Je ne crois pas. Je pense que nous tentons
plutôt de donner aux commissions scolaires le montant le plus exact
possible qui corresponde aux fonctions qu'elles doivent assumer. On ne peut pas
y arriver au cours d'une seule année. Je pense qu'il faut donner le
temps à l'évolution de nous faire les enseignements que seule
l'évolution peut nous donner.
Quant au point de vue technique, cependant, je pense qu'on peut vous
donner des explications additionnelles sur la façon dont nous envoyons
chaque année - et cette année encore - les propositions de
règles budgétaires.
Mme Dougherty: Je suis au courant. Ce n'est pas quelque chose de
nouveau. Cela arrive, mais je ne suis pas d'accord.
M. Laurin: M. le Président, à partir de l'analyse
des états financiers, les constatations que nous avons faites sont les
suivantes. Il y avait, au 30 juin 1980, dans les commissions scolaires, un
surplus de 20 000 000 $; au 30 juin 1981, un surplus de 45 000 000 $ et, au 30
juin 1982, un surplus de 120 000 000 $. Ces surplus proviennent, bien
sûr, de différentes sources, mais les trois sources
identifiées et les plus marquées sont les suivantes: une
légère augmentation de la taxation scolaire dans plusieurs
commissions scolaires, une gestion plus adéquate et plus serrée
des ressources depuis l'introduction de la nouvelle méthode d'allocation
des ressources budgétaires et, enfin, certaines règles
budgétaires concernant les enseignants qui, comme le ministre vient de
l'expliquer, ont été pour toutes sortes de raisons plus
généreuses que la situation ne le requérait.
Je prendrai le soin d'indiquer que des frictions de l'ordre de 40 000
000 $, 45 000 000 $ ou 50 000 000 $ à l'intérieur d'un programme
budgétaire qui dépasse 4 000 000 000 $, sont des frictions
parfaitement normales. On n'a pas à s'inquiéter qu'il puisse,
à un certain moment donné, y avoir soit un léger
surfinancement, soit un léger sous-financement. Mais ce que nous avons
constaté, c'est que les surfinancements à certains postes
budgétaires s'étaient accentués au cours des
dernières années.
Je voudrais également souligner que ce n'est pas sur la
totalité des surplus accumulés que nous faisons une ponction,
mais tout simplement sur un montant qui n'est pas récurrent. Il ne
s'agit pas d'une ponction qui retourne dans les coffres de l'État, mais
d'une ponction ad hoc pour la prochaine année qui sert essentiellement
à financer deux éléments, c'est-à-dire l'ensemble
des mesures de résorption et une partie de l'augmentation qui
découle du rapport Désilets.
Donc, la ponction de 40 000 000 $ est une ponction ad hoc et une
ponction qui fait en sorte que le montant demeure à l'intérieur
du réseau des commissions scolaires. Ce n'est pas un montant qui revient
dans les coffres de l'État ou un montant qui sert à d'autres
programmes
gouvernementaux; c'est un montant qui reste entièrement dans le
réseau primaire et secondaire. Encore une fois, il s'agit d'une ponction
ad hoc annuelle pour financer les deux éléments dont je viens de
parler.
Mme Dougherty: Comment pouvez-vous dire que ce n'est pas
récurrent? Il y aura un besoin de résorption l'année
prochaine.
M. Laurin: C'est-à-dire que le budget prévu pour
les mesures de résorption en est un pour la totalité des trois
années. C'est toujours dans ces termes que nous avons raisonné.
Il n'est pas possible pour l'instant de dire avec précision quels
montants, à partir grosso modo des 20 000 000 $ qui doivent servir
à la résorption des professeurs par un ensemble de mesures,
quelle proportion sera utilisée. Mais les montants qui ne seront pas
utilisés au cours de la présente année demeureront
à l'intérieur du réseau primaire et secondaire. C'est en
ce sens que l'on parle vraiment d'une ponction annuelle et d'une ponction non
récurrente.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Deux-Montagnes. (17 h 30)
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Au sujet de
cette ponction, je voudrais poser au ministre une question relative à
l'application de cette décision. Le sous-ministre vient d'expliquer
l'origine de la ponction. Un des facteurs, nous dit-il, c'est que certaines
règles budgétaires ont laissé entre les mains des
commissions scolaires des ressources en quelque sorte excédentaires. Je
crois comprendre qu'il s'agit, au moins dans certains cas, des mises en
disponibilité. Les règles budgétaires ont fait qu'à
l'occasion de mises en disponibilité, les commissions scolaires se sont
trouvées à conserver des ressources excédentaires qui se
reflètent maintenant dans ces surplus visés par la ponction. Ce
n'est pas la totalité de ces montants d'argent. On m'a
déjà dit - parce que j'ai posé le même genre de
question ailleurs - que cela représentait un pourcentage X. Je ne sais
pas si ce pourcentage sera le même selon qu'on le demande à un
intervenant ou à l'autre, mais, enfin, c'est un certain pourcentage, un
pourcentage significatif. Dans la mesure où cela représente un
pourcentage significatif et dans la mesure où certaines commissions
scolaires n'ont pas fait de mises en disponibilité - je parle de
commissions scolaires qui, par exemple, auraient été face
à une situation de clientèle croissante - est-ce qu'on ne
pourrait pas faire en sorte que les commissions scolaires auxquelles je viens
de faire allusion, qui n'ont pas eu à faire des mises en
disponibilité, soient partiellement exemptées de l'application de
la ponction?
J'ajoute, M. le Président et M. le ministre, que la question
n'est pas innocente. La question m'a été posée, comme vous
vous en doutez sans doute, par une commission scolaire qui n'est pas du tout
fictive: la commission scolaire de Saint-Eustache qui, effectivement, s'est
trouvée dans une situation de clientèle croissante et n'a pas eu
à faire des mises en disponibilité.
M. Laurin: M. le Président, je pense pouvoir
répondre à la question qui vient d'être posée en
faisant la lecture, si vous le permettez, d'une lettre que je faisais parvenir
aux commissions scolaires, vendredi dernier, et qui constitue une de ces
lettres que nous envoyons aux commissions scolaires dans le cadre des
échanges que nous avons eus depuis le mois de janvier sur les
règles budgétaires. Quant à l'ajustement non
récurrent de 40 000 000 $, voici ce que nous disons dans cette lettre:
"L'ajustement de 40 000 000 $ est une mesure visant à faire contribuer
les commissions scolaires aux mesures spéciales de résorption et
de relocalisation, ainsi qu'aux améliorations des conditions de travail
de leurs employés". C'est ce que je viens d'expliquer. "Les ressources
ainsi prélevées demeurent donc dans le réseau des
commissions scolaires, de sorte que cette disposition des règles
budgétaires doit être envisagée comme étant une
mesure de redistribution. "La méthode utilisée pour
répartir l'ajustement de 40 000 000 $ s'inspire du souci du
ministère de demander aux commissions scolaires de contribuer en
proportion des ressources financières dont elles disposent en vertu de
la loi, tout en tenant compte de leur capacité à l'absorber. Le
montant de l'ajustement appliqué à chaque commission scolaire est
fonction d'une formule mathématique qui prend en compte la
clientèle totale et le facteur de déficience de la richesse
foncière utilisée pour fins de calcul de la subvention de
péréquation. La formule proposée pour consultation aux
commissions scolaires le 28 mars 1983 a été revue, suite aux
remarques que nous avions reçues et l'ajustement ne pourra être
supérieur, dans aucune commission scolaire, à plus de 80 $ par
élève. "En ce qui a trait à la réduction de cet
ajustement en raison de la situation financière de la commission
scolaire, la formule soumise à la consultation des commissions scolaires
faisait en sorte que la compression pouvait s'élever jusqu'à 75%
du surplus au 30 juin 1982. Là, également, certains
aménagements ont été apportés et les
modalités susceptibles d'être appliquées dans les
règles budgétaires définitives et qui sont contenues dans
le projet de texte joint en annexe à la présente se
résument ainsi: les quelques commissions scolaires ayant un
déficit au 30 juin 1982 voient leurs compressions
annulées."
Donc, nous étions dans l'obligation de faire une ponction
générale sur l'ensemble du réseau. La ponction ne peut
être faite de façon particulière; elle doit être
faite en fonction d'une règle générale. Nous appliquons la
règle générale à l'ensemble des commissions
scolaires, mais il faut, bien sûr, tenir compte de la situation
particulière de certaines commissions scolaires. Donc, pour celles qui
sont en déficit, la compression est annulée parce qu'il se peut
fort bien qu'elles aient été de celles dont vous avez
parlé qui n'ont pas bénéficié, à un certain
moment, d'un surfinancement résultant d'une base comprenant un nombre
d'enseignants supérieur à ce que prévoyait l'ancienne
convention collective.
Les commissions scolaires qui ont un surplus au 30 juin 1982 et un
déficit au 30 juin 1980 voient leur compression réduite si elle
excède un pourcentage compris entre 50% et 66 2/3% du surplus. Donc,
deuxième catégorie de commissions scolaires. Troisième
catégorie...
M. Ryan: Voulez-vous répéter pour cette
catégorie?
M. Laurin: Oui, les commissions scolaires qui ont un surplus au
30 juin 1982, mais qui avaient un déficit au 30 juin 1980 voient leur
compression réduite si elle excède un pourcentage compris entre
50% et 66 2/3% du surplus au 30 juin 1982. Je me rends compte de la
complexité. Les commissions scolaires qui ont un surplus au 30 juin 1982
inférieur au surplus au 30 juin 1980 voient leur compression
réduite si elle excède 33 1/3% du surplus au 30 juin 1982. Les
commissions scolaires qui ont un surplus au 30 juin 1982 supérieur au
surplus au 30 juin 1980 voient leur compression réduite si elle
excède un pourcentage compris entre 33 1/3% et 66 2/3% du surplus.
Ces règles compliquées, qui ont fait l'objet d'une lettre
aux commissions scolaires, sont le résultat des commentaires qui ont
été faits à une lettre précédente que
j'avais fait parvenir le 28 mars, par suite de la fin des négociations.
Les catégories que nous établissons ici, semble-t-il, nous
permettront d'aller faire la ponction en fonction de la capacité de
payer de chacune des commissions scolaires. Bien sûr, à la suite
de cette lettre qui a quitté mon bureau vendredi, les tractations vont
se poursuivre avec les commissions scolaires, mais je répète que
cette nouvelle façon d'appliquer la ponction résulte des
commentaires que les commissions scolaires ont fait parvenir au
ministère par suite de la lettre du 28 mars.
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, je pense que, si on discutait
plus en détail la formule technique, on serait tous perdus; on l'est
déjà un peu. Je voudrais revenir sur le principe de fond de cette
affaire. Le sous-ministre vient de nous dire que le ministère a
négocié avec les commissions scolaires au mois de mars et qu'on a
eu des conversations quant aux modalités techniques qui
présideraient à l'application de cette mesure de
réappropriation par le gouvernement de certaines sommes. Je ne voudrais
pas qu'on ignore que le président de la Fédération des
commissions scolaires catholiques du Québec a publié, pas plus
tard que la semaine dernière, une déclaration très
vigoureuse - elle porte la date, par conséquent, du mois d'avril et a
été publiée vers la troisième semaine d'avril -
dans laquelle la Fédération des commissions scolaires
dénonce très vigoureusement cette politique de
réappropriation du gouvernement.
Pour l'information de tout le monde, je pense qu'il vaut la peine de
citer quelques passages de cette déclaration, parce que je voudrais
personnellement indiquer que je souscris à cette réaction de la
Fédération des commissions scolaires. "Le ministère, dans
son projet de règles budgétaires, informe les commissions
scolaires qu'il apportera un ajustement négatif non récurrent
établi a priori. Sous le couvert d'une récupération pour
assurer des mesures spéciales de relocalisation et de résorption
des personnels en sécurité d'emploi, le ministère vient
récupérer une partie importante du surplus des commissions
scolaires dû principalement à une bonne gestion et aux
économies réalisées à même la taxe
foncière. Cette somme représentait la marge de manoeuvre ou le
fonds de roulement dont les commissions scolaires pouvaient disposer à
court terme. Cette mesure est dénoncée par les commissions
scolaires et va à l'encontre des principes de base du financement des
commissions scolaires. Le caractère même du budget fermé,
base du financement des commissions scolaires, perd son sens et sa
signification. La fédération s'est toujours opposée
à cette façon de procéder."
Là, on continue, c'est intéressant et important aussi: "La
méthode d'allocation des ressources du ministère visait à
laisser aux commissions scolaires la responsabilité de gérer leur
organisation scolaire suivant leurs priorités dans le cadre des
objectifs globaux de l'éducation au Québec. La méthode
d'allocation avec laquelle la fédération était d'accord
mettait en relief les trois principes suivants: une enveloppe fermée
reposant sur les subventions fixées à partir d'un budget, une
plus grande transférabilité des ressources accordées dans
le cadre d'une enveloppe budgétaire élargie et une
réduction des coûts de l'enseignement public."
On arrive avec l'observation suivante: "Les commissions scolaires,
même si on avait annoncé cette orientation, ont connu
d'année en année des compressions budgétaires, des
changements de règles du jeu. Les règles budgétaires sont
devenues plus discrétionnaires et ont forcé les commissions
scolaires à gérer avec une extrême prudence."
J'écoutais des explications qu'on donnait tantôt et il me
paraît de plus en plus évident, à mesure qu'on en discute,
que cette mesure vise les surplus des commissions scolaires. Cela a
été conçu en fonction de cela. Le gouvernement trouve
qu'il a trop donné, les commissions scolaires trouvent qu'elles ont
peut-être trop économisé à certains points de vue ou
trop prévu en fonction des années à venir, mais le
gouvernement n'a aucune base pour établir ce montant. On a
mentionné tantôt un surplus de 120 000 000 $ au 30 juin 1982. Je
pense que c'est exact, sauf qu'il y avait également des déficits
d'environ 40 000 000 $, ce qui fait que le surplus net devrait être
d'environ 80 000 000 $, j'imagine.
M. Laurin: Le surplus de 120 000 000 $, c'est net.
M. Ryan: On va être obligé de regarder les chiffres
ensemble.
M. Laurin: Oui.
M. Ryan: Je vais vous soumettre ce tableau-ci qui était
annexé à la déclaration des commissions scolaires. Je vais
vous laisser le regarder et vous me direz ce que vous en pensez.
M. Laurin: M. le Président, je prends connaissance des
chiffres publiés par la Fédération des commissions
scolaires pour la première fois. Les chiffres que nous avons ne
correspondent pas avec ceux qui apparaissent dans ce document. Le document que
j'ai devant les yeux et qui procède d'une analyse des états
financiers nous amène, pour notre part, aux chiffres suivants: 213
commissions scolaires en surplus, pour un total de 115 345 102 $; 14
commissions scolaires en déficit, pour un total de 6 405 209 $.
M. Ryan: Cela prouverait, pour le moins, que les rapports entre
le ministère et les commissions scolaires ne sont pas aussi
étroits que le suggéraient le ministre et le sous-ministre plus
tôt, si vous n'êtes même pas capables de vous entendre sur
ces chiffres.
M. Laurin: M. le Président, je ne voudrais pas passer de
commentaires sur les chiffres rendus publics par la Fédération
des commissions scolaires, mais les chiffres que je cite découlent de
l'analyse des états financiers.
M. Ryan: On va les vérifier, si vous voulez me remettre
mon document; je pourrais vous en faire tenir une copie, si vous voulez. C'est
une déclaration publique, d'ailleurs.
Je voudrais indiquer, encore une fois, que la mesure vise,
évidemment, les surplus des commissions scolaires. D'ailleurs, on dit
qu'on s'est basé sur la situation financière des commissions
scolaires, donc, sur les surplus qui pouvaient être accumulés. Si
on va chercher de l'argent, c'est parce qu'il y a des surplus. Je pense que
là-dessus on va s'entendre facilement.
M. Laurin: Non, on ne s'entend pas...
M. Ryan: Je sais qu'avec vous c'est plus difficile.
M. Laurin: ...parce que j'ai dit, et je le répète,
que c'est un ajustement des ressources que dispense l'État -
étant donné qu'il finance la presque-totalité des budgets
de fonctionnement des commissions scolaires - aux besoins du système.
Quand on se rend compte, au fil des années, que les ressources
consenties dépassent les besoins, il faut bien procéder à
un ajustement selon des formules générales et impersonnelles qui
ne visent pas du tout telle ou telle commission scolaire. C'est tellement vrai
que c'est un ajustement que, par exemple, on ne va pas du tout chercher la
totalité des surplus, les 120 000 000 $, puisqu'on sait qu'une bonne
partie de ces 120 000 000 $ est due à la taxation scolaire. On sait que
la taxation scolaire a rapporté 93 000 000 $ ou 97 000 000 $, je crois,
l'an dernier. On ne va même pas chercher un montant qui serait
l'équivalent substantiel de ce qu'a rapporté la taxation
scolaire. Je pense que c'est parfaitement le droit - c'est, d'ailleurs, dans
ses pouvoirs - du ministère de l'Éducation d'appliquer toutes les
formes de compressions, que ce soit au niveau des commissions scolaires, dans
notre cas, ou des hôpitaux, dans le cas du ministère des Affaires
sociales. Je pense que c'est là une attribution normale du gouvernement.
(17 h 45)
M. Ryan: Ce que je veux souligner, c'est qu'on fonctionnait selon
le principe du budget fermé. À moins que je ne comprenne pas ce
que les mots veulent dire - je ne serais pas surpris que le ministre les
interprète autrement, parce qu'il a souvent sa définition propre
de bien des mots - un budget fermé, cela veut dire: Tu as tant pour
l'année, il faut que tu t'arranges avec cela. Si tu fais un
déficit, tu en seras responsable; si tu fais un surplus...
M. Laurin: Je ferai remarquer au député
d'Argenteuil qu'on ne va pas chercher...
M. Ryan: Est-ce que je pourrais...
M. Laurin: ...ce qui a été mis de côté
par les commissions scolaires l'an dernier. On fait un ajustement qui fera en
sorte que, cette année, elles auront moins de ressources que l'an
dernier.
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Argenteuil, vous vouliez...
M. Laurin: Excusez-moi, M. le député.
Le Président (M. Blouin): ...poursuivre votre
observation?
M. Ryan: Non, j'accepte volontiers; si cela pouvait nous
éclairer, cela me ferait bien plaisir de me laisser interrompre. J'y
reviens. On avait un budget fermé. On dit en toutes lettres que c'est
"un ajustement négatif non récurrent établi a priori".
Pour les gens, cela veut dire, à tout le moins, qu'ils ont
administré toute leur année scolaire en se disant: Voici, nous
avons ces ressources-ci à notre disposition. J'espère que vous
leur prêtez au moins cette compétence - ils ne sont
peut-être pas aussi capables que vous le voudriez - qui les rend aptes
à essayer de regarder quelques années en avant. Ils se sont dit:
On arrive, cette année, on va faire bien attention. Peut-être
pourra-t-on épargner ici, peut-être pourra-ton épargner
là. On va aller chercher quelques revenus en taxes avec la marge qui
nous est donnée et on va se budgétiser un petit surplus de,
disons, 500 000 $, pour avoir un peu plus de sécurité et
être capables de franchir une situation un peu plus difficile ou de faire
une amélioration.
Mme la députée de Jacques-Cartier me donnait l'exemple
d'une commission scolaire qui a déjà utilisé le surplus
qu'elle avait pour acheter des ordinateurs, par exemple. Elle a pris les
devants. On parlera de cette question de l'informatique à une autre
séance, si le temps peut nous en être donné. Cela s'est
fait. Je pense qu'ils ont posé un geste d'avenir en faisant cela. Mais
là ils se font dire: Attendez un peu, cette année, l'ajustement
non récurrent... Je ne sais pas quel montant cela leur donnera. Il me
semble que cela contredit le principe du budget fermé. Cela contredit
également le principe d'initiative. Ils ne sont pas obligés
d'aller chercher de l'argent sous forme de taxes. Ils peuvent bien s'asseoir
là et dire: Cette année, nous sommes un peu engraissés par
le ministère.
Je suis d'accord avec le ministre lorsqu'il dit: L'ajustement est un
système nouveau et on ne peut pas tomber pile tout de suite la
première année. Cela peut prendre deux, trois ou quatre ans pour
s'ajuster. Mais il me semble que cela aurait pu être ajusté en
disant: Là, on est obligé d'envisager pour la prochaine
année, par rapport à vos coûts, ceci plutôt que cela.
Mais, là, c'est évident qu'on va chercher cela dans ce qui peut
être, en partie, le fruit d'allocations qui ont été mal
calculées et aussi, en partie - c'est une partie qu'il est difficile de
déterminer, mais les commissions scolaires disent que c'est la partie
dominante, l'explication principale - le résultat de la gestion, des
décisions administratives et budgétaires qui ont
été prises à ce niveau.
Je suis obligé, en conséquence, surtout devant cette
espèce de glissement qui a continué de se produire malgré
toutes les belles paroles qu'on entend, d'enregistrer un désaccord
très vigoureux et explicite sur ce point-ci. Je pense que le
gouvernement agit mal en imposant cette mesure d'ajustement non
récurrent aux commissions scolaires au moment où on
commençait à respirer. Si cela avait été une
urgence... Ce n'est pas arrivé seulement dans l'éducation que des
surplus comme ceux-là se sont produits; c'est arrivé dans
d'autres secteurs. Les municipalités reçoivent des subventions
importantes de Québec. Tout le monde sait, ici, que cela a donné,
dans certains cas, plus qu'on ne pensait. Vous le savez, la loi 57 a
donné à certaines municipalités plus qu'on ne pensait. Il
y en a, à Montréal, qui font des installations de lampadaires. Il
y a des rues où il y a deux systèmes de lampadaires en même
temps à Montréal, grâce aux revenus accrus qui
dérivent de la loi 57. Vous n'y avez pas touché. Elles vont
pouvoir continuer à faire toutes sortes de fanfreluches ici et
là. Personnellement, je n'approuve pas ces fanfreluches.
Je veux revenir à notre sujet. Je me dis: II y a des domaines
où, en relation assez directe avec la politique budgétaire du
gouvernement, on a pu faire des surplus dans certains organismes publics et
ceux-là continuent. Ici, c'est l'éducation, l'enseignement
primaire et secondaire. Peut-être parce qu'ils sont plus sous la coupe du
gouvernement, peut-être parce qu'ils sont plus faciles à "poigner"
comme on dit, on leur applique cette mesure. Même les cégeps et
les hôpitaux, il y en a plusieurs qui ont fait des surplus par rapport
aux allocations qui leur avaient été données, par rapport
aux prévisions qui avaient été faites. Je n'ai pas entendu
parler d'une mesure d'ajustement non récurrent pour ces secteurs. Je le
regrette et je le condamne avec toute la vigueur dont je suis capable.
M. Laurin: M. le Président, si le surplus n'avait
été que de 500 000 $, sûrement qu'il n'y aurait pas eu
nécessité d'ajuster à
nouveau les règles budgétaires cette année. La
comparaison avec les municipalités est fautive aussi parce que les
municipalités ont la presque-totalité de l'impôt foncier
maintenant, 94% à tout le moins. Elles ont des responsabilités
qui correspondent à la marge de l'impôt foncier qu'elles ont la
responsabilité de lever, en plus, évidemment, de certains
transferts qui leur ont été consentis par le gouvernement.
Je répète qu'étant donné que le gouvernement
s'est engagé à financer à 94% et plus les commissions
scolaires il le fait par des règles budgétaires qui sont
très généreuses puisqu'à même ce budget le
système scolaire, au niveau des secteurs primaire et secondaire, a pu
s'acquitter de toutes ses responsabilités, en tout cas d'une
façon hautement comparable avec la situation qui existe dans les autres
provinces du Canada.
Si on se rend compte, après deux ans de la mise sur pied d'une
nouvelle formule, que les milliards de dollars que nous consacrons au
système scolaire dépassent les besoins des commissions scolaires,
je trouve absolument normal que le gouvernement révise ses règles
budgétaires et procède par ajustement ponctuel afin que,
progressivement, nous en arrivions à accorder aux secteurs primaire et
secondaire des ressources qui correspondent le plus exactement possible aux
fonctions et aux responsabilités qui appartiennent à ce
système des institutions scolaires.
M. Ryan: M. le Président, je voudrais ajouter juste une
chose. Si j'ai bien compris, le ministre a dit: II y a eu des problèmes,
il y a eu des compressions, mais les commissions scolaires ont quand même
continué à fournir les services qui étaient attendus
d'elles et tout. Je voudrais simplement lui citer un extrait d'une lettre que
lui adressait, le 1er mars, le président de la Fédération
des commissions scolaires catholiques du Québec. Des messages comme
celui-là, il en a reçu des douzaines au cours des derniers mois.
Je vais citer un extrait de cette lettre-là - je ne veux pas la citer au
complet - qui contredit l'affirmation que nous venons d'entendre: "Nous
dénonçons l'ajustement négatif de 40 000 000 $ reposant
sur ces critères de performance. Est-ce que cet ajustement
négatif serait un nouveau volet de la méthode de financement,
à savoir l'application du principe de la "désallocation"? Nous
vous faisons aussi remarquer que les compressions budgétaires
cumulatives forcent les commissions scolaires à diminuer les services en
qualité et en quantité. Les règles du jeu changent et
cette situation est déplorable puisqu'elle va à l'encontre d'une
incitation à la saine gestion."
Nous pourrions multiplier les exemples de situations qui se sont
traduites en pratique par une réduction des services tant en
quantité qu'en qualité.
M. Laurin: Je ne blâme pas le président de la
Fédération des commissions scolaires d'en vouloir toujours plus
pour son système. Je pense que c'est la même chose dans les
hôpitaux. Tous les jours, nous entendons des porte-parole des
hôpitaux qui réclament des crédits additionnels pour se
payer un "scanner" ou des équipements encore plus modernes. Je pense que
c'est la responsabilité du gouvernement également d'ajuster les
ressources qu'il dispense à notre système de santé,
à notre système scolaire en rapport avec les moyens de la
collectivité et avec la capacité de payer des contribuables.
C'est bien sûr que "the sky is the limit". Si on regarde les besoins
potentiels de notre système scolaire comme de notre système de
santé, on pourrait consacrer 800 000 000 $ ou 900 000 000 $ de plus par
année à combler ces besoins. Mais, en même temps, des
administrateurs responsables prendront toujours soin d'ajuster les ressources
à la capacité de payer des contribuables, et c'est ce que nous
faisons.
M. Ryan: Je signale, M. le Président, que l'enjeu ici,
c'est une certaine stabilité. Comme le disent les commissions scolaires
dans le document que j'ai cité tantôt, les règles du jeu
ont changé à tellement de reprises, changent de manière
tellement imprévue à certains moments que cela devient
pratiquement impossible d'assurer une gestion au meilleur niveau possible, dans
les conditions de ressources limitées que vous avez
évoquées, et nous sommes tous d'accord là-dessus. Ce qui
surprend, c'est quand vous lisez le document et que vous vous appliquez
à cela. Moi-même, à la première lecture que j'en
avais faite, je n'avais pas remarqué ce passage parce que je
n'étais pas assez proche de l'administration des commissions scolaires,
mais après cela, quand on a attiré mon attention, je l'ai lu
peut-être dix fois. J'essayais de comprendre ce qu'il pouvait y avoir
comme logique derrière cela, j'avais beaucoup de misère à
me le mettre dans la tête et j'en ai encore maintenant.
J'insiste, encore une fois, sur la stabilité et la
continuité dans la discipline. Qu'il nous faille telle mesure de
discipline étant donné nos ressources, j'en suis, mais je
voudrais qu'on évite ces espèces de cahots et ces espèces
de trous qui se présentent au moment le plus imprévu et qui
dérangent l'itinéraire administratif d'organismes dont les
responsables ont quand même beaucoup de mérite parce qu'on n'est
pas payé cher pour être commissaire d'écoles. On peut bien
dire ce qu'on voudra, mais il y en a peut-être quelques-uns qui touchent
des émoluments comme ceux dont vous avez
parlé l'autre jour - on vous demandera des précisions
là-dessus - mais, en général, le commissaire
d'écoles n'est pas payé cher; la plupart d'entre eux pourraient
faire bien d'autre chose pour ce prix. Je pense qu'on doit
apprécier...
M. Laurin: Je pense bien, par ailleurs, M. le Président,
que ce sont de bien grands mots que celui de "chaos" et d'instabilité.
Je ne pense pas qu'un ajustement non récurrent de 40 000 000 $ sur une
subvention annuelle de près de 4 000 000 000 $ constitue un facteur
majeur d'instabilité. Je pense aussi, par ailleurs, que même avec
cet ajustement non récurrent de 40 000 000 $, les commissions scolaires
jouiront cette année, en bloc, d'un excédent de 80 000 000 $ sur
les dépenses qu'elles ont encourues. Si c'est cela de
l'instabilité, je vais aller réétudier mon
dictionnaire.
M. Ryan: Je me rappelle un temps pas tellement lointain, M. le
ministre, où on vous signalait que la marge qui vous séparait des
syndiqués pour la conclusion d'une entente en matière de
relations de travail était environ de 150 000 000 $, comme vous
l'estimiez, pour trois ans et cela vous paraissait une montagne absolument
insurmontable. Vous avez déchiré vos vêtements
publiquement, vous avez fait courir toutes sortes de risques au Québec.
Vous disiez: Cela n'a pas de bon sens, à cause de notre cadre
budgétaire et tout. Ici, vous "poignez" 40 000 000 $ et ce n'est pas
grand-chose, ne vous en faites pas avec cela. Ce qui vous séparait de la
partie syndicale, il y a à peine trois mois, était moins que cela
proportionnellement parce que c'était un montant de 60 000 000 $ par
année, je crois - je ne me le rappelle pas exactement, mais
c'était autour de cela -pour une période de trois ans sur un
budget de 24 000 000 000 $...
M. Laurin: C'était 341 000 000 $ très
exactement.
M. Ryan: ...et là, c'est 40 000 000 $. Pardon?
M. Laurin: C'était 341 000 000 $...
M. Ryan: Ah non! Mais après le cadre de
règlement...
M. Laurin: ...qui ont été réduits,
après la visite chez le premier ministre, à 250 000 000 $. Il
faut tout de suite ajouter, cependant, que les sommes dont il était
question étaient des sommes récurrentes, c'est-à-dire qui
auraient grevé le budget en augmentant, en s'accroissant tout au long
des années subséquentes, alors que là il s'agit d'un
ajustement ponctuel non récurrent.
M. Ryan: Pour les organismes qui sont l'objet de cette mesure, je
vous dis que c'est - je reprends l'expression que j'avais utilisée au
tout début - très démotivant. Cela ne fera pas
périr les commissions scolaires demain matin, il n'y a personne qui vous
dit cela - l'autre projet comporte des dangers bien plus graves - mais c'est
démotivant. Les gens regardent cela et ils disent: S'ils veulent prendre
le paquet, qu'ils le prennent donc, qu'ils s'arrangent donc avec. Je pense
qu'il n'y a personne qui veut que cette attitude se généralise
dans tout le Québec. C'est contre cela que je veux vous prévenir.
Pour le reste, elles s'arrangeront, elles feront toutes sortes de choses, elles
peuvent s'en tirer. Je n'en fais pas une question de vie ou de mort. Je dis
que, comme politique, cela a un effet démotivant qui est regrettable et
dont nous avons eu beaucoup d'exemplaires ces dernières
années.
M. Laurin: En tout cas, quand l'objectif, qui est de coller
exactement les ressources accordées aux dépenses
effectuées sera atteint, on n'aura plus besoin de procéder
à de pareils ajustements.
Le Président (M. Blouin): II est 18 heures...
M. Ryan: La raison d'État sera toujours là.
Le Président (M. Blouin): ...et, sur ce, nous suspendons
nos travaux jusqu'à 20 heures ce soir.
(Suspension de la séance à 18 heures)
(Reprise de la séance à 20 h 12)
Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission élue permanente de l'éducation reprend ses
travaux. La parole est à Mme la députée...
Vous aviez demandé la parole?
M. Laurin: M. le Président?
Le Président (M. Blouin): Oui, M. le ministre.
M. Laurin: Le député d'Argenteuil nous avait
demandé certains tableaux, certains renseignements. Je pense qu'avant de
passer à d'autres questions, on pourrait lui remettre ces tableaux avec
les explications pertinentes et appropriées.
Nous avons ici l'état de l'approbation du matériel
didactique en fonction des nouveaux programmes d'études du primaire et
du secondaire. Pour chaque programme, les membres de la commission pourront
trouver
la liste des manuels scolaires approuvés, en instance
d'approbation ou à l'étude au sein du ministère de
l'Éducation. Il faut rappeler à cet égard que ce n'est pas
le ministère de l'Éducation qui prépare les manuels
scolaires. Il soutient les maisons d'édition pour un certain nombre de
manuels scolaires lorsque le nombre d'élèves est très
minime. Par exemple, pour l'enseignement moral aux exemptés ou pour
l'enseignement professionnel, tant dans le secteur francophone que dans le
secteur anglophone. C'est déjà prévu à
l'intérieur de l'ensemble des budgets du ministère de
l'Éducation. Pour les autres manuels, pour chaque programme, le
ministère de l'Éducation prépare un devis qu'il envoie
à toutes les maisons d'édition, qui détermine toutes les
règles du jeu, toutes les conditions d'approbation par le ministre de
l'Éducation. Ces manuels, évidemment, sont soumis, par la suite,
aux comités confessionnels.
Il faut dire également à ce sujet que le terme "nouveau
programme" comporte un certain nombre d'ambiguïtés. Dans plusieurs
cas, c'est le programme qui existait déjà qui a été
précisé, ce qui veut dire qu'il n'est pas nécessaire
d'éliminer des tablettes, des inventaires des commissions scolaires,
tous les manuels qui existent déjà pour les remplacer par de
nouveaux manuels. Il est question, évidemment, dans certains nouveaux
programmes - par exemple, en secondaire V - d'économique,
d'écologie ou d'initiation au travail, de plan de carrière. On
peut donc retrouver un certain nombre de nouveaux programmes. Dans les autres
cas, ce sont des adaptations d'anciens programmes, ou des spécifications
de nouveaux programmes, ce qui veut dire que... Je pense qu'on ne peut pas dire
que, dans la majorité des cas, il faille absolument abandonner les
anciens manuels scolaires et les remplacer par des nouveaux. Sauf que,
évidemment, les nouveaux manuels vont mieux correspondre à toutes
les dimensions d'un nouveau programme. Mais on ne peut pas affirmer que
l'implantation du nouveau programme d'études nécessite
obligatoirement un nouveau manuel.
En ce qui concerne les programmes d'études et les guides
pédagogiques, déjà, dans le document qui a
été remis aux membres de la commission, nous avons indiqué
la liste des nouveaux programmes qui seront publiés et qui pourront
être appliqués à partir de septembre prochain. Je transmets
aussi le document d'information sur le calendrier d'approbation des nouveaux
programmes pour 1982 et celui pour 1983.
Je peux indiquer qu'à toutes fins utiles, à l'analyse de
ces deux documents, on se rend compte que les retards ne touchent qu'un nombre
très minime de guides pédagogiques et de programmes
d'études. Ils touchent l'enseignement religieux au premier cycle du
primaire. Ils touchent l'enseignement moral au deuxième cycle du
secondaire. Ils touchent également les arts au premier et au
deuxième cycle pour les guides pédagogiques du primaire. Ils
touchent l'anglais, langue seconde, au deuxième cycle du secondaire. Ils
touchent aussi le guide pédagogique en géographie
générale pour le secondaire. Ils touchent l'éducation
physique pour le secondaire. Ils touchent le guide pédagogique pour le
secondaire en éducation, en choix de carrière. Ils touchent aussi
l'art dramatique, les arts plastiques et la danse pour le primaire. Ce n'est
pas un écart de plus de douze mois pour les quelques guides et les
quelques programmes que je viens d'indiquer.
Les deux documents sont donc transmis aux membres de la commission. Nous
aurons un nombre suffisant d'exemplaires dès demain. S'il y a lieu de
transformer ces documents en tableaux, nous pourrions le faire pour demain.
Le Président (M. Blouin): Merci.
M. Laurin: Pour le moment, on va se contenter de les donner au
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Là, c'est embêtant de poser des questions
à partir d'un document qu'on n'a pas eu le temps de lire. Vous
comprendrez cela facilement. Si vous me laissez ceux-là, on va y jeter
un coup d'oeil au cours de la journée de demain et, s'il y a des
questions particulières qui en découlent, on essaiera de trouver
un moment d'ici à la fin du travail, vendredi.
M. Laurin: D'accord.
M. Ryan: Je vous remercie, M. Rousseau. Puisqu'on est sur le
régime pédagogique... Voulez-vous déposer d'autres
documents?
M. Laurin: Oui, avant, je pense que nous avons deux autres
documents à déposer.
M. Ryan: Oui.
M. Laurin: Le premier document est celui relatif à la
croissance de 45% de la partie des crédits 1983-1984 applicable aux
ajustements de l'année scolaire passée. Effectivement, cela
résulte de la répartition et de l'étalement dans le temps,
suivant la formule 701515. L'augmentation entre l'année scolaire
1979-1980 et l'année scolaire 1981-1982, qui est de l'ordre de 45%,
correspond effectivement à une augmentation similaire de la
totalité des crédits consacrés au primaire et au
secondaire pour la même période.
Par ailleurs, comme l'année avec
laquelle nous comparons, c'est-à-dire l'année 1979-1980,
comportait déjà un ensemble d'ajustements, pour bien saisir le
pourcentage d'augmentation au-delà de ce qui apparaît à la
première lecture, il faudrait retourner aux crédits 1979-1980
pour vérifier ce que contenaient ces ajustements additionnels. On n'a
pas eu le temps de le faire. On pourrait tenter de le faire au cours des
prochains jours. C'est le premier document et nous l'avons en nombre suffisant
d'exemplaires pour les membres de la commission.
Le deuxième document est celui de l'évolution des per
capita des subventions de fonctionnement des organismes d'enseignement par
réseau. Nous l'avons fait pour les années demandées,
c'est-à-dire 1979-1980, 1980-1981, 1981-1982, 1982-1983 et 1983-1984,
avec le chiffre total des subventions pour chacun des réseaux
d'enseignement, les augmentations et le per capita qui en résultent pour
le réseau primaire et secondaire, le réseau collégial, le
réseau universitaire et le réseau de l'enseignement privé.
On en a également des copies pour les membres de la commission.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Girard. Cela va?
M. Laurin: II y a un dernier tableau qui consiste à faire
une comparaison entre les tableaux 19 et 21 apparaissant dans la section
générale du livre des crédits et la section XX du livre
gouvernemental des crédits. Le tableau est en préparation, mais,
malheureusement, il n'a pas pu être prêt pour ce soir. On va y
travailler demain et il pourra être distribué dès la
première séance jeudi matin.
Le Président (M. Blouin): Merci. M. le
député de Vachon.
Informatique
M. Payne: En ce qui concerne le programme 4, j'aurais une
question pour le ministre relativement à une série de
décisions qui ont été publiées il y a quelques
semaines, relatives à l'informatique. Effectivement, il y aura des
décisions majeures qui auront des conséquences très
importantes sur certains programmes d'études. Je voudrais savoir comment
cette nouvelle politique progressiste de l'informatique sera traduite en
pratique. J'aimerais savoir si le ministre pourrait informer la commission
parlementaire des effets sur le personnel, sur la formation du personnel, sur
les budgets qui seront accordés à ce volet ainsi que sur
l'acquisition des équipements, que ce soit un équipement...
comment dit-on en français "hardware and software"?
M. de Bellefeuille: ...
M. Payne: Comment cela sera-t-il coordonné? Est-ce qu'il y
a des budgets supplémentaires accordés en vue de cette
modification, de cette innovation importante? Quel est le détail des
montants pour la recherche et le développement? Je serais aussi curieux
de savoir s'il y a un intérêt, pour le ministre de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme, pour cette chère politique d'achat chez nous.
Est-ce que nous avons, ici au Québec, un intérêt à
ce chapitre? Les raisons pour lesquelles cela m'intéresse, c'est parce
qu'on a entendu, à plusieurs reprises, l'Opposition dire que nous
n'étions pas préparés, que nous étions
arrivés trop vite. J'aimerais avoir les commentaires du ministre sur ces
volets de notre programme innovateur.
M. Laurin: J'ai déjà eu l'occasion, il y a quelques
semaines, de présenter le plan de développement du
ministère à cet égard. C'est un plan qui comprend sept
volets: objectifs et contenus de l'enseignement, perfectionnement des
enseignants, développement et acquisition de logiciels et de
didactitiels, achat d'équipement, réseau de
télécommunications, recherche et expérimentation, soutien
pédagogique et technique.
Le premier volet touche les objectifs et les contenus de l'enseignement.
Au niveau primaire, il s'agit de faire en sorte que chaque élève
puisse, au cours de ses six années de scolarisation, avoir accès
au micro-ordinateur et l'utiliser dans le cadre de l'enseignement et des
activités pédagogiques prévus au programme
d'études. Au niveau secondaire, il s'agit d'offrir à tous les
élèves du secondaire IV et et du secondaire V un programme
optionnel d'introduction à la science de l'informatique,
d'intégrer l'apprentissage de l'ordinateur à l'enseignement
professionnel, d'utiliser l'ordinateur dans diverses disciplines comme outil
d'apprentissage et d'enseignement.
Au collégial, nous visons à former un plus grand nombre
d'étudiants en informatique en autorisant progressivement tous les
cégeps intéressés à dispenser cet enseignement et
en révisant les programmes actuels. Nous visons aussi à former
l'ensemble des élèves du secteur professionnel à
l'utilisation de l'ordinateur, cette fois comme outil de travail en
l'intégrant aux divers programmes de formation.
À l'éducation des adultes, nous visons à
sensibiliser à l'informatique tous les adultes intéressés
et à leur offrir la possibilité d'utiliser l'informatique comme
outil de travail.
Enfin à l'universitaire, nous visons à rendre accessibles
à un plus grand nombre
d'étudiants les divers programmes d'informatique existants et
à développer davantage la formation de deuxième et de
troisième cycle.
Quant au volet du perfectionnement des enseignants, nous comptons
organiser dès septembre prochain dans chacune des régions, de
concert avec les partenaires des réseaux d'enseignement et les
universités, les multiples activités et programmes suivants:
stage d'introduction à l'informatique destiné à l'ensemble
des enseignants du secteur primaire et secondaire, 3000 enseignants durant
trois ans; stage de formation légère, c'est-à-dire 30
à 45 heures, destiné aux enseignants impliqués dans le
programme d'introduction à la science de l'informatique, 500 enseignants
pendant deux ans; stage de formation intensive destiné aux futurs agents
de formation dans le milieu, 30 enseignants en 1983-1984; stage en industrie
destiné aux maîtres de l'enseignement professionnel du secteur
collégial, 1000 enseignants; stage d'initiation et de perfectionnement
à 5000 enseignants du réseau collégial d'ici cinq ans. Les
sommes d'argent nécessaires sont déjà prévues dans
les budgets locaux de perfectionnement des personnels et dans les
mécanismes de suppléance.
Les universités quant à elles prendront graduellement en
charge toutes ces activités de formation qui seront
intégrées aux programmes pertinents.
Le troisième volet du programme touche le développement et
l'acquisition des logiciels et des didacticiels. Ce volet constitue, avec le
perfectionnement des maîtres, l'un des pivots du plan de
développement. Les besoins sont très grands. Par exemple,
logiciels généraux tels les langages de programmation des
programmes utilitaires etc.; ces logiciels sont requis dès le
départ et ne sont pas nécessairement inclus comme tels dans le
prix d'achat d'un micro-ordinateur. Aussi des didacticiels, c'est-à-dire
des logiciels spécialisés servant à appuyer l'utilisation
des programmes d'apprentissage destinés aux élèves. Et
enfin des progiciels, c'est-à-dire l'application
préprogrammée principalement utilisée dans divers domaines
de l'enseignement professionnel.
Le rôle du ministère de l'Éducation en ces
matières sera d'apporter le soutien nécessaire aux initiatives
prises par le milieu scolaire lui-même, de favoriser le
développement du matériel par l'entreprise privée en lui
faisant connaître les besoins prioritaires, en déterminant
certaines spécifications et en évaluant au besoin les produits
offerts; aussi de produire lui-même ou plus encore de faire produire,
à titre de suppléance, les logiciels et des didacticiels
expérimentaux ou autres et enfin d'intervenir occasionnellement comme
aide à l'entreprise privée dans les cas où, en raison du
faible taux de rentabilité découlant de la faiblesse quantitative
de certains besoins, la situation l'imposera.
Quant au volet concernant l'achat d'équipement, nous
prévoyons l'acquisition de façon graduelle, d'ici cinq ans, d'un
parc important de micro-ordinateurs de différente puissance pour
l'ensemble du système scolaire québécois de même que
d'autres équipements connexes liés à la bureautique et la
robotique. Pour les micro-ordinateurs, nous visons l'acquisition de 16 000
ordinateurs au primaire, 9600 au secondaire, 2800 au collégial et 4000
au réseau universitaire, pour un grand total de 32 400. Nous voulons
aussi acquérir des appareils spécialisés, 9000 au
secondaire, 950 au collégial, pour un total de 9950. Ces chiffres sont
évidemment des prévisions qui représentent à nos
yeux le minimum vital que nous voulons assurer. Pour l'année scolaire
1983-1984, nous disposons d'un budget de 15 500 000 $ pour ces fins en plus des
montants déjà prévus dans le plan touchant l'insertion
sociale et professionnelle des jeunes. Avec la collaboration du
ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme et celle du
Secrétariat à la science à la technologie, nous entendons
passer des ententes-cadres avec les manufacturiers. (20 h 30)
Quant au réseau de télécommunications, nous
entendons adapter le réseau de télécommunications
actuellement utilisé pour fins de gestion principalement afin qu'il
puisse répondre également aux besoins de l'enseignement. Les
établissements scolaires pourront ainsi avoir accès à des
banques de données et à des banques d'information
particulièrement importantes.
Quant au volet recherche et expérimentation, tant au niveau
primaire et secondaire qu'au niveau collégial, nous voulons encourager
tous les intervenants - en particulier les équipes de recherche
déjà à l'oeuvre - à explorer de façon
systématique l'apport pédagogique des nouvelles technologies
impliquant celles de l'ordinateur à l'école. Pour le
réseau universitaire, nous travaillons actuellement à la
création d'un centre de recherche en informatique impliquant trois
universités de la région de Montréal et faisant appel
à la collaboration des autres universités du Québec.
En ce qui concerne enfin le soutien pédagogique et technique,
nous comptons mettre des mécanismes et des ressources d'encadrement et
de soutien, à la fois pédagogique et technique, pour l'ensemble
des mesures proposées. Il s'agit, tant au niveau central qu'au niveau
régional, de soutenir les initiatives du milieu et d'apporter aux
organismes et aux individus l'aide pertinente.
Nous comptons investir dans ce programme, au cours des cinq
prochaines
années, un grand total de 173 000 000 $ en équipement
seulement. En 1983-1984, au primaire et secondaire, 17 200 000 $; au
collégial, 3 600 000 $; à l'universitaire, 3 200 000 $, pour un
total de 24 000 000 $.
M. Ryan: Pouvez-vous répéter ces chiffres, s'il
vous plaît, M. le ministre?
M. Laurin: En 1983-1984, 17 200 000 $ au primaire et secondaire;
3 600 000 $ au collégial et 3 200 000 $ à l'universitaire, pour
un total de 24 000 000 $. En 1984-1985, 34 000 000 $ au primaire et secondaire;
3 600 000 $ au collégial; 3 200 000 $ à l'universitaire, pour un
total de 40 800 000 $. En 1985-1986, 32 000 000 $ au primaire et secondaire; 3
600 000 $ au collégial; 3 200 000 $ à l'universitaire, pour un
total de 38 800 000 $. En 1986-1987, 28 800 000 $ au primaire et secondaire; 3
400 000 $ au collégial; 3 200 000 $ à l'universitaire, pour un
grand total de 35 400 000 $. En 1987-1988, 28 000 000 $ au primaire et
secondaire; 2 900 000 $ au collégial; 3 200 000 $ à
l'universitaire, pour un total de 34 100 000 $.
M. Ryan: Pouvez-vous répéter ces chiffres pour
1987-1988?
M. Laurin: 28 000 000 $ au primaire-secondaire.
M. Ryan: Oui.
M. Laurin: 2 900 000 $ au collégial.
M. Ryan: Oui.
M. Laurin: 3 200 000 $ à l'universitaire, pour un total de
34 100 000 $.
M. Ryan: D'accord, c'est mieux.
M. Laurin: Donc au total, au primaire et secondaire, pour les
cinq années: 140 000 000 $; 17 000 000 $ au collégial; 16 000 000
$ à l'universitaire, pour un grand total de 173 000 000 $. En plus, nous
entendons dépenser, au cours des cinq prochaines années, pour la
production de didacticiels, de logiciels et de progiciels, une somme...
M. Ryan: Les chiffres que vous venez de donner sont seulement
pour les appareils?
M. Laurin: Seulement pour les appareils. Au cours des cinq
prochaines années, nous entendons dépenser également pour
la production, soit au niveau du ministère dans le réseau ou par
commandite à l'entreprise privée, un total approximatif de 35 000
000 $. Je pense qu'avec...
M. Ryan: Pour du logiciel et du didacticiel?
M. Laurin: Du logiciel, du didacticiel et du progiciel. Je pense
qu'avec cet effort, on peut dire qu'au cours des cinq prochaines années,
tous les élèves du primaire et secondaire, du collégial et
de l'universitaire auront touché, à un moment ou à un
autre, à l'enseignement par ordinateur, aux équipements - en
apprenant à les utiliser, bien entendu - ou à l'utilisation de
l'ordinateur comme outil de travail ou moyen d'apprentissage.
Je pense aussi qu'on peut dire qu'au terme de cette période, la
situation du Québec se comparera avantageusement avec celle des
provinces canadiennes les plus avancées et même avec celle de la
plupart des États américains.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Vachon.
M. Payne: II y a du pain sur la planche. Cela pourra au moins
rassurer les inquiétudes enregistrées par le journal The Gazette.
Il y a deux mois, à toutes fins utiles, son attitude dans un
éditorial était caractérisée par l'idée
qu'on le croirait lorsqu'on le verrait, que le virage technologique et
l'introduction de l'informatique et de la robotique dans les écoles
n'étaient pas pour demain en ce qui concerne le gouvernement.
Il y a trois semaines, on a eu une fascinante commission parlementaire,
avec la coopération de Bell Canada, pour discuter de sa nouvelle
restructuration. Une des inquiétudes enregistrées par Bell Canada
touchait la - comment le dit-on en français? - susceptibilité du
Québec de faire face aux demandes en ce qui concerne le besoin que ces
gens ont de trouver des chercheurs. Après quelques questions de notre
côté, ils nous ont dit, effectivement, qu'ils ont un programme
coordonné, je pense, par l'UQAM et l'INRS pour, justement, mieux
préparer le Québec au virage technologique en ce qui concerne
Bell Canada.
Il ont aussi manifesté beaucoup de réticences, en ce qui
concerne le français -c'est une revendication traditionnelle pour Bell
Canada - disant que nos restrictions linguistiques, au Québec,
empêchaient souvent les chercheurs de venir ici. D'un autre
côté, on s'est posé la question, avec le président
de Bell Canada, à savoir si le Québec n'était pas en
mesure de fournir lui-même les chercheurs pour l'avenir. Je pense que le
programme qui vient d'être décrit par le ministre nous rassure
beaucoup.
En ce qui concerne d'autres critiques
formulées par le président de Bell Canada, il a dit que -
je ne veux pas entrer dans une discussion, à ce moment-ci - c'est
très difficile d'attirer les chercheurs ici à cause des
restrictions linguistiques. À ce sujet, je me demande si le ministre
pourrait nous dire de quelle manière - j'aborde ici un peu la question
linguistique - le Québec pourrait assurer à ceux qui viennent de
l'extérieur que, du moins à mon avis, nous avons une politique
ouverte, progressiste et vraiment accueillante pour les chercheurs qui viennent
de l'extérieur. Je pense que, pour être constructif, le
Québec pourrait peut-être mieux expliquer ce qui est prévu
dans la loi 101 pour encourager ceux qui viennent en séjour temporaire
comme chercheurs au Québec. À titre de publicité, est-ce
qu'on ne pourrait pas mieux expliquer les conditions qui attendent les
chercheurs venant de l'extérieur?
M. Laurin: Je pense que deux préoccupations s'expriment
dans votre question. La première, c'est celle de procurer à une
industrie de pointe comme celle des télécommunications le
personnel spécialisé et, en particulier, les chercheurs dont elle
a besoin pour assurer son développement. La deuxième, c'est
l'accueil que l'on peut réserver à certains chercheurs qui
doivent travailler actuellement à pousser les recherches, alors que nous
ne disposons pas encore, au Québec, des ressources appropriées,
en nombre suffisant en tout cas, pour répondre aux besoins d'une
compagnie telle que Bell Canada.
Je pense que l'accent que nous avons déjà mis et que nous
intensifierons sur l'enseignement des sciences et la familiarisation de tous
les élèves du Québec avec l'informatique et l'utilisation
de l'ordinateur se traduira, à long terme, par des résultats dont
nous escomptons beaucoup de bénéfices. Il ne fait pas de doute,
par exemple, que, si, dès le primaire, les élèves sont
sensibilisés à l'ordinateur, se familiarisent avec son
fonctionnement, avec sa structure, avec les applications pédagogiques
dont il est capable, on peut escompter que le goût des
élèves pour cette technologie de pointe et pour l'informatique va
se développer d'une façon rapide et considérable.
Il y aura sûrement un effet d'entraînement qui passera
graduellement du niveau primaire au niveau secondaire, au niveau
collégial et au niveau universitaire. Nous nous attendons sûrement
qu'au cours des prochaines années, le nombre d'élèves,
d'étudiants qui se destinent à ces carrières de pointe va
augmenter d'une façon considérable. Je pense qu'on peut aussi
envisager que, d'ici quelques années, les compagnies, comme Bell Canada,
pourront recruter au Québec un nombre beaucoup plus considérable
qu'actuellement de ressources spécialisées. En attendant, bien
sûr, il faut regarder les ressources actuelles et il est sûrement
vrai qu'elle sont insuffisantes pour répondre aux besoins.
Cependant, comme le député de Vachon le souligne, la loi
101 permet beaucoup plus d'initiatives qu'on ne semble le supposer en certains
milieux. On ignore beaucoup ce que contient la loi 101 à cet effet. Par
exemple, on semble ignorer qu'un article de la loi 101 permet qu'un laboratoire
de recherche, aussi bien qu'un siège social, élabore et signe des
ententes avec l'Office de la langue française en vertu desquelles les
demandes générales, les exigences générales de la
loi 101 sont relâchées, sont moins sévères, et ceci
dans une proportion considérable.
En vertu de ces ententes, il est possible, pour les laboratoires de
recherche ou pour les sièges sociaux, de recruter des chercheurs qui, au
cours de leur travail, peuvent s'exprimer entièrement et constamment
dans leur langue d'origine. Je pense que, si cet article de la loi 101
était connu tel qu'il se doit, une grande partie des articles que nous
lisons dans la presse, anglophone surtout, mais parfois aussi francophone, ne
seraient pas écrits parce qu'il serait reconnu qu'ils sont contraires
à la vérité.
Il importe peut-être que ces articles soient connus afin que
certaines compagnies qui semblent ignorer la loi puissent s'en prévaloir
pour mieux répondre aux besoins qu'ils estiment être les leurs
à l'heure actuelle.
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: On est entré dans certains domaines que nous
projetions d'aborder un peu plus tard. Je pense que je vais les laisser entre
parenthèses, en particulier l'informatique, et nous y reviendrons un peu
plus loin. Comme cela touche les différents niveaux du système
d'enseignement en même temps, je n'ai pas d'objection à
enregistrer les précisions qu'on a données, mais nous en
demanderons beaucoup d'autres.
Je voudrais revenir aux questions que nous avions commencé
d'aborder cet après-midi. Tout d'abord, M. le sous-ministre nous a remis
des renseignements, tantôt, sur lesquels je pense qu'un bref commentaire
s'impose. Au sujet de l'augmentation des subventions de rattrapage pour les
années antérieures à 1982-1983, le texte que vous nous
avez remis contient une hypothèse qui expliquerait que l'augmentation du
montant des sommes dues serait à peu près du même ordre de
grandeur que l'augmentation des subventions mêmes qui avaient
été versées pour ces années. Vous dites, à
la fin, qu'il faut cependant être prudent parce qu'il pourrait arriver
que d'autres facteurs
interviennent.
Si c'était possible que vos collaborateurs creusent cette
question davantage d'ici jeudi et que vous remettiez une note
complémentaire là-dessus, je l'apprécierais beaucoup. Pour
l'instant, je retiens que le montant de ces subventions de rattrapage pour les
années qui précèdent la dernière année
était de 361 000 000 $ en 1982, et de 525 000 000 $ à ce
moment-ci. Cela marche. (20 h 45)
Vous nous avez remis un tableau qui se passe de commentaires pour
l'instant. On y reviendra peut-être plus tard. C'est la traduction en
montants per capita des sommes qui sont comprises dans un des tableaux du
cahier explicatif; cela va très bien.
Si vous me permettez, M. le Président, je voudrais
peut-être soulever un certain nombre de questions qui se dégagent
directement des explications que nous propose le gouvernement. Mes questions
seront brèves et, si les réponses peuvent l'être
également, cela nous permettra de faire le tour d'un plus grand nombre
de problèmes et de laisser de la marge à d'autres
également.
Les élections scolaires prévues pour cette année
auront lieu comme la loi le prévoit. Est-ce que le financement de ces
élections est entièrement à la charge des commissions
scolaires ou si cela comporte une certaine intervention financière du
gouvernement?
M. Laurin: Non, il est entièrement à la charge des
commissions scolaires et, dans les règles budgétaires, une somme
est prévue à cette fin.
M. Ryan: Très bien.
Le Président (M. Blouin): Question brève,
réponse brève.
M. Ryan: C'est cela; cela va très bien.
Au chapitre qui concerne l'enseignement primaire et secondaire, le
programme 4, à la page 4, on dit qu'on envisage de supprimer un certain
nombre de transactions entre le ministère de l'Éducation et les
commissions scolaires en vue de simplifier les rapports entre le premier et les
secondes. Est-ce qu'on pourrait avoir des précisions à ce sujet?
Est-ce qu'on pourrait avoir des exemples du genre de transaction qu'on envisage
de supprimer pour une plus grande simplicité dans le fonctionnement du
système?
M. Laurin: Nous pensons, par exemple, que le fait pour le
gouvernement de proposer des règles budgétaires qu'il soumet
à la consultation et qu'ensuite il approuve, rend peut-être moins
nécessaire qu'auparavant une autre étape qui existe actuellement
et qui est l'approbation des budgets de chacune des commissions scolaires.
C'est là un des exemples qui prouvent la volonté de diminuer les
contrôles parfois plus ou moins utiles qu'il avait été
jugé bon de mettre en place il y a quelques années. On pourrait
peut-être vous fournir d'autres exemples. M. Rousseau.
M. Rousseau: Dans le cadre de la révision...
M. Ryan: Si vous permettez, juste avant que vous interveniez, M.
Rousseau, est-ce que le ministre laisse entendre qu'on viserait à
éliminer l'étape de l'approbation des budgets des commissions
scolaires par le gouvernement?
M. Laurin: Au moment où elle se fait, oui,
c'est-à-dire avant même que l'année commence. Bien
sûr, ceci n'enlèverait pas l'obligation aux commissions scolaires
de nous fournir des états financiers à la fin de
l'année.
M. Ryan: Je veux être bien clair là-dessus; je ne
comprends pas. À quel moment les commissions scolaires vous
soumettent-elles leur budget pour approbation, après avoir reçu
les règles budgétaires?
M. Laurin: Avant le 1er juillet.
M. Ryan: C'est cela. Cette étape disparaîtrait pour
entrer dans l'année...
M. Laurin: Oui, nous envisageons de l'enlever.
M. Ryan: Et vous feriez des... Comment est-ce qu'on appelait
cela?
M. Laurin: Des contrôles a posteriori.
M. Ryan: Des choses non récurrentes, a posteriori. Dans
les causes... Excusez.
M. Laurin: Dans la révision générale de la
Loi sur l'instruction publique, il est clair que, comme option
générale, dans l'esprit d'une décentralisation, il est de
la volonté du ministre d'éliminer, à toutes fins utiles,
les pouvoirs arbitraires qui existent dans la loi actuelle pour que ces
pouvoirs puissent apparaître en toute transparence à
l'intérieur d'une réglementation qui puisse préciser des
normes et éliminer l'arbitraire.
Vous avez fait état, lors de la réflexion sur l'aspect
général du secteur, du nombre d'instructions. Il faut bien
comprendre que les instructions sont là pour venir clarifier les
règles du jeu; ce sont des modalités de communication avec les
commissions scolaires, étant donné que notre vieille loi
donne tellement de pouvoirs arbitraires qu'il faut absolument
préciser les règles du jeu de manière que le
ministère puisse avoir des rapports sains avec son réseau. Ce qui
veut dire que l'orientation générale, c'est donc
d'éliminer un très grand nombre de transactions, mais qui
s'inspirent des pouvoirs, devoirs et responsabilités du ministre de
l'Éducation dans la loi actuelle, dans le contexte d'une nouvelle
législation qui puisse clarifier les pouvoirs et responsabilité
ou les fonctions du ministre de l'Éducation, du gouvernement, des
commissions scolaires et des écoles, de façon claire, de
manière à éliminer cette subordination. Le ministre de
l'Éducation a apporté un exemple. C'est-à-dire que le
budget ne subisse plus d'approbation tant au niveau des immobilisations que des
ventes pour 1 $, des ventes de matériel, d'équipement pour 1000 $
et moins, des dérogations au régime pédagogique.
Actuellement, il y a un très grand nombre de décisions prises au
sein des commissions scolaires qui nécessitent l'autorisation du
ministre alors que, si la loi le permettait, la réglementation pourrait
être suffisamment claire pour préciser les normes et laisser
à chacun des niveaux ses propres responsabilités.
Insertion professionnelle et sociale des
jeunes
M. Ryan: Est-ce que le ministre pourrait nous dire la
manière dont sera partagée la somme de 27 000 000 $ prévue
pour les programmes d'insertion sociale des jeunes?
J'informe tout de suite le ministre que nous avons les textes
gouvernementaux décrivant ce que seront les principaux
éléments de ce programme et qu'il peut se dispenser, par
conséquent, d'explications détaillées sur le contenu
même. Si on pouvait savoir comment les sommes vont se partager
précisément. Comment cette somme de 27 000 000 $ va-t-elle se
partager entre les différents éléments du programme? Je
pense que ce serait utile de le savoir.
M. Laurin: Évidemment, je ne pourrais pas manquer de me
référer, malgré tout, à la conférence de
presse que j'avais faite à cet égard, où je tentais de
détailler les sommes qui seraient appliquées à ce
programme. J'avais dit, lors de cette conférence de presse, que des
sommes avaient été dégagées à partir de nos
budgets courants et canalisées vers ces objectifs particuliers que nous
voulions privilégier, et que, par ailleurs, nous avions pu faire
augmenter le budget de l'Éducation sur certains points.
Par exemple, en ce qui concerne le maintien, le soutien et le retour des
étudiants à l'école, nous avions envisagé tout un
ensemble de mesures. On sait, par exemple, qu'une partie des difficultés
que connaissent les étudiants dans leur parcours scolaire provient du
fait qu'ils ne sont pas toujours très bien informés sur les
débouchés qui pourraient être les leurs s'ils les
connaissaient. Nous avons donc décidé de consacrer une bonne
partie de nos efforts à l'information scolaire et professionnelle. Nous
entendons le faire par une campagne nationale qui commencera au mois de
septembre et qui tentera d'informer les parents, aussi bien que les
élèves, sur les métiers ou professions qui sont
saturés, où les débouchés sont beaucoup plus rares
qu'auparavant, en même temps que nous tenterons de les informer sur les
nouvelles filières ou sur les nouveaux profils qui, au contraire, sont
promis à un grand avenir et qui assureraient un débouché
intéressant pour les jeunes. À cette campagne nationale
s'adjoindra une campagne au niveau régional et même au niveau
local, que mèneront, cette fois, les commissions scolaires qui ont
été sensibilisées à cet égard.
Nous voulons aussi tenter de soutenir davantage les
élèves, les étudiants qui sont en instance de
décrochage. Depuis que nous connaissons le phénomène du
décrochage, nous connaissons un peu mieux maintenant le profil des
étudiants qui sont susceptibles de décrocher au cours de leurs
études. Nous entendons utiliser le résultat de ces recherches,
les conclusions qui ont été tirées de ces études,
pour mettre en place des mesures qui aideront les professeurs aussi bien que
les élèves à régler les problèmes qui ont
été identifiés, comme, par exemple, une meilleure relation
éducative entre l'enseignant et les élèves, une meilleure
connaissance des problèmes familiaux qui peuvent survenir, une meilleure
connaissance des problèmes d'apprentissage qui ont été
signalés et mettre en place, justement, en plus d'une meilleure relation
éducative - ce qui constitue une mesure générale - des
mesures plus spécifiques qui aideront à soutenir
l'élève dans son cheminement, dans la maîtrise des savoirs
fondamentaux, dans ses cheminements d'apprentissage, un meilleur encadrement,
une attention plus individualisée. Nous espérons ainsi diminuer
le nombre de décrocheurs et garder un plus grand nombre
d'étudiants à l'école.
C'est d'ailleurs également le but que poursuit notre politique de
formation professionnelle, en ce sens qu'elle entend identifier d'une
façon plus précoce, plus fouillée, plus complète,
les goûts ainsi que les problèmes des élèves et
apporter, en fonction des découvertes que l'on fait, les renseignements
ou le soutien approprié.
En ce qui concerne le retour de ces élèves à
l'école, nous entendons, sinon généraliser, du moins
augmenter le nombre
d'expériences du type de celle qu'a tentée la CECM,
à Montréal, par la création de son école pour
décrocheurs. Par exemple, dès septembre prochain, à
Québec, nous mettrons sur pied, avec la collaboration de la CECQ, un
centre pour décrocheurs qui pourra accueillir 300 élèves,
mais, d'une façon plus générale, nous entendons
sensibiliser toutes les commissions scolaires du Québec à ces
besoins particuliers que connaissent ces élèves et apporter, au
sein de chaque commission scolaire, le soutien approprié.
Quant à ceux qui reviendront aux études, il convient
également, à la suite de l'expérience que nous avons faite
à Montréal, d'envisager pour eux des mesures spéciales,
par exemple, en ne les soumettant pas aux mêmes contraintes que celles
que connaissent les élèves actuels, en leur présentant des
horaires plus souples, parfois, des horaires coupés qui leur
permettraient d'alterner les études avec les périodes où
ils occuperaient un emploi à temps partiel, ce qui leur permettrait
incidemment de gagner quelques dollars pour subvenir à leurs besoins. En
même temps, cela pourrait s'avérer utile du point de vue des
acquis - on pourrait même leur créditer ces acquis - pour leur
formation proprement dite. Donc, cela implique des horaires plus souples, des
mesures de soutien également, parfois sur le plan financier - nous
sommes à étudier cette question actuellement - mais aussi et
surtout sur le plan pédagogique.
Donc, c'est tout un ensemble de mesures qui permettront à ces
élèves, qui reviennent aux études, de se sentir davantage
chez eux à l'école, de se sentir mieux soutenus, mieux
appuyés par le personnel enseignant et par l'atmosphère
générale de l'école. Nous entendons d'ailleurs, à
cet effet, utiliser un certain nombre d'enseignants en disponibilité.
L'exemple, encore une fois, de l'école Marie-Anne, à
Montréal, nous indique que les enseignants peuvent s'avérer
très motivés pour ce genre d'entreprise.
En ce qui concerne un autre volet important de ce programme d'insertion
professionnelle et sociale des jeunes, nous envisageons de privilégier
certaines options qui paraissent déboucher sur des emplois plus nombreux
et mieux rémunérés, par exemple, dans le champ de la
technologie de pointe. A cet égard, nous entendons développer un
certain nombre d'options, en contingenter certaines qui ne débouchent
pas sur des emplois productifs ou bien rémunérés, mais
augmenter, cependant, l'accueil, ouvrir davantage certains programmes à
ces clientèles et, en même temps, ouvrir des options nouvelles
aussi bien dans le secteur professionnel de l'enseignement secondaire que dans
le secteur collégial.
Par exemple, au niveau de l'enseignement professionnel, au niveau de
l'école secondaire, nous avons déjà décidé
de réviser certains programmes d'études en électronique,
en électromécanique, en machinerie-outillage et en techniques de
secrétariat. En même temps, nous entendons mettre à la
disposition des commissions scolaires un fonds spécial d'immobilisations
de 10 000 000 $ qui sera consacré à l'achat d'équipement
moderne pour les travaux pratiques dans les programmes que je viens de
mentionner.
Nous entendons faire un effort analogue du côté du
collégial, par exemple, en investissant 2 300 000 $ pour le
rajeunissement et l'augmentation des équipements des ateliers
professionnels pour les programmes suivants: informatique,
électrotechnique, technologie des systèmes, hygiène
dentaire et mécanique du bâtiment. Nous entendons
également, comme je le disais dans mon exposé de ce matin,
autoriser graduellement tous les collèges du Québec à
fournir un enseignement en informatique.
M. Ryan: Cela aurait été plus court de lire le
document du mois dernier, on aurait eu une deuxième lecture.
M. Laurin: Je n'ai pas lu le document, comme vous l'avez
remarqué, M. le Président. J'ai tenté de résumer
une conférence de presse qui avait duré près d'une heure.
Je pense qu'en dix minutes j'ai fait le tour du sujet.
M. Ryare De ces 27 000 000 $, combien sont des sommes nouvelles
qui ne seraient pas allées, d'une manière ou de l'autre, aux
dépenses prévues? J'imagine que les achats d'équipement
nouveau pour les laboratoires au niveau secondaire s'inscrivent dans les grands
objectifs d'insertion professionnelle et sociale du ministère. Mais des
sommes vraiment nouvelles là-dedans? Il y a des gens qui seraient en
disponibilité, de toute manière. Ce n'est pas mauvais qu'on en
emploie un certain nombre. J'en vois environ 200 qui seront employés
à cela. Quand vous mettez à côté que 1 pour 60, cela
représente 1 800 000 $, comptablement oui, mais je pense bien qu'il ne
faut pas multiplier toutes les fois qu'on les utilise ces choses-là
parce que la même dépense sera mentionnée trois fois de
manière différente. Combien y a-t-il d'argent vraiment frais
là-dedans?
M. Laurin: J'ai parlé d'un programme d'investissements,
d'immobilisations de 10 000 000 $ au niveau des commissions scolaires, de 2 300
000 $ au niveau des collèges. J'aurais pu parler de l'ouverture
d'antennes régionales de cégeps dans certaines régions,
par exemple, à Amos, à Mont-Laurier, Chibougamau. Ceci
entraîne
des dépenses, quand même, importantes qui doivent
être comptabilisées. J'ai aussi parlé de l'ouverture d'une
école de décrocheurs qui demande des ressources spéciales.
Là aussi il y a des dépenses additionnelles. Il n'est pas
toujours facile de distinguer ce qu'il y a d'argent proprement nouveau et
d'argent que nous avons recanalisé à partir de programmes
existants qui nous semblaient moins essentiels que ce programme qu'il nous
apparaît important de privilégier. L'important, c'est que nous
allons consacrer 27 000 000 $ à ce programme au cours de l'année
qui vient.
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Je me rappelle d'autres programmes gouvernementaux dont
il a été question. On faisait état, à des fins de
propagande, de sommes considérables mais, lorsqu'on faisait l'analyse,
on s'apercevait que les mêmes sommes se trouvaient dans d'autres colonnes
sous des titres différents. C'est ce que je voulais souligner.
Quand vous parlez d'une école de décrocheurs, c'est un
point très précis. Si vous affectez 60 orienteurs de plus, des
gens qualifiés qui seront engagés spécialement pour cela,
ce sont des dépenses nouvelles, mais s'il s'agit de personnes
déjà prévues dans le budget, des personnes mises en
disponibilité, je trouve qu'on multiplie facilement. On peut donner aux
gens l'impression qu'on a vraiment mis cela en argent frais, alors qu'en fait
il ne semble pas que ce soit vrai. Je ne sais pas quelle est la partie du
budget total des commissions scolaires prévue pour des fins
d'équipement. Je ne sais pas, sur 3 500 000 000 $, combien cela peut
être. Je n'en ai pas d'idée parce que ce n'est pas
détaillé dans ce qu'on a reçu. C'est là le sens de
ma question, savoir exactement ce qui est de l'argent frais pour des fins
d'insertion sociale et professionnelle. C'est l'objectif même de notre
système. Je pense qu'on peut élargir indéfiniment. Je peux
même mettre 54 000 000 $ à ce moment-là, cela ne changerait
pas grand-chose. C'est cela que je voulais vérifier. On peut
continuer.
Le Président (M. Blouin): Est-ce sur le même sujet?
C'est donc au député de Gaspé d'intervenir sur le
même sujet.
M. LeMay: Merci, M. le Président. Mon intervention et ma
question se rapprochent un peu de l'intervention de Mme la
députée de Jacques-Cartier ce matin et touchent principalement
les difficultés que peuvent avoir les jeunes dans les polyvalentes. Vous
comprendrez que, comme ancien principal adjoint de polyvalente, j'ai vu de
près un peu ce qui se passait.
Il y a un problème qui m'inquiétait beaucoup; c'est la
disparition dans les compressions budgétaires de l'encadrement des
étudiants. Comme responsable d'étudiants, j'ai constaté
que, contrairement à ce que vous avez pu vivre ou à ce que j'ai
pu vivre, les jeunes aujourd'hui se posent la question: On étudie
pourquoi? On va aller où? Quelles ouvertures avons-nous à
l'intérieur de la société actuelle? Quand on allait
à l'école, nous, ce n'était pas compliqué, on
faisait soit un professeur, soit un journaliste, soit un psychiatre, enfin, on
savait où on allait et on savait que cela allait aboutir à
quelque chose. Les jeunes, c'est leur grand problème aujourd'hui.
Il y a aussi le problème des décrocheurs comme le
signalait Mme la députée ce matin. Les jeunes n'ont
peut-être pas de stimulation parce qu'ils se demandent pourquoi ils
étudient et vers où ils s'en vont. On a parlé dans les
années passées des gens qui étaient des chômeurs
instruits. On a déjà dépassé cela parce qu'on sait
que la majorité non seulement des chômeurs, mais même des
assistés sociaux sont maintenant des gens instruits. Les jeunes se
posent des questions et avec raison. De 1975 à 1980, j'ai assisté
dans certaines polyvalentes à la disparition d'encadrement du
côté des étudiants et cela m'a toujours beaucoup
inquiété. Que ce soit du côté de la santé,
que ce soit du côté de l'information, que ce soit du
côté des orienteurs professionnels, l'encadrement disparaissait
dans les polyvalentes. On a commencé par en mettre un par deux
polyvalentes ou par tant de milliers d'élèves de façon que
leur travail était rendu presque inefficace.
Dans votre programme 4, M. le ministre, à la page 5 vous dites:
"Plusieurs enseignants seront appelés à travailler plus
particulièrement à la prévention du
phénomène du décrochage. Des spécialistes de
l'information et de l'orientation professionnelle seront mobilisés aux
mêmes fins". Vous savez que le jeune aujourd'hui ne choisit pas ce qu'il
aime, comme on le faisait dans notre temps, mais il choisit une profession en
fonction de l'ouverture sur les marchés, d'une possibilité de
travailler.
Je voudrais vous demander, M. le ministre, si ces "spécialistes
de l'information et de l'orientation professionnelle" sont des gens qui seront
ajoutés à ce qui existe déjà ou si on maintiendra,
tout simplement, le personnel qu'on a actuellement, que je trouve très
qualifié, mais qui encadre beaucoup trop d'étudiants pour
être vraiment efficace. Est-ce que cela fait toujours partie des 27 000
000 $ dont parlait le député d'Argenteuil tantôt?
M. Laurin: Évidemment, nous avons déjà dans
le réseau un bon nombre de spécialistes de l'information scolaire
et professionnelle. En les sensibilisant à notre programme, en
préparant un programme national d'information, comme je le disais
tout à l'heure, en tentant d'acquérir la collaboration des
commissions scolaires, je pense qu'on arrivera à faire en sorte que les
spécialistes de l'information scolaire que nous avons déjà
rendent des services plus signalés en fonction des objectifs très
précis que nous avons.
Il y a une deuxième source également sur laquelle nous
pouvons compter. Un bon nombre d'enseignants sont parfaitement susceptibles de
rendre des services précieux et signalés dans ce domaine, ne
serait-ce que par le fait qu'ils connaissent très bien les
élèves et qu'ils connaissent aussi en bonne partie des
débouchés qui se situent précisément dans la
discipline qu'ils enseignaient. Il n'y a aucune incompatibilité à
ce que ces enseignants, convenablement informés et recyclés pour
la circonstance, puissent nous donner un bon coup de main en ce sens. C'est
là une des utilisations du personnel en disponibilité qui peut
s'avérer des plus utiles pour les fins que nous poursuivons. Pour le
moment, nous allons utiliser ces ressources et, si elles sont insuffisantes,
nous verrons à les augmenter.
M. LeMay: M. le ministre, je comprends votre problème de
récupération des enseignants en disponibilité, mais vous
savez, à l'intérieur des commissions scolaires, on a
déjà assisté, en 1978, 1979, 1980, à des
compressions budgétaires. À ce moment, les commissions scolaires
ne pouvaient couper sur le personnel enseignant parce que c'était bien
inscrit dans leur convention collective. Alors, où allaient-elles
couper? Au niveau du PNE, c'est-à-dire du personnel non enseignant et au
niveau de la conciergerie dans les écoles. Il restait deux paliers
à couper. Quand elles eurent enlevé 10%, 15% ou 20% du personnel
de conciergerie ou d'entretien, elles allèrent du côté du
PNE. Donc, c'étaient des orienteurs, des formateurs professionnels, des
infirmières, des aumôniers; en tout cas tout le personnel non
enseignant, et c'était devenu très inquiétant. D'ailleurs,
je vous en avais déjà parlé, je pense, à une autre
commission parlementaire.
Ici, dans votre programme 4, vous dites qu'on en aura. Je crois
fermement qu'il est possible de récupérer des enseignants en
disponibilité, de les recycler et de faire un travail très
valable de ce côté - je n'en doute pas - mais déjà
au Québec il y a une foule de spécialistes en orientation
professionnelle qui sont en disponibilité. Il s'agirait de
récupérer ceux qui sont déjà prêts,
plutôt que d'investir des sommes pour recycler des enseignants qui ne
sont peut-être pas tout à fait prêts à le faire.
M. Laurin: Oui. Je suis très conscient, évidemment,
des compressions et même des coupures auxquelles ont dû consentir
les commissions scolaires. Les ressources de la mission éducative
s'amenuisant et le coût des conventions collectives augmentant, il
fallait, évidemment, procéder à des compressions et
à des coupures là où c'était encore possible. Je
pense que c'était là une des raisons pour lesquelles, comme je le
disais ce matin, il fallait rééquilibrer et assainir les
structures salariales du secteur primaire et secondaire. En effet, si nous ne
l'avions pas fait, nous aurions dû continuer ces compressions, continuer
ces coupures et ce, au plus grand détriment des services professionnels
importants, signalés, que rendent ces divers professionnels. Maintenant,
avec le résultat des dernières négociations, nous voyons,
en tout cas, que nous ne serons plus obligés de recourir à des
mesures aussi dommageables que celles-là, d'autant plus que le spectre
de l'élimination entière de certains programmes est maintenant
écarté.
Vous comprendrez, cependant, qu'avant de penser à l'adjonction ou
à l'engagement de personnel nouveau il importe de rentabiliser au
maximum l'utilisation des personnels que nous avons déjà et qui
sont, quand même, déjà assez nombreux. Nous devrons
recourir également à l'utilisation d'enseignants en
disponibilité qui ont, quand même, en bonne partie, l'assise et la
préparation requises, avec une réorientation suffisante, pour
accomplir adéquatement ces missions. Peut-être demanderai-je au
sous-ministre d'ajouter quelques renseignements plus techniques.
Pour ce qui est du personnel non enseignant, on peut, tout d'abord, dire
qu'en vertu des dernières conventions collectives il y a
désormais un moratoire quant aux mises en disponibilité. Il n'y
aura plus de nouvelles mises en disponibilité de personnel
professionnel. De plus, si vous vous référez à la page 34
des crédits, au primaire et secondaire, vous vous rendrez compte que la
baisse des personnels non enseignants au cours des dernières
années a été de l'ordre de 14,9%, alors que la baisse de
la clientèle a été de 18%. Donc, si vous joignez le fait
qu'il n'y aura plus de mises en disponibilité au fait que la diminution
du nombre de professionnels a été inférieure à la
diminution de la clientèle, vous avez une situation qui nous permettra
de faire un encadrement valable avec les professionnels non enseignants qui
sont en place. (21 h 15)
De plus, je rappelle que, pour ce qui est du problème
général que vous avez soulevé, l'encadrement des
étudiants du niveau secondaire pour l'année 1983-1984, la
tâche globale des enseignants passe à 24 périodes de 50
minutes, alors que leur tâche d'enseignement est de 20 périodes de
50 minutes, ce qui laisse, pour l'encadrement, une période de 3,5
heures. Cela permet, donc, un meilleur encadrement, ce qui était
précisément un objectif souhaité dans le cadre de
la négociation. Mais, de façon précise, il n'y aura plus
de mises en disponibilité de personnel non enseignant au cours des
prochaines années.
Le Président (M. Blouin): Merci. Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: J'aimerais poursuivre un peu plus loin sur cette
question. Quel sera le nombre de conseillers en orientation par
élève l'année prochaine?
M. Laurin: Je pense qu'il faudrait le déduire des chiffres
qu'on vient de vous donner, étant donné que la clientèle a
diminué plus rapidement que le nombre de professionnels.
Mme Dougherty: Je parle uniquement des conseillers en
orientation.
M. Laurin: II faudrait que nous fassions une recherche à
cet égard.
Mme Dougherty: Quel a été le ratio
maître-élèves l'année dernière?
M. Laurin: On me dit qu'on pourra vous fournir cette information.
Je ne sais pas dans combien de temps. Très rapidement.
C'est le ratio qui découle des calculs, parce qu'il n'y a pas de
ratio dans les conventions collectives, ni dans les règles
budgétaires.
Mme Dougherty: Depuis longtemps, on compare les chiffres avec les
États-Unis et l'Ontario; c'est à la mode de comparer avec
l'Ontario. En Ontario, en 1981, je crois, le ratio était de un pour 365
élèves. Aux États-Unis - c'est dans un document qui vient
de la Corporation professionnelle des conseillers d'orientation du
Québec - on cite un ratio de un à 300. À cette
époque, le ratio, au Québec - c'est une moyenne, parce que ce
n'est pas le même dans toutes les commissions scolaires - était de
un pour 1000 élèves. C'était bien connu, même par le
ministre de l'Éducation en 1978. Qui était le ministre à
l'époque?
M. Laurin: M. Morin.
Mme Dougherty: Jacques-Yvan Morin. Il a dit: Pour les services
essentiels, il faut 1,6 conseiller d'orientation pour 1000
élèves, soit un pour 625 élèves. Pour des services
de qualité, il faut un conseiller d'orientation pour 500
élèves. Pour des services exceptionnels, il faut un conseiller
d'orientation pour 435 élèves. Je ne sais pas comment il est
arrivé à ces chiffres. C'était son estimation des besoins
en ressources professionnelles.
Dans le programme d'insertion des jeunes, annoncé par le
ministre, on utilise, je crois, 60 conseillers en orientation, selon la
conférence de presse. Ils seront ajoutés - ils existent
déjà, ils sont en disponibilité - aux écoles. Je
déplore vraiment qu'on joue avec les professionnels en
disponibilité pour faire croire au public qu'on fait quelque chose de
spectaculaire. Au lieu de faire des choses improvisées, pourquoi ne pas
augmenter - en créant des normes, peut-être - le nombre des
conseillers d'orientation d'une façon intégrale et permanente en
reconnaissant qu'une foule de problèmes, que le ministre a
déjà identifiés, existent année après
année et que les commissions scolaires n'ont pas les ressources
adéquates pour y répondre. Il leur faut des ressources.
M. Laurin: Loin de moi l'idée de prétendre que nous
avons comblé tous les besoins au sein de nos commissions scolaires et de
nos écoles en matière de conseillers d'orientation
professionnelle. Je sais que nous n'avons pas encore atteint l'objectif.
Cependant, il était impossible d'atteindre cet objectif aussi longtemps
que la majeure partie de nos ressources devait aller à l'augmentation de
traitement du personnel syndiqué dans le contexte budgétaire et
économique qui était le nôtre. Je pense que la raison
majeure de l'insuffisance des dernières années dans ce domaine
provient de ce fait.
Maintenant que nous avons dégonflé ces masses salariales
et que nous en avons assaini les structures, nous pouvons commencer à
penser de nouveau à des développements. Nous avons donné
quelques exemples des développements qui pourront être mis en
place dès cette année. Je suis sûr que, l'an prochain, ces
développements seront encore plus nombreux, plus considérables et
pourront se faire dans des domaines nouveaux. Il n'est pas impossible qu'un de
ces nouveaux domaines puisse être celui de l'orientation
professionnelle.
Nous comptons cependant sur d'autres instruments. Par exemple, nous
commençons à récolter le fruit des études
systématiques menées depuis 1972 sur les emplois que
décrochent nos diplômés de l'enseignement secondaire,
collégial et professionnel. Ceci nous donne une bonne indication des
domaines de l'emploi qui sont déjà saturés et de ceux
où il y a encore de la place. Ce sont là des renseignements
extrêmement précieux qui peuvent, bien sûr, être
communiqués aux conseillers d'orientation professionnelle, mais qui
peuvent être également communiqués aux directeurs
d'école, aux professeurs eux-mêmes. Ces renseignements peuvent
être extrêmement utiles pour orienter le système
scolaire.
C'est, par exemple, sur la base de ces études que nous
décidons de contingenter
certains programmes, d'ouvrir ou d'augmenter la capacité
d'accueil de certains autres programmes. Je pense que cette seule mesure est
plus utile que beaucoup d'autres pour renseigner adéquatement les
élèves et pour les orienter vers des débouchés
valables pour eux.
Finalement, il y a aussi une troisième solution qui peut
être envisagée. Les enveloppes budgétaires que nous
envoyons aux commissions scolaires, comme nous avons déjà eu
l'occasion de le dire, leur permettent une certaine latitude. Nous savons, par
ailleurs, que les besoins ne sont pas identiques d'une commission scolaire
à l'autre. Ces enveloppes budgétaires comportant une certaine
latitude, une certaine marge de manoeuvre peuvent être utilisées
à partir de choix. Certains de ces choix peuvent très bien se
situer dans le champ de l'orientation professionnelle.
Par exemple, une partie des surplus qui resteront aux commissions
scolaires, cette année, même après l'ajustement non
récurrent que nous entendons pratiquer, pourrait être
utilisée aussi valablement pour l'embauche de certains conseillers en
orientation professionnelle.
D'une façon plus générale, je pense que c'est dans
l'avenir que nous pourrons développer davantage ce réseau de
conseillers en orientation professionnelle de façon que nous nous
approchions davantage de l'objectif que nous signalions. Quant aux chiffres
actuels, encore une fois, nous ferons des recherches dans la journée de
demain et j'espère pouvoir vous fournir des chiffres plus précis
sur les ratios que vous nous avez demandés.
Mme Dougherty: II y a aussi un autre volet, ce sont les
problèmes soulignés par le Conseil supérieur de
l'éducation dans son rapport sur les services de santé et les
services sociaux à l'école. Il souligne d'abord le manque de
services sociaux aux élèves. Il souligne aussi qu'au fur et
à mesure qu'on réduit les services professionnels offerts par le
ministère de l'Éducation, on augmente la tâche des
travailleurs sociaux du ministère des Affaires sociales. On n'a pas le
temps, naturellement, de voir toutes les questions soulevées ici, mais
est-ce que vous avez l'intention de définir, comme ils l'ont
proposé ici, plus précisément, par une meilleure
définition d'abord, un partage des services entre le MAS et le MEQ?
C'est un problème grave parce qu'on réduit les services des deux
côtés avec le résultat que beaucoup d'enfants en
souffrent.
M. Laurin: Je pense que nous avons fait un pas en avant, cette
année, dans cette direction, lorsque nous avons complété
notre politique de services personnels et complémentaires que nous avons
d'abord envoyée, pour fins de consultation, dans les commissions
scolaires, qui nous est revenue et qui est maintenant devenue une politique
définitive du ministère de l'Éducation. Cet instrument
nous manquait. Nous avons maintenant une politique, nous avons des guides
également qui ont été envoyés aux commissions
scolaires et nous savons au moins, maintenant, dans quel sens faire porter nos
efforts. Il reste, bien sûr, à meubler ces services du personnel
nécessaire et là, je vous répondrai à peu
près la même chose que ce que je vous répondais tout
à l'heure. Maintenant que nous avons réglé un
problème important quant à l'assainissement de nos structures
salariales, je ne doute pas que, dans les années qui viennent, nous
puissions consacrer plus de ressources à meubler, à
étoffer ces services collectifs, personnels et complémentaires
aux élèves.
Quant à la liaison MAS-MEQ, nous avions fait des progrès
marqués au cours des dernières années grâce aux
études qui avaient été faites par le groupe COPEX, qui
avaient été ensuite reprises par le ministère de
l'Éducation dans sa politique pour l'enfance en difficulté
d'adaptation et d'apprentissage. Nous avions mis sur pied à
l'époque, pour mener à bien cet effort, une mission MAS-MEQ qui
avait inventorié tous les problèmes et qui avait tenté de
trouver des solutions. C'est de cette époque d'ailleurs que date une
collaboration plus marquée de nos réseaux entre les instances du
réseau des affaires sociales et les instances des commissions
scolaires.
Effectivement, nous avons remarqué qu'il y a eu un certain
fléchissement, un certain relâchement au cours des deux
dernières années; nous en avons entendu parler plus
précisément lors du sommet des handicapés qui a eu lieu en
1982. À la suite des représentations qui nous ont
été faites à cette occasion, nous avons
décidé d'un commun accord, le ministère des Affaires
sociales et le ministère de l'Éducation, de remettre sur pied
notre mission conjointe MAS-MEQ qui travaille maintenant d'une façon
active et intense et, en particulier, nous tentons de redéfinir, selon
les données de la conjoncture actuelle, des plans de service pour toutes
les catégories d'enfants en difficulté. Nous espérons que
cette mission MAS-MEQ en arrivera à des conclusions concrètes,
détaillées, dans un très proche avenir, qui se traduiront,
bien sûr, le moment venu, par les appropriations budgétaires
appropriées. (21 h 30)
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: II faudrait peut-être changer de sujet pour un
petit moment. Dans les données qui sont contenues dans le cahier
explicatif, on constate que le nombre des
élèves de langue française inscrits dans les
écoles primaires et secondaires a continué à croître
en importance proportionnelle par rapport aux enfants de langue anglaise. La
proportion des enfants de langue française qui sont maintenant dans les
écoles primaires et secondaires était, en 1982-1983, de 87,1%,
alors qu'elle était, en 1979-1980, de 85,1%. On remarque aussi qu'au
niveau primaire, le nombre d'enfants de langue française dans les
écoles tend à se maintenir depuis cinq ans, tandis que le nombre
des enfants qui suivent l'enseignement en langue anglaise a chuté de
26,1%. On a ces données-là à la page 29. Au niveau
secondaire, le nombre des enfants qui suivent l'enseignement en français
a chuté d'à peu près 14,5%; celui des enfants qui suivent
l'enseignement en anglais, de 18,3%. Par conséquent, on note une
tendance très fortement établie vers le déclin
marqué du nombre des élèves qui suivent l'enseignement en
langue anglaise et une stabilisation du nombre des élèves qui
suivent l'enseignement en langue française, au niveau primaire; il y a
un déclin moins marqué que du côté anglophone chez
ceux qui suivent l'enseignement en langue française, au secondaire.
Devant ces données, il y a deux problèmes que je voudrais
porter à l'attention du ministre. Il y a d'abord le problème des
enfants illégaux dans les écoles de langue anglaise de
Montréal. Comme le ministre le sait, à la suite de
l'entrée en vigueur de la loi 101, un certain nombre de parents de la
région de Montréal continuèrent ou
décidèrent, dans certains cas, d'envoyer leurs enfants à
l'école anglaise, même si, d'après une
interprétation rigoureuse de la loi 101, ils n'avaient pas le droit de
le faire. Ces enfants furent reçus dans des écoles de langue
anglaise, surtout dans des écoles catholiques de langue anglaise. Ils y
sont, dans certains cas, maintenant depuis six ou sept ans. Il y en a qui sont
maintenant rendus au niveau secondaire. On estime que, pour l'année
1982-1983, le nombre de ces enfants pouvait s'élever à environ
1500. Le gouvernement avait annoncé un programme à la suite de
l'enquête faite par M. François Aquin. Dans les moments où
il ne s'occupait pas des affaires d'Hydro-Québec, celui-ci a fait une
enquête pour le gouvernement dans un autre domaine et a fait un rapport.
Le gouvernement a décidé d'affecter, je ne sais pas si c'est 3
000 000 $ ou 5 000 000 $...
M. Laurin: 3 600 000 $.
M. Ryan: Donc, 3 600 000 $ avaient été
accordés à la Commission des écoles catholiques de
Montréal pour un programme de réintégration ou, pour
employer la terminologie du ministre, d'insertion de ces enfants dans les
écoles de langue française.
Je ne sais pas si cet argent a été dépensé
ou non, mais cela n'a pas donné grand-chose. Finalement, les enfants
sont, en général, restés là où ils
étaient. J'ai eu moi-même l'occasion de faire une étude de
la situation au cours du dernier semestre. J'en suis arrivé à la
constatation que, dans un très grand nombre de cas, la décision
qui avait été prise par les parents procédait d'un
contexte familial très spécial, un contexte particulier dont la
loi, dans ses données nécessairement générales, ne
pouvait pas tenir compte d'une manière compréhensive. Je me
demande si, après une période aussi longue, le ministre ne
devrait pas considérer la possibilité d'apporter une solution
humaine à ce problème. Je ne pense pas qu'il puisse exiger
sérieusement qu'un enfant qui, par exemple, a fait toutes ses
études élémentaires ou qui a fait deux ou trois
années d'études élémentaires à
l'école anglaise, devant les chiffres que nous avons sous les yeux,
surtout lorsque des facteurs humains expliquaient ou justifiaient en large
mesure la décision prise par ses parents... Je pense que le ministre
comprendra que cet enfant ne devrait pas être pénalisé
indéfiniment. Je lui demande si le gouvernement ne devrait pas envisager
d'apporter, dans les meilleurs délais, c'est-à-dire en vue de
l'année scolaire 1983-1984, une solution humaine à ce
problème.
Je constate que le ministre a procédé, ces temps derniers,
à la nomination des membres du comité de révision. Cet
important comité dans le fonctionnement de tout ce système de
classification des enfants en vue de l'enseignement en langue française
ou en langue anglaise a été laissé sans personnel depuis
plusieurs mois. Je me demande si, avec un peu de compréhension de la
part du ministre, il n'y aurait pas moyen que certains éléments
de la loi soient interprétés de manière plus
libérale ou que certaines modifications soient carrément
apportées à la loi pour qu'on trouve une solution humaine
à ce problème.
On a vu, dans le cas de la Baie-James et dans combien d'autres cas - et
on va le voir encore dans le cas des événements qui se sont
produits ces derniers temps - que de prétendre s'en tenir strictement
à l'application rigoureusement littérale de la loi n'est pas
toujours l'attitude la plus sage, la plus humaine et même la plus
productive d'un résultat positif. Je pose le problème à
l'attention du ministre. J'aurai très bientôt des suggestions
à lui faire, à ce sujet. Je voudrais avoir son sentiment. Je ne
veux engendrer de guerre des drapeaux sur une question comme celle-là,
sur le dos de 1500 enfants qui ont été des victimes innocentes
d'un contexte de changements très rapides, de changements comportant des
éléments durs - peut-être inévitables, à
certains points de vue - mais d'un contexte qui, aujourd'hui,
a changé et qui nous a conduit à une situation où
nous devrions être capables d'envisager cela de manière plus
humaine.
J'ajoute à ceci un deuxième élément plus
délicat. Chez les enfants illégaux d'aujourd'hui, il doit y en
avoir, je dirais, entre 100 et 200 - peut-être plus près de 100 -
qui sont issus de la Loi constitutionnelle de 1982, c'est-à-dire des
enfants que leurs parents inscrivirent à l'école anglaise parce
que les parents étaient canadiens et qu'ils étaient venus
s'établir ensuite au Québec, où ils n'avaient pas le droit
d'envoyer leurs enfants à l'école française ici, parce
qu'eux-mêmes n'avaient pas fréquenté l'école
française au Canada. On a pu constater les effets de cette loi. Je pense
que, tout compte fait, avant que soit rendue la décision du tribunal
l'automne dernier, il y en avait peut-être entre 200 et 300 inscrits dans
les écoles anglaises et, après que le gouvernement eut
décidé de maintenir une ligne dure, c'est-à-dire d'aller
en appel et d'imposer aux commissions scolaires le respect littéral de
sa loi, tant que l'appel n'aura pas été entendu par les tribunaux
supérieurs... Je pense qu'il y en avait entre 200 et 300, il en reste
aujourd'hui entre 100 et 200 et plus, probablement, d'après les
renseignements qu'il m'a été donné de glaner. Ce ne sont
pas des renseignements scientifiques, évidemment, parce que personne ne
va publier sous forme scientifique le bilan de ces actes illégaux,
surtout pas avec le ministre actuel de l'Éducation. Je demande au
ministre, devant le caractère très limité de l'impact de
la Loi constitutionnelle canadienne, s'il ne faudrait pas que le gouvernement
révise sa politique là-dessus. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu -
encore là, je ne lui demande pas d'aller adhérer à genoux
à cette loi, pas du tout - que le Québec prenne une initiative
quelconque pour qu'on sorte de ce carcan qui est beaucoup plus psychologique
qu'autre chose?
Les chiffres sont établis. Je pense qu'on a des données
très claires - on les contrôle année après
année, maintenant - le ministère les a à la portée
de la main. Il y a toujours la possibilité de faire des ajustements et
je me demande si des ajustements souhaitables dans le contexte actuel et
à propos des deux genres de situation dont j'ai parlé, ne
devraient pas être envisagés dans le sens d'un assouplissement de
la politique.
Le Président (M. Blouin): M. le ministre.
M. Laurin: Effectivement, M. le Président, depuis
l'adoption de la loi 101, les rythmes d'implantation ou d'insertion des
non-francophones aux écoles francophones se sont accrus, alors que les
élèves de langue anglaise qui s'inscrivent dans les écoles
anglaises ont diminué. Je ne conteste pas les chiffres du
député d'Argenteuil. Il est vrai que la population francophone se
maintient dans les écoles primaires francophones depuis cinq ans et
qu'elle est en augmentation alors qu'au primaire, le nombre
d'élèves de langue anglaise a chuté de 26% et a
chuté de 18% dans les écoles secondaires, alors qu'il n'a
chuté que de 14% dans les écoles secondaires françaises.
Je pense que c'est là un effet de la loi 101. Alors qu'auparavant 85% et
même davantage des nouveaux arrivants s'intégraient à
l'école anglaise, ce qui gonflait évidemment ses effectifs,
maintenant, la quasi-totalité des nouveaux arrivants s'intègrent
à l'école française. Je pense qu'il s'agit là d'un
effet heureux et normal de la loi 101. Il est normal qu'un nouvel arrivant dans
un pays fréquente l'école de la majorité. C'est le cas
dans tous les pays du monde.
Il y a aussi un autre facteur, c'est que nous comptons maintenant dans
nos écoles françaises un bon nombre d'élèves qui
pourraient parfaitement aller à l'école anglaise, mais dont les
parents estiment nécessaire ou opportun qu'ils fréquentent
plutôt l'école française pour mieux apprendre le langage de
la majorité et pour mieux assurer leur avenir professionnel. Je ne peux
pas citer les chiffres exacts, mais je crois qu'il y a près de 13 000
élèves anglophones actuellement qui auraient le droit de
fréquenter l'école anglaise et qui préfèrent
s'inscrire à l'école française ou dont les parents
préfèrent les inscrire à l'école française.
Je ne pense pas que les parents anglophones regrettent le geste qu'ils posent
ainsi. Je pense que l'amour naturel qu'ils portent à leurs enfants les
amène à privilégier une avenue qui non seulement les
prépare mieux à une insertion réussie au sein d'un
Québec de plus en plus français, mais je crois aussi que ce geste
pourra amener ces élèves, une fois qu'ils auront atteint le
collège ou même l'université, à faire leur vie au
Québec, ce dont leurs parents se réjouiront et ce dont aussi le
gouvernement se réjouira, parce que nous continuons de compter beaucoup
sur l'apport tous azimuts de ces diplômés de nos écoles, de
nos collèges et de nos universités. C'est donc là un
résultat qui découle en droite ligne de l'adoption de la loi
101.
Incidemment, je souhaiterais et je trouverais normal que les parents qui
ont inscrit illégalement leurs enfants dans les écoles anglaises
fassent le même geste. J'aurais trouvé souhaitable qu'ils le
fassent il y a quelques années parce que ces enfants aussi, ces enfants
d'anglophones, d'italophones ou d'hellénophones auraient profité
grandement d'une insertion scolaire qui les aurait familiarisés avec la
langue de la majorité et qui les aurait mieux préparés
à
une insertion sociale et professionnelle réussie dans les
années qui viennent.
J'avoue que j'ai toujours compris difficilement les raisons qui avaient
pu amener ces parents à inscrire leurs enfants dans des écoles
anglophones. Le député d'Argenteuil fait état de
problèmes familiaux, problèmes familiaux qui ont peut-être
été fouettés, qui ont peut-être été
étoffés par les appels que leur lançaient certains
principaux d'école ou certains professeurs d'écoles anglophones
qui ne voulaient pas voir réduire de par trop la clientèle des
écoles où ils enseignaient ou des écoles qu'ils
dirigeaient. Je continue à trouver déplorable que cette
décision ait été prise à l'époque et cela
d'autant plus que les autres écoles anglophones, les autres commissions
scolaires anglophones - je pense en particulier au PSBGM - après une
période de résistance, avaient quand même convenu qu'il
était préférable de se plier à la loi 101,
d'obéir à ces articles et de ne pas admettre dans leurs
écoles les enfants qui n'avaient pas le droit d'y être admis. Je
pense que, si on avait traité différemment les enfants qui
s'étaient inscrits légalement dans les écoles anglaises,
on se serait trouvé à désavouer par le fait même les
commissions scolaires protestantes qui avaient pris une attitude
différente. Non seulement les aurions-nous désavouées,
mais nous les aurions pénalisées également et on aurait
peut-être pu ainsi les amener à regretter le geste qu'elles
avaient posé et qui constituait une stricte obéissance aux lois
du territoire et aux lois du pays. (21 h 45)
Je pense donc que l'attitude du gouvernement à cet égard a
toujours été non seulement légale mais normale. Je trouve
normal également que ceux qui avaient pris sur eux de
désobéir à la loi du pays puissent se trouver
pénalisés par cette désobéissance aux lois. Ceci
explique que le gouvernement à l'époque ait refusé de
subventionner les frais qu'occasionnaient ces inscriptions illégales et
refusait d'accorder des diplômes à ceux qui ne s'étaient
pas pliés à la loi.
Je pense que les suggestions et les recommandations que nous faisait M.
Aquin à la suite de son rapport étaient parfaitement
justifiées et humaines également. J'en veux pour preuve quand
même que les mesures de réinsertion professionnelle ou scolaire
qu'il proposait étaient marquées au coin du respect des
apprentissages qu'avaient déjà effectués ces
élèves au cours des quatre ou cinq années qu'ils avaient
passées à l'école et prétendaient leur offrir ainsi
qu'à leurs parents les mesures qui auraient atténué le
choc psychologique que peut amener le changement d'une école à
l'autre et maximiser les effets quand même positifs qu'aurait
amenés leur réinsertion dans un milieu francophone qui les aurait
mieux préparés à leur insertion sociale et professionnelle
future.
D'ailleurs, à la suite de ce rapport, nous avons vu que, pour
l'année scolaire 1982-1983, il y a tout de même 250
illégaux qui ont intégré les rangs de l'école
française et, d'après les rapports qui me sont faits, non
seulement les enfants en bénéficient, mais leurs parents s'en
félicitent parce que cette réinsertion au monde scolaire
francophone s'est effectuée harmonieusement, pour ne pas dire
facilement. Maintenant que le choc s'est atténué, je pense que
ces élèves profitent pleinement de l'instruction qui leur est
donnée.
Qu'en sera-t-il maintenant pour l'avenir? Nous sommes au mois de mai,
c'est-à-dire à la fin de l'année scolaire 1982-1983.
J'eusse certes préféré que le nombre de 250 soit plus
considérable. Il faut donc penser à ceux qui restent et qui sont
restés dans les écoles anglophones. Je dois avouer que je n'ai
pas encore pris de décision à cet égard, que je n'ai pas
fait de recommandation au Conseil des ministres. Le problème reste
à étudier.
Je remercie le député d'Argenteuil, qui a consenti
à étudier le problème sur le terrain. Je le remercie aussi
de l'offre qu'il me fait de suggestions qu'il doit me faire bientôt. J'en
suis très heureux et j'espère bien que nous pourrons nous
rencontrer d'ici quelque temps pour essayer d'apporter à ce
problème la meilleure solution qui soit.
Quant aux illégaux qui ne sont pas clandestins, mais qui
fréquentent l'école anglophone maintenant ouvertement au
mépris encore une fois de la loi 101, malgré l'arrêt du
juge que le gouvernement du Québec a contesté en appel, leur cas
m'apparaît quand même différent. Parce que là, le
problème est posé d'une façon encore plus nette. Accepter
la suggestion du député d'Argenteuil et réintégrer
ces enfants immédiatement dans le secteur anglophone
m'apparaîtrait une acceptation déguisée du Canada Bill qui
entend enlever au Québec sa juridiction exclusive en matière
d'éducation, ne serait-ce que par le biais de la langue d'enseignement.
Il appartient en effet exclusivement au Québec de
légiférer en matière d'enseignement. C'est la position de
principe que nous avons toujours tenue et ce n'est pas uniquement la position
du ministre de l'Éducation; c'est la position du gouvernement dans son
entier qui l'a exprimée par la voix du premier ministre et par la voix
d'autres ministres que celle du ministre de l'Éducation. Je pense qu'il
s'agit là d'un principe à ce point essentiel qu'on ne peut certes
pas y déroger et auquel je ne pourrais certes pas déroger
personnellement. C'est là la position du gouvernement et nous nous
contentons, pour le moment, d'attendre la solution que les autres instances
judiciaires supérieures y apporteront.
Quant à la commission d'appel, nous avons maintenant nommé
trois commissaires. Je sais qu'il y a un certain nombre de dossiers en attente,
mais les commissaires, j'en suis sûr, ne tarderont pas à se saisir
de ces dossiers et à y apporter dans les plus brefs délais la
solution qui semble la plus appropriée.
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, je voudrais revenir sur chacun
des points parce que je pense qu'il est important qu'il n'y ait pas de
malentendu entre nous.
Sur le premier point, les enfants illégaux et
hérités de la période des six ou sept dernières
années. Je signale encore à l'attention du ministre que des
facteurs humains ont joué un rôle très important dans cette
situation qui s'est créée chez nous. Je vais donner des exemples
concrets pour qu'on se comprenne très bien.
Autrefois, à Montréal, les enfants italiens allaient
à l'école anglaise. À un moment donné, il y a eu un
mouvement de redressement avant même la loi 101 et avant la loi22. Cela a commencé avant cela, parce que tout n'a pas
commencé avec la loi 101, loin de là. Puis, on a
créé ce qu'on appelait des écoles bilingues, on a
incité des parents à envoyer leurs enfants à ces
écoles bilingues. Il y a un certain nombre de parents qui se sont
montrés compréhensifs et qui ont accepté d'envoyer leurs
enfants à des écoles bilingues pendant que d'autres continuaient
de les envoyer à des écoles anglaises. Les écoles
bilingues étaient à plus forte tonalité française.
Cela faisait partie de la politique de la CECM à l'époque.
Ensuite, quand on est arrivé pour donner une solution au
problème des enfants de ces gens qui étaient passés par
les écoles bilingues, on a décidé que les écoles
bilingues étaient des écoles françaises. Par
conséquent, ces parents ont été obligés d'envoyer
leurs enfants à l'école française. Très souvent,
ils avaient marié des gens de langue anglaise et leurs contemporains,
qui avaient fréquenté l'école en même temps qu'eux,
les parents de ceux-là n'avaient fait montre d'aucune
compréhension; pour eux, il n'y avait aucun problème,
c'était réglé.
Pour eux, parce que leurs parents avaient eu assez d'ouverture d'esprit
pour les envoyer à ces écoles bilingues, on a dit: Maintenant
vous êtes étiquetés, vous allez là et cela finit
là. Imaginez le climat que cela a créé dans la
communauté italienne. Cela a créé littéralement un
climat de colère collective dont moi-même j'ai souvent senti la
manifestation. Une grande majorité des enfants illégaux... On
peut bien parler de Grecs, de Polonais, etc., mais une grande majorité
sont des enfants d'origine italienne.
Il faut avoir vécu le climat de ces années pour comprendre
ce que cela veut dire.
Il y en a d'autres qui étaient arrivés ici au pays, qui
étaient en âge d'aller à l'école secondaire ou
d'aller directement sur le marché du travail. Leurs frères ou
soeurs plus jeunes sont allés à l'école primaire ici,
parfois à l'école anglaise, parfois à l'école
française, mais, eux, parce qu'ils n'avaient pas fréquenté
l'école primaire au Québec, étaient tenus par la loi 101
d'envoyer leurs enfants à l'école primaire française.
Souvent, ils avaient été orientés complètement de
l'autre côté, mais ils regardaient cela et se disaient: On a
été habitués à cela. C'est comme cela qu'on a
marché, on s'en va là et cela finit là.
Mais quand on voit concrètement comment cela se décidait,
c'est le contexte qui existait. Je ne nie pas qu'il y a eu certaines
incitations qui ont été faites parce que ce sont tous des gens
qui vivent ensemble finalement. Cela fait partie du concept de l'école
communautaire, M. le ministre. Si les enseignants sont près des gens,
ils vont comprendre leurs frustrations et leurs sentiments. Ils vont
essayer de les satisfaire d'une certaine manière. Je ne prétends
pas que c'étaient les seuls sentiments qui ont pu animer ces actions, je
ne porte pas de jugement là-dessus, mais je dis au ministre que, s'il
est prêt à garantir qu'il fera montre de compréhension pour
ces facteurs humains, sans la compréhension desquels on ne
réglera jamais rien, parce que lui va finir avec sa loi et l'autre va
finir avec son illégalité, et on ne sera pas plus
avancés...
J'aimerais bien faire des suggestions, non pas parce que j'ai
peur de les faire autrement, mais parce que je pense au bien de ces enfants. Au
point de vue politique, cela ne me ferait absolument rien de faire une
déclaration. Le ministre va dire: Je ne suis pas d'accord. Cela ne
change absolument rien, ce n'est pas cela qui va m'empêcher de dormir,
mais je pense au bien des enfants. C'est pour cela que je n'ai pas fait mes
suggestions jusqu'à maintenant. J'ai un document de prêt depuis le
mois de janvier -je ne vous dis pas cela confidentiellement, évidemment,
parce qu'on a beaucoup de témoins ici - qui traîne dans mes
serviettes depuis le mois de janvier, que je n'ai pas publié pour ne pas
nuire à ces enfants, parce que j'ai trop vu la tragédie que cela
représente pour leur avenir. Si le ministre me dit qu'il est dans des
dispositions analogues, très bien. Sinon, il faudra qu'on ouvre le
débat proprement politique là-dessus; on peut l'ouvrir n'importe
quand, mais je crois que c'est important.
Sur le deuxième point, ce que je suggérerais au ministre -
et je ne voudrais pas qu'il y ait de malentendu entre nous, absolument rien -
si c'est bon en soi... On
comprend les frustrations qui ont émané de la
manière dont a été adoptée la loi constitutionnelle
et peut-être que celui qui a payé le plus dans toute notre bande
de politiciens québécois pour cela, c'est celui qui vous parle et
il en est très fier. Il n'a jamais changé d'idée
là-dessus. Il trouve que c'est une manière de procéder
complètement indésirable et complètement blâmable
qui a été prise. On est pris dans ce contexte. La clause Canada
en soi, à mon point de vue, a du bon sens pour toute personne qui
adhère au projet canadien, ne serait-ce que passivement, comme c'est le
cas du gouvernement actuel parce qu'il ne peut pas faire autrement, il a
reçu un mandat de la population de le respecter.
Il n'y a rien qui empêcherait le gouvernement d'adopter une
version québécoise de la clause Canada dans ses lois positives.
Il n'est pas obligé d'aller faire des génuflexions devant la
constitution de M. Trudeau, je comprends très bien cela, mais il n'y a
rien qui l'empêcherait de mettre dans ses lois une disposition qui serait
l'expression d'une clause Canada raisonnable et dont l'impact numérique,
d'ailleurs, serait extrêmement limité, on en a fait la preuve
déjà.
Je trouve que cela contribuerait énormément à
alléger l'atmosphère de suspicion et de méfiance qui
continue d'entourer ces questions. C'était le sens de mon intervention
là-dessus. Je le dis d'autant plus librement que je pense qu'au fond, le
gouvernement n'est pas loin de penser comme moi sur le contenu même de
cette question. Je ne pense pas qu'il y ait une montagne qui nous sépare
sur cette question. Je vois les procédures judiciaires qui sont
engagées. Tout le monde est rendu devant les tribunaux: le Protestant
School Board veut défendre son fromage constitutionnel; il y a des
commissions scolaires catholiques qui veulent aller défendre leur droit
confessionnel et le gouvernement est devant les tribunaux pour sa patente
à lui. Ce sont des gaspillages d'énergie, à mon point de
vue, qui n'apporteront pas tellement de clarté au bout du compte et cela
va prendre énormément de temps. Et, pendant ce temps, il y a des
enfants qui sont affectés.
Je pose le problème en tout détachement à la fois
pour le plus grand bien de ces enfants qui sont immédiatement
concernés - il y en aura peut-être d'autres à l'automne -
et pour le bien du Québec et du Canada.
En ce qui concerne le troisième point, je mentionne seulement une
remarque. J'ai remarqué que le tribunal de révision, le
comité d'appel des décisions en matière d'inscription des
enfants dans les écoles françaises ou anglaises n'a pas joui, au
cours des dernières années, du soutien professionnel dont il
aurait dû jouir. Il y avait à peine un secrétaire à
temps partiel. C'est tout ce qu'il y avait comme implantation. Par
conséquent, on n'avait pas le temps d'aller faire des visites dans les
foyers pour s'enquérir tranquillement des problèmes qui se
posaient et connaître la réalité humaine de cela. C'est une
opération assez bureaucratique, à mon point de vue. Les
commissaires qui siégeaient pendant les dernières années
ont demandé très souvent au gouvernement des
éclaircissements ou des précisions. Ils ont fait des suggestions.
Ils n'ont à peu près jamais reçu de réponse, M. le
ministre, et ils ont démissionné tous les trois. Ils ont
même demandé que leur mandat soit abrégé parce
qu'ils étaient écoeurés, finalement. C'est vrai, ils ne se
rendaient nulle part avec cela et ils étaient tannés de dire non
à des gens quand ils voyaient qu'il y avait toutes sortes de facteurs
qui auraient justifié humainement une décision plus
raisonnable.
Je ne sais pas si le ministre a eu la chance de causer de ces
problèmes avec les nouveaux membres de la commission d'appel. S'il ne
l'a pas eue, je lui suggérerais -d'ailleurs, il vont le faire
d'eux-mêmes -d'insister pour qu'ils relisent les rapports annuels de ce
comité. Ils vont voir que ce que j'évoque ce soir, c'est la
vérité historique; c'est comme cela que les choses se sont
passées. Ils voudraient tellement qu'il y ait un nouveau départ
là-dedans. Étant donné que maintenant les proportions sont
plus "manageable", encore une fois, on n'est pas devant un problème dont
on peut soupçonner que le plafond pourrait nous tomber sur la
tête, la situation est beaucoup plus sous contrôle maintenant
qu'elle ne l'était. Tout cela se tient ensemble. Je tenais à
porter cela à l'attention du ministre avec une insistance
particulière.
Le Président (M. Blouin): M. le ministre. (22 heures)
M. Laurin: Je remercie le député d'Argenteuil. Que
la clause du Canada ait un certain sens, je ne le nie pas, mais à
condition qu'elle ne nous soit pas imposée par le gouvernement
fédéral qui n'a rien à voir en la matière, en vertu
même de l'acte constitutionnel de 1867 et à condition qu'elle ne
nous soit pas imposée dans la formulation que l'on retrouve dans le
Canada Bill. Je ne partage pas l'opinion du député d'Argenteuil
lorsqu'il dit que l'impact des divers paragraphes de l'article 23 serait
limité. Je continue à prétendre que, en particulier, l'un
des paragraphes de cet article, s'il était appliqué
littéralement, comme cela peut et pourrait arriver, aurait un impact
beaucoup plus considérable qu'on semble le croire de l'autre
côté de la table, particulièrement pour les régions
frontalières du Québec.
Mais cette clause Canada, je dis qu'elle
a un certain sens dans la mesure où, comme nous l'avions
d'ailleurs offert en 1977, elle serait négociée selon une formule
bilatérale entre le gouvernement du Québec et l'un ou l'autre des
gouvernements provinciaux du Canada, ou selon une formule multilatérale,
dans le sens de la proposition que notre premier ministre avait faite à
l'ensemble des autres premiers ministres en 1977 et aussi à nouveau en
1978.
Je pense que, si cette offre avait été acceptée
à l'époque, nous aurions pu en arriver à une entente qui
aurait d'abord respecté la juridiction du Québec et qui se serait
appliquée autrement que selon la formule que prétend nous imposer
le Canada Bill. Par exemple, nous n'aurions sûrement pas retrouvé
dans le protocole d'entente que nous aurions pu signer avec les autres
provinces cet article 23 qui nous apparaît dangereux pour l'avenir.
Nous aurions pu aussi, en signant ce protocole d'entente, aider les
francophones qui, bien qu'en nombre limité, se rendent dans les autres
provinces pour des périodes plus ou moins prolongées, en les
aidant à se procurer des services éducatifs en français
lorsqu'ils arrivent dans ces autres provinces. Nous aurions pu aussi aider les
minorités francophones des autres provinces qui, encore à l'heure
actuelle, sont obligées de se battre pour avoir des services
appropriés aussi bien dans les écoles primaires que dans les
écoles secondaires. En ce sens, oui, la clause Canada aurait eu du sens.
Je ne désespère pas que, dans un proche avenir, le temps passant
et la raison aidant, on en arrive à persuader nos homologues des autres
provinces à préférer cette formule plutôt que la
formule qui a été imposée par le gouvernement
fédéral.
En ce qui concerne les facteurs humains que le député
d'Argenteuil met en valeur relativement aux Italiens, je reconnais avec lui que
la situation qu'il a décrite est exacte. Effectivement, la
création d'écoles bilingues dans la région de
Montréal a peut-être favorisé l'état de choses
actuel. Il reste cependant que, lorsqu'il dit que les Italiens
fréquentaient autrefois l'école anglaise, cela est encore plus
vrai pour une bonne partie des anglophones qui envoient maintenant leurs
enfants à l'école française et qui y trouvent des
avantages et des bénéfices. Je me demande pourquoi les
italophones n'auraient pas trouvé ou ne trouveraient pas encore les
mêmes avantages à envoyer leurs enfants dans des écoles
françaises qui, justement, les prépareraient beaucoup mieux
à une insertion sociale et professionnelle réussie dans
l'avenir.
Mais, encore une fois, je suis prêt à examiner ce
problème avec le député d'Argenteuil. Je suis heureux de
savoir qu'il a déjà un document qu'il est prêt à
soumettre à mon attention avec des suggestions concrètes. Il me
fera très plaisir de le rencontrer à cet égard et
d'essayer de trouver une solution qui, les autres n'ayant pas réussi,
pourrait peut-être, cette fois, en arriver à régler d'une
façon définitive ce problème.
Quant à la commission d'appel, je prends en bonne part les
remarques du député d'Argenteuil, particulièrement en ce
qui concerne le soutien professionnel dont cette commission pourrait avoir
besoin. Je reconnais avec lui que le problème est sûrement moins
aigu qu'il y a quatre ou cinq ans, que le nombre des demandes de
dérogation ne cesse ne diminuer, cela est parfaitement
compréhensible, et que ceci pourrait justifier une approche
différente. J'entends bien, à cet égard, rencontrer
bientôt les trois membres de la commission, m'entretenir avec eux des
problèmes qu'ils auront trouvés à leur première ou
à leur deuxième réunion et trouver avec eux des solutions,
soit de type réglementaire, soit de type administratif, propres à
faciliter leur travail.
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Je voudrais passer à un autre sujet. On a
vidé celui-ci de manière suffisante. Mais, s'il y en a d'autres
qui ont des questions, je reviendrai tanôt.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: M. le Président, effectivement,
j'avais demandé la parole. Mais, je m'interroge au sujet de l'heure. Il
est convenu que nous siégerons jusqu'à quelle heure?
Le Président (M. Blouin): II est convenu que nous
terminions à 23 heures.
Éducation en milieu
défavorisé
M. de Bellefeuille: Ah, merci! Alors, la question que j'ai en
tête, M. le Président, à l'adresse de M. le ministre, est
au sujet de l'école en milieu défavorisé. Nous savons que
l'école en milieu défavorisé, l'école des pauvres,
était devenue une école pauvre. Et cela a été un
objectif majeur du gouvernement, en matière d'éducation, que de
remédier à cette situation, de façon à enrichir
l'école des pauvres. Il y a eu des efforts importants qui ont
été consentis dans ce domaine, je crois, avec un succès
qui a justifié les efforts. Mais, à partir des coupures
budgétaires d'il y a deux ans, ce programme-là a
été réduit, je pense, à peu de chose. Je voudrais
connaître, à ce sujet, les intentions du ministre dans le cadre du
budget de la nouvelle année financière.
Quelles sont les mesures qui seront financièrement possibles pour
remettre pleinement en marche, dans toute la mesure du possible, notre
programme d'action pour l'école en milieu défavorisé?
M. Laurin: Je remercie le député de sa question.
Comme il le sait, dans "L'école québécoise", on consacrait
un chapitre, le sixième, à l'éducation en milieu
défavorisé, dans lequel on reconnaissait le principe de
l'égalité des chances et dans lequel on identifiait les
clientèles cibles, c'est-à-dire les enfants d'âge
préscolaire et leurs parents, les enfants du primaire et leurs parents,
les élèves du secondaire et les adultes de milieux
défavorisés. En avril 1980, conséquemment à
"L'école québécoise", le ministère rendait public
son énoncé de politique sur l'école en milieu
économiquement faible, "L'école s'adapte à son milieu".
Orientations, objectifs et moyens d'intervention s'y retrouvent, explicitant
clairement les intentions du ministère aux niveaux préscolaire,
primaire et secondaire. L'ensemble des moyens d'intervention décrits
dans la politique s'inspirait notamment des expériences menées
depuis quelques années. Par exemple, depuis 1970, pour les maternelles 4
ans; depuis 1977, pour le programme d'animation Passe-Partout au
préscolaire et, depuis 1976, pour le perfectionnement des
équipes-écoles au primaire.
Avec un budget progressant d'année en année à
partir de 1980-1981, on devait arriver, en 1984-1985, à la
réalisation de l'ensemble des objectifs de la politique, de la
manière suivante. Au préscolaire, tous les enfants de 4 ans des
milieux défavorisés, environ 20 000 par année, seraient
rejoints par l'un ou l'autre des moyens, maternelles 4 ans ou programmes
d'animation Passe-Partout, et pourraient avoir accès à une
ludothèque. Au primaire, l'ensemble des 51 commissions scolaires
défavorisées disposeraient, proportionnellement à leur
clientèle, de ressources pour assurer le perfectionnement des
équipes-écoles et la participation des parents. Au secondaire,
dans la majorité des écoles secondaires desservant une
clientèle significative provenant des secteurs
défavorisés, des ressources seraient accordées pour des
projets locaux d'encadrement des étudiants et de prévention de
l'absentéisme et de l'abandon prématuré. En 1980-1981, un
budget de 15 500 000 $ était dépensé pour la
réalisation, tel que prévu, des développements
mentionnés ici. La politique des milieux économiquement faibles
était donc en bonne voie de réalisation.
Mais, en 1981-1982, à la suite des coupures budgétaires,
un budget de 8 000 000 $, soit une réduction de près de 50%, a
conduit à l'abandon de toutes les interventions au primaire et au
secondaire et à une réduction substantielle des interventions au
préscolaire, par exemple, disparition des ludothèques, cinq
maternelles 4 ans en moins et six projets d'animation Passe-Partout en moins.
En 1982-1983, le bilan n'est guère plus reluisant. Au
préscolaire, le budget de 9 200 000 $ a permis de maintenir le nombre de
maternelles 4 ans et d'offrir le programme d'animation Passe-Partout, avec 80
animateurs dont plusieurs ont eu une tâche à temps partiel.
Au primaire, aucune indication ne nous permet de prétendre qu'il
y a une continuité des interventions, telle que présentée
dans notre politique: "L'école s'adapte à son milieu". Au
secondaire, par contre, une recherche, terminée en avril, indique que 17
projets spéciaux environ, à l'intention de décrocheurs, se
sont poursuivis dans les écoles situées en milieu
économiquement faible et cela, sans allocation
supplémentaire.
Au ministère, un groupe de travail de la Direction
générale des réseaux a fait des travaux
préliminaires qui ont conduit le bureau des sous-ministres à
former un comité ministériel visant à articuler une
relance de cette politique. Cependant, les objectifs fondamentaux de cette
politique ne sont pas remis en cause. Il s'agit, en somme, comme cela
était prévu, de rejoindre la clientèle d'enfants de 4 ans,
environ 20 000 enfants, et de favoriser une plus grande prise en charge du
milieu et une plus grande intégration au ministère.
Quelles sont nos orientations en 1983-1984? Eh bien! Avec un budget,
cette fois, de 9 100 000 $, soit le même budget qu'en 1982-1983, mais
indexé, nous visons à maintenir le niveau des services
déjà en place au préscolaire et à rejoindre le
maximum de la clientèle d'enfants de 4 ans de milieux
économiquement faibles par l'une ou l'autre des interventions,
maternelles et programme d'animation Passe-Partout.
Le maintien de ces interventions permet d'offrir un service à une
clientèle qui, autrement, n'en aurait aucun. Les enfants du primaire et
du secondaire sont quand même à l'école et
bénéficient des services du système régulier,
services qui tendent toujours à être mieux adaptés.
J'ajouterais aussi que nous avons quand même réussi à
poursuivre notre politique de péréquation qui
bénéficie d'une façon particulière aux milieux
économiquement défavorisés. Peut-être pourrais-je
demander à M. Rousseau de vous donner quelques détails
additionnels à cet égard?
Disons que, en ce qui concerne cette politique, comme il est
indiqué, les mesures du secondaire, particulièrement, ont
été maintenues malgré les compressions budgétaires
qui avaient affecté un ensemble d'allocations supplémentaires
pour les commissions scolaires.
Un autre élément qui s'y ajoute - on l'a mentionné
tantôt - est à l'intérieur de la convention collective. La
marge de manoeuvre des commissions scolaires et, également, le temps
pouvant être consacré à des activités autres que les
activités d'enseignement, pourront, d'une façon très
particulière, être utilisés pour des projets écoles,
pour des projets en milieux économiquement faibles ou pour d'autres
types de projets. La demande, qui venait de l'ensemble des commissions
scolaires, de maintenir cette orientation dans le cadre de la
négociation, visait particulièrement ces milieux où, non
seulement les élèves ont besoin des services d'enseignement, mais
où tous les services complémentaires et les services personnels
deviennent d'une urgente nécessité. Aussi, en ce qui concerne les
projets de répartition des sommes, des différents revenus des
écoles, il est convenu que, à l'intérieur des politiques
du ministère, les systèmes de péréquation pour les
revenus d'écoles puissent permettre aux écoles des milieux
économiquement faibles de profiter des revenus que font d'autres
écoles situées dans d'autres milieux.
En somme, voilà un programme que nous déplorons avoir
été obligés de maintenir à peine la tête hors
de l'eau. Nous avons bien hâte de pouvoir affecter à nouveau des
sommes beaucoup plus considérables à ce problème qui
continue de demeurer, pour nous, une priorité de premier plan.
M. de Bellefeuille: M. le Président, je suis heureux
d'entendre le ministre exprimer ainsi sa volonté de faire en sorte que
ce programme reprenne, le plus tôt possible, toute son envergure. Il a
fait allusion à un comité mis sur pied par le bureau des
sous-ministres pour préparer la relance du programme d'action en milieu
défavorisé. Est-ce que le ministre pourrait nous dire quand il
attend un rapport de ce comité et nous dire aussi s'il a l'intention,
dans la foulée de l'adoption de la loi - comment s'appelle-t-elle, cette
loi-là? - d'accès à l'information, de publier ce rapport
lorsqu'il l'aura reçu. (22 h 15)
M. Laurin: Oui, la relance de cette politique s'appuie sur
l'inventaire des expériences qui ont été poursuivies
à la suite du lancement de cette politique. Il faut dire que, comme
orientation générale, le ministère n'avait pas
décidé de financer ad hoc toutes les initiatives qui ont
été prises dans les différentes commissions scolaires.
Après en avoir fait l'inventaire tant au niveau du Conseil scolaire de
l'île de Montréal, qui a un mandat explicite à cet
égard, qu'à celui d'autres régions
défavorisées du Québec, nous nous rendons compte qu'il y a
grand avantage à réexaminer les moyens qui avaient
été privilégiés à l'intérieur de la
politique, qui souvent étaient extrêmement coûteux, et
à les réévaluer pour pouvoir tracer un certain nombre de
plans d'action qui puissent permettre une relance sans l'ajout de sommes aussi
substantielles.
Je voudrais profiter de l'occasion pour dire que nous avons
accepté de produire une nouvelle série d'émissions
Passe-Partout servant à l'animation en milieu défavorisé.
Vous vous rappelez que nous avions produit 125 émissions au coût
d'environ 2 900 000 $, mais, étant donné que ces émissions
sont répétées maintenant depuis plusieurs années
par le réseau de Radio-Québec, les enfants, et les parents aussi,
demandaient une nouvelle série d'émissions. Nous avons
annoncé notre intention de procéder à la création
d'une nouvelle série d'émissions. Les coûts ont,
évidemment, augmenté. Cette fois, nous ne produirons que 50
émissions, mais le coût sera à peu près le
même. Le coût sera de 2 200 000 $. Les émissions garderont
les éléments qui en ont fait un grand succès dans le
passé. Nous garderons les mêmes personnages, la même
texture, la même orientation, tout en les adaptant, évidemment,
à la conjoncture sociétale nouvelle. Incidemment, j'aimerais dire
que les cahiers et les disques qui découlent de Passe-Partout ont
produit des entrées d'argent qui totalisaient 2 021 000 $ en janvier
1982. J'espère que la nouvelle série d'émissions
connaîtra le même succès.
Des discussions ont eu lieu également pour la diffusion de cette
nouvelle série d'émissions et je peux signaler à cette
commission qu'une entente est intervenue avec la Société
Radio-Canada pour la diffusion des 125 émissions en reprise de l'ancien
modèle Passe-Partout et des 50 nouvelles émissions pour la
période s'étalant de 1982 à 1985. L'entente prévoit
que la Société Radio-Canada paiera au ministère de
l'Éducation contre les droits de diffusion obtenus la somme de 990 000
$.
Compte tenu des rentrées d'argent escomptées pour la vente
de la série et la commercialisation des produits dérivés,
le Conseil du trésor a autorisé le ministère de
l'Éducation à produire la série des 50 nouvelles
émissions. Les plans et devis terminés ont permis un appel
d'offres dans les journaux le 16 mars 1983 et nous entendons rendre le contrat
dès qu'il sera signé dans les prochaines semaines. Nous
procéderons également à un appel d'offres pour les
produits dérivés de la série Passe-Partout. Nous
étendrons même la série de ces produits
dérivés et, là encore, nous escomptons des rentrées
de fonds qui pourront, je l'espère, nous permettre de financer une autre
série d'émissions dans le même genre, et peut-être
une autre série qui, celle-là, s'adressera aux parents de milieux
défavorisés, car nous avons vu qu'il
était aussi important en cette matière de s'adresser aux
parents qu'aux enfants.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. Je
signale aux membres de la commission que, lorsque nous ajournerons nos travaux
à 23 heures, nous aurons complété presque huit heures de
débat et que, selon le désir qu'ont manifesté les membres
de la commission en début de journée, il serait souhaitable que
nous puissions à tout le moins adopter le programme 4 au moment de
l'ajournement pour que, lorsque nous reviendrons jeudi nous puissions aborder
d'autres sujets également très importants, selon ce que les
membres en ont dit ce matin. Je ne sais pas si on peut en 35 minutes conclure
sur les questions et les sujets que les membres de la commission
désirent soulever à l'égard de ce programme. Je vous
signale qu'il restera un peu plus de dix heures de débats à
l'ajournement ce soir. Si les membres de la commission désirent toucher
une bonne partie des sujets qui sont à l'ordre du jour, il faudrait
peut-être songer à adopter ce programme à la fin de nos
travaux aujourd'hui.
M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, je suggérerais qu'on
prenne un vote sur le programme au tout début de la journée de
jeudi. Cela pourrait être réglé vite. Qu'il soit entendu
qu'on termine la discussion ce soir...
Le Président (M. Blouin): D'accord.
M. Ryan: ...pour passer ensuite au collégial probablement
jeudi matin.
Le Président (M. Blouin): On pourrait l'adopter à
la fin de cette séance; cela prendra dix secondes.
M. Ryan: C'est cela, mais j'aimerais mieux le faire jeudi matin.
J'ai deux ou trois autres questions avant qu'on termine. D'abord, le plan
d'équipement pour l'année 1983-1984, c'est en millions de
dollars, si je comprends bien. L'enveloppe nationale serait de 36 950 000 $,
l'enveloppe régionale de 22 000 000 $, l'enveloppe locale de 113 000 000
$, les commissions scolaires à statut particulier, 15 600 000 $ et les
crédits hors enveloppes 22 000 000 $, pour un total de 209 650 000 $.
Pourrait-on nous fournir des précisions sur les projets qui auraient
déjà été approuvés?
Je pense qu'il ne serait pas bon qu'on vote ce soir, parce qu'il y a
encore des renseignements que nous devons obtenir et le ministère pourra
les compléter dans la journée de demain, pour jeudi matin.
M. Laurin: M. le Président, en ce qui concerne l'enveloppe
nationale, c'est un volet d'un plan triennal prévu pour des
constructions d'écoles, puisque, selon les règles actuelles, tous
les projets doivent être approuvés un par un par le Conseil du
trésor. Nous ne pouvons donc pas fournir aux membres de la commission
les projets approuvés. C'est une prévision, en tenant compte des
développements, des poussées démographiques de certaines
régions.
En ce qui concerne l'enveloppe régionale, c'est encore à
l'intérieur d'un plan triennal; cela touche particulièrement les
transformations majeures de fenestration, de toiture ou d'agrandissement. Nous
avons un certain nombre de projets. Le plan triennal comme tel est
approuvé mais chaque projet doit également obtenir l'approbation
du Conseil du trésor au cours de l'année 1983-1984.
En ce qui concerne l'enveloppe locale, il s'agit d'une
répartition de 113 000 000 $ dans les onze régions du
Québec selon des critères fixés par les commissions
scolaires entre elles par région. Nous sommes partis d'un per capita il
y a sept ou huit ans. Ce per capita s'est transformé selon un certain
nombre de critères. Cette enveloppe locale sert à l'achat
d'équipement de laboratoire, d'équipement pour les ateliers et
d'autres équipements, ce qui veut dire que c'est une enveloppe qui,
à toutes fins utiles, est déconcentrée à partir des
paramètres décentralisés, c'est-à-dire que les
autorisations sont fournies par les directions régionales et à
partir des projets fournis par les commissions scolaires et discutés
entre les commissions scolaires et la direction régionale dans chaque
région.
En ce qui concerne le quatrième volet, les commissions scolaires
à statut particulier, ce sont des projets prévus. Ceux-là,
nous pourrions les fournir, c'est: la commission scolaire crie et la commission
scolaire Kativik, de même que la commission scolaire du
Nouveau-Québec. Parmi les commissions scolaires à statut
particulier, il y a également celle du Littoral, c'est-à-dire
quatre commissions scolaires, dont deux ont été
créées par des lois spéciales et les deux autres en vertu
de l'entente sur la Baie-James. Cela veut dire que ce qui pourrait être
fourni, c'est une forme de prévision, mais chaque projet, en ce qui
concerne les enveloppes nationale, régionale et pour les commissions
scolaires à statut particulier, devra faire l'objet, au cours de
1983-1984, d'une approbation.
M. Ryan: II y aurait peut-être deux remarques que je
voudrais faire là-dessus. Tout d'abord, est-ce qu'il serait possible
d'avoir une liste des projets qui ont été approuvés au
cours des deux dernières années? Un programme a commencé
en 1981, pour l'année 1981-1982 et l'année 1982-1983.
Pour l'année 1983-1984, il y a un projet dont ont
été saisis à maintes reprises plusieurs
députés ces derniers mois: le projet de l'école de
Pointe-Lebel, l'école-gymnase qu'ils veulent construire à
Pointe-Lebel, à propos de laquelle le ministre, de passage dans cette
région, avait apparemment pris des engagements au moins moraux; je ne
sais pas jusqu'où ils étaient allés. Y aurait-il moyen
d'avoir des précisions sur ce projet précis quant au stade
où il en est?
M. Laurin: Nous pourrons vous dire, justement, l'étape
où le projet en est rendu. Entre un engagement moral sur le principe de
la construction d'une école qui peut s'avérer très
opportune, très valable et l'acceptation du CT, il s'écoule non
seulement quelques mois, mais il faut franchir aussi diverses étapes; il
me fera plaisir de vous procurer les renseignements et de vous dire où
nous en sommes rendus.
M. Ryan: Quel jour? M. Laurin: Jeudi.
Programmes d'études en langue anglaise
M. Ryan: Très bien. Cela va pour cela. Nous avons
parlé plus tôt des programmes d'études en langue anglaise
en relation avec le régime pédagogique. Le gouvernement
reconnaît lui-même que le problème s'est
révélé plus difficile, plus lourd à régler
dans ce secteur que dans d'autres. On dit à la page 12 du cahier
d'explications que "l'implantation des programmes dans le secteur anglophone
exige un calendrier différent; les pourparlers se poursuivent avec les
représentants des commissions scolaires visées afin de mettre en
place un système qui, tout en demeurant univoque pour la sanction des
études et les fins de certification, ne pénalise pas les
élèves. De sérieux problèmes pour les manuels
scolaires sont prévus compte tenu des faibles clientèles dans ce
secteur."
Lors des séances de la commission de l'éducation qui ont
eu lieu autour du conflit des enseignants, j'avais cru comprendre que le
gouvernement aurait déjà donné des contrats à cette
fin au Protestant School Board of Greater Montreal.
M. Laurin: Je pense que c'était pour la traduction des
décrets à ce moment.
M. Ryan: Non, non.
M. Laurin: Mais, effectivement, nous avons donné aussi des
contrats pour la traduction des programmes.
M. Ryan: Oui. J'aimerais qu'on me donne des précisions
là-dessus et qu'on me dise jusqu'où cela va, peut-être la
nature du mandat qui a été donné et tout cela. Il y a un
renseignement que j'avais demandé. Je ne sais pas si cela a
été compris clairement, mais je voudrais le répéter
pour être sûr. J'aimerais obtenir une liste des fonctionnaires de
langue anglaise du ministère de l'Éducation, au niveau des
cadres, avec les fonctions qu'ils occupent. Je pense que cela ne devrait pas
être une tâche considérable, parce que je pense qu'il n'y en
a pas beaucoup.
M. Laurin: Ils ne veulent pas venir.
M. Ryan: En tout cas, j'aimerais cela si on pouvait avoir une
liste, avec peut-être les fonctions et la catégorie de salaires
à laquelle ils se rattachent. Je pense que ce serait très utile
pour la commission d'avoir cela et j'aimerais peut-être avoir plus de
renseignements sur ce que le gouvernement compte faire pour tenir compte des
problèmes spéciaux qui se posent de ce côté,
peut-être avoir des renseignements sur l'échéancier qu'on
envisage à ce propos.
Toujours à propos du régime pédagogique il y a bien
des commissions scolaires qui m'ont laissé savoir qu'elles trouvaient
que les dispositions budgétaires en ce qui concerne les achats de
manuels sont trop marquées au coin de la lésinerie. Est-ce que le
gouvernement envisage des mesures plus généreuses en 1983-1984
pour permettre aux commissions scolaires d'approvisionner leurs
élèves en manuels au fur et à mesure que les manuels
seront disponibles ou si on entend en rester à une politique très
sévère comme celle qui a existé jusqu'à
maintenant?
M. Laurin: Dans mon exposé liminaire ce matin, je faisais
état de ce problème et je reconnaissais effectivement qu'il y
avait eu des difficultés imprévues, que ce soit au niveau de la
traduction ou de l'adaptation des manuels ou de l'implantation des
régimes pédagogiques. Je disais aussi que nous avions
rencontré à quelques reprises des représentants de la
communauté anglophone et que nous avions commencé à
discuter avec eux en détail de toutes ces difficultés ou de tous
ces problèmes, que les discussions n'étaient pas
terminées, mais que nous entendions y apporter une conclusion qui fera
droit, dans toute la mesure possible, aux difficultés qui nous avaient
été signalées. Mais, comme je n'ai pas assisté
personnellement à ces réunions, je demanderais à M.
Rousseau de vous donner le détail de ces réunions. (22 h 30)
D'abord, par rapport à votre première question sur les
modalités, nous avons convenu avec les services pédagogiques des
commissions scolaires anglophones,
protestantes et catholiques, plus particulièrement de la
région de Montréal et de la région des Cantons de l'Est,
de préparer les ententes avec deux commissions scolaires, soit le PSBGM
et le secteur anglophone de la CECM qui s'associent le Curriculum Council qui
est le regroupement des directeurs des services pédagogiques de toutes
les commissions scolaires anglophones et des secteurs anglophones des
commissions scolaires catholiques et des commissions scolaires protestantes.
Par cette association, il a été convenu, par entente qui est
publique et qui a été adoptée par résolution par
les deux commissions scolaires, de faire la traduction ou l'adaptation de tous
les programmes d'études et également, de faire
l'évaluation des guides pédagogiques pour indiquer au
ministère lesquels doivent être traduits et lesquels doivent
être tout simplement refaits pour être mieux adaptés au
milieu anglophone. Ces ententes sont convenues et maintenant, je dirais depuis
un an, la production s'est accélérée d'une façon
très significative pour la préparation des manuels.
Étant donné ce retard apporté à l'adaptation
et à la traduction des instruments, déjà le régime
pédagogique prévoyait une possibilité d'implantation des
programmes allant jusqu'à 1986-1987, mais il n'y avait aucune obligation
fixée par règlement pour chacune de ces années. Alors,
ceci veut dire que le ministre de l'Éducation a donc toute la
possibilité de ne pas imposer un rythme d'implantation comparable pour
les deux secteurs. Étant donné ces retards, il est convenu que
les commissions scolaires anglophones mettront plus de temps à faire
l'implantation des nouveaux programmes lorsque la présence du document
traduit est nécessitée et ce sont les secteurs anglophones
eux-mêmes qui définissent lesquels peuvent s'implanter
immédiatement et lesquels ne peuvent pas s'implanter
immédiatement. Alors, nous avons réussi à convenir de
cette question.
Il reste un deuxième volet à préciser, c'est la
question de l'évaluation. Étant donné que les programmes
nouveaux ne sont pas là, un certain nombre de représentants des
commissions scolaires protestantes et catholiques pour le secteur anglophone
prétend que ce serait préférable de repousser
l'échéance d'application des nouveaux modes de certification.
Nous prétendons maintenant, les discussions ne sont pas terminées
- qu'il n'y a pas de lien direct entre la mécanique de certification des
élèves et les contenus des programmes. À preuve, depuis
1964, le ministère de l'Éducation a changé à deux
reprises ses modalités de certification. La deuxième fois, c'est
avec le régime pédagogique. Cela commence à s'implanter
dès cette année. Le gouvernement ontarien, qui commence à
réviser ses programmes, a déjà modifié son
régime de certification. Il n'y a donc pas de lien direct entre les
contenus. Notre ancien régime de certification indiquait qu'il
s'agissait d'avoir réussi 18 unités pour avoir un diplôme
d'études secondaires. Le nouveau régime dit qu'il faut avoir X
crédits, mais tous les cours peuvent compter pour ces fins de cumul de
crédits. Alors, il n'y a aucun rapport entre le contenu et le
modèle d'organisation du processus de certification. Alors, c'est le
point qui reste à examiner avec ces représentants des
organismes.
M. Ryan: Eux, si je comprends bien, ils ne voulaient pas
s'installer dans le mensonge institutionnalisé. S'ils continuaient
à donner des programmes qui existaient déjà, ils ne
voulaient pas que des nouveaux titres ou des nouvelles façons de les
apprécier ou de les certifier donnent l'impression que des changements
avaient lieu quand ils n'avaient pas encore eu lieu. J'ai vu qu'il y avait un
gros scrupule de ce côté-là, chez eux. Parce que, s'ils
avaient été obligés de suivre à la lettre le
programme annoncé, ils auraient été obligés
d'introduire dans leur programme des programmes qu'ils n'avaient pas.
M. Laurin: C'est-à-dire que le régime
pédagogique permet des marges de manoeuvre qui ne forceraient pas les
commissions scolaires à accepter le mensonge. Je pense que le
ministère ne l'accepte pas, non plus. Il est possible de remplacer un
programme par un autre. Si le programme d'économie familiale ne peut se
donner en 1985 dans les commissions scolaires anglaises, alors qu'elles
étaient habituées de donner Industrial Art, eh bien, elles
pourront continuer à le donner et ce sont les crédits de ce cours
qui pourront compter à des fins de certification. Il y a des
modalités qui peuvent être possibles et, de toute façon,
même dans les commissions scolaires qui ont actuellement tous les
programmes, pour diverses raisons, que ce soit la difficulté de recruter
des ressources humaines compétentes ou autres, plusieurs d'entre elles
demandent de reporter des obligations, etc. Le régime permettant toute
cette souplesse, pour autant que chacun y manifeste de la bonne volonté,
c'est possible de permettre ces adaptations. Par exemple, pour le programme de
formation personnelle et sociale, qui inclut tous les volets de santé,
de sécurité, d'éducation sexuelle et autres, cela a
été beaucoup plus long. La préparation a exigé
beaucoup plus de temps. Ce programme est actuellement soumis aux deux
comités confessionnels à des fins d'approbation. C'est un
programme qui, normalement, aurait dû s'appliquer l'an dernier. Il y a
des commissions scolaires qui donnent déjà un programme de
formation personnelle et sociale, mais cette obligation
n'est pas maintenue même si le régime prévoyait une
implantation pour l'année 1982-1983 avec obligations, sauf pour
1986-1987.
M. Ryan: J'ai deux questions à propos de vos arrangements
avec les commissions scolaires qui ont de l'enseignement en langue anglaise,
soit protestantes, soit catholiques. D'abord, cela porte non seulement sur la
traduction proprement dite, mais aussi sur l'adaptation des programmes et des
guides pédagogiques.
M. Laurin: Dans le cas des guides pédagogiques, nous
pourrions retrouver l'alternative suivante: ou bien les services
pédagogiques des commissions scolaires du réseau anglophone
recommandent au ministère de ne pas en préparer, parce qu'ils ont
suffisamment d'outils... Qu'il vienne d'autres provinces canadiennes, des
États-Unis ou d'ailleurs, il y a du matériel didactique
très diversifié qui peut souvent permettre de soutenir le
maître, parce que le guide pédagogique ne contient que des
prétextes...
M. Ryan: C'est cela.
M. Laurin: ...qu'un soutien, que des suggestions. C'est
facultatif. Donc, il y a des cas où ils prétendent qu'ils n'en
ont pas besoin et il y a l'autre partie de l'alternative où ils en ont
besoin. Ou bien ils veulent une traduction dans ce cas, ou ils veulent une
adaptation. Plus particulièrement en sciences humaines, souvent les
suggestions, que ce soit de guide méthodologique ou de guide de lecture,
sont moins adaptées au niveau de l'enseignement en anglais.
M. Ryan: Pourriez-vous me dire de quel ordre sont les sommes que
le gouvernement libère à cette fin? Si vous avez des contrats
avec eux pour qu'ils fassent des traductions et des adaptations, y a-t-il des
montants d'argent qui sont impliqués et prévus au budget de
1983-1984? De plus, vous disiez que parfois ils vont préférer
avoir un guide qui vient de l'Ontario ou des États-Unis ou des provinces
de l'Ouest; ils ont un bassin de sélection plus abondant que celui que
nous pouvons avoir du côté francophone. Avez-vous une politique de
faire tout ce qui est possible pour les inciter à produire des
instruments québécois en matière pédagogique ou
dites-vous: C'est très bien si vous en avez trouvé un
là-bas; c'est tant mieux, cela nous épargne cela, cela fera
seulement l'achat du matériel? Voyez-vous un intérêt
à ce qu'on produise ici en langue anglaise des instruments qui vont
porter la marque de création du Québec?
M. Laurin: Absolument. Nos programmes sont, évidemment,
uniques et exclusifs. Ils peuvent s'inspirer de programmes d'autres provinces
canadiennes, mais ils ont leur contenu propre. Donc, les outils
pédagogiques qui peuvent répondre à toutes les exigences
d'un programme sont ceux qui sont publiés par les pédagogues
québécois, qu'ils soient du secteur anglophone ou francophone.
Lorsque je parlais d'outils venant de l'extérieur, il reste
qu'évidemment on ne pourra jamais trouver un guide pédagogique en
Ontario ou dans une autre province canadienne qui corresponde directement, sauf
que le guide pédagogique, c'est un regroupement, un carrefour de toute
une série d'outils. Alors, souvent, ils peuvent prétendre qu'ils
ont des outils pour satisfaire les besoins des maîtres sans avoir ce
guide pédagogique. C'est à ce niveau, parce que les guides
pédagogiques produits au Québec ne peuvent pas trouver leur
équivalence ailleurs, étant donné qu'ils sont
collés à un programme qui est typiquement
québécois, que la production québécoise est
encouragée, il n'y a pas de doute là-dessus.
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Très bien, j'aurais seulement un point. Cet
après-midi...
Mme Dougherty: II n'a pas répondu sur les coûts.
M. Ryan: Les sommes d'argent qui sont engagées
là-dedans?
M. Laurin: Malheureusement, je n'ai pas ici les montants, mais
nous pourrions les retrouver. Cela pourrait être remis jeudi. C'est dans
les programmes 1 et 2. C'est produit par le ministère de
l'Éducation. Ce n'est pas explicité ici, mais nous pourrions les
fournir à la commission sans aucune difficulté.
M. Ryan: Très bien, merci. Cet après-midi, nous
avions demandé une répartition des dépenses qui
découleront du rapport Désilets, des sommes aussi qui ont
été épargnées à même la loi 70 et
à même la grève des enseignants en janvier dernier. Ce sont
des renseignements très importants. Peut-être que vous pourriez
nous obtenir cela. Si vous pouviez nous les transmettre dans la journée
de demain, cela nous aiderait, parce qu'on ne pourra pas revenir
là-dessus jeudi. Ce sont des renseignements très importants que
nous avions demandés au tout début de la journée et sans
lesquels il y a un volet très important de notre travail qui n'est pas
fait. Nous voulons savoir l'impact du rapport Désilets au point de vue
des coûts et l'impact découlant des changements dans la charge
éducative;
deuxièmement, l'impact découlant des changements dans la
rémunération des personnes mises en disponibilité;
troisièmement, l'impact découlant des mesures de
résorption. Si on pouvait avoir vos calculs de ce côté, je
pense que cela aiderait à compléter le tableau. Nous voudrions
savoir, deuxièmement, les sommes que le gouvernement a
récupérées pour chacun des secteurs d'enseignement au
titre de la loi 70 et de la 105, ainsi qu'à la suite des grèves
qui ont eu lieu dans les écoles du primaire et du secondaire et dans les
cégeps. Merci.
Le Président (M. Blouin): M. le député
de...
M. Ryan: Je voudrais faire une addition à cela, M. le
Président.
Le Président (M. Blouin): Oui, d'accord.
M. Ryan: Si le ministère a établi des projections
quant à ce que permettra de récupérer la clause des
congés de maladie monnayables et non monnayables, cela nous
intéresserait beaucoup de l'avoir également, parce que nous
entretenons, comme vous le savez, des interrogations sérieuses quant
à l'impact de cette mesure.
Le Président (M. Blouin): D'accord. M. le
député de Fabre.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je voudrais que
le ministre nous éclaire sur la question des services de garde en milieu
scolaire. On sait que ce sont des services extrêmement importants,
extrêmement appréciés de la part des parents et que, pour
l'année 1982-1983, le ministère a consacré une somme de 2
000 000 $ à ces services. J'aimerais connaître le montant qui y
sera consacré pour l'année 1983-1984. J'aimerais également
savoir dans combien d'écoles on compte offrir ces services et combien
d'élèves seront touchés. On sait également qu'il y
a eu et qu'il y a toujours un certain nombre de problèmes, au point
où on a dû former un comité interministériel pour
faire la lumière et faire des recommandations en vue de
l'amélioration de ces services, en vue du règlement aussi de ces
problèmes. J'aimerais que le ministre fasse le point sur toutes ces
questions.
M. Laurin: Depuis janvier 1979, les services de garde en milieu
scolaire ont connu un développement progressif et continu. Le budget de
1978-1979, qui était de 140 000 $, est passé à 2 000 000
$, comme le député vient de le dire, en 1982-1983. Au cours de la
présente année 1982-1983, 69 commissions scolaires dispensent les
services de garde en milieu scolaire à plus de 8000 enfants de la
maternelle et du primaire, répartis dans plus de 240 écoles
primaires.
(22 h 45)
Les problèmes persistent, cependant, comme le
député lui-même vient de le signaler. Le ministère
de l'Éducation a pris l'initiative de former un comité
interministériel en octobre 1982 à qui il a donné le
mandat de faire l'analyse de la situation et de proposer des solutions
concrètes aux difficultés identifiées. Ce comité a
produit son rapport et la concertation entre les ministères
impliqués se poursuit maintenant pour en concrétiser les
recommandations. L'estimation des besoins faite à partir du
développement connu au cours des quatre dernières années,
à partir également des consultations auprès des
commissions scolaires engagées dans le programme, établit que les
besoins de garde en milieu scolaire vont se traduire par une augmentation
annuelle minimale de 2000 inscriptions à ce service pendant les dix
prochaines années.
Si l'on considère que, pour la présente année
scolaire 1982-1983, le ministère de l'Éducation a accordé
des subventions de 2 000 000 $, en ne tenant pas compte des enfants inscrits de
façon occasionnelle et en maintenant les mêmes montants
d'allocations pour les frais de fonctionnement, on peut penser qu'il y a encore
lieu d'améliorer le programme. C'est bien ce que nous entendons
considérer dans les mois qui viennent.
M. Leduc (Fabre): Est-ce qu'on peut connaître le budget
pour 1983-1984?
M. Laurin: Je ne l'ai pas à portée de la main. M.
Rousseau?
Il faut dire que ce budget sert uniquement au démarrage des
garderies, puisque c'est l'Office des services de garde qui finance les frais
pour les parents qui ont le droit de bénéficier de certaines
sommes. Alors, c'est de l'ordre de 2 000 000 $. Maintenant, la
transférabilité peut permettre à plusieurs commissions
scolaires de donner plus ou même de signer des ententes pour les groupes
de parents avec les garderies qui ont des permis de services de garde en
garderies ou de services de garde familiale. De plus en plus, les commissions
scolaires prennent cette initiative de signer des ententes plutôt que de
les organiser elles-mêmes, étant donné que les
écoles, finalement, sont ouvertes 180 jours sur 365. Alors, le service
est nettement supérieur lorsque ces ententes sont signées et les
parents sont davantage satisfaits.
Le Président (M. Blouin): M. le ministre.
M. Laurin: M. le Président, dans sa réponse
à mon exposé liminaire, le député d'Argenteuil
avait soutenu que la contribution du gouvernement fédéral
à l'enseignement postsecondaire, dans tous les postes que celui-ci peut
comporter, s'élevait à 70%. Cette assertion m'a fait sursauter
parce que, ayant suivi de très près ce problème depuis
quelques années, je suis d'avis que la contribution du gouvernement
fédéral à l'enseignement postsecondaire au Québec,
en particulier, est bien inférieure à ce montant. Mais, à
la suite de son assertion, nous sommes allés aux chiffres et je pense
qu'on pourrait maintenant apporter une réponse beaucoup plus
détaillée à la demande implicite qui nous a
été faite.
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Je remercie le ministre de cette précision. Mais
j'ajoute que j'ai mentionné ce chiffre sous toute réserve ce
matin, sujet à vérification. Par conséquent, ce
n'était pas une assertion.
M. Laurin: Ah bon.
M. Ryan: C'était plutôt une chose entendue que je
demandais aux sources compétentes de vérifier.
Le Président (M. Blouin): M. le ministre.
M. Laurin: Alors, la contribution du gouvernement
fédéral au coût de l'éducation postsecondaire pour
l'année 1983-1984 peut s'établir de la façon suivante.
Tout d'abord, les différents coûts des différents
programmes qui entrent dans le cadre de l'entente se chiffrent, comme
dépense totale, à 2 059 000 000 $, c'est-à-dire 175 700
000 $ pour l'aide financière aux étudiants, 779 000 000 $ pour le
collégial public, 999 000 000 $ pour l'universitaire, 30 000 000 $ pour
le programme FCAC, 10 000 000 $ pour les adultes et 65 000 000 $ pour les
collèges privés. La dépense totale du Québec est
donc de 2 059 000 000 $ et la contribution fédérale, telle que
prévue, sera la suivante: 600 000 000 $ au titre des transferts fiscaux
et 385 000 000 $ au titre des transferts financiers.
Ottawa prétend, en conséquence, que sa contribution est de
l'ordre de 49,4% - cela a fait l'objet de discussions lors d'une rencontre
entre les ministres de l'Éducation du Canada et le Secrétaire
d'État - alors que la position du Québec, qui me paraît
très sûre, est que la seule contribution du gouvernement
fédéral peut être imputable aux transferts financiers, ce
qui constitue une contribution du gouvernement fédéral de l'ordre
de 18,7%, parce que nous estimons que les transferts fiscaux ont
été faits une bonne fois pour toutes.
Une voix: En quelle année?
M. Laurin: Les transferts fiscaux ont été faits il
y a déjà...
M. Ryan: Quel est le pourcentage, s'il vous plaît, pour le
Québec?
M. Laurin: C'est 2 059 000 000 $ en dépenses totales. Si
l'on ajoute la contribution à partir du transfert fiscal et du transfert
financier, on arrive à 117 000 000 $; donc, une proportion de 49,4%, les
transferts fiscaux comptant pour 29,1% et les transferts financiers pour 18,7%.
Mais la seule proposition qui nous semble acceptable est le calcul du transfert
financier, puisque les transferts fiscaux, dans l'esprit du Québec, ont
été faits une bonne fois pour toutes et qu'Ottawa ne peut plus
les remettre en question. Il s'agit de transferts fiscaux qui ont
été faits sous forme de points d'impôt au Québec et
qui appartiennent désormais au Québec.
Cette thèse a été défendue devant le
Secrétariat d'État et l'ensemble des autres provinces, qui ne
sont pas nécessairement dans la même position que le Québec
à l'égard des transferts fiscaux, estime que notre position est
effectivement la bonne. Dans les documents discutés avec le
Secrétaire d'État, c'est, évidemment, uniquement le
montant imputable aux transferts financiers qui est retenu, donc une
contribution de l'ordre de 18,7% au financement de l'enseignement
postsecondaire.
Vous aviez abordé également l'autre question,
c'est-à-dire celle de l'attitude du gouvernement fédéral
face à son implication à l'égard de l'enseignement
postsecondaire. Là-dessus, il y a eu de nombreuses réunions au
sein du Conseil des ministres de l'Éducation du Canada, tant des
ministres que des sous-ministres. Je peux vous assurer que c'est à
partir de documents qui avaient été préparés au
ministère de l'Éducation que la position finale des ministres de
l'Éducation, gui avait été communiquée au
Secrétaire d'Etat et au premier ministre, a finalement été
précisée.
Cette proposition consistait à rejeter globalement la
volonté du gouvernement fédéral de s'impliquer de
façon de plus en plus manifeste dans l'élaboration des politiques
de l'enseignement postsecondaire. Par ailleurs, les ministres de
l'Éducation ont proposé au gouvernement fédéral
qu'un arrangement puisse intervenir qui comprendrait les éléments
suivants: imputabilité, transmission au gouvernement
fédéral de renseignements statistiques
suffisants pour permettre la vérification et l'utilisation des
sommes versées, visibilité, mention dans les documents et les
comptes publics de la contribution reçue du gouvernement
fédéral, effort d'harmonisation interprovinciale des
données statistiques à des fins de prévisions - ce qui se
fait à l'intérieur du CMEC - accord sur les modifications
proposées à la Loi canadienne sur les prêts aux
étudiants.
À la suite de la bataille menée au sein du CMEC, je pense
qu'il est important de souligner que le nouveau Secrétaire
d'État, M. Joyal, dans le dépôt qu'il vient de faire
d'amendements à apporter à la loi canadienne sur les prêts,
accepte le maintien du droit de retrait et pleine compensation
financière pour le Québec, qui a son propre programme. C'est
l'essentiel des discussions à la fois sur les contributions du
gouvernement fédéral au financement de l'enseignement
postsecondaire et sur l'implication du gouvernement fédéral dans
le cadre de l'établissement des grandes lignes d'orientation et du
développement de l'enseignement postsecondaire.
M. Ryan: Est-ce que vous allez nous transmettre une note
écrite à ce sujet-là?
M. Laurin: Oui. Si vous voulez, on peut le faire.
M. Ryan: Est-ce que cela comprend aussi les dépenses de
recherche?
M. Laurin: C'est-à-dire que là sont exclues les
subventions accordées aux universités par les grands conseils
subventionnaires.
M. Ryan: Pourquoi?
M. Laurin: Parce que cela ne fait pas partie de la Loi sur les
programmes établis, qui a été modifiée et qui
comprenait un volet incluant à la fois les transferts en bloc pour le
financement des programmes sociaux et les transferts en bloc pour les
programmes de l'enseignement postsecondaire. Donc, nous transmettons les
chiffres à partir de la loi qui existait et de la loi qui a
été modifiée.
M. Ryan: Si on pouvait ajouter les données en provenance
des trois grands conseils de recherche canadiens, je pense que cela donnerait
un tableau plus complet. Enfin, si c'est possible.
M. Laurin: On peut ajouter ces données, mais, à
proprement parler, elles ne font pas partie du financement de l'enseignement
postsecondaire puisque, tel que le définissait la loi
fédérale, il s'agissait véritablement du financement de
l'infrastructure.
M. Ryan: Cela fait partie de ma définition, à moi
pour les fins de mon information. Cela va.
Le Président (M. Blouin): II est presque 23 heures. Je
vous rappelle que nous reprendrons nos travaux jeudi et qu'à ce moment
nous procéderons à l'adoption du programme 4 et que nous
aborderons ensuite le programme 5 relatif à l'enseignement
collégial public.
Je remercie les membres de la commission, ainsi que toutes les
personnes-ressources qui ont collaboré aux travaux de cette commission.
Nous ajournons nos travaux au jeudi 5 mai, 10 heures.
(Fin de la séance à 22 h 56)